PlVsfJiTfSTSr'.TW ' ^1 ^ •Q i'L TRAVAUX DE L'ACADFJIIE IMPERIALE DE REIMS. Viiigt-buitieiue Volume ANNEE 1857-1858. — N°« 3 ET 4. Chaque annee , 4 numeros trimestriels o'u 2 volumes. Prix d'abonnement : SIX Francs. REIMS p. DUBOIS, IMPRIMEUR DE L'ACADEMIE. BRISSART-ItlNET, LIBRAIRE DE L'ACADEMIE. UDCCCLIX. ^/?, H\'. ^^y TRAVAUX DE L'ACADMiE IMPfiRIALE DE REIMS. ^.^^^ TRAVAUX DE L'ACADKMIE IMPERULK DE REIMS. Vliigt-taiiltBciue VoIuiu«! ANNEE 1857-1858. — N05 3 ET 4. Chaque annie , 4 num^ros trimestriels ou 2 volumes. Prix d'aboknement : SIX Francs. REIMS p. DUBOIS , IMI'RIMEUR DE L'ACADEMIE. BRISSART-DINET, LIBRAIKE DE L'ACADEMIE PCCCLIL La respoiisabililc des opinions el asseflions emises dans los ouvrages puLlios apparlienl lout enliere a lours auteurs. TIUVAUX DE L'ACADMIE IMPfiBIALE DE REIMS LITT^RATURE. Rl^FLEXIONS SUR LA UIME DANS LA P06SIE FRANQAISE, par M. p. SouLLiE , membre tituJaire. M. de Lamarline , dans son Cou7-s de Litter ature, declare que la mesure est inutile dans la poesie, que la recherche de la rime est une difTiculle puerile, et qu'il regrellele Icmps qu'il a perdu, dans sa jeunesse, a celte fulilite. Ce paradoxe, surprenant de la part d'un si grand poete, a passe inapergu, soit qu'on n'ait pas daigne relever celle eirange assertion , soit que, dans notre epof(ue de theories aventureuses et d'ignorance des principes, on ait ete persuade ou, du moins, cbranle far celte doctrine. JCXVIII. i r Je vais la refiiter en pen de mols, ot examiner les conditions de la rime dans la poesie IVanQaise. - I.e beau, etanl la glorification d'une idee intellec- luelle par la mcitierc, s'adresse, dans les arts, a I'ame et aux sens ; on y distingue done deux elements, I'ex- pression et la proportion, qui, dans les arts plasliques ou de la vue , est la couleur el la symelrie, et dans les arls acouslifjues ou de rouic , est le rhylhme ou riiarmonic. Ce ([ui n'a (|ue de la proporlion, sans ex- pression, estjoli : tel serait uu chandelier bien cisele; ce qui est expressif, sans proportion, esi sublime : tel est le t'ameux quil mourtU du grand Corneille. Quoi(|ne la poesie soit le plus intellectuel el le moins sensuel de lous les beaux-arls, I'liarmonie en elant peu sensible, el la maliere elant les mols, signes directs de nos pensees, elle doit, comme lous les arts, charmer les sens d'abord par une sorte de prestige et d'encbanlemenl , et seduire I'oreille en parlanl a I'esprit. Boileau I'a dit avec raison : Le vers le mieux rempli, la plus noble peusce Ne peul plaire a I'esprit quanil I'oieille est biessee. Ceci pose , il n'est point du tout pueril ni indifferent de rechercher la cadence necessaire a la poesie ; c'est la une condition essenlielle de I'art. II est vrai que c'est seulement comme un moyen prealable de faire penelrer I'idee du beau dans I'esprit; car, comme le dit encore Boileau : Que toujouis le bon sens saccorcle avec la rime. Que dis-je ? le bon sens ; c'est I'image, le sentiment, I'ideal, en un mot, qui doit dominer et remplir noire ame. Mais, enfin, le premier degrede celte jouissance ■pHiTC ot inlelloctuelle, c'est I'harmonie et la cadence; pn un moi , c'est la rime dans la poesie francaise.. — 3 — Tout le rnonde, en ell'et , leconnaiL que nos vers, ■sans la rime, jq'ouI. pas une cadence assez sensible pour I'oreille. La rime donne au vers sa forrae et son unite ; elle relie les vers enire eux ; elle excite tour- a-lour I'attente de I'espril, cuninie Fespei-unce el le souvenir, par le reloui' dun son a la fois regulieret 'en partie imprevu. xMais son plus grand charme est dans I'union de ces deux conditions si diverses, d'un son appcle par une regie severe, et dune pensee parfaitement libre, exacte el raisonnable. Et la preuve, •c'esl que nous n'aurions aucun plaisir a voir revenir ?. On Irouvc ;u)S!^i / el llir, et une fofs ou deux knrs, dears' : — denis , temps; — teur, deur ; — qucur, gucur , — die, tie ; — soupir , souvenir ; — dcssein , demain ; — pleuriez , essityes : ce qui s'ex- euse par le pliiriel ou le nionosyllobc , ou la i^es- semblance des consonnes t, d, rj ct q. (Nous ne parlous pas de ia Thebaide ni des Plaidenrs.) Mais on ne voit jamais cliez lui eiix, enr, ant, ie , ue , ee^ rimer aulremenl que de toute la syllabe. Ion ne rime qu'avec ion, mais point avec on. Les poefes du XVI^ et du XVlle siecle sont tous Ires- difficiles pour la rime , plus nieme que Racine et Corneille, Boileau et J.-B. Rousseau sont aussj plus exact* que Racine. MoHere Test nioins, ce qui s'excuse par le Ion fa- milier de la Comedie. On trouve chez lui des rimes communes en eiirs, enr, is, on, ants, et meme, mais seulement dans les Femmes Savanles , rjenie et philo- sophie; une ou deux fois aiileurs, des rimes commu- nes en ue, ant , cux. La Fontaine est tres-neglige dans ses rimes, sur- tout dans le premier livre de ses fables ; on y trouve des rimes insuffisanles en ue, enr, a, ant, e, is. oUy ous, ir, u. (Lion parait pouvoir rimer avec raison , quoique 6tant en ion. ) 11 est un peu plus exact dans les autres livres. Voltaire, el generalement les poeles du XV1II«' siecle, sonl d'une versification tres-incorrecte. On trouve dans la Hcnriade des rimes insuffisanles en eur, is , it , ir, u, xie, ie ; — avertis, ehlouis ; — puissanls, ignorants; — • allie , moitie, etc. Gresset n'est guere moins neglige que Voltaire-, il esl vrai qu'il a ^crit 7 dans nil genre plus laniilier. Helille esl egiileiiienl insuflisanl. A la tin du XVIIIe siecle, Andre Chenier couinience a etre plus chatie; Ton ne Irnnve cliez lui que; les rimes permises p;ir Racine, les riuies en ir, et deux ou trois inexacles en ou, en iV, et ayciijo linianl avec majestiieitx. Les poeles de TEnipire on les classiques sont me- diocremenl reguliers. Lainartine sert de transition entre les classiques el les romanliques. Les premieres Mcdilalions avaient plusieurs rimes incorrectes en //•; il n'y en a plus qu'une ou deux dans ses autres recueils ; on voil aussi de mauvaises linies en curs, en on, ear, el meme une ou deux inexacles en eux, en ant , en ert , en is; song nme i\\ec jmissant, pluie Q\ecplie, neanl avec surprenant. Beranger est tres-exact dans ses rimes, ce qui est plus remarquahie dans la chanson. On voil pourlanl cliez lui rimer nie el mie, ire i'[ uire, tu el du, ouir et llir, lard el Hard, dort el or, long et Ion. La nouvclle ecole afTecte une grande ricliesse de rime. Nous n'avons remarque, comme rimes faibles, que leurs el lleurs dans Victor Hugo. Cette exaclilude s'esl soulenue dans les poeles de nos jours, tels que MM. Laprade et Aulran , quoi- qu'on Irouve chez le dernier des rimes inexacles pour I'oeil , long et Ion , mont el mon, tort el tor. II est inutile de ciler la richcsse excessive des rimes chez Barthelemy et Mery : c'est une grande partie de leur talent. Nous devons remarquer, en finissant, (\ue les rimes tropriclies df^plaisent aulanla la lon^ue que les rimes — g_ net^ligees. Sans parler des sacrifices qu'elles imposenf a la precision et au bon sens , I'oreille se faligue et s'irrite tie ce defi. 11 fniit garder, en cela, une jiisle mesure, sans affectation, mais aussi sans paresse. En resume, la rime necessaire a la langue fran^aise pent elre commune dans les rimes feminines et doil etre riche dans les masculines, sauf les monosyllabes, les noms propres et les rimes assez rares. Tres- rigoureuse cliez nos vieux poetes, elle a ele parfaite, au XVIle siecle, avec Boileau, Gorneille, Racine el Rousseau, negligee par La Fontaine , Voltaire et le XVUIe siecle. Elle a ete recherchee avec une exacti- tude scrupuleu«e et meme excessive el fatigante par I'ecole romanlique. 11 semble que la, comme ailleurs, ou revienne a un juste milieu dans lequel se trouven8 satisfailes I'oreille et k\ raison. ~ 9 — ARISTOPHANE ET SOCRATE, Par M. Ed. Goguel , membre conespondant. Et adhuc sub judice lit est. Le but de ce travail est de rechercher quelle est la part qui levient a Aristophane dans la condamnation de Socrate. Quoique cetle question ait deja ete souvent agitee et lon- guement coutroversee , nous croyons cependant qu'elle n'est pas encore entierement resolue ; nous esp^rons done qu'on nous pardonnera de I'avoir reprise et examinee avec quelques details. On sail avec quelle rapidile Alhenes , depuis la morl de Pericles, se precipitait au-devanl de sa mine; c'est que le vif eclat dout elle avait brille sous I'ad- minislralion prospere de ce grand homme d'elat , avait ete plutot apparent que reel. Le pouvoir du peuple eleve sur les ruines de I'aristocralie dans un but de personnalite et d'egoi'sme, et non dans I'interet d'un principe , la passion du luxe substituee a I'an- lique simplicite, la corruption et la venalite introduites dans les moeurs de la republique, enfin , une guerre desaslreuse, ou devaient s'abimer avec fracas la — 10 - gloire du passe el Ics ressources tie I'avenir, lels avaienl ete les resullais de ce gouveinemenl unique dans I'hisloire des cites de la Grece. L'influencc tout particulieremenl desastreuse que la guerre du Peloponnese, leguee par Pericles a ses conciloyens, exerca sur I'ancien ordre de choses, est nellemenl caracterisee par ces paroles, qu'Aristophane met dans la bouche de Strepsiade : « Maudite soil la » guerre pour mille raisons, et surlout parce qu'elle » m'ote les rnoyens de clialicr mcs esclaves (1 ) ! » Qu'on se represenle, si Ton peut, des families nom- breuses, expulsees de leurs demeures par I'approche de Tennemi , el errant dans les rues el sur les places publiques d'Alhenes , ou il n'y avail plus assez de maisons pour les recevoir , el , au milieu de cetle confusion, la peste envabissanl celte malheureuse cite, et y exergant d'horribles ravages, el Ton no trouvera pas trop charge le tableau que Thucydide a Irace de la demoralisation profonde qui regnail alors dans la melropole de la civilisation helleneque : « Au » spectacle des promptes vicissitudes donl on etait » temoin, de riches subilement atteinls de morl, de T) gens qui n'avaienl rien herilant de leur fortune, » on osa plus volontiers s'abandonner ouvertement » a des plaisirs donl, auparavant, on se serait ca- » che. On chercbait des jouissances promptes, et » Ton ne croyait devoir s'occuper que de voluptes, » dans I'idee qu'on ne possedait que pour un jour » el ses biens el sa vie. Personne ne daignail se I) donner aucune peine pour des choses honnetes , » dans I'incertitude ou Ton etait, si Ton ne cesserait (1) Nuecs . \. fi __ H — D pas d'oxislcr av;uil dc les avoir oblciuies. Lc pljisir » et lous les nioycns d'acquerirafin de se lo procurer, » voila CO qui devint utile el beau. On n'elail re- )) tenu ni par la crainte des Dieux , ni par les lois » humaines ; il semblail egal de revercr les Dicux el » de les nogligor , quand on voyait perir indislinc- » tement tout le monde. Le coupable ne croyait pas » avoir assez a vivre pour recevoir sa condamnation ; » il se figurait bien plutol voir suspendue sur sa y) tele une peine deja prononcee , et, avant de la » subir, il croyait juste dc profitcr dc cc (jui pouvait >} lui rester a vivre (1). » L'hislorien raconto , en outre , qu'on recourut d'abord aux supplications et aux sacrifices, mais que, des (jue Ton se ful convaincu de leur inutilite , on finit par y renoncer , tant etait absolu I'empirc funeslc exerce par ce redoutable fleau. En lisanl ces borribles details, on serail tenle de croire que tons ces maux ne furent que mo ■ mentanes, et qu'ils ne durerent qu'aussi longtemps que la peste exerga ses fureurs a Alhenes el dans TAltique. Mais Thucydide est la pour nous rainenor a la rea- lite ; en presence du tableau qu'il nous fait des resul- latsdeplorables de cette guerre fratricide, « qui, lout en )) detruisant Taisance journaliere, donnait de^: logons » de violence et rendait conformes a I'aprete des temps !> les moeurs de la plupart des ciloyens, » nous ne pouvons nous defendre de croire a la legilimile des railleries et des plaintes parfois ameres du poele co- niique. Ricn dc plus aflligeant, en efTet, qud'etat des • villes de la Grece, decbirees par les factions contraires (1) Gutrr. du Pilop , I, .>:>. - 12 — el en proie a hi sedition, ou on en elait \enu jusqu'a changer arbilmirenienl racceplion ordinaire des mols, oil le serment avail perdu loule sa valeur morale et religieuse, oil I'on avail lionte de sa maladresse, el oii la mechancelp otail devenue un lilre de gloire, el la simplicile, un objel de risee. « La cause de lous ces » maux elail la fureur de dominer, qu'inspirent Tam- » bition el la cupidile ; ces passions elouffaienl les i> esprils , et les excilaienl a loul brouiller. Car les » chefs des deux factions qui parlageaienllesvilles, les » uns, sous le prelexle specieux de I'egalite polilique, » les aulres , sous celui d'une arislocralie moderee, » affectaienl de ne consuller que le bien de la patrie; » mais celle-ci elail elle-nieme, en effet, le prix qu'ils » se dispulaienl. Dans celte lutle ardenle, oil les uns B s'efforQaienl de I'emporter sur les aulres par quel- j que moyen que ce fut, il n'elail pas d'exces que ne » se permil leur audace. Devenus superieursa leurs » ennemis, ils ne mesuraienl ni a la juslice, ni aux » inlerels de I'Elal les peines qu'ils leur faisaient » souffrir ; mais ils les rendaienl plus rigoureuses » que I'un ou I'aulre ne I'exigeait, et chacun en po- y> sail les bornes au grc de son plaisir et de ses » caprices. lis etaient loujours prels a salisfaire leur J haine, soil par les decrels injusles qu'ils faisaient » rendre, soil en se procuranl le pouvoir a force ou- * verfc. Jamais aucun parti ne transigeait de bonne » foi, mais ceux qui parvenaient a leurs fins en dis- » simulant habilemenl leur asluce, avaienl le plus > de ropulalion. Les ciloyens moderes elaient vic- » times des deux factions , soil parce qu'ils ne com- i ballaienl point avec elles^ soil par ce qu'on leur » enviail leur tranquillite. Ainsi , par les seditions, — -1.1 — » la Grece fut inlectee de lous Ips crimes ( 1 ). « G'elait bien la , on ne saurait en douler, une de ces epoques de Irnnsilion , oii ce qui exisle semble condamne a perir, pour faire place a un autre ordre de choses, a des idees, a des institutions nouvelles, el ou s'agite une veritable question de vie ou de mort pour une nation entiere. Du milieu de cetle matiere en fusion , nous voyons surgir, au sein des classes eclairees, Irois partis bien distincls, dont la lutle conlribue puissnmmenl a hater la dissolution sociale (]ui s'apprele , et d'ou sortiront les elements nouveaux qui devront servir a la con- struction du nouvel edifice. Ce sont d'abord les sophistes , qui , apies avoir cntrevu confusement le pen de stabilile de I'ordre de choses exislant, s'altachenl avec une ardeursans egale a miner enlierement eel organisme qui leur parait vieilli el use, sans s'inquieler si la societe elle-meme survivra a la catastrophe qu'ils auroni provoquee aussi aveuglement. Ce sont ensuite quehjues hommes isoles en quelque sorle, remarquables, du moin's, par leur pelit nombre, qui s'efforcent de tout leur pouvoir d'empecher que ledifice ne s'ecroule tout-a-fait, et qui paraissent s'elre impose la tache difficile, mais belle, de sauver quelques fragments de cet ordre social si violemment ebranle, afin d'en faire comme autant de jalons pour I'avenir. Parini ces hommes, ou plutot a la tele de cette phalange aussi energique (\ue genereuse, nous renconlrons Socrate, qui donna sa vie en gage de ses efforts et d(! ses conviclions. (1) G lie I- 11' it K I'i'tiiii , III. S2. Ti-;iii (Ic Hi(.iio> . — 14 — Le troisieme parii, enfin, coinprend une aulre phnlango egnlement respectable, des hommes^ el prin- cipalemenl des poetes, qui, conservant,au milieu des ruines qui s'accumulent autour d'eux, une foi vive et ardente dans un passe eminemment glorieux , s'en prennent, dans leur courroux impuissant, aux nouvelles idees qui se font jour de loutes parts , el traduisent indislinclemenl devant le tribunal de Topinion publique les hommes des deux autres partis, qu'ils rendent responsables de la chute des croyances et des institutions, qui, dans leur union indissoluble, onl fail jusqu'a ce jour la gloire de la palrie. Aris- tophane figure au premier rang parmi ces partisans passionnes dc I'ancien ordre de choses. Les sopbisles, en adoptantpour fondement de leurs doctrines la raaxime enoncee tout d'abord par Pro- tagoras, f|ue rhomme est la mesure de loules choses, avaient rendu lout d'un coup incerlaincs loules les connaissances acquises. Car , du moment oi^i Ton faisail dependre la verile el la non-verile de ce qu'on avail jusqu'alors lenu pour certain, de I'homme in- dividuel et de ses apcrccptions, et qu'on le laissail libre de decider par lui-meme el a son gre ce qu'il fallait rechercher on eviter, toule verile objective, absolue, devait necessairement disparaitre, et, avec elle, I'aulorile de la verlu elle-meme, la religion el le patriotisme. Le sujet pensanl, dans ses evolutions loules spontances et arbitrnires, devenait des lors •tout a la fois le principe supreme de toule connais- sance et de loute moralile. Toutes les barrieres respeclees jusqu'alors dans la vie ordinaire el prali([ue lombaient par consequent aussi, et ce qui avail eu de la consislance redevenail lloUanl et incei'tajn. La — 15 — Iradilion, !es moeurs, les lois, les croyances, la reli- gion elle-meme, ne pouvaicnl plus avoir d'aulorili! qu'aulant que I'individu s'inclinait devanl elles, et un vasle champ s'ouvrait a la critique, c'est-a-dire a celle critique individuelle, supcrficielle, qui ne depend que des caprices de I'liomme. Comme il u'y avail plus , aux yeux des sophistes, de verile propremenl dite , et, par consequent , ni recherclies serieuses , ni convictions , il ne pouvait plus y avoir, dans tout ce qui prclait a la discussion, qu'une espece de persuasion , qui, depourvue de tout but intime el objcclif , ne pouvait avoir en vue que d'imposer I'opinion de I'individu a un aussi grand nombre d'liommes que possible. Ce n'etail que par elie que pouvail etre atleinl le but final de I'exis- lence terresiro , c'est-a-dire le bonbeur en celle vie. Get art de la parole , qui, sans vouloir inslruire , ne sert que les inlerels du sujet , el qui , par sa nature meme, ne se preoccupe que de I'apparence du vrai , devint le but supreme de la science , une chose que touthomme devait necessairement acquerir , afin de pouvoir exploiter a son profit eeux qui reniouraient , ses conciloyens. Tout effort fail en commun , la seule base possible de loule societe, disparaissaient par cela meme , el parlant , les fonderaents de I'Elat et de la moralite. Et si de lels principes venaient a I'emporler, il elail a craindre que rbumanile ne retombat dans une monotone uniforniite et dans Fegoisme le plus complet. Parmi les liommes fori peu nonibreux qui recon- naissaient la fragilite de I'ordre de cboses existant , «t qui, avanl de oonsommer sa chute, voulaient sau- ver Icurs contempoi-ains (Fuiie dissolution complete , - IG — el asseoir I'iivenir siir des bases durables, Socrale esl •sans conlredil , le plus remarquable. II s'opposa auK entreprises dereglees des sophisles avec toul le serieux el toute I'energie d'une ame genereuse. La lulte in- cessante el raisonnee qu'il soutint centre eux, a conserve, pour les generations suivanles, des germes precieux a plus d'un litre. Ce ne sont point les sens, ni les sensations variables, incertaines, dont Tim- pression vienl du dehors, qui determinent, a sesyeux, ce qui est vrai et ce qui ne Test pas ; c'esl plulol celte force d'une autre nature, qui, s'isolanl en quelque sorte du nionde exlerieur, ne cherche ses lois et ses mobiles d'activite que dans I'esprit lui- meme, en d'aulres termes, la pensee. Ce n'est , non plus , celte pensee flottante , capricieuse , dependant des impressions sensibles , mais celte autre pensee , qui repose sur les regies d'une saine logique innees a I'esprit, et lelles que les reclamenl les investigations de la science. L'esprit , par cela meme qu'il s'isole des phenomenes multiples, qui nuisent a I'unile et a la connaissance, se replie sur lui-meme et s'observe dans sa propre essence ; il apergoil dans ses profon- deurs les lois immuables, eternelles , qui, dans son conflit inevitable avec le monde exlerieur, lui appa- raissent souvent troubles el obscures , et meme par- fois ecbappent a son regard, mais qui deviennent de plus en plus claires el dislincles, a mesure qu'il se replie davaulage sur lui-meme. Le resullal des re- cherches failes sous I'empire de ces lois it'esl plus soumis aux fluctuations du doute , mais apparail comme vrai el certain dans lous les temps. Le btil de la vie de I'hommc , la felicite, n'est plus, (les lors , ce plaisir, r.^:vr, , pen durable el in- — 17 — ■constant, essenlicllement variable selon les individus, que chacun se represente a sa raaniere el an gre de ses caprices, raais par des reoherches serieuses et reelles on arrive a ([iiehjue chose de fixe, de certain, d'immuable. Les joies vraies et durables n'echoient en partage qu'a celui qui, insensible oux attraits du monde visible, se replie sur lui-meme, et cherche a decouvrir dans les replis les plus inlimes de sou etre ce qui seul peul procurer a I'espril, menie au milieu des plus grandes soulTrances exteiieures , un conten- tement et une feliciie inallerables , le bien absolu , xccloy z'ayaOoy. Telle est la source unique de la vraie felicite; celui qui la possede n'est plus expose aux allernalives de la joie et de la douleur, et , par cela meme qu'il ne s'occupe que de ce qui est bien, il trouve celle serenile inalterable, independante des evenements , dont les bonimes poursuivent ordinai- remenl I'image contrefaite ou a peine ebauchee dans la jouissance du moment present. II existait done une separation bien grande entre les sophistes , (\u\ , avec leur eloquence hypocrite , cherchaient a saper les fondements de I'ordre de choses existani, et propageaient des doctrines qui devaienl conduire a I'anarchie la plus complete, non-seulemenl dans I'etat, mnis encore dans la mo- rale , et Socrate, qui , tout en reconnaissant le peu de consistance de cet ordre de choses, s'opposait cependant a celle aveugle maniere de detruire , el voulail au moins obtenir des conditions meilleures pour le maintien des moeurs el de la discipline. Et cependant, il y avail entre eux et lui des points de contact frappants. Comrae les sophistes, Socrate s'en prenait a ce qui existait ; car il avail la conviction xxvm. 2 - 18 -- que la silualion des choses , telle qu'elle exislait a AJhenes, ne pouvait diirer plus longtemps , et devait faire place a quelque chose de plus sur et de plus stable. 11 reconnaissail aussi , el ne se fiiisait ancun scrupule de le procl.imer bien haul , qu'il y avail dans I'Etat el dans la religion beaucoup de choses qu'il fallait changer, el que, pour souslraire la civi- lisation grecque a une ruine cerlaine , il elail de loute necessile de faire subir a I'un et a I'aulrc des reformes radicales. Mais, hatons-nous de le dire, ses motifs elaienl lout diflerents de ceux des sophistes, el le but qu'il poursuivail etait loin d'etre le meme. Tandis que ceux-ci s'efforgaient de renverser et de confondre toutes ies barrieres , et d'asseoir sur les mines de I'espril d'association et de I'ordre divin le regne de I'individu el de regoisme, au milieu d'une anarchie incurable, Socrate voulail une regeneration de la religion , une politique plus convenable et plus humaine, afin de souslraire la cite el la religion k de nouvelles catastrophes. C'esl dans ce sens qu'il demandait qu'on extirpat tous les elements de su- perstition qui s'etaienl infiltres jusque dans la moelle meme de la religion, et qu'on procedat sans retard a rabolition d'abus inveteres, ([ui avaienl penelre jusque dans les rouages les plus intimes de la chose publi(iue. Mais il demandait des changemenls ; il demandait done aussi le renversement de ce qui avail existe jusqu'alors, et il voulait que ces changemenls por- tassent sur la maniere de penser et d'agirdes individus. Or, c'elait attaquer ses concitoyens par le cole le plus sensible ; il elail done du parti des sophistes. Places, comme nous le sommes, a une grande dis- tance des fails, nous pouvons fort bien distinguer ce — 19 — dernier parti tie celiii de Socrate, el cela , H'aulant plus facileinent que los flisci[»ies les plus eminenis de ce philosophe se sont fait un devoir de nous expli- quer le plan et les intentions de leur maitre. Mais les conlemponiins, au milieu des phases diverses decelte lulte aidenle, ont fori bien pu ne pas se rcndrecomple des divers points de dissemblance (pie nous venons de signaler, et voir dans Socrale el dans les sophistes des allies unis dans one pensee commune, celle de renverser I'ordre de choses existant. D'ailleurs , la maniere d'agir de Socrale <^lait , il faul le dire , de nature a auloriser une pareille sup- position. II ne cessait d'engager tons ceux avec les- quels il avail affaire, a examiner de plus presce qu'ils avaient jusqu'alors reconnu comme certain; il se pro- posail sans relaclie de les amenei-, cliaque jour, a de nouveaux desillusionnements, et a leur faire senlir et confesser leur ignorance. Par cela meme qu'il avail principalement en vue de faire ressoilir le peu de consislance des fau\ jugemenls , il negligeail le cote positif de sa tachc, la veritable connaissance, celle de i'homme lui-merae. Car, comme il croyait qu'on ne pent rien faire enlrer du dehors dans I'espril, qu'au conlraire, chaque homme doit se creer ses convictions par I'energie de ses propres meditations, il se bornait a donner quelcpies indices , propres plulol a guider dans les recherches auxquelles il conviaitsesdisciples, qu'a les faire penelrer avec lui au coeur meme des questions qu'il s'agissail de resoudre. Or, une telle melhode estde sa nature plutot negative que positive; elle tend plus parliculieremeni a ecarterles obstacles (jui pourraient gener le libre essor de la pensee, el enlraver la decouverle de la verite. On sail que Socrale — 20 — -prelendail no rion savuir, el qu'il ne se vanlail que de son liabilele a reconnaitre chez d'aulres les de- couvei'les (ju'ils avoienl faites, vraies ou non. Ce qu'il y avail dc posilif dans sa melhode, c'etaient surtout ccrtaines indications et regies generales , qu'il lui arrivail bien raremenl de developper ou de produire isolement. Get homrae, qui crea en quehjue sorte la philosophie dii sens commun, ne pouvail s'emprison- ner dans les limiles ctioiles d'un sysleme; son ensei- gnemenl n'avait rien de Iheorique , ni d'appreLe ; il avail lieu, en quelque sorle, au jour le jour, en lous lieux, el selon I'erreur qui se montrail. Aussi n'a-l-il jamais songe a exposer melliodi(juemenl sa doctrine, a formuler un systcme de morale, comme le fit, apres sa morl , son disciple Platon ; et encore celui-ci ne s'en est occupe que dans ses derniers dialogues , car, dans les premiers , il se borne le plus souvent a refuler les opinions qui avaicnt cours avanl la venue de Socrale. 11 ne faut done pas s'elonner que le vulgaire , et meme les esprits d'elile de cette epoque , n'aienl vu dans Socrale qu'un sophiste. Telle est encore I'opi- nion d'Eschine plus d'un demi-siecle apres la mort de ce sage (1), el Galon le Genseur rap{)elle un phra- seur, un corrupleur des moeurs. Une erreur de ce genre etail excusable chez ceux de ses conlemporains qui ne faisaient qu'une elude superficielle des prin- cipaux problemes de la philosophie , el qui jugeaient les hommes qui enseignaienl cette science uniquement d'apres les resultats qu'ils obtenaient. Or, cesresullats etaient loin d'etre importants, pour ce qui conc>irne [i] Cuntrc riniiiri]., ^ 17:J — 21 — Socrale, du inoins de son vivant. Ses conciloyens ne pouvaient pus deviner tonl d'nbord rimmense porlee que ses principes devaienl avoir api'es sa moit, grace au devouement louchanl de ses disciples. D'ailleurs, plusieiirs de ces derniers, lels qii'Alcibiade , qui fut deux fois traiire a sa patrie; Crilias, le plus ci'uel des Irenle lyrans, el qui osa soulenir ijue la religion elait une invention des legislaleurs , pour la police de la cile ; Charmide et Theramene, qui furenl les collcgues de Crilias, avaient deja , du vivani de leur mailre, fait servir I'instruction qu'ils avaient regue de lui au detriment de leurs conciloyens , tandis (jue d'auli'es, appartenant a son cercle le plus inlime, ne se deci- derent a proclamer sa doctrine qu'apres qu'il eul ele condamne a boire la cigue. Ce qui frappail surtout les yeux des contemporains, c'etaient les progres rapides que ses disciples faisaient dans I'eloquence, grace aux exercices frequents aux- quels ils se livraient, et aux discussions methodiques et lumineuses que le maitre engageait journellement avee ou devant eux. Mais, par cela meme que bon nombre d'entre eux mirenl eel art au service de leur ambition personnelle, on s'accouluma a les placer tous ensemble sur la memo ligne que les sophistes. Des observateurs plus atientifs el plus competenis auraient pu facilement decouvrir une difference no- table: c'etait la maniere d'enseigner. Tandis que les sophistes s'efforc^aient, non sans peine, de poser leurs conclusions a la suite de raisonnements plus ou moins longs, Socrate recourait, au contraire, a une conver- sation rapide, habile et convaincanle, el jamais il ne fnanquail son but. II epiait au passage toule fausse doctrine, pour rarretor, la soisir cor[>s a corps et - 23 - rnoiilier a lous ce (ju'elle cacliail, le n^ant. De quelcjue verile bien simple, accordee par ses inlerlocuteuis, ii leur faisait lirer des consequences imprevues, et les amenaiL pcu a peu, et sans qu'ils so doulassent de ses inlcntions, a des notions qu'ils ne s'atlendaient pas a Irouver ainsi d'eux-meraes. G'elait un chercheur, dans la vraie acccption de ce mol; 11 feignait d'abord de s'incliner devanL le savoir de son adversaire, et de vouloirs'inslruire aupresde lui ; mais, peu a peu, les roles changeaient, el, le plus souvent, il le re- duisail a I'absurde et au silence. Mais on etait plulot porte a ne voir dans celle nouvelle melhode qu'une invention d'un nouveau genre, deslinec a i'6concilier avec la sophistiijue ceux que les artifices ordinaires de cet art dangereux avaient ou fatigues ou eloignes. Etcependanl,ces sophistes.avec lesquels on s'obstinail a le confondre, n'eureni point de plusgiand ennemi; c'etaient eux surtout (ju'il se plaisail a couvrir de confusion en presence des nombreux audileurs qu'atlirail sans cesse aulour de lui sa parole facile el rnordanle, et il ne negiigeait aucune occasion de ruincr leurs pretentions el leurs syslemes. Celte doc- trine nouvelle, qui aspirail a fondre dans une unite scientifique plus elevee la loi qui regit la maliere et celle qui regit rintelligence, c'est-a-dire, a poser a jamais le cole moral de ce nionde en face de la na- ture, devail necessairement prendre ses racines dans les recherches logiques el dialecliques, pour apercevoir du haul de la pensee scientifique, comment il est necessaire d'embrasser egalemenl, dans la connais- sance, la nature et la raison, pour raccomplissement de la science. Or, c'est en cela que consiste le merile des travaux dialecliques de Socrate et de sa melhode,. — is ~ Arislopliane esl uu premier rang parini ceux qui voient dans celte ardeiir d'innover, dans ce d^sir de changer, de renverser ce qui existe, un veritable danger pour la sociele alhenienne. Dans son amour enlhousiaslc du present el de ses jouissances, il semble ignorer rimminence de la catastrophe, donl les symptomes, a mesure qu'ils se revelent a lui, lui causenl une surprise cha(iue jour plus douloureuse ; et , sous ce rapport, on peut dire (|u'il voit rnoins loin ([ue Socrate , dont le regard plonge dans un avenir loiniain ; ii se cramponne au present, a la I'raicheur si pleine de vie de la realite, sans s'a- percevoir que celte realite renferme des germes de corruption et de mort. Quoiqu'il ne soil pas un par- tisan aveugle d'inslilutions condamnees a perir, il est cependant etroitemenl uni a ceux qui s'opposenl a la dissolution que levent les autres partis , qui re- poussent avec indignation toute attacjue qui leur parait dirigee contre la religion et les moeurs d'Alhenes , et qui , dans leur zele parfois aveugle , s'efTorcent d'^touffer a leur naissance les theories elablies par les nouvelles doctrines , et dont les tendances leur paraissent pernicieuses. II approuva, sans doute, la ferveur par trop orthodoxe de ceux qui accuserent d'aaeS'eta, c'est-a-dire d'impiete , Anaxagore, qui avait fait d'Alhenes le centre de la philosophic, et qui, dans sa recherche des lois naturelles, avait os6 soumettre a I'appreciation de I'entendement les forces de la nature, auxquelles on avait voue jusqu'alors un culte divin ; qui expulserent Diagoras de Melos, convaincu d'atheisme , et cnvelopperenl dans celte meme accusation Pericles , Tarni , le disciple et le defenseur d'Anaxagore , el Thucydide , qui, traitant — 24 — Ics oracles plus cavalierement qu'Herodole (1), les flepouillail du merveilleux qui s'y rallachail, el en faisait de simples accidenls (2). Une telle resistance Itii paraissait d'aulant plus neccssaire , que les nouvelles idees , jusqu'alors ac- cessibles aux grands et aux riches seulemenl, com- mencj.aient deja a se faire jour au sein des classes movennes et inferieures dc la sociele, et menagaient de produire une confusion complete dans les esprits, en agitant les masses rcstees jus([u'alors inerles et )gnoranles. Euripide avail contribue, par sesdrames, a les propager, autant que Socrale par ses enlretiens et ses enseignemcnis ; aussi Aristophane ne les se- pare-t-il pas lun de I'autre dans sa pensee ; il ne eroit pas meuie devoir se taire devant la tombe a peine fermee du premier. Euripide, selon lui, aurait depouille I'antique discipline du respect tradilionnel dont elle avail ete entouree de tout temps, el aurait fraye les voies a un raffinement de lumieres qui ne pouvait etre que funeste (3). Afin d'amener des (i; HF.noD., II, 8, 17, 21, 54. (2) Thix., Guerr. du Pelop., I, 23; II, 8; IV, 52. Chose singu- liere! landis quWlcibiade mulilait les statues des anciens Dieax , et profanait les myslpres, le peuple introduisait a Athenes des Dieux de la Thrace et de la Phrygie, el une religion uouvelle , en quelque sorte, envahissait la cite, ayant pour cortege oblige la li- cence effrenee des cultes orgiastiques de lOrient. Sous le coup des malheurs, jl y avail comme une recrudescence de superstition, mais aussi d'iutolerance. On sesouvient de I'affairedes Hermes, de Fanxiete. profonde quelle jeta dans la ville et du grand proces qu'elle amena. (3) " Je ne inettais pas en scene . " fail dire le poote a Eschyle disputant a Euripide le sceptre de la tragcdie par-devant Bacchus (Gren.. 936-1088), '< des Phedres impudiques, ni des Stenobies. . .; ■" e'est ;i toi qu'esl dij ce gout de bavardage et d'argutics qui a fait — 25 — silualions patlieliques, il aurait remanie sans scrupule les legendes sacrees (1); les heros de I'ancienne tragedie auraieni qiiille le cotliurne, pour marcher sur" la terre et porlager les faiblesses humaines ; et rneme , pour rendre la langue plus harmonieuse . il aurait brise sa forme austere , en y faisant en- trer une foule d'expressions vulgaires , empruntees aux discussions de la place publique ou aux cau- series de la vie commune. 11 convienl de remarquer que ce que le poete comique reproche a Euripide comme une decadence, ce qui , a ses yeux, merile le blame le plus energique, est pour nous, peut-etre, » deserlor Ics pale-Ires , a conomnu les jeiines gens a\iiies ile pe » rorer, el crea celte foule de scribes et de chai-latans qui pullulent » dans Alhenes , espece de singes loujours prets a abuser le » peuple. » (t) 11 donne, dans presque toutes ses pieces, I'epilhcte de aif).voi a I'Elher ; il critique sans menagements les Dieux populaircs {Here, fur . 1287-90 ; Ion, i43't54) ; c'est a tort, selon lui, qu'on les re- presente conanie des etres parjures, criminels et injustes; qu'on dit de Diane quelle est allcree.de sang liumain (Iphig.cn Taur., 38); de Phebus, qu'il seduit les jeunes fdles {Ion., 370), et de Jupiter, qu'il trouble la raison des hommes et des enfants {Here, far., 1311). II s'eleve frequemment contre les presages, les institutions, les prejuges de la sociclc bellenique, droit d'asile, inferiorite de la fename (.Wedee),etc.Aristopbane va raeme jusqu'a le trailer d'atbee; et cependant il n'esl point pour lui un eunemi personnel , mais un adversaire place dans un camp oppose. Euripide est du cote des novaleurs, landis que le poete comique regarde comme dangereuse toute innovation ; Euripide preche la guerre (Supplic, 187 ; Andro- maq. , 445), landis qu'Aristophane ne cesse de rccommander la paix (Acharn , 305). Euripide traine a sa suite une foule d'imitaleurs , tels qu'Agathon, Cavcinus, Melanthius, Anesias, Morsimiis, etc., qui poussent jusqu'a I'exageration les defauts du mailre, el dont • Arislopbane croil devoir reprimer les pretentions el I'oulrecuidance en les frappant dans la personne meme de leur chef de file, (Voir Blakchet, de Aristophane , Euripidis censors Argentor., 1856. un des principaux merites du poete tragique ; ses defauls s'effaccnl devant ces details d'un naluiel exquis , donl ses drames fourmillenl , devant ces scenes d'un palhetique qui louche au sublime, el ces sentences morales qui sont comme des echos de la conscience. Euripide a vraiment le souffle Iragique, el il differe surtout d'Escliyle et de Sophocle, en ee que la fable mythologique se transforme chez lui , pour ainsi dire, en un tableau de moeurs de son temps , et que le dogme de la fatalite disparail pour ne laisser voir dans I'liomme desormais que le jouet de ses passions. On sent palpiler en lui celle fibre puissante denolant une ame qui sail com- patir aux souffrances humaines ; il ressent celle emo- (ion si bien exprimee par Terence : « Homo sum, » nihil humani a me alienum puto. » Ses regards se portaient au-dela des limiles d'Athenes; ils em- brassaient les aulres cites et les autres peuples ; il ne tenait pas seulement compte des lois d'Athenes, mais encore des droits du genre humain, et, comme Socrale, il semble dire a chaque page : « Je ne » suis pas d'Athenes, mais du monde ( Cicer. , TuscuL, v. 37). B N'a-t-il pas dit quelque pari, en deplorant la miserable condition des esclaves, que la verlu seule etablil des differences enlre les hom- mes , el que le privilege de la naissance n'esl pas par lui-meme un litre legitime a Tillustralion ? Socrate , de son cole , avail conlribue plus encore que son ami a propager le mal. II attirail a ses legons , pour lesquelles il ne reclamait aucun sa- laire, meme ceux qui d'abord lui avaient lemoigne le moins de sympalhie, philosophes, poetes, hommes d'etat; il n'y avail point de classes de ciloyens, ni — 27 — de professions , oil il ne recrulal ses disciples ; il entrait meme dans la boutique de rouvrier , el arre- lail les passants dans les rues on sur les places publicjues , pour discourir avec eux. Partoul il s'appliquait, avec un zele que rien ne pouvail ralenlir, a deraciner les prejuges dominants, et a ebranler par la les anciennes convicliiins. Lors- qu'il vient a pailer de I'oracle de Delphes, qui I'a proclame le plus sage des homines, il demande a tons ceux qui I'entourent ce qu'a voulu dire le Dieu , el ce qu'il faul entendre par cetle sagesse qui lud eslaltribuee. II aborde successivemenirhommed'elal^ le poele, I'ouvrier, el il les amene lous a reconnaitre qu'ils ignorent ce qui est bien el vrai, el que, ce- pendanl, ils croienl le savoir. Sa sagesse consiste a reconnaitre la folie de ceux qui confondent le fini avec rinfini ; sa mission, a les amener a rentrer en eux-memes, et a considerer avec lui comme borne el nul le savoir produit par le monde reel el objectif. Dussent meme les Alheniens I'acquiUer a la condition qu'il renoncera a cetle mission sacree , il aimerait mieux mourir, plutotque de ne pas obeir au Dieu qui I'entraine, c'est-a-dire a cetle voix interieure qui n'est autre chose que la conscience, donl I'idee, encore peu compiise, apparail sous cetle forme plus sensible (1). Socrate n'elail pas seul a agir; plusieurs de ses disciples, heureux et fiers de s'etre approprie une dialeclique superieurea celle des sophisles, niais non animes des memes intentions que leui' mailre, ( 1 ) I'LATOTi, Apolog. — Xenoph., Mem. I, 1, -2, 3— PtuTAno , de Gen Soc, r. ll. — Compar. Arialotf. Hhcfor.. II. 23, — 28 — trouvaienl du plaisir a embarrasser leurs concitoyens avec leurs questions subfiles et leurs artifices d'elo- quence, el so proposaient par la, non point de faire le bien, mais plutol de poser devant le vulgaire ignorant. Arislophane a conscience du danger que court la chose publique, et, pour le conjurer, il met tout en oeuvre afin de neutraliser les effets desaslreux des tendances nouvelles, qui aspirent a substiluer I'in- dividu a I'ensemble, et il vante comme un ideal digne de regrets I'epoque glorieuse des heros de Marathon, oil le citoyen , plein de soumission pour la loi et de respect pour la coutume, engageait son honneur et sa vie au service de I'Etat, sans ambitionner d'autre gloire que celle de la patrie elle-meme. Get enthou- siasme du poete pour ce moment solennel de la vie athenienne semble justifie par I'eclat lout parliculier dont brille alors sa ville natale, et par le devouement absolu et desinleresse des citoyens en presence des dangers qui menacent leur pays. Aussi longlemps qu'Athenes fut heureuse et florissante, I'espece d'au- reole, dont elle etait entouree^ ne permettail pas de remarqiier les vices de sa constitution, ni les maux de tout genre dont elle soufTrait deja interieurement. Mais quand survinrent les revers, el, apres eux, le calme produit par la pais, on vil se produire au grand jour des symptomes nombreux de corruption, dont quelques-uns ne laissaienl pas que d'etre alarmants. 11 eut fallu, en effet, etre bien aveugle pour ne pas voir dans la conduite legere , insensee et parfois cruelle de ce peuple essentiellement mobile el capri- cieux, exilant ses meilleurs citoyens , toujours pret a se Jeter enlre les bras de quelque ambilieux, ayant Toreille toujours ouverte a la delation, et Ir'availlo par une soif toujours croissanle de richesses el de jouis- sances, un signe cert.) in de sa decadence morale et politique. Qu'on se represente, un instant, ces guerres fratricides, signalees par des actes d'une barbarie re- voltante, ou Ton combatlait avec un acharnement sans egal , ou les vaincus etaient reduits en esclavage , et les prisonniers fort souvont massacres impiloyable- ment apres la victoirc; qu'on assiste , ne liU-ce que pour quel(|ues moments , a ces assemblees lumul- lueuses, oii ce peuple, d'ailleui's si doux et si humain, ordonnait le massacre de populations entieres, dont le seul ci'ime etait d'avoir resiste a d'injustes preten- tions , et escomplait ses trioniphes au detriment des autres cites belleni(|ues , et Ton sera en droit de demander si celte epoque lant regrettee elait bien I'age d'or de la civilisation hclleni(jue (1). Cependant Aristo[)hane est loin d'etre un partisan aveugle de I'ordre dechoses existanl ; s'il atlaque sans relache les bommes qu'il regarde comme les fauleurs principaux des idees nouvelles, il s'eleve aussi parfois avec force conlre les partisans quand meme du passe , conlre ces hommes, pour la plupart arabitieux et inieresses, (lui avaienl conclu avec les demaiiogues tout-puissanls et avec les partisans de la guerre une alliance funeste, dont I'avenir el le salut de la patrie devaienl etre Tenjeu. La lutle qu'il a enlreprise est des plus serieusos , (1) Cost sans doiilo pour ccUe laisdii (jii Isor-rale a crii devoir reporter rt-t n^v. d or :\u\ temps de Solon; niais ies luttes intestines . qui agilaient alors la Ilepuijiique , el qui fra}ere,nt les \oies;i ia tyrannic des Pisistratides, sont l,i |)onr donner un eelatant dementi a eeltc hypollicse hisloricjiie. — 30 — el (lerriere le [)oele comique apparait presque toujours le citoyen avec ses aspirations genereuses et ses regrets li^gitimes. Mais Ics arines qu'il emploie ne sont pas toujours convcnables ; elles produisenl meme assez souvenl un efTet lout flifferent de celui qu'il s'elail propose. C'esl ainsi qu'il combal en faveur des D eux ('l)el des anciennes croyances, el que, cepen- dant , 11 semble s'attacher a les rendre ridicules. II nous represente, par exemple , Hercule sous les traits d'un vrai soudard , gourmand el lapageur, et Bacchus , sous ceux d'un poltroii raille par son esclave (2). II s'eleve conlre I'anarcliie produite par roclilocralio , et il en profile amplement pour donner un libre cours a sa verve railleuse ; il tonne contre les adulalcurs du peuple, et cependant il fail a celui- ci une pari lellement belle qu'il s'habitue a chercher la cause du mal parloul ailleurs qu'en lui-meme. II attaque les novateurs , et il mine bien plus qu'eux il; Dans les Nuees . il fait briiler par Slrepsiade la luaison tie Socrale, ■■ pour venger les divinites outragees. " (2) Eaqiie vcutfaire assomraerXanlhias Hercule. et son pretendu esclave Bacchus; ce dernier reclame, en disant qu'il est un Dieu. Xanthias fail observer que, dans ce cas, il ne senlira pas les coups, et les cstafuus dEaquc baUent les deuv diviniles pour les mettre a I'epreuve. Et ces scenes ou Bacchus etail si malmene , se jouaient a ses propres fetes, devant ses pretres, qui assistaicnt et riaicnt sans doulc , comme les aiilres s;)ectateurs , du role joue par leur Dieu {Grenouilivs;. I'eut-elre Aristo[)haiR- ne ponsail-il pas que les I)ieu\ |)ussent s'offenser d une licence queux-memes lis avaient pcrmise; ces Dieux, qu'il raillait ainsi dans ses comedies, n'en etaient pas raoins, a ses yeux, les gardiens veneres des antiques traditions et les protecleuis il Athencs, elcelte irre\erence, que lescirconstances si'niblaic lit juslifier, ne jxnnail, scion lui, porter a leur existence (les alloinlis aussi jjravcs quo le ilonte, et parfois nienie la negation do [iliiliis(i|ihcs. — 31 — Tonire tie cHoses exislanl ; il accable de ses railleries les beaux parlevirs qui plaident tout a la fois le pour et le contre, et ses pieces fourmillent de logomachies qu'on dirail empruntees a ses adversaires. Mais, hatons-noiis de le dire, il n'a point con- science de ces inconsequences. II s'imaginait , sans doute, que le ridicule qu'il deversail a pleines mains sur les Dieux de I'Etat s'adrcssait plulot a la forme qu'au fond; mais, aux yeux du penple, la forme et le fond ne formaient qu'un lout indissoluble ; ridiculiser les personnages , c'etait leur oler le peu de respect donlilsjouissaient encore. Pour que de lelles allaques fussenl impuissanles, il aurait fallu une puissance d'abstraction, une profondeiir de convictions, donl lo peuple etail incapable. Aristopliane , il faut le dire, est, sans s'en douler, du cote de ceux qu'il combat. En depit de sa resolution bien arretee de sauvegarder un passe qui lui esl cher a plus d'un litre, il appar- lient a son epoque par toutes les fibres de son elre , par loutes les impulsions de son intelligence ; il a beau renier sa mere, il ne pent faire disparaitre les traits de ressemblance qui le rapprocheni d'elle (1). Noire poele n'est pas moins moderne que les mo- dernes qu'il combat ; il ne diff«3re , par exemple , d'Euripide, qu'en cequecelui-ci a accepte resolument les tendances de I'epoque , el s'applique a les propa- ger, tandis qu'Arislophane, redoulant les consequen- ces de ces meuies tendances, s'efforce de s'y soustraire el les combat pour mieux leur ecbapper. Cependant (I) C'est aiiisi qiu!, dans la coniedie des Gtiepes , il fait une belle, et large part an represcntant de la nouvelle generation, tandis qu'il nous fait voir sous nn jour beaucoup moins favorable le pere , en qui ii [icrsonnilie raiicien oi'dre de choses. 32 — ces sympathies, en ([uelque sorle inslinclives, reslenl chez'lui a I'olat latent , el il les Ibil laire en presence des principes a la defense desqnels il s'esl devoue, et auxquels il res'a fidele jusqu'au boul, comme le prouve son PliUiis, oil il allaqua les idees nouvelles avec une grande amertume. Si, dans les pieces qu'il fit repre- senter dans Tinfervalle qui separe cetle dernicre co- medie de celle des Nuees, il semble avoir conclu une treve avec ses adversaires , il ne faut pas en induire qu'il ait renunce a son role de defenseur des antiques usages et des vieilles traditions. C'est que , dans ces temps calamiteux, les partis disparaissaient a ses yeux, pour no lui laisser apercevoir que le naufrage de la chose publique ; quoique ses illusions s'en aillent I'une apres I'aulre, et que de cruelles deceptions semblent refroidir son enthousiasme , il persisle cependant dans sa foi dans un passe meiileur , et continue de protester conlre les tendances dangereuses du present. Sa tache , du reste , etait rendue facile par le role important que la Muse comique s'etait arroge au sein de la sociele athenienne. La comedie ancienne, depuis lejour ou, nee dans les mascarades des Dionysies champetres, elle etait venue prendre sa place au theatre de Bacchus a cote de la tragedie d'Eschyle (1) , avail a Athenes une ^l; On n cru devoir alliihuei'aux Sicilicns clout la reputation d'e.s- prit et (le causlicite o.tail graiide dans raiitiquitu , la piemieie co- medie h pen pii's legulieie (Abistote, PoHiq., c.3, a — TuEOcmr., Epigr. 17.— Voir surlout le savant ouvragc de M. Colin : Clef de I'histoire de tu comidie grccque. I\iris, 185(5). Personne ne conlestc. que nous sachions, a Epicharme son litre de fondateur de la come- die grorque, niais on en est encore a discuter sur la nature de la cnu-'dic qn iuventace pcete, que Clement (F.^lexandrie cite coinra-e un tirand u;.iralistc. malgrc ses vers crotiqiics, et qu'Eusebe rangi; Miission serieuse , grace a un ensemble de oircon- stances fort rare dans I'hisloire des peuples, comme dans celle des lilteralures. Les poeles^ s'adi'essanl a un peuple maiire de ses deslinces , employaienl le ridicule a Famuser ou a I'eclairer siir les erreiirs oil il tombait , sur les dangers qui le menagaient. lis sont uniquemenl preoccupes des inlerets de leur epoque ; ce sonl, en quelque sorle, des citoyens qui agissenl, des pamplilelaires qui comballenl, ct, dans cet espace limile des affaires de la seule patrie et des travers de leur lemps , ils out toute liberie, et n'epargnent rien. La scene se Iransforme en une au- tre tribune , rivale de celle du Pnyx , oh la Muse , se mouvanl loul a son aise dans les limites indefinies de la fantaisie, juge souverainement toules les ques- tions du jour , et meme les plus irrilanles et les plus brulanles. Ce ne sont point des personnages imagi- naires qu'elle Iraduit a sa barre, des caracleres vrais seulement au point de vue de la pliilosophie el de Tobservation, inais des personnages reels el vivanls, connus de tons , presque loujoui's puissanis el illus- Ires. Rien n'echappe a ses railleries impitoyables , a sa critique acerbe , ou le bon sens le dispute a la folic , el la gaile a ramerlumc el a la violence ; questions de paix el de guerre, questions de finances, de legislation et d'education publique, reformes po- parmi les Grccs les plus profomknueiit verses tians la cxiniiaissanco de Dit'u.Quoi qii'il en soil des oiigines de la couiedie, qu'elle soil nee en Sicile, a Attienes ou a Megare (Aristotk. Poeliq., c. 4 ) , les Atheniens se hateieiit de I'adopler, parce qu'elle s'alliail mecveilU u- seinent avec leurs flouts et I'etal present do leur republique. Cette plaiite ii'eutqu'a se montrer sur le sol de I'Attique, pour v produire ■les plus beaux fruits. xxvm S - :U — liliqiies on sociales, querelles liUeraires, elle aborde tout avec une audace que rien n'arrete, el surlout avec une verve intarissable. Dans ce gouvernement de democratie pure, ou les opinions contraires et les parlis etaienl sans cesse aux prises les uns avec les autres , et ou les representations thealrales n'a- vaient lieu qu'a cerlaines fetes de I'annee et excitaient davnntage la curiosile, le poete comique , se posant en dernier defenseur de la chose publique, et surtout des anciennes moeurs el des institutions consacrees par le lemps, elait une espece d'oraleur, revetu d'un caractere public, haranguant le peuple du haul de ses planches avec autant d'assurance el d'aulorite qu'un Cleon el d'autres demagogues de son lemps , parlant des affaires de I'Elal avec I'aplomb d'un horame sur de son fait, el, plus libre que ses rivaux de I'Agora , dedaignanl le plus souvenl les precau- tions oraloires comrae indignes de sa mission (1). « On a dit quelquefois que, pour les poetes de la !) comedie ancienne , le theatre elail une seconde » tribune rivale de I'Agora. II serail plus vrai de la » comparer a la presse (2) ; les pieces d'Arislophane » et de Cratinus etaient comme d'immenses jour- » naux , paraissant a de longs intervalles, mais seu- » lemenl par les sujets et par le but. Ce que la y comedie ancienne avail de plus, c'esl un exces de (1) Tel est, par example, ce debut ex abrupto d'Arislophane •• " Et » maintenaiil, peujjles, ecoutez, si vous ainiez a entendre la verite » sans deguisemont, car il prcnd, en ce moment, fanlaisie au poete » d'acciiser les si)ectateurs [Guepes, lOloj. « '(iX En ayant soin, toutefois, d'obseiver que cette liberie theatrale ne s'exorcail que de loin en loin et pendant un petit -iiombre de graudes fetes, comme celles dc Racchus et de Minerve. — 35 — » liberte, donl i! n'esl plus d'exemples, et (lue nous » pouvonsmeme a peine hons figurer... La clifTerence » des societes el des moeiirs une fois adniise , la » comedie ancienne joiiait a Alhenes le rule que la » presse jouc dans le monde inodernc. La vie publi- » que lout enliere et le present seul , voila son » domaine et son sujcl ; la critique universelle, » voila son objel ; le conseil pratique adresse lout » haul a qui veul I'enlendre, voila son veritable but, •» a travers la gaile desordonnec qui senible en » dislraire et en eloigner Les pieces d'Aristopbanc » etaient ce (ju'un journal eiJl ete dans ce temps-la : » I'organe de la vie publique dans une sociele ou » loules les liberies aliaicnl jusqu'a la licence, et » rencyclopedie poleinique du present, dans un temps » ou la guerre ctail partout (1). » La comedie scmblait faile pour la rue, pour le ])euplc, pour les joics des Dionysies. Cependanl , malgre le sans-gcne de sa marcbe avinee, reffron- lerie de son i-egard et la grossierete de son parler et de son rire , elle porte au front celle empreinle religieuse , dont la myslerieuse antiquile a marque loules ses oeuvres. Elle remplissait le plus souvent, a Atbenes , un office absolumenl semblable a celui de la censure a Rome (2), avec cetle difference, loutefois , que le censeur etait un magistral infli- geant des chatiments reels , tandis que le poete comique n'ctail qu'un simple particulier, dont les jugcments n'cntrainaienl pas nccessairement une peine. Le censeur romain avail (juelquc cliosc de (1) G. CiUizoT, Es.tai sur Mhiandrc, p. I'.li 148. (2) Coiiipai-. Auyiisl. di; riiilale Dei, 11, 9, — :16 — grave , ile solennel dans ses allures ; les juges co- miques d'Athenes etaient, au contraire, des hommes aimanl surlout a plaisanter ou a rire. Ces derniers avaient ceci de commun avec les accusaleurs publics, que les coupables, qu'ils denongaienl a la vindicte de I'opinion , elaienl , au moins una fois dans leur vie , flogelles publiquement. lis n'encouraienl pas, 11 est vrai , un chatiment proprement dit, mais le blame qui leur elail inflige passail, du moins, pour une peine bien plus rigoureuse. S'ils etaient reelle- ment coupables, ils etaient en quelque sorte montres au doigt, et leurs crimes paraissaient en plein jour; s'ils etaient innocents, ils devaienl se tenir pour aver- lis, et eviler soigneusement , a I'avenir, tout ce qui pourrait soulever conire eux des susceplibilites plus ou moins legitimes. Tout Athenien (]ui s'ecartait de la tradition et de la coulume, soit dans sa maniere de vivre, soil dans celle de se vetir , etait traduit sans pitie dcvont ce tribunal redoutable. Clistbene et Straton sont appeles des singes, des eunuques, parce que tous deux ils se font raser la face, et poussent la vanite el le ridicule jusqu'a vouloir paraitre plusjeunes qu'ils ne sont (1). Lamachus est un fier-a-bras , parce qu'il porle un casque orne d'une enorme criniere et surmonled'un panache demesure, et qu'il a fait peindre une tete de Meduse sur son bouclier; Dicearque , en le voyant affuble de la sorte , ne pent s'empecher de cracber sur lui (2). Telle est aussi Timpression que produil sur Trygee le panache du fanfaron Pisandre, qui trem- (1; Aeharn., v. llSetsuiv. (2) Arharn., v. 585 el suiv. — 37 — blait a la vue d'un glaive nu (1). Sophocle lui-m^me, ii qui Aristophane rend pjeine jiislice , chaque fois qu'il parle de ses tragedies, n'echappe pas, comme particulier, aiu trails aceres du poele comiqne, i\m nous le represenle comme un homme avide, une es- pece d'usurier, prela alTronler loutes sorles de perils pour realiser quelque profit , « a traverser la mer pour gagner un matelas (2). » On y signale sans menagement tout acte adminis- tratif qui n'est pas marque au coin de la probile et de la justice; ainsi I'admission au Prylanee de devins ehontcs (3), dont I'un est meme expulse de la repu- blique aerienne (4); la venalilelioiiteuse des Prylanes. qui n'introduisent que ceux qui leur apporlent de I'argent ou des presents (5); I'avidite inleressce des orateurs publics, et d'Archinus, en particulier, qui ne craignent pas de s'approprier les fonds destines a recompenser les poetes (6) ; les exactions commises par le stratege Agyrrhius, qui, entre aulres mefails, a employe ce qui revenait aux poetes a indemniser ceux d'entre les citoyens qui frequentent assidument les assemblees du peuple (7); c'esl ainsi qu'Aristo- phane poursuit de ses railleries cette malenconlreuse deputation qui fut envoyee au roi de Perse et ne revint (1) Paix, V. 395. — Xbnoph., Banq . II, U. (2) Paix, V. 695. C'est peut-etre pour co motif que «on fils lophon voulut, dit-on, le faiie inlerdire. (3) iVuees, v. 338, schol. (4) Oiseaux. v. 990. (b) Paix, V. 907 et suiv. (6) Grenouilles, v. 370. (7) Assembl. des Femmes.v. tOi. 18i. Aristophane nous le t«- presente orne de la harbo dn jouenr de fliite Pronome. k Athenes que tlouze ans apres son depart ; le pocte leproclic a ses membres d'avoir louche sans aucun scnipule, pendant tout ce temps, les deux dragmes d'indomnile qui leur elaient allouees par jour, et it se moque de leurs recits , qui sentent , selon lui ,. rexageration et la forfanterie (4). Ce sonl surtout les abus qui se sent introduits dans la tenue et la frequeutalion des assemblees publiques, qui sent I'objct d'attaques plus ou moins violenles. Arislophane, dans sa piece inlitulee VAssemblcc des Femmes, signale avec une vigueur rennarquable I'a- vi-lite, les orgies, les propos malseanls et parfois orduriers de ses concitoyens, et principalemenl leur eonduite plus qu'indcccnte (2) ; et il n'y a rien d'exa- gere dans ces details souvenl obscenes : il suffit, pour s'en convaincre , de consuller le temoignage des ora- teurs qui vinrenl apres lui, et qui se plaignent de desordres tout aussi graves et tout aussi frfkjuents (3). Nous voyons, dans cetle comedie, lescitoyens immo- lant un chat, au lieu du pore Iraditionnel, dont le sa- crifice a pour but de purifier I'assemblee, et le choeur gourmandaiit le peuple souverain, qui, dans ses reu- nions tumultueuses,traile les afi'airesles plus serieuses, a la raaniere des conducteurs de fumier , uniquement pour gagner trois oboles , et pour faire leur profit des revenus publics ; « aussi, » s'ecrie le poete, « la chose publique marche comme le boiteux Esimus (4) ! » (1) Acharn., v. 85, schol. A les enlemlre , on leur aurait fait manger eii Perse un oiseau trois fois gros tomme Cleouyme. (2) Assemblec des Femmes. v. 135. tii, 196, 248, 25V, 255, 259,. 268, 279, 290, 396, 481, 511 - 5i3. (3) Eschine conlrc Ctisiphon. — Disc, sur Vambassade. {4) Assemblh ttc» Femmrs, v. 208. — 39 — Dans d'autres occasions, la comerlie s'eleve ayec force centre I'engouemenl inlercsse des Allieniens pour les proces qui se prolongent sons necessite pendant des annees, el dans les(iuels s'agilenl en derniere instance Ics interets des allies et des ha- bitants des lies. Slrepsiade, dans Ics Nuees, ne rccon- nait pas Alhenes que le disciple de Socrate lui montre sur la carte, parce qu'il n'y apeigoit pas de juges en seance (i). Blepyre , dans VAs^^emblec des Femmes, deplore le changemenl de gouvernement qui s'apprete, parce qu'il ne pourra plus desormais porter de faux lemoignages, ni chicaner, ni inju- rier comme par le passe (2). Aristophane , dans sa piece des Guepes , lourne en ridicule la manic de juger dont les Alhcniens sont possedes , ainsi que leur besoin de [daider et de perorer. II met en scene un vieux juge maniaque, enferme par son fils, qui le fait garder a vue pour tenter de le guerir ; mais tons les remedes sont impuissants, et il faut qu'on lui permette de juger chez lui ses propres serviteurs , el jusqu'a ses animaux domesliques. Les vices de toute nature sont censures sans me- nagemenl comme sans pilie par ces juges impro- vises ; peu importent I'age et la condition sociale de ceux qui en sonl affectes : musiciens, auteurs dra- maliques , hommcs d'Elal, debauches, usuriers, courtisanes, etc., tous sont frappes egalement , et meme ceux qui sont alteints de quelque infirmite physique. C'est le demagogue Leagoras , que Platon (1) Nitees. C'est aiiisi que Lucien voil, dii liaut de rEiupyree, les Allieniens tout entoures de jiroces. (2) Assemblee des Fommfis, v. .'>.')5 et suiv. — fiO — yepiesente nminic un horanie moii ei effeniine (f ) ;: e'est Aniolycns , un autre puissant du jour, qu'Eu- polis livre a la risee publif|ue, pour avoir prodigue sa fortune a une courlisane en renoin ; c'est Simon, aussi un hoinme d'Elat, qu'Aristophane compare a unloup, parce qu'il s'est appropric une parlie des deniers publics (S). Ailleurs, ce menie poele Iraile Callislhene de pederaste (3) ; il accnble de ses rail- leries le riclie Callias , qui s'est laisse luiner par des courlisanes de has elage (4) ^ Lysislrale, qui a la faiblesse de se leindre les cheveux (5), et le tra- gi(iue Melanthius, qu'il appelle un oiseau de proie, un bouc puanl , etc. (6). Malheui' a ceux (pii ne parleront pas Tatlique pur! L'acleur Ilagelochus se voit expose aux atlaques d'Arislopbane el de ses confreres, parce que , dans sou role d'Oreste, il a commis quelques faules de prononciation (7); d'aulres, tels qu'Esope el (Eagre, sonl egalemenl malraenes a cause de leur declama- tion qui deplait (8). Le poete comique Plirynicus a quelque cliose de parliculier dans son accent, et aussilot il est Iraile d'etranger, levos, malgre que sa eomedie des Y^wiiar-ai ail ele preferee a celle des Oiseaiix d'Aristophane (9). Le siratege Cleophon ne (() Platon le Comique, dans son nrpior//v;j. (2) Niiees. 350, 394. (3) Gren.. 48, 57. — Chevaliers, 1371. — Nuees. 354. (4) Assemblee des Femmes, v. 80j. (5) Assemblee des Femmes. v. 731. (6; Paix, V. 810 et sell. — Eu|)olis a aussi attaque ce meme personnage, (7) Gren., 305 et sch. Compar. Ciceron, Brutus. (8) Guepes, v. :,6i, 577. 49] Oiseaii.r, v. 1761, srhoi , — Noil,* savons par Demosthene [Ad 41 - parle pas l'atli(iue pur ; Plalon el Arislophane en piennenl occasion pour le comparer a line hiron- delle de mer, pour I'appeler un Thrace, ne d'une mere barbare. Mais il esl un point sur Icquel les poetes comi- ques, et principalemenl Arislophane, insislenl d'une maniere loule parliculiere , c'est Tabaissemenl de Tesprit public, c'esl surloul la repugnance qu'eprou- venl la plupart des ciloyens a prendre leur part des charges pubhques. II n'y en a qu'un Ires-pelil nom- bre qui metlent leur honneur a obeir aux lois ; on dirail, an conlraire , qu'ils atlendent avec une impa- tience febrile que (juelque tremblement de leri'e ou toute autre calastrophe de ce genre vienne les dispenser de cetlc facheuse obligation. « Vois, » dil un personnage des Guepes au vieux Philocleon, « lors- » qu'il le serait si facile de t'enrichir, vois comme J tu es toujours berne par ces prelendus amis du » peuple. Toi , qui cs le mailre de tant dc villes , > depuis le Ponl-Euxin jusqu'a la Sardaigne , tu as » a peine la jouissance d'un miserable salaire. En- » core le I'exprime-t-on goulle'a goulte pour que tu > vives , comme on fait I'huile de la laine. C'est » qu'ils veulent que tu sois pauvre ; et pourquoi le » veulenl-ils? Je vais le le dire : c'est pour que tu > connaisses la main qui te nourril, el que, lors- » qu'ils I'excitent et te lancenl sur quelqu'un de leurs Eubulid. — Ad Bwotos de nomin.) qu'une prononciation vicieuse pouvait faire perdre le droit de cite, ou du moins faire contester le caractere d'Athenien proprement dit. De la, sans doute, les exercices frequents auxquels des hommes d'Etat, tels que Alcibiade, Iphi- crale. Demosliiene, c-royaienl devoir se livrer, pour se soustraire a de semblables railleries. — 42 - » ennemis, In leur obcisses et dechires ceux qu'ils » le designent; car, s'ils voulaienl donner au peuple » les moyens de vivre, rien ne serail plus facile. » N'avons-nous pas mille villes qui nous payent Iri- » but aujourd'hui? Si a chacune d'elles on assignait » vingl liommes a nourrir , nos vingl niille citoyens » vivraient au sein des delices, pares de couronnes, » nourris de lievres et de lait nouveau, ct gouleraient » des jouissances dignes de celle terre et des heros » de Marathon. Mais maintenant, comme les cueilleurs » d'olives, vous suivez celui qui a la monnaie a la » main (1). » De tels traits, lances le plus souvent d'une main sure et courageuse, n'offensaient pas toujours ; comme ceux conire qui ils etaienl diriges ne faisaieni, la plupart du temps, qu'en rire, il n'en resultait aussi aucun danger serieux pour les poetes comiques. Mais il n'en etait pas de meme lorsque ceux-ci altaquaient des hommes d'Etat en renom el en credit ; lorsque Platon, par exemple, Iraitail Cleophon de barbare, de batard, de girouette (2), et Pisandre de poltron (3); lorsqu'Aristophane, au debut de sa carriere draraa- lique, osait s'en prendre au puissant Gleon, « cetle » baleine vorace, dont la voix ressemblait a celle d'un » pore qu'on grille (4), » et qui, selon lui, possedait toutes les qualites requises pour se maintenir au timon de I'Elat : ignorance et sceleratesse, voix de Stentor , caractere mechant, habitudes de la halle, (1) Gue'pes. (2) Arist., Gren., v. 690, schol. (3) Arist.. Nuces, v. \hbi,, schol. (4) Gue'pes, v . :17 . -^ 43 — etc. (1). On sail qu'il rallaqua pour la premiere fois, dans sa piece des Babyloniens, en presence des etrangers (|ui avaient apportc a Alhcneslc montant de leurs impots, et que Cleon, pour toute reponse, se borna a ['accuser, non point de I'avoir offense per- sonneilement, car les moeurs democraliques n'auto- risaient pas de pareilles represailles, mais d'a\oir offense I'Etal dans la personne de ses magistrals (2). La vicloire resia, non pas au demagogue, mais au pocte, qui renouvela ses attaques deux ans apres, lorsqu'il fit represenler sa comedie des Chevaliers, et doni, cette fois, la tentative hardie fut couronnee d'un plein succes , car les chevaliers, que Cleon avail trailes sans menagement, le firenl condamner a une amende de cinq talents (3). Si Aristophane reussit a se soustraire aux poursuites de son puissant adver- saire, d'autres n'eurent pas le raeme bonheur. On raconte, en effet, qu'Alcibiade fit noyer Eupolis, pour se vcnger d'avoir ele livre par lui aux risees popu- laires, et que Platon et Cratinus eurent constamment a lutter, pour echapper aux embuches el aux atta- ques de leurs viclimes. D'ailleurs, n'avail-on pas a redouter a tout moment, a cote de ces represailles, quelque nouveau caprice du peuple souverain , lou- jours dispose a briser ses idoles de la veille, et a preter I'oreille aux paroles de ceux qui savaient le mieux le flatter? (1) Chevah,\-. 191, 217. (2) Acharniens, v. G02, schol. (3) D'apres les scholiastes , Theopooipe aurait rapporte que Cleon recut cinq talents des habitants des lies, a la condition qu'il enga- gerail les Alhcniens a diminuer le tiibiil qui leur avait ete impose, Celle amende n'aurait done ete qu une lestitution. _ 44 — Cetle importance assignee a la scene comique le- pondait , du reste , de tons points au caracfere des Aiheniens. Ce peuple leger, naturellement railleur, et aimanl surtout a rire, rccherchtiit avec une cer- taine avidite lout ce qui touchait aux jouissances de I'esprit. II saisissait sans effort les allusions pleines de malice dont les drames de ses poetes comiques fourmillaient, et qui sont reslees, pour la plupart, des enigmes indecliiffrables pour nous. II savourail avec volupte le parfum leger et penetrant, repandu dans toute la diction a la fois savante et naive d'Aristophane, et qui elait comma une emanation naturelle de ce sol de TAllique , ou tant de fleurs s'etaient epanouies sous I'influence d'un soleil tou- jours radieux. II etait aussi facile d'exciter sa gaite, que de lui arracher des larmes. On raconte que , lorsqu'arriva a Alhenes la nouvelle de la defaite su- bie par I'armee de Sicile, il y avail representation au theatre; parmi les speclateurs nombreux qui assistaient a celte solennile, il s'en trouvail , sans doule, plus d'un qui allail avoir a deplorer la perte de quelqu'un des siens , et cependanl aucun d'eux ne quitta sa place (1). D'apres le peu que nous savons du caraclere et des oeuvres des poeles comiques, conlemporains d'Aristophane, nous avons lieu de croire qu'eux aussi, ils inclinaienl vers les anciennes croyances el les vieilles traditions plulot que vers les idees nouvelles, qui se faisaient jour de toules parts; que, comma lui, ils combattirent Euripide et Cleon, les sophisles et Socrale, c'esl-a-dire I'esprit nouveau , bon ou mau- (t) Athen., Banq., IX, 26. — 45 — vais, sous quelque forme (lu'il se presentat. Comme Aristophane, tout en altaquant les demagogues qui succederenl a Pericles, Cleon , Cleophon , Pisandre, Hyperbole, Alcibiade, et mfime Pericles (1), ils proposenl non-seulement de fermcr les ecoles des philosophes, mais encore de reculer de trois genera- tions en arriere, de revenir aux temps de Marathon, comme si les peuples pouvaienl remonler le coursdes siecles. Eupolis, dans ses A/)|U.o£ , rappelle les citoyens degeneres a la stride observation de I'anlique disci- pline ; Pherecrale , dans ses t\ypLoi , relegue les bons citoyens au fond des forets, parce qu'il leur serait, dit-il , desormais impossible de vivre dans une ville aussi corrompue qu'Athenes ; Crates, dans ses Qnpicc, oppose les moeurs des ancetres au nouveau mode d'education de la jeunesse, et invite les Atheniens a ne point se departir des vieilles institutions et de I'anlique discipline, qui ont place leur ville si haul. Presque tous s'en prennenl a Euripide , chez qui I'influence de I'esprit regnant se laisse voir jusque dans ses cliefs-d'oouvre les plus remarquables. Pour eux , le veritable representant'de la tragedie, c'est (1) Eupolis, dans son MKpi/.aa . atlaqua Hyperbole; clans ses AjTpar-cuToi , Pisandre; dans ses Ta^iapyoi, Phormion, et dans ses Ko>Kx=4, Alcibiade. Hormippus railla Hyperbole dans ses ArfaTio^ti?, et Pherccrate, Alcibiade. Qiiant a Pericles, Aristopbane n'ayant commence a ecrire que trois ans apresla mort de cet homme d'etat, il ne put I'allaquer; mais ses devanciers ne I'epargnerent pas. Cratinus i'appelait le pcre des Dieux, le plus grand des tyrans, le fils aine du Temps et de la Brigue. Uu autre le sommait de jurer qu il ne se ferait pas roi. Teleclide disait qu'il retaitdeja. Ses amis etaient dcsignes sous le nom de Pisistratides ; Aspasie, qu'il avait cpousee. aprrs avoir repudie sa premiere femme, etait a])peloe tour-a-tour Omphale. Oejanire, .lunon. — 46 — Eschyle , le poele des guerres mediques , 1(3 gueirier xje Marathon et de Salamine, dont les vers brulanls et pleins du feu de la gnerre soulevaienl, au theaire, de frenetiques applaudissements ; qui faisait dire a I'ombre de Darius , s'adressant aux vieillards de la Perse: « Gardez-vous d'allaquer jamais le pays des » Grecs, voire armee ful-elle encore plus nombreuse n que celle de Xerxes, car la terre meme combat » pour eux; » qui montrail aux Albeniens, enivres par leurs succes, I'Asie aballue « tombant lourde- » ment sur le genou , » et faisait entendre sur la scene ces paroles propbeiiques : « Les nations de » I'Asie ne se prosterneront plus , le front dans la » poussiere , devant la majeste souverainc, car la » puissance du roi a peri ; » et celles-ci bien plus significalives encore : « La langue des hommes ne » sera plus enchainee , le peuple aflVanchi exhalera i> libremenl sa pensee , car le joug de la force est D brise (1). » Mais la plupart de ces poetes sont tombes dans I'oubli, quoiqu'ils aient marcbe sous les memes en- seignes qu'Arislopbane, et qu'il leur soil arrive plus d'une fois de voir leurs pieces preferees a celles de ce dernier. Comment expliquer un abandon aussi cornplet, et d'ou vieni qu'Aristophane passa generale- ment , non-seulemeat pour le representant de I'an- cienne comedie grecque, mais encore pour le maitre du genre ? Est-ce a cause de son imagination puis- sante cl feconde , ou parce qu'il reunissait dans sa (I ) Tele(;lide a fait son eloge. Platon, dans ses Aaxuvsj, compare «n mauvais poule a un bon qui est sans doute Escliylc. Tous ces poetes s'inrlincnt egalement devant le genie de Sopliocle ; ainsi •i'lirvnius, (l.ins ses Mcujai ; Cratinns, dans ses hou/oioi, etc. — 47 — pcrsonne Innl de qualites opposecs, la verve sarcas- tique et la reverie, le calcul de la raison ci les elans lyriques, la fougue indomptable de la pensee el I'ex- quise perfection de la forme ? Esl-ce a cause de la physionomie unique de son style , de I'harmonie toute musicale de sa poesie , et de la prodigieuse variete de ses inventions comiques, ou parce que, comme il le dit lui-merae , « il est le scul qui ail » force ses rivaux a ne plus rire des haillons el a ne » plus faire la guerre a la verveine ; le premier qui » ait decrete d'accusation et banni ces liercules qui D broyaient du pain, ces gueux affames, ces vaga- )) bonds vivanl de Iromperies el venant d'eux-memes » s'ofYrir aux coups ; le premier qui ait ecarte ces » esckives qui criaient toujours.... ; et qui, suppri- » manl loules ces fadaises et ces lazzis ignobles , ail )) agrandi son art , vaste edifice flanque d'expres- » sions raagnifiques , de pensees el de plaisanteries » sans trivialite (1) ? » Ou bien est-ce le hasard seul qui a fait que ses oeuvres ont ele plus respectces que celles de ses rivaux , et ftmt-il admcltre que , si elles se fussent perdues comme ces dernieres , nous n'aurions qu'un nom a ajouter a la lisle de lous ces poetes qui n'ont ele admires que pour la beaute plastique dc leurs oeuvres , et chez lesquels il n'y a pas lieu de chercher des consolations ou un guide pour traverser les rudes senliers de la vie ? Toutes ces causes peuvenl avoir plus ou moins contribue a placer Aristophane au-dessus des poetes comiques , ses contemporains ; cependanl il est bon de remarquer qu'il fut redevable, en grande partie, (1) Paij', V. 739-750. — 48 — tie ce rang eminent auhmt a rinconslance du peuple alhenien qu'a la grandeur de sa nature de poele et au caractere positif el local de sa poesie. II a lui- menne conscience de cette excessive raobilile, lorsqu'il reproche a ses concitoyensd'oublier, avanl meme (jue I'annee se soit entierement ecoulee , ceux-la mOmes a qui il a prodigue naguere ses applaudissemenis (1). Telle est, en efTel, la cause principale de I'oubli re- grettable oil sonl tombes les rivaux d'Aristophane , phalange imposanle , ou figurent jusqu'a quarante poeles, donl quatorze , au moins, debuterent avanl lui , et donl les pieces se sonl elevees, dit-on, a trois cent soixanle-cinq (2). El cependant , ni le talent, ni les circonslances, ni meme le succes ne leur ont fait defaut , chaque fois qu'ils se presenlerent devanl le peuple d'Alhenes, pour solliciler ses suffrages et conquerir la palme du triomphe. Dans le nombre, il en est deux surloul, Eupolis et Gratinus, qui s'ac- quirenl une reputation eclatante , el qui meriterent d'etre places sur la meme ligne qu'Arislophane par le grand critique latin (3). Ce sonl la les trois prin- cipaux represenlants de I'ancienne comedie, et nous les trouvons reunis au debul d'une satire oil Horace semble regretter cette liberie de lout dire qu'on n'avail plus dans la Rome d'Augusle (4). il) Chevaliers, \. jiO. (2) Athenee , XI. (3, QoiNTiLiE>, Inst. Oral. X. (4) Sat. I, 4 : >< Eupolis, Cralinus et Aristophane, et tousles autres " poetcs de raiicienne comedie rencontraient-ils quelque caractere " digne d'etre dessine , un mechant, un impudique, un coupe- o jarret, ou tout autre vaurien , ils ne se genaient pas pour lea — 49 — Cralinus, a en croiie Ics temoignages de ranliquUe, I'emporta memo siir Arislophane |iar la vehemence de ses sarcasmes el le serieux de ses allaques, par la force de I'expression el I'cncrgie quclque pen sauvage avec laquelle il denonrait les meclianls a la vindicte publique el les chatiait dans ses drames « avec un fouci public (1). I' Democrite FappoUe le plus ad- mirable des poeles ; selon Ini, il n'aurait compose que des esquisses, des cadres generaux, abandonnanl a cenx qui viendraienl apres lui le soin dc les com- pleter, deles remplir. Arislophane, lout en critiquant son penchant a la boisson (2), rend justice a son merile, en declarant qu'il aurait merile d'etre en-' Irelenu au Prytanee, el de parailre au theatre, par- fume d'essences et assis aupres dc l;i statue de Bac- chus (3). Mais ce poele, qu'on avail applaudi, autant a cause de son grand talent, qu'a cause de sa diction male el vigoureuse que Suidas compare a celle d'Eschyle , et qui, par ses aitaques rudes el parfois brulales {^) el par I'a-propos de ses saillies , avail, pour nous servir di's expressions memos de son rival, semblable a un loi'rent deborde qui renverse lout ( 1 ) S'JV Or,/J.07lX //KTTiyt . (2) Paix, V. 703. (3) Cheoal., v. j33. II est (lit dans le texte : " tie boirc an Prytanee. ■■ (4) Voiei un passage iiui pi-oiive (ju'il ne se laissait pas toujours entrainer par son aprete satiiiiiue. et qu'il s'enlenilait egalement a loner les liomnies de bien ; " Et moi , je nie tlaltais que cet » homme divin et le plus liuspitalier dn inonde, le |)reniier des >■ Grecs en toulcs vertus, Cimon entin, me ierait passer heureu- )'. sement ina vieillesse dans une donee ahondance, a ses cotes, ■■> jnsqn'a la fin de nies jours. Mais Cimon ma laisse, il est parti J' avant moi. » xxviii, -4 — 50 — sur son passage, lerrasse lous ses adversaires (1), se vit pen a peu delaisse par un public inconstant. II elait arrive a un age Ires-avance sans avoir encore pu oblenir aucune palme lillcraire, el Aris- tophane I'avait represenle comme lombe en enfanee : « On se rappelle Cralinus, » dit le ChcEur, « lui qui » autrefois nageait dans la gloire aujour- » d'bui, on le voil sans piiie radoler avec sa lyre, » donl les chevilles sont perdues, dont les cordes » sont brisees et les joints disloijues; on le voit, >) dans sa vieillesse, errer comme Gonnus, le front » ceinl d'unc couronne fletrie et mourir de soif , lui » qui eul merile par ses anciens triomphes les hon- » neurs du Prylanee (2) » Cratinus avait alors plus de quatre-vingl-dix ans ; il rompit loul-a-coup le silence , auquel il paraissail s'etre condamne, pour produire une comedie reniar- quable, son chef-d'oeuvre a lui, oil, repondant ha- bilemenl aux railleries d'Aristophane (3), il leussit a meltre les rieurs de son cote; et la palme ravie par lui a son adversaire, qui venaitdefaire reprcsenter pour la seconde fois une de ses meilleures pieces, celle des Nuees, prouva suffisamment que ni I'age , ni le vin n'avaient affaibli son talent el sa raison ('4). (1) Cheual.. v. 526 (2) Op. cit. (3) Cheval., v. 399 et suiv. (i) DansccUe piece, intitulee la Pytine, et dont nous possedons ?oixante-dix vers en tout, la Comedie, on plutot la Muse comique, deventie I'epouse de Cratinus, annonce aux amis du poete quelle est decidee a se separer de lui, pour cause d'incompalibilite de raractcre, et meme a lui intenter un proces en donimages-intercls. I.es amis la supplient de nc rien precipiter, el lui demandent la iMuse de son nu'contentemcnt. Ellt- lour repond que son mari lui — 51 — Eupoiis n'etait non plus un rival a dedaigner. Plus jeune ct plus ambilieux (|ue Cratinus, il ful le mailre d'Aristophane, ct on s'accorde presque gcneralement a vanler son imagination riclie el feconde, sa diction aussi pure qu'elegante, une certaine grace dans sa maniere de s'exprimer, qui n'excluait ni le serieux, ni la gravite (1). Ce pocte possedait a un haul degre le courage civiquc , qui fonda et assura en grande parlie la repulaiion d'Aristophane ; comme celui-ci , il ne craignit pos de poui'suivre de ses sarcasmes le so- phiste Simon, qui etail en meme temps un deshommes d'Elat les plus influents d'alors ; il alio meme jusqu'a lui reprocher d'avoir pille secrelenient le tresor d'Heraclee (2) ; commc hii encore , il mena assez est (levetiu odifux, tlepuis i]iril ne s'occupe plus d'clle, cl que, tout enller a Mellie (rivrogiierie), il u'liciil plus rien |)our la sceii«, cl ne fait que se livrer a la lioisson. <■ Mais comment le guerir ? « (lemande le Cheeur ; " qui pourra I'empeclier de boire et de s'eni- vier? " Cratinus survient: « Peut-etre, » dit-i! au Chceur, c'est. a-dirc a ses amis, « ne connaissezvous pas les fourberies de ma partie adverse; '• et sans doute il se pkignait de ce qu'elle ne lui donnait que du viu frelate, ou meme de ce qu'elle 1 ui faisait enduier parfois le su|)plice de la soif. Eniiii, apres bien des difficultes de part et d'autre, les deux parties se reconcilieut, a condition que Cratinus renoncera a Metbe , et les amis du poete s'empressent aussitot de briser toutes ses amphores. « Quoi ! » s' eerie celui-ci au islrate, v. 191. (3) Ab., Gren., v. 577. (4) yuees, v. 54.t, et schol. (5) (".eUe (lerniere assertion uvait d'autanl plus de vraisemblance, qu'on a rill devoir levpinliquer en faveur d'Eupoiis, un certain uomlirp lie vers de la eoniedie des Chevaliers, v. |-28i-i:U-2. -- 53 — posfe produisil I'iinpression voulue, el que les rieurs se loiirnerent centre Arisloplinne , car celiii-ci re- proclio avec une cerlaine amei-lume aux Atheniens d'encourager par leurs applaudissemenls des poeles tels iiu'Eupolis , Hermippiis el aulres , qui ne t)ril- laient, disail-il, ni par leur goul, ni [)ar leur mo- ralile (1). Mais la blessure elail faile, el il fallail du temps pour la guerir. Ce qui le prouve mieux que toute autre chose, c'est qu'Aristophane a fort sou vent besoin de rappeler aux Atheniens les services qu'il leur a rendus, en atlaquant Clcon dans sa toute-puis- sance (2), el de denigrer son ancien maitrc, en le represcntanl couranl de palestre en palestre el. dc gymnase en gymnase, el cherchanl en loule occasion a capler les suffrages des jeunes gens dans I'interel de ses triomphes h venir (3). Les aulres poeles coraiques de celle epoque nous sont peu connus; cependanl nous avons lieu de croire que plusieurs d'enlre eux ne resterent pas au-dessous de Cratinus el d'Eupolis, Plalon, dont nous avons d^ja parle; Magnes , dont plusieurs pieces furenl applaudies el en parlie imilees .par Aristophane (4); Amipsias, qui attaqua Socrate avanl que I'aulcur des Nuees le traduisit sur la scene, el Crates, a qui Aristophane reprocha, comme a Cratinus, de puiser ses inspirations dans le vin (5), ct qui ne se laissa (1) Nuecs. T. 553-i55. (2) Paix, V. 765. (3) Paix, V. 7C2. (4) Co poL'te coniposa plusieurs conii'dics qui eurent du succis : les Joueuses de luth, les Lydiens, les Oiseaux, les Moucherons, les Grenouilles. — Abist., Cheval., v. :>\9. (o) Dans les secoiules Tltesinojihoriazuscs, piice perdue d'Aristo- pliane, il etait fait niciiUoii de Crates a propos d'un plat de vinnde - 54 - jamais decouragec par ses echecs assez frequents ('f). On le voit , Aristophane ne ful pas le seul poele comique do son temps ; il eul a lutler conlre des rivaux donl les arraes elaient aussi Iranchantes que les siennes , et donl les productions furenl souvenl preferees a ses comedies , meme les plus remar- quables. Mais d'oii vient qu'il se placa , des sc^n de- but, non pas a colt-, mais au-dessus d'eux , dans I'eslime de ses contemporains , el que la poslerite n'a fait (jue lalifier I'arrel do son siecle? G'esl qu'il etait tout particulieremenl I'liomme de son epoque , le poete alhenicn par excellence, au point que Platon le Philosophe envoya , dil-on, ses oeuvres au lyran de Syracuse qui avail temoigne le desir de connaitre de plus pres la ville de Pericles ; c'est que , parlout dans ses oeuvres, sc revelent une connaissance appro- fondie des choses de la vie, une observation fine el penclranle, digne a la fois d'un poete ol d'un sage;, c'est qu'il savait ailier a un tres-haul degre le plai- salee, zi.i-^u.-ixvi'j-i, donl ce poele avail parlti dans sa eomedie des- Samiens. Voici les vers d Aristophane, lels qu'AUienee nous les a conserves: « Certes, la poesie des vendanges est la plus agieable » de toutes;elle fournissait a Crates, sans qu'il sedonnat beaucoup- » de peine, de magnifiques plats d'elephantinon, et milte autreS' » mets exquis comme des grives. »- C'esl lui, du reste, qui, dans sa piece des Voisins, introduisil le premier role d'homme ivre qu'on eiit vu sur le theatre d'Athenes. (I) << Et Crates, que d'orages, que de sifflels n'a-t-il pas eu a » essuyerl 11 savait vous regaler a pea de frais, et vous servir " d'une maniere delicate les pensees les plus ingenieuses; lui seul, » loutefois, il a pu se soulenir dans une alternative de chutes et de » succes. " Cheval , v. 537 el suiv. Crates, par ccla nieme quil evitait les personnalites, se rapprocha davantage dc la ci>medie sicilienne, telle qu'Epicharnie la de- veloppa. — 00 — sanl au serieux , com me il le dil liii meme (1). « 11 avail I'audace ainsi que la force qui juslifie Taudace, et , avec ceia , une gaile franclie el nalui'clle , Line inspiralion pleine et coulanl de source. I! comprit que I'esprit de ciilique laisail a la Puis la gloire el la ruine de son temps; il lui pril ses armes pour le combaltre. II fut revolulionnaire contre les revolu- tionnaires qui regnaienl , et les attaqua sans peur , sans honte , sans pilie , sans mystei'e el sans choix. C'est qu'il sut remuer avec une egale puissance les machines dramaliques les plus bizarres el les plus grands interets de son lemps , si bien que , dans un genre si conlraire a nos habitudes , el au milieu de tant de causes d'elonncmenl, lorsque nous lisons les comedies d'Arisloph,ine , c'est encore son genie qui nous elonne le plus. Dans les regions de I'art ou il a marche, il est roi. Son .Myle a des fougues inat- tendues ; a chaque inslanl, il saute plulol qu'il ne passe d'un chant lyri(jue a une serie de jeux de mots, d'une parodie a quelque dissertation oratoire. Mais c'est au genre meme de la comedie ancienne qu'apparliennent ces incoherences el ces inegalites, et elles n'empechent pas Aristophane d'etre un des plus exqiiis parmi les poetes lyriques. II faut mellre a part ses nombreuses el honleuses obsceniles ; elles nous revoltent : elles n'alleraient cependanl en rien, aux jeux de ses audileurs , la purele de sun gout comme ecrivain. La purete de gout, chez les Grecs, ne comprend pas necessairement la chaslete des pensees. Les Grecs, malgre leur allicisme, de meme que les Latins, malgre leur urbanile, bravaient aussi '1) Grtn , V. :J85. riioiiiielclc dc's niols, cl ce fin sel ;illi(|iie, iloiil on n lanl pni'lc , ressemblnit souvent au gros sel gau- lois (I). » Mais |jnur(|iioi Arislophane, iisanl de son privilege ct de ses droits de poele eomique, a-l-il cru devoii* I'aire de Socrale I'oLjet de ses railleries et de ses satires les plus aineres? Comrnenl cet ecrivain, dont Xeno|jhon cite, en plus d'un endroil , les plaisan- leries el les saillies sans y mellre la moindre araer- lume, el dont Platen nous a represente I'ame comme le sanctuaire des graces; qui, comme tous les grands ecrivains de la Grece, ctait un peinire admirable^ a-t-il pu tracer un portrait de Socrale si different de celui que nous ont laisse ses disciples? Faul-il ad- niellre qu'il s'esl Irompe dans son apprecialion , ou bien qu'il a voulu nous induire en erreur? C'esl la une question fori grave, et que les considerations, dans lesquelles nous avons cru devoir enlrer , nous permelli'onl de resoudre plus aisement. Si Xenoplion elPlalon, qui defendirenl la menioire de leur niailre venere avec un zele que peuvenl seuls expliquer les sentiments d'amour et de reconnais- sance dont ils etaient penetres pour lui , el avec une admiration qui allail jusqu'a renlhousiasme , avaient seuls cnlrepris de depcindre le Socrale del'hisloire, nous pourrions dire avec quelque raison que nous ne possedons qu'un tableau incomplel, c'est-a-dire nn tableau ou les ombres manqueraienl; ct letemoi- gnage si eclalanl, rendu par I'oracle de Delphes, palirait meme devanl cetle apologie tliclee par des convictions aussi genereuses autanl que par le genie. (2)G. I'm 17.01, lissai siir Menandre, p. 387-388, 3U-342. .)7 — Plalon nuns le lepresenle cohihk^ un liomtnc (|ui ne connait d'aulre jouissance que cle I'aire de la verlu Tobjel de ses entreliens de chaqiie jour; qui , non conlent de la reconiniander et de renseigner, s'alla- che encore a la |)raliquer avec fidelite. Son niaitre cheri , a I'enlendrc , aurail luerile d'etre enlretenu au Prylanee a cause des services reels qa'il avail rendus a son pays, et on aurail eu bien tori de I'accuser d'avoir meprise les Dieux de I'Elat , puis- qu'il declarail, au contraire, a (|ui voulait I'entendre, qu'il croyait devoir obeir plutot au Dieu qui le solli- cilait ([u'ri ses juges , qui, au fond, n'elaient que des hommes comme lui. Qu'il est emouvant le tableau qu'il nous fait de la mort du sage ! Celle morl est aussi exemplaire que sa vie ; il sail qu'en donnant celle-ci ., il niarche au-devanl d'un avenir nieilleur, puisqu'a ses yeux ki niort n'est autre chose (ju'une guerison , une delivrance. Aussi , est-ce avec le plus grand serieux qu'il recommande a ses amis d'iai- moler un coq en I'lionneur d'Esculapc ; ce furenl nieme ses dernieres paroles , et Platon , comme do- mine par I'impression encore recenic de ce moment solennel , s'ecrie : « Telle fut la fin de cet homme, » qui, au moment de la mort, se montra le meilleur » des bommes, et pendant sa vie le plus sage et le » plus juste [\). » Xenophon ne reste pas en arriere de Platon, quand il s'agit do faire I'eloge de son niailre; aussi, n'esl-ce pas un panegyrisle proprement dit qui parle , lorsqu'apres avoir defendu Socrale avec une fermelc rare, il termine ainsi son apologie : « Que ceux qui ne partagent pas mon opinion , (1) Plato>, Phedon, (in. - 58 - » comparenl les niceurs ties aulres homines a celles » de Socrale , el qu'ils jugent (4) ! » Mais a cole tie ce porlrail, oil loui est liimiere en quelque sorte, nous en possedons un Qulre, beaucoup moins flatleur , celui qu'Aristophane nous a trace dans sa comedie des Nuees , el oil le philosophe novaleur est Iraite avec un sans-fa^on el une cruaule qui revollent. C'esl bien a lorl qu'on a cru devoir le considerer comnie une espece de masque , derriere lequel le poele envisageait les sophisles , c'esl- a-dire les representanls d'un parli qu'il delestait en sa qualile de poele el de palriole ; le Socrate qu'il nous depeinl est, a n'en pas douter, le Socrale que nous connaissons, celui de I'hisloire , el nous en avons pour preuve, a cole de la ressemblance frap- pante des personnages , les paroles memes que Plalon et Xenophon niellent dans la bouche de celui qu'ils defendent. Xenophon, il est vrai, ne nomme Aris- topbane nulle pari ; il se borne a ciler , comme empruntes a I'acte d'accusalion , les griefs formuies conlre Socrale, son mepris a I'egard des Dieux re- connus par I'Elal el I'influence pernicieuse que ses doctrines exercenl sur la jeunesse. Mais c'est preci- semenl sur ces griefs que repose, d'un bout a I'autre, la piece d'Arislophane, el il parail hors de doute que Xenophon avail en vue, non pas seulement les accusations qui pourraienl se produire par la suite , mais encore les assertions du poele comique , qu'il regardait corame aulant de calomnies suggerees par la inalveillance. Plalon , dans son Apo/o^je, nomme Aristophane par son nom , el il fail dire a Socrale (1) Xfe>opiioiv, Mewninh., fin. - 59 - qu'il le redoule , lui ct ses pareils, plus encore ([a'Anylus cl ses paiiis.ins. Le passage de I'acle d'ac- cLisalion , ou il esl dit que Socratc est un hommc impie, s'occupanl de ce qui se passe sur la lerre ef dans le ciel, et faisanl passer pour blanc ce qui est noir, semble emprunle mot pour mot au texte meme de la comedie. Socrale ne dit-il pas lui-meme : « Vous » avez vu vous-memes quelque chose de semblable » dans la comedie d'Aristophane , oil Ton yoit appa- » raitre un certain Socrale , qui pretend qu'il pcul B monter au ciel en s'elevant dans les airs, et faire !> plusieurs aulres prodiges do ce genre, auxquels » je ne comprends absolument rien (1) ! » Aujourd'bui , il n'est presque personne qui songe a contester ridenlitc du Socrale de I'hisloire avec celui des Nuees : « Socrale jeune est traduit devant » le peuple pai' Aristophane ; Socrale vieux, devant )i I'Areopage ; toujours le meme Socrale, comme » Tespril qui inspira Aristophane , el celui qui dicta » la sentence de I'Areopage etait aussi le meme » esprit (2). » Mais si c'est reellement le Socrale de I'hisloire qu'Arislofihane a voulu represenler, il faul admetlre aussi qu'un mailre aussi consomme dans son arl n'a pu nous donner qu'un portrait ressemblanl du philosophe. Les comedies d'Aristophane apparliennent , par la mise en scene des personnages et I'habile disposition de ses materiaux, aux productions lilleraires et artis- tiques les plus parfaites de Tanliquite. Deja le litre (1) PL\joji,Apologie, c. 3. (2) Cousin, IVouveaux Frayinentiphihsophigues, 1828, p. 159. -^co- de chacune d'elles, oiuprunte aux personnages me- mes dii Cliu3ur ^ temoigne d'une grande habilele et d'une sagacite remanjuable ; le speclaleur se Irouve amene comme par enchanlement au coeur dii sujet, meme avant que I'aclion elle-meme ait commence. Les Oiseaux , par exemple , sont comme la person- nification vivante des vagues projets et des esperances chimeriques que le peuple alhenien avail couqus et nourrissail au sujet d'une domination universelle a I'epoque de la desaslreuse expedition de Sicile. Les Guepcs , dont Taiguillon est une menace pour tout le monde , sont une image fidele de la manie des proces el de la fureur de calomnier el de de- noncer, qui etaienl alors une des plaies les plus affligeantes de la sociele alhenienne. II en est de meme des Nuees , qui represenlent a la fois ce qu'il y a de plus eleve et de plus futile ; le poele a voulu cnracleriser par ce scul litre la nature et les tendances de I'ecole pliilosophique , dont il livre le chef a la risee publique. Or , il est evident que les railleries , donl Socrate est I'objet , constituent I'idee principale de la piece, dont tous les autres points ne sont , a proprement parler , que des accessoires , destines a la faire ressorlir davantage. On aurait done tort de regarder Slrcpsiade et Phidippide comme les person- nages principaux, el d'admellre que le poete a voulu traduire sur la scene , non point un individu deter- mine, mais i)lul6l un symptome de desorganisation , une tendance dangereuse de I'epoque, comme si Socrate n'elail pas accuse par lui, non-seulement d'avoir porle une atteinte mortelle au caractere sacre de la vie de famillc , mais encore d'avoir ebranle par ses doctrines I'ordre public et la religion, cl tout ce — 61 — qui en depend. A ce poinl de vue seulement , la piece conserve son unite indispensable , el le litre que I'auteur lui a donne , son veritable sens el toute son importance. Socrale, on ne saurail en douter, est le personnage principal dcs Nuecs, et si le poele ne le fait pas ap- parailre avant les aulres, c'est (ju'il a voulu preparer en quelque sorte les spectateurs a son entree en scene, en laissant a un liers le soin de les inilier au- paravant a ses idees et a sa maniere d'etre. Ce tiers, c'est Slrepsiade, ciloyen d'Atbenes s'occupant d'agri- culture, et allie par sa femme a I'illuslre famille des Alcmeonides. Le luxe de cette femme, qui croit devoir soutenir ce qu'elle appelle son rang, et les folles de- penses de son fils, qui, gate par sa mere, s'est pris d'une passion irresistible pour les chevaux, ont lel- lement endetle ccl liohnme accoutume a une grande simplicite , qu'il a perdu le sommeil , tant il a de soucis (1). Apres avoir longlemps reflechi aux moyens de se souslraire aux poursuites de ses creanciers , il se decide enfin a faire entrer son fils Phidippide a I'ecole de Socrate, pour qu'il s'y forme a I'arl utile de la parole. II arrive avec lui devant une maison d'une apparence plus que modeste , ou le philosopbe a etabli son atelier, son pensoir.ccC'esl ici, » luidil-il, « la demeure des personnes aux mains desquelles » j'ai I'inlention de le confier ; ce sont des penseurs, » fort honnetes gens, du reste (2). » On s'atlend (I) V. ^38. (i) V. I'ai- le niotde /x-si/jivsppovTr^Tyi. , le poele caracteiise rriine maniere fiappaiile la sagessc et leruilition dcs ecoles , qu'il oppose «ii\ lilires coneepliiiiis du ,uei)i(^ poelique, el par celui de /v./at - 62 - peiil-(Mre a oe que Socrate se presente lui-meme pour recevoir ses holes; mais le chef ties songe-crenx , a I'exemple des personnes de quelque importance, juge bon de se faire altendre et desirer. C'est un de ses disciples qui ouvre a Strepsiade , el en voyant I'air d'importance et de mystere que celui-ci se donne, on doit necessairement s'allendre a mieux encore de la part du mailre. « 11 faulelre bien grossier, » s'ecrie ce personnage , « pour venir frapper si brulalement » a celte porte, et faire avorter ainsi les conceptions » de mon esprit. » Voila la doctrine de Socrate de- peinte d'un seul coup de pinceau ! Apres celte double allusion a la maniere de proccder du mailre et aux occupations de sa mere , I'auteur entre dans quel- ques details propres a faire ressortir le vide de celte doctrine. « Quelle est done celte pensee que j'ai fail 9 avorler? » demande Strepsiade. a Je vais le le dire; » mais songe que c'est un mystere, o repond son interlocuteur; << apprends done que Socrate demandait » toul-a-l'heure a Gherephon combien une puce pent » sauter la longueur de ses pattes. » Tel est done le sujel des speculations transeendantes de Socrate ; telles sont les graves questions dont s'occupe ce phi- losophe , qui traile les autres hommes , et surtout les poetes , avec lant de dedain , et qui recouvre sa sagesse du voile du mystere ! Le naif disciple ne s'en tient pas la ; il raconte a Strepsiade un autre trait encore plus plaisant. Ce meme Gherephon, dont il vient d'etre question, a demande a Socrate si le bourdonnemenl des cousins provient de la trompe ■xoc/aSoi. , il fail allusion a ceUi' perfection du coips el de ramc, qui, seion Sociale, dcvait eire le but final de toute ]>liiIoso{)liie. — 63 — ou (ju derriere, et Socrale a r^solu cede question avec un sericux tout aussi ridicule que la premiere (1). La porta du pensoir s'ouvre lout-a-coup , el les deux visiteurs se trouvent en presence de jeunes gens dont le dos est courbe el dont les regards sont fixes vers le sol : « lis veulent penelrer dans les profondeurs » du Tartare, » dit le disciple; et noire honnete cam- pagnard, qui n'entend rien a celte phraseologie, fait observer naivement que, si c'est pour chercher des oignons qu'ils se baissent de la sorte, il est inutile qu'ils se meltenl davantage en peine, qu'il peul leur dire ou ils pourronl en trouver de beaux el de bons. D'aulres dans une altitude assez bizarre, etudient I'astronomie el la geomelrie, ets'occupent des moyens de mesurer la lerre, landis qu'apres chaque revers que les Atheniens subissent, les Lacedemoniens leur enlevenl une portion de leur lerritoire. Slrepsiade fait observer a son cicerone avec beaucoup d'a-propos, qu'il vaudrait mieux cbercher a se debarrasser de la presence des Lacedemoniens, que de se fatiguer ainsi inulilement a mesurer un lerritoire que Ton aban- donne d'une rnaniere si honteuse. Enfin, Socrate parail ; nous avons lieu de croire qu'Aristophane le produil devant les spectateurs avec sa face de Silene bien connue, jetant des regards de dedain sur la lerre du baut de son panier qui se balance dans les airs. S'il est vrai que c'est le plus souvent de la premif^re impression que depend le succes d'une oeuvre quelconque, il faul convenir que le poete n'aurait pu inventer une rnaniere plus plaisante de faire paraitre son heros aux regards d'un public im- (1,1 V. li'i, i.,8. -- 64 — palienl de Ic voir. Gelle enliec en scene est, en qiiel- que sorle, un point de rallache pour loules les railleries qui pleuvenl sur Socrale d'un bout de la piece a I'aulre, el qui ne cessenl qu'apres que la maison a ele demolie de fond en comble , et que les Dieux of- fenses par Socrale ct ses disciples ont ele dument venges (1). Arislophane n'epargne pas plus la personne exle- rieure de Socrale que son caraclere ; il critique tout i la fois son humble extraction et sa laideur prover- biale (2), sa salete el sa raalproprele, ainsi que I'etal; de maigreur rebutanl de ses disciples ; il les represents « commedes homines liabileset pleins dc sens, qui, I) par economic, ne se font jamais roser, ni parfumor, » quine prennenl jamais des bains de proprete (3). » Socrale est une espece de va-nu-pieds; et comme ni lui, ni ses disciples ne sorlent jamais pour prendre I'air, ils sonl pales, extenues et reduits a I'elat dc fantomes ; a les voir ainsi malpropres et amaigris, on les prendrail pour des Lacedemoniens fails pri- sonniers a Pylos (-i). Quant au caraclere , Arislophane s'attache surtout a faire ressortir lout ce qu'il y a de vide et de pro- tentieux dans les allures mysterieuses de Socrale et de ses adeptes; rien ne manque au tableau, ni la demarche haulaine, ni le regard dedaigneux, ni le sentiment cxagere de leur propre merile ; ce sont lout aulanl de traits qui convionnent de tons points (1) V. I JO'J '■ Ma/iTTK o'eiooj; t^v; 0£ou; w; v;ot/6Uv. (-2) V. 8. {3) V. 835 ct suiv. *i) V. 102, 188. ^ 65 — au personnage que le poete nous represente raarcliant dans les airs, conlemplant le Soleil (1), el jelant, €omme le dit fort nai'vemenl Strepsiade, du haul de son vehicule aericn, des regards do mepris sur les Dieux eux-niemes (2). On croit entendre parler un etre divin, lorsque Socrate, que ses disciples ne de- signent que par I'expression aurc?, dit au campagnard qui le salue: « Que veux tu, clielif morlel (3) ? » Celhomme, qui a le pouvoir de demander au ciel ses secrets, est cependanl I'ctre le plus gauche, le plus inexperimente qu'on puisse iraaginer; il ne fait que batlre le pave, tuerle temps ;4), ettoute son habilete consisle a discuter avec subtilite , a discourir sur des futilites , a contredire el a rompre argument contre argument (5). On a peine a en croire ses jeux , lors- qu'on le voit faire precisoment ce qu'il reproche aux sophistes, enseigner la sagesse pour de Tar- gent (6) , et sorlir de la palestre avec un manleau qu'il a derobe (7). La doctrine philosophique, dont Socrale est le re- presenlant, esl tout aussi maltraitee que sa personne. C'est encore le meme vide , ce sont les memes pre- tentions ; elle fait de miserables futilites I'objet de ses speculations (8), el le poete ne peul Irouver des expressions assez severes pour la (|ualifier et la stigma- (IJ V. 2-27. (2) V, 229. (5) V. 22t. (4) V. 316 : A.pyl>^ a.oo'j.E-:yj.i. lb) V. 317-319 : r/oj-rrsTrpojJnv, ffr-vsisj/siv , e'lc . (6) V. 98. (7) V. 179. (8) Le saut d'uiie puce, Ic bourilonnemenl il'un moiicheron, etc. XXVIIT. 5 - 66 - tiser(l). a Ce que c'esl que de sc passionner pour de pareilles frivoliles ! » s'ecrie Strepsiade desabuse (2), el voila celle doclrinejugee sans appel et sans retour. Copcndant, si celle philosophic ne faisoil autre chose que mesuror le saul d'une puce el mediter sur I'ori- gineet la nature du bourdonnemenl d'un moiicheron, on se conlenlerail de sourire, ou lout au plus de re- pondre avec Strepsiade : » Mais a quoi bon apprendre » ce que nous savons (3)? » Socrale ne se bor- nail pas a enseigner a ses disciples ce que tout le monde savail : « Ne vois-lu pas comine il est * bon deludier? » demande a son fils Strepsiade enclianle; « il n'y a pas de Jupiter, mon cher Phi- dippide (4 . » — « Par quels Dieux jures-tu done, » demande Socrale a Strepsiade, « car il faut que tu » saches que les Dieux n'ont point courschez nous (^5). » JV'esl-ce point la , nous le deraandons , mais appro- priee aux exigences de la scene comique, I'accusalion d'impicle qui ful plus lard dirigee centre Socrale, et doni il est fait mention au commencement des Memoircs de Xenophon? La croyance aux Dieux est traitee de vieillerie, et ceux qui la professent encore sonl des enfants : « Quelle folie ! » dit le pere a son tils ; « lu crois a Jupiter, a ton age (6) ! » — « Quel » Jupiter? Tu te moques, » dit Socrate a son inlerlo- cuteur; « il n'y a pas de Jupiter (7). » (1) A.E;rT!)Toi.TOi iz/COi. Tzspt xo(.TZ'jCi>j ar£V8)8Tj(£iv, etc. (2) V 1303. 3; V. 693. (4) V. 818. (.">; V. 247. (6) V. 818, Sii. (7) \\ 3G7. - 67 - El si Ton veulsnvoir quelles sonl ces Diviniles nou- velles {y.xrjy. Axuxo-jisr.) que Socrale esl accuse , en outre, d'avoir invonlees, voici ce que nous dil Aris- lophane : « Elles seules (les Nuees) sonl deesses ; lout s> le reste n'est iien (1). » Ces diviniles d'unnouveau genre laissent derriere elles des traces inconleslablcs de leur passage ; elles donnenl aux liommes « la » pensee, la parole et Fintelligencc, le charlatanisme, » la loquacile, la ruse et la conqirehension (2), » et tout autour d'elles surgit, comme par enchantement, a I'instardes planles parasites, une nouvelle race digne du tourbillon {§lvo:), qui regne sur les Dieux et les hommes a la place do Jupiter dclrone : « Elles (les » Nuees) nouriisscnl la foule des sopliisfcs, des de- » vins de Thurium, des empiriques, et ces faineants » a longue chevelure', dont les doigls sont charges « de bagues, el ces fabricants dc chants a I'usage des » choeurs dans les fetes publiques, cl ces charlatans » qui predisent d'apres I'inspection du ciel , etc. , » etc. (3). » Celle nouvelle science des Dieux transforme aussi les conditions de la vie. Ce n'est pas seulemenl Jupiter qui a ele detrone, la justice a ete aussi ren- versee de son piedeslal : « Je soutiens qu'il n'y a pas » de justice (4). » Du moment oil Ton en a fmi avec les Dieux, il esl facile de prevoir la chute pro- chaine de Tedifice , qui s'ecroule de lui-meme ; la (1) V. 305. — Xciiophon el Aristophane emploient presque les niemes expressions : K«i 'j-jj/iv-GOai t^i,- Nspe/xi^ e» /o/ot» rait r,fj.-.T€pKiGLV ; convcrser avec les Xuees, iios diviniles. V. 2">2. ■ (2) V. 316. (3) V 331. {I) V. U03. - 68 - sainle pudeiir a perdu lous ses droits, et les lois sont violees inipunement (4). Comment, en effet, respecter encore les lois humaiiics, quand on ne respecte plus les Dieux? Une conseiiuence necessaire de tout cela, c'est que le serment devra perdre desormais toute sa valeur : « Par quel Dieu faut-il jurer? Jupiter, » par lequel on jure, est devenu un objet de risee » pour les gens inslruils (2i. » Le torrent, parti de ce pensoir etroit, debordera au bun, ravageant tout sur son passage, renversant toutes les barrieres qu'on pourrait lui opposer. Le secret de toute science con- siste a mettre les adeptes en etat « de refuter tout 0 ce qui est juste (3); » grace aux nouvelles idees , on pent desormais tout combatlre , tout refuter, meme les causes les plus justes. La jeunesse , egaree par une fausse honte , ne veut plus frequenter les ecoles {^) , les bains se remplissent de personnes oi- sives et avides de nouvelles, et les gymnases, ou les jeunes gens se livraient a des exercices salutaires , sont dcvenus deserts (5). Aucun homme sense ne croit plus a la noble vertu de la >j(^(^poavv/i : « As-tu » jamais vu que la modestie ait profitea quelqu'un (6)? o La jeunesse rechercbe la fausse eloquence avec autant d'empressement que, pendant les annees do disetle, on en met a assieger les boutiques des boulangers (7), et celui-la precberait dans le desert, qui recomman- (IJ V. 1400: Ka.. Tuv zaflearoT'jj.' VO//WV uTTspjjpov-tv 0'j>a7K,i. (2) V 1232. (3) V. 888. (4) V. 9t7. (5j V. 105i. (tj) V lo:)5. . ' L -. J (7) H;^, TCi-j C///4V i/.-riviiv, ov ci/!y,-/v.'/'.i. _ — 69 — derail la sagesse et la solidile dans les discours (1 ;. La manie des proces , consequence necessaire des progres alarmanls de celle sophislique oraloire , ne pouvait mieux eti'e fusligee que par cos paroles que le poele met dans la bouclie du creancier Pasias : « Quoi qu'il en soil, jamais, tanl que je vivrai, je ne » me montrerai indigne de ma patrie; j'appellerai i) Strepsiade en justice (%; » ou par celles-ci, tout aussi significa lives, que Strepsiade adi'esse a son fils : « Ta mine indique un homme prel a lout nier , a » tout conlredire ; a coup sur, lu sais placer ce mot * qui sent le terroir : Qu'as-tu a dire? et celte ma- » niere de paraitre offense, lorsqu'on offense el » qu'on maltraile les aulres. Tu as meme dans Ion » air le regard allique (3). » 11 ne faut done pas s'elonner que celle nouvelle melhode d'education produise des fils denatures, qui non-seulement mallraitent leurs peres , mais qui veulenl meme avoir raison a lout prix , lorsque , devenus habiles a manier la parole, ils vont jusqu'a soutenir les opinions les plus eiranges : « Et je le » prouverai , » dit Phidippide a son pere, « que j'ai » eu raison de le ballre (4). » Nous n'enlreprendrons pas d'analyser la discussion qui s'etablit entre le Jusle et I'lnjusle , car ce serail depasser les limites que nous nous sommes imposees; nous nous bornerons a faire remarquer combien Aristophane parait s'elre familiarise avec la termi- (1) M/j /ociiav /xo)/ov aJxjjjKi. (2) V. 12-20. (3) V. 1174. l-i] V. 1337. - 70 - nologic dc la nouvelle ecole. II suilit, dn resle, pour s'cn convaincre , de lire avec iiuelque altenlion la scene remorquable ou Socrate enseigne a Slrepsiade cc qu'il appelle de simples jeux d'espril (i). Tel est le porlrail (jue le poele nous a trace de Socrale et de son ecole. Ce porlrail esl-il fidele el ressemblant? Et, s'il ne Test pas, jusfju'a quel point s'ecarte-l-il de la realile? Nous n'arriverions pas a resoudre celle question , si nous nous atlachions d'abord a decider lecjuel des irois portraits est le vrai , celui d'Aristopbane , celui de Xenopbon, ou celui de Platon, cor nous serions, en definitive, force de reconnaitre qu'ils sonl tous les trois incomplets, chacun de ces grands peintres ayanl charge sa palette, el mele ses tons ct ses couleurs, a sa maniere et selon les sentiments (jui I'inspiraient. Pour reproduire puremenl et simplemenl le Socrale de la realite , il aurait fallu une impartiable , et meme une espece d'indifference que nous ne pour- rions demander ni a ses admiraleurs , ni a ses adversaires , surloul au sein d'une cile ou I'art etait appele a jouer un role si important et a descendre jusque dans les profondeurs de la vie du {»euple , ou chaque citoyen avail, en quelque sorle , I'obligation de se ratlacber a un parti. Parlout oil il y a abon- dance de lumiere , il y a aussi de I'ombre en proportion : c'esl la une verite qui est devenue pro- verbiale. Or , c'elait bien le cas chez Socrate , pour ce qui concerne la lumiere; I'ombre aurait-elle peut- etre manque au tableau ? Nous ne pouvons nous defendre d'un sentiment (J) V. 700 780. - 71 - pi^nible, chaque fois qu'iine main profane nous revele les pelites faiblesses de ceux qui nous apparaissenl comtne marques du sceau de la grandeur; il nous semble qu'en soulevant ainsi le voile dont Tadmi- ralion el I'enlliousiasme avaienl reconvert leurs im- perfeclions , on les fait descendre en quelquo sorte de leur piedestal , en les ramenanl aux elroites el mesquines proportions de la vie ordinaire. C'est , sans doute, un sentiment de ce genre qui nous porle tout d'abord a rejeler le portrait trace par Arislo- phane. Mais nous aurions tort de nous laisser ainsi alter a notre premiere impression ; la justice el la verile demandent que nous tenions compte de I'elat do la societe alhenienne , telle (]u'olle exislait alors, el telle que nous avons essaye de la depeindre au com mencemenl de ce travail; elles exigent, en outre, que nous fassionsla part des milieux differenis ouse mou- vaient Aristophane et Socrate , ainsi tjue du caractere de chacun et de la mission ijue I'un et I'aulre s'allri- buaient; et que nous examinionsde plus pres la na- ture des accusations soulevees conire le philosopbe. On a pretendu qu'Aristophano appartenait par sa naissance a I'aristocralie atlienienne : nous nc nous arreterons pas a examiner cette opinion , qui , du reste, a ete conlestee. Ce qui nous parait certain, c'est que notre poete regut une cducaiion distinguee, el que , grace a I'aisance qui lui elait eebue en par- tage , il ne se vit jamais contraint d'ecrire pour subvenii' a ses premiers besoins. Voila , sans doute , pourquoi il se permel parfois de railler Socrate et Euripide a cause de I'obscurile de leur naissance (1);, (0 Ackarn., v. 478. — Gre)i., v. 8.1O, '.*f)7. _ 75 - de Fa aussi I'aversion en quelque sorle instinclive qii'il ressenl a I'egarrl cle ceux qu'il appelle des va- nu-pieds , des creve-de-faim , el I'espece d'aigreur avec laquelle il s'eleve conlre cetle sirnplicite mes- quine et miserable , que les nouvelles methodes d'education s'efforcent d'introduiie (1), centre le laisser-aller par Irop rustitjue du riche Palrocle, qui « ne s'esl jamais baigne depnis qu'il esl au monde ("2). » Ce n'est pas que nous pretendions (]ue la richesse et une naissance dislinguee fassenl les grands poetes : une telle pensee est bien loin de nous ; cependant on ne saurait nier qu'elles ne soienl de nature a se- conder merveilleusement I'essor du talent poetique el le developpement de I'imagination, lorsqu'elles se rencontrent chez nn individu en meme temps que d'heureuses dispositions naturelles. Or, nous savons qu'Aristo[)hane posscdail a un Ires-haul degre celte inspiration poetique, Bux u.cxvta, qui, selon Plalon (3), esl la source de tout ce qui est bien. Chez lui , tout coule de source, et Ton n'apergoit nulle part le Ira- vail de la reflexion (4) ou les precedes parfois lourds et penibles de la dialeclique ; c'est un poele, dans la vraie acceplion du mot , 7:jt/;r/js , faisant sortir tout un monde du neant. Le poele et le philosophe suivent , on le sail , des voies bien differentes, el obeissent parfois a des im- pulsions contrarres. C'esl a ce litre qu'Aristophane se moque de I'erudition due a I'influence de la nouvelle (1) Gren., 1087. (2) Gren., v. 86. (3) Dialogue de Phedre. (4) Uvsu/xovojv no/vi TTovoj. (Gren., v. 8i6);T9 raJatTitDpov (Nuees; - 7J - ecole, qu'il nous represente Euri|)i(ic, un tie ses adeples le plus en reputation, examinont vers par vers les poesies d'Eschyle (1) ct dissequanl les phrases (2); il est I'ennemi jure des artifices du langage ; landis que d'aulres parlenl a tort et a travers, il Irouve a I'instant meme I'expression la plus juste et la plus propre a exprimer clairement sa pensee ; [)0ur lui, parler et agir ne font qu'nn. Aussi, voyez conime il raille sans pitie la soUicilude inquiele avec laquelle les philo- sophes preconisent la culture de la memoire (3) ! Rien n'altere la serenile de son humeur, pas meme la decadence de sa patrie, qu'il aime d'une affection ardente ; ct cependant , nous I'avons dit, pour peu qu'on I'observe de plus pres, il est facile d'apercevoir des larmes jusque dans les debordements les plus convulsifs de sa verve comique. Get liomine , qui, comme il le dit lui-raeme (4-), savait maitriser sa dou- leur aussi bien que sa gaiete dans I'inlerel de I'arl , qui composa des chants lyriques aussi beaux d'am- pleur et d'enthousiasrae que ceux d'Homere el de Pindare (5), qui fut estime de ses conciloyens au point qu'ils lui decernerenl une couronne en recompense de son patriotisme, et de la posterite, jusqu'a faire les (1) Gren., v. 817. (2) Gren.,\. 10i2. (3) l\uees,\. 4U-483. (4) Kat Tzollo- (j-^v [isima, -koum cs. utiovoc/.m (Gren., v. 387). (5) Qu'on lise ses hyranes de pais et de joie chantes alternati- vemenl par les Atheniens et les Lacedemoniens (Lysistrate, v. 1247- 1321), et celle mysterieuse cosmogonie du chceur des Oiseaux , V. 986-1000: « Au commencement etaient le Chaos et la Nuit.et « le noir Erebe, et le vaste Tartare ; ni la Terre, ni I'Air, ni le Ciel • n'existaient encore, etc. ■> (Comp. Guepes , 1075 et suiv. - Cheval., 551, 565, 581. — Nuees, 275 et suiv.) — lA — delices d'un Ciceron et d'un soint Jean-Chrysoslome, n'elait, certes, pas iin bouffon vulgaire. Observons-le, surlOLit, lorsqu'il rappelle a ses conciloyens abalardis Ics beaux temps de la palrie, quand il cbercbe a les ramencr avec lui dans son paradis du passe , vers cetle epoque dc gloire et de splendeur, ou una poignee de braves arreta le torrent venu de I'Asie, et nous comprendrons encore mieux la nature de la mission que le poele s'etait allribuee. A ses yeux, le passe elait tout, tandis que, pour Socrate, pour le philosophe de I'avenir, le temps present etait un progres a cause de ses aspirations vers un age meilleur. Aristopbane est I'ennemi de la democratic turbulenle et immo- deree , telle qu'elle se produisit au temps oil il vivail; pour lui, I'ideal d'une constitution, c'esl cette de- mocratic temperee par Telemenl aristocratique, celle que Pericles depeint dans sa celebre oraison funebre. II veut la paix au debors, qui peut seule cicatriser les blessures faites a son pays, le retour a la foi religieuse, consacree par le temps et par les miracles qu'elle a operes , el a Tanlique discipline qui donna naissance aux beros de Marathon. II recommande tout particu- lieremenl la vie des champs et les travaux de I'agricul- ture, comme seuls capables d'arreter les debordemenls de la corruption qui va loujours croissant; c'esl alors que sa palette so couvre de couleurs pleines de deli- catesse, de douceur et de cbarme , bien differentes de celles qu'il emploie pour depeindre el pour combattre les execs d'une democratic deliranle et les projets coupables de chefs ambitieux et vulgaires. Le tableau qu'il nous fait de la corruption qui re- gnait a Atbenes ne le cede en rien, quant aux cou- leurs, a celui (|ue Juvenal nous a laisse'dc la de- — 75 — pravalion de son siecle (1); il nous rcpresenle les jeunes hommes d'Alhenes s'exergant dans I'arl d'une parole facile el deliee, et rivalisant d'insolence et de folie (2); il nous monlre sous chaque pierre, a la place du scorpion du provcrbe , un orateur tout pret a niordie, et dans chaijue maison, un diminulif de tribunal, oil le proprietaire peul rendre la justice a coeur-joie (3). Les Atheniens, a I'entendre , ne se preoccupent plus de rien d'autre que de faire de belles phrases (4), el la jeunesse se croil tout permis , a parce qu'ellc sail parlor (5); » elle est deja iiieme familiarisee avec le vol, le parjure el la debauche (6;. Le poele finit par se detourner avec horreur d'un pareil tableau, et c'esl avec des regrets, qui ne laissenl pas que d'avoir leur amerlume, qu'il se reporte , ou plutol, qu'il se refugie vers son epoque ideale, ou, du moins , les actions avaient plus de poids que les paroles (7). Mais si celte corruption etail telle qu'il nous Ic dit, pourquoi s'en prend-il a Socrate? pourquoi livre-l-il aux risees populaires celui-la meme qui avail le plus a coeur de conjurer la catastrophe el do rendre la jeunesse serieuse el meilleure? C'esl que le philo- (1) Foecunda culpa scecula nuptias primum inquinavere et genus et domos, hoc fonle derivata clades in patriam populumque (luxit. Sat. VI. (2) Nitees, v. 898. (3) Gue'pes, v. 800. — Conip. Guepes , lOiO. — Paix , :)05. — Niiees , 208. (4) Guepes, v. 1005. (5; Cheval., v. 3*0.— Comp. Acharn., v. 685, 325, 345, 383, 635. (6) Cheval., V. 425 etsuiv. (7) Cheval., v. J32.J-1330. — 76 — sophe, hornme s6rieux el pauvre, semblait etre fail tout express, avec son originalite, celte azoma dont il est question dans le Banquet de Plalon , pour servir de point de mire a la verve comique el a la petulance inepuisable du poete. N'elait-ce pas , en effet, une bonne fortune pour ce dernier, que de pouvoir nous representer I'elu de I'oracle de Delphes, le repre- sentant des idees nouvelles, avec son nez camus , ses levres epaisses, son cou gros et court, son ventre proeminenl, comme cekii d'un Silene , ses yeux bombes et a fleur de tete; de nous le montrer marchanl a I'aventure , quelquefois distrait elabsorbe dans des reflexions profondes, jusqu'a demeurer des journees entieres a la meme place, et meme se livrant seul, chez lui , chaque matin, a des exercices de danse, et agilant en tous sens ses bras, ses jambes et toutes les parties de son corps, ainsi que nous le rapporle son jeune ami Charmide, qui le surprit, un jour, au milieu de ces etranges occupations? Ses amis eux-memes ne s'amusaient-ils pas frequemment du peu de soin que le maitre donnait a sa personne, de ses courses vagabondes en ville, de ses distrac- tions, de ses allures affairees et prelentieuses, de son exterieur, qu'ils comparaient a celui d'un Faune et d'un Satyre? 11 ne reslaitplus, en definitive, a inven- tor que le panier suspendu , dans lequel le poete le fait errer au milieu des espaces de I'air. Quant a I'a- varice qu'il lui reproche, au vol dont il I'accuse , el a d'autres points qui touchaienl a sa consideration morale, fermement elablie, on pourrait, au besoin, n'y voir que de grosses plaisanteries , destinees a faire rire et a preparer le succes de la piece. La personne de Socrate une fois livree au ridicule, — 11 — il n'y avail plus qu'un pas a faire pour arriver au systeme. Le fameux « Gonnais-toi toi-meme » se transforme en celle outre maxime : « Tu reconnaitras combien tu es ignorant el grossier (1); » la methode n'esl plus qu'unc flialeclirjue fallacieuse , roulant sur des riens el des futililes. Nous nous trouvons en presence d'une gravile qui fail rire el de pretentions egaleraenl ridicules, el on pourrait appliquer pour devise a celle doctrine, telle que le poele nous la depeinl, ce vers du fabulisle. Qu'en sortil le plus souveut? Du vent. • En presence de tous ces traits lances coup sur coup , et qui devaicnt exciter I'hilarile des spectaleurs, sans Jaisser apres eux aucune (race d'aigreur ni d'a- merlume, nous n'hesilons pas a admeltre qu'Aris- lophane n'a voulu, a tout prendre, que faire ressorlir de la manicre la plus plaisanle les coles faibles et les imperfections de la personne de Socrate el de sa doctrine; el de telles altaques nous sembleraient parfailemenlinnocenles, a cause de la grande liberie dont la scene comique jouissait a Athenes, et surloul parce qua les spectaleurs ne manquaient jamais de faire la part du poele dans les tableaux, le plus souvent exageres, que celui-ci faisail passer successivement devant scs yeux. iNous savons, d'ailleurs, que les poetes de I'ancienne comedie etaienl, par la direc- tion meme de leur esprit, ennemis de loute spe- culation. Crates, par excmple, dans sa comedie des Have-Tat, dirigee principalement contre les opinions - 78 — excenlriqucs du philosojilie Hippon, avail jete Ic ganl a tons ccux qui s'occupaient de philosopliie ; aussi en avail-il fail les personnages du Chceur, el les avait-il represenles avec un double visage el une mulliludc d'yeux repandus sur loule la surface de leur corps (1). Mais Arislophane n'a pas cru devoir se renfermer dans de pareilles limiles : dans sa piece des Niiees , oil il altaque direclemenl Socrate , ce n'est plus de la petulance , de la gaile ; c'esl , au conlraire , de I'aigreur el de ramertume que nous renconlrons au fond de [)resque toutes ses railleries. Nous ne sau- rions admeltre qu'il n'ail eu en vue que de tourner en ridicule les Iravers du philosophe , car, a cole des plaisanleries qu'il fail, en quelque sorle, pleuvoir sur lui , nous retrouvons neltemenl formulee, el en quelque sorle disposee pour la scene , la redoulable accusalion que Xenophon a reproduile dans ses Mcmoircs el qui coula la vie a Socrale. II nous le represente, d'un bout de la piece a I'aulre, affichant un mepris manifesle a I'egard des Dieux reconnus par I'Elat , beurlant de from la conscience religieuse (1) Crates fait dire a Hippon que « le Ciel est un grand four , et » que nous on sonimcs les cliarbons, » Diphilc et Plafon avaient altaque le philosophe Boidas, e! deux ans apri's la premiere representation des Nuees d'Aristophane, Eu- polis altaqua, dans ses K(j;,az£j, loutc la tourbe des sophistes, et, en particulier, Callias, leur patron, dont il est question dans le Protagoras de Platen. Ce raeme poete se fit surtout remarqucr par son acharnemeut centre Socrate; non content de deverser le ridi- cule sur certaines hizarreries du philosophe, entre autres sur la manie de s'occuper de futilites avec un serieux tout comiquc. il osa meme I'accuser d'avoir derobe une coupe dans un repas •(Compar. Nuees. v. (77, schol ) — 79 — du peuple, el s'efforQant de meltre aii Ire chose a la place de ce qui existe, tcnlative criminelle que le poele resume par ces mots : « lis ont bien des torts i> a expier, mais surlout celui de s'etre joues des » Dieux (1). » Et quand nous voyons le joyeux et insouciant Phidippide, qu'il a fallu entrainer malgre lui aux lecons de Socrate, se prendre tout-a-coup, comme par enchantcmenl , d'un vif amour pour ce nouvel enscignement, cl , apres etre devenu passe- maitre dans I'art de disputer , non-seulemenl lever froidement la main sur I'auteur de ses jours qui ose louer en sa presence le bon vieux temps, mais encore I'amener par toutes sortes de subtilites a reconnaitre que son fds a eu raison de le battre et qu'il est dumenl autorise a faire subir un pareil traitement a sa mere, qu'est-ce , en d'autrcs termes, sinon cette aulre accusation, tout aussi redontable , d'apres la(piel!e Socrate aurait perverti la jeunesse d'Athenes ? Que d'amertume dans ces paroles de Slrepsiade : « Funesle delire ! quelle etait ma folic de » rejeter les Dieux a la persuasion de Socrate (2) ! u Le poete , cela est evident, ne cherche plus a nous faire rire;sa douleur, longtempscontenue, commence a deborder , et il y a des larmes dans sa voix. Ce n'est plus une joute, une passe d'armes semblable a tant d'aulres qui avaient lieu , a cette epoque, entre les philosophes et les poctes de I'ancienne comedie ; on dirait plulot ([u'll s'agit d'une lutle supreme pro aris et focis. Aristophane , il est vrai , n'est pas le seul comique (1) V. 1503 (2j V. MTi. — 80 - qui ail fait tie Socrale I'objet de ses railleries ; Eupolis, nous I'avons vu , el d'aulres enr-ore I'avaienl ou pre- cede ou suivi dans celle arene scabreuse , toute herissee de personnaliles, ou la violence le disputail presque toujours au gros sel allique. Mais admellre , avec la plupart des scholiastes , qu'il ne fil en cela que se conformer a un usage pour ainsi dire tradi- lionnel , ce serait partir d'un point de vue lout-a-fait errone , surlout lorsqu'il s'agit de ce rneme pocle , qui a pu dire, en parlant de Cleon , son plus grand ennemi : « J'ai altaque Cleon face a face , lorsqu'il » etait a I'apogee de sa puissance, mais j'ai suspendu )) ines cou[)S, du rnomenlou il fut lombe (1). u Socrote eul-il afTecle un dedain encore plus grand pour la poesie , Aristophane n'aurait certes pas cru devoir recourir a des amies aussi lerribles pour le combaltre. Rien ne peut done excuser , ni juslifier des allaques aussi acerbes , si ce n'est la position politique du poete, son amour ardent pour sa patrie si rudement eprouvee , et menacee , selon lui, jusque dans ses fibres les plus intimes , par I'invasion des nouvelles idees repandues par Socrale el ses disciples. Nous voulons ecarter pour le moment les parties moins imporlantes du tableau qui nous occupe, la theorie du tourbillon, que Socrale proclame le prin- cipe du tonnerre et des eclairs , et mille autres traits , plus ou moins plaisanls, que nous sommes en droit de ranger parmi les machines comiques auxquelles le poele a cru devoir recourir (2), et auxquelles ni (0 Nuees, v. 556. (2) Ainsi I'oracle qui le conrertic (Niiees,\. 144j; sa deliiiitioii de Tame (v. 94j; son exterieur deplaisant el meme, malpropie (v. 103 , no . 223 , S3G1; ses pretentions a rignorance, qui lui - ^1 - Xenoplion , ni PI;Uon, (|Lii avaieiil . sans doule , sous les yeux la comedie des Nuees , ne crurenl devoir s'arreler , afin d'examiner avec plus de loisir si Aristophane avail taison conlre Socrale , lorscju'il Tacciisait de niepriser les Dieux de TElat el de per- verlir la jeunesse. Pour ce cjui conoerne le second chef d'accusation , il esle\ident qu'un lei requital n'elail pas dans les inlenlions de Socrate ; il y aurait de la folie a pre- lendre le contraire. Mais n'a-l-il pas pu se produiie a son insu et contre son allenle? Ecoutons ce qu'ii dit dans VApologie de Plalon : « D'ailleurs , beau- » coup de jeunes gens qui onl du loisir , et qui » apparlienneni a de I'iches families , b'allaclient a « moi, el prennenl un grand plaisir a voir de quelle » manierc j'eprouve les homnies; eux-memes , en- s' suite, lachenl de m'irniler, el se meltenl a cprouver, » a leur \onv {z'iirx'l^a) ceux (|u'ils rencontrent (1). » Dans celte disposition » a eprouver ies autres, » n'y a-l-il pas deja, comine en germe, le singulier pro- cede employe par Phidippide a I'egard de son pere? €e n'esl certes pas sans raison-que Xenophon , qui valurent I'lioiineur insigi)« il'cJre proclatnti par Apollou \e plus snj^e (ies hommes(v. 98); I'habitude qu'il a coulractee de jurer par le ooq, par le plalane et d'aiitres objets de ia nature (v. 247); sou avarice, qui !e poussc a demander un salaire pour ses lecons fv. 98, 246), eta escanioter un manleau (v. 177); sa predilection pour Lacedc'mone (v. 186; Comp. Oiseaiix. 1281 el suiv.) — Couipar. Gren , li'.ii : il s'arrete en tous lieux pour converser avec tout le moudc ; — Uis.. 1282 : les Atheuicns affames et deguenilles comme lui s'attachcnl a ses pas; — Gren , 491 : il dedaigiie la musique et la Iragedie ; — Ois , 521 : ses premiers disci|)!es jureiit |)ar I'oie ; — Ois., 1550-1555 : il evoque les ames -lie rOrcus. siitis avoir fait les ablutions requises, etc., etc., etc. (1) Pi.ATOK, Apologie , c. 10. XXVIII. 6 — 8^2 - s'esl monlre si jalouxde ia reputation de son mallre cheri , s'efforcc de mellre a neant celle parlie de I'acle d'nccusalion ; mais il sc voit force de convenir que I'ecoie de Socratc a pu produire des homme? IqIs que Crisios et Aicibiade; el, pour disculper son maiire du reproche qu'on lui faisait de delruire chez les enfants le resped pour les auleurs dc leurs jours, en leur perstiadanl qu'il les rendrail plus ha- biles qu'eux, el en ne cessanl de leur repeler « que ;; la loi permcl de lier son pere, quand on peut .X leconvaincre de folie (1), » il se conlenle de dire que Socrate, en parlant de la sorle, se fondait sur celle raison, « que I'liomme inslruit a le droit de » mellre rignorant a la cliaine. » Cerles, il y aurait pins. que de I'injustice a prelendre que Socrate ait enseigne el recommande a ses disciples de pareils procedes a legard dC: leurs parents, et Arislophane lui-meme n'auraitose, malgre loute I'indulgence que sa qualile de poele comique lui assurait d'avance, proferer une pareille absurdile; cependanl on ne saurait nier que la haute opinion que les jeunes gens apprenaient, aupres de lui , a concevoir d'eux- meraes el de leur savoir , n'ail pu elrc la cause innocente de raainte scene de famille semblable a celle qui a lieu entre Strepsiade et son fils. Nous dirons plus : Platon n'a, il est vrai, ecrit son livre de la Republique que quelques annees apres la representation de la piece d'Arislophane qui a pour litre VAssemblce des Femmes ; cependanl celle coraedie peut fort bien etre consideree comme une refutation anticipee, il est vrai, mais compl«Me et (1) Allusion ii JSuefs , v. 841 et suiv. - 83 - delaillee, des 6tranges asserlions qui fonlde I'Elat, te\ que Platon le concevail, une veritable utopie, una chimere irrealisable. Le poete semble y avoir resolu d'avance le problemo pose plus tard par le philosophe ; nous y voyons des feinmes placees au timon des afTaires (1), comme dans I'Klal plato- nicien, avec celle dilTerence, loulefois, et que d'ironie n'y a-t-il pas dans celie resclriclion ! que les char- ges publiques ne s'y Irouvenl pas reparlies egalement enlre les deux sexes, comme dans la fameuse repu- blique , mais qu3 les femmes seules onl en main) I'adrainistralion de la chose publique. Le poete pro- clame par la voix de Praxagora (2), que tons les biens vont etre mis en commun el que chaque personne recevra juste ce qu'il lui faudra pour vivre ; que les femmes apporliendronl a tous , ainsi que les enl'anls , el que ceux-ci regarderont comme leurs peres tous ceux qui seronl plus ages qu'eux ; « aulre- » fois, ils s'inquielaienl pen que Ton fiappal le pere » d'aulrui ; maintenanl , des qu'un vieillard sera B ballu , chacun, craignanl que son propre pere ne » soil la viclime, reprouvera une telle violence (3). » N'y a-t-il pas dans ce tableau, ou I'ironie perce parlout, une ressemblance frappanle avec certains passages de la Repiiblique? Ce sont presque les memes pensees el nous y relrouvons parfois les memes expressions , el jusqu'a I'urne alealoire de Platon (4). Devons-nous en conclure qu'il faille (tj As's^mb'. des' F'einnies, v. 469. -(2) Ibid., V. 696 el suiv. (3) Ibid., V. 642. .4) Ibid.. V. 683. ._ 8/t - uiuibucr a Socrale les elranges iloclrines professees par son disciple? Non, certes ; mais il faut conve- nir cepcndanl qu'il a du les connailre aussi bien qu'Aristopliane, el que, si elies nc liii appartiennent en oucune manicjc , les juges fulurs du |)liiIosophe onl fort bien pu les considerer comme sorties de son ecolc. Chose singuliere ! ce livre de la Republiqu e, abstraction faite des aberrations que nous venons de s gnaler el d'aulres lout oussi bizarres , que nous n'avons ni a enumerer, ni a examiner ici, semble se rapproclier plutot, quanl au fond, des opinions d'Aris- topliane lui-meme, que des doctrines de I'ecole socra- tique, el eel accord serail de nature a expliquer les eloges que Platon adresse a Arislophane en plus d'une occasion , ainsi que la place qu'il lui assigne, dans son Banquet, a cote de Socrale. Que demande, en effet, le poele? Le relour aux anciennes croyances, le respect Iradilionnel et absolu de laloi reposanlsur la coutume, le retablissemenl du principe de I'objec- tivile, qui veul que I'individu s'efTace devant I'ensem- ble, et que les nouvelles doctrines onl profondemenl ebranle. Le philosophe ne demande pas autre chose; selon lui, pour remedier aux maux actuels, il faul que I'individu s'efface de nouveau completemenl ; de la sa predilection marquee pour les inslitutions doriennes de Sparle el de Crete; de la sa justification de I'es- ■clavage, de la communaule des femmes el des enfanls; de la, aussi, les altaques dont il est I'objel de la pari d'Aristole (1). II est evident que le disciple de Socrate a cru devoir, dans eel ouvrage remarquable, concilier les exigences de son enlhousiasme poelique pour (1, Aiiisroxr., Poliliq., II. I, 11, 12. - 85 - I'ancien ordre de choses avec son d^voueinenl a la personne el aux doclrines de celni dont il ne craignil pas de prendre ouvertemenl la defense. Lorsqu'Aristophane accuse Socrate de peivertir la jeunesse, non-seulement en lui inculquanl dcs prin- cipes conlraires a la nature , mais encore en faisant de ses disciples des rlieleurs el des artisans de paroles, deserlant les gymnases el frequenlanl assidumenl les bains el autres lieux hanles par un public oisif et desceuvre , nous ne pouvons considerer une telle accusation comme une attariue personnelle propre- ment dite , car elle est dirigee egalemenl, et meme a un plus haul degre , conlre Euripide, qui, suivant Aristophane , produisait ses personnages devanl les juges , pour leur faire plaider tout a la Ibis le pour et le conlre (1) , et enlretenail meme des relations honleuses avec les jeunes gens avides de perorer (2). II va meme jusqu'a reprocher, par la voix d'Eschyle, du poete-pbilosophe , d'avoir eu a patir pour son propre comptedesdesordres qu'il imputaituuxfemraes d'autrui, d'avoir represente sur la scene le vice dans toute sc laideur, en un mot, d'avoir lout degrade (3). D'ailleurs, il n'est pas jusqu'aux odmiraleurs les plus enthousiastes de Socrate , qui ne conviennent que tel a ete en parlie le resullat de son enseignement , et qu'il a contribue a encourager el a developper dans les jeunes esprits qui s'altachaient a lui celte funesle habitude de discuter que le poete regardail comme une des plaies de son temps, et dont Xenophon lui- "I) Gren., v. 533. (2) /6ld.,.v. 1070, Ci] Ibid . V. 1033 IOCS.. - 86 - tneme se plaini avec une certaine vivaciJe (1 ). Cerles, il a'enlrait ni dans les intentions , ni dans les previ- sions de Socrate . d'amener les jeunes Alheniens i deserter ainsi les gymnases et les paleslres ; mais n'elait-il pas noturel (ju'ils recherchasscnt de prefe- rence les lieux frequenlcs par les oisifs et les curieux, afin d'y faire parade de leur habilete dans les joules de la parole, danslesdelourssubtilesde la dialectique? Aristophane doil-il elre laxe d'exageration , quand il nous dit que ces memes jeunes gens , ainsi renfer- mesdans renreinle du pensoir et s'adonnant presque exclusivenient a d'oiseuses meditations, ont perdu les couleurs de la sanle, et lorsqu'il ajoute que ce n'esl pas dans une pareille atmosphere qu'ont grandi les horames forls et vaillanls des temps passes (2) ? Ne devail-il pas se croire aulorise a reprocher a celte Jeunesse, devenue presque indifferenie aux exercices du corps, d'avoir renie les habitudes salulaires de leurs jperes, et de n'avoir plus ni I'adresse, ni la force , ni le courage qui avaient produit tant de vaillanls guer- riers , tant de heros (S) ? Lorsque nous I'enlendons faire un eloge si pompeux des drames d'Eschyle (4), nous comprenons sons peine, non-seulement la dou- leur pleine d'amerlume du vrai palriole, qui souhaite a son pays degenere des hommes tels que ce poete les depeint, mais encore la vivacile et raeme I'exage- ralion de ses plaintes et do ses accusations. Ce n'esl certes pas sans raison qu'il represenle coname aniroes (IJ XoNOPH.. Memorab.. Ill, 5. (2) Gren , v. 1035. — Guepes, v. 553. (3; Gren., 1090, 1105 etsuiv, (ij \paiJV. 7roi/-,Ta{ Aptisj jjh^tov , o ^tttif/uzJOi KX'jy-v T!< fzv/.f iifa^Ov; — '87 — d'un tout autre esprit les vainqueurs de Miualhoti , qui couvrirent leur pairie d'unc gloire immorlelle. N'oublions pas, du reste, qu'Aristophane 6lail un enfant d'Allienes , dans la vraie acceplion du mot, landis que I'auslere verlu de Socrate semblail incliner vers Lacedemone, comme I'ideal des Etals (1). Une telle assertion peut paraitre etrange au premier aboid, cat'on s'atlendrail plulot a voir Aristo|)hane profes- sor des sympathies plus prononcees pour I'arislocra- lique Lacedemone , que pour Alhenes , alors regie par un gouvernement democratique el meme ochlo- cratique. JVIais Sparte 6lait alors la rivale et I'ennemie d'Athenes, et le poele, avec le tact exquis que nous lui connaissons, ne croil pas qu'il faille chercher les remedes propres a cicalriser les blessures failes a la patrie dans I'imitation de ce qui se fait au dehors, m'ais dans les forces vives du pays , dans un retour sincere a rancienne simplicite, a la discipline defe ancetres et au respect des lois. Plus le present lui parait sombre et menagant, plus il s'atiache a vantei- un passe gloHeux, el a le proposer comme le seul et unique remede dans les circonstances actuelles. Dans le proces qui ftit inlenie a Socrale devant I'Areopage , ce fut surtoul I'accusalion d'impiete qui contribua 'a sa condamnation. Celte accusation se presentait appuyee sur des motifs lellement nom- breux et tellement convaincanls, que Platon lui-meitie, dans son Apologie, ne put I'ecarter eniieremenl , encore moins la refuler d'une maniere viclorieuse. Socrate , appele a se disculper devanl ses juges, aii Men de declarer qu'il cfO'it a la religion etablie, (O'tau,- yj vuv rtpwrsjavT*!;. ('Xcnoph., ^Timorab , IV, i, 15,) — ss - prouve seulement qu'il n'est pas un alhee ; an lietr de faire croire qu'il n'instruit pas la jeunesse a Jou- ter des dogmes consacres par la loi , il se contenle de prolesler qu'il lui a loujours enseigne une morale pure el irroprochable. A entendre Xenoplion, Socrale leverait les Dieu\ de la republique ; il sacrifiait ouverlemenl , dans sa projjre niaison ou sur les aulels des diviniles du paganisine , et aucune parole injurieuse ne serail jamais sortie de sa bouclie a leui" egai'd , aucune qui trahil un seul doute sur leur existence. Mais tout ce qu'il dil de ces Dieux peut s'enlendre parfailement du Dieu immaleiiel et unique, el sa croyance aux oracles et a la divin;Uion s'explique Ires-bien par la pensee d'une Providence particuliere^ toujoui'S presenle. Dans les Diulorjucfi de Platon, au conli'aire , Socrale monlre plus de hardiesse. Dans le Plti'don, son interloculeur lui demande s'il croit a raventnre fabuleuse de Boi'ec enlevant la jeune Orithye sur les bords de I'llissus : « Mais si j'en > doutais,coramelessavanls, » repond-il, «jene serais » pas fort embarrasse.... .le trouve , du resle , ces i> explications fort ingenieuses, raais j'avoue qu'elles » demandenl trop de travail , de raffinemenl , et " qu'elles mettenl un homme dans une assez triste » position , car alors il faut qu'il se resigne aussi a » expliquer de la meme maniere les Hippocentaures, » ensuite la Chimere, el je vois arriver les Pelages, » les Gorgones , une foule innombrable d'autres » monstres plus eflrayants les uns que les autres , » qui , si on leur refuse sa foi et qu'on veuille les » raraener a la vraisemblance , exigent des subtilites J presqne aussi bizarres qu'eux-niemes elunegrande » perle de lemps. Je n'ai pas lanl de loisir. Pour- ■■- 89 - 9 rjnoi ? c'esl que j'en suis encore a accomplir le » preceple de I'oracle de Delphes : " Connais-toi loi- B nieme ; » et quand on en est la , je trouve bien » plaisanl qu'on ait du temps de reste pour les choses » eirangeres. Je renonce done a I'elude de toules " ces hisloires, et , me boi'nant a croire ce que croit » le vulgaire , je m'occupe , non de ci^s clioses in- » differenles , mais de moi-meme (1). » Ces paroles sont imporlanles, car elles nous monlrenl comment Socrate se comportail a I'egard des Divinites infe- rieures et populaires de I'Olympe hellenique ; il en parlait peu , et , s'il en parlail , c'elait sans me[)ris , mais avec un demi-sourire et un leger dedain. M;iis, dans raccusalion capitale qui nous occnpe , il ne s'agil point de ces Diviniles innombrables, qu'il traite, nous I'avons vu , avec de grands menage- menls, mais bien des principales Diviniles, adorees a Albenes, de ces Dieux que la Muse comi(|ue celebrait pieusement , el dont elle briguait avec ardeur les suffrages et les palmes(2). « Socrate, » esl-il dil dans Fade d'accusalion, « est un impie, car il ne croit » pas aux Dieux (jue revere la republique, el il in- » troduil de nouvelles Divinites (3). » Socrate croyail-il a Mercure, a Minerve , a Bacchus? Non, pas plus qu'aux aulres Dieux reconnus par I'Elat ; il croyail a Dieu , mais non aux Dieux. Sur ce point, mais sur ce point seulement , I'accusation etait fondee; mais il n'en etait pas de meme, lors- qu'on lui reprochait d'introduire de nouvelles Divi- (1) Plato, Phedon, edit. Bipont.. vol. X, p. 284-286. "(2) Cheval.. v. .ijl ; — Hijmne en I'honneur de Neptun«, v. 581 ; — en I'honneur de Pallas Alhen.ee. (3) Xonnphon, Mevmrah., 1, 1 . ~m - nites. 11 est Evident que par ces Divinitt^s, dont on lui attribuait I'invention, ses accusaleuis n'enlendaienl nullemenl designer ce Dieu unique donl il enseignait I'existence, puisque, dans sa defense, il n'y fait jamais allusion, et que, en parlant de la Providence, il le- courait ordinairemenl au langage populaire, laissant a I'intelligence exercee de ses disciples le soin de saisir le vrai sens do ses paroles; c'etait plutot son demon familier, dans iequel il ne parait avoir vu. la pilupart du lemps, que la voix animee et puissanle de la conscience, mais qui, souvent aussi , devenail, a ses yeux, un averlissemenl mystique de I'avenir, una parole de Dieu meme. Melitus et Anytus etaient d'aulant plus dans leur lort, que la religion paienne reconnaissait des demons issus du commerce des Dieuxavec iesmortels. D'ailleurs, la mythologie grec- que ne supposail-elle pas des communications con- sianles entre les Dieux et les hommes, et ne faisait-elle pas parler les premiers par la voix des oiseaux, des si'bylles, du tonnerre? 11 est clair que Socrate , en admeltanl qu'un certain Dieu lui parlart directement et lui revelait I'avenir , n'affirmait rien que de conforme a la religion de I'Etol. Mais Socrate ful le promoleur de toutes les recherches philosophi((uesqui eurentlieu en Gr^ce apressa tnort. Celte philosophic, qui Ti'avait etc jnsqu'alors qa'une sorte de divination, plutot qu'une recherche patiente et sincere de la verite, (|ui se contenlait ordinaire- menl de poser certains principes generaux, reposanl uniquement sur de vagues analogies, et qu'on ap- pliquait ensuite, comme on pouvait, aux phenomenes de la nature avec I'aide de certains procedes logiques ou raisonnements particuliers, sortit, grace a I'ini- — ©1 — tiative de Socrale, du domaine ind^cisde Thypothese €t de la sophislique, pour devenir une science morale, s'appuyanl siir i'observalion inlerieure. Or, Socrale, en amenant ses disciples du Joule a I'aveu de leur ignorance, el en les obligeanl, en quehjue sorle, a decouvrir les germes caches dans les profondeurs de leur intelligence, ebranlailles croyances populaires, el excitait contre lui les ressenlimenls de tous ceux qui regardaient la fidelite au culle des Dieux de la patrie comrae Tunique fondement de son illuslralion dans le pass6, comme son ancre de salul dans I'avenir. Faul-il done s'etonner qu'Arislopliane , quoique par- tisan, comme Socrale, du gouvernemenl arislocra- lique, ou i)lut6l de I'ancienne democratie consliluee par Solon, ail cru devoir frapper dans sa personne le represenlanl de cetle pliilosophie, qui, par cela fn6me qu'elle ininail la religion populaire, elait, a sesyeux, un symplonie de decadence, une menace de ruine? Pourquoi I'aecable-l-il alors de ses railleries les plus mordanles et les plus ameres? Pourquoi lui at- tribue-l-il un penchant si prononce pour les spe- culations les plus chimeriques? II importe ici de ne pc^inl perdre de vue qu'Aristophane, sans dislinguer entre les differenls philosophes , leur prele a tous, en general, I'incredulite de quelques-uns, et qu'il a fort bien pu confondre avec le doutc des sophisles le doute melhodique que Socrale preconisait, el qui, bien qu'excellenl pour former I'esprit, devait cepen- dant metlre en danger la fidelile a I'anlique discipline el aux vieilles traditions. De plus, on sail combien Socrale estimait Euripide , qui ful a la fois son ami et son disciple ; or, ce poete, qui s'etail adonn^ a la — 92 — peinlure et a I'arl oratoire, avanl de se livrer a I'etude de la philosophie , avail suivi d'abord les legons de Prodicus et d'Anaxagore, qui exercerent une influence decisive sur la lournure de ses idees, et furent pour beaucoup dans cette subtilite de sophiste el dans cette rbelorique un peu vide qui deparenl trop souvent les produits de sa muse. Socrale s'appliqua sans doute a le corriger de ses defauts poetiques , mais il y a lieu de croire qu'il n'y reussit qu'en partie ; et ce- pendanl Aristophane le rend responsable des erreurs qu'il n'a pu faire eviter a son ami : lorsqu'il reproche a Socrate d'adorer le Chaos, les Nuees , I'Air, il est fort probable que ce sont aulant de traits diriges centre le disciple plus encore que centre le maitre. D'ailleurs, Socrate lui-meme a-t-il ele tout d'abord cet homme parfail que Xenopbon et Platon font agir et parler? N'avons-nous pas quelque raison de sup- poser que cet homme, qui resta jusque dans sa vieillesse si impressionnable pour les plaisirs des sens, ne fut pas, dans la premiere moitie de sa vie, exempt de toute vanile ou ambition ; qu'il s'adonna, comme les aulres jeunes gens de son temps , aux exercicessubtilsdela dialectique et dela sophistique, et qu'il eut aussi cette dose d'amour-propre et de suffisance, que Ton rencontre d'ordinaire dans I'age de la jeunesse? Si Socrale, plus avance en age , crut devoir renoncer aux speculations oiseuses des philo- sophes et des sophistes de son temps , il faut done admetlre qu'il a passe par leurs differentes ecoles, el qu'il y a etudie a fond les systemes de la physique et de la sophistique, dont il reconnul plus tard le vide et le danger. Nous ne savons absolumenl rien de la premiere — 93 — parlie de la vie tie Socrale ; lorsqu'Arislophane fit represenler les Nuees pour la premiere fois, il avail (leja depasse la (piaranlaine ; Euripide etait deja connii et celebre depuis Irenle ans an nioins , el il elail meme sui- le point de survivre a sa gioire ; Anyliis avail presque qiiarante ans, Alcibiade et Xe- noplion, a pcu pres vingt-cinq, et Plalon en comptait a peine sept. Qui nous dit que Socrate, avanl de faire descendre la philosophie du ciel sur la terre , ne passa pas d'abord par lous les syslemes, ionien, py- thagoricien, eleale el aulres? II est vrai que Plalon, dans son Apoloyie, lui fait dire qu'on I'accuse a faux de s'occuper de physique et d'astronomie , qu'il n'en sail pas un mot el n'y a jamais pense (1). Mais alors que signifie le passage suivant dyi Phcdoni « Pendant a ma jeunesse, il est incroyable queldesir j'avais de m connaiire cede science qu'on appcllc la physique. » Je trouvais quelquc chose de sublime a savoir les » causes de chaque chose, ce qui la fait nailre , ce I (|ui la fait mourir, ce qui la fail elre ; el je me suis » souvent tourmenle de mille raanieres , cherchant » en moi-meme si c'esl du froid ou du chaud, dans » I'etat de corruption, comme quelques-uns le pre- )) tendenl, que se forment les eires animes ; si c'est » le sang (jui nous fait penser, ou I'air ou le feu ; ou » si ce n'est aucune de ces choses, mais seulement » le cerveau qui produit en nous loules nos sensa- » lions, celles de la vue , de I'ouie, de I'odorat, les- » quelles , reposecs , engendrent enfin la science, » elc. (2). » (1j t'i.Ai()>, Apoloyir, c. "2. Comp., r. n. (2) I'l.ATON, Pliednn, trad, de Ciuisiii, t, ji. ilS-ilo. - 94 — Plus tard, il renonga a ces speculations physiques et cosmologiques ; raais il serait bien difficile de pre- ciser le moment de sa vie oil un changement si important s'opera dans ses opinions et dans ses re- clierches : « Apres in'eire lasse a chercher la raison » de toutes. clioses, je crus que je devais bien prendre ». garde qu'il ne m'arrivat ce qui arrive a ceux qui t regardent une eclipse de soleil : il y en a qui J perdent la vue, s'ils n'ont la precaution de regarder ). dans I'eau, ou dans quelque autre milieu, I'image » de eel astre. Je craignis aussi do perdre les yeux » de I'ame , si je regardais les objels avec les yeux B du corps, et si je me servais de mes sens pour les » toucher et pour les connaiire : je trouvai que je » devais avoii' recours a la raison , et regarder en »: elle la verite des choses (1). » Le point de vue plus eleve, plus inlellectuel, ouSocrale crut des lors devoir se placer, n'est autre que le nous (vcvg) d'Anaxagore, dont il fit la Providence. Si Aristophane avail fait representer sa comedie des Nuecs dix ans plus tard, il est fort probable qu'il aurait depeint Socrale d'une lout autre maniere , qu'il nous I'aurait montre s'entretenant avec les citoyens de toutes les conditions , abordanl le plus souvenl I'un ou I'aulre de ceux qui passaient , ou entrant dans les boutiques des artisans et causant avec chacun du sujel qui lui elait propre, el constam- mcnt enloure d'un grand nombre de jeunes gens , qui le suivaient parlout el formaient son ecole. Mais il I'a livre sur la scene tel que le vulgaire se le representait alors , a une epoque ou il n'avail, sans (1; Plaio. Phklon. liad. tic Cousin , I, p. 28.1. - 95 ~ doute , point encore renonc6 aux speculations donl il parle dans le Phcdon, el oil il passait encore pour iin partisan plus ou moins declare ou enthousiaste de ces doctrines que le poete patriote regardait comine enlachees d'impiele. La comedie elant a Athenes, pour ainsi dire, I'echo de I'opinion publique, ainsi que des idees que le peuple so faisait au sujet de tel ou Icl personnage marquant , Arislophane n'aurait pu , sans compromellre son credit et ses privileges de poete comique, le representer autrement qu'on ne se le figurail generalemenl. D'ailleurs, Platon range les nombreux accusateurs de Socrale dans deux categories principales (1) : ceux qui, par envie ou pour le decrier, s'efTorcent depuis longtemps de persuader aux Atheniens toules les faussetcs donl on I'accuse , et ceux qui , ayant ete persuades enx-memes , cherchenl, a leur tour, a persuader les autres. Dans laquelle de ces cate- gories I'auleur de Y Apologia a-l-il place Arislophane ? II semble , il est vrai , eviter de se prononcer a cet egard, dans les deux passages ou il est question de la piece des Nnees (2) ; cependa'nt nous avons lieu de croire que Fecrivain qui a pu nous niontrer, dans son Banquet, le poete et le philosophe conversant ensemble comme deux bons amis donl rien n'a pu jamais allerer la bonne harmonie (3) , ne tenail le premier ni pour un imposteur , ni pour un calom- (t) Plato:n, Apologie, c. 3; (2) t'LATO, Apologie, c. 2 cl S. (3) On aUiibue a Platon cetle epigramme, qu il coniposa apres lamorldu poete : '1 Les Graces, rhercliant un s^inctuaire inileslructible, trouverent J"anje d'Aristoplianp : " - 96 - niateur, mais [jlulot pour un de ceux qui croyaient sinceremenl el sur la foi d'aulrui a la culpabilile de Socrate. D'apres ioul ce qui vient d'etre dil , il y aurait plus ()ue de rinjuslice a prelendie, comme on I'a fail du resle , que ce ful a rinsligation de Melitus el d'Anvtus qu'Aristopliane aurait compose sa comedie des Nuees, el qu'il aurait ainsi pose de gaile de coeur la premiere pierre de eel edifice de recriminations el de calomnics, ou ful preparee plus lard la cigue dont mourut le plus sage des Grecs ; outre qu'une assertion pareille serait en contradiction nianifesle avec les principes , les opinions el le caraclere du poete comique, elle ne pourrail, en aucune maniere, sub- sister en presence du long intervalle de temps qui s'ecoula entre la representation des Nuees el la condam- nalion de Socrate. Mais, il faul bien le dire, si ce chef-d'oeuvre de verve comique , de haute eloquence el de poesie inspiree n'eut point de succes au theatre, meme apres avoir ete remanie el corrige, eel echec scenique ne ful que trop amplement compense par le succes lilternire , el cetle comedie dut contribuer pour une large pari a Tissue tragique du proces qui se deroula plus de vingl ans apres devanl I'Areopage d'Alhenes. Elle fixa et formula, en quelque sorte , les preventions semees et entretenues depuis longtemps parmi le peuple par les partisans les plus fougueux de la democratie immoderee, en meme temps que par les defenseurs quand meme de I'ancien ordre de choses, contre I'homme qu'on s'accordail assez generalement a regarder comme un des principaux representanls des tendances aristocraliques et des nouvelles doctrines. Le flol de I'opinion alia toujours - 97 - en monlant a paitir de ce moment, el quoique 1e changement qui s'opera, dans rintervalle , dans la maniere dc voir et d'agir de Socrate, eut modifie el peiil-elre Iransforme le jugement d'Arislophane lui- meme , an poinl de le rapproclier de Socrale , qui, du rcsle , avail assisle calme el impassible a la repre- sentation de la piece, il n'en est pas moins vrai que Tenvie, la superstition et un palriolisme egare pos- sederent, des lors, une anne d'aulant plus terrible , que tous les elements en avaienl etc puiscs dans les idees et les opinions du jour, ainsi que dans les passions des parlis opposes. C'est dans cetle espece de resume qu'Anytus et Melilus puiserent sans doule en grande [lartie les principaux maleriaux de I'acle •d'accusalion , el les juges , les motifs de leur sentence. Socrale , en prenant pour base de sa doctrine la <;elebre devise inscrile au fronton du temple de Del- plies, avail degage I'individualile de I'ensemble , et I'avait affranchic des liens de la substance ; il avail, par son monolbeisme, fncore vague, abslrait el in- delermine, il est vrai, relegue dans I'ombre les Dieux de rOlympe et sape jusque dans'ses fondements I'e- difice politique et religieux du vieux monde bellenique, donl les piliers et les murs les plus solides allaienl bienlot s'ecrouler au souffle lout-puissant d'autres idees nouvelles , venues de I'Orienl. Persisterons-nous a faire un crime au poele de n'avoir pu assister avec indifference a eel ecroulement d'un ordre de cboses qui embrassait toules les gloircs de sa patrie ; d'etre enlre courageusernenl dans la lice , el d'avoir engage une lulle supreme, avec les armes (jue lui fournissaienl son genie et I'ardeur de scs convictions, pour les Dieux de la cite illuslre, pour les nobles el glorieux xxviii. 7 — 98 — souvenirs qui lendaient a s'effacer de plus en plus dans le coeur de ses concitoyens degeneres? Socrate ii'a pas besoin qu'on le defende encore ; Xenophon et Plalon I'onl noblemenl venge . el completemenf rehabilite aux yeiix de la posterite. Aristophane ne Irouverait-il que des juges irapiloyables? Nous croyons avoir suffisamment elabli que, s'il n'y a pas lieu de Tacquilter enlierement, on ne peul, sans blesser requite et les convenances, lui refuser au raoins le benefice des circonstances attenuantes. - 99 — MARGUERITE D'ANGOUL^xlIE ET SES (EUVRES , par M. DucHATAUX , membre titulaire. Messieurs, II esl dans les slaluls de rAcademie une disposition rcdoulable, (jui oblige lout membre nouvellemenl elu a vous offrir un travail donl le sujel, d'ailleurs, esl abandonne a son choix. Cette disposition , je ne la connaissais pas encore au moment oil vos suffrages me faisaient I'bonneur de m'appeler dans celle en- ceinte. J'esperais alors , Messieurs, qu'il me serait loisible de rosier parmi vous oublie au dernier rang, heureux d'assister a vos Iravaux , mais dispense d'y prendre part, du moiiis quant a present , autrcmenl que par un vif interet et une attention soutenue. Ce role, jc I'avoue, m'eut convenu mieux (jue toul autre, el jc me vois a regret force do Ic quitter. Je me sou- mets cependanl, puisque telle esl la regie, el je viens, non sans apprebension, vous presenter, Messieurs, le travail que vous exigcz. Que ne m'est-il donne, au lieu de cette esquisse inachevee ou voire critique , sans doule , verra Irop a reprendre , que ne m'esl-il donne de lire devant vous un discours solennel de reception ! Plus douce el plus facile serail alors ma - 100 — lache ! En lerraes choisis el en periodes nombreuses, je dirais de vous. Messieurs, tout le bien que j'en pense ; jo parlerais des services reels que 1' Academic a rendus aux leltres el a I'histoire locale, des encou- ragemenls qu'elle prodigue a chacun, de rinfluence legitime qu'elle exerce autour d'elle ; par conlre , voire president, dans sa reponsc , pousserail peut-elre la bienveillance jusqu'a vanterrallicisme de mon style, et il me preterait liberalement lout le talent que la nature ne m'a pas deparli. En un mot. Messieurs, je vous comblerais de louanges merilees , et de suite elles me seraient rendues avec usure. Mais tel n'esl pas I'usage de voire compagnie. Les statuls se prelent mal a cet echange agreable de paroles obligeantes. A chjque membre nouveau qu'elle veut bien s'ad- joindre, elle demande un concours utile, non pas un tribul de compliments. Je me soumels done a cetle loi commune; et cependant, jamais je n'ai mieux senli que, s'il est facile d'accepter un litre d'academicien et d'en lirer vanite , il Test beaucoup moins d'en juslifier la possession par des oeuvres serieuses. Aussi devrai-je me borner ici a quelques reminiscences , fruit de lectures deja anciennes , et je complerai , Messieurs, sur votre indulgence , pour y voir I'acquit d'une dette qu'il n'est pas en mon pouvoir de payer plus complelement. On a dit souvent, Messieurs, que la langue fran- Qaise s'esl epuisee par sa fecondite meme , que noire litterature degenere el que les bons livres s'en vont. Je ne sais vraimenl ce qu'il en faut croire. Cetle ac- cusation, d'ailleurs, n'est pas nouvelle. Chaque siecle, pour ainsi diie, I'a porlee conlre lui-meme, ou plu- — 101 — tot il s'est Irouve dans chaque siecle ties ecrivains (jui I'ont prodiiile en songeanl aux livres de leurs confreres. Toujours est-il, quoi que Ton puisse penser du resle, qu'une branche au moins de noire liltera- ture n'a rien perdu de son eclal. Je veux parler de I'hisloire. Jamais, a aucune epoque, on ne I'a ecrite avec plus d'elevalion ; jamais la critique n'en a mieux eclaire toiites les parties, et jamais, surlout , des documents plus nombreux ct plus aulhenliques n'en ont fail connailre au mondc jusqu'aux moindres details. Dans les siecles qui nous ont precedes, il n'est plus guere d'homme un peu notable qui n'ait trouve son historien devoue. Tous ces personnages autrefois celebres nous sont mieux connus aujourd'hui que nos propres contemporains : nous les pouvons suivre pas a pas; il nous est loisible , si nous le voulons, de vivre de leur vie; armes de leurs corres- pondances intimes , nous savons leurs secrets mieux qu'eux-memes ne les ont connus. CependanI, au mi- lieu de cette lumiere qui s'est faite , se retrouvent parfois encore quelques points obscurs. Chaque jour, a la verite, ils deviennent plus' rares , mais il en reste encore fa et la , proteges qu'ils sonl par d'an- ciens prejuges ou de longues traditions. C'est a une de ces erreurs dc detail que j'ai cru, Messieurs, pou- voir consacrer cette causerie. 11 s'agit, a la verite, d'un personnage plus vante qu'eludie , et d'un livre plus souvent achete que lu. Mais , de I'un et de I'autre , tout le monde sail au moins le nom el le litre. Je veux parler de Marguerite d'Angouleme , reine de Navarre, soeur de Francois I^r, et de son livre princi- pal, VHeptameron, ou VHistoire des Aniants fortunes. On a, dans ces dernieres annees , livre au public de - !(>2 — rionibrcux documents sur Ic regno de Francois Ter. La grantlc Collection ties Documents inedils de I'His- toire de France nous offre, sur celle epoque, les Papiers (TElat du cardinal Granvelle , mis au jour par M. Weiss; les Ncgocialions avec la maison d'Aii- triche, dues aux palicntes recherches de M. Le Glay ; les Aegocialions avec le Levant, de M. Charricre; des leltres el documents concernanl la Captivite de Francois 'h'' , el un recueil de Lellres des rois et reines de France, public par M. Aime Champollion- Fioeac. La Sociele de I'Histoire de France a fait editor par M. Genin deux volumes de Lellres de Marguerite ■d'Angoideme, et par M. Ludovic Lalanne, le Jonrnal d'un Bourgeois de Paris. Des notices lemarquables sur Marguerite d'Angouleme ont cle ecriles notam- menl par le biblio|iliile Jacob et par M. Genin. La Sociele des Bibliopbiles mel en venle, en ce moment meme, son edition de VHeptameron ; enfin, le libraire Jannet prepare, pour la Bibliolheque elze- virienne , une edition des oeuvres completes de la reine de Navarre. De telle sorle que les travaux pre- liminaires el les moyens d'invesligation sur celle parlie de noire bistoire sonl aujourd'bui aussi eomplets qu'on les puisse desirer. Rien ne serail done plus facile que d'eludier sous toules ses faces el de recreer par I'imaginalion celle existence elegante el gracieuse de Marguerite d'An- gouleme. Nous la voyons, des son jeune age, elonner la cour de Louis XII par son aptitude precoce aux eludes les plus elevees ; plus lard, mariee successi- vemenl au due d'Alengon , Charles IV, el au roi depossede de Navarre, Henri d'Alhret ; malheureuse, peul-etrc , avec tous deux , mais les dominant I'un - 103 — et I'aulre par le charme el la superiorile de son esprit. Dans ses belles ann^es , on la rencontre a Saint-Germain, a Blois ou a Fonlainebleau, quelque- fois melee aux plus grandes affaires, plus souvent occupee de soins elegants ou d'amilies iilustres , centre et ornemenl de la cour de Frangois I^r. Puis, on ne sait trop pourquoi , elle se retire dans ses provinces du midi, tenant allernalivement sa cour a Pau et a Nerac ; entin , apres la morl du roi , pour qui son affection etail presque un culle de tous les instants, elle tombe dans le degoul de toutes choses et meurt bientot elle-meme en 154.9 , dans une sorte de solitude au milieu des montagnes du Bigorre. Dans cette vie si simple et si elevee cependant , les evenements sonl rares. L'intelligence facile de Mar- guerite ne se porte pas naturellcmcnl vers la politique. Sa politique, a elle, c'est le devouemenl au roi, devouement tout personnel , el le [ilus grand acle de sa carriere, son voyage a Madrid et sa negociation infructueuse avec Charles-Quinl, n'a pas d'autre mo- bile que raffection fraternelle. On peul lire sa corres- pondance entiere. Au milieu de billets insignifianls, quoique toujours gracieux , bien des letlres se rencontrent, qui ont pour I'liistoire une importance reelle, 11 n'en est pas une seule , dans le recueil entier , ou Ton trouve I'idee que nous exprimons par le mot de Patrie. Mais il est un sentiment noble , qui anime toule cette existence et la protege conlre I'oubli de la posterite : c'est I'amour ardent et comme la soif de la- science. Des I'epoque ou Marguerite d'Angoul6me etail encore duchesse d'Alengon, et peul-etre pour trompor les ennuis d'uno aliianre malbeurense , on. - 104 — Fovail vne se livrcr avec aiJeiir a tons les tTavau\ de I'espiit. Elle apprenail la versificalion Jes poetes de Louis XII et de Francois I^"" ; les langues anciennes kii etaienl familiei'es ; la llieologie I'altirait, et, pour mieux conijirendrc la Bible , elle ne reculait pas devanl I'elude de I'hebreu , que les ecrits de Reuchlin commenQaient a repandre dans le monde savant. L'eveque de Meaux , Guillaume Brironnel , faisant allusion a celte avidile intellectuelle, lui ecrivait en 1524 : « Sil y avoit, Madame, au boutdu royaurae » ung docleur , qui , par ung seul verbe abrege , » peusl apprendre toule la grammaiie, autant qu'il i> est possible d'en savoir, et ung aultre de la rhe- » thoricpie , el ung aultre de la pliilosophie , et » aussy des sept arts liberaux , chacun d'eux par » ung verbe abrege , vous y courriez com me au B feu. » Ce vif amour des lettres se iraduisait pour les lettres en largesses el en protection. Tons, s'ils avaient du talent ou promeltaient d'en accjuerir , etaienl surs de trouver accucil aupres de la soeur du roi. Elle avail, en 1518, admis dans sa domestlcite un jeune homme alors inconnu , Clement Ma rot , fils d'un poete de cour en favour aupres de Louis XIL Les lettres frangaises lui doivent peul-elre ce fin et gra- cieux esprit : c'esl elle ([ui a encourage ses debuts ; sa main sccourable I'a soulenu dans les epreuves d'une carriere agilee, el, s'il faut tout dire, la posle- rite doute encore si le poete ne fut pas, un moment, pour sa protectrice quelque chose de plus qu'un ami et un admirateur passionne. Un autre poete eelebre aussi , mais par des odes ecrites dans la langue dePindare et dans celle d'Horace, Jean Dorat, I — 105 -- de Limoges, fut Tobjct de la meme bienveillance. II avail, pour son debut, celebre par une elegie latine le uiariage du roi de Navarre el de Marguerite d'AiigouIerne ; ellc le fit enlrer dans la niaison de P^rangois I^r , ou il devint precepteur des pages , pour aller , longtemps apres , occuper an college de France une chaire de languc grecque. 11 faut citer encore Claude Baduel , qui fut professeur a rUniversite de Paris el , plus tard , I'un des ministres de la calviniste Geneve : il dul a une recommandalion de Mekinchton et aux bicnfaits de la reine de Navarre une instruction dont celle-ci fit tous les frais. II ne faut pas oublier non plus ces esprils d'elite , qui, sous le litre de vnlets de chambre, vivaienl a la cour de Marguerite et souvenl I'accompagnaienl dans ses voyages : Marol d'abord , le premier de lous et le plus celebre ; Antoine LemaQon , qui Ira- duisil le Decameron de Boccace ; Simon Sylvius, dit de La Haye , qui lecueillil el piiblia , en ib^l , les poesies de sa maitresse ; Victor Brodeau, d'une illuslre famille de Touraine, qui devinl chancelier de Navarre; enfin , Bonavenlure des Periers, esprit audacieux , conleur plein de verve et prosaleur inimitable, qu'ii faudrail admirer sans reserve , s'il n'avail pas , dans un ecrit trop celebre , sape les bases memes de la religion. II n'esl pas de poete ou de savant du XVI^ siecle , qui n'ail adresse ses horamages a Marguerite d'An- gouleme, ou , pour employer une expression du mal- heureux Dolet, a la seule Minerve de France. Erasme, plein de jours el couverl de gloire , sujet el protege de Charles-Quint, lui ecrivait de Bale , en 1525, pour la consoler des mallieurs de Pavie. Plus de vingl ans - 100 — apres, Ronsard, a I'ourore de sa renomince, lui consacrait encore ses premiers vers. Mellin de Saint- Gelais, Habert, Denisol, Joachim du Bellay la cele- braient a I'envi dans leiirs poesies franQaises, grecques ou latines. Jean Bouchel, Ic savant procureur de Poitiers, lui dediait son Labyrinthe de fortune; Jean Breche , son Manuel royal dc la doclrine et condition du prince; Rabelais, le Iroisieme livre i\ePantagruel; enfin, Nicolas Mauroy publiait sous son patronage sa Traduction en vers des hymnes de I'Eglise , ct I'he- braisanl Vatable , ses Commentaires sur la Bible. C'esl au milieu de ce cortege de poetes el de savants que nous apparail, aujourd'hui, Marguerite d'Angouleme. Leurs hommages et leur reconnaissance ont protege sa memoire contre les atleintes du lemps, et ils ont eu a coeur de juslifier par leurs respects immorlcls ces vers que Dolet adressait, en 1538, a la reine de Navarre : Mirabilur tu el laude multa posteris , Mandal)it illuslris cohors, Cohors alumiioruin Minerv.-c, cui liacteiuis, Pra-slo fuisti omui loco. Comme ecrivain, la reine de Navarre s'esl essayee dans plusieurs genres. Nous lui devons d'abord un recueil de poesies, celui-la meme que Simon Sylvius a piibliee en 1547, sous le litre de les Marguerites de la Marguerite des princesses. C'est un livre assez rare et recherche des bibliophiles. La reimpression qu'on en doit faire pour la Bibliotheque elzevirienne ne peut qu'etre attendue avec un serieux inlerel, mais ce serail aller bicn au-dela du vrai que d'y voir un evenement litleraire. Ces poesies, en effel , ne — 107 — sonl , a mon ovis, rien moins que dcs chefs-d'a?uvre. Elles cloivent elre I'objel cl'iine curiosite legiliiiic, on y pent chercher des elements uliles a I'hisloire de la langue, et leur variete surlout donne une assez juste ideedu mouvement litteraire de t'epoque. Mais la doit s'arreter I'eloge. Elles sont depourvues, en ge- neral ,"jil faul bien le reconnaitre, de tout sentiment poetique, ct, d'ailleurs, la scfiur de Frangois I"- y traite souvenl la rime et la niesure meme avec un sans-faQon foul royal. Le principal de ces ouvrages en vers esCJc Miroir de Vdmc pecheresse, qui fut censure par la Soi'bonne el parut lors de sa publi- cation, en 1533, impregne des doctrines lulheriennes. Je n'ai pas, Messieurs, a examiner ici quelle pent etre, a ce point dc vue, la portee du livre. Si, ce que j'ignore, il etail, a celte cpoque, dangereux pour I'ortbodoxie, il ne saurait plus retro au- jourd'bui. II n'y a de dangereux que les livres qui se fonl lire, clcelui-ci, certainement, n'esl pas du nombre. Avec le Miroir de Vdme pecheresse, se trou- vent, dans le recueil, d'uutres pieces de diverses na- tures et de coupes differentes,. une , cntre aulres, inlitulee la Coche. Celle-ci esl un dialogue dont les lois de la psychologie amoureuse forment I'objel. On devail, evidemment, produire a Toulouse beaucoup de pieces de ce genre, quand s'ouvraienl les jeux poetiques institues par Glemence Isaure. Viennent ensuile VHistoire des Satyres et des Nymphes de Diane, poeme evidemment inspire, comme le re- marque M. Genin, par les Metamorphoses d'Ovide, que Marol avail Iraduiles en vers frangais; puis la Farce de trop , prou, peu, moins; enfm, qualre myslcres auxquels la rcinc de Navarre donn*^ le litre — 108 — de Comedies, probablemenl pour les distinguer des mysleres du Moyen-Age. lis ont, en effet, sur ceux-ci un avantage reel, cclui d'etre infiniment plus courts. En outre, on y remarque une parlicularite nouvelle, je crois, a cette epoque, dans les usages du theatre. Je veux parler des choeurs d'anges, qui viennent couper le dialogue el reposer I'esprit. Seulemenl, ces anges ont une musique bien mondaine , et ils ont certainement appris les chansons de Marot, car ils chantent sur Fair: Pour tant queje suisimhon- liomme, ou sur cat autre: Jouissance vous donnerarj . Je ne vous parle point, Messieurs, de bien d'autres pieces fugitives de Marguerite d'Angouleme. En ge- neral, elles n'ont guere de valeur. II faul rappeler, cependant , ces vers gracieux adresses a Marot , que tous les amis de notre vieille lilterature ont lus au moins une fois : Si ceux ;i qui devez , comme vous diles , Vous congnoissoient comme je vous congnois , Quilte seriez des debtes que vous feites Le temps passe, tant grandee que petites. En leur payant un dizain toutes fois, Tel que le vostre, qui vaut mieux mille fois Que I'argent deu par vous , en conscience : Car estimer on peult I'argent au poix, Mais on ne peult ( et j'en donne ma voix ) Assez priser vostre belle science. Mais sont-ce bien la des vers de la reine de Navarre ? 11 faut, en general, se defier des muses royales. Ici , le talent est tellement superieur, que la plume du valel de chambre-poete pourrait bien y avoir laisse trace , et Ton sait , de reste , que I'admiration dont il y est I'objet ne serait pas un motif de croire qu'il n'en fut pas I'auteur. — 109 — J'aime mieux ciler, pour en finir ovec les poesies de Marguerite d'Angouleme, quelques strophes de la Chanson faicfe dans sa lidiere durant la malladye dii roy. FrauQois I"'" est malade a Madrid. Les me- decins le jugenl perdu. Sa soeur court le rejoindre pour le rappeler a la vie ou le consoler de la mort, et , chemin faisant , elle adresse a Dieu sa priere en COS termes : De touttes ses graces et dons A vous seul a rendu la gloire ; Par quoy les mains a vous tendons, Aifin qu'ayes de luy memoire. Pulsqu'il vous plaist luy faire hoire Vostre ralice de doulleur, Donnes a nature victoire Sur son mal et nostre malheur. Le desir du bien que j'aclendz Me donne de travail niatiere ; Une heure me dure cent ans , Et me semble que ma lictiere Ne bouge, ou retourne en arriere, Tant j'ay de m'avancer desir. 0 ! qu'eir est longue la carriere Ou a la fois gist mon plaisir ! Je regarde de tons costes Pour veoir s'il arrive personne , Pryant sans cesser, n"en doubtes, Dieu , que sante a mon roy donne. Quanl nul ne voy, I'oeil j'ahandonne A picurer ; puis sur le pappier ling peu de ma douleur j'ordonne : Voila mon douloureux mestier. Cetle fois, Messieurs, c'est bien le style de Mar- guerite d'Angouleme. Dans ces strophes legulieres — no - et animees , on no sauriiit retiouver In trace de ses longueurs ordinaires, ni celle de ses revolles conire la prosodie , mais on y reconnait I'empreinle de ses meilleures qualiles : la chaleui" de I'ame cl b senli- menl inallerable de ramour fraternel. II reste maintenanl, Messieurs, a examiner le dernier el le plus important des ouvrages de la reine de Navarre, V Hcptameron , ou VHistoire des Amants fortunes. G'est ici que la tradition litleraire el le sentiment general me semblent elre lombes dans une etrange confusion cpie nul, a ma connaissance, n'a cherche encore a dissiper. Evidemmenl, sur le litre de I'ouvrage et sans aller plus loin , on s'est cru autorise souvent a en juger la nature. On n'y a voulu voir qu'un recueil d'anecdoles licencieuses, une sorle de liberlinage d'esprit, digne d'etre mis en parallele, ou peu s'en faut , avec les productions cyniques de Branlome. Aussi, dans lous les temps, les editeurs de litleralure gauloise, comme on dit nujourd'bui , se sonl-ils empresses de reimprimer cet ouvrage a part, et presque loujours I'operalion a ele fruclueuse. Mais grand doit elre, a mon avis, le desappointemenl des acheteurs, qnand ils cherchent dans leur nouvelle conquele autre chose qu'un sujet d'elude litteraire. De meme on s'est mepris cerlainement sur la dale de I'ouvrage et sur I'age qu'avait I'auleur, quand elle I'ecrivail. Chanlee comme elle I'a ete dans toutes les langues par les poeles de lout un siecle , Marguerite d'Angouleme apparail necessairement a I'imogination douee des graces d'un eternel prinlemps. Le lilre dc Touvrago, la nature des recits qui le composenl for- menl un autre prejuge, ct , dans lous les 'temps, il parait avoir ele avere que V Heplameron est roeuvre — m — (le la jeuness » herohm et extrenia vita minus dignum. » C'est cxactement le conlraire qui est vrai cepen- dant , el VHeptameron est I'ceuvre , non-seulement des dernieres annees , mais des derniers jours. Voici, Messieurs, les preuves que je puis donner a I'appui de cetic assertion : Brantome dit en parlanl de I'auleur : • 0 Elle fit en ses gayelez un livre qui s'inlitule : » les Nouvelles de la Reine de Navarre, ou Ton y » voil un stile si doux et si fluant , ot plain de si — 112 - » beaux discours et belles sentences , cjue j'ay ouy » dire que la reyne mere el madame de Savoye , » eslant jeunes, se voulurent mesler d'en escrire des » nouvelles a part, a I'imitation de la dicte reyne de » Navarre, sachant bien qiCelle en faisoit. » Marguerite dit elle - meme dans la preface de VHeptameron : « Entre autres, je crois qu'il n'y a nulle de vous » qui n'ait lu les Cent Nouvelles de Jean Boccace , » nouvellement traduites d'italien en frangois; des- » quelles le roi Ires chreslien Frangois , premier de » ce nom , Monseigneur le Dauphin , Madame la )) Dauplmie , Madame Marguerite ont fait lant de » cas , que si Boccace, du lieu ou il esloit, les eust » pu oui'r, il eust du ressusciter a la louange de » telles personnes. » La princesse que Brantome appelle ici la reine- mere, est Marguerite d'Angouleme ; Madame la Dauphine est, sans aucun doute, Catherine de Medicis. Or, son maiiage avec Henri, daupliin de France, eut lieu en 1533, el la traduction nouvclle des conies de Boccace qu'elle lisait a la cour , ne pent etre que celle d'Antoine Lemagon, qui fut publiee seulement en 154-3. Marguerite , etant nee en 1492, avail alors cinquante-el-un ans. On I'avouera , je pense , ce n'est plus la, et chez une femme surtoul, I'age des peches de jeunesse. D'ailleurs, celte preface dc V Heptameron est rem- plie de details topographiques sur les bains de Caulerels el leurs environs, details qui supposent un sejour assez prolonge dans le pays. Or , le sejour de la reine de Navarre a Caulerels eut lieu-en 15-41, comme nous I'apprenons par une de ses leltres, ecrite en Mars de cetle meme annee. On y lit , en effel , le passage suivant : « Et par le conseil des » medecins, le roy de Navarre , a ce moys de may, T> s'en va meltre aux baings de CoUcrelz , ou il se J fail , tous Ics jours , des clioses rnerveilleuses. J) Je me deslibere, apres m'etr<3 reponsee ce caresme, » d'aller avecques luy pour le garder d'ennuyer, et » faire pour luy ses affaires. » Ce rapprochement nous ramene encore a la meme epoque. Enfin, la Nouvelle 62 (deuxieme de la septieme journee ) commence ainsi : « Du lamps du roi » FrauQois Z^"" , y avoit une dame du sang royal.... » Elle a, par consequent, ete ecrile apres la mort de Francois ler , soit au plus tdl en mai 1547. Et la Nouvelle 66 n'est qu'une avenlure arrivee a Antoine •de Bourbon et a Jeanne d'Albrel peu apres leur mariage , c'est-a-dire vers la fin de 1548 ou au commencement de 4549. II est done de la derniere evidence que VHeptameron a ete ecril entre les annees 1543 el 1549, (jue I'auleur avail alors de cinquante-el-un a cin(iuanle-sepl ans , el que la mort seule I'a forcee de laisser son livre inacheve. D'ailleurs, independammenl des citations qui pre- cedent, je dirais volontiers, Messieurs, qu'a la sim- ple lecture , la forme de I'ouvrage , son style el ses idees eussent dii suffire a en fixer la dale , au moins approximativemenl. Les guerres de Naples et du Milanais avaient mis en vogue, a la cour de France, la lilterature ilalienne. La traduction d'Antoine Le- magon y fit connaitre les Nouvelles- de Boccace, vous avez vu avec quel succes , et Marguerite, aussi, voulut avoir son Decameron. Elle se mil .done a I'ceuvre, pour occuper les loisirs de sa cour de Pan, XXVI ij. 8 — 114 - et au lieude placer, comme Boccace, ses personnag*s sur les rives de I'Arno , elle pril pour cadre de ses tableuuxla chaine des Pyrenees, donl elle apercevait au loin, dcs fenelres de son palais, les cimes etin- celanles. Des seigneurs el des dames de la cour de Navarre ont ele a Caulerets, o les uns pour Loire de » I'eau, les aulres [)0ur s'y baigner, el les aulres » pour prendre de la fange , qui sonl choses si » nierveiileuses, que les malades abandonnes des » medecins s'en relournenl tons gueris. » 11 y a aussi dans le nombre, comme on le pourrail voir encore de nos jours, des genlilshommes qui sonl venus aux bains « plus pour accompagner les dames, donl ils » sonl servileurs, que pour faule qu'ils aienl de « sanlc. » Celte compagnie brillanle esl surprise a Caulerels par des pluies lorrenlielles. Le Gave, enfle subitement, les empeche do regagner Tarbes , la lempele les disperse. Quelques-uns sonl allaques el mis en fuile par les brigands ; d'aulrcs s'egarenL dans les monlagnes ; d'aulres encore essaienl vaine- menl de francbir le Gave, el y perdent meme plusieurs servileurs enlraines par les eaux. Enfin, apres bien des dangers, dix d'enlre eux, dames el genlilshommes, trouvcnt un refuge au couvenl de Nolre-Dame-d'Ar- rens, et la , leur premier soin esl de « faire une joie B ineslimable, louanl le Createur qui, se conlentanl * des servileurs, a sauve les mailres et mailresses. » Pendanl que Ton conslruil pour eux un ponl de char- penle sur le Gave, ils cherchent ensemble des moyenS de remplir leurs journees. Le matin, ils assislent a Tofficedivin; puis une veuve agee el savanle, Madame Oisille,. dans laquelle il est facile de reconnaitre la rfeine do Navarre elle-meme, commenle quelque — 115 — passage des sainles ecrilures. Apres le diner, on se reunit dans uno prairie voisinc du monaslere, on s'assied a I'ombre des grands arbres, et cliacun, a son tour', fouillanl dans ses souvenirs, raconle une Nouvelle, dont il garanlit rexaclilude. Enfin , chacun de ces recils esl suivi d'line conversalion generale, ou c:hac|ue personnage dil son mot, inspire par le recil iui-meme, dont le sens et la morale se troiivent ainsi fixes presque toujours. L'oeuvre de Marguerite, comme celle de Boccace, devail avoir dix journees: clle s'arrete inachevee a la huitieme, dont nous avons seulement les deux premieres Nouvelles. Presque loules ces liisloires galanles manquenl de seve et de jeunesse; la passion lie les anime pas, el on ne peul les lire sans eire frappe de leur monolonie, Mais le style est clair, il a une elegance soulenue ; le recit esl souvent inge- nieux, el I'ouvrage entier esl rempli de details pre- cieux sur les moeurs, les habitudes, les idees et les plaisirs de la cour de P^rangois ler. On ne peul douler, en effel, que lous ces recits ne soient des hisloires leelles : les noms seuls ont ete changes ou omis. Mais il faut reconnaitre aussi qu'on y rencontre raremenl des trails de moeurs applicables a I'ensemble de la societe frangaise. Beaucoup de Nouvelles , sans doule, concernent les moines, les cordeliers surlout, qu'on regardail comme les moins rdifianls ; mais, en general, la cour seule y esl peinle, et dans I'Hep- lameron, comme dans sa correspondance, le monde, pour la reine de Navarre, s'elend fori peu au-dela. Les conversations qui suivenl chaque recit me- litent aussi d'etre etudiees. On y saisit au vif I'espril •de la societe elevee , et eel esprit est essenliellement — 116 - futile. Pai'loulil s'epanche en discussions fastidieuses sur la siipcriorile dc I'un et de I'aulre sexe, en dis- linciions insaisissables sur des nuances de senlimenls, en sieiilcs analyses de psychologic amoureuse. II y a la bicn des pages qui, un siecle plus tard, durent elrc familieres aux commensaux de I'holel de Ram- bouillet. Mais il s'y renconlre aussi beaucoup de cita- tions des livres saints , beaucoup de trails d'une saine morale etd'un sentiment eleve , que toujours I'auleur met dans la bouche de Madame Oisille. La, il n'y a plus trace de subtilites pueriles ; c'esl bien la reine de Navarre qu'on retrouve, avec sesgrandes qualites, son coeur emu , sa piete profonde et sa religion tole- rante. Maintenant , Messieurs, me sera-l-il permis, en terminant, d'indiquer en peu de mots le rang que, selon moi , doit occuper Marguerite d'Angouleme dans la lilierature de son siecle? A quelque point devue que Ton se place, ce rang, sans aucun doute, nesourait etre le [»remicr. En poesie, elle doit ceder le pas a Gringoire el a Mellin de Sainl-Gelais. Je ne veux rien dire de Marot, car il n'est aucun parallcle possible entre la sceur de Frangois h^ et le brillant auteur de VEufer, du Temple de Cupido , de VEpi- thalame de Jacques V et de VHymne a la Deesse Sanle. Dans la prose, elle a des rivaux qui I'effacent. Vainement on cbcrcbcrait , dans les recits un peu uniformes de VHeplamevon, la vive allure et la franclie gaite des joyeux devis de des Periers, la raillerie savante du Cymbalum Miindi , la verve in- tarissable de Rabelais, on la phrase puissante de Cilvin. Mais, au-dessousdeces maitres de L'arl d'ecrire et bien au-dessus ties auteurs secondaires, -dont les J — 117 - noms memes sont oublies, viennent se placer les CEuvres de la reine de Navarre, et, malgre leurs defauts inconteslables, elles vivront aulanl que la langue frangaise. (f8 POESIK. A MESSIEURS LES MEMBRES ®E l'academie imperiale de reims-^ par M. J. Tardieu de Saint-Germain, Mt'nibre coire.-imndant. i .liiin 1858. Messieurs ,. Garilant pieusemeiil un ancien privilege, Depuis treize cents ans , voire illustre cite Ouvrait son sanctuaire au splendide cortege , Et devant les autels sacrait la Royaute. lis portaient sur le front le divin caractere , Ceux qui sous voire dome elaient oints et benis ; Leur sceptre commandait aux puissanls de la terre. — Les derniers, maintenant, dorment a Saint-Denis. lis y reposaient tous I — Mais la foule egaree, Un jour, a souleve la dalle des caveaux , Et disperse la cendre, et vole les tombeaux. — La Liberie, chez nous, est ainsi celebree ! - 119 — Liberie, mot sublime, el quelquefois suspect I A I'abri de ton nom, combien d'horreurs commises ! De crimes impunis , de iacheles permises ! Je sais un mot plus pur, et ce mot , c'est — Respect. Cast la le sentiment que voire ville inspire. — Interrogeani le front de vos vieux monuments, D'un regard curieux je tache de relire Le reflet efface des grands evenements. II est un nom surtout qui m'attire el m'appelle : — Sur les remparls tombes de I'antique cit6, Le fanlome brillnnt de Jeanne la Pucelle A laisse pour toujours sa touchanle clarte. Du plus pur devouement chaste et pieux modele ! Les flots des combatlants fuyaient a son aspect ; Elle 6tait simple et sage , autant qu'elle ^tail belle , El son calme regard imposail le respect. Pourtant, il s'est trouv6 dans le pays de France Un 6crivain d'esprit, mais un plaisant sans coeur, Qui sur ce front si pur, lerni par la souffrance , A diverse I'affront sans pitie , sans pudeur ! De ce poeme impur comme elle est bien veiigee , Celle dont nous gardens le pieux souvenir ! — Dans la liste des Saints le peuple I'a rang^e ; Et son nom vdnerti ne pourra plus mourir Quand elle prfeenla les clefs de voire ville Au roi d^courage qu'elle avail soulenu , Au roi dont elle avail arme le bras debile. Quel sublime tableau ! — Vos cceurs I'ont retenu ! Vos coeurs I'ont retenu ! C'est encore une gioire Que gardera longtemps voire noble cite ; — 1-20 -- Car c'esl uii fait touchant consigne dans I'liistoire . Reims a voulu payer son hospilalite (1) L'onfniU . plus tard, etait delaissee et vendue ! — Eile eul pouj' eniiemi rEgoisme enervant. Sa voix crianl merci n'elait pas enlendue ! — La ceiulre du martyre elail jelee au venl ! Ah ! respect au malheur ! — respect a sa memoire !' Si vous ne croyez pas la voix qui la guidait , Si vous ne croyez pas , — au inoins laissez-nous croire Qu'eileelait bien du Ciel, la voix qu'elle entendail !. .. iMais voire noble histoire aura plus d'une page : Si vous ne sacrez plus les puissants souverains , Vous consacrez encor, dans voire Areopage, Le succes et parfois I'efforl des ecrivains. Un Jour, tout en revanl, je m'arrele et me penche ; Quel objet precieux elait sur mon chemin ? — Je ramasse une epingle et la mels sur ma manche : C'etait assez pour vous pour me tendre la main. Car vous encouragez de voire sympathie Non-seulement I'esprit, le succes , le talent ; Mais vous ouvrez le seuil de voire Academie A qui laisse entrevoir quelque bon sentiment ; Comme cet opulent dont parle TEcriture , Qui d'un luxe royal se passait la splendeur, Mais qui n'oubliail pas de donner la pature Au pauvre, — et son diner n'en semblait que meilleur (1; Comi)te des tiaig fait» ikh les luiliitnnts de Reims, pour le sacie de Charles VII. — 121 — Messieurs, que le bonheur toujours vous accompagne ! Que vos derniers soleils soient comma des matins ! Que I'esprit pelillant , gloirc de la Champagne , Comme dans vos ecrits, brille dans vos festins ! Excusez-moi , pourlant, si ce n'est I'habitude D'adresser jusqu'a vous un message direct ; Et daignez agreer , avec ma gratitude , L'hommage affectueux de mon profond respect. — 122 — L'ALfflANACH DE L'AN PROCHAm, Par ie merae. Vous voulez savoir I'horoscope Du nouvel an qui va venir ; Mais je ii'ai pas le telescope Qui fait lire dans I'avenir. Je sais que la source rapide Vers le vallon suivra son cours , Et que, dans son onde limpide , Le Ciel se mirera toujours ; — Mais je ne sais si la jeunesse Vers le bien suivra son chemin , Et ne quittera pas la main , La main que lui tend la Sagesse. Je sais bien que le rouge-gorge Se plaira toujours dans son nid ; Que, pour un grain de ble ou d'orge, Son chant dira : Dieu soit beni ! — Mais qui sait si la Providence Contentera les gens d'esprit, Et quel affront sera le prix De tous les biens qu'elle dispense ? Je sais bien qu'un nid d'hirondelle, Tous les ans, revient sous men toil , Et que le meme oiseau fidele Au meme oiseau garde sa foi. — Mais les amities de cc monde ? Je n'en dis rien pour Tan qui vieiit : D'ordinaire , s'il ra'en souvient, Elles sont stables coniine I'oiide. Je sais bien que la vigne foUe Ne manquera pas d'uii soutien , Et que sa blonde girandole Clierit I'ormeau qui la relient. — Si vous parlez des filles d'Eve , Je n'en dis rien pour I'avenir ; Mais . I'an passd , ieur souvenir Durait bien — ce que dure un reve. Je sais bien que I'astre de flamnie Dans les fruits versera le miel , Et felera repithalame Pour unii' la Terre et le Ciel. — Mais I'araour et I'amitie sainte Sauront-ils rechauffer les coeurs., De I'orphelin secher les pleurs Et du malheur calmer la plainte ? Je sais que la mar caressante Ira baiser le sable d'or , Et sur son onde languissante Bercer le marin qui s'endort. — J'en ai bien vu des equipages , Joyeux , se coniier au sort ; Mais ont-ils regagne le port ? Ont-ils compte sans les orages ? Du nouvel ^au qui va venir "Vous voulez savoir Thoroscope,; Mais je n'ai pas Je telescope Qui fait lire dans I'avenir. 124 — MI6N0N, REVERIE, Par le mSme. Quand Mignon passait , les folles abeilles Venaient eflfleurer ses Ifevres vermeilles; Les 6pis des bl6s , les roses des Lois Se penchaient aussi pour toucher ses doigts. Tout n'etait qu'amour et que reverie; Dans son lit d'argent le ruisseau glissail , Courant apres elle , et le venl baisait L'herbe sous ses pieds k peine Archie , Quand Mignon passait. Quand Mignon chantait , cette voix b^nie Versait sans compter des flots d'harmonie. Des chaines d'argent , des liens de fleurs , Comme en des filets , retenaient les cceurs. Tout n'etait que charme et que m^lodie ; Pour mieux I'^couter , 1' enfant se pendait Tout pres de sa bouche , et I'ame aspirait Les parfums subtils de la poesie , Quand Mignon chantait. Quand Mignon pleurait, la Terre ^tait sombre; Le Ciel 6tait gris, tout 6tait dans I'ombre. Soleil sans rayons , couleurs sans clart^, Printemps sans parfums , roses sans beauts , — 125 — Oiseaux sans amour, ruisseaux sans rnurinure, Tout voulait mourir , tout deperissait ; Reflet de ses yeux , la fleur languissait ; Sa peine attristait toute la nature, Quand Mignon pleurait. Quand Mignon dansait , les nymplies legeres Prenant , en riant, I'liabit des bergeres, Voulaient se meler gaiment a ses jeux, En groupe folatre , ou bien deux a deux. Mignon se perdait parmi les plus belles ; Pas une en beaute ne la depassait ; Son ami , pourtant, la rcconnaissait Au parfum de Fair, au vent de ses ailes , Quand Mignon dansait. Quand Mignon dormait , les palmes des saules Venaient caresser ses blancbes epaules , Formaient sur son front iin frais parasol , Et, comme un tapis, rampaient sur le sol ; Le flambeau du jour moderait sa flamme ; Lc vent parlait bas ; I'oiseau suspendait Le chant commence ; le pavot versait Sur ses beaux yeux clos son plus pur dictame, Quand Mignon dormait. Mais quand elle aimait, quand Mignon la belle A choisi rami , lc coeur digne d'elle. Quel beau reve d'or ! quelle fete au ciel ! C'etait pour toujours la lune de miel. — II n'a pas touchc ses levres de flamme : — Pour ces baisers-l.'i I'liomme n'est pas fait. II vit dans ses yeux le Ciel qu'ii revait. En touchant sa main , ii a rendu I'dme, Celui qu'elle aimait. - 126 — SUR L'INAUGURATION de LA STATUE DE JEANNS D'ARC A ORLEANS, Par M. Ale. Genty, raetnbre correspondant. Gloriam vidi returgentis. IV. Quatre siedes entiers ont passe sur ta cendre , Noble (ille ! et les murs que ta main sut defendre T'appelaient vainement ! Depuis que le bourreau dispersa ta poussiere , Pour tromper nos ennuis , nous n'avions, 6 guerriere, Pas meme un monument 1 Quatre siecles entiers nous I'avons atlendue, Jeanne! A nos voeux, enfin , te voila done rendue Dans ee bronze adore ! Oui, e'est la ton regard , pur ccmme la lumifere , Ardent comme la foi, doux comme la pri6r€, Et ton front inspire ! — 1 27 — 0 toi que nous aimons avec idolStrie , Pauvre et sublime enfant qui sauvas la patrie Livree a Tetranger ! Jeanne, toi qui, melee aux celestes phalanges, Sur nofre France encor veilles avec les anges , Dans les jours de danger ! Lorsque a nos yeux ravis le bronze expialoire Apparaitra , brillant d'un reflet de victoire ; Lorsque, au bruit du canon , En ces murs trop etroits , la foule electrisee Saluera de la voix , du coeur , de la pensee. La gloire de ton nom ; Tous les preux que jadis ombrageail I'oriflamme, Heros fiers d'obeir a la voix d'une femme , Dunois, Montmorency, Et d'llliers, et Giresme, et La Hire, et Xaintrailles, Presses aulour de toi , comme dans les batailles , Applaudiront aussi ! Salut, 6 monument qu'une fete inaugnre ! La France, en contemplant cette grande figure , Apprendra ses devoirs, el, fidele aux heros, Ne verra plus boiler la tardive Justice, Qui , laissant Tlnnocence aller seule au supplice, N'arriva qu'apres les bourreaux. Un pardon gcnereux n'absoul pas leur memoire. lis out , ils garderont leur place dans I'histoire ; Mais ces nonis, d'agc en age abhorres et flelris, Ne doivenl pas souiller la levre du poete ; Noire Muse indignee, et cependant muelte, Les protege de son mepris. — 128 — D'ailleurs , nous n'avons plus de haine Mr^ditaire. Apres de longs discords , la France et I'Anglelerre N'ont qu'une meme voix pour maudire un forfait , Ainsi que deux vaillants el loyaux adversaires Qui 86 lendent la main , qui se traitent de freres , Lorsque I'honneur est salisfait. Jeanne, sois done pour nous un pacifique embleme ! Oublions , s'll se peut , eel cffrayanl probleme Qu'agila dans le sang la Irisle Hunianile ! Les peuples sont enlres dans une ere nouvelle ; Le genre humain s'eclaire, et le Temps, sous son aile, Ne couve que la Liberie ! Le Monde , fatigue de ses luttes sans treve, Veul alleindre le but qu'il entrevoit en reve Plus de debals suivis de cuisanls repentirs ! L' Amour lui servira de voile , de boussole, Et la Paix, fleur du ciel , ouvrira sa corolle Sur la tombe de nos martyrs ! Mais si quelque barbare, amoureux de conquetes , Jette son cri de guerre au milieu de nos fetes, Ose altaquer nos droits meconnus et trahis , Que cet airain superbe ou revit ton image , Vierge immortelle, enseigne aux Franfais d'un autre Sge Comment on meurt pour son pays ! A MADAME ¥*♦ EN LUl ENVOYANT UN ANGORA. Par le meme. L'hot* cheri qui, dans une heure, "Pour s'asseoir a voire foyer, Va quitter le seuil familier De ma solitaire demeure , Depuis tantot deux ou Irois mois , D'un air contrit, d'un ton courtois, Sollicite de ma clemence Des rats nourris dans I'abondance £t la liberte sur les toils. . All va parlir. Quel dommage ! J'aimais lant les airs sludieux De r hypocrite personnage Feuilletant, sans ouvrir les yeux , Les bouquins de mon ermitage , Et du sommeil des bienbeureux Dormant a la sixii^me page ! Escobar n'aurait pas fait mieux. Helas ! faut-il que je le dise ? Ali fait rougir ses ai'eux Qui, dans un couvent de chartreux , Tout en cliassant aux rats d'eglise , Etudiaient grec et latin Avec lant de zele quenfin , XXVIIJ . — 130 - Au dire du sieiir de Branlome , lis glosaient sur saint Augustin Et dechiffraient saint Chrysostome. Je sais que le siecle, emporle Vers des etudes moins severes , Dans leur poudreuse vetuste Laisse moisir tous ces bons Peres. Saint Chrysostome a peu d'appas, Et, certes, je ne pretends pas Qu'Ali, coifTe de scolastique , Soit aussi fort sur la replique Qu'une douzaine de prelats Dans un concile cecumenique ; Ni qu'il montre dans ces debats, Ou quelquefois on deraisonne , L'opiniatrete bretonne D'un jeune docleur en Sorbonne Qui, pour mieux prouver qu'il a tort, En prechant un saint monotone Que n'a jamais connu personne, A chaque periode entonne Un eternel Argumentor El puis, il est si jeune encor, Que j'incline vers I'indulgence ; Je condamne I'enfant gate A suivre un cours d'urbanite , D'csprit, de grace et d'elegance , Le tout sous votre surveillance. D'une si douce penitence L'espi^gle parait enchante. Vous m'allez demander peut-etre En quels lieux I'aveugle destin, Au dernier printemps, a fait naitre iS'otre avcnturt'iix peleiin. - \S\ — Ful-il berce par des duchesses , Et, sur un tapis de velours, Parmi le fasle des richesses , Vit-il couler ses premiers jours ? Ou, d'une bavarde portiere Hole indiscret, a-t-il surpris Les billets d'uii jeune Adonis A quelque aimable locataire ? — On ecrit beaucoup a Paris. — Ou, cliez un barbare empirique, A-t-il , nioyennant force ecus , Pour galvaniser des perclus, Servi de machine electrique ?. ... Trois points d'interrogation : Car, pour trancher la question , Je manque de preuve authentique ; Mais je tiens d'un auteur gascon Que. rapporte de Palestine , A Mons Ali, dernier du noni , Fut transmis par succession Le manteau iioir double d'hermine Qui defend sa grace caline Centre la niauvaise sai.son. Son trisai'eul et son grand-pere Combattirent sous I'etendard De cet illustre Rodilard Dont, jadis , la dent meurtriere Fit passer de vie a tr^pas Une cohorte tout entiere De la Sainte Ligue des rats. Toutefois , pour que ma chronique Rende hommage a la verite , J'avourai qu'i la fin Iragique De cette bataille homerique , Le trisaieul, epouvante Des oris , du sang et du carnage , - Am — Sans doute par humanitp, , Se blotlit derriere un fromage. Ainsi , versant des pleurs de rage , Mais pleurant des amis vaincus , Tu vins l.'asseoir , 6 Marius , Sur les ruines de Carthage !.... lei, je suis inlerrompu. Dieu nous fasse misericorde ! Mi m'a, je crois , entendu; Ali se plaint de mon exorde Trop de franchise m'a perdu , El peu s'en faut qu'il ne me morde. Aussi pourquoi parler de corde Dans la famille d'un pendu ? Des louanges, une caresse Reparent cette maladresse. Tandis qu'Ali flane au soleil, Dans ma prevoyante sagesse, Je lui donne un dernier conseil. a Vous prometlez obeissance , u Respect , amour , fidelite J) Au doux Mentor dont la bonte 0 Guidera votre adolescence ? — » Fort bien ! le sermenl est prete D J'aime votre docihte ; « J'admire voire intelligence. « — Au fait, il n'a point hesite. Qui chatouille la vanite , Pent compter sur son eloquence. — « Pour votre maitresse toujours » Faites la patte de velours ; » Puis , quand I'harmonieux ivoire s> Marie au oharme de sa voix - 133 — » Des sons qui meurent sous ses doigts 1) Pour vivre dans noire menioire , » Taisez-vous , de peur que I'hisloire » N'apprenne a la posterite t> Que, vous traitant comnie un profane , > Dame Nature avail dole » Voire ludesque majesle •> D'une paire d'oreilles d'ane. 0 Surlout, Ali , n'imilez pas » Ces lovelaces de gouUiere 1) Qui , des que la nuil ici-bas , » Des humains ferniant la paupi^re , » Ouvre la paupifere des chats , I) Assourdissent la ville entiere » De leurs efFroyables sabbals. » Tandis qu'a cette ame encor lendre Je crois avoir bien fait com prendre Les quatre points de mon sermon ; Qu'en forme de peroraison, Je lui prouve qu'il faut pr^teijdre, Quand on porte barbe au menlon , A la bravoure d' Alexandre , A Taust^ritd de Caton , Le beau prisonnier, qui s'ennuie, Accuse tout bas , je parie , Mes discours de monotonie , Joue avec ma plume et repand Le sablier dans I'ecritoire. Parlez de morale a present , Et vous n'avez plus d'auditoire. Mais deja Laffitte et Caillard Donnent le signal du depart. Je m'arrete, mais un pen lard Pour ^chapper a la critique. Sous rinfluence nai cotique De quelque pedagogue antique ,. Mon style devienl froid et sec , Et j'ai peur de vous parler grec. Qui parle trop , souvenl radote. Je retourne a mon Hcrodole , A mon Sophocle , a mon Platon . En rimaillant hors de saison , Ainsi que mainl rimeur sublime , Je pourrais, par distraction. Prendre la raison pour la rime , Ou la rime pour la raison. Le ciel n'appartient qu'a I'aiglon ; Icarc est tombe dans I'abime... J'arrive a ma conclusion. Que , pour nous conserver la joie, Madame, le Ciel vous envoie Des chansons a tons vos reveils, De longs prinlemps, de beaux soleils, Des jours files d'or el de sole ! De voire front calnie el serein Qu'il ecarte les maux sans nombre Que laisse pleuvoir de sa main Le Temps , ce vieillard a I'oeil sombre, Qui rit de nos projets dans I'ombre , Quand nous revons au lendemain ! Et que voire bonheur s'envole, Quand les chats prcndront la parole; Quand Bincliene aura des lecleurs ; Quand on donnera I'esperance Au dernier de vos serviteurs De passer marechal de France ; Quand les rois seronl des pasleurs , Quand la Calomnie au teint bleme Metlra votre grace en problemc , — 185 — Sans trouver de contradicteurs ; Quand devant tous , en plein Gartoe, Les cenobites feront gras ; Quand je saurai par cceur Bareme, Ou qu'enfin , changeanl de systems , Les souris mangeront les chats ! ->.'^i)- - 136 — SEANCE PUBLIQUE T<>niiele 29 Juillet 185»: DISCOURS D'OUVBRTURE Par M. H. Landouzy, Directeur de I'Ecolc de M^decine- de Reims, President annuel de rAcademie. Messieurs , Les cornices lilleraires ont la meme raison d'etre que les cornices agricoles. 11 faut encourager la culture de I'esprit, comme on encouraofe la culture de la lerre. II est, en effct, des esprits loujours^en friche ; il est des cerveaux trop souvent en jachere; il est de nombreux domaines scientifiques inexplores jusqu'a- lors, et oil les epis jonchent le sol, faule de mois- sonneurs. Loin de nous, cependant, d'attribuer aux acade- mies la meme importance qu'aux comices.! Non que nous mettions la vie materielle au-des- sus de la vie intellecluelle ; non ([ue , malgre ce siecle dp plus en plus utililaire, nous nous laissions dominer - 137 — par le primo vivere , mais uniquement parce que les arts liberaux trouvent deja en eux-memes d'assez precieuscs recompenses pour n'avoir pas besoin d'au- tant d'appui. Un nuage pent aneantir les efforts du laboureur: rien au monde ne saurait enlever les tresors de la science. Aussi, n'est-ce pas seulement pour encourager le travail que sont inslituees les academies, mais pour servir de points de ralliement; pour reunir en un seul faisceau des lumieres diverses ; enfin, et c'esl la peul-etre le cote egoiste des academiciens, pour con- stituer, dans les grands centres, une sorte d'asile, de lieu de refuge en faveur de ceux qui eprouvent I'im- perieux besoin de se retrancher de temps en temps centre les preoccupations de la vie, conire I'en- vahissement des interets materiels. Tous les esprifs eleves, tous ceux qui admeltent que I'ideal doit prendre une certaine part dans I'exis- tence, ont compris ce role des academies ; el si, dans ce palais consacre a la science et a la charite par Tun des plus savants princes de I'Eglise, nous voyons reunis, aujourd'bui , les principales autori- tes et les bommes les plus distingues de la cite, il faul I'altribuer a celte sympatbie que les tendances de decentralisation intellectuelle savent toujours in- spirer aux ames d'elite. Les gouvernements eux-memes ont tous favorise I'utile mission des academies de province; mais, si tous ont chercbe a les grandir, aucun, cependant, n'avait mis encore a execution I'ancienne pensee de les relier entre elles et de mellre en lumiere leurs Iravaux. ~ 138 — a Je liens a honneur, nous ecrivait , il y a quel- » ques mois, le nouveau minislre de I'instruction » publique, je liens a honneur de faire rendre aux » academies de province la justice qui leur est due. « En organisanl des facultes ou des ecoles supe- » rieures dans la plupart des grandes villes , en » encourageant la formation ou le developpement > des bibliolheques et des musees, le Gouvernemenl a » temoigne du prix qu'il attache a ce que le mou- » vemenl intellectuel ne soil plus concentre a Paris. » II ne pent voir sans une vive satisfaction les » hommes les plus honorables ct les plus consideres » du pays le seconder dans cette tache, en revelant y> les ressources lilteraires et scientifiques que ren- » ferment nos provinces. » En offrant de nouveaux encouragements et une » publicite plus efficace aux academies , j'ai voulu , » d'ailleurs , Monsieur le President , bien moins » slimuler le zele de leurs membres que constater », les resullats de leurs recherches, relier leurs eludes 0 et montrer a tous ce qu'elles font, chaque annee, » pour I'honneur du pays et les progres de la civi- » lisation. » Deja, je le repete , plusieurs ministres , et parli- culierement MM. Guizot el de Salvandy , avaient elabore des projels analogues ; mais, a part quelques credits isoles, I'idee etait restee jusqu'ici a I'etat d'abstraction. Sans conlredit, ce comite central auquel viennent d'etre rattachees toutes les societes savantes n'est qu'un premier pas vers une institution plus liberale, et un jour viendra ou sera mis a execution le plan qui raltachait direclement b I'lnstilul de France les — iS2 — principales academics , conirne autanl de foyers re- flecteurs destines a disseminer la lumiere. Un point qu'on ne saurail trop louer dans le nou- veaii decret, c'esl la creation d'une section des sciences qui aura, comme les deux autres , ses inlerpretes officiels pres du ministere , ses juges competents el son prix annuel de '1,500 francs. Et, en effet, n'clait-ce pas une singuliere ano- malie que les academies de province, si bien placees pour ravancemenl des sciences, fussent encouragees seiilemenl a culliver les lettres? Comme si nous elions encore a ces temps recules oil la province representait reellement la solitude necessaire a la meditation ! Comme si les Muses uu dix-neuvieme siecle habilaient encore les monts inac- cessibles ou les bois silencieux, el comme si, d'ail- leurs , la condition de recueillement imposee par la tradition poetique au culte des lettres ne s'appliquait pas infmiment mieux au cullc des sciences! Pour pratiquer avec eclat les arts ou les lettres, il faul, le plus souvent, les grandes capitales, oii abon- denl, en meme temps que les grandes intelligences, les chefs-d'oeuvre de tousles temps et de tousles lieux. Pour pratiquer avec fruit les sciences, il faut simplemenl I'amour de I'etude et le degagemenl des hypotheses. L'art, en eflet, c'est la creation du beau; la science, c'est la notion du vrai. .Or, tandisqu'il faut pour la creation du beau tout ce qui^eut elever I'imagination, il faul pour la notion du vrai tout ce qui peut la calmer. Pour conquerir un nom dans les arts, il faul du genie. Pour avoir un nom dans les sciences, il faut — 140 — seulement du travail ; quelquefois meme, il ne faul que de la patience. Un phenomene inapergu jusqu'alors et etabli par un observaleur altenlif reslera elernellemenl acquis. Aucun fait analogue, si capital qu'il soil, ne pourra lui oter sa valeur propre. Eh bien ! dans I'ordre des sciences naturelles , il suffit de se baisser pour recueillir de ces fails im- portants , encore inobserves. Constatez avec rigueur, selon le precepte de Bacon, quelque fait que ce soit, en physique, en chimie, en medecine, en histoire naturelle, et vous aurez con- couru pour votre part a I'avancement de la science , et vous aurez apporte votre pierre a eel edifice im- mense auquel pourront Iravailler tous les siecles, sans qu'il soil jamais acheve. Cette impulsion uniquement imprimee aux acade- mies de province vers les etudes historiques avail, du resle, sa raison. C'etait la richesse des mines a ex- ploiter ; c'elaienl ces archives communales dans les- quelles se trouvent, pour ainsi dire, loutes les scenes parlantes qui onl marque d'age en age les phases de la nation. Mais chaque province, chaque localile meme n'a-l-elle pas aussi sa science locale donl elle seule possede les elements speciaux , et le but des academies n'esl-il pas de tavoriser ces defrichements parliels? Pour ne parler que du pays de Reims, oil Irouver des conditions plus favorables aux eludes llieoriques, aussi bien qu'aux eludes pratiques? Ou Irouver un sol plus riche en geologic , plus fertile en docu- ments antediluviens? Ou trouver des industries qui — \A\ — reclament a un plus haul degre rintervenlion de la methode experimentale ? Quelles modificaiions appoiienl dans les met.imor- phoses de la laine la lemperature , rhygromelrie , Teleclricile? Quelle aclion exercent les fluides im- ponderables sur les differenles sorles de fermentation? Quelles causes el quels remedes aux parasites qui desolent, celle annee encore, une parlie de nos plus beaux vignobles? Voila, cerles, des problemes dignes d'etre mediles encore , malgre les lumieres dont les onl deja eclaires plusieurs de nos savants collegues. Je m'arrete , Messieurs , sur les facilites qu'offre la province a I'etude des sciences, et sur le nouveau role que la nouvelle institution confcre aux acade- mies. Je craindrais , d'ailleurs , de depasser le but en insistant, el de laisser croire qu'a mes yeiix , nous devons placer avant tout les recherchcs scienlifiques. Loin de moi une pareille pensee ! Si les sciences nous eclairent, les lettres nous hu- manisent. Si les sciences nous donnenl I'idee de noire puissance physique, les lettres nous donnenl I'idee de noire destinee morale. Toutes deux reunies font I'homme complel ; el si , ce qu'a Dieu ne plaise ! elles devaient jamais etre separees, il faudrail , a tout prendre , preferer I'homme lellre ignorant les sciences au savant ignorant les lettres. Oui ! malgre les merveilles , j'allais dire les mi- racles qui nous confondcnl; malgre cet asservisse- ment absolu auquel la science soumet aujourd'hui la nature, il faut gcmir de voir la jeunesse trop in- cliner vers les sciences, el delaisser, premalurement, — -14-2 — sous prelcxte d'inslruction positive, celte bienfaisante et inoralisatrice influence des leltres. Si, done, j'ai parle seulemenl de ce que peuvenl ici les travaux scientifiques , c'est que j'elais peu competent pour dire ce qu'y peuvent aussi les tra- vaux litteraires, et , d'ailleurs, c'est que, I'an pro- chain, je I'espere, vos oreilles charmees entendroni, comrae complement, ou plutol comme reparation, apprecier, dans un langage digne du sujel, le role dfis arts et des belles-lettres dans les academies de province. — \A:] — COMPTE-HENDU DES TRAVAux DE l'ann^e 1857-1858, Par M. Ch. Louiquet, secretaire general . Messieurs , On regarde generolement le role d'un rapporteur comme elant des plus simples. Charge d'office de rendre coriiple de ce qu'il a vu et entendu , il n'est pas oblige, semble-t-il, de preparer les esprils , d'employer a leur adresse les precautions et les lieux communs par lesquels un oraleur cherche a s'emparer de I'auditoire. Oil puiserais-je , d'ailleurs , les elements d'un exorde? Apres les paroles eloquentes que vous venez d'entendre , . vous parlerais-je encore de I'utilife de vos reunions ? Cetle nombreuse assemblee qui vient, cheque annee , dans cette enceinte , au milieu des grands souvenirs de la France , applaudir a vos tra- vaux et reconnaitre avec vous les resultats de vos efforts, ne temoigne-t-elle pas haulemenl que I'insti- lulion de I'Academie est , de I'avis de tons, un besoin pour notre ville , et qu'elle a sa raison d'etre dans le caraclerc de sos habitants? - \hk - Reims , j'en conviendrai sans peine , est aussi Here HJe son hisloire el des gloires de son passe qu'enlhou- siaste des progres du present ; Tespril remois, loin ■de s'eteindre , penelre el s'assimile les elements nouveaux tjui viennent incessamment modifier sa population. Mais on dit lout bas qu'obsorbee par les preoccupations commerciales, elle est moins sensible u - Irouverez une elude seiieuse des proprietes chimiqiics el linc:oriales de cetle planle, el des lecherches mv la maliere coloranio des ncr|iiuns indii^enes. La vapeuf d'eau, delronee loul-a-Tlieure cormne force moliice par M. Jobard , de Biiixelles, nou^ ofTre, en revanche, des avanlages de plus d'un yenre. Commenl se fail-il , par exeiDide , (ju'on ne la luetle pas a profit dans Ics grands elablissements d'induslrie, loules les fois qu'un incendie s'y declare? 11 suffirail de disposer dans les difTercnles pieces de ces elablissements un tuyau conducleur arrae des robincls nccessaires pour prati(iuer a volonte dans chacune d'elles un jel de vapeur, el, des que les ouverlures exierieures seraient fermees, la vapeur d'eau , inondant I'espace (|ui lui sei'ait abandonnc , y reduirait instanlanemenl les flammes les plus rc- belles. M. Reimbetiu vous a fail connailre les sages reflexions de M. Figuyer a ce sujel, el vous vous eles^ associes au vocu cxprime par noire confrere de voir s'elablir dans nos grands ateliers uji systeme pre- venlif aussi simple. Le meme membre vous a fail connailre les maisons (juc M. iMillaud a fail conslruire a Paris, rue deLyon, pour des ouvriers, el qui, par une mauvaise entente de ce qui convienl a des ouvriers, servironl exclusi- vemenla cetle categoric de menages, assez nombreux, du reste, a Paris, cjui recherche le luxe indigent d'une habitation cxigue, mais separce, qui prel'ere I'appar- temenl complet, ful-il lillipulien, a un pelil nombre de pieces vasles el commodes. A vrai dire, ce n'esl pas faire de I'art, que d'eludier des maisons aussi laides que ceiles de M. Millaud , el qui ropondent si mala leur destination avouee. G'e&t — 151 - pourlanl par elles que nous enlreruns ckins !e cIorriLiine- de I'arl. Mais nous nous consolerons bien vile , cai' nous devons passer par Tare (rioinplial de la porle de Mars, et, en depil des admirateurs de ce qu'on veul bien appeler I'arl moderne, nous dirons lout haul que nous nesaurions avoir une entree plus mcignifi(]ue. Cast le seul lemoin qui nous resle d'une epoque giorieuse de noire hisloire, d'une civilisation brillante, apporlee , il est vrai, par une domination elrangere, sur le sol de la France, mais a kuiuelle nos peres onl pris part et dont ilsont recueilli ies fruits; c'estaussi, de Tavis des hommcscom[)elents, le specimen le plus remarquable de I'art gallo-romain. Le delruire ou le laissertomber, ce serait de la baibaiie;ce semit aussi, a d'autres points de vue, de I'ingralitude. L'Academie, qui a prouve en toule occasion combien ce monument lui est cher, a applaudi a la sollicilude du Gouverne- ment a son 6gard ; toulefois, en approuvant , avec M. Reimbeau , la pensee (\u\ a preside aux travaux executes, celle annee, poursa conservation, elle a fait ses reserves : elle espere qu'une louable emulation entre Ies pouvoirs qui sonl responsables de son exis- tence envers I'histoire et Ies arts ne lardera pas a le remellre en honneur. Ce qui fait que la plupartdes esprils, meme culti- \e^, sontindifferenls a I'etude des arts et peu aptes a en juger, c'est que Ies guides leur nianquent ou ne sont pas assez a leur portee, c'esl que Ies connais- sances elementaires ne sont pas assez vulgarisees. C'esl done une enlrepsise meriloire que de travailler par la presse, et surlout par la presse a bon marche, a re- pandre Ies bonnes doctrines en fail d'arl, et nous ne saurions dormrr trop d'('lngp>; a la Revur dr I'Art — 152 - chrelieii que diiige noire correspondont M. Jules Corblet. Les articles qu'il a donnes lui-merae , celle annee, sur I'art calholi(|ue, siir les ciboires, sur les cloches, indiqiienl une egole suiele de gout el d'eru- dilion. Nous avons remarque dons le meme recueil une notice courle el rapide sur Nolre-Dame de Reims, due a Tun de nos correspondants les plus feconds, el a laquelle nous voudrions pouvoir deccrnor le meme r'lo"e. Comme I'elude sur les viliaux des eqlises de Chalons ([ue le meme auteur nnus a donnee I'annee derniere, cetie notice a le tort de n'avoir pas ete re- digee sur place. Peul-elrc aussi I'auleur, qui a erre, nous dit-il, tant de fois sous les voulesdeNotre-Dame, a- t-il pi is son imagination pour guide plutolqucsesyeux. C'est ainsi que, dans la chapelle de la Sainte-Vicrge, il dit avoir trouve « un elegant aulel ogival fleuri, restaure avec une veritable intelligence, et des boiseries du siecle dernier. » Ailleurs il ecrit « qu'avanl la fm du Xille siecle, le porlail et ?a merveilleuse imagerie elaient termines. » — d Robert deCoucy,dil-ilencore, fut charge par I'archeveque Alberic de Humbert de conslruire cette basili(jue, dont la premiere pierre fut posee le 6 Mai 1212 ; » el ce nom de Robert de Coucy revient sous sa plume jusqn'a dix fois. Or, comme Robert de Coucy trepassa I'an 131 1 , d'apres son epi- laphc qui elait placee dans I'eglise de Saint-Denis, il faut convenir qu'en ce lemps-la les architectes elaient des hommos d'une trempe particuliere : a lant d'au- Ires merites que tout le monde reconnait, ils joi- gnaienl une longevite fort rare. Nous ne multiplie- rons pas les exemples. D'ailleurs, la plupart des reproches que nous adresserions a Tauteur devraient. J — 15:1 - pour elre justcs , iciuonler aux ouloriles peu siires dont il s'esl enloure. 11 apparlennila I'AcaiJcmie cle leunii- les documents qui conslitueronl cnfin la monographie complete et serieuse de la calhedrale de Reims; cc but sera pro- chainemcnt alteint, tant paries travaux de ses mem- bres qu'au nioyen dcs concours qu'ellc a ouverts. L'aulcur de la description des vitraux que vous avez couronnee il y a deux ans, M. I'abbe Tourneur, nous a donne recemment un cbapilre preliminaire a I'his- loire du monument actucl, contenant des notions his- toriques sur les preccdentes calbediales, savoir : cello des premiers temps de I'eglise de Reims, celle de Betause en 31-4, cellc de Saint-Nicaise en 401 , celle d'Ebbon ct d'llincmar commencee en 817, consacree en 856 el devoree par I'incendieau mois de mai 1211. D'autres cbapitres no larderonl pas a suivre celui-ci, el, nous I'esperons, la tacbe si heureusement com- mencee atteindra promplement son terme. La notice sur les artistes graveurs de la Champa- gne que nous avons rcQue de M. le baron Chaubry de Troncenord, prcsente la liste a peu pres complele des artistes troyens ou cbalonnais ; cependant nous n'avons pas rencontre parmi ces derniers le nom de Claude Chastillon, lopographe du roi sous Henri IV, dont le recueil est fort recherche. Mais Reims est beaucoup plus maltraite dans cette notice, car I'au- teur n'a connu ni I'admirable dessinaleur Bausson- net , ni son graveur ordinaire , Edme Moreau ; ni De Son, que Ton pent comparer a Israel Sylvestre pour la finesse et renlenle du paysage, qui approche meme de Callot sous certains rapports ; ni Colin , dont beaucoup de jiersonnes ne connaissent que le curieux — 154 — plan, mais qui u grave plusieurs pieces de grand me- rile; ni Regnesson , le beau-frere de Nanteuil , son niaitre el souvenl son emiile. Reims a eu des peintres , des dessinaleurs , et surtouldesgraveursde merile, sons complerNanleuil, qui, seul, suflfirait a la gloire d'une ville. Mais on lui connail peu de sculpteurs, ou du moins leurs noms se sonl perdus ou ont disparu derriere la re- nommee d'un seul , dont le talent hors ligne a merite (ju'on lui oltribuat tout ce que les autres avaient fait de meilleur : cet artiste , c'esl Pierre Jacques , rival de Michel-Ange dans un concours, el rival heureux, selon Blaise de Vigenere, digne, par consequent, de faire parlie de celte pleiade d'hommes dislingues en tout genre, savants, theologiens , poetes et artistes , dont le grand cardinal de Lorraine etail le protecleur, et qui jelerent sur lui et sur sa ville episcopale un eclat qui nous efonne et confond notre pauvrete. M. Sutaine, a tant d'autres notices que vous connaissez sur les artistes remois , a voulu en ajouter une sur Pierre Jacques et sur son fds Nicolas. Ce travail est plein de fails curieux ; vous y trouverez etablies avec sagacile , non-seulement les preuves de la naissance de Pierre Jacques a Reims el celles de ses differents sejours a Rome , mais aussi la distinction a faire enlre ses ceuvres el celles qu'on lui a faussement atlribuees. M. I'abbe Poquet vous a adresse un memoire sub- slantiel sur I'iconographie de I'arbre de Jesse. Je vous rappellerai dans I; mcme genre le travail de MM. Collery el Reimbeau sur les figures mutilees du choeur de Saint-Remi. Une commission designee par vous a pu conslaler lexaclitude des notes re- — 155 -- ciieillies par iios conrreres , et hi reslauration des parlies manquanles sc fail en ce inomenl avec le plus grand soin par M. Wendclinji, sous la direc- tion de M. le cuie. J'arrive a I'hisloire. En tele des Iravaux de ce genre, je dois menlion- ner le Cabinet Iddoiique, donl M. L. Paris continue avec lanl de succes la publication. L'inipulsion don- nee aux etudes historiques par Ic Gouvernemenl, qui a prescril recemment le classement et Tinventaire analytique de loutes les archives departemenlales , coramunales el hospilalieres , donnc a celle publica- tion une importance nouvelle et en releve la valeur au point de vue de I'hisloire nationale. Nous y avons remiirque, cette aunee, enlre aulres documents qui interessent particulieremenl la Champagne, des lettres ecrites a Charles de Gonzague , due de Nevers et de Relhel, par rarcheveque Gabriel GifTorl , par Marie de Villiers de Saint-Paul, abbesse de Sainl-Etienne de Reims, el par Madame de BeauvilJiers, abbesse d'Avenay ; li Romans de la Poire, ou les amours de la reine Blanche et du comte de Champagne; enfin , une lettre sur le peu d'ulilite qu'on tire de la connaissance des medailles , lettre que les collec- tionneurs emeriles que vous comptez parmi vous trouveront lant soil peu paradoxale, surlout quand ils sauront qu'elle a ele ecrile par I'homme le plus competent en cette matiere, par le P. Lempereur, Le savant jesuite, tout en disanl qu'il avail tort et qu'il perdait son temps, conlinuait a colleclionner. M. Anal. Barlhelemy est plus consequent : il col- lectionne, iletudie les monnaiesde loutes les epoques, en hommc convaiucu de rulililc de cette elude , et — 150 — il en proclame I'imporhmce dans de nombreux ecrils auxquels il vient d'ajouler une Lettre sur les mon- naies consulaires frappccs pendant le Bas-Empire. Le meme correspondanl vous a adresse, en oulre, ses Rccherches hisloriques sur qiielques droits ct redevances bizarres au Moyen-Age. D'apres ce litre, vous allez croire qu'il s'agit d'un droit que je ne nomme pas, mais qui a donne lieu , naguere, a une polemique fort curieuse. Que voire pudeur se ras- sure! Rien n'est plus innocent que les droits trouves par M. Barthelemy dans la Bretagne, el qu'il signale a voire curiosile. Le droit de fleurette n'etait qu'un jeu imagine pour faire entrer quelque argent dans I'es- carcelle du seigneur ; celui de figurcr a I'eglise avec le faucon sur le poing, un lionneur rendu a la per- sonne qui en elait en possession , en memoire de ser- vices exiraordinaires ; les rentes mengieres consla- taient le droit a I'hospilalile du seigneur chez ses vassaux. Une double commission a ete inslituee, pres du mi- nistere de I'inslruction publique, pour recueillir les monuments epigraphiques de la France anlerieurs au Ve siecle el les elements de la carte des Gaules a la meme epoque. Vous avez, de voire cote, confie a une commission la partie de ce dernier travail qui con- cerne le pays de Reims, et voire secretaire s'est charge de recueillir les inscriptions, fort rares a la ve- rile, qui ont ete Irouvees a Reims ou qui inleressent son histoire. Ces inscriptions Font aide a constater des fails inconnus ou dont les preuves n'avaienl pas ete recueillies: I'alliance intime des Romains avec les Remois ; le culte des derniers pour les divinites que Ton lionorail a Rome , mais avec de^ altributs el des - 157 — noins parfois differents; les memes magislrolares ou leurs analogues, nolamment des quesleurs, un cen- seiir, mais non des proconsuls, comme on I'a pre- tendu au congres de 184-4, en faussant i'interprelalion de la borne de Brimonl ; un senat anlerieur a la do- mination romaine et dent I'autorile se perpelua dans I'echevinage ; une colonie de veterans ; une manu- facture d'armes ; enfin , des thermes etablis par Con- slantin II. M. Henry continue avec la meme ardeur el la meme patience ses etudes sur I'histoire de Reims au temps de la Ligue; dans peu , je I'espere , il pourra nous faire connailre en cntier celte epoque si curieuse el si peu cormue de noire hisloirc. II en a detache, cette annee, (luelques chapilres ou sonl retracees les hesitations des bourgeois et du conseil, les menees et les lutles des differents partis, avant que Reims se pro- nongat contre le roi pour la Ligue et les Guises. Quand parvienl a Reims la nouvelle de I'assassinal du due de Guise el du cardinal, son frere, aux etats de Blois, les ligueurs, frappes de stupeur, se liennent d'abord sur la defensive ; les royalistes s'efforcent maladroite- ment de mainlenir les droits du roi et d'engager la villc dans sa cause ; et le conseil lache en vain de cal- mer les esprits, de conserver la neulralite et de met- tre a couverl les franchises de la villc. Enfm , les li- gueurs ont le dessus : c'esl une complete revolution, mais qui so distingue par une moderation el une sa- gesse qui font honneur aux Remois. Jeanne d'Arc etail-elle frangaise, ou plutol elait-elle champenoise el non lorrainc ? C'esl encore la question que M. Alhanase Renard pose aux hommes d'etude, ou plulol (prii cxamino ihn'ani on\ , en n'pondant a — 158 - M. L'! Piv^c line Iroisieme fois , qu'il pense eiro aussi la derniere. « La defensR de la verile ne pent jamais lasser , » dil M. Renard. En effel, avec une conviction aussi forte et aussi bion elablie que la sienne, le courage et la persistance cofitent peu , surlout pour la defense d'une cause aussi nationale. Je lerminerai I'enumeration des travaux historiques en mentionnant, de M. Gomart, sa Notice sur I'ah- baye d'Origny-Sainte-Benoite, et deux opuscules in- titules , I'un : Coup d'(Eil sur les enseignes de Saint- Quenlin, I'aulre : De la Peine du Bannissement appliquee par les Communes auxXII^ et XIII^ siecles; enfin, de M. I'abbe Aubert, cure de Juvigny, la mono- graphic do celte commune , donl M. Henry vous a rendu le coinpte le plus favorable. L'annee qui fmit n'a pas ete fertile en poesie, puis- que j'ai a mentionner seulement deux fables de M. Clicquot, inlilulees. Tune, le Pliimet, et I'autre, le Sanglier ; un remerciincnt en vers de M. Tardieu de Saint-Germain, qui vous a fait regretter que I'auleur de I'Epingle et de Mignon ne se soit pas mis plus lot en rapport avec vous ; un poeme sur I'inauguration de la statue de Jeannc-d'Arc a Orleans, par M. Al- cide Genly, el une chamnanlc epitre du meme a Mme *'*, en lui envoyant un angora ; deux idylles et diverses petitcs pieces de Theocritc , traduiies par M. Soullie ; un rapport dumeme membre surle Reciieil de Chansons populaires des Ardennes , envoye par M. Hubert Colin , instituleur a Neufmanil ; enfin, de M. Martin , une etude sur les Conies renvois , qui vous a fait gouter les merites de ce charmant volume, <3t a fourni a M. Ducliataux I'occasion de vous mon- 4rer qu'il connail les anriens pocles aussi bien que — 159 — les vieux et Ics modernes legistes, on que les anciens et les nouveaux agronomes. M. Soullie voiis a presente sur les conditions el les regies de la rime dans la versification francaise un travail complet ct plein dc remarques curieuses. Quelques uns d'entre vous ont cite des exemples , invoque des principes qui confirmenl ou controlent les jugemenls de noire savant confrere. Incapable de decider si I'un elail trop severe, ou les autres trop faciles, je dois me tenir dans une modesle reserve : Non nostrum inter vos lanlas componcre lites. Je prie mes audileurs dc me pardonner celle cita- tion. Jc ne ferai pas abus de la permission que j'ai de tout dire, et, si j'ai a leur parler mainlenant d'un poele grec , jc leur promets a I'avance de ne pas prononcer un mot dans la langue d'Aristophane. Ce nom seul et celui de la comedie des Nuees soulevent noire indignation , quand nous nous re- Irafons le portrait odicux et lidic.ule de Socrate que le poele a mis dans sa piece , quand nous nous rap- .pelons le proces cl la moil du pliilosophe , dont on reporle generalemeni la cause sur Arislophane. Aucun dcsconlemporains n'a paric, il est vrai, des intentions perfides du poele , el Plalon n'a pas hesite a le placer dans son Banquet cole a cote avec Socrate ; il s'esl rneme charge de faire pour Arislophane une epitaphe des plus louangeuses. En eul-il ele de meme, si la complicile supposee enlre Arislophane el les accusaleurs de Socrate cut ele reelle, et si Ton cut du croire sur ce point les recits mensongers d'Elien ? Vollaire n'a pas peu contribue a repandre I'opinion defavorable a Arislophane, en Tembrassant avec cha- leur ct on la rcproduisant en divers endroils de ses - 160 — ecrils ; mais Voltaire a paiie de li'op de choses, meme avec passion, pour elre lenu de les avoir oiudiees toutes. Combatlue d'abord par le pore Briimoy, puis par Brunck el par M. Artaud, celle opinion peut elre regardee connne pleinemenl refulee dans un me- moire que nous devons a M. Goguel. L'auleur expose d'abord I'elal d'Alhenes apres la guerre du Peloponese, les divers genres d'ennemis que le palriolisme aristocralique du poele y rencon- tre, el ceux que la passion ou la verve comique lui suscile. Mais, dans cette republique ou I'lnlrigue, le mensonge el la corruption sc dispulent le pouvoir, pourquoi Aristophane, usanl de son privilege el de ses droits de poele comique, fail-il cboix de Socrale pour deverser sur lui ses railleries el ses satires les plus ameres? Rheleurs , sophistes , philosopbes, im- pies , corrupleurs de la jeunesse, elaient, aux yeux d'Arislophane, une seule el meme cbose ; or, cjue sa- vons-nous des debuts de Socrale dans la carriere pbi- losophique? Avanl de devenir eel homme parfail que Xenophon et Plalon font agir el parler, il a pu don- ner, au moins en apparence, dans les pretentions et les Iravers des sophisles que le poele deleslail el re- •doulait a lous les litres ; el la preuve, c'esl que, dans renseignemenlcomme dans la discussion, sa maniere en a conslammenl garde que!f[ue chose. 11 ne faul pas oublier qu'enlrc la premiere representation des Nuees el le proces de Socrale, il s'eslecoule vingt-quatre ans. C'esl la le point capital de la quesli(jn ; c'esl celui, surlout, qui scrvira a disculper Aristophane, en tanl que complice d'Anylus, de Melilus el de Lycon. En effet , tout en ecartant I'idee d'une hostilite ideclarec ou seuleraent serieusc d'Ai-istoidiane a -- 161 — I'egard tie Socrale, on ne pent racconnailre cepemlanl que les imputations les plus fortes qu'il porta coiilro hii ontete rcproduilcs par ses accusaleurs; mais, cles qu'on reflecliil a la distance qui separc la composilion ^ies Nuees da proces de Socrate, on rcconnait sans peine qu'il n'est pas juste de faire parlir ce proces de I'epoque des Nuce.i ^ el d'entrevoir les juges du pliilosophc dans ceux que rejouissaient les quolibets etlesplaisanleriescnlassessurlui parlepoetecomique. Si les Nuees avaient jcte parmi le peuple une impres- sion defavorable an philosophe, lo temps s'etait charge tie la delruire, et il est hon de dire que cede impression n'avaitpu ed'e bien profonde, puisque les Nuees n'eu- rcnt qu'un mediocre succes, el (jue le poete eul peine a en faire supporter les premieres representations. Arislo|:.hane, du rcslo , el les aulres comiques ont allaque, dans leurs vers , avcc la meme violence , a I'aifle des mcmes moyens comiques, dci^ pcrsonnages ilont la perle, selon eux, imporlaiL bien aulrement au bien de I'Elai on a leur [tropre succes. Quel mal ces allaques onl-elles fait a Pericles , a Cleon, a vVlcibiade, a Lamachus, a Euripidc et a lant d'auti'es? A part Socrate, en est-il un dont la perte ail elc imputee aux exces de la scene comiquc ? J'ai rappele sommairemenl quelques-unes des consideralinns que M Goguel a developpees dans ce mcmoire, avoc la science, la rigonreuse logique el la mcsure parfaile que n'ont pas oubliecs ceux d'entrc -voQS qui ont pris pari au congres de 1845. Je dois dire , pour donnor a chacun la part qui lui revienl, que I'exposilion brillanle de rargumentation de M. Goguel, par M. Soullie, n'a fait ([u'augmenter ilans vos esprits la valour du travail original. XXVIIl. 11 Jc mc separei-ai sur un seul poinl dc M. Goguel. Dans son eslime un peu trop illimitee peut-elre pour le comiquc, noire correspondant invoque en sa faveur I'opinion de saint Jean-Chrysoslome , qui, suivant Aide Manucc, faisail ses delices de la lecture d'Aris- lophane, et I'avail conslamment sous son chevel. L'autorite du savant imprimeur est grande en gram- maire, mais peul-on s'en eontenter sur un fait de cette nature , qui infirme , en quelque fagon , la sev6ril(^. de moeurs et le caractere elev6 de saint .lean- Chrysostomc ? S'il est une question litteraire pour laquelle les critiques se sont passionnes, c'est celle des origines deYImitation de Jcsus-Chrisl. A I'exemple des villes de la Grece qui pretendaient avoir donne naissance a Homere , trois nations cliretiennes se disputent ce livre sublime , et ce ne serait pas , en effet , un mediocre honneur pour celle qui I'emporterait. Mais il est peu probable qu'une lumiere complete (rahisse jamais la pieuse raodeslie de I'auteur qui souhaitait de rester ignore des hommes et demandait a Dieu d'aimer I'obscurite (1). Depuis longtemps la discussion s'est conoentree sur trois noms : Jean Gerson, Thomas a Kempis ou de Kempen , et Jean Gersen, abbe de Verceil. Encore , malgre les efforts des anciens benedictins et ceux tenles plus recemment par M. de Gregory, ce dernier est-il a peu pres abandonne. De nos jours, MM. Silbert a Vienne, Ullinann a Ilambourg, Liebner a Grce- ningen , Kist et Royard a Leyde , Scholel a Breda , Bormans a Liege et Monseigneur Malon a Bruges, out (») l)n nmare nesciri in hoc S(ecuh>. L\\',. Ill , cai). XV, i. I — 163 — travaille a faire liiompher Thomas a Kempis ; tandis qu'en France, M. Ondtime Leroy plaidail pour notre Gerson et enlrainail en sa faveur les suffrages de I'ln- slilul, sinon ropinion de lous les homraes d'eludc. Je ne parle pas d'une Iroisieme opinion qui s'est fait jour dans ces dernieres annees, el qui reconnait dans VlmUal^on, non plus Toeuvre d'un liomme, mais la redaction, devcnue seulemenl definitive vers la fin du XlVe siecle, d'un theme jete, on ne sail par qui, dans le monde ascetique au XU^ siecle, et depuis amplifi6 et remanie par les generations qui se sont succcde ; a peu pres comme on I'a dit des poemes cycliciues de ranli(|uile et des epopees du Moyen-Age. A son tour, M. Ch. Vert , votre correspondant , a examine la question dans ses Etudes hisloriques et critiques sur I'Imitation de Jesus-Christ. Apres avoir fait rapidement I'histoirc du proces , il nous nionlre dans Thomas de Kempcn un homme incapahle de produire un tel ouvrage ; et, embrassant la cause de Clerson avec une ardeur loute meridionale, il d^duit du caractere de son personnage el du livre lui-mcme les preuves qui lui paraissent favoriser sa these. Enfin , sous le titre de Gersoniana , il reunit les fragments des ccrils de Gerson qui, par le style cl .les idees , se rapprochent le plus de Vlmitation , et par la cherche a detruire I'incompatibilite que des critiques ont pretendu exisler cntre Vlmitation et les oeuvres certaines du chancelier de I'Universite. ■Que peul-on exiger de plus?Aussi, M. I'abbeBou- che , que vous aviez charge d'ctudier le livre de M. Vert et de vous en rendre comple, s'est-ii dcclar6 ebranle ; et les raisons qui, selon M. Vert, main- tiennenl Gerson en possession de Vlmitation scraient - 16i — Revenues plus specieuses encore sous la plume ele- gante de notre confrere , si, en les reproduisant, il n'avait fail dcs reserves. Depuis , liors de I'academie , la question a occupe (1e nouveau les esprils. Dirai-je qu'elle a fail un pas? Jc voudrais vous mettre a meme d'en juger, mais vous me Irouveriez Irop long, el je chercherals vainement par la a ecliapper a raccomplissemenl de ma tache de rapporteur. J'abrege done. On demandait jusqu'ici aux partisans de Thomas a Kempis de produire des texles inedits qui eussent une autre porlee (jue Ic manuscr'il d'Anvers. M. de Baecker (1) en a fail connaitre deux qui lui parais- saient decisifs. Mais I'aulorite de ces textes n'a pas larde a etre infirmee par des raisons d'une certaine valeur (2). La question reste done inlacte , el la rai- son pour laquelle celte polemique ne fail aucun progres , comme Font remarque les edileurs de VIntcrnellc Consolation, « c'esl que I'offensive continue » d'y prevaloir , tandis que la defense est des plus » faibles. Chacun demontre peremploiremenl, invin- » ciblement, que ses adversaires sont dans I'erreur ; » chacun renverse el delruil a merveille les syslemes » qui lui sont opposes, mais I'unique argument invo- » que par tons les partis, c'est, a vrai dire, celui- )) ci: mes conlradicteurs onl tort, done j'ai raison. » Nous devons remercier M. Vert d'avoir abandonne le procede commun et invoque des preuves directes en faveur de Gerson. Cependanl, son travail ne de- lruil pas toutes les inductions contraires qu'on pent (Ij Letire f'l D. Pilia Hevup dn VArt chn'tier), Janvier 1858. (2) Itrimnseo M.dc ISavlter, |);u-M liiic IVtit; Ibiil., I'Ovriec ISoS. - 165 — tirer des ouvrages memes du celebro cliancelier. Cc que M. Henry nous a fail connaiire de son exil nous parail demonlrer cju'il y a beaucoup a cludier dans ce personnage avant de s'avenlurer sur les brisccs de notre correspondanl. Au sorlir de Constance, le chancelier apprend Fetal affreux dans lequel les AriDagnacs el les Bourguigiions ont mis la France et sa capiiale en particulier ; au lieu de continuer sa route vers Paris, il rebroussc clie- inin, el d'asile en asile , d'abbaye en abbaye, se fixe dans le monaslerc de Raltemberg. C'esl la qu'on le suppose avoir compose le livre de VImitatioit. II imporle done de se rendre comple de la situation d'esprit ou etait Gerson dans cetle retraile. C'esl cc que fail precisemcnl M. Henry, en analysanl deux ecrils du chancelier qui, cerlainemenl, sonl de la raeme epoque; d'une part, la Josephine, poeme epi(|ue en I'honneur de la sainle familie , qui n'esl qu'unc longue lamentation sur I'exil et • les peregrinations forcees dc I'auteur; et la Consolation TJicologique , dialogue mele de vers el de prose , ou Gerson mel toute son ame, c'esl-a-dire toules ses douleurs , ou plutot tons ses regrets. Apres s'elre convaincu , en allanl de deceptions en deceptions , qu'il n'a rien a esperer des hommes el des evonemcnls , il s'eleve vers ce qui ne passe point , vers la verile el la jus- lice ; il aspire a vivre en soi el en Dieu : pour le fond comme pour la forme , eel ouvrage de Gerson rap- pelle beaucoup V Imitalion ; mais on y voil loujours I'auleur plein des passions qui onl agile sa vie ; on y sent I'homme d'etat desabuse , il est vrai, mais de- tache du monde par impuissance ou par depit. En un mot, Gerson, dans sa retraitc de Ratlembei'g , — 16f) — parait fori oloignc de la douce tran(|uillit6 d'ame et de niumilile profonde de I'auteur dc Vlmilation, D'autre part, les inductions cpi'on a voulu tirer en favour de Gcrson de deux passages de Vlmila- tion {i) ne nous paraissent pas serieuses ; elles ne demontrent pas assez clairement, selon nous , que I'auleur avait 6te place sur le chandelier , comme s'exprime Gerson (2) , qu'il avait passe par les agitations et les deceptions de la vie politique. Pour suivre un ordre logique dans I'hisloire littc- raire, je menlionnerai a celte place I'importanl travail de M. Litre sur les origines el la formation de la langue frauQaise, donl M. Soullic a fail I'objel d'un rapporl, et qui a suscile d'interessantes observations de la part de plusicurs d'enlre vous. M. Duchalaux, fidele a I'article de vos statuts qui impose aux membres nouvellemenl elus un travail de leur choix, s'est plaint avec esprit de ce que celte obli- gation ne porte pasde preference sur un discoursdans lequel, sous prelexte de louer un academicien mort en depil de Timmortalile academique, deux orateurs se prodiguent un mutuel encens. Noire spirituel con- frere trouve , a eel ecbange de paroles obligeanles , plus de commodity qu'au concours utile que vous de- mandez des le debut ; mais, a son insu , il ne larde pas a prouver que le travail serieux qu'il paraissait ( I ) Vellem me plures taciiisse et inter homines non fuisse ( De Itnitat., lib. I, c. X, 1 ). — Quomodo potcro tui -oblivisci, qui mei dignatus cs recordari, eliam postquam contubui et peril ( Op. at., lih. HI, c. X. 2). M. tllie Petit ii'est pas iictiicux , re nous semble, dans la tra- iliiction du mot contabui. (■2) Consninlion Thcologique . - Ui7 - redoulcr ne lui coule pas davanUigc (iiie I'assaul Jo polilesses qu'il regielUiil. Noire confrere, qui est familier avcc lous nos vieux dcrivains, parliculicrement avec ceux do la Renais' sauce, a pris pour sujel de celle premiere elude la cdlebre sceur de Francois !«"', Mar^^ucrite d'Angou- leme. Apres avoir Iracc le caractere de cctle princesse , ramilie si alTeclueuse el si devouee ipt'elle avail pour son frcre , la bienveillante proleclion que les lellr^s trouvaienl aupres d'elle, el renlhousiasme qu'elle ex- cilail parmi eux, M. Duchalaux juge I'ecrivain, sans dissimuler les defauts, sans exaller non plus oulre mesure les qualiles de la plume, a lajeunesse de la- quelle nous devons les Marguerites de la Marguerile des Princesses, el qui, dans un age plus avance, nous a donne VHeptameron. M. Duchalaux demonlre, en eflel, conlraircment a I'opinion generalcmenl regue el a celle de I'liislo- rien de Thou en parliculier, que ces recils sonl, non pas de la jeunesse de Marguerile d'Angoulenie, mais des dernicres anndes de sa vie. L'ingenieux el habile crilique qui a vulgarise parmi nous les periodes les plus inleressanles el surloul les moins connues de noire histoire lilleraire, M. Geruzez vous a donne leclure d'un chapilre d'un ouvrage qu'il prepare sur I'eloquence mililaire pendanl la revolution. Un choix habile de citations vous a rap- peie les plus eloquenls passages des bulletins et des proclamations du premier empereur, et vous a fait ccnnaitre le caractere noble et genereux de Hoche ^ le plus grand, a certains ogards , des heros de ce.l1e epoique. ~ l(\H — Dnns line Soiree an Chateau d'Ecoven , en iSlf^ U. Roltilhird a mis on presence, el pour ainsi dire aux prises, la lillelralure compassee, omourcuse de la regie, de ranliqaile, et surtout de I'autorile academi- que , qu'on appela la liUeralurc rlassique , et ceMe autre liltoratnre, ators naissante , qui vouhit suivrc io mouvement ), correspondantde I'Academie de medecine, directeur de I'ecole preparaloire de medecine et de pbannacie. Derode ( E. ) , avocat , ancien represenlant a I'Assemblee consliluanle, president du Comice agricole de I'arrondissement de Reims. Sutaine (M.), proprietaire, adminislraleur de la Sociele des amis des arts. DuQUENELLE , pharmacicn , membre du Comile d'arclieologie. Clicquot (F.-L.), proprietaire, bomme de lettres. - 199 - MM. GossET, architecle. IIenriot-Delamotte (F.), membre de la Chambre de commerce. Paris (II.), avocat. MiDOC (L.-H.) , greftier dii Tribunal de com- merce. LoRiQUET (Ch,), conservaleur de la Bibliotbeque, des Archives et du Musee de la Ville. Masse (G.) (*), president du Tribunal civil. GoDA , notaire. Sevestre, chanoinc honoraire , cure de Saint- Thomas. Masse (P.), negociant. Baudesson, medecin-veterinairo ^ fabricant de produits chimiques. SouLLiE (P.), officicr de I'instruclion publique, professeur de rhetorique au lycee. JoGUET, officier de Tinstruction publique , pro- viseur du lycee. Lefebvre (^) , officier superieur du g6nie , en rclraito. Elambert, notaire. Reimbaut, architecle. Mennesson, ancien notaire. Gaillet , doctcur en medecine , professeur a I'ecole preparatoire de medecine. Henry, professeur d'histoire au lycee. Leseur, avoue. " ViLLEMiNOT, ingenieur-mecanicien. Maridort, professeur de physique au lycee. PiETON, avocat. BoucHE, professeur de philosophic au petit seminairo. — 200 — MM. Martin ( Cli. ) , redacleur du Courricr dc la Clumi'pagne. RopiQUET, professeur de logique au lycec. Lehnerts, chanoine honoraire, ancien principal du college de Charleville. Bruneau, jiige au Tribunal civil. CoLLERY, vicaire de Notre-Dame. GivELET (Ch ), proprietaire, archeologuc. Gerard, docteur en medecine. DucHATAUx , avocat, vice-president du Cornice agricole de I'arrondissement de Reims. Membres honoraires el correspondanls eliis en 1858. I'l. Meissas (N.) , censeur des etudes au lycee de Cahors, membre honoraire. Tardieu de Saint -Germain (Jules) , homme de lettres , rue de Tournon, 13, a Paris, membre correspondant. SiDUET ( baron ) , aide des ceremonies de I'Empereur, membre du Conseil general des Ardennes , rue Saini-Lazare , 45 , a Paris , membre correspondant. Bertrand , docteur en medecine a Ghalons-sur- Marne, membre correspondant. Genty (Ale.) , professeur au lycee d'Orleans , membre correspondant. CoRRLET (abbe Jules), membre de la'Sociele des Antiquaires de Picardie , a Amiens , rue de rAventuie , 37 , membre correspondant. — 201 — MM. AuBERT (abbe Alexandre), cure a Juvigny (Marne), seeretaire du Cornice agricole de I'arrondisse- menl de Cbalons, membre corresjDondant. Vert (Ch.), chef d'insliUi lion a Toulouse, mem- bre correspondant. Membres decodes. M.Duchesne (Ad.), membre correspondant, aReims. Mgi" Gros (Jean-Nicaise), eveque de Versailles. MM. Lienard, membre correspondant, a Ghalons-sur- Marne. Lorin , membre correspondant , a Vauxbuin , pres Soissons. Marinet , membre correspondant, a Chateau- Thierry. Prompsault, membre correspondant, a Paris. Sellier, membre corrcspondtint, a Chalons-sur- Marne. Violette, membre correspondant, a GouUemelle (Somme). LISTE DES OUVR/VGES ADHESSES A L'AGADEMIE IMPERIALE DE REIMS pendant I'annee i 851 -i 858. OUVRA.GES PUBLIES TAR LES MEMBRES DE l'aCAD^MIE. Rapport sur Us Travaux du Congres des Societes savantes tenu le 13 Avril 1857, par M. Sellier. Elements de mecanique, par M. Garcel. Desobry, 1857. Le Cabinet historique , par M. Louis Paris , 7^, Be livraisons 1857, et cinq livraisons de 1858. Compte-rendu du Congres archeologique de Mende el du Congres scieniifique de Grenoble, par M. I'abbe Corblet. Tombeau de Monseignenr Cart, par le meme. De I'Esprit de faniille, discours par leR. P. Lecuyer, 1857. Recherches hisloriques sur les Droits el Redevances au Moyen-Age, par M. A. de Barlhelemy. , Leltres sur les Monnaies consulaires, par le meme. Petite Rotaniqne, par M. Meissas. I — 203 ~ Pour una Efinglc, par M. J. T. de Sainl-Germain. L'Arl d'etre malheureusc , par Ic meme. Mignon, par le meme. Monographic du Mai de mer, par M. Jobard. Notice sur le Tonnerre, par le meme. Des Moleurs a vapenr d' ('tkcr et dvapeurs combinccs, par Ic meme. Comple-rendu sur V Exposition de Dijon , par Ic meme. Sur Ics Inventions 7iouvclles presentees a Texposi- tion de Dijon en 1857, quatre volumes, par le meme. Souvenirs du Basslgny champenois. — Jeanne d'Arc et Domremy. — Jeanne d'Arc etait-elle frangaise ? par M. Alh, Renard. Note sur la Maladie des vins hlancs de Maine-et- Loire en 1846, par M. Guillory aine. Notice sur la Construction des cuves a vin rouge , par le meme. Notice sur un Pressoir a vis verticale et a percussion sur I'ecrou, par le meme. Notice sur le Cuvage des vins rouges, par le meme. De V Amelioration des vins hlancs au moment du grillage, par le m(?me. Experiences comparatives sur la Culture et les produits des nouvelles especes de vignes introduites en Maine-et-Loire, par le meme. Plantation des vignes rouges en crossettes , par le meme. Rapport, au nom du comile d''oMologie de la Sociele industrielle, sur Ics travaux de M, Vibert , relatifs au semis des vignes, par le meme. Ascension du Pichincha, par M. J. Re mi. Ilistoire de Rocroy, par M. Lcpine. — 204 — Coup fl'oeil sur les Anciennes Enseigncs de Sainl- Qiientin, par M. (lomart. La Flore de la Champagne , par M. le docteur Remy. Notice sur le Vert de Chine , et de la Teinlure en vert chez les Chhiois, par M. Natalis Rondol. Notice sur les Artistes graveurs champenois , par M. le baron Chaubry de Troncenord. Etudes historiqiies, parM. Nicaise, un volume in-8°. Monographie de la cathedrale de Nevers , par M. I'abbe Grosnier. L'Art Chretien, publie par M. I'abbe J. Corblet. Decembre 1857, Janvier, Avril, Mai, Juin 1858. La Mahadeva, piece de vers, signee J.... d. — 205 PUBLICATIONS ADRESSEES PAR LES ACADEMIES ET SOCIETES CORRESPONDANTES. Annates dela Societe archeologique de Namur, tome v, Ire, 2e livroisons. — d'archeologie de Belgique, t. xiv, — 2e, 4e livraisom. — de VAcadcmie de Macon, t. ii et in, 1857. — de la Societe Havraise d' eludes diverses. — d'emulalion des Vosges, tome xx. — d agricullure d'Indre-el-Loire , ler semestre 1857. — Eduenne, 1853 a 1857. Annuaire de rinstilul des provinces pour 1858. Bullelin de la Societe des Antiquaires de France , 2e trimestre 1857, ¥ volume, 1858. — des Antiquaires de Picardie , 1857, nos2, 3, 4. — de geographic, n . 79 a 82, 85 a 88. — d' agriculture de la Sarthe, t. xiii, 1857, 4ecahier. — archeologique de Beziers , 15^ livraison. — academiquc de la Lozere, annees 1857, 1858. — lies Auliquaires de la Murinie, 23« 24^ 25i' livraisons. — -206 — Bulletin de la Societe archeologiqiie de Soissons, t. \. — Nivernaise , i^r vol., 1855; — 2evol., nos 1 , 2, 3, 5; — 3« volume, no 2, — de I'histoire de France. — d^agriculiure de Bonlogne-sur- Mer. — Novembre 1857. • — de VAcademie Delphinale, 1"- irimestre 1856. — du Cornice agricole de Reims, Avril 1858. Compte-rendu des Travaux de la Societe des sciences naturelle'i, 1856. — de la Seance annuelle, du 10 Fevrier d858, de la Societe d'acclimatalion. — des Travaux de la Societe d'enmlation de Montbelliard. — — du Congres scientifique de France , xxiiie session, 1856. Extrait des Travaux de la Societe archeologiqiie d'ArloH. — Coup cfwil sur la foret d' Ardennes. Journal de la Societe de la Morale chretienne , t. vii , nos 4, 5, 6; — t. VIII, no^l, 2, 3. Memoir es de la Societe d' agriculture de Valenciennes, Decembre 1856 , onnec 1857 , premier Irimestre 1858. — de la Societe centralc d' agriculture de la Seine, \M<^ cahier. — de VAcademie de Stanislas, 1856. — de la Societe Dunkerquoise, 1856-1857. — de VAcademie de Maine-ct-Loire , l^'' vol., 1856; — 2e vol., 1857. — de la Societe des sciences naturclles de la Creuse, \. ix , 1857. — 207 — Memoires (le I' Academic du Gard, 1856-1857. — de la Societe d'agricullure dc I'Atibc, t. viii, nos 43, 44.. — dc V Academic Imperiale de Metz, 38^ annee, 1856 1857. — dc la Societe academique de Nantes, 2e aniK^e , ler serneslre 1857. — dc la Societe d'agricullure d' Angers, vol. 5, 6, 7, 8. — de V Academic Imperiale de Toulouse, t. i, 5e serie. — — de Caen, 1858, — de la Societe d'agricullure de la Manic, 1 857. — de la Societe Imperiale d' agriculture de Doiiai, 1856-57. — — desantiquairesdeNormandie, Juin 1858. — — academique dc Lille, S^ \o\., 1856. Recueil dcs Travaux de la Societe librc d" agriculture de VEure, lome iv, 1856-57. Travaux dc la Societe centrale d'agricullure de la Seine-Inferieurc , t. xviir , 132 a 139, 145, 146. — — d'agricidture dc Rochefort , 1856-57. — -208 — HOMMAGES DIVERS ET JOUHNAUX. Jacques et Jean, souvenirs de Crimee , par M. J. Lesguillon. Premiere lellre archeologique, par M. Guiet, 1857. Cours d'algebre elementaire, par M. Leon Lecointre. Chansons populaires des Ardennes , par M. Hubert Collin. Notice sur la Maisonde Kerkove , par M. Van dcr Heyden, 1856. Rapport sur les travaux d'irrigation executes par M. Bernaudot , cultivaleur a Landricourt. Notice sur les Eaux minerales de Sermaize, par M. Hyp. Faure. Rapport a la Societc d'agriculture de la Marne, des ouvrages de M. le docleur Herpin, par le meme. Moyen pratique pour la destruction de la pyrale , par M. Vaulrin-Delamotle. Le Sud-Est, journal agricole, Octobrc1857, l^- semestre 1858. Journal des Savants, Aout a Decembre 1857, Avril, Mai, Juin 1858. Le Cidtivateur de la Champagne , ¥ trimestre 1857, ler semestre 1858. L'Emancipation Beige, nos du 30 Decembre 1857 el 5 Juillel 1858. La France litleraire , archeologique , scientifique , Avril 1858. — 209 — Journal officiel de la Societe des sciences indus- trielles de Paris, 30 Mars 1858. Programme des questions posees par le Congres des Societes savantes pour 1858-59. Tableau decennal des operations faites par le Mont-de-Piete de Rouen , de 1848 a 1857. XXYIII. 14 I _ 0210 — EXTKAIT DES STATUTS DE l'aCADEMIE. ARTICLE XIV. Lemembre nouvellemenl elu presentcra , dans les six premiers mois de sa nomination, un travail sur une question a son choix. ART. XXI. Les membres litulaires sont tenus de donner , tons les ans , im travail ecrit sur un sujct a leur choix. ART. XXII. Les membres correspondants s'cngagenl a commu- niquer a TAcademie leurs ouvrages el le fruit de leurs recherches ; si I'un d'eux a laisse ecouler trois annees sans remplir celle obligation, il sera cense renoncer a son litre, el son nom pourra etre raye du tableau. EXTRAIT DU REGLEMENT d'oRGANISATION INTERIEUUE. ART. I. L'Academie sc reunit le deuxiemc el le qualrieme Vendredi de chaque mois, a sept heures el demie du soir, sauf le cas de convocation extraordinaire. Elle clot ses seances le deuxieme Vendredi du mois d'Aout, el fait sa renlree le deuxieme Vendredi de Novembre. — ^211 - ART. IV. Les merabres de rAcademie el les personnes elian- geres a la Compagnie, qui onl a faire des lectures ou des communications, doivent s'inscrire a I'avance au secretariat. ART. V. A Texception des travaux des membres de I'Aca- demie, aucune lecture ne peut etre faite a la Com- pagnie, sans que le manuscril en ait ele prealablement soumis a I'examen du bureau. ART. XV. Quoique les seances ordinaires ne soient pas publi- ques, les etrangers peuvent y assister , pourvu qu'ils soient presentes par deux membres. ART. XXXVI. Les droits de diplome sont de dix francs pour les membres titulaires et pour les correspondanls (1). (I) Par decision en date du 8 Janvier 1858, les membres corres- pondanls sont teuus de s'abonner au Recueil des Travmtx de I'Academie. 212 — TABLE DES AUTEURS POUR LES DEUX VOLUMES de I'annee i 857-1858, TOMES XXVlie ET XXVIII e. COLLERY. Notice sur les slaluettes qui decorent les piliers du chceur de Saint-Remi, de Reims, t. i, p. 265. DUCHATAUX. Marguerite d'Angouleme et ses oeuvres, I. ii, p. 99. Alc. Genty, Sur I'inauguralion de la statue de Jeanne d'Arc a Orleans, poesie, t. ii, p. 126. A Madame ***, en lui envoyant un angora, poesie, t. II, p. 129. Ed. Goguel. Arislophane et Socrate, t, ii, p. 9. Henry et Cn. Loriquet. Correspondance de Philibert Babou de la Bourdai- siere, ambassadeur dc France a Rome, t.i, p. 1. Notice sur le merae etsur le manuscrit qui conlient sa corresponilancc, t. i, p. 225. " - 213 — Henry. Elat et declarations de la ville de Reims , apres les assassinats de Blois , fragment d'unc Histoire de la Ligue a Reims , t. i, p. 237. H, Landouzy , president annuel. Discours d'ouverture de la seance publique , t. ii, p. 136. Leseur. Rapport sur les concours, t. ii, p. 174. Ch. Loriquet, secretaire general. Compte-Rendu des travaux de I'annee 1857-1858, t. II, p. 143. Gh. Martin. Les Salons de Reims, t. i, p, 307. Meissas. , Les Comeles, t. i, p. 274. Max. Sutaine. Pierre et Nicolas Jacques, sculpteurs, t. i, p. 290. P. Soullie. Reflexions sur la rime dans la poesie frangaise, t. ii, p.l. J. Tardieu de Saint-Germain. A MM. les Membres de I'Academie Imperiale de Reims, poesie, t. ii , p. 118. L'Almanach de I'an prochain, poesie, t. ii, p. 122. Mignon, reverie, t. ii, p. 124. FIN DU TOME XXVIIie. TABLE DES MATIERES CONTENUES DANS CE VOLUME, LITTERATURE. Pages Reflexions sur la rime dans la poesie franpaise, par M. P. SouLLiK, memhre titulaire, 1 Aristophanc et Socrate, par M. Ed. Goguel. membre correspoii'lant , 0 Marguerite d'Angouleme el ses ceuvres, par M. Ducha- TACx , membre titulaire , 09 POESIE. A Messieurs les Memhres de I'Academie imperiale de Reims, par M. J. Taudieu de Saint-Germain, mem- bre correspondant , 118 L' Almanack de Van prochain , par le meme , 122 Mignon , reverie , par le meme , 124 Sur V inauguralion de la statue de Jeanned'Arc a Orleans, par M. Ale. Genty, membre correspondant, 126 A Madame *** , en liii e}i.voijant un angora , par le meme , 129 SEANCE PUBLIQUE. Discours d'ouverturc , par M, H. Landouzv , president annuel , '3fi Compte-Rendu dcs tracaux de I'annee t857-1858 , |)ai M. Ch. LouiouET, secretaire general, 143 Rapport sur hs conconrs , i)ar \1 Lksei'b , membre titulaire , '"'^ — 215 - „ , „ . Pages Concours de I annce 1858, — Pri.r ct medailles , 191 Programme des concours ouverls pour les annees 1869 e< tSGO, 193 Tableau des membres composant lAcademie imperiale de Reims au 31 Juillet 1858. 197 Liste des ouvrages adresses a VAcademie imperiale de Reims, pendant I'annee 1857-1858, 202 Extrail des statuts de VAcademie , 210 Extrait du reglement d'organisalion interieure , ibid. Tabic d«s auteurs pour les tomes xxyu" et xxviii", 212 Iteims, Imp, ile p. niBois. i PUBLICATIONS DE L'AGADEMIE IMmiALE DE REIMS, EN DEPOT Chez P. Dubois, Imprimeur de rAcademie, rue de I'Arbalete, 9; Chez Brissaut-Binet, a Reims, rue du Cadraii-Saint-Pierre ; Chez V. DiDUON, a Paris, rue St-Dominique-St-Germain, 23 ; Et Chez Jacq. Lecoffrf. et C'% a Paris, rue du Vieux-Golombier, 29. Travaux de VAcademie. formant chaque annee 4 Jivraisons trimestrielles ou '2 volumes in-S"; — prix de rabonnement, 6 fr., et par la poste, 7 fr. Histoire de la ville, cite et universite de Reims, par Dom Guill. Marlox, 4 forts vol. in-4", avec planches; 30 fr. Histoire de I'Eglise da Reims . par Flodoaud , traduite par M. LEjEUiVE, professeur au lycee de Reims, membre correspon- dant, 2 vol. ia-8°; 10 fr. Chronique de Flodoard , texte latin avec une traduction nou- velle et des notes , par feu M. I'abbe Bandeville , chanoine de Reims, membre de I'Acadeniie, — suivie d'un Index pour I'Histoire de Reims et la Chronique, 1 vol. in-S"; 5 fr. Histoire des Gaules au X' siecle, par Richer, avec traduction, notes, tableaux genealogiques, cartes geographiques et Fac simile du manuscrit de Richer, parM. A.-M. Poinsignon, ancien professeur d'histoirc et censeur des etudes, docteur es-leltres et membre de I'Academie, 1 vol. in-8°; 8 fr. Journalier ou Memoires de Jean Pussot, maitre charpentier en la Couture de Reims , publics sur le manuscrit autographe de la Bibliotheque de cette ville, par E. Henrv, professeur d'histoire au Lycee, et Ch. Loriquet, bibliothecaire de la Ville , — avec re- production de morceaux de musique. 1 vol, in-S", tire a 25 exempl. sur papier verge et 25 sur papier ordinaire. Epuise.- Correspondanee de Philibert Babou de la Bourdaisiere , eveque d'Angouleme, depuis cardinal, ambassadeur de France a Rome, publiee sur le manuscrit de la Bibliotheque de Reims, paries memes. 1 vol. in-8", tire a 25 exempl. sur papier verge; prix, 5 fr. Reims, Imp. de P. Dubois II)) I r ! TRAVAUX DE L'ACADEMIE IMPERIALE DE REIMS. Vingt-ncuviemc Volume. ANNEE 1858.1859. — N"^ 1 ET 2. ^'' Chaqiie ann^e, 4 mmeros trimestriels ou 2 volumes. (r Prix d'abonnement : HUIT Francs . REIMS, V. DUBOIS, IMPBIMEUK DE L'ACADEiMIE , Rue de I'Arbalete, 0. MDCCCLX. I I ir^rS^L^ .j^-^' / "O i^fi, i»-^ ''>Jv \ TRAVAUX DE L'ACADMIE idperiale DE REIMS. t>^Q S^ 0^ i'AUX DE L'ACADEMIE IMPfiRIALE DE REIMS. Viiigl-iieiivieuK; Volume. ANNSE 1858.1859. — N"' 1 ET 2. Chnque nnnie, 4 tmm6ros trimestriels oti 2 roUimrs. Prix d'aboisnement : HUIT P'ra>cs. REIMS, p. DUBOIS, IMPHI.MKl'H PE i/aCAHI'.MIK , Kiic dc l'.Arl.,ilrh\ '.I. imxax. '-?'> sXi^ ^^lI;.^ La respoiisabilite des opinions et assertions emises dans les ouvrages publies appartlent tout entiere a leurs auteurs. TRAYAUX DE L'ACADfiMIE IMPERIALE I)E REIMS SCIENCES ET ARTS. DES POTASSES DE SUINT, Par M. MAUMENii , mcmbre tiliilaire. Messieurs, '^ Le jiltis grfind allrail ile la science, c'osi la verile ; jo ne tlis pas le plus grand charme , car la verile est auslere, el si le vieux proverbc : « Toule verile n'esl pas bonne a dire » est d'une application natu- relle, c'est peut-elre lorsqu'il s'agit de faire entendre des veriles scientifiques dans une assemblee nom- breuse ot avide surtout des aMivres de I'imaginalion. Vous avez bien voulu, pourtant, me charger d'ex. |)os&r une de ces veriles scientifiques au jugement de notre public toujours aimable et toujours allenlif(1); (I) Ct^ travail dcvaii Otiv In dans la seance puhlique. XXIX. I J /. I — 2 — vous avo: cm, je vous en remercie, que I'elite de la socielo remoise ccoulerait avec indulgence les details d'une decouverle saisissanle par son etran- gete , saisissanle aussi par les ressources qu'elle cree a Tune de nos plus imporlanles industries. Je vlens me rendre a voire invilation bienveillanle, el, pour meriler de mon mieux une atlenlion favo- rable, je serai href. Messieurs , depuis que le monde esl monde , on lire parli de la laine des moutons , el la premiere operation faile sur celle laine esl un lavage a grande eau. Qui ne sail, dans noire laborieuse ville de Reims , combien ce lavage enlraine de maliere so- luble en pure perle? Nos ruisseaux disent assez combien cello mali6re est abondante , et si la pensee de Tutiliser ne vient pas de suite a I'esprit, encore esl-il necessaire d'en connailre la veritable nature a beaucoup de points de vue. Cost un probleme de cbimie pure ; et si Ton eprouvait de Telonnemenl a me voir aborder ce probleme aujourd'hui , lorsque, depuis plus de dix ans,j'ai I'bonneur d'occuper une chaire fondee pour €es etudes speciales, ma reponse serail bien simple : il me suffirait de dire combien de chimistes ont eludie la question. Je puis me contenler de vous apprendre que deux savants fran^ais des plus illus- tres , Vauquelin et M. Chevreul , ont fail , I'un apres I'autre , des rccberches minulieuses , el Ton m'excu- sera d'avoir, avec la plus sincere modeslie, regarde longtemps comme inutile el vaine toule recherche noiivelle. 11 a fallu la plus persevcranle insislancc d'un ami pour me decider a examiner un sujct qu'on devail croire epuise. Get ami, iM. Viclor Rogelet, qui I'esl aussi de beaucoup d'entre vous, m'a vivemenl presse de faire des recherchcs sur le travail des laines , et je me suis rendu a son desir, sous la condition de faire ces recherches en commun. La decouvcrte dont je vais vous enlrelenir a ete le premier resullat dc noire collaboration. Nous avons examine le suint forme , comme on le savail depuis longlemps . de deux parties distinctes, I'une soluble dans I'eau , el I'aulre parfaitemenl insoluble. La premiere, celle que I'eau dissout bien, etail loin d'etre exaclemeni connue ; nous I'avons etudiee soigneusement , el, d'apres nos experiences, elle doit elre considercc comme un veritable sel de polasse. La seconde est toute differenle : elle tient a ia fois de la nature des graisses et de celle des resines. Je n'enlrerai , sur ce point , dans aucun detail ; je me bornerai a faire connailre la tres-importante consequence de noire elude. La polasse est une maliere de premier ordre. Elle est necessaire pour ftibriquer : 1° le salpelre , el par consequent la poudre ; 2'^ tous les verres genre crislal et verre de Boheme ; 3<' tous les savons mous employes au degraissage des laines ; 4" le sel si precieux pour la teinture , nomme prussiate de polasse; S^ I'alun; 6° le chlorate de polasse , element essentiel des allumetles chimiques ; 7° cerlaines preparations industrielles et pharmaceuli(}ues que je passe sous silence. Dans un pays induslriel comme la France, on doit done allacher une Ires-haule importance a toules les sources de polasse. Jusqu'ici, malheureusement, les sources indigenes n'elaienl pas assez productives pour - i suffire n Leaucoup pi'cs aux consommaleurs. Nous tirions la polasse de la cendre du bois el de la cendrc des belleraves. Pour Ic surplus, nous devions recoii- rir a I'Amerique d'une part, cl a la Russio de I'aulre, — deux contrees oii la polasse est liree du bois. Ces diverses potasses ne sonl jamais pures : clles renfermenl toujours de la sonde el des malieres etrangeres donl one purification memo Ircs-couteusc ne les debarrasse jamais completemenl. La source nouvelle , decouverle par M. Rogelel et par moi, presente le double avanlage de fournir d'e- normes quantiles de polasse el de fournir cetle po- lasse pure. Le suint soluble dans Tcau ou suintale de polasse, foime sans cesse par la suour des moulons, esl une source inlarissable. 11 y a en France plus do 4-0,000,000 de moulons (1) ; leurs loisons rcpre- senlent environ 150 millions de kilogrammes de laine en suint. D'aprcs nos analyses, on peut en lirer 27 millions do kilogrammes dc suintale de polasse, et par suite 12 a 13 millions dc kilogrammes de potasse (carbonate). Cetle polasse, en raison de son extreme purelc , reprcsentc unc valcur moyenne de 1 franc 50 centimes |)ar kilogramme. — On pourrail done annuellemenl , et pour la France SHule , lirer du lavage des laines a I'eau pure une valeur de 18 millions de francs. Les opei'alions a cxecuter sonl Ires-simples et Ircs-peu coiileuses. 11 sulTil de faiic evaporer les eaux de lavage de la laine pour obtcnir le suintale de polasse sec. On le calcine cnsuile dans des corniies (l) N;il;i!is lioMior, Hn/jporl .«//f I' liidiisliie loiiiin'f ilc hi 5 de fur , couiine la liouille aximum de chaleur , et nous met en possession d'une metbode facile , ele- gante meme , pour nous procurer du feu en loule circonstance , avec promptitude , sans aucun des inconvenients du cbarbon. Done le gaz est une belle chose ; el nous sojions — 0 — Ijien injusles envers I'iiivenleur , j^i noui> ue gaidions jtas i^on nom parmi ceux des hommes les plus utiles. Nous serions conpables envers lo science, si nous n'etions pas reconnaissanls dc cc bienf'ait , comme do lont d'aulrcs tpu lui sont dus. Pourlant, Messicnrs , la reconnaissance elle-meiue nc doit pas nous rendre aveugles , et 11 est sage de ne i)oint oublier, a propos du gaz, Faverlissemcnt du vieux proverbe : « II n'y a pas de roses sans epines. » 11 faul nous dcmandcr si ce gaz represenle bicn exacletnenl les flammes de I'huile (ju'il a de- Ironee? N'est-il pas d'une autre nature? Ne contient- il pas des vapeurs speciales , el ces vapeurs ne sunl-clles pas dangereuses? — Telle est la question que je desire examiner devant vous. lei. peut-etre , allez-vous m'arreter. Comment, me direz-vous , comment songer a de pareilles ques- tions devant une experience deja bien longue ? PouTfjuoi soupconner des dangers sericux dans un emploi si commun el donl personne ne songe a se plaindre? Gardez pour vos laboraloires une recherche aussi delicate , et laisscz-nous , comme le preteur antique , ne prendie point souci des petites choses. Messieurs, j'ai prevu robjcclion et je n'liesile pas a vous dire : Malgre toute apparence , les inconve- nienls du gaz ne sont pas une petite chose ; les vapeurs qu'il renfermc sont, en partie, funesles a la respiration, et leur danger pour la sante publi- que est un danger serieux. Consentez done a en recevoirla preuve, ici meme, devant un public qui sail si bien nous entendre et qui sera le meilleur juge , si je parviens a lui sou- — iO — mellre la question debarrassee de lous les obstacles techniques. La houille , tout le monde le sail, renferme du soufre. Bornons-nous a ce seul exemple. Pendant la cuisson, le soufre devienl une vapeur speciale. II se combine avec de I'hydrogene el forme le gaz des eaux de Bareges, dont I'odeur est si forte el si desagreable. Ce gaz est tres-dangereux , cai un air dont il forme seulement la quatre centieme parlie fait perir en quelques instants Thomme qui le respire. — Le gaz d'eclairage en contient loujours , malgre les soins pris pour I'epurer , parce que les moyens d'epuralion sont rarement assez energiques. II agil done sur nos poumons loutes les fois qu'il se produit une fuite de gaz. II agit encore plus , peut- etre, pendant la combustion , car alors il se change en une autre vapeur, celle que produisent les allu- mettes soufrees lorsqu'on les enflamme, et dont nous connaissons tous Faction irrilante dans la poilrine. N'allons pas plus loin. Messieurs, etdemandez-vous si ce danger est insignifiant? Si je me trompe, si je m'exagere I'importance de celle remanjue, pourquoi n'a-t-on jamais pu, jusqu'ici , se servir du gaz de houille dans les reunions de plaisir, dans les bals , dans les soirees? pourquoi le gaz esi-il regarde comme le morlel ennemi des dorures et de toutes les pieces melalliques dont nos poumons sont bien assu- remenl eloignes d'avoir la puissante resistance? Si j'ajoule que le gaz d'eau de Bareges produit par le soufre ne cree pas le plus grand danger; si je nomme, parmi les elements du gaz de houille, le sulfurc de carbonc , dont un de mes amis, le savant medcoin Delpech, a si bien indique los effets redou- — 11 — tables, je me I'erai mieux comprendre. Le ijuliuie de cnrbone, sans faire nailre de maladies aigues, para- lyse peu a peu nos facultes les plus vilales : il fait perdre la memoire, I'intelligence, en un mol, les plus precieux caracleres de I'ame. II peut nous paralyser entierement. Eh bien ! ce sulfure existe dans le gaz, et aucun moyen de purification actuel n'est capable de le detruire. Je n'en dirai pas davantage : la distillation de la houiUe fournil beaucoup d'aulres vapeurs exlreme- ment dangereuses, comme le sulfure de carbone, car elles sont , comme lui , toul-a-fait inseparables par les precedes ordinaires d'epuration , et presque in- deslructibles par la combustion elle-meme. Je ne les nommerai pas : j'aime mieux chercher si les effets de ces vapeurs sont assez faibles pour nc meriter aucune attention. Prenez la peine, Messieurs, de reflechir un instant a ce que nous voyons tons les jours ; examinez les personnes obligees de vivre conlihuellement dans les espaces fermes ou brulenl de nombreux bees de gaz, dans les salles de theatre , dans les filatures , dans les magasins de nouveaules, et meme dans les plus petites boutiques. D'oii vient la paleur extreme el si caracteristique repandue sur lant de visages ? Qui a vu cette paleur avanl Temploi du gaz ? El a quelle autre cause voudrail-on raisonnablemenl I'attribuer? — Comment la voix des chanleuKs lulte-t-elle si pe- niblement aujourd'hui conlre les fatigues de la scene^ et finil-elle sitol par s'eteindre ? On a voulu se I'expliquer par la grandeur des salles de spectacle , et surtout par I'elevalion crois- sanle des limitcs adoptees dans les compositions — 12 — niusicales. Assurement , ces raisons , el principa- lemenl la derniere, onl de la valeur ; mais demandez- vous si la raison capitale n'esl pas Tobligalion dc chanter sur ccs rampes donl Teclot no devrait point faire oublier le danger (ju'elles font courir? Interrogez les aclcurs , ct voyez si aucun d'eux se Irompe a cet egard ; voyez s'ils meconnaissenl la difference des theatres de nos villes oii brille le gaz , el des theatres de societe plus modestement eclaires par I'huile ? Faites un retour dans le passe, vous y cher- cherez vainemenl des exemples d'acteurs frappes d'alienalion mentalc en pleine scene, comme nous I'avons vu deux fois pendant ces dernieres annees. Si je ne craignais d'aller trop loin , car il ne faul rien hasarder en pareille maliere, je vous deman- derais si Finfluence du gaz n'esl pas encore plus etendue ; si nous n'en ressenlons pas lous les effets ; si, par exemple, elle n'cnire pas pour beaucoup dans cette teinle un peu sombre dont la physionomie publique est rcvetue depuis un certain nombre d'annees. J'irais jusqu'a chercher si la vieille gait6 frangaise , dont nous elions si fiers , el dont la memoire seule nous reste , n'a pas succombe sous les atteintes invisibles , mais puissantes , des emana- tions du gaz de houille. Sans oublier certaines causes morales evidentes, je le crois fermement pour mon compte ; mais vous seriez , peut-etre , bien severes pour mes preuves , el je vous entends deja reclamer mes conclusions. Je me hate de vous les presenter. Messieurs , je n'ai pas voulu diriger ufie allaque centre la chimie , contre une de ses plus bslles de- couvcrtes. Assurement, personne n'a rien allendu de - i3 :- sembhtble. Maisj'ai cru remplir un ilcvoir en signa- lant une imperfection dcs plus graves, ct je le repete neUement, un veritable danger public. Le gaz de la liouille, tei qu'on le consomme aujourd'bui, est une cause serieuse de trouble pour la sanle publique. Ge mal n'est pas sans reinede. On a pour s'cn mettre a I'abri deux voies dislincles. La premiere, la plus simple, consisle a veiller plus rigoureusement a la purele du gaz, d'abord dans les fabrirpies, oil les epurateurs sonl souvent imparfaits, moins par negligence que par la force memo des choses , par I'impossibilite de lenir ces epurateurs toujours en parfait elat. II faudrait placer ensuile dans nos maisons un epurateur definitif , dont je vous presenlerai le detail dans une autre occasion. J'en ai un, depuis plus d'un an , au laboraloire , et j'en ai obleim des ameliorations Ires-evidentes. La seconde marche a suivre, la plus sure, consis- terait a ne plus faire usage de la liouille comme ma- lierc premiere, et a reprendre riiuile ou les malieres analogues pour bases de Teclairagc. Je ne veux pas dire qu'il faudrait renoncer au gaz el sacrifier nos appareils dont I'etablissement a cte si couteux. Non, Messieurs, le gaz a d'immensos avanlages , ct ces avanlages, il faut les conserver ; mais il faut faire le gaz avec de I'huile , au lieu de le faire avec de la liouille. Mors il ne sera plus dangereux ; alors nous ne seions plus exposes a Taction redoulable el per- fide do ces nombreuses vapeurs que j'ai signalees bri^vemenl. Le gaz de I'liuile est beaucoup plus beau (pie celui de la liouille, il est lout aussi facile a faire, tout aussi facile a employer pour reclairage et pour le cbauffage, el si h (lucstlDii de tiiix semble se ^ 44 — resoudre conlre I'huile, je rn'engage a prouver que, toul considere, ravanlage doit resler a I'huile clle- meme. Telles sont, Messieurs, mes conclusions. Je me resume en pen de mots. L'emploi du gaz de houille est une mauvaise ap- plication d'une decouverte en elle-meme fort belle et fort utile. Ce gaz conlient de nombreuses vapeurs d'un effet pernicieux sur la sanle. Le gaz acluel est un poison ; un poison lent peut-etre ; mais les poisons lents ne sont pas les moins surs. — II faut renoncer a son emploi : on le pent aisement sans modifier le travail actuel, et en remplagant la houille par I'huile ou les corps analogues. Mors, Messieurs, nous verrons disparailre les maux Irop reels d'un usage mal compris. Alors se dissipera I'humeur un pen noire dont nous sommes en general afflises. Nous verrons bienlot revenir cetle heureuse gaite frangaise que tout le monderegrelte aujourd'hui. La science nous I'a fait perdre peut-etre : elle nous la rendra, si Ton veut bien ecouter les conseils que je me crois aulorise a vous offrir, en son nom , aujourd'hui - 15 - L'EGOLE DE DESSIN INDUSTRIEL , Par M. Ch. Martin, membre litulaire (1). Une societe , fondee a Reims dans le but de per- feclionner et d'elendre I'industrie manufacluriere el commerciale de la ville, la Sociele induslrielle, vient d'ouvrir , avec I'aide de radminislration municipale, qui tient a honneur de n'elre etrangere a aucun progres, une ecole de dessin deslinee surtout , par sa composition et son caractere , a profiter a I'in- dustrie. Cette ecole , etablie a I'hotel-de-ville , ne compte encore que trente eleves choisis parmi ceux des ecoles municipales qui annoncent le plus de dispositions pour profiter de cet enseignemenl. Un professeur , initie a tons les secrets de la fabrique , dirige leurs etudes dans le but de leur faire acquerir cetle instruction professionnelle qui manque trop aux eleves de lous les degres. Lorsqu'ils auront, pendant quatrc annees, suivi le cours dc dessin, ils seront aides par les membres de la Sociele induslrielle , qui s'efforceront de leur faire trouver une place avantageuse dans les principaux ateliers de la fabrique. L' Academic voit avec bonbeur, dans la creation de (1) C.c travail ,i t'-lc In .i l.i soancf puliliqiio du 28 Jiiillct 18:>'.>. — m — cetle ecolo , I'applii^alion d'une idee (jirelle-nieine avail conlribue a mellre en avaiit , lorsqu'en 1851 olle voulait proposer iin prix de dessin induslriel , afin d'encourager renseignenienl des beaux-arls et d'ameliorer le gout des classes ouvrieres. Mais , com me le disail loul-a-riieure, avec line haule rai- son, noln^ honorable president, une idee a besoin d'etre longtemps preparee dans les esprits avant d'eolore, el c'esl apres une longiie succession d'eH'orls parliels que se produil I'ensemble, qu'apparail une ceuvre complete. Quclque modesle que soil encore I'ecoie de dessin induslriel , elle produira pour I'avenir d'importants resultals, el il apparlicnl a I'Academie, dont le pro- gramme embrasse I'indnstrie aussi bien que les ails el les sciences , de donncr a ce mouvemenl , auquel elle n'a pas eie eirangcre, un Icgilime relentissement. Poui- nous renseigner d'une maniere exacle sur la nature de ce mouvemenl el en apprecier la porlee,, pour forlificr nos convictions el bien disposer Tesprit public en faveur de la nouvelle inslilulion, deman- | dons a la ville de Lyon, demandons a I'Anglelerre ce qu'elles onl oblenu d'inslilulions analogues qui ser- vent a former le gout et a developper les dispositions artistes dc la population. De precieux documents nous sonl fournis a eel egard dans un rapport tres-remarquable , fail en Seplembre 1858, a la chambre de commerce de Lyon, sur un projel de fondation d'un musee d'arl el d'in- dusfrie. L'auteur de ce rapport est M. Nalalis Ron- dot , delegue dc la chambre et president de classe au jury de I'exposilion universelle de 1855. En nous aidant de ce Irnvnil , nous n'emprunlerons qu'a un -- 17 — coiifierc bienveillanl, [)uis(iuo , depnis longleinps (leja, M. Nalalis Rondol esl menibro de noire Aca- demic. Hatons-noiis dc dire (|ue Ics conclusions do M. Rondol ont cle adoplecs , cl que la cliainbie de commerce de Lyon a decide i[ue le rapport servirail de point de depart a I'organisalion du musee d'art ct d'industrie, el formerail le programme preliminaire d'apres lequel il conviendra de proceder a la distri- liulion du deuxieme etage du palais du commerce, aux premieres acquisitions ;, aux demandes de concours ((ue la chambrc adressera ou Gouvcrnement , a Vadministration municipale et aux amis de I'art cl de I'industrie. Des I'annee 1G77, la ville de Lyon avail appris a connaitre I'imporlance de Tenseignement du dessin et de Tctude de I'arl [iour la fabrique , el cela explique le rapide succes de I'ecole de dessin que le sculpleur Coyscvox el le peintre Thomas Blancbel fonderenl i» cetle cpoque, et a laquellc la chambrc de commerce, creee vingl-cinq ans apres , nc ccssa de s'inleresser. On esl encore , de nos jours , dans ces senlimenls , ct plus de Irois mille enfanls cl jeunes gens suivent, a Lyon, avec un grand zele, les cours de dessin. On comprend, des lors, que la ville dc Lyon, dont Vinduslrie esl sans rivale , ait ele unanimc pour la creation d'un musee, ct que la palrie de Philibert dc Lorme, de Jac(pies Stella, de Coyscvox, des Couslou, de Gerard Audran cl de Jacquard, ail reuni si facile- meat dans son sein, par de fre(iuenles expositions des produils exotiques les plus remarquables , les ele- ments de Ions les progres. Lc genie de I'invention y est sans cesse en eveil; la distinction el la perfecliou du trav.iil ne s'y sonl jamais demcnties. L'imagina- xxix. '2 — 18 - lion des dessinateurs el la science dos fabricanls ne le cedent ni a I'espril ardent d'enlreprise des commer- gants, ni a I'habilcle reflechie des ouvriers. En Angleterre, on n'a pas moins bien compris I'lm- portance de former de bons dessinateurs. Des le jour de la cloture de I'exposilion univer- selle, le 45 Oclobre 1851, le prince Albert signalait a I'induslrie anglaise la necessile dc perfectionner son gout, el d'ajouter aux qualites positives de sa fabri- cation celle de Tart qui dislingue les produits de I'induslrie fiancjaise. Les paroles du prince Albert tiouverenl un echo dans toutes les manufactures: a Birmingham, a Bristol, a Halifax, a Leads, a Sherfield, a Stokeupon- Trent, etc., etc. « Le plus grand bicnfait dont on puisse doler I'in- duslrie de la laine peignee,ii disail le maire de la ville de Bradfort, « M. Henri Forbes, c'est de donner , par le developpement et I'amelioration de I'enseignement de I'art, un gout plus pur et plus exerce a ceux qui produisent , comma a ceux qui consomment nos ^toffes. 0 Le deparlemenl anglais de la science et de I'art fut cree sous I'empire de ces idees. C'est une division du conseil de I'education place sous Tautorite et la presi- dence du conseil prive. On peut mcsurer deja les progres accomplis sous son influence. Us onl ete ac- ccleres i)ar la cooperation de ces socieles libres et si utiles ([ue Ton appdle Mechanics' institutes, el qui, au nombre de huil cents , ne comptenl pas moins de cent quarante mille membres. Le nombre des eooles de dessin en Angleterre etail do dix-neuf avant le mois d'Octobre 1852; on comptc, _ 19 - Qujourd'hui , qualre-vingts ecoles d'arl , el, de plus, deux cent soixanle-dix ecoles publiques et privees dans lesquelles les professeurs des (kolcs d'arl ensei- gnenlie dessin. On n'y avail attire que 3,300 eleves en 1851 ; iin enseignement plus complct a ele de- f)arti, I'annee derniere, a 66,300 personnes, qui ont paye aux ecoles plus de cinq cent mille francs pour prix de ces legons. Le dessin est remis en lionneur et xievienl inseparable , dans les ecoles comme dans I'apprentissage, de rinslruclion elementaire. Un mu- s6e special, fonde par le deparlemenl de la science el de I'arl, dont la richesse est due aux prels el aux cadcaux , et qui coute neanmoins douze cent mille francs, avail regu , en 1852, quarante-cinq mille visiteurs ; cinq cent mille y sont enlres dans les douze derniers mois. On a envoye successivement , dans une vingtaine de villes , en wagons , un musee d'arl et d'industrie, renouvele apres chaque voyage , forme de beaux mo- deles de loutc espece empruntes au musee central el appropries a chaque cercle monufacturier ; cent soixnnle mille personnes, fabricanls el ouvriers pour la plupart , ont eludie ce musee. II y a cinq ans, les professeurs de dessin el les des- sinaleurs de fabrique etaient rares , pen habiles el pen relribues. On commence a ressenlir a peu pres partoul I'effel de leur plus grand nombre ; plusieurs professeurs gagnent, anjourd'hui, dix a douze mille francs par an, el un ou deux 25,000 francs. L'expo- sition des produils fabriques d'apres des dessins d'an- ciens eleves des ecoles d'arl permet de juger des premiers fruits du nouveau svsteme. Des fabricanls de Nottingham , do Sheffield , de Worcester , du — 20 - StalTordbliire , reconnaissenl liaulemenl (\ne leuis meilleurs dessinalcurs sonl sorlis des ecolcs d'arl, et que, grace a eux , le caractcre general des dcssins el des formes a deja etc modifie de la fuQon la [jIus lieii- rcuse. 11 est certain qu'avanl dix ans, Tindiistric anghiise com[»tera dans ses rangs deux a Irois cent millo Ira- vailleurs auxquels plusienrs annees d'ecole auront donne de saines notions d'art et de science el unc pratique intelligente du dessin ; que par les musecs ct les collections ainbulanlcs , par le palais de Sy- denham , Ics styles dc tous les pays, les plus beaux types de I'ornement el les modcles les plus reputes en tous genres seront dcvenus fainilicrs a plusieurs millions d'ouviiers. Dc tels resultats doivent nous lenir en haleine el amener chez nous cetle volonte ferme, cette perseve- rnnce inouie qui, chez nos vuisins, est la meilleure garanlie de leur prosporile induslrielle. L'institution d'unc ecole speciale de dessin a Reims doit nous con- duire adesfondalions plusctenducs. Onnesaurail Irop eveiller el developper le senliment du beau. C'est en etudianl les ressources decoralivcs iniaginees et de- vcloppees dans les grands siccles; c'est en cherchant le secret de la simplicite, dc la grace ct de la distinc- tion desGrecs, dc I'harmonie cl dc la delicalcsse du I'oloiis des Orienlaux ; c'csl en ac(iueranl I'art d'ap- proprier, avcc unc hcurcuse nicsure el un sentiment anisic , le style aux malcriaux ol aux destinations, qu'une ville, qu'une induslrie se distingue des autres et assure la superiorile de ses produits , decuple en dix ans, comme a fail Lyon, le nomhro do ses me- tiers, le chiffre de ses exportalions. Agissons done surloul en ])revi5iioii ilc r.ivciiir , el Tie nous conlenlons pas dos prosperiles du pn'M'iii. L'ecole qui vient de naitrc doit nous conduire, si la Societc indnslrielle coniinuc son oclion, a une orga- nisation forle el large., grace a laquellc la fabiiijue remoise, dotee d'un fonds connnnn, sera assureo do trouver tout ce qui peul servir I'inspiralion , elai-gii' et clever les idecs, resoudre les diiTicultes el lealiscr (]e nouveaux progres. La Mode, fctle eapricieuse souverainc ijui corn- mande a la Fortune , n'aime a dispenser ses faveurs qu'aux producleurs qui savcnt so placer d. ins un mi- lieu artiste, el qui, dans une ctoflc comrno dans un tableau , dans un meuble comnie dans une statue, metlent rempreinlc de I'imaginalion et du gout, du genie el du pi'ogres. Les oeuvros des ariislcs el des liommos des metiers, au temps de la Renaissance el du Grand Roi, ne sonl tant recherchees aujourd'liui que par re (jue le stjb' en etail d'un grand caractere , I'ijispiralion elevee , original.' , le travad pur et bardi ; landis que la ma- tierc a cesse d'en elre rare , la beaute de la forme a survecu au temps,. el il n'est donne qu'aux grandes fortunes d'en acquerir les reliques precieuses. On place, aujourd'bui, sous la vitrinedes museesce dont nos ancetres usaienl vulgairemenl , mais a des ej)oques ou I'arl eloit partout en bonneur. Si I'art ancien a tant de pii.\ a nos yeux, pourquoi negliger I'arl moderne ? Croyons-en les lecons de I'bistoire, I'art inlroduil dans I'induslrie est une bonne fortune pour la specu- lation, et sans TacUon incessanle de ce genie bienfai- sanl, le riche domaine du travail bumain sc (Vil dc- puis hiiiotempv iNiduil fi i\r< lanrles .-ti'rilc-- f2 INOTICE SUR UK EVAKGELIAIRS provciiaiil lie l'abbaye de saint-pierre-aux-nonisains , aujourd'hui conserve dans l'eglise de saint-remi. A REIMS , ET Sl!R LES EMAUX QUI LE DEGORENT , Par M. Cli. GuELET, meinbre titulaire. Parmi les objels precieux reiiiiis aujourd'hui duns- ['antique abbatiale de Saint Remi, il en est un peu eonnu el qui, cependanl, rnerilc de fixer un instant I'attenlion des amis des arts. C'est un livre d'Evan- giles , doni la couverture est ornee de deux ernaux representant , I'un le Christ en eroix , I'autre le inarlyre de sainle Febronie. Avnnt de vous entretenir de ees emaux , qu'il me soil permis , Messieurs , d'ouvrir ce livre , el de vous dire que son litre nous apprend qu'il ful ecrit en 1594, aux frais de rilhistrissime dame Renee de Lorraine , abbesse de Saint-Pierre de Reims , de 1542 a 1602. Ce livre est un petit in-folio de 230 pages velin. 11 contient les evangiles du temps , de- puis le premier Dimanche de I'Avent jusqu'au Jeudi Saint. On y a joint quelques evangiles du commun des Saints avec ceux des letes qui se celebrenl pen- — 23 — danl le temps ci-dessus fixe, c'est-a-dire, suivanl la division du breviaire, pendant la partie d'hiver. Les litres, c'esl-a-dire , I'indication du jour et des fetes , le nom de revangeliste et rendroil d'ou sonl exlraits les evangiles, sonl indiques en rouge, sui- vant la rubrique ; le resle est en noir, avec iniliales orn^es d'une miniature sur fond d'or, d'argent, ou de couleur rehaussee de ces melaux. Ges miniatures n'ont pas la valeur a laquelle on aurait pu s'allendre, en voyanl le soin apporte a Tecriture de ce volume. Elles sonl d'abord d'assez petite dimension , puis leur composition et leur execution accusenl un talent qui est reste bien en arriere des artistes dont les oeuvres , principal ornemenl de nos bibliolheques publiques , faisaienl jadis I'orgueil des monastercs qui les possedaient. Une seule iniliale , a la messe du jour de Noel , est plus grande que les aulres , soil a cause do I'importance de la fele , soil pour une raison qui nous ecbappe. Elle mesure 0,8 c.- sur 0,7 c. 1/2, tandis que la plupart n'ont que 0,2 c. 1/2 sur 0,2 c. Les armes de I'abbesse du royal monastere , Renee K^ de Lorraine, brilleni, au milieu de cette miniature, sur un fond d'argent orne de rameaux fleuris. C'est la seule fois qu'on rencontre , dans le volume , les armes de I'illustre abbesse. Gela dit sur les leltres ornees qui enrichissenl noire volume, nous remarquerons encore que les genealogies de la messe de Minuil et des malines de I'Epiphonie sonl nolees. Ce chant differe esscnliellemenl de celui adopte dans ce diocese, quand on y suivail la lilurgie remoise. Enfin, dans loute I'elendue du volume, les inflexions de voix sonl indiquees par des signes parliculiers - 2-4 - t'ci'ils en loiit^c sur Ics sylhtbes linulcs do clr.M|iic nicmbrc tie J)llIa^c, pour i^uitlcr Ic diacic dans son office. MainlenanI, Messieurs, il est leinps de passer a I'cxterieur du volume. Sa couveilurc no ful pas lou- jours cc qu'clle est aujourd'hui ; Ic dos , doni qnel- ques details accusenirepoque de Louis XIII, presenic un semis de petiles llamnies. II rappelle cvidemmenl I'ordre du Saint-Espril, mais nous ne sauiions diie pour (|uelle raison. Au XVlllp sic'cle, les pkmcbes de cliejie i\m foimenl les plats du livrc perdirent leur piemiere enveloppe. line enlaille Tut prati(|uee dans Tepaisseur du bois pour recevoif les eniaux, et , ceux-ci fixes sans liop do precautions au moyen de pointes, on complcla la couverlure en collanl a I'cnlour quatie bandes de maroquin rouge semblablc a celui du dos. L'email qui orne Ic iccio du livre represente le crucilieincnl de Notre Seigncui'. Outre les deux lar- rons, buit personnages rcmplisscnt ce tableau, (jui a 0,24 c. de bauleur sur 0,20 c. de largeur. On recon- nail parmi eux la Sainle Vierge, saint Jean et sainlc ]\!arie-Madeleine. L'analogic frappante qui cxisle entrc cet email el ceux inscrits au musee sous les n^^ 126 et 127, re- presentant, le premier, Jesus-Clirisl devant Pilate, et le second, Notre Seigneur descendant dans les limbes pour deli vrer les ames des justes morls avanllui, cclle analogic, dis-je, ne permet pas de douter un seul instant que eel email n'ait fait parlie de la mf-me collection. On peul done supposer que ceux du musee ont autrefois apparlenu a I'abbaycroyale de Sainl-Picrrc, - ^5 - ;nec daulres encore, cuiiiplelanl la eollecliun. Leiir coloris niariqiic d'liarmonie , cl Icur tlessin do cor- rcrlion. Sans pouvoir, ail jusle , preciser Tepoque de eel email, on pent, sans crainle de se tromper, le fairo renionler a la premiere moilie du XVI" siecle. En cela,jene suis pas d'accord avec I'auleur des Trcsors des EfjUscs de Reims ^ qui I'allribue an Xlll" siecle. La pose des pcrsonnages, I'ampleur el la forme des velemenls rappellent le sepulcrc provenanl do I'eglise du Temple el place aujourd'hui dans celle de Sainl- Remi. Or, ce monument porle la dale de 1531. Les clous , au noinbre de liuil , qui onl servi a assujelir eel email sur la couvcrlure, onl, vous le pcnsez bien, cause (|uelques decbirures a eel email ; neanmoins, il est mieux conserve que le suivant. Passons mainlenant a I'aulre face de la couver- lure. L'email donl elle est eniicbie represenle le martyre de sainle Febronie. Voici ce que j'ai pu recueillir sur celle jeune viergc . Les Nouvclles Fleurs des Saints, par le P. Ribade- neyra , edition du P, Martin Simon, i-eligieux mi- nime, en 4G67, fixent sa dateau 25 de Juin. L'abbe E. Daras, Iraducleurdu P. Ribadeneyra, donne plus de details que Ribadeneyra el conserve aussi la date du 25 Juin ; tandis que le Martyrologc gallican de du Saussay dil que la fele de sainle Febronie, vierge et martyre, elail celebree a Fontevrault le 23 Juillet. Les parents de celle sainle ne nous sont pas connus. Nous savons seulement (lu'elle ful elevee dans un monastere de Sybapolis, en Syric, donl sa lanlf elait abbesse. A la memc cpo(pie , mourail - 26 — Antimius, romain et homme de grande qualile, qui laissait un fils nomme Lysimaque sous la conduite d'un oncle nomme Selenus. Dioclelien , ciaignanl que Lysimaque n'embrassat la religion chrelienne, qui etait celle de sa mere, envoya en Orient I'oncle et le neveu, pour y lourmenter les Chretiens. Les soldats de Selenus entrerent done dans le mo- nastere ou vivait noire sainte , el se saisirent des trois seules religieuses qui, malgre la persecution, ne Tavaient pas encore abandonne. C'etaient I'ab- besse, la prieure elFebronic. Celle-ci se livra d'elle- meme aux perseculeurs , esperanl desarmer leur fureur et sauver ses superieures deja avancees en age. Tels sont, sommairement, les faits raconles \m- la legende de la sainle ; nous en completerons I'ex- pose par la description meme de I'email oil se trou- vent reproduites les diverses parliculariteis de son martyre. L'email est a peu pres de la meme dimension que celui du crucifiement : il a 0,25 c. 1/2 de hauteur sur 0,19 c. de largeur. Des filets d'or le divisent en neuf tableaux d'egales dimensions. Une tele d'ange , sorlant des nuages , est dans chacun des quatre angles de I'ensemble. Ces anges envoyant leur souffle sur la sainte marlyre onl-ils ele places dans I'inten- tion d'indiquer que la sainle recevait du ciel la force el le courage qui lui elaienl necessaires pour sup- porter les tourraents ? II est permis de le supposer. Dans le premier tableau , en haul a gauche, sainte Febronie, les mains liees , est enlrainee hors de son monaslere par les soldats de Selenus. EUe porle le costume noir de son ordre. Les soldats, au nombre de huil, sonl armes de lances et de halle- — 57 — banles. On icmarque un sabre au cole de I'un d'eux. Aii-dessus d'un mui-, on voit, au fond dii tableau, nil dome eclaire par de nombreuses lenelres. Un pelil chien , suivant I'usage de celle epoque, est place pres de Tun des soldats qui entrainent sainte Febronie , donl le nom est ecril en caracleres ma- juscules el (lores au bas du lableau. Le second est place immedialemenl au-dessous de celui-ci, Le nom de Selenus est ecril sur le marche- pied de son Irone. Ce lyran est assis sous un balda- (|uin ome de lenlui'es bleues el pourpres. 11 inlerroge sainte Febronie, que les soldats viennent d'amener ilevant lui. On remarque, pres des pieds de la vierge, les initiates S. F. Dans le troisieme tableau , (|ui est le dernier en descendant du tueme cole, commence le marlyre de la sainte. Son nom est ecrit en toutes lettres. Elle est depouillee de ses vetements. Un simple voile, none sur ses reins , lui couvre une parlie du corps. Une coiffe blanche, probablement en usage au XVIe siecle dans les maisons de I'ordre de Fonte- vrault, est posee sur sa tele el ne laisse point aperce\oir ses cheveux. Elle est atlachee par les bras et les jambes a des pieux dresses , et ainsi suspendue sur des tisons enflammes. Quatre bour- reaux la torlurent. Deux d'entre eux, amies de tor- ches , lui brulent les seins ; les deux autres I'ont deja lellement frappee de verges, que de la tele aux pieds , son corps est tache de sang. C'est ainsi que nous la verrons jusqu'a la fin de son marlyre. Sele- nus assiste a ce supplice du haut d'une fenelre. Pour suivre I'ordre des supplices infliges a noire sainte, il nous faul prendre le tableau du coin de — 28 - (Jroile oil has, qui esl le quatrieme do noire histoirc. On y voit Febronie , comme dans le tableau pre- cedent, attachee a une colonne par les mains ct les jambes. Deux soldats lui cassenl les dents. Pres de ses pieds, on lit, S. Febronie. A la feneire, esl loujours Selenus, prcsidanl au supplice. Dans I'eloi- gnement , on apercoil des soldals. Au-dessus, dans le oinquieme tableau , la sainle est loujours liee et adossee a la colonne. Selenus n'a pas quille son poste d'observalion ; mais le genre de supplice est change. Ce sont les seins de la jeune vierge qu'on arracbe. L'un des bourreaux lui en a deja enleve un avec des lenailles. II le tient suspendu avec le meme instrument , au-dessus de la victime; tandis qu'un second, aussi arme de lenailles, accom- plit. de I'aulre cote, le meme genre de supplice. En meme temps , un Iroisieme parait etre occupe de bruler avec un fer chaud le cote deja decbirc, au- tanl que I'elat endommagc de Temail, en eel endroil, nous perme'i de lo supposer. Dans le lointain , une religieuse, I'evelue du costume de son ordre, semble en proie a la plus vive douleur. Elle parail demander a Dieu la grace de la perseverance pour elle et pour Febronie. Cette religieuse, sans doute la superieure de I'abbaye, esl nimbee , parce qu'elle a aussi subi le marlyre. Quatre soldats rcnlourent. On lit encore sous les pieds de la jeune vierge : Sainde Febronie. Le comparlimenl superieur, qui esl le sixieme , represenle deux scenes. Selenus, di^boul, assiste a la premiere et parait inviter la courageuse vierge a lenier Dieu. Deja le lyran lui a fail trancher les deux pieds el une main ; la seconde est posee sur un bil- lot, el le bourrcau est prel a la faire lomber. Deux — -29 — soldals sonl employes a co ricinier pxces de roge ct de fureur. Ici, la tele de Febronic est decouverle: une abondanle cheveliire blonde s'est ecliappee de sa cnifle lombee. Dans une autre pailie du tableau, mutilee de tous ses membres, el pourlant agenouil- lec, elle iTcoit le dernier coup ([ui doit mellre (in a son mariyre : un soldal lui lient d'une main la lete par les cheveux, et se dispose a la trancher. Les leltres S ct F., placees dans I'un des angles du tableau, in- diquent qu'il s'agit loujours de sainle Febronie. T.e seplicme tableau nous represente I'inbumation dc sainle Febronie dans son monastere. Elle ful ce- lebreeparles soins de Lvsimaqne, neveu de Selenus, et de Prime, cousin de Lysimaque , (jui , tons deux, s'elaicnt convertis au Ciiristianisme. Le cercueil, deja cnire sous la porle dd'abbayo , est porle, a I'aide dc batons, sur les epaulos de quatre clercs, accompagnes d'aulres ccclesiostiqncs porlantde longs cierges. Deux cvc(p]es, revetus de chapes bleucs, la mitre en tele et la crosse a la main , suivenl la sainte depouille. fj'un d'eux tient un livre ouvert. Nous devons remar- quer (pie le drap qui rccouvre le cercueil est, comme nujourd'hui, noir avcc une large croix blanche , ct que rctofl'e est ornce d'unc legere brodcrie d'or. Le huitieme tableau represente la fm tragique de Selenus. II tombe a la renverse du haut de son palais, ct se brise la lete sur le sol, on onlitpres dc lui, en caracteres d'or a pen pres efrnces : LETIRAN SELENVS. Le feu du Ciel sort des nuages, el vienl le frappcr. Cinq de ses soldals sont lemoins dc sa mort, ainsi qu'un sixicme personnag(> place a Tunc des fcnT'tres du palais. ('elui-ci est un jeune homme; , tout pdiio ;'i (TiMn^ (pic c'csl L\>imaqU(' , el tpie la - 30 — vue de la punilion infligee a son cruel tuleur aclieve de le decider on faveur de la religion perseculee. Dans le dernier lableau , nous Irouvons la pour- trailure du personnage pour lequel a ele fail noire email, suivant I'usage observe , pendant le Moyen- Age el jusqu'apres la Renaissance, dans les vilraux el peinlures ou est representee la vie d'un saint, sous le patronage duquel se placait la personne. Dans une salle a Irois fenelres vitrees de bleu , el dont In porle ouverte laisse apercevoir la campagne, une abbesse, revetue du costume de Fontevraulf, iden- lique a celirt que portait la sainle au moment de son arreslaiion, est agenouillee devant un prie-Dieu , les mains joinles , el son livre ouverl pour la priere. Sa crosse , passee entre ses mains , esl la preuve irrecusable de sa di^ite ; a ses pieds , un cbieu accroupi indique sa noble extraction, que prouve mieux encore I'ecu place au cote droit du prie- Dieu. Get ecu porte de France au baton compone d'argenl el de gueules pose en bande. C'est celui des comtes d'Evreux, adopte depuis par les d'Angouleme. Nous n'avons pu, jusqu'ici, decouvrir, malgre les nombreuses recbcrches dans lesquelles noire savanl el obligeant confrere, M. Loriquel, a bien voulu nous aider, nous n'avons pu decouvrir, dis-je , quel esl le personnage de ces families qui possedail, a I'epoque presumee de noire email , I'un des monasleres de Fonlevrault. L'email dont je viensde vous enlretenir, Messieurs, me parail apparlenir au XVI^ siecle ; I'execulion en esl vraimenl remarquable; peu sonl d'un fini el d'un coloris plus agreable. La disposition des sujels en pelils comparliments , comme dans les vilraux de la — iJI — meme epoque , conlribue beauooup a I'eflel genernl de celte oeuvre d'art. Je regrelle de ne pouvoir mieux que je ne I'ai fail en indiquer la provenance. Tout porte a croire qii'il aura ete donne a une abbessc de notre Saint-Pierre ou apporle par elle dans ce monaslere, qui appar- tenait, comme vous le savez, a I'ordre de Fonlevrault. — :^2 — UN MOT SUR LA GRiVURE ET GET ART EH CHAMPAGNg ;i propos de la BROCHURE DE M. LE BARON CHAURRY DE TRONCENORD inlitiiU'c mim SUIl LES AllTISTES GIlAVElllS HE lA CIIAMPAGVE , Par M. Max. Sutaine, iiiembre litnlairc. M. Ic baron Ghaubiy de Troncenord a fuit, der- nicreniGnt , hommage a I'Academie d'une pelilo brochure ayant pour titrc : Notice siir Ics Artislcs gniveurs de la Champagne. La Compagnie a desiro ([u'un rapport fut fait sur ce travail. Je vicns , aujourd'liui , rr3inplir la laclic qu'elle a bicn voulii me confier. M. Chaubry , qui a deja public des notes intercs- santes sur les Peinlres vcrriers de la Ghampognc , est I'lin des ecrivains , mallieureuscmont trop [icii iioinbreux , qui s'eludient a ravivcr dans notre anti- que province les souvenirs artisli(iues et a reveiller remulalion de leurs conlemporains en payant un juste tribut d'elogcs a la niemoire de nos illustrolions passees. — :i:l -~ La GliMinpagne, ([ui coinple lant d'lioimnes celebres dans les diverses branches de I'intelligence , el qui , pour ne parlor que dcs ai'listes , a donnc le jour a Boucliardon , Mignard , Girardon, Nanleuil , Simard, la Chani|)agne peul se monlrei', a bon droit, fiere de ses enfaals. lis I'onl vendee depuis longlemps du vieux diclon (jue la malice gauloise avail, comme lanl d'autres , cree dans un de ses jours de causlique jovialite , I'l qui a lini par devcnir pour noire province un brevel d'espril. Qu'il me soil permis a ce propos , el malgre la gravile du sujet qui nous occupe , de vous raconler une peliie anecdote qui s'esl passee recemment : Trois voyageurs, emporles sur le cliemin de fer de Paris a Marseille , se trouvaienl reuuis dans le meme wagon, lis ne s elaienl jamais vus ; mais lous Irois elaienl jeunes ; ils avaienl le rire aux levres , la gaite au coeur , et la connaissance fut bienlol faile. La causerie ne larda pas a devenir inlime el a pro- voquer ces conlidences d'aulanl plus promj)les a s'epancher qu'on sail (jue la locomolive tes emporle dans son vol rapide el les disperse au vent comme sa fumee. Pres d'arriver au but du voyage el avant do se sc- parer, les nouveaux amis songerent a echanger leurs noms et leurs adresses. — « Ah ! ah ! » direnl deux d'enlrc eux au troisiemc qui leur presenlait sa carte, « vous eles Champcnois ? du pays des qualre- vingl-dix-neuf ? — Precisement, » repond noire com- palriote , « de ce pays oii Ton rencontre un homme d'espril sur cent. En connaissez-vous beaucoup , Messieurs, donl on pnisse en dire nutanl ? » xxix. 3 — 34 — Rcvenons a la brochure de M. Chaubiy. Dans un expose plein d'interet , rauleur nous donne un apergu , malheureusemenl Irop abrege, des divers genres de gravure. Apres avoir rappcle les succes des Grecs dans I'arl de ciscler les pierres precieuses, il s'elend plus longuenient sur un precede de gravure sur melal, tres-usilc surlout au Moyen- Age, et qui consistail a combler les sillons de la cise- lure avec une maliere d'une nuance plus foncee que celle du melal sur lequel on operait. Ce precede s'appelail : Nielle. M. Cbaubry aurait pu ajouter que les premiers essais d'empreinlc sur Ic papier furent aussi connus d'abord sous la meme denomination. Masso Finiguerra, de Florence, ful, en effet , le premier, en 1452 , qui , sans prevoir , sans doule , tout I'avenir reserve a son invention , imagina do tirer des epreuves de gravuie noire propremenl dite. Voulanl , comme le dit Ires-bien I'auteur de noti'e brochure, se rendre un comple plus exact de I'effet d'une oeuvre de ciseluie qu'il venait de terminer , il en prit une empreinte donl il noircil les creux , el I'appliqua forlcment sui" du papier humide. La gra- vure etait decouverle. Les ciseleurs profilerent d'abord de I'invenlion pour mieux juger I'ensemble de leur Iravail ; puis la speculation , vcnant a l.i suite, songea a en tirer parti. Les epreuves, primilivement Ircs-imparfaites, s'appelerent des nieUes et se vcndii'cnl sous ce nom. Ces ebauches , grossicres d'abord , devaient se perfectionner proinplement dans ce siecle ou I'art conipiait de si fervcnls disciples. En effet, la gravure til dos nrogres rapides, et , quolqucs annoes plus - r)5 - lard , vers 1500 environ , Albcrl Duror [noduisoit deja dcs cliefs-d'ceuvre. La damasquinure, donl la brocliuie de M. Cliaubry ne fait pas mention, est , clle-meme aussi, Tunc dcs formes sous lesrjiielles I'arl s'esl produ'l avant d'arrivcr a la gravurc siir papier. Scs procedes ofiVent quelquc analogic avec ceux do la nielle , avcc cetle difference, cependant, que les creux de la laille, au lieu d'etre , comme dans celte dernierc , retnplis au moyen d'un corps d'une nuance plus foncee que celle du metal qu'on vieni de ciseler, elaient com- bles, au conlraire, par des fdels d'une matiere [)lus brillanle. Ainsi, par exemplo, Tor el I'argent etaient employes pour damasquiner le I'er. Get art, pratique par les anciens , elait en grande favcur a I'eiJoque de la Renaissance. Les Orientaux y onl cxccllc , el les armuriers de la ville de Danias , qui a donne son nom a ce oenre de ciselure , onl laisse de ma- gnifiques specimens de leur babiletc. Les ouvriers I'rancais el italiens ont pousse la perfection plus loin peut-etre encore (pie les Arabes, et les riches modeles d'armures que conservent nos musecs temoignent suffisamment de leur superiorite sur leurs rivaux. Conlentons-nous de ciler le nom de Cursinel, four- bisseur qui florissait a Paris vers le commencement du XYIJe siecle , comme celui de I'un des artistes qui s'etaient acquis une reputation incontestable. Ces considerations generales sur les divers pro- ced.es de la ciscdure qui consliluait autrefois I'art de la gravure nous conduisent naturellement , avec M. Cbaubry, aux epreuves sur papier et aux graveurs modernes. Parmi ces derniers, nous n'aurons, comme hii, a nous occuper que des artistes de la Champagne, - 30 — en lui demandant la permission d'ajoulcr quelques details a ceiix qu'il a bien vovilu nous donner. Le premier qu'il cite, Jean Duvet, de Langres, ne en 1485, passe pour elre le plus ancien graveur frangais au burin. 11 6lait en meme temps orfevre de Frangois Jer et de Henri II, et fut surnomme le maitre a la Ikornc, parce que Teffigie de eel animal servait, pour ainsi dire , de cacliel a plusieurs de ses l)ieces. Philippe Thomassin, de Trojes, seraii morl , sui- vant M. Chaubry, en 1612, el cependant on cite de lui une Sainte Cecilc datee de 1617. II parait avoir ele, en cffel , le maitre de Callot. Nousfoliciterionssinceremenl notre pays si, comme I'aulcur do noire brochure semble le penser, Claude Gelec avail rcQu le jour en Champagne ; malheureu- semcnl, suivanl le lemoignage des biographes , il seraii ne au chateau de Chamagne, diocese de Toul, en 1600. D'ailleurs, son sui-nom de Lorrain, qui I'a distingue de loul temps, indique suffisamment qu'il n'est pas notre compatriote. La date de la naissance de Nicolas Cochin, de Troyes, parait elre I'annee 1619, et celle de sa mort a Paris, I'annee 1686. M. Chaubry cite naturellemenl Robert Nanleuil, de Reims, comme une des gloires de la gravure frangaise; mais Ics bornes restrcintes de son travail ne lui permcllont pas de s'etendrc longucment sur son comple. Nous devons I'imiter; aussi bien, la bio- graphic et I'analyse raisonnec de I'oeuvre de noire graveur suffiraient a fournir la maticre de plusieurs volumes. Nous dcmandcrons , toutefois , la per- mission de lui consai rer quolques lignos cpii , par - 37 — exception , n'uuronl aucun lappuil avec rarl iiuil a illustre. On a dit que Nanteuil elait poete ; M . Chaubry I'a ecrit a son tour, et nous-meme , dans une etude sur lui que nous avons eu I'lionncur de vous lire il y a quinze ans, nous I'avons repete avec ce naif enqnes- sement des biogrpphes qui accuedlent avec bonheur tout renseignemenl curieux dont la source leur offre line certaine garantie dc verite. Mais, pendant bien longtemps, il nous avait cle impossible de nous pro- curer le moindre ecbantillon de sa verve poelique. Enfin, il y a quelques annees, le hasard, qui se donne une si large part dans les oeuvres liumaincs , nous a fait d^couvrir, a la bibliotbeque de la rue de Riche- lieu, une piece de vers de Nanleuil. Elle est adressee a Louis XIV et a pour but , comnie vous allez le voir, de solliciter du roi un delai pour rachevement d'un portrait qu'il lui avait comniande. Voici ces vers : Apri's les actions qui ^ous rouvrent de gloire , Apres tatit de faits eclatants , 11 ine faudrait, grand Roi. donner un |)cii de temps I'our rendre voire image egale a voire histoire. On verrait dans les traits de Voire Majeste Une grandeur parfailc unic a la bonte , Ce souris si eliarmant , eel air si magnanime, Ces mou\enii;nts causes par un esprit sublime, Et tout ce qui con)|)osc ft fait voir a la fois Dans un homme un grand bomme et le plus grand des rois. Mais [lourquoi dans mes vers achever voire image ? Tant d'ecrivains sur moi n'ont lis pas I'avantage? Quand uul autre graveur , par sa dexlerite , Ne pent vous consacrer a la posterile , Jc |)uis bien me vanler, brulant d'un /ile exlrenu- ; Je »ais mon arl et j'aime. Aiitsi, dans col (iii\ ifig!» , (in jiourra \oir , iin jmrr , Cf que iicuvent ciisi'mblc ct ladiossL' ul I'amour. Ivxcusez cu transport ct pardoniiez-moi, Sire, Ce (jii'nn siijel fiili'le a bicn esc vous dire. Ces vers d'ainfitenr no sont ni pires, iii meilFenrs »|ue la plupart do ccux ([ue comineltaienl alors les poeles courtisans dii grand siecle. N'oublions pas que loules les sommiles dans les diveises branches de rintelligence grovitaienl aulour de la royale planetc qui les couvrail de sa haute protection. La tlatlerie etail bien un peu perniise quand elle s'adressait au souverain qui s'enlourait de loutes les illustrations, qui ne voulaJt pas qu'on tirat uu coup de canon en Europe sans sa permis- sion, qui etait assez fort cliez lui pour faire jouer les pieces de Moliere , malgre I'opposition de sa propre cour ; qui creait, enfin, precisement et expres pour Nanteuil la charge de dessinateur el graveur de son cabinet. Ilatons-nous de dire , toutefois, (|ue, si les autres vers que la muse de noire compatriote a pu lui in- spirer no sont pas superieurs a ceux que vous venez d'enlendro , sa reputation de poetc nous parait pas- sablemenl con>promise 11 est probable que son nom ne serait pas arrive jusqu'a nous, s'il n'avail pas ete appuye sur des tilres plus serieux a la celebrile. M. Chaubry s'etonne avec raison que, a une cpoque ou chaque ville s'empresse d'eterniser par un mo- nument durable la memoire de ses illustrations , Nanteuil n'ait pas encore sa statue a Reims. II est vrai que son nom donne a une rue est le seul temoi- gnage public de souvenir que lui ait consacrc sa palrie. Aussi partageons-nous rctonncmcnt et les OV — regrets ilo M. Cliaubiy, en y joignum luspoir que Reims suivra , un jour, Tcxemple de Sainl-Quenlin , sa voisinc , qui vienl d'inaugurer la stalue de son peinlrc de portraits , Quentin Lalour. L'auteur do la brochure que nous analysons nienlionne ensuilc Blondeau (qu'on appelail aussi Blondcl) et Claude Gillol, tous deux artistes dislin- gues de Langres ; le dernier fut le mailre de \Yalteau; puis Louis ou Ludovic de Chalillon , ne a Sainle- Menehould, en 1690; P. -P. -A. Robert, de Sery, pres Rethel , qui eludia d'abord sous Tisserand , peintre r6mois ; J. Belmont, de Tioyes, el Chedel , de Chalons-sur-Marne. Nous arrivons ensuile a la faniille Varin , egale- ment de Chalons-sur-Marne , et qui descend de Jean Varin, habile artiste de Liege. Cetle famille honorable Torme , depuis plus de deux siecles , une veritable dynastie de graveurs qui s'est constamment adonnee avec succes a I'art dont le culle s'est tiansmis chez elle de pere en fils. Deux de ses descendants , qui vivent encore a Paris, conlinuenl, exemple bien rare aujourd'hui , a marcher sur les traces de leurs aieux et a soutenir la reputation d'un noni deja celebre au temps de Louis XIIL Enfin, nous trouvons dans la brochure de M. Chau- bry le nom de de Longueil , nc , d'apr^s lui , a Givct , et , suivant d'autres , a Lille; puis ceux de Tavernier, de GeofTroy, de Joinville et dc Duchemin, de Provins , qui viennent clore la liste qu'il nous donjie de nos artistes graveurs. Les recherches savantcs , les considerations pleines d'inlerel auxquelles s'est livrc I'auleur, nous font vivcment regretter que les borncs, nialheurcusemenl - 40 — flop reslroinles, iiu'il a at^signecs ii son Iravail ne liii aienl pas pcrniis de Ini donner plus dc developpe- nienl. S'il eul voulu en clargir Ics limiles , il n'eOt pas inorKiuc , sans doule , d'augmenler coiisidera- l3lemcnl la nomenclaliire un peu abregee qu'il nous donne , cur la Champagne coniple un bien plus grand nombre de graveurs. Phisieurs d'entre eux , peul-elre, n'avaienlqu'un latent que nous appellerions volonliers un talent de localile, el dont la renommee nc devait guere franchir les niurs de leur palrie \ mais les noms de nuelques aulres ont oblenu un certain retentissenient qui leur assignail de droit unc place dans un recueil du genre dc celui dont nous nous occupons. Nous demandons a M. Chaubry la ■permission de combler en. parlic les lacunes qui sabsislent dans son travail, excellent d^iilleurs , en nous bornani, au reste, a quelques citations rapides. Troyes, la ville privilegiee, qui a donne le jour a Mignard, a Girardon et a Simard, que la mort vient de nous enlever , a vu nailre, en 1013 , un graveur nomme Jean Boulanger, qui parail avoir essaye le |)reniier le genre pointille, et un autre, en 1633, du noui de Louis Gossin, qui n'elail pas sans merite. Claude Chaslillon, qui s'inlitulail ingenieur topo- f/raphe du roi el fit paraitre , au XVlc,siecle, une quanlile considerable de planches represenlanl des villes, des bataillcs, des sieges, des chateaux, naquit a Chalons sur-Marne, en 154.7. II pent etre considere com me I'un des peres de la gravure frangaise. L'arl du graveur a comple, a Reims, de nombreux disciples, dont plusieurs, sans posseder le merite de Nanleuil , avaient cependanl une valeur reelle. M. Ghaubry aurait \m ciler, par cxemple : _ 41 - Nicolas de Son, no dans le conunencemenl du XVlIe siecle, et dontles belles eslampcs a I'eau-forle son I rechercliees des amnleurs; Nicolas Regnesson, vers 1600, beau-frere et pre- mier maitre de Nanleiiil; Ed me Moreau , qui parait elre ne a Glialons-sur- Marne , vers la fin dn XVIe siecle , mais que nous avons compris dans nos biographies artistiques re- moises, parce qu'il a consacre a notre ville toute son existence et tout son travail : par celte raison meme, plusieurs auteurs indiquent Reims comme ayant ete sa palrie ; i:iaude Randon (1614) , que quelques-uns font maitre a Pontoise, mais ([ui regul bien reellemenl le jour a Reims, ainsi (juc le demonlrenl plusieurs de ses pieces signees Randon-Renws; Jean Colin, ne vers 1635; Enfin, Frangois Radigues (1719). Nous pourrions grossir ccltc lisle, en y ajoutant un certain nombre de noms raoins connus, donl nous nous sommes, au reste, deja occupe ailleurs ; mais nous devons mettre des bornes a ce travail, qui ne doil etre qu'un simple rapport , et en limiter I'elendue. L'hisloire artistique de la Champagne, au surplus, est encore a faire , et il serail viveinenl a desirer qu'un ecrivain competent, patient etlaborieux, entre- prit cette tache. Elle offrirait, sans doule, des difli- culles. A mesure qu'on remonte le cours des siecles, les documents deviennenl plus rares el les rensei- gnemenls plus vagues. Moins heureux que les estampes , les tableaux , ct surlout les statues , sonl rarement signes , el si les noms de ([uelqiies-uns de - 42 — leurs auteurs onl pu traverser les ages el arriver jus- qu'a nous, ce ne serait pas, nous le savons, une facile besogne pour le biographe de d^gager la poussierc seculaire qui recouvre la plupart des autres. Mais, enfin, la perseverance vient a bout de bien des choses, el nous verrions avec plaisir M. Chaubry, qui a deja fail paraitre des notes tres-utiles sur quel- ques-uns de nos peintres verriers el de nos graveurs, entreprendre une pareille tache. Nul n'est mieux place que lui pour marcher a la decouverte de nos richesses arlistiques , el I'int^ret qu'il a su donner jusqu'ici aux essais qu'il a publics nous est un siar garant du succes qui accueillerait son ceuvre. 43 - JEAN COLIN, G R A V E U U R E M 0 I S AU XVUe SIECLE , par M. Max. Sutaine , membre titulaiic. Reims, il y a deux cii Hois ccnls tins, ne ressem- blait guere au Reims d'aiijourd'hui. La transforma- lion, lenle d'abord, et en rapport, pour ainsi dire, avec les modestes besoins des habitants, est dcvenue maintenant a pen pros complete. Aux sveltes et nombreux clochers qui veillaient religieusement sur les demeures de nos peres , ont succede les cheminees fumeuses , ces autres fleches de I'industrie moderne ; les paisibles remparts , der- riere lesquels s'abritait la vieille cite, ont fait place a d'eleganles promenades ; I'honnete riviere elle-meme qui baignait consciencieusement les murailles et devait se croire assuree contre toute perturbation inso- lite, derangee, un beau jour, dans ses habitudes secu- laires, s'est vue obligee de ceder son lit a une naiade artificielle et usurpatrice. 0 prodige ! Reims , en communication directe avec I'Ocean , est devenu un port frcquente. S'il nous est possible de suivre pas a pas les chan- gcments cpii onl fail une ville nouvcllc de ranticjue _ 44 - melropole de iios aieux et d'assister u ses Iransfor- malions successives , nous le devons a I'habilele des dessinateurs et des graveurs qu'elle a vus nailre. — Plusieurs d'enlre eux nous ont legue des plans ou porlraicls, comme on las appelait alors, sur lesquels se dressent les monumenls disparus depuis, el ou nous retrouvons les traces d'interessants souvenirs comple- temenl effaces aujourd'hui. Ainsi, au beau Portraict de la ville, cite et univer- site de Reims, par Jacques Cellier , et qui date du regne de Charles IX ou de celui de Henri III, ont succede ceux d'Edme Moreau , dont le plus connu porte le millesime de 1635; puis, trente ans plus lard, Jean Colin, graveur distingue de noire ville , fit pa- raitre un nouveau plan dont les anciennes epreuves, tres-eslimees et devenues fort rares, ne se renconlrent plus que dans les cabinets des colleclionneurs. Elles sont signees et dalees de 1665. On peut , des lors, admeltre que J. Colin regut le jour dans la premiere moitie du XVII^ siecle. Outre ce plan ou portrait de Reims, dont la planche est conservee au cartulaire de la bibliotheque com- munale (1) , noire graveur a encore laisse de nom- breux et imporlanls travaux. La demolition du chateau de la Porte-de-Mars , dans les dernieres annees du XVI^ siecle, fit reparaitre quelques vesliges de Tare de triomphe qui se trouvait enfoui alors dans le massif des remparts. Des deblais successifs , dont les derniers furent operes en 1677 (I) Un libraire-editeur de noire ville, M. Quentin-Dailly , cut rheureuse idee, il y a quelques annees , de reimprimer ce plan , dont I'at'ministration municipalc lui confia les planches. — 45 — par les soins de M. Dallier, lieulenant des hahilanis, dci^agcrenl la facade seplenliionale dii monument, qui se dresse comme un souvenir de I'imporlance de I'ancien Durocort, Jean Colin, comme s'il cut craint que I'indifference ou quclquc nouveau sinistre ne vint completer sa ruine , sc hata d'en conserver le (lessin. 11 fit paraitre, d'abord, une estampe represenlant I'ensemble du monument ; les planches de cette pre- miere oeuvre font parlie egalement des archives de la bibliolheque. Puis , plus lard , il en gravait Irois aulres de moyenne grandeur , consacrees a chacune des trois arcades et a lours details L'arcade de Leda est signee : Colin-Fe; — celle de Uemus et Romulus : Jc Colin fecit Bemis , — et la Iroisiemc, celle des Saisons : Colin fecit Remis. A peu pres vei's la meme epoque, il publiail un grand plan du seminaire de Reims, dale de 1684. Avant de parler d'une piece tres-curieuse, dont nous nous occuporons tout-a-l'heure , menlionnons quelques portraits dus au burin de noire artiste , et qui offrent un certain inleret historicjue. Nous cite- rons entre aulres : Lancelot-Favart , seigneur dr Richcboiirq, lieutenant des habitants en 1672, i67S et 1614. En has : Offerebat obsequentissimiis servus Joannes Lcdoux ; signe : Colin fecit Remis. Celle csiampe, de grandc dimension el d'une exe- cution seche et dure, est cerlainement I'oeuvrc la plus, faible de notre gravcur. Ellc est tres-rare , el c'est la son principal meriie; I'imprcssion elle-meme, au surplus, en est Irrs-pfu soignee el le papier commun. — 46 - Puis nous Irouvons : Gerard de Bignicourl dc Biissy, vicomte dc Merfy. Offerebat hmniUimm m^viis Joa Colin Pat. (palrono). Antoinc Barberin S. B, E. Card. Camer. : Archie- piscopus Dux Bemensis. Au bas : les armes du cardinal , portanl d'azur a U'ois nbeilles d'or : /. Colin sculp. Bcmis. Jean Beijuin. In presidiali Cur. Bemen. proprietor gcncralis , etc., etc., date de 1676. Gette piece fort belle nous parail eire le chef- d'oeuvre de noire artiste. Claude Coqucbcrt dWqnij, prcctor urbis rcmensis, ann. d678 , i679 , 1680. Signc a gauche : Ph. Lallemand remns pictor regis ad vivum pinxil , el a droile : J. Colin (seul), Bcmis. Ces quatre portraits sont de moyenne dimension. Citons encore ceux de Pierre Bachelier de Gentes , mort a Reims, en 4672 ; du B. P. Pierre Guillery , chanoine , cure de la Ferle-Milon , decede en 1673 , ct celui de Louis-Francois Lefevre de Camnarlin , signe : /. Colin fecit Bemis. Ce dernier est d'une execution tres-remarquable. Notre compalriole ne s'en lint pas au.\ portraits ; il voulut se mesurer aussi avec la grande gravure d'histoire, et sut obtenir des succes a une epoque oil I'affluence d'excellents graveurs en tons genres rendail les connaisseurs Ires-difTiciles. II a execute , d'apres le magnifique tableau du Mulien, le Lavement des Pieds, qui decore reglisc de Notre-Dame , une eslampe devenue Ires-rare el qui est loin d'etre sans merite. Elle est signee, dans le corps (le l;i giMvun' : Joa. Collin sculp., el pnrle — 47 — dans la marge inl'erieure ccltc dedicacc : Vcnera- bilibus viris dominis D. mclropolUanm Renionirn ecdesicsprepositoDecano, Ccmtori, Canonicis et Capi- tal o , ilicat consecratque , hximile ac devotns servus J. Collin (avcc deux 1). i6SH ; et a gauche : Mou- tiano pinxit. On doil encore a J. Colin deux petiles gravures representant les statues de Mars ct de Louis XIV qui ornaient le jardin des Clievaliers de TArquebusc. Elles portent la date de 1687. Voici le quatrain qui accompagne cellc de Louis XIV : Louis ii'a pas bosoin ilc pes vaiiis monuments Pour elerniser sa memoire : Celui qu'il s'est dresse Ini-memc dans I'liistoire Durera plus lonj^lemps. De tons les vers commis en I'honneur du Grand Roi , alors que la flatlerie alTectait les formes les plus liypcrboliques , ceux-la ne sont certes pas les plus mauvais. lis renfermenl au- moins une idee qui, cellc fois, a Ic merilc d'etre juste. Gilons encore, parmi les porlraits qui font partie de la galerie historique de noire ancienne province , celui de Monseirpwur Frlix Valurd , Episcopus ct Comes ralalaancnsis, Par Fraiicice, mort a I'dije de 69 (Vis , nt de son Episcopal 40. J. Colin for it Ronis. Nous parlions , un pen plus haul, d'une piece Ircs-curieuse due au burin de noire compalriote et qui merilc une mention particuliorc , en raison des delails hislcriijues (pii s'y r'altoeiicnl el qui inlercssent une corporalion donl rinstilulion a conserve long- lemps une ccrlaine importance , roUe des clievaliers ■\c rVrquebuse. On sail (pi'a iiMIc (''pocjiw , fps — 48 — confieries, fieres de leur uriginc miliUiire, faisaionl acle de presence a toules les fetes el contribuaicnl hrgemcnt a leur splcndeur (1). Celle de Reims se dislinguail par I'apparat el la magnificence de ses solennites , auxquelles clle ne manquait pas, suivanl I'usage, de convier les compa- gnies des villes voisines. Le tir de Juin 1687 allira dans nos murs un concoiirs nombreux el empresse de clievaliers des environs, el compta parmi les plus brillanls. On confia a noire artiste le soin d'en per- petuer le souvenir , et la gravure , devenue fort rare , qu'il executa en son honneur , porle le litre suivanl, a rorlhographe duqucl nous n'avons ricn voulu changer .- « La Marche observe a la Monlre de U'^ les Chevaliers de toules les villes venu au prix gcnerale. Faicl a Reims, le 15 Juin 1 687. Le lout par Alphabet. » L'arlisle a choisi le moment ou les diverses confre- ries , sorlanl de I'IkMcI de I'Arquebuse, defilenl dans la rue Large pour so rendre aux Promenades, ou devait avoir lieu le lir general. Un poele de circonslance , voulanl associer son talent a celui du dessinaleur, risqua le sixain suivnnl, qui s'epanouil avec complaisance au has de I'es- lampe : (I) » L'origiuedcs coiiii)agnies luilitaires appclces anjoiinriuii de t' Arquebuse est lort ancionne. I.os villes de commiuies qui avaiisnt le droit (le se gar. lor eilcs memos oiitrctenaieiil de res cnmiKignies <|iii se fonnaienl au manicment des armes el etaieiil prele^ a mar- cher au premier ordre. . .. Les communes avec leurs rompagiiies volaieiU memo au seeours de leurs souverains. •> Jti'ciieil de pU'ren rnnccruant le prix getipral de l Arquebuso roi/alc di' Friinec. — Saint-Quentiii, rlioz F.-F. Ilautoy, 1744. — W — Ceh l)iaves iloiii la lryuj)i;, cii suptibe ordoiuiaiK^e , Uviiio ,lom;uc!iC fii'ie an C,liiim|i do Mars s'elaiice, Diiri iiob!e cspoir sont tons qiris. Voiis les voyez courir apirs la gloire VA, sours (Ift icnipoiti'i- le prix , iiioiiipliei- avaiit la victoire. Cello gi avuro, qii'une, faule de pcrsonnnge? anime, est assez bien cxeculec , ct fait honnour a noire compalriole , qui a Ires-rarcment Irailc re gonre. Elle esl signee : Collin ( avcc deux /). Celle piece deslinec, comme nous Ic disions lout- a-l'lieurc , a conserver le souvenir dc Tune des plus brillanles montres de la compagnic ds I'Arquebiise de Reims, scrail incomplete si elle se bornait a une simple rcpresentalion de la rnarcbe des diverses confreries voisines. Aussi, pour donner a ce dessin la valeur d'un document bislorique, I'ouleur a pris soin d'y juindre la lisle des villes qui s'elnient fait represcnler a ce lir de 1G87 par des deputations de lours coiiipognies. Celle listi', que nous I'epi'oduisons, pourra duiirier une idee de la magnificence de ce-^^ fetes, el fera comprendre rimporlancc qu'avaient , a celle epoque , les confi'ories de I'Arquebuse. Voici les noms des (juaranle-dcux villes dont les d^legues figuraienl a celle solennile : La Ferte-Milon, — Monldidier, — Laon, — Conde, — Chalons, — Monlmirail, — La P'erle-Gaucher, — Troyes , — Cbarleville, -- Provins , — Nogenl-sur- Seine, — Fere-en-Tardenois, — Compiegne, — Cha- teau-Thierry, — Villenauxe, — Braisnc, — Dormans, — Noyon , — Sainle-Menehould , — Soissons , — Verlus, — Sainl-Denis , — Relhel , ~ Sainl-Diziers , — Suippes , — Ciepy-f'M-Valois , — Mezieres, — XXIX. 4 — 50 — Vilry, — Epernay, — Cormicy, — Meaux, — Chaulny, — Sezannes , — Fismes , — Senlis , — Avenay , — Bar-sur-Seine , — Corbeil , — Liesse , — Avize , — Neuilly-Saint-Front, — et La Ferte-au-Col (depuis La Ferle-Angol ou Sous-Jouarre). Chaque compagnie avail son uniforme particulier et se distinguait par un dicton ou surnom , ou plutot par un sobriquet. Ce surnom etait parfois conve- nable et pouvail, a la rigueur, s'inscrire sur la banniere de la confrerie ; mais , souvent aussi , il etait d'assez mauvais gout et pen presentable. Voici , du reste , quelques-uns de ces dictons , que nous faisons figurer ici a titre de renseignement curieux. Les chevaliers de Reims s'appelaienl les Mangeiirs de pain-d' epice ; Ceux de Troyes : les bons Camarades ; Ceux de Chalons : les Maraudeurs ; Ceux de Saint-Dizier : les. Bragars ; Ceux de Vertus : le bou Yin de Verlus ; Ceux de Soissons : les Beyeurs; Ceux de Chateau-Thierry : Nul ne s'y frotte ; Ceux de Sezanne : Petite Ville, grand Renom; Ceux de Saint-Denis : le Cri de France, ou Mont- joie-Saint-Denis ; Ceux de Meaux : les Chats; Ceux de Vitry : les Gascons; Ceux de Corbeil : les Pcches; Ceux de Nogent-sur-Seine : les bons Yivants ; Ceux d'Avenay : les bons Raisins ; Ceux de Monldidier : les Promeneurs ; Ceux do Sainte-Menehould : les Chasseurs; Ceux (le Senlis : les Bcsaciers ; — 54 — Geux de Mezieics : la Pucelle ; Ceux (le Dormans : les Coqs ; Geux de Paris s'appelaient : Ics Badauds. Le grand uniforme de la compagnie de Reims 6tait : habil el doublure ecarlales ; parement, revcrs et collet de velours noir; boulons d'or ; vestc et culolle venire de biche; giberne aux amies du roi ; bandouliere et guetres blanches; chapeau borde d'or. Nous avons pense que ces details hisloriques, se raltacbant a une institution tres-ancienne qui a brillc d'un certain eclat et que le temps, ce grand deslruc- leur, a emporlee comme il emporle toutes choses, auraient au moins un inlcrct de souvenir. Son nom laisse a une de nos rues est maintenant le seul qui nous reste de la compagnie de I'Arquebuse de Reims. Le document que nous a leguc Colin, comme la plupart de ceux que nous ont laissds nos artistes des sieclcs passes, est, ainsi, precieux a plus d'un litre, et fait parlie des maleriaux de notre hisloire locale. Citons encore de noire graveur deux estampes qui ne manqucnl pas d'imporiance : une Snmari- taine et un Lotiis XIV a cheval , couronnc par la Victoire, et ayant a ses pieds une carte de la IIol- lande qu'il vient de conquerir. N'oublions pas, non plus, un saint Sebasticn finc- ment louche, execute pour la confrerie de la Made- leine, et une petite estampe representant sainfe Mc- nehoxdd , vierge , deboul et tenant un livre a In main; wnc Assomplion ^ d'apres A. Carrache, et , enfin, une piece Ires-curieusc gravee d'apres uu dessin de noire pcintre Ilelart. Ellc reprcscnic le Modch du Tnomphe du Soldi, nil Feu de Joie faicl oii ^i a Reims devant l Hotel- de-Ville pour la paix gene- rale de i679 (poix de Nimegue). EUe esl signee : /. Helarl pinxit. — /. Colin fecit Remis. Nolons, en passant, que nous n'avons vu que sur qualre pieces seulement le nom de noire artiste ecrit avec deux I : au bas de la gravure de I'Arque- buse et de celles du Mutien, du saint Sebaslien et de sainte Menehould. 11 signait ordinairement avec une seule I. On pent voir , par les citations qui precedent et qui ne formenl qu'une partie de I'oeuvre de notre graveur, que sa vie fut laborieusement remplie. Le nombre de ses ouvrages , le merite reel de quelques-uns d'entre eux, Tinleret hislorique qu'ils presentent , marquent dignemenl sa place parmi nos artistes remois. L'annee precise de sa morl n'esl pas plus connue que celle de sa naissance. :y:.\ — ARGIIEOLOGIE. LA CATHEDRiLE DE REIMS, Par M. I'abb^ Touhneur, membio lionoraire. CHAl'lTHE PUEMlEl!. PREMlftRES CATIIEDRALKS DE REIMS. (250 1211.) C'esl un lait aotuellemenl acquis a I'histoire, (jiie la foi chrelienne ful prechee dans les Gaules des les temps iipostolitpies, et que les principales eglises, du Midi surloul, s'iionoraiont a bon droit de compter parmi leurs fondatcurs plusieurs disciples de saint Pierre el de saint Paul , et d'aulres illuslres person- nages mentionnes meme dans nos livre?^ saints (i). Toutefois, il parait probable que les 6glises des pro- (I) V. Monuments de Vtiposlolal de saintc Marie- Madeleiiif en Proviirp . jiMT M. |';ililic 1'aii,i,o>-. — Migiu', 1848, 2 \r>| iii-4" - 54 - vinces septenlrionales, el ccllc dc Reims en parlicu- lier, bicn que fondees a la meme epoquc, ne re^urent leur organisation definitive que vers le milieu du troisieme siecle (1). Vers I'an 250, suivant nos plus judicieux liistoriens, saint Sixte, envoyc de Rome par le pape Sixte II ou par saint Fabien, vinl eriger son siege metropolitain dans la capilale de la Seconde- Belgique. Alors la religion proscrite ne pouvait avoir, pour ainsi dire, d'autres asiles que les catacombes. Aussi, la premiere metropole de Reims, dediee dans I'origine a I'apolrc saint Pierre, parson fondateur, ne ful qu'une humble chapelle entouree d'un cimetiere pour la sepulture des Chretiens , et conslruite hors de la ville, lelongdela voie Cesaree, pres de I'eglise actuelle de Saint-Remi, et snr remplacemenl de la pe- tite rue Saint-Sixte, qui en a recu son nom. Marlot nous apprend que cet edifice , encore debout de son temps, etail construit « de pierres plates el taillees, monlranl assurement qu'il est ancien(2), » el Lacourt ajoute en gemissant qu'il ful livre a de profanes usages , vers I'annce 4710, sous le pontifical dc Maurice r Le Tellier, sans cesser d'etre honore par le peuple jusque dans ses mines (3). A I'epoque de la revolu- tion de 1793, I'eglise de Sainl-Sixte avail enlierement disparu du sol remois ; sa demolition eut lieu en 1726 (4). (1) RoniiBACUEB, Hisloire de I'Eglise universelh. t. IV, p. 476 el suiv.; — Alzog, Histoire de VEglise univer sells, t, I, p. 188; — Marlot, 1. 1, p. 429 , la note; — Gallia Christiana, t. IX, p. 2. (2) Mablot, 1. 1, p. 487; — Lacocrt, Vie des Archcv., p. 5. (3j Lacocrt, cite par Marlot, t. I, p. 488. (i) Elle est sur le plan de Reims do 1G65, par Colin , et non sur rpl\ii dc^ Lo^endre, 1769. 55 - L'archeveque Betause, en 314, lrans()orta sa ca- lliedrale dans I'inlericur de la cile, an lieu ou fut depuis, jusqu'en 1793 , la coUegiale de Sainl-Symphorien , dans la rue qui porle encore aujourd'iiui ce nom. Cel edifice, jadis consacre a Ger6s ou a Bacchus, fut, dans I'origine , dedie aux douze apolres; il ne pril que plus tard le nom du saint martyr d'Aulun, qu'il ne cessa de porter dans la suite (1). Bientot , en -401, saint Nicaise, sixieme successeur de Betause, adopla, pour y transferer son eglise me- tropolitaine , le centre meme de la ciladelle ou du Capitole rcmois, des longtemps profane par le culte des faux dieiix ; et averti par un ange, dil Flodoard, il dedia a la tres-sainte Vierge ce temple , I'un des premiers et des plus beaux qui lui fussent consacres dans les Gaules. Cinq annees plus tard, en /i^OG, le saint ponlife arrosa le nouveau temple du sang de son martyre. D'apres quelqucs-uns de nos historiens, dont les raisons nous semblent assez plausibles, I'e- difice place par saint Nicaise sous I'invocation de la tres-sainte Vierge n'aurait point ete une construction nouvelle, mais un ancien temple paien ou Ton adorait depuis longtemps Jupiter ou Venus (2). Quoi qu'il en soit de celle opinion, aussi bien quo de la reve- lation divine dont parle Flodoard, le siege archiepis- copal de Reims , transfere en ce lieu depuis plus de qualorze cent limiuante ans , y est conslammenl reste ; et cerles il en fallait moins pour rendre vene- rable a nos yeux celle place ou coula le sang d'un (f) CoLviiNEB, Catalogue des Archeve'ques de Reims, p. 187; — Marlot, t. I, p. 579 ; — Flodoard, t. I, p. 30, ed. tie I'Acadcniie; — LArorKT, I. II dc srs mnnuscrits. (2; I,Ar.o('?ir, ibid. — r)C - Jc nos peres (hm la foi , ou siegercnt lanl de ponlifes illuslrcs , on sainl Remi baptisa Clovis el converlil la France , ou fill solennellrment proclamee la yioire de la tres-sainte Vierge, Irente ans avanl que le concile d'Ephese la vengeat des allaques impies de Nesloi ius; cede place enfin d'oii, depuis lant de siccles, la priere el le sacrifice n'ont cesse de s'elever vers le ciel. Nous ne connaissons ricn de I'archileclure et des dispositions inlericures de la cathedrale de Saint- Nicaise. Quelques auleurs sesont grossierement trom- pes en donnant pour la figure de cetle eglise un gra- cieux edifice sculpte a I'exterieur du grand porlail acluel, surle linteau de la porle de gauche. Le groupe de sculplurcs auquel apparlicnt eel edifice I'epresenle cerlainemenl la cliufe el la conversion de saint Paul aux porles de Damas; el quand meme il faudrait trouver la le supplice de sainl Nicaise, 11 est evident qu'une eglise de style ogival rayonnant du XlVe siecle ne peut etrc le porirail d'un temple gallo-romain du IV6 ou du Ve. Une tradiiion conslanle ct unanime, attestee par tous nos hisloriens et survivant a deux incendies , nous raontre le seuil de la cathedrale de saint Nicaise et le lieu qu'il arrosa de son sang a pen frcs a I'en- droit oil Ton rencontre aujourd'hui, au milieu du pave de la grande nef , vers la chaire, une humble pierre de marbre noir porlant cetle inscription : Hoc in loco sanchis Nicasius remensis archiprcesul , trnncato capHc, martyr occnbuit, anno Domini 406. Nous disons a pen prcs , parce que nous trouvons dans Lacourt (1) la note suivante : « L'eglise dc la il) Lacoiri niiiiuiscrit, t. \\,(ics Eglisis de Reimf. — 57 — Sainle-Vicrge, (jue saint Nicaiseconsacra ile son sang, n'etait pas d'nne grande elcndue ; les degres du por- tail etaiPHl on Ton voyait ancienncment ce qu'on appelle la cage de saint Nicaisc ( la pien'f! donl nous parlons a remplace exaclemcnt la cage), car cette cage n'a pas loujours cle oil elle est aujourd'hui : on I'a deplacee lorsqu'on fit le julio ; clle elait pros du lombeau d'Odalric et do saint Albert , n c'est-a-dire a I'endroit ou sont les deux grilles du choeur. Flodoard nous a conserve quekpies details relatifs a i'eglise dediee par saint Nicaise. Surl'aulel principal, consacrea la Sainle Vierge, I'archevetjuc Landon (morl en 645) fit. mellreun tabernacle d'or en forme de tour, pour y renfermer le Saint-Sacrement (1). Derriere I'autel , on pla^ait , suivanl I'antique usage des cala- combes, les reliques des saints. Les chefs de saint Nicaise, de sainle Kuliope, sa scour, ct de ses com- pagnons .loconde et Florcnt, reposerent en ce lieu. On y reunit plus fard le corps de i>onnace, mort en 634 , et dont la sainlele s'elait revclee par de noiu- breux miracles (2). Pres de ce meme aulel , on etablit , des I'origine , ce venerable siege de pierre appele siege de saint Rigoberl, ou pUUot de saint Remi (3), dans lequel les archevcques de Reims pre- (1) Fi.oDOABD , liv. II , cliai). VI , \>. 2G:5. Saint Ri-nii , dans son testament, avail di'ja ordonne qu'on fit pour I'eglise de Reims, son heritiere, un ciborium en forme de tour, cl nn caiice orne de figures. Flod., t. I, p. 117. (2) CoLVRNER, Catalogue des Archcv. de Reims. Au romnien- cement du t. I du Flodoard ( t'dition de I'Acadomie Imperiale de Keims), p. 25. (3) Les editeurs du Marlot fraiicais out prouvc ciairemeiit (juc cetle chaire de. pierre ctait vraiment eelie de saint Reiui (V. Maiu.ot, I. Ill, ]). .".23). Le noin de chaire de saint Rigobgrt lui a etc prolia- — 58 - naienl possession de leur dignit6 , el ou Ton d^posait la crosse el la croix melropolilaines durant cha(jue vacance. Nous en reparlerons ailleu)'s, pour conslaler que le respect des generations successives nous I'a religieusement garde jusqu'en MM, epoque ou il a disparu avectant d'autres choses saintes el precieuses , pour faire place a de prelendus embellissemenls (1). Sous I'autel etail une crypte ou chapelle soulerraine, dans laquelle saint Remi aimait a se relirer pour prier. G'est la qu'un ange vint I'avcrlir qu'il elait temps de raellre fin a la penitence de son neveu Genebaud , eveque de Laon (2). La ful baptise Clovis, et la Gaule commenga a devenir la France ; la Pepin , Charlemagne, Louis le Dcbonnaire rcQurenl I'onction sainle des mains delrois papesdifferents, d'Etiennell, de Leon III et d'Elienne IV , comme nous I'apprennenl divcrses charles inlcressanles que nous a conservees Flodoard (3). Ge temple augusle, si riche de precieux souvenirs, tombail en ruines des les premieres annees du neu- , vieme siecle ; cl quoiqu'il ne complat que -i^i ans de ' duree depuis sa consecration par saint Nicaise , il etail devenu necessaire de le reconslruire. La Provi- dence y avail pourvu , el tout sembla se reunir pour blemeiit domic vulgairementparcequ'elle elait voisiiie i!cs reliquos de ce saint archevcque , ces reliques ayant ete deposees dans la eathcdialcen 886, et placeesderiiere I'autei Saiiite-Cioix { Lacoubt raaausciit, p. 23j; de plus, la crosse aichiepiscopale que Ton dcposail dans cetle chairc durant chaque vacance etait precisement celie qui avail appartcnu a saint Rigobert. V. MAni.oT francais, I. II, ]». 326, note des editeurs. (1) Mahlot, t. Ill, p. S'Ja, note des editeurs. (2) Flod., liv. I, chap. XIV, page 92. (3) Flod., liv. II, cliap. XIX, p 3)0 ct Mi. — 59 — favoriser celle reconstruction. En 816 (1), Ic pape Etienne IV quiltail Rome , emportant avec lui une double « couronne de fin or, emaillee et enrichie de pierrcs precieuses (2). » 11 elait regu avec las plus grands temoignages d'honneur par Louis le Debonnaire, dons la plaine voisine de I'abbaye de Saint-Remi ; le dimanche suivanl , dans la cath6- drale , il couronnait de ses mains ce prince et sa femme llirmintrude, el leur dcferait a I'un et a I'autre le litre d'Augiiste. Frappe du deplorable elat d'un monument que tanl de motifs rccommandaient a sa piete filiale et a sa religion ; voulant, d'ailleurs, conserver a jamais le souvenir de son couronnement et de la demarcbe du successeur de saint Pierre , I'empereur resolut de le faire rebatir sur un plan plus vasle el phis orno (3). Dans une charle donnee en 818, quelque temps apres I'ossocialion do Lothoire a I'empire , Louis, accordant de nouvelles immuniles et de nouvelles favours a I'eglise de Reims, se felicile hautement d'avoir eu I'inilialive de la restauration : Notutn fieri volnmus... quod sanctam remcnsem eccle- siam... ah imo conatrui fecimus , et... consccrari. decrevimus (4). (1) II y a (le nonibreuses variantes ('.ans nos liistoricns originaiix, concernant les dates de la reconstruction et de la dcdicace de la calhedrale d'Ebbon et d'llincmar. Nous ne pouvons entreprendrc de discuter ici cette difficulte chronologique ; nous nous contcn- terons de suivre les auteurs les plus autorisos en cette matiere : Lacourt , le Gallia Christiana et M. Varin , Archives de la ville de Reims. (2)Marlot, t. II, p. 36t. (3) Ad ornandam et amplificandam wdem. — Marlot latin , in- folio, t. I, p. 374. (Remarque de Lacourt manuscrit, t. I, p. 80.) (ij Ft.on., lib. IT, cap. XIX, t. I, ]). ;!i6 — « N'nns voulons que — 00 — El en efl'et , Mabillon nous apprend que le !•'' Novembre 816, Louis le Debonnaire donna a I'eglise de Reims le monaslere de Montierender, situe au diocese de Chalons, commc une marque de sa mu- nificence a I'occasion de son sacre; el cetle eglise jouit durant soixanle ans environ des revenus de celle abbaye , pour achever les bdtiments de la cathe- drale (1). Or Wulfaire, pr^decesseur d'Ebbon, mou- rul le 18 Aoul 816, d'apres le Necrologe de I'eglise de Reims , peu de temps apres le sacre de Louis, comme nous I'apprend une lellre de Charles le Ghauvc au pape Nicolas ler (2). En vertu d'ua capitulaire recemmenl promulguc a Alligny, le choix d'un suc- cesseur fullaisscal'cleclion ; ce choix ful on ne peul plus maihcurcux. Le nouvel clu , Gislemar, s'elant assis devant les eve(jues pour elre examine , on iui presenla le lexte de I'Evangile a expliquer; mais a peine pouvail-il le lire , ot il ne I'enlendait pas du tout (3j. L'empereur alors proposa lui-menie Ebbon, son condisciple et son frere de lait , deja eleve a la dignite d'abbe, quoiqu'il fut d'une tres-basse ori- gine. Ebbon ful acceple par les eve(iues , qui conuais- saienl son morile personnel, ct il s'empressa d'user de rimmensc credit donl il jouissait pour continuer Tocuvre vraisemblablemenl coramencee avanllui. Des tout lo nioude saohe que nous avons fait construire depttis les fondements la sainte I'glise de Reims , el que nous avons ordonne (le la eonsacier...» (!)Mab., Ann. Bened., t. II, p. 757. — Gallia christ., t. IX, col. 008. (2) Gallia christ., t. IX, p. 33. (3) Ibid. — V. UoRRBACBEB, TTigf. unirnselle (h VEglise cath.' t. XI, p. 300. — 61 — les premiers jours de 817, il oblenait la charle sui- vanle, que nous a conservee Flodoard , el donl voici la substance : « .... Ebbon, venerable arcbeveque de I'eglise de Reims,... a fail connaitre a noire clemence que I'eglise de sa ville metropolitaine, noire sainte mere... lombe de veluste. C'est dans cetle eglise que , par la grace de Dieu el la cooperation de sainl Remi . noire nalion des Francs, avec son roi, de meme nom que Nous, a ele lavee dans les eaux sacrees du bapleme et enricbie des sepl dons de I'Esprit Sainl... C'est la que Nous-meme , par la grace de Dieu , avons regu des mains d'Eticnne, souverain ponlife de Rome , le litre d'empereur el la puissance imperiale. En recon- naissance de si grands bienfaits dus a la bonle divine, voulant reconstniire celtc crjlise el considerant la difficulle de I'enlreprise , Nous accordons , pour cetle ceuvre etpour la constritclion des autres edifices neces- saires aux besoins des serviteurs de Dieu , toutc la tnuraille avec les portes de la ville, el faisons remise de toules les cbargcs el redevances que les biens de I'eglise el de I'evecbe de Reims avaient coulume de payer en noire palais d'Aix-la-Ghapelle... Permeltons de detourner ou changer ious les chcmins publics qui rirculent autour de cette eglise et qui peuvent etre un obstacle a la construction des cloitrcs et des habitations des serviteurs de Dieu; et si en eel endroil il y a quelque chose appartenant a noire fisc , Nous le cedons a perpeluile par cette ordonnance ; sup- pliant nos successeurs de ne point oublier leur salut en cetle vie et dans I'aulre, de se rappeler les bienfaits que Nous, noire famille el nos prcdecesseurs avons rofjus dans ce saint liou par rentrcmiso de saint — (j'2 — Remi el les mciiles de la sainte Vierge (1) » En outre, I'empereur, a la requete de I'archeveque, donna a I'eglise de Reims un de ses serfs nomme Rumald , archilecte , afm que , seion le talent que Dieu lui avail departi, il consacral a cet ouvrage le reste de ses jours. Celte cession fut confirmee par une ordonnance revelue de la signature et du sceau imperial. II accorda encore, dans les memes formes , a Tarcheveque, une ordonnance relative au change- ment des chemins publics, a cause de plusieurs clotures a faire aux environs de la ville el de quel- ques avantages a procurer a I'eglise (2). Enfin, enl'anneeSIS, une nouvelle charte, signee de Louis et de Lolhaire, reslitue a I'eglise de Reims tous les biens qui lui avaienl ete precedemment enleves par Charles Martel et Charlemagne, et lui accordede ires-grandes immuniles. Fori de eel appui , Ebbon redoubla de zele pour mener a bonne fin son en- ireprise. Non content d'avoir Irouve une carriere abondanle de materiaux dans les murs el les portes de la ville que lui avail concedes Louis le Debonnaire, en raison de la longue paix donl jouissait la France et qui nc semblait pas devoir si lot finir, « il s'estudia de se pourvoir d'ouvriers qu'il recherchoil de lous coles, tanl de Champagne que d'autres lieux, et leur donnoil licls, pain, habits, meme leurfesoil des Iraictes pour les obligor (3). » Duranl dix annees, il tra- vailla sans relache, puissammenl aid€ par sa mere Himiltrude , qu'il perdil en 827, el qui fut enterree (1) Flodoabd. lib. II, cap. XIX, t. I. p. 341. (2) Flodoard, lib. II, cap. XIX, t. I, p. 345. (3) eocouAiTtT, t. I, p. 359, annee 819. (.Mauuscrit.) — 03 - dans son eglise. Au boiil de ce temps, il avail enloure r^glise d'une vaste enceinte (i); il avait ^leve un solide batiment destine a contenir les archives , et construit en dessous une chapelle souterraine , qu'il dedia a saint Pierre , a tous les apotres et a tous les martyrs. La, au temps de Flodoard, on ofTrait, chaque jour, le saint sacrifice, etle ciel se plaisaita proteger la sainlete de cc lieu pardes miracles dont noire bon chroniqueur se glorifie d'avoir ete le lemoin (2). II est fort probable que cette chapelle dediee a saint Pierre serait la chapelle souterraine actuelle de I'ar- cheveche , au-dessus de laquelle on en construisit depuis une seconde sous i'invocalion de saint Nicolas. Durant les siecles du Moyen-Age, les chanoines avaient coutume, dans certaines processions, d'aller faire leurs stations a la chapelle souterraine , oil ils chan- taient une anlienne en I'honneur de saint Pierre. Mabillon pense que eel oratoire soulerrain aurait deja exisle sous la meme invocation du temps de saint Remi, et que c'est en ce lieu , voisin du palais et de la calhedrale , que le sainl eveque aurait catechise Clovis (3). Mais en quel etat I'edifice meme de la calhedrale elail-il parvenu a I'epoque ou Ebbon perdit sa mere, el oil il quilta Reims pour evangeliser le Danemark , el ensuite aller en exil ? Les uns disent que I'eglise elail assez avancee pour qu'il en fit la dedicace ( le P. Egee, cite par Lacourt ); les aulres affirment avec plus de vraisemblance, sur la foi de Fepitaphe (Ij Lacodrt manuscrit, 1. 1, p. 43. (2) Flodoard, lib. II, rap. XIX , t. I, p. 333. (3) V. Mabillon, Annal. Bened., lili. VlII, t. II, f. 9i2, tl I'l.o- DOARD, lib. 1, cap. 13. - u — d'lliniillrude, quo I'edifice elait pen eleve au-dessus des fondements {fundamenta seclis sacrce pariter cre- ximus) , a I'exceplion du porlail , oil Ton voyail sculple en ronde bosse le couronnemenl de Louis le Debonnaire , avec une inscription en quatre vers composee par Ebbon (1). Quoi qu'il en soit, ce ponlife , occupe de diverses missions hors de son diocese; mele a la politique et participant , a Compiegne , a I'indigne conduile des fils de Louis envers leur pere ; chassc de son siege, qu'il abandonne en depouillant autant qu'il peul le tresor de son eglise (2) ; depose a Thionville en 835, par suite de cette trahison ; ne reparaissant a Reims qu'apres une longue absence el pour un temps fori court; ce pontife , disons-nous , dut laisser a son successeur le soin d'achever son ceuvre. Ce successeur elait le celebre Hincmar , devenu arcbeveque de Reims en 845. Elu a celte haute dignite au concile de Reauvais, dans le cours du mois d'Avril , sacre par Rolhade de Soissons, le -4 Mai suivanl, il n'avail done pris possession de son siege metropolitiiin que depuis quelques jours, quand il oblint du roi Charles le Chauve , le 4^'" Octobre de celle meme annee, une premiere ordonnance, suivie presque immediatement dedeuxautres, parlesquolles ce prince faisail renlrer I'eglise de Reims en possession de tous les biens qui iui avaienl etc pris, el confirmail toutes les faveurs (1) Flodoard, lib. II, cap. XIX, t. 1, p. 334. Voi(;i ces vers : Ludovicus Cesar faclus, coronantc Stephano Hac in sede Papa magiio. Tunc et Ebo poalifex Fundamenta lenovavit cuncta loci istius ; Urbis jura sibi subilens pr Saint-Esprit, a pris naissance dans son sein (2). d II (l) V. V Archeologue chretien, jiar M. Garaiso , Paris, 1851, \). 54; — Cours d'ArcheoJogie tacree, parM. Goda'rd, I-'aris, 1851, p. 154; — Db Cacmom, Antiquites monum., t. IV, p. 37. (2y Virgo Maria tenet hominem, rcgemque Deumque , Visceribus propriit natum de Flamine xacro. (Fi.ODOARfi, lil). III. rap. V. t. II, p. 21.) - 07 - lil oouvrir la |,m\ui(Ic croix d'or etile pierreries, cl en garnil d'nutres d'or el d'argent. II fit faire en or un grand calice et la palene , avec un siimpf.uormm, le lout cnrichi de pierres precieuses. II fit transcrire^ un livre sur la naissance de la soinle Vierge Marie, mere de Dieu, et le sermon de saint Jerome sur I'Assomption de Notre-Dame ; il donna pour reliure a ces ouvrages des tablelles d'ivoire enrichies d'or. 11 fit faire un coffre, ou grande chasse , qui est ordi- nairemenl porte par deux clercs , I'enrichit de figures en relief d'argent dore, et y deposa les reli- quesde plusienrs saints, pour la protection de la ville. II fit faire encore d'aulros vases d'nulel , lant en or qu'en argent; il argenta Ics candelabrcs, enrichit I'eglise de loutes sortes de lanipes , de couronnes el de divers ornemenls lels que draperies , courlines et tapis; les ministres des autels recurent des vetemenls sacres (i). » Le devant d'autcl en or donne par Hincmar, au milieu du IX^ siecle , a dure jusqu'a la derniere transformation du grand-aulel de la cathedrale de Reims, par le cbanoine Godinot, en 174.5 (2). Un in- venlaire des tresors de la melropole, drcsse en 1669, decrit ainsi ce precieux monument : '< Au devant du did grand autel, il y a trois hystoires, dont la premiere est de saint Nicaise, la seconde de Notre- Dame , el la Iroisieme de saint Remy, garnies de cornalines , d'emeraudes, de topazes, de saphirs et de deux onyx ; au milieu de ladite table est un (1) Flodoard, lil). HI, cap. V, t II, pag, 20 ct suiv., tr.iduclion de M. l^ejeunc. (2) Voir \o niemoiiL' ilc M. I,. Paris, Cdiirtniiu'' par 1 Arademie cii 1S4». - 08 - crislal de rochc en ovalle , snr lequel esl grave un crucifix. Hincmar, aichevesque de Reims, a fail faire celte table, quy esl d'or...(l) » Maiiol ajoute d'aulres details : « Celle lable esl de six pieds de longueur el de deux pieds Irois quarts ea hauteur ; la Yierge parail au milieu , tenant le Sauveur el ayant les figures des quatre Evangelistes a ses cotes : au-dessus esl un crucifix convert d'une chalcedoine ; a droite esl I'image de saint Remy raeltant les mains sur Clovis el Clotilde ; a gauche sonl celles de saint Nicaise, de sainle Eutropie et de saint Florenl. » Hincmar y fit aussi graver quelques vers, portant la date de son election (2). Enfin, conime dernier don de ce prelat a son eglise , riiistoire mentionne un petit reliquaire d'ivoire, dans Iccjuel il renferma le suaire qui avail enveloppe , duranl Irois siecles , la tele de saint Remi dans son lombeau (3). Apres trenle-sept ans d'episcopat, Hincmar mon- rait , laissanl pour souvenirs et pour temoins de sa munificence les merveilles accumulees dans sa cathedrale et a Sainl-Remi, aulour du lombeau de I'apolre de la France , el la riche dotation qu'il accordail aux pauvres malades de VHotel-Dieu etabli auprcs de la cathedrale, el dont nos hospices mo- dernes sont encore, aujourd'hui, les heritiers. (\) Tresors de V Eglise de Reims , par P. Tahbe, in 4° , Reims, 1843, p. 44. Le crucifix grave sur crislal portait cette inscriiHion : Hune proprium propria fecit de marmore vuttum Prasul Hincmarus, cujus miserealur Itsus. (2) MAnioT francais, I. II, p. 394. (;!) tialUa Christiana, 1. IX, (:iil. 41. En occupanl son siege, ses piincipaux successeurs voulurenl rivnliser ;tvec lui dc zele pour I'ornemenl de la raaison do Dieu. Ne pouvant nientionner en detail loul cc qu'iis accomplirent , indiquons rapi- dement ce que nous rencontrons de plus saillant : En 883, Foulques, successeur d'Hincmar, depose dans la cathedrale les reliques de saint Renii , qu'il tiansfere du nionaslere d'Orhais , oil les avail abri- lecs son predecesseur ; il retire de I'eglise de Sainl- Agricole une parlie de celles de saint Nicaise el de sainte Eulropie. et les depose aupres de celles de saint Callixle. Plus fard, il joint a ces preeieux resles ceux de saint Higoberl , el pour les mieux prot^ger contre la rapacitedes barbares, il releve aulour de la ville la muraille qui avail ele detruile par Ebbon (1). Herve, (|ui succede a Foulques, a fait, en 901, nelloyer et orner la crypte conservee de I'ancienne eglise , niais qui avail ete remplie de terre. 11 la consacre en I'bonneur de saint Rerni, parce que ce saint pontife avail coutume d'y venir prier de son vivant. II donne a sa cnllicdrale des couronnes d'ar- gent, des lampesd'oret d'argent ; il renricliit d'aulres vases fails de ces metaux precieux et garnis de pier- reries. De plus , il erigea au milieu du choeur un aulel (pi'il dedia a la sainte Trinile. et pla^a sur les cotes des tables revetues d'argent. 11 dora la grande croix el renrichil de [uerres precieuses et de sointes reliques ; el enfin, il orna la nef de plusieurs tenlures de soie (2). » Seulfe, en 9'2'4, donne a son eglise un grand calice- (1) Galha rbri^t., IX, col. 4.'>; ■— .Maui.ot latin, I. I, p. ."iOi. {il Fi.ODOAiU), lib. IV, cap. .Mil, t. II, p. .j07. - 70 ~ d'or oine do pierios precieuses , el enlrepiend de faire couvrir d'aigenl le ciborium place au-dessus de I'aulel. La inort seulc renipOche d'achcver cet ouvrage (1). Sous Artalde, siiccesseur de Seulfe, la grandc cioix de la cathedrale donnee par Ilerve ful volee; une sainte fille, nonimee Flolilde, native de Lavannes, a Irois lieues de Reims, se crut, en vision , presonle a hi poi'le do Treves (la porle Ceres) par oil cede croix clait emporlce par des Etliiopiens , et ensuile arra- clice de leurs mains. — a De faicl, ajoule Marlol , Ton rapporla depuis Tor en la ville , et rauleur fut condanmc an gibet (2). » Flodoard dil de plus : « que plus lard rarcheveque ajoula une certainc ijuanlilc •I'or a ce qui avail ele relrouve, el fit faire avec le loul un calice en I'lionneur de la mere de Dieu (3).j Apres Artalde vinl Odalric ; des la premiere annee de son ponlificat (963), il punil par rexcommunica- lion des voleurs sacrileges qui onl enleve a son eglise un missel el quelques ornemenls sacerdotaux (4). Kn 969 , Adalberon succede a Odalric. Richer , conlinualeur de Flodoard, nous a laisse d'inleressanls details sur les Iravaux de eel evcijue, qui , « des le commencement de son ponlificat, travailla avec beau- coup de zele aux bailments de son eglise. 11 detruisit d'abord une construction voulee qui s'etendait depuis Tentree jusqu'environ au quart de I'cdifice , et s'ele- vait a une grande hauteur. (Sur cclte voute se irou- (1) Flouoabd, ibid., cap. XIX, t. II, p. ,')13; — M.iULor, t. 11, ]t. 707. (i)^MAitl.OT, t. 11, p. 721, 7SG. r.i) Floiioakd, lib. IV, cap. XXIX, t. II, p. Oi). (il Vaiun, Arch, adin., I. I, \\. DO. - 71 - vaicnl nil imtcl deilie au SauveAir et Jes/o/i/i baplismaux d'uiie nierveilieiise elegance (1). ) Ayanl ainsi donne a rinleiieur du vaisseau de I'espace el de Fair, il ti'elToiv'a de le decorer |)lus rnagniliquemenl. Pres des ftorles dc I'eglise, a I'interieur, il plaga honorablement en un lieu 61eve le corps de saint Callixte, pape et inarlyr, el, apres avoir consacrc un autel en ce lieu, ii y arrangea un oratoirc parrailcmenl dispose pour ceux qui voulaienl y venir prier. 11 orna le grand-autel de croix d'or, el I'enloura de grilles resplendissantes de loutes parts. » II fil , en outre , un aulel portatif de malieres precieuses. Pendant que le pielre y oflVait le saint sacrifice , on y placail, une a (■ha(iuc coin, les images d'or el d'argeiil des qualre Evangelistes (probablement !cs qualre animaux symboliques). Leurs ailes elendues voilaienl cbaque cole de I'aulel jusqu'au milieu , et leurs faces ^laient lournees vers I'agneau sans lache ; il voulait, ce semble, iniilei' par la le Irone du roi Salomon (2j. De plus , il fit un chandelier a sept branches , ou sept chandeliers sorlant d'un seul sym- bolisaient sensiblemenl les sept dons de la grace cmanant d'un seul Esprit. 11 decora avec soin une arche elegante (une chassc), dans laquelle il plaga la verge uiiraculeuse el la nutiine , c'esl-a-dire les reli- ques des saints. Pour orner I'eglise, il y suspendil des couronncs d'un riclic travail, i! garnit les fenfires de vilraux representanl divers sujels historiques , el en- fin il donna des cloches dunl le relenlissement egalait celui du tonnerre. (1) Coiiiinnatciirdr I'loilo.iid i-ile ilaiis le Mailol laliii, I. II, p. 2!). (2) I'erculiim. — V. Cant, dex cant., Ill , 0; — Ciirsiis com]ilel. Seript. san-., I Wll , col. ■>■>:,. — 72 — J) II Irouva les dianoincs lugcant clicz eux cl nc s'occiipnnt (|ue de leurs pru|»i'es affaires : il les for^a a vivre en commun. Unc cloture ful imposee a leur demeure commune; ils devaient y hahiter ensemble pendant le jour, couclier en silence dans le meme dortoir, s'asseoir, au ref'ecloire, a la metne table. Une regie severe leur defendit de communi- quer entre eux autremenl que par signes durant le temps de la priei'e, a Tegiise, et unicjuemeni pour des choses necessaires. lis devaient manger en silence el cbanter en coinmun les graces apres le repas. Depuis complies jusqu'apres laudes, le silence devait elre absolu. Eveilles au son de la cloche, ils devaient s'inviler muluellement a chanter les louanges divines. Personne ne pouvait sorlir du cloitre avant primes, si ce n'est les serviteurs des chanoines , el pour (ju'aucun d'eux n'omit une parlie de ses devoirs en pretexlant I'ignorance, il voulutqu'ils fusseni obliges a liie, tons les jours, la regie de saint Auguslin et les decrets des conciles (1). » Apres Adalheron , vinl Arnould, qui ne jouit pas paisiblemenl de son siege. Depose et remplace par le celebre Gerberl , puis remis en possession de soa pouvoir, cet archeveque, au rapport de Richer', cut le chagrin de voir sa cathedrale mise au pillage durant ces diverses revolutions. Gerbert, s'il en^faut croire plusieurs ecrivains modernes, aurait dote sa calliedrale d'orgues hydrau- liques, dans lesquelles la vapeur n'etaitpas deslinee (l)Rii.Hi5K, iHililie par Ports, .monumenlu (iermnnias. lil). Ill, u"" 19 et suivaiils. - 73 - a fiiire luouvoir iiii iiiecitnisine, riiais l)ien .i reiii|ila- cer le veiil dans le sommier el o Taiie pailer les tiiyaux (1). Samson, inonle siii' le siege archieplscopal en 1138 el inorl en 1160, egala par sa munificence les |»lus magnifiques do ses predecesseurs. 11 donne a la cathodrale deux calices d'or, plusieurs chasubles, dalmalii|ues et Uiniques; des etoles, dcs tapis, un lexle des l^vangiies ornc d'or el do pierres pre- cieusos , soixanle-douze anneaux d'or pour en faiie une croix, elc; mais, surlout, il reconstruil enliere- rnenl la muraille du cole droit de I'eglise , et fait execuler nne table d'or, du meme genre que ci'lle (|u'lliricmar avail donnee pour orner le devant du grand-aulel (2). La table de Samson ful placee an meme autel, a gauclie , du c6t(^ do la saciislie; elle a egalemenl dure jusqu'en 1745. L'invenlaire de 1669 la decrit ainsi : « Celle du cote du revestiaire, garnie d'or, representanl qualre jiysloires , la pre- miere d'Abel et dc Caen , la seconde d'Abraham , la troisieme de Jacob, el la qualrieme de Moyse, garnies de pierres , enlre autres de trois grosses agathes el de quatrt; onyx gravees , et le reste de pierres, grenals, cornalines el perles (3). » La troisieme table, du cote i]es fonts ou de I'evan- gile, serail aussi un present de rarchevecjue Samson, selon M. L. Paris (4). Ello etait garnie d'argent dor^ (!}■ Gdili.aime de Malmksbl'uv, cite |)ar M. Baiideville. V. Seances et Travaux de rAcademie de Reims, t. XVI, p. 100. (2) Mari.ot, t III, p. 312; — Vari>-, Arch, ailm., t I. p. .CIS. (3) P. Taiibh, Trcsors de VEglise de Reims, p. i4. (V) Memoiie inamiKcrit coiironiit' par I'AciKloniit' . supplement, p. j. _ 74 ~ el lie « pierres contrefaictes (1) ; » on y voyait huit images d'archeveques de Reims. En 1165, Boson, arcliidiacre de Reims , fail dorer la couronne de lumiere suspendue devanl I'aulel de Sainle-Croix (2). Un fils de France, Henri, archeveque de Reims, fils de Louis le Gros el frere de Louis le Jeune , mort en 1175 , fait a sa cathedrale des dons vraiment royaux. Ecoulons I'invenlaire de 1669 : 1° « Una grande croix de boys sur une borne de cuyvre dore , la dicte croix couverte d'or tant par devanl que par les cosies , en laquclle sont les (jualre Evangelisles emaillesavec les vers suivanls : en haull: Signal avis species quam vidcril alia Joannes; en bas : Ccapil ab humana MatthwKs scriberc forma ; au coste droil : Hanc Marcus speciem meruit per vociferantem ; au cosle gauche : Mentio sacrorum Lucam facit esse bovinum. Au milieu de ladiclc croix esl represenlee I'enlree de Jesus-Chrisl a Hierusalem, de relief seme de six emaux carres, garnis de plusieurs perles et pierres gravees et non gravees ; aux trois bouls, de trois grandes onyx non gravees; au-dessus du milieu de ladile croix esl une autre pelile onyx el un mor- ceau de la vraie croix; Ic derriere de ladile croix esl couvert de cuyvre dore avec plusieurs esmaux uussy de cuyvre dore ; le tout eslime par Dumonl, orfevre, la somme de six mille livres (3). « (1) P. TakbjS, Tresors, elc, p. 45. ('2) Vabik, Arch. adm.. t. I, p. 34*. (3) P. Tarbe, Tresors, p. 47.— Toutcs les descriplions de la ca- thedrale de ceUe epoque porlenl la valeur de la croix de Henri de France a 20,000 ecus. (Cococault; — IIavk , maimsirit de la liihliotliiq\ic de Reims; — LKrf;RO> , id.) — /i1 — 2'5 Derriere ladilc ('loix elaienl poses viiigl i li;'n- (leliers Je ciiivre aiilrel'uis tloio , ixnii" mellie les vingt ciergcs i'ontles en 'H70 pai' Ic meinu Henri le Grand , archeveque. La ne se borne pas sa muni- ficence ; le Necrologe de Veglise tie Reims nous rap- porte ce qui suil : « II ajouta au luminaire de I'eglise vingl-qualre cierges pesant cliacun (|ualrc livres (a rexccplion de quaire, dont deux sonl places devanl les rciiques , et les deux aulres doivenl bruler conli- nuellemenl sur Taulel; ccs (juaire derniers ne sont que de deux livres chacun ). II donna , en. outre, a I'eglise un grand nonibie d'ornemenis trcs-conve- nablcs a rerabellissement de la maison de Dieu , S(;avoir: des chasubles, desdalmalicpies, des luniques, des mantels, des tapis, des tentures couvranl toules les nmrailles, etdes cbappes; de plus... il donna des bassins d'argent, des candelabres du iiienie nu'lal avec des batons argentes (1). « Sousle pontifical de Guillaume aux Blanches Mains, successeur de Henri , les dons ne cesserenl de s'accu- muler dans I'eglise de Reims et de I'enrichir. Le 11 Decenibre 1194, Alexandre , archidiacre , donne un vase d'argent dore poui- y conserver le Sainl-Sacreiiienl au-dessus du (jrand-aulel . et la croix plaree par- dessus.... En outre , il di'coie d'ornemenis du plus grand prix Vautcl de Saint- Jacques, et instilue deux chapelains pour le desseivir a perpetuile (2), Cctte donation donne lieu a deux lemarques fort importanles. D'abord , elle nous [)rouve que I'usage de suspendrc la sainte hoslie au-dessus de I'autel (Ij Mabi.ot, t. HI, [). 7(17; — VAniN. Anh. adiii.. I. I, p. .t7'.). ;2) Vaiii.n, Atrlt. adnu, t. 1, p. 12:") ; — pxtiait An .yi'-croloi/e lie Vh'ijUxo tie Reims. - 76 - renjontc au moins jusqu'au XII^ siecle. Get usage s'esl conserve jusqu'a nos jours. En outre , nous voyons que les dispositions inlerieures de la cathe- drale d'Ebbon et d'Hincmar ont ete reproduites dans celle du X1II« siecle. Nous trouvons, dans Tune et dansl'aulro, I'autel Sainte-Croix,raulel Saint-Jacques, la chaire de saint Remi et plusieurs aulres choses toul-a-fait idenliques. Ces deux cathedrales se sonl conlinuees comme si elles avaienl ete la memo. Enfin , le dernier donateur dont nous parle le Necrologe est Guillaume aux Blanches Mains lui- meme, mort en 1202. Prince, comme Henri le Grand, son pred6cesseur, oncle de Philippe-Augustc, chance- lier de France , et le premier prelal etranger a la cour romaine decore de la pourpre cardinalicc, qui devait reparallre dix-sept fois jusqu'a nos jours sur le siege de Reims , Guillaume legue a son eglise de precieux souvenirs que nous menlionnons en detail , parce qu'il est inleressant de les connailre pour une histoire du costume el de rameublemenl eccle- siastiques a I'epoque ou 11 vivait, « \\ donna dix-huit manteaux de sole , qualre chasubles, quatre dalmatiques, trois luniques , deux aubes de grand prix, deux cordons (corrigias) d'ar- genl, quatre mitres, des brodequins et des sandales ornees de diverses pierres precieuses, un vase d'or pour y deposer le saint viatique, une coupe d'or, une echarpe (balteus) , un tres-richc coussin pour porter le lexte sacre de I'Evangile, une cliappe de pourpre et un livre des Epitres couvert en argent (1). » La cathedrale de Reims vieillissait ainsi en s'en- {\) Vari>, Arch. « (Conclu- sion du 18 Juiu 1592.) MM. Robillart, Legrand, Boullet, Pillois, De Vaux, Gauthier, Parent, Roussclet, Mimin et Gerard Frizon sent delegues pour ordonner aux necessites du siege; Bazin el Husson, pour faire faire, recevoir et delivrer le pain; Mimin, Nicolas Godinot, Serval et Le Dieu, pour i negocier un empruni de 6,000 ecus. Pierre Cocquil- lart est nomme commissaire general des munitions; Claude Roussin, mailre canonnier charge du com- mandemenl de la batterie de Reims ; Philippe Moot, envoye au camp par-devers M. de Rosne , pour prendre garde a ce qui seroit necessaire et averlir le conseil. On dressc un etat qui impose aux habitants el coni- munaulos, tanl clercs quelaiques, de fournirsans delai, a la grange deville,une partie des munitions. Douze messagers, aulani de sergents, vingt a trenle archers se mellcnl en campagne, portant leltres et mandements aux villos el vilbiges, a Fismes , Cormicy, Troyes, - 95 - pour deniander assislance, « on fain? lenir prcls che- vaux, cliarretlcs ct pionniers. » Gependant, rarmee calholi(]iie campait devant Epernay. Cclle ville , com me loutes les places fortes du temps , elail enlouree de hautes murailles flan- quees de tours ; la Marnc les couvrail au nord ; en cas d'allaque, il suffisait de rompre le pont et d'ele- ver un fort; des aulres coles, un large fosse plein d'eau, des tcrrassemenls, el en seconde ligne le ruis- seau le Cubry endefendaicnl les approches. Pourtanl, dans son ensemble, la place n'ckiit bonne ni bien en- trelenue. Le gouvcrneur Sainl-Klienne, plus habile a altaquer qu'a se fortifier, se Irouvait surpris. II faisait son possible pour augmcnlcr la garnison et rempa- rer les endroils faibles, implorant le secours du roi , du due de Nevers et des Chalonnais. Aucun royalisle nc paraissant, la ville semblait si faiile a prendre, que les princes catholiques ne vou- lurent pas memo s'y arreler : le due de Parme se rendit aux eaux de Spa pour panser sa blessure ; le due de Maycnne a Soissons, puis a Chateau-Thierry, pour surveiller la marche du roi de Navarre , lais- sanl le commandemenl de I'armee de siege a ses lieutenants, sous I'autorite du ^ieur de Rosne. Les Remois cnvoyerenl a ce dernier, coup sur coup (18, 21 el 25 Juin), leur artillerie el deux grands convois de munitions. A de nouvclles demandes de pain , de vin el d'avances pecuniaircs , ils repondirent « qu'il y avoit de tout au pays d'Epcrnay , » [)uis cedereni, epuisanl Imirs provisions de farine , envoyanl quel- ques bouteilles aux seigneurs de I'armee; I'argenl seul ful obslinemcnl refuse. « La ville prise, nous nc manqKi'voii.^ auriiiirniciU h nos promises, )> lello ctail — 96 — leiir premiere, Idle (Jeraeiira leur ilerniere cdiicIli- sion. Ces assurances positives , resperance d'un gi;ind bulin^ I'absence obslinee du due de Nevers, I'cloi- gnemenl du loi de Navarre , I'effroi des royaiisles , enfin I'arrivee de Saint-Paul el de ses gens d'armes, parmi lesquels se trouvaient, sans doute, plusieurs volonlaires de Reims el les exiles d'Epernay, deci- derenl les calholi(iues a presser le siege. La |)lace resisla pendant liuil jours, cndura 992 coups de canons el qualreallaques meurtrieres. Mors, « voyanl grande breche, M. de Sainl-Elienne se rendit a composition, le dimanche 27 Juin; " ses soldals jurerent de ne plus porter les armes conlre la sainte Union el se disper- serenl. Pour lui , il se relira a Clialons, oii il fut constilue prisonnier, le bruil « commun eslant que MM. de la cour de parlement lui I'eroient trancher la lesle, pour s'cstre irop baste de se rendre, comme on avoit fait au siour Flamanville , gouverneur de Villefrancbe. » Le malbeur dont etail menace Saint-Elienne dou- blail la joie des babilanis de Reims, qui parlaient deja de son execution, de la confiscation de ses biens et esrAts, fruil de ses meschants fails, pilleries el vo- leries. D'un autre cole, ils se liataient de payer leur gloire, vidant Icurs coffres, donnant tout ce (ju'ils avaienl promis el plus; offranl a Sainl-Paul un present qui devail singuliercment flatter sa vanilc de parvenu, quelques riches meubles du cardinal do Guise, « un pavilion ecarlate fail de broderie noire , un lit d'c- carlate rouge, avec les soubassements, les rideaux de taffetas, la couverturc de taffetas piquee , un malelas ot le Iravers, une tenture de tapisserie de - 07 — hiiil ()i(''c.cs (Ml leuillnges, nne aiiire de cinq pieces, conleiianl Thisloire de Debon. » Mais la joie de la vicloirc el de la ven[>eance dura a peine un jonr. Des le 29 Juin , on apprit que I'en- nenii elail a Fere-eti-Tardenois , e; pen apres, (pie Sninl-Elienne vivail pour servir de puide an loi tie Navarre et se revancher. Henri IV, oblige de lever \o siege de Ronen a I'ar- rivee dn due de Parmc (22 Avril). avail d'abord re- soln de convertir le siege en balaille, d'aftVonler les ennemis, pour faire pcrdre mix uns le clicmin, aux autrcs Venvie de plus revcnir ravager ou troubler le royaxnne. Voyani son insaisissable adversaire, malgre trois semaines d'escarmouclies, une mortelle blessnre, des piques conlinuelles avec Mayenne, parvenir (15 Mai , a Candebec) a passer la Seine et a, sa harhe, le roi, faligne de sos inuliles eflbrls, renonga a le ponr- suivie. II laissa rafraicbir sa cavalerie au nord de la Seine, envoya son infanleric an secours des royalistes du Maine defails par Mercoeur, inccrlain s'il irait lui-mcme en Bretagnc oil I'appelaient le parlement de Rennes el M. de Beauvoir, ambassadeur francais a Londres, ou en Chamfiagne, pour complairc au par- lement de ulialons el au due de Nevcrs. Le sejour du due de Parme en Brie el le siege d'B]pernay ie deci- derenl a couiir au plus presse, se propesant ce double fruil (fin Juin): « consoler la Champagne el se scrvir en passanl des elrangcrs (pi'il congediolt, contenler les elrangcrs en les accompagnanl jusqu'a iTii-clicminelen les dedommagcant de ce cpi'il n'avoit pu Icurdonneren paiemenl » II voulait surtoulsauver Epernay, dontla perle lui serail tres-fdcheusc, sachant bien qu'il s'agissail i\u >alul de (Ibfdons. « La place XX!\. 7 - 98 -- n'est bonne, disail-il, mais j'espere que le bon nombre d'hommes qui est dedans pourra lenirquelques jours. » Apprenant, a Fere, (|u'Epernay etail pris, il voulut revenir sur ses pas , se conlenler de fortifier les places qui lui reslaient et envoya le due, de Bouillon recon- naitre I'etat de Chalons (1). Le due revinl a Fere, le 6 Juillet, avec plusieurs deputes chalonnais. Ceux-ci, se jelant aux pieds du roi, « lui exposerent que la province, chargee de deux armees ennemies, de celle du due de Parme, qui ro[)primoil du cote de Chalons, de celle du due de Lorraine pres deLangres, ne pouYoit resistor ; ou elle succombera , ou elle s'ac- commodera aiix pratiques des ennemis qui y onl deja eu quelque effet et sont pour en avoir de pires. «> Leurs instances, leurs conseils, ou plutol sa perspicacite, firent comprendre a Henri IV tout le danger de la situation. II arrela aussilot son plan de campagne : fah^e d'abordee tin bon e[fet conlre Epetmay, la re- couvrer, revenir au general des afj'aires el aller en Bretagne, tandis que le due de Nevers conlinuera la guerre en Champagne. Conformenienl a ce plan , qui fat suivi a la leltre et d'abordee, comme disait le roi , tous les royalistes chanipenois furent appeles auxarmes; le due de Nevers , enfin sorti de sa torpeur , se rendit vers la Meuse pour ramener des canons de Sedan et de La Cassine , recneillir les garnisons de Doncheiy , de La Capelle et de Mauberl-Fontaine. Le roi (0 Juillet) '1} Le due sailressa aussi aux liabilants d lipenuiy, qu'il taclia (le lamener au roi. Ceux-ci repondirentqu'ilsmangeraientbienleur >:oii[ic sans Bouillon. De ce niauvais caieinbour est sorti un proverbs qui a encore cours dans le pays. I,a soupesans bouillon est appelce par les paysaiis hi soiipi' d' Kienini/ . — 09 — vint camper a Damery-sur-Marni;, ton! pres d'Eper- nay. Le soir nicnic do son arrivoo, il monla a cheval pour aller le long de la Marnc , de Tautre c6[^ d'Epernay, en reconnatlro Ics avenues. Lc marc^chal de Biron voulutetrcde la partie. n Alors il est advenu ■f(n'un coup d'une petite piece (unc piece de Reims), lire de la ville, liii porta sur la teste , don! il mourut sur I'heure. » Henri IV regrelta vivement le plus experimente , fidele et affcctionne de ses capilaines. Prive de cot appui, oblige de liccncier les rcistres et lansquenets du prince d'Anhalt, et nc voyant parailre aucun renforl , il occupa Mareuil , puis se rcndit a Chalons (13 Jnillet) et pressa les armcments dc celte ville. Le 16 Jnillet, impaticnte des lenteiirsduduc de Nevers , il alia au-dcvanl de lui jusqu'a Suippes et Sommcpy, pour faciliter son passage, lui ecrivant : « Mon cousin, I'aisons diliiiencc el batons-nous de faiie quclque cbose de bon , landis que la saison est belle eU'cstonnemenl parmi nos ennemis. » Enfin, les renforls arrivant, lc roi el Nevers rentrerent a Clifdons. Deleurcotc, les ligueurs sonl , comme a I'ordi- naire, indecis, divises; c/a/is //es/on/itj/uen/, c'cst-a-dire frappesde I'irresistible epouvanlo qu'inspirc le rapide ct terrible capitainc appele par eux lc roi de Navarre, et par lc peuple le Diable-d-Qiiatre. Le nouveau gou- verneur d'Epernay, M. de Villcrs, tVcre de Saint- Paul , fait preuve d'activilc clde prevoyance : reparer la brecbe , augmenter les ancienncs fortifications , rendre difificiles les abords de la place par la demo- lition dc deux faubourgs, par des ravelins ct des cou- pures pleines d'eau , par des arbres abaitus et laisses sur terre, voila son reuvre cmi ipiinzi." jours. II a pour — 100 - lieiUenanl Ic sieur de la Bouflolle, colonel d'un re- giment de Wallons, depuis iongtemps fameux par son courage et tout reccmment encore par son audace devant Rouen. II complc aussi sur les secoursde Saint- Paul et de Rosnc, enfin sur I'lntervenlion des Reinois. Ceux-ci, songcanl d'abord a leur ville , ne se pres- sent pas d'en sorlir ; pourlant ils font les plus grandes depenscs el les plus louables cfTorls pour conserver leur conquele. lis jellent de nouveau , sur loules les routes, lous leurs messagers, pour avertir, demander sccours, savoir des nouvelles de Fennemi, Ils renouvellent leurs missives aux princes fran^ais et elrangers, aux dues de Parme, d'Aumale, de Guise, de Lorraine. Le premier no pent donner que des promesses, bientol aneanties par la niort. Le second n'ose quitter la Picardie. On compte parliculierement sur le due de Loriaine. Dans le courant de Juillet, on lui depute successivemenl le messager Jehan de Tourne et le doyen Frizon (27 Juillel), qui rapporlent prompte et bonne reponse (7 AoiU). « Le due, jiour le grand desir de defendre le parti, parliculierement Reims et Epernay, promel d'envoyer en bref le prince d'Amblise avec dix corapagnieg de chevaux. » De son cole, le due de Guise se met en route avec quelques centaines de cavaliers. Les habitants de Reims font plus que de solliciter des secours : ils fournissent des munitions, canons, boulets , balles, meches , poudre , piques, pelles , hoyaux , serpes, sacs , nacelles , meme un moulin a bras et les charpentiers pour le monter. Mais , celle tois , leur ai'deur est eteinlc ; ils se font arracher ces munitions une a une , pique a pique , comme des gons epuises, decourag/'s , peu confiants dans M. de — 101 — Villers , homme indiscrel el evente , pen contenls dii sieur de Rosne et de Saint-Paul, qui dissipaienl leurs soldals dans leurs places de I'Aisne et de la Meuse, au lieu de les masser vers la Marne pour garder Reims et Epernay. Leur plus grand chagrin est d'ai)prendre le depart de La Bourlolte , envoye veis Cljateau- Thierry el Dormans. Saint-Paul, en donnant eel ordre, disail qu'ainsi le voulaienl ceux de Reims, qui , en realile , estimerent la place perdue quand La Bour- lotte en fiit hors. Pour calmer ce m^contenlement et ces inquietudes qu'il parlageail peul-elre, de Rosne rappela La Bourlolte, lui mandanl de prendre 260 hommes de son regiment des meilleurs pour se jeter dans Epernay. Le colonel obeit aussitol et partit de Dormans dans la nuit du 23 au 24 .luillel. II elail trop tard. Au memo moment, le roi , ou prevenu par des espions , ou inspire de Dieu , revenait devant Epernay avec sa cavalerie. Le 23 Juillel, dans I'apres-midi , il lira Saint-Elienne de prison pour lui servir de guide ; a cinq heures , il fit sonner a cheval , quitta Chalons, et , vers Irois heures du matin, arriva a Damery , apres avoir eu , toule la nuit , la cuirasse sur le dos ; se reposa deux heures sur la paille , dejeuna d'vne croute de pate de truitc , qui de fortune se trouva es mains d'un palefrenier. Givry passa la riviere pour aller a son chateau de Boursault el envoyer ses paysans aux informations. Geux-ci avcr- tirent bientol du voyage de La Bourlolte. Ce brave fut aussitol cern^ ; il echappa , mais son regiment fut massacre. Henri IV raconle ainsi eel heureux coup de main dans une lettre , ou plutol un bulletin de vicloire adresse au due de Nevers, ccril sur le champ — 102 — de baluille, ot , |)oiir oinsi dire, a coups d'epec : « Dej.i le sicur de Givry eloil opres; je suis monte inconlinant a cheval avec ce que j'av pen , el qualre compagnics d'liarquebuziers; j'ay passe la riviere, Sainl-Eslienne servant de guide, el s'estanl misdevanl avec les sieurs de Biron el de Monlluc, les gens de cheval arrivanl a la fde. Les ennemis esloienl au bord du bois du cosleau qui regarde en la ville. lis furenl de telle resolution (|u'ils entreprircnl de passer en despit de nous. A quoy les sieurs de Montluc , Biron el Givry onl apporle foul ce qui esloil en leur puis- sance/El Theor a esle lei pour nioy , qu'avec quinze ou vingl des miens, j'y suis arrive assez a propos pour les enfoncer. Pour ce que jc nc suis point vain, jene vous dirai \n\?> qui y a bien fail ; vous I'apprendrez a voslre venue par ccux qui y esloienl. Mais bien vous assu- rerai-je, mon cousin , que jc n'ay bouge du lieu ou JB les ay cliarges, lant qu'il yen eul un en vie, de fa^on qu'il ne s'esl sauve qu'un laquais et douze soldats qui out cliacun cjuatre ou cinq coups d'epee. Je n'y ay perdu que ce pauvre baron du Fort el le sieur Paltas, el quelques-uns blesscz. Vous pouvez croire que c'esl la plus nelte dcfaile de secours qui se soil jamais faile, el a deux cents cinquante pas de la courtine de In ville. Un sergenl, qui estoil demeure dans le bois a cause de son age, m'a ele amene pri- sonnier el m'a assure qu'au dil regiment 11 ne reste pas cent hommes, et encore qu'ils ne sonl que canaille. Je n'ay le loisir de faire part de cetle bonne nouvelle et de eel lieurcux commencemenl a mes bons sujels de ma ville de Chalons, au sieur president de Blanc- mesnil, ny a ma court de parlement. Vous ferez cela pour moi elleur communiquerez ceste-ci. II me semble - 103 ~ que nous en devons rendre grace a Dieu , ct il n'y aura pas de mal de fa ire chanler le Tc Deum , afin que, voyanl que nous ne sommes point ingrals, il nous continue ses graces. » Ecrit a Damery, le vendredi a niidv, 24^ jour de Juillel 1592. » ' , En meme temps, le roi prie Ic due de venir, le lendemain, coucher a Ay avec le reste de I'armee, infanterie, chevaux-legers, suisses, arfillerie, pour rafraichir la cavalerie, qui est harassee el n'en peul plus ; de faire dcscendre jusqu'a Tours-sur-Marne des bateaux pour servir de pont aux troupes el aux ba- gages. II pressc rinveslissemcntdela place, craignant quelque nouvel effort de I'ennemi pour y cntrer, et faitpendreun messagerde Reims, Nicolas Rousseau, qui venait aux nouvelles ou cberchait a penetrer dans la ville. Le due n'arrive que le 26 ; alors les nouveaux venus, en presence du roi, altaquenl le faubourg de Sainl-Thiebaut, reculent, reviennent , entin I'em- porlent. Le jeune Biron, qui croit la gloire el la vengeance de son pere attachees au succes, dirige les Iravaux du siege. Les tranchees s'achevenl vile. Le 29, du bon matin, le roi et Nevers font le lour de la place, reconnaissenl un endroit par lequel ils esperent une bonne ct breve issue de I'enlreprise, y font placer rartillerie , qui lire aussitot. Les assieges se defendirent bravement; dans la nuit du 24 au 25, ils tenterent une sortie repoussee avec perle de six morts , plusieurs blesses et des amies abandonnees, sans avoir luc un seul royalisle. Le 2G, la defense du faubourg fut assez vigoureuse. f)e Villers tint bon jusqu'au 9 Aout; alors, ne voyanl venir aiicun secnurs, il so rcndit aux memos rondi- — 10 i — lions (|ue Sainl-Elienne , el renlra clans Reims. Le bruit couiut aussilot que le roi ollail assieger celte ville, ou Relliel, ou Vilry. II vinl, en efTet, le maidi 11 Aout, diner a Cernay-les-Reims avec sa troupe, soil pour fairc plaisir a ceux de Chalons , soil pour re- connaitre la place el tenler une sur|)rise de concert avec les royalisles du dedans. Le peuple s'esmeust, mats la ville cstoif hicn yardee. Le jour nicme de la prise d'Epernay, a la garnison, aux troupes de Saint- Paul , se joignail I'armee de secours conduile par le due de Guise el le prince d'Amblisc. Le roi ne crut pas i)rudenl dc s'alla(|uer a de si grandes forces ; son but elail atleint : il ye\\n[ an general deses affaires, au plan arrele des le commenceuienl de la cauipagne. Les ligueurs , de leur cote, ne se halaienl point de courir les chances d'une bataille ; il n'y eul qu'une petite defiance , oil furent tiies deux des gardes de M. de Guise el garnison de Yitry. Apres celle pro- menade mililaire , Ilenii IV renlra a Epernay, y se- journa jusqu'au 16 Aoul, puis se dirigea vers Meaux et Provins, lout en promettunt de renenir en bref. Avanl de quitter Epernay, il en conlia le gouverne- menl au protestanl Vignolles , qui devait la soigneu- sement gardei- contre loutc nouvelle entreprise des ligueurs. La perte d'Epernay causa une grande douleur aux pauvres catholiques de Reims, regrettant surloul leurs trois pieces d'arlillerie perdues et cclles de Chalons vendues. lis accuserenl les gens de guerre , un pen Saint-Paul et beaucoup de Villers , qu'ils'lrailerent de Idchcet mauvais occur. A ces recriminations, de Villers repondil par des recriminations , disanl haulemcnt que Messieurs de Reims ctaient cause de la reprise — 105 — d'Epernay, pour ne I'avuir secoura. Lc conseil, pique au vif, se Iransporla avec les capitaines de ville aupres de Sainl-Paul, « demandant raison de ces propos in- jiirieux. » Plus lard , le nialheureux capilaine taclia de se rehabiliter comme Saint-Etienne, en altaquant la villc (ju'il avail rendue (Fevrier 93); mais il ful blesse, pris el mourul. On ramena son corps aux Precheui'S dc Reims. On ii'y eut grand plainte , ny regrets. Le duo de Guise cul aussi sa pari dans les recrimi- nalions des Remois , mais avec plus de menagement, selon que le comporlail sa haute position. Le 10 Aoal, les conseillers dc ville prirenl la conclusion suivanle : « Nous irons saluer M. de Guise ; s'il Tail ouverlure de la prise d'Epernay , nous ferons nos plaintes. » Cependanl , les accusations ne doivent loniber exclu- sivemenl ni sur les chefs , ni sur les soldals , ni sur les peuples , mais sur tons a la fois, car tous ont fail des fautes : de Rosne el Sainl-Paul , en. s'enfermanl dans leurs places , sans sortie , sans direction ; de Villers, en pressanl trop sa capitulation : un jour de plus , il eut ete foilement secouru ; I'armee alliee, par sa lenleur a so reunir , par sa jonclion a Reims, qui lui fit perdrc des heures precieuses ; les Remois, par leurs preoccupations personnelles , qui les rendirent trop avares de leurs soldals el de leurs munitions. En resume , la campagne a ete mauvaise pour les ligueurs , surloul pour ceux de Reims ; des rancunes et des divisions, de la honle el des deltes enormes , tel est le produil le plus clair du siege d'Epernay. Pendant quinze mois , le reglemenl des memoires d'une foulc de commissaires , employes , marchands, charreticrs reclam.'int « des debourscs , des salaires, — 10G — des creances , des indemniles pour charrelles et che- vaiix peidus , ravive lenr douleur. » Un impot force de 20,000 ecus, auquel il faut contraindre un grand nombrc de recalcilranls, pauvres, mines, privilegies; les indignes malversations des asseeurs, Henry Mimin, Gerard Roland et Claude Lafricque, « qui, faisant le deparlement, se deschargent , leurs parens, amis , allies, voisins, » ajoutent encore au ressenlinient et au scandale. Enfin, le but de la guerre n'elant pas atteint, les soldats d'Epernay recommencent leurs courses plus frequentes, plus insolentes , plus rui- neuses que jamais. En une seule fois , ils emmenent tout le Iroupeau de pores sujets a la future, de porte Vcsle (30 Mars 1593). Ainsi, aux malheurs passes s' ajoutent des pertes et des inquietudes nouvelles , provoquant de nouvelles plaintes. Les capitaines y repondent en offrant de nouveau leurs services pour assieger Epernay , peut- etre pour reparer leurs fautes , venger leur honneur, reconquerir la popularite, ou plutot engraisser leur armee dans le pays de Reims el recevoir encore j| quelques bonnes boiiteilles. Saint-Paul, en particulier, se montre tres-pressant : a plusieurs reprises (3 Sep- tembre, 17 Novembre 1592, 31 Mars 1593), il requiert Reims, « de par le ducde (luise, decontribuer a la fortification de Mareuil, ou le due vienl de faire entrer 200 arquebusiers pour incommoder les villes royalisles , d'ecrire au due de Mayenne qu'ils four- niront vivres pour le siege d'Epernay, oii y a bien pen de gens de guerre, ou les breches ne sont repar^.es et seroit aise de surprendre la ville. » Les gens du conseil ne se laisscnt plus prendre a ces appals trom- peurs ; bien rcfroidis a I'endroit des expeditions - 107 — inililairos, lasses de la foxde des soldals , ils se inonlrent peu sensibles a lu gloire d'unc revanche par les aiines, et repondcnt par un refus Corniel : « Nous ne pouvons lien fairc pour Ic moment, allendn la neces- sile oil nous sommes ; il ne faut fortifier Mareuil, vu la ruine advenue precedemment. » lis ne cedent que quand Icur compalriote Anlhoine Fremin s'engage , pour Saint-Paul, a Icur rcndre leurs armes et outils, preferant la promesse d'un marchand a celle des princes ou des capitaines. La seconde demande les trouve moins recalcitrants. « lis ecrivent a Monseigneur du Maine pour lui recommandcr une lettre de M. do Sainl-P.iul , par laquelle il verra bien amplernent I'eslat des affaires du pays , es(|uelles nous le sup- plions Ires-humblement apporter le soulagement requis ct duquel il est beaucoup de besoing, ce que loutesfois remetlanl a sa prudence accoustumee, nous ne rimporlunerons davantage. » (3 Seplembre 1592.) Ces humbles banalites ne resserablcnt guere aux lellrcs pressantes ecrites au due de Parme. On veut faii-e plaisir a M. de Saint-Paul, sans tenir au succes de la demarche, sans y compter. En effet, Mayenne se conlenta de repondre qiCil aviserail. Un peu plus tard (5 Fevrier 1593], M. de Boissieuv revint a la charge : il fit dire au conseil qu'il avail a lui communiquer quelque affaire d'impor.tance , et I'engagcait a utiliser I'armee du comte Charles, arri- vant des Pays-Bas. Cette communication produisil un efl'et tout contraire a celui (ju'on pouvait atlendre. A la verite, les Remois seraient enchantes du siege d'Epernay. Ces ouvertures leiir rondirent meme Icur ancienne initiative , leur premiere ardeur, pourenvoycra Mayenuo au conile J — 108 — Charles leltiessurlellres, leursplushabilesmessageis, leurs plus eloquenls deputes, le doyen Frizon , le conseiller Parent, I'huissier Pierre Coquillart (5-16- 22 Fevrier 1593). Mais ce fut d'abord pour eloigner i'armee espagnole, puis pour se plaindre de ses exces, « suppliant de lui donner quartiers ailleurs, de la mener par la Brie, ou elle passeroit la Marne facile - menf, et I'employer a reprendre Epernay, et reprise, la faire raser. » Ce nouveau plan de f iege, Irop evideinment ego'iste, ne fut pas meme discule. Epernay, souvent harcele par quelques compognies, ne fut plus serieusement menace. Les habitants de Reims en prirent assez sagement leur parti. Us demanderent a la paix ce que la guerre ne pouvait leur donner : bienlot deux treves (Avril et Juillet 1593), enfm I'edit dc pacification de 1594 (Novembre), apres cinq ansde lutte, les reconci- lierent avec Epernay dans les memes sentiments, sous le meme drapeau. — 109 - CORBHSPONDANCE DU DUG M MAYENNE , publiee SUR LE MANUSCRIT DE LA BIBLIOTHEQUE DE REIMS, Par MM. Henry el Loriquet , niembres litulaires. AVANT-PROPOS. Chiirlesde Lorraine, due de M.iyenne (i), deuxienie fils de Francois de Lorraine, due de Guise, et d'Anne d'Est , naquil le 26 Mars \bb^ , au chateau de Ml udon. II y fut baplise le 12 Avril , et cut pour marraine la royale mailresse, Madame deValentinois; pour parrains, ses oncies , le due de Ferrare el le cardinal de Lorraine. Ce dernier, qui celebrait joyeu- sement celle felc de famille dans sa splendide demeure, donna son nom a I'enfanl , et trois jours apres le bapleme , annongant la bonne nouvelle a la reine d'Ecosse , sa sceur, il lui disait : a Le petit fils que Dieu nous a donne est bien de la meillcure nourrilure el le plus joly qu'il est possible de veoir (2). » L'enfant devenu bomme n'avait pas degenere. I! elait beau , grand , bien fait ; I'elegance de ses ma- (i) A sa iiaissani€ , il rei'ut le tilrc dc maniiiis du Maine. En 1573 , le roi erigca le marquisal eu duche-paiiie. (2) Labanokf , Corrpspnnilnnre di' ^fnrie Sttnirt. — no - nieres , sa douceur et sa prudence le dislinguaienl enlre tous les princes de sa famille. Ses gouts ct ses instincts le porlaienl volontiers aux plaisirs dc la paix: 11 aimail a prendre ses aises , preferanl la musique a la chasse (1) , le bien-etre dans un bel hotel a la vie des camps. Mais , destine aux armcs et aux affaires par la volonte des siens el par les circonslances , il devait, des I'age de quinze ans, intervcn'r activement dans les guerres civiles qui decbiraient son pays et decimaienl ses parents. Pendant pres de trente annees , par la foi'ce des choses plus que par sa volonte, il joua un role aclif dans ce drame sanglant, d'abord a la suite eta I'ombre de son frere aine , puis seul et sans guide , comme chef de son parti et de sa famille. Dans ces deux positions si differentes, il resla constammcnt le nieme, prenant pour devise , pour regie unique de sa conduile, de sa parole el de ses actes, la moderation et la sagesse, la haine de I'injustice el du desordre , ou plulot I'amour de la religion et de la palrie. L'ordre de primogeniture, conforme a ses passions el a ses gouts , predestinait Mayenneau second rang: il s'y complut , fut un cadet resigne, heureux, tres- satisfait du poste oil le sort I'avait place, faisanl pro- fession d'etre une meme personne avec son aine , n'approuvant pas loujours les entreprises de celui dont la France elait folic, mais ne s'en separanl jamais. Ses autres qualites, le courage reflecbi, la franchise sans hauteur , la fidelite a tenir ses pro- messes, servircnt encore les inferels et les ambitions ^le sa famille. A la cour el dans les camps, amis el (il \\. \i\'. RoririK , llistoire des dues dc (iiiise. - Ill — eiinemis ravaienl surnoinnic prince de (oy d dc vertu . Quand les assassinals tie Blois le porlerenl sans, transilion du second rang- au premier, il ne pul faire violence a son temperament ni a scs habitudes. Ac- coulume a prendre le niut d'ordre , au lieu de le demander a son frere, il le demanda auxevenements, marchanl a leur suite avec une lenteur et une prudence excessives. 11 n'eut ni initiative feconde , ni direction puissante , ni influence souveraine : ne sujel, il ne sul devenir maitre. Au debut, que voulait la grande niajorile de la France insurgee ou prete a la revolte ? La decheance du iyran Henry de Valois, I'avenement d'un roi franchement calholique. Pour emporter cette haute position , plus heureux que le Balafre , Mayenne n'avait qu'a vouloir : aussitot une grande manifes- tation nalionale aiirait enfin accompli la revolution dynastique. Mais il ne trouvait en son courage ni la confiance que donne le droit, ni I'audace que stimule I'ambition. Ajournant toule usurpation du pouvoir , tout appel a la nation, il atlendit. II ne tut alors que le chef d'un gouvernement provisoirc, charge d'une immense responsabilile, en butte aux attaques de I'envie et de la haine , sans oblenir, commc compensation, une autorile reelle, generale, complete. Au-dedans et au-dehors, amis et allies traiterent avec lui comme avec tout pouvoir teraporaire et de circonstance, sans abandon, sans confiance. On marchanda le plus faible secours, on voulul de solides garanties. Charles de Lorraine etait trop honnete , trop pa- triolc , pour se livrer et livrer son pays aux denia- — 11-2 - gogiies el nux elrangers. Dela des tiraillornenis ine- vitables. Lcs factieux porlerenl ailleurs leurs voeux et leurs esperances. Les elrangers, par leiirs inler- ventions inleressees, se bornerent a nourrir In guerre, ou plulot a affaiblir la France. Enfin , toules les qiialites superieures, toules les verlus vraimenf royales, tons les droits primordiaux faisant defaul an due de Mayenne, se rencontraient dans son royal adversaire. Dans le cours de celle lulte memorable, Henri IV se fit surlout remarrjuer par raclivile el I'tMan , par I'audace qui force ct domine la fortune, le genie qui fixe la vicloire. Douze ou quinze mois lui suffisent pour ti'iomphrr des plus grands obstacles, pour doubler , Iripler ses forces, et les rendreau raoins egales a celles de son ennenii. Doja, en Novembre 1590, I'armee ligueuse, unie a I'armee espagnole, refuse nne bataille rangee , et le due de Parme , le premier taclilien du lemps,opere une retraile assez ponible, apres une expedition sans gloire. Sur celle relraite etsur les evenements qui suivent, nous avons irouve des documents inedils dans un manuscrit de la bibliotbeque de Reims : on pourrait I'intituler : Lcttres missives du due de Mayenne, lieutenant general de VEstat et couronne de France, pendant six mois desongouvernemetit, du H Novembre 1590 au 1" Juin 1591. Ce manuscrit est un grand in-folio de 170 pages (M ^), convert en velin , bien conserve , d'unc belle ecriture du XVl" siecle, ronde, a longues lignes, tout d'une meme main; presque sans rature, addiiion , correction , abreviation. A la premiere vue , on le prendr.tit volonliers pour la minute d'un des secre- — 113 — laiies d'elnl. Mais line lecliire alleniive et conifHrte (les doubles el de grosses erreurs de copiste , nne lellie dii Dalafie, ocrite en 1587, placee a la I'm, apres quel(]aes folios resles blancs , nous onl delcrmine a considered ce volume comme une compilation d'ania- teur , faile sur un ret,fistre d'elal. Celte conviclion une fois acquise , nous nous sommes demande d'ou provenail le manuscrit. Nos recherclies n'ont aliouli qu'a des conjectures. Quel- qucs clianoines de Reims , entre autres J. de Pilles et Pierre Prison, agents des princes lorrains archeveques de Reims , recueillirent sans doute les documents conlemporains , (pii de main en main parvinrenl au chanoine Caron. Celui-ci , vers la (in (]u XVII« siecle , les legua a la bibliolheque du cbapilre ; la revolution les donna a la ville, ainsi que tout ce i|uc renfermaienl les bibliolheques capilulaires et convenluelles. Dans lous les cas, la correspondance de Mayenne est d'une autlicnticite inconleslable. Un ecrivain mo- derne, M. Rene de Bouille , I'a deja consuUee et mise a profit dans son Histoire des ducs'de Guise. Mais ses recherches , failes promptement el a un point de vue parliculi^r , sc bornenl a (juelques couites citations, ou a quelques apcirus incomplets. Notre manuscrit doit done etre considere comme inedit. Adressees a tons les partisans et agents de la Ligue en France el a I'elranger , les lellres de Mayenne nous initienl , presque jour par jour, aux intentions, aux esperances , aux embarras du grand parti qui repous- sait alors un roi herelique ; elles revelenl plusieurs faifs nouveaux , en expliquent ou reclifient d'aulres, presenlent surloul Cliarles de Lorraine sous une ixix. 8 - 114 - physionomie assez originale d'ambilion porsonnclle teaipei'ee par un palriolismc veritable. Plusieurs tic nos liisloriens onl meconnu celle face (111 caraclere cl flu role fie Mayenne; ils tlisent ot repelenl que ce prince anibitieux , comnie tons les siens , s'etait fail le 1 res-humble serviteur des elrangers el aurait volonliers rendu la France leur esclave. Sa correspondance nous le monire animc de senlimenis enlicremenl opposes a ces odieuses assertions. Quel- ques traits en fournironl la prenve. Le chef de la Ligue cherche tout nalurellemenl a s'appuyer sur les puissances catholif|ues ; cependant il ne veut pas rompre les vieilles relations de la France avec les Turcs ct les isroleslanls d'AUcniagne. S'il dil aux ooLivernenicnts conservateurs : « Je deleste les novalites , chancres des republiques el des monar- chies , » il ne rejetto pas pour cela les alliances revo- lutionnaires. D'un autre cote, en devenanl rami intime des etals catholitjues , le jirince frauQais n'entend pas abdi(iuer ni pour la patrie , ni pour lui-meme. II ne songe a sacriOer aucune portion de I'heritage national, ni liberie religieuse, ni indepcndance politique. Enfin , quand il parle au noui de la France , il traite toujours d'egal a egal , ou de premier entre egaux. Mayenne demande Ires-souvent , tres-inslamment des secours a scs allies , en hommes el on argent ; mais , preferanl des avances pecuniaires , il rejetle , autanl que possible, rintervenlion des elrangers dans nos affaires. Les Espagnols, « ces antiques ennemis, » lui paraissent Irop dangereux dans I'avenir, trop insolents dans le present. Les Ilaliens , « ayant joui d'un long repos, ne peuvent elre de longiemps expe- 11 riinenti's en nus guerros ; ils urriveiunl si hairasse/. (ju'ils oui'ont plus bcsoiii d'uiic bonne gurnison pour tc ralVescliir ([ue pour se presenter i\ un combat. Les levees franroises doivent elic nos ])rincipales forces ; car plus nous embar([uerons de noblesse ct de soldats, plus n(jns diniinuerons les forces et pratiques de I'ennenii. L'expci-ience du passe nous a fait voir que notrc nation cstoit plus propre que nulle autre a I'effel do cetle guerre. Aussl ji'ay-jc de reprochcs de la France, ct n\iy rien qui vicmpcche phis iVatlircr la noblesse aulour de mui , que de ce que je me sers principallement d'estrangers. Mieux vaudroient des levees francoises , ([ue (Varnier tant de diljcrentcs nadons dedans nos propves cntruillcs. d Dans une autre circonslance , nous retrouvons Jlayennc avec les memes dispositions. II s'agil du commandement en chef des troupes envoyees par I'llalic et par I'Espagne. Lo prince francais a demande lui-meme la formation d'une ligue callioli(|ue eui'o- peenne qui doit avoir fxiur chef le Saint-Pere , ou plutot un capitaine du choix de ce dernier. Mais quel sera ce capitaine? Maycnne entend (|ue cc sera lui. II ecrit a son ambassadcur a PkOme : « Ayant le rang que jc tiens, reconnu de toule la France , a|)res avoir tant employe de services et do moyens pour la cause, il ne seroit raisonnable qu'un autre prince me vinl lever I'honneur du commandement des arniees. b Puis, rcpondant aux atlaques el aux insinuations de plusieurs cardinaux : a El no ui'elonne point si, pour bien laireje suis paye en ingratitudes et calomnies, qui est le loyer asscz frequent et ordinaire des grands princes cl ca|iitaines qui servent au public. » Enfin, apprenant ipriloroule Sfondral , ncveu du j^apc , — no - ontie en Fionce avoc (luehiiics lioii|ics iliilieiiucf , a (lemande des ordics au due dc Parme , au lieu de s'adresser au lieutenant general du royaunie, celui-ci protesle amerement centre cetle atteinte portee a son uutorile el la dignilc de I'Elul. Voila ce que Mayenne appelle de la rundeur sans fard. II est encore plus intrailable quand il s'agit des libertes de I'Eglise galiicane el du concordat. La cour romainc n'est pas facliee de la circonslance pour empieter un peu sur le temporel et se payer elle- mcme de ses avances. D'abord elle obtienl pour les cardinaux amis de la cause « de bonnes el grasses u abbayes , puis , sans nomination ou presentation , elle donne des bulles a (jucbiues particuliers. Le conseil d'Etat, le parlemenl dc Paris, tons les parlc- mcnls dc Fiance jcllent les bauts cris, el Mayenne ecril a son ambassad^ur, ecrit au pape , comme un homme determine a ne rien ceder. « H y va de mon honncur, de ce que je dois a la France qui se repose sur mon aulorilc. Je ne veux que Ton me puisse impulcr, ni a ma poslerite , a I'avcnir , que pendant le temps de ma charge, j'ai souflfert aucune innovation, ni diminution prejudiciable a la couronne. Dorcnavant, si les bulles ne sont obte- nues a ma nomination ou presentation , pour qui que ce soit, lant (|ue j'auray cet honneur de repre- sentor la personne et dignile royale , je n'en puis conscnlir rcxeculion. Jc suis si jaloux de conserver mon aulorite , que je ne puis souffrir qu'il y soit rien allere. J'y suis oblige par le serment solennel que j'ai prete au parlement. Nos ennemis se serviroient de ce sujet pour mal interpreter les saintes intentions du Saint-Siege el fairc croire qu'il s'cssaye sur I'Etat — 117 — el veut Ic (lepoiiiller de son aulorile. » Et il yjoulc pour I'ambassadeur : « Vous savcz , Monsieur le commandcur, couibicn Ics csprits de nos Francois sont chatouilleux. C'est poimpioi vous vous y dcvrez roi- dir , et en tout ce qui regardera la dignile de cette couronne , netant raisonnable que pour ses afflictions, elle recoive aucune diminution de ses privileges. » Nous convenons volonliers f|uc les calculs (Pune atnbilion inquitile , Ics rancunos rie I'amour-propre blesse , el Texpei iencc d'une lulte de trente ans , dirigcnt paiticulieremenl la ronduile du due de Mayenne cl lui diclenl ces ficres paroles. Mais on doit (onvcnir aussi qu'ellcs annonccnl la revolle d'un cceur vraimenl fVaneais, dans leiiuel I'anibilion u'a eloufle ni la voix de la nature, ni I'amour de la palric. Indf'pcnilammenl de ce journouveau que nos lettres .jettent sur le caraclere du chef, nous y trouvons une foule de |)articularites inconnues sur les homines qui, dans des jiositions diverscs , onl agi sous ses oidres ou du moins dans le uieme sens. La correspondancc avec Tavannes , par cxcmple , est 'le complement et meme le correclif necessaire des Memoires de ce dernier, redigi'S, commc on sail, sous Henry lY, ot donl I'auleur se garde bion de dire qu'il a servi Mayenne. Enfin, on ne trouvera |)as moiiis curieuscs les leltres adressees aux Parisiens , leurs apprehen- sions et rinlervenlion do Mesdamesde Lorraine dans leurs conseils; non [tlus (jue les lettres adressees a Rome, le discuurs envoye au due de Parme et le m^moire pre|)are pour I'assemblee des I'tals de Hciiiis. — 118 - Nous avons dit que riolro innniiscril pi'escniail ([uclqucs doubles einplois. On nous saura gre d'avoir supprime ceux donl la reproduclion eul grossi iniUi- lement le volume. Nous ovens, au contraire^ conserve a leiir place un petit nombre de letlrcs emanees d'aulres pcrsonnes el ayant trait aux memes affaires. Quant a rorlhograpbc , nous ravens respectee au- lant que Ic pcrmettait I'intcrel du Iccteur, qu'arreteroit a clioque pas ct rebuterait cerlaineraent I'exocte repro- duction d'un texle frequemmenl incorrect el, pour ainsi dire, rempli d'elourderies. Lememeinlerelnous a commandc d y introduire , dans une certaine me- sure , les accents el les signes de ponctuation usiles de nos jours , dont rcmploi sebre el modere n'est pas moins necessaire pour facililer rintelligence des vieux ecrivains , qu'il les defigurerait tout-a-fail, s'il tendait a Tabus. Toutes les fois qu'il nous arrivera de corriger un mot nial ecril , nous le ferons connaitre en note. II en sera de meme des mots deuleux. Ceux qui nianquent el que nous croirons pouvoir suppleer , seronl places enlre [ ]. 419 - COURESFONDANCE DU BUG M BIAYEHKH. I. Du XIc Novembrft 1590 (1). A M. Ic marquis de Saint Sorliu (2). Monsieur, J'eslime que devant que vous reccviez cesle clepesche, vous aurez remis Monsieur de Che- vi'ieres (3) en liberie , suivanl la priere que Monsieur de Nemours (4) mon frere el nioy , vous en faisions, el sur I'asseuronce que vous aurez peu prendre de sa volume a nous conlinuer ralTcclion donl il a rendu lesmoignage icy devanl en ces affaires ; veu mesmes que lant d'honnesles gens de ses amys et parens s'y sont emploj ez , qui ne voudroient engager leur honneur el leur rejiulation en voz mains pour en recevoir a I'advenir quelque blasme. Et si vous cognoisscz que ce malbeur ne precede , comme il y a quebiue apparence , (\ue de la jalousie qui s'esl (i) C.Mii lottrcctli siiivaule sont eciites ile P;;ris. (2) Ileiiii I" (!e Savoie, gouvenieur du Daupliiur, freie du due de Nemours; lous deux snnt frercs ulcrins du due de Mayenne. (3) Jean de la Croix , comte de Saint-Vallier, de|)uis e\Oque de Grenolile. Son pere , Felix de h Croix, conseiller d'Etat, maitredes rcqueles, avail acquis, en ISOO, de Diane de Poitiers, la seigneurie de Chevrieres en Dauphine. (4) Euiin.inMe! de S.ivoie , due de Xeniouis , del'enseur de Paris en ITiOii, gmi\er:!eur .veueia! dii i.yitniiais. - 120 — mise enlre luy el d'aullrcs , sur ro(>inion qu'ils onl lie nieriler egallement , je nc double point que vous nc scachicz si sogement remcdicr a cela , Ics enlre- tenant tous en la devolion que nous devons desirer qu'ils soienl pour le bien de noz affaires, que vous ne soyez, possible par mesme raoien , aulheur de leur reconciliation. Monsieur de Nemours mon frere sera bien tost par dela , duquel vous sraurez plus parliculierement ce qui s'esl passe icy depuis mes dernieres lettres , qui m'empescbera de vous faire cellc cy plus longue que pour vous baiacr bien iuim- bloment les mains el prii:'r Dicu , etc. If. A M. dc Lijoi) (1). Monsieur, Je n'ay peu depuis ma derniere depesche vous escrirc commc j'ai desire , bien au long tout le succez de nos affaires qui ont jusques icy continue par la grace de Dieu a se porter dc bien en raieulx, par ce que je n'ay voulu confier ce que j'avoys a vous en mander qu'a une coramodile bien asseurce qui nc s'esl poinct encore presentee jusques a maintenant. Vous n'aurez laisse d'estre adverty par d'autrcs de la prise de Corbeil (2), apres laquelle, n'ayanl peu conclure ce que je desirois avecque ces Messieurs , jc me suis dispose de venir en ceste ville (3) , ou j'ay faict plus de sejour que je ne m'eslois promis , 't) Pierre d'Espinac , archeveque de Lyon , ;iiiii parliculicr de? princes lorrains. |2) Le 16 Oclobre K'>fiO , aprrs dm siege de six senia.ines. (0 Paris. I -- 121 — pour devaril que de m'en eslongner davanlaye doiiner lei ordre a sa scurele, que si I'ennemy y vouloit en- Ireprendre quelque chose en men absence , j'aye quelque subject de me reposer sur le bon nombre des forces que j'y laisse coniniandees par Monsieur le comle de Belin (1) soubz nion fils (2'. Ayant si bien pourveu, pour ce qui est de leurs vivres , solde et service, que je leur en lerray des icy toule satis- faction pour trois moys, je m'en relourne deiiiain en I'armee , oil je me delibcre bien de [)resser de telle faQon noz Messieurs que jc verrai plus clair, el en lirerai plus d'asseurance que je n'ay pen encore faire, par une bonne resolution que je prendray avec eulx pour le bien de noz affaires. Hz font conlenance de s'en vouloir retourner biverner en leur pays, quelque instance que je leur aye pen faire de nous assister davanlage, leur faisant bien [)articulierement juger la consequence cju'aporteroit leur esloignement a la disposition en laquelle sont a present nosdites affaires, et y adjouslant mesmes ce que je pensois avoir plus de force pour les arrester. Je croy touteffois que (juelque demonstration qu'ilz facent, qu'ilz n'onl eu conge de leur maistre dont jes^auray bien tost la ve- rite. Ce pendant, ilz offrenl de me laisser bonne parlie de leurs forces de cavallerie et d'infanlerie , et me promectent de se lenir le plus prez qu'ils pourronl de la frontiere, pour a une necessite eslre d'aulanl plus proches de noslre secours, et avec toute asseu- rance d'cstre icy de relour dans le moys d'Avril ("1) Franrois de Faiuloas d'A\erlon, pelitiievcn du niaii-clial de Montlur, caiiitaine de .">0 liomines d'arinos. (3) Hem y, due d AiL'iiillnii, ne cn i57S. - -122 — avecquc Idle (|uantile de forces, arlilloiie, provisions et munitions de guerre , qu'avec celles que nous aurons dans ce royaume nous puissions faire deux armees fortes et puissanles i)our ruiner lout d'un temps noslre ennemy. C'est ou nous sommes demou- rez ; je vous ferai entendre le resle si tost que nous aurons conclud. J'altends en bonne devotion quelle sera la creation du paj3C (1). Vous estes en lieu pour en avoir des premieres nouvelles, desqueiles je vous prie faire toule la diligence (|ue vous pcurrez de m'advertir pluslost par diverses voyes ; ct eslendez, s'il vous plait, bien amplement vostre opinion sur cc subject, a la sagesse et prudence de laquelie vous scavcz combien j'apporle de creance, el qu'il n'y a personnc au monde de qui j'bonore el estimc tanl les jugemens el les conseils ny a qui je defere davantage. L'on tienl que le roy de Navarre est apres a re- metfre sus quelques forces, pour en envoyer panic au secours de Sainle Menebousl (2) que Monsieur de Lorraine (3) a investi. Et afm de luy rompre ce coup, je faictz estat d'envoyer Monsieur de la Cbaslre (4) avec bon nombre de forces du long do la rivi6re de Loire, affin d'essayer avec Monsieur de Mercure (5), qui a desja joinct les Espagnolz , a praclirjuer (I; I'emlaul la vacauce qui suivit la niort de Si\le-Quint. (2) Sainte-Meiielioukl. (3) Charles III, due de Lorraine. (i) Claude de hi Chatre, baron de Maisonfort, gouvcriieur de I5eny ct OHeanais, fail mareclial de France par la Lia;ue en ISOS. (5) Emmanuel dc Lorraine, due de Mcrcocur, frere de Louise, rcine douairi.re de Fi;!nee. II venail de reee^oir en-Firetiii^iie nri rcnfort d Lsjki^uiiIs. quelque those pour In delivrnncr ilc ^Jonsieur de Guyse (1) mon ncpveii, on pouile moins divcrlir ses forces el oslargir d'aulonl davanlage ccsle villc (2) , ou je voiis puis dire qu'il arrive lous les jours si grande quantile de vivres, qu'il n'y a plus d'occasion de craindre qu'ilz en puissenl avoir besoing de long- temps ; Monsieur de la Cbaslrc ayant encores fraische- ment faict ung fort grant convoy pour ceulx d'Orlonns, (lue Tcnnemy a veu el recognou sans auser rien cn- treprendre, et au mesmcs temps Monsieur de la Bourdaisiere (3), ung aultre de Chartres el du pays d'alentonr. Cependanl, nous n'avons pas laisse d'envoyer Monsieur de Villeroy (4) vers le roy de Navarre, pour traicler de la liberie du commerce el du labour ; a quoy mesmes se sont disposez nos Messieurs et I'evesque de Plaisoncc (5), quelque difficulle qu'ilz en fissent du commencement, vaineus de In necessile qui nous y force lous egallenicnt. L'ennemy vouloil entrer en recherche d'aullro chose et passer plus avant: a quoy je n'ay peu me disposer d'entendrc , que je n'y voie plus de lumiere et que ce ne soil de I'advis general de tons noz aniys. Je fais eslalque Monsieur de Nemours, mon frere, parlira bien tost et le fut desja, sans ce que je I'ay arreste pour prendre une bonne resolution en loules (1) Cliarh's (1(; I^orraiiic, ])risoniiicr .i Tmirs, (le|iiiis la iiiort de sun pt'i'c. (2) Paris. (3) (leorgcs Bahoii, gomcriU'ur tic Cliarlri's, tiu' en duel rii 1(iir>. CO Nicolas de Ncnfville, sieiir dc Villei'oy cl d Aliiicnurt, scciv- lairc d'Etat. (Voir ses Memoiies.) (.">) Phiiippe Sega, e^cijiic i\f I'laisiincc in llsjiafinc, siicccda roinme le«al au canlinai ('.adan. — 124 - nos affaires, qu'il vous portern, sr plus lost il nc se presenfe occasion tie vous en donner advis. Je vous supplye el conjure, en I'altendanl, d'employer vosire faveur et aulhorite autanl qu'il vous sera possible pour mainlenir la noblesse de vostre quartier et lous noz amys en leur bonne devotion. J'escris a Monsieur de Saint Vidal (1) que j'eusse fort desire de s'eslre trouve en Auvergne avec la noblesse qui y est, lors qu'il (2) s'essaya de leur y donner des affaires, Touleffois, il est lellement utile par lout ou il se trouve que je m'asseure qu'il sera demeure ou il est pour le mieulx. Si j'eusse pen sgavoir quel estal il faict des forces qu'il a, ce m'eust este beaucoup de conten- Icmonf. Vous I'asseurerez, s'il vous plaisl, pour son regard, [que] je I'honore et estime comme mon pere et que je n'auray jamais tanl de moien de I'obliger que je desire. Je ne vous particularise rien pour vosire nepveu Monsieur de Chazeul (3) sur I'asseurance que j'ay de son entiere affection au bien de noz affaires. Je luy escris ung mot que vous luy ferez lenir, s'il vous plaisl, et prendrez asseurance pour tons deulx que vous n'avez personnc qui desire plus vous rendre tesmoignage du ressentiment que j'ay de debvoir in- finiement a vostre affection, pour cliercher autanl que je {)ourrai les moyens de la recognoislre, avec Tlion- ncur el le cunlentement que je vous soubaille. J'ay esci'il a Monsieur de Chevrieres pour le main- lenir en telle volunte que je me suis tousjours promise n) Claude dc Rofht'fort , iiiaiie, en I58i, a Cliii re do la Toiii- Saiiit- Vidal. (2) L'cnnami. (:;i II \('n;iit dr s'ciii[iai'iT ;!■• Vii-lii. — 125 - tie In (Jenionslralion (|u'il en a faicle par le passe. Je suis bien fasclie que le peu d'accord qu'il y a entre luy et Monsieur le marquis d'Urfe (1) leur serve do subject de telle division qu'il senible mesmes que le t^eneral y soil mesle. Mais je S(;ay que vostre prudence se scaura (ellemenl comporter a leur faire reprendre ce qui sera du bien de cez affaires, que possible , en conservanl le droicldu principal, vous serez moien de reconciliation. De quoy je me remectz a vous, comme de loules aullres clioses que vous jugerez pour le bien de ces affaires, el prie Dieu , en cest endroict, (ju'il vous donne , elc. III. Du Xlllc Novembre 1590. A Messieurs de Rouen. J'ay lousjours cru que vous aviez la conservation du viel palais (2) en telle recommandalion que je m'en pouvois reposer sur le soing que vous prendriez de pourveoir au contenlement de ceiilx qui en ont pris la charge, pendant que je donnerois ordre aux aul- tres affaires ausquellcs je suis appclle pour ccste saincte cause el qui me peuvenl arriver de jour a aultre. Touteffoys, ayant entendu le peu de satisfac- tion qu'en regoivent les sieurs du Mesnil (3) et de Voully, (|ui y commandent, j'ay bien voulln vous faire (1) Aiino illJifi', gouvorneur ilu Forez, frere d'llonore, nuleur de VAstri'c. t2) Foiteressc situee a Tangle dcs ancieiis murs de Rouen, sur la Seine, el qui avail son gouverneur parliculicr. (3) Alias; Du Mosnil Uinguemare. — 120 — ce uiol oil Icur faveur pour vous remonslrer le mal qui en pourroil airiver, s'il n'y csloil pourveu suivant ce qu'ilz desirent et aullanl que vous esli- mercz Ic pouvoir faire , pour cssayer a me soulagcr en cest endroicl , jusques a ce que je trouve moyen d'ailleurs de vous lesmoigner el a eulx le contente- ment que j'ay de ce qu'ilz s'en sont si dignemenl acquiclez. Cest chose qui vous regarde, et a laquelle je desire apporlcr comme a tout ce qui vous louche la mesme affection que vous pouvez attendre de la personne du monde qui desire autanl voslre conser- vation que ma propre vie. Sur ceste verile, je prie Dieu, etc. IV. A M. du Mesnil. Monsieur du Mesnil, Si lescontinuclles affaires que j'ay cues sur Ics hras depuis rjuelque temps m'ont diverly de vous faiie enlendre de raes nouvelles loutes les fois que jo I'eusse hien desire, vous pouvez croire i|u'il s'en est passe beaucoup d'aultres dont la seule faulte des jiorleurs a esle cause que vous n'avez esle advise de nion inlenlion; vous ayant par plusieurs fois escript pour vous lesmoigner que je ne puis ny oublier les bons offices ausquelz je scay que vous vous employez pour moy el pour le hien de ces affaires , ny en eslre mecognoissant. Et si le long temps qui se passe en allendanl le fruict que je me suis promis vous faire cueillir do voslre bonne volume vous ennuye, croyez que c'est avec plus de regret de ma part que vous, n'en scauriez avoir pour vous mesmes , et que je n'oy rion lant a cueur que I - 127 — (Je voiis I'airc cognoislre , par (juelque bon effect , coinbien j'honore ct estime le soing que vous avez rendu a la conservation de vostre place et a lout ce (|ue vous avez pense pouvoir pour le bien et advan- cement de ccste cause ; ce que je vous prie de conli- nuer de bien en mieulx et vous asseurer que, pour ce (juc vous desirez de moy, je n'aurai point de repos que je n'y aye pourveu avec vostre contentement. Je n'ay poind veu Tcslat que vous ra'escrivez m'avoir envoye. Je vous prie de faire diligence de m'en faire tenir ung- aultre le plus tosl que vous pourrez. J'escris a Monsieur de Tavannes pour vostre regard ; je m'as- seure qu'il scaura juger vostre merite pour vous donner en ce qui dependra de luy toute la satisfac- tion que vous en scauriez desirer. L'ennemy a sur- pris Corbeil (i) conime je le faisois demantheler. Je me suis advance pour Ten cliaslier sur le champ, coramc j'espere faire de telle facon qu'apres celle-cy, il songcro deux fois devant que de faire une telle entreprise. Jc pi'ie Dieu, etc. V. m A M. de Voullij. Monsieur de Voully, J'ay veu par vostre lettre du quatriesme de ce moys le manquement de payement pour I'entrelenenient de la garnison du viel jialais, a quoy je m'estois jusques icy promis qu'il seroit sa- tisfaict par Messieurs de Rouen , ainsy qu'ilz ont faicl par le passe, et pour ce je m'en reposois sur (1) Uaiis la luiit du in Novcmlnc i;/JO. — 128 — euh. Mais puisqu'ilz n'y (ionnent autre ordre, j'advi- seray d'y pourveoir de telle sorte que vous en aurez tout contenlement, ainsy que je I'escris a Monsieur du Mesnil Banguemare. Cependant , je desirerois scavoir ce qui vous est deu pour ledit enlretenement jusques a liny, a fin d'en faire dresser I'estal en mon conseil. El vous asseurez , au reste, que la ou j'auray raoien de recognoistre vos bons services , je vous feray tousjours paroisire que je vous liens au nombre des plus affeclionnez a ce parly, la conservation du- quel je vous prie d'embrasser commc vous avez faict I»ar le pass6. Je prieray Dieu, etc.... VI. A M. I'evesque de Rose (1). Monsieur, J'ay lanl de lesmoignage de vostre bonne volunle au bien de ces affaires el de vostre merite par tout que je ne scaurez rien desirer davantage que de vous en donner toule satisfaction, comme je le vous feray tousjours cognoistre en ce qui deppendra de moy pour voslre contentcnienl. Pour ce je vous prie de m'envoyer le memoire de ce que vous desirez, affin que je vous en face faire loules les expeditions qui vous seronl necessaires, el que je vous lesmoigne en cela, comme je feray en toute aultre chose, I'estat que je fais de vostre verlu : vous priant de conlinuer tousjours de la rendre utile au bien de ceste saincle (IJ Sic. Peut-etre un evcque ecossais ou irlandais, de Rose (Rosse, Roose). Dans le comtc de Coork, il y a un evechedeRosesuffragaut do Casliel. — 129 -- querolle, en laquelle je supplye le Crealeur tie vous .os?isler et vous (Jonncr, etc. VH. A M. le vicoiild dc Tuviinnes (1). Monsieur le viconlo , Je scay que vous seavez si bien fuire eslol rle ceulx qui renilent preuve dc leur bonne volunle a radvanceiiienl de ces affaires, comme j'en ay de bons tcsmoignages dc Monsieur du Mesnil qu'il ne vous fault poind d'auUre recommendalion pourlcgralifficr dctoul ce qui deppendra dc vous que ses propres meriles. Je ne Icrrai loulefl'ois de vous prier de Tenlrelenir autanl ([ue vous jugerez le pouvoir faire, jusques a cc que j'aye donne ordrc a ce qu'il desire dc moy pour son conlenlemcnt. lyeiinemy a surpris Corbeil comme j'cslois aprcs a le faire demanlhcler. Cela m'a faict advancer pour leur en donner tel cbaslimenl qu'ilz y pensenl une aullre fois devanl que de faire de Idles parlies. Jc vous tien- drai advcrii, par toutes Ics occasions, de ce qui se pas- sera icy , comme je vous prie de vosire cosle me mander ci^quel estat sonl les affaires en vostre quar- tler, et y conlinuer la devotion et la diligence (jue vous y avez tousjours apportee, avec asseurance que je n'aurai jamais moicn de la recognoisli'C que jc ne vous en donne toute la satisfaction que vous scauriez desirer. Je prie Dieu , etc. [■[) Jean du Saiilx, sieur liu Lugiiy. inaiic a Gajjiiclle tie Monl- pezat, giruvciDCur dc Normniidie, fri'ii' du cointc df Tavannes, partisan d'lloiiry IV. Tons deux etaioiit ills de la comtesse dc Said.v d^e-^'()rnlalldie , cr.pilaiiie de eiiujuaiite honinn.s d'aniies.Ilrtail nioit a la lialaille d'lvr\. — 158 — jl seroiL cxpcdienl d'y enlrelenir jiisques ou nom'bie (Ic trenlc liommes de gucM're, poiii' en lirer le service que la coinmodile du lieu vous peull opporlcr ; ce (lue j'ay bien voullu reiiicUre a la cognoissance que vous en pourrez avoir du conseil qui vous assiste , ])Our, selon que vous Irouverez par leur advis cstre a propos, laisser garnison suffisanle audicl chateau, qui soil paiec et cnlretenue de mois en mois sur les deniers qui se leveront desdicles lailles, dont vous leur pourrez fairc dresser I'eslat, el suivanl icellui donner bonnes assignations pour obvierau desordre que les soldafz ont acouslume de fairc n'estans point payez : a quoy je vous supplie vouloir prendre garde. Et n'estanl ceste a aullre fin, je prierai Dieu, apres vous avoir bicn bumblenient baise les mains, monnepveu, qu'il vous tienne en sa saincte garde. XXVII. A Monsieur de Selincourt. Monsieur do "Selincourt (1), S'en allant Monsieur de la Ghaslre avecq les forces que je luy ay baillees pour les exploiter selon qu'il cognoislraet jugcra pour le bien de ceste saincte cause, j'ai advise de luy faire delivr§r deux raoiennes ou deux bastardes do celles qui sont dans vostre arcenac. C'esl pourquoy je vous prie de luy faire au plus tost que vous pourrez baillcr deux desdicles pieces, soil de la fonte et marque de France, s'il y en a de montees el armees, sinon deux des fonles estrangeres, ainsy que vous verrezle pouvoir '1) Antoine de Sacqtiespee. seigneur de Selincourt, iieuleiiaut aener.il do I'arlilleric en Pieardic, - -159 — plus aisement et comodcmcnt faire, avcc des munitions pour tirer jusques a cinquonle ou soixante coups. Vous en relircrez tliidicL sieur de la Chastre la des- charge qui vous sera necessaire, avecq asseurance de les rendre et le fairc reconduire audirt arcenac. Et n'estant ccste a aulire fin, etc. XXVHI. A Monsieur Rondinelli (1). Monsieur, La preuve que vous avez rendue devoslre afl'eclion, tant au general de cos affaires que parti- culierement pour le bien el conservation de la villede Paris, m'a faict vous escrire ce mot pour vous supplier en continuant ceste racsme bonne volunle, d'employer ce que vous avez de creance el de faveur a I'endroicl de Monsieur le conle de Collalle (2), a ce qu'il Irouve bon comme j'ai advise pour le plus expedient do se- parer son regiment, donl il lairra jusques au nombre de mil soldatz dans Paris, a rentrelenemeni, pains et services desquelz j'ay pourveu, afin d'eviter toute oc- casion de plainte ; ct donnera le resle a Monsieur de la Ghaslre, avec lequel ilz auront aussi bon appoinc- teraent, et iront en pais ou ilz ne pourront manquer de chose quelconque pour leur I'afraichissement. Quani a ce qu'il desire pour son -regard, jo vous supplyo I'asseurer que je ferai toutce qui sera en ma puissance pour le rendre content; raais vous ferez aussi, s'il vous plaisi, qu'il considere I'estat auquel sonl los (1) Aniliassadeur ilii due de Fonare prrs la cour dc France, ac- credilc pros de la Kigiie. (2) Colonel des lansquenets au sen ice de I'Fspagne, en iiarnison a Paris, d'apres P. Matliieii. — iGO — aiT;iires a present, el que ne s'i accomodant, ce seroil me gesner a des clioses qui me sont du lout pour le present impossible. Croyez que ce m'est ung exlreme desploisir dc ne hiy pouvoir donner telle satisfaction quejedesirerois, ctque je n'en aurai jamais de moien que je ne luy face paroislre la volunle que j'en ay. Sur CO, etc. XXIX. A M. Vambassadeur d'Espaigne (1). Monsieur, Encore que vous ayez ja peu entendre la resolution qu'a prise Monsieur le due de Parme de faire , pendant cest hyver , ung voiage au Pais Bas pour le service de Sa Majeste calholicque, je n'ai Youllu, loutesfois, raanquer a vous donner advis de mon cosle du bien que j'cspere de la promesse qu'il m'a faicte de retourner dans peu de temps avec une plus puissanle arraee, pour cependant, avec les forces qu'il me laisse et avec celles que je pour- rai lever , m'opposcr aux enlreprises que noz enne- mys pourroient faire, se servanlz de I'occasion dc son absence; avec lesquelles je lascherai a les em- ploier de sorle qu'elles ne seront inutiles , mesme- ment pour la conservation de Paris , ou j'en envoye aulanl que j'eslime estre necessaire el que j'y puis enlrelcnir, a quo;, j'ay pourveu a fin d'eviler le desor- dre (jui en pourroit naistre aultrcment. Vous avez lanl de part a la gloire de la conservation jusques a ceslheure, (jue je ne pcnse point qu'il soil besoing de la vous recommander pour accroistre 1 'affection dont 1) I'x'inanl de Mfinloza. ~ m — les lesmoignagos que vous avez renduz sont n grands el remarquables qu'i! no s'i peiill rien ilosircr davan- loge. Toutesfoi-s, jc no Icrrai de vous supplier hieu humblemenl, Monsieur, d'y voulioir lousjours avoir I'oeil avec Monsieur I'evesque de Plaisance, favorisant mcsmes de voz bons advis Messieurs de la ville el ceulx qui en onl la cliarge, aulanlque vous jut;erezleur bien elcommodilez. A quoyvous m'obligerez do plus en [)lus a vous rendre, par lout ailleiirs oii j'en aurai moien, lous les services (|ue vous pouvez souhalUer de la personne dii monde qui vous lionore et eslime le plus. En ccsle volunle, je vous baise bien bumble- menl les mains , el pric JJieu , etc. A M. le cammandcur de Dioit (1), Parce qneje seal que vous pourrez avoir esle adverly de la reprise de Corbeil par I'ennemy par la Irahisori de Tung des qualre cappilaines el de qualre scrgens el ung caporal (pii esloicnt dedans , et quo ccnlx qui nous sonl uial alTeclionncz ne fauldront pas de conjoin- dre ce subject a I'eslognemcnt du due de Parme, qui, apres loules les consideration? que je luy ay pcu mettre en avant pour Ten diverlir , s'esl enfin resolu de se relircr pour cost li-^ver au Pays Bas , j'en ay t)ien Youllu donner advis a Messieurs les cardinaulx de Caietan (2) et de Pcllcve (3) el vous en faire ce mot ll) .Icuquis (Ic Dion, Esi).i,mi()l, coinniaiuleur de i'oniro tIe.Malle, confident du due do Majunne ct son nmhass.ideur k Rome. (•2) Henri Caelan , de la niaison de Seriiioiielo, naguere \vq,\l ea France. (3) Nicolas (le Pelleve, airlieveqne de Sens, pnis de lieiuis, ajzcnt •flc la Ligiie a lioiiie. xxrx. Ij — 1(12 ~ jiour vous asscurer de la verile do ce qui en est , oonlrc les arlifices donl on poiirroil user pour se prevaloir de ceslc occasion a la defl'ence de noz affaires. Vous scaurez doncq que Son Allesse n'a csle meue a s'en aller que pour Ic pen d'apparence qu'elle a veu de se proiiielire de grands effeclz de ses forces pour cesl hyver, luv manquanl le principal allirail de son armee, qu'il ful contrainl de laisscr dcrriere luypour s'avanccr d'aulant plus tosl au secours de Paris , el faulle de ce , oulue que les enlreprises demeurent , le pavement manque parcillcmenl , qui affoibliroit a la iongue les meilleures forces du inonde ; c'est pour- quoy il s'est resolu de s'en relourner, pour apres avoir donne quelque ordre aux affaires qui Tappellent audict pays pour le service de Sa Majesle Calholicque, ol avoir compose une forte el puissanle armee', rcvenir, comme il m'a promis , dans le prinlemps, afiin de pourveoir ensemblement, avec les forces que jc pourrai faire en attendant, ouvrir les passages des vilies el presser I'enneiny , de sorle que nous le puis- sions obliger a son desadvanloge. Ce pendant, il me laisse bon nombre de ses Irouppes pour , avec ce que je puis avoir de frangoyses, m'opposeraux enlreprises de noslrc ennemy el faire quelque effect dans les provinces. J'en donne une partie a Monsieur de la Cbastre pour se joindre a ce que Monsieur de Mercure peult avoir, el lesemploicr (in long de la riviere de Loire, m'asseuranl (|ue ce sera pour le moins ung moien de divertir les forces qui sonl a I'entour de Paris , oultre ce qu'il plaira a Dieu nous favoriser possible autanl comme il a faict en Auvergne, .Guyenne et Langucdoc , oil noz affaires ont Ires bien succcde de — m] — sa grace , les enlreprises de noz ennetnys Iciir csiant lournees a lanl de confusion en toutes les provinces, qu'ilz n'auroni de longtemps moicn d'y en faire de nouvelles. Monsieur le due de Nemours , mon frere. Messieurs les maresclial et due de Joyeusc, avec bon nombre de noblesse, ne se rendront point inulilz d'ung aulire cosle ; ct j'espere oullre ceja veoir Monsieur de Lorraine qui s'nproclie avec de Ires belles forces , ce que vous pouvez asseurer. Quant a Corbeil , j'espere le rescrrer de lelle facon qu'ilz n'y auront pas tant d'avanlagc qu'ilz se font accroire. J'allends tousjours nouvelles dc la creation du pnpe, dont je vous prie faire loute la diligence que vous pourrez de m'adverlir, me donnant bien particu- lieremenl advis de la facon dont vous cognoistrez que je debvrai user en son endroict , el cnlrelonir noz amys de I'esperance qu'ilz peuvent prendre que, sur ce prinlemps , nous ferons , moiennant la grace de Dieu , changer de face a noz affaires, a quoy leur assistance et celle du sainct siege nous peull profiler infiniement. Pour ce , je vous recpnimande sur lout la continuation dc leurs bonnes volunlez, el pour vostre parliculier vous asseurer dc la mienne, en voslre endroict , autant que vous le sgauriez desirer. C'est du camp de la Ferle soubz Jouarre. Du due de Panne a Messieurs de Paris (1). Messieurs, Voyanl I'byvers'aproclier et mes trouppes (P, Cost la irpoiiso dii (\w dc Painie a imc (Ipin'n'ic ik'|nitatiou ilos Paiisicns. — 164 — en Icl ostal a faulle (ie I'equipage qnc je fiis conlrainl de laisser derriere pour venir plus promplemenl a voslrc secours, que je ne m'en scaurois, ainsy qu'elles sont , prometlre les effeclz (|ue jc desirorois pour vosire bien cl conlcnlemeiil , et cslanL appelle aux terres du roy mon seigneur pour y donner I'ordre qui est necessaire, je n'ay voulu m'advancer davan- lage sans vous fairc entendre le subject de mon es- lognemcnt el le soing que j'ai eu devant que de m'y resouldre de pourveoir lelleinent a voslrc seurele par le moien de mes principales forces que je laisse a Monsieur de Mayenne, que Ton pourra resistor aux entreprises des ennemys. Ce pendant, je remellrai sus une forte et pnissanle armee pour revenir joindre ledicl sieur de Mayenne dans pen de temps, el selon I'affection parliculiere dont je suis pousse au bien et repos general de ce royaulme, conformea I'intenlion de Sadicte Majeste, vous assister de tons les moiens que j'aurai pour le vous acquerir, et pour vous conscrver, avec la grace de Dieu, la saincle religion (le Jioz peres contrc les elTorlz desdictz ennemys ; qui est le premier el principal subject qui m'y convie avec le comraandement de Sadicte Majesle, pour lequel je n'espargnerai ny mon sang ny ma propre vie^ lantque je la pourrai rendre utile a I'accomplis- seraentdcsi saincles intentions, el au repos que vous vous en pouvez prometlre. Sur ce, je prie Dieu, etc. XXXI I. A Monsieur dc Bclin. J'ay advise de separer le regiment Aq Cnllalle, affin d'en donner unc parlie a Monsieur do la Cbastre, - 105 - laissanl seulcmenl mil lansquenelz a Fai'is avec le regimenl de Tremblecoiirt (1), (lue j'entendz estre reduil soubz cinq compagnies seulement, pour eslre plus remplies. Vuus m'envoyrezlc surplus dc ses cappi- taines, ausquclz je donneraides mo_\ens pour rclevcr leurs compagnies; et en ferez enlrer, oullre ccUes la, quatre du regiment de Picardie, en attendant que Jauge (2) a\t mis le sien en estat de pouvoir servir comme nous avons advise : et Jors vous ferez sortir lesdictes compagnyes de Picardie ot les envoyerez on il leur sera commande. J'ay ordonne deux pains et neuf solz par jour pour chasque soldat , affin de leur donner plus de moien de se pouvoir enlrelenir et leur oster le subject de ravager. Je feray incontinant partir une des compagnies dc cavallerie que Son Altcsse me laisse. et ay mande au sieur de Sesseval (3) de se tenir prest avecq sa trouppe [pour] vous aller trouver. Faictes moy servir de vos nouvellcs et n'oublicz sur tout la demolition de Conflanl (4') , car cela vous importe trop. XXXIIi. . Du XXe Novembre 1590. A M. le prevost des marchans de la ville dc Paris. Monsieur le prevost, Le soing que j'ay de voslre (1) Louis d« Bcaavau, cleve avec !c marquis de I^iit-a-Mousson, fils du due do Loriaine ; il cominaudait alfJis un regimciU dc Lor- raius au service de la Ligue. (2) Franeois de Beaujcu , seigneur de Jauge , chevalier de I'ordrc du roi , capitainc au service de la Ligue. (3) Francois de Senicourt, sieur dc Sesseval. ('i) Probalilemcnl Conllans-Sainte-IIonorine , bourg dc I Ilc-de- France , pri's du cunllucnt de TOise avec la Seine. - IGO — ?ille mc sollicilc de si pies , (|iie jc nay point hiisse passer de deux jours I'un sons vous avoir escripi, ; ct fault, ou que les leltres ne vous aycnl encores este renducs , ou qu'il en soil arrive faulle par les che- mins : dont je serois bien marry , parce que je vous csclaircissois si particulierement de mon intention })Our la conservation de vostre dictc ville , et do la resolution du due dc Parnie a se relirer au Pa\s Bas, que vous seriez en peine niainlcnanl d'allendre la rcsponce de voz leltres que j'ay receues du Xllle et XVII" de ce mois , pour vons resouldre a ce que desirez sravoir de moy touchant le voiage t[ui a este deli here vers Son Altesse ; lequel vous seroil du tout inutile , ne pouvant changer la resolution qu'elle a prise de s'en aller , pour le bien geneial de noz ailaires , me laissant a cesle tin la meilleure parlie de ses forces el n'en menanl avec elle que ce qui luy est simplemenl necessaire pour son escorte, a fin de pouvoir, apres avoir mis ordre audict pays, com- poser une forte et [luissante armee pour relourner a ce prinlemps el faire en soi'te , avec celles que je pourrai y adjousler, que nous conlraignons nostre ennemy ou de venir a ung combat desadvantageux , ou dc passer honteusemcnt la riviere. J'en ay autant escript a Monsieur le conle deBelin, duquelje cioi que rinlelligence est telle avecq vous qu'il vous aura peu communiijuer ce que je luy en mande , commc de I'ordre que j'ay donnc pour les forces et munitions (|ue je vous envoye ; lesquelles je n'ai voullu faire jjartir les unes sans les auliies , pour empesclier le desordre qui pouiToit arrivcr, si les soldatz ne trou- voient les vivres ct leur paye asseuree. Gela estant, jc croi que renncmy n'entrepiendra pas tout ce ([u'il ~- 167 — se promecl ; oultrc ce (juc jc luy liiilleini de la bc- songne d'yilleurs, oil il aura assez d'affaircde pour- veoir. C'esl pourquoy, il nu faull pas rccepvoir loutes les apprehensions qu'il s'essaie dc melire en avanl selon ses artifices acoitslumez. J'escris a Mes- sieurs de la CoLiit, ousquelz jc voiis prie de commu- nicquer ce que je vous en niande. J'ai veu aussy ce que m'esciil Monsieur de Villeroy pour le fjict du commerce , cl ce que le roy de Navarre en a propose; a quoy je ne me puis aucu- nemcnl accorder que le bled n'y soit compris, el que ce ne soil oulanl pour le haull que pour le has de la riviere. Aussi ne scaurois-je eslre d'accord dcs im- positions el chai'ges telles qu'il Ics demande , qui seroient si exlroordinairement a la fouUe du peiiple qu'il y auroil plus de guain de s'en passer du tout pour quelque lemps , au bout duquel Dieu nous feroit possible !a grace d'y donner ung aultre ordrc et plus a nosire contentemcnt. J'ai esle bien aysc de scavoir que vous ayez appcUe les marchands au conseil pour en communiquer , d'autanl qu'ilz en onl plus de cognoissance , el qu'il y va de leur inle- resi, en ce qu'ilz advancenl le leur avant que de pouvoir le repeler sur le general. Je Irouve bon aussi que Monsieur de Videville (1) aille trouver Monsieur de Villeroy ; je luy en escris a ceste tin el m'asseure qu'on en doibl altendre lout ce que Ton pourra souhaitter d'une personne qui ayrae le bien de sa palrie. Je ne veulx oublier de vous dire que Monsieur de Rosne (^2) a seen que (1) Nicoltis neitrand , seignour dc \ iiU'villo, [ictit-lils dii .2;arde- dcs-scc.nix Jean^Bertrand . (2) Clirt'tien ili' Savigiij , sioui- dc Uosiio on Barmis. Mayenne Ui noinma niariThal dc Franco fu l.-Ui. - I()8 — Givrv (I) ;i oblenii [icrmission da roy (ie Navarre , pour laisscr passer telle qunnlite tie bois el cle vin a Paris (ju'il vouklra. 11 ilcmande qu'on luy envoye quelqu'iin de voslre ville a cost effect, el senible qn'il desire que ce soil plustosl Ic cappitainc Auherj (2) (ju'ung aullre. 11 est icy el ay donnc charge audicl sieur de Rosne de luy en parler. Gela estanl, je voy voslre ville ung peu plus fournie ; de mon cosle , vous pouvez vous asseurer que jc n'oublierai rien de cc que je pourrai faire pour voslre soula- gemenl. J'ay esle aussi bien ayse de scavoir cc qui s'est passe pour Ic faict des deux Espagnols el du seigneur Nicolo : ses services merilent bien qu'il nc soufl're pas pour ses soldalz, si ilz peuvent estrc re- prcscntez. Toulesfois , je suis bien content que vous suiviez ce qui en sera advise avec la juslice , el no vouldrois ni'y opposer : je desire trop voslre bien en general el en parliculier. En ceste volunle , je prie Dieu , etc. XXXIV. A Monsieur Ic president Brisson (3). Monsieur le president, .I'escris a Messieurs de la Court el n'ai vonllu passer ceste occasion sans vous advertir particulieremenl de racheminemenl aux Pays Ras , au(juel s'csl vesolu Monsieur le due de Parmc (Ij Anne (rAiiglurr, Ijaron uc Givry, lieutenant pom- le roi en Brie, suinommu !e Brave. (1) ProL'ahlcmcnt IJsnjamiii Au'oeri, depuis seigneur ilu Maurier et ambassatleur pres Ics Etats des provinces-unies des Pays-Bas. (3) Barnabe Brisson , jiresidenl au parlenicnt dj^ Paris, aniMe ot peiidu comuic politiciue lu lo Novcuiiuc I j9l. — lOil - - |juiir Ic bien genenl dc ccs afiliires , lu'ay^ml laissc la meilleure parlie dc scs forces, en allendanl qu'il nous revienne veoir avecq une plus piiissanle armee ; cc qui sera , si Dieii [ilaist, bien lost. 11 s'cst arrcste icy pour in'aider a vous fairc couler les vivres (|ue j'avois delibere de vous envoyer devanl que de faire enlrer dans Paris Ics forces que j'y veulx entretenir pour la conservation de la ville, afin que les soldalz ne se licencicnl a chose qui puisse apporler des plaincles dc leur part. J'ai veu aussi ce que le roy de Navarre propose pour le commerce el liberie dc labourage, ou je Irouve tani de charge sur le peuple (}ue je ne le pourrois consenlir a de si rudes condi- tions. Vous verrez ce que c'est et jugerez s'il y a apparence. Pour le resle, qui imporle a la conservation de Paris , vous vous asseurerez, s'il vouS plaisi, que j'ydonncrai lei ordre (pie chascun cognoislra que je n'y espargne aucune diligence, et pourrez scavoir de Monsieur Ic prcvost des marchands, a qui j'en escris parliculieroment, I'ordre que j'ai advise de donner. A quoi me reraettant , je ne vous ferai ceste plus longue, (pic jmur me recommander, etc. XXXV. A Monsieur le cardinal dc Pcleve. Monsieur, Je ne double point que racheminement de Monsieur le due de Parme au Pays Bas ne donne assez de maliere a ceulx(iuinous sont mal affectionnez pour s'en prcjvaloir au prejudice de noz afl'aires, et lacher a les en rend re plus defavoris(ies : qui est oc- casion que je n'ai voullu faillir do vous escrirc ce mot, oulli-c celuy que j'escris a Monsieur le cardinal - 170 - Caelan, pour vous asseurer que Son Allesse ne s'y est resolue qu'avec loules les considerations qu'il a peu apporler tendanlcs an bien general de ces affaires, n'ayant juge ([ue son sejour durant rhyver en ce pais peust cslre de grand effect a I'advantage de cesle cause, avec le deffault du principal allirail de son armee qu'il fut conlraint de laisser deriere luy pour s'advancer plus legeremenl au secours de Paris, qui ne pouvoil altendre davanlage, comme vous aurez peu scavoir depuis; oulire qu'il ne s'en va point de telle facon qu'il ne me laissc une bonne parlie de ses forces, pour, avec les trouppes francoyses que je pourrai avoir, m'opposer aux ennemys el faire quelque effect a I'eslargissement des passages dans les pro- vinces, en attendant son retour, dont il m'a donne asseurance, avecq une plus forte et plus puissante armee dans le prinlemps ; a fin qu'avec ce que je pourrai avoir de mon coste, nous puissions plus aisement entreprendre centre noslre ennemy, et le ruiner tout d'un temps, s'il plaisl a Dieu de le per- mettre ainsy pour sa gloire. A quoy scachant combien peult profiler I'assistancc du sainct siege, je vous supplye Ires humbleraent de nous y continuer I'affec- tion qu'il vous a tousjours pleu d'aporter au bien de ceste saincte cause, vous asseuranl que je n'aurai jamais lant de moien de vous en rendre le service que je vous doibs comme je le desire. En ceste as- seurance, je vous baise bien humblemenl les mains et prie Dieu, etc. - 171 — XXXVl. A Monsiew rarchevcsfjuc de Glasco (1). Monsieur, J'ay escript a Monsieur dc Plaisaiicc sur ung bruil qui nous est venu par cleca de la creation du pape, donl n'ayani rien que je puissc encore lenir asseure, je vous supplie de le voir, et me faire resle faveur avec le plus de diligence que vous pourrcz , quelque pari de ce que vous en aurez appris, uies- rnes des bons advis que sur ceste occasion j'altens de lui et de vous, pour ce que j'en puis esperer el de la facon que je me doibs comportcr, i)our depescher au plus lost et recherclier sa bonne assislance vers Sa Sainclele en ceste saincte cause. Vous scaurez aussi de lui I'oidre que j'ai donne pour la garde el con- servation de Paris, pendant qu'avec les forces que me iaisse Monsieur le due de Parmc , je m'cssaierai de faire quelques bons effectz dans les provinces et I'eslargissement des passages , ou a m'opposer aulant que je pourrai aux desseings que I'ennemy pour- roil enlreprendre sur I'occasion de son absence. Je ne vous recommande point ce que j'esperc de voslre bonne affection et vigilance en cesl endroil, pour le lesmoignage que vous avez i-endu a tout le monde qu'on ne la scauroit desirer plus grande ; je vous sup- plierai bien loutesfois de la continuer, et de me tenir en voz bonnes graces, priant Dieu , etc. (I) L'licossais Bethunius, ovOque dc Glascow, iiiuiuii aiiiliassa- deur d'Ecossc en Franc.' , aiicicn scivitcnr ilc Mai ic Stiiail - 172 - XXXVII. A Monsieur le cardinal Caclan. Monsieur , Accompagnant Monsieur le due de Parme on son acheminement an Pays Bas , ou il s'est resolu de fairc ung tour pour donner ordre aux affaires qu'il y peult avoir pour le service de Sa Majesle Golliolicque , je n'ai voullu perdre ceste occasion de vcus en donner advis, el m'res vous avoir baise bien liumblemenl les mains, qu'il lui plaise vous donnor, etc. XXXVIII. Du XXle dudict moys de Novembrc 1590. A^(x baillis ct scneschauxpour laconvocalioii ties estatz. Monsieur le baiily, Es grands troubles et dereiglc- mentz qui onl requis ung prompt el puissant romede, Ton a eu deloul temps recoursallassembleoottenuedes eslalz generaulx composez de Irois ordres, de cliacun dcsquolz so faict clioix ct eslection de personnagcs sages el de singulier jugomcnt (|ui do longue main soienl versez au manimenl des afTaires et n'y appor- lenl aucune passion ny interest quo le bien public(| et la reslauralion de TEstat. Noz accidens sont si sensjbles qn'il n'esl besoing do les vous representor et la nocessile pressant qu'il y soil proniptemenl pourveu , el pendant que le corps est encores en — 174 — quelque enlier de sa force el vigiieur pour recevoir les leniedes (jui luy seronl opplicquez. Nous, en veiiu tie nosUc pouvoir, avons avant el aprcs le decedz du feu roy Charles dixieme de tres heureuse memoire , noslre souverain seigneur, depesche noz leltres en loules les provinces el assigne cesle convoc- calion en la ville d'Orleans. Ce qui nauroil pu sorlir son effect pour les empescbemcns (pii seroicnldepuis survenuz, lesquclz desirans surmonler autanl qu'il nous est possible , nous avons de reclief , en cnsuy- vnnl I'arresl de la Courl de parlement et par I'advis dcs princes el seigneurs catliolicques el du conseil d'Eslal , resolu de faire ladicle assemblee dedans le XXc jour do Janvier prochain ; pour laquelle nous vous prions el neanlmoings en verlu de noslre diet pouvoir mandons ct ordonnons de faire faire nomi- nation de trois deppulez , assavoir : ung de chacun des Irois ordrcs , si desja n'y a esle satisfaicl en verlu de noz precedanles lettres, qui soienl de la prudence el quallite rcquise. Lesquelz se transporte- ronl en la ville d'Orleans en la plus grande dilligence que faire se pourra, bien inslruiclz el avec special et expres pouvoir el procuration de donner ad'vis , re- soudre et conclure loul ce qui sera par ung commun consenlement irouvc eljuge le plus ulille el necessaire, pour le restablissenient de noslre saincte religion , I'exlirpalion des heresies soubz I'obeissancc d'un roy qui soil catholicque , el le bien et conservation du royaulmc. Nous nous esliuierons Ires beureux et largcineni recognuz de tous noz Iravaulx sil plaist a Dieu nous faire la grace d'advancer ung si bon euvre, comme je me promeclz que de voslre part vous y procurerez tout le salul qui se pcult ot doibt — 175 - esperer do voz prudens conseilz et ' advis. Et sur cestc asseurance, jo n'ostanderay point davenlage la presentc, que pour me rccomandcr bieii adoclueu- sement a voz bonnes graces, prianl Dieu, Monsieur Ic bailly , vous avoir en sa saincte et digne garde. Du camp, a la Ferle sonbz Jouarre, ce XXI« No- vo mb re 1590. XXXIX. Aux evesqucs des provinces pour lesdids estatz. Monsieur, J'escrisauxbailiis el soncschaulx la reso- lution que j'av prise de continuer I'assemblee et tenue des estatz en la ville d'Orleans au XX^ du mois de Jan- vier procliain, ayant jugo avec les princes et seigneurs catholicques et conseil d'Eslat que c'esloit le soul moven de pourveoir aux desordrcs du royaulme el a la manuianlion de nostre saincle religion. Si par cy devani, suivant les lellres que j'en ay depeschees, la nomination a este faiclc d'aucuns depputlez tant de voslrc clcrge que des aullres .ordres, je desire qu'on les face partir inconlinant; sinon qu'il soil precede a leur eslection et nomination et qu'on toutc dilligence ilz s'acheminent a Orleans oii sera ladicte convocation, pour s'y rendro au temps prefix et plus tost s'il est possible. Je vous supplye. Monsieur, d'y tcnir la main, et que le clioix so face de personnes qui soient elleues a I'honnour de Dieu et au salul de TEstat ; donl me reposant sur I'asseurance que j'ay de vostrc prudence et saincle intenlion, je me rccolTimandoray bumblemcnt a voz bonnes graces, prianl Dieu, Monsieur, (pi'il vous mainliennc el — 176 — conserve en sa saincte ct dignc garde. An coiiii) de la Ferle soiibz Joiiarre, ledict jour. XL. A la noblesse, pour la Icmie des estatz. Monsieur de , Des le commencemcnl des troubles et tost apres la mort du feu roy Charles dixieme, nostre souvcrain seigneur, que Dieu absolve, je despechay mes lellres par loules les provinces pour la convocation des eslatz generaulx , aim de pourveoir aux desordrcs el malheurs de ce royaulme, qui est le moicn ordinaire que Ton a acouslume de tenir en pareillcs occasions. Mais les divers accidans de la guerre ayans empesche reffect ct execution de ladicle assemblee, etncanlmoingsnela pouvanl plus delayer, j'ay advise d'escrire aux baillis et seneschaulx pour faire proceder promplement a resleclion et nomination des (Icppulez, afin qu'ilz se puissent rendrc en la ville d'Orleans, dans le XX" jour de Janvier prochain. Je vous supplye d'interposer vostre auctorile a cet effect el a ce que le choix soil faicl de personnes de quallite et d'honnour, mesmement de la noblesse, qui soienl affeclionncz al'enlier eslablissement de noslrc saincte religion et au bien et saint de I'Eslat. Et si desja ladicte nomination a esle faicle, su}vant mcs premieres leltres, il vous plaira faire partir promplement cculx qui auront estc dcpputez, el donner ordre ({u'ilz soienl instruiclz si parliculicremenl et avec lei pouvoir que Ton puisse lirer le fruict que nous promeclons de cesle assemblee. Me recommandant en ce lieu bien humblemcnt a voz bonnes graces, je priray Dieu, - 177 - Monsieur de , vous avoir en sa saincle et tligne garde. Au ramp dndict lieu, co jour me^me. XLI. Sans ad reuse ('!). Messieurs, Encores que Monscigneur vous face bien •aniplement entendre Ic bon succez de la renconlre qu'il a cue avcc le I'oy de Navarre , je n'ay voulii {oulesfois perdre ccste bonne occasion de m'en ros- jouir Qvecq vous, comme de cbose de laquelle nous pouvons prendre csperance de reslablissement de noz affaires, a sa ruyne, soubz la bonne conduiclc de mondict seigneur et I'appuy des forces qui I'assistent ; autant que la fuilte bonteuze a laquelle il a eu recours, apres avoir nienasse le ciel et la terrc des effectz de sa promessc, luy fera perdre de reputation et do creance a I'endroict des siens mesmes, et augmcniera le courage ct la bonne volunle desnoslres pour I'avoir recogneu aultrequ'ilz nele s'esloienl propose. Cbacun pensoit, a la verite , que voulanl imiler les exploictz de feu Monsieur de Guyse (2) sur la derniere armee des reistres , et ayant affaire a ung si grand corps , si mal aise a ruyner et si embarrasse a cause de la quantite des cbariotz et bagage, il deubt en fin, nous suyvant de pres avec une armee legere et logeant tousjours depuis la Ferte en noz derniers logis, nous enlever quelqu'un ou prandre lei advanlaige au pas- sage des rivieres que nous y demeurassions engagez avecq quelque perle. Mais la prudence de ceulx a qui (1) Semble une lettrc d'uii secretaire d'Klat. (2) Henri de Lorraine . le Balnfie , en I'lS". XXIX. 12 — i78 - il a en nffairc a lellemeiil seen pourvoir a cc qui pouvoit Gstre de ses desseings, qu'apres eslre pariiz fie Fere (1) ct de Saponet , d'oii nous vinsmes tous- jours en balaille jusques a Courville el Fismes, commc il y avoil apparence qu'il deusl tenler quelque chose a la faveur des bois , des chasleaulx proches de la a sa devotion , et d'ungespaisbrouillarJ qui dura quasi tout le jour ; et ayant sceu a nostre arrivee a Fismes qu'il s'estoit loge a Fere une heure apres que nous en fusmcs paf tiz , mondict seigneur pensa qu'il ne fauldroicl pas de charger sur les bagages et sur ce qu'il Irouveroit a I'escart, el fut d'adviz de fairc passer lout leur attirail, pendant qu'il se tiendroit pour I'ar- riere garde , Monsieur le due de Panne el luy, et ce pendant , ilz envoyeroient quelque cavallerye sur les advenues pour recognoistre I'ennemy. Ce qu'ayant este faict par les sieurs de I'Espine (2) et de la Feuil- -lade (3) , ilz rapporlerent bien tost que I'ennemy avoil paru fort de XII ou XV cents chevaulx, el ce rapport ful suivy de si pres, que Son Allesse s'estanl ung peu advance par dela Fismes , veid paroistre I'ennemy entre elle et la bataille. Dont mondict sei- gneur , eslanl aussy content que plain d'es[ioir d'en remporler I'honneur, commenga a marcher droict a luy avecq I'infanlerye deSon Allesse et quelque caval- fl) Fcre-en-Tardenois; Saponnay , village voisin de Fore; Cour- ville , a o licues de Reims ; Fismes . a 6 lieucs. (2) Yves de Mailly , seigneur de I'Espine , ciuquieme fils de Jean deMailiy , dit le Boiteux , etait enseigiie de la compagnie des gen- darmes du comte de Chaulnes, ardent ligueur, chef des processions blanches. (3) Georges d'Aubusson, capitaine de cinquantehommes d'armes, depuis, scnechal de la Marche et marechal-de-camp. Labaronnic de la Feuiljade fiit oriuec en ooniti', en 1615. en sa favour. — 170 — lerye iles siens et rJc Monsieur de Saint-Paul (1), laissanl le resic a Son Allesse, qui y alia pareillemenl avecq ung extreme desir dc le vcoir de si pros. Mais I'espouvante fut si lost parmy eulx , que 'ne voyant aultre moyen de se sauver que de donner en proye auxginitinez ses arquebusiers a clieval , il leur com- manda dc lenir ferme a Bazoches (2) , pendant qu'il gaignoroit le hault. Et fut si bien sei'vy qu'il en dcmeura grande parlye sur la place apres avoir faict tout le debvoir qu'il eusl sceudcsirer , toulesfoys sans perle d'ung des nostres , qui commenccrent alors a luy chausser les esperons de plus pres et le poursuivre a pied et a clieval jusques au Pont-Arsy (3) , comme si le chemin n'eust este non plus faschcux aux ungs qu'aux aultres. Mais rennemy fuyant tousjours davan- tage sans tourner tanl soil pcu la teste jusques a Coussy (A) , qui est a six grandes lieues de la , et la nuict s'approchant bien fort , les nostres feurent conlrainclz dc les laisscr jusques a unc aultre fois plus cliargez de bonlfi et d'infamye que de coups , se contentans de ce qui demeura sur la place, jusque au nombre de sept ou huict vinglz el Ireiift prison- niers. (1 j Soldat ilfi foituiio , fils dun servilciir ik- la maison Beauvais- Nangis , t'.ivoii du due de Guise , fait mareclial jiar le duf de Mayeune. (2) Sur la Vesie, dans le Soissonnais. (3)'l'oiit-Ai'cy (Aisnc). On y volt encore, sur rAisne , une tour provenaiil de I'aucieu chateau. f4) Coucy-le-CluUean (Aisne). — 180 — XLII. Diidict XXIe Novcm!)re. A Messieurs de la noblesse de Bourbonnois . Monsieur (i), Les nouveles que j'ay reccues dy bon succez de vostre resistance aux dessins des ennemys m'ont esle si agreables , que je n'ay pcu que je ne le vous aye tesmoigne par ce mot que je vous en ay faict cxpres , ct pour vous prier de continuer a vous en ac- querir de I'honneur en loutes les occasions qui s'en presenteront , comme vous avez faict a celle la , vous asseurant que je n'aurai jamais moyen de cognoistre ce que vous en avez merite, ny de vous loger en lieu plus advantageux que je ne le face d'aussi bon cueur que je prie Dieu, etc. De la Ferte sur Jouaire (2) , ce XXI^ jour de No- vembre. XLIII. Du XXlIe Novembre. A Monsieur de Nemours. Monsieur, J'ay faict despecher les leltres aux baillis el senescbaulx des provinces pour la convocation des eslatz, suivant ce que nous avions advise, lesquellesje vous envoye pour commander, s'il vous plaist, qu'elles (1) Nom en blaiic. (2) Alias : La Ferte-sous-Jouarre. C'est le nom actuel de cette ville que les ligueurs prirenl a Henry IV, le 15 Mars 1589, qui retomba ensuile au pouvoir de ce roi , et fut prise dc nouveau par Mayennc en 1590 , puis rachetee pour la somme de iOO ecus A roffiricr qui y conimandait, vers la fin de la nieme anncc. — 181 " soient dislribiiees selon leur addresse et relies de la Noblesse (1) que vous trouverez bon , il y a quant et quant, les passe portz qui ont esle oblenuz pour la seurete des depulez de chasque province, qui pourront par ce moyen s'acheminer librement. Vous sgavez que cequi nous est le plus requis pour ce regard, c'est la diligence dont je vous supplye fairc proceder a la deputation de ceux de vos gouvernements, a tin que nous en puissions tirerle fruit que chascun se promect pour le bien el salut de ce royaulme. Je vous ay escrit ce qui est passe durant le voyage et vous tien- dray tousjours adverty de tout ce que je ferai, comnie je vous supplie de vostre coste ne laisser point passer d'occasion de me mander de voz nouvelles. Sur ce, je vousbaise bien humblementles mains el prie Dieu, etc. XLIV. Dudicl jour. A Monsieur de Saint Sorlin. Monsieur, Je vous envoye les leltres que j'escris a Messieurs du Clerge, de la Noblesse, et aus bailliz et seneschaulx de Daupliine pour la convocation des estalz, desquelles je vous supplie commander que la distribution soil faicle a ceulx que vous adviserez et augijuelz elles peuvent estre mieux addressees, en la plus grande diligence que Ton pourra, a fm que la depulation s'en face incontinanl pour s'acheminer en asseurance avec les passe portz qui ont esl6 oblenuz a cest effect, que je vous envoye pareillement. Vous aurez de Monsieur de Nemours, mon frcre, toutes nouvelles de de^a, el vous supplie de me fnire sgavoir (1) Du Lyonuais, dont le due do Nemours I'tail le gouvn-iunir. — 182 — dcs vobtres par loiiles les occosiuns qui s'cn preseii- teronl. Sur ce, jc voiis baisc bicn Immblcmcnl Ics mains el prie Dicu, cic. XLV. A MonsicKi- dc Saint Viclal. - Monsieui' de Sainl Viclal , Jc voiis nianday ])ar ma derniere depescbe le dcsir ({ue j'avois dc des- tourner, s'il m'esloit possible, la resokilion enlaquelle je vols Monsieur lo iluc de Parme de relourner en Pays Bas; sur loquelic nppres luy avoir nporle loutes les considerations qui se peavent mellre en avant pour luy faire cognoistre le besoing que nous aurons pour plus long temps de sa presence , j'ay este en fin conlrainl de recevoir les raisons qui I'y nieuvent el les Icsmoignogcs qu'il m'o donnez de son affection au bien general dc cez affaires; m'ayant asseurc qu'il nes'eslogneroit point de la fronliere, ou ayant donne (juelque ordrc aus affaires qui I'y apellent pour le service de Sa Majesle Catbolicque, il faict estat de renieclre sur une plus forte el plus puissante armee pour revcnir dans ce prinlemps : el me laisse ce pen- dant la meilleure partie de ses forces pour les refrais- cbir el pour les employer sellon les occasions ^ui s'en presenleront duranl cest byver. Jc vous avois aussy advcrty de la negocialion qu'avoil cnlreprise Monsieur de Villeroy pour la li- berie du comerce el seurcle du labourage ; ce qui luy a faicl naisire ung aullre subject de trailer pour les depute/, dcs provinces aux eslalz a Orleans , donl il y a pris occasion sui* mes passe port/, que luy a faict — 18:) - cleiiiander Madame la princesse ile Navarre (1) pour envoyer sur les terres que luy a dunnoes le ro.v son frere : en ayant demande pareillemcnl qu'il a oblo- nus de luy pour la scurete de racheminemenl des- diciz depulez. Ce qui m'a faict resoudre a en avancer la convocation dans le XXe du moys de Janvier pro- chain , pour le plus- long lernie qu'il aye donne a sesdilz passe porlz, donl j'ay Inen vollu vous adverlir, pour I'opinion que j'ay que ccsle voye ne sera pas egalleinenl receue de toul le monde, el qu'il ne nous manquera pas de genlz qui en prennent umbrage el entree en quelque recherche de mon intention : de laquelle je vous supplie mc faire cesle faveur de rendre capables ceulx que vous estimcrez s'en pou- voir bien servir, el de tenir sur lout la main a ce que pour la deputation il soil faict choix , partout ou vous avez creance , de personnages de la qualite requise , dont les memoires el procurations soient emples, suffisantes et non limitees pour Telcction d'un roy qui soil bon catholicque. Je vous envo^e autant des lellres que j'escris aux evesques, baillis et seneschaulx , lant pour ladicte convocation (jue pour ledict acheminemenl de Son Altesse , que je vous sup- plie d'addresser aceulx de voz quarliers el interposcr voslre auclorile a ce qu'il soil proceddc avec dili- gence a la deputation de chacun des trois ordres , sellon qu'il a acoustumee de se faire en semblables occasions. Sur I'espei'ance que j'ay que Dieu nous en donnera bonne issue, lecjuel je pi'ie, elc. (l)"CaUicrii)Cik' lioaihon, somumU- Henry IV, piiiices-sc de Navarre, ducliessc d'Albict. Ellc Opousa, en li'J'.) , Urnry dc Lorraine , due, de Bar. Ges terre.s claient dam le Poilou. — 184 - XLVI, Diidict jour. A Madame la comlcsse de Savlt (I). Madame , Jc srai que vous pouvez el voiilcz tant {■jour le bien cle ceste sainctc cause au lieu oii vous esles, que ne voyant moyen plus propre pour esperer quel(iue soulagement en noslrc mal que la convoca- tion (les eslalz, cl I'ayant, de I'advis de tous ceulx qui desirent le mesine bicn , remise au quinzissme du mois de Janvier prochain, dans la ville d'Orleans, comme plus commode a cestefTecf , jc n'ay vollu fallir 'de vous en escrirc parliculliereraent , ouUrc les let- Ires que j'envoye pour le mesme subject par toules les villes, a (in que joignanl vostre creance a raffeclion que vous avez tousjours aporlee a reslablissemenl du saint de ce royaulme que nous poursuivons lous en- semble, vous soyez moyen, comme je vous en supplic bien humblemenl, de faire en la plus grande diligence qu'il se pourra, depuler des personnages dignes et capables de bonnes affaires pour assister en ceste asserablee et en lirer, moyennanl la grace de Dieu, l€ fruict (jue nous en desirous. Si je vous escrivois par ung aultre que par le sieur de Sissoigne que vous cognoissez, je vous ferois quelque part des nouvelles de deca qui soni, graces a Dieu, en lei eslal que nous avons occasion de Ten louer ; mais le cognoissant comme vous faicles , el ayant este depuis quefquc tem|)s en (,'a auprez de moy , jc me remellrai a cc (I) Chictiennc d'Agiienc , veuve de Franeois-Louis d'AgouIt, rtniite lie Sault. Elle servil aetivcniciit, en Piovence, les iiilerets de la Liguc, et appela a son aide 1<3 due de Savoie ; plus tard, eilc si^ lajiiuoclui de lieiirv IV. - 185 - (ju'il vous en pourra dire cL ne ferai cesle plus longuc que pour vous asseurer de plus en plus de ma devotion a vous lionorer cl scrvir. Sur cesle vcrite , je vous baise bien buinblemenl les mains, el prie Dieu, etc. XLVII. A Monsieur le compte de Carses (1). Monsieur le contc , Ayanl par I'advis de lous ceulx qui desirent le bien de ce royaulme resolu la convo- cation dcs estalz pour le XV'^e du moys de Janvier procbain , dans la ville d'Orleans , comme le plus promt el salulaire remcde qui se puisse aporter a noslre mal , el escrivant a cest eflect a toules les provinces pour les convier d'avancer autanl qu'il sera possible I'election et deputation des porsonnages qui seront nommcz pour assister ausdiclz cslatz , j'ai bien vollu vous en escrirc particullieremenl et vous prier de tenir la main a ce que il y soil procede en la plus grande diligence que faire ce pourra , ct selon les formes et manieres donl on a acQuslumc d'user de tout temps en telles occasions. Vous remetlant pour ce que vous desireriez scavoir de I'eslat des affaires de degh sur ce porleur (2) qui vous les pourra am- plement desduire, comme ayanl esle despuis quelque temps conlinuellemenl auprez de moy , je ne vous ferai cesle plus longue que pour me recommander a voz bonnes graces et prier Dieu, etc. (i) Gaspuril ile PoiUcvez, comle de Carces, seneclial et gouver- ncuf dc Provence, maiie k Eleonore de Montpe/at , belle lille de Mayenne. Son frin'e Aiiloiiie ctait gouvenieur de (iiosse. (i) Sissonne. - 180 - XLVIII. A Monsieur le pvevost des marchan;! de Paris. Monsieur le prevusl , Je m'asseure que vous aurez maintenant touie occasion de demeurer conlant et satisfaicl sur lout ce que vous pouvez desirer de moy, ainsi que vous aurez peu apprendrc par les leltres que je vous ay escrilles par les sieurs de Tremont et Cegard, tant pour les forces que j'ay advise eslre necessaire pour la conservation de voslre ville, que pour le ble que je vous ay envoye au mesme temps pour la nourrilure desdicles forces : de facon qu'il ne me resle rien a vous dire sur la vostre du XlXc de ce moys, sinon que j'escrilz presenlemenl a Monsieur de Viclry (1) pour le prierde ne s'arrester aux seuretez qu'il vous demandoit, mais au contraire s'efforcer a vous faire lenir jusques a cinquanle ou soixanle muidz de ble, de vous le faire mener el conduire jusques en voslre dicle ville ; [ce] did, je ly fais ma promesse de luy payer en mon nom, si tost qu'il me sera avenu Irouver et qu'il me rapportera certifficat de vous , de la quanlile qu'il vous aura fornye, se que je me veulx promeltre qu'il face, pour I'olTeolion (jue je scay qu'il porte au bien de voslre ville et dont vous avez eu tant de tesmoignage par le passe. 11 nesera louiefi'ois que bien a propos que vous Yen soliciliez el pressiezsur ce [queje] vous en escris maintenant el Fasseurance que je vous en donne. J'envoye, oultrecela, douze cens escuz pour lousjours aulanlcomlenlerlesdiles forces, qu'il faudra menager (Ij Louis de IHospilal, sieur ilc Vitry, gouverueur de Meaux. - 187 - el laiie coaler en attendant que j'uye le nioyen de en envoyer davantoge, qui sera dans peu dc temps ; de- sirans sur foules choses pourveoir tcllement a ce qui est du .'alul de vostre dicle ville, qu'il n'y arrive non seullenient aucun inconvenient, mais que j'en osle loulc I'appreliension et crainte. J'espere que Dieu lu'en fera la grace, lequelje supplie , etc. Du camp de Sapponnet. XLIX. Dudicl joui'. A Monsieur de Yiclrij. Monsieur de Victry , Jc pensois que vous auriez faict tenir a Messieurs de Paris les XX niuidz ffe bled que vous m'avez promis , dont ayant eu advis qu'ilz n'ont encores rien receu el que vous ne leur en pro- meclicz que dix muydz ; a quoy vous voulez que le prevost des marchans et les esclicvins s'obligenl et quej'estime qu'ilz n'y vouldront refuser; mais dcsi- rant qu'ilz n'cn aycnt I'oliligatiori entiere et a fin d'eviler aus longueurs qui poirrroienl inlervenir, je vous supplie et conjure dc vouloir en faire reconvrer jusqucs a cinquante ou soixantc muidz au plus , et le faire au plus lost et en toutes diligence nicner et conduire jusques en ladicle ville, vous asseurant sur ma foy et mon lionneur que pour cesle effect je vous donne et engage de vous payer contant, si tost qua vous serez au pres de moy , la somme a quoy mon- lera la quanlile que vous aurez fournie , me rappor- tant seuUement avecque cc mot certificat desdiclz prevost des marchans et esclicvins dc la reccptioiv — 488 — qu'ilz en auroiil laicle. El par ce que c'esl chose qui imporle du tout a la conservalion de Paris a la quelle vous avez aquise tant de gloire , je m'asseure que vous vouldrez encore en cesle occasion conlinuer la bonne volunle que vous ni'avez el a eulx tousjours porlec. Aussi ne serai je jamais conlent queje ne vous aye f'aict paroislre par tons bons elTeclz combien je desire m'en revancher en ce qui sera de vostre contentemenl. Sur ceste [verile, je] prie Dieu, etc. Du camp de Saponnel. L. Du XXVe Novembre. A Monsieur de Boisdauphin (1). Monsieur de Boisdauphin, Je vous envoje par Le Grand loule la depesche des provinces oii s'addressera vostre cherain , que je vous prie de faire distribuer sur les lieulx el recommander aulant que vous pour- rez qu'il soil promptemenl procedde a la deputation de tons les ordres , pour avancer I'assemblee des estalz dans le temps que nous avons pour la seurele des deputez , au moyen des passeporlz donl j'envoye pareillemenl ung pour chasque province. Je vous ay desja mande une autre fois que Le Grand vous accom- pagnera jusques la el vous dira les lieus ausquelz nous avons a faire pour ce regard , en quoy vous serez soulage de luy , comme cogneu au pays. Je vous supplye d'y faire proceder en la plus grande dili- gence qu'il se pourra. N'eslanl cesl a aullre fm , je prie Dieu, etc. (1) Urbaiii de Laval , goavcrncur d'Anjou , Ills ile Rem' , sieiir de Bois-Daupliin, el de Jeanne de Lenoncourt. — 18t) — LI. A Monsieur dc la Bourdaisiire. Monsieur de la Bourdaisieie, Jc vous envoye par ce porteiir les lellres que j'escris a Messieurs du Clerge et de la Noblesse de vostre quarlicr , avec celles du bailly de Charire, pour les prier d'avancer le plus qu'il leur sera possible la deputation de ceulx qui seront nommez , pour eslre de vostre part en I'assemblee des estotz a Orleans, donl je resolu la convocation dans leXX^du moys de Janvier prochain, de I'advis de tous ceux qui desirent le bien de cast Estat. Au salut duquel sachant combien vous portez d'affeclion , je vous supplie, apres la distribution de mesdictes lellres a ceulx que vous adviserez el du nom desquelz vous les ferez remplir, estre moyen, aulant qu'il vous sera possible, qu'il y soil prompleraenl pro- cede ; et avoir cgard a ce que ce soient pcrsonncs de qui on puisse espcrer quelque bon reglcment pour la manulention et salul de ce royaulme [el] de noslre saincte religion calholicque , apostolique et romaine, affin que nous puissions espcrer ung plus heureulx siecle. N'eslanl ccsle a autre fin , je prie Dieu, etc. Du camp de Ponl-Aver (1). LII. Dudict jour. A Monsieur de Mcrcure. Monsieur, Je vous envoye les lellres que j'escris a Messieurs du Clerge et de la Noblesse, baillifz et (1,1 Ponfavoil SMI' I'Aisno. — lUO - senescliaulx de voslrc gouverncment (1) pour la con- vocation des eslalz dons la ville d'Orleans, que j'ay esle conseille de rometlre au XXc du mois de Janvier prochain. Je vous supplie bien humblement vouloir prendre la peine de les (\iire distrihuer et addresser a ceulx de la Noblesse, des noms dcsquelz vous jugerez qu'elles doibvent estre remplies, y faisant aporlcr la plus grande diligence qu'il vous sera possible, a fin de pourvoir d'autant plus promplement au remede que chacun peut desirer pour le salut de cest Estat. Je desirerois bien pouvoir cslre si heureux que de vous veoir devanl; mais les affaires nous separanlz rungetl'aulre, je vous supplie me faire lant de bien que de me faire part de voz nouvelles le plus souvant que vous pourrez : vous asseurant. que je ne lairai point passer d'occasion de vous faire entendre de celles de dega , et que je recevrai lousjours a beau- coup d'bonneur les bons conseilz et odvis qu'il vous plaira nic deporter. Vous baisant en ccste endroict bien bumblemenl les mains. Du camp de Pont-Aver. LIII. A Messieurs de la Court de parlement de Paris. Messieurs, Je vous ay escrit par cy devant le succez d'une parlie de nosire voyage et I'occasion de I'acheminement de Monsieur le due de Porme aus Pays Bas. Nous avons quasi lousjours eue le roy de Navarre a nostre queue , sans ce qu'il soil advance d'entreprendre aucune cbose sur nous despuis Lon- (1) La Brctngne. — 191 - guevai (i), s'estanl niesmes rccullc lors qii'il a seen noslre sejour en ccste viUc (2) , ou nous sommes arrivez tlu dernicf tin moys passe , en telle disposilion de loiites clioses que nous pouvions desirer. Monsieur le due de Parmc m'ayont confir- mee la proinesse (ju'il ni'a faicte d'estre de retour icy dans le printemps, avec une forte el puissanle armee, et ayant donne ordre pour les forces qu'il me laisse, parlist hicr avec quelque cavallerye et troys regimens de gens de pied seullement pour son es- corle, le resle de son armee estans tout demeuree au prcz de moy, pour aprez quelque jours de ce fraischissemenl, employer ou je verrai estrc plus a propos et principallement a eslargir le plus qu'il rao sera possible les passages de vostreville, conime cellc de laquelle je desire plus le bien et conservation; a quoy vous vous pouvez asseurer que j'aurai tousjours I'ceil ouvert , pour ne laisser passer aucune occasion qui tende a vostre advantaige. Je serai aussi tousjours tres aisc d'estre faict participant de ce qui so passera par dela, dont je vous supplie bien humblement no laisser perdre les occasions de m'advertir, comme de ma part je me rendrai sogncus de vous informer particuliereinent de tout ce que j'cstimerai vous debvoir aporter quelque conlcntcment. En ceste vo- lunte, je vous baise bien humblement les mains el prie Dieu, etc. Du C9mp a Guise. (I) En Picardie. (•2j riiiisf en Tliioraclio. — 192 — LIV. Dii lile Decembre. A Monsieur le commandeur de Dion. Monsieur le conimandeur, Je vous ay escril de la Ferle-sur-Jouaire, du XX'' du passe, la reprise de Corbeil par I'ennemy par la traliison d'aucuns des cappitaines dedans, de quaire sergcns ct de deulx caporaulx, ensemble I'eslot de noz afTaires, I'acbe- mincnient dc Monsieur le due de Parme au Pays Bas et le succez de nosire voyage jusques la. Depuis, le roy de Navarre, qui s'estoit mis a nosire queue, vint paroistre des lelendemain entre la bataille et I'arriere- garde, el s'avanca lant que s'il ne se ful relire plus visle qu'a la course, il eusl esle en danger de ne se vanler point, commc il a faict mainlenant, que c'est pour la premiere fois qu'il a fuy. II y de- meura en sa place ce qu'il laissa [d']bar[que]buziers a cheval pour souslenir , pendant qu'il deslogeroit de Longueval el passeroil le guay au Pont-Arsi (1); el [de] ce temps la a commence a se lenir plus eslognee de nous qui , apres luy avoir oflert a petiles jour- nees toules les commoditez qu'il pouvoil desirer pour se faire veoir de plus prez , sommes arrivez en ce lieu sans qu'il aye dresse aucune enlreprisc , ainsy qu'il faisoit entendre par tout , pour lever quelque logis ou pour engager quelque partie de I'armee. Laquelle ayant conduite sans perte d'ung seul homme (1) Ms : " Pendant qu'il passeroit le guay au pout de Longueval, Ponl-Arsi logcz. » Nous avons retabli cetle phrase suivant le recit tri'S-detaille de 1'. Matlliieu ct comnie I'indiquait la position des lieux. — 193 — jusques icy , o[ le voyant changer de desscin et s'es- longner de (juinze on vinglz licues tout a coup , Monsieur le due de Parmc continuant son voyage et las promes^es qu'il ni'a faictes de son rctour dans le printemps avec une plus forte et puissante armee , ()arlist hier avec sept compaignies de sa cavallerie Icgere et troys regimeniz de gens de j)iedz wallons seullement pour son escorte, me laissant lout le resle de ses forces avec la mesnie obeyssance que poui-roit desirer d'cnx Sa Mnjesle Catliolicque : dont je ne puis que je ne me loue infiniment , en ce qu'il les a conduiles avec tanl de prudence el s'i est porle avec tant d'honneur et de respect , que ainsy que nous avons este tousjours unis comme freres / en plaine el entiere correspondalion el intelligence de loutes clioses, cliascun, jusques aux moindrcs soldalz , s'i est conforme lellement a cest exemple qu'il ne s'i est trouve une seule parlialilc ou dcvision cnlrc nous. Ce dont noz ennemjs esperoicnt faire le plus de prof- fict , qui sont au conlrairc tellement lassez de courir sans bagaige ne commodile quelcbnque , sur I'espe- rance dont ilz ont csle entretenus de se Irouver a la bataille, laquellc il n'a jamais voulu accepter, qu'a- pres avoir este par tant de fois abusez sans fruict , sans honneur et sans aucun advantage, il n'y a pas grande aparence qu'ilz se puissent encore longuement mainlenir ensemble, n'ayant (jue mille a dou'ze centz cbevaulx qui sont assisle encez cources, avec I'incom- nioditc que vous poiivez juger , sans leur bagaiges, et niille harquebousiers a clieval equipez de mesme; ieurs Souisses commancant do longlemps a se muli- ner; et Ic reste de I'infanterie frangoisc la plus misc- irables qui so puisse vcoir, n'a) ant jamais volu passer XXIX. iS — 194 — Ic Ponl-Arsi a faulte de pajcmcnl, sans le(iuel il ne pourra pas si aysement disposer ny dcs ungs ny des aullres qu il a faicl par le passe : el j'espere que je h\)' en lerrai encore moins do commodile, le suivant -de si prez, si tosl que je pourrai avoir donne quelques jours de rafraiscbissemenl a ceslc armee, qu'il pourra bien se reouller autant comme il s'esl advance jusques icy a nous suivre , sgachanl que nous ne nous deslournions pas de noslrc chemin pour prendre garde a sa contenance. Ce que je vous escris parlicuHierement pour faire oognoislre Tarlificc dont j'ay eu advis qu'il a use , a publier par lout les enlreprises qu'il faisoil sur la relraiclede Monseigneur leduc de Parme, el pour vous nionslrer que je prens le mesine plaisir a vous in- slruire de ce qui se passe par de^a que je regoy de voz lellres el des parlicularilez que vous m'escrivez, dont je vous remercie : louant, entre chose, la reso- lution que vous avez prise de ne porler au conclave (ju'avec le mesme rang el les mesmes formes dont ont acouslumee d'user ceux qui vous onl precedde en la charge que vous avez au [)rez de Sa Sainctete €t du sacre college ; duquel j'ai ung extreme regret de n'avoir encores receu les lettres que vous mandez m'avoir envoyees, parceque, ne sgachant rien de leur intention, je me trouve plus empeschc a leur en faire le rcmerciement que je doibs. Pour ce , je vous prie dn m'envoycr en la plus grande diligence que vous pourrez quelques doubles , el ce pendant suppleer aiusi ([ue vous jugerez pour le mieux au deffault de ma leltre, leur faisant cognoislre que ce n'est faulte (jui proccdde de ma negligence. Je vous supplie aussy de rend re tout tesmoignage a Monsieur le - 195 — cardinal de Sons (1) dc I'obligalion (|iie je cognois Iny avoir plus qu'a pcrsonnc du munde , rasseurant que jc n'aui'ai jamais conlentcmenl que je nc Uiy ay faicl quelque bon service, el qu'il croye que jc n'aye jamais portee plus de respect et d'honncur a def- funct Monsieur le cardinal mon oncle (2) , que je proteslc dc luy en rendrc par lout ou j'aurai moyen de luy faire paroislic combien je sgay que je luy dois. Jcne Irouve point estrange ce que vous avez reco- gneuau cardinal Montalle (3;,et ne faultpointquevous vous estonniez qu'il tienne du nalurcl ct de I'inslruc- tion de son oncle. Mais j'estime f|ue Tarrivec de Monsieur le legal (4) aura apporle tant d'esclaircis- sement et de lumiere a la verile mesmes, (pie tout ce qu'on aura faict pour s'y opposer aura este facille- ment dissipe par sa prudence el par son aucthorile. Je n'escris point a Desporles (5), eslimanl qu'il soil mainlenant en cbemin pour son relour. J'ay bcaucoup de plaisir du conlentement que vous lesmoignez avoir de ce qu'il a faici par dela et que les clioses s'i soient passees avec tant d'honneur el de repuialion. Je sgay combien y a ayde vostre bonne conduile, et ne puis que je ne vous accuse le regret que j'ay dc ne vous avoir peu assister de moyens comme g'a lousjours este ma volunle. Vous avez assez de cognoissance des affaires pour juger que la scule necessite est cause (1) relieve. (2) Lc cardinal de Lorraine. ^'l) Ncveu de Sixte-Quiiit. I't] Cai'laii, relouriic a I'oiiic j)Our iirciulre jiart au conclave. t5) Jacques Ucsportes, lieulenaiit an l)ailliaf;e d'Alencon, cmoyc a Rome par Mayeiinc a I'occasioii de la delivrauee de I'aris , freie du secretaire d'Etat Rawdotiin Desportes ct du poetc I'liilippe r>e.sportos. 11 scia fpioslioii iiliis lard des deux derniers. — 19*) — que vous ii'en voyez point (I'cjfTecl/ , avanl tousjoufs eu en inlenliondevous donner tel mojenpar delii que vouspeussiez dignemenl salisfairecomme vous faictes k voslro charge et en porter phis aisement le fais el la despence : a quoy, ne voyant moyen donl vous puis- siez lirer plus de secours qu'en la parlie de cinq mille escuz que Monsieur le legal fil fournir durant le siege de Paris, surles lellres de change pour Rome qui m'onl esle acquictees, et des([uelles le prolesle ni'ayant este envoye , j'ay faict rend re el payer contant a Paris ladictc sommc de cin<| mille escuz, de sorte qu'elle m'est maintenant deue a Rome par nostre Sainct Pere , ou le sagre college me del) van I lenir lieu, sur les sommes que mondict sieur le legal avail moycnne me faire fournir. Vous luy en parle- rez, s'ilz vous plaist, et le supplierez en mon nom vous faire loucher el payer conlant ladicle somme , estanl bien raisonnable que I'ayanl payee par dega de mes deniers el en ma plus grande necessite , elle me soil rendue par della enlre voz mains, donl je supplio et cscris exprez a Monsieur le legal, voulant lenir cela de luy avec lanl d'aulres bons offices , dont il a oblige a luy loute cesle saincle cause. Les lellres de change sonl entre les mains de Nouvisi ou de Sanavi, a qui Monsieur de Yidevillc les a envoyez. L'on a surpris les lellres de Chombcre (1) par les- quelles on donne asseurance au roy de N. d'unc secrelte assemblce des princes (2) proteslans a (1) .Ican-NYolf (le ScliO)nI)erg , seigni'ur (Ic Pulniitz; son firre , (ulsiiar, iiatiunlisc Trancais cii 1670 , ctait dcveiui conite dc Naii- teuil. llciuy W avail doiinc ati preniicr le litre et les ap])ointemcnls lie colonel. (2) Le texte poilc : pioviiiccs. — 197 — Ftancfoil , en larjuelle ilz onl resolu do secourir Ic roy de Navarre, dans qualre aiois, d'une Ires puis- sanle arraee, pour I'establir en I'Es'nl el en sa relli- gion, et que le Casmier(l) esloit posse vers le due [de] Saxe (2), a cest effect et pour faire avancer quclques deniers de la levee. Vous le pouvez rcpresenter a nostre Sainct Pere, si desja il est cree , et au sainct college, et combien il importe que Sa Sainctete unisse les princes calholicques pour la deffence de nostre rclligion, laquelle est aulrement en eslrcme peril (3), et qu'il n'est plus temps de remellre les resolutions du secours en longueur. Vous en confererez avec Messieurs les cardinaulx Caietan et Pelleve, princi- pallement a fin qu'il Icur plaise anibrasser ce faict avec prompte ardeur, comme des plus imporlants (jui se soient jamais presentez, eslanl a craindrc, si nous ne sommes bientost unis, que cerlaines consi- derations et jalousies d'Estat ne ruinenl la relligion, vous priant de presser cest affaire et d'en faire toule I'instance que la necessite le requiert. Nous avons indict noz estalz au vingtiesme du mois prochain , en la ville d'Orleans , pour adviser a la nomination d'ung roy bon calbolicque dont I'au- tborile nous est tres necessaire pour la seurelte de nostre saincte relligion. Si tost que j'aurai advis de la creation de nostre Sainct Pere, j'en escriray a Sa Saintete , pour la supplier tres bumblement d'y voul- loir envoyer Monsieur le legat Caietan que j'y desire infiniment. Je vous [irierai de sonder oii lombera son (1) Jean Casimir, qualrieme fils de rredOric 111, due dt.' Bavicrc. (2) Chriistian 1", elccteur it due de Saxe. (^) l.c te\lo [lorlc : pril. — 10anilry , scigncuf ile Cosuie, oapitaiiu' a-u\ gardes. — 199 — modile el de dommaiges. Je Ic siipplic niissi de vouloir poiirveoir pour Ic reste dcs lro\s moys de la garnison de Paris , el de faire delivrer audict Riband cent mil cscuz ou aultre somme qu'il lay plaira, pour employer en levees. Je vous supplie cl conjure de toule mon affeclion de moyenncr envers Son Allesse, qu'il luy plaise de commander promptemenl la des- pechc dudict Ribaud, el a son rctour luy faire donner bonne el sufiisanle escorle , pour conduire en toule seurcle I'argent qu'il vous aura pleu luy faire avoir. Je m'asseure tanl de voslre amitie que vous ne voul- drez nous manquer en cesle occasion. Sur ceslc as- seurance, je prie Dieu, elc. Du camp de Guise. LVI. A Monsieur Joseph , ambassadeur (1). Monsieur, Je honnore lant (2) la sainclc affection donl vous avez assisle cesle cause , en toutes les occasions qui se sonlpresenlez pour en rendre preuve, que je penserois pecher conlre la cognoissance que j'en ay , si je perdois cesle occasion de vous lesmoi- gncr cc que je vous en ay d'obligation en mon particuUier, el le d6sir que j'ay de la recognoislre ou j'auray quelque moyen de m'employer pour voslre service : ce que j'ay prie Monsieur le president Ja- nin (5) , conseiller de cesle Estat , de vous presenter de ma part, comme celluy qui approchanl le plus (1) Dom Joseph d'Aciinia, ambassadeur d'Espagiie en Savoic. (2) Le texte porto : a la . (3) Pierre Jeannin , president au parlenienl de Dijon , eharg«" c mission pres de Piiilippe U. — 200 ~ pres de moy vous en peul doiincr ilaviinlngc l\ — compto a voslrc sacre consisloire de In dtMivronce du siege de Paris, el voz lellres pleincs de tanl de bienveillance ct de tesmoii^naije d'lionneui , me font assez paroislres que les Iravauix et services emplojez pour juste cause no demourent jamais sans gralitude el rescompance. i'^t Dieu vous ayanl cslevez an plus haull degre de son Esgiise pour preveoir Ics perilz qui la menassent de la mine, ct eslre protecleurs do ceulx qui ne s'espargnent pourl'escuse, c'esl a nous qui sommcs enfanls d'obe- dience el avons les arnies et la force en main de soubsmellrc noz actions et csploictz a la censure de voz jugemens, de vostre cognoissance, de en allendre el esperer !a grace et loyer. Je me suis lousjours represenle devanl les yeulx el I'exeraple des miens (1) ([ui onl faict profession d'embrasser la querelle de Dieu non seullement centre les hcreliques , mais rpchercbe au loing les conquesles centre les infidelles pour estendre et amplifier les bornes de la creance el reverance do son saincl nom : et suivanl leurs traces des mes jeunes ans , j'ay estimee eslre de mon office et du droicl de ma nessance de m'esposer a tous les hazarls de la guerre et m'ensepvelir avec la gloire qui m'est hercdilaire , pour m'aquiller de ce que je doibs a leur tres lieureuse memoire el a ma propre consience. Si en cela , Messieurs, je n'ay enlierement salisfaict a voslre espectation (2) , ou que n'ay peu surmonler les malheurs du temps et cent difJicullez qui naissent des oppositions de noz ennemy , je ne vcus point du tout execuser les deffaull qui proviea- (Ij Le lexle [lortc : iiiicuk. (2) Le tcxlc porti' : (\sj)r(i|,itiiiii. — ^15 — droient de moy , encores que j'ay faicl loul ce que jo pouvois hurnainemenl ; mais bien vous supplier tres humbleraent de meslre en consideration les divers accidens et evenemeniz des amies qui ne dependent de moy et sonl en la disposition de la providence dc Dieu ,"lequel pour sa justice permed le plus souvant que les siens soicnl affligez el traversez en leurs cnlre- prinses et sainles intentions. Je dy cecv pour vous rendre comple de mes actions ct vous remercier aussi tres humblemenl de I'eslime (ju'il vous plaisl faire de moy , vous suppliant de recepvoir de bonne part , si sur ce subject je prcns argument et occasion de vous remonstrer les perils el nccessilez de ce royaulme , qui est aujourd'huy comme le theatre de lous les pernicieus dcsseings des heretiques etdes ennemys communs de la chresli(!nte. II y a plus de trente ans que nous en supportons les effectz et que les nostres y ont sacrifie leur sang, et le mal eslant depuis accreu et les ennemyz multipliez, noz forces diminuees , les moyens entieremenl laris, espuisez , c'est du faict de voz prudence et hons juge- ment de pourveoir aux remedes et a la restauration de nostre langueur. J'ay escripl a Monsieur le com- mandeur de Dion des advis que nous avons du coste d'xMlemaigne et les pratiques que les beretiques dres- sent en plusicurs endroictz, pour en faire tres humble remonstrance a noire Sainct Pere, lorsqu'il sera cree, et a voslre sacre college, el sur ce implorer le secours, pour arrester les impetueux et pernicious desseins des adversairesde nostre sainrte relligion et du Sainct Siege appostolique. C'est chose qui depend de vostre soing. Et je n obmelleray , ce pendant , dc lenir les affaires en tel ostat que nous puissions subsister jus- — 2ia — ques a ce que j'ay nouvelles tie Sa Sainclele , que je supplirai Ires luimblement de ne lenir point en longueur les resolutions et provisions (|ui ne peuvent plus desormais servir , sinon qu'elles soient promples et en temps que le corps de cest Estat est encores en quehjue vigueur : vous pouvant neanraoins asseurer, que si nous sommes souslenuz de Sa Sainclele, je voy les voluntez des catholiques telles et si unies a leur conservation que la cause ne pent perir, mojen- nant la grace de Dieu ; lequel , Messieurs, vous ayanl baise tres hunablemenl les mains , je prie, etc. De Guize. LXVIIl. Du Vie Decembre. A Monsieur Desportes (i). J'ay veu ce que vous m'escrivez du XXVe du passe pour le faict de Tremblecourl. Vous pouvez asseurer Monsieur de Belin que mon intention n'a jamais esle de laisser son regiment a Paris , pour y demeurer, sinon que en attendant que celluy de Jaulge fust en estat d'y entrer , n'ayanl aucun subject de rien cbanger de ce que j'avois arreste , avant mon parte- ment, avecq ledict sieur de Belin. J'escris a cesle tin audict sieur de Tremblecourl, comme sur les occur- rences qui se presentent, je me veus servir en ce quarlier de son regiment et le prie de faire acheminer jusques a la Ferle Milon, ouj'ai ordonne qu'ildemeu- rera pour quelque temps, pandanl ({ue luy rnesme (1) Baudouin Despoiies , set rctairc tl'Etat - 214 — mc viendra trouver oii j'csperc liiy donncr loute saf- rifaction. Et quand a .laulgc , il mo semblc qu'il n'a point occasion de sc plaindre, [uiisque qu'il denieurera senl avecq les lansquenctz et (jue j'envoicrai dedans pea de jours pour les ungs el les aulres de qnoy les conlenler. J'escris a Madame de Monlpensier (1), ma seur, a fin que Beaulieu face relircr ceulx qu'il a mis dans Cliarenlon el S:iinl Maur , auquel je desire que pluslost Monsieur de Belin y mecle des person- nes donl il puisse respondrc , y allant dn lout de son honneur et reputation et de la conservalion de Paris, que je veus preferer a tout autre respect , desirant qu'il en use avec(j I'autorile que je luy en ay donne. Je resoudrai dans peu de temps du pouvoir de mon filz ('2) et de la qualile que jc luy veux donner, jugeant asscz qu'il est necessaire que je le face ainsi. J'escris au prevosl des marcbans sur ce qui se passe a Paris, pour les rumours que vous me mandez, a fin qu'avecq Monsieur de Belin et vous Ton advise de coupper chemin de bon heure a telz artifices qui nc pourroieni , avecq le temps, qu'apporler du desordre etdo la confusion. 11 fault bien qu'en cest occasions ma femme (3) se donne de ne plus lenir langage de parlir de Paris : je luy escris bien ouvertement mon inten- tion. Vous ne laisserez d'i adjoustcr le tort qu'elle feroil a toules noz affaires, el direz a Treraont qu'il se donne bien garde de ne kiy offrir aucunc es- corle. Si Ton juge qu'il soil a propos que le prevosl (1) Gatheiinc dc Lorraine, veuve du chic dc Monlpciisicr. (2) Henry de Lorraine , depuis due de Mayeiine -et d'Aiguillon, gouverneur de Guyennc. (■■i) Henriette de Savoie, niaiiiuise deVillars, comlesse de Tende ct Sommerive, veuve de Meleliior des I'rez, sei.^neur de Montpczal. — -215 — des niDrcbans luy en face instance de demeiirer, vous luy en parlerez, et je croy <]n'il s'i cmployera vo- luntiers. Je ne pensois pas que vous dcussicz [faire] ung si long sejour par dela. Prenez la premiere commodite seurc qui se presenlera pour mc venir irouver; vous jugez assez de combicn vous in'csles nccessaire, etc. De Guise. LXIX. Dudicl jour. A Madame dc Nemours (i). Madame, J'ay sceu par Messieurs dc Paris le mes- conlentement que vous aviez de ce qu'ilz n'onl {"2) consenty le pavement de Tassignation qui avoit esle donn(5e sur les rentes de la ville a Monsieur de Nemours, mon frere, a fin de reserver au pauvre peuple cesle partie qui pourra soullager infinies personnes en la grande necessile en laqucUe ilz sont reduilz, et n'aporleroit pas grande commodite a mondict sieur. Ce que je vous supplie tres liumble- ment de considerer et avoir agreables que ce peu qui se Irouve enlre les mains des fermicrs el rcceveurs, qui ne monte pas a beaucoup prez a ce que vous pouvezdesirer, servea soustenir aucunemenU'extreme indigence de ce pauvre peuple qui vous en aura a jamais obligation et liendra ce bien el secours de vous seule et de mondict sieur, au([uel j'en escris pareillcmenl, vous suppliant de luy faire trouver ban (1) Aiinc d'Ebte, mere ilc Mayenne, veuve dc Francois de Lor- raine, due do Guise, el de Jacques de Savoie, due de Nemours. (i) .W« : m'diit. — 210' — que nous reineclions a iinc autre occasidii Ic conlcn- leinent qii'il peul de^ircr des somrnes dont il est as- signee sur lesdicles rentes, donl je chercherai tous les vnoyens qui me seront possibles, comtnc je le supplie et vous aussi de s'en asseurer. Sur ce , je vous baise t-ros humblcnienl les mains, prianl Dieu, etc. LXX. A Monsieur de Nemours. Monsieur, Je porte comme vous le desplaisir que vous aurez du recuUement de vostre assignation, pour le desir que j'ay de vous en voir salisfaict. Mais la necessite des parlicuUicrs sur lesquelz doibt eslre pris vostre payement estant si extreme qu'il ne se pcut plus, j'ay pense que vous en auriez compas- sion el ne Irouveriez mauvais le refus qui vous en a este faict par Messieurs de la ville , sur ceste seule consideration que les fermiers et receveurs ne sgau- roient fournir a beaucoup prez vostre partie de ce qui est entre leurs mains, et qu'elle pent infiniment servir a soulager par le menu les parliculliers qui ne peuvent esperer autre secours d'ailleurs. II se trou- vera plus de moyen de vous donner contentement , dont vous pouvez vous asseurer que je chercberai toutes les occasions qu'il me sera possible, vous sup- pliant bien bumblement d'avoir agreables que ce pendant le peuple jouisse de ce respit par vostre moyen, pour vous en avoir toute I'obligation et le joindre a ce que vous avez desja faict pour le conser- ver. En quoy je m'asseure que vous ne I'e trouverez ingrat, ce que m'asseurant qu'ils se peuvent promec- Irc de vostre faveur, je ne vous feral ceste plus — '217 - I'ongue (jue pour vous b;iiser bien Imniblemcnt les mains et prierDieu, clc. Du camp. LXXI. DiidicI jour, A Monsieur dc Lenoncourt (i). Monsieur, J'ay faicl expedier mes leltres de jussion a Messieurs de la Court de parlemenl pour la veri- fication de resdict de revocation d'ung- president en la Court de parlement , en la place de feu Monsieur le president La Guesle (2). A quoy j'ay este conseille de I'advis de tous ceux qui desirent lo bien et soula- gement du peuple en I'exercice de la justice , qui ne peut autrement eslre bien conduile, n'estant possible qu'une mesme personne puisse satisfaire a la Court el a la Tournclle lout ensemble : dont je vous ay bien voulu faire entendre mon intention, quin'est de m'en deparlir en fagon quelconque , vous priant d'y apporter de vostre part lout ce que vous jugerez pouvoir pour facililer I'effect que j'en desire. En quoy vous ferez paroistre d'autant plus vostre bonne afTection au bien de cez affaires, pour le recognoislre en toutes les occasions qui s'en presenleront , d'aussi bon coeur que je prie Dieu , etc. (1) Robert de Lenoncourt, abbe d'Essonne , garde-des-sceaux , puis gouverneur de Chateau-Thierry. 11 ctait frere de I'hilippe , cardinal et conseiller du roi Henry IV. (2) Jean de la Guesle , d'abord procureur du roi , eut pour suc- cesseur dans cette charge son fils .lacques , partisan du roi de Navarre. — 218 -- LXXll. Dudict jour. A Messieurs les gens du roy. Messieurs , Je m'allendois que la resolution qui avoil esle prise de I'advis de tous les princes et sei- gneurs qui esloient au conseil aprez le siege leve , et la priere que. j'avois faicte a ceulx qui me vinrent Irouver de vostre part de remplir la placode Monsieur le president La Guesle par edict exprez que je vous envoye a ceste effect , vous ne ferez difficulte quel- conque de la veriffication pour remplir la place d'un personnage digne de ceste qualite en I'exercice de ceste charge. A quoy ayanl sceu que vous n'avez encores volu enlrer par vostre arrest du XXIII*^ du dernier , j'ay bien voulu vous en faire ce mot pour vous supplier de considerer letort que nous nous fai- sons , sy aprez avoir meurement delibere de ce qui serable estre plus expedient, selon I'advis des prin- cipaux conseillers de cesl Estat , nous venons a rec- tracter loutes choses et renverser les resolutions qui ont este prises du consenlement commung , ce que je ne scay comment cntrer en la veritlcalion pure et simple dudict edict , duquel je ne puis nuUement me despartir, ayant ete pousse de la consideration que toutes gens de bien doibvent porter au bien general de cest Estat , duquel je sgay que la conservation vous est aussi chere qu'a nulz autres. Ce me sera tousjours plus d'occasion d'embrasser ce qui sera de vostre contentemcnt. Sur ceste asseurance, je prieDieu, etc. — 210 — LXXIII. A Monsieur Ic president Brison. .Monsieur, Jc ne puis que je rie m'eslonne des longueurs dont Messieurs de vostre corps onl use pour la veriffication de rediclque j'ay faict du conseil cf consanlement des princes el seigneurs de cest Estat ct du vostre pour la creation d'un president, an lieu de dcffunct Monsieur de la Guesle, en la place duquel je disois meltre, comme vous sgavez, ung per- sonnage capable, dont cest charge pouvoit estre bien dignement remplie. Qui me faict encore plus eston- ner de vous qui sgavez ce que vous m'en avez diet parlicullierement et des promesses que vous m'en avez faictes. Et parce(|ue c'est chose de laquelle je ne desire n'y enlende aucunement me departir , pour nc laisser faire ce tort a une telle compaignie oil il a este delibere, en laquelle je n'ay encores aperceu chose qui me doibve -faire changer ses ndvis , je vous prie de tenir la main a ce que , suivant la jussion que j'en ay faicte expedier a Messieurs de la Court , il soil promptement et avant toutes choses procedde a la verihcation dudict esdict et a la satisfaction que j'en attcns de vous , croyant que vous ne sgauriez en autre occasion me faire paroistre I'aniitic que je me suis promise de vous , dont je m'en resentiray en toutes celles qui s'oflVi- ront pour vostre contenlement, avec aulant de bonne affection, que jc prie Dieu, etc. — ±20 - LXXIV. Du VJc Decerabre. A Monsieur de Sanliz (4). Monsieur, J 'ay eu a beaucoup de plaisir I'occasion qui s'est presentee en peu de subject de voiis tesmoi- gner I'eslat que je fais de vostre merile, par le rapport de lous lesgens de bien et la particulierecognoissance que j'ay de longtemps, vous suppliant de croire que quand il s'en presenteradavantage de moyenjen'aurai point de plus grande satiffaclion en mon ame que de vous en pouvoir rendre plus d'asseurance. Ce pendant, encore que vostre zele au bien de cez affaires n'aye point besoing de plus particuliere recommandation , je ne vous lairai de vous supplier de ne laisser vaincre ny par longueur des succez que nous en attendons, ny par les incommoditez qui arrivent avec le temps. Si quelqu'un avoit besoing d'estre fortifie pour s'op- poser avec la Constance aus traverses qui naissent tons les jours et empeschent bien souvant les effecfz que nous nous promectons de noz desseins, je vou- drois recourrir a vous pour luy acquerir la perse- verance qui y est requise : qui me gardera de vous faire ceste plus longue que pour prier Dieu, etc. Du camp , a Guise. LXXV. Dudict jour. A Monsieur le cardinal Caietan , legal. Monsieur, Je ne pouvois recevoir nouvelle plus (1) Guillaume Rose, eveque de Senlis, predicaleur et poleniiste influent dans le parli. — 221 - ngreables que celle que j'ay receue de vostre arrivee a Rome en bonne disposition , tanl vostre presence me sembloil necessaire a y rabalre les coups de ceulx qui portez de la passion de noz ennemys, soubz quel- ques artifices dont ilz se laissent prevenir, sc bandent soubz main contre rcstablissement de leur propre repos et de la conservation de leur dignite , en consentant la luine de cest Estat ct la pcrle de la religion, en faveur de ccUuy qui leur est de longtemps cogneu pour ennemy declare de Fung et de Tautre. Vous estes lesmoing oculaire , Monsieur, de toutes les actions de ceux qui s'opposent a ce desastre , et avez veu avec quelle affection chacun s'est uni an secours que y o porte Sa Majesle Catholicque, par la presence de Monsieur le due de Parmc. Ce qui s'est faicl despuis a tousjours esle telleraent a I'ad- vanlage de cez alTaires, que nous ne pouvons qu'en csperer bonne issue, corame vous dira plus pariicu- licrement Monsieur le commandeur de Dion , a qui j'escris bien au long sur le subject de I'esiongnement dudict sieur due de Parme qui parlit hier de cesic ville , accompaigne de quelque cavallerie legere et de trois regimeniz de gens de pied seulemenl pour son escorle ; m'ayant laisse le reste de ses forces, que j'espere, apres leur avoir donne quelque comraodito de se rafreschir, ne tenir inuliles en attendant son retonr el les cffectz de vostre presence et de vostre saincle affection a I'advanccment de cez affaires; la- quelle je vous supplirois tres liumblement de nous conlinuer, si jc n'eslimois que vous y este tellemenl meu de plus bault qu'il nc vous fault point de plus expresse recornmandation. 11 vous pleust, Monsieur, suivant ceste bonne vo- lunle, nous oyder de voz lellrcs de change pour Rome de la sonime de cinq mille csciiz qui n'ont esle acquilcz el desquelz le prolesle m'ayanl esle envoye, je les ay faicl pa\er conlanl a Paris, non sans beau- coup d'incommodite de noz afTuiros, veu la necessite que vous sgavez qui y est, la charge que j'ay main- tenant des forces qui m'ont esle laissees. Jc croy que vous conlinuez en la mesme volunle que cesle somme soil renibourse par noslrc Saincl Pere ou par le sacre college, comme c'esloit vostre inten- tion , selon laquellc je I'ay aflectue au pauvre Monsieur le commandeur de Dion, pour subvenir a la necessite que je sgai qu'il soufTre par dela , vous suppliant de ne recevoir importunile [de] la Ires humble requeste qu'il vous en fera. Et j'ajoulerai ce bienfaict avec lant d'autres dont il vous a pleu nous obliger, pour vous en rendre toute ma vie le Ires humble services que je vous ay voue. En cesle vo- lume vous baisant tres humblement les mains, je prie Dieu , etc. Du camp, a Guizo. LXXVI. Dudict jour. A Son Altesse (1). Monsieur, Le desir extreme que j'ay d'esleindre autant qu'il me sera possible les desordres que la ne- cessile a engendrez parmi nous, en la veuc el a la cognoissance de Voslre Altesse, m'a faicl despecher vers elle le sieur Ribault, Ihresorier general^ pour (1) 1,0 due tie I'aiino. dc rechef luy represcnter le grand besoing que j'ay d'eslrc secouru des restans des centz mille escuz qu'il voiis pleust ordonner cslont de par dega , cent cinquante mille escuz, pour survenir au payement des parlies portes en I'estat qu'il pleusl a Vostre Allesse de voir avant son partement, sans altendre pour cest effect la fin de ce raois, ny de I'aulre ; sgachant [conijbien le relardement en telles clioses - aporle d'incommoditc et quclque fois de subversion des affaires. Et si elle avoit agreables de faire, oultre ce, delivrer audicl sieur Ribault la somme de cent mille escuz, je la pourois asseurer de deslourner les desseins et effectz dc I'ennemy, par la levee et pratique que je fcrois des forces francoise tant a son desadvan- taige, qu'elle auroil a beaucoup de conlenlement ce qu'elle verroit bien tost reussir de sa bonne et favo- rables assistance. De quoy le suppliant tres humble- raent, et de croire ledict sieur Ribault de ce qu'il dira de ma part a Vostre Altesse. je luy baiserai en cest endroict Ires humblement les mains, prian' le Createur, etc. Du camp, a Guise. LXXVII. A Monsieur dc Belin. Je commancc fort a m'eslonner de ne recevoir autres nouvelles de vous, ny aucunes responces de toutes letlres que je vous ay cscrites , n'arant poin! laisse passer d'occasion de vous faire entendre le suc- ccz de nostre voyage. Et ne debviez, ce me semble , craindrc d'cnvoyer plus lost ung homme exprez pour me faire S(}avoir en quel eslal vous esles de vostre 0^.1 liberie , qui est ce que je desire le plus. J'eslime que Yous n'aurcz laisse de vous servir de roccasion que je vous mendois pour faciliter les convois de Dreus , Chorlres el Dourdam , et mesmes de vous ayder des forces qui sont par dela , pour le ponl Saint-Cloud , s'il est vray qu'il aye este repris de I'ennemy, comme j'ay esle adverli par Desporles. Je pense aussi que I'argent , le bled et les forces que je vous ay envoyez 42 — traversier en la forest de Bord , comme vous pouvez vous asseuier de tout ce qui me sera recommande de voslre part. J'ay veu aussi ce qui est arrive pour les deputez de Diepe, dont j'ay este extremement marry : mais cela ne doibt passer plus outre, ny alterer la bonne intelligence et correspondance que je vous ay conjure d'entrelenir entre vous et le sieur de Villars, comme le meiileur moyen de renverser tous les desseins des ennemys dans le pays ou ilz ne pourronl entreprendre, si vous estes bien conjoinctz; et au contraire ne fauldroict pas de se servir de I'oc- casion, s'ilz vous voyent divisez. A quoy vous pouvez obvier par voslre prudence, comme je vous en prie, cognoissont que ce (|ui a este faict par les chevaliers de Grillon (1) et d'Oise (2) n'a point este a intention de vous contrarier en fagon quelconque , ny de en- treprendre sur ce qui est de vostre authorite, mais par la seule faulle de n'avoir este adverli. Je vous prie aussi,si vous vous appercevez que Ton veille allaquer Avronches, dele secourir en toutceque vous pourrez , les en asseurer et forliffier Messieurs d'Avranche (3) et Saint-Taurin (4.). Je vous asseure de rechef que je ne faudrai a vous envoyer dans peu de jours une bonne somme , pour soustcnir les frais (1) George de Bertou, gouverneur de Hontleiir , frere puinc du brave Crillon. (2) George de Brancas, chevalier d'Oj'se, frere puine de ramiral de Villars. (3) Francois de rericart, eveqiie d'Avranches, frere du secretaire d'Etat. 11 avail succede sur le menie sii^e a George, son aine, mort en 1587. (4) Guillaume de Pericart, abbe de Saint-Taurin d'Evreux , doyen du chapilre el couseiller au parlemcnt de Ronen , frere des precedents. — 5/*?} — que je scai qu'il voiis l\uiU fairc en vostre charge , n'ayani plus grand desir ({ue de vous donner telle salis- faclion que vous ayoz subject de tout conlenlement. Cost du camp, a Guise. XCIV. A Monsieur V ambnssadeur (FEspacjue a Genes. Monsieur, Vous avez lant rendu de lesmoignuge de vostre bonne affection au bien dc cest Eslalet advan- cement de ceste saincle cause , a I'endroict de ccux qui sont passez de ma part en voz quarliers pour aller vers S(i Majesle Calholicque , que je ne puis que je ne ressenfe vous en avoir beaucoup d'obligation en mon parliculier. Ce que j'ay prie Monsieur Je pr(^sident Janin, present porteur, de vous represcnter, vous suppliant , pour comble de ce qu'il vous a pleu desja me faire pai'oistre de vostre bonne volunte, le vouloir assisler de tout ce qui dependra de vous, en son passage ; vous asseurant que je n'aurai jamais moyen de m'en revancber que jene I'emploie volun- tiers , en tout ce que vous s^auriez dcsirer de moy. Sur ceste verite , je prie Dieu , etc. xcv. Dudict jour. A Monsieur de la Ilaquierie (1). Monsieur de la Haquierie, Faisant eslat de sejourner quclquc temps a Soissons pour pourvoir aux affaires qui m'y appellent, j'ay pense que ce seroit une oc- casion assez commode pour me venir Irouver, ce que (l~i Alias : llaguierit!. — 'Wi — je vous prie de faire plus lost que vous pourrez. Ce ne sera poind sans subject de vous employer en chose dont je m'asseure que tiendrez conlentemenl. Sur ce , je prie Dieu, etc. XCVI. A Monsieur de Savillac (1). Monsieur de Savillac, Ayant eu advis des delibe- rations que faict I'ennemy de remettre sus des forces pour le printems, a fin de s'essayer de faire quelque effort, je me liens si asseure de ceux qui comme vous ont faicl paroistre leur affection a ravancement dc cosle saincle cause, quejene double point qu'en estant assisle, je ne irouve assez de moyens de m'opposer a ses desseins, avec ce que j'ay desja au prez de moy des forces qui me sontrestees de I'armee de Monsieur le due de Parme. G'est pour quoy je n'ay voulu perdre ceste occasion de vous en adverlir parliculiere- ment, pour I'asseurance que j'ay que vous ne vouldrez estre des derniers a participper a I'bonneur el au merite (jui nous en poura demeurcr; vous priant de vouloir bien faire le meilleur nombre que vous pourrez de voz amys, pour me venir trouver dans le mois de Febvrier au plus lard. Et adviserez, s'il vous plaisl, avec Monsieur de I'Estrange (2) des moyens qu'il fauldra tenir pour lesdictes levees , affin que , I'ar- gent arrivant , Tung de vous deux nuisse venir et amener les forces. Et croyez que j'aurai point de (1) Alias : Sevillac. II y avail alors dans le Vivarais une fainille noble lie ce nom. (2) Rene de Hautefort, seigneur du Teil, puis de Lestrange, gen- lilhomme de la chambi-e de Henry III en 1582, depuis gouverneur dn Piiy en Velay et conseiiler dn roi. — 245 — moyen de vous faire paroislre I'eslime et I'estat que je fais de vous , que vous n'en receviez toule la sa- lisfaclion ijue vous sgauriez desirer. Sur cesle ve- rite, je prie Dieu, etc. XGVII. Dudict jour. A Monsieur de Saint Taurin. Monsieur de Saint Taurin , Je vous ay escril par une autre voye sur les letlres que j'ay receues par de^a pour vostre frere, el ay charge parliculierernent ce porteur de la depesche au Pays Bas de la Nor- mandie , pour la convocation des eslatz a Orleans, dans le XX^ du mois prochain ; laquelle je vous ay bien vollu addresser pour vous prior d'en faire faire la diligence que vous verrez estre requise, faisant remplir les leltres des genlilzhommes, des noms de ceulx que, pour la cognoissance que vous havez , vous jugerez eslre plus a propos ; aportant pour la deputation qui en doibi estre faiClc, a I'egard que se puissent estre personnes de la sufTisance et capacite desquelz il y aye aparence d'esperer quelque bonne et saincte resolution pour I'establissement de cez affaires el conservation de nostre religion. .\ quoy, sgachant combien vous avez tousjours eu d'affection , je ne vous ferai cesle plus longue que pour prier Dieu, etc. LGVIII. Dudict jour. A Monsieur d'Avranches. J'ay veu les letires que vous avez escriles a vostre frere, ou j'ay esle bien aisc d'enteudre la responce — 240 — que vous avez faicte a Monsieur de [Monlpensicr (i)], le bon (jebvoir que vous avez rendu a la consevvalion de vostre ville, pour laquelle encores que je n'esiime que vous ayez a craindre ricn de ce cosle la, qui faict plus de contenance de lircr vers la Brclaigne ou il trouvera de quoy s'exercer, je ne laisse touteffois, pour vous donner d'aulant plus d'asseurance du soing que j'en voudrois prendre en ceste occasion, d'en escrire porlicuUierement a Messieurs de Saint Malo pour vousayder de leurspoudres el munitions de guerre, dont je vous cnvoye les leltres a cesl effect, et de prier Messieurs de Tavanes el de Medavi de se lenir preslz pour vous ossisler de tout ce qu'ilz pour- ront, ce que je m'asseure qu'ilz ne faudront de faire. Vous vous pouvez asseurer ouUre ce que voyant de quelle affeclion vous vous y eniployez, je ne faudrai de vous faire lenir dans peu de jours quelque bonne sornme de deniers pour subvcnir a la despense qu'il vous y fault supporter. En lesmoignage de ceste vo- lume,, j'ay accoi'de les deux placelz que vous avez envoyez pour Messieurs de Ponnairaille et Maronne, ayanl mesme affection a tout ce qui vous touchera ou me sera recommande de vostre part, et que je vous ayme et honnore de tout raon coeur, ce que vous croirez. LCIX. A Monsieur de Saint Taurin. Monsieur de Saint Taurin, J'ay cste bien aise de sQavoir ce qui se passe en voz quartiers par ce que (1; Fi-.Tiirois dc Umnbon, due de Monlpensicr, gouverneur dt> Nornwnilip pour le roi de N;naric. Ce noni est deplacedans Ic iextc. - 247 — vous en avez escril a Pericard, vosire fiere, et ay depesche incontinent a Monsieur de Tavane et au baron de Medavi pour assister Monseigneur I'evesquc d'Avranclies de ce qu'ilz jugeront eslre de besoing, si I'ennemy se prescnle, el a Messieurs de Saint Male pour le secourir de poudres el munitions de guerre a cest effect. Je ne voy pas louteffois qu'il y ayt ap- parence qu'il s'arresfe la, son desseing eslant de lirer en Bretaigne oii il aura assez de quoy s'exercer. J'ay faicl expedier lellrcs que me demandez pour Messieurs de Ponnaimille et Maronne, ausquelz, en vostre consideration, j'ay desire faire paroistre ce que je voudrois faire pour vous mesme, que je cheris autant que personne du monde. En cesle volunte, je prie Dieu_, etc. G. A Monsieur de Savoy e (1). Monsieur, Je craindrois que Vosire Allesse n'eust quelque occasion dc se plaindre du sejour que le sieur de la Croix (2), son conseiller d'Elat, a faict en la ville de Lan, sinon qu'elle me fera , s'illuy plaist, cest bonneur de croire que je n'oublierai jamais de rendre tout respec a ceulx qui viennenl de sa part el a la qualilc qu'ilz licnnenl prez sa personne. Le peril des chemins empeschez par les ennemys en plusieurs lieux el I'eslongnement de mez trouppes m'ont apporle ce malheur , avec beaucoup de desplaisir, pour ne (1) CharlcS'liuiiiiamiel I", tils unique dlininianuel I'hiiiberlcl tie Marguerite dc France, ne en 1562 , mort en 1630. ;2) Jean de Margaro . seigneur de la Croix. - 248 — pouvoir si tosl que j'eusse bieii (h-sii'c enlenJre la creance et les commandemenls qui iuy avoil [)leu de m'adresser , par le raj)porl qui m'en [a] esle faict , dont ledict siinir de la Ca'oix s'esl acquite Ires digne- ment. Je rccognois dc plus en plus avcc combicn de franscliisc el de seincere inlenlion Voslre Allesse a erabrasse la defl'ence de I'honncur de Dieu, y aiant employe ses moyens el ses forces en Provence et Daulphine , qui sonl les deux conlrecs de ce royaulme des plus travaillees et oppressecs par les hereliqucs, et sur lesquelz ilz ont principallemenl jecle les fon- demens dc leurs pernicieulx dcsseings. J'eslimerois de fallir a mon debvoir et de la charge qui m'esl com- inise , si je n'en remerciois Ires humblenient Voslre Allesse poui' tanl de declara'ions et de bons effeclz de son saincl zele ; et Iuy aianl pleu adjousler au bien general ses faveurs parliculieres pour ce qui me touche , ce m'esl double obligalion ([ui me lie Ires estroiclement a son service. Je la suppliray Ires lium- blemcnl de faii'e eslal de ma perfaicte el entiere alTeclion , vouloir conlinuer son secours el appuy aux calholicques desdictes provinces qui n'en ont moins de besoing a present que du passe , mesmes que j'ay advis que les ennemys desseignent y faire de grands elTorls et le presser. Vostre Allesse fera chose digne de sa grandeur el piele, et meriloire envers Dieu et la France, allaquelle elle est joincle par tanl de liens de proxiraile et d'alliance, et dont les gens de bien Iuy auront une perpetuelle obligalion. Pour mon regard , je m'en sentiray de plus en plus redevable de luv continuer raa Ires humble servitude , me rernetlani sur la sulTisance et fidelitc de son ambas- sadeur dc lout co (pi'il dira de ma part a Voslre — Ud - Altesse, pour luy baiser Ires humblemont les mairiii- et prier Dicu, etc. CI. A Madame la dmhessc do Savoyc (1). Madame, S'en retournanl le sieur de la Croix, je I'ay prie dc lesmoigner a Yosire Altesse ma devotion a son service et les intinies obligations que je reco- gnois avoir a Sa Majeste Catholique et a ceulx qui luy altouchent de si prez. J'espere (jue Voslre Altesse me fera cest lionneur d'en prendre asseurance dc moy qui m'eirorceray de hiy en rendre Ires certaine preuve, par I'exL'cution des commandemens dont il luy plaira de ni'honorer, ainsy que led id sieur de la Croix m'a promis luy faire entendre; sur la sufiisance duquel me remetlant, jen'estenderay dadvenlage la presenle que pour baiser Ires humblement les mains de Voslre Aliessc et prier Dieu, clc. Gil. A Monsieur le grand due de Toscane (2). Monsieur, Voslre Altesse m'a faict cest honneur que jc ticns tres cber d'ouir paliemment le sieur Desporles qui avoit charge de la visiter de ma part et luy rendre compte de I'estat de noz affaires. J'ay depuis advise d'envoyer a Rome et vers les princes d'Istalie, pour mesmc eflextz, Monsieur I'archevesque (1) Catherine d'Aiitriclie, fiUe de Philippe 11, loi dEspagne. {i) I^^idinaiul I", second (ils ilc Cosme T'et d'Eleoncire de 'I'olede, d'abord cardinal. II so maria, le 30 Avri! 1589 , avec Christine de Lorraine, fiile de Cliarlcs III, due do Lorraine. — 250 - de Lion, primal des Gaulles el garde des sceaulx de France, el prelal de Ires grande suffisance el dignile: auquel ayanl confie loul ce que je pourrois moy mcsme representer, si j'avois cesl heur de voir Voslre Allesse, qui seroil bien I'ung de ines plus grands desirs, il ne sera besoing que je luy face plus longue leltre que pour la supplier Ires bumblemenl d'adjous- ler foy audicl sieur de Lion , el recevoir mes Ires humbles baise mains, prianl le Createur, etc. cm. A Madame la grand duchesse. Madame , Yoslre Allesse ayanl cognoissance des merites el rares qualilez de Monsieur I'archevesque de Lion , adjouslera beaucoup de foy a ce qu'il luy fera entendre de I'eslal des affaires de la France el nous honnorera , s'il luy plaist, de tanl que de s'eraployer envers Monsieur le grand due pour le secours el assistance de noz saincles enlreprises, les- quelles sont du tout dressees a radvancemenl du service de Dieu el au salul des calholiques. Cesl chose, Madame, que nous sommes lenuz de procurer; el si nous estions si mal advisez de nous desvoyer de la piete de noz ancestres, nous ferions Irop de prejudice a nos consciences el a la marque d'hon- neur que les noslres nous onl acquise au pris de leur sang. Voslre Allesse le scjaura bien considerer et de combien il imporle que nous [soyons] conforlez et assistez par les princes el potenlatz calholiques, qui ne sonl moins joincts d'inleresl que de foy el crcances avecnous. Et nous voulons esperer que mondicl sieur le grand due , que Dieu a doue d'un singulier juge- - 251 - iiient, favorisera noz sninctes intentions, coinme nous supplions tres humblement Vostre Allessc de I'y vouloir disposer pour le bien de ce royaume , I'es- lablissement de nostre religion et la reputation et seurete des siens , qui luy en rendronl Ires humble service. Madame, aiant baise tres humblement les mains a Vostre Altesse, je priray Dieu, etc. De Guise. CIV. A Monsieur le due, de Ferarre (1). Monsieur, J'ay lousjours faicl part et communica- tion de noz affaires a Tambassadeurde Vostre Altesse, pour luy en donner advis, oultre ce que je luy en ay escript a toutes les principalles et importantes occa- sions. Et comrae je suis sur le point d'y prendre une bonne et ferme resolution, avec le consenlement des estalz generaulx de ce royaume, a^ant juge que c'es- toit le chemin que j'y pouvoistenir, j'ay pric Monsieur I'archevesque de Lion, prelat d'honneur, de qualite et de merites , de traicter specialement avec Nostre Sainct Pere el avec Vostre Altesse , a laquelle j'ay obligation de tout debvoir et respect , pour la supplier tres humblement de me vouloir tant honorer que de croire le sieur de Lion de ce qui luy fera entendre, et me commander el conseiller de quelle fagon j'aurai a me conduire en cesle convocation el (1) Alphonse d'Esle, due dc Ferrare, pelit-fils de Louis Xll, oncle de Mayeniie. 11 fiit marie liois fois; sa dptnioic femiiip elait Mari^iierile de Gonzasuc. — 252 — tcnue d'eslalz, de laquelle je veulx esperer ung tres grand fiuict, el d'y faire intervenir son arabassadeur ordinaire, on lei aultre de ses minislres qu'il luy plaira choisir et deputer. Monsieur, ayanl supplie Vosire Altesse de me bien heurer de la continuation de ses bonnes graces, je luy baiseray tres bumblement les mains, prianl Dieu, etc. CV. A Madame la duchesse de Ferarre. Madame, J'ay longuement difTere d'envoier vers Voz Allesses ung pcrsonnages de qualite, pour le de- sir que j'avois de faire accepter ceste charge par Monsieur I'archevesque de Lion, I'ung des premiers prelatz de la France en dignite ei meriles. II sgaura trop mieulx reppresenler a Vostre Allesse tout I'estat de noz affaires que je ne luy pourois deduire par lellres, et luy sera tesmoing de I'affection que j'ay vouee a son service. Dieu me [donne], s'il luy plaist, la grace de luy en rendre autant de preuve que j'en ay de desir et volunle, et de conserver Vostre Altesse, a laquelle je baise tres bumblement les mains, priant Dieu , etc. CVI. A Madame la duchesse d'Urbin (1). Madame, Vostre Altesse ne pent estre mieulx in- •formee du general des affaires de la France et de mon particulier que par Monsieur I'archevesqtie de Lion, (I) Lucrccc l''ariii'S(\ femiue de Frani;ois-Marie 11 dc la Hovcre. — 253 — qui est ties premiers en la coiiduite d'icelle el duquel le nora est de soy Ires recommandablcs, pour ses me- rites et sa singulicre prudence. Je suppliray tres huinblenient Voslrc Altessc de le vouloir lionnore de son audience et moy de la continuation de ses bonnes graces, ne pouvant me representer plus heureux que quand j'aurai quelque moien do luy en rendre tres humble service, selon le dcbvoir et obligation que je luy ay. Madame, aiant baise Ires humblement les mains a Vostre Altesse, priant Dieu, etc. CVII. A Monsieur le due d'Urbin. Monsieur, Je m'estois fort resjouy de I'esperance que nous donnoit le feu pape de la venue de Vostre Excellence par deqn, avec les forces de Sa Saintete, pour le soustenement de I'Eglise et du Saint Siege , m'asseurant qu'avec la conduite d'un tel clief de val- leur et d'experiance, les aflaires reccpvroicnt en peu de temps ung Ires grand amandement. S'il plaisoit a Nostre Sainct Pere reprendre les mesmes arremens et commettre a Vostre Excellence la charge et com- mandement de I'armee dont nous esperons d'estre assistez et secouruz, la France luy en demeu[re]roit tres obligee et je me sentirois bien heureux de m'y joindre el n'espargner ma vie, non plus a I'adve- nir (|ue j'ay faict cy dcvanl, [lOur una si juste querelle. Je me remettray sur cc (jue lay en (lira Monsieur I'archevcsque de Lion, qui s'cn va Irouver Sa Saintcte de ma part pour luy rendre compic, comme au chef de la bergerie chreslienne , de Testat auquel nous somraes el implorer son seceurs et ses sainctes be- — 254 — nediclions. Je baiseray bien humblement les mains (le Yostre Excellence, priant Dieu, etc. CVIU. .4 Monsieur le due de Mantone (1). Monsieur, Ne faisant point de double que noz ennemys n'essayent de diverlir les princes calholiques de I'aide et assistance que nous esperons d'eux pour le soustenement d'une si saincle cause a laquellc ilz n'ont moins d'i«lerest que nous , et leur esblouir les yeulx de certains ombrages et artifices . j'ay bien voulu informer Vostre Allesse de la verile des affaires par I'un des premiers prelatz de ce royaume , qui est Monsieur I'archevesque de Lion , lequel a lant acquise de reputation et d'authorite par ses vertus et la gran- deur de ses merites , qu'il porte sa foy et sa creance avecques soy. Je suppliray done tres humblement Vostre Allesse de le vouloir ouir et croire , que sans aulcun fard ny desguisenient il luy representera I'es- tat de toules choses, et que elle mesme jugera que la conservation des calholiques en la France n'importe de peu a la seurele el repos de noz voisins. Monsieur, je baiseray tres humblement les mains de Vostre Altesse , priant Dieu , etc. GIX. Aus Venisiens (2). Messieurs, Je n'ay jamais rien lant d(^sire que jusliffier mes droites inlentions plus lost par bons (1) Vincenl I" dc Gonzague, due de Manloue en 1587. .^2) Le doge etait Pascal Cirngna. — ^255 - effeclzque pardesguisemens et artifices, jugeanl, oul- tre moil nature!, que I'un esloit plus honnorable que I'aultre et plus digne des princes de ma qualilc , en la face desquelz ne doibt reluire que toule rondeur el verile. Et combien que noz ennemis se servent de moiens assez sinistres pour pallier et couvrir leurs pernicieulx desseings qui n'ont aultre but que la sub- vertion de nostre saincte religion et des loix et formes de ce royaume , si ay je esperc que vostre auguste senat remply d'un si bon nombre de gentilz bommes d'honneur norriz au maniinent des grands affaires , fonderoiljugement^ nonsur les apparences ou faulces representations , mais siir la nue et pure verite et sur Injustice de nostre cause. Nous maintenons nos- tre saincte religion, et eulx s'cfforcent de la ruiner et aneantir; nous combaltons pour ne point perdre le depost de la foy et creance de noz majeurs , et ilz tachent de le nous arracher des mains ; nous nous opposons a I'introduction des beresies el de cellos mesmemenl qui ont engendre tant de troubles en toule la chrestiente el lesquelles establies la renver- seroient de fondz en comble , et ilz nous veuUent contraindre de les recepvoir el reduire ce tres Chre- tien royaume soubz le joug et la dommination des hercliques. Vous jugerez , Messieurs, de quel cosle doibt lomber I'inclinalion de voz favours, qui sgavez Irop mieulx considerer que , oultre le debvoir que nous avons a Dieu el a noz consciences, il nous louche a tous de ne souffrir aucune alteration ny cliange- nienl a I'Eslat qui nous est delaissee par noz prede- cesseurs, et que les novalitez sont le chancre et la pesle des monarchies el republiques. Je vous en dirois d'advantaige, sinnn que Monsimu" I'archevesque de — "256 — Lion , primal ties Gaules el gaicic des sccaulx de France , le sgaura Irop mieulx reprcsenler a voslre augiisle senat, auquel puis que j'ay cesl honneur d'estrc adcple par Ic droicl de ma maison, je ne doibz point faire de dificiiUc d'y addresser mes plaintes , et implorer le secours et favorables assistance qui est deuc a la conservation du service de Dieu, lequcl se rend protecteur des principaultez et puissances mon- daines aullanl et fi longuement que nous nous employons pour la deffence de son saincl nom. Messieurs, vous ayant baise, en general el parli- cuUier, Ires humblement les nmins , je prieray , etc. ex. A Monsieur de Ligny (1). Monsieur, Envoiant Monsieur le president Janin , present porteur , conseiller de cest Eslat , passer par voz quarliers pour aller de ma part vers Sa Majeste Calholicque , je n'ay voullu fallir de le charger de ce lesmoignagc de rafTeclion que je vous ai vouee , en recognoissance de celle donl il vous a pleu me rendrc preuve , oullrc la recom- mandalion que je luy ai faicte de vous offrir de ma part tout ce qui dependra de moy pour voslre contenlement; vous suppliant de croire que jcn'aurai point de moyen que je ne I'employe tres volontiers a vous en donner davantage de confirmation. Vous m'obligerez encores de plus en plus, s'il vous plaist me faire ceslefaveur, d'assister ledicl sieur president (I) Miiiistic du dm- dc Savoic, cnvoye par le piiiicc en Espagnc, .til mome teinp.s que Jeaiiniii. — -257 - de ce (jiii dependia de voslre oiilliorile pour son diet jjassii^e. Je prie Dieu , etc. CXI. • Uudicl jour. A Monsieur de Monrikd (1). Men pere , Je vous avois escrit par le sieur de la Riviere (2), auquel j'avois donne les responces de loules les despesches qu'il m'avoil aporlees de vostre quarticr ; mais ayanl eii advis que la difticulle des cliemins ravoit encore relenu a Paris, jen'ay voulu perdre ceste occasion, ce pendant qu'il pourra s'aclieminor vers vous , de vous donner ce lesmoi- gnage de I'eslal el eslime que je fais de la devotion dont je sgai que vous embrassez tout ce qui est du bien de cez afl'aires ; laquellc vous supplie do con- tinuer, avec asseurance que je n'auray jamais moyen de vous fairc paroistre le desir que j'ay dc ni'eu res- senlir, pour Tohligalion que je vous en ay en mon parliculicr, que ce nc soil a voslre conlenlemenl. En cesle volume, je prie Dieu, elc. CXII. A Monsieur V emhassadeur d'Espagne eu Savoye. Monsieur , J'ay a beaucoup de pkiisir I'occasion qui s'esl presentee du ictour de Monsieur de la Croix pour le tesmoignage qu'il vous pourra I'endie du (1) Louis Otldiiiet, haion de Monfort, seigneur de Montreal, chef des Ligueiirs du Vivarais. [i] D'une famille dc la Ni)rmnii(lic. XXIX. 17 — 258 — ressenliment ([uc j'ay cle vostre bonne atleclion en nion endroict; lequel j'ai bien voulu accom|)agner (Je ce mot, oulre celuy que je voiis fais pareillement par Monsieur le president Janin, pour vous donner d'autant plus d'asseurance de la volonle en laquelle je suis de m'en revancher, en toutes les occasions ou j'aurai moyen de vous servir. En cesle verite (|ue je confirmeray davantage par les efTeclz , je prie Dieu, etc. CXIII. Dudict jour. A Monsieur Vevesqnc de Grenoble (1). Monsieui', Vous avez faict [laroislre voslre saincte affeelion au bien de cez affaires avec tant de verlu et de merile, que je ne puis manquer a vous ren- dre tesmoignage de la reputation que vous en avez acquise par toute la France et cle I'obligation que je sens vous en avoir en mon parliculier, pour m'en revancher en toutes les occasions qui se pourront presenter pour voslre contenlement, au(juel je vous supplie de croire que le mien sera tousjours de me .conformer aulanl que vous sgauriez desirer. Je vous en avois (lesja donne quelque asseurance par le sieur de la Riviere que j'avois charge de vous faire en- tendre toutes nouvelles de dega ; mais parce (jue la difficulte des chemins Ic peul avoir retarde, je n'ay voulu perdre ceste occasion de vous en rendre ceste prcuve, que jc confirmerai de tres bon coeur par les effectz, partout ou j'en aurai Ic moyen. Sur cesle vei'ite, je prie Dieu , etc. (1) .lean (le l.i Cioix, seii^iieiir de Clieviierc, aiicien pivsident au j)arleiiient du I) uniliiiie. — ^259 — CXIV. A Messieurs Ics deppulez de Dauphinc (1). Messieurs, J'avois clevanl (|ue paiiir de Paris de- pcsche le sieiir de la Riviere el satisfaicl a Ions les poinclz qu'il m'avoit rcprcscnle de voslre pari, mais ayanl sceu ipie la difficulte dii passage I'avoil relenu a Paris, jo Fay iiiande pour luc venir trouver el luy donner, oiiilrc sa dicle depesclie, cognoissance des aulres choses qui sc sonl passees depuis, pour vous faire plus pai'liculieremenl entendre I'eslat des affaires el la volunle que j'auray lousjours do me conCormer a ce qui sera ile voslre contenlement. ,5e n'ay cependunt laissce perdre cesle occasion de vous en donner as- seurancc el de la bonne disposition desdicies affaires, (|ue je vous prie, de voslre cosle, conduire en ce qui deppendcra de vous le plus que vous pourrez, a la mesme fin que nous soinmes lous propose?, qui est le Lien el salul de cesl Eslal el la conservolion de noslre religion. De (]uoy m'asseurant que vous ne manquercz a lout ce qui se peull espcrer de voslre Ijonne affeclion, je ne vous feray cesle plus longue que pour me recommander tres affeclueusemcnt a voz bonnes graces et prior Dicu, elc. cxv. A Monsieur le conte de Suze. Monsieur le conle, Je vous cscrivis dernierement pour la convocation des eslals el deputation de ceulx (I) Dans k> iiiaiiuscril, ccUc (Icpeclui se Iroiivc en doiiiile, au Tcilio suivant. - 26U — lie la noblesse que vous cognoislrez avoir du zele a Fadvancement de cesle saincle cause, a quoy je m'as- seure que vous liendrez la main comme il fault; et parce que unc autre occasion nous semond ce pendant a ne nous endormir point d'ailleurs, je vous supplie faire a mas du plus grand nombre de voz amis que vous pourrez, selon (jue desja je vous ay escrit, pour me venir trouver dans la fin du mois de Febvrier pro- chain, a fin que, joinct aux forces que je mande d'ail- leurs et celle que j'ay desja, nous puissions tous en- semble nous opposer a celles que I'ennemy faict estat de meltre sus (1) dans ce mesme temps, et rompre par quelque bon effect ses desseins, s'il est possible, a fin de donner quelque repos el aporter avec I'ajde de Dieu quelque meilleur establissement en ce pauvre royaume. Je m'asseurc que vousnevouldriez manquer a recevoir voslre part de I'bonneur et du merite que nous pourons acquerir a ung si bon [oeuvre]. Je vous prie de reclief de tenir voz trouppes prestes, asseure que je vous envoyrai I'argent pour les faire marcher; maisje desire qu'elles n'arrestent point aprez, affm qu'cUcs puissent estre icy dans le temps : de quoy m'asseuranl, je prie Dieu , etc. Du camp, a Guise. CXVI. DudicI jour. A Monsieur de Lcstrangc. Monsieur de Lestrange, Voslre affection eslant telle que je I'ay tousjours cogneue , il ne- vous fault (I) Ms : sinrc. - m\ — point (Ic I'exiter dadvantaigo a ce que je m'cn suis de lout lemps promis pour le bien et advancement de cesle saincle cause. El pour [ce] que les ennemis se preparenl a de grandes forces, lant dedans que dehors le royaume, qu'ilz deliljercnl de mcllre a sus pour faire ung effort dans peu de lemps, a quoy d6si- rant de m'opposer avcc mes amys , autanl que Dieu m'en fera la grace , je vous supplie vouloir eslre de la parlie el me venir Irouver avec les meilleurs nombre do voz amis, autanl que vous pourrez dans la fin du mois de Febvrier prochain. Je ne faudrai point de vous faire tenir I'argenl a point nomme pour voz trouppes tanl de cbeval que do pied : mais je desire qu'elles puissent estre en estat pour marcher incontinent , a fm que vous ou Monsieur de Sali- gnac (1) les puissiez conduire, suivant ce que vous aviez arreste , eslanl par derja ; avec Monsieur le seneschal; de ce que me promeclant de vostre aflec- tion , je ne ferai ceste plus longue que pour prier Dieu , etc. CXVII. A Monsieur de Saint Vidal. Mon pere , Je vous ay escrit cez jours passez fort amplement de tout Tcstat de noz affaires pour la convocation des eslalz ct pour vous tenir prest avec- que bon nombre de voz amis, a fin que I'occasion se presentant de vous appellor , je peusse faire I'estat (1) nertraiul de Salignac , vicomtc dc Sainl-Julion , conseiller d'Etat.capitaiiie de cinquanle homnies d'armcs.depuis aml)assad('ur en Angleteire et en Rspagne. — %2 — asseuro que je fais He vous, 'aiilonl que de (rion (1) propre pere. Suivanl cc cicrnier subjecl, je n'ay voulu faillir de vous adveilir tie rechef el supplier de tout raon coeur, d'assembler les forces que nous avions advise par ensemble, lant de piedz que de chcvai, el encores plus grandes si vous pouvez , pour me venir trouver dans le mois de Febvrier tout au phis lard , a fin de nous pouvoir opposer a bon escient a celles que I'ennemy se promecl de meltre sur ce lemps la , tanl de Irouppes francoyscsqu'eslrang'6res, el delivrer, s'il est possible , par quelque bon cfTecl, ve pauvre royaume des calamilez qui raffligent. Vous asseuranl que, ce pendant, je feray loul ce que je pourrai pour vous secourir d'une bonne somme de deniers el que je ne lerrai de lenir tousjours par devcrs moy ung bon fond pour survenir a ce qui sera plus necessaire el vous donner particulieremenl tonic la satisfaction que vous sgauriez desiier. Je vous supplie el conjure, encores ung coup, de vous en venir dans ledicl temps el avecq la meilleure compaignie que vous pourrez. Je fais passer vers Messieurs (2) de Lyon le president Janin, qui leurs fera entendre leslal de noz affaires pour vous en faire part, ainsy que nous Ten supplions; sur quoy uie remcctant, je ne vous ferai plus longue lettre. Ce qu'allendanl, je prierai Dieu, etc. Du camp, a Guise. [i) Ms : noz. (2) Ms : Monsieur. Voir la leUre ci-apres. — ^63 — CXVIII. Dudicl jour. A Monsieur dc Rochefort (1). Monsieur tic Rocheforl , J'ay lanl de lesmoignagc de voz bons offices en ce qui depend de vous pour le bien de cez affaires , que je ne me lasse point de vous donner asseurance du desir que j'ay de les re- cognoistro, en chose qui vous puisse donner conten- lement. Je vous en escrivis derniereinent autanl par le sieurde la Riviere, avec responce a lous les poind/. qu'il ine proposa de voslre part. Mais ayanl cu advis que, pour la difficulle du passage, il csloil deuieure a Paris, je I'ay mande par deqa, on je I'altens, pour le recharger de nouveau de ce (|ue j'auray vous faire entendre et a Messieurs de voz quarliers, ausquelz je le renvoyerai ; vous priant ce pendant de continuer de bien en mieulx, avec asseurance qu'il ne se pre- senlera point d'occasion que je ne vous face cognoislre ce que je desire faire pour vous. En ceste volunte, je prie Dieu, etc. CXIX. A Messieurs les maire et eschevins de la ville de Lion. Messieurs, Envoyant Monsieur le president Janin par voz quarliers pour passer oulire, je n'ay voulu perdre ceste occasion de vous donner advis de I'estat des affaires qui sont, graces a Dieu, en tres bonne (l) Joacliim de Rochefort, sieur df I'Ictivaiil, servait Mayenne en Bourgogne et en Daiipliine. — 26.4 - disp'osilion ct (elle que nous en pouvons csperer encore a I'advenir quelque mcilleur estnblissemenl, ainsi que vous pourra faire entendre plus pnrlicu- lieremeniledict sieur president, que j'ay prie de vous tesmoigner de ma part le desir que j'ay d'avancer, autanl qu'il m'est possible, le bien et le saluldecest Estal, et d'embrasser en parliculier lout ce qui vous toucbe, pour la bonne affection que vous avcz tous- joursapporleea la conservation de la religion, comme de la chose que nous debvons tons avoir la plus chere, et a laqnelle seulle nion inlenlion a estc el sera tousjours dressce. Je ne vous en feray ceste plus longue, me remeclant a ce que vous en poura dire Icdict sieur, pour prier Dieu, etc. CXX. Dudicl jour. A Monsieur le conte de Collatte (1). Les tesmoignages que vous m'avez renduz de vostre affection en la diligence dont vous avez use pour me donner advisde ce qui se passoit par dela, au desad- vantaige de ceste saincte cause, me font tant esperer du soing que vous prendrez pour vous opposer avec(( noz amis a lout ce que vous pourrez cognoislre de contraire a la conservation de ceste ville, pour la- quelle vous vous estes desja tant et si honnorablement employe, et pour le bien et salut du general, que, cognoissanl le besoing que vous y faicles et I'exigence de ceste occasion, je loue que vous ayez retenu jusques a cesl heure voz troupes pour en ayder ladicte ville (1) Celte piece se troiive en double, nu folio suivant. — '265 — cl en disposer scion I'advis de Monsieur le contc do Belin el de Messieurs de la ville, jusqiies a cc (|u'on puisse voir plus elair en cez rnmeiirs. |)0iir puis aprez fes employer ailleurs a relTecL aufiucl elles ont este destinees. J'envoyray inconlinnnt [apres] ce por- leur ce que je pourray converlir en or pour vous faire tenir, et ferai suivre cesle somme bien tost apres d'une plus grande, dont les deniers sont tous prez a Anvers, sachant que eelle cy n'est pas suffisanle pour vous donner la satisfaction (|ue jc desire que vous ayez de moy ; sinon qu^en attendant vous cognoissez tellement I'eslat de noz affaires, que je m'asseure que vous jugeroz assez que ce n'est pas faulle de bonne volunte : latpielle je ne lairre de vous lesmoi- gner en toules les occasions qui s'en presenteront pour vostre contenlenient. G'est du camp, a Guise. CXXI. A Monsieur dc RondineUi (1). Ayant eu advis de ce qui se passe par dela en fa- vour de noz ennemys, j'ay escrit araplcment a Messieurs de Belin et prevosl des marthans mon intention pour ce regard, et vous priede les voir et masoeur(2), pour adviser aux moyens que vous jugerez tous ensemble plus expedientz pour vous opposer a telles praticques. J'escris aussi a Monsieur le conte GoUalte, que je loue de s'estrelaissealler a retenir ses troupes pour le besoing (1) CeUe piece se trouve aussi en iioul)le, avec une seule va- riante ; au lieu do ccs mols : et ma scpur, on lit: avecmascEur et ma ferame. (2) Madame de Montpensier. — 2G0 — que la ville en pouvoil avoir, jusques a ce (jue ces rumeurseslanlpassees, onlespeulpuisaprez employer a reffect aiiquel elles ont esle deslinees, eslant bien aise [ qn'elles ] servent en cest occasion. Je ferai parlir incontinenl apres cc porleiir ce que j'ay peu recouvi'er d'argent a cest effecl, lant pour Icdicl sieur conle que pour les aullres forces eslrangeres et fran- Qoises , en allendanl une meilleure somme qui suivra celies la de bien prez. Je vous supplie d'y disposer autant que vous ponrrez ledicl sieur conle. A quoy je m'asseure que vous n'aui»rez beaucoup de diffi- culle pour la bonne affection dont il a tousjours rendu preuve a ce qui estoit du bien de cez affaires ; desquelles sachant que vous desiriez aussi I'establis- semenl autant qu'amy que nous y ayons, je ne vous en feray aultre plus particuliere recommandation, que pour y apporter tout cc que vous jugerez pouvoir despendre de vostre vigilence acoustumee. Cest du camp, a Guise. CXXII. Au seigneur Cosme (1). Monsieur, Devanl que m'eslogner davantage de la province, j'ay, suivanl vostre advis, despesche le sieur Ribaud, tresorier general, vers Son Altesse, pour luy rafraischir la memoiredela necessite extreme de noz affaires el le grand besoingque j'ay des cent cinquante mille escuz qu'il luy a pleu de me promeltre, restans des deux centz mille escuz qu'elle avoit ordonnez , a fin qu'il luy plaise les luy faire delivrer conlanl , (1) Ms : Cesme. Voir la leUre LV. — 207 ~ sans allendre la lin de ce mois iiy ile raiilie pro- cliain , ayant esgard auz grandz dcffanllz que peut produire en telles clioses le relardemenl. Si Son Altcssc avoit agrcablc de faire, oullre ce, fournir par avance cent aulres mille escuz pour employer a la levee el pratique des forces Francoises , j'espererois dans pcu de jours en avoir ung si bon nombre qu'avant que noslre cnneniy se peull prcvaloir dcs forces eslrangeres qu'il attend, j'aurois moyen avecq ceile de Son Altesse de faire une diversion dedans les provinces el eslargir du tout les passages de Paris; et par avanture , enlreprendre rjuelque cliose de plus pour Ic bien et advancement de noz affaires, donl nous tiendrons le l)ien de la faveur de Son Al- tesse el de ce que vous y apporterez, commc je vous en sup])lie, Monsieur, d'adjouster ce bon office a lant d'aulres dont vous m'avez vouUi obliger et dont je ne serai jamais content (jue je ne m'en sois revanche, partoul oil vous me voudrez employer pour vous ser- vir : qui sera d'aussi bon cueur que je vous baisc bien humblemenl les mains. CXXIII. Dudict jour. A Monsieur de Vendor (1). Monsieur, J'anvoye, suivant voslre advis, le sieur Ribaud, tresorier general , vers Son Altesse et vous, pouf recepvoir les deniers qu'il vous plaira me faire delivrer. Je vous supplie reprdsentci' a Sadictc Altesse t) L'uii (les coiiseillers du due de Parnie, comme Ic |)receflent. — 268 - que les cent cinquante mil escuz restans des deus cent mil qu'elle m'a faict ce bien de me promeclre sont enlierement assignez pour choses ti'ez impor- tanles et pressees , comme je luy ay faicl veoir par ung estal qu'elle pril la peyne de lire dernicrement , el lequel ledicl Ribaud vous monslrera, s'il vous plaist ; la suppliant comme je faiclz tres humblement et vous aussi de les faire delivrer comptanl audict Ribaud, sans aUcndre la fm de ce mois ny de I'aulre, pour la grande perte et ruine que cela ap- porteroil en noz affaires. Vous sgavez de quelle importance est le payement de la garnison de Paris. Je vous supplie et conjure d'y faire pourveoir pour le resle des Iroys moys et de faire oultre ce delivrer audict Ribauld jusques a cent mil escuz , pour employer en levees , qui nous aporleroient ung grand advantage sur nostre ennemy ; dont je tiendrai tout le bien de vous, pour le pouvoir que je sgay que vous y avez, el I'affection que m'avez tousjours faict paroislre au bien general de ceste saincte cause. Je vous supplie de croire que vous avez acquis tant de pouvoir sur moy que vous en pouvez faire estal , comme de la chose du monde qui vous est autant asseuree. Sur ceste verite, je vous baise bien hum- blement les mains, priant Dieu, etc. CXXIV. A Monsieur don Dona. Monsieur, La faveur qu'il vous a pleu faire a tous ceulx qui sont passez en voz quartierspoiir allervers Sa Majeste Catholicque me rend tant do preuve de voslre affection a ceste saincte cause et m'oblige sy — 269 — parlicullieremenl a m'en ressenlir ou j'aurai le moyen de vous servir , que je penserois manquer a mon dcbvoir si je perdois ceste occasion de vous en faire rendre le tcsmoignage , dont Monsieur le president Janin, conseiller de cest Eslat el porteur de ceste presenle , vous peull donner mesme asseurance que je ferois moy mesnies , luy ayanl donne charge de vous visiter de ma part, en son passage vers Sadicle Majesle, au(iuel je vous supplie le vouloir assisler et favoriser de vostre aulhorile de ma part. Me remeclant sur luy de ce que jo desire vous faire entendre pour remerciemenl de lant d'honneur que j'ay regeu de vous, je vousbaiseray, en cest endroici, les mains, priant Dieu, etc. cxxv. Du Xle Decembre. A Monsieur Dcsporfes. Je croy que Monsieur do Lignerac qui partist il y a trois jours de Guise aura trouve loule satisfaction lant pour rargcnt que pour les aulres choses qu'on atlendoit de dega. Je ne puis que je ne m'eslonne de ce que me mandez de Mon- sieur de la Chaslre, pour lequel j'ay faict tout ce qu'il pouvoit d6sirer de nioy, et veux croire que le sieur de Lignerac I'ayant veu , qu'il en demeu[re]ra comptanl. J'ay aussieiivoye les depescbcs pour la convocation dcs estalz des le Pont-Avert, par Pierre le Grand de la lue de Saint Ilonnore , et ne SQais quoy il tient qu'il ne soit la il y a longtemps. Mais au fori il a charge d'aller Irouver Monsieur do Boisdauphin, (pi'il rcnconlrcra encore en la Irouppos ~ no — tics aiilres, a qui il donnera ses paccjuelz. J'ay faict paiiir loul le resle despuis mon sejour do Guise par divers hommes que j'ay envoyez de tous coslcz. Voyez Monsieur I'evesque de Plaisance de ma part, auquel j'ay escril a loules les occassions, et celon I'adverlissez que j'ay donne a Monsieur Ic president Janin le pacquet de Rome que je luy pensois en- voyer, parce (|uc la voye d'Anvers m'a semblc plus commode. Je loue ce que vous vous estcs advise d'escrirc en mon nom selon que vous avez cogneii estre a propos, el trouverai bon qu'en pareille oc- casion vous suppleez au deffault que nous avons bien souvenl de porleurs et a la difficulle du pas- sage. J'espere dans peu de jours donner ordre par mon approchemenl que tous cez mesconlenlementz cesseront. Ce pendant, voyez avec ma seuret Monsieur deBelin, ausquelzj'enescris, ce quisepourra aporler; el ne laissez perdre I'occasion du relour de Monsieur de Tremonl (1) pour me venir Irouver , et amenez avec vous le secretaire de Monsieur de Lancome , a fin que je puisse depescber pour son maislre. CXXVl. A Monsieur Rondinellij. Je pensois avoir respondu par la depescbe que vous porte Monsieur de Lignerac a une partie de ce que m'escrivez par la voslrc derniere, el salisfaict a ce que peut desirer Monsieur le conte Collatle que je vous supplie d'enlretenir tousjours, en attendant ce que j'espere faire dadvantaige. J'ay escril a Mes- sieurs de Belin et prevost des marcbans pour laisser ' I Mniin de Tri'iiioiit , sirnr ili> Bois-Tliorcl , pn Nmninnilic — 271 — les Inncequenelz dans I'arsenac , jiisques a ce que m'npprochant tie vous , comme jo ferai bien lost, je les puisse faire avancer a nioy pour les joindrc au corps cle mon armee; laquelle ayant rafraiscliis huict ou (lix jours encore, je n'attendrai pas davanlage la faire loger en pays d'ennemys el de poui'veoir autant que je pourrai pour le dehors qu'il n'arrive point d'inconvenient qui rabaisse le coeur des noslres ou [remonte] celluy de noz ennemjs. Vous ensgaurez par moy les nouvelles a toutes les occasions que j'aurai de vous en apprendre. Ce pendant je vous prie d'ap- porler lousjours ce que vous pourrez pour mainte- nir ce peuple. J'oubliois de vous adverlir cpie je pro- meclz a Monsieur de Plaisance, pour la derniere de- pesche que je luy envoye, celle d'llalie, hujuelle j'ay pense envoyer plus seurement depuis par la voye de Flandres, ei a cest effect I'ay donne a Monsieur le president Janin ; ce que je vous tnande a fin qu'il n'en soit en 'peine, et vous prie I'asseurer lousjours de I'estat que je fais de la prudence et bonne affection au bien de cez affaires. Je loue vostre diligence a me faire entendre particulieremcnt ce qui se passe par dela, que je vous supplie de conlinuer. Cest du camp. GXXVII. Dudicl jour. A Monsieur le conic Collate (1). Monsieur le conic, Je vous ay escril de Guise, par Monsieur de Lignei'ac , ce (pie je desire faire pour (1) ('.('tic ili'|n;rlic csL cii clniililt', :iu i'dlio sni\aiil, sons la tlrilc In XU Dccciiilirc. vosire contenlenient el I'eslat que je iais tie I'assis- lance de voz trouppes pour Paris. J'escris encores pour cest effect a Messieurs de Belin et prevost des marcliands pour les laisser dans I'arscnac jusques a ce que je ni'aproche de Paris pour les joindre a mon armee , ce que je ferai incontinent aprez que j'aurai donne quelque temps pour le rafraischisseraent de rez troupes qui sonl en Ires bonne volunle de s'em- ployer oii je voudrai. Ce pendant, je vous supplie de continucr la bonne affection que vous avez tousjours faicl paroistre au bien et conservation de cest ville, vous asseuranl que je chercberai les moyens de la recognoistre dans peu de temps, a vostre satisfaction, aulanl qu'il me sera possible. Et sur ce , je prie Dieu , elc. CXXVIII. A Messieurs lesprevosl eteschevins de la ville de Paris. Messieurs , Je vous ay escrit de Guise ce qui s'es- toit passe en nostre acbeminement jusques la , et I'ordre que j'avois donne apres le departement de Monsieur le due de Pai'me pour faire rafraischir les trouppes que il m'a laissees , pour incontinent aprez les employer auprez dc vous a reslargissemcnt des passages et a vous moyenner loules seuretez en vosire ville. Despuis , j'ay receu celles qui vous a [tleu m'escrire [du] XXVII^ du passe , par laquelle j'ay esle bien aise d'entendre de voz nouvelles et facbc de ce que la minulle que m'envoyez ne m'a esle aussi bien rendue , que je vous eusse incontinent faicl expedier, comme je feroi si tost que je I'aurai receue ; vous asseuranl que je recbercberai ce pendant les plus I — -i/.tie. (2) Ms : vous. - 295 - j'ay receu d'aujoiirdhuy noiivelles de la creation du pape Nicolas (1) septierac, aiiparavant cardinal de Cremone, lung des sept qui avoient eslc nommez par le roy d'Espagne, fori affectionne au parly, dont nous ne pouvons que beaucoup esperer pour I'appuy que nousenavons si longtemps desire. J'en donne advis a Monsieur de Plaisance, duquol je vous supplie de SQBvoir parliculieremenl cequ'il jugera que je doibve el do quel fagon je ine conporlerai a luy f;iire scavoir I'estat de noz affaires. G'est du camp, a Braynne. CXLVli. Dudicl jour (!2). A Monsieur Ic prcvost des niarchans de Paris. iMonsieur, Je n'adjousterai rien a ce que vous escrit Monseigneur que pour vous [asseurer] de la devotion en laquelle je le voy delaisser lout aultre desseing, pour, au cas qu'il en soil besoing,- se jeller avec ses troupes au front des ennemis el n'espargner chose quelconque pourlesalutde voslre ville : maisje croy que s'ilz \ regoivenl tanlsoit peu de resistance, ilz ne s'y amuseront longuemenl , eslant appcllcz ailleurs oii est le principal desseing de s'emplo\er. Vous me ferez, s'il vous plaist , ce bien de croire que vous y avez un sollicileur par dega qui n'oubliera rien de son deb- (1) Urbain VII etait moil lo27 Scjileniljit; dc reltc aiinee rr.'.tO, treize jours ajjii's son election Lcs caidinaux, entres en conrlavc Je 8 Octobre, olurent, le 5 Decenibre, Nicolas Sfondrat. Ce pape piil le title de Gregoire XIV. Appareininenl, on ne savail |)as encore ijuet noni il prendrait. (2) Letlre d'lin secrelaire il'Etat. — 2UfV - voir pour ce regard .levousavoiy escril par Monsieur Brigard et vous supplic de reclief de nous envoyer coppie des letlres qu'on a acouslume d'escrirc a la ville et au prevosldes marchans de Paris pour la con- vocation des cstats, et si I'on a acoustume d'escrire a I'evescjueel au cbappitrea pari; ce que je vous supplie de nous faire sgavoir, d'autanl que le temps nous pres- se , et faire estal de ma devotion a vostre service, pour m'y employer par tout ou j'en auray moyen , d'aussi bon ccnur que vous baisanl, en cesl cndroicl^ bien bumbbjment Ics mains, je prio Dieu, etc. CXLVIII. Dudicl jour. A Monsieur de Belin. Je vous ay escrit ung mot de I'advis que j'ay eu du desseing du roy de Navarre pour y donner I'ordre par dedans que vous jugerez plusnecessaire, sur Tas- seurance que je vous supplie de prendre que je ne manquerai a rien du dehors. Vous avez bon nombre d'bommes pour s'y opposer, mais il est tres raisonnable que Messieurs de la ville, a qui j'en escris, ayent le soing de leur faire donner le convert et du bois pour leurs corps de garde, dont Monsieur le conle Gollatle se plaint d'eux. Je vous supplie y faire pourveoir a son contentement et I'entretenir tous- jours en la bonne volunle qu'il me iaict paroislre avoir au bien de ceste ville. II seroit aussv be- soing de les rendre capables des raisons-qui m'oiit meu" a faire demanteller Lagni, a fin qu'il n'en prennenl alarmo, n'estani place qui merite aucune - 297 -- Ibrlificnlion el donl loiilelTois panny cez ni;ilheurs nostre enneiny se pourroit prevaloir, iiii depadvanlage (Je Pai'is. Je vous supplie rlonc d'y tenir In ninin , el prendre In peine dc donner cognoissonce du bon estat de noz affaires au prevost des marcli.ms , que j'cntendseslreinlimide, sansgrandeapparencc,comme vous pouvez mieulx juger , ayanl des forces auprcz de moy prestes a ia premiere occasion que j'aurai de les employer toules ensemble, el les deux regi- raenlz de conle d'Arembci- el Barlemonl qui avoient fa id quelque conlenance de se vouloir relirer , m'ayantz mande pour me venir retrouver avec plus d'afTeclion el d'obeyssancc (|ue jamais. Du cosle d'llalie, jc croy que vous |iouvc/, avoir cu nouvelles de la creation du pape , tanl favoi'ables a te parly qu'il ne se pent desirer davanlage, eslanl Tung des sept qui avoient esle proposez par le roy d'Kspaigne, el dont on (1) Vous pouvez a cela adjousler ce que vous scavez des aulres parliculiarilez qui peuvenl servir a mainlenir en eslat ceux que I'arrivee dudict roy de Navari'e pouroit eslonner , s'ilz n'estoient adverlis de bonne heure. Ce que jc remelz a vosire prudence acouslumee, vous asseu- rantde rechef queje n'oublirai aucune diligence pour me rendre vers vous , si je voy lanl soil peu que vous en ayez besoing. Cesle leltre servira pour Madame dc Montpensier , ma seur , el pour vous. ("est du camp dedans Braine. ' )) I-f icste fie la jiliiJise niaiiqiip. - 298 — CXLIX . Du XIXe Decembre. A Monsieur le prevost des marcham de Paris. J'escris bien nil long a Monsieur de Belin ce dont je vous puis adverlir depuis mes dernieres , qui me gnidera do vous en faire icy redile Je vous prierai seullement de donner ordre a ce (|ue les soldatz que Monsieur le conte Collatte a rolenus avec luy pourle service do vostre ville ayent le couverl, de bois et de chandelle qu'ilz demaisdent pour les corps de garde. Je croy (|ue I'argent (jue j'ay envose par Monsieur de Lignerac aura servi a leur donner ung peu de conten- tement, en attendant le retour de Ribault. Vous aurez aussi pour le satisfaire une bonne quantile de bledz que Monsieur de Victry m'a asseure de fafire dessendre jusques a cent muidz et plus. El avec cella et les forces que vous avez , j'ospere que vous donnerez tel ordre au dedans qu'il n'y aura aucun subjel d'aprehen- der les intelligences que pent pratiquer I'ennemy, sans lesquelz il ne s'y avancera jamais , -sgacbanl que toutes mes forces sont en eslat el en plus grand noni- bre que les siennes , les regimentz des conies de Arember et Barlemont [elant] en cbemin pour me venir rejoindre , et tournera tout court , selon I'advis que j'en ay , droict a Monsieur de la Cbastre, qui sera ung commancement de I'effecl (luc je m'en estois promis, pour le divertissement de ses foixes vers la riviere de Loire ; el espere que ce pourra ostrc ung moycn de faire changer de place a noz affaires , nvec la bonne nouvclle que nous avons do hi crcnlion (iu pope le plus favorable a ceste saincle cause que nous pouvons dcsirer. 11 ne rosle qu'a nous mainlenir avec la fermete el resolution que je m'asseure que vous y aporlerez dc voslre coste , surmonlanl les dif- ficuUez qui se presentenl a la traverse, comme chose ordinaire aux grandes affaires el qui se iaissenl vaincre par le mcspris qu'on en faicl , poursuivanl de mesme intention Ic but qu'on s'esl une fois propdse, comnie vous avez lousjours faicl. G'est du camp a Braine. CL. A Monsieur I'embassadeu)' tVEspaignc. Monsieur, J'esperc que le retour de Monsieui' de Litrnerac vous aura donnc toule asseurance dc Testat de noz affaires despuis les nouveiles qui me sont arrivees du Vli^ dc ce mois , que Monsieur le car- dinal [dc] Cremone a estc cree piipe , qui esl Tung dcs sept que Sa Majeste Galholique avoit proposez, m'cn faicl cspcrer ung si bon acheminemenl , qu'en- core que ceia donnc subject a noz ennemis de se raraasser et fortifier pour lentcr quelque moyen d'en empescher le progrez, je m'attens, avecque la grace dc Dieu et les bons ofliccs (jue vous y pouvez faire ou vous esles, par la prudence el le zele dont vous esles lousjours conduicl au bien et advancement de ceste saincle cause, que ce ne sera qu'a leur (i) confusion. J'escris bien au long a Monsieur Tevesque dc Plaisance, aveclcqucl jc m'asscure que vous pouvez f1) Ms: \oiis. - 300 — prendre quelques bonnes el utiles resolutions a cost effect, comme je vous supplie, el de le confirmer en la bonne et saincte affection qu'il y a lousjours aportee, avec asseurance que la conservation des precieus gages que j'ay auprez de vous m'est si chere, que je n'y espargnerai jamais rien, jusques a mon propre sang, ct que je me tiendrai prest avec les forces que j'ay en bon nombre, pour au premier advis que j'aurai me rendre, s'il est besoing, a la teste de I'ennemy, aussi lost (]ue vous en aurez de nouvelles. Mas je croy que trouvant lant soil peu de resistances, son dessein est de tourner tout court vers Monsieur de la Ghastre, qui est ce que je m'eslois promis des forces queje luy ay laisse, pourdonner autant de repos a ce pays par le divertissement des armees vers la riviere de Louere (1), ou je croy que nous n'aurons moins d'avanlage que ailleurs. Je vous baise, en cest endroict, bien humblement les mains et prie Dieu, etc. CLl. Dudict jour. A Monsieur le conte CoUalle. Je no puis que je ne loue beaucoup la diligence ct sagesse donl vous avez use a la separation de voslre regiment, dont il eust este difficile de venir a bout autreraent que par la prudence que vous y avez ap- porte, et suis Ires aise des quatres compaignies que vous avez envoye a Monsieur de la Ghastre, soubz la conduile du sieur viconte, quijem'asseures'ens^aura acquiler dignement. J'escris a Monsieur de Belin et (I) Loire. — yoi - au prevosl des marclians [loiir ce que vous rae miindez dii logis et du conlentemenl de voz soldalz, a quoy je m'asseure qu'ilz donneront ordre. Je croy aussy que ce que j'ay envoye par Monsieur de Lignerac pour- [ra] servir a voz cappitaines en attendant plus de com- niodite. J'ay envoye Ribaull exprez pour faire avancer Zamel de in'en donner quelquc moyen, elfaict passer Monsieur le president Janin en Espagne, pour s^avoir cedontje pouray faire estat a I'advenir. J'espere que nous pourons encores recevoir a\de de la pari d'llalie, ayant despuis ce cinquiesme de ce moys ling pape du tout alTectionne a cesle saincte cause, a laquelle je veus croire qu'il aura encore ]ilus de devotion. Je vous supplie doncques, Monsieur le conle, voyantl'eslat de noz affaires en si bons termes, continuer la bonne voliinle que vous y avez tousjours eue el vous asseurez que je ne laisserai point perdre d'occasions de vous donner conlentemenl. J'ay nnes Irouppes loules prestos pour aller vers vous a la premiere necessile el attends seullernent les deus regimentz des conies d'Arambere el Barlemont qui se viennenl rejoindi-e a moy, avec protestation de plus d'alTection ct d'obeyssance que jamais ; avec cela et ce quej'aurai d'ailleurs, jene double nullement que je ne sois aussi fort que le roy de Navarre pour m'opposer a (oul ce qu'il sgauroict entreprendre. Vous luy pouvez , ce pendant , raonslrer telle conte- nance, commc je vous en supplie, fpi'il sera contraint de cbanger de dessein , ou poursuivre celluy qu'il a de loui'ner lout court vers Monsieur de la Cbastre , si celluy de Paris ne reussit , donl il n'y a pas grande apparence qu'il puisse faire eslat. Je sgay combien vous y pouvez, et redouble les prieres que je vous — 302 — tiy faicffis tie vons y cmj)!oj'er d'afTeclion , commc a la chose que j'eslimc qui nous importe le plus pour cez affaires el donl le merile est infini : auquel vous avez desja si bonne pari, que je m'asseure que vous ne serez pas moins curieux de la vous conserver, que d'y acquerir la gioire qui s'en pent encores esperer. En cest volunle , je vous baise bien hum- blemenl les mains. GUI. Dudicl jour. A Monsieur Ir. conte de Belin (1). Messieurs , La nouvelle (jui nous esl arrivee par ung courrier exprez de la crealion du pape Nicolas scpliesme (2) , auparavant cardinal de Cremona, des plus alTeclionnez que Ton pouvoil souhaitter o I'advancemenl de cesle saincle cause, esl de telle concequence que elle merile bien que nous en facions solennelles actions de grace , comme Tunc de celles que nous pouvions le plus desirer de Tassistence du Sainl-Espril el une faveur parliculiere du Ciel , en I'exlreme confusion en laquelle sonl reduictes toutes choses , auquelz il ne se pouvoit Irouver reraedde plus a propos que la promotion d'un tel personnage a ceste supreme dignite. Cest pourquoy je vous sup- plie , aprez avoir prains I'advis de Monsieur I'evesque de Plaisance, de faire mectre loul le peuple en debvoir (1/ Celto (iepcche s'adrt'sse plutot aiix pruvot dt's niaicliaiuls ct »Thevins lie La villc de Pnris. ■2j Giopoire XIV. — fm — d'en rendre les graces que nous devons a Dieu, ainsy qu'en semblables occasions on a acouslume de faii'e et que desja il a es(e faicl en cesle ville (1) [par] le cleigc et par tout le peuple d'icellc : n'en pouvant desirer une plus digne de la remercier et luy protester le sentiment que nous avons des grandz effectz de sa providence au gouvernement de son Eglise, laquelle j'espere qu'il conduira par ce moyen et cellon qu'il a ordonne de loute cternite, a la gloire. qui luy est promise comme a sa fidello espouse. Jo vous ay escripl par aullres lellrcs ce que j'ay pense estre a propos pour le reste des aultres affaires : celles cy n'estant pour aultres effect, je ne vous feray plus longue que pour prier Dieu , etc. CLIII. A Monsieur dc Plaisance. Monsieur , Les leltres qu'il vous a pleu m'escrire des vingtz six et vingt liuiclies-me Novembre me furent seullemeni hier rendues au siege de Bresnes, el vous diray que la prinse de Monsieur reves(|ue de Beauvais (2) n'a este de mon sceu ny de mon consen- tement , ayant tousjours empescbe , quelque plaincte qu'on me fit dc luy et de ses deportemenl , qu'il ne receusl aucundesi)laisir. Car j'ay en singuliererecom- mandalion de conserver le I'espec qui se doibl aux prelatz et pastcurs de lErglise , et en laisser la coi'- (IJ Soissons. fa ) Nicolas Funice. 11 fut piis par les Ligueurs en Novembre I'flo, (ians le chateau de Breic, avec Claude Ciovine, doycii de licauvais, et enfcrme ,i Noyon. II rerouvra sa iiherte inoyeiiiiaiit !U)0 ecus, iiiais lie rciiira jias dans son eveehe. — 804 — leclion a oeulx a tjui elle apparlienl. J'aj desja escrii el ordonne aux maieur et eschevins de Beauvais de me faire entendre le subject et occasion de leur enlrc- prise,etleur en feray de rechef iine depesclie Ires expresse, par ung gcntilliomme des miens (1), auquel je donneray charge et commandemenl de conduirc lodict sieur evesque vers vous, a qui, s'il vous plaist, j'en remeclz le jugement ; et serai Ires aise qu'il se puisse justiffier de fagon que son innocence soil reco- gncue d'ung chacun, au conlenlenienl de ses amis el a I'aquil de sa conscience. Onant au faicl de Paris, je vous remercye bien humblemenl du soing qu'il vous plaist d'en prendre etdesadvis que m'a[vez] donnez, [lesquelz] je recevray avec(i beaucoup d'bonneur el detesnioignage de vostre sainctzelea I'endroicl de ccsle saincle cause et d'une parliculiere affection a ce qui me louche. Je vous supplieray bien humblemenl de croire que jo n'ay rien si cher en ce monde (pie le salul de [ceste] grande ville, kuiuelie ayant monslre I'exemple de pieste a loules les autres de ce royaulme, a ac(iuiz lantd'obli- galion sur mo., que sacriheray tousjours Ires liberal- lement ma vye pour la garentir el preserver des des- seings el enlreprise de noz ennemys, donl les gaiges precieux que je luy ay laissez luy peuvenl rendre assez de preuve. Je ne double point qu'il n'y en ayl de mal affeclionnez (|ui ne rccherchent que diviser (^^) les habitans, conserver parmy eulx des deffiances, pour le but qu'ilz onl de les precipiler s'ilz pou- voienl a quelquc honteuse composition. Mais je (1) Ms : niicuix. (2) Ms : t|iii niu Rclicicliiiit tU' deviser. - 805 — veiix ;uiss}' espcrer que leiir faction sera trop foible et que les gens de bien y auronl la meilleure part, lesquelz, estant reslenus tie vostre auclorile et prudence, surmonleront toules les difficullez ; el pour nion regard je me rendrai bien lost, Dieu a\dant, on lei eslal que je les pourrai sccourir a poini noainie, si le besoingen aycliet. J'ay desja pourvcu les moyens pour I'enlretcnemenl des lansquenetz etautres forces, el donnerai tel ordre a I'advenir qu'il n'y surviendra aucun delTaull. II reste. Monsieur, de conforler et unir les voluntez du peuple par les moyens qui ont este lenus du passe de voz saiges conseilz et de la conlinualion du bon debvoir des predicateurs. Si tost que j'aurai refraischi quclques jours les trouppes que j'ay ct queje les auray forliffiees de qucbjues nouvelles levees que je fais, je m'aprocberay encores plus prez de vous, csperant de le faire si a propos, avecq tel effect, (]ue la ville en demourera en loute seurete et avecq les commodilez qui luy sont necessaires. Et les deux regimenlz des contcs de Arembert el BarlemonI, dont je vous escrivis dernierementz, qui faisoicnl conte- nance de se mnliner, sonl en cbemin pour me venir Irouver, el m'offrant plus d'affeclion et d'obeyssance qtie jamais, j'espere que ce me sera ung moyen de conlenir mesuies les autrcs en leur debvoir, et que avec toules cez forces ensemble, estantz rafraiscbies, je pouray non seulemcnt garenlir et asseurer Paris, .mais en tirer quelques aulres effects, avec conlente- menl d'un chascun. Jeeu adviz de la promotion de Monsieur le cardinal de Cremone au ponlifical, dont je me veulx bien re- joujr avecq vous, pour le bien universclle dc I'Eglise et a I'advancement [que] je m'cn promcctz ; et aj XXIX. 20 — 306 — (liffeie emprez d'escrire a [Sa] Sainclele, jusques a ce qu'il vous ail pleu m'informer comme je m'y doibs conduire, celon que jugerez ce qui luy sera plus agreables. Sur quoy attendant voslre bon conseil, je vous baiseray bien bumblemcnlles mains, priant Dieu, etc. CLIV. DucJict jour. A Monsieur dc Conlenanl (1). MMisieur de Contenant, Oultre ce que j'escris a Mon- sieur le viconte de Tavannes du regret que j'ay d'avoir receu ses lettres trop tard sur ce qu'il m'a mande pour le gouvernement de Dreux, auquel j'avois desja pourveu quatre jours auparavant, en faveur du sieur de Vieupont (2) a qui j'avois faict promesse du premier qui viendroit a vacquer, au lieu de celluy de Meaulx que Monsieur de Rentigny (3) a eue; j'ay bien voulu vous rendre encore ce tesmoignage de la volunte que j'eusse eue de vous en gratiffier, comme de loute autre cbose qui sera en ma disposition pour vostre contentemenl, vous priant de croire que je tascberai de faire en sorle, qu'ayant attire ledict sieur de Vieupont en ce pays, je pourrai dans fori peu de temps vous remellre enlre voz mains la mesme occa- (1) Henri desBoves, baion deConlenan, plus lard gouverneurde Gouniay, puis dc Sainle-Menehould. (2) Alexandre dc Vieux-Pont, depuls baron de Neuf-Bourg, che- valier de I'ordre du roi, gen tilhomnie ordinal re_de sa chambre, capitaine de cimiuanle hommesd'armes de ses ordonnances, vice- aniiral de Bretagno et conseiller d'Ktal. '3) De la (araille dc Havauelles. - .107 — sion ou une meilleure, pour vous t'aire cognoistre combien j'honnore et estimc coulx qui vous rcsscm- blent; vous asseuronl qu'il ne s'en scauroil presenter moyen , que je ne re(;oive a beaucoup de plaisir de vous en pouvoir rendre toule telle preuve que vous SQauriez desirer, el que j'y aurai I'ceil fellemenl ou- verlfiue vous aurez occasion de juger que je n'ay rien en plus singuiiere rccommandalion. Sur ccsle verile, je prie Dieu, -etc. CLV. A Monsieur d'Avranches. Monsieur, Je vous ay par cydevanl escrit la dili- gence que j'ay faicle de depescher vers Monsieur de Merceur et escrire a Messieurs de Villars et de Ta- vannes, pour vous assisler , comme je m'asseure qu'ilz feront, ayanfz eu de leurs nouvelles sur ce sub- ject ; el sgavez bicn les ernpescliemenl qui me re- tiennenl par dega de ne m'y eslre achemine moy mesme, cornine j'eusse bien desire, ayont a repousser I'enlreprise que font noz ennemys sur Paris, comme sur le principal but [ou] ils dressenl tons les elTortz de leur mauvaise intention ; qui poura eslre ung moyen , prenant resolution de leur resisler, comme je m'asseure que vous ferez , qu'ilz changeront de dessein, el tourneronl du mesme cosle, ou le roy de Navarre a mande touies ses forces. Jc vous supplic doncde n'enlendrc a aucune composition avec euhet vous asseure [que] , quelque affaire qui me relienne par dega, il n'y a rien que jenequitle pour vousaller secourir, si je sgay qu'ilz s'y opiniaslrcnt davanlage, donl j'atlendrai en cestc devolion voz nouvelles. — 308 — Je ne veux oublier de vous adverlir de ia rrealion du pape Gregoire qualorziesme, auparavanl cardinal de Cremone, I'ung de ceux que nous pouvions le plus desirer, pour raffection donl il a toujours esle pousse a favoriser le bien de cesle saincle cause. Cela nous fail esperer que Dieu nous veult faire cognoistre le soing qu'il en a , et vous supplie d'en faire rendre actions de grace, comme nous avons fait par de^a el BUS anltres villes oii j'ay faict entendre ceste bonne nouvelle. .le prie Dieu, etc. CLVI. Du XXIlIJe Decemhre A Monsieur Rondineli. Vous aurez cogneu par toutes mes lellres I'inten- lion que j'avois de satisfaire a M. Ic conle Collatle des deniers que j'ay envoyez par le sieur de Lignerac, el jugerez par la Textreme desplaisir que j'ay de sgavoir qu'ilz ayenl esle diverlis ailleurs. J'en escris a Mon- sieur de Belin et au prevost des marchans, les conju- rant de trouver ailleurs moyen de le conlenter et d'y employer les deniers qui leur resle et ceulx qui se Uouveronl au logis du sieur dc Sainct-Bonnet (1), jusques a dix mille escuz, en attendant le retour de Ribaull par lequel je ne faudrai de luy envoyer une meilleure somme. Ce pendant je vous supplie de le maintenir tonsjours le plus que vous pourrez en la bonne volunte qu'il nous a faict paroislre, et I'asseu- rez de la mienne en son endroict, autant cerlaine et (li Je;iu (le Caylar de Saint Bo)inet, seigneur ile Toiras. depuis mareehal de France. - 309 — disposee a son contentemonl qu'il scauroit desirer. J'ay receu de plusieurs ondroictz les ndvis conformes aux voslres du desir que beaucoup de noz nmis onl que jc m'approche de la : ce que rie poiivant si promptement pour les raisons i]ue vous pouvez jugcr par mes precedeiiles et ce que vous pouvez plus par- ticulierement apprendre de Monsieur le conle de Brisrac (2) , je I'ay prie de fairc ung lour jusqucs la, a fin qu'ayant recogneu de plus prez la disposition des afT.iircs de dela, et commc il en est sulKisamnient instruit, vous ayanl fidellemeni rapporte I'eslal des nostres par deca, il puisse prendre par voz bons advis una certaine resolution de ce ipii sera plus expedient et me la faire sgavoir incontinant. Vous scavez com- bien je defere a voz bons advis. Je vous supplie juger de la confcrance que vous pourrez faire avec luy et les aultres de noz amis ce qui sera besoing de faire et m'en adverlir sogneusement, tenant tousjours la main, autant qu'il vous sera possible, a ce que Ton ne se lacbe a de legeres aprehensions, sur les faux bruicts et artifices ordinaires de noz ennemis qui ont leurs partysans dans la ville pour cest effect. 11 est aise de recognoisire ce qui vienl de ceste part et y resister par la resolution que le temps et la verite confirment plus a loisir; il ne vous fault point d'autre advertissement pour cela que celluy de vostre pru- dence, a laquelle je me remect du tout. (I) (!haili-s (JeCoss;-, romle dc Brissar, graiiil-i)aiinelit'i l'I granil- fauc'oiinier dc Fiaiice, ilopuis !i;ouvenieui' de I'aiis en itimplacemeiit dt' M. dc Hcliii, coii'-cillcf d"Rtat et marechal de. France en 1595. — 310 - CLVIl. Dudict jour. A Mo)isieur de la Bourdaisicre. Monsieur de la Bouidaisiere, J'escrivis derniere- ment a Monsieur de Belin pour vous faire entendre los praticques que faisoient les ennemis en vostre gouvcrnement et vous prier de ma part de vous y acheminer. J'ay le mesnie advis qu'ils conlinuent leurs enlreprises, pour vous opposer auxquellcs il seroit bien de besoing que le peuple se vit plus for- tifier de voslre presence, commc je vous en supplie, et de s'asseurer que, oil ilz verront que I'ennemy y veulent lourner la lesle de vostre cosle , je n'ay rien de si recomraande que je ne quiltasse pour m'eni- ployer du toulaleur conservation, sQachant combien meritele zelle dont ilz ont estez poussez au bien de ccste saincle cause, qui faict que je les vous recom- mande avec plus d'affeclion. Et sur ce, je prieDieu, etc. CLVIII. A Madame dn. Mayenne (i). J'ay quasi veu que sur lesadvis que Monseigneur a re- ceues diversement de I'estat des affaires de dela, il s'a- cbeminoit pour y donner ordre else rendre auprez de vous, sans (2) les occasions qui le retienncnt icy pour y acbever ce qu'il a commance, qui importe de luy rendre cest province asseuree et de luy -donner plus (1) Depechc d'uii ^ocrelaii-f d'Ktat. !-i) Ms : sur. - 311 - de moyen de tirer service a I'ndvcnir des forces qu'il a este conlrainct de ratVaischir devant que d'cn j)ou- voir faire eslal : ayani a ce deffanlt despcsche Mon- sieur le conte de Brissac pour y faire ung tour, a fin qu'ayant recogneu la disposition de loules thoses par la conference qu'il en pourra faire, eslanl par dela, et ayant entiere cognoissancc de tout ce qui se passe encore tons les jours auprez de Monseigneur , il puisse prendre une bonne resolution, et le revenir soudain Irouver pour fnire que, selon vostre desir, niondict seigneur s'approche davanlage. A quoy si j'ay quelque moyen de servir, vous pouvez croire , Madame, que je ne seray pas des derniers a luy per- suader, a fin de vous procurer auiant que je pourrai le contentement que vous recevrez de sa presence, et que par mesnie moyen je me rende ce bien au- cunemenl communy , me vovant do relour entre les miens et jouissant de la compagnie dont je me suis prive pour m'atlacher a son service ; en quoy je m'asseure que vous me dispensercz de me laisser porter en partie au desir que j'cn puis avoir, sans m'esloigner pour cela du debvoir auquel le temps et les affaires nous obligent tous egallement d'oublier ce qui est de nous , pour aporler au general le bien et le 'repos que nous recliercbons tous ensemble. Je croy, Madame, que leleclion (|ui a este faicle d'ung prince si affectionne a ceste saincte cause que noslre Saint-P6re, qui est a present, sera ung grand avancement au progrez que nous en pouvons dcsircr el ung moyen a noz ennemis de rendre leurs affaires plus desfavorisez el leur presomption plus abatue, avec le secours que dans peu de temps nous pouvons enlendrr de Sa Sninctete el di; Monsieur le due do — 312 — Parme ; de resperance desquelz nostre pauvre viUc pourra inesmc se fortifier conlre les assaultz qu'on luy dresse lous les jours, pour luyfaire perdrc le cou- rage, aprez i'avoir conserve contrc lanl d'adversitez. Vous s{;avez par cesle mesme voyc I'arrivee de Mon- sieur de Villeroy en cesle court et le subject de son voyage, et celluy (|ue faict presentement Monsieur le seneschal de Monlelinard (1), pour ramener dans fort peu de jours les forces que Monsieur le due de Parme envoye a mondici seigneur au nombre de six cenlz chevaulz et Irois mille homnies de piedz, lesquelles estant arrivees, avec ce qui est desja tout presi, Mon- seigneur ne manquei'a pas de moyen de s'opposer aux desseins de noz ennemis. Et jc ne faudray ce pen- dant, Madame,, de vous avertir de lout ce qui se pas- sera, par loules les occasions que j'en pourrai avoir, avec la diligence et la fidelile d'ung serviteur qui vous est enlierement acquis, el qui, en cesle devo- tion, vous baisant tres-humblemenl les mains, prie IJieu, etc. GLIX. Dudict jour. A Monsieur de Belin (2). .Pay vcu ce t|ue m'escrivez par qualre de voz let- tres, sur lesquelles ne pouvant vous satisfaire si tost par moy mesme que je desirois, j'ay prie Monsieur (1) Jaceiucs Colas, nc ii Monteliiuait, d'aborcl avocal, puis lionimc de gaiTic. Maytnne lui avail conlerc le Ulrc de seneclial di' Moate- iimart et la charge dc ^laiul-prcvol. (2) CcUe depcche est eii double an folio suivant. — 313 — Ic conte (le Brissac de, faire ung tour jusque vers voas^ pour vo'.is informer plus particulieremenl de la dis- position de noz affaires par de^a et me rapporter Ionics nouvelles des.voslres. L'affection qu'il a lous- jours aporlee a cesle cause luy a donne tant de creance que je m'asseure que chacun demeurera fort salisfaict de son voyage et qu'il ne sera point inutile, en attendant que par son relour je me puisse resoudre de m'y en aller en personne ; ce que je ferai, selon que la nccessile des affaires le poura requei'ir, dont je vous supplie me monder bien au vrai ce qui en sera, vous asseurant que s'il y alloit de ma vie, je suis delibere de ne manquer en rien de ce que Ton pent desirer de moy, soil pour m'ap[)rocher ou pour entreprcndre ce que je cognoistrai est re du bien de ccstc ville, oi!i vous sgavez les gaiges precieux que j'y ay, oultre ce qu'elle importe au bien general de ceste en use. Ce pendant je vous supplie d'y enlretenir lous Ics gens de guerre en bonne volume. Mais puisque les denieis que j'avois affeclez poiir le payement des lansquenetz et contentement du conte de Collatte onl esle employez ailleurs, donlj'ai esle extremement fa- che, pour le grand mal que je prevoy en debvoir procedder s'il n'y est promptement remedie, failes en sorle qu'il luy soil fourni dix mille escuz, tant de I'argent qu'il vous sera demeure de reste, que de cel- luy qui se sera trouve chez le sieur de Saincl-Bonnet ou des moyens qu'il y aura d'en faire , ainsy que je mande plus particulieremenl au prevost des mar- cbands, avec Icquel et ledicl sieur conte vous pouvez adviser ce qui sera plus a propos pour faire teste et vous opposer a ce qu'on voudroil entre[)rendre, en attandant que j'ay plus amplement de vos nouvelles. - 3U — .le vous ay clesja escrit, pour prierde ma part Mon- sieur tie la Bourdaisicre qu'il s'achemine incontinent en son gouvernernent ; je vous [en] prie encore, si desja il n'a faict. Je seray bien aise que Monsieur de Trem- blecourl (1) me vienne trouver avec son regiment, si il y a seurete; vous I'asseurerez que, incontinent qu'il sera par dega, je kiy donneray contentement. J'ay es- crit par deus diverses fois a Monsieur de Sesseval et le presse fort; j'en attens des nouvelles d'heure a autre. Ce pendant, vous vous ayderez de Monsieur de Tremont. Vous m'avez [fait] plaisir de retenir Mon- sieur de la Chevalerie (2): je n'oubliray jamais la diligence qu'il a faicte de tesmoigner sa bonne affec- tion par tout ou I'occasion s'en est presente, et vous prie de luy fairc bailler quelque somme de deniers, en attendant le retour de Ribault, qui sera, comme j'espere, dans cesle semaine. CLX. A Momicur V ambassadeur d'Espaignc. Monsieur, Sur les divers advis que j'ay receu de ce qui se passe par dela, ne pouvant si tost que je desi- rois y apporler remede par moy mesme , j'ay prie Monsieur le conte de Brissnc d'y faire ung tour pour, il) Dans le double de cette dcpeche, on remarque, an sujet de Tremblecourt, la varianle qui suit : « >le suis bien aise que M. de Tremblecourt se soil racconimode avec le prevost des marchands et se resolve a estie des vostres Je vous supplie le maintenir en ceste l)oune volunte, et asseurer que je ne faudrai point, incontinent que Ribault sera de retour, a envoyer pour lentret'enement de sa troupe. » (2) Pierre Tahureau, I" du uom, seigneur de la Chevalerie dans Is Maine. — 3-15 - ovcc Tiulvis (k; Monsieur de Plaisancc el le voslrc, sur le ropjiorl qu'il vous fera de I'estat dcs afTaires de dega, vous prcniez tous ensemble une bonne resolu- tion de ce qui sera plus expediant pour le bien ge- neral el pour la conservation parliculierement de la ville , de laquelle il n'est besoing de vous lesmoigner combien le salul m'esl cber elrecommande, sgachant, oullre riniporlance qui en est infinie , les precieux gaiges que j'y ay. Je vous supplie done, Monsieur, d'apporter tout ce qui sera de vous a la recognois- sance de ce que nous debvons ou pouvons iaire pour le mieux,el vou^ asseurer que s'il y alloit de ma propre vie, je n'espargnerai chose quelconque qui soil en ma puissance pour m'en approcher, s'il est de besoing, ou pour entreprendre lout ce que vous estimerez estre nccessaire a sa conservation. Je ferois tori a la suffisancc dudict sieur conle, si j'adjouslois quclque chose a la creance que son alTeclion au bien de ceste cause luy a acquise parlout el a la cognoissance qu'il a de toute la disposition de noz affaires , pour vous rendre salisfaict de tout ce que vous en sgauriez dc- sirer SQavoir. Pour ce , je ne vous ferai ceste plus longue que pour vous baiser bien humblement les mains et prier Dieu, etc. GLXI. Dudict jour. A Monsieur I'evesque dc Plaisance. Monsieur, Vous pourrez voir par ma lettre du XIX^ comme les vostres du XXVIe ei XXVI1I« du passe ne m'onl esle rendues que le XVlIls du present et comme — 316 — aussitosl je me resolu d'envoyer uiig gentilhorame exprcz a Noyon pour faire mellre Monsieur I'evesque de Beauvais en liberie, a fin que sur sa foy et sur sa paiolle il vous peul oiler Irouver, ayant juge la fagon donl on a procedde contre luy de si mauvais exemple, que quelques plaincles et soupcons que Ton ayl eu contre luy el non sens quelque apparence en effect, je n'ay peu gousler telle irreverance a I'endroict d'ung hommc dc sa qualite et ne le sgaurois trouver bon. J'ay despuis receu la vostredu XX"? et bien considere tout le discours qu'il vous plaist me faire de ce qui se passe par dela. Sur quoy je advise de prier Monsieur le conte de Brissac qui est extremement bien volu, a cause des bons offices donl il a lousjours tesmoi- gne I'afTeclion qu'il avoit au bien de cesle cause et specialement au repos et salut de cesle ville, de s'v acbemiiier en diligence, a fin de vous baiser bien hum- blement les mains de ma part et prendre un bon advis sur I'occurrence des affaires et la conference de la disposition en laquelle elles sont par dega, donl il est si bien inslruil, que se seroit luy faire tort que de ne s'en remetlre du lout a ce qu'il vous en pourra faire entendre. Je n'ay peu que Irouver infiniment mauvais ce que j'ay appris du divertissement des de- niers que j'avois affectez a Monsieur le conte Collalle que je desirois sur lout satisfaire, pour la necessile en laquelle je scai que sont ses soldalz et I'obligation que j'ay au zcle donl il a lousjours embrasse le bien de noz affaires. J'en escris bien expressenient a Mon- sieur de Belin et au prevost des marchands, pour faire en sorte qu'il puisse estre content d'ailleurs, selon mon inlenlion , en atlandant ce que je pourrai fuire davanlage par le relour du tresorier Ribault. Jc vous — 317 — .siipplie ce pendant, Monsieur, le vouloir mainle- nir, autant qu'il vous sera possible, en la bonne vo- lunte qu'il nous a lousjouis faicl paroistre, et par le bon lieure de vostrc presence asseurer ceux que une legere apprehension plus lost qu'aulre chose pourroit induire a se retour[ner] de Paris ; donl la conservation m'est [si] chere et pretieuse que vous pouvez croire que, quand il y iroit de ma propre vie, je n'espargnerai jamais rien de ce qui sera en ma puissance, soit pour m'approchcr ou pour entrcprendre tout ce que vous m'adviserez estre de son bien et de son salut, comma n'ayanl rien de plus recommande en ce monde. Sur cette verite, je vous baise bien humbleraent les mains et prie Dicu, etc. GLXII. Dudict jour. A Monsieur de Lenoncourt. J'eusse fort desire que vous el Messieurs du conseil eussiez trouve quelque occasion assez de commodite pour vous en venir par dega, affin de prendre en- semble une bonne resolution sur les atTaires qui se presenlenl. C'est chose que je desire encores, pour- veu que les nouvelles occurences do cellos qui peuvent eslre par dela ne vous relienne, comme estime que vous n'y pouvez eslre que fort utiles pour inaintenir ceulx que les aprehensions des faux bruictz de noz ennemis, qui sont leurs artifices accouslumez, ren- dcnl mal asseurez el incerlains de la resolution qu'ilz doibvent prendre. A cause de (|uoy ne pouvant m'y achcminer si tosi , j'ay |U'ie Monsieur le conle fic — 318 — Brissac d'y laire ung tour pour recognoislre plus par- ticulierement I'eslat el la disposition des affaires, et me rapporler soigneusemenl la resolution que vous en aui'ez prise ensemble par la conference que vous pourrez fairs les ungs el les autres ; vous asseuranl ce pendant que, sitosl que Ribault sera de relour, je ne faudrai de vous donner a tous le contenlemenl (|ue je vous ay promis. Je desirerois fort aussy que par le relour dudicl sieur conle, je peusse avoir le sceau, ne m'en pouvanl aucunemenl passer, comme je vous en supplie, el de tenir la main a ce que les dix mille escuz que je mande a Monsieur de Belin el au pre- vost des marchans de prendre snr les deniers qui seronttrouvez chez ledict sieur deSainct-Bonnet soient fourniz ou conte Collatle, au lieu de ce que je lay avois ordonne de I'argent que j'envoyay par Monsieur de Lignerac, el qu'il n'ysoit use de relarderaent, veu le besoing que nous avons de ses troupes el I'affec- tion donl il s'est lousjours employe au service de cesle cause. Je vous recommande le reste des affaires el m'en remeclz sur vosire prudence, altendanlvoz nou- velles sur ce qui se passera^ par loules les occasions : dont je vous supplie. C'esl du camp. CLXIII. A Monsieur le conte Collate. Vous pouvez avoir lellement juge de mon intention par toules mes leltres que, si en cesle occasion vous in'avez este satisfaicl comme je desirois, v-ous cognois- «ez assez, qu'oullre qu'il n'y a nullement de ma faulte, €8 n'a pas este sans extreme desplaisir que j'ai sceu - M9 — le diverlissenienl qui a esle faict des deniers que j'a- vois affeclez pour vous salisfaire, en attendant ce que j'ay delibere de vous envoyer en meilleure somme incontinent aprez le retour de Ribault. Je m'en pliins a Monsieur de Belin el au prevosl des marchands et les conjure de vous donner contentemenl d'ailleurs, comrae j'espere qu'ilz feronl incontinent, el que ce pendant il se prescnlera plus de moyen ]jar le retour dudicl Ribault que j'altens dans celte semaine. Je vous supplie, ce pendant, ne rcmeltre sur moy le mes- contenlemenl que vous pouvez avoir de ce deffault el vous asseurer que je ne lairray de le reparer si bien que vous en aurez toute satisfaction. G'est a cest heurc plus que jamais qu'il se fault evertuer. Je m'asseure que vous ne voudrez rabattre pour cela raffection qui vous a pousse a la conservation de ceste ville et avancement de cesle saincte cause , dont je sgai les obligations que je vous ay en mon particulier, et me manquerois a moy mesme plus lost que de faillir a la recognoissance qui vous en est deue. GLXIV. A Monsieur de Tremblecourl. J'ay veu ce que vous m'avez escrit conforrae a I'advis de plusieurs de mes amys qui desirenl que jem'acbeminepardela, ceque[je]juge demoy mesme assez necessaire ; mais estant encore retenu en ceste province pour y nettoyer quelques places et y establir les garnisons (jue je suis contraint de meltre aux places, pour donner rafraischissement a mes troupes et asseurer aulanl ce pays, j'ay advise de prier Mon- sieur de Brissac d'y faire ung tour, pour, aprez avoir recogneu I'estat des affaires et rapporte la disposition — 3^20 — do celles tie clcga, prendre une resolution dont je puisse cslre adverly par luy-mesme. Je me plains au prevost des niarchans el m'eslonne que Messieurs de la Ville n'ont encore peu s'accorder avec voslrc regi- ment; a quoy craignant qu'ilz s'oppiniaslrent davan- tage, je vous supplie et conjure de vous en venir par deca, ou je m'essaieray de vous donner plus de con- tentemenl. Si Ribault esloit arrive, je vous eusse en- voye de quoy jusques a Paris ; mais I'attendant de jour a aultre, j'eslimc que vous airaerez autant de trouver icy tout prest, comrne je vous asseure que je ne desire rien davantage, et que je n'oubliray jamais ce que je sgai vous estre deub , vous obligeant ce pendant mon affection, comme a celluy dont j'estime et lionnore les meriles. En cest voluntc, je prie Dieu, etc. CLXV. A Messieurs de Charlres. Vous ne pouvez ignorer com me de tons costez nostre ennemy s'essaje plus par fraude que par force a s'opposer a I'establissement de cesle saincle cause et au repos de chacun de nous en particulier, plus par les surprises des bonnes villes que par autre effort a la descouverle. Le trailement qu'en regoivent ceulx qui par leur nonchalance sont tombez entre leurs mains, peut servir d'exemple a ung chacun, comrae je m'asseure que vous ne vous endormirez tloresnavant, vous asseurani qu'il vous vouldroil atta- quer;desorleque[si] vousyeussiez besoingdcma pre- sence, vostre conservation m'est tellement chere qu'il n'y a rien que je ne voulusse quitter pour vous les- — 321 — moigner combien voslre saliil m'esl rccommande. J'escris a Monsieur cle la Bourdaisiere, voslre gouver- neur, que je in'asseure qui aura I'oeil ouverl a tout ce qui sera rle besoing pour vous garenlir de Icurs desseins. Jc prie Dieu en cest endroict, Messieurs, etc. CLXVI. Dudict jour. A Monsieur Acan/e (1). Monsieur Acarye, J'ay receu a beaucoup de conlen- teincnl le soing que vous avez pris de ni'escrire par- liculierement lout ce que je desirois sgavoir de ce qui se passe |)ar dela, ou jc recognois assez le be- soing que j'aurois de m'y acheminer, selon I'advis que vous el beaucoup de moz amfs m'en donnent ; mais ne pouvant si lost que je desircrois, j'ay prie Monsieur le conte de Brissacd'v Taire uner la creance que vous avez acquise parmy eulx, a leur faire cognoistre le mal qui peut arriver de lelles divisions , et au contraire le bon heur qui se suivra necessairement de leur accord et mutuelle intelligence, quand ilz rapporleront tout au bien de la relligion, comme nous debvons tous faire. A quoy m'asseurant que vous n'oublierez rien de ce qui peut servir a cest effect, et que vous pourrez apprendre plus parliculierement dudict sieur viconte ce que vous desirez sgavoir de noz nouvelles , donl je luy escris amplement, je ne vous ferai ceste plus longue que pour prier Dieu, etc. CLXXVI. Dudicl jour. Aux gentilzhommes de Poictou. Monsieur de , Vous sgavez par Monsieur le viconte de la Guierche I'estat de noz affaires par dega et les desseins que faict encore un coup I'en- nemy d'employer tout ce qu'il pourra amasser de forces sur Paris. A quoy cognoissant I'interest que nous avons tous de nous opposer, j'ay delibere d'as- sembler les meilleures forces que je pourray faire, avecque celles que j'ay desja prez de moy et d'aullres - 338 — qui me doibvent arriver bien tost de Flandres, pour conserver cesle ville qui est de si grande importance a I'cstablissement de ceste saincle cause et a la ma- nutenlion de cest Elat, el possible pour repousser plus loing les enfreprises de noz ennemys. Ce que ne pouvant qu'avec le secours de ceux qui onl embrasse d'affeclion comme vous le bien de cez affaires, je vous supplie el conjure de vous lenir prest avec le meillcur nombre de voz amys, pour, a la premiere occasion que je vous ferai sgavoir par ledict sieur viconte, vous en venir tous ensemble par detja , ou je m'essayerai de vous donner lout conlenlement qui me sera possible, oultre la gloire a laquelle je m'as- seure que vous serez bien aise de parliciper, si Dieu nous faict la grace que nous pouvons esperer de la ruine de noz ennemys et de la restitution de cest Eslat, y establissant noslre saincte religion, en la- quelle nous avons des nostre premiere cognoissance prolesle de vivre et mourir. En cesle asseurance, je prie Dieu, etc. CLXXVII. Du XXVIle Decembre. A Messieurs de Dreux. Messieurs, J'ay receu vostre lellre et veu avec beau- coup de regret ce que vous m'escriviez du sieur de Falandres que j'eslimois fort pour avoir csle tous- jours tres sogneux de voslrc conservation et affec- tionne au bien de cesle saincte cause. A son deffault, je ne trouve pas que, selon vostre opinion, le moyen de vous conserver, comme vous avez este jusques a — 334 - €cst heure, soil de vous desgarnir de gens de guerre et de prendie ung d'enlre vous pour commander, ainsy que m'escrivez, dont au contraire vous ne fau- driez de tirer en bien peu de temps voslre enliere ruine. El pour ce, j'ay advise sur la nouvelle de cest accident de meltre en la place dudict sieur de Fa- landres Monsieur de Vieupont, qui est genlilhomme du pays que vous cognoissez fori affeclionne a voslre bien et duquel je m'asseure que vous n'aurez moins de satisfaction (|ue du deffuncl, I'ayant choisy entre beaucoup d'autres pour la cognoissance que j'ay de luy, selon le desir que j'ay d'y pourvoir du (out a vostre contentement ; vous promectanl oultre ce d'a- voir lellemenl I'oeil ouvert a ce qui sera de vostre repos el de la conservation de vos privileges, que si nous avons repousse les effortz de noz ennemys pour entrer en ceste consideration , je les voudrois plus tost augmenler que souffrir qu'il y soil conlrevenu en fagon quelconque. Mais ce temps ne vous promec- tanl de vous y arrester, au prejudice de la seurele que vous debvez aporter a vostre ville par I'appuy des bonnes forces que vous avez acoustume d'y avoir, je vous prie de conlinuer de bien en mieulx , soubz ledicl sieur de Vieupont, a vous mainlenir et asseu- rer que je desire tellement de vous conserver que je n'espargnerai chose qui soil en ma puissance pour le vous faire cognoislre , lorsqu'il en sera besoing, priant Dieu, etc. CLXXVlll. A Messieurs du conseil. Messieurs, Je vous ay par cy devant escrit le desir — 335 — que j'avois que la commoditc sc presenlast de vous en venir par deca, pour le besoing que j'ay de vosire assislance ; mais oulti'e ce (ju'il n'y en a pas eu beau- coupt de moyen, ne s'estant trouve gueres d'escorle suffisante pour vous y conduire, j'estiiue que vosire presence a este seullenient requise a Paris , que la mesme consideralion vous y pouvant encore retenir plus que jamais, et me voyant ce pendant presse de salisfaire aux parties qui sont icy de plusieurs en- droiclz, je vous supplie de resoudre le moyen que vous aurez de m'apporter le sceau dont je ne me puis plus aucunement passer, ou de le donner a Mon- sieur le conle de Brissac pour me I'apporter, aiant volunte de le remettre entre voz mains aussi tost que j 'aurai ce bien de vous voir, que je desire inliniment; vous recommandant ce pendant lout ce que vous es- timerez pouvoir servir au bien de cez affaires el con- servation do la ville, ce que je me promeclz assez de la prudence et bonne affection que vous y avcz tous- jours aportee. Du surplus, vous croirez Monsieur le conte de Brissac de ce qu'ii a a vous dire de ma part, tout ainsi que moy mesme. Sur ce, je prie Dieu, etc. GLXXIX. Au Saind Pere. Tres Saincl Pere, la Ires digne promotion de Vosire Sainclete au souverain ponlificat nous donne toute cerlaine et infallible esperance de I'advancemenl de noslre saincte religion et d'ung prompt el Ires puis- sant supporl aux catliolicques, puisqu'il a pleu a Dieu faire cboix d'ung clief en son Eglise, largemenl done des parlies el (|ualitez requises pour la conduire au — 336 — port de salut. II y a longtemps qu'clle est troublee en son repos, presque en loutes les contrees de la chres- tienle, et depuis trenle ans exlresmement agitee en la France par ceulx raesmes qui onl le debvoir ct beaucoup d'obligation a la mainlenir et conserver. C'est chose par trop cogneue de Yostre Sainclete, la- quelle nons a faict cest honneur d'embi'asser nostre saincte cause des le commanceraent que nous avons este contrainct de lever les armes pour nous opposer a rinlroduclion des heresies, dont Monsieur le com- mandeur de Dion, ambassadeur de ceste couronne, ayant rendu tesmoignage par loutes ses depescbes , nous avons jecle les \eux surVostre Sainclete avant sti creation, avecq veux el continuellcs prieres pour ob- tenir ce benefice de la divine bonle. Je puis dire avec verite que jamais nouvelles n'a este receue avecq tant d'alegresse de tons les bons Frangois , qui lout aussi tost, sur I'advis que je leur en ay donne , en onl rendu actions de grace a Dieu, qui enfin a faicl pa- roistre qu'il n'afflige jamais les siens avecq tant de rigueur el ne lasche si avant la bride a ceulx qui les persecutent, qu'au milieu des adversitez et lorsque nous pensons les choses plus deplorees, il ne face reluire sur nous les rayons de sa clemence. Ce royaulme a soufferl loutes les extremitez ; et depuis que la charge m'en est commise de I'auctorite des parlemens et du general consenlement du peuple, il y a eu de tres perilleux accidens, desquelz touleffois Dieu nous a toujours rellevez el n'a point permis que les bons calbolicques se soient desvoiez et deparliz ?le la defense de son sainctnom. J'eslimerois, Tres- saint Pere, faillir a mon office, si je ne represen- tois a Vostre Sainclete leur sainct zele, ferme resolu- :S:M tion el perseverance, perpetnelle suhmissioii el reve- ranco envers le Sainci Siege; aiiquel ajans eii recoiirs el addressans aiijourd'huy leiii's plainctes el Ires humbles requesles a Vostre Sainclete, je m'asseure qu'elle ne s'en liendia point imporlunee, recognois- sant que les enfanis de FEglise ne peuvent "avoir refuge qu'au pasleur univcrsel el pere communique Dicu a eslably en lerrc son vicaire [lour la piolec- lion de ses ouailles el bergerie chreslienne. Je prandrois volonliers la hardiesse de me doulloir des longueurs de la el froideurs du passe en ceulx ue nous requicrons comnie prolecteurs de la justice e noslie cause el liberaleurs du peuple de Dieu, si- non que c'esl un secret jugemenl de sa providence, qui nous faict cognoistre evidemmenl avoir reserve a Voslre Sainclete la reslauralion de son leraple el la vicloirc conire ses ennemis. II n'est besoing de luy faire entendre leurs forces el combien est eslroite leur liaison el inlelligence, tant au dedans que ors de [ce] rojaulme, el moins encore. le peu d'ardeur ct de zelle, ou plus lost la contradiction de plusieurs de noz calliolicques frauQois, tant ecclesiasliques que de la noblesse, lesquelz sont si aveuglez et si oublieux de I'eslat de leurs consciences qu'ilz se bandent a la mine de leur propre relligion el a Taneanlissement du Sainct Siege aposlolicque, pour planter les nou- vclles erreurs et mettre le sceptre francois es mains d'ung prince heroiique, relaps endurcy et obstine. C'est, Tres Sainct Pere, nostre plus grand regret et le nial le plus douloureux quo nous senlions , auquel il est Ires necessaire que Voslre Sainclete , s'il luy plaisl, applicque les remeddes lenilifz de ses saincles et palornelles exorlalions, ou bien le caulaire spiri- xxjx. 22 — 3^8 ~ tucl si aultremcnl la guerison ne s'en peut es|)erei'. Nous nous en remeclons en sa prudence qui sgauia Irop mieux juger cc qui nous esl pro])re cl expediant, aprez luy avoir tres luunblemenl renionstre la foi- blesse du corps de cesl Eslat qui ne peut souffrir de plus longues longueurs, se voyant du tout perir s'il ne plaist a Voslre Sainctele le couvrir de la protec- tion de vostre faveur el le conforter du secours de rEs:lise. Je m'en ouvrirois plus paiticulieremenl, si je n'a- vois escript asscz amplemenl audict sieur comman- denr do Dion des preparaiifz que font les cnnemis, de leurs praticques et desseings, des grandes levees de gens de guerre dont ilz s'asseurenl, de la conjonc- lion el correspondance des princes et polenlatz de leur faction, a fin d'en rendre coniple a Voslre Sainc- lete lorsqu'il luy plaira I'honnorer de son audience. Bien luy puisse dire que la France est la crise de la malad\e de I'Esglize, que son salut est le jugement infaillible du salul universel de toute la chresliente, et que conlraire sa desolation altirera indubilablement en suitte et consequence une generalle subversion des provinces el regions voisines. C'est pourquoy, Tressaincl Pere, je me veux promectre que les princes cbrestiens catholicques, excilez et admonnestez par Voslre Sainctele, el induictz par Texemple de son as- sistance, se joindront a nous pour esleindre en France le feu qui menasse de les embraser tous et de reduire leurs Eslatz en cendre par les brandons des heresies. II y va de leur interest comme du nostre ; el faisant profession d'enffans d'obediance, ilz ont le scrment a la manulention de I'Esglise comme nous, el n'y doi- venl apporlcr moins d'affection que les pi'inces et ])Olcnlatz lieieticqiies a la propngalion de leur faulce docliine. Je siipplie Ires humlilemenl Voslre Sainc- tele de m'excuser si j'en parle Irop librenienf , et allribuer ccsle franchise a la clialeur de mon zele el a I'aprehension que j'ai d'ung j)cril Ires emiiienl, el a la Ires Inimljle el Ires fidelle serviliule que je luy dedie, (ju'il luy plaira accepter, m'en onnoranl de ses conriinandemens el palei'iielles benediclions, que je liendray a Ires grand heur, et de sacrilier ma vye pour le service de Dieu , lequel je prie, Tressainct Pere , aprez avoir baise les piedz saccrez de Voslre Sainclele, la conserver longuemenl en loute piospe- I'ite pour le bien el advancement de son Eglise. CLXXX. Dudict joni'. A Monaiear de Lancosnte. Monsieur de Lancosme, 11 y a q'uelque temps que vous ayanl faicl une depescbe pour envoyer par la voyc de Messieurs de Marseille, sur les plaincles que je receues de leur part du mauvais traiclemenl qui leur estoil faict sur les mers du grand seigneur, el sur ce que m'en fit particulierement entendre voslre homme, je fus diverii dc vous depesclier par I'ache- minement de Monsieur le due de Parme aus Pays Bas, au(juel je me deliberay dc le conduire jusques sur la IVonliere, commc j'ay faicl, en allendanl lousjours depuis qu'il me vinl relrouver pour le vous renvoier par la voye de Flandrcs comme la plus seure. J'ay receu, eslanl a Braine, que j'avois pris du mesmc jour stir I'ennemy, deux des voslres du XVII'- el XXIX'' - 340 - tie sei)lemI)rR, par nng courrier qui m'a oporle les nouvelles de la creation ilu pape Nicolas (1), nai,^ueres cardinal Cremone; par lequel ayant pris occasion de vous faire tenir ladicte depesche, le faissanl passer par Rome, je ne I'ay pen accompiigner, comme je de- sirois, des presents accoustumez en Idles choses ny des commoditez donl je desire parliculieremenl reco- gnoistre les bons offices que vous faictes par dela au bien et avanceraent de ceste saincte cause, donl je vous prie faire mes excuses el donner asseurance, comme je faictz, au premier bassa , a qui j'escris, luy faisanl entendre 1 eslat de noz affaires el la diffi- cultc des chemins et passages-pour cest effect, jus- ques a ce que je vous puisse renvoyer vostre bomme, ou depescber, comme j'avois deliberc, ung gentil- bomme marsillais exprez avec ceste cbarge. Prenant ce pendant ceste occasion en main pour vous lulvertir (le I'eslat de noz affaires, auxquelles nous ne pouvions desircr plus de bon beur que celbiy qu'il a pleu a Dieu nous accorder par la promolion au pontifical d'ung prince si affectionne et zele a son honneur el si digne du gouvernernenl de son Eglise, qui est SaSainctete; cl pour remonstrer, comme je fais , a Sa Haullesse une partie de ce qui s'est passe jusques a cest beure en cez affaires, a fin de m'excuser du long temps que j'ay esle sans luy faire entendre les occasions qui m'en onl empescbe, comme je vous supplie de faire de ma part, batissant la deduction de vostre discours sur la lelire que je luy escris , el vous servant de ce mesme subject pour luy faire revocquer la permission qu'il a donnee de coui're sur les Francois'qui liennent • 1) fiio^oire XIV. - 341 - ie party el specialcment sur ceux dc Marseille. Pour a quoy parvenir il sera bon, ce me scmble, de luy representer bien particulieremenl la justice de jceste cause et la netcle de noslre inlenlion nti seul resta- blissenient (1). GLXXXl. A Monsieur le viconle de Tuvdnncs. J'ay receu les nouvelles de la mort du sienr de Fakindres ouparavaiit voz leltrcs, avec beaucoup de- regret de la perle d'ung si honneste homme, el en- core plus lie ce (|ue je n'ay receu vosdicles lettres qu'apres avoir pourveu a ce que vous me demandez pour Monsieur de Conlcnan , plus de quaire jours auparavant, en faveur du sieurde Vieupont qui en a desja son expedition. Ce ra'eust este ung singulier plaisir d'avcTir racontrc ce moyen de contenler ledicl sieur de Contenan et de luy Icsrrioigner, comme je desire, I'bonneur que je portc a ses merilcs et I'es- lime que j'en fais, vous asseuranl que je lacberai a tirer en ce quartier ledict sieur de Yieuponl, a fin de pouvoir encore luy donner cesle satisfaction, qui sera dans peu de temps, selon (|ue j'espere inanier cesl affaire en sa Javeur, que je m'asseure qu'il aura bien cesl patience, .le ne puis que je ne loue beaucoup ce que me mandez avoir escrip a Monsieur de Villars pour Caudebec. Gela me faicl esperer (jue, suivant ce que je vous avois escrit, vous vous serez assemblez il) Ci'Ur iH|ii'(iie n'l'^t pas toiiiiiiic:«. ^7/w) pour joindre Monsieur de Mcrcoeur el secourir Avran- dies, scachnnt de quelle importance il est a toulc la province ct ce que meritent de ceste cause ceux qui sent dedans; ce que jo vous supplie d'avancer, si ne I'avez desja faict, en loule diiligencc, el de vous resou- venir que voslre bonne correspondance avec ledict sieur de Villars eslle seul moyen de mainlenir la pro- vince centre tous les desseins de noz ennemys. Si je vous cussc pen envover les forces que me demandez, je I'cusse laid Ires volunliers en ceste occasion; mais ayant a m'opposeraux enlreprises (pii se font conlre Paris ou ilz dicssenl le principal but de ieurs mau- vaises intentions, je nc puis ny distraire r\\ me de- saisir de cc (jue j'ay, faisant au conlraire eslal d'en assembler davaniage , a fin de me pouvoir presen- ter a quelque effort qu'ilz puissenl prctendie d'y fa ire. Je croy que vouz aurez receu les IIII mille escuz que les marchands descl vous doibvent fournir. Je ne suis qu'atlendanl Zamel el RibauU pour vous envoyer line aullre bonne somme , comme cbose que je co- gnois bien necessaire et que je ne desire moins que vous. J'allens aussi nouvelles de ce qu'aura faict Monsieur Ic president Janin en Bourgogne, auqucl j'av cscrit suivanl ce que me mandez, et vous en don- nerai incontinent avis de tout ce qui se passera par dega. Je ne veus oublier a vous dire les bonnes nouvelles que j'ay receues par ung courrier exprcz de la crea- tion du pape Gregoire XHIlc, auparavant cardinal Gre- mone , aulant affoclionne a cest saincle cause que nous eussions sceu desirer, a fin que vous en faciez rendre les actions de graces par Messieurs de vostie — J 4. J ville el clu clei'ge, ainsy (|iie nous avons faict par deca a Paris el aullres villes. C'est tlu camp. CLXXXIl. A Monsieur de Dion. La nouvelle que ni'a apportee ce courrier esl la plus agieable qui me pouvoil arriver de voslre part etla grace du ciel de laquclle je rimporlunois le plus, ne pouvant esperer d'eslablissomenl bien asseure en noz affaires que par I'assistence de cesle auclorile, en verlu de laquclle nous nous sommes premierenaent armez pour la conserver conlre tous ses ennemys. Aussi en ay je faicl faire par tout les actions de graces que nous en debvions a Dieu, el en veux rendre tous les tesmoignages qui me sonl possibles a Sa Sainc- tete, a laquelle j'escris, la remectanl sur vous de ce que je desire plus particulierement luy faire en- tendre, dont vous pourrez prandre Ic subject en par- tie sur la leltre mesme que je luy en faiz, donl je vous envoyc coppie , sur ce que vous aurez peu en- tendre de noz affaires el sur ce que je vous en des- duiray icy : en quoy il n'ost besoing que je m'arresle sur la necessile qui nous presse, que vous avez assez cogneue de longtemps el dont vous avez peu eslrc informe depuis ; non plus que de I'alliancc el intelli- gence des princes bereticques renouvelleeet confirmee a noslre ruine , s'ilz peuvent, par le passage du vi- corite de Turene (1) vers le due de Saxe, qui avec la i1, llciu V c!o la Tour, xicimtc ilc Tmu'iuic . (li'|uiis iiiareclial ile Franre, (lil le niau'rlial di' Hmiilldii, lioiatiit' d'uu ffrayifl rn'tir ft royni3 d'Aiiglelerrc roiirnit lesdeniers [loiir do grosses levees (Ic reistres, suisscs et lansquenelz desja fnicles el presles a deccndrc dans ce printemps. De sorle que, si de nostre cosle nous ne faisons pareille dili- gence, c'est temps perdu que de penser en vcnir a bout pour tirer les choses en longueur, ou se amuser a des defTiances et dcs jalousies particulieres la ou cliacun des princes calliolicques a egal interest : mais Sa Sainclcte qui pcul beaucoup a les exiter lous a son exemple, si elle veut monstrer qu'elle embrasse cesle afl'aire avecq aulanl d'affeclion (ju'clle en pent juger la consequence ; eu (juoy, cliacun pourra voii' son in- lenlion, si pour le premier effecl elle continue lexcom- munication jetlee sur le roy de Navarre, comme he- relicque el relaps, el menasse de pareille punilion tons les caliiolic([ues ses faucteurs et adiicrans, invi- tant lous les princes, seigneurs et communeaullez a recognoissance de leur faulle el leur donnanl quelquc terme pour cest effect; conforlantau conlraire par ses hreh les bons calbolicques qui ont persisle en ccste saincte cause, et louant leurs actions, leur fermete et I'esolulion avecq prornesse de son secours et assis- tance, mesmement a ceulx de Paris. Le secours que nous en pouvons desirer seroit de dix mille Suisses, deux mille chevaulx frangois enlrelenuz et de quelque cavallerie ilalienne, avecque les fraiz de rarlillcrye el des vivres ; le lout par le maniement de ses commis- saires, aflin qu'il cognoisse par les siens raesmes a quoy seronl employez ses deniers, si mieulx il n'ai- d un grand fspril, Je jihis accoit ctjudirieux liomme de son tiimi)s. rt run lies plus rafincz politiques, selon Bcauvais-Naugis. Voir suf sa inission li-s fxttres misslvrs de Ifenrij /F, tome III. moil mc foiiniir [)ar mois jusques a cent on six vinj^^f inille esciiz, qui ne (1) seroil encore a moilic prez (le ce que son predecesscur m'avoit faict offrir par la bouchc dc Monsieur le cardinal Cayetan de me secou- rrr de XXVI mille hommes de guerre, avec la suille et I'equipage nccessaire. Vous luy pouvez remonslrer que si nous n'avons deux ou trois puissantes armees pour en opposer I'une a la teste du roy de Navarre et employer les aullres a nettoyer les provinces, nous ne ferons (|ue languir et donnerons en fin du nez en tcrre , aprez avoir luine lout cest Estat et mis la religion en p.eril asseure, dont nous ne la pourrons garenlir aprez ; etqu'il vault niieux faire ung grand effort tout d'un coup, et meltre en ung mesme temps la despence qui se feroit a la longue que de lirrer, comme nous avons faict jusques a cest heure, une piece aprez I'autre. Ce que Monsieur le legat a fort bien cogneu estre Ires necessaire pour divers accidens qui peuvent ar- river de la mort des princes (lui-porlent noz affaires liors du royaulme et de ceulx dedans qui y travaillenl, et aussi pour rompre et prevenir les desseins de noz ennenijs, tant dedans que dehors ce royaulme, qui font lout ce qu'ilz peuvent [lOur avoir cest advantage sui' nous. Vous luy pouvez aussi represenler le besoing que nous aurions que Monsieur le legal Caielan relour- nasl par dega, pour Tassemblee des estatz que j'ay assignee au XX^ de Janvier prochain; je pourrai pre- lo'nger d'ung mois ou six sepmaines, a fin de donner loisir a Sa Sainciete et aux aullres princes calliolic- y\) Ms : ni«. qiies d'y cnvoycr : (|u'en iceulx on liaictera dc la no- minalion ct esleclion d'ung roy bon catholicque et hors de toul soupQon. Sur quoy vous pouvez senlir quelle sera rinclinalion de Sn Sainclele et me la faire diligemment et secrclemenl sgavoir. II en faiidroit aussi fort presser ledicl sieur legat ; et oil il s'en excu- seroit, faire envers Sa Sainclete qu'il luy pleust en mecire quelqu'un qui nous soit favorables ; mais ce s^ra aprez luy en avoir faict toutes les instances que vous pourrez et que vous reitererez jusques a ce que vous en ayez perdu I'esperance. A quoy vous n'ou- blirez de luy representer que c'est le souhait de (oute la France et que sa presence seule peut aujourd'huy nous apporler le salul que nous desirous. 11 seroit aussi bien requis, qu'outre le secours que nous pou- vons esperer de Sa Sainctele, il luy pleust unir pour la deffence de la religion lous les princes calbolicques, a I'exemple de ce que font noz ennemiz pour I'esta- blissement de leurs faulces doctrines. J'ay pour cest effect depesche de ma part Monsieur de Lion vers Sa Sainctete et les aultres princes d'lta- lie; Monsieur le president Janin en Espagne el Mon- dreville (1) en Allemaigne. Je vous ay desja escrip pour vostre particulier que vous pourriez vous servir des cinq mille escuz de Monsieur le legat que j'ay ramboursez. Ayant plus de commodite , vous pouvez croire que vous ne manquerez de moyens faulte de volonte. J'altens en bonne devotion Desportes pour sgavoir la resolution que Sa Sainclete aura prise ; et ne pouvant, cc pen- dant , me prevaloir des foi'ces que Son Allessc m'a (1) .Martin dii Rose, seigneur de Mondie\ille, dii Fmneniiiiiiiiv, ilc — ^47 - liiissees ou noinbre de IIIl inille liommes de piedz et cinq cent chevaulx, si horassez el malades que j'ay esic contrainct de Ics metli'o en garnisson qiiinze jourr. ou Irois seinaines devanl que je m'en puisse aucunenient servir. Et pour ce , je vous renvoye le courriei' en diligence que j'ay paye a cest effect, a fin que vous ne craigniez aucune importunile a presser et conjurer Sa Sainclele pour cc (]ue nous en avons extremement besoing, si clle ne veult voir duranl son pontifical la ruine toute certaine de cest Estat , qui s'est jusques icy a cest heure si vertueusement op- pose aux assaulz dont on s'csl essaye de le combalre de tons coslez, et y ayant resisle avec lanl d'lionneur par le nioyen de la fidelle assistance qu'il a receue du roy calholicque, auquel aprez Dieu nous somraes lenus de confesser que nous devons noslre conserva- tion ; ce qu'il luy doibt servir d'esguillon pour, oultre rinclination qu'elle y peul avoir de soy mesme, ne laisse remporler cesle louange par aulres (luelconque, comme elle luy est plus parliculierement affecte qu'a personne. La necessite que nousjivons de son secours tant en homuies qu'en argent est telle qu'il n'y a plus d'appai'ence de se laisser retenir au respect, en chose du tout desesperee. Aultremcnt, faites luy cognoistre, aulanl que vous pourrez, que sans les promps efllectz qui sont en sa puissance, je ne pense plus qu'il reste du temps pour les employer a I'advenir. Ce que je pouray de faire de mon coste sera d'a- niasser le plus de forces francoises qu'il rne sera possible, comme je suis aprez, pour, si tost que les eslrangers auront prisquelque rafraicbissement, aller, en attendant le secours de Sa Sainctele, me presenter a Paris avecque cc que je aurai 'le Irouppes et m'op- - 348 - pusei' mix (Jesseins tie Fennemy qui \ a assarnble toules scs forces el allire mesme loulcs ses garnisoiis de toules pariz , pour y faire, s'il peut, ung dernier elTort, devanl que je puisse faire estal de ce que j'al- Icns de son assislence. Je ne laisse de me roidir contre lous ses efforlz, et ayant repris despuis peu quelqucs chasteaux a sa barbe, donl ce pays esloit infiniment incommode, el specialemenl la ville de Braines, (ju'il s'avanga avec Monsieur de Nevers de vouloir secourir, ou il perdil Irois cent bons hommes qu'il pensoil se mettre dedans. Despuis le jeune Rieus (1) a defTaict, auprez deCoeure (2), Laval, cappitaine de ses gardes, et pris le meilleur de sa grande escurie, y ayant csle poursuivi de si prez qu'il faillit a y demeurer luy mesme. J'ay pris occasion par ce mesme porleur de vous envo] er la despesclie de Levant que je vous prie de faire lenir a Monsieur de Lancosme , comme chose qui nous importe intiniment. Je vous supplie de I'en- tretenir tousjours en la bonne devotion qu'il a el qu'il nous adverlisse de tout ce (jui se passera par dela, s'opposanl a celluv que le roy de Navarre pour- roit envoyer par devers Sa Grandeur. Je vous supplie que aullre que vous ne vo\e cu deschiffrcment, qui est, qu'au cas que Monsieur le cardinal Caetan ne voulut aucunement entendre a retourner par dcQa. sur I'inslance que je vous prie de luy en faire, vous luy proposiez aprez lout refus Monsieur I'evcsque de Plaisance, pour avec sa faveur (1) Jean de Rieux le Jeune , depuis niarf|uis elAcerac, delVnseur de Noyon en l.soi, puis gouveineui' dc I'ierrelonds. (2) Ccpuvres pres- Soissons. - 849 — oblenir dc Sa Sainctcle (lu'il nous demeure et tienne cesle place a son defTaull avec I'honneur dii cliapeau qu'il mei'ile, eslant personnage Ires digne de cesle charge el de cesle dignile, ainsy cju'il fill faict pom- Monsieur le cardinal Mourron (1) en 88, el intini- ment zelc a cesle saincle cause. Je desire aus&i que vous \ous resouveniez des propos que nous eusnies ensemble dans le cloislre des Charlreux, Monsieur le presidenl Velus (2), vous el nioy. CLXXXIII. Du XXVIUe Decembre, A Monsieur le conic de Carces. J'ay receu voslre lelli-e du Vllle Novembre seulle- menl le XXJe de celluy cy. Je vous avois escril il y a fort longlenips par voslre secretaire , auquel j'avois donne voslre pouvoir; et fault qu'il luy soil arrive quelque accident, puisque vous n'en avez eu oultre nouvelles. Je vous ay despuis depescho par [dusieurs aulres et specialemenl par Sissognes, a qui je donnai plusieurs lettres en blanc pour distribuer a ceulx de noz amis dcsquelz vous jugerez plus a propos de les faire remplir. Je chargai aussi Monsieur le presidenl Janin, qui est parti le dernier du passe, [de passer] })ar voz (juarliers pour vous voir; j'allens encore le sieur de la Riviere a fin que je vous envoye par 1: y (\) Le cardinal Morosini, legal cii iMMiUC sous Henry III. {■>) Jean Vetus, ne en liouruojinc , i>i\'sic!ent an i>arier.icni de Uoniies. La Bihlidtlu'tjuc iuijieiiale possrdc iin niaiuisnit d'une de SI'S netroeialions (l.'iGi'i). — 350 — ung dupplicala de vostre poiivoir, elluy doniKjrai des leltres en blanc, snivanl ce que vons desirez , et s'il ni'esl possible leltres de change pour vous sortir de la partie de huicl mil escuz dont vous m'escriviez. Ce pendant je charge ce courrier de ce mot, en allen- dant que je vous puisse plus amplemenl escrire, louant fort la fagon dont vous vous esles conduit a I'endroit de Monsieur de Savoye (1) et de ce que vous avez si bien remis les affaires de dela. J'ay enlendu qu'il a faict son entre a Aix (2). Voyes, je vous sup- plie, de conlinuer avec la mesmc prudence, et que ce ne soil au prejudice de la creance que nous y pou- vons avoir, fortifianl de plus en plus noz amis a la bonne affection qu'ilz nous ont tousjours [lortee. Je croy que la bonne intelligence que vous pourrez avoir avec Madame la contesse de Sault y pourra servir de beaucoup , elne fault doubter que ce ne ful ung ferme establissement de noz affaires. Asseurez, je vous supplie, Messieurs de Marseille que i'ay depesche vers le grand seigneur pour ce dontilz m'avoient escril, et que je n'y ay ricn oublie de ce que j'av pense pouvoir servir a leur bien el a la liberie qu'ilz desirenl [sur] le trafict. Je redoublerai ceste depesche a la premiere occasion, a fm qu'ilz y envoyenl de leur part, avec les presens acouslumez a lelles personnes. Je ne vous ferai cesl plus longue que pour prier Dieu , etc. (I) Le due deSavoic vniait d'occupci' iinr paitie de la rioveiire. {2 Ms : Aiix. — 351 — CLXXXIV. A Monsieur de Pui du Fou (1). Monsieur de Pui du Fou, J'ay beaucoup de regret que les lelires que in'escrivez onl esle perdus, pour le contenlement que j'eusse eu de sgavoir de vos nou- velles, donl j'ay louteffois esle bien aise d'apprendre ce que m'en escrit Monsieur le viconte de la Guierche, el ce que m'a rapporle voslre lioinme de la prise que vous avez faicle de Mauleon (2) sur les ennemis, qui ne pent eslre que beaucoup a I'advanlage des affaires par dela. Je ne me suis jamais moins promis de voslre valleur el bonne aflection a radvancemenl de cesle saincle cause, el m'asseure bien que vous n'en de- raeuiez en si beau chemin. Quant a ce que vous desiriez pour legouvernemeut du pays, je desirerois fort vous pouvoir satisfaire, mais y ayant de longlemps pourveu Monsieur le vi- conte de la Guierche , el n'ayant acouslurae d'y en avoir deux, jc m'asseure que vous sgaurez vous en- Irelenir avec lant de correspon dance et bonne intel- ligence I'ung avec I'autre que ce ne sera qu'une mesme chose; oullre ce que I'occasion se pourra presenter de vous donner aulanl de conlentemenl d'ailleurs, comme vous m'y Irouverez lousjours Ires-disposc. Pour le payemenl de vostre garnison ce ne seroit aussi rien a voslre advantage, ny au rcpos du pays, de pervertir I'ordre des finances et dislraire I'elec- tion dc Mauleon de la receple generalle de Poitiers. Pour ce j'escris aux ihiesoriersa ce (|u'ilz facent estat ^t) I'liy (III I'oii, siciir (If Severio, goiiveriicur dc l;i Gamarlu". (ij M.iiilroii cii Pdildu. — 352 — (les deniers dt^ leur generalite, pour vous donner si bonne assignation que vous en puissiez eslrc content, et audict sieur viconle a ce qu'il vous y liennc la main, vous prinnt de le voir pour cesl elTect et pour en dresser I'estat ensemblement, ainsi que vousadvisorez pour le mieulx. Je ne vous escris point plus particulieremenl do I'eslat des affaires de deca , dont je m'asseure que ledict sieur vicontevous communicquera lout ce que je luy en mandc. Faictes moy ce bien de croire que je vous honnore ei eslime et que je n'aurai j;imais plus de contentenient que de pouvoir dignemcnl re- rognoistre voz bons offices, que je vous prie de con- linuer de bien en mieulx, a I'advantage de cez affaires. En quoy m'asseuranl de vosire bonne volunle^je prierai Dieu, etc. CLXXXV. A Monsieur le president Janin. >.lonsieur le president, J'ay receu par plusieurs advis, depuis vostre partement, confirmatifz de grandes levees qui se font en Suisse el Allemaigne pour le roy de Navarre, et qu'elles seront plus lost presles que nous ne pensons. Je crains fort les longueurs de noz amys el que noz ennemis ne nous previennent. Le roy de Navarre va joindre a Saint-Denis les mare- cliaulx de B.^ron, d'Aulmonl (1), Espernon (2), el Monsieur de Nevers faict venir loutes ses garnisons (1) .lean VI a'Auinont, conite de Cliateauioux. (2) Jeau Louis Jt; Nogaret de Lavalettc, due d'Epcinon, Varchi- mignoii d'Hciiry III. Un pen plus loin, on vei ra qu'il a ete on raar- chi'' ponr sc donner a la Li.^uc. ~ 353 — else resoull de faire ilans peu de jours ung effort sur Paris. Je suis aprez a y pouiveoir. j'escriplz a Mon- sieur de Lyon sur I'advis que j'ay receu de la crealion de noslre Sainct Pere. alTin qu'il hiy plaise s'advancer en son voyage, comme jc vous prie et conjure de faire le seinblablo au vostre el ile pressor le secours de lous coslez Sy Monsieur de Savo\e nous vouloit tcnir la pai'oUe que nous a lenu son ambassadeur et faire descendre en Bourgogne les Irois mil hommes de pied et quatre cent chevaulx qu'il nous proniect, se seroit ungnioyen de pacifier la province en peu de temps, et ung couimancement de foi'ces pour empes- cher la descente des estranger-\ Je supplie Monsieur de Lion me faire paroislre a ce coup de combien il ra'ayme et le credit qu'il a parmy la noblesse et les geus de guerre qu'il a par dcla, et faiie en sorle (|ue je puisse eslre secouru a nostre grand besoing d'une bonne Irouppe soubz la cliargc de Monsieur de Nemours, mon frere, el de Monsieur de Sainct-Vidal. CLXXXVl. • A Monsieur Varchevesqne de Lion. Monsieur, J'ay receu I'advis de la crealion de nostre Sainct Pere, auparavant cardinal Cremone, que I'on nous asseure estre Ires-zele au bien de noz affaires, dont je me conjouis avcc vous, que je supplye vou- loir avancer son voyage , affin de prendre avec Sa Sainclele une bonne et fermc resoluiion lanl du se- cours (pie nous pouvons espercr d'elle, que d'une bonne intelligence de lous les princes catbolicques, moyennanl laquelle nous puissions nous opposer aux levees el forces que melleni ensemble les princes [et] XXIX. 23 — 354 - potcnlalz lierei.iques, (jue j'enlendz eslre Ju tout uniz ;ivec Ic roy Je Navarre el la royne d'Anglelerre pour conspirer a nostre ruyne. 11 n'est besoing, Monsieur, de vous inslruire de la consequence et de ce iiui est necessaire pour conserver nostre relligion cllerepos des gens de bien : j'en vouldrois prendre advis de vous mesmes et m'en remectz entieremenl sur voslre prudence, comme sur la personne de ce monde que i'lionnore et eslime le plus, et de la conduite duquel je me promectz le bon heur de noz affaires el qui en doibt esperer la plus grande gloire. Vous sgaurez aussi , s'il vous plaist, sonder quelle est rinclination de Sa Sainctele pour la nomination et election d'ungroy, a quoy lous les gens de bien desi- renl faire reussir cetle assemble d'estalz, ausquelz je souhaitteroys voslre presence, s'il y avoit moyen que vous peussiez estre de retour- de voslre voyage. Monsieur le president Janin vous aura veu et rendu comple de I'estal ou nous somnies et n'y puis rien adjouster, sinon que, depuis son parlement, le roy de Navarre a pris nouveau desseing qui est do ralier toules ses forces et mesmes ses garnisons pour aller faire ung cfforl sur Paris, faisant venir les mares- chaulx de Biron, d'Aulmonl, Espernon el Messieurs de Nevers et Montpensier. Je tascberai do nion cosle a m'y opposcr nvec les forces que m'a laissees Son Allesse, qui ne sonl que de trois mille bommes de pied et cinq cens chevaulx, la pluspart desquelles me demcurcronl inulilles pour quinze jours ou trois se- maines, que je suis conlraincl de leur donner pour lafraiscbisscmenl dans les places oil je les" ay mises en garnison, jusques a ce qu'elles soient en meilleur eslat. J'ay cependant despescbe pour assembler toules — 355 — les forces iVonfjoiscs qui ne peuvenl eslrc que dans CO lenips !a prez de moy. El pour ce, je [vous] sup- piie el conjure do pressoi' vous mesmes Monsieur de Chazeul vosire nepveu de se lenir prest pour mo venir trouver, avecque la meilleurc lroup|)c de ses amis qu'il pourru , si losl que je lu) lerai scavoir; el ne faillirai de luy envoyer des movens a cest effect. J'ay envoyc le visceneschal vers Son Altesse pour me ramener (lualro ou cin(| ref;:imentz de sentz de pied que elle m'a oHerle el dc cin(| ou six cens che- vaux. J'espere ([ue ses forces joinles avec ce que j'at- tens de Francois feronl quelque bon effecl, donl je vous donnerai advi^, ct de lout ce qui se passera, a loules les occasions. Je vous supplie de faire Ic scm- blable de vostre cosle, ^l de pressor Monsieur le due dc Ferrare, mon oncle , a noslre soronrs eta quel- ques movens particulliers poui' moy, ([ui servironl de reserve [>our les occideniz innopf)inez el necessilez qui doibvenl survonir : el nous tronveruus moyen de liiy faire asseurer ses deniers par les eslalz. G'esl done a ce coup que nos amis se doivenl everluer de nous secourir el sauver la i-elipjion. Je vous supjdie d'y voulloir employer vosire credit cnvers lous voz amis et de pressor Monsieur de Nemours, mon frere, et Monsieur de Sainct Vidal : ils peuvenl recognoislre qu'il y va de tout et que noz ennemys y couchent de leur reste. Ce (|u'il vous plaira leur remonslrer, et pareillement a noslre Sainct Pere et aux princes ca- tholicques de rilalie , lesquelz, sur les considerations que vous leur scauriez trop mienlx reprosenler que si nous sommes mal , ilz ne seronl t^ueres mieulx, avec le temps. Je vous dirai , Monsieur, ([ue je me promeclz la plus grande parlie do noslre salut de — 356 — voslre voyage. Je crains seullement qu'il nc vous ar- rive quelque indisposition qui seroil nostre malheur ; c'esl pourquoy je vous supplie de vous conserver pour le public el pour voz amys. CLXXXVII. Aux gentikhommes d'Anjou. ' Monsieur, Je recognois par le bon rapport que je recoy de vous et de beaucoup d'aulres genlilzhommes de vos voisins, que quelque advantage que noz enne- mis ayent praiicque plus en quelques provinces qu'en d'aulres, par la facilile de ceulx qui, faulle de reso- lution ou d'affeclion au service de Dieu el a vostre propre salut se sont laissez emporter du commance- tnenl de cez divisions, nous ne sommes touleffois lellement abandonnez de sa bonte qu'il ne reserve quelques bonsamis (1) en cbasque lieu, par le.raoyen desquels 11 puisse relever son nom et son honneur au milieu des effortz de ses ennemis. Vous estes au- jourd'huy I'ung de ceux que je regarde pour cest effect so'ubz la bonne conduite de Monsieur de la Josseliniere (2), que vous y cognoissiez affeclionnez et quasi inspire de plus hault a racheminement d'ung si bon oeuvre. Je vous supplie done de vous y em- ployer avecque luy et y convier le meilleur nombre que vous pourrez de voz amis, a fin que tons en- semble vous puissiez produire quelque bon efl'ect, (1) Ms : avec {'■>} Claude d'Aubi^iie, I" duuom, clievaiier (ie lorilre du roi, geiitilhomme ordinaire de sa chaiubre , cai)itaiiif de cinquanle hommcs d'armcs de ses drdonnanecs , seigneur de la Joiisseli- niore, ete. — 357 - tel que je me promectz de voslre valleur el sitinctes inlenlions. En cest asseumnce, je prie Dicii, elc. CLXXXVIII. A Monsieur de Limoges (1). Je n'ay voulu perdrc ceste occasion de vous tesmoi- gner le conlentement que je recoy du bon succez dcs affaires de voz quarliers el des bons ofllces que vous conlinuez d'y faire de bien en miculx , vous piiant de loul men coeur de ne vous en lasser point, el vous asseuranl que la oii j'aurai nioicn de recognoisti'e ce que vous y avez acquis de merile, je n'espargnerai chose qui soil en ma puissance. Vous sgaurez par ce que j'escris a Monsieur Ic viconle de la Guierche I'es- tat de noz affaires de deca el le besoing que j'ay de tirer des forces des provinces pour, les ayant assem- blies avecque ce que je puis avoir auprez de moy, me pouvoir opposer aux desseingz que faict encore une foys le roy de Navarre sur Paris. J'escris a cesl ef- fect a beaucoup de genlilzhommes du pays, que je vous prie d'enlrelenir en ceste devotion pour la premiere occasion que je leur feray scavoir par ledicl sieur vi- conle (2). Quant a ce que vous m'escrivcz pour vous en venir, c'est chose que je desirois plus que vous (I) Henry de la Marthonie, petil-iils tin picniier pa'sideiil Mon- dot, fils d'lsabelle de Pompadour, fivic de I'eveque d'Ainiens ; lui- ineme ful eveque de Limoges de 1587 a 1618. (-2) Pareille depeehe, au meme eveque de Limoges, se rei)resenle un pen plus loin; elle differe de celle-ci en ce quelle s'arrete en cet endroit et linil comme il suit : « . . .Vous suppliant ce pendant de vous maintenir dans le pays et y fairc ferme jusques ii re que je vous mande plus ])ailieulieic- njentdemes nouvolles. Sur le, jc piie Dieu, etc. » — 358 — firiesmus, poiu' !e conlenlemeiil ([lie j'i.iu! ois do von?- voir; mais voslie presence eslanl rendue si ulile par dela que jc ne puis esperer ti'ailleurs les hons offices que vous y faicles, je vous supplie de les y vouloir conlinuer jusques a ce que roccnsion se presenic de vous acheniincr par deca avec jilus de dignile, vous asseurant que vous ne sgauriez ce pendant en meil- leur subject employer la devotion que vous avez au bien de ceste saincte cause, qu'a maintenir Ic plus (jue vous pourrez la bonne correspondancc enire les seigneurs et gentilzliommes du pays, par laquelle les aflaires se sont si beureuscmcnt conduiles jusciues a rest lieuro. De quov me reposanl sur l:i prudence que je SQay ([ue vous y aporlerez, je priera\ Dieu, etc. CLXXXIX. Du XXiX« Decembre. A Monsieur de Boisseguin (1). Monsieur de Boisseguin, Je ne puis que je ne loue beaucoup les bons offices que vous avez tousjours renduz au bien de ceste saincte cause et establisse- ment des aflaires de vostre quartiei', queje vous prie de continuei', avec asseurance que je n'aurai jamais moyen de rccognoistre combien vous vous y rendez ulile que jo ne I'employe Ires voluntiers a tout ce qui sera de vostre contenlemont. J'ay escript bien parti- culieremenl a Monsieur le viconte de la Guierche tout '.t't (jouvciiu'iir (In cliateau tie IViitii'is ; appclc Boisseguiii dans irs Letlres missives d'Jlvnnj IV, et Brisogani dans les Mimoiret de N avers. — 359 — ce qui se passu (I) p.ir dcga, doiit je in'asseure qu'il vous fera part. Je vous prie sur tout lio faire par voslre prudence que les parlialitez que j'ay advis (|ui sonl entre quelques gentilzhommcs du pays el Icdict sieur vicoule puissent efre assoupis, comme choses en quoy nous faisons plus pour noz ennemys que pour nous mesnies, qui debvons en lelles occasions preferer tousjours ce qui esl du general a quelque parliculier interest qui nous louche. Je m'asseure qu'avec la creance que vous avez parmy eux, les let- tres*que j'en escris aux uns et aux aulres pourront servir a radvancement d'ung si bon rouvre ; auquel je vous prie de ne oublier de voslre cosle se que vous y pourrez , el a mainlcnir voz amis en la devotion qu'ilz on! au bicn de cez affaires, pour se joindre avec ledict sieur viconte a Monsieur de Merceur, ou venir par dega, selon que I'occasion le pourra requerir (2) et I'advis que j'en donneray audict sieur viconte. Ce que me promectanl de vosfre bonne affection, je ne vous feray cesle plus longue que pour prier Dieu, elc. CXG. A Monsieur de Nonzieres (S). Monsieur de Nousieres, Vous sgaurez par Monsieur le viconte de la Guierche I'estal de noz affaires par dega el les desseins que faicl encore ung coup I'enne- my d'employer tout ce qu'il pourra amasserdo forces sur Paris; a quoy cognoissaul I'interesl que nous (() Mm : passcra. (2) Ms : acqueiir. (3) Francois de Hrillai-, soijjiicui' du NoiiziiTos, lieulpiiant cniiu- nel ail siege presidial dp I'oilicis. - 3G0 — avons lous de nous opposer, j'o}' flelibf'Tf'; d'assembler les nieillenros forocs que jc poiirai fairc, avecque celles qup. j'ay desja prez de nioy el d'aultres qui me doibvent arriver bien lost de Flaiulres, pour conser- ver ceste \ille qui est de si grande importance a I'es- tablissement de ceste saincle cause el a la raanulen- tion de cest Eslat, et possible pour repousser plus icing les cnlrepriscs de noz enncmys ; ce que ne pou- vant qu'avec !e secours de ceulx (]ui ont embrasse d'affeclion Ic bien de cez affaires, comme je sfai que vous faites, je vous prie de conjurer lous vo/. 5mis de so tenir preslz pour, a la premiere occasion que je leur feray scavoir par ledicl sieur viconte , s'en venir lous ensemble par dega , oii je m'essaxerai de leur donner tout lo conlenlemcnl qui me sera pos- sible, oullre la gloire a laquelle je m'asseure qu'ilz scront bien aise de participcr, si Dieu nous faicl la grace que nous pouvons esperer de la ruine de noz enncmis et de la restitution de cest Eslat, esloblissans nostra saincte religion en laquelle nous avons des noslre premiere cognoissance protestedevivre elmou- )-ir. En ceste asseurance, je prierai !e Crealeur, etc. GXCI. A y.onsicnr le viconte de la Guierche. J'ay esle Ires aise d'enlendre de voz nouvellcs par ce porteur el d'avoir occasion par luy de vous faire sgavoir des miennes, comme je desirois il y a long- lemps, pour vous lesmoigner le conlenlemcnl que j'ay des bons offices que vous faicles conlinuellement par dela a I'advanlage de cesle saincle cause, el pour vous faire pari dc la disposition des affaires en ce qiiarlier ~ :JG1 - el do ce (|ui s'esl |)assc despiiis le pactement do Mon- sieur le due de Parme, que vous nurez peu entendre par les deinicres que je vousuy escriles, p.nr Icsqnelles je vous mandois aussi les forces qu'il me laissoil, que j'ay es(e contraincl ()e meltre en garnison dans ce pays pour leur donner loisir duranl quinze jours ou trois sepmaines de se refaire et rafraischir, estant la plusparl malades, lassez el recreus de long Iravail du vovage, en sorle qu'il esloil impossible d'en lirer service aucunement. J'ay ce pendant depesche en Fiandres pour ung renfort que me doibt encore en- voyer ledicl sieur due, dans le mesme temps dans leque! je pourrai remettre tout ensemble, el avecque ce que j'altens encores de troupes fianroises quo j'ay mandees pour m'acheminer vers Paris , sur lequel les ennemis pretendent de fairc quelque efl'orl, ayaniz aussi mande toules leurs forces de ce cosle la; donl ayanl este adverty assez a temps, j'ay faict si bonne deligence d'y donner ordre, qu'il poura aise- tnent subsister en attendant que je m'en approcbe. Le moyen toulesfois que j'eslime il y a longlemps plus propre pour diverlir leurs enlreprises, seroit que, faisant le meilleur nombre que vous pourriez de voz amis tant de piedz que de cheval, vous et Mon- sieur (le Ponpadour (1) peussiez vous joindre a Mon- sieur de Merceur et Monsieur de la Gbastre, el faire ensemble ung corps vers la riviere de Louere pour y enlreprendre quelque bon effect : ce que vous pou- vez aisement , advertissont lesdictz sieurs qui sent desja en bonne disposition , comme je pense , fort avancez et avec bon nombre d'bommes assemblez a (I) Louis, vicnmte do I'om|);nl()vir, moit a la fin de 1:MU. — 362 — cesle inteuliun. Pour ce, je vous supplie d'y disposer voz amis aulant que vous pourrez, el pour donner en mesme temps quelqu(! moyen a ceulx de dega de res- pirer, el possible rendre aux aulres le mesme Iraic- temenl donl ilz ont voulu aflliger tout ce [tays la. J'ay veu ce que m'escrivez [du] mescontentemenl que vous avez de quelques genlilzhommes qui sont par dela. Vous pouvez vous asseurer que personne n'a encore enlrepris de s'addresser a moy pour alterer ou diminuer quelque chose de la reputation que vous avez acquisc; et que telles pralicciues n'auront jamais effect en monendroict, pour me diviser d'avecque vous que j'honnore et cstime trop [)Our en recevoir aucune impression que dignes de voz merites et des obligations que j'ay. Aussy croirez-vous, s'il vous plaist, que je ne me puis plaindrc de personne qui y aye voulu essa\er. Ce sont choses qui ne meritenl pas que vous vous y arrestez, mais que vous pouvez es- teindre par demonstration de vostre bienveillance a ung cbacun, speciallement a la noblesse (|ue vous sgavez en ce temps eslre jalouse et assez difficile a contenter; mais la recevant en communication des affaires, selon ce que vous pouvez juger qu'elle le merite, vous la rendrez tellement satisfaicte que vous en jouirez autanl que vous scauriez desirer. Je vous en escris en ceste liberte que je vous supplie ne trou- ver estrange, estanl bien souvenl contrainct d'en user de la fagon. Et croyez qu'il n'y a I'ien qui nuise da- vantage a I'establisscment de noz affaires que les divisions qui procedent ordinairement de telz mes- conlentementz : ausquelz c'est a faire a vostre pru- dence d'arrester le cours, postposant mesmes quelque foys vosire interest, oil il en auroit, a celluy du bien — 863 - el de radvancenienl genenil, (|ui n";i poiiU dc plus asseure inoyen d'eslablissement que la bonne corres- pondance el union qui doibl esUc enlre nous. J'es- cris pniiiculicrcmeni a une bonne parlie de noz amis pour se lenir prest a la promiere occasion que je vous en donnerai advis. Jc vous supplie ce pendant les entrelenir en cesle devotion el menager leur bonne volume, comme vous sgavez tres bicn faire. J'ay cu nouvelle depuis peu de la creation de noslre SainctPerc Grcgoire XIIII*^, el vous envoye la copie de ce qui m'en a este escril de Rome que je vous prie de communic(iuer, avec lout ce que dessus, a Mes- sieurs les conies de Crisse (1), de Pompadour, d'Es- cluzonne et autres de noz amis que jugercz eslre a propos , a fin de fortifier noz amis dc la bonne espcrance que nous en pouvons prelendre. Je n'allens pas moins d'Espaigne oil j'ay depesche exprez Mon- sieur Ic president Janin, et le sieur de Mondreville en Allemaigne, a fin de prendre une bonne elferme reso- lution a ce que nous aurons a faire a I'advenir, dont je vous adverlirai auprisme (2) que les occasions s'en presenleroni. Faicles ce pendant les plus grandes le- vees et en la plus grandc diligence que vous pouirez de compaignies tant de piedz que de cheval , vous servant a cesl cfl'ect des moyens qui se Irouveront en la province. J'oubliois a vous dire que j'ay eu nouvelles de Mon- sieur de Lancosme, lequel s'acquile Ires digncmenl de sa cbarge et inonstre beaucoup d'affection tant au general des affaires que a mon parliculier, dont je (1) CliarlesTurpin, conite de Crisse, l)aron dc Vihcrs. [i] Ms : iiupris. - 364 — luy ay de I'obligalion. II m'escrit qu'il [y] a plusieurs soubzlevations es eslatz du grand seigneur el que ce prince est sur le poinct de souffrir de grands acci- denlz. Nous ne sommes seuiz Iroublez en noslre repos. Je vous supplie que j'aje bien tost de vos nouvelles, et de croire que je suis du tout a vous. De Soissonz. GXCII. A Monsieur le maire de la ville de Poitiers Monsieur le maire, J'ay veu ce que m'avez escrit par vosire lettre du XXV^ du passe iouchant les com- portemens du sieur d'Espernon a I'entour de vostre ville, et suis tres aise du bon debvoir et dilligence qu'avez mis pour vous asseurer et obvier a ses enlre- prinses. J'ay escript a Monsieur du Puy-du-Fou ce qu'il doibt faire a I'endroict de Monsieur le viconle de la Guiei'cbe vostre gouverneur. Je croy que ma lettre I'incilera de recognoistre ledicl sieur viconte en sa charge et a recevoir ses commandementz, comme jespere que nous feront semblablement ceulz qui se sont departis de son amilie par quelques mau- vaises impressions ou pour n'estre, comme ilz disent, recogneuz el employez selon leurs merites. Vous el Messieurs do vostre ville pouvez beaucoup en ceste reconcilliation , laquelle est plus nocessaire que ne pouvez penser : car demeurant les choses en cest estal et les deffiances continuans entre gens de mesme parly, il est malaise que les affaires puissenl prendre bonne fin. Je feray lout ce qui me sera possible a ce qu'il ne soil rien perverti ny rien change aux affaires de vostre generalile el justice, et ay faicl entendre au- - S65 — flicl sieur du Puy-du-Fou comme je pry que I'ellec- tioii tie Mauleon ressortise comme elle soulloit a la recepte generale dc vostre ville ei les deniers des tallies ysoient apportez, prcnanl touleffois I'eslal des garnisons sur iceulx. J'espere qu'il satisfera a I'nn et a I'autre et que vous aurez tous occasion de vous conlenter. C'est chose que je desire de lout mon coeur et n'espargneray rien qui soil en ma puissance pour rest effect. Sur ce, je prie Dieu, etc. A Soissons. CXCllI. A Monsieur de Saincl Padoux. Monsieur de Sainct Padoux, Vous m'avez faict ung singulier plaisir de me faire entendre de voz nou- velles par celle que m'a apporle le sieur de la Valle- lerye, el recevrai lousjours Ires volunliers celles qu'il vous plaira m'escrire, comme de la part d'ung gen- lilhomme que j'ayme, lionnore et eslime bcaucoup. Je n'ay jamais double de la bonne volunle et alTeclion a ceste saincte cause de Monsieur le viconle de la Guierche, il en a faict trop de jneuve par le passe et continue tous les jours, dont nous luy en avons tous de I'obligalion ; aussi peult-il asseurer que je ne luy manqueray jamais de chose qui soil en ma disposi- tion, el que desire de le mainlenir el faire cognoislre pour ce qu'il esl par ceulx qui se playnenl de luy, pour traverser ses bonnes [ol] louables enlrepriscs, ainsy (jue je suis adverly (lue quelqucs ungz onl voulu faire , ausquelz j'en ay escript exfirez. Pour vostre parliculier, vous pouvez faire eslal de mon amilie et que tout ce (jue je pouray taire pour vostre conlen- — 366 — lenient ce sera de tres bon coeur. J'ay prie ledid sieur viconle d'odviser a faire entretenir vostre compaignie sans en allendre les inoyens de ce coste, pour ce que la necessile en laquelle nous sommes par dela, a la- quelle j'espere pourvoir dans peu de (emps, en atten- dant lequel qu'il melle ordre a ce que vous desirez et que derncurerez content el satisfaicl, comrae c'est mon intention. Sur ce, je prie Dieu, etc. CXCIV. A Monsieur Vevesque de Poidiers (1). Monsieur, J'a^ receu voz leltres sur le desir qu'a- vez de voir achemincr Monsieur le clievalier d'Au- male en voz quarliers , en quoy je vouldrois vous pouvoir salisfaire, si les desseins de noslre ennemy ne me contraignoit de faire ung grand amas de forces el d'en tirer [de] toules les provinces que de me des- garnir de la bonne assistance que je recoy en noz principales affaires de mondict cousin. L'occasion s'en presentera possible plus a propos dans quelque temps ; et ce pendant Monsieur le viconle de la Guierche vostre gouverneur pourra meltre ordre aiix affaires de par dela, ainsi qu'il a bien commance. Je desire sur toutes choses que vous et lous les gens de bien de ce party ayez bonne intelligence avec luy ; et s'il y a quebiue mescontentement, ainsy que Ton m'a faicl entendre, c'esl ung office digne de vostre charge et prudence de faire en sorle, comme je vous sup- plie, de vous y employer qu'ilz embrassent unanime- (1) (leoffroy deSaint-Belin, d'uiiu famille chanipenoise, eveque do Poitiers d|)c iliuaiilt (!i' ChiMMiiy, gouverneur titiilairo de (lliar- tres. licnry IV veiiaJl ilc lui iviidro les sreuiix. II licciiia le roi au siege (Iti <;iiartre>, et ava:ii;a iiiic jKulie ile 1 argciiL necessaiie. 374 - CCI. Reglemiml [aid par Momcignear Ic due dc Maijenne. lieutenant general de VEstat royal et couronne dc France, pour les expeditions qui se feront cs affaires d'Estat. Mondicl seigneur desiranl do tout son pouvoir es- tablir ung bon ordrc aux affaires qui seronl par luy et le conseil d'Eslal resolues pour Ic bien general el parliculier de ccste saincte cause el avancement de I'unyon des catholiques , el cviler aux abbuz qui se sonl cy devanl commis et se pourroient cy aprez com- meclre en Texpedilion de beaucoup de lellres el de- pesches qui se font tant a Messieurs du Clerge , a la Noblesse qu'au Tiers Eslal, pour n'eslre contresignes des secretaires d'Estat, suyvanl I'antienne forme ob- servee en ce royaulme en affaires de telle consequence qu'au faict qui s'agist aujourd'huy, a, de I'advis des princes, prelatz, seigneurs el conscillers dudict con- seil eslanl prez de luy, ordonne el ordonne qu'a I'advenir el a commancer dc ce jourd'huy toutes et chacunes des lellres missives qu'il escrira ausdiclz sieurs du Clerge, de la Noblesse et du Tiers Eslat seronl contresignees par Tun desdiclz secretaires, cbacun selon son deparlement , tout ainsy que les mandemcnlz, commissions, acquitz, palenlz et lellres d'Estat, sans lesquelles conlresignalures mondict sei- gneur veult et enlend que Ton n'ayl aucun egard aux expeditions qui autrement seronl faicles ; ordonnanl a ceste fm aux secretaires de faire sgavoir son inten- tion aux gouverncurs, maires el esclievins des villes cl provinces, a ce qu'ilz n'ayont a Tadvenir a adjous- — nib - ler auouiie cr'^ance aux depesches qui auliement leur seroieni envoy6s, a ce qu'ilz n'en pretonilont cause d'ignorance. Faicl a Soissons. ecu. A Monsieur Vcvcsqiie de Glusco. Monsieur, Je ne puis penser que de lanl de letlres que j'ay escriles a Monsieur rambassadeur d'Espaigne, il n'y en oyl quelques unes qui soienl venues jusques a luy el dont il ne vous ayl faicl pari, faisanl I'eslal que je S(;ay (ju'avec beaucoup de siibjectz il faicl de vous, el ne ?(;ais [a] quoy je puis allribuer ([ue, I'lion- norant comme je faiclz, je n'ay encore sur aucune d'icelles peu voir line senile responce, comme je me promeclois de son affeclion en mon endroicl que je recevrois de sa part, avec ie conseil que j'en atlans comme d'un personnage de qui la prudence m'esl de longlemps cogneue. Je ne double point que le mal- heurde ce temps el la difliculle du passage ne m'aye faicl bien souvenl perdre le fruict de ce qu'il luy en a plu prendre de peine, rccognoissant assez par moy mesrae que de loules celles queje melz aux champs, bien peu font le voyage tout entier. Toutesfois, je vous supplie me faire cesle faveur de prendre la peine d'en recognoistre Ic defl'auU el de m'en donner advis, a fin que si c'esl chose qui dopende de moy, j'y donne tel ordre que doresnavant je ne sois prive de ce bien que vous sgavez quo j'eslime beaucoup, et que j'es- limerois encore plus chei-quand il vous plaira accom- pogncr SOS bons aiJvis dcs vosires ; Ics emjjloyant ce pendant aulant que vous les Cdgiioissez necessaircs a - 376 — la conservation el au bien de Paris, avec I'asseurance que je vous ay desja par plusieurs fois supplie do prendre quo je n'espargneray jamais rien de ce qui sera en ma puissance pour son salut. Sur (jnoy, jo prie Dieu, elc. CGIII. A Messieurs de Chartres. J'ay esle presentemenl adverty de bon lieu des me- nees et pratiques que !e roy de Navarre faict dans vostre ville par le moyen des partisans qu'il y a lant dedans que dehors : a quoy je vous prie de prendre sogneusemenl garde, continuant la diligence et fernie resolution par laquelle vous vous esles conservez et maintenuz jusquesa cest heure, et faisant faire pu- nition de ceux qui se Irouveronl avoir eu des intelli- gences ct factions au prejudice de vostre dicte ville, pour donner exemple a ceux qui voudroni continuer telles frahisons et augraenter le courage des bons ; vous asseurant que si tost que j'aurai advis que vous soiez davantage pressez ou quel'ennemy face cslat de vous assieger, je serai a ses talons pour vostre se- cours, n'eslimant moins vostre conservation que d'au- cune autre place qui aye rendu preuve de son zele et bonne affection a Testablissemenl de ceste saincte cause. J'en escris aulant a Monsieur vostre gouver- neur, qui je m'asseure n'oubliera aucune diligence a ce qu'il pourra juger esire de vostre bien. J'attendrai de ses nouvelles el des voslres en la devotion que je vous dis, et ce pendant je prierai Diou, etc. — 377 - CCIV. A Monsieur de Merceur. J'ay faict responce a loules voz lettres el vous ay escript par plusieurs despuis la depesche que je vous fis par Monsieur de Boisdaupliin, vous ayanl encore depesche de Guise le messager qui m'y vinl Irouver de vostre pari. Vous aurez cogneu la diligence que j'e faicle de satisfaire ce que me demandez el croy que vous aurez mainlenant eu nouvelles de Monsieur de la Chastre, qui doibl [eslre] fort avance avec les forces que je luy ay laissees et celles qu'il a prises a Paris du regiment de Collate , dont il a eu tout ce qui s'est peu , non pas ce qu'on eusl volu. Ce qu'il en a loulesfois est des meilleurs et dcs mieulx con- duictz qu'il eust sceu choisir. J'eslime que, sans ce que je vous mande d'Avranclies, vous seriez a ceste heure bien proches I'ung de Taulre, encore que vous ayez eu des diverlissementz dans le pays, ou je ne pense pas que vous debviez allendre de plus grandes forces des ennemis, ayant este lous mandez pour ung effort qu'ilz prelendenl de faire encore sur Paris, qui empesche que je ne me puisse desaisir de ce peu que j'ay auprez de moy; faisant bien eslal d'cn assembler autanl qu'il me sera possible pour m'opposer a ce qu'ilz y pouroient entreprendre , el ayant a cest effect mande de lous costez pour me venir trouver : sans cela je ne voudrois manquer a tout ce que vous sgauricz desirer de moy. Mais vous sgavez de quelle impor- tance est a toutes noz affaires la conservation de ceste ville, oullre ce que ayant ledicl sieur de la Chastre ail prez de vous, avec((ue ce qu'il aura peu encore — 378 — assembler dans le pays , vous pouvez au premier mandemenl faire estat de Messieurs de la Guierche et Pompadour (1), qui ne fonl guerres moins de cinq a six cens chevaulx et III ou qualre mille liommes de pied; et n'y a aparence que I'ennemy paroisse par dela en semblables forces, ayanl allire tout ce qu'il en peult avoir, lellement que vous aurez loul moyen d'enlreprendre, comme je m'asseure que vous ne voudrez demeurer sans quelque bon effect. J'avois commande le pouvoir au gouverneur de la basse Nor- mandie pour Monsieur le conte de Chaligny (2), et m'avoit semble qu'il luy seroil fort propre, cstant proche de vous. Je ne sgay pas ce qui Ten peul avoir destourne. Je vous supplie, si ceulx d'Avranches sont delivrez, de vous opprocher le plus que vous pourrez, ne voyant ung plus asseure moyen de dis- siper tous les conseilz de noslre ennemy el de ren- verser ses desseins que de I'allirer a vous; oullre, je suivrai de si prez, qu'il aura fort a faire a respondre a lous deux ensemble. CCV. Du llle Janvier. A Monsieur de d'AUincourt. J'ay este adverly que I'ennemy voulloit tourner de vostre cosle avecq toutes ses forces, affin d'y enlre- prendre quelque chose, dont je m'asseure tant au bon ordre que vous y s(;.aurez donner et en la valleur que (1) Ms : Ponpadou. (2) Henry ile Lorraine, 1" du nom, dcpnis msnitiis de Mony, piisonnirr .111 conihnl d'Aunialp eu ljtt2. — 879 — vous luy ferez cognoislre cju'll n'en emporlera que de la honte. Toulesl'ois a Gn que vous aiez plus de moyen (Je luy resister et ne pouvanl si tost vous assister des forces que j'ay icy, le roy de Navarre estant eiitre vous et moy, j'ay depesche en diligence a Messieurs tie Belin et prevost des marchandz, pour vous faire conduire deux cens hons arquebuziers et bien ac- gueriz et deux cent lansquenelz cuirassez picquiers, des meilleurs du regiment de Collalte; vous asseu- rant que la ou il sera besoing de davantage, je ne vous manquerai de cbose quelconque qui soil en ma puissance, jusques a me rendre moy niesmes, avecq loutcequej'ayicydc forces, surlelieu (1) pour voslre secours, ayant aussy chere voslre conservation que celles de mes propres enfants. Je vous ay escript de- puis peu de jours pour vous prier de faire achever de desmolir et abbattre du tout voz faulxbourgs, sans que le respect et consideration des parliculiers vous retienne. Je vous prie de recbef d'y employer le plus d'hommes et de dilligence qu'il vous sera possible, voire mesmes de faire ouvrir les logis de I'abbaye de Saint Martin, si vous jugez qu'il soil a propos et que I'ennemy s'en peult prevaloir. Faictes surtoul ([ue j'aye souvent de voz nouvelles et vous asseurez que, si tost que Ribault sera arrive, je vous envoyerez des moyens. A Soissons. CGVI. A Monsieur le marquis tVUrfec. Monsieur le marquis, J'ay receu avec beaucoup de conlenlement les nouvelles (jue m'a cscrites le sieur Mj A I'onlftise. — 380 — Bureau (i) du bon succes qui vous est arrive par dela, que je ne me suis jamais promis aultre de vostre bonne conduite. II vous pourra dire comme j'ay eu advis de la saincle resolution que le pape Gregoire Xlllle a prise de joindre au roy d'Espagne et a luy tous les princes d'llalie pour nostre secours, dans ce prin- temps, qui donne d'autanl plus de subject a noz en- nemis de presser leurs entreprises. Pour m'opposer auxquelles, ce pendant, je vous supplie de moyenner que, suivant ce que je vous escrivis dernierement, je puisse faire estat d'estre assisle de voz amys, aux- quelz j'escris parliculierement pour se tenir pretz dans le temps que je les pourrai mander. Sur Tas- seurance que j'ay qu'ilz ne me manqueront on si bonne occasion, je prie Dieu, etc. CCVII. A Monsieio' le marquis de Canillac (2). Monsieur le marquis , Je vous ay par cy devanl escrit ce que je cognoissois du dessein des ennemis, m'asseuranl que , lorsqu'il sera besoing de s'y opposer, vous ne voudriez demeurer des derniers a me rend re I'assislence que je me promectz de lant d'bonnestes gens. J'ay advis que [sur] les nouvelles que nous avons receues de la bonne resolution de noslre Saincl Pere Gregoire XIIII^ d'entendre la defense de ccste saincte cause, le roy de Navarre presse le plus qu'il peul I'auias de ses forces pour lacber de prevenir le (I ) Jacques Huraull , ll" ens qui me sonl possibles, espe- rant d'y eslre assiste dans peu de temps de si bon nombre de forces de loules les provinces, que je pourrai empesclier qu'il ne vienne si aisement a bout de ce qu'il se propose el ainsy qu'il se le persuade. Je fais bien eslat pour cesl effect de ce que je puis attendre de voz quarliers , oil je vous prie d'entre- tenir autant que vous pourrez en cesle volunte tous vo/. amis, el les conjurer de se tenir prestz pour lors que je leur feray sgavoir, reservant ce pendant dans la province ce qui pourra y eslre necessaire pour la - 407 - conrerver : donl j'espere (|ue Monsieur de Neiiioure, mon frere, s'i eslani approche, voiis ne serez pas on beaucoup de peine , ayanl avecques luy line bonne troupe et de bons bommes que j'eusse fort desire re- lenir auprez de moy, pour Ic besoing que j'en puis avoir d'heure a aullre , si je n'avois estim6 si cber le repos de vosire dicte province que je ne puis dire n'y avoir rien vouhi espargner de re que j'estimois le pUis. Pour vosli'e pariiculier, vous pouvez vous asseurer, Monsieur de Saincl Tberan, (|ue j'ety tant de resentiment des bons offices que vous y fairies con- linuellement, que je ne vous SQaurois assez tesmoi- gner a raon gre Tobligation que je vous en veus avoir, pour m'en rcvancber par tout ou j'aurai moyen de vous donner quel(]ue contentement. En ceste vobinte, je prie Dieu, etc. CCXXXI. .4 Monsieur le cappilaine gmernl de la mer (1 ). lllustre el magnifique seigneur, Desiranl, selon le debvoir de la charge a hujuflle je siiis appelle du consenlement general de tous les catboliques de ce royaulme, enlrelenir el conserver aulanl qu'il me sera possible In mutuelle amitie el bienveillance qui a este de toul temps entre ces deux grandes cou- ronnes, j'ay depescb^ ce gentilbomme exprez, pour representer a Sa Grandeur I'eslat de noz affaires et I'inteniion generale de tous les peuples de la France a rnainlenir entre eux la devotion avec laquelle ilz se (1) Graiul-nniiial du »iill,ui Le gr.jiul-hassa on f:r;iii0>, rardiii,'!)' en IUI4. (2j Louis II, caniiiial do tiuibu.tup a TMois cii t.)88. — 412 - roy de Navoirc de rechercher ses oiiii^: el iilliez. C'est pourijiioy vous Iraicterez, s'il voiis plaisl, avec Sa Sainclele d'une bonne el nolable somme de deniers par mois, lani pour renlrelenemenl d'un bon nombre de Suisses que pour les levees d'infonlerie el caval- lerie frangoise qui doibvenl estre noz principalles forces; car, phis nous y embarquerons de noblesse el de soldalz, plus nous diminuerons les forces el prac- tiques de I'ennemy. L'experience du papr^^i nous a faicl voir que noslre nation nous esl plus propre que nulle aulre a I'effecl de ceste guerre. II vous souviendra de ce que je vous ay mande plusieui's fois loucbanl la ligue des calholicques que Sa Sainclele embrassera, s'il luy plaisl, estanl chose qui depend du lout de son auclorite et qu'elle jugera Ires necessaire. par la conjonclion el liaison qui est enire les princes et potent,. tz berelicques; je ne vous en feray point de redile, ne pouvant rien adjouxter aux memoires el instructions que je vous en ay en- voye cy devanl , si non que vous teniez la main au lieu el rang que j'aurai en ceste ligue, mesme pour la conduile des armees frangoises. .)'a|)prouve grandemenl I'advis que me donnez d'obliger par quelque gratiffication le nepveu de Sa Sainctete (4), auquel je ne faudray de reserver une ou deux abbayes des principalles qui viendronl a vacquer. Je vous ay faicl entendre la resolution que j'avois (1 ) I'aul-Emile Sfi)ndrati, fils de Paul Sfomirali, et iieveu flu pape Ijregoire XIV, fait cardinal Ic I'J Decenil)ic 1590, depuis eveque de r.remone et d'Albano. Son froie, Francois, comle de Montafle, de- vint ;;eiieral de lannee navaie du pap(5 et clLiteiain du chateau SainI- Anj^e. — 413 — prise (le faire une asseml)lee generalle Jes depulez des provinces, soil par forme d'estaiz ou aulremeni, aOin de rechercher avec eulx les nioicns d'affermir el asseurer nostie saincle religion el pouiveoir a beaucoup de desordres el de confusions que la licence du temps a faicl naistre el glisser parmy les nostres; et que pour faciiiter ladicle assemblee, je m'eslois aide de quelques passeportz du roy de Navarre que les catholicques qui soni anprez de luy avoienl faict irnpelrer, lesquelz comuiencent fort a se lasser de I'insolence des herelicques el en apprehendenl la do- minalion ; rnais pour quelque umbrage que depuis ledicl roy de Navarre a pris de cesle assemblee, il a revocque ses passeporlz el arresle I'un des depulez a Mantes, ce qui a inlerronipu radvancemenl de cesle convocalion, laquelle loulesfoisje desire poursuivre, soil par aulres nouveaux passeporlz , si les calbo- licques les peuvcnl lirer dc luy, on par autre voie, faisanl venir les depulez de province en province par escorle. J'ay rendu Monsieur de Piaisance el Monsieur le due de Parme capables el satisfaictz de ma droicle inlenlion, el je ne double point que Ton n'en ayt in- formez Sa Sainclele el les ainbassaileurs de Sa Majeste catholicque; et de vostre ()arl vous la pourrez justif- fier, quand I'occasion se ])resenlera. Je n'ay autre but que restablisscmenl de noslre sainctc religion et de I'auclorile du Saint Siegr aposl(ilic(pie, et espere que Dieu me fcra la grace d'y alteindre avec I'aide el scconrs de Sa Sainclele et de Sadicle Majesle. Au demcui'ant, ayant letiro ea gai'uison les troupes que lediet sieur due de Parme m'a laissees, (pii ne sonI que de Irois mille lioniiiios de pied el quaire cens clirvaulx, pour les i alicscliir , allcndanl li' rcnforl - A\A — que on mf promecl el le moien de foire des levees frariQoises, le roy de Navarre s'esl jecle en canipagne avec ses forces el les garnisons qu'il a mandecs de toules partz. II a premicremenl faicl conlenance de vouloir allaquer des places en Picardie, lesqnelles aianl munies de gens de guerre il a lourne tout court du costc de Dampmarlin el de Meaulx , pour cnlre- pi'endre sur Paris par rinlelligence qu'il eslime y avoir. J'v ay envoie six cens bons soldatz choisiz des regimens ilaliens et hespagnolz el des cornpagnies francoises, afTin de rompre les desseingz el inenees du dedans , qui est I'esperance de I'ennemy. Si Dieu me faicl la grace que nous puissions arrester uri mois ou deux sa violence, comme je i'espere et n'y perdz une seule heure de temps, il y a bien apparence que noz alTaires amanderonl , pourveu que nous soyons secouruz de Sa Saiuclele. Ce pendant je mande do tous coslez mes amis, aflin de sorlir en camj)agne dans Irois sepmaines , el plus lost si les forces de Flandres m'arrivenl; qui est ce que je vous puis man- der pour le present de I'eslal de noz affaires; dont je desire que faciez pari a Monsieur le cardinal de Pelve, el de ce que vous jugerez a propos a Monsieur le cardinal Gaielan, duquel je me promeclz beaucoup de faveur et de bons ofTices, vous priant de luy baiser Ires humblemenl les mains et de me eonserver en ses bonnes graces. Vous sgavez combien j'affeclionne la promotion (1) de Monsieur de Lyon el combien il a merite pour cesle saincte cause et esl recommondable pour ses verlus el grandes parlies. (I' \u rardiii.il.il. — 415 — Uepuis roes lellres escritesj'ay reoeu les vosties du Xllle tie Decembre, qui m'asseurcnl He plus en plus de I'esperonce que nous pouvons concevoir de Sa Sainclele el des bons offices de Monsieur le cardinal Caiclan, auquel j'ay une Ires grande obligation. Je Irouve a propos que nous rechercliions tous les moiens d'altirer Monsieur de Montmorency (i) el Monsieur d'Espcrnon, el je vous prie d'en Iraicler avec Sa Sainclele ; de ma part, j'y apporleray tout ce qui deppendra de ma [juissance. Monsieur de Luxem- bourg (2) est de retour avec une bonne somme de deniei's donl les Veniliens onl faid presl au roy de Navarre. J'euz hier advis que les princes proteslant advancent fort leurs levees en sa faveur el que nous sommes menocez d'unc descente de cinq mil reislres et de vingl six enseignes suisses. Jugez par ce a quoy nous serons reduil/. , si le secours de Sa Sainclele tarde tant soil peu. CCXXXIV-. Dudicl jour. A Monsieur le president Janin Monsieur le president, Je suis en peine de SQavoir ceque vousavez Iraicle avec Monsieur de Lorraine (3) et le baron de Senece\ (-i) pour le surplus de la rangon (1) lltiiiy I", iluo de MoiitiKoii'iicy, CdniiU il aliord sous !i> iiom (It! Damville, niarechal de France, dcuNicmc fils du toniirtal;lc. (2) Francois de Luxeniboiuf^ , due dc I'iney, icveuail d'ltalic, oil il avail etc cnvoye par les callioliciiic^ devoucs a lleiii\ i\ . ',3/ C.liai'lcs III, diicde Lorraine, vciil' dc Ciaudc de France. (4) Nicolas dc lianfreir.ont , l)ir(in de Scnxey, i:rand-|uev6l dw Fiance, liailli dc C.haion siir-SadUc. — 410 — du seigneur Allonse Corse, n'aianl eu depuis vosire partement oucune senile depesche de vous que celle de Flandres. Je ne vous diiay rien des advis que nous avons de Rome, pour ce que vous les pouvez np- prendre sur les chemins et particulierement de Mon- sieur de Lion, auquel j'escris de sc vouloir advancer affin qu'il puisse arriver, s'il est possible, avanl que noslre Saincl Pere prenne une resolution en noz affaires. Monsieur le commandeur de Dion m'a donne de ires grandes esperances, aiant eu en sa premiere audience une Ires favorable responce. Sa Sainclele luy promcctoil de despecber Desporles inconlinanl aprez les festes il ;; je I'altendz dans la fin de ce mois ou peu aprez. II n'y a rien qui me ti'availle que Paiis cpii com- mence a renlrer en ses premieres necessiiez, sur !es- quelles le roy de Navarre pi'end subject de bastir ses pralicques. J'y ay envoye des liommeset des moyens, selon que j'en ay peu promptemenl recouvrir sur mon credit,- attendant la venue de Ribault dont les longueurs poitent ung incroyable prejudice a noz affaires-. Vous sgavez frop mieux juger de combien il nous imporle que Monsieur de Lion et vous advan- ciez voz voinges avec toule la diligence que vous pour- rez, ne voyant plus de moyen de subsister en noz irre- solutions, sans but et sans ung fondz el secours certain et asseure. Mais puisque Sa Sainctete se monstrc lant zelee a embrasser ceste saincte cause, je veux esperer qu'il sera fort aise de faire conformer Sa Majeste catbolicquc a une mesmc intention ; et pour cela il ! He Noel - 4-17 - ■est Ir^s a propos que Monsieur de Lyon et vous enlre- teniez unc bonne oorrespondance, coimiic je lay en ay cscripl et supplie. Noslre asseniblee n';i pen encoi'es eslti; julvancee. pour ce que le loy de Navaire s'est forme certains ombrages que I'inlenlion de noz depulez !uy seioicnt enlierement contraire , el en a faicl arrester un a .Mante. Monsieur de Villeroy s'est essaie de rbabiller ■reki. par rinlervenlion des catlioli({ues tjui procurent caste convocation pour la craincle qu'ilz onldu gou- vernement des liuguenotz (ju'ilz commencent a a[>- prebender, el pense obtenir des passeporlz pour la pi'oloiigalion du temps. Or je me resoiidz de conli- nuer la dicte convocalion et de faii'e venir les deputez, soil avec lesdiclz passeporlz ou par noz escortes, ju- geant de plus en plus Ires necessaire de nous reco- gnoistre avec noz amis, tan I pour nous fortiffier que pour les amener et conduire au desseing et a la resolution qui sera jugee plus utile pour le public el le bien genei'al des affaires, qui ne peuvent plus souf- frir de longueur ny de secours foible. Je m'en re- niectz sur ce que vous en scaurez Irop mieux repre- senler a Sa Majesle. Et outre vostre premiere creance, je vous pi'ie d'oblenir d'elle, s'il est possible, que la Guienne soit secourue de Irois mille hommes de pied espagnolz el de cini] ou six cens cbevaulx soubz la charge de mon beau filz le marquis de Villars (i), pour lenir corps d'armee el joindre loule la noblesse de la province qui est fres-affeclionnee. [Sijjevois ce grand secours avec un certain enlretenement, par (1) Kmiuaiiuel-lMiilihcrl l>sprcz (\r Montpc/.il, nmrquis de Villars, issii du preiiiii'r ni.iii.iU': do l.t duilii'ssc Ac M.iycnne. XXIX 27 h'' il8 — advanliirc me resoudrai-je d'v envoier mon aisne a ce printemps. Le marquis de Villars aussi faicl grande instance d'estre assiste de Sa Majesle de deux galleres el deux vaisseaux rondz , pour travailler la royne d'Angle- terre et tenir les cosies libres el seures. J'espcre de vous despecher dans peu de jours Paragge ou anllre pour vous porter de mcs nouvelles, dont je vous prie de faire le semblablc de voslre coste , prianl Dieu, etc. ccxxxv. Dudict jour. A Motisieur de Lyon. -Monsieur, Vous anrez plus tost receu I'advis de la creation do noslre Sainct Perc et de ses droictes inten- tions que nous cslimons (1) que Monsieur le comman- dcur de Dion vous aura autant envo\e de la depesche qui! m'en a faicte, par laquelle il me respond sur tons les pointz donl je luy avois donne instruction et descjuelz Monsieur le president Janin aura communi- que avec vous. II me meet une telle espei'ance d'une promple el favorable resolution dc Sa Sainclele qu'il semble que noz affaires soient en eslat de recevoir nng tres grand amandement. Je luy en fais une re- charge bien expresse, laquelle vous Irouverez a vostre arrivee par dela, ou je vous supplie, Monsieur, de vous vouloir ucheminer el advancer, de sorle toules- fois que cc soil avec voslie coramodite el disposition, qui m'esl Irop chere. Je me resjouis avecq .vous que soiez en telle opinion el recommandation envers Sa (I) Ms .: oslimant. — 419 — Sainclete cl le Snincl Siege, comme vous ne pouvez doublez que soiez recogneu selon voslre prudence ot voz merites qui peuvenl reluire par tout. Je suis en peine des incomniodiles que soufTre Paris et des praticques qui s'y nianienl, couvertes du manteau des necessitez. J'y pourvois aullant que je puis y ayant cnvove des forces choisies pour con- forter noz amis el rompre les desseins de noz con- Iraircs, attendant que moy mesme j'approche, comme je m'y prepare avec loute la diligence que je puis, ayanl depesche en Flandres, vers Monsieur de Lor- raine etailleurs, pour estre assiste; en resolution, si tost que je me verray des forces en main, de m'ad- vancer pros Paris pour en faire esloigner les ennemis el rendrc quelque passage libre par lequel le peuple puisse eslre rafraischi de vivres. Je voy bien que nous avons ung grand coup a souslenir entre cy et deux nioys , et (\ne pendant ce temps le roy de Navarre veult faire tons ses cfTorlz el tenler des entreprises sur noz villes. J'en donne advis par tout ; et jusques icy, graces a Dieu, j'ay rompu tous ses desseins assez heureusement. II n'est poinl besoing de vous informer de I'eslat des affaires, ny de ce que vous avez a representer a Sa Sainclete et aux princes d'Ital\e que vous visiterez a ung cbacun selon son lionneur, ce que vous sgau- riez trop mieulx faire par voslre prudence [(|ue] c'eslde vous que j'en voudrois [jrendre advis. II ne me reste done sinon de vous su[)plier qu'il vous plaist prendre la peine de ce vojage si necessaire, el de me tani obliger de vouloir partir au plus lost et me faire pari a toules les occasions de voz nouvelles, qui est bien la plus grisnde consolation (jue je jiuisse recevoir - 420 — parmy lant de lempestes. Si estanl par dela , il se presenle moyen de correspond re avecq Monsieur le president Janin, je vous supplie de I'enlrelenir, ju- geant que sur la conjondion cl conformile des vo- lonlez dc cez deux' grands princes nous sommes necessilez de fonder noz resolutions, el que sans leur assistance noz conceptions seroienl vaines. J'espere que vous y trouverez les afiaires fort disposez; et oil il y auroil quelque particularite differente, vous pou- vez tout reunir, avec la creance et auclhorile que voz meriles vous ont acquis. Je ne puis sinon vous con- jurer de garder soigneusement vostre sanle qui nous est tant ulille, el me reposer enlieremenl sur vous, de ce que je n'aye moins de fiance que de moy mesmes, el duquel les gens de bien de ce royaulme altendenl Je bon beur du succez de noz affaires, JPe Soissoas. CCXXXVI. Dudict jour. A Monsieur le cardinal Caielan. Monsieur, J'ay receu par les deux dernieres de- pesches de Monsieur le commandeur de Dion du X1II«' el du XVI*= du passe lant de tesmoignages des bons offices qu'il vous plaisl de continuer a rendre Sa Sainctete informee de I'estal de noz affaires el luy augmenter I'inclinalion qu'elle a d'en embrasser la protection, que je ne vous en scaurois assez rendre de graces, ny vous dire combien je sens vous en avoir d'obligalion en mon particulier. Mais si jamais vostre faveur a este promple cl disposee a moyenner les re- I niedes que vous avcz cogneus neoessaires a noz maulx, je vous puis dire , Monsieur, (jue c'esi a cesl heure que nous en avons exliemement besoin^; , el que la senile diliigcnce d'un grand el puissant secours peult remeltre les choses en eslat, que je tieiis nullrement, sans la manifeste grace de Dieu , pour fori abandon- nees. Vous s^avez mieulx que [)ersonne a (]uoy nous ont reduict les longueurs du passe et quel advantage nous eussenl apporlc les mesmes offices qui nous ont esle laicles, si nous les eussions rereuz plus a lemps. Voslre prudence scail juger du cela el de loules les aulres choses qui nous imporleni, el vostre saincle affection au bien et advancement de I'honneur de Dieu, qui est le seul but de cesle cause, est conduicle el assislee de sa grace , de sorle que je n'en puis desirer daventage de faveur que celle que je m'asseure que vous y opporterez. Je ne lerrai loulefois de vous supplier tres liuniblement , Monsieur , d'en vouloir advancer les etTectz le plus lost qu'il vous sera pos- sible, comme le seul moyen qui peull le plus ayder a noslre conservation ; laquelle vous eslant recom- mandee comme vous le faicles pnroisire , et ayant donne advis audict sieur commandeur de tout ce qui se passe par deca pour le vous communiquer, je n'ad- jousleray rien a celle cy que I'asseurance que je vous supplye prendre de ma devotion a vous honnorer et servir comme le medialeur de lout le bon succez que nous pouvons esperer en cez affaires. Vous baisant, en cesl endroici, ires liumblement les mains, je prie Dieu, etc. 4'i'I flCXXXVlI. Dudict jour. A Monsieur le cardinal Peleue. Monsieur, Les lellies que j'ay leceues de Monsieur le commanrleur de Dion du Xlll^ et XVle du passe me confirment lellemenl la bonne epperance qu'il me donna des la crealion de Sa Sainclele qn'elle embras- seroil la proleclion de eeste saincte cause, que je ne puis plus doubter de sa bonne volonte, ny des ofYices que vous conlinnez a luy en rendre I'assistance re- commandee, aulanl que la necessile le requiert, dont je vous ay extreme obligation. Mais, d'aultant que le mal nous presse plus que jamais, comme vouspouirez plus parliculieremenl entendre par les Icliies que j'escril audicl sieur commandeur pour vous commu- nicquer, je vous supplie, Monsieur, d'affeclionner aulant que vous pourrez la diligence de I'execulion de cesle bonne volonte , de laquelle seuUe j'estime que peull dcppendre le salut et reslablissement de cez affaires, qui aullremenl sont en Ires grand dangei'. L'affeclion que vous y avez faict parroislre est telle, qu'il semble qu'ellc n'a aullre besoing de recomman- dalion, que pour vous asseurer de I'iiumble reco- gnoissance a laquelle je vous en demeure oblige pour men parliculier, et de la bonne volonte que j'auray loute ma vye de me revancber de tant de bons offices, en toutes les occasions qui se presenteronl pour vosire service. Vous baisani, sur ceste verite , tres humblc- ment les mains, je pric Dieu, etc. - 42:] - CCXXXVIll. iJii XXVIe Janvier. A Monsieur de Peleve (1). Monsieur, Je voiis ay escril par mes dornieres la peine en la(|iiclle j'cslois d'empescher le desseing dont j'avois advis que Tenneiny poursuil les cffeclz pour faire encore ung efTorl sur Paris ; relic cy sera pour vous donncr nsseurance du bon succcz qui en est arrive, a la honte dc ceux qui I'avoient entrepris, parce que, comme je veux croire, Dieu y a mis la main, aussy bien qu'aux aulres fois qu'il a garonli ce peuple de pareil inconvenient, I'nyant preserve de la main de ceux qui chercboient sa ruinc, devont que j'eusse faict entrer dedans le secours que j'y envoyois, qui y est arrive despuis , comme vous pourrez plus parliculiercmeni sgavoir de Monsieur le commandeur de Dion a qui j'en ay escril exprcz bien au long pour vous en faire part. El ne vous ennuirai de redile pour ce regard, si ce n'est pour vous supplier bien humblement, Monsieur, de presser autanl que vous pourrez le secouis que nous esperons de Sa Sainc- tele; attendant Icquel, si elle pouvoil eslre disposee a m'envoyer quelque bonne somme de deniers, avec le monitoire pour retirer par proniesscs et par menaces, selon le subject, ceux qui ne sont encore bien resoluz ny d'une pari ny d'autres, el mesmes quclques forces de I'ennemy qui ne veulent perdrc le nom de catbo- licques, je penserois que ce seroil ung grand moyen pour diviser son parti, el fortifier autanl cestui cy, et (I) Cflte (tcpeche est en double au folio suivanl. — 124 - - nnp: acheminiMTtpnt a sa riiiue. Pour cc je vous pup- plio (le recliel', iVIonsieiir, ile lenir In main a rinslnnce que j'escris ruidicl siciir comniandeiir (luil en face a Sa Saintlele, eslanl a craindie (]ue le peuple, lasse ct Iravaille a la longiie, ne puisse [)li.is supporter les efforiz de noz enneniys, (jui ne laissent , pour avoir failli ceste occasion, d'estre lousjoars assemble/ et se promectent d'en venir a boul : a quoy j'espere m'opposor, mais avec les bons offices (|ue j'allcns do voslrc inieicession pour nous envers Sa Sainciete, remeltant ;ui sieur commandeur a vous dire la con- fiance quej'en ay, pour le soing (1) que je voy (|u'if vous plaist prendre de nous ct de ce qui louche le bien et salul de la France qui vous en sera obligee a jamais. Jevous bnise, en cost endroict, bien humble- menl les mains, cLprieDieu, etc. o:xxxiX. Du XXVJlle .lanvier.. A Madame de Bronsvic (2). Madame, Encore que pour la necessile des affaires, qui est egailement generalle partout, j'ay esle con- traincl, il y a desja longlemps, de laisser a Orleans comme en loutes les aulres provinces les deniers qui avoienl accouslume de se tenir des receples generales, ne pouvanl a granrl peine sufifire a renlrelenemenl des gens de guerre qui seroient a la conservation de (1) Ms •■ besoiiig. (a) Marie i!c Ilctiiiiii, foiiinie iroilioii-Heniy, liuc do Diunswick c\ (le lAixenihonrji, (illc dc .1;iC((ucs do Ilcnniii, marquis de la Vero, grand inailre des eaux ct forets de llainault — 425 — laville, je ii'ay voiilu loulcsfois laisser, pouf vous (lonner conlenlement aulant qu'il m'csl possible, de commander rexpcdilion que vous desirez pour vous donner moycn de vous faire pa^er, ainsy que c'est mon intention, desiranl bien pour vostre regard pas- ser sur toutes aultres considerations, et n'oublier chose (jui dependc du I'espect et de I'bonneur que je vous ay vouee, pour vous rendre salisfaicle el vous , faire lous les services que je pourray, conime j'espere de vous laire cognoistrc en cesle occasion ct en loutes celles qui se presenteront pour vous on rendre [)reuve ; vous suppliant Ires humblemenl de croire, Madame, que je liendray tousjours a singulicre faveur les com- mandemcnls qui me viendront de vosire part, comme autant de moiens de satisfairc a la volonte que j'ay de m'ernplo\er pour vous et pour les voslres. Sur cesle verile,je vous baise Ires humblemenl les mains el prie Dieu, etc. CCXL. ■ A Monsieur de Lyon. Monsieur, Je vous ay escrit du XVIlIe de ce moys la peine en laquelle j'eslois pour Paris, sur I'advis que j'eus des lors des preparalifs que faisoienl les enne- mys pour y faire ungetTort; je vous dirai mainlenant que m'estanl achemine avec ce que le temps me per- mit d'amasser de forces en cesle province lanl de cheval que de pied, pour en rompre el empescher le dessein, je fus adverly a Meaux que le roy de Navarre tournoit teste, aprez avoir failly son effect par Irois nuiclz conseculives, des le XVIIIe, XIX^ el XX^, ayaut faict approcher, soubz ombre de porter des vivres, le — 426 - sieur do Lavenlin (1) el Espernon . nvoc millc uu clouze ceniz bommes de pied dans les Tiiilleries el dans loul le faubour de SainI Honnore , ce pendant qu'il estoil avec line parliede sa cavalerie au desoubz (le Monlfaucon, cl le resle avec Monsieur de Nevers ct Longueville au dega du molin Montniarlrc, atten- dant que les portes de Saincl Honnore, Sainct Denjs et Sainct Martin fussenl ouverlcs, ainsy qu'il avoiteste promis audict Laverdin par ceux de dans qu'il ovoil de longteinps proliquez. Auscuns desquels estanl priz el descouveriz, les rampars bien garnis el I'ordre donne, I'aube du jour commenganl a les descouvrir, la nuictdu XX^ au XXl", ilz quilt6renl leur enlreprise; donl je vous ay bien volu faire le discours, recognois- sant que Dieu a assistc ce peuple quasi miraculeuse- menl conlre lanl d'arlifices el inventions tendantes ii sa ruine, devant que j'j peusse estre a temps, ny le secours de quelques Frangois el Espagnolz y ful entr^; ce qu'il fist quasy en mesrae temps que I'ennemy fut desloge, cl les llaliens que j'avois aussi ordonnez de suivre relournerent a Meaux pour la seurete de la place. J'ay pris cesle occasion pour despescber a Rome, a fm que Monsieur le commandeur de Dion prenne ce subject pour presser el faire le plus d'in- stance qui luy sera possible de I'avance d'une bonne somme de deniers donl nous aurions extrememcnl besoing ; vous en ayant voulu pareillement escrire, a fin, si vous vous estes acbemine, comme j'estime que vous aurez faicl, vous puissiez redoubler la pour- (I) Jean de Beaiiinanoir, HI' du nom, seigneur et depuis marquis de Lavardin (ancieiinement Laverdin), comle de Negiepclissc. co- iitnel de j'infantcrie franeaise, niank^hal de France en 1595 - 427 - suite qii'il en feia, I'ayant prie, oullre ce que je vous en cscris, de vous communi(|uer nies letlrcs devant que vous vovcz Sa Sainclelc, s'il est possible, a fin que voz demandes ci ouvertures soient conformes. Je luy envo\e aussi pour cest effect ung estal des deniers que je desire pour renlretenemenl des forces qui me sont le plus necessaires, n'estimant que nous puissions faire grand eslat de celles d'ltalie a cause de la gi'ande distance ct difficiille des chemins, ayant a passer nu travers de noz enncrnys, dont ilz arrive- roienl si harassez qu'ilz auroienl plus besoing d'une bonne garnison pour se rafraischir que de se pre- senter a ung combat; aussi que jouissanl d'nn long repos que la paix leur a apporle, II est impossible qu'ilz puissent estre de longtemps expcrimentez en noz guerres. On m'a faicl entendre que Monsieur Ic due de Sa- voye luy en demande inslammenl, ce que je no desire empescher , eslant au conlraire tres aise que son secours s'estende generalement sur lous ceux qui recherchent I'appuy de son autborite, mais bien que cella ne nuise a ce que nous pouvons esperer de sa bonne assistance; ayantz a nous preparer pour sous- tenir a ce printemps ung grand secours qu'altend le roy de Navarre, lanl d'Angleterre, d'Allemagne et Suisse que de ce qu'il est apprez a lamasser de la France , dont j'espe[re]rois bien luy dislraire una parlie du meilleur, si le payement estoit asseure el qu'il pleust a Sa Sainctele faire paroistre son inten- tention, tant pour la fourniture des deniers qui nous sont principalemenl necessaires que par le monitoire,. dont quelques ungs dc ceux qui portent encore le non; de catholicquc se pourroient bien esbranler. .le vou& — 428 - supplie done bien humblement de poursuivre I'ung et I'aulre, avec le href du(iuel ledicl sieur commandeur me mande que Sa Sainctele est loule disposee de me favoriser pour la nomination des benefices, remeltani le surplus de ce qui pourra eslie a propos, selon les occurrences, a la bonne conduite de vostre prudence, sur laquelle je me repose, tanl pour ce qui touche le general, que vostre zele vous rend assez recom- niande , que pour le particulier, auquel je sgai que vous ra'obligez d'uutant d'aOection que je sgaurois desirer. J'oubJiois a vous dire qu'il seroit aussi Ires a propos de poursuivre le payemenl des deniers des Suisses du passe, qui seroit ung moyen de confirmer et entre- tenir davanlage leur alliance, pour le besoing que nous en pourrons avoir a I'advenir. Monsieur, j'ay advis que Sa Sainclete est resolue de promouvoir une ligue des princes catholicques, jugeant comme nous que ce sera la force et I'appuy de nostre saincle cause, el je vous supplie bien hum- blement de I'v pousser encores davanlage, et se fai- sant ladicle ligue, luy remonstrer que, tenant le lieu que je faiz en ce roiaume el ajanl employe tant de services et de moyens, il ne seroit raisonnable qu'un aultre prince me vinl lever I'honneur que j'ay acquiz du commandement des armees, et croy que, vouant(i) mon interest, Sa Sainclete jugera que le choix qu'elle fera de ma personne sera agreable au due de Flo- rence et aux Veniliens et aux aulres princes el polen- talz d'ltalie qui ne peuvenl avoir jalousie de moy, et en auroienl d'nn autre prince, fust de leur nation ou ;ij De vouair ; vojant, considerant. — 429 — d'autre. Je m'asseure que vous ne lairrez passer chose, en cest endroicl ny autre, qui me porle prejudice, et vous prie d'y lenir la main, comme a chose qui me louche de trop prez et (jui ne peul donner subject dc mesconlenlement a d'aulre. CCXLl. Du XXVIIIIe Janvier. A Monsieur Le commandeur dc Dion. Monsieur le commandeur, J'ay faicl responce du XXle de ce moys aux lellres que j'ay receues de vous du Xllle et XYIe du passe, par lesquelles je receuz bcaucoup de contentemenl de la bonne esperance que vous donnez de I'assislance que nous pouvons atlendre de Sa Sainclete en ces affaires, el de la disposition en laquelle vous mandez qu'elle est de m'envoyer son href pour les nominations aux benefices; ([ui pourra estre a mon advis ung des principaulx moyens de rappeller a nous ceux qui se sont desvoyez et les dis- cours qu'ilz ont peu faire sur les froideurs el con- traires intelligences du predecesseur, s'ilz rccognois- senl une fois une saincle intention par cesle faveur en mon [esgard], el par la prompte advance des deniers qui nous sont aullant necessaires. Je vous fis aussi bien ample response aux aullres pointz de vosdictes letlres, dont je n'useray point de repetition , vous ayanl fait cestc depesche double et esperant que I'une des deux vous sera rendue lidelle- ment. Je partis des le lendemain de ladicle depesche, pour, avecq cc que le temps nie peul promeltre d'a- masser de cavallerve en cesle province , m'en all(M' — 430 — droict a Paris I'ompre le desseing que j'avois eu advis que y piolicquoit Laverdin. Le(iuel pensanl loules choses fori nsseurees pour ce qu'il s'enesloit promis, el sur cestc asseu ranee y ayant faicl venir le roy de Navarre, Messieurs de Nevers, de Longueville, d'Es- pernon, Givry el aulres, avecq tout le reste de ces forces el tous preparatifz qu'ilz avoient faictz de long- temps d'eschelles el ponlz, de clayes el de boys, en fort grande quantile, se presenl[anl] par trois diverses fois des le XVIlIe, XIX^ et XX^ de ce moys aux porles Sainct Denys et Sainct Martin, eslimant que par Ics intelligences qu'il avoil dans la villc Ton s'esleveroil, el que ces deux porles qui luy avoicnl esle promises luy seroient ouvertes ; dont eslanl adverlis, Messieurs de Belin et ceulx de la ville donnerent si bon ordre que, les gardes renforces, et quelques ungs de la con- spiration pris el convaincus, le reste n'osa remuer ; el le roy de Navarre qui y fut en personne la nuict du XXe au XXIe jusques a I'aube du jour, voyant .qu'il perdoit temps, se relira avec sa honte et la plainle des siens, pour avoir esle tant et tant de foys abusez de la vaine esperance de la prise el pillage de cette grande ville. Ce qui nous donne d'auUant plus grande confirnialion de la grace de Dieu en I'assistance de ceste saincte cause, que la gloire principalle en est deue a la resolution du peuple, qui depuis cez grandes lenlalions ne (rouve rien impossible a supporter pour sa religion et pour I'honneur de Dieu. Car, encores que je me feusse mis en debvoir de les secourrir, ayant faiclz partir quelques jours auparavanl Mon- sieur de Rosne avecq quelques forces que j'y en- voyois , et que je suyvis incontinant avecq mil bar- quebuziers clioisis et de sept a buicl cens rlievaulx cl — 431 — les vivres queje faisois commander ol conduiro a ma queue, resolu de me perdre moy mesme avecq les precieux gaiges que j'y ay ou de la gaientir, ne vou- lant survivre lant d'honnesles gens qui y sonl ; ainsy que j'estois desja proche de Meaux, je sceu par le sieur de la Chappelle (1) comme loules choses s'es- toicnt passees el le secours enire en partye dans la ville, le reste estant de relour a Meaulx pour la seu- rete de ladicte ville, el que I'ennemy venoil reprendre son logis vers la Picardye, ou it avoit apparence qu'il employeroil ses forces sur quelques places de la pro- vince : a quoy desiranl pourveoir, je suis relourne en cesle ville, laissant ce pendanl le convoy de Paris a la Ferle Milon, pour, a la premiere occasion qui se prcsenlera, le faire passer oulre. Je vous ay bien voulu, Monsieui- le comrnandeur, faire enlendre au long comme cesle entreprise est reussye, affind'en faire le discours pardela; raais sur- loul lachez a faire recognoislre aulanl qu'il vous sera possible f|ue, encores que Tennemy ait si peu prouf- ficle ceste fois a Paris, c'est ce qu'il est a craindre qu'ayant ces forces assemblees, il nc relourne encore UDC autre fois avec nouveau desseing, et qu'a la fin le peuple lasse ct Iravaille [par] extresme necessile ne puisse supporter ung grand effoil, s'il n'est promp- temenl assiste de gens, do vivres et d'argent. El pour ce je vous prie de faire le plus d'inslance qu'il vous sera possible , a ce que Sa Sainclele se dispose de nous secourir dilligemment cl puissamment, aflfin de (1 ) Nicolas de Luxembourg, seigneur de la ClLipelle et de la Bei- llore, avuit servi dabord sous Francois dc Lorraine, due de Guise, et fuldcpuis luunnic d';ti-ui -sdins la eonipaunie i\i' (Charles II, dur de Lorraiur — -432 — resisler aux grandes forces que le loy ile Navurre allenl dans ce prinlemps, assavoir sixniille Anglois huict cent Suisses, el dix mille hommes de piedz frangois el de IIII a cinq mille chevaulx. Je ne re- prendrai point icy le suject que je vous mande par mes dernieres qui me presse de faire telle instance; vous le scavez el la cause en est trop cogneue : Sa Sainclete mesme peull juger de quelle consequence est nostre mine a (']) toule la religion. Cost pour- quoy j'estime qu'elle n'avoit desagreable que vous la pressiez et princijiallemenl de me vouloir octroyer quelque notable somme, en attendant son secours, pour faire des levees on la France, m'aiseuranl par ce raoyen d'altirer la plus pari dc la noblesse cl lies gens de guerre du roy dc Navarre a ce parly; oultrc le grand et puissant secoui's que j'atlens de Sa Majesle calholique, lequel, avec(}uc ce que je pourray faire, estanl seulemenl ayde des deniers de Sa Saintlcte, sera suffisant pour venir a bout de nostre enneray et le reppousser par dela la riviere de Loyre. Si vous voyez qu'cile s'i dispose, supplyez la d'envoyer par mesme moyen telz de ses officiers qu'elle auroil agrea- bles pour le manimenl de ses deniers , el qu'elle ne nous remeclre puis aux letlres de change donl , oullre la perle qui est grande, Teffect est du toulnul, parce qu'il est impossible de recouvrer de I'argcnt par deqa sur lesdicles letlres, quelles qu'clles puissent eslre. J'ay pris cesle occasion de luy en cscrire ung mot, remellant le resle a ce ipie vous luy en pourrez mieulx faiie entendre el a Messieurs les cardinaulx Caietan et Pelleve, que je vous prie aussv de'veoir el 'Ij .V.-; (Ic. — 433 — en conniuinicquer avecq eulx iJe ma part, les asseuranl tousjoiirs cle ma devotion a leur service. Faicte?, je vous supplye, que j'a3e au plus tot que vous jiuurrez de voz nouvelies. Vous souviendrez aussy, s'il vous plaisl, de faire instance envers Sa Sainctele a ce qu'il luy plaise con- lormer les censures el excommunication que son predecesseur a faiclesa I'encontre du roy de Navarre, ses faulteurs et adherans, et de nouveau nous envoyer au plus tost que faire se pourra son monitoire pour rappelei' les calholiques qui sonl avec luy : vous ju- gerez assez de combien cela imports pour y user de la dilligence qui y est necessaire. CCXLII. Dudict jour. A Monsieur le cardinal Caietan. Monsieur, Vous savez par iMonsieur lecomniandeur de Dion a qui j'escris blen parlicullierement, comme depuis la dorniere depesche que je vous ay faicte, la ville de Paris a este pour la seconde fois delivree quasi miraculeusemenl des praticques ([u'i avoient faictes de longue main les ennemyz , par I'intelligence de ceulx de dans, dont il y a quelques ungs de pris el descouverlz; et comme le roy de Navarre a este con- traincl de relirer toules ses forces, sans aucun effect : ce que je ne puis attribuer qu'a la grace de Dieu, qui ne veut point perdi'e ce peuplc qui se fortifiie de plus en plus en sa resolution, par la souvenancc des bons XXIX. 28 - 434 - exemplos qu'il a receus duranl le bon lieur de voslre presence, et par Tesperonce qu'il a dcs bons effectz que vous moyennerez envers Sa Sainclele en sa fa- veur, avec la mesme bienveillance donl vous I'avez assisle duranl le fori de sa necessile. Les dernieres lellres que j'ay receues dudicl sieur commandeur sonl plaines d'asseurance de I'inlenlion de Sa Sainclele a cesl effect, mais j'ause vous dire. Monsieur, que la dilligence pour ce regard esl I'u- nicque reniede de noz maulx el le seul moyen de notre salul, comme vous avez sceu Ires bien reco- gnoislre et juger par voslre prudence lorsque vous esliez par deca, estanl mesme d'advis de faire a loul a coup une grande despence, a fin de mectre en re- pos cesl Eslal , lequel autreraenl nous ne faisons qu'entrelenir en sa longueur, pour le veoirdans peu de temps defaillir el s'aneaniir du loul. Ce que je voussupplie Ires liumblement de remeclre devant les yeulx de Sa Sainclele et nous eslre inlercesseur en- vers elle, estanl a craindre qu'a la longue le peuple Iravaille el lasse de I'oppression qu'il soufTre ne puisse resister a ung autre nouveau effort, qui se prepare par le secours eslranger qu'atlend le roy do Navarre, de Suisse el d'Anglelerre, s'il n'esl, enlre si et la, secouru de quelques moyens et rafraischi de vivres. Je m'en metray de ma pari en lous les efforlz que je pourray, en attendant que de la prompte ayde de Sa Sainclele je puisse dislraire el atlirer a nous une parlie des forces de I'ennemy ; a quoy I'avance seule des deniers peul donner ung grand coup. Je vous supplie de rechef, Monsieur, de ne vous lai^ser a con- j>/s ; loiij^ueur. I — 435 — linucr le bien que vous nous procurez, raisant conlir- mer a Sa Sainclete les censures el excommunications a I'enconlre du roy de Navarre et ses adherens, et impelrer pour nous (|u'il luy plaist nous envover au plus lost son monitoire pour rappeller les calholicques qui sonl avec luy, el nous presler d'ailleurs I'assis- lance que nous allendons de son auclorile ; de la- quelle seulle esperanl tout nosire bien par vostre in- tercession , je vous baiserai , en cesl endroit, tres humblement les mains, priant Dieu, elc. CCXLIII. Dudict jour. A\i Sainct Pire. Tressaincl Pere, la bonne esperance que lous les calholicques de ce royaulme con^oivent de voslre pa- ternelle assistance en la cause pour laquelle ilz souffrenl tanl d'afllictions, les forliffie lellement en la saincte resolution qu'ils onl prise des le commen- cement, quo nous en resenlons mesmes les efl'eclz de la grace de Dieu plus exprez et plus favorables, ajant pour la seconde et troisiesme fois delivre quasi mira- culeusement la principalle ville de la France , sur laquelle I'ennemy ne cesse de dresser lous ses eftortz, cognoissanl de combien elle imporle a la seurele et affei'missement des calholicques. J'escris bien parli- culierement a Monsieur le commandeur de Dion lout ce qui s'y est passe cesle derniere fois, affin de le faire entendre a Vostre Sainclete, lorsqu'il luy plaira Thon- norer et le favoriser de son audience ; et la supplie en toute humilite, Tressaincl Pcre, adjousler foy a ce - 436 - qu'il luy pourra representer de I'exlreme necessite en laquelle nous sommes reduictz : eslant a craindre que, sans le prompt el puissant secours de Voslre Sainc- lele, le peuple lasse et travaille de la longueur de ces guerres et de la diselle qu'il soufl're de toutes choses, Tie puisse souslenir ung plus grand effort qui se pre- pare pour I'enlree de ce printemps, par le mojen des secours estrangers qu'atlend nostre ennemy de tons costez ; duquel infailliblement je pourray dis- traire les forces et traverser les desseins, si, en atten- dant ce qu'il plaira a Vostre Sainctel6 ordonner en faveur de ceste saincte cause, il luy plaist faire promplement et diligemment fournir quelque grande el notable somme, pour faire les levees de gens de guerre frangois qui branslent et sont en quelque vo- lume, s'ilz voyent plus d'esperancede payementd'une part ([ue d'autre. Ge sera a Voslre Sainctete une gloire immortelle que la reunyon des calholicques en cest Estat soil procedde de sa bienveillance, et que I'enlree de son pontifical soil remarquee de si fructueux effeclz , a I'endroict des princes enfans de I'Eglise qui protestent de luy conlinuer leur perpetuelle obeis- sance et au Sainct Siege apostolique, comme je I'a- voue en nion particulier, avec une tres bumble et Ires lidelle servitude ; laquelle il luy plaira accepter et me honnorer de ses commandemens et paternelles benedictions, suppliant en cest endroict le Greateur, apres avoir baise tres humblement les piedz sacrez de Voslre Sainctete, qu'il luy plaise, Tressainct Pere, la mainlenir et conserver au bien do sa gloire el repos de toule son Eglise. l)c Soissons. — 437 ~ CCXLIV. A Monsieur le commandeur de Dion. Monsieur le commandeur, Je vous escris par une aullre leltre tout ce qui s'est passe a Paris, et vous represenle le plus au vif que je puis la necessite en laquelle sonl reduiles les affaires de deca, s'il n'y est promptement pourveu, a fin que I'ayont descliiffree, vous preniez occasion de la (aire veoii'a Sa Sainclele, reservanl celle cy a vous pour la communicquer a Messieurs les cardinaulx Caielan et Peleve, et les sup- plyer de tenir la main a ce que nous puissions estre soudainemenl secouruz pour pouvoir resisler aux forces qui descendenl de tons coslez contre nous : ce que vous avez principallement a faire entendre a Sa Sainclele, luy remonstrant ce dont ledict sieur cardi- nal Gaietan a (ousjours eslc d'advis, ayant veu I'eslat de noz affaires duranl son sejour par dega, el que le deffunct mesnies son predecesseur monstra par les offices qu'il nous feisi du commancement avoir bien recognu estre le seul moyen de nous remettre, qui est employer en cinq ou six mois tout ce qu'on voul- droit faire eslat de despendre en ung plus long lemps, durant leijuel la Franco estant resliluee a soy mesmes par I'effort (ju'il seroil besoing de faire toule a la fois, Sa Sainclele pourroit recueillir desja le fruict de ce qu'elie auroit employe, et lirer de grandcs com- modilez du reslablissement de son auclorile, au lieu d'y "conlinuer fille a fille une despence vaine et in- fructueuse a I'effecl qu'elie s'en pcult proposer, le- quel consiste beaucoup davanlage en une grande et promple avance de deniers, dun! nous sommes ex- - 438 - trememcnl iiccessilez, qu'en levees de gens dc guerre italiens; donl vous liiy pouvez oussi remonslier que pour la disliince des chemins nous ne pounions de longtemps estre secouruz, les traverses et difficultez qui se prcsenteroient a leur passage, estaniz con- Irainctzde passer au travers de noz ennemis; et quand bien ils arriveroient, la fatigue et long travail les au- roit tenement lassez et recreus (4), qu'ilz auroien( plus de besoing d'entrer en une bonne garnison que de soustenir ung combat. Aussi je n'ay autre reproche de la France et n'ay rien qui m'empesche plus d'at- tirer la noblessse a I'entour de moy, que ce que je me sers principallement d'eslrangers, au lieu des- quelz je ponrrois faire ung bon nombre tant de gens de piedz que de cheval frangois tirez des trouppes mesmes de I'ennemy, si je leur propose quelque asseu- rance de pavement. Je desirerois done inainlenant qu'il pleust a Sa Sainctele, reduisant les grandes offres de son prede- cesseur, m'octroyer presentement I'argent qu'il faul- droit pour la levee et cntrelenement , par cbascun mois, de qualre mille harquebusiers el quinze cent chevaulx frangois, six millc Suisses et vingt mille escuz pour les vivres, arlillerie et gaiges d'officiers ; ainsy (pi'il est portc plus au long par I'estat que je vous en envoye , que vous pourrez faire metire au net pour le faire veoir a Sa Sainctele comme venanl de vous mesmes el sans qu'il s'appergoive queje vous I'aye envoye, par ou elle pourra cognoislre a quelle depence monteroit le payemenl de ce qui nous est necessaire. A ([uoy vous pourrez adjouster combien (I) Reci'oke : se faliguer, se relacher. — 439 - il esl difficile aux gens de guerre de s'entrelcnir, en ceste grande necessite de loules choses (1), avec la paye ordinaire et anlienne, do laqiielle ilz ne peuvent estre a la verile bien salisfaiclz , qu'avecq quelque chose plus. Mais tousjours sera de moindre despence a Sa Sainctele et de mine a ce pauvre royaulme de me donner de quoy relirer el enlretenir auprez de moy une parlie des forces qui nous sonl conlraircs : ce que je pourray faire [plus] aisement que d'ai mer lant de diflerenles nations dedans nos propres en- trailles. Si elle s'i monstre affectionnee, comme vous me faicles esperer, je desire qu'elle puisse juger d'elle- mesme a quoy seront employez les deniers, par le maniment de ses propres officiers et ministres et par les comptes qui luy en seront rendus, ainsy qu'il luy plaira en ordonner. Mais je luy prometz bien, nioyen- nant la grace de Dieu el son assistance, de luy acque- rir dans peu de temps la gloire toutc asseuree el le contanleraenl d'avoir este le bon heur du restablisse- ment de la France et le saincl tutellaire de toule la religion en ce royaulme. Aussi ne puis-je dissimuler que si, les nio\ens eslans en ses mains, Sa Sainctele pense pour espargne mesnager ([uelque chose de ce qui nous est necessaire, en voullanl tirer les affaires en longueur, comme on a faict jusques a cest heure, elle en verra trop tost une miserable el honleuse (in pour tons ceulx qui s'y seront employez avec ceste relenue, el portera ung regret extresme de ne s'estre monslree a temps le pere et le prolecteur de ceulx qui ne se peuvent perdre que par la subversion du plus (i) Ms : di- louclics. ~ 440 - beau gL plus glorieux de tous ses herilaigcs. Faictes doncques pnr voz remonslrancos qu'elle puisse reco- gnoislre au vray noslre necessile,el que si nous avons a cndurer davanlogc a I'advenir, je puisse, par la dilligence que je fa is d'en adverlir Sa Sainclete, eslre descliarge envevs elle el protester a Dieu et aux hommes que ce n'esl poinct de ma faulte; comme vous pouvez asseurer que je ne lerray d'y employer, a quelque pris que cc soit, tout ce qu'il a pleu a Dieu de mellre en ma disposition d'homraes, de raoyens el de vie jusques a la derniere goullc de mon sang. Vous garderez, s'il vous plaist, (outcs ccz depesches, affin de les communiquer a Monsieur I'archevesque de Lyon, si tost qu il sera arrive par dela et avant qu'il voye Sa Sainctele. C'est de Soissons. On nous a laicl entendre que Monsieur le due de Savoye presse fort Sa Sainctele de le secourir, ce que je ne desire empecher, el seroy lousjours au contraire ires aise qu'elle eslende la faveur de sa protection parlout. Prenez bien garde, s'il est possible, que ce soit sans relrancher ce (jue nous pouvons atlendre de ses liberalilez. CCXLV. Du XXlXc .Innvier. A Monsieur Gueroult. Monsieur GuerouU, J'ay lanl de preuves el de tes- moignages de la bi)nne volunte que vous avez lous- — 441 - jours aporfe au bien de ccz affaires, ijue vous ne debvez croire que je les oublie, ny que les artifices de voz ennemys jniissenl rien gaigner pour me per- suader au conlraire de ce que j'en ay dc cognois- sance, de laquelle si je ne vous ay faict davanlage de demonstration par le passe, vous sgavez assez quelz diverlissemeniz j'ay peu avoir despuis quelque temps en ga pour m'occuper du tout ailleurs, etquejen'enay encore faultc pour me dispenser d'entrer a beaucoupt de satisfactions parliculieres de mes amis, que jc ne laisse pour cela d'avoir en singuliere rccommanda- tion, comme je vous ferai coguoislre auprisme (1) que les occasions s'en presenteronl ; vous priant ce pendant de conlinuer vostre bonne volonte et voz bons offices, comme vous avez faict jusques a cest heure, sans vous arrester a chose (|ue Ton puisse pratiquer contre vous, dont j'empescherai tous les effectz qui pourronl estre a vostre prejudice et de la creance (2) en laquelle je vous ay. J'ay veu ce que me mandezpour le cure de Saincl Patrice (3), pour lequel j'escris a Monsieur le viconle de Tavannes et a Messieurs de Rouen; je m'asseure qu'ilz vous donneront et a luy aussy la satisfaction que vous en desirez : a quoy je tiendrai la main au- tanl qu'il me sera possible. En cest endroict, je prie Dieu, etc. De Soissons. (1) Als : niipns. (2) Ms : creation. (3) Dp Rouen. — 442 — CGXLVl. .4 Monsieur le commandeur Grilon. Monsieur le commandeur, J'ay esle tres aise de voir ce porteur pour apprendre de voz nouvelles et vous faire sgavoir de eelles de dega , comme je Ten ay charge particulieremenl pour voslre resgard, ne pou- vant assez me louer des bons offices que vous conti- nuez el de la mutuelle bienveillance que vous nour- rissez avec Monsieur de Villars au bien des affaires de dela; laquelle j'ay tousjours pense debvoir pro- duire de telz effectz que ceulx qui me sont rapporlez tous les jours, au contentement de tous ceux qui vous cognoissent et font estat de Fung et de I'aulre pour ce que vous estes; et voz actions estant tellement agreables a Dieu et au monde que je ne sgache per- sonne si mal nay qui voulut y apporter de la division; et quand quelqu'un se seroit lant abuse que de le vouloir entreprendre auprez de moy, je vous respons que je le rendrois si loing de ses pretentions qu'il ne s'y addresseroit de sa vie. Je vous supplye done et conjure de tout nion coeur croire que je regois a tant de plaisir le recit de voz deporlementz entre vous deux, que je ne cesseray que je ne vous aye faict cognoislre combien cela m'augmente la creance que j'ay tousjours eu de vous, et que je ne cherche tous les moyens qui me seront possibles de conserver ceste amitie si louablc, avec recognoissance de ce que vous en merilez et a vostre contentement. Vivez done en cest asseurance qu'il n'y a rien que j'aime au monde et honnorc lant (jue vous. Sur cesle verite, je prie Dieu, etc. — us — GCXLVII. A Monsieur Gouion. Cappilaine Gouion (1), J'ay lant cle tesmoignages des bons services que vous avez rendus a caste cause, oulre ceux que de longlemps vous avez faiclz a def- funct Monsieur mon frere, que je ne puis oublier ce que vous en meritez de recognoissance, encores que je ne vous en aye peu donner telle satisfaction que vous auriez peu desirer, despuis quelque temps que j'ay eu d'aulres clioscs sur les bras. Vous ne lerrez de vous en asseurer partout ou I'occasion s'en pre- sentera et de continuer cc pendant a faire de bien en mieulx,commeje vous en prie. Ce porteur vous dira plus particulierement ce que vous pouvez desirer de dega, luy ayanl amplement communique, pour me remettre sur luy, comme je fnis, et pric Dicu, etc. CCXLVIII. A Madame la mairchale de Joyeuse. Madame, Les bonnes nouvelles que je regoy de I'heureux succez de noz affaires par la conduile de Monsieur le mareschal vostre mary et de I'assislance de Messieurs voz enfans aux provinces ou ilz s'em- ploient m'obligent a vous en rendre quelque reco- gnoissance, que je ne me sgaurois satisfaire au desir quej'en ay, vous tenant pour la principalle cause de tout nostre bon lieur par la saincle affection que (I) Bertrand Goyon ou Gouion, iuiitiomo fils de Lancelot Goyoii . seigneur de Vaudurand et do la Ville-auxOiseaux, du chef de sa fcranie, depuiscapitaine des chateau et rorlcresse de CoiMhoui". _ 444 — vous avez lousjourseuede vous y ventre utile avecque tousvoz amys. .I'en esprouve encore les effeclz parti- culierement ovi vous estes. Et sans diminuer rien du merite de Messieurs deVillars et de Grilon, desquelz je ne puis nier que je n'aye occasion d'infini conten- lemenl, je pense tenir de la favour de voslre presence en ce quarlier, et qu'ilz peuvenl advouer eux-mesmes, la prosperite de leur enlreprise de la grace dont il plaist a Dieu de confirmer vostre bonne volunte, comme vous rapportez a luy et au bien de son service toutes voz intentions. FIN DU TOME XXIX^. TABLE DES MATIERES CONTENUES DANS CE VOLUME. SCIENCES I'T ARTS. Pages Des potasses de suint, par M. Maumen*: , aiembre litulaire , 1 heflexions svr I'emploi dii gaz . [lar M. Maumunk , nienibre litulaire , ' L Ecolc de dessin industriel, par M. Cli. Marti.v, membre litulaire , 15 Notice sur un evangeliaire provenant de Vabbaye de Saiiit- Pierre-aiixNonnains . aujourd'hui conserve dans Viglise dc Saint-Remi. a Reims, et sur les ftnaux qui Ic dccorent . par M. Cb. ' (jIvelkt , membre litulaire , 22 Un Mot sur la yravure et eel art en Champagne . a propos de la brochure de M. le baron Chaubry de Troncenord , intititlee : Notice sur les artistes graven rs de la Champagne, par M. Max. Si:tai>e, membre litulaire , 32 Jean Colin, graven r rhnois au Xi'll" siecle. , par lo nicmc , iS IlISTOIHE ET AHCIlEOLO(iIE. La Cathedrale de Reimt, par M. labbti Toi km'.uu , aicrubre bouoraire , 63 Lv.^ Chapitrex A" et XI de la Gcni^f crplii/iii'S par les fails de I'hisloire profane, |)ar M. labbo TiAiMtT, uieiiibre tilulair«, 79 — 446 — Pages Siege el prise d'Epernay (1592), j)ar M. Hknry, membre litulaire, 91 Correspondance du due de Mayenne , publiee sur le manuscritdela hibliotheque de Reims, par MM. Henry et LoKCQUET, merabres titulaires , 109 Reims, P. DUBOIS, Imprimeur de I'Academie Imperiale do Reims. J' I s< &g=g)r"^^'«-'''D(g=*a PUBLICATIONS DE L'ACADEMIE IMPERIALE DE REIMS, EN DEPOT Chez P. Dubois, Imprimeur cle rAcademie, rue de I'Arbalete, 9 ; Chez V. DiDKON, a Paris, rue St-Dominique-St-Germain, 23. 4 f i I i Travaux de V Academic, formant chaque annee 4 livraisous trimestrielles ou 2 volumes in-S"; — prix de I'abonnement, 8 fr., et par la poste, 9 fr. Histoire de la ville. cite et universiti de Reims, par Dom Guill. Marlox, 4 forts vol. ia-4°, avec plauches; 30 fr. Histoire de VEglise de Reims , par Flodoard, avec traduction par M. Lejeune, professeur au lycee de Reims, 2 vol. in-8°; 10 fr. Chronique de Flodoard , avec une traduction nouvelle et des notes, par feu M. Bandeville, chanoine de Reims , — suivie d'un Index pourl'Histoirc de Reims et la Chronique, 1 vol. in-8°; 5 fr. Histoire des Gaules au X« siecle, par Ricuer, avec traduction, notes, tableaux geuealogiques, cartes geographiques et fac simile, par M. A.-M. Poinsiginon, docteur cs-leltres, iuspecteur de I'Uni- versite, 1 vol. in-S"; 8 fr. Documents inedits tires de la Bibliotheque de Reims, publies par MM. E. Henry, professeur au lycee de Nancy , et Ch. Loriquet, conservateur de la bibliotheque et des archives de Reims. Volumes parus, tires a petit nombre : I. Journalier ou Memoires de Jean Pussot, mailre charpentier a Reims (1508-1626), avec reproduction de morceaux de musique. 1 vol. in-S" , papier verge. {Epuise.) II. Correspondance de Philibert Babou de la Bourdaisicre , ambassadeur de France a Rome ( 1560-1064 ). 1 vol. in-8», papier verge ; prix , 8 fr. III. Corrcspon'lanre du due dc Maycnne (1590-1591). 2 vol. in-8°, papier verge; louic 1, prix, 8 fr. I I 3 I 1) C^--..'^^^0 ..-^3^ ■■'''^'-'■'^■'•■' ' .__.,