j^^ .^ mm-" Vv^-H- vfeli' '* ^^^ c 'm\:*' 'iW- > M ^-> m^: 5>-/â^ -^ TUFTS UNIVERSITY LIBRARIES 3 9090 013 400 649 Webster Family Library of Veterinary Medicine Cummings School ofVeterinary Wledicme at Tutts University 200 V\festboro Road /* North6ratton,MA01536 •'► A travers r Allemagne hippique Monarchist », demi-sang trakehnen, steeple-chaser au lieutenant von Plehve. DEl^XIÊME ÉDITION Comte de Comminges Librairie Pion A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE DU MÊME AUTEUR : Dressage et Ménage. Dessins de Crafty. 2* édit. Un vol. in-8" 6 fr. Le Cheval. Soins pratiques. 12*' édit. Un vol. in-i6 illustré 3 fr. 50 Les Races de chevaux de selle en France. {Comment et ou on acheté un cheval de selle.) Un vol. in-i6 5 fr. Le Hunter et le rapport de la « Hunters improvement Society » sur son élevage. Un vol. in- 16 2 fr. L'Équitation des gens pressés. Dessins de E. Thélem Un vol. in-8° 6 fr. EN PRÉPARATION : Les Races chevalines françaises et anglaises, avec nombreuses illustrations. PARIS. TYP, PLON-NOURRIT ET c'% 8, RUE GARANCIÈRE. 16057. 1/1 W COMTE DE COMMINGES A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE Avec iç gravures hors texte DEUXIÈME ÉDITION PARIS LIBRAIRIE PLON PLON-NOURRIT ET G'% IMPRIMEURS-ÉDITEURS 8, RUE GARANCIÈRE 6* I 9 I I Hnns droit'! réservés Droits de reproduction et de traduction réservés pour tous pays. AVANT-PROPOS — Vous allez en Allemagne, m'inter- pelle-t-on, étudier l'élevage hippique? Quels horribles chevaux vous verrez! — ... Pardon, mais les avez-vous vus ? — Non, répond-on, mais tout le monde sait que le cheval allemand est une grande bique, efflanquée, sans dessus, sans dessous, toujours en mauvais état, haridelle à tous crins, avec une caisse à violoncelle au lieu de tête, etc. Quant à « leurs » chevaux de troupe, ils sont au-dessous de tout. Ainsi, au plus près, les uhlans de Metz !... Une fois de plus, je m'aperçois, en écoutant quelque homme de cheval universel, qu'en France presque personne ne connaît le cheval II A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE allemand, pas plus d'ailleurs qu'en Allemagne on ne connaît le cheval français. Ainsi, les Alle- mands ne se doutent pas de la supériorité de notre race anglo-normande sur leurs races car- rossières, tandis que nous-mêmes croyons vo- lontiers posséder la première cavalerie d'Eu- rope. Un auteur français n'a-t-il pas écrit dans une brochure, en en tirant argument pour dé- fendre une personnelle et singulière opinion, qu'en Allemagne, où il n'était jamais allé, le cheval du Rottal et les chevaux de la Prusse orientale (vus à l'Exposition de 1900 ! ) n'étaient pas plus bâtis en chevaux de selle que nos nor- mands carrossiers; or, les chevaux Rottal (i) n'existent plus en tant que chevaux de selle, et les est-prussiens, eux, sont admirablement bâtis en galopeurs. Ce n'est pas là seulement un avis personnel, c'est celui de tous les hommes (i) On élève bien des chevaux au Rottal (Rott, petite rivière se jetant dans l'Inn, Bavière), pays extrêinemrnt pittoresque où les paysans riches ont conservé les costumes de l'ancien temps. Beaucoup de cultivateurs y possèdent de 15 à 20 poulinières, mais du type carrossier et livrées au lourd étalon oldenbourgeois. AVANT-PROPOS m de cheval qui ont réellement vu les remontes allemandes. On se rendra compte, en lisant ces quelques notes écrites sans parti pris, avec l'unique souci de la vérité, que la cavalerie alle- mande est très bien remontée, peut-être mieux en ce moment qu'elle ne le sera jamais. Les Allemands ont, en effet, voulu un cheval de guerre moderne; avec patience, ténacité, ils l'ont préparé, fabriqué, obtenu. Ils le maintien- dront tel quel contre la crise chevaline qui les frappera un jour ou l'autre aussi durement que nous. Mais, comme, au point de vue militaire, une remonte vaut surtout par comparaison, les Allemands auront fort à faire pour se maintenir à la hauteur de leurs voisins les Autrichiens et les Français, si ces derniers continuent à s'orienter vers un élevage où le rôle du pur sang de croisement deviendra prédominant, en supposant, bien entendu, les étalons judicieu- sement choisis et les mères convenables. C'esr aussi l'avis non seulement des chefs les plus éminents et les plus hommes de cheval de notre cavalerie, mais encore de tous ceux qui ont IV A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE quelque expérience des exigences de la tactique moderne et qui se servent ou se sont servis gaillardement du cheval. L'un de ces derniers, M. le baron Foache, ancien officier de cava- lerie, n'a-t-il pas écrit, justement en conclusion d'un voyage en Allemagne aux environs de 1900 et en parlant de la production du cheval militaire français : « Il serait à désirer qu'une partie des encouragements que l'administration prodigue aux carrossiers et aux trotteurs fût réservée à la production d'un cheval de guerre ayant un degré de sang assez sensible. Pour- quoi écarter de la reproduction tous les étalons issus d'un père de pur sang? » Ce sont en effet ces étalons-là qui ont créé, bonifié, fortifié, maintenu les chevaux allemands au point remarquable où ils sontparvenus. Leur masse, qui est saturée de sang, a été obtenue avec ce sang pur. Chose à remarquer, à cause du climat, de l'habitat, ce sang pur n'a qu'assez peu d'effets bienfaisants sur le tempérament des chevaux allemands et leur influx nerveux. Ils s'empâtent AVANT-PROPOS v volontiers dans une lymphe déjà presque domi- nante, malgré la régularité, l'excellence du modèle. Quoi qu'il en soit, l'État fait de gros sacrifices pour son élevage selle, dont le petit éleveur se désintéresserait très facilement. Ces sacrifices devront être consentis bien plus forts encore, ils devront devenir» colossaux » — pour employer un majoratif à la mode de l'autre côté du Rhin — si les Allemands veulent seulement maintenir, dans l'avenir, l'état satisfaisant de la production actuelle. Il ne faut pas croire que l'Allemagne possède beaucoup d'hommes de cheval, beaucoup de véritables cavaliers. Les uns et les autres m'ont paru bien plus rares, au point de vue mentalité, beaucoup moins « cavaliers » qu'en France, et, en tant que pratiquants, beaucoup moins per- çants que les nôtres. Les spécialistes allemands eux-mêmes font preuve d'une curieuse étroi- tesse de vues dans l'application de certaines méthodes de sélection, méthodes issues beau- coup plus du caractère même de la race humaine germanique et des habitudes de lenteur disci- VI A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE plinée, rythmée si l'on veut, que de la vérité, que de Texpérience sportives et cavalières. L'obsession du gros, obtenu au détriment de la densité des os, la sagesse au détriment de la générosité, Téquitation savante et renfermée au détriment de l'impulsion en avant, sont des contre-vérités très allemandes. Quoi qu'il en soit, parce qu'ils se sont con- formés aux indications de la cavalerie militaire, les Allemands ont actuellement de beaux che- vaux de troupe, forts, réguliers de modèle et, en ce qui concerne les races dites nobles, — c'est- à-dire toutes, sauf celle de trait (Kalthlut), — toujours très près du sang. Les géniteurs de race pure, employés à donner ce sang, sont sélectionnés non sur les seules performances, — déplorable moyen lors- qu'il est unique et qu'emploient seuls les Fran- çais, — mais sur le modèle utile joint aux apti- tudes recherchées. Mais combien tout fut plus facile au comte Lehndorf et à ses prédécesseurs, dans la direction de l'élevage allemand, qu'à nos directeurs généraux des haras auxquels AVANT-PROPOS vu une politique « d'arrondissement » supprime trop souvent toute initiative, quand elle ne les engage pas en des voies contraires à celle qu'avait nettement tracée la loi organique de 1874. C'est en contemplant les beaux sujets de l'élevage cavalier allemand qu'on ressent, je vous l'assure, combien sontmesquines, fausses, voire coupables toutes les tentatives égoïstes qu'on oppose en France à une meilleure pro- duction cavalière, c'est-à-dire à l'intérêt national même. Des industriels, trop gâtés par un niais et lâche protectionnisme et soutenus par des hommes politiques en mal de réélection, font la loi aux remontes et aux haras que ne peuvent soutenir efficacement, malgré leur bonne volonté, les ministres de l'agriculture lorsqu'ils sont, par hasard, compétents. En France, les pouvoirs publics encou- ragent surtout le cheval qui se fait et non celui qui devrait être fait; car ce n'est point le meilleur cheval que subventionne le gouverne- ment, mais bien les éleveurs de telle ou telle VIII A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE région... Les encouragements à l'élevage che- valin ne sont pas — pour parler comme les Allemands — objectifs, mais subjectifs, et c'est là une cause grave de ralentissement pour tout progrès. Voilà ce qu'on ne voit pas en Allemagne et voilà pourquoi cette dernière est arrivée, avant nous, à doter sa cavalerie d'un cheval de troupe bien racé et possédant, avec un excellent mo- dèle, des allures parfaitement cavalières. Mai 19 II. A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE CHAPITRE PREMIER LES REPRODUCTEURS CHEVALINS ALLEiMANDS Il paraît utile de donner, en tête de ce travail, quelques précisions sur l'organisation officielle de l'élevage allemand. On pourra, d'autre part, se documenter plus amplement dans les excel- lents écrits de MM. le docteur Goldbeck, du comte Wrangel, von Nathusius, Grabensee, Oetken, Rau, etc. En Allemagne, l'État, afin d'influer sur l'éle- vage dans un sens continu et dans un but supé- 2 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE rieur, celui de la défense nationale, élève lui- même une partie des reproducteurs dont il a besoin; le succès de son élevage assure une influence prépondérante à sa formule. Les haras-jumenteries, dits « haras princi- paux » (Hauptgestûte) de Trakehnen, Graditz, Beberbeck, Neustadt-an-der-Dosse, Rômerhof (pur sang) près Francfort-sur-Mein, fournissent les dépôts d'étalons [Laudgestiïte), haras pro- vinciaux qui sont au nombre de 17. Les reproducteurs se classent en deux caté- gories : r Les chevaux de race noble comprenant : les étalons de i ■■" classe ou selle légers ; de 2' classe ou selle forts et carrossiers légers; 3' classe, les carrossiers lourds; 2" Les chevaux à sang froid comprenant les gros traits et les chevaux des services vul- gaires. On remarquera que, dans la première caté- gorie, comme en France ce sont les mêmes étalons qui doivent donner les selle forts et les carrossiers; mais, en Allemagne, toute la pro- duction étalonnière est dirigée d'abord dans le sens selle — sauf en ce qui concerne le carros- A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 3 sier lourd. Aussi le cheval d'attelage de sang noble y est-il assez cheval de selle pour en posséder très souvent les allures. En tout cas, il est rarement doté de la vitesse du geste et du « coup de piston » de nos excellents, vites et brillants trotteurs-carrossiers français. Il ne faut pas croire, cependant, que les Allemands cherchent à produire le cheval « à deux fins », lequel est toujours fort médiocre, en fin de compte, dans l'un au moins de ses deux emplois, — notre cavalerie s'en est rendu compte à ses dépens. Nous verrons qu'à Trakehnen, par exemple, les poulains nés dans l'une des catégories, selle ou attelage, sont déclassés dès que leurs aptitudes ou leur mo- dèle les désignent plus spécialement pour l'autre. En France, au contraire, les éleveurs d'an- glo-normands qui remontent les cuirassiers et une grande partie des dragons, sont unique- ment préoccupés de faire naître, d'abord, des chevaux d'attelage trotteurs et carrossiers ; aussi les chevaux, dits de selle pour forts poids, y ont-ils, dans leur ensemble, le modèle et les allures de chevaux d'attelage. 4 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE Si on envisage et l'on compare les errements allemands et français, on peut conclure que les Allemands gagnent en perfection pour leurs chevaux de selle ce que leur méthode en fait perdre à leurs chevaux de voiture, et que c'est l'inverse chez nous. Seuls les Anglais, trop sages pour courir deux lièvres à la fois, savent mettre chaque chose en sa place et the riglit horse in the rïght place. * ^ * Avant de parler des chevaux de service civils et militaires, il convient de décrire, au moins sommairement, leurs reproducteurs. J'ai pu en examiner un certain nombre au cours de quelques récents voyages. Je n'entrerai pas en de grands détails historiques et sta- tistiques; on les trouvera en abondance dans les ouvrages dont j'ai plus haut nommé les auteurs. J'insisterai seulement sur ce qui peut, par comparaison, intéresser notre propre élevage. A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE Les Races allemandes de chevaux de SELLE sont : I" La Race est-pj'ussieniie que nous dé- nommons à tort Trakehnen. Trakehnen est un centre d'élevage, haras principal localisé et réduit comme production à quelques sujets d'élite et qui fournit les Landgestiïte (dépôts d'étalons provinciaux). En Est-Prusse, il naît environ 30000 pou- lains (statistique de 1909). En 1908, sur 14 261 chevaux présentés à la remonte, 58 pour 100 est-prussiens, soit 8220, ont été acquis contre 586seulementen Ouest-Prusse où l'éle- vage selle est moins développé (i). 2" hdi Race ha7iovrïen7ie, dont 2712 représen- tants défilèrent en 1909 devant les remontes lesquelles n'en retinrent que i 250. 3° La Race holsieinoise , plus ronde, moins de (i) La Suisse achète presque toute sa remonte en Est- Prusse, la Suède une bonne partie, tandis que le Dane- mark achète des holsteinois et des hanovriens à Hambourg. 6 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE selle que les précédentes, presque artillerie d'aspect. Nous avons dit que l'Empire allemand, au lieu d'acheter, comme nous, tous ses étalons à l'industrie privée, en fabrique lui-même une certaine quantité dans ses haras principaux (Haupgestïite) : à Trakehnen, dans la Prusse orientale, du type anglo-arabe compact; à Gra- ditz, dans la Saxe prussienne, des pur sang et issus de pur sang; à Beberbeck, dans la Hesse- Nassau, des demi-sang très forts et près du sang; à Neustadt, en Brandebourg, quelques demi-sang et des anglo-arabes. Mais l'État achète beaucoup d'étalons chez les grands et les petits éleveurs de la Prusse, du Hanovre, etc. Parmi ceux dont les noms doivent être connus, même en France, il con- vient de citer M. von Zitzewitz, à Weedern, Mme von Schônfels v. Neumann, à Szirgû- poenen (Est-Prusse) etc. Les chiffres ci-dessous donneront une idée à peu près exacte de la valeur relative des divers élevages au point de vue remontes militaires : A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 7 En Est-Prusse, la remonte, sur 12666 che- vaux, en a acheté 6561 ; en Ouest-Prusse, sur I 409, 489; à Posen, 728 sur i 954; en Silésie, 65 sur 235; en Brandebourg, 165 sur 418; en Poméranie, 225 sur 479; en Hanovre, i 250 sur 2712 ; en Schleswig-Holstein, 425 sur i 408; en Reinland, 32 sur 336; en Mecklembourg, 924 sur 2679; en Oldenbourg, 61 sur 293 pré- sentés; soit, au total, 10881 achetés sur 23964 présentés, au prix moyen de 13 3 18 fr. 25 (sta- tistique de 1909). A NeuSTADT-A.-D.-DOSSE, au nord-ouest de Berlin, comme partout en Allemagne pour l'élevage du cheval de selle, il y a, à la base, le pur sang. En 1907, j'y ai trouvé trois étalons « prin- cipaux » de pur sang d'un très bon modèle de croisement. Les autres étalons se dénom- braient en 2 pur sang arabe, en 29 demi-sang hanovriens, 1 1 demi-sang Neustadt, de Gra- ditz, 16 de Brandenbourg, 18 est-prussiens, 8 trakehnen, 5 oldenbourgeois, i trotteur 8 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE américain, i trotteur français, i demi-sang saxon, I brunswickois, i mecklembourgeois, 117 danois; total : 221. Je donne ici la statis- tisque et du Hauptgestilt et du Landgestût, car Neustadt est l'un et l'autre. A Neustadt, 53 juments seulement sont livrées à la production du demi-sang neu- stadt, au type moins symphatique, à mon avis du moins, que celui du trakehnen et que même du hanovrien bien réussi. Le neustadt en effet est bien épais et commun, souvent même quand il est fils direct de pur sang. Il s'enorgueillit de mesurer 20 cent, et demi de tour de canon en moyenne, tandis que le trakehnen n'aurait que 19 et demi (comte Wrangel). Il serait, assure-t-on à Neustadt, plus précoce que le trakehnen, mais on peut croire qu'on affirme le contraire en Est-Prusse ! En tout cas, ces mensurations ne sont pas su- périeures à celles de nos bons troupiers fran- çais issus du pur sang (voir Bulletin de la So- ciété du cheval de guerre') . La spécialité de Neustadt est depuis 1895 l'élevage officiel de l'anglo-arabe. L'étalon an- glo-arabe tendrait à remplacer, le cas échéant, Vasco, étalon trakehnen, petit-fils de pur sans à Mme Lina von Schônfels RoccA, poulinière trakehnen, fille de pur sang, à Mme Lina von Schônfels. A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 9 le pur sang anglais dont l'influence « énergé- tique » disparaît trop vite dans sa descendance, du moins en Allemagne. Nous avons, en effet, partout constaté que le cheval allemand était mou, ou du moins le paraissait à première vue. De tradition, à Neustadt dès 1790, l'étalon arabe pur a été largement employé. Aujourd'hui on lui donne des juments de pur sang anglais pour créer des géniteurs anglo-arabes. Ces der- nières sont toutes des poulinières parfaitement choisies. L'étalon principal arabe Dziaf-Amir^ un autrichien, se fait apprécier par sa masse. L'autre étalon, — du dépôt, — Rex (né à Sla- wuta, Russie, chez le prince Sangusko), est assez grand, fort, bien membre, mais défec- tueux en son dessus. Les anglo-arabes qui en sont issus — j'en ai vu de un, deux, trois et quatre ans, à côté d'un troupeau de neustadt ou de quelques trakehnen — ne diffèrent pas de ces derniers, sauf par la queue qu'on laisse à tous crins, en souvenir sans doute des orien- taux du désert. Les anglo-arabes de Neustadt sont rigou- reusement sélectionnés à la mensuration; sur la taille, ils sont trop grands; sur le volume, ils lo A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE sont trop gros; sur le tour du canon, ils l'ont large, mais l'ont-ils dense? En un mot, ces grands animaux, qui n'ont d'arabe qu'une cer- taine physionomie dans la tête, ont-ils le sang qu'on leur voudrait? A la seule vue, il paraîtrait que non. On réforme ceux d'entre eux qui ne sont pas au gabarit. Ils sont alors, le plus souvent, ache- tés par les officiers. Ce n'est qu'en 1908 qu'on a livré pour la première fois deux juments de pur sang anglo- arahe à ^o pour 100, néesde Neustadt, à un étalon de pur sang anglo-arabe, Erhfeind (un Dsiaf Amtr), né aussi à Neustadt. Au Haras on escomptait beaucoup les services de cet étalon indigène « grâce auquel on ne serait plus obligé d'avoir recours aux deux extrêmes, le petit oriental et la grande jument de pur sang ». On doit ensuite alterner le sang anglais et arabe. A l'un de nos prochains voyages nous espé- rons bien contrôler les résultats de cette mé- thode qui a donné en France de si admirables résultats. Il semble que les Allemands, en gens prati- ques, eussent dû demander à nos étalons de pur A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE ii sang anglo-arabe français, dont il existe d'admi- rables spécimens traçant très bien, le tempéra- ment naturel et la qualité acquise en course, la densité des tissus, l'harmonie du modèle, la précocité obtenus par une sélection lente et raisonnée, toutes choses que les Allemands ne peuvent que difficilement trouver réunies dans un produit si artificiellement fabriqué sur leur sol et sous leur climat. Ils ne l'ont point fait, d'abord parce que presque tous les dirigeants de l'élevage allemands ignorent le nôtre, sauf cependant celui du pur sang, et ensuite parce que ceux qui le connaissent ont peur de la rela- tive légèreté et sans doute aussi du caractère entreprenant de nos anglo-arabes. Un troupier allemand (cheval) doit être aussi sage, aussi obéissant que son cavalier... On m'a assuré, sans doute à tort, que, seul, l'orgueil national avait empêché les Allemands de s'adresser à des voisins plus avancés en cet élevage spécial. Disons, en passant, que l'étalon normand Ouragan^ par Homard^ grand, fort, marchant bien, mais commun dans son ensemble comme modèle, est employé à Neustadt avec les ju- ments de demi-sang du pays. Il doit leur donner 12 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE un peu d'action relevée qu'on ne tient pas, avec raison, à demander au hackney, ce dissolvant de toute qualité. On sait que les carrossiers allemands modernes — exceptons-en certains oldenbourgeois — lèvent rarement le genou, et si l'étalon normand est peu employé en Alle- magne pour remédier à ce défaut(?), c'est qu'il s'y acclimate difficilement, prétendent les Allemands, et qu'il transmet mal ses qualités remarquables. Cependant, en Wurtemberg, où l'on cher- chait, il y a quelque vingt ans, à produire le bon artilleur, on s'est servi d'étalons normands avec des juments avancées en sang de la Prusse orientale. Les essais furent satisfaisants. En 1882, on tenta d'infuser plus de sang au moyen du pur sang, puis on revint au normand. On en importa trois, dont le célèbre Faust qui devint célèbre en Allemagne jusqu'en 1903. Son fils Claitdiiis eut aussi beaucoup de succès. C'est un animal près de terre, très doublé, rond, os- seux dans ses articulations, avec une très forte tête et n'ayant plus rien du normand original. Mais Faust transforma l'élevage wurtember- geois, ce que le comte Wrangel attribue à son A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 13 type franchement « bourdon y) (Gemeiner Kiiiippe) et « valant par là mieux que bien des étalons plus raffinés ». Je cite cette opinion, simple- ment. Le croisement normand est, paraît-il, moins mis en honneur par la nouvelle direction en Wurtemberg. En Hanovre, à Celle, le direc- teur, M. Grabensee, personnalité compétente et très écoutée, le recommande pour la famille car- rossière, hanovrienne et holsteinoise. Il ne serait pas impossible, m'a-t-on assuré, de voir l'étalon français normand à la mode en Alle- magne, à condition qu'il ne soit pas trop allégé. Mais le type ancien normand, le seul recherché outre-Rhin, si modifié chez nous par la sélection par la vitesse, se retrouvera-t-il jamais? Nous aurons l'occasion plus loin de revenir sur ce sujet intéressant, nos exportations éta- lonnières. # * ^ Le haras de Beberbeck est aujourd'hui un des plus estimés d'Allemagne. Il se trouve tout près de Cassel, à 7 kilomètres de Hof- 14 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE geismar, dans la province de Hesse-Nassau, une région plutôt accidentée. Mon ami le baron Hugo de Turkheim m'y a donné rendez-vous, avant de m'emmener au Concours de Hambourg où il est membre d'un jury. Nous avons été admirablement reçus par le Graf von der Marwitz, directeur de cet éta- blissement. Il est logé dans un ancien château, vaste, mais très simple d'aspect et que le bon goût d'une aimable et parfaite maîtresse de maison a su rendre tout à fait charmant. Le château est entouré d'autres bâtiments, écuries, hangars, granges et de vastes prairies closes au milieu des bois (plus de 800 hec- tares). A la gare, une victoria attelée de deux gras alezans nous conduit plutôt lentement jusqu'au haras à travers un pays de prairies et de bois au feuillage vert foncé et très dur. Les routes, médiocrement entretenues, sontpourtantmoins a sauvages » qu'à Neustadt, certes, et bordées de magnifiques rangées de chênes géants. Après le plus aimable accueil, on nous montre successivement les étalons, les poulinières et les poulains de divers âges. A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 15 Avant de détailler une partie de ces sujets, je voudrais essayer de définir ce qu'est, en moyenne, le cheval de Beberbeck qui fournit à diverses stations d'étalons des sujets très ap- préciés. Les origines du beberbeck moderne sont lointaines. On y rencontre dans les pedi- grees des éléments de toutes sortes et de tous pays. On y fit même de ces fameux et singuliers îsabelles, grands chevaux de gala, jadis fort prisés aux cours de Hanovre et d'Angleterre. Mais, toujours, le sang pur y fut abondamment employé. Lorsque, plus récemment, en 1876, on réorganisa le haras, on y envoya un bon nombre de juments de Neustadt, parfaites pou- linières de sang plus ou moins anglo-arabe, fortes et ayant autant d'influx nerveux qu'un métis peut en avoir en Allemagne, même quand il est propre fils d'un pur sang. Là-dessus, on mit, soit des étalons de pur sang de croisement bien choisis, soit des étalons de demi-sang très près du sang et scrupuleusement sélectionnés sur le modèle, bien qu'on fasse assez d'état de certaines épreuves de course. Les produits que nous en avons vus sont des animaux puissants, grands, très réguliers, apparemment très pré- i6 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE coces dans leur développement, avec de beaux membres, pas extraordinaires cependant de tour de canon : o m. 20 en moyenne pour des animaux au-dessus de i m. 60, d'une masse imposante et avec prédisposition à l'engraisse- ment. Quant aux juments, la moyenne de leur tour de canon est 19,05, avec 186,3 de tour de thorax (d'après le professeur von Nathusius). On écarte impitoyablement de la reproduc- tion tout ce qui n'est pas au gabarit. De plus, comme, sur les 56 étalons qui ont fait la monte depuis 1876 au haras, 20 sont de pur sang, on ne sera pas étonné d'apprendre qu'aucun des demi-sang de Beberbeck n'a moins de 80 pour 100 de sang pur, presque tous étant à 90 pour 100. Notons, en passant, que les pou- lains sont gorgés d'avoine — sans que leur ca- ractère s'en ressente ; cette nourriture intensive est absolument nécessaire, car le sol de Beber- beck, fort pauvre en calcaire, ressemble en cela à celui de notre unique haras-jumenterie de Pompadour, lequel se trouve installé dans la partie la moins riche en calcaire de tout le pla- teau central. Aussi, si un étalon de Pompadour revient à l'État à la somme, énorme relative- A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 17 ment, de 15 000 francs environ, un étalon de Beberbeck doit coûter 20000 marcks, si le calcul est fait d'après la dépense globale du domaine et le nombre d'étalons qu'il envoie annuellement dans les La7idgestïite . Les étalons de demi-sang sont donc très près du sang, mais très forts, très compacts, souvent même assez râblés pour se rapprocher d'un type carrossier presque connnun, mais osseux et, je l'ai dit, uniformément bien membres. Les jar- rets à angle ouvert ont une parfaite direction. Les articulations sont larges; la tête moyenne plutôt forte mais fouillée, souvent presque oreil- larde. Un certain nombre de ces chevaux sont sous eux du devant, le bras n'étant pas très vertical, ni l'épaule très couchée. D'autres sont longs et négligés dans leur dos dont le solide rein, cependant, reste bon, bien attaché. Bien des crins sont grossiers ; plusieurs croupes trop rondes, trop « melon » ; — cela vient du trakehnen, assure-t-on à Neustadt. Comme silhouette générale, pas un seul mâle adulte ne m'a paru extraordinaire, cheval d'empereur, de roi, ou simplement de général de cavalerie, selon l'idée, du moins, qu'on se fait chez i8 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE nous — dans les milieux très cavaliers — des qualités que doit posséder un tel cheval, grâce, force, fierté. La force y est bien, dans ceux que j'ai vus et même à un très haut degré, avec, bien plus souvent que chez nos anglo-nor- mands, les allures cavalières ; mais la grâce et la fierté semblent faire défaut. Beaucoup même sont communs tant ils sont forts et réguliers, et spécialement peu sortis dans leur enco- lure. C'est surtout en Allemagne qu'on peut constater que le pur sang de croisement n'al- lège pas les races lorsqu'elles sont elles- mêmes sélectionnées autrement que par les records en course. Ce gros, à la vérité, y est gagné au détriment de l'influx nerveux. Chaque système a ses défauts... De vraiment fashionables, seules quelques juments de demi-sang, très racinglike, avec de l'os, du membre et de parfaites allures. Presque toutes ont un air de famille, car presque toutes sont de la descendance du fameux pur sang Charriant. D'ailleurs, sur une centaine de ces mères présentes, 65 environ sont issues direc- tement du pur sang. On doit signaler parmi les ancêtres prépo- A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 19 tents des beberbeck les pur sang français le Biitard, dont la forte ossature s'est fidèlement transmise, et Dandin. Les plus récents pères de pur sang sont Saint-Tropez et Hagen (petit- fils à^Isonomy). Un bien mauvais étalon, par contre, que Carnage, importé d'Australie, au modèle déplaisant et aux jarrets tarés, tandis que Belliane (un Sagittaire'), malgré des jarrets un peu crochus, semble devoir être un père excellent. Mais tout ce qu'il y a de meilleur à Beberbeck se réclame du sang de Chantant. Acheté 130000 francs, somme énorme pour l'époque, il y fit la monte de 1879 à 1892 et de- puis jusqu'à sa mort, à Trakehnen, je crois. L'autre améliorateur de marque, le demi-sang Optimiis, possède 83 pour 100 de sang pur. Il naquit de Odoardo, fils de The Wizard, pur sang anglais, à Graditz, pépinière, nous l'avons dit plus haut, de pur sang et de demi-sang très fashionables. Optimiis ajoute le bon dévelop- pement de son squelette à la noblesse que donne aux beberbeck le sang de Chamant, On m'a fait admirer un demi-sang, étalon très coté de l'actuelle direction, Titus, fils d'un demi-sang trakehnen, Y-Baro?neter, et d'une 20 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE demi-sang, Terrasse, par Méphisto, pur sang. A dire vrai, ce cheval n'a rien de séduisant; fait en cigare, il est de plus déparé par un dos mou. Mais ses aplombs sont parfaits et sa membrure énorme, et c'est surtout à cause de sa masse qu'il doit plaire en Allemagne... un vrai cultu- ral, celui-là! Voici le très prisé demi-sang Juhelgreis (88 pour loo d'anglais, 2 pour 100 d'arabe), petit-fils de C humant ^^^ccX^i^hT^ et de ThePiHnce, pur sang, par la mère. C'est un cheval court dans son ensemble, rond dans sa fesse, avec des aplombs postérieurs très galopeurs, très bien membre; plutôt carrossier, bien commun pour notre goût français. Mais il race très bien, très également. Beberbeck, en somme, a résolu dans la manière, le goût, les possibilités et pour les nécessités allemandes le problème de l'étalon de demi-sang galopeur, — problème qu'on n'a même pas encore osé nettement poser en France, où le demi-sang de selle est, tradi- tionnellement, fils de l'étalon carrossier. Mais il y a si longtemps que la France est devenue « la maison de l'envers «lEt cependant, son A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 21 sol, son climat sont si merveilleux, qu'à tout prendre, avec tous leurs défauts, nos chevaux, bourdons mis à part, sont, je crois, préférables à ceux des Allemands, parce que les nôtres se servent avec plus d'âme d'un mécanisme par- fois incomplètement apte au service de la selle. Ils ont plus de qualité, plus d'influx nerveux. Ils sont ainsi plus conformes au tempérament de leurs cavaliers. Les Allemands, eux, pos- sèdent d'admirables machines chevalines dont il semble que le foyer manque de combustible et, partant, la chaudière de pression. . . Doit-on, cependant, porter un jugement aussi sévère sur l'est-prussien proprement dit? Bien entendu, les juments sont dans leur ensemble plus fines, plus distinguées, avec un beau squelette, tout à fait bâties en mères, mais sans beaucoup d'encolure. Elles ne pourraient cependant en quoi que ce soit supporter la comparaison avec le lot nombreux des juments normandes qu'on voit défiler à Paris au Concours central des reproducteurs ni à nos concours provinciaux de poulinières. Il serait à souhaiter que les hommes de cheval allemands y vinssent se rendre compte de notre élevage, 22 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE qu'ils semblent pour la plupart complètement ignorer et que beaucoup méprisent de con- fiance... Il nous reste quelques mots à dire des pou- lains. Ils sont sevrés de très bonne heure et nourris en partie au lait de vache; puis, dès qu'ils la peuvent supporter, ils touchent une ration très forte en avoine. Ils sont soumis à de réguliers exercices journaliers. Les pouliches, au moins certaines d'entre elles qu'on compte conserver comme poulinières, consomment jusqu'à 6 kilogrammes d'avoine dès un an. Ces pouliches, d'ailleurs, sont toutes amenées au domaine de Sababourg, distant de quelques kilomètres, en pays accidenté et plus calcaire que Beberbeck. On m'en a dénombré 54, en tout, d'un, deux et trois ans, dont 25 d'un an. A Sababourg, la future poulinière prend de l'os et de l'ampleur, précieux exemple à suivre en France où la mère est si négligée. Sababourg possède un château, demeure des surveillants, et d'un aspect très pittoresque, où, raconte-t-on dans le pays, le roi Jérôme de Westphalie allait faire ses farces. Quant auxpoulains d'un, deux et trois ans, ils A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 23 restentà Beberbeck, individuellement surveillés dans leur développement et avoines en consé- quence. Dès trois ans, ils sont journellement montés et exercés. Ces jeunes chevaux sont admirables de développement régulier; il y en a de charmants, à l'aspect d'animaux faits, sauf la taille, bien entendu. Ce que nous avans pu le plus louer, à première vue, se trouvait être des fils de demi-sang et spécialement de Mechajîiciis, un 81 pour 100, fils lui-même de Saint-Tropez^ pur sang. On réforme tous les ans environ 60 animaux, dont on castre les étalons avant la vente. Le prix moyen de ces réformes atteint 2 000 francs , offerts généralement par des officiers. Une dizaine de juments, seulement, restent au haras; 15 ou 16 étalons, élèves de Beberbeck, partent tous les ans pour les dépôts des pro- vinces; certains d'entre eux, même, pour d'autres haras principaux. Le Marstall (écuries dej l'Eiuperdui; a droit aux sujets de tête, comme chevaux de service. C'est ainsi qu'on m'a fait admirer un animal de cette catégorie, Troost, demi-sang à 90 pour 100 d'anglais, dont la mère est par le Butard; énorme alezan. 24 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE aux fesses de gras boulonnais, mais régulier, fort, avec un peu d'action, un caractère parais- sant ultra-pacifique et du type de ceux que mon- tait le général Saussier sur la fin de sa carrière. Seulement ce Troost^ tout gros, tout froid jusqu'au lymphatisme qu'il soit, trotte et galope comme un cheval de pur sang. Cette aptitude du mécanisme aux allures allongées compense un peu, sans doute, le manque de tempérament. C'est là, je crois, la caractéristique de l'élevage allemand de tout format (i). TRAKEHNEN ET LE CHEVAL EST-PRUSSIEN Le haras de Trakehnen mériterait une étude approfondie. Son éloignement m'a empêché de le visiter jusqu'ici mais j'ai pu cependant admi- rer des étalons et des produits de cet élevage presque partout. Trakehnen est le centre d'où (i) A consulter la très intéressante brochure du distingué vétérinaire en chef de Beberbeck, AL Mieckler, intitulée Geschichte des K. Hauptgestut Beberbeck. A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 25 ont rayonné les étalons auxquels l'Allemagne doit son meilleur cheval de cavalerie, un des meilleurs de l'Europe peut-être, si on n'envi- sage que les chevaux de i m. 60 et au-dessus. Trakehnen est situé en Lithuanie, tout près de la frontière russe. Cette situation explique le fond excellent que l'amélioration a exploité dans la race ancienne et indigène. Ce ne fut qu'en 1787 que cet établissement, avec ses 12 fermes (4150 hectares), chacune au nom célèbre dans l'Allemagne hippique, fut érigé officiellement en haras principal. Au début cer- tains étalons orientaux et quelques anglais marquèrent de leur heureuse empreinte le vieux fond hippique lithuanien. A partir de 1808 seu- lement, fut appliquée la méthode d'élevage qui, à travers bien des vicissitudes et après quel- ques modifications, a créé et amené la race tra- kehnen jusqu'au point où elle est aujourd'hui. On sait que, presque dès début, les juments ont été divisées en deux classes, légères et lourdes, selle et attelage, et chacune de ces quatre catégories séparées en des fermes diffé- rentes. Soit un groupe de 80 à 90 poulinières, de toutes robes, type selle noble et léger, un 25 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE groupe de 60 à 70 poulinières de toutes robes, type selle plus fort ; un groupe de 90 à 100 pou- linières, toutes noires, selle fort et harnais; un groupe de 70 à 80 têtes, toutes baies, selle fort et harnais; un groupe de 50 a 60, toutes alezanes, selle fort et harnais; au total 350 poulinières. Aucune méthode particulière ne distingue l'élevage de ces diverses catégories; aussi les produits sont-ils, seulement après examen, désignés comme selle ou attelage, lourd ou léger. Mais, au contraire de ce qui se passe en France, ici c'est d'abord le cheval de selle, le cheval militaire qu'on s'efforce de créer... et quand il se trouve réussi avec de la substance, de la masse, fait-il a fortiori \iv\ beau et bon cheval de voiture, mais sans actions hautes et relevées du genou, et sans vitesse exces- sive au trot, c'est-à-dire certainement pas en I m. 50, sauf exceptions, bien entendu. Le trakehnen n'étant pas sélectionné sur la vitesse au trot, ne peut être comparé même à un de nos ordinaires trotteurs qualifiés et il ne cherche pas à l'être. On se |montre, en Allemagne, très satisfait de citer une paire de chevaux qui fait 30 à 40 kilomètres au train de A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 27 14 à 15 kilomètres à l'heure. Ceci n'a pourtant rien d'extraordinaire. C'est ce que font trois fois par semaine, attelés à une voiture bien rem- plie, par des chemins affreux, nos locatis d'ori- gine normande, réformes de régiments, en sui- vant les chasses de Compiègne ou de Chantilly. C'est ce que font journellement nos anglo- arabes en service chez nos bouchers, boulan- gers, entrepreneurs de notre Sud-Ouest. Je ne crois pas qu'il y ait, en Allemagne, une race de chevaux dont une douzaine d'échantillons puissent annuellement se réunir pour couvrir cinq ou six jours de suite cent kilomètres quoti- diens au train fou de nos anglo-arabes de la course dite de la Petite Gironde. Seuls les che- vaux hongrois dans l'Europe occidentale et centrale sont capables, je crois, de fournir aussi une vitesse longtemps soutenue. Tout au commencement du dix-neuvième siècle, sur un troupeau d'environ 350 juments principalement indigènes et anglaises, on em- ploya abondamment l'étalon oriental; mais, dès 18 14, le père, pur sang anglais, fonctionna ré- gulièrement et en première place (de concert avec l'oriental jusqu'en 1840). Une sélection 28 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE sévère arriva peu à peu à unifier le modèle, tout en le grandissant et le fortifiant. On peut donc dire que, quant aux origines, — et c'est l'avis de l'éminent professeur von Nathusius, — dans tout cheval trakehnen, le sang lithuanien indigène, amélioré par la sélection continue, compterait pour un quart, le sang oriental pour un quart et le sang anglais pour les deux autres quarts. En 1890 — cette statistique fait lessortir l'importance attachée au sang pur — le haras comptait, sur 14 étalons, 7 pur sang, tous les autres étant des demi-sang trakehnen très près du sang. En 1910, la proportion du pur sang est plus grande puisque la monte du Haiiptgestût est assurée par 18 étalons dont 10 pur sang anglais parmi lesquels le fameux Red Prince, hunter de première classe, acheté en Angleterre, Monsieur Gabriel^ né en France, Agha, un Flying Fox, né en France, Mon- sieur Bergeret et Rhamsès, nés en France, un pur sang anglo-arabe français à 50 pour 100, Nana-Sahih, les autres de demi-sang, presque tous petits-fils de pur sang. A signaler Mor- genstrahl, par Blue-Blood^ pur sang, et que les A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 29 amateurs s'accordent à trouver extrêmement beau et utile... Nous avons dit que le sang oriental n'est plus employé directement, mais par l'intermé- diaire de quelques juments anglo-arabes. Les poulinières sont au nombre de 350 et les produits mâles et femelles, jusqu'à l'âge de quatre ans, dépassent un mille. Depuis 1890, la sélection par le modèle est contrôlée (?) par des épreuves au trot et au galop. La course au trot a lieu au sulky et sert plutôt de prétexte à entraînement régulier et bienfaisant pour les poulains de trois ans. Quant au galop, il y a des courses pour les jeunes étalons de quatre ans, pur sang exclus, élevés dans les haras privés, faisant la monte, et d'autres pour ceux des haras officiels ; on peut y relever des temps de i m. 41 à I m. 54, sous 72 kilogrammes sur i 400 mètres. 11 existe aussi pour demi-sang, disons-le en passant, des courses genre Cross Countries^ dites Jagd Rennen. Elles sont généralement courues sur 4800 mètres. Cette année la vi- tesse à Kônigsberg fut de 6 m. 29. Le gagnant portait 79 kil. 500. 30 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE On n'accorde pas en Prusse beaucoup d'im- portance aux courses de demi-sang, la sélection des étalons de demi-sang ne s'y faisant pas sur la vitesse, cette vitesse qui donne de la qualité mais allège le modèle, parce que les pro- grammes sont trop souvent mal combinés. Ces courses, en effet, ne sont guère courues que dans l'Est-Prusse avec de minimes allocations. Ainsi, en 1907, il n'y avait que 21 demi-sang qui, en obstacle, eussentgagné chacun plus de 2000 marks, dont 2 du Hanovre, 9 de l'Est- Prusse, 2 de l'Ouest-Prusse, 2 de Graditz, i du Nord-Prusse, 5 de haras privés. Parmi ces vainqueurs, 12 étaient fils de pur sang par le père, les autres au moins petits-fils de pur sang. L'État prussien n'accorde aux courses de pur sang que 2 665000 marks, dont 2434000 sont prélevés sur le pari mutuel. Quant aux courses de demi-sang, elles partagent, avec les primes aux reproducteurs appartenant à des par- ticuliers, la somme de 593 42omarks. C'est peu, prétendent les Allemands s'occupant de l'éle- vage... En France les courses de demi-sang au galop sont encore moins encouragées qu'en A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 31 Allemagne. Nous ne sélectionnons pas nos étalons et demi-sang destinés à produire des galopeurs, pas même par le modèle — mais par la seule vitesse au trot, erreur inexplicable et prolongée contre laquelle on commence seule- ment à protester, et même à réagir. La race trakehnen possède naturellement un Stud book spécial. Tous les ans, on présente à une commission où est adjoint aux deux directeurs de haras, à l'officier supérieur des remontes, au grand écuyer président, un simple éleveur désigné par la Société centrale d'agriculture de Lithua- nie. Sur 60 à 70 étalons de trois ans, déjà excercés depuis l'âge de deux ans, la commis- sion en retient une cinquantaine. Les autres sont castrés et vendus. Les étalons retenus sont ensuite exercés pour les courses de quatre ans. Ils vont alors avec ceux achetés dans le commerce alimenter les haras provin- ciaux (i). Les juments jugées aptes à la reproduction sont montées dès deux ans, à l'automne. Une (l) Fûhrer durch dus Haiiptgestut Trakehnen. H. Klutke in Stallupônen. 32 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE dizaine environ sont entraînées pour les courses; les autres sont montées ou exercées aux travaux des champs, et même à la voiture. Certaines sont couvertes à trois ans, la plupart ne le sont qu'à quatre ans. Une fois désignés, les 50 jum.ents et les 50 étalons réservés à la reproduction, l'écuyer en chef, délégué par l'Empereur, fait son choix (20 à 30) pour le Marstall, puis le directeur du haras, pour les chevaux de service et de labour. Le reste est vendu aux enchères. Balance faite des recettes et dépenses, car chaque haras comporte un important faire- valoir, l'élevage des cinq haras principaux coûte à la Prusse i 241 174 marks, dont 571 520 pour Trakehnen seulement, ce qui met le prix de revient de l'étalon à un joli denier, moins fort cependant, semblerait-il, que celui de chaque étalon anglo-arabe fabriqué à Pompa- dour (i) par l'administration française, ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer à propos de Beberbeck. (i) Voir le Cheval de selle en France (Pion, éditeur). A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 33 ^ * ^ La production est-prussienne, tribu- taire des anciens étalons de Trakehnen comme origine, et pour une certaine part des étalons actuels, se trouve presque tout entière (7/8 des 36000 poulinières) entre les mains du petit paysan. Certains élevages privés et riches sont admirablement entretenus, dont plusieurs très connus aux environs de Trakehnen-Gum- binnen, tels celui de Mme L. von Schônfels, M. V. Zitzewitz et d'autres que nous avons cités plus haut. En Prusse, le naisseur n'élève généralement pas; il vend ses poulains entre six et sept mois à l'éleveur proprement dit. Chaque année 12000 chevaux environ sont présentés aux commissions de remontes mili- taires qui en achètent en moyenne 6000, c'est- à-dire plus de la moitié des présentés et plus de 60 pour 100 de la remonte totale de la cavalerie de l'Empire à un prix moyen de i 037 francs (i). Si la taille minima du jeune cheval de re- (i) Les 764 étalons de la Prusse orientale ont, en 1909, sailli 45 095 juments. 34 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE monte allemand est de i m. 53 pour les cuiras- siers et gardes du corps, de i m. 49 pour uhlans, dragons, hussards de la garde ; de i m. 46 pour les dragons et hussards de ligne, alors qu'en France les tailles minima sont limitées par I m. 56 et I m. 48, la taille moyenne des che- vaux de ces différentes subdivisions d'armes allemandes atteint respectivement, dans les cas précités, i m. 60 à i m. 62, i m. 54 à i m. 56, I m. 51 à I m. 53. Notons, en passant, que le poids du paquetage et de l'homme en tenue de campagne est estimé à environ 1 35 kilogrammes . Tous ces chevaux de remontes, même les plus amples, comme ceux des cuirassiers, — ces derniers spécialement produits auprès de Tra- kehnen même, — sont tout à fait les dignes fils, petits-fils et neveux des étalons trakehnen. D'ailleurs la façon dont est réglementé le Stud hook est-prussien montre quelles garanties sont réclamées aux ascendants du cheval de troupe prussien. En ce qui concerne les ju- ments, ont seules droit à l'inscription les ju- ments de pur sang, les juments de demi-sang trakehnen, les juments de demi-sang est-prus- siennes, ces dernières sous certaines condi- A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 35 tions garantissant leur origine. D'autre part, qualifient leur descendance les étalons de Trakehnen et de Beberbeck, les étalons est- prussiens achetés par l'administration, tous les étalons pur sang anglais ou orientaux. On peut dire que tout cheval est-prussien possède 70 pour loo, en moyenne, de sang tra- kehnen. Il n'y a donc pas lieu de s'étonner de ce que les meilleurs est-prussiens ressemblent fort à des trakehnen purs. Une région a encore échappé à l'améliora- tion, c'est celle de la frontière proche de la Russie, 011 le petit paysan élève le Kunter, poney de i m. 30, d'une rusticité à toute épreuve et qui remonte l'infanterie montée de l'Afrique allemande. En France, sur la foi d'observateurs superfi- ciels, ou trop habitués à juger le cheval de re- monte d'après le gabarit français qui est celui du carrossier à allures trotteuses, le modèle du cheval trakehnen, et à plus forte raison de son dérivé, l'est-prussien, a été jugé peu favorable- ment en 1900 à l'Exposition universelle. A mon souvenir, bien que peu élégants, les che- vaux prussiens exposés étaient d'une construc- 36 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE tion très sérieuse. Ils sont restés sérieux et après dix ans, quand on va les voir chez eux, on les retrouve dotés de plus de distinction. Cer- tains même sont tout à fait élégants. Nous ferons cependant, au cours de cette étude, certaines restrictions, dont quelques-unes très sévères. Cependant, le jugement que portait sur eux, en 1902, dans sa brochure si substan- tielle (i), le parfait cavalier et connaisseur qu'était M. le capitaine Foache, est resté fort exact : « La race trakehnen, écrivait-il, est vail- « lante, souple; elle brille par un bon dessus, « une encolure bien sortie, une tête fine et « expressive, une poitrine bien descendue, « une croupe carrée, souvent un peu droite et « des membres d'une trempe remarquable. (( Elle convient à tous les services, fait un « cheval de selle remarquable et tend à devenir « un cheval d'attelage de luxe. » Ceux qui, pour se faire une idée du cheval prussien, adopteront la façon de voir de M. le (1) Le Cheval allemand, psLi' le baron Foache, 1900, chez Legoupy, Lecaplain et Vidal S", 5, bouIe\ard de la Made- leine, Pars. A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 37 capitaine Foache seront certes plus près de la vérité que s'ils s'en tenaient aux critiques incon- cevables d'un directeur des haras français envoyé vers 1900 en mission outre-Rhin, et lequel, entre autres imperfections, dotait bien gratuitement les est-prussiens d'une « nervo- sité excessive », alors que le calme le plus ras- surant est l'apanage de ces bêtes, excellentes, sûrement, quant au caractère. Il faut, de plus, être persuadé qu'en Prusse — au contraire de ce qui se passait en France avant la crise carrossière — les meilleurs demi- sang sont dans l'armée. Il est vrai qu'un étalon dont la spécialité serait le record au trot ou le geste relevé du genou, se verrait, en Alle- magne, ipso facto, écarté de la production, à moins, bien entendu, qu'il fût doté d'un modèle irréprochable. Il y a pourtant des ombres à ce tableau flatteur de l'élevage prussien : un cheval de remonte reviendrait à son éleveur à i 146 marks alors qu'il est vendu, nous l'avons dit, une moyenne de I 037 marks 50 seulement. En lisant ces chiffres et ceux d'ailleurs que les éleveurs de tous pays mettent en avant pour obtenir les 38 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE encouragements compensateurs de l'État, on est en droit de douter un peu de leur exacti- tude. A qui fera-t-on croire que, par pur patriotisme, l'éleveur perde une centaine de marks en Allemagne et de cinq à dix louis en France sur chaque cheval vendu à la remonte? Un grand éleveur ne tiendrait pas le coup, à plus forte raison les petits éleveurs ne pour- raient le supporter seulement deux ans de suite. Il est plus véridique de dire que le che- val de remonte, toutes les fois surtout qu'il s'agit de fortes races destinées à porter dupoids, rapporte peu, même si l'on fait entrer en ligne de compte toutes les petites primes précédant sa vente ; qu'il rapportera de moins en moins et que la masse des éleveurs, petit à petit, abandonnera une industrie dont le rapport n'est plus en proportion avec les capitaux en- gagés et les aléas à courir. Aussi, l'administration militaire allemande constate avec une inquiétude non dissimulée l'envahissement de la zone d'élevage du demi- sang par celui du gros trait, au moyen des éta- lons danois, belges, clydesdale, oldenbourgeois, shire ; déjà, sur vingt et \xnQ Sociétés pinissieiines A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 39 d^ encouragement à l'élevage^ un quart se con- sacre exclusivement au trait. Le comte Wrangel, dans sa récente édition de Die Rassen des Pferdes, cite les chiffres suivants pour démontrer et expliquer cette poussée vic- torieuse du gros trait : en ce qui concerne le trait, la demande annuelle est de 150000, alors que l'offre n'est que de 32000. Au contraire, l'offre pour les chevaux de demi-sang est de 100 000, contre 40000 demandes seulement. La balance qui s'établissait par une soixantaine de mille têtes d'importations trait tendrait au- jourd'hui à s'établir par une plus nombreuse production indigène trait. L'idée de l'étalon cultural, c'est-à-dire de l'étalon demi-sang dont le sang est diminué au profit de la masse, m'a paru susciter moins de récriminations en Allemagne qu'en France.. Il est vrai qu'en Allemagne, l'étalon cultural n'a pas comme adversaires les concurrents com- merciaux que sont nos étalonniers trotteurs. On arrive assez facilement à produire en Hanovre, avec les étalons des haras de Celle, d'énormes demi-sang pesant jusqu'à 700 kilo- grammes (Wrangel) et l'on voit des carrossiers 40 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE lourds oldenbourgeois peser presque autant qu'un belge de même taille (i). Il est fort douteux, malgré cela, que la for- mule du demi-sang cultural ait plein succès en Allemagne. On trouve, en effet, qu'il est bien moins précoce que le trait, donc économi- quement moins rémunérateur et moins patient de caractère que le Kalt Bliit, donc moins pra- tique par surcroît. Pour en revenir au cheval est-prussien, nous synthétiserons sa race en disant qu'en Allemagne, elle occupe, avec un format supé- rieur et moins d'influx nerveux, la place que la race des anglo-arabes tient en France, au tout premier rang de la production cavalière. LE CHEVAL HANOVRIEN-HARAS DE CELLE J'eus l'occasion de voir les meilleurs étalons de Celle, il y a quatre ans, au concours agricole (i) On peut consulter à ce sujet le livre très complet sur les mensurations du D' S. von Nathusius, Messungen an Hengsten stuten und Gebrauchpferden. (Berlin, Deutsche Landwirlschaft Gesellschaft.) Thronerbe, étalon est-prussien, petit-fils de pur sang- par sa mère. i^i" prix. Concours de Hambourg, 191 1. r . ' ' '^-^^W^Sf^S^^^Êê ^^^^r-"--' ^kI 1 mrïîr i^ i^^^^^^^^^j ^^Ê llr â ^^^^^" ■ : MoDEFUSCHER, étalon trakehnen, par Le Borda, pur sang^. A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 41 de Dusseldorf. Avant d'en parler, il est néces- saire de résumer les tendances générales de cet élevage. Depuis 17 14, l'influence anglaise provenant des rois de Hanovre n'a cessé de se faire sentir pour le plus grand bien d'un pays où la nature basse du sol réclamait pour les poulinières-indi- gènes de très fortes doses de sang pur. Les pur sang des écuries royales étaient libéralement mis à la disposition des éleveurs. Mais la pré- dominance trop forte de sang anglais n'a pas été sans alléger la race dans ces temps où l'an- glomanie poussait à l'exagération. On a cons- taté le même inconvénient, jadis, dans le Midi français. Du moins, ici et là, cet excès, heureu- sement enrayé, a pu doter le fond de la race d'une durable dose de qualité. On a, après l'annexion, constaté un recul sensible dans la production hanovrienne, recul qu'elle est en passe de regagner, grâce à la direction éclairée de M. Grabensee, directeur du dépôt d'étalons provincial de Celle, chargé d'assurer et d'amé- liorer cette production. Le haras de Celle fut créé en 1735. Les étalons, d'abord hollandais en grand nombre, 42 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE puis, vers 1800, mecklembourgeois et pur sang anglais, ont fini par se composer, en 1839, de 130 animaux dont 26 pur sang an- glais. En 1876, le distingué sportsman et écrivain hippique, comte Wrangel, qui visita ce haras, en trouva la moyenne des 220 étalons plutôt médiocre, en comparaison de ceux de Saint-Lô et du Pin qu'il venait de voir. Les connaisseurs allemands, à cette époque et même en 1888 (le comte Lehndorf et M. v. Oetken en leurs rapports), déniaient officielle- ment aux hanovriens, même issus de pur sang, la qualité des est-prussiens. « Les premiers sont des chevaux de plaine, a-t-on écrit, et les seconds des hauteurs. » En effet, bien que l'altitude de la Prusse soit plus basse que celle du Hanovre, son sol est beaucoup plus cal- caire. Et, chose plus grave, jadis on comptait au haras 52 pur sang; il n'y en avait plus que 12 ou 13 en 1902... Pourtant, depuis, les notes officielles fournies par les remontes mili- taires témoignent d'une sensible amélioration. Une forte race indigène a, en effet, été recons- tituée avec une dose modérée de pur sang. A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 43 Mais ce sont les plus près du sang qui tiennent la tête comme aptitudes cavalières; les Alle- mands les àénonwciQntblood htmters . Nons don- nons le portrait de l'un d'eux. On ne manque pas de citer à l'actif du cheval hanovrien une performance très intéressante bien que déjà lointaine, celle du cheval d'armes de M. Sandrart, lieutenant en premier au 8' d'artillerie. Cet officier, désigné pour aller de sa garnison chercher des jeunes chevaux à Trakehnen, fit, à cheval, les i 630 kilomètres du parcours en quinze jours, dont un jour de repos, soit une moyenne de 116 kil. 5 par jour, étapes variant entre 108 et 155 kilo- mètres, presque tout le temps au trot de quatre minutes et demie le kilomètre; peu de pas, mais, dans ce cas, il descendait de cheval. Ra- tion d'avoine : 11 à 12 kilogrammes par jour. Sa monture, Ilmaj tenait de sa mère Inga, pur sang anglais, le tempérament nécessaire à cet effort prolongé, tandis que son père. Bon, demi- sang hanovrien, lui avait donné l'ampleur des animaux de cette race. Mais on aurait tort de généraliser en dotant l'ensemble de la produc- tion selle hanovrienne d'une semblable excel- 44 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE lence. Je répéterai qu'en Allemagne, les pré- férences des cavaliers vont nettement, et avec raison, semble-t-il, aux est-prussiens. L'effectif actuel du dépôt de Celle comprend 331 étalons (augmentation prévue : jusqu'à 380) dont 9 pur sang anglais, 16 demi-sang issus de père pur sang, un demi-sang anglo-arabe et ses trois fils (dont les mères sont des juments hano- vriennes) 2 anglo-normands, Uzès et Dakota; tous les autres sont des demi-sang trakehnen, est-prussiens et surtout hanovriens, dont la plupart ont le pur sang anglais plus ou moins près dans leur pedigree. Les étalons de Celle qu'en 1907 nous avons vus à Dusseldorf, sont, à première vue et à l'écurie, des carrossiers à l'air presque com- mun, éteints, chargés de viande et loin du sang; pourtant plusieurs, nous l'avons dit, sont fils de pur sang, certains presque anglo- arabes et tous, en tout cas, très près du sang. Grands et membres, cela va sans dire, car il semble qu'on les sélectionne à la mensuration. Plus, pour une certaine école, un cheval pèse en Allemagne, plus ses membres sont larges sous le genou, et plus il est apprécié. L'idéal A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 45 serait pour certains d'arriver à pouvoir obtenir chez les demi-sang un tour de canon de 24 cen- timètres ! Desiderata conduisant tout droit au cheval de trait, gros, grand, lourd et lympha- tique. Présentés en main et enrênés, — car les Allemands ne savent pas présenter des che- vaux, — ces étalons hanovriens se réveillent et, malgré des encolures toujours un peu cour- taudes, prennent de la noblesse. Ils ont de belles foulées de trot, très allongées, très cava- lières. Leur modèle s'en trouve aussitôt avan- tagé, saillant, vibrant, et l'on est disposé à leur reconnaître certaines qualités importantes et très réelles : poitrine bien descendue, épaule assez bien dirigée et, malgré un dos souvent sans soutien suffisant, un rein bon et fort, une croupe parfois un peu fuyante, mais puissante. Les angles articulaires sont bons, spéciale- ment celui du jarret. Mais le brio, le perçant, la « suractivité » en général, font défaut. Les plus brillants d'entre eux seraient peu regardés en France, et l'on peut croire que c'est avec raison que le comte Wrangel en a écrit : « Le hanovrien est un cheval inférieur toutes les fois 46 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE qu'il n'est pas arrosé de sang pur », c'est-à- dire directement issu du pur sang. Le cheval de Celle représente parfois excel- lemment ce que chez nous on nomme l'étalon cultural. Si en France l'éleveur s'est montré franchement hostile à la production d'un demi- sang presque trait, en Allemagne il ne semble pas en avoir été de même. On y espère ralentir ainsi le mouvement qui pousse le petit éleveur vers le gros trait. On ne doit pas cependant se hâter de juger au point de vue français les étalons de demi- sang, qu'ils soient de Celle, de Neustadt ou de Beberbeck. C'est qu'en effet les Allemands ont comme principe d'utiliser au haras deux sortes d'étalons : les uns forts, puissants, de demi-sang bien confirmé dans les papiers et le modèle : ce sont les étalons pour faire la pou- linière. La seconde catégorie d'étalons com- prend les demi-sang très près du sang aptes à faire le cheval de service ou de remonte. Parmi les étalons qualifiés selle, — légère, lourds, — carrossiers, exposés en 1907 à Dus- seldorf, on doit une mention très honorable à Wells, un Ostfriese dont un grand-père et une A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 47 grand'mère sont de pur sang, énorme animal, à la croupe très forte, longue, un peu abattue, très sérieux, très brillant dans son trot étendu et facile; Ortolan, carrossier qui n'a d'ascen- dant de pur sang qu'à la quatrième génération, régulier, compact jusqu'à la lourdeur (750 kil.) mais avec un beau trot, le seul que j'aie vu en Allemagne ayant ce coup de « piston », c'est-à- dire cet engagement sous la masse des jarrets et leur détente énergique, si particulier au bon trotteur normand; Collin, bon type demi-sang bâti en galopeur; Amoroso, demi-sang anglo- arabe intéressant par sa formule, mère hano- vrienne par pur sang anglais; son père Amu- rath, anglo-arabe venant d'Autriche. Amoroso est un animal à la tête distinguée, aux allures cavalières et avec cela très doublé de par- tout, etc. Tous ces étalons produisent de sages car- rossiers, de placides cuirassiers, des uhlans, des dragons et quelques hussards. Deux éta- lons normands, Dakota (Ouragan) et Uses y font aussi la monte. En Westphalie, à Warendorf, on essaye, sans y parvenir, de suivre la formule de Celle. 48 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE Là fonctionnent aussi 6 étalons normands : Verrier (Gambie), Feu Follet (Ventre Gris), Francklin, Fatal, Henri ^ Volga), Gouverneur (Accueil). A Graditz, en Saxe, que je n'ai pas visité, mais dont j'ai rencontré des élèves aux écuries de Sa Majesté et dans les régiments, on pro- duit surtout des pur sang anglais; le haras de Graditz est, en effet, le propriétaire qui gagne régulièrement en Allemagne le plus d'argent public en courses. On y fait aussi un élevage de demi-sang, naturellement très près du sang, toujours dans le goût allemand, c'est-à-dire avec une tendance très marquée au gros. A ZwiON Georgenburg, petit haras prin- cipal de l'Est-Prusse, se font des chevaux en petite quantité, du genre trakehnen. CHAPITRE II CONCOURS AGRICOLE DE HAMBOURG. GÉNÉRALITÉS. Tous les ans une Wanderaustelhuig der Deutschen Landzvirtschaft-Gesellschaft, ou grand concours agricole, s'installe pendant cinq ou six jours dans une ville nouvelle. Il y a trois ans, j'ai pu le visiter à Dusseldorf, cette année (1910) à Hambourg; en 191 1, il aura lieu à Cassel. On y voit, sous l'égide d'une organisation quasi officielle, des échantillons de tous les produits animaux et végétaux des pays alle- mands ainsi que tous instruments d'agricul- ture et échantillons d'industries s'y rappor- tant. Une foule énorme s'y presse pendant quel- ques jours. Pas un moyen cultivateur, à cin- quante ou cent kilomètres à la ronde, pas un 4 50 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE gros propriétaire allemand, même des provinces éloignées, pas un éleveur marquant surtout, ne voudrait manquer cette occasion de s'instruire, de commercer, tout en dégustant de bonne bière avec de bons amis qu'on ne rencontre guère qu'à cette Austellung, C'est là l'avan- tage particulier de ce concours « roulant » que de se mettre à la portée de toutes ces provinces de l'Empire, successivement. Voilà certes de l'excellente décentralisation. Cela oblige, par contre, le Comité à bien des frais; ainsi, il doit faire voyager un immense matériel, car j'ai reconnu les monumentales portes en bois peint — figurant un porche, moyenâgeux natu- rellement — déjà franchies à Dusseldorf. Bien entendu, ce qui nous intéressait plus particulièrement, beaucoup plus que l'élevage des ovins, des bovins, des canins, des caprins, voire d'extraordinaires cyprins, était les spé- cimens très nombreux de tous les élevages chevalins. Comme à notre Concours central de reproducteurs à Paris, on rencontre à \ Austellung des étalons, des poulinières et leurs produits, tant de trait (Kalthlut) que de demi-sang (Halhlut; Edelsucht) . Non seulement A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 51 les particuliers par leurs propres moyens, ou surtout par l'entremise de syndicats d'élevage ou de vente, présentent leurs élèves, mais encore — parfois, comme il y a trois ans, du moins, à Dusseldorf — l'État y expose quel- ques-uns de ses meilleurs étalons régio- naux. Cette année, à Hambourg, se sont trouvés réunis 698 chevaux ou juments appartenant exclusivement aux races allemandes. En ces sortes de concours, les chevaux de demi-sang forment trois catégories princi- pales : i" Chevaux légers de selle ou de harnais (Leichter Reit iind Wagenschlag) ; 2° Chevaux plus forts, de selle ou de harnais (Starker Reit iind Wagenschlag) ; 3° Carrossiers. Le premier groupe — chevaux légers — se trouve surtout composé d'animaux provenant de la Prusse orientale, de la Prusse occiden- tale, de Westphalie (nouvelle sous-race dont tous les pères sont hanovriens) et de quelques hanovriens légers. Dans le second groupe — chevaux moyens 52 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE — presque tous des hanovriens, quelques est-prussiens, la grande majorité des hols- teinois. Dans le troisième — carrossiers — tous les oldenbourgeois, une forte minorité de hano- vriens et quelques holsteinois. On remarquera que, dans les concours alle- mands, les chevaux ne sont pas classés par races, mais par types, par volume en quelque sorte. De là, sans doute, l'inutilité aux yeux des Allemands d'indiquer la taille dans leurs cata- logues, extrêmement complets d'autre part. Néanmoins on peut inscrire les tailles entre I m. 55 et I m. 60 pour les chevaux légers, I m. 60 et I m. 63 pour les plus forts, et i m. 65 et I m. 67 pour les carrossiers. Ce sont là des moyennes. A noter que les Allemands semblent abandonner les trop grandes statures. A propos de taille, on doit remarquer que le vieux type carrossier mecklembourgeois — complètement disparu, m'assure-t-on — est remplacé par un type d'un format moyen, plus utilisable de toutes façons. A noter aussi que beaucoup d'Allemands, au A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE $3 lieu de mesurer leurs chevaux à la toise, le font au ruban, en appliquant un mètre en ruban au sommet du garrot et en descendant ainsi jusqu'à terre. Cela donne toujours, au moins, lo cen- timètres de plus qu'à la toise et les chevaux gras sont fortement avantagés. On comprend difficilement qu'un peuple aussi scrupuleuse- ment scientifique que les Allemands se serve de méthodes aussi empiriques. Les origines, citées méticuleusement au pro- gramme, remontent à plusieurs générations. Des signes conventionnels excessivement pra- tiques, bien nets (XX pour les pur sang anglais, OX pour les pur sang arabes , X pour les pur sang anglo-arabes, absence de signe pour les demi- sang), font ressortir immédiatement, sans re- cherche de lecture, le degré de sang. Regrettons vivement que les Anglais n'aient pas cette nota- tion, nous l'eussions adoptée il y a longtemps. Si les Allemands sont sagement revenus aux tailles moyennes, ils en sont restés aux poids lourds. Ils aiment, même chez le cheval léger, beaucoup de substance et ils n'ont pas tort quand ils n'exagèrent pas, mais ils ont tendance à exagérer. Tous leurs chevaux, même les fils 54 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE de pur sang, même les anglo-arabes pur sang élevés à Neustadt, même les trakehnen si près du sang, tous leurs chevaux, en un mot, sont dotés d'une sorte d'épaisseur de tissus et d'une masse relative auxquelles l'étranger occidental, d'abord étonné, s'habitue, et que, à cause de l'ambiance artistique, architecturale, technique, ambiance composée de monumental, de lour- deur, de massivité et, faut-il le dire, de com- mun, il finit par trouver nécessaire et natu- relle. Mais sitôt que le visiteur est rentré en France, au premier régiment de dragons ren- contré , au premier régiment de cavalerie légère surtout, il est de nouveau repris par le modèle dégagé, la finesse des tissus, l'influx nerveux, le sang en un mot de nos races fran- çaises, même de celles qui en sont le moins dotées sur le papier. Car, j'y insiste, à tout observateur retour d'Allemagne, un cheval de troupe français, jugé si sévèrement par lui na- guère, paraît cousin germain du pur sang, non seulement comme format, mais comme qualité, — j'en excepte, bien entendu, les bourdons sans origine, trop nombreux encore dans nos régiments de cuirassiers. A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 55 La manie du gros et la propension naturelle à tout « mathématiser » a poussé les techniciens d'outre-Rhin à pratiquer des mensurations les plus minutieuses et à en tenir compte, trop ab- solument, semble-t-il. Puissions-nous ne jamais tomber dans le même défaut. Bien entendu, j'approuve fort les travaux de mensuration sta- tistiquée, tels que ceux de M. le vétérinaire principal Joly, de Saumur, et ceux du profes- seur von Nathusius, d'Iéna. Ce sont là (i) des documents co^nparatifs de la plus haute valeur, mais dont les maladroits et les ignorants peuvent abuser, s'ils en font le critérium de leur juge- ment. Savoir toutes les minuties de la grammaire et de l'orthographe n'a jamais fait un bon litté- rateur, de même ne juger un cheval que le centimètre à la main ne peut convenir qu'à un ignorant de la chose hippique. Les Allemands accordent particulièrement une très grande importance au tour du canon. Par la sélection des étalons et, dans les haras (i) Messungen an Hengsten, S tut en, zind Gehrauchspfer- den, parle D'' S. von Nathusius, professeur à l'Université de léna. Berlin, Dessauer Strasse, 14 (Deutsche, Landwirt- schaft-Gesellschaft) . 56 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE de rÉtat^ des poulinières, on est arrivé à avoir dans les régiments une membrure qu'on assure trop volontiers supérieure à celle de nos che- vaux; à tout prendre, après en avoir vu défiler une grande quantité, après avoir pris connais- sance de tableaux de mensurations officiels, je ne vois pas que cette membrure soit de beaucoup supérieure à celle de nos chevaux. Ce qui est surtout à remarquer, c'est qu'on écarte des remontes, plus sévèrement en Allemagne qu'en France, les membrures ultra- légères acceptées parfois chez nous sous pré- texte que le sang rachète tout. Cette hantise d'un fort tour de canon est légitime dans les pays du Nord où la lymphe prédomine et où le tissu osseux est beaucoup moins dense qu'en France ou qu'en Angle- terre; il est tout naturel qu'une poutre en bois blanc destinée à soutenir une masse donnée soit d'un diamètre supérieur à celui d'une tige d'acier. Or, en Allemagne, le lymphatisme est le défaut dominant. Le pur sang lui-même n'y échappe pas; dès la deuxième génération, l'in- digénat lui fait perdre bien souvent de la qualité. Le fait est connu des éleveurs de chevaux de Est-prussien, troupe, cinq ans, au dressage, 14'' hussards Est-prussien, troupe, 14'' hussards A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 57 courses. Autre exemple : A Neustadt^ nous l'avons vu, on fait depuis quelque temps de l'anglo-arabe pur sang. Les reproducteurs issus de la jument de pur sang anglais et de l'étalon pur sang oriental sont sélectionnés à la taille, au tour de canon, etc. ; aussi n'a-t-on retenu pour la reproduction que de grands chevaux, d'un modèle parfait, mais sans aucun de ces symptômes de trempe qui classent notre anglo- arabe français en tête des chevaux les plus gé- néreux, les plus résistants d'Europe. Aussi on peut prédire à l'avance que la production de ces anglo-arabes allemands, créés eux-mêmes avec tant de soin, de science et d'argent, ne sera guère plus « allante » et n'aura pas de tempé- rament plus généreux que tous les autres che- vaux nobles que nous avons pu voir de l'autre côté du Rhin. L'obsession du gros a inspiré les Allemands dans leur élevage de chevaux de trait, mais, à tout prendre, en des proportions moindres. On peut partager en trois grandes classes les chevaux de trait allemands : r Celle de race rhénane-helge-française de moyen et de gros format; 58 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 2" Celle du Schleswtg danois; 3° Celle dérivée du trait anglais, shire. C'est naturellement Vétalon belge, le plus viandeux, le plus épais, le plus lourd, qui a toutes les faveurs comme étalon. On trouve de son sang dans presque toutes les races de trait allemandes; dans les provinces du Rhin, en Westphalie, en Thuringe, etc.. Il a mis son empreinte particulière sur les races locales. Elles sont obligées d'avoir constamment re- cours à lui... Pourquoi pas à nos étalons fran- çais, si « qualiteux » en comparaison du belge? On ne veut pas de nos boulonnais parce qu'ils ne transmettent pas, m'a-t-on assuré, de type fixe; pas de nos percherons parce que leurs produits dégénèrent rapidement. On n'y con- naît encore pas assez nos trait bretons, trop nouvellement améliorés, géographiquement trop éloignés aussi, et que le petit ardennais, plus voisin, remplace très bien. D'autre part, l'importation étalonnière et de chevaux de service est tout entière dans les mains de plusieurs marchands allemands, les- quels ont partie liée avec des fournisseurs belges. Nos éleveurs français sont mauvais A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 59 vendeurs, insuffisamment accommodants, peu souples et défiants en affaires, mal organisés en syndicats de vente. Les tarifs douaniers, favora- bles aux échanges allemands-belges, la proxi- mité de la souche brabançonne, tout cela expli- que pourquoi nos trait sont délaissés. C'est à peine si 3 150 ont passé la frontière en 1909. Nous ne connaissons guère en France V éta- lon jutlandais ou danois, très employé en Schleswig, dans le Brandebourg, en Saxe, en Thuringe. C'est un animal de format moyen, I m. 50 à I m. 60, peu corsage, plutôt long, avec une encolure courte et ronde, une tête assez légère, de robe baie ou alezane. On s'efforce — à cause de l'engouement pour la masse — de grandir et d'alourdir cette race dont les étalons produisent, avec les ju- ments indigènes allemandes plus ou moins améliorées, des chevaux de travail, d'un poids moyen, très appréciés puisque, en sus de cette production, l'Allemagne emploie une vingtaine de mille de danois importés, contre un petit peu plus de belges. Naguère encore, des danois, assez légers mais bien roulés, étaient attelés aux tramways des grandes villes. A 6o A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE Berlin, certains omnibus sont encore attelés de petits danois fJVasserdàne?ij danois des îles). Mais ce débouché se fermant devant eux depuis le développement de la traction mécanique, aussitôt les danois se sont mis à évoluer vers le gros trait. Notons que le Clydesdale, trait anglais, a quelques fidèles clients, surtout en Saxe, voire en Prusse orientale. Les produits que j'en ai vus étaient médiocres. L'élevage du cheval de trait, seul rémunéra- teur, sans grands risques, ici comme partout, se répand de plus en plus. Sauf en Prusse orientale, l'élevage du cheval de qualité est, dans l'Empire, économiquement tout à fait arti- ficiel, c'est-à-dire maintenu à coup d'argent et en somme dirigé par l'Etat, éleveur lui-même d'étalons de sang. On doit remarquer que l'éle- vage du simple bidet de paysan n'est pas assez rémunérateur pour que les Allemands ne s'adressent pas à Texportation. Ils reçoivent de Russie tous les ans environ 15 ooo poneys dans les I m. 40 et presque sans valeur. Le paysan d'outre- Rhin ne tient même pas à faire le « voi- turin » démocratique, puisque c'est encore la A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 6i Russie qui lui en cède annuellement plus de 25000; il n'est donc pas étonnant que, sur une population chevaline de 4 195 361 chevaux, près de 80 pour 1 00 soient des chevaux d'agricul- ture. A cause de cela même, la question de l'ave- nir des remontes militaires serait en Allemagne beaucoup plus grave qu'en France, n'était la ferme et solide direction qu'une volonté unique, persistante et consciente de ses devoirs sait imprimer, voire imposer à tous les facteurs de la défense nationale... Et cependant, malgré le développement de son élevage trait, l'Alle- magne achète à l'étranger des chevaux pour environ 54 millions de marcs. Au sujet de nos exportations françaises en Allemagne, un auteur connu, M. Lavalard, a cité le chiffre de 16000 têtes. Or, je n'ai jamais pu me faire confirmer ce chiffre en Allemagne. Voici la statistique officielle pour 1909 qui m'a été directement communiquée par l'administra- tion allemande et confirmée par notre attaché commercial à l'ambassade de France à Berlin : 62 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE Chevaux importés de France i çoç Chevaux et juments pour trait léger (sic). . Chevaux et juments de travail, lourds . . . Etalons de trait, hongres, etc Chevaux carrossiers, de selle et de courses . Total 309 756 3630 Ce qui est peu sur une importation générale dont voici le tableau : g 0 z < D q 'A t < H D < Z 'Si < i < s Z < Trait léger, juments > 557 309 4056 5456 24456 291 Trait léger, entiers et > 2074 619a Trait lourd, juments 9169 1141 2396 189 174 6208 Trait lourd, entiers et 12327 3016 7S6 397 997 13463 Etalons d'élevage légers.. » > > 10 * 87 Étalons d'élevage lourds.. T671 1671 119 ^ > * 13 Harnais, selle, chasse 538 2659 169 194 280 Chevaux d'une valeur maximum de 3oo marks (I m. 40) » » > 454 14705 > Poulains d'un an. trait.. . 1133 359 > 420 > 2218 Poulains de lait > > ^ > 190 > TOT.\UX 232S6 9807 3630 11877 4625S 22080 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 63 L'Allemagne importe donc une moyenne (statistique de 1909) de 55000 chevaux de gros trait, dont la provenance est la suivante : Belgique .... 22627 Autriche 4 5^6 France 3 152 Pays-Bas .... 966 Russie I 171 Danemark. . . . 21889 La France exporte ses boulonnais, l'Autriche ses noriker. Les chevaux du Pinzgau, lourds, singularisés par leur robe tigrée, sont surtout employés en Bavière. L'Allemagne achète également des chevaux de service de trait plus léger, parmi lesquels on remarque les chevaux de tramways, le tout, en chiffres ronds, se montante 44 000 tètes, dont : Autriche 2631 France . Pays-Bas Russie. . Danemark La Russie vend annuel 309 10707 29912 291 ement à l' AllemagnCj en plus d'environ 30000 trait moyen, près de 04 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 15000 poneys de i m. 40 et de si petite valeur qu'il serait impossible, je le répète, au moindre éleveur allemand de les produire à ce compte pour les vendre avec bénéfice aux laitiers, bou- chers, boulangers, etc. On a vu dans le tableau ci-dessus que l'Alle- magne importe environ 5 500 chevaux de selle ou d'attelage de luxe dont l'Autriche et l'An- gleterre fournissent le plus grand nombre, tan- dis que la France, le moindre. En somme et en chiffres ronds, les importations allemandes se montent à plus de cent mille têtes (121 441 en 1909). Les lecteurs que les chiffres précis et détaillés intéresseraient les trouveront dans la Statistique de t Empire d'Allemagne, cahier X, tome 232.(Puttkammer et Muhlbrecht) qui énu- mère le commerce français des deux dernières années. Ce sont surtout les différentes industries et particulièrement la brasserie qui sont acheteurs de chevaux français. Les achats ne se font que par l'intermédiaire de quelques gros marchands qui viennent annuellement dans le Perche, le Boulonnais, les Ardennes, la Bretagne. Voici les noms des plus connus : Bernhard Weil, à A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 65 Colmar; Gebrûder Rothschild, à Horb (Wur- temberg); Pressburger et C'% à Rexingen (Wurtemberg); Jos. Rohrbacher, Roblinger- strasse, à Stuttgart (Wurtemberg) ; Jos. Rohr- bacher (même maison), 8, Landsbergerstrasse, à Munich (Bavière); Rehbock, à Bedin. Un effort se tente en France pour conjurer les effets de la crise chevaline. On espère augmenter nos exportations. Déjà des comités se sont formés pour le succès desquels on doit former les vœux les plus vifs. Les difficultés qu'ils rencontreront seront très grandes et dues non seulement à la résistance de l'étran- ger, mais à notre caractère et à nos procédés routiniers et individualistes. Ces comités seront impuissants s'ils tentent simplement d'imposer ex abrupto une marchandise sans essayer de la conformer autant que possible au goût et aux habitudes économiques du client. Ainsi, à notre avis, les Allemands seraient plus fréquents acheteurs de nos chevaux de trait, d'abord s'ils leur revenaient moins cher que les belges, les hollandais, les danois. Or le che- val français est cher, comparativement. A ce propos, j'ai appris avec certitude que des car- 5 66 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE rossiers hollandais transitaient à travers la Bel- gique pour venir en France, chez certains mar- chands, concurrencer nos attelages normands! Il fautaussi que le cheval de trait français s'ac- climate facilement. Il faut encore qu'employé comme étalon, il race sans dégénération dans ses produits, car l'Allemagne veut arriver à fa- briquer tous les chevaux dont elle a besoin et elle y arrivera. Mais saurons-nous profiter de l'excel- lente occasion de devenir, pendant un laps de temps qui doit être long, ses fournisseurs? En ce qui concerne les chevaux à deux fins, soit de harnais-luxe, soit de selle, il sera plus difficile d'arriver à placer un beaucoup plus grand nombre de chevaux français. D'abord, l'Allemagne est très hère, et à juste titre, de ses chevaux de selle. Elle a voulu des galopeurs ; elle les a, et nous n'en avons pas, en nombre, de comparables. Nos normands près du sang par le père ou la mère, ou par le grand-père ou la grand'mère mériteront bientôt, souhaitons-le, la vogue dont jouissent actuellement les hun- ters anglais, seulement nous les vendons trop cher, et, d'ailleurs, leur production reste assez limitée. A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 67 Bien que les carrossiers d'outre-Rhin y soient très appréciés pour leur modèle, leur masse et surtout leur caractère, il ne devrait pas être im- possible de placer à Berlin et dans les grandes villes de plus nombreuses paires de nos carros- siers trotteurs normands, lesquels sont infini- ment supérieurs à tout ce que j'ai vu de ce genre en Allemagne, volume à part, bien entendu. Il semble d'ailleurs qu'on veuille, en Alle- magne, essayer un peu plus souvent l'influence bienfaisante de l'étalon anglo-normand en ce qui concerne le geste et la vitesse au trot. Mais il est certain que nos voisins recherchent les trotteurs dont le modèle se rapproche le plus du bourdon. La hantise du gros, toujours, plutôt que celle de la qualité! Il serait utile du côté français — avis aux syndicats de défense nor- mands, trop préoccupés de querelles locales — de faire faire une enquête sans esprit préconçu sur les services que rendent ces étalons à l'étranger. Cette enquête ne devrait pas être menée auprès des directeurs de haras ou de dépôt qui ont préconisé ces achats, mais bien dans le monde des acheteurs, des marchands, des officiers et dans le palmarès 68 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE des divers concours. Car les directeurs de haras passent, et, avec eux, leurs méthodes d'élevage quand elles sont mauvaises, et même, malheureusement, quand elles sont bonnes. Quoi qu'il en soit, il ne faudrait pas croire que nos exportations d'étalons de demi-sang puissent jamais être très importantes en Alle- magne oii il y a, actuellement, 22 étalons de demi-sang anglo-normands faisant la monte. Ils se répartissent partout où on ne fait pas de chevaux de selle, sauf en Hanovre, à Celle où il y en a deux, réservés, du reste, aux juments carrossières (i). (i) Étalons anglo-normands faisant la monte en Alle- magne en 1909 : A Marbach, en Wurtemberg, 2 : Fardage (Cherbourg) ; Faber (Kabach) ; A Darmstadt, en Hesse, 4 : Acteur {Fuschia) ; Baron, ex- Beau-Gars (Cherbourg) ; Escaviillo, Qx-Editeur (Harley) ; Espoir, ex-Escot (Union Jack) ; En Alsace-Lorraine. 4 : Xuarès (Cherbourg) ; Xérès (Cherbourg) ; Novi (Schamrock) ; Xylophane (Cherbourg) ; A Deux-Ponts, i : Tabago ; A Celle (Hanovre), 2 : Dakota (Ouragan) ; Uzès ; A Neustadt-a.-Dosse, i : Ouragan (Homard); A Warendorf (Westphalie), 6 : Verr-.er (Gambler) ; F^m- 7^c»//^2î (Ventre Gris) , Franklin ; Natal ; Henri (Volga) ; Gou- vernant (Accueil) ; A Brunswick, i : Galba (Sydney); A Weimar (Saxe), i : File-au-Vent (Ouragan). A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 69 Quant à nos anglo-arabes, il est à craindre qu'ils ne soient trouvés trop légers, trop chauds, trop chers en comparaison des hongrois, excel- lents d'ailleurs, et des russes. Mais ce qui, surtout, empêche les Allemands d'apprécier nos chevaux de selle, — j'en ai déjà écrit plus haut, — c'est qu'ils les trouvent trop nerveux, peureux, mal dressés, ou d'un dressage délicat. Ils veulent des chevaux impassibles dans leur service quel qu'il soit. Nos éleveurs fournissent trop volontiers des animaux bruts, livrés, en quelque sorte, à l'état de matière pre- mière, dont l'acheteur a à faire la façon à ses risques et périls. Ce défaut enlève beaucoup de clients aux éleveurs français, non seulement en Allemagne, mais en France; et ce défaut est malheureusement presque incorrigible parce que, d'abord, l'éleveur, chez nous, n'est abso- lument pas homme de cheval, même en Nor- mandie, et qu'ensuite nos races sont trop tardives pour pouvoir, à trois ans ou même à quatre, supporter le vrai dressage que donne seul un travail suivi. Seuls, les éleveurs riches peuvent se payer ce dernier luxe. Quoi qu'il en soit, c'est, bien entendu, la ques- 70 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE tion économique qui domine tout. L'acheteur allemand se fournit où il trouve, à valeur à peu près égale, le moins cher. C'est-à-dire chez ses voisins. L'Angleterre, à cause de la modicité des prix des transports par mer, est une voisine plus immédiate que la Normandie, le Perche, le Centre. (Nos tarifs de chemins de fer sont réellement des tarifs prohibitifs de vente...) J'ai dit à valeur à peu près égale, car, de même que les percherons, les boulonnais, les nivernais se valent à peu près entre eux, de même les diverses races de trait en usage en Allemagne valent à peu de chose près les nôtres. C'est donc une question de prix de vente et d'accommodement de la marchandise au goût du client. Comme toute l'exportation française, en Allemagne, est dans les mains des quelques courtiers dont j'ai cité les noms plus haut, c'est sur ces derniers qu'on devrait faire porter l'effort du début. Nous n'aurions pas de meilleurs agents commerciaux que ces derniers, s'ils étaient intéressés à étendre rapidement le cercle de leurs opérations. Un autre procédé d'action serait aussi de faire présenter aux expositions et concours, A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 71 par des éleveurs allemands auxquels nos co- mités, syndicats, etc., consentiraient quelque dédommagement, des percherons-allemands, boulonnais - allemands , bretons - allemands , c'est-à-dire des poulains nés en Allemagne d'étalons français. Si ces produits étaient réussis et partout primés, il est plus que cer- tain que notre exportation concurrencerait très sérieusement celle des Belges. Et que ne faisons-nous comme les Alle- mands qui, eux, sont passés maîtres dans l'art de la réclame ? Leurs syndicats, nombreux, bien organisés, riches, ont à leur disposition des journaux spéciaux remplis d'articles illustrés fort bien faits. Ces syndicats publient — l'État, également, en ce qui concerne ses établisse- ments — des tracts élégants, joliment reliés, très bien illustrés, au texte parfaitement quoique brièvement rédigé, et vendus très bon marché, ou, à l'occasion, délivrés gratuitement. Rien de tout ceci n'existe chez nous. Les quelques monographies de race françaises qu'on peut se procurer sont mal imprimées, mal illustrées, surtout médiocrement rédigées pour la plupart par des écrivains sportifs d'occasion rééditant 72 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE tous les ponts-neufs, louant d'une façon si exagérée leurs élevages régionaux que la réclame apparaît dans toute sa grossièreté men- songère. L'effet produit à l'étranger est alors exactement le contraire de celui escompté. Quant aux tracts français bien rédigés, peu de gens les connaissent. Ils devraient être distri- bués généreusement à toutes les réunions hippiques, aux frais des divers syndicats d'éle- vage, et traduits en allemand, en anglais, en espagnol. Aux grands concours annuels agricoles alle- mands, le droit de photographier pour quicon- que est absolu, mais une organisation oihcielle photographique fonctionne sous la direction, non de quelque industriel, mais d'un homme de cheval compétent (actuellement l'érudit et sculpteur de talent, major Shœnbeck). Un emplacement clos et convenable lui est réservé. Le règlement fait défiler devant-l'ob- jectif tous les lauréats. Sous l'épreuve-photo- typie 18x24, tirée ensuite à un grand nombre d'exemplaires, et vendue i ou 2 marks pièce, Est-prussien, légère troupe, 14'' hussards. Trakehnen noir, carrossier du Marstall de S. M, A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 73 on trouve non seulement le signalement et le pedigree du sujet, mais encore ses diverses mensurations. Cette belle collection constitue un document de premier ordre pour observer l'évolution de l'élevage, et un procédé de réclame efficace parce qu'il est sincère. A notre grand Concours de reproducteurs, aux brillantes et instructives exhibitions de la Société hippique française, rien de pareil. A part des photographies prises au petit bonheur par deux ou trois illustrés, je ne trouve jamais rien à envoyer comme document intéressant et exact à mes correspondants de l'étranger, rien, sauf quelques ridicules cartes postales. Quant à essayer de se procurer des photo- graphies de nos étalons nationaux, impos- sible. Une consigne inexplicable les rend tahoit envers l'objectif même le plus qualifié. Les haras ont peur d'être trahis soit par la mala- dresse, soit par la malveillance des photo- graphes. Ne vaudrait-il pas mieux que les haras eux-mêmes organisassent ce service dans leurs dépôts, et à Paris, au Concours des reproducteurs? Ces photographies, avec des légendes copieuses, serviraient non seulement 74 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE à l'instruction hippique des étrangers, mais encore à celle, — si négligée, — de nos compa- triotes. Les remontes militaires elies-mêmes feraient encore mieux comprendre par l'image leurs desiderata qu SLtVdquent, sans les connaître complètement, tant de personnalités, même parlementaires ! Nos exportations, d'autre part, sont actuelle- ment gênées par des tarifs douaniers assez com- pliqués qui nous sont très peu favorables, excep- tion faite pour les chevaux ardennais. Ces tarifs, on doit le reconnaître, ne sont rien, comparés aux nôtres, presque prohibitifs. Nous gagnerions, certes, à ce que de part et d'autre les barrières fussent abattues, ou abaissées, et ce, malgré les clameurs des protectionnistes quand même... Quoi qu'il en soit, le tarif alle- mand n" loo taxe les chevaux selon leur va- leur : par exemple, taxe de 90 marks pour che- vaux jusqu'à 1000 marks; taxe de 180 marks pour chevaux de i 000 à 2 500 marks ; taxe de 360 marks pour chevaux de valeur supérieure à 2500 marks; mais, par contre, des tarifs de A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 75 faveur sont consentis pour chevaux de trait de provenance belge, hollandaise, ardennaise, au- trichienne. La taxe varie alors, selon la valeur, entre 50 et 72 marks. Les chevaux d'une valeur inférieure à 300 marks et d'une taille maxima de i m. 40 ne payent que 30 marks (poneys russes) ; les poulains de moins d'un an, 30 marks égale- ment; les chevaux importés par l'Etat ou avec son consentement ne sont taxés qu'à 10 marks. On le voit, l'État protège contre la concur- rence étrangère les éleveurs de chevaux de selle et carrossiers dont la production, suffisante en nombre, lui semble satisfaisante en qualité. Il ouvre ses portes aux gros trait dont il manque, sauf au gros trait français. En effet, d'après la loi douanière allemande du 25 décembre 1902, les droits réduits dont bénéficient les races flamande, brabançonne et ardennaise s'ap- pliquent aux chevaux belges. Une remarque ajoute : « Pour jouir des droits réduits, les importateurs sont tenus à produire pour chaque cheval un certificat délivré par un agent de l'État belge attestant que l'animal appartient 76 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE exclusivement à l'une des races précitées ou au croisement de ces races entre elles. » Il seraità désirer que les deux gouvernements français et allemand s'entendissent spéciale- ment à ce sujet pour que nos ardennais et nos autres trait bénéficient des mêmes avantages que leurs concurrents belges et hollandais. En résumé on 'doit croire que le succès de nos tentatives vers une plus grande exportation en /\llemagne dépend de trois conditions prin- cipales : I " étude sur place de l'état actuel et des tendances des élevages des Allemands et con- naissance de leurs besoins et de leurs desiderata; 2** modération dans notre tendance à vouloir imposer notre production fe/le qiielle est, sous prétexte que nous la trouvons excellente chez nous, alors qu'elle peut très bien être inférieure sous un autre climat et avec une autre utilisa- tion, je dirai même d'autres employeurs; 3° ob- tenir la revision des tarifs douaniers et, par- tant, un peu plus de zèle, d'intérêt et de com- pétence de la part de nos représentants à l'étranger, à la plupart desquels notre com- merce chevalin est bien indifférent. CHAPITRE III CONCOURS DE HAMBOURG Le concours agricole est enclos dans une vaste enceinte de planches dont l'étendue varie dans chaque ville suivant l'importance du con- cours. Point très élégante, l'installation. Pavil- lons officiels et particuliers, kiosque à musique, tribunes, restaurants, écuries, ateliers, no- rias, etc., sont posés sur le sol inégal rempli de fondrières, sol cette année épouvantable- ment détrempé par les orages. Aucun massif de verdure, aucune plate-bande, pas le moindre gazon. Pas une boutique jolie ou élégante. Cependant, nombreux sont les pavillons, les tentes où sont installés les bureaux des syn- dicats d'élevage. On y trouve des brochures souvent très bien illustrées, des photographies et un accueil empressé. Deux ou trois mar- chandes d'oranges et de pommes sourient aux 78 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE promeneurs qu'elles sollicitent jusqu'aux tables des restaurations où, d'ailleurs, on ne vend point de fruits. Ces immenses restaurants dont un seul a droit au titre de haitpt, qu'ils soient « à la bière » ou « au vin », sont bondés à toutes heures par une foule lourde et placide, consommant d'une façon extraordinairement abondante. C'est avec peine qu'un étranger trouve une place au milieu d'une famille ou d'une « so- ciété », et avec plus de peine encore qu'il arrive à se faire servir. La bière, par exemple, y est merveilleuse, le hoide (vin blanc aux fraises), des plus agréables, et, à tout prendre, la nourri- ture mangeable, bien qu'un peu graisseuse pour nos goûts français. Mais l'observateur n'a pas le droit de s'attarder dans les délices des gou- lach ou des hûhner fricassés, compotes de pou- lets (en conserve — se méfier!)... là bas les chevaux défilent. Nous n'avons pu suivre les opérations des jurys parce qu'elles étaient simultanées et effec- tuées dans un désordre et une confusion sur- prenants. Ces jurys sont composés de quatre personnes A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 79 et comprennent le plus souvent soit un officier, un directeur de haras ou de dépôt, un vétéri- naire. Fort heureusement, à l'inverse de ce qui se fait en France, à notre Concours de reproduc- teurs, tous les primés défilent longuement deux fois par jour, à heures fixes; aux écuries, c'est toujours avec la plus grande complai- sance qu'on vous sort les animaux, étalons, juments ou poulains. A Paris, il est extrême- ment difficile d'obtenir de la plupart des expo- sants la permission de soulever les rideaux cloués derrière lesquels les boxes des chevaux semblent des cellules de reclus. Avant le premier défilé des chevaux, sitôt les classements terminés, avait eu lieu l'inaugfura- tion officielle du concours. Un prince était venu, en uniforme, entouré de beaucoup d'autres dignitaires, en uniforme et en redin- gote. Les uns et les autres remplirent la tri- bune officielle et les discours commencèrent entre uniformes et redingotes, discours qui durèrent très longtemps, — nous sommes en France vraiment moins bavards! — tandis que le bon peuple envahissait la piste et se massait 8o A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE respectueusement sous la tribune pour mieux écouter; aucun service d'ordre apparent, et il y avait peut-être 25 à 30000 visiteurs. Tout d'un coup, à l'invite d'un discoureur, chacun, dans l'immense foule, soulève lentement et par trois fois son chapeau, en proférant trois Hoch! très sages, presque religieux qu'essaye de rat- traper, en trois accords, la musique militaire. Ces Hoch! maintenant alternent avec l'hymne impérial. Je regarde les gens qui, dans la tri- bune, m'entourent. Vestons clairs, chapeaux de paille variés, panamas de toutes formes (fait singulier, cité par Huret, je crois, pas dix cha- peaux pareils). Les femmes sans corset, sans taille , se tenant mal , affaissées sur leurs hanches dès qu'elles sont assises, le dos rond, et très douées sous le rapport mammaire. Elles ne sont ni jolies, ni surtout distinguées, mais quels teints et quels éblouissants cheveux blonds! Les femmes de la « société », des officiers ou des von, comme dit mon compagnon, sont souvent fines et racées, avec de jolis traits, des yeux un peu froids, des maxillaires un peu ca- tégoriques, des méplats très particuliers au bout du nez, des lèvres bien fendues, souvent A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE Si trop. On m'assure que ce type distingué est donné aux Allemandes du Nord par des croise- ments étrangers, anglais, autrichiens, russes, polonais... Mais tous, du peuple, de la bourgeoisie, de l'aristocratie, tous portent au corsage, à la bou- tonnière, une petite rosette de dix pfennigs aux couleurs de l'Empire. Et je m'imagine que c'est par patriotisme et je fais un triste retour sur nos mœurs françaises. Mais on me dé- trompe; jamais, au contraire, on ne porte, en Allemagne, les couleurs... Cette rosette est un insigne de paiement par abonnement pour toute la durée de l'Exposition, voilà tout! La façon de s'habiller des Allemands est ce qui choque le plus les étrangers, du moins ceux qui ont quelque sens esthétique du costume. En général, sauf à l'armée, nulle part l'Alle- mand n'est élégant — bien que souvent pré- tentieux — dans sa mise, même lorsque sa tenue vise un peu à l'uniforme. Il est, par exemple, de mode là-bas de faire broder en couleurs éclatantes ses initiales entrelacées, couronnées s'il y a lieu et de vingt centimètres de haut, sur la doublure de son pardessus, côté 6 82 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE du cœur. On s'arrange de façon, bien entendu, à montrer cet objet d'art le plus souvent pos- sible. Le costume des palefreniers des divers syndicats de vente ou d'élevage est bien ce qu'on peut voir de plus laid. Pantalon de civil quelconque, assez sale chemise de flanelle grise, horribles casquettes de jockey en laine à passepoil de couleur voyante, le tout sur une académie assez grande, mal tassée, bru- tale, taillée à coups de serpe. Et dire qu'à Paris, au Concours des reproducteurs, sec- tion gros trait, on a pu voir des tenues presque analogues! Viendraient-elles d'Allemagne, par la Belgique? Quant à la livrée allemande, elle diffère assez de la nôtre. Elle est restée 1830 et allemande et si bon enfant! Tous les cochers de maître ont l'air d'être habillés avec les défroques de leurs grands-pères, trop larges, trop grandes, depuis la redingote flottante autour du siège jusqu'à des curieuses bottes chantilly à revers. Car la botte à revers fleurit — si j'ose dire — à foison en Allemagne. Bien entendu, un énorme haut-de-forme sans aucun reflet, mais congrû- ment galonné et cocarde, couvre une grosse A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 83 tête presque toujours placide et patiente, très patiente. Je n'ai vu battre aucun animal dans cette énorme foire de V Atisstellung ^ ni même insulter bruyamment un cheval... Mais voici encore trois Hochf et la musique scande une marche allègre. La palabre est terminée. Le public, enchanté, s'écoule pour dégager la piste. La parade des primés commence. Nous n'avons qu'à regarder pour voir défiler, à grande distance les uns des autres, en main, au pas, puis au trot, les meilleurs spécimens de tous les élevages allemands. J'en ai vu de semblables, de meilleurs et de pires aux écu- ries ou sur la piste, pendant l'examen des jurys, dans les divers régiments et les divers centres d'élevage que j'ai visités. J'ai, de plus, longuement causé avec des éleveurs, des vétérinaires, des officiers et des amateurs. Il me semble donc qu'il me soit per- mis de décrire le type moyen de chaque race et ses aptitudes moyennes, aussi exactement que peut le faire un étranger tant soit peu homme de cheval et très soucieux d'impartialité. Mal- gré cela, tout observateur juge forcément avec 84 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE des habitudes d'appréciation particulières à sa nationalité, avec son tempérament, avec un esprit critique fondé sur la connaissance et l'emploi de chevaux aussi différents en somme des chevaux allemands qu'un Latin peut l'être d'un Germain, et ce n'est pas peu dire. Pour bien juger le cheval allemand et spécia- lement le cheval de demi-sang, c'est-à-dire le comparer avec notre cheval français, il faudrait l'essayer ou tout au moins le voir à l'ouvrage, surtout si cet ouvrage est dur ou prolongé. Mais il est très difficile de suivre utilement les manœuvres de cavalerie qui pourraient nous renseigner. En France, il n'en est pas de même et il semble qu'on montre trop de choses à la curiosité parfois malveillante des officiers étran- gers. Un de nos officiers généraux est revenu d'un récent voyage en Allemagne avec un jugement très favorable sur les aptitudes cavalières et miilitaires des remontes allemandes; cette appréciation vient d'être confirmée par le gé- néral directeur de la cavalerie dans un rapport officiel. (Rapport sur le budget de l'agricul- ture, 1910.) A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 85 Cependant le monde militaire et cavalier européen s'est toujours étonné de l'interdiction faite par l'Empereur à ses officiers de prendre part aux épreuves internationales, raids ou concours hippiques. L'Empereur paraît ainsi trop se méfier ou des cavaliers ou des chevaux de l'armée allemande. On ne pourra porter sur les uns et les autres un jugement définitif qu'en les voyant à l'œuvre. La visite de \ Aiisstelliing permettrait, à elle seule, de se rendre parfaitement compte, en ce qui concerne les chevaux prussiens^ qu'ils soient spécialement issus de la célèbre source tra- kehnen, ou simplement nés dans l'Est-Prusse ou même dans l'Ouest-Prusse, combien le type reste le même malgré une certaine diver- sité de volume. Cette homogénéité de type est d'autant plus heureuse que ce type condense la plupart des qualités obligatoires pour un cheval de selle. Quand un de nos anciens offi- ciers supérieurs des remontes a écrit, dans une brochure de polémique, à propos de che- vaux de cuirassiers français, que les che- 86 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE vaux de la Prusse orientale ne sont pas bâtis en chevaux de selle, il a commis une erreur complète. Il est rare, au contraire, de voir un groupe considérable de chevaux posséder un. si grand nombre de « points » cavaliers dans leur squelette, et un mécanisme mieux disposé pour le galop rapide et prolongé. Je ne vois guère, si nous ne parlons que des gros poids, que le hunter qui lui soit supérieur. On sait que le cheval prussien proprement dit est le résul- tat du mélange du sang arabe et du sang anglais pur sur le fond indigène, c'est-à-dire lithua- nien. Mais, parce que le gros s'obtient presque toujours au détriment de la « sensitivo-motri- cité », la qualité originelle des est-prussiens paraît parfois bien noyée dans la masse. C'est que les étalons sont en fin de compte sélec- tionnés exclusivement sur le modèle, et qu'on emploie à Trakehnen, au stud, des étalons petits-fils ou fils de pur sang extrêmement lourds et massifs. Ils sont toujours charpentés en chevaux de galop. Ils ont le modèle, c'est indéniable. Ont-ils la trempe? Je ne peux mieux comparer le cheval est- prussien, qu'il soit de légère, de ligne ou de A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 87 grosse cavalerie, qu'à un anglo-arabe renforcé, bien développé, très membre, très osseux, mais qui, bien que pyrénéen, aurait pris son volume dans les Charentes. Ajoutons que le cheval allemand est d'un caractère très pacifique. Les Allemands — et cette impression n'est pas mienne seulement — ont horreur de la difficulté à cheval ou en voiture. Ils en ont des escadrons d'autant meilleurs manœuvriers, mais je doute que les élèves de l'École de Hanovre se tirent d'affaire avec une reprise soit de « rogneux », soit de nos anglo-normands à la rentrée des vacances, aussi bien que nos officiers élèves de Saumur. Quoi qu'il en soit, si beaucoup de trakehnen ont le dos creux, — c'est leur plus commun défaut, — l'oreille souvent grande et tomi- bante, — imperfection fréquente, — l'encolure assez courte, la tête forte, du moins toujours la croupe est-elle admirable d'étendue et de direction, le rein bon, bien soudé, la poitrine très développée etdescendue, les aplombs bons, l'angle du jarret très ouvert, les membres bons, les articulations fortes et larges, l'épaule bien placée, pas toujours assez couchée, le garrot 88 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE prolongé en arrière, les pieds de bonne forme. Les allures au pas, bonnes; au trot, étendues et sans élévation du genou à la hackney; au galop, parfaites, faciles, rasantes et dépendant d'un mécanisme bien agencé à cet effet. Cette facilité naturelle a permis aux Allemands de porter leur galop allongé à 540 mètres à la minute alors que le nôtre n'est que de 440 mètres. Les chevaux allemands donnent-ils effectivement cette vitesse? Oui, très facilement. La soutien- dront-ils longtemps et sur de mauvais terrains? Cela est une autre question, et je n'ai aucune donnée pour y répondre d'une façon précise. Si, comme je l'ai dit, le modèle s'épaissit souvent, assez pour faire ressembler quelque- fois un est-prussien à un hanovrien (tel Banat, petit-fils de Paragon pur sang; gris, poids 580 kilogrammes, taille i m. 67, périmètre thoracique i m. 92, tour du canon 20,5); par contre, ce modèle s'allège aussi au point de donner à quelques-uns de ses chevaux un type très oriental, exemple : un des lauréats de Ham- bourg en 191 o, le très harmonieux Thronerhe^ au fameux éleveur Eb. von Zitzevitz (poids 532 kilogrammes, taille i m. 60, hauteur des A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 89 jambes o m. 84, périmètre i m. 88, tour du canon 19,5), et la petite-fille de Dandin, la très belle jument Bavaria, alezan doré, gracieuse et forte (poids 520 kilogrammes, taille i m. 53, tour tho- racique i m. 88, tour du canon 18,25), une vraie anglo-arabe pyrénéenne, le rayon de soleil de ce concours un peu terne. Mais la jument la plus appréciée à Hambourg dans la catégorie des est-prussiens était sûrement la forte et grande 'yivci^vXBastinella, petite-fille de i^//^//(C, pur sang (poids 725 kilos, taille i m. 69, tour de poitrine 2 m. 06, hauteur des jambes o m. 81, tour de canon 20,5), au même éleveur, forte bête, trapue, culottée, membrée, près de terre, bien d'aplomb, mais longue dans son dessus et lourde de tête et d'encolure (Prix d'honneur). Bien entendu, tout n'est pas parfait dans cet élevage où, même à l'Exposition, se remarquent encore beaucoup de chevaux disharmoniques et ordinairement membres. Un lot àe jeunes chevaux présenté par les remontes militaires méritait tous les compli- ments que des amateurs français adresseraient 90 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE à ceux de nos anglo-arabes dont la distinction, la membrure, la compacité attestent le bon élevage. Des issus du pur sang sont râblés, près de terre, tassés, parfois si râblés, comme deux ou trois nés en Schleswig (dépôt de re- monte de Mecklenhorst), qu'ils en étaient com- muns, n'étaient leur jolie attache de tête et leur œil. Les est-prussiens sont assurément plus distingués, tout en ayant autant de substance. Il n'y a, en Allemagne, qu'un seul régiment remonté exclusivement en hanowiens . C'est le i6^ dragons à Lunebourg. Il le fut, sur la de- mande d'un ancien colonel très ami de l'Empe- reur, et qui s'était porté garant que les chevaux de sa province valaient ceux de la Prusse. Dans les milieux cavaliers, on est aujourd'hui d'un avis opposé. J'ai noté, parmi les chevaux hanovriens expo- sés, quelques types remarquables comme Der- nïtza, fille du pur sang irlandais Delphos^ très belle jument de selle, possédant ampleur, éner- gie, grâce et force, allures et modèle presque irréprochables, type de hunter; ou encore Aja^ A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 91 petite-fille de Chauffeur pur sang (poids, 699 ki- logrammes; taille, I m. 70; périmètre thoracique, 2 m. 80; tour de canon, 21 centimètres). Énorme machine de très bon modèle, malgré une insuf- fisante encolure, etc., etc. ; par contre, j'ai noté dans la section hanovrienne beaucoup des modèles presque culturaux, noyés, sans grâce, sans brillant, sans encolure, mais avec de beaux membres, un beau massif antérieur, une belle culotte, de bons dos, un trot parfait, bien étendu. Malgré un modèle souvent commun et noyé, toujours de bons aplombs garantissant le che- val apte au galop, et, toujours, une croupe puissante et belle. Le port de queue est suf- fisant, sans exagération toutefois. Le gin- gembre est rigoureusement proscrit des con- cours, ainsi que la chambrière et le « ton- nerre » dans le chapeau. En somme, parmi les bons sujets hano- vriens, très peu sont vraiment distingués. La moyenne — et nous parlons des chevaux de tête — ressemble bien plus à des chevaux de harnais qu'à des chevaux de selle, et cela plutôt à cause de leurs formes noyées qu'à 92 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE cause de leur disposition squelettique qui est suffisante, au sens cavalier. Mais en dehors de ces bons chevaux, il nous a semblé que la plupart des hanovriens, assez lymphatiques de tempérament, malgré de belles origines (dé- pôt de Celle), étaient au point de vue cava- lier « pur » de bien médiocres chevaux, au dos mou, au garrot noyé, sous eux du devant, à la croupe parfois trop horizontale. La remonte militaire sait, cependant, faire un choix judi- cieux, car ceux que j'ai pu voir au 13'' uhlans, à Hanovre et à Potsdam, — et en traversant les cours des quartiers au moment du pansage retour de manœuvres, — m'ont fait l'effet de bons routiers, avec moins de sang sous la peau cependant que dans leur pedigree. Ils sont communs; leur membrure est inférieure à celle des trakehnen. Aussi se tarent-ils plus vite, comme bien des officiers me l'ont affirmé et comme j'ai pu le constater en comparant entre eux les chevaux de même âge des deux races. Et pourtant, leurs allures sont bien cavalières malgré cet aspect peu engageant! A Hambourg, les jeuneschevaux hanovriens, classés cuirassiers par le dépôt de Hunnesruck, A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 93 tous fils de demi-sang, étaient particulièrement noyés dans leurs lignes, — il est vrai qu'ils n'a- vaient que quatre ans, — d'un type plus postier que selle, mais forts, réguliers avec de très belles allures, cavalières toujours. En somme j les chevaux hanovriens m'ont paru, comme extérieur, inférieurs à nos anglo- normands. Cette infériorité s'accentue s'il s'agit des juments. Les princesses de l'élevage alle- mand qu'on a pu me présenter, soit à Dussel- dorf, soit à Hambourg, soit en divers haras, ne peuvent, surtout pas au point de vue fran- çais ni même anglais, je pense, supporter la comparaison avec nos juments anglo-nor- mandes de qualité. La supériorité de notre race anglo-normande comme carrossière est indiscutable; modèle, action, vitesse, coup de piston des postérieurs, tempérament, trempe, qualité, sont des points qu'on ne retrouve que très atténués dans la race hanovrienne, et en- core chez les sujets d'élite. Mais ce que pos- sède cette dernière race, par contre, n'est l'apanage que de très rares normands, je veux parler des bons aplombs et des allures éminem- ment cavalières. Au point de vue particulier de 94 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE l'aptitude galopeuse, nous ne pouvons opposer aux Allemands, en fait de chevaux type cuiras- siers ou dragons, que quelques trop rares en- core issus du pur sang et de la jument de demi-sang normande. On est donc forcé, pour conclure, de constater l'infériorité comme mo- dèle et allure de nos g7'0s chevaux de selle, sur ceux de nos voisins de l'Est, issus d'étalons spécialement sélectionnés à cet effet, si toute- fois nous mettons de côté le facteur qualité qu'il m'a été tout à fait impossible de doser en Allemagne. Quant aux juments qui, à première vue, sauf quelques rares sujets, m'ont paru manquer de distinction, de cachet, de sang en un mot, il faut se garder de se mettre trop, pour les juger, à notre point de vue français. Un Allemand très averti a répondu ainsi à mes critiques : « Presque toutes ces juments que vous voyez là ne sont pas des chevaux de selle, mais bien des poulinières pour faire des chevaux de selle avec l'étalon de demi-sang près du sang ou même de pur sang. Dans tous nos élevages nous voulons des juments fortes, profondes, larges, calmes^ avec cependant de la ligne et A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 95 assez d'origines pour ne pas être trop étran- gère au pur sang qui à l'occasion les saillira. Avec de telles juments nous pouvons tout faire : hunters, remontes de cavalerie, d'artil- lerie, carrossiers, selon le degré de sang de l'étalon Fortes et calmes, elles peuvent servir à l'agriculture. Chez vous, en France, presque toutes vos poulinières sont trop nobles, trop nerveuses, trop distinguées, trop légères. Vous, vous primez ce genre de poulinière comme si c'était un cheval de selle, oubliant qu'elle ne doit en être que la mère et c'est ainsi que vous allégez vos races quand vous les voulez près du sang. De plus, nous, nous vou- lons une cavalerie calme. » Voilà donc le point de vue allemand, ou du moins hanovrien, car il y a un large fossé entre celui-ci et l'élevage est-prussien. J'ai tenu à le citer, car il est fort raisonnable en théorie, bien que trop opti- miste, à notre avis. La lVestpkaliepresent3.it à Hambourg, outre ses chevaux de trait dont il sera parlé plus loin, des chevaux de demi-sang. Tous ceux que j'ai 96 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE pu voir avaient dans leur pedigree le pur sang très près des deux côtés. Certains sont tout à fait réussis, très forts, trop gras de cette graisse « arrondissante » et chère aux Allemands, — et, hélas! aussi à beaucoup trop de Français, — mais réguliers, équilibrés, trop baissés dans leur encolure par une mauvaise présentation mon- tée, ce qui désharmonise la bonne silhouette d'anglo-arabe limousin qu'ils possèdent parfois. Mais l'élevage westphalien s'efforce, en vain, m'a-t-il semblé, de suivre la formule de Celle. 11 y a trois ans à Dusseldorf les étalons du haras Warendorf m'ont paru communs et sans assez d'allure. he Holstein produit des demi-sang de type carrossier et aussi des chevaux qualifiés selle auxquels il ne manque pas d'amateurs. Pour un œil français, ils paraissent gros, ronds, lourds et épais. Certains ont de la figure, mais presque tous sont noyés dans leurs lignes; ils sont longs, avec une belle poitrine descendue, de beaux membres, de fortes articulations et les coudes au corps; têtes fortes mais proportion- A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 97 nées, croupes toujours puissantes et bien diri- gées, l'angle articulaire presque toujours bien ouvert, le trot tranquille et étendu; en somme, un type presque cultural comme volume, et réa- lisant ce que les gens peu difficiles appellent un hunter pour gros poids. D'autres, bien qu'un peu ouverts du devant, — cet excès est le propre des chevaux de trait, — sont plus cheval de selle, avec beaucoup de sang dans la tête, une poitrine parfaite, une croupe dis- tinguée et forte, de très beaux membres, de belles articulations bien descendues; mais le dos, qui manque souvent de soutien, ne se redresse un peu qu'à l'allure du trot, brillante et étendue, presque à extension soutenue; tel se présente Ruhezahl, petit -fils de pur sang arabe par le père, Amurath (Celle), dont un autre produit, Carmen, est tout à fait remarquable. Des holsteinois anglo-arabes ont été présentés en paire. J'en ai pu voir de très importants, du type à peu près qu'Alfred de Dreux donnait jadis à ses hypothétiques anglo-normands. Ils étaient présentés à une allure pompeuse, encore plus agaçante en sa prudente lenteur que l'extrême vitesse qui 7 98 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE désunit l'allure de nos présentations françaises. La production holsteinoise, la plus nom- breuse, exception faite de quelques sujets de choix, ne se réclame pas de la noblesse anglo- arabe. Elle est, en somme, papiers en main, plutôt loin du sang, sans lignes, du type bou- diné de nos bourdons dont se contentait jus- qu'à présent notre artillerie. Nous voyons dans les rues de Paris trotter des gardes républicains sur des « saucissons » assez semblables à ceux que j'ai vus à Hambourg dans cette catégorie. On pourrait surnommer les Frisons de la Frise orientale les hackneys de l'Allemagne. Ils sont, dans la bonne production, substan- tiels et bien membres, assez spécieux de mo- dèle et d'allures, mais sans garrot, sans rigidité suffisante dans leur dessus. Ils tournent vite au postier très ordinaire, épais, commun, vian- deux, à abdomen volumineux, au mauvais des- sus, mais assez bien membres, et assez bril- lants dans leurs gestes, carrés dans leurs allures, et même vites, relativement, étant donnés leur volume, leur lymphatisme et la A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 99 façon déplorable dont ils sont présentés par leurs palefreniers; ces derniers, d'ailleurs, fort médiocres « montreurs » dans toutes les classes de VA ustellung. Le lot des hrandehourgeois (demi-sang car- rossiers) était composé de très grands et gros carrossiers aussi forts, presque, que des per- cherons, réguliers dans leur modèle, souvent avec beaucoup de chef, de noblesse, de tenue, des membres suffisants, avec des allures belles et étendues. Et bien que ces brandebourgeois n'aient aucune prétention au service de selle, aucun d'eux n'était éloigné dans ses jarrets. J'en ai vu quelques-uns de très bien membres, mais cette bonne note est loin d'être générale- ment méritée. Quelques produits du pur sang et de juments « attelage-noble » attiraient l'attention des con- naisseurs par l'harmonie et le sérieux de leur modèle. Les favoris de la mode, et par conséquent des jurys, sont les carrossiers oldenhourgeois. 100 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE Il y en a de deux catégories, poids moyens et poids lourds. Leur taille varie entre i m. 62 et I m. 70. Ce sont des animaux très loin du sang dont les individus réussis impressionnent par la majesté avec laquelle ils font progresser leur masse à des allures, à vrai dire, plutôt lentes, au trot bien développé en étendue plutôt qu'en hauteur. Leur encolure sort de façon distin- guée. Les articulations descendues, fortes, accompagnent une membrure très suffisante, parfois même très belle. Voici un poids lourd, Ewald (i m. 67), extrêmement membre, court, régulier, distingué dans sa force, un type de grand et gros postier plus distingué, plus noble que nos bretons. Voici encore Kuno^ du poids de 800 kilogrammes, trop long, au dos creux, mais membre près de terre malgré sa taille de i m. 71. Il paraît que les Américains ont payé cer- tains de ces étalons jusqu'à 32 000 marks. Nous n'avons pas idée en France de tels ani- maux. A quoi les emploierions-nous, d'ail- leurs? J'ajoute que les mieux réussis sont juste- ment les plus légers, ceux dits de voiture demi- A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE loi lourds. Ils ont le type, en beaucoup plus fort, de nos anglo-normands format dragons. Ce qui précède s'applique aux individus réus- sis. Mais quand ils ne le sont pas, on peut les qualifier d'affreux, voire d'ignobles : longs sau- cissons, à garrot noyé, à épaule droite, à l'aspect commun et très lymphatique..., en un mot de type cultural médiocre, ni trait ni carrossier. S'ils ont un peu d'action, on peut les classer dans le troupeau où les riches banquiers juifs achètent les lugubres équidés qui les traîneront Unter d. Linden ou, à Paris, au Bois de Bou- logne. Je me souviens avoir trouvé à Dusseldorf, en 1907, des oldenbourgeois artilleurs, remar- quables par leur manque d'encolure, leur gar- rot gras, et leurs lignes noyées. Les uns eussent bien fait aux brancards d'un lourd coupé de louage, les autres, extrêmement épais, au timon d'un gros camion. Mais tous trottaient légère- ment et étendu... Le grand- duché de Mecklemhoiu'g-Schwerin a la spécialité d'énormes carrossiers, dont les 102 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE sujets VUS à V Ausstellung étaient très épais, membres, près de terre, à jarrets droits, mais en somme distingués, malgré leur garrot noyé, leur dessus mou, une croupe souvent horizon- tale, mais forte et puissante. Leur tête, assez volumineuse mais « sculptée », a parfois des rappels d'arabe extraordinaires. Tous les éta- lons envoyés à Hambourg par le dépôt de Re- defin sont d'origine hanovrienne, comme tous les chevaux mecklembourgeois modernes. Le vieux type mecklembourgeois est, en effet, tout à fait disparu. La livrée du Grossherzoglich Mecklemhoitrg schwerinsche Landgestût (bleu ciel, parements amarante et or, culotte blanche et bottes chan- tilly, chapeau haut à grande cocarde) présente ses chevaux enrênés à fond à un _large surfaix blanc. Ils passent au pas, au trot, un beau trot long... Certains passagent, même, naturelle- ment. Mais beaucoup sont vraiment trop cultu- raux. Et je songeais en voyant trotter le très beau carrossier de gala Johannès, qu'en France, ses éleveurs l'eussent imposé aux remontes mili- taires comme cuirassier, tête peut-être ! En A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 103 Allemagne, bien qu'élève d'un duc, ce cheval est classé dans la catégorie carrossière, sans plus, ce qui est bien sa place. La bande des traits helges-i'hénans réunit toute la gamme des ardennais que nous pou- vons voir au Concours annuel des reproduc- teurs à Paris. Il y a des petits et des gros belges-rhénans. On m'assure que, pour qu'un produit ait ici quelque valeur en service, il faut encore qu'un de ses deux ascendants directs soit un importé. Les belges-rhénans de taille moyenne sont utilisés dans l'artillerie lourde; nous aurons l'occasion d'en reparler. Mais j'ai pu constater, à Hambourg, beaucoup de robes alezanes à crins lavés, beaucoup de genoux renvoyés, de dos longs et mous, de têtes trop fortes, char- gées de viande... Le belge-westphalieii , d'après la montre de Hambourg, serait moins viandard, moins com- mun que le belge-rhénan. Il est bien culotté et 104 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE gigoté, mais son encolure se greffe moins bien que chez nos ardennais français. Pour faire des chevaux de trait, dans le Hol- stein comme en Saxe et en Poméranie, on em- ploie volontiers l'étalon anglais, le shire, qui, généralement, produit long, boudiné, peu ré- gulier et transmet, m'a assuré un gros éleveur, le vice de mordre (?). Les trait Schleswïg (Holstein) de VAiistel- lung, tous plus ou moins près du belge, m'ont paru très empâtés, décousus, communs. Plu- sieurs d'entre eux furent présentés attelés à des carrioles et garnis de harnais presque aussi légers que des harnais de course, ce qui ne manquait pas d'être assez ridicule. C'étaient d'ailleurs de très médiocres carrioleurs cultu- raux, de tailles diverses mais avec d'énormes têtes. Fait à remarquer, ils étaient conduits en filet, allongeant au moindre petit sifflement. Pas un coup de fouet d'ailleurs dans VAttstel- lung. Quelles leçons y prendraient nos éleveurs de demi-sang et de trait! A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 105 %= ^ # L'élite de la production allemande vient donc de défiler sous nos yeux. En ce qui concerne les chevaux d'attelage et les chevaux de trait, nous pouvons affirmer que nos chevaux fran- çais sont nettement supérieurs à ceux de nos voisins, du moins pour les services que nous autres, Français, exigerions d'eux. Si les Alle- mands possèdent des belges-rhénans ou west- phaliens assez comparables à nos ardennais comme modèle, utilisation et origine, ils ne peuvent montrer un seul cheval semblable à un percheron, à un boulonnais ou à un trait breton, chevaux de trait ayant cependant du sang plein la peau, un seul cheval comparable aussi à un vrai shire ou à un clydesdale. D'autre part, si le carrossier de gala peut encore se rencontreroutre-Rhin, le bon cheval de service, le trotteur attelé, le routier de qua- lité m'a paru faire défaut. Le hanovrien harnais me semble inférieur à notre anglo-normand; le trakehnen et Test-prussien, classés attelage, sont bien plutôt de grands et forts chevaux de io6 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE selle attelés que de véritables carrossiers. D'ailleurs, est-prussiens et hanovriens sont considérés par les Allemands comme excel- lents de service — lorsqu'ils ont le volume suffisant — dans les brancards ou au timon. Ils conviennent tout à fait à leurs employeurs, lesquels n'ont aucune envie de les remplacer par des importations étrangères. Les mensurations de ce tableau concernant à peu près toutes les races allemandes, donyieront des indications relatives à la Tnoyenyie des chevaux prim.és en tête dans les concours. Une partie de ces chiffres est empru7itée à l'ouvrage du D^ von Nathusius, les autres proviennent du Catalogue général du concours de Hambourg (içio). PAYS d'origixe NOMS o < Agée 3 II A(jce 3 9 Agé Agé Agé 8 3 Agé Agé Agée Agée o p-, 520 522 725 2 580 669 > > > 800 564 520 583 750 725 733 H j 1 D M D ^ X Q 79,5 84 81 89 89 88 87 87 86 83 86 82,5 83 795 81,5 Ci s w 0 188 188 206 193 192 208 161 161 198 212 194 190 197 206 200 206 0 " Trakehnen . Bavaria, petite-fille de pur sang 153 18,25 Trakehnen . 7'gTo/)ré'6e, entier, pe- tit-fils de pur 160 20,5 Trakehnen . Bastinella 169 20,5 Est-Prusse . Maie, jument 162 19,5 Ouesi-Prusse . Banat, petit-fils de pur sang 167 20,5 Hano\re . . , Aja. petite-fille de pur sang par père ) et mère . . 170,5 21 Hongrois.. . Roland, gris, à l'Em- pereur 164 20,5 ( Trakehnen . \lnsperteur, h l'Em- 162 19,75 Beberbeck. . 161 20,5 Oldeiibounj . . Kuno . . 166 23 Holstein . . . X 160 19,5 Braiiiieliourg. . Meckleaibounj. Ordonnance 160 20 Ella 162.5 19,75 Danois 163 24 Schleswig. . i Belges Sophia 160 24 Rhénans. . . Shire Baronesse(Sa-x.e).. . . 164 ij CHAPITRE IV HAMBOURG LE CARROUSEL ET LE CONCOURS HIPPIQUE Mais voici une marche guerrière... Le public frémit d'impatience et d'enthousiasme pré- ventif car, à tous les grands concours agri- coles, on voit parader un peloton des corps de cavalerie les plus voisins et quatre pièces d'artillerie attelée. Cette année, la cavalerie se composait de dra- gons et de hussards. Leurs chevaux étaient des est-prussiens, tous fils de demi-sang, très près du sang; compacts, un peu longs, faits en anglo-arabes avec de jolies têtes, et les points de force très remarquables que j'ai signalés, au cours de cette étude, comme propres à cette race. J'ajouterai à ces qualités une harmonicité, un équilibre tels que, tout à l'heure, la longue reprise au trot se fera à un trot d'école ca- îio A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE dencé, très voisin du trot à extension sou- tenu... Seul un cheval mecklembourgeois se fait remarquer parmi ces jolis chevaux de selle, par son modèle un peu noyé, bien que très régulier. Il y a trois ans, à Dusseldorf, les chevaux des hussards de Crefeld ressemblaient curieuse- ment à nos anglo-arabes, mais en plus épais, en moins racing-like et avec des têtes assez fortes. Cette année, ceux des 15*" et 16^ hussards m'ont semblé plus ragots, plus roulés; les croupes toujours remarquables, la poitrine pro- fonde, les membres bons; mais si le rein est fort, le dos est très souvent plongé. Même remarque pour les chevaux des 17' et 18' dra- gons, car, en Allemagne, les dragons comptent comme légère. Les hommes — qu'on doit féliciter de leur science équestre — s'avancent au pas cadencé, les rênes de bride tendues. Leurs doigts ne se desserreront pas et les encolures resteront rouées. Mais les chevaux mâchent leur mors et sont libres dans leurs mouvements. C'est que leurs cavaliers, — dont beaucoup sont sous-officiers, — droits sur leur selle, même A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE m trop penchés en avant, portent leurs jambes iixes très en arrière et s'en servent. Cette tenue de manège, très guindée d'aspect, est aussi celle des officiers. Les chevaux sont très bien dressés et, au commandement bref, aboyé sur un ton de fausset qui m'a paru être le suprême du chic, ils évo- luent en diverses figures très simples, mais par- faitement dessinées. Le galop est facile, trop ralenti, aux sons d'une traînante musique de cirque. Le galop allongé manque de perçant. On sent que la haute école, en Allemagne, est un but et non un moyen. Alors qu'en France, on applaudit surtout le perçant naturel et l'équilibre, qui lui convient le mieux, en Alle- magne, il n'est pas rare de lire cette critique dans le rendu compte d'une reprise quelconque : Manche isoohl etwas zu sehr auf der Hand^ imd su wenig aitf die Hinterhand gearbeùet. (Che- val trop sur la main et pas assez assis.) A ce propos, quelqu'un de très bien informé m'a raconté que les Allemands avertis, s'ils n'ignorent pas que leurs chevaux si bien nés manquent de sang, savent aussi que leurs cavaliers manquent de perçant. Leurs offi- 112 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE ciers sont allés visiter, à Saumur, notre école de cavalerie. Cette école, en effet, malgré les efforts de quelques bluffeurs de l'équita- tion internationale dite de concours hippique, a conservé tout son prestige. A Saumur, les Allemands ont admiré l'allant de nos jeunes gens, le galop gaillard qui leur est familier, naturel même à l'extérieur. Naturellemen*t, les observateurs étrangers ont voulu remonter de l'effet aux causes, des élèves aux maîtres. Ils ont vu nos écuyers, en leurs classiques séances de haute école, haute école qui est à l'équita- tion ce que excercices de solfège sont à la mu- sique instrumentale. Mais ce qui pour les écuyers français n'est qu'un moyen expérimen- tal d'apprendre le mécanisme secret et com- pliqué de la locomotion, a été pris par les Alle- mands comme le but final de l'équitation même et comme la cause de nos succès cavaliers. Et, déjà très portés par tempérament à pratiquer l'équitation renfermée, ils se sont mis à la ren- fermer davantage encore. Puissent-ils rester longtemps dans cette erreur qui les met vis- à-vis de nous en état d'infériorité et compense sans doute la supériorité possible de leurs che- A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 113 vaux de troupe sur nos anglo-normands mili- taires ! Ce n'est pas avec de tels errements, même en décrétant la vitesse de leur galop à 550 mètres à la minute, qu'ils prendront jamais l'habitude des galops gaillards des Lignères, des Galliffet, des Bellegarde... Quand il y a trois ans j'ai visité l'école de cavalerie de Hanovre, même là le manque de perçant des chevaux et des hommes m'a frappé. Je sais, par de récents visiteurs, que ce défaut ne s'est pas atténué, au contraire. Mais peut-être mon tempérament français me fait-il appeler mollesse ce qui n'est que le calme nécessaire au cheval d'armes, calme qui fait un peu défaut à certaines de nos remontes, surtout en garnison. Des attelages d'artillerie se sont aussi « dégagés » au carrousel. En 1907, à Dusseldorf^ les canons et les caissons étaient peints en gros bleu, teinte bien peu plaisante. J'avais trouvé les attelages de l'artillerie de campagne trop grands, mais d'un type absolument remarquable. Mon cicérone me les avait certifiés hanovriens. Ils étaient forts osseux et distingués dans leur modèle, 8 114 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE suffisants dans leur membrure, irréprochables dans leur dessus, trottant allongé, galopant parfaitement. Sages et dociles, ces attelages paraissaient bien plus cavaliers d'allures que ceux des hussards de Crefeld, car ils n'étaient pas, comme ces derniers, mis en dedans de la main par une équitation trop renfermée. Les chevaux des sous-officiers eussent presque mérité la qualification de chevaux de tête. Assurément, toute l'artillerie allemande est très loin d'être remontée comme ces pièces d'exposition. Mais ces échantillons prouvent que les Allemands savent comment on doit se remonter et il n'est pas permis de douter que, grâce à la volonté unique et persistante qui régit l'Empire entier, il n'arrive un temps où cette bonne remonte soit généralisée. A Berlin, j'ai eu l'occasion de voir défiler un régiment à! artillerie de la Garde. Tous ses che- vaux avaient du modèle, du sang, trop de taille, selon la théorie — je ne dis pas la pratique — française, et de la distinction dans la tête. Les officiers très bien remontés. Je note, en pas- sant, leurs étriers extraordinairement courts. Cette année, à Hambourg, l'une des pièces A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 115 était attelée de grands chevaux noirs du Schleswig-Holstein, de tailles trop diverses, depuis I m. 56 jusqu'à i m. 68, mais de modèle, à première vue, assez plaisant, et pas bourdon du tout. Longilignes, trop longilignes plutôt, parfois décousus ; moyennement mais point mal membres. Allures, au trot, étendues et rasantes, au galop, trop rondes et relevées comme celles de vrais carrossiers, chose rare en Allemagne. Avant que j'eusse formulé la moindre appréciation, mon voisin, un vétéri- naire civil du Schleswig, m'expliquait qu'on était bien obligé, même en Allemagne, pour « flatter les éleveurs régionaux », de moins bien atteler quelques régiments, que d'ailleurs le cheval d'artillerie était rare et qu'il le devien- drait beaucoup plus... Mon interlocuteur était un sage. Une autre pièce était attelée de schleswigs aussi, bais, mais de même taille et de même pied entre eux. Ils produisaient, à tous points de vue, une meilleure impression profession- nelle. Quelques huit de chiffre au trot et au galop, aux sons de la lénifiante musique — pas de ii6 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE mise en batterie — et l'artillerie de campagne disparut au galop allongé sous un tonnerre d'applaudissements. Mais malgré ces bravos, l'artillerie allemande, du moins celle que j'ai pu voir aux concours de 1907 et 1910, ne peut se comparer à la nôtre quant à la gaîté, à la vitesse, au brio, à la furia brutale; même en admettant que nos chevaux fussent inférieurs aux leurs, nos hommes, du moins, et leurs cadres sont autrement lestes, dégagés, perçants... Deux pièces de grosse artillerie se présen- tèrent ensuite, traînées, l'une par des belges- rhénans, l'autre par des schleswigs-holsteinois lourds. Les premiers, alezan clair, de i m. 60 en moyenne, très roulés, râblés, trop gras, trop épais, trottaient cependant avec facilité. Les seconds, beaucoup plus communs, moins régu- liers, plus décousus dans leur modèle, plus bi- dets indigènes, plus « qualitueux » peut-être, se sont montrés, de plus, beaucoup plus déga- gés dans leurs allures. Je comparerais volon- tier ces schleswigs-holsteinois à nos trop rares trait lorrains et les rhénans à de petits arden- nais-belges. A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 117 Le Concours agricole comprenait encore un CONCOURS HIPPIQUE organisé par le Polo- Club hambourgeois, lequel est, paraît-il, très florissant. Mais il ne faudrait pas s'imaginer que ce concours hippique pût être comparé même à l'un de nos moindres concours de province. Celui que j'ai vu à Hambourg était plutôt mi- nable ; il faut dire qu'une pluie diluvienne avait tout contrarié et que les opérations des jurys de selle, de voiture et d'obstacles eurent lieu dans de véritables fondrières. Je n'en décrirai pas par le menu toutes les opérations et me contenterai de transcrire ici les impressions notées au fur et à mesure sur mon calepin... La note dominante de ces épreuves était, comme toujours, le manque absolu d'allant naturel commun à toutes les classes de che- vaux, — selle et attelage, — manque d'allant encore augmenté par la préoccupation cons- ii8 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE tante du rassembler'entrele mors et l'éperon, et par l'ignorance absolue — du moins on le croi- rait — de ce galop détendu cher aux Anglais et aux Français, et inné chez tous les chevaux de sang qui « en veulent toujours »; tandis que les chevaux allemands — on le dirait à les voir, et cela revient dans mon étude comme un leitmo- tiv — n'ont qu'une envie, celle de ralentir et de s'arrêter, pour peu que l'action des jambes de leur cavalier vienne à cesser. Je sais bien qu'il y a en France une école — peu nombreuse heureusement — qui préconise un tel dressage et souhaite à ses chevaux un tel tempérament. Il n'est heureusement pas le cas des cavaliers entreprenants civils ou militaires que soutient et anime le génie de la race. Symptôme caractéristique, en plusieurs gar- nisons allemandes, j'ai vu de jeunes et brillants officiers que me désignait leur colonel comme des cavaliers accomplis, monter à l'entraîne- ment leur pur sang sur le mors de bride tout comme le font les sportsmen (?) argentins ! On voit d'ici ce que, avec de telles habitudes, doit être, de l'autre côté du Rhin, une présentation de concours hippique. A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 119 Je ne dirai que peu de chose des épreuves d'obstacles. Le saut, en Allemagne, n'a, la plu- part du temps, aucun rapport avec ce qu'une longue pratique, une organisation sérieuse de concours d'obstacles, un entraînement rationnel sur des chevaux très bons sauteurs, l'émulation, un tempérament plus « chaud », ont donné aux Français, aux Belges, aux Italiens ; je veux dire une méthode qui, modifiée selon les caractères propres de chacun de ces peuples et enseignée à Saumur, Ypres, Tor di Quinto, a, comme base, la préoccupation, la nécessité de ne gêner en rien le cheval au saut, ni par la main, ni par le poids de l'homme. Cette préoccupation, en Italie et en Belgique, va même jusqu'à sacrifier la position. En Allemagne, rien de semblable. Les cavaliers ont tous l'air de monter à l'ordon- nance de 1860 et à la parade, sous l'œil sévère d'un inspecteur général très vieux jeu... et l'on peut voir des officiers, et même des dames, pré- senter leurs chevaux, devant un pourtant peu impressionnant jury de concours, au trot assis, avec la conduite à une main, l'autre main pen- dant en arrière de la cuisse. Car de nombreuses dames, et de meilleure société, des femmes d'of- 120 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE ficiers présentent elles-mêmes leurs chevaux. Les femmes, en effet, montent beaucoup à cheval, beaucoup plus que chez nous, vénerie mise à part, bien que depuis quelque temps il semble que nos Françaises reprennent goût à l'équitation. La position de l'amazone allemande est bonne; elle est assise. Mais son équitation, qui frise celle de cirque, est encore plus renfermée que celle de son époux. L'une de ces dames montait un beau pur sang alezan à encolure rouée comme un hippo- campe, qui ne savait, ou ne voulait faire, ce jour- là, que du passage. Elle eut le premier prix! Toutes les autres s'efforçaient à faire passager leurs « irlandais », sortes de roadters gros et gras à lard. Et, toujours, cette tenue de rênes à une main, l'autre pendante et tenant, à la Julia de Trécœur, une cravache de haute fantaisie ! Les habits de cheval des amazones étaient fort variés de couleur et de coupe. Il y en avait de toutes les époques, spencers à boutons d'or, vestes à petites basques, redingotes modernes, cols droits ou cravates épinglées d'un gros bijou saïtapharnesque, tout petits chapeaux YuBELGREis, étalon demi-sang Neustadt, petit-fils de Chaînant, pur sang (88 pour loo d'anglais) Titus, étalon demi-sang Neustadt, petit-fils de pur sang. A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 121 melons ou très grands de bords dont un relevé sur le côté à la mousquetaire. Mais, si quelques- unes devançaient la mode dans l'anglomanie, d'autres semblaient la mépriser fort, ou bien, très bon enfant d'aspect, ne s'en soucier aucu- nement. Mais soyons justes envers elles, toutes restaient dans le fond de leur selle, même au saut, très sagement exécuté parleurs montures, bien d'aplomb, les bras fixes, les poignets souples, très compréhensives de leurs chevaux. Combien de Françaises et même d'Anglaises pourraient en dire autant, les unes et les autres fort entreprenantes, très « sport », mais empi- riques et incapables du moindre dressage? Leurs selles — presque toutes posées trop en avant — présentaient aussi des modèles bien divers. Plusieurs, recouvertes de peau de daim pour augmenter l'adhérence, reposaient sur des tapis de feutre en schabraque, bleus ou blancs, parfois agrémentés d'énormes couronnes héral- diques, car l'Allemagne est un pays oii fleurit facilement la couronne géante. Aperçu plu- sieurs dames à califourchon, ce qui n'est vrai- ment pratique et seyant que pour les maigres. Elles ne l'étaient point toutes. 122 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE Des officiers, à leur tour, présentèrent leurs chevaux en selle d'armes ou en selle anglaise, cette dernière presque toujours à forts bourre- lets, sur tapis carrés en feutre ou drap de couleur. Les chevaux de quelques-uns sont embouchés d'un immense mors de bride aux branches en S, destiné à contenir des animaux parfois plutôt légers et dont aucun, certes, ne paraissait avoir grande envie de s'échapper. Le cheval allemand, en effet, semble être partout tout à fait bien disposé à l'égard de son cava- lier. Celui-ci, officier ou civil, le lui rend bien. Il est doux avec lui et ce qu'il en exige, il le lui demande toujours d'une façon raisonnable et raisonnée, d'après les règles étudiées et bien comprises d'une équitation savante dont cer- tains détails peuvent être critiqués et surtout les tendances, mais qu'on ignore absolument en Angleterre, et qu'il serait heureux de ne pas voir tout à fait abandonner en France, du moins par ceux qui ont mission d'instruire les jeunes cavaliers en équitation courante. Cette science équestre est une base bien utile, et plus d'un qui était « parti » sans vouloir s'y initier,, y est revenu apprendre le pourquoi et le com- A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 123 ment des choses, que la simple pratique ne lui avait pas révélés. Le jour où les cavaliers allemands fréquenteront nos concours hip- piques, nos raids internationaux, le jour où leur but ne sera plus le trot à extension soute- nue ou la demi-pirouette, le jour où ils décro- cheront la gourmette de leurs mors, le jour où ils auront des chevaux maigres, ce jour-là ils monteront parfaitement bien à cheval. Mais toutes ces conditions-là, leur tempérament froid, compassé et ratiocineur d'homme du Nord et de Germain pourra-t-il jamais les remplir?... Je viens de lire un ouvrage très intéressant, Springrûfungen u. gelanderttte , par le lieutenant von Maercken zu Geerath, où est constatée l'infériorité allemande et autrichienne en équitation d'obstacles et d'extérieur; notre supériorité y est également et très loyalement reconnue. Les jeunes officiers allemands com- mencent à étudier nos méthodes et puisqu'ils reconnaissent leurs erreurs, tout fait supposer qu'ils les corrigeront facilement. Maisil faut qu'on lesache, c'est notre méthode classique de Saumur, au saut, qui fait, à l'étran- ger, qu'on nous admire, et non l'équitation quas 124 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE simiesque, qui, sous prétexte de modernité, sert aux trop subits « parvenus de l'équitation » à cacher leur ignorance et leur manque d'assiette . En attendant, les Allemands montent les jambes tendues en arrière par des étriers très courts, la cuisse bien descendue, les fesses en portemanteau; aussi, au trot, sont-ils forcés de s'enlever du bassin et non de la cheville et du genou. Par contre, ils ont bonne tenue par- tout, ce qu'une équitation seulement sportive ne garantit toujours pas, hélas! Je remarque un élégant ofhcier de hussards, à l'uniforme très dix-huitième siècle. Sa bride est brodée à l'orientale depetits coquillages sur cuir verni noir, ainsi que la martingale et le poitrail, tout cela du plus joli effet. L'officier, jeune mais déjà un peu gras, « un peu noyé », comme ses camarades, porte, comme eux, la moustache taillée en brosse à ongles — ce qui est la grande mode actuelle, mode que doivent maudire les gretchen sentimentales aux joues si tendres. Les cheveux sont portés très ras, tondus « au rose » , et la haute casquette enfoncée jusqu'aux oreilles, ce qui ne laisse visible qu'un petit morceau de figure. Aspect peu esthétique, sur- A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 125 tout lorsque la boule crânienne est supportée par un haut col de couleur et montant jusqu'aux oreilles partant de très bas, à cause d'un cou trop court. D'autres ofEciers, selon l'arme, montent en redingote foncée ou grise, fort décorative à pied, mais trop collante pour bien tomber de chaque côté de la selle et malséante aux allures vives. Voir flotter au vent les pans d'une redin- gote militaire retroussée, alors que son proprié- taire s'emploie, avec la monte à l'américaine, à franchir les obstacles d'un steeple, est un spec- tacle peu sportif et d'ailleurs inesthétique. La plupart des officiers se plaignent fort de ce vêtement incommode qui n'a de riding-coat que le nom. Mais la redingote du professeur demeu- rera, car elle constitue un des caractères eth- niques de la race. A Cassel, j'ai vu, à un enter- rement, une société de tir dont les hommes, armés de fusils, portaient comme uniforme une redingote noire et un chapeau haut de forme ! Après les cavaliers militaires, il convient de citer les cavaliers civils, les écuyers. Ce mot vient naturellement sous ma plume pour quali- fier au plus près les personnages en redingotes 126 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE professorales, bien collantes sur des culottes bouffantes et parfois de haute fantaisie dans leurs teintes et dispositions, comme disent les tailleurs. Ces jeunes hommes, à la santé florissante, montent de bons chevaux bien en chair, ronds, mais toujours régulièrement bâtis pour la selle et dont les allures sont excellentes. Quelques détails amusants de tenue : ici, à un assez beau cheval on a tressé la crinière avec des rubans roses et arrêté chaque tresse avec une rose rose, en papier, je crois, et encore deux grosses roses roses au frontail! Là, un domestique présente un assez joli trakehnen, plein de sang, d'un pur type oriental, extrêmement cheval de cirque dans ses manières. L'homme, habillé d'une redingote bleue à retroussis rouges, à lourdes pattes d'épaule et fourragère d'or, culotte blan- che, chapeau haut en poil de lapin, largement galonné et cocarde d'or : un vrai type de domes- tique du célèbre lord Seymour. Il chevauche un étalon sortant d'un élevage princier quel- conque et le monte très bien. L'équitation des civils s'efforce vers la haute école. Et même, ceux d'entre eux qui fran- A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 127 chissent les obstacles en usent assez convena- blement grâce aux principes indiqués dans le livre de Fillis, assez en honneur ici. Tout se passe avec accompagnement de mu- sique de cirque sur laquelle les cavaliers règlent leur cadence et qui force les chevaux à gam- biller, à trottiner, à galopailler rassemblé, avec des voltes « dans une assiette ». On attend M. Loyal ou M. Franconi, M. Mollier ou M. Rentz avec leur chambrière... La musique accélère, les chevaux allongent l'allure. On applaudit à tout rompre. Mais, vite, les poignets se ferment sur les rênes de bride et revoilà toute la reprise aux allures traînantes. C'est fini, à une autre classe... ' Un petit lad de quatorze ans saute sur un cheval pour l'emmener. Tout de suite, il met ses jambes en arrière, ses fesses en porte- manteau, se penche en avant, tire sur le mors de bride et part au trot espagnol sous le regard satisfait de son maître, un officier fort élégant. Il y a un grand et continu désordre dans toutes ces présentations. Tous les animaux 128 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE sont si sages, calmes et doux à l'homme, que malgré le pêle-mêle qui les groupe au hasard comme des moutons attendant leur tour d'abattoir, jamais une ruade ni un traître coup de pied. Les étalons eux-mêmes sont très facilement maniables. Même aux écuries de l'Empereur, les carrossiers entiers, pour- tant bien nourris à l'avoine, sont très indif- férents aux vraies ou fausses tentations de ce monde! A VAicsstelhcng^ jamais on n'en- tend cette belle musique du Concours des reproducteurs de Paris, cette belle musique que fait l'étalon, hennissant en l'honneur des juments, prudemment séparées de lui cepen- dant par toute la largeur de la Galerie des Machines! * * * Je n'ai pas eu le courage, je l'avoue, d'as- sister à toutes les séances de ce concours hip- pide. Hambourg offre d'autres attractions. Ce jour-là, il est encore de bonne heure. Je saute dans un tram qui m'emmène à travers les fau- bourgs. Un agent de la police montée che- A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 129 vauche un hanovrien assez rond, mais doté d'une certaine branche et d'une belle tenue. Il l'exploite au grand trot avec une précision telle que l'animal nage avec extension soutenue. Cet ancien sous-officier sait, lui aussi, sonéqui- tation. La majorité de nos gardes républicains en sauraient-ils autant? Sûrement non. Au bout d'une demi-heure, je suis chez Hagenbeck, le fameux marchand d'animaux sauvages. Voici le « paradis des bêtes », où les plus féroces semblent, dit le programme, vaguer en liberté. Il faut déchanter. Cette organisation constitue le plus beau bluff qu'il soit donné de contempler en Allemagne. Par compensation, j'ai pu admirer un beau spécimen du fameux cheval sauvage de Prezwalski. On sait que ce cheval sauvage, découvert il n'y a pas très longtemps, erre dans les plaines de la Dzoungarie mongolique, dans le Turkes- tan chinois, par troupes d'une vingtaine d'indi- vidus très difficiles à approcher. On prétend qu'ils' sont les derniers représentants du che- val préhistorique dit de Solutré, et nommé par les savants equits caballus feras. 9 I30 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE L'échantillon d'Hagenbeck est gras, — révé- rence parler, comme un moine, — ce qui lui ôte toute silhouette de sauvage buveur d'air. C^est un animal de i m. 40 environ, très régu- lier, très membre, avec une crinière courte et droite, une grosse tête, un front large, du coffre, une épaule droite, un bras horizontal, un dos soutenu, une croupe forte, en somme un par- fait cheval de bat. Beaucoup de chevaux chi- nois que j'ai pu voir et même monter au Tonkin vers 1884 lui ressemblaient un peu. Ce prezwalski, tandis que j'essaye de le pho- tographier, se promène de long en large avec le doux entêtement de l'ours en cage... CHAPITRE V LE MARSTALL OU LES ÉCURIES DE S. M. l'empereur Quand avant d'aller visiter les écuries impé- riales, je demandai à mes correspondants alle- mands de m'envoyer des documents à étudier préalablement afin que je pusse éviter de poser d'oiseuses questions à d'aimables cicérones, il me fut répondu qu'il n'y avait rien d'écrit sur la question, vu que, trop souvent, ce qui était tout près de l'observateur n'excitait pas sa curiosité. Le fait est que la bibliographie sur le Marstall est fort rare; j'en regrette davantage la brièveté de mes notes personnelles... Il y a trois ans, le très courtois accueil du Vice Oherstallmeister Freiher von Esebeck et les compétentes explications de M. le vétéri- naire militaire D' Goldbeck, auteur de tant de livres si appréciés, me permirent une documen- 132 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE tation que je pus augmenter en 1910, grâce aux indications du lieutenant prince ^von Thurn u. Taxis pour les chevaux d'attelage et du capitaine Graf Westphallen pour les chevaux de selle. Car ces deux officiers, détachés de leurs corps, sont sous les ordres du lieutenant- colonel vice-grand écuyer von Esebeck, lequel lui-même a comme supérieur à la cour \Oher- stallmeister (grand écuyer) baron von Reichach. Seuls, les trois premiers officiers s'occupent effectivement du Marstall et assurent un ser- vice plutôt compliqué. Ce service est assez dur pour le personnel du Marstall, car les chevaux ne « moisissent » pas à l'écurie. On s'en sert sans plus de ména- gements que de vulgaires fiacres. Ils ne s'en portent que mieux d'ailleurs, bien que beau- coup soient fatigués dans leurs boulets. Une cinquantaine de voitures sortent tous les jours pour les services de la cour. Si les chevaux travaillent, les cochers en font autant. 11 n'y a point de sinécures au Marstall. Chaque cocher a sa paire de chevaux à panser et à exercer. Il lave sa voiture et fait ses harnais. Quatre paires de chevaux forment un Zug dont le plus ancien A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 133 cocher est le chef. A chaque Zug est adjoint un aide. Le tout est dirigé par huit Wagen- meister. Les deux capitaines, prince von Thurn u. Taxis et Graf Westphallen, paraissent avoir, sous l'autorité du colonel v. Esebeck, une ini- tiative dont ils usent avec intelligence et un grand dévouement. Cette initiative doit être cependant limitée par un budget calculé, m'a- t-il semblé, à la manière dont usait le Grand Frederick. Sans entrer en des détails statistiques précis, je dirai que les écuries de l'Empereur contiennent environ 300 chevaux, dont 204 d'at- telage et 96 de selle, 600 voitures, un millier de harnais. Il faut de la place pour loger tout cela. Aussi le Marstall est-il très grand. C'est un vaste bâtiment de construction récente, majestueux d'extérieur et tout à fait en rapport avec le palais royal auquel il fait face et dont il paraît être une réplique. L'intérieur est plus simple, mais a tout de même grand air. Sur une cour de moyenne dimension s'ouvrent la plupart des services de voitures, de harnais et de la trentaine d'automobiles impériales. Signalons le très vaste hall destiné à l'attelage 134 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE et au dételage des voitures et les pratiques et grandes salles de lavage et nettoyage. Une rampe assez douce permet aux chevaux d'ac- céder au premier étage, car presque toutes les écuries sont au premier étage, tandis qu'un ascenseur hisse les voitures au deuxième. Tout cela est vaste, simple, clair, très propre, sans aucun raffinement d'élégance. Point de chemins de sables colorés avec chiffres ou dessins au pochoir, pas même de tresses de couleur pour border la litière comme chez le moindre de nos amateurs de chevaux. Nous sommes en été, les couvertures de coutil à car- reaux bleus, galons rouges, et couronnes impé- riales, sont de la qualité confection courante. Très peu de chevaux portent des bandes en fla- nelle bien que beaucoup, par contre, marquent quelque fatigue des synoviales aux boulets causée par un service prolongé sur le sol dur des rues. Les chevaux sont en stalle. Quelques- uns, très peu, en boxe, dont ceux des théâtres impériaux et, notamment, les montures des Walkûres. Les écuries au premier étage sont de longues galeries à double colonnade, d'un majestueux A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 135 effet, vastes, très aérées, sans aucune odeur. Le passage central, très large, est recouvert d'un épais tapis de jute. Un revêtement de carreaux blancs et verts surmonte le mur au fond des stalles. La tonalité générale est blanche, lumi- neuse, gaie et, je le répète, sans aucune orne- mentation inutile. Des domestiques en gilet rouge, à manches et tabliers blancs, s'inclinent très bas à notre passage. Ce sont des gardes d'écuries. On se croirait à l'hôpital à cause de ce tapis, de ces tabliers blancs, de cette clarté et de ce silence, car aucun cheval ne bouge. Ah! qu'il doit être facile de commander à ce peuple de chevaux et à ce peuple d'hommes, l'un et l'autre calme, pondéré, raisonnable, naturelle- ment discipliné ! L'écurie de selle est, généralement parlant, maintenue à Potsdam ; il ne reste donc ici que les chevaux de harnais. Ils se ressemblent tous ; c'est la première chose qu'on remarque. En Allemagne, quand dix, vingt, cent, huit cents chevaux sont réunis pour le même service, leur caractéristique est de se ressembler et surtout, en service, d'être du même pied. Les paires de chevaux d'attelage doivent donc être assez fa- 136 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE ciles à réussir comme appareillement. Les car- rossiers, qu'ils soient est-prussiens, hanovriens ou mecklembourgeois, sont bien tous du même modèle. Réguliers, sérieusement construits, mais, disons-le tout de suite, peu sympathiques à notre mentalité hippique française, simple- ment, je crois, parce qu'ils manquent tous de bonne humeur. Cet air triste, ils le conservent attelés. Ils sont plus majestueux que fiers. Les noirs, surtout, sont peu plaisants, car, pour supporter cette éprouvante couleur, il faut qu'un cheval soit admirablement modelé et brillant, non dans son poil, mais dans ses allures. Afin de leur permettre de mieux résister au travail, ce qui ne prouve pas beaucoup de qua- lité, la plupart des chevaux de harnais du Marstall sont entiers, mais d'une placidité vrai- ment exaspérante. Aucun brio, aucun chic, au- cune très belle action, — je parle de la moyenne, de l'ensemble et non pas de quelques paires hors de l'ordinaire, car j'en ai admiré de tout à fait remarquables. . . Les bais sont, à nos yeux, plus plaisants. Cependant voici un attelage qui a bon chic. Ce sont deux anglais... En voici A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 137 un autre : deux normands, de i m. 62, âgés et dont se sert la princesse. — En est-on content? — Très, me répond le prince de Thurn et Taxis. — Pourquoi n'avez-vous pas plus de che- vaux français en service, puisque vous achetez au grand marchand berlinois Voltmann> tous vos chevaux, ou presque, sans vous soucier des origines? — C'est que vos normands sont trop gais, très souvent peureux, et qu'à cause de cela, ils ne tiennent pas notre asphalte. — Et ces jolis gris-là? — Ce sont des hongrois. Quand on veut aller vite et longtemps on attelle des hongrois. Ils ont beaucoup de sang et excellent carac- tère. L'Empereur en usait souvent jadis. Main- tenant, il préfère l'automobile. La remonte des écuries impériales se fait, soit par envois des haras principaux, soit encore par achats directs. Toutes les races allemandes y sont représentées : hanovriens, trakehnen T38 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE surtout, est-prussiens, des mecklembourgeois, Neustadt (Brandebourg), Beberbeck (Hesse), quelques hongrois — gris la plupart du temps — et plusieurs anglais. Ici, d'ailleurs, tout ce qui est grand, osseux et sans origines assurées est qualifié « irlandais ». Quelques-uns viennent de chez Roy, le marchand français. Une remarque, en passant : à Potsdam, d'après une vieille tradition, on n'emploie que des juments et des hongres, tandis qu'à Berlin ce sont les entiers qui dominent. Le nombre des chevaux livrés annuellement par les haras ne dépasse pas 40 ; ils sont payés environs 3 000 marks par tête de quatre à cinq ans. Le Marstall réunit 78 trakehnen et est- prussiens entiers et noirs, 41 juments ou hongres de mêmes origines, noirs ou alezans, 1 1 chevaux gris hongrois, 75 bais, hano- vriens, 10 hongrois, 5 normands, 6 anglais. Les entiers noirs sont réservés à Leurs Majestés pour les cérémonies et sorties offi- cielles. En dehors de ce protocole, l'Empereur se sert volontiers, pour l'attelage, me dit-on,, de ses chevaux hongrois gris. A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 139 Les entiers noirs sont à la disposition de la suite de l'Empereur et les bais à celle de la maison de l'Impératrice. Les princesses et les princes étrangers, en visite, sont traînés par les noirs ou les bais, suivant les circonstances. Les trakehnen sont donc en nombre. Ils l'ont toujours été au Marstall. Le major v. Schoen- beck raconte que jadis la reine Augusta, ayant désiré avoir quatre chevaux blancs pour atteler à la daumont, on fut obligé de les acheter dans le commerce parce que Trakehnen ne pouvait en fournir de cette couleur. Frédéric-Guillaume IV attelait à la daumont quatre trakehnen noirs. L'empereur Guillaume I" n'attelait qu'à deux, et n'employait que des trakehnen, soit à la voiture, soit à la selle. Il ne les voulait ni gros ni épais et les appréciait fort pour leur sagesse, surtout lorsque, vieilli, il ne pouvait plus monter à cheval. Sa voiture venait-elle à être dépassée, presque bousculée aux ma- nœuvres par une furieuse charge de cavalerie, il disait de ses chevaux : « Ils ne bougeront pas, ce sont mes trakehnen! » L'impératrice Augusta faisait atteler sa voiture avec des éta- lons bais assez sages pour qu'elle les surnom- 140 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE mât amicalement : « mes vieux chevaux ». L'Empereur actuel veut aller vite. Dans ce cas il attelle, nous l'avons dit, des hongrois, ou saute en automobile, ce qui, déjà il y a quatre ans, désolait un vieux piqueur, lequel me faisait ses confidences, en vitupérant certain yacht blanc amarré au quai de la Sprée, le long du palais royal : — « Ça et ça, disait-il en dési- gnant ici l'appontement et là le garage avec un geste de désespoir méprisant, ça ne vaut pour- tant pas ça! » et il continuait à faire trotter en cercle un poney pie, boiteux ce jour-là et qu'il me déclarait être le favori de Sa Majesté. Peut- être retrouverai-je un jour le brave homme... chauffeur î Les trakehnen méritent, répétons-le encore, la préférence dont ils jouissent en Allemagne, à la selle et au harnais. Au Marstall on n'en trouve point, dans la catégorie harnais, qui ne soient très réguliers de conformation et bien dans leurs aplombs. Mais la grande majorité est lourde non seulement dans le modèle, mais encore dans l'attitude; lourde aussi ou plutôt « indifférente », traînante dans son action et même parfois un peu « pompes funèbres ». A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 141 Quelques alezans sont plus gais et le prince m'en fait présenter une paire très élégante, du meilleur chic et même « fringants ». La moyenne de taille de ces trakehnen m'a paru être i m. 65. L'administration du haras de Trakehnen doit annuellement livrer au Marstall 40 jeunes chevaux de préférence noirs et quelques alezans. Si ce nombre de 40 ne peut être atteint, le Marstall touche une indem- nité de I 700 marks par tête de manquant, ce qui est insuffisant à notre époque pour pourvoir à l'achat dans le commerce d'un cheval de maître. Les mecklembourgeois ont la spécialité des tailles encore plus grandes. Ce sont des chevaux sérieux, bien conformés, très en- nuyeux, avec de la majesté, lourds et lympha- tiques. Il y en a peu au Marstall. Parmi les hanovriens, j'ai pu remarquer quelques paires fort honorables et quelques sujets assez élégants, à tout prendre; ces der- niers, surtout dans la toute nouvelle remonte, chargée de remplacer les deux réformes an- nuelles. Cette année (1910) dix jeunes chevaux hanovriens sont entrés au Marstall, tous très 142 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE « comme il faut », un seul véritablement élé- gant, facile et léger dans ses mouvements sans être pour cela aussi remarquable, loin de là, que nos premiers prix de race anglo-normande, au concours hippique de Paris. Ces jeunes che- vaux sont exercés dans la petite carrière de la cour centrale, où des piqueurs, fort bien en selle, les manègent assez serré, trop serré même, selon la mode allemande. Au Marstall les chevaux de cinq ans sont dressés montés la première année, — nous ferions sans doute le contraire en France, — mais ces poulains allemands étant très sages et non moins sages les cavaliers, la méthode peut se défendre. Les chevaux de six ans reçoivent un dressage minutieux à la voiture, ils sont fin prêts à servir à sept ans. On les ména- gera cependant encore, car on ne considère le grand trakehnen bien formé que vers ses huit ans. Ces grandes précautions ne sont point ridi- cules. Elles ne le seraient nulle part, surtout pas chez nous, où à cause de leur emploi pré- A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 143 coce nos chevaux de service sont vieux usagés dès huit ans. Si de tous ces carrossiers assez semblables entre eux on dessinait un type moyen, on pour- rait faire d'eux ce portrait : grand cheval, sans exagération, d'une conformation théoriquement bonne. Aplombs antérieurs bons, aplombs des postérieurs excellents, jarrets bien placés, membres suffisants, bonnes articulations, croupe longue et puissante, rein fort, dos suffi- sant sans plus. Encolure plutôt courte, mais sortie en bonne direction d'un très beau massif antérieur. L'épaule, à la vérité, pourrait être plus couchée et la cuisse moins maigre. Trot étendu, sans action très relevée; beaucoup d'entre eux trottent très en cheval de selle. Pas de ce « coup de piston » du trotteur normand engageant avec énergie ses postérieurs pour pousser la masse en avant; pas de brio, ni de cette joyeuse amplitude de nos anglo-arabes, mais, par contre, des allures carrées, allongées, régulières. Un tel cheval ne billarde jamais, ne se coupe jamais à cause de ses parfaits aplombs. 144 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE Avec cela, franc du collier, très sage et point peureux, facilement tenu en état, malgré parfois un travail de longue durée, avec un poids sérieux à tirer, mais de vitesse plutôt ralentie; en bonne condition avec la ration moyenne de 6 à 7 kil. 500 d'avoine, 7 kilogrammes de foin, 3 à 4 kilogrammes de paille et de la litière à discré- tion. (On donne aussi de la mélasse quand cela est nécessaire, en supplément.) Ce sont là les caractéristiques de très bons chevaux, à tout prendre. Le plateau d'un large ascenseur nous monte àl'étage des voitures, car les voitures de service courant restent seules en bas. Les remises sont de vastes et longues galeries disposées comme les écuries de l'étage inférieur. En entrant, à droite et à gauche de la vaste allée centrale, on aperçoit, en impressionnante enfilade de caisses miroitantes, d'abord une douzaine de traîneaux modernes très sobres d'aspect, puis une quantité de coupés et de victorias, bleu foncé avec rechampis argent pour celles de Leurs Majestés^ marron rouge et noir pour A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 145 celles de la cour. Ce dernier assemblage de couleur est bien laid. Relativement, peu de ces véhicules sont à la dernière mode du jour, bien que le grand écuyer ait naguère déjà transformé tout le vieux stock. Mais on s'efforce de renou- veler petit à petit les modèles. Est-il bien né- cessaire, d'ailleurs, que les voitures de rois et d'empereurs suivent la mode de si près ? Et les Majestés ne devraient-elles pas donner le ton? Je ne vois pas ce que les voitures de l'Empereur allemand gagneraient en ressemblant tout à fait, comme modèle, à celles de quelque lord anglais, ces dernières n'étant pas, d'ailleurs, attelées toujours avec le goût qu'on leur prête bien gra- tuitement. Toute l'Angleterre, en effet, s'exta- sie aujourd'hui sur le clinquant de mauvais aloi de parvenus américains qui viennent faire pri- mer leur « esbroufe » aux concours hippiques de Paris et de Londres. La plus grande partie des coupés etvictorias est d'un type plutôt léger, mais la carrosserie, toute allemande, m'en a paru de premier ordre. Depuis peu, beaucoup de roues ont été caout- choutées en plein et une plus petite quantité garnies de pneumatiques. 146 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 11 y a encore des voitures de chasse de toutes formes, des breaks, des mails, un char à bancs extraordinaire, transformable en chaloupe pour partie de pêche, cadeau « bien pratique » du roi Edouard VII, et dont on n'a jamais osé se servir. Pas aperçu de morning-carts, ni de ton- neaux, mais de petites charrettes de chasse à deux roues, très rustiques, basses, portant une sorte de mât de signaux à boules rouges et noires et usitées dans les chemins montagneux de Norvège pour indiquer, m'a-t-on dit, si le sentier est libre. Plus loin, le train de campagne impérial, four- gons à vivres, cuisines, voitures à bagages de la cour, dont beaucoup ont servi en 1870. Voici dans une grande salle spéciale, à cou- pole, le fort beau et riche carrosse du sacre et d'autres de grand gala; les calèches de gala, les calèches de demi-gala dont les plus anciennes ont leurs lignes principales rehaus- sées par un jonc d'argent torciné. Cet orne- ment, sobre pourtant et de bon goût, disparaît sur les voitures modernisées. Faut-il louer cet embourgeoisement de la voiture de cour? Un demi-gala modernisé ne rime pas à grand'chose. A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 147 et la vue de ces véhicules, en tout semblables à celles d'un quelconque Chauchard anglomane, me fait penser à nos croquemorts voulant quitter le cérémonieux et convenable habit à la française et le tuyau de poêle pour la vareuse d'infanterie de marine et la casquette de chauf- feur... On me dit le prix d'une housse de siège brodée aux armes impériales : trois mille marks. Je les trouve, d'ailleurs, ces housses, assez mal brodées; ce n'est certes pas là le bel ouvrage d'un de nos passementiers français. La garde-robe du personnel consiste en une grande salle très bien tenue, garnie d'immenses armoires. On m'en tire une livrée de grand gala, long habit à la française rouge et argent avec les galons aux couleurs, aigle noir sur fond d'argent, aiguillettes, bicorne; et de gala numéro deux, noir et argent, avec cape de jockey et, pour l'hiver, la houppelande à pèle- rine. Le petit gala pour attelages à la dau- mont consiste en une veste bleu et argent avec un chapeau de soie à cocarde. La livrée ordi- naire est à l'anglaise, redingote foncée — gros bleu, je crois — à boutons d'argent, culottes 148 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE blanches, bottes chantilly ou pantalons. C'est sobre et comme il faut. Un coin d'une des salles des voitures ren- ferme une sorte de petit musée de la carros- serie royale et impériale. Il réunit quelques pièces dignes d'être mises plus en valeur ou plus au large pour qu'on puisse les examiner de plus près, notamment les très jolis traîneaux anciens, dorés, peints ou en vernis martin. Plus loin sont des voitures à âne et à poney, tou- chants souvenirs familiaux, la voiture impériale lors de l'attentat de Nobeling, la berline de Guillaume III, celle de Frédéric P', énorme œuvre de charronnage. Et voici deux grosses voitures, l'une an- cienne, l'autre plus moderne. Mon guide passe devant elles, discrètement. Mais je les recon- nais sans les avoir jamais vues : l'une est la forte berline, aux gros cuirs, haut suspendue, aux soupentes en C qui emporta au galop le roi de Prusse fuyant devant Napoléon l" jus- qu'à Kœnigsberg; l'autre, sorte de duc massif à l'aspect solide et brutal, servit à un autre roi de Prusse, mais victorieux celui-là, à suivre les campagnes de 1866 et de 1870... A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 149 Autres souvenirs, assez émotionnants dans leur naïveté. Dans de vastes vitrines, empaillés, mangés aux mites, harnachés, Condé, le grand cheval arabe de Frédéric le Grand, et la jument noire trakehnen, très arabe aussi, de Guil- laume I" à Sadowa. Une porte-fenêtre s'ouvre au bout de la ga- lerie, d'où l'on domine un ravissant manège, très haut de plafond, très clair, « petit Louis XV » de style, c'est-à-dire 17-18* siècle allemand, dont les tribunes, sont ménagées dans l'entre-deux des vastes fenêtres et sur une sorte d'îlot central de maçonnerie comme aux vieux cirques romains. Des trophées guerriers en stuc surmontent les deux portes d'entrée monumentales. On raconte que l'Empereur, la première fois qu'il les vit, les déclara laids. Il les voulut en marbre avec attributs équestres et donna des ordres en conséquence. — « Mais oui, mais oui, mais oui... » dit l'Impératrice. Et le soir : — « Savez-vous, demanda-t-elle à l'Empereur, ce que, d'après l'architecte, coûte- rait cette rectification? Trente mille marks. » L'Empereur ne d't rien et n'en parla jamais plus. 150 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE Le souverain passe de temps à autre dans ses écuries et bien qu'il monte assez régulière- ment à cheval, il est tout à la marine, au yachting et à l'automobilisme. Nous n'avons pas visité le garage. Les automobiles impériales, au nombre d'une tren- taine (i), sont reconnaissables à la livrée des chauffeurs, livrée largement galonnée, ainsi qu'au ruban des casquettes aux couleurs impé- riales. On reconnaît aussi l'auto où se trouve un membre de la famille impériale à ce qu'un valet de pied fait retentir un petit cor de pos- tillon, au son duquel tout se range à droite et à gauche, comme à Paris devant la sinistre trompe d'appel des pompiers. La trompe impériale donne les quatre notes sol , do, sol, mi, d'un motif wagnérien. Pendant longtemps cette fanfare automobiliste resta le privilège de la famille impériale. Aujourd'hui, son emploi est autorisé pour quiconque, sauf dans les grandes villes. De vastes pièces très bien tenues, garnies (i) Soit 19 Mercedes (60 HP), dont 2 ouvertes à Corfou ; 2 Adler, 2 Bentz, 2 Fiat, i N. A. G., i Opel, 2 Daimler (pour lourdes charges) ; toutes ces voitures onc entre 60 et 50 HP. A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 151 de vitrines, contiennent un millier de harnais aux bouleries d'argent. Les harnais de grand gala, de modèle an- cien, lourds et rutilants de cuivres assez mé- diocrement ciselés, sont pourtant du meilleur effet à cause de leur cuir rouge incrusté de cuir vert foncé. Les harnais ordinaires simples, peu voyants, de bon goût, sont de genre anglais. Les di- verses pièces de harnachement désuètes, inu- tilement larges ou lourdes sont peu à peu mo- dernisées selon le goût très sûr du colonel von Esebeck et du lieutenant prince von Thurn u. Taxis. Les fouets de gala s'alignent, noir et argent, très funèbres, à côté des petites couronnes im- périales d'argent qu'on visse les jours de gala sur les lanternes. D'autres vitrines conservent les selles anglaises, qui, toutes établies en Allemagne, paraissent bien faites. Plus loin de merveilleux harnachements turcs, persans, arabes, dons du schah et du sultan, rutilants de pierreries, de couleurs chatoyantes, de teintes fondues, tout à fait « ballet russe ». Ils n'ont jamais servi, naturellement. Sa 152 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE Majesté ne s'étant pas encore costumée en Grand Turc! En résumé, le Marstall est un vaste établis- sement, très décoratif à l'extérieur, très simple à l'intérieur, très propre, de bon goût, très « comme il faut », cossu mais « bourgeois », sans aucun luxe, sans assez de luxe même, ni comme matériel, ni surtout comme chevaux. Il paraît être militairement, strictement et écono- miquement administré par les officiers détachés de leur corps à cet usage et dont l'accueil si courtois nous a par deux fois, après autorisation supérieure, bien entendu, permis de visiter les écuries de Sa Majesté d'une façon si profi- table. Au moment où nous prenons congé de nos guides, nous nous croisons avec le groupe quo- tidien des visiteurs populaires conduits par un cocher en livrée, majestueux et très bavard... Qui de nous, en France, oserait jamais demander à visiter les écuries de la Prési- dence, même sous la direction du premier piqueurTroude? Amaroso, demi-sang du haras de Celle, par Aiuiiraih, pur sang arabe. Alba, demi-sang, nec en Holstein, petite-fille à'Aviiii'ai pur sang arabe. CHAPITRE VI LE MARSTALL DE POTSDAM LES CHEVAUX DE SELLE L'Empereur esta Potsdam et, naturellement, ses chevaux de selle personnels l'y ont suivi. On nous y attend. Nous nous y rendons par le Havel, immense lac prolongé, très fréquenté par les yachs, yoles, dampfschiffs. Dames mal fagotées, cygnes couvant, eiders plongeant, corneilles essayant de plonger, rives en petites collines très boisées, villas en château fort d'un goût douteux. Lumière crue sur le vert foncé des sapins... Mais voilà Potsdam, ville militaire par excellence. Le pont, orné à profusion de trophées et de statues militaires, le Vieux Pa- lais, à gauche, d'un fort bon chic et, derrière lui, un marchfeld... Le capitaine comte West- phallen nous attend dans la carrière du Liistgaj^- ien où il a réuni sept ou huit des plus beaux 154 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE chevaux de selle de l'écurie impériale. Il y en a là, intentionnellement, de toutes les origines. Voici Roland, un fort cheval très régulier de modèle auquel on attribue une origine irlan- daise. Il pourrait tout aussi bien être anglo-nor- mand, car son galop n'a pas le coulant que l'ir- landais tient de sa très proche parenté avec le pur sang. Roland est monté par un fort sous- officier, très juste dans ses aides et qui lui fait franchir — très bien, ma foi — un gros tronc d'arbre. Les autres chevaux, une jument de Graditz très belle, distinguée, pas trop lourde, bien vivante; un trekehnen régulier et élégant; une jument de pur sang; deux cobs anglais tout à fait de voiture; tous manèges devant nous par des sous-officiers des écuries en culottes blanches, vareuse grise, et par des hommes d'écurie en livrée à l'anglaise très bien tenus. Tous montent les jambes près, trop près, car ils ne sont pas assez assis, raides, mais les coudes au corps, ce qui est une sûre garantie de bonne main. Ils font galoper leurs chevaux plus gaillardement que dans les régi- ments. Cette bonne note cavalière doit pro- venir de l'influence du capitaine comte West- A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 155 phallen, un vrai sportsman. Il monte aujourd'hui un grand alezan bien charpenté, musclé, à l'air d'un énorme pur sang ou plutôt d'un beau hunter de la formule moderne... C'est, en effet, un hunter anglais, Rubezahl, dont lord Lonsdale a fait présenta l'Empereur. Ce cheval écrase tous les chevaux allemands que j'ai vus, tant à Potsdam qu'autre part. Il met une note de sport, de sang évident, de certitude de qualité dans la monotonie des modèles si réguliers, mais sans la moindre marque d'énergie latente, sans « po- tentiel » supposable de tenue supérieure au gros ouvrage, tel un raid de Paris-Deauville ou Bruxelles-Ostende, par exemple. Le Marstall de Potsdam situé tout contre le Vieux Château, en bordure du marchfeld, est un bâtiment ancien, un rez-de-chaussée de style sympathique, longue galerie assez étroite pour ne pouvoir loger les chevaux que sur un rang. Bien que la tonalité générale de ces écuries soit claire et nette à cause des nom- breuses fenêtres et qu'une note très gaie soit donnée par le rouge vif et l'or des petites armoiries impériales qui surmontent chacun des poteaux de stalle en fonte grise, elles 156 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE donnent plutôt l'impression d'écurie de mar- chand de chevaux un peu bourgeois ; mais tout cela, quoique très simple, est bien tenu. Le revêtement des mangeoires est en faïence mar- ron et blanche. Malheureusement, de grandes armoires et des coffres à avoine, peints en un vilain marron très commun, déparent cette claire simplicité, qu'eût au contraire relevé du chêne ciré. Dans un passage, je note des piliers pour travail à pied, préparatoire de la haute école. Il y a ici, en cette saisoh (juin), environ 95 chevaux, dont 6 ou 7 de pur sang; un bon tiers est sans origines, achetés au marchand fournisseur de la cour qui, naturellement, les prétend anglais ou irlandais. Cependant quel- ques-uns possèdent une origine britannique certaine, tel Oranier^ le gris monté par l'Em- pereur aux funérailles d'Edouard VII. Oranier n'a rien de très royal; c'est un cheval pour très gros poids, bien fait, mais assez « gros ban- quier » dans son ensemble placide. Et on ne comprend guère comment l'Empereur affuble en certaines occasions ce gros iveightcarrier gù'$> pommelé, toiletté court, d'une schabraque dix- A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 157 huitième siècle et d'un harnachement de pan- dour... Les autres hunters ont plutôt le type mecklembourgeois et hanovrien ; tous très bien corsages, membres, culottés, mais avec une forte tète et un ensemble ne dénotant pas une très forte dose de sang. Ces modèles-là, excep- tion faite y^oMxRuhhezahl, n'ont rien à faire avec Red Sea, Elliot ou Wihsky, ces champions de Grande-Bretagne . Les trakehnen et les est-prussiens, bien pris dans leur type d'anglo-arabes très forts, man- quent de brio pour être complets. Mais comme il est joli, bien fait, sympathique, cet alezan du modèle vieux limousin des images, type Carie Vernet, moins les imperfections : Ophyr, un hongrois... Plus loin, quelques bons cobs pour dames de la cour. Bons gros poneys du type morning- cart. Voici un drôle de cheval, Harlequin, pie- bai, un hongrois encore, m'assure-t-on; il a l'air d'un cheval de cirque, très gras, à longue queue fournie et soyeuse, aux yeux vairons et au dos très vieux. C'est un des favoris de l'Em- pereur. Je n'ai pas, cette année, revu un grand che- 158 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE val noir, bien décoratif malgré son aptitude à porter allègrement plus de too kilos, et dont Sa Majesté se servait pour les parades de la garde. Il avait été payé loooo marks. Car Sa Majesté monte selon l'occasion un cheval différent, à la couleur du régiment dont il porte l'uniforme. La sellerie est bien tenue mais sans excès. L'Empereur monte en selle à nez coupé, sans bourrelets mais dont les faux quartiers sont bien rembourrés sous le'genou. Les brides dont il se sert, quand elles ne sont pas anglaises, ont leur bouderie dorée. Les mors sont an- glais, gros, courts, sports. A propos de selle, on ne sait peut-être pas qu'une des chaises favorites de l'Empereur, celle dont il se sert à son bureau, près de la fenêtre, précisément du côté du Marstall de Berlin, est composée d'un tabouret de piano dont le siège est formé par une selle anglaise sans quartiers... et fort culottée, ma foi! J'ai pu aussi constater, en allant admirer dans les appartements privés cette merveilleuse En- seigne de Ger saint, la simplicité des objets à l'usage personnel de l'Empereur : tout ce dont A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 159 il se sert est simple, nous dirions en France « bourgeois », un peu massif, mais pratique au plus haut point. Il semble être un des rares Allemands non atteints de cette rage d'étaler une richesse d'origine récente. Ce n'est pas, on le sait, qu'il ne saisisse toutes les occasions de faire resplendir sa gloire — méritée d'ail- leurs — à la façon germanique, c'est-à-dire un peu insistée... Au-dessus de son bureau une sentence allemande est calligraphiée : « Crains les flatteurs. » Si jamais cette étude tombait sous les yeux de Sa Majesté, j'ai donc la certi- tude qu'Elle ne m'en voudra pas de ma fran- chise. Mais les chevaux personnels de l'Empereur sont aux écuries du Palais Neuf. Une voiture de la cour nous attend pour nous y conduire. Grand landau découvert, un peu douairière, attelé de deux sages trakehnen noirs et menés par un cocher en tenue de jour, livrée noire aux galons blancs et noirs, à l'aigle double. Nous traversons tout le parc, grand, très vert, plaisant avec ses groupes d'arbres d'essences diverses aux feuillages diversement colorés, hêtres pourpres superbes et blancs négun- i6o A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE dos, etc.. Soudain, sur la droite, voici le châ- teau, rose et blanc, tout entouré de verdure, précédé de parterres très fleuris, et d'une ter- rasse remplie de statues et de becs de gaz tarabiscotés. Et tout cela pourtant, parc, jardin potager, fleurs, est très simple, tout comme les écuries, c'est presque d'un Louis-Philippe qui serait allemand, calme, reposant, mais sans raffinement, sans art. Derrière le château, de grandes écuries, quelconques. Ici, les chevaux revenant du tra- vail sont lavés et pansés au milieu de l'écurie même. Point de salles spéciales, pas même, autant que je m'en souvienne, de marquise protégeant l'entrée. C'est de l'hygiène, de la propreté de régiment, de régiment bien tenu, sans plus. La douzaine de chevaux réservés au service personnel et habituel de l'Empereur, se com- pose de gros irlandais, de très forts trakehnen, d'un grand mecklembourgeois nommé Parsifal, très carrossier malgré ce nom héroïque, etc.. Dans une autre écurie plus petite, sont les chevaux de la Reine et de la Princesse, une vingtaine d'animaux dont un très bel alezan A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE i6i trakehnen, extrêmement distingué, un des rares chevaux allemands ayant véritablement de la branche et du chef que j'aie pu voir... et encore un élégant — sans plus — hongrois de I m. 58 monté par la Princesse, cheval qui, en comparaison des autres, a l'air d'avoir beau- coup de sang, mais qui n' « existerait » dans aucun des concours où fréquentent nos anglo- arabes de classe. J'ai remarqué encore quelques poneys, dont une paire isabelle assez drôle, donnée jadis par le sultan. Ils ne servent plus, paraît-il, qu'à faire des commissions. Et c'est tout. Comme on peut s'en rendre compte par cette courte étude, rien de sensationnel comme modèle, mais rien de mauvais. Ce sont là d'honnêtes chevaux dont les défectuosités, ou plutôt dont les absences de points de beauté supérieure seraient vite effacés si un peu de gaieté, d'influx nerveux, vivifiaient leurs atti- tudes et animaient leurs actions. CHAPITRE VII LES CHEVAUX DE CAVALERIE MILITAIRE LES CHEVAUX DE CUIRASSIERS (6* régiment) Une permission spéciale m'autorisait à visi- ter les chevaux du 6' cuirassiers en garnison à Brandenbourg. Ce régiment passe pour un des mieux remontés, non seulement de la grosse cavalerie, mais de toute la cavalerie. Mais le 6' étant en évolution au champ de manœuvres de Doeberitz, ce n'est qu'à Pots- dam que je peux le joindre. J'ai donc eu l'ex- trême chance d'examiner ses chevaux en plein travail et même déjà un peu éprouvés, car ces manœuvres duraient depuis quelques jours, et, de plus, une assez longue distance séparait ses cantonnements du camp d'exercices. Le colonel du 6" cuirassiers, l'affable comte Schimmelmann, nous reçut au débotté de la i64 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE manœuvre, avec cette courtoisie et cette bonne grâce de parfait gentilhomme que j'ai tou- jours rencontrée chez les officiers supérieurs allemands. Il fit défiler sous nos yeux les che- vaux d'un escadron qui venaient d'être des- sellés. L'état général était excellent, peu de mem- bres réellement fatigués, quelques dos touchés et cela se comprend, car je l'ai partout constaté, en Allemagne, le dos plongé est le défaut le plus répandu. Cependant, dans les écuries, un certain nombre de chevaux boudaient leur avoine, dont la ration — entre parenthèses — est plus forte que chez nous, bien que les chevaux de cuirassiers allemands de race est-prussienne aient moins de volume que les nôtres. Quant aux chevaux de six ans, ils sont à pleine peau, mais aussi leur mesure-t-on la besogne. Au premier coup d'œil, je m'explique sans peine que la remonte du 6' cuirassiers soit con- sidérée comme la meilleure d'Allemagne. Tout le bien que j'ai dit des chevaux de hussards, je puis le répéter, malgré leur masse supérieure, au sujet des chevaux de ce régiment de cuiras- A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 165 siers. Ce sont tous des est-prussiens, me dit avec un orgueiljustifié le comte Schimmelmann, et de plus tous alezans. Cette couleur ale- zane est comme un gage de parenté proche avec les étalons de Trakehnen, généralement eux-mêmes alezans ou noirs. La plupart des Français s'imaginent que le cheval de cuirassiers prussien est un énorme « wagon » , beaucoup plus important que le bour- don dont sont affligés nos « gros frères» français. C'est tout le contraire. Si Thomme-cuirassier français est grand et mince, l'homme-cuirassier allemand, bien que gros et tassé, est de taille moyenne (i m. 67 à i m. 75); si le cheval de cuirassier français est souvent très grand, épais, bourdon en un mot, le cheval de cuirassier allemand (du 6' tout au moins) est osseux, lon- giligne, très racé, très cavalier et pas très grand (d'une moyenne de i m. 60). Ces est-prussiens — en jugeant l'ensemble de cette remonte — sont d'un modèle cavalier quasi irréprochable, sauf certains dos mous, plongés et beaucoup de cuisses de grenouille. Forts, profonds, réguliers, très bien membres, avec des jarrets bien dirigés, bras vertical, i66 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE une belle épaule, assez d'encolure, des têtes un peu fortes mais toujours bien sculptées et avec un bel œil, avec surtout d'admirables croupes, des reins puissants et un port de queue suffisant... Ce sont là les notes que très juste- ment ils méritent. Les allures, au trot et au galop, parfaitement coulantes et dégagées, sont celles du bon anglo- arabe, à 25 pour 100 si l'on veut (i). Leur caractère paraît d'une douceur décon- certante. On me montre comme exceptionnelle et « bien ennuyeuse » une jument qui fouaille de la queue avec quelque mauvaise humeur. L'Allemand n'aime pas, je l'ai déjà dit, la diffi- culté à cheval. Un escadron manœuvrier, pour donner son maximum de rendement utile, doit avoir tous ses chevaux comme des mécaniques, m^assure un officier allemand : « Nous ne vou- lons pas de trouble-manœuvre. » Il a raison. Mais il faudrait, je crois, que cette sagesse ne fût pas acquise au détriment de ce que nous recherchons, nous, par-dessus tout, le perçant. Ces est-prussiens sont donc d'une taille, en (i) Dosage français, c'est-à-dire n'ayant que 25 pour 100 de sang arabe et par conséquent 75 pour 100 d'anglais. A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 167 moyenne, inférieure à celle de nos chevaux cor- respondants. On sait que le minimum de la taille permise au cheval de cuirassier allemand est de I m. 53, tandis que chez nous, ce minimum doit atteindre i m. 57. Seul le timbalier du 6' cuirassiers possède un cheval de i m. 80 environ. Ce grand cheval, pas très mal fait, très membre, vient du commerce. Il est entier et de pur sang, né à Graditz. Quelques officiers ont des chevaux de pur sang. Le colonel, lui, est remonté avec un très beau et très puissant demi-sang de Graditz (haras où Ton fait, nous l'avons vu, des chevaux de pur sang et des issus de pur sang) et deux hongrois, plus co- quets, mieux coiffés, car beaucoup d'est-prus- siens sont souvent oreillards, plus vifs, plus gaillards que les chevaux allemands, mais — ceux-là du moins — trop hauts sur pattes, moins longilignes. Ces deux hongrois trottent aussi plus brillamment. Extrêmement adroits à l'extérieur, m'est-il assuré. Un fort sous-officier de plus de 100 kilo- grammes, le Wachtmeister, m'amène son che- val à photographier. C'est un animal de taille moyenne, pas très membre, mais extrêmement i68 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE bien charpenté, et très près de terre. Il porte son cavalier depuis plusieurs années et rien n'a bougé dans sa membrure. C'est le vrai cheval pour fort poids, non chargé de viande, mais développé dans son squelette, non paré d'é- normes et grossiers canons, mais pourvu d'une membrure proportionnée et surtout bien trem- pée. Cette vérité hippique est bien connue des vrais cavaliers allemands que des théoriciens voudraient entraîner dans la voie dangereuse des mensurations poussées à l'excès et qui finissent par poser en dogmes que le gros vaut mieux que le sang pour le cheval de selle. En traversant les cours de l'immense caserne, j'ai pu jeter un coup d'œil sur les chevaux d'un régiment de uhlans. Je les range volontiers entre ceux des hussards et ceux des cuirassiers et je puis formuler à leur égard les mêmes louanges et les mêmes critiques. J'ai remarqué aussi les sous-officiers de uhlans, de cuirassiers, de dragons, inspectant très minutieusement, pendant le pansage, les dos et les membres des chevaux. Chez nous, ce ToBiAS, carrossier holsteinois. Trois ans. Abnoba m, carrossier « élégant lourd ». Trois ans. A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 169 sont les officiers qui passent, personnellement, cette importante revue. Mais, sans doute, les sous-officiers allemands sont-ils mieux em- ployés, militairement mieux « exploités » que les sous-officiers français, dont on tire un si mince parti dans la cavalerie et dont on pour- rait si bien utiliser l'intelligence et l'esprit « dé- brouillard », pour soulager le travail de nos officiers astreints à des besognes multiples, oiseuses, par trop inférieures, au nombre des- quelles je ne rangerai pas, cependant, l'examen journalier des chevaux après la manœuvre, même de orarnison. LES CHEVAUX DE HUSSARDS (14'' régiment.) Quelle jolie ville que Cassel! Quelle jolie promenade que celle de Bellevue {Schone An- siclit, nouvelle prononciation) ! Et ce « boulin- grin » en bas de la terrasse le long du cours de la Fiilda, comme il forme un charmant parc vert, touffu, d'essences et de teintes variées ! Etce musée, avec ses Rubens, ses Frantz Halls, ses Cornélius deWoos, ses admirables Cranach, 170 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE sesnombreuxetmonotonesWoowermans pleins d'histoires de chevaux! Mais quittons à regret cette Bilder Gallerie, car le comte von Beroldingen, colonel du 14' hus- sards, m'a donné rendez-vous, à dix heures pré- cises, au casino des officiers. Après quelques présentations où sonnent les éperons aux talons vivement réunis de jeunes officiers coiffés du talpack de fourrure, le colonel me conduit dans la cour et me demande ce que je désire voir des deux escadrons ici casernes. Je le prie de bien vouloir faire mettre en cercle autour de nous les chevaux de cinq ans, ceux de six ans et quelques-uns des chevaux les plus âgés d'un de ces escadrons. Je pourrai examiner ainsi, au point de vue du modèle, les plus vieilles re- montes et les comparer avec les plus récentes. Tous les chevaux du régiment sont des est- prussiens du type de légère. Les plus jeunes chevaux sont gras, noyés dans leur modèle, pas encore « sortis », bien entendu, mais avec de belles poitrines bien descendues, de beaux membres aux articula- tions fortes et basses, de bons pieds, une belle épaule, une forte croupe longue, un bon rein A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 171 bien attaché, un dos souvent plongé, l'angle du jarret utilement ouvert ainsi qu'il con- vient aux chevaux de selle. Presque tous ont des aplombs parfaits, aussi très peu s'entre- taillent-ils, ce qui arrive si souvent aux jeunes chevaux « mal emmanchés ». L'encolure est suffisante, plutôt courte; la tête pas très petite est, en somme, orientale d'expression; l'œil est beau. Ces chevaux de légère, plus encore que les cuirassiers, présentent le type marqué de l'anglo-arabe. Mais, en France, si nos anglo- arabes dans leur ensemble se rapprochent plu- tôt du pur sang, en Allemagne, les chevaux de légère rappellent plutôt le demi-sang. Ils sont d'un format plus ramassé, plus compact. On voitbien que leurs géniteurs sont surtout sélec- tionnés sur le modèle et non, comme avec abus parfois chez nous, sur la performance. Les légère prussiens rappelleraient assez par leur ossature nos bons remontes creusois dont le nombre va malheureusement en diminuant. Je comprends à demi-mot, en échangeant quelques observations avec un jeune capitaine, qu'on voudrait bien trouver le moyen de conserver ce modèle compact, en le dotant d'un peu plus 172 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE d'influx nerveux. Problème peut-être insoluble, surtout en i\llemagne, si je pense aux résultats obtenus à Neustadt-a.-d.-Dosse, où, sous un modèle important, on ne peut guère supposera autant de qualité que dans le plus humble de nos anglo-arabes français. Les six ans du 14' hussards sont dégrossis, plus anguleux. Le modèle, dégagé, y est com- plet. Voilà de très bons chevaux de selle, point « épateurs », certes, mais hippologiquement très réguliers. Je pense à nos Congrès hippiques dis- cutaillant sur le modèle et les aptitudes du cheval de selle. Que ces beaux discoureurs viennent donc ici faire un tour, au lieu d'inutilement bavarder, en prétendant apprendre aux chefs de notre cavalerie ce qu'est un cheval de selle et à nos officiers ce qu'est l'équitation ! Il est vrai qu'ici, ce sont les cavaliers qui en décident et cela simplifie la question, tout en lui assurant une solution conforme à la vérité expérimentale. Dans le lot des vieux chevaux qu'au hasard j'appelle, car on les mène à l'abreuvoir, le modèle est encore plus saillant. Si les dos sont souvent plongés, bien que soutenus, le rein est presque toujours très bon. Assurément, il y A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 173 a quelques chevaux bien courtauds dans leurs lignes, ragots, communs, mais tous ont des allures cavalières. Une reprise de dressage évolue ensuite dans la carrière. Très placés au point d'être trop renfermés, les jeunes chevaux se montrent extrêmement souples et cadencés. Sages comme des images, malgré l'éperon toujours près, très dociles, très droits sur l'obstacle, que les cavaliers passent, bien assis, en portant les mains basses en avant, tels sont ces est-prus- siens sous le cavalier. Mais on a l'impression que si l'étau des jambes, placées en arrière, venait à se relâcher, toute la reprise s'arrêterait faute d'impulsion. Le mouvement en avant, peut-être naturel, a disparu, peut-être, à cause de la méthode d'équitation. Et cependant, ces chevaux sont en filet. Des montants supplémen- taires retiennent une muserolle très lâche qui enserre le museau, au-dessous du mors de filet et non au-dessus, comme font à tort les Anglais et nous-mêmes, pour les chevaux qui tirent (i). Le colonel m'assure que ce système est parfait (i) Voir l'Éqttitation des gens pressés. Ollendorf, édi- teur. 174 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE et permet de pousser le dressage très loin sans avoir recours au mors. Je le crois sans peine, ayant expérimenté depuis plus de vingt ans ce système que m'avait indiqué M. Charles, le pi- queur de Bartlett. Nos régiments de dragons et de cuirassiers, pour ceux de leurs montures à la tête lourde et à la bouche dure, se servi- raient avec profit de ce système simple, peu coûteux et rationnel; il trouverait son emploi au dressage des animaux dits « emballeurs ». Mais que deviendrait la tradition! Il vaut mieux être « emmené » avec des principes, que maître de son cheval grâce à trente centimètres de cuir inoffensif et presque invisible. Les cavaliers hussards allemands sont de bons garçons, pas toujours très grands mais bien plus lourds, et surtout d'aspect plus lour- daud que nos chasseurs et hussards. Aussi leurs chevaux sont-ils plus forts que les nôtres avec I m. 56 à I m. 58 de taille moyenne. Notons, en passant, que les quartiers de cavalerie en Allemagne ne sont pas mieux tenus que les nôtres. Ils m'ont paru moins élégants, sans arbustes, sans arbres, sans fleurs et même sans « springgarten », ce jardinet où sont dis- A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 175 posés nos obstacles. Chez nous, les obstacles, depuis que les concours hippiques sont à la mode, se rencontrent en évidence dans les cours de tous les quartiers. Les sous-officiers allemands sont très bien tenus, très militaires, d'aspect très débrouillé. Les gardes d'écurie, plutôt « pataud », ont l'air si bons garçons! Presque tous sont blonds et roses, imberbes. Les écuries de Cassel et même celles de l'École de cavalerie et des uhlans à Hanovre, et même celles de Potsdam sont moins bien tenues que les nôtres et ne brillent pas par la netteté. Les chevaux très sages, d'aspect apa- thique, sont séparés par de simples barres très basses. Partout, les selles et les brides s'ac- crochent au poteau derrière chaque cheval, ce qui ne doit pas être fameux pour la conserva- tion des cuirs, mais, par contre, bien pratique pour la surveillance du harnachement et la promptitude du sellage. Une voiture, conduite par un hussard en uni- forme, est mise à notre disposition pour nous reconduire à l'hôtel. C'est un break léger en bois naturel, de ce genre de carrosserie usuel lyô A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE en Allemagne, quelle que soit la forme du véhi- cule : bois naturel, roues légères, ensemble élégant et bien roulant. Les harnais, du type hongrois, sans œillères, mais avec des colliers légers. Ils avantagent deux très jolis chevaux de I m. 60, trop gras, forts, très élégants dans leur action et joueurs comme des arabes. Ils ont la crinière et la queue très longue, ce qui augmente la ressemblance. Tous les régiments de hussards ne sont pas aussi bien remontés, tels ceux qui touchent, en partie, je crois, des produits du Hanovre, doubles bidets fort peu séduisants, ou même certains du 11' hussards de Crefeld, dits Tanz Husaren. L'origine de ce surnom vaut d'être contée : en ce temps-là, Crefeld n'avait pas de[garnison de cavalerie. Un jour de fête que Sa Majesté y passait, les jeunes filles trouvèrent moyen de faire remarquer à l'Empereur qu'elles avaient vraiment trop peu de danseurs. Celui-ci leur répondit : « V^ous avez raison, je vais vous envoyer des hussards. » Et les hussards de Dusseldorf arrivèrent à Crefeld. Officiers et cavaliers furent si vite appréciés comme dan- A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 177 seurs qu'on leur donna ce surnom de Tanz Husaren , que leurs camarades des autres régiments s'empressèrent de tourner en mo- querie. Quel que soit le mérite de leurs cavaliers, les chevaux présentés par le 1 1' hussards m'ont paru, en proportion assez considérable, longs de dos et cylindriques et sous eux du devant, avec une membrure plutôt grêle, mauvaise note qui est bien rarement méritée dans la cavalerie allemande moderne. LES CHEVAUX DE UHLANS Les chevaux des uhlans sont de même origine que ceux du reste de la cavalerie, c'est-à-dire est-prussiens pour la plupart. J'ai pu, il y a trois ans, à Hanovre (13' uhlans), leur constater les qualités de bons troupiers, réguliers et pré- sentant toutes les qualités des produits de l'Est- Prusse. Là encore, une ombre au tableau. L'ai- mable lieutenant von der Bursche, qui parle admirablement le français, veut bien faire sortir une cinquantaine de chevaux que je désigne au hasard... Eh bien! aucun, présenté en main, ne 178 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE « rouspette »... Mais quelles bonnes allures et comme ceux que je vois montés couvrent de terrain au galop ! Cette année (1910), M. Fer- nand David, député, rapporteur du budget de l'Agriculture, citait l'impression d'un de nos officiers généraux les plus qualifiés; celui-ci avait été frappé « de la rapidité et de la cohé- sion parfaites des troupes de cavalerie alle- mandes évolutionnant ». Modèle et sagesse, c'est parfait, assurément, dirons-nous. Mais au bout de huit jours de manœuvres dures, à quoi doit être réduite une pareille sagesse?... Il fau- drait pouvoir suivre un régiment aux grandes manœuvres pour être fixé ou tout au moins pouvoir consulter certains rapports officiels. Ceux de cette année, m'assure-t-on, seraient très favorables. On me montre un énorme cheval de cymba- lier de i m. 80 environ, immense alezan foncé, pacifique pachyderme très loin du sang. Il est d'ailleurs claqué. Avant de partir, je photographie la chèvre d'un peloton et un gentil poney d'enfant, argentin, m'assure-t-on. Les argentins sont généralement assez prisés en Allemagne. Nous A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 179 les avons trouvés, chez nous, plutôt ordinaires en service. Mêmes observations que ci-dessus pour les chevaux de uhlans que j'ai pu entrevoir plus tard à Potsdam en assez grand nombre et pen- dant la période des manœuvres. CHAPjIT^RE VIII LES COURSES MILITAIRES HOPPEGARTEN Je n'entrerai pas dans' des détails statistiques et techniques sur l'organisation des courses militaires en Allemagne. Il y existe, comme partout, des courses civiles et militaires au galop pour chevaux de pur sang et pour chevaux de demi-sang. J'ai parlé succinctement de ces dernières au chapitre d'élevage concer- nant les est-prussiens. Les plus connues et les mieux dotés des épreuves de steeple pour pur sang montés par des officiers sont les Armée Yagd-Rennen de Dresde, sur 4000 mètres (4500 marks) ; de Ber- lin, sur 4000 mètres (courus en 5 m. 31 s. sous 69 kilos et demi, en 191 o), 8000 marks; de Stuttgart sur 3500 mètres (2600 marks); de Dortmund sur 2000 mètres ^(3 000 marks), etc. i82 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE A Berlin se courent encore \Offizier Hitrden Rennen;\ç^ Kaiser Preis, 5000 mètres, courus en 1910 en 6 m. 41 s. (prix 15000 marks); VOf- flzier Flach Rennen; le Gross Armée Jagd- Rennen, 5000 mètres, courus, en 1909, en 6 m. 23 s. (prix 10 500 marks). Le plus bel hippodrome d'Allemagne est celui de Grimewald, près de Berlin. Il est ma- gnifique. C'est là où se courent le Gross Armée (en juin) et le Silherne Schild K. IV. //. D'autres grandes épreuves du même genre ont lieu à Magdebourg et à Hambourg. Décrire l'impression que cause au visiteur français une journée passée à Hoppegarten, le Chantilly prussien, sera le but de ce cha- pitre. L'hippodrome est important, avec des lignes droites très prolongées, et un sol admirable, de même nature que celui de Compiègne. Aujourd'hui, précisément, on court le Gross Armée Jagd-Rennen, 5000 mètres (un objet d'art donné par l'Empereur et loooo marks) ; et parmi les autres épreuves moins spéciales, non A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 183 militaires, la Silherne Schild K. W. II, 2400 mètres (20000 marks). Notons de suite que la première de ces épreuves s'est courue en 6 m. 55 s. et la se- conde en 2 m. 43 s. En arrivant au paddok, j'aperçois les che- vaux à la montre, promenés en main, dont bon nombre de prudemment enrênés. Les lads sont généralement médiocrement tenus. Quant aux soldats ordonnances, ils concurrencent les nôtres par leur manque d'élégance et parfois de propreté. Ce sont d'ailleurs de gros gaillards fort doux avec leurs chevaux. Mais tout le monde se précipite. Voici l'Em- pereur. Son duc — train foncé à rechampis blancs — est attelé à la daumont de quatre trakehnen noirs, placides mais de bon genre; jockeys à la livrée lugubre, mais si bien en chair, si bons garçons! Sur le siège arrière, une sorte d'amiral empanaché et un valet de pied funéraire; ce sont ce qu'on nomme en allemand des lakays. Tout le monde salue. Les officiers se figent, raidis dans leur haute taille et leur forte corpulence, la moustache coupée court en brosse à ongles. C'est la i84 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE grande mode. Beaucoup sont aussi coiffés en brosse. Les jeunes, de beaux hommes, com- mencent dès trente ans à s'empâter. Ils sont tous extrêmement bien tenus, un peu trop bou- dinés, à notre goût, dans leur redingote à taille haute et sous laquelle, au côté, la poignée du sabre fait une vilaine bosse. Pas un uni- forme « fatigué », tout est neuf et astiqué. Quelques élégants portent des bracelets gour- mette en or au poignet. Ces « esclavages » leur donnent quelque chose d'efféminé qui jure un peu avec leur ensemble plutôt brutal. Les pantalons demi-collants, droits, plutôt courts, sont tendus par des sous-pieds. Rien n' « habille » plus un soldat que le sous-pied. Je comprends parfaitement que les étrangers se choquent des pantalons pochés aux genoux, trop courts et remontants des officiers français, ou du « phalzar » de zingueur de certains de de nos fantassins... Il n'est pas niable que l'armée française ne soit bien prolétairement pantalonnée. Retournons au paddok. Les chevaux ont l'air un peu over ti-aïned (surentraînés). Je les trouve de beau modèle et je le dis; on me A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 185 répond qu'ils viennent presque tous de France ou d'Angleterre. Mais certains grands vain- queurs, comme celui justement de la Silherne Schîld en 1910, est né en Allemagne. L'officier sport, l'officier qui monte en courses, aie même type que le nôtre, émacié, à figure énergique; ce type-là, s'il est très répandu dans notre cavalerie, est, au contraire, assez rare en Allemagne. La tenue de l'officier sport allemand pas très soignée, dolman, tuni- que, ou même redingote (car on monte en course en redingote si l'uniforme comporte ce vêtement), en alpaga, paraît parfois un peu trop défraîchie tout comme celle de son collègue français... Et son harnachement n'est pas en meilleur état que ne le sont trop souvent les nôtres en pareil cas. En plat, la position à l'américaine est de rigueur. Mais les jambes très longues n'avan- tagent pas cette attitude déjà disgracieuse par elle-même, surtout avec une tunique dont les pans relevés battent. En obstacle, les étriers se portent moins courts et la position en devient moins inesthétique. J'ai vu, dans la course principale, de nombreux partants montant tout i86 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE à fait bien sur les obstacles. Il est vrai que j'ai devant mes yeux le dessus du panier comme chevaux et cavaliers. Toutefois, ainsi qu'il arrive souvent dans les courses militaires, le peloton arrive très égrené, les chevaux étant de valeur trop différente. La course a été menée de bout en bout très vite par un uhlan de la garde. Les chevaux rentrent et le public se rue vers ...le vainqueur, je pense? Pas du tout, vers le buffet où l'on ingurgite un mélange de vin blanc, de Champagne, de fraises, de bitter, appelé bowle. Beaucoup de succès le howle! A chaque course, les officiers en selle vien- nent présenter leurs chevaux devant la tribune impériale, avant de prendre leur galop d'essai. Quant à l'Empereur, après avoir donné les prix de la grande course, il s'en va. Je peux, grimpé sur un talus, le photographier à trois mètres. Je doute qu'en France on m'eût permis d'appro- cher aussi près un Président de la République. L'Empereur m'a paru assez petit, gros, jovial, la moustache châtain foncé, presque rousse, et en croc. Il est en voiture. Les trakehnen noirs, placides, allongent bien leurs foulées, le lakay A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 187 amiral et le lakay genre vieille douairière, per- chés sur le siège haut derrière la capote du duc, se balancent aux ressauts des huit-ressorts. Deux piqueurs, en redingote noire bien courte, suivent sur des trakehnen noirs, épais au point d'en paraître de veules carrossiers, très ren- fermés dans la main serrée sur les rênes de bride. Suivent encore quelques voitures de cour remplies d'officiers et de dames, sans doute désolées de partir si tôt. Une de ces voi- tures est attelée de chevaux hanovriens, ou anglais, bons roadsters assez brillants. Passe, en dernier lieu, une victoria vide avec, sur le siège, à côté du cocher, un Rutre lakay, costumé lui aussi en amiral anglais. Comme il a une barbe en pointe et qu'il est assez corpulent, je le compare in petto, irrévérencieusement, au roi d'Angleterre (Edouard VII) qui s'ennuyant dans la voiture, serait monté sur le siège pour s'amuser à conduire. Quelques femmes élégantes et racées, — type Vollhlut, pensé-je en moi-même... Mais le type Halhhlut domine assez épais et aussi de nombreux AT"^//^//// de modèle bien épanoui. Ces deux dernières catégories se manifestent par i88 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE des avantages mammaires et postérieurs impor- tants. Très peu de jolies tailles. Beaucoup de femmes sans corset. Elles ont dû passer cet accessoire à beaucoup d'officiers dont le buste en bouquet paraît d'une raideur artificielle bien inconfortable. Cette raideur cependant ne m'a aucunement paru de la morgue, car l'officier allemand, malgré ses horribles petites mousta- ches taillées en brosse à dents et qu'il s'ima- gine lui donner l'air anglais (!), n'a aucunement cet air insolent et bouffi de sottise que lui prête le Simplicissimits, le seul journal illustré par quoi nous le connaissions, mais bien un air de haute dignité tout à fait compatible avec sa po- sition sociale — au premier rang. Un officier en uniforme garde, là-bas, le haut du trottoir... D'autre part, je n'en ai entendu aucun — bien que les ayant beaucoup observés à ce sujet — parler brutalement à un inférieur. Quant aux civils, sauf ceux de Xd, gentry qui sont « comme il faut » dans tous les pays, sous leurs panamas de formes diverses et parfois bien originales, ah! qu'ils étaient bien alle- mands! Blonds, gros, lourds, convaincus et de bruyante jovialité. Bons garçons, mais n'hési- A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 189 tant pas à vous bousculer de la plus brutale façon toutes les fois que leur désir les pousse vers le buffet ou la tribune. Le sport militaire allemand, tel que je l'ai pu voir, m'a paru un bon sport, pratiqué par une élite d'officiers fanatiques des courses. Cette catégorie d'officiers montant en steeple est moins nombreuse, m'ont assuré des spécia- listes, en Allemagne qu'en France, bien qu'en Allemagne les courses militaires soient très encouragées, tandis qu'en France, beaucoup de chefs de corps, à vue un peu courte, s'efforcent, au contraire, d'en restreindre l'expansion. De l'autre côté du Rhin, il est assez difficile aux officiers de se procurer des pur sang. A Pajis, certains courtiers allemands raflent en vente publique tout ce qu'ils peuvent trouver, même de médiocre, et le revendent avec un fort bénéfice. Il m'a semblé que le pur sang était peu recherché comme cheval d'armes par les officiers, sauf par la "petite élite montant en courses... Le tempérament de ce cheval et ipo A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE celui de l'homme sont, je crois, trop dissem- blables. Les Allemands ont encore quelque chose de moyenâgeux, même, comme disent les Anglais, « sur la peau de porc » ; ainsi j'ai vu, outre-Rhin, ça et là, des officiers allant ou revenant de l'entraînement sur des pur sang embouchés en mors de bride, et quels mors! Cependant, je n'ai pas assez étudié la ques- tion des courses militaires allemandes pour conclure, sur des impressions en somme su- perficielles, de quelques cas particuliers au général. CHAPITRE IX l'école de cavalerie de HANOVRE Bâtiments sales d'aspect, ensemble petit, resserré, carrières insuffisantes, terrain détes- table, écuries très ordinaires, médiocrement tenues, aucune recherche, aucune élégance : une caserne ordinaire avec beaucoup d'an- nexés. Par contre, immense manège, le plus, grand que j'aie vu, mais sans aucun chic, l'air d'un commode hangar industriel. Plusieurs autres manèges de moyenne grandeur. Cette École ne rappelle en rien Saumur, ni comme proportions, ni comme noblesse d'ar- chitecture, ni par la gaieté du paysage sans murs de clôture de notre Ecole de cavalerie. L'École comprend 260 chevaux dont 14 de haute école et quelques rares pur sang. Les chevaux sont presque tous des est-prussiens, épais, membres, faits en chevaux de selle, mais 192 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE d'aspect endormi, lymphatique. Je les ai déjà décrits plusieurs fois au courant de cette rela- tion, mais ici, en 1907, ils m'avaient semblé plus épais, plus tranquilles encore que partout ailleurs, plus grands aussi et plus forts dans leur membrure... choisis spécialement, sans doute. Quelques anglo-arabes de trop grande taille se signalent par un aspect éveillé et des allures plus naturellement brillantes et gail- lardes. Ils font une diversion à la tristesse des reprises qui tournent devant nos yeux. Les officiers sont bien placés, pas trop raides, les jambes exagérément en arrière, ce qui creuse leur rein et fait saillir les fesses trop avantageusement. Conduite générale à une main. Toujours sur le mors. Chevaux très en dedans de la main, bien entendu; que les doigts se desserrent, aucun ne filera en avant. Petit galop traîné, exaspérant à contempler. On ne croirait jamais que ce sont des jeunes gens et certainement fanatiques de leur arme et courageux, qui sont là-dessus ! En général, les cavaliers sont lourds, l'air ennuyé, à peine réveillés par une volte, un départ au galop rau- quement commandé en coup de pistolet par A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 193 un instructeur à pied, en sabre et dans l'uni- forme du corps dont il est détaché. Pourquoi ces sous-officiers mélangés aux officiers et montant aussi réglementairement, aussi bien qu'eux? Parce qu'il faut faire monter les che- vaux de trente officiers qui ont été expulsés pour avoir joué... L'Empereur n'y va pas de main morte. Cela ne veut pas dire que le jeu soit devenu depuis une exception à l'Ecole. Il y est, paraît-il, une déplorable habitude. Il me semble que le tableau de travail des officiers est très peu chargé. Ils sont tous libres à onze heures ou midi... Au saut, sur une assez forte haie et sur une douve de 2 mètres environ, pas un cheval ne refuse, vieux ou jeune, car il y a des reprises d.e dressage. Le saut est appris aux chevaux, comme en France, en des couloirs, en liberté d'abord, puis montés. J'ai vu de bons sauts exécutés dans un large couloir par une reprise d'officiers armés de la lance, les rênes aban- données. Assez vivement mené comme train ; bonnes positions, mais pas de gaieté dans l'al- lure comme chez nous; pas un cheval n'a fait le moindre bond de gaieté. 194 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE Le saut, rênes en mains, convenable sans plus; les rênes ne s'allongent pas, mais la bonne volonté de ne pas gêner le cheval est évidente. La plupart des mains basses. Je vois passer des officiers japonais. On me dit qu'ils sont intelligents; des Chinois, ba- lourds. Ces derniers se sont fait faire des uniformes genre allemand, avec un choix de couleurs! Un Roumain, très roumain. Un Américain en kaki, svelte, nerveux, maigre, distingué dans sa tête et ses jambes, racé. Un bel échantillon d'homme, très mis en valeur dans ce milieu. Au manège de haute école, quatorze che- vaux; les uns est-prussiens à grandes lignes, les autres anglo-arabes fort élégants. La plu- part ont un type oriental très prononcé, surtout Liehling^ particulièrement vivant au travail. Un civil, M. Gebhart, décoré de la Couronne de fer. Allemand, mais ayant étudié et professé de longues années à Vienne, au manège impérial, est chargé de mettre des chevaux en haute école et d'enseigner cet art aux instructeurs. Il dresse les chevaux à la cravache avec une science et un tact parfaits. Sa position à cheval A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 195 est excellente. La plupart de ces chevaux, à tous crins, en action d'école, ont la croupe un peu basse, ce qui fait penser aux genêts du dix- septième siècle. Le lieutenant von Œsterlerley travaille un très bel est-prussien, alezan, un peu long, mais très équilibré et par conséquent répondant bien aux demandes précises de son excellent cavalier. Aux piliers, M. Gebhart met en sauteurs des chevaux avec les mêmes procédés qu'à Saumur. Les élèves pourtant ne montent pas sur le sauteur; seuls les instructeurs, parfois, exécutent, montés en selle anglaise, de petites cabrioles. Il est assez curieux qu'étant donnée la pro- pension de tout Allemand montant à cheval d'exploiter sa monture sur le mors de bride, aux allures ralenties et cadencées, on n'ait pas trouvé dans l'armée allemande quelque écuyer capable de remplir, à Hanovre, l'emploi confié à un civil, tout méritant que soit ce dernier... Une meute est entretenue à l'École aux frais de l'Empereur. Le chenil et ses annexes est un des coins les plus propres du casernement et 196 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE presque élégant. Une fois par semaine, pendant la saison, les élèves chassent à courre le san- glier. Là on galope bien. Les obstacles qu'on rencontre sont généralement médiocres et ne peuvent se comparer à ceux des environs de Saumur, Verrie et la Ronde, encore moins à ceux de Pau, ou des drags de Spa, etc. Comme, quelques jours plus tard, je m'éton- nais de ce que l'équitation d'extérieur et le saut fussent si peu en honneur en Allemagne, il me fut répondu, et j'ai constaté que c'était une opi- nion assez répandue, qu' « il était tout à fait inutile de sauter comme les Italiens qui sont des sportsmen, presque des acrobates, mais pas des cavaliers » ; qu' « on ne fait pas une cavale- rie avec des sauts », et que les Allemands veu- lent avant tout des chevaux bien dressés, que « certes, s'il manque aux Allemands de la sou- plesse et de l'allant, du moins, grâce à un par- fait dressage, au bon mécanisme des chevaux, les chefs trouvent la vitesse quand ils la veu- lent )). « La nouvelle école, en Allemagne, admire beaucoup nos méthodes de Saumur, supé- rieures à celles de Hanovre. Mais trop de régi- A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 197 ments français ont des chevaux à dressage insuffisant. Et c'est le moment que choisissent les Français pour essayer d'amoindrir les tra- ditions saumuriennes, pour adopter peut-être un système soi-disant plus moderne, mais qui signifie raideur chez le cheval et ignorance chez le cavalier! Que les Français se méfient de cette révolution-là. » Mon interlocuteur était un sage. Mais, en ce qui concerne le saut, il tombait dans une grave erreur. Le saut, le très gros saut, est un moyen et non un but, tout comme la haute école. De plus, ainsi que les courses, il développe le mo- ral du cavalier, donne « du culot » à tous ceux qui le pratiquent et font de l'officier, aux yeux de ses hommes, un centaure, presque un demi- dieu. Et puis, à l'extérieur, n'est-ce pas? qui peut le plus peut le moins... Ces idées com- mencent d'ailleurs à sp faire jour en Allema- gne, et je n'eus pas trop de peine à y rallier mon compagnon, bien que, pour lui, sauter plus de I m. 20 fût une chose véritablement « acro- batique » ; — il tenait à ce mot. Plus loin, dans une carrière assez restreinte, évolue une reprise de chevaux d'armes person- 198 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE nels aux officiers. Presque tous sont toilettés en hunters, crinière rase, queue courte. Beau- coup de vrais irlandais, mais du type roadster, inutilement grand et lourd : la hantise du gros toujours ! Des hanovriens, singeant mal le hun- ter, médiocres, bien médiocres même, infé- rieurs à nos anglo-normands; on les entoure ici d'une haute considération. Mais je dois constater qu'aucun ne trotte du genou et qu'ils ont l'épaule galopeuse. Mais combien com- muns et combien dénués de cette émulation qui serait pourtant, d'après Buffon, un des plus beaux attributs du cheval ! Quelques anglo- arabes, très prisés pour leur endurance. Bien que j'en écourte le récit de peur de tomber dans la technicité militaire, cette visite a été pour moi une des plus intéressantes que j'aie faites en Allemagne. Ayant passé deux ans à Saumur comme SQus-écuyer, il était intéres- sant pour moi de comparer. Je dois dire que si, en Allemagne, souvent j'ai dû admirer bien des choses sans pouvoir m'en réjouir parce que, avant d'être homme de cheval, j'étais Français, par contre, j'ai quitté l'École de cavalerie de Hanovre avec la consolante impression que^ A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE 199 si nos voisins de l'Est avaient le nombre, la force, la discipline indispensables surtout aux masses un peu lentes à mouvoir, nous avions, nous, hommes et chevaux, un tempérament, une mobilité, une gaieté, un perçant, une fitria qui certainement devraient compenser largement tout ce qui nous manque encore, hélas! Veuille le si aimable et si intelligent Oberst Brecht, commandant en second de l'Ecole de cavalerie, qui pilota avec tant de bienveil- lance un ancien lieutenant écuyer français et montra tant de considération pour notre École de Saumur, excuser ma franchise « d'explora- teur » . La vérité en ces matières étant pour moi un devoir patriotique, je ne peux y apporter les tempéraments que l'urbanité et la reconnais- sance pour d'agréables hôtes me commande- raient sans doute. Cet excellent accueil, je l'ai toujours reçu partout, en Allemagne. J'ai pu constater que si nos chevaux y étaient inconnus ou mal jugés, nos officiers, par contre, jouissaient de la meilleure réputation cavalière. En recueillant des compliments, — souvent sin- cères, je crois, — je pensais en moi-même que 200 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE la graine des Lasalle et des Brack n'est, en effet, point épuisée au grenier de nos richesses nationales. Mais où est la main qui les y pui- sera, où est celle qui les sèmera, et d'où vien- dra le souffle ardent qui les fera germer? FIN LISTE DES HARAS ET DÉPÔTS D'ÉTALONS HARAS PRINCIPAUX d'élevage il < ^ z OBSERVATIONS Hauptgestute 15 350 ^ 0 1247 I Trakehnen 2 Graditz H 190 590 3 Beberbeck 5 3 I 100 .306 Zwion, près d' Inter- bourg-, élève des 4 Neustadt-a.-D. . 60 50 152 185 5 Zwion Georg-enburg chevaux genre trakehnen. 38 750 2480 HARA^ PROVINCIAUX ,^ DÉPOTS D'ÉTALONS ^ LaJidirestûte i Est-Pruss.. . . ^ Rastenbour?.. / hsraunsberg-. . , 186 160 Llthuanie \ Georgenburg- . / Gudwallen .... 230 220 Ouest-Prusse. ' Marienwerder. t Starg-ard 166 155 Brandebourg-. : Neustadt. .... 227 Poméranie. . . : Labes 170 Posen ! fj^'^-e / Unessen 190 216 Silésie S L^"h"r / Cosel 185 205 Saxe : Kreuz 150 Schleswig-Holstein . : Traventhal.. . . T30 360 182 Westphalie. . . : W'arendorf . . . Hesse-Nassau. : Dillenbury. . . '52 Prusse rhénane. . . : Wickràth 206 3490 1 TABLE DES GRAVURES Est-prussien, type dragon (i m. 60), par Furstemberg, demi-sang trakehner : . Frontispice Vasco, étalon trakehner, petit-fils de pur sang, à Mme Lina von Schônfels 9 RocCA, poulinière trakehner, fille de pur sang, à Mme Lina von Schônfels 9 PoLARSTURM, demi-sang, étalon trakehner, par Optimus, demi- sang 25 Thronerbe, étalon Est prussien, petit-fils de pur sang par sa mère, (i*'' prix. Concours de Hambourg, 191 1) 41 MoDEFUSCHER, étalon trakehner, par Le Borda, pur sang. . 41 Est-prussien, troupe, cinq ans, au dressage, 14* hussards. . 57 Est-prussien, troupe, 14® hussards , . . . . 57 Est-prussien, légère troupe, 14* hussards 73 Trakehner noir, carrossier du marstall de S. M 73 Est-prussien, type cuirassier 89 Carrossiers trakehner (le prince von Thurnau. Taxis, du marstall de S. M.) 105 YuBELGREis, étalon demi-sang Neustadt, petit-fils de Charmant, pur sang (88 pour 100 d'anglais) 121 Titus, étalon demi-sang Neustadt, petit-fils de pur sang.. . 121 Hanovrien-selle, issu de père pur sang, petit-fils de pur sang par la mère 137 Amaroso, demi-sang du haras de Celle, par Amurath, pur sang arabe 153 Alba, demi-sang, né en Holstein, petite-fille d' Amurath, pur sang arabe 153 ToBiAS, carrossier holsteinois. Trois ans 169 Abnoba III, carrossier « élégant lourd ». Trois ans 169 TABLE DES MATIERES Avant-propos r On ne connaît pas les chevaux allemands, ii. — La cavalerie allemande est très bien remontée, m. — Tout est sacrifié en élevage au type utile selle, iv. — Peu d'hommes de cheval en Allemagne, mais écoutés, vi. — Parallèle entre les méthodes allemandes et les errements français en ce qui concerne la pro- duction du troupier, vu. CHAPITRE PREMIER LES HARAS PRINCIPAUX ET LES REPRODUCTEURS CHEVALINS Haras principaux. Dépôts provinciaux, 2. — Deux catégories de reproducteurs i° de races nobles, 2" à sang froid (de trait), 2. — En principe pas de chevaux à deux fins, 3. — Les repro- ducteurs et les races de selle, 4. — Races est-prussienne, hano- vrienne, schleswig-holsteinoise, 4. — Tableau des achats des remontes, 7. Les haras. — i" Neustadt-sur-Dosse, 7. — Étalons principaux et provinciaux. — Nombre des juments, 7. — Type général, 8. — L'arabe, 9. — Les anglo-arabes, 9. — Le normand Oura- gan, II. — L'étalon normand en Allemagne, 12. — 2° Beher- beck, 13. — Type moyen, 15. — Les isabelles, 15. — La sélec- tion au gabarit, 16. — Les étalons de demi-sang, 17. — Les ancêtres de pur sang, Le Butard^ Chamant, etc., 18. — Quelques étalons demi-sang, 19. — Les juments, 21. — Les poulains, 22. — L'annexe de Sababourg, 23. — 3° Haras de Trakehnen, 24. — Court historique, 25. — Division en catégorie 204 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE selle ou attelage. — Type général, 25. — Le rôle du pur sang, 25. — Courses pour étalons de demi-sang, 29. — Répar- tition des reproducteurs, 31. — La production est-prussienne, 2,3- — Statistiques diverses, 23- — Tailles, 34. — Stud Book. 34. — Degré de sang, 35. — Description du cheval est-prus- sien, 36. — Prix d'achat, 37 — La lutte contre l'élevage trait, 38. — L'étalon cultural, 39. — Le poney Kunter. — 4" Les étalons du dépôt de Celle ^ 40. — Historique, 41. — Qualités et défauts, 42. — Un raid célèbre, 43. — L'effectif du dépôt, 44. — Type des étalons, 45 . — Quelques étalons, 47. — Warendorf^ 46. — Graditz, 48. — Georgenburg, 48. CHAPITRE II CONCOURS AGRICOLE ET CHEVALIN DE HAMBOURG Généralités, 49 — Les concours par roulement, 50. — Les che- vaux, leur classement en catégorie, 50. — - Les tailles, 52. — Les origines, 53. — Poids lourds, 53. — La manie du gros, 54. — Les mensurations, 55. — Les divers traits, 57 — Le belge, 58. — Le jutlandais, 59. — Le clydesdale, 60. — L'exportation russe, 60. — Les exportations françaises, 61. — — Tableau des importations, 62. — Statistiques diverses, 63. — Efforts français vers une plus forte exportation, 65. — Quels chevaux l'Allemagne peut nous acheter, 70. — Liste des anglo-normands étalons en Allemagne, 68. — Bonne organisation syndicale allemande, etc.. à imiter, 73. — Tarifs douaniers défavorables aux Français, 74. CHAPITRE III CONCOURS DE HAMBOURG {suite) Description, 77. — Les jurys, 78. — Inauguration, 79. — Types humains, 80. — La livrée, 82. — Douceur de la foule, 85. — Qualités et défauts du cheval allemand, 83. — Les tra- kehnen et est-prussiens, 85. — Leur excellence, 86. — Ils ressemblent à de grands anglo-arabes, 86. — Vitesse au galop, 88. — Les présentations des remontes et quelques lau- réats, 89. — Les hanovriens, 90. — Beaux sujets, 91. — Défauts et qualités, 93. — Les remontes hanovriennes au con- TABLE DES MATIÈRES 205 cours agricole, 94. — Les westphaliens, 95. — Les hohtei- nois, 96. — Défauts, qualités, 97. — Les frisons, 98. — Les brandebourgeois, 99. — Oldenbourgeois, gg. — Oldenboiir- geois artilleurs. lOi — Mecklembourgeois^ loi. — Les trait : rhénans, westphaliens, schles'miif-holsteinois, 103. — Impres- sions générales, 105. Tableau des mensurations, 107. CHAPITRE IV CONCOURS DE HAMBOURG (sîl te) CARROUSEL ET CONCOURS HIPPIQUE Dragons et hussards, 109. — Types de chevaux, iio. — Leur dressage renfermé, iio. — Attelages d'artillerie, 112. — Leurs allures, 114. — Types, 114. — Concours hippique, 11 J. — Equitation d'obstacles, 119. — Les amazones, 120. — Saumur apprécié, 123. — Type te chic » de l'officier allemand, 124. — La redingote des civils, 125. — Les écuyers civils, 125. — La haute école, 126. — Chez Hagenbeck : le cheval sauvage, 128. CHAPITRE V LE M A R S T A L L DE SA MAJESTÉ A B E K L I X ( A T T E L A G b ) Écuries de Sa Majesté, 131. — Organisation, 132. — Statis- tique, 133. — Les bâtiments, 134. — Les écuries, 135. — Les chevaux, homogénéité, 136. — D'attelage, 136. — La remonte des écuries, 137. — Effectifs, 138 — Sagesse des trakehnen, 139. — Type, 141. — Les hanovriens, 141. — L'ascenseur, 144. — Voitures, carrosses, 144. — Le musée, 146. — Le manège, 149. — Les harnais, 152. CHAPITRE VI LE MARSTALL DE SA MAJESTÉ A PO T S D A M (SELLE) Écuriesde Sa Majesté, 153. — Lesirlandais, 154. — Trakehnen, etc. — Effectif, 156. — LePalaisNeuf, 159. — Les écuries deschevaux personnels de Sa Majesté, de l'impératrice et de la princesse, 160. 2o6 A TRAVERS L'ALLEMAGNE HIPPIQUE CHAPITRE VII CHEVAUX DE CUIRASSIERS, DE HUSSARDS ET DE UHLAXS 6* cuirassiers, 163. — 14* hussards, 169. — 13" uhlans, 177. CHAPITRE VIII LES COURSES MILITAIRES Hoppegarten, 181. — Quelques mots sur les courses militaires, 182. — L'officier sport, 185. — Le public, 186. CHAPITRE X l'école de CAVALERIE DE HANOVRE Les bâtiments, 191. — Effectifs chevalins, 191. — Position à cheval de l'officier allemand, 192, — Les sauts, 193. — La haute école, 194. — La chasse à courre, 195. — L'équitation d'extérieur, 196. — Français et Allemands à cheval, 196. Liste des haras et dépôts d'étalons, 201. PARIS TYPOGRAPHIE PLON-NOURRIT ET C' 8, rue Garancière Webster Family Library of Veterinary Medicine Cummings Schooi of Veterinary Medicine at Tufts University 200WestboraRoad \y NofthGrafton, MA 01536 ' ^ ■V^NK, >^ ¥-P? 1x^ .^v^^ T ^ 1 « rv ,<^.:^' 1. -«TS-^^-^ÉÀ^