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TROIS

SERMONS

SVR CES PAROLES

de rEpiftre aux Hébreux, chap. 1. verf. 3.

Zequel Fils ejlant la reff>lendeur de la gloire , ^^ la marque engrauée de la perfonne d'iceluy^ S' foufienant toutes chofes far fa parole fui f^ faute y ayant fait far foy- me [me lapurgation de nos pechez^^ sefl: ajjîs à la dextre de la Majefié es lieux très- hauts.

Prononcez à Charenton,

P A R

MOYSE "-AMYRAVT.

Se vendent à Charenton^

Par Anthotne Cellier, demeurant

à Paris , rue de la Harpe , aux Gands

Couronnez.

M. DC LVIIL

A SON ALTESSE

MADEMOISELLE

DE BVILLON.

ADEMOISEZZE,

Si le troîipeau deuant qui ces trois Predi^ cations ont eflè faites ^ riauoit fonhaitè de les voir fur le papier , je naurois pas la hardie ffe de les prcfenterà V. A. parce quil ny a rien digne d'elle qui nait eu premièrement -vue telle approbation. Mais (i d'autre cojrè y M A- T) E MO IS EZ L E^ vous n auiexjèmoigné le me [me defir ^ jaurois eu peine à conde [cendre k celuy de ce grand peuple , parce que je ne con- nais rien de plus épuré que vojîre jugement , ny par quoy celuy de toute vne multitude puïfje ejîre

mieux contre^halancL Fuis que ces deux chofa Je font ainfi rencontrées y f accorde volontiers ces Jvieditations au l'ublic^four luy donner quelque freuue de ma gratitude ^d^du z^le que f ay four fon édification. Mais je les donne en particu^ liera V. A. M AD E M O IS EZ L Ey afin que cefoitauxyeux du monde vn monument authentiqua de la vénération extraordinaire que fay pourvofire excellente fieté. V^ous les rece-» lirez, aufii ^ s il vous plaifiy MABEMOI-- Se L L Ey comme vn effeïldu profond reffenti" ment que fay de ce qu il vous plaifi m' honorer (i particulièrement de voftre bonne volonté ^ d^ com* mevngaje de la refolution inuiolable que fay faite a ejire tout le re^e de ma vie.

MADEMOISELLE^

De V. A.

Le tresJjumble é" tres-obeïffant feruiteur^

AMYRAvr^

I

PREMIER SERMON Sur ces paroles de TEpidre aux Hébreux, chap.i. verf.3^

Lequel Fils ejlant la. refplendeur de la gloire^ ^ lit marque enyauèe de la perfonne d'ice- luy , & foufienant toutes chofés par fa pa^ rôle puijjante ^ ayant fait par foy me fine la purgation de nos pechet^^ seji aj/is à la dex^ tre de la Majefté es lieux tres-hauts.

RERE S BIEN-AIMEZ

EN NOSTP.E SeiGNEVR:

Apres vne fuitte aflez confî- derable d'années , pendant lefquellcs il eft arriué des moiuiemens en ce Royaume, 6c particulièrement en ces quartiers , qui ont menacé ce Temple de le réduire en cendre ^ &: ce Troupeau de diiîîpation j ce m'eft vericablement vne grande confolation de voir l'vn conferué par la proteclion de' Dieu , lans qu'il y foit arriué aucun accident^ & l'autre tranquille & floriffant^ ôc com^ me journellement arrofé de la benedidion^ de Dieu par la prédication de fonEuangili

A

2

Ce m'efl; auffi beaucoup d'honneur d'auGir efté conuië de monter en cette chaire pour vous exphquer la parole de noftre commun Seigneur^ de tenir la place de Tvn de ceux qui ont accoufturaé de vous annoncer la dodrine du falut auec vne édification fin^ guhere. Mais ce m'eft aulîî vn fujet de tri- ftefTe & vne efpece de mortification , de me voir en eftat de craindre, outre mes autres manquemens , de n'eftre pas bien entendu par vne fi grande aflemblée^ Parce qu'a iiec quelques autres infirmitez , l'aage qui em- porte tout 5 a auflî emporté vne partie de cette voix , par laquelle je me faifois au- trefois ailez commodément ouïr icy , quand la Prouidence de Dieu a voulu que j*aye

Î)arlé en voftre prefence. Et cette affliction à croift encore par cette confideration^c'eft que j'ay pris pour thème de mon propos vne fentence,qui comme vous le pouuez afi^ez juger, m'obligera neceffiirement à vous dire àes choies qui méritent de ne tomber pas à terre, & de n'eftre pas inutilement empor- tées par le vent. Ncantmoins je tafcheray de faire vn effort, & comme j'efperc delà grâce de noftre Seigneur , laquelle j'implore de tout mon cœur^ que cette heure icy ne fc paftera point fans que vous remportiés

. 3 . ,

quelque fruiddema méditation, c\u/rim*at« tens-je que vous me prefterez vne extraor- dinaire attention ^ 6c que l'application de vos efprits fupplëera à la foiblelTe de mon organe. lemepropofe donc, Dieu aydant^ de vous expliquer icy trois chofes. La pre- mier? , qui eft celuy dont il eft icy parlé^ de comment TApoftre le conlîdere : Puis après , comment li entend que celuy dont il parle eft la refplendeur de la gloire de Dieu 5 Et enfin, comment il dit qu*il eft la marque engrauëe de fa perfbnne ., &c ce que lignifient ces termes. Car quant aureftede la fentence, il contient trop de matière pour pouuoir eftre expliqué dans vne adion. Pour donc commencer par le premier de ces Poincl:s , celuy dont l'Apoftre parle , c'eft le Fils : Car il eft bien vray que ce mot ne fetrouue point dans l'original en cette fen- tence : Mais il le faut necclfairement fup- pléer &:le repeter des patoles précédentes dont voicy la fuite. Dieu ayant jadis aplu^ fieurs fois ^ en plufieurs 7nanieres parlé à nos JPeres par les Prophètes , a parlé a nom en ces derniers temps par fon Fils , lequel il a effahly héritier de toutes chofes , par lequel au ffi il à fait les Siècles : Lequel eftant la refplendeur de la (gloire , é* l^ marque engrauée de laper-

4 fonne d'iceluy, C'efl: donc le Fils dont il efi:

icy parlé, &ce FilsJà c'eft noftre Seigneur lefus Clirift, qui fait feul toute la matière de cette diuine hpiftre. Or en lefus Chrift, il fautconiîdererdiftinclement laperfonne ôc la charge , & voir à Tégard de laquelle des deux il eil appelle de ce nom. Et porr ce qui eft de fa charge qui confifteencequ'il cft fouuerain Prophète de fon Eglife , fou- iierain Sacrificateur, 6c Roy , il n'y a perfon- ne que je fâche qui luy attribue ce tiltre de pils de Dieu à Tégard de fa Prophétie 3 Et de faid,iln'yarien en l'Efcriture fàinte qui ait la moindre apparence de mener là. Pour ce qui efl de Sacrificature , quelques, vns ennemis de Diuinité prétendent qu'il peut bien eflre appelle Fils de Dieu àToc- cafîon de fon Sacerdoce , & fondent cela fur vn paflage qui fe trouue au chap. 5. de cette Epiftre , ?Apofl:re parle en cette forte : Chrifi ne s' efl point glorifié foy^mefme four eftre fait Souuerain Sacrificateur , Mais celuy Va glorifié qui luy a dit^ Tu es mon F ils y je t'ay aujourd'huy en^màré. Comme fil*A- poflre auoit eu defTein de nous enfeigner que noflre Seigneur eft Fils, parce qu'il efl Souuerain Sacrificateur , oc que fa généra- tion a efté fon inflallation en charge.

Mais outre que pour eftre Fils de Dieu il faut au moins auoir quelque relTemblance auec luy ^ ce que noftre Seigneur, entant queSouuerain Sacrificateur, n a point, parce qu'en Dieu il n'y a rien qui fe rapporte à cette charge^ ce n*eft nullement l'intention de l'Apoftre en cet endroict là. Noftre Sei- gneur auoit dit qu'il eftoit le Meflîe , 8c que Dieu l'auoit fandifié 6c enuoyë pour cela: Ce qui enferme neceflàirement fon Sou- uerain Sacerdoce, A cette occafion il auoic efté accufé ôc condamné, 6c misa mort par les luifs 5 6c Dieu en le permettan^t ainfî fembloit auoir confirmé 6c ratifié cette fen- tence. Quand donc il vint à le refliifciter des morts ^ èc par ce moyen à cafler TArreft qui auoit efté donné contre luy , il mit en euidence la vérité de ce que Chrift auoic dit de foy , 6c aduoùa hautement qu'il luy auoit donné la charge de Meiîîe , 6c par confèquent de Souuerain Sacrificateur , 6c que c'eftoit luy qui l'auoit en cela glorifié^ éc non pas Chrift qui s'eftoit glorifié foy, mefme. C'eft donc a cela qu'il faut rappor- ter ces paroles employées par l'Apoftre , Tu es mon Fils , je t'ay aujourd'huy engendré : Car vous fçauez qu'elles font interprétées de {a refurredion au hure des Ades, Enfin

A iij

quelques- vns rapportent cela à /a Royauté, ^ allèguent pour cet cfFcd deux pailàges de l'Efcritute. L'vn eft au Pieaume 82. le Prophète parlant des Souuerains Magiftrats dit : fay dit vous efies Dieux , votts eftes tous enfansdîi Souuerain : D'où ilsraifonnent que il les Potentats de la terre font appeliez enfans de Dieu , à caufe du fbuuerain com- mandement qu'ils ont entre les mains ^ noftre Seigneur peut bien eftre appelle Fils de Dieu à caufe de la fouueraine emi- nence de dignité Royale. L'autre eft au dixième de S. lean , noftre Seigneur ayant efté accusé de blaipheme , parce qu'il s'eftoit dit Fils de Dieu,fe défend en cette manière. N'elî-tl pas tfcrit en voftre Loy^ fay dit vous efies Dieux / Si elle a appelle ceux- /i Dieux au f quel s la parole de Dieu eft ad- drefièe , ^ V Efcriture ne peut ejlre enfrainte: Dites vous que je blafpheme ^ moy que le F ère aJanUifié ^ enuoyéau monde ^ pour ce que fay dit, je fuis le Fils de Dieu / Mais ny Tvn ny l'autre de ces paflàgesne prouuent ce qu'ils prétendent. Gar pour ce qui eft du pre- mier , il y a bien de la diiFerence entre cette appellation d'enfans de Dieu , quand elle eft ainii donnée en commun à tous les Souue- rains Magiftrats , & ce glorieux tiltre du

7 Fils de Dieu , quand il eft appliqué à vne perfonne fingulierc. Tous les Fidèles font nommez en commun enfans de Dieu,à caufe de fon image qu'ils portent en la reprefen- tation de la fàindcté. Mais fi quelquVn deux fe difoitle Fils de Dieu en particulier, fa confcience propre luy reprocheroit fon audace & fon blafpheme. De mefmestous les fouuerains Magiflrats font en commun nommés de ce nom d'enfans de Dieu, par- ce qu'en la puiflànce indépendante qu'ils ont fur les autres humains , ils ont receu la communication de quelque rayon de Ma- jefté , & de Tauthorité infinie qu'il afur les Cieux dctnr la Terre. Mais aucun d'eux, qui qu'il foit , n'oferoit prendre ce nom de Fi/y de Dieu en particulier , s'il ne vouloir pafTer pourvnblafphemateur ôcpour vnfacrilege. Et la raifon de cela eft, que cette denomi» nation a rrop de magnificence , & met dans l'efprit vne idée trop glorieufe , ôc qui re« prefente vne trop grande dignité, pour pou^ noir conuenir à vne limple créature. Pour le regard du fécond , on y peut dire diuer- fes chofes. Et premièrement cela a eftédit par noftre Seigneur comme par forme de conceffion feulement , pour montrer com^ bien les luifs eftoiét iniques Se déraif ônables,

A iiij

8

Vous ne trouuez ,dic-il , point maunais que rEfcriture appelle les fouuerains Magiftrats Dieux, de Enfans duSouuerain, âcaufede Teminence de leur charge. Puis donc que Dieu m'en a conféré vne quieft infiniment plus excellente que la leur, nedeuriez-vous pas vfer de quelque fupport enuers moy quand ie me dis eftre Fils de Dieu, 8c ne faur^ il pas que vous foyez bien injuftes, 6c bien paffionnez contre moy _, de dire que je blaC pheme ? De plus , il eft certain que la char- ge de Médiateur eft telle qu'elle ne peut conuenir à vne perfonne qui ne foit quVne iîmple creatute feulement. Car il ne pou- uoit eftre, comme ditnoftre Apoftre,/>^ri- tier de toutes chofes^ c'eftàdire. Seigneur des deux & de la terre , fans vne infinie authori- , & il ne pouuoit exercer cette domination fans vne vertu &: vne puiflance infinie. Si donc ces paroles prouuent, comme elles font indubitablement, qu'il eft Médiateur, elles prouuent également qu'il eft Dieu bénit éternellement , ce qui met déformais l'inter- prétation de ce paflàge hors de controuerfe. Enfin les paroles mefmes efquelles il eft con- ceuj juftifient cette vérité , &: la mettent dans vne claire euidence. Car le Seigneur lefusditque le Père YafanHifiè^ àc qu'il 1'^

9

enuoyè au monde. Or ce terme de fànclifîca- tion fîgnifîe , non la régénération , comme quand il eft queftion àcs Fidèles , mais la confecration par laquelle il a efté ordonné pour les fondions de charge. Son enuoy eft venue du ciel en la terre & fon incarna- tion , qui , comme vous voyez , fuit fa fancti- fication, en l'ordre auquel noftre Seigneur les propofe. Sa confecration donc a précé- dé fon incarnation, &s'eft faite dans le ciel auant qu'il euft paru en la terre. Il eftoit donc auant qu'il fuft incarné. Et qu eft- ce que ce- la veut dire finon qu'il eft Dieu benit éter- nellement? Car quelle exiftence pouuoit-il auoir auant fon incarnation, finon éternelle ^ diuine? Mais ailleurs TÉfcriturenenous laifle nullement douter que ce ne foit , non à regard de charge , mais à l'égard de fi per- fonne , qu'il eftappellé le Fils de Dieu. Pour exemple,quand Saind Paul au chap. premier de l'EpiftreauxRomains dit que lefns Chrift a efté fait de la femence de Dauid félon la chair: mais qu'il a efté déclaré Fils de Dieu en puiflance félon l'efprit de fanctifi cation , il faut que par la chair il entende l'humanité^ & par l'efprit de fanctification vne nature di- .uine&: non vne charge. Car comment s'ap. pelleroit charge de Médiateur vn efpnt de

fmdifîcacion ? Etquandaucliap. premier de TEiiangile félon faint Luc , PAnge dit à la Vierge bien-heiireufe , L'Efpritdu Seigneur furuiendra en toy ^ ^ la vertu du Tr&s-haut i enojnbrcrd'.dont auflî ce qui naîtra de toy Saint fera appelle le Fils de Dieu^n^ t-il pas manife- ftemenc égard a la perionne de noftre Sei- gneur,qiu deuoic eftre conftituee de la natu. re diiùne & de la nature humaine par la vertu du Saint Efprit, &: non à fa charge dontil n'efl fait mention quelconque? Ileft donc horsdecôtreditque lefus Chrift eft appelle Fils de Dieu eu égard à fa perfonne : mais il y a outre cela quelque chofe à examiner icy. Car dans la perfonne de Chriflon peutcon^ fîderer la nature humaine à part,êc la diuine à part encore, ôc enfin la perfonne toute entie- Tc^conftituée comme j*ay dit,de la nature hu- maine &: de la nature diuine conjointement. Or à regarder la nature humaine precifemêt, elle a bien cela de particulier en Chrifl qu'el- le efl fainte , innocente , ôc exempte de toute forte de péché. Mais neantmoins , ce qui efl reprefènté par ces termes. La refplendeur de la 'gloire de Dieu , ^ ta marque engrauée de fa perfonne , a , comme nous verrons tantoft, quelque chofe de magnifique êc de fi grand , que la nature humaine toute feule

ir iVefl: pas capable de le fouftenir. C'efl: pour* qiioy noftre Apoftre appliquant à le/us Chriftôcaumyftere defon incarnation , ces paroles de Dauid au PC 8. Quefi-ce que de l'hvmme mortel ^ que tu ayes fouuenance de luy^ ^ du fils de l'homme que tu levifttes^ s'exprime auec interrogation & exclamation comme vous voyez , afin de nous donner à entendre qu'il y a dequoy s'émerueiller de ce que la Diuinité a daigné joindre l'humanité âfoy, à caufe de leur difproportion infinie. Quant à la nature diuine deChrift, il n'y arien de fi glorieux dans les paroles de noftre texte qui ne luy puifiTe conuenir. Car de quelle magnificence & de quelle fplendeur eft-ce que la Diuinité n'eft point capable ? Mais c<^s termes , re fplendeur de la gloire , marque engrauée de la perfonne , ne font pas icy em- ployez feulement pour fignifier la reflem- blance 6c le rapport qui eft entre Dieu & no- ftre Seigneur, & pour dire que le Fils eft femblable au Père , cela eft dit principale- ment relatiuement à nous^ &; pour nous don- ner à entendre que Dieu s'eft tellement communiqué à la perfonne de Chrift, 6c s'eft fi parfaitement reprefentéen elle, que c*eft il faut que nous le regardions 6c que nous le connoiflîons , parce qu'il el^'

abfolument incomprehenfible en luy-meC me. Or le Fils, fi vous le confiderez feule- ment en fa Diuinité, eft autant incompre- henfible à nos entédemens que Dieu, & auffî capable deblouïr nos yeux, Se d'engloutir nos penfces. De il s'enftiit neceflàirement qu'il faut icy confiderer le Fils de Dieu en- tant qu'il eft Dieu &: homme tout enfemble^ & que c'eft à cela qu'il faut rapporter ce que l' Apoftre en dit icy. En efFed , ôc les paroles qui précèdent, & celles qui fuiuent immédia- tement, & tout lefujetde cette diuineEpi- ftrele montrent. Celles qui précèdent pre- mièrement. Car quand l' Apoftre dit que Dieu a parlé a notes en ces derniers temps far fon JPils ^ il entend fon Fils manifefté en chair: car c*eft en cet eftat-là qu il a parlé aux hom- mes. Celles qui fuiuent auflî. Car quand il adjoufte, qu'ila fait par foymefmela purga^ tion de nos peche^^ ^ qu'ail s'ejiajfzs à la dextre de la ma]eftè es lieux très-hauts , il entend par- ler de lefus Chrift reueftu de l'humanité, auec laquelle il a fait la fondiondeSouue- rain Sacrificateur, 6c a pris pofleffion de fon royaume. Le fujetde cette Epiftre encore. Car!' Apoftre ytraitteladodrinedel'Euan- gile, qui n'eft rien finon l'explication des choies qui concernent la perfonne de Chrift

^3 entant qu'il eft Dieu manifefté en chair , &

la charge de Médiateur qui luy a efté confé- rée par le Père celefte. Et véritablement il n'y a rien de fi clair, qu'il peut eftre appelle Fils de Dieu en cet égard. Car pour eftre fils de quelquVn il ne faut finon auoirvne nature entièrement femblable à la fienne, & la tenir de luy par génération. Or noftre Seigneur lefus Chrift a vne nature tout à fait égale à celle de Dieu , & il la tient de luy par vne génération incomprehenfible & éter- nelle. Et derechef, pour eftre fils de quel- quVn il faut eftre vne perfonne dont les cho- ks qui la conftituent, ayent efté vnies en- femble par la vertu & par l'efficace de celuy de qui on eft dit fils. Or noftre Seigneur eft vne perfonne dont les deux natures qui la compofent, ont efté vnies enfemble parla vertu de l'Efprit de Dieu, fàn!> qu'il y foit riea interucnu finon cette opération celefte , ex- traordinaire de miraculeufe. Mais il eft temps devoircequel'Apoftre dit de cette bénite & glorieufe perfonne. Il eft, dit- il, la ref- f tendeur de la gloire de Dieu, Ce mot de gloi- re, Mes Frères, fignifieafiTez fouuent en l'Efcriture, vne grande lumière corporel- le & qui a beaucoup d* éclat. Commequand TApoftre au chap. i j, de la première aux Co-

ï4

tmthiensditqxx autre efi la gloire du Soleil^ é^ autre la gloire de la Lune ^ ^ autre la gloire des Ejiotles. Car on dira bien d'vne chandel- le allumée qu'elle a de la lumière, mais deb gloire , nop. Des aflres , parce qu'ils font ad- mirablement radieux , on peut bien dire qu'ils ont, non de la lumière feulement ^ mais encore de la gloire. Mais il n'efl: pas que- stion de cela icy . Car Dieu n'efl: pas vn corps lumineux d'où il fe puifl[ê écouler vne ref- plendeur qui fe reçoiue dans vn autre corps. Et bien que le corps denofl:re Seigneur (oit maintenant fbuuerainement rayonnant haut dans les Cieux, ce n'efl: pas pourtant proprement en cela qu'il efl: la refplendeur de la gloire de Dieu à nofl:re égard , & que Dieu^ quiefliincomprehenfible en foy^ s'eft: donné à connoifi:re à nous en la perfbnne de fon Vnique. Gloire aulîî fignifie quelque- fois vne bonne renommée quand elle a quel- que chofed'illufl:re, d'extraordinaire & d'é- clatant, 6c quelle a outre cela quelque foH- dité qui la rend ferme êcperfeuerante. Car d'vn homme qui , pour exemple , a fait quel- ques bonnes adions de valeur , ôC qui ont efl:é connues , on peut dire qu'il a ac- quis de la réputation. Mais pour mériter ce nom de gloire , il faut quelque chof©

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qui furpafle de beaucoup cette médiocrité

la , de auoir donné des batailles auec fuccez^ pris quantité de places , de s*eftre demeflé de plufieurs grandes actions militaires auec honneur, de à la veuëde tout vn Royaume. Parce donc que toutes les vertus de Dieu font fouuerainement eminentes , de. que tou. tes les actions qui en procèdent éclattent admirablement, de que cela eft confiant dC perlèuerant d'vne manière inuariable , la louange qu'il mérite par , de que fes créa- tures laintes de intelligentes luy en donnent, mérite ce nom de gloire. Auffi voyons nous queTEfcriture employé fouuent cette fiiçoii de parler,/^ gloire de Dieu, en cette figni- fication. Comme quand l'Apoftre veut que nous faffions toutes chofes à la gloire de Dicn , C'efta dire, en telle façon qu'il luy en rc- uienne beaucoup de louange, de que nous ne vifions en nos actions ^ fînpn à faire éclat- ter la bcauré de fes vertus. Et c'eft au ineime iens qu'il dit que nous deuons eftre à la louange de la gloire de la grâce de Dieu ^ dC que nous mefmes nous fèruons ordinaireméc de ces termes, feruir à la gloire de BieUy aiian- cer la gloire de Dieu ^ de femblables. Mais ce n'eft pas encore ainfi qu'il faut prendre cette parole en ce palliige. Car la gloire deDicu^

dncefeiis-là^eftvne rerplendeiir de fesvéf-^ tus , &c quelque chofe qui s'en produit & qui en refulte. Or Chrift ne Teroic pas k refplen- deur d vne aucre refplendeur des vertus de Dieu : de vne perfonne telle qu'eft celle de Chrift , ne peut pas eftre dite vne émanation d'vne chofè qui n'eft point elle-mefmevne perfonne ny vne fubfiftence véritablement exiftenteenelle-merme. Pour donc enten- dre cela il faut confiderer en Dieu principa- lement deux chofo. La première confifte en fcs emerueillables vertus de (àgefle , de bonté, de juftice, de mifericorde , depuif- fànce 5 defaincleté, de puilïànce, êcs'il y a encore quelque autre propriété de cette na- ture : car il n*eft pas neceflaire d'en faire icy le dénombrement. Or chacune de ces vertus peut eftre nommée du nom de gloire , parce qu'elles font toutes mer- ueilleufement rayonnantes d'vne lumière fpirituelle& digne de l'excellence de laDi- uinité. En effed SaindPaul appelle difer- tement la puifTance Diuine de ce nom , quad au chap. fixiéme de l'Epiftre aux Romains, il dit, que noftre Seigneur eft refllifcité/^^r la gloire du. Père , c'eft à dire par vne vertu fbuuerainemcnt éclatante , & capable d'é- blouir les yeux de rentendement, Etquâd

noftre

17 rîoftre Seigneur promettant la Refurreftion

du Lazare, dît àîVnede ies fœurs,iV(?/^/y-. je pas dit que f tu croyais tu verrais la flaira de Dieu^ il entend encore la mefme puîfl ùiYiCQ. Or fi chacune des vertus de Dieu peut eftre appellée de ce nom de gloire , on peut fans doute en beaucoup plus forts termes,le donner à elles toutes enfemble, en les confiderant comme conjoindes & vnies^ S'il fautainfî dire , en concert. EnefFectmes frères , fi nous auions les yeux aflîez perçansr & aflez forts pour pénétrer ipfques dans: l'eflence diuine , & pour y confiderer la fplendeurde fes proprietez & defes Vertus^ nous verrions que c'eft vn eftre admirable- ment rayonnant, &: qui brille de toutes parts 6c à toute éternité dVne lumière inénarra- ble. L'autre chofe eft , que de ces vertus de Dieu refaite necefliciirement vne Majefté, &: vne authorite Souueraine fur toutes les chofes qui font en TVniuers , fbit vifibles foit inuifibles , & de quelque nature qu'elles foient. Car naturellement c'eft des vertus extraordinairement eminentes que fe pro- duit la puifl^nce du commandement : ce qui a fait dire à quelquVn autrefois que s*il fe trouuoit vn homme entre les autres dont les vertus fuflent telles & en fi o-randnom-

B

ï8 bre qu*ilpaflaften cela tout le reftédeshu mains , il deuroit eftre le Roy des autres , 6c qu'il auroit droid de s'attribuer Tauthorité de les gouuerner. Or toute telle puiflance eft accompagnée de quelque magnificence & de quelque fplendeur, &: toute telle fplen- iieur eft qualifiée du nom de gloire. Com- me quand noftre Seigneur dit que la beauté des listfa point efté égalée par la gloire de Salomon, il entend indubitablement l'éclat de Majefté , &: la magnificence qui ac- compagnoit puiflance Royale. Si donc vous joignez en Dieu ces deux cliofes en- iemble^fes vertus & la fplendeur delapuif- iance qui s'en produit ^ vous trouuerez que «eft vn eftre fouuerainem ent glorieux , C'eft pourquoy dans l'Efcriture Sainte il eft ap- pelle le Dieu ôc le Roy de gloire: Comme quand il eft ditauPfeaume , Portes ^ efleuer^ ifos linteaux y €jleue\l€S vom huis eteryiels ^ d^ le Roy de gloire entrera. Et c*eft pour cette raifon qu'entre les noms dont les Hébreux l'ont autrefois appelle^ ils l'ont nommé du nom de Gloire , comme s'il n'eftoit pas feu- lement refplendiflànt êc glorieux , mais la gloire mefme. C'eft donc en cet égard que Chrifteftlarefplédeurde la gloire de Dieu: jCar ce napt de reiplendeur lignifie propre-

filent vn écoulement de lumière qui Cort dVn corps lumineux^ ôc fe reçoit telJcmenc dans vn autre , que dans la réflexion qui s'y en fait, il iemble que l'on voye le corps merme dont elle a tiré fon origine. Comme ri arriue quelques fois qu'il fe rencontre vne nuée fi commodément fituée à l'oppofite du Soleil, quil s'y fait vne telle impreffioit de fa lumière qu'elle le reprefente exade- ment y de forte qu'on les prend l'vn pour l'autre , & qu'on s'imagine qu'on void deux: Soleils, tant il eft mal aifé d'en faire le dif- cernement. Et cefl ce que l'Apoftre veut dire , que le Seigneur lefus reprelènte tel» lement la gloire de la Diuinité en foy , de qu'il en a receu vne telle communication, qu'on ne le fçauroit prendre pour autre cho- fc que pour Dieu bénit éternellement, tant les vertus 6c la magnificence de la majefté de Dieu font admirablement reprefentées cnia perfonne. Etc'eft pourquoyl'Apoftre au chapitré premier de TEpirtre aux Co- loffiens l'appelle Nmaç^^e de Dieu inuifible. Ce- pendant mes frères, Chrift doit eftre can- îîdefé en: deux eftats , afl!auoir en celir)' de fon abbaiffement j êc en celuy de fon exal-» ration. Et en ce premier eftat , il a bien pu certes eftre la refplêdeur des vertus de DieiTr

B ij

lO

Car il a eu la mefine juftice , la mefme bontés la mefme fàgefle , la mefme mifericorde que Dieu. Il a melmes peu eftre en cet eftat la refplendeur de fa puillànce , parce qu'il rafaitparoiftre en vne infinité d'adionsmi- raculeufes qui ont rauy en admiration ceux qui les voyoient. A cette occafion , lors que Philippe luy demanda qu'il luy pleuft de monftrer lePere à luy & à fes compagnons, il ne fît pas difficulté de luy rcfpondre, jPhilifpe qui rna veu il a veu mon fere ^ par- ce qu il n*y a point de vertus en Dieu que noftre Seigneur ne fîft voir enfà perfonne. Mais quant à cette magnificence qui accom- pagne vne authorité fouueraine, ileftmal- aifé de conceuoir qu'en cet eftat noftre Seigneur en ait efté larefplendeur. Au con- traire rApoftre,quiditqu'auantfbn Incar- nationil cùioit m forme de D/^//3 c'eftàdire, qu'il auoit autour de foy toutes les marques éc toutes les enfeignes les plus glorieufes de la Diuinité , ajoufte qu'il n'en a pointt fait de parade quand il s'efl manifefté en la terre, & qu'il a pris la forme de feruiteury eftant fait àlareflemblancedesplus mépri- fables d'entre les hommes. Il eft vray que noftre Seigneur a efté transfiguré fur la mon- tagne, & quefà transfiguration efloitconi*

il me vue image de la plus efclatante gloire de Dieu. Mais cela aefté paflager&: naduré que fort peu de temps : tellement qu'il n'a point changé la condition de fon aneantifle- ment en la terre. Si donc l*Apoftre faind lean dit , Notis auons contemplé fa gloire^com^ me de IVnique iffu du Père , ou bien il entend la gloire qui confîfte en la reprefentation des vertus de la Diuinité feulement, & non en l'image de magnificence : ou bien s'il en- tend parler de l'image delà magnificence de Dieu, il a égard à la transfiguration , de la- quelle luy& deux de ks compagnons feule- ment auoient efté témoins , & que l' Apoftre S. Pierre appelleauflî en quelque lieu de ce nom de gloire. Il en faut donc enfin reuenir là, que pour remplir toute l'eftenduë, ôc égaler toute l'emphafe de ce terme , Chrifl efila refplendeurde la gloire de Dieu , il le faut confiderer non pas feulement en l'eftat de fonabbaiflement,oùila reprefentéles ver- tus de la Diuinité, mais auffî en celuy de fon exaltation , il porte l'image de la magnifi- cence de puiflànce. Et de faid ces mots ayant fait par foy- me [me la purgation de nos pcche%^^ le nous propofent comme refllifcité d'entre les morts-, car lapropitiationn'ena peu eftre acheuée qu'après que noftreSei-

B lij

il gvieur a efté relTufcité. Et ccnx-cy , s'eftajfts àladextrede'lamajeflê^ le propofent encore plus clairement en cet eftat glorieux , parce que non feulemcc ils Tuppoicc fàrefurrection, mais mefnies Ton afcenfion au ciel &: fon in- trodudion en la jouïflancede fbn royaume. Mais voyons ce que l'Apoftre adjoufte aux chofes précédentes. // e/i^ dit^il , la marque enz^rduè.^ de fa fer faune. Ce mot de perfonne cft 11 commun 6c fi bien entendu de tous, qu'il eft , ce femble , plus clair que quoy que je puilTe dire pour vous en donner Pintelli. gence. Nous ivappellons pas vne pierre vne perfonne, parce que c*efl vn eftre qui n'a pas mefine receula participation de la vie. Nous ne nommons pas ainfi non plus vne plante, parce qu'encore qu*on puilTe dire qu'elle eft viuante , elle n'a pourtant aucune connoif- fànce de fon eftre, 6c qu'elle eft priuée de fentiment. Nous ne qualifions pas mefine ainfi vn çheual j parce qu*encore qu'il ait quelque fentiment de foy-mefiiie, il eft néanmoins deftitué d'intelligence &: derai- fon. Quant à la nature humaine , bien qu'on ne la puiffeconcenoir qu'on n'enferme dans ^conception la penfée de la raifon , fi eft- ce que lors qu'on la confidere entant qu'elle eft commune à tous les hommes , 6c

^3 que, pour ainfi parler , elle fe répand dan

vne infinité de fujets, on neluy donne pas Je titre de perfbnne non plus , parce que ce mot reprefente vne nature intelligente en- tant qu'elle fubfîfte envn certain fiajet indi- uidu ,qui eft feparé de tous les autres , & qui eft déterminé en foy mefme , foit par des circonftances , ou par des proprietez , ou quoy qu'il en foit par des chofes qui leur font incommunicables &c qui ne conuiennent fi- non à luy. Et ce mot a efté employé par les anciens Théologiens , en difputant contre les ennemis de la dodrine de la Trinité, pour expliquer & pour défendre le dogme de trois fubfiftances dilHnctes en TelTence diuine, dans l'ordre &: dans Toeconomie en [laquelle ce myftere nous eft enfeigné par la Parole de Dieu. Carilsontconceuque l'Eflèncedim- ne eft vne nature qui eft tellement commi>ne à trois, allàuoir le Père, leFils_,&; le Saint Efprit, qu'encore qu'il n'y aitquVn fêul&: mefine Dieu , il y a pourtant trois fubfiften* ces diftindes en fon eftence. Et cela ne fc pouuoit pas mieux .. Vray eft qu'il y a de no- tables différences entre ces choies ^ ëc celle- cy nommément. C'eft que cette nature hu- maine que j'ay dit eftre commune à toutes les perfonnes du monde 5 n'eft point effeâi-

B iiij

î4 ueinent iînon en elles , 6c n'a point d'exiften* ce aduelle à part. Au lieu que TefTence diui- ne exifte véritablement, à la confidereren elle-mefme ^ bien qu'entre les trois fortes de lubfiflence , qu'on nomme de ce nom de

Î)er{bnneSj ilyaitvne telle diftindion, quç e Père n'eft pas le Fils, ny le Fils n*eft pas Père , de que le Saint Efprit ne foit ny le Père ny le Fils. Maisil eftoitimpoflîbledetrou. uer dans toute Teftenduë des chôfes créées aucun autre meilleur exemple , ny qui repre- fènte mieux ce myftere-la. Et je ne doute pas que ce n'ait efté l'intention de nos Inter- prètes, quand ils ont traduit le mot qui eft dans loriginal , par celuy de perfonne^ de prendre ce terme au fens auquel il a efté em- ployé par les anciens Théologiens, Neant- moins il y a plujfîeurs chofes qui pourroienç faire douter s'ils auroient aflez commodé- ment reprefentél*intentipn&remphafe di| mot de PApoftre. Car pour dire cela en pre- mier lieu, l'Apoftre ne s'exprime pas ainfi? Ze Fils e(i la marque engrauée ou l'emprainte de la fubfilîence duPere^mais la marque en- grauée de la^fuhfilience de Dieu 5 le terme de jP^r^ ne rencontrant point dans les paroles précédentes, mais celuy de Dieu feulement. Or eft-il bien certain que qui dit Fils , obli-

ge neceflTalrement Pintelledà faire quelque reflexion fur la relation de père. Mais pour- tant vous m'aduoUerez que puis qu'il a mieux aimé s^exprimer par ce terme de Dieu que par celuy de Père , il femble qu*il aie pluftoft voulu nous mettre dans l'efprit la pcnfée delà Diuinité, entant qu'elle a des vertus émerueiUables , Se vue eflence eter* nelle, &vne infinie majefté, que celle de la relation de Père , par laquelle il eft diftingué du Fils ^ êcde cette incomprehenfible fubfi- ftence qui le fait conceuoir comme Pere& non proprement comme Dieu. De plus , ce que j'ay dit du mot de refplendeur , qu il a efté employé pour nous fignifier que Chrift eft celuy en qui Dieu, qui autrement nous feroit entièrement inconnu , fe donne à con^ noillre à nous, fe doit dire pareillement de çeluy de marque engrauée , de caradere ou d'emprainte. Or comprens-je bien certes quVn fih peut eftre appelle Timage de fon père , parce qu'il le reprefente dans les quali- tez de fon elprit , dans la ftrudure de foni corps, & dans les lineamens de fon vifage; Mais comment il peut eftre dit fon image , eu égard à cette façon de fubfifter qui le diftin- gué dauecluy,c'eft ce que je ne comprend pas : &: me femble que cette façon de fubfi*

2(î

fter qui le fait eftrç Fils, m'eftaufTiincom^ prehenfible que celle qui fait l'autre perfon- uc Pere,& que je ne puis pas connoiftre iVn par l'autre, comme l'on fait vn original parfon portraicb. Vous pouuez encore ad- joufter à cela que fi nous fuiuons icy la ver- iion de nos Interprètes , ce fera icy le feul endroit ce terme defubfiftence, quieft dans l'original de PApoftre , fe prenne en FEfcriture fàinéte au fens auquel ils l'ont pris . Car il n'y a aucun autre endroit mefmes il approche tant fbit peu de cette intelligence. Or il feroit bien eftrange que ce pailàge fuft vnique ce terme euft cette interpretatiô. Encore pourroit on bien faire ici cette obfer- iîation,qu a prendre ce mot defubfiftence en cette fignification félon laquelle il defigne la manière de Pexiftence dequelque chofe , qui loy eft fi particulière qu'elle eft incomunica- . i>îe à tout autre eftre que ce foit , il fautvn peufubtilifèr,& auoir despenfees philofophi- ques ôc minces , aufquelles les Saints Apo- lires ne s'amufent pas ordinairement. Enfin^ ce terme de fubfiftence , au ftile de noftre Apoftre,s'employepourdefigner la nature des chofes qui ont vn eftre ferme & perma- nent , & qui ne varie pas , de ne s'ëbranle pa$ laifement. Comme quand au commence-

^7 ment du clicip. II. de çQue Epiftre y il dit que

Zafoy efl vue fuhfiftence des chofes quon efpere^ il entend vne attente ferme, & inuariable , 6c qui ne fe la;iTe point eitranler par la fecouf- fe des tentations. Or à fuiure cela , l'on peut icy donner à cette parole vn fens qui con- uiendra , comme je croy , parfaitement bien à l'intention du faint Apoftre. Car premiè- rement Dieu eft vn eftre à la vérité , qui femble auoir cela de commun auectous les autres eftres , qu*ils font j mais qui a cela de particulier que la plus part des autres font ëuanouïllans &: paflagers, au lieu que Dieu eft vn eftre permanent ôcdVne fubfiftence éternelle , & qui n*eft fujette à aucun ombra- ge de changement. Voila pourquoy quel- que Philofophe a dit autrefois qu'il n'y a que Dieu feul qui foit véritablement, ôc que tou- tes les autres chofès ivont rien finon l'om- bre de Tertre. Et l'Efcrituie dit quelques- fois des chofes qui ont de Tair de cette conception. Card'vn cofté Dieu dit, quV/ efi celuy qui efi , 6c s'appelle de ce nom là, pour fe diftinguerd'auec toutes autres cho- ies : &:de l'autre il eft dit que les hommes fe pourmenent parmy ce qui n'a que l'appa- rence, comme file monde eftoitvn théâtre deftiné , non à contenir àz^ chofes reellesj

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niais à fcruir à des reprefentations ^ & que la Scene,comme on parle,6c les décorations, en changeaflent de moment en moment , 6c pafliiflent inceflamment par des viciflîtudes' continuelles. Outre cela , s'il y a quelques eftres qui fubfîftent conftamment , comme on dit que les Cieux font incorruptibles ^ fi eft-ce qu'il aefté vn temps qu'ils n'eftoient point 5 éc ils pourroient n'eftre plus fi Dieu le vouloit, de je puis conceuoir des Cieux en mettant à part leur exiftence, 6c me figurer des fpheres celeftes dans les efpaces imagi- naires , encore qu'efFecl;iuemçnt il n'y en ait point. Tellement que, comme on parle,leur exiftence eft contingente. M ais quant àDieu il a efté de toute éternité , il fera à toute éter- nité encore, il ne peut jamais arriuer; qu'il ne fbit point, 6c je ne puis conceuoir la na- ture de laDiuinité, fans enfermer dans cet- te penfée celle-cy encore, que Dieu exifte aduellement, èc d'vne exiftence abfolument neceflaire. Vous pouuez joindre à ces con- fiderations que Teftre de toutes les autres chofes quelles qu'elles foient , a eu befoin de quelque chofè extérieure pour exifter, 6c a fans cefiTe befoin de quelque caufe qui le maintienne 6c qui le conferue , autrement plies fe fondraient £c s çcouleroientàneapt.

^9 Les Cieux mefmes , comme ils ont efté

créez par la puij[Iànce de Dieu , fe confer- iienc par elle mefme ^ ôi fans elle il leur ar- riueroit incontinent quelque notable dérè- glement. Mais quant à laDiuinité, elleeft de par elle mefme , elle fe maintient fans VaC- fîflance d'aucune autre chofe, & a dans fa propre effence les fources éternelles de fa vie y fans qu*il y puiffè jamais arriucr altéra- tion ny changement. Enfin 5 tout ce que les autres chofes ont d'eflre , elles le contien- nent en elles , ôc n'ont pas la vertu de le com- muniquer. Ou fiellesont quelque vertu de fe répandre & de tranfmettre à d'autres chofes par la génération , elles ont receu cela de la diuinité ;, & ne le pofTedent pas d'elles mefmes. Au lieu que Dieu eft vne fource d'où coule inccfïàmment en toutes autres chofes Teflre & la félicité. Tellement qu'il n'efl pas feulement , il n'eft pas feulement heureux d'vn bon-heur éternel & inuaria- riable en fon efTence^il efl le fertile &c inépui- fable principe d'où toutes les autres chofes tirent leur eftre 6c leur beatitude,ôc: elles n'en peuuentauoir la moindre veine ny la moin- dre ombre fans fa communication. Noflrc Seigneur lefus Chrifl donc efl la marque en- grauéedelafubf^ftancedeDieUj en ce qu'il

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èft comme luy , & d'vne exiftence cterfielle,; neceflàire, qui a fon principe en foy melme, qui fe communique aux autres chofes, & qui leur donne tout ce qu elles ont d*exiftcnce &: de bon-heur. Selon ce qu'il dit kiy-mefme en quelque lieu, que comme /^ Père a perpe- iuellementla main à U hefongne ,il Va y a aufii^ pour la production & pour la conferuation des cliofès de I>Vniuer5]::6c que comme le Père à vie en foy^mefme ^ aufii a-î il donne au lits dauoirvie en foy- mefme^non pour la polTeder quant à luy feulement, mais pour la donner aux hommes, tant par la naiflànce que par la refurredion.Cependâtil faut icy remarquer la différence qui fe trouue entre les termes qui font employez par PÀpoftre. Il a dit que Chrift eft la refplendeur de la qloire de Dieuv cequiavne merueilleufe emphafe. Neant-^ moins vne refplendeur eft vne choie qui peut ne durer pas long- temps, &S'éuanouir incontinent. Gom meen cette impreffionde lalumiere du Soleil dont je vous parlois tan- toft, file Soleil, qui eft dans vn mouuemenc continuel , change de place , fi la nuée , qui flotte dans l'air par l'agitation du vent, chan- ge de fituation, fi de quelque façon que ce loit, ces chofes n'ont plus mutuellement ley afpeds qu'elles auoient auparauant , cette

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refplendeur s'efFaceôc cette imprcffions'c-

uanouic. Afin donc que l'on ne penfê pas quenoftre Seigneur eft vne refplcîKleur de cette nature ^ qui puifTe perdre les traits , les lineamens & Téclat de la diuinitë,L' Apoftre ajoufte qu'il eft vne marque engrauée ou vne emprainte ineffaçable de fon etemeîie fubfiftance , qui eft plus ferme de plus perma^ nentequefietleeftoitgrauëe fur le marbn!'^ ou fur le cuiure, ou fur les tables perpétuelles d*vn incorruptible diamant Car c*eftJa force que l'Apoftre veut donner à ce terme de carafhre , qu'il a, mis dans roriginal. Or auons nous, chers Frères, à tirer diuers beaux enfeignemens des chofes que vous auez en- têduës. Etle premier eft touchant la vérité de- là dodrme de la diuipiré de noftre Sauueur^ dont quelques malheureux hérétiques luy veulent rauir la gloire. le vous prie ^ peut-il fans eftre Dieu bénit éternellement, repre- fenter parfaitement en perfonnc toutes les vertus de Dieu , rayonner de réclat de fa. JMajcfté glorieufe, auoir receu l*emprainte profonde 6c ineffaçable de fon éternelle exi- ftence, de imiter cette fontaine féconde & inépuifable de vie & d'eftre, que Dieu ré- pandu: communique à toutes chofes en 1' V- iiiuers ? Non ,iji efl impofllble que des cha*

5^ , îcs fi irianifiques & exprimées en termes fl

iplendides&fipuiffans, conuiennent à vne créature qui n*eft finon créature feulemenr,> à quelque haut point d>eleuation & de gran- deur qu elle ait peu eftre portée par la volon- té diuine. Auflî TApoUre S.Patit dit-il de Clirift , qu'il eft Bieu manifefiè en chair 5 & il rappelle nofire grand Bieu ^ ôc il le confidere par tout comme eftant égal à Dieu en vertus & enMajefté^ainfiqu'ileftvn auec luy eil nature bL en elPence. Etcediuiri auteur de l'Epiftre aux Hebrieux 5 appliquant en ce meime chapitre icy à noftre Seigneur lefus ChriftcepaflàgeduPfeaume 102. Seigneurtu a^ fonde la terre ^ ^ les deux font l'ouurage de tes mains : ils périront^ mais tu es permanent , ils vieilliront ^mais quant à, toy tes ans ne finiront jfointy confond en cela hautement l'audace des hérétiques, Afres cela , Pemphafê de ces mots , refplendeur de la gloire de Bieu^ marque engrauée de fa fuhfilîence ^ comme j e le vous ay déjaditvalàdiredement, de nous prefenter la diuinité à connoiftre en la perfonne de noftre Redempter. Et défait , ceft la volon- . de Dieu qu'à toutes les fois que nous pen- fons à luy , & que nous voulons former quel- que idée de fon éternelle diuinité en nos âmes, nous nous tournions fur noftre Sei- gneur

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gne^vwlefus, comme lur celuy dans lequel li s'eft rendu reconnoiffàble, & en quelque iortecomprehenfible. Car de nous arre- fter à contempler l'eflTence de Dieu 3 ou de tâcher à comprendre rimmenficé de fes vertus , ou de fouftenir de nos yeujî les rayons de fa Majefté^s^ils ne font en quel- que forte adoucis dans la perfonne du Ré- dempteur ^c'eftchofe dont nous ne pour»- rions remporter que de l'éblouifTement, Sc de la confufion , 6c mefmes de la frayeur & de la côfternation pour nos confciences.Si la créature innocente auoit de la peine à fupporter le brillant éclat de faMajefté., fi les Anges mefmes couurent leurs yeux.lors qu'il reuele fur eux la clarté de fon vifage, quedoitceeftre autre chofe finon efton- nement &c frayeur, à l'heure qu'il fe fait voir & fentir à la créature qui a péché, & qu'il remplit fa confcience du fentiment de fa terrible colère? Maisceluy qui eft în- pifible en foy, s*eft rendu vifible en fon image: Celuy qui paffe la comprehenfiori des Anges mefmes , s'eft en la perfonne de Chrift rendu en quelque forte conceuablc aux hommes mortels : celuy qui de foy eft capable de remplir les efprits des hommes de' troubte Se d'épouuantement , leur pre*

C

34 fente en noftre Seigneur la confolatiô'n &

]ajoye. De forte que c'eft à luy qu*il faut que nous nous adreffions pour fçauoir ce que c*eft que Dieu ^ c'eft de qu'il faut que nous tirions toutes les inftructions & toutes les connoiffances que nous pouuons auoirde fa diuinité : c*eft de cette fource qu*il faut que nous puifions èc l'entretene- ment de noftre eftre naturel , & particulie- rementnoftre vie fpirituelle & immorteK le. De plus^nous fommes enfeigncz par à ne faire entrer dans la participation de cet^ te gloire auec noftre Seigneur lefus Chrift, aucune créature que cefoit ou des Cieux ou de la tej're. Car de quelle créature a- t-il efté dit,qu'clle eft la refplendeur de la gloi- re de DieUjS^ Temprainte de fubfiftence? Ceux de la Communion de Rome ont ac* couftumé de le joindre auec la Sainde Vierge fa mere^en telle forte que dans leurs prières & dans leurs exclamations , dans leurs exhortations dedans les aâies de leur deuotion la plus ardente, on n'oit point re- donner le nom de lefuS en leur bouche,que celuy de Marie ne vienne incon tin crapres. Certes, mes Frères, la Vierge eft vnetres'i excellente créature , mais qui n*eft que créature pourtant. Eilcn'eft donfc point la

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i^erplendeuf delciDiuinitéj au fcns auqitet

TAportre prend ce mot en cec endroit, &. elle n*eft pas capable de receuoir Tem^ prainte ny de fa gloire ny de les vertus , ny de fon éternelle àc inuariable exiftence. Elle n'elt pas non plus la refplendeur de lefus Chriftj&nenousa pas efté donnée afin que dans la mère nous connoiffbns le Fils, comme dans, le Fils nous connoiflîons le Père. Etneantmoins comtiie nous met- tons noftre Seigneur leRis Chrift entre Dieu & nous , afin d'auoir par luy accez au Père celefte , ils mettent la Vierge entr'eux & noftre Seigneur lefus Clirift^ afin qu'elle leur donne l'entrée ôc Taccez à ce diuin Rédempteur. Pournous, nous nefaifons rien en cela qui ne /oit conforme à Vinftitu- tion de Dieu^ qui nous a doniic fon Fil* pour Médiateur enuers luy 5 6c tant s*ert faut que cela empefche noftre comrnu- nion auec Dieu, que c'eft parlefeul Fils que nous pouuons eftre vnis au Père, Mais quant â eux, la Vierge n'apointeftëefta- blie leur Médiatrice enuers fon Fils^ êc au refte voulez vous que je vous reprefente par vne comparaifoiî quel effet cela peuc faire?Figurez vous que vous voyez laLune^ C'eft" en quelque forte vne refplendeur dii

Cij

3^ Soleil, qui à la regarder en foy eft extrême,

ment radieufe. Neantmoins , parce que tout ce qu'elle a de lumière elle le tient du Soleil, & que d'elle mefme c'eft vn corps opaque & ténébreux, quand elle fe ren^ contre entre le Soleil 6c nous_, il ne manque pas d'en arriuer vne eclipfe. Non qu'en luy mefme le Soleil fouffre aucune diminu- tion de fa clarté. 11 eft toujours également brillant &râyonnant, 6c il ne iuy peut fur- uenir aucun obfcurciflement par Toppofi- tion ou par l'interpoiîtion des chofes infe- rieures. Mais^lleempefcbequefa lumière nevienneà nous,& arrefte chaleur ^ ^ metobftacleàfes influences viuifiâtes. De mefmes,quand la Saindc Vierge feroit en^ cote beaucoup pl^ lumineufe qu'elle n'eft, il eft- ce que parce que tout ce'qu'elle a de fplendeùr elle le tire de Chrift , & que quant à elle c'eft vne fimple créature, na- turellement deftituée de toute vertu 6c de tout ëclat,quand on la met ainfi entre lefus Chrift 6c nous.come ces gens font ordinal - rement, elle ne luy ofte pas la gloire de fon éternelle diuinité , mais elle empefche que nousneleconnoîffîons comme il faut, 6c intercepte la communication de fon Ef- prit d'illumination ^ de confolation ^ de

37 fancîlificâtîon & cl*efperance. De enco-

res, mes Frères, pouuons nous apprendre qu'elle eft la condition à laquelle nous fom- mesappellezen la Cômunion de ce grand Sauueur. C'eftde l'éternelle &incompre- lienfîble communion qu*il aauec fon Père, que s'eft écoulée en luy cette gloire , cette majefté, cette communication deTeterni- te inuariable de fa fubfîftence. Par la com- munion que nous auons auec luy nous entrons en celle du Perc , de forte qu'il ne fait pas luy-mefme difficulté de dire que comme il eftvnauec lePere,nous fommes vn auec luy , & mefmes que telle eft la ver- tu de cette vnion, que çommeils font va cntr*eux, nous fommes vn auec eux , ce qui nous doitrauir en vne admiration ex- trême. Que deuons^nous donc tirer de cette communion-là ? Sera-ce la partici- pation de la Diuinité, ou que nous puif- iîons eftre dits la refplendeur de fa gloire^ & Temprainte de fa fubfîftence ? Nulle- ment. Nous ne fommes pas desfujèts ca- pables de fi glorieufes dénominations, & beaucoup moins fufceptibles ôqs chofes quelles fio-nifient. Mais bien certes de- uons-nous , puis que nous auons vne h eftroite & fi indiflbluble liaifon auec luy,

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58 qu^ileftnoftrechefjôcquenousfommesfes niembres^que nousfomines,dis-je,cIiair de fa chair,êc os de Ces os,en tirer la communi- cation de ces admirables vertus dont il nous a donné l^exemple. C'eft en cela qu*il faut que nous portions Timage & de Chrift de de Dieu , & fi nous le faifons , Saint Pier- re ofe bien dire que nous ferons ainCi faits farticipans de la nature diuine. l'adjoufteray encoreicy cette confideration. Bien que le Père vueille que nous regardions fon Fils pour fçauoir ce que c*ell que fa Diuinité, le Fils neantmoinsdefon cofté ne fe prefente à nous tel qu'il nous efticy defcri t,finon pour nous conduire à fbn Pe- xe. Il fait donc voir en luy les vertus du Père celefte , fa bonté , fa juftice , fa mife- ricorde, fa puiflance^ il reprefente en perfonne l'éclat de fa majeftë, 6c rayonne toutàrentourdelafplendeurSc de la ma- gnificence qui l'accompagne, Il fait voir en foy les traits profondement & éternelle- ment engrauez de la fermeté immuable de fon eftre , 6c les fources abondantes ôc per- pétuelles d'où coulent en toutes autres chofes rexifl:ence bc la félicité: maisc'-eft afin que ceux qui Tembrafient par vne vraye & viuefoy entrent par cemoyen en

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la communion du Père celefte. Et tel doit

eftre l*effecl de celle que nousauons auec Icfus Chrift. Il faut qu'on le voye tout en^ tierennous: fa pureté, fa juftice, fa chari- té, fon zèle à la gloire de Dieu , & ces incomprehenfibles compaflîoDS qu'il nous a témoignées, jufques à vouloir mourir pour nous , Se que par ce moyen nous atti- rions les hommes â la participation de fon falut en les amenant à fa connoiflance.Tel- lement que commp quand nous regardons Chrift auec toutes cqs glorieufes enfeignes de la prefence de la Diuinité , nous difons, pour certain Dieu eft : quand on verra la lumière de nos bonnes œuures & de noftre faincbe conuerfation , Ton puiffe dire que certainement Chrift eft au milieu de nous, &C qu'il eft en Jious , puis qu'il y vit , &nous en luy, & que nous ne viuons plus à nous- mefmes. Enfin , Mes Frères , cecy mefme nous fournit vne merueilieufe matière de confolation ôc d'efpei'ance. C'eft de la par- ticipation des vertus de Dieu, comme je vous aytantoftdit^^que refulce en noftre Seigneur lefus Chrift la communication de gloire, & de la magnifique fplendeur jqui enuironne fa majefte fouueraine. Et de JTiefme c'eft delà participation des vertus

C iiij

40 de noftre Seigneur que doit refulcer celle de fon immortalité ôc de fa félicité glorieu- fe. Car il a efté fi bon qu'il a voulu que comme noftre fandification eft vne ref- plcndeur de fa faincteté, noftre éternelle félicité foit jencore comme vne fuitte de cette régénération par laquelle nous repre- fentons fon image, yous nefies point en U chair i dit TApoftre^ mais en l'Efprit y voira filEfprit de Dieu habite en vous. Et Chriji efi en vous , le corps efl bien mort à caufe du pe^ ché 5 mats l'efprit efl vie à caufe de la juftice. Et comment cela? C'eiïqMQfl'Efpritdeceluy qui a rejjufcité le fus ChriJi du morts eft en vous^ celuy qui a rejfufciti Chrift des morts viui{iera aufii vos corps mortels à caufe de fon Efprit ha^ bitant en vous. EnefFed^ par la vertu de la communion que nous auons auec Chrift nos corps font les temples il habite par fon Efprit. Or Dieu a bien permis certes que le temple oii il habitoit autrefois ait efté ruïné fans reffburce, &fàns efperance de reftabliffement , parce qu'il n*eftoit compofé que de pierres mortes, & qui ne reccuoient finon fuperficiellement vn air extérieur de fàinteté parla prefence de l'E- ternel. Mais quant à nos corps, qui font des temples viuans, fonhabitation impri-

*4î me vne vraye fanclification , qui les pêne* tre y de qui les repurge , 6c qui les irradie Se les reforme jufques au fond, ilnefouffrira jamais qu^ils demeurenc éternellement gi- fans dans le tombeau , êc quand le temps en fera venu il ne manquera pas de les rele- uer de leurs ruines. Or à Dieu qui nous eft autheur de fi grandes 5c figlorieufesefpe- rances, au Seigneur lefus en qui les pro* méfies qui nous en ont efté données font ouï &c amen , 5c au Saint Efprit qui nous en fournit les arrhes & nous en donneles pref- (entimensennoscœurSjfoic, comme à va feulvray Dieu éternel, gloire, force, em- pire, &L magnificence aux fiecles des fie-r clés. Amen.

SECOND SERMON, fur ces paroles ,

JE/- fouftenant toutes chofes par fa parole puïf fante.

RERES BIEN-AIMEZ

EN NOSTRE SeigNEVR :

Lors qu'on m'a fait Thonneur de me prier de monter aujourd'huy en cette chaire , je n'^y pas eftimé qu'il me faluft dé- libérer long-temps touchant la refolution que j*auois à prendre fur cette propofition. ]l*indifpofîtion de celuy de vos Pafteurs qui la deuoit occuper j Pabfence d' vn autre, & les trauaux dont ceux qui fonticypre- fens font extraôrdinairement furchargez, n*ont peu fouffrireuégardàla fainte ami- tié qui efl: entre nous , que je leur refufaffe ce foulagement, non plus que le zèle que nous deuons tous auoir à voftre édification n'a peu permettre que cette heure icy de- nieurafl: abfolument vacante. le n'aynon plus hefité fur le texte que j'auois à pren- dre pour y attacher ma méditation: parce que la fuitte des paroles que je vous expo-

45 fay Dimanche dernier , contenant vne ma- tière fore excellente, & qui eft capable de vous donner beaucoup d'inftrudion , il n'eftoit pas necelTaire que j'allafTe cher- cher ailleurs le thème de cette adion. Mais parce que ces paroles font ainfi con- ceucs 3 ^ fouftenant toutes chofespar fa parole fuijlante ^ ayant fait par foy Tïiefyne lapurgation de nospechez^^ ilsefafiis à la dextre de la Ma^ jefié es lieux très- haut -^ je me fuis tFOUué en doutefijemecontenterois des premières, il eft dit que Chrift fouftient toutes chofei far fa parole puifjante , fi je prendrois en- core les autres qui fuiuent. Car je craignois dVn cofté que fi je m*arreftois feulement à la confideration de ce que TApoftre die queChrift.par fa parole/ouftientTvniuers, je n'euffe pasafiTez dcquoy remplir cette action , Ç\ je ne courois ailleurs chercher quelque matière efloignée de mon texte. Or ç*a touficurs eftc mo opinion,qu*vnMi- niftre de l'Euâgile fe doit tenir ioin t & ferré à fon fujet,^ ne fe donner pas carrière hors de fes limites. Et d'autre cofté je preuoyois qu'il feroit impofiîble de dire en vne heure tout ce qui eft necefi&ire pour l'explication dece texte, fi je le prenois tout entier : hc cependantil ne faut pas, s'il eft polllble,

44 Jaifler en arrière aucune des cliofcs qui

peuuenc feruirà rintelligencede ce paffa- ge , & à voftre confolation. le me fuis donc en fin refolu à faire pluftoft cette adion icy plus courte , que de tâcher d'embrafler dansTeftcduë d'vne prédication ce qu'elle ne peut pas contenir. Et quand je la ferois auffi longue que de couftume j'efpererois pourtant que Dieu me feroit la grâce de la difpenfer de telle forte. que jene dirois rien liors de propos , & qui fuft éloigné du thè- me que je me fuis propofc. Le but gênerai de TApoftre en cette diuine Epiftre eft d exhorter les fidèles à la perfeuerance en laFoy de l'Euangile, nonobilant les per- fecucions aufquelles ils font expofez. Ec pourlefaireefficacement, il leurrendl'E- uangilelcplus recommandable qu'il peut par la confîderation de la dignité inénarra- ble de la perfonne de fon autheur,&par l'excellence incomparable de fa charge. Et pour ce qui eft de fa charge, il a par- lé de fa Prophétie dans les paroles pré- cédentes, où il a oppofé la feule prédica- tion de Chrifta toutes les reuelationsdes Prophètes qui ont paru en tous les fiecles, quand il a dit, Dieu ayant jadis àplufieurs fok ^ en fduficurs manières parlé à nos pères

far les Prophètes , a parlé à nom en ces dernieri temps par fan Fils. Il parle de fa Sacrificacu- re en ces mots-, ayant fait par foy-me fine Lt furzatïon de v.os pèche':, -, il oppofe encore., le (acrifice de Chrift & fon Sacerdoce à ceux de l'ancienne Alliance ,oii les Sacri- ficateurs ne pouuans faire l'expiation des péchez par eux. mefmes , eftoienc con- contraincsde mettre des viclimes en leur place, &de faireJapropitiationparrefFu. fiondeleur fang. Enfin il parle de la Roy- auté de nofire Seigneur, tant dans lepaf- fage precedent,oîi il dit que Dieu l'a eftably héritier, c^eft.à dire, Seigneur 6c domina- teur^^ tontes chofes , que dans les parole^ fuiuantes, ïlseft a fis a la âextre de la Majefiè es lieux très-hauts , il Oppofe encore l'En% pire quil a dans le Ciel, àceuxquepoffe- dent icy bas les Monarques de la terre. Quant à laperfonne de Chrift,rApoftre l'a defcrite en ces mots : La refplendeur de la gloire de Dieu , & la vuirque enqrauèe de fa^ fubfijience •, Et ces termes fôt^ce femble^aflez magnifiques pour mettre dans l'efprit des hommes vne idée vioe & profonde de Diuinité. Neanrmoins il a creu que pour la rendre plus accomplie, 6c pour donner vne perfuafion plus entière que Chnfteft

4.0 Dieu bcnÎE éternellement ^ il eftoit he- ceflaire qu'il y adioutaft quelque chofe de plus particulier touchant Tinfinité de fa puiffance. En efFed il n*y a gueres de preuues plus certaines 6c plus éui. dentés par Dieu monftre fa Diuinité,- C'efl: pourquoy S. Paul voulant au chap. premier de TEpiftre aux Romains, enfei- gner que Dieu s*efl: tellement reuelé aux hommes dans les œuures de la Nature, qu*ils ne peuuent pretendre*aucune excufe s'ils ne le connoilTent pas, ditentr'autres chofes qu'il leur a xQuclé fa purjlace éternelle^ comme vn caradere indubitable de l'im- menfité de foneftre^ qu'ils ontdeu glori- fier. Quand Dieu mefme veut donner à lob du rerped^ de la vénération pour fa Diuinité , il luy parle entr'autres chofes de la grandeur de fa puiflancequifedefploye tous les iours dans les Gieux 6c dans la Terre , & dans la production des grands animaux terreftres êc des monftres de la mer. Enfin , lors que Dieu fe veut , s'il faut ainfi dire ,demef[erdelaeonfufiondetant de faux Dieux quieftoient adorez par les Nations circonuoifines de 11 ludée , &fe diftinguer de telle forte qu'il ne puiffe eftre méconnu , il produit pour témoins de fa

47 véritable Diuinité les œuures de fa puu-

lance , telles que font la création du mon- de, & les miracles faits en Egypte, auee ceux qu'il fit encore depuis pour faire paiTerfo peupleautrauersdela mer rouge, ôc l'introduire en Canaan. Mais outre qu-e cette puifTance dont l'Apoftre parle, eâ: vnepreuue de la Diuinité de Chrift ceft aufli vne des chofes qui conftituent l'objeâ: denoftrefoy ^ De forte qu'il eftoit comme neceffaire qu'il en fift vne particulière mention, puis. qu'il auoit deflèindc con- firmer les Hebrieux en la créance par la- quelle ils l'auoientembrafré pour leur Ré- dempteur 3 ôc de la rendre pcrfeuerante. Car vous Içauez que quand l'Apoftre veut recommander la foy d' A braham , il la loiic principalement par , qu'il a creu que Dieu eftoit puillant d'exécuter les pro- me (Tes qu'il luy auoit données, quoyque les apparences des chofes ne luy eh pro- miflentpasvn tel ëuenemenc. Luy-mëmc parlant de fa foy dit, quilf^aii a qui il aXT<rn- creu , C^ quil e/i puijjant de garder fort dep^fl ** '^ iufques à la journée du Seigneur lepcs. Et Dauid parmy tant de perfecutions qu'il a foufFerteSj & tant de périls aufquels il a efté expofé, témoigne bien à la vérité qu'il mei:

48 ^ fa confiance en la bonté del'EterneljMais c*eft en telle façon qu'il y mefle toufiours vnetres-claire& trcs-exprefle mention de fa puifTance. Car il la confîdere comme cel* le qui le peut tirer de la main de fes enne- mis, parce qu'elle a vniuerfellement toutes choies en fa fienne. Icy donc TAportrene pouuoit ny mettre en auant vne preuue plus authentique de la puifTance infinie de Chrift, ny en mettre dans l'entendement des hommes vne plus belle image que celle, ^c'efl: premièrement qu'il portele mon- de vniucrfel, &: puis après qu'il lefaitpar la feule vertu de fa parole. Car le motque nous traduifonsy^^/^»/> , fignifie propre- vc\étportcr:&c quanta ctluy de toutes chofes^ il paroift: par diuers autres endroits, qu'il fi- gnifie tout le môdejainfi que nous le voyôs compofé des deux & de la terre , auec tout ce qui y eft contenu. Pour exemple, lors que noftre Apoftreditau verfet immédia- tement précèdent, queChriftaeftéefta* '^ tT-: bli héritier de toutes chofes- y il en tend le mon- de vniuerfèl , comme il l'interprète luy- rnefme dans les paroles fuiuantes^j&^r/^^W auffi il a fait les fiecles : ce terme de fiecles au ftile des Hebrieux , fignifiarit tout ce qui eft enclos dans les cieux,& les fpheres

celeftes

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eeleftcs mcfmes. Ainfi au chapitre premier de l*Euangile félon S* lean il eft dit que par la Parole toutes chofes ont efte faites , c'eft à dire , tout le monde , comme il paroift oar riiiftoire de la création , ^ comme nous verrons tantoft, la production de toutes chofes jfanf en excepter aucune, eft attri- buée à la Parole de Dieu. Et quand il eft di.tautroifiemechap.de cette Epi ftre que celuy qui a bafty toutes chofes ^ ce[i Dieu ^ ces paroles defignent pareillement tout l'vni- uers. Enfin , lors que faijit Paul , au chap. 5. de la féconde aux Corinthiens , nous en- feigne que toutes chofes font faites nounelles^ bien qu'il femble que ce terme ait vne fignification plus reftrainte, il veut pour- tant donner à entendre le monde vniuerfel, que la prédication de l'Euangile a telle- ment changé, & que la vertu de nofire Seigneur changera encore de telle façon, qu'il fembleraqu*il en ait fait vne création toute nouuelle. Cela, Mes Frères, pour- roit d'abord paroiftrefuffifantpour dôner TinteUigence des paroles de TApoftre. Maisneantmoinsje croy qu'il eft neceffai- re dv les examiner vn peu plusparticuhe- rement. Cetvniuers donqiies,'dont il eft icy parlé, peut eftre coufideré , ou bien

D

5^ en fa matière j qui eft commune à toutes

chofes, parce qu'elles en font toutelcom- pofées , & qu*il n'en a efté créé qu'vne pour fournir à la compofitionde toutes les œuures d'icy bas. Ou bien en fes formes, qui font merueilleufement diuerfes : car autre eft la forme des métaux , & autre celle des plantes , & autre celle des ani- maux: de généralement toutes lesefpeces des chofes qui font cgmpofées des ele- mens , font différentes en leurs formes , ÔC chacun des clemens mefmes en a vne à part. Quant aux cieux, la leur eft infini- ment différente de celles des elemens, & de toutes les chofes élémentaires. Ou bien il peut eftre coniideré en Taffemblagede fes parties, & en Tordre auquel elles ont efté difpofées &c liées les vnes aux autres, & C'eft ce qui luy donne proprement le 3>om de monde, & quiconftituë foneftre, & qui luy donne fon orjaement. Ou enfin jl peut eftreconfideré dans les opérations & dans lesmouuemens de fes parties, qui rauiffent ceux qui les regardent en vne fin- guliere admiration . Or quant à fa matière, c'eft vne chofe vniuerfellement receuë dans les Efcolesdela Philofophie & delà Théologie Chreftienne , que comme ^*a

5^ feftélatoute-puilTancedeDieu qni Papre^

iTiieremenc créée & tirée duneanc, auflîle concours de cette mefme puiffance eft per- pétuellement necelTairepourla maintenir en (on eft re , autrement elle s'ecouleroît 6c s'enretourneroità i#ant. Tellement que l'onconfiiierelaconferuation de la matiè- re des chofes comme vn flux & vne contu nuation de u première création jfansquoy il ieroic abfolument impofïîble qu'elle fe fouftint elle mefme. Mais pour eftablif cette doctrine il faudroit entrer en des rai- fônemensphiioiophiqueSjquine iôcpasde cette chaire ny de la capacité de plufieurs^ Pour ce qui eft des formes dont cette ma- tière eft diuerfement reueftuë , Texperien- ce montre incelFamment dans les chofes fublunaires , qu'elles en font feparables,- toutes les chofes qui font compofces des» elemens, &: les elemens mefmes, paffans par de continuels changemens. Et non feulement elles enpeuuent cftrefepaiées^ mais il paroift manifeftement qu'elles onc vne inclination naturel.e à s'en feparer. Car dans la plufp.art des œuures de la natu- re, lesdifpoficions& les liens qui tiennenc la forme attachée à la matière^ font expo^ fez à des caufes externes qui font capable.^

5i de les diflbudre, &auconfli(9:de diuerfes

qualicez internes qui fe combattent les vnes les autres , & qui en fe deftruifant mu- tuellement ruinentauflî le fujet dans lequel elles S'entrechoquent. De forte que Taflê- blage des parties eiTétitielles qui compo- fent chaque chofe.ne fe pourroit pas main- tenir ^ fi quelque vertu fecrette de la diuine prouidence ne les garantifloit des accident du dehors 5 de de ce qui leur peut eftre nui- sible au dedans , & fi elle n^entretenoit &: ne conferuoit ainfi leur alliance, Qiiantà Tordre par lequel toutes les parties de IV- niuers ont efté colloquées chacune dans k place nous la voy 6s,& vnies les vnes aux autres pourcompofer ce grand Tout>plu- lîeurs en attribuent la côferuation à la Na- ture. Mais fi par cette Nature ils entendent vnecaufe intelligente , qui fe mefle dans toutes les parties du mode , & quiconferue elle mefrae les membres deTVniuers dans Tarrangement auquel elle lésa première- iTiént mifes 3 cette nature n*eft rien autre chofe que la Diuinité, qu'on déguife fous vn autre nom, afin de luy ofter fa gloire.Ec Il par ce mot ils entendent Tordre mefme qui eft dans les chofes, comme de fait la na- ture n'eft rien finon cette admirable difpo-

55 fition queDieu a mife en toutes fcs œuures,

en les liant les vnes aux autres , 6: en inspi- rant à chacune les vertus & les facultcz qui font neceflaires pour leurs operatios, corne cet ordre n'a peu fe produire de luy mefme, il ne fe peut non pl^ de lui mefme côferuer. Car tout ordre eft vne produdion de quel- que caufe intelligête;mais il n'a point d'en- tendement quant à luy. Et comme ilaeftc neceflaire que quelque caufe douée d'in- telligence le produififb,auffi faut-il que ce foit vn entendement qui le conferue,autrc- mentil yarriueroitincontinêtdu dérègle- ment. Etcelafepeut voir à Tœil dans les machines que les hommes conftruifent de diuerfes pièces par leur induftrie.Car com- me vne mpntre par exemple^ne s'eft pas faite elle mefme, ôc n'a peu fans la condui- te d'vn ouurier intelligent & induftrieux fe conftruire de tant de roues & de tant de refforts attachez les vns aux autres, dans vne fi belle dépendance, & d'vn fi parfait adjuflement, aufli fçauez vous qu'elle ne fe maintiendroit pas long temps en cet eftac , fi le mefme artifan qui Ta faite, ou quel- qu'autre ouurier femblable , n'y portoic fouuent l'oeil 6c la main. Cette machine du monde donc, qui eft compofëe de plus

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Î4 fie pièces & plus difficiles àgounerner, ne

fe fcroit pas entretenue fi long^remps en cet ordre nous la voyons, fi Dieu n'a- uoit continuellement veillé fiir elle par fa prouidcnce^ôc s'il nq^la fouftenoit par la puifiance de la main. Enfin, pour ce qui eft des mouuemens & des opérations des par- ties dç ce monde, ce fonc chofes qui ont perpétuellement befoin de la mefine effi- cace de la Prouidence diuine pour fe main- tenir 6c le déployer. le vous prie, mes Frè- res, qu'eft ce qui peut auoir fait que depuis le commencement du monde jufqu'à maintenant le flux &; le reflux de la mer fbitallëfiregulierement^qu'elle n'a jamais manqué de fe retirer & de reuenir à certai- nes heures ifes riuages, veu que la mer d*ellemefmeeft vne nature brute à mer- ueilles ^ & quVne chofe fi réglée ne fe peut ainfi conduire fans Tefficace dVne caufe qui ait de Pentendemêt? Quant aux cieux, leurs courfes font encore beaucoup plus diuerfesôi plusintriquées, 6c neantmoins plus confiantes , plus vniformes & plus rei- glées que n'efl le flux & le reflux de la mer. Celaafaitdireà Ariflote, le grand inter- prète des myfleres de la nature, qu'il faut neceflairementqu'ily ait des intelligences

attachées aux fpheres celeftes^quî en gou- uernent les mouuemens. Encore faut-il qu'il y enaitvnefupreme, quiprefide fur celles là, autrement il feroit à Ion aduis im- poflîble que ces globes de haut , qui font enfermez les vus dans les autres, & qui fem- blent fe trauerfer en leurs mouuemens , les entretinflécauec tant de règle & de (lan- ce, & (ans tôber incôtinent dansvne pitoya- ble confufion.Pour le reftCjny les plates ne produifent point leurs graines , ny les poiC fons& iesoifeaux leurs œufs, ny les autres animaux leurs petits par la génération, ny les hommes mefmes leurs penfées, leurs defleinsÊ: leurs adions, fansl'affiftance ëC la vertu de la diuine Prouidence. L*Apo- ftre le nous enfeigne au chap. 17. du liure des Ades, quand il dit que c*efilny qui donne à tous vie é* refpiration^ êc que ceftpar luy que nous auons vie dr mouuement ^ eftre. Ce que le meilleur & le plus ancien desPoëtes pro- fanes a reconnu^quand il a affirnîé que c*eft la Diuinité qui de jour à Jour donne aux hommes la difpofition d*e(prit en laquelle ils fe rencontrent. Ce donc que je viens de dire en gençral de la Diuinité, & de la fa-r gefle& vertu de fa Prouidence, l'Apoftrç le dit icy en particulier de noftre Sei^

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5^ gneur lefus Chrift. En efFe(3:, l'Ecrita*

re pous enfeigne que toutes chofcs onc eftë premièrement créées par luy. C'efl: ce que die l'Apoftre Saint lean aupaflage que je vous ay défia allégué vne autre fois 5 que toutes chofes ont efti faites far la parole : Et l'Apoftre S. Paul au premier chapitre de TEpiflre aux Coloffiens, Chrifi, dit- il', efi l'image de Dieu inuifihle y le premier ne de toute créature: Car par luy ont efié créées toutes chofes qui font aux deux ^ ^ qui font en la terre , vifïhles é* inuifibles , foit les trônes ^ ou les dominations\ ou les principautei:^^ ou les fuiffances : toutes chofes onteftè créées p^r luy & four luy. Puis donc qu'il eftle Créateur de toutes chofes , il en eft auffi le conferua- teur : puis que c'eft luy qui leur adonné leur eftre,c'eftàluyàles y maintenir: car il n'y a rien de naturel quVne chofe tire conferuation de la caufe qui luy a pre- mièrement donné Peftre. Et c*eft ce qui fait dire icyà cediuinautheur que Chrift fouftient toutes chofes. Mais ce qu*ilad^ joufte,que c'eft par parole puiflànte, mé- rite d*eftre confiderc. Il y a dans l'original far la parole de fa puijjance: Mais nos inter-^ prêtes lont fort bien tourné. C'eft vne façon de parler vfitée entre les Hébreux,

57 qui ayans peu d'vfage de ces noms que

les Grammairiens appellent adjedifs, en employent qui font , s'il faut ainfi dire, d'vne autre forme, & les joignent lesvns aux autres pourfairele mefme efFeâ: que les adjecbifs feroienr. C'eft ainfi que faint Paul dit que Chrift a efté déclaré fils de Dieu £n puiS3.ncQ félon l'e/pril: de faintetèy ou de fanchfication , pour dire vn efprit fain c & augufte, & pour lequel on doit auoir vne fouueraine vénération. Et cette phrafeen la iâgue hébraïque a beaucoup d'emphafe. Mais la façon de parler eft de peu d'impor- tance au prix de la chofe mefme. Ûhi- ftoire de la création nous apprend que toutes chofes ont efté faites par Tentre- mife de la parole de Dieu, Lors qu'il vou- lut créer la \w\x\\tx ^'Xàxx.y que la lumière foit y & elle fut. Lors qu'il voulut faire l'eftenduë qui fepare les eaux d'embas d*auec celles d cnliaut , il en fit pareillement le com* mandement en parlant, & cela s'exécuta. Puis Dieu die , Qtie la terre pouffe [on jeci^ 6C à cette parole la terre produifit toutes ef-» peces de plantes. Au quatrième iour il créa les deux grands luminaires en difant , qu'il y ait des luminaires en l*eftéduë des Cieux. l-e iour d'après il parla ainfi. Que les ^^^

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froduifent en toute abondance reptiles ayam 'vie \ ^ que les oy féaux volent fur la terre vers teftendue des deux ^ 6c la parole n*euc pas efté plutoft prononcée que TefFed s'en enfuiuic. Enfin il commanda de mefmeau lîxiéme iour que la terre produifitfes ani- maux, Scelle luy rendit obeïffancc. Orla cliofe n'a poinn efté ainfi difpenfée par la volonté de Dieu , ny elle n'a point efté ainfi exadement rapportée par le S. Hifto- rien , fans quelque prudent confeil de la fagefle Diurne. Car Dieu pouuoit créer toutes chofes en vn moment & du feul mouuementde fa volonté, fans en diuifer la création en tant de jours, & (ans y em- ployer Tencremife de fon commandement & de fa parole. Et qui examinera la chofe vn peu particulièrement , trouuera fans doute que cette narration a trois diuers égards fort confiderables. Car première- ment, il n'y a point de doute qu'il n'y aie icy vnfensfortabftrus & fort myfterieux, êcquife rapporte à Chrift entant qu'il eft la fageffe & la parole du Père. S. leanle noqsenfeigoe ainfi au chapitre premier de fon Euangile, quand endettant vn traick d'oeil fur le commencement du liuredela ^énefejii dit, Au comencementefioit la parole^

^ ^ 59

£^ la Parole e/loîtauec Dieu ^ ^ cette Parole

efioit Dieu ; Par elle toutes chofes onte/iéfaiteSy ^ fans elle , rien de ce qui a eftèfait neuft e(ls fait. Car qu'il foie queftion de la per- fonnede lefusChrift , c'eft vnedKife ab- folumenc indubitable , & c'cft pourquoy le mefme A poftre au chapitre i. de la pre- mière Epiftre Catholique^commence ainfi fon propus \ Ce qui eftoit des le commence- ment , ce que nous auons auï , ce que nous auons veu de nos fropresyeux , ce que nofis auons con- templé , ^ que nos propres mains ont touche^ de la Parole de vie. Et au \g. chapitre de l'Apocalypre, il dit que le nom de lefus Chrift, qui luy apparoift en vifion, eft la Parole de Dieu. Et fi vous voulez , mes Frères , que je vous explique en paflant la raifon de cette appellation , je le feray en peu de mots, le ne diray pas que la parole eftvnevoiXjC'eftàdire vnfouffle^vn ef- prit 3 comme on employé allez fouuent ce mot pour fignifier l'air & le vent: & que la Parole du Pcre eft vnc nature fpirituelle. le ne diray pas non plus que la Parole eft vne voix qui fe diftingue de toutes autres fortes de voix par fon articulation : comme cette nature fpirituelle de Chrift fe diftin- gue par fa fubfiftence particulière d'aucc

6o toutes les autres chofes feparées de la ma- riere,5c mefmes d'auec le Père 6c d'auec le S.Efpric.Peuieftrequeces chofes làparoi- ftroient vn peu recherchées. le diray feu- lement que la parole eft vne production dVne nature intelligente, n'y ayant pro- prement que les chofes raifonnables dont on puifle dire qu'elles parlêt.Or noftre Sei- gneur eft vne refplédeur & vne émanation de l'entendement diuin. La parole n*eft pas feulemët vne produdion d'vne caufe intel- ligente, elle en eft encore vne image & vne reprefêtatiô . Car c'eft parla que l'intelledk des natures raifonnables fe fait connoiftre, & qu'eftant inuifible en luy mefme, ilfe rendfinon vifible, au moins certes perce- ptible aux fens du corps. Or noftre Sei* gneur lefus, la Parole éternelle du Père ce- lefte, eft l'image de ce grand Dieu , qui cftant de foy mefme inuifible à nos yeux, & incomprehenfible à nos entendemens,s'eft rendu vifible en la perfonne de fon Fils, de- forte que nous Typouuons apperceuoirôc Je reconnoiftre en cette marque engrauée defoneftre. En fin, qui pourroit donner à la Parole vneftre permanent & qui fubfi- ftaft fermement , & outre cela l'animer , 6c ia rendre actiue 6c viuante, ce feroit vne

il

raifon qniferoit deuenuë fenfible, Sc qui fe Jaifleroit coucher,& manier^ôc perceuoir aux fentimês corporels, au lieu que Tcncen- dément d elle parc eft de fa nature im- matériel, &: difficile àconceuoir, mefmes aux puiiTances de l'ame. Or Chrift eft telle- ment vn Dieu inuifible & immatériel , que neantmoinsils'eft mis en teleftatpar (ou incarnation, quel' Apoftre S lean en a peu dire ce que je viens de vous reciter. C'eft que'fes Difciples ont ouï , 'ai qu'ils ont vea de leurs propres yeux , & que leurs propres mains ont touché cette parole de vie,- Mais cela eft hors de noftre texte. Car on ne peut pas dire queChrift fooftient toutes chofes par fa parole puiiTante en cet égard là, puis qu'il eft luy mefme la Parole. Et fi l'Apoftre auoit voulu dire cela, ilnefefe- roit pas ainfi exprimé, é^fonfien^t toutes cho- fes par fa parole puiJIate^m^Às i\ auroit dit fim- plement qu'ilfouftient toutes chofes , ou qu'il les fouftiët par foy mefme. Retournôs donc à noftre propos.La (ecôde chofe à la- quelle le S. Efprit a regardé en cette narra- tion, eft qu'il nous a voulu obliger à faire vneattentiue reflexion fur la facilité mer- ueilleufe auec laquelle Dieu a créé 6c com. pofé cet Yniucrs. Vous voyez d quoy les

Cl hommes font necefTâirement obligez quandils cncrcprenent de conftruir^ quel- que grand & magnifique Palais. Il faut al- ler chercher le marbre en vn endroit, ëc le jafpe & le porphyre en vn autre. Ils tirent les pierres communes ^ ordinai- res d'auxres carrières , 6c enuoyent couper les cèdres fur le Liban, & les chefnes fur d'autres montagnes. Ils fouïffent dans les entraillc'^dela terre pour en tirer les mé- taux èc les minéraux dont ils fe veulent fer- uir pour leurs peintures & pour leurs autres embelliflemenSj & ramaflTent de toutes parts toutes fortes de matériaux neceffai- res pour leur édifice. Outre cela, pour les compoferenfemble, il faut des grues ^ de des engins,6c des machines à leuer de grads fardeaux, 6c des hommes pour les manier, qui y trauaillent en grand nombre.De forte que quand la curiofité nous porte à aller vifiter ces baftimens , il nousfemble,à voir la quantité d'ouuriers qui y trauail- lent des pieds 6c des mains, ôc qui fe re- muent en tous fens, que c'eft vne multi- tude innombrable de fourmis , qui vont les vns deçà 6c les autres delà , trainant chacun fon fardeau, 6c tracafTant fans repos au- tour de leur fourmilliere. Mais Dieu n'k

^5 point eu befoin de tout cela pour la crea^ tion du monde. Sa feule parole, & la feule authoriré de Ton commandement a fuffi pour tirer toutes choicsdu néant, 6c pour les former 6c les arranger en cet ordre au- quel elles nous paroiilenc fi admiirables. C'eft pourquoy le Prophète, au Pkaumc 3j. pour montrer combien émerueillable ell la puiflance de Dieu, dit quil a parler ^ que les chofes ontefé faites : qu'il a commande ^ ^ que ce quil a dit a eu [on el^re. Or cette pa* rôle prononcée au commencement, mes Frères , a vne eiScace perpétuelle. Car quand Dieu a dit , Qjue la lumière foit , il n'a pas entendu qu'elle ait exiflé feulement à ce moment là, ou qu'elle ait duré pour va peu de temps , ôc que puis après elle fe foie efteinte. Il a voulu qu'elle ait toujours fubfillé pour éclairer rVniuers, Et quand par fa mefme parole il a formé toutes les autres chofes , c'a efté à intention ou qu'el- les fe maintinflent en leur propre eftre juC- quesàlaconfommationdes fiecles, com- me les cieux,& les deux grands luminai- res, & les elemens : ou qu'au moins elles fe prouignaJÛTent par la génération , 8c qu'ainfi, à mefure que les indiiiidus vont periiTanc , leurs efpeces fe conferuent^

64. ce qui fe Voit en toutes les chofes qui font compofées de la matière élémentai- re. Il y a donc vne certaine vertu, qui^ S'il faut ainfi dire 5 émane inceflammentôc parvn flux continuel, de cette parole que Dieu a proférée au commencement , la- quelle conferue de entretient toutes les parties de Tvniuers, à qui elle a première- ment donné leftre. Et c'eft à cela que T A- poftre faitallufionicy. Car comme il a die au verfee immédiatement précèdent que c'eft noftre Seigneur lefus Chrift qui a fait les fiecles, en ces paroles il nous enfeigne que c'eft luy qui les maintient. Et comme cette parole quia efté prononcée au com- mencement n*eft pas feulemêt la parole du Père, mais auffi celle du Fils, parce que co- rne on a accouftumé de dire dâs lesEfcoles^ toutes les œuures de la Diuinité qui fefonc au dehors de foneflence, font communes au Père 6c au Fils ,1a vertu par laquelle elle a produit rVniuers, ÔC par laquelle elle le maintient, doit eftre attribuée au Fils com* meauPere^ ce que TApoftre dit expref- fement pour montrer que comme ils ont vne mefme puiflance infinie, ils ont auflî vne mefme Diuinité. Le troifiéme égard auquel il faut confiderer cette narration,

c'eft

c^eft qu'elle a vne fignifîcation typique. Ca^ la première création a eftë vne figure de la féconde : ce que TEfcnture nous enfeigne en diuers endroits. Quand fàint Paul , au chap. 4 . de la féconde aux Corinthiens par- ^ leainfi: Celuy qui a dit que la lumière refplen- diji des ténèbres , a reluy en nos cœurs , four nom àonner illumination de la connoiffance 4^ la gloire de Dieu en la face de Chrijl j il a vbulu que nous remarquaflîons le rapport qui eft entre la première & la féconde création, ce que Tvne 6c l'autre a commencé par la formation de la lumière. M ais celle- efk corporelle , & celle- cy Ipirituelle , 6c eft de - ftinée à donner la connoiilànce des vertus ëmerueillables de Dieu, qui , comme je vous difois Dimanche dernier, font appellëes de ce nom de gloire. Ailleurs les Prophètes nous promettent nouueaux cieux 6c nouuel. le terre en la manifeftation du Mefîîe : 6c les Apoftres rapportent cela à lareuelation6c à laduenementdelefus Chrift. Chrift appel- le en quelque heu le changement que la pré- dication de fonEuangile deuoit apporterai! monde , vne nouuelle génération , parce que toutes chofes y deuoient eftre créées encore vne fois. Saint Paul interprète cela en ces paroles du chap, j. de la féconde aux Corin-

E

\f.\j. tliielis: Leî chofes vieilles font fafsèes ^ voicy toutes chofes font faites nouuellee : & y a en ^\^ uers lieux d*autres paflàges femblables.Ainfi la raifon veut que nous croyions que cette * parole que Dieu a employée au commence- ment pour la formation de PVniuers, ait re- prefenté quelque cliofe à peu prés de mefme nature, qui s'eft faite en la création de ce nouueau monde dont noftre Seigneur efl: autheur. Et la chofè parle d'elle, mefme. Car c*eftparla parole de l'Euangile que s'eft Éli- te & que fe continue cette nouuelle généra- tion de l'Vniuers. C'eft elle qui produit la foy en nous , & la confolation , & la fandifi- cation, &l'e(perance^ & la patience, & en vn mot, toutes les vertus Chreftiennes par lefquelles nous fbmmes faits nouuelles creatU" res , comme l'Apoftre fàint Paul parle au mefme endroit que je viens d alléguer. C*efl: par ce moyen-là que s'efl formée l'Eglife , & c]ue les efleus de Dieu , qui font difperfez en toute la terre, fe recueillent 6c feramaiîent enfemblepour compofer vimouueau mon- de où habite la jufticeôc la faindeté . C'eft par ce moyen- encore que cette mefme Eglife fera conferuée & fubfifterajufques à la confommation des fîecles , & qu'elle fera enfin amenée à la jouiiTance de la bien-heu-

reufe 6c glorieufe immortalité. Et il y àicy à confiderer , mes Frères , que ce monde vniuerfel n*eft conferuë finon à canfe de TE- glife. Car (ans que Dieu a des Elleus en tou- tes les parties du monde, & de la vocation defquels il a tellement difpoië qu'il ne les appelle à foy finon de temps en temps , èc de fiecle en fiecle, jufques a leur accomplifFe- ment , il ya déjà long-temps que Dieu auroic amené le dernier jugement, & qu'il auroic mis toute l'apparence extérieure de cet vni* uers en cendre. Le monde donc eftantcon-^ ferué feulement à caufé de l'Eglife , & l'Egîi- fe n'eftant maintenue que par la parole de Chrift , encore en cet égatd il eft vray de di^ re que noftre Seigneur lefus fouftient toutes chofes par fa Parole puifTante, ôcquec'eft elle qui les fait toutes fubfifter. Mais \i[ y a encoreicy quelques obferuationsaiTezcon- fiderables à faire. Cette Parole que Dieu a autrefois employée pour la production des chofes , à proprement parler , ne les a pa$ faites finon en ce qu'elle a contenu le com^ mandement qu'elles fe fifiTent. Car ce n'e- ftoit autre chofe quVne voix , qui bien qu'el- le euft efté formée immédiatement de Dieu^ n'eftoit pourtant rien finon vn fon articulé^ qui declaroit quelle eltoic la volonté de Dieu

Eij

68 en cette occurence. Pour donc contribuer quelque chofe à fon exécution , il falloit qu'elle rencontraft des objets qui euflent les facultez propres ôc difpofëes à receuoir le commandement qu'elle portoit. Or ny la lumière^ ny les autres chofes qui n'eftoient point 5 n*auoient point de telles facultez en elles- mefines, puis qu'elles n'eftoient point encore: caries facultez ne peuuent fubfifter iînon en vn certain Tu jet qui exifte vérita- blement. Et il en eft ainfî de la Parole de l'Euangile en la création de ce nouueaa inonde duquel je vous ay parlé. Elle con- tient bien en elle mefme & le commande- ment & les motifs qui doiuent porter les hommes à la foy 6c à la faintetë : mais neant- moins toute feule elle ne les peut produire en eux , parce que naturellement ils ne font pas difpofez à cela ^ Se que s'ils y ont quel- ques facultez ^ comme eft lentendementSc la volonté , elles font tellement embaraflees delà corruption du péché , qu'il eft abfolu- ment impoffible que d'elles mefmes elles déployentà luy rendre obeïflance. Encore y a t-il cela dans les hommes de plus contrai- re à leur vocation afalut.qu'iln'ya dans les ehofès qui n'eftoient point de contrariété à leur propre création, que celles- cy ne relx«

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ftoient point à k vertu par laquelle elles ont efté produites en eftre, au lieu que ceux ont de nature vne auerfion extrême à la foy, & vne forte inimitié contre Dieu. Comme donc en la création des chofes il a fallu que la Parole ait efté accompagnée dVne vertu, cachée à la vérité , & qui n'a paru que par fes efFeds , mais grande &l efficace à merueilles, ôc abfolument infinie , parce qu'il en faut vne telle pour créer les chofes de rien ^ ainft en cette reeeneration du monde il a fallu que la Parole de l'Euangile ait efté accom- pagnée d'vne puiflànce infinie de l'Efprit de Dieu , qui eft occulte à la vérité , èc qui ne fe connoift que par les efFects qui s'en produifent, mais qui eft grande à mer- ueilles, comme TApoftre l*enfeigne,quand il dit que c*eft félon l excellente grandeur de la -puiffance de la force de Dteu que nous croyons. Et comme cette mefine vertu de Dieu qui s'eft autrefois déployée en la création des chofes, eft celle qui les fouftient encore en leur eftre,6cqui empefche qu'elles ne retour- nent à néant, donnant,comme je vous ay dit, vne vigueur perpétuelle à cette parole que Dieu a proférée en les créant, cette mefine puiflànce de Dieu qui par la vocation des cleus a formé TEglife au commencement^

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70 cfl: celle qui la conferue , & qui la conferuera jufques à la fin du monde, accompagnant perpccuellement cette parole de l'Euangile, pour la rendre jufques à la confommation desfiecles la puijfance de Dieu en fhlut a tous çroya^is. Cependant c'eft Chrift qui diftribiië cet efprit de fagefle 6c de reuelation, de con^ foktion ôc de landification qui conferue la la foy dans l'Eglife& dans fes fidèles, &: qui larendperfeuerantejufquesàla fin. Et par- tant c'eft Chrift qui fouftient toutes cliofes en cet égard, &: qui empefclie qu'elles ne retournent au non eftre fpirituel, d'où elles ont efté tirées par la vocation celefte. Or auons nous, mes Frères, diuers très-beaux enfeignemens à tirer de l'explication de ces chofes. Et premièrement, rApoftre a ajouflé cecy aux paroles précédentes, expreffément afin de confirmer la preuue qu>on en peut ti- rer pour la diuinité de Chrift. Car il eft bien vray que ces mots : la refplmdeur de la gloire ^ ^ la marqua eny^auèe de la fubfifience de Dieu^ contiennent vne chofe fi magnifique & fi glorieufe, qu'il faut necefi[airement que ce- luyà qui elle eft attribuée foit Dieu bénit éternellement. E t neantmoins il fe pourroit faire que quelquVn non aflez intelligent, ou ennemy de la vérité , fbupconnerqit que puij

7^ .

qivil y a quelque diftinclion entre h refplen- deur,ôcce donc elle eft écoulée, entre la marque engrauëe & ce qu'elle reprelente. Dieu 6c le Fils ne feroient pas vne feule de mefme diuinité. Afin donc de leuer ce fcnu pulelà 5 de d'ofter des efprits des hommes tous les foupçons qu'ils pourroient auoir contre cette diuine vérité, l'A poftre dit que Dieu & le Fils n'ont qu'vne feule Se meime puiflànce, qui fouftient toutes chofès en leur eftre. Or s'ils n'ont quVne mefme puiflance, ils n'ont qu*vne mefine eflence auflî , eftanc impoffible qu'vne feule 6c mefme vertu , de nommément vne vertu infinie comme celle- cy,foit en deux efTences différentes. En effet TEfcriture fainte le nous enfeigne de la forte, en leur attribuant , comme elle fait, mefiTies chofes &mefmes opérations. Si elle die de l'Eternel qu'il a créé les cieux de la terre, comme l'hiftoire de la Genefe le raconte , de comme tous les autres Hures du VieuxTefla- mêt en font femez,elle dit la mefmç chofe de lefus Chrift, comme j'ay déjà remarqué que noftre Apoflre le fait en ce chapitre icy , de S. lean au commencement de fon Euangile, de S. Paul au premier chapitre de TEpiftre qu'il écritàl'EglifedeColofTes. Si elle rap- porte à l'Eternel la deliurance du peuple

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7^ d'lfi*aëIhorsclel*Egyp:e^ & la façon de la- quelle ce peuple s*eft gouuerné enuers luy dans le defert 5 elle mefme le rapporte auffià noftre Seigneur lefus Chrift, comme quand S. Paul au lo. chapitre delà première Epiftre aux Corinthiens, dit que c'eft luy qui aefté tenté au defert par les Iftaëlites. En vn mot TEfcriture leur Fait toutes chofes communes, en vertus & en exploits , bien qu'elle les diftingue manifeftement en leur manière de jfubfifter dans vne feule & mefme ellence dVne éternelle diuinité. Et cela nous ap- prend auffi à redarguer la témérité & Pauda. ce des hommes mortels. Parce que les Em- pereurs dominoyent autrefois fur vne partie du monde, &c que cette partie du monde leurfembloitfî confiderable qu'ils l'ofoient bienappeller de ce nom de l'Vniuers & de la terre habitable , ils s'en difoient les fei- gneurs , & quelques- vns, pour reprefènter cela, les ont portraits tenans vne boule en la main, comme s'ils y euffent porté tout le globe de la terre. Miferables hommes,â quoy fe porte voftre vanitéîEn coparaifon du Ciel toute la terre n'eft quVn poind ; 6c en com- paraifon de la terre, Peftenduë de tout TEm- pire Romain n*eft, comme quelques vns des Romains mefmes Tont remarqué ^ qu'ainfi

75 qu vue petite tache das vne mappe^monde. PourdoncgouLiernerfipeude pays, ont-ils deu s'enorgueillir de telle façon qu'ils s'efti- maflent fouftenir toute la terre ? Tant s'en faut qu'ils en ayent efté le fouftien , que plu- sieurs d'entr'eux luy ont efté à charge par leurs crimes &: par leurs tyrannies infuppor- tables, qu'ils ont efté à fon égard comme des torrens impétueux qui l'ont rauagée, &: comme des torches ardentes qui y ont caufé d'épouuantables embrafemens. Celuy qui s'eft emparé de leur puiffance , de qui a efta- bly Ton trône dans la ville eftoit le leur, fe vante ou d'auoir le mefiTic pouuoir, ou de beaucoup plus encore. Car outre quùl s'i- magine auoir l'autorité de difpofer des Roy- aumes de la terre à volonté, de d'aucir vne feigneurie qui s'eftend depuis vn des bouts du monde jufques à l'autre , il ordonne encore par Tes Indulgences des chofès qui fe doiuent faire dans la terre , 6c dit qu'il vfe comme il luyplaift du miniftere des Anges des Cieux. A dire le vray pourtant, ia puif- fance eft incomparablement moindre que n'eftoit celle des Empereurs autrefois. Il n'ofèroit auoir choqué l'autorité des Poten- tats de l'Europe , Çcnefçauroit auoir arrcftc les inondations du Tybre, quand il menace

74 h ville de Rome , & qu'il paATe par defliis fcs

bords. Voulez vous donc que je vous die quelle eft a peu près l'imagination qu*il a de h grandeur de fa puiflance ? Elle eft fembla- ble à celle de ces pauures vifionnaires qui fontrenfermez dans le voifinage de Paris. Ils fecroyentauffilesfeigneursde tout le mon- de , ils fe figurent que ce que le Soleil tourne c'cft par leur commandement : ôc s'ils voyoient vne riuiere fort enflée , ou les grands flots de la mer, ils diroient que c*efl: leur volonté qui les éleue ou qui les appaife, & qu'ils roulent quand il leur plaift defliis ainfî que dans vn carrofl^e , comme faifoit Neptune autrefois. La différence qu'il y a c*eft que la folie des vns vient de quelque maladie du cerueau , au lieu que Timagina- tion de l'autre procède des vices de la con- fcience. Des vns la fantaifie eft pitoyable , 6c de l'autre l'ambition eft odieufe &: digne de chaftiment. La manie des vns eft reftrainte à leurs perfonnes de ne fe communique pas: au lieu que l'opinion que l'autre à de fon pou- uoirinfiny, infatué ôc enforcele diuerfes na- rions de la terre. Au refte, comme noftre Seigneur fouftient le monde par la puiflânce de fsi Parole,celuy qui dit eftre fon Lieu- tenant 5 entreprend auffi de gouuerner toute

75 rEglifepar k puiflànce de la fienne. C'efl

pour cela qu il fe ferc de fes Bulles, & de (es Brefs , &: des Canons de Tes Conciles , & de fes propres Conftitucions 6c de celles de fes deuanciers. Maisenfupprimantla Parole de Chrifl: , & en oftant autant qu'il peut la con- noilîance aux Chreftiens , entant qu'en luy eftilfouftraitaumondelereul appuy qui le fouftient, & en fubftituant fa parole en la place de celle de Chrift, il renuerfe TEglife de Dieu 6c la Religion Chreftienne de fond en comble. Mais pour laifler rEuefque de Rome à part, ces paroles de noftre Apoftre nous fourniflent vne merueilleufe matière de confolation 6c d'afTeurance. Car puis que nousauons vn Rédempteur fi puiflânt , 'qu'y peut-il auoir que nous craignions ou au Ciel ou en la terre? Craindrons nous les tremble- mens de la terre ou les inondations des eaux? C'eft luy qui a adîs la terre fur ks fondemês, qui commande aux mouuemens de l'Océan, 6c qui luy adit,icys'arreftera Téleuation de tes vagues. Aurons nous peur des déborde- mens 6c des fouleuemens des peuples ? C'efl: luyquiprefidefjrles émotions des nations, comme il a fait fur les eaux du Déluge autre- fois , les incitant ^ les arreftant comme il luy plnift parfà Prouidence. Aurons- nous

.76 quelque dpprchenfion de la puiflànce des Grands & des Potentats ? C*eft luy qui tient les cœurs des Rois en main , comme le de- cours des eaux , ôc qui les incline bon luy femble. Soupçonnerons-nous nojftre propre corruption, éc l*inftabilitédenos volontez? C*efi:Iuy qui par la puiflànce de fon Efprit cclaire nos entendemens, & qui reforme nos afFeâ:iôs,& qui les détermine, 6c qui les fixe à conferuer auec noftre Seigneurlefiis Chrift vne communion infeparable. Redouterons- nous la violence du monde , ou bien fes aile- chemens ? Noftre Seigneur lefus eft celuy qui Ta vaincu , & qui en le vainquant a rendu vains tous ks efforts contre nous, & qui a ofté l'efficace à (es appafts , 6c la pointe à fès amorces. Enfin le Malin parfes embufches, 6c par fes tentations, 6c parla violence de fes attentats , nous caufera-t il quelque frayeur .^ Frères bien-aimezen no- ftre Seigneur , c'eft véritablement vn enne- my fort à craindre. Il rode continuellement à î'entour de nous pour trouuer quelqu'vn à deuorer, 6c fi noftre Seigneur ne Parreftoit parla vertu de cette main inuifible qu'il op- pofe à toutes fes machinations , nous n'éui- tenons jamais de fuccomber àfes aflautsou d'eftre enueloppez dans Çqs embufçhes. Mais

77 ce grand Rédempteur , dont nous célébrons

icylapuijGTance, rade(àrmé,& s'il fe remue encore, s*ii tracafle, s'il entreprend contre l'Eglife de Dieu &c contre nous , voulez- vous que je vous dife à quoy celaeftfembla- ble ? C'eft comme quand vne baleine a re- ceu le harpon dans le corps, Ellemugle hor- riblement, elles*agiteauec vnemerueilleufè violence : elle émeut de grandes vagues en fe remuant , elle choque les vailTeaux qui trouuent à rencontre. Mais à mefiire qu'el- le fe tourmente elle va perdant fon fàngj & vigueur s'écoulant, & fes forces fe di- minuant peu à peu , enfin on la voit échouer miferablement au riuage. De mefme ce grand ennemy de noftre (àlut, après auoir receu de la main de noftre Sauueur ce grand coup dont il a efté bleffé , fait en ces derniers temps de fon règne des efforts extraordinai- res par le fentiment de fa douleur , de par l'irritation que luy donne la ruine de fa domi- nation 3 mais il ne fait pourtant déformais rien autre chofe que languir , jufques à ce qu*au dernier jour il foit précipité dans Ta- byfme. Déplus, mes Frères, puis que cefl par 1 efficace de cette diuine Parole de TE- uangile que noftre Seigneur fouftient toutes choies en leur cftre 5 6c principalement qui!

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con férue en nous la foy , qu'il y auance h fànclifîcation , qu'il y enracine l'efperance, fouuenons-nous tousjours de Tauciren fin- guîiere recommandation. Vray eft que com- me je le vous ay die, cette parole ne produi. roit point ces grands efFeds, fi elle n'eftoit accompagnée de l'Efprit de lefus Chrift,qui îuy donne entrée ôc efficace en nos âmes. Mais auliî cet Efprit ne fe donne ordinaire- ment que par le miniftere &c auec la prédica- tion de la Parole , & il n'eft ordonné que pour rendre nos entendemens capables de lareceuoir. Tellement que fi nous voulons en eftre participans il faut eftre attentifs à cette prédication , vacquer auec aflîduité à la ledure des hures diuins , méditer bien foi- gneufement les dodrines qui y font conte- nues , & auoir continuellement cet objet dcuant les yeux de l'entendement. Car c^efl: le moyen duquel Dieu fe fert pour fouftenir la foy en nous 5 & pour y conferuer l'eftre Sc la vigueur à cette nouuelle créature qu'il y a formée. Vouspouuez encore adjoufter cet- te confideration aux autres. C'elt que la parole de laquelle Moyfe dit que Dieu s'eft îeruy pour la première production des cho- fês par la creation,a eu pour but de leur com^ muniquer vn eftre naturel àlavçrité ,mai3

n

non endormy pourtant oc reflerré en foy- inefiTie , fans le defployer en aâiions. Par cet- te diuine parole toutes chofes ont receu cer- taines facultez qui fe defploycnt en desope^ rations qui leur font conuenables. Car les yeux ont efté donnez pour voir , ^ les oreil- lespourouïr, ôc les autres organes desfens pour exercer leurs fondions , & générale- ment toutes les efpeces des chofes ont efté douées de leurs puiiflances, pour produire diuers ades , chacune félon la nature de Te-^ ftre qu'elle a receu. Cette autre parole donc, quej-aydiuerfesfoisapellëe, de PEuangile, ayant efté deftinée à produire en nous vu eftre fpirituel & furnaturel par vne nouuelle création , & nous donnant aufli certaines facultez capables défaire des adions de re- pentanceàde faindeté, nous deuons ainfi faire noftre conte , que toute noftrc vie doit eftre employée à agir félon ce principe-la. Il faut donc eftre pieux enuersDieu, chari- tables enuers nos prochains , fobres &; at- trempez en nous- mefmes , zélateurs de tou^ tes les chofes bonnes , &: faire en toutes oc- currences paroiftre cqs inchnations en noftre conuerfation. Car comme s*il y auoit en la Nature des chofes quelque créature qui n'y fîftrien, onreftimeroitabfolument indigne

8o de fon eflre , &: à peine croiroic on qu'elle en euft receii aucun de la main de Dieu^ainfî , quand dans ce nouueau monde qu'on nom, me TEglife il fe rencontre quelqu'vn qui ne vit pas dVne fai^on conucnable à cette nou- uelle création , il vaudroit autant qu*il fuft hors de l'enceinte de ce nouuel Vniuers, parce qu'il n'apasl'eftre ny les qualitez di- gnes de cette féconde naiflànce. Enfin, mes Frères, cet eftre naturel que la premie- ie création a donné , doit paflèr. Tous les ans la terre change d'apparence, &c toutes hs chofes compofées des elemens efprou- uent mille variations. Les grands empires fe diflîpent^ & à peine refte-t-il dansThiftoire quelque trace de ceux qui ont efté aux fie^ clés paflcz. Les cieux mefimes qui paroiiïent il fermes & fi conftans, fouffrirontà la fin de fi notables mutations, que TEfcriture fainte ne fait pas difficulté de dire à cette occafion qu'ils périront , parce que leur ancienne conftitution n'y fera plus recon- noiflfable. Tellement que bien que cette parole prononcée au commencement , ait encore maintenant de la vigueur pour fou- ftenir cet vniuers , cette vigueur ceffera pourtant au fécond aduenement de noftre Seigneur , quand toutes chofes perdront

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8i leur eftre corruptible & naturel^ pourpaf- 1er dans vne condition différente. Mais quant à cette nature fpirituelle &c celefte qui nous eft communiquée par la Parole de l'Euangilede lefus Chriftjelleeftabfolumêc imperillable. Car dés maintenant cette di- uineparoleaccompagnée de l'Efprit^afait en nous , fi nous (ommes véritablement Chreftiens , vne impreflion de Foy , de confolation , de fàinteté , qui ne fe peut jamais effacer. Et quant à ce que nous ea attendons en l*apparition de noftre Sauueur^ outre les lumières admirables de toutes for- tes de connoiflànces qui rempliront nos âmes éternellement, nos corps feront reue- ftus d*incorruption &: de vie immortelle &: glorieufe. Le Seigneur lefus qui nous en a donné Tefpcrance , &: qui nous en fournit le modelle en la perfonne haut , vueille par fi puilTance infinie accomplir Tœuure du fàlut en nous , & à luy comme au Père & au Saint Efprit, vn feul Dieu bénit éter- nellement , foit gloire , force & empire aux fiecles desfiecles , Amen.

TROISIESME SERMON, fur ces paroles,

JÎyant fait far foy me [me la purgation de nospechez^i ilseftajjîs a la dextre de la Majefie es lieux tr es-hauts.

RERES BIEN-AIMEZ

EN NOSTRE SeiGNEVR:

C*efl: vne chofe qui a eftë reuelée dés le commencement, & dont la reuelation a efté reprefentée en diuers types,comme eni à^^ tableaux, 8c renouuellée de temps en temps par les paroles des Prophètes , que comme le Rédempteur du monde auoit beaucoup à foufFrir quand il feroit manife- ilé^auflî fes foufFrances deuoient elles eftre fuiuies de grandes gloires. Si dans cet oracle que Dieu prononce pour releuer les efperan- ces de la race humaine , qui eftoient tombées à terre par le péché , il dit que le ferpent bri- ieroitletalonàlafemence delà femme, ce qui a efté exécuté en la Paffion de C hrift ,. il ditauffique la femence de la femme écra- fèroit la tefte du ferpent, ce qui contient vne prédiction de la victoire du Meffie. Si la

8^ hiort d' Abel, tué par fon frère , a reprefènté côme vne image de ce que les luifs, les frères de noftre Seigneur félon la chair, machine- roient quelque jour ôc executeroienc contré luy, le tranfport d'Henoc la haut au ciel lans voir la mort, aefté vn bel emblème de TA- fcenfion de noftre Seigneur lefusChrift dans les lieux celeftes. Si dans le facrifice qu'A- braham auoit refolu défaire de fbn fils lùac^ par il fut amené jufques aux portes de la mort , il y a eu quelque ombre de Toblation qui deuoit eftre faite de la perfonne du Sau- ueur en la plénitude des temps : dans deli- urance, qui côme dit TApoftre en quelque lieu , reflembloit à vne refurredion , il y a eu vne reprefentation de celle par laquelle noftre Seigneur eft forty glorieufèment du fepulchre. Il en eft de mefmes de tous les endroits ce diuin myftere nous eft pré- dit ôc préfiguré, lofeph eft réduit à vne mi- fereejitremedans les fofles & dans les pri^ fons , ce qui a reprefènté la defcente de no- ftre Seigneur dans le tombeau : mais il a efté deliurédeU, 6c éleuéà vne puillànce fem- blable à celle de Pharao , enquoy nous voyons vn crayon de la refurredion de Chrift & de fon exaltation ^ pour s'afTeoir à la dextre de fon Père. Dauid eft- exposé è

H

dîners combats, mais il en demeure victo- rieux ,& comme fo perfecutions Tont fou- uenc réduit à vn eftat fort calamiteux , ôc dans lequel on voit vne image des foufFran- ces du Fils de Dieu, il y a dans la fplendeur du règne de Salomon vn portrait de la gloire quenoftrelefuspoiïede maintenant dans le fanduaire de fon Pere.Efaye au 53.de {qs Re- uelations prédit bien certainement qu'il deuoit eftre mené à la tuerie comme vn Agneau: mais il ajoufte incontinent qu'il a efté enleué de la force de l'angoiffe & de la condamnation , & qu au refte durée après cek, deuoit eftre perpétuelle. En fin, com- me lonas a efté englouty dans le ventre du poiflbn, ôc a paffe dans cet abyfme trois jours Se trois nuits , il a efté reuomy fur le ri - uagepar le commandement de Dieu, ce qui a bien iàns doute fignifié que le Seigneur lefus deuoit eftre englouty dans le tombeau, mais que la mort le deuoit rendre par la puiC- lance de Dieu, & le remettre en la jouillance de la lumière de la vie. Mais bien que cela aireftéainfi predii;, & comme portrait dé- liant les yeux du peuple d'Ifraël, Ci eft- ce que dVn cofté ces prediâions ont efté impar- faites , &. ces types fi enigmatiques , à caule de la condition des temps ; Se que de Tautre

les entendemens des hommes eftoient fi peu éclairez de la grâce de rEfpric , parce qu'a- lors TEglife eftoit encore en fon enfance,que ^'a efté vn (ècret qui n'a jamais efté entendu jufques à l'accomplilTement des temps par Peuenement des chofes mefmes. Mais en la manifeftationdu Rédempteur , parles cho- fes qui luy font arriuëes en l'oeconomie de fa chair , èc par celles qui ont fuiuy Ces fouf- frances , nous auons clairement appris que lefus Chrift a efté Huré pour nos ofFenfes, qu'il eft reffufcité pour noftre juftification, êc qu*il eft monté haut au Ciel pour y prendre pofTeflîon de fon royaume à la main droite de fon Père. C'eft ce que je me pro- pofedevous expliquer aujourd'huy briéue- moyennant la grâce deDien, en traittant la fin du paflàge que je viens de lire deuanc vous, il eft dit que Chrift ayant fait par foy mefme lapurgation de nospeche^^ s'efiajjîs k lit dextre de la Majefié es lieux très- hauts . Car comme vous voyez, ces paroles contiennent manifeftement ce grand 6c glorieux myfte- re. Preftez moy donc encore cette fois vo- ftre attention en la dedudion que j*ay à vous faire de quatre chpfçs en cet ordre. C'éft que noi^ verrons premièrement ce que fi- gnifient ces termes, lapurgation de nos péchez^

V iij

u

Puis après, comment noftre Seigneur l'a faite parfoy me [me. En troifiéme lieu^ ce que veulent dire ces paroles , qu*i/ s'eft ajjîs à I4 âextre de Dieu. Et en fin, pourquoy il exprime le nom de Dieu par celuy de Maje- fié y & pourquoy il a adjoufté, es lieux très- hauts. Or quant à la première Se ces chofes, cette parole , fechi , fignifie généralement tout ce qui eft contraire à la pieté que nous deuonsàDieu, à la charité dont nous fem- mes obligez enuers nos prochains , & à la tempérance & honneftetë qui conuient à jl'excelkiice de noftre nature. Et cela fe doit: entendre tant àts chofes qui confiftent en aâionsjquife produifent au dehors, ou qui font des opérations de nos facultez, que de celles qui confiftent en habitudes qui ont leur fiege& leur refidence dans les facultez mefiîies de nos âmes. Et quand je dis les habitudes , j*entends , non pas feulement celles que nous pouuons auoir acquifes par la couftume de faire de mauuaifes adionsj comme il n*y a perfonne qiû reuoque en doute que cela ne fe puifle nommer du nom dépêché^ mais encore cette forte &inuin- cible inclination que nous auons naturelle»- ment au mal , & que nous appellonÉy^rdinai- rçrnent du nom de feché originel 5 parce

^7. i qu*encore que nous le tirions de Torigîne de

laquelle nous fommes iiTus , il ne laifle pas d'eftre péché pourtant , ôc l' Apoftre le qua- lifie ainfi au chap .7.de TEpiftre auxRomains. Et çle faid, c'eft vne conftitution vicieufe en elle-mefme , & qui nous pouiGTe naturel- lement à toute forte de mal. Or en quelque égard que Ton confidere le péché, foiten habitudes ou en adions ^ l'Efcriture fainte a accouftumé de lereprefenter fous l'idée dV- ne /biiillure , d* vne impureté , d' vne immon- dicité ôc dVne tache /qui corrompt &qui défigure les chofes aufquelles elle efl: atta- chée, & qui ofFenfe les yeux quand on les jette deflus. En efFed , le péché qui confifte en adions ^ gafte la conuerfation extérieure, & la rend odieufe &: choquante aux yeux des hommes. Et celuy qui confifte en habi- tudes, fouille Tinterieur de Thomme de le rend,haïfi[àble aux yeux de Dieu. Et fi nous auions les yeux affezperçans pour pénétrer jufques dans Tame d'vn méchant homme, nous y verrions par tout des chofes qui nous feroient de l'horreur. Car dans cette partie fuperieure qu'on appelle l'intelligente & la raifonnable, nous apperceurions les erreurs les herefies , les idolâtries & les fuperftition s ' & ces autres peftes femblables qui mfeden

F iiij

83 ccqu*ilyad[eplns fpirituel en luy. Dans k partie inférieure qu'on appelle dans les Efco- îes du nom d'appétit fenfuel , nous verrions au lieu loge la conuoitife , Tyurognerie, la gounnandile , la paillardife , la diflblutipn. Oc les vices de cette nature , qui font comme des belles fales , gifàntes en de l'ordure , §c vilaines à regarder. Et dans l'appartement de la colère , nous verrions le defir de la vengeance, les meurtres , les enuies , les con- tentions , ôc les autres vices femblables, comme dans vne cauerne profonde , des lions 5 *& des ours , & des panthères y èc tou- tes telles autres fortes de beftes fàuuages qui manifeftent leur férocité par de fiers 6c horribles liurlemens. Cette fouillure du pé- ché donc, peut eflre confiderée en deux difFerens égards : c'efi: aflàuoir entant que comme je viens de dire cela corrompt nos facultez , & gafte leurs opérations , ôc entant que cela caufè de lirritation à la jufti- ce de Dieu , ôc nous oblige à la foufFrance de fa vengeance. Et ces deux égards du péché font abfolument infèparables , tant par la nature de la chofe , que par celle de Dieu meftne, 6c de ce que nous appelions ordi- nairement jullice en luy. Car aucun n'a jamais efté corrompu de péché en foyanef.

8P

me ^ qui n'aît mérité la punition , & qui n'ait eftë criminel en la pr;erencede Dieu : 6c au contraire Jamais au€un n'a efté criminel dc- uant Dieu ny jugé digne de punition par luy, qui n'ait premièrement efté contaminé de cette tache. Mais bien qu'ils foient abfolu- iTient infeparables , ils font neantmoins^com- me vous voyez, fortdiftincls, & félon leur diftindion, ils le nettoyent par de différen- tes fortes de lauemens, & fe gueriflent par diuers remèdes , & qui font dVne efficace fort diflemblable. Car en ce premier égard la purgation du péché fe fait par ce que TEf- çriture appelle la régénération & la fandifi- cation , laquelle eft vn effed de la communi- cation du Saint Efprit, qui illumine les en- tendemens de la connoiflance de la vérité, qui repurge les afFedions de la Conuoitife, enymettant?impreflîonde faindeté, &: qui enfin donne a cette partie qu*on appelle la|Dolereourirafcible, vne profonde tein- ture de la charité & de la modération Chre- ftienne. Et cela s'appelle de ce nom de pur - gation àc de nettoyement. Comme quand les Prophètes difènt, lauer^votis ^ nettoyé^" vo7is\ ils entendent le lauement qui fe fait par la repentance. Et quand les mefmes Pro^ phetes promettent des eau^ nettes , ils cnten.

90

dent la grâce de régénération , que TE/prit de Dieu deuoic communiquer à TEglife, Les lauemens qui fe pratiquoient fous l'an- cienne Alliance prefiguroient la fandifîca- tion qui fe fait par la vertu de lEfprit de Dieu : de le Baptefme , fous le Nouueau Te- ftament ,eft appelle le lauement de regene- ration^ parce qu'outre la remiuîon des pé- chez il reprefente encore la fandification , &; en fèelle les promefles. Au fécond égard il en va bien autrement. Vous fçauez que nos péchez, entant que ce font des crimes qui nous obligent à la foufFrance de la punition, font en TEfcriture accomparez à des debtes. Le pécheur donc eft comme le débiteur. Dieu comme le créancier, & la foufFrance de la peine eft comme le payement de la debte. Comme donc quand on a affaire à vn créancier rigoureux , & qui ne relafche rien de fon droiét ^ la debte ne s'acquitte point & ne s'anéantit pojnt autrement gue par le payement, en cette affaire que le pé- cheur a à demefler auecDieu, l'obligation à la punition ne s'ofte & ne s'abolit point au- trement que par la foufFrance, Car Dieu eft tre-feuere & très, inflexible en cela> & il y a cette différence entre vn créan- cier & luy , qu'il eft en la liberté d'vn

91

créancier de relâcher de fbn droit fi bon luy femble , fans que pour cela il ea puifle eftre blafmë.i Souuent mefme il fe prefente des occafîom il fautneceflaire- ment en relâcher quelque chofe, fi l'on ne veut eftre eftimë trop dur & trop rigoureux, & en encourir du blâme. Mais quant à Dieu il n'eft feuere en cela finon parce qu'il eft jufte^ &Iajuftice eftenluy vne de ces ver^ tus qui font tellement déterminées par les quaUtez Se par les conditions qui font er% leurs objets^ qu'il eft impoflîble qu'elles s'ex- ercent enuers ceux cesconditiôs ne fe ren- contrent pas^ Et de mefmes impoflîble qu'et les ne s'exercent pas enuers ceux en qui elles fe rencontrent. Pour exemple, ce que nous appelions fimplement Bonté en Dieu , a vne relation fi inuiolable àl'innocence &: à la fain- teté de la créature , qu'il eft impoflîble qu'il n'aime pas la créature en qui il void reluis re l'image de fa parfaite faindeté: mais quant à ay mer la créature pecherefl[e , & à luy faire fentir leseiFeds de cette Bonté là, c'eft ce que fa nature ne peut permettre. De mef. me , fa mifericorde de laquelle dépend remiflîon des péchez, a vne relation fi preci* feàla créature pecherefl^e, mais qui fe re- pent de fon péché ^ qu'il ne fe peut faire ny

92 qiui pardonne a celles qui ne fe repentent ^1

pas , ny qu'il ne pardonne pas à celles qui fe repentent. La luflice donc ayant pour ob- jet la créature entant qu'elle eft infedèe de péché ,& eftant déterminée par non moins neceflàirement que ces autres vertus dont je viens de parler le font par les qualitez qu'el- les regardent,!* excellence infinie de la nature de Dieu ne permet pas , ny qu'il puniffe ceux qui ne font pas pecneurs, ny qu*il ne punifle pas ceux qui font coupables. Ainfi la purga- tion du péché en cet égard fe fait par la pu- nition,ôc ne peut confifter en autre chofe. E t cela s'appelle auflî de ce nom de nettoyemêt &: de purgation , & de purification , ôc d'au- tres façons de parler femblables. Comme quand noftre Apoftre au chap. 9. de cette Epiftre dit, que le fang de Chri^ purife nos confciences des œuures 7nortes^ il entend la puri- fication qui confifte en Texpiation du crime. Et comme leBaptefme reprefente la fandifi- cation, il reprefente pareillement la remifl fion de nos péchez & leur abolition entant qu'ils nous expofent à la foufïrance de la vengeance. Il eft donc queftion de fçauoir à laquelle de ces deux fortes de purgation no- ftre Apoftre à icy égard quand il employé ce terme. Et certes je ne fais aucune difficuL

que ce ne foit à la dernière. Car nou5 vousauons déjà remarqué dans la prédica- tion de Vendredy dernier, que l'Apoftre a icy intention de parler de la fàcrificature de Chrift, de de recommander l'Euangilepar Texcellence de fon Sacerdoce, qu'il oppofe dés le commencement de cette Epiftre, 6c qu*il préfère en ce peu de paroles, au Sacer- doce des Sacrificateurs du VieuxTeftament. Or le propre ôcle premier efFet duSacerdo- de & du Sacrifice , eftoit de faire la purgation des crimes , &: d'éfFacer les péchez entant qu*ilsaflujettiflbient à la maledidion. Car c eft pour cela que les Sacrificateurs pre- noient vne vidime , &; qu'ils la mettoient en la place du pécheur , pour foufFrir l'effufioa defon lâng âcla mort que le pécheur auoit méritée. ?ms3.pTes ^ ce terme ^ayantfat^ le monftre manifeftement. Car il en parle comme dVne chofe exécutée. Or la (ànclifi- cation eft vne chofe qui fe fait tous les jours à la vérité , par la communication que noftrc Seigneur nous donne de fon Efprit: mais elle n*eft point encore faite pourtant, &: elle ne le fera point finonquâd elle aura acquis faper- Fedion par l'apparition du Sauueur du mode. Mais<j«at à la propitiation de nos crimes,c eft vne chofe faite par la mort de Chrift^autanc

94 qu*elle le peut eftre par la fbufïrance de ce

que nous auons mérité \ autrement , elle ne 1 eftoit pas , elle ne le feroit jamais , parce quileftimpoflîbleque noftre Seigneur foit déformais expofé à de nouuelles foufFrances. Et fi les hommes ne font pas effecliuemenc participans du fruid de cette propitiation par laremiflion de leurs péchez, c'eft qu'ils necroyent pas, &c qu'ils rejettent la grâce fàlutaire de Dieu qui leur eft fi clairement apparue. Durefte,elle eft faite quant à ce qui eft de noftre Seigneur. Car que pourroit- on defirer dauantage finon qu^il foit mort pour nos péchez, ôc qu'il (bit refl^ufcité pour noftre juftification? Et c'eft ce que 1* Apoftre enfeigne au chap. 5, de la 2. Epiftre qu'il écrit aux Corinthiens. Dieu^dit-il^efioiten Chri/}^ te conciliant le monde à foy^ en ne leur imputant foint leurs forfaits, C'eft à direque Dieu a efté fi mifericordieux qu'il eft defcêdu du Ciel en la terre pour fe reconcilier auec les hommes;, de forte qu'il ne tiendra déformais qu'à eux^ qu'ils ne reçdiuent les fruids de cette récon- ciliation. Et parce que leurs forfaits mettent de coftéôc d'autre obftacle à cette reiinion^ la juftice de Dieu cmpefchant qu'il ne fe fcconcilieauecla créature criminelle, & la confcience de la créature criminelle ne fe

95 pouuantlaifler induire à croire que Dieu fe

reconcilieà elle tandis qu'elle fe voit coupa- ble de fàmaledidion, Dieu en donnant fon ° Filsamisleschofes en tel eftat à Tégard du monde & deshommes_, qu'il ne leur impute point leurs péchez , & qu'ils s'en peuuent al\ îèurer,pourueu qu'ils reconnoiilent ce Fils qui ena faitlapurgation, & qui l'a exécu- tée par luy m efme. Etc'eftcequ'il faut que nous voyions maintenant. Vous fçauez, mes Freres,que fous l'alliance de la Loy, il y auoit certaines chofes , qu on appelloit des foûillu- res 6c des immondicitez , contre lefquelles Dieu témoignoit qu'il auoit de l'auerfion- co- me l'attouchement dVn corps mort,les mar- ques extérieures de quelques fortes de mala- die en la peau,la fbiiillure de quelque humeur coulante naturellement du corps , &: chofes séblables. Et ces impuretez-là,à]es confider en elles-mefines ,n'eftoient nullement crimi^ nelles , & ne meritoient aucune punition de- uant Dieu. Car les infirmitez naturelles, & qui ne procèdent point de la volonté, de les chofes extérieures & corporelles qui n'infedent point l'homme intérieur , font bien des fuittes & des marques de la condi- tion foible & abjede de noftreeftre, mais ce ne font pas des péchez pour lefquels nous

9^

méritions d'eftre punis. Neantmoins parmy le peuple d'Ifraël elles efloient réputées vi« cieufes félon Tinftitution de Dieu^excluoienc les hommes de la participation du Taberna- cle & de la focieté de la Nation , expofoient à la maledidion qui repofoit hors du camp de ce peuple-là , ôc à la mort temporelle mefiiie. Or cela pourroit fembler bien eftran- ge 3c bien rigoureux, que pour de telles infir- mitez , qui ne peuuent eftre contées entre les choies morales , & qui d*elles.mefmes ne méritent point de blafiTie , beaucoup moins de punition. Dieu euft fait vne ordon- nance fi terrible , 6c qu'il les euft rendues cri- minelles par fa feule volonté. Mais (a bonté auoit pourueu à cela parTinftitutiondes fa- crifices. Car pourueu que ceux qui eftoient fouillez de cette forte d'impuretez , miflenc vne vidime en leur place , ou fiffent les oblations qui auoient efté ordonnées pour cet efFed , ils eftoient deliurez de cette forte de crime, ô«:reftablisdans le droicl de com- muniquer au Tabernacle 3c aux chofes qui s*y faifoient. Ce donc que Dieu en auoit ainfi ordonné c*eftoit feulement afin que ces immondicitez légales feruiffent de reprefen- tation aux fouillures réelles ôc véritables du péché j Se que ces fàcrilices & ces oblations

qui

0 . ^ \ 97

qui en faifoient rexpiarion , figiiraflcnt cette

grande 6c admirable ablation qui deuoic

quelque jour fairela purgation de tous nos

crimes.. Mais il y a icy vne grande difFerence

entre la figure & la vérité i c*eft que les

Sacrificateurs d'autrefois employoient de?

victimes pour faire l'expiation de ces im*

mondicttez- , au lieu que noftre Seigneur a

fait la propitiation de nos ofFeijfes parfoy^

niefine. Et véritablement il eftoit impolG-

ble qa'iLfift cette propitiation autrement*

Car quant au iàng des beftcs ^ ,& à la cendre

de la genice , dont on faifoit afperfion, elle

poauoit bien , comme l^Apoftre renfeigne,

iandifier les fouillez quanta la chair, parce

que le crime de cette forte de foiiillure ne

dépendant que de la pure volonté de Dieu,

cette mefme volonté de Dieu pouuoit bien

donner au fang des boucs ôc des taureaux h

vertu d'en déliurer les Ifraëlites. Cela eft de

la nature des chofès , . que les obligations fe

diiroluent par le mefme moyen par lequel

elles fe contradenc, 6c que quand k faute

n eft faute que par l'ordonnance duLegifl.a^

teur , la mefme ordonnance du Legiflaceur y

puiiTe apporter le remède. Mais quant à ce*

péchez véritables & réels que Dieu a dcfen*

dus par Tes dix comniand^mens de la Lov,

98 parce qu'ils font péchez en eux-mefmes , le crime qui en refulte fe produit de la nature mefme des cliofès, &c ne peut eftre efFacé de cette façon là. Car quelle proportion y a-t-il entre la mort d^vnebefte, bc le péché dVn homme , qui doit eftre réputé grand 6c atroce, non pas feulement à proportion de Texcellence de la nature de l'homme qui le commet , qui furpajflè infiniment la condi- tion àes belles , mais encore à proportion de 1 eminence delà Majefté de celuy contre qui il eft comis , qui furpafTe infiniment la condi- tion des hommes mefmes. Pour ce qui eft: du fmg des hommes il n*y pouuoit pas eftre employé non plus. Car ils font tous pécheurs ^ coupables deuant Dieu,& par confequent leur fang eft impur & corrompu^ 6c plus ca- pable de fouiller par fon efFufion 6c parfon attouchement , que de nettoyer les impure, tez & de faire la purgation des ofFenfes.C'eft donc certes vne grande erreur que celle de ces gens qui penfent fitisfaire pour leurs pe^ chezàlaluftice de Dieu, 6c qui s'impofenc pour cela des macérations d>c des pénitences. Et ceux qui fe fouettent eux mefmes pour offrir leur fmg à Dieu, ont peut-eftrç bien mérité ce chaftimêt : mais quanta contenter lajufticede Dieu par ce moyen là, c*eft fo-r Icment^c inutilement qu'ils fe l'imaginent.

5^

Quand'ils fe feroient efcorchez , & que dii déchirement de leurs efpaulesilfèroitnévne ' riuiere toute entiere^commeles Poètes le du fent de M arfy as^ils ne fçauroiét auoir noyé ny nettoyé dedâs la moifidre de leurs ofFenfes. Et quant il fetrouueroit vn homme abfolu- ment innocent ^ fa mort pourtant, s'il n*eftoic qu'homme feulement, ne pourroit fàtisfaire à la juftice de Dieu pour les crimes des autres hommes. Car il faut qu'entre la foufFrance ôc l'atrocité du crime il y ait de la proportion. Or il n'y en a du tout point entre le mal que fouflxe vne créature, l'eftre de laquelle eft borné , 6c l'ofFenfe commife contre Dieu^ qui eft réputée infinie. Il n'y pouuoit pas employer des Anges non plus. Car premiè- rement, pour eftre mis en la place d'vn au- tre, afin de faire fàtisfaclion pour luy, il faut qu'il y ait vne communion beaucoup plus eftroite que celle que les hommes 6c les An* gesontenfemble. Ce font des natures très- différentes l' vne de l'autre, & par confe- qucnt mal propres à faire vne telle fubftitu- tion. De plus, les Anges font des natures iniL matérielles 6c exemptes de la fujetion à la mort. Et bien qu'ils puijGTent eftre anéantis par la puiffànce de Dieu , fi eft ce que cet aneantiifement ne feroit pas proprement la mort qui a efté dénoncée pour la punition du

100

péché de rhDmme,& à laquelle il aefté né- ceflàire que noftre pleigefuft alîiijetty. En- fin, quand la fouffrance des Anges, quelle qu'elle fuft, pourroitequipoller à la morr, toujours les Anges f8t-ils des créatures finies, donc la dignité n*a pas afTezd'eftenduë pour égaler la majefté infinie de celuy contre qui le péché des hommes a efté commis, il a donc neceflàircment fallu que le Seigneur lefiisfiftlapurgation de nos péchez par foy mefme ^pim qu'il n'y pouuoit employer aii. cune aun-e chofe que luy , & qu'il foufFrift en {a perfonne, puis que la ToufFrance eftoic neceïlaire pour faire tette propitiation. Et icy il faut confiderer premièrement quelle eft en cette perfbnne la nature qui a fouffert. Et chacun fçait que c*eft la nature humaine, félon laquelle il avne eftroite de inuiolable communion auecnousî ce qui le rend propre pour eftre noftre pleige , & pour eftre fubfti- tué en noftre lieu. Comme auffi eft- ce vne chofe euidemmentatteftée par la Parole de Dieu, que cette nature en Chrift eftoit ab- fokiment innocente , Se qu'ainfi elle nauoit point de qualité qui fuft côtraire àla propitia- tion^comme nous auons remarqué cy-deffus, que le péché des autres homes les rend inca- pables de faire fatisfaclion & pour autruy &c pour eux melîiies. Puis après il faut auoit

lOî

égard à la nature qui donne le prix à la fouf- france, & c'eft la nature diuuie qui eftant dVnc dignité infinie , donne auflî à la paflîon de Chrift vne infinie valeur. Gar encore qu'il iVy ait que la nature humaine qui art foufterc enluy, fieft-cèquefàpaffioneft coniklerée comme de la perfbnne toute entière, & par- tant il faut que le prix en foit eftimé par là. Ce qui comme vous voyez ^ rend la fouflTrance propordonnéeà la nature du crime ôi à ion atrocité. Etc eft ce qui a fait dire à noftre ^i Apoftre 5 au chapitre neufiéme de cette Epi- ilre, que Chnft5*eft offert à Dieu par /'£/5>n> éternel. Car cela ne fignifie pas comme quel- ques-vas le. prétendent 5 que lar nature hu- maine aitefté la victime en C hnfl: &: la natu- re diuine le Sacrificateur. Il eftoit Sacrifica- teur entant que Dieu &: homme tout enfem- ble , & c'a encore efté (a perfonne toutç en- tière qui a tenu lieu cîe victime en cette obta- tion. C'eft pourquoy il eft dit qu'il s'efi offert foy- mefme. Car cts mots , // sejî offert^ defi- gnent fon action^Or les actions ibnç réputées eftre des perfonnes toutes entières, &; non de Tvne des natures qui les compofent feule- ment : ôcceluy cy/hy-me/rne^ dénote la per- lonne toute entière pareillement. Geky donc par l'Efprit éternel y fignifie que la per*

G iij

roi fônne de Chrift , eflant telle & en tel eflat qu*ilyauoitenluy vnefprit éternel & diuin, il s'eft offert en cet eftat ^ ce qui donne à la foufFrancevne valeur incomprehenfible. En- fin, on peut encore corifiderer en ce myftere, tant la perfonne de Chrift, entant qu'elle eftoit çonftituée des deux natures , que la charge par Tautorité de laquelle il a fait fon oblation. Car quant à la perfonne,elle eft en elle inefiiie dVne dignité qui pafle non feu- lement la mefure de la dignité de toutes les créatures, mais celle de leur intelligence 6c de leurcomprehenfîon. Et pour ce qui eft delà charge , elle a non feulement efté incompa- rablement plus excellente que celle des Sa- crificateurs precedens , mais proportionnée à la dignité inénarrable de la perfonne mefme: cequireleue infiniment l'excellence de fon adion. Si donc vous confiderez Toblation de Chrift entant qu'il y a foujEFert comme vne vidimedeftinée à l'expiation de nos péchez par fa mort, nyles hommes, ny les Anges ne fçauroient déterminer jufques va le prix de Paflîon : parce que cette vidirrie eftoit d' vne dignité inéftimable. Et fi vous h confiderez entant que Chrift y a fait vne adion en s'offrantluy mefme à Dieu 3 cette adion ne fe peut prifer non plus , puis qu'elle eft procedée dVne perfonne qui eft Dieu

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bénit éternellement, & qui outre cela efloit reueftuë d'vne charge infiniment eminente. Que fi enfin vous venez à jetter les yeux fur l'effet que le concours de toutes ces chofes à produit, c*eft que la tache de nos péchez, quelque horrible àc efpouuantable qu'elle; fuft , en a efté abfolument effacée. O charité incomprehenfible de Dieu i O merueille de la diledion du Fils enuers nous! que le Père le nous ait donné, que le Fils fe foit abandonné luy-mefine à la fbuffrance de la mort , pour nous déliurer de lamaledidiondeDieu, &: pour nous refta- blir en fa {àinte communion , non pour auoir la liberté d'approcher du Tabernacle d'au- trefois , mais pour eftre déformais fondez en droid d'afpirer à la demeure de fon faint Temple de haut, êc de le contempler éter- nellement dans fon (anduaire celefte Mais il eft temps de voir comment le Fils s'eft afiîs à la dextre de Dieu ^ car nous verrons^ntoft que ce nom de Majefté & èeluy deDieu,paf'. fent pour vne mefme chofe. Vous voyez, mes Frères , comment la nature nous a corn., pofez. Elle nous a donné deux mains pour fournir à toutes nos adiôs, & elles y concou- rent de telle façon qu'elles y vont en mefmc rang, Se non par fubordination , comme fi

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IVneeftoirfeulemécririftrument de l'ciutfe. Neantmoins il eft certain que félon linftiru- tion de cette mefme nature , la droite doit eftre plus forte & plus habile que Tautre." C'eft pourquoy la nourriaîre &:'la, chaleur naturelle, à: les efprits qui font deftincz à produire le mouuenient , cbufent plus abon- damment de ce cofte lii' de les vàifleauxy font naturellement pins grands, afînd*eftre plus- capables de contenir- l'abondance des efprits qui s'y rerpandcnt. Er c eft ce quia faitdircàHippocrate qu'il arriùe rarement que les femmes foient ambidextres/ Parce que fi le tempérament de leur fexe foufFre: bien qu'elles ayentujffez de cette clialeur & de ces efprits qui 1er lient au mouuement^ jour rendre en elles îa, main droite pliis.ro.- - bufre 6c plus agiîe en fts operarions , il ne foufFre pas qu'il y en ait allez pour remplir tellement toutes les deux mains , que la gau- che ait autant de vigueur ôc d'habilité que. l'autre; Mais quant aux hommes, il arriue alTjz fouuent qu'ils fe feruent également bien des deux mains , parce qu'ils font natu- rellement d'vne conftiturion plus fpiritueu- fè. Il n'eft pas bien neceffaire de fçauoii: pourquoy la Nature en a ainfi diilpolë , & quand il feroit plus vrile a rechercher,il ne (e- roit peut efbre pas fort aifé d'entrouuer U

caufe. Que fi vous aiiez agréable que je vous en dife mon fentiment en paflànc , je le feray en peu de paroles. Vous içauez ce qu'on a ac- couftumé de dire du cœur , c'efb qu il eft îe principe de la vie, 6c le ficge des afif^- dions , éc l'expérience confirme ce qu mi a accouûume d'en dire. D'ailleurs, les deux plus belles & plus nobles adions aufquelles les hommes foienc appeliez fondes militai- res, où il s*agic de défendre leur vie contre les ennemis, de de les attaquer filaneceflicé le requiert ainfi : 6c celles de l'éloquence, il eft queftion de régner dans les entendç- mensdics hommes par la force de la perfua^ iîon , de de porter leurs afFcdions aux chofes belles 6^ homièftes. Or pour ce qui eft des adions militaires , en rendant la main droite plus forte & plus propre aux adioais , la Na- ture la en quelque façon armée pourferuir ànoftredefenfe. Le cœur donc eftant telle- ment attaché au milieu de la poidrine , qu'il décline vers le cofté gauche , Ton fent fon mouuement de palpitation , la droite en s*auançant vers Tennemy eiloigne le cœur du péril, au lieu que la gauche l'en approche- roit fi c'çftoit à elleà joindre de prés l ênemy, foitpour attaquer foit pour defendre.D 'ail- leurs, aucun n'ignore ce que peut le gefte

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dans les adions oratoires, èc combien parti- | cLilieremenc eft pathétique 6c touchant ce- luy que Ion fait quand on porte la main fur le cœur. Or on yporteaifement la droite à caufe de fa fituation, aulieuquelemouue- ment de la gauche fe^oit en cet égard in- commode. Comment qail en foit décela, car il faut que je retourne à mon fujet , il eft certain que nous eftimons beaucoup plus noftre main droite que l'autre. Car c'eft vne chofe naturelle d'aimer de d'eftimerle plus ceux de nos membres dont nous tirons le pJusdeferuice&dVtilité. Et les petits en* fans 5 fi vous les enconfultez, vous en ren- dront tefmoi2;nao;e. Car fi vous leur deman- dez laquelle de leurs deux mains ils aiment le mieux , ils ne manqueront pas de vous dire que c*eft la droite : éc fi vous leur en deman- dez la raifon, ils vous refpondront que c'eft parce qu'ils en jouent mieux, 6c qu'ils en ef- criuent mieux , ôc qu'ils s'en défendent Miicux contre ceux qui les attaquent. Delà eft venu que le lieu de la main droite a eftc eftimé le plus honorable , &: que principale- jnent entre les Orientaux, les Princes ont fait affeoir à leur dextre ceux qu'ils ont vou- lu extraordinairement honorer, 6c leur don- , ner la communication de leur dignité fouue-

raine. Vous en auez vn exemple en Thiftoi- re de Salomon dont ileft ditquilfîtafleoir Berfabée fa mère à la droite de fon trône, en la prcfence du peuple , pour faire voir qu*illa tenoiten vnrang égalaufien. Et Né- ron mefmes, ce monftiecompofé de toutes fortes d'horreurs , fit affeoir à fa droite vn Prince de r Orient, qui Teftoitvenuvifiter, pour faire voir en luy au peuple Romain le cas qu'il faifoit de la dignité royale De cela donc il eft procédé deux chofes. La premiè- re, que quand en rEfcritureileft parlé fim- plement de la dextre de Dieu , ce terme y efl; employé pour fignifier fa force & fa vertu. Car Dieu qui efïvneflrefpirituel&: infiny, n*a point de membres comme nous. Mais quelquesfois ks vertus font defignées par les noms des parties de nos corps, dont l'vfa- ge a quelque rapport auec l'exercice des ver- tus diuines. Parce donc que nous nousfcruôs de la main droite en nos actions , de que c'eft le fiege de noftre force , la vertu par laquelle Dieu agit s'appelle en l'Efcriture de ce nom. Comme quand Dauid au Pfeaume i8. die que la dextre de /* tternel l'a foufienu , & ail- leurs , que la dextre l^ Eternel a faitvertn^ & ainfi en diuers autres lieux femblables. L'autre chofe eft que quand ce terme eft

ip8^ employé conjointement aiiec celuy des'af- feoir,il fignifie^non pas la puiflàncede Dieu, par laquelle ilexecute fès volontez , mais la participation de fa dignité, & le rang d égali- té que noftre Seigneur prend, en la gloire. De forte que ceux-là fe trompent merueil- Jeufement qui penfent pouuoir tirer de cqs façons de parler vn argument pourprouuer que le corps de noftre Seigneur a par fa glori- fication acquis cette diuine propriété . de pouuoir eftre par tout comme Teirence de Dieu mefme. Quelque glorifié quefoit le corps de noftre Seigneur , c*eft. vn corps pourtant , & encore vn corps humain , & par cpn{èquentdefiny& contenu entre des bor-* nés bien eftroites. Quand donc nous ne içaurions pas bien nettement ce que lignifie, cftre affis à la dextre de Dieu, nous ne de^ ' urions pas auoir de la nature ôcdc làcondi* tion dVn corps des penfées fi peu raifbnna- bles. Mai5 certes la preuue qu'on, tire pour cela de ce paiuge & des femblables qui fe rencontrent ailleurs, eft extrêmement friuo- le. On dit que Clirift eftaiGs à la dextre de Dieu auflî bien quant a nature humaine que quant à fa nature diuine. Cela eft vray, ôcperfonnenelecontefte. On adjoufteque la dextre de Dieu eft par tout: Et donc que.

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-la nature-humaine de Chrifl: efl: par toùt,auffi bien que la diuine. Cela ne s'enfuit pas. Car quand on dit que ladexcrede Dieu eft par tout, on entend la puiflanceôc la vertu par laquelleil met à exécution fes delïèins. Mais lors que l*Efcriture enfeigne que Chrift, auffi bien entant qu'il eft homme qu^entant qu'il eft Dieu beiiit éternellement , c'eft à dire, eu égard à fa perlonne toute entière, s*eftalîîs à la dextre deDieu,onn'entendpas parler de cette vertu- , on veut feulement dire que fa perfonne toute entière a receu la com- munication de la dignité de Dieu , comme faifoient ceux qui s'aiTeioient autrefois à la main droite des grands Princes. Cequife peut fort bien faire, Se qui s'eft fait efFediue- ment, fans que la nature humaine cle Chrift ait acquis les proprietez de Teflence deDieu, qui font abfolument icommunicables. Cette façon de parler ne fignifie pasmefines lapo- fture ny l^tuation du corps de Chrift, 6c en quelque fituation qu'il foit il eft toujours affis à la dextre de Dieu , parce qu'il y poûe- de vne dicrnité é^ale à celle de Dieu mefme . Cependant , mes Frères , cette communica- tion de dignicc qui eft defignée par cette fa- çon de parler , s*aJfeoir à la dextre de queL quvn , peut eftre confiderée en deux manie*

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tes. Car ou bien c'eft fimplement vn hon-^ neiir que Ton reçoit^ fans que cela foit ac- compagné d'aucune charge qui tire après iby des fondions 6c des actions : comme quand Salomon fit affeoir fa mère à fa droi. te 5 ce qu'il nefaifoit finon pour témoigner a quel point il l'honoroir, fans luy commet- tre pourtant l'adminiftration de fon Eftat. Ou bien auec la participation de l'honneur on reçoit encore quelque charge dans le gouuernement, 6c quelque notable autori- té dans Tadminirtration des affaires : comme quand Pharao joignit a l'honneur qu'il fit i, lofeph de le faire monter fur le chariot qui eftoit le fécond après le fien , vn commande- ment abfolu fur toute Teftenduë de fort royaume. Or fe pourroit- il bien rencontrer quelque paflage du NouueauTcftament cette façon de parler employée à l'occafion de lefus Chrift , fignifieroit feulement k communication d'vnefouueraineclignité , de pareille à celle de Dieu/ans néanmoins auoir vn particulier égard à la charge que ion Père luy a donnée. Comme pour exemple quand faint Eftienne , dans cet admirable rauiiTe- ment qui luy arriua dans la fouffrance de fort martyre , s'efcria , F'oicy je voy les deux ou* nerîs ^ d^ le Fils de l'homme efiam à la dextre ds

iir Dieu , il femble qu'il ne vueille rien dire ait- cre chofe lînon qu'il void le Seigneur lefus en vn eftre fouuerainemenc glorieux, &aa lieu de l'aneannirement auquel \qs luifspre^ tendoient l'auoir réduit Jouir d'vne dignité & d'vne gloire inénarrable. Mais au Pfeau- me uo. d*où cette façon déparier eft venue dans le Nouueau Teftament, cette fentence, Sieds toy a ma dextre ^ jufque ÀUint que fayé mis tes ennemis four le marchepied de tes pieds -^ defigne rinftalîation de nollre Seigneur, non feulement en vne fouueraine dignité, mais encore en vn fouuerain pouuoir. Car c'eft par qu'il eft eftably Monarque de tout Tv- niuers, ôc le Lieutenant de fon Père en l'ad- miniftration de l'empire qu'il a furlescieux &; fur la terre. Et c'eft ainfî que PApoftre l'interprète affez clairement au chapitre 15. de la première aux Corinthiens , quand re- gardant fins doute à cepaflàge duPfeaume, il dit que la fin de toute l'œconomie des eau. {^^ de noftre falut fe verra , quand Chrift au^ ra remis leRoyaume àDieu le Pere,ôc quand il aura aboly tout empire & toute puilîance &: force. Car ^ dit il, il faut qu'il règne juf ques a ce quil ait mis totcs fes ennemis fous [es pieds. Et icy l'Apoftre regarde à la mefme chofe , 6c veut comme je l'ay re-

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îDârquë , après auoir parlé de la fâcrilîc?- tare de Chrift , defigner icy fa royauté, dont il auoit déjà commencé de parler au veriet précèdent quand il auoit dit que le F ils aeflè ejiably héritier de toutes chofei. Cepen- dant on peut icy rémarquer la liaifon qui eft entre ces deux parties de noflre texte , ayant fait parfoy mefme lafurgatwn de nos.pecheT^^ &, s' e/l a.ffis }. la dextre de Dieu. Carlnnten- t;ion de.i'Apoftre n'eft pas de dire que c*eft entant que Chrift eft Sacrificateur^quil s'eft affis à la dextre de Dieu. Nous venons de remarquer que cela s'entend de royauté. Mais bien certes vcut-il donner à entendre que pour pàruenir à cette fouueraine puif^ fànce à laquelle fon Père l'a cfleuc, il falloir qu'il fîll: premièrement la purgation de nos péchez: car c'eft par l'ignominie de fa PaC fion qu'il deuoit entrer enià gloire. Et c'eft ce que S. Paul nous enfeigne au deuxième chapitrede l'Epiftreaux Phiiippiens, quand il parle de Texaltarion de Chrift comme dV- lie recoitipenfe de fes loufFranees. lla^ dit-il, efîé obeiffantjufques à la mort^ voire la mort la Croix. Pour laquelle caufe aujji T)ieu la fou^, uerainement èleuè ^^luy a donné vn nom qui e^ fur tout nom i /]fin quau nom de le fus tout ge-^ noiiilfe ployé , de ceux qui font es cieuK ^ ^ en la,

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terre^é" de fous la terre: & q^e toute langue con^ fejje que le fus Chrifte/î le Seigneur , à la gloire de Dieu le Père. Refte maintenant que nous voyions ce que fait ala gloirçlde. noftreSe^ gneur&. aubut de noftre Apoftre ^ ce qu'il di f^ à la dextr£. de la Majefiè es lieux très hauts. Fay déjà dit que s'affeoir à la dextre de Ma^ jefté fignifie s'aiTeoici la dextre de Dieu, ôc ceftïiinfî que le S. Efprit a accouftumé de parler en cette mataere,ôccela s^entend allez de foy mefme. . Mais comme j'ay dit ^ que Dieu s'appelle du nom de Gloire qm égard à ks vertus, il faut quejedifeicy qu'il s'appela leauiEde cq nom de Majefié eu. égard à la fouuerairie &: abroliuTient indépendante au- torité qui naturellement en refulte. Car comme les vertus de D.ieu^ parce qu'elles font admirablement. ray^Dnnantes, luy don* fient vne dénomination qui reprefèiite vne lumière extraordinaire & qui a beaucoup d'éclat , cet empire qu'il a fur les cieux & fur la terre & fur toutes les chofes qui y fonr,luy f n dpnne âuffi vne, autre qui exprime auec emphafe le fouueraui commandement. de fait nous nous feruôs ordinairement de ce fnot pour reprçfenter Tautorité de qps Prin- ces fouuerains,6c croyons que de les pronon, çer ainfi par forme d'abftradipnjSc Êife y en^

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114 welopper le fujet dâs lequel cette fouueraîné puiflance refide , c*eft vne façon de parler qui a vne force particulière. Or cela fait i n- iîniment au^deflein de noftre Apoftre. Car il eft queftion icy dùUuftrer la gloire de noftré Sauueur. Comme donc il a efté remarqué que s'alTeoir à la dextre de Dieu , c*eft entrer en focieté de la dignité de ladiuinité, êcpar confequent eftreDieuis afleoir à la dextre de la Majeftë,c'eft entrer dans la participation de la fouueraine puiflance qui commande à tout rVniuers ^ & par confequent eftre la Majeftémefme. Quanta ces mots de lieux très-hauts , ils fignment le troifiéme ciel , le ParadiSj le Sanduaire de l'Eternel, le lieu il habite en gloire. Car les fpheres celeftes font les lieux hauts en comparaifon des efpa- ces fublunaires. Mais les lieux très- hauts foni au deflus des fpheres celeftes mefmes. Et comme je vous ay dit que noftre Apoftre a voulu exalter la Prophétie de noftre Sei- Seigneur par deflus celle de tous les autres Prophètes, quand il a dit que Dieu ayan£ jadis parlé âplufieursfois &en plufieurs ma» nieres par eux , a parlé à nous en ces derniers temps par fon Fils ^ de qu'il a voulu éleuer le Sacerdoce de noftre Seigneur par deflus ce- luy des Sacrificateurs anciens, quand il a dit

qivilafiik far fey-mefme la purgation de no^ fechez^^ je ne doute pas qu il ne vueille enco- re icy furhauffer la royauté de noftre Sei- gneur par defTus celle de tous les Monarques de la terre. Vous voyez comment ils font ële- uez au defTus des autres humains , &: com- ment ils veulent faire paroiftre leur exalta^ tion par celle de leurs trônes & par la hauteur & la magnificence de leurs Palais : &: cela véritablement conuient bien à leur Majefté Royale: mais quand ils auroient aflîs leurs trônes fur la cime des montagnes, non feu- lement ils feroient toujours au defTous des cieux ^ mais mefmes ils feroient encore fous la jurifdidion des foudres ôc des tempeftes. Au lieu que noflrcSeignr lefus eft éleuc audefTus de toutes les régions de Tair , &: des globes de haut,ce qui montre l'eleuation infinie de dignité par deffus les Potentats de toute la terre habitable. Mais quand ce ne feroitpas l'intention de TApoflre de faire cette oppo- iîtion là, fi efl ce que la.chofe dont il parle icy requeroit qu'il y fit quelque mention du lieii noftre Seigneur eft maintenant en la gloi- re de fon Père. Car premièrement fi vous auez égard à la dignité inénarrable de fa per- fonne^ la demeure de la terre n'eft pas vn fë- jourproprepourluy.Uafâlluqu'ily ait efté

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^tîdquè tem|)s |)endant rœcohomie âetà chair , parce qu'il y deuoit foufFrir la mort pour k'-prôpitiatibn de nos ofFenfès. Mais quand vne fois il a eu exécuté ce que foû Père luy auoit commis en xët égard, 6c qu^eftant refllifdté dès morts il a fait voir que fatisfadiôn eftèit accomplie , il à fallu qu il foit retourné au Heu d^dù il eftoit defcendù, & qu'il y foit allé reprendre les ènfeignes de fa diuinité qu*il y auoit laif- iéQS pour venir monde. Car Dieu s'eft teferué le ciel pour fon habitation, 6c a don- iié la terre pouï demeure aux enfaris des hommes. Puis après, quand vous ne régar- deriez (înon à l'éftat auquel fon humanité a 'eftémifeparûrefurredion^illuy falioit vil autre fejour que ces lieux bas ôc terreftres. Comme l'Apoftrè nous enfeigi^e que la chair ^ le fan^ji^ ne feuuent hériter le Rvyànmi ^^Z)/>»,c'eftàdire, que cette nature reue- 'ftuë 6c enuironnée des infirmiteT, qui l'ac- compagnent, n'eft pas dans vne conditioii propre pour demeurer haut dans le ciel, 'cesinfirmitez ne peuuent trouuer de placet quand cette mefme nature à efté reueftuc de l'incorrùption & de l'immortalité, àinfî qu*elleaefté en la perfonne de noftre Sei- gneur par refurredion, il faut quelle aillé

Ii7 loger dan§ le ciel, ôcces lieux tçrreft^'cs icy ne luy peuuent plus eftre vn. domicile conue- nable. Et fa, charge ^ de quelque façoqi qu onla confldere ^ ne requeroit pas moins cela que faperfonnç , ny que IcPi^t glorieux auqueLfcn corps a elle mis en reflufcitant;, Carquaiuà ce qmeftdefa Prophétie, il Ta bien exercée en perfonnç entre lesluifs en la terre tandis qu'il y a elté^parcq, qu'il eftoit Miniftre de la Circoncifion , &: que cette na^ tion auoit reçeu cette promeflè des Pro- phètes. Mais ilfalloitauirrappeller.lesGen-. tils a fa cpiinoifTance ,.par l'entremife des gens qivil deuoit eauoyer pour cet eflfed. Oi: en les enuoyât il les falloit auffî munir de tou- tes les grâces àc de tous les talens neceifaires pour vne fi noble commiiTion, ôc pour les en munir, le S- Efpiit deuoit eftre enuoyé dti Ciel félon les anciens Oracles. Chriftdonc nepouuantenupyerle S, Efpriçdu Ciel s\l n'y eftoitluymeliiie,&i*enuoyduS. Efpric eftant'vne fuitte & vn eifed defaglprifica- tipn, félon ce que IvEfcriture dit, Ze S. Efpm nefîoit point encore donné parce que le fus Chrijl nefloit point encore qiorifiè,, il eftoii; abfolument necelTaire qu'il fuft receu- ,haut dans les. cieux, pour pouruoir à la vocation des na-. tïons de, la terre. Et c eft à cela que l'Apodro:

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rapporte les paroles du Pfalmiftc au Pfèaume ^8. fiant monté en haut il a mené captiue gran-- de multitude de captifs ^ ^ a donné dons aux, hommes. Luymefmçdonc a donne les vns pour tflre Apo/hes ^ ^ les autres pour efire Prophètes^ ^ les autres pour eflre Euangeliftes^ & les autres four efire Pafieurs S^ Dofleuys : Pour tajfem^ ilage d^s Saintts^par l'œuure du minïjiere.^ pour V édification du corps de Chrift : lufqua ce que TtoTis n nis rencontrions tous en l'vnité de la Foy^ ^ de la connotjfance du Fils de Dieu , en homme parfait , a la mefure de la -parfaite fiature de Chrifi. Pour ce qui regarde Sacrificature, c'a bien eftë en la terre qu'il a deu offrir fon corps en facrifice en la Croix. Mais après; cela, les types de l'Ancien Teftament, ôc l'interprétation que noftre Apoftre nous en donne, nous apprennent que comme le Sou- uerain Sacrificateur , après auoir égorgé la vidime dans le lieu (àint au jour des propitia- tions folemnelles & anniuerfaires , paflbit au trauers du voile 6c entroit dans le lieu tres- fàint 5 noftre Seigneur, après loblation de fà. perfonne &:la fouffrancesdelamort , a deu palier au trauers du voile des cieux , Se entrer ainfi dans le vray Sancbuaire de Dieu ^ parmy les acclamations & les applaudiflemens des Anges. De fait , c'eft qu'il fe deuoit acquit

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ter de l'autre fondion de fbn Sacerdoce , quî confifte en rincerceflîon q u'il fait pour nous. Car cette interceflîon fe fait par la commé- moration de fon Sacrifice , & de la plénitude de la fàtisfadion qu'il a rendue à la juftice de Dieu. Or cette commémoration requiert la prefence de la perfonne de Chrift deuant les yeux de Dieu fon Père en fon Sanduaire. En- fin fa royauté le requeroit pour le moins auflî euidemment qu'aucune autre chofe. Le Ciel deuoiteflre fon trône, & la terre le marche- pied de fcs pieds^ puis'j qu'il prenoit en main l'adminiflration de l'empire que fon Père a fur toutes chofes : car c'efl ainfi que Dieu mefiiie fe décrit dans les Prophètes comme Roydel'Vniuers. Il deuoit auoir toutes les créatures fublunaires ^ & les fpheres mefmes des Cieux au defTom de foy, puis qu'il de- uenoit le gouuerneur abfolu de toutes les oeuures de la nature. C'efloit de qu'il fal^ loit qu'il enuoyalt fon Efpric pour demeurer en fon Eglife,& pour régner dans les coeurs de fes fidèles, &: pour les fléchir puifîamment & doucement à robeïflance de (qs Loix. C'efloit de qu'il falloit quelquefois qu'il fiftfentir aux nations de la terre cette cpou- uantable verge de fer que fon Père luy a mife en la main ^ pour les mettre en pièces comme

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Iesvai{Ieàuxd^ynPotier,qLiand elles s'oppOri fent trop obftinëment à l'aiiancement de ioii;^ règne. Voila, mes Frères, la: deferiptioiî' que l'Apoftre nous fait de Chnft ^ Voila l'i* dée qu'ilnous en donne. Wt^mci vous donc, je vous Tupplie^ aueç moy,qu*vn prédicateur de la Gonimunion de Rome à monté dans cette chaire pour parler à vous , 6c qu*il a.p-ris pour thème de fon propos la fentence de f Apoftre que je vous ay expofée. S'il eftoit ; en cet eftat il jfoudroit qu ij vou's difl a peu: prés les chofes que je vous ay reprefentées. Sur ces mots que CAr//^/^/^ refplendeur de la gloire de Biéu ^iXyo\\$ Àiïoii que la perfônne du Rédempteur eft vrie image glôrteuii des vertus ëmerueillables de laDiuinité,&: qu'ors les peut voir rayonner en luy, comme elles, rayonnent éternellement en fon Père. Tel- lement que fa Bonté, fa luftiçe, fàJVfiféri- cotde, fa Sagefle inénarrable & fon infinie Vertu 5 qui font inuifîbles & incomprehenr' iîbles en elles mefmes, fe peuuent en' quel- que façon voir a I*œil 6^ toucbier à main d^s <:e grand & diuiti Sauueur. Sur ceux- cy G^u'iiefi la marque engrauée de la fubfiflence de la Dminitê , il faudroit qu'il déployafl fon; éloquence à vous expliquer comment le Sei- gneur lefus a dans foymefîpe Ie$ traits eter^

nels &: incfFaçables de cette admirable exi^ ^nce 5 par laquelle Dieu non feulement vie éternellement en luy-mefme , & jouît ea {on eflence d!vné immortelle félicité , mais parlaquelk il fournit encore Peftre à toutes choies , & les remplit chacune félon leur na- ture decoiuentementôi de bon-heur. Sur ceux-cy. , qu il foufîient toutes chofes par fa, farole puiffante ^ ce. prédicateur fans doute ne manqueroit pas de vous dire que c'elt vne magnifique defcription de cette infinie vertu , par laquelle le Seigneur ïefus confer- Vie en leur eftre les cieux & la terre , &: toutes les chofes qui y font contenues, & par la- quelle encore il entretient fooEglife, l'illu- minant &: la fàndifiant par parole, & la protégeant contre fes ennemis , jufques à ce; qu'enfin il l*amene à la jouïflcince de fon iàlut.. Surcequel'Apoflre dit^ que le Sei- gneur lefu^ a fait par foy-mefme la purq^ation de nos péchez^ y Umagnifieroit l'excellence de fon Sacerdoce , & la dignité de per&nne, qui eftant infinie en elle-mefme, a donne à fon facrifice vn poids & vn prix infiny. Enfin, fur ce que l'Aportreadjoufte que Chrifb s*e^ affîs a. la dextre de la Majeflé es lieux très- hauts y ce prédicateur le vous reprefenteroit tout refplendiflant d'vne lumkre éclatante

tu comme celle du Soleil, & a/Iîs haut dans les cieux fur vn trône tout radieux de magni. iîcence , enuironné des légions des faints Anges, & gouuernant delà les cieux & la terre à (a volonté. Reprefentez- vous après cela que ce mefme homme vient à tirer fubi- tement de deffous robe vn ciboire , 8c qu en vous montrant dedans vne hoftie confàcrée ^ il vous crie , Le voilà^ Chreftiens^ ce grand Dieu & ce grand Sauueur,contem- plez-le de vos yeux , 8c luy rendez vos ado- rations 8c vos hommages 3 quelle confufion je vous prie , mettroit-il dans vos efprits^ quel fremiflement , & à peu que je ne die quelle horreur , de voir tout d'vn coup vne fi magnifique idée , vne reprefentation fi glo- xieufe de la perfonne de noftre Seigneur , qui vient de remplir vos efprits dVne vénération 6cd*vne admiration extrême , conuertie en vnechofe fi petite 8c fi obfcure, & qui dans toutes fes apparences extérieures paroift de peu de prix ? Grand Dieu immortel , à quoy en eft venue la ReligionChreftiene^ 8c com- ment a. t-elle tant dégénéré delà fplendeur en laquelle elle auoit autrefois eftémife par les Apoftres de lefiis Chrift ? Et qu*on n'ap- porte point icy ces diftindions d'exiftence réelle ôc d'e^iftçnce facr^mentelle, d'cxi-

ftence vifible, & de celle qui ne l'efl: pas* Toutes ces petites fubtilîtezlà n'empefche- ront jamais que ceux à qui Dieu a donné les yeux de leur entendement illuminez, nere- connoiflent bien la différence infinie qu'il y a entre la Majefté de la perfonne de ce grand Dieu , & vne cliofe qui n'a pas mefme la reflemblance d vn homme. Non , non, mes Frères , ce n'eft pas icy bas en la terre qu'il faut chercher noftre Seigneur lefus Chrift , c*efl: la haut au ciel. Ce n eft pas en- tre les mains des hommes contemptiblesôc mortels , c'eft à la dextre de Dieu qu'il eft. Ce n'eftpas fous vne apparence fi méprifà- ble qu'il feprefente aux yeux de nosenten- demens , c'eft tout rayonnant de majefté, &: tout enuironné de gloire. Il n'eft point enueloppé fous les efpeces du pain &c du vin. S*il y eftoit, elles font trop foibles & trop minces pour empefcher gloire de s*y faire voir: elle ëclateroit au trauers, ou les diflî- peroit 6c les feroit ëuanouïr^ pour refplendir aux yeux des hommes. Enfin , mes Frères, il n'eft plus déformais expofé ny aux outra- ges des hommes , ny aux autres accidens & odieux de funeftes, contre lefquels TEglife Romaine cherche tant de précautions : il eft dans les <:icui: des deux au deftusjde toutes

U4 atteintes. C*€ft la il faut que nous fe^

cherchions des mouuémens de nos amesi ceftdelà qu'il faut que nous attendions les fruiébs de croix &: de refurreâion , & les fauorables efFeds fon afcenlîoaôc de foa introdudion dans le lieu tres-faint oùh^bice leP^recel-efte. En effet, mes Frères', c*eft du ciel que doit couler en nos confciences le fenriment de noftre ,paix & de noftre reconp ciliation auec Dieu, &: le gouft du fruid de la fâdsfadion qu'il a rendue à la juftice de Pieu par foniâcrifice. Car TEfprit confolaw teur vient délai, &: ç'eft.de la.ptefcnce de TEternel, font tes fépcefprits de Dieu, que le Seigneur lefus l'enuoye. C'eft de mefme qu'il faut attendre TefFet de fon interr ceffion en la perlèuerance de laquelle nous auonsbefbin, pour nous rendre çonfkans ei^i , toutes fortes de combats, & pour.nçus ei^ faire remporter yne vidoire glorieufe.. Car ce ne peut eftre ailleurs quil exerce cette fonction d'Intq*ce{Ieur pour nous enuers Dieu, puis que fon intercelCon confifte priiv cipalementenfon affiftance deuant Dieu, en glorieufe prefence. Ceft de encore, & non d'ailleurs, que nous recelions Tçfprit de fàndifîcatioii , qui nous reforme dt nous régénère à fon image. Car noftre fàndifiç^-

rîonéft vn efféd de fa Royauté*, qui fe deC ployé en nos confciencesparlaprefencede îon Efpric , & qui nous rend dociles &: obeïf- iàns au fceptre de la Parole. Or il ne règne que du ciel en bas, 6c s'il a lesrefnes de rvni- «ers 6c principalement de nos cœurs en la main , c'eft de deflus fon trône celefte 6c non d'ailleurs qu'il les gouuerne. Enfin c'eft de que nous deUonsefpererlà protedioncon- tre les ennemis de noftre fàlut, de quelque nature qu'ils puifTent çftre. Si le monde nous veut amorcerpar les appas de fes-volu- |>tez , il nous fait par fon bon Eiprit fàuou- rer de tout autres biens , dont le gouft eft fi merueilleux , que celuy de ceux d'icy bas en comparaifon eft fade. Si le Malirt nous veut furprendre par fes embufches , ou aflàillirà force ouuenc en excitant des perfecutions contre nous , Chrift nous prémunit de fon Efprit de fagefle 6c de prudence contre les ruies de cet ennemy , 6c notfs arme de ccluy de force contre la violence de fès aflauts -, 6c c'eft du ciel que nous receuons ce fecours, qui ne nous peut venir de chofe aucune qui foit en la terre. Enfin, fi la mort mefme nous furmonte , comme il eft abfolument indubi- table que nousy iiiccomberons y c'eft enco- re du ciel que npftre Seigneur defcendra.

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pour nous faire triompher du fepulcre & de toute puiflance. Au refte , chers Frères ^ il ne nous faut pas contenter de chercher no- ftre Seigneur lefus haut , il yfautaufliaf- pirer , ielon les belles efperances que luy- mefme nous a données. Car il y a^bien cer- tes quantité de raiibns tirées de la confidera- tiondefàperfonne^ & de celle de facharge^, & des neceffitez de (es Fidèles qui font en la terre , pour lelquelles il a deu monter au ciel. Mais il y en a encore vne autre que je n'ay point touchée , &c qui nous concerne très- particulièrement : c'eft qu'il a fallu qu'il y fbit monté pour y eftre noftre auanteoureut & y préparer noftre place, ^ofire cœurne [oit foint troublé ^ difoit- il autrefois à ^q^ difciples^ &enleurperfonneànous tous: von^ croye^ en Dieu y croyez^ auUî en moy. Il y a flujîeurs demeurances en la maifon de mon Père \ s il e(loit autrement ]ele vous eufie dit : je va y pour voui y préparer lieu. Et quand ]e m'en feray allé , é^ vousauray préparé le lieu Je retourner ay dere-^ chef^ dr- votisreceuraya moy ^ afin que je fuis .vous foyez^aujli. Et TApoftre au chap. 6. de t'Epiftre aux Hebrieux. Nous auons, dit-il , noftre refuge à obtenir le (gérance qui notis €$ propofée 5 laquelle nous tenons comme vne Hnçre feure drferms de l^ame ^ é* penetrmn

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j^fqudu dedans du voile : le fus efl entré conU me auantcoureur pournous. Et il eft, en mon- tant au ciel 5 non feulement l'auantcoureur^ maislemodelledenoftre gloire. Car com- me nous auons porté l'image du premier homme , nous deuons porter celle du fe^ cônd : comme la communion que nous auons auec le premier Adam , nous rend ter- reftres comme luy , & habitans de la terre, celle que nous auons auec le fécond nous rend celeftes comme luy , & nous donne àé% maintenât la qualité de bourgeois des cieux^ tant l'efperance que nous auons d*y parue- uenir eft indubitable. EnefFect, comme de la refurredion de Clirift , l'Apoftre argu- mente à la noftre, en vertu delà commu- uion que nous auons auec luy , de forte qu'il ofe bien prononcer que fi nous ne reflufci- tons point , Chrift n'eft point refllifcité ^ àc l'exaltation de Chrift haut nous pouuons tirer cette confèquence auec vne entière certitude en vertu de la mefme communion, que fi nous n'y fommes pas receus, Chrift auflî n*y eft point monté , & qu'il ne s'eft point aflîs à la dextre de fon Père. Or main- tenant, dit l'Apoftre, Chrift eft reflufcité-, maintenant , pouuons . nous, dire , Chrift â €ftcefleu€enbaut:fèsdifeiples l'ont veude

leurs ycuj:, ^ l'ont atteftéàtout rvniuèr^j, &nousauonsfentyrefFet de cette glorieufe Afcenfion : & partant, ne doutons^pas que nous n'y voyions fa gloire. Et c'eft ce qui fait que rApoftre , au chap. 2, de l*Epiftre aux bpliefiens jConfidere la refiirredion de Chrift, &:fon Afcenfion au Ciel, 6c fon aC fiette à la dextre defon Père, comme nous appartenant, & cbmme fînoûs çftions déjà glorifiez en perfonne.. Z)« temps mefmes, dit- il, que nous efiions morti en nos fautes j Dieu noîis a. viuifiç\ enfemhle auec Çhriji ^ par la ^race duquel vous eftes fauue^.Et nom a rejjufch tez^ enfemhle j^ ^ noîi^ a fait feoir enfemhle es lieux celefies en Jejus Chrifi. Mais ifî nous y afpirons, mes Frères , il faut que .ce foit par les voyes que luy mefme nous a trar cëes, & perfeuerer conftamment en cette courfe qu'il nous a donne, de commenr cer, jufqu'à ce que nous fbyons paruenus au bout de la carrière. Carc*eft,non à la foy feulement , mais à la perfeuerance en la foy^que le fàlut eft promis. Çeluy qui vaincra^ ditle Seigneur, &: qui eft celuy qui vainc fir non celuy qui perleuere jufques à la rnort? le leferay âfieoir auec moy fur mon trbne, Pouj: cela il faut imitçr la fainteté de fa vie.car c'eft dans vnç bonne confcience que fe cônfcrue

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le précieux depoft de la Foy. Pour cela il faut renoncer aux corruptions du monde, car il n'a eu aucun commerce auec elles, &c il s'en eft toujours tenu infiniment éloigné. Auffi eft-il certain j Frères bien-aimez, qu'entre les corruptions du fiecle, & la gloire de haut , il y a vne répugnance & vne contra- riété tout à fait irréconciliable. Pour cela il (e faut mefmes en quelque forte deftacher des contentemens qui nous font permis. Non pournous en priuer entièrement : car ils ont ' efté créez afin que nous en vfionsj mais pour ne nous y abandonner pas , de pour en recon- noiftre la vanité , & pour mefmes ne les gou- fterfinon autant que nous y gouftons quand & quand la bonté de noftre Seigneur qui nous les fournit libéralement, êc qu'ils fer- uent à nous éleuer vers l'efperance des biens éternels & imperiflables. Pour cela enfin il le faut refoudre à fubir volontairement , 6c gayement toutes les incommoditez,ôc à fouf- frir toutes les perfecutions aufquelles la pro- feflîon du faint Euangile eft expofée. Car le Seigneur lefus nous en a montré l'exemple, quand ilnes'eftpoint rebuté des diftîcultez qu'il a rencontrées en courfe : quand il ne s'eft point côtrifté de la contradidion des pé- cheurs^ & quand iJ s'eft refolu à la mort pour

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le fàlut du genre humain &c pour la confirmai tion de la vérité celefte. N'aimons donc pas trop cette vie corporelle , ôc ne craignons pas la mort. Car il faut defpouller ce corps mortel icy pour eftre reueftu de l'immorta- lité , Se depofer dans la poudre de la terre ces qualitez corruptibles & naturelles que nous auons maintenant , pour pouuoir eftre parti- cipant de l'incorruption, .comme le faine -Apoftrelenousenfeigne. De forte qu'il ne nous eft pas feulement ineuitable , mais il nous eft expédient de mourir , afin que ce mortel icyfoitenglouty par la vie. Sur tour, mes Frères , ayons perpétuellement en PeC- prit Indée de la gloire de noftre Sauueur. Car il fera impoflîble qu'en la contemplant at- tentiuement des yeux de l'entendemet, nous n'en -(entions dés maintenant vne irradia- tion fenfible, qui vinifiera en nous Tefperan- ce , Se qui nous portera à la faindeté, jufques à ce que nous foyons transformez haut au Ciel en l'image de fa gloire. A luy qui nous en a donné l'efperance , comme au Père & au S. Efprit^ vn feul Dieu beniteternellement/oit gloire, force & empire aux fiecles des fîecles: Amen.

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