TION ZOOLOGIQUE DU LÉMAN ANNÉE 1866 ÉTUDE SUR LES COQUILLES DE LA AMILLE DES NAYADES Qui HABITENT LE BASSIN DU LÉMAN A. BROT, D.-M. st P ITA later à a BALE ET GENÈVE | _ GEORG, LIBRAIRE-ÉDITEUR PARIS F. SAVY, %, RUE HAUTEFEUILLE & ie Rire : RE ASSOCIATION ZOOLOGIQUE DU LÉMAN NAYADES GENÈVE. — IMPRIMERIE RAMBOZ ET SCHUCHARDT ASSOCIATION ZOOLOGIQUE DU LÉMAN ANNÉE 1866 ÉTUDE SUR LES COQUILLES DE LA FAMILLE DES NAYADES QUI HABITENT LE BASSIN DU LÉMAN PAR A. BROT, D.-M. 2° EA GENEVE GEORG, LIBRAIRE-ÉDITEUR PARIS F. SAVY, 2%, RUE HAUTEFEUILLE 1867 J'ai cherché dans les quelques pages qui suivent, à don- ner une idée des différentes formes d’Anodontes et d’'Unios qui peuplent les eaux du bassin du Léman. Ces mollusques ont, Jusqu'à présent, été singulièrement négligés par tous les naturalistes qui se sont occupés de la faune suisse, et tandis que nous possédons des travaux nombreux et con- sciencieux sur les Nayades de France, d'Allemagne et d’An- gleterre, nous n'avons que des renseignements très-vagues et très-incomplets, souvent même inexacts, sur les espèces de la Suisse. Ainsi Jurine' et de la Bèche* citent deux es- pèces d'Unios qui ne se trouvent pas chez nous, et ne men- tionnent pas le seul que nous possédions. Le catalogue des mollusques suisses de Jeffreys * ne contient ni Unio, ni Ano- donte. Studer *, dans son catalogue des coquilles de Suisse, indique, il est vrai, deux Anodontes et six espèces nouvelles d’Unios, mais sans descriptions et sans indications précises de localités ; dans la faune helvétique du voyage de Coxe, il ne donne pas de localités non plus: De Charpentier ” énu- 1 L. Jurine, Catal. des moll. terr. et d’eau douce trouvés aux environs de Genève ; dans PAlmanach helvétique pour 1817. ? De la Bèche, Catal. des moll. terr. fluv. des environs de Genève; dans le Zoological Journal, vol. I, p. 89, 1824. 5 J. Gwyn Jeffreys, Notes on Swiss mollusca; in Ann. Magaz. of nat. hist. London, janv. 1855. # Studer, Systemat. Verzeichniss der Schweizer. Conchyl.; dans Gürt- ner’s Naturwissenschaftlicher Anzeiger, etc. n° 11, 12. Berne 1820. Studer, Faunula Helvetica, in Coxe’s travels in Switzerland, vol. IT, 1801. 5 J, de Charpentier, Catal. des moll. terr. fluv. de la Suisse, 1837; dans Nouv. mém. Soc. helvét. Sc. nat., vol. IL. 6 ÉTUDE mère trois Anodontes et trois Unios, mais ses indications de localités sont quelquefois erronées. Am Stein ‘, dans son catalogue des mollusques du canton des Grisons, ne cite aucune Nayade. Les deux ouvrages de MM. F. Dumont et de Mortillet * sur la faune de la Savoie et du bassin du Lé- man n’ont malheureusement pas été terminés, et la partie publiée ne traite que d'espèces terrestres. Enfin, Küster cite bien quelques espèces suisses d'après des échantillons provenant de Charpentier, mais les figures qu'il donne laissent beaucoup à désirer, et certaines localités qu'il in- dique me sont complétement inconnues. Les seuls auteurs qui se soient occupés de nos Nayades suisses avec quelque détail et en indiquant des localités précises, sont : Bour- quignat “ qui a décrit et figuré les espèces du lac des Quatre Cantons, Stabile* celles du canton du Tessin, et Paul Go- det® celles du lac de Neuchàtel. Le champ que j'ai embrassé est très-restreint, aussi Je ne considère mon ouvrage que comme un premier pas fait vers la connaissance des bivalves suisses. J'ai étudié les espèces qui se trouvaient à ma portée, à d’autres maintenant ‘ Am Stein, Verzeichniss der Land- u. Süsswasser-Moll. Graubünden’s, 1857. ? G. Mortillet, Hist. des moll. terr. et d’eau douce de la Savoie et du bassin du Léman, 1854; dans les Bulletins de la Soc. d'Hist. nat. de Sa- voie, 1852-54. F. Dumont et G. Mortillet, Catal. critique et malacostatiq. des moll. terr. et d’eau douce de la Savoie et du bassin du Léman; dans les Bulletins. de l’Institut genevois, 1857. © Küster, in Martini et Chemnitz, Syst. Conch. Cabin., nouv. édit. * Bourguignat, Malacologie du lac des Quatre Cantons, 1862. * Ab. Giuseppe Stabile, Fauna Elvetica. Delle Conchiglie terr. fluv. del Luganese. Lugano 1845. Ab. Giuseppe Stabile, Prospetto sistem. statistico dei moll. terr. fluv. viventi nel territorio di Lugano. Milano 1859. 5 Paul Godet, Note sur les Anodontes du lac de Neuchâtel; in Bull. de la Soc. Se. nat. de Neuchâtel, vol. VI, 1862. DE Ÿ SUR LES NAYADES. 7 à continuer cette étude et à étendre le champ d'observation. D’après le peu que je connais des Nayades de nos lacs, je suis persuadé qu’un ensemble de travaux de ce genre, étendu à toute la Suisse, conduirait à des résultats très-intéres- sants. Le bassin du Léman, tel que je lai considéré dans cet ouvrage, comprend le bassin même du lac et les eaux qui s’y rendent sur les deux rives; il est fermé à l’est, dans la vallée du Rhône, par la gorge de St-Maurice, à l’ouest par celle du Fort-de-l’Écluse et au sud, dans la vallée de l’Arve, par celle de Cluze. J'ai toutefois, quand l’occasion s’en pré- sentait, indiqué quelques localités en dehors de ces limites, mais seulement celles que j'ai pu explorer moi-même, ou sur lesquelles je possédais des renseignements parfaitement authentiques. Le lecteur s’apercevra en parcourant ces pages, que je parle quelquefois au passé; c’est qu’en effet une partie de mes observations date de 1846 et appartient, pour ainsi dire, déjà à l’histoire ancienne. Quelques-unes des localités que je cite dans mon mémoire, et ce sont malheureusement peut-être les plus intéressantes, n'existent plus, par suite de l'extension de la ville de Genève, du développement de ses quais et du nivellement de ses fortifications. Il m'a paru cependant qu'il y avait encore de l'utilité à citer les obser- vations que j'ai pu y faire, parce qu’elles présentaient quel- ques faits curieux relatifs aux variations locales de cer- taines espèces ; d’ailleurs, il n’est pas impossible que, par la suite, des conditions d'habitat analogues ne viennent à se reproduire, et qu’on retrouve des formes d’Anodontes semblables. Par exemple, il pourra être intéressant plus tard de comparer les Anodontes qu’on trouvera dans l’in- térieur du port actuel, avec ce qu’elles étaient dans les ë ETUDE mêmes endroits avant la création des jetées, et lorsque cette partie du lac était complétement ouverte au vent du Nord et à la vague. Le travail que je présente est pour la plus grande partie le résultat de mes recherches personnelles ; ce sont donc les environs immédiats de Genève qui ont été étudiés avec le plus de détail. Pour ce qui concerne le reste du canton de (renève, le canton de Vaud et la partie de la Savoie qui nous avoisine, J'ai été aidé par quelques collègues con- chyliologistes qui ont mis à ma disposition avec une par- faite bienveillance le fruit de leurs observations et de leurs recherches. J'ai d'ailleurs, autant que cela m’a été possible, visité moi-même la plupart des localités indiquées. M. G. de Mortillet à bien voulu m'envoyer les quelques notes qu'il avait rédigées autrefois pour sa Faune conchyliolo- gique de la Savoie et du Léman ; MM. F. Dumont de Bonne- ville, E. Ruegger, C. Blanchet et de Gautard m'ont com- muniqué avec empressement les échantillons qu'ils avaient pu recueillir eux-mêmes dans notre champ d'étude. Enfin, grâce à la complaisance de M. le professeur A. Chavannes et de M. le docteur De la Harpe, j'ai pu consulter la collec- tion de feu M. de Charpentier, conservée aujourd'hui au Musée de Lausanne, et j'y ai puisé des renseignements pré- cieux sur les espèces de l'entrée de la vallée du Rhône et les localités qu’elles habitent. L'administration du Musée de Lausanne a même bien voulu me confier quelques-uns des types de cette belle collection, ce qui m'a permis de figurer certaines formes que je n’ai pas pu réussir à recueil- lir moi-même. Je prie ces Messieurs de vouloir bien rece- xoir tous mes remerciements, et d’agréer ici l'expression de ma reconnaissance pour leur obligeant concours. SUR LES NAVYADES. 4 Famille des NAVADES Lam. La famille des Nayades de Lamarck, Unionaceæ Phil. (Handb. der Conchyl.), comprend huit à neuf genres de co- quilles bivalves, habitant les eaux douces, et dont la plupart sont exotiques. Trois de ces genres ont des représentants en Europe, ce sont les genres Margaritana Schum. (Alas- modonta Say), Unio Retzius, et Anodonta Lam.; les deux derniers seulement se rencontrent dans notre champ d’é- tude, ce sont donc les seuls dont nous nous occuperons ici. Ces coquilles sont en général d'assez grande taille (surtout si on les compare aux autres genres d'Acéphales qui se trouvent dans nos eaux, les Cyclas et les Pisidium), équi- valves, épidermées à l'extérieur, nacrées à l’intérieur et pourvues de deux impressions musculaires. L'animal est presque identique dans les deux genres, et le seul caractère qui puisse les faire distinguer appartient à la coquille, et consiste dans le mode de réunion des deux valves entre elles. Dans les Anodontes en effet, le bord cardinal est simple dans les deux valves, tandis que dans les Unios 11 est pourvu d’un système d’engrenage compliqué, formé de deux sortes de dents: les dents cardinales et les dents latérales. Les pre- mières sont situées sous les sommets ; elles sont plus ou moins coniques, au nombre de deux d’un côté, et une de l’au- tre ; les dents latérales ou lamelliformes sont placées en ar- rière des précédentes, sous le ligament et parallèlement au 10 ETUDE bord cardinal; elles sont allongées et également au nombre de trois. Les valves sont en outre réunies, dans les deux genres, par un ligament extérieur corné, élastique, dont la fonction est de maintenir la coquille ouverte, son occlusion étant effectuée par l’action des muscles de l'animal. Aussi la coquille est-elle toujours ouverte quand le mollusque qui l'habitait est mort. L’épaisseur du test est assez variable, cependant on peut dire en général qu’elle est plus considéra- ble chez les Unios que chez les Anodontes, au moins dans notre pays, car les espèces exotiques présentent de nom- breuses exceptions à cette règle. Ces deux genres de mollusques ont une manière de vivre tout à fait semblable: ils habitent les eaux douces, les Unios préférant en général les eaux courantes, les Anodontes les eaux tranquilles et stagnantes. Cette distinction n’a cepen- dant rien d'absolu, car il arrive fréquemment de rencontrer des Unios dans les lacs, et des Anodontes dans des ruisseaux ou des rivières même assez rapides. Ils se tiennent enfoncés obliquement dans la vase, plus ou moins profondément selon que le sol est plus ou moins dur, mais toujours de manière à ce que leur extrémité postérieure se trouve libre. Ils sont constamment placés dans une position verticale, c’est-à- dire le Higament en haut et l'ouverture des valves en bas. Ki l'on pose une Anodonte ou un Unio au fond de l’eau dans une position latérale, c’est-à-dire reposant sur l’une de ses valves, on la verra bientôt chercher à se remettre dans la position verticale, et s’eftorcer de s’enfoncer dans le sol. Le mollusque tient sa coquille habituellement entr'ouverte, mails 1l la referme aussitôt que l'agitation insolite de l’eau, où même un bruit un peu fort lui fait redouter quelque dan- ser, et il la maintient solidement close jusqu'à ce que toute crainte soit passée. Ce moyen de défense, le seul qu’il pos- SUR LES NAYADES. li sède, peut même ètre utilisé avec avantage par le conchy- liologiste, car il suffit d'introduire une baguette efflée dans l'ouverture béante des valves, elle se trouve saisie avec assez (le force pour qu’on puisse sortir la coquille de la vase dans laquelle elle est enfoncée, et l’amener hors de l’eau sans difficulté. En hiver, les Anodontes et les Unios se reti- rent plus profondément dans leur trou, et disparaissent com- plétement pour ne se montrer qu’au printemps, quand les eaux commencent à se réchauffer. C’est surtout alors que ces mollusques se livrent à quelques pérégrinations, assez restreintes du reste. Pour changer de place, ils ne sortent pas de la vase, mais se contentent de la silloner comme le soc d’une charrue. On voit très-bien les sillons ainsi formés, et en les suivant, on arrive toujours à la coquille, dont on reconnait la présence à une petite ouverture oblongue à la surface du sol, ouverture qui se referme et disparaît aus- sitôt qu'on vient à la toucher. C’est également en s’enterrant profondément que ces bivalves réussissent à résister à des sécheresses souvent prolongées. La nourriture des Nayades paraît être végétale, et con- siste en particules très-ténues que l'animal absorbe mélan- gées à la vase dans laquelle il est enfoui. Les conchyliologistes américains admettent généralement que les sexes sont séparés dans la famille qui nous occupe ; ils ont même observé que le sexe influait sur la forme ex- térieure de la coquille, et ils ont décrit et figuré pour un grand nombre d'espèces des Etats-Unis, des formes mâles et des formes femelles, ces dernières étant d'ordinaire plus dlatées à la partie postérieure du bord basal. En Europe, les opinions sont partagées: un certain nombre d'auteurs, comme Prévost, Lallemand, Milne Edwards, Quatrefages, reconnaissent des sexes séparés ; d’autres, comme Cuvier, 12 ÉTUDE Blainville, Siebold, van Beneden, et la plupart de nos con- chyliologistes, Rossmässler, Philippi, Drouet, Moquin-Tan- don, etc, considèrent les Nayades comme hermaphrodites. Dupuy parait être de cet avis; cependant il admet des ex- ceptions pour certaines espèces américaines. Une pareille di- vergence d'opinion peut paraître étrange au premier abord, mais elle s'explique par la simplicité de structure des or- ganes reproducteurs confondus en une seule glande qui, sui- vant les partisans de lhermaphrodisme, secréterait succes- sivement des zoospermes et des ovules; de sorte que cette glande serait ovaire ou testicule, suivant l’époque à laquelle on l’examine. Küster, dans sa monographie du genre Unio, a appliqué aux espèces européennes la distinction intro- duite par les auteurs américains, et a figuré des formes mâles et des formes femelles pour les Unios pictorum, limosus, etc. J'ai cherché occasionnellement si les coquilles dans les- quelles je rencontrais des œufs présentaient quelque carac- tère spécial qui les distinguñt de celles qui n’en renfermaient pas; mais Je n'ai Jamais rien constaté de semblable. Quoi qu'il en soit, il est constant que les Nayades sont ovo-vivi- pares. Les œufs passent de l'ovaire dans les branchies ex- ternes, où ils achèvent leur développement; de là ils sont rejetés au dehors par les siphons. J'ai rencontré des co- quilles dont les branchies étaient remplies d'embryons, aussi bien au printemps qu'en automne et jusqu'à la fin d'octobre. Le nombre des œufs que renferme une Anodonte est considérable: Quatrefages l’évalue à 14,000 pour un in- dvidu de moyenne taille, et Jacobson estime que les grandes Anodontes contiennent jusqu'à deux millions d'œufs. La jeune coquille, au moment où elle est rejetée au dehors, présente une forme bien différente de celle qu’elle aura plus SUR LES NAYADES. 13 tard’; en effet, au lieu d’être transversalement allongée, elle est plus haute que longue et se compose de deux valves triangulaires mobiles réunies par un de leurs côtés et ar- mées d'un crochet mobile à l’angle opposé. En outre, elle est pourvue dun byssus composé de quatre filaments ; cet organe est probablement destiné à fixer la coquille pen- dant sa vie intrabranchiale, et peut-être aussi dans les pre- miers Jours de son existence indépendante ; il s’atrophie, à ce qu'il parait, très-promptement. D’après Moquin-Tandon, cet appendice existe seulement dans le genre Anodonte et manque dans les Unios. Cependant, il paraîtrait qu’il se trouve, au moins dans certaines espèces américaines, et subsiste même assez longtemps, car J.-P. Kirtland (in Silliman, Americ. Journ. of Sc., vol. 39, 1840) a observé un organe tout à fait analogue dans neuf espèces d'Unios des Etats-Unis, à un âge où déjà la coquille avait perdu sa forme larvaire, et au moment de la formation de la première zone d'accroissement. Peut-être même le genre Byssano- donta de d'Orbigny n'est-il autre chose qu'une jeune Ano- donte pourvue encore de son byssus. En tout cas, nos Ano- dontes européennes perdent le leur, de suite après leur ex- pulsion de la coquille mère. L’accroissement du test des Nayades se fait par zones concentriques, de sorte qu’on peut toujours, en voyant une coquille adulte, juger, au moins approximativement, de Ia forme qu'elle avait dans son jeune âge, et cette circonstance est d’un grand secours dans la distinction des espèces. Je suis disposé à croire que cet accroissement doit être rapide, en particulier qu’il ne faudrait pas considérer le nombre des zones l'accroissement comme représentant un nombre dan- ‘ Rathke et Jacobson ont pris ces coquilles embryonnaires pour des pa- rasites et les ont décrites sous le nom de Glochidium paradoxum. 14 ÉTUDE nées d'existence égal. L'observation suivante me parait venir à l'appui de cette opinion. Si on pêche à un moment donné des Anodontes en grand nombre dans une même localité, on remarquera qu'elles sont toutes à peu près de la même gran- deur ou qu’elles correspondent tout au plus à deux ou trois âges différents, tandis qu’on devrait en trouver de dimen- sions plus variées si leur croissance était lente. Les adultes sont relativement rares, et on les trouve en général mortes, ce qui prouverait qu’elles périssent assez promptement après avoir atteint leur taille maximum. Exceptionnelle- ment on rencontre des individus dont la coquille porte dé- cidément le cachet d’une longue existence : ils sont généra- lement très-obèses, difformes, leur surface est très-excoriée et rugueuse, couverte d’encroûtements épais ; les dernières zones d’accroissement sont serrées, irrégulières, et souvent on a de la peine à reconnaître exactement à quelle espèce ils appartiennent. Moquin-Tandon évalue à trois ou quatre ans le temps nécessaire à une Anodonte où un Unio pour de- venir adultes, mais je ne crois pas qu’on ait des données bien exactes sur ce sujet. À en juger par la quantité considérable d'œufs que ren- ferme une seule Anodonte ou un seul Unio, la multiplication de ces mollusques serait énorme, si le plus grand nombre de ces embryons ne devenaient dès leur naissance la proie des poissons, des larves aquatiques, des crustacés, ete. Les oiseaux de marais doivent en détruire aussi beaucoup. M. V. Fatio m'a donné de jeunes Anodontes qu'il avait trou- vées dans l'estomac d’un canard, ces coquilles étaient par- faitement intactes et mesuraient déjà environ trois centimè- tres de longueur. D’après les quelques détails que je viens de donner, on voit que ces mollusques mènent une vie extrèmement sé- SUR LES NAYADES. 45 dentaire et ignorée du grand nombre. Comme ils ne sont d'aucune utilité directe, au moins dans notre pays, personne ne les recherche. Cependant je ne doute pas qu’ils ne pus- sent fournir une nourriture saine, sinon succulente, à la condition toutefois qu’on püt les débarrasser, par un séjour prolongé dans une eau vive, du goût de vase dont ils sont imprégnés. On trouve quelquefois dans l’intérieur de cer- taines Anodontes des perles tout à fait comparables à celles que produit l’huitre à perle, mais elles sont fort petites et atteignent très-rarement une grosseur qui leur donne une valeur vénale. Il est très-fréquent, par contre, de rencontrer à l’intérieur des valves, des concrétions nacrées adhérentes à la coquille. Les Chinois, toujours ingénieux, ont imaginé d'utiliser cette disposition et de faire produire à certaines bivalves d’eau douce de petites figurines nacrées. Pour cela, ils introduisent entre le manteau et le test, des modèles en nacre ou en métal représentant divers objets, puis ils rejettent la coquille dans l’eau ; au bout d’un certain temps, quand ils la pêchent de nouveau, le modèle est entièrement recouvert de nacre, et il ne reste plus qu’à le découper. Ce genre d'industrie ne donnerait probablement pas chez nous des résultats bien satisfaisants, nos Anodontes ayant une nacre trop mince et d’ailleurs peu éclatante. Nous avons cependant en Europe deux espèces d’'Unios, U, sinuatus, Lam., et U. (Margaritana) margarinifer, Retz., qui produisent des perles de valeur. La première se trouve en France, la seconde y vit également, mais habite surtout l'Allemagne, la Russie et généralement les pays septentrio- naux. Cette dernière espèce à été principalement exploitée, et cela depuis des siècles. Les perles qu’elle fournit sont de petite taille, pour la plupart de la grosseur d’une tête d’é- pingle, mais elles atteignent quelquefois le volume d’un gros 16 ÉTUDE pois et sont souvent d’une très-belle eau. Voici quelques chiffres que J'emprunte à l’intéressant ouvrage de Théod. von Hessling (die Perlmuscheln und ïhre Perlen, etc. Leipzig, 1859), et qui donneront une idée du produit de cette pêche. Pour le royaume de Saxe, le rendement annuel a été en moyenne : Pour la période de 1719-1804 de 135 thal. pour 152 perles, » 1805-1825 » 102 » 121 » > 1826-1836 » 81 » 140 >» Ces résultats sont bien inférieurs à ce qu'ils étaient au dix-septième siècle, car en 1649 on recueillit 224 perles, en 1672, 294, pour la plupart de premier choix. La Ba- vière a produit de 1814 à 1857, 158,880 perles, soit en- viron 3,091 perles par an. Cette exploitation étant en Alle- “agne entre les mains de l'État, les chiffres ci-dessus sont établis d'après des données officielles, mais il est plus que probable que toutes les perles recueillies n’ont pas passé par les mains des employés. Quelques essais ont été faits pour provoquer artificiellement la formation des perles, soit par l'introduction de corps étrangers qu’on supposait devoir se recouvrir de nacre, soit par des lésions faites à la coquille, soit même en cherchant à favoriser le dévelop- pement de certains parasites qu'on pensait être la cause première de cette production, mais les résultats ont été entièrement négatifs. Il paraitrait cependant que Linné avait découvert un procédé qui lui avait très-bien réussi, il a malheureusement emporté son secret dans la tombe. Chez nous, en Suisse, le naturaliste seul va troubler ces innocents animaux dans leurs retraites profondes ; encore arrive-t-il souvent qu'il ne leur accorde qu'à regret une place dans les tiroirs de sa collection. Le peu de considéra- SUR LES NAYADES. 17 tion dont jouissent les Nayades tient d’abord à ce que rien dans leur apparence extérieure ne vient frapper agréable- ment les yeux ; leur forme est assez monotone, leur couleur peu brillante; ensuite elles sont volumineuses, tiennent beaucoup de place dans les tiroirs, enfin leur recherche est peu agréable, souvent pénible; mais la principale cause réside dans les difficultés qu'offre l'étude de leurs espèces à cause de l'incroyable variabilité qu’elles présentent. Chaque lac, chaque marais, chaque ruisseau, où même chaque par- tie d’un même lac, d’un même ruisseau offre des formes particulières, ou du moins d’un aspect différent, et comme le dit avec beaucoup de justesse Rossmässler, dans les in- téressantes remarques qui terminent la douzième livraison de son Iconographie, ce qui étonne le plus le naturaliste, ce n’est pas de rencontrer çà et là une forme nouvelle plus ou moins caractérisée, mais de retrouver deux fois exacte- ment la même dans deux localités différentes. Comme d’au- tre part les caractères qui peuvent servir à fixer les espèces sont en très-petit nombre, vu la grande simplicité de struc- ture de ces coquilles, toutes ces formes établissent des tran- sitions graduelles d’une espèce à l'autre, et il en résulte une extrême incertitude dans les déterminations spécifiques et dans la délimitation de l'espèce en général. Aussi, tandis que certains conchyliologistes multiplient les espèces pres- qu'à l'infini, nous en voyons d’autres qui, découragés peut- être par cette multiplicité de formes diverses, se simplifient le travail, en les réunissant toutes et ne reconnaissent plus que deux ou trois espèces distinctes, ou même un genre unique. La divergence de ces deux manières de voir montre bien que l'étude des Nayades laisse encore beaucoup à désirer, et que le sujet est loin d’être épuisé, malgré tous les tra- vaux de nos devanciers. Or, le seul moyen d'arriver à dé- ‘) 4 18 ETUDE limiter les espèces et à reconnaître leur valeur, c’est de les étudier sur place, de les suivre pas à pas dans leurs trans- formations. À ce point de vue, tout travail d'observation, quelque petit que soit le champ d'étude qu'il embrasse, à son importance; peut-être pas tant par lui-même que par sa comparaison avec d’autres travaux analogues. C’est à ce titre que je présente ce petit ouvrage au public conchylio- logiste, et dans l'espoir que plus tard il pourra se relier à des travaux du même genre sur nos Nayades suisses. Notre bassin est très-favorablement placé pour l'étude des mollusques d’eau douce ; traversé par des rivières 1m- portantes et sillonné de nombreux ruisseaux, il possède en outre un lac et des marais étendus; il présente donc les stations d'étude les plus variées sur un espace relativement restreint. Aussi les mollusques dont nous nous occupons y sont tres-répandus et présentent des formes assez diverses. Le nombre des espèces proprement dites ou plutôt des es- pèces que j'ai admises n’est cependant pas très-grand ; j'en ai reconnu six pour le genre Anodonte et une seule pour le genre Unio ; encore faut-il remarquer qu'une des espèces d’Anodontes n'est citée qu'avec doute comme appartenant au bassin du Léman, et d’ailleurs j'hésite à la considérer comme distincte. Si nous comparons, au point de vue des Nayades, la faune de notre bassin avec celle des pays qui nous avoisinent, nous voyons que, tout en appartenant en- core par quelques-unes de ses espèces à la faune germa- nique ou septentrionale ‘, elle en forme l’extrème frontière. ‘ Rossmäüssler (Iconographie, IT, livr. VI, p. 21) divise sommairement l'Europe au point de vue des mollusques en deux grandes zones, septen- trionale et méridionale ; cette dernière comprenant la France méridionale, l'Espagne, l'Italie avec le versant méridional des Alpes, l’Ilyrie et la Croatie, l’Istrie, la Dalmatie, la Grèce, les côtes de la mer Caspienne et de la Mer Noire, les iles de la Méditerranée. Les autres pays de l'Europe forment la zone septentrionale. SUR LES NAYADES. 19 Nous possédons l’Unio batavus qui est bien une espèce du nord, mais les Unio pictorum et tumidus, qui accompagnent habituellement, ne se trouvent plus chez nous, quoique on les rencontre encore, le premier dans les lacs de Zoug et de Lucerne, le second dans les lacs de Morat et de Neu- châtel. En revanche, si nous faisons un pas de plus vers le sud, nous trouvons dans le lac du Bourget les Unio Re- quienii et litoralis, deux formes éminemment méridionales. Les Anodontes ne présentent pas des faits aussi frappants, cependant notre À. cygnea n’est pas tout à fait celle d’Alle- magne, tandis qu’on la rencontre parfaitement typique dans yes marais de l’Orbe près d’Yverdon, qui font partie d’un autre bassin, dépendance du Rhin. L’Anodonta anatina, par sa variété rostrée, se rapproche également déjà des formes d’au delà des Alpes. Les Unios se trouvent dans presque toutes nos rivières et nos ruisseaux, dans les endroits les plus profonds où le courant est moins rapide, et le fond par conséquent plus vaseux, et qui d’ailleurs sont moins exposés à être desséchés en été. L’Arve, et le Rhône avant son entrée dans le lac, wen présentent point, leurs eaux, venant directement des glaciers, sont probablement trop froides. Quelques rivières, comme la Menoge et la Venoge, n’en renferment pas non plus, sans que je puisse assigner une cause à ce fait. Mais ce qu'il y a de plus surprenant, c’est de n’en point rencon- trer dans le Rhône à sa sortie du lac de Genève, ni dans le lac de Genève même, tandis que presque tous nos lacs de Suisse en présentent au moins une espèce, comme le lac de Zurich, et quelques-uns deux espèces, comme les lacs de Lucerne, Neuchâtel, Morat, Zoug. J’indiquerai bien, à pro- pos de la description de VU. batavus, quelques échantillons trouvés dans le lac, mais leur nombre est si petit que Je ne 20 ÉTUDE peux pas considérer leur présence dans ces eaux autre- ment que comme accidentelle. J’ai dit qu’on ne rencontrait dans notre bassin qu'une seule espèce, assez variable, quoi- que toujours reconnaissable ; une seule forme mérite le nom de variété, c’est celle que M. de Charpentier a découverte près de Noville (U. batavus var. squamosa, Ch.). D’après les renseignements que m'a fourni M. Dumont de Bonneville, il ne paraît pas qu’on trouve l’U. batavus au delà de Cluze, et d'autre part la collection de Charpentier ne renferme aucun échantillon provenant de localités situées au delà de St-Maurice. Les Anodontes sont plus répandues que les Unios, cepen- dant elles manquent complétement dans la vallée de Bonne- ville d'après M. Dumont. Trois espèces sont locales : d’abord celle qui habite à Fernex, et que j'ai regardé comme une variété de VA. piscinalis : je ne connais pas d'autre localité. En second lieu, PA. cygnea et sa variété des environs de Villeneuve; je n’ai rencontré cette espèce nulle part ailleurs dans notre bassin. Enfin, l'A. Pictetiana, Morüll., qui habite le lac de Genève devant Villeneuve et le lac de St-Paul en Savoie. Les deux autres espèces ont un habitat plus étendu. L’Anodonta anatina habite tout le littoral du lac, et le lac de Bret. Dans le voisinage de (Grenève, le rivage est constitué par du galet qui forme une zone d’une largeur variable: le milieu du lac offre un fond de sable assez pur ; ces deux natures de fond, n'étant pas favorables au développement des Anodontes, n’en renferment point. Mais à l'endroit où le galet cesse pour faire place au sable, le sol est constitué par une vase argileuse assez compacte, c’est là que se trouve l'A. anatina en grand nombre. En outre, on la rencontre dans tous les ports du littoral, les endroits abrités de la vague, partout, en un mot, où il y a un peu de vase. Cette SUR LES NAYADES. 92 espèce ne parait pas se trouver dans les marais de nos en- virons, ni dans les étangs, ni dans les rivières‘. Elle est remplacée dans ces trois genres de localités par l'A. Cellensis ou par sa variété minor (A. oblonga, M.). Cette dernière es- pèce habite donc toutes les localités où l'A. anatina ne se trouve pas, au moins pour les environs de Genève où les deux espèces semblent s’exclure; nous verrons qu'il n’en est pas de même partout. L’4. Cellensis (ou sa variété) existe seule dans les étangs et dans les marais des environs de Ge- nève, dans tous les marais du Rhône depuis le lac jusqu’à Martigny, enfin dans la rivière la Seime, la seule où j'aie rencontré une Anodonte, tandis qu’elle manque compléte- ment dans toute la partie du lac qui nous avoisine, et où règne l’A. anatina. Cette exclusion se montrait d’une ma- nière très-frappante quand les fossés des anciennes fortifi- cations de Genève existaient encore. Ces fossés communi- quaient les uns avec le lac, aux Päquis et à Rive, les autres avec le Rhône à la Coulouvrenière; en pénétrant depuis le lac dans les premiers, par ce qu’on appelait le Fossé Vert, on continuait à trouver l’A. anatina jusqu'à environ une dizaine de pas de l'entrée; là elle cessait complétement, te un peu plus loin apparaissait l’A. Cellensis qui peuplait, sans mélange, tout le reste du fossé. De même dans ceux de la Coulouvrenière, on voyait l’A. Cellensis type régner ex- clusivement, mais à environ cinquante pas de l'embouchure du fossé du côté du Rhône on cessait de la rencontrer, et on voyait apparaître l'A. anatina, et cela jusqu’au Rhône même. Il n’y avait du reste pas moyen de voir là une trans- formation graduelle d’une même espèce, car, comme Je le dirai plus loin, c’était justement, de toutes nos variétés d’4. ‘ En ceci je suis en contradiction avec Rossmässler, qui indique les ri- vières pour habitat principal de cette espèce. 2. ÉTUDE anatina, celle dont la forme diffère le plus de VA. Cellensis qui se trouvait en contact avec elle. Dans d’autres parties du lac, V4. Cellensis montre des dis- positions plus sociables ; ainsi aux Pierrettes, près d'Ou- chy, de même que dans le lac de Bret, elle se rencontre avec l’A. anatina; à Villeneuve, je lai trouvée avec les A. cygnea et Pictehiana. Dans tous les cas, ces espèces ne vivent pas tout à fait pêle-mêle, mais plutôt côte à côte et par colonies distinctes, à ce que je crois, et le mélange est produit d’une manière accidentelle par les vagues du lac ou par d’autres causes de transport. Il me paraît résulter de ces observations qu’il ne faut pas donner une valeur trop absolue à l’assertion de Drouet (Etude sur les Anodontes de PAube), suivant laquelle on trouverait toujours dans cha- que localité, deux formes distinctes, une du groupe des Cyq- nées, l'autre du groupe des Anatines où des Pondéreuses. L'auteur tire même la conclusion suivante: que la décou- verte d’une espèce dans toute localité fluviatile ou lacustre est l’indice certain de la coexistence d’une seconde espèce ; il cite en effet un certain nombre de localités où l’on ren- contre les deux formes vivant ensemble. Les faits que j'ai observés aux environs de Grenève ne viennent pas confir- mer cette théorie. Parmi les variétés que nous avons rencontrées, ce sont les formes rostrées qui sont les plus remarquables; elles se sont présentées dans quatre de nos espèces d’Anodontes. Généralement c’est dans les eaux du lac que nous les avons trouvées. Ce fait est bien d'accord avec ce qui s’observe ailleurs; ainsi VU, platyrhynchus, Rossm., vit dans le Würthsee; l'U. pictorum, que nous avons recueilli dans les lacs de Lucerne et de Zoug, est éminemment rostré ; PU. tumidus du lac de Morat, l'U. Requienii du lac du Bourget, SUR LES NAYADES. 23 présentent le même caractère. Il semble donc que ce déve- loppement prépondérant de la partie postérieure de la co- quille caractérise les formes lacustres. Cependant cela n’est pas rigoureusement vrai, car ce n’est pas dans toutes les parties des lacs indistinctement que ce fait s’observe, mais seulement dans les localités exposées aux vents domi- nants, et par conséquent à l'agitation des vagues, ou bien dans les eaux courantes, à l'extrémité des lacs, dans le voi- sinage de leur débouché. Partout où les sinuosités du ri- vage ou des ports artificiels maintiennent une eau calme et tranquille, on voit reparaître la forme typique. Les variétés rostrees me paraissent donc être produites pas tant par l’ac- tion de grandes étendues d’eau, mais bien plutôt par le fait de leau en mouvement, et peut-être par son renouvelle- mert plus régulier et la pureté plus grande qui en serait la conséquence. J’en ai observé autrefois près de (renève une dénonstration évidente. L° Añodonta anatina vivait, comme je lai dit plus haut, dans la partie des fossés des fortifica- tiors de Genève voisine du lac; les échantillons recueillis à l'enrée du fossé, par conséquent dans de l’eau pure et fré- quenment renouvelée, étaient rostrés, tandis que ceux que je jéchais à l’intérieur du fossé devenaient toujours plus senplables au type, à mesure que je pénétrais plus avant. Le nème phénomène se produisait dans le fossé de la Cou- louvenière ; dans l’intérieur du fossé, là où l’eau était en- core stagnante, l’Anodonta anatina présentait la forme ty- pique,et à mesure qu'on se rapprochait de l'embouchure du fosé dans le Rhône, on la voyait s'allonger toujours da- vantag, de sorte que les individus que je pêchais tout près du Rhûe, dans une eau déjà courante, étaient manifeste- ment rôtrés et très-semblables à la forme du lac. J’ai eu dernièreient l’occasion de visiter le lac d'Egeri, dans Île 24 ÉTUDE canton de Zoug, et j'y ai fait une observation tout à fait analogue. Les Anodontes que j'ai recueillies sur la rive droite du lac, dans une vase dure, sablonneuse et mélangée de cailloux, appartiennent à mon À. anatina typique, quoi- que un peu plus allongées, tandis que, à cent pas de là, dans la Lorze, à sa sortie du lac, on ne trouve que la va- riété rostrée, et d'autant plus caractérisée qu'on pénètre plus avant dans la rivière. La rive gauche, plantée de ro- seaux et très-vaseuse, produit une autre espèce d’Anodonte très-spéciale, mais dont je n'ai pas à m'occuper ici, parce qu'elle ne se rencontre pas dans notre champ d'étude; or, les quelques individus de cette forme que J'ai trouvés ésarés dans la rivière avaient subi une transformation analogue à celle que je viens de mentionner pour l'A. anatina. Enfin, je peux citer encore un fait qui me semble tout à fait (on- cluant. Les Anodontes qu'on trouve aujourd’hui dans Fin- térieur du port de Genève, du côté des Eaux-Vives, autbur des pierres à Niton, sont des À. anatina de forme typiqe : or en 1846, c'est-à-dire avant la création du port acttel, on ne rencontrait dans cette même localité absolument que la variété rostrée. L'établissement d’une jetée a donc fuffi pour faire disparaitre entièrement le caractère rostré etra- mener la variété au type. La nature du fond n’a pas sœsi- blement changé, mais si plus tard, comme cela est pwba- ble, il venait à s’y déposer une forte couche de vase, jesuis persuadé qu'on verrait la forme typique disparaitre À son tour pour être remplacée par ma varietas major. Les . Cel- lensis que j'ai recueillies dans la rivière la Seime, jrès de Chêne, présentent aussi une disposition à devenir rétrées . Je dois signaler cependant, comme exception à l règle, VA. Cellensis de l'étang de Céligny, qui, bien qu vivant dans une eau calme, présente un rostre très-canCtérisé. SUR LES NAYADES,. 25 Il est vrai que cet étang est alimenté par un courant con- tinu d’eau fraiche provenant de la Divonne, et qu'il se trouve ainsi dans des conditions exceptionnelles. La couleur de l’épiderme varie beaucoup dans la même espèce, elle n’a donc aucune valeur comme caractère spéci- fique ; cependant, pour l’étude des variétés, on doit en tenir compte, car elle est très-constante dans chaque localité. Elle se développe à mesure que la coquille grandit, car les jeunes individus sont habituellement d’une couleur uniforme, quelle que soit la localité où on les recueille. En général, nos Nayades présentent une coloration olive jaunâtre plus ou moins foncée, avec trois rayons verts allant du sommet à l'extrémité postérieure. Ces rayons se subdivisent quelque- fois en linéoles fines qui apparaissent aussi sur le reste de la coquille, ou bien ils se réunissent et envahissent souvent une grande partie de la surface postérieure. IT est rare ce- pendant que ces teintes soient bien vives et élégantes, et lorsque la coquille prend une couleur plus foncée, les rayons sont à peine visibles. Quelques-unes des formes que j'ai recueillies prennent avec l’âge une couleur rouge marron, surtout vers les sommets, et ce sont généralement celles qui vivent dans des eaux agitées ou constamment renouvelées ; ainsi les À. anatina du lac de Genève, var. rostrata, VA. cygnea de Villeneuve ; l'Unio batavus que j'ai recueilli à Ge- nève avec les Anodontes offre la même coloration. J’ai con- staté également ce phénomène sur les Anodontes du lac d'Égeri et de la Lorze à sa sortie du lac, sur PA. anatina du lac d'Annecy. J’ignore complétement quelle peut être la cause de cette coloration, en tout cas elle n’est point spé- ciale aux Nayades qui habitent les lacs, car elle ne parait pas se produire dans les lacs de Lucerne, de Zoug, de Neuchâtel, de Morat. En général, on peut dire que lépi- 26 ETUDE derme des Nayades est plus brillant et plus élégamment co- loré dans les localités où l’eau est tranquille et profonde, et la vase très-abondante, tandis qu'il est plus terne et plus érodé dans les eaux claires et vives, celles des lacs par exemple. Nos espèces du lac sont presque toujours forte- ment usées et comme rongées vers les sommets, tandis que celles des marais et des étangs sont généralement intactes. L’A. Cellensis de l'étang de Céligny, qui présente justement ces érosions du sommet très-étendues et très-profondes, semble faire exception à cette règle; mais, comme je lai déjà fait remarquer tout à l'heure, les eaux de l'étang qu’elle habite sont d’une nature toute particulière et sont dérivées d’une rivière d’eau très-fraiche, la Divonne. Je ne m’ex- plique par contre pas très-bien pourquoi PA. cygnea de Villeneuve, qui vit dans le lac, conserve ses sommets in- tacts. Ces érosions atteignent constamment les mêmes par- ties, les plus anciennement formées, c’est-à-dire les som- mets ; elles sont d’une symétrie presque parfaite sur les deux valves; leur cause première doit donc être cherchée dans le mollusque et non dans les circonstances extérieures, comme les chocs, l'usure par le frottement contre les cail- loux, l’action des insectes, etc. Elles sont, selon moi, le résultat d’un état maladif du mollusque, d’une mauvaise constitution, si Je puis n’exprimer ainsi, produite peut-être par une nourriture insuffisante, ou labsence de certains éléments indispensables pour que la coquille qu’il sécrète soit durable et en état de résister à l’action destructive des circonstances extérieures. Les parties anciennement for- mées périssent donc avant le temps, se nécrosent et s’ex- fohlent successivement. Ce phénomène s’observe, du reste, chez presque tous les mollusques d’eau douce et tient pro- bablement à ce que, tout en ayant, comme tous les autres SUR LES NAYADES, 27 mollusques, une existence sédentaire qui les met dans l’im- possibilité de se soustraire à des influences nuisibles, ils vivent dans des circonstances bien autrement variées que les espèces terrestres ou marines. Pour celles-ci, le fluide ambiant, eau salée ou air atmosphérique, est à peu de chose près toujours le même, tandis que les eaux douces, au con- traire, présentent une grande diversité et sont exposées à varier d’un moment à l’autre au point de vue de leur com- position chimique, par suite de lévaporation, des pluies, des mélanges accidentels, etc. Je termine ici ces quelques généralités, peut-être un peu longues, mais qui m'ont paru utiles, soit pour donner au lecteur une idée des mollusques dont j'avais à parler, soit aussi pour résumer les quelques observations que j'ai pu faire en étudiant les Nayades de notre bassin. Je passe maintenant à la description des espèces. 28 ÉTUDE Genre ANODONTA, Lam. C. œquivaliis, inœquilatera, temuis: umbonibus subretusis. Cardo linearis, edentulus. Ligamentum longitudinale, externum. 1. ANODONTA CYGNEA, L. PINS AIS PAUL EEE Mytilus maximus! Schrôt. Fluss-Conchyl. pl. 1, fig. 1. — Mytilus cygneus, L. Maton et Rackett in Trans. Lin. Soc. Edit. Chenu, pl. XVI, fig. 2, exclus. variet. — Sheppard in Trans. Lin. Soc. Edit. Chenu, pl. XXVIL, fig. 1 — À. Cygnea, L., Drouet, Ancd. de l'Aube, pl. III. C. maxima, latè ovala, ventricosu, solidiuscula, suleata: margo superior subhorizontalis, inferior rotundatus. Pars anterior late ro- tundata, énflatu, posterior parum producta, obtusé acuta. Area pu- rum compressa, obsoleté angulata. Margarita plerumque nitida, drt- descens. sæ@pius pallidé rosea vel salmonia sub apicibus. Long. 151mm, alt. S5mw, diam. 48m" (coll. de Charp.). g ( l Cette espèce est largement ovale, assez solide, ventrue: sa sur- face est creusée de sillons concentriques inégaux, visibles aussi à l'intérieur : les sommets sont assez éloignés de la partie antérieure et très-peu saillants. Le bord supérieur est presque droit ou très- légèrement arqué, l'inférieur arrondi: la partie antérieure est très- élevée, arrondie et renflée, la partie postérieure est un peu com- primée et se termine en un rostre court et obtus. | L’A. eygnea atteint de très-grandes dimensions, et certains échantillons d'Allemagne ont jusqu'à deux décimètres de longueur sur une hauteur de 118 milim. Elle n’est surpassée sous ce rap- port que par une seule espèce, le géant du genre, qui habite la ‘ Je dois faire observer que m'occupant ici de nos bivalves à un point de vue purement local, je n’ai pas cru devoir donner une littérature com- plète pour chaque espèce, mais je me suis contenté de citer les figures qui m'ont paru représenter plus particulièrement les formes qui se rencontrent dans nos eaux. SUR LES NAYADES. 29 Sibérie. Les échantillons que jai sous les veux sont moins grands que ceux d'Allemagne, et présentent une forme un peu différente. Les sommets sont plus antérieurs, la coquille est moins régulière- ment ovale, plus attenuée en arrière, et la partie antérieure est relativement plus développée, de sorte que la plus grande hau- teur se trouve environ vers le tiers antérieur, tandis que dans la figure que donne Rossmässler (Iconogr. pl. 25, fig. 342) elle se trouve vers le milieu de la longueur. Is se rapprochent davantage des formes figurées, soit par Drouet, soit par Maton et Rackett et Sheppard. L’épiderme est lisse et brillant, sauf vers le bord des valves où 1l est finement feuilleté. La coloration est assez élégante, olive verdâtre, plus foncée en arrière et rougeâtre vers les som- mets. Cette Anodonte à l’état adulte ne peut guère être confondue qu’a- vec les À. ventricosa et Cellensis ; j’indiquerai à propos de ces deux espèces ses caractères différentiels : mais quand elle n’a atteint que la moitié de sa croissance, ou dans le tout jeune âge, on pourrait la confondre avec l'A. piscinalis où même l'A. anatina. Le peu d'épaisseur des valves, leur forme comprimée, le petit nombre des zones l'accroissement et leur largeur, feront reconnaître qu’on a affaire à une coquille non adulte. D’ailleurs l'A. anatina adulte est plus ailée, moins haute en avant, ses sommets sont plus anté- rieurs, et A. piscinalis a les sommets plus renflés et plus saillants, et le corselet plus comprimé. Les échantillons qui ont servi à ma description se trouvent dans la collection de Charpentier: M. de Gautard m'en a également communiqué plusieurs qui proviennent probablement des doubles de la même collection; ils ont tous été trouvés à Villeneuve. Jai vainement exploré la localité dans l'espoir d'y recueillir moi-même cette belle espèce et de préciser l'endroit où elle vit, je n’ai jamais trouvé que la variété dont je parlerai tout à l'heure. Je suis très- porté à croire que ces échantillons typiques devaient habiter une localité abritée, quelque anse du rivage du lac où peut-être quel- que grand fossé du marais voisin où, grâce à la tranquillité de l’eau, ils pouvaient prendre tout leur développement. I existe dans la collection du Musée d'histoire naturelle de Genève une Ano- donte de grande taille (182 sur 98”) étiquetée comme provenant de Genève, et qui est indubitablement une 4. cygnea. M. Dumont 30 ÉTUDE de Bonneville en possède également plusieurs portant la même désignation. YŸ a-t-il eu erreur dans l'indication de la localité, ou bien plutôt cette localité a-t-elle disparu depuis lors, c'est ce qu'il est difficile de décider aujourd'hui: ce que je peux dire seulement, c’est que je n'ai jamais rencontré de forme analogue dans nos environs. a) Var. rostrata (PL EL, fig. £, 2) (an = À. cariosa Held. pars in Küster, pl V, fig. 1 ?; — Cette Anodonte est caractérisée par sa forme un peu comprimée, allongée, presque régulièrement el- liptique par suite de la courbure à peu près égale des bords supé- rieur et inférieur. La surface extérieure est irrégulièrement sil- lonnée, la coloration est semblable à celle de l’A. cygnea type. c’est- à-dire olive verdâtre, rougeûtre vers les sommets. La nacre est un peu moins épaisse et plutôt bleuàtre, rougeûtre sous les sommets. La partie antérieure est arrondie, un peu atténuée, la partie posté- rieure comprimée se prolonge en un rostre marqué qui tend à s’infléchir vers le haut, surtout dans les individus très-adultes comme celui que j'ai figuré. La plus grande hauteur de la coquille se trouve à peu près au-dessous de l’angle du corselet, c’est-à- dire près du milieu de la longueur, tandis que dans le type elle se trouve, comme je l'ai dit plus haut, environ au tiers antérieur. Cette forme est évidemment une forme rostrée, et l’on peut fa- cilement s’en convaincre en comparant la forme du jeune âge avec celle de l'adulte, soit sur des échantillons séparés, soit sur le même au moyen des stries d’accroissement. On voit le bord inférieur d’abord convexe devenir graduellement plus droit, et la partie postérieure prendre un développement proportionnel plus grand. Jusqu'à la moitié de leur croissance la forme typique et sa variété sont parfaitement identiques pour la disposition des zones d’ac- croissement, leur largeur, la nature et la coloration de l’épiderme : c'est à partir de ce moment seulement que se manifestent leurs caractères distincufs. La variété rostrée habite le lac devant le marais ce Villeneuve: elle v est très-abondante et le rivage en est couvert après les forts orages : les vagues la rejettent même très- loin dans l'intérieur du marais. Elle atteint rarement la taille de l'échantillon figuré; en général, elle est plus régulièrement ellip- tique et le rostre est un peu moins long et moins ascendant. Ses dimensions moyennes sont : long, 135", alt, 71%, diam. 40", — SUR LES NAYADES. 31 Le jeune individu que je figure (PL IE, fig. 2) est le plus petit que j'ai trouvé, et ses proportions sont peut-être un peu plus allongées que d'ordinaire. Sa coloration générale est verdätre clair, et les sommets ne présentent pas encore la teinte rougeâtre qu'on re- marque chez l'adulte. J'ai recueilli dans la même localité un individu unique qui montre combien il faut être sur ses gardes pour l'établissement de nouvelles espèces, quand on ne possède qu’un ou deux échantillons. Cette coquille, d’après le nombre de ses zones d’accroissement pa- rait être presque adulte, cependant elle est mince et légère, sa coloration est vert olive clair, légèrement rougeâtre au sommet, avec quelques rayons verts en arrière, et elle ne mesure que 96" de longueur sur 49" de hauteur max. (vers le milieu de la longueur) et 28°" de diamètre. Elle est par conséquent un peu plus allongée, mais surtout plus comprimée que la variété avec laquelle je lai trouvée, En tout cas elle présente des proportions singulièrement différentes de celles qu'on est habitué à rencontrer dans l'A. cygne: cependant quand on examine la forme des zones d’accroissement antérieures en la comparant aux espèces avec lesquelles elle vivait. c’est-à-dire VA. cygnea, l'A. Cellensis, et VA. Pictetiana, on recon- nait aisément sa parenté avec la première, dont elle est simplement une monstruosité individuelle. J’avoue que j'aurais été très-embar- rassé si j'avais recu cette forme isolément d’un correspondant, ou si je n’avais pas trouvé avec elle LA. cygnea var. rostralu qui m à servi d’intermédiaire pour remonter au type primitif. C’est du reste la seule anomalie digne de remarque que j'aie rencontrée sur des centaines d'échantillons. Bourguignat décrit et figure (loc. cit. pl. HL fig. 1) sous le nom d’A. helvetica Bourg. une Anodonte qui pourrait bien être la même chose que ma variété rostrée; elle habite en abondance les rives méridionales du lac de Rothsee près Lucerne, selon l’auteur, car je ne l'ai pas rencontrée moi-même (ni l'A. rostrata, figurée pl IV, fig. 5); en revanche j'ai pêché vers l'extrémité Nord-Est du lac, des Anodontes plus grandes et adultes que je rapporte à VA. cygnea L. ue) 19 ÉTUDE 2. ANODONTA VENTRICOSA, C. Pf. C. Pf. Nature. IT, p. 50, t. IT, fig. 1-6 (teste Drouet).— ? Dupuy, Hist. moll. France, t. XVI, fig. 13.— Drouet, Anod. Aube, p. 9.—Anod. cygnea, auct. quorund. gallic. C. magna, ovato-oblonga, extus flavescens, postice diffuse viridi- radiata, crasstuseula, ubique ventricosa, trequlariter sulcata, pos- ticè modicé producta, obtusé angulata. Margo superior subhorizon- talis, inferior sinuatus. Umnbones tumidi. Margarita albida, nitida. paululum iridescens. Long. 152", alt. 73m, diam, 54" (éch. coll. Jurine). Je mentionne ici cette espèce, quoique je ne l’aie jamais recueillie moi-même, et que je ne sache pas qu'aucun de mes collègues conchylologistes Fait jamais trouvée dans nos environs. Cependant elle existait dans l’ancienne collection de Jurine (actuellement en ina possession) avec une étiquette mdiquant Genève comme loca- lité: c'est un de ces échantillons qui m'a servi pour la description. Il s’en trouve aussi un individu dans la collection du musée de (renève, portant également la même indication de provenance. La localité où elle se trouvait a-t-elle disparu depuis lors, ou n’al- Je pas su la découvrir, je lignore, en tout cas j’ai cru devoir en parler 1c1 à tre de renseignement: peut-être quelque naturaliste plus heureux viendra-t-11 à Ja découvrir. Cette Anodonte, par sa forme allongée, ressemble beaucoup à l'A. Cellensis : elle en diffère par la sinuosité de son bord inférieur, par son obésité plus grande et surtout plus étendue en arrière (l'A. Cellensis est comprimée dans cette partie), sa texture plus épaisse; sa nacre plus abondante, plus fine, enfin par la forme du jeune âge qui à du rapport avec celui de | A. cygnea. Elle se distingue «de cette dernière espèce, par sa forme allongée et son bord basal smueux. Sa valeur spécifique n’est pas généralement admise. Elle établit en quelque sorte un passage entre VA. cygnea et VA. Cellen- sis, et il est probable qu’elle n’est qu'une variété locale. Drouet la regarde comme une espèce distincte ; cependant, à la fin de son ouvrage. il change d'avis et en fait une variété de l'A. Cellensis. SUR LES NAYADES, 39 Rossmässler et Dupuy la considèrent comme plus voisine de l'A. cygneu. Si j'en juge par les échantillons que j'ai entre les mains, et qui se rapportent parfaitement à la description qu’en donne Drouet, je la rapprocherais plutôt de l’À. cygnea dont elle ne serait qu’une variété locale. 3. ANODONTA CELLENSIS, Schrüt. PLUIE, 9. 1-3; pl IV, fig. 1,2; pl. VI, Gr 4. Schrüt. Fluss-Conchyl. t. Il, fig. 1. — Rossmässler, Iconogr. fig. 280. — Mytil. anatinus pars Mat. Rack. Trans. Lin. Soc. Edit. Chenu, pl. XVI, fig. 1.— Mytil. anatinus, Sheppard, Trans. Lin. Soc. Edit. Chenu, pl. XXVI. — Mytil. Avonensis, Montagu, Test. Brit. édit. Chenu, p. 74. C. magna, ovato-oblonga, ventricosa, plerumque fragilis, lineis in- crementé irregqulariter sulcatu, anticé rotundata, posticè compressa, in rostrum obtusatum obscuré biangulatum producta. Margo supe- rior et inferior paralleli, rectiusculi. Ligamentum elongatum an- qustum. Long. 158", alt. 78"®, diam, 53"" (éch. des fossés de Genève). Cette espèce, aussi grande que la précédente, est caractérisée prin- cipalement par sa forme allongée et la direction presque parallèle de ses bords supérieur et inférieur, ce dernier étant droit ou du moins très-peu convexe. Elle est en général mince et légère, mé- diocrement ventrue, et présente une surface irrégulièrement sil- lonnée. La partie antérieure est régulièrement arrondie, surtout dans les individus bien adultes, la partie postérieure estcomprimée et se termine par un rostre coupé obliquement. La couleur est dun vert olive plus ou moins foncé avec quelques vagues indi- cations de rayons verts à la partie postérieure. La surface interne de la coquille présente communément une nacre d’un blanc bleuà- tre, légèrement irisée surtout en arrière. Les jeunes individus (PILE fig. 2, 3: IV, fig. 2) ne différent pas des adultes pour la forme générale, sauf que l’angle de la lunule et celui du corselet sont bien marqués. Le ligament est complétement caché par le pro- longement des valves (la coquille est symphinote) même chez des individus de 70%" de longueur. Ce n’est que plus tard qu’il se Q ) 34 ETUDE découvre graduellement par la chute des parties de la coquille qui le recouvraient. Les sommets présentent des rides onduleuses con- centriques qui s’espacent peu à peu à mesure que la coquille s’ac- croit et finissent par se confondre avec les sillons de la surface. La coloration est plus élégante que dans l'adulte, souvent toute la partie postérieure est d’un beau vert d'aiguemarine. Dans le tout premier âge la coquille est d’une couleur gris roussâtre uni- forme. L'Anodonta Cellensis est considérée par beaucoup d'auteurs comme une variété de A. cygnea. Cependant elle possède des caractères propres qui nous paraissent bien suffisants pour motiver sa distinction spécifique. Elle diffère de l'A. cygnea par sa forme allongée et la direction presque parallèle de ses bords supérieur et inférieur, PA. cygnea présentant une forme plus ovale, plus ren- fée et surtout un développement relativement beaucoup plus con- sidérable de la partie antérieure. La coquille de PA. Cellensis est en général plus mince: sa couleur extérieure moins brillante, son épiderme plus terne, sa nacre bleuâtre moins éclatante et moins abondante. Enfin, la forme du jeune âge est complétement diffé- rente dans les deux espèces, quelque semblables que puissent être les adultes dans certains cas. La jeune cygnea (PLIE fig. 2) est plus courte, le corselet est élevé, le bord inférieur arqué, tandis que la jeune Cellensis (PL HILL fig. 2, 3: IV, fig. 2) a déjà la même forme al- longée et les bords parallèles qui caractérisent l'adulte. Rossmäss- ler (Iconogr. vol. IE, p. 137) signale encore un autre caractère dis- tinctif tiré de l'animal, et auquel il attache une assez grande im- portance: c’est la coloration du pied et du bord du manteau en jaune minium intense, qui suivant lui, caractériserait VA. cygnea : tandis que dans l'A. Cellensis ces parties seraient beaucoup plus pâles. Je dois dire que j'ai trouvé ce caractère très-inconstant; et que des Anodontes identiques et du même âge, pêchées dans une même localité, m'ont offert toutes les nuances possibles d'intensité dans la coloration de leur mollusque; je n’attache donc pas une grande valeur à ce signe distinctif. L’A. Cellensis habitait autrefois les fossés des fortifications de la ville de Genève du côté de la Porte-Neuve. et tout particulière- ment la partie qu'on appelait la Grande-mer. Elle y était d’une abondance extraordinaire, et v atteignait de grandes dimensions SUR LES NAYADES. GE * PL IE, fig. 1). C’est d'après des échantillons de cette localité que j'ai tracé ma description. Tous les individus que j'v ai recueillis étaient parfaitement semblables entre eux, etje n'ai observé aucune variation individuelle. M. G. de Mortillet, qui en a également pêché une grande quantité, a observé trois ou quatre individus seule- ment qui s’'éloignaient du {vpe. Un de ces échantillons se trouve aujourd'hui dans les collections du musée de Genève : il présente des proportions plus raccourcies etun test plus épais: le bord basal est convexe, ses dimensions sont : L 125", a. 65%*%, Dans un autre individu, la nacre présentait une coloration violette assez vive. Cette espèce habite encore aujourd'hui la seule partie de nos fos- sés qui n'ait pas été comblée, et qui s'étend le long de la promenade du Bastion. Elle se trouve également dans l'étang de la campagne Rieu à Malagnou: elle v a été introduite, il v a une vingtaine d'an- nées, au moyen d'individus provenant des fossés de la ville, et S'v est très-bien acclimatée. Elle a conservé tout à fait la forme géné- rale et la coloration du tvpe dont elle descend, mais elle est plus mince, et peut-être un peu plus allongée et moins haute. Le plus grand exemplaire que j'aie recueilli mesure : long. 157". alt, 7177. ILest rare d’en trouver d'aussi grands. La nacre est assez bril- lante et a une tendance à présenter une coloration violette ou cuivrée. Enfin cette espèce habite aussi le lac de Bret, où elle atteint d'assez grandes dimensions (coll. de Charp. et de Gautard). a) Var. minor (A. oblonga Millet, A. éntermedia Lam.?) Cette variété, qu'un grand nombre d’auteurs considèrent comme une espèce distincte, diffère du type par ses dimensions moindres et quelquefois par un parallélisme moins parfait des bords supé- rieur et inférieur aussi bien dans le jeune âge que dans l'adulte. Cependant nous verrons que dans certaines localités il est peut-être plus prononcé que dans le type. La coquille est en général plus mince, quelquefois un peu plus comprimée. Cette forme est ex- trêmement répandue dans tous nos environs, dans les marais el les étangs: elle se trouve même dans une de nos rivières. Dans chaque localité elle présente quelque petite particularité du reste de peu d'importance, mais on la reconnaitra toujours à la forme al- longée du jeune âge, et à l'absence d’épaississement de la nacre «ans la partie antérieure, caractère qui la distingue de l'A. anatina. L’A. Cellensis var. minor se trouvait autrefois dans les fossés des 90 ETUDE fortifications de Genève du côté des Pâquis, tout à fait semblable au type, mais plus petite, plus mince et d'une coloration plus brunâtre (long. 111. alt. 56, diam. 35"*). La même forme, un peu plus allongée se trouve en abondance dans l'étang de la cam- pagne Dupan à Morillon, dans les marais de Choulex, dans un étang à St-George, à la Queue d'Arve (dans les environs de Ge- nève). Les dimensions varient entre: long. 116 et 124", alt. 587" diam. 33—9477. Fai trouvé dans la rivière la Señne au-dessus de Chêne, des A. Cellensis dont j'ignore la provenance exacte, car je les ai tou- jours trouvées mortes, mais en assez bon état pour faire supposer qu’elles n'ont pas été charriées longtemps par le courant: d'ailleurs je les ai trouvées trop habituellement pour qu'on puisse supposer qu'elles y ont été apportées accidentellement. Elles habitent pro- bablement quelque endroit de la rivière plus profond et vaseux. Ces échantillons sont à peu près de la taille des formes dont je viens de parler, mais un peu plus solides, plus comprimés, de couleur olive foncé, assez fortement sillonnés. IS se distinguent particulièrement par le prolongement du rostre et sa direction un peu ascendante. Une autre forme assez remarquable se rencontre dans les ma- rais de Sionex, elle est très-mince et ses bords supérieur et in- férieur sont d'un parallélisme presque parfait : le bord supérieur est en outre plus prolongé. ce qui rend extrémité postérieure très- courte. La coloration est d’un vert jaunâtre clair, avec quelques ravons verts mdistincts: l'extrémité postérieure est d’un beau vert. L'épiderme est très-lisse, la nacre assez brillante et un peu rosée sous les sommets. La fragilité et la coloration de cette coquille ne feraient supposer qu'elle n'est pas parfaitement adulte; cepen- dant M. Ruegger, qui me l’a communiquée. n’en a jamais recueilli de plus grands individus. Ses dimensions sont: long. 109, alt. 52. diam. 327°. L'A. Cellensis var. minor habite aussi le lac, mais pas dans la par- lie qui avoisine Genève. Ainsi on la trouve à Morges et aux Pier- rettes près Lausanne (Blanchet), presque aussi grande que le type. Enfin je l’ai trouvée à Villeneuve dans le lac, vivant avec l'A. cygnea et l'A. Pictetiana:; elle v est rare. et je suis très-porté à croire que sa présence n’y est qu'accidentelle et s'explique par le voisinage SUR LES NAYADES. où «du marais où elle est commune. Ce serait d’ailleurs un fait trés- exceptionnel. de trouver les A. cygneu et Cellensis vivant en- semble, et Rossmässler dit ne l'avoir jamais observé. Les trois lo- calités que je viens de citer, quoique situées au bord du lac. sont protégées contre l’action directe des vagues par des bancs de sable ou de galet, qui sont quelquefois complétement découverts dans la saison des basses eaux. D) Var. dilatata (PL VL, fig. 4). Cette variété habite tout le ma- rais du Rhône à partir de Villeneuve jusqu'à St.-Maurice, et même au delà. M. de Charpentier l'a trouvée à Chessel. je l'ai recueillie à Vouvry en face de la station du chemin de fer. Les nombreux individus que j'ai péchés se font remarquer par leur forme un peu raccourcie et dilatée en arriére, qui rappelle certaines variétés de VA. anatina ; on les distinguera cependant facilement par la forme du jeune âge, qui est parfaitement semblable à celle du type (PL IV, fig. 2), et l'absence de l’épaississement de la nacre en avant. Sous une couche de limon rougeûtre assez adhérente, ils présentent une couleur jaune verdâtre avec des ravons verts assez brillants. Le plus grandéchantillon mesure : long. 120", alt. 63"%, diam. 39% Jai dit que la mème forme habitait même au delà de St.-Maurice en dehors de notre bassin: je l'ai recueillie à Pissevache en face de la cascade, de l’autre côté du chemin de fer, et dans les fossés qui bordent la route, en particulier à la gare même de Vernayaz. à côté du restaurant. Dans cette dernière localité elle est très- petite (long. 94%, alt. 49%). Les individus pêchés dans ces diffé- rentes stations ont une forme parfaitement constante. Presque tous présentent en outre sur leur test une difformité dont j'ignore la cause, consistant en des impressions assez profondes et nombreu- ses situées vers le milieu des valves. Ce caractère doit être le ré- sultat de quelque influence locale, car je ne lai pas observé ailleurs. c) Var. rostrata (PL IV, fig. 4). (an = A. cariosa Held, pars in Küst. pl. IV, fig. 3?) Cette forme remarquable vit dans un grand étang situé dans la campagne de l'Elysée à Céligny: elle Y est assez abondante. La coquille est très-allongée, à bords presque paral- lèles, mince et extrêmement légère : la partie postérieure se pro- longe en un rostre comprimé, étroit et dirigé en bas en forme de bec, rappelant un peu celui de l'U, platyrhyncus. L'épiderme a une couleur olive brunâtre, teintée de rouge sur la partie postérieure. 35 ETUDE La coquille est trés-rongée aux sommets et jusque vers la moitié de sa hauteur: ces érosions présentent des couleurs bronzées dis- posées par zones, assez semblables à celles qu’on remarque sur VU, margaritifer. La nacre est d’un blanc bleuâtre, sans éclat, avec de grandes taches huileuses, et le plus souvent, au moins dans les adultes, elle est hérissée d’excroissances margaritiformes. Le jeune âge ne diffère absolument pas de celui de l’A. Cellensis tvpe (PL IV, fig. 2) soit pour la forme, soit pour la couleur. Cette variété a un facies très-particulier dû à son rostre prononcé et aux érosions considérables de sa surface. Elle offre quelque rapport avec VA. rostrata Kok. (Rossm. fig. 737); mais cette dernière parait avoir une coquille épaisse, tandis que notre espèce est au contraire remarquablement mince et légère. Au reste, je ne peux pas ad- mettre l'A. rostrata comme espèce distincte. Le caractère rostré n'est qu'une modification accidentelle due à des causes locales, il peut se présenter dans toutes nos espèces dans certaines circon- stances spéciales: ainsi nous avons des À. rostrata-piscinalis, ros- trata-anatina, rostrata-Cellensis. Je retrouve ces mêmes formes dans les différentes figures d’A. rostrata, données par les auteurs ; dans l'ouvrage de Rossmässler la figure 28% me parait être une À. anaténa, tandis que la figure 737 dérive très-probablement d’une A. Cellensis. L'A. rostrata de Drouet (Nayades de France) es! une À. piscinalis. Les dimensions des plus grands échantüllons sont: long. 125"" Aloe tram. 7 4. ANODONTA ANATINA, L. PI. IL, fig. 4; pl. V, fig. 2; pl. VI, fig. 1-3; pl. VII, fig. 1-8. Schrôt. Fluss-Conchyl. pl. IL fig. 3, var. minor. — Mytil. macula Shep- pard, Trans. Lin. Soc Edit. Chenu, pl. XXVIL, fig. 3. — Rossm. Iconogr. fig. 417, 418, 420.— A. arealis Küst. pl. IX, fig. 2, 3, 4. — À. tumida Küst. pl. XI, fig. 2 (jeune). C. minor, ovato-rhomboidea, subtrigona, fragilis. anticé rotun- data. posticé breviter rostrata; margo Superior ascendens, subrec- tus, inferior subretusus : umbones extremitati anteriori approximati, ligamentiun ên adulta prominulun. Color pervuriabilés. SUR LES NAYADES. 29 Coquille plus petite que celles dont nous venons de parler, gé- néralement mince, fragile ; elle est sujette à se fendre spontané- ment et même à se briser complétement dans les tiroirs des col- lections ; extrêmement variable pour la grandeur, la forme, la coloration, non-seulement d’une localité à l’autre, mais aussi dans la même localité, et on trouve rarement deux individus parfaite- ment identiques. Cependant 1l est à remarquer que toutes ces variétés ou variations individuelles, souvent si embarrassantes, ne se prononcent guère qu'à un certain âge de la coquille, car si on examine les jeunes mdividus, ou si on compare les zones d’accrois- sement appartenant au jeune âge, c’est-à-dire les plus rapprochées des sommets, on retrouve assez aisément un type commun, beau- coup plus constant qu'on ne pourrait le supposer d'abord. C’est donc dans le jeune âge qu'il faut étudier la forme de l'espèce, avant que les circonstances extérieures n’aient eu le temps d’exer- cer leur influence modificatrice, et d'imprimer à la coquille le cachet de la localité dans laquelle elle vit. Ou bien, ce qui revient au même, je décrirai comme type celle de nos formes qui à l’état adulte conserve plus fidèlement les caractères du jeune âge. L’A. anatina (PI. V, fig. 2) est, comme je l'ai dit, de petite taille, mince et fragile, un peu comprimée dans son ensemble, de forme rhom- boidale, presque triangulaire: les sommets sont assez rapprochés de l’extrémité antérieure : le bord supérieur est très-ascendant et se termine en arrière par un angle marqué; le bord inférieur est légèrement convexe, surtout dans le jeune âge; la partie antérieure est arrondie, la partie postérieure se termine par un rostre court et arrondi. Le corselet est élevé et comprimé, le ligament est com- plétement caché dans le jeune âge, plus ou moins découvert dans l'adulte. La coloration extérieure est peu élégante, olive jaunâtre clair, un peu plus foncée en arrière. La nacre a en général assez d'éclat, elle présente un caractère qui m'a paru constant, c’est une disposition à s’épaissir dans la moitié antérieure de la coquille, cet épaississement étant distinctement limité par une ligne oblique qui s'étend des sommets au milieu du bord basal. Dans certaines variétés ce caractère devient très-remarquable et il m'a été souvent utile dans des cas embarrassants. Les dimensions sont fort va- riables, mais ne dépassent guère 73° de longueur sur 46 de hau- teur max. à l’angle du corselet. 40 ÉTUDE Cette petite forme estextrêmementrépandue sur tous les bords du lac: on la rencontre surtout bien caractérisée dans les ports artiti- ciels et dans les parties du littoral abritées de la vague. Dans les en- droits non protégés, et sur des fonds mélangés de galet, où la vase estrare, elle présente des variations individuelles sans nombre, dues probablement aux accidents auxquels elle est exposée. En général, l’angle du corselet s’efface, le ligament devient très-découvert et robuste, le bord basal devient droit où même iégérement concave. et l’ensemble de la coquille parait plus allongé. par le fait de la diminution de hauteur du corselet. Les sommets sont frottés, usés. et souvent même la plus grande partie de la coquille est privée de son épiderme. C’est aussi dans ces localités exposées qu'on ren- contre les variations de taille les plus grandes : ainsi je possede des individus qui mesurent seulement 37% de longueur sur 25%" de hauteur. et qui sont cependant adultes, où du moins qui pré- sentent autant de zones d’accroissement que les plus grands dont j'ai donné les mesures. — J'ai recueilli cette forme à Bellerive, dans tous les ports particuliers le long de la route de Vézenaz, à Gen- thod, à Ouchy, etc. M. Blanchet l’a trouvée à Pully, à St-Prex. Elle parait également très-répandue en Suisse, toujours dans les lacs: je l’ai trouvée à Egeri, à Zurich. dans le lac de Neuchâtel sous Cortaillod (d’une coloration remarquablement pâle), dans le lac de Selisberg. a) Var. rostrata (PL VIL fig. 3). (Anod. tumida Kok.? À. Idrina Spin. ?) Coquille transversalement allongée. rostrée, assez ventrue, solide : sommets très-rapprochés de l'extrémité antérieure: partie antérieure arrondie, très-courte, bord supérieur ascendant, assez arqué, formant avec le bord postérieur une courbe régulière : angle du corselet effacé chez l'adulte, Extrémité postérieure quel- quefois coupée carrèment, d’autres fois, et surtout chez les indi- vidus très-adultes, régulièrement arrondie. Bord basal droit, ou légèrement sinueux., ligament saillant, très-fort, stries d’accrois- sement serrées, épiderme rugueux, de couleur olive rougeûtre où marron. Les sommets sont généralement fortement usés et exco- riés. Nacre blanche, peu éclatante, très-épaissie dans la moitié antérieure des valves. Les jeunes individus sont tout à fait sem- blables à ceux du tvpe (PL IE fig. 4),et ce n’est guère que lorsque la coquille a atteint la moitié de son développement, qu'elle com- SUR LES NAYADES. 41 mence à revêtir la forme de la variété. Cette Anodonte se trouvait autrefois communément le long des bords du lac, près de la ville de Genève, sur les deux rives: elle habitait une zone étroite de vase compacte située à l’endroit où le galet cessait pour faire place au sable. Cette localité était très-exposée à la vague, et ie courani du Rhône s’y faisait déjà sentir d’une manière sensible. A mesure qu’on s’éloignait de la ville en remontant les rives du lac, où qu'on atteignait des eaux plus tranquilles. on vovait le caractère rostré disparaître peu à peu pour faire place à des formes toujours plus voisines du tvpe. Les plus grands échantillons que j’ai rencontrés avaient les di- mensions suivantes : Long. S80—85"", alt, 492—7%% à l'extrémité du ligament. diam. 28—32"". Je possède également cette forme du lac d’Annecv à Annecy, du lac de Neuchâtel à Cudrefin. J'en ai pêché de très-beaux exem- plaires dans la Lorze, à sa sortie du lac d'Egeri: ils atteignent 102% de longueur. Mais les plus beaux échantillons que je con- naisse proviennent du lac d’Amsoldingen, près de Thoune, et m'ont été donnés par M. Godet. de Neuchâtel: leurs dimensions sont les suivantes : long. 440"", alt. 69. Je rattacherai à la variété rostrata, à titre d’anomalie ou sous le nom de var. abbreviata, une forme assez singulière et en appa- rence très-différente (PL VE fig. 2), qui se trouvait autrefois aux Pâquis, près Genève, dans une anse du rivage un peu abritée des vagues et présentant un fond peu vaseux et mélangé de cailloux. Elle était caractérisée par une tendance à se renfler à la partie postérieure. Jusqu'à un certain âge la coquille gardait la forme typique; à partir de ce moment les zones concentriques d’ac- croissement prenaient un développement relativement plus grand à la partie postérieure comme dans la variété rostrée, mais au lieu de se déposer les unes à la suite des autres de manière à former un rostre prolongé. elles se superposaient sans se dépasser, produisant ainsi un renflement de cette partie souvent très-remar- quable. Cette curieuse anomalie se rencontre également à Pully (Blanchet). J'en ai vu aussi des exemplaires provenant d'Annecy dans la collection de M. Dumont, à Bonneville. Je considère cette forme comme une variété rostrata gènée dans son développement, probablement par suite de son habitation dans un sol dur et cail- louteux. 19 ETUDE b) Var. major (PI. VIL fig. 1: PL VE fig. 3). Coquille de forme ovoide subrhomboïdale, assez ventrue, surtout au tiers postérieur, un peu comprimée en avant. Sommets pas très-rapprochés de l'extrémité antérieure, angle de la lunule marqué. Bord antérieur largement arrondi, bord basal en général lègèrement flexueux, ou presque droit, quelquefois cependant, et surtout dans le jeune âge, régulièrement arrondi. Bord supérieur ascendant, angle du cor- selet très-marqué: rostre court, obtus : zones d’accroissement très- larges: ligament extrêmement étroit où complétement caché; épi- derme très-lisse, brillant jusqu’au bord des valves, sauf à la partie antérieure, où il est un peu squameux. Couleur olive jaunâtre en avant, variée en arrière de ravons verts déliés et onduleux, quel- quefois confluents: nacre fine, blanche, agréablement irisée, un peu épaissie à la partie antérieure. Long. 96"", alt. max. 59°, diam. 337", Cette jolie forme. remarquable par l'éclat et l'élégance de sa co- loration, habitait le lac de Genève aux Päquis à l'entrée du Fossé vert, dans une localité complétement abritée du vent du nord et ces vagues, et dont le sol était constitué par une vase molle et profonde. Fai été longtemps embarrassé pour savoir à quelle espèce je devais la rapporter, à cause de la grande variabilité qu’elle pré- sentait. Certains individus à bord basal arrondi me paraissaient être des À. piscinalis. tandis que les échantillons à bord basal droit où smueux semblaient devoir appartenir à une autre espèce ; et d’un autre côté ces deux formes se reliaient par des transitions si sraduelles qu'il m'était inpossible de les séparer spécifiquement. Entin le hasard vint me mettre sur la voie, et me fit découvrir dans la même localité, et mélangés aux autres, des individus très- curieux, qui me prouvérent évidemment que cette forme en ap- parence si différente de l'A. anatina du lac n’en était cependant qu'une variété accidentelle, due aux conditions toutes spéciales de son habitat. je pêchai en effet environ une douzaine d’Anodontes dans les- quelles les variétés major et rostrata se trouvent réunies d’une maniere très-singulière, les deux formes étant comme enchässées l’une dans l’autre (PI VIE, fig. 2). H n’est pas possible de supposer un emboitement accidentel, où produit artificiellement (dans le genre de cet échantillon d’Aelix aspersa dont la spire est formée SUR LES NAYADES. 43 par un Bulime américain, figuré dans le Journal de Conchylio- logie, 1858, pL V, fig. 8); il faut nécessairement admettre que des individus du lac, transportés dans cette nouvelle localité et par conséquent dans des conditions d'existence tout autres, ont conti- nué à accroitre leur coquille, mais suivant un plan nouveau; un seul et même individu ayant sécrété successivement les deux co- quilles réunies. Ce transport avait pu du reste s’exécuter très-faci- lement par l'intermédiaire des pêcheurs de sable du lac, qui venaient abriter leurs bateaux dans cet endroit pendant les vents violents du nord, et même v débarquaient habituellement leur sable, jettant par-dessus bord, à mesure qu'ils les rencontraient, les cailloux et les objets étrangers qui se trouvaient mélangés à leur marchandise. Dans ces échantillons curieux, la partie de la coquille la plus anciennement formée, c’est-à-dire la plus voisine des som- mets, est constituée par une Anodonte de la var. rostrata bien caractérisée; érodée, à bord antérieur très-court, ligament robuste et découvert, rostre marqué, couleur brun rougeàtre, et stries d’accroissement serrées et feuilletées, tandis que tout le limbe ex- térieur, où plus récemment construit, est formé par une coquille toute différente dont la texture, les contours, appartiennent imdu- bitablement à la var. major; les zones d’accroissement sont larges, lisses, le bord supérieur, qui était arqué dans l'individu primitif, se relève brusquement en formant un angle rentrant, les bords supé- rieurs des deux valves se soudent, prenant le caractère symphinote, le bord antérieur s’allonge, toute la coquille devient plus haute, plus ventrue, enfin la couleur jaune verdâtre de cette nouvelle partie tranche brusquement avec celle de la coquille primitive. Ces échantillons mixtes prouvent évidemment que, malgré leur différence apparente considérable, les Anodontes var. major et rostrata, appartiennent bien réellement à la même espèce, quelle que soit l’idée qu’on puisse se former de l'espèce en général, car ici c’est un seul et même individu qui a sécrété successivement les deux formes. c) Var. elongata (PI. VE, fig. 1). Cette variété établit le passage entre les formes #ajor et rostrata. Elle manquait dans la partie du lac où j'avais observé d’abord ces deux dernières, par suite de la nature du sol, les deux habitats se trouvant séparés par un assez vaste espace à fond caillouteux et dur, dans lequel les Ano- A 44 ÉTUDE dontes ne pouvaient pas se développer. Je l'ai retrouvée ailleurs accompagnée de formes intermédiaires qui établissent clairement la parenté des trois variétés à b et c. Elle présente une forme allongée dans son ensemble et dilatée en arrière, assez ventrue. surtout au tiers postérieur. Le bord supérieur est ascendant, le corselet comprimé est élevé et forme un angle marqué: le bord basal est légèrement sinueux, le ligament est presque caché, les zones d’accroissement sont larges et la coquille assez lisse dans le milieu des disques: les bords sont rugueux, surtout en arrière: la partie postérieure forme un rostre court et obliquement tronqué. La nacre est comme dans la var. b, un peu épaissie dans la moitié antérieure. La couleur est olive clair, d'autant plus verdâtre que la forme est moins éloignée de la var. b, tandis que les échantil- lons qui se rapprochent de la variété 4, prennent un épiderme brun ou rougeàtre. J'ai observé pour la premiére fois cette forme dans les fossés de la ville de Genève, du côté de la Coulouvrenière : elle passait graduellement à la forme 4, à mesure qu'on se rap- prochait du Rhône, et à la forme b, à mesure qu’on s'en éloignait pour pénétrer dans le fossé. Elle se trouve aux Pierrettes, près Ouch\, dans le lac de Bret, où elle est assez variable et passe gra- duellement aux deux autres variétés, major et rostratu (coll. de Charp. et de Gautard). C’est probablement cette forme que Drouet a en vue lorsqu'il cite l'A. Rayër Dup. comme se trouvant dans le lac de Bret. D’après les échantillons authentiques que je possède. cette dernière espèce me parait être plus comprimée que notre À. anatina var. elongata. Les jeunes échantillons présentent tous les caractères de l'A, anatina {vpe. On voit par les quelques formes d'A. anatina que je viens d’in- diquer, quelle étonnante variabilité présente cette espèce, et com- bien il serait difficile d'imaginer une phrase caractéristique qui pût s'appliquer à toutes les variétés à la fois. Les deux formes major et rostrata sont exactement l'opposé l’une de l’autre, et n’offrent guère d’autres caractères communs que ceux du genre auquel elles appartiennent. Le passage de lune à l’autre au moven de la variété elongata ne paraîtra peut-être pas très-évident à quelques-uns de mes lecteurs, mais il ne faut pas oublier qu’entre ces trois for- mes il existe une foule d’intermédiaires qu'il était impossible de figurer. et qui conduisent insensiblement de l'anatina type à la SUR LES NAYADES. 45 var. rostratu qui en est le plus éloignée. Aussi est-ce avec une par- faite certitude que je réunis toutes ces formes diverses sous un même nom spécifique. _ 5. ANODONTA PICTETIANA, Mort. (inéd.) pars . PL. VII, fig. 1-8. C. solidiuscula, ransversè ovata, subtriangularis, compressiuscula, anticé attenuata et compressa, posticé dlatata, in rostrum breve obtusé truncatum desinens. Area compressa, elevata, angulata. Pars anterior requlariter rotundata (angulus lunulæ nullus). Margo su- perior ascendens, subarcuatus, posterior recté descendens (statu ju- venili concavus), basalis convexiusculus vel rectus. Umbones haud prominentes, rugis undulatis ornati. Testa in medio lævigata, striis concentricis minutis creberrimis sculpta, ad margines rugosa et epidermide foliaceo induta. Color olivaceo-ruber, versus apices ru- fescens. Ligamentum pœne omninô obtectum. Margarita nitidu, tri- descens, anticé incrassata. Long. 99mm, alt. 64mm diam. 33"" (specim. maxim.) Cette Anodonte a, comme on le voit, de grands rapports de forme avec l’A. anatina type, elle est seulement beaucoup plus grande, aussi je l’avais d’abord considérée comme une simple va- riété de cette espèce polymorphe. Cependant, en l’examinant de plus près, j'ai trouvé certains caractères qui m'ont paru avoir de l’importance et m'ont engagé à ne pas opérer cette fusion, au moins pour le moment. Je lui laisse donc le nom que M. de Mor- üllet lui avait imposé jadis sans cependant la décrire. L’Anodonta Pictetiana a une forme subrhomboïdale ou plutôt triangulaire, à cause de l’absence complète de l’angle de la Iu- nule : le sommet du triangle serait formé par l'angle du corselet. Elle est assez comprimée, de couleur olive-brunâtre, rougeûtre vers les sommets, avec une vague indication de rayons bruns en arriere. Les zones l'accroissement sont assez larges, surtout les premières ; celles du bord sont plus étroites, plus pressées, ru- ‘ M. de Mortillet comprenait, à ce que je crois, sous cette dénomination, non-seulement la forme que je décris ici, mais aussi celle que j'ai appelée A. cygnea var. rostrata. 46 ETUDE sueuses et couvertes d'un épiderme foliacé. Le milieu de la co- quille est lisse, assez brillant, orné de stries concentriques fines el serrées. Le bord supérieur est ascendant et légèrement arqué, le bord inférieur droit ou quelquefois un peu convexe: le bord pos- térieur descend en ligne droite vers le rostre qui est plutôt court et subarrondi et tend à se diriger vers le bas, ce qui occasionne un petit sinus au bord basal. Les sommets sont complétement effacés. ornés de rides onduleuses : le corselet est comprimé et élevé. Cette espèce ne peut se confondre qu'avec l’Anodonta anaténa tvpe. ou avec sa variété b major. Elle est plus comprimée que la variété major, plus triangulaire par suite de la hauteur moindre de là partie antérieure et de l'absence de l'angle de la lunule : Les stries d'accroissement du limbe de la coquille sont plus nombreuses. plus serrées:; le bord supérieur est arqué, tandis qu'il est droit dans la variété b. Elle diffère de PA. anatina {vpe par sa grandeur, enfin elle diffère à la fois du type et de sa variété par deux ca- ractères qui m'ont paru constants : d'abord les stries fines concen- triques dont elle est ornée et que je n'ai retrouvé dans aucun de mes échantillons d'A. anatina : en second lieu la forme du jeune àge dans lequel le bord postérieur est concave, de façon que le rostre parait dirigé en haut, tandis que, chose assez singuliére. dans les échantillons bien adultes il se dirige en bas. L'A. Pictetiana habite à Villeneuve dans le lac: je l'ai pêchée devant le marais avec l'A. cygne var. rostrata, mais elle paraît être un peu moins abondante. a) Var. rostrata (PL VIH, fig. 2). Cette variété est absolument l’analogue de la var. rostrata de l'A. anatina, et elle ressemble tout à fait pour la forme extérieure aux beaux échantillons de la Lorze à sa sortie du lac d'Egeri, ou à ceux du lac d’Amsoldingen. Elle ne diffère du type que par sa forme allongée et l'absence de l'angle du corselet: elle présente du reste les mêmes stries fines de la surface et la même coloration. Je l'ai recueillie également à Villeneuve dans le lac. (Long. 103"", alt. 58", diam. 37.) b) Var. elongata (PL. VIH fig. 3). Je rapporte à cette espèce, à titre de variété, une Anodonte qui se trouve dans le lac de St-Paul, au-dessus de Thonon, et qui n’a été communiquée par M. Blanchet. Elle présente en effet la même sculpture formée de stries fines et rapprochées, et jusqu'aux deux tiers de sa croissance elle ne diffère SUR LES NAYADES, 41 pas de l'A. Pictetiana txpe: à partir de ce moment elle devient un peu rostrée et prend une forme tout à fait semblable à la variété elongata de l'A. anatina. La coquille est plus mince que celle de Villeneuve, et la couleur est moins foncée, olive verdâtre dans le jeune àge et brunâtre chez l'adulte. L’A. Pictetiana offre donc une série de formes parfaitement pa- rallèle à celles de l’A. anatina. Les deux tvpes ont presque tout à fait le même contour à l’état adulte et ils se modifient de la même manière en passant par la forme que j'ai appelée elongata. pour arriver à la forme rostrata. Aussi, je le répète. est-ce avec une certaine hésitation que je les sépare spécifiquement. Cependant le caractère de la sculpture m'a paru assez important. surtout en raison de sa constance pour ne devoir pas être négligé; le jeune âge de la Pictetiana présente d’ailleurs toujours un bord postérieur concave que je n'ai pas observé dans l’À. anatina. 6. ANODONTA PISCINALIS, Nilss. var. major. PINPr ? À. ponderosa C. Pf. in Rossm. fig. 282. — ? Mytil. cygneus in Schrôter, FILE T. C. magna, ventricosa, crassa, ponderosa, iransversèé rhombeo- ovata:; margo superior leviter arcuatus, basalis subrectus : pars an- terior subcompressa, rotundata, posterior compresstuscula, modice producta, in rostrum recuroum. obtuso biangulatum desinens. Area compressa : angqulus arealis distinctus. Umbones tumidi, pæne in medio marginis superioris positi; légamentum crassum in adultis (in formé juvenili linearis) : concha extus sublæviqata. ad marqgines epidermide foliaceo induta. olivaceo-lutea, postico obscure virüdi-ra- diata : margarita crassa, alba, parum nitens. posticé iridescens. Long. 147", alt. 78m, diam. 50%" (specimen maximum). Cette forme, la plus pesante de toutes celles que j'ai observées dans notre champ d'étude, se fait remarquer par l'épaisseur de ses valves, sa forme ventrue, son bord supérieur arqué. et le gonfle- ment de ses sommets, éloignés du bord antérieur. Malgré ses grandes dimensions, je la réunis à l'A. piscinalis, dont elle présente 48 ETUDE tous les caractères. Elle se distingue de l'A. cygnea par sa surface unie, non sillonnée, son épiderme abondamment feuilleté sur les bords. Elle est plus allongée, moins renflée en avant, son rostre est plus ascendant, enfin sa nacre est blanche, mate, peu irisée. Elle diffère de l'A. Cellensis par sa forme moins allongée, la cour- pure de son bord supérieur, le renflement des sommets, l’épais- seur des valves, enfin et surtout par la forme du jeune âge qui présente un corselet comprimé élevé. Les vieux échantillons sont assez foncés de coloration, mais les jeunes sont d’une couleur olive-jaunâtre, ornés de rayons verts souvent assez élégants à la partie postérieure et quelquefois même sur le disque. cette forme à assez de rapports avec l'A. ponderosa C. Pf. in Rossmässler, Icon. f. 282, et la phrase caractéristique qui l’accom- pagne lui convient assez bien. (Les figures que donnent Dupuy et Drouet de la même espèce sont assez différentes.) Cependant l’auteur Jui attribue une surface extérieure rude que ne présentent pas nos échantillons, à moins qu'il n’entende par là lépiderme feuilleté qui recouvre tout le pourtour de la coquille. Je ne connais qu’une seule localité pour cette Anodonte qui est bien distincte de toutes celles que nous trouvons dans notre bassin. Elle vit à Fernex, près de la tuilerie Grobet, dans des mares for- mées par d'anciennes excavations faites pour l'exploitation de la terre à pot. Ces mares, qui ont été dernièrement réunies en une seule, ne présentent point d'écoulement ni d’affluent, et paraissent alimentées exclusivement par les eaux pluviales, ou par des filtra- tions du terrain avoisinant qui est marécageux. L'eau qui les remplit est jaune et constamment trouble. Les échantillons que je possède ont été recueillis en grand nombre par les enfants du voisinage qui viennent se baigner en cet endroit, et m'ont été communiqués par M. G. Moynier. SUR LES NAVADES. 49 Genre UNIO, Retzius. C. œquivalvis, inæquilatera, umbonibus turgidis : cardo den- tatus, dente uno cardinali et lamellà longitudinali sub byamento in dextrà valva: dentibus duobus cardinalibus, cum fossulà in- terposità et lamellis duabus lamellan valoæ alteræ excipien- libus. in sinistra valet. Ligamentun externmum validum. UNIO BATAVUS Lam. PI. IX, fig. 1-5. Rossm. Iconogr. fig. 205. — U. ovatus, U. dilatatus, U. sinuatus, Stud. in Charp. Faune helvét. C. parvula, solida, ovalo-elliptica, posticé dilatata, ventricosa : umbones tumiduli, rugis undulatis ornati, extremitati anteriori approxüBali ; #4rgo superior el inferior feré parallelé: extremitates rotundatæ. Dentes cardinales parvuli, compressi, crenati. Epider- mis nilens, luteo-olivaceus postice virescens vel multiradiatus. Long. 51-66", alt. 28-38", diam. 19-26", Cette petite espèce, la seule du genre que nous possédions dans notre bassin, est caractérisée par sa forme ovale elliptique, égale- mentarrondie aux deuxextrémités,ses dents cardinales comprimées, petites et courtes, et la sculpture de ses sommets formée de rides ondulées concentriques (voy. PL IX, fig. 5). Comparée aux Ano- dontes, sa coquille est épaisse et solide; la nacre généralement blanche prend quelquefois une teinte jaunàtre où rosée. L'épi- derme est ordinairement olive jaunätre orné de rayons verts quel- quefois confluents en arrière. L'Unio batarus peuple presque tous les ruisseaux et les petites rivières de nos environs : on le trouve surtout dans Les endroits les plus profonds où le courant est moins tumultueux, le fond moins pierreux, el où d’ailleurs il n’est pas exposé à être laissé à sec pendant l'été. La coquille est obliquement enfoncée dans la vase, 1 50 ÉTUDE et son extrémité postérieure saillante est habituellement recou- verte d’une couche épaisse de Himon durci qui masque compléte- ment sa forme, et la ferait facilement passer imapperçue pour un observateur non exercé. Ses dimensions sont variables, ainsi que sa forme générale. Quelquefois elle S’allonge davantage, ou bien elle devient réniforme: les sommets sont alors très-rapprochés de l'extrémité antérieure. Cette forme est quelquefois très-caracté- risée, et pourrait faire croire à l'existence d’une autre espèce, Si on ne trouvait pas tous les intermédiaires possibles dans la même localité, Du reste, ce ne sont que les vieux individus qui présentent ces formes anormales, ét Si on examine les premières zones d’ac- croissement, on reconnaitra que dans leur jeune âge ils ne diffé- raient aucunement du type. L'Unio batavus habite la plupart de nos petites rivières aux en- virons de Genève, la Seime, le Foron, la Drize, l'Aire. (Je n’en ai jamais recueilli dans la Menoge.) On le trouve dans les ruisseaux autour de Fernex; c’est de là que provient léchanüllon figuré comme type (PI IX, fig. 2). À Bonneville, dans les fossés le long de la route de Cluze, la coquille est en général petite, mince, un peu comprimée,etrecouverte d'un dépôtrouge brun. Dans les ruisseaux qui descendent du côteau d’Aïze, etjusque dans le canal qui traverse Bonneville, elle est semblable à nos formes de Genève. Suivant M. Dumont, l'espèce ne se trouverait pas au delà de Cluze. Enfin, j'ai rencontré l'Unio batarus dans le lac de Genève, de- vant les Päquis, vivant avec la variété rostrée de l'Anodonta ana- tn. Je n'en ai trouvé qu'un seul individu (PL IX, fig. 4), malgre toutes les recherches auxquelles je me suis Hvré. M. de Mortillel en à ramassé un autre exemplaire mort, sur la grève au bord du lac près de l'embouchure du Vengeron. Ce sont les deux seuls individus dont j'aie connaissance comme provenant du lac près de Genève. Ils diffèrent en quelques points du type que j'ai décrit La coquille est plus ventrue, plus solide, ses sommets sont plus renflés, plus rapprochés de lextrémité antérieure. Le bord supé- rieur est arqué et descend vers l'extrémité postérieure qui est un peu atténuée, par suite de l'érosion considérable de toute la partie supérieure des valves. La couleur de l'épiderme est d’un olive tirant sur le brun, semblable à celle des Anodontes qui habitaient la même localité; la nacre est très-épaisse, surtout en avant, SUR LES NAYADES. 51 blanche, finement irisée. Les dents de la charnière sont plus fortes que dans les exemplaires des ruisseaux, au moins dans Pindividu que j'ai sous les veux. L'échantillon trouvé par M. de Mortillet à pu être charrié par le ruisseau du Vengeron, qui recoit toutes les eaux des environs de Fernex, dans lesquelles se trouve l'U. batavus ; sa présence dans le lac s’expliquerait donc facilement. Fai plus de peine à me rendre compte de la présence de l'individu unique que J'ai pêché, car aucun ruisseau n’aboutit au lac en cet endroit: cependant je ne peux pas croire qu'elle ne soit pas accidentelle, car sans cela j'aurais certainement réussi à trouver d’autres échan- lillons. a) Var. squamosa Charp. (PL IX, fig. D). De. Charp. Faune Helvét., PL 2, fig. 22.— U. ater Niss, var. E. in Küst., p. 118. Long. 82"" alt. 40°”, diam. 817". Cette belle variété (si toutefois elle ne doit pas être considérée comme une espèce distincte) se fait remarquer tout d'abord par ses grandes dimensions. Elle est allongée, très-ventrue, épaisse et solide; le bord basal est un peu sinueux, la partie postérieure di- latée et un peu comprimée ; les sommets sont gonflés, pas très- rapprochés de l'extrémité antérieure, ils présentent les rides on- duleuses concentriques du type. La partie des valves voisine des sommets est assez lisse et d’une couleur brun marron brillant; tout le reste de la coquille est couvert d’un épiderme foliacé. La nacre est blanche, un peu irisée en arrière. Cette forme est voi- sine de l'U. consentaneus Z.; cependant, dans la figure que donne Rossmässler, les sommets sont plus antérieurs, et le bord supérieur plus arqué ; la coquille est moins allongée, moins cylindrique, l’ex- trémité postérieure moins obtusément arrondie ; enfin les échan- tillons d’U. consentaneus que je tiens de Parreyss, offrent une sur- face beaucoup plus lisse et des dents cardinales beaucoup plus robustes. La variété squamosa habite près de Noville, d’après M. de Char- pentier, et à Chessel (coll. de Gautard). L’échantillon figuré pro- vient de l’auteur. M. de Mortillet, qui a visité la localité indiquée, n'a pas réussi à S’en procurer d'aussi beaux exemplaires; les plus grands qu'il ait trouvés atteignaient aux environs de 65" de lon- gueur ; ils sont du reste parfaitement semblables à ceux de l’au- teur, mais évidemment plus jeunes. 59 ÉTUDE M. Blanchet n'a communiqué un échantillon d'Unio batavus qui doit avoir été trouvé vivant dans le lac près de Villeneuve, et une ou deux valves dépareillées recueillies sur la grève, où dans les champs environnants. Cependant j'ai exploré toute celte partie du littoral avec soin, et à plusieurs reprises, sans réussir à trouver autre chose que des Anodontes. Je suis donc porté à croire que l'espèce ne vit pas dans celte localité, et que ces individus y ont été introduits accidentellement. HS appartiennent d'ailleurs évidem- ment à la variété sguamosa qui se trouve tout près de à, à Noville, el je ne serais pas étonné qu'ils eussent été transportés par les corbeaux, qui sont très-abondants dans ces parages et dévorent avec avidité sur la plage les Anodontes rejetées par les vagues, on les emportent au loin pour s’en repaitre plus à leur aise. Quoi qu'il en soit, on ne comprend pas trop pourquoi les exemplaires ainsi introduits dans le lac ne $'v sont pas multipliés, et comment il se fait que l’espèce ne $’v est pas acclimatée à la longue. [est curieux de voir le genre Unio manquer dans le lac Léman, tandis qu'il a des représentants dans tous les lacs de notre voisinage, ainsi dans ceux d'Annecy, de Zurich, de Neuchâtel, de Bienne, du Bourget, etc. Je rapporte à la variété sgumosa une forme un peu plus petite (PL IX, fig. 5) qui se trouve dans le lac de Bret (coll. de Charp. et de Gautard). Elle est également allongée, renflée, cylindroïde, épaisse; le bord inférieur est légèrement sinueux, le bord supé- rieur un peu plus arqué que dans les individus de Noville, les sommets sont en général usés et souvent profondément rongés, toute la partie postérieure est recouverte d'une couche de limon durci extrêmement épaisse qui donne à la coquille une apparence très-bizarre. Sous cet enduit lépiderme est olive-brunûtre, rougeà- tre vers Les sommets avec des reflets métalliques assez smguliers. Les dents cardinales sont semblables à celles du {vpe, quoique un peu moins comprimées et comme émoussées. Les dimensions d'individus parfaitement adultes sont: long. 647", all. 30%, diam. 27°", SUR LES NAYADES. 99 T'elles sont les espèces ou variétés d’Unios et d'Anodontes que j'ai rencontrées dans notre champ d'étude. Les figures qui accompagnent mon travail ont été dessinées d’après na- ture avec tout le soin et l'exactitude possibles, et facilite- ront, je l'espère, la compréhension des descriptions, tou- jours bien vagues malgré leur longueur. Je crois devoir toutefois, en terminant, adresser quelques recommandations à ceux de mes lecteurs qui, ne s'étant pas encore occupés spécialement de ce sujet, voudraient faire usage de mon tra- vail pour étendre le champ de mes observations, ou pour déterminer les bivalves qu'ils pourraient rencontrer. Je le fais, soit d’abord dans le but de faciliter leur tâche, en les avertissant de quelques difficultés qu'ils pourraient trouver sur leur route, soit aussi dans l'intérêt même de mon ou- vrage et pour prévenir quelques reproches qu'ils seraient peut-être tentés de lui adresser. Et d'abord qu'ils se gar- dent bien de vouloir juger d’une espèce ou d’une forme don- née sans avoir devant eux un nombre suffisant d'échantil- lons. Déterminer une coquille isolée, c’est, dans la plupart des cas, s’exposer certainement à faire fausse route. Les sroupes que j'ai indiqués sous le nom d'espèces ou de va- riétés sont le résultat de la comparaison d’un grand nombre d'individus semblables, il est vrai, mais qui sont bien loin d'être identiques, et pour les représenter, j'ai dû choisir dans le nombre l’échantillon qui me paraissait le plus apte à donner l'idée de la forme générale de ces individus ; la figure que je donne est donc en quelque sorte une moyenne, et il ne faut pas s'attendre à ce qu’elle représente exacte- ment et trait pour trait le premier individu venu. Pour ar- river à trouver le type commun, il faut d’abord écarter tou- tes les monstruosités et altérations pathologiques produites par des lésions extérieures, ct elles sort nombreuses suivant 54 ETUDE les localités dans lesquelles on pêche, puis toutes les varia- tions purement individuelles dans lesquelles les caractères spécifiques sont masqués par un développement anormal. Même dans ces conditions le travail ne sera pas toujours facile, tant qu'on ne se sera pas formé un certain coup d'œil qui est presque indispensable dans létude des mol- lusques d’eau douce. En outre, il faut éviter de juger une espèce d’après sa forme générale seule, et mes planches sont là pour montrer que souvent les formes les plus dissem- blables appartiennent à une même espèce, tandis que des coquilles presque identiques au premier coup d'œil doivent cependant étre classées sous des noms différents. C’est là une conséquence de Paction des influences extérieures qui, agissant de la même manière sur des espèces complétement différentes, produisent nécessairement des modifications analogues. Il importe, sans doute, de recueillir des individus adultes et ayant atteint tout leur développement, mais il est peut- ètre tout aussi nécessaire de se procurer le jeune âge qui fournit souvent les données les plus précieuses pour la dé- termination. Malheureusement cela n’est pas toujours facile, et je ne sais trop pourquoi les très-jeunes bivalves sont ra- res, où tout au moins il est certaines localités où je n’ai pas pu réussir à m'en procurer. Enfin, je ne saurais trop recommander à ceux qui vou- dront se livrer à l’étude des Nayades, de recueillir eux- mèémes leurs matériaux toutes les fois que cela leur sera possible. On ne se fait pas d'idée combien on voit plus clair dans une forme qu’on à pêchée soi-même et étudiée sur place, en regard des particularités de la localité; j'en ai fait moi-même l’expérience plus d’une fois. Sans compter que de cette manière on évite toutes les erreurs résultant SUR LES NAYADES. 5 [214 du passage des échantillons par plusieurs mains et de leur choix éventuel. Rossmässler le dit fort bien : c’est dans l’eau et dans la vase qu'il faut étudier les bivalves, et pas seule- ment dans son fauteuil et dans le silence du cabinet. Sans suivre tout à fait à la lettre le conseil du savant conchy- liologiste, j'engagerai donc vivement le naturaliste à prendre lui-même le filet en main, et il reconnaîtra, j'en suis sûr, que cette pêche n'est au fond pas plus pénible qu’une au- tre, qu’elle ne manque certainement pas d'intérêt et qu’on peut bien s’y livrer sans être obligé pour cela d'adopter tout à fait les mœurs des hôtes du marécage. EXPLICATION DES PLANCHES (Toutes les espèces sont figurées de grandeur naturelle.) PEU: PI. I. Fig. PI. III. Fig. PI. IV. Fig. PI V, Fig. PI. VI. Fig. PI. VIL. Fig. PI.VIIL. Fig. PI. IX. Fig. Anodonta cygnea, L. (coll. de Charpentier). 1. A. cygnea, L. var. rostrata, très-adulte; de Villeneuve. 2. Id. jeune âge ; de Villeneuve. 1. A. Cellensis, Schrôt. très-adulte ; des anciens fossés de Ge- nève. 2,8. À Cellensis, jeune âge ; de Morges ctdes Pierrettes. 4. À. anatina, L. jeune; de Morges. . A. Cellensis, Schrôt. var. rostrata; de Céligny. . A. Cellensis. Schrôt; jeune échantillon des anciens fossés de D Genève. 1. A. piscinalis, Nilss. Échantillon de taille moyenne. 2, A. anatina, L. forme typique ; du port Ramu, sous Cologny. 1. A. anatina, L. var. elongata; des Pierrettes. Id. var. abbreviata ; des Päquis, près Genève, avant la création du port. 3. A. anatina, L. var. major, Jeune àge ; de l’ancien Fossé vert. 4. A. Cellensis, Schrüt. var. dilatata; de Vouvry, 1. A. anatina, L. var. major; ancien Fossé vert. . 2. Id. monstrosa ; ancien Fossé vert. BJ Id. var. rostrata; des Eaux-Vives, avant la création du Port. Echantillon de taille moyenne. 1. A. Pictetiana, Mortill. forme typique; de Villeneuve. TE Id. var. rostrata ; de Villeneuve. 2. Id. var. elongata ; du lac de St-Paul. 1. Unio batavus, Lam. var. squamosa, de Charp.; de Noville. 2, Id. forme typique; de Fernex. ds Id. variété du lac de Bret. (coll. de Gautard). 4. Id. variété du lac de Genève devant les Päquis. B. Id, jeuneindividu; de la Seime, DU AA ( \nodonta EPSRRSASATAUER CN m IE RACS Airrscrrs jeun e atina an: \ 4 { 16. 1. À. cellensis Schr. le Î \nod cellensis, Sc hr var, rostrala. 9 rA A.cellensis, Schr. jeune. < | A TPE 1e Anod.piscinahs, ilss. 2. Anod. anatina L.Lypica £4 Pis Î À analina var elonéala { [6] >. 1. var major, feune 4 + 9 id var. abbreviata \ Cellensis var. dilatata Le rostralta ) id var strosa.- «4 INOoN d. 9] Mig. | A analina var inajor ata., 16. 1, À Pictetiana tYp O id var. rostrata. 3.id. var. elon ©C PUBLICATIONS CE L'ASSOCIATION Z00LOGIQUE DE LÉMAN Ont paru : . BROT, Dr. La famille des Nayapes, avec 9 planches. CHEVRIER. Monographie du senre Nysson (Insectes Hyménoptères). Sous presse : & LA: ATIO. Les CampaGoLs (Arvicola), avec 6 planches dont 5 coloriées. He - = Le : TOURNIER. Monographie des CypHonibEs (Coléoptères), avec 4 plan nes dont 3 coloriées. En préparation : me TE LUNEL. Les Poissoxs du lac de Genève et de ses afiluents 1 U _ L u LL =" De _ : L L 4 L SMITHSONIAN INSTITUTION LIBRARIES Il