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JEAN LEMilRE DE BELGES

ŒUVRES

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im LËHAIRE DE BELGES

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J. 8TECHER

liciiihn âê rAfladémia royab àé Balgiqua

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LES ILLUSTRATIONS DE GAULE ET SINGULARITEZ

DE TROYE

DBUXItlIB ET TROISItlIK UVRE

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LOuVAflï- :

IMPBIMEBIE DE J. LEPETER 80 - in m MtnuM - 30

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PROLOGDE DU SECOND LIDRE

DES ILLUSTRATIONS DE GAVLE, ET SINGVLARITEZ DE TROYE.

•40^

Oii4iii« Ul>ro zt. TnaflfomatioDoai. *

Nune humilit veteres tanlummodo Troia ruinas, Bt pro diuitiis, tumulos oitendit auarum,

Oret Troye humble et basse, en lei tresort terrestres Ne monstre que ruine, et tombeaux des ancestres.

A la flevr de toute tresclere, et tresdouce ieunesse virgi- nale et féminine de France, Mercure iadis réputé Dieu deloqnence, dengin, et de bonne inuention, Salut. Gomme ainsi soit, que par tiltre de héraut, et interprète des Dieux supérieurs, iaye piega de mon plein gré promis de fournir à vous Princesses, dames, et damoiselles, de la tresnoble langue et nation Oallicane et Françoise, trois présents au

11. i

2 ILLYSTRÀTIONS DB 6AVLS, ET

nom des trois Déesses, lesquelles eurent iadis différent de leurs beautez et prééminences : si en feirent iuge Paris Alexandre, fllz du Roy Priam de Troye. Lequel par iuge- ment abusif, préféra Venus, cestadire beauté corporelle et volupté sensuelle, aux deux autres Déesses, luno et Pallas, qui signifient science spirituelle ou vertu intellectiue, et richesses de domination temporelle. Pour lesquelles mien- nes promesses accomplir, lannee passée ie macquitay de la première, et feis imprimer, tant à Lyon comme à Paris le premier liure des Illustrations de Gaule et Singularitez de Troye, desia publie et diuulgué par tout ce Royaume, et ailleurs. Par la teneur duquel on voit clerement, que tant et si longuement, comme Paris meit son estude à contem- pler la beauté de Pallas, il fut vertueux et bien moriginé : mais depuis quil arresta du tout son regard sur la corpu- lence de Venus, cestadire, de la belle Heleine, laquelle il rauit et détint iniustement, en brisant et corrompant le sien mariage, et dautruy : il desprisa aussi tout ensemble, le merueilleux pouuoir de la grand Déesse luno, qui domine sur iustes quereles, prouesses, puissances, et conquestes cheualereuses, et loyaux mariages. Parquoy il encourut tout à vue fois lindignation des deux plus vertueuses Dées- ses : dont icelles ainsi mesprisees, luy furent abonne cause contraires et ennemies : et bien luy rendirent vengeance méritée, qui fut la ruïne et destruction totale de luy et de son parentage, comme vous verrez en ce second volume. Et congnoitrez, tresbenigne flouriture Françoise, quelle différence il y ha entre Venus dame de mollesse et de la- acheté tresdamnable, et lautre Venus Déesse damours et de beauté pure et nette, qui sentend de vraye amour coniugale et licite. Et ce vous apperra clerement, par la diuersitë des mœurs, et des conditions des deux femmes de Paris de

SIHGTLAIUTKZ DE TROTB. LITRE II. O

Troye : desquelles la première estoit sa compaigne iuste et Intime par loyal mariage : cestasauoir la treslouable Nymphe Pegasis Oenone : laquelle combien quelle fiist répudiée à grand tort, par son mary, vescut neantmoins Tertueuse, et perseuera en sa foy et loyauté, iusques à lextremité de sa mort, trespiteuse et treshonnorable. Et lautre, cestasauoir Heleine tresdesloyalle et tresuitupe- rable de toutes parts, si elle yescut en grand honte, enco- res fina elle en plus grand malheur et misère. Lequel exemple doit estre de grand efi9cace enuers toutes nobles dames. Vous donques, d treselegante et tresdelicate no- blesse Royale et Ducale, qui représentez en ce grand Royaume vue autre Venus terrienne, vue clere estoille ves- pertine et matutine : et qui décorez ces mondaines régions, autant comme la clere planette Vénérienne embellit le ciel, priiez en gré le présent que ie vous enuoye de par la Déesse Venus, laquelle vient à toutes choses qui ont estre et nature (1) : non pas celle Venus qui fut mariée à Vulcan le feure des Dieux, qui forge les foudres et tonnoirres de lupiter, et laquelle fut iadis tant amoureuse de Mars le grand Dieu des batailles : car celle Déesse est trop gaye, et trop mignote et lasciue : et pour ceste cause suspecte & toute honnesteté matronale. Si disent les poëtes, quelle est mère de Cupido le Dieu damours, lequel ha mauuais bruit de traire aux ieunes gens ses flesches empoisonnées de son arc mortifère, et faire beaucoup de maux parmy le monde : car elle nest pas tousiours ceinte et liée de sa riche ceinture appellee Ceston, cestadire, chasteté nuptiale, qui la garde destre vagabonde et dissolue. Mais lautre bonne Déesse,

(1) LlBtitalë do prologae daiif Vid. 1512, porU : « dedi^ à trM eUn prinoMM, madame CiRuda, première fiUe de France, n

\

4 ILLY8TRAT10N8 DB GAVLE, ET

tresuenerable, laquelle ne préside sinon aux saints mariages légitimes, est sans tache et sans macule, comme celle que les Rommains iadis honnorerent de temples et de sacrifices publiques, (1) et lappellerent Venus verticorde : Cestadire, tournant les cœurs des nobles matrones, et mères de famille, à toute inclination de bien et dhonneur : et icelles retirant de folles pensées. Tellement que par le bon motif de ladite Déesse, toutes dames ont puissance de eonuertir et refréner par leurs douces persuasions et nobles contenemens les cœurs des hommes aucunesfois enclins à foUojer. Et par leur bon exemplaire induire toute la séquelle de leurs pucelles et filles et familières, à bonnes mœurs et à la reuerence et obseruation de pudicité et fidélité matrimo- niale, quand elles sont en ce train. Et par conséquent, à la fécondité et procréation, et belle nourriture de noble lignée, par laquelle la chose publique est gardée et preseruee de décadence, le seruice diuin continué, et plusieurs glorieuses âmes en volent au ciel, pour remplir les sièges de Paradis. (2) Lisez donc par aggreable passetemps, nobles Princesses et vostre belle suyte, les ruines de Troye bien vérifiées, par claritude certaine plus que onquesmais ne furent, en atten- dant que la tresgrande et tresriche Déesse luno vous en- uoye le tiers liure, par lequel sera congnue la ressourse et restauration de Ihonneur de Troye, faite par les Princes Francus, Brutus, et Bauo, voz principaux ancestres et parens, qui depuis la désolation de leur païs vindrent habi- ter en Gaule : et dont les rayz des vertus se réfléchissent et reuerberent en leur postérité, cestadire en la refolgence

(1) j^lieques (éd. 1512).

(2) Même ponctuation bizarre de cette longue période, dans le ma- nuBcrit de Genè?e et dans les plus anciennes éditioni.

SniGVLARITBZ DB TROTB. UYKB II. 5

de TOUS et des vostres, qui resplendissez aa monde, comme

fidt la belle estoille ioornale dite Venus, autrement Hespe-

rus, ou Lucifer, cestadire portant lumière precurseresse du

Soleil et de laube du iour : laquelle est le droit souhait des

Pèlerins, lespoir des nauigans, le désir des laboureurs, et

soûlas de tout le genre humain. A tant tresbenigne audience

de noblesse féminine Gallicane et Françoise, le premier

Moteur des choses vous doint toute félicité. Escrit aux

champs Elysiens, sont Priam, Hector, Francus, Si-

camber, Brutus, et Bauo voz progeniteurs, iadis yssus de

Troye, auec leurs trescheres compaignes, sœurs, nièces, et

filles, le premier iour de May, Lan de grâce, Mille cinq cens

et douze. (1)

(1) Dam r^itioD de 1512, ce prologue est précédé du privilège accordé par Louis XII à Jean le Maire et daté de Blois, 1«' mai 1512. A la suite de cette tenewr d% privilège ottroyéy on lit : « Lactenr de ce présent livre a communiqué son privilège royal en toute ample manière comme il a obtenu du roj à Qeufroj de Marnef Libraire juré deluni- ▼ersité de Paris, etc. » Le manuscrit de la Bibliothèque de Qenè?e débute, sans prologue, par ces mots du l** chapitre du second livre : « Q^and le eler $oUUfih de Hiperion »

6 ILLV8TRATI01I8 M OATUI, KT

LES NOMS DES ACTEVRS ALLEGVEZ EN CE

SECOND LIVRE. (1)

Virgile, en se» En^des.

Dares de Phrjgie, en Ihistoire de Troje.

Homère, en son Iliade, translaté en prose par Laurens Valle.

Dictjs de Crète, en Ihistoire de Troje.

Guide, en lepistre de Paris à Heleine, et en sa Métamorphose.

Bocace, en la Généalogie des Dieux.

Jean Baptiste Plus, sur lexposition de Fulgentius Placiades.

Euripides, en la tragédie d*Iphigenia, translatée par Erasme de

Roterodam. Christofle Landin, commentateur de Virgile en ses Eneîdes. Diodorus SionluSi en ses Antiquitez. Antoine Volso, commentateur d*Ouide, sur lepistre d*Oenone à

Paris. Herodotus Halicamasseus, prince des historiens Grecz. Seneque, en sa première Tragédie. Nicolas Perot, en sa Cornucopie. Plutarque.

Donatus, expositeur de Virgile. Thucjdides, historien Grec. Lactance.

(1) L*^dition de 1512 ajoute : « Sensaivent les noms des bons acteurs alléguez en ce second livre des illustrations de Gaule et sin- gnlaritez de Troje : par les escriptures desquelz toute la substance de ce livre a esté cueillie. »

SINGVLARITBZ DE TROYB. LIYRB U. 7

laques de Bergome, au Supplément des chroniques.

Higinius, en son liure d^ Astrologie poétique.

Bernard de Bridembach, en son Voyage de Hierusalem.

Strabo, en sa Géographie.

Pline, en Ihistoire Naturelle.

Vbertin, sur lepistre d*Heleine à Paris.

Philostratus, en la vie d'Apollonius Thjaneus.

Martianus Capella, au liure qui se intitule des noces de Mer*

cure et Philologie. Isidore, en ses Etjmologies. Platina, en la vie des Papes. Seruius, commentateur des Eneîdes de Virgile. Dion de Pruse, en son liure qui est intitulé de Troje non prinse. Eusebius, en son liure des Temps. Tulles César, en ses Commentaires. Isocrates, orateur Grec allégué par laques de Bergome. Marsille Ficin, en ses Epistres. François Philelphe, translateur de Dion de Pruse. Persius, es Satyres. Néron, en ses Troyques. (1)

(!) L*édit. 1512 ajoute : axxxvii acteara aatenticques. » « De peu assez. »

LE SECOND UVRE

DES ILLUSTRATIONS DE GAVLE ET SINGVLARITEZ DE TROYE :

Composé à Ibonnear «t intention dM doUm damM de la Gallicane et Françoise, par Jean le Maire de Belgee, tres- homble Secrétaire et Indidaire, ou Historiographe, de très- haute, tresexcellente, et treschrestienne Princesse madame Anne, par la grâce de Dieu deux fois Rojne de France, Duchesse héréditaire de Bretaigne, etc. Lequel liure ledit Acteur ha intitulé et dédié expressément au nom tresexcel- lent et tresgracieux, de tresclere Princesse, madame Claude première fille de France, et le luy ha présenté au chastean Rojal de Blois, le premier iour de May, lan mille cinq cens et douze.

CHAPITRE I.

Narration du retour du Prinee Antenor de Grèce, aoee recitation de lexploit de son ambassade. Du conseil donn^ par Paris Alexandre itir ce, et de lappareii fait pour aller en Grèce, par le consente- ment du peuple de Troje, et an contredit du Prince Panthus, Hele» nna et antres. Du partement de Paris, Detphobus, et leurs eomr paignona. Et du congé prias par Paris de sa compaigne la Njm- phe Pegasis Oenone. Aaecqnes Tue exclamation contre laneuglee emprise du Roy Priam.

Qvand le cler Soleil fllz d'Hyperion, et neueu de Titan, foisant son cours parmy le Zodiaque, eut tant seioumé es parties méridionales, quil attaingnit la qaeiie des Poissons,

10 ILLYSTRATIONS DB 6AVLE, BT

et commencoit desia à retourner les frains de ses nobles chenaux vers nostre climat et hemispere , exterminant toute froidure brumale, et que Neptune soufiroit le nauiger parmy ses vndes sallees : nouuelles yindrent en la grand cite de Troye, que le Prince Antenor, et les enfans de Priam, et. autres gentilzhommes, qui eetoient allez auec luy, tant pour conuoyer les Princes de deçà la mer, comme pour fournir son ambassade en Grèce, ainsi que dit est dessus en la fin du précèdent liure, estoient de retour au port de Sigee. Alors le tresualereux Prince Hector, auec la plus part de ses frères, et aussi le gentil Iphidanas, Glau- cus, Archelaus et les autres enfans d* Antenor montèrent à chenal, et allèrent au douant dudit Prince Antenor, iusques au port dessusdit : ou ilzle festoyèrent (1) et bienui^n- gnerent, et lamenerent en la cité, iusques dedens son hos- tel : auquel il demeura pour ce soir, sans monter au palais : et se refreschit auec sa femme, madame Theano^ sœur de la Royne Hecuba.

Le lendemain matin le Roy Priam feit conuoquer tout son conseil, pour estre présent à la relation que feroit An- ténor sur le fait de sa légation. Chacun obtempéra au com- mandement du Roy, et se trouuerent au palais, mesmement le Prince Hector, et tous les autres enfEuis légitimes, et pareillement les bastards. Le baron Antenor partit de son bostel, accompaigné de ses enfans, et de deux autres grans seigneurs de Troye : cestasauoir le vieillard Anchises père d*Eneas, iasoit ce quil fust aueugle, et le sage Panthus père de Poly damas. Ainsi monta Antenor au palais, si trouua le Roy assis en son throne Royal, auquel il feit la reuerence : et après ce que le Roy luy eut dit bienuien-

(1) fuiUrmU (maor. cU Geoèye «t M. 1512).

SimVtABrfB DB TAOTK. UTBI O. 11

gnant, et commandé de saeseoir, grand silence fnt £ute. (1) Et lore en pleine audience, il commença à conter et relater bien au long lexploit de son ambassade, et les responses^ tant du Roy Telamon de lisle de Salamis, comme des autres Princes de Grèce, ses parens et alliez : et les recita par grand éloquence, vne pour vue. Lesquelles en somme toute estoient pleines de refus, opprobres et menasses. Et après les auoir ouyes et entendues, le Roy fut parfondement in- digné. Si demanda aux Princes de son sang, et autres de son priué conseil, quelle chose il leur sembloit sur ce estre à faire (2) : Et consequemment interroga ses enûuis, sur ceste matière. Car bien en voulut auoir aussi leur opinion. Et premièrement sadressa à son aisné filz Hector, et puis aux autres. Les yns dirent dun, les autres dun autre, selon diuers sens, aages et affections. Et allega ynchacun ses raisons, desquelles escrire ie me déporte : car assez dautres en ont &it ample mention. Mais quand Paris deut parler & son tour, il dit en ceste manière :

a Mon tresredouté seigneur et père, limbecilité de mon foible entendement, répugne à pouuoir discuter si haute chose. Sur laquelle messeigneurs, qui icy sont, ont desia si magnifiquement opiné. Toutesuoyes, souz la bénigne sup- portation de ton trescremu commandement, et correction des mieux sauans et des plus expérimentez, ien diray deux mots : Cest quil me semble, que liniure à toy inférée ius- ques à ores par les Grecz, en détenant madame Hesionne ma tante, doit estre réputée de grand importance : mais non pas encores en degré suppellatif, attendu que point nauoies exux>res requis les deteateurs de la rendre. Mais

(1) faiet (éd. 1512),/aic<tf (mscr. de Genève).

(2) i^aiM (mscr. de Oené?e et éd. 1512).

IS ILLT8TRATI01IS DB 6ATLB, ET

maintenant que par ton ambassade et légat solennel, ilz ont esté semons et sommez de ce faire, et à ce ont esté non seulement contredisans, aincois de nouuel irritans ta han- tasse, par paroles ignominieuses et pleines diniurieuses reproches, il appert clerement, que Tire de ta maiesté prouo- qnee par redoublé vitupère, de tant moins doit tolérer si grieue infliction dopprobre, comme ton sceptre est plus haut et plus eminent, que de nul autre Prince d'Asie ne d*Europe. Et à ce te doiuent animer la populosité de tes Royaumes, la forteresse de tes citez, lopulence de tes richesses : et prin- cipalement le nombre et magnanimité de tes enfans, dont ie suis le moindre : et aussi la prouesse du demeurant de tes cheualiers et barons. Lesquelz comme ie croy, ne yeulent, ny doiuent vouloir, que la haute dignité de ta couronne soit ainsi defibulee, et que lorgueil et arrogance Grecque demeure impunie, ains tous dun vouloir deuons appeter que la vieille inimitié, et ancienne hayne, soit esteinte par nouuelle ven- geance. Et pour ce faire, de tous les moyens qnon peult imaginer & la guerre, ie ny en voy point de plus propre en ce cas, que de leuer marque sur eux. (1) Laquelle chose se peult &ire aisément, en prenant aucune des plus nobles femmes de Grèce, pour prisonnière. Car alors ce quilz te refusent obstinément, monseigneur, ilz requerront de plein gré que tu prennes pacifiquement, par manière de commu- tation. Et de ces choses &y ie maintenant seure coniecture, et espoir infallible. Quand ie réduis & souuenance, que autresfois en vne vallée des montaignes Idées, iay prins ma nourriture, par vision ou autrement, la Déesse Venus me feit promesse de chose semant à mesme propos. Cesta- sauoir, que la fleur des femmes de Grèce, tomberoit vne

(1) mareare^ prendre par droit de marque ou de représailles.

SniGVLAEITBZ DB TROTB. UVIB U. 13

fois entre mes mains. A laquelle emprise, sil te plaist entendre, mon tresredouté seigneur et père, ie moffire de grand cœur dicy et desia daccompaigner oelaj ou ceux de messieurs mes fireres, ou autres ausqueb: il te plaira en donner la charge. Tant pour le désir que iay de voir etcon- gnoitre du monde, comme pour le grand zèle qui me lait appeter la réduction de madame Hesionne : et aussi pour lesperance que iay de mayder à conduire la besongne & bon effect : et de voir le bout à layde des Dieux, & la louenge de ta haute seigneurie, mon tresredouté seigneur et père, et à la confusion des Grecz, noz anciens ennemis, i

Le parler du ieune adolescent Paris Alexandre fut re- cueilli en saueur et beniuolence, et fort exaucé par la plus part des assistans : et encore mieux soustenu par son firere Deïphobus. (1) Tellement que à ce iuuenile conseil sarresta le plus grand nombre des Princes : ou pource que les desti* nées le youloient ainsi, ou pource que prospérité désire tousiours choses nouvelles. Si louèrent la grand prudence, et belle faconde de Paris, et son hardy entreprendre : mes* moment le Roy Priam, par dessus les autres, lautorisa : meu de youlenté aueuglee : affection yindicatiue, inflation dorgueil : et impatience de prospère oisiueté. Pource que i sa dere félicité autre chose ne luy sembloit porter obom- bration, sinon la rigueur que les Grecz luy tenoient, quant à la détention de sa sœur Hesionne. Si parla haut et der, et dit : que louuerture &ite par son fllz Paris Alexandre, luy sembloit tresbonne : et que son opinion estoit, de la mettre à exécution. Plusieurs se y assentirent, Toyans linclination de la voulenté du Roy. Mais aussi en y eut aucuns qui repugnoient au contraire. Bntre lesquelz, Hele*

(1) DHpkêiut (maçr. de Oenèfa et éd. 1512).

14 . ILLTSTRÀTIOIB DB OATLB, IT

BUS le tresprudent yaticinateur estoit le principal et le plus constant. Car par son grand sens et clergie, il preuoyoit les destinées fatares : et par sa science entendoit le chant des qyseaox et la signification de leur vol, comme met Virgile, an in. des Eaeïdes« disant :

Troiogena interprei diDÛm, qai numina Phœbi, Qai tripodaa, Clarii lanros, qoi aidera sentia. Et folocrain lingosa» et pnepetii omioa panna.

Parquoy il prophetisoit, que si Paris amenoit femme de Grèce, que les Orecz la viendroient recounrer i main armée, et demoliroient la noble cite dllion : et que tous leurs parens et leurs frères, mourroient par main ennemie. Mais dautre part, lenfant Troïlus le plus ieune de tous sottstenoit fort le conseil de Paris : et autorisoit sa sentence i toute puissance : comme met Dares de Phrygie au com- mencement de son histoire.

Or recite iceluy Dares, sur ce mesme passage : que le Roy Priam, pour mieux coulourer son emprise, feit conuo- quer la plus part du peuple de Troye, douant son palais : et illec leur feit une longue harengue sur ceste matière : et leur remonstra toute la somme de son intention. Et pour les plus encourager, leur fait encores reciter par Ântenor, les iniures quil auoit receûes par les Grecz, en faisant son ambassade. Lesquelles choses ouyes, le populaire tout à yne voix tumultueuse sescria, quon en prinst yengeance, et que point ne tiendroit à eux, que le Roy ne fust seruy en celle guerre. Toutesuoyes le sage vieillard Panthus, qui estoit lun des grans seigneurs de Troye, répugna fort, en remonstrant et allègent publiquement au Roy Priam, et à son conseil, ce quil auoit ouy dire iadis à son père Euphor- bus, tressage yaticinateur, et tresprudent homme, cestasa-

SlMTLàfeltn M TMVS. UtM H. IB

uoir que si Paris Alexandre amenoit femme de Oreoe, que ee seroit la totale destruction des Troyens : en disant, que trop mieux valoit Tiure en paix, que par affection desoN donnée se mettre en hazard de perdre sa liberté. Mair ce nonobstant le Peuple ne donna point daudience à lautoritA de Panthus, ains persista en sa première conclamation. Alors le Roy Priam les loua de leur bon touloir, et leur en rendit grâces : si les rennoya chacun en son hostel . Ce fait» le conseil et la tourbe populaire se desempara : et tantost après (1) fut donné charge à Phereodus (2) le bon charpentier, fllz du feure Harmonides, et amy de la Déesse Minerue : comme met Homère, au cinquième liure de niiade, de fidr venir grand maisrein (3) de la forest Ida, pour rabiller les nauires qui estoient es ports de Phrygie : et en faire de neuues si mestier estoit iusques au nombre de Tingt. Lesquelles nauires ainsi quelles furent malheureuses à tous les Troyens, communément aussi y participa^ en malheur ledit ouurier Phereodus : car il fiit tué pendant le siège de Troye.

O Roy Priam, autrement bon Prince, et le meilleur des meilleurs, ne rois tu point que Fortune trop blandissante, laquelle ha esleué ton throne iusques aux cieux, ne t*ha ramené ton fllz Paris des montaignes Idées, il gardoit les bestes, pour autres fins, sinon à ce que son ieune con- seil peu pesé en la balance de raison, preparast à ta pros- périté le lacs de trebuchement merueilleux ? 0 hauteur de courage trop magnanime, enflé de gloire prospérante, qui te fait appeter tardiue vindication de torsfÎBdts (4) inuetorez.

(1) après fnpprimë dans le mser. de Genève.

(2) Pkereeîeus (inscr. de Genève et éd. 1512).

(3) maiirien (éd. 1512) MatiHa^ boie de charpente.

(4) /or/êUê (nucr. de Genève).

1^ ILLVSnATIOI» DB OAftK, BT

Tu commandes appareiller les instramens de ta désertion : ta fais adouber nauires, qui tamenront la désolation de ta bianheureté : Ne te souuient il du songe de ta femme ? Na* contes (1) tu à brade de Delphes, ny aux vaticinations de Galchas f Mesprises tu les prophéties de Tymetes et Hele- nus tes sages enfans, et de Euphorbus iadis ton bon cy- toien ? As tu oublie la prémonition des Dieux tes amis et bienuueillans, lesquelz par tous deuoirs se sont efforcez des- taindre le brandon de flambe viue, lequel embrasera ta cité, et ta personne propre ? Et tu mesmes le yiuifies, tu mes- mes luy prestes aliment, et matière de nourriture. Certes ton heur trop resplendissant t'ha aueuglë, le voile de non suffisance t*ha bendé les yeux. Et Fortune peruerse et mua- ble, pour donner exemple perpétuelle à tous Princes tes successeurs, se veult iouer de toy.

Et ce preuoyant la noble pucelle Cassandra, pleine des- prit de prophétie, à manière dune Sibylle, fort dénote au Dieu Apollo et à la Déesse Minerue, et constituée la sou- ueraine aux sacrifices de leurs temples, comme tesmoigne Dictys de Crète en son quatrième liure (2) de Ihistoire Troy- enne : Des quelle sceut larrest de lemprise, menoit vn dueil non appaisable, et cryoit assez al^contre, disant comme les autres : Cestasauoir que Paris seroit frappé dun dard venant du ciel, comme tesmoigne Guide en lepistre de Paris à Heleine, en la personne de Paris :

Hoc mihi (nam r«colo) fora Tt à céleste lagitta Figar, erat verax Tatidnata soror.

(1) nacamptes (mscr. de Genève).

(2) m* (nuor. de QenéYe et éd. 1512).

SDiaULARITlS M TAOTB. UTIK II. 17

Bt difloU ooUreplos, que si Paris aUoit quérir feaune en Ofeca, Troy^ en seroit vne fois destraite. Ifais cestoit en Tiûn» car son parlar nauoit point dandience, ainçois comma récite Dares Phrjgi^o, fut ordonné par le Roy Priam, que Hector sen iroit an la hante Phrygie pour cueillir des genso' darmas, et Parîa Alexandre, anac Déiphobus passeroient la mar Propontide, et inaent iusques en Paonie, pour pareil** lemant assemblar souldoiers et gens de gnerra. LaquaUa chose lut iaite an itouta diligence. Et ee pendant Enaas fut uopupë, par le commandement du Roy à faire fouraitura de Tives neçaeaairea au voyage, et de grand quantité dinstru'- mê^s de goensa : toUament quen petit de t^upa tout le aaoîgl^ /ut armé et equippé en perfection, au moyen de la bonne diligence que les ouuriers y feiroit. Et fareat les ga- lees accomplies du nombre de gens propices à la rama. Si ne lastoit que les capitaines et gens de guerre, lesquelz arri- aérant à chef de pièce, dont Hector en amena vue partie de la haute Phrygie : et Paris et Doiphobus lautre du Royaume de Piaonie. lequel depuis fut a{^llé Pannonie, et mainte- aant êe nomme Hongrie, selon lopinion daucuns, comme plus à plein sera toadié an dernier liure.

Qoand donqufis le Prince Hector fut retourné de la haute Phrygie, à tout ses gensdarmes, et Paris et Delphobus de Faonie ou Hongrie, à tout les leurs, comme dessus est dit, et que le beau pHntemps proi»ee & nauiger fiit refloury, le Soy Prîam, manda qusrir les capitaines et^)eaturi(ms de son armaej et leur bailla pour son lientenaat gênerai, son âlz Pana Aleipaindre, et pour lacoompaigner y enuoya aussi son {rare Daîpbgims, £neas ûlz d*Anohises, et Polydamas filz de Panthus comme met Homère, au xv. Hure de l'Iliade (nonobstant que communément par erreur sm tienne ledit Polydamas fllz d*Ântenor), auecques le patron, de la égalée, n. 1

18 ILLVSTRATIOnS MS GAVLB, ET

qui auoit mené Antenor en Grèce, comme met Dares Phry- gien. Dictys de Crète en son m. liure, dit, que anssialla auec les dessusdits, Glaucus fllz d' Antenor, oultre le gré de son père, auquel il ne plaisoit point, craingnant parauenture la rudesse des Grecz : tellement que au retour dudit Glau- cus, son père ne le voulut plus ne voir ne ouyr, pouroe quil anoit transgressé son commandement. Dares de Phrygie, met que ledit Roy Priam commanda à Paris que première- ment il se transportasten la cité de Sparte, ou Lacedemone, enuers messieurs Castor et Pollux, enfans du Roy Tynda- rus de Oebalie, et frères germains de la belle Heleine, lee- quelz auoient esté à la prinse de madame Hesionne, et que iceux il sommast de la faire rendre. Et en cas de refuz que incontinent Paris enuoyast vn message à Troye, pour len aduertir, à fin de renforcer plus grosse armée, pour luy enuoyer secours. (1) Toutes lesquelles choses fiâtes et tenues les plus secrètes que possible fut, sans diuulguer le princi- pal de leur emprise, yn beau matin, que le vent fiit bon et propice, chacun print congé de ses parens et amis, Bneas de son père, Anchises, de sa femme Creusa, Polydamas de son père Panthus, Glaucus de ses amours et de ses frères : Car son père ne luy voulut donner congé : Deïphobus aussi et Paris, du Roy et de la Roy&e, de leurs frères et sœurs. Et quand ce vint à dire adieu à la noble Nymphe Pegasis Oenone, qui du secret de lemprise, touchant le rauissement daucune femme de Grèce, estoit ignorante, les grosses larmes ou par vraye amour, ou par feintise, tombè- rent des yeux à Paris : et aussi la gracieuse Nymphe plou- roit inconsolablement, du dueil futur que son oœur luy

(1) Depuis Toutes.** Jusqu'à laecolUr (p. 19, 1. 7), lacune dans le mior« de GenèYe.

SIRGVLARITBZ DB TROTB. Lin» U. 19

apportoit couuertement. Assez sentreaccollerent, et asse^ sentrebaiserent les deux amans : et ne les pouuoit on sepa* rer lun de lautre. Les gens de Paris disoient sonnent à leur seigneur, qne les patrons anoient vent & gré, et que les mariniers le pryoient de se haster. Son firere Déïpho- T)as, Eneas, et les autres aussi, ladmonnestoient de partir. Et Paris disoit au contraire : quil congnoissoit bien que le Tent nestoit pas encore prospère. Dont ibs se prenoient à rire de bon coBur, voyans que lamour de la Nymphe le detenoit, vne fois la laissoit, puis retoumoit, pour laccoller. Finablement quand il ny eut remède de plus tarder, il luy dit bassettement vn piteux adieu, qui & peines luy peult sortir de la bouche, pour les souspirs qui laggressoient : et elle pareillement, comme si ce fust vn présage et signifiance de perpétuel diuorse et séparation, dune voix simple et casse, interrompue de sangloux en grand fréquence et mul- titude, ne luy peult dire autre chose sinon : « Mon cher seigneur et mon amy, les Dieux soient auecques toy : et te Yueillent bien conduire. » Lors se partirent Paris, Deïpho- bus, Eneas, Glaucus, et Polydamas, de la cité de Troye. Et furent conuoyez par le Prince Hector et ses autres frè- res. Si sadresserent vers le port de Sigee à grand triomphe et pompe. Quand ilz furent près des nauires pour sembar- quer auec leurs patrons et capitaines, trompettes, clairons, busines, tabours et bedons sonnèrent mélodieusement. Si entrèrent en leurs galees : et commandèrent aux Dieux ceux qui demouroient. Alors les mariniers tous dun vouloir leuerent leurs ancres, et tirèrent les vaisseaux hors du port à force de barquettes et rames : guinderent leurs trefz et voiles à grans criz et exclamations coustumieres. Single- rent de vent propice, qui leur donna en pouppe : et dres- sèrent la prore de leurs nauires, pour tirer de la mer Hel-

90 OLTSTIÂTIOIIS M 6AfLE, IT

ïmfùùt» en la met Egée, quon dit maintenant Larchipel. Ainsi 86n vont les sooldars de Venus auecques leurs com- plicet : Cestasauoir lun son vassal, et lautre son filz : pour fidre leur emplaite yenerienne, sou2 la conduite de ladite Déesse. Et os pendant la tresamoureuse Nymphe Pegasis Oenone monte sur le plus haut dongeon du palais d*Ilion, auee plusieurs dames, conuoyoit les voiles de son seigneur et mary, tant et si longuement que ses clers yeux mouilles de larmes, les peurent choisir de veue. Faisant tcbuz et prières aux Nymphes de mer, quon dit Néréides, quelles eussent son amy en garde : et aux Dieux de la marine, quik le luy ramenassent en brief à sauueté. Mais ses prières ne luy tournèrent sinon à dommage et à perpétuel desoonfort. Car le retour de Paris, ne luy apportera nulle ioye. Or laisserons nous vn peu le conte délie et de Paris Alexandre : et dresserons nostre narration à expliquer la généalogie de la bdle Heleine, Royne de Lacedemona*

8IMTLARITIZ M TEOTB. Util U. SI

CHAPITRE IL

Bz|»lication elere et ample de la généalogie de la belle Heleine : et de son premier raniuement fait en ieunetae par Thetens Roy d'A- thenei : et comment elle fut recoauree par |iet frerea Caitor et PoUoz, sa Tirginitë saane : selon la commune opinion.

Selon ce que mect (1) messire lean Bocace de Certal, Flo- rentin, au cinquième liure de la généalogie des Dieux, Tynda- rus Roy de Laconique ou Oebalie, qui est en Achaie, quon dit maintenant la Moree, comme plus à plein sera touché au dernier liure, fut filz de Oebalus, qui fut d*Argulus (2) : qui fut d'Amyclas : qui fut de Lacedemon, lequel fonda Lace* demone : qui fut de lupiter deuxième de ce nom, Roy d*Arcadie, et de Taygeta fille d*Agenor, Roy des Phenices. Et fut ledit Roy Tyndarus assez noble et puissant entre les Princes de Grèce : comme met Euripides en la tragédie dlphigenia. Or eut à femme ledit Tyndarus la belle Leda, dame de Therapne, fille de Thespius Roy de Tholie : comme met lean Baptiste Plus sur lexposition de Fulgentius Pla- ciades. Et eut nom la mère de Leda Androdice, fille de Olaucus filz de Sisyphus Roy de Corinthe. Dicelle Leda lupiter troisième de ce nom, Roy de Crète fut amoureux. Et selon les fables antiques, se transforma en vn cygne, cest-

(1) Ces quatre premiers ont éiè omis dans le mscr. de QenèYe.

(2) Argaliu (micr. de OenéYe).

i

22 ILLTSTRAT101I8 DJS GATLE, ET

adiré il se feit beau et plaisant comme vn cygne, et chanta si doux par ses belles paroles, quelle le coucha en son giron, par tel moyen qail lengrossa : et luy feit pondre deux en- fans (1) à diuerses fois : Cestadire luy feit faire quatre enfans à deux portées : dont de lune nasquirent Castor et PoUux frères iumeaux : et de lautre Heleine et Clytemnestre sœurs iumelles selon lopinion de Bocace : mais Fulgentius Placiades dit, que dun seul enfantement nasquirent Castor, PoUux et Heleine, enfans de lupiter : mais Clytemnestre fut fille du bon Roy Tyndarus. Euripides poëte Grec en vne tragédie nommée Iphigenia, translatée en Latin par Erasme de Roterodam, (2) met que Leda eut trois filles, dont oultre les deux dessusdites, la tierce fut nommée Phebë. Et voicy les propres mots dudit Euripides :

L»d8B obtigerunt Thestiadi trei flUaB :

Phœbe, Clytemneatraque qoam mihi duxi ego, Heleneqae.

Comment quil en soit, Tyndarus en fut le père putatif au vray : et les nourrit bien et doucement en son hostel : cuidant quilz fussent tous siens. Et aussi aucuns tiennent que Clytemnestre fut. sa fille légitime, et les trois autres de lupiter.

Icelle Clytemnestre fut premièrement mariée à vn Prince nommé Tantalus. Et eut de luy vn enfant. Mais depuis, Agamemnon Roy de Mycenes en fut enuieux. Si occit le père et lenfant : et rauit la dame par force. A cause de quoy Castor et Pollux luy menèrent la guerre, et leussent destruit, se neust esté le bon Roy Tyndarus qui les meit

(1) eiif% (mBor. de Qenè?e). Clitemnestre ou Clyhenneêire (pas- sim^ ibid,).

(2) merdan (éd. 151^).

SOfGTLAEinZ DB trotk. uyrb n. 9S

Raccord : en conformant le mariage : comme ces chofles xiet Earipides, en la tragédie d'Iphigenia, disant en la ])er8onne de Cljtemnestre à Agamemnon :

Me non Tolentom, Tique raptam coningem Daxti : necato Tantalo cai napaeram Prias, ac pnello sortis ex tsu tu» Itidem perempte.

Or eut ladite Clytemnestre dadit Agamemnon plusieurs enfans. Gestasanoir Orestes et ses sœurs, Iphigenie, Elec- tra, Chrysotemj, (1) Laodice, et autres. Mais en la fin elle traita mal son mary au retour de Troje, comme sera dit en son lieu. Touchant Phebé sa sœur, ie nen treuue rien (2). Si &nt venir à Heleine.

Heleine sœur germaine, ou a tout lemoins vterine dicelle Gljtemnestre, des sa naissance creut en beauté supema- turelle : tellement, que quand elle deuint grandette, fut renommée pour la plus belle créature que iamais on eust veûe sur terre. Et cest la principale raison, pourquoj elle fut dite et estimée fille du Dieu lupiter. Si fut instruite en tout artifice de lesguille, de tistre, et de broder, ainsi que filles de Princes sont communément. Et oultre ce, fut introduite au ieu de la palestre : Cestadire, de la luitte. Car par les loix de Ljcurgus Roy des Lacedemoniens, les nobles puoelles du païs de Lacedemone, estoient subiettes à aprendre toutes choses viriles : Si comme à chasser les bestes saunages, à tirer de lare, à ietter le dard, et prin- cipalement à luitter. Et ce tesmoigne Christofle Landin au comment du premier liure des Eneïdes : et sur ce passage :

(1) Crisotomi (mser. de OenèTe).

(2) trouve rient (mscr. de Genève).

94 fUtSTRÀTHIIIB M OlTtt, tf

Unginii os habUumçuê gerens, et pirginis arma Sp^^ tans, $te. Et aussi aaouns acteurs tiennent, que le ieu de la palestre fut premièrement trouié par ioeux Laoedemo- niens, pourquoy il leur estoit plus familier. Et à ce propos dit Thucydides au commencement de son liure : Zaceda- monii primi corpora certaturi nudauerunt^ oleogue vnM- runt.

En ce temps là, selon les historiens, estoient en bruit et en vigueur deux ieunes Princes de grand vertu : oestasa- uoir Theseus Roy d* Athènes, et Pirithous, fllz d'Ixion Roy des Lapithes. Lesquelz durant leurs vies furent tous- iours vrays amis , frères et compaignons darmes. Et auoient donné la foy lun à lautre : par tel si, que iamais ne feroient aucune emprinse lun sans lautre : ainçois. sen- tredonroient secours mutuel iusques à la mort : comme il apparut aux noces dudit Pirithous et de la belle Hippoda- mie : esquelles les Centaures moitié chenaux et moitié hommes tous yures vouloient faire force à lespousee, si Theseus ne leust secourue, comme descrit bien amplement le poëte Ouide, au xii. liure de sa Métamorphose. Âpres donques que iceux deux Princes furent vefiies, et que The- seus eut perdu sa femme Phedra, flUe de Minos Roy de Crète : et Pirithous ladite Hippodamie, comme raconte Diodorus Siculus au cinquième liure des Gestes antiques : et Bocace, au xxxiii. chapitre du ix. liure de la Généalo- gie des Dieux, Pirithous vint à Athènes voir son amy The- seus : et feit tant par son exhortation, quilz conuindrent ensemble, et promeirent lun à lautre, par serment (attendu quilz estoient tous deux de grand noblesse, et descendu! de la lignée des Dieux : et aussi quilz cherchoient voulentiers hautes et difficiles auentures, ensemble, comme preux che- ualiers errans) quilz nauroient iamais femme espousee, si

elle nettoit «ztraite sans aacon moyen (l) du grand Diea Inpitsr, et aik ne lauoient conquise par force et par ¥ail* lance : promettans de ayder lun à lautre en ceste querelle iniques à la mort. Si en feirent ilz tous deux lun à lautre vœu solennel et serment irreuocable. Or ne sauoit on plus en ce tempe lA des filles de lupiter viuans sur terre, fors Yue : Cestasauoir la belle pncelle Heleine, laquelle estoit au Royaume de Oebalie ou Laconique. Si se meirent à chemin anec certain nombre de gens pour la conquester. La pucelle Haleine pouuoit auoir enuiron dix ans, comme met Diodo- ras Siculus au cinquième liure des Oestes antiques. Mais de son aage elle estoit desia formée en beauté céleste, et BMrueillettse. Son père putatif, le bon Roy Tyndarus, danen- ture quelque iour (2) tenoit vue grand feste solennelle : et par manière de passetemps faisoit esbatre et exerciter sas en&ns masles et femelles ensemble, suslherbe yer- doyant, auec les autres nobles en&ns de ses Barons, au ieu dessusdit de la palestre, hors de la cité principale de la seigneurie dudit Roy Tyndarus, appellee Âmycla, et assez près dun temple de Diane, comme met Antoine Volsc sur lepistre de Oenone i Paris. Ainsi sesbastoit à la palestre ou luitte la pucelle Heleine toute nue, oincte sans plus dhoile doline« auecques les autres de son aage, à la manière dadonques. Et ce tesmoigne Ouide en lepistre de Paris à Heleine, disant :

More to8B gsniit nitida dom Buda palmtra Lndia, et es nadia fœmina mixta Tiria.

Aussi tesmoigne Hérodote père des historiens, en son

(1) e.-i-d. ea droits ligne.

(2) oàf^ otttaia Jow.

96 ILLV8TRÀTIOII8 »B CknXj Wt

flixieme linre, que ledit ieu de la palestre se faisoit par enfans nuds, disant ainsi : Oûm Demarathus Aristanis HKus, eieetus regno Lacedamaniomm gereret magisira- t%m : adessetqne spectaculo gymnopméHamm^ iiest, n%io* rum puerarum palmstra.

Le Roy Theseas donqnes, et le Prince Pirithous, les- quelz par espies secrètes aaoient couaertement pouriettë tout leur cas, se trouuerent à ladite feste en habit dissi- mulé 2 Theseus nota le grand et merueilleuz com- mencement de beauté qui estoit en la pucelle Heleine. Si en fut esprins damour extrême, plus que deuant. Parquoy eux deux sen retournèrent promptement à leur embûche, qui estoit mussee en aucuns bois et taillis prochains : con- tèrent à leurs gens lopportunité de leur affaire. Si montè- rent sur leurs chenaux légers tous bien armez, et yindrent soudainement donner sur le Roy Tyndarus, et sur lassem- blee, en grand bruit et tumulte. Ledit Roy Tyndarus et ses gens prins en desarroy, sans armures ne deffense, comme ceux qui de nulz ennemis ne se doutoient, ne tascherent fors de sauner eux et leurs enfans dedens ledit temple de Diane, qui estoit près. Mais ce nonobstant, Theseus et Pirithous obstinez en leurs affection, rompirent les portes du temple, en commettant sacrilège, et entrèrent dedens par force : et sans toutesuoyes faire mal À personne, prin- drent et esleuerent seulement la pucelle Heleine : laquelle en pleurant et criant, se deffendoit au mieux quelle poo^ uoit. Et quand le Roy Theseus lent assise sur le col de son chenal, et leust enueloppee de son manteau, pource quelle estoit toute nue, il donna de lesperon luy et ses gens, qui tous estoient bien montez À lauantage, tellement que à force des grandes traites quilz feirent, en peu de temps ilz furent en son Royaume et cité d'Athènes. Et incontinent

SniQTLARmZ DE TROTS. L1VRB II. 17

qailz y furent, laj et son compaignon Pirithous, ietterent sort aaquel d^enx deux Heleine seroit espousee. Si escheut le sort au Roy Theseus, et luy demoura la pucelle, par telle condition quil promist et iura daller ayder à Pirithous en conquérir une autre.

Le Roy Tyndarus, et sa femme la Royne Leda, furent bien désolez et bien marris de liniure que faite leur auoit esté. Et seurent tantost que Theseus Roy d'Athènes leur auoit fait cest oultrage. Mais pource que iceluy Tyndaros ne se sentoit pas si puissant pour lors, quil peust recou- urer sa fille par moyen de guerre hors des mains de The- seus, il ne sceut que faire, sinon quil enuoya ambassadeurs exprès aux seigneurs et citoyens d* Athènes, leur requérir, que ayans regard à Ihonneur et dignité de Royale noblesse, et au droit de gens et de voisinage, ilz ne souffrissent point que leur Roy detinst sa fille par violence, aingois feissent tani quelle luy fust rendue, autrement il en demanderoit vengeance aux Dieux et aux hommes. Les Athéniens sages et prudens, et ausquelz la chose ne plaisoit point, comme met Antoine Volsc, sur le comment de lepistre de Oenone à Paris, remonstrerent à leur Roy Theseus laggrauation de liniure faite aux voisins : à fin que de luy mesmes il la reparast. Mais voyant quil estoit obstiné à retenir la pucelle Heleine par force voluntaire, ilz se déclarèrent pleinement, que point ne soustiendroient ladite Heleine en leur cité : prians à leurdit Roy, quil la transportast ail- leurs, la seroit son plaisir. Adonc Theseus congnoissant leur délibération arrestee, fut content denuoyer Heleine autre part : ce quil feit secrètement, et la bailla à sa mère nommée Ethra, treshonnorablement accompaignee, pour la mener en la v ille d*Aphidue, ( 1 ) non pas loingtaine d* Athènes ,

(1) pour Aphidna. De même dans le mecr. et en 1528.

W lUTinUTIOllS DB GànJI, If

et illee la nourrir et garder. En escriuant à son amy Aphi* dans seigneur dicelle ville, quil en feiat bonne garde, ius- quee à son retour. Lequel Aphiduus receut magniâquement la pucelle Heleine et la mère de Theseus, et les traita le plus humainement quil peut. Et pource quil restoit à Piri- thous filz d*Ixion, Roy des Lapithes, aussi vne femme des filles de lupiter, selon leurs sermons et conuenances, et que nulles nen auoit plus en terre, si ne pouuoient monter au ciel, ilz ouyrent dire que Pluton Roy des basses r^ons, cestasauoir de Molosse, qui est en Epyre, maintenant nommée Albanie, comme sera dit au dernier liure, dont la princi- pale cité sappelloit Dis, auoit puis nagueres rauy en Sicile, la belle Proserpine fille de lupiter, et de Gères. Si se mei- rent prestement à chemin, pour laller conquester et toUir à Pirithous. Combien que ce ne fust point du bon gré de Theseus, sil ny eust esté astraint par promesse. Et aussi ce fut i leur maie santé, comme raconte à plein Seneque, en sa première tragédie : Car Pirithous y fut estranglé par le grand chien Cerberus à trois testes, portier denfer : et Theseus y fut détenu prisonnier, iusques à ce que Hercules reuenant d*EspaigQe le deliura. Tyndarus ce sachant, i^res aucuns temps que Castor et Pollux ses en&ns furent assez puissans, pour porter armes, il leur bailla vne assez bonne armée, équipée au mieux quil peut, à layde de ses amis : et les enuoya recouurer leur sœur Heleine, laquelle estoit en ladite Tille d'Aphidue. Et iceux deux ieunes frères, courageux et de grand vertu, exploitèrent tant par mer et par terre, quilz vindrent au Royaume d'Athènes : et commencèrent denuahir le plat pais, par tous exploits de guerre : chassoient les habitaus hors de leurs maisons, et pilloient leurs biens, combien que du tout ilz nen pous- sent mais : car ilz ne sauoient aucunement en quel lieu le

vmfhàMsrm m nom. utib n. tt

Roy Thesdns auoit retiré la pucelle Heleine : iusqnes à oe que finablement vn nommé Deceleus seigneur de la ville de Decelee, comme met Hérodote en son ix. Uure, voyant fouler le pais et Royaume d* Athènes, et craingnant que la puissance de Castor et PoUuz ne meist tout le demeurant à néant, print hardiesse dexposer aasdits deux fireres toute la chose ainsi quelle estoit allée, et les mena douant ladite ville d'Âphidue. ou après, le siège planté douant icelle, combien quelle fîist defiensable et bien murée, neantmoins ilz la prindrent par force : comme met Nicolas Perot au VI. liure de sa Comucopie. Et selon Diodorus Siculus, la desmolirent du tout : combien que Herodode audit ix. liure, dit quelle leur fut liuree par vn de ceux de la ville, nommé Pittacus : au moyen dudit Deceleus qui le procura. Et pour ceste raison, dit il que ceux de Lacedemone et de Decelee, furent depuis tousiours amis ensemble.

Ainsi recouurerent lesdits frères Castor et Pollux leur sœur Heleine, sans ce que Theseus leust iamais touchée, autrement que pour la baiser. Car elle estoit trop ieunette : si comme de laage de dix ans, quand elle fut prinse, comme dessus est dit. Et Bocace en lonzieme liure de la Généa- logie des Dieux sy concorde. Aussi Ouide en lepistre d'Heleine à Paris, tesmoigne quelle fut recouuree pucelle : en tant quil touchoit Theseus, disant ainsi :

Oieola Incttndo tantommodo pauca protarans Abitalit, ▼Ueriiia nil habet ilia mai.

Et ainsi le tesmoignent Diodore et Plutarque. Toutes- noyés Oenone en son epistre, quelle escrit à Paris, ne croit point que le rauissement d*Heleine eust peu estre fidt, sa virginité sauue : mesmement que le Prince qui la rauit estoit ieune et luxurieux, disant ainsi :

90 ILLTSTRATIORS DE GATLB, BT

A iaaene et cupido credatar reddita Tirgo ?

le men rapporte à ce qui en fut. Toutesuoyes lesdits deux frères emmenèrent aussi auecques leurdite sœur Heleine, la mère de Theseus pour prisonnière : car son filz qui estoit détenu en région loingtaine, nauoit garde de la secourir.

SINGTLAEITBI DB TROTB. UTU U. SI

CHAPITRE III.

Da grand nombre des Princes qui demandèrent en mariage la pncelle Heleine, après son recoaarement, pour la singaliere beanU délie. Bt qni fat celay qui ent la première desponille de son puoel- lage anant la marier. Anec narration du chois, que son père le Roj Tjndams, loj bailla de plusieurs Princes. Et comme elle eslut !• Roj Menelaus de Lacedemone, à seigneur et mary.

Qvand donques la pacelle Heleine lut retournée en la maison paternelle au moyen du secours et vaillance de ses deux frères Castor et PoIIux, tous les Princes de Grèce, d'Achaie, et des isles circonuoisines, vindrent voir le Roy Tyndarus, père putatif d'Heleine par manière de coniouys- sèment. Et célébrèrent grosses festes, pour la victoire et bienuenue desdits Castor, PoUux, et Heleine. Or estoit elle parcrue en beauté, surpassant toute chose humaine. Si fut tantost conuoitee et requise en mariage, par vn grand nombre diceux hauts Princes, qui tous desiroient de lauoir, et importunoient le Roy Tyndarus par toutes manières : voire iusques aux menasses, comme met Ouide en lepistre d*Heleine à Paris, disant :

Càm mea virçinitat^ miUepetita procis.

Et Enripides en la Tragédie d'Iphigenia :

Haleneque at huius uuptias multi proci Petiere» iunenes Orrmcm opulentissimi. Uaram hnie miius tmoea ooort», ato.

JM HXTiTRAtKMIS M «ATLB, n

Or la demandoient ilz non pas tant pour espérance du grand douaire , comme pour sa tressinguliere beauté. Laquelle estoit si esmerueillable, que le prince des poètes Homère, eut assez de peine de la bien exprimer. Et Dona- tns expositeur de Virgile, met quelle fut de si extrême formosité, que plusieurs peintres tresexpers labourans ensemble à la peindre au vif, et ayans plusieurs belles femmes nues douant eux, ny sceurent onques parataindre. Tontesuoyes le noble ouurier Zeuxis Heracleotes, la tira en perfection après le patron de cinq pucellee eslues par toute Grèce. Le Roy Tyndarus et sa femme la Royne Leda, différèrent long temps daccorder leur fille à nul des Princes dessusdits : pource quilz craingnoient quen lottroyant à lun, les autres nen fussent malcontens, et leur feissent guerre par despit de leur reboutement. Et & ceste occasion, ne cessassent iusques à ce quilz les eussent déshéritez. Bt ce fîit la cause qui leur feit tenir Heleine assez plus que trop longuement sans marier. Tellement que la belle ne pouuoit plus tolérer le grand désir damours, qui solicitoit sa fleurissante ieunesse. Dont vn acteur nommé Antoine Volsc au comment de lepistre Oenone à Paris : dit quelle senamoura secrètement, dun des ieunes gentilzhommes de la maison de son père : lequel auoit nom Enopborus filz de Hicophon, tant que ledit Enopborus obtint la première despouille de sa virginité. Tontesuoyes ie ne lay trouué ailleurs : et ne scay ou il Iha prins. Et sil fut vray, si nen fut il pas grand bruit.

Finablement le père et la mère de la belle Heleine, Yoyans que ce nestoit pas chose seure de la tenir si Ion* guement sans nuury : et que de tous costez elle estoit requise : et ny andt plus recède de différer, ne lieu dex* cuses enuers les Princes qui fat demandoient : craingnans

SOMITLAimZ DB TROTB. LITSB U. 35

.aussi quon ne la leur ostast par force, oomme on auoit fait Cljtemnestre, ilz saduiserent dun bon expédient, pour la loger hautement et sans danger. Car oomme met ledit Antoine Volse sur le comment de lepistre d'Heleine à Paris, en all^^ant Thucydides Grec son autheur, ledit Roy Tjndams et sa fiamme, assignèrent à tous ceux qui lauoient requise en mariage certaine ioumee de se trouuer en leur eité d'ÂmycU, pour mettre fin à leurs requestes : lesquriz ny faillirent point. Et à ce se concorde Dion, duquel noue muons parlé au prologue de ce second liure. (1) Entre les antres Princes y furent Âgamemnon Roy de Mycenes, desia gendre dadit Tyndarus, comme dessus est dit, frère de Mene- laos Roy de Lacedemone. Apres donques les auoir festoyé m Tn grand et somptueux conuiue, le Roy Tyndarus leur dist en ceste manière : t Treshauts et tresexcellens Princes, il ha plen despieca & chacun de tous me faire cest honneur que de me demander par loy de mariage ma tresehere fillé Heleine. Si ay tousiours différé iusques À présent, den faire promesse à nul dentre tous mes frères et seigneurs, craingnant que dauenture en complaisant à lun ie noffen- sasse lautre, et encourusse voz indignations particulières : qni estes tous Princes et Roys de haut affaire, contre les- quels ma seigneurie auroit bien petite durée. Or voyant qne plus ne puis reculer, ie vous fais icy libéralement vne onuerture : Cestasauoir si vous serez contons par commun coneentemmit, de bailler loption et le choix de voz tresno- Vles personnes à elle seule : Gestadire que celuy quelle nommera de son plein gré, pour son seigneur et mary, ce mit, sans contradiction quelconque. Protestant toutesuoyes sur la foy que ie dois aux Dieux immortelz, que de lun ne

(l) parlerons enUJlndeee aeond litre (mtcr. de OeDéve). 11. 3

54 ILLUSTRATIONS DE 6AVLB, ET

de lautre ie ne lay embouchée» ains luy en laisse et per- mets totalement son franc arbitre. »

A loffre et aux paroles du Roy Tyndarus trestous les- dits ieunes Princes dune voix unanime respondirent, qoilz en estoient contons. Se confians chacun en sa beauté, ou en sa richesse, et grand parentage : et cuidant Tnchacnn estre le mieux aymé : car elle les auoit entretenus égale- ment, i Or ca, messieurs donc, dit le Roy Tyndarus. puis que Tostre bon plaisir se condescent à ce, tous ferez içy, ail vous plaist, serment solennel sur les images de nos Dieux, lesquels ie feray apporter en présence, que tous et Ynschacuns, ratifierez par commun accord le mariage den- tre celuy qui sera eslu par le chois libéral de ma fille Heleine seule. Et luy porterez et ferez porter par vous et par les vostres parons, amis, et alliez quelz quilz soient, ayde, faneur, confort et garand enuers tous et contre tous, sans iamais venir au contraire. » Et ilz respondirent tous en commun, quilz le vouloient ainsi. Adonques les statues et simulacres des Dieux et Déesses anciennes furent appor- tées : et entre les autres Hymeneus, luno, et Venus, qui presidoient aux mariages. Si feirent tous lesdits Princes le serment en la forme dessus escrite, en mettant la main sur les idoles : et auec ce, burent solennellement les vns auec les autres : et selon les cerimonies ou plustost superstition de ce temps là, feirent priué sacrifice aux Dieux dessus- dits : par effusion de vin pur en terre pour plus grand approbation desdites conuenances. Laquelle chose fut la cause motiue et principale pourquoy ilz se benderent depuis tous dun vouloir contre les Troyens : comme ces choses met Thuçydides Grec au commencement de son histoire, disant ces mots : Hélène procos iureiurando Tyndari adactos. atque iterum illud tenit in mentem, viro vt

timnjjtrru m trots, uni n. 35

ettiretU iur&iuranio prœi^ atque inter ipsos iungereiU dewtroi rei. (1)

Quand le Roy Tyndanis tresioyeux eut mené tous les- dits Princes iosques 1& pour sa seureté, il adressa sa parole à la belle Heleine, et Iny dit en ceste manière : t 0 ma fllle, tu dois bien regrader les Dieux qui te donnent le chois de nobles Princes, riches, puissans et beaux , qui sont icy, comme la fleur et leslitte de tout le monde : laquelle chose naduint iamais à autre flUe de Roy. Or puis que leur triomphale bénignité sest daigné humilier iusques 1&, choi- sis en lun à ton plaisir. Et yeullent les Dieux souuerains que ce puist estre en bonne heure et prospère. » Â ces mots la tresgradeuse damoiselle rougit doucement, par honneste Tergongne. Et sespandit (2) parmy sa dere face, vne sembla- ble couleur que noble pourpre, sur yuoire blanc. Dont elle se monstra plus belle aux assistans : si sexcusa de ce faire par plusieurs moyens. Neantmoins après ce quelle eut esté beaucoup oppressée de tous communément, et mesmement de sa mère la Royne Leda, et de Castor et PoUux ses fireres, declairer sans aucune crainte ou timidité, celuy quelle eslisoit diceux Princes pour son seigneur et mary : Elle songea tu petit, et ce pendant les ieunes Princes qui branloîent en espoir meslé de crainte estoient attendans par grande cupidité, la détermination de son courage : ainsi comme les litigans en court souueraine, après longues procédures, escoutent larrest et la sentence di£9nitiue de leur iuge.

Apres ce que la Déesse des femmes, la fleur fleurissante en beauté féminine, eut assez pensé, iettant son plaisant

(1) IM (M. 1516). Thacyd. I. 9.

(2) mpardii (msor. de Q«iièYe). Cf. €$parHr^ rëiMuidr*.

36 ILLYSTRATI0N8 DB GAVLB» BT

regard en terre, elle ouurit sa bouche petite et yermeil- lette semblable aux nues rubicundes, quand le Soleil ses- conse : et dune voix doucette, mieux organisée que la lyre d'Amphion, prononça les mots qui sensuiuent : « Il ne se Êiut esbahir si ie redoute et diffère le trescremu comman- dement, duquel tu mon trescher seigneur et père, et toj madame ma mère, me imposez nécessite présente. Cest en nommer lun de ces treshauts Princes qui icy sont, pour mon seigneur et mary futur : car maintes nobles Prinr cesses plus accomplies en beauté corporelle, sans compa* raison que ie ne suis, desireroient bien tel aduenir pour elles sans y estre contraintes, attendu quun chacun d*eux est suffisant assez pour obtenir en mariage, mesmes yne haute Déesse. Et dautre part, ceste inionction passe les limites de virginale simplesse, et excède toute féminine audace. Toutesuoyes, congnoissant que le contrester ne my seruiroit de rien, et que ie ne me puis excuser de filiale obédience, et aussi que le bon plaisir de tous messeigneara presens est tel, sans ce toutesuoyes que ie choisisse (car en choses égales ne gist point de chois), attendu mesmement quilz sont indifférons en beauté, bonté, noblesse, honneur, richesse, valeur, et prouesse, quant à moy : et souz vostre bénigne correction et supportation, ayez aduis si à vous et à monseigneur Menelaus Roy de Lacedemone, il plaira que ie soye son humble espouse, et compaigne. » Ceste élection faite ainsi par Heleine de son mary Menelaus tesmiCHgne Euripides» disant ainsi :

Qnêtm fadt ius, tU procis ex omnibiui Deligeret Tnam qaemlibet ûbi yirum, Qoocanqae grata ferret aura Cypridii, Menelaon illa deligit, etc.

SnaVLAAlTBZ DB TROTB, UtEB D. 37

À ceste response, tant courtoise et tant gracieuse, tous l6s Princes dune voix se consentirent : car le Roy Mene- laus estoit bien voulu de tous, et estoit beau Prince, ayant la perruque blonde, tesmoing Euripides en sa Tragédie dlphigenia, qui dit :

Claram Agamemnonem et flaoicomnm Menelaon.

Pralt astre aussi, quelle le choisit plus voulentiers pour lamour que sa sœur Clytemnestre estoit desia mariée au Roy Âgamemnon son frère. Et dautre part, ilz estoient pres- que tous ensemble, parens, voisins, et alliez. Dont si au- cons en furent marris pour leur interest particulier, si dis- simulèrent ilz, et postposerent (1) leur dueil pour leur hon- neur. Adonc Âgamenmon Roy de Mycenes, frère aisné de Henelaus, les en mercia debonnairement, et fut bien ioyeux de 08 que son alliance estoit renforcée. Si furent faites les noces de madame Heleine et de Menelaus : presens iceux Princes en grand liesse et somptuosité. La feste acheuee, chacun se retira en sa chacune. Et fut conuoyee la nouuelle mariée par 4ses deux tresnobles frères Castor et Pollux, iusques en la cité de Sparte autrement dite Lacedemone. Si luy bailla Menelaus nouuel estât, et principalement pour ses compaignes et damoiselles dhonneur, deux de ses paren- tes : dont lune estoit nommée Clymena, et la seconde Ethra, auecques vue femme de chambre assez aagee appellee Gréa et autres dont le ne scay les noms. Mais pour plus ample congnoissance de Ihistoire, ie vueil icy descrire en brief, la généalogie desdits frères Âgamemnon et Menelaus.

(1) c.-à-d. préférèrent Thoimear. praposinni (éd. 1516).

38 ILLTBTBATKNIS M GiniB, R

CHAPITRE nn.

Demonf tration de k généalogie du Roy Menelaoa. Et comment il ont de fa femme Heleine Tne fille nommée Hermione. Et dei anentn- rei de ladite Hermione. Et anad de cellee de Caator et PoUoz, frè- res germains de ladite Heleine.

Le soTYent alldgaé, messire lean Bocace de Certal, Flo- rentin, en son xn. liure de la Généalogie des [Dieux , demonstre que Tantalus Roy de la haute Phrygie, et selon Diodorus Siculus en son cinquième liure, aussi de Paphla- gonie, fut filz de lupiter troisième de ce nom, Roy de Crète quon dit maintenant Candie, et dune Nymphe appellee Plote. Et eut de Taygeta sa femme, ou selon Lactance, de Pénélope, vn filz nommé Pelops, qui eut vne espaule dyuoire, selon les poètes : et si en eut aussi vne fille appel- lee Niobé, qui fut femme à Âmpbion Roy de Thebes en Beotie. Iceluy Tantalus fut homme riche et puissant, mais trescruel, iniuste et auaricieux. Et fut celuy qui rauit le beau Oanymedes filz du Roy Tros, qui premier fonda Troye, pour le donner à lupiter Roy de Crète, dont iLeut grand somme dor. Et pour sa peruersité détestable les Dieux le condamnèrent aux enfers, il est perpétuellement tourmenté de faim et de soif : mais de son yiuant mesmes il deuint poure, et fut 'chassé de son royaume par Ilus Roy de Troye, comme met Diodorus. Ledit Pelops son filz, vaillant homme et bon guerroyeur, parauenture pour la

SOIGTLAUTBZ DB TEOTB. UVEB II. 30

honte de son père laissa le païs d'Asie la mineur, quon dit maintenant Natolie on Turquie, pour venir habiter en Europe, enuiron lan douant lincarnation nostre Seigneur, mille trois cens quatre vingts et six, selon laques de Ber- gome, en son Supplément des chroniques, et apporta grand trésor. Si se vint marier à la belle Hippodamie, fille de Pritus Roy d'Arges, qui est en Grèce et en la région d*Âchaie. Et nomma icelle contrée Peloponnesus, de son nom, au temps présent on lappelle la Moree, et la possè- dent auiourdhuy les Turcz, comme nous auons dedairé amplement en nostre œuure intitulée de Grèce et de Tur- quie. Si eut iceluy Pelops, de sa femme Hippodamie, trois enfans masles, cestasauoir Âtreus, Thyestes et Plisthenes. Plisthenes engendra en Europasa femme, fille du Roy Âtreus de lisle de Crète descendu de la lignée de Minos, comme met Dictys de Crète au commencement de son premier liure, deux enfans masles, cestasauoir les dessusnommez Agamem- non et Menelaus, et vne fille nommée Anaxibea. Et pource que ledit Plisthenes mourut ieune homme, il laissa iceux trois enfans pupilles et moindres daage en la garde et tutele de son firere Atreus, Roy de Lacedemone, lesquelles nourrit et esleua royalement, comme sil eust esté leur propre père, et maria ladite Anaxibea leur sœur à Nestor Roy de Pylon. Puis par faute dautre hoir de son corps, adopta de son plein viuant en fllz et héritier légitime, sondit neueu Mene- laus fil2 de son firere. Et luy bailla le tiltre et la saisine dudit Royaume de Lacedemone. Et Agamemnon laisné, succéda à son oncle Thyestes du Royaume de Mycenes, qui estoit fort riche et plantureux. De ces deux fireres Atreus et Thyestes, enfans de Pelops, les poètes et historiens racon- tent des choses merueilleuses, inhumaines et presques incre- dibles, desquelles ie me déporte, pource quelles ne font

40 ILLTSfEATlOIIS Dl GATLB, R

rien à la matière subiette. Si faat continuer nostre propos de Menelaus et d*HeIeine et ses frères.

Menelaus eut de sa femme Heleine, peu de temps après leur mariage, vne belle fille, qui fat nommée Hermione, laquelle creut en beauté presques semblable à sa mère. Et quand il fallut depuis que Menelaus partist de Lacedemone, pour aller en la guerre de Troye, il laissa icelle Hermione 6)rt ieunette, en garde au Roy Tyndarus son beau père. Lequel tantost après la fiança au Prince Orestes, (1) filz du Roy Agamemnon et cousin germain de ladite Hermione. Si lespousa depuis : mais elle luy fut rauie par Pyrrhus, filz d'Âchilles. Puis la recouura, comme sera dit cy après.

Castor et PoUux frères germains de la belle Heleine, comme tesmoigne toute lantiquité des escritures, furent deux tresnobles iouaenceaux, et tresuaillans : et quirent les hautes auentures, en leur temps auec les autres Princes de Grèce, mesmement en la compaignie de lason et Hercules, et les autres Argonautes, à la conqueste de la toison dor. Castor fut bon cheualier, etPolluz tresbon combatant,et tantayme- rent lun lautre, quon ne treuue nulle part par escrit, que deux frères se soient tant entreaymez» comme ceux qui neu- rent iamais ne noise ne dissension pour leurs seigneuries, et qui iamais ne feirent aucune chose, sans la communiquer lun à lautre. Toutesuoyes ilz moururent douant la guerre Troyenne. Aucuns disent, et mesmement Dares de Phrygie, quen allant à la poursuite de leur sœur Heleine, quand Paris leust rauie, ilz se perdirent en mer par force de tourmente, auprès de lisle de Lesbos, quon dit maintenant Methelin. Et sur ce feingnent les poètes, quilz furent trans- latez au ciel, et font lun des douze signes du Zodiaque

(\) HarreiUs {macr. deGenÀTe).

fDMnrLAaim m rumi. ufix u. 41

nommé Gtemini. Et du temps des Paye&s idolâtres, ils estoient reclamez en mer, comme est aoiourdhay saint Nico- las. Car les fiables disent, quilz auoient obtenu de Neptunus Diea de la mer, toute puissance pour garder les gens de péril et naufirage, comme met Higinius en son liure d*Astro« Ic^ie poétique. Mais Ouide en son liure des Fastes, dit autrement de la mort diceux frères : affermant, que Castor et PoUux, qui se youloient marier par force et vaillancOy comme cestoit la manière des cheualiers du temps dadon- ques, rauirent les deux filles dun Prince nomme Leucippus. Dont lune auoit nom Phebé, et lautre Elaira : lesquelles iceluy Leucippus auoit desia coUoquees par tiltre de ma- riage à deux nobles damoiseaux, lun nommé Lynceus, et lautre Ida, ou Hydas selon Diodorus Siculus, frères ger- mains, enfans d*Aphareus. Mais ce nonobstant, lesdits Castor et Pollux, prindrent et emmenèrent violentement lesdites deux pucelles Phebé et Elaira, contre leur gré, et au contredit de leurs parens. Toutesuoyes gueres ne ioui- rent délies, ne gueres ne demeurèrent impunis du cas. Car lesdits Lynceus et Hydas leurs espoux tresualereux adoles- cens secoururent vaillamment leurs amyes et espouses, et liurerent telle guerre ausdits Castor et Pollux, quilz les tuèrent finablement douant la cité de Sparte, et recouure- rentleurs femmes. Homère en son troisième liure de Tlliade, se concorde à ce, et met, que lesdits deux frères Castor et Pollux, furent ensepulturez en ladite cité de Sparte, autre- ment dite Lacedemone. Ainsi appert la différence des opi- nions de diuers acteurs.

Heleine donques yssue de telle génération ainsi subiette à tant de rauissemens, mesmement au temps auquel Dieu toutpuissant nestoit point craint entre les gens, ne la loy de iustice publiée, ne fut point exempte de semblables

SDIGVLABITIZ DE TEOTB. UTHB D. 45

CHAPITRE V.

Proflêqantion da nanigage de Paria , Delphobuf , et leon compai- gnona : et de la délibération par eux prinse lar le rauieaement d'Heleine. De leur premier aborder en liale de Cjtheree. Et corn» ment ilx furent reeetu en Lacedemone, par le Roy Menelani, loas tiltre dambaaaadeara. De la proposition fkite par Parie, et dee doaa. oiïén à Menelana. -

Pour revenir donques à parler du beau Paris Alexandre, dont nous auons fait assez grande disgression, pour mani- fester le lignage de la belle Heleine, et de son mary Mene- laus, et ses gestes et fortunes, auant son dernier rauisse- ment, laquelle chose estoit bien nécessaire à lelucidation de nostre œuure. Iceluy Paris chef de larmee Troyenne, après son partement de Sigee qui estoit le port de Troje, naui- gant par la mer Hellesponte print conseil auec son firere Mphobus, son beau frère et cousin Eneas, Olaucus, Poly- damas, et le principal de ses capitaines de lafiaire quilz aaoient à démener. Si trouua en conclusion, que la Royne Heleine, femme de Menelaus, Roy de Lacedemone, estoit renommée pour la plus belle dame de toute Orece : comme celle qui estoit âUe du haut Dieu lupiter. Et dabondant, estoit la mieux alliée de toutes, tant du costé de ses frères Castor et Pollux et de ses au^es parens, et mesmement de la part du parentage de son mary le Roy Menelaus. Par- qnoy il sensuiuoit que si on la pouuoit auoir en saisine, madame Hesionne leur tante seroit fSEtcilement restituée

46 nXTBTEATiOn BB GàTLB, BT

de Cytheree et Cranaé, veirent tant de voiles sur mer sadresser vers leurs ports, ilx tendirent leors chaines, et fermèrent lentree : et enaoyerent chacun vn brigantin, pour saaoir qaelz gens cestoient. Lesqaelz retoomerent en briefy et rapportèrent pour response, que cestoient amis et ambassadeurs de Pbrygie et da Royaume de Troye. Adonc ceux de Cytheree et de Cranaé, qui depuis fut appellee Helenium, ouurirent leurs ports : et laissèrent ancrer pai- siblement les Troyens à leur malesantë : car Hz en furent destruis depuis. Toutesuoyes Hz ne les laissèrent point encore descendre en terre, iusques à ce que leur Roy qui estoit à Laoedemone en fust aduerty : et quil leur en man- dast son bon plaisir. Et à ceste cause Paris enuoya promp- tement à Laoedemone, qui nestoit que à cinq ou six miliai- res de là, vn sien héraut, en vn botequin (1) : et ceux de Cytheree et de Cranaé, aussi chacun vn de leurs gens. Lesquelz feirent armer aussi chacun vn petit nanire : et sen allèrent en la cite de Sparte ou Laoedemone, signifier au Roy Menelaus la venue des ambassadeurs de Troye : laquelle, comme ilx disoient, nestoit sinon que pour bien de paix. Ces choses exposées au Roy Menelaus, il fut tres- ioyeux. Et combien quil y eust loy, statut, et ordonnance . ancienne en ladite cité de Sparte ou Laoedemone, de non y receuoir aucun estranger : comme dit Vbertin sur lepistre d'Heleine à Paris, et Philostratus le conforme en la vie d'Apollonius Thyaneus au vi. liure, disant ces mots : Père- grinos om%es ex wbe tua depMebant Lacedmwumii. (2) Neantmoins le Roy Menelaus délibéra de les receuoir pour

(1) hoçMêlm (éd. 1512). (En roachi. M, hoUqwim «. p«iit tMtMO.)

(2) G«tt6 ponotiiAtion bisarre aa retroQ?e dans toataa laa aneiennaa éditiona.

f

SniGYLABlTlZ DB TEOTB. UflX U. 47

ceste fois : dont il fiit fol et mal adaisë. Si enuoya vn bon nombre de gentilzhommes, au denant des Princes Paris et Deïphobus, et leurs compaignons pour les amener à Laoe- demone. Lesquelz venus , Paris et Deïphobus , Eneas, Glaucus, et Polydamas à tout deux galees seulement, et la fleur de leurs gens, cestadire les plus apparans et mieux en point, sen allèrent en la cite de Sparte, laissans les patrons, capitaines et gens asseurez, en leurs nauires.

Au port de Lacedemone les ambassadeurs dissimulez furent receuz en grand triomphe et mélodie : et logez magnifiquement par fourrier en vn quartier assez près du palais du Roy. Si ne bougèrent de leur logis pour ce iour : car il estoit assez tard quand ilz 7 arriuerent. Le lende* main audience leur fut assignée après disner. Si se meurent en point, pour aller au palais du Roy Menelaus. Chacun print en sa main vn rameau doliue en signe de paix. Car cestoit la manière des ambassadeurs du temps dadonques. Hais ceux ne portoient point paix : mais plustost guerre et trahison couuerte et malicieuse : laquelle leur retour- nera à perte et à confusion. Or ne sesmerueillent point les lisans, si ie narre toutes ces choses, mesmement le rauissement d*HeIeine dautre sorte quilz ne lont en leurs liures communs et vulgaires. Car ie ne vueil ensuiure sinon la pure vérité antique, et lordre historial de Dictys de Crète, et de plusieurs autres acteurs tressuffisans, les- quelz seront mes guides et mes garans en ceste œuure, sil plait à Dieu que ie la puisse mener à chef. (1)

Donques les cinq legatz et ambassadeurs feintifis, sou- uent nommez, en pompe merueilleuse, selon la mode Phry- gienne, tous reluisans dor, de pourpre et de riche pier-

(1) Critique naïve.

48 HXfSTRÀTIOllS DE GATLB, KT

rerie aa6c leur saite de mesme, iusques au nombre de cent gentilzhommes, après auoir esté faire sacrifloe et oblation aux Dieux en lun des temples de la cité : et auoir disné de bonne heure, partirent de leurs logis en bel or- dre, pour tirer vers le palais. Si furent par grand admi- ration regardez et honnorez du peuple de la cité. Et troa- uerent plusieurs barons et gentilzhommes, qui leur ve- noient au douant pour les accompaigner. sentrefeirent ils honneur et feste. Puis montèrent ensemble an palais. Bt trottuerent le Ro j en vue grand salle richement tapis- sée à merueilles, et dont les sommiers estoient enrichiz de fin or et dazur. Quand le Roy voit approcher les PriBoee Troyens, il se leua, et après les reuerences faites deâe- ment, et les saluts donnez et renduz dun costé et dautret le Roy feit asseoir les ieunes enfans Royaux Paris M Deïphobus à sa dextre : et le Prince Eneas, Glaucns» et Polydamas à la senestre. Les autres Princes de son sang et de son conseil, sassirent es autres sièges plus bas, pois le Roy Menelaus dit en ceste manière : « Or ca, seigneurs, puis quil ha pieu au Roy Priam nostre bon frère vous enuoyer vers nous, qui estes tous si hauts et si nobles per- sonnages de sa maison, nous espérons que ce nest pas pour chose de petite importance, vueillez la donques déclarer présentement. Et si nostre puissance y peult auoir lieu ne efficace, certes nous ne nous feindrons (1) point de ly em- ployer. » Lors Paris Alexandre chef de la légation, se toii- lut leuer pour parler : mais le Roy ne souffrit point quil se bougeast. Âdonc tout assis il proposa sa harengue en ceste manière :

« Treshaut et tresexcellent Prince Roy Menelaus , la

(l) *c.'à-d. n'hésiterons point.

siMTLABRn M non. uni ii. 40

nnosmêe de ta vertn et meraeilleuse pmdenoe, ha incité monse^Miir le Roy Priam nostre père à noas enuoyer Tera ta maiestë Royale, à fin de te remonstrer aucunes de ses doleanœs : pour par ta hautesse et sapienoe y estre pommeo, de remède conuenable, ainsi quil ha espoir que Um le sauras, pourras, et voudras faire. Or est il vray (Prince tresillustre) que feu de céleste mémoire, ton bel onde Hercules retournant du voyage de Colchos, auecques sea neuen lason, et tes beaux fireres Castor et Pollux, ie ne acay de quel (1) affection meu, fors pource quil luy pleut ainm le fiure, enuahist hostilement la terre de Phrygie, et la cité dllion, alors de petite deffense, et peu peuplée, et la desmolit et desempara. Le Roy nostre père pour lors iftaiit absent de Troye, et menant guerre en la haute Pkrygie : et qui plus nous touche au cœur, il occit nostre «yMd de bonne mémoire le Roy Laomedon, que les Dieux abaoullant : et non content de ce, emmena en seruage laadama Hesionne nostre tante (2) lors ieunette et pucelle : et la bailla par antre tiltre que honneste, à Telamon Roy àm iales d*Egine et de Salamis, lequel est ton parent et couin. Car nous nignorons pas que Tantalus Roy de la hante Phrygie, ton ayeul paternel, et Eacus père dadit Telamon furent frères germains, et enfans de lupiter troisième de ce nom, Roy de Crète. Or la détient iceluy Tdamon tousiours depuis, en vile seruitude, sans loy de fltiriaga : et délie ha en vn beau fllz, nommé Theucer» leqMl à peine veult aduouer pour son bastard. Et combien qia par nostre cousin le Prince Ântenor, lequel puis iiagiiares loy en ha porté paroles, au nom de monseigneur,

(I) tuéfhr (M. 1512).

^ 4mk (nssr. es Otnève).

n. 4

60 ILLV8TRAT10IW M GAfLB» IT

il ayt este requis de la rendre, neantmoins il en ha esté non seulement refusant, mais oultreplus menassant. Et non pas luy seul mais semblablement son frère Peleus Roy de Thessale, père d'Achilles, et ses oncles Castor et Pol- lux tes beaux frères, qui furent presens à icelu; raoisse- ment comme iay desia dit. Et aussi son cousin le R07 Nestor de Pylon, mary de ta sœur madame Anaxibea. Les* quelz Princes, tous dune yoix contre le droit coustumier de toutes gens, ont iniurié monseigneur, en la personne de son ambassadeur. Laquelle chose comme tu peux pen- ser, luy ha esté difficile à supporter. Et neantmoins anant quil 7 procède plus auant, il en ha bien voulu aduertir les autres Princes, parens, et alliez dudit Roy Telamon, et principalement ta maiesté tresresplendissante, et celle du treshaut Prince le Roy Âgamemnon de Mycenes ton fi'ere, et derechef messeigneurs Castor et Pollux tes beaux frères. Et à ce ha esté plus enclin, sachant que ton ayeol paternel le Roy Peleps, qui partit yne fois de nostre pro- uince Phrygienne et, dautre part, noz ancestres sont des* cenduz de Jupiter deuxième de ce nom, Roy d*Axcadie, qui est vostre héritage patrimonial. Ainsi par réciproque ori- gine, y pourroit encores entre les deux nations estre gar- dée quelque scintille de primitiue alliance. Toutesuoyes, ce ne luy ha point tant persuadé nostre enuoy, que les re- cords des hauts dons de Dieu et de Nature : lesquelz repo- sent et sont accumulez en ta personne, par grand prodiga- lité : et lespoir quil ha en ton noble courage, lequel labeure incessamment à œuures vertueuses et pacifiques. Lesquelles choses considérées, trescler Prince, et la conséquence dicelles bien pourpensee, Monseigneur le Roy Priam nostre tresredouté seigneur et père, te prie de par nous, que attendu son bon droit et sa iuste querele, pour abolir toute hayne

SIMTLAUTBZ DB TIOTI. LIfBB n. M

inueteree, et pour le grand désir quil ha deniretenir le bien de paix, mion, accord et bonne intelligence future, entre les Princes de Grèce, parmy lesquelz tu reluis conune le dyamant entre les perles : et les Princes d*Asie, dont il est le chef, il te plaise vouloir fSEtire remonstrance audit R07 Telamon ton beau cousin, de rendre et restituer en nos mains madame Hesionne nostre tante. Et combien que monseigneur ayt assez matière de quereler restitution dautres torsfaits, réparation de villes depopulees, et satis- fiustion de lininre qoi plus luy touche au cœur, cest de la mort de feu monseigneur nostre ayeul : neantmoins toutes ces choses postposees, car mercj aux Dieux, sa cité est cent fois plus florissante que iamais, et son règne plus riche et plus ample, et pour son père perdu, les Dieux immortelz luy ont redoublé génération denfans en grand nombre : parquoy il leur en laisse la vengeance, et per» sirte sans plus à demander sa treschere sœur germaine, madame Hesionne nostre tante. Laquelle ha esté long temps détenue serue en autruy territoire, contre Ihonneur de Royale noblesse, et dont il luy poise trop. Et au cas que ton cousin le Roy Telamon continue en son obstination coustumiere, en nous escondissant de nostre demande tant iuste, tant raisonnable, et tant humaine quil est impossible à gens, silz ne sont trop barbares, estranges ou inhumains, dy vser de refus ou tergiuersation, il tenhorte et te prie, le cas aduenant, que tu vueilles prendre la chose en main, comme ton affaire propre, et en aduertir les autres Prin- ces tes parens, amis, alliez, et confederez. Et faire en manière que ce à quoy ledit Roy Telamon ne pourra estre induit par remonstrance de raison, il y soit iustement con- tnunt par le commun décret dentre vous. Autrement mon* seigneur veult quil se tienne pour aduerty quil sera desor*

mais contraint et forcé dd porll^suiare sa quei^lé droitti^ riere par arines. Attendu que mondif seigneur sest mis et met tousionrs en ses deùoirs pitis qtié raisonnables éH^ nefrs luy. Et à fin que tu congnoisses de quel zèle moiisel^ gneur quiert et désire ton amitié et bonne alliance, il ten^ noyé ces dons bien asseans (1) ft ta hautessé, J>Hani que les prennes en gré, correspondant ft ëon touldr. t Et en ée disant, trois gentilzhommes sauancerént et descoMJrin^t les riches ioyaux quilz portoient : cestasâitoir me gtnM eouppe pesant dix marc^ dor, toute esmaillee et boi*déè de sapphirs et de perles de prys et par dessuë m diamant lit- estimable, de laquelle eouppe le Roy Laomedon vsoit en son Yiuant, aux sacrifices des Dieux. Et tu riche manteau tout dor traict, (S) brodé de riche ouurage, et isemé de diuerseà pierres précieuses, tissu de la main de la Royne Hecaba, auecques Tn sceptre Royal, de grand estime et raluë.

(1) qjfèaulw (ëd. 1510).

(2) aw^um iraeHH%mf iewMe (Dnoaiige).

sofjLàWf^ Pl^ TApTjs. ffnj^ n. 93

CHAPITRE VI.

Da premier regmrd que la Rojne Heleine ietta rar le beau Paria Alexandre, Et de la gradenee reeponse qae le Roj Menelaaa fait aaz ambaMadeara l!iiiiti&. Dee dona qae Paria donna à Heleine : et de la bonne cbere qae fiit fidte à la j et à aea eompaignona. Et aoaai narration le^^ere dee premierea aocointancea et aemblana eoaaera de Paria à Heleine : et comme Menelaaa à aon départe- ment, pour aller en Crète, recommanda aea cboaea à aa femme Heleine.

Pendant que le tresbeau Prince Paris Alexandre faisoit sa harengod et oraison, et que sa douce éloquence et voix har- monique raisonnoit (1) parmy le palais, la fleur des dames la Royne Heleine, ainsi que femmes sont curieuses de voir et ouyr choses nouuelles, lescoustoit secrètement par vn treilUz, qui se iettoit sur la salle, et le regardoit ententi- oement, sans estre apperceûe. Si sesmerueilla de sa faconde et beauté nompareille, de son riche accoostrement, et de son port hautain. Et comme toute estonnee, dit à ses filles dhonneur, Ethra et Clymena parentes de Menelaus. a Dieux immortelz, quelz gens sont ces Troyens ! ie ne croy point que ce soient hommes terrestres, mais plustost de la semence des deux. » Ainsi disoit Heleine. Et desalors con- ceut elle vne scintille de lardant feu damours : quelle en&nta depuis «u grand destcuisement délie et de tout son

(1) roomudi (éd. 1528).

54 1LLT8TRATI01I8 DE OÀTLK| IT

lignage. Mais retournons à nostre propos. Qaand donques le Roy Menelaus eut receu les presens de messeigneurs les Troyens, et iceux loué hautement, auecques grans mercie- mens il parla en ceste manière :

« Tresclers et tresnobles barons de Phrygie» ces riches dons, qui représentent la grand magnificence de nostre beau frère le Roy Priam, combien quilz soient destimation infinie, neantmoins ilz ne nous sont point tant agréables pour leur grandeur : quilz sont pour lamour du lieu dont ilz sont venuz. Et en tant quil touche la matière princi- pale dont tu nostre beau cousin Paris Alexandre, as pré- sentement fait mention, nous nous sommes aucunesfois trouuez entre plusieurs de nostre parentage, plus aagez de nous, entre lesquelz ceste matière se debatoit amplement : car les aucuns auoient esté presens à tout lafiaire. Si disoient que nostre cousin le Roy Telamon, de lisle de Sala- mis, par droit darmes obtint iadis madame Hesionne, quand Troye fat depopulee par le Prince Hercules. Parquoy, sei- gneurs de Phrygie, nous nous esbahissons dun poinct que nostre beau cousin le Prince Paris ha touché : disant que le Roy Priam estoit absent de Troye au temps diodle dee- molition, nous sommes informez certainement du contraire. Et quil soit ainsi : tenez pour chose certaine que nostre oncle Hercules retournant de lemprise de Col- chos, rapassa pardeaant Troye : et enuoya certains ambas- sadeurs au Roy Laomedon» lors régnant, pour et à fin que ledit Roy tinst sa promesse à Hercules, de sa fille Hesionne, laquelle en allant à ladite conqueste de Colchos il luy auoit promise en mariage, à cause de ce quil lauoit délivrée de la monstrueuse balaine qui la deuoit engloutir , sans remède. Ensemble les six coursiers de prys, qui pour sem- blable raison luy appartenoient. De laquelle chose, comme

SIMTLAIITB M nOTl. LHTU U.

le Roy Laomedon fust refusant, contre sa promesse, et en ▼idant le droit commun, detinst en prison, et deliberast fiûre moorir icenx ambassadeurs, par le consentement de tons ses enfans, excepté de Priam. Iceluy yostre bon et inste Prince Priam, pour lors estant ieune, osa bien publi- quement contredire à tel maléfice : et soustint effbrcément quon deuoit tenir foy et promesse aux estrangers, et bailler sa sœur Hesionne en mariage au preux Hercules, selon son mente, anecques les nobles chenaux. Et combien que le salubre conseil de Priam ne peust obtenir audience, néant- moins il feit sauner secrètement les personnages de lam- basiade, et les renuoya à leur maistre. Et lors Hercules ayant inste indignation contre Laomedon, print Troye das- saut. Si cheut Laomedon en la meslee mortifère, et paya le tribut de son periurement. Son fllz Tithonus senfuyt es Indes. Mais le Prince Priam fut reseruë en vie, et luy fut le Royaume de Pbrygie laissé paisiblement au regard à (1) b preudhommie dont il auoit vsé. Et nostre oncle Hercules pour rémunérer la vertu de nostre cousin le Roy Telamon, qui premier monta sur les créneaux de Troye, luy resigna mm droit de la pucelle Hesionne, et la luy donna en pur don. Ainsi se porta la besogne. Seigneurs de Phrygie, qoidque chose quon die à lopposite. Mais si ainsi est que TOUS TOUS douUez de ce que Telamon ne maintienne yostre ttnto Hesionne en estât de Royne, et selon la dignité du Uea dont elle est yssue, certes en ce peult il bien estre dit aaoîr mespris grandement. Car tous Princes doiuent hon- norar le sang Royal, combien quil ay t este conquis en que- lele bellique. Si tous promettons en foy de Roy, que nous et les nostres mettrons toute diligence possible à le faire

(1) am regard de {éd. 1616).

ranger à nûson, «mbîeB qnilaoit ynpradnret difidto. Tdiameiit qme nostre bon firera le Bnj Priam, et Tons ton Seigneurs, OHignmtres que nanons pas onUié qne noz aa* cestres ont prins origine en Toetre territoire de Phrygie. Si sommes bien aises de ee que Yostre Tenne nha point esté plus tardine, ponrœ que point ne nous enssies tronné en Lacedemone : car monaeîgnenr nostre finere Agaifuniinii, Roy de Mjosnes, et nostre sgmut madasM Anaxibea femme du Roy Nestor de Pylon, nous douons en hrief rendre mt lisle de Crète, pour d^artir la succession^ trésors et richesses quant aux meubles délaisses par nostrs ayeul maternel le Roy Atreus de Crète : auecques noz beaux cousins les noueux du feu Roy Minos. CestasaucHr Uam^ neus et M«rion qui sont entre eux cousins gennains« «t en&ns de Deucalion et Molus qui fut de Minos, qui fut de lupiter. Et nostre beau cousin Palamedes (1) de lisle d'Eubooe, (2) fils du Roy Nauplius et de la Royne Clymena. Lequd Nauplius comme sauez, est fils de nostre grand oncle, le Dieu Neptune, ensemble autres plusieurs. Mais tout ce ne vient que bien à poinct, pour yostre matière. Car pendant que vous vous refineschires céans, pour vous desennuyer de vostre long nanigage, nostre fren le Roy Agamemnon et nous, mettrons la choee en termes enmrs plusieurs autres noz par»s , si cossme Vlysses fih de Laërtes Roy d'Itaque» et Tlepolemus Roy de Rhodes, et goieralement tous ceux de nostre parentage, dont nous nous sawrons aduiser. Et aussi eademontiers noz beanx frères Castor et Pollux, qui pour le présent ne sont fmai ^si oeste contrée, ams ont mené nostre fille HermioiM, vers

(1) Palamides (M. 1516).

(2) Enboie (éd. 1528).

miSÊÊta ia RoyM dytemnestre, nostre belle sœur, à Ja gMBd feste et «olennité de laDeesee luao» qui sa fait A pre- Mit em la citA d*Arges« (1) seront reuenaz de leur voyage, fit à oostre retour eq[»eroDs vous en raj^Kurter quelques hùÊÊÊM noonellea. Si tous prions ne tous soucier que de Aine Ixmne ebere. Et sur ce poinet allons Toir les dames. » ces paroles le Eloy lienelaus se leua de son siège Royal, pre&Mit le Prince Paris, et son frère Deïphobus par les mains, et les autres les suiuirent. Si entrèrent en fae autre belle saUe, ou ik trouuerent la fleur et loutre- passe de beauté mondaine la Royne Heleine, auecques plu- menrs dames et damoiseUes tresrichement parées. Alors dit le Boy Menelaus à sa femme : « Mamie, yoicy noz beaux oouûks le Prince Paris Alexandre, et son frère Deïphobus êlz du Roy Priam de Troye, leequdz nous sontyenuz Toir. le te prie festoyé les auec Irars compaignons et parens, jnessîears Eneas, Glaucus, et Polydamas. » A ces mots le treabee» Prince Paris sauança pour feire la reuerence à la Koyne, et eUe le baisa, dont il se tint plus content que si eent mai%z dor luy eussent esté présentez. Et puis conse- quemment baisa Deïphobus et festoya tresoourtoisement les autres troÂs« et leur dit quilz fussent les tresbien yenuz. Pa- ris pemr mm honneur alla controuuer (2) mille recommanda- tieaaat aaktts des Princesses et dames de Troye, lesquelles eiiqnes ny auoient pensé : car point nauoient soeu, quil deust Tenir celle part. Puis appella lun de ses escuyers, et luy dit quil apportast ce quil sauoit. Cestoit Tne robe de pourpre, toute estoffee à or et riche pierrerie, laquelle il donna à Heleine, comme escrit yn acteur nomme Martia*

fit) foar Argot.

(2) c.à-d. in?eiita, pour s'en faire honneur.

8B 1LL78TEATI0I» M lOàTLB, Vf

nus (1) : et vn précieux camail poar sa fille Hermione. La Royne Heleine receat les dons merueilleusement en gré : Car ilz estoient beaux et magnifiques, et en remercia Paris hautement. Puis après se tira sur la fenestre dun plaisant verger, et entretint long temps Paris et Deïphobus en deui- ses. Ce pendant que le Roy deuisoit auec Eneas, Ethra et Clymena, deux nobles damoiselles parentes du Roy Mene- laus, entretenoient dautre part messire Glaucus et messire Polydamas. Et les autres dames, damoiselles et gentibs- hommes de Ihostel du Roy Menelaus, dautre part tenoient en plaisantes paroles les autres gentilzhommes deTroye. Quand le souper fut prest (2) on laua, le Roy Menelaus print (3) le Prince Paris, et son frère Deïphobus, et se meit à table au mylieu d*eux deux. La Royne Heleine sassit après, et Eneas, Glaucus, et Polydamas ensuiuant. Les seigneurs et gentilzhommes de leans retindrent la plus part des gentilz- hommes Troyens qui Toulurent demeurer. Les autres sen allèrent souper en leurs logis. Âpres souper que plusieurs dances et esbatemens furents faits, le Prince Paris et Deï- phobus, et ses compaignons prindrent congé du Roy et de la Royne, et puis se retirèrent en leurs logis. Et autres iours ensuiuans à la requeste et commandement du Roy, iceux ambassadeurs feintifz et par exprès (4) Paris, Deïpho- bus, et Eneas, continuèrent souuent daller boire et menger en la table du Roy et de la Royne. De laquelle chose, entre

(1) Martianaa Gapella.

(2) quand U/ut prest, c.-à-d. quand ce fut prêt (mter. de Genèye et éd. 1516 et 1528).

(3) priant {èà. lisiô et 1528).

(4) par exprès poar exprès^ eet un archaïsme encore populaire. V. Uttré.

OHGTLAKITn M TftOtl. UTBI 11. 59

les antras, Paris estoit le plus content : car assez Iny plai- soit le ien.

le me tais icy tout à essient dexposer comment le ieone Prince Paris fat atteint dune amour ardant et ineredible, des qnil eot reu la Rojne Haleine, pour si tressinguliere et ottl trépassant beauté. le me déporte de dire comment le désir nonuelet, de la Royne de Lacedemone, extirpa faci- lement da léger et volage coeur de Paris la loyalle amour pieça enracinée, de sa femme légitime la Nymphe Pegasis Oenone. le passe souz silence, que le Roy Menelaus com- mença à desplaire à sa femme la Royne Hrieine, et luy deuint laid et malgracieux pour la suruenue dun ieune adultère estranger. Car tout cecy les enfans mesmes le sauent raconter. le laisse aussi descrire comment eux deux lentreacointerent par plusieurs semblans amoureux : par doux attraits et fins regards, tirez du coing de loûU et pla- neurs autres moyens, signes, mines, marchemens de pied, chants, regrets, soaspirs, deuises et racontemens de fables, dont Paris Tsa couuertement mesmes en la présence de Menelaus : Car toutes ces choses sont bien à plein et bien dq^amment couchées es autres œuures escrites en François : et mesmement es epistres d*Ouide, nouuellement translatées et mises en impression. (1) Et aussi pour vue autre raison, oest à cause de brieueté : et à fin que ie continue à déduire mon intention principale. Laquelle est de mettre en auant, oe que les autres ont obmis, et de rassembler tout en yn corps, le plus curieusement et véritablement que ie pour- ray, ce que les anciens acteurs autentiques ont couché des gestes de Paris, Heleine, et Oenone, en escrits diaers» et

(1) par OctaTian da Saint-Qelaii, ^Têqne d'Angoulàma. PfelagraTa, qaaad il cita cas Tara, dit tk$ tfftihofpe...

menues partixmlaritez, pour en forger vne histoire totale» Laquelle chose nha esté encores attentée de nul antre, que ie sache, nj en François ny en Latin.

Le Boy Menelaus donques en festoyant les ambassadeurs Troyens^ fEÛsoit neantmoins son aprest pour partir et sei^ aller en Crète. Car le iour approchoit quil sy deuoit trour uer, auec le Roy Âgamenmon son frère, et ses autres parens, pour distribuer les trésors délaissez par feu son oncle maternel Atreus, comme dessus est dit. Quand tout son cas fut dressé pour partir, il feit faire vn grand et sOiffip- tueux banquet et conuiue : et y feit semondre générale- ment touâ ceux de lambassade de Troye, estans en la cit^ de Lacedemone. Et après les auoir festoyez et fait la meil- leure chère du monde, il dit à la Royne Heleine sa femme : « Mamie, ie aaen vois en lisle de Crète, souz la conduite des Dieux, c|ur il est impossible que ie diffère plus : mais cest piHur retourner bien brief . Si te prie quen mon absence tu fasses aussi bonne chère à noz beaux cousins de Troye que voioy, et aussi priuément, que si tousiours y estoye en per- sonne : car ainsi me plaist il estre fait. le les te laisse pour hostes, et les te recommande. » Â ces mots peu sen faillit que la Royne Heleine, ne se print bien fort à rire : voyant la totale bonté de son mary et la grand fiance quil auoit en elle : toutesuoyes elle se contint sagement, et dit : « Monseigneur, si ferày ie, puis que tu le commandes. » Sur ce poinct le Roy Menelaus vint et la baisa, en la recommandant à la garde des Dieux. Et de ce pas cy, pource que le vent estoit bon, se tira vers le port. Les Princes, Paris, Deïphobus et ses compaignons, lallerent accompaigner iusques là. Et quand il se fut embarqué, et eut prins congé d*eux iusques au reuoir, et eux de luy, Paris, Deïphobus, et les autres sen retournèrent en leurs

siMnJklutBz n Tiioini. urvu n. 81

logis. Sar ce passage icy ie nignore point la contrariété de noz acteurs. Car Dictys et Oaide mettent ce que dessus est narré : cestasauoir que Menelaus alla en Crète. Et Dares de Phrygie dit» quil alla au Royaume de Pylon vers son beau frère Nestor. Et ne met point, qae ledit Menelaus receust Paris en son hostel : mais sentrerencontrerent sur mer, sans se congnoitre, et sans parler les vns aux autres. Mais comme iay desia dit autresfois, ie vueil principalement ensuiuir lopinion de Dictys de Crète : car elle est plus yraysemblable.

tt avnmjLTKMs m oavls» it

CHAPITRE VII.

Radtaiion du oooMil prinf par Paris AUzandr«, aoeo «m frère Del- phoboa et aet compaignona, et le capitaine de aea naolrei , toocbant la condaite du raaisaemeat de la Bojne Heleiae. Et les preparati- uea aar ce. Et eomment il troooa manière de gaigaer deux de saa damoiaellea : letqaellee portèrent secrètement lettres missiaes dan oostd et dantre. Anee narration brieve et sommaire dn contenu den- dites lettres.

Paris donqves retourné en son logis» tout pensif et ima- ginant, enuoya incontinent quérir le principal capitaine des gens de guerre de ses nauires. Lequel arriué, il appella Deïphobus son frère, et son beau frère Eneas : ensemble ses cousins Glaucus et Polydamas en secret conseil. Et quand eux six furent enclos en vue chambre, Paris parla en ceste manière : « Mon trescher frère, et vous messieurs noz parens et amis, ie croy que les Dieux par vne singu- lière solicitude veuUent adresser noz besongnes mieux que à souhait. Et mesmement la Déesse Venus, laquelle sur toutes les autres nous guide, et en est la plus curieuse, pour acquiter sa promesse enuers moy. Quelle opportunité voudriez vous plus grande que ceste cy t ne quel meilleur loisir t La plus belle dame non seulement de Grèce, mais de tout le monde, est entre noz mains. Et qui plus est, ie cuide desia auoir donné si bon fondement à mon cas, quelle ha quelque goust de désir amoureux. Du surplus laissez men oonuenir : car si ie ne suis grandement deœu, iespere

SfMVURlflZ HB imOTl. UflB H. 65

quelle mesmes sera contente de son plein gré, se venir ren- dre sonz nostre estandart. Laquelle chose donnera grand couleur à nostre exploit, et moindre difSculté à nostre emprise. Ne valons nous pas bien Theseus d'Athènes» lequel comme vous auez soeu, rauit ceste mesme dame à viue force en son enfance : et la mena en sa terre, sans contredit? Et puis il nen fut autre chose. Et toutesuoyes il ny auoit nulle vieille querele, ne hayne précédente, entre leurs parentages, pourquoy il deust ce faire, sinon son sin- gulier plaisir : nous auons iuste occasion de domma- ger ces Grecz iqr, pour les oultrages passez, et pour venir aux fins de reoouurer madame Hesionne nostre tante : selon la charge à nous commise. Et après que cecy sera fait, qui sera le Prince si osé ne si hardi, qui vienne atten- ter contre la puissance du Roy nostre père et des siens f Dabondant, vous voyez pour nostre opportunité, que le bon Roy mary de la belle, comme sil voulsist &ire lieu à noz désirs, et de peur de nous destourber sest absœté de la cité : et qui plus est, à son partement nous ha recom- mandé bien expressément à la dame. Or me semble il, quiji nest pas saison de dormir à ceste heure. Quen dites vous, messieurs ? le tous prie queien sache voz bonnes opinions. » Alors ainsi quilz faisoient honneur les vus aux autres pour parler le premier, Eneas par le commandement de Paris et Ddphobus, comme le plus aisné de tous, opina. Et dit en eeste manière : i Monseigneur mon frère, le loisir est ai beau, et le temps si à gré, quil nest possible de mi^ux dési- rer, ie le concède. Si ne reste fors de voir si ce seroit bien fiût de mettre à fin lemprise ainsi que lauions proposée : car il pourroit sembler que ce fust œuure trop estrange, et trop barbare, et contre tous les droits diuins et humains : mesmemant contre le droit dhospitalité, duquel lupiter est

deffensenr : et .daaoir prins tiltre dambassadenn» leqv^l tiltre comme il est saint et inuiolable, aussi ne doit il estre Tiolateur : et soaz ceste couleur estre bien traitez, et auoir eu response gracieuse, et neantmoins mouuoir guerre furtiue, sans defflance (1) preallable. Car combien quon ayt iuste querele et droituriere cause dindignation contre son enne- my, si doit on auoir regard particulier à son honneur, et à sa conscience propre. Car qui le fait autrement, le dommage et vitupère propre qui sen ensuit, infalliblement redonde par redoublée mesure sur celuy qui le fait. Et en tant quil touche le rauissement de madame Heleine autresfois fkit par Theseus Roy d'Athènes, il faut entendre que loutrage nestoit point lors réputé si grand de la rauir pucelle, pour la prendre après en mariage, que maintenant quand elle est mariée, pour la honnir et vergogner. Et aussi le danger et lesclandre ny sont point si apparens alors pour Theseus, comme ilz seroient ores pour nous. Car il sauoit bien, quil nauoit i fidre sinon au bon homme Tyndarus, trop plus foible et moins puissant que luy. Et ce nonobstant Heleine fàt depuis recouuree par armes. Or voyez tous bien que Menelaus est Prince de bien autre estoffe, et mieux empa- renté. Et dautre part, vous nignorez point que Castor et PoUux, frères d'Heleine, sont Barons de haute prouesse, et de grand emprise, sans les autres de leur alliance. Toutes* uoyes, pource que ces Grecz icy sont de tous temps noz anciens ennemis, et que Menelaus est parait et allié de Telamcn qui détient madame Hesionne : et encores pource que Pdops iadis ayeul diceluy Menelaus, Ait tousiours en son temps ennemy de feu de noble mémoire le Roy Ilion, nostre anoestre, ie ne scay quen dire, sinon que tu en vses

(1) o.^i-d. ait. OL ranglsif if/Uneê.

nmyhàMmz M nQjK. uvn n. 65

par le iqeiUeur moyen que faire se pourra» Et #i atant vient que la obose se dpiue exécuter, aumoins quon doxme bon ordre à tgut. Car ceste cité est fort pttissi^[ite et bien peu- ple^ de g«9s cour^ge^x ^t bautain3, combien quil ny ayt tour ny murailles. Car ilz sont si fiers et si dipts aux arms, qm mques ne daignèrent fi^re autre boleuert, p^ leqûi créneau, marçbecoulist (1) ou auant mur, qne 4^ leupt propre» corps. Et parauenture ne se fient ilz pa^ Ufioi en non9 qnijz no soient sur lenr garde. Dautre piui; qn^ 9^t on 9i Menelw9 ^uroit fait ceste feinte 4o sen

«jil^ pour im^ 3nrprendriQ et enuelpper ic^ ? NeanUnçû^

i^ quei^^en dis, no^t p^s pour crainte ou tiniidité qne iiaye, oajis pource qyen matières douteuses et sui^poctes, comme iay tousionrs ouy dire, on y doit procéder par grfuide et iQ^ure délibération. »

Apres qu^ le PrinciB Ex)eas eut opin^, le tre^prudent çf^ualier Polydam^, filz du sage baron Pipithus, parla. 9t |a spmmid d# ^on opinion fut, quon ne deuoit en aucune naniere attenter sur ceste matière, ne vser de voye de fi|it en l^sejnjçe de Monelaus : attendu les bons termes quil Jepr auo^t ^nu3, et le bpn recueil de sa maison : et aussi la propesse de Ipxip expédition désirée. Et que f$i autrement 9^ £Etisoit, il doutoit que le Roy Priam, qui est iuste Priuioe et droitnrier, nen fust pas content. Ce fut la teneur 4^ parler 4o messire Polydamas. Consequemment le ieune e^cuier Glaocns detclaira ce quil en sentoit, condescendant asse^ au rauissement d'Heleine, pour le mauuais trajitement que les Orecz auoient fait à son père Ântenor durant son ambassade, ou pource que parauenture il sestoit énamouré daucune des damoiselles de la Royne Heleine. En après

(1) c.-à-d. mâchieoulii. n. tt

66 ILLVSTRATI0N8 DE GATLE, ET

Deïphobus feit déclaration de ce quil en anoit en lentende- ment, meu pour la grand beauté d*Heleine. De laquelle il nestoit pas moins amoureux, que son frère Paris, ainsi que met Dictys de Crète, en son premier liure, et parla en ceste manière :

a Mon frère, (1) si les preux et vaillans hommes du temps iadis qui nous ont laissé la gloire de leurs cheualeureux tiltres, pour embellissement perpétuel, eussent tant ru- miné, et precogité tous les hazars qui pouuoient suruenir en leurs nobles emprises, ilz neussent iamais fait aucune chose digne de mémoire, ny enrichi leurs successeurs du bruit de leurs triomphes. lay tousiours ouy dire, que For- tune ayde veulent iers (2) aux hardis et bons entrepreneurs. Voudrois tu, ie te prie, estre frustré à iamais du fruit de ton iugement, et de la gloire immortelle, que la haute Déesse Venus toffre présentement, pour recompense de ton bien iuger ? Il me semble, sauue la paix dun chacun, que tu ne le dois vouloir. Car si dauenture par faute de con- seil, ou de courage, tu te monstres nice et couard en ceste partie, que pourra on dire, sinon que point nés digne dauoir belle amie ? Et ta grand lascheté conceura (3) hayne si implacable de ladite Déesse contre toy, quelle te persécu- tera par plus griefz accidens, quelle ne feit iadis la lignée de Phebus. Quelle autre auenture donques voudrois tu aller chercher plus preste, plus propre, ou plus naïue, (4) pour parfournir ta conqueste que ceste cy ? laquelle est desia toute dressée et demy faite. Ne faut il pas que ce fol

(1) mon amy le plus apméqui soit a% monde (éd. 1516 et 1528).

(2) Umsjours (éd. 1516 et 1528).

(3) c.-à-d. engendrera.

(4) c.-à-d. naturelle.

811I6VLAR1TBZ DE TROTB. LIVRE II. 67

Roy abesty soit moqué par tous les humains, de sa stoli- dite plus que brutale ? Est il mémoire en aucune histoire escrite, quil fust iamais homme au monde si sot quil se fiast de tout son vaillant, et de sa propre femme, en ses aduersaires capitaux ? le suis dopinion que non, sil nha esté du tout hors du sens. Les Dieux veullent que ces Gr^cz icy soient punis de leur orgueil inueterë, et des oul- trages quilz ont faits au temps passé. Combien ont perpé- tré de détestables rapines ces Gregois icy, et tousiours en sont demourez impunis ? Ceux du Royaume de Molosse en Epire, nallerent ilz point iadis rauir Proserpine, fille de madame Ceres en Sicile ? Et puis dautre part, ceux de Crète, nemmenerent ilz point par fraude et par déception, la. fille du bon Roy Agenor de Sidone, qui est en nostre quar- tier d'Asie ? Oultreplus , de récente mémoire , ceux de Thessale, et de Thebes en Beotie, et aussi de ce païs cy, mesmement les parens et alliez de ceste Royne, et de son mary, nont il pas esleué la belle Medee, fille du Roy Eeta, nostre voisin, de Colchos, et pillé ses trésors ? Puis tous enflez dorgueil et de vaine gloire, tous pleins de reproches et de menasses, ilz repassèrent par douant nostre cité. Et derechef sans autre occasion, comine vous sauez, retournè- rent à nostre grand dommage et honte , bruslerent noz mai- sons, tuèrent noz parens, et emmenèrent nostre tante fille et sœur de Roy, en seruitude et concubinage. Quest ce à dire oecy ? Leur est il ainsi licite destre larrons et destrous- seurs publiques, et quilz puissent rober et oultrager tout le monde vniuersellement, sans quon leur ose rendre ieu pareil? le ne me puis assez esbahir(l)denostrepusilanimité. Et si dauenture il est ainsi, que Heleine ayt deux frères si

(1) ne iouMr (éd. 1516 et 1528).

68 ILLTSTRÀTI0N8 BB 6ÀVLC, HT

vaillans quon dit pour la ponrsamre, ie croy que parauMi* tore on trouuera bien madame Hesionne auoir enuiron Tne trentaine de neueux assez passables, pour ayder à ven- ger son opprobre et iniare, dont des légitimes ie suis le moindre. Donques en tant quil touche le langage friuole, duquel ce fol Roy icy nous ha cnidé paistre, nous anons assez entendu quil est forgé au coing des autres. Et pen- sons nous que iamais il procure rien à nostre auantage ? Ne sommes nous encores informez de larrogance et loquacité Oregoise, et de leur beau promettre sans rien tenir ? Croyez moy, messieurs, ce nest que pour se moquer de nous, et pour nous abuser en vaine espérance. Ou parauenture à an de nous circonuenir et accabler icy, quand il sera renforcé de ses alliez, il se dit aller faire le partage dune grand succes- sion en Crète. le croy que toutes ces choses sont parabdes et abusions. le vous prie, considérons vn petit le grand t)rgueil rigoureux, dont ces Grecz noz anciens ennemis, ont vsé puis nagueres, enuers nostre bel oncle le baron Ante- nor, en sa dernière légation. Et dautre part, ramenons deuant noz yeux la cruelle occision de noz feuz parens, dont le sang crie vengeance. Reffreschissons nostre mé- moire, de la dépopulation du tenement de noz anoestres, du rauissement et violation des dames et pucelles de Phry- gie, foite par eux. Et tout ce mis en comparaison, aduisons isil est possible de leur sauoir inférer aucune iniure si grieue, si dommageable, ne si laidengeuse, quilz ne laient encores méritée cent fois plus grande. Quant à moy, ie dis que non. Et soustiens que phistot paistront loups et bre- bis, aigles et moutons ensemble, que ne seront en paix et en amour commune les Troy^ns et les Orecz. Parquoy me semble, que toutes vacillations, craintes ou simulations postposees et mises arrière, tu mon frère Paris Alexandre,

SIMTLARITBZ HE TEOYB« UVRB H. 60

dois procéder ausarplus, et leuer marque sur noz ennemis, selon la charge qui test eniointe. Sans penser autre chose, fors que le Roy nostre seigneur et père sera trescontent de oeste vengeance, et tresioyeux du vitupère de ses ennemis, quoy quon puist alléguer au contraire. »

Aux paroles véhémentes du ieune Prince Deïphobus, le capitaine des gens de guerre et nauires de Paris, donna grand fultiment (1) et adiutoire. Induit à ce par affection de pillage et auarice, qui est le commun vice de tous gens* darmes. Et va dire ainsi, adressant ses paroles au Prince Paris Alexandre : « Monseigneur , ie croy que tous les hommes du monde ne sauroient plus sommierement ne plus au vif attaindre le fonds de ceste matière, que ha fait monseigneur Deïphobus ton frère. Crois le, ensuis son opinion, car elle est bonne : et quoy quon die, ce nest que honneur et louenge à vu Prince, quand par moyens subtilz il peuH trouuer façon de circonuenir son ennemy, et luy fiiire honte et dommage. Tu as donné de grans et merueil- leox presens à ce Roy cy, qui point ne luy appartenoient. n les faut recouurer, et de lautre auec ; et si ainsi nest fait, il se moquera de vous tous, messeigneurs, et du Roy aussi ; et dira par vantise et par insolence, que luy estes venu fiûre hommage. Dautre part, on vous pourroit reprocher estre inhumains et peu débonnaires successeurs, si vous ne vengez les meurtres de voz ancestres, et la défloration de voz parentes. Et en tant quil touche de mettre la chose délibérée i efiect, la difiSculté y est bien petite. Car quel- que fors ou vaillans que soient les vilains de ceste ville, et fussent ilz tous diables de fer et dacier, si en verrons nous bien le bout. Laissez moy seulement manier laffaire quant

(l)f%Ument (micr. de GendTe). Lacorne donne/vMr pour simUnir.

70 ILLYSTRÀTIONS DE 6ÀTLB, BT

à cest endroit. Et tu, monseigneur Paris Alexandre, achene de longue main tes emprises et conuenanœs enuers la Royne Heleine, par amours si faire se peult, autrement nous laurons par force. Et ce temps pendant, sans faire semblant de rien, ie feray de petit à petit approcher la meilleure partie des nauires, qui sont es ports de lisle de Gytheree, souz vmbre de les rabiller (1) et rauitailler : à fin de me saisir du port et haure de ceste cité. Puis après ie mettray dedens tout coyement et sans effroy , (2) aucunes des meilleurs bendes de gens de guerre que nous auons : les- quelz seront armez à couuert, souz leurs robes, et si con- uerseront parmy ceste ville, prenans couleur de se refres- chir. Et quand tu maduertiras quil sera heure de beson- gner, tiens toy seur que la force nous en demourera, et ne ten soucie autrement. » A la resolution dessusdite sarresta totalement le iouuenceau Paris Alexandre. Si se dépar- tirent de leur conseil sans faire semblant quelconque. Et le capitaine sen retourne aux nauires estans es portz de lisle Cytheree, pour mettre secrètement à exécution icelle très- mauuaise et tresdesloyale trahison. Et quand il y fut, il la communiqua à aucuns des autres principaux capitaines chefz de guerre et centurions subalternes, en leur baillant grand espoir et courage, à cause de la pillerie et abandon- neroent des femmes et filles. Auec ce que d'eux mesmes ilz estoient assez enclins et enracinez en lancienne hayne des Grecz. Le ieune Prince Paris, dautre costé ne cessoit dima- giner tous les moyens par lesquelz il en viendroit plus faci- lement à chef. Or ne pouuoit il plus pour labsence du Roy Menelaus, tenir deuises si longues ne si familières, auec-

(1) c.-à-d. raccommoder.

(2) c.-à-d. sans brait.

SniGVLAaiTBZ DB TROYE. UVRS U. 71

ques la Royne qail souloit, tant pour Ihonneur delle, comme pour euiter le murmure et suspicion du peuple. Si feit tant pour trait de temps, quil trouua manière à force de grans dons et prodigalité abandonnée, sans rien espar- gner, dabatre et tirer à sa cordelle, deux des damoiselles principales dentour la Royne et qui iamais ne labandon- noient, ains estoient comme gardiennes de son corps, à ce députées de par le Roy Menelaus, duquel elles estoient parentes. Mais il nest rien en ce monde, qui ne soit cor- rompu par auarice. Lune dlcelles sappelloit Clymena et lautre Ethra. (1) Et quand il les eut gaignees, et leur eut bien amplement et affectueusement conté la grand amour quil auoit & la Royne Heleine leur maistresse, elles moy- ennerent tout son affaire enuers leur dame, et portèrent lettres dun costé et dautre, tellement que lintention dun- chacun d'eux deux, estoit assez communiquée à sa partie. Paris par son escrit extolloit la roerueilleuse speciosité délie, vilipendoit la personne de son mary : qui nestoit point correspondant à elle, mesprisoit sa lignée, sa puis* sance, et la petitesse de son tenement : Et au contraire, magnifioit la noblesse de son père Priam, et en vantant la richesse de Troye, disoit quelle estoit mieux deiie et plus propice à elle . Recommandoit sa propre personne, en beauté et vaillance, et celles de ses frères. Demonstroit lardante affection damours, qui luy auoit fait passer la mer, 80UZ la fiance de la promesse à luy faite par la Déesse Venus. Et oultreplus, blasmoit la folie et niceté de Theseus qui lauoit rendue pucelle. Et en efiect, par toute ingénio- sité et artifice descrire, son epistre tendoit aux fins, quelle le voulsist prendre à mary, comme trop plus consonant à

(l)Cf. Iliad. III, 144.

79 ntVSTEAtKMIB nk OAtLB» ÉY

sa singalieré beauté, laisser Menelans et sen aller à Troye, aueô multiplication de grands promesses, dont les amans ne sont iamais desponrueux. (1)

La response de la Royne Heleine estoit an oommence- ment yn peu dure et aigrette : puis après tout doucette- ment elle se condesoendoit à approuuer la beauté de Paris, et disoit que à peine auoit elle peu croire que les trois hautes Déesses ^eussent souzmis leurs formositez sou£ son arbitrage : mais puis que ainsi estoit, elle prenoit sin- gulière volupté en deux choses : lune de ce quelle auoit estoit louée par la Déesse Venus, et lautre de ce que Paris pour son guerdon lauoit préférée aux richesses de dame luno, et aux vertus de la Déesse Pallas. Plus auant, icelle epistre responsiue estoit semée de doutes et de menu2 reproches : car uùe fois, elle disoit craindre le songe de la Royne Hecuba : puis elle mettoit en auant estre aduertie, que Paris nestoit point constant en amours, comme celuy qui desia auoit mis en oubly sa dame la Nymphe Oenone, que de long temps il auoit aymee, et que nonobstant toutes ces vantises, si à tant venoit que guerre sourdist à locca- sion délie, il portoit mieux la chère (2) de faire la guerre aux dames, en vne chambre, que aux champs, auec les cheualiers. Dautre part disoit, que les dames de Troye tien- droient peu destime délie, quand elles la verroient auoir laissé son mary pour vn Prince estranger. En après elle louoît la modération de Theseus, lequel ne lauoit point mal traitée. Et tout ce nonobstant et conclusion finale, elle bail- loit assez à eongnoitre à Paris, que ce quil luy vouloit per- suader par amours, elle aymoit mieux y estre contrainte

(1) cf. 15* et 16« Héroldes d^ÛTide.

(2) c.-A-d. STsit la mine de....

SniOfLAllTBZ M TBOTB. UVRH n. 73

par force : car communément toutes femmes ont ceste nature appropriée, que lenforcement leur est plus agréa- ble, que nest de se bailler de plein gre à leur partie : iouxte ce que dit Ouide au premier de lart d'Aymer :

Qaod iaaat, iûait» tmpe dédisse volant.

A fin quen temps et en lieu elles en fassent leur proufit, et puissent alléguer la force et la contrainte.

74 aLTSTRÀTlOlfS DE GÀYLB, ET

CHAPITRE VIII.

De la dépopalation et robement de la cité de Lacedemone, et des tré- sors da Roj MenelauB, et raaissement Toluntaire de la Royne He-> leine : aaec désignation du premier lieu, aaqael Paris et elle se ioingnirent ensemble : et des larmes dicelle, dont fut procréée Iherbe appellee Heleniam, qui sert à la beauté des dames. Du pil- lage fait en lisle de Cjtheree. Et comment ilz partirent dillec : et furent poursuiuis par Castor et Pollux et errèrent en mer, sans sauoir tenir le chemin de Troje. Auec vne inuectiue contre Paris et Heleine.

Apres donqves que ces lettres, lesquelles sont plus am- blement couchées es epistres d*Ouide, furent baillées au très- beau Paris par vne desdites damoiselles, et quil les eut veûes et leiies, il faut penser que iamais homme ne receut ioye si accomplie, quil feit. Si tira incontinent son frère et ses com- paignons à part, et les leur monstra. Et leur feit bien noter ceste clause expresse : par laquelle elle signifioit en la fin de son epistre, quelle ne queroit autre chose, fors estre contrainte et rauie par force. Adonques ilz dirent, tous dun accord, quil estoit saison de besongner ce soir mesmes, sans plus longue dilation : car il faut battre le fer tandis quil est chaud. Le capitaine des gens de guerre auoit fait toutes ses approches et diligences tresindustrieusement, selon la délibération précédente. Si laduertit Paris, que ce soir mesmes, il falloit mettre ses gens en œuure, dont il fut tresioyeux. Par ainsi quand la nuict obscure, laquelle

SHIGTLAMTBZ DB TEOTB. UniB H. 75

semont tonte chose vinante à repos, fut venue, les citoyens de Lacedemone, ignorans de tonte la trahison, se couchè- rent chacun en son priué. Mais les Troyens qui point ne dormoient, leur causèrent vn piteux resueil.

Car à certain son de trompettes, qui leur estoit baille pour signe, tous les Troyens, Phrygiens, Dardaniens, etPeoniens estans desia armez et bien empoint, sesmurent soudain. Et premièrement et auant toute œuure, se si^isirent de leurs hostes, es maisons desquelz ilz estoient logez : et se feirent maistres de leurs personnes, de leurs logis et armures. Eneas et Glaucus auec ledit capitaine, et grosses bendes et cohortes des plus asseurez gendarmes, auoient aussi desia occupé le marché de la cité, et certaines des principales mes, pour garder que ceux de la ville ne vuidassent des maisons, et se ralliassent : tellement que à force de trait et de pierres iettees à la fonde, il ny auoit si hardy Lacede- monien, qui sosast monstrer à huys ne à fenestre. Et dau- tre costé, les patrons et capitaines des galees, auec leurs gens, et mathelotz en armes, se tenoient prestz en deffense, autour du port pour attendre et recueillir larmee et la proye, et garder que les ennemis ne boutassent le feu en leurs nauires. Et ce pendant, Paris, Deïphobus et Polyda- mas, auec la fleur des gentilzhommes et bons gensdarmes, estoient entrez au palais, sans trouuer gueres de resistence. Et se saisirent tout premièrement de la Royne Heleine, laquelle ne feit pas grand contradiction. Et prindrent aussi ses deux damoiselles, Ethra et Clymena, parentes de Mene- laus, ensemble vne sienne femme de chambre, nommée Gréa, et autres des plus nobles et des plus belles, dont on ignore les noms. Troussèrent aussi toutes leurs bagues et ioyaux. Et en oultre pillèrent les trésors, richesses, vais* seUe dor et dargent, pierrerie et tapisserie : et générale-

76 ILLVSTEATIOMS hti «AVLft, BT

mdnt tous les bons meubles du Roy Menelaus qoilz trouue- rent au palais. Et & tout ce, se transportèrent en leurs nauires. Quand Paris, Deïphobus et Polydamas auec leurs gentilzhommes» et la Royne Heleine, et ses femmes, ensem- ble tous lesdits meubles et trésors, furent à seuretë dedens lesdites galees, alors à vn son de trompette, tout le demeu- rant de la cité fut abandonnée à pillage. Lefiroy fut grand, la noise fut horrible. Les poures Lacedemoniens trahis et circonuenus souz ombre de bonne foy, ne sauoient à quel courir : et ne pouuoient donner ordre & ce quilz se rallias- sent, pour faire vne pointe de defiense. y eut mainte noble femme honnie, et mainte belle pucelle violée. Maint vaillant homme qui cuida résister à leur damnable emprise pour le salut de son païs, fut meurtry et afiblé. Maint huys y fut rompu, et maint coffre effondre, et le dedens expose à pillage et rapine. Les temples des Dieux mesmes par sacrilège y furent brisez et prophanez, et les statues et simulacres dor et dargent emportez. Et brief, tout le desroy inhumain et criminelle abomination, que licence militaire et fureur bellique ont accoustumé de commettre en tel cas, y fut exploitée. Et croy que encores ne sabstindrent ilz point, de bouter les feuz en diuers lieux. Si estoit pitié et horreur douyr les cris féminins, les pleurs des enfans, les souspirs des vieillards, les chapplis (1) des frappans, le char- pentement (2) des vainqueurs, le bruit des harnois, les re- gretz des fuyans, les plaints et lurlement des mourans : et le tumultueux gémissement de toute la cité confuse.

De tel douaire fut doué ce monstre féminin, la malheu- reuse Heleine, quand dame Venus la liura premièrement au iouuenceau Paris, pour acquiter sa promesse. Tellement

(1) o.-à*d. les ooiips.-— (2) Papnlalrsnwnti charptater sfrapper sur.

SDI6TLAAITBZ BB TEOTB. UntB U. 77

que tMins anoir dovleur ne compassion du grief de son pea- }de destruit et desconflty de la désolation de sa noble cité déserte, et de la mine et dépopulation de Iheritage de son Biary, elle seoit au giron de son adultère, et repaissoit ses yeux de la flambe ardante et bruslante le patrimoine domestique de sa seule fille Hermione. De laquelle elle estant la trescruelle marastre, et non pas mère, nauoit mémoire ne recordation aucune. Et auoit le cœur si en- durcy, quelle auoit bien la patience de voir à yeux seoz et non mouillez de larmes, les souldars de Troye, les ohm- mis de son territoire, rentrer en leurs vaisseaux et naui- res, tous souillez du sang Lacedemonien, tous puans en- cores de la récente luxure commise es corps des nd^les matrones et virgines pudiques de Sparte, tous chargez 4e la despouille, acquest et espargne de ses bons citoyens, et des choses consacrées et dédiées aux temples des Dieux : menans auec eux liez et enferrez plusieurs beaux et nobles adolescens, pour prisonniers, et maintes pucelles gentiles* en seruitude comme esclaues. 0 cœur félon, dur et marbrin, 6 courage estrangé dhonneur, (1) aliéné de raison, loing- tain de pitié féminine, transformé en cruauté barbarique, A visage angelique et vénérien, ayant queue draconique et serpentine : que tant te coustera cher le crime que tu com- metz à présent, que tant en seront de ' femmes vefues, et den&ns orphenins, ains que le méfiait que tu encommences «oit purgé. Et toy chetif Paris, gamy de vaine et inutile beauté, tu tesiouis à ceste heure, en reeeuant le truisitoire guerdon de ton fol iugement, et ne voudrois auoir eslu les hautaines richesses de dame luno, ne la rémunération éter- nelle de la sapience et vertu de dame Pallas. Mais assez

(1) e.-à-d. perdu d*honneur.

78 ILLVSTRÀTI0M8 DK GÀYLS, BT

auras encores loisir de ten douloir, et maudire ta malheu- reuse stolidité. Dame Venus ton accointe, (1) tha fait faire ceste nuict vn beau chef dœuure pour les prémices et fruit primerain de tes vaillances, mais tard sera que tu ten repentes.

Ainsi fut la cité de Sparte ou Lacedemone pillée par les Troyens. Laquelle chose fut légère à faire, attendu quelle nestoit point murée, ne garnie de portes ou boleuers. Ainsi que demonstre Ouide au dixième liure de sa Métamorphose» disant :

Dam Det» Eurotan immanitamque fréquentât Sparten ;

Et Philostratus en la uie d*Âpollonius, au premier liure» dit ainsi, en la personne dudit Apollonius parlant au Roy des Ethiopes : Lacedamanum namque ciuitas^ ô rex, àbsque mûris habitatur. Joint à ce que ceux de dedens ne se dou- tassent iamais de telle trahison. Âpres lequel cas perpétré» les ancres furent leuees du port de Lacedemone» sans con- trarietez. Si labourèrent les patrons à se ioindre au rema- nant de larmee, qui gardoit les ports de lisle de Cytheree» et des villes de Cranaé et de Cytheree en ladite isle. louxte ce que dit Homère en son Iliade :

Nec cum te rapiena, primam à Lacediemone palchra, Pontiaagia ratibaf Cranao me in littore ianxi. (2)

Lesquelz vers Strabo allègue au ix. liure de sa Géogra- phie. Eux arriuez ensemble, enuiron laube du iour, il y eut grande exclamation et festoiement» entre les compaignons et mariniers» qui se vantoient et glorifioient de leurs beaux

(1) c.-àrd. complice. (2) poni maçii {éd, 1516). Ce qai n*offre aucun sens. Cf. Iliad. III» 444.

«HGTLARITEZ DE TROTK. LITRB U. 79

iaits yictorieux. Les habitans desdites villes de Granaé et Cjtheree, Yoyans linsolence et la crierie non accoustumee des Troyens, et aussi pource quilz pouuoient auoir veu les feoz de Lacedemone, nestoient point fort à leur aise, ain- Qois yeilloient à leurs créneaux en grand crainte et doute : et non sans cause.

Incontinent que les galees Troyennes furent ancrées en ladite isle de Gytheree aux ports desdites villes, Paris se fait mettre en terre, et la Royne Heleine aussi. Et com- manda promptement quon tendist vn pauiUon au mylieu dune belle prairie, estant au dessoui de la ville de Granaé non pas loing du bort de la mer. Et dedens iceluy pauiUon feit aussi dresser son lict de camp riche et somptueux à merueilles. Lesquelles choses faites et ordonnées, il feit met- tre à lencontre dudit pauillon grand nombre de gensdarmes pour sa garde et seureté. Si se coucha auec la Royne Heleine, nud à nud. Laquelle chose il feit tant pour pren- dre possession du don et guerdon duquel la Déesse Venus le remuneroit, et luy en rendre grâces, comme aussi pour euiter le reproche, duquel Theseus Roy d'Athènes auoit esté noté, quand elle fiit recouuree de luy, sans y auoir touché, comme dessus est dit. Or ne furent point presens audit assemblement et conionction de Paris auec Heleine, Hyme- neus le gracieux Dieu des noces, ne la bonne Déesse luno, qui préside aux mariages légitimes : car elle estoit ennemie de Paris, et totalement son aduersaire. Mais en leur lieu y abordèrent les trois diaboliques et horribles Déesses, que les poëtes appellent Furies. Gestadire Rages, Harpyiea, Chiennes ou Eumenides, filles dun fleuue infernal nommé Acheron qui signifie perdition de ioye, et de la nuict tene- tn^usa et obscure. La première sappelle Alecto, cestadire Aon reposant. La seconde Thisiphone : qui vaut autant.

8D lUiVBTRAtlOIlS DR OÀTLB| VF

comme voix furieuse. Et la tierce est nonïmee Megera : qai se peult interpréter noise ou discord. Ces trois vénérables mignonnes, ces trois chiennes enragées, ministres denfer •t députées au seruice de Platon à tout leurs chaneux colttbrins forent celles qui tindrent les flambeaux preiodi- diciables et les malheureuses torches autour da liet des deux adultères, Paris et Heleine ; et assistèrent à leur damnable embrassement. Et en lieu de doux rossignolE -amoureux et autres oyselets, les chat^uans et les cormo- rane, qai. sont oys^ux funèbres de mortelle signification et de maleiieontre, y vlulerent hideuseomit en lien de chanter nbtinep.'

Aucuns acteurs» et mesmement Strabo an ' ix. Uure de sa Geogilaphie, mettent que icelle ville de CranaA, auprès de laquelle fut fitite ladite conuention de Paris auec H^eine, changea son nom primitif, et de en anant fut appellee Belenium, en souuenauoe et commémoration du notable ouvrage qui auprès délie auoitesttf p^petré. Btenr «ee passage ie ne suis point ignorant que, selon lopinion de Pline et de Strabo, en ladite isle de Cytheree, qui parauant sappelloit Porphyris, ny auoit quune ville du n^n de lisle. Et donne k entendre ledit Strabo que Cranaé est vne autee petite isle du nombre de celles qui sappellent Sporades, et est située À lendroit de la région d'Athènes. Et se concorde à ce, quelle fot appeUeeHelenium, pource que Paris y eov- cha premièrement auec Heleine. laques de Bergome, au quatrième Hure du Supplément des chroniques, dit ainsi : HtiUne septinui maris Aegai insula : solum neta Helmœ MMélai régis vxoris stupris. Dares Phrygien en son his- toire Troyenne met expressément que Heleine iFut rauie au dessous de la ville appellee Helenium, en lisle de Cytheree. Bt ledit Strabo et Pline, disent quen ladite isle de Cytiie-

SmOULARITEZ DE TROTB. LITRC II. 8f

FM, y aaoit me rille portant le nom de lisle mesmes, comme desia est dit. Ainsi sensoinroit, que pour lors y anoit deux villes. Et œst la raison qni mha meu à le mettre ainsi. Comment que soit, la difficulté est de petite estime.

Bocaœ aossi en allegant plusieurs raisons, dit que Heleine au temps de son rauissemment yoluntaire, pouuoit auoir enuiron trente ans : auquel aage les nobles femmes et de bon îsffint rendent leur beauté plus spécieuse, en y adioustant par art ce que la longueur du temps pourroit auoir diminué de leur formosité naturelle. Et quant à ce on pourroit dire ainsi, que les gens de ce temps viuoient plus longue espace quilz ne font À présent, et aussi que leurs oorpulences ertoiMt plus grandes et plus vigoreuses que ne sont oelles de maintenant, oomme nous auons dit plus amplement au fnre- uder liure. Et par ainsi, les femmes nestoient point para- uentare si tost ne si tempre (1) meures, quelles sont ores : et duroit plus longuement la fleur de leur speciosité. Et pour auoir aucune coniecture que dame Heleine fust de plus grande stature que les femmes de maintenant, il me souuient auoir ouy dire à Blanchart le noble, natif de Chalon sur Saône, homme de grand mémoire et expérience: (car il auoit semy le grand Turc Mahumeth Othuman, de maistre fon* detir dartiUerie, et depuis les Vénitiens, et maintenant est orfanre de la tresclere Princesse à laquelle oeste œuure est intitulée) mais il me contoit, quen vue des isles de rArchi* pd, nomtnee Lediles, (2) il auoit yen autresfois vn colosse ou simulaere de ladite Heleine, comme disoient ceux du paXs : et eetoit icetle statue de marbre blanc, taillé par grand irtifice après le vif, plantée en terre iusques au nombril.

(1) c.-à-d. de boBiié heure. Cf. le liégeois iemprou =s précoee.

(2) DikM, aiy. Dili, S^dih.^ ^

II. « 6 *

81 1LLTSTRATI0M8 DB GATLB, BT

Bt selon son estimation, pouuoit bien auoir la hauteur de cinq femmes modernes. Mais elle estoit sans teste : car vn Geneaois la luy auoit ostee, pour la donner au seigneur Vir- gile Oursin Romain» trescurieux de telles antiquitea. Dit oultrepltts vn grand homme appelle Nioolas Perot, (1) iadis euesque de Siponte, au sixième liure de son volume appelle Gomucopie : Que après que les deux amans se furent leues de leur esbat yenerien, la belle Heleine se meit à pleurer amèrement, tellement que les ruisseaux de ses larmes tom- boient en grande abondance aual sa clere fiu», et airoaoieni la terre alenuiron. La cause de son pleur yenoit ou pour iuste douleur et remors de conscience de son crime detes^^ table de sa chasteté brisée, et dissolution de son mariage légitime, ou peult estre par feintise féminine : ou autre- ment pour la signification que le cœur luy apportoit des grans maux qui à ceste cause estoient à aduenir. Or, de quelque cause ou mouuement que ce fust queUe plouroit, sans nulle &ute elle auoit assez matière de ce ûûre. Bt afferme iceluy acteur mesmes que de sesdites larmes, qui tombèrent en terre, nasquit illec yne herbe bassette, quigi- neas, qui ne seslieue de terre, (2) et ha les fusilles semblables à polieul ou serpolet, icelle herbe est appellee Helenium, pource quelle fut procréée des larmes de la belle Heleine. Bt ha telle yertu et propriété, quelle peult esclarcir le teint du yisage des femmes, et conseruer en beauté le cuir (3) de leur face, et de tout le demeurant de leur corps, sans pus- tules, sans macules et sans rides. Et ha aussi la puissance de prouoquer le courage des hommes à amour, et de ren-

(1) N. Perotti (1430 1480). Comueopia, aive eommenUuri^ g%m latinm (VeniM, 1489 in fol.).

(2) fiH' $wUr$i %$ utUiPe (mscr. de Genève).

(3) c.-à-d. la peau.

SDIGTLAmrRZ DB TEOTB. UTRE II. 85

dre la personne ioyense, et agréable, quand elle est beiie anec dn Tin. Ancuns lappellent omnimorbia, ponroe quelle est propice à plosienrs maladies. le suis dopinion que Ihotnme seroit bienheureux au temps présent qui sauroit oongnoitre eeste herbe pleine de si grands vertius : et en faroit grandement son prouflt enuers les damée.

Apres donques ces choses fitites, selon ce que ie puis cueillir et ooniecturer par les dits des bons acteurs, les deux Tilles estans en ladite isle de Cytheree, oestasauoir Cytherée et Oranai, autrement dite Helenium, furent pillées par les Troyems. Et aussi despouillé par sacrilège le temple de Venus pour le guerdon du bien quelle auoit fiût à Paris, en luj donnant Heleine. Et pareillement le temple de Diane et f ApoUo estant illec sur le riuage de la mer, près de la dté d*Hdenium. Et plusieurs prisonniers emmenés, comme inet expressément Dares Phrygien, nonobstant que ceux de ladite isle feissent la meilleure deffense quilz peurent. Mail eontre le grand nombre des geos de Paris, impossible leur fiit de résister. Içy ha diuersitë entre nos acteurs : Car IHetya de Crète, Ouide, et plusieurs autres mettent le missement d*Heleine, auoir esté perpétré en la cité de Laeedemone, ainsi et par la manière que cy dessus lauons descrit. Biais Dares de Phrygie tout seul ne fiût point men- tion de Lacedemone, ains dit quelle fust prinse audit tem- ple de Diane et d*Apollo en ladite isle de Cytherée, auquel tmpleelle estoit Tenue pour Toir Paris, souz ombre de tdre sacrifice en iceluy. Quoy que soit, tout renient à Tne eondosion. Mais tousiours ie marreste à la plus saine

partie^

Tous lesquels beaût Taisselagés et magniâques èmjHriseA ikenees à chef, le beau Paris commanda leuer les ancres, et faire Toile légèrement, combien que le Tcnt ne fust gueres

84 ILLtSTKATIORS BB GAfLI, ST

propice. Mais oe nestoit pas diose seure dd se tenir pins longuement en terre ennemie, laquelle ilz auoient si énor- mément dommagee. Adonques les mariniers deuenuz tous ridies de manuais aequest* se ietterent diligemment hors des ports, guinderent leurs tre&, singlerent du re&t à la bolingue (1) à grand ioye et triomphe, et exdamations nau- tiques, et dressèrent les timons de leurs nauires, pour tirer en Asie la mineur, quon dit maintenant Turquie ou Nato- lie, emmenans anec eux la malheureuse proye qui si cher leur ooustera. Les poures Lacedemonieas, et ceux de lisle de Gytheree, qui les Yoyoîent desloger, ccmuoyoient leurs ▼oiles non pas auec bonnes prieras, mais auee malédictions exécrables, pour le grand dommage quilz auoient B0u£fert. Plusieurs des plus dolens, mesmement les seruiteurs de la Royne Hdeine, armèrent aucuns petis nauires et Inrigantins légers, et se meirent en mer de lautre costé, pour aller en lide de Crète, faire sauoir le meschef et grand mesanenture à leur Roy Menelaus qui y estoit. Aussi Dares de Phrygie met que Castor et Pollux, frères d*HeIeine, après ce quih furent aduertis du rauissement de leur sœur, se meirent à la poursuite en grand haste, pour la recouirer : mais leurs nauires effondrèrent et furent foudroyées, auprès de lisle de Lesbos, quon dit maintenant Methelin, par force de tempeste et tourmente : et eux y forent tous péris et noyez. Combien quil y ayt autres opinions de leur mort, comme nous anons teuoh4 cy douant. Et dautre pui; les Troyens, au moyen de la oontrarieté des Tents, furent transportes en la oosta d'AfHque et Bari)arie, tout au rebours de leur inten- tion. Mais nous les laisserons errer par la marine tm «qpacjs de temps» et retournerons vu petit à Troye. Car asses A tmps les viendrons nous retrouuer ilz seront^

(1) c.à-d. aller à la boaline, avec on Tent de biaiB.

smCTLAUTBI M nOW. UYU II. 8ft

CHAPITRE IX.

Narration de la mort fortuite des deux bastards de Priam, et de la Njmphe Eeperie, et da daeil de Priam et des siens, mesmement de la Njmphe Oenone, tant à eeste cause, comme pour le bng seionr de Paria. Et des devises et Tatidnations de Cassandra. EoaemUa rseitatioB danennea fables. Bt aussi de loccnpation Tertueuse de ladite Njmi^e Oenone, et de la beniuolence que Priam et les siens aneieoiA elle.

Bndementiers qae le bdan Paris Alexandre vaquoità wa emprise yenerienne, le gentil Esacns Ion de ses frères iMStards» et des plus iennes, lequel le Roy Priam anoit engendré en la Nymphe Âlixothoê fille de Dymas, comme est dit an premier linre, alla mourir an grand desplaisir du Roy Priam et de tous ceux de Troye. Et la cause de sa mort fnt telle : ledit EEsacus frequentoit youlentiers Ut oontree de Cebriné, dont son frère le trespreox Hector estmt smgneur. Et se trouuoit sonnent autour de la valee de Mesanlon et les montaignes Idées, pource quil aymoit souaffirainement les champs et la chasse, et nauoit cure de la dté. Or alla il tant et vint en ce quartier, quil fut esprie de lamour dune belle Nymphe dicelle région de Cebrine, laquelle anoit nom Esperie, (I) et fut iadis des corn* peignes et familières de la Nymphe Pegasis Oenone. Par trait de temps le noble enfant Esacus, luy requit tresin-

(1) Bfirie (mscr. de Genève et éd. 1516 et 1528).

/

' nXTSTlATlOM M GàfU» 0

ftamment anoir la ioayssance de son amonr. Mais elle qui eetoit sage et prudente pucelle, et aymoit sa yii^itë, sm excusa da tout, et ny yonlat aucunement entendre. Et ce voyant Esacus, à qui le désir amoureux estoit redoublé an moyen dudit refuz, espia la belle maint iour et mainte nuytee : et tant trauailla par curieuse diligence, que flna- blement il la surprint vn iour quelle seichoit ses beaux cheueux aureins au Soleil, auprès dune clere fontaine et loing de gens, dont il fut tresioyeux, que plus ne pouuoit, coidant estre venu à chef de son emprise. Mais trop een fiûllit : car des que la noble Nymphe lapperoeut, elle fut si troublée de la grand peur quelle eut, queUe print incontinent sa course, au long dune belle prairie, sans autrement adou- ber ses belles tresses qui flottoient autour de ses espaules. Et tout ainsi comme laloëtte ramage (1) estant emmy la cham- paigne loing des buissons, ha dauenture entreueu ou cuidé entreuoirt lombre de lespreuier son mortel ennemy, volant en lair : ainsi fuyoit la gente pucelle toute esperdue et des- cbeuelee, et le gentil Esacus après. Mais crainte virginale augmentoit puissance de courir à la Nymphe. Et dautre part lappetit de lamoureuse proye administroit vélocité au ieune amant. Or aduint il de grand malheur, que la belle en courant, marcha de son pied nud et tendre sur la queue dun aspic venimeux et mortel, musse- entremy Iherbe : lequel la piqua dune dent, au bout de larteil du pied, tel- lement quil y laissa le venin mortifère dont la pudique vir- gine alla promptement mourir sur le champ par loutra- geuse violence du venin. Alors veissiez le plus dolent des amoureux, tant troublé, tant desconflt, et tant aggressé du dueil, que difficile chose seroit à le raconter. Si commença

(1) o.-A d. lauTag*.

SDIGVLAMTBX M TftOTB. LIVll O. 87

à detraire ses beaax cheaeux, tordre ses poings, et batre sa poitrine, conune vn homme désespéré, voyant quil estoit cause du mortel inconuenient de sa dame. Et après plu* neurs pitoyables regretz et lamentations indicibles il sen alla comme forcenant au plus haut sommet dun rocher pen- dant sur la mer Hellesponte, et dillec se précipita es vndes marines, et se noya. Ouide en son xi. liure de Métamor- phose, récitant ceste histoire, dit que Tethys la grand Déesse de la mer, de pitié quelle eut de lenfant Royal, le reoeat entre ses bras, et le mua en vn plongeon. Laquelle fiction ne tend à autre signifiance, sinon que ceux qui se noyent, ressemblent aux plongeons : car auant quilz soient du toat esteints, on les voit remonter deux ou trois fois sur leane.

Quand ceste douloureuse auenture paruint à la notice du Roy Priam, il en mena un merueilleux dueil, pource que sur tons les bastards, celuy estoit son plus cher tenu : et oomme tesmoigne Ouide audit xi. liure de Métamorphose : n aaoit apparence destre vaillant, comme vn second Hec- tor, sil eust peu viure son cours naturel. Mesmes iceluy noble Prince Hector, pour les mérites des vertus quil auoit oongnues au defunct le regrettoit beaucoup : si faisoient Ns autres fireres tant légitimes que bastards, et ses sœurs bastardes. La Royne Hecuba et ses filles aussi le plouroient parfondement. Mais entre les autres, la Nymphe P^asis Oencme, et le bastard Gebrion de Cebrine en demenoient le plus aspre dueil, tant pour lamour du feu noble Esacns, leur frère, qui en son viuant leur auoit fait maint seruiee, oomme pour lamour de la Nymphe Esperie, en son temps oompaigne et amie cordiale de ladite Oenone, et aussi sa prochaine voisine. Or après longue deploration, la pompe ionerale fut £Bdte, tant de lun comme de lautre. Si honnora

88 nxvsTaATiOHS m qayui, bt

la bon Roy Priam iceux deux corps par ensemble, de pulture magnifique, attendu que lun auoit causé deffinemeat à lautre. Mais après que tous eurent cessé leur dueil, le bon Roy Priam ne se sauoit appaiser : car point nanoit encores accoustumé fors toutes choses prospères et agréa- bles.

Et pource quun malheur ne yient iamais seul, il ne tarda gueres que après la mort du bastard Esacus, que plusieurs varletz et païsans apportèrent à Troye en yne bière le corps dun autre sien filz bastard, nommé Teucer, lequel il auoit eu de la Nymphe Anthiodone. (1) Et auoit esté occis en la forest de Bebryce, par vn grand et merueiUeux ours, comme met Bocace, au vi. liure de la Généalogie des Dieux. Si renouuella le dueil du Roy Priam, phui aspre que deuant, car cestoit certain présage de ses infor- tunes aduenir. Et après quil eut fait faire ses obsèques funerales, il entra dautre part en grand doute de ses deux enfans légitimes Paris et Deïphobus, et de larmee quil auoit enuoyee en Grèce, pource que point nen au<Ht de noauelles. Et pour ces raisons sa noble chère estoit toute obnubilée de contristation occulte, et à bon droit : car naturel instinct lenhortoit à ce faire, pour le grand mal qui luy estoit prochain, à loccasion duquel, son dueil sera souuent renouuellé, par morts quotidiennes, et oecisions fréquentes de ses nobles en&ns.

Aussi la gracieuse Nymphe Pegasis Oenone estoit toute pensiue et melenoolieuse, pour la si longue absence de son mary, qui plus ne^ luy est rien, mais encore ne le scait elle point. Et souuent f&isoit enquérir par ses gens, des mar- chans ou estrangers, yenans deçà la mer, silz en sauoient

(1) ÀMi4m (M, 1516 et 15S»).

SmOVLABlTBI M TIOTI. LI?1B U.

anomes nomielles* mais nulle nen pouuoit appre&dri. montott aaz limites tours et dongeons da palais, et y meneit •es belles sœors Cassandre et Polyzene, et les antres» pour ymr si dauenture elles vetroient blanchir nnUes Toiles sur la marine. Et quand ancunesfois ses jeux deeeuz par grand affection yoyoient oucnidoyent yoir aucunes nauiresna* geans an yent, alors elle muoit couleur et tressailloit toute de ioye, et sesiouyssoit en vaine espérance. Et puis quand elle se tronuoit deceiie de son cuider, elle palissoit tout scoup, et arrosoit sa clere face de larmes : car elle qui anoit assemblé et vny toutes les affections de son cœur en lamour et bienueillanoe de son seigneur et mary Paris Alexandre, ne songeoit autre chose fors son retour et sa lanté prospère, tellement quen ses gestes, esi sa contenance, en son parler et en sa chère, on pouuoit aisément lire la haute sublimité damours qui tenoit siège et habitacle au dos de mm noble cœur.

Lesquelles choses voyant et congnoissant la noble pucelle Cassaadra, il luy en prenoit grand pitié. Car elle sauoit par espril de prc^hetie, le rauissement d*Heleine, laliena- tion do courage de Paris, et le prochain diuorse et sepa- ntàon de luy et de ladite Nymphe. Si luy disoit, ainsi eomme rauie en ecstase par mots couuers et pleins dambi- gniié : c Ha ! aoUe Nymphe Oenone ma chère sœur, que &is tu lasse! mamie, que fais tu, tu laboures en vain, tu te tra- oailles poar néant de fonder ta si grand amour sur mon firere Paris. Il vient vne génisse Grecque, vne mauuaise beste ectfnne, qui mengera ton fruit et ta pasture, et mènera à perdition ce Royaume et ceste maison. 0 Dieux iam puissans, gardes qne si grand esclandre naduienne, preseraes nonsde tel inconuenient. » Qua^d la sage Cassan* 4ra preauçeit ces paroles observes et prophétiques, la

90 ILLYSTIUtlOIIS M QkftM^ BT

Nymphe Oenone trembloit toute de peur* et luy dreiwoient les cheueax en la teste, ignoramment toutesooyes : car elle nentendoit point leur signiflance, neantmains le cttar ne luy en apportoit nulle bonne interprétation. Adonques Oas- sandra luy disoit derechef : « Ma soeur, mamie Oenone, tu nadioustee point de foy à mes paroles, non plus . que les autres ne font, ie le scay bien : car mon malheur est tel. Si te vueil bien conter la raison pourquoy il maduint, que à mes yaticinations et deuinemens, nuUy ne veult croire. Il est vray, mamie, que iadis le Dieu Phebus Apollo, lequel te donna puissance sur toutes herbes et racines, édifia las murs de ceste cité, auecques le Dieu Neptune : et pour ce fiiire, se meirent tous deux en semblance humaine. Bt tant y seioumerent, que le Dieu Apollo senamoura de moy, ou aumoins il en feit le semblant. Si me requist damours fort ieunette que iestoye : mais quelque ieune que ie fusse, si nestois ie point simple ne nice. Ains estant informée de sa grand puissance, ie luy dis, par cantele, que ie my consen- toye, moyennant que premièrement et auant toute œuure, il mottroyast vn don, tel que ie luy demanderois : de laquelle chose il fut de léger content. Si len feis auant iurer sur Styx la grand palu d'Enfer, laquelle les Dieux supérieurs Dosent aucunement pariurer. Pouroe que sa fille Victoire, obtint d*eux ce perpétuel priuilege, quand elle les ayda alencontre des merueilleux Geans, qui iadis Youloient escheller le ciel, et ietter les Dieux hors de leurs propres maisons. Que te ferois ie long conte ? le Dieu Apollo iura voulentiers. Et quand ie vois quil eut fait le serment irreuocable, ie fus lors acertenee de mon cas. Si luy demanday promptement quil me donnast la science de vaticiner, oestadire de déni- ner, sauoir et prophétiser toutes choses passées, présentes et aduenir. Laquelle chose il me confarma âunlement.

oiiGTLAiiTii M non. uni n. 91

poQroe qnil est Didu de yaticination aussi bien qnil est de médecine, parquoy ie fus incontinent sage deoineresse. Ce âdt, il me demanda aossi le guerdon damours que promis lay anoye» comme il disoit. Mais ie luy deniay et refosay pleineoient, comme fiûre deuoye : car il ne queroit que la despoaille de mon pucelage et virginité, que iamais neusse enfirainte pour chose quil meust sceu faire ne donner. De ee rsfns, fut si troublé et marry le Dieu Apollo, et le print si mal en gré, que plus ne pouuoit. Bt voyant quil nauoit puissance de me tollir ce quune fois mauoit ottroyé par sarment, il me dit dune ohere despiteuse et iree, en ceste manière : « O pucelle trop fine et trop subtile à decéuoir les Dieux : tu auras bien peu fiût de conquest en lottroy non dessemi. Car à fin que les autres apprennent à non se mo- quer des supérieurs, ie détermine dicy et desia, que iamais nul iour de ta vie tes deuinemens et prophéties ne pourront obtenir lieu ne credence enuers les hommes mortelz, ains seront tousiours par iceux estimées vaines et friuoles. Et après auoir ce dit, il se départit. Mais sa destinée, (1) ma douce sœur et amie, ha tousiours depuis ensuiuy son effect, et eaoores £Edt ioumellement, au grand preiudice et dom- mage de Troye. Par ainsi ta as ouy loccasion de ce mal- heur. »

La belle Nymphe Pegasis Oenone, si perplexe et si don- teose, que plus ne pouuoit, nentendoit encores rien au lan- gage obscur de sa beUe sœur la sage Cassandra. Et celle aassi ne luy en vouloit riéh declairer plus auant, mais cfaangeoit autre propos, et toumoit tout à ieu et à bourde. Si se prennent toutes ces nobles Princesses ensemble à se déduire et soulasser en aucun passetemps. Et toute Ihuma-

(1) o.-à-d. soii arrêt.

jjjT :MoMfli h—f t Mtiflciclx de grani

AolklolMde lonbfe «t fi9ti0M : SMm antnits (2) de grud Pmidrm cnrdialw bioi ■ÎTtiwMnw» : Buée diilHhei fadeaUe de fOMlM leotear el grand TcrtB : Qràtai ew de grand ertifiee, el mille ealrae gentiHeene et fidstatrei, eeqndiei elle eoeeqmt en peannt son emwy , et en fintoît grand tendoe i ses IBIS, dont dis estoît priaee et eber tenoe dgnchacm. Mais deils nous liiinwrins le conte* pour le prasent, et retoamerons en Oete, le Roj Mendews eet> En gnoy faisant, ensnioray povr la pins part, mon aetenr Dietjs de Crate ea scm pramier linra.

(1) pt$éfwU9m9 ticssiif en oompliimiiee. Y. plot bset nktêfmi fummitti ••nrice Snièbre.

(^ e*-à-aife artnagMls. Cf. îs^raelsf, et Sam. taMUca, famw m^ Cs SMi ngaiis aani iSfSMte . Le mamMcrit de Qeeève perte :

SnGYLAlITlZ M TEOTB. UTKI II. 95

CHAPITRE X.

Bzplieatioii du partage fait par le Roy Menelaat anec tes conaini les Roya de liale de Candie, et autres, toocbant les trésors et sDoces* sboa de son oaole maternel Atrens desoenda de Miaos. Bt eoBi*> flMvt Inj estant illec, nonoellea Inj yindreat da ravissement de aa fcnuna Haleine. De aon retour en Laoedemone ; et de Ismbsssade anaoyee ATroye.

Or met icelay tresancien acteur Dictys de Crète, que le Roy Menelans de Lacedemone, qui Ait fllz de Plidthenes et d*Eiiropa fille d'Atreus, qui fut de Minos, qui fotde lupi- ter, troisième de ce nom Roy de Crète (comme desia est dit icy douant) fut le bien v^u en ladite isle de Crète, quon appelle maintenant Candie : Car ses beaux cousins Roys cb ladite isle, cestasauoir Idomeneus fllz de Deucalion, et Merion fllz de Moins, tous deux noueux du Roy Minos, le receurent en grand gloire et triomphe. Aussi sy trouua le noble Palamedes filz du Roy Nauplius de lisle de Nigre* pont, et de la Royne Clymena. Laquelle Clymena comme id puis coniecturer, estoit sœur dudit Atreus de Crète, et aoBur d*Europa mère de Menelaus. Autres aussi dudit lignage sy trouuerent qui ne sont point à propos. Mais le Roy Agamemnon de Mycenes, frère aisné de Menelaus, et lanr sœur Anaxibea femme du Roy Nestor de Pylon ne sy trouuerent point : pource quilz furent occupez en autres leurs afiaires, ains mandèrent à leur frère Menelaus quilz se floyent du tout en luy du partage de la sueoeasioii à eux

94 ILLT8TRAT10IIS DB GAfLB, BT

laissée par feu ledit Roy Âtreus de Crète, leur ayeol mater- nel : et que ce quil en feroit haut et bas, seroit ratifié par eox. Ainsi procéda ledit Menelaus auec les autres à la diui- sion et partage que dessus. Et en ensuiuant lordonnance testamentaire dudit feu Roy Atreus, le Royaume de Crète, citez, terres, villes, cbasteaux, et seigneuries dependans diceluy, demeurèrent à ceux qui estoient descenduz de leur grand ayeul le Roy Minos en lignée masculine : cestasa- noir lesdits Idomeneus et Merion, qui depuis vindrent au fliege de Troye. Et les meubles, cestasauoir or et argent en CBUore et en masse, et bestial, dont il y auoit grand multi- tude (car cestoit la plus grand richesse des Princes anciens) furent distribuez également aux enfans des filles dudit Atreus filz de Minos : car il y eut vn autre Atreus flk de Pelopa, et oncle dudit Menelaus, comme dessus est dit. Di- celuy partage et distribution chacun se tint pour content et bien apenné : (1) cestasauoir le Roy Menelaus, tant an nom de son frère Agamemnon, et de sa sœur Anaxibea^ comme pour luy mesmes : Palamedes aussi de son costé, et les autres du leur. Et ce fait, ilz se adonnèrent à faire toute bonne chère, car les barons et seigneurs de ladite isle sef- foroerent de faire grans banquets et autres esbatemens, ius- ques à ce que les nouuelles de la désolation de Lacedemone et de Cytheree et du rauissement d'Heleine vindrent à la notice du Roy Menelaus.

Quand donques ce tresdolent bruit fut espars parmy ladite isle, et que tous les iours suruenoient gens de Lace- demone et de Cytheree, qui faisoient foy et rapport plus que certain du grand maléfice perpétré par Paris de Troye,

(1) o.-*^. hidft parUgé, pourva. Cf. Daoaaga tffaMir^, et ê&u$ti-

SnGTLARlTBZ DB TEOTS. UVRS H. 95

la festa et bonne chère cessèrent soudainement, entre les-

dits Princes estans en Crète, et fut Ynchacon troublé oul-

tremesure. liais dessus tous les autres le Roy Menelaus en

menoit le plus grand dueil : car il luy touchoit de plus près.

Et oombioi que la perte de ses trésors et richesses innume-

râbles, et le rauissement de sa femme Heleine luy fust bien

griane chose à supporter, toutesuoyes estoit il encore plus

desplaisant, de liniure faite aux deux damoiselles, Ethra et

Clymena ses parentes : comme met expressément nostre

acteur Dictys de Crète, lequel estoit natif de ladite isle

BesoMs, et pouuoit estre présent à toutes ces choses. Mais

ioehiy Menelaus ignoroit quelles eussent esté messagères

saeretes, ou pour mieux dire, maquerelles de leur dame.

Alors quand le noble Prince Palamedes, de Nigr^pont,

tj^ereeut son cousin le Roy Menelaus i force de grand ire

et indignation qui le surmontoit, estre tout esbahi et par-

fimdement estonné, sans sauoir donner ordre à son propre

aAdre, il aduisa promptement de faire equipper les nauires

siennes et celles dudit Roy Menelaus. Puis Palamedes Tint

audit Roy son cousin, et le consola en peu de paroles, au

mioux quil peut : en allègent tout ce qui fait à alléguer

en tdi cas : et le feit monter en vue de ses galees. Et quand

ils furent tous montez et embarquez, il se meirent en

mer, et eurent temps à souhait, si arrium^nt en peu de

temps ea la cité de Lacedemone, fort désolée et endom*

magee par les Troyens. le Roy Agamemnon et le

Roy Nestor, et la plus part dautres Princes qui estoient

deseenduz de la génération de Pelops, furent desia arriuez

incontinent quilz sceurent les nouuelles de la destrousse

que Paris y auoit commise.

Quand donques lesdits Princes sceurent la venue du Roy Menelaus, ilz conuindrent trestous ensemble en son palais.

96 IliLTSTBATIOIlS DB 6ATLB, BT

pour prendre délibération sur laffaire. qui tant leur tou- choit au cœur. Et combien que lenormité du &it les ind- tast de prime face par grand fureur et condtation» de com- mettre plusieurs choses estranges sur matière de guerre, à lenoontre des Troyens leurs ennemis mortelz» neantmoins par arrest meur et bien pondère, en ladite commune assem- blée ilz condurent, que au nom gênerai dentre eux tous pamSy amis, alliez, et confederez ensemble, fust enuoyé premièrement et auant toute œuure, vne ambassade an Roy Priam, pour luy exposer les griefz, iniures et torsfidts à eux inferez par son filz Paris, et le sommer de rendre la Royne Hdeine, Ethra et Clymena, parentes des Rcys Aga- memnon et Menelaos. En semblable traité ce qui audt esté rauy et emporté iniustement auec elles : et anec ce deman- da haute satisfection de liniore. Et pour ce faire et em- prendre furent esluz trois grans personnages : cestasauoir le dessusnomme Palamedes, Vlysses filz de Laërtes Roy des isles dltaque et de Chanthelonie, (1) et pour le troisième Menelaus. Lesquelz se meirent sur mer en grand diligence : et prindrent le chemin pour tirer à Troye : et tant feirent par leurs ioumees, quen peu de temps ilz y paruindrent.

Eux arriuez à Troye, le Prince Palamedes de Nigrepont, lequel estoit pour le temps dadonques beaucoup estimé tant aux armes comme au conseil, se tira incontinent deners le Roy Priam : et en plein consistoire feit premièrement son plaintif et querimonie de loutrage perpétré en Lacedemone et en Cytheree par Paris Alexandre. Exposant comment il auoit subuerty le droit coustumier de toutes gens, en com- mettant opprobre si énorme et si exécrables es personnes propres de la femme du Roy Mendaus son hoste, et de ses

(1) CkanftUmée (macr* ie Qwiéva).

8»6TLâAITII DB TEOYE. UTUB II. 97

parentes : et aussi en pillant ses rilles et citez, et en ocdsant ses sabietz sans sommation de guerre preallable. Puis Iny spécifia quelles et qnantes haynes et semences de guerre se pourroient esmouucir entre deux si grans règnes (1) et na- tions, comme estoient les Orecz et les Troyens, pour loccasion dudit forfait, en réduisant aussi à mémoire (2) les anciennes discordes de leurs ancestres Ilion et Pelops, desquels les Royaumes et seigneuries furent tous destruits pour sembla- ble cause. Au dernier, il mettoit en auant dun costé les difBeiiItez de la guerre : et de lautre part, les biens et les prooflts que pait nourrit et ameine : disant que le Roy Priam nauoit pas à ignorer, combien de mespris et indigna- tion vn si grief oultrage pourroit esmouuoir entre tous ceux du monde. Parquoy il sensuiuroit que ceux qui lauoient pmrpetré seroient relenquiz et abandonnez dunchacun, et en parfln soufSiriroient grieue punition de leur malice. Et ainsi que Palamedes vouloit encore déduire plusieurs autres èhoees, le Roy Priam luy entrerompit sa parole, et luy dit en ceste manière :

t le te prie, Palamedes, que tu te passes vn peu plus lege- ronent (3) de produire ces langages si odieux, et que tu ten déportes (4)aumoins iusques à la venue de mes enfans. Car il ma semble que ce nest pas chose droituriere daccuser aucun en. son absence, attendu mesmement quil est possible que hs cas et crimes dont on charge celuy qui est absent puis* lent estre aboliz, ou deffenduz, par présence. Ces choses et antres allega le Roy Priam, et commanda quon difierast la de ces quereles iusques au retour de son filz

(1) Cf. ritali«n re^no «> royaume.

(2) c.-à-d. ramener, rappeler.

(3) c.-à-d. facilement.

(4) c.-a-d. i% fen àbitiennes, II.

96 1LLT8TRÀTION8 DK 6AVLB, ET

Paris et des autres. Et la caose fut, pource quil voyoit bien et congnoissoit que tous ceux de son conseil meuz par lorai- son de Palamedes, tacitement et à chère baissée sembloient sencliner de son costô, et estre malcontens de lœuure per- pétrée par Paris. Car ledit Palamedes en exposant toutes ces choses, par la fiu^nde de son beau langage Grec, leur auoit causé pitié et commisération du cas. Ainsi le conseil fut délaissé pour ce iour. Et le Prince Antenor, homme de grand magnificence, et selon lopinion de Dictys de Crète plus humain et mieux entendant raison que nul des autres, présenta libéralement son hostel ausdits ambassadeurs, et les y mena de leur grand vouloir.

Sur ce passage icy vient (1) & coniecturer comme la ponre Nymphe Pegasis Oenone après auoir ouy les tresdures et tresdolentes nouuelles que les ambassadeurs de Grèce auoient apportées pour elle, commença aprimes à clerement entendre les obscures vaticinations et prophéties de sa belle sœur Cassandra la prudente pucelle. Et aussi fait & présup- poser que ladite Nymphe fut percée dun dard rigoureux de dueil empoisonné de ialousie, et quelle feit mainte piteuse lamentation, et ietta ms^int souspir véhément pour ceste cause. Mais telles choses se peuuent mieux imaginer que escrire. Pourquoy ie men déporte à présent, et men vois chercher Paris et les nauires Troyennes, que nous auons laissé sur mer, au partir de Cytheree, comme auez dessus ouy, pour icelles ramener à Troye.

(1) e.-à-d. on peat sapposer que...

SOKtTLAMTBZ M TBOTK. UTBB U. 99

CHAPITRE XL

4

Dat émara (I) de Paris, faits en mer depuis son partement de Cythe* réê : et comment par force de tempeste il arriaa en lisle de Cjpre, eC dillee fat transporté en Syrie, laquelle est amplement descrite : •C pîlki la cité de Sidone, et tna traytrensement le Roj dicelle son kMte : et de la Twigoance qui depuis en fat faite par ceux de

Le soTvent alloue Dictys de Crète acteur tresautentique nous récite, que le beau Paris Alexandre et ses complices, emmenans leur malheureuse proyé de Lacedemone et de Cytheree, après ce quilz eurent fait voile de vent non pro- pice comme dessus est dit, pource quilz nosoient plus demou- rer en terre de leurs ennemis, et quilz se furent escartez en mer, à force de tourmente et orage, ilz furent transportez malgré leurs dents à dextre ilz vouloient aller à senes- tre : car ilz tendoient de la mer de Larchipel entrer en la mer Heliesponte : et ilz furent iettez sur la coste d'Afrique, quon dit maintenant Barbarie de myiour. Et laissèrent à gauche lisle de Candie, et lisle de Rhodes. Pline au xxxiu. liure de Ihistoire Naturelle, met quen vne isle des Rhodiens, nommée Lyndos, et au temple de Minerue, Heleine en pas- sant donna et consacra vn calice ou hanap, dun métal nommé en Latin electrum, lequel se fait des cinq pars dor, et lune dargent. Et estoit ledit hanap de la grandeur de sa

(l) Toyages.

IjOO ILLTftTEATIONS DB 6AVLB, ET

mamelle. Dillec comme ie croy à force de tempeste, et pource que leurs nauires estoient trop chargées de la despouille des Lai^emoniens et de ceux de Cytheree, ilz perdirent beau- coup de leurs appareilz, et furent les galees fort desbiffees (1). Finablement la fortune des vents les transporta dedens la mer de Carpathie et en la mer Pamphylienne, est le gouffre de Sathalie près du riuage de Turquie. Tant quen la parfin ilz se trouuerent à lendroit de lisle de Cypre '. en laquelle après que la mer fut appaisee, ilz prindrent port et ancrèrent. Si estoit Roy de ladite isle pour lors, yn nommé Cuneus, lequel depuis vint à layde des Grecz contre I^riam, Mais pour lors il laissa ancrer les Troyens paisiblraient : car il estoit ignorant des maux par eux perpétrez en Lacede- mone et Cytheree. Et auec ce, souffrit quilz radoubassent leurs nauires, et quilz en prinssent ou feissent faire daa- très, pour alléger les leurs. Lesquelles choses faites, iceuz ' Troyens se remirent en mer. Et derechef ou par fortune, ou par la faute et ignorance de leurs pilots et mariniers, ou çarauenture tout à leur essient, Uz furent transportez en la mer Syrienne droit deuant la cité de Sidone, (2) qui est en Syrie. De laquelle, selon nostre manière accoustumee, il faut vn peu descrire la situation particulière, combien que généralement il en sera encores touché au dernier luire.

Selon ce quon peult cueillir par les dits de Strabo, au XVI. liure de sa Géographie, Pline au cinquième liure delhis- toire Naturelle, et Isidore (3) au xxiii. de ses Etymologies, Syrie est lune des plus grands régions d*Âsie la maieur, et est conformée ainsi quil sensuit : deuers Orient, elle ha le

(1) Dam Jean Marot, on trcaye « eagrifféei, uaëes et detbiffjes ».

(2) Sydone (rnscr. de Genève). C*est Sidon.

(3) Ysodore (mscr. de Oenéve).

SmafLAMTBZ ftS TROTB. VltME II. 101

grand fleuae Euphrates : deuers Occident, Egypte et la mer Mediterrane : du costé de Mjdi, la mer Arabique, et de Septentrion, Arménie et Cappadoce. Elle se diuise en quatre parties principales. La première sappelle Syrie de Mésopotamie, située entre les fleuues Tigris et Euphra- tes. Et est la grand et ancienne cité nommée Edissa, (1) autrement Rhages Medorum. La seconde est Celosyrie, en laquelle est Ântioche tresnoble cité : en laquelle saint Pierre fut premier euesque. La tierce sappelle Syrie de Phenice. Et la quarte Syrie de Damas, en laquelle est la dté de Damas, tresrenommee pour la conuersion de saint Paul. Et est assise au pied du mont Libanus, duquel ist le tressacré fleuue Jourdain. Mais la première, deuxième et quatrième, ne sont rien & nostre propos, fors seulement la tierce. Cestasauoir la prouince de Phenice, laquelle est ainsi nommée, de par Phénix filz du Roy Âgenor, et frère de Cadmus qui fonda Thebes en Beotie, (2) et de la belle Buropa. Lequel Phénix venant des grands Thebes d'Egypte, constitua illec son habitation. Et fut premier inuenteur des characteres et formes de lettres, lesquelles il escriuit de couleur phénicienne ou yermeille. Iceluy Phénix fut père de Belus deuxième de ce nom. Lequel engendra Dido Rayne de Carthage. Bocace met au second liure de la Généalogie des Dieux, que les Phéniciens iadis prostitu- oient et abandonnoient leurs filles, auant les marier, et du gaing quelles auoient fiût à ladite prostitution de leurs corps on leur en faisoit leur douaire. Et en ce ensuiuoient iU ceux de lisle de Gypre : qui semblablement le faisoient : car la Déesse Venus leur auoit estably eeste belle loy. Toutes les cites principales de la prouince de Phenice

(1) Sdyua (micr. de GeQève). C'est Edesie.

(2) Bœtie (maer. de Gtonève).

101 nXTSTEATlOIIS DB GAnjl| BT

sont maritaines, (1) assises sur le riuage de la mer Méditer rane. Entre lesquelles sont Biblus tresancienne, et Bamth, laquelle est fréquentée par les marchans Occidentaax , Vénitiens et autres qui y vont au temps présent charger plusieurs marchandises venans d'Arabie. Aussi y est la cité d*Acre, anciennement appellee Ptolemais* laquelle soulmt estre aux Chrestiens, et y habitoient marchans Vénitiens, Geneuois, et Pisans : comme met Platina historien. Mais au moyen des dissensions menées entre lesdits Vénitiens et Geneuois, finablement elle ha esté toUue & la Ghrestienté par les Sarrasins de Syrie, dont cest grand dommage : car elle estoit bien propice au recouurement de la terre sainte. Et non pas loing d'Acre est la sainte et belle montaigne appellee Carmelus, en laquelle habita iadis le bon prophète Elisée : et dicelle montaigne ha prins son nom lordre des frères Carmélites : lesquelz le Roy saint Loys' amena pre- mièrement en France. Aussi y est le port de Ioppe« quon appelle maintenant lafia : on descend les pèlerins qui veullent aller en Hierusalem. Et audit port de loppe Per- seus âlz de lupiter et de la belle Danae deliura la noble Andromeda fille du Roy Gepheus d*Ethiope. Laquelle estoit exposée à vne grande baleine et monstre marin qui la deuoit deuorer : et y voit on encore lune des costes dudit monstre, laquelle ha bien quarante piedz de longueur. Il y ha aussi en ladite prouince autres citez, si comme Gesaree, Gapharnaum, et autres, dont la sainte escriture fait men- tion, lesquelles ie passe souz silence : car elles ne sont point au propos. Mais ce qui sert à nostre^ cas, est la région de Tripolis, en ladite prouince de Phenice, laquelle est toute assise sur la marine. Et est appellee Tripolis pource quelle contient trois citez principales : cestasauoir Aradus,

{\) sont maintenant {éd, 1516).

nRÛTLAUTlZ M TROTB. LITU O. 108

Sidon, et Tyrus, comme met expressément Strabo en sa Géographie. Et est ladite région Tripolitaine, située entre la dtë de Bamth, et la cité d*Acre dessus mentionnées. Ladite cité de Tyrus fut de grande ancienneté, et en font aouuent mention les poètes et les historiens, pour la bonne pourpre qui sy fait. Mesmes la sainte escriture en parle sonnent. Et la fonda le Roy Agenor, père de la belle Europa, laquelle lupiter troisième de ce nom, Roy de Crète, rauit sur le nuage de Tyrus elle se iouoit auec ses pucelles. Et pour ce faire se transforma en guise dun taureau, ^elon les fables. Et engendra en elle Minos, Rha- damanthus et Sarpedon. Et pour lamour dicelle, feit nom- mer la tierce partie du monde de son nom, cest Europe, en laquelle nous habitons. Et en ladite cité de Tyrus, et aussi de Sidone régna iadis le dessusnommé Belus deuxième de ce nom, père de la Royne Dido, autrement nommée Elisa. Laquelle fonda la grand cité de Carthage en Afrique, elle récent Eneas Troyen, errant par la mer après la déso- lation de Troye, comme met Virgile en ses Eneïdes. Et souloit estre ladite cité de Tyrus en la puissance des Ghres- tiens, mais elle ha esté perdue par la dissension des Gène- uois et Vénitiens, comme dessus est dit de la cité d*Acre. Et au parauant y fut enterré lempereur Federic Barberousse, comme nous dirons plus à plein au dernier liure.

Sidone, voisine de Tyrus, est située en beau plein (1) païs, et en lieu fertile à merueilles, et souloit auoir deux bons ports et haures. Si estoient les Sidoniens de tous temps puissans gens à cause du nauigage, duquel ilz furent fort dextres et expers. Et comme met Strabo, dune manière de terre qui croit illec, ilz auoient grand industrie de sauoir

(1) plaên (mscr. de Genève) ; c.-à-d. en plaine.

iOi HLLVSTRATIOlfS M GAVUK, ST

faire fort bel ouurage de voyrres crystallins, comme on maintenant à Venise. Alexandre le grand en son temps conquit Sidone par force. Aussi les Chrestien^ la toUurent aux Sarrasins de Syrie, du temps du Roy saint Loya de France» comme met Platina en la vie des Papes. Et cest ce que ie saurois dire en brief de la description et situation de la cité de Sidone : sinon que maint^iant elle est de»- truite et déserte totalement, comme met Bernard de Bri- dembach, doyen de Maience, en son voyage de Hierusalem. Ainsi peult on congnoitre, quil ny ha rien de perpétuel souz le ciel.

Pour reuenir donques à nostre propos principal ; ladite cité de Sidone flourissoit en grand triomphe et richesses du temps de Troye. Et regnoit en icelle vn Roy duquel nostre acteur Dictys de Crète ne met point le nom : lequel estoit riche et puissant à merueilles. Et quand Paris Alexandre, et Deïphobus et leurs compaignons ^rent amenez par for- tune de vent ou autrement, comme dessus est dit, douant ladite cité de Sidone, ilz enuoyerent audit Roy de Sidone aucuns personnages graues et honnestes par semblance, en vne barquette, pour luy remonstrer, comment par force de tempeste et lerreur de leurs mariniers, ilz auoient es^ transportez illec : et requérir quil luy pleust leur ottroyer port et saufconduit en sa cité aucune brieue espace de temps, & fin deux refreschir et rauitailler. Lesquelz person- nages venuz en la cité de Sidone, et que ledit Roy enst entendu par eux que cestoient deux des enfans et le gen- dre du grand Roy Priam de Troye, il fut tresioyeux et tresdesirant de leur faire honneur et plaisir, pour acquérir leur accoin tance et beniuolence, ignorant lenorme cas per- pétré par eux & Lacedemone et en lisle de Cytheree. (1) Si

(1) Ciihar/e (rnscr. de Genèye).

SOMVLARITB M TBOTB. UVM n. 105

CDonouida ptomptëment onurir le port de Sidone, et lay Beemes les vint receaoir à grand feste et mdodie, dont il 86n repentira.

Quand les Troyens eurent ancre et forent descendus m terre, le hwtk Roy de Sidone print Paris, Deïphobus et Bneas, et les principaux des autres. Si les mena en son pdais, et leur feit aucuns iours la plus grand chère dt monde pendant quon rabilloit les nauires : et leur monstra sa gloire et son triomphe, et desploya tous ses trésors. Des^ q^Az Paris insatiablement eonuoiteux, en adioustant crime sur crime, conspira auec ses compaignons de les rauir et emporter. Ce quil feit par effect» et tua de nuict par aguet et trahison ledit Roy son hoste, lequel lauoit si humaine- ment traité, et ne se donnoit garde aucunement de lexe* crable peruersité diceux Troyens. Si conuertit le tresui- deux iouuenoeau Paris tout le Palais du Roy des Sidoniens en ooctsion, tumulte et lamentation, comme il auoit desia &tt en la cité de Laeederoone. Ainsi tout ce qui auoit este mis en auant, pour ostentation de la magnificence Royale, fut iniquement pillé et rauy par mauuaistié desloyalle : et eommanda Paris, quon portasl tout aux nauires. Mais ^uand ceux de la cité de Sidone entendirent les plaints (1) et les dameurs misérables dés gens et seruiteurs de leur Roy, qui dauenture estoient eschappez du palais, et auoient euadé la mort, si crioient au meurtre, et plouroient misérable- ment la mort de leur seigneur et Roy. Le peuple sesmut alors tumultueusement, courant aux armes : et tous à rne flotte (2) seneoururent vers le palais Royal. Mais Paris Alex- andre, après auoir prins la meilleur proye quil eust peu

(l)plainU (maer. àê G^néTe). Cf. phnetui. (2) e.-A-d. en foule.

106 ILL^STEATIORS M GATLS, Vf

esleuer, aestoit desia retiré en ses nauires, et se hastoit de faire voile poar partir. De laquelle chose adaertîs les dtojens de Sidone, laissèrent le palais, et forent prompts de sadresser an port pour les en garder. (1) Si commença entre les deux parties, dure et aigre escarmouche, et en moa- nit beancoup dun costé et dautre. Car les Sidoniens assiil- loient vertueusement leurs ennemis, pour venger la mort iniuste et traytreuse de leur Roy. Et les Trojens se deffen- doient obstinément, pour sauuer eux mesmes, et de peur de perdre le butin. Toutesuoyes deux de leurs nanires fiireitt bruslees, et les gens mors et noyez : mais le demouramt ilz preseruerent par grand vaillance. Et finablement eschapperent de Sidone, et se rebouterent en mer, après que les Sidoniens qui nauoient point de chef, furent fort lassez de la bataille.

le nignore pas sur ceste matière, ce que le père des his- toriens Herodotus Halicarnasseus met au deuxième liure de son histoire, touchant les erreurs de Paris, disant que après le rauissement d*Heleine il vaucra (2) beaucoup par la marine : et arriua à lune des bouques du fleuue du Nil : regnoit pour lors vn sage Roy, nommé Proteus. Mais pource que de ce poinct ha esté touché (3) au prologue de ce liure, ie mon déporte : et reuiens à mon acteur Dictys. Lequel en son quatrième liure met que ledit robement et déprédation de Sidone, et loccision du Roy, ne demeu- rèrent pas impunis, mais son ensaiuit vengeance sur telz qui nen pouuoient mais, et neantmoins ilz le comparèrent (4) comme il adulent souuent : et la manière fut telle.

(1) c.-A-d. empêcher.

(2) c.-à-d. erra. Dans Froiasart waucrer (angl. to walh)»

(3) sera touché en la fin ie ce litre (maer. de Genève).

(4) c.-A-d. payèrent, expièrent.

SniGTLABITBI M TBOTB. LITIB II. 107

Certain temps après pendant lemotion de la gaerre Troyenne, vn Dqc de Syrie nommé Phala, par amour affi- nitiae (1) ou alliance qnil auoit auec le Prince Memnon ûlz de Tithonus et neueu de Priam, duquel nous parlerons pins amplement an dernier liure, ou parauenture comme aouldoier et subiet de Tenthanes Roy des Assyriens, leqnd enuoya ledit Memnon au secours de Troye, menant grosse armée dlndiens et Persans par terre : et ledit Phala venoit par mer. Si aborda par son malheur en lisle de Rhodes, laquelle estoit du parti contraire : cestasauoir fauorisant aux Orecz contre les Troyens : car leur Roy nomme Tle- polemus estoit douant Troye. Laquelle chose qyand le Duc Phala entendit, il fut bien honteux et bien desplaisant, eraingnant que si lesdits Rhodiens sauoient quil allast au secours de Priam, quilz bruslassent ses nauires et le pil- lassent. Et eust Toulentiers fait voile pour sen aller promp- tement hors de la terre ennemie : mais pource quil ne fai- soit pas temps de nauiguer, il fut contraint de demeurer illec me espace. Et & fin deuiter tous dangers, il deffendit à ses gens quilz se gardassent estroitement de declairer aux Rhodiens quilz alloient à Troye, ainçois dissimulassent ^imlqoe autre chose quil leur roeit en bouche. Mais pouroe qie cest chose difBdle, de cohiber et introduire (2) me si grande multitude de gens, après que les Syriens se furent iettez hors de leurs nauires, et espartis parmy deux villes de lisle de Rhodes, pour auoir aucuns viures et autres besongnes & eux nécessaires, les Rhodiens qui en auoient suspicion véhémente , senquirent cauteleusement de la vérité, tant quilz en furent à plein informez. Laquelle

(1) afinite (mscr. de Genève).

(2) c.-A-d. retenir et engager. Cf. Introiueere dans Ducange.

1W nâsWT^krtom w CAftK, n

scène, iceax Rhodiens se tirèrent vers le Duc Phala» et en la présence de tous ses gensdarmes, luy dirent et remon^ trerent comment ilz le trouueroient bien lasche et de nature estrange et barbare, Inj qui estoit grand seigneur entre les nobles de Syrie, quand il alloit au secours de Priam. Veu que nagueres Paris Alexandre, filz dudit Priam, auoit tué le Roy de Sidone en Phenice, son voisin, et pillé tous les trésors de son palais : pour laquelle chose il sembioit que ledit Duc Phala voulsist porter (1) et deffendre vn si vilain fait, contre ceux de son païs propre. Et allegoient en ooltre lesdits Rhodiens, beaucoup dautres raisons qui faisoient pour eux, et pour esmouuoir le populaire contre ledit Duc. Laquelle chose ne se passa point sans sortir son effect : CSar les Phéniciens et Sidoniens, dont il auoit plusieurs soûl- doiers et vassaux en larmee du Duc Phala, esmujs tant par la qnerimonie des Rhodiens comme par couuoitise du pil* lage, se mutinèrent ensemble, et tournèrent à leur bande la plus part de larmee. Si coururent sur le demeurant de larmee des Syriens, mesmes à leur Duc Phala et lassom-» merent de coups de pierre. Puis pillèrent tout lor et lar» gent de leurs souldees, mesmes les richesses de leur Duc, armures, vtensiles, et viures estans es nauires qnilz auoient amenez, et vendirent les vaisseaux aux Rhodiens : pois distribuèrent le tout entre eux, par manière de butin, tant quil2 en furent tous riches : et se diuiserent en bendes par les villes de lisle de Rhodes. Esquelles depuis ilz habi- tèrent, par la licence des Rhodiens. Car ilz ne sen fussent osez retourner en leur païs de Syrie. Et voila comment fot vengé loutrage fait à Sidone de ce costë. Or faut il retour- ner à nostre propos principal de Paris et de ses compai- gnons.

(1) c.-à-d. par il temblait Toaloir soutenir (portare).

UWTLAAiTtt M TAOU. Ufl& U. 109

CHAPITRE XII.

Da rttevr Piirk à Troy^, aaee H«loiM : de la ▼•tMioation de CaMaadra, du daeil da la Nymphe Oesone, et comment elle laiaea Troje, et eeii alla demourer à Cebrine : de la réception d-Heleine : et da mariage délie auec Parie. Et comment le peuple seamtit et labonra à ce qoe Heleine fost reetitnee à ton mary, et aux amlma- •adeora de Grèce. Et par quel moyen il y fut obni4, tant par Paris et Delphoboi, oomme par Hecuba et Heleine. Auec recitation du danger duquel lei ambaaaadeurs furent preeemet par Antenor. Et du partement diceoz.

ÂpreB la direption de Sidone, les Troyens nerrerent plus par la marine, selon nostre acteur Dictys da Crète, ains tindrent lenr chemin tout droit vers Troye la grand, sans plus dinertir (1) ne ça ne : et tant exploitèrent, qnik yrinerent en liste de Tenedos, comme met Dares de Phry- gia. Laquelle est vis & vis du port de Sigee, et à xnn. mille pas de Troye, comme sera touché plus à plein an dernier linre. Et J[llec Paris consola la belle Heleine, laquelle estoit triste et ennuyée du long nauigage, et feit sauoir sa venue an Roy Priam son père, comme met le dessusdit Dares : de laquelle le Roy fut tresioyeux, et feit &ire grand appareil, pour laller receuoir au port de Sigee. Si y vindrent la plus part des enfans de Priam : qui amenèrent les dames pour receuoir la belle Heleine, entre lesquelles la triste Nymphe Oenone ne fut pas la dernière qui y alla. Non pour sem- blable cause, ains sans plus, pour voir si le comble de sa

(1) c.-à-d. a*doarter.

110 . ILLVftTEMlOMS DB «A?LB| W

misère estoit correspondant à la renommée. Car assez nen pouuoit estre acertenee, si elle mesmes ne lesprouuoit par son regard. Et se meit sur vn haut tertre pour choisir (1) de plus loing.

Gueres neurent illec seiourné ceux qui estoient ve&uz de Troye, quand on commença de voir apparoir de loing les voiles et la flotte de nauires de larmee de Paris. Si com- mencèrent les vns de les monstrer aux autres. Âdonc la sage pucelle Cassandra, demy furieuse esmue par lesprit de prophétie, se print à crier hautement que tous le peu- rent ouyr :

Dam licet, obscœnam ponto demergita pappim. Heo ! quantum Phrjgii sangainis illa vehit !

Cestadire : « 0 Trojens, tandis quil vous est loisible, bou- tez au fonds de la mer la malheureuse (2) nef qui ameine tant de sang et doccision Troyenne. » Mais des paroles et gestes de Cassandra furent indignez aucuns de ses parens, et la foi- rent remener à Troye par ses pucelles. Lors la douloureuse Nymphe Oenone toute de sang meslee, (3) teinte de palleur et descoulouree, ne sauoit sa contenance, ains tint ses yeux immobilement fichez vers les nauires qui fort approchoient ayant vent en pouppe. Et quand elles furent si près, que lœil pouuoit choisir et discerner les personnages estans dedens, la poure Nymphe Pegasis Oenone veit son seigneur et mary de iadis Paris Alexandre séant au chasteau de prore dedens sa riche galee. Et en son giron vne forme féminine toute reflamboyant, tant de beauté naturelle

(1) c.-à-d. voir.

(2) e.-A-d. fatale.

(3) UnOe sang mesUe (mscr. de Genève), c.-A-d. boaleveri^.

SUI^VIJLBITIU US TROYB. UVU U. 111

comme daocoostremens dor, de pourpre et de pierrerie leequelz luy auoient esté autresfois donnez par la Royne Leda sa mère. Et estoient si précieux, que depuis Troye destruite, Bneas qui les eust sauuez du feu» en feit un pré- sent de grand speciosité à la Rojne Dido de Carthage. Comme met Virgile au premier des Enéîdes» disant :

Muners praaterea Iliacis erepta roiniB Ferre inbet, pallam signia auroque rigentem, Et eircantextam croceo yelamen acantho, Omatna Argiti» Helen» : qnoa illa Mycenis Pergama eùm peteret, ineonoesiosqTie Hymennoa, Bxtolermt : matria Led» mirabile doninn.

Âdonques la tresdesperee Nymphe firappee du dard

rigoureux de iuste douleur, nauree cruellement de la pointe

de chaste ialousie, et consternée par limpetuosité véhémente

damour coniugale, défaillant la vigueur de son noble cœur,

passionné dextreme angoisse, enclina le chef en terre,

comme fidt vue belle violette sa couleur purpurine, quand

elle est abatue du fort vent Boreas : et se fust laissé cheoir

de sa hauteur si ses pucelles ne leussent retenue. Ainsi

demeura elle pamee et comme morte, sans monstrer signe

desprit vital. Et les nobles Princesses ses belles sœurs et

autres accoururent au dueil que ses damoiselles menoient.

Dont il leur print grand pitié, et sefibrcerent assez de la

reuigorer et consoler : mais elles ne peurent par nulz

moyens. Alors commandèrent auxescuyers et gens de ladite

Nymphe, quilz la missent en vue littiere, et la remenassent

à Troye. Laquelle chose ilz feirent légèrement et remeirent

à chemin. Mais quand elle fut reuenue de pâmoison, elle

demanda à ses gens qui plouroient autour délie elle

estoitt et que cestoit quilz iaisoient. Et ilz luy respondi-

MB lunTEAnoRs m 6atlb, tt

reftt, que pouroe quelle sestoit trouu^ mal dispoeee» quilr la remenoient â Troye. « Non, dit elle, non mes aamv gardez vous en bien, si vous ne voulez que io meure. Maie tournez les brides des chenaux, et adressez vostre ohani» tout droit en la cité de Cebrine, vers mes parsns et amia t car tant que ie viue, qui sera peu sil plaist aux Ueia, ie nentreray dedens Troye, pourueu que (1) la nouuelle adul* tere de monseigneur y soit. » Ainsi au commandement de leur maistresse, les gentilz escuyers tous surfondus (2) de dueil et damertune tournèrent le chemin vers la marche Cebrinoise : et les pucelles en grand pleur suiuoient leur maistresse. Laquelle conmienca k tordre ses belles mains par grand destresse, tirer ses cheueux aureins, rompre les lacts de douant sa blanche poitrine, entamer regrets, redo«Uer pleurs, plaindre inconsolablement, consumant sa voix mk piteuses exclamations, et disant vn piteux adieu à fat noble* cité de Troye quelle laissoit à costiere. (3) Mais de celle noua laisserons vn petit le conte, pour retourner au fort de Sigae. Grand fut le bruit de clairons et de cris à laborder as port. Le gentil Troïlus et ses frères légitimes, Chaon, Pcrfy* tes et Ântiphus auec plusieurs bastards bienuiengnerent hautement leurs frères Paris et Deïphobus. La belle Creusa flUe légitime de Priam, baisa et embrassa son mary Bnaas. Archelaus et Iphidanas enfans d*Antenor, recueillirent leur frère Glaucus : et Lycastes la gracieuse bastarde de Priam festoya son mary Polydamas fllz de Panthus. Mais la véné- rable dame Theano, sœur de la Royne Hecuba, et femme

(1) c.-à-d. en cas que.

(2) c.-à-d. confondu!, abattus. Rien de la signification technique actuelle {smrfmian).

(3) e.-à-d. laisser de c6t^ abandonner.

SIMTLAllTtt BB TAOTB. UYBI il. 118

d*Aiitax)r, aooompaignee de la belle pnoelle Polyxene, et de Medincasta bastarde, et antres nobles damoiselles, se tira ▼ara la Rojne Heleine, et Iny feit grand honneur. Apres les saints donnez et rmdos dtin costë et dantre, et plusieurs deuises entamées, les varletz furent prestz qui présentèrent les ridies montures aux seigneurs et aux dames. Et vn eseoier deseuierie <^Rrit tu beau pallefroy tout housse dor et de pourpre à madame Heleine : et le Prince Troïlus luy ayda i monter. Et oonsequemment Ethra et Clymena, et sntres ses damoiselles furent seruies par les gentilzhommes de Trqye. Et quand tout fut à chenal. Princes, Princesses, dames et damoiselles, nobles et non nobles iusques aux pri^ scmmers que Paris auoit amené de Lacedemone et Cytheree» ik se meirent k chemin vers la cité en grand triomphe et mé- lodie. Et Ik furent reoeus en toute plantureuse opulence par le Roy Priam et les Princes et Barons Ânchises, Ântenor, PianthiiB, Antimachns, Hector, et Helenus : pareillement la Royne Hecuba et les dames. Cestasauoir Sicambria sœur du Roy, Andromacha femme du Prince Hector, et plusieurs autres recueillirent madame Heleine. Et après toutes bonnes èherSB faites, qui seroit longue chose à raconter, Paris eonta au Roy son père tout son exploit : et luy feit osten- sien des richeeses innumerables quil auoit conquises : dont Priam ht bien ioyeux, espérant que par ce moyen il recou- ▼reroit sa sosur Hesionne et tous les interests et dommages que les Xïreos auoirat iadis &its à Troye» du temps du Roy Laomedon son père. Si consola et feit toute bonne ehere ice* luy Roy Priam à la belle Heleine : et de fait, la donna solennellement en mariage à son fllz Paris, comme met Dares de Plffygie.

Or tesmoigne nostre principal acteur Dictys de Crète, que ces choses, pource quelles estoient de mauuais exemple n. 8

il4 ILLT8TRATIOII8 DE 6An.B, ST

et de pire conséquence, ne plaisoient point aux citoyens et populaire de la cité de Troye, ainçois en murmuroient bien fort entre eux, disans les vns que ceste ckose ne toomoit point À bonne signification : et les autres que loutrage £Eat à Menelaus estoit grief et de tresdiuerse (1) apparence. Fina- blement de main en main, comme tous communément la reprouuassent, il sesmut tumulte et mutinement parmy le peuple. Desquelles choses le Roy Priam perplex et douteux conuoqua ses enfEms, et leur demanda quelle chose il leur sembloit estre À faire en ceste matière. Lesquelz tous dune voix respondirent À leur seigneur et père, que Heleine ne deuoit point estre rendue. Et la cause qui les esmouuoit i ce dire estoit auarice : pource quilz voioyent quelles et quan- tes richesses auoient esté ameneees auec elle, lesquelles ilz eussent toutes perdues si Heleine eust esté rendue. Et oul- tre plus, aucuns en y auoit qui furent esmuz et embrasez de la beauté des femmes qui estoient venues auec Heleine. Neantmoins Priam iceux délaissez assembla le grand conseil des anciens Princes de Troye, ausquelz il manifesta lopinion de ses enfans : et sur ce leur demanda la leur. Mais auant que chacun eust peu opiner et dire sa raison À la manière accoustumee, les enfans de Priam entrèrent soudainement au conseil, et par paroles hautes et arrogantes menasse- rent lesdits Princes anciens, de leur faire desplaisir silz decretoient rien en arrest oultre (2) ce qui leur sembloit bon. Et endementiers le peuple de Troye portant impatiem- ment loutrage fait aux Orecz, maudissoit execrablement ceux qui en anoient esté cause, et repugnoit de toute sa puissance À la détention d*Heleine. Pour lesquelles causes, Paris Alexandre esmu de chaleur et hastiueté iuuenile, et

(1) c.-à-d. orueUe. (2) c.«à-d. contre.

SnVGTLAMTBZ DB TROTS. LIVKE II. liS

par yne grande ardeur de courage vénérien « de peur de perdre sa détestable proye, et craingnant que sur ceste matière le peuple ne machinast aucune chose À son détri- ment, se tira celle part enuironné de plusieurs de ses frè- res, armez et embastonnez : effondra impétueusement dedens la multitude du populaire, et en tua beaucoup, et eust fait encore plus, si le demeurant neust esté sauué par la snruenue du baron Ântenor, et des autres nobles du oonseil qui se meirent entredeux. Ainsi le peuple moqué, batu, et tenu en yile estime, à son tresgrand preiudice sen retourna chacun en sa chacune.

Le lendemain le Roy Priam, par lenhort de la Royne Hecnba, se tira vers la belle Heleine : et la salua béni- gnement, et lenhorta dauoir bon courage, et ne se soucier de rien : luy demandant de son lignage et extraction. Et elle luy conta toute sa généalogie des le commencement iusques à la fin, qui seroit longue à raconter. Concluant, que à cause de lupiter, dont Priam et elle prenoient ori- gine, elle se trouuoit plus prochaine du sang du Roy Priam, et aussi de la Royne Hecuba, que de Plisthenes père de Menelaus. Or œstoit la manière dadonques, que ceux dun lignage sentreallioient plus voulentiers par mariage que dautre génération, comme il appert par aucunes histoires de landen Testament. Si prioit la belle Heleine au Roy Priam en pleurant tendrement, que puis quelle auoit esté recette yne fois en sa foy et en sa sauuegarde, quil ne la voulsist point trahir ne liurer aux Grecz. Affermant que de la mai- son de Menelaus, elle nauoit rien apporté, ainçois estoient âens proprement iceux loyaux et bagues quelle auoit. Tou- tesuoyes, il est incertain comme met lacteur, si ces choses elle disoit pour la grand amour quelle auoit à Paris Alex- andre, ou pour la crainte de souffrir quelque peine et

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mauoals traitement, si elle estoit rendue À son mary Mené* laos» à cause de la faute quelle luy auoit faite.

Ces choses nonobstant, le populaire laboura tant «[luers le Roy Priam et tous ses enfans, excepté Deïphobus, que la délibération estoit prinse et arrestee de rendre Hélène à son mary M^nelaus Roy de Lacedemone, et despescher le4 autres ambassadeurs de Grèce, sans plus délayer oultre (1) la gré dudit peuple» Et met nostredit acteur Dictys de Crète* que Deïphobus seul resistoit à ladite conclusion, en la &ueur de Paris : pouroe quil nestoit pas moins esprins de lamour d*Heleine, que ledit Paris mesmes. Voyant donquea la Royne Hecuba que la reddition d'Heleine se concluoit du tout resoluement : et sachant que la voulenté de ladite Heleine estoit au contraire, elle labouroit à toute force que la chose nallast point ainsi, mesmement pource quil y auoit aucune affinité entre elle et ladite Heleine, comme dessus est dit* Et sans aucune intermission, se iettoit ores aux genoux de Priam, et tantost embrassoit les enfiins lun après lautre, et ne les laissoit iusques k ce quelle eust impetré d*eux ce quelle pretendoit : cestoit la rétention d*Heleine. Et par ainsi les amena tous à sa voulenté, et fett tant finablement, que le bien publique fut postposé et cor- rompu par vue désordonnée affection de mère. A fin que le songe quelle auoit autresfois songé, estant enceinte de Paris, Bortist son effect selon les Destinées : et que le flam- beau de feu ardant quelle auoit enfanté, bruslast la grand cité de Troye.

Le iour ensuiuant donques le Roy Priam tint consistoire publique : et sassit en son grand palais d*Ilion, au myliea de tous ses Princes, et de tous ses enlans : présent à ce le

(l) o.-à-d. contra.

SIMVLAAITBZ M TMTB. UTâB U. 117

populaire de Troye. Et aussi sy trottuerent les trois Princes ambassadeurs de Qrece dessus mentionnez, ausquelz auoit assigné ceste ioumee responsiue. Alors le Roy Menelaus tant en son priué nom, comme au nom gênerai de toute Grèce, feit sa proposition iteratiue : demandant que sa fomme Heleine, ses deux parente» Ethra et Glymena, ensem- ble tout ce qui auoit esté prins et apporté auec elles luy fiist restitué sans plus de delay. Âdonc le Roy Priam com- manda silence, et feit venir en la présence de tous et vnschacuns la belle Heleine, à laquelle il oflOrit k haute Yoiz, pleine et franche liberté, si bon luy sembloit de sen retourner en Grèce, auec les siens. Et lors elle respondit derement et sans feintise, quelle nauoit point nauigué iusques & Troye maugré elle : et que Menelaus allast à Dieu : et quelle nauoit que isdre de son mariage. 0 mer- ueiUeuse inconstance et terrible audace féminine ! Certes aussi publiquement quelle auoit eslu Menelaus pour son mary, en la présence de tous les Princes de Grèce : aussi hardiment losa elle à front eshonté, répudier douant tous les Barons de Troye. Si deuoit bien ceste iniure redoublée, peser beaucoup à Menelaus. Quand donques elle eut ce dit : comme si vn arrest de parlement eust esté pi^ononoé entre les parties plaidoyantes, Paris à qui la possession estoit adiugee, et ses autres frères, de sa ligue et confédé- ration ioyeux et esbaudis, par insolence, prindrent la belle Heleine en totale saisine, et lemmenerent hors du consii- toire.

Et quand les ambassadeurs de Grèce, veirent vn si grand Titupere, et congnurent qailz estoient totalement frustrez de leur entente, ilz furent bien honteux et bien confus. Neantmoins Vlysses le plus éloquent de tous, plus par manière de protestation que pour y cuider prouflter en

IIB UtLyiTRATIOllS ra 6ÂTIA, BT

aucune manière, commença par ordre & ramenteaoir tous les grans excès et outrages perpétrez iniquement en Grèce, par Paris et ses compaignons : pour lesquelles iniures trop ignominieuses, il les advertissoit, que brieue vengeance en seroit faite. Gonsequemment aussi Menelaus atteint dun mer- ueilleux courroux, d un visage cruel et horrible, menassa le Roy Priam et tous les siens, auecques le peuple de Troye, de les mener à destruction finale. Et sur ce poinct, laissa lassemblee, et se retira en son logis. LfCsquelles choses par- uenues à la notice des enfans de Priam, cestasauoir Paris et ses complices, ilz conspirèrent secrètement entre eux, denconuenir (1) lesdits ambassadeurs de Grèce, et les tuer. Car il leur sembloit bien, et non sans cause, que silz retour- noient en Grèce sans rien faire, que la chose ne se passeroit point que grosse guerre ne sen esmust dun costé et dautre. Laquelle conspiration sceûe et congnue par le Prince Ante- nor, il se tira incontinent deuers le Roy Priam, et luy notifia lemprise de ses enfans : en luy remonstrant que les aguetz et effbrs que lesdits enfans appareilloient contre iceux ambassadeurs, ne redondoient point tant au preiudice des Grecz, comme ilz faisoient au deshonneur de luy mesmes : et que point ne le soufiriroit de sa part. Puis après il declaira toute la chose ausdits ambassadeurs : et après auoir donné bon ordre à leur garde et saufconduit, le plustost quil peut trouuer opportunité, il les feit con- uoyer iusques au port de Sigee, sans mal et sans danger. Et iusque icy sont les propres paroles de Dictys de Crète, au premier liure de son histoire Troyenne.

(1) cireanvenir (éd. 1528).

SlNOTLAmmi DB TAOTI. UVBB H. 119

CHAPITRE XIII.

du diieil extrême de la noble Nymphe Pegatis Oenone, et dei piteux regrets quelle feit. Et aassi des lettres qaelle enuoya à son seigneor et mary Paris Alexandre, sans en obtenir response. Du diuorse qnil feit auec ladite Nymphe. Et de labolition des Ter- tos primitiuee dndit Paris. Ensemble de la maison somptueuse quil fat

Endementiers qae ces choses se faisoient & Troye, la noble Nymphe Pegasis Oenone, estoit arriuee à Cebrine, auec ses parens et amis, elle menoit vn dueil inesti- mable, et impossible À reciter. Et combien quimchacun de ses amis sefforgast & toute puissance de la rapaiser, mes- mement mitre les autres y mettoit grand peine et entente le bon pasteur Royal et sa femme, auec lesquelz elle auoit long temps demeuré, du commencement quelle fut mariée k Paris, comme est dit au premier liure, lesquels mettoient toute peine, à ce quelle portast patiemment son meschef, tout oe nonobstant se plongeoit au parfond abyme de dou- leur, et es ténébreuses cauemes de désolation. Car la lumière du iour luy estoit ennuyeuse, la clarté du Solei^ luy offttsquoit la veue, et ne queroit que lieux solitaires, et séparez de fréquentation humaine, comme font gens con- trits inconsolablement. Et quand elle se veoit esseulée, lors souspirs laggressoient, regrets lassailloient de toutes pars, en pleurant gemissoit, et en gémissant plouroit. Et quand

19(1 ILLfftTRATlOIIS M QêMM^ Bf

sa douce voix pouuoit auoir yssue de son dolent eetomaoht elle faisoit retentir les nobles montaignes Idées de son trenchant cry femenin, et pronongoit diuerses sentences piteuses, souuent interrompues par ses plaintiues excla- mations entremeslees de plusieurs sangloux, disant en cette manière :

« 0 le repos iadis de mon cœur, le seiour de toutes mee pensées, Paris le nompareil du monde, quel obstacle sait mis entre toy et moy ? quel meschef mest aduenu ? Poinr- quoy blesses tu si rudement mon cœur, quil &ut que ie me plaingne de toy, comme de celuy qui nest plus mien? Lesquelz des Dieux sont ce qui contrarient au comble de mes désirs ? Quel crime me saurois tu reprocher, obstant lequel ne doiue demourer tienne à perpétuité ? Si la coulpe est de mon costé, certes ie porteray le grief en bonne patience : mais si ie souffre & tort, cest bien raison que ie men duttlle. Est il possible de discuter dont vient oeete ti soudaine mutation ? Las, tu nestois point encores si grand ne si haut esleué, quand premièrement ie te daignay pren- dre À mary. Ton plus haut tiltre nestoit que dun simple bergeret, seruant autruy au lieu dun esclaue, comme orpbenin et desaduoué de parentage : et ie tresnoble et tresclere Nymphe, an païs de Phrygie, âUe du grand fleuue Xanthus, fus toutesuoyes contente de tespouser. Bt taymay damour si franche et si loyalle, que ie prenois bien patience de reposer auec toy entremy les troupeaux et les parcs de tes bestes, Iherbe et les fueillettes nous ad* ministroient couche, les hayes nous estoient en lieu de sponde, (1) le tronc des arbres nous seruoit de cheuet, et les branches de courtines. Quelle noble femme, extraite de

(i) pour esponde = chAlit, bois de lit.

SlMTljyUTBZ M TIOVK. UYW U. ISI

haut Ugoage fot iamais oontente de laisser paternels et maternels délices, se gésir sur vn petit de £Burre ee bordas ebampestres mal résistantes & la neige et froidure, pour lamour de son amy, sinon moy I ne quelle dame ou damoi- selle se trouua iamais si franche et si hardie, quen poet- posant toute tendresse et imbecilité féminine, de suiure s<m espoox k la chasse parmy les hauts rochers, luy monstrer les repaires des bestes sauuages, tendre les files, mener les ohîens en queste : et faire toutes choses laborieuses, et viriles, par grand afibction, si non moy lasse dolente t Mais oeste grande amour de courage, helas, me prooedoit alors (îe le confesse) à cause de ta singulière debonnaireté : et poorce que tu me rendois amour mutuel et réciproque. A loccasiim aussi de tes douces blandisses et gracieux entr»- tenemens, qui estoient adonc chastes et pudiques. Alors tu me tenoie toute tienne. Tous les arbres de la grand ibreit Ida, estoient marquez et entailles de mon nom. Le grand peuplier du riuage de mon père le noble fleuue Xanlèos ait alors enrichi de ma deuise : ou tu escriuis yne îm tBè vers :

Qpand Paris délaisser Oënone poarra Xanthus le fleaae der, ensas retonmera. (1)

« Retourne donques, mon doux géniteur, mon tresredouté père Xanthus : et te deliure de réduire (2) tes nobles yndes contremont, au propre lieu de ta sourse : car Paris ha délaisse ta fille Pegasis. Paris Alexandre ' ha enuoyé la belle diuorce et répudiation à la Nymphe Oenone, iadis sa treschere espoUse. 0 la dolente et malheureuse ioumee

(1) Cf. Oride Heroid. Y, 30.

(2) e.-é^. meta-tei à rasMaer.

fis ILLUSTRATIONS »E 6AVLK, «T

quand onqaes les trois hautes Déesses subirent ton luge* ment ! Bien me disoient les sages bergers de Gebrine, que oe nestoit que futur dueil pour moy. Bien masseuroient les anciennes preudefemmes de ceste contrée, que toutes eee choses ne toumeroient point à bon diffinement. Aussi appert il» que lelection de ton iugement, ha sorty son effect. Tu mesprises dame luno, qui est Déesse de richesses, et préside aux mariages : cestasauoir en laissant ta suffi- sance et plénitude de grans biens, de Ihostel de ton père, et allant piller et rober les Royaumes estranges, et aussi en me répudiant qui suis ta femme légitime. Tu nas aussi eu cure de Pallas, qui est maistresse de science, et pru- dente conducteresse des armes, et aussi Déesse de chastetë virginale : car en vsant follement de ton sens naturel, as donné commencement de grand imprudence à vne guerre de mauuaise termination, et as violé la pudicité de ton mariage. Lesquelles choses faites, tu as deliuré la pomme dor : cestadire, ton noble chef aurein qui est composé de rondeur spherique et légèrement tournant, & dame Venus, ouuriere dimpudicitë, controuueresse dinceste, et forge* resse dadulteres. Et pour ton guerdon promis, elle tha rendu dame Heleine, confite en semblable delicts. Helas, quand tu partis de moy pour acheuer ceste noble conqueste, tu pleuras, ie ne scay si cestoit par feintise : tu larmoyas, et ne le saurois nier : et veis aussi mes yeux larmoyans non feintement. Si meslames noz pleurs ensemble, et nous entreliasmes si fort par doux embrassemens, que les gra- cieuses vignettes ne sont point s^ fort entortillées aux ormes, comme mes bras furent liez autour de ton col. Com- bien de fois te plaingnis tu de ton partement trop hastif ? Combien de fois retournas tu pour me baiser ? Quantes prières &y ie fait aux Nymphes de mer, à fin que ton retour

«iHGnjkimi M non. um u. HK

fost 'brief ? Helas, tu es retoarné par mes prières, mais non pour mon soûlas. lay esté biiml)le et deuote enners les Dieux pour celle qui occupe mon lieu. Et quand ie yeis blanchir tes voiles à ta dolente retournée, iestoye si aueu- glee, que peu sen faillit que ne me meisse en mer, pour aller au douant de toy : mais lasse, dolente, ie congnus taoi» tost mon mescbef prédestiné. lapperceus incontinent la matière de mon dueil perpétuel : et commencay deslors i remplir les airs de mes iustes querimonies. Plaise aux IKeux que ainsi puist Heleine se douloir, comme ie fiûs : et quelle se puist finablement voir destituée de celuy quelle tient pour son mary, ainsi que présentement ien suis dé- laissée, À fin que le mal quelle ha premièrement inféré A autruy, redonde doublement sur elle. Cest maintenant que les femmes estraugeres viennent après toy : et quelles deUtissent leurs maris Intimes, et trauersent les hautes mers pour te suiure, À cause que ta félicité présente est réputée grande, depuis la réduction (1) de ta personne enla maison paternelle. Mais quand tu estois poure berger» et que tu menois paistre les brebis aux champs, nulle autre ne sevouloit dire femme du pasteur Paris, fors la Nymphe Oenone. Les autres vont après la splendeur de ta fortnaa, et ie madheroye seulement aux bonnes mœurs de ton per- sonnage. Toutesuoyes ie ne forge point ceste complainte pour chose que ie admire tes richesses, ne ton palais Royal ne me meult en rien : ne aussi ne me desplait il si ie ne suis plus contée entre les belles filles du Roy Priam. Non pas pourtant quil refuse estre beaupere dune Nymphe gentile, oa que la Royne Hecuba ayt en desdaing Pegasis Oenoue fille du noble Xanthus, ains me tieunent digne assez pour

(1) e.-à-d« retoar.

mtre femme don haut Prince et auoir mains propioesâ porter sceptre Royal. Mais ie voy que tu seul ma xnea- prises, ponrce qpie fiuiiilierement ie souloye gésir au^c toj parmy les Ibrestz, iestoye plus digne de coucher w licte de pourpre. Ne vois tu pas que mon amour est plus seure que celle d'Heleine, et que nulles guerres ne sesmaar uent pour moy ! Que mon mariage ne tameine nulles nar uires equippees souz. tiltre de vengeance I Ne congnois tu point que la fille putatiue de Tyndarus, fugitiue de aon mary, est redemandée par armes : et que la tresoj^illeuae ne tapporte autre chose pour son douaire, sinon sang et oocision ? Demande & ton frère le tresnoble Prince. Hector, au prudent Antenor, à ton père le Roy Priam, si elle doit point estre rendue. Enquiers toy des autres sages et aagez Princes de sa court, si elle doit point estre restituée. Ceet TU tresmauuais signe et exemple, de préférer vne femme rauie en estrange contrée à celle de son païs propre, car ta cause est vergongneuse et pleine de honte. Le mary ha iuste occasion de tourner ses armes sur toy. Si tu as espé- rance quune femme si légèrement contournée en tes embraa- semens, te soit fealle, et que ainsi le desires, tu es grande* ment deceu. Car tout ainsi que Menelaus se deult de son lict maculé et contaminé par amour estrangere, semblable- ment te plaindras tu de pareil défaut. Car quand la chasteté dune femme est vne fois entamée, voluntairement elle est tousiours après enclinee à semblable delict. Et si tu dis quelle est ardamment astrainte pour Iheure présente de ton amour, ie respons que ainsi ha elle esté autresfois de son mary Menelaus. Et toutesuoyes il se git maintenant vefue en son lict.

« 0 que tu es constituée en grand félicité, ma belle sœor Ândromacha 1 quand tu fus assignée & vn mary constant

et permanent : et à lexemple de son frère aisné, ae denoit renger Paris : mais il est plos léger que les seiches fueil- lettes destituées dhumeur, lesquelles sont esparpillees êXk vent. Et 7 ha moins darrest et de pois en luy, quil ny ha es chaumes, ou festnz légers tous consumes de lardeur da Soleil. Lasse, moy dolente, bien le me prognostiquoit iadia la prudente Gassandra ta sœur germaine, et trop mha elle este vraye prophète et deuineresse, La génisse Grecque est Tenue qui possède mon pasturage. La beste cornue estran- gère est entrée en mon dos. Mais combien quelle soit sin- gulière de visage, toutesuoyes est elle adultère prouuee, comme celle qui ha laisse ses Dieux familiers» sa propre flUe, et son bien domestique, pour accourir après vn estran- ger. Bt comme celle oultreplus, laquelle par ie ne scay quel Tbeseus (si bien du nom ie me recorde) ha encores autres^ fois esté rauie. Et combien que depuis elle fut reeouureet ttmtesuoyes si nest il pas vraysembiable, quelle en retour^ nast sa virginité sauue, mesmement des mains dun ieune Prince tout embrasé damoureux désir. Et si tu me dé* mandes, comment ie puis si bien estre informée de oee choses, saches mon cher seigneur Paris, que amour men ha fidt enquérir. Et si dauenture aucun la vouloit excuser de ooulpe, disant quelle nen peust mais, et que force luy ha esté fidte : ie réplique sur ce, quil est impossible que par tant de fois ha esté rauie, nayt baillé opportunité, occasion et consentement à son rauissage. Mais au contraire, la dolente Nymphe Oenone, demeure chaste et entière & son seigneur et mary : nonobstant que de luy soit abandonnée, et quon luy baille exemple et necesité compétente, de fidre autrement. Mais auant ne la laissent les Dieux tant viure, tfOLélë le daignast penser. Lasse, moy poure malheureuse, qui ay puissance sur toutes herbes naissans au monde»

Itt OLTSTBÂTIOlfS DE GAnJE, BT

laquelle me fut iadis ottrojee par le Dieu ÂpoUo, et ie ne men scay, ne puis donner remède I Car amour nest point medeeinable par herbes. Par ainsi suis ie destituée, et demeurant sans ajde de ma propre science. Et nest herbe, racine, ne semence procréée en terre, tant soit fertile, ne Dieu aucun habitant au ciel, qui me puist donner secours, fors mon chw seigneur et amy Paris Aleiandre. Celuy seul le peult faire, et bien lay desseruy. Ayes donc pitié, ô le désir de mon cœur, de celle qui en est digne. le ne tapporte point armes sanguinolentes comme font les Orecz, mais ie suis tienne, et ay tousiours esté de ieunesse. Si ne requiers autre chose, fors estre tienne le demeurant de mon aage. » Ces grieues lamentations piteuses formoit loutrepasae des Nymphes, la gracieuse Oenone. Et souuent les reïteroit, sans ce que nul de ses parens et amis, damoiselles ou ser* uiteurs luy peussent donner ioye ne récréation, ainçois meit ius habits de pourpre et de soye, loyaux dor, riches bagues et pierres précieuses, et print habits de dueil et vefuage. Si neut plus cure de mettre à point son beau chef. Laissa ternir sa clere face, et ne luy chalut plus de sa personne, ne de chants ne de ris, ne dautres esbatemens quelconques. Mais se conformoit À la chaste tourterelle, laquelle après auoir perdu son pareil, ne fait que gémir continuellement : et ne repose plus sur branche verde. Le noble Roy Priam, et la Royne Hecuba qui furent informez de sa désolation, en furent fort desplaisans, comme ceux qui laymoient sin- gulièrement : et y enuoyerent le preux Hector, et le bas- tard Cebrion, et aucunes des nobles dames de leur maison, pour la réduire à liesse et à bonne chère : mais combien quilz y labourassent beaucoup, et que la présence de ces personnages luy fut fort agréable, si nen changea elle rien de son propos : car celuy qui seul auoit la puissance de

smoTLAunz m ihotb. uvrb n. W

lesiouyr, ny estoit point. Toutesuoyes son estât luy fut ordonné à Cebrine bel et ample, comme dame douagere : et lay fat fait tousioors par lordonnance du Roy, meilleur appointements quelle ne vouloit. Mesmement le preux Hec- tor et le bastard Cebrion, et autres de la maison de Priam lallerent souuent visiter. Si feit Creusa femme d'Eneas, et Cassandra sa sœur : desquelles elle estoit merueilleuse- mentpleinte, et trop leur estoit grieue son absence et son infortune. Ainsi persista la noble Nymphe & faire résidence en la cite de Cebrine : dont elle ne bougea iusques à la mort, comme nous dirons par temps. Et passoit son temps à composer médecines et autres œuures toutes chastes, honnestes, et vertueuses.

Le noble poète Ouide en ses epistres, met que la Nymphe P^asis Oenone, pour cuider fleschir le courage de son seigneur Paris Alexandre, et le tourner & son amour, alla estant en ladite cité de Cebrine, comme met son commen- tateur Antoine Volsc luy escriuit vues lettres, dont la teneur est presques semblable aux Regrets dessus mention- nez, mais elle nen obtint aucune response, aumoins dont il soit mention : car Paris Alexandre occupé en nouuelles amours, auoit desia fait diuorce, et répudiation totale auec ladite Nymphe. Duquel diuorce fait mention Suétone Tran- quille en la vie de lempereur Domitian, recitant lune des cruautez dudit tyrant, lequel feit occire vn iongleur nommé Eluidins, pource quil auoit ioué par personnages le diuorce de Paris et Oenone. Au moyen dequoy il reprenoit couuer- tement ledit Empereur, qui semblablement auoit répudié sa femme légitime, pour en prendre vue autre. Et sur ce passage est à coniectur^, que (peult estre) ladite Heleine enchanta Paris : car elle estoit fine ouuriere de sauoir composer certaines potions et bruuages, desquelz quand on

V

418 ILLVffniATIOllS M GAn.8, n

TBoit, on oublioit les choses passées et toate douleur pre^ cedente, comme met expressément Diodoros Sicalns au deo* xieme liure des Gestes antiques, disant ainsi : Pctio Helma in prmUrUùfum ohliuiimem Télemacko data. NMm poHonem ad oMendnm luctnm, q%ampoSU Hdeham eom^ posuisse seribit^ etc. (1) En quelque manière que ce fust, Pa- ris meit en oubly total lamour de la Nymphe sa première femme, iusques aux approches de sa mort, quil en eut recordation : mais ce fut bien tard, et se feit porter yers die, comme sera dit cy après.

Paris donques saddonna deslors en auant à toute volup- tueuse vie : lascinité et mignotise efféminée : et passa le temps au ieu de la harpe, à mettre sus chansons et dittiers, dances, conuiues, et autres esbatemens, pour complaire à sa nouuelle dame, et lentretenir en plaisance. Si laissa ses vertus palladiennes, quil auoit eu en ieunesse, et ne loy chalut du haut emprendre de luno. Il se desaccoustuma de la chasse et du noble trauail dont il auoit esté parauant en recommandation louable eneruant toute la force de sa puis- sance corporelle, et animosité hautaine, en oisiueté véné- rienne, en réduisant tout son sens et son entente, sans plus, à complaire à celle, qui sera cause de destruire luy et les siens. Et pour ce mieux faire, il feit bastir au chasteau d*Ilion, auprès du palais du Roy et celuy d'Hector, vn logis de plaisance, magnifique et hautain à meroeilles : dont les sommiers estoient tous reluisans de fin or : tellement que tous les plus grans ouuriers du Royaume de Phrygie, forent embesongnez à cest édifice, comme tesmoigne le prince des poètes Homère au vi. liure de son Iliade. Et eut deuxenfansde labeUe Heleine, par trait de temps, des-

(1) Odyssée IV, 221. Il s*agit do fiuii«iix Népenthès.

oMVLAaiHz M team. * utm u. 1S9

quelx Ion fut nommé Gorintbus et lautre Ideus : et diceax sera parlé cy après. Maintenant il &at tourner nostre nar- ration ailleurs.

u. 9

13U MiLVftTaATIOHS DE GàVLBi Wi

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CHAPITRE XIIII.

Récitation faite par les ambassadeurs de Grèce, retournez à Lacede- mone, de lenr exploit. Et de la détermination que les Qrecz prin- drent à se venger. De la forme du grand serment, que le prestre Calchas leur feit fisire ensemble, et de leurs preparatinea. Et com- ment ilz nauigaerent premièrement iusques à M jsie près de Traje : et pois sen retournèrent en Grèce. Et pais derechef nauigaerent à Troye, et prindrent le port de Sigee, et antres choses : meame- ment, par quel moyen ilz eurent en leurs mains ienfiant Poljdorns filz légitime de Priam et feirent plusieurs conquestes.

Apres qve les trois Princes Gréez ambassadeurs dessus mentionnez, cestasauoir Menelaus, Palamedes, et Vlysses furent partis de Pbrygie ainsi que dessus est recité, ilz exploitèrent tant par mer, quilz arriuerent en la cité de Sparte ou Lacedemone : les autres Princes de Grèce, et d'Achaie quon dit maintenant la Moree, descendus de la lignée de Pelops, les attendoient de pied coy, et moult leur auoit tardé leur tant longue demeu;re. Et après que lesdits legatz eurent recité en plein consistoire la somme de leur exploit : cestasauoir le refus de leurs demandes, lobstination des Troyens, et le danger des espies quilz auoient escbappé au moyen d'Antenor, la grande indignation de tous lesdits Princes se redoubla oultre mesure : loffense contumelieuse les aguillonna par aspresse redoublée : et la vergongne inférée, se représenta cent fois plus grande, voyans si ou- trageuse iniure estre faite à la nation Grecque, et la vili-

SUIGUUklUTBI M TROTB. LITRS II. Vit

pendence de toute la noblesse d'Europe. Si leur fut oultre* plus ramentu par les Roys Agamemnon et Menelaus frères, et mis au douant le serment solennel quilz auoientfiiît ensemble, aux espousailles de la Rojne Heleine, comme desisus ha esté dit. Parquoy lesdits deux Roys frères les appelloient tous de leur foy. A laquelle chose ilz ne furent aucunement contredisans : mais dun commun accord, et par iteratiue ratification, se vouèrent trestous ensemble, de sarmer pour la querele de Menelaus, et pour la recouuranôe de sa femme Heleine. Selon ce que dit Ouide, au premier liure de lart d'Aymer :

lorabant omnes in lieti ferba mariti : Nam dolor Tnias publica caasa fait.

Et à ce concorde Thucydides au commencement de son liure. Si fîit décrété en commune assemblée, que pour se déterminer de tous poincts à future vengeance, on se deli* beraat de mettre sus vn merueilleux appareil bellique : et que diacun mandast son ban et arriereban en sa terre. Quon assemblast souldoiers par tout on pourroit : et quon eontribuast aux communs frais de la guerre. Et par accord vniforme, fut eslu vn lieu opportun, lesdits Princes se trouueroient, pour prendre plus ample conclusion sur le fait dicelle emprise. Lequel lieu selon Dares Phry- gien fut en la cité d'Athènes : et selon nostre acteur Dictys de Grete, fîit en la cité d'Argos, au Royaume d'Etholie, appartenant à Diomedes. Et est à noter, quil y ha plusieurs Argos : cestasauoir, Argos en Achaie, Argos en Amphi- looe, et Argos en Pelasge. Ainsi quand ilz eurent opportu- nitéy diacun desdits Princes se trouua en ladite cité d'Ar- gos en Etolie. Desquelz Princes, Barons et Roys, remémo- rer et designer les noms vn pour vn, et spécifier leurs

133 UiLVSTlUTiOM» DB 6AVLB, IT

Royaunies et seigneuries, ie me déporte maintenant, ponroe que mention en sera faite en plusieurs endroits de œ linre le cas escberra. Et encore plus amplemmit au dernier liure. Et quand ilz furent en ladite cité d'Ârgos, selon noa- tre acteur Dictys de Crète, Diomedes Roy d'Btolie ka receut en grand triomphe. Aussi Âgamemnon auoit apporté de son Royaume de Mycenes grands sommes dor en masse. Lequel or il départit libéralement ausdits Princes, à fin qua chacun d'eux ftast plus prompt et plus courageux à la guanna. Vlysses fut eslu pour aller quérir Achilles estant en liale de Scyros chez le Roy Lycomedes, ainsi qua plus à plein est dit au premier liure. Aussi ledit Vlysses amena Philoo- tetes auec les saiettes d'Hercules, lesquelles estoient fiitales, et faisoient mestier (1) à la conqueste de Troye, comme sera dit cy après.

Quand le ieune Prince Achilles fut arriué en la cité d'Ar- gQS en Etoile, tantost après il fut enuoyé en Delphos pour consulter loracle du Dieu Apollo en son temple tresrenom- mé, et sauoir quelle fin prendroit ceste guerre, et quelles choses leur estoient nécessaires à la démener. Si luy fut baillé pour coUegat et compaignon Patrodus de Myrmidone. Et de fait y allèrent, et y trouuerent le prestre Calchas Troyen, filz de Tester, lequel aussi y estoit venu de la part du Roy Priam, comme met Dares de Phrygie, à fin dauoir aduisement de la conduite de son affidre. Car en ce temps les Princes neantmoins (2) nulles guerres ne faisoient ne aucunes emprises, sans premièrement auoir le conseil et response de leur Dieu diabolique Apollo : lequel les trom- poit et abusoit bien souuent. Et de ce temple de Delphos nous auons £Gdt bien ample mention au premier liure. Or

(1) e.^k'â. besoin. (2) c.-4-d. aoconsment.

SINGVLAIUTES »S TROtB. UYÏÏÊL H. ISS

par le respons et commandement d'ApoUo, le prestre Cal* chas ne retourna plus à Troye, mais sen alla auee AdiUles : et se tint tousiours depuis du party des Grecz, Et quand ledit Calchas fut en la cité d*Ârgos« il feit ûure vn mer- ueilleux et exécrable serment à tous les Prinoes de Greoejp selon les anciennes cerimonies, pouroe quil estoit grand deui- natif (1) et augure. Gestasauoir quil commanda apporter au mylieu du marché de la cité d*Argos vn porc masle, et le sacrifia, et coupa m, deux pars. Puis mât lune des pars en ladite plaoe, du costé d'Orient, et lautre du costé d'Ooci'- dent. Et commanda k tous lesdits Princes, quilz passassent entredeux, ayans leurs espees nues, et quilz ensanglantas- sent les pointes de leursditee espees, au sang dioeluy porc. Et leur feit feire plusieurs antres superstitions à ce néces- saires. Lesquelles accomplies, ik iurerent der^ef par leur loy, et feirent vœu publique destre ennemis perpétuels dm Roy Prîam de Troye, et que iamais ne romproient ou desampareroient leur armée, iusques à ce quilz eussent mis à destruction le Royaume de Phrygie et la cité d*Ilion^ et que chacun d'eux eust couché auec laucune des nobles femmes de Troye. I4esquelles choses parfaites puremœt et deuotement, selon leur manière, ilz feirent solenneli sàcrir fices au Dieu Mars et à la Déesse Concorde. Toatssnoyes Virgile tient que ledit grand serment fut feit am pori é-'Att^ lis en Beotie, quand il dit : . -^

Non ego com Dsnais Troianam «xadndsre gentem Aulide iqraui, clasiem Te ad Pergama miai, etc. (S)

' »j

Oultreplus lesdits Princes establirbnt au temple de IvoA

(1) itfWMl#iir (maer. de Geiièté). ' ''-"^^

(2) Eaéld. 'IV, 485; " *' ■' ../..:;/:; " . o: V -V -S

484 ILLVSTRAT10M8 DE 6AVLB, BT

de ladite cité d*Ârgo8je RoyAgamemnon, chef et empereur de toute leur armée, tant pour l6s grands richesses dont il abondoit, selon yn acteur Grec nommé Thucydides, oomme pource que la guerre se mouuoit pour son ft*ere Metielaus. Puis après chacun sen retourna en son Royaume, pour faire marcher les armées par mer et par terre, au port d^Aulis qui est en Bebtio; Duquel nous ferons plus ample mention au dernier liure.

Lors fut toute Grèce esmue, toute Achaie troublée, et les isles circoniacentes en grand ardeUr de vengeance appe- ter. Car les peuples tumultuans en embtion bellique, se pré- sentèrent horriblement affectionnez ft venger lopprobre de leurs seigneurs, et se monstrerent plrompts et appareillez à si iuste guerre. Et pendant lespaoe de deux ans continuels (comme met nostre acteur Dictys de Crète) se feit prepaira- tion de chenaux, de bardes, de hamois, de chariotz, de lan- ces, de nauires, et de toutes autres choses nécessaires à ladite guerre.' Et au bout desdits deux ans, toutes lesdites pr^aratiues de nauigage, et autres choses, furent enuoyees douant audit port d'Aulis en Beotie, ausquelles chacun des- dits Princes de Grèce auoit fourni selon sa puissance. Les- qudles auitaillees et eqùippees bien et deûement, selon le commandement du Aoy Agamemnon, qui à toutes ces choses dôàhoit ordre, oommle chef de larmee, iceùx Roys et Prin- ces, à iour nommé, se trouuereût ft tout letts genràarmès, audit port d^Aulis, le cinquième an du rauissement d*He- leine. Auquel port ilz demOurérent par long temps, & cause que le Roy Agamemnon auoit coursé la Déesse Diane, çomn^p npp dirons au dernier liure. Finablement après ladite Déesse Diane appaisee, et que Palamedes eust esté créé chef de larmee, en déposant Agamemnon, et depuis derechef iceluy Agamemnon restably, iaâoit ce que Dares

smcTLAftiTia III Tmovfi. uvii u. 135

de Phrygie mette ladite déposition et restauration d'Âga*

mamnon auoir esté long temps après : cestasanoir pendant

le siège do Troye, et qnil fut bon temps pour nauiguer, les

fiUea du . R07 Ânius da lisle de Delos, lesquelles estoiant

Pees, comme met Dietys de Crète, remplirent les naniMi

des Orecz de tous biens en abondance. Et ils leirent voile

hors dudit port d*Anlis, ayans pour guida r^dloctetes, iadîs

escuyer d'Hm>cules, lequel aiioit estë^ aittresfois auec ami

jnaîstre et les Argonautes douant Troye/ieomma met Daras

da Phrygie, : tellamant que ksditt Grecs, abordèrent au

Royaume de Mysiev qui est Toisin de4a basse Phrygia.:Bt

da prime £sce enuabirent iceluy Rqyaumat :. et* tuèrent la Roy

Tentfaras, (i).seigosur dicelny.: naurefent anari .Télepfass

pendra de Pria». Bt^uis feirent appointement ^uaêi^dit

Talqphna an moyen du Roy Tlapolemns da Rhodes, et attires

808 parans yssua de la lignée d'Heroalea : , oomma aos

choses seront pins à plein mentîoiakeea an dmfnîer liuta. Bt

ce^ £EÛt^ pource que Ihiuer approcboit^ icanx .Princes de

Grèce furent conseilles de sen retourner aa leur piA sans

faire antre exploit pour ceste année Ià-: mais délibérèrent

de retourner prochainement sur le territoim de Troye.

En ce temps le bruit fut parmy Troyéla. grand, an moyen des marchans qui vindrent de diuerses régions de daaars les marches et frontières de Grèce, que tous lesdits Princes Gregois ayans &it ligue et confédération ensem- ble, deuoient retourner sans nulle fauta, incontinent wpnê Ugruar passé, à plus grand puissance que iamais. Alors commencèrent ceux de Troye à rauoir plus grand peur que douant Et ceux à qui le fait de Paris auoit despieu dés le commencement, ne se tmident point de dire, qnon auoit

(1) Tmtkrtu (ma^. QenèTe).

ISf IBLTSnATIORt M ftATLB^ R

tort des Gntz, et qae eertdt mal finit de mettre en daiigir vue telte multitode de peuple, pour le péché dauoiuu. IVmt ea noBebstant, Pairie et les autres partieipans de son osas* nak OHiseil,' enuojrereat endemeutiers plusieurs capitaines et commissaireB'fi'poar i»eiUir souMoiera et demander seoours de toutes jiars, et de toutes les régions eiroontfoisi» nss : et leur fsctifaire commandement de retonmsr < le pbM légèrement quilz poumrienti Laquelle cbose se^faâstoit ainaî^ par lés eufans de Prisp^-à fin quik ppenenissqat les Grées, et que txaxt ta faiz> de la |;uerre fust tranq^rté en Gieoa, auaxdjque lés Grecs isen dimnassent garde. Mais DioModes B/iy «ruteliei iqui f«t isfinrmé du tout par ses espies, prfoo* cnpa:(l)lintentiondea:Tn>7ens, et notifia hastinemant leur, emprise par toute IGrece : en les exhortant •quili se des* pesohassent de commencer à passtt* ' ea . Asie» anant qtik fussent, surprins enlcncs maisons mesmes, par leurs enaap uns. A quejF lesi •autresPrinoes forent prompts et eiitemti&4 Bt se . trimuenent trastous . diligemment derechef an port d^AuUsv au oommeneement du beau printemps, qui estoit le vin« an depuis le rsnissement d*Heleine, comme met nostre actemr Diotjs de Crète, en wm histoire : et le commence- ment du ix. Et sui^ ce poinct leur suruint Tdephus Roy de Mysie, et gendre de Priam, dont nous auons dessus parlé. Lequel par loracle d'ApoUo fot contraint se venir fifldre gne* rir de la playe que luy anoit faite Aohilles au voyage pre^ ^sedent. Lequel après estre guery, pour recongnoissance du bien fait, soffrit estre leur guide et conducteur, iusques à la région de Troye.

Par ainn nauiga toute larmee de Grèce en me flotte, en Asie la mineur, quondit maintenant Turquie ou Natolie,

(1) c.-à-d. defsnçA.

SnCTLAllTU M TftOTR. UfU H. 18?

ayant «semble le nombre ' donse eens quarante naoires: comme met Dares de Phrygie. De prinsaot ibs gaignerMt liale de Tenedos, et oonaeqaeameiit le port de Sigee. Bi vint en on entrefiaites an eeconrs de Troye, Sarpedon Roy de Lyde comlHen quil eoet esté beanoonp sollicité par Psat> Ib Roy des Sidoniens de tenir le party des Gréez : comme met Dictys de Crète. Proteeilans Roy de Phylace, > fiit le premier de . tons les Oregois qui print terre andit port de Sigee : et ansâ fut ce le premier qui y récent mort predesr tiiiee, par les mains du preux Heetor, selon Dares Phrygien^ ccmilnen qve aoetre acteur Dictys met» que ce fut par Bneas. Bt tôt eeste bataille la première mtre les Ghrea et les Troyens. Aussi y furent tues deux des enfims de Priam. Oonaequemment Telephns Roy de Mysie, gendte de Priam, print illee congé des Grecz, et sen retourna en aen Royaume* Bt Gygnns filz de Neptune, Yaasal de Prianii leqnel^ eatoit inaulnerable, fut suffoqné et esteint par la force d'Aehillee. Aussi la cité de Metove, appartenant audit Cygnna, fut prinse, et ses ea&ns amoiez en lost des Oreez, eomme sera ]^us à plein toucbé an dernier liure« Enoores flurent prinses autres citez, du territoire de Troye. Si fut exhibé saoriflee de cent bœufie à ApoUo de Sminthe, par le Prinee Palamedes de Nigrepont. Lequel sacrifice Pans eoida en^ieselier, et sumint à tout grand quantité de gens- dames : nuus ilfnt rdlKHité par Aiax T^monius et Aiax OUeus et plusieurs des gens de Paris tuez. Bt en fiûaant ledit sacriflce, Philoctetes fut mors au pied par tu serpent, et adonc il fbt enùoyé en lisle de Lemnos, pour estre guery par les jppsstres de Yukan.

Ba après Palamedes de lisle d*Bubee, quon dit mainte- nant Nigrepont, fut meurtry traytreusement, et ietté de- dans yn puits par Diomedes et Vlysses, ayans enu^ de la

i38 UiLVSTRATlOIIS DE 6AVLB, ET

grâce et autorité quil auoit en lost, iasoit ce que Daros de Phrygie, contre lopinion de tous, mette (1) qnil fut taë dune saiette par Paris Alexandre, et encores long temps ainres. Mais iay entreprins de suiure lordre dadit Dictys. Aussi lisle de Lesbos, quon dit maintenant Methelin, fut prinse par Achilles, et le Roy dicelle nommé Forgarite vassal de Priam, lequel auoit (ait beaucoup dennuy aux Grecs* y fut tué. Et sa flUe la belle Diomedee emmenée en ^ruage : et plusieurs autres citez depopulees dont sera faite mention au dernier liure. Consequemment vn Roy de âcythie, ou Tar- tarie, nommé Ceneus vint à layde des Grecz. AchiUes depopula la prooince de (^lice : print la principale <ûté dicelle nommée Thebes : et tua Eetion père d'Andromaoha» et ses sept enfans : desmolit aussi la cité de Lymesse, et oocit le Roy dicelle, nommé Faction : et emmena sa femme appellee Astynome, fille à Chryses archiprestre du temple d' ApoUo de Sminthe. Puis conquist la cité de Pedase, dont le Roy nommé Brises se pendit de dueil : et Achilles em- mena la fille dudit Brises, laquelle auoit nom Hippodamie, comme ces choses seront plus À plein désignées au dernier liure. Et tant exploita iceluy Achilles, quil print sur le Roy •Priam et sur ses alliez douze citez par mer, et onze par terre, comme tesmoigne Homère au ix. liure de son Iliade. En ce temps mesmes, Aiax Telamonius cousin germain dudit Achilles, infestoit par armes, couroit et pilloit tout le Cherronese de Thrace : cestadire le riuage de Grèce, oppo* site à Asie la mineur, quon dit maintenant Turquie. Auquel riuage estoit situé le Royaume de Polymnestor, lequel auoit espousé madame Uione, fille de Priam, comme plus à plein est dit au premier liure. Mais quand ledit Roy

(l)ffMd(maer. de Qenève).

sncTUAinz db non. uns u. 139

Polymnestor congDat la puissance des Grecz, il commença à andr peur, et ne tint gueres contre eux, ains feit appoin* tement Or lay anoit enaoyé le Roy Priam le plus ieune de ses fllz nomme Polydorus, à fin que secrètement et seu* rement il le nourrist. Mais ledit Roy Polymnestor, en Cbû* sant sa paix le deliara aadit Âiax Telamonius, et oultre ce, luy donna grand quantité dor et dargent, et richesses, et remplit toutes les nauires dudit Âiax de blez et de vins, assez pour vn an, et par sermons exécrables renonça à lamitié et alliance de Priam, son beaupere, et fut reoeu au party des autres Prince de Grèce.

Ces choses faites, Aiax Telamonius emmenant auec luy lenfEmt Polydorus, repassa la mer, et print son*chemin vers la haute Phrygie, et depopula toute la r^on mettant tout à feu et à sang : tua le Roy Teuthrancius qui osa comba- tre à luy corps à corps : brusla sa cité, et emmena sa fille nommée Tegmessa. Et quand lesdits deux Princes, Âchiiles et Âiax Telamonius, furent retournez chacun de son quar- tier, ilz amenèrent grand proye en lost des Orecz, et furent receuz i grand gloire et triomphe, et couronnez de cha- peaux de laurier, comme preux et victorieux. Nestor Roy de Pylon, le sage vieillard, et Idomeneus Roy de Crète, fîirent ordonnez commissaires à départir tout le butin. Âstynome, fille de larchiprestre Chryses, fut adiugee au Roy Âgamemnon, pour serue et pour esclaue : Hippodamie fille du Roy Brises de Pedase, lequel sestoit pendu de despit, comme dessus est dit, et auec Diomedee fille du Roy Forgarite de Methelin, furent distribuées à Âchiiles. Et Tegmessa fille du Roy Teuthrancius, en la haute Phry- gie, à Âiax Telamonius, comme plus à plein sera dit au dernier liure. Ce fait, ledit Âiax Telamonius recita publiquement les pacts et conuentions quil auoit fait auec

|4i OLYSTRinOVS MS OAVLI, 11

Polymnastor Roy de Thrace, et leur deliara Pofydc le petit ttïz de Priam. Lesquelles choses enimtiaen conûderees, Vljsses et Diomedes, forent ordonnez { aller en ambassade au Roy Priam, et luy deliurer 8(m Polydorus pour recouurer Heleine.

siMTLAmrriE m tiote. uwmm n. 141

CHAPITRE XV.

UmbaMade •nnojee par 1m Qraei à Troje, pour offirir da itndra Poljdorua, en recooarant Heleine. Et oommeiit il 7 fot ôontredit par Antimachna oorrompa à force dargent par Paria. Aaac raeitaiion du bon eonaéii dn aaga Panthna : de la reaponae d*Haetor et d*Bneaa. Lopintoa de deux aetenra tooehant ladite ambaaaade : dn retour dioelle ea larmee : et de la »ort de leaAuit Polydenia.i 81 anaai dn débat men entre AcbiUea et Agaaemnen, à canne de te belle Briaeia ; et de la aeconde bataille^ dont Hector ent le prya*.

Ainsi qve lesdits deux orateurs et légats Vlysses et Dio- medes se preparoient pour aller à Troye, Menelaus Roy de Lacedemone, pour lamour duquel toute la guerre se deme- noit, se ioingnit de son propre gré et mouuement auec eux. Et quand ilz furent entrez par saufconduit dedens Troye, et que le populaire sceut que trois grans Princes de Grèce estoient arriuez pour traiter quelque bon appointe- ments ilz conuoquerent en conseil les principaux seigneurs et citoyens de Troye. Et sans souffirir (1) que le Roy Priam ne ses enfans saillissent du palas, tindrent illec vn consis- toire. Tellement que lesdits seigneurs et populaire estans illec ententifz, le Roy Menelaus commença vne harengue brieue, fidsant à son propos : et consequemment le treselo* qnent Vlysses en feit yne autre plus grande : tendant aux fins de remonstrer aux seigneurs, citoyens et peuple de

(1) c.-àrd. attendre.

14t ILLVftTRATIOffS DB GAVLB, ST

Troye le grand forfait commis en Grèce par Paris Alex- andre. Et concluant en la fin, que tout ce nonobstant, si la Royne Heleine estoit rendue auec tout ce que auoit esté prins auec elle, ilz rendroient lenfant Polydorus, leqad estoit en leurs mains.

Âpres donques que Ylysses Roy d'Itaque eut fait fin i son oraison, Panthus lun des grans seigneurs de Troye» père de Polydamas, print la parole, et dit à Ylysses : Que certainement entre eux auoient bien la Youlenté de remé- dier à ceste besongne, mais non la puissance. Pareillement le Prince Ântenor disoit, quil ne tenoit point à eux ny à leur conseil, que toutes les choses nallassent bien : mais ceux qui auoient ladministration de la souueraineté des choses, conduisoient tout plus par voulentë que par rai- son. Âpres lesquelles choses dites, ledit Ântenor feit entrer au conseil les Princes estrangers qui estoient venuz par amitié (1) au secours de Priam, et aussi les autres Princes souldoiers. En la présence desquelz, Ylysses réitéra son oraison plus ague et plus véhémente que parauant, en appellant les Troyens tous mauuais hommes, exorbitans de raison semblables à Paris Alexandre, duquel ilz souste- noient la querele si ruineuse et si peruerse. Et amenoit son parler par si grand artifice, que tout le peuple Troyen se condescendoit à sa voulenté. Et auoient horreur tacite- ment en leurs courages, de loutrage £Gdt aux Grecz. Puis selon la manière accoustumee, les plus anciens dirent cha- cun leur opinion par ordre. Et confessèrent tous ensemble par commune voix, que le Roy Menelaus auoit esté iniu- rieusement traité, attendu quil auoit receu amiablement en son hostel Paris et Deïphobus. Et que Paris auoit brisé les

(1) amiitre (mftcr. de Genève).

SIHGTLARITBZ DS TROTB. LIVRE II. 145

loix de toute humanitë» en rauissant la femme de son hoste. Et ainsi disoient ilz tous, excepte lun diceux citoyens, nommé Antimachns, qui fut dopinion contraire. Car selon ce que met Homère en lonzieme liure de riliade» ledit An- timachus auoit esté corrompu par Paris Alexandre» i force de dons et dargent» pour tenir sa bende.

Voyans donques ces choses le Prince Antenor^ le sage Panthus, et les autres seigneurs, et citoyens de Troye, ilz envoyèrent au palais vers le Roy Priam deux hommes ealuz à ce, pour laduertir du tout : mesmement de son filz le petit Polydorus, lequel estoit détenu prisonnier en la main des Grecz. Et quand le Roy Priam entendit oeste nouuelle, de la grand douleur quil eut, il cheut pasmé à terre, en la présence de tous. Et quand il fut remis sus, et Toulut aller au conseil, ses enfons lengarderent, et luy prièrent quil ne bougeast : mais eux mesmes sen vindrent ruer impétueuse- ment au mylieu de lassemblee, ilz trouuerent le des- susdit Antimachus, estriuant contre les Grecz, et souste- nans la querele de Paris : lequel outrageoit fort les ambas- sadeurs de Grèce, disant quil ne souffriroit iamais que Menelaus partist de Troye, iusques à ce que lenfant Poly- dorus fust restitué sain et sauf, et aussi quon deuoit gar- der les deux autres : cestasauoir Vlysses et Diomedes, ius- ques à tant que ainsi fust fait. Et comme tout chacun se teust, Antenor commença à résister au contraire, et def- fendre à toute puissance, que telle chose ne fust décrétée au preiudice desdits ambassadeurs, et au deshonneur du Roy Priam. Mais après longues altercations, les paroles mon- tèrent tant dun costéet dautre, quon procéda iusques à coups donner. Toutesuoyes en la parfin Antimachus, qui esmouuoit tout le débat, fut ietté hors de lassemblee, par tous les assistans, et declairé mutin et sedicieux. Et les

444 ILLT8TRAT101I8 OB 6ATLB» KT

ieim«6 enfans de Priam laissèrent aassi ladite congregatitm^ exoepté le Prince Hector.

Alors le sage vieillard Panthos dreesa son parler à k fleur des nobles hommes da monde : cestasanoir HMtor» lequel comme met nostre acteur Dictys de Crète, estoit le plus sage» et le meilleur de tous les enfiems de Pria». EX luy oommença à supplier humblement, que maintenant U Toulsist tenir la main à ce, que madame Heleine fnst rsn- die, mesmementi puis que les Princes de Grèce estoient venus amiablement la requérir : disant que si Paris auoit autresfois esté ardant en lamour délie, quil y auoit desia passé du temps assez pour ea estre saoulé, et que chacun vojoit clerement à lœil, la grand puissance des PriiMses de Grèce et leur gloire et hautes emprises, et quik aHoient desia prins et depopulé beaucoup des citez du Rojaume de Phrygie, et du pals circonuoisin : pour laquelle chose le Roy Polymnestor esmu de grand crainte, leur auoit deli- uré lenûuit Polydorus : et faisoit à présupposer, que les antres citez du tenement de Priam, pourroient bien ensui- ure semblable manière de faire. Et plusieurs autres choses allegoit Panthus, lesquelles laisse pour cause de brieueté. Et quand le noble Prince Hector leut escoutë tout en paix, il fut vn peu triste : et les grosses larmes luy tomboient des yeux, quand il luy souuint de son petit frère Polydorus. Toutesuoyes, il disoit que ce nonobstant on ne deuoit point trahir la personne d'Heleine, puis quon luy auoit vue fois la foy promise : mais bien pourroit on rendre tout ce qui auroit esté prins auec elle : et au lieu délie, bailler au Roy Menelaus aucune de ses sœurs, si comme la pueelle Cas- sandra, ou la belle Polyxene, auecques grand douaire, et grans dons. Quand Menelaus Roy de Lacedemone eut entendu ceste

SlHtfLAftltn ni TROTK. LftRB II. 145

nepoùaé 4T[eetor il la print en grand et memeiHeax des^

daing : et dit ainsi par grand felonnie(I) : « Ainsi mayd Inpl*

ter le Roy des hommes et des Dieux, ie seroye donques Irten*

heareu, sil Meit qu^ après estre violentement àBSFp6vSttè

de ma propre femme; ie fosse eontraint de permtiér m'es

amours et mm mariage, à lappetit de mes emiemis mor^

tête, s Alors le (2) baron Eneas repliqna en ceste maniei*e :

« Roy Moielaiis, de ee ne fant ia qne tu te soncieB tant : car

qgand tovt le m<mde lamroit ioré, si te garderiy ie bien de

ri grand lioaneiir, et moy, et tons eeux de ma bende, qui

aymons Ihonneur et le prouflt de Paris Alexandre i il ra

aat eaeoves assez, ne te ohaille, et sera, de ceux qni defibn*

dpont à main armée la maison et le Royanme de Priam

eontre tos îasiures. Bt qnand il aura perdu lenfant Poly-

donts» si ne sera il pas pourtant destitué denfans. V<ms

SMnbla il donqnes & vous autres Orecz quil nest loisible à

nàk antre lors à tous, dnser de telles manières de rapines t

Geox de lisle de Crète, qui sont des vostres, ne rauirent ils

iadia la belle Buropa, fille du Roy Agenor de Sidone ! Bt

la beau Prince Oanymedes filz du Roy Tros nostre ances-

ttSj ne flit il anssi esleué par eux en ceste eontree mesmes ?

Qae d&rky ie de Medee fille au Roy Eetba t ignorons nous,

qve eaux de vostre pàrty de fresche mémoire, lallerent

nunr en Ckddios t lusques icy on ha procédé par paroles,

xnaia si tous et Tostre armée ne partez soudain de ceste

région^ vous expérimenteras à coup (3) la grand rertn

Troyenne, à Tostre memeUleux preiudice : car nous auons

toot ppsnnàgement de nostre part, la forte main et bon

adintoirs àm Dieux immortels, et en oultre, auons grand

(1) c.-à-d. irritation. (^ Le mBcr. de Gesève ajonte h heau, u. 10

14G IU.V9THi^T10ll9 DE 6AVLB, BT .

nombre et abondance de ieunes hommes instruits nobler ment aux armes, et de iour en iour nous suruient assez de nouneau secours. » Quand Eneas eut fine ses paroles, Vlysses respondit doucement en ceste manière : Par noz Dieux, il nest ia plus mestier donques, de différer noz inimitiez dun costé et dautre. Donnez signe de bataille quand tous Ton- drez, et ainsi comme tous auez esté les premiers en infe- rant liniure, sojez aussi les premiers à donner les horions : et nous TOUS suiurons après que nous aurez prouoquez. Bt oest iusques icj la narration de nostre principal acteur Dio- tjs de Crète.

Mais Dares de Pbrygie met ladite ambassade auoir esté faite auant la mort de Protesilaus Roy de Phylace, et ne fait nulle mention du petit Polydorus. Dit en oultre ledit Dares, que le Roy Priam presidoit en son conseil» quand ladite ambassade Tint. Et après auoir ouy leur demande fondée sur la restitution de la belle Heleine, et de la proye emmenée auec elle, luy mesmes leur remeit au douant les iniures des Argonautes, cestadire de ceux qui nauiguerent en Colcbos : leur reprocha la mort de son père le Roy Laomedon, la destruction de Troye faite par Hercules et Telamon, et la seruitude de madame Hesionne sa sœur : et aussi les opprobres et mauuais traitemens faits au baron Ântenor son ambassadeur. Parquoi ledit Roy Priam refusa tout appointement de paix auec lesdits Grecz : et leur signi- fia la guerre ouuerte. En commandant que promptement iceux ambassadeurs eussent à Tuider hors de sa cité et de son Royaume. Et cest lescrit dudit Dares. Si fait à noter quen plusieurs passages il y ha discordance entre lesdits deux acteurs Dares et Dictys : iasoit ce quilz fussent tous deux presens à la guerre Troyenne, mais ilz estoient de deux partis lun Troyen et lautre Grec. Toutesuoyes des diffe-

SIHGVLAMTIZ OB TROTB. UfEB 11. 447

Tents qui sont en leur narration originelle ie me passeray de legw» en ensuioant principalement lordre de mon acteur Dictjs, pource que sa compilation est plus ample et plus disfhse, et aussi plus yraysemblable et mieux ordonnée. (1) loint à ce, que les nobles œuures du Prince des poètes Homère, et de Virgile, et aussi d'Ouide sont presques yni« formes à icelle. Par ainsi lesdits ambassadeurs de Oreoe ayans response de refus total, se retirèrent en leur ost, non pas sans le grand desplaisir du peuple de Troye : lequel estoit dolent en merueilles des paroles arrogantes proférées par Eneas. Et quand lesdits trois personnages lurent de retour, en la présence des autres Princes de Grèce, ilz récitèrent à plein tous les dits et les faits des Troyens alencontre d'eux, dont ilz furent généralement fort indignez et encores plus irritez à yengeance. Si fut décrété incontinent, que le petit Polydorus seroit occis en la pré- sence de tous ceux qui le voudroient voir au plus près des murs de Troye. Et sur ce cas ne fut pas faite grand dila- tion : ains fut prins ledit noble enfant Royal, et mené sur yn haut tertre, en lieu eminent près de la cite, et illec ocds, et lapidé, par la multitude des Orecz, à force de coups de pierre, voyans plusieurs des Troyens qui estoient aux créneaux. Ainsi le ieune innocent porta la peine du mèffidt commis par son mauuais frère Paris. Ce fait, lun des herautz des Orecz alla noncer iusques aux portes de Troye la mort dudit Polydorus, à fin quilz vinssent prendre le corps pour le sepulturer. Et pour ce faire fut enuoyé lun des herautz de Troye, nommé Ideus, auec aucuns gentilz* hommes de la maison du Roy qui lemporterent tout gasté,

(1) Lês Occidentaax préféraient cependant Darès. (Cf. Moland et d'HérioBtth, Noirrellet françaises en prose du XIV* siècle. Introd.)

i48 IkLtSTRATlORS Ml CAnJI, R

meortry et despeoë & la Royne Hecuba sa mère, laquelle en mena grand et meraeilleux dneil, comme il eet vrayaem*- blable. Toutesnoyee, Virgile an troisième liore des Eneidea recite autrement la mort dudit Polydorus, et en autre temps : et aussi fait Ouide au xm. de sa Metamorphoae : disant que la Royne Hecuba fut emmenée en seruage, en passant par le Royaume de Polymnestor, son gendre qui aaoit occis le petit Polydorus, pour vsurper les trésors qui luy auoient esté baillez en garde auec len&nt : dont Hecuba conuertie en rage désespérée, trouua manière de creuer les yeux audit Roy Polymnestor. Parquoy finablement elle fut mise & mort par les Orecz.

Endementiers que ces choses se fSûsoient, à fin que rien ne demourast entier aux alliez de Priam, Âiax Telamanius assailloit hostilement plusieurs citez appartenantes & Bneat, Antenor, et autres de la maison de Priam, et les demeli»^ soit et depôpuloit, si comme Cella, Oargarus, Marisba» Sepsis, et autres situées es montaignes Idées» qui seront plus à plein spécifiées au dernier liure. Et feit courses et gastemens : et bouta les feuz par toutes lesdites montai- gnes : puis ramena en lost grand nombre de bestial et autre butin. Et en ce temps mesmes Ghryses larchiprestre du temple d*Apollo de Sminthe, vint en larmee des Grecs, humblement suppliant de rauoir sa fille Astynome, iadis femme au Roy Faction de Lyrnesse, laquelle en diuisant le butin auoit esté deliuree au Roy Agamemnon, comme des- sus est dit. Et pource que ledit archiprestre ne fut point ouy, grand pestilence se meit en lost des Grecz : dont le prestre Calchas prononça la cause à lasseurance d'Achilles, disant, que tel meschef ne venoit sinon pour la détention de la fille de Ghryses archiprestre du Dieu Apollo : car ice« luy Dieu en estoit malcontent. Et les Troyens Toyans les

mamnMmm m itoTi. uth u. 149

ftm «mtiiiiieLB qui ae fiÛ9oient en larmee «des Greee pour Imialer les cùtips des mc^rts, saillirent hors de Troye et fat iaite la seconde bataille» en laquelle emporta le piy» da coatè des Trojeos le Prince Hector, auec le Roy Sarpedon de Lycîe : et du ooste des Orecz les Roys Diomedes et Menelaus, dont la noict somenant feit faire cesse.

Ces choses fûtes, les Grecs Youluraoït establir AchiUes chef de tonte larmee : poorce que Agamemnon ne vonloit rmdre la belle Astynome, autrement i^pellee Chrysrâ^ à son père Ghryses. A loccasion dequoy la mortalité de pies m plus senferçoit parmy eux, et mouroient miseraUessent grand nombre de gens et de bestes. Toutesuoyes flnable* ment Agamemnon fbt content de restituer ladite Chryseis : poomea quen son lieu fust baillée la belle Hippodamîe, autrraient dite Briseis, flUe du Roy Brises de Pedase, doi)t sera faite plus ample mention au dernier liure. Chacun saecorda à ce pour le salut commun de toute larmee, m- cepti Aehillea, auquel il competoit le plus : car il la tenoit poor samîe et chère concubine. Mais ce nonobstant, Aga- memnon Tsant de sa puissance Royale, comme chef de toute larmee, enuoya quérir par deux herautz ladite Hippodamie, eu Briseis es tentes du Duc Achilles, et la Isit mener ee mennes. Bt ce faisoit il, par despit de ce que le prestre Cal- chas, par laduen et asseurance dudit Achilles, auoit declairé que la peste ne cesseroit iusques i ce que Agamemnon eust rendue ladite Chryseis à soa fece.

Ainsi fut renuoyee la belle à son père honnestement acoompaignee des deux grans personnages : oestasauoir Diomedes et Vlysses. Lesquelz débondant offirirent grans dons au t«nple d'ApoUo de Sminthe, pour appaiser Tire Dieu. Bt par ce moyen cessa la pestilence en lar- des Gffees. Si fut aussi emuoyee en lisle de Lemnos oer-

150 ILLT8TRATIOII8 Dl GATLB, BT

taine portion de la proye et butin conquis sur les ennemis, àPhiloctetes seigneur de Methon et de Melibee, lequel estoit demeuré malade en ladite isle, à cause de la morsure dan serpent, comme dessus est dit. Mais Achilles tenant ft grand injure labstraction de sa concubine Briseis, ou Hippodamie, en conceut en son courage vne terrible indignation contre les Grecz, mesmement contre le Roy Âgamemnon : et se tint de en auant en son pauillon, auec son amy Patro«- dus, et son gouuemeur Phénix, et son aurigateur Autome- don, et ses autres Myrmidons. Et sur ce propres fonde et commence toute sa noble matière du volume de l'Iliade, le prince des poètes Homère.

Bn ces entre&ites, le tresnoble Prince Hector, chef et conducteur de toute larmee Troyenne, feit saillir hors des portes de la cité, toute la belle cheualerie d*Asie la mineur, quon dit maintenant Turquie ou Natolie : ensemble les Princes tant de la maison du Roy Priam, comme ses vas- saux, amis, alliez, et souldoiers : desquelz les noms et sei- gneuries sont spécifiées assez competentement au premier liure, et seront encores plus au dernier. Les Grecz aussi meirent leur armée en front, et ordonnèrent leurs esles et leurs batailles. Mais Achilles se tint à lescart auec ses Myrmidons, et ne se voulut point renger en ordonnance des autres, à cause de la hayne et dissension quil auoit auec le Roy Agamemnon, pour lamour de sa concubine Hippodamie quil luy auoit toUue. Quand donques les armées tant des Grecz que des Troyens furent rengees bien à point, ne luné partie ne lautre ne feit semblant de se bouger ne dentamer la bataille, mais se tindrent tous coys sans rien faire, pour ce iour. Et quand ce vint sur le tard, chacun sonna la retraite de son costé. Dont Achilles ce voyant, pensa de M venger du Roy Agamemnon, et cuida surpren-

SIHGfLAElTBZ Ml imOTB. UlKE U. 151

dre son armée en desarroy et donner sur luj, à tous ses Mjrmidons : mais Vljsses sen donna bien garde. Parqnoy Âchilles sans rien fSûre, mais tout transmué de courroux, sen retourna en ses tentes, et les Troyens à Troye. Et ceste nuict furent ordonnez par les Grecz Aiax et Diomedes explorateurs pour la nuict. Et Dolon Troyen fut aussi esta- bli par Hector» à aller guetter lost des Grecz : mais il fut surprins par lesdits Aiax et Diomedes, et après auoir seen le secret des Troyens, ilz tuèrent ledit Dolon.

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151 IIXY$TRAT10II8 W 64TL»| Bf

CHAPITRE XVÎ.

NarrAtion'diiiie iooniM aasignaa pour batoiller, entre les Oreêi et les Trojene. Bt de la oouak'diee de Parie eneoatre MeAelaoa : de

' bâgf* Mpreheiuéon que Heetor Iny feit à eeeto eaaee. Et ooouBeiit Paris soffrit à oçmbatre MeaeUus eoitM à oorpe* De la tevie dea connenances sur ce prinses. Et comment à Haleine retourna le désir de son premier mary. Et des deoises da ^Roy Priam aaec ladite Heleine.

Certains ioors passez sans rien faire, ionmee fut assignes done part et dautre, en la belle campaigne qui est entre la cité de Troye, et le port de Sigee : et fut fait de tous costei grand appareil de bataille. Toutesuoyes Achilles ne sy trouua point : car il ne se vouloit plus armer, par despit du Roy Agamemnon. Et poarce quen ceste iournee il y eut vne bataille singulière, cestadire corps à corps entre le Roy Menelaus et le beau Paris, laquelle est diffusément narrée par le prince des poètes Homère au troisième liure de son Iliade, et bien coulouree de fleurs poétiques : et aussi est récitée en brief et plus succintement par Dictys de Crète en son deuxième liure, ie vueil icy marrester vn petit & descrire ledit combat, pource quil est beau et délectable, et sent bien son antiquité. Et pour ce faire, ie translateray presques mot à mot ledit Homère sur ce passage. Et nonob- stantant ie ne relenquiray point de trop loing la vérité his- tonale de nostre acteur Dictys de Crète.

Or dit iceluy noble prince de poètes Grecz mis en Latin par Laurens Valle : Que quand les armées Troyennes

SDIGTLARITK M TaOfI, UTU U. ISS

furent curdoimees chacune aouz son chef et conducteur, et furent diuisees en esles et en esquadres, elles marchèrent audeuant desGreczqui desia approchoient. eut grand cry et grand huée faite du costé diceux Troyens, ne plus ne moins que les grues ontaccoustuméde faire au temps matutin quand elles partent des r^ons Septentrionales, et volent par lair en grands compaignies, yers la grand mer Oceane, pour ùâre cruelle guerre et mortifère aux petis Pygmiens. Et au contraire, les Grecz sans noise et sans clameur, mais sans plus fremissans par grand ire, tacitement en eux mesineB hastoient leurs pas, reuoluans en leurs courages par. quel moyen ilz pourroient vaincre leurs ennemis, et de£fendre eux et les leurs. A la venue donques des Troyens, ou pour mieux dire à la course, si grand pouldrerie sesleua en la campaigne, mesmement à layde du vent qui soufHoit, que œ sembloit vne de ces bruines espesses qui sont ennuyeuses aux bons bergers des champs, et agréables aux larrons nocturnes. Laquelle nieble bruineuse est aucunesfois ame- née par le vent Auster sur la cruppe des hautes montai* gnes, tellement que la pouldrerie (1) offusquoit la veiîe des deux armées et ne pouuoit on choisir de lœil, plus loing dun iet de pierre.

Et quand lesdits deux exercites furent si prochains lun de lautre, que desia on sapprestoit pour batailler, Paris Alexandre homme de singulière beauté, marchoit fièrement, et & grans pas, douant toutes les armées de Troye, prouo* quant et deffiant par hautes paroles, & bataille singulière tous lefi plus forts des Grecz. Or portoit il pour sa cotte darmes, vne riche peau de leopart tomte estoffee dor et de pi^rrerie. Son arc et son carquois^ et deux dards resplen*-

(l)p<mUri€r$ (macr. de Oenève).

154 ILLtSTRATIORS M GAYLB, «T

dissans en sa main. Et quand le fort batailleur Menelans lent Yen et entendu, il se resiouit en telle manière qne fidt vn Ijron familieux, quand il rencontre tu grand cerf cornu, ou Yii chamois lequel est poursuiuy des chiens et des ve- neurs. Ainsi par grand ardeur et espérance de yenger son iniure» il descendit promptement de son chariot et se meit & pied comme il estoit aorné. Si se présenta douant Paris, marchant hastivement alencontre de luy. Alors Paris Alexandre des quil veit son mortel ennemy Menelaus, luy Tenant alencontre, il fut frappé dune peur soudaine : et arreita tout court son allure. Puis se commença & retirer vers ses gens : tout ainsi que &it vn pèlerin passant par la montaiçne : lequel quand il apperçoit en sursaut quelque horrible dragon en son chemin, se trouble et estonne de primeface, puis après pallit et tremble, et presquee en se laissant choir recule arrière.

A ce spectacle, la fleur de cheualerie Hector, tout en- flambé d'ire et de maltalent, commença ft vitupérer son frère par paroles ignominieuses : et luy dit en ceste ma* niere : « Dysparis (1) et non Paris de beauté nompareiUe, mais tout perdu en lamour des femmes, hardy de paroles et lasche à leffect, combien eust il mieux valu que tu ne fusses iamais ? Et pleust ores aux Dieux que ainsi eust esté, ou que tu fusses mort en ieunesse, auant que commettre vn tel deshonneur, mesmement douant les yeux de tout le monde. Ne vois tu combien de liesse ces Grecz perruquez et calamistrez en ont receu, et à bon droit, comme ceux qui cuidoient que ainsi comme tu es le plus beau de tous, aussi tu fusses le plus cheualereux ? maintenant ilz enten- dent bien, quil y ha en toy trop plus de beauté que de vail-

(1) c.-à-d. funeste.

SnOTLAElTBZ 01 TROTI. UYRI II. 485

lance. Assez as tu de formositë et bonne taille de corps et de membres, mais le courage test defiaillant. Et neant- moins, comme tu soyes tel, tu as osé auec vne bende de gens esluz, et vne armée bien equippee, aller en région estrange suborner la femme dautruy. Et comme ta fasses esprins de la merueilleuse beauté délie, combien quelle eust vn marj bon à la guerre, tu las prinse en la région d'Âchaie : et las amenée par deçà, (1) à la totale destruction de monseigneur nostre père, du Royaume aussi , et de tout le nom Troyen, et à lesiouissement de noz ennemis, et perpetaelle infamie de toy mesmes. 0 quel deshonneur, qui nas osé attendre Menelaus ! Dont vient cela? Certes pooroe qae ta congnois quel homme il est à la guerre : et combien celuy fait à redouter, à qui tu as osté sa femme. Certainement entre ces tourbillons de guerre, harpes ne lues dont tu te scais ayder, ne seruent rien à la yictoire : ny aussi le beau chanter ou danser, ne lelegance de forme, ne les cheueux blonds et bien peignez, qui sont dons yeneriques, ne toutes telles semblables choses. Et à fin que ta saches, voicy tous les Troyens, lesquelz pour deffendre ton crime et ton forfait ont comprins les armes, maintenant sont tous estonnez de ta crainte et faute de oœur, et nont plus courage aucun de combatre. » Lors Paris respondit ainsi à son frère aisnë :

Selon le droit de ta nature, monseigneur mon frère Heo- tor, tu nas pas trop oultrageusement reproché ma lascheté : Car ton corps et ton courage ne sont non plus fatiguez de labeur quotidien, ne plus ne se meuuent pour aucun ren- contre, que fait yne dure coignee, laquelle le charpentier ou bocquillon exerce continuellement à couper bois. Et par ce moyen, le trenchant dicelle, dur, acerë, et bien trempé,

(1) Aoemia cédille (M. 151Ô et 1528).

186 UATST1UTI0M8 SB OàVLB» BT

«affine ioorneUement, par la perseuerance de loeaure. Mais ia te prie, ne me vueilles point mettre au deoant, par maiiiere de reproche et vitupération, les dons de la Oeesse Venus. Car les biens (àits, que les Dieux nous contribaent(l) M se doiuent point reprocher, pource quilz ne sont fwnt donnez selon la voulenté des hommes, mais selon le plaisir de Dieu mesmes. £t si tu veux ores que ie combatte corps à eorps encontre Menelaus, commande que tous les Troyens, ensemble les Grecz cessent et se tiennent coys, en regar- dant le combat que nous ferons nous deux, duquel ilz seront iuges et tesmoings : Et quioonques demeurera vain- queur, cestuy Ul ayt Heleine à femme, sans nul contredit, peur laquelle ceste guerre sest esmue : ensemble toute la riclieese, qui fut apportée de Laoedemone : et tous les autres, fassent foy et serment de sen retourner en leurs oontreés, les Troyens à Troye, et les Grecz en Grèce. »

Quand le noble Prince Hector eust ouy les paroles de son frère Paris, il fut merueilleusement ioyeux : et se transporta incontinent au mylieu des deux armées. Et tant de sa forte voix, comme de sa lance quil tenoit par le mylieu, faisoit arrester les compaignies de ses gensdarmes, et les Troyens obéirent incontinent. Mais les Grecz de leur eosté, en marchant tousiours, tiroient flesches, dards, et pierres de fonde. Laquelle chose voyant le Roy Agamem- non, il dit à ses gens : « Déportez vous vn petit, enfans. Si contenez voz mains, et retirez voz corps : Car comme iap* perçois, Hector veult traiter quelque chose auecques nous, i A laquelle voix les Grecz se désistèrent incontinent. Bt après le bruit appaisé, se tindrent tous coys et paisibles, autant que faire se pouuoit, et demeurèrent ententifis pour

(1) c.-à*d, accordent.

smefLABim db tbotb. litre ii. 487

esoouter. Adonc Hector estant an mylien des deux osts dit ainsi : c Oyez moy, tous Troyens, ensemble tous autres Grecz : et entendez par moy ce que dit mon frère Paris Alexandre, à loccasion duquel toute ceste guerre sest meue entre nous. Il veult et désire que Troyens et Orecz, tant dun costé que dautre en mettant ius leurs armures ne fiuk sent que regarder. Et quon les laisse' faire eux deux seule- ment : cestadire, que luy et Menelaus au mylieu de ces deux exercites, debatent leur querele par force, et par armes. Et quiconques d'eux deux yaincra, que Heleine soit sa femme, sans contradiction : et ayt aussi toute la richesse amenée de Lacedemone. Et les autres fessent serment, de sen retourner chacun en sa maison : cestasauoir les Troyens à Troye, et les Grecz en Grèce. » Ainsi parla le preux Hector. Alors Tnchacun tenant silence, le Roy Mene- laus feit sa harengue à tous les deux osts, et dit en ceste manière :

« Prestez moy escout, vous Grecz et consequemment tous Troyens : car ma iuste douleur mimpute nécessité de res- pondre, principalement entre tous les autres. Donques il me plait tresbien, et si me consens de grand courage, que quiconques de nous deux mourra en ceste bataille, soit mort pour luy seulement : et que tous les autres sen retour- nent incontinent chacun en sa maison, sans plus guerroyer : à fin quun chacun soit doresenauant quite et deliure des grands peines et labeurs, lesquelles tous Grecz auez sous- tenu pour deffendre mon droit, et tous Troyens pour la cause d'Alexandre. Et que par ceste transaction, tous en soyez affranchis. Apportez donques icy en présence deux aigneanx lun masle, et lautre femelle : et que le masle soit sacrifié au Sol^, et la femelle à la Terre. Et nous fourni- rons du tiers pour offirir au souuerain Dieu Inpiter. Mais

188 ILLT8TRATION8 DK GATLB, BT

premièrement et auant toutes choses, amenez cy le Roy Priam qui establisse ces conuenances luy mesmes, à fin que aucun de ses enfans, ainsi quilz sont lasches et desloyauz, ne fassent ces choses irrites et de nulle valeur, par fraude et par malengin. Car tousiours les esprits de ieunes gens sont muables et sans grand fiance. Mais ores si le bon vieil- lard est présent à cest appointements et quil préside à ioeluy, certainement en considérant les choses passées, et les présentes et futures, il se donra garde que ces pactions icy soient fermes et stables, et que paix finale se fiasse in* continent entre les deux armées, ainsi quil est de mestier. » Des que le Roy Menelaus eut fine sa parole, tant les Grecz comme les Troyens sesiouirent dune grand liesse, esperans que désormais ilz se reposeroient dune tant périlleuse et mortelle guerre. Eux donques séparez lun de lautre par petit dinterualle , descendirent des chariotz : boutèrent leurs chariotz tous de reng : et meirent ius leurs lances et leurs dards. Puis Hector enuoya deux heraux en la cité, pour aller quérir le Roy Priam, à fin quil fust présent à fidre icelles conuenances, et pour apporter des aigneaux. Et le Roy Agamemnon commanda aussi à son héraut nommé Talthybius, quil allast aux nauires pour apporter le troisième aigneau. Et pendant que lesdits heraux se has- terent de faire chacun ce que leur estoit enchargë. Iris la messagère de la Déesse luno, descendit de lair, et print la forme de lune des filles du Roy Priam nommée Laodice femme du Prince Elycaon pour annoncer à Heleine le com- bat et le camp mortel qui se deuoit faire entre Menôlaus et Paris. Et la trouua quelle tisoit vn noble ouurage de fine pourpre, pour faire vn manteau grand et ample, auquel elle auoit desia peint à lesguille plusieurs des faits de la guerre Troyenne. Âdonc Iris sapprocha, et luy dit en ceste manière :

SmCYLABITBZ DB TEOTS. UVU U. 159

« Or vien maintenant, la tresbelle espouse de mon frère Paris» vien voir vne chose merueilleuse qui se fera ores entre les Troyens et les Grecz : car aux champs ilz se deuoient rencontrer par grand affection pour deffaire lun lantre, ilz ont présentement laissé la bataille, et sont «a mesmes lieu près lun de lautre, tous coys faisans silence appuyez sur leurs escuz. Et sont leurs lances plantées auprès deux : car Alexandre doit tantost combatre auea Menelaus, pour voir auquel tu demeureras pour femme. Si es constituée pour le guerdon de la victoire entre les deux parties. » Ainsi que la Déesse Iris disoit ces choses» il entra en la douce poitrine de la belle Heleine, vn grand désir de son premier mary, de ses parens, et de son païs. Si saccous- tra hastiuement dun fin rochet de lin, et partit de sa cham- bre : mais au long de sa belle face luy decouroit vn grand ruisseau de larmes. Et la suiuoient deux de ses damoiselles, lune nommée Ethra fille de Pytheus, et lautre Clymena. Et comme elle fut Venue légèrement (1) à la porte Scee, elle monta les d^ez pour aller en la haute tour dicelle porte.

En ladite tour estoit le bon Roy Priam, auecques les plus anciens des Princes et seigneurs de Troye : cestasauoir Panthus, Antenor, et autres qui plus nestoient duisans & porter armes, à cause de leur vieillesse, mais bien estoient ilz propices au conseil. Si se seoient autour du Roy Priam : et deuisoient de plusieurs choses entre eux, et ressem- bloient les crinsons ou cigales lesquelles au temps desté mussees entremy lombrage des branches fiieillues ont accoustumé de chanter doucement. Mais quand iceux Princes apperceurent Heleine marcher parmy la grand tour large et spacieuse, ilz disoient lun & lautre tout bassement :

(1) c.-à-d. rmpidement.

190 lutif EATimis DE OAfUy «r

« Cartes ce nest point chose estrange, si les Trojens et les Oreez soastiennent tant de maux, et par si longue espace, pour vn tel visage, qui ne semble point estre de femme humaine, ainçois plustost dune Déesse immortelle. Mais toutasuoyes pose quelle soit dune beauté si diuine, si seroit ce chose plus seure de la renuoyer en son hostel, que de la retenir à force, à fin quelle ne soit cause de perpétuelle misère à nous et aux nostres. » Ces paroles disoient ioenx ancietis Princes ensemble : Mais, le Roy Priam en appellant Heleine dit ainsi : « Viença, ma tresdouce flUe, et tassied icy près de moy, à un que tu voyes ton premier mary, et tes autres parens et amis. Et ne cuide point que ie te TueiUe improperer, ne donner reproche de ceste guerre, qui cause tant de larmes : car ie ne men plaings sinon aux Dieux ausquelz il ha pieu me molester par tant de malheurs. Sied toy iqr, ma fille, et me dis qui sont ces personnages que ie voy surpasser les autres, tant en hauteur de stature, comme en resplendeur daomemens. » Et lors Heleine, la Déesse des femmes, luy dit ainsi : ci Mon tresredoutë sei- gneur et beaupere, ta parole et ton regard, me sont tous- iours à crainte et à vergongne. Que pleust ores aux Dieux, que ie fusse morte de mort obscure, quand premièrement ie suiuis ton filz, en laissant mon mary, mes compaignes, et ma fille ynique Hermione : car tant de maux ne sen fus- sent ensuiuis. Et ne me fusse point ainsi tourmentée de pleurs et de larmes, comme ie fais. Mais ie suis contente dobeîr à ton commandement, et toy informer de ce que desires sauoir. n Ainsi luy commença Heleine à désigna* tous les Princes de Grèce. Lesquelz Homère descrit audit pas- sage. Mais à cause de brieueté ie men déporte à présent : car assez seront spécifiez au dernier liure.

SlWfLâlITIE M TAOTB. UfMM il. 161

CHAPITRE XVII.

RieHation de la laraenue da Roy Priam au camp : des cerimonÎM ftitêfl tonehaiit le pact dentre les deux armeee. Et dn oombat oorpt à oorpa fiait par Paria contre Menelaaa. Comment la Detaae VMiiia ■aava Paria, et dea reprochée que Haleine luy en feit. Aoec excla- mation aor lea fietiona da poète Homère, et dea aotrea £ûta de pendant la gnerre.

Ainsi qye le noble Roy Priam tenoit deaises aneo la belle Haleine, les deux herautz dessus mentionnez, enuoyes par b Prince Hector, estoient arriuez en la cité de Troye, et Énoient desia prins les choses nécessaires à fkire les conne- naaees, selon ce quon leur auoit commandé : cestasauoir deux aigneaux, et du vin quilz portoient en yne peau de bouc. Bt hin dioeux, nommé Ideus, portant vn flascon dor, et deux hanapz de mesmes, sen alla faire son message au Roy Priam, et dit en ceste manière : « Sire, plaise toy lener dicj, et ten venir hastiuement au camp, lés Princes Troyens, et Orecz tattendent, et mont commandé te venir quérir, à fin que appointement se fasse entre eux au moyen de ta présence, car ilz sont sur ces termes, que ton fllz mosDseigneur Paris et le Roy Menelaus doiuent esprouuer «a mylien des deux armées à la pointe de leurs espees, auquel des deux comme au vainqueur demeurera madame Hdeîiie, et tous les trésors amenez de Lacedemone. A fin qas tons les antres soient ensemble pacifiez, et que nous demoancms à Troye, et les Orecz sen aillent en Oreee. a Ces n. a

I8S ILLV8TRATI0HS DB 6AVLB, Vf

choses ouyes, le bon Prince Priam fut tout troublé en son courage : neantmoins il commanda à ses escuiers quon luy amenast sa littiere, pour aller on lattendoit. La lit- tiere fut tantost preste et accoustree de royaux aomemens : si se meit dedens. Aussi le Prince Ântenor monta sur son chariot, pour luy tenir compaignie : et passèrent eux et leurs gens, par la porte Scee, et vindrent en la campaigne, les deux armées estoient. Si descendirent à terre, et marchèrent pm* le mylieu.

Quand le Roy Agamemnon et Vlysses, veirent venir ces deux anciens Princes, cestasauoir le Roy Priam et Antenor, ilz se tirèrent en auant. Et les herautz à tout leurs cottes darmes à la manière accoustumee, apportans les choses nécessaires à faire les conuenances, se trouuerent là« Tout j^mierement ilz versèrent du vin es couppes dor, et puis baillèrent leaue à lauer, à tous les Roys et Princes dun parti et dautre. Lors le Roy Agamemnon, du fourreau de son espee, tira vn couteau bien trenchant, et coupa du poil de dessus la teste dun chacun des aigneaux. Lequel poil ou laine, fut distribuée par les mains des herautz, aux principaux et aux plus grans Princes de tous les Orecz et les Troyens. Et lors le Roy Agamemnon dressant les mains iointes au ciel, en laudience de tous, prononça les depre- cations et paroles des conuenances en ceste manière :

« Père céleste lupiter, qui présides à ce lieu cy, & cause des hautes montaignes Idées, qui as la principauté plus grande que tous les autres Dieux : et toy Sol qui yois«t congnois toutes choses, vous Fleuues, toy Terre, et vous autres Dieux inférieurs qui tourmentez après la mort les hommes desloyaux « et brisans leur . foy, ie vous inooque pour tesmoings de ces pactz et conuenances, et vous sup- plie que yueilléz quelles soient saintes et inuiolables. Si

aomrLAftim m tmtb. uvu n. I6S

Paris aiiioiirâ*ho7 an cesta bataille priue mon firare Mana- laos da sa vie, que Haleine et tous les trésors soient à Inj : et nous nous en retournerons à tout noz nauires daoara nos Dieux domestiques. Et si mon frère Menelaus ocoit Alaz- andra» que les Troyens rendent Heleine, auec toute la ri- chesse : et que les Grecs oultreplus soient rémunérez de giiar» dons honorifiques» telz quil semblera quil se doiue jGûra : lesquelz guerdons aussi soient transferez & noz successeurs. Bt si le Roy Priam ou ses enfans refusent de nous donner iceax prys et guerdons après la mort de Paris, iappaUa derechef les Dieux à tesmoings» que pour me yenger des conuenances rompues» ie perseuereray en ceste guerre : et ny aura iamais autre fin mise» fors que lune ou lautra par- tie soit du tout vaincue et suppeditee. » Ces choses dites, il coupa la gorge ausdits deux aigneaux, hin masle lautra femelle : et ainsi morts et sanglans quilz estoient, les mait à terre. Les autres prindrent du vin es hanapz» et en bu- rent vn peu par manière de sacrifice» puis respandirent le demeurant en terre» en faisant prières et oraisons aux Dieux supérieurs. Dont il en y eut de telz» qui disoient en ceste manière : t lupiter» Roy des Dieux et le plus puissant de tous, et TOUS autres esprits célestes» vueillez que ceux ausquelz il tiendra que ces promesses et conuenances ne soient fer- mes et permanentes» que tout ainsi que ce vin flue et coule en terre» ainsi puissent couler et périr leurs enfans et leurs femmes, b Mais pour lors le Dieu lupiter auoit ses oreilles sourdes et estouppees» et non propices À exaucer leurs prieras.

Apres ces choses faites» le bon Roy Priam parla À toute lassamblee» et dit en ceste manière : « Escoutez moy» vous Troyens» et vous aussi Grecz. Certainement mes yeux ne poorroient sonstenir de voir mon trescher fllz Alexandre

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«ombatant aaéc Mmelans. Bt à cesta cause, à fin qne fe ny Boye preMDt» ie men retoarne en la cité. Le haut Dieu lupitw et les autres Dieux, ont desia en leur congnoissanee et detennination, lequel des deux est prédestiné à la mort. » Quand il eut ce dit, il monta en sa littiere, et print les deux aigneaux sacrifiez, si les feit emporter auec luj. Et pendant quil sen retoumoit en la cité, le Prince Hector et le Roj Ylysses assignèrent vn lieu propice à la bataille. Puis ilz ietterent sort en me salade, auquel des deu2 le premier coup étroit deu. Et les deux armées qui estoient alentour en doute et solicitude des choses aduenir, leuans les mûns au cid, fidsoient plusieurs tobuz et prières. Dont les aucuns formoient leur oraison en ceste manière : c Père lupiter qui domines sur les montaignes Idées, qui as plus grand puissance que nul des autres Dieux, vueilles fidre auiourdliuy que celuy qui est cause de tant de misères et calamités, eaire ces deux peuples et nations, puisse perdre la vie, et soit précipité aux enfers : et que nous autres puissions garder les conuenances inuiolablement. » Ainsi disoient la pluspart des gensdarmes. Et le preux Hector ce temps pendant ayant le visage destoumé, hochoit la salade en laquelle ilz auoient ietté le sort. Si apparut tantost, que le tour de Paris estoit de ruer le premier coup. Adonques tous se rongèrent en leur lieu par ordre, iouxte leurs che- naux et leurs armes. Et Alexandre pour estre armé plus seurement et plus pompeusement, print vn hamois de Ïam- bes, tout estoffé de fin argent, et vne cuirasse de mesmes qui estoit à son frère Ljcaon, mais elle luy estoit faite et appropriée à sa poitrine, comme de cire. Puis meit en es- charpe vné riche espee pendant à vne chaîne dor. Et adapta et accoustra à son espaule sa grande et pesante targe : et meit en son chef, son harmet tout aomé par dessus de

orertes, plmnas et tjmbres, horribles à re^urder. Et an demior il print Yn dard esmoala, grand et fart à maraeilr les^ mais tel, qail seu sauoit bien ayder. Menelaus aas^i de laatre part se faisoit armer de ses pins nobles armes. Rt quand ilx forent tous deux armez et bien empoint : ili se présentèrent au lieu da camp assigné, les Troyens et les Grecz eetans tout alentour. Et commencèrent à marcher fièrement hin vers lautre, ayans le courage felon, et la Toolenté mal entallentee, tellement que tous ceux qui ka r^gardoient, en auoittit grand frayeur. Et quand ils fiupsot asses prochains lun de lautre, ainsi que au myliea de la place, ilz brandirent leurs dards, et tindrent leurs bras mk lair À fin dauoir plus grand coup et plus seur.

Paris Alexandre, lequel deuoit farir le premier, branla son iaoelot par grand maistrise contre Menelaus, etle tour cha rudement en lescu, mais la pointe se rebouta auant qoMe peust passer lader, dont la targe estoit counerte« Alors Menelaus se dressa sur les pointes de ses pieds à tout soQ dard, et feit vne brieue oraison en ceste manière : « Ottroye moy, ie te prie, ô Roy lupiter, que cestuy ey qui mha acoomblë de tant de maux, soit puny selon ses deme» rites, i fin que ceux qui sont maintenant en vie, et tonte leur postérité quand ilz en orront parler, ayedt crainte de maculer les nobles maisons esquelles ils auront esté reoenSB par amitié. » Et en ce disant, il contrepesa aucune espacé sa lance, puis lenuoya rudement contre Alexandre. Laquelle en treq>ercant le mylieu, ne passa pas seulement onltre lader, le cuir boully , et le bois dont il estoit composé, mais aussi efibndra en la cuirasse, et attaingnit Paris iusques & la chemise. Et de fait, eust entamé sa poitrine, se neust esté quil guenchit au coup, et se humilia soupplement & costé. Ce fait, Menelaus tira de sa gueine argentine sa dere

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«ombatant auêc Mendaiis. Bt à cesta cause, à fin qne fe ny 807B preMDt, ie men retoarne en la cité. Le haut Dieu Ivpitw et les autree Dieux, ont desia en leur congnoissanee et detennination, lequel des deux est prédestiné à la mort. » Quand il eut ce dit, il monta en sa littiere, et print les deux aigneaux sacrifiez, si les feit emporter auec luj. Bt pendant quil sm retoumoit en la cité, le Prince Hector et le Roj Ylysses assignèrent vn lieu propice à la bataille. Puis ilz ietterent sort en me salade, auquel des deuz le premier coup s^roit deu. Et les deux armées qui estoient alentour en doute et solicitude des choses aduenir, leuans les mûns au dd, fiiisoient plusieurs vœuz et prières. Dont les aucuns formoient leur oraison en ceste manière : c Père lupiter qui domines sur les montaignes Idées, qui as plus grand puissance que nul des autres Dieux, vueilles fidre auiourdliuy que celu j qui est cause de tant de misères et calamitez, ^itre ces deux peuples et nations, puisse perdre la yie, et soit predpité aux enfers : et que nous autres puissions garder les conuenances inuiolabiement. » Ainsi disoient la pluspart des gensdarmes. Et le preux Hector ce temps pendant ayant le visage destoumé, hochoit la salade en laquelle ilz auoient ietté le sort. Si apparut tantes t, que le tour de Paris estoit de ruer le premier coup. Adonques tous se rongèrent en leur lieu par ordre, iouxte leurs che- naux et leurs armes. Et Alexandre pour estre armé plus seurement et plus pompeusement, print vn hamois de Ïam- bes, tout estoffé de fin argent, et vne cuirasse de mesmes qui estoit à son frère Lycaon, mais elle luy estoit faite et appropriée à sa poitrine, comme de cire. Puis meit en es- charpe yné riche espee pendant à vne chaîne dor. Et adapta et accoustra à son espaule sa grande et pesante targe : et meit en son chef, son harmet tout aomé par dessus de

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orestes, plumas et tjmbres, horribles à regarder. Et aa dernier il print vn dard esmoulu, grand et fort à meraeilr les^ mais tel, quil sen sauoit bien ayder. Menelaus ausfi de lautre part se faisoit armer de ses phis nobles armes. Bt quand ilz forent tous deux armez et bien empoint : ili se présentèrent au lieu du camp assigné,, les Troyens et ka Grecz estans tout alentour. Et commencèrent à mardw fleremwt lun vers lautre, ayans le courage félon, et la Toulenté mal entallentee, tellement que tous œox qui les regardoient, en auoient grand frayeur. Bt quand ils fnrant assez prochains lun de lautre, ainsi que au myliea de la place, ilz brandirent leurs dards, et tindrent leurs braa ea lair & fin dauoir plus grand conp et plus aeur.

Paris Alexandre, lequel deuoit ferir le premier, branla son iaoelot par grand maistrise contre Menelaus, et la tour cha rudement en lescu, mais la pointe se rebouta auant quelle peust passer lacier, dont la targe estoit comierte. Alors M enelans se dressa sur les pointes de ses pieds à tout soQ dard, et feit vue brieue oraison en oeste manière : « Ottroye moy, ie te prie, ô Roy lupiter, que cestny ej qoi mha accomblë de tant de maux, soit puny selon ses dem»* rites, à fin que ceux qui sont maintenant en vie, et tonte leur postérité quand ilz en orront parler, ayent crainte de macnisr les nobles maisons esquelles ilz auront esté reoetk par amitié. » Bt en ce disant, il contrepesa aucune espacé sa lance, puis lenuoya rudement contre Alexandre. Laquelle en tresperçant le mylieu, ne passa pas seulement onltre lacier, le cuir boully, et le bois dont il estoit composé, mais aussi effondra en la cuirasse, et attaingnit Paris iusques & la chemise. Et de fait, eust entamé sa poitrine, se neust este quil guenchit au coup, et se humilia soupplement & costé. Ce fait, Menelaus tira de sa gueine argentine sa dere

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«ombatant auêc Mendaiis. Bt à cesta cause, à fin qne fe nj Boye preMDt» ie men retoarne en la cité. Le haut Dfm lupitw et les autres Dieux, ont desia en leur congnofssanee et detennination» lequel des deux est prédestiné à la mort. » Quand il eut ce dit, il monta en sa littiere, et print les deux aigneaux sacrifiez, si les feit emporter auec luj. Bt pendant quil sm retoumoit en la cité, le Prince Hector et le Roj Ylysses assignèrent vn lieu propice à la bataille. Puis ilz ietterent sort en me salade, auquel des deuz le premier coup s^roit deu. Et les deux armées qui esttdent alentour en doute et solicitude des choses aduenir, leuans les mains au cid, fiiisoient plusieurs vœuz et prières. Dont les aucuns formoient leur oraison en ceste manière : c Père lupiter qui domines sur les montaignes Idées, qui as plus grand puissance que nul des autres Dieux, vueilles fidre auiourdliuy que cduj qui est cause de tant de misères et calamitez, ^itre ces deux peuples et nations, puisse perdre la vie, et soit précipité aux enfers : et que nous autres puissions garder les conuenances inuiolablement. » Ainsi disoient la pluspart des gensdarmes. Et le preux Hector ce temps pendant ayant le visage destoumé, hochoit la salade en laquelle ilz auoient ietté le sort. Si apparut tantost, que le tour de Paris estoit de ruer le premier coup. Adonques tous se rongèrent en leur lieu par ordre, iouxte leurs che- naux et leurs armes. Et Alexandre pour estre armé plus seurement et plus pompeusement, print vn hamois de Ïam- bes, tout estoffé de fin argent, et vne cuirasse de mesmes qui estoit à son frère Ljcaon, mais elle luy estoit faite et appropriée à sa poitrine, comme de cire. Puis meit en es- charpe vné riche espee pendant à vne chaîne dor. Et adapta et accoustra à son espaule sa grande et pesante targe : et mdt en son chef, son harmet tout aomé par dessus de

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orestes, plumas et tymbres, horribles à regarder. Et aa dernier il print vn dard esmoulu, grand et fort à memmlr les^ mais tel, qail sen sauoit bien ayder. Menelaus ausfi de lautre part se faisoit armer de ses plus nobles armes. Et quand ils forent tous deux armez et bien empoint : ili se présentèrent au lieu du camp assigné, les Troyens et les Grecz estans tout alentour. Et commencèrent à marcher fleremwt lun vers lautre, ayans le courage félon, et la Toulentë mal entallentee, tellement que tous œox qui les r^gardoient, en auoient grand frayeur. Bt quand ils furant assez prochains lun de lautre, ainsi que au myliea de la place, ilz brandirent leurs dards, et tindrent leurs bras mk lair & fin daooir plus grand conp et plus seur.

Paris Alexandre, lequel deuoit ferir le premier, branla son iaoelot par grand maistrise contre Menelaus, et la toor cha rudement en lescu, mais la pointe se rebouta auant quelle peost passer lader, dont la targe estoit comierte. Alors Menelaus se dressa sur les pointes de ses pieds à tout son dard, et feit vue brieue oraison en oeste manière : « Ottroye moy, ie te prie, ô Roy lupiter, que cestny ej qui mha accomUé de tant de maux, soit puny selon ses dem»* rites, à fin que ceux qui scmt maintenant en vie, et tonte leur postérité quand ilz en orront parler, ayedt crainte de macobr les nobles maisons esquelles ilz sauront esté rsoett par amitié. » Et en ce disant, il contrepesa aucune espaoè sa lance, puis lenuoya rudement contre Alexandre. Laquelle en treq>ercant le mylieu, ne passa pas seulement oïdtre lacier, le cuir boully, et le bois dont il estoit composé, mais aussi effondra en la cuirasse, et attaingnit Paris iusques à la chemise. Et de fait, eust entamé sa poitrine, se neust «stë quil guenchit au coup, et se humilia soupplement & Gosté. Ce fait, Menelaus tira de sa gueine argentine sa dere

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«ombatant auêc Mendaiis. Bt à cesta cause, à fin que ie ny Boye preMDt, ie men retoarne en la cité. Le haut Dfea Ivpitw et les antres Dieax, ont desia en lenr congnoissanee et detennination» lequel des deux est prédestiné à la mort. » Quand il eut ee dit, il monta en sa littiere, et print les deux aigneaux sacrifiez, si les feit emporter auec luj. Bt pendant quil sm retoumoit en la cité, le Prince Hector et le Roj Vlysses assignèrent vn lieu propice à la bataille. Puis ilz ietterent sort en Tne salade, auquel des deu2 le premier coup s^roit deu. Et les deux armées qui estoient alentour en doute et solicitude des choses aduenir, leuans les mûns au cid, fidsoient plusieurs vœuz et prières. Dont les aucuns formoient leur oraison en ceste manière : c Père lupiter qui domines sur les montaignes Idées, qui as plus grand puissance que nul des autres Dieux, vueilles fidre auiourd^huy que celuj qui est cause de tant de misères et calamités, ^itre ces deux peuples et nations, puisse perdre la vie, et soit précipité aux enfers : et que nous autres puissions garder les conuenances inuiolabiement. » Ainsi disoient la pluspart des gensdarmes. Et le preux Hector ce temps pendant ayant le visage destoumé, hochoit la salade en laquelle ilz auoient ietté le sort. Si apparut tantost, que le tour de Paris estoit de ruer le premier coup. Adonques tous se rongèrent en leur lieu par ordre, iouxte leurs che- naux et leurs armes. Et Alexandre pour estre armé plus seurement et plus pompeusement, print vn hamois de Ïam- bes, tout estoffé de fin argent, et vne cuirasse de mesmes qui estoit à son frère Lycaon, mais elle luy estoit foite et appropriée à sa poitrine, comme de cire. Puis meit en es- charpe ynë riche espee pendant à vne chaîne dor. Et adapta et accoustra à son espaule sa grande et pesante targe : et meit en son chef, son harmet tout aomé par dessus de

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orestes, plumas et tjmbres, horribles à regarder. Et aa dernier il print vn dard esmoulu, grand et fort à menmir les^ mais tel, qail sen sauoit bien ayder. Menelaus ausfi de lautre part se faisoit armer de ses plus nobles armes* Bt quand ilz furent tous deux armez et bien empoint : ili sa présentèrent au lieu du camp assigné, les Troyens et ka Grecz estans tout alentour. Et commencèrent à marcher fleremwt lun vers lautre, ayans le courage félon» et la Toulenté mal entallentee, tellement que tous œox qui les r^gardoient, en auoient grand frayeur. Et quand ils furant assez prochains lun de lautre, ainsi que au mylien de la place, ilz brandirent leurs dards, et tindrent leurs braa en lair & fin dauoir plus grand conp et plus aeur.

Paris Alexandre, lequel deuoit ferir le premier, branla son iaoelot par grand maistrise contre Menelaus, et la tour cha rudement en lescu, mais la pointe se rebouta auant quelle peust passer lacier, dont la targe estoit counerte* Alors Menelaus se dressa sur les pointes de ses pieds & toat son dard, et leit vne brieue oraison en ceste manière : « Ottroye moy, ie te prie, ô Roy lupiter, que cestay ey qoi mha accomblé de tant de maux, soit puny selon ses dem»* rites, à fin que ceux qui sont maintenant en vie, et tonte leur postérité quand ilz en orront parler, ayeat crainte de macobr les nobles maisons esquelles ilz auront esté reœafe par amitié. » Et en ce disant, il contrepesa aucune espacé sa lance, puis lenuoya rudement contre Alexandre. LaqneBa en treq>ercant le mylieu, ne passa pas seulement ooltre lacier, le cuir boully, et le bois dont il estoit composé, mais aussi effondra en la cuirasse, et attaingnit Paris iusques à la chemise. Et de fait, eust entamé sa poitrine, se neust «8të quil guenchit au coup, et se humilia soupplement & Gosté. Ce fait, Menelaus tira de sa gueine argentine sa dere

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«ombatant aaéc Mmelaas. Et à cesta cause, à fin qne ie ny Boye presmt, ie men retoarne en la cité. Le haut Diea Ivpiter et les aatree Dieux, ont desia en leur congnoissanoe et detennination, lequel des deux est prédestiné à la mort. » Quand il eut ce dit, il monta en sa littiere, et print les deux aigneaux sacrifiez, si les feit emporter auec luy. Et pendant quil sm retoumoit en la cité, le Prince Hector et le Roj Vlysses assignèrent vn lieu propice à la bataille. Puis ilz ietterent sort en Tne salade, auquel des deuz le premier coup étroit deu. Et les deux armées qui estoient alentour en doute et solicitude des choses aduenir, leuans les mains au cieli fiiisoient plusieurs vœuz et prières. Dont les aucuns formoient leur oraison en ceste manière : c Père lupiter qui domines sur les montaignes Idées, qui as plus grand puissance que nul des autres Dieux, vueilles finre auiourdliuj que celuj qui est cause de tant de misères et calamitez, ^itre ces deux peuples et nations, puisse perdre la vie, et soit précipité aux enfers : et que nous autres puissions garder les conuenances inuiolablement. » Ainsi disoient la pluspart des gensdarmes. Et le preux Hector ce temps pendant ayant le visage destoumé, hochoit la salade en laquelle ilz auoient ietté le sort. Si apparut tantost, que le tour de Paris estoit de ruer le premier coup. Adonques tous se rengerent en leur lieu par ordre, iouxte leurs che- naux et leurs armes. Et Alexandre pour estre armé plus senrement et plus pompeusement, print vn hamois de Ïam- bes, tout estoffé de fin argent, et vue cuirasse de mesmes qui estoit à son frère Lycaon, mais elle luy estoit faite et appropriée k sa poitrine, comme de cire. Puis meit en es- charpe vnè riche espee pendant à vue chaîne dor. Et adapta et accoustra à son espaule sa grande et pesante targe : et mrit en son chef, son harmet tout aomé par dessus de

^uwt68, plumas et tjmbres, horribles à rdgardsr* Bt «a dernier il print yn dard esmoulu, grand et fort à mamaiir Jes^ mais tel, qnil sen sauoit bien ayder. Monelane ana^ ^e lautre part se faisoit armer de ses plus noUea anssea» Bt quand ils furent tous deux armez et bien emp<»nt : ils se présentèrent au lieu du camp assigné, les Troyens et le» Grecs estans tout alentour. Kt oommenoerent à marcher fièrement lun vers lautre, ayans le courage Mon» et la Toulentë mal entallentee, tellement que tous œux qui ks r^gardoient, en auoient grand frayeur. Bt quand ils fiivsirt assas prochains lun de lautre, ainsi que au mylîesi de la place, ilz brandirent leurs dards, et tindrent leuft biaa en lair ft fin dauoir plus grand coup et plus seur.

Paris Alexandre, lequd deuoit ferir le preoûeri, toania son iaaelot par grand maistrise contre Menelans, et la Icup eha rudunent en lescu, mais la pointe se rebauta anant quelle peust passer lader, dont la targe estoit oounsrta* Alors Menelaus se dressa sur les pointes de ses pieds à tout son dard, et feit yne brieue oraison en oeste manière : i Ottro|e moy, ie te prie, ô Roy Jupiter, que cestuy sj qui mha aceomblë de tant de maux, soit puny selon ses deme» rites, à fin que ceux qui scmt maintenant en vie, et toute leur postérité quand ils en orront parler, ayeut crainte de maculer les nobles maisons esquelles ilz auront esté rsoett par amitié, i Bt en ce disant, il contrepesa aucune espace sa lance, puis lenuoya rudement contre Alexandre. Laquella en treq>erQant le mylieu, ne passa pas seulement odtre lader, le cuir boully, et le bois dont il estoit composé, mais aussi effondra en la cuirasse, et attaingnit Paris iusques & la chemise. Bt de fSeut, eust entamé sa poitrine, se neust esté quil guenchit au coup, et se humilia soupplement & costé. Ce fait, Menelaus tira de sa gueine argentine sa dere

i06 IULV8TAATI0I» M GAfLB, ET

eapee, et en la haussant oontremont, donna vn coup snr la heaume de Paris si grand et si véhément, que laUemelle (1) vola en pieoss, et le manche luy saillit hors du poii^. Laquelle chose voyant Menelaus, il souspira parfondement, et en dressant les yeux aux del dit ainsi : « 0 père lupiter, certainement de tous les Dieux qui sont au ciel et en la terre, il nen est nul pire que toy. Nagueres quand ie te fid- soye ma prière, iauoye conceu espérance que Paris rsee- uroit par mes mains le guerdon de la criminelle iniure qoil mha inférée : maie maintenant mon espee du premier coup sest rompue, et ma lance ha esté iettee en vain, sans auoir entame les membres de mon ennemy. » Par telles et sembla^» blés paroles, le Roy Menelaus blasphemoit son Dieu lvip> ter. Et neantmofais il se print courageusement & enuahir et & aherdre (2) & la salade de Paris, si empoigna les crestes et plumas estans sur iceUe. Lesquelz (3) auoir appréhendé, il seffiorQoit de le traîner du costé de ses gens : et leust fait vie* torieusement et à sa grand gloire, de tant plus facilement, que quand il le tiroit par sa salade, le mol gosier de Paris sestrangloit, au moyen de la chainette dorée, qui fermoit & vne boucle sur le menton. Mais soudainement la Déesse Venus fille de lupiter, quand elle congnut le meschef de Paris, vint & la rescousse, et rompit le lyen : à fin que Menelaus vainqueur, ne iouist que de la salade vuide, en lieu de Ihomme. Laquelle chose aduint par efiect : car ainsi comme Menelaus se fut tourné vers ses gens, pour leur ietter la despouille de son ennemy, et ceuxleussentreceûe à grand haste, et & grand joie, et que iceluy Menelaus eut prins sa

(1) c.-à-d. la lame.

(2) c.*à^. s'attacher à

(3) sapplëas : aprèi.

SniGTLAftlTBZ HB TROTB. UYRl II. 167

liasche,poiir retourner incontinent sur Paris Alexandre^Dame Venas ainsi comme celle qui est haute Déesse, toute aui- a*onnee dune nuée aureine, tira inuisiblement son seruiteur Paris hors de la bataille, et le transporta soudainement dedens la cité de Troye, elle le coUoqua en vne cham- bre, riche et bien odorante, dedens son palais, son iict génial (1) et voluptueux estoit somptueusement tapissé. Et quand la Déesse Venus eut illec mis le beau Paris Âlexaii* dre, elle se transforma, et print la figure dune des femmes de chambre de la belle Heleine, nonimee Gréa, laquelle estoit venue auec elle de Lacedemone, et sen idla vers ladite Hëleine. Si la tira, tout bellement par la robe, et lu; dit ainsi : t Madame, retourne sil te plait à Ihostel, oti ton mary Alexandre tattend, et mha commandé tappeller, car il est sur yne riche couche, plus beau et plus resplendissant que nulle autre chose du monde. Et ne semble point quil ayt oombatu aii^c Menelaus, mais phistost quil vienne de la danee. » Laquelle chose oyant la belle Heleine, de prime&ce ne voulut acquiescer daller vers Paris. Et dit par ^eet, que iamais en la compaignie dun homme si lasche et si couard ne se daignaroit trouuer. Mais après ce quelle se ^ut apperceiie que-cestoit la Déesse Venus qui ainsi ta semonnoit, elle y alla. Et quand elle fut en la chambre estoit Paris, elle sassit sur vne scabelle, tournant lea yeux arrière du visage d'Alexandre, et luy dit en ceste manière : « Nés tu pas retourné de la bataille tu sauois que recenrois mort sans remède, si ne leusses gaigné à fuyr» comme celuy qui estoit desia surmonte et prins par ton fort et robuste ennemy iadis mon mary, le Roy Menelaus t Or tu te soulois si bien vanter de le surpasser tant en force

(l) lâctus g$nMi$, lit nuptial.

lOB ' lU.nTAA'noiis m oànjh ir

de corps, comme en science descarmoiicher. Or vm maiat^ nant et le defEm & combattre corps à corps : mais non fans (anmoins si tu men crois) aioQois doreseoanant te garderas bien de le prouoqaer ainsi follement comme ta as fkit otm : voire et aussi de te trouuer douant luy en la meslee» de peur que si danenture il te rencontre, il ne te tresperee de son dard* ou de son glaiue. » Et alors Paris luy respondii &i ceste manière : « le te prie, mamie, ne me Tueilles pcHBl molester par telles reproches : certainement ie confesse que iOi nsy point vaincu Menelaus, mais ce ha esté au moyen de layde quil auoit de la Déesse Pallas : et neantmoins vue autresfois ie le surmonteray à mon tour. Car aussi faiee ây ia des Dieux et des Déesses en mon ayde comme il ha. Or en tant quil touche le demeurant, ie te prie, fiûscms bcmie ch«?e, et passons le temps en liesse coningale. Car onqies mais depuis que ie eouohay premièrement anëc toy en Usls de Cytheree, si grand ardeur damours ne me tint quil fiut pnssentement. » Et quand il eut ce dit, il eoim en vue avlrs ridie chambre de son palais, et Heleine le suiuit.

A bon droit feint (1) le poëte Homère que le beau Paris fut soustrait de la bataille par la Déesse Venus : oestadire par sa mollesse, lascheté et peuvaloir. Attendu que luy qui souloit estre egid en force et en vertu son frère Hector, le plus rude cheualier du monde, est deuenu si treselSeminè et si appaillardy, quil nha plus vigueur ne courage. Lequel exemple £sit bien à noter pour tous gentilzhommes moder- nes. Or met oultreplus le poëte Homère en plusieurs passa^^ ges de son volume de Tlliade, que ladite Déesse Venus estoit pour les Troyens, & cause du iugement fait par Paris en faneur délie : en dénotant que lesdits Troyens estoisnt plus

(1) faiet (mscr. de GenèTe).

SlMVUUlITn BB TROtB. UVM H. 109

adonnez à délices et à mignotiseB laxnrieDses que nestoient Jes Grées. Et met Hosei qne luno et Pallas estoient du costè des Orecz : ponroe qnilz estoient bons gensdarmes. Et auoient richesses, qui est désignée par Inno : et prodende de guerroyer, qui est signiâee par Pallas. Anssi y peult anoir caose historiale pourqnoy ledit poëte feint que Paris fut soustrait de la bataille par Venus* Peult estre pourûe que, comme récite Dares Phrygien, Bneas qui estoit estimé filz de Venus oouurit ledit Paris de son escu, et le tira hors de la bataille : et le ramena sain et sauf en la oité^ lasoit ce que Dietys de Crète met que Paris fut nauré en la cuisse du dard de Mendaus.

Aussi & cause de Venus le Dieu Mars estoit du par^ des Troyens. Car Hector qui estoit comparé à Mars en fureur de bataille, soustenoit la querele vénérienne de son frère Paris. Neptune pareillement estoit du costé des Grecz : pource que lesdits Grecz auoient la mer à commandement : et plusieurs autres nobles fantasies dudit poëte peult on voir en son œuure de Tlliade, touchant lesdits Dieux et Déesses tenans diuerses bendes, & cause du iugement de Paris. Gestasauoir comment Venus pour lamour de son fllz Bneas y fut nauree en la main par Diomedes, et Mars semblablement : et com- ment lesdits Dieux et Déesses aussi sentrebatirent, comme met ledit poëte en son xx. liure. Mais mon intention, ne mon pouuoir aussi nest mie dexpliquer toutes lesdites fic- tions, pourqnoy ie men déporte. Toutesfois en tant quil touche Paris, iay recueilli dudit volume de TUiade, que depuis ledit combat auec Menelaus, Paris Alexandre feit les vaillances qui sensuiuent en la guerre Troyenne : cesta- sauoir quil tua Menesthius filz d*Arithous (1) et de Philome-

(1) Darioihui (msor. de GenèTe).

470 IU.T6TRATIOII8 HB 6ATLB, BT

dose. Pois naura dun dard le chenal de Nestor Roy de Pylon : et blessa aussi dune saiette Diomedes Roy d*Etolie en la main dextre : et vn autre nommé Eurypylus en la cuisse. Puis entra auec les autres dedens la fortification des Grecz, quand Hector cuida brusler leurs uauires. Mais ce ne fut point sans ce que Hector lappellast souuent couard et tar- dif. Oultreplus il tua vn Grec appelle Dyochus. Et autre chose nay trouué de ses faits audit liure. Dares de Phrygie met que ledit Paris tua Palamedes dune saiette. Mais tous les autres acteurs sont dopinion quil mourut par la machi- nation fSetite contre luy par Vlysses et Diomedes comme des- sus est dit. Maintenant faut retourner & nostre propos prin- cipal.

anaTLAUTis h non. litu u. 171

CHAPITRE XVIIL

Dm oonaeiiMiCM rompues entra 1m deux Mis, et de la bataille remra* uellM par Pandania de Ljcie : dM grande proaeasM d*Heotor : dM treaea prinsM entre 1m armeea, et de la reconciliation d*A« chillM anec Agamemnon. Comment ledit Achillea aenamoara de Poljxene : recitation de la mort da Roj Sarpedon de Lycie : et anaai de celle de Patroclaa de Myrraidone, qai fat taé par Hector, et aatrM ohoaM.

Tandis donqaes que le beaa Paris Alexandre anoit esté soustrait du combat mortel, et quil yaquoit à choses véné- riennes, comme dessus est dit, le Roy Menelaus, semblable a vn ours enragé, couroit ça et là, pour voir sil trouueroit Paris nulle part. Et ny auoit nul des Troyens ne des Grecz, qui peust ne sceust dire, quil estoit deuenu : car iïz ne leossent osé dissimuler, à cause des serments faits, et des conuenanoes establies. Et aussi quilz aymoient mieux que Paris mourust tout seul, que de continuer si dangereuse ^erre. Alors le Roy Agamemnon parla haut et der, et dit ainsi : « Escoutez, vous Troyens, Phrygiens, Dardaniens, liycienSy Paphlagoniens, et généralement tous ceux qui sont Tenuz au secours de Priam : tous voyez que la victoire de ceste bataille est deuers mon frère Menelaus : et pourtant cest ft vous & fSetire maintenant de rendre Heleine, et toute la richesse qui ha esté apportée auec elle de Lacedemone. Et en oultre, nous rémunérer de guerdons honorifiques, telz

178 mumrKkTums «( oàvu, k.

quil sera iagé estre conuenable (1), lesquelz soient trans- ferez à nous, et & noz successears. » Quand Âgamemnon eut dit ces paroles, tous les Grecz extollerent son oraison par grand admiration. Mais les Troyens honteux et confoz de leur propre vergongne, ne tardèrent gueres à briser les conuenances. Car Pandarus de Lycie, lun des plus iostes archers du monde, à linstigation de Laodicus fllz d*Ânte- nor, tira oocultement vne saiette au Roy Menelaus, et le naura en la cuisse, tellement quil le &lut porter hors de la bataille. Combien que Dares de Phrygie mette que ce fut par Paris, que ledit Menelaus fût nauré. Et iusques icy iay suiuy la narration du poëte Homère. Maintenant ie vueil retourner à mon acteur Dictys de Crète.

Iceluy Dictys en son deuxième liure, met que Pandarus de Lycie, pour renouueler la meslee, et briser les conuenan- ces, ne se tint point i œ coup, aincois tira dune venue plusieurs âesches, et blessa beaucoup des Grecz. Mata flnar blement Diomedes en deliura la place et le tua. Lors reeom* mença lestour (2) memeilleux et mortel dun costé et dautre. Et y furent naurez des Princes Troyens, Eneas, Sarpedon, Glaucus, Helenus, Euphorbius, et Polydamas. Et des Grecz oultre ledit Menelaus, Vlysses, Merion et Eumelus. En la fin sans sauoir iuger qui eut du pire ou du meilleur, la nuict suruint, qui les départit. Homère sur ce passage, descrit vne belle bataille ùltà corps à corps, entre Aiax Telamonitts et le Prince Hector. Et aussi fait Dares de Phrygie : combien que nostre acteur nen disse mot. Et ne fut vainqueur ne lun ne lautre diceux deux champions : mais se départirent après auoir donné grans dons lun &

(1) eowMmbUt (éd. 1528).

(2) c.-à>4. le choc, la mllée.

▼MMTIZ ftB TMITB. UfU n. ITS

lautre. Et œ tait, \m Troyens se parquèrent entre le port et la dié. Et se tindrent aux champs encan tempe : oeeta* sanoir, ineques à ce que Ihyner snmenant et lee i^nysi» lee feirent rentrer & Troye. Et endementiers, Aiax Tdamoniiifl anec son armée, et encans des gens d'Âcbilles allèrent cou- rir parmy le païs de Phrygie. Si en gasterent beanconp, et prindrent aacones citez, et ramenèrent grand nombre de batin.

En oe temps mesmes dhyaer, le trespreax Hector saillit de Troye & toat son armée ponr combatre les Grecs : et les Oreoz aossi sortirent contre lay : et se troanerent «n la campagne acconstnmee. Mais Hector par sa pronesse et verta les contraingnit de fîiyr, et de qaerir saaaeté en leurs nanires, od il y ent plasiears meraeiileux fSetits darmes exploites, tant dan costé que dautre : car Hector les près- soit iosqœs à boater le fea dedens lears fortifications, et dedens leurs nanires mesmes. Et peu sen faillit quils ne fiissent alors du tout desconfits. Car Achilles ne se vouloit point armer, pour la hayne quil auoit au Roy Agamem- noB : mais Aiax Telamonius, cousin germain dudit Achilles et second en vaillance après luy, feit si bonne résistance, quil nanra Hector dun grand coup de pierre. Et lors désis- terait les Troyens de combatre aux nanires, et se retirè- rent à Troye. Neantmoins aucuns des enfans de Priam lurent tuez en icelle ioumee. Et tantost après Rhésus Roy de Thrace ymant au secours de Priam, fut occis cauteleu- sement par, Diomedes et Vlysses. Et ses chenaux merueil- leux et Feez (1) furent amenez en lest des Oreez, auant quilz poussent bok*e au fleuue Xanthus : car si Tne fois ilz y eus- sent peu estre abruuez, leur destinée estoit telle, que iamais

{\)fÊieU{^. 1516); /SM (éd. 1528).

474 ILLTSTRATIOMS M GATtB, ET

Troye neust esté prinse. Et de cecy nous parlerons encores plus à plein au dernier liare. Les Thraciens qui estaient audit Roy Rhésus se cuiderent mettre en defiSmse : mais ilz furent tous desconâts. Et tantost après les Troyens vin- drent demander aux Gregois treues et abstinence de guerre, laquelle chose ilz obtindrent.

Durant les treues, larchiprestre d*Apollo de Sminthe, dont dessus est parlé, vint en léxercite des Grecz remer- cier les Princes de sa fille Chryseis ou Astynome qui luy auoit esté rendue. Aussi Philoctetes seigneur de Methon et de Melibee, retourna de lisle de Lemnos auecques cent. qui lestoient allé quérir, et apporta les saiettes d'Hercules» iasoit ce quil ne fust pas encores assez fermement guery de la morsure que le serpent luy auoit fait au pied, comme dessus est touché. Lors tindrent conseil les Princes de Grèce : pour faire appointement entre le Dac Acbilles et le Roy Agamemnon. Et & ceste cause furent enuoyez v^rs le Duc Achilles deux grans personnages : cestasauoir Viysses et Aiax Telamonius, lesquelz en exécutant leur charge, offrirent à Achilles lune des filles du Roy Aga- memnon en mariage, auec la dixième partie de son Roy* aume pour le douaire dicelle : et cinquante talents dor : dont chacun talent, pour le moins, valoit quarante liures dor à douze onces pour liure. Et tant exploitèrent iceux moyenneurs, que finablement après longues difficultez, à linstance de Phénix gouuemeur d*Achilles et de Patrodus son mignon, iceluy Duc Achilles reprint samie et concu- bine Hippodamie ou Briseis , laquelle Agamemnon inra solennellement nauoir iamais touchée. Et fut faite la paix entre lesdits Achilles et Agamemnon. Pendant aussi le temps hyuernal et les treues, les Grecz se trouuerent sou- uentesfois auec les Troyens au temple d'Apollo Timbrée,

8I1I6TLAEITU DE TROTK. UVU II. i75

hors des murs de Troye. Et les Grecz pour euiter oysiuetë sexerçoient tousiours aux armes, mais non les Troyens. Et en oultre plusieurs citez d*Âsie se soustraioyent de lamitié de Priam, voyans quil auoit du pire.

Vn iour donques entre les autres que la Royne Hecaba faisoit sacrifice au Dieu Apollo, le Duc Achilles désirant voir les cerimonies et les coustumes Troyennes, alla en son simple estât auec peu de compaignie au temple dessusdit : auquel il veit entre les autres filles de Priam, la tresbelle pucelle Polyxene, sur laquelle il ietta les yeux par si ardante concupiscence, quil fut esprins de son amour oul- tremesure : et saugmenta ce désir en luy ioumellement de plus fort en plus fort. Tellement que certains iours après il enuoya secrètement son aurigateur nommé Automedon deuers le Prince Hector, pour traiter mariage entre luy et ladite Polyxene. Icy y ha contrariété apporte entre ces deux tresanciens acteurs, Dares Phrygien, et Diclys de Crète : car ledit Dares met, que Hector estoit desia mort, et que le iour que Achilles senamoura premièrement de Polyxene on ùisoit lanniuersaire d*Hector. Quoy que soit, ie nay pas entrepris de les mettre daccord : ainçoîs me BviMt de suiure lordre principal de mon acteur Dictys de Crète.

Hector donques, selon la recitation dudit Dictys, feit response & Automedon messager d*Achilles, qui si son sei- gneur Touloit auoir Polyxene, il estoit nécessité quil feiat de deux choses lune, ou quil liurast toute larmee des Grées es mains dudit Hector : ou & tout le moins quil luy baillast quatre des principaux personnages : cestasauoir le Roy Agamemnon et son frère Menelaus, leur cousin Aiax Tela** monius et Aiax Oïleus. Dont quand Achilles entendit ces choses, il fut fort indigné, et iura tous ses Dieux par grand

176 nxvsTEATiom k oatls, sr

foreur, que au premier estoor quil renconireroit Hector, il le tueroit. Et ce nonobstant si estoit il tonsiours si esprii et si frappé de lamour de ladite Poljzene, que sonuenteefois il couchoit hors de sa tente, comme vn homme forcené. Tant que Automedon son aorigatenr fut contraint den adaertir les autres Princes de Grèce : à fin quilz se donnassent garde, que son seigneur Achilles ne feist quelque mauuais pact on conuention auec les Troyens, & leur grand preindiee. Et endementiers plusieurs citez du Royaume de Troye, en délaissant le parti de Priam, venoient offrir secours aux Orecz. Si commença dapprocher le beau printemps.

Les froidures hyuemales passées, et le ioyeux temps vemal fleurissant, la guerre commença aspre et cmelle, entre les deux nations. Et se feit la quatriraie bataille. Les Troyens se trouuerent aux champs dun costé, et les Orecz de lautre. Ulec fut tué Pyrechmus Roy de Peonie, quon dit maintenant Hongrie, lequel tenoit le parti de Priam : et mourut par les mains de Diomedes Roy dEtolie. Et Aga- mas Roy de Thrace, par les mains dldomeneus Roy de Crète, quon dit maintenant Candie. Le preux Hector y feit merueilles darmes, et y occit plusieurs Princes. Et aussi sy esuertua grandement Achilles meu de grande indigna- tion, pour le refus quon luy auoit fait de Polyxene : mais il naccomplit pas son serment quil auoit fait, cestasauoir de tuer Hector au premier estour quil le rencontreroit. Toutesfois il occit le noble Philimenis, Roy de Paphla- gonie, et le gentil Cebrion bastard de Priam : duquel est beaucoup parlé au premier liure. Iceluy Cebrion estoit aurigateur, cestadire conducteur du chariot d*Hector. Mais le prudent Helenus filz de Priam, eu la meslee naara Achilles dune saiette en la main, et le contraingnit à laisser la bataille. Aussi plusieurs des enfans de Priam

sniètLAklTftE ni n&n. Litn u. 417

toeni oôûis alors. Et 7 eat à in des coings de ImtmBë batailkf corps à coi^ efltre Patrodus de Myrmidone^ et kf R07 Satpedon de Lyeie, û\ï de lopiter : leqaél Sarp^OA y moanit par les mahis dudit Patroch». Et à ce conoordii Hoifteré eu son Iliade, iasoit ce que Dares de Phrygie métta qidl fat taA par Palamedes. En ooltre, Délphobns Ait natirè par Pafrocitis, et son trété' bastard Corgatoii y récent niort, fÉnt feit darmes ce iour ledit Patroelas. Et après inxhdM^ tMû oceision tant dnn conté ^ne daiitre, sans estre rtàti^ èat ne tainqnertrs, à cause du respre MmenaAt, la réttUté fbtsoùHeè. LOifV les Troyca» et Lydètta emporteMAf M ootpfitilioy Sàtpédon àé LydCy de Gorgaton, (1) etdi Gcbrion, baétards de Priam, et ménèt^xit graïid pfenr-èi ffMd ûtàél t si les énséttôUrent auec pompe sonyptMUM: Et 4uaAd la noble Nymphe Pegasîs Oenone^ estant mi U été dëHétititÈë, sCetÉt la mort dudit Gebi*iott Gebrkié séii tin|[)ilièr amy et biemmemant, ell» etx iMi&a'^iil£& dneil eitfettki; DantM part les 'Orecz rindri^nt yMtàt le gttaià hàttSÛÉQt itohiHéS, lequel iàlttoit eété twûLH pftr Bélenné, et lOMTétit bÉMefnént les grains vertns et va^llsastoefes PtttroddH: Btkr lendeiMiin au in matkir, ite bmslemert lés Corps diès iMfto et les enteft^i^iit.

ApreÉ wMÊOA iùtM pàsset <|Ué lés nMU^ tùtesat {(uttritf ; les Troyens feirent yne saillie hors de Troye'.:! lât^tieHé Ail de si gMnAe itopëtdéËité', (Z) et téUémëM^sui^liriofdrèn^ les Gfecc, itpÉ tM4ttÉttiÉft ilz^n ttférent bef^tteoùp. EMW lÂIM qùcte firent ocels Arc&esilaus Réy -de Béotié, el SduéâiiM> Roy déî^hé<^»4«â est mi la regîM d'Athènes, tit fh^Màî ttiiret^llettgiBs et Agapéfi<ir'4'Aroaâie :< PatrMltiM^ Myt^

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178 iu.T$TiuTioiis w 6Ayi4t n^:.

midooe, vint au secours de oeigc de son parti par grand effort, mais sa fortune ne fut paa telle quelle auoit^ eaté en la bataille précédente : car il fut premièrement naurë par Euphorbius fllz du Baron Panthus, et consequemmwt toii par le preux Hector. Et j eut fiere et otetinee batailley^ pour le corps de Patroclus : car les Troyens le vouloieiit. auoir pour le deshonter, et. mutiler vilainement (:^ jet Ifa Orecz le deffendoient» pour lenseuelir honnorablemfiit. E% après iceluy Euphorbius qui auoit premieremenl^. naui;ë, Patroclus, fut eirconuenu par Àiax et Menelaus, ojt pccîs par eux. Mais flnablement les Grecz, furent vai||cuz ea granfi déshonneur, et y pe;:*dirent beaucoup de leui^ gw9- La nuict sauua le deipourant. Sjt sen retournèrent en leur fort et en leurs nauires, portans le corps de Patrpdqs, pour la iport duquel, Achilles (qui nestoit pas encores gjBiery de sa playe faite, par Helenus) mena vn merueilleux doeil.et lamente, comfne.i^luy q^i tousiours auoit esté son mignon et son singulier amy. Geste nuict U, les Grecz feir^t son* gneusement 1^ guet, pour la gr^d crainte quilz auoi^t des Troyens : et le lendemain bien matin enuoyerent qua* rir force bois es foreetz de la montaigne Içie^, pour brusler solennellement le corps de Patroclus. Si furent faites ses funérailles en. grand honneur et triomphe, selon la super- stitio9 dadpnques.

Peu de iours après que les Grecz furent refeotionnez da labeur de leurs grands ve^les, ilz tirèrent leurs. armées aux ol^amps par vn beau matin, et se tindrent tout le iour : attendans les t Troyens pour voir.silz sortiroient. Mais les Troyens n^; se bougèrent pour rlprs ; -et ne faisaient que regarder larmee des Grecz par leurs tours et créneaux. Et ce voyans iceux Grecz sur le soleil couchant se retirèrent en leur fort et en leurs . nauirea. Mais le lendemaia à la

sniavLAiiTis us trotb. uni ii. 479

fine aube du iour, les Troyens les vindrent resueiller, et les coiderent surprendre en desarroy comme en la bataille précédente : tontesfois ilz forent vertueusement reculiez par les Grecz, et ne peurent longuement durer quilz ne tournassent en fuite. Si en y eut beaucoup de morts et de naurez à ceste fois. Entre ceux qui y furent occis du costë des Troyens, fut le plus apparent Âsius Hirtacides, (1) sei- gneur de Sestos et d'Abydos, grand amy d'Hector. Diome- des Roy d*Etolie y print douze prisonniers : et Aiax Tela- monius quarante. Entre lesquelz furent Pysus et Euander bastards de Priam. De la part des Grecz aussi y fut occis Ceneus Roy de Scythie, quon dit maintenant Tartarie : et Idomeneus Roy de lisle de Crète, ou Candie, y fut naurë. Apres donques que les Troyens se furent retirez, les Grecz ansqudz le camp demeura, gaignerent grands despouilles des morts. Et ietterent au fleuue Xanthus ou Scaman^er tous les corps des Troyens, à fin que iamais neussent sépul- ture. Et ce feirent ilz par despit de loutrage, que les Troyens anoient voulu &ire au corps de Patroclus. Puis après ilz présentèrent leurs prisonniers au félon Achilles, lequel les feit incontinent tous occire, au tombeau de Patro* dus : mesmement lesdits deux bastards de Priam, Pysua et Euander : et puis commanda les ietter aux chiens et aux oiseaux. Et deslors il feit vœu exprès, que iamais ne coucheroit eux lict, iusques & ce quil auroit vengé la mort de son amy Patroclus.

(1) HUmria (oMor. de Q#né?«).

4S0 ULLTiTBATlOHS M OâTLBy R

CHAPITRE XIX.

DtoUtaiiQft 40 la mprl d*H#clor» et d#t dittriM opiaiûn^dicttlk. I>#, \Êk eriMttié dottt AchiUet tul «nuen U corps dadit Hector. Gobi- Bent Priam le viat racheter pour lenseuelir. De la eomeiive de Penthetilee, et de Memnon neaea de Priam. Et de la mort de tona deux. Ùe linutilit^ de Parie, quant à la condoîte de la guerre. Bt de la mort de TrcHlitt.

Nostre aotcmr Dietys de Crète met en son troWeaN^ ttnre : Que peu de iours après que le^ Doc AchiUea eaat renforcé son tœa, de iamais ne coucher antre part que sor la terre nue, iusques à ce quil eust prins vengeance da celuy qui hiy causoit tant de dueil : comme nonueUes te* lent Tenues soudainement en larmee des Qreez, que ïm Prince Hector estoit allé an deuant de Penthesilee Rojw des Amazones , laquelle venoit au secours de Pria» : Acbilles k tout ine partie de ses plus feaux Myrmîdonà secrètement en. grand bas te, alla anticiper )e passage par Heoter denoit passer et se meit illec en embvche. Bt ainsi que le preux Hector qui de tel aguei ne se doBBoH garde, passoit vn fleuue à guë, Acbilles qui lespioitde pied coy, se rua sur luy par grande impétuosité, sans lescrier aucunement, et le feit auironner et circonuenir de toutes pars. Si le meurtrit iJUea tvaytvettsenent et de vilain âiit sans nul remède : et occit aussi tous ceux qui laccompai- gnoient» excepté lun des bastards de Priam, auquel il

«HQTLàftlTU ME TMtB. UfM n. I8t

eoapa seulement les deax poings. Et ainsi atounié to re^ noya en la cité, pour lEaire foy à son père de ces tristee nouoelles. Toutesfois Dares de Phrygie met autrement Jft mort dudit Hector : disant, que AchiUes le tua ainsi qaii Touloit despouiller de ses armes yn Duc nommé Polybetes^ par luy occis. Le poëte Homère aussi en son Iliade neita encore autrement la mort dudit Hector, et pius à Ihonoeur d'Aohilles, mais ie madhere plus à mon acteur Dictys : kqael mesmes estoit de la nation Grecque. Et neantmoina la yerité du fait Iha contraint de reciter la mort d'Hector, an grand deshonneur d'Âchillea.

Quand donques le tresdesloyal AchiUes eut oeeis tny^ trensement la fleur des nobles hommes de tout le monde, pour plus designer sa rage effrénée, il le despouiUa de ses armes, puis le lia par les piedz : et commanda à son ami* gateur Antomedon, de lattacher derrière son chariot. Ce fiât, il se meit dedens, et Automedon gouuema lés fireins des chenaux, les esguillonnant par grande impétuosité, parmy yne large campaigne, à la yeue et regard des citoyens de Troye, qui pouuoient aisément yoir et ehisisîr leur iadis tresuaillant deffenseur, ainsi estre trainé yilaine* ment. Et pouuoient congnoitre ses armes, dont les Gitoez leur fidsoient la monstre, par grand huée et deriskm. Et ansri la suruenue du bastard du Roy PriaiKi , auquel AdiiUes auoit les mains coupées, comme dessus est dit, en fait asses ample tesmoignage. Alors yn merueilleux dieil sesleua parmy la grand cité de Troye : téllenient que des terribles cris et huées qui se faisoient par le populaire, les <riseaux mesmes en tomboient du cid, comme recite noitre acteur. Toutes les portes forent fermées : et y eut yne piteuse nmtation en la cttë. Et ne pensoient les Troyens autre chose, sinon que les Grecs yiendroient de nuîct àssail»

lir leurs murailles, et les prendroient incontineiit : attendu la mort de leur chef et de leur totale deffense. Bt en oul- tro» Alt le bruit esleuë par aucans, disans que Achilles aaoit contraint larmee de la Hoyne Penthesilee, de se ren- dre de son costé. Ainsi estoit Troye en grand doate et perplexité.

Bt endementiers Achilles entraîna vilainement le corps du noble Hector iusques au tombeau de Patroolus. Bt illec- qnes le ooUoqua sur la terre, par manière de vantise et glorifianoe, à la veiie de tous les Grecz, ausqnelz il plaieoit beaucoup de le voir ainsi, comme celuy qui souloit estre le plus redouté de leurs ennemis : et comme ceux qui peu prisoient le demeurant. Et pource que le ûàt de la guerre estoit désormais ainsi comme en seureté, ilz saddonnerent à toute liesse. Et le lendemain Achilles pour faire honneur à feu son amy Patroclus, meit sus vn grand toumoy^ et célébra les ieux funèbres de toutes manières desbatemeas au tombeau dudit Patroclus, en distribuant par grand lar- gesse, diuerses manières de prys à ceux qui mieux le feroient. Et quand lesdits ieux furent ânez, chaoun sen retourna en sa tente.

Le lendemain matin, le triste Roy Priam vestu de robe de dueil» sans auoir regard à sa dignité Royale, partit de la cité de Troye, et sen vint en la tente d*Achilles. Iceluy bon Prince ancien sappuyoit sur lespaule senestre de sa fille la belle Polyxene. Et auec luy estoit la noble Andromacha, femme du feu Prince Hector et ses deux ieunes enfiuïs, Laodainas et Astyanax. Et après luy venoit vn chariot chargé dor, dargent et de précieux draps. Ce spectacle estoit piteux et misérable à merueilles : car le noble vieil- lard a tout sa barbe chenue se ietta aux genoux du ieune Duc Achilles, et luy tendit ses mains iointes pleurant par

flmetLAimi m tmib. u?» n. 185

grand TOheoMiiiM, i fin de lesmomioir à miaericorde : luy 8U{q[iUaiit qnil Toalsist prendre les dons et richeeaes qnil haj anoit amenées, et luy rendre le corps de son bien aymë flk Hector. Laquelle chose Achilles luy accorda flnablraiênt, et len laissa aller lay et tons ceax et celles qui estoient yena2 anec luy sains et saafe. Toutesnoyes Homère an der- nier linre de l'Iliade met, quil ny alla que Priam tooi seul anec Ideus le héraut, souz la conduite du Ûieu Mercure. Et encores y allèrent ilz de nuict, de peur destre apperceoc des autres Grecz. Et quand ilz furent de retour à Troye, les Troyens sesmerueiUerent de la debonnaireté des Oregois : et recommencèrent vn dueil inénarrable sur la mort d*Heo* tor. Puis le sepulturerent en grand pompe, auprès de la sepuHure du Roy Ilion son ancestre. Et endementiers il y eut treues lespace de dix iours : pendant lesquelles les Troyens ne flnerent de lamenter la mort de leur bon Prince Hector. Et fait à présupposer aussi que la Nymphe Pega- sis Oenone, laquelle estoit à Cebrine, eut sa part de la douleur de sa mort : comme celle qui laymoit de grand eœur, anec les Cebriniens lesquelz estoient de sa seigneurie. Enuiron ces iours arriua À Troye la Royne Penthesilee : de laquelle est fiiite ample mention en nostre oouure de Grèce et de Turquie, et du Royaume des Amazones. Elle amena yne belle armée de dames et dautres peuples ses Toisins. Mais quand elle sceut que le trespreux Hect<M^ estoit mort, elle ne Toulut point seioumer à Troye : ainçois délibéra de sen retourner en sa terre, comme celle qui pour le haut bruit des vertnz d'Hector y estoit venue comme aucuns estiment. Toutesnoyes Paris Alexandre feit tant anuert elle, quil la retint à force dor et dargent quil luy donna. Et peu de iours après, elle délibéra de sortir aux champs :^et ordonner son armée séparément arrière des

Tit>76iii, eomma celle qui se fioit beitacovp «^ la p?oiiMM de eee dAmoiselles. Mais ce nonobrtant, quand elli fat an la meelea, elle fut légèrement (1) abatae et nauree & mort par la IHie AchlUee» et les Troyens recbaases dedans lear cité. TonlMfoie on ne touoha aux autree Âmazonee, pour la eap* partatkm da $exe femenin, aingois se contournareat tons lae Chraoz h regarder par grand admiration la Rojaa Peor thfisilM qui labouroit aux extremitez de la mort. AchiUea la Tonlat faire enseuelir honnorablemeat : mais Diomedas Roy d*Stolie plus cruel quun ours» y contredit, et Iny mes^ mea la traina par les piedi: dedens le fleuue Xantfana : aile aeheua de mourir. Bt cest la récitation da aostre acteur Dictys da Crète. Combien que Dares de Phrygie récita autrement la mort de ladite Royne et en antre temps, #umt, quelle fut tuée par Pyrrhus fllz d*Àchilles : et que au paraoant elle auoit fiiit plusieurs mmiieiUaux &its danaes.

Le ionr ensniuant le Prince Memnon ftla iadis de Titho-* nna frère de Priam, qui sen estait allé es lades, quand Her«< ouïes le Grec démolit Troye, suruint en grand trionplie et glaîra pour secourir son oncle. Et amena me belle et grosse armeade Persans, Indiens et Ethiopiens. Bt tant de gêna et de aheuaux et si bien armez et bardez, que «estait Tne grand beauté de les voir Tenir par terre. Mais son autre axarelte Twant par mer, de laquelle estoit conducteur vn Due da Syrie, nommé Phala, fut daffiûte en liste de Rhodes : eomma nous auous dit plus h plein cy douant. Or estoit ioaUa armée par terre si grande, quelle ne peut tonte loger dedens la cité. Et gneres ne seiouma Memnon dedena iûsUe» quil nofirit tantost la bataille aux Oreoz. Si tira tous

(1) e.«à<Kl. rapidsmeot.

ÈOê fUMNlmMs kon dai mars : «t let mtew PrioçM et entes de PrUm tes leurs. Si estoit vue ehose meraeit» leos^ de Yoîr tant de gens armez et accoustrez de si diner^ ses sortes : tant denseignes estranges ventilantes an vent : et donyr tant de langages non ressemblans Inn lantre. labordar les Grecs ne penrent supporter le faix des Persans et Troyens. Le Prince Memnon y feit beancoup danneSi taa beancoup de nobles de Grèce, et tourna toute leur pnUh sanœ en fuite, iusques aux nauires : tellement que sili nens- sent esté presefuez par le bénéfice de la nuict, il estoit ùit d*eux à iamais. Tant estoit le Prince Memnon redoutable et bon guerroyeur. Dont si les Grecz furent estonnes â ce coup, ce ne ftat pas de merueilles. Et eurent conseil ensem^ ble, lequel dentre eux trestous combatroit corps à corps contre Memnon. Si escbeut le sort i Aiax Telamonius. Ce fait, ilz sallerent reposer pour la nuict.

Quand le Soleil matutin eut rendu le iour der, les Qrocz ordonnèrent leurs batailles dune part : et aussi foirent le treeohenaloreux Memnon et les Troyens de lautre. Et quand lestonr fbt commencé de toutes pars aspre et horrible, assez y en eut de morts, et dautres si naurez, quil leur conuint qnitsr la place. Entre lesquelz Antilocbus filz de Nestor Roy de Pylon, cheut par vn coup de lespee du Prince Uemùon. Mais Aiax Telamonius des quil peult voir son opportunité, sadressa à Memnon, et le deffia, en luy pre* sentant combat singulier, cestadire corps à corps. Et quand le prenx Memnon se voit ainsi prouoqué, il neust garde de fiûre refuz, ainçois descendit promptement de dessus son chariot â terre, pour combatre à pied. Alors se séparèrent les deux armées, pour faire place aux deux champions : et regardoient le combat, à grand peur et attention. Memnon chancela dun coup que Aiax luy donna en lescu. Et pour

186 lLl.fSTEATIOm M 6AVL«, CT

le garder de tomber, aucuns de ses gens aooounirent autour de luy. Laquelle chose voyant Achilles, il saillit au mylieu, et dun coup de sa pesante hache, quilentesa (1) sur Memnon, il lestendit mort à terre. Dares de Phrygie le conte dautre sorte : et dit que Achilles fut premièrement nauré par Henmon , à la rescousse du corps de Trollus. Ainsi les Troyens, Indiens, Persans et Ethiopiens, voyans leur Duc et capitaine occis, oultre leur espérance, perdirent tout le courage et ne pensèrent fors de se sauuer à la fiiite. Tou- tefois le gentil cheualier Polydamas flk du baron Panthus, cuida ralier les Troyens et iceux encourager, mais il fiit tué par Aiax, et Glaucus filz d*Antenor par Diomedes. Atreus et Echion bastard de Priam, furent occis par Achil- les, auec Asteropeus Roy en Peonie, ou Hongrie, et plu- sieurs autres. Tellement que toute la terre estoit arrosée de sang humain et la campaigne ionchee de corps morts. Apres ce que les Grecz furent lassez et saoulez de loc- cision des Troyens, ilz sen retournèrent en leurs tentes. Et les Troyens tristes et dolens, leur enuoyerent vn héraut, pour auoir treues densepulturer leurs morts. Laquelle chose leur fut accordée : et grand honneur et dueil fait aux obsèques du Prince Memnon, neueu de Priam. Pareille- ment les Grecz meirent en sépulture honnorable Antilo- chus âlz de Nestor : et ce fait, iceux Grecz comme triom- phans et victorieux, sadonnerent à faire toute bonne chère : en extollant les grands louenges et prouesses d'Aiax et d*Achilles. au contraire les Troyens plouroient leur meschef continuel . Et commençoient à se soucier et repen- tir de plus en plus, voyans leur affoiblissement euident, et loccision quotidienne de leurs Ducz et capitaines.

(1) entra (mscr. de Genève), Unsa (éd. 1528), enteser ^ inUndcrt = lerer sur.

BVCTLAEITBZ m TIOTB. UnUS H. 487

Pea de iours i^res les Grecz sarmerent, et sen allèrent déniait Troye, pour irriter ceux de dedens à bataille. Sur lesqaelz Paris Alexandre feit vne saillie : mais ainçois quil j eost conps raez ne don costé ne daatre, les Troyens accouardiz pour linutilité de ceux qui les conduisoient, rompirent leurs ordres, abandonnèrent leurs places, et tournèrent le dos. Si en y eut (1) de morts sans nombre, et plusieurs noyez dedens le fleuue Xanthus, et aussi beau- coup de prisonniers : entre lesquelz furent deux nobles en&ns de Priam, cestasauoir Lycaon et Troïlus : lesquelz Acbilles feit venir deuant sa présence : et commanda incontinent quon leur coupast les gorges. Et ce feit il par grande indignation : pource que le Roy Priam ne luy auoit point encores rendu de response sur le mariage de Poly- xene. Toutesfois Dares de Phrygie recite autrement la mort dudit Troïlus, disant quil fut tué en bataille par le Duc Acbilles, après quil auoit par plusieurs fois desconât et mis en fuite les Myrmidons, et fait merueilles darmes, mesmement nauré ledit Acbilles. Comment quil soit, il mourut par les mains dudit Acbilles, ou par son comman- dement. Et À ce se concorde Virgile au premier des Eneï- des qui dit :

Parte alla fngiens amissia Troilot armia Infeliz paer, atqne impar congressoa Achilli.

Si fut plaint iceluy noble enfant Troïlus à Troye, par lamentation piteuse et misérable, pource quil estoit mort en la fleur de son adolescence : estant fort aymé du popu- laire, et chéri des Princes : comme met nostre acteur Dic-

(1) m eut (maer. de Genève).

IM ILLfSTKATIOllB WL GAVLB, BT

tyi de Crète. Si perdirent adonques les Troyene preeqaes toat lear espoir : pource que, comme met Seruins sur les Bnéldes de Virgile, Troïlos aupit ceste destinée , qae dorant sa vie, Troye ne pouuoit iamais estare prinse.

SIHGnAUm M nUMTB. UVIB..U. 189

CHAPITRE XX.

I

Szplaaatkm Umort d'AchillM, lelon diMrsei opiaioas. Dtlfi. ranieoii* Pyrrhas en loti des Greci. Et d^BiuTpyliii da Mytie •B lost des TrojenB. Comment Heleniu fat print priaoïmier. Aaec rtettatton dat tàt, DastlnéM, quant A IpA rima ou garda da Troya.

Certains ionn passez, la feste rt «deiiitité d*ApoUo Tymbree iqpproeha. Bt forent données treaes et abstinenee de goerre don oosti et daatre, ponr Taquer à îoelle. Bt ainsi qae les deux exercites estoient oociqiez ans sacrifices, le Boy Priam voyant le temps opportun, ennoya Ideos le heraat dmiers AchiUes, en lay mandant quil estoit prest dentendre an mariage de Polyxene. Tontesuoyes Dajrea de Phrygîe met qae oe fat la Royne Heenba^ an nom de Priam« Bt ainsi qne le Dao Âehilles pariamentoit seer^t»- ment de oeste matière auec ledit herant Ideos en vn bose* qœt, qoi estoit autour do temple d'ApoUo, eeox de lest des Grecz le sceurent. Et y eut tantost grand suqpeetion (I) et mnrmure entre larmee : car la plus part des seigneurs et des gensdarmes disoi^^ que bien congnoîssoient la psnaee d'Adûlles auoir despieça eat^ estrangae d'eux. Laquelle elioee leur toumoit à grand indignatioD et sus-» peotion : car deaia il auoii esté bruit, qioil deuoit tvakir larmee et la tiorer an Boy Priam< Toutssfins h fin qoe ke*

(I) isttffMOMi (mést.. da Ganèfs)k

IMk .lUifVnATlOIIS DB GÀfLBt BT

dits gens de guerre ne se mutinassent soudainement, et pour iceux appaiser, Âiax Telamonius ensemble Diomedes et yiysses, sen allèrent vers ledit temple d*Apollo : auquel Aehilles estoit desia entré, tout seul, et sans baston ny armures : comme celuy qui ne se 4outoit de nul mauoais tour, à cause du lieu qui estoit saint, selon lopinion dadon- qoes : ou autrement pource que ses destinées le menoient À la mort procb aine.

" Ot se tindrent illec au dehors du temple iceux trois Prioces dessus mentionnez Aiax, Diomedes, et Vlysses, se poormenans par dessouz les arbres : et espioient quand Aehilles sortiroit, à fin de laduertir du bruit qui estoit en lattoee : et ladmonnester amiablement à ces fins, que desor- naia il se deportast de tenir parlement «eeret anec les eùHemis de toute Qreoe. Et endementièrs Paris Alexandre qui de longue main auoit pourietté toute son emprise, anec son frère Deïphobus, se Tint adresser au iouuenoean Aehilles estant tout seul audit temple, en tuy fidsant grand aécueil et bien venue. Et & fin quil ne se doutast de rien, Paris le mena douant le grand autel du Di^i ApoUo, cemme par manière de vouloir confermer et ratifier, par serment solennel, le traité du mariage dentre luy et Poly- xene : et le tint illecques aucune espace de temps en de- uiset. Et quand il sembla temps dacheuer leur emprise, DeïfAobus vsant de faux semblant et flaterie par grand trahison, vint embrasser et baiser Aehilles, ainsi comme par maniera de le festoier, et remercier des choses esqueUes il auoit consenty, par les conuenances et artides dudit mariage : si le tenoit estroit et ferme sans le lasoher. Adon- quea Paris desgayna couuertement vne- courte dague quil auoit souz sa robe, et en bailla à Aehilles parmy les costes plusieurs coups mortelz. Et quand luy et Deïphobosle vd-

SIHfiTLARlTBI DE TftOTB. UVMK U. 191

relit cb^oir et Toultrer (1) en son sang qui booillonnoit hors des plujes en grand afflaence, ilz se ietterent à grand haste hors da temple, par vne faalse poterne, et sea allèrent à Troye. Ainsi fut trompé par faulse et vilaine trahison, oelnj qui autresfois en auoit vsé enuers le tresnoble Heo* tor, duquel la mort fut lors vengée. Et ne se donnèrent nulle conscience iceux deux frères de prophaner le temple de leur Dieu ÂpoUo, mais quilz poussent circonuenir leur ennemy. Toutesfois Dares de Phrygie recite autrement la mort d'Âchilles : disant quil fut tué auec Antilochus flU de Nestor, et que Paris et ses compaignons estoient armez et lûen embastonnez. Et que Achilles et Antilochus se def-* fendirent fort de leurs espees, en se couurant de leurs manteaux. Mais Dictys de Crète ha desia mis cy douant la mort dudit Antilochus occis par le Prince Memnon, ainsi il pounoit mourir deux fois. Les poètes aussi la descriuent daatre manière : et mesmement Ouide en la an du dixième liure de sa Métamorphose: disant que Paris le tua en bataille rengee, dun coup de flesche, à layde du Dieu ApoUo, lequel adressa le trait ^i lieu mortifère, au pour- chas et instigation du Dieu Neptune, pource que Achilles auoit autresfois occis le beau Gygnus Û\z diceluy Neptune. Oultreplus, Bocace en la Généalogie des Dieux la recite enoores dune sorte : disant que Achilles tout désarmé alla de nuict audit t^nple d*Apollo pour traiter du mariage de Pdyxene. Or esitoit il inuulnerable par tout le corps, exempté la plante du pied : car comme nous auons recité asses amplement au premier liure, sa mère la ieune Thetis qui estoit Fee et Magicienne, luy auoit plongé tout le corps es vndes de Styx, le fleuue infernal, excepté ladite plante du

(1> de voUnlarêf rouler.

iSi nammuLtiOM m ùAfLà, Et

]^6d, par laqudle die le tonoit, di n# fttt point mouOlee IftdHe 6Me. Parqnoy Paris trediorte (1) arebêr, ee sadiaitté éi 0rtuit BNEMé dedens ledit temple, et voyant AcMllei à gttioitit, adreiea vue fleBehe dedens iceUe plante, laqiieUé eetoit pnnifaie à reeeaoir plaje et nanrnre, et par aiiat le

Tottètent ce poiaet, il y ha quelque pea de letton peMi^ ^tMr, laquelle le prealkfoé Bocaee dedaire en céstei toà^ làefte : Tketie mote d^Achiiles, plongea son ettfttnt tndM de Styx,' h palu infemidle. Or Styx est interprété tfisieMë et labenr. Et par ainsi die le rendit impossible à nanipe^. Geetadire, qndle le feit nourrir en tons exercices labc^ieai; et appartenans à la guerre. Et ftit tout mouillé desdifiM tndee^ et eut tout le c(H*ps endorcy ciomme ftir, exe&ptê la plante du pied : car selon les physiciens, m leeUe planté,- y ha amunee yeines qti respendent aux reiM, et Ml pjf^ ties Teneriques, et Incitent à amours, comme il appert quâasd on cateille (2) vue pereonne, en ceste partie. Aind AcUlIeé éebcni imiuhierable, cestadire difficile à naurer, par teui autre moyen : mais par le moyen damours, iP estoit aK>l et de léger k Messer. Aussi flnablemenl il en iuourat. Par^ quoy appert que toutes lesdites recitations diuerses de M mort retournent à vne meeme chose.

Or met nostre acteur souuent nommé, Bictys de Orete : que quand Vlyssee Roy dltaque et de Pi^ldgente (3) véH Paris et Ddpkobus, lesquels estoient saillis hors du temple, tous esmus et tous effh^ee comme dessus est dit, tf Mt k ses coinpaîgnons, ce^tasaueir Aiax Tetamonius et Dimnedee^

(1) c.-à-cT. adfroit.

(2) Cf. cftUllare, fl. kittelen, chatouiller.

(3) Ckaitfèlonie {mMcr. de GenèTe), ekanfeibnie {id. 15f6 et 15M).

8IWTLAUTIZ OB TaOTB* UTBB U. t(K

l«ft|Aelf «attiHidoietit ^iiaad AchiU^9 Tieodroit hora du t^itf- ]^6, 406 ladite. taUiîe aiiud Iia3tiu0 de Pàpia et IMphobuii, «OTtoit:peimt ams oikii». Si çntrepent sQudaiiwnattt dedeiiw le Ampte^iit trpunerent la lOiic AcbiUes giea^t jaatondi wr ]• pMeomU, lequel m xnojw des parfondett pUyee q^yyi amît neoeuee» imoit deaia p^u tout âpn eaug, eit li^wp^ WK jBxtDeioit^ 4^ ia mçrt, AdMques AUut TetauoKMBÙiis Miciia wdiswt : < Sa, Âehillea,inon;beMotu«m, car^r MMPLt waînteaaTrt ae trwaer noray quogi ba aaauitMfoip M { caiÉaeattoir quU nestoit honioa.jriiiaat sur terser^Mt fBHuet ta&t pniseant, qa tenit ianiaia «oen snrmw^* par iriÉa força :et droite proueeee, sans Taer 40 txnbho^ Miîfl on aoDgnQît ores qaa tafoUa teaiaritë Iba deatmit, TBO. quanta tas ea tes ennemis eapitao* 4 Adgna i^^obillea tipait le idcpwer aoospir, 4H ces mots senlement : « })eIplM>- \ma at AJtaxandre mont direonaenii par fraude et par aguat» P(W laUKmr 4e Polyxene. a Alors il rendit leaprit : jat iles tnns Princes dessusdits lembrasserent et le baiaeKont en fra^ plaww at ]lamentation9. £t luy ^iirent tu piteux a4iaa, aîoin qaU sangloutoit hauteinent an mourant par grand daatipae. Puis au dernier, Aiax Telamonins soniOOV- ain germain, qui estait le plua fori ait le plus i^buste ^ tons les Qhboz, priât le eorps mort sur ses eapaalea, »t\m^ poirta hors du temple. Mais les Troyans aaiUirai^ inconti- neiat hors de leurs portes, tous aimas en faisant grand knàt, pour auoir la .corps d'ActUUes, A fin deni faire eomnia il aiuoit laÂt epi^ aon viuant de celuy du Prinoe Hector.

JLaa Oinecr dautre part, qui deaiia aauoiant le tout, ae malraiit an armes, at yindrent au deuant des Troyens. lA J0A m flar renccmtre des deux armées : Aiax bailla le corps (TAddlles, â ceux qui estoient prochains de luy, puis aa ftwxrn an la maalaa : at du premier coup ooait la Prince o. 15

IM ILLISTUTIOIIS m OAVLB, R

Aiiosv frère de la Royne Hecnba, et plasieors antras. Auai Aiax Ofletts Dac de Locres, et Menelaus Roy de Lacede» mone, entrèrent en la presse, et leirent grans abbatis de leurs ennemis, insques à les «ettre en faite, et fiûre rrtcmr- lier en la cité. Ainsi le corps <d*Achilles fat emporté aux naiôres, et fut fort plaint et lamenté des Princes, qui pres^ qnestoiis estoient sesparens. Mais la plospart des gaoa- darmes nen menèrent point trop grand dueil, poaroa que le brait anoit eouru sounentesfois, qnil anoit vonlo tralûr larmee etla liurer aux Trojens. Toutesfois aneniis le re» grettoient beaucoup, et disoient que la fleur de cbeualerîe éa monde estoit perie. 1^ luj fbrent &its grands dtiseqins et somptueufc, et fht bruslé solennellement le coi^i et flâs en oeaduse, et icelles posées en vn vaisseau dor; et s^ul- turees au port de Sigee, auprès de celles de son amy Patro- dus. Aiax Telamonius long temps après les autres, en mena vn dueil merueilleux, pource quil estoit son oouain germain.

Hais au contraire, les Troyens en feirent grand ioye et grand feste, et méttoient iusques aux cieux lindûstrie et bonne emprise de Paris, lequel auoit plus fait dexploit sans estre armé, que tous les autres nauoient peu fidre à tout leurs armures en bataille. Et pour augmenter la liesse du Roy Priam et des siens, suruint à Troye le Prince Bury- pylus fllz de Telephus Roy de Mysie, et de madame Astio- ohe fille de Priam : auquel iceluy Priam son ayeul anoit promis en mariage sa fille Gassandra, et auoit enuoyë à sa mère vue vigne toute dor. Si fut receu ledit Eurypylus par les Troyens en grand honneur et triomphe, car ils auoient singulier espoir en sa prouesse, et en ses vertus. Aussi en ce mesme temps, arriua en lost des Orecz Pyrrhus fils d*Achilles, et de Deïdamie fille au Roy Lycomedes de lisle

*• »« •.«

SDIGfLAlITIl Dl TftOTB. LIYBE H. I9B

de Scyros. Lequel Pyrrhus trouua encores les ouuriers qui besongnoient & la sépulture magnifique de son père. Et fait informé de la manière de sa mort. Si conforta sur icelle les Myrmidons, et autres gensdarmes qui estoient & sondit flm père/ et les recueillit en son seruice. Les Princes de Oreee léstoierent le ieune damoiseau Pyrrhus : et luy racontèrent les vaUlances, prouesses et fidts darmes de son prog^- teur : en lenhôrtast i semblables choses. Et il leur reqpcm- dit courtoisement, quil se donneroit peine, de non estre trouné dégénérant & la . noblesse paternelle. Et pouroe quU estoit ardant et eschauffé de combatre des le lendemain, ils luy. conseiDerent dattendre iusques à ce que ses gens et SM chenaux fussent délassez et refreschis.

A chaf de deux iours, Pyrrhus surnommé Nêé)^leiiMi;

cestasauoir nouueau cheuali^, se tira aux chainps auec ses

Myrmidons, ayant auprès de luy Aiax Telamonius son

oncle. Les Troyensi ne sosoient plus auenturer de combatre,

pource quilz perdoient tous les iours beaucoup de leurs

^ns, et craingnans Pyrrhus filz d*Achilles nouoellement

suruenu. Toutesfois par lenhort et persuasion du Prince

JBorypykis de Mysie, neueu de Priam, ilz sarmerent souê

la conduite de Paris, Deïphobus, Helenus, et les aut)^

«nfans. Toutesuoyés Eneas ne sy voulut onques trouiiièr,

pouroe quil auoit dissension auec Paris : et le hayoit; à

cause de oe quil auoit violé et prophahé le temple d'Apollo

Tymbree, en y commettant le meurtre d'Achilles, par les

^ertuz duquel Dieu Apollo les Troyens auoient tousiours

'^té presemez et deffenduz. Donques quand les detax

armées forent prochaines, et les trompettes eurent donné

BigM '- de bataille, les deux osts sentréfaurterent par grand

noise et contention. Toutesfois lacteur ne met point, qui

eut du meilleur ou du pire, mais auant que la nieslee se

186 lUbtsniTiom ui oATUit n

dtpartist, flelenus fllz de Priam se tonnia du oosté des Qreez : et se rendit à Chryaes arcbiprestre d'ApoUo de Soiathe, duquri deseas est perlé. Combien que Ouide an m. de aa Metaaotorpbose, dit qnil fat firins {adeonnier par VlgnMes* Et durant la bataille, larehippestre Cluycee intsr- mga Helenas le sage yaticinateiir» de tontes les destûiees àèi'Tfoy^f et Helenosiny re^pondit à tont« Alorm qnaed les Qfaes furent de retow en leors tentes, lardûprestra Chry- seeleit&ire sUenee, et leur dinnlgabauit eteler tontee qiiU anoît aprins d'Helenns, oestasanoir 4edeiis qael temps Trojê seroii destmite : laquelle chose se denoit fiBÔre le.mqren4*Baei«et d'Àntenor. Si tronneiwiit que tentes oes choses saccordoient à œ qne le psestre CeMias leur aMÎit soBiBentesfois prognostiqné. Serains oomneMtatonr dff» Sa^Edes de Virgile sur oe passage :

'.»■■

•••••FnMti \mUoi, Ciiisqn* npolsi Duçlores P«n«ftm... (1)

àiJ^ que les Grecz auoient trois Destinées de leur oosté, tou- chant la prinse de Troye. Et les Trojens en aeoient anssi trois de leur part quant à la conseruation dicelle. La pre- mière destinée des Grecz estoit, quil CEdlloit quilz conques- ti^ssent les chenaux F^ez du Roy Rhésus de Thraee, auant quik eu8se(nt esté abruuez au fleuue Xanthus , ainsi qne dessus est dit. La seconde, quilz eussent aucun personnage de la génération de Cacus, fllz de lupiter et d'Egina. Et powce enuoyerent ilz quérir premièrement AohiUes 0a lisle de Scyros : et puis consequemment son fllz Pyrrhus. Et la tierce estoit, quil leur estoit mestier daooir en leur armée

(1) um. n, 14.

«MVUBRJB MB nOTB« UTRE H. fST

les saiettes (1) d'Hercules, sans lesquelles ilz eussent labouré en vain. Et à ceste cause feirent ilz venir Philoctetes, comme ia est dit. Les trois Destinées du costé des Troyens estoient : Que durant la vie de Troïlus Troye ne seroit iamais prinse, comme çy douant ha esté touché : ny aussi tant quilz gar- deroient bien limage de Pallas» appellee Palladium : et tant que le sépulcre de Laomedon» qui estoit sur la porte Soee, demourroit en son entier. Desquelles choses ie croy que Helenus informa les Grecz. Or auoient iceux Grecz tout oe que leur faisoit mestier à la prinse de Troye, quant ansdites destinées : cestasauoir les chenaux du Roy Rhésus, Pyrrhus de la lignée de Gacus, et les saiettes d'Hercules. Et les Troyens de leur costé auoient desia perdu lune de lêurtdites destinées, qui leur faisoit fnèstier ft la garde de Troye, cestasauoir la vie de Trollus. Or venons à toir eonme les saiettes d'Hercules exploitèrent en ladite guerre.

(1) Le mier. de Oaiièfa tioatê/atalles.

i9B ILLT8TRATIQII8 DE GATLB,* BT

CHAPITRE XXI.

Répétition àa Ihiitoire de Philootetea, et des saiettei d'Hercules. Du combat oorpe à corps, fait entre Paris et ledit Philoctetes : et de la mort de Paris : aoec recitation de diaerses opinions aor icelle. Comment son corps fot port^ à Cebrine. Du grand dneil que sa femme la Nymphe Oenone en mena : et comment elle moaitit aor ledit corps : et forent ensepnltores ensemble.

II me semble, qail est mestier de repeter içy en brief, la narration de Philoctetes, combien que desia en soit touché en diuers lieux de ce. volume. Et ce ferons nous, en ensui- uant lautorité de Seruius en son conmient du m. des Eneî- des, et autres acteurs. Philoctetes donques fiit filz de Pean, et compaignon iadis du preux Hercules en toutes ses empri- ses. Et quand iceluy Hercules se brusla en la montaigne Eta, qui est entre Thessale et Thrace, pour limpatienoe du venin de la chemise, que sa femme Deianira luy auoit enuoyee, auant sa mort il feit iurer audit Philoctetes son escuyer, que iamais nenseigneroit à homme viuant les reli- ques ou remanant de son corps, ainçois le tiendroit & tous- ioursmais secret et celé. Et pource luy donna il pour vn don spécial, ses saiettes Faees qui estoient empoisonnées du fiel de Ihorrible serpent Hydra, ayant sept testes, le- quel iceluy Hercules occit es marestz de Lernee. Et quand au commencement de la guerre Troyenne les Grecz eurent eu response du Dieu ApoUo en son temple de Delphes, quil estoit mestier dauoir les saiettes d'Hercules, pour subiuguer

SIHGTLAAmS M nOTB. UTBI U. 190

Troye, Ylysses Roy de liale dltaque fat commis & les dOiar chercher. Et feit tant qoil trouna Philoctetes seigneur de Methon et de Melibee en Thessale auquel il demanda nou* uellesdeson seigneur Hercules. Aquoy Philoctetes res^ pondit quil nen sauoit nulles. Toutesfois quand .Vlysses lenst fort pressé et contraint de le luy enseigna : H^oon^ fessa quil estoit mort, et luy monstra le liea de sa sepol* tare, non par parole, mais par signe, en luy enseignanbdqi pied de peur de se pariurer. Et sur ce poinct il fut Miné par Vlysses en larmee des Grecz qui lattendoient au piort d'Aulis en Beotie, et y apporta lesdites saiettee :-efc y amena iept nauires, comme sera dit au dernier liure;^ Si ûil fait et estably guide et conducteur de larmee, pouroeqvè autresfins il aaoit esté & Troye anee JBercuIeB. Mais. eaak lant, lune desdites saiettes luy tomba sur le piedv dont^iL anoit monstre la sépulture d*Hèrcules, pour lepeché.de.SGn pariurenent* Et luy feit vne playe horrible, et de si grand puantear et si intolérable, à cause du yenin du serpent Hydra,': dont le fer estoit empoisonne, que les Orecz fiimi contraints de laisser ledit Philod;etes en lisle de Lunnes^: quon dit maintenant Stalamine. ToutesuoyesL nostre acteur. Dictys de Crète qui suit la vérité historiale, met que Phi- loctetes fut mors par vn serpent au port de -Sigee, quand Palamedes iaisoit son sacrifice de cent Ixbu£e au Dieu Afk^« de Sminthe. Et que ledit Philoctetes fut renuoyé en iodla' isle deLemnos pour estrel médecine parles prostrés de Vul^ can : et luy fut enuoyé en ladite isle sa part du butin ainsi eomme-sil eust esté présent à la guerre. Et quand il fat presques guery, Vlysses fut derechef commis à laller :qu0^ rir, et le ramenast en lailnee des Orecs, comme tout ce ha' çy dessus esté dit. Or voyons maintenant lexploit quil y &it A tout son arc et ses flesches : en ensmuant nostre

981 lUiTSTRAfiOl» m OâtlSf 8T

aetaur âu troisième Hure de sbn histoire, kqvil eâfoit pres- sent à la guerre IVéjenBe. i

Le iendemâiE qoê le sage Helôiras fîit ftinê^ oommé ait cUt au obapitvif précèdent, . les PriiSK^es dune part et damtra produiéiiisnt'ijeuraicmieéâattl* champs, et eommenigà yn eilouf grief et horrible, ielkmeat .que au premier poindre, il y. aBonrat bsaiicotap de Treyens efr aassi do Mysiena, dea^ ^èela.estoit oonductenr le Prmce Burypjltw^ Devea de Friam. Et cdanaales chefz soauenûn^ des deux arnàoea désirassent de tatttes leurs paissanciss mettre flaà kkguerra^ i^ sadresse^eiit les rna vers les autres par grand anitto- silé : cestasanoir Duo contre Duo^ Roj ocmtra Rey^ et Baron contre Baron, ainsi quilz se trouuerent : etvaniier^ tiimst toat le Inx de la bataille siii^ fours propre^ péBÉoame, ^ors Pl^loctete9 seigneur de Methon et de Melibea TiM i Pans Alexandre : et le deffia* A combatre laro. et des saieMes, adqoel vsage ilz estoient toud deux singuUsvement recommandex«L Et Paris ne refusa point ce .combat : part qmoj du consentement des deux armées Ylysses et BAiiho^ bus assignèrent rne place deliure (1) au milieu de deox oats, en laquelle lesdits deux champions oombatroient seul- i seul*

Ic^ appert évidemment la grand dissenfflon de ditars acteurs, qui recitent en diuerses sortes la mort de Paris : car Dàres de Phrygie met expressément quil moumt par la main d'Aiaa Oïleus Duc de Locres, après que Pans eost preini«rement nauré à mort ledit Aiax dune flesoheaa costé^ Laquelle narration répugne totalement à lautorité de Diistys de Cretè, et de Virgile au commencement des Enei^ des, leaquelz^ disent tous deux par accord, que kdit Aiax Oïleus netoumant en son païs fat foudroyé es roehera de

41) 0.-MI; lflM«. '

ée Nigrctpoftt^ comme nous diromi pMs & pkin au nier Haro. Daatre part Boeace en sa Oeneak^ie des Die«z; met eÉcofee antre epinioB de la mort de Paris» dieaat qwà. fiit tmé par Pyrrims fik d'Aelulles. Maie ie ignore «ur quel acteâr il se fonde touchant ce poinot. Si madhere ie plue à laut^nité de nostre acteur Dietys de Crète, car sa narràtîom me semble plus vraysemblable, et autrement les saiettèfc d'HercoIas.iieussent de rien serliy douant Trqye. Bt mesmes le phUose^ Dion qui ha escrit de Troyenou prise, (l)dit que Paris fbt tué par Philocteles.

Or met donques aostredit acteur Dietys de Chrete : que quand les armeee Oregoise et Troyenne furent séparées, et se tindfexit ooyes dune part et dautre, poiir yoUè le odm* bat seul à seul, qui se deuoit &ire à tirer de kM, entre Paris et Philoctetes : les cors, les bnsines, les trempettes éi les daironsy bondissans mélodieusement : les pemioos et les baniieres Tentikns au yent, la resplendeur des harsois derez refiamboyaùs contre le soleil : Paris Alexandre riche* ment arioé, man prochain de sa mort, bénda son fort are^ tira me flesâie de sa trousse, et la meit en corde. Si des* coeèa magisfarallement, mais il fidllit & attaindre son ad« uersa^ : car les destinées qui youloient abréger sa vie, ne souffirirent point que son conp enst aucun effect Et ee Toyant Philoctetes meit soudainonent en coche lune des saidttès de èon fou seigneur Hercules, teinte au fiel dri tresuemmeux serpent Hydra : ef la desbenda dune puis^ sance incredible, tellement quelle feit autre expient que nauoit fait odle de Paris : car elle luy perça la main senes- tre, doUltre en oultre. Et ainsi coaûne Paris crioit et voci- foi^Ht horriblement pour la grand douleur quil sentoit à

(1) Dion OhrysSstomey TfmUtèt Onl^ t«0 "Uctr /kA éJUMt<.

nt iLLTsnumoiiB H aà.m, ir

cause du yenin, Philoctetes se hasta den traire yne antre, laquelle sadressa iustement dedens lœil dextre de Paris : et consequemment de la tierce il luy cousit les deux iambes ensemble : et le meit en tel poinct» quil ne yaloit pas mieux que mort. Car le venin estoit si véhément que iamais ny auoit remède de guerison. Et quand les Troyens Tmrent Paris ainsi mal atourné, ilz saduancerent tous ft vue flote» pour recouurer (1) le corps de la main des Grecz, ftvine force, à fin quilz ne luy feissent outrage. y eut vu terrible meurtre dun costé et dautre. Toutesfois les Troyens labou- rèrent tant, quilz recouurerent Paris presques mort et oul- tré (2) : et lemporterent vers la cité, fuyans tant quilx pou- uoient. Âiax Telamonius et ses gens les chassèrent iusques aux porter. Car lun empeschoit lautre, et y mourut vn merueilleux nombre de gens. Ceux qui peurent entrer les premiers montoient incontinent aux créneaux et iettoient pierres et dards sur Aiax et les autres Grecs : mais Phi- loctetes les guerroyoit fort de son arc. Les autres Grecs aussi auoient enuironné la cité de toutes pars, et y liurerent vn fort assaut, tellement que combien quelle fust vertueu- sement deffendue par ceux de dedens, si eust elle esté prinse sans nulle faute, si la nuict suruenant neust fait retirer les Grecz. Lesquelz sen retournèrent en leur fort et en leurs nauires : et attribuèrent grand gloire et hautes louenges à Philoctetes, occiseur de Paris. Mais il &ut penser que Menelaus fut celuy qui luy en sceut le meilleur gré de tous.

Il est assez facile à croire, quun dueil merueilleux et inestimable sesleua en la grand cité de Troye, touchant la mort de Paris : mesmement par le bon Roy Priam et la

(1) re$C(mrr€ (mBcr. de âesève). (2) c.-à-d. trépaasë.

snoTLàunz ni tiotb. Lnms n. 905

Royne Hdcaba, voyans et considerans ionrnellement le comble de leur malheur estre aggraué. Et aussi la belle Heleine en feit grans pleurs et lamentations, comme met Dares de Phrygie. Lequel recite que le Roy Priam feit &ire le lendemain les obsèques et pompe funèbre, magni- fique et hautaine pour son fllz Paris : et Heleine suiuoit le corps faisant grans cris et vlulations. Et oultre ce, nostre acteur Dictys de Crète, met que les fireres, parens et amis, et seruiteurs de Paris Alexandre, menèrent et conduisirent son corps tout embaumé despices aromatiques à la manière des Princes, hors de la cité de Troye vers la Nymphe Oenone sa première femme, laquelle se tenoit & Cebrine, comme dessus est dit, pour illec estre ensepulturé. Lacteur ne met point pour quelle raison Paris y fut ainsi porté. Toutesfois, il est à coniecturer, que à Iheure de sa mort, il ordonna ainsi le faire, ayant regard parauenture de lauoir abandonnée contre droit et raison : et sachant quelle seule estoit sa femme légitime et non mie Heleine. . Quand dcmques le triste présent (que les nobles enfans de Priam, et autres parens et amis du feu Prince Paris Alexandre, lesquelz nostre acteur ne nomme point, ensem- ble ses seruiteurs tresdesolez apportoient à Cebrine) appro- cha dicelle : et que le chariot et la pompe funeralle (telle quil appartient ft filz de Roy) fut sur les limites de ladite cité enuiron ft demy lieue, le populaire qui le sceut par les Pasteurs yenans des champs, fut soudainement esmu, et commença à fEure grans cris et grands lamentations, ft cause de œ que Paris estoit congnu et aymé de ieunesse en ladite contrée, comme celuy qui y auoit prins nourriture, ainsi que nous anons dit au premier liure. Et la noble Nymphe Pegasis Oenene, toute surprinse et espouuentee de oe daeil et temulte isoodain que iaisoit le peuple, semeit

aux femstres de son hostel, et entendit qoili se deseoirfus tûient ainsi, pour la mort de son fen seigneur et nary Paris Alexandre : et à oeste mesme heure snruint tb nias- sager exprès ennoyé par les enfems de Priatï. Leqsri en pleurant amèrement dit à ladite Nymphe : t Madamri, il me desplait de tannoneer œs tristes nottoelles. Ton fan ael- gnenr le Prince Alexandre est mort, et tameinè on le corps : ponroe qoil ha esta sa sépulture près de toj. Près de moy ? dit la Nymphe, à qui le cœur enida iendre de dneil« Et certainement près demoy sera il enaendy,et moy auprès de hiy, sil plaist aux Dieux, bien Innef. t AkoAi commença elle ft faire vn cry meruèilleux^ et vne iMnett'' tation pitoyable. Ses damoisélles et ses saraiteurs et amis, mesmement le bon pasteur Royal et sa femme, lesquelz auoient nourry Paris, y accourureint aueo leurs énfiBO», et menoient presques tel dueil comme elle. Si descendit tan- tost la Nymphe de son hostel, et se meit à cbémiB vers la porte, pour aller au douant du corps de son feu mary. Bt tous ses parens, sendteurs et amis la suiuoi^at, ensemble les citoyens et citoyennes de Cebrine menans grand dn^« Au douant du corps de son feu mary alla la tresddente Nymphe Pegasis Oenone : non pas comme fenmie assai- sonnée de son bon sens, mais comme furieuse, forcenée et aliénée totalement de raison, par fat force et violence de lamour chaste et pudique quelle auoit tousiours portée enuers luy. Son beau sein descouuert, comme celle qui auoit ia desrompu tous ses vestements : sa clere face tonte sanglante et violée de ses ongles : ses beaux cheueux an- reins rompus, esparpillez et volans par monceaux autosr délie. Et fetisoit si grans cris, par les rues et par les die- mins, et iettoit de son triste estomach vociférations si très- hautes et si piteuses vlulations féminines, quelles pene^

smêfLàMnn ui non. txnm u.

trcneatles oreilles des eflkx>ataiis iusqnas aa tosar. Ba Ibr^ mant sei piteux regrets misérables en ceste manière :

c Helas, mon cher seigneur Paris, hdas, mon doax aoqit

Aleiandre : bien tha hoxmj la mauuaise adhérence de kr

Greqna eetrangere : et bien te rendit goerdon mai oomrtois>

la Déesse ¥eniis, ^«and elle tempeseha délie. Helas, moit

donx amy, assez te deaoit suffire la franche amour chaste

«t pudique dont ie taymoie lasse, dolente. Assez te denoien^

admcmnestor les oraeles des JHeux et les Taticinatioiis des

prudens. Trop par trop est maudite, et 4e maie heure net

la femme par qui tant de hautz hommes meurent. Et tn^

niha elle causé de dueii par lespace de. dix ans. Auquel

tunps rien ne me detenoit en ce monde, fors la vie de toy,'

mon eher eqpoux, combien que meusses répudiée. Mak

ons eet venu le temps^ que ma douloureuse ame lassée des^

tare en ee triste ONrps, sen ira prendre repos aux qkamps

Elysees, «ins (1) que la tienne me puist redarguor de tardi*

ueté. Yien donques mort, ma tresdesiree et ma bien ¥OUr'

lue. Tien tost i moy. Tu mas fait trop grief outrage, en,

osant toodMT la personne de mon trescher espoux. Et dun

mesmes ooop de ton dard, as commencé dabreger ma Tia

anee la sienne : mais ie te le pardonne, et taduoue de tout,'

poumeu que tu poursuiues diligemment ta pointe, sans ^le^

ie langniese flw$. le le tiendray à vn singulier bieafint :

moyennant que tu acbeues en haste le demeurant de mon

doulenrenx râire. O mort tresdouce et tresamiable, il mest

adns que ie sens Toleter cj entour lesprit de mon amj qui

mappeye. Certainement ie te suiuray en brief, mon tres-

amourenx eoaur. le te prie mattendre : ear meilleur com*

paigniç ae sauras ie trouner. le désira et quiers de tout

(1) e.-è<K. ïïnni que.

SM ILU?8TRATi<»8 Ml 6àn«, BT

Bxm poQuoir le chemin à la mort. Âdiea, noUa Roy Priam, mon tresredouté seigneur et beaup^re : adiea, madaïae Hecuba et toutes mes belles sœurs : car de mes beaux frères nen reste plus gueres. Saluez moy, mes amis, mes priuees oompaignes. le tous voys précéder : car ie suis certaine que après moy ne tarderez vous gueres, tant est enflambé k feu de vostre malheureuse destinée, au moyen de la Greo» que estrangere. »

Telz et semblables plaints espandoit (1) parmy lair, en die- minant, la tresdesesperee Nymphe. Ses femmes et pucelles, Toisines et amies, la cuidoient conforter en Tain. Bt néant- moins eux mesmes auoient bon mestier de conf<»rt. It quand le chariot de dueil trainé à chenaux noirs, housses de mesmes, et auironné de grand luminaire, sur leqnd estoit le corps gisant en vn riche lict de parement, oouuert de drap dor, et fourré dhermines, commença & approcher, et les frères et amis de Paris alentour : et que dantre part la Nymphe marchoit auec ses gens, lors veissiez vous vn piteux rencontre. Lors se prindrent toutes les deux bondes dune part et dautre, à crier et braire pitoyablement. Mais quand la Nymphe fut si près du corps de son mary, quelle le peut choisir à plein : le chariot sarresta, et elle monta dessus. Si veit son seigneur ainsi deffait et piteusement atoumé, comme celuy qui estoit tout enflé du venin des saiettes mortifères. Lors cessa son crier : car la voix luy de£faillit ensemble le cœur. Si voulut embrasser le corps, mais ses bras neurent ne force ne puissance : aingois is»s- tendit dessus pasmee de grand angoisse. Certainement ces- toit vn piteux regard de voir icelle tresloyale Nymphe ainsi perturbée, gisant sur le corps de son desloyal mary. Bt

(1) êipardait (micr. de Qenéye).

SmCTLlBITBS Dl TftOTB. IXTU U. 907

bien monstroit elle la grand noblesse et franchise de son courage : et la vraye amour coniugale, pleine de chasteté, dont elle auoit tousiours esté garnie, nonobstant que sa partie luy eust fait toute rudesse. Tous les autres parens et amis, tant délie comme de Paris, estoient tous transportes de douleur. Bt ny auoit nul qui se sceust contenir de grand pitié.

A chef de pièce quelle fut reuenue de pasmoison toute pasle et desooulouree, elle ietta piteusement en drconfe- renoe ses yeux desia ternis et obscurcis de ténèbres de mort, dont elle estoit prochaine : et fait vnchacun des assistans pknirant et larmoyant autour delle. Si feit aucuns parfonds souspirs et sangloux difSciles : puis regarda le corps de son seigneur et mary, ainsi misérablement ap- pointé qui parauant estoit si beau. Et derechef toiima son regard yers ses parens, amis et seruiteurs, comme osUe qui monstroit & son semblant manière de plaindre et lamra* ter la piteuse façon de la mort de son seigneur et mary t car desia la parole luy estoit forduse à force de douleurs mortelles qui laggressoient. Les assistans grans et petia fondoient tons en larmes tacitement : et nen y auoit pas m qui eust scen ouurir sa bouche pour sefibrcer de donner confort à la Nymphe. Finablement quand lextreme des* tresse de sa douleur la pressa si fort quelle ne la ponuoit plus porter, elle tourna sa face sur le visage de son amy et mary Paris, et tantost après embrassa tout le corps estroitement : et en iettant le dernier souspir mortel, le cœur luy serra et fendit en son amoureux estomach, et lors rendit elle lesprit en se debatant aucune espace. Bt demeura ainsi sur le lit de parement.

La pluspart des assistans cuidoient quelle ^st derechef tombée en pasmoison : mais aucunes des plu» s^^ matro*

sot . iLLTiTBAanon M Oàfu, n '

nés de Odiriiie qui eatoient, et mesMemant la bomie nourrisse de Paris, et antres, oongnnrent bien que oeetcôt le dernier sonqiir quelle anoit fait, si coururent vers eUa, et sentirant tamtost qu^e ne tiroit plus ne poux ny lialaina. Asses li^peUerent par son nom, et Basez la tiiwent ea pleurant : »ais œstoit pour néant, car s(mi esprit Tital ses èstoit volé. Lors renouuella le cry plus hautain, et le doei) plus aspre que ianais. Lors veissiez vous la bonne nour- risse de Paris et les pucelles de la Nym^, deetodre leurs pokigs, battre leurs poitrines, rompre leurs cheueux, et desstrer leurs atours, pour le trespas de leur maistresse. Le bon pasteur Royal brayott et lamentoit aans mesure. Les frères et amis de Paris, et les seruiteurs domestiquas recommencèrent leurs plaints, et fut la huée plus aigre que deuant. Les citoyens et citoyennes de GebriM la plein- gnoient comme leur bien aymee dame : et ny auoit si dur eoaur qui ne creoaet de pitié, et qui ne noyast en multitude de larmes. Ainsi conduisirent ilz le triste db^riot dedans la dté, chargé de deux corps pour vn. Et feirent illec les obsèques et Mis funéraux à la manière de ce temps Ift, en grand lumneur et Royale magnificence : et en grand pleur et lamentation. Puis sepnlturerent ensemble les deux amans, en vn riche tombeau et de grand somptuosité, ainsi que met nostre acteur Dictys de Crète : et Strabo le oon- ferme au xm. de sa Géographie, comme desia auons dit et allégué au premier liure. Les mots diceluy Dictys sont tels en la an du quatrième liure de son histoire : Sed fertur^ (knù%m (1) visa ÀJe^utndti cadauere, aieà eommoUm, (2) wti amisM mmUe obitvpeieret : ac païUettim per mœrorem

(1) Omom (nifor. de Genève).

0t) mmÊmtÊtê iiUà.).

SntOfLAUTEZ DE TBOTK. UUM II. 209

animo eancideret. Atque ita wto eodemque fitnere cum Alewandro eontegitur. Et quand ces choses furent sceâes à Troye, le Roy Priam et la Royne, et tous ceux de sa maison en furent tant esbahis et tant estonnez, que plus ne pouuoient, de la grand merueille. Bt plaingnirent beau- coup la noble Nymphe.

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210 n.L?REATl<»l8 Dl GATLIy ET

CHAPITRE XXII.

De leimotion des leigiieart de Troje contre Priam. Gomment Del- phoboe espooia Heleine, de pear quelle ne fast rendue aox Oreec. De U trthieon menée par Antenor et Eneaa. Et comment Haleine un moyenner son appointement. De la paU fourrée fidte par les Greci. Du grand eheual offert à la Déesse Minerue. De la prinae de Troye : et de la cruelle mort de Delphobus procurée par Haleine : anee lezclamation contre icelle. Et aussi de la mort des deux enfans de Paris et Heleine.

Apres la mort de Paris et de sa femme la Nymphe Oenone : comme les Grecz assaillissent la cité de Troye sans nulle intermission, et fussent plus aspres de iour en iour : et ny eust plus aucun espoir de résistance dedens la dté de Troye, veu que ses forces afibiblissoient à yeue d*œil, tous les grans seigneurs de la cité sesleuerent en- contre le Roy Priam, et encontre le demeurant de ses enfSsms. Si enuoyerent quérir Eneas fllz d'Anchises, et les en&ns d'Antenor : et décrétèrent ensemble que Heleine, et tout ce qui auoit esté prins auec elle, fust rendu à Mene- laus. Or lauoit tousiours aymee Deïphobus, comme nous auons dit par cy douant, presques autant, comme CBiisoit Paris. Parquoy quand il sceut lintention desdits seigneurs de Troye, il se délibéra dy obuier totalement. Et pour ce fSaire, feit incontinent amener ladite Heleine en sa maison, et la print en mariage : car alors il nestoit point prohibé par les loiz, que le frère nespousast la femme de son frère après sa mort. Laquelle chose quand lesdits seigneurs de

SniGVLARITBZ DE TROTB. LITEB II. 211

Troye scearent, ilz forent fort indignez. Et se tirèrent deaera le Roy Priam, en vsant enuers luy de hautes et ooltn^ases paroles. Et entre les autres, Eneasle roux(l) parla le plus fièrement. Et finablement feirent tant quilz amenèrent Priam à force dimportunité iusques là, quil fut conclu en plein conseil, que Ântenor iroit comme ambassa- deur, en lost des Grecz, pour trouuer quelque appointement de paix auecques eux. Ainsi partit Ântenor pour y aller, mais ce nestoit point pour traiter de la paix : mais plustost pour brasser la détestable trahison, au preiudice de son souuerain et naturel seigneur le Roy Priam et des siens. De laquelle iceluy Ântenor feit secrète ouuerture auec imcuns des principaux Princes de Grèce, moyennant ce que le Royaume de Troye deuoit demeurer À luy et aux siens : et que si Eneas vouloit estre féal, il partiroit au butin, et sa maison demoureroit en son entier. Geste conclusion prinse auec iceux les principaux de larmee Gregoise, Ânte- nor sen retourna à Troye : et luy fut baillé le héraut Tal- tbybius pour plus grand couleur et approbation de la matière de paix, mise sur le bureau.

Bt quand le Prince Ântenor et le héraut Talthy bius furent entrez à Troye, le poure populaire et les gensdarmes qui estoient venuz au secours de Priam, leur yindrent au do- uant, desirans sauoir quel appointement il auroit auec les Grecz. Mais le traytre Ântenor ne leur voulut rien dire de la paix iSûte, pour mieux dissimuler» ains les remeit au lendemain. Et quand il fut au soupper, en sa maison, il preecha À ses en&ns en la présence de Talthybius, héraut des Grecz, et leur remonstra combien il yaloit mieux de suinre le party et lamitië des Grecz, que celle de Priam, en les admonnestant dainsi le &ire. Et sur ce poinct, on sen

(l) (tnêéi^Jtavuit blond, de raoe noble.

SIS ILLTSTEATimiS M «AflJI» R

alla coacher. Et le lendemam bien matin, comme tous de Troye se fassent transpottez au consistoire pour oujr et sanoir si aucune fin se trouueroit à leur infor- tune» Antenor et le héraut Talthybius y allèrent. Et tantoet après Eneas sy trouna, et consequemment le Boy Priam et ses enfiuis. Alors Antenor commença à reciter, non pas la trahison quil auoit trafiquée auec les Orecz, mais ocm- trouua vue autre forme dappointement : disant que les 6reo£ ne qoeroient autre diose, fors sen aller, pourueu quon kttr rendist Heleine, auec certaine somme dor, pour défrayer larmee. Et que oultreplus ilz auoient délibéré doffiir ▼& grand don à la Déesse Minerue auant leur partement. Si commença i fiedre vue grand harengue, recitant les manz quilz auoient soustenuz À cause de ceste si longue guem, et que luy mesmes y auoit perdu son filz Olaucus : mais il ne luy chaloit point tant de sa mort, comme il estoit dea^ plaisant de ce quil alla auec Paris pour rauir Heldne man- gré luy : en ramenteuant les grands iniures quon Bxmt fait aux Grecz, et le grand tort quon tenoit d'eux, et tout pour vne femme, de laquelle iceux Grecz mesmes ne fai- , soient point grandement conte de la recouurer. Et ne leur en chaloit gueres, sinon autant que lobstination de Prîam et de ses enfians les auoit ainsi irritez À demeurer au siège. Mais que ce nonobstant, en fetisant finance de certaine quantité dor, et leur deliurant icelle Heleine, ilz seroient contons de leuer leurs sièges, et retourner en leurs con- trées. Gonduant ledit Antenor que iceux Troyens deuoiant bien prester loreille à cest appointement, puis quil nestoit question que de fournir or ou argent. Mesmement les riches maisons se deuoient ayder chacune en son endroit, et se tailler parensemble, pour contribuer et fournir la somme qui seroit nécessaire, à fin dacheter paix. Et que si Priam

smcTLAuru m trotk. uteb n; SIS

ny Tonloit entendre de sa part, qaon le laissast ester aaec* ques ses richesses, et auec celles que son fils Paris anoit amenées de Lacedemone quand il rauit Heleine. Et en ce disant, de plus en plus il chargeoit apertement sur le Roy Priam et sur les siens, pour capter la beniuolence du peuple, et tascher de mettre ledit Roy en hayne de ses citoyens. Et oultreplus, le traytre feignoit de pleurer. Alors le populaire se print ^ crier et braire piteusement tout à vne Toix, et tendre les mains au ciel : supplians, que pour lamour des Dieux, il trouuast moyen ainsi ou autrement, de mettre fin à leurs misères, et quil nespar- gnast eux ne leurs trésors, pour racheter leurs personnes, leur pals et leurs biens hors de la seruitude apparente des 0rec2. Et adonc se print le triste Roy Priam À pleurer misérablement, et à traire et arracher sa barbe meslee et ses cheueux chanuz. Voyant que ores il nestoit pas seule- ment haï de ses ennemis, mais aussi estoit tombé en la maluueillanee de ses subietz propres. Si dit à Antenor et à tous les asûstans, quil leur laissoit la charge totale de lappointement, et liberté de faire la finance pour la ré- demption du Royaume de Troye. Et que pource quil leur estoit ainsi deuenu hayneux, (1) il se tiendroit désormais solitaire en son palais. Et neantmoins, il approuuoit tout ce que par eux seroit fait et traité en ceste matière. Ainsi se partit landen Roy du consistoire, et après son partement il fiit décrété par toute lassemblee, que Antenor ioint anec Bneas, sen iroient derechef vers les Grecs pour sauoir leur Tonlenté certaine. Et ainsi se départit le conseil.

Or sen vint Heleine secrètement enuiron la mynuict en Ihostel du traytre Antenor, comme celle qui se doutoit bien que si lappointement auoit lieu, elle seroit rendue à

(1) 0^44. hsL

814 ILLT8TBATION8 DE GAVL!, ET

Menelaus. Et à ceste cause craingnoit lire et la foreur de son mary, pour la grand faute quelle auoit commise enuers Iny. Si pria tresinstamment audit Antenor quil la voulsist auoir pour recommandée enuers sondit seigneur et mary, et enuers tous les autres Princes de Grèce» et quil sem- ployast À faire sa paix, disant comme ledit Antenor pour- roit bien tesmoigner, que de pieça elle auoit désiré de retourner aux siens. Et aussi on sestoit bien apperœu, que depuis la mort de Paris, toutes choses luy estoient ennuyeuseï^, et prenoit le temps mal en grë à Troye. Par ainsi Antenor promit de labourer à faire son appointement. Et elle sen retourna au palais de son mary Deïphobus.

A la fine aube du iour, Antenor et Eneas commissaires députez à estre loups en guise de bergers, partirent de la cité pour aller vers les nauires des Grecz. Et quand ilz y furent, ilz récitèrent en pleine audience le vouloir des Troyens. Puis tindrent conseil apart auec aucuns des prin- cipaux à ce députez : et après auoir parlé de plusieurs choses concornans leur affaire et leur trahison, ilz feirent mention de la voulenté d*Heleine, et prièrent tresinstam- ment pour elle. Et en après flnablement conformèrent entre eux le pact de la trahison. Et quand il leur sembla opportun, sen retournèrent à Troye auec Vlysses et Dio- modes, pour feindre de faire vn accord publique. Aiax Telamonius y voulut aller auec eux, mais Eneas len garda, de peur que les enfans de Priam ne luy feissent quelque outrage. Et quand ilz furent entrez dedens Troye, les mal- heureux citoyens sen resiouirent, et cuidoient voir la fin de la guerre et des discords. Si fut incontinent le conseil assemblé, auquel premièrement et auant toute œuure, il fut décrété que Antimachus( qui tousiours auoit soustenu la bende de Paris contre les Grecz seroit exillé et banny per-

SDMSTLAIITBZ DE TROTB. UnM H. Si5

petaeUement da Royaume de Phrygie. Et en ooltre ilz commencèrent à entrer en matière dea conditions et arti- cles de la paix.

Or aduint il» que tandis qae lesdits deux Princes de Grèce» Vlysses et Diomedes estoient en conseil auee les Troyens traitans de ladite paix fourrée» ilz ouyrent vn merueilleux bruit et tumulte» qui se &isoit au palais» estoit le Roy Priam, auec cris et exclamations merueil- leuses. Alors tous ceux qui estoient audit conseil cuiderent bien estre pris» et senfuyrent soudainement dehors» comme ceux qui pensoient asseurement que aucun aguet ou émotion sesleuast contre eux par les enfans de Priam, selon ce que autresfois en semblable cas lauoient fait. Parquoy ilz furent bien espouuentez, et se ruèrent en franchise (1) dedens le temple de la Déesse Minerue, pour estre À sauueté. Mais ne tarda gueres que aucuns qui descendoient du palais» rapportèrent que le bruit quon auoit ouy » estoit à cause que le plancher de la chambre estoient les enfims du feu Prince Paris Alexandre» estoit effondre par infortune» et auoit esteint et estouffé lesdits enfans, qui estoient deux en nombre» dont lun auoit nom Gorinthus et lautre Ideus» et les auoit euz Paris de la belle Heleine, comme nous auons dit cy douant. Par ainsi lesdits Princes de Grèce» auec Antenor et les autres, furent rasseurez de leur peur. Et mena iceluy Antenor loger en son hostel Vlysses et Diome- des» et illec les informa de la vertu et propriété du Palla- dium» qui estoit vue image de bois»' iadis tombée du ciel, quand le Roy Uus qui fonda Ilion faisoit édifier le temple de Minerue. Lequel Palladium tant quil seroit audit tem- ple, iamais Troye ne pourroit estre prinse. Et promit ledit Antenor de sefforcer À ce quilz lauroient en leurs mains.

(1) c-à-d. cherchèrent un asile.

Bt «or ce propos Uz sendormirent. Et le matin forent &ites las fiineraiUes des deux en&ns d'Al^ xandre, lesquelz moururent ainsi misérablement, coHune TOUS aoez ouy« peult estre (1) permission dioine, à fin que de si maauaise semence ne demourast aucun firuit sur tiurro. Gonsequemment ce iour mesmes, et certains iours ensui- uans, fut traité en la présence du Roy Priam et de ton les Princes de Troye, et aussi desdits Diomedes et Vlysses, commissaires de la partie des Grecz, de la manière de la paix, et appointement final entre lesdites parties. Et mà^ mentiers aucuns signes estranges et prodiges memeiUeux apparurent à Troye : si comme des sacnfices qui ne po«<- uoient brasier sur lautel du Dieu Apollo, et de laigle qui vint rauir les entrailles des bestes sacrifiées et les porta aux nauires des Grecz, et autres choses qui denotoîent la trahison qui se brassoit et la prochaine ruïne de Troje. Aussi en ces entrefaites , Antenor trouua subtilemant manière de traire la sainte image de Palladium hors du temple de Pallas : et la deliura à Vlysses, lequel lenuoya secrètement en larmee de Grecz. Finablement les Troyens appointèrent auec lesdits Grecz, quilz auroient mille ta- lents dor et mille talents dargent. Chacun talent vallant quarante liures de douze onces la liure pour le moins. Le sage Helenus estant prisonnier en lost des Grecz, qui toutes ces choses sauoit par sa science, plouroit et lamentoit fort, congnoissant la prochaine destruction de ses parens et de son paXs. Et tantost après allèrent à Troye dix des Princes de Grèce, pour arrester et conclure du tout les articles dicelle paix feinte et coulouree, et les iurer solennellement. Si recommanda debonnairement le Roy Priam à iceux

(1) par (4d. 1528).

macYkàMrrëz w non. uvh n. St7

Princes, flan ilz Helenufl. Et fut £Edte et iwree ladite paix. Lors prindrwt oongé da Roy tous les Princee estrangen qui astoient yenoz à son secours tant par amitié comme pour anoir souldoiers, et sen retournèrent en leurs con- trées. Et ce pendant fut fabriqué le grand chenal de bcîa peur ofirir & la Déesse Min^ue. DesqueUes choses ie me déporte légèrement, pource quelles sont assez communei^ Tontesfois Dares de Phrygie ne met rien dudit grand ehe- ual de beis : mais bien dit il» que <i la porte Soee, par ait Grecz prindrent Troye, y auoit la figure dun cfaeoal taillé en pierre, combien que Dictys de Crète et Virgile concor* dent en lopinion dudit grand cheual de boia. Et aossi &il meames Dion en son liure de Troia non capta. Disant encores que linscription dudit cheual estmt telle : Avmné^m, id ést sacrum Aehiui Minerum Hiaii. (1)

Ainsi fut mené à Troye ledit grand cheual consacre à la Déesse Minerue, comme feiugnoient les Grecz : mais il estoit plein de gens armez. Et pour la grandeur Adlnt rompre les murailles de Troye et la porte Scee, pour le mettre dedens. Et y fut receu À si grand ardeur et liesse des Troyens mesmes, que iusques à femmes et petis enfans trestous meirent la main aux cordes et aux cables, pour ayder À trainer en la cité ceste grand statue de cheual à leur malheureuse destinée. Ce fût les Grecz feirent sem- blant de trousser tous leurs bagages, et mettre tout eu leurs nauires, partir du port de Sigee et rentrer ea mer. Mais de nuict le cauteleux Sinon, afiaité de par les Grecz, et ayant ceste charge, ouurit le ventre du grand cheual, dont il saillit Pyrrhus filz d'Âchilles, et vue grand cohorte de gensdarmes. Puis feit signe de feu quand il voit son

(1) iLLASTiBioN (mscr. Genève).

3f8 ' atYBTEATIOIlS DB GATLB, R

lieure, à fin que les autres Grecz marchassent. Ainsi furent surprins en leurs licts les poures Troyens endormis, tant par ceux qui estoient saillis de dedens le chenal, comme par les autres qui vindrent du port de Sigee, et entrèrent par la bresche de la muraille. Lors fut faite yne horrible boucherie des Troyens : sans auoir mercy des femmes ne des petis en&ns, et dura la tuerie toute la nuict. Sur la pointe du iour, les Grecz sadresserent tous & vue flotte vers le palais de Deïphobus, lequel auoit espousé dame Heleine après la mort de Paris, comme dessus est dit. Et illec Menelaus tout furieux et plein de rage, pour se venger dudit Deïphobus le print et luy coupa tout pre- mièrement les oreilles, puis après luy trencha les deux bras, et consequemment luy osta le nez, et le deshacha en tant de pièces, que cest horreur de le reciter : parquoy il le feit mourir à grand tourment et misère, comme met nostre acteur Dictys de Crète. Et à ce concorde Virgile au VI. des Eneldes, disant :

Atqae hic Priamidem laQiatum corpore toto Deipbobum videt et lacerum crudeliter ora, Ora manusque ambas, populataque tempora raptis Auribus, et truDcas inhonesto vulnere nares. (l)

Mais auant sa mort, il se deffendit vaillamment, et tua beaucoup de Grecz, comme met ledit Virgile. Laquelle cruelle vengeance, 'comme on peult supposer, fut prinse par Menelaus, pource que Deïphobus auoit esté cause prin- cipale du rauissement d*Heleine, et nen auoit point esté moins amoureux que son frère Paris, comme dessus est dit. lasoit ce que Dares de Phrygie tienne opinion contraire

(1) VI, 494-98.

SmetLARfTBS DB TAOYB. LITIS II. 219

^touchant la mort de Dei'pbobus : disant quil fht occis par Talamedes de Nigrepont, long temps denant la prinse de "Troye. Toutesaoyes ie marreste plastost ausdits deux ac- teurs tressnffisans Dictys et Virgile, lesqaelz ioints ensem* 1>16 sont à préférer À vn tout seul.

Dit oultreplus ledit noble poëte Virgile audit passage, que celle tresperuerse Heleine participant au conseil de la trahison de Troye, auec Ântenor et les autres, fut celle qui bailla le signe de feu aux Oregois de dessus les murail- les de Troye, souz ombre de célébrer les sacrifices de Bac* chus auecques les dames de Troye. Puis osta tous les har- nois, armures et bastons hors de la chambre et palais de son mary Deïphobus qui dormoit parfondement, et de rien ne se doutoit. Mesmement desroba elle lespee de dessoaz son cheuet. Et elle mesmes appella Menelaus, et le guida en la chambre dudit Deïphobus, à fin de rappaiser, par ceste manière de faire; sondit mary Menelaus, et dabolir ses anciens forfaits par ce nouueau seruice.

O chienne tresdetestable, lisse enragée et vipère tresdan- gereuse ! Combien y ha il de difièrence de toy À la noble Nymphe P^asis Oenone? Certes, autant quil y ha de chois dune chieure infâme à vue brebis noble, dune femme chaste à vue paillarde : et autant quil y ha de distance entre vn doux courage féminin plein damour pudique, et Tue afiection de louue eschauffee, qui nappete que lexecu- tion de son ardeur libidineuse et effrénée. Comment oses tu tant demeurer en vie ? Ne vois tu point que ta ribaudise lia honny et contaminé toute ceste noble maison, et que ta luxure puante ha mis à néant la hautesse dun si triom- phant lignage ? 0 visage de Seraine à queue de couleuure, orde vile meretrice, toute pourrie et vermolue diniquité, tu rends bien vn guerdon serpentin de Ihonneur quon te

fÊÙ lUiWTBATIOIIt M Oàm, BT

£ût Tu te deaois plustost précipiter du haut des noUes onirailles qui soat démolies À ton oooasion : tu te deuois plustost lancer dedens le feu qui est esprins par ton peèhé. Mais à fin que ta chaleur inextinguible ne deAôlle à hom- me, tu vses maintenant de sanglantes blandices et de fia- taries abominables, enuers ton fol mary Menelaus, tout nissoté et tout abesty, lequel tu soulois Tituperer et mo* qmr, Bt maintenant il accoUe et embrasse couuoiteoséiBent ton corps tout corrompu par amour vénérienne et estran* ger. (1) Et baise ta bouche, encores sentant Ihalaine de tes adultères, sans oser faire aucune mention reprochaUe de tei vilains for&its : aingois te recueille, comme tout aise et tout fiGunilleux (2) de ta vaine beauté après si kmgue absen- ce : od au contraire il deuroit luy mesmes sacrifier aux Dieux infernaux ton ame laide et impudique, toute pollue dio&meté, et lenuoyer de sa propre main auec les ombres damnées. Et à ce propos Bneas Troyen parlant à Pido de Garthage, au second liure des Enâ'des, et recitant la ndne de Troye, se vante, que pendant la force du feu noctome, il trouua Heleine toute seule mussee au temple de Vesta* Et luy esmu de grand maltalent, eut voulenté de la tuer, pour eetre vindicateur de tant de maux qui par elles estoient aduenuz. Mais la Déesse Venus mère dudit Eneas, sappamt i luy visiblement, et luy defiendit de commettre vne si grande lascheté. Et certes elle nestoit point asses bonne, de mourir de la main dun homme, aincois estoit resemee à plus vile mort, comme sera dit cy après.

(1) iitranffiere {éd. 1528).

(2) c.-à-d. affiuné.

fluwrLAUTn Bi TMra. UTU n. M

CHAPITRE ÎXm.

De la mort mUerable da Roy Priam : et seraitade de la Royne He- eQba, CaMandia et Andromaeha. Comme Aiax Tekmoniiie toi dopi- ttioa qmn Unet iBoorir HelMae, maie elle fàt rendae à Menelaaa. DêliL mort de Poljxene et de sa mère Hecaba. Dee geateede Meiiftlene et de ladite Heleine, ajMrea leur partement de Troje. De la aonaelle Troje fondée sur le fleone do Nil. Repetitioii de Tlepo- lemna Roj de Rhodee : et dee opinione de la mort diodle Heleine.

Les songes anerez, les vaticinations des prudens adae-

nues, les reepons du Dieu Âpollo mis à effect, selon les

destinées, le noble Roy Priam et la Royne Hecaba veirent

leur grand cité de Troye ainsi prinse et emflambee, et mise

en désolation, par la nourriture quilz auoient fidte de leur

enfisnt Paris, contre ladmonition des Dieux dont ik auoient

trop tardhie repentanoe. Et oultreplus, iceluy iadis tres-

pidssant Roy, contraint en sa vieillesse desia impotente, de

fayr an temple de lupiter, cuidant y obtenir franchise et

immunité, mais en vain, veit premièrement occire son fllz

Pdytes, entre ses bras, par le meurtrier Pyrrhus fllz d*A-

chilles. Et consequemment sentit loutrageuse espee dudit

Pyrrhus dedens ses entrailles. Et vomit son sang et son ame

ensemble, auec plusieurs regretz et querimonies. Et la noble

pucelle Cassandra se veit abstraire par force et violence,

hors du temple de Minerue, elle estoit courue à refuge,

pour preseruer sa virginité. Et expérimenta la cruauté des

Greoz, que souuent elle auoit prédit par sa sapienoe et

SStt . 1LLV8TBÀT10HS DB 6AVLE» BT

linhumanité d'Aiax Oïleus, son tyranniseor et violateur sacrilège.

Qaand donqaes toute la pourprise (1) de Troye eut esté exposée et abandonnée au feu et à lespee, à pillage et à dissolution, ainsi que guerre et hostilitë ont de coustume, excepté les maisons des traytres, qui furent reseruees auec- ques leurs biens et familles : et que les nobles femmes furent prinses prisonnières, la Royne Hecuba iadis si haute Princesse se voit vefue, et tombée en la misérable seroitude de ses ennemis. Lors Âiax Telamonius qui voit Heleine ^tre les autres, comme met nostre acteur Dictys de Crète, commanda prestement et fut dopinion quelle fust occise, et à bon droit, comme celle par qui tant de maux et tant de labeurs estoient aduenus aux Grecz par lespace de dix ans. Et comme il y eust plusieurs Princes concordans à lopi* nion d'Aiax, et que Heleine estoit en balance destre liuree à .mort par commune sentence et décret, adonques le Roy Menelaus retenant encores la primitiue amour de son ma- ri^ge^ se mit en peine deuers lesdits Princes de Grèce, et tant les pria lun après lautre, à layde d*Vlysses et de son éloquence, quen la parfin il obtint quelle auroit la vie sau- UQ, et luy seroit rendue et restituée sans contredit et sans sort : car toutes les autres dames et Princesses prisonnières furent distribuées par sort, excepté la noble pucelle Poly- xene, qui fut baillée au cruel bourreau Pyrrhus, filz du traître Achilles, pour sacrifier son sang virginal au tom- beau de son père. Gassandra vint es mains du Roy Aga- memnon : Ethra et Clymena, demoiselles d*Heleine, furent baillées à Demophoon, filz de Theseus, et à vn autre Prince nomme Acharnas. Andromacha, iadis femme d*Hector, par

(1) c.-à-d. l'eDceinte. i

SDIGVLABITKZ DS TROTB. UVRI U. 225

sort tomba en la puissance de ' Pyrrhus : et lancienne Royne Hecuba.deoint serue et esdaue à Vlysses. Mais son grand. courage ne peut gueres durer en telle seruitude, ainçois donna tant doccasion aux Grecz dabr^er ses iours et tant les oultragea et maudit, quilz la lapidèrent et ense-' u€flirent auprès de la ville d*Âbydos. Ainsi rentrèrent les-' dits Princes en mer, pour tirer chacun en sa contrée, com- bien que auaut leur partement aduint (1) plusieurs choses,' si comme le débat à cause du Palladium, ou à cause des armes d*Âchilles, dont sensuiuit la mort d'Aiax Telamo- nitts : et autres choses dont ie me déporte : car ce nest pas mon propos principal, et aussi elles sont assez com- munes, loint à. ce, que ma narration déterminée ne sar- reste singulièrement fors sur Heleine.

Or treuue ie peu dacteurs qui ayent escrit des gestes et anentures de ladite Heleine et de son mary Menelaus, tifres les faits de Troye. Et ce peu qui en est escrit, si này ie encores yeu nul historien qui les ayt rédigez en langue Gallicane. Si messaieray de recueillir içy ce que ien ay peu amasser. Premièrement messire Bocace en son xi. et xn. liure de la Généalogie des Dieux : allegant pour son acteur Eusebius au liure des Temps, met que après la des- truction de Troye, Menelaus se meit en mer auec ses gens et sa femme Heleine, pour tirer à son Royaume de Lace- demone. Mais la mer se leua haute, et les yents et la tem- peste les transportèrent en Egypte : r^^oit pour lors ▼n Roy nommé Tuoris, (2) autrement dit Polybins, selon Homère : lequel receut ledit Menelaus et sa femme en son hostel, et leur feit bonne chère. Et illeo perdit Menelaus le

(1) c-à-d. il advint.

(2) Tmrrii (macr. de Qenè^).

NI usure» nosnié CSwoprâs : lefMl

rst an mage par la morsure don aerpeat, aqpna de lune des boao^ea cm eotrees da âeaua NiiH^ lafaelle entrée dqinis à ceato canae fat ^peU» OuBopifM. Rtillee ae oonaeUla ledit Menelans de ton aea aAJna à PMeoa le aage deoin. Diodoma Sicalna an praaaMT lien daa Geataa antiqnea, met que eertain nombre de Tkt^ena laaineli Menelans anoit emmané prisonnien nnee li^, qpand ils forent sor ledit flenne do Nil en B^Tpte, aa ban- donnt enaemUe : et en prenant coMor bataîDerent aamit contre htj^ tant qoili le eontraingnirent à kar bailkr liborlft de constnnre 1118 cité anr ledit ce fails ftîmt, et lanpdkrent la nondle Ttojm. J Menelans en pranant congé dodit Roy d'Bg;]qte»

ponr refammer en aon Rojaameda \ aaant il print terre en lisle de Grata^ dit anintenant Oandie : et illee visita aon naaa Boj de ladite isie, coaune met neetre Btqfaatad lea hahitans de ladite isle aesors Haleine, ila Tindmt de tontss pars ] coBipaîgnîes ponr roir ladite Helamn» < qai tant anoit fût parier dalle : et pa tont le monde anoit esté «a emotmi de An partir de Gde de Cretet, qui estoit k laèMtiailiim de Tnjey tant aaoientilt

hnrsv iceiny

de dit maintenant la Mcaee : et la cîfeé de Myooma aeloa la tra actenr Dietfs de Crète a son dernier cite de Mjcenes, estoit leor nenen Orestea ifaLÎmfin te Bqr >n. Or aoûit nagoeres iaslnf Oteatea

SmfVLAaiTBZ »B TKOYB. UTMB II. Wi

GLjimBtmttê^ rt son ribaud Egisthus, & CWM qw eux tous deux oonspirana ensemble, auoient laeurtry gon père Aga- iMiBBon après son retour de Troye. Et |t œnte eaose Me- Mians indigné de la mort de ladite CljFtemneytre, «mr garmainfl de sa femme Heleine, tascha et meit pwi^ d^ fittre dommage et desplaisir à son neueu Orestes : bmôs U «n fut destonrbé par le populaire. Toutesfois il procwr^ qna ledit Orestes fust adionnié personnellement en la ^^ d!AtlieMs par douant le grand oonseil des Prestre» et Pbî- hMftm nommes Areopagites, lesquelz estaient ing^ 90U- •enins et comme les seigneurs de parlement de toute Orsee, ainsi que les Dmydes souloient estre en Gaule» OQQune tesmmgne Iulius César en ses Gommentairse. Si fut inree A Orestes dy aller pour respondre du cas par luy par- petié toudhant la mort criminelle de sa mers Glytemofssti^. Ifsîs après la cause bien ?entilee, il fiit deolairé quitte» et absoulz de ladite mort de sa mère par arrest et final desdite seigneurs Areopagites. Et dabon- daak M reiiitegrtf et restebly en la possession pacifique du Eoyanme im Mycenes, comme vray héritier de son feu père la Roy Agamemnon. De la secte desdite Areopagites Pbi- Imopims de grande estime, fut depuis 8. Deigra Apostre de FlMièe 4B|uid il fut conuerty par S. Paul en ladite cûté dTAtlMMs. Or donc endementiers que ce iugement se ftu- ioit, Menelans et sa femme Heleine retournèrent w lour Royaume de Sparte ou Lacedemone, auquel ils forent leesas de teitrs subîete paisiblement.

Orestes Roy de Mycenee fiit fort courroucé et midente- lenté contre son onde le Roy Menelaus4 cause du dom- mage quil luy auoit pourchassé et du destourbier quil luy «ueit prétendu faire. Toutesuoyes au moyen du Roy Ido- menena de Crète, son parent, lappointement fut fait entre n. «

fS6 ILLtBTEàTIORS DE €â¥LB| BT

ledit Orestes et Menelaus. Si sen alla Orestes à Lacedemone vers son oncle Menelaos : lequel le festoya et lay bailla en mariage sa fille Hennione, comme met Diotys de GÉnete : mais selon lopinion des autres, il ne feit que confiarmer ledit mariage. Car comme nous anons desia dit au oommen- eraient de ce Hure, le Roy Menelaus au parauant : cesta- aanoir pendant le siège de Troye, auoit promis sadite fille Hermione à Pyrrhus, filz d'Achilles. Bt dautre oosië, le Roy Tyndarus, père d'Heleine et ayeul dicelle Hermione, lauoit desia fiancée audit Orestes, ignorant de la promesse fidte à Pyrrhus par Menelaus, comme met Antoine Volae au commencement des epistres d'Ouide. Si aduint, que Pyrrtms après son retour de Troye, souz tiltre et couleur de la pro- messe que luy auoit fait Menelaus, voulut auoir ladite Ha^ mione. Et de fait, la toUut et rauit par force et hauteur (1) ft son espoux Orestes : et lemmena en son pals. Mais de- puis iceluy Orestes laboura tant, quil trouua subtilement manière de &ire tuer ledit Pyrrhus, son aduersaire et com- pétiteur, au temple d*Âpollo en Delphes. Et par ainsi re- couura sans nul contredit sa femme Hermione : et peult estre que Menelaus loua et ratifia le mariage audit Orestes, selon lopinion de Dictys dessus mentionnée. Et des £Bdt8 dudit Pyrrhus, et comment il emmena en son pals Ândro- macha, vefue d*Hector, et depuis la donna en mariage À Helenus, filz de Priam, nous en parlerons plus à plein au dernier liure.

Hermione fille d'Heleine, combien quelle fust douée de grand beauté, ne fat point si lubrique, ne si inconstante que sa mère. Car combien quelle fust rauie malgré elle

(1) c-à-d. artogance. (Cf. altituio du Dacange «a koMSiOffe^ kênh tainneié.)

SmOVLâftlTU DE TAOTB. LMTEB II. St7

par Pyrrhus, à qui ton propre père laaoit fianoee an son absence, neantmoins elle adhéra tousiours en courage, (1) à son premier espoox et cousin Orestes. Et quand dOe fat retournée auec luy, ne labandonna onques en nulles de ses aduersites : mais iuy tint bonne et loyale compaignie. B t eut de luj yn fllz, aussi nommé Orestes, qui succéda à so n père, et fut raillant homme et grand conquereur. laques deBergome, en son troisième liure du Supplément des dmmiques, allegant'son acteur Isocrates, recite que quand Hekine commença à deuenir vieille et ridée, et die. 89 regardoit en vn miroir, elle se prenoit à rire tant quelle pounoit, en se moquant de la folie de ceux qui par si grand ardeur et obstination auoient poursuiuy vne si aspre guerre pour Tne chose si caduque et de si petite durée. Bt vraye* ment elle auoit raison de sen truffer. (2) Bt autre chose ne treuue ie de ses faits auant sa mort. Et touchant la mort delle, ie nay peu trouuer que deux acteurs qui en parlent. Dont lun est Dion, duquel nous auons parlé au prologue de ce second liure. Lioquel met que icelle Heleine (ut tuée traîtreusement dedens Troye, par son neueu Orestes, fils du Roy Agamemnon. Et vn autre dit, quelle mourut en hsle de Rhodes. Mais pour mieux clarifier Ih^stoire, il est necesirîté de reciter preallablement la narration de Tlepo« lemus, Roy de Rhodes, à cause duquel elle mourut.

Tlepolemus (3) donques, comme met Bocace au xni. liure de la Généalogie, fut fllz d'Hercules, et de la Nymphe As- tyoche, descendue de la lignée de Mars, laquelle il auoit rauie en vne cité de Laconique, nommée Epire, qui est en

(1) c.-à-d. en son caar.

(2) truJUr (mscr. de Genève).

(3) TUpoknius (éd. 1516).

tl8 wufwmkncm m oâtui, cr

la eoDtiw de Petoponiiase, qa<m dit wMiintinimt b Mona, dont estoit Helmiie. Calay TLepcdmaiit fils SHmaaim âmoU TB a&ûien onde, frère id ea mer» nrauni îiiowwwB» la* 9mI fl tu <m de eoap de leeeuiiiitHi'et oa pralt eetre à eon eenent Ptrquoy il Mut qail abandoimast ledit pabt qmtL dit Buuntenant la Minree. Si feit fidra dee Baairas, et pana en Uile de Rhodes, aneeques graad nonibre de gens, et aaeceafeauiie nommée Poljpo, laquelle anoiteaea ieai» Miie esté compaigne et fSuniliere de la belle Heleiiie^ poaiee qae iee seigneuries de leurs ptrens estoient voisiBee. insii habitèrent ledit Tlepolemus et sa femme Polypo en la BoUe isle de Rhodes, en 7 acquérant la dominaticm et tOIre de Rojaome. Et quand oe Tint que le bruit de la guem nt>yenne sesleua parmy Oreœ et les isles marines» pow le nmîssement d'Heleine, ledit TIq[K>Iemus, R07 da Rhedea, j alla aueo les autres Princes, ses aflSns et prochahsa. Bt mesmement aueo Pbidippns et Antiphas, ses nmienx, des- cendus de la lignée d'Hercules, comme sera dit an troi- sième liure. Bt y mmA neuf nauires, comme met Honert au deuxième de llliade : mais flnablement il 7 firt oœîs par les mains de Sarpedon, Roy de Lycie. Dont sa femas la Royne Polypo (1) mena grand dueil : car il estoit (brt beau, comme met Ouide au xn. de sa Métamorphose, en parlant dudit Tlepolemus, et disant ainsi :

Heroalia, ARhodi» daetor paloherrime olattiB.

Par lequel vers, comme met le commentateur, on penlt coniectarer quil estoit tresbeau et tresgrand.

Pour reuenir donques à nostre propos, Antoine Volsc, commentateur des epistres d'Ouide, alliant vn acteur

(l) Poliwo (maor. de G«nèTe}.

fllMVLàRlTCZ M TMnn. UfU u. fBKè

Grec, met sur lepistre d'Hermione à Orestes. que après la mort da Roy Menelaos, qui fat naturelle comme ie imagine, deux des citoyens de Sparte ou Lacedemone, dont Ion auoit nom Nicostratos et lautre Megapenthus, ietterent la Royne Heleine hors de la çitë et de tout le Royaume de Lacede- none, sans Iny assigner, ne lieu pour habiter, ne douaire pour yiure. La cause pourquoy ilz lexillerent en cest estât, ÎBthqf acteur ne la met point : mais il <9t à présupposer, fM « ftit pource quelle estoit haye de tout le monde, & ifliMM des grans maux qui auoient esta perpétrez '^pour hmonr délie. Quand donques elle se voit ainsi expulsée du àoyanme de son feu mary, elle ne sceut à qui se retijrer, eomme celle qui estoit vefue, vieille et odieuse à vn chacun, et qui nauoit plus nuLe parens en yie. Si saduisa de sen ^Hir.à Rhodes» vers son ancienne compaigne et amie la ^i^pUB, Polypo. qui aussi estoit vefoe de son mary le Roy JpipQlemQS, comme dessus est dit : et de fait y alla. St fmuBMi. elle fut en Rhodes, ladite Royne Polypo luy £ait ê/ÊÊ» boa recueil de prime face : et seiourna Heleine 4M(aBe espuce leans fiûsant bonne chère. Or les damoiselles ;^ JSuames 4e chambre de ladite Royne Polypo hayoient jBttrtaUement fleleine, pource que leur seigneur le Roy TkgeiawfM aaoit prins mort i cause délie. Si conspirèrent m iour parensemble de la faire mourir, et de fiût la me- aeraat h vn beau verger par manière desbatement : mais quand elle y fut, elles luy mirent vue corde au cd, et la pendirent et estrangkrent à vn arbre.

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6HAPITRE XXIIÎI.

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Oflwnwnt Heleint âpre» sa mort fut repotMi Deetia dd bawt^'par la fpiUe erreur dee Pejene idolâtrée. Et dee templee qoi-ilûuneBi.eola-

.,,Qes A Ihonneor dell^ : aaec ^citation daaçona fabolepz.iiriracles ftiti par elle et ses frerei Castor et .Pollaz,, qataont par Ppfttee mif aa cercle du sodiaque ikieani le ligne de Ôenîîit : et

'' Mirée cbosee. ' - *■

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' Ainsi flna misérablement ses vieux iours Hdeine liib]^^ dique, pour laquelle tant de hauts hommes et nobles aHoie&t esté deffaits. Et de tant fut elle plus malheureuse, qudfe ne fut plainte ne plouree de personnel Et à peine sckfib si elle fut digne dauoir sépulture : si me semble quun A tilain definement luy estoit deu et à bon droit : et ne fuM ce que pour la grand trahison et inhumanité dont elle vsa enuers Deïphobus. Mais après la mort dioelle, lâage aueu- glee et erronée du temps dadonques, qui estoit prodigue de forger nouueaux Dieux et Déesses par idolâtrie, meit €(t rengea ladite Heleiûe au nombre et catalogue des Déesses immortelles : car autrement il eust semblé quon luy eust fait tort et iniure. Attendu que desia ses deux frères Cas- tor et PoUux estoient stelliflez et translatez au ciel, faisans le signe de Gemini, cestadire les iumeaux qui régnent au mois de May. Et aussi considerans quelle nestoit pas de moindre condition que sa voisine lo, fille dlnachus, Roy d*Arges, iadis rauie par lupiter, et transformée en vache :

SIMYLARITIZ U TIOTK. UVEB U. 131

laqufiUe estoit adorée en Egypte souz le nom d'Isis. Ne Avsttqœ Eoropa, fille du Roy Agenor de Sidone, iadis rauie pai* lapiter, laquelle estoit deïfiee en Crète, comme met IHotys an commencement de son liore. Et pareillement adnifloient les hommes pradents et discrets dudit temps paasé^que Heleine meritoit aussi bien destre £ute Déesse «OMme Iphigenia, sa cousine germaine, fille du Roy Aga- memncm et de sa sœur Clytemnestre : laquelle Iphigenia «tait desia deïfiee au païs d*Acliaie, et luy sacrifioit on dun croel: sacrifice : cestasauoir dhosties humaines, comme met JBflfodote en son quatrième liure. Pareillement nestoit pofait' Heleine de pire estime que Medee la forte enchan- teresse, iadis fille du Roy Eeta, de Colchos, et femme de laaon. Laquelle Medee fut aussi après sa mort réputée hàate Déesse, selon que tesmoigne Bocace au quatrième ttare de la Généalogie des Dieux. Pour lesquelles conside- iraOùns et causes peremptoires, le peuple dadonques fort <saparstitiaux et enclin & idolâtrie, édifia par grand deuotion ou plttstost damnation, k ladite Déesse Heleine, vn temple •aotnptaeox au territoire de Therapne dont elle estoit natiue. 'Bt, comme iecroy, fut appellee Déesse de beauté. Et feit mams miracles fabuleux dont ien reciteray icy vn, car il esl Uen digne de mémoire.

Le Prince des historiens (1) Hérodote au sixième liure 4s ion histoire, recite que Ariston, iadis Roy de Sparte ou iLaœdemone, eut trois femmes lune après lautre, dont la damiere fut remplie de souueraine beauté par accident miraculeux ainsi que vous orrez, car en son enfance elle anoit esté la plus laide créature du monde : mais elle fut belle par les mérites et vertuz de la Déesse Heleine,

(1) iê$ hiiMm (mscr« de G«nèye).

iUll linMMRAtfCMi m Mnty ff

M Oëirtei lÉMiefift : oestaiati6ir« comme ladite déniarè IMittè Ad Roy Ariftbm ftmt ainai laide et aHonmmM mm ëtâkoM, et il tournait à graAd dteqplaiirtr 4ii paranta ddH Ittgyrèh ertoiMt rMies gêna et piissaMU' ila aaoknt ai gMttd dueil de ladite difformiM, quibt deflëndirent «qpMH aîittent a sa mete nourrisBe quelle ne la annatraat & par^ aoime vinant, comme ceax qui miMx leussent aylaee ifpè iriae. Laquelle chose voyant ladite mère m éHeife pourpeùsa de telle dioee. Toua lea anatiaa aBvk pertoit au temi4e de la Déesse Heleiiie qui ealoit ad Uao aptNdlé Thempne, en la pfouiace de UtconiqM awria ffèi dti temple de Pbebus. Bt preséntoit ladite Alla daumt lidôle ou simulacre de ladite Deesaé, en fiàiAnt aon ùrmnm biM deuotetneat à icelie, et priant, qui luy planât daUonr la ttle quelle nourrissoit, de sa grand laidew. S adviat tifiMi quelle eust long temps continué laïUte prière <at orn- SM, tn leur quelte partoit dodit temple sapp«rut à aUa Ut Beèsse Heleine en forme dune femme, et luy daaiâiada qua tMtoit quelle po^^toit entre ses bras. Et eomme ladite noter* risse east respondu que cestoit me flUe : fat Deease luy isoinmanda de la luy monstrer, mais la nourrisse refasa de ee faire, disant que les parens de len&nt le luy awoievt deffendu : toutesuoyes la Déesse Heieine luy Itsit comiiaib- dMient derechef, quelle luy fnst mionstree, et que len&tnt en tttttdroit beaucoup de mieux, si elle lauoit vea. Ainsi fht contente la mère nourrisse de la deecouurir. Bt la Déesse Heleine la print, et luy applania le dief aucune espace, puis la rendit À la nourrisse, disant que oeste fllie deuiendroit la plus belle âUe de Lacedemone. Bt sur ce poinct se disparut. Et aduint depuis ainm, car elle ftit ai tresbelle, que ledit Roy Âriston de Lacedemone trouua manière subtilement de losto* i vn autre Prmae 4a Lace-

niinjMwt M fiiciTi« imM n. US

èeiÈëêÊf, à q^ ^Ue ê»toit àesia marne, «tleBpovsâ ]Mir M ginSÈà hmoLié, et Biurt délie tq fils nommé Defiuurflthu qui éêfptân ftit Roy de Lacedemone. Ledit aeteor Hérodote, attflil m Éon second limre, met qUen Bgypte îï y anoit Mmplè défié à Heleine, waz le tiltre de Venae eetrangere ; mf attOttns estiment, que après le ranissemeat d'HeWae, Pttfis et éllô flirent transporter celle part.

Itacores feirsnt vn antre miracle euident ponr lamcvr de Ismr sosnr la Déesse Heleine Castor et Polhix, s«i ftwoi translatez an ciel par la fabnlosité des poètes, et faisans yn signe dn Zodiaque appelle Qemini. Lequel miracle on plnstost fable le narreray souz brieneté. H fut iadis vn poste Lyrique, nommé Stesichorus, natif de lisle de Lesbos qnon dît maintenant Methelin, duquel raconte Pline en son histoire Naturelle, que luy estant en&nt au berseau, yn rossignol yint chanter sur sa boucha, en signifiance quil seroit Tue fois tresdoux et iressingulier poète. Iceluy Ste- sichorus donques entre autres choses quil feit, composa tu èlMot^ plein diniares, oontumelie et diflkmation eoieon- tM Ëelêine^ pouree quelle anoit causé par son adaltere la dmitraotlea de Troy». De ce libelle diffamatoire ftnrsitt finrt M^es les Demydieux Castor et Pdlux, estans apr cerde ^>Zodiaqtte. Bt de fiât, ponr venger liirifinv fttite à leor MMr^ fttr leur paissame délflque toUurent la Tèiie^mndit pMto SteiBâchorus, tellement que lepoura homme ayreit plus goutte, dont il fut fort estonné et seendalisé» (1) Toates^ Mi A dMf de pîece^ il hiy Tmt Tne adnision en son dor- aiaat, qui fat telle : cestasauciry qaen ladmotmestoit de éitter tne palinodie : cestadire fliire m chant contraire 4 eelny de paranant, et se desdire de ce tfaû aaoit dit con«-

tl>aw<44.^reiMé et iMSlMiÉÉVéw

tna IkiiiiMU* dlBaleiiia. Adonc le poSte ioyawL» qund il idiiit qnil ne tanoit que à ceU^eoiiiiiienca à cùmpùmt Yn hêm by à k kuenge de k Dcetoa Helaîns :'0t ioBera tontes T#rtiu et belles chose» dont il aeecent aduiser, en reqMra&t meroy à dame Heleine, Déesse de beauté. Et chanta ledit ky melodieasemeiit sur sa hafpe, paFqaoy il recoaara prestement liuiage de ses yeax. Ces choses. sont prisesnaa troisième liore de lart d*Aymer, auquel k noble fD«lÉ Ouide dit

Pi^brs TsrapBMS qui 4iai«rst imtè.ipiuritf».

Il ;•

f Mox eaoinit landes proiperiore Ijta.

Et noraca aussi eu ses Odes dit en ceste mani^ :

'

Infkmit Hêlensé Castor offensas vice Praterque ma|^i Gastoris, victi prèeto Adempta futi rsddidere lomiiia.'

Marsillé Fidn, en ses epistres, met que le Prinee des petites Homère, pour auoir trop vitupéré la belle Heleine, fût tousioura depuis aueugie, ne iamais ne reeouura sa Teiie, pourœ que onques ne se voulut repratir ne recon- fnoitre quil auoit mal fait. Mais vn grand oratmir de Grèce, nommé Isoorates, ne feit pas ainsi, sachant que cest trop dangereuse chose de mesdire des dames, ainçois escriuit plusieurs louenges de ladite Heleine.

Si.la dèlté de k Déesse Heleine auoit aussi grand vertu maintenant comme au temps passe, ie deuroye auoir belle peur dauoir encouru son ire et indignation, attendu que iay tant publié ses vices et diuulgué ses vitupères. Pline au deuxième liure de Ihistoire Naturelle, met que ces flambettes de feu, quon voit aucunesfois par les voiles noc-

tornes au bout des lances des gensdarmes, ou sur les an- tennes des nauireSy et font certain brait comme oyseaux et se transportent de lieu en autre, quand il 7 en ha deux ensemble, elles sont salutaires, et signifient bon heur et nanigage prospère. Si disoit on anciennement que cestoient Castor et Pollux, lesquelz on inuoquoit comme Dieux en la mer : mus ni nen 7 ha quune toute seule, elle est mal- heorense et de mauuais présage. Si la nommoit on iadis Héleine, ou selon lexpositeur de Fulgentius Placiades^ ^rania. En ce temps cy on lappelle Tue FuroUe, (1) et dit en quelle meine noyer les gens. Et plus ne sauroie rien pro- duire, fusant au propos en ce second liure, sinon que çùBUM met Higinius en son liure intitulé d'Astronomie pofitique, hme des sept estoilles, nommées Pléiades, ne se

"peult Toir à plein depuis la destruction de Troje. Car ladite estoille âst Electra, fllle du grand géant Atlas et

* idere de Dardanius, duquel 7ssirent les Tro7ens. Laquelle ynni n grand des^laisance de la ruine diceux, que onques

' pais ne Toulut monstrer sa claritude pleniere.

(1) c-à-d. fàiiMrolle 00 f«a-ibUet.

m ujufwnMwn m sftlnJ^ n

CHAPITRE XXV. .

OMoliMloa «t ooaftrmatioii reritabla de ce aecend liure, par la eos- (ùtatioa et explanatioa du liore de Dion de Fniae, qui ae infRuIe de Treje a<m prlaie : aoeeqnea ample proJMitfon mnBMttt Lâe* tetf lia aihiy ea eeile UàAoire iea ?raj8 aeleara aMeiliqiiek

PonM qo6 plunMTs aoUas lionunas» et antroB gms modtrMt^ Mt aiitrs laara omôiui ta paitit traité aatrMfois tnansUtA deOrto «a Latin, par Francoia Philelpha,. et dioabijr foAtfTom «rtÙM par noonaUs cniioaitè, pawos qaa Laeteur dioali^ Taalt donner à eniandra, par tu tas da dÎMra ayUogiaiiiaat oûutra kpinioa da tout la jnonda, qna Tro^^ na fiit aaqaae priaaa par laa Graci» A oaate caoaa au préambule du prologue de œ aaoond liiire« iaj mis deux Tara d'Ouide^ cerùfians le amtraire. Bt si ioeu M suffisent pour ramenor ceux qui sont abusai à saine intelligence, ie ramenfeurar icj enooras tu demj matra de Virgile qui le a^fermonu oastasanoir cestny cj :

«Hait ahe à cslMîae Treùu

Laquelle allejsatk« des dwx «dears, si traBranommof d<^l bien suffin^ «n^\nti>» la wale assertkii, œstadirs afir* iMlion divcitwse^ dun iKoame peci antoràé. Bt si daas&tore mnAm^ le tean^ùnuMsa de» pe^iaes^ aamoîns daura o& adwMHMr i^T à IVi^^^^me Sic«lw« biaprisn txmÊffgonè^ lequel lui rKaieila aoMai Iss aaaifailK dm Moada. Bt dit

smwLABifn M non. unM n. W

en la fin son mxiemdêtdarmar limre, cm propres BioU : Qns ammU anUe àellum TriMniim êcU iunt. Déserta (1) Traiêf Cfaree êpitue ameLi^ etc. Maie encoree la pttrtiDaciti(2) de ceux qui se fondent en ceste fentasie estott si obstinée, que nulle a]n[iarence de vérité autorisée ne peult obtenir lien daudienœ enners eux. Toutesuoyee finablement sarent ils contraints de se laisser yaincre par démonstrations rai- sonnables. Pour laquelle ehose fidre, il fimt entendre que oeinj qui soustient par ses esorits Troye ncm aaoir esti destraite par les Grecs, estoit tu Philosophe nommé Dion, nattf de la eîté de Pruse, en la prouinoe de Bithynie, pro^ chaîne de la région de Troye, en Asie la mineur, quon dît maintenant NatoUe ou Turquie. Or y ha il eu de tow teaqpe hayne mortdle et inuet«ree entre ceux d'Asie la BKmidbre, et ceux de Grèce, qui ne sont sepsres lun de lan- ire, sinon par linterpœ du destroit de la mer Hellesponte, tùxemB on pourroit dire France et Angleterre. Et pouree que ieskiy Dion estoit Asiatique, et quil luy sembloit tour»- àgrand honte, à ceux de son parti, de ee que leurs ancestres ee laissèrent ainsi suppediter par la nation Gre^ goise, à csste occasion il sessaya de recouurer leur honneur^ en cuidant persuader et fiaire aeroûre aux Uioui, œstadine aux Troyenst quil nen auoit rien esté. Laquelle chose estdt bien aisée à foire ausdits liions qui de son temps habitoÎMit le lieu, oti fut iadis Troye, autrement dite Uion» Ikntre part, pour tes gloire et ostentation de sa sdence philoioidiale, il sefforça de monstrer que le bon poète Homère en plusieurs passages de son Iliade, auoit contre- dit à soy mesmes. Bt pour ce foire, il ameine seulement w

-(1) MM* (anr. 0«ii*t«), (S) jaf«MMMi(^<M. 1616).

m UAntEâflOIIS M GânSi iR '

iea vn tu dargumentetiont firivcdes de - pea do litude et de moindre efflcaoe. Dont en blasmant «t Têxà lexoeUenoe du prinoe des poètes Homère, iadis Tn antre ]^osophastre nommé ZoUns^ leqiiel mente du manniis esprit dennie, se feit nommer per twl tit- tre abonUnable Homeromastix, eestadire laflayan d'HooMTO.

8t aprss «noir oomposé ^n linre tont plein de dUbmmtàmt detraotoire, tendant & tnidiiler la gloire du poète Howsrs : ledit Homeromastix et son liore forent par Ptolomee, Boj d'Rgypte, reooeiUis et traites selon leur desserte. Geetasar noir comme Tn inste Prinoe doit traiter mesdisans^ flatonni et detractsnrs. Comme cas choses escrit Nicolas Perot, Mosque de Siponte en sa Goraneopie.

liais encores sooffVons m petit qne la poésie d*Homers soit fordose dandience , et ponr impogner la dicaeité, csstadire ittiglerie de noetre adnersaire, par ta moysn extravagant : fiôaons semblant de noes ioindre auee la père des historiens Herodotns Halicamassens : leqxtA tnqp phts antique qne Dioni met au deuxième liure de son his- toire, que après le ranissement d*Heleine, Paris ayant Yont contraire, erra par la marine» et alla aborder à lune des bonques du fleuue appelle de Nil, en Egypte, qui est main* tenant en la possession du Souldan. Et pour lors r^ndt en Egypte vn sage et iuste Roy nommé Proteus, lequel congnoissant et sachant la rapine et violence perpétrée par la folie de Paris Alexandre, fllx du Roy Priam, commanda de donner larrest à la belle Heleine, en son pais d*Bgypte, et d^uis la rendit àson mary MeneUus. Parquoy on pour- roit eoniecterer que la guerre neust point esté douant Troye, pour recouurer Heleine : et par consequoit que Troye nayt point esté prinse par les Grecs. Et ce qui menlt le bon historien Hérodote descrire oe que dessus, csst

aiMYLàUTB M non. ufu n. SBO

pouroe quil se dit aii<Hr esté amplement informé par lee Prestres et Philosophes d'Egypte de toute Ihistoire' d'He- leine. Or si ledit Dion se fbst armÀ de laatorité dudit Her6- dote, il enst beaneonp fortifié son cas, et eussions eu pins A iaire de les oonfuter etoonuaincre tous deux msemble. Mais ainçois ieeluy Dion reboute lautorité du prince des hialo- rîMis Hérodote comme de nulle apparence. Mais quette antre approbation plus dere et plus ample voulons nous pour fortifier nostre cas, sinon de Stesichorus poète Lyri- que : lequd andt autrefois esté de lopinon dessusdite ? Mais finabiement il ftit contraint de se desdire, et de dmnter vn chant contraire, lequel sappelle Palinodie en Orec, comme met MarsiUe Fidn de Florence, en ses epistres. Et escriuit ledit Stesichorus en ceste manière, adressant ses vers à Héleine : N^n ^erus sermo itte JM^ Negue kauibus altis JBwùti Jkffiens : Nefue aâisHpergmna Traie.

Puis donques que le philosophe Dion, ne baille aucune faueur an propos dessus narré d*Herodote, Prince des hiefo* riens, fiôsons luy aussi ce plaisir, que de refuser et reiettér du tout ledit Hérodote, mesmement quant à ce quon pour- roit inferar et conclurre que la cité de Troye nayt point esté mise en ruine par les Gréez, et Tenons à réciter par manière dabreger toute la narration dudit phildéophe Dion, à fin quil ne puist sembler que ne layons assez curieusement le&e.

Tout premieremmtit ieeluy Dion, qui ne tend à autres fins, fors demonstrèr les œuures du souuerain poëte Hoiaere, pleines de* mensonges et ineptitudes, cestadire choses mal à propos et' de petite yaleur , dit auoir esté amplement cer- tifié de toute la venté de, Ihistoire Trpyenne, par les Pros- trés du pals d'Egypte, ainsi comme ia est dit du dessus- nommé Hérodote, historien Orec. Mais pour les deux pre*

t40 uMÊitunttm m MTftit k

«ûaini poiaoti priaoiiNuiz, ledit pbiloiopbd Dion nym Htleine fort iamaia mariée au Roy Menalaie, ne rame leotEiMiit par Paria Akiandre, fiU da Koy Priaii de Troye. St dit ieelay Dioa conuna il anuuût. :

Que oome pluaieurs graos eeigiieen de diaeraei treea da moadeeemui et iaoitei 4 oanee de la grand JMe de la beauté d*HeleiM, AUe da Roy Tyndama» ae aent tires ea la cité de Laoedemone, pour ioeUe Heleiae Biander aoleoneUemeat ea mariage au Roy Tyndaraa pare. Paria» flli du Roy Priam de Troye, partant daa ehea d'Asie la moindre qnon dit maintenant Torgnia» ae tronua aneoqaee lea antres Princes en memeiUenae pompe et somptaeiQix arroy. Bt combien que le Roy AganMwmMi, lequel auoit desia eqpousé ClytemnestrOt soBor de la Mk HeleiDe, cuidast bien pratiquer que son ttwe Menelana awt en mariage ladite Heleine, à fin de aùeux corroborer et fbr- tifier son alliance, neantmoins Paris Alexandre, fila dn Roy Priam, fut prefisré et tsnu en plus grand estime que ledit Menelaus et tous autres oompetiteurs. Et ce, i cause de la grandeur et richesse de son parentage, et de la présentation de sa personne. Si espousa Paris la belle Heleine, légitime- ment, par lautorité du Roy Tyndarus père d^e, en grand ioye et triomphe, sans répugnance ne contradictiim quel- xxxaque. De laquelle chose après quelle fut laite, le Boy Menelaus fort ialoux et desplaisant, attendu quil auoit esté firustré et deoeu de son espérance, feit vne grand plainte et qummonie, tant au Roy Agamemnon son frère, comme aux autres Princes de Grèce : en leur remonstrant que cestoit trop graod honte à eux tous, dauoir soutfert que )a fleur et lexcellence du monde fut ainsi emmenée arrière deux par vn Prince estranger. Et que k tousiours mais, cecy leur seroit imputé à reproche et k lâcheté d# wm^gt*

Gir il pomroit Mvbler «u poftarieors, qua nul deatre mm AMtft <»té digne, BebonMsac, daaoir en mariage ¥oa si belle dame. Alors, comme racoata ioelny Dioi|i« la «oblasia Oragoîae emflambee de despit et indignation, à caste oanse délibéra daller reoonorer Heleine par force darmes. St fat l^foerre criée par tout, et Troye assiégea long tempe* Et e«i^ les SAtrai choses qui sy foirent, Achilles y fot tné par 1(M iMîna d*Qeetor, et Paris oeeis par Philoctetis. Pnîa teablraient pooroe que les deu parties seanoyokait die leva partes qnotidiennes, lappiûntement fut moyenne par yifeeea* (l) SIt fuoentles Grecz oonda»«az à ee qne, pour la* mande jlManoraUe des torafiuis (2) commis par eaz contneJee Tiajws, sans ce quilz eussesit droU, on iuste q«erela, ik efinumeiit wm grand Ckeual * la Déesse Ilinenie, eeatadîre BaUas, iaqieile chose foite Hz sen retournèrent w iMrs regiims, aaas ramener Heleine : cmr He^or la donna en marii^ à sQtt &CTO Delphobas. Et depuis ladite Heleine fiittoaa teaytveneemsnt par son propre neueu aMtfné Ores- tast jflls dft Roy Agamemnon.

Bt danbns part, BCenelaus nosa retourner en son paSs, asaîa senialla an EgjftB, et espouaa la fllle du Roy dioeUe contrée. FiAablement ioeluy acteur Dion met que le Roy Mfm trespaaaa plein de gloire et de foiicité humaine, et le preux Hector succéda en son règne tresflourissant Ls- ^m1 SMieyE Aieas et Antenor foire conquestes en Italie : eteen freoe Heleaus en Grèce, ei luy mesmes, œstasanoir Aetpr, anbiuga par armes rne grand partie d'Asie, puis mtm%A <en wtreaie vieillesse, laissant son héritage paisible A aw flls Scamandrius. (3) fit cest le sommaire du liure de

(i) Uliaei (ëd. 1516). {^y/or/êieis (M. 1528). (3) Semaninu (éd. ISIQ et 1528). n. i6

94t IU.T8TAAT10II8 M GAnJS, Wf

Dion de Pnue, qui se fait nommer Chrysoetome, cestadire bouche dor : oondnant Troye non anoir esté miae en ndne et désolation par les Qrecz.

Or voyons orendroit, comment il ponn(»t ces dioeee si bien deainer par inspiration £sntastiqae et prophétie ré- trograde : ne par* quel moyen vraysemblable il peolt ainsi contrarier la commune opinion du feu de Troye, cestadirs de la ndne extrême dicelle. Laquelle est deriuee et persiuh dee iusques à nous, par les escrits autentiqnes de ceux mes- mes qui viuoient en ce temps là, ou qui furent du siede prochain. Si faut sauoir tout premier, que nostre contredi- seur Dion de Pruse ne vint au monde, sinon régnant lem- pereur Traian, cestasauoir mille et trois cens ans ^nree la captiuité Troyenne, U le poète Homère flourissoit seule- ment enuiron cent ans après icelle guerre. Mais Dic^ de Orete et Dares de Phrygie ont rédige en mémoire tout ce quilz Tcirent et entendirent faire dun costé et dautre, pen- dant le siège de Troye. Le liure dioeluy Dares, lequel estott de la nation Troyenne, fut trouué escrit de sa main propre en luniuersitë d*Athenes, au temps de Iulius César, par vu grand orateur nommé Cornélius Nepos, natif de Vérone en Italie, et par luy mesmes translaté de Grec en Latin, puis enuoyé à Romme au tresnoble historien Crispe Sal- luste.

Et lœuure de Dictys de Crète, quon dit maintenant Usle de Candie subiette aux Vénitiens, et de la nation de Grèce, vint aucun temps après en lumière, cestasauoir du temps de lempereur Néron. Iceluy Dictys souuent allégué en ce second liure, fut cheualier stipendiare du Roy Idomeneas de Crète, et fut présent à toutes les batailles contre les Troy- ens. Si fut trouué son liure par cas dauenture en la ma- nière qui sensuit :

SIIIGTLARITBI 1MB TROTB. UVRE II. S48

Aucuns pasteurs gardans les bestes et troupeaux auprès de la cité de Gnosus, en lisle de Crète ou Candie de laqudle fut natif iceluy Dictys, trouuerent entremy aucunes yieilleir murailles ruineuses vn sépulcre, lequel comme depuis fut sceu, estoit dudit acteur Dictys de Crète. Et dedens ledit sépulcre ilz prindrent vn vaisseau destain bien clos et bieit souldé de toutes pars. Adonc eux pensans que U dedens fut enclos quelque bon gros trésor, ilz ouurirent ledit vais- seau bien en bas te, mais il ny auoit pour toute proye ou, butin, sinon des liures. Dont quand ilz se voiront frustrez et deceuz de leur espérance, ilz portèrent les liures au sei- gneur de ladite cité de Gnosus en lisle de Candie, lequel seigneur se nommoit Praxis. Et fut bien aise ledit seigneur du présent et de la treuue. Si saduisa de les faire transcrire en lettres Athéniennes, pource que les liures estoient en eharacteres de lettre Punique fort ancienne et mal lisable, iasoit ce que le langage fust Grec. Et cela fait, ledit Praxis vint à Romme vers le Prince Néron, pource quil le sauoit estre fort curieux de Ihistoire Troyenne, comme celuy qui estoit singulier en poésie et homme de treseslu engin, sil eust esté si heureux quil eust plustost fleschi et incliné à bonté que à malice, mais non.

Or fut Néron, non content seulement dauoir fSEtit compo- ser vne seconde Iliade, par vn poëte nommé Accius, ainsi que met Perse en sa première Satyre, mais aussi sessaya ledit empereur Néron, de compiler vn liure des fSEtits de Troye : lequel il intitula Troica Neronis^ cestadire les auentures de Troye composées par Néron. Lequel liure est lUegué par Seruius, commentateur de Virgile, comme iay lit en la fin du premier liure. Or présenta ledit Praxis à nnpereur Néron le volume de Dictys de Crète, contenant ix liures des faits de Troye. Si fut le tresbien venu et

144 ILLtSimATIOllB M GàltM, KT

gocrdonné hautement. Et depuis icenx lioret furent con- mmrtm en langue Latine, par vn orateur Romain, nommé Septimius. Et de dix que ledit acteur Diotys auoit eompo* set, iceluy translateur Septimius les ha réduit à six : les- qnds nous anons maintenant bien corrects, et dont ie me suis aydé pour le plus en ce second liure.

Ces choses veûes iestime auoir fjEdt assez ample prenne que la narration du philosophe Dion (non mie quant à son parler, ^ui est tout pur oratoire, mais quant à ce quil im- pugne la yerité historiale) doit estre réputée vaine, plate, ridicule et adulatoire, et nullement corroborée par acteurs sulBsans. Et que par ce second liure, tous lecteurs et audi- teurs se peuuent bien tenir pour contons et bien informez de la yerité de toute Ihistoire, à fin quen peintures et tapis- series on ne fasse plus nulz abus, sinon (1) que lerreur inue- teree de Guy de la Colonne et de ceux qui lont ensuîuy, tant en rime comme en prose, lesquelz ie ne vueil pas nommer, Ysllent (2) mieux que ceste mienne œuure laborieuse et bien digérée. Âpres laquelle mise en lumière, sil y ha aucune chose transpassee par oubly ou par négligence, le troisième liure en fera la raison : par lequel ie monstreray la vraye origine des François, des Bretons, des Turcz : et de tout ce qui est possible dalleguer en ceste matière. Laquelle à proprement dire, nest sinon vne elucidation et clarification de plusieurs acteurs renommez : dont de ceux qui sont alléguez en ce second liure les noms sont cy douant mis et les œuures. A tant ie fais fin à ce second liure des Illustra- ttons de Gaule, et Singularitez de Troye : priant aux lec-

(1) o.-à-d. à moins qti6«

(2) imilleni (éd. 1516);

SUIGVLARITBS DB TROTB. UVEB II. 245

teurs et auditeurs, quilz ne prennent les choses sinon en bonne part, et excusent les fautes par beniuolence, auec- ques le bon poëte Virgile qui dit :

Non omnia ponumoi omnes.

De peu assez.

PROLOGYE DV TROISIEME LIVRE

DES ILLVSTRATIONS ET SINGVLARITEZ

DE FRANCE ORIENTALE ET OCCIDENTALE,

CESTADIRB DE GAVLB ET DE TROYE.

Dédié à trashaate, treschretienne et sacrée PrinceMe, madame Annei par la grâce de Dieu, deux fois Rojne de France, Duchesse de Bretaigne Armorique : Mbrcyrb iadis réputé Dieu d'Eloquence, et de bonne inuention, Salut et félicité tousiours prospérante en la vie présente et future. (1)

TlrgUiM lib. m. AwddM :

U%am/aci(m%i vtranque

Traiam atUmis : mmeat noitroi ea eura nepotn.

De r^ne «t Taotre Troye, Tne mesme fidacns : Et à ce nos nenenx don courage induisons.

Les rvines de Troye la grand, comme vne treslamen- table et trespiteuse Tragédie assez psclarcies, nettoyées et pnrgeees de tout erreur fabuleux, par le second liure pre-

(1) Dans rédition GeofEroy de Mamef, 1513, on trouTe le titre

248 ILLVSTRàTIOHS DB GAVLB, KT

cèdent de noz Illustrations , Rojne treschrestienne , et Princesse tresmagnanime, et ledit liure dédié, et présenté par ton treshumble Secrétaire» et Indiciaire lean le Maire de Belges, à la tresbenigne virginale excellence de la tienne treM^mee, et première fille de France, resplendis- sante au ciel des vertus humaines, comme la clere estoille matutine nommée Venus, laquelle précède le Soleil, et est par les Mariniers appellee Diane, et par les Labonreors et Pèlerins, lestoille loumalle, vraje et certaine prenondate- resse du ioar^ et le aeul espoir et souks de ceux qui hayent les ténèbres obscures de la nuict ennuyeuse. Restoit encores, Royne tresdebonnaire, ce troisième liure à par- faire, lequel estoit par moy reseraë de long temps, an ûùm tresauguste de ta hautesse Royale : comme à la Princesse qui dignement représentes au monde, la grand Déesse om«

saiTBiit, donné plas loin par Tëdition 1549 (J. de Tournai) : « Ls tiers liTre des liloitrations de Qaale et Singalaritei de Troje, inti- taie nouTellement de France Orientale et Occidentale, onqael prind- palement ast (est) comprinae an Traj la généalogie hittoriale dn treaaainct, treedigne et treechrestien Empereur Charles le grand : Père de Loys le débonnaire, premier de ce nom.

« Laquelle généalogie tant en ligne féminine comme masculine est dedoiote de père en fils depuis Francus fllz légitime Dhector de Troje jusques a Pépin le brief premier roj des Franooys en ceste généa- logie. Et n j a riens en ce liTre qui soit conunun es autres histoires de France et qui ne soit prouTe par raisons et allégations autentioques. Et le tout correspond au premier et au second livre des Illustrations. »

Et au dessous de la vignette, on lit encore : « Lecteurs et audi- teurs benivolentz, prenez le bien en gre et le gardes di^jure et <loul- traigs ootnme vous avez fkit les autres précédents de vostM bonne grâce. Bt lacteur tous en prie : aAn quil oongnoisse que la aaiidn francoise ne soit point ingrate de ses petis labeurs. Pour lesquels Aà#ttre an aét, il a besuoep veille et traveiUe. »

SONIf LARRR M TftOfl. LITA» UI. S48

nipotente tt céleste ivno qui se penlt interpréter irwàm OMim : esstsdire, aydant à ynchacan. Laquelle ptissanee et Terta privilégiée, est Tue chose presques diuine. Or est ladite Déesse hmo, & laquelle tu ee comparable, dame des trésors et richesses mondaines, dominateresse des Roy^ aomeset ssigneuries, maistresse et patrone des saintes alliances des loyaux mariages non corrompus ne yioles. A îcelle toutes nobles et belles Nymphes et chastes pucelles sont semantes et faumUes pedisseques. Et diodle les Paons, aux plumes dorées et Tersioolores, meinent le chariot enri** ehy de perles et de précieuses gemmes, par toute la région afirine, dont elle ha la domination. Elle seule peult ilesohnr la tresredoutable seuerité de lupiter Altitonant, le Roy des Dieu ! eestadire, seigneur des Princes. Et si est mère de la Denydeesse Hebe, Princesse de ieunesse, espouse du trespreuz Hercules, desia stellifié au ciel, par augure ou ^ipareDce demonstratiue, de fortitude et bonne destinée. Tu donques, saeree maiestë Reginale (en laquelle toutes oes démonstrations daflques conuiennent, par comparation telle que Ion pralt faire des choses terrestres aux célestes) mérites ky à bon droit, obtenir le lieu de la Déesse luno : quant à la consécration de ce troisième liure des Illustra- tions : comme celle qui es couronnée et diademee du grand trésor dhonneur et de bcmne fortune, compaigne de rertu, sur tontes les Deeeses : eestadire Princesses du monde. LaquéUa chose soit dite sans liniurs des autres. Oar à nulle autre nadnint onques de porter deux fois légitime- ment sur son chef, la couronne reginale de France. Or soit assez de ce propos, quant à la cause rendue de la dedication de ce labeur, fiut et adressé au nom de ta sou- uenine excellenee : lequel ie te prie Tculoir prendre en gré, selon ta clémence aocoustumee, eoiune la principal

i50 aLTSTRATKMIS M OATUB, KT

freÊBDt que iay encores fait aux dames : car les dent antres précédons, ne sont que les bourgeons et les fleurs : mais Toicy le fruit paruenu en maturité. est lescaille, et icy le nojau : droit 1& est la peinture, et cy dedens le vit : iUecques sont sans plus les deux prémices du syllo- gisme, mais Yoicy la conclusion. Venons ores aux deux Ters, qui sont couchez en la teste de ce prologue : lesquelz sont proferez par le poëte Virgile, au troisième liure de ses Eneïdes, en la personne du Prince Helenus, firere d'Hec- tor. Et est la substance desdits yers, que Helenus veult persuader à Eneas, que les deux Troyes on conioingne ensemble : cestadire, que les deux Peuples et nations sor- ties dun mesme tronc, on fiasse yne commune perpétuelle alliance. Or auoit Helenus auecques sa femme Ândromacha, T^fue d*Hector et de Pyrrhus fllz d'Achilles, desia édifiée et construite sa petite cité de Troye en Albanie : dont ea festoyant son beau frère Eneas, qui dauenture aborda iUec par mer, cherchant daller en Italie, congnoissant par les- prit de sa science de diuination, de laquelle il estoit le maistre et comme Prophète, que des successeurs dudit Eneas procederoient les Princes de lempire Romain, et les Royaumes des deux Bretaignes : cestasauoir, la grande et la petite, dont de la seconde tu es Royale dame et Duchesse. A çeste cause Helenus admonnestoit son beau frère Eneas, que de leurs deux maisons ilz eu feissent vne. Car aussi sauoit il bien, que de lùy et de sa femme Andromacha, et de son neueu Francus, filz d'Hector, descendroient les plus grans Princes du monde : lesquelz regneroient de ligne en ligne, par tout Orient et Occident. Et qui mouuoit Helenus, frère id*Hector, denhorter à ce ledit Eneas ? sinon la diuine inspiration, et lesprit de prophétie, dont il estoit doué, comme dessus est dit. Et quil congnoissoit par ioelle, com-

SIRGTURITBZ DE TROTB. JUTUI ni. 5KM

bien que Troye la grand en son édifice et structure ihst démolie, neantmoins son nom ne seroit iamais aboly de la mémoire des hommes : aingois tant plus deuiendroit le siècle Tieil, tant plus raioueniroit, et reflouriroit le refres- ehissement de la mémoire de Troye : car depuis la ruXue dioelle, elle fut restaurée en Asie, sur le lieu mesmes de sa première construction par les neueux d'Hector. Et au para- uant, elle estoit desia refondee en Egypte, sur le fleuue du Nil, par les exilez de Troye, qui se rebellèrent contre Menelaus et sa femme Heleine. Et en ce mesme temps, en Tne partie de Macedone, qui se dit maintenant Albanie : Bt depuis en plusieurs autres prouinces d'Europe : si comme en Italie, Hongrie, Allemaigne, Bretaigne : et les Gkiules Belgique, Celtique, et la tienne Ârmorique, Royne tresiUustre : comme il sera veu par ce liure. Voyla la rai- son qui mouuoit Helenus, frère d*Hector, de dire à Eneas la substance des vers dessus mentionnez : Faisons que noz deux maisons ne soient quune mesme chose. Ce qui aduint depuis : cestasauoir, du temps de FEmpereur Charles le grand, qui fut Roy des François Orientaux et Occidentaux : lesquelz sont du vray sang Troyen et Herculien, les parens du Roy treschrestien, duquel tu es compaigne : et les ances- tres et progeniteurs de ta propre maison mesmes. Par ainsi le dis et présuppose, que attendu quil nest rien souz le ciel qui autresfois ayt esté, qui ne puist estre derechef : iespere encores voir que ces deux maisons et nations de France Orientale et Occidentale, lesquelles vous nommez auiour- dliuy Hongres, Allemans, Lansquenets, dune part : Fran- çois et Bretons de lautre part, seront si vnies ensemble par bonne et prospère alliance, quelles iront par communs accords et voeuz refonder en Asie, cestadire Turquie, la grand cité de Troye : de laquelle se disent estre yssus les

su ILLfSTAATlOllS DE 6ATLB, IT

Taras : et les autres disent que non. Mais iasoif ce que de tout ce ie sache la pure vérité, comme celny qni estoit pré- sent au iugement des trois Déesses et à toutes les batailles de Troje, neantmoins ien laisseray la disputation i lean le Maire de Belges^ si ie cas eschet que quelque fois par le commandement de la magnanimité de ton cœur, il acheue son quatrième labeur des Illustrations de Grèce, et de Tur- quie. A tant tresohrestienne et tresheureuse sacrée Prin- eesse, qui peux estre moderateresse et moyenneresse du bien de la Paix vniuerselle, entre ces fortes et belliqueuses nations Troyennes et Herculiennes» et les autres alliées délies. Dieu te doint accomplir le thenme (1) et lintention de mon prologue.

(1) lajln (éd. 1528).

Fm DU PROLOGUB.

SneTLABITBI M TMOIB. uiic m. 95$

LBS NOMS DES ACTEVRS QVI SONS NOMMEZ, ET

ALLEQVEZ EN CE LIVRE.

' i '

I -il

yirgile, es Eneîdes.

Titos liains, en ses Décades.

Manethon d*Egjpte, en sa Chronique.

Frère Yincent de Beanuais, en son Miroir historial.

»

Strabo, en sa Cosmographie.

Yibios Seqnester, en la chronique Romaine.

Bocace, en la Oenealogie des Dieux.

Dictjs de C^ete, en Ibistoire de Troje.

Homère, en son Iliade.

Antoine Sabellicus, en sa chronique nommée Bnneades.

Maistre laques de Guise, en la chronique de Belges.

BerosuB de Chaldee, en ses Déflorations.

Hieremie, en ses Prophéties.

(hdde.

Messire Michel Riz, en sa chronique des Rojs de Naples.

Yn acteur ancien, dont on ne scait le nom.

Lncan, en sa Pharsalique.

Sidonius Apolinaris, euesque des Auuergnois.

Messire lean Rheuclin, en son liure intitulé de Yerbo mirifioo.

Seruius, commentateur de Yirgile.

Claudianus le poète, en ses œnures.

Saint Hierome.

Saint Remy.

Ifartialis, en ses Epigrammes,

164 SLLflfAATIOm M GAVLB, tT

Iiraeiialifl, en ses Satyres.

Flanius Vopiscus, en ses histoires et Tiet des Bmperean Romains.

Raphadl de Volaterre, en ses Conunentaires Yrteiiis.

Soetonios Tranqoillas, en Ihistoire des dooze Cesan .

PapA Pins, en la description d*Asie, qnon dit maittienafti Tur- quie.

Dares de Phrjgie, en Ihistoire de Troje .

Oesar, en ses Conunentaires de la guerre de Oaole.

Orosios, en ses Chroniques.

Lodus Plorus, en labregé des histoires Romaines.

Cornélius Taoitus Romain, en Ihistoire Germanique.

Plinius, en Ihistoire Naturelle.

Cassiodorus le Sénateur, en Ihistoire Tripertite.

Celius Calanus, en la vie du Roj Attila.

laques de Bergome, au Supplément des chroniques.

Massire Robert Gaguin, en la Chronique de France.

Blondus Flauius, au liure de linclination de TEmpire.

Va acteur nommé Ligurinus, es gestes de TEmpereur Federic, surnommé Barberousse.

Sigebertus, en sa Chronique. (1) Et nota que la meilleur part de ceste généalogie du saint Empereur et Rojr Charles la grand, est extraite dudit liure.

Assez dautres allégations j ha qui sont tirées des anciens Liures, Marbres, Inscriptions de vieux Epitaphes, dont Lactenr ne scait pas les noms de ceux qui les ont composez.

Appian Alexandrin, en la guerre Celtique, il dit : Que cinq cens cheuaux des Sicambriens, en repoulserent bien cbq mille de César. (2)

(1) L*éd. 1513 ajoute : « laquelle a nouvellement fait imprimer Tenerable et révérende personne, monseigneur le confesseur du roj. » Il s*agit de l'in-quarto de Paris, 1513, imprime par H. Estienne.

(2) L*édition 1513 porte : Appianus Alexandrinus Sophista, libro qui iulitulatur Celticus. a Sicambri quingentis equitibns qoioqoa mille Cesaris équités subito illis incombentes avertemnt. »

SIMTLAAITSZ M imOTB. LITBI U. 955

A Vénérable et singulier Orateur, monseigneur maistre .OtII- larme Crétin, trésorier du bois de Vinoennee, Chapellain ordinaire du Roj treschrestien Lojs douzième, lean le Maire de Belges, treshumble Indiciaire et Historiographe de la Royne, Salut et reuerence.

Nvl vice en ce monde mon adios), ô mon Treshonnorë précepteur, nest pins énorme et détestable enaers Diea et les hommes, que le péché dingratitude : comme celuy qui me semble estre le pied, le tronc et la racine de tous les autres. Car si le genre humain neust esté ingrat enaers la démence diuine, dont il ha receu tant de hauts bénéfices, iamais il ne fust tombé en la ruine pécheresse, dont sont maculez tous les filz d*Adam : ne iamais on ne feroit iniure à soy mesmes, comme font gens désespérez, qui souillent leurs mains en leur propre sang. Ne aussi on ne mefferoit à autruy, ains vseroit chacun de la Tortu de gratitude : cestadire de rendre grâces des biensfaîts quon ha receu de Dieu premièrement, de ses parens, de ses maistres, de ses voisins et prochains. A ceste cause, mon Vénérable précep- teur et maistre en Rhétorique Françoise, À fin que ie ne soye noté du vice dessusdit, ie te fais présent de la lecture du troisième liure des Illustrations de France Orientale et Occidentale : comme À celuy, qui es et peux estre deffen- seur et protecteur de ce mien labeur. Et comme À celuy derechef, qui as esté la cause première, que ie me suis enhardy et entremeslé de mettre la main à escrire en ceste nostre langue Françoise et Gallicane. Car (si bien il en souoient à ta debonnaireté) passant par ville Franche en

Beauieulois» tu me donnas encouragement de mettre la main à la plome, et de clerc de finances, que iestoye pour lors, en laage de vingt et cinq ans au seruice du Roy, et de mbnsei^eur le 1)on Duc, Pierre de Bourbon, ie deuins SQuâidn enclin à lart oratoire, au moyen de la tienne per- suasion (ce que ie creuz de léger) à cause de lestimation que iauoye de ta doctrine et vertu^ et de la réputation que ien euz presentialement, et parauant ouy £ure reallement, et de propre audience, à feu de bonne mémoire Monsieur maiatre lean Molinet, mon pradeoesseor et parent : comme teluy qui ne faisoit 4uitre estime de k tienne indwtrie, 4HI&QQ telle que du prinoe et principal maistre des Orateum et Poëtes de la langue Françoise, et€(da soit dit sans iaiiure des auti*es, ^ sans flaterie. Car le personnage (dent ta biiii«(denoe ka aymé lindostne en son ▼iuant, ^ tu la «aune) tenoit vn graad oonte des tiennes «eserituree. Or 4onques, Treacler précepteur, ie prie à ta courtoûôe «natit- reUe et Françoise, que veu M entendu que tout td que ie suis en nostre langue moderne, ta bonté me defiende con- tre les d^racteurs (si aucuns en y ha, ce que ie ne croy pas)« car ie ne fus iamais maliuolent à homme de Franœ, posé ores que ie nen soye natif : et mes œuiires preeedentes declairent assee laffiactiiHi que iay eue touaiours an bien publique de la nation Françoise : ai cornsM les deux liures précédents des Illustrations : La légende (tes Vénitiens, qi&e ie leis, pour monstrer la bonne quereleque le Roy a«oit cen- tre ladite popularité tyrannique : pareillement la 'différence des Schismes et Conciles, à cause de donner À^ntendre, que le Pape auoit tort de laire la guerre. (1) Toutes lesquelles

(1) Ici s'arrdte le texte de la lettre dans Pédition Regnaolt 15S8. L*4âitio& 1513 a le texte oomplet.

SIHGnJkRITBZ DB nOTK. LITRE m. 257

œaures sont eschappees des boutiques des imprimeurs, tant i Lyon, comme à Paris, assez mal corrigées. Car à peine sauroit on garder les compositeurs de leurs incorrections (quelque diligence quon y fasse) mais les fautes soient im- putées À eux. Et pensent les lecteurs et auditeurs que ce ne Tient point du vice de Lacteur qui leur donne bons et Trays exemplaires. Toutesuoyes il me semble que ce pré- sent troisième liure est imprimé assez feablement par Maistre Raoul Gousturier, et digne assez destre tou et leu et prisé, comme la fSsK^n de lun des disciples de ta déno- mination. Et quand il plaira à ta bénignité &ire ouuerture des tiennes nobles œuures, et icelles publier par impres- sion, on congnoitra facilement que tout ce peu que iay de grâce et de félicité en ce langage, vient de ta discipline : à laquelle ie suis tenu, toute ma vie. Et comme i tel, cesta- sauoir, à mon iuge, et à mon arbitre, iadresse ce présent Prologue, et la veiie et récognition de toute lœuure, ten- dant aux fins de persuader aux treshauts Princes de Chrestienté, quilz sont afSns et alliez ensemble de toute ancienne origine, de la noblesse de Troye. Et à ceste cause idoines et capables de recouurer par leur inestimable puis- sance et vertu, leur ancien héritage, des règnes de Priam, sur la nation Turque, qui lusurpe sans droit. Ce que les- dits seigneurs extraits dun mesme sang pourroient bien &ire : pourueu quilz fussent vnis par concordance finale, comme autresfois ilz ont esté. Ce que Dieu nous doint graoe de voir en brief : et à eux Ihonneur et le triomphe, dune si tresglorieuse victoire.

De pen assez.

II. 17

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LE TROISIEME LIVRE

^DBS ILLUSTRATIONS' DB GAVLB- ET SINGVLARITEZ DB TROYB,

mTomà nëfrauMtsm, va ntANoa (OtamàSM

n OOOIMNTALB :

oqual pariacipaleméat ait oomprinie aa yray U Oenaalogie UMpiiale da tresiaint, tresdigae^ et treflchratiaii Bmparrar GbariM le graod, père de Lojb le débfoniuûre, pMmiec dejOP nom. Laquelle G^nealoigie tant en jUgne féminine comme masooline est déduite de père en flls : depuis Pranouii, flls Ifjgi- time d*Heotor de Troje, iaaqaee à Pépin le Brief» premier Rot dee Frangoie. en cette âenealogie. (1)

^«•^

de ce liore en troie parties.

Ce présent troiaieme linre dea Illaatrationa de France Orientale et Occidentale ae dioiaera en troia partiea, ou traites. An premier aéra yen, comment lancienne nobleaaa des Troyena» aprep la deatmctîoA de Troye, Tint habiter en Europe : dont forent procréez les peaples des Françoia

(1) L*édition 1613 n*a ici que la dMieaœ « à Ihonaenr immortel ^e trea haolte, trae chraitienne et sacrée prinossse Madame Anne jMtr la grsce de Diea deax fois royne de France et Dochesse heredi- ^sdre de Bretaigne. »

S60 1LLTSTRATI0II8 DK 6AVLI, BT

Orientaux et Occidentaux, Sicambriens et Germains, Gim- bres, Teutoniques, Ambrons, Austrasiens : et autres na- tions, descendues de Francus, fllz d*Hector : et de leurs gestes, iusques au Duc Austrasius, qui premièrement donna le nom au Rôjlduiiè; à'hsmb^fil^: oU fi'AiM^che la basse. Au second traité sera déduite la Généalogie des alliances du mvigi^Jf»nm, deBoiurgoigaOk et d'AitftriolieMbiMe : et comment f^i^ Airept piwV^WBHiiiit ^onduttps et meslees, iusques. a^rf^aringe. 4a! saîntt y^UtUdti. «ttl 4i^ ftagr Clo- taire, auecques Anselb^rt^ M Senatfnr de Romme : de la- quelle sainte lignée descendirent les Pépins, proayeul, ^ebl) iet'p«#ev«ki i3iMKligaé«B^ Olwalim le yanii M «RMeÉie (MrîM ^éA'feottltiâuW Mt^GeUMldJ^è festeftitt», lil- «anèd«i'^«on SM 'Wfàiifoùs tetettkfitHi : )i^tuëft i t%ii)pe- ¥aiH^t;iuft^lU'ré l^U : ^ilt tut ttdùltf^\ie "alSàr^ et de

tetrtèkle^fes nàtldii^ OôtJiaôAttttes. ' ;:^^'; '

^"^f Wmmenceroots nous t^i gHdoiàe e^ mèrueilteusè an- tiqmté du nom des Pôpins, extraits du sang Herculien : qui régnèrent en Asie la mineur, quon dit maintenant Tur- quie, auant les faits de Troye, et durant iceux en Italie, et depuis en lune et en lautre contrée : et principalement par toute nostre Eut^ope, qui 'èsft la Woihdi^; iSiiâh la plus noble partie du monde, mesmement quant au &it des armes et à la fdelîlë lé^lisè^RoAtâne : et dèmtt^e iûS^é tfeâncs ^ùiKStii bHEis'i', ^ sa ti^sil^orîeusô ^eté : ausquéli fe plKa '<|ue ïàô^ Itltmt *p\iim ëèltté agréable, et boUi9e(j[tidmfi[iènt à tbto toblès leëtéiM à afbJâtëuM de tim.

SOMIfLAtÎTIZ M TM9I. UfU m. 9fit

le iHmi dat Pépiai eet le ploe mutile de tow ceos da attig Jn gffftsd Herenlei de Libje : leefeeh apne ladit H«wal«i p«l. mgpé ea Qeoii» 90 e ^ Pranoe.

«De leivs lêB momB det P1ÛO68 qiii MpiA piitn^ MUM de FraiMM» jffisaz et pvocreei de la lignée Hevm^ liflÉstie et TroyeiàBé^ Pepim après le£t Bercuks est. le;prfr- flrier et le pies aati^ue. Cav iasoit oe que Pharaoioiid.fiiat le premier R07 des Fraatoie qui yindsent eonquerir fia«ldi sur les RomaiiiSt et qoil fust yssu du mesme sang Troyen» François, Sicambrien, et pour mieux dire, Herculien, si ne tfemie en point par escrit autentique» que Moon rda ces eneeetree eust nom Pharamond. Bt pour que, es généa- logies des Princes, les noms sont de grand efficace et con- tinuation, iestime que le nom des Pépins seruira beaucoup ftia elarââcation de ce troisième liure. St ce que ie dif , ie le fueil proouer par la déduction des généalogies, de Berot ■» de Ghaldee : auqud il &ut adiouster foy, et y auoin lacoufB ea ce cas : auecques rememoratioQ nécessaire du sang da grand Hercules de Libye, dixième Roy de Gi^ple ; dont est fiûte ample osention au premier Uure de cen lUus-*

BiiD sonmies nous records, que le grand QerovJes de Ulbje est de sa femme Oalatee la belle geande ^nHîU. niGiim Gkdatas : qui donna son nom à la nation OeUioane.lSt dune autre dame nommée Araxa, la ieune Royne de $cyt)M(9 qoon dit ores Tartarie, il eut yn autre fils nommé Tu^cus ; duquel porte encores le nom la prouinee et la langue Toee oaaa en Italie : dont Florence est la principale. Qr di^ maintemunt à nostre pr^^ ledit wteer Beroims, qqe dunfi autre dame nommée Omphale, le grand Hercules eut vn

•I

iLLtMriukffioMr DB Oâiru, «t

tiers filz nommé Âtho lancien, lequel régna en Âaie la Biinenr quon dit maintenant Turquie : et mesmas en la contrée depuis fut fondée Troye par Dardanus* extrait du sang de Tuscus, filz d*Hercule8 et d'Araza. Par ainsi voyons nous que dun mesme temps r^noient les hoirs d'Hereales en Oanle^ quon dit maintenant France, en Asie la moindre, quon dit ores Turquie, et oultreplus en Italie. Bt dudit Atho descendit m Prince nottuné P^in Prisque : Cestadire le premier et lancien» & la différence du ieune, second de ce nom, qui régna depuis en Italie,

De Pépin Prisqie, premier de oe aom, ea eeiAe OeMtlogie : el de •on aiz AUio le ieosev lequel denna ou eeebanga k Dardaaas U territoire depoie il edifls la grand cité de Troje,

' Pépin Prisque descendant de la tresnoble lignée dn grand Hercules de Libye, et non pas du petit Hercules Orec com- ttie il est dit au premier liure de ces Illustrations, eut vn fibs nommé Atho le ieune, à la différence du premier. Bt du mesme temps que lasius lanigena regnoit en Qanle et en Italie, aussi regnoit Atho le ieune, son parent, en yne prouince d*Asie la mineur, nommée Meonie. Si aduint lors tpie Dardanus, frère de lasius, eut différent auecques sondit frère : à cause du partage des seigneuries de leur père, lupiter Camboblascon. Et tant y fut procédé, que Dardanus tua son frère aisnë le Roy lasius, estant aux baingz de Viterbe. Lequel forfait perpétré il senfuyt par mer en Grèce, craignant la fureur du peuple : et se sauua en lisle de Samos : iouxte ce que dit Virgile au septième des End- des : en la personne du Roy Buander parlant à Bneas :

SIMfIjaUTII DB TBOYB. UTAB Ul. 96S

AlqiM «quideiii BMmiai (fSum est obtoorior aiiyiiM) j^nruncos ita ferre eenee : hit orto» Yt agrii Dardanua, Idiaaa Phrjgi» penetraait ad Trbee : Threlciamqae Samoa, qa» nanc Samothrada fertor.

Quand Dardanns eut demooré aucun temps en Me de Samos, laquelle il trouua déserte, comme elle est de pré- sent, soûz les mains du Turc : et quil eust icelle cultiuee et rendue habitable auecques ses gens par manière de pas- setemps, et en attente et espoir tousiours de fiure son ap- pointement auecques ses parents et les subietz de son frère quil auoit tué, et retourner en Italie et en Gaule, pour r^^er en icelles, comme auoit fait son frère lasius : il ne peut obqueB impetrer ceste grâce, tant estoit lors le monde iuste et auoit horreur de leffusion du sang humain, mesme- ment pour lenormitë du cas quil auoit perpétré en la per- sonne de son frère. Alors voyant quil ny auoit remède de fidre sa paiic, il chercha autre party, et tira en la terre ferme d*Asie la mineur, quon dit maintenant Turquie. Si trouua manière de changer le droit quil auoit au Royaume d*Italie, à vue portion de terre estant du tenement de sondit parent Atho, i loccasion et en la manière qui sensuit (ce que nous répéterons légèrement pouree quil est plus ample- ment (1) au premier liure).

Ledit Atho le ieune, fllz de Pépin Prisque, repliant en la prouince de Meonie, auoit deux en&ns masles, lun nom- mé Lydus, et lautre Turrhenus. Et pouree quil estoit chargé du (2) peuple, et y auoit pour lors stérilité et famine en sa terre, Dardanus son parent et voisin ce sachant, se

tira vers luy, et feit tant que ledit Atho ietta sort sur ses

(1) Vèà. 1528 ajMte déOairé.

(2) (éd. 1513).

deux en&ns, laqad des deux denoararoit hmtMT'de son pals, à fin que lantre allast cherdier nonnelleB terres pour 7 hminter. Le sort ietté, Iheritage dn père, qni lors se nom- moit la proninoe de Meonie, demonra à Lydns, qui depuis lit nomma Ljdie de son nom. Bt lors Dardaniis .ftltpiMït anacqnes son cousin Atho, quil remettroit tout le droit quil aooit an Rojaume de Toscane et dltalie» & Turrbenus» lequel par lanenture du sort estoit contraint et condamné daller chercher nouuelles terres : pourueu, et moyennant ce que ledit Âtho donnast À Dardanus vne portion de sa terre, en laquelle luy et son peuple poussent viure et habi- ter, et illec édifier villes, chasteaux et citez, pour leur seu- retô. Ces conuenances accordées, Dardanus laissa. Ijsle de Samos, qui est lune des CjçladeSt en la mer de TArçhipel, et alla demourer en Asie la mineur, quon dit maintenant Turquie, et en la contrée qui luy fut limitée p^ AthOt la- quelle depuis il nomma de son nom Dardimie, et depuis par ses successeurs fut appellee Ilion et Troye : la situa- tion de laquelle est amplement descrite au premier liure de ces Illustrations.

Adonc Turrbenus (1) print vn grand nombre de peuple, que son père luy donna, de lun et de lautre sexe, et vint habiter en Italie, il fut receu en Roy de Toscane : plus pource quil estoit du sang du grand Hercules de Libye, et que luy et ses prédécesseurs auoient tousiours vescu inno- oentement, cestadire sans efiusion de sang et sans oulteige, que (2) souz le tiltre de la résignation à luy faite par Dar- danus. Toutesuoyes, lune et lautre cause luy seruirent de couleur et de faueur. Si régna Turrhenus en Italie, par

(1) Thurrenus de loutre (èé. 1513).

(2) o.-4-d. rien que.

samnjÊmM m nmm.'iunm m. MB

gnmd' fendt*. Bt d^ hiy^ primât '4«iM»(iiistidii.iia iner TyrriMoa» en laquelle fK)Dt titie^i les islet CSonsi ei de SardtîglEM», llaiorique et MiiumqM) qaon dtaoit ueiéBB^ nirât Bali9aree. (l)Bi'deiMiste mer dit Vipgi^ delà Dèêeee luno, pârlâ&tà N^tmiA 0i4u de nfr^- i .

... Geni iwidee niki; T^bfMm JMtt^ , : i

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I f •• I 1 V . ' ' ■•■II.. ":'•■.... .

Ui}iiel régnait en ItaliS;, da wmme tempi. qiia PriM^cns, Àl^ d'Hec- tor, Tint habiter en Gaule. ' . ' ' '

Tjrrrl^ènys régnant en Italie, et I^àr^nas en là'téité'de Dardanie, qui depuis fut apellee Troye, par commutation de prouinces et sans îmmutation de sang : Allobroi de mesme lignée regnoit en Gaule : duquel ÂUobrox fltirent iadis dénommez les peuples quon dit maintenant l)àutphi- nois, Piemontois, Sauoyens : auec vne partie de Bour- gongne, comme plus à plein est dit au premier liure. Et dudit Tyrrhenus, filz d'Âtho le ieune, qui fut filz de Pépin Prisque, descendit par succession de temps, Pépin le ieune, second de ce nom, lequel fut filz de Bianor : qui fonda vne dté nommée de son nom au pied des Alpes de Boulbngne : maintenant ce nèst quune petite Ville nommée rùlgairement Planore, sur le grand chemin de Romme. Si iregna ledit Pépin le ieune en Toscane par lespace de cinquante deux ans : et fut le siège de son Royaume à Yiterbe. Bt ce nom fht nommée vne partie de Toscane Pepinienne (2) : dont Titus Liuius fait mention es liistoires Romaines.

(1) Belaireê (éd. 1513). (g) PfpMenm (M. 1613).

Par «im appert qseladit wnmim mOImm «ntiqmté, 08 (pHeweâd pbt flwiiliMtnt. Et tout aiati^QMUBe las TfgMftt las Tigoaa las raisios, al las nàmm la quaUa >praeiaaia Uqnmr, la maîastA dîiiiiia€Bt aaeriflcai quotidiois : aussi pareillaflMnt las Pepns prodoit les Rojs et aaqparsim Charias at Lofs : las bians bits sont innamotibles, tant ma anuars la monde. Donques si les P^ins êùûtyéiM da grand Hereoles de Libye : et dndit grand Hareolês les Oanlois, troyens, François, SicamlirieDs, Ger- mains, Italiens et Romains : conseqnemment diœox Ttojbbs font extraits les plus récents Pépins, anecqnes leur lignée. Laquelle ha este regnateresse et moderateresse de tontes ]es4Ues nations : comme sera déduit amplement en œ troî- siama liure.

hp temps que ledit Pépin commença À régner en edie partie d'Italie quon dit maintenant Toscane, comme il est oler par les escrits de Bfanethon d'Egypte, historien tresan- cien, fut après la destruction de Troye Lxxn. ans. Et après que Francus fllz d*Hector auoit desia commence À r^ner sur les Celtes, cestadire sur la nation Gallicane, Françoise et Germaine lxii. ans. Car ledit Francus commença À re» gner en Gaule lan huitième après la destruction de Troye, oestasauoir lannee prochaine après que Âscanius son parent, flle d*Eneas et de Creusa, fille du Roy Priam, commença à dominer sur les Latins en Italie. Mais à fin que les curieux lecteurs soient mieux contons de ceste partie, iay mis icy les propres mots de nostredit acteur Manethon d'Egypte : lequel poursuiuit Ihistoire de Berosus de Chaldee :

Anno Djnattiat DiapolitAooram primo, Trois •aenMt ftdt :. et anno

siMfLàUfii M noTi. umu lU.

: Unià^ AfBM* T^nit àd ItaUam^ ad Latiomii, et EMdidnuBi et Tnr-

rlMiMM, aie. Aaso aeptimo, Aaoaniaa l<atini8 imparat» Aano Taré Mqaente Taoteas AasTriis. Et pôft Francat Caltia ax Hectoria filua^ atc. Aimo quadragaaimo qainto Djnasti», ragnanit Latmli Aéiiaaa Byl* fut, ate. . . 'i:-

Tbadi iiapent Pipinoa, annia qamqiiagmta dHobut,

•- ■....»?

.;.. 1 Da Franena, fila d'Hactor de Troja. Laquai ^^Fraiv^ua ftit Boj ^ ^

Ganla Caltiqna. Et qaalz princaa da aon sang racolant an Eoropa,

quand il y arrina : maamamant da Roy Rhamoa qni fonda la dta

da Rhaima an Champaigna : at da Bano^ obadn garinain t^rtâm,

lêqaal dominait daalôrs aar ma partia da Ganla Bblgiqna. '

PoVr mieax darifler ceste matière, il nous &Qt anoir en recordation la substance des liures précédons. Cestasanoir qne an mesmes temps que Priam regnoit à Troye, aussi regnoit en Gaule, quon dit maintenant France, vn Prince nommé Rhemus extrait de la mesme lignée du grand Her- cules de Libye. Lequel Rhemus fonda la cite de Rheims, m Champaigne, en laquelle les tresehrestiens Roys de France prennent leurs couronnes en haute et solennelle oerimonie, et y sont oincts et consacrez par graee céleste et diuine.

Or fut ledit Rhemus, fllz de Namnes, qui fonda Nantes en Bretaigne, du temps de Laomedon, et du petit Hercules Grec, qui desroba Troye, et emmena Hesionne, soeur de Priam, en seruage, dont sensuiuit finale ruine et des- truction de Troye, faite à cause du rauitsement d*Heleine, conune bien amplement est déduit au second Hure de œs Illustrations. Ainsi appert clerement, que par vn merueil- leux cas &tal, Nantes en Bretaigne fat fondée du t«np8 de

la nÉlto ée Tr^je, Itit» p«r le petit Heradet Grée : et Kbeiiiis en Champaigne, qui est vne proainoe de France : enniron le tempe» que tonte la force de Oreoe eaesembla, poor deetruire la grand cité de Troje. Si semble que par la treaaMweilUnie prooidence dinine» il fat déterminé et èMrtIé que le tresnoble sang Troyen, on pour mieux dire HetmUea» laissart ïm twrai donltremer, peor aa venir eeatoindre aaecqnee sesaffins et parents, du sang du grand HereaWa de Libjre» qni poor lors padflquement regnoient il iMriaeoiittt en ceste nostre Europe:

Àa leoip» delà finale destruction de'Troye, le Roy MÉMitie> fimiatear de Rhàms en Champaigne, pQuuoit aiMir r#^ aar la nation de Qanle» eoniron trente ans, e^aïae il eet âurile à caeLtlir* par la calculation de Ihis- latra da aiMtra acteur Manethon d*6|^te. £t b^it ans a|NPea» oomme dassus est dit, Françus fila d'Hector, çomr MMMI^^ 4 reytner sur lea Gaales Celtiques, Si fidt 4 coniec? (aier q^ i>i ne Ait paa sans le coasentement du Spy Rt^e^ aiaii eM attn. Kt pour confermer caste opinion vrayaem-. hlabte% il aou» f^ut ODnfaroater et appliquer ioy lautorité ^ fWmr^ Vittoeat de Beauuais» historien tresai^tai^tique. Uniael du exi^r^Nsieaient en son Miroir historial» que Fran* «MMi un Kmmngtt tiU d^Hector, i canse de la grandeur de vHmraiM» ^i >r^u qui «^loit «n luy, fut tant aymé du B^j des UelleAt qukl Ih> dv>uaa sa tille en mariage. Et ce récits le iHiMiiHaatateur de Manelh^ d'Egypte, homme de grand IlliMNituiH»» et auquel La nation Françoise est beaucoup (eHM^i A vau^e vie see labeurs et diligences» quil nous ha corn* Mail4qM«k». de laquelle communication faisant & la chose lial^Uque |HMr mieux hoanorer les Princes, ie mose bien vaalei'naiiit arr^^ianoe auoir este le premier inuenteur, quand hMi reMuaH^ lee umaiea dudit wmmentatenr à Eomme.

m.

*

"^Ul f99rreiiC«eikAlërA Mom%)4«it j mmilinipugiiififut iBÉtuidittiMi m DûBlM iàibeirew «v bmé ffiboBs niNrii; ^ l^ùamÊm itït fLaf ààà CébbÊm,Mhd:mBg^^ àéi^^ en nombre, après Samothoi^ irripfteimir Jtogr^ labibiidfaiit #and«aM4é âkaariNrasi sari* flêawfé*Vnoes^"^uîfib[dit 'mM^ffêèmû'Ecfogtim Or anoîM rneliBoâa^fiÉelldariiliiifSi dÎBiHé ]a 4«dr CeàliqtM n fertroiteoMMt;' taéUsrM^ipMè "fioint miltp» Ufiîn*. Si «et ieetoMojeè clHm;tiirtaîlie^'q!iè ineiMidè SmMbrelfat fcxldeeibien lanaD^watre^toiRte: 4tt^ que Ftenetis^ls d'fleQtor^ y «établit son nege Sojali 4toBUBMt àam peaooit it n^poM anr ila Gaialaf GeUâfoeit Jl ^ iVBi^nd "vn noble «cèen^^ J9trabov «a. pnmàm Irarè da îmi '€kQtogra]^riev^'qae «alen Iqpîâion Aet éwienB Oreee^ -toatae j^ neUee ittathme iS^ptentnmale» >faî '^ar eMoînat lÉmiw fasoevgoiM», ite Itoe noiiNaeient^SogrliMa^ qnto «o«b

lÉipûs ^aMK 4es eomit àttookieflMait^eongMia, tes aecr- lewMit Geltee» eestkdfreiioldcte^ ànanM^^éieiùr hmte^KeÉé- rositë, et grandesse de cœur. ^Diepuie ^eUlsonny mpMi 4é6 •awetrartêûit èongnaee; ^ fas distingMveDt <de fdifbMlices 4ib ndmÉ, «t «etanèrent 'Max "dtè éener» Ttoiâtm^im iàastm ÂlieniaigMK iGMtoa($ythni r'^t^eenx du wili4^dbâ- 4eiitvt 4es 'E^MigiM, OeMbera^ ^qoi^ «Axtièe tleaKei^ %enf0iv Ifttis A eeut'^iii amt eatPaéeaaty.^oÉfmliidîaaiciplaB iiebles, eM defMWé'iainpleiketit le nom'de8<M«M^ i|«i dé- 'fafaiise inominerent (hmloii» «t aafeditenatit Frati^é 4t Toioy les mcrts dadit aciwttr, 'qui ne sont pas de petHe

aftinidy disant ainsi, en son quatrième linre : Umimênu QàUoi à Cfrmeis, Oeltas appeUatos cpimar^ oh eofmm déh ritêt9m. Et quant eet au nom des Scyfhes, il est dMiooré à ceux de Tartane, dont sont procédez les Tores, éeeqfodx sera nostre propos prindpal en quelque autre liure, ml plaît a«x>PriM«ii Car lesdits TuroE se Tanisntestre jmaz des !Xi«jen8. Bt finre Vineent de BeaunaiSi treonoble liktxKMB, 4tt>qiiils sont JBSU2 de Tureus, flk d6>TroIhi8, ea liqiieUs Aputation ha tresample matière, î'nliais' poikr reMnir & nostre propos des Oaides, iadis •]npeUei Celtes et Germains : m aetenr fort anlifiie qie iiy reeouuré A Romme, nommé Vibioe SeqUester, en son linre des fleuuest des montaignes, et des nattons iadis nUettes à lempire Romain, il met la nationi Oallioane, oentsDue en seize prouinoes, entre lesquelles.il oontela £lérmanie haute et basse, en lordre qui sensuit : Vimmm is<#« Narèonefuiê prima^ Na/rlHmmuis secmuUt : AfwUë miëprimat Ajuitoi^ia êicunia : Nauempapukmt^ Alpes mêritimm^ Bél§iea prima, in q%a ett Treuêris : JfelgiM ucmkia^ i% fU€ ut transHus ad Britamniam : Oermamia prima, supra Bkmum : Chrmania secunia, titra JMe- 4imm : Lugiunensis prima, LugiiunMsis secunda, supar Ocêomum : Lugd/unmsii tertia, supra Smumiam : Masrima Ssfuamrwm, Alpes grmee.

Ainsi appert, que les anciens Grecz et Romains, corn- -prévoient souz le nom des Cdtes et des Gaules, toutes lés AUemaignes. Et que le nom de Germanie, qui ores les eepave et (Sait la differenee entre Allemaigne et Franee, >Mst point fort antique, ains Tint du temps des Romains, et .de lolius Gesar, comme met le oommentateur de Barosas de Chaldee : aUegant Cornélius Tacitus, qui fut du temps des premiers Césars. Et Strabo le conforme au sixième

SDWfUJOTB M TMn« UfBB ni. 171

liure de sa Géographie, diaunt que las Romamt, donoarant le nom anx Qermains, ponroe qoils sembloient aatve frères des Gaulois, et aaoient presqaes vna mesme sorte da Tiare* Et las mots dadit acteur Strabo sont tels : StoHm, ifkwr repanem inm Skenum ai ortnm perfmU&m^ Gêrmam edumt^ natianem GaUicam pamlisper imitâmteiz ttfmè^ iii àbuniantia^ et proeeritate eorp&rum^ et colore Jtauo^ Mm relijuis in rébus et forma^ et moribus, et viuenii ritiàuê pares emOant, fuales Oattos dimwims. Idso JBo^ manU hoe iUis nomen iure indiéUsse mihi vuktUwr : po- fUdie eosfiatres kgitimos Oallis elojui voluerint. Zegi- timi nampio fiaires^ Somam sermons^ Oeirwuu^ intelU'

Par tontes ces choses U est dar, qna la nation des Celtes et des Gaolois, qui depuis ont esté appeliez François, Orientaux et Occidentaux, estoit vue mesme chose, mesme- ment du temps de Charles le Grande et Roy de toutes les deux Franoes. Donques pour reuenir au propos de Francus, fllz d*Hector de Troje et chef de toutes ces nations, les choses dessodites entendues et présupposées, on ne peult nier que ledit Francus ne regnast sur les Celtes, si oeluy qui lit on qui escoute nest bien ignorant Car qui ignore les termes, il est. nécessaire quil ne sache i qupj tendit les conclusions qui sont telles : çestasauoir, que Francus fllz d*Hector, domina sur les Celtes qui depuis ont esté dits Gaulois, par les Grecz nommez Galates, et depuis François^et Germains. Et de la posteritâ dudit Francus, amt jssnes les. plpsnoUes notions du monde. Desquelles aéra deduitçf.U généalogie et leagestes en brief, par la pro- gression de ce présent JUure.^.MosmemeQt sera Yen comin^nt lesdites deux nations d'Âllemaigne et de Gaule, ont pour le plus du temps esté coniointes et alliées ensemble» comme

èéàixinimlm ^uttm^ sbéb. fptnà djfficnUé. iHfia «oand eUoi «nt esté w&fÊonm^ et ^im<tmms» awt tamis à part, fm JQippttUBfcouflt kardi lnùtn. éûmBê sMt: point vouum à^knni Intaritoas^ faoitomartt. Gir ^lUm dMuc oijwnhlit Ifc pi» ftiit JDirwdm mmdt^

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illiNolH< Mt kjf MiNNkti A ioèoMftvdMinidiottDiBi de oortt hM^M.

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" '^-fincô^s poomt Are aueim ItâU», ou dàtrtfd iDrtîMii, trop eAtiiistCz; smipttlettt etfaehdtit, eottude il en eirt âsMn, ^ euident estre maistres des histoires, et abasent eux Ift tai ittltreB p!àir ^tiê^que àSbétioii cc^Aitrairè ^ liApeMitiiNite : et *4(iii'|nï' inid^ ttsuUent obbmlimr ' la iiobhMè de mstre vàttïH : qttë (boittme tii!ni leiiit tonirsiSidear) il tteiMiIreimb pdiàt pà^ lès (ièWtréi dlSbitterè, ÎJMi^ éés'j^Mles; leq[ttH disÉ«!^'t sSàttiiplëfiitôt ^'^i);^ IMfé, q«re le^^rilM nbctbl^ 'eÛÉ^ atitre ' uiz ïegltiiûià' ^e sa ' Téttitnè ' AttftMÉMielia, kM' -Astysttiar, atftrcfftïeiït'tioiûiittS'StafttiBfûal^^ fhi tien Û9. ië(diiB/Sc8ifimnder, qui pas»ô$t paMy lAré^. Leicftiel -ttfM ittU^le^'ruïms de Trôye fût par his Qtwt lètté dune 'hatM tour en bas/à jSn iijjûilKîe di9txîoufa:alt tmcuii hbkriiitMe 4e 1& semence d'Heetbi*,^ de la tuort dudft Ajrtj^max.Se&eqfw iia composii 'v^e iltteablefl) Tnageftie. PsMilleiliêMft ^distet les ^esysnomme^ tidueMdres, ^tre fesqtnflz ie rtieil ree^ p<mftpe/à Itfiuure d!e mess&iB Mitâiel fUft TfeapeHtsftn, quH fHBL làtttdifi, taUidgé fie riùstoire ètt Itoys <iqÎ iemt possédé Naplo), iasoit œ que autrement il ^ liomiM ^m ^MOb bïqp^e et literatore : que eonibien que Anaxieraites, q«î

<1) ><i..à-4. pstUUqM.

samwLàMWËH m tiora. unrub m. STB

eiorimt las Argdiques, et EnripidaB, conqKMntâHr de Tra> gedieSy tona deux poëtes Orecz, attribuent plusieurs ImmH' tards à Hector, quil engendra en diuerses concubines, comme eatoit lusage des Princes dadonques : toutesuoyes nen somment ilz aucun du nom de Ffraneus, dont nour fai- sons si ample mention. Comme si par ce il'vouloit inférer et conclure tacitement, que sans aucun fondement de vérité, et par ambition de ▼aine gloire, la nation FranQoise se aMriboaet ceato preenâneaûs, que destre ppecfe^ di sang du tresprettz Sector, extrait du grand Hercries de Libye, et de ses sueceeseurs, les meilleurs preudhommes q«i tmques fcopent, comme est biMi amj^ement preuué, au pr6* ttier liufe. A quoj ie respons ain^ en peu de paroles.

PMatM^ment aux obieetioas dernieres^ des deux poètes flfeee Suripides et Anaxio^ates , ie dis quilz ne ftunent peint du traips de Troye. Mais puis que ores ik confessent que fieetor eut des en&ns dautres femmes que de miuiage légitime, si ne taSi pas pourtant à mespriser tel lig^aage, rfns est grand gloire. Car Sdomon, fllz de Dauid, iasoit ce qpSÏ fut eoneeu en adultère, qui pis yaut qtte concubinage^ neet pas à seietter de la Généalogie de cbsus CHRi9r. DairiM part si le poète Homère ne nomme aucun flk legiti«e dTHeotor et d*AsdiHMnacha, fors AstyffiQax, autrement <tit Scamandrius, lequ^ récent mort par le commandement des Oieox, si ne faut il pas conclure pourtant par oeste auto- rité, ^«1 ny eust autre fils légitime : car il eet suspeèt en ee eas, eomme trop fituoraMe aux Grecs. Si feut auoir reedurs A la Traye lûstoire, qui confondra toutes les oppo- sitions et argumentaftions friudes et maliuoles des contredi- sans. Et fost ee ores de Pi^ Pie, lequdi m la description de son Asie, semble estre malcontent de ce que les Fran- çois et Bretons se renomment estne ysnz 4es Ttoyens :

11. 18

174 ILLYftTRATIOllS M GAfLB» ST

et dit, que noUes gons nen ont certaineté, mnon les B^ mains.

De Laodattui» flli Ugitime d*HMtor, lequel comme il est vrajiem- blsble eat deux nome : car il fut aoeai appelle Fraucoa.

Diotya de Crète, tresnoble historien qui tenoit le party des Grecs, et fat présent à la guerre de Troye, daqael iay saiuy lopiniou pour la plusgrand part, au premier liore de œs Illustrations, fait en plusieurs passages de son histoire, mention de deux enfans Intimes d*Hector , mais il ne les nomme tous deux ensemble que vne fois : cestasauoir, au troisième liure il dit, que quand le Roy Priam accom- paigoë de sa fille Polyxene et de sa belle flUe Ândromacha, vefue d'Hector, alla personnellement supplier & Achilles quil lay donnast le corps d*Hector pour mettre en sépulture, en luy présentant grans et riches dons dor et dargent et dau- tres ioyaiUL, pour le fleschir à miséricorde et compassion, il mena aussi auec luy ses deux petis neueux Asiyanax, autrement dit Scamandrius, et Lapdamas : desquelz la sim- ple ieunesse et la lamentable commisération, auecques les grans presens dessudits, seruit de beaucoup à recouurer le corps de Hector, pour le mettre en sépulture.

OultrepluSy met ledit acteur en son cinquième liure : que depuis linflammation de Troye, Pyrrhus, autrement dit Neoptolemus fllz d*Achilles, après que la proye et le butin dor, dargent, et de riches meubles fut distribuée, (1) et quil en eut eu sa portion, il eut aussi sa part des nobles prison- niers par sort ietté. Si luy aduindrent par ledit sort Andro-

(1) dUtriàue (éd. 1613 et 1628).

mmfLàMnn in tboti*. unm m. S7S

mâcha, Tofîie d'I^ector, et ses enfims : lesquelz depois ledit Pyrrhus donna à Helenus, lenr oncle, en contemplation de phurienrs grans semices qnil Iny auoit Mi par le moyen de sa science de deoination. Or ne dit pas ledit acteur oanertement qneAstyanax, filz d*Hector, fîist commandé estre ocds par lexercite des Qrecz, mais il le dedaire assez oomiertement au sixième et dernier liure de son histoire. Rt dit ainsi, que Hermione, fille de Menelaus et d'Heleine, après que le mariage dudit Pyrrhus et délie fut confermé et asseurë, et que Pyrrhus sen fut allé au temple d'ÂpoUo en Delplioe, rendre grâces de la yengeanoe quil auoit prinse de la mort de son père Âchilles, occis par Paris Alexandus, douant Troye, ladite Hermione fut enuieuse et ialouse dioelle Andromacha, vefue d'Hector, tenue parauant en loyal mariage par son mary Pyrrhus. louxte ce que dit Virgile, en la personne d'Eneas, parlant à Andromacha :

Haetorie Andremadie Pyrrhin* connobiA laniai t

A cause dequoy Hermione esprinse de rage de ialousie, pourchassa de tout son pouuoir enuers Menelaus, son père, que Laodamas, qui estoit seul et le dernier légitime demeuré des enfims d*Hector, fut mis à mort. De laquelle chose aduertie, Andromacha sauua son filz : moyennant la force du populaire qui luy fut fiiuorable : et luy donna secours contre la tyranpie dudit Menelaus, lequel à peines peult escliaper le danger de sa Tie. Par ainsi appert que des enfEms légitimes d'Hector, demeura en vie ledit Laodamas.

Or nest il pas répugnant ne trop hors de coustume, que ledit enfSant éust deux noms aussi bien que son firere Astya- nax, surnommé Scamandrius. Si croy fermement que Lao- damas et Francus furent vn mesme personnage : ainsi

eommè laoob et Israël donc quand on parte da peuplé das Tiiifk» on ne dit pas kB enfans de laoob : mais les enfans d'braël : oar le second nom est plus noble que le premier» Inn fiit imposé i lacob par ses parens^ lautre Inj fut donné 4e la bouche de Dieu^ Pareillement ie croj que I^aodamas Alt le nom primitif de son enCEmce : mais Francua kiy fiit donné pour la franchise, (1) noblesse et feroeité (2) de son cou- rage. Bt puis quil fut sauué, nourry et eeleuë sou la tutele ds «on oncle Heloius : qui estoit le plus sage homme du monde : et qui mieux auoit sceu preuoir, prédire et eschener tSB infortunes de Troye. Il faut bien dire que Laodamaa ou Pranous son neueu ne fut pas exempt de sa doetrîM et iHBrttt.

^CMûttettt Heleaus frw» 4l*H6tflGr et ses SMôosMsme fegnmmt an ime partie de Grèce, qiion dit maintenant Albanie et EaeUoonia : da laquelle lignée jaairent depnia anoom fiapareom 4e Romma, maamement Conatantin le grand.

•&elenvs» frère d*Hector, lequd par sa parfionde acirace •et expérience de oongnoitre les choses aduenir» auoit tous- iours prognostiqué et prophétisé toutes les in£alicitez de Troye, et desconseillé la guerre de tout son pouuoir, fut preserué de mort par les Grecz, et donné à PyirhnSt fllz d'Achilles, en la part de son butin, ensemble Andromachay vefoe d'Hector. Or vint ledit Pyrrhus depuis habiter eia Bpire : qui est vne partie de Orece et de Macedone^ quon -dit maintenant Albanie : et de Tiennent oes <dieuaux

i(l) c.*à-d. liardiene. (9) e.-à-â. fierté.

Sni^TLARlTSI M TAOTB* LIVM 111. 977

legwBf qmn, dit Albanoia. Dont pour la preudhommie que ledit Pyrrlms anoit trouué au sage Helenns, meamement ponroe quil laaoit adaerti de non soy mettre «or xner en certain temps quil sauoit estre dangereux, il luy feit par- tage dune portion de sa terre, pour j habiter, et illec édi- fier yne cité. Et oultreplus luy donna à femme Ândroma- cha, sa belle sœur. Et mit en sa sauuegarde et tutele Lao- damas, seul âlz légitime d'Hector et d'Ândromacha : de laquelle ledit Helenus eut vn filz, nommé Cestrinus, qui rsgiia après luy. Mais parauant ladite Ândromacha auoit en TU autre filz de Pyrrhus, filz d* Achilles : lequel eut nom Molossne : qui régna en vue contrée ^dit pals, laquelle de son nom U appella Molosse, et en ce quartier naissent les bons chiens de chasse, quon dit AUans : et en Ijatin molossi : qui sont comme dogues d'Angleterre.

Ainsi régna Helenus, fll2 de Priam, en ladite prouinc§ dïpire, quon dit maintenant Albanie : dont vne partie di- celle il nomma de fon nom Helenie : et y fonda vne' petite cité quil appella Troye : maintenant elle se nomme Croye : par langage oorrompu, comme le Croisio en Bretaigne se deproit dire le Troisio : car il fat fondé par Bmtus^ prone^ oen d'Bneas, sous le nrai de Troye. Maintenant ladite cité de G^e œ Albanie est subiette au Turc : qui se dit estre descendu de TlroSlus, filz de Priam : et du temps que Hele- nis fimdoit sa cité, Bneas ezillé de Troye* et tirant en Ita* fie* pour y habiter. Tint Toir ses parens Helenus et Andro- madia, lesquelz le recourent en grand amour : et le £b6- toyerent honnorablement selon leur pouuoir : comme descrit bien noblemement le Prince des poètes Virgile au troisième liure des Enéides. Si pria ledit Eneas & son parent Helenus quil luy youlust declairer ses fortunes aduenir : car il es* toit archiprestre du Dieu Phebus : qui est le Dieu de deui-

lumrftATioM M «Ans, n

BÉtion : et sauoit interpréter la Toulenté de tcms les DieBi» et le ocmre des estoilles par Astrologie : et aussi entendoit léchant et le vol des oyseaox : comme il appert par ces vers :

Troiugena interproi Dinûm, qui namina Phœbi» Qni Tripodai« Clarii Uaroi, qui ndara ■«otii. Et Tolacrom lingual, et pnopetis ominA penius : Fare, âge, «to.

' ' Lors Helenns tresdeboimairement In j vonlnt conij^aire : et feit sacrifice solennel. Âpres leqnel il reuda i son oonain Bnisas tons les cas de fortune qnil anoit à passer : et loy bailla aduertance de tons les remèdes et consauz pour par- nenir au Royaume dltalie. Ce fait, il rafireschit ses nanires de Tiares, de gens et de nouuel équipage : puis luy feit plu- sieurs grans et riches présents dor, dargent et de predense t^ture et entre autres choses luy donna le memeilleux har- nbis de guerre de Pyrrhus, sumommi Neoptolemns, fils dTÂetnlles. Dautre part la noble dame Ai^dromacha donna à son neueu len&nt Âscanius. fllz d'Eneas et de C^usa, fille de Priam, plusieurs nobles aocoustremens tissus et ouurez de iBCs propres mains. Alors les deux parties fiairent que oeluy Helenus ainsi régnant en sa petite Troye, tu iour al* bmt à la chasse tua par coup de mesauentnre son ftete puisné nommé Chaon : lequel il auoit sauné de IVoye, dont il eut grand dneil, et pour soûlas, honneur et remembrance de luy il nomma vne partie de sa prouince Ghaonie, comme met Bocace au sixième iiure de la Oenealogie des Dieux. Ainsi passoient leur poure fortune ensemble Helenus et la noble Andromacha, fille iadis du Roy Eetion de Thebes : lequel fut destruit par Achilles, auec sept de ses enfans mas- les, sa cité désolée, et sa femme, mère de ladite Androma- cha. Laquelle tresdesconfortee Princesse en toutes ses an-

SIMVLARITBZ VB TWPIt. U?â» III. 979

goiflseB nanoit antre réconfort^ dn<m en son fllz Laodamas, qni luj representoit k figure de son père Hector, le chef de toute prouesse et cheualerie du monde, duquel ensuiure les hauts faits mœiorables, elle lenhortoit souuent, comme il est vraysemblable quune telle mère sauoit bien &ire, pour encourager le sien si tresnoble enfant vnique.

Dautre part, son oncle Helenus, lequel ne se monstra point en la guerre de Troye, sans plus (1) homme de science et de conseil ; mais dauantage prompt de la main et preux aux annes, monstroit exemple par effect destre preudhomme (2) à son neueu Laodamas : lequel nous estimons certainement estre tout yn comme Francus, et linstruisoit et endoctrinoit» tant en sdence, literature et bonnes mœurs, comme aux armes» à la chasse et autres exercices, telz que à yn ienne Prince poure et exilé de son païs est conuenabla et licite de fidre pour attraire la beniuolence des siens et la- mour des estrangers, sur lesquels il puist dominer et necoiiurer terre, par amour, par alliance, ou par force si mestier est : car il nappartient point à enfims dune si haute maison, de Tiure sans règne et sans * domination. Et quand le cas de leur décadence et infortune adulent, alors faut il que Vertu, mère de Noblesse, estriue contre Fortune à toute ligueur, et que flnablement Vertu demeure la Tainque- i-esse, et remette sur bout la sienne tresclere fille Noblesse, comme on Iha yeu souuentesfois adnenir.

lay cy dessus touché et dit que Helenus, filz de Priam, ftit aussi prompt aux armes, comme prudent en conseil, et par- fond en secrètes sciences. Oultre lesquelles trois choses on ne sauroit rien demander en yn Prince mortel, sinon la

(1) c.-A-d. aniquement.

(2) c.-à-d. Mga et prauz.

diniuitét laquelle^ au biuMÎM nos cipabket boa prehensiblQ* Touchant oonMl et adenoe» il art aaies diuiA* gué par lee histoijrça de Troj^a eanlauBee» que Helanos an aetoit abondant plus que nal auti^ des en&ns de Priaa. Maia qoant anx armais lee corromimee liiatoirea nen font mention qui vaille : pouf garder Ihoaneur du ai noble et Tertaenx Prince^ ia les yaeil icy reoiter en brîef» et prou- aar par acteurs autentiquea. Principalement oalles qui Um* chant aonaeil et confort darmes, il estoit présent ea jier« aonaa. Et aussi armes et prouesses faites de aa oMÛn» saiia fisîteé reproche, ou lascheté quelconqua* mais ainsi quuM ¥tajr Prince et ohmialier preudhomme sen doit aeqùtar.

Dictys de Crète» au troisième liure da son histoire Troj* enne, met que vn iour entre las autrss que las deu anMsa sestojWE^t assemblées en bataille ; Âohilles estait si t&romBi^ et si auant en sa fureur et sa force» que rien ne pooMit me* resterai) douant luj : et ia auoit fiât twit darmes bdliquauxi qna oeiitoit horreur de le voir. Car entre autres choses, il auoit mis à mort Philemon, Roy de Paphlagonia, et oeeis laorigateur d*Heetor, eestadire celuy qui gouueraoit ks frains de ses chenaux : comme oestoit lors la maniera des Princes de oombatre sur chariots, ainsi que bien i plein aoons declairé au premier liure da ces Illustratirâa* Aa moyen desquelles choses» larmes Troyenne estoit toute esbranlee et preste à tourna le doSi Bt ce voyant Helaoas» singulier archer entre les autres, choisit son ooup» et des- ooeha sa flesche par droite visse iustement en la main dax- tre d*Âchilles» tellement quelle luy per^ gantfriet et main tout oultre. £t lors laigre douleur ssnsitiue de la plays retarda la rage d'Âchilles : car il fut contraint de se reti-

(1) o.-à-d. tenir.

iifu m. IM

rir« A «me àmptùf ks Troyens ftirart gsrttitii pmtr oe i€«r grand poril et déshonneur.

Yne entre foie» comme récite le prince des pofitee Eo^ mers an sixième linre de son Iliade, si ce nenst esté Hele*- noe qni encouragea son frère Hector et son consin Eneas, et les enhorta de grand coonr à recommencer la bataille, et faiy aneo eox, les Troyens desia mis en fuyte, eussent recen grand p^te et deshonneur irréparable. Derechef ledit prince de» poètes met en son septième liure : que le Prince Hector par la persuasion et conseil de son frère Helenus, prouo- qt»! csstadire appella et deffia les Princes de Grèce, m pour TU» à batailler corps à corps* Si luy fut par les Oreca baillé en barbe (1) Aiax Telamonius. Le combat fut entre eux deux grand, impétueux et horrible : mais nul d'eux deux ne fut vainqueur ne yaincu : ains demeura chacun en son entier^ par laduis des Princes et consentement des parties : dent à prendre congé lun de lautre, chacun des champions par eoiurtoisie cheualereuse honora son compaignon dun noble présent : Hector desboucla sa grand espee à la gaine argentine, qni luy pwidoit de lespaule en escharpe, et la tendit à Aîax i et Aiax quant et quant deceingnit son ridie baudrier militaire : nommé, selon la langue Latine, Baltee : et le donna à Hector. Ainsi par le conseil d'Helenus Hector récent pour oe iour tu grand honneur et réputation de pnwesse, vertu, courtoisie et hautesse de ottor : toire de ■es ennemis mesmes.

An treizième liure de Tlliade, Homère nous monstre ebcores mieux» comment Helenus nespargna onques son corps en la guerre do Troye. Bt a luy ne tint quelle ne fust terminée par armes : car en lune des plusgrands batailles

(1) c.-à-d. mis en face.

m i ILLmEÂTIOnB M OàfLB, «T

qnt forent fÎBdtes en la campaigne de Troye^ Iny estant an plosfort de la presse, pourfendit iusques aux dens dune grande espee esclauonne vn Prince de Greoe nommé Delpy- rus, amy et parent du Roy Menelaus. Laquelle choee voyant ioeluy Menelaus en eut grand dueil : et le voulut venger. Si ae tirèrent vn petit au large : Helenus entesa son are et deebenda par grand force : mais la flesche ne peut mordre sur la forte cuirasse de Menelaus, ains fut reboutee. Alors Menelaus se hasta de ietter son dard par grand force et roideur : tellement quil trauersa la main d'Helenus de part en autre. Et atout iceluy Helenus se retira vers ses gens pour se faire habiller. Par lesquelz exemples, il appert de- rement que Laodamas ou Francus, fibs vnique demeuré d*Hector et de Andromacha, nourry à telz escholes, oomme de son oncle et de sa mère, expérimentez de lune et de lau- tre fortune, deuoit bien estre vn grand chef d*œuure en nature. Si ne mesbahis pas si depuis, luy et sa postérité ont régné sur toute nostre Europe : et ont esté renommez la fleur dhonneur, de noblesse et de cheualerie autant ou plus que quelque autre nation du monde, et qui iusques auiour- dhuy ont régné et régnent en telle estime et réputation. Mais retournons à nostre propos d'Albanie.

Auprès de ladite contrée d'Albanie regnoit pour lors Helenus âlz de Priam, siet vne autre prouince nommée Illyricus, maintenant dite Esclauonnie, subiette aux Véni- tiens, en laquelle vindrent iadis habiter aucuns peuples de Troye, qui se nommèrent Dardaniens : comme met Antoine Sabellic, au sixième liure de sa septième Ënneade. (1) Et diceux yssit depuis vn Empereur de Romme nommé Flauius Qaudius, second de ce nom. Lequel se glorifioit en ses til- tres estre yssu de Troye. Par quoy il feult coniecturer, que

(1) Rapsodis histmamm enneades (Venet. 1498 «t 1604).

snavLABRift DE non. uni m. S5

6e fbt de la postérité du sang dudit Helenns, et de Geetri- nns son fll2, et ses successeurs en droite ligne, qui régnè- rent depuis esdites deux contrées voisines. Et de la lignée de Crispus frère dudit empereur Claude, second de ce nom, descendit depuis Constans César, mary de sainte Heleine, fille de Coel, Roy de la grand Bretaigne : lesquelz engen- dr^ent lempereur Constantin le grand, qui depuis voulut reedifier Troye. Or voyons nous desia le eommencement de la ressourse (1) de Troye en Europe. Helenus fllz de Priam règne desia sur vne partie de Orece, et luy vaincu donne loix aux vainqueurs. Eneas dautrepart et son fllz Ascamus, neueu d'Hector, sen vont en Italie pour fonder le grand empire Romain, du mesme temps que Bauo, cousin germain de Priam, commencoit à régner en Gaule Belgique, jcomme sera ven au chapitre ensuiuant.

Da Roy Baoo^coiiaiii germain de Priam, qoi régna en Ganle Belgique, incontinent après la deetmction de Troye et fonda la grand cité de Belges, selon les chroniques de Haynaa. Et de la primitiue et très- ancienne fondation de la cité de Treues en Ganle Belgique : oti ftit adoré le premier Idole.

Si le Prince Helenus, frère d'Hector, par sa merueilleuse science et prudence presques diuine, auoit sceu preuoir les malheureuses destinées de Troye, et euiter en partie les infortunes dicelle, aumoins quant à sa personne et celle de la noble dame Ândromacha, vefue d'Hector, et de leur commun fllz Laodamas, que nous ' disons Francus : par cas semblable aussi vn autre Prince nommé Bauo, iadis Roy en la haute Phrygie, cousin germain de Priam, expert

(1) c-à-d. rétablissement.

9Bé VLLWVTUkTWtÊM DB GAtU, V

6B tout art dastronomid et de magique, le eoeut bien fidFs : tellement que par les respons et oracles de Dieux, il vint haUter et régner en Gaule Belgique. Duquel Bauo et de ses gestes ie feray icy la narration historiale brieue et suo- dnte, en ensuiuant maistre laques de Guise, docteur ea tbeo* logie de lordre des frères mineurs, homme de grand litera- turo et diligence, comme il appert par ses oraures : lesquel- lefe il composa à la requeste du conte Guillaume de Hay- nan» en deux beaux et grans volumes en Latin. Lesquelx sont au conuent de saint François, en la bonne ville de Va- lendennes, oft ledit maistre Guillaume (1) est honorable- ment sepultmré. Et dit ledit acteur ainsi :

Au temps que Labdon estoit luge sur les enfans dlaraél, vn Prince nomme Bauo, Roy en la haute Phrygie, cousin germain de Priam du costë maternel, car leurs deux mères estoient sœurs, iasoit ce que de son pouuoir il eust donne secours, conseil, confort et ayde à son cousin, le Roy Priam, et que tout ce nauoit de rien seruy : congnoissant aussi par art dastronomie et dautres sciences secrètes, dont il estoit bien garny, que la noble lignée des Troyens seroit extirpée d'Asie, pour estre plantée en Europe : et que cestoit pour néant de regimber contre lesguillon, et de soy cuider reuenger contre la voulenté des Dieux et desti- nées ùitales des hommes, il luy sembla quil valoit mieux ployer que rompre, et fleschir par obéissance, que estre desraciné par obstination. A ceste cause il eut consultation solennelle auec ses Dieux : et leur response et commande- ment entenduz, il délibéra de quérir autres terres et man- sions. Si le feit par eflect, laissant et abandonnant son

(1) Les éditions 1513 et 15^ portent également Ouillaumeên liea àe Jaques.

SnOTLAUTBZ DE TROTI. hTiBE UI. 185

Royaume la haute Phrygie desia tout gasté et depopulé par Aichilles et Âiax Telamonius.

Or print le Roy Ba^o toat oe qail peut recueillir de eon peapie et de sa famille, de ses nobles et de ses adherens : entre lesquelz il y auoit quatre Ducs qui se ioingmrmt aneoques leur Roy. Et fut ceste bende equippee de deux cens navires, à tout lesquelles le Roy Bauo entra en la mer Bitlesponte, nauiga toute la mer Mediterrane : passa les destroits de Maroch : rauironna les Bspaignes et les riuages de Gaule, quon dit maintenant Bretaigne, Normandie et Picardie. Et print terre, quand il reit son poinct» sur les saUons en vue contrée qui nest pas fort loing du pals, qui ores se nomme Haynnau, Conté Impériale et Palatine du dommaine de f Archiduc. Et illec sarresta par oracle &tal, et par la guide dun loup blanc, qui le guida sekm la res- prase des Dieux. Qui seroit chose trop longue à raconter, foorquoy ie mm passe de léger et remets les nobles lec- teurs ausdites dironiques de Belges, qui sont belles et autentiques.

Bn ladite région fonda ie Roy Bauo vne grand cité, laquelle il nomma Belges, en Ihonneur comme ie croy du Roy Belgius, qui régna pour le trdneme Roy au Royaume de Gaule, comme il est dit plus amplement au premier liure de ces Illustrations. Toutesuoyes lesdites chroniques de Belges disent que ce fut au nom du Dieu Belus, père de Kinus Roy des Babyloniens ou Âssyrieis, lequel fonda la grand cité de Niniue, et fut le premier inuenteur d'Idolâ- trie : car il consatn^ limage ou idole de son père Belus et lafeit adorer par ses sulNete, et luy porter honneurs diuins : 4aqueUe pestilenod fut depuis esparse et esumtee par tout le monde, iusques à laduenement de nostre ré- dempteur.

186 IU.T8TRATI0II8 DB GAIU, BT

Or est il asauoir, que des le temps du patriarche Alnra- ham, lequel nasquit lan deux cens nonantedwx après le déloge : cestasanoir, lan quarantetroisieme da règne de Ninos lancien» troisième Roy de Babylone, ladite erreur damnable dldolatrie Tint empoisonner les Oanks, par inoonaenient (1) : ainsi qoil sensuit. Vous saoez selon les histoires de la sainte escritare et de Berosos de Chaldee,qai saoeorde à elle, comme il est assez clarifié par le premier linre de ces Illustrations, que Nembroth le gasnt, fllx de Cam, fut par son ayeul le grand Patriarche Noë, eetabli et constitué premier Roy et Saturne des Assyriens ou Baby- kmiens. Et lors commença le fondement de la première monarchie du monde : cestasauoir, lan après le déluge, cent trente et vn. £t par ledit Nembroth fiit commenoee la tour de Babel, pour escheller le del : mais non parfaite, ,&. cause de la confusion des langues. Finablemrat ledit Nembroth, lan cinquantesixieme de son règne, fut innisiUe- ment transporté hors du monde et ne comparut plus entre les humains. Et lan treizième de son règne Samothes sur- nommé Dis, par le commandement de son grand père Noë, fonda le Royaume de Gaule : et en fut le premier Roy et Saturne. Puis lan vingtcinquieme du règne dudit Nem- broth, Tuyscon le géant, fllz de Noë, engendré après le déluge, commença à régner sur les Germains.

Âpres Nembroth, âlz de Gam, régna Belus son fllz, qui fut surnommé lupiter et deïflé par son filz, dont tout labus des Idolâtres print origine : car selon la diuersité des lan- gues, il fut diuersement nommé. Cestasauoir Baal, Beel, ^^^Beelphegor, Baalim, Beelzebub, et autrement dont la sainte escriture tait souuent mention. Iceluy Belus toutes-

(1) c.-A-d. par malhaar.

SIIIGVLARITEZ DE TBOTB. UTEI UI. S87

uoyea fiit homme tresprudent et trespacifique : si assit et ietta les premiers fondemens de la grand Babylone. Et cest ce qui meut son filz Ninns à laymer tant et honnorer après ^a mort : laquelle fut lan soixantedeuxieme de son règne.

Ninns, ûlz de lupiter Belus, troisième Roy des Babylo- niens on Assyriens, comme met Berosus de Chaldee an cinquième liure de ses Déflorations, régna après son père Inpiter Belus, par lespace de cinquantedeux ans. Ce fut le premier qui yiola laage doré par armes : car par grand eonuoitise de dominer, si feit la guerre à tous ses voisins, sans espargner homme viuant. Et fut le premier des Roys de Babylone qui eslargit son empire. Et le premier de tous les hommes, qui institua temples et autelz pour sacrifier à son père lupiter Belus et à luno sa mère, et qui premier leur dédia statues et simulacres, et les esleua au mylieu de la cité de Babylone, qui fut le commençaient de toute Idolâtrie comme dessus est dit.

Lan cinquante unième du règne de Ninus qui espousa Semiramis, la merueilleuse femme, Magus le deuxième Roy de Oaule, filz de Samothes surnommé Dis, et Saturne , commença à régner sur les Gaulois. Et fut le premier qui fonda villes et citez, comme ces choses sont plus ample- ment descrites au premier liure de ces Illustrations. Âpres lequel régna Semiramis Âscalonite, femme dudit Ninns et mère de Ninus second de ce nom, laquelle régna sur les Babyloniens ou Assyriens, par lespace de quarantedenx ans, de laquelle Berosus de Chaldee au liure preallegué dit ces mots dignes de mémoire, principalement pource quelle fut fondateresse de la grand Babylone : ffsc anteeessit miUtia^ triumphis^ diuitiis^ irietùrUSj et imperio omnes martales. Ipm hane vriem nuurimam ew oppido feeit : tt magit diei possit iUam adUleasse, guâm ampUasse. Ii§mo

MB lUfinAffien m oâna, sr

wi^piim kiêiù fimk^ mmparoÊukÊ ut 9kùnm. Ikulié» §kii ifita iicwUmr H setituntwrt ew» «i ^Uupêratianêm, IM» mëtrimi ad coUêuiëti^nem magnUeê.

Ihairiinin portoit en oat armas Tiie eoloMba, de laqiella dit Hioremie le Propbete, prophétisant la fotnre peneeotion éss Inib par les Aasjriens : i^fifîte i/ooM ^tedUi, esl As tenps de kqiMUe regnoit en Oaale, peur le tniîeîeiiis So j^ Sarron, fik de Magns : lequel poar fefraindre la tmO' été des hommes, institoa premiereiBeiit les estndee, eol- legss et Tnioersitec publiques. Et en AUeoMdgne régnèrent ■neeessioement dn temps de ladite Semiramis, ICtturas Als de TojBOon le géant, ponr le deuxième Roy, et Inj^baneon pomr ie troisième, lesqueh fondèrent denx peuples de leur Bons : comme sera dit plus anant en oe lium. leelle Semi* remis eommença à régner lan axni. après le dekige : et régna zui. ans. Cestasauoir, ineqne à ee .quelle kA oocise par les propres mains de son filz Ninos, seeoad de ee nom, lequel régna snr les Babyloniens apns die : et dm temps de son règne trespaasa de ee siede le bon patriareha Noé.

Or anoit eu Ninus flls de lupiter Belus, Tn fila dune antre femme, mmmA Trabeta, qui par drmt deooit sneee- der au Royaume de Babylone : mais la Royne Semiramis len garda bien, car elle en print le gouuememeni et les armes pour son filz Ninus le ieune : et régna comme dessus est dit. ÀkMTS Trabeta, craingnant et non sans cause, la pnksancs et fureur de sa marrastre, la plus terrible fiamme du monde, senfuyt de Babylone pour chercher autres terres k habiter : dont après anoir long temps erré, yagabeadant parmy le monde, il sarresta finablement en nostre Gaule Belgique, ncm pas trop loing de la riniere du Rhin, et î&eo- qoes fenda vx» cité qui! nomma Treues de eon nom. La^ qneUo eet eneores ea«tre, mais non pas en si grand

smtVLAimi M TAon. utbb iu.

gnîf^^W!?^ quelle estoit du temps des Romaiiift : et auant iceux. Toutesuoyes larcheuesque de Treues est lun des prin« cipaux Electeurs de Lempire : et se intitule Ârchichancel- lier de Gaule. Geste cité de Treues estoit le principal seiour du Roj Pépin, père de lempereur Charles le grand : comme en la dté capitale pour lors de France Orientale. On voit encores ea ioeUe auiourdhuy, plusieurs gtans ruines et merueilleuses antiquités , qui monstrent bien combien grande, noble et puissante elle fut iadis. Et de nostre temps y ha esté trouuee vne grand pierre, en laquelle estoient grtnei de lettre antique, les vers qui seosuiuent de sa frn- datioB :

Niai Settisiinfli, qvm ttato coniogo filix Plarima poMddit, aed plnr» prioribsii, luèdit, Non contenu i nia nac totii finibns orbis, Expnlit é pairio prioignam Trabata regno Inaignem, profugoa noatram qni condidit Trbem.

laj Tonlentiers fait cest incident pour deux raisons : lan0y à fin quon sache en quel temps la Gaule Belgique fut premièrement eu^isonnee de cest erreur diabolique dido*^ latrie, cestasauoir, mille neuf cens quarantesept ans auant lincamation nostre Seigneur, que ledit Trabeta fondateur de Treues feit premièrement adorer en sa cité lldole^ statue ou simulaere de son grand pcve lopiter Belus, fila de Nemhroth le géant, premier Saturne des BabylonieiBs. Lautre raison est, à fin quon voye comment de toute an« cienneté la fleur de la noblesse d*Asie sest venue rendre en Europe, mesmement en Gaule : dont elle nha depuis bougé : ainçois ay est tousiours multipliée de plus en plus, comme il, appert Or reuenons maintenant i nostre propos du Roy n. 19

ILLVSTEÀT10II8 DE CAVLB, BT

Bauo, cousin germain de Priam : lequel Bauo fonda la grand cité de Belges.

ComiiMint le Roj Bano, fondateur de la g^rand cM de Belges» meit ea raine la oiU de Treaes : ponroe que la seigneiirie de Trenae lay demandoit tribut dauoir fondé et priai habitation en leor 1er* ritoire. Et dee quatre Daez dadit Roy Bano» deaqaels chacnn fonda me eité en la Gaule Belgique.

Ay premier liure de ces Illustrations, il est dit que Bel- gius, treizième Roy de Gaule, fonda vne cité de son nom : laquelle fut dite Belges. Or à fin quil ny ayt répugnance ne reprehension en nostre histoire, et quelle soit clere et nette à mon possible, ie treuue par acteurs autentiques, quen Gaule Belgique furent iadis trois citez principales nommées Belges : dont lune est Beauuais en Picardie, qui se dit en Latin Beluacum : ou selon Iulius César Belloua- cum, cité episcopale, et dont leuesque est lun des douze pers de France. Lautre est celle, dont au chapitre procè- dent est touché, Treues, en basse Allemaigne, ou plustost France Orientale. La tierce est Bauais en Haynnau : laquelle à présent nest quune petite ville déserte et désem- parée : mais les ruines dicelle monstrent bien que au temps passé elle ha esté de merueilleuse estendue. Et ceste cy fut fondée par les Troyens : celle quon dit Treues en Alle- maigne, par les Assyriens ou Babyloniens : et Beauuais en Picardie, fut celle que fonda Belgius, treizième Roy de Gaule : à ce que ie puis coniecturer.

Comme donques le Roy Bauo auecques ses Troyens eut fonde sa cité de Belges, au païs des Neruiens : qui depuis ont esté nommez Haynuiers, Namurois, Cambrisiens et

SmOTLâUTBZ DE TEOTI. UHA HI. 9B1

ToomisieQs, ceux de Treues qui disoient à eux appartenir tout la territoire de celle contrée, comme les premiers Tenuz ennoyerent signifler au Roy Bauo, que luy et tout son peupla eussent à yuider hors de leur païs : ou quilz payas^ sent et rendissent de tribut à la seigneurie de Treues, (1) comme souueraine, mille sengliers et mille cerfe, et quinze 0008 bestes à corne, ou autrement dedens peu de iours i\z seroient tous mis à mort par ceux de Treues. , IceUœ orguilleuses menasses entendues par le Roy Bauo : il req^ndit, que les Troyens ne furent iamais tributaires^ mais firancz par tout le monde : comme ceux mesnieS;qui auoient aprins dexiger et receuoir tribut des autres. Et à Geste cause ne denioit il pas seulement de payer tribut à ceux de Treues : mais leur commandoit que doresenauant ils fussent tributaires au Royaume de Belges. Lesquelles p#roles esmues entre lesdites nations, la guerre y fust tan-f toet enflambee, tellement que les Troyens prindrent de fiât et de force la trespuissante ^té de Treues, et la pil-» lereat, brusleront et démolirent de fonds en comble. Si apportèrent en la nouuelle cité de Belges tu trésor inflny de richesses, de proye et de butin. Et comme victorieux amenèrent pour prisonniers les Idoles de Treues, auecques riches vaisseaux, meubles et omemens, seruans à leurs autelz et sacrifices. Par ainsi fut lerreur d'Idolâtrie encores plus autorisée que douant en nostre Gaule Belgique : car oultre les Idoles de Treues, le Roy Bauo auoit amené les siennes de Troye : dont des despouilles par luy conquises, il feit fidre sept merueilleux temples en sa cité : en laquelle

(1) L*M. 1528 n*a que : pa^aamU de trOui. JUnir$ signifie fêfer 1MM renti. On dit encore A Liège : « Maison à Tendre ou A rendre. »

tSÊ lUMfnatfwm m wvuit n

il 7 anoit sept portes selon lee sept planettes, et mille tôtn, duûmiie de éeot coudées de haut : et de dixhuit deepesseor . Puis édifia son palais par amplitude et magnifioenoe in- eroyable : comme on peolt voir par ladite efaronique de Belges.

Ainsi créât soudainement en menieilleuse hanteesela grand dtë de Belges, par la ruine de 'Rnsues : car comme dit le Philosophe, la corruption daucune chose est la gene- ratioD dcme autre. Si Ait le Roy Bauo craint et redouté de ses voisins, et estendit sa seigneurie iusques sur le tenue du Rhin. Et pour mieux fortifier ses alliances, il bàilk au quatre Ducs de la haute Phrygie qui lauoient acooknpaignë, à chacun tue de ses filles. Et leur donna flranohise et liberté de pouuoir édifier chacun vue cité, sur les confins et extré- mités de la Oaule Belgique. Par ainsi le {Nnemiéf diceuz Ducz, nommé Turguncius auec sa femme et son peuple, alla fonder la cité de Tongres, sur le riuage de la m^ Oceane. Et qui est vue chose merueilleuse et digne destre racontée, entre les miracles et prodiges de ce monde. Il est certain que du temps de saint Sernais, qui fut euesque de Treues, et parent de nostre Seigneur ibsts christ, la mer se recula de Tongres, enuiron trente grands lieues d'Aile- maigne, comme il appert par sa légende. Et vescut ledit saint Semais (si la chronique est vraye) iusques au temps de saint Ambroise et de saint Hierome , lequel espace peult bien contenir trois cens quatre vingts ans. Et ne sen fiant pas esbahir : car lean des Temps, escuyer de l'Empe- reur Charles le grand, qui nestoit pas parent de Dieu : vescut trois cens ans, comme tesmoignent toutes les his- toires de France et d* Allemaigne et d'Italie auec. (1) Toutes-

(1) Wallonisme.

sm^LÀRITM P% TJMWV>..|4V|ip lU. 9iK

upyas Ibifit^Hre 4e T^^ngi^ a^ 4it pas que leur <Hté fut bur dee par Tmxuucias, siau par wu. autr^ opiiuné Torgotas, qui fut long temps après yssu de Sicambre et la lifWAft du nom de son filz, comme sera dit cj après en la généalogie de l'Empereur Charles le grand.

Des autres trois Ducz du Roy Bauo, lun nommé Mosella- nus (1) passa la forest d'Ardenne et fonda la cité de Metz

. r . I

en Lorraine, sur la riuiere de Moselle. Le tieri^ qtd eut nom Morineus, edifla la cité quon dit en Latin Morinum/et maintenant elle sapelle Terôuane en Picardie : ces^ire, Terre vaine et inutile, et gastee par les Hun9, quon dit maintenant Hongres, de laquelle le poète dit :

Bztrtmiqoe homiavni Movim.'

t-

Comme aili fussent au bout du monda^ Le quart Duo, nonir Carineus ou Clarineus, en lieux palustres et sur gros- ses riuieres et marescagea, bastit et fonda vue cité, la quelle il nomma Garinee ou Clarinee. Â^cun^ tiennent que cest la grand ville de Oand en Flandres, assise sur trois grosses riuieres portans bateau : depuis Iulius César feit faire vn chasteau. Les autres disent, que ladite Carinee ou Clari- née est la ville de Clermont en Beauuoisis, assise en très- beau païs à quatorze lieiies de Paris, sur le grand chemin d'Amiens.

Le Roy Bauo quand il eut donné ordre à toutes les cho- ses dessudites, se nomma et intitula oultre et pardessus le tiltre de maiesté Royale Archidruyde, qui vaut autant à dire, comme prince des Prostrés et des Philosophes, ou tel quon pourroit dire à présent vn Pape : car il estoit chef des sacrifices : et mourut honorablement du temps que

(1) MmOmm (M. 1513). .

994 iLLYSTEàTlOl» Dl QànM^ BT

Sanson 68 toit iuge sur les enfims dlsraël. Si semble que le poète Oaide en fiisse -mention, et vneille entendre de cestay cy quand il dit :

Ingeniiqoe soi dictas cognomine Largpà ; Oallica qai Phrygiom doxît ia srua teneai.

lasoit ce que Michel Riz, en son viuant dit adaocat de Naples, et conseiller du Roy, au prologue de son œunre, quil ha intitulé des Roys de Naples, cuide que par les vers dejssudits le poëte Ouide Tueille signifier et designer Fran- eus filz d*Hector : lequel vint régner en Gaule Celtique. Ce qui ne peult auoir lieu : car il lappelle vieil. Et si nous considérons bien toutes les circonstances de cesto histoire, Francus ne pouuoit auoir plus de vingt ans quand il com- meiica à régner sur les Celtes. Vn autre acteur du temps passé, iasoit ce que son Latin ne soit pas trop élégant ou cliquant, (1) porte neantmoins tesmoignage assez ample dudit Roy Bauo, fondateur de Belges : car il dit ainsi :

Rez fuit immensas qaondam qui nomine dictiu Bauo ; gonere régis Priami fuit illa. Troiœ post miseros luctus, iguesque secandos, Per mare cnm sociia Asise transuectus ab oria, Uenit in extremas vbi sol se mergit in vndas, Urbem tune magnam rex Bauo condidit Tnam, QnsB nimis immensa Belgis fuit illa vocata.

(l)^En rouchi cliquant = clinquant.

81MVLAR1TKI Dl TROTB. UTRB III. 295

De Baoo Belginens, fils et sacoenear dadit Roj Baiio premier de ce noukf ao tempe doqael, Bmtiu Tint en U Gaule Armoriqne : et fonda les Bretona et la cit^ de Tonn. Et comment aatree Prince* Troyena vindrent en diaeraee partiee de Gaale et de Germanie, et oonatitoerent ploaienrs noblee maisona, peoplee et cites : meeme- ment de lantiqae noblesae de cenx d'Âaaergne et de Chartres, proa- nee par acteors aatentiqaea : et comment il j aaoit aneiennement en France yne âtè nommée Bretaigne.

Apr68 la mort du Roy Bauo, Archidrayde et Patriarche de Gaule Belgique, succéda son filz nommé Bauo Belgineus. Au temps duquel dominoit sur les Laitins en Italie Iulua Ascanins, filz d'Eneas et de Creusa, fille de Priam : de la- quelle lignée descendit depuis Iulius César, premier monar* que des Romains. Ledit Bauo Belgineus régna quarantequa- tre ans en la cité de Belges : et feit vne loy, que tout son peuple mengeast en publique, en ensuiuant la coustume des Lacedemoniens : à fin que chacun fust égal : et que lun neust point denuie sur lautre. Et est asauoir, quen ce temps les Princes et les Peuples yiuoient pour la plus part de yenaison. Si estoient presques tous veneurs plus que labou- reurs : car il y auoit grand foison de bestes es foretz inha- bitées, et mesmement en ce quartier de Belges, quon dit maintenant Haynnau : est la forest de Niormault, (1) fille, cestadire vn membre de celle d'Ardenne. enco- res dure et perseuere le tresnoble vsage et exercice de ye- nerie ou braconnerie, et chasse tant de chenaux saunages, comme de bestes rousses et noires, doiseaux de proye, de gibier et de poissons, autant Royale et finmche, quen quel-

(1) MamtmU (éd. 1513), aqj. fbr«t de Mormal.

que autre païs quon sache. Et pouroe les Roys de F: y rauoient vne fois lan leurs veaeors.

An tetnps dudit Bado Belgineus, vn Prince nommé Bm- tus, fllz de Sjluius Posthumus, troisième Roy. des Latins, et de Lauinia, seconde femme d'Sneas, querant noauelles contrées h habiter, comme il auoit de commandement par lorade des Dieux : vint par mer en la Gaule Armoriqae, qvoB dit maintenant la Royale Duché de Bretaigne. Et y entra par la bouche du fleuue de Loire, fonda le Croisic ou Troisic du nom de Troye, et Guerrande, passa par Nan- iei qui desia paranant estoit fondée : comme il est dit au premier liure des Illustrations, et monta contremont la riniere, iusques au lieu maintenant est assise la dté de Tours, de laquelle il fut fondateur. Et depuis rentra en mer et alla conquérir sur les Geans lisle d*AJbi(« : et la nomma Bretaigne : maintenant elle est dite Angleterre. En laquelle il fonda vne cité principalle : et la nomma la nou- «elle Troye, qui ores se dit Londres, sur le fleuue de Tha- myae. Desquelles choses ie me déporte pour le présent, car œ désire me œuure apart.

Il ftmt retourner aux successeurs du Roy Bauo : leequdf à brief dire, estendirent leur seigneurie par force et pron- esee darmes sur toutes les Gaules et Germanies, aussi auant quelles sestendent, mesmement le sixième de ceste Hgnee nommé Brunehaut, qui fut contemporain au Roy Dauid de ludee. Iceluy Brunehaut, Prince magnifique et de grand cœur, feit faire les chaussées, dont on voit iusques auiOQfdhuy les trasses en beaucoup de lieux de la basse AUemaigne et de France : mesmement du costé d*Amiens eu Picardie. Et dura ceste lignée des Roys Belgiens, ius- ques au temps de lulles César, lequel occupa toutes les Gaules : après auoir occis en bataille Andromadaa, la der-

vàÊft dit RoTt BdgienB, war le floow de SealMre, et enr le leeeae lien, dont Leeteor de ee liure est né.

Aimi ee treinient motreB peoples, neticms et huôsobs, tut en Frànee oonune en AUemaigne, estre jbsu des Troyene, neenement la luitîoii d*Âuvergiie, entant qnil toeehe les parties de pardeca, ionzte lantorité de Locan^ qui dit en sa Pharsalie :

Arvenii Latios mm aa fiagara fratna, Sangnina ab Diaco.

Et Sidonins ÂpoUinaris, eaesqne des Âuuergnois, la répète an septième linre de ses epistres : en se complaingnant de linfelicité de son temps et de la semitade en laquelle ilz estoient tombez par Tbeodoric, Roy des Vesegothz» de la nation d*Allemaigne : lequel pour lors occupoit toute Aquitaine. Les paroles dudit euesque Sidonius sont telles : Afuemarum proh dolar seruitus^ qui H prUca repUcaren- ter, (1) audébant se çuoniam fratres Latios (2) dieeré : et sanguine ab Hiaeo populos eompntare. Maintenant ilz nont que faire de sen plaindre : car ilz sont pacifiquement traitez souz les maisons Troyennes et Herculiennes des Princes de France et de Bourbon.

Auecques lancienne noblesse et estimation des peuples d'Auuergne, Strabo au quatrième liure de sa géographie, adiouste et adioint celle du peuple de Chartres : pource que TDchacun desdits deux peuples est habitant sur le fletiue de Loire, et nomme lesdites nations tresillustres, cestadire tresnobles : comme il appert par ses paroles içy après mises : Inter Ligerim et Sejuanam fluuium trans

(1) repUemtwr (éd. 1613).

(2) Za^«o(4d. 1513).

SB ILLfSnATIQIIS M QÀfU, ET

Shoiamm atq%e Arafim^ génies ai SeptmiMomêm aikr cent, AUobrogibus et Lugiuni ineolis fdcini. RorumiUu^ triisimi Aruemi et CamuH. Per vlrosfue dekUus Liger amniSt in Oceanum ^uit. Et poarc6 que ledit acteur nombre entre les plosnobles peuples habitans en Gaule, sur la riniere de Loire, ceux de Chartres, il est tout notoire quil parle de toute la prouince de Touraine, laquelle seetend iusques à la mer de Bretaigne Armorique : car par leurs limites et non par autres, la riuiere de Loire entre en la mer Oceane. Pourquoy il est yraysemblable, que du temps dùdit acteur Strabo, qui fut durant le règne de TEmpereur Octauien Auguste, ceux de Chartres auoient grand prero- gatiue sur les citez Armoriques.

Touchant la cité de Tours, il est certain quelle fut fon- dée en Ihonneur et au nom de Turnus, neueu de Brutus, lequel fonda en Aquitaine vue autre cité nommée Britan- nia, tresnoble et tresgrande. Laquelle fondation toutesuojes ie nafferme pas icy témérairement, mais ie le prouueraj bien en autre temps et lieu. Quant aux autres fondations faites par les Trojens en Gaule, auant quelle fut nommée France, tous les historiens concordent en ce, que vn Prince Trojen nommé Tolosus fonda la cité de Tolouse en Aqui- taine. Parquoy ie treuue yraysemblable, quil fut de la compaignie du Roy Brutus. Encores iay entendu par com- mune renommée, quil y ha deux nobles maisons particu- lières pardeça, qui se disent estre yssuz des Troyens, dont lune est la maison de Tournon, sur le fleuue du Rhône, du costé des montaignes de Viueretz (1) et d'Auuergne. En ce quartier fut trouué du temps du Roy Loys vnzieme, enco- res estant Dauphin, la sépulture et les os dun Géant, ayant de hauteur vingtdeux piedz, selon ce que monstre sa pou-

(1) as^. le Vivarais,

smttTLAEim M r%cm. uyab ni. S99

traiture, estant aux lacobins de Valence en Danphiné. Et aucuns de ses os nous donnent foy et coniecture de la pro- portion de sa corpulence : car desdits os il y ha partie à la sainte chapelle de Bourges, dediee par le Roy René» duc d-AnioQ et conte de Prouence. Et ce fust tesmoigné au Roy treschrestien et tresvictorieux, Loys douzième, luy seiournant en sa cité de Valence sur le Rhône. Iceluy Géant (comme iay ouy dire, estre contenu es chroniques du Dauphiné) estoit seigneur du païs. Et comme il est vray- semblable, estoit yssu ou allié de la noblesse Troyenne. Ladite maison de Toumon porte en ses armes vn Lyon rampant, en champ mesparty : qui sont les armes de Troye. Lantre costé semé de fleurs de lyz, qui sont les armes de France.

Pareillement se glorifie estre dextraction Troyenne, la maison de Neufchatel, en la franche conté de Bourgongne, ksquelz peuples se disoient anciennement Sequanois. Et de leur quartier procède la riuiere Sequana dite en François

«

Seine, assez congnue par tout le monde, à cause de la Royale cité et vniuersité (1) de Paris, quelle mespart en deux, et fSEdt la diuision de la Gaule Belgique, auecques la Celtique. Icelle maison d'Orenge et de Neufchatel, qui se dit Troyenne, ha esté voulentiers alliée auec celles de Bretaigne et Bourbon, qui sont de mesmes. Et vêla comment les li- gnages sentretiennent de toute antiquité, comme il appert par leurs généalogies, le plus communément.

Dautrepart, oultre et plusauant que ledit païs de Bour- gongne, cestasauoir pardela le fleuue du Rhin en Aile- maigne, au païs de Soaue, et en vue contrée diceluy, la- quelle se nomme Franconie, ou France orientale, il y ha Tue bonne ville nommée Phorcen, qui nest pas loing de la

(1) o.-à-d, commonaiité.

300 uinpLàm» Bs wnssi n

àa Yline, oti on fiât les hwxm figuiteiimg, et wim yillas droonuoisinest dont les peuples se disent eetre pre- créez daacone bende de Troyens, dont deox Pmoest lu» nonuoe Phorojs et lautre Ascamos, estoîent oheEs et oon* ducteors, tous deux yassaux de Priasoi, et qoi le aeooiuni* rent en sa guerre, iouxte ce que met le poète Hoinere es sonlliade :

Phorojs et Afloaniof Phrjgias doxere cateroas, Longe ex Asomia.

. Et ee recite et afferme vn acteur tresreuomme, MeMôre lean RbeucUn (1) luttif de ladite ville de Phoroen en France Orientale, au commencement dun liure tresmerueilleux, quil ha de nostre temps composé et intitulé, de yerbo iori- HGO. (2) Pareillement la cité de Mayence, en Alleqiaigne, qui est des appendences de France Orientale, sur le Rhin, fiit fondée par vn Troyen nommé Maguntius, Ces choses veûes, il nous faut retourner à nostre propos principal de Francus fllz d*Hector, et de Sicamber son filz.

De la grand antiquité, force et renommée des Sicambriens et Fran- çois, prounee par autoritez publiques , trop plus que les chroniques de France nen font mention : et comment il y auoit deux nations Sioambriennes, et des fondations des cites faites par eux. Pois est pronuë suffisamnient, que les anciens acteurs ne nommèrent ianuûa les François sans les Sicambriens, auec autres nations leurs voisi- nes et alliées.

Novs commençons desia bien à entendre, comment la noblesse des Troyens exilée de son propre païs doultre mer,

(1) Reuchlin, le célèbre humaniste, & Pfbrzheim.

(2) Spire, 1494, in foi., sur les noms sacrés employés dans les mystères grecs, juifs et chrétiens.

siHSfLâimi n nMi. u?u m. 80(

commeneoit à reAoartr, et sangmenter ptf tcmid Eorope, enairon k temps que la grand cité de Sicambre ftit fondée par Franeui filz d*Hector. Laquelle cité il nomma Sicam- bre, du nom de sa tante Sicambria, soour du Roy Priam^ et dioelle dté &it grand conte et mention la chronique de Buoalus^ oomme on peult Toir par icelle. Or régna en ieelle, le tresnoble Francus fils d*Heotor, iusques au tempe quil rendit le tribut de nature. Bt à luy succéda son fihr SUcambfflr, régnant par lespace de soixantedeux ans, selon les chroniques de Tongres. Lequel ensuiuant les tresses 4e son père F^rancus et de son ayeul Hector, ainsi comme il ht tMTîble et redoutable aux ennemis, aussi fut il doux et traitaUe à ses subietz et débonnaire Prince à ceux quil auoit vaincuz et subiuguez par grand prouesse darmes. Bt se fit tant aymer des siens, que eux mesmes qui parauant nm de son père sapelloient François, aymerent mieux destors en auant estre dits et redames Sicambriens : jasôit ce que lun et lautre nom leur demeura tousiours, ^eemme synonimes et indiffsrens. Tout ainsi que les enfans d*Isra81 se nommoient aussi luifz, de par le père et le fllz, cestasa- uoir, lacob et ludas. Car il est asauoir, que au temps passé les Princes portoient tant dhonneur et reuerenee à leul^ ancestres ou supérieurs, que par dessus leurs noms et sur- noms, ilx portoient encore Toulentiers ceux de leurs pre- deosiseurs et prochains : ainsi comme il appert de lulus Aseanins, û\z d'Eneas, lequel pour le record de ses nobles ^ ancestres et soulagement des siens, portoit aussi les noms de Dardanus et Laodamas. 6t ce met expressément Ser- uius, sur le quatrième des Bnéïdes de Virgile.

Long temps après, cestasauoir enuiron deux cens quatre vingts ans, depuis la destruction de Troye, et auant la fondation de Homme, deux cens ans ou enuiron, Tue bende

ILLfSTEAflO» M «ÂVLB» BT

diœux Sicambriens souz leurs Duoz, Troiàdes et Torgoias, descendirent sur le Rhin et fondèrent la ville de Bonne, auprès de Coulongne sur le Rhin« et consequemment la Tille de Zanthes, en la Duché de Gleues, laquelle iusques aaiourdhuy sappelle ainsi de par le fleuue Xanthus qui passoit parmy Troye. Autrement es anciennes chroniques, elle est dite, Troia Francorum, comme iay trouué par la légende de saint Victor, de la légion de Thebes, dont il y havn beau monastère en ladite ville de Zanthes, iadis ftmdé par sainte Heleine, mère de lempereur Omstantin le grand : et est vue tresbelle petite ville et assise en beau lifu, et on &it grand quantité de ces fines toUIettes qoon nomme communément de Holande, pouroe quilz sont prochains des Holandois.

'Selon lesdites chroniques de Tongres, ioeox Sicambriens yssuz de la haute Sicambre, occupèrent par succession de t^ps, tous les païs quon dit maintenant Cleues, Gheldres et luliers. Et se nommèrent tousiours Sicambriens lesdites nations, comme il appert, par les Commentaires de Iules César. Pourquoy il est notoire, quil y auoit deux nations Sicambriennes, cestasauoir la haute et la basse. Et diceux Sicambriens yssirent les Cimbres, merueilleuses et redou- tables nations.

Pour lesquelles choses prouuer, il appert par les histo- riens, poëtes et orateurs Romains, quilz ne nommèrent iadis gueres lune nation sans lautre, cestasauoir, comme alliées et inséparables, lune de lautre, François, Gaulois, Soaues, Sicambriens, Cimbres, Germains et autres telles nations circonuoisines, précédées de leurs anciens estocz le grand Hercules de Libye et le preux Hector de Troye : comme sera veu par le decours de ce liure. Et & ce propos ie puis alléguer plusieurs acteurs faisans foy de ce que ie

SIHOfLABITBZ DB TROTE. UfUB lU. 805

dis : 6Qtre lesquelz est le poëte Claudian bien renommé, lequel estoit en lAruit da temps de lempereur Honorios, à la loaenge duquel et pour exalter le quatrième Consulat dndit empereur Honorius, il met ces beaux yers :

Ante dacem nostrom flauam iparaere Sioambri CsMariem, paaidoqae orantet murmure Frand Procabuere solo. luratur Honorio» absent, Imploratqae tunm supplex Âlemannia nomen. Bastem« venere tmces, venit accola sjln» Bmctems Herdni», latisque paludibns exit Gimbrui : et ingentes Albim liquere Cheroaei.

Plus ledit Claudian au premier Panegjric des louanges de Stilicon, lieutenant dudit empereur Honorius, dit ce qui sensuit : parquoy on peult cbngnoitre que de son temps les François estoient habitans de la montaigne Noire en Soaue, oultre le Rhin, od il y ha grand force de yenaison :

•Rbenumque minacem

Comibus infiractîs adeô mitescere cogis,

Ut Sueuus iam rura colat, flexosque Sicambri

In falcem curuent gladios, geminasque viator

Cum Tideat ripas, qu«e sit Romana requirat.

Ut iam trans fluuinm non indignante Cajco

Pasoat Belga pecus : medinmque ingresaa per Albim

Gallica Francomm montes armenta pererrent :

Ut procul berciniiB per vasta silentia sjlu»

Yenari tut6 liceat, etc.

Et à ce mesmes propos Sidonius Âpollinaris, euesqne d'Auuergne, qui flourissoit au temps de Theodoric, Roy des Ostrogothz, lequel tenoit le paîs d'Aquitain^, en flatant ledit Théorie dit ainsi : Ffancor%m et penitissmoi palU'-

du imtMfei^HiMtMtiHi Skâmèns. Et & Wmrûtamla^ jvmt M temps que Phammond fat oonramié prtontr Bu; dfli Fruçoitt dit oe qui mtoit, à la gnaà Umeogb èê k nation FranaoîM : Int$r Sëânmes ftMJnM af Ahmmmm gma fum tan Uaa q%àm taUda, apud kUtaricêi Chr- marna, %unc terà Fronda toeahir.

Par lesqneHea choses il appert fitcilement qofl y aaoit deax contrées qui se nommoient Sicambre : esqaelles habi- toient les François, après la destruction de Troye, cesta- sauoir Sicambre hante et basse. Les hauts Sioambrims estoient comme dessus est dit, en Paanooie, qnon dit maintenant Hongrie : et les autres en la basse AUemaigne, es pab de Inillers» Oheldres et Cleues. Desquels hanti Sicambriws nranc<^ estoit le Roy Clouis premier Chres- tfen. Auquel Roy Clouis, iasoit ce que S. Remy nignorast p<rint quil fust Roy des François, dit en le baptisant : MUii depane colla Sieamber : Adora fuod inemdiiti : Ineetide quod adorasti. Et ce met expressément Oregofare, archeuesque de Tours, en sa chronique.

le mesbahis comment plusieurs historiens de France nont fait autre mention de la plus grand antiquité de lori- gine des François et des Sicambriens. Et ne donnent autre prerogatiue à ceste nation^ sinon comme si le nom de France fust tout nouuel et moderne, et quil neust esté illustre, noble, ou congnu, sinon du temps que lempereur Valentinian leur donna franchise et relaxation de tribut pour dix ans : à fin de guerroyer et dompter les Alains, comme silz ne fussent nommez Francz ou François pour autre chose, ce qui nest pas vraysemblable : attendu que Cicero, prince deloquence qui fut du temps de lulius César, &it mention expresse du nom des François, en yne epistre quil escrit A son amy Atticus. Et quant an nom des Sicam*

SIlIGVLÀRlTtt M mots. UVRB lll. 305

biens, il est certain que es histoires Romaines en est faite ample mention : cestasauoir, dan Duc des Sicambriens nommé Molon, lequel combatit contre Drusus, attenant de prochain lignage, & lempereur Octauien Auguste : mais ledit Duc Molon fut vaincu et mené en triomphe à Romme. Poor laquelle victoire ledit Drusus acquit le surnom de Germanicus, comme le plus noble des autres, et mourut i Mayenœ, sur le Rhin, qui est en France Orientale, on ▼oit eoeoree vn grand édifice antique fait en mémoire de luy .

Geste victoire depuis cousta cher aux Romains, car les Sicambriens et Soaues, cestadire François, souz la con- duite d«n autre Duc nommé Ariminius, mirent à mort cruelle ei sansmercyne raison, trois légions Romaines, des garnisons mises par ledit Drusus Germanicus sur les firontieres du Rhin, desquelles légions estoit chef, Quin- tilius Varus : et auec eux furent deffaits six autres légions de souldoyers estrangers, quilz nommoyent pour lors auxi- liaires. Laquelle perte est par les historiens contée entre les infelicitez d'Auguste : car autrement cestoit le plus heureux Prince qui onques fut : et de cest inconuenient (I) il cuida mourir de dueil. Et fîist faite ceste grand descon- fltore à Nuremberg, qui est vue grosse ville d'AlIemaigne, située en France orientale, et aux autres lieux et fors tant deçà comme delà le Rhin, les garnisons Romaines se tenoyent.

Par ainsi voyons nous, que de toute antiquité les armes belliqueuses des Sicambriens, François et Germains, ont esté redoutables & Lempire de Romme, auquel finablement ilz ont tollu la monarchie du monde, et ont succédé en lenr lieu. Donques pour monstrer encores mieux que la

(1) e.-à-d. malheur.

306 ILLYSTEATIOIIB Ml OàfLBi IT

nation des Sicambriens et François nest pas de si reosnte mémoire, ne de si tardiue renommée que les communes histoires disent, nous auons le poète Martial en ses Epi- grammes» et luuenal en ses Satyres, qui font mention des Sicambriens, et désignent et pourtrayent leurs &çons et habitudes, presques comme si on Teoit à lœil, de quel* forme et sorte Hz estoyent adonc, tellement que vn peintre bien entendu les pourroit bien contrefaire après les draz Ters qui sensuiuent. Dont lun monstre, quilz auoyent cheueux crespelez, recorcelez (1) et retortillez, tout ainsi conmie les hauts Âllemans les portent iusques aoiourdhuy. Lautre dit quilz auoyent la &ce et le regard terribls, effiroyeuse et redoutable. Et cest quant aux Sicambriens.

Martialis :

Crinibiis in nodam tortb ▼•nere Sioambri.

luuenalis :

Taaqnam de getit aliqoid toraifqae Sioambrii.

Entant quil touche de prouuer que la nation Françoise estoit en grand estime et vigueur long temps parauant le règne de TEmpereur Valentinian, et que les armes Fran- coises , pour conseruer leur liberté Troyenne et Hercu- lienne, contre la tyrannie des Romains, ne faillirent onques à se defiendre ou assaillir : cecy nous tesmoigne vn grand historien, nommé Flauius Vopiscus, en la vie de TEmpe- reur Valerius Âurelianus, duquel porte le nom la cité d'Orléans , et aussi le souloit porter la cité de Geneue en Sauoye, car il en fut fondateur. Or y eut il entre ledit Âurelian et Valentinian, huit Empereurs. Et dit ledit

(l) c.-à-d. retrooMâs. Cf. reeoureer.

SmOTLARITK IME TROTB. XIYBB UI. 807

acteur Vopiscas, que comme les François càorusseiit et gastassent toute la prouince de Gaule, ilz furent par ledit empereur Aurelian vaincuz en bataille rude et difSdle à Mayence sur le Rhin, qui est en France orieniEide, et les plusnobles d*eux menez en triomphe à Romme. Etrvoioy les propres motz dudit acteur : Idem {Aurelidnus) «jnkf Jfagontiacum Tribunus Ugionis sewta OaïUcamœt Fran^- eos irruentes eum vagarentur per totam Oalliam^ ne ai/liwU^ 1^ trecetUos ez his captas^ $eptingmt%$ inUremp- Hs sub earona wndiderit. Unie iterum de eo fBtctaeet emUUena:

Mille Francos, mille Sarmatas lemel occidimua. Mille, mille, mille, mille, mille Peraai qoœrimus.

Laquelle chanson se chanta au triomphe dudit Empe- reur, quand il fit son entrée triomphale à Romme. Par- quoy il appert comment les Romains, vainqueurs de plusieurs nations, estimoient à grand honneur et gloire dauoir déf- iait Yn petit nombre de François. Et si voit on par caste prenne, que de tout temps ilz estoient renommez en lexer- dce des armes, voire plus de six vingts ans anant quilz constituassent Pharamond Roy sur eux. Lequel Pharamond commença régner, lan cccc.xx. selon GagUin. Et Aurelian fut fait Empereur, lan après lincarnation deux cens quatre Vingts et dixneuf selon laques de Bergome;

Apres ledit empereur Aurelian, ses successeurs conse- qaents^ oestasauoir, Florianus, Aurelius Probus, Prooulus le tirant : et depois Constantin le grand etiuste monarque, ysBU du sang de Troye, eurent affaire auz François : comme il appert par leurs histoires et panégyriques : cestadire, décantations de louenges, dont vn acteur nommé Raphaël de Yolaterre, en son Tii^ et troiûeme liure des Commen-

SOS : Bii.va(nuTioii8 db oatu,,»

tairefl vrbains, met ^ue ledit emperear Anrelins Probos, natif de Pannonie, triompha des François, des Goths, des PaHhes et des Sarmates. Aussi pour vne gloire singulière, il Youlttt porter en ses tiltres, les surnoms desdites nationa par faiy vaincues, et les fit grauer en sa sépulture & perpé- tuelle mémoire, desquelz tiltres celuy de France estoit le premier, fit la teneur estoit telle : Oasar Âurelius Prohu : Imp&rai&r : Francicus : Ootkicus : Parthicus : Sa/rwuiti' û^ê. lestime quil porta voulentiers ledit surnom de Fraa- dcus, pource quil se sentoit estre yssu des François, les- quelz premièrement habitèrent en Pannonie, ^i laqudle contrée fut iadis fondée la grand cité de Sicambre par les Sicambriens ou François. Mais pour mieux entendre ceste histoire, il faut congnoitre la situation de Sicambre ea Pannonie, et pourquoy elle ha changé son nom. Et aappelld ores Bude en Hongrie.

SensQit la ûtnation de la grand cité de Sicambre, iadis fondse par FranoQB filz d*Hêctor, en Pannonie, lur le grand flenue Doaoe. Et comment depuis vn Prince nommé Buda, frère de Attila, Roj dei Huns, changea son nom à ladite cité de Sicambre» et la nonmi» Bude en Hongrie.

La terre de Pannonie, qui du temps de Troye sappelloil^ Peonie, comme au chapitre ensuiuant sera bien amplement^ declairé, se diuise en deux : œstasauoir, la haute et Is^ basse. La haute Pannonie est auiourdhuy Larchidacli# d'Autriche : et la basse Pannonie est le Royaume de H<m-^ grie. Et parmy toutes ces deux contrées passe le nobl^ fleuue Danubius, qui se dit en langue Tulgaire le DoBoe» lequel est le plus grand de toute Europe, et seul par dessus

SmOTLÀBITU BB TBOTB. UVBB 111. 309

tons les antres ayant oe priuilege, quil dresse son cours instement contre Orient. Sa sonrse primitiue est en] la montaigne Noire, qui se dit en Latin Sflua HereiniA : estimée par les historiens et cosmographes pour lune des plus grandes et des plusnobles du monde, au païs de Soaue en Allemaigne, oultre le Rhin, qui se disoit anciennement et enoores se dit France Orientale. La sourse et la première, fontaine dudit fleuue Dunoe fut monstree pour vue singu- larité à madame Marguerite d'Austriohe et de Bourgongie^ par TU Cheualier du païs, nommé Ylric, conte de Fustrai* berghe, qui guidoit et conduisoit ladite Princesse, ayant charge de ce faire, de par lempereur Maximilian, père de ladite dame. Cestasauoir au temps quelle alla voir sondit seigneur et père, en habit de dueil, auquel elle estoit peur lors, et tout son train de trois cens chenaux ou plus, a cause du trespas de son frère vnique le Roy Phelippes de Gastille. Si se feit donner ladite Princesse Marguerite, de leaue de la fontaine du grand fleuue Dunoe, en vue coupe dor. Bt quand elle en eust tasté, elle dit lors en souzriant, selon sa manière douce et humaine, comme font toutes Princesses : Que la grâce à Dieu et à Fortune, elle auoit jGut en sa vie, ce que plÉ^ quelque autre femme de noble maison nauoit fait. Et quand aucuns des seigneurs plus priues et plus apparens luy demandèrent gracieusement, la raison pourquoy : elle respondit : Pource quelle auoit yen tous les plus grans fleuues de Ghrestienté, tant en France, Espaigne, Sauoye, Italie et ades (1) en ÂUemaigne, ce qui nestoit aduenu de long temps à Princesse quelcon- ques. Laquelle parole (considère ses infortunes esmut aux principaux des assistans grand pitié, iusques aux larmes.

(1) e.-à-d. maintenant. Cf. Fitalien êdeiso.

510 ' ILLTItRÂTlOIIS Dl OÂTLS, Wt

Miûs pour la cons61er» ilz tournèrent à ieu» et tirerait oultre.

En ce mesmes tenant, (1) il nous fut dit pour tu cas mer- ueilleuz, en la Noire, montaigne, laquelle pour lors blan- chiasoit toute de neige et verdoyoit de hauts sapins bien Muestus et bien branchuz : que de ladite montaigne sour- dent les trois plus grans et plus nobles fleuues d'Europe, cestasauoir, le Dunoe, le Rhône et le Rhin. Le Rhône impétueux sen va rendre en la mer Mediterrana de Lan- guedoc, en Prouuence, deuers le Soleil de mydi. Le Rhin tresfertile et tresriché, entre en la mer Oceane, de la basse Allemaigne, et de Flandres, deuers bise, à Soleil couchant. Et)le Dunoe dresse son cours plus de cinq cens lieiies loing, et va dieoir en la mer Maiour, cestasauoir au Ponte Boxine plus bas que Constantinoble, deuers Tartarie, et se lance si tresimpetueusement dedens icelle mer, par sept portes eo entrées, qoe plus de quarante mille pas en auant, de- dens la marine, on treuue leaue douce : car dedens ladite riuiere Dunoe descendent autres grans fleuues, iusques au nombre de soixante, auant quelle aborde en ladite mer de Ponte. Et passe par plusieurs et diuerses nations estranges, d'Allemaigne, de Hongrie, d'Esdaiionie et de Grèce. Dont les ynes sont Ghrestiennes, les autres errent en la foy, et les autres sont du tout hors de lobeïssance de leglise Ro« maine, cestasauoir de la secte Macommetiste, et subiettes au Turc et au Tartre.

Or donques sur ledit merueilleux fleuue Dunoe, fut édi- fiée par les Troyens la grand cité de Sicambre, en beau pais fertile et fort à merueilles, de laquelle fait grand mention la chronique de Bucalus estant en la tresriche et tresbelle

(1) o.-à-d. au même moment, en 1506.

sniGTLABITSZ DB TEOTB. UflS UI. 311

librairie da Roy treschrestien Loys douzième en son chas- teaa de Blois. Et en icelle cité de Sicambre, dominèrent les François et Sicambriens, iusques an temps des Ro- mains : mesmement de lemperenr Octanien Âugoste : lequel ne les dompta pas, mais ilz se donnèrent franche- ment à Iny pour lamour de sa grand renommée et bonté, et que de son temps toutes guerres estoient cessées et paix yniuerselle regnoit au monde, et ce mesme honneur portè- rent audit empereur les autres nations plus lointaines, cest- asanoir, les Iules» (1) les Parthes et les Scythes, quon dit ores les Tartres. A laquelle occasion, lempereur Octauien Auguste, pour certaines raisons à ce le mouuans, remua la nation des Sicambres et leur feit changer païs, parauen- ture pource quilz estoient trop grand peuple ensemble, ou poorce qoil doutoit leur force estre trop prochaine d'Italie, comme est Hongrie, et les feit descendre ou partie diceuz, en Oanle Belgique, sur le fleuue du Rhin. Ce que nous tes- moigne Suétone, en la vie d'Auguste : Oermamosque titra Âlbimjluuium summouit^ ex quihu Sueuos et Sicambros deimUei se traduwit in Oallia^ atçue i% proximis Rheno Offris collacauit. Parquoy il est certain, que du temps de lempereur Auguste, auquel nostre seigneur issys chbist nasqnit, les François et Sicambriens obtenoient (2) la plus grand et la meilleur partie d'Allemaigne et de Gaule Bel- (^que, es pals quon dit présentement, Cleues, Oheldres et luillers.

Puis que nous congnoissons assez que les François Si- cambriens eurent en possession la terre de Pannonie, quon dit ores Hongrie, laquelle est si bonne et si riche de toutes

(1) JnllêS {éd. 1513). Pfot-dtre les Juras d*Hérodote IV, ^2.

(2) c.-à-d. occapaient, obiinebant.

312 1LLT8TRAT10II8 DB «ATLB^ BT

choses^ mesmôment de minierefi dor, paarqndjr ne Ift pÊ^ derent ilz ? À oe ie respons, que nonobstant, que par choses dessus narrées soit assez satisâdt & oeste qoeetion, çestasauoir, que la voulenté de lempereur, pour lors souud- rain Prince du monde, fust telle, que de les traBsporter plus bas, neantmoins ie dis dauantage, quil semble que la destinée des François Sicambriens les menast à telle fortune, à fin que tousiours ilz fussent plus illustres, et mieux «ztf- citez aux armes ; car mutation de païs fidt les hommes plus dextres et plus robustes, comme on le roit ooniitiune- ment.

Ladite cité de Sicambre, fondée par les Frapiçois, fut depuis en la subiection des Romains. Et quant vint le dé- clin de lempire, les Gothz et les Lombardz, tous deux peu- ples de la nation d'ÂUemaigne, la tindrent et depoie sur- uindrent les Huns de Tartarie, dont le premier Roy nommé Attyla, lequel auoit communément cinq cws mille be&Diliies en armes, non content dauoir occupé toute Oreoe, Maoe- done, Esclauonnie, Albanie, Istrie et Dalmace, sarresta en la cité de Sicambre à cause de la force et beauté du lieu. Et se tint lespace de cinq ans : ce pendant quil foisoit espier les prouinces de Gaule, d*Espaigne et d'Italie, pour y descendre et se ruer en icelles. Laquelle chose il mit A exécution. Car quand il vit son poinct, il courut toute Allé- maigne et Gaule, desia estoient les Goths, les Bour- guignons et les François, et y auoient prins et arresté leurs sièges en reculant et forcloant les Romains, pour la plusgrand partie. Tellement que après le siège d*Orleai», lequel il fust contraint dabandonner, il fut combatu en la plaine de Chaalons en Champaigne par les Romains, Fran- çois, Bretons, Bourguignons et Goths. Et fut celle bataille merueilleuse et mémorable, car il y moururent Meroreus,

8IMVLABITBI M TMVK. U¥BB UI. 313

Roy i88 Vnaat^i»i Ovndengus, Roy des Bourguignons, tt Theodoric, (1) Roy des Goths. Et fut ledit Attjla presques desoonflt, iasoit ce quil eust cinq cens mille hommes en armes, e(»nme il sera dit plusauant en ce liure. Il portoit en ses arsies vn Esperuier couronné. Et en ses tiltres et mandemens parents il disoit ainsi : Âttyla filiui JBender' cum, nepoi magni NembroiA, nutritus in Engadi : iei gratia R$w JSFiH^narum^ Medorum, Ootharum, Dacarum : If^MS arbis, U FUgellum Dei. Il estoit extrait de la mesma rasse et pals des Turcs, qui se disent auoir prins origine de Turcus, ôlz de Trollus. Et encores yoit on que les Hongres ayment et fréquentent les arcz Turquois, et sont forts et hardiz comme Turcs, mais il sont leurs trop fiers ennemie, à cause de la foy Cbrestienne. Et bien en ont monstre les exemples de la fresche mémoire de noz pères. Car le Roy Albert de Hongrie, gendre de l'Empereur Sigismond, qui tendant i cas fins, assembla les conciles de Constance et de Basle, mourut ieune allant en son emprise contre les Turcs. Lanceloti (2) successeur dudit Albert, Roy de Hongrie et de PdonOi combatant vaillamment contre le grand Amo- rat, tyrant de Turquie, cheut en la bataille, auec le Cardi- nal Gesarin, Légat du saint siège apostolique, qui fut vne trop piteuse ioumee pour la Chrestienté. Et de nostre temps, le Roy Mathias, Prince de merueilleuse prouesse et affection à la deffense de nostre foy, tout le temps de son règne ha este heureux et bien fortune, par plusieurs vic- toires mémorables contre les Turcs. A laquelle besongne ^ tressalutaire^ il sest monstre plus affectionné par effect que nul autre Prince de son temps, ne desplaise aux autres.

(1) Théodore (éd. 1513).

(a) YbdislM VI, moft à la bataillé VAraa, en 1444.

514 UXTtTlATMNIt H OâfLB, If

Par qnoy il ha mérité qnil soit de lay mémoire éternelle ea toute histoire et chronique.

Pareillement* son successeur moderne, le Roy Lancelot de Hongrie et de Bohême, allié de la maison de France et de Bretaigne, sest honnestement exercitë en tel affaire con- tre la nation infidèle, et en ha raporté victorieuse renom- mee. Parquoy il appert, que iasoit ce que les Turcs et les Hongres soient dune mesme extraction quant à lorigine de Tartarie, neantmoins le changement du pals et des mosurs, et la diuersité de croire en Dieu, les ha fieûts fflinamis si tresmortelz que riens plus : ioint k ce que le voisinage de leurs contrées augmente la hayne et les rend plus aspres : car lun entreprend tousiours sur lautre.

Or pleust à Dieu, que tous noz treshauts Princes de Ghrestienté fussent ensemble si bons amys, que iamais il ny eust que redire ne que radouber en leurs quereles mu- tuelles et controuerses réciproques, ains alassent ynanime- ment ayder aux Hongres, aux Bohèmes et aux Polaques, qui sont sur les frontières des Tartres et des Turcs. Alors ce seroit vn beau passetemps, à la tresnoble et tresillustre nation Françoise et Britannique, procréez du vray sang légitime de Troye, daller voir en passant par le paXs de Hongrie, Esclaaonie et Albanie, les sièges de leurs pre» miers Princes et parents. Et dilec tirer en Grèce, pour contempler la ruïne dune nation si audacieuse, qui eut iadis Ihonneur de defiaire et ruïner la grand cité de Troye. Et dillec passer & Constantinoble, la mer Hellesponte, cestadire le bras saint George. Et puis planter leurs enseignes triom- phantes en la terre ferme d'Asie la Mineur, quon dit main- tenant Natolie ou Turquie. Et recouurer par iustes armes le propre héritage, et les douze Royaumes que tenoit iadis le bon Roy Priam, àyeul de Franous filz du trespreux Hector.

SDIGVLAmiTIZ DB TBOTB. UVU lU. SIS

Tout lequâl chemin, tant par mer que par terre» pro* ninoe poar prouince, cité pour cité, isle pour isle, iay entreprins et pieça commencé de monstrer par escrit, à ceux qui entreprendront vn si digne voyage, et lacheueray quelque fois au plaisir de Dieu, mais ce ne sera point auant que nous voyons tous noz Princes Chrestiens auoir du tout délaissé leurs guerres ciuiles, pour embrasser dun magna* nime courage ceste tressainte emprise, par perpétuelle con- corde et vnion fraternelle. Laquelle chose seroit trop plus que nécessaire. Mesmement en ce temps de trouble et misé- rable diuersité, auquel le Turc sefibrce et menasse destain* dre et abolir de tous poinctz en Orient la tresdere et très- cheualereuse religion de Rhodes, pour tousiours affoiblir et diminuer la chose publique de la Chrestientë. Mais reue- nons au propos du premier Roy des Hongres.

Or auoit Âttyla, premier Roy des Hongres, laissé son firere Buda, en la cité de Sicambre en Pannohie, pour la garde et gouuemement du païs : et luy auoit donné charge de la reediâer et augmenter : comme celuy qui, après ses conquestes, entendoit y faire sa résidence. Et vouloit en perpétuelle mémoire, que de son nom elle fust nommée Attelbourg, cestadire, la cité de Attyle : et que Pannonie fust nommée Hongrie, comme elle est de présent, k cause des Huns qui lauoient conquise et occupée. Mais sondit frère Buda, ou par ambition de propre gloire, ou pource quil se vouloit faire Roy du païs, tandis que son frère estoit occupé en autres guerres, fit nommer ladite cité de Sicam- bre en Pannonie, Bude en Hongrie. Aucuns historiens tien- nent, quil ne le feit pas par malice, mais ce fut la beniuo- \(SDce de ses subietz ausquelz il estoit trop plus humain que son frère Attyla. Comment quil soit, Attyla comme tres- cmel homme, en print tel despit et vengeance, que après

816 nJLTftTEATIOllS MK OAfUit BT

son retour de la bataille des champz Catalauniqiies, il tua de sa propre main son frère Buda : et puis feit ietter son corps en la riuiere de Dunoe. Si commanda deslors en auant estroitement par toute Allemaigne et Hongrie, que la cité de Sicambre fust nommée de son nom Attelbourg. Lequel eommandement les Âllemans obseruerent par crainte, mais les Hongres non : car ilz estoient plus affectionnez à la mémoire de son frère Bude. Et vêla la raison pourquoj on nomme la cité de Sicambre, Bude en Hongrie, en laquelle est le siège Royal, et vn tresfort auantmur pour la dunes- tienté contre les Turcz. Laquelle fust ainsi restaurée par Attyla, enuiron lan de grâce quatre cens et vn : quil com- mença à régner sur les Hongres. Mais de la fondation pri- mitiue dicelle, faite par les François tantost après la fonda- tion de Troye, iay trouué les fragments dun Poète antique, en leglise collégiale de saint lust de Lyon, par la teneur duquel il peult apparoir tout ce que dessus est touché.

Dacta per Illjricom vexit ratis alta leonas. Migrât in Hangariam, qo» fertilis obtalit omeii :

Terra satis plaçait, gaudia multa mouent. Arte parant vrbem, simulantem mœnia Troiao, Quœ malè vicinos, pôst ad seruilia cogit

Sic, niai eos reges terra sabacta roget. Urbs omata Tiris noua dicta Sieambria est. Mnlta per * Troiana potentia 8»ait,

Percatit et lœdit, saape cruenta i*edit.

Lesquelz vers combien quilz ne soient pas des plus fins du monde, et que le liure estoit si vieil et si corrompu, que ie ne pouuoie bonnement tout lire, neantmoins pouroe quilz font aucune foy de lantiquité de Sicambre , ie les ay voulu mettre icy. Apres iceuz, il y auoit autres vers, dont

SIMIJLARITIE DE TROTB. LITRC III. 317

la substance est, que la terre de Germanie, tant sur le fleuue Dnnoe, comme sar le Rhin, estoit iadis nommée France. Parquoy il appert que les François occupèrent pre- miarement toutes les Âllemaignes, et depuis les Gaules.

RhenoB ibi flanius Danabiusqae salit. Pranda pôat dicta Germania noscitur ipsa. Ex qaa Francorum regnam natura patriat.

Encores audit liure il y auoit vn abrège de la chronique des Sicambriens, faisant mention, que du temps de Sal- manasar, Roy des Assyriens, et de Sennacherib, sonfilz, les- quelz persécutèrent beaucoup les enfans dlsraël, mesme- ment le prophète Tobie, les Sicambriens obtindrent le pais de Bauiere en Allemaigne et la grosse cité de Ratisbonne, assise sur le grand fleuue Dunoe : laquelle fut depuis fort augmentée par l'Empereur Charles le grand. Lesquelles choses iay voulentiers récitées, k fin dentendre tousiours de plus en plus, que les François se firent seigneurs de toute ÂUemaigne et Hongrie.

Raiaon Traysemblable, parquoy lea Troyena ions leur Roy Franeoa, Bomommô LaodamaB, et son fils Sicamber aarresterent plutôt en Pannonie, quon dit maintenant Hongrie^ qne en quelque autre contrée. Et des Princes dudit pals, qui furent presens au rauisse- ment d*Heleine, et "findrent depuis au secours du Roy Priam à Troye. Et comment les Gaulois de nostre nation de pardeça cuide- rent aller secourir Troye, mais ilz la trouuerent desia destruite.

Qrant à ce que les Troyens, François et Sicambriens sarresterent premièrement en Pannonie, quon dit mainte- nant Hongrie, il est assez Traysemblable : car comme des-

318 ILLVSTRATibllS DB aiTLS, BT

8U8 est monstre, le sage Helenus, frère d'Hector, nourrit et esleua son neuea Francos. Et pource qnil regnoit en Alba- nie et Esclauonie, qui ne sont pas lointaines de Hongrie, il fût assez à présupposer, quil voulut bien auoir son neuea pour son yoisin, et luy bailla lindastrie de ce faire. Dautre part, il est certain, que les enfSfiuis d'Hector auoient quelqae affinité en Pannonie, laquelle du temps de Troye se nom- moit Peonie : comme met Raphaël de Volaterre, au hui- tième liure de sa Géographie. Et quilz j eussent congnois- sance, alliance et affinité : il appert assez par les escrits de Dictys de Crète et d*Homere, lesquelz recitent, que les Roys et Princes de Thrace, de Mysie et de Peonie, donnè- rent secours k Troye. Thrace est vue contrée en Grèce, dont la cité capitale est Gonstantinoble, assise deçà la mer Hellesponte. Mysie est située «itre le grand fleuue Dunoe et les montaignes de Macedone. Et sappellent ores ces contrées, Bosne, Rasce (1) et Seruie, toutes conquises par le Turc sur la Chrestienté, et sont frontières dun costé au Royaume d'Hongrie. Peonie comme dessus est dit, ha depuis este nommée Pannonie, et se diuise en deux : cestasauoir, en haute et en basse. La haute Pannonie, est ores Larchiduché d*Âustriche. Et la basse Pannonie, est le Royaume de Hongrie, dont la cité principale est Bude, qui iadis se disoit Sicambre. Ainsi appert que les Princes de deçà la mer, ne furent pas exempts de la guerre de Troye, non plus que les Orientaux. Et à ce propos met expressément le Pape Pie, en la description de son Asie, que les Gaulois de nostre nation de pardeça passèrent d'Europe en Asie, pour aller defiendre Troye. Mais quand ilz la trouuerent sans murailles, ilz la laissèrent, iasoit ce

(1) Resc$ (éd. 1528). Avg. la Kàaoie, parUe ocdd. la

SDVGYLAEITBZ DE TROTB. UVRB IH. 319

quelle fat réparée depuis par les enfans d'Hector. Et les mots dudit Pape Pie son telz : Agmanarus scribit^ Oallos ex Bwopa transgressas tuUla gratta in vrbem {seilicet Traiam) ascendisse : sed eam sine mombus repertam iUico

Pour reuenir à nostre propos de Peonie, ou Pannonie, quon dit maintenant Hongrie, Paris et son frère Delpho- bus furent enuoyez celle part par leur père Priam, auant le rauissement d*Heleine, k fin dauoir gensdarmes et soûl- doyers de ladite nation , ce quilz impetrerent. Si ame- nèrent grand cheualerie, comme met Dares de Phrygie. Lesquelz furent présents et complices k la destrousse de Lacedemone, quand Heleine fut rauie, et à toutes les autres bonnes actes que Paris feit en son premier voyage» comme bien amplement est descrit au second liure de ces Illustrations. Et quant à la guerre du siège de Troye» ledit acteur Dares nomme entre les Princes qui secouru- rent Priam, Alcamus de Peonie. Dictys de Crète, vn autre noble acteur, en son deuxième liure de Ihistoire Troyenne, met que Pyrechmus, (1) Roy de Peonie, fut occis en ladite guerre par Diomedes, Roy d*Etolie. Homère en son troi- sième liure de l'Iliade, translaté en prose par Laurens Valle, fait mention dun autre Prince nommé Pyrechmes de Peonie, lequel alla au secours de Troye, et mena ses gens tous bons archers. Encores voit on auiourdhuy, que les Hongres sont forts et expers à tirer de lare Turquois. Et fut iceluy Prince de Peonie, nommé Pyrechmes, (2) tué par les mains de Patroclus de Myrmidonne, comme met ledit podte au xvi. liure de son Iliade. Et au xxi. il met

(1) Pfr^am%${éà. 1513 et 1528).

(2) PfruUms (éd. 1513 et 1528).

S20 1LLT8TRÀT101I8 SB QAVLI, Wt

que ÂsteropenSy fllz de Pelegon de Peonia, monnit par les mains d*Achilles. Ainsi voit on que les Princes de Peonie, onPannonie, quon dit maintenant Hongrie, et des prooinoes circonuoisines de deçà la mer, se meirent en grand peine pour secourir Troye, et tous ny prouflterent gueres : car les destinées et la prouidence diuine estoient an contraire. Ces choses veùes, et toutes doutes qui eussent peu obom- brer ceste histoire esclarcies, il nous tant retourner i Francus, premier Roy des François et Sicambriens, et de- clairer sommairement la progression de sa tresnoble pos- térité, et des peuples belliqueux et fortes nations qui de luy sont yssues, et de leurs gestes victorieux, iusques au tresglorieux empereur Charles le grand, Roy dea François Orientaux et Occidentaux. Laquelle généalogie nous dédui- rons, si Dieu plait, heureusement, selon lordre qm sensuit. »

Francos fat fils d'Hector de Troye, pera de oesU (Unaslogi^.

Dudit Francus, portent iusques auiourdhuy le nom, le pais de Franconie, quon dit en allemant Francland, oultre le Rhin, de Francfort en Allemaigne. Et la nation des François en Oaule, quon dit maintenant le Royaume de France.

Sicamber fat filz de Francas.

Dudit Sicamber fîit iadis dénommée la grand dté de Sicambria en Pannonie , quon dit maintenant Bude en Hongrie. Et les premiers Sicambriens, qui furent tous vus auec les Francs Germains ou hauts Âllemans : oultreplus les bas Sicambriens, quon dit auiourdhuy les Oheldrois, et les ducz de Cleues et luliers.

Priam second de ce nom fut filz dadit Sicamber. Hector second de ce nom foi fili dudit Priam dMixiame.

SmGYLABrrKE M TBOTI. UVAB III. SS2I

Ledit Hector second de ce nom eat trois fllz : cestasa- noir, Troïos, Polydamas et Brabon. Dadit Brabon yssit, en la yin|^eme ligne, yn autre Brabon qui donna le nom aux Brabansons et à la duché de Brabant,

Troliis fat fils dodit Hector deuxième, comme dessiui est dit. TorgotuB fat fils dadit Trolas. Tongris fat fils dadit Torgotas.

Diceluy Tungris porte auiourdhuy le nom la cité de Tongres auprès du Liège, et iadis fut m grand peuple nommé Tôngrois,

TM9 fat fils dndit

Dudit Teuto portent le nom iusques auiourdhuy les Teu- toniques, que les Italiens appellent Tudesques : les Vual- Ions les nomment Thyois : et les François les disent Alle- tnans. Ce furent proprement iadis ceux qui habitoient dega et delà le grand fleuue Dunoe, en Soaue, Âustriche et Bauiere. Et diceu^ Twtoniques las U3toires Rommaines font ample mention, maintenant on les appelle Lansque- nets : eeeta^lira, enfans du pals d*AUemaigne.

Agrippa fet fOi du4it Te^to*

Dudit Agrippa, porte le nom la cité Âgrippine, quoft dit Cologne sur le Rhin : laquelle nest contée sinon pour lune des quatre Tilles rustiques (1) de Lempire.

(1) En allemand UmâstaU^ ou ce qae Prisch, TeatscU-I^tciniscbf^ W6rt6rback (Berlin, 1741) appeUe «rftf munieipalii et distingae d^one reiehstadt oa d*ane amtitadt Conring, De mrMus çermanicit (Pranef. 1603, p. 140), cite Cologne, BAle, Straeboarg et Spire, oomma ^rant obtemn le rang de Tille Hbre, /rH-stûdi^ et les oppose max fifèci rêfni i9$l iwip$riale$. Le mdme aatear {DeJUUkn fMfMfît

n. SI

Sis ILLT8TBATI0II8 M OMUt^ ET

Ambro ftit fils dadit Agrippa.

Dudit Âmbro, porta iadis le nom le peuple des Ambrons, habitons sur le Rhin, desqnelz lesdites histoires rom- maines font aussi mention.

Thoringas fat fllz dudit Ambro.

Dudit Thuringus porte iusques auiourdhuy le nom, Toe prouinoe d'AUemaigne, nommée Thuringe.

Cimber M fils dadit Thoringoi.

De oestuy Cimber est précédée la domination du grand et merueilleuz peuple des Gimbres, qui tant fittiga ks Ro- mains. Et fut la domination dudit Cimber, depuis la riuiere de Meuse iusques k Lescault, et depuis la fbrest Charbonnière, quon dit maintenant le païs de Flandres, iusques à la mer de Frise, de Dannemarch et de Nomu^ghe.

Gamber M fili dodit Cimber.

Du dessus nomme Camber, portent auiourdhuy le nom, la cité de Cambray et la terre de Gambresis, et Cambron en Haynnau. Il fut Roy des Cimbres, des Tongrois et des Belgiens.

Les successeurs dudit Camber furent ses deux filz Mel- brand et Seruius, et leurs hoirs, lesquelz ie me déporte de nommer : car ilz ne seruent de rien au propos : et les remetz h Ihistoire de Belges ou de Tongres : iusques à oeluy qui sensuit.

germanici^ p. 415} ne fait remonter raotonomie de Cologne qa'au XII* siècle.

SmCYLARim DB TROYB. UTai lU. 325

De MenapioB, Roy des Gimbree , Belgiens et Tongrois^ qui fat père de

Godefroy : surnomme Karle.

Menapivs, Roj des Gimbres, Belgiens et Tongrois, fut fllz du Roy Magius, lequel fonda le chasteau de Megie (I) entre les riuieres de Rhin et de Meuse : descendu de ladite tresancienne et tresnoble lignée du Roy Gimber. Et donna ledit Menapius le nom aux Menapiens, qui estoit iadis vn peuple puissant en Gaule Belgique, voisin des Eburons, quon dit maintenant les Liégeois, et de la forest d'Ardenne , lesquelz Menapiens sont maintenant ceux qui habitent en la Duché de luliers et yne partie de Gheldres. César au cin- quième et sixième liure de ses Commentaires fait mention d'eux : et dit quilz estoient alliez de ceux de Terouenne : et amys d'Ambiorix, Roy des Eburons. Et furent les der- niers de ceux qui daignèrent demanda paix et appointe- ment audit César. Parquoy il est yraysemblable que ces- toit yn fort et puissant peuple.

Ledit Menapius regnoit assez long temps auant la mo- narchie des Romains : cestas^uoir du temps de Ptolomeus Energetes, Roy d'Egypte. Lequel Ptolomeus commença k régner, lan douant lincamation nostre Seigneur, sept vingts

(1) U ikut diercher oette localité entre le Rhin et la Meose iaU» rieurs, dans Tespèce de presqalle qui se termine en aval de Nimégae. Qn troaTe dans ces parages la petite yille de Megen, Meghen on Megbem ; mais elle est sar la rive g^ache de la Mease, dans le Maas- land. Elle était le chef-lieu d'an petit comté qni était fief du duché de Brabant, et dont la seigneurie, dit Fauteur des Dfliees des Paf/s^ Jsf , s'étendait sur plusieurs TilUges ê%ieça et audelà de la Meuse. Qoiehardia cite le Mefa CamUatus.

314 iLLnnuiioiii m aAiu, »

et deux : enniron lequel temps, les Romains et le peuple de Treues feirent vue forte confédération ensemble . Et fut nommée Treues, la seconde Romme : vsant des loix Ro- maines. Et pource que le Roy Menapius, voisin desdits de Treues, refusa lalliance desdits Romains, Lucius Cassius tat enuoyé contre luy, auec plusieurs légions de gens- darmes : et persécuta lesdits Tongrois et Menapleûs : ius- ques à la grand mer Oceane : comme met Orose : mais en la fin il fut circonuenu, attrappé et tué par eux, auecques Lucius Piso, homme de dignité Consulaire et légat ou lieu- tenant dudit Cassius Consul.

Laquelle chose voyant, Lucius Cassius, vn autre Consul auquel le demeurant de larmee Romaine sestoit retirée après ladite desconflture : à fin quil les peust garder, fut contraint de £aire vn appointement deshonnorable auec ledit Roy Menapius, en telle manière que les Romains des lors en auant ne deuroient entamer sur luy ne sur. ses alliez. Et pour ses dommages et interestz, ledit Consul luy deliura toute son artillerie et instrumens de guerre : auec- ques la iuste moytié de toutes les bagués, hamois et autres biens desdits gensdarmes Romains. Lesquelles despouilles furent distribuées entre les Cimbres, Tongrois et Belgiens : et dicelles vue bonne partie offerte en sacrifice au temple de Mars, Dieu des batailles, à Louuain : dont il fut fort enrichy. Et oultre ce, pour plus grand seureté dudit ap- pointement, furent es mains dudit Roy Menapius cent nobles hommes Romains pour ostagiers.

De cest appointement tresuituperable, non contons le Sénat et le peuple Romain, quand ledit Lucius Cassius fut retourné à Romme, il fut cité à certain iour par douant Celius, tribun du peuple. Mais luy craingnant plus grieœ sentence nosa comparoir, ains senfuyt en exil : dont le Roy

Sni0VLARITBZ 01 TROTS. UTU lU. 395

Meiuq^io» fat tant indigne contra lesdit» Roinains, qun^ pon de temps auant sa mort, il assembla au temple de Mars à Louuain ses quatre filz, Léon, Godefroy, Teutonius et Cloadic, et plusieurs autres de ses Princes, barons et vassaux, et illec leur feit iurer et vouer solennellement, & la statue dudit Dieu Mars, quilz feroient leur pouuoir de mettre à totale destruction lesdits Romains : comme auoient lût leurs prédécesseurs Brennus et Belgius, tresuaiUans Princes, qui prindrent et destruisirent Romme, excepté le Capitole. Par ainsi au commandement du Roy Menapius, sas quatre anfistns dessusnommez et las autres seigneurs promirent et vouèrent daccomplir son intention. St cer- tain temps après, ledit Roy Menapius mourut, après auoir regaè laspace de treize ans. Si dirons maintenant de ses en£ui8.

DeeUration dM PrincM et nations qui conipirerent contre lesdiii

aoec les enians dadit Roy Menapias.

lia filz êimi dudit Roy Menapius, nommé Léon la quart, régna sur les Cimbres, Tongrois et Belgiens : et le pre- mier an de son règne, pour accomplir le vœu et promesse que luy et ses trois frères auoient &it au temple du grand Dieu Mars à Louuain, par le commandement de leur père, ilz feirent ensemble alliance à tous les peuples et Princes voisins, yssuz de la tresnoble et tresancienne génération de Sioamber, neueu d*Hector de Troye, et de Bauo, cousin germain de Priam : iadis premier Roy de Belges, quon dit mdntenant Haynnau : et mesmement ilz se confedererent & la nation Teutonique, cestadire les hauts ÂUemans. Sur lesquelz regnoient pour lors plusieurs Princes, si comme le

SS6 ILLYSTEATIORS DB GATLBi ET

Roy Bolas ou Beleus : le Roy Lacios, le Roy Boiorix, le Èoy Claudius, le Roy Cesorix et autres dont on ne scait les noms.

Pareillement fut de leur ligue et confédération vn Roy Oeant et de merueilleuse stature, nommé Teutobochus, qui dominoit sur les Ambrons et sur les Tigurins. Desdits Am- brons nous auons fait mention cy dessus, et habitoient sur le Rhin. Touchant les Tigurins, aucuns disent que cest vue partie de Souycere : (1) les autres les prennent pour la Conté de Gymer.

 tous ceux là, ledit Léon, le quart Roy des Gimbres, Tongrois et Belgiens, associa et bailla pour conforts et fireres darmes ses deux frères plus ieunes : cestasauoir, Teutonius et Cloadic, auecques vue merueilleuse multitude de Cimbres : quon dit maintenant Frisons, Ostrelins et Dains, (2) auec ses Menapiens, qui sont ceux de la Duchëde luliers, Belgiens, qui sont Haynnuiers, et Namurois, Ebu- rons, quon dit maintenant Liégeois, et Tongrois qui sont auiourdhuy Brabansons. Toutes lesquelles nations sont comprinses par les histoires Romaines souz la dénomination des Cimbres, pource quilz estoient en plus grand nombre.

Degignation dane autre raison ou opinion, pourqooy lesdita peuples partirent de leurs marches et enuahirent les Romains , et des premières Tictoires quilz eurent contre eux,

LvcivsFlorus, tresuoble historien Romain, met expressé- ment vne autre cause, pour laquelle lesdites nations furent contraintes de partir de leurs païs, laquelle toutesuoyes se

(1) c.-à-d. Suisse.

(2) Danois.

SI1I6TLAR1TBZ M TROTB. UTEB III. 527

penlt aeôorder à la desenadite. Et penlt lune et laatre estre yraje «don diuers regards. Si met ledit acteur, que lesdits peuples furent contraints daller chercher autres territoires, pource que la grand mer Oceane auoit couuert et gaigné toutes leurs terres. Pour laquelle cause ilz entrèrent pre- mièrement en Gaule, et dillec en Espaigne : dont ilz furent reboutez : et comme ilz voulsissent passer en Italie, ilz enuoyerent leurs ambassadeurs à Syllanus Consul, lequel auoit vn grand exercite pour leur contredire le passage. Et dillec.au sénat de Romme, en suppliant benignraient que k peuple Martial, cestadire le peuple Romain leur donnast aucun quartier de païs pour habiter, comme par manière de soulde. Et en ce faisant ilz seruiroient ledit peuple Romain, tant au labourage de la terre, comme au fait de la guerre : ce qui leur fut refusé. Et adonques ilz délibé- rèrent dauoir par force darmes ce quilz nauoient peu im- petrer pas prières. Tellement que ledit Syllanus Consul ne peut porter de pnme&ce leur horrible impétuosité : ne secondement Manlius, ne Cepion, pour la tierce fois : ains fhifent to^ desconfls et chassez, et perdirent le camp. Et cela est selon la recitation dudit Lucius Florus.

Tit9 Liue, acteur de grand estime, met que Cneus Aure- lius Scaurus, L^at consulaire, perdit vue bataille contre les Cimbres : et fut prins prisonnier. Et comme les Princes Cimbriens qui leurent vaincu leussent appelle ^n leur con- seil, et demande son opinion, asauoirmon silz deuoient pas- ser en Italie ou non : ledit Âurelius Scaurus leur prison- nier, leur dit, quilz ny deuoient point passer : affermant que les Romains ne pouuoienr estre vaincuz. Â ce mot vn iaone Roy nommé Bolus, plein de grand férocité, le tua de sa main, en la présence des autres. Et depuis lesdits Cim- bres desconflrent en bataille Cneus Manlius, Quintus Ser-

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518 uAnnàJHQM m oavlk» nr

niliis 0t C^ién Proconiula, et pèrdirmt deux fois le eÉtnp. Si 7 moururent quatre vingts mille honume Romains, et en 7 eut quarante mille prisonniers. Ledit prcoonsnl de** pion, pource quil auoit donné la bataille trop auentureose- ment, fut demis de sa dignité, ennoTé en exil : et ses lùens confisquez. Les Cimbres quand ilz eurent gasté tout le pals alenuiron du Rhône, passèrent les monts P7reneea et en^ trerent en Espaigne, 1& ils feirent beaucoup de maux. Mais ils furent flnablement reboutss par les Celtiberes, et seo retournèrent en Gaule, ils se ioingnirent aux Teutoni^- ques : cestadire aux hauts Allemans, qui est vne nation fort belliqueuse. Gela est pHns de Titus Liuiuil.

Orose met sur ce propos^ que lan de la fondation de Remme^ six cens quarante deux, qui fut sbImi le Suj^le- ment des chroniques, deuant lincahmtion nostre Seigneur^ quatre vingts et neuf ans, Gaius Manlius et Quintui Cepk>, furent crées Proconsuls, par le Sénat et peuple de Romme, et enuo7es alencontre des Gimbres et Teutoniques, Tigurins et Ambrons : qui sont gens de Gaule. Lesquels alors auoient conspiré enseinble destaindre et abolir du tout lempire Romain. Quand lesdits Proconsuls furent sur le fletiue du Rhône, ilz départirent leurs prouinces, en sorte que lun tenoit le quartier de deçà le Rhône et lautre de éel&. Bt comme entre eux, ilz se debatissent par merueiHeuse enuie et dissension, ilz fursnt vaincuz par les Gimbres, à la grand honte et danger de tout lempire Romain. Car en icelle bataille Marcus Emilius, homme de dignité Consulaire, toi prins et tué auec deux de ses filz. Si furent occis sur le champ quatre vingts mille nobles hommes, tant Romains que de leurs alliez, et soixante mille varlets prins : trite* ment que de tout ledit exercite, il nen eschappa que dix hommes, qui portèrent les nouuelles misérables à Romme.

SIMTLAUTIS IIB VftOTI. UYll^ UI.

L6B Cimbref gaignerelit les deux eamps des dcdix Pfocon«> solz, aneo vn mefueilleux butin : mais par vae exscrablett non accottstttmee, ih gasterent et meirent à perditicm tout œ qoilz anoirat prins. Mesmes, il2 débâchèrent les babil- lemens et desponilles des Romains, et ietterent les pièces ça et : lor et largent ils le raerent dedens le fleune. Les haubers et autres armures des hommes, ilz les froissèrent et desroiapimt, les freins et chanfreins des chenaux furent diapeiaes et gastez : et les cheuaux noyez dedens les gouf- fres du fleUue, et les hommes penduz aux arbres. Telle*^ ment que les vainqueurs ne iouyrent daucun fruit de leur proye, ne les Taincuz de quelque tniserieorde* Alors y eut TB memeilleox dueil & Romme, auecques crainte extrême que tout inmntinent les Gimbres ne passassent les montS' et destruisiBsent Italie. Et certes comme met Ludus Flo* ms, eestoit fidt à iamais des Romains : si nenst esté que Marins le vaillant capitaine estoit de ce traips là.

la dèffiiHe^ii Rôy Teàtôbodids Qeâ&t, amseqiiM «es Aml>rôlts «t TigvrinSy qui damoarerent auprès d*Aix en Pronence.

LiB romaitis estonnez dauoir desia perdu trds gra&ds batailles contre lesdites nations Oalliques et Germaniques, firent Consul pour la quatriettie fois, ledit Marius qui na* goeres auoit vaincu lugurtha^ Roy de Numidie» ett Afrique, et ioriuy amené prisonnier à Romme en son triomphe. Quand donques ledit Marins fut v^tiu en Pronence, il nosa de prime Au» assaillir noz gens : mais entretint ses gendar* mes en son camp, bien fortifié : attendant que la terriUe impétuosité de ceux de pardeça fut vn peu rassise. Orose met que lassiete camp dudit Marius estoit auprès du

lifla où'la flénne de Liaere antre dedens le Rhône : œsta- «moir, auprès de Valence, en Dauphiné. Les Teatcmiqaes, Cimbres, Tigurins et Ambrons assaillirent par trcHs ionrs continuez le fort des Romains, pour euyder les auoir, ou attraire aux champs, et donner la bataille : mais quand lesdits Gimbres et autres visent quilz ne profltoient riens & lassanlt, ilz laissèrent en^ paix lesdits Romains, en les menaâsant, et demandant sik vouloient riens mander & leurs femmes : tant se monstroient ilz asseurez daller pren- dre Romme. Si se diuiserent en trois bendes ddiiberaz de ee&ire.

Teutobochus, vn Roy Géant, estoit chef de lune des ben- des, cestasauoir, des Ambrons et des Tigurins, lesquelz cy dessus ont esté spécifiez. Icelle armée estoit de trois oeos mil hommes ou enuiron : si prindrent leur chemin deners Prouence. Mais après leur partement, le consul Marins en grand diligence, sauança de leur couper chemin, pour leur deffendre le passage des montaignes. Si les vint trouuer en vne vallée, assez près d'Aix en Prouence : lesdits Ambrons et Tigurins sestoient parquez tout du long dune riuiere. Si planta Marias son camp sur vn tertre vis à vis d*eux. Et comme son est fut en grand nécessité deau et les gendarmes se plaingnissent à luy, disans, quil laissoit mou- rir de soif eux et leurs chenaux : il leur respondit : Vêla ia riuiere que les ennemis tiennent : si vous estes hommes, il la faut gaigner au fer esmoulu, et au trenchant des espees.

Ce mot ne fut pas si tost hors de la bouche du Consul Marins, que ses gens firent de nécessité vertu. Tout pre- mièrement les coustilliers (1) et gros varletz à grans cris et huées, entamèrent la bataille. Puis après les hommes dar-

(1) armés de la eùuitille ou coatelas.

UnOVLAlITB DB TBOTK. UVEB lU. 831

mes doimerent dedans en bon ordre. Et fat combata par vne menieillease ardeur et aspresse : tellement que les Am- brons et Tigurins furent reboutez et vaincuz pour la pre- mière fois. Et les Romains gaignerent la ioumee» et la riuiere, ilz se refreschirent pour estancher leur grand soif. Et dit Lucius Florus, que loccision fut si grande, que les Romains altérez de soif et de chault, buuoient autant de sang humain comme deaue. Aucuns historiens tiennent que ledit Marins laissa ses gens auoir soif tout à essient : i fin que pour recouurer eaue, ilz combatissent plua ar* damment.

Le quatrième iour après que chacune desdites deux ar* mees eust reprins son alaine : elles se mirent de rechef en bataille, lune contre lautre. Et fust combatu depuis le ma- tin, iusques à mydi presques également, sans sauoir lequel aaoit du meilleur ou du pire. Mais après que le soleil com- mença à seschauffer, comme met Orose, les corps des Aile- mans et des Gaulois commencèrent i fondre comme neige. Et fut £Edte d'eux vue horrible boucherie, iusques à la nuict. Et y moururent deux cens mille hommes de ladite nation des Ambrons et Tigurins, et furent prins quatre vingts mille. Si en eschappa enuiron trois mille.

Teutobochus leur Roy, lequel comme met Lucius Florus, anant la bataille estoit si puissant et si dextre, quil souloit saillir oultre et pardessus quatre ou six chenaux tout & vne Ibis, estoit si affoybli des playes quil auoit receiies, que & prine peult il monter sur vn coursier pour cuider se sauner à la suitte : mais il fut poursuiuy et ratteint en vn prochain tertre : et estoit chose merueilleuse de voir sa grandesse. Car après que son chenal fut tué souz luy, et il se tint enoores debout, en soy deffendant vaillamment, la hauteur de sa corpulence surpassoit les colomnes qui illec estoient

sa UÂjmnkTiom m OàTui, lar

piratées pour trophées et enseignes de Tictotre. Parqaoy H faut dire quil estoit de stature de Oeant« Finabl«nant il fut tni par les Romains.

' Telle fut la desoonflture des Tignrins et des Amhnms. Mais de leurs femmes, Orose et saint Hierome racontait vne chose mémorable : cestasauoir, que après la bataille, quand elles eurent entendu quelles seroient liurees en ser* uitude et concubinage aux Romains vainqueurs : trois 0^8 des plus nobles et apparentes dentre elles vindrant se présenter douant le consul Marins : et luy firent requaste, que sil les youloit auoir en vie, quil leur fut loisible garder leur diastetë. Et pour ce faire, que on leur assignast lieu au seruice des Vierges et Nonnains sacrées, en aucun tam* pies de Ceres et de Venus. Laquelle chose comme elles ne peurent impetrer, ains furent reboutees par les sergens dudit Consul, la nuict suruenant elles tuèrent leurs petis Bufans : et le lendemain furent tout trouuees mortes et entretuees, la pluspart tenans lune lautre embrassée.

Comment la bende des deux freree Teatoniae et Cloadic, Ro/ des Cimbres, entrèrent en Italie à force et maugrë les Romains.

La seconde et la tierce bende des Gimbres et Teutons, Belgiens, Tongrois et Menapiens, après quilz se furent par- tis, comme dessus est dit, dautour du fieuue du Rhône en Oaule, ilz ne peurent passer les montaignes quondit main- tenant de Sauoye : à cause de ce que le Consul Marins, après sa victoire des Ambrons et des Tigurins, les auoit desia occupées. Si furent contraints de faire tu grand tour et denuironner vn grand païs, en passant par les Helue- tiens, quon dit maintenant Souyceres, et tirant de là, ius-

SmaTLÂftlTBZ M TROTEy UVRB m. 835

qiies €B Soane et aux montaignes de Trente, qm séparent Italie d'AUemûgne. Si passa lesdites montaignes la première desdites deux bendes, par grand force et verta, nonobstant Ihyoer et les neiges, et en despit de Quintos Catulns, Pro- consul des Romains, commis à garder le passage et les destroits. Et lautre bende demoora poor arrieregarde, seooors et renfort en Allemaigne : cestasanoir, es montai* gBM de Soaue et de Bauiere.

De ladite bende qui entra en Italie, en nombre de deax cens mille hommes de £Edt, sans leurs femmes et leurs en- fims, estoient conducteurs les dessusnommez deux fireres Roys Teutonius et Cloadic, enfiems de Menapins, lesqueliS anoient anssi auec eux plusieurs autres Rojs et Princes, tant allies, comme subietz, dont éessos est fSûto mention» Si comme les Rojs Bolus, Lucius, Glaudius, Boiortx et Cesorix, et antres assez, dont nous nauons point les noms. Lesquelz tous ensemble auoient iuré leurs Dieux, de non sarrester iamais en lieu déterminé iusques à ce quili eus* sent destruit Romme : ce quilz ne feirent pas, comme tous orez, et dont mal leur en print.

Comme donques ilz eussent passé les Alpes à viue force, et eussent desia rué ius le dessusdit Quintus Gatulua Pre* consul Romain, et abatu vn fort chasteau sur le fleuue Athesis, (1) qui passe parmy Trente et Vérone : lequel ledit Catulus nauoit peu garder, ains senfujoit douant eux : Aud)leDient sans antre résistance, ilz ^Mus^f^it la riniere non pas & gué, ce quilz cuiderent &ire, mais ilz ne pisu'^ rent : ny aussi à force de ponts de bateaux, lesquelz ilz ne soeureat ou ne daignerwt fttira, mais ft Ibrce de gros tronea darbres, quilz coupèrent et ietterent dedens, tant quilz les surmonter leau, et ainsi passèrent.

(1) L*Adlge.

351 ILLV8TEAT10II8 M OATUI^ R

Apras aaoir passe* ladite riuiere d'Âthesis, ik sestondirent par la plaine de Lombardie et de la terre Veronoise, Par dnanne et Vénitienne, dont les Romains eurent memeillease crainte et estonnement antant quilz eurent iadis d*Amiibal. Bt si nosdits Cimbres fussent tirez oultre tout dune mardie, comme ilz auoient premièrement délibéré, ik eussent mis en grand hazard toute la puissance de Romme : mais pouree quilz trouuerent ledit territoire gras et plein, doux et fer- tile, et quilz commencèrent à menger du pain et de la chair cuite et des figues^ et autres doux fruitages, dont la région abonde : et boire du vin à planté : et aussi saoconstume«>. raat destuues et de baings, ce quilz nauoient encores aoooustumé, comme met Lucius Florus : leur force et leur dureté robuste, et parauant si terrible et si redoutable, se commença à amollir et anichiler. (1) Et en ce temps pendant le Consul Marins fut derechef créé Consul alencontre d*enx, et iuy fut baillé pour collatéral Quintus Catulus, lequel parauant sen estoit fuy douant lesdits Cimbres, comme nous auons dit.

De la meraeilleuM bataille entre les Romains et les Cimbres : et de la deffaite desdits Cimbres par la subtilité des Romains : et de la forte bataille quilz eurent contre les femmes.

Le consvl Gains Marivs, auecques son collatéral Quintus Catulus, feit marcher son armée iusques auprès de celle des Teutons et des Cimbres, laquelle chose voyans les Roys dessusnommez feirent demander par vn héraut audit Con-

(1) L*édition 1512 fait de ce paragraphe une Tingtaine de petites phrases découpées par d^ points.

siiiaTJUkmiTKZ se trotb. unM ni. 355

M Mariu iour et lieu asngné pour combatre : ce qui leur fîit accordé à certain ioôr prochain, et en vne grande et large campaigne, nommée Candin.

Le ioor de la bataille assigné venu, les deax Consnli Marins et CSatolus furent diligents et meirent leurs gens en ordonnance subtilem^i^t de grand heure, pour surpren- dre les Cimbres, tellement que larmee des Romains fut plustost approchée à combatre main à main quilz neussent peu penser quelle eust esté preste. Par ainsi comme gens de chenal des Cimbres eussent soustenu le premier fais, ce pendant que les autres se mettoient en ordre, ilz furent de léger (1) reculez par la foule des Romains et contraints à rentrer dedens les leurs, lesquels ilz entretroubloient et mettoient en desordonnance. Si yserent oultreplus les Romains dune cautelle et artifice de guerre semblable à ceUe dont Ânnibal vsa vers eux à la bataille de Cannes. Cestasauoir, de leur sauoir donner la pouldre et le Soldl au visage : au moyen desquelles choses, vne si terrible mul^ titude de Cimbres fut vaincue et desconfite, saxis grand perte des Romains.

En eeste ioumee mourut nostre Roy Teutonius, fila de Menapius, lun des principaux chefz de larmee des Cimbres, et le Roy Belus ou Beleus, et le Roy Lucius, et le Roy Boiorix, tous vaillans Princes : et auec eux le nombre de sept vingts mille hommes. Il y eut deux autres vertueux Princes dont on ne scait les noms, comme met Orose : les- quels quand ilz voiront la perte de la bataille, coururent sus lun & lautre et sentretuerent. Le Roy Cloadic, ttere dudit Teutonius, fut prins prisonnier : auec deux autres Roys Glaudius et Cesorix : et quarante mille de leurs gens.

(1) c-àF^. n^idaminl, liMiliinent;

SS6 lUifnKknùÊm m oàiu, «r

LsOûOBul Catnlos, eombian qml eart preMirMMBt esté reboaté par lesdits Cimbres à lentree d'Itidie, combatit neantmoins plus heareosemant qiae Marias : car il ent an sa part trente et yne enseignes des Gifltbres et des Teoto- niques, oti Marias nen ent que doox. Bt ftit eeste des- confitore, lan denant lincamation noetre Seigneur quatre TingtB qnatorse.

De te ernaUe et noble moit clee fsmmee dee CiMres : et de te tierce bande dont depais yesirent lea GoUii, qai bien se Teogereit dee Romsine : et dieesz Gothe extraite dee Gimbras, deeoendmat tet aadens Bojs de Boorgongne et d*Bepaigne,

Apres la desconfitnre des hommes, les Ronains, earent pjmiqaes autant à faire à vaincre les ienmies : car povr deffinidre leur honnenr et dsasteté, elles sestoient fortifiées entre leurs chariots et bagages : comme dedeas fortes toom oai chasteanx, et dillec oombatoient de lanoes, de dards et despees, par vne merueilleuse hardiesse et obstination de coarage, tellement que par longae espace on ne povaoit entamer sar elles : mais quand il adaenoit que aaeanes desdites femmes en combatant tomboient es mains diceax Romains, ilz les faisoient mourir de plajes cruelles et des- bonnestes, en la présence des autres, pour leur donner crainte et fhiyeur : mesmemént ilz leur coupoient le test (1) de la teste, auec les cbeueux : de laquelle nouuelle et exé- crable manière de mort, lesdites femmes espouuenteee , ennoyerent premièrement au Gonspl Marins, vne ambas- sade comme anoient fait les autres dessusdites, peur impe-

(1) o.-à-d. le haat da crâne. Cf. Utië «i VÊfUtf ap. DoeMugie.

SlMTLARtTBZ M TBOTB. Lm» III. 937

trw M^orté, et qmelles penssent seroir les Dieux et les Déesses m ancnns temples comme religieuses. Laqudle chose comme elles ne peurent impetrer, elles estranglerent premièrement et ietterent contre terre leurs eotfims, et puis tournèrent contre elles mesmes les armes <}tielle8 aveient prinses centre les Romains : tellraient que les aucunes sentretoeient de coups de lances, de haches eu dtoq^ees : les autres prenoient lune lautre par la gorge, et sestran- gloient par merueilleuse fureur et desesperation. Bt telles en 7 eut qui noueront des cordes par lun des bouts^ aux iaÉnbes derrim^e de leurs cheuaux, et de làutre bout k leurs mesmes = g<Hrgeà : puis en aguillonnant leurs cheuaux, ''Se fiaisoient trainer par' iceux iusques au mourir. Les autms se pendirent aux arbres prochains, àttx timeois de leiiifs chariots, voire à tout leurs cheueux mesmes par faute de c(»rdes. Si en fut trouué vue pendant à vn arbre, ayant & chacun de ses pieds vn de ses enfans pendue.

La tierce bende, laquelle comme nous auons dit cy do- uant» estoit demeurée sur les frontières de Soaue et de Bauiere, pour donner secours à ceux cy : quand ilz enten- dirent la desconfiture de leurs compaignons, neurent garde dentrer en Italie, voyans la fortune contre eux, ains sen allèrent par Ailemaigne et Hongrie chercher autre habi- tation : iusques aux paluz Meotides, deuers Tartarie : o& ilz sarresterent» et y demeurèrent long temps. Si deuin- drent vn grand peuple : et disent aucunes histoires, mes- mement Raphaël de Volaterre en son premier liure des Commentaires vrbains (1) : Que de ceux mesmes yssirent les

(1) Rapliaël Maffei, turnomm^ Volaterranni, à Volterra en 1452, mort en 1522. Le plu connu de tons ses onvrages est intitulé : C^sisi#«laH«f'iriisi iiftoflMr««i Ubri XXXVIII, espèoe d'encyolopédie.

n. n

358 ILLVSTEATIOIIS DB OÂTLSi BT

GothSy Vesegoths et Ostrogoths : qui âepoitf se vengèrent des Romains à grand oultrance : et se respandirent par toutes les Italies, Gaules et Espaignes. Et de ceux sont yssuz les Roys de Boorgongne et d'Espaigne, comme nous dirons çy après en son lieu.

Le consul Gaius Marins auec son collatéral Quintns Lucanus Gatulus, après leur victoire, eurent leur entrée triomphale à Homme et menèrent auec eux les Roys Cloa- dic, Claudius et Cesorix, prisonniers. Et pour la mémoire de ladite victoire, et à fin de remercier les Dieux, le Sénat fit taire vn temple dœuure merueiUeuse, lequel insques aniqurdhuy sappelle le temple Cimbrique : et est sitnë auprès de sainte Marie maiour. Ainsi demoora Qoadic prisonnier à Romme.

Comment après Im deffidte de Teatoniot et Gloadic, Rojs âm Cîabrei, Léon le quart, lear frère Ait oecie par lee Saxons. Et aoa frère, et sacoesseur Oodefroy somommë Karle, chassa daaprw de loj soa filz nomme Charles Ynaoh.

La desconfitvre des Cimbres en Italie, comme il est assez vrajsemblable, causa en noz pais de par deçà vn grand trou- ble. Et fut ce quartier bien estonné, (1) dauoir perdu vne si grand force de gens : attendu que tous les ieunes et forts hommes y estoient allez. Â cause de quoy, Léon le quart, Roy des Belgiens, des Cimbres et des Tongrois, auec son frère Godefroy, furent bien esbahis, et menèrent grand dueil de la mort de leur frère Teutonius : et de la captiuité de leur autre frère Gloadic, détenu à Romme, et sur ces

(l) c.-à-d. consterne.

smatLAmiTBx n tkotb. uvts m. 3S0

entrefSftîCêSv comme il adaient coastamierément que dune maaaaiae fortuie sensoiaentpliisiears antres/ AnsoiiariXi Roy de Sazone, ayant quelque aucieime querele alenoontpe des Belgiens et Tongrois, descendit d'ADouaigiie aueo «m grand exercite de Saxons, Vuandelz, Huns, Istrienset Austrichois, et combatit en la canpaigne contre le Roy Léon le quart, et Oodefiroy son frère. Si fîit ledit Roy Leosi tué en la bataille, et Ooidlefroy se sauna i la fuite. Par4 q[noy ledit Ausonartx Roy de Saxone demeura TainqueurJ

Dont après tant disfertunes^ ledit Chodefroy , seul et dbf ^ aipr des' quatre frères, lut Roy de Vbngres, mais' trc^ affoibly. Si se retira en son chasteau de Megue (1) sui^lK riniere de-Mense, et rescut iliec asMZ tristonent etsdi^ tairement* Et ponrce quil se tenoit ainsi estrange et ns'^ kncoUqne, sans communiquer anecques les gens, il fut sur<- nommé Karle, qui signifie ea langage Teutonique on Thiois, rude, robuste ou rustique : toutesfbis il pi^ la rançon de son frère Cloadic, estant prisonnier à Romme : lequel Cloadic neantmoins ne fut pas deliuré à plein, mais de- moura comme ostager et pour seureté i Romme.

Iceluy Godefroy surnommé Karle, eut vn fllz nommé Charles Tnach, lequel son père chassa et bannit de sa pre- smce et de son Royaume, pource quil auoit vsé de force enuers Tne fille : tellement que ledit Charles Tnach, con- traint de partir des païs de pardeça, se retira vers son onde Cloadic, ostager à Romme, duquel il fut honnorable- mant receu. Si le logea et coUoqua auec vn noble Sénateur nommé Gneus Octauius, pour voir et aprendre du bien et de Ihonneur Romain. En ce mesme temps, oestasauoir

(l) MiifMê (éd. 1528), paut-étre Megen, près de Njmègae, ou plo- (6t Njmégua même (t. plus bts).

MO > ^ajummànùm tm OMTËMi mw

MUiiroii' saptsaMms ans dMâat libcaroatîoa iB notkn S0îgiimr» Ifitiuidatefl^ B«j dePonie^ &i0oit Im gueim anx BABuaiM^.eg fartÎM d*ûrieAt et d6 Oreoe, kqiMlle dut Tmn qa^ruteAM,! Aeiom l08 Ufttoir^.^tAttaoaafint Miie»*

Pottf l(Hr8|.c60t9fla«Mr enuiron AMim temps de kdUl giierre^ ^toiH en lai preuiaee de Pelopctanese.», qui «et me pertfe de ^rece» qaoa dit nudatenaot la Moree^ ceoteuat lee,piiSs>d.'Areadie ebdiMhMhi estaUy pirar Duo, PMeonnl et BreeideAt, irii Ptoiûee Roknaie, neiutié Lueun idiMy qui ^rpere de Caia3. Ittliue Geser, Dictateor perpati^L^ et qiu premifiri iostaatlt la monarcfait de Lempire» et doBi tdiif les autres ses snoeeseeiirs depuie oat eeténMimei Bape* nrara et Geean. Ledit Ludas Iidiea» dooqiiet eebmte de«- 4ioir sa diarge* feit tantost aasattoir aa Sénat et l^enpk ^ Ronunar les nouttelles entreprises didit Ray Ifîttin- dates^ àin dy ponrooir. . . j *

Comment GharleB Ynach milita pour les Romains, es la f^emé éa Roy Mithridatee, et amena pardeça vue dee soMin ée laliva Ceaar : et de limposition da nom de Yalenciennea.

Povr fournir donc à la guerre dessvsdite, forent nûs su^ nouueaux gensdarmes à Romme, aueo lesquels alla Charles Tnach exillé et banny des païs de pardeca par son per Oodefroy Earle, comme dessus est dît. Et milita en ioell guerre, souz lenseigne de Ludus lulins dessusnommé» consul d'Arcadie et d'Achaie. Et en ces entrefaites mesmes^^ et pour loccasion de ladite guerre du Roy Mithridates^ sourdit à Romme la grand discorde ciuile entre Sylla eC^ Marins : dont Sylla, qui demeura vainqueur, feit Tne

um»njÊÊxa m WÊamu Lifuiui. Sil

fitilkiiae OMÎsioA iét pioicriptiûii; da -oevx >qiir amiioit» toni 1# fftr^ Mariw, ma eim«iiy. A eanae de^oay plttaieurs eitojraos fiMoains al^aodonnoieBt leani ! biens et leuni mai"* flens <rt genfîiyoiMit, pour fii^ la cruauté eooriM de SyUai . Bntna ceux qui laisaereot Romme, pour euiter ladite tfntom^ iiit te dessusnoaimé Octai^s Senatonr, en le ittaieon duquel Ciiarles Tuach auoit prenueremeutBsté logi et à luy reeonunaiidé par aen onde Cloadic, . comme noua anons dit cy dessue. Lequel Oetaoini w retira tti Arcadie, Tera ledit Ludus Iulius Proeonaul» il trouua Charles Tnaohv son boate. Si se tint iUecques aueoluy, iusques.à mort de Sylla» et œ pendant mourut le Roy Cloadie, estant oitager à Eomine.

Or auoit ledit Ludus loliusi proeonaul d' Arcadie, deux fiUes^ lune nommée lolia et lautre Germaine. Iulia estoit de la mesme mcore dudit. Iulius CeiàP : lautre il lauoit eiie dune noble dame dudit paï^ d'Arcadie. Quand donquea agsw la ^ort dudit iyrant Sylla, ioeluy Octauius voulut retourner à Romme, il désira prendre alliance et affinité auec JMyit Luciua Iulius* Laquelle chose lujr Ait :de léger oAtPoyee, peuroe quil estoit fort noble et jir^Mdhpmiiie. Si furent ûdtes les noc^s solem^lles, et puis .Oetouius monta spr joer et partit d* Arcadie àuec sa fi^mme. M Iulius Cesi^ , aen bean fiwe, pour lors ieuxie adolesoent» fkt éeipvi pour les acoompaîgner.

X«antee fllle dudit Lumua Iulins proconsul, nommée ,Oer- maine» tresbelle damoiselle, demeura anecques sa mère en Amadie» De laquelle deuint amouteux Charles Tnacfa , estant cheuaUer de son p^re. Et pour la priuauté quil anoitileans, feit tant secrètement quil la pria damours et la rendit enceinte. Mais craingnant que la «hose Tint à lumière, et que tou^ deux en evu»sent à souffirir, après qtiil

54S iLLnnkiumB m Okiu^ m

Iny eust conté comment il estoit flk de Roy, mais eiîUé de son païs per le mattalent de son père, et qne neantmoins esperoit de retonmer en sa graœ, ils sentrepromeirent mariage : et elle fîit contente dabandonner ses parens ^ son pals, et sen venir auec son amy Charles Ynach, es païs de pardeça. Si troussèrent les meilleors de leurs bagues, auec ce quilz peurent de trésor, et sembarquersnt oeleement par vne belle nuict, et sen vindrent en Italie, da costé de Venise ils prindrent terrre.

En après délibérant comme dessus est dit, Charles Tnach de retourner pardeca, et de trouuer quelque moym de rentrer en la grâce de son père : ilz montèrent à dieual, luy, sa femme et son train, le plus desguisèment et cou- uertement quilz peurent, de peur destre congnus. Si dres- sèrent leur chemin, premièrement à Milan, et dillec par les Allobroges quon dit maintenant Sauoyens et Bourguignons, et par le pals de Gaule, qui maintenant sappelle France, et firent tant par leurs ioumees, quilz arriuerent A Cam- bray.

De Cambray ilz tirèrent oultre, et oindront iusqnes & vne place, qui pour lors se nommoit le chasteau de Sesnes, ilz se refreschirent et reposèrent en la belle vallée, sur vne plaisante riuiere, en laquelle nageoient plusieurs cygnes. Alors lun des varletz, lequel estoit archer, benda. son arc, et tira vne flesche après lun desdits cygnes. Mais* bisel euita le coup, et en volant tout effroyé, se vint ren- dre au gyron de la belle Germaine, dont elle fut ioyeuse, pour la nouueauté du cas, et en prenant bonne signifi- cation diceluy, pource que au temps passé le cygne estoit dedië à la déesse Venus de laquelle elle estoit descendue de par Bneas, filz d'Anchises de Troye. Si demanda à Charles Tnach, son mary, comment tel oisel auoitnom au langage

8UI6TLAUTBZ DB TROTB. UVU Ul. 343

de son pals : et il respondit, quon le nommoit Suuane, en langue Thioise. Lors dit elle quelle Youloit désormais estre ainsi appellee, et non plus Germaine, de peur quelle ne fust quelque fois recongnue à cause dudit nom. Si fut obtempéré À son plaisir et À cause de la multitude des cygnes, ledit lieu fut deslors appelle Val des Cygnes, et est maintenant le lieu est située la ville de Vallenciennes, sur la riuiere Descault, et elle feit emporter auec elle ledit Cygne, et le nourrit et garda songneusement.

€k>iiiineiit Charlet pramiei' de ce nom en ceste généalogie, tomommé Tnach, régna à Tongres apret la mort de ton père Godefroj Karle, et fut occit en bataille par laliut Ceaar, ion beao frère. Et est aniei dedgné le tenement de Ambiorix, Roy dee Ebiront.

Dvdit lieu, quon dit maintenant Vallenciennes, Charles Tnach et sa femme Suuane , qui plus ne voulut estre appellee Germaine, tirèrent iusques au chasteau de Froid- mont, quon dit Cauberghe, (1) en langage Thiois, près de Bruxelles. endroit fut aduerti Charles Ynach, de la mort de son père Godefiroy Karle, Roy de Tongres. Si tira oultre auec sa femme et son train, et alla au grand temple de Mars et de Pluton, estant À Louuain, lA il rendit grâces aux Dieux, de sa pérégrination et exil acheuez» et leur feit sacrifice solennel. Et dillec alla prendre possession de sa dtë de Tongres, en laquelle il fut receu À grand ioye et triomphe par ses subiets, comme leur Prince et Tray héritier de son père. Si régna illec paisiblement aucun temps, et eut de sa femme Suuane, deux enfeuas, cestasa-

(1) C'est le quartier de Broxellea appelé Caudctiiirg.

344 IUf?$TKAT|OII8 W GAfMb^ »T

uoiTt TU filz nommé O^taiûaB, et vue fiUe appéllee Simane.

Aucun temps après AriouistoB, ^y des Allemans Saxom, eut aspre et mortelle guerre contre Iulius César et les Romains, à cause de celle partie de Gaule, quou disoit * alors le païs des Sequanois, cest maintenant la franche Conté de Bourgongne. Et pource que Charles Ynach crain- gnoit que ledit lulles César ne marchast plus auant en Gaule, il se ioingnit et feit allianoe, comme plusieurs autres, auec ledit Ariouistus Roj des Saxons, et i^la à toute sa puissance en personne, contre les Romains. Mais en vne grosse bataille quilz eurent auprès de Bezenson, du costé de la conté de Ferrete, Ariouistus fut yaincu et Charles Ynach tué. Si demeura la poure Royne Suuane sa femme vefue, esperdue et bien désolée, auec ses deux ieunes enfans, atout lesquelz elle sen alla musser au chas- teau de Megue, sur la riuiere de Meuse, craingnant que son frère Iulius César, lequel entroit tous les iours plus auant en païs, nouyst quelque nouuelle délie. Par ainsi elle laissa le gouuernement de la terre de Tongres à Ambiorix, Roy des Eburons, son allié. Si feit emporter auec elle son cygne, dessus mentioné, et le mit es fossez du chasteau de Megue, et passoit son temps à le nourrir et paistre de sa propre main, en souuenance de son feu mary le K^y Charles Ynach, et aussi de la haute extraction de la déesse Venus, et du sang de Troye dont elle estoit yssue, oomme dessus est dit à cause de la maison de lulles.

Ambiorix, Roy des Eburons, est souuentesfois mentionné es Commentaires de luUes César. Et par ce que ientens des bons acteurs, ledit Ambiorix, tant comme Roy des Ebu- rons, comme régent de Tongres, dominoit sur tout ce que contient maintenant leuesché du Liège et le païs qui siet entre Rhin et Meuse. Pour toutes lesquelles terres on peult

8iii«fLimiTBX m noTB. utbb m. 845

entnAnt par coniectore , que leurs UnàtoB Bestendoîent autant que contiennent maintenant lesDnchez deLttnbcmrg, de Lotbric et de InlierB, auee la cité et les appartenances d'Âix la chapelle et quelque portion de la conté de Namur. Si feit ledit Ambioriz grand diligence de nuire aux Ro« mains : et de fiât les defSt au fort de Vatucca, que aucuns disent estre Bosleduc et les autres luliers. Et combien quil fust parauant tributaire des Âduatiques, lesquelz es- toient de la lignée des Gimbres, qui furent desconfltz en Italie, comme dessus est dit, et lesq<aelz Âduatiques on dit maintenant estre les Brabansons, neantmoins il fiit depuis leur éM. Si ioingnit auec luy les Belgiens et Neruiens, qui sont maintenant les Haynnuiers et Toumisiens, desquéhs leur Roy nommé Andromadas estoit mort en. bataille. Et tnoit ledit Ambiorix le nombre de soixante mille homines. Si feit beaucoup darmes, et assiégea Quintus Cicero, lieute- nant de Iulius Gesar, en sa garnison estant au païs des Neruiens. Et fut beaucoup assisté des Menapiens, lesquels iay dit icj dessus estre ceux de la duché de luliers. Mais en fin, la fortune et la force demeura à lulles César et aux Romains, comme il est cler par les histoires.

la trasaoble «t tr«Mtntiqae généalogie dee Brabons, et de leur bli^ •on qui fat tel, que le porte aaionrdhaj la maieon d'Auitriohe et de Lotbric.

IyUys Gesar, ainsi prospérant en Qaule Belgique, auoit entre ses gensdarmes, vn cheualier et principal porteur denseigne, nommé Saluius Brabon, extrait de lancienne lignée de Francus, fliz d*Hector de Troje. Et pour mieux entendre ceste généalogie, il fitut m petit repeter ce que

546 1LLT8TRATIOII8 DB GAfLB» BT

au oommencement de ceste (Buore en est mis. Gestasauoir, que Sicamber, fllz d'Hector de Troye, daqael porta iadis le nom la cité de Sicambre, qui maintenant sappelle Bude en Hongrie, eut vn fllz nommé Priam deuxième de ce nom, qui régna après luy. Ledit Priam engendra Hector second de ce nom. Iceluy Hector eut trois enfiuis, cestasauoir, Trolus, Polydamas et Brabon lancien. Brabon lancien eut deux enfans, dont laisné fut nommé Priam, qui régna après luy, et lautre fut dit Brabon du nom paternel : lequel print À femme, vue dame d'Ârcadie, prouince de Grèce, cy dessus spécifiée. Icelay Brabon le ieune, pour lamour de sa femme, fut content dabandonner son pals de Pannonie et aller habiter en Ârcadie, ses successeurs se tindrent iusques à la vingtième génération, de laquelle fiit Saluius Brabon, cheualier de lulles Gesar, dont nostre propos est mis en termes. Lequel Saluius Brabon, ayant première- ment seruy en guerre le père de lulles Gesar, contre le Boy Mithridates de Ponte, sestoit depuis retiré souz lenseigne de lulles Gesar, suiuant le noble mestier des armes, esquel- les il estoit fort exercitë vaillant homme et féal, portant en son escu, vne faste (1) dargent en champ de gueulles. Lequel blason portent de toute ancienneté, les Roys d'Austrasie, ou d'Âustriche la basse, quon dit man tenant la Duché de Lothric. Et tel le porte auiourdhuy la maison d'Âustriche.

(1) pour/of^, terme de blason.

UMVULlim DB TIOTB. UVRB lU. 547

ComnMnt URojne Germaine, tarnommée Suaaoe, Tefùe do Roj Char* les loach, ftit recongnae par loUas César son frère, an moyen dadit Cheoalier Salnins Brabon : et de )a vraye histoire du Cygne de Clenee.

Lhistoire dit, que ainsi comme ioar entre les autres, luUes César, à peu de train et priuee maisnie se fust retiré au chasteau de Cleues, pour illec se reposer et refreschir m petit de ses grans trauaux de la guerre, ledit cheualier Sal- uius BraSon, estant lun de ceux de sa compaîgnie, passoit le temps autour dudit chasteau, à tout vn arc et vue trousse de flesches, pensant en soy mesmes à m songe quil auoit eu de nuict, par manière de Tision. Et en recordant beau- coup de ses fortunes passées, prioit de bon cœur à ses Dieux, que quelquefois (1) ilz luy donnassent repos de la guerre, en laquelle il aupit este nourry toute sa vie, en quelque re- compense et félicité honneste de ses trauaux passez.

En ce pensement, tournoyant ledit Saluius Brabon, il ne se donna garde, quil se trouua sur la riue du Rhin, qui nest pas loing dudit chasteau de Cleues, il veit vn Cygne blanc comme neige, qui se iouoit et mordoit de son bec yne petite naisselle estant sur le bort du riuage, de laquelle chose Saluius Brabon print grand plaisir et mer- ueilles tout ensemble. Si se ailla aduiser de son songe et pensa, quen cecy pouuoit auoir quelque bonne signiflance de nouuellle auenture : car le Cygne est vn oyseau de noble nature et bien aymé des Dieux. Parquoy il entra dedens le petit vaisseau, et le Cygne seslongna vn petit en auant tout priuément sans soy assauuagir, comme par semblant

(1) c.-A-d, qo'nn joar.

948 OATSTEAmaM m c&âtui, mt

de luy Youloir monstrer le chemin. Et le cheaalier délibéra de le suiure, en se recommandant aox Dieux.

Par ainsi, quand il se fut empaint (1) dedens le Rhin, il suiuoit le Cygne son conducteur, lequel le menoit tout paci- fiquement par le cours du fleuue. Et le cheualier regardant tousiours et de toutes pars, sil verroit ou trouueroit quelque chose flEÛsant à son propos, erra tant et si longuement, que le Cygne recongnut le chasteau de Megue, auquel estoit sa maistresse, la Royne Grermaine surnomme Suuane, iadis femme du Roy Charles Ynach, laquelle yiuoit illec assez petitement et solitairement, en nourrissant ses ieunes en- fans, comme vne poure vefue estrangere. Quand donques le Cygne veit son repaire accoustumé, il commença à batre les esles et sesleuer hors de leaue, et sen vola celle part, iusques aux fossez du chasteau, il auoit accoustumé prendre sa nourriture, de la main de sa dame. (2)

Quand Saluius Brabon se veit abandonne de son Cygne, il cuida bien estre moqué et frustré de son adùision, attendu quil nauoit encores trouué auenture digne de mémoire. Si fut despit et dolent à merueilles, et mit sa nasselle à bort et saillit en terre, ayant son arc bendé et délibérant de tuer le Cygne sil le pouuoit aucunement ratteindre, dont en le poursuiuant à veiie de païs, quand il leut apperceu dedens lesdits fossez du chasteau de Megue, il mit sa flesche en coche et commença à ejQfonser lare pour tirer, alors la dame suruenant à la fenestre pour festoyer son Cygne,

(1) c.-à-d. bouté, poasflë, cf, impingere et empeindre.

(2) C'est la légende on plutôt le mythe solaire du Chevalier au Cygne, Sehwannritter ^ qui a été rattaché au Cycle des Croisades. (Germania^ I, art. W. Millier.) Michel de Castelnaa (Mémoires t. II, p. 511) attribue à J. Le Maire un roman du ChevalUr de (sic) Cygne^ « composé en faveur de la maison de Cièves. »

siNCVLAEiiBz BB noii. UVIK ni. S49

qufsad alla v«it eeste homme incongna, prest à desbender sur son oyseaa, elle sescria à haate voix féminine et par grand frayeur» en langage Orec qui luy vint premier en la boufihepar naturel instinct : Gheualier, quel que tu soyes, par. tous les Dieux ie tadiore que ne Tueilks tuer mon Cygne. »

A eea mots Saluius Brabon quand il se ouy t ainsi mrrai* lM>nner en son langage Grec naturel, mesmem»[it par yne femme et en si estrange et loingtain paSs, fut plus esbahi que Jamais : et ne sauoit penserai eestoit fantomeou resuerie. Neantmoins il abaissa sa main et osta la flesdie de la corde. Puis demanda à la dame en Grec, qui eUe eetoit et quelle faisait en ce païs si diuers (1) et sanuage. Et lors elle dautre part se voyant estre arraiscmnee ea son langage maternel, fiit plus estonnee que luy» et luy pria quil entrast en son ehasteau, et ilz deuiseroient plus à plein, ce quil feit voa- lentiers, pensant que paranenture il auroit trovué leffect de son songe nocturne.

Quand il fut dedens, elle larraisonna de plusieurs cho- •ee» et somt par luy comment luUes César estoit au dms- teau de Cloues. Alors entendant que le Cheualier estoit natif de son paXs d'Arcadie, elle fut bien réconfortée. Et pnnt serment et fiance de luy quil layderoit en son affaire, comme yray cheualier et noble homme doit faire aux yettaes et aux orphenins. Ce quil luy promit et asseura sur son honneur. Alors elle commença À luy declairer tout au long comment elle estoit sœur germaine de son seigneur Iulius César. Et en grand pleur et pitié femenine luy conta toutes ses fortunes, et la mort de son mary, le Roy Charles Ynach, et luy monstra les deux beaux en&ns, fllz et fille,

(1) c.-à-d. dor.

350 ILLTSTEATlOm 1kl «AYLS, BT

quelle aaoit en (1) de luy : en luy priant doucement quil se Youlsist employer À fiûre la paix de son offense enuers son- dit seigneur. Et à fin quil la recongnust par certaines en- seignes, luy bailla à porter audit Iulius César, son finira, Tne^ image ou simulacre de lupiter, £ûte de fin or massif et garnie de riches pierres précieuses : laquelle image son- dit frère luy auoit autresfois baillée en garde. Par ainsi le oheualier après auoir esté bien festoyé de telz biens que anoit la Dame, sen partit ioyeux, et se tint pour bienheu- reux, dauoir trouuë si tresbonne fortune et telles nouuri- les, dont son seigneur luy sauroit bon gré. Et prcmiit à la Dame que bien tost auroit nouuelles de son retour.

Par ainsi le noble cheualier Saluius Brabon (2) estre retourné au chasteau de Cleues, vers son smgneur, le salua treshumUement de par sa poure sœur germaine : et luy fût présent de la riche image dor : laquelle César reeongnut de primefiuse. Si demanda à Saluius il lauoit recouuree, car il sen esbahissoit bien fort. Alors le cheualier luy ccmta toute la vie et les fortunes de sa sœur germaine, et luy requist pardon pour elle. Si print à lulles César grand pitié de sa sœur, car il estoit de sa nature clément et dé- bonnaire : et ne luy pardonna pas seulement, mais dauan- tage fut bien desplaisaot de la mort de son beau frère le Roy Charles Ynach, combien quil eust esté son ennemy. Si coniouist (3) assez le cheualier et luy promit pour ses bonnes nouuelles, ce quil luy sauroit (4) demander. Et par désir da- mour fraternelle, voulut incontinent aller voir sa sœur et ses neueux, au chasteau de Megue. Auquel lieu Saluius Brabon le guida par grand liesse.

(1) e%t (éd. 1513).

(2) Cette tappression de aprèt se rencontre encore dans Rabelaif .

(3) c-à-d. fit fêta. (4) c.-à-d. pourrait.

SUIGVLAMTEZ DB TROTB. UTRB 111. 551

De la première institation de la duché de Brabant donnée en douaire par lulies Ceear, à aa nièce, fille de Charlea Tnach : et du Royaume de Coulongne donne à Octauien Germain, duquel la nation Germa- nique porte le nom : auec epilo^tion de la haute nobleeae dudit ■ang en cette généalogie.

Ayx premières entreTeiies du firere et de la sœur, de lonele et des neaea et nieoe, mesmement de si haute no- bkese et fortune si estrange et si nouueUe. il est bcûe à conieetnrer quelle ioye et quelle pitié , quel amour et quelle renerence il y eut dune part et dautre. Dont pour fiàre le conte sommaire Saluius Brabon, selon lottroy du don que César luy auoit promis, luy draianda en mariage sa nieoe Suuane la ieune Damoiselle, ce quil obtint sans difficulté. Et furent célébrées les noces en grand pompe et aoleiinité au temple des Dieux Mars et Pluton à Louuain, sdon landenne coustume, en la présence de César, lequel offrit plusieurs grans dons audit temple : et donna à sa nièce pour douaire en tiltre de Duché toute la terre, de- puis la mer Ruthenique, cestadire de Noruueghe, iusques aux dernières limites des Neruiens, qui sont'maintenant les Haynnuiere et Tomisiens, (1) en compr^tiant les bois de Soigne et la riuiere Descault, iusques au ruisseau qui se nomme lacea, (2) dont les Barons feirent hommage audit Saluius Brabon, leur premier Duc, comme à leur Prince. Et deslors ladite contrée fut appellee Brabant.

Et oultre ce, César donna À son neueu Octauien, filz de sa propre sœur Suuane Germaine et de Charles Ynach, le

(1) Tawmùieni (éd. 1513).

(2) U Gette.

ILLWnUTlOIIS M GMbB, «

Royaume d'Âgrippine quon dit maintenant Coulongne sor le Rhin. Souz le tiltre duquel estoit contenue toute la terre depuis Velue, (1) iusques À Ejffle (2) et Moselle, et iusques aux limites de Treues et À la riuiere de Meuse, et aux confins la Sambre entre dedens Meuse, auec toute la terra, qui git entre Meuse et lace : laquelle il voulut estre des appar- tenances de Tongres, et que désormais elle fust appellee Genoanie» du nom de sa sœur, quil au^lt retroaiiiee. Aussi ordonna que son n^uea Octauien fust swgwriuw Gfunnain : et de procède le nom des Germains Âllwwia' 3i {nrept fiâtes ces choses^ lan deoant la natiuité filtra $«^gMW oinquanie et vn.

Il appert icy clerement par les choetes despua npna^oi, ooD^bien grande noblesse de san^ &ht mfMdeer et redottUee pour lors en eeste généalogie. PiremieireiimA de Cbiyrtol Tnach, yssui^ des B%iens et àm Cimbres» mefi sa ftniinn, «OBunee Germaine, sœur de InjObes César, pr^er Soi^ rmt des Romains. Et en après de Saluius Brabon» extnôt de Sicamber, filz de Francus, auec Suuane, la ieone fltte desdits Charles Ynach et Germaine. Parquoj Icfl Princes descendus de ladite propagation, se peuuent bien yaater destre les plus nobles du monde. Et encores aj^perra il mieux par la déduction finale de ce premier liure. (3)

(1) c.-à-d. la Veluwe, plain« aride qui s'ëtend d^Amliem juaqn'ao Zuiderzée.

(2) L'Eifel.

(3) ou plutôt traité.

8»GfLARlTn M TIOTI. UYUE lU. 563

Daaen&M fondations de Yilleg faites par deçà par lalios Ceiar, du Géant d^Anners, et dn Dieo Priapot qui j eatoit adoré : de la dona- tion de la marche Romaine, et de la mort de Salains, premier Dac de Brabant.

Apres oes choses fûtes, César édifia à Louuain vn temple inx Dîeax Mars et Platon, plus ample et plus magnifique que iamais nauoit este, et aussi feit faire vn fort chasteau sur la montaigne, de lautre part de la riuiere de Dile. (1) Et an œ mesmes temps regnoit vn merueilleux Géant nommé Druon, de la hauteur de quinze coudées, plein d'horrible et cruelle tyrannie, lequel se tenoit sur le riuage de Les- cault, en tb fort chasteau, situé en vn marestz. Et con- traingnoit ledit Oeant tons les passans, sur ladite riuiere, de laisser la iuste moytié de tous leurs biens ef marchan- disee quilz menoient par ladite riuiere. Et sil y auoit aucune fsnte, le tout estoit confisqué et auoit le marchant ou le Toiturier Tue main coupée : et pource sappelloit ce lieu Hantuuerp, (2) cestadire, laisse main, maintenant nous le nommons Anuers.

Ce Oeant criminel, fut combatu et rué ius par vn des dieualiers de César, nommé Grauius. Ceux de la ville d'Anuers monstrent encores iusques auiourdhuy en la mai- son de leur Tille, aucuns os dudit Géant, qui sont de mer- uaiUease grosseur et grandeur comme iay veu, et encores

(1) 0*est le prétendu CkâUathCétar de Louvain, bâti, dit-on, par Temperear Arnoald en 894.

4K) La véritable étgrmologie, c*e«t aan 't werp =r à la Jetée. Cf. Meriena et Torfe, Oetehiedenis van Antwerpen (Van Dieren 1845, I, 1). Le mojen-âge prenait lea calembours au sérieux.

11. 23

354 ILLfSTKATlOllS DB 6ATLB, BT

pour attestation de lancienneté de ladite ville d'Ânuers, ilz disent que le Dieu Priapus estoit iadis adore en icelle, et monstrent sa représentation en yne vieille porte près du marché au poisson. Et de vient par ancienne coustume, que les femmes dudit païs, en toutes acclamations soudaines appellent Tyers, cestadire Priapus en langue Thioise. Mais pour reuenir à nostre propos, le cheualier Graoius, qui tua ledit Géant d'Ânuers, se maria à la fille dun noble Duc dudit païs : de laquelle il eut vn fik aussi nommé Granius, le- quel fonda depuis la ville de Graue, sur la rioiere de Meuse. Et dautrepart, Gains Iulius César fonda sur le mont Blandin vne ville nommée Gaia de son nom, laquelle ae dit maintenant Gand, et édifia à Torhout vne forte tour : et donna ledit César à vn sien cheualier nommé Gains Fabius, ladite ville de Gand et Ânuers et tous autres chasteaux situez sur le fleuue Descault, tant dune part que dantre. Lesquelles ledit Fabius promit feablement tenir, pour la marche des Romains.

César ayant subiugué toute Gaule, délibéra de sen retourner à Romme, à main forte, contre Pompée, son ennemy, et ceux de sa bende. Et pour ce faire, print auec luy dés Princes de Gaule, les plus vertueux et les plus féaux. Si laccompaignerent en cest affaire, Octauien Ger- main, Roy des Agrippins, son neueu, et Saluius Brabon, son beau neueu, Duc de Tongres et de Brabant, lequel demeura tant à Romme, quil y fut tué traytreusement par Brutos et Cassius, qui aussi tuèrent ledit César. Et mourut ledit Saluius lan sixième, depuis quil fut fait Duc : qui fut douant lincamation nostre Seigneur, xlvi. Si laissa vn fllz nommé Charles Brabon, dont nous parlerons tantost.

SINQTLABITBZ DB TROTB. LIYRB III. 3K5

Du reg^e et des gestes d'Oetauien Qermain, Roy des Agrippins ou de

Coulongne, filz de Charles Ynach.

Octavien, Roy d'Agrippiae, quon dit maintenant Cou- longne, après auoir demonré auonn temps auec son oncle Gesar et obtenu plusieurs priuileges , cestasauoir toute iurisdiction sur les fleuues du Rhin, de Meuse et de Les- caolt : et aussi lautorité de pouuoir forger monnoje dor et dargent, ensemble de porter le blason de Lempire, cest- asauoir, laigle à vne teste seulement, il sen retourna en son païs et repara la cité de Tongres, et la nomma de son nom Oetauia, aussi remit il sus la cité de Treues : et establit, que les Belgiens receussent et gardassent deslors en auant, les loix, coustumes et cerimonies des Romains et Ysassent du langage Romain, par spécial aux iugemens publiques : et que nul ne fust si hardjr, sur peine de la teste, de parler lun à lautre en langue Belgienne, aumoins des matières qui touchoient les affaires de la chose publique.

Ledit Roy Octauien, surnommé Germain, régna long temps, cestasauoir iusques au vingtseptieme an de Lempire de son cousin germain lempereur Octauien Auguste, au- quel an il mourut. Et celle mesme année, la glorieuse yiei^ Marie nasquit, cestasauoir, quinze ans auant la natiuité de nostre Seigneur ibsys christ. Apres la mort duquel Roy Octauien Germain, la puissance des Belgiens et de Treues rebella aux Romains : et aussi feirent les dtox àe M0tB^t de Toul. Et en ce mesme temps vn noble hmome nommé Hoys, fonda la cité de Huy sur Meuse, près de Dynâiît Après hiy par fkute dhoirs de son corps, suc- céda Charles Brabon son neueu.

3S6 ILLTSTKATIOHS DE GlfUU

De Charles second de ce nom, en ceste généalogie, tamommé Bn* bon, Dqc de Tongres, de Brabant et de Thnringe, et Roy de Con- longne, et daacuns antres ses successears, insqnes à Charies le Bel. Et de la fondation de plnsienrs villes et citei en ee quartier.

Charles Brabon, Duc de Tongres et de Brabant, tint les terres de son père Saluios, après le trespas de son onde : et espoosa la fille don Duc de Thoringe, nommé Espirogas, (1) ajures la mort duquel il succéda à ladite Duché, à cause de sa femme, vraye héritière dicellé. Iceluy Charles Brabon fiit tousiours féal aux Romains, et quand après la mort de son oncle Octauianus Germanus, Roy des Âgrippins, ceux de Belges et de Treues se furent esmuz contre Lempire Romain, il signifia le tout à lempereur Octauien Auguste, son onde. Parquoy il mérita dobtenir ledit Royaume des Âgrippins en la sorte et manière que sondit oncle Octauien Germain lauoit tenu. En son temps fut faite la description générale de tout le monde, par lem- pereur Octauien Auguste, à la glorieuse naissance de nos- tre Seigneur iesys christ. Ledit Charles Brabon eut deux filz. Lun fut nommé lulius et lautre Titus. Titus pource quil oppressa dedens le temple de Mars une noble nonnain, fut banny hors du Royaume de Gaule, mais du oosté de sa mère il succéda à la Duché de Thuringe.

lalins, fondateur de luliers.

lulius, aisnë filz dudit Charles, quand son père fut denoiu fort sur aage, il fut*deputé comme lieutenant de son père, au gouuemement des terres qui sont entre le Rhin et la

(1) Epirogus (éd. 1513).

SniGTLAiUTBC DB TROTB. UTBB III. 357

Meoflé. Et après la mort de son père, tous les païs qui sdeent entre le Rhin et Lescault furent en son obéissance : mais il firequentoit et aymoit plus les premières terres quil àuoit régentées en ieunesse. Et À ceste cause, il y fonda vne ville, laquelle il nomma de son nom luliers, le dixneu- uieme an de son règne, qui fut premier de lempereur Néron. Toumay, qui premier sappelloit Hostilia et depuis Neruia, selon aucuns, fut restablie et restaurée par vn Duc nommé Tomus, lequel luy donna son nom. Et enuiron ce temps mesmes vn Sénateur Romain, nomme Antoine, de £gnitë iribunitienne, fuyant la tyrannie dudit Néron, Tint au refuge, audit Iulius, et impetra autorité et territoire, pour fonder places. Oranus, auec ses compaignons, alla sur les extremitez de la grand forest Dardenne, en vn lieu fort secret et solitaire : 1& il trouua aucunes fontaines deatie chaude et sulphuree, et illec fonda vn grand palais il se tint : lequel lieu sappelle iusques auiourdhuy en Latin Aquisgranum. cestadire les eaues de Granus. Et fut auprès diceluy palais, fondée par Gharlemagne, vne cité qui main- tenant se nomme Âix la chappelle, et y prend Lempereur sa première couronne. Antoine, son compaignon, tira dun antre eosté, cestasauoir, au pals qui sappelle maintenant Hollande, sur le fleuue du Rhin : et fonda vne forte place, quil nomma Antonia, qui depuis fiit dit Vuiltem- bourg, maintenant on lappelle Vtreth. Ledit Iulius régna soiianteneuf ans et laissa vn fllz nommé Octauius.

OeUniot.

Oetauius succéda à son père Iulius, tant en la seigneurie, comme en lalliance des Romains, lan après la natiuité nostre Seigneur, quatre vingts, au temps de lempereur

588 UXTSTEAXIOIIS DS GAVLS, IT

Vespasian. Gaule eut beaucoup à souffrir en son temps, i cause des discordes ciuiles. Il feit alliance auec lempereur Traian : il ietta les Saxons hors de Vallendannes et y mit les Romains : et fut estably par lempereur Traian gouuemeur de toute la Gaule Belgique, fin son temps saint Materne conuertit & la foy Coulongne et Tongres» Bt régna ledit Octauius quarantesix ans.

Godard.

Cestuy Godard eut la seigneurie apr€|S son père Octauius, et fut du temps de lempereur Antonius Plus. Il édifia à Huy sur la roche de Meuse» vn chasteau haut et fort, et fut gouuemeur de Gaule Belgique, pour les Romains, comme son père auoit esté : et régna quarantesept ans.

Godefroj.

Âpres Godard régna Godefroy, son fllz, lequel ayda et assista lempereur Marcus Antonius Verus, faisant guerre aux Germains. Mais pource que lempereur Commodus son successeur, cruel homme et mauuais tyrant, feit décapiter aucuns enfans des Princes de Gaule, estans ostagers à Romme, entre lesquelz estoit vn neueu dudit Godefroy, filz de sa sœur, il rompit lalliance auec les Romains et se ioin- gnit aux Germains, ses voisins. Si ietta lesdits Romains arrière des fleuues du Rhin, Meuse, Sambre et Lescault, depuis le pais d*Alsate, iusques à Tournay, à layde de Vue- ric. Duc de Treues, et Soric, Duc des Germains. Iceux Ro- mains ainsi pressez, se retirèrent à Tournay, laquelle fut assiégée et prinse par force. Numerianus, maistre de la cheualerie dudit empereur Conmiodus, assiégea Mayence

SUfCTLARITEZ DB TROTS. UYRB III. 359

auec plusieurs légions, mais ledit Godefroy, Duc de Tongres et de Brabant» et Vueric, Duc de Treues, défirent lesdits Romains. Si fut toute la Gaule Belgique, souz la domi- nation d'eux deux par lespace de douze ans entiers firanche de tout tribut et subside. Parquoy ledit Godefiroy pour se fortifier contre lesdits Romains, print affinité auec ledit Vueric et espousa sa fille, dont il eut vn fllz nommé Vueric, son héritier et successeur : et régna ledit Godefroy quaran- tecinq ans.

Vueric.

Soixante dix ans gouuerna Vueric la Duché de Tongres et de Brabant, après la mort de son père Godefroy : et vescut cent ans. Mais assez bonne espace auant sa mort, il laissa le gouuemement à son filz, Ârtsard, pource quil estoit vieux.

Artaard.

Ârtsard, ûlz dudit Vueric, entra au gouuemement de ses pals, du temps de lempereur Maximian. Et pouroe quun nommé Carausius, vicaire et lieutenant de Lempereur, ne gouuemoit pas bien sa prôuince, le Duc Artsard fut mis en son lieu. Par ainsi il ne fut pas seulement paisible posses- seur de son territoire, dont les limites estoient la mer Bri- tannique, les fleuues du Rhin et Lescault, et la Sambre, mais aussi gouuerna en paix, tout le riuage de delà Les- cault, iusques à la mer Oceane. Laquelle prôuince ledit lieutenant Impérial Carausius, auoit mal administrée. Aussi comme Constantius, filz de Constantin le grand empe- reur, fut fort oppressé des Allemans autour de Langres, le Duc Artsard bailla tel secours audit Constantius, qml de- meura vainqueur. Apres lesquelles choses ledit empereur

560 ILLTSTIUTI0II8 DS GATLI, IT

Constantin, & fin quil reprimast plus fiunlemeat les efferis des Allemans, enuoya quérir sa femme Heleine et son filz Constantin, encores ieone enfant, lesqnelz estoient en la grand Bretaigne, quon dit maintenant Angleterre, et esta- blit son siège Impérial en la cité de Treues. A cause dequoy le Duc Artsard continua plus facilement sa grand fiuniliaritë auec ledit Empereur et en eut grand auaiice- ment. Si régna quarantehuit ans.

MartsiaDd.

Son fllz Martsiandus luj succéda esdites Duchés de Tongres et de Brabant, et aussi au gouuemement de la prouince marine, pour les empereurs Romains, et acheua beaucoup de grands choses pour eux, mesmement du viuant de son père, pour Constantin le grand, alencontre de Mayence et Licinius, tyrans et vsurpateurs de Lempire. A cause dequoy le Duc Martsiand par priuilege Impérial estendit les limites de son gouuemement par tous les païs, quon dit maintenant Haynnau, Artois et Picardie. Et régna quarantedeux ans.

Taiander, le premier Prince ChrestieD en ceste généalogie, da temps

dnqael la mer se recnla de Tongres.

Taxander fut nourry de ieunesse en la court de Gratian lempereur. Mais il y eut beaucoup à souffrir par lenuie et detraction de deux personnages , lun nommé Eugenins Grammaticus, et lautre Arbogastes. Finablement il feit vœu destre Chrestien, parquoy il fht mis à delitire, au temps de saint Martin, archeuesque de l*ours. Apres les- quelles choses par despit de lempereur Graiian qui làuoit

SmdTLAERBZ M TROTfe. UtU UI.

mU traité, il fatiorisa le party de Maximin, «m grand ennemy, natif de la grand Bretaigne. Duquel Maxinifn, régnant en Lempire Occidental, combien que par droit dùsurpation ledit Duc Taxander obtint beaucoup de priui- leges, et en son temps flourissoit saint Seruids, eueeque de Tongres, lequel ses citoyens ietterent hors de sa cité : pôurcé que pa^ esprit de prophétie, il predisoit la ftiture persécution des Huns : et deslors la mer qui batoit iusques aui murailles de Tongres, se recula de bien loing. Apres la mort dudit empereur Gratian, le Duc Taxander eut grand fitueuratlec lempereur Theodose lancien. Bt puis làoiiliït lan xxli. de son règne.

Ansjgirat.

AàÈfgisfik, fllz Taxander, r^a trente ans et obtint de lempereur Bonorius la confirmation de tous ses priui- l^es. n fut tresbon Prince Chrestien et rua ius en plein chkitip de bataille, cruelle et sanglante, Groscus, Roy des Vuandelz, idolâtre et mauuais tyrant. Et ftat ladite des- eonflture auprès d'Arles en Prouence.

De Charles troisième de ce nom en ceste généalogie, snrnommé le Bel, et de la grand bataille qui fat donnée contre Attjla, Roj des Haas, en laquelle monnit Qnndengns, premier Roj des Bonr- gnignons*

Charles le Bel fut filz du dessusdit Duc Ânsygisus, et espousa la sœur de lempereur Valentinian. Si fiit maistre de la cheualerie dudit Empereur. Mais quand il sceut la mort de son père le Duc Ânsygisus, il retourna pardeca

881 uATiTSànom db 6An.B, wt

pour goauerner ses païs : et oommem^ & régner lan après liAcaniatioti nostre Seignear quatre cens trentehoit, qui fut le ^deuxième an du règne de lempereor Martian. Et saooeda ledit Charles le Bel à son père, tant en la Duché de Tongres et de Brabant, comme au gouuemement de la Gaule Belgique, laquelle il gouuema pacifiquement, pour les Romains, par lespace de quinze ans. Mais en ce temps suruindrent les grandes et merueilleuses persécutions du terrible Âttyla, Roy des Huns, qui se nommoit le flayau de Dieu, et de Vualamir, Roy des Ostrogoths, et Ardaric, Roy des Oepides : lesquelz coururent et destruirent toute ceste Conté de Gaule Belgique : car ilz prindrent et démolirent les citez de Treues, Metz, Coulongne, Tongres et Bru- xelles. Apres lesquelles choses, iceux Huns plantèrent leur ost (1) et passèrent Ihyuer auprès d*Astha, en vne grand champaigne, qui sappelle encores auiourdhuy le champ des Huns. Cest le païs de Champaigne, (2) entour Boslednc.

Finablement par le moyen du Duc Charles le Bel, Etius(3) Patricius, vn grand Duc et vaillant capitaine, fut enuoyé par les Romains, contre ledit Attyla, Roy des Huns, quon dit maintenant Hongres. Lequel Etius Patricius à layde, accompaigné de plusieurs Princes, si comme de Theodoric, Roy des Ostrogoths, Gundengus, ou Gundiochus, Roy des Bourguignons, Meroveus, Roy des François, et dudit Char- les le Bel au pourchas duquel tout se faisoit, donna la bataille audit Attyla, en vne grand plaine, appellee les champs Catalauniques, auprès de Toulouse, par laquelle ledit Attyla fut vaincu. Neantmoins Theodoric, Roy des

(1) c.-à-d. leur camp.

(2) Campigne(éd. 1513).

(3) Aetiufl.

sniGTLABiTtt Ai non. utbb ni. 865

Ostrogoths, et Gundengus, Roy des Bourguignons, y de- mourerent, comme sera dit plus à plein quand nous parle- rons des Roys de Bourgongne. Mais le Duc Charles le Bel y acquit grand honneur et abatit de son chenal Ârdaric, Roy des Oepides, et feit assez dautres prouesses et vaillan- ces. Si régna lespace de vingt et deiu^ ans, et eut vn filz sonuoé Lando.

Da Dqo Lando, qui premier laissa las Romains et sallia anx > Français, comme jaea de leur «ang.

Apres le Duc Charles le Bel, succéda en la Duché de Tcmgres et de Brabant, son âlz Lando, lan de nostre Sei- gneur CGCCLX., qui fut le deuxième an du règne da Ghildë- ric, quatrième Roy de France. Iceluy Duo Lando voyant ]Hro0perer les François et croître leur puissance de plus en {dus en Oaule, et au contraire lautortté des Romains des- oroiire de ionr en iour, il se délibéra de donner lieu et obtempérer à fortune. Si laissa le party des Romains et se tira vers ledit Childeric, Roy de France, et ses Barons : et kôr monstra par sa généalogie, comment il estoit dèistcendu don mesme estoc comme eux, cestasauoir de Sicamber, fik de Francus, qui fut ûlz d'Hector de Troye. A cause dequoy ledit Roy Childeric le print en grâce et feit alliance auec luy contre les Allemans. Et par ainsi commença deslors la Gaule à perdre son nom, et la print (1) on dappeller France, leeluy Duc Landa fonda la ville de Landen, auprès de Bos- leduc, et eut vn fllz nommé Austrasius, 'auquel il laissa sa seigneurie, après auoir régné dixhuit ans.

(1) c.-à>d. on se mit à.

804 MJLfttmâiMtt M ûknm, et

Duc Aottratiot, lequel ftit caosade faire tepâier Ckntii, Roy dm François, ee que naiioit êneorM pm hin êi femme ki Rojim Gb- Hàde Boorgoagne.

ATstrasIvs fitt J)M dd Tongras ot BnAant, spros son père Lando, et fat ajrmé tendrement du Roy Ohilderie de France. Car le Dac Lando de son plein vioant lauoit oinoyé en la court de France, en le recommandant au Roj treeaf- fectueusement. Par ainsi estoit ledit Austrasias dee plus auancez et honnorez en France. Puis quand le Roj Childe- Hc fut mort, son filz Clouis r^nant après luj ne tint pas moins de conte dudit Duc Austrasius que auoit fait son père.

Or estoit ledit Roy Clouis payen, et pource ae tendt il ]^us Youlentiers en la Gaule Celtique, quon dit mainte- mot France, laquelle estoit enoores en partie idolâtre. Si donna audit Due Austrasius, lequel estoit Ixm Chreetien et Ynj catholique, le gouuemement de la Gaule Belgique, et il la régit & la mode Chrestienne. Dont pour sa singulière

prudence et vertu, ladite prouince commença & sappeller

*

Austrasie, du nom de son gouuerneur. Oultreplus, ledit Roy Clouis par le moyen et ayde dudit Due Austrasius print la foy Chrestienne, et eut vue merueilleuse victoire contre les Allemans. Et loccasion fut telle.

Comme en leffort de la bataille la bende des François commençast à décliner et estre fouUee de la puissance et multitude des Allemans : le Duc Austrasius commença i sescrier hautement : t Ha, Roy Clouis, appelle en ton ayde le trespuissant Dieu des Chrestiens, cest celuy qui ne peult estre vaincu de nul : et celuy seul, auquel la Royne Clo- tide,ta compaigne, croit. » Alors le Roy Clouis contraint par nécessité, voua de se faire baptiser, ce quil nauoit enoores

simyLÂAiTu ^ noTi. uvms ui. 365

Toala fiûre à la requeste de sa femme. Par ainai il reoounra honneur et gaigna la bataille. Et ceste histoire fut redtee deoant le Pape lu^es à présent séant et tout le consistoire des Cardinaux, par messire lean de Chastillon, archidiacre de Campigne en leglise du Liège, en fSeûsant son oraison de lobedience filiale des pais de pardeça, comme Orateur & ce enuoyé de par Lempereur et Larchiduc, auec monsieur Ladmiral, messire Phelippes de Bourgragne, (1) lan mille cinq cens et huit.

Des limites du Royaume d'Âustratie, ou d'Aastriche la basse, Toisine

du Royaume de Bourgongne.

Poyroe que souuent en ceste histoire sera fidte mention des limites du Royaume d'Âustrasie, ou d'Austriche la basse, duquel plusieurs gens ignorent lestendue, pource que les seigneuries sont changées par longueur de temps, il est bien séant den mettre icy ce que ien ay peu trouuer : mes- mement par la chronique de France, composée par messire Robert Gaguin, natif de Douay, lequel met que ledit Roy- aume d*Âustrasie ha eu par interualle de temps deux citez capitales, cestadire se tenoit le siège Royal, cestasa- uoir, Metz et Aix la chapelle. Et commençoit depuis les extremitez de la haute Bourgongne, de deuers les montai- gnes de Lorraine, en descendant iusques à la mer de Frise, entre les deux fleuues du Rhin et de Lescault, et compre- noit Vtrecht, Coulongne, Treues, Mayence, les pais de Brabant, Gheldres, Gleues, Hollande, Zelande, Haynnau, Hasbain, Liège, Lembourg, Alsate et toutes les terres que

(1) lils natorel de Philippe-le-Bon.

866 iLLnTEATiom m oatlb, et

le 'Conte Palatin tient maintenant alentonr du Rhin. Et onltre ce, tout le païs d'Ârdrane et de Barrois, qui depuis ha esté esleuë en Duché, auec le quartier du paSs qui main- tenant sappelle Lorraine. Voilà les limites du Royaume d*Âu8triche la basse, lesquels certes estoient de grand estendue, et contenoient la plus grand partie de Oaule Bel- gique. Et disent aucuns, que depuis toute ceste contrée sappella France Orientale.

GONCLVSION DV PRBMIBR TBIICTB.

Il me semble que iay monstre assez clerement et succin- tement, la généalogie du noble sang des Cimbres, yssuz de Sicamber, filz de Francus de Troye : et suis venu au tresglo- rjeux nom de Charles : et du Duc Austrasius, fondateur et dénominateur du Royaume d'Austriche la basse. Mainte- nant ie uiendray à approcher le sang de Bourgongne et de France, pour le conioindre auec celuy d'Austriche, laquelle chose ne se fera iusques au troisième traicté.

8I1IGTLARITEZ DB TROTB. Umi OI. 367

LE SECOND TRAICTÉ DU LIURE INTITULÉ LA GENEALOGIE HISTORIALE DE LEMPEREVR

CHARLES LE GRAND.

Pvis qye (Dieu meroj) iay monstre la généalogie da Due Austrasios qui donna le nom au Royaume d*Austriehe la basse, il faut vn petit laisser ladite généalogie en attente, iusques à oe que iaye bien clerement spedâé lorigine et descente des Roys de Bourgogne : ce que iay eu grand peine de recueillir on diuers lieux. Car ie ne Iay nulle part trouuë, tout en vn corps, comme il sera icy réduit. La fin de ce second traicté est de monstrer comment le sang de Boorgongne fut ioint auec celuy de France, es persçnnes du Roy CloTjds de France et de la Royne Clotilde.de Bour- gongne, sa femme. Mais premièrement à fin que nous ne procédons point par termes incongnuz, il nous &ut sauoir les limites anciens du Royaume de Bourgongne, dont iay yeu plusieurs gem^ de bien estre en doute, différence ejt dif- ficulté : et moy auee eux. Mais ie men suia mis hors de souçy, pource que après auoir trassé (1) beaucoup, iay trouué certains Acteurs anciens qui men ont donné laduerteur, (2) ainsi que çy après est escrit.

(1) c.-à-d. ohereh^ avec ■oin, toi^ à la trsee.

(2) c-à-d. ralaeigiMment.

368 njUirfldBATHMB m «^nfi, «r

De Undenne attendue do Rojanme de Boorg^ngne, et de

proanei par Aoteara aatentiquet.

ley yerra on combien estoient iadis voisins et limitrophes le Royaume de Bourgongne et le Rojaame d'Âustrasie, on d'Ânstriche la basse : dont iaj çy denant deecrit les limites. Or estoit lestendue dudit Royaume de Bourgongne, selon ce que iay peu cueillir par les escrits daucuns Ac- teurs anciens et autentiques, telle quil sensuit. Oeruados, iadis mareschal du Royaume de Bourgongne, (1) du temps de kmpereur Othon le quart, qui fut Roy de *BourgongBA, eu son linre intitulé du passetemps Imperiglf met que selon le contenu des anciens registres de Lempire, le Royaume de Bourgongne estoit comprins par les limites qui sewuinent.

La première prouince du Rojaume de Bourgongne.

La cité d*Arles métropolitaine, qui estoit le si^e du Royaume de Bourgongne : auec toute la prouince dudit Arles le Blanc, en Prouence, lequel auoit souz luy les dio- cèses et citez cathédrales ou episcopales cy après nommées, de lordre de saint Augustin, cestasauoir : la dté d'Âuignon et son diocèse, qui depuis ha esté esleué en archeueschè, du temps du Pape Sixte, Marseille, en Prouence, Toulon, Cauaillon, Garpentras, Vaison, Orenge, Tricasiel.

(1) Gervais de Tilbury (près de Lon^f9)psjB^ sa Tie^laeoar d*Othon IV, fut maréchal du royaume d^Arlee et mourut fera 1218. On a de lui Otia imp^jialia Ubri j|II, five de f^irabilij^ frkit ; Di orijfine Bttrffundionum, etc.

vmjtàÈmt BB noti. uni m. 869

La Mconde prooinoe.

La cité métropolitaine de Yielme, an laquelle eetoit assise la chanoellerie da Royaume de Bourgongne, anec toute la prooince de larcheuesché de Vienae : leqœl ha êoxit lay les diocèses qui sensuiuent : Orenoble, de lordre de saint Augustin, Valence, et Die, lesqudz sont vnis : Morienne, Oeneue.

La tierce Prodnôè dii ttoyattme de Bourgongne.

La mté et ardiemseké de Lyon sur le Rhône et tonte sa Praaînae : kquelle contient quatre DioceeMl, eestasa'*' ooir : Autiiun» Maecon, Ghaloni Langres.

La quatrième Prooinoe,

La cité et aroheuesché de Bezenson et toute sa Pro- uince : laquelle contient trois Diocèses, cestasauoir : Basle en Soujrcere, Lausanne, Bellay en Sauoyè.

La cinfoieme ProdiM.

La dté et aroheuesché de Moustier en Tarentaisa et toute sa Prouince, qui contient deux Diocèses de lordre de saint Augustin, cestasauoir : Seon, Aouste. (1)

La aizieme Prouince.

dté et afôheuesché d*Bmbrun et toute èa Prouià6e, qui contient sil Diocèses : Digne, de lordre saint Augu- atirr, NSssé, QtàM, Seaete, de lordre àé niâût Adlfûstin, Clsttdftt, TieAno.

(}) tloa, àeitu. n. 94

370 ILLVSTRÂTIOBS M QàUM^ .S?

La Beptieme Proaince.

La cite et archeueschë d*Âix en Proaenœ et toute sa Prooince, qui contient cinq Diocèses, cestasauoir : Apt, Foriol, Rege, Oap, Sisteron.

DesqaellM sept Proainoes ledit Actanr met qae le Royaume de Bow* gODgne estoit endos comme de sept reti on filei.

Vn autre acteur, nommé Ligurinus, qui fut du temps de lempereur Federic Barberousse et escriuit les gestes dudit Empereur : lequel fut allié à vne fille de Bourgongne, met et conclut lesdites limites du Royaume de Bourgongne ea six vers Latins, cy après escrits, qui sont preeques dune mesme substance que le dessus narré.

Has tibi Métropoles, et piîmi nominis vrbes Chrysopolim placidam, Lngdnaam, siae Viennam, Qa»qae taoe spomante mari Prooincia fines Claadit, Arelatum validis obnozia ventis. ChrjBopolim Dabias, reliqaas perlabitar amnis Maximus Allobrogam, Rhodanus dominator aquanun.

Et si nous voulons limiter autrement ledit Royaume : nous le pouuons faire par distinction de fleuues, de mer et de montaignes, dont auoit il du costë de Mydi la mer de Prouence et de Nisse : deuers Orient, le fleuue du Rhin et les merueilleuses montaignes qui séparent la Gaule dauec l'Italie : cestasauoir le Mont lou et de Columnaiou, quon dit maintenant le grand et le petit saint Bernard, auec le mont Senis et le mont Geneure : deuers Septentrion, le mont Vosegus, duquel partent les fleuues de Meuse et de Saône : et deuers Occident, les riueres de Loire et de Seine.

Et au cœur dudit Royaume estoient comprins, oultre le

SIMGTLARITBZ DB TROTB. LIYBB 01. 371

dessus narré, antres nobles fleunes et montaignes : si comme le mont lura, quon dit la montaigne saint Claude, le mont des Faucilles, le mont Daiguebelette et plusieurs autres, que ie laisse à cause de brieùeté. Et des fleunes, le Rhône, Liseré, le Doux et la Durance : auec autres infinies riuie- res et nâsseaux. Et le grand lac de Lausanne : et assez dautres moindres.

Dont il appert que ledit Rojaume participoit de toutes les trois Qaules, eestasaucnr, Belgique, Celtique et Âqui« panique : oar il eomprenoit presques tous les fleuues qui font séparation desdites Gaules entre elles : si comme la riuiere de Seine, qui diuise dun costé la Oaule Belgique, dauec la Celtique : et aussi font les riuieres de Saône et de Liseré chacune en son quartier, et le grand fleuue de Loire, qui sépare la Celtique dauec TÂquitanique.

Aussi sestendoit la domination dudit Rojaume sur trois langues principales et différentes lune de lautre, cestasa- uoir : Qermanique, Romande ou Vuallonne, et Italienne. Et comme on peult coniecturer, ledit Royaume eomprenoit les pals qui sensuiuent : et se nomment maintenant ainsi, cestasauoir : les Duchez de Bourgongne, de Sauoye, de Chablais et d*Âouste , les principautés de Piedmont et d'Orenge, la Landgrauie d*Alsate, la Conté Palatine de Bourgongne,' les Contez de Habsbourg, de Ferrettes, de Mont Beliard, de Charrolois, de Nyuemois, de Forestz, de Valentinois, de Prouence, de Geneuois et de Venisse, (1) cestadiré Âuignon et ses appartenances, les seigneuries de Bresse, de Salins et de Noyers, les pals de Viueretz, d*Auxerrois, de Vuaud, de Foudgny, et toutes les mon- taignee et ligues des Souyceres.

(I) U Conitat-Yenaitiin.

379 lU^YiiimAflÛHS M OAViBt KT

Par ainsi auons nous assez demoxistré comment le Royaume de Boargongne estoit voisin et limitrophe an Royaume d*Âustriche la basse, ou d'Âustrasie, oestasanoir du costé des montaignes septentrionales qui maintenant séparent la Conté de Ferrettes, danec la Duché de Lorraine. Or donques puis que nous sauons quc^e fut lamplitude dudit Royaume, il nous faut voir la vraye soorife et antique origine de ladite tresnoble nation. Pour laquelle chose fiiire, il est nécessaire monstrer premièrement lantiquità dee Roys de GemuMÛe, desquels sont yasus les Royade Boorgoogae.

De la meraelllease antiquité clet Rojs de Germaiiie, «ikiqii^ fixra^

iadifl extraite les Rojs de Boargongne.

Il nest rien plus certain, que tout ainsi comme la gp^à mer Oceane est la vraye mère et sourse de tous le9 fle^uee, fontaines et ruisseaux du monde : aussi est la terre de Germanie , la vraye germinateresse et produiteresse de toute la noblesse de nostre Europe. Nest il pas tout cer* tain, que les premiers François habitèrent plus de quinze cens ans en Germanie, auant que descendre en Gaule f Les Roys d*Ângleterre et d*Escosse ne sont ilz pas de vraye Germanique origine, comme partiz des Saxons et des estocz Germains ? Les Roys d*Espaigne ne se vantent ilz pas lus- ques auiourdhuy destre yssuz des Gk>thz, qui furent G^er* mains ? Certes si font pour leur plus beau tiltre. PareiUe- lement aussi les Roys de Bourgongne se gloriâoyent iadis destre yssuz de Vandalus, Roy de Germanie : qui donna nom à la nation des Vuandelz, tresforte, tresiUustre et tresbelliqueuse : comme il appert par toutes les histoires. Or pour entendre qui fut ledit Vandalus : il est nécessité

8IMTLAAITBZ BB TROTI. tmiB ni. 875

de prendre le fondement à Taysooti le Oeant, premieir Roy de Oermanie.

.De TojMon le Oeint^ premier Roy de Oertiâiiie et ffls de Nœ, et

dee aatree Prinees de sa maiecm*

Beroers de Chaldee, tresdigne et tresexcellent historien, lequel iay sonnent allegné an premier linre des lUnstra- tbns de Ganle et singnlaritez de Troye, met qne le tresbon et tressaint Patriarche Noe, Prince et père de &mille de tont le monde après le delnge, engendra en sa femme Tytea la grande , plnsienrs enfans : entre lesqnelz fat Tnyscon le Géant par Iny constitué Roy de Inn des quatre principaux Royaumes d*Burope, cestasauoir, de toute Ger- manie et Sarmatie. Lesquelles terres comprennent depuis le fleuue du Rhin, qui £edt la séparation de Gaule, auecques la Germanie : iusques au fleuue TanaSs, qui est en Tar- tàrie, et &it les termes d'Europe alencontre d'Asie de ce eosté là*

La vraye Germanie est comprise depuis le dessusdit fleum du Rhin, iusques au fleuue Vistula, quon dit main- tenant Viscla : lequel passe parmy Craco, qui est la cité capitale du Royaume de Polone : et la Sarmatie sestend par toute la reste dudit Royaume de Polone, Gothie, Rous- sie, Prusse et Dannemarch.

Si se ioingnirent auec ledit Tnyscon le géant, tous les enfau de Mesa et Ister : qui furent parens et de la pos- térité de Sem, frère aisné dudit Tnyscon le géant.

Mesa fat flk d'Arameus et neueu de Sem. Il fonda les peuples de Mysie haute et basse : qui se nomment auiour- dhuy las deux Valaquies, subiettes an Turc. Et en la basse

374 ItLTftTmATIOIIS ME GAfUI, IT

Valaquie estleRoyaome deBossigne. (l)L6ditMesafat frère â*Âlan, qui fonda les Alains en Âllemaigne : et engendra ledit Mesa cinq Princes qui fondèrent diuerses nations. Getus fonda la nation des Goths : Dacas, le peuple de Dannemarch : Bannon, les deux Pannonies, ceetasauoir, Pannonie la haute : quon dit maintenant Âustriche, et Pannonie la basse, qui se nomme Hongrie. Brigus fut père des Frisons, qui depuis repassèrent en Asie et donnèrent le nom au pais de Phrjgie, depuis Troye fut fondée : auec Thjmnus, frère dudit Brigus, qui peupla le pals de Bithynie, lequel est situé & lopposite de Constantinoble, comme met Pline au cinquième liure de Ihistoire Naturelle.

Ister, de ladite postérité de Sem, fut filz de Heber : dont procédèrent les Hebrieux, et est ledit Ister appelle Ictan en la sainte escriture. Il donna le nom au pius d*Istrie et au grand fleuue Ister, autrement appelle le Dunoe, qui passe par iceluj. Et eut vn filz nomme Dalmadan, qai nomma de son nom le Royaume de Dalmace. Dalmadan engendra Sarmates, qui occupa toute la terre de Sarmatie dessus spécifiée. Et furent autres Princes consequemment de sa maison, qui donnèrent les noms à assez dautres pro- uinces : dont ie me passe à cause de brieueté. Et qui en voudra sauoir plus à plein, aye recours au liure des Généa- logies dudit acteur Berosus.

Il appert donques que Tuyscon le géant, filz de Noë, nestoit pas mal accompaigné de Princes en sa maisont quand il vint prendre la première possession de son Royaume de Germanie et Sarmatie, qui fut le vingtcin- quieme an du règne de Nembroth, son neueu, surnommé Satumus, premier Roy de Babylone : cestasauoir, lan sept

(1) Bmine(èd. 1513). C'«wtla Bosnie.

SmOTLABlTSZ DB TROTS. UTRB III. 575

yingts et seize après le déluge. Et régna quatre vingts dixsept ans premièrement : en laissant croitre son peuple et yiure selon la loy de Nature. Mais quand ce vint audit an quatre yingts dixseptieme : voyant parauenture la nature de ses gens décliner à mal et à corruption, il leur establit loix restrictiues, auec certaine manière de viure, par reigle et par raison. Et régna, en tout, lespace de sept vingts onze ans. Parquoy on peult coniecturer, quil vesquit bien trois cens ans ou enuiron : car il nasqnit tan- tost après le déluge. Et est à noter, que toute sa postérité fut adoptée en la maison du Patriarche Noë : car ilz sont tous mis en larbre de la postérité dudit Noë, par ledit acteur Berosus. Et du nom dudit Tuyscon, les Germains sappellent iusques auiourdhuy en leur langage Tutschen, ce que nous autres Vualons et Romans disons Thiois, et les Italiens les appellent Tudesques. Et fut le Roy Tuyscon après sa mort, réputé Dieu par les siens.

De Mannaty Beoond Roy dd Oermanie, qui fat illx de Tayseon Id Géant.

Cornélius Tacitus, imcien historien Romain, se concorde auec ledit acteur Berosus, disant que Mannus, second Roy des Germains, fut fllz de Tuyscon le géant : lequel Mannus, selon lexpositeur de Berosus, donna le nom au fleuue, nommé premièrement Allemannus, cestadire : la sourse de Mannus, (I) qui depuis ha esté appelle le fleuue du Rhin : et selon ce, les Âllemans auroient prins leur nom dudit fleuue. Le temps de son règne nest point spécifié, ^ais il eut vn fllz, qui régna après luy nomme Inghaueon.

(1) Ëtjmologie grotesque qui s^expliqoe par le latin al0r$^ ali- menter.

576 KlMTftAVMIM BB •AflJ^ Bt

Whaueooi ou Ijurheuon, succéda à son pare 1

de luj forent nommes les Ingheoont, lesquelz Pline, m -quinzième chapitre do qoatrieme liore de Uûstoire Nata* i^e, nomme poor la seconde nation de Germanie : et dit qoone partie diceoz estoient les Gimbrea et les Teotoos, desqoelz nous aoons parlé bien amplement ao premier traicté de ce liure. Bt est interprété ledit terme Inghaneon, habitateor incertain, (1) poorce que de son temps, les Ger- mains naooient encores nulles citez : ains estoient vaga- bonds par cy par 1&» comme sont auiourdhuy les Tartres et les Arabes.

De Isteuon, quatrième Roy de Germanie.

Isteuon régna après son père Ingiuraeon : et de hij furent nommez vn peuple de Germanie, IsteucMia, haUtant près du Rhin, desquelz vne partie sont les Cimbres medi- terrans, cestadire, habitans loing du riuage de la mer, comme met Pline, qui les nomme en la seconde nation des Germains.

De Hermion, cinquième Roj des Germaine.

Âpres Isteuon, régna Hermion son fliz, homme fort belli- queux et de grand férocité : lequel enseigna à ses subietz lexercice des armes : et fonda vn peuple de son nom, lequel Pline, au quatrième liure de Ibistoire Naturelle, met pour la quatrième génération de Germanie : et dit quune partie diceux sont les Soaues. Et desdits Hermions Cornélius fait mention en son histoire.

(1) Peut-être à cauee de in sappoeé privatif.

SlMVLAtlTBZ BB tMTft: tPfÉÊ Ul. S?7

!)• Manoi, tizkméRoj de Germanie.

Harsns fut fllz du Roy Hermion, qui pareillement donna iadifl son nom & vn peuple de Germanie : duquel Pline et Cbmelius Tacîtus font mention. Et est Marsus» interprété Prince de oonseO : car il introduisit premièrement aux Germains, la manière de tenir conseils et parlements.

De Gambrinias, septième Roy de Oermanie.

Apres Ifarsus, régna son fllr Gambrimts, (1) hoame de grand cœur et fiereté, lequel fut le premier entre lés Roys Germains, qui porta couronne et sceptre Royal publique- ment et du consentement de tous ses subietz : et doima mm nom à tu peuple de Germanie : toit Pline et Corné- lius Tâcitut. font mention. Et de son temps Osirid, Roy d'Egypte, surnommé lupiter le iuste, empereur padique de toàt le monde, vint en AUemaigne : et monstra la ma- nière de semer le froument et planter les vignes, enter arbres et aussi brasser la cemoîse. (2)

De Saeaiu, huitième Roy de Oermanie, qui doaaa le nom ata Soanea.

Sueuus, filz de Marsus, fut plus heureux que beaucoup dautres ses prédécesseurs : pour autant que iusques à pré- sent, lune des principales prouinces d*Allemaigne garde son nom : cestasauoir, le grand et noble pais de Soaue, dont sera faite mention souuentesfois en ce volume.

(1) Gambrinu, anjonrdlui le dieu de la biAiei aotcefoia r4poB|rme dea Gambriniena ou GambriTiena.

(2) Le vin tTorge^ dont parlent Eachjle et Hérodote àprofoa dea

878 nxTBTEATim» db oâTLS, n

De Vandalus, neauieme Roj de Oermioiie, duquel lont ymis lei Boarguignons, et du tempe de ton règne.

Vandalns, filz de Sneaus» duquel est nostre propos prin- cipal, régna sur les Germains du temps d*Altades, douzième Roy de Babylone, et du temps du grand Hercules de Libje, Roy d*Italie : et de son filz Galates, dixième de Gaule, duquel iay parlé bien amplement en mon premier liure des Illustrations de Gaule, et singularitez de Troye. Et comme il est illec mentionné, ledit Galateus commença à régner lan depuis le déluge six cens vingtcinq : douant la fondation de Troye par Dardanus neuf vingts et vn et douant lincamation nostre Seigneur, seize cens soixante- huit.

Or auons nous pour certain, que dudit Vandalus descen- dirent et furent nommez les Vuandelz, tant oongnus par les histoires : lesquelz Vuandelz Pline au xnn. chapitre du quatrième liure de Ihistoire Naturelle, met pour la pre- mière des cinq nations de Germanie, et pour partie diceUe les Bourguignons, disant expressément ainsi : Oenera Oer- manoTum quinque : Uindelici, quorum pars Burgundifh nés, Uarrini, Carini, Outtones. (1)

De Teutanes, dixième Roj de Germanie, duquel sont nommez les

Teutoniques.

Teutanes régna après son père Vandalus, et fut sur- nommé le Mercure des Germains : et adoré comme Dieu, après sa mort. Auquel on sacriâoit de cruel sacrifice, cest- asauoir, de sang humain, comme tesmoigne Lucan, au pre- mier liure de sa Pharsalique, disant ainsi :

(1) Vatidali quorum partes sunt Bwrgundiones^ Vwrinit Carmin etc. (éd. 1513 et 15128).

ftmOTLAMTBZ DB TROTB. LIYM 111. S79

Et qaibas immitii placatar langaine dire Teotanes, horreiuqae feris altaribos Hesof.

Aacans estiment que dadit Teutanes, les Allemans sont nommez Teutoniqaes .

De Hercales Alemannus, onzième Roj ie Germanie et père de Hnnnos, dnqoel sont descendoz les Hongres.

Hercules Alemannos succéda à son père Teutanes : au tempe duquel la Déesse Isis, (1) Royne d^Egypte, vint en AUemaigne : et monstra au rude peuple lusage de mouldre la fiirine et faire du pain. Ledit Hercules fut le plus preux et plus Taillant de tous ses prédécesseurs. Et pouroe fut il ainsi nommé : car les Princes de haute emprise dudit temps estoient surnommez Hercules, dont, comme tes- moigne Cornélius Tacitus, (2) les Germains pour mémoire perpétuelle de luy, quand ilz marchoient en bataille, chan- toient en leur langage aucunes chansons et dictiers terri- bles et merueilleux de luy : et de ce prenoient courage et férocité contre leurs ennemis. Il fut après mort conté au nombre des Dieux. Et encores tient on pour chose certaiiie, quil 7 ha vn vieil temple en vue isle du Rhin, nommée Angia la grande : lequel est nommé Alman, du nom dice- luy Dieu. Et diceluy mesmes nom, les Soaues et Lansque- netz ont este nommez Allemans. Il régna du temps de Mancaleus, quatorzième Roy de Babylone, et du temps de Lugdus, Roy de Gaule : qui fonda Lyon sur le Rhône,, et

(1) La Demeter des Egyptiene, selon Hérodote.

(2) Oerm. II. D' Hugo Mejer (Program. Bremen 1868) fait de Roland on Chrodoîand nne espèce d^Hercnle, patron des libertés municipales.

380 iitnTEAtioftfs M MVMf tr

eut yn fllz nommé HvmmK, dtiqud procédèrent les Hons, qQon dit maintenant les Hongres.

Epilogation da tempa de la doration da règne deediU Rfuju de

Germanie en gênerai.

losques içy, et non plus aoant, ledit ancien aeteor Bero- sus détermine (1) des Roys de Germanie, desquelz iay voa- lentiert mis la généalogie : & cause de Yandalus, père des BoTurgaignons. Et nen puis plus auant dire : ponroe qns Manethon d'Egypte, successeur dudit Berosus, nen dit rien. Mais selon ce que ie puis cueillir par les dits dudit acteur, tout le temps du r^gne desdits Roys peult estre estimé à cinq cens soixante et vn an ou enuiron. Leqnd terme, si nous prenons les cas (comme il est vraysemblaU^ que ce fut la dernière année du règne dudit Hercules Aie* mannuSi ce seroit la» après le déluge^ sept cens et dixaept : devant la première fondation de Troye par Dardanus, nx iringts et quinze. Auant la destruction dicdle par les Oreez, à loccasion d^Heleine, quatre cens trentedeux ans. Et auant Kncamation nostre Seigneur, seize cens ans. Et pouroe que nous nauons nulle histoire autentique, qui nous declaire les gestes desdits Vuandelz et Bourguignons durant lespace de seize cens ans, nous passerons tout oultre, et ferons m sault, iusques au règne de Lempereur Octauien Auguste, du temps duquel nostre Seigneur ibsys christ voulut nais- tre de la Vierge Marie.

(I) c.-à-d. termine, finit.

SUf^VLAlUTU US TIU)YS. I4VM 1B« 3S<

Du paît 'd*Vatndalie en Al]eiiwig:De : et des geetee dès Ynandeh, commaiçaa* eaniron le tempe de liaoaniatiott de noetiieSeigtiéiii^. K% la otMte pQnrqnoj^.TQe partie diœax format preniereioMit a^peir

, . » 1

SMbn la nocttatioa des àctears aat^ti<iaeSy Vaandahè «rt yne région septentrionale du Royaume de Pokme et des appartenances de Germanie : ainsi 'dite, de par le Ro^ Yandalns dessus mentionné : et de par vn fleane qm pc^te lemesme nom, arrosant ladite tMve/dont le peaj^e à^ Vnandda estoit ainsi nommé. Bt auconefois on les treuue es Instdres nommes Vindiles et VindeBdens. (1) Cestoit an tanps iadis vne meraeUlense nation, fiuponehe, ontragetm etinhnmaine : tellement que an tempsde lempereor Octa^ vlenf An^^nste, yne partie diceu sesmit et se mirent en mues an nombre do quatre vingts mille^ hommes. Si lais8e<- vint leur territoire pour conquester mdlleur pab : et sen Tindrent iusqnes sui^ le Rhin, eesfasauoir au pals de Soane. Oontre lesquels furent enuoyez par ledit Empereur Drusus et Tiberius, ses neueux : qui les contiPaingnirent à grand fiEHroe de retourner en leurs contrées : et les diuiserent par Mndee, de peur quils ne se rainassent ensemble. Bt les oèntraingnirent de non habita Tilles, chasteauz, ne cites fermées : mais bien leur estoit permis de se tenir sous ten» tes et pauillons, ou édifier maisons, tugurions (2) et bordes, sans forteresse : sinon de hayes ou palis, pour se garder des loups, comme sont les villages de pardega. Lesquelles

(1) Confaaion da paya dea Wendea Slatea avec la Vindélioie au aid-oaeat de la Oennanie.

*

(2) da latin tuçwrium^ hutte, cabane.

ILLtSTRATIOIIS DB QàfLS, BT

manières dhabitacles ilz appelloient Bourgs, en leur lan- gage : de laquelle dénomination, il y ha aaiourdhny plu- sieurs grands citez, depuis édifiées en All^naigne : si comme Âusbourg, Madebourg, Salsembourg, Strasbourg, Rotembourg, Fribourg, Vuissembourg et plusieurs autres. Et à ceste cause on les commença peu & peu & nommer Bourguignons. Et perdit ladite bende le nom des Yoanddz, mais non les autres qui estoient demoures au pals, comme nous verrons cy après.

Les Bourguignons dessusdits par traict de temps se mul- tiplièrent si fort, que pas ne leur suffisoit la terre Imna otk ilz habitoient : imais occupèrent aussi Tue grande et merueilleuse isle nommée Scandauia, eu la mer Oérmani* que, du costé deuers Dannemarch. Bt Hlsc se tîndreet sans se mouuoir autrement iusques au temps de lemperour Va- lentinian : cestasauoir, lan de graoe trois oans septanteôi^ comme met saint Hierome, en la fin de sa chromqne, que lors ilz sesmurent derechef, enuiron le nombre de quatre vingts mille hommes en armes et sen vindrent iusques sur le riuage du Rhin : comme leurs prédécesseurs auoient fait autresfois, en laissant les régions froides et Septentriona- les, pour conquester meilleur paSs sur Lempire Romain. Si plantèrent leur siège sur ledit fleuue du Rhin, enuiron le païs d*Âlsate, qui est lune des meilleures et fertiles con- trées quon sache.

Des gestes des autres Vuandelz et de Stilco, Prince de leur nation, qui secrètement incita les Bourguignons, Yoandelz et antres nations à enuahir les Gaules.

Lavtre partie des Vuandelz, qui demeura en son pais, 1& habitent présentement les Poulaques, comme dessus est

SUI6ULAEITU DB TROTS. LITRB III. 385

dit, se tint illec, iasques au règne de lempereur Cionstantin le grand. Auquel temps Geberith, Roy des Ootbs, les enua- hit puissamment par aspre guerre, et vainquit en bataille eux et leur Roj nommé Vismar : tellement quilz furent contraints laisser leur propre territoire. Et impetrerent dudit Empereur Constantin, quilz poussent habiter en Pan- nonie, quon dit maintenant Hongrie : ce qui leur fut ot- troyé, et y demourorent enuiron lespace de quarante ans, tousiours souz le tribut et manutenance des Romains. Mais pouroe que lesdits Goths leurs anciens ennemis et voisins ne les y souffiroient yiure en paix, il leur fut force derechef abandonna le pais de Pannonie, et sen allèrent à leurs auentores, sur la mer Balthee : ilz vescurent aucun temps de proye et de pillage, comme font coursaires. Mais flnablement ilz furent chassez par vn autre peuple nommé les Gepides, et sen retournèrent en leur premier pals d'Vuandelie : 1& ilz se contindrent iusques au temps quun Prince de leur nation, nommé Stilco, fut moyen (1) de les tirer dehors, pour les faire entrer en Gaule, au désa- vantage de Lempire Romain.

D est asauoir, quen la court de lempereur Théodore (2) landen fut en ce temps nourry et esleué vn Prince nommé Stilco, yssu de lancienne noblesse des Vuandelz, dessus mentionnée : et y obtint si grand crédit, que comme ledit empereur natif d*Espaigne, voit approcher la fin de ses iours, et quil laissoit ses deux enfans Honorius et Arca- dius, ses héritiers futurs, encores ieunes et non capables à gouuemer Lempire, il leur ordonna pour tuteurs, gouuer-

(1) Cf. mediMt, médiateur, entremetteur.

(2) Les édit. 1513 et 1528 portent également Théodore an lieu de Théodoee.

364 ai*f»TRjLTioiit M oàTU, n

neurs ej^ miMAboairgs, trois de dm {irincipanx Barans, e»* quels ilauoitsa totale flanœ, oeatasavoir, Roffin, qui fut la charge de tout Orient : Stilco, qui fiit regeat de tout Occident ; et Gildp, qui lut constitué au. gouuemement de toute AMque* qui sont les trois prindpalee partiea du inonde.

Et poui^ce que opportunitô et loîsiblité» oommmaraent font les gans hardis à empretidre q^que grand d^oao, les trois Princes et gouuemeurs dessusdits , TOTaxia qoils anoient et pouuoir et loisir^ chacun en sKm endrdt» de se &ire grans» tandis que leurs seigneurs estoient peiia et moindres daage chacun d*eux trois par grand ardeur^ oon* uoitise et ambition de régner* délibéra dusurper pour iuy et pour les siens, la seigneurie et partie de Lenq^re, an laquelle il auoit puissance et autorité. Bt de ca eurent ik secrète intelligence et consentement ensemUe, aani fiirs. semblant lun de lautre.

Or fut le premier et le plus hardi à eommaneer sen emprinse Gildo, régent 4' Afrique, quon dit maintenaiit Barbarie : car apertement et sans dissimulation queloon^Ot il tascha dusurper ladite contrée pour luy, en la soustrayant de lobeïssance de L^mpire Romain. Mais pouroe que son propre frère nommé Mescelger, (1) redoutoit fort sa cmasté, il luy résista puissamment et le chassa hors d'Afrique : dont ledit Gildo mourut de despit selon aucuns acteurs* ou de poison selon les autres. Et tantost après comme ledit Mes- celger fust monté en orgueil et en cruauté intolérable* il fut tué par ses propres gensdarmes. RufELn, qui dautre part sessayoit doccuper toute la domination d*Orient, fut rué lus par lempereur Arcadius, combien que ledit empereur fust encores bien ieune.

(1) de môme que dans Téd. 1513 pour le nom maure MûSdêil.

SOMVLAllTBS M TIOTI. UTEB m. 385

Lesqndlês choies voyant Stilco, Prince des Vvandelz et reg^jie Lempire Occidental : il dissimula son courage par grand prudence et cautele, et sentretint (1) de ses sei- gneurs les empereurs Ârcadius et Honorius, en telle sorte que non seulement ilz ne se doutoient de luy, mais dauan- tage Honorins luy bailla lune de ses filles à femme. Laquelle morte auant la consommation du ^mariage, ledit Stilco es- pousa Tue autre fiUè dudit empereur Honorius. Par ainsi lesdits empereurs, ses seigneurs, ne le tenoient pour suspect en manière quelconque.

Estant donqaes Stilco constitué en telle autorité, sans souspeQon quelconque, pensant en luy mesmes, comment ses consmrts dessusdits Ruffln et Gildo sestoient tresmal oondmts, et anoient esté infortunes en leurs emprises, il ne perdit pas courage pourtant : ains délibéra totalement de fiure son flk nommé Eukerius, empereur de toute la mo- nardiio Romaine. Lequel treshaut entreprendre, il ne pou- ttdt mener à chef, sinon que premièrement et auant toute OBUure, il eust Auelopé ses seigneurs, les empereurs Arca- dius et Honorius, de merueilleux troubles et guerres diffi- ciles, espérant que par ce moyen il se feroit tousiours plus grand et anroit «icores plus grand charge et entremise, quil naocHt an parauant.

Sou cest arrest et conclusion fiiite en lay mesmes, le Duc Stilco teit solliciter par secrètes ambassades, plusieurs nattons de Germanie, cestasauoir les Soaues, les Bourgui- gnons, les Alains et les Vuandels, desquelz le Roy se nom- moit Corsico. Enuers toutes lesquelles nations, ledit Stilco auoit crédit et autorité : comme Prince de leur sang et extraction. Si les esmut & venir enuahir et conquester les

(l) c.-à-d. se tootiiit aoprée d*eaz. 11.

386 ILLVSTRJLTIOI» DB OATU, BT

Gaules, pour eux et pour les leurs, lesquelles estoit en la puissance des Romains. Et oultre ce, par vne merueiyiBase astuce, procura enuers les Empereurs, que la soulde et pen- sion, qui se souloit donner aux Vesegoths ne leur fiist plus payée, espérant que par ce moyen, ilz se mutineroient et se parforceroient dentrer en Italie, et il seroit créé et estably Duc et Consul alencontre d*eux. Et auroit si grand puissance et autorité au fait de la guerre et gendarmerie de Lempire, que facilement il pourroit paruenir à son intention.

Toutes les pratiques et intelligences du Prince Stilco ainsi dressées et mises & effect : cestasauoir, que premio^ ment les Vesegoths sesmurent et rebellèrent contre Lempi- re, & cause de leur pension et soulde non payée, ilz eetabli- rent sur eux yn Roy, nommé Alaric, auec lesquels ilz en- trèrent en Pannonie, quon dit maintenant Hongrie. Et œ temps pendant, Stilco, auec vn autre Prince, nommé Anrs- lianus, furent créez Ducz et Consulz, par les empereurs, pour résister ausdits Vesegoths, lan de lincarnation nostrs Seigneur, quatre cens et sept. Et enuiroV ce temps, les Soaues : qui sont hauts Âllemans, quon dit maintenant Lansquenets, entrèrent les premiers en Gaule, cestasauoir, iusques à la cite d*Âuthun, au pourchas dudit Stilco. Et consequemment Corsico, Roy des Vuandelz, et les Alains et les Bourguignons, qui desia, comme dessus est dit, auoient occupé le païs enuiron du Rhin. Lesquelles quatre nations se fortifièrent et ioingnirent ensemble par alliance. Et fu- rent estimez au nombre de trois cens mille hommes portans armes.

S11I«TLAR1TIZ BB TROTB. UTEB lU. 387

ComiAent lei François, vne autre nation d^Allemaigne, farent rel>out«z oaltre Id Rhin par les Vaandelz, Bonrgnignons et Alains. Et les- dita Bonrgnignona ealnrent leur demeure an pals qui maintenant porte leur nom : et les autres passèrent oultre, dont les Yuandels donnèrent le nom an paXs d*Vnandalousie en Espaigne : et les Goths et les Alains au paXs de Cathelongne.

Environ ce mesmes temps, vne autre nation de Germanie nommez François, de la proaince de Franconie, oaltre le Rhin, autresfois domptée et suppeditee par lempereur Con* stantios Flaaius, ûlz de Constantin le grand, voulut entrer en Qaule, tant pour changer meilleur territoire, comme par enuie des nations dessusdites, lesquelles auoient grand bruit de faire merueilles en Gaule. Et de fait, lesdits François occupèrent les citez de Treues, de Metz, de Toul et de Verdun, et le pals circonuoisin. Mais à listingation des Soaues, anciens ennemis desdits François, les Vuandelz, Bourguignons et Alains contraingnirent lesdits François par force darmes & repasser le Rhin et retourner en Fran- conie, dont ilz estoient partis.

Apres que les François furent ainsi rudement repoulsez, les bendes victorieuses des Bourguignons, Vuandelz, Alains et Soaues, alliées ensemble, mespartirent toutes les Gaules.. Par lequel partage, les Bourguignons, à leur choix et élec- tion, obtindrent les pais et citez desia conquestees, cestasa- uoir : Bezenson, Langres, Ghalon, Mascon et leurs appar- tenances. Et les Vuandelz, Alains et Soaues tirèrent oul- tre, pour aller conquérir nouuelles terres et seigneuries : et entrèrent premièrement en Aquitaine. Si gaignerent toute la terre qui sied entre la riuiere de Loire : et les montai- gnes Pyrénées deuers Espaigne, et sessayerent dentrer en

ILLnTBATIORt M «ATUI, BT

Espaigne : mais ilz en furent reboutez pour oeste fois : neantmoins depuis ilz la conquirent toute : et encores Âfiri- que, quon dit maintenant Barbarie, oultre le destroit de Gybalthar. Tellement que desdits Vuandelz porte iusques aniourdhuy la nom, le pab de Vuandalouiie : quon dit Landalousie, lun des plus fertiles quartiers de toute Es- paigne. Et des Âlains qui depuis se meslerent auec les Goths, est nommé le pals de Gothalania, quon dit en lan- gage vulgaire, Gaihriongne. (1) Et oe penlt on mieux roir par les histoires d'Es^aigne, desquelles ie me déporte pour maintenant : à fin de retourner à noz Bourguignons.

Cdmmtnt 1m Boargoi^ttont encorei Gentils et PmjmiM reosuruit h

ioj eaiâioliqae : et U eaoM ponrqooy : et de la Tietoire qnils euent

. par ce mojeiL, alencoatre des Hane, qaon dit msioteiiaat Hoagm.

Gasdodore le Sénateur, acteur tresautentique, an qua- trième chapitre du douzième liure de Ihistoire Tripertite : et après luy Celius Galanus de Dalmace, en la vie du Roy Attyla, recitent, quun Prince nommé Subthar, obtint le Royaume des Huns, tout seul, après la mort de Madhln- cus, son firere aisné : cestasauoir, Attyla et Bleda, que les ' autres nomment Buda. Et comme il se veit desia sur aage et sans enfans, il adopta pour ses fllz légitimes, & la manière des Princes Romains, ses deux neueux, filz de son firere Madhlucus defunct, et les establit ses héritiers fiiturs, et participateurs de sa domination.

Âpres lesquelles choses, le Roy Subthar, auec ses deux neueux et vn ost innumerable des Huns, qui depuis ont

(1) Cette étymologie de Gotki 4. Aiêim est encore uses répandue.

SIHOTLAtmZ DB TtOTK. LlfEB m. 589

«rté appelles Hongres, entrèrent par forée en Germanie de tous costez, et mirent à fen et à sang plnsiears villes et citez : et entre les antres la cité d'Argentine, quon dit maintenant Strasbourg. Et de entrèrent sur la terre des Bourguignons : cestasauoir, en la Conté de Ferrette et an païs des Souyceres. Et couroûrent iusques & Bezenson, Lan*> grès, Attxonne, Chaalon et Lyon : et y feirent des maux incroyables. Et ne peurent pour ceste heure les Bour- guignons résister à la puissance, fureur et multitude des Huns, combien quilz y eussent mis toute leur force et leur valeur : ains forent foulez et outragez sans remède. Les* queUes choses acheuees à son souhait, le Roy Subthar et ses neuéux se retirèrent en Hongrie.

Or estoient les Bourguignons encores Gentilz, eestadire, Payens et idolâtres : et telz que leurs anoestres auoient esté de tous temps en leurs paSs : dont quand ilz se veirent anoir souffert vne si grieue playe et persécution, et oon* gnnrent que nulle puissance humaine ne pouuoit supporter le foix de leurs ennemis, ilz forent oonsdllez par leurs voi- lins, desquels ilz estoient aymez et bien vouluz, pouroe quilz YÎuoient auec eux assez simplonent et de leur propre labeur, sans outrage, sans hausagerie (1) et sans tyrannie (car pour la plus part estoient feures et charpentiers) quilz deuoient anoir recours à layde diuin. Or estoit deslors nos- tre foy catholique en bruit et en estime presques en tootes les contrées de Gaula : sur lesquelles Romains demi- noient Parquoy les Bourguignons forent conseillez de ]^pendre le saint sacrement de Baptesme et la créance des Cbrestiens. Et ny eut gueres à foire à les induire àce, tant pouroe que cestoit vn suoqile peuple, comme pouroe que la

(1) c.-4^. arrogaato.

590 ILLTSTmATlOIIS M GATLBi BT

nécessité les y contraingnoit, mesmement en tempe dafflio- tion et tribnlation.

Par ainsi le peuple des Boorgnignons, tout dun accord et commun consentement, selon le conseil de leurs Yoisins et amis, se tirèrent vers me cité de Qaule, de laquelle Ihistoire nexprime point le nom, supplians humblement au prélat dicelle cité : quilz poussent receuoir Baptesme, et alors leuesque les receut en toute bénignité : et leur enioingnit quilz ieunassent par lespace de sept tours, et fissent aumosne, pour lamour de ibsvs christ, et en remis- sion de leurs péchez : ce quilz feirent voulentiers. Et ce pendant il leur prescha les articles de la foy et la créance du saint Euangile : et au huitième iour les baptisa, et leur donna licence de retourner en leurs mansions.

Eux retournez chacun en son domicile, ilz prindrent conseil, courage et fiance en Dieu de pouuoir résister vail- lamment contre leurs ennemis, quand ilz retoumeroient les assaillir. Et ne furent point frustrez de leur espérance : car comme ledit Subthar, Roy des Huns, lan reuolu, auec- ques vne armée innumerable de ses Huns, fut retourné au païs des Bourguignons, pour destruire le reste par vne merueilleuse horreur et rage forcenée : il fut defiiut par vne petite bende de Bourguignons : cestasauoir, trois mille hommes sans plus, mais cestoient des plus nobles et des plus vaillans dentre eux. Lesquelles espierent vn soir que le Roy Subthar estoit couché en son pauillon, tout yura et tout aggraué de vins et de viandes, parquoy ses gens et son guet estoient en desordre. Si ruèrent les Bourguignons sur eux par vne soudaine escarmouche et mirent les Huns en desarroy, tellement quil y eut merueilleuse desconfiture desdits Huns : cestasauoir, dix mille hommes morts sur la place et trois mille prisonniers, le reste se sauna à la fuite,

SINOTLARITEZ DB TEOTB. LITRB III. 391

an moyen de la nuict obscure. Et le lendemain le Roy Subthar fut trouué entre les morts, occis de trois playes. Apres laquelle desconfiture, Buda et Attyla, successeurs dudit Subthar leur oncle, au Royaume des Huns, furent contraints faire paix et appointementauec les Bourguignons. Par lannee du commencement du règne dudit Roy Attyla, est assez congnu le temps de ladite yictoire des Bourgui- gnons. Et aussi le temps que iceux Bourguignons furent premièrement Ghrestiennez, qui fut la mesme année, ou à tout le moins lannee précédente. Or est il certain par les histoires que ledit Attyla commença à régner sur les Huns, lan de lincamation nostre Seigneur quatre cens et vn. Mesmement selon vn historien nommé Michel Riz de Na- pies : cestasauoir, du temps de lempereur Theodose le ieune, fllz d*Arcadius, séant au siège apostolique le Pape Boniface premier de ce nom, enuiron lequel temps flourissoit saint Hierome. Et les Saxons Allemans ietterent les anciens Bre- tons hors de la grand Bretaigne et la nommèrent Angle- terre, de par leur Roy Anglus. Et régna ledit trescruel Attyla, quarantequatre ans. Si tua son frère Bloda, (1) ou Buda, lequel donna le nom & la cite de Bude en Hongrie. Car parauant elle sappelloit Sicambre, du nom de Sicamber, fllz de Francus, qui fut filz d*Hector, comme iay monstre plus & plein au principe de ce liure des Illustrations de Oanle et Singularitez de Troye. Mais retournons au pro- pos prétendu.

(1) Sloda, également dans les éd. 1512 et 15S8.

S92 aLfSTBAIIOIIS M «ATUI, IT

Confatatioii de lerrear de ceux qui coident que du temps de la Ifag- deleine il j eiut aacun Prince qui le nommast Roj de Booi^gongae. Et de la Terîté de Ihietoire da Roy Gaadengui qui premier lac institua par les Bourguignoaa : et de eea gestea. Leqvel OaadeogM ettoit de lanoienae nobleeae des Oothe^ dont les Roja d^Bapaifne 8e disent auiom*dhuy estre jmoz.

PoTToe que oest chose difficile deztirper les errann inse* terees, et que plosiears sarresteiit et sahorteiit quant à lopinion des anciens Rqyt de Bonrgongne, à ie ne scay quel abrégé vulgaire, qui se intitule, les Chroniques des Roys, Ducz et Contes de Bourgongne, depuis lan quatmrsa après la résurrection nostre Seigneur, etc., il nset que ledit an Trophinius, Roy de Bourgongne, fut connerty à Marseille en Prouence, par la prédication de la MagdelttBê, et fut le premier Chrestien. Bt le second eut nom Bstiemis, etc. A fin que les Lecteurs congnoissent que cela est fiuix et apocryphe, regardent bien (1) la diligence que iay mis à inuestiguer la vérité. Tout premièrement^ si la Magde- leine conuertit à Marseille aucun Prince ou seigneur nommé Trophinius, ou autrement, ie ne le vueil nier sy afiermer, car il est bien possible : et ie men raporte à ce qui en est : mais quil se nommast Roy de Bourgongne, ny de Prouence, ie le nie tout plat, et prenne le c<mtraire en ceste manière : Puis que, comme il est apparu oy devant par acteurs autentiques, les Bourguignons ne partirent d'Alle- maigne pour entrer en Gaule, sinon trois cens septantesix ans après lincarnation nostre Seigneur, comment y eust il eu Roy de Bourgongne habitant en Prouence du temps

(1) c.-à-d. qu'ils regardent bien.

nHGTLAftlTEZ DB WOTB. UTAB HI. 905

la Magddleme, eest argument est inuineible. Dantrê part, il est tout certain que celle partie de Oaule qui depuis fut nommée Bourgongne, nestoit pas ainsi nom- mée du temps que la Magdeleine vint en Proueace, ains asoit autres diuers noms. Car ceux quon dit ores de la frandie Conté, se disoient lors Sequanois, ceux de la Duché se nommoient Heduois, les Sauoyens et Dauphinois estoient

nommez Allobroges, et autres diuers noms particuliers auoit la terre qui depuis fut nommée le Royaume de Bout» gongne, par la conqueste des Bourguignons, qui dicelle ehassereilt les Romains. Et qui plus est, quant au païs de Prouenoe, la Magdeleine vint, qui eust ce esté qui en îoaluy eust osé porter coaronne ou se nommer Roy, mesme- ■lént du temps de lempereur Tibère, ou Claudius, ou Caius Oaligula ? Attendu que ledit païs de Prouence estoit rédigé •a propre prouince de Lempire Romain. Certes il ne peult eetre ne vray, ne rraysemblable. Parquoy ceste histoire se flMBStrera plus véritable et plus clarifiée.

Le peuple des Bourguignons donques, depuis quil fut descendu de la haute et parfonde Allemaigne, cestasauoir deoers la mer de Dannemarch, comme dessus est dit, et eurent passé le Rhin ladite année trois cens septantesix, Hz conduiront leur police en estât de communauté et popu- larité sans auoir Roy sur eux, par lespace de trentehuit fins ou enuiron, cestasauoir, iusques à lan de nostre Soi* gnemr, quatre cens et quatorze. Laquelle annos ilz eslurent et establirent Tn Roy sur eux, nommé Gundengus, aucun temps avant que Pharamond fust constitué Roy des Fran- çois, qui encores habitoient en Allemaigne : cestasauoir, enotron treize ans après que lesdits Bourguignons furent fiûts Chrestiens. Toutesuoyes laques de Bergome en son Supplément des ehroniques met, que ledit premier Roy dee

394 ILLT8TIUTIOH8 DB GATLS, BT

Bourguignons, lequel il nomme Gundiodras, nestoit pas ▼ray catholique, mais Ârrien. Pouroe que quand le peuple des Ooths se Toulurent conuertir à la foy, l^npereor Vakns, lequel estoit hérétique, leur enuoya des Euesques pour ht baptiser et des docteurs pour les introduire en ladite hérésie Ârrienne. Mais il est vraysemblable, que iasoit ce que ledit Oundengus eust esté nourry en ladite secte, aneo- ques ses Ooths, que quand il vint & régner sur les Bour- guignons, il print la foy catholique, à fin de se mieux con- former à son peuple.

Iceluy Oundengus ou Oundiochus estoit de lancienne noblesse et lignée d*Athanaric et Âlaric, Roys des Ooths et Vuisegoths, qui furent yssus des Cimbres, comme nous auons Teu au premier traicté de ce liure. Et fut ledit Ala- rio, celuy qui premier abaissa Lempire Romain en Italie et print Romme par force. Et tindrent longuement luy et ses successeurs vne grand partie dltalie et de Oaule en leur subiection. Et depuis conquirent les Espaignea, telle- ment que du sang diceux Roys des Ooths, les Princes d*E8- paigne sont descenduz de ligne en ligne : cestasauoir quant au costé maternel. Parquoy il appert que tousiours deplas en plus se redouble la noblesse et illustrité de ceste généa- logie historiale.

Par ainsi Oundengus, premier Roy de Bourgongne, homme de grand noblesse et vertu, se mit en deuoir dam- plier les limites de son Royaume. Et de fait, conquit la dtë de Lyon et tout le pais de Lyonnois, le Dauphiné, Mar- seille et Prouence, iusques k Nisse sur la mer. Mais il eut contre luy Etius Patridus, consul Romain, tresuaillant capitaine, lieutenant gênerai et maistre de la cheualerie des empereurs Honorius et Ârcadius, et de Theodose le ieune, successiuement tant en Oaule, conmie en la grand

SINGTLARITKZ DB TROTB. LIYBB III. 305

Bretaigne. Si furent faites de merueilleuses batailles dun caste et dautre : par lesquelles les Bourguignons eurent ânablement du pire. Mais pource quen ce mesme temps les François premièrement reboutez oultre le Rhin par les Bourguignons, et secondement par ledit Etius Patricius Romain, estoient pour la tierce fois entrez en Gaule, du costé de Tournay et Cambray, et paruenus iusques aux riuieres de Somme, Seine et Loire, souz la conduite de leur deuxième Roy, nommé Clodio le cheuelu, et de Mero- neus, son filz : et que dautre part les Goths tendent Âqui* taine et les Huns menassoient de redescendre en Âlle- maigne : a fin que ledit Etius, (Tonsul et lieutenant des em- pereurs Romains, neust tout à vn coup affaire à tant de nations, il feit paix et appointement final auec les Bour- guignons.

Ainsi régna ledit Gundengus premier Roy de Bourgongne paisiblement vne bonne espace de temps : cestasauoir, ius- ques à ce que le dessusnommé Attyla, Roy des Huns, quon dit maintenant Hongres, lequel se nommoit par ses tiltres le Flayau de Dieu, descendit de' Pannonie, quon dit ores Hongrie, et d*Allemaigne, à tout cinq cens mille hommes, tant de ses propres subietz, comme de ses alliez : lesquelz furent Vualaud, Roy des Ostrogoths, et Ardaric, Roy des Gepides, auec autres Princes et peuples merueilleux. A tout laquelle armée, ledit Attyla entra comme foudre et tempeste, dedens les Prouinces de Gaule, il gasta tant en allant, comme en venant, tu grand nombre de dtez et grosses Tilles : entre lesquelles furent Mayence, Tongres, Metz, Treues, Toumay, Cambray, Arras, Ter- ouanne, cestadire terre vaine : car parauant, elle sappelloit Morinum : Amiens, Beauuais, Xhaalons en Champaignei Rheims. En laquelle il martyrisa S. Nicaise et sa sœur

396 ILLTiTAATIOIIS DB OATLB, BT

sainte Eutrope. Si print aussi Trojas en Champaigne, laquelle H ne démolit point, par les prières de saint Loap, Euesque dudit lieu, qni lay onorit la cite. Aussi fiireat destroites Lyon et Narbone, et la dté d*Orleans assiégée. Mais AUyla ne la print point, pour crainte du Duc Etiui et de ses alliez, qui se renforcoient de iour en iour.

Le Duc Etius, pour lors lieutenant gênerai en Gaule pour Lempereur Theodose le ieune, voyant le treshorrible gast et dépopulation que faisoient les Huns en sa Prouinoe, deli- bera de résister à leur cruauté. Si feit alliance auecqnes Oundengus, Roy des Bourguignons, Meroveus, Roy des François, Theodoric, Roy des Goths, et Charles le Bel, Due de Tongres et de Brabant. loingnit aussi auec luy les Alla» mans. Saxons et Ambrons. Toutes lesquelles nations liay* oient, craingnoient et redoutoient extrêmement la tresde- testable inhumanité des Huns. Iceux donquee confederez ensemble, vindrent trouuer le Roy Attyla, es champs Cata- launiques, lequel auoit abandonné son siège deuant Orléans, pour doute d*eux, ou plustost pour les venir combatre, comme ie croy. Aucuns disent, que lesdits champs Cata* launiques sont auprès de Chaalons en Ghampaigne : les autres tiennent quilz sont auprès de Tolouse.

Les armées abordées près lune de lautre, la bataille Ait donnée entre les deux parties, combien que le Roy Attyla leust voulentiers refusée, ou dilayee, pource que les deuins ne luy promettoient pas bonne fortune. lasoit ce quil eust cinq cens mille hommes en armes, comme dessus est dit, finablement il y fut combatu par si grand estrif et merueil- leuse contention, quil y mourut que dune part que dautre, cent quatre vingts mille hommes de fait. Entre lesquelz y demeurèrent deux Princes de nom, cestasauoir, Gundengus, premier Roy de Bourgongne, et Theodoric, Boy des Vuise-

m. S97

gotfas. Mais Chirias le Bel, Doc de Toogres et de Bnlnuit, y acquit grand hoimear, car il abbatît Aidaric, Roy é&^ Oepides, oonuiie de œ ha esté tondié an premier traieti en parlant dndit Chaiies le Bel.

Geste meroalleoie bataille et âesoonfitiflre, par laqneUe Atfyla raœat grand perte et diminution de sa poissanoe, fiit canae de le fidre sortir hors de Oanle et se retirer en Hongrie, eonmie demy Tainen. liais en se retirant il feit des manx innnmerables. Et aneon temps après il entra par finrce en Italie il £nt le semblable. Bt monmt lan qna- tre cens dnqnanteqoatre selon la chronique de saint Hie- rome. Ancons tiennent qne Meroreos, Roy des François, moamt anssi à ladite ioomee qui fut fidte lan de nostre Seigneur quatre cous cinquante, sdon ledit saint Hierome. Theodoric, Roy des Vuisegoths, fut enseuely royalement à Tolouse par son fllz Thorismund. liais de Gundengus, pre- mier Roy des Bou^nignons, ie nay point encores trouué il fut enterré : mais tant y ha, qnil mourut yertueuse- ment et en bonne querele, contre les Payons idolâtres, après auoir r^pié trente ans. Et laissa après luy quatre enfims masles, desquels nous parlerons maintenant.

Des qumtr» fils de Gondengim, premier R07 de Bonr^ngpae : cestata- voir OondelMtod, Gondeeigil , Chilperic et Oothmsr : leequeli régnèrent par ensemble en Bourgogne après leur père. Et de la gnerre qoe les deux frères eurent contre les deux antres à cause de la succession.

Apres la mort du Roy Gundengus, ses quatre fils, Gun- debaud, Gundegisil, Chilperic et Gothmar, partirent Ihe- ritage du Royaume en quatre parties, dont chacun obtint sa portion et son quartier. Mais pource quil est bien diffi-

996 ILLYSTRATIOHS DB 6ATLB, BT

cile que quatre frères se puissent longuement entretenir (l) pacifiques en matière de r^pier^ ^il sourdit guerre et dissen- sion entre eux. le ne scay pour quelle occasion, sinon peult estre pour les limites de leurs seigneuries. Et tdlemant y fut procédé, que Gundebaud et Gundegisil furent dune bende, Chilperic et Oothmar, dune autre. Mais Chilperic et Gothmar furent yaincuz et occis en pleine bataille, par Gundebaud et Gundegisil, leurs frères aisnez. Et la femme dudit Chilperic iettee dedens le fleuue du Rhône à tout vue pierre au col, près de Marseille en Prouence. Et les enfans masles desdits Chilperic et Gothmar tuez. Les deux filles dudit Roy Chilperic tenues en estroite garde, dont laisnee nommée Sedelinde selon aucuns acteurs, ou Chrona selon les autres, se rendit religieuse en tu Monastère. La plus ieune nommée Clotilde fut nourrie et entretenue en Ihostel dudit Roy Gundebaud, son oncle.

Da ragpae de Gondebaad et de Gandegisil son frère : et dancans

de lears gestes.

Qvand Gundebaud fut paruenu à la monarchie, cestadire à estre seul dominateur du Royaume de Bourgongne, au moyen de la victoire obtenue contre ses frères Chilperic et Gothmar, il permit à son frère Gundegisil, iouyr et vser dune portion du Royaume de Bourgongne. Et puis pour soy fortifier par alliances, espousa la fille de Theodoric, Roy des Ostrogotbs, qui pour lors dominoit çn Italie. Et cela fait, le Roy Gundebaud passa les monts à tout vue grosse et puissante armée : print et conquesta la cité d*Iuorie, (2)

(1) c.-à-d. se maintenir.

(2) Divoire (éd. 1528) pour Ivrea.

SIHGVLARITEZ DB TROTE, UVRS UI. 399

en la val d*Oste, et Turin en Piedmont, Corne et Noaare en Lombardie, et assez dautres villes, chasteaux et citez. Si se feit rénommer et redouter par tout. Et & fin de renforcer tousiours lalliance entre les Princes dessus mentionnez, les- quelz occupoient Lempire Romain, Theodoric, Roy des Os- trogoths, dominant en Italie, comme dessus est dit, donna vne autre de ses filles à Sigismond, filz dudit Gundebaud Roy de Bourgogne : sa nièce nomme Almaberge, il la coUo- qua à Hermofrum, (1) Roy de Thuringe. Sa sœur à Thrasi- mund, Roy des Vuandelz. Et après la mort de sa première femme, ledit Theodoric, Roy des Ostrogoths, demanda en mariage la fille du Roy Clouis de France, et leut, et tint le siège de son Royaume à Rauenne, qui est vne grosse cite et port de mer, sur la mer Adriatique en Italie.

Comment Clotilde de Boargongae appelant la yengeance de la mort de son père et de sa mere^ consentit secrètement destre raaie par Cbais, Roy de France.

Ce temps pendant que Gundebaud, Roy de Bourgongne, estoit embesogné en ses conquestes de delà les monts, Clo- tilde, sa nièce, deuint grande et belle en perfection. Et si les Bourguignons faisoient merueilles de conquérir sur Lem- pire Romain en Italie, aussi croissoient de lautre part les François en Gaule, et prosperoient de mieux en mieux, ainsi que par manière denuie de mieux faire. Et flourissoit alors en son règne, en sa force et en sa ieunesse le Roy Gouis de France, filz de Childeric. Lequel ayant certaines afidres auee Gundebaud, Roy de Bourgongne, comme ont

(1) Htrmcfnm (M. 1528).

400 nvnmjLTÊom bb «Ans» k

coii8t«ini6rem«iit Priiie68let tus aiiec les antres, «naoji Tne ambasMtdeTers ledit Roy Gnadéband. Lesquelz êmhêd- tadeurs retonrnèE, contèrent à lenr maistre, la graoe et la beauté de Clotilde de Bonrgongne : et Iny donnèrent grand espoir de pounoir ionyr du mariage d^e et anssi dn Royan*» me de Bonrgongne, auquel elle aooit droit et action. Les^ qadles nouuelks donnèrent fiunlement impression damours et dambition, en tu ieune ooonr Royal.

Par ce motif» le Roy Clouis ennoya derechef Tne antre ambassade deuers le Roy Qundebaud de Bonrgongne, de la* quelle estoit chef vn baron nommé Âurelian, ayant charge de demander an Roy Gnndebaud sa nièce Clotilde en ma^ riage pour son Roy. Lequel Aurelian, homme de grand prudence et discrétion, Tenu iusques bien près de la court du Roy de Bonrgongne, auant quil entamast la matière de son ambassade vers le Roy Gundebaud, Toulut première- ment tester si le courage de la pucelle Clotilde se consenti* roit à ce : laquelle difficulté luy sembloit grande, pource quelle estoit Chrestienne et son maistre (1) Payen.

Aurelian donques lambassadeur, pour essayer le courage de Clotilde, laissa ses gens et son train en vn bois prochain de la court par vn iour de Dimencbe. Et estant informé que ledit iour elle auoit de coustume de donner laumosne aux poures, il despouilla ses riches habillemens et yestit par dessus son pourpoint vn habit de pèlerin, et salla met- tre deuant le portail de leglise au reng des poures. Quand la messe fut flnee, Clotilde selon sa coustume, donna & cha- cun poure rne pièce dor. Laquelle recefie par ledit Aurelian ambassadeur, il feit la reuerence à Clotilde et en luy bai- sant la main la luy rendit. Et en oaurant son manteau de

(1) marpléâ. 1513).

81MTLAA1TBS M TEOTI. UYAB UI. 401

pelorin, monstra et descouorit son riche acoGuetrement, qui estoit pardessonz ioeluj. Parquoy Clotilde entendit &* tsilement quîl nestoit point poore, et que non sans <^ttse il auoit fidt ce tour. Si fut curieuse de sauoir qui il estoit. Et oonMoanda à aucun de ses gens quil fust suiuy et quon ne le perdist point de vefie.

Lambassadeur Aurelian après auoir fidt cest acte, sadiant ^e voireinent il seroit suiuy, se alla loger en vne bonne hestelme en la cite, en lieu apparent. Et Clotilde après estre ini<»viee de son logis» oiuoya deners luy vne sienne JHame de chaml»^, laquelle luy dit» qiùl eust de Tenir par*- 1er à sa dame, ee quil fnt diligemment. Bt quand il fut en sa présence, il la salua de par le Roy Qouis de France : et hiy ^t la charge de sa légation. Si luy présenta laneau du Roy son maistre, auec autres riches bagues et loyaux» en tigne d*arres (1) de mariage.

CSciilde de primefaœ feit difficulté de prendre lesdltes bagues, pour arres de mariage, en sexcusant et disant, quil nestCHt point licite à vne flUe Ghrestienne, despouser vn mary Payen. Neantmoins finablement elle se consentit de prendre ledit aneau. Et donna charge & lambassadeur, quil dist secrètement au Roy son maistre, quelle feroit tout ce quil luy plairoit : et que deslors et desia elle le tenoit pour erm seigneur et mary : posé que eacores nen fUst autres noaneUes, sinon entre eux trois, pour doute du Roy Oun- debaud, son onde. Bt que ce pendant le Roy Glouis deust fidre ses diligences de la demander en mariage à son^t on«- èie,par sirfennelles ambassades. Ainsi fUt il condu Mitre eux denz. Et après le partement dudit Aurslius, Clotilde mit laneau du Roy Clams au trésor du Boy Oundebaud» sou €iiaie« /

(1) derm (éd. 1512). 11.

4ùi . ILLTSf RATIONS Bfi .pATLB, MT

Il sembla bien à lambassadeur Aurelian qail auoit assez exploité dauoir obtenu si bonne response de la prindpale ipartie.'Si délibéra pour ceste fois non tirer pins outre en- uers le Roy Oundebaud, ains retourner premièrement dmiars son maistre et laduertir de son exploit» comme il Sût. Et ce fait, certain temps après, comme sur chose aaeenree, il fut deredief enuoyé en ambassade bien magnifiquement, deuers le Roy Gundebaud de Bourgongne, auquel il exposa tout à plein la matière -de son enuoy, selon ses instruc- tions : et disoit que le Roy son maistre ne demandoit que la personne de la fille simplement, sans douaire quelconque.

Le Roy Gundebaud, sentant et entendant bien comme il aduint depuis, que lastuce des Francis luy demandoit mm seulement sa nièce, mais aussi son Royaume, fut bien do- lent et courroucé. Si monta tantost en sa fureur et respon- dit par grand flereté audit ambassadeur, que iamais il ne bailleroit sa nièce à tu tyrant Payen* A quoy lambassa- deur répliqua, quil se preparast donques à la guerre : csr il auoit charge expresse, en cas de refus, de le deffier de par le Roy Clouis son maistre : et de le sommer à luy assi- gner iournee, et camp d6'l)ataille, pour vuider ceste querele.

Quand les Princes et Barons, conseilliers du Roy de Bourgongne, entendirent le dejBTy et sommation du Roy Clouis de France, craingnans la fureur et puissance des François, qui tous les iours de plus en plus alloient pros- pérant, ilz dirent à leur Roy Gundebaud, que attendu la grand poursuite du Roy des François, il se donnast garde que Glotilde sa nièce neust receu secrètement aucuns pre- sens dudit Roy, parquoy elle luy eust peu faire quelque promesse de. mariage. Souz lombre de lat^^uelle^ si ladite Clotilde luy estoit refusée, il auroit occasion de présenter la bataille.

SniOYLAAITIZ DB TEOTB. LPTRI lU. 405

Sdon les choses mises en termes, les trésors du Roy Gundeband et de ladite Clotilde forent cherchez et visitez. Si trouaa on an trésor du Roy Oondebaud, le signet (1) du Roy Gloais de France, marqué de son nom et de sa ponr- traitore. Lequel signet icelle Clotilde y aaoit mis comme dessus est dit. Dont quand il fut recongnu, lesdits Barons et eonseilliers louèrent au Roy Gkindebaud, quil enuoyast sa nièce au Roy Clouis, à fin dauoir paix et deuiter guerre : ce quil feit assez ennis et par grand desdain. Aucuns his- toriens tiennent quelle fut rauie, de son bon gré et consen- tement, pendant que le Roy son oncle estoit delà les monts : et fut menée à Soissons, les noces furent célébrées solennellement.

Dm deux requestes qae Clotilde de Bourgongne, Rojne de France, Mt premièrement an Roj Clonie, son mary : et de leiTeet dioelle quant k la guerre, contre eon oncle Onndeband. Et de la mort de Qnndegiail, eon antre oncle, qui tint le par^ des François.

Venu le iour de solenniser les noces, après toutes bon- nes chères, Clotilde pleine de prudence et dastuce, ains que son mary la touchast, luy feit deux requèstes expressés : lune quen délaissant la culture des idoles et des faux Dieux, pleins de Vanité, il creust au Dieu seul qui créa le tiel et la terre, le père, le fllz, et le saint eqirit. La seconde re^ueste fut, que ledit Roy yengeast la mort de son pérô Chllperié, et de 'sa mère, et de son onclé Gk>thmar, et de sas t)etiii frères et neueux ocds iniukenaient et outrageuse*

(1) c.-à-d. rannean qui, an mojen*ige comme chei lee Romains, ■errait à eceller lee affaires courantes. Cf. Ducange, v. Siçnetutk.

404 lifii^ftTR^rKvis m €^n^j ^T

ment, par son oncle le Hoj ÇundebiMid de jSonrgogn». Et que ledit Roy Clooia recouurast le Rojaume de Boorgongne .qui par droit dheritege ^parte^ioît à elle. Desquelles deu^ requestes le Roy Clouis iuy ottrioya la seconde, mais nou pas la pr^miei^.

Certain temps après, au po^rçl^j^s diceUe Royne Clotilde, le Roy Clouis enuoya deuers le Roy Gup4ebattd la dessus- noçmié Aureliap amb^usisadeur, p^ur depiander les trésors et biens ipeubles, bagues et loyaux aj^partenans 4 la Royne Clotilde, jt icause de spn feu père le Roy Chilperic ^ de sa m^re aussi.. Pont le Roy Gundebaud, enflambé d'ire et da maltalent ouUre mespi^e, copimença à vser de grands m»- nasâes enuers ledit ambassadeur : mais par le^ponaeU de ses Barons, lesquelz esleuoient iusques aux cieux le merueilleux courage des François, ledit Roy Gundebaud vaincu de leurs paroles, deliura audit Aurelian ambassadeur, vne bonne par- ti^ desdits trésors pou|; porter au Roy Clouis et à sa femme. Et par ainsi il demeura aucun temps en paix.

La Royne Clotilde, enuieuse et dolente de ce que son on- cle demouroit si long temps paisible Roy de Bourgongne, pressa tant et sollicita son mary dentamer la guerre ouuerte à son bel oncle, et tant Iuy rapienteut sa promesse et lap- pella de sa foy, que Clouis fut contraint dy aller à grand puisusance. Laquelle chose voyant, Gundebaud rallia auee iuy son frère Gundegisil : et donnèrent ensemble la bataille, auprès de Diion, qui nestpit lors quun chasteau, sur la riui^re nommée Ostara, (l) les Bourguignons eurent du pire et ne peurent, supporter le faix des François, aini perdirent la ioumee et se saunèrent à peine ioeux deux Roys à la fuite.

(l) VOwkel

SMGVLAàrrKZ DB TROTB. UYRB lU. 405

Gicaîdebafid se retira dedens sa c^ifé d'Auignon sur RhoM, auquel lieu Glouis lalla assiéger et le tint illec en merueilleuse angoisse et nécessité, iusques à ce quun Baron tresloyal dudit Roy Gundebaud salla rendre par feintise au Roy Glouis. Et eut tant de crédit et dautorité autour de kkj, quil trouua finablement manière de &ire lappointement, en telle sorte, que le Royaume de Bourgongne deuroit estre deslors en auant, subiet et tributaire perpétuellement aUx François. Et que la plus grand partie des trésors du Roy Gundebaud seroit deliuree au Roy Glouis. Lesquelles choses accordées, chacun sen retourna en sa chacune. Puis ledit Gundebaud mourut, après auoir régné ans (1) : et laissa deux fllz, cestasauoir, Sigismund et Gondemar, lesquebs succédèrent au Royaume de Bourgongne, après leur père Gundebaud et Gundegisil, leur oncle, qui mourut sans hoirs de son corps.

Gelaest couché selon vne vieille chronique que iay trouuee en la librairie de saint Hierome à Dole. Mais Gaguin met vne autre opinion de ladite guerre de Glouis et de Gunde- baud : et dit, que Gunde^il fut contre son frère et tint le party des François : et que après ce que le Roy Gunde* baud sen fut fiiy de la bataille et assiégé par Gloùis, il fiit ftiBB : mais il fut racheté en payant grand rençon, car il Mtoit trespuissaat en trésors. Laquelle chose pourchassa et m(rf enna vn tresriche citoyen d* Arles, nommé Âredes : kquel feit au Roy Glouis plusieurs graiis presens pour ranoir son Prince. Par ainsi lappointémeht fut fait entre Un dMZ Roys, moyennant ce que le Roy Gundebaud pro^

(1) mdme laoane en éd. 1513, 1528 et 1533. Il s'agit da roi Qom- baiid, auteur de la loi Oombcttat et mort k GenéTe en 516. J. Lemaire ■'explique plus bas au si\Jet de cette lacune.

406 ILLnTAÀTlQItt DE GJLTUI, IT

mit au Roy Cloais certain tribut par an. Apres lequel ac- cord le Roy Clonis sen retourna en France : mais laissa €a B ourgongne cinq mille hommes de guerre, souz la charge et conduite de Gundegisil, frère du Roy Gundebaud, lequel se tenoit à Vienne.

Tantost après que le Roy Clouis fut pari^ de Bourgongnet Oundebaud, bien dolent de sa perte et désirant la recou* urer, mit sus vue grosse puissance et vint assiéger son fi^ere Gundegisil et les François qui estoient en sa cité de Vienne. Durant lequel siège, Gundegisil ietta tous les poures mesnagers dehors, de peur destre affiuné : laquelle chose fut cause de sa destruction. Car vn maistre masson qui autresfois auoit eu la charge des conduits des eaues venans par artifice à Vienne, indigné et marry de ce quil auoit esté chassé comme les autres, se tira deuers le Roy Gundebaud et luy monstra le secret dentrer en la dté par TU conduit desdites eaues, dont il fut le tresbien venu. Et an moyen de ce Vienne fut prinse par les Bourguignons. Et iasoit ce quil y eust grand resistence de par Ound^;isil et les François, et grand tuerie dun costë et dautre, finable- ment la victoire demoura au Roy Gundebaud, et fut Gan- degisil occis en la foule. Les gensdarmes François qui de- mourerent en vie, furent enuoyez à Tolouse, au Roy Alaric des Goths, ennemy de Clouis, Roy de France. Mais pource que le règne desdits quatre frères, Chilperic, Gothmar, Gundebaud et Gundegisil, fut confuz et indistinct, et que le temps du règne dunchacun diceux nest point limité, (1) nous ne les conterons que pour vn en ceste généalogie his- toriale et viendrons à leurs successeurs.

(I) V. la note prôcëdeuU.

SmCVLABITEZ DE TROTB. LIVRB III. 407

De saint Sigismand, troisième Roy de Boargongne : et de Gondemar, ou Gondenaly son frère. Et comment la Rojne Clotilde fut caase de lenr deffaite : et de Clodomir, Roy d'Orléans, qui feit mourir cruel* lement ledit Sigismund, Roy de Bourgongne.

Sigismvnd et Gk)Ddemar, enfans du Roy Gundebaud, régnèrent après leurdit père et leur oncle Qundegisil, et vescurent paisiblement ensemble. Or auons nous dit cy des- sus comment Sigismund, auant quil fust Roy : cestasauoir, du viuant de Gundebaud, son père, espousa premièrement la fille du Roy Theodoric, des Ostrogoths, qui dominoit en Italie et tenoit son siège et sa court Royale à Rauenne. De laquelle fille du Roy Theodoric, il eut vn fllz nommé Sigeric : et puis sa femme mourut. Parquoy le Roy Sigis- mund de Bourgongne se remaria de nouueau à vne autre dame, dont ie ne scay le nom, ne de quelle maison elle estoit. Laquelle, comme marastres bayent naturellement les en£uis des premières femmes de leurs marys, pourehassa tant enuers le Roy Sigismund, quil print en hayne son fllz Sigeric et le feit mourir.

Apres que le Roy Sigismund de Bourgongne eut perpé- tré cest homicide en la personxM de son propre fllz, il en print yne merueilleuse desplaisance : et en feit penitenoe extrême et incroyable. Et à fin que Dieu luy pardonnast son péché, il print sa totale deuotion aux saints Maurice, Bxuperius, Candidus et Victor, et aux autres martyrs, quon dit la légion de Thebes, qui recourent mort et passion par le commandement de lempereur Maximian, au lieu qnon dit Agaunum, maintenant Chablais en Sauoye, an pied du mont Columnaiou, quon dit maintenant saint Bernard. Si leur feit faire vne ^lise somptueuse : et la renta et

406 ubLTmATiaiis m «atli, it

doua de grans biens, et feit desseroir par religieiix de aainte vie et bonne conoersation : tellement que par oe moyen, il obtint remission de son péché* ainsi que tesmoi- gnent les grans miracles, que Dieu luy ha donné graœ de faire après sa mort : si comme guérir de fièvres et aatre- ment. Messire Robert Gagoin qui ha escrit les histoires de France, dit que ce ne fiit pas Sigismond, qui feit feôre ledit monastère, mais son frère Simon. U se trompe luy mesmes : comme il est aucuneslbis négligent en son histoire. Et cuide que Sigismund et Simon soient deux noms diuers. Tout aix^ qui diroit, que Godemar, Gondemar et GondeuaU fussent trois noms differens, et ce nest quun proncmcé diuersement : car il ne se treuue point que le Roy Gunda- baud eust autres enfans que ces deux çy Sigismund et Gon- demar.

End^nentiers que le Roy Sigismund mettoit son estnde à fonder ladite église de saint Maurice en Chablais, et autres dont on dit quil édifia grand nombre, Clotilde, sa eousine, Roy de France, ne peut longuement soofirir sa prospérité. Ains après la mort du Roy Cbuis, son mary, elle estant à Tours, sen vint à Paris, ot elle assembla ses quatre enfans, cestasauoir, Theodoric, Roy de Metz et d'Âustriche la basse : Clodomir, Roy d'Orléans : Clotaire, Bioy de Soifibns : et Childebert, Roy de Paris. Âusquelz elle feit vne grand pleinte : et leur remonstra comment vne bonne partie du Royaume de Bourgongne leur appar- tenoit par droit dheritage , et comment Sigismund et Gondemar, enfans de Gundebaud, la leur retenoient par ▼surpation. Car ledit Gundebaud, son oncle, auoit fait mou- rir mauuaisement et tyranniquement le père délie, Chil- peric, leur ayeul maternel, et sa mère, leur ayeule, et ses frères, leurs oncles : et vsurpé la despouille et Iheritage

smoTLAurn m Ttots. litbs m. |09

diorax. Lequel elle prioit i tooter instance à sesdits enfÎMM fontoir reoonurer, comme à eux appartenant : et premAre ▼engeance de ce grand outrage, sur lesdite Sigismund el €k)Béemar de fiourgongne.

€e8 paroles et instigatione maternelles enflamberent lee murs è» ces quatre ieunes Princes, Theodoric, Gtodomir, CfcHaire et Chîldebort, de telle sorte, quilz ne pensèrent iaiiiais asses à temps auoir satisftit ft la T0ulent6 de leur m&t& : ains après luy auoir fait promesse oertaine de ce, Hirent sus toutes leurs forces et puissances de guerre, à (Mt lesquelles ile entrèrent au Royaume de Bourgongm : et alencontre d'eux vindrent en bataille rengee, 1# Roy Sigismund et Gondemar, son frère. Lestrif fut grand dun costé et dautre, et la bataille sanglante : mais en parfin, les Bourguignons déclinèrent. Gk)ndemar, qui estoit nauré, se retira premier, auecques ses gens. Sigismund senfuyt en l^lise de saint Maurice en Ghablais : laquelle il auoit fondée comme dessus est dit. Et fut il prins par Clodo- mir, Roy d'Orléans, son cousin : auec sa femme et ses Bufans, et mené prisonnier en la cit^ d'Orléans.

Pttîs'(l)que^Clodomir, Royd'Orleans, eut mené prisonnier le Roy Sigismund de Bourgongne, sa femme et ses enfans ft Orléans, il les tint assez estroitement, et aucunesfois déli- béra de les faire mourir. A quoy vn saint Abbé d'Orléans sommé Auitus, qui lors flourissoit en bruit de sainteté, ooida' bien contrester : priant et enhortant le Roy Glodo- mir, quil ne le feist pas, et disant, que sil commettoit ce eriminel outrage, mal luy en prendroit auant long temps. Mais au pourdias de la Royne Ctotilde, mère dudit Glodo* mîr^ qui desiroit la totale destMotion de son sang, le bon

U) c-èKi. après que.

410 aLvtnAiioHS ra «avlr, bt

saint Abbé ne fot point ony : ains forent taez et mrartrift piteusement ledit Roy Sigismund, la Royne, sa femme, rt leurs enfians, et iettez dedens vn puits, au lieu qui se dit Coulonnanic : dont il aduint que lannee ensuiuant, selon œ que le bon Âbbé saint Âuit auoit prophétisé, ledit Clodo- mir, Roy d'Orléans, et ses enfans, moururent mescham* ment : comme sera dit cy après. Certain temps après leur mort, leurs corps furrat portez d'Orléans à saint Maurice en Chablais, par ledit saint Âbbé, nommé Âuitus, et ense- uelis honnorablement. iusques auiourdhuy ledit Roy Sigismund est réputé saint, pour les miracles que Di^ monstre à son intercession.

De Oondemar, qaatridme Roj de Bonrgongne et dernier de Is lignée des Ooths, et comment an pourchas de la Rojne Glotilde, ea cou- sine, il fat totalement deetruit : et le Rojanme de Boorgongie Tint en la main des François. Et de la mort dn Roj Clodomir d^Oiv leans.

Encores ne sufSt il pas à la Royne Glotilde, appetant vengeance oultremesure : ne elle ne fîit saoule du meschef pitoyable du Roy Sigismund, de sa femme et de ses enfans, si elle ne voyoit parfaire la totale destruction de son sang. Si instiga derechef son filz Clodomir, Roy d*Orleans, da- cheuer la reste contre Gondomar, Roy de Bourgongne, qui maintenoit ladite Royne, après son frère Sigismund. Par ainsi Clodomir à linstance de sa mère, assembla la plus grosse armée quil peut, et à tout icelle entra au Royaume de Bourgongne. Si luy vint au deuant le Roy Oondemar, auec si grand puissance, quil peut finir de ses vassaux : et sassemblerent au territoire de Viennois, en vn lieu qui est

SIRGVLARITBZ M TIOTI. UVRS IH. 4H

appelle Viseront. La bataille fat aspre et craelle. Mais quand les Bourguignons ne peurent soustenir le ftàn des François, ilz tournèrent en fuite auec leur Roy Gondemar. Lequel fut suiuy par Glodomir, Roy d*Orleans, par si grand roideur et aspresse, quil seslongna assez de ses gens : et pressa si fort Gondemar, Roy de Bourgongne, quil le ratain* gnit à la fuite, en le menassant par derrière de grosses paroles, et le poursuiuant par grand oi^eil et yantise. Alors le Roy Gondemar de Bourgongne retournant sur luy par grand fureur et indignation, coucha sa lance et abbatit ledit Glodomir ius de son cbeual , iellement quil demotlra : et Gondemar retournant & sa oourse, se retira dedens sa dté d'Authun.

Les nouuelles esparses de la mort de Glodomir, Rey d'Or- léans, Glotilde ne dormit pas : ains resueilla ses deux fllz Glotaire, Roy de Soissons, et Gfaildebert, Roy de Paris, & yenger la mort de leur frère Glodomir, Roy d'Orléans. Les- qmàx obtemperans à la youlenté de leur mère, yindrent assiéger la cité d'Autbun, en laquelle sestoit fortifié Gon- demar, Roy de Boui^ongne. Si la prindrent par force et tuèrent ledit Roy Gondemar : toutesaoyes Gaguin es chro- niques de France, met quil eschappa, et les François emme- nèrent sa femme prisonnière.

Par ainsi faillit en cestuy Gtondemar la lignée masculine du sang des Goths, dont Gundengus, premier Roy des Bour- guignons, estoit yssu. Et ne demeura dudit lignage, sinon Glotilde, Royne de France, fille de Ghilperic, Roy de Bour- gongne : a la poursuite de laquelle femme trop yindicatiue, tout le dessus narré aiduint. Mais de tant fut heureux le trespreuz Roy Gondemar, que auant sa mort il se yengea de son ennemy mortel et mauuais cousin le Roy Glodomir d'Orieaons, interfeoteur et meurtrier de saint Sigismund, son

413 IIlLtSTEAtlOltt tt OAfLB, tf

frère. Et ne iouyt pas ioeloy Glodomir de sa conqoeste Tsurpatiae du Royauiae de Bourgongne, ne nul de ses enfans après hiy, comme Ihistoire dira tantost.

Gomment Theodorto, Clotaire et Childebarty aaftuis da RoyOonif Franoe «t Clotilde de Bonrgongne, tiiidrent ensemble le Royaume de Boorgongne : et de la mort des enûma de Clodomir, Roj d*Orleaiia : et aoaai dndit Cbildebert, Roy de

Apres la mort de Glodomir, Roy d'Orléans, et de Gonde- >, Roy de Bourgoegne, Gotaire, Roy de Soiasoiis, et Cbildebert, Roy de Paris, dioiserent entre eux le Royaume de Bourgongne : mais ce ne fht pas sans Theodoric, leur frère aisné, Roy de Metz et d'Âustriobe la basse : lequel tant à cause de sa primogeniture, comme pouree quil auoit esté chef à la première victoire contre Sigismund et Gon-* demar, eut la meilleur part dudit Royaume de Boorgongne. Or auoit la Royne Clotilde retiré les trois enfems de sem fllz, le Roy Glodomir d*OrleaDs, et les nourrissoit en son hostel, dont Cbildebert et Glodomir, mal contens, crain- gnans quelle ne les gardast pour les auanoer au Royaume de Bourgongne et d'Orléans, les feirent venir vers «ix, sous couleur de beniuolence. Et quand ilz les eurent, Clo- taire en tua deux de sa main : cestasauoir, Guntbier et Theodoald. Le tiers nommé Clodoal eschappa et senfuyt en franchise, il deuint moyne, de toutes lesquelles choses la Royne Clotilde eut grand regret. Mais elle en auoit donné les principes et fondemens.

Ainsi feirent partage ledit Cbildebert et Clotaire par ensemble, des despouilles et de Iheritage de leur frère Glo- domir. Mais en parfin (comme cest de coustume entre gens

SINGTUAITBZ ME TBOTB. UVE« lU. 413

de mauuais affaire) sourdirent plusieurs guerres et dissen- sions entre eux : parquoy Cranus, lun des fllz de Glotaire, rebella contre son père : et tint le party de son oncle Cfail- debert, et luy feirent ensemble forte guerre. Pareillement Theodebert, son neueu, Roy de Metz, fut contraire à son oncle Clotaire, pour la querele de Childebert» son aut^ onde. Apres toutes lesquelles choses ledit Ghildebert, Roy de Paris et personnier (1) au Royaume de Bourgongne et d'Or- léans, mourut lan quaranteneuuieme de son règne : qui fut lan de nostre Seigneur cinq cens cinquante neuf. Et pource quil ne laissa nulz hoirs de son corps, le Royaume de Paris et ses autres seigneuries paruindrent à Clotaire, Roy de Soissons (selon ce que met Oaguin), dont il print grand accroissement. Toutesuoyes iay trounë ailleurs, quil adopta en fllz son neueu Theodebert. Mais comment quil en soit^ tout reuint après audit Clotaire, comme sera dit çy après, le treuue que ledit Childebert alla fSetire la guerre au Royaume d*Aragon, et à son retour, fonda vne abbaye & Paris au nom de saint Vincent : en laquelle il fut ense- aely. Par ainsi ne demeurèrent que deux regnans en la Bourgongne, combien quilz fussent Tsurpateurs dicelle : cestasauoir, Theodoric, Roy de Metz et d'Âustriche la basse : et Clotaire, Roy de Soissons, d'Orléans et de Paris.: mais poupce que Theodoric estoit le chef et laisné, nous continuerons la généalogie desdits Roy de Boui^ngne, ppur iceluy Theodoric et les siens.

(l) parsaimiir (éd. 1513), c.-4-d. ayant pari, pÊreamminê.

414 ILLTSTftATlOIIS M GATtl, R

Dt Theodoric, cinqnieniA Roj de Boargongne «t ansai d^AuBtriche li

iMMie «t Tharinge, et de se» gestat.

Theodorio premier de ce nom, fllz aisné du Roy Clouis de France et de la Royne Clotilde de Bourgongne, régna en chef et ent le tiltre du Royaume de Bourgongne» comme il appert clerement par les gestes que luy et son deuxième successeur feirent en Italie : ce quilz neussent peu fisdre, sans auoir le Royaume de Bourgongne. Iceluy Theodoric fut Prince fort guerroyeur : et vainquit auec ses frères en bataille rengee, ses deux cousins Sigismund et Grondemar, Roys de Bourgongne, à la première conqueste, comme des- sus est dit. Toutesuoyes, ie ne treuue point quil fust à la seconde, occupe parauenture en autres affaires : car il feit la guerre au Roy de Thuringe, en Âllemaigne, et le vain- quit : si subiuga son Royaume. Dautre' part« il entra en Italie, à tout quatre vingts mille hommes, et rompit da premier coup les Romains : desquelz estoit Duc Bellisarius, pour lempereur lustinian. Si conquit toute la région de deçà la riuiere du Pc. Puis sen retourna par faute de viures. Neantmoins il y laissa deux capitaines, lun nommé Buccellin (1) et lautre Amyng : lesquelz depuis furent vain- cuz et surmontez par Narses, Consul et chef de larmee Romaine : comme sera dit cy après, quand nous parlerons du règne de Tbeobald, son neueu. Puis encores derechef ledit Theodoric, Roy de Metz et de Bourgongne, enuoya dix mille Bourguignons en Italie, à layde de son beaufirere Theodoric, Roy des Ostrogoths, lequel menoit la guerre en Italie. Aussi ledit Theodoric, Roy de Bourgongne et d*Aus-

(i) BuceUiniéd. 1513).

UHCTLAUTIZ DE TROTI. UTBB lU. 415

triche la basse, eut aucanes gaerres et différents contre son frère Clotaire, Roy de Soissons, dont les histoires de France font ample mention, pourquoy ie men déporte. Finablement il fat tuë» ie ne scaj comment, après auoir regnë vingttrois ans : et laissa vn fllz nommé Theodebert.

Theodebert, sixième Roy de Boargongne et d^Aostriohe la bftMe, qui aneanesfoiB ha esté nommée France Orientale.

Theodebert, filz de Theodoric, Roy de Booi^ngne, d'Âus- triche la basse et de Thuringe, fat Prince de grand prou- esse en armes : car lay ioint auec Ghildebert et Clotaire, ses oncles, eslargirent lears dominations iusqaes ëa Ba- oiere et Âostriche la haate : et foirent parensemble la gaerre aux Lombars et aux Gepides. Depais ledit Theode- bert se benda aaec son onde Childebert, Roy de Paris, contre son autre onde Clotaire, Roy de Soissons. Et fat la bataille preste à donner, au lieu de Combre, au territoire d'Orléans : mais il sesleua miraculeusement vne si horrible tempeste de fouldre, de tonnoire et de pluye, quilz furent contraints de non batailler. Et y fut moyenne certain ap- pointement. Toutesuoyes au commencement du règne dudit Theodebert, ses ondes Childebert et Clotaire eurent enuie sur luy et le cuiderent circonuenir et faire aucun mauuais tour : mais il les soeut bien gaigner, par prudence et cour- toisie, et par le moyen et seruice de Charles Hasbain, Duc de Tongres et de Brabant : comme sera dit au traicté subsé- quent. Ioint à ce, quilz craingnoient sa puissance, parquoy il demeura en son entier : et régna pacifiquement seul en Âustriche la basse et en Thuringe, et auecques eux en Bourgongne, dont il estoit chef. Mais non pas longuement, à ce que puis comprendre : car il mourut, enuiron le temps

4t6 luuftTEÂVioM M «ân«, cr

que la Rojne Clotilde, sa grand aère, trespaMa à Tûon. Il laissa tu âlz gcm lieriiîcar nommé Tfaeobdd. Et ne trenaê point qoil feist aacan pawage en Italie, «omme feiruit son* dit père Theodoric et son fliz TheobalcL Parqnoy îl fut â présupposer, qnil ne Mgna guares de tampa, <mi fiât emp«^ ché ailleurs.

Theobsld, leptieme Roy ds Boorgongae, et ms geatot en Italie.

Apres le roj Theodebert, régna son filz Theobald : oeeta- sauoir en Âustriche la basse, seul et pour le tout : et en Boor- gongne comme chef, auec Childebert et Clotaire, ses grans oncles. Blondus Flauius, (1) tresnoble historien, met en son cinquième liure de linclination de Lempire Romain, que ledit Theobald, lequel il appelle Roy de Metz, eauoja en Italie vn nombre de gens de guerre Bourguignons et Fran- çois, souz la conduite de trois capitaines, dont le preaûer se nommoit BucceUin, lautre Âmyng, desia cj dessus men- ticmnez, et que son ajeul Theodoric y auoit enuoyez, et le tiers auoit nom Lohier : voire et ledit Roy Theobald y alla en personne, et passa son armée par le mont Xenin, (2) qui est auprès du mont saint Bernard : et descendit en la val d*Oste, iusques en la plaine de Plaisance.

En ce temps là, Theyas, (3) Roy des Goths, faisoit la guerre aux Romains et eux à luy. Si cuyda bien que lesdits Bourguignons et François fussent venuz à son secours, mais il fut deceu : car quand ce vint à donner la bataille entre les

(t) Bîondo (1388 1 1463), auteur de Roma instaurata, Roma trium- pkanSf et Italia Ulustroia,

(2) c.-À-d. le Mont Genit.

(3) Vraias (M. 1513). C*e8t Teia, roi des Osti^ogotha, mort ai 663. PliiB iMw, réd. 1513 porte neias.

SmaVLAlITB MS TROTB. UVRS m. 417

dêox partids : cestasaaoir, les Ooths et les Romains, iceux Bourguignons et FVancois qui estoient neutres, ne tindrent M pour hm ne pour lautre : mais se rongèrent contre toutes les deux tftteee et deffirent lune et lautre. Laquelle vic- tdre obtenue, Theobald, Roy de Bourgongne et d'Austriche la basse : qui autresfois sest nommée France Orientale, sen reuint de^a les monts. Neantmoins il laissa pour ses lieute- nans en Italie, ^tasauoir au quartier des montaignes de Oennes, les trois capitaines dessus mentionnez : Buccellin, Amjng et LoMer, auec lesquels Theyas, Roy des Gtoths, feit alliance contre les Romains. Parquoy lesdits Bourguignons et François deseendirent en la plaine de Parme, pour secou- rir ledit Roy Theyas.

Lesquelles choses entendant Narses le Chastré, chef de larmee de Lempereur lustinian, eust este en grand soucy et deseepoir, si ne fust que Sisulad, (1) Roy des Brutes, com- paigntbns des Lombards, feit alliance auecques ledit Narses et Tint courir tout le pals de Turin et dluorie estant des appendmees du Royaume de Bourgongne : dont les habi- tans, qui de ce ne se doutoient, furent surprins et circon- Ufinuz : mais contre ledit Roy Sisulad fut enuoyee vue btnde de François et de Bourguignons. Ce nonobstant le Roy Sisulad print luorie et assiégea Turin : iasoit ce quil nelapeust prendre. Les François et Bourguignons ne feirent autre chose que piller : tant sur amis, comme sur ennemis. Bt feirent appointement auecques ledit Roy Sisulad et bu- tinèrent entre eux toute la région oultre la riuiere du Po, Bt se ioingnirent aussi auecques les Goths» qui depuis fu- rent deffaits par les Romains enuiron Lucque : et y mou- rut Theyas, Roy des Ooths, et bien cent mille hommes auec luy,

(1) SlfmtaU (éd. 1513).

II. 27

418 iLLVSTEikTiaas k OàTui, mt

Lohier et Âmyng, capitaines des . François et des Bour- guignons pour le Roy Theobald, se saunèrent à la fuite et sen vindrent retirer À Plaisance : mais la reste de larmee desdits Bourguignons et François» lesquelz anoient este yaincuzy establirent sur eux vn autre chef et Duc, nommé Hunnides, de la nation des Ostrogoths : aoec lequel ûz se Guidèrent retirer dedens Vérone, mais ilz en furrait fordns par vn autre Ostrogotb, nommé Hercus, qui auoit ladite ville en garde. Par ainsi Hunnides pensant se retirer à Plaisance, fut prins en chemin : et enuoyé À Narses le Ghastré, chef de larmee de lempereur lustinian : Amyng, lun des capitaines des François et Bourguignons, fut tué : lautre capitaine nommé Lohier, attaint dune fi^&re, mourut à Trente.

 cause desquelles choses, la guerre des Romains contre les Goths fut du tout finee et anichilee. Et consequemment Theobald, Roy de Bourgongne, perdit tout ce quil anoit en Italie, et mourut puis après dune fleure, le septième an de son règne, sans hoir de son corps. Toutesuoyes Blondus Flauius dit quil fut tué en bataille contre Chilperic, son oncle : ce qui ne renient pas en taille. Et pource que ledit Theobald ne laissa nulz hoirs de son corps, son grand oncle Glotaire hérita de tous ses Royaumes, seigneuries et trésors. Auquel Glotaire il nous faut maintenant tourner nostre plume.

De Glotaire premier de ce nom, huitième Roy de Bourgongne, de France et d'Austriche la basse : lequel espousa la femme de son frère Clodomir, Roy d*Orleans.

Glotaire, filz du roy Glouis de France et de la royne Clotilde de Bourgongne, lequel nestoit premièrement que

MKaYLABITBK M TEOTI. UrÊM lO. 419

roy de Soissons, suruescut tous 868 frères et neneox, et eut toutes leurs successions. Nonobstant quil eust eu main- tes guerres contre eux» comme dessus est dit, dont il fut merueilleusement augmenté en tenement de seigneuries. Toutesuoyes il fut cruel homme et luxurieux : comme celuy qui tua ses deux petis neueux Gunthier et Theodoald de sa propre main, et espousa leur mère nommée Gundenga, femme de son frère Glodomir : mais ce nestoit pas de mer- ueilles, (1) car il sentoit encores sa Payennie et estoit Chres- tien de trop fresche mémoire. Il pourpensa aussi dattribuer à luy la tierce partie de tout le reuenu des églises : mais il en fut gardé par larcheuesque de Tours, qui luy remon- stra franchement, quil ne le deuoit pas faire. Il feit bouter le feu dedens vue chapelle de S. Martin, en laquelle sestoit retiré en fitmchise Gonobaldus, roy d'Aquitaine, auquel ledit Clotaire faisoit la guerre, pource quil auoit donné fimrar À son filz Crannus rebellant contre luy : et fut bruslé ledit roy Gonobald dedens ladite chapelle de S. Martin, la- quelle le roy Clotaire feit depuis reedifler. Sondit âlz Cran- nus aydé et fauorisé de Senabutus, Conte de Bretaigne, osa bien donner la bataille à son père le roy Clotaire : mais il y fut vaincu et prins auec sa femme et ses deux enfans, lesquelz Clotaire commanda estre liez à vn banc, par le bourreau, et bruslez tous vifz en sa présence. Il eut autres six enfans masles et sept femelles, de trois femmes : cesta- sauoir, Âragunde, lugunde et Consone : dont les deux premières estoient sœurs. Radegunde, fille de Berenger, (2) Roy de Thuringe, laquelle estoit prisonnière, fut la qua- trième. Mais il la laissa vierge & sa requeste : et elle entra

(1) o.-à-d. pas étomuuit.

(2) Bmwtgier (éd. 1513). ^

490 IfAYSTlATMlS M •àfU, KT

en reHgfon et j vesciit de telle mrte, quelle eet repobe iainte en Paradis. Ledit roy Ciotaire affirandiit la fleignes- rie d'Iuetot, (1) en Normantfie, tellemeot que le aeignem dieeUe ie nomme Roy iusqnes attiontdhny. Bt la caoee fiit pour la réparation de la mort don seigneur dloetot, lequel le roj Ciotaire auoit tué de sa main, yn ionr du grand rendredy. Dont le Pape Agapetns, pour lors séant à Rom- me, menassa ledit Roy de lexcommunier, sil nen fidsoit pénitence et satisfaction. Ce quil feit : et fat fidt ledit acte, lan cinq cens trentesix. Ledit roy Ciotaire commença la fondation de leglise de S. Medard de Soissons, en laqneOe il fut enseuely par ses enfems, après auoir régné dnqoanti et ra an. Il laissa quatre fllz ses héritiers : œetasanoir, Chilperic, Haribert, Guntran et Sigibert* lesqnelz parti- rent entre eux Iheritage de leur père. Haribert, ponroe qoil estoit laisné, fat roy de Paris : Sigibert, roy de Mets et d*Âastriche la basse : Ghilperic, roy de Soissons : et Onn- tran, roy de Boargongne et d'Orléans : duqael est descen- due la tresnoble et tresillustre maison des Contes de Has- bourg : depuis alliée à celle d*Austriche la basse et la haute. De laquelle est auioardhuy chef et sounerain, la tressacree maiesté Impériale, de Maximilian Gesaraugaste, roy de Germanie. Des sept filles dudit roy Ciotaire, ie ne treuue point par histoire, à quelz Princes elles Airent alliées par mariage : sinon de deux tant seulement. Dont lune, de laquelle le nom nest point exprimé, Ait mariée â Egilbert, roy d'Angleterre, et luy donna premièrement la congnoissance de nostre sainte Foy catholique : selon les chroniqnes d'Angleterre. Lautre, et la plus ieane de toutes,

(1) D'tprèf la légende racontée par Oagnia {Caw^^mdhm ilfn Francamm g$tta).

SMGYLAAITU Dl TEOTI. UTAB UI. 4SI

fut mariée à vn noble Prince de la court de lempereur lus- tinian, nommé Ânselbert, Sénateur de Romme et Marquis du saint Empire sur Lescault : de laquelle Blitilde descen- dit la tresnoble génération des Pépins et des Charles, des- quelz prend son illustration principale ceste présente généa- logie historiale, comme il sera dit bien clerement au traicté subséquent. Et pource feray panse à cestuy cy.

CONCLVSION DE CE SECOND TIUICTi;.

f

Par la déduction de ce deuxième Traicté ha esté veu, comment le tresnoble sang des premiers Roys de Bourgon- gne fut conioint auec celuy de France, es personnes de Clouis et de Clotilde : et sommes venus iusques à Blitilde participant desdits deux lignages. Si reste de monstrer au Traicté ensuiuant, comment le sang Romain et la généalo- gie d*Âustriche la basse furent meslez auec celles de France et de Bourgongne.

4SS ILLfSTlATlOIW m GàYLI. R

LE TROISIEME TRAICTÉ DU LIURE INTITULÉ LA GENEALOGIE HISTORIALE DE LEMPERBUR

CHARLES LE GRAND.

Or avons nous tant pronfité la Dieu graoe, que assez ample congnoissance nous est apparue de lancienne ampli- tude des Royaumes de Bourgongne et d*Austriche la basse, quon disoit iadis France orientale, et de leurs estendues et limites : et aussi de la France Occidentale, qui est Gaule, et des Princes qui y régnèrent iusques au temps du Roy Clo- taire, premier de ce nom. Auec la tresantique origine et les gestes desdits Princes, tous yssuz du sang Germanique. Par- quoy maintenant nous entrerons en plus clere intelligence de la Généalogie historiale de Lempereur Charles le grand : spécialement du tresnoble et tresgracieux nom des Charles.

Toute lintention de ce troisième Traictë nest que de monstrer, comment la tresparfonde illustrité de tous les nobles lignages dessusdits, du sang des francs Orientaux et Occidentaux, des Bourguignons et des Austrasiens, ou Aus* trichois, eurent tous ensemble concurrence en la généalogie du treschrestien Empereur César auguste (1) Charles, le grand monarque, Roy de France, d*Austriche la basse et de

(I) sans majascule comme dans Véd. 1513.

SnOTLABITIS ra TROTI. UTIC III. 425

Bofirgongne» et de luy est deriuee et précédée ladite no- blesse, comme dane grand sourse et fontaine à sa postérité. Maintenant nous faut il reuenir à la généalogie des Gim- bres, laquelle en la fin du premier Traicté fut terminée au Duc Austrasius : lequel donna le nom au Royaume d'Âus- triche la basse : combien quil nen fust pas seigneur du tout, mais en partie : et de la reste gouuemeur pour les Roys Ghilderic et Glouis. Parquoy appert, que tant estoit il preudhomme, que ladite prouince ne print point le nom daucun de ses propres Roys, mais dun Prince vassal et subalterne, ayant ladministration de son gouuemement, laquelle louenge nest pas petite ne taisable : car pourqnoy ne se pouuoit elle aussi bien dire Childerique, ou Glodouee, comme Âustrasie, ou Austriche la basse, à la différence d'Austriche la haute, qui est voisine de t^annonie : quon dit maintenant Hongrie ?

De Charles quatrième de ce nom en ceste généalogie, surnommé Naion, Doc de Tongres, de Brabant et de Thnringe, et fllz du Duc Auttrasina, qui donna le nom au Royaume d'Anitriche la basse : comme dessus est dit.

Charles Nason succéda en la Duché de Tongres et de Brabant, après son père le Duc Austrasius. Et comme il fust de lancienne extraction des Roys de Thuringe, ainsi quil est assez explique au premier traicté, il renouuella lalliance auec ladite maison, en ceste manière. Trois frères regnoient pour lors en Thuringe, qui est prouince d*Alle- maigne, oultre le Rhin : lun nommé Berkaire , lautre Baderic et le tiers Hermofroy : dont Berkaire laisné, non ayant enfant masle, mais seulement deux filles, donna en

4Sé llXTSTRàTiOllS M «J^VIA, M

mariage la première nommée Vnalberge, audit Dse Cfaariil Nason, et la feit héritière de la Duché de Thuringe. Et dioelle Vualberge ledit Duc Charles Naeon eut deux ttk : cestasauoir, Charles et Berkaire, et Yue fiUe nommée Veraye. Berkaire le maisné eut pour son partage et appen- nage, la Duché de Thuringe ; et Veraye, la flUe, fiit mariée À vn noble et puissant homme du paSs d*Ardenne, nommé Hajmon, de laquelle il eut quatre filz : cestaaauoîr, Re- gnaut de Montauban et ses trois frères, que Ion nomme communément les quatre filz Haymon : des gestes desquds et de leur cheual roux (1) Bayard, les Romans vulgaires racontent beaucoup de fables. Et autre chose ne treaue des gestes dudit Charles Nason.

De Charlea cinquième de ce nom en cette gesaalqgie, snmeanié Hi» bain. Et comment il fot enuoyé ambassadear deaen lemperenr lustinian : et perdit la Marche de deasus Leacaalt, ponr faire aer* uice aa Roy Theodebert, d^Anatriche la baaae et de Bonrgongna.

Charles Hasbain, filz aisné du Duc Charles Nason, suc- céda à son père es Duchez de Tongres et de Brabant. Et donna le nom au païs de Hasbain : pource quil y freqnen- toit plus voulentiers quen nulle autre contrée de sa domi- nation. Luy donques ensuiuant le train de son père et de son ajeul, qui tousiours auoient esté amis des Roys de France, se maintint constamment et vertueusement en lamytië de Theodoric, Roy de France Orientale : cestadire d*Âustriche la basse, et aussi de Bourgongne : duquel Theo- doric, filz de Glouis, iay parlé assez amplement au traicté

(1) d'un rouge brun «=> hadius, bûius, bajfhardms»

ilMf LAAlTtt M tÊMm. UfU lU. 4SS

prMedaiit. Bt ànasi fut ladit Due Charles Hasbtin Mn an grâce du Roy Theodebert, filz dndit Theodoric : car ik eetoient don mesmes aage : et tanoit ledit Theodoric, Roj de Bourgongne et d'Anstriche la basse, le siège capital de •oa Royaume en la cité de Metz, comme auoit fait son pare. Parquoy Charles Hasbain, Duc do Brabant, estoît de plus près son voisin.

Or aduint, que quand après la mort du Roy Theodoric, son fils Theodebert commença à regjier, ses deux ondes Childebert et Clotaire, comme desia est touché au traicté précèdent, mus denuie, dambition et de couucntise contre leur neueu, machinèrent à toute leur puissance de le des* hériter : tant du Royaume d'Âustriche la basse, comme de sa portion du Royaume de Boui^ngne, dont il estoit dief. Voyant donques le Roy Theodebert le danger eminent il estoît) après meure délibération de son conseil, pria an Duc Charles Hasbain, quil Youlsist prendre la charge daller en ambassade deuers lempereur lustinian en Constanti- noble, pour luy demander secours contre la tyrannie de ses oncles : auec amples instructions et pleine puissance de soQzmettre le Royaume d*Austriche la basse, quon disoitlors France Orientale, à Lempire Romain, et en faire la foy et Ihommage audit Empereur.

Le Duc Charles Hasbain, tout bénin et tout courtois, emprint de bon cœur cest affaire et se transporta en Grèce, deuers lempereur lustinian : auquel il exposa la somme de sa légation. Mais quand Lempereur leut ouy, il ne luy feit aucune response touchant ce quil auoit proposé de la part du Roy Theodebert, son maistre : aingois laccueillit dautre sorte. Car il le commença À redarguer sur ce quil tenoit et approprioit à luy, de deçà la mer Oceane, la Marche de dessus Lescault en Gaule Belgique : cestasauoir, le pals

416 oiiftnATMm n OàTut, if

sont omà âtaees les yilles d'Anners, Oand, Tenremonde, Toonuiy, Mortaigne, GondOt Vallenciennes, et les chas* teanx circonuoisins, tant dun costé de ladite riuiere, comme de lantre. Et ce, contre le droit et iorisdiction de Lempire, comme disoit ledit empereur : car les procureurs fiscaux dudit Empire Romain auoient aocoustnmé de tenir ladite Marche en leurs mains et en leuer les renenuee, an nom de Lempereur et à son prouflt.

A ceste obiection, qui neantmoins estoit assez estrange an Duc Charles Hasbain : car il ne pensoit point estre venu 1& pour cest afiaire, il respondit modestement et courtoise- ment, que vray estoit quil tenoit ladite Marche du saint Empire sur Lescault : mais non pas quil en fust vsurpa- teur ne torconnier détenteur : car le Duc Artsard, s<m grand ayeul, duquel est faite mention au premier traictë, lauoit obtenue en don et guerdon, et en perpétuel héritage, pour luy et pour les siens, de par lempereur Constant, père de Constantin le grand, qui dicelle lauoit inuesty : & cause des bons et grans seruices quil luy auoit faits : tant en la bataille de Langres, comme autrement. Et mesme- ment en deiettant Carausius le tyrant, qui traitoit mal ladite prouince et marche de dessus Lescault.

A ceste response du Duc Charles Hasbain, lempereur lustinian répliqua, que combien que le Duc Artsard eut bien seruy Lempire pour ceste fois, si nauoit il pas pour- tant obtenu ladite Marche de dessus Lescault, en perpétuel héritage, par donation irreuocable : car Lempereur ne doit ne ne peult rien aliéner du domaine impérial au desa- uantage de ses successeurs : mais sans plus auoit esté baillé lusufruit de ladite Marche au Duc Artsard , par manière de recompense : et en tiltre dofSce, et non pas de seigneurie, si comme vicaire ou procureur de Lempereur &

smaTLAutsi Di TBon. utiB m. 4fi7

8a tie : on pour aucun temps, (1) et non autrement. Lequel office cessant, la marche venoit à vaquer à la disposition de Lempereur.

Estant ledit Charles Hasbain, en ceste doute et perple* xité, cestasauoir tant de perdre ladite seigneurie, comme de non &ire les besongnes du Roy Theodebert, il sappensa, que pour acquérir la grâce de Lempereur et sauner laf- faire du Roy son maistre, il valoit mieux quil quittast ladite seigneurie et Marche du saint Empire sur Lescault. Si la resigna purement et libéralement es mains de Lempe- reur lustinian : auec tout le droit quil y pouuoit prétendre. Laquelle seigneurie ledit Empereur donna incontinent À tu tresnoble Prince de sa court, estant présent, nommé Ansel- bert le Sénateur. Cestasauoir, heritablement pour luy et pour lee siens, reseruee la souuerainetë.

Comment le Dae Chsiiat Hasbain, comme procorenr et ambassadeur da Roy Tkeodebert, feit hommage du Rojaume d*Au8triche la basse, on de France Orientale, à lemperenr Instinian, et de la reste de lexploit de son ambassade.

Qyand le Duc Charles Hasbain, pour bien seruir son maistre le Roy Theodebert, se fut despouillé de ladite tres- noble seigneurie de la Marche du saint Empire sur Les- coult, Lempereur lustinian voulut bien alors entendre aux affaires du Roy Theodebert. Et lors le Duc Charles luy monstra le plein pouuoir et autorité quil auoit du Roy son maistre, de souzmettre et asubiettir, (2) en tiltre de fief, le Royaume d*Austriche la basse, à la souueraineté de Lem-

(1) c-à^d. temporairement.

(2) ak$u$€eiir (éd. 1513).

fÊBnmt et da Lempire. Duquel Theodebert les antres pre> deœsaeurs Rojs nsooient encores tooIu recongnoitre ks Empereurs pour leurs souuerains seigneurs. Lequel pou* uoir et instructions veues par lempereur lustinian et les Barons de son grand conseil^ il accorda tout ce que le Roy Hieodebert demandait Et receut ledit Duc Charles Has- bain comme procureur et ambassadeur dudit Roj, à foj et k hommage du Rojaume d'Austrasie, reserué toutesuoyes qml fust firanc et exempt de tailles et exactions. Et ce moyennant Lempereur luy promit garantir ledit Royaume enuers tous et oontre tous ceux qui le voudrcnent troubler en la poesession diœluy : et aussi dantre part, le Roy d^Austriche promettait serair Lempereur, euuers tous et oontre tous, comase son feodal et homme lige. Ainsi fursnt paitteff les choses : et lettres patentes sur ce données et seellees dun costè et dautre. Eti cause de ceste subiection dudit Royaume d^Austriche, ou France Orientale, lempe- nHir lustinian au commoicemait des Institutee sappelle entr» ses autres tiltres, Francus.

Par la T«rtu de c^ite pacùon et i^pointement, lempereur lustinian enuora pour ambassade en France, le dessos- nomaiè An$«lbert le Sénateur, Marquis du saint Empire ;»ir Lescaulu auec le Duc Charies Hasbain, deuors les deux RoYs fhiriKs ChiMeben e( Gouire, en leur mandant bien adciNnesSs quili ne présumassent de troubler en aucune manière le Rovaume d^'Austridie la basse, ou de France Oheniale. appartenant au Roy Theod^riiert leur neueu : car il est^^it de la subiection de luy et de Lempire : et à ceste cause» en sa proteciion et sauoegarde. Et que silx venoient au iwntraini»^ il kis dcoUiroit deslors oi anant pour ses «tuiemi$. Le^quell^ choyas accomplies et menées à chef, par la preuxlbomm.e o; diligence du bon Duc Charies Has-

smoTLAvim M novi. umt m. AfB

bain, le Roy Theodebert fut asseuré en son Royaume. Et le crédit et autorité dudit Charles en augmenta beaucoup deuers luy et à bon droit.

De la postérité du Duc Charles Haabaio.

Gomme ie puis entendre par les histoires, Charles Has- bain eut vn âlz, nommé ELarloman.

Earloman, âlz de Charles Hasbain, engendra Pepm, premier de ce nom.

Pépin lancien, et le premier de ce nom surnommé de Landen, lequel par les Chroniques de Brabant» est réputé saint, fut Duc d'Âustriche la basse et de Brabant, Prince du palais de France : et eut de sa femme, nommée Icte, (1) ▼n filz nommé Grimoald, aussi Prince du palais, qui mourut sans hoirs de son corps, et deux filles, lune nommée Bçgga et lautre Ghertrude.

Begga, première fille du Duc Pépin de Landen, fut Du- chesse de Brabant après la mort de son père et de son frère Grimoald : et eut pour mary Anchises, (2) Marquis du saint Empire sur Lescault : neueu, (3) cestasauoir, filz du filz dudit Anselbert le Sénateur, comme nous dirons çy après.

Ghertrude seconde fille du Duc Pépin de Landen, fot Abbesse de Nyuelle, an Rommanbrabant. Laquelle vescut Baintement en la religion fondée par sa mère sainte Icte. Lancien epitaphe dudit Duc Pépin de Landen est tel :

Itte BrabantinuB dux tertius Anatraaiorum. Primut erat, maiorque domut regni gladiator.

(1) Ide ou Ideberga.

(2) e.-à-d. Anaégiie.

(3) en latm mpot.

4S0 l&LftnULTlÛllt M «ATUI, wx

Commmit AnMlbêrt It SéiiaUiir Mpooia Blittide, fille da Roj Cl»- tâir«« et Tint prendre In ponaeeMon de In Mnrehe du nnint Bmpire snr Lescaolt.

La paix ainsi flnablement conduite comme dessus est dit, entre les Roys, oncles et neueux, par la prudence du Duc Charles Hasbain et par lautorité d*Anselbert le Séna- teur, ambassadeur impérial, Childebert, Roy de Paris, pource quil nauoit nulz enfiams, print en amour le Roy Theodebert, son neueu : et de fait, ladopta en fik et luy donna tant de biens de son plein viuant, que chacun ses- merueilloit comment il auoit si tost changé hayne en dilec- tion. Laquelle chose voyant, Clotaire, Roy de Soissons, et considérant quune si forte alliance entre loncle et le neueu, mesmement par trois fois redoublée, si comme de lignage, dadoption et de confédération, luy pourroit bien porter quelque preiudice enuers lempereur lustinian, par le moyen de Charles Hasbain, Duc de Brabant, il sappensa pour euiter ce choq, quil donroit la plus ieune de ses filles, nommée Blitilde, à Ânselbert le Sénateur, homme de grand port (1) et autorité. Et ainsi fut fait. Donques après les noces faites, Anselbert le Sénateur print congé du Roy, son beaupere, et emmena sa femme en sa Marche de dessus Lescault, laquelle Lempereur luy auoit donnée : et print possession dicelle.

(1) portée, crédit, partnt (Daonnge).

SWOfLAAITBZ DB TBOTB. UfEB ni. 451

De la tresnoble et tressainte génération qui descendit d^Anaelbert le Sénateur, premier Marqnia heritable de la Marche du aaint Empire vnr Leaeault, et de sa femme Blitilde, fille du Roy Clo taire.

Ânselbert Sénateur de Romme, noble et puissant Prince en richesses et en autorité, fut le premier Marquis herita- ble du saint Empire sur Lescault, dont nez souuerains Princes portent iusques auiourdhuy le tiltre et tiennent la possession. Il eut de sa femme Blitilde, qui selon les Chro<^ niques de Brabant, est réputée sainte, trois enfans masles et vne femelle. Le premier eut nom Ârnould, le second Feriol, et le tiers Moderic : la flUe fut nommée Tharsitia. Feriol fut Euesque d'Vtrect, et receut martyre. Parquoy il est conté entre les saints de paradis, et par son inter- cession se font illec plusieurs miracles. Moderic, son frère, fut ordonné Euesque en la cité d*Ârisid, (1) et repose en paix. Tharsitia, vierge et biea perseuerant en sa virgi- nité, est À Rhesnes en Bretaigne tenue pour sainte. Et dit lescriture, que après sa mort, par ses mérites fut ressusr cité vn autre mort. Arnould, laisné, succéda à son père au Marquisat de Lempire.

Amonid, fils d'Antelbert le Sénateur et de aainte Blitilde.

Cestuy Arnould, second Marquis heritable du saint Eoh pire sur Lescault, eut vn filz nommé Amulphns.

De aaint Amolphe, fila dadit Amoold, et de aea enfuis.

0

Arnulphe, troisième Marquis heritable du saint BmpirjS sur Lescault, espousa vne sainte Dame, nommée Dode» do

(1) de Ariaai (4d. 1528).

4SI ILLfSTtATIOIIt M OàfUf ST

laquelle il eut trois filz : oestasauoir, Ansigisos, ou An- chisesy qui depub fut Marquis du saint Empire sur Lat- cault : lautre fut Flondulphus : et le tiers, Yualchisos. Flondulphus engendra Martin, lequel fut ocds traytreuse- ment par Ebroyn le tyrant. Prince du palais de France. Vualchisus engendra Vuandrechisily saint homme et con- fesseur de issYs OHRiST. Ledit Âmulphe, après auoir eu ceste belle lignée, renonça au monde, et se mit au semioe de Dieu, du consentement de sa femme sainte Dode, en quelque religion ou hermitage dun costé et elle de lautre. Lequel Âmulphe, pour sa sainteté, fut depuis eslu Euesque de Mets, et après sa mort, tenu pour saint.

Dq Marqait Anchiaes, filz de saint Arnulphe, Eaeaque de Mett.

Anchises, quatrième Marquis du saint Empire sur cault, succéda à ladite seigneurie du viuant de son père, quand il renonça le monde, pour mener vie religieuse et solitaire, comme dessus est dit. Ledit Anchises, autrement dit Ansigisus, espousa vne noble et yertueuse dame, nom- mée Begga, fille du Duc Pépin de Landen, première de ce nom, et de sainte Icte : et sœur de Grimoald, Prince du Palais de France, et de sainte Ghertrude, Abbesse de Ny- uelle. Et succéda ladite dame Begga à la Duché de Brabant, après la mort de son père Pépin et de son fîrere Qrimoald, qui mourut sans hoirs de son corps, comme cy dessus est touché. Lesdits Anchises et sa femme Begga eurent par ensemble vn filz nommé Pépin deuxième de ce nom, sur- nommé Heristel. Iceluy Anchises, tresbon Prince, fut tué mauuaisement et en trahison par vn garnement lequel il auoit nourry de ieunesse en sa court, et mesmement lanoit

8»0?LÂ11TBZ M TAOTE. UTftB Ul. 4S3

levé des fons. lay trouoé lepitaphe de ladite Duchesse Begga tel quil sensoit :

B«gga docMM fait, genitriz qnoqae garmims hoini : Qa» fait Aniiffito felici iboder* iaocU.

Da Dnc Pépin Heristel, filz da Marquis Anchisea et de sainte Begga,

et de tes gestes.

Pépin Heristel, ainsi surnommé à cause dune seigneurie quil auoit au païs de Liège, en laquelle parauenture (1) il nasquit, fut Duc de Brabant, Marquis du saint Empire sur Lescault, et paruint encores à la principauté du palais de France et d*Âustriche la basse, ainsi quil sensuit. En ce temps ledit Royaume d*Âustriche ne se gouuemoit plus par Roys, mais par Princes, depuis Childeric, fllz du Roy. Lequel Childeric estoit innutile et tyrant, et pource fut il tué estant à la chasse, auee sa femme nommée Blitilde, par Bodilo, son vassal, auquel il auoit fait oultrage. Et gue- res ne sen failHt, que Vuolfitld, son gouuemeur et Prince du Palais, ne fust aussi tué par ledit Bodilo. Mais il se sauua à la fuite, et se retira en Austriche la basse, dont il estoit gouuemeur, et tint icelle contrée tout seul tant quil vescut : car desia la vertu des Roys de France estoit aui- lee, amollie et abastardie, si quilz ne fidsoient rien d'eux rneBrûedy niais se laissoient du tout gouuemer par les Prin- ces du Palais. Parquoy après la mort dudit Vuolfald, ledit Pépin Heristel, obtenant la principauté du Palais, ob- tint aussi la principauté du Royaume d'Austriche la basse,

(1) e.-à-d. peut-être. En anglais peradventure. Palsgrave p. 146 trad. par : naf happen.

II. iS

434 iLLimrRATioiis m oàn«, vr

et en fut goauernenr et dominateur, aoee vn sien panst nommé Martin, filz de Flondulphus, qui fat âls de nint Amulphe, Euesque de Metz, comme dessus est dit. Le Due Pépin espousa vne dame, nommée Pieotrade, de laquelle il eut deux enfans : cestasanoir Druon, lequel il feit Due de Champaigne, et Orimoald, qui fut Prince du Palais de France, après son père. Et dune concubine, nommée Al- paide, il eut Charles Martel, treeuaillant et trearenommë Prince.

Dm gnerret qae Pépin Heristel, père de CharlM Martel, «nt oontre Ebroyn le tyrant, Prince da Palais de France, et contre Gialenar, auMi Prince da Palais.

Alors viuoit vn mauuais et exécrable tyrant» qui fut Prince du Palais du temps du Roy Clotaire deuxième de ce nom, lequel ne régna que quatre ans : et du Roy Théo- doric, son frère et successeur. Lequel tyrant Ebroyn feit des maux innumerables au Royaume de France. Entre les- quelz il feit forer à tout vne tarière les yeux à saint Legier, Euesque d'Authun, et enuoya en exil saint Lambert da Liège. Et tant perpétra de cruautez, souz lombre dudit Roy Theodoric, à qui il en donnoit toute la charge, que les Ba- rons de France furent contraints y remédier, et donner or- dre et de fait mirent la main à leur Roy Theodoric et le feirent moyne. Et pareillement Ebroyn : lequel ilz endoui- rent en labbaye de Lisieux. (1) Puis allèrent quérir Ghilde- ric, qui estoit en Austriche, et le constituèrent Roy sur eux, et Vuolfald Prince au Palais.

(1) c*eBt Luxenil.

SlMTLABmZ M TEOTE. 4A¥aE lU. 455

Ne tarda gueres après, que le R07 Ghilderic se gouuema si mal enuers ses subietz, que comme desia est touché cy dessus, il fut tué par la main dun noble homme, nommé BodilOy lequel à tcMrt et sans cause, il auoit tait lier à m pal tout nud : et le batre de verges cruellement. Adonques les Princes de France allèrent tirer leur Roy Theodoric hors de labbaye, ilz lauoient enclos, et le restablirent en son Royaume, et feirent Prince du Palais, Lendesil Bourguignon, natif d'Âuthun.

Lesquelles choses entendues par Bbroyn le tyrant que les François auoient fait moyne à Lisieux, il trouua ma- nière de saillir hors du monastère et ietta le froc aux orties. Puis assembla vn grand tas de brigans, larrons et gens perduz, à tout lesquelz, il osa bien venir assaillir le Roy Theodoric, son seigneur, et Lendesil, Prince du Palais. Et par effect leur feit telle guerre, qui les chassa iusques à Bac* cauiUe : il pilla tous les trésors Royaux, et le Roy se retira à Crecy. Et illec fut contraint de faire appointement auec le tyrant Ebroyn et le restituer en son gouuemement et Principauté du Palais. Et tantost après Lendesil d'Âu-* thuii, qui auoit esté Prince du Palais, venant audit Ebroyn à seureté et soux sa foy, fut occis par luy, et recommença à &ire plus doutrages et de tyrannies que parauant : mesme- ment sur Prélats et sur gens deglise. Et le Roy Theodoric souffinoit tout : et ne se soucioit sinon de se donner du bon temps.

Martin, fllz de Flondulphe, et Pépin Heristel, son parent, tous deux Princes d'Austriche la basse, tresuertueux et de noble coour, estans aduertis des maux intollerables que ledit Ebroyn CEÔsoit en France, délibérèrent de non plus le souffrir, mais y obuier et mettre remède. Et pour ce faire, mirent sus vne bonne armée, au douant desquelz vin-

4S6 unanATiOMS w «â»vuL, n

drent k grand puissanea, la Roy Tliaod<Hno et Bbroyn le tjrant : et fut la bataille donnée au lieu nommé Biooial, laquelle fut iorte et aapre« et mourut beaucoup de gens doa ooeté et dautre^ maU lo eamp demeura au Roy Theodorie et à Ebroyn. Le Duc Pépin Heristel se retira en Austriobe la bassci quon dit maintenant Lothric ; et Martin aenfajt en la cité de Laon, anquel tantost après treuea fnrent icnk^ nées : et sous ombre dicelles» il fut enuoyd quérir par Ebroyn. Et quand il fut en sa présence, il le taa« Mais aussi comme ledit criminel tyrant ne cessast de perpétrer tant de meurtres et occisions, et tous les maux dont il se sauoit aduiser* finablement sdon le iuste iugement de Dieu» il fut tué en aguet par vn nommé Hermofroy 2 lequel après le eoup fait^ se sauua et senfiiyt au Duo Pépin, en Austriche. La détestable tyrannie d'Ebroyn estainte par sa mort trop tardiue« les François establirent vn noble homme nommé Vuaracon, Prince du Palais, lequel enuoya incon- tinent ambassadeurs au Duc Pépin Heristel en Austriciie, qui traitèrent alliance et amytié auec luy. Depuis Oislemar, filz dudit Vuaracon, ietta son père hors du gouuemement et Principauté du Palais. Mais le Duc Pépin print la que- rele pour le père, et vint alencontre de Oislemar a main armée, lequel ne le refusa point à bataille : et sasseia- blerent les deux osts auprès du chasteau de Namur< Le rencontre y fut horrible et merueilleux, et y eut beaucoup de sang respandu. Et à ce que ientens, le Duc Pépin gai- gna la iournee, Gîslemar persécutant son père, mourut tantost après de raale mort subite : et Vuaraeon refut en son premier estât, mais il trespassa la mesme année.

SnaOLAUTIl DB TROTI. LITU III. 437

Comment le Dae Pépin Heriitel desoonfit en baUilie le Roj Théo- dorio de France et BeriLaire Prince dn Palais : et fat Pépin etln à ladite Principaaté.

Apres la mort de Vuaracon, Prince du Palais, les Barons de France furent en quelque estrif et différent de créer vn nouueau Prince du Palais. Mais flnablement ilz saccorde- rent sur vn nommé Berkaire, homme de peu destime et Taleur, combien quil fust gendre dudit Vuaracon. Dont quand ilz eurent congnu son poure gouuemement et insuf- fisance, ilz se repentirent beaucoup, et désirèrent dauoir sur eux le Duc Pépin de Brabant, Prince d'Âustriche la basse. Et à ces fins luj enuoyerent certains messagers, priant quil mist sus Tne bonne armée et vinst à leur se- cours contre Berkaire, Prince du Palais, qui leur estoit inutile et intollerable. Et ilz constitueroient ledit Pépin au gouuemement du Palais de France.

Le Duc Pépin obtempéra à leur requeste et sen vint à bonne et grosse puissance contre ledit Berkaire. Le R07 Tlieodoric estoit auec Berkaire : comme celu^ paranenture qui ne sen fust osé excuser : tant estoient alors les Rojs de France subietz aux Princes du Palais, qui depuis ont esté nommez Connestables. Si se rencontrèrent les deux armées en Tn lieu nommé Textric, (1) lestour commença grand et merueilleux, et dura tant que Berkaire 7 fut occis et le Roy Theodoric prins, iasoit ce que Gaguin dise autre- ment. Neantmoins le Duc Pépin Heristel mit tantost à de- liure le Roy Theodoric : et fut la paix faite entre eux. Et selon les conuentions des Princes de France, le Duc Pépin

(1) Bat. de Teitrj, 687.

438 . IM.T8T1IAT10II» M GilTLK, tT

fut eslu et esleué à la dignité de Prince dn Palais, par les- dits seigneurs de France et du consentement de Theodoric, leur Roy. Et deslors en auant, les affaires de la couronne commencèrent à se remettre en meilleur forme et estât : et allèrent tousiours prospérant de plus en plus.

Des antres geatet da Due Papin Heriatel et de tes enûuii.

Toutes les choses ainsi réduites et appaisees en France, le Duc Pépin Heristel ayant affaire en son païs d'Austriche la basse, après auoir donné ordre à tout, laissa vn lieute- nant en la Principauté du Palais de France, nommé Nor* debert, homme de qui il se floit. Et tantost après mourut le Roy Theodoric, lan de son règne dixneuuieme. Si succé- dèrent après luy ses deux enfans, Glouis second de ce nom, qui ne régna que trois ans : et après luy Childebert, son frère, qui ne fait onques rien digne de mémoire. Endemen- tiers, Nordebert, lieutenant du Duc Pépin Heristel, Prince du Palais, alla mourir. Laquelle chose entendue par ledit Duc Pépin, il vint en France et amena son filz Grimoald : lequel il feit Prince du Palais dudit Roy Childebert. Iceluy Orimoald eut à femme Theudesinde, fille de Radbod, Roy de Frise.

Grimoald, filz du Duc Pépin Heristel, Prince du Palais du Roy Childebert de France, ie ne scay pour quelle cause fut tué traytreusement, estant en deuotion deuant lautel de saint Lambert du Liège, par vn garnement nommé Raui- gar, Payen et idolâtre, estant des gens de Radbod, Roy de Frise, père de la femme dudit Grimoald. Aussi mourut enuiron ce temps Druon, Duc de Champaigne, frère dudit Grimoald, et ne laissa quun filz nommé Theodoald, qui suc-

SimVLARlTBZ DB TROTB. UVRE UI. 439

céda à son père, en la Duché de Gbampaigne, et à son onde Grimoald, en la Principauté du Palais de France, par le moyen du Duc Pépin Heristel, son grand père, lequel y tint la main, à fin que la Principauté du Palais de France de- mourast tousiours en sa maison. Lesquelles choses faites, le Duc Pépin en sa vieillesse attaint dune fleure ague mou- rut. Mais il laissa par testament à Charles surnommé Mar- tel, lequel il auoit eu dune concubine nommée Alpaide, la Principauté d*Austriche la basse, quon dit maintenant^ Loth- ric : dont sa femme légitime, appellee Plectrude, ne fut pas contente.

Saint Lambert, Euesque du Liège, qui flourissoit en ce temps, receut martyre, à cause de la ialousie que ladite Plectrude, femme légitime diceluy Duc Pépin Heristel, auoit enuers Alpaide, sa concubine. Car comme saint Lambert blasmast au Duc Pépin le vice de concubinage, lequel il exerçoit auec icelle Alpaide, mère de Charles Martel, disant que oestoit contre Dieu et contre raison, et contre les sain- tes loix de mariage, vn nommé Dodon, frère de ladite Al- paide, de son propre mouuement, ou par lenhort de sa sœur,, toa ledit saint Euesque dedens la cité du Liège, et fut ense- ueluy a Ytrect. lay trouué Lepithaphe du Duc Pépin Heris- tel tel:

Iite Pipinm erat doz tortiat Aostrasioram. Aottria dicta fuit tanc, regnum Lotharienaa.

441) liXVSTRATIOm «K «AY&ft,

CharlM doquieme de m nom mi oatta geoeidogie. Martel, p#re da Roy Pépin U BrUf et mjmà de le grand.

Charles Martel, autrement samommé Tietides, (1) flix da P^in, seigpiiear d'Heristel en Li^, et d'AIpaîde, sa eona- bine, fut comme dessus est dit, par le testament de son père, ordonné héritier de la Principauté du Royaume d^Aus- triche la basse. Laquelle chose sa marastre nommée Plee- trude, vefue dudit Pépin, ne prenoit point à gré, ains finio- risoit à son neueu Theodoald, fllz de son û\z Ihnon, Duc de Champaigne. Si persécuta tant iodle Plectmde, ledit Charles Martel, quelle trouua manière de le fiûre prendre à Coulongne sur le Rhin, et iliec le feit détenir en seure garde. Et ce pendant se saisit du Royaume d'Âostridie la basse, quon dit maintenant Lothric, et en mit en posses- sion son neueu Theodoald, Prince du Palds de France. Bt eux deux ensemble tindrent en tutele le Roy Dagobert se- cond de ce nom.

Ne tarda gueres après que les François furent enmiyez dudit Theodoald, Duc de Champaigne et Prince du Palais, et ne peurent plus endurer son gouuernement. Si sesleue- rent contre luy en armes et le vainquirent en vne bataille fort dommageuse, auprès de Gompiegne, tellement quil sen- fuit. Et ilz constituèrent sur eux vn autre Prince du Palais, nommé Raginfroy. Si allièrent auec eux Radbod, Roy de Frise, dont dessus est faite mention. Et après la mort du Roy Dagobert, ilz constituèrent Roy sur eux, vn prestre lequel sappelloit Daniel : mais ilz luy changèrent son nom :

(1) Tptides(éà. 1528).

SIMTLAMTU M TAOTB. UVMB Ul. 441

et le Mmmerent Ghilpmîc. Et en ces entrefidies, Charles Martel eechai^ de la prison, en laquelle il ertoit detena i Couloi^pEie, par sa marastre Pleotmde.

Cstameat Die CkarlM MarUl, après quil fat etehappé des priaeaa de ea Maraetre. recoanra la Principaaté da Ro/aaiae d*Aiietriolie la basée et aoiei dn Palais de France.

Le dvc Charles Martel se TOjant hors de la garde pri* sonniere de sa marastre et anssi da danger de la mort, dont il nestoit pas loing, tascha incontinent de reoonurer sa Principaaté du Royaume d*Austriche la basse, occupé comme dessus est dit par ladite Plectrude et son neueu Theodoald, à layde de Radbod, Roj de Frise. Chilperic, paranant nommé Daniel prestre, et Roj de France, comme ia dit est, auec Raginfroy, Prince du Palais : et ledit Rad« bod, Roy de Fjrise, vindrent alencontre du Duc Charles Mar- tel : et fut la bataille donnée sur la riuiere de Meuse. Les tour y fut grief, mais Charles Martel ny gaigna pas : ains se trouua le plus foible, si se sauua à la fuite.

IceUe victoire obtenue par Chilperic et Raginfinoy, ûz entrèrent par le païs d*Ârdenne, au Royaume d'Austriche la basse, lequel ilz coururent et gasterent de toutes pars iusques à Coulongne : mais Plectrude, la vefue dessusdite, voyant que le pals de son douaire se perdoit à son grand desauantage, leur donna tant des trésors de son feu mary le Duc Pépin Heristel, quelle les feit retourner en France. Ce nonobstant le Duc Charles Martel, qui ne dormoit pas, vint ner sur la quelle et leur teU vu meneiUeus dommage.

Par despit de laquelle perte, ne tarda gueres après que le Roy Chilperic et Raginfroy, Prince du Palais, auec autre

442 ILLVSTRATIONS OB OàVUI, R

pins grosse armée retoomerent sur les terres da Dac Charles Martel : mettant tout à fea et à sang. Mais il se deffendit fort, et fat la guerre menée assez longuemoit douteuse dan costé et dautre : et fliiablement le Roy Chil- peric et Raginfroy furent vainouz au lieu d'Âblaue. (1) Ce nonobstant, aprez leur fuite, ilz rassemblèrent vne antre grosse armée auec layde d'Eudo, Duc d'Aquitaine et de Gascongne, leur allié, et vindrent pour la tierce fois contre ledit Charles Martel. La ioumee fut assignée au païs de Cambresis : près dun Bourg appelle Vincy. Et furent derechef yaincuz le Roy Chilperic et Eudo, Prince de Gas- congne, auec Raginfroy. Chilperic et Eudo senfuyrent à Orléans, ilz chargèrent les trésors Royaux : & tout lesquelz ilz se saunèrent en Gascongne, et ne les peut Charles Martel aconsuiure. Mais il passa la riuiere de Seine et print Orléans. Puis alla assiéger Raginfix)y, qui sestoit retiré dedens Ângiers : et le print auec la cité. Et ce non- obstant, en vsant dune merueilleuse clémence et courtoisie, il le remit en liberté : et oultre ce, luy donna la cité d* An- giers pour son estât : et par ainsi Charles Martel comme victorieux fut pacifique Prince du Palais. Et en lieu de Chilperic fugitif, ordonna pour Roy vn nomme Clotaire, ou Lothaire.

Comment le Dac Charles Martel creoit les Rojs de France à son appé- tit : et comment il se vengea de sa marastre Plectmde, et con- qaesta le Royaume de Bulgarie, oultre la Dunoe, et la ploa grand partie d'Allemaigne, cestasauoir Soaae, Saxone (2) et Banierv.

Estant ainsi possesseur pacifique le Duc Charles Martel

(1) ChAteao d'Ambléve près d*AywaUlef

(2) S(US(ngn$ (éd. 1513).

SinOVLARlTfiZ DB TROTB. LIVBB lU. 443

dsB Prindpaatej? d'Ânstriche la basse et de France, après aaoir chasse Chilperic et constitaé en son lien ledit Roy Lothaire : lannee ensuiuant, il ennoja vne ambassade deuers Endon, Duc d'Aquitaine et de Gascongne : à fin danoir en ses mains ledit Chilperic, paranant appelle Daniel prestre. Laquelle chose il obtint. Et par ce moyen ledit Eudon eut paix. Ce pendant qne ces choses se traitoient* le Roy Glotaire alla monrir : et le Duc Charles Martel vsant de grand benigpuité enners son ennemy, restablit iceluy Chilperic, son prisonnier, en la dignité du Royaume de France. Ainsi appert que les Princes du Palais faisoient ou deflTaisoient les Roys de France à leur appétit.

Cbilperic après ce qnil fut fait Roy derechef, ne vescnt gneres. Si fut par lautorité du Duc Charles Martel, cre6 nonueau Roy Theodoric, filz de Dagobert, derrain de ce nom. Lequel Theodoric anoit esté nourry an monastère des nonnains de Cale. Donques après ces choses ainsi or- données en France, le Duc Charles Martel désirant soy venger de sa marastre Pelctrude, qui tant de maux luy auoît fiiit, assembla vne puissante armée et se tira deuers Goulongne sur le Rhin. En laquelle cité ladite Plectrude, femme de grand cœur, sestoit fortifiée & merueilles. Et anoit entre ses mains, les trésors du feu Duc Pépin Heris- tel, son mary : mais Charles Martel print par force ladite dté de Coulongne, ensemble les trésors de son père, auec- qnes sa marastre. Toutesuoyes depuis elle eschappa subti- lement et senfuyt au Royaume de Bulgarie, qui est 'oultre la grand riuiere de Dunoe, en AUemaigne, par delà Hon- grie.

le ne seay si pour ceste raison ou autre, le Duc Charles Martel fut meu de tirer son armée celle part : m^ ie treuue bien, qui! alla conquerre ledit Royaume de Bulga-

444 iu.f»nuTiom w «4ns, ct

rie, 6t «n passaat et r^paaasnt sabinga Ut plu gnmd p«« Ue d*AUemaigne : castasaiioîrlesSoaaes, Sazone et Baai«ne : puis retoorna en France, lictorieux, aaeoqeas grand proya et meraeilleiifleB deepooilles.

Retoomé «i Franee le Du Charles ICartd, il fat ad* nerty, que le Dac d'Aquitaîna Eudim, deeaaa mentiomié, «achiaolt derechef quelque mauaaistié contne luy. Si tira mUe part aaecques bonne armée : mais Endon ne lattendit point, ains le cacha en lieux déserts et inaccessibles, du eosté de Gascongne : dont quand le Duc Charles Ifartel ▼eit quil ne le pourroit trouuer, il sen retonma en France et donna congé à ses g«idarmes : mais peu de temps après, ]mj fut mestier les rassembler : car nouudles '▼indrent, que les hauts ÂUemans et les Soaues, autresfois par luy Taincuz et surmontez, se vouloient rebeller par le motif de leur Duc nommé Leuffroy, dont il fut ccmtraint de retirer celle part, ce quil fait : et vainquit ledit Duc Leufiroy. Si remit par ceste yictoire, les hauts Allemans et Soaues en sa subiection et obéissance.

De la meruM lieuse Tietoire qae le Dac Charles Martel eut contre les Sarrasins : Lesquelz Eudon, Duc d'Aquitaine et de Gascongne , aooit amenez en France. Et comment il donna lea diames dea egliaae aux gentilz hommes.

Pendant ce que le trespuissant Duc Charles Martel pour- suiuoit ses victoires en la haute Allemaigne, Budon, Duc d*Âquitaine et Prince de Gascongne, mauuais homme, vindicatif et tousiours rebellant, lequel se douloit dauoir esté ainsi rebouté, chassé et quis par Charles Martel, comme dessus est touché : sestoit tiré en Espaigne, vers vn Roy

SiMYLABITtt »B Ttumm. UVIB III. 445

infidèle et Malioiiimetiste, nomaé Abidiram. Aoee lequel U aiioit tant fiât et pratiqaé« quil Iny anoit donné non senlement passage par eee paie Qe Gasoongne et d'Aqni-' taine, pour entrer en Franœ, mais aussi certain espoir et moyen dy ponnoir obtenir règne et demeure perpetaeUsy anec ses Mores et Sarrasins. Lesquelz sonz oeste foUe confiance soiuirent lear Roy en ¥ne meroeilleose mhltitade : nenans anec eux leurs femmes, leurs enfans et tous leurs bagagesi en délibération de non retourner en Espaigne^ oooune ils ne feireot : mais ce fut an rebours de leur inteH* t^on«

Abidiram, Roy des Sarrasins, moyennant la oondnite du Prince Eudon de Oaseongne, assiégea premièrement la dté de Bourdeaux et la print : brusla les églises et feit tous les maux quil peut. Autant en feit il à Poitiers et vint ius* quee à Tours : mais en cest endroit, le Duc Charles Ifortel liqr vint alenoontre, aueo sa puissance d'Austridioit, Alle^ ^^ns et François : si luy donna la bataille et vainquit» tellement que par le tesmoignage de tous les historiens, il y demeura de Sarrasins, trois cens quatre vingts cinq mille, fil^des gens du Duo Charles Martel seulement quinze oens : qui semble chose bien miraculeuse. Et pource que les Barons et gentilzhommes de France lauoient bien seruy en oeste guerre, comme il y parut, et despendu tout le leur, vendu et engage leurs terres, pour oontrester aux mes- ereans et soustenir la foy de Dieu et nostre créance de sainte Chrestienté, le Duc Charles Martel, du consentement des Prélats, donna pour recompense ausdits seigneurs, barons et cheualiers,en lieu de soulde et pour leur deffiroy (1) et rBoottursoMBt de leurs terrée engagées, Mcune partie

(1) e.-à-d. poar les dëfrajer.

446 iLLfmÂfioitt M Ginx, sr

àm dismes de Leglise. Promettant les (l)l6ar rendre an doa- Ue si Dien Iny enst prolongé sa vie. Laquelle donation ou plustot permission fidte da consentement de leglise OaUi- cane, en péril eminoit, les gens ecclesiastiq(ae8 de France ont depois blasmee, et ont accusé le Duc Charles M artd destre damné à ceste cause. Ce que ie ne croy pas : car lequel eust il mieux valu pour la chose publique de Ghres* tienté, ou que les Sarrasins d'Afrique se fussent habitues en France, par lespace de huit cens ans, comme Hz ont fait en Espaigne, iusques à la dernière conqueste de Orraade, on que le patrimoine de Leglise ayt donné secours et subside aux gens militaires et à la noblesse de France, pour obuier par armes et de fait à tu tel inconuenient, ce que les gens deglise ne pouuoient faire par leurs prières et oraisons. Mais de ce disputer, ie me déporte : car ce nest pas de présente spéculation. Si reuiens au propos principal de Ihis- toire qui dit : Que après la desconfiture des Sarrasins des- susdite, Eudon, Duc d*Aquitaine, nonobstant que de tous ces maux il eust esté cause, trouua manière de faire son appoin- tement auec le Duc Charles Martel. Et deffit la reste des Sarrasins, selon ce que met Gaguin, en Ihistoire de France.

Gomment le Doo Charles Martel conquesta le Rojaome de Boar- gongne, la Dachë d'Aqaitaine et de Gascongne , et depuis le Rojaame de Frise : et Tainquit les AllemaDs sor le Rhin, et les Qoths et Sarrasins en Prouence, et en Aquitaine : et de ses autres gestes.

Ceste tresglorieuse victoire des Sarrasins acheuee par le Duc Charles Martel, autre nouuelle guerre suruint du costé

(1) c«-à-d. les cent ecclésiastiques dont Le Maire parle plus bas.

8IN€VLÂmiTBZ DR TROTB. UYKB lU. 447

de Bourgongne. Et selon ce que ie puis comprendre : oe fîit par la moyen du dessus nommé Eudon, Duc d'Aquitaine et de Gascongne, tousiours malaueillant da Duc Charles Martel. Lequel Prince tresnobleettresinuaincu, (l)alla iceile part : et print la cité de Lyon sur le Rhône, qui pour lors estoit la tierce prouince du Royaume de Boui^ngne : AiU lee il tira en Arles en Prouence, qui de toute ancienneté estoit la cité capitale du Royaume de Bourgongne, comme est ores Paris en France. En oultre il conquit Marseille et le pals denuiron, en lostant aux Vesegotbs, vue nation d*Allemaigne, qui auoient occupé ladite contrée. Et brief, il mit en son obéissance tout le Royaume de Bourgongne. Si tua flnablement le Duc Eudon, son ancien ennemy, comme ie treuue en vue vieille chronique. Print et subiuga toutes ses seigneuries en Aquitaine et Gascongne, mais pour la singulière modération dont il estoit plein, il nap- pella point les Bourguignons quil auoit conquestez, ses sub- ietz : mais ses alliez et confederez, par plus douce et plus agréable appellation.

Puis après, À fin quil se gardast destre oiseux, il mena son armée en AUemaigne oultre ie Rhin, contre le Roy de Frise, nommé Radbod, de secte Payenne et idolâtre : lequel ie treupe ailleurs estre nommé Popon : si le vainquit sur le flenue Burdon et gaigna son Royaume, lan de nostre salut sqpt cens trentecinq. Et en ce temps les Vuandelz, vue autre nation d*Allemaigne, entrèrent en France iusques à la dté Sens : lesquelz Obbo, archeuesque de Sens, deffit. Et tantost après les Bourguignons se rebellèrent, contre les- quelz le Duc Charles Martel après son retour de Frise, marcha derechef, et entra dedens Lyon sur le Rhône :

(1) Sa trouve aassi dans la Couronne MargarUiqne.

448 lUi^vBnATiom m oatlb» n

il punU aiieiiA citoyens est»» diaCt %t moHÙL de la rebd* lion* Bt dillec tira en Arles^ cité capitale dudit Royanme de Boargongne, et antrea villea et (ùrtes i^aoea, il Bit bonne garnison.

Ne tarda gaeree après, qnil Iny fot mestier de retourner en Allenaigne, ponrce qoe ses snbietE de dessos la rinitte da Rhin sestoient eslenez de noaueam : lesqnels il dompta derechef. Cela fidt, autre tamolte snraint du costé de Pro- aenoci car Marancos Booi^^aignon, (1) qtd se disoit Duc de Proaence, autresfois sobiogné par le Duc Charles Martel, anoit fait secrète alliance aoee les Vesegoths, tac natioi d^AllemaigAe, habitans pour lors en Aqnitaiiie : lesquels nesteient point contens de ce qne leor Duc Odo anoit esté défiait par le Duc Charles MarteL Et ooltr^os, ledit Marancua de Prouence estoîtalM quérir secours en Es- paigne. Bt de fait* auoit pratiqué deux Roys Sarrasiafl. Dent lun estoit nommé Athimus et lautre Amorreos. Par ainsi ledit Marancus» qui se disoit Duc de Prouence, entra le premier en Aquitaine, auec le Roy Athimus Sarrasin. Si prindrent de primeface Bourdeaux et Narbone : et vindrent passer le Rhône et prindrent les citez d'Auignon et Arles en Prouence. Et se respandirent lesdits Yesegoths et Sar- rasins parmy toute Aquitaine et les citez capitales du Royaume de Bourgongne, du costé de Prouence. Si se for<^ tifia ledit Marancus dedens Auignon» et le Roy Athimas à Narbone.

Le Duc Charles Martel aduerti de ces nous elles, donna bon ordre en son païs du Rhin et vint diligemment en la haute Bourgangne il mit sus la plus grand armée quil

(1) Ld comte Mauruntoi, aidé par Toasouf-Ibn, gouTernenr anba de Narbonne.

SniGTLARIInBZ DB TROTB. LITHB lU. 449

peat. Si alla promptement assi^er Âuignon, et la print par^ force. Aucuns disent, que ce fut fait par son firere nommé* Ghildebert, son lieutenant en oeste partie. Bt de tira à' Narbone/où le Roy Âthimus Sarrasin estoit, et y mît lef siège. Au secours duquel vint par mer lautre Roy Sarrasin, nommé Amorreus, dont dessus est faite mention, auec mlulti- tude infinie de Sarrasins. Parquoy fut mestier au Duc Charles Martel de demander secours au Roy de Lombardie, nommé' Loitprand : lequel estoit son compère. (1) Et vn peu de temps' parauant luy auoit monstre signe de grand amytié : car à la seule et simple requeste du Duc Charles Martel, il auoit laissé le megis quil tenoit douant Romme, contre le Pape Grégoire troisième de ce nom.

Luitprand* Roy des Lombards, venu au secours de son compère» le Duc Charles Martel , iointes ensemble les' armées des Allemans, François, Bourguignons et Lom- bards, ilz liuférent la bataille aux Sarrasins et aux Vese- goths, en vne belle plaine, en la vallée de Corbar , (2) qui nest' pas loing de Narbone. Lestrif y fut grand et merueillèux . Mais après que lun des Roys Sarrasins, nommé Amorreus, y fat occis, toute la reste se laissa desconflre. Lautre Roy, nommé Athimus, se sauua en m petit nauire et senfuit en Espaigne. Par ainsi le Duc Charles Martel demeura Ticto- rieux, moyennant layde de Luitprand, Roy des Lombards. Oultreplus, tous les Vesegoths, vue cruelle nation, qui ia' par lespace de trois cens ans auoient troublé le monde tant en Prooeace Mmme en Aquitaine et Bspaigne, furent def-

(1) En 735, Charles Martel avait envoyé son fils à Laîtprand afin que celni-ci devint son père d*adoptioo en lui conpant les chevenx selon Tosage genminiqae.

(2) La vallée des Corbières.

II. 29

4S0 ILbYSTRATlOHS DB G4TLB, BT

fiûts, exceptez aacuns qui se retirèrent à Barcelone. Ne les Sarrasins noserent onques puis entrer en France. Don- ques toutes antres nations estrangeres» iettees dehors, la Gaule demeura subiette aux François, moyennant la grand prouesse et vertu du Duc Charles Martel.

Enuiron ce temps mourut le Roj de France, nommé Theodoric, deuxième de ce nom : âlz de Dagobert, au lieu duquel le Duc Charles Martel, comme Prince du Palais, constitua Childeric, firere germain dudit Theodoric. Lequel Childeric fut depuis honteusement déposé, souz ombre de lautorité du Pape Zacharie, comme sera dit cy après : quand nous parlerons de Pépin, filz du Duc Charles Martel. Ainsi appert que par le Duc Charles Martel furent créez quatre Roys en France : cestasauoir, Lothaire, Chilperic, Theo- doric et Childeric. Et fut si preudhomme, quil ne voulut point vsurper la couronne de France : ne se nommer Roy, ce quil eust bien peu faire. Mais Pépin le Brief, son filz, ne le feit pas ainsi.

Tant de hautes choses acheuees, par la force, prudence et vertu de ce tresglorieux et magnanime Prince, Charles Martel, le Royaume de France et toutes les prouinces par luy conquises pacifiées : après tant de trauaux, approchant le terme de ses iours, il cheut en maladie, en vn bourg, nommé Vermene, près du fieuue dlsere. (1) Or auoit il trois enfans, comme ie croy de deux femmes : cestasauoir : Ear- loman. Pépin et Griflbn. De la première femme ie ne scay le nom (2) : mais la mère de Grifibn, le maisné, auoit nom Simahilde (3) : nièce du Duc Odon de Bauiere. Si distribua

(1) Charles Martel est mort à Quiersy-sur-Oise, en 741.

(2) Cest Rothrude, mère de Carloraan et de Pépin le bref.

(3) Sonnichiide.

8I1IGTLAE1TBX DE TROTB. UYRB UI. 451

Charles Martel son héritage aux deux premiers tant seule- ment. Earloman eut poar sa part, Âustriche la basse : quon dit maintenant les païs de Lothric et Brabant, Soaue» Al- lemaigne et Thoringe. Lappennage de Pépin le Brief, fut France, Boorgongne et Aquitaine. Grififon, le plus ieune» neut point de terre en sa part : mais fut passé souz silence au testament de son père» dont sa mère Simahilde ne fut pas contente.

Tantost après, ce tresuertueux Prince trespassa : lan de sa Principauté vingtcinq, selon les Chroniques de France : mais les Chroniques d*Allemaigne luy en donnent dix da- uantage. Et fut solennellement enseuely à saint Denis en France, en vu sépulcre dalbastre, qui encores est en estce. Mais iasoit ce quil ne soit pas conté au nombre des Roys de France, neantmoins, sa statue ou représentation estant dessus son tumbel, en ladite église de saint Denis en France, porte sceptre et couronne. Ce que iay diligemment regardé et noté. Si ay trouué en vn ancien Hure, au païs de Bra- bant, son epitaphe en quatre vers, tel qui sensuit :

Eoee, Brabantinas dax quartas in orbe triomphai Mallena, in mundo speeialis Christicolaram . Dax, dooûnnBque ducum, Regnm quoqud, Rex fore spreuit : Non Tult regnare, ted Regibus imperat ipse.

De Karloman, Duc d^Anstnche la basse, quod dit maintenant Lothric» et Brabant, Soaue, Allemaigne el Tharinge : lequel après plu- sieurs victoires se rendit moyne.

Earloman âlz aisnë du Duc Charles Martel, à qui le père par son testament auoit laissé les païs d' Austriche, Brabant, Soaue, Allemaigne et Thuringe, vescut pacifiquement auec

459 ILLTfttllATIOPft M GAfU, ET

son firere Pépin le Brief. Ce qui adulent pen sonnent» entre frères charnel2 : mesmement quand ilz sont grans seigneurs. Et luy assista en tous ses affaires. Car comme Slmahilde» Tefue du Duc Charles Martel, ftist mal oontente comme dessus est dit» de ce que son fllz Griffon nauoit point esté nommé héritier en aucune partie* au testament de son père: estant femme de cœur, incita sondit fllz à demander la part de la succession à ses frères : attendu quil nestoit point, bastard : ce quil feit tantost et roulentiers : et print en sa saisine la cité de Laon. Si entama la guerre contre lesdits frères, lesquels lassiegerent et le prindrent. Et à fin quil ne troublast plus les affaires du Royaume, Karloman lea- uoja en seure garde à Chasteauneuf, vne forte place^ en la forest d'Ârdenne. (1)

Cela fitit, les deux frères ensemble allèrent alencontrè Hunauld, Duc d'Aquitaine, qui se rebelloit contre le Roy- aume de France. Et après quik euroit Taincn ledit Hu- nauld et remis icelle prouince en deuoir dobeKssanoe : eux deux par ensemble domptèrent les Allemans à eux rebelles et Odilon, Duc de Bauiere : puis Karloman tout seul alla contre les Saxons : desquelz il obtint victoire. Dont après tant de prosperitez il fut ennuyé du monde. Si délibéra dy renoncer, et dentrer en religion : ce quil feit, à peu de compaignie : du sceu et consentement de son frère Pépin. Et se tira ledit Karloman à Romme vers le Pape Zacha- rie : de la main duquel il print Ihabit de saint Benoit, et alla viure religieusement au monastère de Montcassin en Italie : lequel au parauant il auoit fait édifier à ses des- pens, délibérant dy vser sa vie en Êdsant pénitence, ce qui

(1) Juwta Ariwnt^namt dit Eg^hard. C'est chiteau d^Amblèta, pré* d*Aywâilld, appelé autii Ne^fehâtea%.

fllMQTLABlTBZ OB TEOYK. UVRB 111. 453

nadiuBt pas : etr Aistolpha, Roy des Lombards, homme <Mmlt et malicieax» troaaa mojen de le tirer hors de son monastère, pour lenuoyer en France comme ambassadeur, deuers le Dao Pépin, son frère, lequel se preparoit de fSaire la goBTTe contre ledit Âistulphe, pour la querele et à la requeste du saint siège apostolique : qui par la tyrannie dadit Aistulphe estoit troublé et molesté en la possession du patrimoine de Leglise. Si pensoit iceluy Aistulphe, que ledit Earloman moyne, par sa persuasion trouueroit ma- nière de retarder son frère le Duc Pépin, du passage oultre les mrats : laquelle ambassade le Duc Pépin print si très- mal engrë, que non eu regard à lamour et charité frater- nelle, ny aux bons seruioes que parauant il luy auoit £uts, ieit mettre sondit fr^re Karloman en perpétuel exil, dedens m monastère, en la cité de Vienne en Dauphiné, tan- tost après il mourut de regret.

On Doo Papin sunioiniDé le Brief : troiflieme de ce nom en eeste généalogie, Duo de Boargongne et d* Aquitaine, Prince du Palala de France : et des entres successiont qui luj accreurent A cause de son frère aisné Karloman deuenu mojne. Et aussi des guerres quil eut contre son frère maisné Oriffon.

Pépin le Briaf, cestadire le court, ainsi surnommé, pource quil estoit de petite corpulence, viuant encores son père le Duc Charles Martel : incontinent quil se sentit par le testa- ment paternel estre declairé et institué héritier du pais de Bourgongne, comme dessus est dit : vsant de grand pru- dence, il se tira celle part, à toute diligence : et en print la possession, craingnant que suruenant le trespas de sondit père, il ny eust aucun trouble ou destourbier, sil en estoit

454 ILLtSTEATlORS DB GAfLI, BT

absent. Or ne tarda gneres, que tantost après son père le Dac Charles Martel paya le tribut de nature. Et lors Kar- loman et Pépin comme dessus est dit, gouuernerent par ensemble le Royaume de France, dont Childeric ayant seu- lement le tiltre et le nom de Roy, nestoit estimé que pour ombrage, (1) ou pour yn zéro au nombre des chiffres.

Quand donques Karloman» frère aisné de Pépin, se Ait rendu moyne, comme dessus est dit, la seigneurie du Duc Pépin le Brief en augmenta dautant comme la successioii dudit Earloman se pouuoit estendre, qui nestoit pas petite chose : car elle comprenoit tous les païs d^Âustriche la basse, quon dit maintenant Lothric, Brabant, la basse Aile- maigne et Thuringe. Or estoit il bien grief à Griffon le nudsnë, quil nauoit sa part en vne telle escheute : mais quand il se fut mis en essay den recouurer sa portion, par lenhort et ayde de sa mère Simahilde, et quil fut prins en la cité de Laon par ses frères et enuoyé en garde au Ghastel neuf en Ârdenne, il trouua neantmoins depuis manière deschapper et de se mettre en liberté. Si se retira en Saxo- ne : il assembla vne armée assez grande, ainsi comme il cuidoit, pour combatre son frère Pépin, et tint son ost sur la riuiere Douaire (2) au lieu qui sappelle Orhem.

Le Duc Pépin, qui luy venoit au douant, arresta son camp sur le fleuue Musaha, au bourg de Strahung, mais il ny eut point de bataille : ains parlementèrent ensemble : et se départirent sans rien faire. Griffon qui se doutoit de linfidelité des Saxons se transporta en Bauiere, vers le Duc nommé Taxillon : il trouua manière de tirer de sa part plusieurs Barons François, au moyen desquelz il ietta

(1) c.-à-d. un fantôme.

(2) La Werra. Véâ, 1528 porte Doin.

SIMGVLAMTBS DB TROTB. UVBB 111. 455

le Dac Taxillon son hoste hors de sa Duché et Tsnrpa son tenement. Laquelle chose entendue, par le Duc Pépin son frère, il marcha contre ledit Griffon et leut entre ses mains. Si remit et restablit Taxillon en sa Duché de Bauiere. Et pour contenter son frère Griffon» luy donna pour appennage, douze Contez au Royaume de France. Et tout ce nonob- stant, ledit Griffon ne fut point content ny appaisé, ains la mesme année se tira deuers Gayffier, Duc d'Aquitaine, fllz du Duc Eudon, dont par cy douant ha souuent esté fidte mention, ancien eamemj de la maison du Duc Charles Martel.

Comment le Dac Pépin le Brief fat institué Roy de France, par le consentement dea Barons da Rojaame : et par lantorité du Pape Zaoharie au desaoantage de lancienne ligpiee de Meroaeos : et des terres que le Roy Pépin donna à leglise Romaine : et autres de ses gestes.

Voyant le Duc Pépin, Prince de petite stature, mais de grand cœur et magnanimité, et considérant entre ces grands affaires du Royaume, la grande et parfonde lascheté, inuti- lité et effemination du Roy Childeric de France et de ses prochains prédécesseurs : lesquelz du tout menans vie sar- danapalique ou épicurienne, nauoient pieca rien valu, quant à lentremise et régime de la chose publique : iceluy Duc Pépin, qui auoit la force et le maniement de toute la sou- ueraineté du Royaume, sappensa en luy mesmes, quil pour- roit bien trouuer occasion et manière par tiltre honneste et bien coulouré, dapproprier à luy lautorité légitime de la couronne et sceptre Royal de France, de la possession des- quelz il estoit desia saisi, et en exerçoit la iurisdiction

iSQ ilXTSTRATlOMB IMS GAVI^B. BT

^realle, et odaintenoit la seigueurie sans contradiction quel*» conque. Pour donques venir à ces fins, Pépin enaoya à B4>nime, deuers le Pape Zacharie* vne secrète ambassade, ayans leurs instructions forgées selon son intention, Bt fo- rent deux hommes degUse, qui la mirent À exécution : cestasauoir, Burkard, aroheuesque de Vuirtsbourg, dite ea Latin Herbipolis, qui est cité capitale du païs de Franeone, quon dit France Orientale oultre le Rhin, et Vokard, ( 1) archi- chapelain domestique du Duc Pépin. Lesquels demandèrent au Pape par cauteleuse simplesse, quil luy pleut leur déter- miner ceste question : asauoir mon lequel des deux estoit plus digne destre Roy, ou celuy qui se tenoit tousiours en lombre de son Palais sans faire chose qui serait au bien commun et sans se soucier des affaires du Royaume : on celuy qui par sa propre vertu, industrie et sollicitude, et par mettre en danger, aduenturer souuentesfois sa personne en armes contre les ennemis, donnoit ordre à tous les affai- res publiques et à la deffense et accroissement du Royaume. A laquelle demande et proposition le Pape Zacharie in- struit assez de la response quil deuoit faire, et que les demandans vouloient quil feist : respondit, que voirement celuy estoit plus digne dauoir tiltre de Roy et la totale auto- rité du Royaume, qui par sa prudence, diligence et solicitude adressoit, administroit et moderoit les affaires de la chose publique. Souz lombre et couleur de laquelle response du Pape, remonstree aux Barons de France par lesdits ambas- sadeurs, à leur retour de Romme, et moyennant lautorisation *dicelie : ilz eslurent le Duc Pépin, Prince du Palais, pour leur Roy. Et fut sacré à Soissons par saint Boniface, Eues- que dudit lieu : lan de nostre Seigneur sept cens cinquante.

(1) Volkard ou Folcard.

ftUIGVLAUTfiZ 01 TAOTI. UYEB Ul. 467

St Ohilderie, homme de petite value, M honteuflement éBgnÀé et mis lut de la dignité Royale. Si fut tondo aoyiie, et reclus en vn monastère : ou il fina ses iours en pénitence et m, angoisse.

La mesme année que le Roy Pépin le Brief reoeut la sacrée fUgpût6 de la couronne de France, le peuple des Saxons Iny feit la giiarre. Et il les vainqait derechef sur le fleuve nommé Vuisara. (1) Et comme de ladite victoire il estoit de retour en France, il Iny fut nonce, que Griffon son frère, lequel sestoit retiré vers Oayffier, Duo d'Aquitaine, comme cbsBUS est dit, estoit mort. La vieille Chronique dit : quil fat tué en Saxone : il estoit homme rapineux et vinant de proye : si ne pouuoit durer. Et pource fut il nommé Grif- fon : oomme met Platina. Tantost après le Pape Estienne, deuxième de ce nom, vint en France demander secours contre Aistulphe, Roy des Lombards, qui molestoit les ter* fee de Leglise : lequel Pape, le Roy Pépin reoeut en grand honneur. Et il oingnit et consacra derechef Pépin en Roy de France : et bénit ses deux enfans, Karloman et Charles k grand, et toute leur postérité. Si maudit, dautre part, tons ceux qui leur feroient grief ou tort.

Par ainsi en la faueur dudit saint Père, quand ce vint sor le printemps, le Roy Pépin passa les monts et marcha contre Aistulphe, Roy des Lombards, pour la première fois. Bt depuis pour la seconde, tant quil contraingnit ledit Roy «Aistulphe, de rendre ce quil auoit vsurpé en Italie, de Lexarcat de Rauenne, lequel appartenoit à Lempire. Et presques toutes les conquestes que le Etoy Pépin feit en Ita- lie, il les donna à leglise Romaine, oomme sera tantost en la fin de ce liure.

(1) Le Weser.

468 UÀMnLknam m uiib» bt

loelay Roy Pépin mena anin U gmm fv lafs» di hait ans contre OâyfBer, Dnc â'Aqnitaîiie, en hmemr de Le- glite, laquelle iceluy Dac oppreesoit Mabpoa noit desia pesant et sur aage de Tieîllane, fl en kdlla la eharge à son flUs maisné Charles le grand, lescent et à qui la barbe ne fiûsoit qne ponidre. Leqwl print tantost Bourbon et Glermont, et antres plaeea en An- uergne» qui fut le premier commencement de ses hantes et heureuses prouesses, lesquelles il acreut depois ainsi qas chacun scait. Finablement iceluy GayfBer, Doc d*AqQilaiBe, tôt tué par ses gens mesmes, et la guerre flnee. Tkzillo, Dne de Bauiere, yint en France à grand compaignie et triomphe : et feit hommage au Roy Pépin de la Duché de Baniere. Rt derechef, les Saxons furent par luy Taincuz et aaafairttiz, à ce que tous les ans par manière de tribut, ilz amenernsnt au Roy trois cens coursiers de prys, au temps que le parle- ment se tiendroit à Paris. Lequel parlement fut première- ment Institué par ledit Roy Pépin.

De sa femme Berthe il eut les deux filz dessusnommes : ce8ta.<«auoir Karloman et Charles le grand, lesquelz il laissa héritiers parensemble sans partage, et vne fille nommée Berthe, qui fut mariée à Milon, Conte du Mans, et fut mère de Roland. Ladite Berthe, mère de Charlemaigne, est ense- lie en vne ancienne abbaye dite la Nouuellaise, au pied du mont Senis, pardelà pour tirer le chemin de Suse et de Piedmont, comme autresfois mont affermé les moynes dadit lieu : mais le Roy Pépin son mary est enterré à saint Denis en France. Et mourut à Paris lan de grâce sept cens soi- xantehuit, et de son règne le vingtseptieme. Lepitaphe dudit Roy Pépin est tel, selon les anciens liures que iay trouué en Brabant :

late BiabRntînus, dax quintus Austrasiorum, Bx duoe fit tandem Rex primat generia haiiw.

SlRGfLAiaTBZ DE TIOTB. UfES OI. 459

Narration comment les saccessions des Princes se maent et changent par la prouidence diuine. Et comment le sang de Lemperenr Charles le grand fat depuis refinj et réintègre, otf^relteré^ en la famille des Rojs treschrestîens, iusqnes auloordhnj , par ligne féminine.

Ainsi termina son règne sur les François la ligne de Meroneus yssu des Trojens et hauts Sicambriens. Laquelle auoit esleué ledit Royaume et temporise en iceluy, par lespace de trois cens trente ans : car Pharamond, le premier Roy, fut couronné lan quatre cens et vingt, et Pépin, le premier de sa lignée, lan sept cens cinquante, comme des- sus est dit. Et fut Pépin le vingtdeuxieme Roy de France, comme il me semble, iasoit ce que Gaguin en son histoire ne le mette que pour vingtunieme, dont ie mesmerueille. Et mesmement de ce quil ne conte Meroueus et son filz Chil- peric, sinon pour vn Roy. Si pourroit sembler que Mero- ueus, qui fut père de famille et chef de toute ceste lignée, mérite bien dauoir son lieu à part.

La génération de Pépin le Brief et de Charles le grand régna en Lempire, enuiron cent dix ans, et non plus. Mais elle posséda la couronne de France, par lespace de deux cent quarante ans, iusques à ce que la lignée de ceux d*Angers (laquelle aucuns historiens disent estre yssuz des Saxons, cestasauoir. Hue Capet, filz de Hue le grand. Conte de Paris) vsurpa le Royaume sur les successeurs de Pépin et de Charles le grand. Laquelle vsurpation fut fitite, lan de nostre Seigneur neuf cens quatre vingts et dix. Et tout ainsi que Childeric, filz de Theodoric, fut le dernier Roy de la lignée de Meroueus, yssu des Troyens de la haute Sicambre, aussi Charles, fllz de Loys sixième de ce nom.

4fi0 iu*fnmATioii8 m gavui, n

Lequel Charles qui mourut prisonnier en la cité d'Orléans, fot.le dernier de sa génération, yssu des Troyens delà basse Sicambre, qui posséda le Royaume de France.

Lesquelles mutations, si bien nous y aduisons, furent fiutes premièrement par la prouidence diuine : et seconde- ment par lart, ministère et trafSque des prestres. Car si souz ombre de religion et de sainteté Burkard, premier euesque de Herbipolîs ea Francone, et Vokard, chapelain domestique de Pépin le Brief, impetrerent du Pape Zacha- rie la response semant à leur propos, dont la mutation de la succession légitime au Royaume se feit, comme dessus est touché : aussi Hue Gapet suborna leuesque de Laon nommé Anselme, à ce quil luy mist entre les mains le Roy Charles, dernier de la lignée de lempereur Charles le grand. Lequel fut enuoyé tenir prison à Orléans il mourut. Et ce feit ledit Hue Capet, Roy de France, tant par force, comme souz ombre de ce quil fidsoit courir la Toix par ledit Euesque et autres gens deglise, que saint Vualeric et saint Richer lauoient de ce faire admonnesté par vision et luy promis la couronne de France, pource quil auoit porté grand honneur et reuerence à leurs corps et à leurs reli* ques. Et ce recite Gaguin et autres historiens. Toutesuoyes Gaguin est par ceux qui sont studieux des histoires, sou- uentesfois reprins et noté de négligence en plusieurs pas- sages : mesmement en ce dont dessus est touché, cestasa- uoir quil dit, que Burkard qui fut enuoyé pour ambassa- deur vers le Pape Zacharie, par le Duc Pépin, estoit arche- uesque de Bourges en Berry : ce quil nestoit pas, ains fut le premier Euesque de Vuirtsbourg en France Orientale, comme dessus est dit, et est illecques réputé saint.

Toutesuoyes de reuenir au propos. Hue Capet auoit autre couleur et moyen dont il se aydoit : cestasauoir que son

smaTLAEiTta m tbotb.' u?wi m. 461

âyeul nommé Budon, ou Odon, pour ses mérites et pour auoir bien seruy la couronne fut intitulé Roy par les Pré- lats de France, mesmes du viuant du Roj Charles le Sim* pie, dont il fut tuteur par lespace de neuf ans. Et puis comme yray preudhomme et bon r^ent, luy rendit ladmi* nistration du Royaume. Mais le frère dudit Odon, nommé Robert, ne youlut pas ùàre ainsi, ains essaya dapproprier à luy le tiltre du Royaume, comme successeur de son frère» Bt de fidti se feit Duc d'Aquitaine : et constitua Prélats audit païs, qui le nommèrent Roy de France. Mais il fut occis en bataille, par le Roy Charles le Simple, auprès d# Soissons. Si laissa vn âlz nommé Hue le grand, Conte de Paris, et qui se porta raillant Prince contre les Normans* Lequel eut à femme Tne Dame nommée Aygunde, âUe de kmpereur Othon de Saxone, premier de ce nom : en ïb,^ quelle il engendra ledit Hue Gapet, premier Roy de France en sa lignée et le trentecinquieme en lordre des Roys, selon Gaguin, dont la tresnoble postérité dure iusques au-^ ionrdhuy. Ainsi app^ comme les historiens disent, que la rnaisen de Saxone ha esté producteresse de la tierce lignes des Roys de France. Et comme la maison des Pépins et des Charles ha régné au Royaume et en Lempire, aussi ha celle <les Othons : laquelle est iune des plus nobles d*Alle- maigne.

Icy dessus est dit, que les mutations des lignées, quant an gouuemement des Royamnes et prouinces, se font par k prouidoioe diuine. Et de ce ne &ut fidre aucune doute : car kxperience en est naistresse, et le nous dedaire apport tttnent par exemples familiers : cestasauoir^ ^ue tout ainsi ^M les arbres et les animaux par longueur ée temps en- uÎBiUissent, tarissent et de&illent en leur rertu : aussi fût le genre humain en gênerai» et enoores plustot lea

46S ILLVITEATIOltt DB GATLB, BT

des hommes en particulier. Tellement que si noz anoestres estoient forts, yertueax, corpulents et robustes, sucessiuement noz grans pères auoient vn peu moins de telles bonnes habitudes et dispositions, et après eux noz pères : et par conséquent nous mesmes allons tousiours en décadence et si feront encores plus noz postérieurs. Voyant donques icelle diuine prouidence, la succession de Mero- ueus et de Cloms abastardie et toute anichilee en yertn, diligence et prouesse : elle suscita conmie bien estoit lors grand besoing et nécessité vrgente à toute la chose publique de Chrestienté, ou plustot elle resueilla et feit esclarcir au monde le tresnoble sang des Pépins et des Charles, comme iadis en la maison du pasteur Isai, fut esleué par la main de Dieu, le Roy Dauid, et donné successeur à Saul, pre- mier Roy des luifz : pource que ledit Saul sestoit desia forfait et amoindri de sa vertu première. Et tout le mys- tère de ce changement fut fait et conduit par les mains du prophète Samuel, grand prestre de la loy des luifz.

Par ainsi tout dun tenant, et dautre part voyant le hau- tain Spéculateur des actes humains, quen la postérité de Constantin le grand, fondateur de Constantinoble, presques toute noblesse et vertu estoient amorties et annuUees par la tyrannie scismatique et hérétique des Empereurs Orien- taux, qui souilloient leurs mains en leur propre sang par guerres eiuiles et domestiques, et ne tenoient plus conte du bien public vniuersel, ne de Romme iadis chef de toute leur Monarchie, dont par leur tel défaut, leglise Romaine estoit foulée, la foy catholique persécutée et amoindrie de tous les quartiers du monde, par Ihorrible insultation de la gent Sarrasine et Turque, non seulement sur les parties d*Orient et de Orece, lesdits Empereurs tenoient leur malheureuse résidence, mais iusques dedens les entrailles

8I1I0TLAEITEZ DE TEOTB. U^MM m. 463

de nostre Europe, voire iusques à noz propres maisons et foayers. (1) Lors le tresbon et tresbenin facteur et Père de tout le Monde, resueilla en Occident vne maison et famille illustre, comme celle des Macabees, qui eut le pouuoir et hardement de garder son peuple destre honni et contaminé delà loy des mescreans. Ce fut la tresnoble lignée des Pépins et des Charles, vertueuse et forte de toute antiquité, comme assez est monstre par ce liure : mais encores plus ennoblie par les tiltres et dignitez de la treschrestienne couronne de France et du saint Empire Romain, qui sont les deux plus beaux decoremens de ce monde temporel. Moyennant lesquelles prerogatiues, ilz domptèrent et sup- pediterent (2) plusieurs nations estranges, cruelles et bar- bares, anciennes ennemies de nostre foy et de leglise catho- lique : cestasauoir, Saxons, Normans et Huns, quon dit main- tenant Hongres, tous Payons et idolâtres, Sarrasins, Infi- dèles et Mahommetistes, Goths et Vesegoths, hérétiques. Et finablement, Lombards, tyrans et vsurpateurs dltalie et du patrimoine de saint Pierre. Et feirent tant les treshauts Princes de ladite maison, que nostre sainte créance esbran- lee de toutes pars et comme en danger de totale ruine, reloua le chef et se tint debout. Si planta sa marche ferme et immobile en nostre Europe plus clarifiée et autorisée que onques mais.

le treuue aucunes vieilles histoires qui tiennent, pour Guider plus autoriser la généalogie de lempereur Charles le grand, que sa mère femme du Roy Pépin nommée Berthe, fut fille de lempereur Heracle, ou de son filz Heraclion. Lequel Heracle recouura la sainte Croix de nostre redemp-

(1) Toates les anciennes éditions conpent ici la période par un point.

(2) s%ppeditar$y en bas-latin, mettre sons les pieds.

464 IU.TftTEATIOII8 Ht QATLK, ET

tion, par la yiotoire quil eat contre Cosdroe, (1) Roy d«8 Persans. Et do temps duquel Empereur Heracle, la I07 de Mahommeth commença de louer ses cornes en Orient. Et par ce moyen lesdits anciens historiens venllent donner à entendre, que le sang des Empereurs d*Orient ent concur- rence en la génération de Charles le grand, qui fat Empe- reur d'Occident. Mais de renforcer sa noblesse et générosité par ce moyen, nest ia besoing. Et dauantage, iestime quil nest point vraysemblable, ainçois y ha erreur manifeste : car depuis le règne dudit Heracle, iusques à Charles le grand, il y eut yn grand interualle de temps, auquel ré- gnèrent successiuement seize ou dixhuit Empereurs. Mais parauenture pourroit il bien estre vray, que ladite Berthe fiitt descendue de la génération dudit Empereur Herade. Et par ce moyen se sauueroit ladite conionction de saug entre Lempire Oriental et Occidental. Car ce nest pas chose estrange et nouuelle, que la noblesse des hauts ligna- ges antiques se continue et recœuure aucunefois par le costë féminin.

Car par cas semblable, après linclination de fortune et reboutement ou debilitation du noble sang de Charles le grand : et quand la couronne de France, par la voulenté secrète de Dieu fust paruenue es mains des Roys treschres- tiens, successeurs de Hue Capet, la ligne de lemperenr Charles le grand rentra et eut nouuelle alliance en la maison de France, par le moyen dune dame, ainsi quil sen- suit. Charles qui fut dernier Roy des François, de la lignée de lempereur Charles le grand, et lequel dernier Roy dudit sang mourut prisonnier à Orléans, eut yne fille nommée Emengarde (2) : qui fut mariée au Conte de Namur, de

(1) sic en éd. 1513 et 1528, pour Cosroëi.

(2) ne 6Q éd. 1513 et 1528, pour Ermengarde.

snonjjam db non. utbb m. 46S

laquelle descendit par succession de temps Baudouin, sur- nommé illustre Conte Palatin, de Haynnau et d'Artois. Le- quel eut vne flUe nommée Isabel, femme du Roy Phelippes Auguste. Laquelle Isabel auec ses bonnes mœurs et ancienne noblesse, apporta à son mary pour douaire, la Conté d'Ar- tois. Et en icelle dame ledit Roy Phelippes engendra le Roy Loys, père de saint Loys, tuteur et conseruateur caleate de ceste &mille. Et par ce peult on congnoitre, quil ne tarda gueras, pour mieui^ fortifier et sanctifier icelle, que le sang illustre du saint Empereur Charles le grand, ne se rassemblast auec celuy de France : cestasauoir en la qua- trième génération, et y perseuere iusques à ores. Dont il est facile A conclure, que ceste treschrestienne maison, à lexemple de ses prédécesseurs, ha esté et est tousiours esleuee et oonseruee en si grand degré, par choisissement de la prouidence céleste, à fin quelle soit gardienne et deffianderesse de nostre foy catholique et de la sainte église Romaine. (1) Et quelle reffbrme les abuz du monde et de leglise, reprime les tyrans, annichile les hérétiques : et ^ flnablement en sa forte main et bras excelse, reboute ses anciens ennemis et tienne tousiours en crainte douteuse la détestable nation des Turcz et autres de la secte Mabom- metiste. Laquelle nation Turque commença à saillir hors de ses anciennes tanières et paluz de Tartarie, enuiron le temps que Pépin comipenca i régner sur les

(1) Tontet las finrinmni éditkmt ont u point an lien de la Tirgide. n. 30

466 uxnnATiOHs m Gàmm^ bt

Dm («itm que U Roj P«piQ et m* socceMeor* RmpareiuB et Rojs Franoe, CliarlM le grand et Lojs le deboBBidre preaûen de cet noma, donnèrent et oonfermerent A legliee RoBMÎae. Poer quelt meritea et autres, enz et leam aaoceeaaan sont Treacbree tient.

Maintenant dorrons nous ceste histoire, en reoenant an R07 Pépin et à ses gestes. Lequel pour desseruir le nom de Tretchrestien oultre et par dessus les autres bienfidts que luy et ses prédécesseurs auoient fait à chrestienté : et pour aucune recompense et rémunération des prééminences et prerogatiues, tant spirituelles, comme temporelles, quil auoit obtenues du saint siège apostolique, donna et deliora à leglise Romaine la cité de Romme, auec toute sa inris- diction et ses appendences, ensemble toutes les terres, ports et haures de la plage Romaine, Ciuitaueche, Yiterbe, Perouse, la Duché de Spolete, et autres villes et places de leur appartenance : et du costé de la mer Adriatique, Lex- arcat, cestadire la Principauté Impériale de Rauenne toute entière. Cestasauoir, la cité de Rauenne, Forlif, (1) Fajence, Imole, Boulongne, Ferrare, Comacle, (2) Ceruie, Pesquiere, Arimine, Fane, Senogalle, Ancone, Vrbin et toute la con- trée qui se dit auiourdhuy Romaignole. Et dautre part en la campaigne Neapolitane, la Duché de Naples , qui main- tenant est Royaume : Capua, Boniuent, Saleme et Cala- bre, haute et basse. Encores oultre ce, les Isles situées en la mer Thyrrene, Sicile, Corsegue et Sardaigne. Toutes lesquelles terres, après que Pépin les eut recouurees des

(1) pour ForU.

(2) Comaochio, CerWa, Peaaro, Fano, Sinigaglia.

SmOTLABlTBX Dt TEOTl. UfBB UI. ASfl

mains des Tyrans qui les occupoient, iasoit ce quelles fus- sent du tenement de Lempire Romain : et que le Protos- pataire, qui yaut autant à dire, comme le Connestable de Lempire, se opposast à ceste donnation au nom de son maistre, et y reclamast tant comme il luy estoit possible , tout ce nonobstant le Pape et leglise Romaine acceptèrent ce don. Et le feirent depuis conformer par lempereur Charles le grand et par son âlz Loys le débonnaire : et consequemment par les autres Empereurs : Othons, Hen- rys et leurs successeurs. Si en ont eu depuis les Papes plusieurs différents quant à la possession : et en ont esté beaucoup de Princes tant de France, comme d'Allemaigne, empeschez, et par merueilleuse et exécrable ambition de toutes pars, en sont suruenuz des maux, des guerres et des dissensions infinies, comme il appert iusques à présent. Bt Toila comment lintention des tresbons et treschrestiens Princes, vrays champions et protecteurs de leglise, ha esté maintesfois frustrée et deprauee. Mais de ce suffise à tant.

468 iL|.ftTMiWi« iHi Gèru, m

PERORATION DE LACTEVR AV:Ç NQBLES LECTEURS

ET AUDITEURS DB CE Ï-IVRE.

3eigQ6yrs pnicl^ts et dames vertueuses de nolilMse Gal- licane ^t F^oQoise : sil vous sembla que iay^ aatisfait, en tont P4 en partie, ^ ce qi^ U^y promis au eommeneement d^ C0 Y(4^9ae, vous prie, rend^ ei| graeas à la Rojne tresoti^ne^tionne nostr# souueraine dame, Ducbes8# de Bre- taigoe, A laquelle par la grand excelleDuc^ de aa noblesse et boQté, ceste présente ouure est dediee et iiàtitulee : et de laquelle Prinqesse le bénin traitemwt et gracieux com- mandement, mha donné hardiesse de mettre ce labeur en lumière, deuant voz yeux bénins et courtoise audience. Et sil y ha quelque chose qui ne vous plaise, ains gise en re- préhension, excusez limbecillité de lentendement humain, lequel ne fournit pas tousiours et ne peult attaindre bon- nement à ce quil voudroit.

Quoy que soit, iay cuidé fealement recueillir tout ce que les communs historiens de France et dailleurs, auoient laissé derrière au plus grand honneur de la nation Françoise. Et mha semblé que ie faisoye comme font ceux qui amassent les menuz espics de blé, après les moissonneurs : ou ceux qui gardent de perdre les raisins que les vendengeurs ont lais- sez derrière : laquelle chose est permise à chacun par droit diuin et humain. Si ay en ce cas pense satisfaire à ceux qui désirent congnoitre, que non seulement par opinion vul-

Sllian.ABlTKS Dl TIOTB. UTBB UI. 40B

gaire et commune renommée, mais par vines raisomi et vrayes autoritez, la nation Gallicane et Françoise, tant Orientale comme Occidentale, est de extraction toute pure Herculienne et Troyenne : et que les yertuz et prouesses du grand Hercules de Libye et du trespreux Hector furent représentées en la personne de lempereur Charles le grand. Laquelle chose aucunes autres nations impugnent par enuie et maliuolenee : et nous attribuent cest honneur et préémi- nence, à vantise et à vaine gloire. Et pource, seigneurs, si les dames, qui dauenture liront, ou orront lire ce liure, estoient quelque fois ennuyées et fitchees de trouuer tant de Latin entremeslé parmy le François : ie pourray par Tostre bon moyen, trouuer lieu dexcuse, mesmement en ce, que aussi bien mest il licite de ce faire en ma vocation, comme il est aux prescheurs en la leur, lesquélz allèguent souuent beaucoup de Latin, en leurs sermons, aux femme- lettes de village, pour corroborer et persuader ce quilz veullent donner à entendre au peuple. Mais sachez, nobles hommes et experti en literature, que ie ne le fais point pour monstre et ostentation de la science historiale, mais pour vous relouer de peine et non estre douteux, ou scru- puleux, (1) au contenu de ceste histoire.

Et si aucuns trop curieux, ou contrediseurs (ie ne maeil dire ignorans) comme il sen treuue assez, sesmerueillent de ce que ie nomme Âllemaigne, France Orientale : et la terre de Gaule, France Occidentale : desquelles deux Fran- ces, lempereur Charles le grand estoit souuerain domina- teur : lisent les gestes de lempereur Federic premier de ce nom, surnomme Barberousse, de la nation de Soaue. Le- quel par sa généalogie se monstroit yssu des Roys de

(i) plein d*obteQrit4s, de difflenltAi.

470 iLLTinATunis m oatlb, r

France Cloais et Charles le grand. Et fat Prince de mer- neilleox cœur et grand prouesse, leqnel snbinga les Itales et destruisit Milan et Gennes à cause de leurs rebellions. Et créa quatre Papes à son appétit. Finablement il mou- mt es conquestes de Turquie, qui fut vn merueilleux dom- mage pour la Chrestienté. Or escriuit ses hauts ftdts en Italie, vn poète nommé Ligurin, lequel pour monstrer que lempeur Charles le grand estoit Roy des deux Frances, dit ainsi en son premier liure, parlant de la cité d*Aix la cha- pelle, dite en Latin Aquisgranum : le saint Empereur Charles le grand est sépulture : et 7 prennent les Empe- reurs et les R07S des Romains leur première couronne :

Hoc vbi prim» looo velati canabnU regni Carolas eate volens, magno eom FranoU régi Utraqae terairet, primam gMtare eoronam lustit, et in laera reges ibi tede locari. Ai timal à nottro Mcanit Oallia regno, Not pritcum reg^i morem samamni : at ilU Inre sno gaudet, nostr» iam netoia legit.

Or fut lempereur Charles le grand natif de France Orien- tale, cestadire du territoire de Majence sur le fleuue du Rhin : laquelle cité estant deçà le Rhin, on deuroit plustot dire estre située en Gaule Belgique, iasoit ce quilz parlent Allemant. Et que ladite cité Impériale de Mayence, iadis fondée par les Troyens, soit de France Orientale, appert par autres vers de lacteur dessusnommé, qui dit en parlant dicelle :

Nanqne premens Rhenum (si credimns omnia fam») Nomen ab infuso recipit Moguntia Mogo. Hsec vrbs Francorum mediis in finibas : agris, UitibuB, arbastis, populo generosa frequenti.

tlMTLAmiTBZ M TEOTB. LmM m. 471

Hinc statioiie tua Rhenam contingit, at inde Extendit rapidam finet procal Ttqne Mosallam.

Oultre le Rhin, et vis à vis du terrritoire de ladite cite de Majence, est le païs quon dit en Latin Franconia : seu OfientalU Francia. En la langue d*Allemaigne cest Frano- land, qui signifie en nostre langue païs des francz. Dont la cité capitale e^t nommée en Latin Herbipolis et en AUemant Yuirtzburg, de laquelle cité leuesque est seigneur temporel et se intitule, Duc de Franconie : et quand il célèbre messe, il ha lespee nue sur lautel. Aussi est audit païs la bonne ville de Francford, tresriche et bien marchande, en laquelle il se fait tousiours lelection des Empereurs et des Roys des Romains : laquelle cité de Francford fut fondée et construite par lempereur Charles le grand, comme on peult coniecta- rer par les vers qui sensuiuent du poëte dessusnommé :

ConaeaiuDt proceres, totius Tisoera regni, Sede satia nota : rapido qu» proxima Mogo Clara situ, popaloqne frequens, marisqoe dacora est : Sed rade homen habet. Nam Teatonus inoola dixit Franconefurt, nobis lieeat sermone Latino Franconim dixisse vadam : quia Carolas illic Saxonaa indomita nimiam feritate rebellai Oppngnans, rapidi latiMima flamina Mogi Ignoto fregiise vado, mediumqae per amnem TransmitiMe saat neglecto ponte cohortes Creditnr : inde loois mansaram nomen inhntit. (1)

En ce mesme païs de France Orientale, oultre le Rhin, y ha plusieurs autres grosses citez, si comme Bamberghe, est enterré Beranger, vsurpateur du Royaume d'Italie,

(1) adhéBHtWi. 1513 et 1528).

47S ULnTftAllOflt M OàTLB» BT

prins et vainca par lempereur Othon, pranier de oe nom : ainsi comme Didier, dernier Roj des Lombards, fiit prins par lempereur Charles le grand, et Ludooic Sphorse, Doc de Milan, par le Roy Loys douzième. Ooltreplns est en ladite France Orientale, la grosse et forte cité impériale de Nnrembergh, limitrophe de Baaiere, aaqnel lieu et aux enoirons furent deflaites les légions Romaines du temps de lempereur Octauien Auguste, dont il eut si grand dueil, quil en cuida mourir : comme est dit au commencement de ce liure. Et en icelle cité de Nurembei^h, on garde solen- nellement la palle, (1) lespee, le sceptre, la pomme dor et la couronne impériale de Charles le grand. Lesquelz nobles loyaux ne sont iamais bougez de là, sinon à la première coronnation dun nouuel empereur, ou Roy des Romains. En oultre, sont en ladite France Orientale, plusieurs autres bonnes villes, fondées par les Troyens, comme il est touché au commencement de ce liure.

Et deçà le Rhin, aussi bien que delà, habitèrent les pre- miers Roys de France, comme il appert par les anciennes histoires et fondations. Clouis, premier Roy des François, fonda la cité d'Argentine, quon dit ores Strasbourg, pro- chaine du Rhin, au pais d*Alsate, la cité cathédrale, ou episcopale, de saint Pierre : et vue autre collégiale, comme disent et escriuent ceux du païs mesmes. Et iusques au- iourdhuy, les bourgeois de Strasbourg marquent leur mon- noye dargent dune fleur de lis. Dagobert, filz de Clotaire second de ce nom, qui voulentiers se tenoit en ce mesme quartier, fonda la riche abbaye de saint Pierre, de Vuis- sembourg : laquelle ville est à huit lieties d'AlIemaigne, de ladite cité de Strasbourg, en tirant aual le Rhin. Et au

(I) de paUiumf manteau.

SlMTLâMTtt BB tMOttL* UfBB VBL. 475

portai dadit lUMlaatert lOttt escrits «ntre autres ehoses las Ters qai se&stiiaent, dont ie prins la copie, quand ie y eatoye. Si sont graues en pierre et parlent en la personne du Roy Dagobert, dont la représentation est iUec esleuee, disant ainsi :

Rom» Francoram Dagobertas rex dominoram, Pollicitos votam Christo qaod compleo totum, Aocipis hoc donum, Petre, faciamqae patronam : Vuifiaêmboai*^ dono tibi, sancte Petre, patrono. De teaia c«rtoa ego rex hilari« Dagobertoa. Aimo domlni ti. c. xxin. dominaa Dagobertoa Rax Fraaoorttti fîinda-

oit monasteriom Yniaeembnrgenae.

le pourroye alléguer assez dautres semblables preuues, lesquelles iay veiies et extraites en Allemaigne» tant deçà comme delA le Rhin : et en nostre Gaule Belgique : mais à fin que trop grand prolixité sur vu propos nengendre ennny, il vaut mieux icy clorre le pas. En disant fin de fiûre correspondre les dernières choses aux premières) que lintentîon des deux premiers liures des Illustrations de Gaule et Singularitez de Troye, nha esté produite pour autre chose, sinon pour illustrer les deux Frances : oesta- sauoir, Orientale et Occidentale* Et pour monstrer quil ny ha nation au monde, qui ayt perseueré en sa noblenie» de toute antiquité, iusques à ores« que les Fraftçois Orientaux et Occidentaux : ce que nous auons Teu par ce liure.

Or Yueille Dieu, que de. nostre temps les armes de ces deux tresnobles et trespuissantes nations se puissent ioin- dre paeiSquement ensemble, pour recouiirer leur héritage de Troye, lequel possèdent les Turcz. Bt Dieu mercy, nous en voyons desia quelconque ooniecture et apparence : car les AUemans, que nous disons Lansquenets, qui sent les

<474 UATSTIATIOHS DE GAVLK, ET

TrajE François Orientaux, militent auiourdhny, et sont souldoyers en bonne estime de hardiesse et de loyauté, sooz le Roy treschrestien, Loys douzième. Et se commencent ces deux nations à sentreaymer, et sentreaccointer, par société bellique : comme ilz faisoient du temps de lempe- reur Charles le grand. Lequel seigneur Roy Loys douzième est en plusieurs choses comparable audit empereur. Et mesmement en ce quil ha restitué par force darmes à leglise Romaine la plus part du patrimoine que ses prédé- cesseurs auoient donné au saint siège apostolique.

Touchant la généalogie des Turcz et de leurs gestes ius- ques à nostre temps, et la géographie, cestadire description de la terre de Turquie et de Grèce et des isles circonuoi- sines, laquelle chose par mes deux autres liures, iauoye promis monstrer bien clerement, en ce troisième, ie seraj excusé de non lauoir fait : i cause de ce que iay trouué matière assez ample pour remplir ce volume. Mais iasoit ce que telle œuure et entreprinse que iay promise et non acheuee, soit difScile et de grand labeur et inuestigation, neantmoius quand il plaira à noz souuerains Prince et Princesse men donner le commandement et loisir, iaccom- pliray ma promesse et macquiteray du vœu solennel que ien ay fait, sur le grand autel de S. Pierre de Romme pour le bien publique de toute la Ghrestienté : et pour lensei- gaement, guide et soulas de tons nobles hommes, qui se voudroient armer pour aller en Grèce et en Turquie, quand le cas escherra (si Dieu plait quelque iour) que par lunion des Princes et lautorité du saint siège apostolique, le grand passage et croisée vniuerselle sera ouuerte et publiée. Laquelle chose, Dieu nous doint voir de nostre temps, et en donner la grâce et le vouloir à noz Princes : car ilz en ont bien le pouuoir, ausquelz et à leur tresnoble lignée et

SINGVLÂRITEZ DE TEOTB, UVEI m. 475

alliance Diea vueille tousiours donner prospérité, bonne valitude et félicité par tous les siècles presens et aduenir. Et à vous tous, nobles lecteurs et auditeurs, plaisir et pas- setemps de ce liure, sil vous agrée. Accompli en la cité de Nantes en Bretaigne, au mois de Décembre : lan de grâce, mille cinq cens et douze. Duquel liure la closture sera dun des yers de Virgile, qui dit en la personne de Helenus, fllz de Priam, parlant à Eneas :

Vade agè. et ingentem fatit fer ad mtUra Tnnam. Va mon liare, et fais tant, qae de Troye finee, La grandèor monte aux cieux, par bonne destinée.

Fm DV TROISnSMB BT DBRNISR LIVRB DBS ILLVSTRATIONS DB OAVLB, BT SINOyiARITBZ DB TBOTX.

De peu assez.

TABLE DES CHAPITRES.

LIVRE II.

Prolog^ do seeomd liore 1

Les noms des acteurs allègres em ee seoond livre 6

Chapithb I. Narration du retour da Prince Antenor de Grèce, aaeo recitation de lezploit de son ambassade. Da con- seil donné par Paris Alexandre sor ce, et de lappareil ftM pour aller en Greoe, par le oonaenteMent dn peuple de Troje, et an contredit da Priaee Paotkos, Heleaus et antres. Dn partement de Paris, Delpkobaa, et lenrs eompaignoM. Bt im congé prina par Pana de sa aosftpaifne lu Nysiplie ^sg«sia Oenoae. Aaeeqnea ^ne SKtlaMation eontve kaeaglee emprise

da Roj Prias 9

Cbapitrb II. ^ Explication dere et ample de la généalogie de la Mie Heleine : et de son premier ranissement Adt eo ieanease par Theseaa Roj d*Atàettea : et comment atts art recouvrée par ses frarea Castor et PolkuL, samginite saua x

selon la fieamins apinios 21

Cbàpitrb m. p Dn grand noaiëre dee Prinesa qui éeauuiderait en mariage la pnodie ^eleine, aprea son veaowneaisMty fonr la singuliera beauté délie. Bt qui fut oelwf q«i «ot la pif» miere despMdlle de son pusiiiago aoant la marier. Auee ua»* ration du chais, que se» pave U Roj Tyi^daras^ lui baiBu plusieurs Princes. Bt comme elle eslut le Roj MeneUraa da Lacedemone, à seigneur et mary : 81

478 YàMM

Cbaprh mi . » DtmoBitrtticm la gtMttogit da Roj M< law. Bt comment il «ai de ta fimme HekiBa me fille nommée Hermione. Bt dee anentnree de ladite Hermione. Bt anid de edOee de Caetor et Pollnx, fireree germaine de ladite Heleiae. 38

CsAPima y. Proeeqnntion do nanigage de Parie, Délphobna, et lenre oompaignone : et de la délibération par enz prime enr le ranieeement d*Heleine. De leur premier aborder en Unie de Qjrtheree. Bt comment ils feront reoenx en Laœde- monot par le Roj Menelane, eona tiltre dambaeeadeora. De la propoeition fidte par Paris, et dee dons oifers à Menelaos 43

OBAPimi VI. > Dn premier regard qne la Royne Helelne ietta sur le bean Paris Alezaadre. Bt de la gracieuse reeponse qne le Roj Menelaos Hiit anx ambassadeors feintifk. Dea dona qne Paris donna à Heleine : et de la bonne chère qne Int lûte à Iny et à eee con^Mignons. Bt anssi narration legoM dea premieree sccointanoes et semblaas conoers de Paria à Heleine : et comme If enelaits à son département, ponr aller en Crète, recommanda eee ehoeee à sa femme Heleine 53

Cbafitm vil Reeltation dn coneeil prins par Paris Alexan- dre, aneo eon firere Delphobns et eee compaignons, et le capi- tsine de eee naoiree, toochant la eondoite dn nraissement de la Royne Heleine. Bt les preparatines snr ce. Bt comment il tronna msniere de gaigner denz de ses damoiselles : lesquelles portèrent secrètement lettres missiaes dan costé et d*aatre. Anec narration briene et sommaire do contenu deeditee let- tres (ffi

CnAPimi VIII. De la dépopulation et robement de la dté de Lacedemone, et des treeors do Roy Menelaos, et rauissement Toluntaire de la Royne Heleine : auec deeignation du pre- mier lieu, auquel Paris et elle se ioingnirent ensemble : et des larmee dicelle, dont fut procréée Iherbe appellee Hele- nium, qui sert à la beauté des dames. Du pillage fait en lisle de Cytheree. Bt comment ils partirent dillec : et furent ponr- suiuis par Osstor et Polloz et erreront en mer, sans sancnr tenir le diemin de Troye. Auec Tne inuectioe contre Paris et Heleine 74

GiuprrRi IX. Narration de la mort fortnite dea deoz bas-

DIS GUPITEBS. 47ft

tards Priam, et de la Nymphe Etperie» et du daeU de Priam et dei siens, mesmement de la Nymphe Oenoae, tant à oeste caose, comme poar le long seioar de Paris. Et des deoises et TSticinations de Cassandra. Ensemble recitation daocanee fsbles. Et aossi de loccnpation Yertaeose de ladite Nymphe Oenone, et de la beninolence que Priam et les siens aaoient à elle 85

CHia»iTRi X. Explication da partage fait par le Roy Mene- lans aaec ses coosins les Roys de lisle de Candie, et antres» touchant les trésors et sncoessions de son oncle maternel Atrens descenda de Minos. Et comment Iny estant illeo, non« aelles lay Tindrent du raoissement de sa femme Heleine. De son retour en Lacedemone : et de lambassade ennoyee à Troye. 93

Chapitrk XI. Des erreurs de Paris, faits en mer depuis son partemeat de Çytheree : et comment par foroe de tem- peste il arriua en lisle de Cypre, et dillec fut transporté en Syrie, laquelle est amplement descrite : et pilla la cité de Sidone, et tua traytreusement le Roy dioelle son hoste : et de la vengeance qui depuis en fut faite par ceux de Rhodes , 99

Chapitrk XII. Du retour de Paris à Troye, aueo Heleine : de la Taticination de Cassandra, du dneil de la Nymphe Oenone, et comment elle laissa Troye, et sen alla demeurer à Cebrine : de la réception d^Heleine : et du mariage délie auec Paris. Et comment le penple sesmut et laboura à ce que Heleine fnst restituée à son mary, et aux ambassadeurs de Grèce. Et par quel moyen il y fut obuié, tant par Paris et Delphobus, comme par Hecuba et Heleine. Auec récitation du danger duquel les ambassadeurs furent presemes par Antenor. Et du partement diceux 109

Chapitrb XIII. Description du deuil extrême de la noble Nymphe Pegasis Oenone, et des piteux regrets quelle feit. Et aussi des lettres quelle enuoya à son seigneur et mary Paris Alexandre, sans en obtenir response. Du diuorse quil feit aueo ladite Nymphe. Et de labolition des Tertns primitines dudit Paris. Ensemble de la maison somptueuse qn'U feit fkire. 1 19

CHAPrriiB XIIII. Récitation faite par les ambassadeurs de Grèce, retournes à Lacedemone, de leur exploit. Et de la de*

no YàMM

tirmlntfmifMliiQMeipriBdNBtàM^Migtr. D«U do gnmd uraiMit, ^(m 1# pPMÉti OtldMH hnr Ml fidiv tBMBUav «t laon propnvtlMi. Bt eaMOMMl ib Mndgs*- rittl prtHAtrtflMBt fawqiiM à UpÊiê pm Tmy : «1 poli MB ritooniêrtAt m Chrtot. Bl poii towehrf nig— wl à Troji, •! piiadrast U portât SIgoo, ol ootroo obooM : nto- nomoBt^ par qool mojiii ils oomitoB loonmiiMi lonfiort Pdlydonw flli logitimo èê Priaa ol MnbI phnloon ooa- qoootoo . 190

Cbapitbi XV. DolomboMHulo enoojoopar biOrooiàTroyo, pour oAiP do lODdPÉ PolydoraOf en roooQonun HoMbo* si ooBUBOBt 11 y Itat ooBtrsdU por ABBiDoohoo ooifooipo A bnoo daxfOBi par Parti. Anoo roeKatiott du boa oooaoil do aago Paathoo : do la roopooio d'Hootor ol d*Baoao. Li^nkNi do dooz aeCoon tooehant ladilo ambaaaado : do raloor dioello OD lannoo ; ol do la mort do Toofuit Polydorao. Bt aood do dobot 'mon ontro AohiUoa ol AgamoBUMW, A eaooo do la Mlo Briooto : ol do la ioooiido bataille, dool Héotor oot lo piTo 141

OsàPirma XVI. NarraHon d'oBo iourseo aaaigBOB po«f b»- taillor, oBtro ko Qrooi ot loa TroyoBo. El do la oooardloo do POria OBCOBtro MoBolaoa : do laigro roprahoaoioa qoo Hoelor I117 foit à ooato oaoao. Bt coramoBl Paria aoiRit à oomboUo ManoUoa oorpa A eorpa. De la forme dei eooiienaBOêo aor 00 prinaea. Et comment à Helelne retourna le deeir de son pre- mier Biary. Bt des deoises dn Roj Priam anec ladite HeleiBO. 152

Cràpitbb XVn. Redtatfon de la sumeniie da Roy Priam an camp : des cerimonies fidtes tonchant le pact dentre les dooz armées. Bt dn combat corps à corps fttit par Paris coBtro Menelaus. Comment la Déesse Venas sanna Paris, et dos roproobes que Heleine Inj en feit. Anee exdaaiatioB snr las flotioBs da poOte Homère, et des antres faits de Paris pondoBl lagoerro 161

Châpiteb XVni. -^ Des oonnenaBoes rompnes obIto les dovz osts, ol do la bataiio roBonnoUeo par Pandaras do Ljpoio : dea graBds prooesses d*Heelop ï deo trônes priasse oaifo les armoea, ol do la reooneOiatioa dTAchillea aneo AgaaMaraoB. CommoBl ledit Aebilleo aoBamonra de Po^jrxeBo : reoMatioii

DIS GHAPITEBS. 481

la mort da Roy Sarpedon do Ljcie : «C aasii de colle do Patroeloi do Mjnmdone» qui fat taé par Hector, et aatrea choeee 171

Cbapitbb XIX. Déclaration do la mort d*Hector, et doe diaereeo opinions d*icelle. Do la ornante dont Achillei Tia enners le oorps dndit Hector. Comment Priam le nnt rache- ter pour lenaenelir. De la saruenne de Pentheeileo, et do Memnon nenen de Priam. Bt de la mort do tons deux. De linntiiité de Paris, quant à la conduite do la guerre. Et de la mort de TroXlos 180

CHÀPiTas XX. EzpUaation do la mort d*Achille8t selon diaerses opinions. De la suruenuo do Pyrrhus en lost des Grecs. Et d*Bnrypylus de Mysie en lost des Troyens. Com- ment Helenus fut prins prisonnier. Auec recitation des six Destinées, quant à la prinse on garde de Troye. * ... 180

Chapithb XXI. Répétition de Ihistoire de Philoctetes, et des saiettes d* Hercules. Du combat corps à corps, fait entre Paris et ledit Philoctetes : et de la mort de Paris : auec recitation de diuerses opinions sur îcelle. Comment son corps fut porté à Cebrine. Du grand dueil que sa femme la Nymphe Oenono en mena : et comment elle mourut sur ledit corps : et furent ensepnlturez ensemble Ih8

Cbapitbb XXII. De lesmotion des seigneurs de Troye contre Priam. Comment Délphobus espousa Heleine, de peur quelle ne fust rendue aux Grecs. De la traldson menée par Antenor et Eneas. Et comment Heleine feit moyenner son appointo- ment. De la paix fourrée faite par les Grecs. Du grand chenal offert à la Déesse Minerue. De la prinse de Troye : et de la cruelle mort de Delphobus procurée par Heleine : auec lex- clamation contre icelle. Et aussi de la mort des deux enfans de Paris et Heleine 210

Chapithb XXIII. De la mort misérable du Roy Priam : et seruitude de la Royne Hecuba, Cassandra et Andromacha. Comme Aiax Telamonius fut dopinion quon feist mourir He- leine, mais elle fut rendue à Menolaus. De la mort de Polyxene et de sa mère Hecuba. Des gestes de Menelaus et de ladite

Heleine, après leur partement do Troye. De la nouuelle Troye II. SI

482 TABLK

fondée rar le itoirae 4ti Nil. Repelitioii de Tiepolemve Roj

de Rhodee : et dee opittioni de la aiori d*ieelle Heleitte .221

Chàpitei XXIIII. Gomment Heleine apree ea mort fat repnfae Deeeee de beauté par la folle erreur des Payena idolâtrée. Bt dee templee qui forent eeleoei à Ihonneor délie : anee récita* tion danenne folraleaz ndraolee foite par elle et e0a freree Caa- tor et Pollnz, qoi eont par lee PeMee mie an cerele dn mdiaqve foieane le eigne de Oemini i et aotree ohoaea f30

Chapitrb XXV. Gonelneion et confirmatieii véritable de ee ■econdlinre, parla confotation et ezplanation da liiune de DIott de Prnee, qui ee iatitnle de Troje non prinee i anecqaea ample probation eomment Laotenr ba eniay en eeirte biefeire ke Traja aeteim aatentiqaea (96

LIVRE ni.

Prologpre dn troisième litre 247

Lee nome des actetrt q?! eont nommes, et allegvei en ce liTre. 253

Difiaion de ce liare en troie partiee 259

Gomment le nom dee Pepine est le ploe antiqne de toœ cens da sang da grand Hercalee de Libye : lesqneli après ledit Hér- on les ont régné en Gaale, on en France 261

De Pépin Prisqae, premier de ce nom, en ceste Généalogie : et de son filz Atho le ieane, lequel donna on eschanga à Dardanna le territoire depuis il edefia la grand cité de Troje. . . 262 De Pépin, Roy de Toscane, second de ce nom, en ceste Généa- logie, lequel regnoit en Italie, da mesme temps qae Fraacne,

filz d'Hector, vint habiter en Gaule 265

De Francus, filz d'Hector de Troye. Lequel Francus fut Roy de la Gaule Celtique. Et quelz princee de son sang regnoient en Europe, quand il y arrioa : mesmement du Roy Rbemua qui fonda la cite de Rheims en Champaigne : et de Baao, cousin germain de Priam, lequel dominoit deslors sur vne partie de

Gaule Belgique * 267

Icy est respondu à plusieurs arguments et obiections qui ee ponr- roient faire contre la vérité de ceste histoire, et sont tontea les solutions prouueee par acteurs aatentiquee 269

DES CIUP1TRBS. 483

Dereehef, est iej responda à aacanes contradiotioi» eeita liiatoire . 272

De LaodamaSy filz légitime d*Heetor, leqael comme il est Traj- semblable eot deux noms : car il fut aussi appelle Francas . 274

Comment Helenos frère d*Hector et ses saccesseors régnèrent en Tne partie de Grèce, qaon dit maintenant Albanie et Esclano- nie : de laquelle lignée jssirent depuis aucuns Empereurs de Romme, mesmement Constantin le grand 276

Du Roy Bauo, cousin germain de Priam, qui régna en Qaule Belgique, incontinent après la destruction de Troye et fonda la grand cité de Belges, selon les chroniques de Hajnau. Et de la primitiue et très-ancienne fondation de la cité de Treues en Gaule Belgique : fut adoré le premier Idole . 283

Comment le Roy Bano, fondateur de la grand cité de Belges, meit en ruine la cité de Treues : pouroe que la seigneurie de Treues luy demandoit tribut dauoir fondé et prins habitation en leur territoire. Et des quatre Ducz dudit Roy Bauo, des- quels chacun fonda vne cité en la Gaule Belgique .... 290

De Bano Belginens, filz et sncoessenr dudit Roy Bauo premier de ce nom, au temps duquel, Brutus vint en la Gaule Armo- rique : et fonda les Bretons et la cité de Tours. Et comment autres Princes Troyens vindrent en diuerses parties de Gaule et de Germanie, et constituèrent plusieurs nobles maisons, peuples et citez : mesmement de lantique noblesse de ceux d*Auuergne et de Chartres, prouuee par acteurs autentiques : et comment il y auoit anciennement en France Tne cité nom* mee Bretaigne 295

De la grand antiquité, force et renommée des Sicambriens et François, prouuee par autorités publiques, trop plus que les chroniques de France nen font mention : et comment il y auoit deux nations Sicambriennes, et des fondations des cites faites par eux. Puis est prouué suffisamment, que les anciens auteurs ne nommeront iamais les François sans les Sicam- briens, auec autres nations leurs voisines et alliées . . . 300

Sênsnit la situation de la grand cité de Sicambre, iadis fondée par Francus fils d'Hector, en Pannonie, sur le grand fleuoe Dunoe. Et commept depuis vn Prince nommé Buda, frère de

484 TABLB

Attila, Koj àm Hods, changea aon nom à ladite dté de Sicam- bre, et la nomma Bnde en Hongrie 906

Raison frajeembUble, parqnoj les Trojens sons leor Roj Fraa- euR, snrnommtf Laodamas, et ton iili Sieamber tarreeterent plnetot en Pannonîe, qnon dit maintenant Hongrie, qoe en quelque antra contrée. Et dee Princes dadit pals, qai ftirent pressas an ranissement d*Heleine, et Tindrent depuis au se* cours du Roy Priam à Troje. Et comment les Gaulois de nostre nation de pardeça cuiderent aller secourir Troje, mais ilx la tronuerent desia destruite 317

De Menapins, Roy des Gimbres, Belgiens et Tongrois, qui ftit père de Gbdefroy : surnommé Karle 323

Déclaration des Princes et nations qui conspirèrent contre les- dits Romains auec les en&nts dndit Roy Menapius. . . 385

Désignation dune autre raison ou opinion, pourquoy leadits peu- ples partirent de leurs marches et enuahirent les Romains, et des premières victoires qnilz eurent contre eux .... 326

De la deffaite do Roy Teutobochus le Qeant, auecques ses Am- ^ brons et Tigurins, qui demeurèrent auprès d^Aix en Pro- ' uence 389

Comment la bende des deux frères Teutonius et Claodic, Roy des Cimbres, entrèrent en Italie à force et maugré les Ro- mains 332

De la merueilleoie bataille entre les Romains et les Cimbres : et de la deffaite desdits Cimbres par la subtilité des Romains : et de la forte bataille quils eurent contre les femmes . . . 334

De la craelle et noble mort des femmes des Cimbres : et de la tierce bende dont depuis yssirent les Gk^ths, qui bien se yen- gerent des Romains : et diceux Ooths extraits des Cimbres, descendirent les anciens Roys de Boorgongne et d'Espaigne. 336

Comment après la deffaite de Teutonius et Cloadic, Roys des Cimbres, Léon le quart, leur frère, fat occis par les Saxons. Et son frère et successeur Godefroy surnommé Karle, chassa dauprès de luy son fils nommé Charles Yoach 338

Comment Charles Ynach milita pour les Romains, en la guerre do Roy Mithrîdates, et amena pardeça Tue des sœurs de Iulius César : et de limposition du nom de Valenciennes .... 340

DBS CHAPITRI8. 485

Comment CharlM premier de ee nom en eeste généalogie, inr- nommtf Ynach, régna à Tongrea aprea la mort de aon père Godefroy Karle, et fat occia en bataille par Inlioa Ceaar, son beao frère. Et est anaai dedgné le tenement de Ambiorix, Roy des Ebnrons 343

De la treinoble et tresantiqne généalogie des Brabons, et de lear blason qui fut tel, que le porte aaionrdhoj la maison d*Aus- triche et de Lothric 345

Comment la Rojne Germaine surnommée Suuane, vefue du Roy Charles Inaob, fut recongnne par lulius César son frère, au moyen dudit Cheualier Salnina Brabon : et de la vraye histoire du Cygne de Clenes 347

De la première institution de la duché de Brabant donnée en douaire par luUes César, à sa nièce, fllle de Charles Ynach : et du Royaume de Coolongne donné à Octauien Germain, du- quel la nation Germanique porte le nom : anee epilogation de la haute noblesse dudit sang en ceste généalogie . .351

Daticunes fondations de Tilles fiâtes par deçà par lulius César, du Géant d'Anuers, et du Dieu Priapus qui y estoit adoré : de la donation de la marche Romaine, et de la mort de Sal- uius, premier Duc de Brabant 353

Du règne et des gestes d*Ootauien Germain, Roy des Agrippins ou de Conlongne, filz de Charles Tnach 355

De Charles second de ce nom en ceste généalogie, surnommé Brabon, Duc de Tong^es, de Brabant et de Thuringe, et Roy de Coolongne, et daucuns autres ses successeurs, iusques à Charles le Bel. Et de la fondation de plusieurs Tilles et citez en ce quartier * 356

De Charles troisième de ce nom en ceste généalogie, surnommé le Bel, et de la grand bataille qui fut donnée contre Attyla, Roy des Huns, en laquelle mourut Gundengus, premier Roy des Bourguignons 361

Du Duc Lando, qui premier laissa les Romains et sallia aux François, comme ysau de leur sang 363

Du Duo Austrasius, lequel fut cause de fidre baptiser Clonis, Roy des François, ce que nauoit encorea peu fidre sa fbmme la Royne Clotilde de Bourgongne 364

486 TABI.B

Des limites do Rojanme d^Aoetraaie, ou d^Anetrieha la voisine da Rojaame de Boargongae 366

Conclusion da premier traicté 366

Le second traicté da linre intitulé la généalogie historiala de lempereor Charles le Grand 367

De lancienne estendne da Royaome de Booigongae, et de ses limites proaues par Acteors autentiqaes . ; 368

De la meraeiliease antiquité des Rojrs de GermaniOi desqoals furent iadis extraits les Roys de Boargongne 372

De Tujscon le Qeant, premier Roy de Qermanie et fils de Noé, et des antres Princes de sa maison 373

Du pals d'Vuandalie en Allemaigne : et des gestes des Yuan- delx, commençant enuiron le temps de linoamation de nostra Seigneur. Et la cause poorquoy Tne partie dioeax forent pre- mièrement appelles Bourguignons 381

Des gestes des autres VuandeU et de Stilco» Prinœ de lear nation, qui secrètement incita les Boorgnignons, Voandela et antres nations à enaahir les Qsuies. 382

Comment les François, vne autre nation d* Allemaigne, forent rebootes ooltre le Rhin par les Ynandelz, Boorgoignona et Alains. Et lesdits Bourguignons eslurent leor demeore an psXs qui maintenant porte leur nom : et les antres pssserent ooltre, dont les Vuandelz donnèrent le nom an pals d'Voan- dalousie en Espaigoe : et les Goths et les Alains ao pals de Cathelongne 387

Comment les Bourguignons encores Gentils et Payens recourent la foy catholique : et la cause pourquoy : et de la victoire quils eurent par ce moyen, alencontre des Huns, qoon dit maintenant Hongres . . : 388

Confutation de lerreur de ceux qui cuident que du temps de la Magdeleine il y eust aucun Prince qui se nommast Roy de Bourgongne. Et de la vérité de Ihistoire du Roy Gundengos qui premier fut institué par les Bourguignons : et de ses gestes. Lequel Gundenprns estoit de lancienne noblesse des Goths, dont les Roys d'Espaigne se disent auiourdhoy estre yssoz 392

Des qoatre filz de Gundengos, premier Roy de Boargongne :

DES CHA^fTRBS. 487

eestaaftaoir Gundeband, Gonderigil, Ghilperio et Oothmar : lesqnelz régnèrent par ensemble en Bourgongne après lenr père. Et de la guerre qse les deox frères eurent contre les deux antres à cause de la succession 397

Du règne de Gundeband et de GundegisO son frère : et daucuns de leurs gestes 308

Comment Clotilde de Boorgongne appetant la vengeance de la mort de son père et de sa mère, consentit secrètement destre rauie par Clouis, Roy de France 399

Des deux requestes que Clotilde de Bourgongne, Rojne de France, feit premièrement au Roy Clouis, son mary : et de leffect dicelle quant A la guerre, contre son oncle Ghindebaud. Et de la mort de Gundegisil, son antre oncle, qui tint le purty des François 403

De saint Sigismund, troisième Roy de Bourgongne : et de Gon- demar, on Gondeual, son frère. Et comment la Royne Clotilde fût cause de leur deffaite : et de Clodomir, Roy d*Orleans, qui feit mourir cruellement ledit Sigismund, Roy de Boor- gongne * 407

De Gondemar, quatrième Roy de Bourgongne et dernier de la Kgnee des Goths, et comment au pourchas de la Royne Clo- tilde, sa cousine, il fût totalement destroit : et le Royaume de Bourgongne Tint en la main des François. Et de la mort du Roy Clodomir d*Orléans 410

Comment Theodoric, Clotaire et Childebert, enfans du Roy Clo- uis de France et de Clotilde de Bourgongne, tindrent ensem- ble le Royaume de Bourgongne : et de la mort des enfkns de Clodomir, Roy d'Orléans : et aussi dndit Childebert, Roy de Paris 41*

De Theodoric, cinquième Roy de Bourgogne et anssi d*Anstriohe la basse et de Thuringe, et de see gestes 414

De Theodebert, sixième Roy de Bourgongne et d'Austriche la basse, qui aucunesfois ha esté nommée France Orientale .416

De Theobald, septième Roy de Bourgongne, et de ses gestes en ItaUe 416

De Clotaire premier de ce nom, huitième Roy de Bourgogne, de France et d'Austriche la basse : lequel espousa U femme

488 TABLE

de ton frara Clodomir, lUy d*OrUaii«« 418

CoDoluion de ce eecond tnâoté 421

Le troieieme tnioU da liare intitolé U généalogie hiitoriaU de

lamperear Gharlee le gnmd 422

De Giarlee quatrième de ee nom en oeete généalogie, aornommë

. Naeon, Doc de Tongree, de Brabant et de Thoringe, et fila

dn Doc Aofltrasioi, qui donna le nom an Rojanme d*Aaatriclie

la baaee : comme deeana eat dit 423

De Charles dnqaieme de ee nom en oeate généalogie, aornommé Haibain. Et comment il fat enaojé ambaaiadenr deaera lem- pereor loetinian : et perdit la Marche de deeana Leacanlt^ ponr faire eemice an Roj Theodebert, d*Anatriehe la baeee

et de Bonrgongne 424

Coaunent le Duc Gharlee Haihain, comme prœnrenr et ambaa- iadenr do Roj Theodebert, feit hommage dn Royanme d* Ana- triche la basse, on de France Orientale, à lempereor Inati-

nian, et de la reste de Texploit de aon ambassade 427

De la postérité dn Dac Charles Hasbain 429

Comment Anselbert le Sénateur esponsa Blitilde, fiHe dn Roj Clotaire, et rint prendre la possession de la Marche dn saint

Empire sur Lescanlt ^ . . 490

De la tresnoble et tressainte génération qui deecendit d* Ansel- bert le Sénateur, premier Marquis héritable de la Marche du saint Empire sur Lescault, et de sa femme Blitilde, fille

du Roy Ciotaire 431

Amonld, filz d* Anselbert le Sénateur et de sainte Blitilde . 431 De saint Arnulphe, filz dudit Arnould, et de ses enfans . . . 431 Du Marquis Anchises, filz de saint Arnulphe,^Euesque de Metz. 432 Du Duo Pépin Heristel, filz du Marquis Anchises et de sainte

Begga, et de ses gestes 1 433

Des guerres que Pépin Heristel, père de Charles Martel, eut contre Ebroyn le tjrant, Prince du Palais de France, et

contre Gislemar, aussi Prince du Palais 434

Comment le Duc Pépin Heristel desconfit en bataille le Roj Theodoric de France et Berkaire Prince du Palais : et fut

Pépin eslu A ladite Principauté 437

Des autres gestes du Duc Pépin Heristel et de see enûms . . 438

DBS GHAPITEBB. 489

De Charles cinquième de ce nom en ceste généalogie, Burnommé Martel, père du Roy Pépin le Brief et ajenl de lemperenr Charles le grand .... % 440

Comment le Duc Charles Martel, après quil fut eschappé des prisons de sa Marastre, recouura la Principauté du Royaume d*Austriche la basse et aussi du Palais de France .... 441

Comment le Duc Charles Martel creoit les Roys de France à son appétit : et comment il se vengea de sa marastre Plectrude, et conquesta le Royaume de Bulgarie, oultre la Dunoe, et la plus grand partie d'AUemaigne, cestasauoîr Saxone et Bauiere . 442

De la merveilleuse victoire que le Duc Charles Martel eut contre les Sarrasins : lesquels Eudon, Duc d'Aquitaine et de Gas- congne, auoit amenez en France. Et comment il donna les dismes des églises aux gentilz hommes 444

Comment le Duc Charles Martel conquesta le Royaume de Bourgongne, la Duché d'Aquitaine et de Gascogne, et depuis le Royaume de Frise : et vainquit les AUemans sur le Rhin, et les Goths et Sarrasins en Prouence, et en Aquitaine : et de ses autres gestes 446

De Karloman, Duc d'Austriehe la basse, quon dit maintenant Lothric, et Brabant, Soaue, Allemaigne et Thuringe : lequel après plusieurs victoires se rendit moyne 451

Du Duc Pépin surnommé le Brief, troisième de ce nom en ceste généalogie. Duc de Bourgongne et d'Aquitaine, Prince du Palais de France : et des autres successions qui luy accreu- rent à cause de son frère aisné Karloman deuenu moyne. Et aussi des guerres quil eut contre son frère maisné Gri£fon . 453

Comment le Duc Pépin le Brief fut institué Roy de France, par le consentement des Barons du Royaume, et par lautorité du Pape Zacharie au desauantage de lancienne lignée de Mero- ueus : et des terres que le Roy Pépin donna à leglise Ro- maine : et autres de ses gestes 455

Narration comment les successions des Princes se muent et changent par la prouidenee diuine. Et comment le sang de Lempereur Charles le grand fut depuis reQny et réintégré, ou réitéré, en la famille des Roys ti*eschrestiens, iusques auiourdbuy, par ligne féminine 459

480 TÂBLB DIS GHAPIT1B8.

Dm terres que le Koj Pépin et see saoceeeeiin Empereom et Rojri de Prtnoe, Charlee le grand et Lojrs !• débonnaire pre* mien de ces nome, donnèrent et confermerent à legliae Ro- maine, ponr leeqneli méritée et antres, eox et lenn aacces- •eors sont nommes Treschrestiens .•••;•••• 466

Peroration de lacteor ans nobles lecteurs et auditeurs de oe liure. 468

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