MOYACE AUTOUR DU MONDE. Exécuté par Ordre Du Roi. IMPRIMERIE DE FIRMIN DIDOT, IMPRIMEUR DU ROI, RUE JACOB, N° 24. VOYAGE AUTOUR DU MONDE, Exécuté par Ordre Du Roi, Sur ln Corvette de La . Mupeste. Je Coquifle> ; endan RS 2 annees 1822, 1823, 1824 | 1825, SOUS LE MINISTÈRE ET CONFORMÉMENT AUX INSTRUCTIONS DE S. E. M. LE! MARQUIS DE CLÉRMONT - TONNERRE, MINISTRE DE LA MARINE; Et publie sous Les auspices DE SON EXCELLENCE M°* LE C" DE CHABROL, MINISTRE DE LA MARINE ET DES COLONIES, PAR M. L. I. DUPERREY, CAPITAINE DE FRÉGATE , CHEVALIER DE SAINT-LOUIS ET MEMBRE DE LA LÉGION D'HONNEUR , COMMANDANT DE L'EXPÉDITION. > D 66-00 a Zoologie , PAR MM. LESSON ET GARNOT. e86Go Come) Pre, — 2° Plyhe PARIS. ARTHUS BERTRAND, LIBRAIRE-ÉDITEUR , RUE HAUTEFEUILLE, N° 23. DRE SS EEE 1828. Pi e-5 à ba VOYAGE AUTOUR DU MONDE. PENDANT LES ANNÉES 1822, 1823, 1824 et 1825. ZOOLOGIE. SUITE DU CHAPITRE V. OBSERVATIONS GÉNÉRALES SUR L'HISTOIRE NATURELLE DES DIVERSES CONTRÉES VISITÉES PAR LA CORVETTE ZA COQUILLE, ET PLUS PARTICULIÈREMENT SUR L'ORNITHOLOGIE DE CHACUNE D'ELLES; PAR R.-P. LESSON. Ç X. CAJÉLI, ÎLE DE BOUROU ( ARCHIPEL DES MOLUQUES ). ( Du 23 septembre 1823 au 1° octobre suivant.) Plusieurs navigateurs francais ont visité l'ile de Bourou, ou Boero , ainsi que l'écrivent les Hollandais qui y ont formé un établissement colonial; et cependant nous ne connaissons de ce pays qu'une légère écorce, ou plutôt ce que nous en savons se réduit à des aperçus si vagues, qu'ils nous font davantage regretter d'être privés de lumières sur les productions natu- relles de ce beau pays, que les Malais, en raison des oiseaux variés et rares qui le peuplent, ont nommé Bourou, ou l'Jle des Voyage de la Coquille. — Z. Tom. I, Partie IL. 46 362 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. Oiseaux. La plupart des êtres qui portent dans nos species le nom trivial d'amboinensis, proviennent de Céram et de Bourou, les deux iles de l'archipel des Moluques les moins déshéritées des animaux indigènes de ces terres, placées directement sous l'équateur et couvertes de profondes forêts inhabitées. Les Hollandais, en prenant possession d’un seul point de l'ile de Bourou, n'ont point étendu leur influence hors d'un cercle assez étroit. La population malaise, qui a jeté les fondements du lieu de sa résidence au fond de la baie de Cajéli, leur est soumise ; mais les habitants primitifs, nommés Alfourous , re- tirés dans les forêts de l’intérieur, méconnaissent leur autorité. La baie de Cajéli, nom qu'on doit prononcer Caieli, est vaste et profonde. Un immense banc de corail, s'élevant à peine au- dessus des flots à mer basse, occupe un point de sa surface assez étendu à l'extrémité de la pointe Rouba. Dans sa partie S.-O. est bâtie la bourgade à laquelle elle a donné son nom. Vu de la rade, le panorama du paysage qui se déroule aux yeux de l'observateur offre les plus grands charmes. L'œil se repose avec plaisir sur la riche verdure qui en recouvre les bords : dans les éclaircis que laissent les arbres entre eux, s'élèvent les sommets pointus des mosquées de Cajéh, où, à travers les formes infinies du feuillage et entre les tiges droites des papayers, ou les longues feuilles tombantes des bananiers, apparaissent les cabanes des habitants, dont les murailles sont en bambou. En arrière de ce premier rideau s'élèvent les hautes montagnes de l’intérieur, partout également boisées. Sur le côté oriental de la baie, des coteaux élevés présentent une verdure triste et glauque, et laissent exhaler au loin les odeurs fragrantes et vives des mélaleuques qui y sont plantés, et qu'on y cultive pour en retirer le baume si estimé des Malais, et connu sous le nom de Caïou-pouti. Toute la partie N.-O., au contraire, est basse et à peine au niveau de la mer, et ne présente sur toute sa sur- ZOOLOGIE. 363 face que de vastes marécages en partie submergés, où vivent des crocodiles. Rien ne flatte plus la vue, peut-être, que ce mélange heureux de sites opposés, et réunissant tous les genres de beautés des paysages de la zone torride. Ici le cocotier élève dans l'air ses parasols de verdure; là le sagoutier à moelle nutri- tive couronne son tronc orossier de palmes rigides; le bananier herbacé, entouré de ses nombreux rejetons, croit au pied du robuste canari, dont les am1 des ont une saveur si exquise et si douce. A ces végétaux utiles des forêts équatoriales s’en joignent une foule d’autres, dont les rameaux toujours verts, chargés à la fois de fleurs et de fruits, sont animés par les bruyants loris, des perroquets à plumage cramoisi, et un grand nombre d'autres espèces dont les noms ne formeraient ici qu'une stérile nomenclature. La mer, dans la baie, est rarement agitée; elle est presque toujours paisible, et de légères pirogues malaises, à voiles en feuilles de vaquois, en sillonnent la surface. Pendant uotre séjour, le ciel était ordinairement pur et serein; et cepen- dant il arrivait à chaque journée que d’épais nuages condensés sur les hautes montagnes de la partie orientale amenaient des orages de courte durée, mais qui se résolvaient en pluies abon- dantes pendant deux ou trois heures : un instant après, le ciel reprenait sa sérénité première. Le village de Cajéli n’a rien de remarquable; toutefois la physionomie étrangère quil présente a sur le voyageur le charme tout-puissant de la nouveauté. C’est un mélange agreste de cabanes construites avec art, et semées cà et là de massifs d'arbres à fruits. Ses allées régulières et ses nombreuses mos- quées, son aspect pittoresque, les hommes qui l'habitent, tout retrace un site oriental. Une course que nous fimes derrière ce village donnera une idée assez complète de sa position. En arrière de Cajéli, donc, on trouve une allée d'arbres de tek, dont la longueur n’est pas moins de deux milles. Cette allée FE 364 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. aboutit à une rivière qui prend naissance dans les montagnes centrales, et dont le lit sillonne le terrain plat qui occupe cette . partie de l'ile. D'étroits et tortueux sentiers se partagent ensuite toute l'étendue des marécages à demi desséchés, où les habi- tants ont établi leurs plantations de sagoutiers et de saguerus . De nombreux ruisseaux, d'une eau fraiche et le plus souvent limpide, se perdent, après mille détours, au milieu d'une végé- tation vigoureuse. La jolie /ussiæa tenella couvre de ses pelouses fleuries des lieux frais et humides; le jaquier à feuilles entières avait son tronc chargé d'énormes fruits à épidermes aréolés , fruits que les Malais préfèrent au rima que produit l'arbre à pain à feuilles incisées. De nombreux pothos grimpent le long des arbres, et sur les fleurs se reposaient des papillons vivement colorés ; tandis que souvent se confondaient avec le vert des feuilles un petit agame à queue très-longue: Dans tous les sentiers courait le scinque gracieux, si commun sur les terres de l'Océanie, que rendent si remarquable les trois raies dorées qu'il porte sur le corps, et l'azur de sa queue. Les enfants nous suivaient avec ardeur dans cette excursion; leur vue percante nous indiquait des oiseaux là où nos yeux se refusaient à les voir. Suivant la mode de leur pays, ils étaient nus, ou du moins n'avaient que le corps ceint d'un étroit maro, et la tête entourée d’une mince bandelette d'écorce, dont les extrémités retombaient avec grace sur le front; leur gaieté était naïve, et il ne nous fut pas difficile de nous apercevoir que leur hilarité trouvait une ample matière à de joyeux propos dans le soin que nous prenions de conserver les objets auxquels ils étaient bien loin d'attacher le même prix que nous. Dans ces 1 Ce palmier paraît être le saguerus de Rumphius, et très-probablement celui que M. de La Billardière a décrit dans les Mémoires de l'Institut, t. IV, p. 215, sous le nom d’arenga saccharifera. ZOOLOGIE. 365 @) lieux on trouvait en abondance la jolie perruche dite d'Am- boine (Psittacus ornatus), la perruche cramoisie, le petit per- roquet vert à tête rouge, le petit cacatoës à huppe jaune, le philédon corbi-calao, etc., et des coléoptères de plusieurs genres, tels que coccinèles, cétoines vertes. Les principaux végétaux alimentaires se trouvent être : les pissangs ou bananiers, les choux-palmistes, les aréquiers, les canaris , les papayers, les Eugenia jamroses, les arbres à pain à fruits sans noyaux, les jaquiers, les orangers pamplemousses, les citronniers, les grenadiers, etc. Aux fruits de ces arbres s'en adjoignent un grand nombre d'autres espèces qui nous sont complètement inconnues, et que nous n'avons pas eu le loisir d'étudier. Nous rencontrâämes fréquemment, toutefois, dans les lieux humides, un arbre dont le port n'est pas éloigné de celui de nos cerisiers, et qui produit une petite drupe d'un rouge vif lorsqu'elle n'a pas encore atteint sa maturité, mais dont le goût est toujours âpre. Ce fruit est assez analogue à celui du diospyros kaki. Les habitants lui donnent le nom de tomou- tomou , et en font des confitures. Le nyctantes sambac est cultivé avec le plus grand soin par les Malaises, qui chérissent l'odeur suave de ses corolles virgi- nales, et qui les enlacent, en les unissant à celles du gardenta et du malaty, dans leur noire chevelure, ou en parfument l'huile de Ben, destinée aux frictions de toilette. On estime encore les fleurs globuleuses et odorantes du mancassar, qui nous parurent être celles de l’acacie de Farnèse. Le gombo, dont le suc gluant donne dans nos Antilles le mets si estimé des créoles sous le nom de calalou (hibiscus esculentus), croit très- abondamment, et partout se rencontrent les ananas, les ponches où choux-caraibes {arum esculentum), plusieurs sortes de piments; car les Malais prodiguent ce condiment énergique dans tous leurs aliments; le ricin, dont l'huile vermifuge est 366 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. si salutaire en médecine; enfin le tabac, dont les propriétaires font une grande consommation. Les légumes d'Europe, portés par les Hollandais, n'y ont point prospéré, ou si l’on en cul- tive quelques espèces, c'est fort négligemment. Parmi les plantes essentiellement utiles, deux palmiers tien- nent le premier rang sans contredit. Ce sont le sagoutier et le g saguerus. Le sagoutier /sagus Rumphi, W.) croit dans les ma- récages, où on en a établi des plantations nombreuses, et d'autant plus importantes, que ce végétal remplace aux Mo- luques, comme dans la plupart des iles à l'Est de la Nouvelle- Guinée, le riz de l'Inde et les céréales d'Europe. Son stipe est gros, rugueux, recouvert de cicatrices dues à la chute des grand accroissement. Ses palmes sont dressées, et, dans les premières années, elles anciennes feuilles ; avec l'âge il prend un ont leur rachis hérissé de rangées de fortes épines, qui dispa- raissent à l'époque où le végétal est parvenu au point de ren- fermer une grande quantité de farine ; c'est alors qu'on l’abat et qu'on dépèce l'enveloppe, et que la moelle fibreuse qui rem- plit l'intérieur, laisse échapper, par le lavage, les grains de fé- cule abondamment. contenus dans ses interstices. Cette farine est d'un blane Jaunâtre et grumeleuse, et se conserve dans des bambous. Les Papous la retirent plus généralement d'un cycas, et en: fabriquent des galettes aplaties, assez analogues par la forme aux biscuits de mer. À Bourou, on délaie cette farine avec de l'eau, et on la mange avec les doigts, ou ‘bien on la place dans des sortes de mets très-épicés. Cette fécule a une saveur fade et douceâtre. Quelques autres palmiers en four- nissent, tels qu'un dattier, un arenga, etc. Le sagoutier forme des massifs très-épais derrière le village de Cajéi, ainsi que dans les ravines qui sont à l'extrémité Sud. Les habitants font avec ses fibres intérieures et sèches des planches très-légères, et c'est principalement à Amboine qu'on ZOOLOGIE. 367 fait les boites qui servent à contenir des coquillages, que les Malais se plaisent à y ranger avec une symétrie parfaite, et dont les planches de Séba peuvent donner une idée. Le saguérus de Rumphius /arenga sacchartfera, Labil?) est peu connu; il fournit le saguero, ou vin de saguere, très- usité dans les Moluques, et plus particulièrement à Bourou et à Amboine. Ce végétal. de même que le sagoutier, a un dia- mètre bien plus développé que les cocotiers ou les aréquiers. Son stipe est droit, haut de vingt-cinq à trente pieds, mar- qué de sillors circulaires, qui ont persisté après la chute des feuilles. Sa couleur est noiratre. Ses palmes se composent de folioles plissées, larges et serrées, qui se redressent un peu. Il est monocique. Une large panicule de fleurs mâles sort d'une spathe inférieure. Les fruits sont ordinairement supérieurs, et placés sur des pédoncules, sinuolés en très-grande quantité. Ce palmier était en fleur à l'époque de notre passage, et il porte des milliers de fruits, qui ne sont d'aucun usage. La base où la naissance de toutes les feuilles est enveloppée par une bourre épaisse, ou sorte de bastin, d’une ressemblance très-grande avec le crin par son aspect noir, ses fibres ténues, flexueuses et entortillées par gros flocons. Les habitants en font des cordes d'embarcations, qui sont estimées pour leur ténacité; et à Am- boine on en confectionne des câbles assez gros pour le service des navires du gouvernement. Ce crin végétal se file aisément , et souvent nous avons vu les habitants occupés à cette prépara- tion, en se servant d'une roue à la manière de nos cordiers. Le vin de saguère n'est autre chose que la sève de ce pal- mier, qu'on retire par le moyen d'une coupure qu'on pratique au rameau floral. Les habitants le recueillent tous les soirs, en plaçant au-dessous dé la plaie un vase fait avec une écorce so- lide et flexible, capable de contenir le liquide à mesure que l'ascension vitale le fait monter. Ils enveloppent avec soin l’ou- 368 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. verture du vase, pour que les rayons du soleil n'y pénètrent point; car ce suc, de doux et sucré qu'il est à sa sortie, ne tarde pas à passer à la fermentation alcoholique. L'usage de cette sorte de vin est très-répandu parmi les habitants des Moluques; mais, quoique délicieux au goût des naturels, on a besoin d'é- ducation pour ne pas être repoussé par son amertume et son mauvais goût. Le vin de saguère est assez analogue au fari, qu'on retire du cocotier dans l'Inde; mais il s’altère avec une telle rapidité, qu'il a été nécessaire de lui faire subir une fer- mentation spiritueuse, propre à assurer sa conservation. On y est parvenu en plaçant dans ce suc blanchäâtre, un peu épais, très-écumeux, un morceau de bois excessivement amer, qui ne tarde pas, en quelques minutes, à communiquer sa saveur au liquide. L’amertume, de supportable qu'elle est d'abord, finit par être tellement concentrée, qu'elle devient repoussante. Le bois qui fournit cette racine, douée d’une amertume si pro- noncée, nous parait appartenir au ealac (carissa xylopicron, Aub. ), auquel il ressemble par sa compacité, sa couleur oran- gée, et son amarescence si diffusible. Le vin de saguère, ainsi préparé, peut aisément se conserver dans des vases. Il est alors très-fort et susceptible de procurer des ivresses tumultueuses. Les habitants en font une grande consommation. Souvent lors- que, fatigués dans nos courses, nous cherchions un refuge dans quelques cabanes, on s'empressait de nous en offrir. Une des productions les plus estimées de l'ile de Bourou est l'huile de caiou-pouti, ou, comme nous l'écrivons, cajeput. Cette huile jouit, chez tous les Malais, des propriétés les plus mira- culeuses, propriétés que les Européens établis aux Moluques ont par suite adoptées aveuglément. On l'emploie comme un remède excellent contre les douleurs rhumatismales et les para- lysies , en l'appliquant en frictions. Pour les maladies internes, on en exprime quelques gouttes jetées dans de l'eau, et ce mé- ZOOLOGIE. 369 lange fait naître les plus grandes espérances dans l'ame du mo- ribond , et console sa famille. Cette panacée n'est pas sans possé- der une action énergique assez analogue, par la diffusibilité deses principes, à la manière d'agir del’éther; mais elle n’a toutefois rien de supérieur à l'essence de térébenthine, dont elle se rapproche singulièrement par ses qualités physiques et chimiques. Cette huile essentieHe a été vantée en Europe par le docteur Thun- berg, pour ses avantages, comme moyen conservateur des col- lections d'insectes , sans que l'expérience soit venue justifier ces nouvelles propriétés. Cependant la célébrité dont jouit cette substance, exige que nous entrions à son égard dans les détails que les Malais mettent en usage pour la préparer. L'huile de Cajéput ne s'obtient que dans les Moluques, et dans deux ou trois iles au plus. Sa fabrication n'est dans les mains que d'un petit nombre d'individus; et à Bourou, elle appartient au résident hollandais et au radjah malais. Les deux alambics dont on se sert pour l'obtenir sont grossièrement montés; ils consistent en une chaudière de cuivre, surmontée d'un chapiteau en boule. L'huile essentielle, se dégageant de l’eau dans laquelle trempent les feuilles de mélaleuque au fond de l'appareil, s'élève dans le chapiteau, passe dans un tube en bambou, qui la conduit dans une petite barrique qui sert de réfrigérant, et coule dans des vases destinés à la recueillir. Le caïou-pouti liquide apparait sous forme d'un fluide léger, qui est coloré en un vert-pré trèes-agréable, dü à la chlorophile. Son odeur est vive, fra- grante, tres-expansible, et assez analogue à celle de l'essence de térébenthine, bien qu'elle en diffère par le camphre qu'elle contient. En la rectifiant par plusieurs distillations, cette huile perd sa couleur verte. Le melaleuca leucodendron, qui produit le caiou-poutr(ee mot signifiant en malais bois blanc), est cultivé en grand sur les collines de la partie orientale de Cajéli. C'est un arbre d'assez Voyage de la Coquille. — Z. Tom. I, Partie IL. 47 370 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. grande taille, semblable par le port aux vieux oliviers de la France méridionale, et se couronnant de fleurs blanches, disposées par petits bouquets. On en distingue deux variétés, remarquables l’une par des feuilles étroites, et l’autre par des folioles beaucoup plus larges. Cette dernière espèce se trouve particulièrement à Amboine, tandis que la première croit pres- que exclusivement à Bourou. Le tronc des mélaleuques est revétu d'une écorce épaisse, composée d'une masse de feuillets minces, soyeux, et imitant des lanières de satin. À quelque distance, ces arbres semblent argentins. Les rameaux sont sou- vent brisés, par le peu de soin que les enfants chargés d'en cueillir les feuilles apportent à cette opération. Le feuillage, glauque et triste, a besoin de la vive chaleur du soleil des Mo- luques pour acquérir l'arome fragrant qui le caractérise ; et les soins de culture qu'on accorde à l'arbre se bornent à bruler les broussailles et les grandes herbes qui croissent au pied. L'idée générale qu'on puisse se former des alentours de la baie de Cajéli, seul point de l'ile de Bourou que nous ayons visité, est celle d’un sol montueux, profondément raviné et s'abaissant vers le rivage pour donner naissance à des marais profonds et étendus qui règnent au fond de cette grande baie. Le sol est d'argile rougeûtre sur les collines, et supporte une formation schisteuse, sillonnée par des veines de quartz, variant du talcite carburé phylladiforme au talcite quartzifere aussi phylladiforme. Des veines de quartz amorphe, épaisses d'un pied , sillonnent en tous sens les rochers que nous venons de mentionner. Les fragments de carbonate de chaux qu'on ren- contre parfois sur les collines y ont été transportés par les hommes, et proviennent des ceintures de polypiers saxigènes, qui, çà et là dans la baie, forment des barrières de récifs. La végétation de l'ile Bourou est vigoureuse et imposante; elle se compose surtout de grands arbres encore très-peu connus ZOOLOGIE. 371 des botanistes, et parmi lesquels il doit y en avoir beaucoup d'inédits. Nous y avons retrouvé toutefois la plupart des plantes que nous avions déja vues dans les iles de la mer du Sud, dans l'archipel de la Société, à la Nouvelle-Irlande, à Waigiou , telles que le convolbulus pes capræ, des dolichos, des vaquois, des filaos , l’Azbrscus tiliaceus, le spondias dulcis, etc. À ces végétaux si communs sur toutes les iles océaniennes, se joignent ceux qui sont propres au sol des Moluaues et des iles de la Sonde. Aïnsi apparaissent en plus ou moins grande abondance l'æschi- nomene grandiflora, remarquable par ses larges corolles blan- ches papilionacées; le gurlandina moringa, dont les semences pierreuses servent de jouets aux enfants; l'ipomée à fleurs écar- lates, plante volubile, chérie des Malaises, pour qui elle est l'emblème de l'amour; des orchidées fantastiques, dont les tiges charnues échappent à tous les moyens de conservation; des fougères , des lycopodes, etc, etc. Dans la première partie, nous avons déja eu occasion de men- tionner les mammifères qui se trouvent plus habituellement à Bourou. Nous avons dit que le babi-russa ou cochon cerf * est l'animal le plus précieux qu'on y puisse citer. Parle grand nombre de têtes osseuses que possèdent les naturels, il est aisé de juger - qu'il n'y est point rare; et cependant, par des causes qu'il est inutile d'énumérer, nous ne pumes nous le procurer. La grande chauve-souris frugivore, nommée roussette édule (pteropus edulis), ou le melanou-bourou (oiseau poilu ), fournit aux habitants une chair parfumée qu'ils estiment. Pendant notre re- lâche, on donna comme viande fraiche aux gens de notre équi- page de la chair de cerf : l'espèce nous en parait nouvelle pour les zoologistes; mais comme cet animal était dépécé”" à terre, nous n'avons sur lui aucun détail précis à fournir. Ce cerf, 1 Sxaw, Gen. Zool., t. IT, pl. CCXXIV, p. 467. 47- 372 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. nommé usa, nous parait bien voisin du cervus mariannus, trouvé aux iles Mariannes par MM. Quoy et Gaimard , et décrit par M. G. Cuvier dans le tome IV, page 45 de son ouvrage sur les ossements fossiles. À ces grands mammiferes il faut ajouter quelques petites espèces que les habitants nous firent con- naitre, telles que le #kus lanah, qui parait être le rat; le chinchorot, qui est la musaraigne musquée, et le tkus padi, la souris. D'après l'étymologie du nom de l'ile, on doit penser que l'ornithologie de Bourou est riche et variée. Les oiseaux des Moluques y sont nombreux, tant par les individus que par les espèces. Certaines familles y comptent surtout de riches et bril- lantes tribus, et au premier rang on doit citer les perroquets. On sait que ceux à plumage rouge vivent exclusivement dans les iles des Indes orientales même les plus reculées, et que de leur nom malais nori, et peut-être par une prononciation vicieuse lourt, nous avons fait le nom générique lot, pour désigner tous les perroquets asiatiques et indiens à livrée écarlate. Les Malais appellent Xekek les espèces dont le plumage a du vert, et Kakatua celles qui sont blanches. Nous citerons principale- ment la perruche dite d'Amboine (pstttacus ornatus)'; le perro- " Cette espèce ne vit point à Amboine, à l’état sauvage : elle vient des îles Mo- luques, de Bourou, de Céram et de Tidor. Elle est abondante sur la terredes Papous, où les naturels la nomment maninihesse, et à Rony manigaine; elle est figurée par Levaillant, pl. LIT. Elle diffère de la perruche de la Nouvelle-Hollande ( ps. Aæmatodus, Gm.), nommée blue-mountain parrot par les colons de la Nouvelle-Galles, parce que les plumes de la poitrine sont rouges et jaunes, sans être bordées de noir; celles du ventre sont bleues, tandis qu'à la perruche d’Amboine, les plumes pectorales sont rouges, lisérées de noir; celles de l'abdomen vertes et lisérées de jaune : tout le reste se ressemble. ZOOLOGTE. 373 4 quet Geoffroy ‘ (psittacus personatus), Shaw; le petit cacatoëès blanc à huppe jaune”, etc. Dans les passereaux, nous nous procuràmes une pie-grièche ; le langrayen à ventre blanc; le philédon moine; le gros-bec domino ({oxia molucca, Gm.); une espèce nouvelle de soui- manga; le dicée à poitrine rouge (fig. 1, pl. XXX de l'Atlas ); le martin-chasseur à tête verte; une variété légère de lalcedo éspida, et un engoulevent noir à moustaches blanches. L'autour de Pondichéry et une grosse buse sont les seuls accipitres que nous ayons vus : le premier se trouve répandu sur tous les ri- vages des iles de l'Est et même du continent indien. L'émeu ou casoar à casque vit dans les forêts profondes et se plie parfois à la domesticité. La belle colombe phasianelle (Femm., pl. col., n° 100) s'offrit plusieurs fois à nos recherches. Deux sternes, celle à sourcils blancs et celle de Panay, peuplent les rivages: et dans les marais, nous nous procuràmes une jolie espèce de canard, que nous avons nommé anas radjah, pl. XLIX. Nous ignorons le nombre des genres de reptiles et des espèces qui habitent Bourou; mais en mentionnant quelques-uns de ces animaux qui vinrent s'offrir sous nos pas, au premier rang nous citerons le crocodile bicaréné des Moluques, que les Malais nomment oubaya et boaya, et qu'ils redoutent. Ce hideux rep- tile habite les marécages fangeux, au milieu desquels coule la rivière d'_Æbbo, et ces marais sont couverts de hautes herbes 1 Ce petit perroquet est extrèmement abondant dans toutes les Moluques et à la Nouvelle-Guinée, où les Papous le nomment 7#7anangore; il n’est pas moins com- mun à la Nouvelle-Hollande, où les colons le nomment Bathurst's parrot. ? Ce cacatoès ne vit que sur les terres des Moluques ou de la Nouvelle-Guinée : on le retrouve aux Philippines. Il est beaucoup moins robuste et moins intelligent que le grand, et apprend difficilement à parler. Son cri articule nettement les syllabes ca-ca-tou-ais, et c’est ainsi que ce nom vulgaire de cacatoès chez les Malais est resté aux espèces du genre. 374 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. qui lui servent de refuge. C'est du moins dans ce lieu que M. de Blois de. la Calande, un des officiers de l'expédition, tua le bel individu que nous avons déposé dans les galeries du Muséum d'histoire naturelle. Les habitants de Cajéli nous nommèrent biawak une espèce de tupinambis, et anjing-eyer ou lézard d’eau, un saurien qui nous est inconnu. La tortue franche ou pinyu fréquente les rivages et les baies : dans les broussailles rampaient deux ou trois sortes de serpents que nous n’avons fait qu'entre- voir; et le scinque à raies dorées sur le dos, et l'agame vert, étaient remarquables, l’un au milieu des sentiers, l’autre sur les feuilles. Nos récoltes d'insectes furent augmentées de quelques coléop- tères rares, de plusieurs magnifiques papillons. Il en fut de meme pour les crustacés. Les marais de la rivière d’Æbbo nous fournirent un énorme cancer, que les habitants vont pêcher pour leur nourriture; et dans la baie n'étaient point rares la lan- gouste ornée, les portunes et le grapse peint sur les rochers. Les mollusques dont les Malais recueillent les tests sous le nom de bya pour les vendre aux Européens, ne sont nulle part en plus grande abondance. On y trouve surtout les alu (cône); les kakoussan (trochus veuve et peau de serpent); les ourt (porce- laines géographiques); les 4rmba (harpes); les Zibidouri (murex peigne de Venus), et surtout la volute-couronne d'Ethiopie, les nautiles, les olives, les ovules, le murex triton, le bronte, la grimace, etc., parmi les univalves. Une belle cyrène, nommée rantsse; la Vénus déflorée, appelée renesse; l'arche (anadara); Yhuiïtre vitre chinoise {(Xomperan); la placune selle polonaise; la lime, des solens, sont, parmi les coquilles bivalves, les espèces les plus vulgaires. Les habitants recherchent comme un aliment très-délicat un mollusque dont les deux coquilles sont d’une extrême fragilité, et se trouvent soutenues par un long tendon, qui s'implante sur les troncs des ZOOLOGIE. 375 arbres enfoncés dans l’eau, à la manière des anatifs : c’est la patella unguis de Linné, qui n’en possédait qu'une seule valve, et la lingule des mers des Indes {Zngula anatina) des natura- listes modernes. Nous n’observames qu'une ou deux espèces d’hélices, quel- ques zoophytes des genres astérie, actinie, et une seule méduse. Ç XI. ILE DAMBOINE. ( Du 4 octobre 1823 au 28 du même mois. ) L'ile d'Amboine est située au centre des Moluques, et se trouve entourée au Nord par la grande ile de Céram, par Manipa, Ha- roko et Saparoua ; au Nord-Est par Véssa-laut; à Ouest par Bou- rou, au Sud-Est par Poulo-var, Gounong-api, Banda, Banda-nera et Pulo-Pisang. Sa circonférence est au plus de vingt-cinq lieues: elle estinégale, en forme d'étrier, ce qui est dü à la jonction des presqu'iles d’/tou et de Nouessaniwa. Elle est entamée par deux profondes baies, celle d'Amboine, la seule fréquentée des navires d'Europe, et celle du Nord-Est parsemée de bancs, et qui ne peut recevoir que des jonques du pays. Découverte par les Lusitains en 1515, l'ile d'Amboine a d'abord appartenu à la couronne de Portugal, dont les navigateurs abor- dèrent les premiers aux Indes orientales après avoir doublé le cap de Bonne-Espérance. Ils en furent chassé en 1603 par les Hollandais, qui ies dépossédèrent de toutes les Moluques, et qui s’approprièrent le riche commerce des épiceries. Depuis, cette ile a souvent été le théâtre de révoltes, aussitôt apaisées qu'é- levées; elle fut arrachée à ses possesseurs par les Anglais en 1819, 376 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. et restituée à la paix générale de 1814. Cette ile est la capitale des Moluques, et la résidence ordinaire des autorités, qui dé- pendent du gouvernement de Java. La température d'Amboine est généralement chaude, surtout dans la saison sèche, qui commence avec la mousson d'Ouest, dans les mois de novembre à avril. Les pluies débutent avec la mousson d'Est, en mai. Pendant ce temps, elles sont presque continuelles et très-abondantes. L'époque où les moussons chan- gent, est précédée de calmes parfaits, ou de très-légères brises variables. Pendant notre relâche, la température était insuppor- table dans le jour : la position de la ville d'Amboine ne contribue pas peu à ce que les grandes chaleurs qui y règnent soient désa- gréables, parce qu'abritée de toute part et enveloppée par une ceinture de montagnes, cette ville ne recoit point d'air, en même temps que les rayons du. soleil dardent à plomb sur la place qu'elle occupe. Le thermomètre à bord, à midi et à l'ombre, a constamment marqué 29 et 30 degrés. La température de l’eau était presque au mème niveau, où n'avait qu'un degré au-des- sous. L'hygromètre indiquait habituellement de 102 à 104 degrés. Le baromètre se maintint à 28 p. 1 l. 0. Nous observames que le ciel fut souvent voilé par d'épais nuages, ou par des orages, qui s'arrélaient sur le sommet des plus hautes montagnes, et qui apportaient fréquemment de forts grains de pluie mais de courte durée. Le tonnerrese faisait souvent entendre, et pres- que toutes les nuits des éclairs dus à l'inflammation de lhydro- sène sillonnaientles nues à l'horizon. Les tremblementsde terre sont habituels au sol d'Amboine qu'environnent des volcans, dont les commotions se font vivement sentir dans oo resserré des Moluques. : La constitution d'Amboine est volcanique, et il est même supposable que cette ile ne doit son isolement qu'à une rupture de l'ile de Céram. Ainsi que les ilots qui sont entre les deux ZOOLOGIE. 397 côtes. De hautes montagnes, par rapport à sa petite étendue, se divisent en deux chaînes qui parcourentles deux presqu'iles du S.-O. au N.-E. Nous n'avons vu, parmi les éléments constitutifs du sol, que le calcaire grossier qui forme les collines du bord oriental de la baie, et qui s'élève à plus de 300 pieds. Les flancs des montagnes présentent un granite, qui saille hors du soi en hautes roches noircies et usées. Aux deux tiers de la hauteur, à 700 pieds au-dessus du niveau de la baie, parait un schiste tendreet friable, qu'on ne peut reconnaitre qu'à la surface. Une argile très-rouge recouvre les rochers, et supporte une végéta- üon qui cherche sans cesse à s'étendre. Les plantes spontanées sur le sol sont variées et curieuses. Les alentours d'Amboine ont été défrichés par le feu, et les pelouses sont formées de graminées sur les coteaux qui domi- nent la ville; mais au tiers supérieur des montagnes, des bois épais de beaux arbres s'étendent sur le reste de l'ile: les bords des rivières et les marais sont peuplés des végétaux qui se plaisent dans cette station. [nous suffira de dire que la botanique d’Am- boine est_d'autant plus intéressante, qu'elle a été l'objet des travaux de Rumphius. Le règne animal ne présente que peu de mammifères, si ce n'est une espèce de couscous dont on nous parla, et que nous croyons être le cuscus maculatus. Le babi-russa n'y vit point, non plus que le tarsier et le chevrotain pygmée, que parfois on élève en domesticité, et qui viennent de Céram. Nous observâmes la roussette édule, que les habitants conservent en captivité. Un de ces animaux vécut long-temps sous nos yeux à bord, etavait des mœurs très-douces. La position qui parait habituelle est d’être pendu la tête en bas: et, pour expulser ses excréments, il s’at- trape par le seul doigt libre en crochet des ailes, remplit ses fonctions, et s'accroche de nouveau avec les pieds. Il mange la tête renversée, et conserve long-temps ses aliments dans deux Voyage de la Coquille.—Z. Tome I, Partie II. 48 378 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. sortes d'abajoues, qui se distendent outre mesure. Une musa- raigue, exhalant une odeur de musc très-forte, est commune dans les appartements, où on la redoute par l'infection qu'elle porte avec elle. On ne trouve que peu d'oiseaux à Amboine; les espèces qu'on y remarque sont : deux martins-pécheurs, un coucou, une tour- terelle, un épervier, un perroquet, un loxie, une bergeronnette. On élève en domesticité, par exemple, quelques espèces, telles que l'emneu, les lorrs, les cacatoès, et le calao qu'on nomme Je- rarvogel ; où oiseau à années, parce que son bec supérieur se renfle et se couvre de sillons à mesure qu'il vieillit. Les quadrupèdes ovipares sont peu nombreux. Nous y trou- vames la tortue à boîte ,le dragon volant, un petit lézard, une grenouille, un gecko gris, très-commun le soir sur le plafond des appartements, où il fait entendre un petit cri; le /acerta am- boinensis, à bande blanche bifurquée sur le dos. On y eompte deux ou trois espèces de serpents, non venimeux. Les poissons sont multipliés et fournissent à la nourriture de presque tous les habitants : il y en a une grande variété. Les insectes ont de belles espèces, surtout dans les papillons, qui sont nombreux, très-beaux et variés. On trouve la singulière mante-feuille, et un phasme vert, très-gros et long de plus de six pouces. Les ther- mites et les fourmis rouges occasionnent de grands ravages dans les demeures; surtout les premières, qui dévorent les meubles : la morsure des secondes est très-douloureuse. Les scolopendres et les blattes sont aussi fort communes. Les ruisseaux d'Am- boine sont pleins de sangsues, qu'on emploie pour l'usage médi- cal ; elles ne diffèrent presque point des nôtres, et sont d'un bon usage d'après notre propre expérience : on les retrouve à Java. Les coquilles les plus curieuses existent, avee une abondance qui étonne, à Amboine. Ce n'est point qu'on les recueille sur les côtes; mais elles y sont apportées de tous les points environ- ZOOLOGIE. 340 nants, notamment de Céram, et les Chinois les achètent pour les revendre. Leur prix n'est point élevé, et pour une piastre on peut en avoir une boîte des plus belles. Tous les employés de la colonie en ont de nombreuses collections , qu'ils échangent avec les étrangers. Les iles d'Haroeko et de Saparoua sont les plus fécondes en testacés. Les habitants ne manquent jamais à marée basse de recueillir ceux que le flux y a jetés. C'est sur ces ilots que se trouvent la coquille si chère et si estimée des Hollandais, la wenteltraple ou la scalata, ainsi que les carinaires vitrées, dont la valeur parmi les Malais, lors même qu'elles sont petites, ne s'élève pas à moins de trente à quarante piastres. Parmi les testacés que nous avons eu occasion de recueilbr, les plus com- muns étaient des nautiles papyracées et pompilius, des den- tales, des cônes, des olives variées, des porcelaines de toutes les espèces, des murex, des pleurotomes, des brontes, le rocher peigne-de Vénus, le masque (murex anus, L.), le cymbe cou- ronne, des mitres, le fuseau, la pyrule, a harpe noble, le vrai cœur de l'homme, l'huitre selle, celle feuilletée, l'huitre mar- teau, le soleil levant, etc., etc., etc.; un bel hélix citrin et jaune à bande rousse est commun dans les bois. Nous n'avons vu qu'une seule méduse nager dans la baie, et qu'on retrouve sur les côtes de la Nouvelle-Guinée. Parmi les animaux domestiques, les habitants possèdent des bœufs, des chèvres, et le mouton à poils de l'Indostan. Les oiseaux de basse-cour sont l'oie, le canard, la poule ordinaire et la poule chinoise : celle-ci est de petite taille, à plumage blanc, entièrement frisé. Les plantes potagères sont communes au bazar; on les cul- üve autour des cabanes dans de petits jardins, qui ne méritent point qu'on les loue sous le rapport des soins qui ont pré- sidé à leur arrangement. L'ail croit très-bien, ainsi que les courges, la patate douce fournie par un jatropha, la mélongène, 48. 380 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. une espèce d'amaranthe ([basella rubra), qu'on appelle épinard, et qui en a le goût, des oignons, du pourpier, du maïs, des con- combres, des-bourgeons de bambous, des choux-palmistes, le manioque, la fève katchang, la pomme de terre, etc., etc. Le sagoutier dont or distingue plusieurs espèces est cultivé en grand, et le plus estimé est le sagu maputi. Le saguère * donne le vin usité par les Malais. L'arec s'élève en tous lieux; ses noix forment un des besoins de la population, qui les mà- che avec le fruit ou les feuilles du poivre siriboa et la chaux, unie à de la gomme ro. Le laurier coulilawang croit spon” tanément; les Chinois vendent son écorce, dont la saveur est piquante et la texture analogue à celle dela cannellenon choisie. Une graine très-estimée, et qu'on offre aux dames comme une friandise très-délicate, est le cardamome, semence aromatique et échauffante, qui stimule vivement les organes générateurs. Le riz nese cultive point à Amboine : cette plante alinrentaire est tirée de Sumbava et de Florès, petites iles qui produisent cette denrée en abondance, ainsi que du bois de sandal, des chevaux, du cappoc, ou coton commun, et du cappas, ou coton le plus fin et le plus recherché de l'Inde. Une grande quantité de riz, destinée à l'approvisionnement des magasins du gouvernement, se retire des établissements des Célèbes, no- tamment de Menado : nous payâmes 3000 livres, qu'on voulut bien nous fournir, 504 francs de notre monnaie. La culture qui a rendu l'ile d'Amboine célèbre est celle des clous de girofle. Les Hollandais, en effet, confinèrent les mus- cadiers à Banda, et le giroflier sur cette ile et sur quelques autres ilots voisins. Cet arbre si estimé est planté dans des Marco-Pauro, page 193 de son Voyage, parle ainsi du saguérus : Z/s ont une mainere d'arbres desquel trencent les rames de cel arbres, e met l’en un pot grant aou tronchon qu est remès à l'arbre, e voz di ge en un jor e en une note s'enple e est molt buen vin daboir. Sont semblables à petit Datal. ZOOLOGIE. 381 vallons isolés dans les montagnes, bordés de ravins et de pré- cipices. Les seuls endroits autorisés par le gouvernement hol- ländais pour la culture du girofle, sont : Amboine, Manipa, Nissa-Laut, Haroeko et Saparoua. Les employés européens ont été forcés d'abandonner Manipa, dont le séjour est excessive- ment malsain, par rapport à la vaste étendue de marais qui forment presque en entier sa surface, et qui exhalent des miasmes pestilentiels qui donnent naissance à des fièvres ma- lignes: Après Amboine, Saparoua cultive le plus grand nombre de girofliers. Dans cette ile existe le fameux pgiroflier royal, dont les boutons sont bien plus parfumés, et se vendent très- cher. Nous avons eu occasion de voir quelques-uns de ces clous ; ils sont faciles à reconnaitre, en ce qu'ils ont un double calice. On croit, dans le pays, que cet arbre ne jouit de la fa- culté de produire que d'un seul côté, ce qui pourrait dépendre tout au plus de son exposition. L'éxportation des clous de girofle, ainsi que celle des muscades, est sévèrement prohibée, de même que les petits ouvrages faits avec des clous de girofle , tels que des boïtes, des vaisseaux. Il ne sagit rien moins que de la peine du bannissement pour ce genre de délit. La culture est abandonnée aux naturels, qui vendent cette épice au gouver- nement, qui la met en magasin, et l'envoie en Europe, ou qui a seul le droit de la vendre dans la colonie, au prix fixé, et en remplissant les formes administratives. (Eugenia caryophyt- lata, W.) Amboine ne cultive point de muscades pour le commerce : celles qui y viennent en grand nombre sont bien moins esti- mées que les muscades de Banda; et elles ne sont destinées qu'à la consommation des habitants, ou au trafic de contre- bande, lorsque quelques navires étrangers séjournent dans la baie; mais comme elles ne subissent point la préparation à la chaux, qu'on pratique pour les noix qu'on expédie en 382 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. Hollande, elles ne se conservent pas facilement dans les tra- versées : d'ailleurs, ramassées pour la plupart sous les arbres, elles sont le plus souvent piquées par les vers. Les plantations de muscadiers sont principalement à Banda, où il existe des forêts de cet arbre précieux, à Banda-Nera, et à Pulo-V'aë, qui est très-fertile. Banda possède le climat le plus meurtrier, et la plupart des Européens qu'on y envoie sont moissonnés en peu de temps : aussi a-t-on pris le parti depuis peu d'habiter Banda-Nera, et les habitants se rendent à l'époque de la ré- colte, cueillir les noix muscades. Les arbres qui les produisent sont plantés par longues allées ; et de même que les gérofliers, qui redoutent l'influence directe du soleil, les muscadiers (méri- tica aromatica) sont abrités de ses rayons par de grands arbres de canart, quon nomme protecteurs des muscadiers. Chaque arbre a son canari qui le couvre de son feuillage , et qui fournit en même temps'une amande délicieuse, dont on tire une huile butireuse aussi douce que celle de l'amandier du midi de l'Europe. Les noix sont vendues à l'administration d'Am- boine, qui paie la livre peu de chose, et d'après un tarif. Elles sont emmagasinées dans le fort Victoria, préparées avec l’eau de chaux pour s'opposer à l'introduction des insectes et des- sécher l’'amande, et envoyées en Hollande sur des navires de commerce expédiés à cet effet. L'excédant des noix destinées à la consommation annuelle des pays divers est brûlé, lorsqu'on 5 sont parvenues sans accident. Par ce moyen, le prix des mus- recoit la nouvelle que les caroaisons expédiées en Europe y cades se maintient au même taux à Amboine : les muscades achetées au gouvernement coûtent trois sous pièce, et on a supputé qu'il fallait environ quatre-vingt-dix noix pour faire une livre de muscades *. 1 Les Hollandais achètent quinze sous le cent des muscades aux cultivateurs. ZOOLOGIE. 383 Les arbres fruitiers sont nombreux ; on les cultive autour des cabanes, où ils forment des massifs qui contribuent à l'em- bellissement de la ville d'Amboine, en même temps que cette disposition fait ressembler cette ville à une immense bour- gade. Ce mélange de végétaux à un agrément que rien ne peut remplacer, et les voyageurs en général ont été frappés de cette disposition dans les cités coloniales qui la présentent. Le ba- nanier y est le végétal le plus commun, près de la porte des cabanes où il est planté par massifs ; et on en compte plusieurs variétés. La plus exquise est la petite figue banane, douce et sucrée, qu'on appelle bacove à Cayenne, et que produit le musa coccinea, où trogloditarum. L'ananas est très-parfumé, et plusieurs variétés y sont cultivées : deux espèces de canartum fournissent, l’un (c. commune) ses amandes très-douces, qui donnent une huile qu'on mange en place de beurre; l'autre (c. balsamiferum) produit une résine abondante, qu'on vend au bazar, par paquets renfermés dans des feuilles, et qui sert à faire des torches pour éclairer les cabanes, ou pour servir à la pêche. Le fruit rouge, nommé {omoutomou à Bourou, avec lequel on compose des confitures aigrelettes; le morinda citrifolia, dont on mange le fruit, négligé à Taiti, où il croit partout; le papayer ; une sorte de spondias {spondias monbin), dont la saveur approche de l'é-vy ou pomme de Cythère; la mangha; un petit fruit à plusieurs loges, de la famille des guttes, nommé lantsa ; le fruit de l'arbre à pain (artocarpus incisa), nommé bohon soukoum ; le jaquier { artocarpus integrifolia ) , nommé bohon nanka ; le pamplemousse *, le citronnier, sont les arbres les plus communs et les plus multipliés. Si à ce mélange pitto- resque de végétaux exotiques on ajoute ceux dont les formes typiques sont entièrement opposées à celles-la, on ne peut se 1 Citrus decurmana, L. 38/4 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. dispenser de contempler avec plaisir le paysage nouveau qui en résulte. À Amboine, en effet, ont parfaitementréussi des arbres de climats lointains et opposés, tels que le caféyer d'Arabie, le jamrose de Malak , le célèbre litchi de la Chine { Euphoria punicea), le cacao d'Amérique ’, le citron à petits fruits de Chine, le blimbing (averrhoa bilémbt, L.), le rambountan des Malais (nephelium lappaceum , Lab.), le mangoustan (garcinia mangostana). Ces deux derniers fruits ne mürissent qu'en avril et mai. À ces brillants végétaux s'adjoignent le manioque /ja- tropha) , le cotonnier, le muscadier, la canne à sucre, le pal- miste (areca oleracea), Varec (areca catechu), le sagoutier, le saguérus, le cocotier, latte, le grenadier, la vigne d'Europe, le tabac, et quelques autres dont nous n'avons pu avoir con- naissance. Mais , malgré leur réputation, la plupart de ces fruits sont loin d'approcher de la saveur des nôtres, et quelques- uns déplaisent beaucoup lorsqu'on les goute pour la première fois. C'est ainsi qu'on s'accorde à regarder le litchi comme délicieux, tandis que nous ne lui avons trouvé qu'une chair mucilagineuse acidule, n'ayant rien de flatteur. Le litchi (scyrtalia, Gœrtn.) est un arbre élevé, d'un beau port, à feuilles entières, d'un vert lustré; les fruits forment des grappes lâches à l'extrémité des rameaux; l'enveloppe extérieure est rugueuse ; elle s'enlève facilement , et il y a dessous une pulpe fondante, enveloppant un noyau rouge. La grosseur de ce fruit est celle d'une prune moyenne. Les Malais ont plusieurs plantes d'ornement qu'ils chérissent. La plupart sont douées des plus suaves odeurs, et servent au langage emblématique des belles et de leurs amants. Ils savent aussi en retirer des essences, dont les femmes s'enduisent les cheveux, et qu'on vend fort cher. Nous nous en procuràmes 1 Theobroma cacao, L, ZOOLOGIE. 385 plus de douze espèces, que le docteur Harloff nous désigna par leurs noms de Yyandana, pandang pudah, gandana, ambar, etc. Quant à la fameuse huile de Macassar, qu'on trouve à Am- boine , d'où elle vient de Menado, c'est une huile de ben, colorée en rouge et rendue odorante par le bois de santal. Les fleurs les plus brillantes et les plus suaves qui ornent les parterres sont : le Gardenia florida, arbrisseau qui prend une taille élevée; la rose de Chine (Aébiscus rosa sinensis), qui est éclatante par ses larges corolles pourpres; le sambac fnyc- tanthes sambac), le malaty, le champaca et tsiampaca /Miche- la), le henné {Lawsonia inermis), le buis de Chine / Murraya), et la carmentine panachée. Ce dernier arbuste est dans tous les jardins, ainsi que l'arbre triste {Plumiera obtusa), nommé koumbang , la poinciade, l'amaryllis, la pervenche rose, la gomphrena. On mentionne à Amboinele calambac ou bois d’a- loès, mais sans que nous ayons pu nous assurer de son exis- tence. Le dadap ou coton soyeux {asclepras) entoure toutes les cabanes, bien qu'on ne tire aucun parti de sa bourre satinée, si ce nest pour envelopper les coquilles fragiles. L'azédarach, ou lilas des Indes, y fournit une huile médicamenteuse. 6 XIL. NOUVELLE-GALLES DU SUD ( NOUVELLE-HOLLANDE ). (Du 17 janvier 1824 au 20 mars suivant. ) OBSERVATIONS GÉNÉRALES D'HISTOIRE NATURELLE, FAITES PENDANT UNE EXCURSION DANS LES MONTAGNES-BLEUES |. Nous ne donnerons, dans cet itinéraire, qu'une idée som- maire des productions animales qui sont propres au climat de 1 Publiées dans les {nn. des Sciences naturelles, en novembre 1825. Voyage de la Coquille. — Z. Tom. I, Partie Il. 49 386 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. la Nouvelle-Galles méridionale, contrée si féconde en espèces intéressantes, et si riche en animaux encore peu connus ; le court séjour que nous avons fait au Port-Jackson ne nous per- met point de développer des considérations étendues sur ce sujet, et nous ne pouvons qu'ajouter de légères glanures à tout ce que les voyageurs, nos devanciers, ont fait connaitre par leurs écrits. Les Anglais, qui ont formé une colonie brillante sur cette partie du globe placée aux antipodes de la France, sont dans une excellente position pour explorer ce pays avec un succès complet, et ne rien laisser à désirer aux naturalistes européens. Cependant, on ne voit pas qu'ils aient encore tiré parti de cette circonstancefavorable; et si on excepte Shaw‘ et Lewin*, dont les travaux sont estimables, aucun ouvrage spé- cial ne fait connaitre avec détail les richesses naturelles d’une contrée vierge et presque encore inconnue , notamment dans son intérieur. On doit beaucoup espérer du séjour que M. Mac Leay est appelé à y faire, et l'on doit regretter le départ du dernier gouverneur, le général Brisbane, qui cherchait à favo- riser les naturalistes de tout son pouvoir, et qui nous accueillit avec une bienveillance dont nous nous plaisons à lui témoigner toute notre gratitude. Les travaux qui ont pour but les ani- maux de la Nouvelle-Hollande, sont consignés dans nos ou- vrages classiques où dans des recueils scientifiques ; et chacun connait en Europe les importantes recherches de MM. Cuvier, Geoffroy Saint-Hilaire, de Blainville, La Billardière, Péron, Le- sueur, Quoy et Gaimard, en France; et les travaux exécutés en Angleterre par MM. Banks, White, Phillip, Latham, Knox, Home, Vigors et Swainson. ! Saw (Georges), Zoology of New-Holland. Lond., 1794, in-8°. 2 The birds of new south Wales, by John Lewin, in-4°, 26 pl. — On a du même auteur les Zépidoptères de la Nouvelle-Galles, 1 vol. in-4°. ZOOLOGTE. 387 Dans cet itinéraire, nous suivrons l'ordre de nos campements et de notre marche à travers les Montagnes-Bleues. Mais avant d'aller plus loin, nous croyons devoir dire un mot de la ma- nière dont on a franchi cette barrière, rendue fameuse par ce qu'en a raconté Péron, et par les tentatives que firent plusieurs Anglais pour l’escalader, notamment le célèbre Bass. L'année 1813 fut très-sèche; les sources tarirent, l'herbe fut brulée, et le bétail périssait faute de nourriture. MM. Lawson, Blaxland et Wentwort se déterminerent à tenter le passage des Montagnes-Bleues pour chercher des prairies plus fraiches, afin de réparer les désastres de l'année. Ils traversèrent le Ne- pean, à Æmiou’sford, montèrent aisément le premier plan des Montagnes-Bleues ; puis ils sembarrassèrent dans de nombreux détours, et furent sur le point de renoncer à leur projet. Mais enfin leur opiniätre persévérance triompha, et après avoir des- cendu le Mont-York, ils découvrirent un pays riche et fertile, et revinrent à Port-Jackson annoncer cette importante dé- couverte. Nous avons toujours été étonné des difficultés que ceux qui essayèrent de traverser ces montagnes disent avoir éprouvées, car leur élévation est, dans le point culminant, de 2500 pieds environ, et les deux plans qu'elles forment se lient par des on- dulations peu marquées, et ne doivent présenter quelque ob- stacle qu'au Mont-York pour descendre dans le Val de Clwyde. Il faut croire que tous ceux qui tentèrent l'entreprise dans les premiers temps de la colonie, aborderent les flancs roides et escarpés de la Glen du prince regent, qui est une vallée profonde, dont les murailles verücales devaient naturellement offrir des obstacles insurmontables, tandis qu'à une faible distance, il était facile de franchir les pentes déclives qui unissent les di- verses rangées du premier plan des Montagnes-Bleues. Munis d'un chariot et de guides, nous partimes, M. d'Urville 49- 388 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. et moi, le 29 janvier 1824. Nous ne décrirons point Sydney, Paramatta et la ferme d'Emiow’s Plains, qu'encaissele Nepean, et que recouvrent aujourd'hui, en abondance, les céréales eu- ropéennes. Cette belle et riche plaine est au pied des Montagnes- Bleues, à vingt milles de Sydney-Cove. Le sol est uniformément de grès ferrugineux, excepté à Prospect-Hill, où on remarque ce fait curieux d’une colline élevée, entièrement de doterite, dont le pied est enveloppé de grès, qui partout est uniformé- ment de même nature. Dans les eaux fraiches et vives du Ne- pean, nous observames une très-petite cyclade qui y habite, ainsi qu'un unio. Une sarcelle voisine de la soucrourette, ou même identique avec elle, vit par troupes sur cette rivière, que les ornithorhynques n'habitent plus, ou du moins en si petitnombre qu'il est très-rare d'en rencontrer dans cette localité. En revanche les cacatoës à huppe jaune (psittacus cristatus, Latham) font re- tentir de leurs cris les arbres des alentours, où ils se perchent par bandes nombreuses, et nichent dans les trous ou les cre- vasses que présentent leurs troncs. C'est en ce lieu que nous eùmes le regret de ne pouvoir tuer le singulier oiseau nommé vulgairement à Sydney le Fouet-de- postillon, parce que son cri, que nous avons entendu souvent, imite à s y méprendre le claquement d'un fouet; c'est le musct- capa crepitans de Latham ou le psophodes des Anglais. Le chou- cari violet, le satin’s-birdou piroll velouté [kitta sericea) prédilec- üonne également les hauts casuarina qui bordent le Nepean à sa sortie des Montagnes-Bleues. Le 31, nous commençcames à monter le premier plan. Le che- min jusqu'à Spring-wood est en pente douce, et des forêts d'eucalyptus et de casuarina couvrent la surface entière des montagnes et les ravins qui les divisent. Le mimosa taxifolia, espèce nouvelle de M. Cunningham, était en fleurs, et exhalait ? M. Lrssox. ZOOLOGIE. 389 l'odeur la plus agréable au milieu des buissons de Lambertia speciosa et de protea. C'est dans ce lieu qu'habitent principale- ment le mneénure*, (mænura magnifica; M. novæ-hollandiæ, La- tham), dont la queue, remarquable par sa rare beauté, est l'image fidèle, dans les solitudes australes, de la lyre harmo- nieuse des Grecs. Cet oiseau, nommé /aësan de bois par les Anglais du Port-Jackson, aime les cantons rocailleux et retirés ; il sort le soir et le matin, et reste tranquille pendant le jour sur les arbres où il est perché. Il devient de plus en plus rare, et nous n'en avons vu, pendant toute la durée de notre séjour à la Nouvelle-Galles du Sud, que deux peaux, conservées par M. Lawson. Nous arrivames au soir à Swamp, marécage étendu, où nous dressämes notre tente. Nous observames dans ce lieu un grand nombre de corbeaux (corvus coronoides, L.), dont l'espèce parait différer un peu de celle d'Europe; un petit engoulevent à plu- mage très-agréablement peint {caprimulgus novæ-hollandiæ), et le scénque rayé (scincus nigro-luteus, Quoy et Gaimard)°. La chaleur pendant le jour avait été très-forte, et un épais brouil- lard s'étendit sur les montagnes aux approches de la nuit, qui fut très-froide. Le changement de température est extrémement brusque dans ces contrées. Nous franchimes, le 1° février, ‘la chaine, nommée, à son point le plus élevé, Xing’s-table-land ; son élévation est de 2,727 pieds anglais *. Le grès est presque à nu de toutes parts; la vé- gétation y est rapetissée et se compose de quelques espèces de casuarina et d'eucalyptus, et c'est en ce lieu que croit avec le plus d’abondance la jolie Patersonia glabrata (Brown). 1 La lyre est figurée, dans l'ouvrage de M. Vieillot, à la suite des oiseaux dorés, sous le nom de Parkinson, pl. XIV et XV, t. II, p. 30. ? Le phyllure ( Zacerta platura, Waire ) y est très-rare. 3 D’après la carte de M. Oxley. 390 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. Non loin de Xzng’s-table on découvre un riche vallon, en- caissé par des murailles verticales, hautes de 676 pieds anglais, formées de couches régulières de grès : c'est la Glen du prince régent. De cet endroit, nommé #mphitheâtre de Pitt, la vue découvre à une grande distance les diverses ondulations de la chaine des Montagnes-Bleues ; des torrents de fumée s’élevaient de divers points des forêts, que l'insouciance des Sauvages in- cendie très-souvent. id En nous rendant à Black-heath (bruyère noire), nous trouvà- mes au milieu du chemin, dans un état d'engourdissement com- plet, le scinque jaune et noir du Port-Jackson, figuré dans l'Atlas zoologique de MM. Quoy et Gaimard. Ce qu'il y a de remar- quable, c'est que nous en trouvames un autre individu, dans le même état, quelques Jours a près, et que ceux que rapportérent les naturalistes de l'Urante furent ramassés dans des circonstances semblables. Le mont York ou Coxe’s-pass est élevé de 3292 pieds anglais au-dessus du niveau de la mer; aussi, le sentier qu'il a fallu pra- tiquer sur le flanc escarpé de ce mont pour descendre dans le charmant va/ de Clwyde, est tellement roïde, que, quoiqu'on lui ait fait décrire quelques détours par un travail opiniâtre, c'est encore un point difficile à franchir, qui occasionne souvent des accidents; et il n’est pas rare que les voitures un peu char- gées, ne puissent le monter qu'avec beaucoup d'efforts. Au mont York, distant de Sydney de 62 milles, cesse entièrement le terrain de grès, souvent ferrugineux, accompagne de fer hy- draté colorant, et de fer oligiste en écailles brillantes disséminees, et alors commence jusqu'à Bathurst le terrain primordial, com- posé de roches granitiques etsyénitiques quartzifères. Ces roches sont alternantes dans le lit de Ætsh-river, avec un porphyrepe- tro-siliceux notrâtre quartzifère. Lessommets des montagnes après Coxe's-river sont revètus d'une pegrnatite commune stratifiée. ZOOLOGIE. 301 C'est dans le mont York qu'habite principalement l'échidné épineux (echkidna histrix, Cuv.), que les Anglais élèvent en do- mesticité pour le vendre fort cher aux naturalistes. Cet animal, dont l'habitude du corps se rapproche du hérisson, est pour cela nommé vulgairement Ledge-hog par les colons de la Nou- velle-Galles. Il se creuse des terriers, et n'aime point à sortir dans les temps secs : aussi est-il difficile de se le procurer pen- dant plusieurs mois de l'année, suivant ce que nous dirent les Convicts qui habitent le mont York. Il vit d'insectes et de lé- gumes, et principalement de fourmis, qu'il ramasse avec sa langue à la manière des fourmiliers ; il pousse un petit grogne- ment lorsqu'on l'inquiète, et ses habitudes à l'état de liberté sont peu connues. Nous n'avons pu obtenir aucun autre renseigne- ment des gens du pays. Ce lieu, comme tous les environs du Port- Jackson, surtout les alentours de Botany-Bay, est infesté de serpents noirs (lack-snake), le plus redoutable des reptiles de cette contrée, celui dont le venin agit avec le plus de prompti- tude. On cite un grand nombre d'accidents graves survenus à la suite des morsures de cet acanthophis, remarquable par le noir brillant de la partie supérieure du corps, et par le rose agréable de la partie inférieure :. On traverse Coxe’s-river, formée par la jonction de deux pe- tits ruisseaux, sur des roches éboulées, d’un très-beau granite : cette rivière coule de l'Est à l'Ouest. Nous trouvâmes en ce lieu les grand et petit phalangers volants (petaurista taguanoides et p. sciurea, Desm.); à Yorks-bridge, nous tuâmes plusieurs es- pèces de philédons : ils vivent par troupes dans les grands eu- calyptus. Nous nous en procurämies une espèce inédite, ainsi que le philédon tacheté (certhia novæ-hollandiæ, Latham), le ph. à ‘ C'est notre acanthophis tortor, Reptiles, pl. n° VI. 392 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. front blanc, le ph. grivelé, et le cap-nègre (certhia atricapilla, Latham ). Le 3 février, nous atteignimes Æésh-river, où nous campämes dans l'intention de tuer des ornithorhynques. Les grandes séche- resses avaient tari le cours de cette petite rivière et diminué la hauteur de ses eaux : elle était guéable dans la plus grande partie de son cours. Les ornithorhynques, appelés vulgairement par les colons water-mole ou taupes d'eau, et mouflengong par les natu- rels, habitent ses bords en assez grande abondance, tandis qu'ils sont devenus très-rares sur les rives du Vepean. Ces animaux sont encore assez nombreux, dans la saison opportune, dans les rivières Campbell et Macquarie, et à New-Castle. Le para- doxal ’, ainsi fut nommé le singulier animal dont Shaw fit son genre platypus, et Blumenbach le genre orntthorhynchus, os égitimer ce nom par ses formes bizarres. M. Knox, lorsqu'il annonça sa belle découverte de la glande crurale , qui communique par un canal avec l’ergot dont sont armés les Hièds de derrière, fut attaqué avec virulence par un médecin du Port- Rep dans la gazette de Sydney. Le docteur Parmeter nia la glande et son conduit, et appuya son opinion de l'absence de tout exemple de M dangereuse connu dans le pays. Il avança que ces ergots, dont ne individus femelles sont toujours privés, servaient aux ler à saisir celles-ci et les rendre immo- biles pendant l'acte de la génération. Les observations subsé- quentes ont réduit ces assertions à leur juste valeur. La couleur du pelage de l'ornithorhynque est ordinairement d’un brun noir. Quelques variétés d'âge ou de sexe érigées en espèces ont ? Cons. PÉRON, Voyage aux Terres aust.; Desmaresr, Mamm.; Vanver- HOEVEN, ÎVov. Act. Acad. Cæs. Leop. Carol., tom. XI; Knox, Mémoires de la Société Wernérienne; les Annales des Sciences naturelles ; Everarn Homer, DE BLaAINviLLE, GEOFFROY SaiNT-HiLAIRE, etc., etc. ZOOLOGIE. 398 une couleur fauve-rougeñtre. M. Murdoch, surintendant de la ferme d'Emiou-plains, nous assura avoir trouvé des œufs d'or- nithorhynques de la grosseur et de la forme de ceux d'une poule domestique. Après avoir attendu pendant plusieurs heures, dans une im- mobilité parfaite, si nous verrions paraitre quelques-uns de ces animaux, nous abandonnâmes les rives de Æish-River, et les petits rochers à fleur d’eau sur lesquels ils vont se placer lors- qu'ils sortent de leurs trous. Nous apprimes depuis, qu'à cette époque de l’année (janvier et février) l'ornithorhynque restait blotti dans son terrier, et qu'il ne paraissait qu'au temps des grandes pluies, qui, en faisant gonfler les eaux des rivières qu'il habite, l'en chassaient et le forcaient à se tenir sur la surface de l'eau et dans les joncs qui bordent les rives. M. le docteur Ja- mieson , qui habite Résent-Ville, et qui s'occupe à recueillir les productions de la Nouvelle-Galles du Sud, possède un assez grand nombre d'ornithorhynques conservés dans l'esprit-de-vin; il eut la complaisance de nous en promettre, mais il ne réalisa point sa promesse. Il est difficile aujourd'hui de se procurer cet animal, et les peaux qu'on achète dans le pays, mal préparées et non enduites de préservatifs, se détériorent aisément. Sur les eucalyptus des alentours de Æish-River, nous observames plu- sieurs gros martins-chasseurs (dacelo fulvus) qui produisaient un bruit assourdissant, accru.encore par les échos. Leur cri est aigre et prolongé, et ces oiseaux sont stupides et sans défiance. Quoique les bords de #%sh-River soient assez agréables, ils offrent cependant cette monotonie qu'affecte partout la végé- tation de ces terres australes. À part une vingtaine d'espèces d'eucalyptus dont le faces est le même, on n'observe guère, et sans nulle variété, que des mimosa, des metrosyderos, des protéa, des casuarina, et à peine quelques genres européens sur Voyage de la Coquille. — Z. Tom. I, Partie IL. 5o 394 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. le bord des eaux’. On ne peut se dispenser de remarquer, en traversant les Montagnes-Bleues, la coupe similaire que la na- ture a donnée aux feuilles. Leur forme, excepté peut-être celle de quelques mimosa à expansions foliacées bipinnées , est géné- ralement simple, plus ou moins sèche, roide, glabre. Elle semble les avoir accommodées à la sécheresse du sol, en leur donnant une direction oblique pour présenter le plus de surface à l'air qui doit fournir leur nourriture principale. La Nouvelle-Hol- lande a seule offert la singularité de montrer des feuilles entières ou des pétioles foliacés à des arbres qui partout se font remar- quer par l'élégance extraordinaire de leur feuillage découpé. Une autre remarque, qui n'est point neuve, ilest vrai, est cette nullité absolue de fruits alimentaires dont sont dépourvues les Montagnes-Bleues , comme la surface entière de la Nouvelle- Hollande. A part la sorose d’une ronce voisine du rubus frutico- sus, et une petite baie dont les Européens font une très-bonne confiture, et que produit le /eptomeria Billardieri de Brown, tous les autres fruits sont ligneux et coriaces. Aussi l'homme indigène a-t-1l été forcé d'habiter les bords des rivières et d'en suivre le cours en tribus nomades, à mesure que les ressources de la chasse ou de la pêche viennent à s'épuiser. De là découle cette absence d'art, cette barbarie profonde, dans laquelle sont plongés les hommes de race noire qui trainent sur ce sol une existence misérable voisine de celle des brutes. Quelle différence de la demi-civilisation des heureux insulaires de race océanienne, dont le sol, riche et fécond en fruits nutritifs, suffit pour assu- rer l’existence des peuples qui n’ont point à songer à conquérir par des fatigues leur subsistance journalière! ! Il en résulte que les forêts de l’Australasie ont un aspect triste, lugubre et comme embrumé. ZOOLOGIE. 395 Les eucalyptus qui couvrent les éminences avant d'arriver à Sidmouth's-W'alley ont cela de particulier que leur écorce est blanche, satinée, et déchirée par longues lanières, qui pendent aux branches et qui font un bruit particulier. Ils étaient le refuge d'une grande quantité de petites perruches vertes, à tête rouge, et de la grosseur d'un moineau (psittacus pusillus, Latham), qui criaient toutes ensemble au lever du soleil. En traversant Fish-River, à dix milles de la ferme Renneville, nous trouvames, dans les eaux courantes sur des galets de granite, un nombre considérable d'insectes du genre Gyrin, etune espèce de sangsue, dont le corps est brun, et recouvert de deux larges raies jaunes longitudinales. Cette annélide manifeste une grande avidité pour le sang. Bientôt souvrit devant nous la plaine de Bathurst à droite, et celle de Macquarie à gauche. La première, au milieu de la- quelle est situé l'établissement qui porte le nom du ministre actuel des colonies en Angleterre, est vaste, entièrement déboi- sée. Elle est recouverte de #naphalium et du xeranthemum brac- teatum. Des nuées de criquets, dont les élytres produisent un cliquetis particulier, s’envolent à chaque pas. La caille australe (coturnix australis, Temm.) y est fort commune; sa chair, blan- che et délicate, mais sans fumet, y est très-estimée. Nous vimes, sans pouvoir les tuer, plusieurs sortes d'autours et d'éperviers. Nous séjournämes à Bathurst pendant deux jours; M. Morisset, qui ÿ commandait, nous reçut avec urbanité, et nous facilita de tous ses moyens dans nos recherches. La plaine de Bathurst est arrosée par la rivière Macquarie , qui est la même que Æsh- River, ou la rivière de poissons, apres qu'elle a recu les eaux du Campbell. Son élévation au-dessus du niveau de la mer est de 1970 pieds anglais. Sa surface renferme 6000 âcres environ de bonnes terres labourables ou de prairies, qui permettent d’éle- 5o. 396 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. ver un nombreux bétail. C’est là surtout qu'on a propagé les moutons de race espagnole, dont la laine est belle, mais n'a pu jusqu'à ce jour être transportée en Angleterre sans être avariée. À cent milles de Bathurst, dans l'intérieur, on a défriché la vallée de Wellington, où est établi un poste de Convicts incorrigibles. On a découvert dans le S.-0., bien au-delà du mont Molle, la substance minérale, dont la Nouvelle-Galles semble démunie, le carbonate de chaux (me stone), dont les Anglais éprou- vent la plus grande nécessité dans la construction de leurs édi- fices, puisque la côte ne produit point assez de coquilles pour satisfaire aux besoins. Cet article était vivement désiré , et ce ne fut pas sans la plus vive satisfaction, qu'on trouva une caverne qui git au Nord à seize milles de Bathurst, et dont la voüte est tapissée de stalactites épaisses d'un albâtre calcaire, fournissant une chaux très-estimée, À dix milles de cet établissement, à Pine-ridge, on exploite une forêt entièrement formée de cèdres (callitris sptralis, Brown), dont le bois est excellent pour les constructions. La rivière Macquarie, peu profonde et peu large, a ses rives couvertes de plantes européennes. On y trouve des potamoge- tons, des renoncules aquatiques, la salicaire, la samole, la ver- bena officinalis, le polygonum aviculare, ou une espèce très-voi- sine, etc., etc. Nous y trouvàämes des poissons qui forment deux genres nouveaux : la première espèce , nommée gryptes Brisbanu, de la famille des percoïdes, et la seconde espèce appelée Mac- quarta australasia. Is atteignent une grande taille, et leur chair esttres-estimée. Le gryptes a souvent trois pieds de longueur, et pres de soixante livres de poids. Une émyde (emys longicolles, Shaw), entièrement noire, à carapace très-aplatie, et à long col, habite aussi la rivière Macquarie. Cette espèce ne rentre point sa tête sous la carapace, mais elle la loge sur un des côtés, entre ZOOLOGIE. 307 cette partie et le plastron, qui fournissent ainsi un abri. La jolie rainette dorée de Péron, une physe (physa australis), et une lrmnée à test très-fragile, enrichirent nos collections. Nous observaämes sur les bords de cette rivière une espèce de vanneau extrèmement défiant, que les Anglais nomment pluvier à ailes épéronnées, et qui doit étre probablement le pluvier frangé (charadrius pectoralis, Cuvier). Les colons con- naissent sous le nom de serpent fil un reptile à corps srele et délié, dont la morsure est suivie d’une mort rapide, et on nous assura que des chevaux ne vécurent point au-delà de 15 à 20 minutes après un accident de ce genre. Nous ne pensons pas que ce serpent ait été mentionné par quelques voyageurs, .etil serait intéressant de confirmer son existence. Nous n'avons pas cru nécessaire de nous étendre sur l'aspect du pays et sur ses divers accidents; ces détails ne seraient point ici à leur place : nous préférons rappeler brièvement quelques- uns des objets de zoologie que nous avons eu occasion de voir pendant notre court séjour à Sydney. À en juger par son extérieur et par son intelligence, l'homme indigène semble avoir été disgracié de la nature et former un chainon qui le rapproche de la brute. Quoi qu'il en soit, le nombre des habitants du comté de Cumberland diminue rapi- dement, et ces hommes stupides, insensibles à tout ce qu'on a tenté pour leur mieux-être, n'ont pris des Européens que des habitudes vicieuses qui bâtent leur perte, telles qu'un gout désordonné pour les liqueurs fortes; la syphilis et la petite- vérole ont ensuite porté sur eux leurs ravages. Si le nombre des indigènes diminue, celui des animaux décroit d’une ma- nière remarquable, et l'époque n'est pas éloignée où toutes - les parties civilisées. seront dépourvues de kangourous, d'or- nithorhynques, etc. Déja le casoar (casuarius australis , Shaw) n'habite plus la plaine des Émious, qui en était remplie. Cet 398 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. énorme gallinacé s'est enfui au-delà des Montagnes-Bleues, ou en dehors des limites de Cow-Pasture. Ce n'est plus qu'en domesticité qu'on voit le grand kangourou (4. labratus, Geoff.). Nous en observames plusieurs paissant en liberté dans le vaste parc de Rose-Hill à Paramatta, se relevant sur leurs pieds de derrière pour examiner ce qui se passait autour d'eux, et fuyant par bonds en s’élancant sur leurs courtes jambes de devant lorsqu'ils étaient inquiétés. Cet animal, dont Ia chair, dure et coriace, est peu estimée, puisqu'il ny a que les quartiers de l'arrière qu'on emploie pour faire des potages médiocres, se prive avec une extrême facilité. On nous en montra un au Port- Jackson qu'un soldat de la garnison avait élevé, et qui obéis- sait ponctuellement aux ordres de son maitre; il savait très-bien boxer. Ce kangourou montrait un grand courage, ne balancait pas à attaquer un chien, et se servait de ses jambes de derrière ou de sa queue pour frapper ceux quil voulait combattre, en s'élançant sur eux par un bond instantané et très-élevé. Avec son maitre, il se prétait au badinage, et jouait seulement avec ses deux jambes de devant, sans chercher à lui faire de mal. On apporte en abondance dans les marchés le kangourou à cou roux, que les naturels nomment oualabat (k. ualabatus, n. pl. VIL.), et parfois le potorou de White (kypsyprimnus White, Quoy et Gaimard), qui vit dans les lieux rocailleux et peu fréquentés. Cette espèce, qui court avec agilité, avait été tuée par notre maitre canonnier Rolland’; mais elle a été per- due dans le naufrage de M. Garnot. Les peramèles, nommés bandicout, paraissent exister dans les environs de Liverpool, ou du moins on nous en indiqua une espèce dans cet endroit, sans doute le perameles nasutus, Geoff. Homme excellent, très-brave, plein d’ardeur et de zèle, qui nous a été fort utile par son adresse pour la chasse, et qui avait rendu plus d’un service à l’expe- dition autour du monde, commandée par M. de Freycinet, ZOOLOGIE. 309 Nous n'avons eu occasion de voir des dasyures qu'en capt- vité : c'était celui de Maugé (dasyurus Maugei, Geoff.), figuré dans l'Atlas zoologique du voyage de l'Uranie. Les naturels détruisent une prodigieuse quantité de phalangers volants (pe- taurista taguanoides, Desm.), dont ils sèchent les peaux pour en faire de petits manteaux qui leur couvrent les épaules dans l'hiver. Nous en observämes plusieurs à pelage entièrement blanc. L'espèce de chien sauvage (canis australasiæ, Desm.) que White a décrit dans son histoire de la Nouvelle-Galles ressemble au chien de berger. Son poil est rude, ses oreilles sont droites, et c'est la même espèce qu'on observe chez les nègres de la Nouvelle-[rlande et des iles Bouka et Bougainville. Ces chiens sont courageux, et vivent le plus ordinairement de crabes, de lézards qui courent sur le sol, ou de ce que la mer rejette sur le rivage. MM. Fréd. Cuvier et Geoffroy en ont donné une excel- lente figure dans leur bel ouvrage sur les mammifères. Nous ne trouvames qu'une seule peau de wombat ou phasco- lome, à Sydney (didelphis ursina, Shaw; phascolomys wombat, Pér. et Les. ), animal qu'on n’observe que sur la côte Sud et dans les petites iles du détroit de Bass. La roussette à tête grise (pteropus poliocephalus) a été vue en abondance par M. Cunningham dans la région intertropicale de la Nouvelle-Hollande, ainsi qu'une espèce de crocodile, sans doute le bicaréné des Moluques. La surface assez uniforme qui s'étend du rivage jusqu'aux Montagnes-Bleues, couverte de forèts aujourd'hui éclaircies et en partie abattues, renferme des buissons d'arbustes toujours verts, d'épacris, de xanthoræa, de Lambertia, ete. : c'est la demeure habituelle d'une foule de petits oiseaux à plumage vivement coloré, tels que le moineau astrild ou sénégali quin- äcolore, Vieillot; le moineau webbung (/oxta bella, Lath.), la sittelle aux ailes dorées (sitta chrysopteros, Lath.), les jolies par- dalotes (pipra punctata, Shaw), des soui-mangas de plusieurs to) VOYAGE AUTOUR DU MONDE. sortes, la colombe lumachelle (c. chalcoptera, Lath.), la belle perruche omnicolore, Le Vaill, (ps. extmius, Shaw), nommée Rose-Hill par les colons, une espèce de coucou, le turdus punctatus, Shaw, et plusieurs rnuscicapa. Mais les plus jolis oiseaux, et en même temps les plus communs dans les buis- sons, sont sans contredit le traquet superbe (motacilla superba, Shaw), el la queue gazée (muscicapa malachura, Tatham). Nous vimes nager sur les étangs à Botany-Bay le cygne noir (anas plutonia, Shaw), qu'on élève en domesticité sous le nom de black swans. Ge Le falco novæ-hollandiæ, à plumage entièrement blane, se tient dans la plaine. On nous en montra un individu qui avait des ondes grises-brunes sur le gris clair et cendré de son plu- mage. Dans les forêts et sur le sol, court la perruche ingambe, le ground-parrot des Anglais (ps. terrestris, Shaw). Cette espèce n'est point commune. Les philédons habitent les Montagnes-Bleues , et vivent assez généralement réunis. Le corbi-calao est surtout d’une stupidité extréme. Les cacatoës de Banks (psittacus funereus, Shaw) ont des mœurs sauvages ,'et sont difficiles à approcher. Il n'en est pas de même du cassican flüteur (barita tibicen), dont les habi- tudes sont celles de nos pies, dont il a le plumage : comme elles, il apprend à parler et à siffler avec facilité. Le scytrops novæ-hollandiæ est plus difficile à se procurer, et nous en tuames un seul individu; mais en revanche plusieurs espèces de perruches vivent par troupes dans ces montagnes, surtout le louri des colons, le tabuan de Latham (ps. Pennantii, Shaw), qui a des mœurs sociales et vit par troupes, s'abattant par volées dans les lieux où elles trouvent leur nourriture. Il nous arriva d'en tuer un grand nombre sur le grand chemin de Bathurst, et chaque fois celles qui échappaient revenaient encore se poser dans le même lieu, où elles cherchaient des graines tombées ZOOLOGIE. £ok sur le sol. À Spring-Wood abonde l'espèce nommée blue moun- tain parrot (ps. hæmatodus, Gm.), qui ne s'éloigne que par une disposition légère du plumage de la perruche dite d'Æmboine (psittacus ornatus, Gm.). Les différences qu'elles présentent consistent en ce que celle de la Nouvelle-Hollande a la poitrine garnie de plumes rouges et jaunes, mais non bordées de noir; celles du ventre, au lieu d'être vertes et jaunes, sont d’un bleu céleste. Le perroquet Geoffroy ou le Bathurst, espèce ainsi nommée par les colons, a le plumage vert, la tête rose ou rousse (c'est le ps. personnatus, Shaw). La perruche d'£dwards (ps. pulchellus, Shaw) est très-commune, surtout dans la plaine, ainsi que celle de Latham (pséttacus discolor, Shaw ). Parmi les oiseaux que nous nous procurames à Sydney, nous en mentionnerons quatre principaux qui provenaient de port Macquarie, situé par 31° 24 de lat. S. Le Xing’s' parrot (pla- tycercus cœruleus, Vigors), ou perroquet à croupion bleu de Levaillant, non dénommé dans les galeries du Muséum. Ce bel oiseau, de la taille du petit Jaco gris, a la tete, le cou et le ventre de couleur rouge très-vive. Les plumes des ailes, du dos et du dessous de la queue sont d'un vert foncé, plus clair en deux endroits sur les ailes. Celles qui revètent le croupion sont d'un très-bel azur. La queue est étagée, aussi longue que le corps; les plumes anales sont vertes, bordées de rouge ; le demi- bec supérieur est rouge, et noir à la pointe. Le loriot prince-régent (ortolus regens, Quoy et Gaimard), que Lewin a nommé melliphaga chrysocephala, et dont la place est débattue entre les philédons et les loriots, est le type du genre sericulus de M. Swainson. Le port de cet oiseau en effet est tout-à-fait celui d'un loriot; mais sa langue, d'après ce que Ancien gouverneur de la Nouvelle-Galles. Voyage de la Coquille. — Z. Tom. T, Partie IL. 51 4o2 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. nous à dit formellement M. Fenton', qui en a disséqué plu- sieurs individus, est terminée par un pinceau. Cette disposition semble avoir été donnée à certains genres d'oiseaux de la Nou- velle-Hollande, dont l’organisation serait ainsi accommodée à la manière de vivre que leur impose la nécessité, celle de sucer les fleurs ou les nectaires des arbres des forêts. Aussi trouve- t-on cette particularité chez un grand nombre d'oiseaux de la Nouvelle-Galles, et mème chez diverses perruches. Lewin a figuré ce séricule dans sa première planche, sous le nom de Xrng's honey sucker; MM. Quoy et Gaimard, dans leur zoologie, M. Tem- minck, dans ses planches enluminées, en ont donné d'excellents portraits. Cet oiseau, sans être rare à Sydney, s y vend fort cher, parce qu'il est très-estimé des Anglais. Nous avons apporté le male et la femelle qui sont déposés au Muséum. Le troisième et le plus rare des oiseaux que nous nous procu- rames de port Macquarie, où on en avait tué plusieurs quelques mois avant notre arrivée, est l'épimaque royal (epimachus re- gtus). Ce magnifique oiseau, au port des épimaques, et à la richesse de leur vestiture, ne Joint point comme eux et les oiseaux de paradis, dont il a la richesse, les plumes accessoires qui, sous diverses formes, ornent si élégamment le plumage des espèces que nous venons de mentionner. M. Swainson trouva dansles tarses de cet épimaque l'organisation de ses nelliphagide, et crut devoir proposer le genre ptiloris pour cette espèce, qui présente tous les caractères des épimaques, et surtout ceux du promefil. C'est à côté de ce dernier oiseau qu'il a été rangé dans les galeries du Muséum. M. Swainson regarde son genre ptéloris* : Chirurgien aide-major au quarante-huitième régiment d'infanterie. > Il est probable que la langue du ptiloris est terminée par un pinceau; mais on doit croire que cette organisation est également propre aux épimaques, quoique quelques auteurs indiquent que la pointe de cet organe est cartilagineuse. ZOOLOGIE. 403 comme le passage des promerops et des paradisiers à ses mellr- phagideæ. N'a nommé ptrloris paradiseus notre epimachus regius, qu'on appelait vulgairement à Sydney rfleman, en mémoire d'un soldat qui en tua six ou sept individus dans un voyage dans l'intérieur de la contrée. Voici la description de notre espèce faite à Port-Jackson : L'épémaque royal a la taille d’un geaï. Son bec est noir, courbé, denté sur le rebord de la mandibule supérieure, mais faible- ment, de la longueur de celui du promefil. Le dessus de la tête est recouvert de plumes écailleuses, d'un vert bleuâtre métal- lique. Une cravate triangulaire revèt le cou et la gorge, en for- mant un plastron de plumes écailleuses, brillantes, d’un vert émeraude, prenant aux reflets de la lumière diverses teintes chatoyantes et métalliques. La forme de ces plumes est trian- gulaire ; elles sont de couleur vert-olive mat et comme frangées sur les bords, tandis que leur portion centrale est éclatante. Les plumes qui revêtent le corps de l'oiseau, sur le dos, les ailes, ont la douceur du velours noir, dont elles affectent la cou- leur et l'aspect; mais exposées diversement au jour, elles pren- nent la teinte la plus riche d'un velours noir-ponceau. Le ventre est également recouvert de plumes écailleuses, à teinte de cuivre de rosette, mais plus terne que celles du cou et de l'occiput. La queue est courte, carrée, à plumes vertes dorées. Les pieds sont noirs et munis d'ongles crochus. M. Swainson a décrit la femelle, que nous ne connaissons que par lui. Autant la livrée du mâle est splendide et remar- quable par son luxe, autant, à ce qu'il parait, la vestiture de celle-ci est simple : elle est de couleur brune roussitre. La phrase de ce bel épimaque peut être tracée ainsi : Corpore atro purpurascente ; capite pectoreque smaragdo-virescentibus ; abdomine æris viride; hypochondrium pennis longioribus nulles ; rostro et pedibus nigrts. bre 404 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. Nous eùumes occasion de voir chez un officier de la garnison, qui les conservait en vie, deux chouettes”, le mâle et la femelle, qu'on avait pris à quarante milles de Sydney, au nouvel établis- sement de Vew-Castle, il y avait à peine quatre mois. Voici la description que nous en traçàmes sur les lieux. Ce mush-owl° a la taille du moyen duc. La tête est arrondie, sans aigrettes, à colle- rette circulaire, très-fournie sur le rebord, de couleur rougeûtre, noirâtre ou tachée de noir près le bee, qui est blanchàtre; œil et iris noirs, plumes de la partie supérieure du corps soyeuses, brunes, à flammes blanchâtres, striées ou marquées de points jaunàtres ; abdomen de couleur jaune très-pâle , avec des taches brunes, arrondies, peu sensibles sur Le fond du plumage; queue rayée de noir, avec des lignes sinueuses ou parallèles, jaunes, blanches et brunes; les ongles allongés, blanchâtres. Enfin, pour terminer cette rapide esquisse, les environs du Port-Jackson nous ont fourni en espèces nouvelles un faucon, une pie-grièche, un grand cassican gris des Montagnes-Bleues, deux muscicapa, un philédon, un pouillot et un coucou très- petit. S'XTIT. BAIE MARION OU DES ILES (NOUVELLE-ZÉLANDE } (Du 3 avril 1824 au 17 du même mois.) La Nouvelle-Zélande comprend deux grandes iles, qui gisent à l'Est de la Nouvelle- Hollande à quatre cents lieues de di- Le A \ "1,7 . / Peut-être cette espèce est-elle une variété du strix flammea, rapportée par Péron de la Nouvelle-Hollande. Nous ne pouvons prononcer, n'ayant point l'individu sous les yeux. ? Nom anglais des chouettes. ZOOLOGIE. Lo stance, et qui s'étendent du 34° degré de latitude Sud, jusqu'au 47°. Ces deux iles sont séparées par un étroit canal, qui fut dé- couvert par Cook et qui porte son nom. L'ile Nord a environ deux cents lieues en longueur et cinquante à l'endroit de sa plus grande largeur. L'ile Sud a à peu près la même étendue. Ces îles furent découvertes par Abel Tasman, Hollandais, en 1642, et cenavigateur mouilla dans un havre qu'il nomma Bare des assassins, parce que les naturels attaquèrent l'équipage d'un canot dont ils tuèrent quatre hommes, qu'ils mangèrent suivant leur coutume. Tasman ne parait point avoir communiqué, et ce pays fut long-temps sans être visité, lorsqu'un nommé Stvers, probablement Hollandais, mouilla à la Baie des iles vers 1766. Cook explora en plusieurs voyages, d’une manière plus com- plète, un pays absolument inconnu jusqu'alors, et donna sur les mœurs des naturels et sur leurs habitudes générales un récit d'une vérité parfaite dans la majeure partie de ses points. Le premier voyage de Cook date du mois d'octobre 1769. Dans la méme année, Surville, navigateur français, découvrit la baie de Lauriston, devant laquelle passa Cook, qui la nomma sans la visiter Baie douteuse. Le marin anglais retourna explorer de nouveau ces parages en 1770 et en 1773. Les capitaines Marion et Crozet, Francais, mouillérent à la Baie des iles en l'année 1972. Depuis ce temps un grand nombre de navigateurs, et surtout les bâtiments destinés aux grandes pêches, vont y relâcher. Peu d'îles offrent une surface aussi morcelée, aussi déchirée que celles-ci. Leur étendue n'est qu'une suite de lanières étroites, coupées par des baies profondes, par des ilots innombrables, par des rivières qui se divisent à l'infini dans l'intérieur des terres, se joignent ou se perdent les unes dans les autres, et pourraient servir à établir des communications sur tous les points. Des montagnes élevées, mais ne tenant à aucune chaine 406 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. suivie, couvrent le pays, et la plupart paraissent d’origine ignée, formées de basaltes et de laves. Les deux îles de la Nouvelle-Zélande furent appelées par Cook, celle du Nord Æaher no-mauwe, et celle du Sud Tawaiï poërnammou?, d'après les naturels, qui aujourd'hui, dans l'ile sep- tentrionale du moins, ont adopté le nom de Nouvelle-Zélande, en le traduisant en Voui-Tirenk. La plus grande partie de l'ile septentrionale est beaucoup mieux connue que l'ile méridionale; et diverses reconnaissances que les missionnaires ont poussées dans l'intérieur ont éclairci sa configuration. Il n’en est pas de même de la portion Sud de la même île, et de toute l'ile gisant au Sud, dont on ne connait que quelques baies, visitées par les capitaines occupés à la pêche des phoques, qui y sont très-abondants. Cette dernière ile est moins peuplée que la premiere : ses habitants sont beaucoup plus féroces, et rarement ils laissent échapper l'occasion d'attaquer les pêcheurs qui débarquent sur leurs côtes. Leur climat est plus rigoureux, leur misère plus grande, leur vie plus précaire : aussi sont-ils en quelque sorte nomades. Les tempêtes semblent régner con- stamment sur cette contrée, demeure habituelle des phoques, des penguins et des autres oiseaux des hautes latitudes: 1 Cest É-ika-na-mauvi qu'il faut dire, ce qui signifie le poisson de Mauwi, nom indiquant sans doute l’abondance des poissons sur les côtes de cette île. Il est de fait que la pèche est une des grandes ressources des habitants pour leur nour- riture. ? Tawai poérammou signifie chez les Nouveaux-Zélandais l'ile du poisson qui produit le jade vert. Les peuples paraissent nommer tawaÿi quelque grande espèce de baleine à laquelle ils attribuent la formation du beau Jade axinien, qui sert à faire leurs casse-têtes et des objets de parure. Peut-être cette étymologie remonte- t-elle à d'anciennes idées mythologiques. ZOOLOGTE. 407 Lile Nord est celle qui va un instant fixer notre attention. Elle s'étend depuis le 34° degré 10° de lat. S. jusqu'au 41° 35’. Son rapprochement du tropique du capricorne rend son climat plus tempéré, sa végétation plus active, les moyens de subsis- tance plus faciles à obtenir: aussi sa population est-elle plus nombreuse. Ses côtes sont remplies de baies vastes et commodes pour servir de ports, de criques, d'embouchures de rivières, de caps avancés et morcelés. La côte Est surtout n’est qu'une suite de déchirures, et d'ilots, qui y sont semés en abondance sur toute sa longueur. La côte Ouest, qui est tracée avec moins d’exactitude, semble être beaucoup moins morcelée. Cela tien- drait-il à ce que les tempêtes violentes qui soufflent une porc tion de l’année de l'Est, forcent la mer à creuser inégalement ses rivages ? Mais cependant la partie orientale n'est pas exempte des coups de vent del'Ouest, qui se succèdent presque sans inter- ruption pendant l'hiver, et qui amènent cette longue houle per- manente qui se déploie sans obstacle dans le canal qui sépare ces iles de la Nouvelle-Hollande. L'extrémité la plus au Nord de l'ile, ou le cap Nord des na- vigateurs, porte le nom de Moure-Motou dans le langage des naturels. Les ilots nommés les Trois Rois par Tasman, gisant au Nord del'ile, sont nommés Manawa Tawr. La côte occiden- tale par 34° 51° présente dans sa partie la plus étroite, et comme étranglée, une montagne nommée Ohou-aura etune baie appelée Matapia par 35°. Sur cette côte, et presque vis-à-vis la Baie des iles, par 35° 30’ lat. S., est l'embouchure de la belle rivière de Shukeangha, où M. Marsden fit un voyage lors de sa tournée en 1519, et qu'il se crut autorisé à baptiser du nom obscur de Gambier. Les habitants des bords de cette belle rivière, où M. Marsden propose d'établir des missionnaires, sont doux, hospitaliers, intelligents et nombreux. Tels ils parurent du moins à M. l'évèque de la Nouvelle-Galles, sans doute parce 408 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. qu'ils lui demandèrent une église et un ministre, plus pour se procurer de la poudre et des mousquets, comme leurs voisins, que par envie de se convertir. On dépeint d’ailleurs le pays comme fertile, arrosé par un grand nombre de ruisseaux, qui serpentent dans de riches vallées. A l'Est de la rivière est le dis- trict de 7ïami, peu peuplé, couvert de plantes sauvages, mais habité par des hommes qui paraissent moins belliqueux que leurs voisins. Par 36° 35° lat. S. est la baie de Xatpara, où se jette la rivière de Wai-roa. Par 37° est la baie de Manou-Kaou. Une rivière qui coule à l'Est semble se joindre à celle de Magoya, qui de la côte Est coule à l'Ouest. Cinquante-cinq milles plus au Sud est une baie nommée farkato. Le cap le plus occidental vers l’'ex- trémité du Sud se compose d'une éminence montagneuse éle- vée, et se nomme Puke e aupapa. La côte orientale est occupée, du Nord au Sud, par un grand enfoncement nommé W'aaroa ou Bay Sandy. La baie certaine se nomme Oudoudou. Par 35° 45" lat. S. est Wangaroa, baïe très-sure, à l'entrée de laquelle est l'ilot Motou-arotira. Des missionnaires y ont formé en 1822 un établissement. Les Cavalos, ilots semés à l'Est de W’angaroa, portent le nom de Motou-Kawa chez les indigènes. La vaste Baie des îles vient ensuite. Elle est placée, d’après les observa- üons des officiers de la Coguille, par 35° 15° 16° 7° lat. S., et TALONS lon EMNaAnAL INSEE rs ar 55 Nelle tse nomme /piripi dans la langue des naturels. À l'extrémité Sud est le cap Brett, Motou-gogo. Ce cap se termine par une mon- tagne dont le sommet est, dit-on, occupé par un petit lac. À quinze milles marins de Xiddi-Kiddr, au pied d’une petite chaine de montagnes, nommée Pito-motou-fenoa, est un lac nommé Omapéré. Dans Bream bay sont les ilots en et Chickens ; les rivières de W'angharé et de #'anght viennent aboutir à la mer sur ce ZOOLOGIE. 409 point. L'immense enfoncement qui s'avance au Sud dans les terres, et qui prend le nom de rivière 7ames, est rempli d'ilots; mais on y trouve cependant un excellent mouillage. M. Marsden rapporte que les chefs des villages, à l'Est et à l'Ouest, récla- merent la protection de la Grande-Bretagne; qu'ils lui parurent très-disposés à s'adonner à l'agriculture, et qu'ils sentaient les avantages d'un gouvernement régulier. L'ile Barrter est au Nord du cap Cobvill. La Nouvelle-Zélande de ce côté présente un vaste golfe, qui se termine au cap Est, lieu où l'ile présente une plus grande largeur. Le piton le plus oriental se nomme Wanga- paraoa. Par 39° 27 est la baie de 7ko-maha, qui forme de la portion Est une sorte de presqu'ile, en s'enfonçant au Nord; tandis que le golfe où gisent les iles Puhia, Vocare, Motou-hora, se dirige au Sud. Le milieu de l'ile présente en cette partie un phénomène naturel très- curieux et très-intéressant. C'est un grand lac dont le centre est occupé par une petite ile verte nommée Mokora, située par 38° 45° lat. S. Ce lac peut avoir une étendue de vingt-cinq milles en longueur, sur douze de largeur. Un grandnombre de ruisseaux l’alimententdetousles côtés; mais sur son bord oriental, on trouve des sources d'eaux très-chaudes. Ce lac se nomme Aoto-doua, et a de profondeur 20 à 26 brasses, suivant quelques missionnaires; tandis qu'il a peu de fond, au dire de plusieurs naturels. Entre ce lac et la côte occidentale coulent deux grandes rivières. Les roches qui forment le pourtour de la Baie des iles sont noires, brülées, et d'un aspect sombre. Elles sont fendillées dans tous les sens, et appartiennent au basalte écailleux passant à la phonolite. Quelques roches des côtes sont toutes rongées et parsemées de trous comme la surface d’une éponge. La mer, en jetant des galets qui se sont agglutinés, a formé sur quelques points des pouddings. La surface du sol est tres-mnégale, et les montagnes n'ont point de chaines suivies sur le pourtour mor- Voyage de la Coquille. — Z. Tom. I, Partie LL. ba 410 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. celé de la baie. Il n'en est pas de méme dans l'intérieur, où elles présentent une tout autre élévation. La couche de terre qui revêt les roches est argileuse, jaunätre ou rougeâtre. De larges veines de tuf rouge (péperite), que les habitants utilisent, la traversent en plusieurs endroits. Une deuxième couche de terre franche revêt la première, et celle qui est la plus su- perficielle se compose d'un excellent terreau, très-végétatif, très-meuble et très-noir. De nombreux volcans, dont les traces des éruptions sont récentes, existent sur plusieurs points de ces iles; et un entre autres, en activité il y a à peine deux années, git à environ cinquante milles de la baie Marion. Aussi trouve- t-on communément des pierres ponces, et des masses d'une obsi- dienne ordinaire, nommée rnata, avec laquelle les naturels tail- lent leurs haches. Le lac Æoto-doua semble, même avec ses sources d'eau chaude, être le cratère d’un ancien volcan. Les environs de Xiddi-Kiddé offrent des coulées basaltiques remar- quables, et la rivière de même nom : coule sur ces basaltes à un mille du village, et offre des chutes pittoresques et im- posantes, retombant en nappes serrées sur des murailles for- mées de colonnes prismatiques. La cascade la plus majestueuse a environ 80 pieds d'élévation sur 60 de largeur; l'eau s'engouffre en formant d'épais brouillards dans le lit de la rivière, et les naturels croient qu'on ne trouve point de fond en cet endroit. La position rétrécie de cette gorge, le volume d’eau qui se pré- cipite en murmurant, rendent ce site excessivement roman- tique. Nous n'avons aucun indice du gisement du beau jade vert axinien, qui sert à fabriquer les patous-patous : il parait qu'on ne le trouve que dans un seul endroit de l'ile méridionale, près du détroit de Cook. Les habitants en faconnent des fétiches et 1 Kiddi-Kiddi, dans la langue des naturels, signifie chute d'eau. ZOOLOGTE. ii des armes, qu'ils vendent, ou qu'on leur enlève; et, par droit de conquête, ces objets se trouvent transportés dans toutes les parties de l'ile septentrionale. Ils ont aussi une substance miné- rale sous forme de poussière bleue de ciel, que les femmes em- ploient pour se faire des mouches, et qu'elles nomment para- éka-ouai-aoua ‘. L'époque de notre passage n'était point favorable pour les herborisations. Le temps de la fleuraison était passé. La végé- tation, quoique active, n'était verdoyante que dans les ravins et dans les lieux humides. Sur les flancs des montagnes elle parais- sait rougeatre, par le grand nombre de tapis épais et serrés d’une fougère haute de deux ou trois pieds (acrostichum furcatum , Forst.), assez analogue au pterts de France, dont les racines co- mestibles servent à la nourriture des Zélandais. Les formes vé- gétales sont peu riches et peu variées. Elles s'éloignent de la pompe et du luxe de la végétation des iles intertropicales; elle n'a aucun rapport avec la tristesse et l’uniformité de celle de la Nouvelle-Hollande; elle se rapproche plus de l'aspect de celle du Chili. Quelques coteaux sont recouverts par des arbres moyens , assez analogues à l'olivier à feuillage grisâtre et triste. D’autres arbres, très-grands et d’une forte taille, bordent les baies sablonneuses, et forment d'épaisses fourrées, où croissaient une belle espèce de poivrier, quelques arbustes couverts de fleurs blanches. Les arbres, dans quelques lieux, étaient très-variés; mais malheureusement aucun ne pouvait nous offrir leurs caracteres. Les mousses et les fougères y sont très-nombreuses, et forment vraiment des tapis très-épais dans les bois humides et frais. Une entre autres a les feuilles arrondies, très-vertes, , o . . . . . ‘ On na point encore eu connaissance d’aueunes mines. Il doit y avoir des gise- ments de fer, quoique les naturels ne possèdent aucun échantillon de ce métal natif. Il faudrait mieux connaître Pintérieur, et y faire quelques travaux, pour acquérir des notions à ce sujet. 52. 4r2 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. portées sur un long pédicule partant de la tigeradiculaire, etdont la fructification occupe le rebord. Nous y observames plusieurs lichens, quelques petites plantes, qui ne faisaient qu'accroitre le regret de ne pas se trouver, à une époque plus favorable, dans un pays dont la botanique est aussi neuve qu'intéressante, et en général très-peu connue. Les coteaux présentent un petit ar- buste à fleurs blanches, qui a le port d'une bruyère. Le phor- mium croit spontanément dans les lieux humides, et on le cultive auprès des cabanes. Nous ne trouvames aucun fruit comestible; car il est vraiment digne de remarque que toutes les terres australes en soient privées, à l'exception d'une sorte de prune bleuâtre, un peu charnue, sans saveur agréable, dont se nourrissent de gros pigeons qui les avalent sans les broyer. Une oxalis, une paquerette, furent les seules petites plantes en fleurs qui animaient les pelouses. Le sol est tellement meuble, qu'une partie de l'ile est recou- verte de végétaux utiles que les navigateurs y ont semés. Les naturels mêmes ont pratiqué quelques défrichements, et font cultiver la terre par leurs esclaves, qui la bêchent avec un in- strument en bois, courbé et pointu à son extrémité. Ils y font d'assez grandes plantations de patate douce, végétal qui prospère dans ces climats. Les productions indigènes qui rendent la Nouvelle-Zélande intéressante pour les Européens, ne sont pas susceptibles de former l'objet de spéculations commerciales dans ce moment ; mais plusieurs sont toutefois d'un haut intérêt, et seraient avan- ! Tout nous permet d’espérer que notre frère, M. Adolphe Lessox, qui à fait sur plusieurs points de la Nouvelle-Zélande un assez long séjour, et dans des cir- constances plus favorables, avec l’expédition commandée par M. Dumont D'URvILLE, va enfin faire connaître en partie cette végétation mystérieuse, ignorée des sa- vants de Paris. Le moment où l’Æstrolabe va revoir les ports de France ne peut être éloigné. ZOOLOGIE. l13 tageuses sous plus d'un rapport à la marine et au commerce. Au premier rang des matières éminemmentutiles, nous devons nom- mer le lin ou phormium tenax * de Forster, qui croit abondam- ment dans tous les lieux bas et humides de ces deux iles, où on le nomme forari. On se rappelle les essais nombreux etles éloges encore plus grands dont a été l'objet, en France et en Angleterre, cette substance textile qui unit la beauté des filaments à une souplesse et à une force supérieures à celle du chanvre et du lin. Les Anglais ont tellement senti les avantages de cette plante vivace, qu'ils ont tenté plusieurs moyens pour se l’approprier. Ils ont cherché à l’introduire à la Nouvelle-Galles, et elle décida en partie l'établissement qu'on fit sur l'ile de Norfolk, fertile d'ailleurs, et sur laquelle on espérait retirer en outre d'excel- lents bois de mâture (pin de Norfolk). Les dangers de l'attérage portèrent seuls à abandonner cette ile, sur laquelle le souver- nement a de nouveau l'intention d'envoyer des convicts, après avoir fait sauter quelques rochers nuisibles qui s'opposent à l'entrée d'un petit havre abrité. Des navires vont de temps à autre prendre à la Baie des iles des chargements de cette matière filamenteuse ; et deux officiers (M. Cowel et le capitaine Irvine) ont de nouveau et récemment fait des expériences sur les avan- tages dela culture du phormium à la Nouvelle-Galles du Sud. L'intérieur de la Nouvelle-Zélande produit surtout des bois qui seraient précieux pour la construction maritime, et même pour la mâture. Leur taille immense, la solidité et la dureté de plusieurs, les rendraient tres-propres aux divers emplois écono- miques. Ces arbres ne se trouvent que dans les ravins profonds éloignés des rivages, où ils forment des forêts épaisses. Les vé- ! Les racines du phormium sont très-amères, et les femmes s’en servent pour sevrer leurs enfants, en s’en frottant le bout des seins. Les jeunes tiges sont pleines d’une eau sirupeuse, consistante, que les Zélandais aiment passionnément. 44 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. gétaux ligneux qui croissent sur les côtes, surtout les oliviers, ne sont propres qu'à donner un très-bon bois de chauffage. Les An- glais vont de temps à autre chercher des esparres dans la Baie des iles pour le besoin du Port-Jackson, et même pour l'Angleterre. Les rafraichissements que les navires baleiniers sy procurent, font préférer à plusieurs cette relâche à celle de la Nouvelle- Galles, où ils paient des droits élevés d'ancrage et de pilotage, et les vivres fort cher. Pour des échanges, ils obtiennent des habitants des cochons en assez grande quantité. Les naturels vont les chasser dans les bois avec des chiens. L'espèce est la méme que celle qui est répandue dans les autres îles de la mer du Sud, et nous la croyons originaire de ces iles, quoique, suivant l'opi- nion de quelques auteurs, elle y aurait été portée par les Euro- péens. Le nom de porka, que les habitants ont conservé, semble en effet démontrer cette origine. Les Zélandais mangent fort peu de cette espèce de viande, à laquelle ils préfèrent la chair humaine, et même celle des chiens, dontils se régalent dans leurs réjouissances domestiques. On trouve aussi dans le pays, et à profusion, plusieurs sortes de patates douces, des pommes de terre, quelques poules, du poisson excellent. Depuis l’établisse- ment des missionnaires, on peut se procurer chez eux de la farine, des légumes secs, et quelques autres provisions. Diverses plantes potagères herbacées servent d’ailleurs de rafraichissement utile aux équipages, telles que le céleri, les choux, les radis, la laitue, et même l'ail, très-commun sur la petite ile Marion. Les animaux qu'on doit signaler dans le pays sont peu nom- breux. Le cochon, soit qu'il y soit naturel, ou qu'on l'y ait porté, puisque Cook dit n’en avoir pas vu, est, avec le chien et le rat, les seuis qu'on puisse citer comme propres aujourd'hui à l'inté- rieur du pays. Les chiens sont de grande taille, et ressemblent au chien loup; leur pelage est long, communément noir et blanc. Leurs oreilles sont courtes et droites; ils n’aboiïent point. Les naturels mangent leur chair, en font leurs compagnons assidus, et les chefs shabillent avec leur peau. Les missionnaires y ont introduit des bœufs, des vaches, des chevaux et des mou- tons. Les phoques sont excessivement communs sur les côtes de l'ile Sud principalement, et donnent lieu à des pèches lucratives de la part des armateurs du Port-Jackson. L'ornithologie de l'ile septentrionale de la Nouvelle-Zélande est fort intéressante, et doit fournir des découvertes futures aux voyageurs qui pourront y séjourner plus long-temps que nous ne l'avons fait. La plupart des espèces qui habitent ces contrées, situées aux antipodes de la France, ont toutefois été décrites par Latham dans le supplément à son General synopsis et dans son /ndex. Nous nous bornerons à citer celles que nous avons rencontrées, et sur lesquelles nous pourrons ajouter quelques détails descriptifs. Dans les passereaux, nous placerons au premier rang le tour ou philédon ! à cravate frisée, le poé bird de Cook, que les singu- larités de son plumage rendent remarquable, et que les Zélan- dais ont déifié. M. de Blois de la Calande en tua plusieurs indi- vidus pour les collections du Muséum ; car ce bel oiseau est assez commun sur les bords de la Baie des iles. Le martin-pécheur, poukeko , était également vénéré. Le wra-oua-ké, pl. XXHIT, fig. 1, ccterus novæ-zelandiæ, N. 1 C’est le polochion kogo, philemon circinnatus, de M. Vrrirror : ce nom de #ogo, qu'on dit usité à la Nouvelle-Zélande, nous est inconnu; car les naturels l’appellent exclusivement toui. Cet oiseau, élevé en cage, apprend aisément à répéter le rondeau suivant : Ko tu koë, Ko rongo koe ; Ko te Manou widi, Naou mat ; etc., etc. 416 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. est gros comme un merle. Son corps est entièrement noir, hormis sur le dos, où il a un manteau de couleur rouge-brun. Le philédon {oko-t-mako * a le plumage olive uniforme, relevé par des reflets métalliques de fer spéculaire sur la tête, et le bec et les pieds noirs. Les philédons, par leur ressemblance avec les merles, semblent être leurs représentants dans les ré- gions australes, et forment pour ces climats une famille natu- relle et géographique, très-caractérisée par la langue terminée en pinceau. Peut-être ne doit-on pas distinguer du philédon Duméril, un oiseau de la taille du grimpereau commun, dont la teinte est olivâtre, les pennes des ailes brunes, et le derrière de l'œil taché de blanc. Une petite touffe de plumes jaunes est vis-à-vis le pli de l'aile, et le bec et les pieds sont bruns. Le gobe- mouche to-t-toe est de la taille d'une alouette, brun-cendré, grisatre en dessus, à ventre blanc. La moucherolle pi-oua-ka- oua-ka est brunâtre supérieurement ; un point blanc se dessine au-dessus de l'œil; la gorge est brune, le ventre roux, la queue très-longue, brune et blanche. La moucherolle t0-/-t0é est de la taille de la mésange bleue ; elle a le front blanc, les plumes dela tête et du cou d’un beau noir, le ventre blane. Les ailes sont brunes à couvertures blanches, ainsi que le milieu des pennes. La queue noire et blanche, les pieds sont bruns, et le dessous des doigts de couleur aurore. Elle est figurée pl. XV, fig. 2 de l'Atlas. Le traquet queue-gazée, nommé matata, a le bec et la taille de nos alouettes. Son plumage est roux en dessus, flammé de brun, blanc sur le ventre et flammé de noir. La queue est lon- © gue, composée de plumes à barbes pinnées, plus longues en : Nous avons figuré cette espèce sous le nom de philedon Dumerili, pl. XXI, fig. 1. Depuis, nous avons retrouvé sa description et sa figure dans le Manuel d'histoire naturelle de Blumenbach (t.1, p. 209, pl. XIV, traduction francaise), sous le nom de certhia sannio, et toutes les deux fort imparfaites. ZOOLOGIE. | 417 dedans de la tige; les pieds sont roussâtres, l'iris est brun. Un pouillot, nommé didadido, de la taille du roitelet, est vert-olive clair sur les ailes, dont les pennes sont brunes ; la gorge est gri- sàtre pale, le ventre blanc. Un fringille, nommé {0-/-to-r, est de la grosseur d'un moineau. Le ventre, le cou et la tête sont de couleur gris-blanc; le dos et les ailes sont roussâtres, les rémiges brunes, bordées de jaune. Le bec et les pieds sont noirs. Une alouette, pi-o-ote, est peu différente de l’alouette des prés d'Eu- rope. Les perroquets ne nous ont offert que trois espèces : le faka à plumage gris-brun et roux avec de faibles teintes de rouge sombre. Les plumes du ventre sont brunes-fauves, terminées ge carminé. $ La perruche po-e-téré est grosse comme celle d'Alexandre. par un bord rou S le front est rouve, ainsi que deux moustaches derrière l'œil : le fo)ra9) I 2 Son plumage est d'un vert pré agréable, les rémiges sont bleues ; ventre est d’un vert jaune, et la queue, étagée, est médiocrement longue. Le demi-bec supérieur est blanc. C'est le psittacus novæ- zelandiæ de Sparrman (pl. XX VIIT du mus. Carls.), ayant pour phrase : Ps. viridis, sincipite, macula sub-oculari et hypochon- drtis cocciners. Une deuxième espèce de perruche, aussi nommée po-é-tére, ne parait être qu'une variété de la précédente, dont elle diffère par sa taille de moitié moindre. Le front est égale- ® Le perroquet #aka est le psittacus australis du Lev. Mus., et le ps. meridio- nalis de Gm.; Lara le nomma ps. nestor, en lui donnant pour phrase : Fuscus, capite incano ; collo inferiore castaneo, uropygio crissoque castaneo rubris. Nous avons possédé cette espèce vivante, et notre individu avait appris deux strophes d’une ode zélandaise fort ancienne, qu'il récitait sans se tromper. Il mourut dans la traversée, et sa dépouille orne maintenant les galeries du Muséum, où elle ne se trouvait point. Le nom de #aka, que nous conservons à ce perroquet, est celui qu'il porte parmi les Nouveaux-Zélandais. Voyage de la Coquille. — Z. Tom, I, Partie II. Ct Co 418 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. ment rouge; mais le dessus de la tête a une calotte jaune, et derrière les yeux les deux taches rouges manquent. Le plumage du corps offre la même teinte que la précédente. Le martin- pécheur kotare-popo est notre halcyon vagans. Sa gorge est blanchâtre, ainsi que le ventre, qui est parfois fauve. La tête est d'un vert brun; un collier blanc et quelquefois roux entoure le cou : le dos, le dessus de la tête et des ailes sont d’un vert brunàtre, peu éclatant; mais les teintes de son plumage sont très- variables. On trouve dans les bois assez communément le beau pigeon de la Nouvelle-Zélande, à bec et pieds d'un rouge de carmin, et dont la gorge, le cou et le dessus du corps et de la queue sont revêtus de plumes brillantes d’un vert doré, à re- flets de cuivre de rosette, plus éclatant sur les ailes; le ventre est d'un blanc pur’. Les naturels nous parlèrent fort souvent d’un oiseau sans ailes, dont ils apportèrent des débris, qui nous parurent être ceux d'un émiou; M. Kendall nous confirma dans cette pensée, en nous affirmant l'existence de casoars analogues à ceux de l'Australie dans les bois de la Nouvelle-Zélande, Les naturels chassent ces oiseaux avec des chiens, et les nomment Æzkzkzvr. Nous ne doutons point aujourd'hui que ce ne soit l'apterix australés de Shaw, figuré pl. M LVIT et M LVIIL, du 24° volume de ses Mélanges”. grand ouvrage sur les pigeons, et la co/umba spadicea de l'Index (t. IT, sp. 7 ); LATHAN, dans son Synopsis ( page 375 du supplément }, la nomme chesnut- shouldered pigeon. ? Le genre apterix est ainsi caractérisé : 1 Cest la colombe géant figurée par M. Temmincx à la planche 1" de son Bec, long, grèle, très-droit, recouvert à la base d’une cire, marqué de chaque côté par une longue rainure longitudinale, est souvent renflé et légèrement recourbé; narines? linéaires, peu apparentes, situées près la pointe du bec; ailes rudimentaires, ne consistant qu'en une seule articulation ou doigt, long d’un pouce et terminé ZOOLOGIE. 419 … Les palmipèdes sont abondants, surtout les longs voiliers qui nichent dans les rochers de la côte, tels que l'albatros, que les naturels nomment toroa, tandis qu'ils désignent sous le nom toréa un pluvier. Les manchots peuplent les côtes méridionales des deux iles. Nous tuames plusieurs de ces grands stercoraires orisätres, flammés de brun, si communs au Port-Jackson. Les Zélandais appellent ces oiseaux /0-7-ho. La Baie des iles est remplie, surtout lorsqu'il y règne des tempêtes, de fous d'une blancheur éblouissante, à extrémités des ailes d'un beau noir; de mouettes, nommées akr-aki, de taille médiocre, à bec et pieds rouges; le ventre, le cou, la tête et la queue sont d'une blancheur éblouissante, tandis que les plumes des ailes et des couvertures du dos ont une teinte gris- tendre ou glacé fort agréable. Les pennes sont noires avec leur extrémité blanche; l'iris est blanc. Près de Kiddi-Kiddi, on prit plusieurs hirondelles de mer, appelées tara. La taille de cette espèce (sterne à bec notr) est de moitié moindre que celle d'Europe; elle a une calotte noire, le bec et les pieds noirs, la gorge et le ventre blanes, le dos et les ailes d'un gris tendre, Le genre cormoran nous a offert ge noir- cendré sur le corps, et grisätre sous le ventre. La seconde”, de même taille, a la gorge et le ventre d'un blanc de neige. La membrane de devant l'œil est divisée en deux portions colorées en jaune vif et en bleu céleste. Le dessus du cou, de la tête trois espèces. La plus grande, £a-oua-ho', a le pluma par un petit ongle; tarses, courts, robustes, forts, gallinacés, et tétradactyles; le pouce, interne, très-court; queue nulle. Apterix australis, griseo ferruginea; rostro pedibusque fusco-flavescentibus. La seule espèce connue du genre. 1 Cormoran commun. 2 Cormoran monogramme, 420 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. et du dos est d'un brun cendré. Les pieds sont noirs. La troisième espèce, plus petite, a présenté la même distribution de couleurs dans le plumage :. Les échassiers se composent d'un crabier gris, nommé mnatou- cou, remarquable par une raie blanche sur la gorge, et d'un pluvier à collier, dont les nuances diffèrent à peine de celui d'Eu- rope. Nous ne rencontràmes point le pelecanus punctatus, que Sparrman à figuré dans la planche X de son premier fascicule du Museum Carlsonianum, et qu'il avait rencontré dans le détroit de la reine Charlotte. L'ichthyologie nous a procuré quelques espèces remarquables, et les naturels apportaient à bord, prin- cipalement, une petite clupée, nommée moë, un caranx, un rouget, quelques labres, une baliste, un grondin ou trigle vo- lant rouge à ailes vertes, nommé £oumoukoumou, un uranos- cope ponctué, appelé fouripou-a, un hippocampe, nommé #:- o-ré, et quelques espèces d’eau douce. Nous n'avons point vu de reptiles, excepté un petit scinque. Nous avons recueilli en crustacés une crevette, un grapse peint, une belle langouste, nommée kora, etc. ; en zoophytes, un our- sin spatangue, nommé ekzna, deux astéries. Nous ne ren- contrames aucun insecte, ni lépidoptère, ni coléoptère. Les coquilles des côtes de la Nouvelle-Zélande sont recher- chées par la rareté de certaines espèces : toutefois la Baie des iles est peu féconde. Cependant quelques personnes en ramassèrent jetées sur les grèves sablonneuses de Motou-roou. On peut sy procurer l’haliotide australe (k. australis, Gm.), paoua des natu- rels, dont les habitants apportaient des paquets enfilés ; un turbo brun, koramo; une calyptrée très-petite; la patelle rayonnante (patella radians, gaki ); une vénus; une came, nommée st-ou- oyé, que les naturels consomment pour leur nourriture. Nous ! Cormoran à bec court. ZOOLOGIE. 4at, n'y vimes point la parmaphore australe, la térébratule rouge (terebratula sanguinea, Leach.), l'arrosoir de la Nouvelle-Zélande Caspergillum novæ-zelandiæ), le latire orange (murex filosus, Lamk.), que les auteurs y indiquent. Sur les rochers on rencon- tra quelques individus du beau trochus imperator. M. de Blosseville nous apporta quelques petites coquilles fluviatiles de la cascade de Xiddi-K'iddi, et M. Gabertnous donna un gros bulime nouveau, qui est très-voisin du bulime à bouche rose (b. hœæmastomus) du Brésil. Une curieuse espèce de pol- licipes est implantée sur les récifs de la côte, où se trouvent des polypiers opuntia, nommés folimous-limou, et que recou- vrent des tuyaux de serpulaires, appelés dans le pays patouka touka, etc. Pendant notre relàche à la Baie des îles, dont la durée fut de quatorze jours complets, le temps fut alternativement serein, ou très-couvert et pluvieux, et la température agréable, mais froide lors des grands vents et de la pluie. Le 3, les vents soufflèrent de l'Ouest-Nord-Ouest, de l'Ouest, passant à l'Ouest-Sud-Ouest, à Sud-Sud-Ouest, d'une manière inégale. La journée fut très-belle. Le 4, il y eut calme parfait, avec un temps superbe. Le 5, les vents passèrent à l'Est-Sud-Est; mais ils soufflèrent faiblement, en variant de l'Est-Nord-Est à l'Est-Sud-Est. Le ciel fut couvert; les nuages se dissipèrent, et le soleil brilla. Ce temps dura pendant les journées du 6, 7 et 8, où les brises furent modérées de l'Est, et fréquemment interrompues par des calmes. Le 10 au soir, le temps devint sombre, et, pendant les trois journées suivantes, il fut excessi- vement mauvais. Le vent souffla de l'Est, grand frais, par ra- fales extrèmement violentes, et, dans leurs intervalles, la pluie tombait à foison. Les nuages couvraient les sommets des mon- tagnes , et chassaient avec force. Le 14, le vent se calma au soir, et le ciel s’'embellit. Les trois journées suivantes furent très- 422 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. belles, le vent calme ou soufflant modérément de l'Ouest. Le 17, nous appareillâmes avec une bonne brise de Sud-Sud- Ouest. Le baromètre à midi se soutenait à 28° 2, 3, terme moyen; lors de la tempête 1l descendit à 27, 10, 0. Il ne différait point sensiblement pendant la nuit. Le thermomètre à l'air ne dépassa point 23°; il se maintint habituellement à 19, 20 et 21; le plus bas qu'il descendit est 18°. La température de l’eau, à midi, fut une seule fois à 23°; elle était assez analogue à celle de l'air, ou d'un degré au-des- sous, et, à minuit, elle offrait un degré moindre que dans le jour. L'eau douce abonde sur tout le pourtour de la baie, où des rivières se perdent dans chacun des enfoncements : la plupart de ces rivières sont petites et coulent sous forme de ruisseaux. Quelques-unes sont assez larges et ont un cours étendu, mais non navigable, à cause des chutes qui l'interrompent, telles que celle de Xiddi-Kiddi. Dans la portion orientale de la grande baie Marion, où nous étions mouillés, l’aiguade était très-éloignée et d'un difficile acces. C'était un large ruisseau se perdant non loin d'un petit village fortifé. Les ilots qui sont épars sur la côte orientale possèdent-ils de l’eau douce? On doit le supposer; car plusieurs sont habités, et c'est sur la petite ile de Motou-arohia qu'est bâti l'Hippah de Motou-Kaourti. Les ravins recèlent fréquemment des chutes d’eau, qui sont formées par les pluies, et qui tarissent lorsque le beau temps se prolonge pendant quelques jours; toutefois les sources sont plus abondantes dans les portions méridionales et occidentales de la Bate des iles que dans la partie orientale. La mer est généralement belle par les temps ordinaires, lorsqu'on est mouillé en dedans des petites îles, et que le vent arrive de l'Est, de l'Ouest ou du Sud. Mais elle est fortement ZOOLOGIE. 425 houleuse lorsqu'il vient à venter du Nord; elle brise alors avec force sur les rochers du pourtour de ce port immense : mais lorsque le vent souffle par rafales, de quelque partie que ce soit, la surface de la baie est très-agitée. On peut aisément débarquer sur les plages de sables qui des- sinent le fond des anses et les diverses criques : elles sont aussi très-propres à la pêche avec la senne. K XIV. ILE D'OUALAN OU STRONG. (Du 5 juin 1824 au 15 du même mois. ) L'ile d'Oualan, car c'est ainsi que les naturels nous nom- mèrent la terre qu'ils habitent, qu'entrevit en 1804 le capi- taine américain Crozier, a dù, par la position qu'elle occupe sur les anciennes cartes, être confondue avec les iles Teyoa et Hope de quelques navigateurs; elle git par 5° 21° 32” de latitude Nord, et 160° 48° 22° de longitude orientale. La varia- tion de l'aiguille aimantée est de 8° 50° au Nord-Est. Oualan ne semble point faire partie de la longue suite d'iles nommées Archipels des Carolines, qu'elle sépare du groupe des Mulgraves : elle présente une exception remarquable, au milieu des pâtés de corail à peine élevés au-dessus des vagues dont elle est entourée de toutes parts, par les montagnes qui la couronnent, La direction de cette ile va du Nord-Est au Sud-Ouest, et son étendue ne dépasse pas vingt-quatre milles de circonférence. Une épaisse barrière de corail lui sert de ceinture extérieure, et quelques motous verdoyants, ou ilots de madrépores boisés, se dessinent en avant de la partie méridio- 424 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. nale. Sa surface, peu étendue, se trouve donc partagée par les pitons aigus et déchirés des montagnes volcaniques qui la com- posent en entier, Ou par les ravins et les vallées qui en séparent les petites chaînes. Partout s'étend une végétation fraiche et pressée, et un rideau de hauts mangjliers lui ie une bordure de grands arbres verts croissant avec vigueur dans l’épais limon que dépose sur les rivages le mélange des eaux de la mer avec les eaux douces. Dans cette ceinture de récifs qui entoure Oualan, et dans son épaisseur, qui n'est pas moindre en certains endroits d'un mille, on ne trouve que quatre ou cinq petits havres, dont deux seulement nous parurent propres à recevoir et à abriter des vaisseaux d'un faible tonnage. Le port de Lelé, ou baie de Pare des naturels, est le plus spacieux : mais, bien que protégé à l'Ouest, il ne pourrait point ètre fréquenté sans danger, à cause de l'unique ouverture qu'il présente à l'Est; car cet étroit canal, taillé au milieu de récifs sur lesquels les vagues déferlent avec violence, est directement soumis à l'influence des vents régnants, au moins pendant la mousson, c’est-à-dire que les brises de l'Est permettraient à un vaisseau d'y entrer vent en arrière, mais seraient un obstacle puissant à ce qu'il pût en sortir, puisqu'il serait impossible de louvoyer dans cette passe dan reuse par son étranglement. oe Le port dans lequel nous mouillàmes sur la partie occiden- tale de l'ile reçut le nom de //avre de la Coquille ; il est vaste, quoique encombré de banes de coraux dans son intérieur, et sa direction est au Nord-Est. La mer y est calme et paisible comme dans un étang; et pendant la durée de notre séjour; le vent ÿ soufflait à peine : le mouillage d’ailleurs y est sûr, et lorsque l'ancre ne tombe point sur quelque bouquet de coraux, elle trouve un fond de vase noire tenace. Quelques petits ilots, dépendants de l'ile principale, ex- ZOOLOGIE. 425 haussés au-dessus de la surface de la mer et très-verdoyants, forment cà et là des sortes de caps avancés, qui ne tiennent à l'île principale que par des bancs de coraux en partie submergés. Le plus remarquable de ces ilots est celui que les naturels nomment Lélé, et où, par des motifs qu'il nous serait difficile d'expliquer, ils ont placé le village où résident le roi et la prin- cipale noblesse du pays. Dans l'intervalle des dix jours qui s'écoulèrent dans le havre de a Coquille, les vents soufflèrent presque constamment du Nord-Est, de l'Est-Nord-Est, du Nord-Nord-Est; mais les brises étaient légères et assez souvent interrompues par le calme le plus profond. Dans les moments où l'air n'était point agité, la chaleur se faisait apprécier par une sensation pénible. Nous éprouvâmes toutefois des averses pluviales violentes, mais de courte durée; la pluie tombait ordinairement à la suite de quelque légère rafale. Le plus souvent les grains étaient attirés par les sommets des montagnes, et se précipitaient par suite dans les vallées inférieures. Si nous en jugeons par la fraicheur et par les belles proportions de la végétation d'Oualan; par l'abondance des sources et des ruisseaux qui en arrosent la surface; par la profonde humidité du sol, nous en conclurons que la saison des pluies doit y être de longue durée. Le baro- mètre à midi était fixé à 28 pouces; un seul jour il descendit à 27° 11° 8. Le maximum du thermomètre à midi et à l'ombre fut de 31° 4”, et le minimum ne fut pas au-dessous de 27° 8”. La température de l'air à minuit se maintenait régulièrement à 28° 2”; celle de l’eau à la même heure n'en différait que par un degré au-dessous. En général, les jours étaient excessivement chauds, et de cette chaleur mordicante si peu convenable pour le corps humain. Les nuits étaient pures et sereines; mais vers quatre heures du matin, on éprouvait une sensation vive de fraicheur et d'humidité. Voyage de la Coquille. —Z. Tome I, Partie II. 54 #26 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. Les montagnes dont l'ile d'Oualan se compose en entier sont, ainsi que nous l'avons dit, élevées et déchirées. De prime abcrd, il est aisé de s'apercevoir qu'elles doivent leur origine à des ir- ruptions volcaniques, et les murailles basaltiques qui hérissent leurs flancs viennent par suite en fournir la preuve. Le piton le plus élevé de l'ile a 678 mètres de hauteur; il s'élève vers le gu. La seconde montagne en hauteur est, non loin de la première, terminée par deux pitons accolés. Une vallée profonde, étroite, ciel comme un cône solitaire que termine un sommet ai sinueuse, traverse l'ile en entier, et l'isolerait complètement en deux portions, si elle n'était interrompue par une chaine de 106 mètres d'élévation, qui se prolonge dans la partie Nord après s'être dirigée du Nord-Est au Sud-Ouest. Dans cette vallée, ainsi que dans plusieurs autres gorges qui se dessinent sur la petite surface d'Oualan, les indigènes ont bâti leurs cabanes et placé leur culture. Ces vallées, sans cesse enrichies du détritus végétatif des montagnes, arrosées par des sources limpides et fraiches, sont d'une fertilité peu commune ; partout y croit, et en abondance, la canne à sucre à l’état sauvage. Les flancs des montagnes qui les bordent sont roides et abruptes, et les pitons qui les dominent sont tellement escarpés, qu'ils nous parurent inaccessibles. La chaleur solaire vaporisant sans cesse une grande masse d'eau que les montagnes attirent et dont la végétation s'ali- mente, il en résulte ce grand nombre de ruisseaux dont les eaux fraiches et limpides descendent de toutes paris des mon- tagnes, se creusent des lits étroits qu'ombragent des arbres vigou- 5 reux, ou dont le cours entravé par quelque obstacle s'enfle et retombe sous forme de petites cascades sur des lits de galets. Ces ruisselets sont tellement nombreux qu'ils forment dans les val- lées, en se réunissant ou en se divisant, des ruisseaux qui com- posent à la fin de petites rivières, qui portent à la mer leur tribut, ZOOLOGIE. 47 en s'ouvrant un passage sous la voute touffue des mangliers et dans la couche épaisse de limon répandu sur la côte. Ces ri- vières n'ont à leur embouchure que trois pieds d’eau, et un à deux pieds dans le reste de leur cours. L'eau et la chaleur étant les deux principes de la fertilité du sol, il en résulte que peu d'iles, sous ce rapport, pourraient l'emporter sur Oualan; mais la petite surface de cette terre, perdue au sein des mers, la garantira de la convoitise des nations européennes, et, pendant long-temps encore, sa fécondité ne sera appréciée que par les paisibles insulaires qui l'habitent. Cà et là sur quelques points des côtes s'étendent de longues plages sablonneuses, que bornent en avant de larges plateaux réguliers de madrépores. La nature des roches dont sont formées les montagnes, que les habitants nomment Aol!, est trachytique et basaltique. Leurs haches sont tirées de cette dernière matière, ou parfois d'obsidienne, Mais comme la végétation se trouve partout également pressée, par- tout également épaisse, le trachyte ne parait à nu que dans quelques endroits. Sur les côtes se rencontre abondamment du corail spathisé, que les habitants utilisent pour en faconner des instruments à leur usage. Partout ailleurs les récifs sont entière- ment madréporiques, et tassés fréquemment par blocs énormes que les vagues ont brisés. Les végétaux propres à cette île sont peu variés, quoiquils n'aient pas laissé le plus petit espace sans avoir pris racine sur le sol de glaise, uni à une grande proportion d'humus et de terreau noir et meuble, qui couvre d’une enveloppe superficielle l'ossature de cette ile. Comme les montagnes sont peu élevées, il en résulte que les herbes des vallées se sont propagées jusque sur les montagnes; et peut-être serions-nous peu loin de la vérité, en ne portant qu à une centaine les plantes qui composent l'ensemble de la végétation d'Oualan. À l'époque de notre séjour, en juin, à peine vingt d'entre elles se trouvaient en fleurs. Les 5A. 428 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. caractères distinctifs de cette végétation ne s’éloignent point de ce qu'on observe dans les îles de la mer du Sud. On remarque cependant que déja des végétaux des Moluques et des Philip- pines se sont avancés à l'Est, sur le groupe des iles de Palaos et des Carolines hautes jusqu'à Oualan. Les marchanties, les jungermannes et les fougères couvrent les troncs des arbres, les pierres nues et humides, le sol frais et ombragé. Ces dernières sont surtout remarquables par la variété de leurs espèces et par l'élégance de leur port. Quelques-unes, dont le stipe est droit et élancé, se couronnent de faisceaux de feuilles gréles et découpées. Les graminées, et en général les menues herbes, ne viennent point dansles bois, où les cimes des arbres ne leur permettent point de croitre ; mais on les observe seulement dans les vallées, unies à des jones, à l’arum-chou et à la canne à sucre, qui s’y trouvent à l’état sauvage. Le bananier à petits fruits et textile (musa textilés, Lesch. abaca aux iles Philippines) et l'arbre à pain à châtaignes s'é- lèvent dans toutesles fourrées, jusqu'aux crêtes les plus abruptes des montagnes, en s’unissant à une sorte d'arec élégant et de clathée découpée. L'hibiscus à feuilles de tilleul constitue les buissons, où apparaissent cà et là l’ortie argentée, une mal- vacée à fleurs jaunes, et que surmonte le Baringtonia, l'inocarpe édule, le morinda à feuilles d'oranger, qu'enlace le liseron pelté à larges feuilles cordiformes. Dans les gorges des vallées, crois- sent en abondance un ocymum, une espèce de cucurbitacée , un poivrier, un pancratium, un gouëét arborescent, des maranta, des orchidées. Sur les bords de la mer et au milieu des sables maritimes, percent divers pandanus, le scævolia lobelia, un vitex, etc. Les vases limoneuses du pourtour de la baie servent de sol à deux espèces de mangliers, dont une acquiert jusqu’à 60 à 70 pieds d'élévation , et on y trouve en abondance un pal- ZOOLOGIE. 12e mier humile, à fruits agglomérés, que nous ne sumes à quel genre rapporter. Les plantes alimentaires spontanées, jetées sur le sol de cette petite ile, sont vraiment multipliées à profusion : aussi les habitants d'Oualan n'ont point d'autre régime que celui des fruits. Il est possible qu'ils doivent à ce genre de diététique leurs habitudes molles et leurs mœurs douces et inoffensives. Cependantles cultures qu'ils ont établies autour de leurs cabanes témoignent une industrie plus avancée, sous ce rapport, que celle des autres insulaires de la mer du Sud du rameau océanien. Le cocotier est placé autour des villages, tandis que la canne à sucre est soigneusement plantée par carrés réguliers non loin des demeures des naturels; et chaque tige, sarclée avec soin et débarrassée des mauvaises herbes, est soutenue avec de longs piquets. L'arum lui-même, qui fournit le {aro, est cultivé dans les lieux humides et le long des ruisseaux. Enfin, à ces soins de culture de première nécessité ne se bornent point ceux que les naturels prennent de leurs végétaux nourriciers. Ils n'ignorent point l'horticulture, ou l’art de soigner les fleurs, qui, par leur éclat ou leur arome, contribuent à l'agrément de ceux qui en prennent soin; et leurs demeures sont embellies par des entou- rages de plantes d'agrément, telles qu'une belle espèce de ma- ranta à panicules roses et à feuilles largement nervées, dont les tiges genouillées sont maintenues par des baguettes enfon- cées dans le sol. Le fruit le plus utile comme matière premiere de la vie est celui de l'arbre à pain, que ces peuples nomment mosse, quand c'est l'artocarpus integrifola, variété sans semences qui le pro- duit; ou mosse soucossa, quand son intérieur est rempli de grosses châtaignes. Cette dernière espèce est d’ailleurs beaucoup plus abondante que la première, et est la seule qui puisse croître sur la longue suite des iles basses des Carolines. La canne à 430 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. sucre, qu'ils appellent £a, et qui pullule partout comme un gra- men inutile, acquiert, par la légère culture qu'on lui fait subir, des proportions considérables, et se remplit d'une sève sucrée très-abondante. Les bananiers y comptent plusieurs variétés, presque toutes médiocres sous le rapport de la bonté du fruit. Une seule, ou la figue banane, est estimée par les habitants, qui lui donnent le nom de oune. Mais la variété la plus abondante, celle qu'ils nomment oune kalasse, est remarquable par de très- gros fruits, dont la chair est d’une couleur de safran très-vive. Nous ne rencontrames nulle part ailleurs cette sorte de banane très-productive, qu'on ne peut manger que cuite, parce que sa chair est excessivement âpre, et qui jouit de la propriété fort singulière de teindre, instantanément après son ingestion dans l'estomac, les urines en jaune safrané intense. On appelle 710- naka aussi bien les racines du chou caraïbe que celles de l'arum arborescent (arum macrorrhizon). La fécule nutritive de ce der- nier végétal est baignée par une sève âcre etéminemment caus- tique; nous essayàmes en vain de l'en débarrasser par de nom- breux lavages et par des ébullitions répétées. Chaque fois que nos matelots y touchèrent, il en résulta pour ceux qui osèrent en mettre quelque fragment dans leur bouche, des inflamma- tions de la gorge qui persistèrent pendant un certain temps. Les habitants d'Oualan attachent un sens emblématique à la fleur de cette aroïde, qu'ils nomment oune Ketaque, et qu'ils fixent dans les trous de leurs oreilles à l'époque où la fécondation fait développer au fond de la corolle une chaleur considérable et très-sensible au simple toucher, qu'accompagne une suave odeur d'iris de Florence. Le cocotier, ou nou, n'est point très-abon- dant sur les rivages de cette ile; ce n'est guère qu'autour des cabanes des chefs qu'on en voit quelques pieds réunis : aussi les naturels ont-ils en grande estime les noix de ce précieux palmier. Ils donnent à la coque ligneuse le nom de for, à la chair celui ZOOLOGTE. 43r de quano, au lait émulsif celui de sano, enfin au brou filamen- teux le nom de kaké. Le hi, ou inocarpe à fruits édules, jonche le sol de ses châtaignes, dont les habitants semblent ignorer le bon gout. Ils ne paraissent pas non plus faire le moindre cas des cônes charnusdu morinda citrifolia, ni d'une sorte de pomme de terre rugueuse qui se développe aux entre-nœuds des tiges d'une plante grimpante autour du tronc des grands arbres. De grands et de beaux citronniers et orangers affectaient un port trop robuste en certains endroits de l'ile pour que nous ne les regardiôns pas comme indigènes à Oualan. Les habitants, d’ailleurs, les nomment 7neozasse ; et comme leurs tiges n'ont jamais recu le bienfait de la greffe, leurs fruits, excessivement amers, ne sont propres à aucun usage. La seka, ou schiaka, boisson fermentée, analogue à l'ava des Océaniens, se retire, comme cette dernière liqueur, des jeunes tiges broyées d'un poivrier. C'est avec le bois blanc et léger du Lo, ou hibiscus à feuilles de tilleul, qu'ils font jaillir du feu, ou qu'ils construisent les cloisons de leurs élégantes cabanes. Avec les longues feuilles de pandanus, ils en recouvrent les toitures ; avec les écorces de l'ortie argentée, ils tissent les cordages de leurs pirogues ; avec la teinture du morinda, ils colorent les produits de leur im- dustrie, etc. Le gout que ces insulaires ont pour les fleurs est très-vif. Les femmes portent sur le côté de la tête de gros pa- quets de &ho, ou corolles du pancrais d'Amboine, auxquels elles adjoignent des corymbes de falce, ou ixora rouge; des bouquets de haren, ou ocymum, et des fleurs d'inika ou dra- cæna terminalis. Le régime des habitants d'Oualan est entièrement frugi- vore. Nous ne rencontràmes sur ce coin du monde isolé ni le chien, ce compagnon fidèle de l'homme, ni le cochon, si commun sur toutes les iles de la mer du Sud; et si jamais les navigateurs futurs y trouvent ce dernier animal, c'est au soin 432 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. que nous avons eu de l'y déposer qu'ils en seront redevables. La poule domestique, quoique très-multipliée dans les bois, n'avait point été mise à contribution pour fournir sa chair substantielle et délicate ; elle y vivait en paix comme les autres oiseaux, et les habitants ignoraient même l'usage avantageux qu'on pourrait tirer de ses œufs. Ils lui donnent le nom de mône, nom qu'ils appliquent aussi aux oiseaux en général. Les deux seules espèces de mammifères que nous ayons rencontrées à Oualan sont : le rat, nommé fousique; et la roussette Kérau- dren, appelée quoy ou kor. Le premier, prodigieusement mul- tiplié, vit de fruits et de tout ce que la mer rejette sur les rivages. La seconde se réunit par troupes nombreuses, qui, dans le jour, s'accrochent aux rameaux desséchés des arbres morts et sy pendent la tête en bas. L'ornithologie de cette ile ne nous a offert, pendant la durée de notre séjour, que onze espèces. Les rzoddis, ou pales, volaient par essaims, au-dessus des grands mangliers des rivages, en compagnie d'une petite hirondelle de mer entièrement blanche. Les phaëtons nichent, en certains temps de l’année, sur les pitons des montagnes. Sur les rivages sont communs les plu- viers dorés, les chevaliers bécasseaux, et deux espèces de cra- biers, l’une grise et l’autre blanche, que les naturels nomment lougoulap. Le pétrel désolé apparait parfois sur ces côtes; car nous nous en procurâmes un individu. À chaque pas dans les bois une espèce nouvelle de colombe (columba oceanica, N., pl. XLI) fait entendre ses roucoulements plaintifs et bruyants ; les habitants la désignent dans leur langue par la dénomination de mouleux, et Wilson la mentionne assez exactement dans sa relation des iles Pelew :. ! Cette colombe est de la taille du ramier de France. Son bec est noir et sur- monté d’une caroncule globuleuse, de nature graisseuse, à épiderme noir. La gorge ZOOLOGIE. 133 Ce qui prouve évidemment que les animaux, aussi bien que les plantes, se sont introduits dans les iles de la mer du Sud, en allant de l'Ouest à l'Est, c'est que plusieurs des espèces des Philippines, des Mariannes et des îles de Palaos se retrouvent à Oualan, mais n'ont point osé en franchir le méridien. Le pi- geon que nous venons de citer en est un exemple, auquel viendra s'adjoindre le merle des colombiers, extrêmement mul- tiplié à Oualan , où on lui donne le nom de ououaizar. Confiant et peu craintif, cet oiseau, de la taille du merle de France, à le bec, les pieds et le plumage noirs, et l'iris jaune. Un autre volatile très-commun aux iles Mariannes, et non moins mul- üplié à Oualan , est un soui-manga à plumage rouge, qui parait etre l'héorotaire kuyameta de l'archipel de Tanna, que M. Vieillot a décrit, tome IT, p. 92, pl. LVIII de ses oiseaux dorés. Ce petit soui-manga, dont la langue est, comme celle des philédons, terminée par un pinceau de fibres nerveuses, nommé cisse dans le pays, est notre cynniris rubrater (Manuel d'Ornithol., t. IT, p. 55). Enfin nous y trouvames encore une petite espèce inédite de fauvette, d'un gris cendré, plus foncé en dessus, et 5 l’'hirondelle salangane. Deux espèces de scinques et un gecko sont les seuls sauriens qu'il nous soit possible de mentionner. Quant aux poissons, les tribus saxatiles trouvent dans les rescifs qui entourent Oualan des refuges adaptés à leur genre de vie. Plusieurs des espèces riches et brillantes qui avaient frappé nos regards dans l'ar- chipel de la Société nous apparurent de nouveau. Un grand et le cou sont d’un gris ardoisé, qui devient plus foncé et tire au verdätre sur la tête et la partie postérieure de l’occiput. Le ventre est d’un marron roux uniforme. ; k : à à Un vert doré brillant couvre le dos, les ailes et les rectrices. Le bec est noir, et l'iris d’un rouge de carmin. Voyage de la Coquille. — Z. Tom. I, Partie IL. 55 434 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. nombre de poissons des Moluques et de la Nouvelle-Guinée semblaient s'y être aussi donné rendez-vous. Dans les bassins de corail, sur les madrépores animalisés, se dessinaient avec toute la richesse de leur livrée bigarrée les balistes, les acan- thures, l’hédouhotsé ou coffre jaune doré, le rnossa ou nason licornet, l'aliala ou acanthure noir à nageoire bordée de jaune et à queue blanche, le mooa ou blennie sauteur, si commun à la Nouvelle-frlande. Sur les plateaux de rescifs que recou- vraient à peine à marée basse quelques pouces d’eau, nageaït en vacillant la schemisse, grosse murénophis bariolée de lignes fines, couleur de gris de lin. La multiplication de cet apode nous parut prodigieuse; mais sa chair indigeste, remplie d’a- rêtes aiguës, et les morsures de ses dents acérées, lorsqu'on ne parvenait point à le tuer du premier coup, nous dégoütèrent de lui donner la chasse. Les eaux vives et fraiches des ruisseaux renfermaient une très-grosse espèce d’anguille, qu'on trouvait dans de petits bassins jusque vers le milieu des montagnes. Les habitants lui donnent le nom de #6ne, mot qui doit beau- coup signifier dans leur langue, puisque c'est celui par lequel ils désignent le roi, le chef d'une famille, ou une haute mon- tagne. Soit que nous ne fumes point favorisés, soit que les rescifs de l'ile d'Oualan nourrissent peu de mollusques, toujours est-il que nous ne récoltämes que des espèces vulgaires, que nous avons déja mentionnées fréquemment. Deux ou trois petites espèces d'hélices et la natice puligère furent, en coquilles fluvia- üles et terrestres, nos seules acquisitions. Nous reconnumes aussi parmi les crustacés plusieurs des espèces de l'ile de Bourou. L'oursin à baguettes, l'oursin à piquants courts et rouges, celui à piquants noirs et aciculaires, des scutelles, des spatangues et l'holothurie trépang sont, en zoophytes, ce que nous avons de ZOOLOGTE. 435 plus particulier à mentionner. Trois papillons, deux cigales, furent les seuls insectes que nous puissions faire entrer dans cette énumération. La corvette /4 Coquille parait évidemment être le premier navire qui ait abordé l'ile d'Oualan. Nous avons publié ailleurs ’ l'histoire des hommes qui la peuplent, et nous nous bornerons un instant à l'envisager sous les rapports politiques. Trop peu vaste pour tenter la convoitise de quelques nations européennes, l'ile d'Oualan ne sera jamais visitée que passagèrement par les navires équipés pour les grandes pêches. Les rafraichissements qu'on peut sy procurer se réduisent à quelques fruits à pain, à des bananes, ou à des paquets de cannes à sucre. La pêche ne serait point assez productive pour nourrir un équipage entier; et la seule denrée commerciale, d'une certaine valeur, qu'on pourrait s'y procurer en abondance, serait les trépangs, qui s'y sont multipliés depuis des siècles, bien que l'époque où ils dis- paraitront de ses rivages ne puisse pas être éloignée. Le climat de cette île, à en juger par les circonstances atmo- sphériques auxquelles elle est soumise, doit être malsain. Les vases fétides qui sont accumulées sur plusieurs points des rivages, les villages des naturels placés au milieu de marais stagnants, doivent faire régner, ou des fièvres de mauvais caractères, ou des dyssenteries dangereuses. srand nombre d'habitants sont couvertes 5 d'ulcères atoniques, nommés rou et rofou, dont ils ne prennent Les jambes d'un aucun soin. La masse de la nation est rongée par cette lèpre squameuse ou ouarantte, vrai fléau des iles océaniennes, dont elle enlaïdit la race. Ils laissent au temps à consolider les frac- tures , qu'ils appellent pornac. Des catarrhes tourmentaient les * Journal des Voyages, année 1825, et Complément des OEuvres de Buffon, t. II, Races humaines. DS 436 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. hommes d'un âge avancé; et la simplicité du régime, aussi bien que la modération d'une vie que n'usent point les grandes pas- sions, n'avaient pas mis obstacle au ravage d’une maladie affreuse commune parmi nous : nous voulons parler du cancer, dont une femme avait sa poitrine rongée. La chaleur, pendant notre séjour sur cette ile, fut considérable : sa position près de l'équateur en rend suffisamment compte; et comme il fallait rester quelque- fois des heures entières sur les rescifs avant de se garantir des rayons du soleil par l'ombrage des arbres, il en résulta, pour plusieurs des gens de notre équipage, des insolations doulou- reuses, des érysipèles et des affections cérébrales inquiétantes. $ XV. HAVRE DE DORÉRY ( NOUVELLE-GUINÉE }: (Du 26 juillet 1824 au 9 août suivant.) Dambpier, Schouten et Forrest sont les seuls navigateurs qui aient donné quelques détails sur la Nouvelle-Guinée ; mais ces détails sont si incomplets et si éloignés des connaissances ac- tuelles, qu'on nous saura quelque gré de présenter un tableau de cette vaste contrée, dont nous n'avons exploré qu'un seul point. Le 26 juillet 1824, nous atteignimes le havre de Doréry, où nous séjournâmes jusqu'au 9 du mois suivant. Le nom de ce port est écrit Dorry dans Forrest; mais les naturels le pro- noncent Doréy, et parfois et plus imparfaitement Doréry. Ce mouillage tirait sa dénomination d'un village de Papous jadis peuplé, mais aujourd’hui complètement abandonné; il occupe l'extrémité Nord-Ouest d'un petit golfe, dont l'entrée est pro- ZOOLOGIE. 437 tégée par deux ilotsappelés Manaspari ou Manasouari, et Mous- maptou Masmapi. Ce havre, dont l’ancrage est sur et commode, git par o°, 5r 49 de latitude Sud, et 131° 44 59° de longitude orientale, sur la côte Est de la grande terre des Papous, et au Nord du golfe du Geel-wing, golfe qui par sa profondeur con- court avec une baie opposée à transformer la Nouvelle-Guinée en deux presqu'iles, que réunit un isthme étroit. Les bords du havre de Doréry sont en partie recouverts d’un limon épais, où croissent d'énormes mangliers, et où coulent plusieurs rivières limpides, dans lesquelles les eaux de la mer remontent assez loin. A l'Est s'offre une légère plage de sable, où quelques insulaires avaient autrefois placé deux ou trois ca- banes, auxquelles ils donnaient le nom d'inkamorer. Les naturels appellent rnamorysuary ce que les Européens connaissent sous le nom de havre de Dorery, et fanedike la crique sur le bord de laquelle était l'ancien village de Doréry. La côte, dans cette partie de la Nouvelle-Guinée, est composée en entier de masses de coraux, que recouvre une couche épaisse de terre arable, et qui supportent une végétation magnifique : l'épaisseur de cette lisière du sol varie, en étendue et en hauteur, par les mor- cellements nombreux qu'elle a éprouvés, et qui l'ont déchirée de manière à s'étendre dans la mer en forme de promontoire, ou à se découper en dedans par mille canaux étroits, se divi- sant en criques et en ports variables en étendue. Non loin du havre de Doréry, le terrain de la Nouvelle-Guinéecommence à s'élever; et bientôt se dessine à l'Ouest la chaine considérable des montagnes d’Arfack. Cette chaine court du Nord au Sud, s'abaisse insensiblement vers le golfe du Geel-wing, et se ter- mine au Nord au cap de Bonne-Espérance. Le point culminant des montagnes d'Arfack parait étre à quelques lieues dans le Sud-Ouest du havre de Doréry, et le piton le plus élevé n'a guère [e) 438 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. que deux mille neuf cent et un mètres, d'après une mesure cal- culée par M. Bérard. A la forme arrondie et doucement ondulée des montagnes d'Arfack, bien que quelques cônes sourcilleux interrompent l'uniformité de la chaine, on doit supposer que l'ossuaire appar- tient au terrain primitif, et est formé de granit. On ne peut ouere en douter, en effet, à l'abondance des cailloux de nature $ oranitique, qui encombrent les lits des torrents, et qui sont 5 sans aucun doute charriés, par les eaux qui descendent de la chaine de ces montagnes. Sur le terrain primordial est flanqué un sol tertiaire récemment sorti du sein des eaux, et consistant principalement en débris madréporiques, solidifiés par un ci- ment calcaire ; de sorte que cette partie de la Nouvelle-Guinée, analogue, sous ce rapport, aux rivages de la Nouvelle-frlande et des Moluques, prouve ce que nous avons dit dans les consi- dérations générales sur les îles de l'Océanie. Au fond du havre de Doréry, se dessinent les embouchures de plusieurs petites rivières, dont les lits semblent le plus sou- vent creusés par des torrents. La mer y remonte assez avant ; mais, pendant notre séjour, ils étaient presqu'à sec, et l'eau douce ne coulait plus que comme un mince filet qui s'épanche dans le sable du rivage, et se perd inaperçu. Mais lorsque dans l'hivernage ces ravines sont alimentées par les pluies, les eaux se précipitent à pleins bords et avec impétuosité, à en juger par les troncs énormes des arbres déracinés, qui sont tombés dans leur cours; aux pierres renversées et amoncelées; enfin, aux obstacles ou aux accidents de sol qu'elles ont surmontés. L'ile de Manasouari occupe l'entrée de. la baie à trois milles au Sud-Est. Sa surface assez uniforme est revêtue de grands arbres et de plantations. Un village peuplé occupe sa partie boréale, vis-à-vis Masmapi, où quelques Papous pêcheurs ont ZOOLOGTIE. 439 aussi établi leurs cabanes. Les rescifs qui entourent ces ilots sont par masses désorganisées, de sorte que les pointes submer- gées sont les seules qui présentent les polypiers en vie, mais encore dans un tel état de langueur, qu'on doit naturellement penser que le mélange perpétuel des eaux douces avec les eaux | marines nuit singulièrement à leur existence, et les fait périr, par exemple, dans certaines années où les pluies sont plus abon- dantes que de coutume. La végétation la plus active couvre ce point du globe; elle est ce qu'on doit en attendre sous l'équateur et à la Nouvelle- Guinée, c'est-à-dire grande, majestueuse et imposante. La sur- face du sol ne présente qu'une forêt sans fin, où la plupart des végétaux des Moluques se retrouvent, et dont les arbres 1m- menses par la circonférence de leurs troncs et la hauteur de leurs tiges ont jusqu'à 150 pieds d'élévation. Dans ces profondes forêts ne croissent point d'herbes humiles : les plantes y re- vêtent de préférence des formes robustes et ligneuses. Les lianes serpentent et s’entrelacent jusqu'aux sommets des rameaux, et retombent en unissant leur verdure à celle des grands arbres qui les supportent. La fécondité d'une terre sans cesse humectée par d'abondantes vapeurs et par des pluies de six mois, vivifiée par des chaleurs d'autant plus fortes, que le soleil ne s'en éloigne jamais, est prodigieuse : aussi le voyageur éprouve un étonne- ment qui n'a rien d'analogue avec celui qu'imprime dans lame la vue des magnifiques monuments des hommes, et ne peut se lasser d'admirer ces forèts vierges, mélangées des teintes vertes les plus diverses, où tranchent les fleurs les plus larges et les plus bizarres, les fruits les plus singuliers ; et cette réunion d’ar- bres ou de palmiers soutenant des parures étrangères, au point que leur feuillage disparait sous les festons qui les voilent de la manière la plus agreste. À des mimeuses gigantesques se joi- gnent des aroïdes à large feuillage, des orchidées, et surtout des 4e VOYAGE AUTOUR DU MONDE. épidendres parasites. Des arecs à choux, des bambous, des fou- gères en arbre, des lataniers, des tecks, des muscadiers, des spondias, etc., sont les espèces les plus communes de ces forêts. Chaque jour nous éprouvions le plus grand plaisir à nous égarer aux environs du havre de Doréry ; de petits sentiers, tracés par les quadrupèdes, nous permettaient d'avancer assez loin dans l'intérieur. À chaque pas nous étions sûrs d'y rencontrer une variété infinie d'animaux qui y vivent en paix; car l’indo- lent Papou ne leur fait pointune guerre opiniâtre. Dans ces pro- fondeurs, d’où l’on peut à peine apercevoir même le ciel, il est indispensable, pour y pénétrer en sécurité, de se munir d’une boussole portative, sans laquelle on courrait le plus grand risque de ne point revenir au rivage d'où l'on est parti et d'errer à l'aventure dans les forêts. Une plante lécumineuse et hérissée d'épines gène singulièrement la marche de l'explorateur; et ce qui y contribue encore, ce sont les troncs énormes ren- versés sur la terre par le temps, et qui, rendant avec lenteur au sol les principes de vie qu'ils en ont recus, sont déja ense- velis par les rejets nombreux qui en poussent de toutes parts et qui doivent ainsi leur succéder. Pendant notre séjour à la Nouvelle-Guinée, les chaleurs étaient accablantes, et se faisaient sentir d'autant plus cruel- lement, que l'air n'y apportait aucune fraicheur : les lé- gères brises de l'Est ne soufflaient que le matin et le soir; mais dans le milieu du jour, un calme si parfait régnait dans l'atmosphère, que la feuille la plus mobile ne se balançait même pas sur sa tige. Une seule fois et comme par exception, nous ressentimes des vents frais de l'Ouest par courts intervalles; ils poussaient devant eux des nuages en faisant tomber quel- ques grains de pluie. Nous remarquämes que chaque jour au matin les sommets des montagnes d'Arfack étaient parfaitement ZOOLOGTE. 44 visibles et découverts; passé ce moment, les nuages s'amonce- laient à leur tiers supérieur, et y formaient jusqu'au soir un épais bandeau vaporeux. Le thermomètre à l'ombre et à midi s'éleva jusqu'à 32° centigrades, et la température de l'eau à la même heure ne fut jamais au-dessous de 29 à 30°. Les productions utiles pour l'homme que le règne végétal peut fournir spontanément à la Nouvelle-Guinée sont nom- breuses et variées, mais cependant complètement négligées par les naturels. Toutefois, dans des temps reculés dont nous n'a- vons que de vagues notions, à cette époque où les peuples orientaux n'avaient point vu restreindre leur puissance dans ces mers par celle des Européens, il parait que les Chinois et les Malais avaient établi des relations de commerce avec les Papous. Au premier rang des substances alimentaires on ne peutse dispen- ser de citer le sagoutier. Ce palmier, qu'on trouve abondamment aux Moluques, est le don le plus précieux que la nature ait fait aux habitants de la Polynésie. Son tronc contient une abon- dante fécule, qu'ils convertissent en pains aplatis et quadrilatères, d'une saveur agréable et d'une qualité très-nutritive. Les co- cotiers sont très-rares sur les bords du havre de Doréry; mais on y trouve en abondance en échange le chou caraïbe, la canne à sucre, les ignames, les patates douces , la courge, le maïs, le riz rouge, l'arbre à pain à fruits à châtaignes, l'aubergine, et trois sortes de bananiers. Nulle part nous n'avions rencontré deux espèces de ce dernier végétal : l'une dont la banane a la peau colorée en beau rouge, et l'autre dont le fruit est très- petit, jaune, et d’une saveur fondante exquise. Une des grandes cultures du pays est le tabac, et les naturels en préparent des provisions pour échanger avec les trafiquants malais, ou avec les équipages des navires européens. Ils soignent encore deux autres plantes farineuses, qui sont : un petit haricot, nommé aberou, d'une délicatesse et d'une bonté qui nous le firent es- Voyage de la Coquille. — TZ. Tom. I, Partie IL. 56 442 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. timer comme un excellent aliment; et un pois, nommé abre- Jfore, qu'ils conservent comme objet d'approvisionnement. A ces ressources premières on doit ajouter les produits qu'ils re- tirent de plantes qui croissent spontanément dans les forêts, et qui sont les citronniers, les orangers, les cotonniers, les spondias dulcis, le gingembre, les piments, etc. Le teck, divers bois de fer et d'ébène, seraient précieux pour les constructions navales et les arts; mais les objets qui paraissent être la base du commerce par échange des Papous avec les Chinois et les Malais de Tidor consistent en légumes, poissons séchés, écailles de tortues, trépangs, oiseaux de paradis, résine Dammar, cire des abeilles sauvages, ambre, et surtout écorce de massohy. Ce dernier aromate, recherché par les Chinois, est produit par un arbre dont les feuilles ont la plus grande analogie avec celles du cannellier. Deux espèces de muscadiers sont aussi fort communes, et étaient chargées de fruits à l’époque de notre séjour. La noix de l'espèce sauvage est très-petite, sans odeur aromatique et de forme allongée et pointue; l'autre, au con- traire, est la vraie muscade ronde, non modifiée par la culture, mais complètement susceptible d'acquérir le volume et le par- fum de la muscade cultivée dans les possessions hollandaises des Moluques. Avec les feuilles d'un grand vaquois les habitants font les toitures de leurs cabanes, et les chapeaux à la chinoise dont ils se couvrent la tête. Les fibres de ces feuilles sont douces, moelleuses et tenaces, de sorte qu'il serait très-facile d'en fa- briquer de bonnes cordes. Ce vaquois nous parait nouveau; et ses tiges arborescentes, complètement droites et inermes, se couronnent par un immense faisceau de feuilles qui, examinées isolément, ont chacune trois pouces de largeur sur dix, quinze et même vingt pieds de longueur. Les navigateurs ne trouveraient point à Doréry une relàche avantageuse, puisqu'ils ne sy procureraient que quelques co- ZOOLOGIE. 413 chons et une petite quantité de poissons , de chair de tortue et de coquillages ; mais il parait que les corocores malais et des jonques chinoises viennent fréquemment les visiter dans le but d'en retirer des peaux d'oiseaux de paradis, des trépangs, des loris vivants, de l’écaille de tortue, et surtout des esclaves. Le prix d'un jeune homme fort et robuste est de dix piastres, et celui d'une femme est d'environ cinquante brasses de toile de Guinée. Pour un couteau, ou pour un morceau de fer-blanc, les Papous donnaient aux gens de notre équipage une grosse carotte ficelée d'un tabac doux et presque complètement privé de l'odeur nauséeuse qui caractérise celui d'Europe. Des habi- tants nous dirent que leur pays produisait en quantité de la poudre d'or et des perles, dont ils ne nous présentèrent jamais d'ailleurs aucun fragment. Dans une relâche d'aussi courte durée que le fut celle que nous exécutames sur les côtes de la Nouvelle-Guinée, nous n'eùmes point le loisir d'étudier l'influence du climat sur la santé de l'homme; cependant, si l'on peut juger par analogie des affections qui vinrent fondre sur les gens de notre équi- page, nous sommes autorisés à le croire malsain. Le havre de Doréry, d'ailleurs, par le peu d’air qui y circule, par les vases fétides couvertes de mangliers qui l'enceignent, doit être ravagé par les dyssenteries et le cholera-morbus. C'est en effet là que nous puisames les germes de ces maladies, qui menacaient de devenir inquiétantes. Les habitants offraient presque tous de nombreuses plaies ou de vieux ulcères, résultats de leur état de nudité, de leurs combats fréquemment renouvelés, et des macérations qu'ils éprouvent, en séjournant long-temps dans l'eau, pour ramasser leur nourriture sur les rescifs à demi- submergés. La plupart des naturels présentèrent des coups de flèches parfaitement bien guéris : l’un d'eux avait même eu la jambe coupée, et il était encore fort agile, bien qu'il ne se servit 56. 44h VOYAGE AUTOUR DU MONDE. de rien de ce: qui aurait pu ressembler à une jambe de bois. Cette lèpre dégouütante, dont nous avons déja plusieurs fois signalé les ravages, couvre le corps de la plupart des Papous : on la nomme babara à Doréry, et hanne à Rony. Si le règne végétal de la Nouvelle-Guinée est imposant par le luxe et la pompe qui le distinguent, le règne animal est en- core plus étonnant peut-être par l'éclat dont la nature a voulu décorer la plus grande partie des êtres qui le composent. Un voile mystérieux avait jusqu'a ce jour dérobé cette terre ma- gique aux regards des naturalistes : aussi les plus célèbres d'entre eux avaient-ils témoigné le plus vif regret de ce que des expéditions scientifiques n'avaient jamais été dirigées de ce côté. Nous n'aurons fait disparaître qu'une bien faible partie de l'obscurité qui cachait la Nouvelle-Guinée; et plus heureux que nous sans doute, quelques mois de séjour permettront à l'expé- dition de ? Astrolabe commandée par M. d'Urville de nous donner sur cette contrée des apercus neufs et importants. Les relations des anciens voyageurs’ se bornent à l'envisager sous le rapport hydrographique; et bien quela relation de Son- ! La première découverte de la Nouvelle-Guinée ou terre des Papous est attribuée à Antoine AmBrEU et François SERRANO en 1h11. Nicolas Srruick donne une description de la côte septentrionale, en 1753, en se servant de noms portugais. La seconde découverte est celle de Azvaro DE SaavEDRA en 1527, qui lui donna le nom de Nouvelle-Guinée. Antonio URDANETTA vit cette terre en 1528. OrTHez DE Rorua, envoyé par Ruiz-Lorrz de Lobos, à Tidor, en 1543, s'en attribua la découverte. SCHOUTEN et LEMAIRE y arrivèrent en 1616. Abel Tasman vit la Nouvelle-Guinée en 1642. Dampier visitait la côte Ouest en 1642. Guillaume Fuxxez parcourut ces mers en 1905; ROGGEWEN , en 1722; CARTERET, en 1766; Boucainvirze, en 1766; Cook ( détroit de Torrès ), en 1770. ZOOLOGIE. 245 nerat paraisse avoir eu la Nouvelle-Guinée pour but, on sait aujourd'hui qu’il ne s'agit dans sa description que des Moluques orientales. Forrest séjourna au havre de Dory' en janvier 1775, et ne s'écarta point des détails d’un simple itinéraire. Dampier seul, en 1642, publia quelques descriptions d'animaux, qui portent le cachet de son exactitude ordinaire. Quant à Piga- fetta, compagnon de Magellan, en 1525, 1l ne parle qu'en pas- sant des oiseaux de paradis qui en proviennent, et décrit les pieds, dont plus tard, afin de rendre leur histoire plus mer- veilleuse, on voulut qu'ils fussent privés. Valentyn, en compilant ce qui est relatif à Amboine et aux îles environnantes, ne man- qua point de recueillir toutes les notions qu'il put se procurer sur la Nouvelle-Guinée; et son Histoire des oiseaux de paradis annonce qu'il eut à sa disposition de nombreux documents. Nous ne nous occuperons point ici des mammifères, parce que nons en avons parlé dans un article général relatif aux animaux de l'Océanie et de la Polynésie. Il n'en sera pas de même des oiseaux : la variété infinie de leurs formes et de leurs couleurs, la rareté de quelques espèces, la haute estime dont jouissent plusieurs d’entre elles, exigent que nous déve- loppions le résultat de nos aperçus. Les seuls oiseaux de proie que nous tuâmes étaient : un autour d'une espèce nouvelle, que nous nommämes /alco longicauda; et l'aigle de Pondi- chéry à corps marron et à tête blanche. Les passereaux, là comme partout ailleurs, s'offraient en innombrables légions: et parmi eux, nous eumes occasion de faire plus d’une décou- verte intéressante, soit parmi les espèces, soit parmi les genres. Ainsi, il nous suffira de citer les cassicans, les choucaris, l'astrapie éclatante, les moucherolles, les brèves, le corbi- . A ; ANT ! C'est ainsi que FORREST orthographie le nom du havre que nous écrivons Doréry. 446 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. calao, les engoulevents, les souï-mangas, les guèpiers, cinq ou six martins-pêcheurs, plusieurs corbeaux et calaos. Le calao à plumage noir et à queue blanche, dont le cou est fauve chez les mâles, est le ouando des Papous; il se nourrit de mus- cades et de graines aromatiques, de manière que sa chair en contracte une saveur délicieuse. Son vol est tellement lourd et pesant, que, placé à une faible distance dans les bois, on croit entendre le souffle précurseur d'un ouragan : ce bruit parait étre occasionné par l'air qui s’engouffre, dans l'action du vol, au fond de deux cavités placées à la base du demi-bec inférieur. Les oiseaux de paradis nous étaient apportés par les Papous en assez grand nombre pour nous faire penser que ces êtres bril- lants des plus riches parures y étaient singulièrement multipliés. Le manucode se présenta deux fois dans nos chasses, et les deux fois nous observames le mâle et la femelle accouplés : le plu- mage du mäle est d’une rare magnificence; celui de la femelle, au contraire, est sans éclat. Les Papous lui donnent le nom de saya, et il se tient de préférence sur les arbres de teck, dont il recherche les fruits pour sa nourriture. Les oiseaux de paradis petits-émeraudes , volent avec grace et par ondulations; les plumes des flancs retombent négligem- ment pour former un panache gracieux et aérien, qui brille dans l'air comme une étoile filante. On ne peut guère avoir une idée exacte de ces volatiles par les peaux desséchées que pré- parent les Papouas; car l'émeraude en vie est de la taille d'un geai de France. Les naturels sont dans l'habitude de les chasser pour en obtenir les parures, depuis long-temps portées en ai- grette par les rajahs mahométans des iles de l'Est, et par les Chinois. Cet oiseau est le #ambéfore des naturels; ses habitudes paraissent tenir de celles des gallinacés, car les femelles nous parurent en bien plus graud nombre que les mâles. Il vit des fruits du teck et d’une sorte de figuier , et son cri ne peut être ZOOLOGIE. h4 bien rendu que par les syllabes vorke, vorke, vorke, vorko, for- tement articulées. Près des oiseaux de paradis vient encore se placer le beau cassican Kéraudren, que nous avons pris pour type de notre genre phonygama; et nous observames aussi plu- sieurs espèces de martins-pêcheurs nouvelles, entre autres le genre Symé et le martin-chasseur Gaudichaud. L'ordre des grimpeurs se compose de coucals, de cacatoës, d'aras micro- glosses, de perroquets loris et de perruches de toutes tailles et de toutes couleurs. C’est dans ces forêts que vivent les méga- o podes, plusieurs belles espèces de pigeons, entre autres le goura, que les naturels nomment manbroulke; le pigeon de Nicombar, les tourterelles pampusan et bleu-verdin, etc. Souvent nous rencontrames le casoar ou émeu des Moluques, dont les Papous emploient les plumes pour orner leurs lances. Les rivages étaient fréquentés par plusieurs échassiers , tels que des hérons, des crabiers, des pluviers dorés, et par un seul palmipède du genre sterne. Le havre de Doréry est très-poissonneux : on y observe la plupart des individus des mers des Moluques, et notamment les requins aux ailerons noirs, le diacope macolore et autres. Les crocodiles bicarénés, les serpents, des tupinambis, pullulent dans les bois. Les papillons les plus ornés, les coléoptères les plus rares, apparaissent à chaque pas. Les coquilles terrestres et fluviatiles les plus estimées y sont communes, et entre autres les auricules de Midas, des scarabes, des mélanies: ces merséchauf- fées nourrissent aussi la plupart des testacés qui font les délices des amateurs de collections; et il nous suffira de citer au hasard les casques, les cônes, les harpes, les huitres-marteaux, etc. Par cet apercu rapide, on doit concevoir de quel intérêt pour les sciences naturelles serait une exploration rigoureuse de la Nouvelle-Guinée. Cette contrée, ainsi que Bornéo, est destinée à enrichir nos spectes des formes qui font encore la- 448 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. cune dans la série des êtres telle que nous la connaissons. Nous ne doutons point que ce soit de la Nouvelle-Guinée dont ait voulu parler Quiros, dans son fameux Mémoire au roi d'Espagne, lorsqu'il lui peignit comme un nouvel El-Dorado la riche et vaste ile qu'il nomma la Zterra australia del Esprritu Santo, féconde en beaux arbres, en animaux de toutes sortes, et très-produc- tive en or. S XVI. RADE DE SOURABAYA (ÎLE DE JAVA ) (Du 28 août 1824 au 11 septembre suivant. ) Ce n'est que pour mémoire que nous mentionnerons notre relâche dans la baie de Sourabaya, non loin de l'ile de Madura. Le long trajet qu'il nous fallait faire de notre vaisseau avant de parvenir à la ville; l'intervalle de celle-ci aux lieux où l’on pouvait espérer de faire quelques récoltes d'histoire naturelle ; enfin l'épuisement de nos ressources individuelles, qui jusque-là nous avaient soutenus, ne nous permirent point de tenter les moindres découvertes dans une ile explorée par des naturalistes célèbres, et sur laquelle nous possédons aujourd'hui les travaux ou les récoltes de Leschenault, d'Horsfeld, de Reinwardt, de Blume, de Kuhl, de Van-Hasselt, ete. C'est à Sourabaya que nous vimes le babi-russa, mâle et femelle, en vie; nous en avons donné une courte description dans la première partie de ce volume. Nous avons aussi dit un mot de la panthère noire (felis melas), que nous regardions comme une espèce parfaitement distincte. Depuis la publication de ce passage, nous avons eu occasion de voir, dans les galeries du Muséum d'histoire natu- ZOOLOGTE. 449 relle, des peaux de cette panthère, prises sur des individus d'âges différents, qui prouvent la justesse de l'opinion de M. Temminck, en montrant que la couleur noire de son pelage est loin d'être constante et spéciale, puisque certains individus l'ont mi-partie de noir et mi-partie de jaune-clair, comme la robe du léopard, dont le rnelas ne serait qu'une variété, suivant le même auteur. L'ile de Java nourrit dans ses vastes et pro- fondes forêts, où sont aussi relégués les affreux poisons oupas et tschettick*, plusieurs espèces dangereuses de grands chats, tels que les felis javanensis, minuta et Diardi. Les Javanais du peuple aiment beaucoup élever des oiseaux : on rencontre chez eux la plupart des beaux loris des Moluques, et plus spéciale- ment le notra. Ils prennent les plus grands soins du £éo ou mai- nate (gracula religiosa), qui apprend à parler et à siffler. Il n’y a pas jusqu'au grand casoar ou émeu qu'ils ne conservent dans leurs basses-cours, etc. j & XVIL. PORT-LOUIS (ILE MAURICE ). (Du 3 octobre 1824 au 16 novembre suivant. ) Nous n'aurons que peu de détails à donner sur cette ancienne métropole des possessions françaises dans les mers d'Afrique : tant de voyageurs en ont parlé, tant de relations lui consacrent : Nous avons publié une traduction du curieux Mémoire du docteur HoRsFiEL» sur l’Antchar et le Tschettick dans le Journal de physiologie de M. Magendie, et le Mémoire original se trouve dans le tome VII des Transactions de la Société de Batavia. Voyage de la Coquille. — Z. Tom. I, Partie IL. 57 45o VOYAGE AUTOUR DU MONDE. de nombreux chapitres, que nous croyons inutile de ressasser ce qu'on en a dit. Ce n'est pas que les productions de cette ile soient parfaitement connues ; mais les navigateurs qui y passent quelques semaines ont trop de distraction dans une île où l'hos- pitalité bruyante est une obligation, où les fêtes se succèdent, pour se livrer avec quelque fruit aux objets de leurs recherches et de leur étude. Leguat, Bernardin de St-Pierre, Milbert, Bory de St-Vincent, Billard, et mille autres, ont, par des fragments ou par des voyages exclusivement consacrés à cette ile, fourni au monde littéraire des descriptions plus ou moins complètes. C'est le 3 octobre 1824 que nous saluàmes à 7 heures du matin les rivages de Maurice. Sa vue semblait être pour nous celle de la patrie; mais le yack qui flottait au gré des vents nous tira de notre douce erreur, et nous rappela que nous arri- vions chez des compatriotes passés sous le sceptre d'un Anglais. À cette époque de l’année, l'aspect des montagnes qui enceignent la ville de Port-Louis offrait le tableau le plus triste. Nulle verdure ne récréait la vue, si ce n'est sur le sommet du Pouce. Partout le sol était brûlé; et quelques herbes épineuses , dont les rameaux secs et maigres étaient desséchés à leur sommet, témoi- gnaient que depuis long-temps nulle pluie bienfaisante n'était venue humecter et vivifier leurs tiges altérées. Quelques chétifs cocotiers balançaient leurs cimes mutilées par les vents sur les plages bordées de coraux. L'ile de France fut primitivement découverte, en 1507, par l'amiral portugais dom Pedro de Mascarenhas, qui lui donna le nom de Cerne, parce qu'il y rencontra en abondance une espèce d'oiseau de ce nom, qui est le casoar des Moluques, cé- lébre depuis long-temps sous le nom de Dronte, et qui en a dis- paru dès les premières années de l'établissement des Européens. En 1580, l'ile de Cerne passa sous la domination des Espagnols, lorsque Philippe IT occupa le trône castillan. Mais ces deux ZOOLOGIE. 451 peuples, alors possesseurs des contrées les plus vastes et les plus riches de la terre, dédaignèrent cet ilot volcanique. Plus patients, plus décidés à s'établir partout où un morceau de terre s'élève- rait du sein des océans sur la route des grandes Indes, les Hol- landais en prirent possession, par les soins de l'amiral Wibrand van Warwick, le 20 septembre 1598, en lui donnant le nôm de leur stathouder Mauritius. Us ne s'y établirent définitivement toutefois qu'en 1644 ; mais de nouvelles vues leur firent aban- donner cette colonisation en 1712. Louis XIV ordonna à l'in- tendant Dufresne de l'occuper en 1715. C'est à dater de cetemps que Maurice fut appelée #e de France jusqu'en 1814, où les Anglais s'en emparèrent comme du seul point formidable avec lequel la France pouvait, en cas de guerre, inquiéter par des corsaires leurs possessions de l'Inde :, L'ile Maurice est sillonnée par quatre chaines de montagnes. La première, dite de Port-Louis, occupe le tiers de l'ile dans sa partie boréale, en commencant par la grande rivière et se dirigeant de l'Ouest au Nord-Est, et se contournant un peu vers le Sud-Est jusque sur les limites du quartier de Flacq : elle 1 Cette île fut administrée par la Compagnie des Indes, de 1921 à 1764. En 1735, La BouRDboNNAyE lui donna une impulsion rapide vers l’état de prospérité dont elle jouissait sous le gouvernement français avant la révolution. C'était l’entrepôt des marchandises de l’Inde et le comptoir intermédiaire des produits de la métropole et de ceux de Pondichéry et dépendances. Là s’équipaient ces nombreux et intrépides corsaires qui faisaient trembler le commerce des Anglais en temps de guerre. Aussi cette puissance arma-t-elle en 1810 une flotte de 105 voiles, montée par 28,000 hommes de troupes, afin de s’en emparer. Le général ABERCROMBIE commandait cette expédition dispendieuse, qui aurait échoué devant les moyens de défense du gouverneur DEcAEN, abandonné à ses seules et faibles ressources par l’in- curie du gouvernement anti-nautique d'alors, sans la trahison de plusieurs lâches habitants, et sans l’infamie d’un pécheur du pays, qui pilota la flotte sur la côte du Mapou , où les troupes furent débarquées et prirent à revers les défenses des côtes et de Port-Louis. Maurice ne se rendit toutefois qu'après une honorable capitulation, qui lui conserva ses lois et ses priviléges. 57. 452 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. comprend les pitons du Pouce et de Pieterboth, et fournit quatre petits rameaux, qui se dirigent vers la mer, en embrassant par une enceinte circulaire la ville de Port-Louis, en variant dans leur direction jusqu'au quartier des Pamplemousses du Nord- Ouest au Nord. La deuxième chaine, nommée montagne du Corps-de-garde, est isolée et peu étendue, et sépare le quartier de la Rivière noire de celui dit des plaines Wilhems. Elle naït à environ quatre milles de la mer, et se dirige de l'Orient à l'Occident après avoir formé un coude à sa partie Est, et s'être déjetée au Nord-Ouest. Le morne de la Rivière noire a 424 toises de hauteur. Le troisième chainon occupe la partie Sud- Ouest de l'ile. Sa principale division naît au Nord à la mon- tagne du Rempart, et se dirige au Sud en se contournant en S, et se termine à la mer par le morne Brabant Une deuxième branche sert de boulevart au quartier de la Savanne. La qua- trième chaine enveloppe le Grand-Port, borde au Sud le quar- tier des Trois-Ilots, et, après avoir envoyé cinq ou six petits rameaux, se termine par la montagne des Créoles. Le piton de la Fayence, haut de 223 toises, la Montagne-Blanche, dépen- dent de cette chaine. IL en résulte que le point culminant est le morne de la Rivière noire, qui à 424 toises d'élévation au- dessus du niveau de la mer; puis Pieterboth ‘, qui a 420 toises; ? La forme du sommet de Pieterboth est aussi singulière que remarquable : c’est un cône renversé, supporté par un col mince et étroit appuyé sur la voûte de la mon- tagne. Ce mornese continue inférieurement par une arête déchirée, qui sépare la plaine de Moka de celle des Pamplemousses. Ce cône, bien que petit en apparence lorsqu'il est vu de Port-Louis, peut avoir 15,000 pieds cubes de volume. On cite, dans un Journal, intitulé 4rchives de l’Ile de France, comme une circonstance digne d’être conservée, que ce morne n’a jamais été escaladé que par un seul individu, nommé Claude Peuthé, coutelier, né en Bourgogne. Cet homme, après des dangers inouïs, parvint à s'élever au faîte le 8 septembre 1790, et redescendit, sans que personne voulüt ajouter la moindre croyance au récit de cette action extraordinaire. Peuthé, piqué au vif, y remonta le 30 octobre de la même année; et, pour convaincre les ZOOLOGTE. 453 puis le Pouce, qui en a 416. Enfin viennent ensuite la montagne des Bambous, ayant 322; le piton du milieu, 302 ; le piton de la Fayence, 223; tandis que le Coin de mire n’a que 81 toises. L'examen des directions rayonnantes de toutes ces petites chaines, s'irradiant du centre au pourtour de Maurice, ne permet pas de douter que la plaine élevée qui occupele plateau de l'ile, et sur laquelle domine seulement le piton du milieu, ne soit le vaste cratère, aujourd'hui uniformément affaissé, d'où jail- lirent les déjections immenses dont les coulées ont donné nais- sance à ces rameaux de montagnes volcaniques que nous venons de signaler. Ce plateau, considérablement élevé au-dessus du niveau de la mer, est enceint par les plans divers de ces chaines, dont les murailles sont verticales et abruptes de son côté; tandis que leurs flancs, doucement déclives et en pente vers la mer, se perdent insensiblement sur les rivages. Ce cratère, si religieuse- ment conservé dans ses limites, se trouve donc borné au Nord par la chaine de Port-Louis, à l'Ouest par la montagne du Corps- de-garde, au Sud par la chaine de la Rivière noire, et à l'Est par les montagnes du Grand-Port et des Trois-Ilots. Son péri- mètre embrasse toute l'étendue du quartier dit militaire. plus incrédules, il y planta un pavillon, qui y subsista quelques jours. Mais comme on n'eut jamais de nouvelles de cet homme depuis lors, on présuma avec raison qu'il était tombé dans les affreux précipices qui terminent le pied de cette mon- tagne, taillée à pic du côté de la plaine Moka, et qu'il avait sous lui en quittant le col du morne, qui de loin imite une tête qui serait placée sur un support. Peuthé rapporta n’avoir vu sur son sommet, qui est déclive et d’un diamètre de 28 pieds environ, que quelques herbes communes, des arbrisseaux rabougris et un peu de terre. Depuis la tentative malheureuse de cet individu, personne n’a osé renouveler ce sin- gulier pélerinage. 1 L'ile Maurice est divisée en dix quartiers : celui de Port-Louis, au Nord-Ouest de l’île; des Pamplemousses, au Nord-quart-Est de Port-Louis; de la Rivière-du- Rempart, au Nord-Est; de Flacq, à l'Est; des Trois-Ilots, au Sud-Est-quart-Est; du Grand-Port, au Sud-Est; de la Savanne, au Sud; de la Rivière-Noire, au Sud- 54 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. Maurice est arrosée par 46 rivières, 26 ruisseaux, un grand nombre de ruisselets, et plusieurs mares et bassins. Les princi- pales rivières sont : celles du Tombeau, Petite rivière, Belle-ile, du Tamarin, Noire, du Poste, Grande, Profonde, la Cerne, Francois, du Rempart, et des Lataniers. Le plus grand bassin est celui qui occupe le Sud de l'ile, et qui alimente les sources de la Grande rivière; puis vient la Mare aux vaquors, sur laquelle se débitent mille contes populaires, et d'où partent les sources des rivières du Tamarin et Noire. Maurice est complètement enveloppée par une ceinture de ré- cifs, qui n'estinterrompue que dans la partie méridionale, depuis le Bain des négresses jusqu'a la Pointe dusouffleur. Partout ailleurs les coraux forment un entourage réguñier, au milieu duquel des ilots sont semés : entourage qui cesse toutefois à l'embouchure des rivières, où se dessinent alors de petites criques propres à recevoir des bateaux de cabotage, ou de petits ports fréquentés par les pêcheurs, tels que la Bate du coq, de la Grande rivière notre, du Tamarin, de Saint-Louis, du Tombeau, la Passe du Saint-Geran, de Flacg, ete. Au premier apercu, la végétation se compose, sur les pelouses, d'un dactylon sec et roide, d'argemones du Mexique, et d'un so- lanum épineux, qui s’y sont abondamment naturalisés. Plusieurs autres plantes étrangères ont pris droit de possession. Telles sont : l'héliotrope de l'Inde, la verveine de Buenos-Ayres, la bourrache de Ceylan; dans les lieux humides, Le coïix /achryrma, l'herbe de Flacq ou Szegesbeckia ortentalis, la verbesina biflora, un sida, etc. Les haies sont formées de jatropha curcas, d'agave, de cassi de Provence ou mnimosa farnesiana, etc. Les forêts se composent d'arbres ou d'arbrisseaux variés, Ouest; des plaines Wilhems et du quartier Moka, à l'Ouest de l'île et au Sud de Port-Louis, ZOOLOGIE. 455 parmi lesquels nous citerons plus particulièrement : la Rousseau- via simplex, \'ixora alba, le bois Lousteau ou Cunninghamia verti- cillata, le bois Malabar ou rhexia verticillata, le belahé ou C?n- chona Stadtmanni, le fœtidia mauritiana, le bois d'ébène ou diospyros ebenum, le varou ou hibiscus téliaceus, les crotalaria sericea et angulosa, le psadia glutinosa, quatre espèces de ficus, l Hernandesia sonora, les urtica cuspidata et rotundifolia; le bois tambour, ambora tambourissa; les latania rubra et borbonica; le cyathea excelsa; le bois de ronde, erytroxylon laurifolium; le bois Monbrun, Guania mauritiana; le solanum auriculatum ; le conyza Hubertia; Vasparagus mauritianus; quatre espèces de piper, un beau jasmin, la gratiola Monniera, etc., plusieurs gna- 5 phalium, la liane-café, periploca mauritiana; Vipéca blanc, cynanchum mauritianum; le bois rouge, rubentia mauritiana: la Boerhavia procumbens; plusieurs olea, etc., etc. L'ile Maurice n'a que onze lieues marines et un quart dans sa plus grande longueur, Nord et Sud, et neuf lieues et demie de largeur. Sa surface est évaluée à 302,954 arpents. Son origine étant essentiellement volcanique, il en résulte que les mon- tagnes sont formées d'un trachyte qu'on emploie pour bâtir, et que le sol à sa surface est rouge, argileux, mêlé à des scories pulvérisées ou à du fer en divers états. L'épaisseur de cette couche superficielle varie suivant qu'on l'examine sur les coteaux oudanslesvallées; etsouvent, ense mélantadesdétritusvégétatifs, elle change de couleur, de qualité, et devient propre à la cul- ture. En certains endroits, des laves, des scories, des fragments de dolérite, des prismes de basalte, forment une couche telle- ment épaisse, que nul végétal ne peut y croître. Le pyroxène, l'olivine, la leucite cristallisée dans le trapp, et une foule de matières minérales, mélées aux produits d'origine ignée, sont répandues çà et là. Des veïnts quartzeuses, des agrégats sili- 5 ceux, des gypses, des terres à poterie, de la magnésie, du sel 456 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. gemme, des couches ocreuses abondantes, du bois carbonisé, des troncs de tamarins pétrifiés, doivent être mentionnésparmi les productions inorganiques les plus communes. On dit que, dans le quartier des Pamplemousses, git une mine de fer trop peu riche pour être exploitée : mais, près de Port-Louis, au champ de Lort, on a percé un puits, dont les eaux salines ont été préconisées par les médecins du pays contre diverses affec- tions. Dans un sol meuble, non loin du rivage, on a trouvé en abondance des ossements de tortues, qui ne sont point de vrais fossiles, mais qui ont été enterrés par les bouleversements qu'occasionnent chaque année les ouragans, et qu'ont en- tourés des sables madréporiques à mesure qu'un ciment cal- caire les solidifiait. C'est, du reste, la même circonstance qui s'est reproduite à la Guadeloupe, relativement aux squelettes humains qu'on a déterrés du milieu d'un calcaire en apparence compacte, et formé par les mêmes sables madréporiques agglu- tinés. Certaines montagnes se trouvent être encore couronnées de végétaux : quelques-unes, déboisées par l'imprévoyance, sont nues et bruülées; et les sources qu'elles fournissaient, depuis long-temps taries, n'alimentent plus les rivières qui coulaient à leur pied. La température de Maurice est assez régulière dans chaque saison. La côte orientale exposée aux brises régnantes est sans cesse rafraichie par elles : il y pleut aussi plus que sur la côte opposée; car les montagnes du Pouce et de Pieterboth ar- rétent les nuages, les condensent, ou les forcent à se précipiter dans les plaines Wilhems et Moka. La chaleur est beaucoup plus sensible sur les rivages, et surtout à Port-Louis, qu'une ceinture disposée en amphithéâtre encaisse, tandis qu'au centre de l'ile, les nuits sont froides et inmides. Aussi par les pluies abondantes est-on forcé, dans les maisons de Moka, à faire du ZOOLOGIE. 457 feu dans les appartements : ce qui est inconnu dans les autres quartiers. L'hivernage commence en décembre et finit en juin. C'est le temps des averses pluviales, qui grossissent les rivières et font naître des torrents impétueux. C’est en janvier et sur- tout en février que se manifestent les ouragans terribles, si redoutables, dont rien ne peut soutenir l’impétuosité. Les vagues déchainées contre les rivages, les navires fracassés, brisés sur leurs ancres au port, les arbres déracinés, les maisons en- levées, témoignent de leur puissance, et ont plus d'une fois porté le deuil dans cette malheureuse colonie. Ces ouragans, dont la peinture la plus vraie et en même temps la plus sublime a été tracée par Bernardin de Saint-Pierre dans Paul et Viroinie, ne durent que quelques heures ; mais des années entières ne suffisent pas pour faire disparaitre les traces de leurs ravages. Dans la saison estivale ou opposée à l'hivernage, l'air, uni- formément échauffé, procure des jours sereins et agréables. Il pleut alors rarement, et seulement par grains subits et passagers. Pendant la durée de notre séjour, le ciel a été presque constam- ment azuré, et rarement des nuages épars en cachaïent quelques parties. Les vents soufflaient du Sud-Est ou de l'Est-Sud-Est, mais modérément : ce n'est qu'en passant au Nord-Ouest qu'ils ramenaient les nuées noires et chargées d'un peu de pluie, en se faisant sentir par rafales. Les nuits étaient pures et fraiches; mais la vaporisation d'une rosée abondante les rend dangereuses pour la santé. Les maladies qu'on observe le plus fréquemment à Maurice sont : le tétanos, la dyssenterie, la phthisie, les af- fections vermineuses des noirs et des enfants; la petite-vérole, qui y parut pour la première fois en 1764 et qui ravagea l'ile en 1792; et la lèpre, qui atteignait les nègres, qu'on exilait dans une sorte de léproserie établie sur la petite ile de Diego-Garcia. Les animaux sauvages propres à cette ile ne sont pas nom- breux , et la plupart de ceux qu’on y trouve aujourd'hui y ont Voyage de la Coquille. — 2. Tome I, Partie IL. 58 458 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. été importés et s’y sont aisément naturalisés. Tels sont : des cerfs indiens retirés dans les grands bois de l'ile et dans les endroits les plus sauvages; des cochons marrons et des lièvres. Le rat, cet incommode commensal de l’homme, s'est propagé d'une manière étonnante, et se rend redoutable aux habitations de l'intérieur, comme aux navires qui ancrent dans le 7rou fan- faron. Les tenrecs (setiger), venus de Madagascar, se sont emparés des champs de cannes à sucre, où ils vivent à la manière de nos hérissons; et des macaques, nommés par les créoles Jacos, ont établi leurs demeures dans les crevasses inaccessibles des mornes de la montagne du Pouce, d'où leurs bandes pillardes descendent dans les vergers des alentours, pour voler les fruits dont elles senourrissent. Ces singessont originaires de l'ile deJava. Les animaux utiles à l'homme sont introduits par le com- merce. C'est ainsi qu'on tire de Madagascar les bœufs à bosse, qui alimentent les boucheries; de France, les vaches destinées à fournir leur lait; de Java et du cap de Bonne-Espérance, les chevaux de selle et de trait, que parfois on recoit aussi d'Arabie par les navires qui font le commerce de la mer Rouge. De Buenos- Ayres proviennent les mules et mulets, si utiles dans les pays montagneux. Les basses-cours sont meublées des oiseaux qu'on trouve en Europe. Mais là, comme dans les régions tempérées, le dindon occupe la première place dans tout festin d’étiquette. L'ornithologie de Maurice est bornée à un bien petit nombre d'espèces; et encore presque toutes ont-elles été introduites successivement des contrées les plus voisines. Mais avant de les passer en revue, nous devons dire un mot du célèbre dronte, que tous les auteurs ont adopté d'après les descriptions de Cauche, Leguat ‘ et Clusius, et qu'on regarde comme un être * Voy.et Avent. de F. Lreuar, t. I, p. 98 et suiv. La description de ce voyageur est remplie d'observations vraies entremélées de faits ridicules et merveilleux. ZOOLOGTIE. 459 dont la race est éteinte, et a disparu de la surface du globe; car l'oiseau de nausé, le solitaire et le dronte, nous paraissent être le même être, mal décrit par des voyageurs qui ne se piquaient point d'une exactitude rigoureuse. Ce dronte, que les Portugais nommèrent cerne, a été primitivement figuré, dans le Musée d'Elias Ashmole, sous le nom de dodo, en 1605; dans le voyage en Afrique et en Asie d'Herbert, en 1634; et enfin dans l'His- toire naturelle et médicale des Indes de Bontius, en 1658. Ces figures diffèrent matériellement les unes des autres, et la plus complète parait être celle de Clusius ‘, que Blumenbach a repro- duite. Clusius nommait le dronte, le dodo, le dodar, comme on voudra l'appeler, gallus gallënaceus peregrinus. La description de cet ancien auteur nous parait tellement précise, que l'on ne peut douter que le dronte ne soit le casoar des Indes, struthio ca- suarius de Linné, figuré pl. CCCXIIT des enluminures de Buffon. Une dissertation à ce sujet ne serait point ici à sa place. Seule- ment nous dirons que le casoar, commun à Java et aux Mo- luques jusqu'à la Nouvelle-Guinée, est un gros oiseau organisé pour vivre dans les profondes forêts équatoriales; qu'il a dû s’être propagé jusqu'a Madagascar, où même nous croyons qu'il doit exister encore. Massif, lourd, ce casoar, dont les ailes ne sont que des baguettes sans fonctions, a dü disparaitre aisément de toute ile peu étendue, où l'homme s'est établi en colonisation réglée. Les oiseaux qui vivifient aujourd'hui cette ile se trouvent être les phaëtons à brins rouges *, qui nichent sur les pitons les plus escarpés des montagnes; une poule d’eau, le serin gris, le bouvreuil à sourcils jaunes, le gros-bec, le bengali rayé ou mar- ! Gravée d’après une peinture à l’huile faite, à Maurice même, sur l'animal vi- vant. 2 Figurés dans les dessins inédits de Commerson. 58. 460 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. teau, le moineau rouge ou foudi de Madagascar (loxia mada- gascariensis), la perruche verte des plaines Wilhems (psittacus canus), que Commerson dit être originaire du Cap; plusieurs colombes; le padda ou calfat (loxia oryzivora), apporté de Java, et le martin (paradisæa tristis). Le foudi et le padda, multipliés par bandes nombreuses, dévastent les cultures de céréales; et le martin, d'abord introduit par le gouvernement, est lui-même devenu un fléau redoutable. Voici de quelle manière en parle M. le colonel Bory de St-Vincent dans son Voyage aux quatre iles d Afrique, &. K*, p. 224. « Le martin est un oiseau précieux ; il préserve le pays de la multiplication prodigieuse, entre les tropiques, de tous les insectes dévastateurs. Avant qu'il habitàt l'ile, les chenilles, les sauterelles, les réduves, les blattes, infes- gina de faire venir les martins des Philippines; on les làcha dans le taient la campagne, et dévoraient ses productions. On ima pays : en peu de temps, ils se multiplièrent au point d'inquiéter les habitants, qui les détruisirent, mais qui, par la suite, furent obligés de les rappeler à leur secours; ils ont maintenant ruiné l'entomologie de l'ile. » L'ile Maurice ne nourrit aucun reptile, ni ophidien, ni batra- cien, On nous assura cependant qu'il existait une petite cou- leuvre sur l'ile Plate, ilot à peine élevé au-dessus des vagues, au vent de la Grande-Terre. On nous affirma encore qu'on avait trouvé, en 1813, dans la plaine Moka, une grande espèce de serpent, qu'on supposait avoir été introduite par un navire de commerce. Les scorpions, les mille-pieds, les blattes ou cancrelats, sont des insectes venimeux ou nuisibles, qui pullulent dans les en- droits obscurs des maisons, comme dans les bois. On y trouve toutefois des coléoptères, et quelques papillons remarquables par leur élégance. Si les productions animales terrestres sont peu abondantes ZOOLOGTIE. 461 sur la surface de l'ile Maurice, il n’en est pas de même de celles qui vivent au sein de la mer qui baigne ses rivages. Le nombre des espèces de poissons qui fréquentent ses attérages, ou les pa- racels de coraux des iles Seychelles, est considérable. Variété dans les formes et dans les genres, richesse dans les couleurs, moyens multipliés de se les procurer, tout devrait engager un ichthyologiste à séjourner quelques années dans une position aussi favorable et aussi féconde : les découvertes dont il enri- chirait la science seraient aussi neuves que remarquables. Long- temps nous avons nourri ce projet; mais tant de causes viennent “entraver la carrière d’un voyageur sans appui, que nous lais- sons à de plus heureux à accomplir ce dessein. Une admi- rable annélide, la patmyra aurifera de Savigny, que les créoles nomment serpent d'or, nest pas rare sur les récifs que re- couvre une légère épaisseur d’eau. On y trouve aussi et en abondance des huitres comestibles d’un goût agréable, mais principalement quelques coquilles précieuses et estimées des amateurs, telles que les harpes nobles et impériales, les olives, les ovules, les porcelaines, l’arrosoir, etc. Aussi le gout des collections est-il universellement répandu parmi les habitants riches et aisés, et on pourrait en citer plusieurs à Port-Louis, remarquables par la rareté et la belle conservation des objets qui les composent. Parmi les crustacés, ceux qui méritent le plus d'être cités, se trouvent être le Cypaye (brrgus latro), et les camarons, grosses chevrettes dont les habitants font une grande consommation. Les poissons de mer deviennent toxicophores en certains temps de l’année. Mais de toutes les acquisitions qu'a faites l'ile Mau- ‘rice, la plus précieuse est celle du gouramy, espèce d'osphro- nème transportée des eaux de l'Inde, et naturalisée dans les rivières de Maurice, ainsi que dans les viviers d'un grand nombre d'habitants. Ce poisson, par les grandes dimensions 462 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. qu'il acquiert, comme par l'exquise délicatesse de sa chair, est une des ressources les plus précieuses des peuples riverains des contrées intertropicales. Les coquilles terrestres se trouvent être une grande agatine, transportée de Madagascar, et que les nègres regardent comme un aliment sain et agréable, qu'ilsnomment fouroupa. Les autres mollusques sont : la caracole, quatre espèces de pupa, le cy- clostoma carinata, la gibbe (cochlodonta Lyonetiana), dont la patrie a long-temps été ignorée, et qui vit par essaims, dans la mousse et au pied des arbres, sur les bords de la Rivière grand nombre la mélanie noire, le chiton couronne, des néritines, des faunes, et la patella Borbonica de Bory St-Vincent. Sous le rapport des productions végétales, la cannelle, la mus- cade, le girofle, le ravensara, le sucre, le coton, l’indigo et le café, sont les denrées coloniales les plus célèbres dont l'ile noire. Toutes les eaux douces renferment en Maurice fut dotée par l'administration francaise. Il serait injuste d'oublier les immenses services rendus à cette colonie par le célèbre Poivre. C'est lui qui, voulant acclimater dans cette ile les épiceries fines, et faire partager aux colons le commerce lucratif dont les Hollandais étaient à cette époque exclusive- ment en possession, ordonna l'expédition de Coëtivi, qui fut à Guëbé, l'une des Moluques orientales, conquérir ces précieux végétaux. Ainsi, grace au zèle entendu et éclairé de cet admi- nistrateur, Maurice s'enrichit du poivre noir, en 1749; de la muscade et du giroflier des Moluques, de la cannelle de Ceylan, en 1770; du riz vivace et sec de la Cochinchine, du délicieux litchi de Chine, de la casse-giroflée, et de l'arbre à pain à chà- taignes. La Bourdonnaye, autre gouverneur comme il est rare d'en rencontrer, lui fit présent de la canne à sucre ordinaire, qui est aujourd'hui pour cette ile sa seule culture de rapport; elle lui doit encore l’indigo, et surtout, vers 1740, la cassave ou ZOOLOGIE. AT CEE manioque, avec laquelle on nourrit sa population noire. De tels services ne peuvent être oubliés; ils méritent une couronne civique et la reconnaissance des habitants. L'abbé Rochon se rendit également recommandable par cette philanthropie géné- reuse, qui enrichit un pays de nouvelles productions utiles: gloire préférable sans doute à celle du conquérant qui leravage. On lui doit, en 1768, le ravenale ou arbre du voyageur de Madagascar‘, le ravensara ou arbre aux quatre épices, le beau bois de tacamake {calophyllum), le cycas ou palmier-fougère à sagou, et le prunier malgache /Flacurtia ramontchi). M. Cossi- gny, aussi recommandable par ses services que par ses connais- sances, transplanta des bords de l'Indus le vitivert”, aromate moins utile qu'on ne le supposait alors; et d'Arabie, le chien- dent citronnelle. Commerson, le voyageur le plus savant de son temps, apporta de Taiti le spondias dulcis; et ce fruit, délicieux dans son pays natal, a perdu à Maurice toute sa saveur. Le chène fut naturalisé par M. Bellecombe; le mangoustan de Java, par M. Surville ; la fraise, par M. Chazal, en 1708; le thé (thea bohea), par l'abbé Gallois, dans la plaine Moka; la mangue et l'avocat {laurus persea), par M. Lejuge; l'arbre à pain sans noyaux de la mer du Sud, par M. La Billardière, après le voyage de d'Entrecasteaux, le Joliffa et une foule de plantes utiles de Madagascar, par M. Vincent. Les bois noirs (77ëmosa lebbeck,, destinés à repeupler les lieux privés d'arbres, parleur rapide crois- sance, la dureté des fibres ligneuses, sont aussi une acquisition précieuse. Ce végétal, transplanté des plaines qui bordent la mer Rouge par M. Cossigny, est sujet à une maladie qui le fait périr, et qui est due à un ver qui en attaque le cœur : il servait jadis à abriter et protéger les cafeiries; et maintenant on l'emploie 1 Urania speciosu. 2 Schænanthus muricatus. 464 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. à boiser les plaines dégarnies : l'exposition sur les montagnes ne lui convient nullement. Les plantes exotiques, naturalisées et cultivées pourles besoins de l'homme, sont, en outre des précédentes : le gingembre, le curcuma, le cardamome, quatre variétés de cannamelle (celle de Taïti est négligée et peu estimée), l’avoine, l'orge, le froment, la patate (convolvulus batatas), le café, le tabac, la pomme de terre, la tomate, l’aubergine, les brèdes martin et malgache, la baselle rouge ou brède d'Ængole, les piments annuel et en- ragé (capsicum frutescens), le jujubier indien, plusieurs variétés de mango, et surtout celle de Goa, la vigne, la betterave, la carotte, le panais, le persil, le céleri, le lin, l'ananas, l'ail, l'oignon, la ciboulette, l'asperge, le riz créole, l'oseille, les jam-rose, jam-malac et jam-rosade, la grenade, la pêche, la bibasse [mespilus japonica), la framboise, la fraise, latte, le corrossol, le cresson de fontaine, naturalisé et semé sur les eaux vives par le P. André de la mission; le navet, le chou, les raves, l’arachis, le pois, la gesse, les haricots, la fève, la lentille, les oranges, le cacao”, les pamplemousses, la chicorée, la laitue, les courges, les melons, la pastèque, les muriers, les cocos, l'arec, le chou-palmiste, le noyer de bancoul, la cama- nioc, ou cassave douce et non vénéneuse, le ricin, le dattier, l'épinard, l'igname, le cyeas, quinze espèces de bananes, le sorgho, l'arroche, la papaye, le mombin, l'acajou à pommes, la figue d'Europe, etc. * ‘ Apporté d'Acapulco à Manille, de Manille à Pondichéry, et de ce point à l'ile Maurice, vers 1766. 2 Nous ne pouvons passer sous silence la collection unique et admirable de ces fruits, qu'un ancien officier français, aide-de-camp du gouverneur de Maurice, M. Ro- BILLARD D'ARGENTELLE, avait formée pendant vingt années de travail. Bien su- périeure à tout ce qu'on a fait en cire, M. d'Argentelle, par un procédé dont il a emporté le secret dans la tombe, a donné à sa riche collection de fruits modelés ZOOLOGIE. 465 Le tamarinier, dont le tronc prend un grand développement, sert à faire des bordures de routes, utiles et belles pour les co- lonies. Les raquettes employées comme haies de clôture sont excellentes, ainsi que les agavé vivipare et d'Amérique, qui sont parfaitement naturalisés. Plusieurs bois indigènes servent aux arts; tels sont surtout : le tamahaca, le bois de natte, le bois d'ébène, le bois monthrun, etc. Nous donnerons une idée plus exacte de l'aspect de Maurice, en choisissant dans notre journal les descriptions de quelques- uns des sites des environs de Port-Louis; tels que ceux des Pam- plemousses, du Pouce, de la Rivière-Noire. Le jardin botanique et de naturalisation est à six milles au Nord-Est de Port-Louis. Une route bien tracée y conduit. Les alentours sont plantés en bois noirs, en tamarins. Des quartiers de roches noircies couvrent de vastes portions de champs. Le premier édifice qu'on remarque au milieu des habitations des Pamplemousses, est l’église rendue célèbre par le roman de Paul et Virginie. Son clocher, renversé par un ouragan, n'a point été relevé; et ce temple agreste, au milieu d’un paysage agréable, de demeures simples et élégantes, intéresse encore la vérité de la nature et la dureté d’une composition solide : fruits, fleurs, embryons, graines, branches et port des rarneaux, font illusion dans ces imitations, qui peuvent supporter l'examen de la loupe. Tels fruits avaient nécessité dix-huit mois d’un travail opiniâtre de douze à dix-huit heures par jour. Plus de cent cinquante espèces d'arbres étaient déja reproduites, lorsque l’auteur emballa cette précieuse suite de richesses, que nous étudiämes en détail, et dont nous avons publié la description dans le Journal des Voyages, t. XX VIII, p. 121, année 1825, et en chargea une frégate anglaise que le gouvernement autorisa à cet effet, et d’où par suite on la trans- porta à Paris. M. d'Argentelle travaillait sans relâche à terminer quelques pièces commencées, lorsque la mort vint inopinément le frapper en décembre 1828, sans que personne en France , excepté quelques amis intimes , aient pu jouir d’un travail aussi curieux, et dont la perfection d'imitation est tellement grande, qu’elle rivalise complètement avec la nature. Voyage de la Coquille. — Z. Tom. I, Partie 11. 5 99) 466 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. par les souvenirs qu'il rappelle. Nous entràmes dans le jardin de botanique, ressemblant plutôt à un vaste pare, formé des arbres rares et utles de la zone torride, et consacré aux gnI- fique promenade n'est point fréquentée; ses longues allées, plaisirs des habitants, ou aux penseurs solitaires. Cette ma ses massifs imposants, sont déserts. De nombreux ruisseaux ou des réservoirs servent à entretenir la fraicheur et la vie au milieu de cette végétation active : des bancs sont destinés à un doux repos; des fleurs embaument l'atmosphère, déja échauffée par les émanations aromatiques des arbres à épices, qui vivent dans ce lieu. C'est là, en effet, qu'on retrouve ces végétaux précieux enlevés au sol qui les a vus naitre, et que des possesseurs jaloux gardaient aussi soigneusement que les arbres des Hespérides. De longues allées sont formées avec des muscadiers, des cannelliers, des girofliers; et ces arbres y atteignent toute leur croissance: ce jardin rappelle à chaque pas le nom d'hommes recommanda- bles, mais surtout celui du respectable M. de Céré, son créateur, qui le dirigea avec tant de sollicitude et de succès. Depuis que cet établissement utile est entre les mains des Anglais, il a été complètement négligé; et les coups de vent qui se sont succédé, lui ont porté un préjudice qui est encore à réparer. Nous y re- marquämes avec plaisir le camphrier de Bornéo, lillipé (bassia longifolia), le garcinia des Célèbes, les sterculia, le rondier desSey- chelles (borassus), le sagus raffia de Madagascar, etc. Des dattiers en formaient les massifs ; les muüriers étaient couverts de fruits ; et le ravénale élevait ses éventails de verdure, en imi- tant le port des bananiers. Vers le centre du jardin, on a mé- nagé un emplacement pour les plantes exotiques qu'on y cultive, en leur donnant un certain ordre, et en les isolant par groupes d'un même pays. Il y en avait de Ceylan, du continent de l'Inde, et surtout de Madagascar; et parmi ces dernières, la belle eu- 2 phorbia Breonii, couverte de fleurs rouges, imitait un buisson ZOOLOGIE. 467 ardent. Derrière ce jardin est Mon-Plaisir, l'une des maisons de gouverneurs de Maurice. En sortant du vaste jardin des Pamplemousses , nous étions campagne des empressés d'aller visiter les tombeaux de Paul et de Virginie. A une faible distance est placée l'habitation de M. Cambernon, qui les possède. Le propriétaire nous recut avec cette cordialité franche du vieux temps. Après avoir donné quelques instants à la politesse, il nous accompagna dans son domaine, qui est entretenu avec soin : les alentours de la demeure sont couverts de fleurs, distribuées dans des parterres bien dessinés, ayant pour bordures des haies de rosiers du Bengale; des étangs pleins de poissons, garnis de colocasse d'Égypte, charment la vue. A l'extrémité de deux longues allées, bien droites, bien alignées, bien sablées, s'élèvent deux pyramides surmontées d'uneurne, et distantes l’une de l’autre d'environ une quarantaine de pieds : voilà ce qu'on appelle les tombeaux de Paul et de Virginie, que le goût fantasque d’un ancien propriétaire du lieu fit élever. Nulle inscription ne décore ces monuments froids, si ce n'est celles que les visiteurs, et surtout les Anglais, placent sur tous les coins de la pierre. Mais, peine inutile et superflue, on repeint chaque année leur surface; et les inscriptions les plus senti- mentales ne sont même pas ménagées par la couche d'ocre rouge, que de nouveaux visiteurs chargeront, à leur tour, de pensées mélancoliques tout aussi peu durables. Pour rendre ces deux pierres plus intéressantes, l'une d'elles, le tombeau de la touchante Virginie sans doute, est ombragée par un massif de bambous ; et un nouveau Domingue a seul le privilége d'en offrir aux visiteurs quelques frêles rameaux. On assure qu'ilne fait pas bon de dire, devant bien des créoles, que jamais Paul et Virginie n’ont eu leur sépulture en ce lieu; que même ce sont des personnages ficüfs, dont la vie est entièrement de la créa- tion de Bernardin de Saint-Pierre; qu'à peine peut-on trouver 59. 168 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. quelques petits faits qui puissent se rapporter à cette histoire, écrite d'ailleurs avec une sensibilité profonde et une beauté de coloris extraordinaire. Le 4 novembre, nous nous dirigeimes vers le sommet de la montagne du Pouce. Le sentier qui y conduit est bien tracé, quoique encombré de roches, et difficile à gravir. À mesure qu'on s'élève, on respire un air plus frais; il est bordé d'arbres, de framboisiers sauvages, d'une espèce de myrte, et surtout d'un jasmin qui exhale une douce odeur. Le prolongement abrupte et nu de la montagne de la Découverte forme une haute muraille à droite, sur laquelle viennent à peine quelques fréles arbustes, et dont les crevasses servent de retraites aux singes. Le sommet du Pouce, jusqu'à son tiers inférieur, est, au contraire, très - boisé; et le sentier suit une ravine, dans laquelle coule une eau fraiche et limpide, sur un lit bordé d'une grande variété de fougères. Avant de gravir, après deux heures de montée, ce qu'on est convenu de nommer la Phalange ou le vrai Pouce, nous nous arrétämes sur un plateau dégarni, où nous allumâmes un grand feu avec du bois sec, au milieu d'une pelouse couverte d'une rosée abondante. La montagne du Pouce, à quelques pas, offre dans ce lieu un emplacement commode pour jouir de la vue entière de la riche plaine de Moka. Du côté de ce quartier, la montagne est brusquement taillée à pic; et la vue est épouvantée des précipices profonds sur lesquels elle domine. Le terrain uniforme de cette belle et riche plaine encaissée; les rivières qui serpentent sur sa sur- face; les habitations qui cà et là la décorent; les champs de cannes à sucre, dont le vert gai tranche avecla teinte des arbres et du sol; les f/aos indiens s'élevant sur les faites des demeures, auxquelles conduisent de longues allées de manguiers, forment un ensemble aussi difficile à décrire qu'intéressant et nouveau. Nous nous remimes à gravir le Pouce; le sentier est étroit et ZOOLOGTITE. 469 tortueux au milieu de bois épais, dont les arbres n'étaient point en fleurs. Les framboisiers sauvages‘ devenaient très-communs; et leurs gros fruits aqueux, mais peu sapides, étaient trouvés délicieux, cueillis sur la plante, et charmaient la vue par leur coloration vermeille. Enfin, le chemin, s'élevant avec roideur, oblige de gravir avec précaution sur une arête dorsale étroite, et bordée de plantes, qui vivent sur les sommités refroidies ; telles que plusieurs espèces laineuses et albides de gnaphalium” : on atteint bientôt la cime terminale du Pouce. Celle-ci n'a au plus que quinze pieds de longueur sur sept de largeur; la roche est à nu, excepté dans quelques endroits, où un mince gazon de graminées courtes et rudes la revêt. On y a planté un jeune chène, qui croitrait avec vigueur, s'il n'était souvent mutilé par les visiteurs. Là vit la plante consacrée à Rousseau /Rousseauvia sumplex). Le verbesina biflora s'y retrouve; et parmi les coquilles, le pupa et la caracole. Lorsque nous atteignimes la cime du Pouce, un ciel clair, une atmosphère pure et sereine, permettait à notre vue d'embrasser un horizon immense. L'ile entière se découvrait, excepté sur un point, où les pics d’un mont in- terceptaient l'aspect de la haute mer, qui l'enveloppait par un vaste cercle d'azur. L'œil errait délicieusement sur les sommets des montagnes voisines, ou sur les gorges et les vallées qu’elles concourent à former, que fertilisent de nombreux ruisseaux, des torrents impétueux, des sources paisibles, des cascades jail- lissantes. Le vert gai des cultures, le vert sombre des bois, con- trastaient avec la teinte rouge du sol, ou les flancs noirs et brü- lés de quelques mornes. Leurs chaines serpentantes permet- taient de suivre leurs arêtes onduleuses et déchirées, depuis le morne Brabant, celui de la Rivière-Noire, jusqu'à la chaine du 1 _Rubus rosæfolius, Smiru. ? Gnaphalium proteoides, cæspitosum, yucæfolium, multicaule. 470 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. Grand-Port et de Pieterboth, ete. Vers les 9 heures, de gros nuages noirs s'amoncelèrent rapidement, chassés par les vents d'Est; ils roulaient à nos pieds, et formaient autour de nous une atmosphère tellement dense, qu'un cercle étroit de quelques pieds fut bientôt notre univers. À peine reçüumes-nous quelques gouttes d'eau, tandis qu'il pleuvait abondamment au-dessous de l'élévation où nous nous trouvions placés. Le spectacle qui avait frappé nos yeux était évanoui : Port-Louis, ses édifices et les travaux des hommes disparaissaient sous les flocons épais des nuages noirs, que chassait le souffle des vents. Nous redescendimes la montagne du Pouce par le versant qui borne la plaine Moka. Ce chemin rapide est un bel ouvrage; il est taillé dans la roche trappéenne qui compose la montagne. Dans le creux des ravins, la végétation est très-active; et nulle part, elle ne nous à paru si agréable que dans ce lieu. De nom- breux liserons s'unissent aux bois de fer, d'ébène, de ronde (erythroxylon laurifolium), au solanum auriculatum, qui y crois- sent; et c'est là que végète en abondance la belle fougère en arbre (cyathea excelsa), au milieu des tribus variées de la même famille. M. Liénard, négociant à Port-Louis, nous offrit, à MM. Bé- rard, Jacquinot et moi, l’occasion de visiter la caverne décrite par Bernardin de St-Pierre, située à la Petite-Rivière, dans le domaine de M. Duplessis, ancien officier de marine français. Nos calèches eurent rapidement franchi les cinq milles qu'on compte de la ville à cette propriété; la route est assez belle. On traverse la grande rivière sur un pont; son lit vaste est encom- bré de galets; et lors des pluies, il recoit une grande nappe d'eau, que les sécheresses diminuent de beaucoup dans la belle saison. Sur ces bords, fréquentés chaque jour par des centaines de blanchisseuses, sont des habitations entourées de bosquets plus frais et plus aisés à entretenir que partout ailleurs. ZOOLOGIE. gi Une longue avenue de tamarins nous conduisit à l'habitation de M. Duplessis. Nous traversames de jolis parterres, que rien ne rendrait remarquables, si ce n'étaient les bustes de #elling- ton et de ÂVelson, exposés dans les allées! Le propriétaire nous fit prier de descendre; et sur notre refus, des noirs, por- teurs de torches, avaient l'ordre de nous conduire dans la ca- verne, Celle-ci a son ouverture extérieure à quelques centaines de pas, au milieu d'un bois, dans une ancienne ravine se diri- geant de la chaine des montagnes voisines à la mer, distante de deux milles. Ceite ouverture est étroite et comme cintrée, et doit être le résultat d'un éboulement, qui a ouvert dans cet en- droit une issue à la caverne, dont l'origine ou le canal principal doit venir de plus haut. Quoi qu'il en soit, nous allumâmes nos flambeaux ; et les nègres qui nous accompagnaient, nous pré- cédèrent avec des faisceaux de bois de ronde enflammés, dont ils étaient munis : la première salle est vaste, et creusée dans un trachyte poreux. On remarque de chaque côté, à trois pieds environ d'élévation, des rainures qui suivent la direction de la caverne, et semblent être des moulures, que les eaux ont faconnées en séjournant plus ou moins de temps, lorsqu'ellés ont traversé cette grotte pour se perdre à la mer. La première salle est séparée de la deuxième par un abaissement de la voute; et la caverne change de direction dans ce sens, en allant d’a- bord au Nord-Ouest, puis au Nord. Sa pente est assez rapide- ment déclive. Nous traversämes ainsi plusieurs voutes, dont les séparations sont très-basses, ou que des éboulements consi- dérables engorgent là où le trachyte a cessé. Le sol devient de plus en plus humide. Il en est de même du plafond, tous les deux sont formés d'une terre glaise qui laisse filtrer Peau. Des stalactites d'un carbonate calcaire grossier revétent les parois latérales et la voute, en se moulant sur les racines qui s'y sont introduites à travers les crevasses. Nous ne saurions au juste 472 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. évaluer l'épaisseur de la couche du sol; mais on ne peut guère se tromper, en ne la portant qu'à quatre ou cinq pieds. Vers l’ex- trémité, il est nécessaire de se trainer sur les senoux et sur les mains; et alors il devient imprudent de s'engager plus avant, parce que les bougies s'éteignent, faute d'air respirable. Un chien qui nous accompagnat, se trouvant dans la couche d'acide car- bonique, que sa pesanteur rend inférieure à l'air vital, se mit à hurler, éprouva le plus grand malaise, et courut, vers la salle anté- rieure, respirer un air plus convenable à la vie. Cette extrémité de la grotte est très-humide; le sol glaiseux est très-glissant, et il n'est guère possible d'y pénétrer lorsqu'il a beaucoup plu. On doit penser que cette caverne joignait la mer par des issues inaperçues, et y avait déchargé les eaux souterraines dont elle a sans doute, et pendant long-temps, recelé le cours. Ses replis tortueux semblent annoncer que des courants ont arrondi les coudes que les salles forment entre elles, en même temps que la pente a du faciliter le complet écoulement des eaux. Ses dimen- sions sont de douze à quinze pas dans sa plus grande largeur, sur onze cents bien comptés en longueur. En revenant, on ne pouvait s'empêcher de sourire à la vue du cortège singulier que nous formions dans cette demeure souterraine. Nos torches lançant des flammes vives et des torrents de fumée, les nègres 5 nus qui nous escortaient, nous rappelèrent quelques-unes de ces scènes nocturnes, dont la ronde du sabbat peut donner une idée. En arrivant vers la crevasse qui sert d'entrée, nous eûmes un magnifique effet de lumière. Les rayons du soleil s'y intro- duisaient à travers les arbres comme par un soupirail, et for- maient, par les couleursles plus variées du prisme, des portiques fantastiques. ZOOLOGIE. 473 6 XVIIL JAMES S-TOWN (ÎLE DE SAINTE-HÉLÈNE ). (Du 3 janvier 1825 au 12 du même mois.) Du milieu de lOcéan Atlantique s'élève le rocher brülé de Sainte-Hélène, dont les flancs calcinés sont taillés en hautes murailles verticales. L'aspect de cette terre semble devoir être la patrie du démon de l'ennui, ainsi que l'a dit avec esprit une femme du monde. Mais les ravines qui entrouvrent çà et là les roches volcaniques de son ossuaire charment la vue par le mé- lange d’une riante verdure, encaissée par de noirs trachytes des laves refroidies, où des ocres rouges et bigarrées. Cette opposi- ton de verdure gaie, d'eau fraiche et murmurante coulant dans des gorges étroites, de roches qui, caleinées par le feu, n'ont point encore pu nourrir même des lichens parasites, ou des mousses humiles, porte avec elie un sentiment indéfinissable de beauté et de rudesse, qui épanouit et comprime à-la-fois les émotions du voyageur. L'ile de Sainte-Hélène, située dans l'hémisphère austral, git par 15° 55° 00” de lat. Sud, et 7° 59 08” de long. occidentale, à 1200 milles à peu près des côtes d'Afrique, à 900 milles de l'Amérique méridionale, à 600 milles de l'ile de lAscension, et à environ 1200 milles de Tristan d'Acuña. Sa plus grande lon- gueur du Nord-Est au Sud-Ouest n’est que de trois lieues, sa largeur de deux, et sa circonférence d’un peu plus de huit. Sa surface comprend 30,300 acres. La position de cette île, les avantages inappréciables qu'elle présente pour établir des croi- sières , les ressources qu’elle fournit à la nation qui s'y est établie, pour détruire le commerce des autres peuples maritimes, lui Voyage de la Coquille. — Z. Tom. I, Partie 11. 60 474 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. ont valu de la part des Anglais le nom de Gibraltar des mers de l'Inde. | Le Florentin Améric Vespuce découvrit, dit-on, l'ile de Sainte- Hélène en 1503 : elle était alors couverte d'épaisses forêts, arrosée par de nombreux ruisseaux, dont les bords étaient tapis- sés de céleri, de cresson, de pourpier et de soude (samphire): des phoques, et surtout les lions de mer, peuplaient ses rivages, où les tortues franches se rendaient en grand nombre. Mais 5 nul être humain ne vivait sur sa surface. Cependant on regarde comme certain que le mérite de la découverte de cette ile ap- partient au Portugais Juan de Nova-Castella , qui parait en avoir eu connaissance le 21 mai 1502, et qui lui donna le nom de la mère de l'empereur Constantin. Castella revenait des Indes, et faisait partie de l'expédition si célèbre de Vasco de Gama. Le premier colon de cette terre isolée fut Fernand Lopez, qu'on y déposa, en 1513, après avoir été mutilé comme rebelle et traitre par les ordres du fameux Albuquerque. Sir Thomas Cavendish, navigateur breton, la visita le 9 juin 1588, et fut surpris d'y trouver une colonie ignorée de Portugais, qui s'y était établie dans l'année 1571. Le capitaine Lancastre, exécutant le premier voyage que les Anglais aient fait aux Indes, y sé- journa dix-neuf jours, et trouva l'établissement florissant. Mais les Hollandais, acharnés à la conquête des propriétés portugaises, s'emparerent de Sainte-Hélène, où ils demeurèrent jusqu'à l'an- née 16571, où ils se déciderent à l'abandonner. À partir de cette époque, les Anglais, toujours à l'affût des circonstancesles plus fa- vorables pour empiéter sur le globe, s'y établirent; ils en furent chassés, en 1672, par les Hollandais, qu'ils en expulsèrent à leur tour l’année suivante. Le roi d'Angleterre la céda à la Compagnie des Indes, en 1674. Dampier visita cette île en 1691; et le 1° juin 1706, une escadre française, commandée par M. Desdu- guières, insulta cette place, et coula sous ses batteries un bon ZOOLOGIE. où nombre de navires. Depuis ce temps, elle n'a point changé de maitres. Nulle personne étrangère à la colonie ne peut librement cir- culer dans l'intérieur de l'ile; et lorsqu'on en obtient la permis- sion, les autorités font accompagner les voyageurs par un sergent ou par un officier, suivant le grade dont ils jouissent. Quoique le général Waker ait bien voulu mettre à notre disposition, pour nos excursions d'histoire naturelle, un des officiers de la gar- nison, On conçoit que nous ne profitämes qu'une ou deux fois d'une faveur chèrement achetée par l'ennui d'être suivi pas à pas par un militaire peu jaloux, sans doute, d'arpenter les ra- vines en compagnie d'un naturaliste, et de partager les plaisirs qu'il peut éprouver à recueillir des plantes, ou ramasser des limacons. Vue de la mer, l'ile de Sainte-Hélène parait triste et nue. Le pic de Diane, haut de 2697 pieds anglais, se perdant dans les nuages, en est le point culminant’. Aigh-peak, par son cône ar- rondi, s'élève de la pointe Sud-Ouest, et n'a qu'une cinquantaine de pieds de moins que la montagne précédente. Sur ces monts élevés , l'air est froid, mais agréable; et les pics sourcilleux qui menacent le ciel sont le plus souvent entourés de nuées, qui y entretiennent une constante humidité, et par suite une végé- tation pressée et active. Le climat de cette ile est, dit-on, très-salubre. On n'y re- marque ni tempêtes ni tremblements de terre. Le ciel y est généralement serein. Le tonnerre et les éclairs sont très-rares, et une brise modérée et agréable tempère ce que les journées ont de trop chaud. Des pluies viennent fréquemment apporter ‘ Les Anglais ont calculé ainsi la hauteur des divers pitons de l’île : Pic de Diane, 2697 pieds anglais; Pointe de Cuckold, 2677; Mont Halley, 2467; Flag-staff-hill, 2272 ; Barnes-hill, 2015; Alarm-house, 1960; High-knoll, 1903; Longwood-house, 1762; Ladder-hill, 592. 60. 476 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. la fraicheur et la vie dans les vallées, qui, sans elles, seraient bientôt brülées : souvent cependant de longues sécheresses ont fait périr le bétail, en détruisant la végétation qui le nourrit. La saison des pluies a lieu en janvier et février dans l'été, et en juillet et août dans l'hiver : sa durée la plus ordinaire est de neuf ou dix semaines. Mais ces pluies, si rares en certains temps, deviennent parfois si abondantes, qu'elles donnent naissance à des torrents, dont le cours au fond des gorges entraine tout ce qu'il rencontre sur son passage. Lorsque cette île se trouvait partout également boisée, il devait en résulter un arrosement plus régulier. C'est ainsi qu'il y a peu d'années, des nuages noirs fondirent sur la montagne qui domine la vallée Rupert, vallée ordinairement sèche que ne traverse aucun ruisseau, et don- nèrent naissance à des masses d'eau, dont la brusque irruption détruisit les parapets des fortifications qu'on y a établies, et en- trainèrent quelques-uns des canons qui les surmontaient. Pen- dant notre séjour, les chaleurs furent très-supportables, et les nuits étaient méme fraiches. D'abondantes rosées recouvraient le sol pendant l'absence du soleil sur l'horizon. Nous remar- quames que les nuages se condensaient autour des hauts pitons des montagnes, s'en détachaient pour se dissoudre en pluie, non pas sur l'ile, mais à une certaine distance en mer, et sous le vent. Des rafales peu durables suivaient les gorges des vallées, et soufflaient assez fort; tandis que les pavillons des hauts co- teaux, qui en forment les bords, n'étaient même pas agités. La mer au mouillage fut calme pendant quelques jours : à la fin de notre relâche, une longue houle se faisait ressentir, et heur- se. Le baromètre 5 eut pour maximum 28° 2, 6, et pour minimum 28 1, 9. Le ther- tait par un ressac violent les rochers du riva momètre eut pour maximum à midi 27 degrés, mais plus ordi- nairement 26. Sur l'extrémité Nord-Est de Sainte-Hélène s'élève un mont ZOOLOGIE. hoc de forme pyramidale, dont la mer baigne le pied, que les Anglais ont nommé le Pain de sucre, Sugar-loaf. Un télégraphe est perché sur son sommet; sa base est garnie de trois batteries placées à une faible distance les unes des autres, nommées battermilk, haute et basse batteries de Banks. Dans le Sud- Ouest, l'entrée de la vallée Rupert est fermée par une forte muraille à parapet, garnie de bouches à feu de gros calibre. La pointe Munden sépare Rupert s-Walley, de celle dite de James ou de la Chapelle, à l'entrée de laquelle a été bâtie la bourgade de James's-Town. La ville se trouve dominée, au Sud- Ouest, par une muraille perpendiculaire, dont le plateau se trouve élevé à plus de huit cents pieds au-dessus du niveau de la mer: c'est ce qu'on nomme Ladder-hill, où trente pièces pla- cées en batterie commandent la portion Sud-Ouest de l'ile, la rade et la vallée de James. Mais à cette rangée de canons ne se 5 bornent point les moyens de défense de cette dernière : une forte batterie la défend en avant, et se trouve accompagnée de fours pour les boulets rouges, d'obusiers incendiaires, et de meur- trières pour la fusillade. Derrière cette premiere ligne de défense, et sous le canon de Ladder-hill, est percée une porte à darse, par laquelle un homme seul peut passer, et qui est l'unique entrée pratiquée pour arriver à la ville, et par suite au centre de l'ile; les roches qui encaissent cette étroite vallée sont tail- lées comme des murailles, et recèlent, dans leur intérieur, des chemins couverts, destinés à la garnison, pour prendre par derrière l'énnemi qui, de vive force, se serait emparé des ou- vrages extérieurs. Sandy-Bay, placée dans le Sud de l'ile, et où il eùt été aussi possible de tenter un débarquement lorsque le ressac ne se fait pas sentir, est également fortifiée avec art. Mais tous les points de l'ile qui se commandent, les crêtes même les plus abruptes des montagnes, sont hérissés de canons, dont les feux, plongeant dans tous les sens, rendent en quelque sorte 478 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. imexpugnable ce misérable rocher. La garnison actuelle toute- fois ne se compose que de onze cents hommes, la plupart ap- partenant aux troupes d'artillerie de la compagnie, mais dont le nombre serait insuffisant dans un moment de crise, sil fal- lait armer toutes les pièces. Les pitons montagneux ont été utilisés pour l'établissement des vigies, dont les signaux se cor- respondent et sont répétés par le télégraphe, qui les renvoie aux forts. Un navire apparait-il à l'horizon, un coup de canon de la vigie qui l'a la première apercu, l'indique aux autres postes, qui répètent ce signal, et le transmettent au château d'alarme, Alarm-house. Si on découvre plusieurs navires, les forts tirent chacun cinq coups de canon, et pour une flotte composée d’un certain nombre de voiles, on donne une alarme générale. Cha- cun se rend aussitôt à son poste de combat, jusqu'à ce que le gouverneur, instruit, par les embarcations qu'il a expédiées, à quelle nation appartiennent ces vaisseaux, ait fait battre la retraite. Les bâtiments qui vont mouiller sur la rade de James's-Town sont obligés d'expédier une embarcation à Sugar-loaf-point, pour être arraisonnés par deux officiers de la garnison. Un poteau supporte, écrite en gros caractères, cette inscription : Send boat here. Après avoir rempli cette formalité, on fait route vers la rade, en longeant Rupert-Valley, et doublant la pointe Hun- den, que couronne la citadelle de même nom. A l'extrémité de cette pointe, à trente ou quarante brasses environ, est caché sous l'eau un écueil, sur lequel plus d’un vaisseau s’est perdu. Le banc sur lequel on mouille n'est profond que de huit à quinze brasses, et s'étend au Nord-Ouest de l'ile, depuis la vallée Ru- pert jusqu'à ce qu'on nomme Âorse-pasture-point dans le Sud- Ouest. Unruisseau d'une eau fraiche et vive arrose Lemon-Valler, située à environ deux milles dans le Sud-Ouest de James's-Town. ZOOLOGIE. ee Les navires ont beaucoup de peine à y renouveler leur eau, à cause des rochers qui en bordent l'entrée. La vallée de James, dans laquelle a été bâtie la bourgade qui porte le même nom, n'est guère qu'une ravine étroite, qui s'élargit graduellement, à mesure qu'on avance vers la mer. Encaissées par des montagnes dont les flancs s'élèvent verticale- ment, les maisons qui occupent son fond semblent devoir être englouties sous les rochers, suspendus à une grande hauteur sur leurs toitures. La surface de ses parois latérales estnue, rougeitre, et imite, par sa couleur et son aspect, ces scories rejetées des usines. Le fond de la vallée, au contraire, est garni de tapis d'une verdure qu'un mince ruisseau rafraichit, en serpentant sous des bouquets d'arbres, et au milieu d’un tapis épais de cresson (sisymbrium nasturtium). Le volume des eaux de ce ruis- seau varie suivant la saison; il est formé par de nombreuses filtrations, qui se réunissent enfin pour tomber, sur une haute colonnade basaltique, en nappes serrées, dont la chute forme une cascade qui n'a pas moins de deux cents pieds de hauteur. Ces sources jaillissantes, se précipitant d'une voute légèrement concave, tapissée de vertes et épaisses fougères, contrastent avec la sévérité des alentours, où l'œil ne découvre que roches noir- cies et calcinées, que cendres ou matières volcaniques anciennes. Vue de la rade, la batterie avancée de James’s-V'alley est séparée de la ville par une allée couverte de peepel-trees, ou figuiers des Banians. C'est à une des extrémités de cette allée qu'est placé le bazar, où les marins peuvent se procurer quel- ques légumes. La bourgade n'offre rien deremarquable. L'église est un édifice d’une extrême simplicité. L'hôtel du gouverneur est gothique et à peine logeable. Le jardin de la compagnie, qui en forme une dépendance, et qui sert de promenade publique, est embelli par plusieurs végétaux étrangers, venus principa- lement du Cap. Une seule rue pavée compose à peu près toute 480 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. la ville; etles maisons sont, on doit le dire, généralement tenues avec une grande propreté. Une allée de figuiers indiens termine cette longue rue vers l'extrémité de la vallée. Là se trouvent une place d'armes de cent pieds carrés, des casernes pour la garnison, un hôpital militaire, et le jardin botanique. Ce der- nier a long-temps été occupé par des végétaux rares et précieux; bien qu'il soit trèes-négligé, on y trouve encore quelques cocotiers, sagoutiers, oliviers, girofliers, cycas, bananiers, etc. Dans cette partie de la ville aussi s'élèvent de nombreuses et chétives baraques en bois, dont l'intérieur, sale, puant et enfumé, est l'asile des Indiens et des Chinois, employés comme manœuvres dans le service de la colonie. Autant l'aspect de ces demeures est dégoütant, autant le fond de la vallée contraste par les délicieuses maisons de plaisance, occupées par les riches Anglais : à gauche et à mi-coteau est l'habitation des Briars, devenue célèbre dans ces derniers temps, que l’art a conquise sur la nature en l'entourant de massifs de végétaux, qui l'ont transformée en un oasis plein de charmes; tandis que tout ce qui l'entoure semble avoir été frappé de mort. La population de Sainte-Hélène est évaluée à environ trois mille habitants; et dans ce nombre les esclaves noirs y entrent bien pour moitié. Les rivalités et les jalousies, quine manquent jamais de régner dans les corps armés, divisent la classe supé- rieure de cette faible population, et ne permettent point qu'il y ait là, comme ailleurs, des réunions amicales, des fêtes ou des plaisirs. Sur le côté droit de la vallée de James’s-Town, on a pratiqué, avec de grands efforts, une route en zigzags, qui conduit au sommet de Ladder-hill. Ce travail, exécuté par des Chinois nourris et payés à raison d'un schelling par jour aux frais de la compagnie, est tellement doux, que des cavaliers et des voi- tures y montent sans efforts. À gauche, le chemin ou side-path, ZOOLCOGIE. 48r se dirige dans l'intérieur et aux parties orientales de l'ile; des sentiers le croisent en divers sens, et aboutissent à des habita- tions occupant cà et là le fond des vallées. Une fois transporté en ces lieux, la scène change : aux horreurs des rochers nus de la côte succèdent des paysages romantiques, pittoresques et animés. Le sol semble revêtir les formes les plus fantastiques; et si des éboulements considérables et des parties de roches brisées sont l'image du chaos, les fraiches pelouses qui sont à côté, le murmure des ondes limpides qui fuient, abritées par des saules de Babylone, forment un contraste plus facile à sentir qu'à peindre. Nos lecteurs auront une idée suffisante de cet heu- reux assemblage d'une nature à la fois sévère et riante, par la description de la vallée de Sinn, célèbre à plus d'un titre. Cette petite vallée, placée au centre de l'ile, est couverte à son origine de pins aux rameaux droits, au feuillage sombre : bientôt son bassin élargi est tapissé d’un gazon frais, où pullulent des ge- ranium aux fleurs écarlates, qu'ombragent des châtaigniers d'Europe, des pommiers, et quatre ou cinq saules pleureurs gigantesques. Des flancs du ravin coule, sous d'énormes touffes de fougères, une source qui se perd bientôt en humectant le gazon. Tout est riant dans cette partie de la vallée, tandis qu'à quelques pas plus loin ses bords sont nus, tachés de rouge et de noir, traversés par des zones bleuàtres, des veines ocreuses : de profondes crevasses en sillonnent l’ossuaire; des roches ébou- lées encombrent son bassin; des pans entiers menacent ruine, et de temps en temps s'écroulent avec fracas. Tout dans cette vallée est fait pour inspirer de profondes réflexions : là sont les prestiges de la vie, là est l'image du néant; et, commesila nature voulait lui imprimer encore un caractère plus imposant, là re- pose, sous quelques pierres que cachent de grands saules, Na- POLÉON BONAPARTE. Sur la côte orientale de Sainte-Hélène est Zong-wood, an- Voyage de la Coquille. — Z. Tom. I, Partie LL. 61 482 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. cienne résidence du lieutenant-gouverneur de l'ile, et qui offre une étendue de terrain uniforme, plus considérable que par- tout ailleurs. Le nom de cette partie vient de plusieurs allées d'arbres indigènes qui y conduisent, arbres qui, par une excep- tion fort remarquable, appartiennent aux végétaux dela famille des syngénèses. Les Anglais les connaissent sous le nom de gum-wood-tree, que Roxburgh a décrits dans son catalogue sous le nom de conyza gummifera. Long-wood est élevé de 1762 pieds au-dessus du niveau de la mer, et sa surface jusqu'a lag- staff est estimée à quinze cents acres. Les paturages fournis par le panicum dactylon sont excellents; mais cette partie de l'ile a le grave inconvénient de n'être jamais arrosée que par les pluies. Le chemin qui conduit à cette habitation est tracé, après qu'on a quitté la vallée de Sinn, sur une arète qui sépare des gorges profondes, et se dirige à l'Est, après avoir contourné un ravin sur lequel on chercherait en vain le plus petit brin d'herbe. Les alentours de Long-wood sont tristes, nus et sté- riles ; la vue de toutes parts est bornée par d'énormes rochers, et surtout par le mont Barnes, que deux coupoles surmontent. Dead-wood, non loin de là, est la ferme où la Compagnie des Indes entretient de nombreux troupeaux de moutons destinés à être embarqués, comme vivres de rafraichissements, par les vaisseaux qui lui appartiennent, lorsqu'ils se rendent des Indes en Europe. L'eau, employée pour les besoins de la garnison, est prise à plus d'un mille de James’s-Town, et conduite par des tuyaux en plomb jusqu'à la jetée, où les chaloupes des bâtiments sur rade vont, à l’aide de manches en cuir, remplir les pièces dont elles sont chargées : deux appareils ou grues servent à l'embar- quement ou au débarquement des vivres, des munitions ou des marchandises. L'ile ne fournit pas de bois à brüler, et on em- ploie à cet usage l'ajonc (ulex europæus), qui croit abondamment ZOOLOGIE. 483 dans les endroits stériles. Les légumes qu'on peut s'y procurer, mais en petit nombre, sont : les choux, les patates, les carottes, les navets, les haricots, les salades, etc.; et parmi les fruits les plus communs sont : les pommes et les pêches. La couche de terre végétale varie en profondeur, et l'on conçoit naturelle- ment qu'elle est d'autant plus épaisse, qu'elle occupe la partie la plus inférieure des vallées. Avant le gouverneur Beatson, l'agriculture était fort négligée; c'est à lui qu'on doit l'intro- duction de plusieurs plantes utiles, et plus de soins dans la culture de quelques fruits des régions intertropicales. L'orge a parfaitement réussi à Long-wood; mais les vignes qu'on y a transplantées, n'ont jamais servi qu'a donner du raisin de table. Les jardins les plus frais et les mieux entretenus sont ceux de Plantation-house, maison de campagne, bâtie en 1791 pour l'usage des gouverneurs de Sainte-Hélène, et dont rien n'égale l'heureuse position et la beauté des sites. Les bœufs ou les vaches importés dans l'ile ne servent point à la consommation des habitants, ou du moins on ne les tue que lorsqu'il y a nécessité absolue. La garnison est nourrie avec des salaisons d'Angleterre, et les poissons dont les côtes fourmillent en sont le complément. La volaille y est peu multi- pliée, et une poule s'y vend six francs; toutefois ce qu'on peut sy procurer le plus aisément sont quelques sacs de pommes de terre. James's-Town ne possède qu'un seul hôtel assez élé- gant, où l’on est recu pour le modique prix de trente schel- lHings par jour. Enfin on trouve un assez nombreux assortiment d'objets les plus disparates, dans un seul magasin que pos- sédait pendant notre séjour un monsieur Saül Salomon, fort serviable, ainsi que d'avance doivent l'indiquer ses deux noms‘. ? Nous ajouterons à ces notes, prises à la hâte et en moins de quelques heures, Gr. 484 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. Or l'ile de Sainte - Hélène doit sa formation à des éruptions volcaniques, depuis long-temps éteintes ; car tout en elle rappelle son origine ignée. La principale roche est une lave compacte ou celluleuse, généralement brune, ou fréquemment traversée par des veines colorées très-diversement. Il n'est pas jusqu'aux cendres devenues végétatives qui ne revêtent toutes les teintes de la palette. Des couches épaisses de scories, couleur de briques, une indication de diverses particularités extraites du Tour through the island of Saint-Helena, par John Barnes. (In-12, London, 1817.) « Aucune côte, soit d’une île ou du continent, ne présente un aspect plus repoussant sans doute que labord de Sainte-Hélène. Ses rochers renversés , noircis, desséchés, ses précipices , impriment dans l’ame du spectateur de tristes sensations. « Les navires qui approchent l'ile sont généralement aperçus dans la direction du Sud-Sud-Est à l'Est-Sud-Est, et parfois à une grande distance. M. Barnes dit même qu’on a vu un baleinier du pic de Diane, à vingt-neuf lieues de distance, ou 87 milles, d’après le livre de loch confronté; mais l’obliquité et la densité de l’atmosphère rendent ce fait peu croyable : les vents du Sud-Est règnent constamment. « James's-Town est entre deux montagnes stériles , sur lesquelles croissent seulement le sa/sola et le pourpier. « Le château du gouverneur est vieux et incommode. Il a été bâti sur une ancienne muraille de for- tification, élevée en 1658 par le capitaine Dutton. « James’s- Town et la baie sont défendus par une forte ligne d’embrasures en parapet de front; par limportante batterie de Zadder-hill à l'Ouest; et par Munden’s-point, Rupert’s-hill, et Banks’s- batteries , à VEst. « La quantité d’eau qui passe à travers la ville, dans une saison médiocrement pluvieuse, a été estimée à 2160 lonneaux par 24 heures. « IL y a trois brasseries. La bière y est peu chère. (On a sévèrement défendu l'introduction du vin et des liqueurs fortes, par suite d’une révolte des soldats qui massacrèrent le gouverneur. ) « Ladder-hill a Goo pieds au-dessus du niveau de la mer. La route qui y conduit a été tracée il y a un siècle. De la ville à la batterie, sur la crête, on compte un mille : à un peu plus de deux milles est High-knoll, montagne élevée et conique, ayant 903 pieds au-dessus du niveau de la mer ; son sommet est terminé par une vigie. « La route, à trois quarts de mille de Red-hill-house, conduit à Plantation-house , résidence du gouverneur, maison agréable, dans la plus délicieuse situation de l'ile, entourée de jardins élevés à grands frais, de parcs plantés d’arbres de toutes les contrées, de chênes vigoureux : non loin de là on a bâti une église. « Vers le centre de l'ile, la chaine se découpe, les cimes s’élèvent; et le point culminant est le fameux pic de Diane (2697), nommé aussi Mont-Halley, parce que ce savant le choisit pour y observer le passage de Vénus, en 16:6 : la masse de nuages dont il fut presque constamment entouré, tandis que dans les vallées le ciel était superbe, empêcha cet astrenome d’accomplir son dessein. Le sommet de cette montagne est brusque et rapide. On y parvient par un étroit sentier, élevé au-dessus de précipices. La ZOOLOGIE. 185 jonchent de grands espaces sur les flancs de Ladder-lill, et plusieurs autres montagnes. Cà et là de longues et imparfaites colonnades d'un basalte gris-brun sont taillées en obélisques ; et on doit citer principalement celles de Loth et sa femme, qui s'élèvent près de Sandy-bay. Loth n'a pas moins, au-dessus de la surface de la mer, de 1444 pieds. Sa circonférence, à la base, est d’un demi-mille; il n'y croit que des lichens et la bruyère à feuilles de romarin. Ailleurs se trouvent en abondance des laves compactes ou alvéolées, d'un bleu noir ou rougeàtre, que les habitants utilisent dans leurs constructions ; aux voutes des cavernes, ou dans les fissures des rochers, pendent des sta- lactites d'albatre calcaire, tandis que des couches de gypses ont été trouvées sur un petit ilot, nommé #e Georges. Du carbo- nate de chaux, résultat de débris coquillers, unis à une espèce de horn-blend, a été rencontré, sur une montagne de la côte orientale, à plus de mille pieds au-dessus de la mer. On ne peut attribuer qu'à des oiseaux marins le transfert de ces co- quilles en ce lieu. Des agates, agréablement veinées et employées en bijoux de fantaisie, ne sont pas rares dans la vallée du Cap-Turc. Des pyrites ferrugineuses sont communes à Sandy-bay et à Long- wood ; des cristaux de quartz enfumés sont renfermés dans les roches au milieu méme de James’s-Town. Derrière la ville, un coteau entier est formé de pouzzolanes, qu'on exploite avec végétation y est très-active, et essentiellement charnue et comme alpine. C’est même le seul lieu où il soit possible de rencontrer le plus grand nombre de végétaux indigènes. « La route de Bates conduit de la précédente à la route Sud-Ouest, qui est uniforme. Sur le pic nommé Back-bone, est un télégraphe, d’où, dit-on, les navires sont vus à vingt lieues de distance en mer. Il y a, dans cette partie, de bons pâturages, des terres cultivées. Non loin est une prodigieuse colonne en roches entassées, nommée Zoth. « Lemon- Valley, à l'Ouest, est aussi habitée , et a des jardins et des plantations. Horse-pasture est un terrain uniforme et très-élevé, qui se termine à la mer, et a de bons pâturages. Les vallées de cette partie de la côte ne sont que des gorges étroites, profondes et toutes inaccessibles. » 1486 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. avantage; des pierres ponces sont éparses au pied de Ægh- Ænoll et de Ladder-hill. Le fer n'y est pas rare à divers états; quant au cuivre et à des traces d’or, qu'on dit y avoir rencon- trés, il est probable que ces matières ne reposent que sur un examen superficiel. Les animaux domestiques introduits pour les besoins de la colonié sont : les bœufs, les chevaux, les moutons, les cochons, les ânes, les mulets et les chiens. Les rats et les souris s'y sont multipliés outre mesure, là comme dans toutes les autres colo- nies. Les baleines se présentent en grand nombre dans les mois de juin, août et septembre ; et c'est aussi l'époque où les vaches de mer des Anglais (sea cow), dont l'espèce parait étre le la- mantin d'Afrique, visitent les criques sablonneuses de cette ile. Le bas peuple en estime l'huile comme un remède énergique dans certaines circonstances. Les oiseaux qu'on y rencontre appartiennent presque tous aux familles organisées pour chercher sur la mer leur subsis- tance; ce sont : les 77en-of-war ou frégates, le tropic-btrd ou phaëton, des fous, des noddis, des pétrels du Cap. Le faisan y a été apporté de Bombay en 1788; et on y a aisément natura- lisé le faisan de la Chine, la perdrix de France, les poules de Numidie ou peintades, les poules et les pigeons. Il n’est permis de se livrer à la chasse de ce gibier que pendant six mois de l'année. Les volatilles qui vivifient et animent les buissons sont: la tourterelle de Barbarie, le calfat ou moineau de Java, le sé- négali amaduva, le serin canarie, et le fre-bird ou loxia oryx. Les grandes tortues vertes fréquentent les grèves de février à Juin, et un petit Jecko habite l'intérieur des maisons. Les côtes de Sainte-Hélène sont excessivement poissonneuses ; et, bien que la consommation de poissons que les habitants font soit énorme, on ne s'aperçoit d'aucune diminution dans leurs nombreuses tribus. Les principales espèces sont : des squales, des maque- ZOOLOGIE. 487 reaux, des ésoces, des bonites, des murènes, des congres, des surmulets, des soles, des kurtes, etc. M. Barnes assure qu'on pêche, année commune, 4060 douzaines de maquereaux, 2856 douzaines de poissons œil-de-bœuf, et 15,614 livres d'espèces diverses, sans y comprendre certains poissons plus rares. On trouve abondamment, sur les récifs, des crabes, des our- sins , des astéries, des actinies, des poulpes. Des huitres et une belle patelle adhèrent aux rochers, et dans la baie flottent fré- quemment par essaims des myriades de janthines. Les seuls insectes venimeux sont le scorpion et la scolopendre. Les grillons, les papillons, les guëpes, les moustiques, les blattes, etc., s'y sont aussi propagés. En mollusques terrestres nous ne trouvàmes que quelques limaces, et un ou deux hélix. Les plantes utiles et alimentaires des contrées équatoriales, qu'on a portées à Sainte-Hélène, y végètent parfaitement. Mais la phytologie indigène proprement dite se compose au plus d'une centaine de plantes, parmi lesquelles il y en a beaucoup qui nese trouvent point ailleurs, et qui constituèrent des genres ou des espèces nouvelles, que le docteur Roxburgh n'eut que le temps de ranger dans un catalogue, pendant son séjour à Sainte- Hélène de 1813 à 1814, où il était malade. Le point le plus in- téressant à visiter est le pic de Diane, où la plupart des plantes indigènes prennent une organisation alpine et une consistance charnue qui leur est propre. Les fougères méritent que l’on cite la belle Dicksonte ou tree- Jern des Anglais, quelques polypodium et trichomanes. Les syngénèses y sont d'autant plus remarquables, qu'elles appar- tiennent à des arbres de taille élevée, dont le troncestusité dans les arts, et tel est surtout le gum-wood-tree, ou conyza gummi- fera, qui compose les allées de Long-wood. Le genre solidago ou cabbage-tree y compte cinq espèces; le conyza, deux; le 488 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. bidens, une; et l'aster, deux. Une petite plante, dédiée par le docteur Roxburgh au général Beatson {B. portulacifolia), est employée en infusion théiforme. Le Lobelia scævolifolia, le Mikania arborea, le Dombeya melanoxylon, le fimbristylis tex- tilis, des phytlica, le plantago robusta, trois Roellia superbes, for- ment autant de plantes, que les botanistes d'Europe ne con- naissent que nominalement. Une gomme odorante très-agréable, nommée toddy, exsude spontanément du tronc du conyza robusta de Roxburgh. Parmi les végétaux exotiques, usuels et cultivés, les plus re- marquables sont : l'arum colocasia, le giroflier, le châtaignier, les citrus, le café, le gayac, l'indigo, l'avocatier, le manguier, les musa du paradis et des sages, l'olivier, le dattier, le goyavier, la canne à sucre, le litchi, le teck, le maïs, etc. Le palma-christi croit abondamment au milieu des décombres; et une ronce primitivement introduite (rubus pinnatus, W.), en- vahit, malgré tout ce qu'on peut faire pour la détruire, les terres cultivées. Le physalis peruviana donne aussi ses baies, qu'on estime comme rafraichissantes et acidules, et se plait au milieu des rocailles et dans leurs interstices. Les cimes des montagnes les plus élevées sont couvertes du cabbage-tree (solidago), du red-wood [Dombeya erythroxylon), du string -tree (acalypha rubra, KR.), du dog-wood (hedyotis arborea, R.), et autres plantes exclusivement propres à l'ile de Sainte-Hélène. ZOOLOGIE. 189 K XIX. ÎLE DE L'ASCENSION. (Du 18 janvier 1825 au 28 du même mois. } Le 17 janvier 1825, nous nous trouvàmes au soir proche du mouillage de Sandy-bay, où nous laissämes tomber l'ancre le lendemain, sur un banc situé sous le vent, par dix brasses de profondeur. Cette partie de l'ile, où fut établi l'observatoire de l'expédition, se trouve placée par 7° 55° 9” 8” de latitude Sud, et par 16° 44 25” 7° de longitude Est. L'aspect de l'ile de l'Ascension, pris de la rade, est celui de rochers noirs et brulés, que le feu a calcinés, et que ne recouvre pas le moindre vestige de terre. C'est en vain que l'œil cher- cherait un brin d'herbe sur ce roc; de toutes parts n'apparaissent que des teintes rouges ou noires, de larges taches blanches dues aux fientes des innombrables oiseaux de mer, qui y trouvent un refuge. Green-hill ou Montagne-V'erte, dont le sommet est presque constamment caché par les nuages, affecte une couleur grise uniforme dans le lointain; et les montagnes circonvoi- sines, par le rouge éclatant de leur surface, ressemblent, sous les rayons du soleil, à des cendres mélangées avec des charbons incandescents. L’Ascension était restée déserte jusqu'à ce jour. En octobre 1815, les Anglais s'y établirent, dans la crainte que les Améri- cains ne cherchassent enfin à y placer un point militaire. Ils choisirent Sandy-bay, dont l'ancrage est sûr et commode, en établissant un fort sur un rocher qui sépare la rade en deux criques circulaires. Cette ile à environ trois lieues de longueur du Nord au Sud. Voyage de la Coquille. —Z. Tome I, Partie II. 62 490 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. et deux lieues de largeur de l'Est à l'Ouest. On la découvre en mer, par un temps clair, de quinze lieues et plus de distance. Souvent visitée par les navires qui reviennent de l'Inde ou du Cap, pour y prendre des tortues, dont ses côtes sont peuplées pendant six mois, à partir de janvier, elle est devenue célèbre dans toutes les relations des voyages nautiques. L'Ascension ne se compose en entier que d'un seul volcan, dont les déjections ont donné primitivement naissance à Green- hull, après s'être évasées. Toutes les autres éminences qui s’é- lèvent au Nord sur la surface ou sur le plateau de l'ile sans ordre régulier, ou comme des cônes solitaires, ou groupés, sont des bouches volcaniques plus récentes, dont les cratères, exacte- ment dessinés pour la plupart, sont dirigés vers le volcan prin- cipal ou Green-ull, du côté du vent régnant, en affectant une profonde déclivité dans ce sens. Ces bouches ignivomes sont e) très-régulièrement caractérisées dans les montagnes secondaires de l'Ascension, mais moins dans celles de Cross-lill, Red-hit, Zebra-hill, etc.; la plupart présentent des cratères dans un état d'intégrité parfait. Green-hill üre son nom de la verdure que produisent, sur sa cime, des plantes qui végètent avec vigueur au milieu d'un terreau meuble éminemment propre à la vé- gétation. Cette verdure cesse au tiers inférieur de la mon- tagne, où les roches se dénudent, et se tassent diversement, suivant les brisures qu'elles ont éprouvées. Toutes les autres montagnes sont entièrement nues, recouvertes de grosses SCO- ries ferrugineuses, récemment soumises à l’action du feu, dont la teinte rouge est des plus vives. La surface de l'ile est composée d'un détritus de trapp et de trachyte broyés, disposés çà et là par emplacements unis, mais peu étendus, bordés de toutes parts par des tas de fragments de laves noires, nommés clapers par les Anglais. Des brins rares et maigres de pourpiers, des euphorbes et un chénopode, sont les végétaux qui apparaissent ZOOLOGIE, A91t de loin en loin dans les fissures. Mais on assure que, lorsqu'il pleut, l'euphorbe étend rapidement ses colonies gazonnantes, et que certains lieux paraissent se recouvrir magiquement de tapis de verdure, qui n'ont qu'un instant de durée. La chaleur, sur ces demi-collines pierreuses, est brülante; et lorsqu'un léger grain de pluie vient à tomber, il s'en exhale une odeur sulfu- reuse très-sensible. Les rivages sont aussi composés de laves noires, trachytiques et poreuses, que la mer, en battant sans cesse, a minées de mille manières. Leur surface est aréolée comme celle d'une éponge; les vagues s'engouffrent çà et là dans des cavernes profondes, qu'elles creusent sans cesse. Des rochers taillés en pieux, en aiguilles, les surmontent, et sont blanchis par les excréments des fous et des frégates; de sorte que ces côtes, vues du mouil- lage, ressemblent à des palissades noires, sur lesquelles serait tombée une certaine épaisseur de neige. Ailleurs, à la pointe Ouest de Sandy-bay, ces écueils sont en basalte noir, ou recou- verts d'une couche mince et d'un gris-blanc d'obsidienne, imi- tant un vernis. Les rochers sont parfois interrompus, pour donner naissance à de petites baies nombreuses, bordées de larges plages déclives, composées d’un sable blanc de débris de coquilles, qui ont cela de remarquable, que les fragments sont tous de la même grosseur, et parfaitement semblables à des grains de millet, La mer brise avec force sur ces grèves, surtout au vent de l'ile, et la plupart de celles de dessous le vent sont remplies de roches profondes, qui rendent leur ancrage peu sûr. Sandy- bay, au pied de la montagne de la Croix, est la seule fréquentée. Elle est au Sud-Ouest, et reconnaissable par le Fort-Anglais à droite, par un tombeau pyramidal * au pied de la montagne qui ! Ce tombeau a été élevé en 1818, par le commandant CuPPAGE, à JAMES PASLEY, capitaine du sloop Redpole. 62. 492 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. est vis-à-vis , etenfin par Cross-hill (ainsi nommée, parce qu'un navigateur y fit planter une croix 1l ÿ a un siècle), et sur la- quelle s'élève maintenant un mât de pavillon, établi, en 1817, par le capitaine Heywood, et destiné à signaler aujourd'hui les navires aperçus. Un débarcadère, taillé dans les roches mêmes, a été creusé devant le fort, près le trou où les navires déposaient autrefois leurs lettres : le ressac est trop violent sur la grève, pour qu'on püt en approcher avec sécurité. Les minéraux qui entrent dans la composition de l’Ascension sont tous ceux qui sont propres à une terre volcanisée, De hautes murailles d’un basalte grisàtre, peu régulièrement dis- posés en cylindres pentagonaux de grandes dimensions, se font remarquer sur le pourtour de Criquet’s-Valley, ou à la source. Un agrégat, d'apparence gréseuse, du à des fragments de trapp agglutinés par de l'argile rougeûtre, concourt à la formation de larges pans des murailles de Green-hrll; et c'est même dans leur épaisseur, que les gardiens de la source, et ceux du jardin de la montagne, ont creusé leurs maisons et les servitudes qui en dépendent. Un basalte noir forme la partie solide des hauts pitons de Green-hill, et parait à nu dans les déchirures des profondes ravines, où il forme des crêtes dentelées ou aiguës. Des scories tortillées couvrent les monts; un trachyte poreux, dont les cavités sont remplies de parcelles vitrifiées ; l'obsidienne, à l'état le plus vitreux et le plus noir /mirotr de Gallinaze), sont épars çà et là au milieu du terrain inférieur, que des pierres ponces, des cendres et une sorte de pouzzo- lane recouvrent partout. Une obsidienne grise, semblable à le) un émail, revêt les rochers des côtes, où les vagues en défer- 5 lant jettent une grande quantité de muriate de soude, qui cris- tallise naturellement, et fournit à la garnison les moyens de faire des salaisons de tortues et de poissons. La botanique est peu riche sur ce rocher sorti du feu. Cepen- ZOOLOGIE. 493 dant on est étonné de la verdure extraordinaire qui sest em- parée de la Montagne-V'erte, et en général de la partie Sud-Est, où Dampier n'avait vu que du pourpier. Des plantes qu'on y a portées y croissent et sy multiplient prodigieusement; telles sont : un physalis (physalis peruviana), dont les baies ont une saveur agréable; un hibiscus, qui se plait sur le pic le plus élevé de l'ile; un asclepias, un mryosotis. Les plantes indigènes sont un petit arbuste à fleurs blanches [Sherardia fruticosa), un erige- ron, diverses mousses et fougères, plusieurs lichens, entre autres la roccelle, un petit gnaphalium et des inarchanties. Une eu- phorbe croit au milieu des laves en poudre et des scories, qui, dans certaines années humides, se transforment en prairies fraiches et passagères. Sur les sables, nous avons remarqué plusieurs touffes du beau liseron des rivages, qui s'y est natu- ralisé. La sargasse raisin du tropique n'est pas rare sur les récifs. Les Anglais, en s'établissant dans cette ile, y ont aussitôt semé les légumes d'Europe, et diverses plantes utiles ou d'agré- ment, qui y végèlent avec vigueur, Comme nous aurons OCCa- sion de le dire, en décrivant une course sur les sommets de Green-hull. j Les productions animales qui ont rendu l'ile de l'Ascension célèbre sont les innombrables tortues de mer, testudo mydas, qui fréquentent ses grèves sablonneuses pour y déposer leurs œufs, et dont l'énorme grosseur fournit, par sa chair salubre, un rafraichissement abondant aux navigateurs. Le commandant de la garnison nous autorisa à en embarquer plusieurs, dont le poids n’était guère moindre de 4 à 500 livres chacune, Ce n'est que la nuit que cette Testudinée se rend sur le rivage, et c’est alors que des gens postés la saisissent et la renversent. Les tortues fournissent à la garnison du Fort-Anglais une ration de viande fraiche, sans préjudice de celle en salaison qu'ils recoi- 494 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. vent du gouvernement. Les cabris ou chèvres sauvages qu'y déposerent les anciens navigateurs, malgré qu'on en tue de temps à autre, se sont singulièrement multipliés. Ils se re- tirent dans la portion Sud-Est de l'ile, au milieu des préci- pices qui isolent les chaines diverses des montagnes, et y vivent au milieu de pâturages dont les abords difficiles les protégent contre les Anglais, qui les chassent avec des chiens. Les rats et la musareigne de lInde y sont très-répandus, de même que les peintades et les poules redevenues sauvages. Il y existe aussi un troupeau composé de sept bœufs, qui y paturent en liberté”. Les rochers brülés et peu élevés du pourtour comme de l'in- térieur de l'ile servent de retraites à des légions d'oiseaux de mer, qui obscurcissent le ciel par leurs bandes nombreuses, et qui passent les jours à pècher à quelque distance des côtes; tels sont : les phaëtons à brins blancs; les fous, qui y comptent trois espèces, dont la plus remarquable est le fou dit manche de velours*. Le nom de cette sorte d'oiseau légitime bien la stupidité de son instinct; car il vient se poser sur les manœuvres, où les matelots le prennent à la main, et se laisse également saisir sur son nid. Les jeunes fous sont recouverts d'un duvet blanc très-fourni, et leurs œufs sont d’un cendré-bleuâtre clair. Des noddis nichent dans les crevasses des rochers. Les frégates à ventre.et tête blancs sont innombrables, et nous en remar- quàmes une variété entièrement noire. Nous en tuames plusieurs, " Les chats, laissés par des navires, s’y trouvent en grand nombre. Ils sont maigres et affamés, et vivent de jeunes fous et d'œufs; les Anglais les chassent avec des chiens, pour en détruire la race s'il est possible. 2? Le rnanche de velours a été pris par la plupart des ornithologistes pour le fou de Bassan eu plumage parfait de mâle, dont ils ne faisaient qu'une variété de taille. Mais le manche de velours diffère par des caractères nets et tranchés du fou de Bassan, ainsi que nous le dirons en donnant la description des espèces, et nous le nommerons stla dactylatra. ZOOLOGIE. 100 avant de savoir qu'il était défendu de tirer sur cette rade, parce que le bruit éloigne, nous a-t-on dit, les tortues du rivage. Nous vimes encore une petite hirondelle de mer, blanche, très-gra- cieuse. L'ile de l'Ascension ne parait pas posséder d'oiseaux de terre proprement dits, autres que ceux importés, tels que la peintade, la poule domestique et les pigeons. Bien qu'on nous indiqua cependant deux sortes de petites tourterelles, proba- blement originaires des côtes d'Afrique. Les plages de l’Ascension fourmillent de poissons, et la pêche y est des plus abondantes. L’équipage, pendant tout notre séjour, usa à discrétion de ce genre de ressource, et put faire des salai- sons. Les espèces les plus communes et de forte taille, sont : deux balistes vivement peintes, l'une noire à bordures bleues de ciel, l'autre offrant les teintes les plus douces. Une serpe, dont l’avidité était telle, qu'a peine elle donnait à l'hamecon perfide le temps de descendre à une certaine profondeur. Près des rochers du rivage, on remplissait le petit canot, en quelques heures, d’un gros spare (sp. sanguinolent), ponctué de rouge- brun , et d'une murénophis de grande taille. Les squales pullu- laient le long de la côte, et on en prenait des centaines de petits, aux lignes pendues le long du bord pendant la nuit : aucun de ces poissons n'est délicat, ni d’un manger agréable. Nul reptile, ni serpent, lézard ou grenouille, n’a été remar- qué sur l’Ascension. Mais en revanche, on y trouve abondam- ment un insecte venimeux du genre scorpion, qui se tient sous les pierres. Les seuls insectes qu'on observe sur Green-hill sont : deux espèces très-belles de papillons, divers criquets, et le grillon noir, très-commun sous les pierres détachées, une cloporte dans les lieux frais ; mais nous ne vimes aucun coléoptère. Les mollusques terrestres y sont représentés par une petite hélicinelle et une limace grise. L'intérieur de l'ile, jusque sur 496 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. le sommet de la Montagne-Verte, offre à chaque pas une grosse espèce d'ocypode ou tourlourou, qui paraît n'avoir jamais besoin d'aller à la mer; car elle habite des creévasses profondes au centre même de l'ile et sur le morne de Green-hill, élevé de 2658 pieds environ au-dessus du niveau de la mer, et à plus d'une lieue du rivage. Les côtes sont peu riches en testacés. La plupart de ceux qui se trouvent sur les grèves ont leurs coquilles triturées par les vagues. Ce sont : de petites bivalves, une jolie fissurelle. Les rivages sont jonchés de débris de langoustes. Une natice rayée, un murex à quatre points noirs sur la columelle, sont les seuls mollusques qu'on remarque sur les récifs, que d'excellentes huitres tapissent abondamment. Tous les trous que présentent les rochers sont remplis d'oursins bruns à baguettes aiguës et déliées; et nulle part nous ne vimes en plus grande abondance le grapse peint, superbe crabe, dont les couleurs éclatantes tran- chent agréablement sur la teinte sombre des laves. C'est dans les récifs de la pointe Ouest, qu'occupés à chercher quelques productions marines, nous jouimes d’un brillant spec- tacle. La mer, en creusant une caverne profonde, s'y engouf- frait avec un bruit épouvantable et une force immense, en frappant contre la voute, sur laquelle elle avait fini par prati- quer des brisüres, ou des trous du diamètre d'une bouteille ordinaire. Les vagues, en choquant contre ces parois, et trou- vant jour par ces trous multipliés, lançaient des colonnes d'eau à une grande hauteur, qui, retombant en gerbes, imitaient parfaitement quelques-uns des jets d'eau de nos grands parcs. Les navigateurs qui, jusque vers 1701, s'arrêtaient ou en- voyaient un canot sur les rivages pour y prendre des tortues, regardaient cette ile comme seulement propre à fournir ce genre de ressource, et personne jusqu'alors n'y avait aperçu le moindre filet d'eau. Dampier, qui y perdit son navire, fut le ZOOLOGIE. og premier qui découvrit de l’eau douce, à un demi-mille environ du sommet de la Montagne-Verte, à cette époque, rendue ver- doyante par le pourpier, qui y croît pendant quatre mois (avril- juillet). Personne depuis n'avait retrouvé cette source, ou plutôt cette transsudation aqueuse, jusqu'au moment où les Anglais s'établirent dans l'ile, dans le but, sans doute, de s'opposer à ce que tout autre peuple cherchät à en faire un point muli- taire, ou un échelon pour le commerce des Indes. Ils y en- voyèrent donc un effectif de cent cinquante hommes environ, composé de ARoyal-marines et de matelots, avec leurs femmes et leurs enfants, et soixante-sept colons. Ces derniers furent presque immédiatement renvoyés; et au moment de notre séjour, le nombre des hommes était réduit à quarante-cinq soldats ou marins, dix nègres, onze femmes et quinze ou seize enfants. Cette diminution provenait d'un secours envoyé à Szerra-Leone, lors de la guerre des Ashantis, et surtout de la mortalité effrayante qu'y porta, en 1823, le navire de l’état the Bann, venant du Cap-Coast, à bord duquel régnait une fièvre maligne dange- reuse, qui moissonna le capitaine, seize marins, et commu- niqua ses ravages parmi la garnison de l'Ascension du 30 mars au 19 mai 1823. L’étendue du cimetière, au pied de Cross- hill, atteste la moisson que ce fléau fit dans cette petite popu- lation. Le lieu que les Anglais choisirent pour s'établir dans cette ile, est Sandy-bay'; ils placèrent un fort sur un rocher élevé, au centre de la rade, armé de quatre caronades et de deux pièces de canon : au bas est actuellement une nouvelle batterie de huit pièces de canon, propre à balayer la grève. Les logements sont en petit nombre et peu commodes, sur un sol où il n'y a ni bois, ni pierres, ni chaux, propres à la bâtisse. Les coquilles incinérées donnent cette dernière, et on emploie pour combus- tible le charbon de terre qu'on envoie d'Angleterre, ou que Voyage de la Coquille. — Z. Tom. 7, Partie II. DAT 53 498 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. laissent les navires qui relächent, en échange de tortues. C’est encore de cette manière que les nouveaux colons se procurent du bois propre à la charpente et aux constructions. Les hommes qui composent cette petite garnison sont tenus, payés et nourris comme un équipage de navire. Ils recoivent journellement leur ration de vivres, et l'eau leur est également mesurée. Ils logent dans des maisons entourant une sorte de place quadrilatère, sous la terre de laquelle on à enterré des caisses en fer, qui conservent en réserve, et en cas de besoins indispensables pour des navires anglais, trente tonneaux d'eau douce. Ils ont un magasin fourni de biscuit et de viande salée; mais les légumes qu'ils cultivent, la volaille qu'ils élèvent, les tortues et les pois- sons, forment un article important, et bien plus que suffisant pour leur consommation journalière. Le chef de cette colonie est lieutenant-colonel des Royal-marines, et, pendant notre sé- jour, ce poste était rempli par M. Edward Nicholls, des procédés duquel nous eûmes constamment à nous louer. Le second lieu- tenant du même corps était M. Bennett. Deux médecins de la marine sont attachés à cet établissement. Une place aussi nue, aussi profondément stérile, eut indubita- blement éloigné tout autre peuple d'Europe de s'emparer de ce point important de la navigation des Indes, peu éloigné de Sainte- Hélène : la plupart aes militaires de certaines nations d'ailleurs, habitués aux seuls exercices des camps, n'eussent considéré l'obligation de séjourner dans une ile de ce genre, que comme 5 un fort à garder, et leurs idées n’eussent pas été portées plus loin. Mais, il faut l'avouer, les Anglais ont une autre manière d'agir; et le choix qu'ils mettent à donner ces places à des hommes propres à plus d'une chose, fait l'éloge de leur admi- nistration et de leurs hardies conceptions; toutes leurs colonies d'ailleurs portent le cachet de la sagacité et de la profonde con- ZOOLOGIE. 1eù naissance quils apportent au bien-être des hommes qui les servent. L'Ascension n'était qu'un rocher affreux; et déja il présente, dans son intérieur, des pâturages abondants ou graminées d'Eu- rope, des jardins couverts de légumes, des champs de patates douces , des parterres remplis d'arbres étrangers, qui prouvent que l’industrie peut surmonter les obstacles que la nature a élevés, pour l'habitation de créatures vivantes au milieu de ces laves et de leurs scories : mais le commandant nous avoua que son gouvernement venait de lui défendre de donner un trop grand accroissement à ces cultures, afin de ne pas y attirer de navires, et ôter à toute autre nation le désir de s'en emparer un jour, et d'y trouver les moyens de s'y maintenir ‘. Les Anglais ne considèrent leur établissement sur cette ile que comme une occupation destinée à repousser les étrangers du centre de l'océan Atlantique. Ce peuple a des idées tellement envahissantes, qu'il n'aurait pas trop du globe entier, pour y envoyer une poignée de ses soldats commander à des Ilotes. La meilleure idée que nous puissions donner de l'intérieur de l’Ascension, estune description d'une course que nous fimes, le 20 janvier, à Green-hill, avec MM. d'Urville et Bérard, en compagnie du colonel Nicholls. On compte sept ou huit milles, du fort jusqu'à la maison de plaisance construite sur le revers Nord-Ouest de la montagne. La route pratiquée pour des charrettes, que trainent des ânons, seule espèce de monture introduite jusqu'à présent, est assez large, au milieu des scories et des pierres brüulées qui bordent le chemin. Quelques touftes d’un chétif chenopodium et d'une petite graminée se lèvent "Le but avoué de l’Ascension, comme point militaire, est de servir de mouillage, dans la saison de l’hivernage de Sierra-Leone et de la côte de Guinée, aux frégates qui y sont en station. Elles vont y relâcher tous les six mois, et y rafraîchir leurs équipages avec des tortues. 63. 5oo VOYAGE AUTOUR DU MONDE. cà et là au milieu d'une poussière rouge, qui brüle les pieds et qui recouvre tout le pays. La montagne, zébrée, hérissée de deux ou trois petits pitons pierreux, reste à droite. Le sentier con- tourne une autre montagne rouge, couronnée par un cratère; et bientôt la route s'arrête à la source du Nord de Green-hüll, dans un profond ravin, bordé de hautes colonnes de basalte grisätre, formant des précipices d'une prodigieuse hauteur. A droite, le versant est en entier d’un grès friable, composé de molécules de laves triturées, et unies par un ciment argileux. Toutes les roches gréseuses de ce versant sont disposées par couches horizontales renversées, de l'Ouest au Nord; et c'est entre deux de ces couches, que les nuages qui couronnent presque constamment le dôme de la Montagne-Verte laissent condenser un peu d'eau, qui filtre entre ces couches, et va suinter au dehors, à l'endroit du ravin où ces feuillets se trou- vent être rompus, à six pieds d’une place unie qu'on y a pra- tiquée. Cette source se trouve ainsi, dans le Sud-Est du mouil- lage , sur le côté Nord de la montagne, et vers le milieu de son élévation environ. Les Anglais y ont placé des caisses en fer de vaisseau ; et en pratiquant des conduits sous toutes les gouttières qui suintent, ils recueillent l'eau que des tuyaux amènent dans les réservoirs. Cette source imparfaite suffit grandement aux besoins des colons; et d'ailleurs, ils ramassent aussi, lors des pluies, les eaux du ciel qui viennent à tomber. Des gardiens habitent cet endroit avec leurs familles ; et leurs maisons, creu- sées dans la roche, sont tenues avec une grande propreté. Il en est de même des servitudes. Il parait que ce sont les chèvres qui les premières firent découvrir cette source, qui occupait un lieu très-retiré et très-caché : elle porte aujourd'hui le nom de Dampier. Une deuxième source, nommée de Middle- ton, coule à l'Ouest de celle de Dampier. Un chemin s'élève sur le flanc prolongé de la montagne au Nord-Ouest, et se dessine ZOOLOGIE: 501 assez brusquement entre le premier mamelon et celui où on a fixé un mât de pavillon (fagstaff). Cette partie est couverte de lichens roccelles. On atteint un ravin, converti en un vaste gueur dans une couche épaisse d’un terreau excellent. Près le jardin, sont les demeures des soldats laboureurs, creusées, ainsi que les servi- tudes, dans la roche, qui est encore de grès friable de détritus de lave. La montagne, taillée en cet endroit, présente au Nord une plate-forme unie, sur laquelle, adossées à la montagne, on a placé deux maisonnettes pour le commandant et les officiers de la garnison, d'où l'on découvre la haute mer à une grande distance. Ce point a environ deux mille pieds au-dessus du niveau de la mer. Le vent y souffle avec force, et des tourbil- lons de nuages y entretiennent une humidité permanente. D'épais gazons couvrent les alentours; et de riants parterres, composés d'arbrisseaux étrangers, embellissent ce lieu, que bordent d'énormes agavés. Les géraniums, les casses, les aga- panthes, viennent parfaitement bien. Les capucines font des pelouses serrées par leur abondance, et les ricins y croissent jardin planté en légumes, qui y végètent avec vi en massifs, et sont les premiers arbrisseaux, qui fixeront l’eau des nuages et pousseront de loin en loin les colonies végétales. M. Bérard observa le baromètre en ce lieu, et il obtint pour résultat trois cent cinquante-sept toises d'élévation (2142 pieds). La vue est très-belle, et la moitié de l'ile semble être sous les pieds de l'observateur. Le colonel Nicholls nous proposa de visiter les portions orientales et Sud de l'ile, et nous fimes une course extrémement pénible au milieu des collines rocailleuses de cette partie, qui ne sont formées que d'éboulements, de ravins profonds, de précipices. Le sentier, pendant un mille, contourne le flanc de Green-luill, et n'a été tracé qu'avec de grandes difficultés sur des arètes parfois bordées de précipices immenses, au milieu de ravines, où végètent aujourd'hui des 502 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. courges avec la plus grande vigueur : leur large feuillage, leur verdure et celle des herbes et des arbrisseaux, qui croissent de toutes parts, forment un singulier contraste avec les masses imposantes et déchirées des noirs basaltes, qui s'élèvent brus- quement à de grandes hauteurs *. Les chainons ou la suite du Talwège, qui se dirige à l'Est, sont recouverts de pâturages assez abondants. Les nuages, chassés par les vents, entretiennent sur cette position de l'ile une humidité nécessaire. Nous comp- tàmes une trentaine de chèvres sauvages au fond d'un ravin de roches nues , où les grains laissent tomber quelque peu de pluie, qui se conserve dans les creux des pierres. M. Nicholls lança les cinq chiens qu'il a dressés à ce genre de chasse sur le troupeau, qui se dispersa en un clin d'œil. Les chèvres sauvages se préci- pitent souvent dans des profondeurs étonnantes pour fuir leur cruel ennemi; et ceux-ci ont parfois donné la preuve de leur courage en sy jetant après elles. Le chien le plus avancé par- vint à arrêter une jeune chèvre, qu'il étrangla aussitôt. Nous descendimes avec quelque peine dans une jolie vallée, encaissée, longue environ d'un mille, sur un demi-mille de largeur. Les roches du ravin qui y conduit, à l'Est, sont usées et polies par la masse d'eau qui doit s'y précipiter en certaines circonstances; et nous trouvames encore des flaques d’eau, conservées dans des auges faconnées dans les rochers. Sur une ile de la nature de l'Ascension, et dans des courses du genre de celle que nous faisions , de telles rencontres sont précieuses. La surface de ce vallon, nommé Criquet’s-Valley (du nombre des criquets qu'on y remarque), est uniforme, et recouverte d'un tapis de ver- dure très-serré. Cette verdure n'est due qu'au pourpier, qui y croit avec une plus grande vigueur que dans nos jardins. Les 2 Dans la base de Green-hill, au Nord-Ouest, sont de larges strates de verre volcanique ou obsidienne. ZOOLOGIE. 503 crabes de terre (ocypode), les papillons, sont communs en ce lieu ; et les colons y placent leurs ànons, qui aiment singu- hèrement l’herbage qu'ils y trouvent. Ce vallon romantique à cela de remarquable, qu'il ressemble à une ancienne arène ; étant renfermé par de hautes coulées de basalte grisätre à sa surface, formant des murailles hautes d'environ 200 pieds et plus, en prenant une forme colonnaire dans leurs faisceaux, et que revétent en arrière des éminences arrondies. Cette vallée ainsi caractérisée ne peut être autre chose qu'un ancien cratère éteint, et probablement celui qui le premier donna naissance à l'ile. Nous gravimes à l'Ouest par une crevasse difficile. Le colonel Nicholls, ayant long-temps fait la guerre de montagnes, et né d'ailleurs au milieu de celles de l'Écosse, était singulièrement propre à escalader ces ravins, où les mains sont plus nécessaires que les pieds. Nous contournàmes Green-hill par le Sud, et, après avoir traversé plusieurs autres profondes crevasses, nous arrivames à ce que les Anglais appellent Casse-cou. Les ravins étaient remplis de peintades, qui volaient par bandes, et qui se nourrissent des baies si extraordinairement abondantes du physalis. Ces baies sont sucrées et très-agréables, et on en fait de fort bonnes confitures. Les poules, redevenues sauvages, s'y sont aussi multipliées en paix, et se nourrissent principalement de grillons. Non loin de Break-neck, un rocher laisse suinter assez d’eau pour qu'on puisse y remplir plusieurs pièces; et on en à disposé quatre, qui servent aux besoins des habitations voisines, que nous atteignimes aussi, harassés de fatigues. Le lendemain nous montämes le pic le plus élevé de Green- hill. Le Talwège, qui y conduit, est en pente douce et d'environ deux milles de longueur. De verts pâturages le recouvrent, et nous y observâmes les essais que M. Nicholls a fait faire de gra- iminées d'Europe, phalaris canariensis et lolium perenne; de se- mis d'avoine, qui n'ont point réussi. De superbes plantations de 504 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. patates douces d'Amérique couvrent de larges espaces sur ces terres élevées et d’une excellente qualité. Un petit chêne d’An- gleterre a été planté près le pic terminal, qui est conique et se trouve couronner un petit plateau. Le commandant de la station des côtes d'Afrique, le commodore Boulen, en gravissant le pic, manifesta le désir d'y faire planter un pieu, sur lequel on devait écrire le résultat de son entreprise, avec la date du jour où ce commodore, d'un poids et d’une corpulence énormes, parvint au sommet de Green-hill. M. Bérard observa le baromètre, et le résultat qu'il obtint pour la hauteur totale de la montagne fut 443 toises. Le sommet est très-verdoyant. Les nuages qui s'y reposent sans cesse y entretiennent une grande humidité. Le sol de terre végétale est épais , abondant et d'une excellente qualité. Nous ne pumes jouir de la vue des précipices qui forment les flancs, au Sud, de la montagne, ni de celle des bords de l'ile, à cause de la masse de nuages noirs, au milieu desquels nous étions placés. Le thermomètre qui, à terre, à huit heures du matin, pendant que nous étions sur le sommet du pic, marquait 24° 4, descendit seulement sur le pic à 19° 9 centigrades. Nous re- marquämes un lycopode arborescent, et plusieurs espèces de fougères fort jolies. Un seul petit arbrisseau, le Sherardia, forme des touffes arrondies cà et là au pied de Æag-staff, mamelon le plus bas du Talwège du pic de Green-hill, consacré à la natura- lisation de pins, de chênes, et autres arbres d'Europe. L'examen de Green-hill nous a démontré que cette montagne est le cratère ignivome primitif, le plus anciennement éteint, dont la base a formé le plateau de l'ile, par des coulées im- menses de laves, au milieu desquelles des volcans plus récents se sont fait jour, à des époques plus ou moins postérieures. Le cratère de Green- hill ne peut être dessiné que dans le demi- cercle ouvert au Sud-Est jusqu'au Sud-Ouest. Les hautes mu- railles et les précipices qui se montrent dans cette partie prou- ZOOLOGIE. 505 vent quelles ont été ses dimensions et sa profondeur. La fraicheur perpétuelle, apportée par les nuages, a permis aux germes de la végétation de s'établir sur le sommet du mont, éteint le premuer, tandis que ses pieds étaient encore témoins des efforts que des bouches nouvelles et moins puissantes faisaient pour lancer des laves , des scories et des cendres. Depuis deux siècles au moins, les derniers volcans ont cessé de vomir leurs déjections. Chaque année, en triturant ces laves et les réduisant en poudre, finira ‘ par transformer l'Ascension, d'un roc brulé et dénudé, en une ile verdoyante, analogue aux motous de la mer du Sud. Le temps et l’espace ne sont rien pour le grand architecte de la nature. L'homme peut bien aider à de telles métamorphoses; mais elles se ressentent long-temps de la petitesse de ses moyens. Green-hill occupe la lisière Sud de l'ile à deux milles de dis- tance environ. Les côtes de cette partie doivent être d'une grande profondeur et très-accores, tandis que les matières que les volcans ont lancées au Nord doivent être déclives, et tendent à un exhaussement successif. La partie Sud, ou la portion an- cienne de l'Ascension, est couverte de verdure : la partie Nord, plus considérable, est nue, brulée et sans trace bien sensible d'êtres organisés, Un seul ilot, gisant à l'Est-Sud-Est, nommé l'Jlot aux frégates, se fait remarquer sur la côte orientale. Un banc, assez étendu , sur lequel touchèrent plusieurs navires, est à quelques encäblures de sa pointe occidentale, et s'étend à plus d'un mille, ayant cinq brasses d'eau sur son extrémité. Le climat de l'Ascension est très-salubre, d’après l'opinion de ceux qui y sont établis; et aucune maladie particulière n'a- vait sévi sur la garnison avant la fatale fièvre maligne im- portée de la côte de Sierra-Leone, fièvre qui dépeupla si rapi- dement ce faible établissement. Parmi quelques maladies, nous eumes occasion de voir un homme arrivé récemment de Free- Town, qui présentait trois vers de Médine introduits sous les Voyage de la Coquille. — Z. Tom. 1, Part. IL. 64 506 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. téguments, d'où on en retirait chaque jour un pouce de lon- gueur environ. Les bords de la plaie étaient tuméfiés et ulcérés. Le séjour de Green-lull doit être malsain par l'humidité perma- nente qui règne dans les appartements; et ceux qui y vivent doivent être atteints à la longue par les péripneumonies et les catarrhes. Les jours furent généralement beaux et tempérés pendant notre séjour. Des nuages épais voilaient le ciel, et roulaient sans cesse sur les pitons élevés de la Montagne-Verte : mais, : malgré cela, il y plut rarement, et presque jamais sur le reste de l'ile. Pendant plusieurs années de séjour, on n'a pas entendu de tonnerre, et parfois seulement on a vu quelques éclairs. Les vents régnants sont de la partie du Sud-Est ou du Sud-Sud-Est, soufflant peu le matin, mais davantage le soir, et quelquefois par rafales, qui se dirigent diversement dans les canaux que leur présentent les montagnes, Les nuits sont pures et sereines, mais fraiches; et la teinte azurée de la mer était rendue scin- tillante par les phénomènes d'une vive phosphorescence, dont rien ailleurs ne nous avait encore donné l'idée. En certains temps de l’année, des râs-de-marée, très-forts, bouleversent les côtes, et rendent le mouillage peu sur, de mars à août; et c'est ainsi que ces bouleversements des flots font parfois disparaître , sous la violence du ressac, les sables de Sandy-bay, et mettent à nu les laves qui les supportent. ZOOLOGIE. bo7 CHAPITRE VI. MÉMOIRES SUR DIVERS SUJETS; PAR M. PROSPER GARNOT, DOCTEUR EN MÉDECINE DE LA FACULTÉ DE PARIS; SECOND CHIRURGIEN EN CHEF DE LA MARINE A LA MARTINIQUE, CHIRURGIEN- MAJOR ET NATURALISTE DE LA CORVETTE ZA COQUILLE PENDANT UNE PARTIE DU VOYAGE. K Ie. MÉMOIRE SUR LES RACES HUMAINES, PAR M. GARNOT : L'homme, considéré par la plupart des naturalistes comme formant un genre isolé, se rapproche tellement des autres mammifères par sa conformation générale, notamment par la construction de sa charpente osseuse *, qu'un de nos premiers savants croit qu'on doit y adjoindre le genre orang *. Prise en masse, la supériorité de l'homme est immense et incontestable sous le rapport des facultés intellectuelles ; mais cependant, si l’on examine quelques peuplades incultes et jusqu'ici presque entièrement imhabiles à la civilisation, les différences s'effacent à tel point, que certaines races ne s'élèvent que très-peu au- dessus de la brute, abstraction faite du langage articulé, qui établit une véritable ligne de démarcation. ! Cet article, destiné au Précis élémentaire et abrégé de géographie de feu MarTE- Brun, et que M. Garnor m'a chargé d'insérer dans la Zoologie de /a Coquille, à été rédigé en commun ou plutôt modifié par M. Adrien Bart. (Vote de M. Lesson.) 2? Voyez les Considérations anatomiques sur le bassin des races humaines, publiées par M. le docteur VRoLIK, professeur à Amsterdam. 3 Bory DE Saint-Vincent ( Essai zoologique sur le genre humain .. 64. 5o8 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. Quoique l'espèce humaine, dit le célèbre M. Cuvier, paraisse unique, puisque tous les individus peuvent se mêler indistinc- tement et produire des individus féconds, on y remarque de certaines conformations héréditaires qui constituent les races. Les savants ne sont point d'accord sur le mode de distribu- tion des variétés dans le genre humain. L'immortel Buffon n'admet qu'une espèce humaine. Linné, quoique partageant la méme opinion, a adopté cinq variétés : 1° l'américaine brune, 2° l'européenne blanche, 3° l'astatique jaune, 4° l'africaine notre, 5° la monstrueuse. Blumenbach en établit de même cinq : 1° caucasienne, 2° mongolique, 3° éthiopienne, 4° americaine, 5° malaise. Le savant professeur M. Duméril, dans ses Éléments des sciences naturelles, reconnait également cinq variétés prinei- pales : 1° la caucasique ou arabe européenne, 2° l'hyperboréenne, 3° la rmongole, 4° la nègre, 5° l'américaine. M. Cuvier ne consi- dère dans les variétés de l'espèce humaine que trois races émi- nemment distinctes : 1° la blanche ou caucasique, 2° la jaune ou mongoique, 3° la nègre ou eéthiopique. M. Virey, dans le Dictionnaire de Déterville, recoñnait deux espèces qu'il caractérise par la mesure de l'angle facial, et décrit six races : 1° blanche, 2° basanée, 3° cutvreuse, 4° brune foncee, 5° notre, 6° noträtre. M. Desmoulins les porte à onze : 1° Celto-Schyth- Arabes, >°Mongols, 3 E thiopiens, 4° Euro-Africains, 5° Austro-Africains, 6° Malais ou Océaniques, 7° Papous, 8° Nègres océantens, 9° Australasiens, 10° Colombiens, 11° Américains. M. Bory de Saint-Vincent, dans son ouvrage sur l'Homme, grand nombre de divisions. Il en fait quinze espèces : 1° la Japetique, subdivisée en quatre races; 2° l'arabique, qui comprend deux races ; 3° l’ëndoue, 4° la scy- thique, 5° la sinique, 6° l'y perboréenne, 7° la neptuntenne, divisée propose encore un plus ZOOLOGIE. 509 en trois races; 8° l'australasienne, 9° la colombique , 10° l'ame- ricaine, 11° la patagone, 12° V'éthiopienne, 13° la cafre, 14° la mélanienne, 15° la hottentote. Sans prétendre juger le mérite de ces différentes classifica- tons, on s'en tiendra à la plus simple, celle qui sépare l'espèce humaine en trois grandes divisions, à caracteres fortement tranchés, savoir : 1° Race blanche, dite caucastenne ; 2° race Jaune ou olivätre mongolique ; et 3° race nègre ou ethropienne. La premiere a son centre principal en Europe et dans l'Asie Mineure, l'Arabie, la Perse et l'Inde jusqu'au Gange, et l'Afrique jusques et y compris le Sahara. La deuxième comprend tout le reste de l'Asie, et a en quelque sorte son foyer sur le plateau de la grande Tartarie et du Tibet. Elle paraît avoir peuplé ori- ginairement l'Amérique du Nord. Enfin la dernière couvre la plus grande partie de l'Afrique et quelques iles de la Nouvelle- Guinée, la terre des Papous, la Nouvelle-Hollande. On croit devoir s'abstenir de reproduire dans cet ouvrage les nombreuses recherches qui ont été faites pour démontrer que ces trois races descendent de Cham, Sem et Japhet. 1° La Race BLANCHE, ARABE-EUROPÉENNE, CAUCASIENNE, à laquelle nous appartenons, se reconnait principalement à la forme ovale de la tête, à la couleur plus ou moins blanche, au nez généralement droit ou à peu pres; à la bouche moyenne- ment fendue , aux lèvres petites, plus ou moins rouges et jamais grosses ; aux dents placées verticalement. Les traits de la phy- sionomie sont ordinairement réguliers; ce qui fait regarder cette race comme la plus belle et la plus agréable. C'est à elle qu'on rapporte les Circassiennes, les Leghiennes, les Mingréliennes et les Géorgiennes, femmes qu'on admire pour leur beauté. C'est aussi dans la race caucasique que l’angle facial est le plus développé ; il est de 80 à 90. 510 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. On divise cette race en plusieurs familles ‘. La première, ara- bique, comprend les Arabes du désert ou les Bédouins, les Hé- breux., les habitants du Liban, les Syriens, les Chaldéens, les Égyptiens, les Phéniciens, les Abyssins, les Maures et les Ma- rocains. La deuxième famille, Æindous, comprend les habitants du Bengale, de la côte de Coromandel, les Malabares, les peuples du Candahar et autres. La troisième, Scythes, est composée de nations qui habitent la chaine du Caucase et des environs de la mer Caspienne, les Circassiens et les Géorgiens, les Scythes, les Parthes, les Afghans, les Cosaques, les Usbecks, les Fschérémisses, les an- ciens Moscovites, les Turcs, les Hongrois; les Finlandais recon- naissent également la même origine. 5 La quatrième souche, purement européenne, se compose de toutes les familles celtiques. M. Bory de Saint-Vincent en fait : 1° la race pelage ( méridionale) ; 2° la race celtique (occidentale ); et 3° la germanique (boréale). Cette dernière comprend deux variétés, la teutone et la slavone. La première, pelage, comprend des peuples d'une taille moyenne ( 5 pieds 3 pouces environ ); la tête, petite, par rap- port au corps, est garnie de cheveux fins , bruns, châtains, ra- rement blonds, très-longs; le nez est droit, les yeux sont grands et gros; le teint, ordinairement blanc, présente quelquefois des nuances brunes. C'est de cette branche que les Grecs et les Romains tirent leur origine. La deuxième, celtique, se compose de peuples dont la taille est plus élevée (5 pieds 5 pouces, taille moyenne). Elle se re- connait à des cheveux moins longs, châtains foncés , quelquefois © Virey, article Jomme, du Dictionnaire des sciences médicales. ZOOLOGTE. Sri rouges où bruns, très-fournis, assez fins; la barbe fournie; le front bombé sur les côtés; le nez rectiligne; la bouche moyenne; les yeux généralement noirs ou bruns, quelquefois gris ; la peau, moins belle que dans la race pélage, est souvent d'une paleur jaunâtre ; les membres bien proportionnés. Le rameau celtique comprend les peuples d'origine tudesque et gothique. On en retrouve encore des rejetons dans les High- landais des iles écossaises, les Gallois d'Angleterre, les Bas- Bretons de l’extrème Armorique, et les Basques des Pyrénées centrales. La troisième, germanique, est celle qui présente les hommes dont la stature est la plus haute; leur taille moyenne s'élève à 5 pieds 6 à 7 pouces. Ils sont d'un tempérament lymphatique, la plupart fort gros; leur teint est d'une blancheur éblouissante, quand il n'est pas blafard; leur face est arrondie; leurs yeux sont communément bleus; leurs dents très-souvent mauvaises ; leurs cheveux tres-fins, presque plats et par grosses mèches de longueur moyenne, blonds dorés ou jaunes, et blanchissant fort tard. Les femmes sont remarquables par l'éclat de leur carna- tion et l'ampleur de leurs formes. Elles sont rarement nubiles avant 16 à 17 ans. Variété teutone. Les Teutons, sous le nom de Cymbres, occu- pèrent la presqu'ile du Jutland, pénétrerent jusque dans la Scandinavie, y devinrent ces Suénones appelés depuis Goths, et furent la souche des peuples qui habitent actuellement la Suède, la Norwège et le Danemark. L'Islande a été aussi peuplée par des hommes de la variété teutone. Variété sclavone. Klle se compose d'hommes venus probable- ment des monts Krapacks. C'est de cette variété que descendent les Sarmates, les Lithuaniens, les Russes, les Bohêmes, et une foule d’autres peuples compris dans la famille slave de M. Balbi. 2° La Race Jaune ou MoNcoriQuE se reconnait à la face large, 5r2 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. carrée, aplatie, des peuples qui la composent; les éminences de la tête paraissent en général moins prononcées, parce que les os de la pommette sont plus élevés; le nez plus enfoncé, plus plat, gros et écrasé à sa racine; les narines sont très-ouvertes sur les côtés; l'angle facial n’est pas ouvert au-delà de 80° à 85°; les yeux sont placés obliquement et semblent bridés par les paupières ; la couleur de la peau est olivatre ou basanée; les cheveux sont noirs, droits, longs. Cette race, qui parait tirer son origine des monts Altai, offre trois rameaux principaux et plusieurs variétés. Le premier rameau comprend une foule de hordes mongoles de la grande Fartarie, surtout au-delà de l'Irtisch, les Kalkas, les Kalmoucks, les Bourètes, etc. C'est sous les Gengiskhan, les Koublaï, les Tamerlan, que ces peuples fonderent les plus vastes empires du monde. Le deuxième rameau, qui s'étend vers les parties méridionales et orientales de l'Asie, se compose des Chinois, des Coréens, des Japonais, des Cochinchinois, etc. Les Chinois se sont ré- pandus dans les iles de la Sonde, des Moluques, des Philippines; on en voit jusqu'à Sainte-Hélène, où ils sont assez nombreux relativement à la population européenne. Les caractères physiques de ces peuples sont : cheveux droits et noirs, clair-semés comme la barbe; quelques-uns laissent croitre les moustaches, ce qui est chez eux un caractere de di- gnité; les yeux obliquement placés, les oreilles élevées, la bouche grande, le nez légèrement épaté, les lèvres épaisses, la peau Jjaune-paille. Le troisième rameau (espèce et race hyperboréenne de MM. Bory de Saint-Vincent et Desmoulins), remarquable par la petite taille et les traits grossiers rabougris des peuples qui le composent, comprend les Kamtschadales, les Tchoutchis, les Ostiaques, les Tunguses, les Samoièdes, une partie des La- ZOOLOGIE. 513 pons, les Esquimaux et les Groënlandais. Ces hommes, dont la stature ne s'élève guère au-delà de 4 pieds 1/2 (taille moyenne), sont trapus, quoique maigres; ils ont une tête énorme, un visage fort large et court, aplati vers le front, des yeux écartés l’un de l’autre, un nez écrasé, une bouche très-grande, peu de barbe, des cheveux plats, durs et noirs, les yeux noirs, la peau enfumée. Les femmes sont hideuses : leurs mamelles, molles et pendantes, ont la forme d'une poire. Il est à remarquer cependant que les caractères physiques et moraux de ces peuples offrent des différences notables; mais peut-être doit-on les attribuer à l'influence des peuples qui les avoisinent. Varieté malaise. On désigne sous ce nom les peuples qui habitent la péninsule de Malaca, les nombreuses iles qui con- stituent les archipels des Philippines, des Moluques, des Célèbes, de la Sonde, les Mariannes, l'ile de Timor; on en retrouve en- core à Madagascar, sur les terres des Papous au Sud, et à la Nouvelle-Guinée. Les naturalistes qui ont fait dernièrement le voyage de circumnavigation sur la corvette {4 Coquille ne par- tagent pas l'opinion de la plupart des savants qui comptent au nombre des Malais les Taitiens, les Sandwichiens, les Mendocins et les Nouveaux-Zélandais. Ces derniers peuples diffèrent des autres par leur conformation physique, leurs arts, leurs usages et leur langage. M. Lesson a proposé d'en faire une variété sous le nom d'Océaniens *. M. Bory de Saint-Vincent les range dans l'espèce neptunienne, et en fait une race qu'il nomme Océanique. Les Malais * sont d'une taille moyenne, de couleur cuivre rouge, assez bien pris dans leurs formes; leurs cheveux sont ! Voy. autour du monde de la corvette la Coquille, Zoologie, chap. 1%. ? Journal de M. le docteur GarNor. Voyage de la Coquille. — Z. Tom. I, Partie 11. 65 514 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. longs, unis, luisants et noirs; leur face est aplatie; leur nez épaté; leur bouche est grande; leurs lèvres un tant soit peu épaisses ; leurs dents bien rangées, teintes en rouge passant au noir, ce qui provient sans doute de l'usage de mâcher du bétel mêlé avec de l’arec et de la chaux. Les femmes ont des formes arrondies et courtes, la gorge bien faite dans le jeune âge, une chevelure rude et très-noire, une bouche très-ouverte. L’en- semble, sans être aussi bien que quelques voyageurs l'ont avancé, n'est pas toutefois dénué d'agréments. Le Malais est rarement à l’état complet de nudité; les plus misérables s'entourent les reins d’un marrot ou d'un pagne. On ne voit que les enfants qui soient quelquefois nus. M. Garnot observe qu'il n'en a point vu qui fussent circoncis. Rameau océanique. Ce rameau habite la majeure partie des iles de la mer du Sud; tels sont : le groupe de la Société, les Marquises, les Mulgraves, les Sandwich, les Amis, les Fidgi, la Nouvelle-Zélande et l'ile de Pâques. Les habitants de Faïti', pris pour type des Océaniens, sont généralement bien faits; ils ont la figure ovale, le front découvert et arrondi, les cheveux noirs, lisses, non crépus; l'œil bien fendu, surmonté d'un sourcil très-fourni ; un nez moyen, légèrement épaté; la bouche un peu grande, le menton arrondi, les lèvres épaisses, le teint basané ou cuivre rouge; l'angle facial aussi ouvert que celui des Européens; le col gros, cependant bien proportionné ; les jamhes bien dessinées. La plupart des voyageurs ont consigné dans leurs ouvrages que les Taïtiens avaient une stature de 6 pieds ; M. Garnot, qui en à toisé un grand nombre, n'en a pas rencontré qui eussent plus de 5 pieds 9 pouces. La taille ordinaire est de 5 pieds 4 à 5 pouces. 1 Sont compris sous ce nom les naturels des îles de la Société. ZOOLOGIE. 515 Taït, anciennement désignée sous le nom de la Nouvelle- Cythère, n'offre plus de Vénus aux yeux des voyageurs. Néanmoins, dans le printemps de l'âge, quelques femmes sont attrayantes : la blancheur de leurs dents et leurs yeux agacants donnent du piquant à leurs traits basanés (jaune-citron clair); leur main est vraiment belle. À la Nouvelle-Zélande, les femmes sont moins bien qu'à Taïti; les habitants des iles Mendoce et de Rotouma sont, à ce qu'on rapporte, les Océa- niens les mieux faits. M. Lesson dit que les naturels de Rotouma ont une physionomie douce, des traits réguliers, une chevelure longue, relevée sur le derrière de la tête en grosse touffe; leurs membres sont bien proportionnés; ils pourraient servir de mo- dèles à un statuaire. Le tatouage est généralement répandu parmi les Océaniens. Variete ou race americaine. Cette variété, qui habite le vaste continent d'Amérique, n'offre pas de caractères assez tranchés pour en faire une race à part. M. Bory de Saint-Vincent range les espèces propres au Nouveau-Monde sous trois chefs : 1° es- pèce colombique, 2° espèce américaine, 3° espèce patagone. On donne généralement pour caractères physiques aux Américains un visage large, triangulaire; une peau couleur rouge cuivré ; des cheveux noirs, plats, longs; une barbe rare; un nez épaté et saillant. C'est à cette variété qu'on rapporte les Péruviens, les Mexicains, les Araucanos, les Patagons, les Puelches, les na- turels du Paraguay, de Buénos-Ayres, du Brésil. Les Botocudos de cette dernière région, souvent presque blancs, ressemblent plus à la race mongole que les autres Américains. Bien qu'ap- partenant à la même variété, les Araucanos et les naturels du Pérou different beaucoup entre eux, sauf la couleur bronzée de la peau, qui est la même chez les deux peuples ". Les Arau- ! Le docteur Garnor (Journal des voyages, septembre 1827). 65. 516 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. canos sont grands, fort bien musclés, tandis que les Péruviens sont plus grèles et d'une petite stature. Dans les premiers, la face est large et pleine, plus arrondie en bas que vers le haut; l'expression est aussi féroce qu'elle paraït douce dans la figure des Péruviens, dont les traits sont plus réguliers. Les Patagons, relégués au-dessous du 40° Sud vers l'extrémité de l'Amérique méridionale, sont remarquables par leur taille gigantesque, qui dépasse ordinairement 5 pieds 10 pouces, et même 6 pieds de hauteur. Leur teint est basané ; leurs cheveux, plats, bruns ou noirs, sont généralement ae 3° Race NoïRE ou Nan ÉTHIOPIENNE. M. Bory de Same Vincent considère cette race comme appartenante aux espèces éthiopienne, cafre, mélanienne, hottentote, australasienne et neptunienne. La race nègre habite tout le midi de l'Afrique, forme des mélanges avec les Maures de cette partie du monde, vit sur la grande ile de Madagascar et sur les terres des Papous, dans les iles Hébrides, Salomon, Schouten, dans la Nouvelle-Hollande et la terre de Van-Diémen. Cette race a le teint noir ou noirûtre, les cheveux crépus, frisés , laineux ; le crane comprimé; le nez épaté, écrasé et gros; son museau saillant, et ses grosses lèvres la rapprochent, dit M. Cuvier, manifestement des singes. L'angle facial est de 70° à 75°. Cette race peut être divisée en plusieurs rameaux ‘ 1° Rameau éthiopien ou nègre proprement dit. I se compose des Joloffes, des Foulhas, des peuplades du Sénégal, d'Angole, du Congo, etc. Les traits de ce rameau sont tellement caractérisés, qu'on reconnait un Ethiopien au premier regard. Sa peau est de cou- leur foncée, ses cheveux laineux; la boîte osseuse du crane est 1 M. Lessow, Manuel de Mammalogie. ZOOLOGIE. 519 très-étroite en avant, aplatie sur le vertex, arrondie dans la région postérieure vers laquelle est reculé le trou occipital; les dents incisives sont implantées obliquement; les pommettes saillantes, les lèvres épaisses ; le nez large et épaté; les hanches saillantes; les reins cambrés; les extrémités inférieures très- courbées. Chez les femmes, les mamellés sont tellement pen- dantes , et le mamelon est si alongé, qu'elles peuvent, disent certains voyageurs, donner à téter à leurs enfants par-dessus les épaules. M. le docteur Busseuil, médecin de la marine qui a été près de trois ans sur les côtes d'Afrique, assure qu'il n'a jamais vu mettre en pratique ce mode d'allaitement. Les nègres ex- halent une odeur sui generis qu'on sent de loin. C'est de l'alliance de ce rameau avec les Européens que pro- viennent les mulâtres qui peuplent en grande partie les co- lonies. 2° Rameau cafre. habite dans la partie orientale de l'Afrique, depuis la rivière du Saint-Esprit jusqu'au détroit de Babel- Mandel : on en retrouve encore à Madagascar. La colonie du Cap s'accroissant de jour en jour, les Cafres sont repoussés dans l'intérieur. Ils ont un teint moins foncé, gris-noirätre, moins luisant, une face moins proéminente, des traits plus réguliers et plus beaux, une odeur moins forte que les nègres éthiopiens. Ils sont bien constitués, grands. Le Vaillant dit que ceux quil a vus n'avaient pas moins de 5 pieds 5 pouces, et qu'en général ils ont 5 pieds 8 pouces de hauteur. 3° Rameau hottentot. Les Hottentots habitent la pointe méri- dionale de l'Afrique, en dehors du tropique. Ce rameau, dit M. Bory de Saint-Vincent, fait le passage du genre homme aux genres orang et gibbon, conséquemment aux singes. Les peuples connus sous ce nom sont : les Namaquois, les Coranas, les Bo- schismans, les Hottentots proprement dits, les Gonaquois et les Houzouanas. Les Hottentots proprement dits font journelle- 518 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. ment des alliances avec les nègres de Mozambique ; d'où il ré- sulte que dans peu d'années on n'en retrouvera plus à l'état de pureté. On reconnait en général les Hottentots aux caractères phy- siques suivants : le front proéminent, surtout en haut; le vertex aplati; les cheveux noirs ou noirâtres, courts, laineux; peu de barbe; les sourcils minces, peu prononcés; les yeux écartés l’un de l’autre, à demi fermés; les lèvres épaisses, projetées en avant; le nez écrasé et large; la couleur de la peau est lavée de bistre et plus ou moins jaunâtre, mais jamais noire; l'angle facial a au plus 75°; la figure est généralement rabougrie. Le savant M. Lichtenstein assure que, comme dans les ma- caques, les os du nez chez les Hottentots sont réunis en une seule lame écailleuse, aplatie et beaucoup plus large que dans toute autre tête d'homme : la cavité olécranienne de l'humérus est aussi percée d'un trou. Les femmes, plus hideuses encore que les hommes, sont aussi beaucoup plus petites, proportions sardées. Leurs mamelles sont pendantes, et les nymphes ou S petites lèvres fort alongées. C'est à cette disposition dans les 5 organes de la génération qu'on a donné le nom de tablier. Tout bruts que soient les Hottentots, le gouvernement anglais est parvenu à leur faire apprendre quelques arts mécaniques. M. le docteur Garnot, pendant son séjour dans le district de Zwellendam (août 1824), a vu divers ouvrages confectionnés par eux, et qui étaient faits avec assez d'habileté. 4° iameau papou. Les Papous ‘ habitent les iles nombreuses des Hébrides, la Nouvelle-Calédonie, la Nouvelle-[rlande, la Nouvelle-Bretagne , l'ile d'York, la Nouvelle-Guinée, Waigiou. C'est en quelque sorte une variété hybride. F Consultez la Zootogie du voyage de YUranie, par MM. Quoy et Garmarp, ZOOLOGIE. Es Les naturels de Waigiou : sont d'une constitution gréle et délicate. Ils sont généralement petits : sur vingt individus, un seul présentait une taille de 5 pieds 2 pouces; la taille moyenne était de 4 pieds 6 pouces à 4 pieds 9 pouces; les cheveux lisses et droits chez les uns, crépus chez d’autres, chez quelques-uns intermédiaires , sont généralement noirs et épais, formant des masses rondes, globuleuses, qui font paraitre la figure très- petite. On voit des naturels qui les nouent par derrière; ce qui forme alors une touffe extraordinaire. Ils laissent croïtre leurs favoris et leurs moustaches; l'angle facial * est au maximum de 69°, et de 63 à 64° au minimum. Les habitants de Van-Diémen, que M. Lesson nomme les Tasmaniens, ont une conformation physique semblable à celle des Papous. Les naturels de la Nouvelle-Hollande, dont M. Bory de Saint- Vincent fait son espèce australasienne /4{fourous australasien, Lesson), sont sans contredit les peuples les plus hideux qui soient connus. Les naturels des tribus des environs de Sydney-Cove et de Paramatta sont * d'une taille moyenne; on en voit quelques-uns cependant dont la stature s'élève à 5 pieds 6 pouces ; la couleur de leur peau n'est pas d'un beau noir; on ne peut mieux la comparer qu à celle du café au lait foncé en couleur. Ils sont généralement d'une constitution grèle et énervée. Ceux qui ha- bitent l'intérieur et qui se nourrissent de chasse ont le système musculaire plus développé; les cheveux, non laineux comme ceux des nègres éthiopiens, sont durs, noirs, très-épais , tantôt 1 Le docteur Garnor (Journal des voyages, mars 1827 ). ? L'angle résulte de deux lignes partant des dents incisives supérieures et se ren- dant, l’une à la racine du nez, et l’autre au trou auditif. 3 Journal inédit de M. Garnor. 520 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. disposés en mèches frisées, tantôt très-courts ; la barbe plus ap- parente sur les côtés du menton que partout ailleurs; le visage est plat dans le haut; le nez épaté, large; la bouche saillante; les lèvres épaisses ; l'angle facial est de 61° à 67°. Il y a, indépendamment des races énoncées ci-dessus, des variétés accidentelles dans le genre humain : les //binos de l'Afrique, les Cagots des Pyrénées, et les Crétins du Valais. Ces variétés peuvent être considérées comme le résultat d’af- fections maladives. Les nombreuses races répandues sur la surface du globe diffèrent essentiellement par la couleur de la peau et des cheveux. Les variétés de couleur dépendent-elles de l'influence des cir- constances extérieures? Il est certain que les chaleurs bruülantes du soleil font éprouver à la peau des changements notables ; mais elle revient à son état primitif, si on la soustrait à l'action des rayons solaires. Transportez des familles nègres en Europe et des Européens au Congo, vous ne verrez point les premiers devenir blancs et les derniers noirs. Les cheveux varient aussi singulièrement suivant les pays, la latitude, les climats et les races. Leurs cou- leurs principales sont : le noir, le blond, quelquefois le rouge de feu ; ces trois couleurs présentent un grand nombre de nuances. M. Desmoulins, dans son excellent ouvrage sur l'histoire des races, relate des faits qui tendent à prouver l'invariabilité de la couleur de la peau et des cheveux , quand les races sont res- tées sans mélange. La couleur de la peau réside, disent la plupart des naturalistes et des anatomistes, dans le réseau muqueux ou de Malpighi, placé au-dessous de l'épiderme ou cuticule. L'absence de ce ré- seau explique pourquoi les cicatrices ont chez les nègres la même couleur que chez les blancs. Le crâne offre autant de formes variées qu'il y a de races ou d'espèces d'hommes sur le globe, ZOOLOGIE. bar M. le docteur Gall pense que les facultés intellectuelles im- priment à la surface extérieure de cette boite osseuse des émi- nences en rapport avec les fonctions qu'il attribue à chaque partie du cerveau. A l'inspection d'un crâne, on peut presque, à priori, dire à quel peuple il a appartenu, si toutefois il ne provient pas d'une race abâtardie. En outre, la forme du crâne ne doit-elle pas varier par l'ha- bitude qu'ont certains peuples de donner une forme déterminée à la tête des enfants nouveau-nés, soit par des liens, soit par la simple pression des mains? Telles sont les principales variétés de l'espèce humaine ré- pandues sur toute la surface du globe. Les anciens s'étaient à tort imaginé que la zone torride, embrasée des feux du soleil, ne permettait pas aux habitants des deux zones tempérées de communiquer ensemble. Ces préjugés, qui rétrécissaient l'uni- vers, ont disparu devant les lumières que les Colomb, les Gama, les Cook, les Parry, les Denham, nous ont procurées. Les navi- gateurs et les voyageurs ont trouvé des habitants dans les climats les plus brülants et dans le voisinage des pôles, sur les côtes les moins abordables, et dans ces iles qu'un immense océan semblait séparer du reste du monde. Au Nord, le Spitzberg, la Nouvelle-Zemble, et la plupart des iles et archipels découverts dernièrement par les Anglais à l'Ouest de la baie de Baffin ; et au Sud, la Géorgie, la terre de Sandwich, les iles de Falkland, de Kerguélen, le Nouveau-Shetland méridional et les Nouvelles- Orcades; et sous l'équateur, les iles Gallapagos, sont les seuls pays d'une étendue remarquable qui se soient trouvés absolu- ment sans habitants. La terre entière est donc la patrie de l'homme. Il supporte tous les climats, et ses habitations s'étendent jusqu'aux derniers confins de la nature animée. Les Esquimaux du Groënland Voyage de {a Coquille. — Z. Tome I, Partie 11. 66 522 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. habitent jusque sous le quatre-vingtième parallèle. À Vautre ex- trémité, la stérile terre de Feu nourrit les pauvres Peschèrais. Le Nouveau-Monde, quoique en général moins peuplé, est donc habité d’un bout à l’autre. Dans l’ancien Continent, les habi- tations de l'homme forment un ensemble qui n'est interrompu que par quelques landes sablonneuses; et, au milieu même de ces déserts, l’homme a peuplé les oasis, ces îles de verdure éparses dans un océan de sable. $ IL. NOTES SUR QUELQUES PEUPLES DE LA MER DU SUD, PAR M. P. GARNOT à Dans le cours du voyage de circumnavigation de la corvette la Coquille, nous avons été à même d'examiner quelques-unes des diverses peuplades de la mer du Sud. Nous regrettons beau- coup que la brièveté de nos relâches ne nous ait permis de faire que de trop fugitives observations sur le caractère phy- sique et moral de ces peuples; mais, tout imparfaites qu'elles sont, nous avons pensé quelles pourraient concourir à dé- brouiller un jour l’histoire des races qui peuplent la Nouvelle- Hollande et les îles de l'Océan Austral : c'est cette considération qui nous a déterminé à les publier. Les habitants de Taïti, de la Nouvelle-Irlande, de Waigiou et de la Nouvelle-Hollande, vont seuls faire le sujet de nos re- marques. L'ile de Taïti, la Nouvelle-Cythère de Bougainville, la plus importante du groupe des iles de la Société’, dut nécessai- * Insérées dans le Journal des voyages. ? D’après une nouvelle division établie par les Anglais, cet archipel est divisé en deux groupes : le premier (îles de la Société) comprend les îles de Huahine, Ba- ZOOLOGTE. 523 rement charmer ceux qui l’apercurent après une longue naviga- tion. La brillante végétation des côtes offre un tableau délicieux; mais lorsqu'on a mis pied à terre, le prestige s évanouit en partie. Cette ile n’est plus ce qu’elle était du temps de Wallis, de Bou- gainville et de Cook. Depuis l’arrivée des missionnaires, Taïti a pris une face nouvelle : les sacrifices humains ont cessé d'avoir lieu, et le changement de religion ayant de plus en plus amorti les passions guerrières des Taïtiens, leurs mœurs ont nécessai- rement dû éprouver sous plusieurs rapports de grandes modi- fications. Le Taïtien est généralement bien fait ‘; une figure ovale, le front découvert et arrondi, les cheveux noirs non crépus (quel- ques vieillards les ont blancs), l'œil bien fendu surmonté d'un sourcil très-fourni, un nez moyen légèrement épaté ( nous avons vu à Borabora plusieurs naturels dont le nez était aquilin ), la bouche un peu grande, le menton arrondi, les lèvres épaisses, le teint basané ou cuivre rouge, tels sont les traits qui dis- tinguent ce peuple. L'angle facial nous à paru aussi ouvert que celui des Européens; le col est bien proportionné; la poitrine est ample et permet aux poumons de se dilater facilement ; les extrémités sont bien musclées; les jumeaux et les soléaires pren- nent un développement prononcé, et leurs jambes sont bien dessinées. La plupart des voyageurs ont consigné dans leurs ouvrages, que les naturels de Faiti étaient d'une taille de 6 pieds. Ayant été à même d'en voir un grand nombre, nous avons choisi ceux qui nous ont paru les plus grands pour les toiser; nous n'en avons pas rencontré qui eussent plus de 5 pieds 9 pouces, et la cotea, Taha, Borabora, Maurua ou Maupiti, et Tubaï; et ils appellent le deuxième (îles Géorgiennes) Taïti, Moorea, Tetaroa et Tapua-Manu ou île de Charles Saunders. 1 On voit cependant quelques individus contrefaits. 66. 524 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. taille ordinaire est de 5 pieds 4 à 5 pouces. Aïnsi, s'il existe des hommes de 6 pieds à Taïti et à Borabora, ils doivent étre ex- trêmement rares. On dit que le roi Pomaré IT avait environ six pieds ; mais il faut observer qu'il est question du pied anglais, qui à 8 lignes de moins que le nôtre. Quoiqu'on ait désigné Taïti sous le nom de la Vouvelle-Cy- thère, nous n'y avons point vu de femmes qui réunissent toutes les graces que ce nom semble faire augurer. Dans le printemps de l’âge, quelques-unes, il est vrai, sont attrayantes; maïs c'est une fleur qui ne tarde pas à se faner : à peine une Taïtienne at-elle atteint vingt ans que ses charmes s'évanouissent. La blancheur de leurs dents et leurs yeux agacants donnent du pi- quant à leur teint basané (jaune-citron clair). Quelques officiers disent avoir vu, au bourg de Papara, deux à trois jeunes filles d'une figure très-agréable et dont la peau était presque blanche; mais, considérées en masse, les Taïtiennes ne peuvent être ci- tées pour leur beauté. Leurs seins sont gracieux dans le jeune âge; mais dès qu'elles deviennent mères, ils se déforment en- tièrement et se flétrissent. La main est sans contredit ce que les Taïtiennes ont de mieux. Leurs jambes sont un peu grosses vers le bas. Leur taille est pour la plupart de moyenne hauteur; il y en a cependant quelques-unes qui ont jusqu'à 5 pieds 2 pouces 6 lignes. Les femmes s'occupent du soin du ménage; elles nous ont en général paru prodiguer les plus tendres soins à leurs enfants, surtout tant que ceux-ci sont encore à la mamelle. Elles ont, ainsi que les négresses de nos colonies, l'habitude de porter sur leurs hanches leurs jeunes nourrissons. . . LA 9 2 * Les communications fréquentes que les Européens n’ont cessé d’avoir avec cette île depuis long-temps, ont sans doute beaucoup influé sur le teint d’un grand nombre d'individus actuels. ZOOLOGIE. 525 Les Taïtiennes sont douces, on pourrait même dire tendres et voluptueuses. Les plaisirs de l'amour feraient encore la prin- cipale occupation de leur vie, et, sans la crainte des châtiments très-corporels que leur infligent les missionnaires, elles se li- vreraient sans grande retenue à un penchant auquel il est si difficile de résister en ces climats; mais des hommes du pays sont apostés par les missionnaires pour rendre compte de la conduite et des moindres gestes des femmes : aussi se tenaient- elles généralement sur la réserve avec nous. Cependant nous acquimes bientôt la certitude que ces gardiens, si sévères en apparence, n'étaient rien moins qu'incorruptibles. L'appât d'un léger gain suffisait pour les séduire, et 1ls ne craignaient pas alors de se rendre complices des fautes qu'ils condamnaient si hautement; ils servaient eux-mêmes d'intermédiaires, écartaient les fâcheux indiscrets, et veillaient à ce que les coupables ne fussent pas surpris à limproviste. Des étrangers ont ainsi, à ce qu'on assure, obtenu aussi facilement les précieuses faveurs d'une princesse, que celles de femmes moins distinguées. Si l'on en croit la chronique scandaleuse, car Taïti a aussi la sienne, la mère du jeune roi actuel n'a quitté les rênes de la régence que pour se livrer sans contrainte aux plaisirs de l'amour. Intrépides guerriers, les Taïtiens ne respiraient autrefois que sang et carnage : la lance ou la fronde à la main, ils défiaient leurs ennemis et n'épargnaient pas les vaincus ; les femmes et les enfants mêmes étaient sacrifiés avec une insigne cruauté Ce n'était que chez quelques vieux guerriers, célèbres déja par leurs propres faits d'armes, que ces faibles créatures trouvaient par- fois de la pitié et une généreuse protection contre la fureur des vainqueurs. Mais la religion chrétienne, ainsi que nous l'avons dit, a considérablement adouci ces mœurs féroces. Le Taïtien de nos jours, tel au moins que nous l'avons vu, est bon, com- plaisant , serviable : étions-nous dans les bois, il nous guidait; 526 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. voulions-nous traverser un ruisseau, il nous portait sur ses épaules ; tirions-nous quelque pièce de gibier, il s'empressait de l'aller chercher. Son œil vif et exercé apercevait des oiseaux là où nous étions loin d'en soupconner, et nous n’étions souvent convaincus de son rapport que lorsque nous voyions l'oiseau s'envoler du lieu quil avait indiqué. Voulions-nous nous ra- fraichir, il grimpait au haut d'un cocotier pour nous en rapporter le fruit. Un mauvais anneau de rideau, une bague ou un petit couteau que nous lui donnions pour récompenser son zèle, con- tentait ses désirs. Il faut convenir cependant que le Taïtien est rarement de bonne foi dans ses relations commerciales. On serait souvent sa dupe si on n’y prenait garde; il ne se fait pas le moindre-scrupule de s'emparer du bien d'autrui, et il joint souvent à ce penchant au larcin autant d'adresse que de ruse. Jadis plongés dans l'ignorance, les Taïtiens d'aujourd'hui lisent et écrivent avec facilité, grace à l'enseignement mutuel ; mais il faut avouer que leur intelligence n’est pas encore assez développée pour bien comprendre ce qu'ils lisent et écrivent. Leur langue est déja en quelque sorte fixée *. L'idiome taitien a beaucoup de rapport avec celui des habitants de la Nouvelle- Zélande. Si de Taiti nous nous transportons à la Nouvelle -Irlande, quelle différence ne trouvons-nous pas entre les naturels qui habitent cette dernière et ceux dont nous venons de parler! Les naturels de la Nouvelle-Irlande sont d'un noir moins foncé que les nègres de la côte d'Afrique; leur constitution est plutôt grêle qu'athlétique; leur taille moyenne ne s'élève guère au-dessus de cinq pieds un à deux pouces, et leur angle facial ne dépasse pas 65 à 66 degrés. * Nous avons donné un échantillon de leur style dans le n° 87 du Journal des voyages. ZOOLOGIE. cn Les Nouveaux-Irlandais ont les cheveux laineux, crépus et contournés en longs tire-bouchons teints en rouge, en blanc ou tirant sur le blond ou bien en noir foncé. Leur barbe est géné- ralement peu fournie; cependant quelques chefs en portent d'assez longues, ce qui leur donne un air vénérable. Sur les autres parties du corps, on apercoit à peine quelques poils; et les endroits qui chez d'autres peuples en sont abondamment pourvus, n’en offrent chez eux qu’en très-petite quantité. L'en- semble de leur physionomie est loin d'être agréable, quoique leurs traits pris séparément offrent assez de régularité. Leurs yeux sont petits; leur nez est gros sans être épaté comme celui des nègres; les oreilles et la cloison des narines sont percées pour y placer des ornements; la bouche est un peu plus grande que la dimension moyenne; les lèvres sont épaisses et les dents bien rangées, mais teintes en noir ou en rouge. Quelques na- turels laissent pousser des moustaches : leurs oreilles sont bien conformées naturellement; mais ils les déforment en pratiquant de grands trous pour y placer des bâtonnets de la grosseur du petit doigt. Le menton est peu saillant et généralement recouvert de peu de barbe. Les autres parties du corps sont dans de justes proportions; les muscles, quoiqu'ils ne soient pas très-pro- noncés, se dessinent assez bien. Moins avancés en civilisation que les autres peuples que nous avons visités, les Nouveaux-frlandais n'ont pas encore adopté le marrot ‘ ou quelque autre voile pour dérober aux regards les parties sexuelles. Ces sauvages nous ont paru d'un naturel doux, gai et obli- geant ; ils sont aussi enclins au vol que les autres peuples de la mer du Sud, et ils sont à cet égard d'autant plus répréhensibles, ! Bande d’étoffe d’écorce d'arbre qui passe entre les cuisses et revient s'attacher autour du corps. re 528 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. qu'ils savent fort bien qu'ils commettent une mauvaise action, puisqu'ils se cachaient derrière des arbres pour dérober le linge ge. Le tatouage ne parait pas jouir d'une grande faveur parmi eux : à peine apercoit-on sur quelques-uns plus de deux à trois que nos matelots allaient laver sur le riva lignes coloriées sur les joues. De même que les naturels des autres iles, les habitants de la Nouvelle-[rlande recherchent tous les moyens que l'art et la nature mettent à leur disposition pour plaire; c'est ainsi qu'ils empruntent aux oiseaux leurs bril- lants plumages, pour en faire des bandeaux et des panaches; aux tortues et aux coquillages, des bracelets, des anneaux et des pendants d'oreilles. Souvent aussi ils ornent leur chevelure de fleurs blanches et rouges. Le luxe chez ces peuples sauvages s'étend surtout à leurs armes, qu'ils décorent de plumes artis- tement arrangées et retenues par des cordonnets faits de l'écorce du rima et du cocotier, auxquelles s'entremélent des fragments de coquilles et d'écailles de tortues. La lance, le casse-tête et la fronde sont leurs principales armes. La fouëne est l'instru- ment qu'ils emploient le plus ordinairement pour pêcher; ils ont cependant aussi des hamecons en écaille. Combien de fois ne nous est-il pas arrivé d'admirer leur adresse à saisir le pois- son avec la fouëne! Ils se servent aussi de filets qu'ils vont tendre à quelque distance du rivage montés dans leurs pirogues simples, réservant sans doute leurs doubles pirogues pour d'autres circonstances. Les naturels de cette ile semblent aimer beaucoup le chant, je suis au moins porté à le croire, parce que toutes les fois que je m'amusais à fredonner quelques airs, je les surprenais écou- tant attentivement et avec l'apparence du plaisir : leur voix est juste et agréable. La flûte de pan et le tamtam sont les deux instruments de musique dont ils jouent le plus ordinairement. Une peau de lézard remplace dans ce dernier instrument Île ZOOLOGIE. 529 parchemin que nous mettons sur nos caisses à tambour; en outre, ils ont encore une espèce de guimbarde en bois et une clochette dont le battant est fait avec des dents de cochon. Les Nouveaux-frlandais sont très-simples dans la préparation de leurs aliments; ils aiment beaucoup les viandes rôties. Un phalanger qu'ils suspendirent au-dessus d’un feu ardent fut promptement dévoré ; la peau même ne fut point épargnée; ils eurent cependant le soin de retirer les intestins. Je ne sache pas qu'ils aient l'habitude de manger de la chair crue; toutes les fois que je les ai vus préparer leurs aliments, j'ai vu qu'ils les faisaient constamment cuire : c'est ainsi que les coquillages, les fruits du taca ‘ sont mis sur des charbons ardents ou des pierres chauffées, avant d'être mangés. L'arbre à pain est très-rare dans cette ile; il en est de même du cocotier. L'eau parait être la seule boisson des naturels; et lorsqu'ils font leurs repas, ils ont la précaution de s'établir aupres d’une rivière. Quoique man- geant à toute heure du jour, à midi ils se réunissent en com- mun , placés à la file les uns des autres ou bien en cercle. Les morceaux sont avalés sans autre assaisonnement que l'appétit. Le repas fini, ils se couchent sur le sable pour y faire la sieste. À six heures méme cérémonie ; mais avant de se livrer au som- meil, de crainte sans doute que les insectes et l'humidité de la nuit ne viennent les incommoder, ils ont le soin d'allumer plu- sieurs feux à côté l’un de l’autre, et de disposer des espèces de toitures faites en branchages et en feuillées, qui les abritent ainsi tant bien que mal des fortes pluies qui tombent assez fréquem- ment la nuit. À la pointe du jour, les uns vont à la pêche, et les autres parcourent les bois pour y faire leurs provisions de fruits. Ces naturels sont-ils anthropophages? C'est ce dont il nous a été difficile de nous assurer positivement. Toute discussion à * Ce fruit a du rapport avec le mapé de Taïti. Voyage de la Coquille. —Z. Tome I, Partie 11. G- 1 530 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. cet égard était même assez épineuse à entamer; et chaque fois que nous leur faisions quelque signe relatif à l'habitude de manger de la chair humaine, ils paraissaient craindre que nous ne les dévorassions eux-mêmes. Dans les derniers jours, on se fit mieux comprendre; et plusieurs personnes ont cru déméler, par leurs gestes, que, dans leurs guerres, les corps de leurs en- nemis servaient quelquefois à assouvir leur avidité ou leur ven- geance. Nous ne connaissons rien sur leur manière de vivre dans leur intérieur, et pendant notre relâche nous n'avons vu aucune femme : M. de Blosseville, qui a eu le courage d'aller seul à leur village, n’a pu être introduit dans leurs cases, avant que les femmes ne fussent cachées. Il parait que la jalousie leur fait un devoir de dérober ainsi aux regards des étrangers leurs épouses et même leurs petites filles. Après être restés une douzaine de jours dans la baie Praslin, nous mimes à la voile pour nous rendre à Waigiou, nous pro- posant de faire une ou deux relàches à la Nouvelle-Guinée. En longeant l'ile d’York (l’Æmacata des naturels }, nous vimes quelques-uns des habitants, qui nous ont paru avoir une grande ressemblance avec les Nouveaux-Irlandais; ils paraissaient ce- pendant jouir d’une constitution plus vigoureuse. Favorisés par un très-beau temps et ayant longé une grande étendue des côtes de la Nouvelle-Guinée, nous arrivames à Waigiou et mouillàmes dans la baie d'Offak, n'ayant pas pu at- teindre l'ile de Rawack. Les naturels de l'ile de Waigiou sont d’une constitution grèle et délicate; la fibre molle et la bouffissure de la face démontrent chez eux le tempérament lymphatique. Ils sont tous générale- 5 ment petits : sur vingt individus que j'ai toisés, un seul présentait une taille moyenne de cinq pieds deux pouces; la taille de la majeure partie n'était que de quatre pieds six lignes à quatre pieds neuf pouces. Leur angle facial est plus ouvert que celui ZOOLOGTE. 53i des habitants de la Nouvelle-Irlande. Le plus haut degré est de 69, et le plus petit est de 63 à 64. Les habitants de Waigiou ont d'ailleurs des traits plus ré- guliers, une physionomie plus agréable, et leur peau est moins noire. Plus civilisés, ils portent tous, jusqu'aux enfants, un marrot qui cache les organes de la génération. Les chefs sont généralement vêtus en indiennes coloriées. Un d'eux, le raja, portait sur la tête une espèce de turban, et un autre avait une calotte tressée en réseau. Nous n’avons point aperçu de marque de tatouage. L'usage du bétel et de la chaux leur rend les dents noires. Leur chevelure n’a pas la même disposition dans tous les individus : les uns ont les cheveux droits et lisses comme ceux des Européens; d'autres les ont crépus comme ceux des nègres; enfin, il y en a qui tiennent de l’un et de l’autre : géné- ralement noirs, ils sont épais et forment des masses rondes globuleuses qui font paraitre leur figure plus petite; quelques- uns les nouent par derrière, ce qui forme alors une touffe ex- traordinaire. Ils laissent croître leurs favoris et leurs moustaches. Ils portent tous des peignes en bois ou en écaille et des colliers tressés avec des feuilles de latanier, auxquels ils suspendent des fétiches et des amulettes *. Un large chapeau à la chinoise les garantit des ardeurs du soleil. Ils suspendent aussi des anneaux en argent ou en écaille à leurs oreilles, qui ne sont point per- cées aussi largement que celles des Nouveaux-[rlandais. Des bagues en écaille, en coquille, et des bracelets, soit en argent ou en cuivre, soit en écaille ou en nacre, sont des ornements qu'ils paraissent rechercher avec empressement. Ce n'est pas sans beaucoup de peine qu'ils parviennent à les retirer de leurs poignets, parce qu'ils les introduisent lorsqu'ils sont jeunes; et les membres ayant pris de l'accroissement, il faut faire de grands ‘ Aitachaient-ils à ces derniers quelques vertus préservatrices de maladies ? 67. 532 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. efforts pour les sortir. Cette difficulté n'existe que pour les bra- celets confectionnés avec des coquilles : les bracelets en argent ou en écaille, n'étant pas entièrement fermés, sont faciles à dé- placer. Ils mirent peu d'empressement à établir des communi- cations avec nous, et nous parurent craintifs et méfiants. Leurs voisins les inquiètent-ils, ou bien les navigateurs auraient-ils abusé de leur douceur pour les faire esclaves ? Ces conjectures nous semblent également plausibles; car, lorsqu'ils ont été as- surés d'être accueillis amicalement par nous, ils se sont enfin hasardés à venir nous voir, et, dès ce moment, il ne se passait pas un jour qu'ils ne vinssent nous porter les produits de leur ile et les divers objets dont ils se servent. Nul doute que ces naturels ne soient souvent exposés à quelques dangers immi- nents, puisqu'on ne voit point de village près les bords de la mer; et à peine apercoit-on, quand on s’avance dans l'intérieur, plus de trois à quatre maisons réunies. Pendant notre séjour à la baie d'Offak , nous n'avons point vu de femmes; M. de Blosseville est le seul qui ait eu l'occasion d'en voir dans une visite qu'il fit à un raja, qui était venu nous voir lors de notre arrivée. Nous avons peu de données sur la religion qui se professe à Waigiou. Nous nous bornerons à rapporter le résultat d'une visite que nous fimes à une pagode dans la baie de l'Est. Elle est bâtie sur pilotis. Sa construction est la même que celle des cases. Nous montâmes une échelle pour arriver dans son en- ceinte. Un autel placé dans le fond fixa d'abord notre attention; nous nous en approchâmes et examinèmes en détail ce qui y était posé. À gauche il y avait cinq figures grossièrement sculp- tées et diversement peintes : ce sont probablement leurs prin- cipaux dieux. La figure du milieu était beaucoup plus petite. Des morceaux d'étoffes et de misérables guenilles composaient leurs seuls ornements. Sur la droite, on voyait six petits per- ZOOLOGTE. 533 sonnages réunis en cercle, et, au centre de l'autel, un crocodile et des assiettes. MM. Lottin et de Blois, qui avaient visité quelques jours avant nous cette pagode, y avaient déposé des bagues et des colliers qui ont été enlevés par les naturels. Cette spoliation m'empêcha d'y laisser les étoffes et les divers orne- ments dont je m'étais muni, dans l'intention d'en faire hommage à leurs divinités. Ces peuples sont pêcheurs et chasseurs; la ligne, les filets et la fouëne sont en usage pour attraper le poisson, et l'arc devient dans leurs mains la terreur des poules sauvages et des oiseaux de paradis. Quoiqu'ils soient habitués à lancer des flèches, ils n'ont pas brillé dans un assaut qui s'engagea une après-midi entre eux et un des nôtres. Ce dernier faisait voler la flèche bien plus loin qu'eux. Ils se nourrissent de la chair d'énormes tortues qu'ils vont prendre sur les iles voisines, de coquillages, de pois- sons et de pain de sagou. En nous rendant un jour dans l'ile ou ils avaient établi leur camp, nous fümes témoins de la maniere dont ils préparent leurs aliments. Une simple toiture basse, étroite et alongée recouvre les feux qui leur servent à faire rôur leurs viandes, lesquelles sont déposées sur un grillage en bam- bou, élevé à deux pieds au-dessus du sol, et exposées ainsi à l’ar- deur d’un feu assez vif et à la vapeur de la fumée. D'énormes morceaux de tortue, des poissons et des coquillages s'apprétaient pour leur copieux repas. Le pain de sagou leur tenait lieu du rima ou fruit de l'arbre à pain et des taros dont se nourrissent les peuples des iles que nous avions visitées précédemment. Quoique mangeant comme ces derniers à toute heure du jour, les habitants de Waigiou se réunissent également à midi pour faire un repas en commun. L'eau et le lait de coco sont les seules boissons dont nous leur ayons vu faire usage. Avant de nous séparer, plusieurs de nous goütèrent leurs aliments, qui, bien qu'enfumés, furent trouvés d’un assez bon 534 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. gout. Ils préparent en outre, par prévoyance sans doute, des œufs de tortue dont ils font des espèces de saucissons; j'en achetai quelques-uns, qui, déja un peu anciens, furent trouvés trop rances pour que nous pussions en manger. Parmi les meubles qu'ils avaient avec eux dans leur camp, on remarquait de petites boites pour le bétel, des assiettes et des tasses en porcelaine. Les naturels de Waïgiou sont aussi rusés dans leurs marchés, que les autres peuples non civilisés que nous avons visités. Leur accordez-vous sans difficulté ce qu'ils vous demandent, ils changent aussitôt d'avis et exigent autre chose; il arrive même assez souvent alors qu'ils se refusent à tout échange : aussi faut-il, pour obtenir d'eux ce qu'on désire, ne leur donner qu'après de vives sollicitations ce qu'ils désirent eux-mêmes. Îls connaissent si peu la valeur des objets, que pour la moindre bagatelle on en obtient ce qu'ils possèdent de plus curieux. Rien ne prouve plus évidemment les communications de ces peuples avec les nations civilisées, que la fabrication de leurs armes. Il n’y a pas une lance qui ne soit armée d'un fer très- acéré. Cet instrument meurtrier est long, mince, arrondi éga- lement dans tous ses points, et peut se manier avec facilité. Is ont deux espèces d’arcs : l'un grand et solide, généralement destiné pour les combats ou la chasse aux cochons sauvages ; et l’autre très-exigu : la flèche que lancent ces derniers est faite de la côte d’une feuille de latanier, et leur sert pour atteindre au haut des arbres les oiseaux de paradis, les poules sauvages (mégapode de Freycinet), les perroquets, etc., ete. Quelques flèches portaient à leur extrémité acérée une substance rouge qui provenait sans doute du suc tiré de quelques plantes véné- neuses. La fouëne, qui consiste en un long bambou, ou bien en un bâton armé, à l'une de ses extrémités, d’un trident en fer; des ZOOLOGIE. 535 lignes de diverses grosseurs tissues avec du cordonnet de coton, et de grands filets à mailles rapprochées, sont leurs instruments de pêche. Leurs pirogues sont simples, à balanciers, et n'ont point d'ornements; dans leur milieu est pratiqué un encaissement qui leur sert à loger ce dont ils ont besoin et les objets qu'ils veulent échanger. Une natte disposée en toit les met à l'abri de la pluie. Un petit banc de bois sculpté leur tenait lieu d'oreiller. Parmi les objets qui servent à la parure de ces insulaires, nous citerons les plumets, les colliers, les bracelets, les bagues, les pendants d'oreilles et de longs peignes en bois, surmontés de figures grossièrement travaillées. Ç ILL. REMARQUES SUR LA ZOOLOGIE DES ÎLES MALOUINES , FAITES PENDANT LE VOYAGE AUTOUR DU MONDE DE LA CORVETTE ZA COQUILLE, EXÉCUTÉ EN 1822, 1823, 1824 ET 1029 ‘; PAR M. P. GARNOT. Situées entre les 52° et 53° de latitude Sud et les 56° et 60° de longitude Ouest, à l'Est de la terre des Patagons, les iles Ma- louines forment un groupe assez étendu; parmi les îles qui les composent, il y en a deux principales : 1° l'ile de la Soledad, 2° l'ile Falkland. L'ile de la Soledad présente une infinité de baies; les plus grandes sont celles de Choiseul ou des Francais, et celle de l'Huile, sur la côte Nord. ! Lues à la Société d'histoire naturelle de Paris, le 11 novembre 182$, et insérées dans les Ænnales des sciences naturelles, janvier 186. 536 VOYAGE AUTOUR DÙÜ MONDE. La baie des Français, au fond de laquelle la corvette était mouillée , abritée par les iles aux Pingoins, aux Loups marins, et le Tonnelier, s'ouvre par une entrée large, hérissée d'un côté d’une ligne de récifs. À l'extrémité du dernier groupe (la pointe la plus Æ5st) se trouve la roche sous-marine qui a été si funeste à l'Urante. Cette baie en présente elle-même deux au Nord. Les baies Duclos et Bougainville, et deux ports, l'un au Sud, le port Duperrey (ainsi nommé par M. de Freycinet ), et l'autre sur la côte opposée, le port Louis : dans le voisinage de ce dernier, se voient encore les débris de l'établissement que forma Bou- gainville en 1765. Les naufragés de /’Uranie établirent leur camp, dont on aperçoit à peine des traces, dans le Sud de la baie Française, non loin de l'étang du Phoque. L'ile de la Soledad n'offre aucun point de vue digne du pin- ceau d'un paysagiste : ce sont des montagnes dépourvues de grands végétaux , de profonds vallons, et quelques plaines re- couvertes en certains points d’un gazon de verdure ( on y ren- contre un genre appartenant aux restiacées, le Gazmardia aus- tralis, Gaud. ), où ressortent avec éclat diverses fleurs, telles que la primula farinosa, L. ; le perdicium recurvatum, Wild. ; l'oxalis enneaphylla, Cavan., etc., etc. : la végétation s'élève très-peu au-dessus du sol, si l’on en excepte cependant l'arbrisseau ve- ronica decussata, qui croit dans plusieurs vallées, et le glaïeul, Jestuca flabellata, qui atteignent de quatre à cinq pieds. Lorsque nous primes connaissance de terre, les îles Malouines nous parurent cultivées dans quelques points : mais cette illusion se dissipa promptement; ce qui avait l'apparence de culture n'était autre chose que des surfaces de terres dénudées. On voit, dans l'intérieur de l'ile, plusieurs ruisseaux qui vont * La corvette /a Coquille jeta l'ancre aux Malouines le 17 novembre 1822, et mit à la voile le 18 décembre suivant. ZOOLOGTIE, 537 en serpentant se jeter à la mer ou dans des étangs. L'eau est claire et limpide lorsqu'elle roule sur un lit de cailloux ; il n'en est pas de même lorsqu'elle a pour canaux de la tourbe, qui lui donne un gout désagréable. Près de la baie de l'Huile on trouve un vaste lac. Malgré la sécheresse et l’aridité de ces lieux, le naturaliste peut espérer d'y faire une riche récolte. Nous ne mentionnerons dans ce Mémoire que les mammifères et les oiseaux : mes estimables collègues, MM. Lesson et d'Urville, devant faire l'histoire des autres parties de la Zoologie. Ce qu'il y a de plus important à connaître dans ces iles, pour les navigateurs, par les ressources qu'ils peuvent y trouver, c'est sans contredit le règne animal. Les chevaux, les bœufs et les cochons, dont les Francais et les Espagnols peupleèrent l'ile de la Soledad, malgré les vicissi- tudes atmosphériques, ne paraissent point avoir dégénéré. Les chevaux sont les plus nombreux : on les rencontre ordi- nairement par bandes de quinze à vingt; on les approche diffici- lement : pour les atteindre, il faut les surprendre à l'improviste, car ils sont toujours au guet; au moindre danger, le chef de la troupe donne le signal de la fuite. La chair des chevaux, à l'état sauvage, est fort bonne; elle est, pour le moins, aussi délicate que celle des bœufs. Les bœufs sont rarement en bandes; le plus fréquemment nous ne les rencontrions que par couple; à peine nous aperce- vaient-ils, qu'ils prenaient la fuite, et ils ne s’arrêtaient que lorsqu'ils se voyaient hors de toute atteinte. Les cochons, beaucoup moins répandus, avaient choisi pour leur retraite les fourrés d'arbrisseaux qui croissent dans les en- virons de la baie de l'Huile. L’énorme distance que nous avions à parcourir pour nous rendre à cette baie fut cause que nous ne leur fimes que bien rarement la chasse. Voyage de la Coquille. — Z. Tom. I, Part. II. 68 538 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. Le quadrupède le plus multiplié aux Malouines est le lapin, qui creuse principalement son terrier sur les bords de la mer et dans les vallées qui avoisinent le port Louis et la baie Duclos. Il y en avait un si grand nombre dans le voisinage de notre observatoire, placé près des restes de l’ancien établissement, que les matelots les prenaient avec les mains. Nous en avons rapporté un de couleur brun-roux violacée, parsemée de poils blancs, à oreilles brunes, que nous croyons pouvoir considérer comme une espèce nouvelle bien distincte, et que nous propo- sons de nommer lapin magellanique { lepus magellanicus ', Garnot ). Serait-ce cependant une variété ? Quant au loup renard (canis antarcticus, Sxaw, Gen., Zool., v. 1), mentionné dans Bougainville et entrevu par les naturalistes de la corvette /’Uranie, nous ne l'avons pas aperçu. M. Desmarest, dans son excellent ouvrage de Mammalogie, en donne la des- cription, p. 199, n° 2098. Sur les derniers jours de notre reläche, dans la première quinzaine de décembre, nous vimes plusieurs phoques s'approcher des côtes; nous n'avons pu en prendre qu'un seul. C’est l'espèce décrite par MM. Quoy et Gaiïmard, sous le nom d'ofarie Guérin. Le Musée ne le possédait pas; nous avons été assez heureux pour l'en enrichir. À la partie Est de l'ile, nous avons vu quelques baleines franches ( Lacep., Cet. t, fig. 1; balæna mysticetus, L. ). Quoique appartenant à l'Amérique méridionale, les îles Ma- louines ne possèdent pas les oiseaux à reflets métalliques brillant des plus vives couleurs, que le suave oranger attire dans les régions tropicales ; les échassiers et les palmipèdes y sont les plus nombreux. Pour donner une idée des richesses de ces iles, sous le rap- ® Lepus magellanicus; fwsco-rufo-violaceo, pilis albis passim sparsis , auribus fuscis, maculä alb& naso, interstitio narium, mento, gulæ frontique. ZOOLOGIE. 539 port de l'ornithologie, nous adopterons l’ordre établi dans le savant ouvrage de M. le baron Curvier, sur le règne animal. Ï. OisEAUX DE PROIE. Parmi les oiseaux de proie, nous citerons le vautour, vultur aura, Vieill.; le percnoptère aura, Cuv., qui ne diffère en rien de celui de Sainte-Catherine du Brésil, et qui plane habituelle- ment à une hauteur assez considérable. Trois espèces du genre faucon : 1° La buse polyosome (falco polyosoma, Quoy et Gaimard ). 2° Le busard bariolé ( falco histrionicus, Quoy et Gaimard ). 3° Plusieurs variétés de caracaras (falco novæ-zelandiæ, falco brasiliensts ). Cette dernière espèce est tellement hardie, qu'elle ne craint point de s'emparer de sa proie aux pieds mêmes du chasseur. Nous en avons eu un exemple, M. de Blois et moi, dans une de nos courses, à la rivière Bougainville. Ayant tué une couple d'oies mâle et femelle, une buse vint enlever sous nos yeux un des petits oisons vivants qui étaient posés sur l’eau. Elle ne jouit pas long-temps en paix de son triomphe; car, peu d'instants après, elle fut assaillie par deux hirondelles de mer, qui se pré- cipitèrent sur elle en lui donnant des coups de bec, et la for- cerent de lâcher sa proie. Enfin, une chouette à huppe courte, dont le plumage est à peu près semblable à celui de la chouette d'Europe, termine cet ordre. IT. PASSEREAUX. Les passereaux nous ont offert sept espèces différentes, parmi lesquelles nous trouvons deux espèces de grives : la grive des 68. 540 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. Malouines (turdus Falkandiæ, Quoy et Gaimard), et la grive guivrou, semblable à celle du cap de Bonne-Espérance. L'une et l’autre se promènent en sautillant dans diverses parties de l'ile. 3° Une fauvette à tête brune-noire et à corps cendré, que nous désignons sous le nom de fauvette des Malouines ( Sylvia ma- cloviana', Garn.), se perche sur les arbrisseaux qui croissent dans les environs de la baie de l’'Huile, du port Duperrey, et dans les vallées qui avoisinent l’Aiguade. 4° Une petite fauvette, semblable à la cisticole (sybvia cisticola) de Sicile et de Sardaigne, se tient généralement derrière les touffes de graminées des environs du port Louis. 5° Le bruant à gorge noire ( emberiza melanodera, Quoy et Gaim.) vit ordinairement en famille près des débris de l’ancien établissement, Nous n'avons point apercu de chardonnerets, oiseaux que MM. Quoy et Gaimard mentionnent dans leur ou- vrage ( Zoologie du voyage de l'Urante ). 6° L'étourneau ou la blanche raie, étourneau magellanique de Buffon (sturnus militaris, Gm.). Le seul oiseau à couleur éclatante, que Bougainville désigne sous le nom d'oiseau rouge, habite divers points de l'ile. Les lieux qu'il semblait préférer étaient le voisinage du port Louis et les environs de l'Aiguade. Les couleurs de la femelle et celles du jeune àge, quoique disposées comme celles du mâle, sont loin d'offrir des nuances aussi brillantes. 7° Le dernier des passereaux, espèce nouvelle, que nous nous proposons de nommer le grimpereau antarctique (certhia an- tarctica, Garn. )”, brua-foncé, se tient sur les bords de la mer. 1 Sylvia macloviana; capite uropygioque fuscis, corpore supra cineraceo subtus griseo-albo, remigibus caudæ et rectricibus alarum fuscis albo circumdatis, gulé ferrugined. > Cérthia antarctica; rostro pedibusque nigris, gulà gilvo et ferrugineo varid, capite corporeque in totum rufo-fuscis, vestigio sub alis ferrugineo. ZOOLOGIE. 54 On le distingue à peine, tant sa couleur se confond avec l'aspect sombre des roches de phyllades sur lesquelles il court. C'est sans doute cette espèce que MM. Quoy et Gaimard, qui l'ont seulement apercue, ont prise pour un merle noir. EL. ÉcHAssIERS. Non moins nombreux, les échassiers se tiennent sur les bords du rivage, où ils récréent la vue par la diversité de leur plumage. Une jolie petite espèce nouvelle de pluvier ( charadrius py- rocephalus , Garn.), à calotte rousse et à double collier noir, que le blanc de la poitrine et du ventre fait ressortir, court avec rapidité sur le rivage. Il paraît que ces oiseaux font leur ponte dans le mois de novembre; ce que nous sommes autorisés à croire par le grand nombre de jeunes pluviers, revétus de duvet que nous avons rencontrés. Ces oiseaux étaient réunis en troupe, les petits en tête, Un vanneau (vanneau d'Urville, trénga Urvillit?, Garn.), espèce nouvelle, que je dédie à mon estimable collègue, M. d'Urville, un des naturalistes, second capitaine de l'expédition. Ce vanneau a des formes aussi gracieuses que celles du pluvier ; il n'en diffère que par le caractère distinctif de la présence du pouce et par sa poitrine rouge-brun. Il se tient généralement ‘ Charadrius pyrocephalus; capite rufo; fronte, gul&, dorso griseo, pectore, abdomine caudäque infra albis, fasciä supra frontem, duabus vittis pectori ex- ternis, remigibus uropygioque nigris. (Falklandiæ. ) Il est probable que c’est l'espèce qui est indiquée dans le Buff. de Son., t. XXII, POI ? Tringa Urvilli;, rostro nigro, pedibus subviridibus, capite dorsoque fusco- cinereis, gul& grise&, uropygio caudäque insuper subnigris, fasciä supra oculos, abdomineque albis, pectore rubro, vitt& nigr& interject& pectori ventrique. (Falklandiæ. ) 542 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. dans l'intérieur de l'ile, dans le voisinage des ruines du fort qui défendait l'entrée du port Louis, se perchant souvent sur le gommier des Malouines (ydrocotyle gummifera, Lam. ). Deux espèces d'huitriers, souvent réunies par bandes, ne quittent pas les bords de la mer. Leur iris, d'un jaune brillant environné d'un cercle membraneux rose, contribue à leur donner un air de vivacité. La première espèce, toute noire ( Aæmatopus niger, Quoy et Gaim. ), est bien une espèce distincte, et non une variété. Nous en avons vu un trop grand nombre dont la teinte était uniforme, pour la considérer comme une variété. Si nous nous étions trouvés aux iles Malouines aux mêmes époques que les natu- ralistes de Z Uranre ', nous ne prononcerions pas aussi affirma- tivement , parce qu'on eùt pu croire que c'était le temps de la mue qui leur donne cette couleur. Du reste, il y a des différences encore bien tranchées dans la forme du bec et dans la couleur des pieds ; la seconde espèce, bien qu'elle ait été signalée par Bougainville et le P. Feuillée, ayant été considérée par Buffon comme devant être un autre oiseau, nous en faisons une espèce particulière, que nous désignerons sous le nom d'huitrier leu- copode, Aæmatopus leucopodus*, Garn. Elle ne diffère de l'ostra- legus que par la forme de son bec, qui n'est point tranchant et aplati comme dans cette dernière, et par la couleur blanche de ses pieds. C'est cette particularité qui ne s'accorde guère avec le nom d'hæmatopus, que l'on a consacré à l'huitrier, qui a porté Buffon à croire que c'était par erreur que Bougainville désignait cet oiseau sous le nom de pie de mer. ! L'équipage de /’Uranie a passé les mois de février, mars et avril aux Ma- louines. > Hæmatopus leucopodus; rostro rubro recto, cuneiformi; pennis similibus hæ- matopi ostralegi, pedibus albis. (Falklandiæ. ) ZOOLOGTE. Ts US Le bihoreau pouacre, dont la vie est solitaire et qui est fort rare, se tient dans certaines parties de l'ile, surtout dans la baie Duclos. C'est sans doute à l'adulte de cette espèce que Bougain- ville a donné le nom d’aigrette. Les bécassines ‘ [scolopax longirostris) et les sanderlings (charadrius calidris) ne diffèrent en rien de ceux d'Europe. Le dernier des échassiers, le bec en fourneau (chionts vast- nales , Vieillot; chionts alba, Forster), qui ne peut être autre que l'oiseau désigné par les navigateurs sous le nom de pigeon blanc, n’est pas commun, et semble habiter de préférence les bords de la plage sur laquelle sont enfouis les restes de /’Uranie. Malgré tous les efforts des chasseurs, nous ne nous en sommes procuré qu'un seul, que j'ai été assez heureux pour tuer dans son vol rapide, rasant la surface de la mer; tombé loin du rivage, quoique l'eau füt très-froide, et nécoutant que leur zèle, MM. Lottin et de Blosseville se précipitèrent dans les vagues pour le saisir. Cet oiseau s'éloigne quelquefois des côtes à une assez grande g distance. L'adroit chasseur, M. Bérard, en a tué un deux jours avant notre arrivée aux Malouines, étant alors, suivant notre estime, à quatre-vingts lieues de toute terre. Quelques jours après notre départ de ces iles, non loin de la terre des États, nous avons vu deux à trois chionis voler rapidement autour de la corvette. L'iris, gris-bleu , qui entoure un centre rouge-brun près de la pupille, ressort avec éclat sur le beau plumage blanc de cet oiseau ( fig. dans l'Atlas zoologique du voyage de /’Urante ). La figure ayant été faite d'apres un chionis empaillé, les couleurs du bec ne nous paraissent point rigoureusement exactes. Le 1 Parmi les bécassines que nous avons préparées , une d'elles présentait une affec- tion du système dermoide, qu'on ne peut mieux comparer qu’à l’éléphantiasis. 5/4 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. dessin que nous en avons fait sur un sujet frais nous permet de les mieux indiquer. L'extrémité des mandibules est noire, la tache de la supérieure est plus prononcée; à la partie moyenne de l'une et de l’autre, sont deux larges marques rouge-brun que relève d'une manière tranchée le vert pomme clair du reste du bec. Le corps glanduleux qui occupe les joues et la base du fourreau corné est la couleur de chair. L'on ne peut mieux le comparer qu'au tissu de la glande lacrymale. LV. PazmiPÈDEs. Nous arrivons enfin à l’ordre des palmipèdes, celui qui fournit le plus grand nombre d'espèces. À leur tête nous voyons figurer deux espèces de grèbes, connues sous le nom de plongeons dans Bougainville : lune d'elles, brune lustrée, à tête noire et à joues blanches (Grèbe Rolland, Podiceps Rolland, Quoy et Gaimard). Le plongeon à lunettes, de Bougainville, habite la mer et le bord des rivières; l'autre, à ventre blanc et à joues grises dorées, se tient plus particulièrement sur les étangs. Elles sont remar- quables par leurs yeux d'un joli rose brillant. La dernière espèce étant nouvelle, nous l'avons nommée grèbe à calotte noire (podiceps occipitalis, Garn.)"; nous nous proposons d'en donner une figure dans notre Atlas zoologique. Le plus extraordinaire des oiseaux de cet ‘ordre, celui qui semble tenir le milieu entre les poissons et les oiseaux, le man- chot, couvre les rivages des iles de la baie Francaise; l’une d'elles a recu le nom d'ile aux Pingoins*?. Cest vraiment un : Podiceps occipitalis: rostro nigro, pedibus viridi colori proximis, fronte P ; » P ; collo à tergo, uropygioque fusco-cineraceis, occipite atro; malis fulvo-leucophæis riort parte colli pectore abdomineaque setæ albis. ( Falklandiæ. Î q K 37 A . . . . ? « C'est île aux Manchots que l’on devrait dire, les pingoins ne se trouvant pas ZOOLOGTIE. 545 plaisir, lorsqu'on débarque sur cette ile , de voir les groupes de manchots, marchant droit, la tête élevée, et à la file les uns des autres. Dom Pernetty les compare à une troupe d'enfants de chœur en camail : aussitôt qu'ils s'apercoivent qu'on cherche à les approcher, l'un d'eux donne le signal de la fuite; ils se traînent sur le ventre pour éviter plus promptement les atteintes de l'ennemi, ils gagnent la mer, et plongeant à l'instant, ils ne reviennent à la surface que lorsqu'ils se croient à l'abri de toute poursuite. Si l’on parvient à leur couper la retraite , on les saisit facilement. Les manchots creusent la terre pour déposer leurs œufs et les faire éclore : ce sont plutôt de véritables terriers que des nids ; ces trous sont très-profonds, et assez vastes pour loger à l'aise la famille, qui se compose du père, de la mère et de deux petits. Si nous avions le malheur d’'enfoncer une de nos jambes dans leur retraite, aussitôt nous nous sentions pincés vivement. Ces oiseaux font, à ce quil parait, leur ponte vers la fin d'octobre ou le commencement de novembre. Nous nous sommes souvent amusés à prendre de jeunes manchots et à les introduire dans un trou voisin. Considérés comme des intrus, ils étaient aussitôt assaillis à coups de bec par les possesseurs du terrier, qui, ne pouvant parvenir à les chasser, finissaient bientôt apres par les laisser en paix. Lorsque nous nous arrétions pour les examiner dans leurs trous, le mâle ou la femelle avancait alors la tête à l'entrée, et nous regardait en la tournant alternative- ment à gauche et à droite. Lorsque les manchots crient, on croit entendre un âne braire; « dans l'hémisphère Sud. Il est vrai que le nom de Pingoins fut d’abord donné aux « Manchots, par les Hollandais. » ( Quoy et Gaimard, Voyage de l'Uranie, Zool., PAT p169) Voyage de la Coquille. — 7. Tom. I, Partie Il. 69 546 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. les navigateurs qui nous ont précédés ont fait la même re- marque. Dans les soirées de calme, nous avons souvent entendu un bruit analogue à celui de la populace un jour de fete, produit par la bruyante voix de ces oiseaux. Cette illusion était telle, qu'on aurait pu croire que les iles qui leur servent de demeure étaient habitées. Malgré la couche épaisse de graisse dont sont entourés les corps de manchots, et la couleur noire de leur chair, les matelots ne les dédaignaient pas. Il n'y avait, lors de notre séjour aux Malouines, qu'une seule espèce de manchot, qui appartient au genre sphénisque ( apte- nodytes demersa ). Le manchot magellanique et le gorfou sauteur commencaient à paraitre; nous avons vu plusieurs individus de cette dernière espèce à une assez grande distance de terre, par 43° lat. Sud, et 6° long. Ouest. Le maître canonnier, M. Rolland ', en tua un que nous sai- simes fort heureusement à son passage le long de la corvette: on en blessa un second, que nous ne pümes pas prendre; son compagnon ne l’'abandonna pas dans son malheur. Ces oiseaux voyagent ordinairement deux à deux, sans doute mâle et femelle. Ils plongent fréquemment, en faisant plusieurs pirouettes. L'iris des gorfous sauteurs est de couleur rouge-brun ou brique claire. Leur queue, qui se compose de quatorze pennes grèles, à peine couvertes de barbes, leur sert de gouvernail ; ce qui s'explique par la disposition qu'affectent les plumes, qui vont en augmentant de longueur de la plus extérieure jusqu'à la septième, qui est la plus longue : ces deux dernières s’appli- quent l’une contre l'autre. Pour compléter l'histoire des man- * M. RorLaxp avait déja fait le voyage de circumnavigation de /’Uranie. Qu'il nous soit permis, en cette occasion, de lui témoigner nos remerciments pour les importants services qu'il a rendus à l’histoire naturelle. ZOOLOGIE. 547 chots, nous retracerons ici l'anatomie d'un aptenodytes demersa, mâle. L'organisation intérieure nous a présenté les faits suivants : Le cœur est alongé, conique, et assez volumineux. Æppareil digestif. La langue et le voile du palais sont recouverts de pa- pilles alongées, mucronées. L'æsophage est dilatable, tapissé à l'intérieur d'une muqueuse formant des plis longitudinaux, qui se perdent dans ceux que présente l'estomac : cet organe, dans son état de vacuité, avait quatre pouces de longueur; il est alongé, et forme un coude à la naissance du tube intestinal; sa surface intérieure est tapissée d’une foule de cryptes muqueux qui présentent une ouverture béante. Ces corps sont principa- lement situés vers la terminaison de l'œsophage; les intestins forment plusieurs circonvolutions. Détachés du mésentère, ils avaient 6 mètres 20 centimètres; la longueur de l'intestin du gorfou était de 8 mètres. Le cœcum est unique : avec un peu de soin, on s'apercoit que l'extrémité libre est divisée en deux tubercules ; ce qui tendrait à prouver que les deux cœcums sont unis, dans cette espèce d'oiseau, par un tissu cellulaire très serré. Cet intestin s'insère à deux pouces du cloaque. Les pancréas, au nombre de deux, sont alongés. Les reins sont trilobés; l'antérieur, qui est le plus volumineux , est ovale. La rate est petite, de couleur lie de vin. Les testicules sont petits, ovales, placés au-devant des reins sur le milieu du rachis. Le fore est bilobé, volumineux; il occupe toute la région épigastrique. La vestcule biliaire, qui était pleine, avait trois pouces et demi de long. Les matières fécales de ces oiseaux étaient vertes. Peut-on penser que la bile leur donne cette couleur ? Les pétrels sont très-nombreux, surtout le pélagique, ainsi que le pétrel Bérard ( procellaria Berard, Quoy et Gaimard ): nous avons pris un pétrel géant, quebrantahuessos des Espagnols. 69. 548 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. Les pétrels bleus, procellaria vittata et cærulea, Gm., volugent à l'entrée de la baie. Il en est de même d'une espèce nouvelle à laquelle nous avons donné le nom de notre ami M. Lesson (procellaria Lessonti *, Garn.), un des médecins naturalistes de l'expédition, déja connu par de nombreux travaux. Ce pétrel, du genre puffin, a le corps de la grosseur d'un pigeon, court et ramassé comme celui du damier; le bec fort, médiocre, noir; la mandibule supérieure, recourbée, convexe, présentant une rainure profonde entre l'extrémité et les narines; la calotte de la tête et le dessus du col d’un blanc grisätre satiné; une tache noire en avant de l'œil et sur ses bords; l'iris brun foncé; le dessus du corps et de la queue d'un gris cendré, passant au mi- lieu au brun foncé; les couvertures des ailes brunes, les rémiges noires, la gorge légèrement grise; la poitrine, le ventre, les plumes anales d’un blanc pur; les pieds blanchâtres, avec une légere teinte couleur de chair ; la membrane est bordée de noir; les ongles sont minces; celui du pouce est conique et court. Cette espèce pourrait bien avoir une calotte noire à certaines époques de sa vie, ou avoir la tète et le col blancs, le gris fi- nissant par disparaitre. Le tarse a 1 pouce 9 lignes, le doigt médius 1 pouce 4 lignes, envergure 36 pouces, circonférence 13 pouces, longueur de l'extrémité du bec au bout de la queue 15 pouces, longueur des intestins 44 pouces, longueur de l'aile (la première penne est la plus longue) 11 pouces 6 lignes, longueur de la queue (les deux rectrices du milieu sont les plus longues ) 5 pouces. Ce pétrel se tient dans les parages du cap Horn et de la mer Pacifique, par 52° de lat. Sud et 85° de long. * Procellaria Lessonii; capite griseo albido; collo, pectore, abdomine caudä- que infra albis ; dorso fusco cineraceo ; caud& supra grised; rostro, alis, ambitu colorum sub nigris; pedibus albido-carneis fimbriatis nigris. PI. IV des 4nnales des sciences naturelles. ZOOLOGIE. 549 Les goélands et les mouettes y sont très-multpliés. Les pre- miers offrent deux espèces : l'une, à manteau noir (/arus marinus et nœvius, Gm.), et l'autre, à manteau gris ( larus glaucus et L. argentatus, Gm.). Parmi ces dernières, nous n'avons que la mouette rieuse ( larus ridibundus, Gm. ). Le stercoraire cataracte ( Labbe, Buff.), figuré dans la Zoo- logie de MM. Quoy et Gaimard, dont l'iris est brun clair, est très-commun dans la baie Française. Cet oiseau est pour les mouettes ce qu'est la frégate relativement aux fous, c'est-à-dire qu'il poursuit les mouettes pour les forcer de lacher le poisson qu'elles viennent de pécher, afin de s'en saisir à son tour. Élégante dans ses formes, l'hirondelle de mer (sterna hirundo) règne par sa beauté parmi ces nombreux palmipèdes. Son bec et ses pieds rouges, et sa calotte noire, ressortent avec éclat sur le blanc satiné du reste du corps. Ces oiseaux criards pondent ordinairement deux œufs de la grosseur de ceux des pigeons, d'un vert clair nuancé de noir. Quelques brins de paille com- posent généralement leurs nids, qu'ils placent dans le creux des rochers. Nous promenant un jour le long de la rivière Bou- gaimville, nous portàämes nos pas vers une presqu'ile où les hi- rondelles et les mouettes avaient déposé leurs œufs. Un spectacle intéressant s'offrit alors à nos regards : deux huitriers regardaient avec des yeux d'envie deux œufs d'hirondelle qu'ils se disposaient à saisir, lorsque tout-à-coup la mère attentive fond sur eux du haut des airs, et les force à abandonner leur projet. Ces char- mants oiseaux n'ont pas seulement de l'attachement pour leurs petits, ils l'étendent encore, à ce qu'il paraît, entre eux. Lon- geant la côte, je tirai sur deux hirondelles, j'en tuai une; l'autre se précipita sur moi lorsque je m'avançcais pour prendre celle qui était morte ; et, si elle eüt osé, elle m'eut sans doute attaqué : mais elle se borna à me poursuivre, en m'étourdissant par son cri désagréable, 550 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. Il y a encore une autre espèce d’hirondelle à tête grise, que nous n'avons pas pu nous procurer. Les cormorans, dont on trouve trois espèces bien distinctes, se tiennent perchés sur les rochers. Ils ne s'enfuient point lors- qu'on tire des coups de fusil sur des oiseaux, non loin d'eux. La première espèce ( pelecanus fiber, Gm. ) est entièrement brune; quelques individus de cette espèce, qui ne sont sans nul doute que des variétés d'âge, offrent quelques taches blanches sur le corps. La deuxième, d'un bleu ardoisé, à ventre et à col blancs, dont la tète est surmontée d'une huppe composée de plumes longues de deux pouces, se fait remarquer par la brillante couleur bleu-verdâtre de son iris, et par les points dorés par- semés sur la membrane qui se fixe à la mandibule inférieure. La troisième espèce, le cormoran oreillard (carbo leucotis, Cu.) ne diffère de la précédente que par l'absence de la huppe et par son col, qui est bleu ardoisé. Peut-être la précédente est-elle le mâle, et cette dernière la femelle. Cette espèce offre aussi beaucoup de variétés. Le cormoran nigaud (carbo graculus, Meyer), qui existe aussi aux Malouines, ne doit pas être considéré comme une variété du pelecanus fiber ; il en diffère par sa taille, qui est beaucoup plus grande, et par son plumage bleu foncé, noir lustré. - Nous n'avons pas apercu le cygne à col noir velouté dont parle Bougainville. Nous n'avons également vu que deux espèces d'oies au lieu de quatre, signalées par ce célèbre navigateur. La première, que l'on désigne improprement sous le nom d'outarde ( oïe des Malouines ( anas leucoptera ), habite princi- palement les étangs et pait dans les prairies circonvoisines. Elles marchent avec tant de rapidité, que lorsqu'on les tire posées à terre, il faut en quelque sorte les surprendre. Il est plus facile de les atteindre lorsqu'elles s’envolent. La femelle, aue Gmelin ZOOLOGTE. DOTE désigne sous le nom d'anas magellanica (Buif., fig. 1006), est fauve ; tandis que le mâle est blanc, à manteau varié de noir et de cendré. La femelle est plus petite que le mâle : leur iris est brun. Pendant notre séjour aux Malouines, nous les avons con- stamment rencontrées en famille. Celle-ci est composée géné- ralement de six à huit individus : leur chair est assez délicate. La deuxième espèce d'oie, ou celle de rivage, se nourrit de poissons et de plantes marines. Elle est bien moins multipliée que la première. Le male est tout blanc; quelques-uns, sans doute dans le jeune âge, offrent quelques points noirs. La des- cription qu'on en a faite, sous le nom d'oie antarctique ( anas antarctica, Gm.), lui convient parfaitement; mais il n'en est pas de même de celle que l'on considère comme sa femelle. Celle que nous indiquons pour la femelle *, que nous décrirons, pour rectifier les erreurs, sous le nom d'oie antarctique ( anser an- tarcticus, Garn. ), a la tête et le col noirs, la poitrine et le ventre maillés de noir et de blanc; la partie supérieure de l'abdomen, la queue, le moignon de l'aile qui est armé à la réunion des trois quarts antérieurs de l'aile avec le postérieur, un espace d'un pouce blancs. Les autres parties de l'aile sont noires glacées de vert. Le bec et les pieds sont jaunes; le dessus de la tête est brun; le contour des yeux est légèrement grivelé : leur chair est moins bonne que celle des premières ; elle a un peu le gout des fucus dont elle fait sa nourriture. Il parait que ces dernières n'habitent pas constamment les Malouines; car, dans les com- mencements de notre arrivée à la Soledad, on en apercevait à peine. Nous nous sommes assurés, par la dissection, des sexes de cette espèce-ci et de la première. " Anser antarcticus; capite colloque nigris, pectore abdomineque nigro albo- que variepatis, abdomine retrd, caud& binis speculis, alis albis, aliis partibus alarum nigro subviridibus, rostro pedibusque flavis. (Falklandiæ. ) 552 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. Nous arrivons enfin au genre anas, qui ne laisse pas que d'offrir de l'intérêt. Nous y voyons figurer quatre espèces diffé- rentes : La première aux ailes courtes, oïe du plein de Per- netty (anas cinerea, Gm.; anas brachyptera, Lath.), figurée dans la Zoologie de MM. Quoy et Gaimard, se tient générale- ment sur l'étang du Phoque, près de l’ancien camp de / Uranie. IL est facile, en tirant sur une bande de ces canards, de les forcer à gagner la terre, et dès-lors de s'en emparer, parce qu'ils ne peuvent s'envoler. Les matelots, armés de bâtons, les poursuivaient avec une telle ardeur, qu'en un instant le champ de bataille était couvert de morts. Un coup suffisait rarement pour les tuer : souvent tel qu'on croyait assommé avait encore assez de force pour se soustraire à nos poursuites. Ce sont ces canards que les matelots des équipages de Wallis et de Cook désignaient sous le nom de chevaux de courses. Leur chair est analogue à celle des oies de rivage. La seconde espèce de canards, le millouin des Malouines, habite ordinairement à l'entrée de la rivière Bougainville; il se tient à une très-grande distance du rivage, de sorte qu'il est difficile de l’atteindre. Sa chair est bien supérieure à celle de l'espèce précédente. Les deux dernières espèces sont beaucoup plus petites. L'une, le canard à bec jaune et noir de d'Azara; et la deuxième, le canard à sourcils blancs (anas superciliosa, Lath.), semblable à celle de la Nouvelle-Hollande, habitent principale- ment les étangs. C'est un manger délicieux. Elles complètent ce que nous avions à dire des Malouines, sous le rapport de l'ornithologie. ZOOLOGIE. 553 6 IV. VOYAGE DANS LES ENVIRONS DE LA VILLE DE SYDNEY 72 PAR M. GARNOT. La route de Sydney à Paramatta est large, fort bien entre- tenue, et, comme toutes les grandes routes de la colonie, garnie de bornes milliaires, et bordée d'eucalyptus, de casuarinas et de mimosas. Nous la trouvames couverte de voitures de toute espèce, comme le sont celles d'Europe aux abords des grandes villes. En moins de deux heures et demie, conduits par un fort mauvais cheval, nous parcourumes les quinze milles qui sé- parent les deux villes. Son Excellence le général Brisbane nous recut avec bienveil- lance, et nous fit délivrer l'autorisation nécessaire pour visiter la maison de détention des femmes convictes, la seule prison de femmes qui existe dans la colonie. Située à quelque distance de la ville, cette maison est encore un des édifices utiles élevés sous les auspices de M. le gouverneur Macquarie. Sa fondation date de 1821. Elle n'est pas encore totalement achevée. Le surintendant nous acCcOMpagna dans notre visite, et nous fit voir en détail, quoique avec rapidité, l'intérieur de l'établis- sement. Une fontaine placée au milieu de la cour d'entrée est remar- quable par la qualité hydro-sulfureuse de l'eau qu'elle fournit en assez grande abondance. Cette eau ne sert qu'au lavage du linge et de la vaisselle : celle qui est employée pour la cuisine et pour la table est apportée du dehors. 1 Ce Mémoire est inédit. Voyage de la Coquille. — Z. Tom. I, Partie II. 0 / 594 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. Les ateliers de travail sont situés au rez-de-chaussée. Dans la première salle, les femmes ägées et celles qui sont nourrices sont chargées du travail le moins pénible, celui de débrouiller la laine. Dans la pièce voisine, d’autres femmes filent la laine, le lin, le chanvre, qui sont convertis en étoffes par des hommes placés dans un local particulier. Ces étoffes, dont la plus grande partie est en laine, sont renfermées dans un grand magasin également au rez-de-chaussée. On en fait chaque année environ 20,000 mètres, qui servent à habiller les détenus des deux sexes existant dans la colonie. Le réfectoire, la boulangerie, la cuisine, sont tenus avec la plus grande propreté. Quelques femmes convictes sont chargées du soin de préparer les aliments. La ration journalière se com- pose d'une livre de viande et d'une égale quantité de farine. On accorde de plus à chaque prisonnière, pour toute la semaine, une livre de sucre et deux onces de thé. On fait par jour trois repas : le premier à huit heures du matin, les deux autres à une et à cinq heures du soir. L'infirmerie se compose de plu- sieurs salles pouvant contenir chacune de trente à quarante lits. Dans le cas d'affections graves, on transporte les malades à Paramatta, où les soins convenables leur sont procurés plus facilement. Au premier étage sont quatre dortoirs, longs de 44 pieds, larges de 20, et ayant 10 pieds de haut : chacun contient cin- quante lits, composés d'un matelas, d'un traversin et d’une couverture de laine. Ces lits, proprement tenus, sont étendus le soir sur le plan- cher sans aucun intervalle, et ressemblent alors à un vaste lit de camp. Dans le jour, ils sont roulés contre les murailles. Dans le principe, chaque femme avait un bois de lit; mais on a été forcé d'y renoncer, à cause du grand nombre de punaises qui y pullulaient et qu'on n’a pu venir à bout de détruire. ZOOLOGIE. 555 On a beaucoup de peine, malgré les punitions infligées, à empècher les femmes de fumer dans les dortoirs. Au-dessus du premier étage sont des mansardes servant de magasins. Là sont déposés les effets d'habillements que les dé- tenues portaient avant leur entrée dans la maison : on les leur remet lorsqu'elles sont libérées. Chaque lot est soigneusement éuqueté. En entrant dans cette salle, on se croirait transporté dans un magasin de modes. L'élégance des parures qui s'y trouvent contraste avec la si- tuation actuelle des propriétaires, et rappelle avec un sentiment pénible la figure brillante que quelques-unes ont faite dans le monde. Heureuses les femmes si, conservant l'habitude du travail, qu'elles sont forcées de contracter pendant la durée de leur détention, elles savent un jour dédaigner de frivoles orne- ments qui furent peut-être la cause de leur perte! En terminant notre tournée, nous jetämes un coup d'œil sur les cachots, dont les loges nous ont paru trop resserrées. Nous visitämes également le jardin, qui fournit des légumes en. abon- dance. Il y a actuellement dans cette maison cent cinquante femmes et trente enfants. Lorsque ceux-ci atteignent l’âge de quatre à cinq ans, ils sont envoyés à l'école des orphelins, où ils reçoivent de l'éducation aux frais du gouvernement. Les mères ne peuvent y aller voir leurs enfants que le premier lundi de chaque mois. Tous les dimanches, le chapelain de Paramatta se rend à l'établissement des convictes pour y célébrer l'office divin. À notre retour au gouvernement, nous nous rendimes dans le cabinet d'histoire naturelle de M. le général Brisbane, pour y faire choix d'objets qu'il désirait offrir au Muséum de Paris. La ville de Paramatta à un très-erand développement ; mais, dans le moment actuel, c’est plutôt une immense bourgade qu'une ville. 556 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. Elle contient quelques jolies habitations; celles du gouver- neur et du chapelain principal de la colonie, M. Marsden, pas- seraient en Europe pour d’agréables maisons de plaisance. Le temple est le seul édifice public digne de fixer l'attention. En quittant Paramatta, nous primes la route de Windsor. Dans le trajet, on ne voit qu'un très-petit nombre de fermes : beaucoup de terres sont encore en friche. Avant d'entrer dans la ville, on traverse, non sans quelque péril, un pont en bois fort délabré, établi sur un bras de rivière nommé South-Creek (la Crique du Sud), qui se rend à l'Haw- kesbury en passant au pied de la colline ‘ sur laquelle est bâtie Windsor. Cette ville se trouve ainsi placée entre la rive droite de l'Hawkesbury et la Crique du Sud. On construit un nouveau pont à quelque distance de celui qui existe. Un octroi se trouve à Windsor, comme à Paramatta et à Sydney. Dans ces divers endroits, la politesse peu commune des employés aux barrières nous aurait rappelé, s'il en eùt été besoin, que nous n'étions plus en Europe. Le préposé à Windsor eut la complaisance de nous conduire dans une bonne auberge, située près de la rivière. À peine étions- nous arrivés, que M. le docteur Parmeter prévint notre visite, et nous proposa de nous faire voir ce que la ville pouvait offrir de curieux. M. le docteur Parmeter, qui a eu pour nous les attentions les plus aimables, avait connu plusieurs officiers de la corvette l’Uranie. 1 nous entretint des moments agréables quil avait passés avec eux. Il aimait surtout à se rappeler l'enjouement agréable et instructif de M. Gaimard, deuxième chirurgien de cette expédition. Il nous dit aussi avoir vu autrefois quelques- * Cette colline est élevée de près de r00 pieds au-dessus des rives de l'Hawkes- bury. ZOOLOGIE. 557 uns des nobles hôtes d'Hartwel ; le souvenir lui en était cher et respectable. Il nous parla plus particulièrement de M. le duc de Séran, et de M. le marquis de Sy, dont il conservait avec soin quelques poésies légères. Chemin faisant, nous arrivames à la maison des convictes, une des succursales de Sydney. Les prisonniers y sont traités comme ceux du chef-lieu. L'édifice n'étant pas encore achevé, le nombre des détenus ne s'élevait pas au-dessus de vingt. Les autres établissements qui méritent d'être cités dans cette ville sont : le temple, le palais de justice, qui, quoique simples dans leur construction, ne sont pas moins de fort jolis édifices: et la prison, qui nous à paru on ne peut mieux tenue. L'hô- pital n'est qu'une mauvaise case, bâtie sur les bords de la Crique du Sud : on se propose d'en construire un plus confortable, pour nous servir de l'expression anglaise. Windsor, qui compte 2077 habitants d'après le recensement de 1823, est une ville heureusement placée sur le sommet d'une colline d’où l’on découvre les riches plaines qu'arrose l'Hawkes- bury, rivière qui, après avoir reçu le Népean, la Gross et la South-Creek , va se jeter à la mer dans Broken-bay. Ces plaines peuvent à juste titre s'appeler le Grenier de Sydney. L'Hawkesbury est navigable jusqu'à Windsor par les bâtiments de 50 tonneaux, qui viennent décharger à quai. Lorsque les pluies sont très-abondantes, la crue des eaux s'élève jusqu'à 60 pieds, tout le pays est noyé et ravagé. Mais l'eau est à peine rentrée dans son lit, que la végétation reparait avec une vigueur nouvelle, due sans doute au précieux engrais dont la plaine s'est enrichie aux dépens des contrées supé- rieures. Ces inondations générales reviennent d'ordinaire tous les sept ou huit ans. 558 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. Le gouvernement a fait construire à Windsor un magasin pour déposer les grains que produit la province. Cette ville, d'abord nommée Green-hil, est destinée, par sa situation et sa fertilité, à devenir le point le plus intéressant de la colonie pour le commerce du froment, du mais et du tabac. On y compte déja quelques riches propriétaires, anciens con- victs. Windsor, à trente-cinq milles de Sydney, est le chef-lieu du district de l'Hawkesbury, qui comprend Wilberforce et Rich- mond, villages dont la population s’accroit de jour en jour. On élève un grand nombre de bestiaux dans cette partie de la Nouvelle-Hollande. Le lendemain, au point du jour, accompagnés de M. Parmeter, nous primes la route de Richmond. Nous traversämes des bois charmants, habités principalement par la brillante perruche de Pennant ( perruche laticaude élégante, ps. Pernanti, de Lath. ). Quelque temps avant d'arriver, nous quittämes les bois pour prendre une grande et belle route, qui nous conduisit promp- tement à Richmond. Les alentours de ce village sont très-bien cultivés et embellis de riches maisons de campagne, au milieu desquelles celle de M. Cox fils se fait remarquer par son élé- gance. Richmond, qui en 1820 avait une population de g11 habi- tants, en a maintenant (1824) 1104. Ce canton est un des plus riches de l'arrondissement de Windsor. M. le docteur Parmeter nous présenta à l'intéressante famille de M. Dight, riche cultivateur, dont l'accueil fut pour nous des plus gracieux. M, Dight, ayant appris le français dans sa jeu- nesse, se le rappelait assez pour que nous ayons pu converser ensemble dans cette langue. Depuis vingt-cinq ans qu'il habite la Nouvelle-Galles du Sud, il s'est constamment occupé d'agri- culture en homme habile et exempt de préjugés : aussi sa ferme est-elle une des mieux dirigées et des plus productives que nous ZOOLOGIE. 559 ayons vues. Cette année, il a fait pour la première fois une petite récolte de tabac : l'essai ayant réussi, il se propose de consacrer à cette culture une plus grande étendue de terrain; ses soins ne peuvent manquer d'être couronnés de succes. De cette ferme, on découvre un charmant paysage qu'em- bellissent le cours de la rivière l'Hawkesbury et celui de ses affluents, le Népean et la Cross. La vue s'étend jusqu'à la se- conde chaine des Montagnes-Bleues, qui se perd dans les nuages. Le temps nous pressant, nous primes congé de l’aimable famille de M. Dight, ainsi que de notre obligeant guide M. Par- meter, et nous nous dirigeàämes vers Emu-Plains. Au milieu d'immenses forêts qu'il nous fallut traverser, ou sur des routes à peine tracées dans du sable peu ferme, il est presque impos- sible de ne point s'égarer; et c'est ce qui nous arriva plusieurs fois, malgré un guide que M. Horton avait eu la bonté de nous choisir parmi ses propres domestiques. Nous gagnämes enfin les rives du Népean, qui à cet endroit sont fort escarpées. A près avoir longé quelque temps cette rivière, nous la traversàmes à un bac près duquel sont situés d’un côté une auberge, de l'autre un bureau d'octroi; et peu après, nous arrivames à l'établissement du gouvernement, connu sous le nom d'Emu-Plains. Après avoir long-temps erré dans des forêts vierges, ou dans de vastes plaines incultes, ce n’est pas sans plaisir que la vue ss repose sur les maisons de campagne, dont le poste est déja entouré. M. Murdoch, qui dirige l'établissement d'Emu-Plains avec le titre de surintendant, nous fit un accueil vraiment amical, ainsi que M. le docteur West. Ce dernier, qui ne nous avait devancés que de quelques heures, voulut nous servir lui-même de guide, et il ne nous quitta point tout le temps que nous res- tâmes à Emu-Plains. 560 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. L'heureuse situation du pays, traversé par le Népean, sa grande fertilité, l'abondance de ses pâturages, ont déterminé le gouvernement à y fonder un centre d'habitation ; et l'intérêt privé n'a pas tardé à reconnaitre la justesse de ses vues, car d'assez nombreuses fermes particulières se groupent déja autour de l'habitation royale. On compte à Ému-Plains trois établissements principaux : la maison du surintendant, demeure délicieuse, entourée de jar- dins où croissent avec succès la plupart des fruits et des légumes d'Europe; le camp des convicts, qui forme un petit village; et une riche ferme, qui produit d'abondantes moissons de froment et où l'on élève de très-nombreux troupeaux : les granges, les écuries, les étables, en sont remarquables par une grandeur peu ordinaire. Sur les bords du Népean se trouve un jardin qui est une dé- pendance de l'habitation royale. Il est vaste, bien cultivé : la vigne y est plantée en pleine terre; mais on n'y fait pas de vin, soit que le raisin ne parvienne pas à une assez parfaite maturité, soit, d'après l'opinion généralement reçue dans le pays, que les rosées fréquentes du matin attaquent le grain en y faisant une petite marque noire. Nous avons vu cette tache; mais nous nous sommes assurés qu'elle ne dépasse point la pellicule. II nous parait difficile de croire qu'une cause aussi légère puisse empêcher la vinification. Et en effet, M. Braxland a fait en 1823 une petite quantité de vin avec du raisin dont il avait soigné la culture dans son jardin. Il à envoyé en Angleterre le produit de cet essai, et il a recu de la Société des arts et des sciences de Londres une médaille d'encouragement. Après avoir visité l'établissement confié aux soins de M. Mur- doch, nous traversämes dans une petite embarcation le Népean, non sans difficulté, le courant étant tres-fort. M. le docteur West nous présenta à M. le docteur Jamieson, propriétaire d'une ZOOLOGIE. 561 charmante maison de campagne ( Régent-ville ), située sur une hauteur qui domine le bassin formé par le Nepean. Nous y fimes la connaissance de M. le docteur Carter, qui depuis a été mon compagnon d'infortune sur les côtes d'Afrique. M. le docteur Jamieson, qui s'occupe avec ardeur de l’histoire naturelle, nous apprit que M. le docteur Hill, établi à Liverpool, avait découvert, par des dissections récentes, que les ornitho- rinques sont ovipares, et que l'ergot que portent les mâles distille un fluide vénéneux. M. Jamieson ajoute avoir vu quel- quefois des ornithorinques descendre le Nepean. Régent-ville ne le cède en rien à nos maisons de campagne d'Europe. L'aspect des parties environnantes contribue à rendre ce séjour un des plus agréables de la colonie. Les bois qui l'en- tourent sont la retraite des cacatoës blancs à huppes jaunes ( psittacus galeritus, Lath.), et des jolies perruches des Mon- tagnes-Bleues ( psittacus pustllus, Lath. ). Les cailles y sont aussi très-abondantes. Les pâturages sont excellents. M. le docteur Jamieson y élève de nombreux troupeaux, dont le lait alimente une vaste fabrique de fort bons fromages, qui s'exportent dans les divers établissements de la colonie. Peu avant la nuit, nous nous mimes en route pour Prospect- hill, où M. West nous présenta aux propriétaires M. et M" Law- son , qui nous retinrent jusqu'au lendemain. Notre arrivée dans un lieu si peu fréquenté des étrangers fut regardée comme un évènement de famille. Elle causa une joie dont les démonstra- tions, quoique bruyantes , ne furent pas sans quelques charmes pour nous, puisqu'elles attestaient une franche et cordiale hos- pitalité. Il nous fallut entendre et admirer tous les airs que les jeunes filles savaient sur le piano. En résultat, la soirée fut fort agréable. Nous regrettàämes beaucoup de ne point avoir le temps de visiter en détail la riche habitation de Prospect-hill. Au moment orage de ta Coquille. —- Z. Tome I, Partie I1. 71 562 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. de la quitter, M. Lawson eut la bonté de nous offrir quelques échantillons minéralogiques des Montagnes-Bleues, qu'il a tra- versées l’un des premiers, et des environs de Bathurst, dont il a été long-temps le commandant. Nous acceptämes ses dons avec reconnaissance; ils figurent aujourd'hui au Muséum du Jardin du roi à Paris. Au point du Jour, bien qu'il eût plu toute la nuit, et que le temps füt incertain, nous primes congé de la famille Lawson, et de M. West, que nous ne saurions trop remercier de sa com- plaisance, et nous nous dirigeàämes vers Liverpool, où conduit une route fort tourmentée, et que nous atteignimes un peu tard. Dans ce trajet, nous vimes la terminaison du bras de la rivière lHawkesbury, connu sous le nom de Crique du Sud. Le défrichement des terres et les maisons de campagne nous annoncèrent notre prochaine arrivée à Liverpool. Cette ville, située dans une vaste plaine, est entourée d’une immense forêt dont on brule les arbres gigantesques, pour y cultiver le froment et le maïs. On y voit quelques jolies maisons. L'édifice pour les convicts est assez spacieux. Le temple n’est point encore achevé. Le cimetière, qui est en dehors de la ville, se fait remarquer par l'élégance de quelques tombeaux. Nous ne fimes en quelque sorte que traverser Liverpool, et, sans nous arrêter de nouveau à Paramatta, nous regagnames promptement la ville de Sydney : le bâtiment anglais sur lequel je devais repasser en Europe devant partir sous peu de jours. ZOOLOGIE , 563 $S V. QUELQUES SOUVENIRS SUR LE CHILI’, PAR M. GARNOT. Avant d'entamer notre sujet, il est à propos que nous fassions observer que notre but est de désigner indistinctement sous le nom de Chiliens les habitants civilisés de cette province, soit qu'ils proviennent d’origine espagnole, de race indienne, ou de leur mélange, parce qu'il serait actuellement tres-difficile d'en déméler les traits caractéristiques. Nous ne mentionnerons de même aussi que les habitants de la province de la Concepcion, nous réservant de dire un mot sur les Araucanos. Un séjour de quelques semaines sur les côtes du Chili nous a mis à même de faire les observations que nous nous proposons de retracer à nos lecteurs. Nous étions mouillés sur la rade de Talcaguana, petite bour- gade à deux lieues de la ville de la Concepcion ?, chef-lieu de la province, dans la même baie où florissait naguère une des plus anciennes villes du Chili, Penco , dont il ne reste de traces que deux pierres sur lesquelles on voit d’une part les armes d'Es- pagne et une inscription ainsi conçue : Pius VIT, et de l’autre Anno 16857. Brillant de végétation, le Chili est loin d'offrir les avantages qu'on en pourrait tirer, si les habitants de ce riche pays, moins paresseux, savaient mettre à profit un sol si fertile. L'indolence ou plutôt l'insouciance est portée à un tel point, que les peu- ! Insérés dans le cahier de septembre 1825, du Journal des Voyages. 2? Cette ville a été construite en 1730, et en partie brülée en 1819. 3° Penco a été renversé par un tremblement de terre. Il y a dans les environs de cette ville une mine de charbon de terre très-abondante. 71: 564 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. plades les moins civilisées n'offrent point un spectacle aussi 5 servent d'asile aux indigents, nous reculons d'épouvante en déplorable. Jetons-nous un regard sur les huttes enfumées qui songeant que ces misérables sont exposés aux intempéries des saisons, n'ayant pour se mettre à l'abri qu'une chétive maison- nette en bambous que recouvrent à peine quelques branches d'arbres. Une natte étendue sur le sol est le lit commun où repose la famille entière. Les Taïtiens, que nous avons vus de- puis, quoique encore dans l'enfance de la civilisation, sont beaucoup mieux logés. Les Chiliens sont généralement d'une taille moyenne, assez bien pris dans leurs formes, et ont le teint un peu basané, sur- tout dans la classe intermédiaire de la société. Souvent étendus sur le devant de leurs maisons, et le cigare à la bouche, ils préfèrent passer ainsi un temps précieux qu'ils pourraient em- ployer à labourer la terre, travail qui leur procurerait des douceurs qu'ils ne connaissent pas. Les femmes, dont la taille est svelte, sont en général jolies; les traits de leur physionomie sont gracieux et inspirent la volupté. On admire avec un certain plaisir les contours amoureux de leurs seins. Vives et légères, elles se laissent aisément entrainer au doux penchant de l'amour. Plusieurs de nos marins n’ont pas été sans se repentir d'avoir trouvé des beautés trop faciles. Quelques-uns d'eux en ont em- porté de cruels souvenirs. Le luxe, qui partout exerce son empire, règne aussi dans ces régions lointaines. Les dames de qualité, non moins bien cos- tumées que nos élégantes Françaises, sont loin cependant de mettre autant d'art dans les apprêts de leur toilette. Les femmes âgées n’ont pas le talent de masquer la perte de leurs charmes : comme les jeunes personnes, elles sont toujours en cheveux, et les cheveux qui grisonnent ne sauraient s acCCOM- moder de cette mode. ZOOLOGIE. 565 Les hommes de la classe aisée, habillés généralement à la francaise ou à l'anglaise, n’ont, à proprement parler, aucune mode, si l'on en excepte le puncho, le seul vêtement qu'ils aient de commun avec la classe indigente. Les Chiliens aiment les plaisirs. Le dimanche, on danse assez ordinairement dans tous les ordres de la société. Le menuet, le quando, le pericon et les danses à passe sont généralement adop- tés. Les graces que les aimables Chiliennes déploient en dansant enivrent de volupté. Le punch et le maté” circulent à la ronde, et l'usage veut que lorsqu'une dame vous offre son'verre, vous l’acceptiez; vous buvez quelques gouttes, puis vous le lui re- mettez. Si vous êtes le premier à lui en faire la galanterie, elle boit une partie de la liqueur, et vous ensuite devez en faire autant. Le mauvais ton de fumer qu'on a dans tous les pays espagnols est ici en usage, de sorte que la salle à danser est un véritable estaminet. En France, l'odeur du tabac ferait à nos belles aban- donner une assemblée. Chaque pays a ses habitudes. Peu de jours avant de quitter Talcaguana, nous fumes témoins des orgies qui se passent dans le carnaval. Qui le croirait! en ce jour, les graces du sexe perdent de leurs charmes. Des objets enchanteurs, les cheveux épars, la figure barbouillée d'un mé- lange de terre, de farine, de noir de fumée et même de b.... de vache, ressemblent à des furies qui courent les unes après les autres pour se jeter à la figure ce qu'elles trouvent sous leur main, en criant : Chaiïa!…. Ces farces durent trois jours; le dernier, on se rend à la campagne, et, sur le gazon à l'ombre du feuillage, on sert un modeste repas : point de nappes, point de serviettes, quelques couteaux et une ou deux fourchettes. 1 Le maté consiste en une infusion de feuilles de psoralea glandulosa de Linné. Cette plante est désignée vulgairement sous le nom d’herbe du Paraguay. 566 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. Chacun se sert; les mains de la beauté s'arment de-:gigots, et on dévore à qui mieux mieux. On verse le vin à rasade; et les femmes, il est pénible de le dire, rivalisent avec les hommes, qui ne quittent le festin que lorsqu'ils n’ont plus rien à boire. Le repas fini, on se jette réciproquement à la figure les sauces et la lie de vin; puis on recommence de nouveau le chaïa, et la fète se termine enfin en se rendant sur le bord de l’eau, où les hommes s'emparent des demoiselles pour les y plonger. Lorsqu'on nous invita, M. Jacquinot et moi, à assister à la partie, nous étions loin de nous attendre à un spectacle si dé- goutant. Nous gémissions de voir la brutalité avec laquelle les hommes se saisissaient des femmes. Mersedita F...., Isabella S..., recevez ici nos éloges, vous seules n'avez point entièrement participé à ce désordre. Vous avez su conserver cette retenue qui sied à votre sexe. Au retour de la campagne, nous dansämes pour couronner la scandaleuse fête. Les bacchanales n'étaient sans doute pas plus crapuleuses. La veille de notre appareillage, passant de nuit près d'une maison où l'on dansait, nous vimes, dans le fond de l'apparte- ment qu'éclairait un grand nombre de flambeaux , un enfant exposé, couronné de fleurs et entouré de linges artistement arrangés. Nous crûmes que c'était une figure en cire, et nous ne revinmes de notre erreur, quoiqu'on nous assuràt du con- traire , que, lorsque nous en étant approchés, nous reconnümes la réalité. Etonnés d'une semblable cérémonie, nous nous infor- mâmes de ce que c'était, et nous apprimes que c'est l'usage, lors- qu'un jeune enfant meurt avant l'âge de sept ans, de danser et de se réjouir, parce qu'on présume qu'il va droit au ciel. Nous avons retrouvé cette coutume au Pérou. Le repos des Chiliens est troublé par des tremblements de terre fréquents, et par les attaques inopinées des Araucanos, peuple qu'on n'est point encore parvenu à mettre sous le joug, ZOOLOGIE. 567 Les Araucanos vivent par peuplades, retirés au-delà de Biobio, à environ une trentaine de lieues de la Concepcion : les habitants de Valdivia ne jouissent pas du même avantage; ces terribles voisins entourent leurs murailles. Les Araucanos sout belliqueux, audacieux et entreprenants; leurs chefs portent le nom de Caciques : leur conduite dans les diverses guerres qu'on a eu à soutenir contre eux est une trop malheureuse preuve de leur cruauté. [ls mettent ordinairement à mort tous les prisonniers. On dit cependant que, dans leur dernière guerre, ils ont été plus humains ; ils chargèrent du soin de garder leurs troupeaux les infortunés qui tombèrent en leur pouvoir. Une dame, qui a été leur prisonnière, m'a assuré qu'elle n'avait eu qu'à se louer de leur chef. Quoi qu'il en soit cependant, on rapporte que dernièrement quatre bâtiments baleiniers anglais en relâche à l'ile Sainte-Catherine ont été surpris par les Araucanos, qui ont massacré les hommes des divers équipages qui se trouvaient à terre. Un capitairie espagnol, du parti royaliste ‘, que nous n'avons vu malheureusement que trop peu de temps pour re- cueillir des renseignements sur ces peuplades, se plaint beau- coup de la conduite des Araucanos envers ceux qui ont été chercher un asile parmi eux. L'Araucanos est furieux, dit-on, quand les feux de l'amour ont embrasé son cœur : toute résistance est vaine, il lui faut assouvir sa délirante passion. On rapporte à cet égard que le fils d'un cacique devint éperdument amoureux d'une jeunepersonne, dans un bal donné à la Concepcion. Le jeune homme la demanda en mariage. La demoiselle, que son père ne voulait point con- traindre, balançait à accepter cette proposition; mais l'Arau- canos menaça de l'enlever, si elle ne consentait à l’épouser. La 1 Tous les Espagnols qui étaient du parti royaliste se sont retirés à l’île de Chiloé. 568 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. jeune personne, dont les mœurs étaient loin d'être en harmonie avec celles des Araucanos, pour éviter des suites sans doute fu- nestes, pensa dès-lors qu'il était plus sage de se rendre aux vœux de son amant. Les Araucanos montent et domptent les chevaux avec infi- niment d'adresse. Ils sont tellement agiles, que souvent lorsqu'ils s'avancent pour combattre, ils sont, la lance à la main, placés le long des flancs de leur coursier. L’ennemi, qui dans le prin- cipe ne connaissait point ce stratagème, pensait, lorsqu'il les voyait s'approcher, que c'était une troupe de chevaux; mais bientôt remontant sur leur dos à l'aide d’une de leurs jambes qui y était appuyée, ils fondent sur leurs ennemis qu'ils pour- suivent même jusque dans leurs demeures en brandissant leurs longues lances. Blessés, ils n’en sont que plus terribles ; il faut que le coup qu'on leur porte soit mortel pour les mettre tout- à-fait hors de combat. Les femmes les suivent à la guerre, et sont chargées de ramasser le butin, de seller et de brider les chevaux. Les hommes n'ont d’autres fonctions que de monter à cheval et de se battre. La lance et le lacs sont leurs seules armes : dans la guerre du Chili, quelques émigrés leur ont pro- curé des armes à feu ; mais ils préfèrent la lance et le lacs, avec lequel ils enlacent souvent le cheval et le cavalier. Les Gaouches" se servent aussi avec beaucoup d'avantage du lacs, et mainte- nant les troupes chiliennes Font adopté pour leur cavalerie. Plusieurs fois nous avons été à même de voir avec quelle promp- titude ils saisissent un cheval au galop. Lorsque le lacs, que l'on ne peut lancer qu'à dix brasses, ne suffit pas, alors ils lancent deux boulets attachés à une corde dans les jambes des chevaux, qui tombent et mettent le cavalier a la disposition de l'ennemi. ! On nomme Gaouches les peuples indigènes des bords du Rio de la Plata. ZOOLOGTLE. 569 Dans diverses courses à la ville de la Concepcion, nous avons eu l’occasion de voir quelques Araucanos. Ces hommes indomp- tables sont forts, vigoureux, bien musclés : leur face rébarbative est large et pleine; le bas de la figure est arrondi et plus volu- mineux que le front : leur teint est cuivré. Plusieurs familles chiliennes élèvent des enfants de cette na- tion. Puissent-elles un jour par ce moyen attirer à elles et sou- mettre ces barbares voisins! Si les Indiens du Pérou forment la même race que ceux du Chili, comme on le pense générale- ment, ils en diffèrent sous bien des rapports. La couleur bronzée de leur système cutané est, ce nous semble, la seule chose qui leur soit commune. L'Araucanos est grand; sa large figure lui donne un air fé- roce, contraste frappant de dissemblance avec la douce physio- nomie du Péruvien et leur petite taille. L'Araucanos, vivant en quelque sorte sans lois, ne respirant que le carnage, et encore indompté, n'est-il pas loin de ressembler au Péruvien, qui n'aime que la tranquillité et sait se soumettre à un code de lois? Long-temps avant la conquête du Nouveau-Monde, le paisible Péruvien ne vivait-il pas sous des lois sagement ordonnées ? Entièrement civilisé, le Péruvien est industrieux, laborieux, tandis que l'Araucanos ne connait d'autre art que la guerre. Nous regrettons qu'un trop court séjour ne nous ait pas permis d'étudier plus fructueusement le caractère physique et moral de ces peuples. Nous terminerons ce que nous avons à dire sur le Chili, par quelques considérations sur l'histoire naturelle. Le Chili est un terrain de première formation; des montagnes es- carpées entourent les villes de la Concepcion et de Talcaguana. Escalade-t-on les hauteurs qui dominent cette dernière, l'on découvre un point de vue très-étendu. D'un côté, c'est Talca- guana , l'immense baie de la Concepcion, l'ile Quiriquine et la pleine mer; de l’autre, la baie de Saint-Vincent, la vaste plaine Voyage de la Coquille. — Z. Tom. I, Partie 11. 72 570 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. de Penco , les mamelles de Biobio, la rivière de l'Estéro et la route sablonneuse de Talcaguana à la Concepcion. Des bois charmants embellissent ces contrées; le myrte et la famille des laurinées y croissent en abondance; les poiriers, les pomnmiers, les oliviers, les noyers et les péchers sans soins et sans culture fournissent considérablement de fruits. L'avelana (guevilana avelana, Ruiz et Pavon, F1. péruv.), petit fruit arrondi et rouge, dont l'amande cuite à un peu le goût de la châtaigne, se voit dans tous les bois. Ce fruit, qu'un certain auteur a com- paré à l'amande et à la noisette, ne nous à pas paru avoir un souût aussi délicat. ; Les légumes prospèrent également très-bien au Chili et y sont très-variés ; C'est ainsi qu'on y trouve des petits pois, des haricots, des pommes de terre, des choux, des betteraves, du céleri, de la laitue , etc. , etc. La vigne croit assez bien dans certains sites; le vin qu'elle produit est sucré et laisse souvent un peu d'âpreté à la gorge. L’alcohol qu'on retire de ce vin est fort et rude. Des rivières ( Biobio et Estéro ), des ruisseaux, arrosent et fertilisent ces belles contrées, qui ne réclameraient que peu de soins de la part des habitants, pour rivaliser avec notre riche Europe. Des prés émaillés de fleurs prétent un charme séduisant à la nature. Le botaniste est émerveillé de trouver sous ses pas la calcéolaire, les amaryllis jaune et rouge, le lys des incas, des orchidées, des onagres, la lapagerie, la sarmienta, le fuchsia, la sagittaire, etc., etc.; des plantes qui semblent propres à tous les pays, les mourons et les renoncules y croissent abondam- ment. Toutes riches que sont ces régions sous le rapport botanique, M. d'Urville y a recueilli moins de plantes qu’au Brésil : la raison en est, comme il le pense, que nous n'étions pas au Chili dans une saison bien favorable. ZOOLOGIE. Et Le géologue peut tirer des conjectures en étudiant les con- tours de la côte, la coupe des montagnes et les produits miné- ralogiques. M. Lesson pense que la presqu'ile de Talcaguana devait être jadis une ile. Le granit, le schiste, le grès sur les bords de la côte, et l'argile rouge, forment la croute géologique des environs de Talcaguana et de la Concepcion. Quoique les oiseaux qu'on trouve au Chili soient loin d'offrir les couleurs brillantes, métalliques de ceux du Brésil, lornitho- logiste n'y trouve pas moins de l'intérêt. Sur à peu près quatre- vingts individus que nous nous sommes procurés, il y a quarante et quelques espèces. Nous avons vu et entendu plusieurs ma- nakins qu'il nous a été impossible de tirer. Les oiseaux de proie sont très-nombreux : le vautour (vultur aura, Viell.; Ze perc- noptère aura, Cuv.), qu'on trouve à Sainte-Catherine du Brésil et aux iles Malouines, et diverses espèces de buses, jettent l'effroi dans la gent volatile. Parmi les moucherolles, il en est un noir (le traquet à lunettes de Buff.), à bec jaune, dont l'iris d’un beau jaune est surmonté d'une membrane festonnée de la même couleur; il se tient dans les myrtes fleuris qui ornent la vallée de Saint-Vincent. Le genre grive nous a fourni trois espèces différentes. Le troglodyte à couleur sombre comme celui d'Europe est assez commun : on voit beaucoup de bruants et de moineaux. L'étourneau blanche raie ( sturnus militaris, Gmel. ), si mul- tiplié aux Malouines, perd de son éclat au Chili. Sur les bords de la rivière qui arrose la plaine de Penco, dans les arbres touffus qui leur prétent leur ombrage, se voit un grimpereau à queue fourchue et étagée, que nous présumons être une espèce nou- velle. Les bois qui couvrent le versant de la montagne à gauche de la baie de Talcaguana sont embellis par une espèce d'oiseau- mouche à tête rubis, 72: 592 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. Le cri désagréable de la perruche-ara de Buffon attire l'atten- tion du chasseur. La tourterelle perchée au sommet des arbres roucoule et semble défier les atteintes du fusil. Le vanneau armé et l'ibis habitent les plaines. Le bihoreau se promène le long des ruisseaux ; tandis que sur les bords de la mer courent les alouettes, les chevaliers et les huitriers ( Aæmatopus ostralegus, L.). De nombreux palmipèdes reposent sur le sein de l'onde; tels sont : des becs en ciseaux (rhynchops nigra ), des hirondelles (sterna hirundo ), des goëlands, des fous, des cormorans et des srèbes. Quoiqu'il y ait dans ce pays diverses espèces de quadru- pèdes, nous n'avons pas été assez heureux pour en enrichir nos collections. Nous vimes dans la baie un grand nombre de pho- ques et de cachalots. Le Chili offre peu d'animaux marins. M. Lesson ne s'y est procuré que quelques patelles , des fissurelles, des moules, etc., des astéries et deux ou trois espèces de poissons. Les reptiles ne nous ont offert que quelques couleuvres et de petits lézards. Le Chili, offrant une température douce et uniforme, doit ètre en général très-salubre. La dysenterie et la série des in- flammations abdominales sont les affections qui se montrent le plus ordinairement. Souvent appelés pour voir des malades, nous n'avons eu principalement à traiter que des dysenteries chroniques et quelques gastrites. L'on s'étonnait de ne nous voir employer que les moyens les plus simples dans nos prescriptions, parce que l'habitude ou plutôt l'empirisme veut que les émé- tiques et les purgatifs soient administrés dans tout traitement. L'usage du maté contribue beaucoup à détruire l'émail des dents, et amène à la suite la carie, affection très-commune. La syphilis et la gale exercent leur dégoûtant empire sur la majeure partie des habitants. Tels sont les souvenirs que nous avons gardés de ce pays : puissent-ils offrir quelque intéret ! ZOOLOGIE. 573 Ç VI RELATION D'UN NAUFRAGE SUR LES CÔTES D'AFRIQUE, AU MOIS DE JUILLET 1824, ET OBSERVATIONS D'HISTOIRE NATURELLE FAITES AU CAP, PAR M. P. GARNOT .. Embarqué comme chirurgien -major et naturaliste sur la corvette de Sa Majesté /a Coquille, partie de Toulon pour explorer les mers du Sud, je fus attaqué de la dysen- terie à Payta, port du Pérou, à la suite d'une course entreprise pour mon service. Cette maladie devint chronique, et s'aggrava tellement, dans la traversée d’Amboine à la Nouvelle-Hollande, par le manque de vivres frais, qu'après dix mois de souffrances, encore malade au Port-Jackson, je me vis contraint de solliciter mon retour en France. Mon passage est arrêté, et je pars sur le navire anglais {he Castle-Forbes, capitaine Ord, qui se rendait à Londres, et devait passer à l'ile de France pour y prendre un charge- ment. À peine arrivé au Port-Louis, le capitaine m'apprit qu'il était forcé de changer sa destination, et que, pour remplir ses engagements envers moi, il m'avait procuré le passage sur le bâtiment le Roi Georges IF (King Georges IV ), destiné pour Londres. Au bout de vingt-un jours, nous mettons à la voile le 31 mai 1824. Tout nous présageait une traversée prompte et heureuse, lorsque, dans les journées des 14 et 15 juin, par les 20° 39° de latitude Sud , et 30° 53 de longitude Est (méridien de Greenwich), nous essuyons un violent coup de vent de Sud-Est, qui nous enlève un de nos porte-haubans de grand mât et plusieurs de nos manœuvres. Ces avaries font ouvrir les yeux au capi- taine, et il laisse échapper l'aveu que le bâtiment était trop chargé. La perte d’un porte- hauban, quoiqu'on puisse y remédier par un espar, est de nature à exiger une relâche avant de doubler le cap de Bonne-Espérance, dans la mauvaise saison ; mais au lieu de prendre ce parti, le capitaine juge à propos de continuer sa route, Nous naviguons cependant sans nouveaux accidents jusqu'au 30 juin : ce jour, le vent souffle avec force, et nous présage une tempête. Le :° juillet, tous nos porte-haubans sont enlevés, excepté ceux d'artimon : le mât de misaine avait consenti. Pour retarder la chute des mâts, on passe sous le navire deux grelins que l’on fixe aux hunes. Sur ces entrefaites, un matelot ivre cherche querelle à un de ses camarades : pour les séparer, le capitaine se voit forcé de frapper l'agresseur, qui, se croyant outragé, monte sur le pont et se jette à la mer. On lui lance des cages à poules; mais la mer était trop grosse, et il fut englouti. Le capitaine voulait faire mettre une embarcation à la mer; mais il dut renoncer à un projet qui aurait compromis d’autres hommes sans espoir de succès. 1 Insérées dans le Journal des Voyages, cahier de septembre 1826 et dans les 4nnales maritimes et coloniales. 574 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. Dans la nuit du 2, le mât de misaine est brisé, et dans sa chute entraîne le grand mât de hune. Le bout-dehors de beaupré est enlevé en même temps; l'avant du navire est dans un état déplorable. Le grand mât, qui n'est plus soutenu, cède bientôt à Ja violence du vent, et il ne nous reste que le mât d’artimon. Le 3, le temps devenant plus maniable, nous dressons des mâtereaux, et le maître charpentier Melle s'occupe avec activité à étancher les voies d'eau ouvertes par la tour- mente. Le vent commence pendant la nuit à souffler avec force, et, le 4, le mât d’artimon, ne pouvant plus résister, se brise; sa chute nous fait perdre une embarcation placée en porte-manteau , et nous réduit ainsi à un seul canot, que , quelques jours avant, on avait fort heureusement mis dans l’intérieur du bâtiment pour le réparer. Dans cette circonstance, d'autant plus critique que nous ne pouvions faire usage de nos pompes, à cause de la melasse qui s'était répandue dans la cale, le capitaine, prenant l'avis des officiers et des passagers, décide de jeter à la mer une partie de la cargaison, principalement composée de sucre et de coton. Nous nous mettons tous indistinctement à l'ouvrage, et nous nous efforçons, par des chants, d'accélérer le travail et de nous distraire de notre pénible situation. Le capitaine, plein d'ardeur, donne une nouvelle activité partout où il se présente, et nos pesants fardeaux sont enlevés avec la rapidité de l'éclair. Nous nous rappelons cependant, le docteur anglais Carter (l'un des passagers) et moi, qu'en visitant le Georges IV dans la rade du Port-Louis, nous nous félicitions de sa belle apparence : It is a good recommendation, me disait-il. Nous ne pouvions pas pré- voir alors que le mât de misaine était pourri, et nous ne savions pas que le navire n'avait pas de chaloupe. Trois jours entiers sont employés à alléger le bâtiment. Pendant ces travaux pénibles, un passager, officier de l’armée de terre anglaise, ne cessait de prier Dieu pour nous et de nous encourager à l'ouvrage, mais en n'y prenant lui-même qu'une bien faible part. L'heure du repas approchait -elle, on l'y voyait accourir le premier, et il n’en quittait point que son appétit glouton ne fût satisfait. Nous pourrions bien aussi faire quelques reproches à un aspirant (Midshipman ) sur sa lenteur à se décider à mettre la main à l'ouvrage; mais an moins lorsqu'il y fut, il fit comme les autres. Je ne ferai pas le tableau de notre navire en désordre. Il est facile de se représenter l'état affreux auquel nous étions réduits ; et pourtant une femme en pleurs, qui ne songeait qu à l'horreur de nous voir engloutis sous les flots, fondait encore des espérances en apercevant sur nos phy- sionomies notre calme et notre sang-froid. L'aspect de nos figures et de nos vêtements barbouillés nous procurait même encore des instants de gaieté. Durant tout ce tracas, notre seul délassement était de nous réunir le soir après l'ouvrage dans la chambre du capitaine, pour nous y livrer à des réflexions souvent afiligeantes. Un jour, après avoir concouru à ce travail, aidé du nommé le Baillon , matelot français de a Coquille, qui passait en France pour le même motif que moi, je transportai de la cale dans ma chambre, qui était déja encombrée, les caisses contenant les objets d'his- toire naturelle, dans l'espérance de les sauver plus aisément si nous rencontrions quelque ZOOLOGIE. 575 navire, ou si nous parvenions à nous jeter sur une plage de sable. Pour en diminuer le nombre, je crus devoir débourrer les gros quadrupèdes et les oiseaux, précaution que la suite rendit malheureusement inutile. Le 7, le vent nous permit de faire route vers la baie d’Algoa, dont nous étions éloignés de 55 lieues d’après les observations. Les hommes de l'équipage s'étant refusés à travailier, l'eau s’accrut tellement, que la cargaison flottait dans la cale et frappait avec force contre les parois du navire, ce qui nous causait beaucoup d'inquiétudes. La masse de la car- gaison se jetant sur l'avant du bâtiment, nous nous occupons, d'après mon observation, à porter des poids sur l'arrière, et le bâtiment peut alors manœuvrer. Le temps s'em- bellit : nous faisons bunne route, quoique entrainés par les courants. Le dimanche matin, 11 juillet, on peut célébrer l'office divin. Le lendemain, quoique le temps fùt très-beau, le capitaine, sous prétexte que son càble était embarrassé dans la cale, et sans avoir rien tenté pour le dégager, fit jeter à la mer la dernière ancre de bossoir, la seule qui nous restât, et nous priva ainsi très- inconsidérément de ce précieux moyen de salut. Cruelle incertitude! quinze jours sont déja écoulés sans savoir quel sort nous était réservé, lorsque enfin le 14, faisant route au Nord 1/4 Nord-Est, nous voyons la terre : la joie est universelle; nous reconnaissons 7able-Hill et le mont Cupola. Tout nous faisait espérer de pouvoir atteindre la baie de Saint-Sébastien ; mais contrariés par le calme et les courants, nous essayons, pendant la nuit, de nous maintenir au vent de cette baie, pour y entrer au jour. Vains efforts! nous sommes portés trop sous le vent pour y par- venir. Dès-lors nous cherchons à nous rapprocher le plus possible de la terre, dans l'intention de nous jeter à la côte; mais les courants nous en éloignaient, et l'équipage, craignant que nous ne fussions entraînés trop au large pour pouvoir nous sauver plus tard, demande à effectuer de suite le débarquement, sans s'inquiéter si nous devions trouver des obstacles au rivage ou quelque mauvais traitement de la part des naturels, que nous nous attendions à rencontrer en ces lieux. Le capitaine fait mettre en panne, et l'embarcation est lancée à la mer. Le débarquement devait se faire en trois fois. Désigné pour faire partie du premier détachement, il ne m'est permis de prendre avec moi que mon fusil, ma gibecière, con- tenant mon journal, mes instruments de dissection, et ma flûte, que je présumai pouvoir nous servir à nous attirer les bonnes graces des hordes barbares que nous craignions de trouver sur ces rivages. La côte est entièrement hérissée de rochers à pic et très-élevés, qui rendent l'attérage impossible à mer haute; heureusement elle était basse alors, et, après les plus pénibles efforts, nous arrivons au sommet de l’escarpement : nous con- templons avec douleur notre navire prêt à s'engloutir avec notre riche collection, fruit de nos longues recherches. On s'était tellement empressé de descendre dans le canot, que personne n'avait songé à se munir de vivres et d'eau. Le deuxième détachement arrive au rivage : mais les difficultés augmentées avec la marée montante rendent chacun de nos compagnons trop attentif à sa propre conservation, pour qu'on puisse penser à débarquer un sac de biscuit qu'on avait jeté dans le canot, et qui y reste oublié. La nuit approchait : nous allumons des feux, pour écarter les bêtes féroces dont ces 576 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. parages sont infestés , et pour faire connaître notre position au troisième détachement, dont le capitaine faisait partie. Mais en abordant à la côte, il ne crut pas devoir s'exposer à débarquer, et prit le parti de passer la nuit dans le canot pour gagner le fond de la baie de Saint-Sébastien, éloignée de 6 à 7 lieues, et nous y donna rendez-vous pour le lendemain. Après une nuit froide et humide, qui ne nous permit pas de goûter un instant de sommeil, à la pointe du jour, le 16 juillet, nous nous mettons en route”. Pour ne pas nous égarer, nous suivons le bord de la côte; mais les plus grandes difficultés se pré- sentent à nous : des ravins profonds ; que nous ne pouvons franchir qu'à l’aide de nos mains, arrêtent notre marche à chaque instant; la faim, et surtout la soif, se font bientôt sentir. Nous découvrons les restes d’un feu éteint, et des débris de chaussure, qui nous font conjecturer que d'autres naufragés avaient passé la nuit dans cet endroit: nous y cherchons en vain à étancher notre soif; nous ne trouvons dans le creux des rochers qu'une eau saumâtre qu'il est impossible de boire. Nous avancons accablés de fatigue : nous apercevons les débris d'une habitation, près de laquelle une source lim- pide, qu'ombragent des géraniums sauvages et des arums, offre à nos gosiers altérés une eau excellente. Parvenus au pied de cette maison, bâtie sur un point très-élevé, nous découvrons dans la baie un navire, que nous reconnaissons être /e Georges IV. A cet aspect, la joie renaïit parmi nous : nous pensons que le capitaine était retourné à bord pendant la nuit, et que, trouvant le vent favorable, il en a profité pour conduire là notre.bâtiment. Nous apprimes plus tard que les courants et la marée avaient seuls dirigé le navire, et l’avaient porté sur une ligne de récifs au Nord de l'embouchure de la Breede, à peu de distance du rivage. Si effectivement le capitaine fût retourné à bord, en voyant le navire entrer dans la baie, il eût eu peut-être le bonheur de le sauver. Nous espérions trouver le capitaine et des vivres au bord de la baie, et nous faisions les plus grands efforts pour y parvenir : notre attente fut trompée. Un grand nombre voulaient s'arrêter pour passer la nuit dans ce lieu, qui ne nous offrait aucune ressource ; mais nous parvenons à les décider à gagner les bords de la rivière la Breede ( /nfanta ), qui se jette dans la baie, où nous pourrions au moins nous désaltérer. Je prends l'avance sur la troupe, et ne tarde pas à apercevoir une maison sur l’une des rives : je reviens faire part de ma découverte à mes compagnons d'infortune. Quoique la maison nous parût encore très-éloignée, nous résolûmes de faire un dernier effort pour l'atteindre et nous procurer des vivres et un abri pour la nuit. Le capitaine en second du navire, quelques instants avant que nous eussions aperçu cette habitation, ayant envoyé deux marins chercher des moules sur le bord du rivage, nous restons lui et moi en arrière pour les attendre : nous gravissons un rocher élevé, afin de nous en faire apercevoir. Après une assez longue attente, ne les voyant pas revenir, nous nous décidons à rejoimdre notre troupe, que nous n'atteignons qu'à l'entrée de la rivière. À peine sommes-nous réunis à elle, nous apercevons une charreite attelée de douze bœufs, conduite par un Hottentot , que le capitaine avait envoyé au-devant de nous. Nous montons tous suy z La: troupe se composait d’une vingtaine d'hommes , d'une femme ct de deux enfants, ZOOLOGIE. bg cette voiture ; deux heures s’écoulent, et, harassés de fatigue, nous mettons pied à terre à la ferme de M. Lost, qui nous procura les moyens de réparer nos forces abattues, n'ayant mangé depuis au moins 24 heures qu'un misérable petit lapin que je tuai, et que nous divisâmes en une quinzaine de parts. Le lendemain, nous traversons la Breede dans un bac, pour nous rendre à Pac-House, magasin d’approvisionnement de l'arrondissement, où le capitaine s'était déja établiavec deux autres passagers, dont une jeune demoiselle de douze ans. C'est cette maison que nous avions aperçue la veille et que nous avions supposé être une caserne, présumant que, si le pays était habité, il ne pouvait y avoir qu'un détachement de troupes. Cette partie du pays porte le nom de Port-Beaufort, et l'autre côté de la rivière con- serve celui de Sébastian-Bay. M. Puren, Français, commis de l'établissement de Pac- House, s’empressa de venir nous offrir ses services. Il était accompagné de M. Van- Reanen, propriétaire du voisinage, qui nous engagea, avec les plus grandes instances, à nous rendre dans son habitation, éloignée d'environ deux lieues du rivage. M. le docteur Carter et moi, nous acceptons ses offres obligeantes pour le lendemaim; nous nous faisons conduire le jour même, en charrette, au bord de la mer, pour voir si nous pourrions aller au bâtiment; mais la nuit déja obscure, quand nous arrivâmes au rivage, nous obligea à renoncer, pour le moment, à ce projet. Nous passämes la nuit sur notre charrette; le jour nous démontra l'impossibilité d'exécuter notre entreprise, parce que la mer brise avec une telle violence sur les rochers qui bordent la côte, que, malgré nos offres, nous ne pûmes nous procurer un canot, personne n'osant s'exposer au milieu des récifs; même avec un radeau, on n'eût pu s'engager sans les plus grands dangers, si les ressources du pays eussent permis d'en construire un. Nous reprimes la route de Pac-House, d’où, après avoir passé quelques moments avec M. Puren, nous allâmes, en chassant, à l'habitation de M. Van-Reanen. Nous nous proposions d'y passer quelques jours, dans l'espérance que la mer pourrait porter à terre quelques objets du bord. Effectivement, peu de jours après, en retournant au rivage nous vimes cà et là divers débris du bâtiment, parmi lesquels je trouvai un grand nombre de mes pièces d’his- toire naturelle, que je ramassai à l’aide de Lebaillon, que j'avais laissé en observation sur les bords de la mer, avec quelques hommes de l'équipage que le capitaine avait placés là pour recueillir les débris du naufrage. Les différentes pièces que je pus rencontrer me firent connaître que toutes mes caisses avaient été brisées. Une seule de mes malles, presque pleine d'objets d'histoire naturelle, au détriment de mes propres effets, parvint entière au rivage ; mais l'eau de mer l'ayant pénétrée de toutes parts, tout ce qu'elle renfermait a été très-endommagé. La mer ayant dissous le sucre qui faisait la plus grande partie de la cargaison, le bâtiment ainsi allégé fut porté par la lame un peu plus près de terre; et environ une dizaine de jours après le naufrage, à la marée basse (la lune était alors dans son plein), on put sy rendre, quoique avec beaucoup de danger. Mais le navire était incliné par son flanc droit du côté où était ma chambre, et celle-ci ayant été submergée, il était devenu inutile pour moi de faire ce trajet. Le docteur Carter, dont la chambre était sur le flanc gauche, put sauver ses effets que l’eau n'avait pas atteints. Je fis transporter Voyage de la Coquille. — %. Tom. I, Partie LI. 3 gl ) 578 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. à l'habitation de M. Van-Reanen (Rhenostes-Fonten) ce que j'avais pu ramasser au rivage, et je fis passer à l'eau douce et sécher les pièces d'histoire naturelle, qui, sans cette précaution, eussent été entièrement perdues. Après avoir terminé nos affaires, nous louâmes une voiture pour nous conduire à la ville du Cap. Nous ne quittämes pas sans attendrissement une famille qui nous avait témoigné tant d'intérêt, et dont le souvenir me sera toujours cher. À Zwellendam, chef-lieu du district du même nom, nous sommes retenus trois jours par la crue des eaux de la Breede, dont le passage était impraticable. M. Schonnberg, landdrost (intendant), nous accueillit de la manière la plus affectueuse. Les eaux s'étant 5 l'effroi des voyageurs , nous arrivons enfin à la ville du Cap, où j'espérais trouver les écoulées, nous continuons notre route; et, après avoir gravi la montagne du Kloof, moyens de sortir de l'état de misère où j'étais réduit. Le consul français auquel je m'adressai et présentai mes papiers, me recut avec bienveillance; mais il ne me procura aucun secours, par le motif que ses instructions ne le lui permettaient pas. Combien ne serait-il pas à désirer qu'on prit des mesures à cet égard, afin d'éviter à l'avenir qu'un serviteur de l'état ne soit pas ainsi abandonné à lui-même! Heureusement, je retrouvai M. Barry, propriétaire de l'établissement de Pac-House, dont j'avais fait la connaissance pendant mon séjour chez M. Van-Reanen, qui me prêta généreusement l'argent qui m'était nécessaire pour subvenir à mes premiers besoins et à ceux de Lebaillon. Je dois aussi de la reconnaissance à la famille Rouvière, pour les soins empressés qu’elle m'a prodigués pendant le séjour que j'ai fait au Cap*. $ VIT. DESCRIPTION DE LA VILLE DU CAP, ET HISTOIRE NATURELLE DE SES ENVIRONS, PAR M. P. GARNOT. Bâtie au pied de la montagne du Lion, et dominée par celle de la Table, la ville du Cap est sans contredit une fort jolie ville; ses rues sont régulièrement construites, et Le TRADUCTION DU CERTIFICAT DÉLIVRÉE A M. GARNOT PAR LE CAPITAINE DU NAVIRE ANGLAIS LE ROI GEORGES IF. Rivière de Breede, côte d'Afrique, 19 juillet 1824. Je certifie par le présent que M. Prosper Garnor, docteur en médecine, chirurgien-major de la corvette du roi de France la Coquille, était passager sur le navire le Roi Georges IF, que je commandais, et qui avait été chargé à Maurice (ile de France) pour Londres; qu'on ne lui vit emporter que les vêtements qu'il avait sur Le corps, lorsque le bâtiment, qui faisait eau de toutes parts et allait couler bas, fut abandonné sur la côte d'Afrique le 15 juillet. En conséquence, les effets de M. Garnot, ses instruments, une riche collection d'oiseaux, de coquillages, etc., furent laissés à bord. Je cer- tifie, en outre, que, pendant toute la tempête et lorsque le bâtiment était démâté, la conduite de M. Garnot fut telle, qu’elle a servi d’exemple à tout l'équipage, et qu’elle a mérité mes vifs remerciments et excité mon admiration. John PRIssIcK. ZOOLOGIE. | 579 quelques-unes sont bordées d’arbres et creusées de canaux pour donner de l'écoulement aux grandes eaux qui descendent des montagnes dans les temps de pluies. La couleur des maisons, qui sont généralement blanchies à la chaux, fatigue beaucoup les yeux . Il n’y a pas au Cap, à proprement parler, d'édifices remarquables. Le gouvernement que l'on serait tenté de croire un bel édifice, est de beaucoup inférieur à une foule de maisons particulières. On travaille actuellement à en agrandir le local. Les bâtiments publics dignes de fixer l'attention, sous le rapport de l'utilité et non de l'élégance, sont la caserne, les boucheries, la bourse, l'hôtel où sont réunis les bureaux de l’adminis- tration , les diverses églises et l'hôtel-de-ville. Les rues qui vont perpendiculairement au port, sont beaucoup plus larges que les transversales qui coupent les premières à angle droit. On voit au Cap de très-belles places ; celle connue sous le nom de Parade est immense et plantée d'arbres. On y a construit, depuis une couple d'années, un assez élégant monument qui est la bourse, ou pour mieux dire une chambre de lecture non publique, où l’on traite d’affaires commerciales, Devant la principale facade on a élevé une colonne qui est bien loin de servir d'ornement à cet édifice, lequel, au reste, détruit la régularité de la place. Les boucheries sur le bord du rivage sont un des bienfaits du gouvernement. Dans le même alignement il y a un moulin à grain , appartenant à l'état, que les nègres qui méritent punition sont forcés de faire tourner. Dans le principe, on y envoyait aussi les femmes; mais à présent, d'après l'avis du docteur Barry, elles ne sont plus sujettes à ce pénible travail. Le jardin dela Compagnie, charmante promenade plantée de chênes, serait beaucoup plus intéressant, si on employait le vaste terrain que l’on apercoit sur les côtés, à l’éta- blissement d’un jardin botanique qui réunirait les précieux végétaux de l'Afrique. Dans le moment actuel le gouverneur s’est emparé de ce terrain pour y cultiver du grain, du fourrage et des léçumes pour les besoins de sa maison. La ménagerie qui est à l’extrémité de cette promenade n'est pas riche pour le moment. Les animaux qui la composent sont deux lions et une lionne, un tigre royal, un loup et une couple de chacals; peu de jours avant mon départ elle reçut deux rhennes, mâle et femelle, venues de la Cafrerie. Elle est ouverte au public tous les jours à dix heures. Il y a au Cap divers temples luthériens et calvinistes qui, sans être décorés avec luxe, ne laissent pas que d'être d’une simplicité élégante. Depuis environ deux ans, on a élevé une église catholique qui est sur le point d’être achevée; et sans la fuite mopinée du prêtre, il serait dès à présent possible d'y officier. Un des monuments les plus importants est l'hôtel où sont réunis tous les bureaux administratifs, la cour de justice, la poste et la bibliothèque de la ville, qui renferme 4577 volumes, dont la majeure partie traite de théologie. C'est encore au gouvernement anglais que l'on est redevable de ce bâtiment. Il y a deux hôpitaux dans l'enceinte de la ville; un troisième, l'hospice militaire, est 1 Dans diverses parties de la ville, on a placé des fontaines; mais aucuxe d’elles ne mérite qu’on s’y arrête. Gex 580 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. hors des murailles. Les deux premiers sont fondés depuis peu : lun est destiné aux marins du commerce; l’autre, qui porte le nom de Sommerset, est un hôpital civil. Le port n'offre rien d'intéressant ; le débarcadère est très-commode pour les commu- nications, qui sans cela seraient très-difficiles, parce qu'il y a près du rivage une foule de rochers. Lorsque les vents soufflent avec violence, il est encore souvent impossible de communiquer. La grande place en dehors des murs, où se tient le marché des divers produits apportés par les habitants des campagnes, est couverte au point du jour d'un grand nombre de voitures, qui ne peuvent entrer en ville qu'en payant un droit d'octroi. Ce marché est tenu avec beaucoup d'ordre; tout ce qui y vient est enregistré au bureau du percepteur, avec le nom du vendeur et celui de l'acheteur. Une taxe qui ne paraït pas justement appliquée est celle qui porte sur les vins. Elle n'est point, comme pour les autres denrées, déterminée sur le prix de la vente; elle est fixe, et, que le vin soit cher ou bon marché, le droit est le même. Il y a aussi au Cap une petite salle de spectacle, où jouent quatre sociétés, dont deux anglaises et deux hollandaises. Quoique les affaires soient en stagnation, la population n’en augmente pas moins, et maintenant on compte dans la ville 18,686 habitants. On trouve au Cap quelques personnes qui s'occupent d'histoire naturelle. M. Villet possède un riche cabinet qu'il vient de renouveler dernièrement, ayant vendu en une seule fois sa première collection. À sa maison de campagne, située vis-à-vis la plaine où se donnent les courses des chevaux, il a une ménagerie dans laquelle se trouvent, en ce moment-ci, deux superbes lions, mâle et femelle, qui lui ont déja donné un grand nombre de petits; sa lionne fait quelquefois trois portées dans une année, la portée étant de quatre mois à peu près. Peu de jours avant mon départ, il avait fait l'acquisi- tion d’un sanglier d'Éthiopie et d’un superbe zèbre. Possesseur d’un vaste terrain, M. Villet en a consacré une partie à faire un jardin botanique, où il cultive plusieurs plantes intéressantes. Il s’est procuré des ceps de vigne de Constance, sur lesquels il s'occupe de faire des essais. Un autre amateur dont on ne saurait trop admirer le zèle, M. Ludwig, fait annuelle- ment, à ses frais, des envois d'objets d'histoire naturelle pour le muséum du roi de Wurtemberg; c'est un tribut de reconnaissance qu'il paie à sa patrie. Les courses de chevaux, qui ont lieu dans la plaine désignée plus haut, attirent un grand concours de monde et une brillante société. Ce qui nuit à leur agrément, c'est que la course s'étendant fort loin sur une ligne droite, on perd les chevaux de vue avant qu'ils arrivent au but. Une des promenades les plus récréatives est sans contredit celle que l’on fait en con- tournant la montagne du Lion, la vue de la mer flattant toujours agréablement les yeux. Plus on approche de la tête du Lion, plus les maisons de campagne y sont embellies par la verdure des plantations. Son Exc. le Gouverneur a dans le voisinage , sur le bord de la mer, une maison de plaisance nommée Camp's bay. Il me restait à visiter quelques-uns des environs de la ville. M. Rouvière, pour qui ZOOLOGIE. 581 je ne puis montrer trop de reconnaissance des agréments quil ma procurés, m'en fournit les moyens. Muni de tout ce qui était nécessaire pour l'histoire naturelle, nous nous mimes en route le 1° septembre, pour la Paarl, avec le dessein de revenir par la ville de Stellenbosch. Nous passämes à Pampoen-Kraal' et à l'étang de Zoostenberg’, pour arriver à la Paarl. Rien de bien intéressant dans ce trajet. L'immense plaine qu'arrose la rivière Salée, que nous fûmes forcés de traverser, est aride et sablonneuse. Nous apercûmes de la neige sur les hauts sommets de la chaîne du Drakenstein. Plus on approche du village, plus l'aspect devient riant; de verts bosquets ornent les nombreuses habitations qui l'avoisinent. Devant toutes se voient des plantations de chênes et de sapins, qui récréent agréablement la vue. La Paarl est située au pied de la montagne du même nom *, dans une plaine fertile, arrosée par la rivière de Berg {Berg river). On y cultive toutes les espèces de fruits, et la vigne y occupe beaucoup de terrain. Ce village est fort animé le dimanche par l'affluence du monde qui vient des habita- tions voisines pour assister aux offices divins. Ayant appris qu'il y demeurait un docteur français, ex-chirurgien de la marine royale, naufragé il y a une trentaine d'années sur les côtes d'Afrique, nous allâmes le voir. Généralement estimé des habitants, M. Tardieu a été victime d’une décision arbitraire prise par S. E. le gouverneur lord Sommerset, qui, sans jugement préalable, l'a interdit de ses fonctions ‘. À une heure de la Paarl, près des montagnes Klein Drackenstein, est l'habitation de M. de Villiers dans l'emplacement de Palmit Fleay. Il nous fallut, pour y parvenir, passer les rivières Berg et Pouls ou Palmit. La première, assez large vers son embouchure qui s'ouvre dans Sardine-Bay, recoit dans son cours une infinité de petites rivières et de ruisseaux qui sortent de la longue chaîne de montagnes dont cette vallée est environnée. L'hippopotame, rapporté par l’infatigable naturaliste Delalarde, lors de son voyage au Cap, a été tué sur les bords de cette rivière, dans une chasse qu'il avait faite de concert avec M. Rouvière et plusieurs habitants voisins de Berg. Palmit-River prend naissance dans les montagnes du Drackenstein, se divise en trois ou quatre branches qui se réu- nissent en un seul tronc avant d'atteindre Berg. Ces rivières roulent leurs eaux sur des galets et du sable. Le cours en est tellement rapide lorsqu'il est tombé beaucoup de pluie, qu'il est dangereux de les passer. Dans l'été, quand la sécheresse est grande, 5 elles sont presqu'à sec. r C’est le seul eudroit où j'aie rencontré des secrétaires, oiseaux qui détruisent, dit-on, les serpents. 2 Il y a beaucoup de canards sauvages sur cet étang, et dans ses environs un grand nombre de coléoptères. 3 Ce nom vient de la comparaison que l’on a faite avec une perle, d’une pierre qui est au sommet de la montagne. 4 Il y a deux ans que le fils de M. Guebhard, ministre de la religion protestante, fit infliger à un de ses esclaves la punition des verges. Treize heures après, le nègre mourut. L'autorité fit procéder à l’autopsie, et le docteur Robert Shand, qui en fut chargé, déclara que les coups avaient été la cause de la mort. En conséquence le malheureux M. Guebhard, jeune homme intéressant, fut condamné au dernier supplice. La décision du docteur Robert Shand était susceptible de quelques objections ; il ne paraissait pas évident pour tout le monde que les coups eussent seuls occasionné la mort. M. Tardieu, qui avait été appelé pour voir le cadavre la veille de l’autopsie légale, attesta comme il l'avait reconnu selon son opinion, que les contusions ne lui avaient pas paru de nature à produire un effet aussi grave que celui qu’on leur attribuait, et qu’il s’y était joint une maladie accidentelle. Telle fut la cause de la disgrace du docteur Tardieu. 582 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. Le mauvais temps et la pluie nous contrarièrent plus d’une fois dans nos excursions; mais nous n’en parvinmes pas moins à visiter plusieurs habitations intéressantes dans ces environs. De chez M. de Villiers nous nous rendimes chez M. Brinck à Wagen- Makers-Valley près des montagnes Crouwn (berg) où se trouve son habitation. De là, après avoir traversé les rivières Sprut et Cromp, nous ne tardâmes pas à arriver à l’ha- bitation de M. Daniel Réteef ; et dans le fond des gorges de la montagne Abiquoa est celle de M. Faëte Gan, la plus éloignée de la vallée. Elle est sur la limite des districts de Stellenbosch et de Tulbac, près la source de la rivière la Breede. Ce riant séjour est arrosé par la rivière Krom, qui s’avance en serpentant dans un vallon brillant de ver- dure. M. Laëte Gan nous fit voir son orangerie ; elle est sans doute la plus belle du canton. Les étrangers qui viennent se promener dans le Drackenstein ne manquent pas de visiter ce lieu dont le site est vraiment enchanteur. Dernièrement, deux gentlemen se promenant de ces côtés, se permirent d'entrer dans l'orangerie et de cueillir des oranges, sans s'inquiéter si le propriétaire ne se formalise- rait pas de leur incivile conduite. Lorsqu'ils virent M. Laëte Gan venir à eux, ils s'excu- sèrent le mieux qu'ils purent; mais ils ne parvinrent pas à convaincre M. Laëte Gan, qui les engagea à ne plus remettre les pieds dans son habitation. Je rapporte cette anec- dote pour faire voir que ce nest pas toujours sans fondement que l’on n'aime pas les Anglais, et qu’on ne les reçoit pas avec plaisir. F On distingue encore l'habitation de M. Carle Van Dermervée, qui est peut-être la plus agréable de toutes. Elle ne le cède en rien à nos plus jolies maisons de campagne européennes. Il y avait autrefois deux ou trois familles françaises établies dans cette vallée, on y compte maintenant vingt-quatre habitations. Les pluies avaient grossi les rivières ; la Sprut était débordée, et offrait un spectacle assez curieux, ainsi que la Berg, dont les eaux s'étaient aussi répandues sur toute la plaine à travers laquelle elle coule. La vallée de Josaphat (Daljosaphat), arrosée par la rivière du même nom, nous offrit à visiter les habitations des frères Hugot, situées très-près l'une de l'autre, non loin de là celle de M. Réteef, qu'entourent les deux rivières la Pouls et la Caque, et qui n’est pas éloignée de la Berg. Les rivières de Pouls et de Daljosaphat prennent leur source dans les montagnes du Drackenstein, et forment à leur origine deux cascades charmantes au sein d’un vallon des plus attrayants. La Caque, qui n'est qu'un ruisseau dans son état naturel, nous donna lieu de juger quelle est la rapidité et la crue des eaux de cette rivière; elle s'était divisée en quatre branches et inondait tous les environs. La Berg s'était élevée à sept ou huit pieds; ce que l'on put voir, quand les eaux eurent baissé, par les marques qu'elles avaient laissées sur les - arbres qui poussent presqu'au milieu de son lit. Ces débordements arrêtèrent plusieurs fois notre marche; cependant, de retour à la demeure de M. de Villiers près de la Paarl, nous en repartimes bientôt, non sans avoir visité l'habitation de M. Isaac de Villiers, située près de la rivière de Vildepaardegeat, pour nous rendre dans le Franschoeck, c'est-à-dire le Coin des Francais, où s'établirent ceux de nos compatriotes qui abandonnèrent la Rochelle pour cause de religion, et dont les descendants peuplent encore ce quartier. Mais quel que fût le désir que j'avais ZOOLOGTE. 583 de visiter un lieu si intéressant pour un Français, il fallut remettre à une autre fois le plaisir de l'accomplir. M. Rouvière ayant recu en route la nouvelle que le navire fran- çais le Fils de France, dont le capitaine, M. Geoffroy, se consignait à lui, venait d'ar- river, il devint urgent de retourner au Cap. Nous continuâmes cependant notre route jusqu'à Betheléem, où est située la belle habitation de M. Minaard. Ce nom a été donné à cet établissement par M. Simon, le premier ministre français qui se soit établi parmi les réfugiés. Le terrain lui en fut concédé par le gouvernement. Sur cette route qui coupe la rivière Dwars, on voit les habitations de M. Jourdan et de la famille Vanderpool, et celle de M"° veuve de Villiers, que décorent des futaies de chènes magnifiques, parmi lesquels on remarque un arbre d'une grosseur prodigieuse. On voit aussi celles de M. Jacob de Wet et de Marais, dans l'emplacement de Frede- Lens et Rust en Frede, où était le premier temple bâti par les Francais. On a le projet d'y élever un monument pour honorer la mémoire des premiers réfugiés qui s’établirent d’abord en ce lieu, d’où ils se sont répandus dans la vallée de Franschoeck. Les habi- tations de M. Daniel Hugot et de M. Rousseau, descendants de nos compatriotes, s'y font également remarquer. De Betheléem pour revenir au Cap, nous passämes par la ville de Stellenbosch, chef- lieu du district et résidence du Landdrost. Avant d'y entrer nous vimes quelques mai- sons de campagne assez agréables , et la plaine où se donnent les courses de chevaux. Stellenbosch est une jolie petite ville dont toutes les rues sont plantées d'arbres. Dans son enceinte, il y a une superbe place également ornée d'arbres, à l'extrémité de laquelle est placé le temple. Le site de cette ville est, au reste, loin d'être aussi enchanteur que celui de la Paarl. Au sortir de la ville, nous traversämes la rivière d'Isth, qui reçoit plusieurs ruisseaux dont le cours arrose la plaine du Stellenbosch. Rien de plus triste que le trajet jusqu'au Gap. On y voit très-peu d'habitations, etles sables qui composent le terrain ne permettent pas de le cultiver. De retour au Cap, je ne tardai pas à me remettre en route pour continuer le cours de mes excursions ; mais dans l'intervalle, il survint entre M. l'agent consulaire et moi un petit différend relatif à mon passage en Europe, qui mérite d’être rapporté. Le capitaine Munnings, un de nos passagers du Roi Georges IF, ayant obtenu le commandement du brick l’Antilope, vint m'en faire part, et m'engager à prendre pas- sage avec lui pour Londres, devant mettre sous voiles dans six semaines au plus tard. Les autres navires en partance ne devant pas mettre à la mer beaucoup avant cette époque, je ne voyais aucun obstacle à effectuer mon retour sur son brick. Mais avant de lui donner une réponse définitive, je voulais en référer à M. l'agentconsulaire, que j'allai voir à cet effet. Une seule chose l'embarrassait, il ne savait quel moyen prendre pour le paiement. Craignant de se compromettre, il pensait qu'il était mieux de laisser au consul-général à Londres à arranger cette affaire. Mais lui ayant objecté que ces condi- tions pourraient bien ne pas engager un capitaine à me prendre à son bord, il se décida enfin à payer mon passage et celui du matelot Baillon, avec une traite sur le gouverne- ment français, J'en fis part au capitaine et aux armateurs, et mon passage fut alors arrête. 584 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. Je profitai de ma visite à M. l'agent consulaire pour le prier d'aviser aux moyens de me donner des fonds pour le paiement de mes dépenses de logement et de nourriture, ne voulant pas laisser de dettes après moi. Il me témoigna son regret de ne pouvoir satisfaire à ma demande. J'avoue que je ne me serais jamais attendu qu'un officier de la marine royale, naufragé sur les côtes d'Afrique, muni de ses papiers, ne dût espérer secours ni assistance de l'agent consulaire de sa nation. Mieux eût valu pour moi qu'il n'y en eût pas eu au Cap; je me serais adressé au gouverneur, qui, je n'en doute pas, m'eût donné les moyens de me vêtir et de me rendre dans ma patrie. Feus beau mettre sous les yeux de M. Delettre mes papiers et mon livret qui attes- taient que le gouvernement m'était redevable de plus d'une année d’appointements, il refusa de se rendre à ma demande. J'eus dès-lors recours à M. Barry, qui m'avait fait offre de service à Rhenostes-Fonten. À cette époque, je le remerciai et n’acceptai point, ne prévoyant pas que je dusse éprouver de semblables difficultés de la part de l'agent consulaire. Qu'il me soit donc permis de consigner ici ma reconnaissance pour lui de ce service signalé dans une circonstance si difficile. Toutes ces démarches ne sont-elles pas pénibles pour un serviteur du roi de France ? Celui dont je devais le plus attendre est celui qui a fait le moins pour moi. Si le matelot Baillon avait été abandonné à lui-même, c'eût été un serviteur perdu pour la France, car n'ayant aucune ressource, il aurait été forcé de prendre du service à l'étranger pour ne pas mourir de faim. Ayant encore du temps devant moi avant de partir pour l'Europe, je me remis en route pour visiter les autres environs du Cap qui me restaient à voir. En aliant au Petit- Constance, je passai par les charmantes habitations de M. Van-Reanen et de M. Cerf à deux lieues du Cap. À peu de distance de là-est Neuwland, maison de campagne du gouverneur, et peu après nous traversämes le village de Wynberg. Ce village, dont la plupart des maisons sont très-basses et couvertes en chaume, est généralement habité par la classe indigente. Il y a dans les environs de très-belles maisons où vont souvent des personnes de la ville, qui veulent jouir pendant l'été des agréments de la campagne, et des convalescents qu'un air pur et frais doit rappeler à la santé. De là au Petit-Constance, la route est bien loin d'offrir le même attrait que jusqu'ici. Le Petit-Constance, voisin du grand, habité par madame veuve Colin, est une pro- priété non seulement riche, mais encore fort agréable. Nous y vimes les vignes dont le vin jouit d'une si grande réputation en Europe. Ces vignes ne croissent que dans un terrain qui leur est propre, car on a fait l'essai de planter des ceps de la même vigne dans un champ voisin, et on n’est pas parvenu à extraire de ce raisin du vin de la même qualité. Lorsque nous visitâmes le cellier, on nous fit goûter de deux espèces, rouge et blanc, de cet excellent vin, qu'on ne peut mieux comparer qu’à notre vin de Lunel, qui, sans faire tort au Constance, est aussi agréable ‘. x Il y a dans quelques-unes des habitations du Drakenstein des vins doux de bonne qualité. ZOOLOGIE. 585 Nous vîmes là les noms des officiers de la frégate la Cléopâtre, écrits en gros caractères sur les poutres. On y tient un album sur lequel ceux qui viennent visiter cette habita- tion inscrivent aussi leur nom. On fait au Petit-Constance de 30 à 5o leggers de vin par an. La legger contient 800 bouteilles. Le vin de cette propriété est plus estimé que celui du Grand-Constance, dont le rapport n'est que de 20 à 40 leggers. Après avoir cassé une croûte de pain noir, et bu un petit verre de vin, nous nous remimes en route pour Simon’s-Bay. Quelque temps avant d'arriver à la baie, nous longeâmes l'étang de Santflé, qui com- munique à la mer. La ville de Simon’s-Bay, bâtie sur le versant d'une haute montagne, est bien loin d’être jolie. On a été forcé, pour construire des maisons en cet endroit, de faire des coupures dans la montagne, travail pénible et dispendieux. Mais la baie étant sûre en toutes saisons, il a été urgent d'y former un établissement. Cette ville n'a d’autres ressources que les affaires commerciales qu'elle peut faire avec les bâtiments qui viennent y relâcher. Elle possède un arsenal pour la marine royale, qui n'offre vrai- ment pas assez d'intérêt pour quil en soit parlé. L'atelier de M. Piston à l'ile de France, qui est la propriété d'un particulier, est bien mieux approvisionné que celui-ci, qui appartient au gouvernement. Immédiatement après notre retour au Cap, j'entrepris une nouvelle course à la mon- tagne de la Table, avec Baillon. Muni de vivres et de mon fusil, et après m'être informé de la route à tenir, nous partimes à quatre heures du matin, avant que le jour eût paru. Nous passämes derrière les casernes pour aller gagner un clair ruisseau qui descend de la montagne. Nous le suivimes jusqu'à ce que-nous fûmes arrivés à un moulin que nous laissâmes à notre droite, pour nous rendre à un petit bois de protea argentea. Nous parvinmes jusque-là sans beaucoup de fatigue; mais ensuite plus nous avancions, et plus les difficultés s'accroissaient. Nous nous arrêtions souvent pour nous reposer, pouvant à peine respirer, tant la pente est rapide. Presque parvenus au haut, ne voyant qu'une étroite coupure entre la montagne, et ne découvrant pas quel pouvait être le chemin qui devait nous conduire sur le plateau, je commencais à désespérer d'y parvenir, quand tout-à-coup je pris la ferme résolution de poursuivre mon entreprise. Enfin, après avoir gravi d'énormes blocs de rochers, nous apercûmes des noms gravés sur la pierre. De tels indices nous convainquirent que nous avions effectivement pris la bonne route. Cette coupure, qui est à peu près à la réunion du tiers de droite avec les deux tiers de gauche, nous conduisit de l'autre côté de la montagne, et nous ne tardèmes pas à nous trouver sur le sommet, immense plateau séparé en deux par cette coupure, qui communique à la gorge où est tracée la route. On ne peut se faire une idée exacte de cette gorge que lorsqu'on y est; car la Table, vue de la base, est loin de donner à penser qu'un aussi profond ravin sépare en deux cette montagne’. Nous nous reposàmes quelques instants avant de parcourir ce plateau. Nous allâmes 1 De la ville du Cap, qui est au pied, elle ressemble à une lézarde, et elle a en réalité plus d’une portée de fusil de large en certains endroits. Voyage de la Coquille. — Z. Tom. 1, Part. IL. 74 586 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. d'une extrémité à l’autre. Nous ne vimes rien qui fût digne de remarque qu'un petit étang entouré de joncs fleuris dont nous cueillimes quelques brins. Les immortelles étaient les seules fleurs que nous trouvämes sous nos pas. Quelques petits lézards bril- lants de vives couleurs furent les seuls êtres animés que nous y apercûmes. Dans quelques endroits de ce plateau, il y a de la terre propre à la culture. On y trouve aussi quelques petites sources d’eau claire. Nous contemplèmes de là le superbe poiut de vue que nous offrait la ville, le port, l'île Roäben, et l'immense plaine qu'arrose la rivière Salée. Nous ne pûmes découvrir False-Bay. Lorsqu'on approche des bords du plateau, et qu'on jette les regards sur le pied de la montagne, on est glacé d’effroi. La partie à droite du sommet, que nous visitèmes aussi, ne nous offrit rien qui fût digne d'attention. Nous descendimes la montagne plus vite que nous ne l’avions montée, chassant de temps à autre quelques Soui-mangas. À midi nous étions de retour à la ville. $ VIIL. NOTE SUR LES OISEAUX QUE NOUS AVONS VUS DANS LES ENVIRONS DE LIMA, PAR M. GARNOT ‘. Pendant notre courte relâche, nous nous sommes procuré quarante-cinq oiseaux, dont trente-une espèces différentes ; nous en avons apercu plusieurs autres espèces qu'il nous a été impossible de tuer. Il y a deux espèces de vautour, 1° l'urubu; 2° une espèce à corps et tête noirs : cette dernière partie est recouverte d’un léger duvet. Dans les nocturnes, nous nous sommes procuré une chevèêche, qui y est très- commune. L'ordre des passereaux est très-nombreux : à leur tête se place le gros bec cardinal (tanagra rubra). La brillante famille des gobe-mouches nous a offert cinq espèces différentes : 1° le gobe-mouche rubin (muscicapa coronata), que nous avions déja trouvé à Sainte-Catherine; 2° un gobe-mouche brun-noirâtre; 3° un gobe-mouche fauve; 4° un gobe-mouche à huppe blanche; 5° enfin un gobe-mouche d'un jaune-verdâtre. Une espèce d’alouette pipi. On rencontre deux espèces d'hirondelles : l'une à ventre roux, et l'autre à ventre blanc. Parmi les conirostres figurent une espèce de bruant, un moineau de couleur 1 Cette note est inédite. ZOOLOGIE. 587 ardoisée, un chardonneret d’un jaune brillant, que fait ressortir le noir foncé des ailes, un gros bec gris à tache brune sous le col. Un ténuirostre, qui doit être une espèce de fournier, diverses espèces d'oiseaux- mouches et colibris brillants des plus vives couleurs, abondent dans la vaste plaine de Callao à Lima. Les plus intéressants sont un colibri à col violet à reflets bleuâtres , un oiseau-mouche, qui n’en diffère que par deux longs brins à la queue; les autres sont: x un oïiseau-mouche à ventre fauve, l’oiseau-mouche commun et l'oiseau-mouche amazili (trochilus amazilia). Le long des nombreux ruisseaux qui serpentent dans cette plaine, on voit quelques martins-pêcheurs : nous n'en avons tué qu'une seule espèce. L'ani, nouvelle espèce qui ne diffère de celui des savanes que par la forme de son bec, vit en troupe. L'ordre des gallinacés nous a fourni trois espèces de tourterelles : 1° la tourterelle commune; 2° la cotcotzin ; 3° cette dernière ne diffère de la précédente que par son bec, qui est jaune. Les échassiers ne paraissent pas très-nombreux : une maubêche et un chevalier sont les seuls oiseaux de cet ordre que nous y ayons vus. Parmi les palmipèdes figurent avec distinction le sterne des Incas et le cormo- ran à cravate, remarquable par ses pieds et son bec rouges, et le vert aigue-marine de son iris. Nous nous sommes procuré deux autres espèces de cormoran : un cormo- ran à ventre blanc, et l’autre tout noir. Ce cormoran a beaucoup de rapport, relative- ment au plumage, avec le cormoran oreillard /carbo leucotis); maïs le nôtre est plus gros et plus grand, et son bec a presque le double de longueur, une espèce de fou. Nous avons vu plusieurs manchots à lunettes dans la rade de Callao. 74. 588 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. CHAPITRE VIL DESCRIPTION DE QUELQUES ESPÈCES NOUVELLES D OISEAUX ; PAR M. P. GARNOT. 1° AUTOUR LONGICAUDE, Falco longicauda , Garnot. PLANCHE X. Falco cerd, rostro, pedibusque luteis ; corpore supra nigro bruneaceoque, subtus fulvo-albo, longitrorsum flammis nigris ; caudé fasciüs nigris et albidis intersecté. Mancaiké des naturels de la Nouvelle-Guinée. - Il est difficile d'assigner à cette espèce de faucon, que nous avons nommé longicaude, le rang qu'elle doit occuper : comme les aigles et les buses, c'est la quatrième penne qui est la plus longue, et de même que les gerfauts, la queue dépasse de beaucoup en longueur les ailes ; et de plus, elle est étagée comme dans plusieurs espèces d’aigles de la Nouvelle-Hollande : la forme de son bec et la disposition de ses tarses nous enga- gent à placer cet oiseau de proie parmi les autours. L'autour longicaude, de la grosseur du faucon ordinaire, se distingue par la couleur noire du corps en-dessus, parsemée de taches brunes ; tandis que des lignes longitudi- nales, flammées noires, ressortent sur le blanc rougeâtre du dessous du corps; les plumes qui recouvrent les tarses sont finement striées. Les ailes, longues de quinze pouces, sont traversées par quatre bandes brunes, qui vont en s’élargissant du haut en bas : la quatrième penne est la plus longue, et la première est très-courte. La queue étagée, plus longue de trois pouces à peu près que les ailes, est annelée par trois à quatre bandes noires et blanchâtres en-dessous, et noires et brunes alternativement en-dessus ; sa longueur est de dix pouces. Le bec, la cire et les tarses sont d’un jaune pâle; ces derniers, courts, sont emplumés dans la moitié de leur longueur. Les ongles sont noirs; celui du doigt du milieu est le plus long et le plus fort. La longueur totale de cet oiseau de proie est de vingt-un pouces. ZOOLOGIE. 589 Il vit dans les bois de la Nouvelle-Guinée, où il a été tué par M. Bérard, et rapporté par M. Lesson. > PIE-GRIÈCHE MÉLANURE, ZLanius niger, Garnot. Lanius niger, capitis, collé, pectorisque nigredini, cæruleo colore intermixto. La pie-grièche mélanure est de la grosseur, à peu près, de la pie-grièche fiscale, et a huit pouces de longueur; son plumage, noir lustré, est remarquable par ses reflets bleuâtres, notamment sur la tête, le cou, la poitrine-et le croupion. Les narines sont rondes et recouvertes de plumes serrées, entremélées de soies rudes. La queue, longue de trois pouces, est étagée. Les ailes, croisées, dépassent la naissance de la queue d'un pouce. Le bec est fort droit, long d’un pouce. L'arête supérieure est arrondie. Les pieds sont grêles, noirs comme le bec. Le tarse plus long que le doigt du milieu, qui lui- même est un peu plus long que les autres. L'’ongle du pouce est à peu près semblable à celui du médius. La première penne rémige est la plus courte, la quatrième la plus longue, la septième très-courte, par rapport à ses voisines. Cet oiseau, qui a quelque analogie avec la pie-grièche noire (Zanius pacificus, Lath.), habite la Nouvelle-Guinée au havre de Doréry. 3 GOBE-MOUCHE A TÊTE D'ACIER, Muscicapa chalybeocephalus, Garnot. PLANCHE XV, fig. 1°. M. capite chalybeo ; dorso, alis caudäque castaneæ colore ; colli parte priori, pectore abdomineque subaibidis; pedibus et rostro plumbeis. Le gobe-mouche à tête d'acier, voisin du gobe-mouche huppé {muscicapa borbonica), est paré des trois couleurs, bleu d'acier, brun marron et blanc. La première occupe la totalité de la tête; la seconde, le dos, la queue et les ailes : quelques-unes cependant des rectrices et des rémiges sont bordées de brun. La troisième enfin est départie au col, à la poitrine et à l'abdomen. Sur la poitrine il y a une légère teinte fauve; l'iris blanchître ressort avec éclat au milieu d’un encadrement noir à reflet bleu d'acier. Le bec et les pieds sont de couleur plombée. Les narines arrondies sont recouvertes par des plumes veloutées. Les faisceaux de soies roides qui naissent de la base du bec pren- nent diverses directions : les uns se portent en arrière, tandis que d’autres se dirigent en avant. La longueur du bec est de onze lignes; celle des tarses de sept lignes. L'ongle postérieur est le plus long et le plus fort. 590 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. L'oiseau a six pouces de l'extrémité du bec au bout de la queue. Il habite la forêt de la Nouvelle-lrlande. Le gobe-mouche, tête d'acier, plumage de mue. La tête est gris de fer, mélangé de fauve, le dos d’un brun marron uniforme; le cou est fauve, la poitrine plus jaune, le ventre blanc, les sous-caudales sont également blanches; les ailes sont marrons; les grandes pennes présentent du brun sur le croupion : on voit quelques plumes brunes; la queue est également marron passant au brun; les soies du bec sont longues serrées noires. La première penne de l'aile est très-courte, la quatrième la plus longue, et on compte dix-huit pennes dont neuf primaires. 4 GOBE-MOUCHE RUBISOLE, Muscicapa toitoi, Garnot. PLANCHE XV, fig. 3. M. fronte, abdomine, mediä alarum parte, exterioribus rectricibusque albis ; alis partibus corporis, rostro pedibusque nigris; infra pedes colore cinnabari. Mireo-mrro des naturels de la Nouvelle-Zélande. Ce petit gobe-mouche, de la grosseur de la mésange bleue, n'offre que deux teintes, le noir et le blanc, dans l’ensemble de son plumage ; mais leur distribution ne laisse pas encore que de donner à cet oiseau de la gentillesse. Au-devant du front s’apercoit une petite bande blanche. Cette couleur se reproduit encore de la terminaison de la poitrine à l'abdomen, sur les ailes où elle présente un petit miroir, et enfin dans quel- ques points des pennes extérieures de la queue. Cette dernière est très-légèrement étagée. Le reste de l’oiseau est noir; maïs il est à remarquer que cette couleur est moins foncée sur les ailes, qui sont plutôt d’une teinte brun-noire. Le bec est très-court, effilé vers sa pointe comme celui des bec-fins, garni de quelques soies à sa base, qui est un peu 5 aplatie, percée de deux narines arrondies. Les tarses sont grêles, allongés, et ainsi que le bec ils sont noirs. Les doigts sont très-grands, comparés à la petitesse de l'oi- seau. Le doigt postérieur est le plus fort; l'ongle dont il est armé est aussi le plus grand. Le dessous des pieds est d'un rouge de cinabre. C'est à cette dernière consi- dération que cet oiseau doit le nom que nous lui avons imposé. L'iris de ce gobe-mouche est de couleur brune. La longueur totale du rubisole est de quatre pouces et quelques lignes. Le bec a six lignes de longueur; il est court comme celui de la nonnette. Les tarses ont dix lignes. La queue un pouce six lignes. Cet oiseau habite la Nouvelle-Zélande. ZOOLOGIE. és 5° GOBE-MOUCHE SIMPLE, Muscicapa inornata, Garnot. PLANCHE XVI, fig. 1°. M. capite, collo, dorso uripygioque griseis et subcærulers; alis caudäque cine- reis fuscis ; abdomine castaneæ colore ; rostro pedibusque plumbets. Le gobe-mouche est de la grosseur du verdier, et n’a point un plumage éclatant. Il est voisin du moucherolle tchitrec (m#uscicapa cristata), dont il diffère par la couleur de la tête. Le brun-marron de son abdomen, des plumes sous-caudales et de celles qui recouvrent la naissance des tarses, tranche vivement avec le bleu-cendré clair du reste du corps. Les ailes et la queue sont d'un brun-léger. Les pennes alaires secondaires sont bordées d’un luisant couleur de rouille. La queue, longue de deux pouces et demi, est coupée carrément. Le bec est assez fort, aplati du haut en bas à la base, qui est percée de deux grandes narines rondes, recouvertes de plumes écailleuses, d’où sortent de longues barbes rudes. Il est long de dix lignes; sa couleur est plombée, ainsi que celle des tarses. Ceux-ci sont grèêles, longs de dix lignes, et les doigts courts ; celui du milieu est le plus long. L'ongle du doigt postérieur est le plus fort. Get oiseau habite la Nouvelle-Guinée, où il a été tué par M. Roland. 6° GOBE-MOUCHE A GOUTTELETTES, Muscicapa guttula, Garnot. PLANCHE XVI, fig. 2. D. fronte colloque nigris villosis; dorso alisque leucophæis ; quatuor gut- tulis insuper alas niveas; pectore abdomine exterioribus pennis caudæ albis; caudä nigré ; rostro pedibusque plumbeis. Ce gobe-mouche à gouttelettes, de la grosseur du père noir, a le front et le col d'un beau noir velouté ; les plumes de la tête sont écailleuses. La tête, le cou, le dos et les ailes sont d'un eris-cendré bleuâtre. Sur le moignon de l'épaule de chaque côté, on 8 $ ; distingue quatre gouttelettes blanches, qui ressortent avec éclat sur le fond noir des couvertures des ailes. La queue se fait également remarquer par la blancheur du bout des pennes des trois rectrices extérieures; dans les autres parties, elles sont noires ainsi à 2 2 ue les autres pennes. La poitrine, l'abdomen et les plumes sous-caudales, de même 2 2 u’un petit liséré autour du plastron noir du col, sont aussi blancs. Le bec, lécèrement 2 2 o aplati à sa base, donne naissance à de longues soies noires qui se portent au-devant des 592 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. narines ; celles-ci, placées près de la base de la mandibule supérieure, sont rondes. Sa couleur est plombée comme celle des pieds, qui sont grêles, entourés de plumes noires à l'articulation de la cuisse avec le tarse. Les doigts sont faibles. L'ongle postérieur est le plus fort. Ce gobe-mouche habite la Nouvelle-Guinée. 7° GOBE-MOUCHE DE MAUPITI, Muscicapa Maupitiensis, Garnot. Muscicapa Pomarea, Less., Man. PLANCHE XVII, fig. À, B, C. Muscicapa nigra; corpore toto nigro; capite, dorso, rectricibus alarum nigris, nebulosis subcæruleis, rostro pedibusque plumbeis. N. Bien que ce gobe-mouche ait été décrit par Sparmann, nous croyons devoir cepen- dant en donner une nouvelle description, afin de faire connaître avec exactitude le mäle et la femelle de cette espèce. Celui-ci, comme nous nous en sommes souvent assuré par la dissection, est le mâle. Son plumage est généralement d'une couleur noire dans toutes ses parties; cependant la tête, le dos, les couvertures des ailes, sont d'un noir plus foncé, reflétant une légère teinte de bleu de Prusse. Le bec et les pieds présentent une couleur plombée. La queue, longue de trois pouces, est lésèrement étagée. Le bec a dix lignes de longueur, les tarses un pouce; l'ongle postérieur est le plus fort. La lon- gueur totale de cet oiseau est de six pouces et quelques lignes. Ce gobe-mouche habite l'île de Taiti; il est connu par les naturels sous le nom d'Omamao. Il ressemble parfaite- ment à un gobe-mouche rapporté du Brésil, Villa de Castro, capitainerie de St-Paul, par M. Saint-Hilaire. Le nôtre a le plumage d'un plus beau noir brillant; il est aussi plus grand, et le bec et les pates sont plus forts. La femelle, dont on a fait une espèce distincte dans les ouvrages d'ornithologie, en la décrivant sous le nom de moucherolle jaune d'O-tahiti (muscicapa lutea, Lath.), est, nous n'en pouvons douter, la femelle du gobe-mouche noir de la mer du Sud. Nous ajouterons fort peu de chose à la description qu’en a donnée Latham. Muscicapa obscurè flava, rectricibus alarum remigibusque nigricante nebu- losis, caudé ad apicem nigricante... lutea, Lath., Syst. ornith., gen. 4o, Sp. 46. De la grosseur du précédent, dont il ne diffère que par la couleur du plumage, ce gobe-mouche est remarquable par sa vestiture jaune d’ocre, répandue sur la presque totalité de son plumage. Les couvertures des ailes, quelques-unes des pennes alaires, et l'extrémité des rectrices, offrent une teinte noirâtre. Le bec et les pieds sont plombés. Cet oiseau vole toujours de concert avec le premier; les naturels nous ont fait en- tendre que c'était la femelle. Nous-mêmes nous avons constamment trouvé par notre inspection anatomique des ovaires chez cette espèce. Il se tient généralement dans les arbres à pain et de cythère, ou evi (spondias dulcis), où il fait la chasse aux insectes. ZOOLOGIE. 593 è Le vieux mâle (pl. XVII, fig. B) diffère de la livrée précédente par les teintes de son plumage, qui ne se composent que de deux couleurs, le noir et le blanc. La première occupe la tête, le col et la poitrine, et quelques-unes des couvertures alaires : la seconde appartient aux autres parties ; mais cependant plusieurs pennes alaires sont brunes. Le bec et les pieds sont plombés. Cet oiseau a été rapporté de l’île de Maupiti par M. de Blosseville. 8° GOBE-MOUCHE A LUNETTES, Muscicapa telescopthalmus, Garnot, PLANCHE XVII, fig. 1°. 1. ateralbo; capite, malis, gul&, tergi medio, alis, caudaäque nigris : orbitis nudis membranaceis cœruleis : rostro plumbeo, pedibus subnigris. Ce gobe-mouche, de la grosseur de la mésange charbonnière, n’est point, comme la plupart des oiseaux des régions intertropicales, brillant des plus vives couleurs; le noir et le blanc font sa parure. La tête, la gorge, l'encadrement qui entoure les yeux et le milieu du dos, offrent une belle couleur noire, moirée dereflets bleu-foncés. Les plumes de la tête sont écailleuses; les ailes, la queue, et les plumes qui s'arrêtent à l'articulation tarsienne, sont d'un noir tirant un peu sur le brun. Les autres parties de l'oiseau sont blanches : vu par derrière, on distingue deux bandes blanches : la première est com- posée de plumes fines, gaufrées; la seconde, qui se trouve au milieu du dos, ne recouvre qu'en partie les ailes. Lorsque celle-ci contourne le corps, il part de la partie moyenne de cette dernière des plumes blanches qui recouvrent la naissance de la queue. Il y a autour des yeux de ce gobe-mouche un cercle membraneux festonné, bleuâtre, caractère qu'il a de commun avec le clignot ou traquet à lunettes. Ce dernier est un véritable gobe-mouche. Le bec est de couleur plombée, droit, légèrement aplati à la base, d’où sortent de nombreux poils roides et noirs. Les narines sont grandes et rondes. La man- dibule supérieure présente un petit crochet. Les ailes pliées se portent à peu près à la moitié de la queue, qui est longue, coupée carrément, Les pieds et les doigts sont grêles et noirs; le doigt postérieur est le plus gros; celui du milieu est le plus long. Longueur totale, six pouces. Longueur de la queue, deux pouces et demi. Longueur du bec, neuf lignes. Longueur des tarses, sept lignes. Cet oiseau habite le havre Doréry, Nouvelle-Guinée, et nous le devons à M. Blois de la Calande, lieutenant de vaisseau. Foyage de la Coquille. — Z. Tom. I, Partie IL. 7b 594 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. 9° GOBE-MOUCHE ORNOIR, Muscicapa chrysomela, Garnot. PLANCHE XVIII, fig. 2. M. corpore aureo, malis albis; fronte, oculorum parte priori, et gulé villosis atris; dorso, pennis alarum externis, caudäque nigris; rostro et pedibus plumbeis. Ce charmant gobe-mouche est orné des plus vives couleurs; l'or le plus pur prend un nouvel éclat par le noir foncé, autre couleur dominante de l'oiseau. Les teintes de jaune-doré et de noir ne sont pas les mêmes dans les diverses parties : c’est ainsi que le jaune de la tête et du croupion tire un peu sur l’oranger, tandis qu'à la poitrine, à l'abdomen, sur les pennes secondaires, les couvertures des pennes, la couleur jaune à du rapport avec celle qu'on obtient par la gomme gutte. Une demi-couronne, qui prend son origine à la moitié antérieure de l'aile, au-dessus de la paupière supérieure, se rendant, en s'élargissant, à la base des mandibules, est d’un beau noir velouté; le noir qui occupe le col et la naissance de la poitrine est remarquable par sa teinte moirée. Les plumes qui composent cette large plaque sont écailleuses, d’où résulte cette couleur chatoyante qui lui donne l'aspect soyeux. On voit au-dessous et au-devant des yeux un petit espace d’un blanc d'acier. Le noir sombre que l'on apercoit sur le manteau, aux pennes , à la queue, et au tarse, tire un peu sur le brun. Le bec et les pieds sont d’une couleur plombée. Des soies noires, grêles et longues, sortent des côtés du bec, et s’'avancent au-devant des narines, qui sont percées très-près de la base du bec : celles- ci sont arrondies. Ce gobe-mouche habite les bois épais de la Nouvelle-Zélande. 10° GOBE-MOUCHE AUX LONGS PIEDS, Muscicapa longipes, Garnot. Miro-miro dans la langue des Nouveaux-Zélandais. PLANCHE XIX, fig. 1°. M. corpore omnind brunneo et griseo : abdomine albo : pedibus longis sub- rufis : rostro nigro. Cet oiseau a une livrée triste et sombre, et nulle couleur agréable n’en relève les teintes brunes, mêlées de gris-cendré, qui revêtent tout le corps, excepté sous le ventre, < ZOOLOGIE. 595 qui est blanchâtre à son milieu. Chaque plume, en effet, est brune en son bord, et gris-cendré au centre. Celles du dos sont plus foncées en brun; celles de la gorge et de la poitrine, au contraire, sont plus grises. La queue est courte, longue de deux pouces, à pennes régulières brunes, plus foncées en-dessus. Les ailes sont également noiratres, à quatre pennes plus longues, et s'étendant aux deux tiers de ia queue. Le bec est noir, moins comprimé que dans plusieurs espèces, garni de soies assez lon- gues. Les tarses sont très-longs, ayant une scutelle antérieure de presque toute la lon- gueur du tarse. Les doigts sont courts à proportion, et celui du milieu est plus long que l’externe. L'interne est le plus court. L’ongle du doigt postérieur est le plus fort. La couleur des tarses, des doigts et des ongles, est fauve. Cet oiseau a de longueur totale cinq pouces, six lignes. Le bec a huit lignes, les tarses dix-huit lignes ; le doigt postérieur, l'ongle compris, neuf lignes; celui de devant et du milieu a dix lignes. Ce gobe-mouche vit dans les broussailles qui entourent l'immense baie des îles à l'extrémité Nord de la Nouvelle-Zélande. M. Lesson le tua près de l'Hippah de Kaouera, dont Toui était le chef. 11° EURYLAIME DE BLAIN VILLE, £urylaimus Blainvillü, Garnot. PLANCHE XIX, fig. 2. Formé dans ces derniers temps par le savant voyageur anglais Horsfield, le genre Eurylaimus se compose de quatre à cinq grandes espèces de gobe-mouches de l'île de Sumatra, dont on trouve de bonnes figures dans les planches coloriées de M. Tem- minck, et dont MM. Diard et Duvaucel envoyèrent des individus au Muséum. L'espèce qui y est ajoutée est de la Nouvelle-Guinée, et autorise à penser que le nombre des espèces de ce genre s'augmentera encore, et qu'elles doivent exister sur toutes les Moluques indistinctement. L'eurylaime de Blainville a le bec allongé, aplati, convexe supérieurement, à arèête simple, terminé par une pointe recourbée et crochue. La mandibule inférieure est très- aplatie, large à la base, ‘pointue et droite au sommet. Les narines sont latérales, très- distantes, arrondies, ouvertes, garnies de soies simples et droites. Les pieds sont 5 grêles à tarses courts. Les doigts sont très-peu prononcés; celui du milieu et l'externe sont réunis fortement à la base. Les ongles sont très-petits. La longueur totale de loi- seau est de six pouces, y compris la queue, qui offre deux pouces, quatre lignes, et le bec, qui a dix lignes. La queue est un peu échancrée au milieu , composée de deux pennes. Les ailes vont jusqu'à la moitié de la queue; elles sont pointues, à première penne plus courte, à deux, trois et quatre pennes d'égale longueur. Le plumage de cet oiseau est remarquable par les trois couleurs distinctes qui le revêtent. Le corps entier est noir, passant au brun sur les ailes et la queue. Deux larges De 596 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. taches d’un blane vif, partant de l'œil, se dirigent sur les côtés du cou; une troisième tache blanche, placée sur la nuque, va se rendre sur le dos. Le croupion et les plumes du dessus de la queue, celles de l'anus et des couvertures inférieures de la queue, sont d'un rouge de sang extrèmement vif. Cet eurylaime a été découvert par M. Lesson aux alentours de Doréry. Il n'a pu se procurer aucun renseignement sur ses MŒUrs. 12° DESCRIPTION ANATOMIQUE DE L'OISEAU DE PARADIS, PETIT ÉMERAUDE, paradisæa apoda, L. Langue allongée, étroite, triangulaire, bifurquée à sa pointe; l'une etl'autre fides sont divisés en un grand nombre de filaments; ce qui leur donne l'apparence de deux petits pinceaux. À la base, on trouve deux prolongements mucronés bifides. La langue à dix lignes de longueur de la pointe au bout des prolongements de la base; ces derniers forment avec la base une espèce de croissant. La forme générale de cet organe est la mème que dans les passereaux. Il y a deux larynx, deux muscles supérieurs et deux inférieurs de chaque côté, pre- nant leur insertion près du larynx inférieur; on compte soixante-six anneaux dans la trachée-artère proprement dite, La longueur de cette trachée, depuis le larynx supé- rieur jusqu'à l'inférieur, est de trois pouces. Les anneaux sont complets. Les cornes de l'os hyoïde ont un pouce deux lignes de longueur; le deuxième larynx ou inférieur cor- respond à l'extrémité antérieure ou supérieure du sternum ; il est un peu enfoncé dans la poitrine. Ÿ Les côtes sont au nombre de sept de chaque côté; la première est libre; les cinq qui suivent se rendent à la portion osseuse qui remplace le cartilage sterno-costal; la dernière se rend au dernier cartilage osseux. Le sternum est beaucoup plus étroit à sa partie moyenne qu'à ses extrémités. La partie de la base, comprise entre les deux échancrures, est coupée carrément, Il y a cependant un très-léger enfoncement dont l'angle est saillant en avant. La longueur de cet os est d’un pouce quatre lignes; la largeur à sa partie moyenne, correspondant à la dernière surface articulaire qui unit le cartilage à la côte, est de huit lignes. La queue, longue d'un pouce quatre lignes, présente à sa base une étendue de cinq lignes. La base du sternum, ou l'extrémité abdominale, a un pouce deux lignes. A l'extrémité clavi- culaire , on aperçoit tfois apophyses : celle du milieu est la plus épaisse; elle présente trois côtés ( figurés en Y), de plus, deux larges échancrures, fermées par l'extrémité ster- nale de la clavicule. Sur les bords du sternum, très-près de l'extrémité claviculaire, on voit cinq surfaces articulaires. A la base, ou extrémité abdominale, il y a deux larges échancrures ovaliformes; les apophyses qui les bornent en dehors ont la forme d'un marteau à deux pointes. Le sternum est beaucoup plus étroit à sa partie moyenne qu'à ZOOLOGIE. 597 ses extrémités. Par la forme du sternum jointe à celle des pattes, c'est un faux pas- sereau de M. de Blainville. Le cœur est assez volumineux, long de huit lignes. L'œsophage est long de quatre pouces; l'estomac est volumineux et fabiforme; ses parois ont deux lignes d'épaisseur; sa grosse extrémité est à droite; les ou- vertures cardiaques et pyloriques sont presque vis-à-vis l'une de l'autre. La surface gauche à droite. Le pancréas est double : le premier a sept lignes de long; le second est plus long et interne présente un grand nombre de replis saillants qui se dirigent de plus étroit. Ils correspondent à la première courbure que présente le commencement des intestins grêles. La longueur des intestins est d'un pied quatre pouces. À un poute de la terminaison du rectum, on aperçoit deux cœecums de trois lignes. A la première inspection, nous crûmes que ces deux derniers organes n'existaient pas. Il nous à fallu granulations des ovaires sont situées au-devant du rachis entre les lobes antérieurs des reins; elles sont examiner de nouveau pour être convaincu de leur présence. Les en quelque sorte flétries, disposition qui est sans doute le résultat de l’époque à laquelle l'oiseau a été tué (mi-septembre 1823). Le foie n'est pas très-volumineux; il occupe la région hypocondriaque droite, s'étendant dans f'épigastre ; la vésicule biliaire est allon- gée, pyriforme , longue de huit lignes. La rate est très-petite; les reins sont allongés, logés dans la gouttière du bassin, ils sont rétrécis à leur partie moyenne ; le droit s'unit à gauche au-devant de la colonne vertébrale derrière le rectum. La mandibule supérieure présente une échancrure vers la pointe; l'inférieure en offre également une très-légère : au premier apercu, on serait tenté de croire que cette échan- crure est due à l'usure que doivent occasionner les rapprochements fréquents de l’une et de l’autre mandibule. F L'omoplate, lengue d’un pouce quatre lignes, est extrémement étroite, falciforme : on ne peut mieux la comparer qu'à la figure d'un couteau de cuisine dont l'extrémité est recourbée. Cette extrémité est tronquée à deux lignes dans sa plus grande largeur. La clavicule, longue de quatorze lignes, a son extrémité sternale très-élargie, L'os furculaire a la forme de celui des passereaux. L'ouverture que forment les deux extrémités claviculaires est de onze lignes. Les branches ont un peu plus d’un pouce de long. L'appendice qui se fixe au sternum est très-saillant. Les narines sont arrondies, placées près de la base de la mandibule supérieure; les plumes qui s’avancent vers la mandibule ne les cachent pas. L'oreille externe est arrondie, évasée. On apercoit deux conduits : l'un intérieur plus petit, se dirigeant vers l'extrémité postérieure de la mandibule inférieure; l'autre est plus large, et se porte vers l'oreille interne. Il y a dix pennes primaires ; on n'en retrouve que neuf chez les corbeaux : la première penne est la plus courte; elle se rend à peu près à la partie moyenne de Ja seconde. La cinquième est la plus longue. Elles vont en diminuant jusqu'à la dixième inclusivement. Les pennes secondaires sont au nombre de dix. Il y a à la queue six paires de pennes. La queue est très-légèrement arrondie; les deux pennes croupiales sont plus étroites et plus effilées que les autres. Six larges 508 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. écailles couvrent l'articulation du tarse avec le carpe et l'extrémité tarsienne des orteils. Les écailles du tarse sont larges et lisses. La glande du croupion est très-développée. Dans l'inspection d'un autre oiseau de paradis femelle, nous avons trouvé la troi- sième penne de l'aile à peine sortie. La quatrième était plus avancée. Celles de la queue étaient également à peine formées. Cette disposition, comme l’observe M. de Blainville, n'a-t-elle pas quelque analogie avec la sortie successive des dents dans les mammifères? 13° PHILÉDON A CRAVATE FRISÉE, Cuv., Lhiledon circinnatus. Vieill. Merops Novæ-Zelandiæ, Gm., Brown, Zool. illustr., p. 18, pl. IX. Merops circinnatus, Lath., Shaw, Gen. Zool., t. VII, pl. XXII. Merle à cravate frisée, Levaill., Afr., pl. XCIL. Étourneau à cravate frisée, Buff , Ois., p. 208. Stourne à cravate frisée, Sturnus crispicollis, Daudin, Ornith., t. IL, p. 314. Poë des naturels de la Nouvelle-Zélande, Cook, 3° voy. | Toi, idem. JEUNE AGE. Le philédon à cravate frisée dans son jeune âge, offre généralement les mêmes teintes que l'adulte, mais elles sont beaucoup plus ternes : le vert brillant métallique de la tête, du cou, de la poitrine, est remplacé par du brun dans notre jeune individu. Les ailes et la queue seulement présentent des reflets analogues à ceux de l'adulte, bien que cepen- dant ils ne soient pas aussi resplendissants; la couleur verte est la seule bien distincte, tandis que l'âge plus avancé brille par sa couleur vert changeant, ou bleu d'acier et violet. Les plumes blanches frisées que l'on remarque au col de l'adulte n'existent pas dans le jeune âge : cependant en l'examinant avec soin, on voit qu'elles commencent à paraître. Les plumes du col, par derrière, qui, dans l'adulte, se terminent en pointes chevelues blanches, sont brunes dans le jeune âge; mais on aperçoit déja les change- ments qui doivent s’opérer plus tard. Les taches blanches que présentent les couvertures supérieures et moyennes des ailes sont plus ternes que dans l’adulte. La longueur totale du jeune âge est de neuf pouces; l'adulte a près de onze pouces, bec cinq lignes, même longueur dans l'adulte, queue trois pouces et demi, quatre dans l'adulte. Les tarses sont de la même longueur; ils sont plus gros dans le jeune, caractère distinctif de l'âge. Les ongles sont la plupart blancs, au lieu d'être noirs comme dans l'adulte. Le philédon à cravate frisée, par la disposition de ses narines , et des plumes serrées veloutées qui s’avancent sur la base du bec, a quelques rapports avec les oiseaux de paradis. Cet oiseau habite la Nouvelle-Zélande, où il n’est pas rare. ZOOLOGTIE. (ed Ke) © 14° FOURNIER DU CHILI, Certhia cluliensis, Garnot. Certhia chiliensis; capite, alis, caudäque subnigris; corpore supra infräque Jfusco; gulä gilvo et ferrugineo vari& ; rectricibus, remigibus, pennis externis caudæ rubiginoso maculatis. Oiseau que l’on trouve dans les environs de Talcaguana, gros comme l'aloueite huppée cochevis, brun en dessus et en dessous, la tête, la queue et les ailes d’un brun plus foncé, le col et le commencement de la poitrine grivelé. Les neuf pennes de l'aile qui sui- vent la première, les trois premières des couvertures, et les rectrices externes , tachées de couleur de rouille. Bec légèrement arqué, de la longueur de la tête; pieds forts, noi- râtres. L'ongle postérieur est le plus grand. La deuxième penne de l'aile est la plus longue. 15° GRÈBE D'AMÉRIQUE, Podiceps americanus, Garnot. P. capite, collo supernè, dorso, alis uropygioque fuscis; guld, alis, subtus macula alarum albis ; collo infernè fusco flavescente. Pectore albo argenteo ; auribus fasciculo plumoso albo fuscoque. Rostro pedibusque subviridibus {Chili et Brésil). Ce grèbe, de la grosseur du castagneux, court et ramassé comme lui, a la tête, le col en dessus, le dos, les ailes et le croupion, d’un roux noir-foncé mélangé, couleur qui contraste avec le blanc mat que présentent la gorge, le dessus des ailes, et la bande transversale qui traverse les pennes secondaires. La poitrine est d’un blanc satiné, légère- ment teinté de fauve, tandis que les flancs et le ventre sont d'un gris-cendré soyeux. Des deux côtés de la tête part un faisceau de plumes blanches et brunes. Le bec et les pieds sont d’un brun-verdâtre; ces derniers se font remarquer par les fines dentelures de leur tarse et de leurs palmures. Ce grèbe offre des variétés de plumage dans les divers âges. Le mâle ne diffère de la femelle que par sa couleur rousse à la poitrine et au ventre. Cet oiseau vit en troupe sur les eaux de la baïe de la Concepcion. Il plonge avec tant de vitesse qu'il est difficile de l'ajuster. M. St-Hilaire en a rapporté des individus du Brésil. (Rio-Grande et C. de St-Paul.) 600 . VOYAGE AUTOUR DU MONDE. 16° PSITTACULE DESMAREST, Psittacus Desmaretiü, Garnot. Manicaive des naturels. PLäNCHE XXXV. Ps. capite aureo, fascià supra frontem rubré fulgenti; collo à posteriori, dorso, uropygio et alis insuper fusco-viridibus; abdomine, collo à anteriori caudäque infrà flavo-viridibus; duabus vittis pectori, primé cæruled, secundä ferrugineà. Macul& subter oculos cæruleä; rostro pedibusque nigris. Cette espèce, que nous avons dédiée au savant et modeste naturaliste M. Desmarest, se fait remarquer par la diversité et l'éclat des couleurs dont son plumage est orné. La tête est d'une belle couleur orangée, qui passe au rouge cerise sur le front, en y formant un bandeau. Au-dessous des yeux il y a une tache d'un beau bleu céleste, couleur que l'on observe encore à la poitrine, et sur quelques plumes des flancs. Der- rière la bande que cette couleur forme à la poitrine, on en voit une plus étroite, cou- leur de rouille; le dessous du corps, à l'exception des parties que nous avons déja signalées, sont d’un vert jaune qui fait ressortir admirablement les autres couleurs. Le dessus, c’est-à-dire le dos, le derrière du cou, le croupion et le dessus des ailes, sont d'un vert-brun; les couvertures inférieures des ailes ont une couleur de verdet. Les grandes pennes, claires en dessus, sont noires sur leurs barbes intérieures, vertes sur les extérieures, qui sont les seules visibles, et ce vert est bordé d’un très-léger liséré jaune serin. Les pennes secondaires et tertiaires ont dans le noir de leurs barbes inté- rieures une grande tache marginale d'un jaune serin, et sur les plus rapprochées du corps, le jaune se change en orangé; mais ces taches ne sont visibles que lorsque l'aile est déployée. En-dessus, les deux premières pennes sont en entier d'un gris-brun, et toutes les autres , essentiellement de cette couleur, sont d’un jaune pâle sur une grande étendue de leurs barbes internes. La queue, qui n'a que le tiers de la longueur du corps, et pointue, est verte, comme le dos, en dessus, et d’un vert clair en dessous; ses cou- vertures supérieures s'étendent jusqu'à un pouce de son extrémité. Le bec, qui est assez fort, et les pieds sont noirs et robustes. Le psittacule Desmarest a huit pouces et demi de longueur totale. Il habite les forêts épaisses qui entourent le havre Doréry à la Nouvelle-Guinée, où il a été tué par M. Lesson. 17° COUCAL MÊNEBIKI, Centropus Menebiki, Garnot. PLANCHE XXXIV. Centropus atro-virens; malis nudis; corpore nigro virescente-chalybeo; rostro pedibusque plumbeis. Ce coucal n'offre, à la première vue, que deux couleurs, le noir et le vert; mais lors- ZOOLOGIE. Got qu'on l’examine dans divers sens, on remarque que les nuances offrent des reflets verts changeants, passant au bleu d'acier, principalement sur les ailes et les pennes de la queue. Les plumes de la tête sont longues, étroites, roides, effilées, susceptibles de former une huppe. Celles du cou ont également la même disposition : un caractère qui les distingue plus particulièrement les unes des autres, est que leurs tiges sont telle- ment prononcées, qu'elles présentent autant de lignes droites et noires qu'il y a de plumes. Les plumes des flancs sont longues, lâches, soyeuses , et recouvrent les tarses. Le ltour des yeux est presque nu, et les plumes circonvoisines ne sont en quelque sorte que des espèces de soies. Ce coucal est un des plus grands que l’on connaisse. La queue, plus lon- gue que la totalité du corps de l'oiseau, est étagée ; les pennes qui la composent sont très-élargies vers le bout. Les ailes s'étendent très-peu au-delà de la naissance de la queue. La première rémige est très-courte. Le bec est fort, aplati transversalement; sa courbure est très-prononcée : il est de couleur jaune plombée, Les pattes sont fortes, les doigts longs, armés d'ongles puissants; celui du doigt interne et postérieur, qui est droit , est le plus long. Les tarses, ainsi que les doigts, sont recouverts de larges plaques imbriquées, de couleur plombée. Cet oiseau habite la Nouvelle-Guinée, où les Papous le nomment meénebiki. Nous le devons à M. Bérard. 18 GRÈBE DE LA CONCEPCION, Podiceps chiliensis, Garnot. De la grosseur du castagneux; tête, col à la partie postérieure, dos, ailes et crou- pion roux-noir foncé, mélangé; gorge, dessous des ailes, les pennes de l'aile qui sui- vent, la sixième et la septième blanc-mat; poitrine blanc mélangé, satiné; flancs et ventre gris-blanc soyeux; partie antérieure du col roux : cette dernière couleur s’affaiblit sur le devant de la poitrine. Deux pinceaux effilés de plumes blanches et brunes aux oreilles; bec et pieds brun-verdâtre, Ce grèbe offre des variétés de plumage dans les divers âges. Le mâle ne diffère que par sa couleur rousse de la poitrine et du ventre. Cet oiseau vit sur les eaux de la baie de la Concepcion. M. St-Hilaire en a rapporté des individus du Brésil (Rio-Grande). Les tarses et les bordures palmaires sont denticulés. 19° CORMORAN DE GAIMARD, Pelecanus Gaimardi, Garnot. PLANCHE XLVIII. P. corpore cinereo, lateralibus colli, fasciä utrinquè alb&, facie nud& carmi- culaté , pedibusque rubris; alis posteriorè caudäque brunnaceis; dorso, alis anteriorè albis maculis; rostro luteo. Un peu plus long que le cormoran brun, celui de Gaimard se fait remarquer par la belle couleur gris-cendré de son corps. Sur les parties latérales du col, de lun et Voyage de la Coquille. — Z. Tom. I, Partie II. 76 602 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. l'autre côté, s’apercoit une bande blanche, longue de trois pouces sur cinq à six lignes de largeur. Le croupion, l’extrémité des ailes et la queue sont bruns. Le manteau, la cou- verture des ailes, sont d’un marbré brillant de noir, de brun et de blanc-gris satiné. La peau nue des pouces et les pieds sont rouges; sur ces derniers ressortent des ongles noirs, Le bec est jaune vers son extrémité crochue : la mandibule supérieure est d’un brun clair. L'iris vert aigue-marine, qu'entoure un cercle noir, contraste admirablement avec les parties voisines. Longueur de l'oiseau, vingt-quatre pouces. Longueur du bec, trois pouces. Longueur de l'aile, neuf pouces six lignes. Longueur de la queue, cinq pouces. Longueur du tarse, deux pouces; du doigt externe, trois pouces six lignes. Ce beau cormoran habite les bords de la rade Callao, et se tient de préférence sur les rochers qui entourent l'ile St-Laurent. 20° CANARD RADJAH, nas Radjah, Garnot. PLANCHE XLIX. A. capite, collo, pectore, abdomine, exteriore parte alarum, extremitateque tectricibus alarum albis, alis partibus subnigris; virescente speculo insuper alas. De la grosseur du canard ordinaire, et voisin des millouins, cet oiseau, que nous avions nommé /excomèle, à raison des principales teintes de noir et de blanc que pré- sente son plumage, est assez gracieux dans son ensemble. La tête, le col, la poitrine, l'abdomen, le moignon de l'épaule, et l'extrémité des couvertures alaires, sont d'une blancheur éclatante ; le reste du plumage est brun-noirâtre, un peu plus foncé au man- teau. Sur le milieu de la poitrine, on aperçoit une ligne brune, un peu interrompue dans son centre; elle se porte au-dessus du moiïgnon de l'épaule, et vient se perdre, ou mieux se confondre avec le noir du dos. Le blanc des plumes qui recouvrent la partie antérieure des ailes est également traversé par une ligne festonnée noire. Sur le milieu de l'aile, un miroir d’un vert brillant métallique ressort avec éclat; il est surmonté d’un second miroir brun pourpre marron. Parmi quelques-unes des plumes sous-cau- dales, on en remarque qui sont striées de gris ordinaire blanc. Les ailes, longues de dix pouces et demi, sont armées d’un petit éperon. La queue est courte. Ce canard est assez haut monté. Ses jambes, ses pieds et son bec sont rouges. Le doigt postérieur est légèrement formé. Le tarse a deux pouces de longueur. Le bec, aplati comme celui du millouin, est long de deux pouces. La deuxième rémige est la plus longue. Dix pennes primaires diminuent de grandeur jusqu'à la dernière. Longueur totale de l'oiseau, un pied quatre pouces. : Ge canard, que nous devons à l'adresse de M. de Blois, habite les étangs de Bourou. ZOOLOGIE. 603 21° RECHERCHES ANATOMIQUES RELATIVES À DIVERS OISEAUX MARINS. A. PAILLE-EN-QUEUE A BRINS ROUGES. pouces. lignes. Longueur de l'extrémité du bec à l'origine de la queue...... 13 6 du bec, de la pointe à la commissure........... 3 8 Envergure. st "c--tecce PSS Boo Eoiee OO DO 6 OL 7 © Longueur de l'aile. .... STE N no d'en be SAT RO RDS 0 00 TOO de la queue. ..... ED ADS cote OR A SEINE ©) du brin, prise à l'extrémité de la queue......... 7 6 Le second brin plus petit, pris à son origine............. ADOPTE) Dix grandes pennes à l'aile; la première est la plus longue. Circontérnences EE eee ET 'aplae ga o00 010 RONIO Dix pennes à la queue, sans compter le long brin qui, à son origine, est élargi comme les autres pennes ; la queue forme l'éventail. Tarses jusqu'aux ongles.......... Da Met le ele Je Pavel 3 pouces. Pattes blanches, avec une légère teinte de bleuâtre dans quelques points; palmure en partie noire : la portion qui se trouve entre le pouce est couleur de chair pâle, légère- ment glacée de blanc. Bec rouge denticulé; les narines, placées près de l'origine du bec, sont assez larges, et présentent en avant un canal qui s'étend à peine au milieu de la longueur : ces na- rines ont une teinte noirâtre. Le paille-en-queue est d’un blanc satiné ; au-devant des yeux il y a une grande tache noire; ses plumes anales présentent une grande tache noïre dans leur centre, ainsi que quelques-unes des pennes qui avoisinent le corps; les brins sont rouges, le plus petit est le plus foncé en couleur; les tiges des grandes pennes de l'aile de la queue et des longs brins sont noires; mais vers l'extrémité elles sont blanches. Il n'y a pas de glandes sus-orbitarres, glandes qu'on trouve dans quelques pétrels. Deux muscles au larynx inférieur. Cinq ganglions lymphatiques sur les parties latérales inférieures de l'œsophage, avant son entrée dans la poitrine. Le sternum est élargi pos- térieurement , et présente deux grandes échancrures. Le cœur pyriforme est assez vaste. Le foie est divisé en deux lobes inégaux; le droit est le plus volumineux. La vésicule biliaire est petite; l'estomac est membraneux, et n'offre rien de particulier. La rate est petite ; il y a deux pancréas. La longueur des intestins est de quarante pouces six lignes. Deux cœcums placés à six lignes de l'anus. Ovaires nombreux sur le devant de la co- Jonne vertébrale, entre les reins qui sont composés d’un seul lobe de chaque côté. 76. 60/ VOYAGE AUTOUR DU MONDE. B. ALBATROSSE FULIGINEUX ? Le 14 avril 1824, MM. Lesage et Ord en ont tué chacun un, et il s’est trouvé qu'ils étaient l’un et l’autre d’un sexe différent. Les couleurs sont absolument les mêmes, si ce n’est que celles du mâle sont plus foncées. Le plumage est brun-cendré ; le manteau est brun-noirâtre, aïnsi que le devant de la tête. Autour des yeux, qui sont bruns clairs, on voit un petit cercle de plumes blanches, interrompu par une tache noire à l’angle interne de l'œil. Le bec est noir. La mandibule inférieure présente sur ses faces deux lignes blanches membraneuses , qui ont l'air d'y être incrustées. Les pieds sont blancs. Neuf pennes primaires; la première est la plus longue. Dix pennes à la queue; les deux mitoyennes sont les plus longues. DIMENSIONS. pouces. lignes Enveroure tree eee Cie CC DO Longueur prise de l'extrémité du bec au bout de la queue.... 28 oo GTOSS EEE NUE ARENA er ne ER NE ARE ME RS DE Q De l'angle interne de l'œil au bout du bec................ 4 6 Longueur du bec pris de la COMMISSUTE. . .....esosssse.se AO) de la queue. ..... ARTE Ste D etre a ee a CET AO des pattes, prises à l'articulation femoro-tibiale. .. 7 65 Trois doigts, point de pouce. Longueur du doigt du milieu... 4 65 Le doigt extérieur a quatre phalanges, celui du milieu trois, et le dernier deux. Longueur du tube des narines........... ÉHÉtobauodesane 6 ANATOMIE. Deux muscles, un de chaque côté du larynx inférieur. Le foie est divisé en deux lobes, le droit est le plus volumineux ; la vesicule du fiel, ne tenant au foie que par les canaux biliaires, est allongée, ovalaire, longue de deux pouces. Deux pancréas (dans le mâle les deux pancréas étaient réunis par un prolongement étroit, long de six lignes : distance qui séparait les deux du premier). L'estomac, peu considérable, comparé au volume de l'oiseau, est garni d'un grand nombre de replis longitudinaux à l'intérieur; ce qui annonce que le viscère est forcé de se contracter très-fortement, pour briser la substance cornée qu'ont certains mollusques dont ils se nourrissent. Le gésier est très-petit. L'intestin, long de soixante et onze pouces, présente sept duplieatures ou circonvo- lutions. Les cœcums sont très-petits, distants du cloaque de deux pouces. Les reins sont quadrilobés. La rate est arrondie et petite. Les ovaires sont nombreux; les grains qui les composent sont de la grosseur d'une tête d’'épingle moyenne. Les testicules sont petits, ovales. ZOOLOGIE. 605 Le cœur, petit, long d’un pouce six lignes, donne naissance à des vaisseaux dont le calibre est très-gros, par rapport à son volume. Le sternum n’a qu'une seule ouverture à sa base; il y a sept côtes de chaque côté. Le globe de l'œil est volumineux, ainsi que la glande lacrymale. Il y a deux glandes sus-orbitaires. La glande graisseuse du coccix a la forme d'un cœur, et elle est assez volumineuse. Le duvet qui se trouve au-dessous des plumes est très-épais. C. PÉTREL GRIS-BLANC, inédit. Ce pétrel a le dos d'un gris clair, satiné, le ventre blanc, le bec plombé dans la partie qui correspond au tube des narines, une tache noire à l'extrémité de mandibules; l'inférieure tronquée est couleur de chair. A l'angle interne de l'œil est une petite tache noire. Les pieds sont d'une couleur plombée avec un mélange d’un jaune très-pale. Lorsque cet oiseau vole, on apercoit près de l'extrémité des ailes deux taches blanches, que fait ressortir le noir des extrémités des pennes ou rémiges. Mesuré du bec à la queue, ce pétrel a seize pouces de longueur sur quatorze de circonférence : il a à peu près le volume d'un canard. pouces. lignes. Lonvueurideplaltete. LEE RE CEE cc OO UDC AT NE RATS qu 2 0/0) IE O uitubesnasal eee DE eee CN ONRO de la commissure des mandibules à l’'œil.....,... o 8 NOTURbo do oo oo sb vob boooo bad ob dbo Us Cod ao! © Ponsueur de l'aile" "#0 rte nee ere ceeeNT2 no On compte trente rémiges qui vont en diminuant de grandeur, en commencant par la plus extérieure. A la queue il y a dix pennes. Les pennes des ailes ont les barbes extérieures noirâtres, et les internes blanc-gris ; le bout est noir. Celles de la queue sont grises, un peu moins foncées que les couvertures. APPAREIL DE LA DIGESTION. Langue longue d’un pouce sept lignes, est ensiforme, à sommet tronqué bifide; la base droite est finement dentée. L'æsophage, qui est ample, composé de fibres longitudinales, sans courbures, a cinq pouces de longueur. Le premier estomac est grand, recourbé de gauche à droite, et s’insère au deuxième estomac, près de l’origine de l'intestin, qui est placé à sa droite. Le gésier est épais, pyriforme dans l’état de plénitude, entièrement musculeux. Lorsque l’on fait l’ouver- ture de l'abdomen, l'estomac et le gésier se présentent d'abord à l'inspection, et mas- quent le paquet intestinal. Une ligne de démarcation sépare à l’intérieur l’œsophage de l'estomac, qui, à son tour, présente une valvule qui oblitère l'ouverture qui communique au gésier, dont la surface intérieure présente un grand nombre de rides. Je trouvai dans ° 606 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. ces deux organes une pâte chymifiée d’une couleur lie-de-vin, entremélée d'une grande quantité d'ascarides. L'intestin, dont la longueur est de soixante-cinq pouces , forme neuf circonvolutions ou duplicatures. Le fore est divisé en deux parties qu'unit un prolongement mince. La vésicule corres- pond à un petit enfoncement du lobe droit, et ne lui est pas unie comme dans les autres animaux. Son conduit excréteur se dirige et s'ouvre dans l'intestin, sans s'unir au con- duit hépatique, qui a dix-huit lignes de longueur. Le pancréas, situé dans la duplicature de la première circonvolution , est allongé, blanc, divisé en deux lobes inégaux, qui envoient l’un et l’autre un conduit excréteur, qui s'ouvre à cinq à six pouces de l'intestin. Les reins sont divisés en trois lobes : l'antérieur est le plus volumineux; un tissu cellulaire les unit sur la partie moyenne de la colonne vertébrale; les uretères viennent s'ouvrir à l'anus. Le cœcum a un demi-pouce à peu près de la terminaison de l'intestin; on trouve deux petites cornes ou vésicules qui s'ouvrent par une ouverture assez large dans l'in- testin. Ovaires placés, sur le milieu du rachis, au-dessus du paquet intestinal au-devant des reins. Os hyoide. Le corps de cet os a trois. lignes de largeur sur six de hauteur. Les bords supérieurs, ou antérieurs et inférieurs, ou postérieurs, présentent une saillie osseuse ou cartilagineuse , allongée et acérée. La première donne insertion à la langue, qui s’unit encore sur les parties latérales du corps, au moyen de deux cartilages qui donnent de la solidité à l'organe du goût. La deuxième s’insère à la partie supérieure du larynx. Les deux prolongements pourraient bien recevoir le nom de petites cornes. Sur les côtés du corps de cet os, on voit deux facettes articulaires pour les deux grandes cornes qui ont dix-huit lignes de longueur, À la réunion des deux tiers antérieurs avec le postérieur, se trouve une autre articulation qui unit les deux portions dont sont composées les deux grandes cornes. Le larynx supérieur présente un cartilage replié sur lui-même : à son ouverture linguale est une simple fente oblique d'avant en arrière : les côtés sont formés par des prolongements qui remplacent les cartilages arythénoïdes ; ils sont frangés, ou mieux offrent de petites papilles aiguillonnées. A l'union du larynx, à la trachée, on remarque trois petits prolongements garnis de papilles blanches. L'intérieur du larynx est en partie divisé en deux par un petit prolongement osseux, dirigé parallèlement à la cavité; ce qui représente les deux ventricules. Cette cloison va se porter d’une paroi à l’autre. Le larynx inférieur est bien visible, présente deux tubes d’un pouce de long; ils .se soutiennent pour former les deux branches. La trachée artère a soixante-dix anneaux à peu prés; sa longueur est de trois pouces. La peau était couverte de pous et d’acarus. ZOOLOGIE. Go7 D. PÉTREL BLEU. Cet oiseau se distingue des autres pétrels par la disposition de son bec. Les mandi- bules sont crochues à leur extrémité; leur base est très-élargie : les bords de la mandi- bule supérieure se jettent un peu en dehors; celle-ci présente en dedans un rebord saillant; ils sont striés transversalement : l'intervalle qui les sépare présente une petite rainure. La langue est très-épaisse, et la bouche très-dilatable. DIMENSIONS. Longueur de l'oiseau, du bec à l'extrémité de la queue..... 11 o du bec, mesure prise de l'extrémité crochue à la COMNNSSUrE Eee eee Men Bcododoce 40... © de l'extrémité du bec à l’occiput.........,...,... 2 = Ge H GuEnSoocobobsonogooooccococenboe dose NC Seize perines, les deux moyennes plus longues. Envergure.......... labunsainoud onu ou Ho Mot LL 20NRO Longueur de l'aile (qui ne dépasse pas la queue) ........... 7 o Vingt-quatre pennes, dix primaires. Longueur du bec à sa base.............. GO GBD00douoe ©. AUBTAES OS EU RU Pre DER AE QE A QE 5 dudoistiduimilieus Rte cree rene re TG du tube des narines......... Ne a ie Parier MO PRIE Ce pétrel, d’un tiers plus gros que le pélagique, a le dessus du corps bleu-cendré ou gris-bleu, plus foncé sur la tête et sur les ailes. On voit une bande noirâtre qui coupe en travers lés ailes et le bas du dos, près de la naissance de la queue. Cette portion est la plus foncée. L'extrémité de la queue offre cette même teinte bleu-foncée ou noirâtre. Le dessous du corps et des aïles est blanc : on remarque une légère teinte bleue au-dessous de la queue. Le bec et les pieds sont bleus plombés. Le milieu de la mandibule supérieure et le tube des narines sont noirâtres. Les pennes du milieu de la queue sont un peu plus longues, ce qui la fait paraître arrondie. ANATOMIE DU PÉTREL BLEU. Le foie bilobé est volumineux. Le cœur est assez gros, par rapport au volume de l'oiseau. La vésicule biliaire est vaste. La rate, petite, ronde. Langue, triangulaire, épaisse, charnue, à sommet canaliculé, bifide; un cartilage en forme de gouttière lui donne de la solidité, s’unit à l'os hyoïde par des ligaments, et au moyen de la petite corne antérieure. L’os hyoïde n'offre rien de particulier. Le 608 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. larynx est petit. Deux muscles s'insèrent sur les côtés du larynx inférieur; le larynx inférieur, à proprement parler, n'existe pas. Une centaine d’anneaux composent la tra- chée, y compris le larynx inférieur. Parvenue dans la poitrine, elle se divise en branches que reçoivent les poumons, qui sont rouges, très-celluleux, placés sur les côtés de la cavité thorachique. A la division des branches se trouvent deux petites glandes arron- dies, qui sont des æœsophagiennes inférieures. Le pharynx ne se distingue de l'æsophage que par son amplitude; les fibres musculaires qui le composent suivent la même direc- tion : l'æsophage paraît susceptible d'une assez grande dilatation. Tête volumineuse; cavité orbitaire grande; glande largement volumineuse, glande sus-orbitaire, graisseuse, en forme de cœur de carte; douze vertèbres cervicales, huit dorsales, six coccigiennes. L’omoplate est un peu petite, longue d'un pouce, grêle. La cla- vicule, proprement dite, est forte, et a huit lignes de longueur. Elle a la forme d’un V dont les branches sont recourbées en haut pour aller s’articuler avec l’omoplate. Huit côtes. Le sternum, long d’un pouce trois lignes, présente à sa base quatre échancrures. Six circonvolutions ou duplicatures intestinales; longueur, vingt-un pouces. Les ovaires forment une petite masse de petits corps ronds, situés sur le rachis entre les reins à leur partie antérieure. Les reins sont trilobés. L'estomac est petit, musculeux. Pancréas unilobé, allongé dans la première duplicature, Deux cœcums. E. PÉTREL DE LA MER PACIFIQUE, PRIS PAR D2° LATITUDE SUD ET 8° LONGITUDE OUEST. Un peu plus gros que le damier. Les deux mandibules sont crochues. Bec noir; pieds éperonnés, couleur de chair; bords extérieurs de la membrane, noirs. Envergure, trente- six pouces. Manteau gris-cendré, moiré; couvertures des ailes, gris-noirâtre. Tête, col et dessous du corps, blancs ; quelques taches gris-clair sur la tête; les yeux, brun- foncé, sont entourés de plumes noiïrâtres. Queue légèrement cendrée en-dessus. Le dessous des ailes est moins foncé que le dessus. Dimensions. pouces. lignes. Longueur du bec, prise de l'extrémité crochue, à la com- MASSUT EL AS US LA nee PARLE HU TE qe eur 2 o duftubes nes NAN dE a SDS ON Distance de la commissure à l'angle interne de l’œil........ o 10 du front ailocciput en eee tee DE CREER RAR ZOOLOGIE. 6og Longueur de l'extrémité du bec au bout de la queue....... HE O de l'aile. La première penne est la plus longue..... 11 6 Dix pennes primaires. Jérqueue- A EEE CPE CEE TC CCE NO Douze pennes, les deux centrales plus longues. HESRTATSES A. eee ce ee ele: ele cote tee eee UE I 0) dusdoiotimedius. "here Te EE EAN Eee Une tache sous chaque articulation des doigts. Circontenenceasmnicrs rene mieemerenle-mnIL Ce Cr er TO Longueur des intestins................................ 44 Testicules très-petits, bruns. Les intestins présentaient des nœuds de distance en distance; on ne peut mieux les comparer qu'à la tresse d’un cordonnet. La rate est pisiforme, très-petite. Il n'ya, à proprement parler, pas de larynx inférieur. Il y a deux muscles latéraux. Deux cœcums. F. VARIÉTÉ DE L'OISEAU DE TEMPÊTE, Procellaria pelagica. De la grosseur d'une grive, haute sur jambes. Cette variété est toute brune, le crou- pion et le ventre exceptés, qui sont blancs ; une ligne brune sépare le ventre en deux parties. Dix rémiges et dix rectrices. Yeux saillants, etiris brun-foncé. Glande lacrymale et nerf très-volumineux. APPAREIL DIGESTIF. Langue représentant un fer de lance à base légèrement concave, dentée en scie, fixée à l'os hyoïde, L'œsophage est ample et susceptible d'une grande dilatation. L'estomac unique est assez vaste; j'en fis l'ouverture, et trouvai quelques débris alimentaires : la digestion était trop avancée pour pouvoir s'assurer quelle pouvait être la nature de la substance alimentaire. Je ne retrouvai pas le jus huileux que l'on dit y exister; le paquet intestinal formait plusieurs circonvolutions. Le foie est volumineux, et occupe toute la région épigastrique, divisé en deux lobes égaux , qu unit un prolongement postérieur, il reçoit et embrasse dans sa division le cœur et la veine cave inférieure; je ne pus trouver la vésicule biliaire, je l'avais sans doute détachée sans m’en apercevoir. La couleur de ce viscère est d’un brun-marron clair. Le pancréas est long, et embrassé par la première circonvolution intestinale. Les reins, situés sur les parties latérales de la colonne vertébrale, sont composés d'un grand nombre de ganglions. Les testicules représentaient deux corps petits, ronds, situés au-devant des reins. Le cœur, petit, conique, est embrassé, comme je l'ai dit plus haut, par le foie. APPAREIL RESPIRATOIRE, Le larynx, situé derrière la langue au-dessous de l'œsophage, est petit, présente une petite fente qui communique dans le ventricule ou glotte, qui a très-peu d'évasement. La trachée-artère est longue, et à son entrée dans la poitrine, Voyage de la Coquille. — Z. Tom. I, Partie I. 77 610 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. se divise pour former les bronches qui vont se rendre dans les poumons, organes cel- luleux , rouges, situés sur les parties latérales de la cavité thoracique, que ferme pres- que entièrement un sternum à base coupée carrément. Ces oiseaux, qu'on retrouve dans toutes les régions du globe, voltigent avec rapidité, et rasent la surface de l'onde, en appuyant souvent leurs longues jambes, et semblent marcher; on en voit du beau comme de mauvais temps. Ils vont de préférence dans le sillage des bâtiments. Ces oiseaux sont sensibles à la perte d’un de leurs compagnons de voyage; je remarquai que lorsque nous prîmes le premier pétrel, qui n’était que blessé, les autres semblaient voltiger autour de lui à plusieurs reprises, sans doute pour le consoler. Pourquoi ces oiseaux ont-ils une glande lacrymale aussi volumineuse ? Nota. On voit dans les parages du cap de Horn un oiseau double du pétrel pélagique, à manteau cendré, foncé blanc sous le ventre, un peu de noir sous le col; je soup- conne que c'est un pétrel. G. GORFOU SAUTEUR. Iris rouge-brun ou brique claire; le palais, et la langue à sa face supérieure, sont garnis de papilles longues et mucronées. L'œsophage est ample, et présente à son extérieur un plan de fibres longitudinales très-saillantes. L'estomac oblong et peu volumineux par rapport à la longueur des intestins , qui est de huit mètres. Le Joie est divisé en deux lobes égaux. Quatorze rectrices grêles, à peine couvertes de barbe; elles vont en augmentant de longueur de la plus extérieure à la septième, qui est la plus longue, de facon que cette dernière regarde celle du côté opposé, et se collent face à face. Ces oiseaux vont ordinairement deux à deux, sans doute mâle et femelle; plongent fréquemment en faisant plusieurs sauts. H. MANCHOT A LUNETTE, Male. ORGANISATION INTÉRIEURE. Le cœur est allongé, conique, et assez volumineux. APPAREIL DIGESTIF. Langue et voile du palais, recouverts de papilles allongées et mu- cronées. ÆEsophage dilatable, tapissé à l’intérieur d’une muqueuse, formant des plis longitu- dinaux qui se perdent dans ceux que présente l'estomac, qui, pris dans son état de vacuité, avait quatre pouces de longueur. Cet crgane allongé forme un coude à ia nais- sance du tube intestinal; sa surface intérieure est tapissée d’une foule de cryptes mu- queux à ouverture béante : ces corps sont principalement situés vers la terminaison de l’œsophage. Les intestins forment plusieurs circonvolutions, détachés du mésentère ; j'en ai mesuré la longueur, qui est de deux cent trente-huit pouces. Le cœcum est unique; avec un peu de soin on s’apercoit que l'extrémité libre est ZOOLOGIE. ce divisée en deux tubercules; ce qui tendrait à prouver que les deux cœcums > que l'on rencontre généralement dans les oiseaux, sont unis dans cette espèce par un tissu cellulaire très-serré. Cet-intestin s'insère à deux pouces du cloaque. Les pancréas, au nombre de deux, sont allongés. Les reins sont trilobés; l’antérieur, qui est le plus volumineux, est ovale. La rate est petite, couleur lie de vin. Les testicules sont petits, ovales, placés au-devant des reins, sur le milieu du rachis. Le foie est bilobé, volumineux, et occupe toute la région épigastrique. La vésicule biliaire, qui était pleine, avait trois pouces et demi de long. Les matières fécales de cet oiseau ont une couleur verte. Peut-on penser que la bile puisse en être la cause ? I LE PUFFINURE où Procellaria urinatrix ? L'oiseau dont il est ici question, semble tenir le milieu entre les pétrels dont il a à peu près le bec et les pieds, et les grèbes dont il a le port et l'habitude de plonger; c'est d’après ces considérations, que je pense que le nom de grébi-pétrel pourrait lui convenir. Cet oiseau habite les parages entre San-gallant et Lima. De la grosseur du pétrel bleu, cet oiseau a, de l'extrémité du bec à la queue, huit pouces et demi. Son plumage n'offre rien de brillant. Le brun-noirâtre du dessus du dos, avec une teinte légèrement glacée de bleu, et tout le devant de son corps d’un blanc lustré, sont les deux couleurs qu'il présente. Le dessus des ailes, ainsi que les flancs , sont d'un blanc-grisâtre. La tête se rapproche un peu de celle du pétrel pélagique. Son bec articulé et crochu, comme celui des puffins, diffère de ce genre par l'ouverture des narines, qui, tournée en haut, a la forme d'un cœur de carte à jouer. Une cloison contournée sépare les deux conduits nasaux ; la couleur en est noire. Les pieds palmés, sans pouce, présen- tent la même couleur, et sont très-rapprochés de la queue, qui tient le milieu entre celle des pétrels et des grèbes. L'œil, situé un peu au-dessus du niveau de la commissure des mandibules, a l'iris rouge-brun. Dimensions. pouces lignes. Longueur totale. ....:.............,.................. 8 6 Abe CRC MALE NE ES RE CS IE TE NE: de la tête, prise à l'extrémité du bec à l'occiput... 1 o Distance de l’œil à l'angle de l'ouverture des mandibules..... o 6 Grosseur ou circonférence.....,..,.......... SLR LAN NE GRO) ENVeLEUre Rene eee miosepeecece cie -teeeec crier: TONNEO Longueur de l'aile. La deuxième rémige plus longue......... 5 o desipieds --FerRc-me-LErercrc ec er Cc eee CR O de laqueue, tee -erececere cree TO HE 612 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. Langue allongée, épaisse, dentelée sur les bords. L'estomac est vaste, et occupe presque toute la cavité abdominale; mesuré de son orifice cardiaque à la pylorique, il y a trois pouces et quelques lignes. L'intestin forme plusieurs duplicatures ou replis. Sa longueur est de vingt-un à vingt-deux pouces. Les deux cœcums à peine sensibles. Ayant fait l'ouverture de l'estomac, j'y trouvai sa capacité pleine d’une matière huileuse grise. La surface interne de ce viscère est parsemée de fellicules muqueux. Le gésier, très-petit, est composé de fibres musculaires, qu'un tissu cellulaire, peu serré, unit. Le foie, peu volumineux, est divisé en deux parties. La rate est très-petite. Le pancréas est peu développé. Les testicules arrondis, jaunes, de la grosseur d’un petit pois. Le larynx, long de trois pouces, n'offre point de cloison dans la partie inférieure, d'où je pense qu'il n’y a pas de larynx inférieur; deux muscles s’y fixent. Le cœur est petit. OBSERVATIONS SUR LES OISEAUX DE SAINTE-CATHERINE DU BRÉSIL. L'île de Sainte-Catherine et le continent voisin, situés par 27° 22° 34” latitude Sud, et 50° 42° 48” longitude Est (détermination prise sur l'île d'Anatomirim), offrent une infinité de points de vue des plus piquants; des fleurs brillant des plus vives couleurs leur prêtent un charme séduisant. Le port en ces lieux est embelli par les immenses et impénétrables forêts vierges, qu'anime le chant des oiseaux : on dit aussi qu'on y entend quelquefois le rugissement des bêtes féroces. Dans les environs de Nostra Segnora do Destero, ville capitale, chef-lieu de la pro- vince, on rencontre des maisons de campagne, séjour délicieux, planté de pêchers, de cafeyers, et d'innombrables orangers dont les fleurs exhalent un doux parfum. Les fruits de ces derniers jonchent la terre, les habitants dédaignant d'en faire la récolte. Sur le continent, dans les alentours du village de Saint-Miguel, près duquel coule le riant ruisseau qui alimente l’aiguade où les navires en relâche dans la baie viennent faire leur eau, des sites pittoresques récréent la vue par leur diversité. Non loin du mouillage des bâtiments de guerre est l’île d'Anatomirim, qu'un étroit passage, hérissé de rochers, sépare du continent. Les oiseaux qui habitent ces lieux sont la plupart ornés des plus vives couleurs. Nous citerons d’abord le vautour aura de Vieillot, qui plane dans les airs, au-dessus des nom- breuses montagnes qui avoisinent Punta-Grossa, pointe de Sainte-Catherine. Il n’est pas le seul oïseau de proie qui trouble le repos des passereaux ; il a dans l’émérillon de Saint- Domingue un puissant auxiliaire. ZOOLOGIE. 613 La craintive pie-grièche tachot se tient dans les arbrisseaux. C'est ordinairement par son cri que le chasseur est averti de sa présence. Sur la côte, vis-à-vis d'Anatomirim , dans les bois qui bordent la route qui conduit à l'établissement que l’on désigne sous le nom d’Armacao, nous vimes le joli tangara tri- colore, le bluet ou évêque, la houpette, et le tangara écarlate. Le moucherolle à longs brins, le tyran à gorge grise, le moucherolle rubis, font leur demeure dans les environs de Saint-Miguel. Les éclatants manakins (manakin tijé ), dont le cri se fait entendre sans qu'on puisse les apercevoir qu'avec les plus grandes difficultés , habitent les grands arbres, où ils se tiennent généralement sur les plus basses branches. La fauvette gazouille son doux ramage près des cabanes des misérables pêcheurs qui avoisinent ce mouillage. L'hirondelle puffine rase de son vol rapide la surface de la terre, tandis que le moineau chingolo et le chardonneret à front jaune ramagent au haut des arbres. ——— #8 600 =— — 614 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. CHAPITRE VIIL CATALOGUE DES OISEAUX RECUEILLIS DANS L'EXPÉDITION DE ZA COQUILLE, AVEC LA DESCRIPTION DE PLUSIEURS GENRES NOUVEAUX ET D'UN GRAND NOMBRE D'ESPÈCES INÉDITES : PAR R.-P. LESSON. ACCIPITRES. 1° CATHARTE URUBU. Cathartes urubu, Less. Ornith. Vultur brasiliensis, LATH., Sp. 8; Burron, Enl. 187. Vultur aura, Cuv.; Vrecor, Am. Sept. pl. Il. Vultur aura, Wars., Am. Ornith. 1. 1X, pl. LXXV, f. 1, p. 95. Turkey-buzzard où Turkey-vulture des Anglo-Américains. Commun au Pérou, aux environs de Callao et de Lima, à Payta, où il vit en troupes familières et confiantes, protégées par les lois du pays. 20 CATHARTE AURA. Cathartes iota, Ch. Bonar., Synop. of the birds of the United- States, p. 23, esp. 5. Vultur jota, Morxna, Chik. Vultur atratus, Wiison , Am. Ornith. t. IX, pl. LXX V, f. 2, p. 104. ZOOLOGIE. 6:15 Black vulture ou Carrion-Crow des Anglo-Américains. Catharista aura, Vieirror, Gal. pl. IV; 4m. Sept. pl. I. Très-commun au Brésil, province de Sainte-Catherine, et surtout dans les iles Malouines. On le retrouve au Chili. 30 PIGARGUE GIRRENERA. Haliætus girrenera, VeirLor. Falco ponticerianus, Gx. Le petit Aigle des Indes, Bürr., Enl. 416; Viencor, Gal. pl. À. Habite les Moluques, la Nouvelle-Guinée, sur les bords des baies. 4° CARACARA FUNÈBRE. Caracara Nove - Zelandiæ ; Falco Noveæ- Zelandiæ , LarTu.; Tewx., pl. col. CXCIT et CCXXIV. Habite les iles Maloumes, les iles de la Nouvelle - Zélande. Cet oiseau parait être répandu sur toutes les terres antarc- tiques. 5o CARACARA VULGAIRE. Caracara vulgaris; Polyborus vulgaris, Vieux, Gal., pl. VIT; Srix, pl. I. Falco brasiliensis, Gu.; SwaAINsoN , [* livraison. Très-commun aux iles Malouines. 6e AUTOUR DE LA NOUVELLE-HOLLANDE. Daœdalion candidum, Less. Ornith., Sp. 5. Falco albus, Suaw in Wavre, 7ravels, pl. XXX V, p. 250. 616 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. Falco Novæ- Hollandiæ, Gu. Latx., Sp. 22; Vic. et Horsr., Trans. Soc. Linn. Lond., t. XV, p. 180. Falco Raï, tbid. (Jeune àge? ). Très-commun aux environs de Port-Jackson, de Parramatta, dans la Nouvelle-Galles du Sud. 7° AUTOUR LONGICAUDE. Daædalion longicauda, Less. Ornith. Sp. 6. Falco longicauda, Garxor, pl. X , texte, t. I, part. IL, p. 558 de cet ouvrage. Habite les alentours du havre de Doréry, où les Papous le nomment Mangaiké. 8° BUSE POLYOSOME. Buteo polyosoma ; Falco polyosoma, Quoy et Gaim., Zoo. de l'Uranie, pl. XIV, t. L part. I, p. 92. Habite les iles Malouines. 9° BUZARD BARIOLE. Circus histrionicus, LEss., Sp. 4. Falco histrionicus, Quoy et Gaim., Zool. Uran., pl. XV et X VI, et p. 93 et 94. Habite les iles Malouines. 109 FAUCON CRESSELLICOLORE. Falco punctatus, Cuv.; Te. pl. XLV. Habite l’île Maurice. 119 EFFRAIE COMMUNE. Strix flammea, L.; Burrow, Enl., 440. ZOOLOGIE. 617 Les individus des environs du Port-Jackson ne différent en rien de ceux de France. 590 GRAND-DUC BARRÉ. Strix viretniana, G. Strix pinicola, Virizz., Am., pl. XIX. Var. magellanique : Strix magellanica, G.; Burr., Enl. 585. Taille plus petite que le Grand-Duc de Virginie; plumage d'un jaune plus pale, moins barriolé de noir ; les poils des tarses très-tachetés; la bande blanche du thorax moins large ou moins apparente. Habite les iles Malouines. GRIMPEURS. 13° COUROUCOU ROCOU. Trogon Curucur, Gx.; Burr., Enl., 452 et 737 (femelle); Le- VAILL., Courouc., pl. I et IT. Surucua , AzArA; Trogon surucua, Vieizx., Encyclop., à. UT, p. 1368. Habite la province de Sainte-Catherine, au Brésil. 14° COUROUCOU A VENTRE JAUNE. Trogon viridis, Ga. Trogon violaceus et strigilatus, Gu.; LEvaizz., Courouc., pl. IIT et IV; Burr., Ænl. 765 ; Srix, pl. XXXVI. Habite la province de Sainte-Catherine, au Brésil. Voyage de la Coquille. —Z. Tome I, Partie II. 73 618 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. 15° COUROUCOU ORANG:A. Trogon atricollés, Vienr., Gal., pl XXXT. Trogon sulfuraceus, Srix, pl. XXX VIT ; Levar£z., pl. VIT, VIII et XV. Habite la province de Ste-Catherine, au Brésil. 160 SCYTHROPS PRÉSAGEUR ou GOERANG. Scythrops Novæ-Hollandiæ, Lara. Anomaleous horn-bill, Lara, èr White Journal, pl. CXLII :; Pairzipp, ZE, p. 165. Scythrops Australasiæ, Saaw; Vieizcor, Gal. pl. XXXIX ; Temm., pl. COXC; Vic et Horsr., 7rans., t. XV, p. 306. Cet oiseau est long de 25 pouces. Son plumage est en entier d'un gris qui est foncé sur le dos, et gris-brunâtre sur les ailes, blanc sur le ventre. Le tour des yeux est rouge, le bec jaune, les tarses bruns, les plumes de la région anale et des cuisses sont striées de noir. La queue est arrondie, rayée finement de brun, et entourée par une raie noire en-dessous. Habite la Nouvelle-Galles du Sud, où le Scythrops est de passage. Il vit de fruits, d'insectes et de petits limacons. Les naturels le nomment Curriang-Gun. 17° ANI DES PALÉTUVIERS. Crotophaga major, L. Gu.; LATHAM, Sp. 2. Grand-Bout de Petun, Burr., Ent. 102, f. 1. Long de 18 pouces. Plumage entier d'un noir-violàtre pro- fond ; les bords des rémiges teints de vert, et la queue noire- violâtre foncée. Une lame tranchante s’élevant sur la base du bec et formée par un renflement de l’arête. Ses mœurs sont farouches ; il vit en familles composées de 6 ZOOLOGIE. 619 à 8 individus. Il se tient habituellement dans les grands arbres nommés Palétuviers, qui croissent sur les bords de la mer. On le trouve à la Guyane et au Brésil : il habite la province de Sainte-Catherine. 180 ANI DE LAS-CASAS. Crotophaga Casasié, Lxss., Man. d'Ornith., t. Il, p.134. À 12 pouces, de la pointe du bec à l'extrémité de la queue; celle-ci a 7 pouces. Cet oiseau a les plus grands rapports avec l'Art des savanes; mais sa taille est plus grèle, plus mince, et il en diffère aussi par son bec à arête recourbée sans saccade tranchante, garnie, sur les deux mandibules, de sillons régu- liers, profonds. Le bece st noir ainsi que les tarses. Son plu- mage est noir mat avec des reflets bleus, plus sensibles sur le dos où ils forment des zones arrondies. Les plumes du cou sont minces, étroites, pointues. Les ailes sont brunes, teintées de roussätre. Les rectrices au nombre de 8 sont d'un noir-pourpré foncé. Leurs tiges sont fortes, robustes, luisantes, ainsi d’ail- leurs que les rachis de toutes les autres plumes. Cet Ani se tient dans les arbres des environs de Lima, et son nom rappelle à la mémoire le défenseur des Indiens que massa- craient les Espagnols : nous en tuâmes plusieurs individus. 19° COUCAL DES PHILIPPINES. Centropus philppensis, Less. Centropus bubutus, Horsr., Java. Cuculus philippensis, Cuv. Coucou des Philippines, Burr. Corydonix pyrrhopterus, Vieux, Encyclop., Ese. 6, t. II, p. 1353. 78. 620 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. Plumage en-dessous d'un bleu-noir intense, chaque plume à tige luisante; bec et tarses noirs ; ailes et manteau chocolat; queue longue, arrondie, très-étagée, bleu-noir. Habite les iles Philippines, Java. Variété de Sumatra. De moitié plus petite; le corps en-dessus brun-noir terne; ailes d’un roux sale. V'ar. de Madagascar. Mème teinte dans la livrée, mais taille encore plus petite. V’ar. de Calcutta. Parties inférieures brun-sale. Jeune äge ou femelle. Taille de l'individu adulte (celle d'une pie); plumage brun, taché et zoné de brun-noir, strié de blanc sur le devant du cou; queue brune en-dessous, rayée de blan- chatre ; du Bengale où l’a trouvé M. Macé. Hab. la Nouvelle-f[rlande. 09 COUCAL MÉNEBIKI. Centropus menebiki, Garnor, t. I, part. 2, p. 600 de cet ou- vrage, et pl. XXXIIT de l'Atlas. Patrie : la Nouvelle-Guinée. 219 COUCAL ATRALBIN. Centropus ateralbus, Less. Koudouma , dans la langue des Nègres de la Nouvelle-Ir- lande. Fronte nigro : collo et pectore niveis : dorso, abdomine , cauda, alisque nigro-cæruleis : super alas speculo albo. (Prancxe XXXIV.) Ce Coucal, remarquable par les deux couleurs opposées de ZOOLOGIE. 6ai son plumage, est à peu près de la taille de la pie de France, et a le port et la taille du Coucal des Philippines. Le bec est noir, fort et robuste. Les tarses sont longs de 18 lignes carnis de 5 scutelles larges, plus élevées sur les doigts, également de cou- leur noire; la longueur du bec est de 20 lignes, celle du corps est de 9 pouces, et la queue en a dix. L'iris est d’un rouge bru- nâtre. Toutes les plumes, par une modification qui semble pro- pre à plusieurs oiseaux des Indes orientales, et surtout aux Coucals des iles polynésiennes, ont une certaine rigidité ; leurs barbes sont serrées et nombreuses sur la tige principale qui est luisante, et sont ciliées très-finement sur léurs bords. Les ailes ne dépassent le croupion que d’un pouce au plus. La queue est très-longue et étagée. Ce Coucal à les plumes du front et du dessus des yeux d'un noir brillant. Le dessus de la tête, le cou, la moitié du dos, la gorge et la poitrine sont d'un blanc pur. Le ventre, les plumes des ailes, du croupion et celles de la queue, sont d'un noir pourpré passant au violet, suivant les reflets de la lumière. Le dessous de la queue est brun, et les couvertures des cuisses sont brunes avec une teinte verte métallique. Les tiges des grandes plumes, des ailes et de la queue, sont noires, lustrées et bril- lantes. Un miroir étroit d'un blanc pur, occupe le milieu du bord de chaque aile. Le bec et les pieds sont noirs. Cet oiseau, dont la moitié supérieure est blanche et l’autre moitié de couleur sombre et foncée, semble être revêtu d'un scapulaire. Le Coucal Atralbin vit dans les forêts de la Nouvelle-[rlande : nous l’observaämes au Port-Praslin, où la corvette la Coquille était mouillée. Les naturels de cette portion avancée des iles Papoues, le nomment Xoudouma. 220 COUCOU À GROS BEC. 622 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. Cucülus ortentalis, Gm., Ent. 586, 764, 7671, 274, f. x, et 277; Levaizz., 4f., pl. COXIV. Cuculus crasstrostris, Vie. Encycl., t. I, p. 1333. Mâle : Ent. 274, f. x. Bec noïr et corné; plumage en entier d'un noir-bleu brillant; tarses noirs : est le 7uhu des Javanais. Femelle. Enl. 2737. Tête rousse et tachetée en long de noir; plumage en-dessus et sur les ailes brun, couvert de gouttelettes rousses, arrondies; deux traits blanchätres ou roux sur le côté des joues; le dessous du corps roux, strié de noir, avec la gorge flammée de brun, ou le devant du cou brun, roux et jaune par taches losangées ; queue régulièrement rayée en travers de jaune- roux et de noir; tarses bruns : est le Chule des Javanais. Variété de la Femelle. (Cuculus scolopaceus, Gu., Ent. 586). Le dessus du corps varié de brun, de blanc et de jaune-roux clair ; le reste comme chez la précédente : crue à tort être le Cuculus taitensis de Sparmann. Jeune Mâle. (Cuculus punctatus, GM., Enl., 771; le Tachi- rou, Levaizz., 4f., pl COXVI.) Tout le plumage en entier ponctué ou rayé de brun et de blanc; tarses olivâtres; bec corné. Deuxième livrée. (Cuculus maculatus, Gu., Ent. 764.) Un noir intense, se dessinant sur les joues, la tête, les ailes, le cou et la poitrine. Troisième livrée. Des taches blanches sur le ventre seulement. Habite les îles de Java, de Sumatra, les Philippines, le Ben- gale, la Cochinchine. Nous l'avons rapporté de l'ile de Java. 23° COUCOU A VENTRE ROUX. Cuculus rufiventer, Lesson ( non figuré). Ce coucou au premier aspect semblerait être une de cesnom- ZOOLOGTIE. 623 breuses variétés du Cuculus orientalis des iles indiennes de l'Est, mais il s'en distingue cependant par des caractères nets et tranchés. Il a treize pouces de longueur totale, et sur ces dimensions la queue entre pour près de sept pouces. Son bec est noir. Les narines sont ovales, ouvertes, percées dans une large membrane qui recouvre la fosse nasale. Le bec est noir, la mandibule inférieure blanchätre : la nature de ses plumes est douce et soyeuse. La tête et tout le dessus du corps sont d'un noir bleu lustré et brillant qui passe au roussâtre sur le croupion et au brun moins luisant sur les ailes et sur la queue. Un large trait blanc naït à la commissure du bec et descend sur les côtés du cou, en s'élargissant près des épaules et se mêlant à des teintes brunes et rousses. Le rebord des ailes est blanc, et leur intérieur est roux. La poitrine, le ventre, les couvertures inférieures sont d'une couleur de buffle sur laquelle se dessinent très-légèrement quelques stries brunes peu apparentes. La queue est étroite, brunâtre, tachetée de roussatre peu distinct en-des- sous. Les tarses sont noirs. Cet oiseau a les cinquième et sixième rémiges les plus longues, la penne bâtarde est très- courte, la deuxième la dépasse un peu, et la troisième et la qua- trième sont graduées. Ce coucou habite la Nouvelle-Guinée. 24° COUCOU D'O-TAÏTI. Caculus taitensis, SpaArm. ; Mus. Carcs., pl. XX XII. Bec rougeâtre, plumage en-dessus, brun ocellé de blanc par larmes et gouttelettes ; le dessous du corps d'un roux vif; les plumes flammées de noir au centre; queue rayée de roux can- nelle et de noir par bandelettes de la même largeur; tarses olivâtres; queue étroite; taille de moitié moindre que celle du Coucou à gros bec ou Cuculus ortentalis. 624 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. Habite l'Archipel de la Société, les îles d'O-Taïiti et de Bora- bora. C’est dans cette dernière ile que nous l'avons tué. Les na- turels le nomment Ooea. Cette description faite sur un individu du Muséum qui porte un N° de nos collections, diffère toutefois de la note que nous avons consignée dans notre Journal, sur les lieux, d'après un individu tué à Borabora. 25° COUCOU ÉCLATANT. Cuculus lucidus, Lara., Synops., pl. XXIIE; Teum., pl. CIE, fr; Nuewr., Encre, Al, p.1955. Hab. la Nouvelle-Zélande. 26° COUCOU CHALCITE. Cuculus chalcites, rc. ; TEmm., pl. CIL, f. 2 ( femelle). Hab. la Nouvelle-Galles du Sud. Assez commun aux environs de Port-Jackson. 270 CACATOËS DE BANKS. Psittacus Banksii, Saw, Misc., pl. XLVIT; Larx., pl. CIX, et Psittacus funereus, Suaw, Misc, pl. CLXXX VI. (Fem.) The funereal Cackatoo, Saw, Misc., t. VI. Ses mœurs sont sauvages : il vit dans les forèts des Montagnes Bleues et dans les grands Eucalyptus des environs de Para- matta. Il vole par troupes, à la manière des Cacatoës blancs, et est extrêmement défiant. 28° CACATOËS BLANC A HUPPE JAUNE. Psittacus galeritus, Lt. ; SHAw. Habite la Nouvelle-Guinée , où les Papous le nomment Wan- ZOOLOGIE. 625 garasse, et ceux de Rony Manaroueffe. Très-commun à la Nou- velle-Galles du Sud, à la Nouvelle-Hollande. 29° PETIT CACATOËS BLANC A HUPPE JAUNE. Psittacus sulphureus, Gi. Très-commun à Bourou et à la Nouvelle-Guinée. 30° CACATOËS A TÈTE ROUGE. Psittacus galeatus, Laru., pl. CXL. Habite le Sud de la Nouvelle-Hollande. 31° ARA À TROMPE. Psittacus aterrimus, Gx. Psittacus Ater, Gmn. Ara à trompe, Levaizz., Perrog., pl. XII et XIIT; Vreuror Gal. pl. L. L. Hab. l'ile de Waigiou et la Nouvelle-Guinée. 32° ARARA DES PATAGONS. Psittacara .patagonica, Less; pl. XXXV br. Psittacus patagonicus, AzarA; Viirior, Dict. hist. nat., XXV, p. 367, et Encycl. Ornith., t. IL, p. 1400; Desu, Dict. sc. nat., t. XX XIX, p. 19. LA Perruche-Ara, décrite primitivement par d'Azara dans son Histoire naturelle des oiseaux du Paraguay, appartient au oœ O enre que Spix dans ces derniers temps a nommé Arara par analogie avec le cri de quelques espèces brésiliennes. C'est au Chili-que nous avons rencontré l’Arara des Patagons. Ce per- roquet y vit par troupes considérables, dont les essaims criards Voyage de la Coquille. — Z. Tom. I, Partie II. 79 626 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. traversent sans cesse la grande baie de la Concepcion; les habi- tants le nomment Cateita et aussi T'alcahuano , du nom du lieu où il se rencontre en abondance. Son cri aigre et discordant résonne au loin dans les forêts de cette partie de l'Amérique ; mais ses mœurs sauvages et défiantes le tiennent en garde con- tre les embuüches des Araucanos, qui estiment sa chair. Cet oiseau a près de 18 pouces de longueur totale, et la queue entre pour à pouces dans cette dimension. Ses ailes sont lon- gues et pointues, et s'étendent jusqu'au milieu des rectrices qui sont fortement étagées et terminées en pointes. Ses propor- tions sont massives et robustes, et son bec est élargi, très-puis- sant et brunätre clair. Les tarses sont très-courts, réticulés, de couleur jaune, à doigts médiocres, munis d'ongles peu robustes. La membrane plantaire déborde les doigts d'une manière re- marquable. ès L'Arara que nous décrivons a le dessus de la tête, la partie postérieure du cou, le dos, les couvertures supérieures des ailes d’un brun olivatre, teinté de vert sur les couvertures moyennes, et presque noir sur le sommet de la tête et surtout au front, où se dessine une sorte de bandeau brun. Les joues sont d'un olivätre brun assez intense, qui s'étend sur les côtés et au-de- vant du cou. Toute la poitrine est brunâtre, avec des teintes blondes qui s'éclaircissent sur les côtés, où apparaissent, au-des- sus des moignons de l'épaule, deux larges taches obliques de couleur blanche : le brunätre se fonce en noir sur le ventre et sur les flancs. Une large tache rouge occupe le milieu de l'abdo- men , et les côtés du ventre, ainsi-que la région anale, sont d'un jaune ocreux, tandis que les plumes des cuisses sont rouge ver- millon. Le dos et le croupion sont aussi d’une teinte jaune assez 5 sur leurs bords et à leur extrémité à du brun noir; les rectrices sont en-dessus d'un vert olivâtre, et brunâtre en-dessous. Les belle. Les rémiges sont d'un vert d'aigue marine, qui fait place ZOOLOGIE. 627 couvertures inférieures sont olivâtres. Les ailes sont vertes en dedans, et les rémiges brunûtres. D'Azara dit qu'on rencontre cet oiseau dans le Paraguay, de- puis le 32° degré de latitude S. jusqu'à la côte de Patagonie; qu'il vit en famille et recherche les graines de chardon et de mais, et qu'il niche dans des trous qu'il pratique dans les fours à briques abandonnés. 33° PERROQUET VERT. Psittacus sinensis, Gu.; Burr., Ent. 514. Hab. les Moluques, Waigiou et la Nouvelle-Guinée. 34° PERROQUET KAKA. Psittacus nestor, Kuur. Psittacus australis, Mus. Lev., Ps. meridionalis , L. Hab. la Nouvelle-Zélande. | 359 LORI CRAMOISI. Psittacus puniceus, Gm.; Leva., pl CXXVI, CXXVII et CXX VIII. Hab. Amboine, Céram et la Nouvelle-Guinée, où les natu- rels le nomment Manambreffe. 369 LORI A COELIER. Psittacus domicella, Gu. Hab. la Nouvelle-Guinée. 37° LORI ROUGE. Psittacus ruber, Gx.; Burr. 510. Je 628 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. 38° LORI NOIRA. Psittacus garrulus, Gu.; Ps. moluccensis, L.; Burr., Ent. 216. Hab. les Moluques. Nous nous le sommes procuré à Sou- rabaya, ile de Java. 39° LORI DE STAVORINUS. Psittacus Stavorini, Lxsson ; Desm., Dict. sc. nat., t. XXXIX, p. 60. De la taille du Lori tricolore, à plumage noir lustré uniforme, excepté l'abdomen qui, jusqu'à la poitrine, est d'un rouge vif. Hab. l'ile de Waigiou, où les naturels nous en vendirent un in- dividu qui fut perdu dans le naufrage de M. Garnot. 40° LORI TRICOLORE. Psittacus Lory, Gu.; Levauz., Perrog., t. IT, pl. CXXIII et CXXIV. Hab. la Nouvelle-Guinée. {1° LORI ÉCAILLÉ. Psittacus guebiensis, Gu.; Levaizz., Perroqg., X, pl. LIT; Ent. 684; SOnNERAT, Joy. Nouv.-Guin., pl. CIX. Hab. l'ile de Bourou, la Nouvelle-Guinée. 42° PSITTACULE DE DESMAREST. Psittacula Desmaresti, Garnor, Z ool. , pl. XXXIL, et texte, part. IT, p. 600. Hab. la Nouvelle-Guinée, où les naturels le nomment Ma- nigaive. ZOOLOGIE. 639 43° PSITTACULE PHIGY. Psittacus coccineus, Saw; Levarz., Perrog., t.E, pl. 64. Hab. les Moluques. 4° PSITTACULE DE KUHL. Psittacula Kuhliï, Vicors, Zool. Journ., N° 3, p. 412, pl. XVI. Cette petite perruche à queue pointue a de longueur totale six pouces. Son bec et ses tarses sont orangés ; le front est vert ; les plumes de la tête et de l'occiput sont longues, étroites, d’un bleu céleste au centre et frangées de noir sur les bords; les joues, le devant de la gorge et du cou, jusqu'au haut du ventre, sont d'un rouge vermillon mat : le milieu du ventre est aussi de ce même rouge, mais la région anale et les plumes des cuisses sont d'un bleu pourpré. Le plumage est en entier d’un vert lus- tré clair, plus foncé et teint de roussaätre sur le manteau; la queue est jaune en-dessous et verte et jaune en-dessus. Les ré- miges sont noires et vertes. Cet oiseau a les narines en scissure et la langue terminée par un cercle de papilles longues, qu'on retrouve chez l'A4ri-manou. Il se nourrit de bananes, et son caractère est extrêmement colérique. Nous nous le sommes procuré dans l'ile de Borabora. 45° PSITTACULE ARI-MANOU. Psittacus taitanus, Gx. Psittacus porphyriocephalus, Saaw, Misce., pl. I, t. 1; Larn, pl. LIX ; Levanue., Perrog., 1, pl. LXV. Hab. l'ile de Taïti, où les naturels le nomment rx. 46° PSITTACULE BLEU. 630 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. Psittacus cyaneus, SParm., Mus. Carls., pl. XX VII Perruche Sparmann, LEevaix., Perroq., t. 1, pl LXVI. Hab. l'ile de Taiti. 47° PERROQUET VASA. Psittacus niger, GM.; LEVAILL., rene ai X CIX. Hab. Madagascar. Nous l'avons rapporté de Maurice, où il vit en captivité. 48° PERROQUET GEOFFROY. Psittacus personnatus, SHAw. Hab. les Moluques et la Nouvelle-Galles du Sud où il est extraordinairement commun. 49° PERRUCHE A MASQUE. Psittacus pusillus, LATH. Très-commune dans les plaines au-delà des Montagnes Bleues où elle vit en troupes ( Nouvelle-Hollande). 50° PERRUCHE A TÊTE GRISE. Psittacus canus, Gu.; Burr., Ent. 701, f. 2. Hab. l'ile de France : originaire de Madagascar ou du Cap. 51° PERRUCHE LORI PAPOU. Psittacus papuensis, Gu.; Levaizz., Perroq., t. UE, pl. LXX VII; SonnerAT, /t. à la Nouv.-Guinee, pl. IT. Hab. la Nouv.-Guinée. 520 PERRUCHE D'EDWARDS. Pstttacus pulchellus, Saw; Levarzz., Perrog., i. 1, pl. LXVIIL ZOOLOGIE. 031 53° PERRUCHE LATHAM. Psittacus discolor, Suaw; Levarzz., Perroq., t. 4, pl. XII. Hab. la Nouvelle-Hollande. 54° PERRUCHE LATICAUDE À CROUPION BLEU. % ‘ Psittacus scapulatus, BEcusr. Psittacus tabuensis, Lara. Var.; Levaizz., Perrog., & 1, pl. LV et LVI; Vrez., Gal. (mâle). Hab. le sud de la Nouvelle-Galles méridionale. 55° PERRUCHE DE PENNANT. Psittacus Pennantit, Saaw, t. Il, pl. LIIT, White, p. 174; Levaize., Perrog., pl. LXX VIIT ; Larx., Syn. p. Gr. Hab. la Nouvelle-Galles du Sud; très-commune dans les Mon- tagnes Bleues où elle vit en troupes. 56° PERRUCHE OMNICOLORE. Psittacus eximius , Saw; Levarcr., Perrog., pl. XX VIII et XXIX; Vrerzor, Gal. Cette jolie espèce est abondante aux alentours de Sydney et de Paramatta ( Nouv.-Hollande), et vit par petites réunions. Les colons l'élèvent en domesticité et la nomment Aose-hrill, du lieu où les premières furent apercues. Elle vit en Europe très- aisément. 57° PERRUCHE A TÊTE BLEUE. Psittacus hœæmatopus, Ga. ; Levaizz., Perrogq., t.4, pl. XLVIT Hab. la Nouvelle-Hollande. 632 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. 58° PERRUCHE LORI. Psittacus ornatus, Ga. ; Levarrr., Perroq., pl. LIL. Hab. les iles de Bourou et d'Amboine. 59° PERRUCHE A BANDEAU ROUGE. Psittacus concinnus, Saaw, Misc., t. VII, pl LXXX VII; Levaizz., Perrog., pl. XLVIIL. Psittacus australis, LaTH. Hab. la Nouvelle-Zélande : c'est la Poa-éte-ré des naturels. 60° PERRUCHE INGAMBE. Psittacus terrestris, SHAW. Psittacus formosus, Lar.; Levarzr., Perroqg., pl. XXXII; LABILLARDIÈRE, Ætlas. The ground-Parrot des Anglais. ITab. la Tasmanie. Nous nous en sommes procuré plusieurs individus au Port-Jakson. PASSER E AUX*. 61° VANGA CAP-GRIS. * Nous devons interrompre ici le catalogue des espèces connues d'oiseaux que nous avons déposées au Muséum, parce que leur nomenclature serait d’un intérêt secondaire pour le lecteur, qui peut d'avance puiser dans les tableaux sur chaque relâche, les détails les plus curieux sur nos recherches en Ornithologie. Ce catalogue aurait grossi beaucoup trop ce volume, sans remplir complétement le but que nous nous étions d’abord proposé; et d’ailleurs les naturalistes trouveront dans notre Traité d'Ornithologie, qui va bientôt paraître, tous les détails qu'ils pourront désirer sous ce rapport. ZOOLOGIE. 633 Vanga kirhocephalus, Less, Atlas, pl. XI, sous le nom de Pie-grièche cap-gris, Lanius kirhocephalus. V. capite et gulo cinereis; dorso aurantiaco; alis, caudäque grisets; abdomine rufo; rostro plumbr coloris et pedibus subnigris. Cet oiseau, de la grosseur d'un merle, a de longueur totale neuf pouces. Le bec est long d'un pouce, du front à son extré- mité ; 1l est fort et robuste, à arête saillante entre les narines, qui sont déprimées. La mandibule supérieure se termine par une pointe crochue et prononcée. Les tarses sont robustes, et le doigt postérieur est remarquablement fort. Les ailes dépassent le croupion; la queue, composée de dix pennes, est légèrement arrondie. La tête, les joues et le dessous de la gorge, jusqu'à la poitrine, sont d’un gris cendré. Le dos , le croupion et les cou- vertures des ailes, sont d'un rouge-brun orangé fort vif. Les grandes pennes et les moyennes, ainsi que la queue, en-dessus, sont d'un gris fauve uniforme. Le ventre, les plumes des cuisses, les couvertures inférieures de la queue sont d'un gris clair, et l'extrémité des pennes s’use très-aisément. Le bec est rouge fauve d'égale teinte. La queue, en dessous, est d'un plombé, et cette couleur semble encore propre aux pieds. Le vanga cap-gris habite les forèts de la Nouvelle - Guinée, aux alentours de Doréry, où les Papous le nomment Prtohoui. 690 ÉCHENILLEUR KAROU. Ceblepyris Karu, Less. Karou dans la langue des Nouveaux-frlandais. C. capite, dorso, nitidè nigris ; als brunneïs cum marginibus nivets ; gulo et pectore medio albido-griseis, numerosissimè sub- nigro sinuolatis ; abdominis et caudæ tectricibus rufis ; uropygio Voyage de la Coquille. —Z. Tome I, Partie 11. 80 634 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. albo nigroque variegato; pennis exteriortbus caudæ albo terminatis. ( Atlas, pl. XIT, sous le nom de Pie-grièche Karou, Lanius Karu.) Cet échenilleur a sept pouces de longueur totale. Ses formes sont élancées, et ses pieds sont peu développés. Le bec est court et peu robuste, légèrement caréné en dessus et terminé par une pointe qui nest presque pas crochue. Les ailes sont poin- tues et s'étendent Jusqu'au milieu de la queue ; la première ré- mige est trés-courte, la quatrième et la cinquième sont plus longues. La queue est arrondie à son extrémité, ce qui tient à la disposition des pennes dont la longueur n'est pas égale, et qui sont comme étagées. Les tarses sont courts, et les trois doigts très-peu prononcés. L'ongle du pouce posté- rieur est le plus fort. Le bec et les pieds sont noirs; l'iris est brun. Le dessus de la tête, du cou, du dos et de la queue de l’éche- nilleur karou est d'un noir luisant et verdâtre. Les couvertures des ailes sont noires et bordées chacune d’un liséré assez large d'un blanc pur. Les grandes pennes offrent une teinte brune foncée à l'extérieur et à leur extrémité, et sont blanches à leur partie moyenne et interne. L'extrémité des deux ou trois plu- mes rectrices externes de la queue, est terminée par du blanc; celle-ci est entièrement brune en dessous : le croupion est mélangé de blanc et de brun. Une ligne blanche passe der- rière l’œil et va se réunir à la base du bec sur le front. Toutes les parties inférieures de l'oiseau, la gorge, la poitrine et les flancs, sont d'un gris blanc léger, striées de lignes brunes régulières. Le milieu de l'abdomen, de même que les couvertures inférieu- res de la queue, sont d’un marron clair. Nous avons conservé à ce ceblepyris le nom de Karou que lui donnent les naturels de la Nouvelle-Irlande ; il habite les alentours du port Praslin, situé à l'extrémité de la grande terre, qui fait partie des archi- pels orientaux de la Malaisie. ZOOLOGIE. 635 63° PHONYGAME. Phonyeama, Less. Chalybœus, Cuv. Les oiseaux qui composent le genre phonygame appartien- nent exclusivement à la Nouvelle-Guinée. Répartis naguère sans ordre, dans les paradisiers, ou parmi les:rolliers et les corbeaux, M. le baron Cuvier les a réunis le premier aux cas- sicans. Mais une modification importante dans l'organisation de la trachée- artère de l'espèce nouvelle, à laquelle nous im- posons le nom de phonygame de Kéraudren, nous à autorisé à la séparer des barita pour en former un genre que nous avons décrit dans le Dictionnaire classique d'hist. naturelle, et qu'un peu plus tard M. Cuvier établissait de son côté sous le nom de calybe (chalybœus ). Les phonygames ont en effet le bec des cassicans, bien qu'il soit beaucoup moins gros, et que les narines soient percées dans un large espace membraneux. Les caractères que nous leur assignons sont les suivants : Le bec est robuste, convexe, un peu élargi sur les côtés, la mandibule su- périeure à peine crochue au sommet, la mandibule inférieure est moins épaisse que la supérieure et se trouve renflée vers son extrémité. Les ailes sont arrondies et dépassent légèrement le croupion ; la queue est médiocrement longue , étagée, arron- die; les tarses sont médiocres, scutellés, à ongles peu robus- tes; la trachée-artère se dirige sur la poitrine et l'abdomen pour y former plusieurs cercles que la peau recouvre seule- ment dans une espèce. Les phonygames ont des plumes soyeuses et métallisées, le chant sonore, et vivent dans les profondes forêts de la Nouvelle- ? Règne animal, 2° édit., t. I, p. 354. 80. 636 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. Guinée. On en connait trois espèces remarquables par leur beauté et leur rareté. 64° PHONYGAME DE KÉRAUDREN. Phonygama Keraudrentt ; Less. Man. tom. I. Mansinéme , dans la langue des Papous de Doréry. Issape , en idiome du canton de Rony. (Atlas, pl. XIIL. ) P. corpore prorsuüs chalybæo-viridi; capite villoso, duabus cris- tis decorato; colli plumis mucronatis ; pedibus et rostro nigris. Ce bel oiseau a douze pouces de longueur totale du hout du bec à l'extrémité de la queue. Il a les formes du merle, sans le surpasser de beaucoup en grosseur. Les plumes qui revêtent la tête, les narines et les joues, sont courtes, serrées, et de la dou- ceur du velours. Leur teinte est d’un noir passant au vert sombre doré suivant les effets de la lumière. Deux huppes distantes oc- cupent les parties latérales et postérieures de l’occiput: elles sont minces, triangulaires, et formées de plumes effilées, linéaires. Les plumes qui garnissent le cou, sont imbriquées, triangulai-_ res. Celles de devant sont linéaires, très-pointues et terminées par une petite soie, plus apparente sous la gorge. Le rachis et la partie inférieure sont d’un noir-brun, les barbes sont d'un vert a reflets métalliques. Les plumes de l'abdomen ont cela de particulier d'avoir leur tige très-gréle, garnie de barbules très- fines et très-lâches. Elles sont d’un vert sombre, tandis que celles du dos sont d’un vert chatoyant. Les ailes, les couvertures, le croupion, et le dessus de la queue, sont d’un vert passant à l'acier bruni. La partie interne des rémiges, et des plumes cau- dales, est d'un brun terne, le dessous des ailes et de la queue est noirâtre. Le bec et les pieds sont noirs : la base des doigts de ceux-ci est élargie par un rebord membraneux. ZOOLOGIE. 63- La trachée- artère de cet oiseau mérite un examen particu- lier : elle est figurée pl. XIIT, n° 2; ce tube carülagineux, ar- rondi, composé d'un très-grand nombre de petits cylindres réunis par une membrane, fournie par une tunique extérieure mince et diaphane, a de longueur totale, et en ligne droite, dix- sept pouces et demi, et de cent à cent vingt anneaux cartilagi- neux. En partant des poumons, il se dirige en avant jusqu'au sternum sur le bord antérieur duquel il se courbe, pour descen- dre extérieurement et en arrière sur l'abdomen, en dessus des muscles qui forment cette capacité, et sous les téguments qui constituent la peau. Là, la trachée-artère se contourne, re- monte l’espace d'un pouce, se recourbe aussitôt en formant une petite anse; et le tube, accolé à la portion précédente, redescend et forme, en se contournant de nouveau, un cercle entier qui vient ainsi s'accoler au bord externe du premier cer- cle, en formant sur les parties molles de l'abdomen un plateau ovalaire et épais, composé de trois tours adossés de la trachée, et réunis par des portions membraneuses. Le tube aérien continue de remonter sur le sternum, le long du cou, en s'unissant, comme à l'ordinaire, aux branches de l'os hyoïde et à la base de la langue’. La conformation de cet organe, dont nous ne connaissons point d’analogues chez les oiseaux, si nous en exceptons quelque chose de semblable chez le cygne et chez le hocco, permet au phonygame de moduler des sons comme avec un Cor; aussi cet oiseau est-il doué d'un chant essentiellement musical. Les sons que. pousse dans les profondeurs des forêts de la Nouvelle- ! Une telle organisation doit sans contredit nuire singulièrement à l’incubation. Chez cet oiseau se pratiquerait-elle comme chez le coucou, par l’envahissement de nids étrangers? ou bien la femelle, seule chargée de cette importante fonction, au- rait-elle son larynx moins compliqué ?.. 638 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. Guinée le phonygame Kéraudren, ne permettent point de le confondre avec aucune autre espèce d'oiseau. [ls sont clairs, dis- tincts et sonores, et passent successivement par presque tous les tons de la gamme ; aussi nos marins lui donnèrent-ils le nom d'oiseau siffleur. Mais, défiant et rare, nous ne pümes nous procurer que deux individus de ce volatile, dans les grands arbres qui avoisinaient le havre Dorery, où nous étions mouil- lés. L'un d'eux fut tué par M. Bérard, lieutenant de vaisseau. Les Papous de Doréry le nomment mansinéme, et ceux de Rony, issape. Nous avons dédié cet oiseau à M. Kéraudren, inspecteur général du service de santé de la marine. Ce savant médecin, l'ami particulier de Péron, n’a jamais cessé, depuis le voyage du capitaine Baudin, de favoriser les recherches d'histoire naturelle, et de prodiguer des encouragements aux officiers de santé de la marine royale. 65° PHONYGAME NOIR. Phonygama ater, Less. Parmi les nombreuses dépouilles de Paradisiers que les habi- tants de la Nouvelle-Guinée apportaient chaque jour à bord, se trouvaient des Calybés, privés de leurs pieds, et traversés d'un bâton comme les vrais oiseaux de paradis. Ensuite nous nous procuràmes plusieurs fois, dans nos chasses, un oiseau qui ne diffère de celui dont nous parlons, que par un plumage plus sombre et plus terne, et aussi dans quelques-unes des proportions du corps, du bec, des ailes ou de la queue. Nous le regardons comme une espèce distincte du calybé des auteurs, car tous ceux que nous vimes étaient adultes et en plumage complet, et ne permettent point de le confondre avec le calybé ordinaire avant ou apres la mue. ZOOLOGIE. 639 La longueur totale de notre calybé noir, est de quatorze pouces six lignes. Le bec ne diffère en rien de celui du calybé ordinaire. La tête est grosse, et la queue longue de six pouces, est arrondie par la disposition des pennes comme chez le précédent. Le plu- mage esten entier d'un vert bleuàtre métallique n'ayant point de teintes irisées chatoyantes et violettes. Les plumes du cou et de l'abdomen ne sont point gaufrées, ni sablées d'or et d'argent, sur un fond vert et bleu d'acier bruni, comme sur le calybé ; mais celles qui recouvrent ces parties ont une teinte uniforme, ayant l'éclat du fer spéculaire, suivant les reflets de la lumière. Les plumes de la tête et du cou sont courtes, serrées, et ve- loutées. Les narines sont à moitié fermées par une membrane, et sont en partie cachées par les plumes du front qui s'avancent de chaque côté de l’arête du bec qui est noir : l'iris est rouge de corail, les jambes sont de la mème couleur que le bec; les tarses sont revêtus de larges écussons; les doigts sont forts, munis d'ongles comprimés, aplatis en dessous et recourbés. Ce calybé vit solitaire dans les forêts de la Nouvelle-Guinée. Nous le rencontràmes plusieurs fois perché dans les grands arbres dontilrecherche les fruits : ses mœurs paraissent avoir beaucoup d'analogie avec celles des corbeaux. Les Papous lui donnent le nom de nansinéme. 66° CASSICAN DE QUOY. PBarita Quoyt, Less. Kohuoque, dans la langue des Papous. B. totus niger ; rostro albo ad basim, nigro acier. ( Atlas pl. XIV.) C'est des alentours du havre de Doréry, à la Nouvelle-Gui- née, que provient ce cassican nouveau qui a treize pouces de longueur totale, et le plumage entièrement noir lustré. Le bec a près de deux pouces, il est robuste, très-épais à la base, élargi 640 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. en dessus, comprimé vers la pointe, la mandibule inférieure est terminée par un crochet légèrement recourbé en bas. Les na- rines sont étroites, ouvertes latéralement. Le bec, à sa moitié, est d'un blanc bleuàtre nacré, passant au bleu noir au milieu. L'extrémité des deux mandibules est d'un noir vif, s'affai- blissant à leur pointe. Un cercle de peau dénudé entoure l'œil. L'iris est gris roux. Les plumes du front forment un demi-cercle lésèrement échancré; elles sont disposées par petites houppes et couvrent la base du bec de poils raides et arrondis, placés de chaque côté, implantés à se toucher, et dont celui du milieu est le plus prononcé. Le plumage de cet oiseau est partout d'un bleu noir lustré. Les pennes des ailes et de la queue sont d'un noir-brun avec quelques teintes, sur leurs bords, de bleu-noir analogue à celui des plumes qui recouvrent le corps : le dessous est d’un brun terne. Les ailes s'étendent jusqu'aux deux tiers de la queue qui a Cinq pouces. Les trois premières rémiges sont les plus courtes; les quatrième, cinquième et sixième les plus longues. La queue composée de douze pennes, est légèrement arrondie. Les pieds et les ongles sont noirs : ceux-ci sont comprimés sur les côtés et très-acérés à leur sommet. Le doigt postérieur est le plus fort. De larges scutelles couvrent les tarses. Le cassican Quoy parait être rare, du moins nous ne pumes nous en procurer qu'un seul pendant notre séjour dans le havre Doréry à la Nouvelle-Guinée. Les Papous lui donnaient le nom de kohuoque qu'ils ont consacré aussi à plusieurs oiseaux à plumage noir. Ses habitudes sont très-bruyantes, et il s'agite sans cesse sur les branches ou il se tient perché. Nous avons dédié cet oiseau au docteur Quoy si connu par ses importants travaux dans les expéditions des capitaines de Freycinet et d'Urville. ZOOLOGIE. 64x 67° SÉRICULE PRINCE-RÉGENT. Sericulus regens , Less. ( FEemeLze, pl. XX.) Oriolus regens, Quox et Ga, Zool, pl. XXIT et pag. 105; Teux. pl. coloriées, n° 320. King's honey sucker, Lewis, Oéseaux de la Nouv.-Holl., pl. I. Sericulus chrysocephalus, Swainson, Zool. Journ. n° 4, 1825, pag. 463; Vic. et Horsr., Trans. soc: Linn. Lond. t. XV, pag. 326. Sericulus ( fæmina), capitis vertice atro; maculä nigrà pectori; fronte grisea ; dorso fulvo, flammis albis notato ; abdomine at- bido, plumis brunneo cinctrs; alis, caudäque griseo rufis. N. La phrase caractéristique du loriot prince-régent, mâle, par MM. Quoy et Gaimard , est la suivante : Oriolus, capite, collo suprà alarum dimidiä parte, luters ; pec- tore, ventre caudäque nigris; rostro flavo. Celle de M. Swainson est ainsi tracée : Sericulus rniger ; cervice , remigibusque secundartiis aurets. Le séricule prince-régent mâle à son plumage satiné, formé des deux couleurs vives et tranchées le jaune et le noir. On le trouve à la Nouvelle-Hollande, où, sans étre rare, il est difficile de se le procurer, parce qu'il n'habite que les points rapprochés du tropique, et que les Anglais le recherchent avec le plus grand empressement, pour sa beauté, et parce qu'il porte le nom de leur souverain actuel, régent du royaume lorsqu'on le découvrit. Le célèbre navigateur King, fils de l'ancien gouver- neur de la Nouvelle-Galles, a toutefois réclamé pour son père l'honneur d’avoir donné son nom à cet oiseau magnifique. Quoi qu'il en soit, la première figure qui en a été faite est celle de M. Lewin, alors à Sydney, qui le nomma meliphaga chrysoce- 81 Voyage de la Coquille. — Z. Tom. I, Partie IL. 642 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. phala, ou këng’s honey sucker, pl. L. MM. Quoy et Gaimard dé- crivirent et donnèrent une figure de l'individu mâle, dans leur Zoologie, et M. Temminck, dans ses belles planches coloriées. M. William Swainson le sépara des loriots, d'après l'indication de Lewin, que la langue était terminée par un pinceau, et en forma le genre sericulus , dans lequel il proposa également de placer le paradisæa aurea de Latham, et qu'il caractérisa ainsi : Rostrum oriolt rostro simile ; tarst elongati, validi ; cauda subfur- cata. Le séricule prince-régent male à été parfaitement décrit dans la Zoologie de l’Uranie et dans le texte de M. Temminck (pl. CCOXX); le Muséum ne le possédait point, et nous avons été assez heureux pout lui en offrir un superbe individu. L'oiseau que nous décrivons comme la femelle, a été tué à port Macqua- rie par M. Fenton, chirurgien anglais de la garnison, qui s'est assuré du sexe, et a vu la femelle avec son mâle; il nous a affirmé cette circonstance, que l’analogie la plus grande dans les formes confirme complétement. La langue, comme celle des philédons, nous assura-t-il également, est terminée par un pin- ceau de fibres cartilagineuses, que M. de Blainville regarde comme des papilles très-développées. ( La femelle du séricule prince-régent que nous avons figurée (pl. XX ) est loin de présenter le plumage éclatant du mâle: sa livrée au contraire est triste et sans coloris; rapprochement fort remarquable de cette espèce avec les loriots. Sa longueur totale du bout du bec à l'extrémité de la queue est de dix pouces. Les pieds et le bec sont bruns. L'iris est rougeñtre. La mandibule inférieure, à sa pointe, présente de chaque côté une petite échan- crure, qu'on retrouve à la mandibule supérieure. = L'occiput est recouvert d’une plaque noire. Le front est gri- satre et granulé de brun. Un demi-collier noir occupe le des- sous de la gorge et se dessine légèrement sur la nuque. Le dos ( ZOOLOGIE. 643 est entièrement d'un gris brunâtre, plus foncé sur le bord des plumes dont le centre est blanc, ce qui forme des gouttes ou des taches ovalaires nombreuses et émaillées ; au-dessous de la ca- lotte noire, on remarque une ou deux plumes jaunes à la base de l'occiput. La poitrine, le ventre, les couvertures des cuisses sont d'un blanc grisätre, et chaque plume se termine par un re- bord brun. La queue est composée de douze pennes presque égales; les ailes sont d’un fauve blond uniforme, plus foncé en dedans; le dessus de la queue est d’un blanc légèrement gris. Cette espèce habite les forêts encore vierges des alentours de New-Castle et de port Macquarie, à la Nouvelle-Galles du Sud. 68° MOUCHEROLLE ENADO. Muscicapa Enado, Less. (PI. XV, fig. 2.) Ce moucherolle a de longueur totale cinq pouces . Son bec plombé et ses tarses sont bruns; le dessus de la tête est d'un noir intense; tout le plumage sur les parties supérieures du corps est d’un roux cannelle plus foncé sur les ailes et le croupion. La gorge, le devant du cou jusqu'au haut de l'abdomen est d’un jaune roux assez vif. Le ventre et le bas-ventre sont blancs. Du brun teint le roux des rectrices qui sont égales, et du noir se mêle au roux vif des rémiges. Cet oiseau habite les forêts qui entourent le havre de Doréry, à la Nouvelle-Guinée. Les naturels le nomment £nado. 69° GOBE-MOUCHE POMARÉ. Muscicapa Pomarea , Less., pl. XVIL, £. A. B. C. Gobe-mouche de Maupiti, Muscicapa maupitiensis, GARNOT, part. Il, p. 592 de cet ouvrage. Hab. : lesiles de la Société. 644 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. 70° PHILÉDON DE DUMÉRIL. Philedon Dumerilr, Less. (PI. XXI.) Depuis que la figure de ce gracieux philédon a paru, nous avons la certitude que c’est de lui dont parle Sparmann dans son Mus. Carlson., et qu'il a représenté dans la planche V, sous le nom de Certhia melanura. Cependant la description de Spar- mann est assez incomplète, car elle se borne à ce peu de mots : La tête et le dos sont violatres, le ventre et la poitrine verdâtres, les ailes fauves, la queue noire un peu échancrée, les tarses bruns. Enfin cet auteur lui donne pour patrie le cap de Bonne- Espérance, sans doute par erreur, car notre philédon est de la Nouvelle-Zélande. Mais si la description de Sparmann laisse beaucoup à désirer, celle de Blumenbach, bien que réduite à une seule phrase, peint toutefois cet oiseau à ne pas s’y tromper sous le nom de Certhia Sannio (Man. d'hist. nat., t.1, p. 209, pl. XIV.) « Ce grimpe- «reau de la Nouvelle-Zélande, dit Blumenbach, est vert olive «sur le corps; la tête est violette , les rémiges sont brunes, ainsi «que la queue qui est presque fourchue. » Le philédon de Duméril a cinq pouces et demi de longueur totale. Son bec est noir, recourbé sur l’arête, les narines revé- tues d'une membrane. Son plumage est en entier, d'un vert oli- vâtre uniforme, se teignant de jaune sur le bas-ventre. Des re- flets d'un pourpre brillant et comme métallisés, colorent le des- sus de la tête jusqu'à l’occiput, les joues et la gorge. Deux faisceaux de plumes d’un beau jaune d’or, recouvrent les épaules. Les grandes rémiges sont brunes, bordées d'olivatre, les moyen- nes sont teintées de vert. La queue un peu fourchue est d'un noir bleu intense. Les pieds sont gris, et l'iris d'un beau rouge. Cet oiseau vit à la Nouvelle-Zélande, où les naturels le con- naissent sous le nom de koko-i-matko. ZOOLOGIE. 645 Nous regardons comme le jeune âge du philédon Duméril, un individu représenté pl. XXI, fig. 2, et qui en diffère par sa taille moindre, par la teinte violette moins apparente et moins pourprée sur le sommet de la tête. Deux traits d’un blanc pur se dessinent aux angles du bec. Les petites rémiges sont brunes, terminées de blanchatre. Tout le dessus du corps est olivatre, et le dessous d'un jaune, d'abord teint de rouille sur le cou et la poitrine, et puis clair et net sur le bas-ventre. Le bec et les tarses sont noirs. Les ailes et la queue sont brunûtre teint d'olive. Nous en tuàmes plusieurs individus sur les bords de la baïe des Iles à la Nouvelle-Zélande. 71° PHILÉDON À OREILLES JAUNES. Philedon chrysotis, Less. (PL XXI és.) Le nom de ce philédon devra être changé, puisque déja Lewin, dans sa pl. V, en a figuré une espèce qu'il nomme meliphaga chrysotis, et qui est le certhia chrysots de Latham. D'ailleurs tout autorise à le placer dans un genre distinct qu'on pourrait ainsi caractériser : bec dela longueur de la tête, élargi à la base, comprimé sur les côtés vers la pointe, à narines percées en scis- sure étroite au bas d'une membrane tendue sur les fosses na- sales. Le tour de l'œil nu; les tarses médiocres, scutellés, à pouce robuste, à ongles médiocres ; les rectrices égales au nom- bre de dix; les ailes courtes, concaves, à première rémige tres- courte, à 3°, 4°, 5° et 0° égales et les plus longues. Le philédon à oreilles jaunes, a huit pouces trois lignes de longueur totale, et le bec entre pour dix lignes, et la queue pour trois pouces dans ces dimensions. Le bec est noir et les tarses sont blanchätres. Le plumage en dessus est d’un olivâtre teint 5 de roux sur le dos et sur le croupion. Les ailes sont brunes rous- 646 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. sâtres , ainsi que les rectrices. Le menton et la gorge sont d'un gris ardoisé; deux touffes d'un jaune d’or se dessinent de chaque côté sous les oreilles. Le bas du cou en devant et la poitrine sont d’un jaune mélangé de roussâtre, passant au roux brun sur le ventre et les flancs. Ce philédon habite la Nouvelle-Guinée sur le pourtour du havre de Doréry. 720 PHILÉDON ROUGEFRONT. Philedon rubrifrons, Less. ( Non figuré .) Cet oiseau a près de six pouces de longueur totale ; son bec est noir et les tarses sont gris-brun. Une plaque de couleur fer- rugineuse recouvre le devant de la tête, et se trouve bordée sur l'œil par un liséré blanc. Son plumage en dessus est brun ver- miculé de brun plus clair. Les couvertures des ailes sont brunes bordées de roussâtre, et les rémiges brunes sont lisérées de jaune. Un long plastron blanc couvre toute la partie antérieure du cou, et se trouve encadré de noir-brunàtre. Une ceinture brune traverse la poitrine ; le ventre est blanchàtre et les flancs sont grisatres. Les rectrices donnent à la queue une forme four- chue : elles sont brunes rubanées de blanchtre. Ce philédon habite les environs du port Jackson. Un individu que nous regardons comme la femelle a le rouge ocreux de la tête beaucoup moins vif; le plumage plus tacheté en dessus; la gorge teintée de jaune, et le devant du cou d'un brunätre sale, le ventre roussâtre. . 73° ÉCHELET PICUMNE. Climacteris scandens, Tes. ( PI. col. CCLXX XI, fig. r.) Habite le port Jackson. ZOOLOGIE. 647 74° MARTINET À MOUSTACHES. Cypselus mystaceus , Less. Capite, caudü et alis atro-cyaneis ; duabus mystacibus niveis super oculos et infrà ; collo, pectore, dorso, abdomineque brunneo- ardotstacets ; tectricibus alarum, caudæque, albis. (PI. XXII.) Notre martinet à moustaches rappelle de suite la forme et la disposition de l’élégante espèce de martinet coiffé (cypselus co- matus ) décrit et figuré dans la 45% liv., pl. CCLX VITI des oi- seaux de M. Temminck. L'espèce décrite par le naturaliste hol- landais en diffère par sa petite taille qui n'est que de cinq pouces huit lignes, et par les teintes du plumage’. Elle provient de la grande ile de Sumatra, tandis que le martinet à moustaches ha- bite la Nouvelle-Guinée, où il vole assez communément dans le jour, sur les lieux marécageux du bord de la mer, et au- dessus des petites rivières, où se trouvent en plus grande abon- dance les insectes dont ii fait sa nourriture. Cet oiseau a de longueur totale onze pouces, et la queue en a elle seule six. Le bec est brun, très-aplati. Les tarses sont courts, nus; les doigts sont assez longs, de couleur brune ainsi que les ongles qui sont peu forts. Le pouce est dirigé en arrière et long de six lignes : le doigt du milieu en a neuf. Les couleurs du martinet à moustaches, quoique sombres et sans le moindre éclat métallique, par l'heureuse disposition des teintes plus ou moins foncées et du blanc, produisent un agréable effet. Le Martinet coiffé de M. Temminck a également deux moustaches en-dessus et en-dessous de l'œil; mais les joues sont recouvertes de plumes rouges ocracées. Les ailes et la queue sont bleues, et le corps est d’un vert cuivre bronzé. 648 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. Le dessus de la tête est d'un bleu indigo noir. Une bande blanche qui prend naissance aux narines, remonte au-dessus de l'œil et va se terminer sur les côtés de la tête en circonseri- vant la calotte foncée qui la revêt. Sous la mandibule inférieure nait une touffe de petites plumes blanches, qui côtoie la com- missure et se termine sur les côtés du cou, par deux longues plumes blanches, effilées, libres, simulant parfaitement ce qu'on nomme moustaches chez le soldat. Le dos, le croupion, la gorge, la poitrine et les flancs, sont d'un ardoisé brunâtre. Les ailes sont de la couleur bleu indigo de la tête, excepté la moitié des couvertures qui est d'un blanc de neige. Des plumes cendrées occupent le milieu de l'abdomen, et les couvertures inférieures de la queue sont grisâtres; le dessous des pennes de celles-ci est brun. Les tiges sont blanchâtres. Les deux grandes pennes de la queue les plus extérieures, dépassent les autres rectrices de plus de deux pouces; elles sont blanchâtres sur leur bord externe en- dessous. Ce martinet ainsi que plusieurs autres oiseaux, tels qu'un eurylaime, le mino, etc., annonce l’analogie que présente le système entier des terres de la Polynésie, et que les mêmes pro- ductions, depuis Sumatra jusqu'aux iles les plus avancées dans l'Est, se reproduisent successivement sur chacune d'elles en particulier. 75° HIRONDELLE D'O-TAITT. Hirundo taitensis, Less. Cette hirondelle a quatre pouces et demi de longueur totale, et les ailes de même longueur que la queue, qui est un peu fourchue. Tout son plumage en dessus est d’un bleu noir très- intense et très-brillant. Les rectrices et les rémiges sont d’un noir mat. Un bandeau rouge ferrugineux recouvre le front. Tout le de- ZOOLOGIE. 649 vant du cou, depuis le menton jusqu'à la poitrine, est d'un rouge: de rouille uniforme. Les parties inférieures sont brunes, excepté les couvertures inférieures de la queue qui sont grises et bordées de brunûtre. : Cette petite hirondelle habite les iles de la Société et plus par- ticulièrement O-Taiti, où les naturels la connaissent sous le nom d'opea. 76° CAROUGE ROUNOIR. Icterus rufusater, Less. (PL XXIIL, fig. r.) Ce carouge qu'on pourrait nommer peut-être avec plus de raison à barbillons charnus, habite les iles antarctiques de la Nouvelle-Zélande, où il n’est pas rare. Sa longueur totale est de près de huit pouces. Son bec est noir, assez robuste, à mandibule supérieure large en dessus, et à bords à arête vive; ce qui, joint à la compression de la mandibule inférieure, lui donne une forme quadrangulaire. Les narines sont ouvertes dans un repli membraneux qui recouvre les fosses nasales. La commissure de la bouche est déjetée, bordée par une membrane jaune qui s'é- largit chez les mâles ou dans le temps des amours, et retombe sous la forme de deux crêtes aplaties en pendeloques charnues sur les côtés du bec, mais qui n'existent pas chez plusieurs indivi- dus que nous avons sous les yeux, et qui manquaient à celui qui a servi de type à la figure gravée, pl. XXIIT. Ce carouge a le bec et les tarses noirs. Le plumage en entier sur la tête, le cou, la poitrine, le ventre est d'un noir intense bien que mélangé d’une teinte fuligineuse. Le manteau et les couvertures des ailes sont d'un rouge cannelle vif, qui sétend sur le croupion. Les rémiges et les rectrices sont d’un brun uni- forme. La queue est égale. Jusqu'à ce jour tous les oiseaux des genres éroupiale, carouge Voyage de la Coauille. — Z. Tom. I, Part. II. 82 650 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. caciques ne s'étaient présentés qu'en Amérique. Cette espèce des iles australes de la Nouvelle-Zélande est donc, sous le rap- port de la distribution géographique des oiseaux, une anomalie fort remarquable. Les nouveaux Zélandais donnent à ce carouge le nom de &ra-oua-ké. 77% ÉTOURNEAU DES TERRES MAGELLANIQUES. Sturnus militaris et loyca, GM., LarH.; Burr., Ent. 113. Le Pechiolorado, Frezier, Ze. Cet étourneau nommé blanche-raie par Buffon , est le picho-6 . guanchaco des péons de Buenos-Ayres et l'étourneau à palatine rouge de Commerson. Il est brun en dessus varié de roux, cha- que plume étant bordée de cette dernière couleur; le tour de l'œil , l'épaule et tout le dessus du corps sont d’un rouge de feu ; une raie blanche part de l'œil et se rend à l'occiput, une deuxième occupe le dessous de l'œil ; la femelle a son plumage de couleur terne. Cette espèce habite les iles Malouines, le Chili et le Pérou. Mais nous avons remarqué que plus cet oiseau s'approchait de l'équateur, moins ses couleurs étaient vives. 78° CORBEAU VIEILLARD. Corvus senex, Less. pl. XXIV. Mengita des Papous. C. Fulvo-griseus, genis nudis ; capite, gula, pectoreque subal- bidis ; rostro pedibusque albo-lividis. Cet oiseau, de la grosseur du corbeau ordinaire, est remar- quable par la teinte mélangée de fauve gris de son plumage, la force de son bec et la nudité de ses joues. Brun fauve en des- sus, les rémiges extérieures brunes, ce corbeau à la tête, le cou et le haut de la poitrine d'un blanc sale, prenant une teinte gri- ZOOLOGIE. 65r sâtre sur l'abdomen. La queue, longue de neuf à dix pouces, est légèrement étagée. Les tarses écussonnés, à larges plaques, longs de deux pouces, sont forts, de couleur blanc-jaunàtre pâle; les doigts sont robustes, armés d'ongles puissants : celui du pouce est le plus long. Les ailes, longues de douze pouces, dépassent très-peu le croupion ; la troisième penne est la plus longue. Le bec, comme nous l'avons déja dit, est très-fort, arqué légèrement et aplati sur les côtés, à la base; les narines sont grandes et rondes : quelques soies blanches les entourent ; les yeux sont placés au milieu d’un large espace membraneux nu, de couleur jaune faible. La longueur totale de cet oiseau est de dix-neuf pouces. Il habite le havre Dorery( Nouvelle-Guinée). 79° MINO. Mino, Less. Nous avons proposé ce nom qu'on trouve cité dans Edwards, pour ètre appliqué à une belle espèce d'oiseau que nous avons découverte dans les forêts de la Nouvelle-Guinée. Depuis, en étu- diant mieux les caractères de ce nouveau genre, nous avons pensé qu'on devait lui adjoindre le philedon goulin qui n'est point un martin. M. le baron Cuvier, dans la deuxième édition de son Règne animal, a eu la même idée, et propose un genre goulin dont le nom scientifique se trouve être gymnops. Mais déja le Bavaroïs Spix avait appliqué ce nom de gymnops à des caracaras, de sorte que nous devons préférer notre dénomination, toute vicieuse qu'elle puisse être, et comme plus ancienne, et comme moins susceptible de faire naïître des erreurs de synonymie. Les attributs des minos seront donc d’avoir: le bec fort, arrondi, à mandibule inférieure plus large que la supérieure; celle-ci est convexe en dessus, légèrement recourbée, échancrée à la pointe, et presque égale à l’inférieure. Cette dernière est élargie, non 82. 652 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. comprimée, garnie d'une membrane nue entre ses deux bran- ches, descendant de chaque côté de la gorge. La commissure formant un angle comme dans les martins. Les narines sont laté- rales, fermées par une membrane, à moitié recouvertes par des plumes petites disposées en faisceaux, terminées par plusieurs barbes ou poils roides ; le tour des yeux est entièrement dégarni de plumes, et enveloppé jusqu'à l'occiput par une membrane nue ou couverte d'appendices vermiculés. Les ailes sont presque aussi longues que la queue, dont la deuxième rémige, la plus longue, ne dépasse que de peu la troisième et la quatrième: la première est un peu plus courte. La queue est composée de douze pennes courtes et rectilignes. Les tarses sont forts et robustes, à scutelles larges. Les deux doigts externes sont réunis ; les ongles sont comprimés, convexes en dessus, aplatis en dessous, et re- courbés. 80° MINO DE DUMONT. Mino Dumonti, Less. (PI XXVI.) C'est dans les profondes forêts de la Nouvelle-Guinée, si peu connues et si riches en animaux nouveaux, que vit le Mino de Dumont remarquable par son plumage. Gros et ramassé dans ses formes, il n'a que neuf pouces de longueur totale. Le bec a, lui seul, quinze lignes, et la queue n'a que deux pouces. Le bec est fort et robuste, de couleur jaune orangée. La membrane qui embrasse les branches de la mandibule inférieure et qui des- cend sur les parties latérales de la gorge, est jaunätre ; les côtés de la tête, du front à l'occiput, sont garnis d’unelarge peau nue, qui revêt la surface des joues, et qui est couverte de papilles vermiculées, égales , érectiles, d'un jaune orangé très-vif. Les plumes du front et des narines sont courtes, rigides, non velou- tées, composées de petites houpettes, terminées par des tiges ZOOLOGIE. 653 raides. Les plumes du front et du sommet de la tête sont d’un vert noir luisant comme celles du cou, du dos, des couvertures des ailes, du ventre, des flancs et des jambes ; les premières sont blanches à leur racine, et les dernières sont grises. Les plumes du cou sont pinnulées sur chaque barbe, et le rachis est terminé par un petit faisceau aplati et oblong. Au mi- lieu de ces plumes, sur la gorge et sur les côtés, et derrière le cou, naissent un grand nombre de petites plumes éparses sem- blables à des poils, très-fines, très-simples et s'élargissant, à leur sommet, en une petite palette : elles sont blanches. Les ailes et le dessus de la queue sont d’un brun verdâtre. Le croupion et les couvertures inférieures de la queue sont d’un blanc très-pur. Un miroir blanc, peu apparent lorsque les ailes sont fermées, occupe le milieu des cinq premieres rémiges, en commencant en dedans du rachis de la première. L'extrémité de celles-ci est brune, et leurs barbes extérieures sont comme échancrées ou coupées en biais vers le bout de l'aile. La queue ne dépasse les rémiges que de six lignes. Le ventre est d’une couleur verte bronzée comme le dos. Il présente à son milieu, entre les cuisses et jusqu'à la région anale, une large tache d'un jaune vif. Quelques petites plumes analogues à celles que nous avons mentionnées au cou, sont, cà et la, éparses sur l'abdomen : le dessous des pennes de la queue est brun. Les tarses sont longs et garnis de scutelles larges et minces. Le doigt du milieu est le plus long : il est uni, à sa base, avec l’externe qui est le plus court et le plus faible; les tarses, les doigts et les ongles sont d'un jaune très-vif. Le mino de Dumont habite les alentours du havre Doréry à la Nouvelle-Guinée. Nous nous en procuràmes deux individus, l'un tué par M. Bérard, lieutenant de vaisseau, et l’autre par un de nos meilleurs marins, le nommé Valentin. Nous avons dédié cet oiseau à M. Charles Dumont de Sainte- 654 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. Croix notre beau-père, connu par plusieurs ouvrages de juris- prudence, et auteur de la partie ornithologique du Dictiennaire des sciences naturelles publié par M. Levrault. 81° PARADISIER. Paradisæa , LiNN£. Pendant notre séjour à la Nouvelle-Guinée, nous nous pro- curàmes quelques renseignements sur l'oiseau de Paradis petit- émeraude. Ce bel oiseau vit par bandes dans les vastes forêts du pays des Papous, archipel situé sous l'équateur, et qui se compose des iles Arou, de Waigiou, et de la grande terre nom- mée Nouvelle-Guinée. Ce sont des oiseaux de passage qui chan- gent de district suivant les moussons. Les femelles se réunissent en troupes nombreuses sur les sommités des plus grands ar- bres des forêts, crient toutes à-la-fois pour appeler les mâles, qui paraissent en petit nombre au milieu d'elles, et semblent se former un sérail à la manière des gallinacées. Tous les oiseaux de paradis , à l'exception des manucodes et des émeraudes que nous tuàmes nous-mêmes, nous furent ap- portés par les Papous, qui trouvèrent un vif empressement parmi les nombreux amateurs de l'expédition. C'est par leur entremise que nous nous procuràames les deux espèces d'Éme- raude, le Manucode, le Loriot-paradis-orangé, le Sifilet , le Su- perbe, le Magnifique, et le Paradisier rouge. Le nombre des dépouilles que les naturels de ces contrées apportaient à bord de la corvette la Coquille, ainsi que les épimaques promefils et à parements frisés, la pie de paradis ou astrapia nigra, doit faire supposer que ces oiseaux si estimés en Europe y sont sin- gulièrement multipliés. Le manucode se présenta deux fois dans nos chasses, et nous tuâmes le mâle et la femelle. Cette espèce paraît monogame, ou peut-être n'est-elle isolée par paires qu'au moment de la ZOOLOGIE. 655 ponte. Dans les bois, cet oiseau n'a pas d'éclat. Son plumage rouge de feu ne le décèle point, et sa femelle n'a que des tein- tes ternes. Il aime à se tenir sur les arbres de teck dont le large feuillage l'abrite, et dont le petit fruit forme sa nourriture. Il à l'iris brun, et les pieds d'un bleu d'azur très-tendre. Les Papous le nomment saya. Dès les premiers jours de notre arrivée à la Nouvelle-Guinée, cette terre de promission des naturalistes, nous apercûmes les Paradisiers-émeraudes volant dans ces vieilles forêts, filles du gi- que et le plus pompeux spéctacle qui puisse frapper les regards temps, dont la sombre profondeur est peut-être le plus ma d'un Européen. Ces volatiles frappaient l'air avéc grace et par ondulations : les plumes de leurs flancs formaient un panache gracieux et aérien qui, sans hyperbole, ne ressemblait pas mal à un brillant météore, filant dans l'air comme une étoile. On ne pourrait guère avoir une idée exacte des Paradisiers d’après les peaux que les Papous vendent aux Malais et qui nous parviennent en Europe. Ces peuples les chassent pour décorer avec leurs dépouilles les turbans de leurs Radjahs. Ils les nom- ment Mambéfore dans leur langue , et les tuent pendant la nuit, en grimpant le long des arbres où ils se couchent, et les tirant avec des flèches faites exprès et très-courtes, qu'ils faconnent avec le rachis des feuilles d’un latanier. Les Camponss ou villages de Mappia et d'Emberbakène, sont célèbres par la quantité des oiseaux qu'ils préparent, et tout l'art des habitants se borne à leur arracher les pieds, à les écorcher, à leur fourrer un bâton- net à travers le corps, et à les dessécher à la fumée. Quelques- uns, plus adroïts et sollicités par les trafiquants chinois, les dessèchent avec les pieds. Le prix d’un oiseau de paradis chez les Papous de la côte, est au moins d’une piastre, et ces peuples préfèrent l'argent à tout autre objet, même à du fer travaillé. On tua, pendant notre séjour à la Nouvelle-Guinée, une 656 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. vingtaine de ces oiseaux. M. Bérard, lieutenant de vaisseau, zélé pour les collections que nous formions pour le Muséum, voulut bien nous en remettre un qui orne en ce moment les galeries du Jardin du roi. L'Emeraude, en vie, est de la taille du geai de France. Son bec et ses pieds sont bleuâtres. L'iris est d'un jaune éclatant; ses mouvements sont vifs et agiles; il ne se perche communé- ment que sur le sommet des plus grands arbres. Lorsqu'il en des- cend, c'est pourmanger les fruits de quelques espèces de médiocre taille, ou lorsque le soleil dans toute sa force, lui fait un besoin de chercher de lombrage. Il affectionne certains végétaux, et fait retentüir les environs de sa voix perçante. Son cri lui devint fatal parce qu'il servit à nous faire connaitre ses allures. C'est à force de persévérance en l’épiant que nous parvinmes à en tuer, car lorsqu'un paradisier mâle est perché et qu'il entend bruiser dans le silence de la forêt, il se tait et ne bouge plus. Son cri est un l’orke, Vorke, Vorke, Votko, fortement articulé. La fe- melle a le même cri, mais elle le pousse d'une mamière bien plus faible. Celle-ci, déchue du brillant plumage de son époux, n’a que de sombres atours. Nous en rencontrions, sur chaque arbre, des réunions d'une vingtaine, tandis que les mâles, toujours solitaires, n'apparaissaient qu'accidentellement. Les jeunes ont la plus grande ressemblance avec les femelles. Ce n'est qu'à la deuxième mue que les brins s'annoncent, et que la gorge verte décèle le véritable sexe. C’est au lever du soleil et à son coucher que l'oiseau de para- dis va chercher sa nourriture. Dans le milieu du jour, il se tient caché sous le large feuillage du teck, et n’en sort point. Il sem- ble redouter l’action des rayons brülants de cet astre, et ne point vouloir s'exposer à ses atteintes. Pour chasser les oiseaux de paradis, les voyageurs appelés à visiter la Nouvelle-Guinée doivent se rappeler qu'il est néces- ZOOLOGTIE. 657 saire de partir dès le matin du navire, d'arriver.vers quatre heures au pied de l'arbre de teck ou du figuier qu'on sait que ces oiseaux recherchent à cause de leur fruit (notre sé- jour a eu lieu du 26 juillet au 9 août), et de rester immobile jusqu'à ce que les màles, pressés par la faim, viennent sur les branches qu'on aura jugées à distance convenable. Il est indis- pensable de posséder un fusil à très-longue portée et chargé à gros plombs; car il est fort difficile de tuer sur le coup un éme- raude, et, s'il n'est que blessé, il est bien rare qu'il ne soit pas perdu pour le chasseur, dans des fourrées tellement épaisses qu'on ne peut y reconnaitre son chemin sans boussole. Le paradisier petit émeraude mange sans doute de plusieurs substances dans son état de liberté. Nous pouvons affirmer qu'il vit de graines de teck et d'un fruit nommé amihou, blanc rosé, de saveur fade et mucilagineuse, de la grosseur d'une petite figue d'Europe, et qui appartient à un arbre du genre ficus. Ces fruits plaisent à beaucoup d'oiseaux, car ils sont aussi recher- chés par les calaos, les manucodes et les phonygames Calrbé et Keraudren. Nous avons vu deux oiseaux de paradis conservés en cage depuis plus de six mois chez le chef des commerçants chi- nois à Amboine ; ils étaient toujours en mouvement, et on les nourrissait avec du ris bouilli; mais ils aimaïent surtout les blattes ou kakerlacs. Ce trafiquant nous les fit cinq cents francs pièce; nous regrettàmes de ne pouvoir les apporter en France, où ils auraient vécu, sans doute, car leurs habitudes analogues à celles de nos pies, nous promettaient, sous ce rapport, de nombreuses chances de succès. Il serait trop long de rechercher la plupart des opinions émises sur les paradisiers ; il nous suffira de dire que le charlatanisme et le désir de donner une grande réputation à des êtres déja assez beaux par eux-mêmes, a long-temps propagé l'erreur que les oiseaux de paradis étaient sans pieds, erreur que Linné a Voyage de la Coquille. — Z. Tome I, Partie II. 83 658 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. sanctionnée par le nom trivial d'apoda. Cependant, dès 1527, Pigafetta avait formellement dit ( Journal du premier voyage autour du monde, pag. 197): « On nous donna pour le roi « d'Espagne deux oiseaux morts, très-beaux, de la grosseur d'une « grive, à tête petite, et à bec long; les jambes de la grosseur « d'une plume à écrire. Cet oiseau ne vole que lorsqu'il y a du «vent. On dit qu'il vient du paradis terrestre, et on l'appelle « bolondinata, c'est-à-dire oiseau de Dieu. » D'ailleurs le Museum Wormianum, publié (petit in-folio, à Lyon) en 1655, donne une figure exacte en bois du paradis émeraude avec ses pieds, pag. 294, et le nomme z#anucodiata. On en trouve aussi une fi- gure sur cuivre, pag. 673 du Museum calceolarium, et le para- disier émeraude y est nommé chamæleon aëreus. On peut puiser à ces sources, ainsi que dans Aldrovande, Valentyn, Forrest, et une foule de vieux auteurs, notamment Séba , tous les rensei- onements possibles sur les histoires dont les paradisiers ont été l'objet. Sonnerat ( Voyag. à la Nouvelle-Guinée, Paris 1776, in-4°, 120 fig.), a aussi fourni de nombreux détails sur ce sujet : Vieillot et Levaillant ont rivalisé par les belles figures qu'ils en ont données. M. Garnot a publié l'anatomie de l'oiseau de paradis petit émeraude, et on en lira les détails avec intérêt pag. 597 de ce volume. 82° MANUCODE. Paradisæa regia, L. PI. XX VI (FEMELLE ). Le Manucode màle est un des oiseaux de paradis le plus an- ciennement connus et les plus beaux. Valentyn (t. IL, p.312), Knorr (Del. nat. t. Il, pl. V), Séba(t. I, pl. XXX VIEL, fig. 5 ), Buffon (Enl. CCCCXCVI ), l'Ornithologie de Florence, Daudin (Ornithologie, t. IT, pl. XIX), Levaillant (Par. pl. VIT, VII), ZOOLOGTE. 659 ont publié l'histoire de cet oiseau, et l'ont accompagnée de por- traits plus ou moins exacts. Mais la femelle avait été jusqu’à ces dernières années com- plétement inconnue, et sa description faisait lacune dans l'his- toire de cette magnifique et somptueuse espèce. Toutefois elle est venue prouver l'analogie de ses rapports avec les autres oi- seaux de paradis, dont les mäles sont vêtus des plus brillantes parures, tandis que les femelles ont une livrée terne et sans éclat. La femelle du manucode que nous avons fait graver dans la planche XX VI, a six pouces et demi de longueur totale. Son bec, de couleur roussätre, est légèrement comprimé sur les côtés, et élargi à la base. Les plumes du front s'avancent sur les fosses nasales et dérobent les narines. Les ailes s'étendent jusque vers le milieu de la queue; elles sont concaves et com- posées de rémiges assez larges. Les rectrices, au nombre de douze, sont égales, arrondies à leur extrémité, et peu consistan- tes. Les tarses sont longs d'un pouce, garnis de scutelles très- minces peu apparentes. Les doigts antérieurs gradués, sont plus faibles que le pouce dont l’ongle est robuste. Les pieds sont en entier colorés en bleu-de-ciel tendre dans l’état de vie. Tout le plumage de cet oiseau est un marron-brun sale et jaunâtre dis- posé de la manière qui suit : la tête, le dos, les couvertures des ailes, et le croupion, sont d'un brun-roux-foncé uniforme. Les moyennes couvertures des ailes et les rémiges sont d'un roux- ocreux vif, se changeant en brun sur les barbes internes de ces dernières. La queue, en dessous, est d'un roux brun à teinte égale, et d'un brun-jaune clair en dessous. Les joues et les côtés du cou sont roux-brun tacheté de jaune-roux. L'iris est brun. Tout le dessous du corps, depuis la gorge jusqu'aux couvertures inférieures de la queue, est d'un jaune-roux finement rayé de brunâtre par raies rapprochées et régulières. 83. 660 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. Cette femelle n'a point d'éclat, n’a point de parure: sa queue est régulière; en un mot, elle ressemble à un oiseau obscur et insignifiant; mais il s'attache à sa connaissance le haut intérét que la beauté et la rareté de son époux inspirent aux ornithologistes. M. Roland, le maître canonnier de la corvette {a Coquille, qui nous a rendu tant de services par son adresse à la chasse, tua le mâle et la femelle du manucode qui ornent en ce moment les galeries du Muséum. Ces oiseaux, que les Papous des alen- tours du havre de Doréry nomment Saya , vivent par couples solitaires dans les forêts de la Nouvelle-Guinée, où ils recher- chent les graines de teck et les figues d'amthou, espèce dont le nom botanique nous est inconnu. 83° LE PARADISIER ROUGE. Paradisæa rubra, Lacée.; Viezs. pl. IL; Levarez. pl. VE (PL XX VIT FEemeLce. ) Le mâle de cet oiseau de paradis a été supérieurement figuré dans les belles planches de Levaillant, et se trouve décrit d'une manière complète dans les auteurs, de sorte que nous n'au- rons ici qu'à nous occuper de la femelle, inconnue jusqu'au- jourd'hui. Les voyageurs n'avaient donné quelque attention qu'aux mà- les des oiseaux de paradis. Leurs dépouilles destinées à servir de parure ou à enrichir les cabinets des curieux , étaient les seules dont on recherchàt avec empressement la possession. Les fe- melles, dédaignées, n'étaient point parvenues en Europe, et Levaillant seul fit connaître celle du petit émeraude, dont nous rapportämes un grand nombre de dépouilles que l'on peut voir dans les galeries du Jardin du roi ou dans plusieurs collections d'amateurs à Paris. ZOOLOGIE. 667 Comme toutes les femelles des paradisiers, celle que nous décrivons est sans parure et sans vives couleurs, bien cependant que les teintes qui composent sa livrée soient assez douces pour flatter l'œil, et ne pas la faire dédaigner par ceux qu'attire seule l'élégance du plumage. La femelle du paradisier rouge a douze pouces quatre lignes de longueur totale ; dans ces dimensions, la queue entre pour quatre pouces et demi. Les tarses ont dix-huit lignes, et sont garnis de larges scutelles en avant. Les doigts antérieurs sont gradués, moins robustes que le pouce, qui est terminé par un ongle fort et puissant, tandis que les antérieurs sont de moitié plus faibles. Les tarses sont bleus dans l’état de vie, tandis que le bec est plombé avec une teinte rougeûtre. Dans cette espèce, les narines ne sont point recouvertes par les plumes du front; elles sont placées dans une fossette large et basale. Un masque d’un marron très-foncé et d'un aspect soyeux re- couvre le front jusqu'au milieu de la tête, descend sur les joues, en enveloppant les yeux, et se termine en s'arrondissant au mi- lieu et en devant du cou. L'occiput, le derrière du cou et le devant, au-dessous du masque marron, sont d'un jaune doré plus franc sur la tête, et qui se mêle sur le manteau et sur la poi- trine avec le marron qui teint ces parties. Sur le dos toutefois se Joint une teinte jaune-orangée brillante, mais peu dessinée. Tout le dessus du corps, le dos, le croupion, les rémiges, les rectrices sont d'un marron franc à aspect séricéeux. Sur les épaules le marron est teint de jaune rougeätre. Tout le dessous du corps, le haut de la poitrine, les flancs, le bas-ventre, et même les couvertures inférieures , sont d'un marron ou choco- lat plus clair que sur le dos et à aspect velouté. Les ailes sont marron en dedans, ainsi que l'est la queue en dessous. Elles ne s'étendent que jusqu'au tiers supérieur de celle-ci, qui est assez longue, égale, et composée de rectrices peu fermes. 662 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. C'est dans l'ile de Waigiou, qui fait partie du système des terres des Papous, que nous nous procurâmes la femelle du paradisier rouge. Nous en sommes redevables à M. Bérard, qui la tua sur les bords du havre d'Offack, et qui voulut bien en enrichir nos collections. 84 TRAQUET TURDOIDE. Sazxicola merula, Less. Ce Traquet est long de six pouces. Son bec est fort, rougeûtre. Les ailes s'étendent jusque vers le milieu de la queue. Le plu- mage en dessus est brunâtre, teinté de roussâtre, plus clair sur le croupion. Les rémiges sont brunes bordées de roux sur leurs barbes externes. Le devant de la gorge est blanchâtre, vermi- culé de brunâtre; le devant du cou et la poitrine sont roux: le ventre, les flancs et le bas-ventre sont d'un roussâtre blond très- clair. Les tarses sont blanchâtres. Cet oiseau habite la Nouvelle-Irlande, aux environs du port Praslin. 85° MOINEAU A TÊTE BLANCHE. Fringilla albicilla, Vrss. Ce Moineau a quatre pouces huit lignes de longueur, le bec noir, assez mince, et les tarses rougeatres. La queue un peu plus longue que les ailes, est composée de rectrices inégales, légèrement étagées. La tête, le cou, la poitrine, sont d'un gris-blanc légère- ment teint de roussâtre sur le cou. Le manteau, le dos, les ailes et la queue, sont d'un roux-brun uniforme, tirant au roux vif sur le croupion. Les épaules sont cendrées, et les rémiges bru- nes bordées de blanc sur leurs barbes internes. Le ventre est d'un gris blanchâtre, les flancs et le bas-ventre sont brunûtres. L'iris est rouge. L'individu que nous décrivons était du sexe mâle, et a été tué ZOOLOGIE. 663 à la baie des Iles à la Nouvelle-Zélande, où les naturels le nom- ment toitot. 86° BOUVREUIL TÉLASCO. Pyrrhula Telasco, Less. (Planche XV, fig. 3.) Ce joli petit Bouvreuil a trois pouces neuf lignes de lon- gueur totale, et les dimensions de ses diverses parties sont en rapport avec sa taille. Son bec est noir et ses tarses sont bru- nâtres. Son plumage en dessus est brunâtre ardoisé et rous- sätre , flammé de brun noir ; le croupion est blanchâtre cendré ; le devant de la gorge et du cou est d’un marron foncé; tout le devant du cou, depuis sa partie moyenne et antérieure jusqu'aux couvertures inférieures, est d'un blanc pur, hormis les flancs qui sont brunätres. Les ailes sont brunes, ex- cepté leur milieu que traverse une raie blanche. La queue est fourchue, brun foncé, chaque rectrice terminée en pointe. Ce bouvreuil habite les environs de Lima au Pérou, et son nom est celui d'un Indien très-connu dans notre littérature. 87° FAUVETTE DES MALOUINES. Curruca macloviana, Less. Sylvia macloviana, Garnor, Remarques sur la Zoologie des les Malouines. Cet oiseau est long de six pouces ; son bec et ses tarses sont noirs; la tête est recouverte par une calotte de brun-roux foncé, et cette teinte s'étend même sur le menton qui est roux, et sur les joues où ce roux s'affaiblit en devenant légèrement rou- geàtre. Tout le plumage en dessus est d'un cendré-brun teinté 664 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. de roussâtre, passant au brun sur les couvertures supérieures de la queue. Le devant du cou et la poitrine sont d'un gris roussä- tre très-clair, qui passe au gris blanchätre sur le ventre et les flancs. Les plumes des cuisses sont roussâtres. Les ailes sont presque aussi longues que la queue ; elles sont grises cendrées, et chaque plume, même les rémiges, est finement lisérée de blan- châtre. Les rectrices sont égales, brunes, à barbes internes beau- coup plus longues que les externes, qui sont blanchâtres. Cette fauvette vit aux îles Malouines, et n’est point com- mune. 88° FAUVETTE OLIVE. Curruca olivacea, Less. Longue de cinq pouces, cette fauvette a le bec corné et les tarses noirs ; une sorte de calotte brunätre recouvre la tête; le dos, les ailes, le croupion et la queue, sont d'un brun olivatre, et toutes les parties inférieures sont d'un gris-clair tirant au blanc jaunâtre sur l'abdomen. Les rémiges sont brunes, lisérées très-légèrement en dehors de gris clair. Les couvertures infé- rieures de la queue sont jaunâtres. Cet oiseau habite l’ile de Sainte-Catherine au Brésil. 89° PITPIT SOMBRE. Anthus sordidus, Less. e Pitpi 1 u is lign : Ce Pitpit a trois pouces trois lignes de longueur ; un bec grèle, noir, légèrement déprimé. Les tarses sont alongés, min- ces, d'un beau noir, à ongles très-comprimés, les antérieurs . \ e A petits et treés-aigus. Une sorte de calotte brunatre sur la tête; dos, côtés du cou, croupion et couvertures alaires d’un marron brunätre. La gorge et le cou en devant d'un roussâtre mé- langé dé gris à teinte très-claire; le ventre, les flancs et les ZOOLOGIE. 665 couvertures inférieures d'un roux-brun foncé. Les ailes s'éten- dent jusqu'a la moitié de la queue : elles sont brunes; les rémiges d'un brun-blond très-clair. Les rectrices sont égales, noires, les deux latérales bordées de blanc sur leurs barbes extérieures. Cet oiseau habite les environs de Talcahuano, dans la pro- vince de la Concepcion au Chili. 90° TROGLODYTE CHILIEN. Troglodytes chilensis, Less. Le quarexa, AzARA? Ce Troglodyte est long de quatre pouces deux lignes. Son bec assez robuste, long de six lignes, est de couleur cornée. Ses tarses sont proportionnés et jaunätres; le plumage est en dessus d’un brun strié de roussâtre clair, tirant sur le blond roux sur le croupion. La gorge est blanchâtre; le devant du cou et le haut du thorax sont d’un roux blond agréable, et les flancs sont d’un roux assez vif; les ailes s'étendent jusqu'au mi- lieu de la queue à-peu-près ; leurs rémiges sont d'un roux que relèvent des raies peu apparentes et par zones brunes. Les rec- trices sont d'un roux encore plus décidé, et également traver- sées de raies assez larges brunes. Ce Troglodyte habite le Chili, aux environs de la Concepcion. g1° SYNALLAXE DE TUPINIER. Synallaxis Tupiniert, Less. (PL XXIX, fig. 1.) Ce Synallaxe a les plus grands rapports avec le #horn-tailed- warbler que Latham à figuré pl. LIT de son Synopsis ornitholo- gique, et qu'il indique comme provenant de la Terre-de-Feu. Tou- Voyage de la Coquille. —Z. Tome, Partie II. 84 6066 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. tefois quelques différences, dues peut-être au sexe ou à l'âge, nous autorisent à décrire cette espèce en ces termes : Le Synallaxe de Tupinier a cinq pouces six lignes de longueur totale ; son bec est grèle, effilé, de couleur cornée, ses tarses sont assez proportionnés et rougeûtres. Ce qui le distingue est la forme de ses rectrices qui sont longues, étagées, roides et graduées , et qui se terminent par une pointe aigué due au ré- trécissement subit des barbes, qui sont longues sur le bord in- terne de la tige. Ces rectrices, dont les plus externes sont très- courtes, sont au nombre de dix; elles sont colorées en marron fort vif et tachées de noir sur les moyennes en dessous. Le som- met de la tête est d’un noir profond. Une bandelette d'un roux doré part du front, surmonte les yeux et descend sur les côtés du cou; le dos, le manteau et les ailes, sont d’un roux noirâtre ; le croupion est d'un roux vif; la gorge, la poitrine, sont d'un gris clair; le ventre est gris un peu plus foncé; les ailes sont cour- tes et étroites ; elles sont brunes variées de roux clair, par raies assez larges, et œillées de blanc à la terminaison des petites ré- miges. Ce synallaxe habite la province de la Concepcion au Chili. Son nom rappelle celui d’un directeur du matériel de la marme, protecteur éclairé des voyages de cireumnavigation, qu'il favo- rise de tout son pouvoir, et dont il a beaucoup contribué à faire publier les résultats. 92° SITTELLE OTATARÉ. Sitta otatare, Less. (PI XXIIT, fig. 2.) Cette Sittelle a sept pouces et demi de longueur totale, en y comprenant onze lignes pour le bec. Les ailes s'étendent jus- que vers le milieu de la queue; le bec comprimé sur les côtés, aplati à sa base, est brun en dessus, jaune en dessous. Les tarses ZOOLOGIE. 667 sont plombés, garnis de scutelles élargies , et munies d'un ongle puissant au pouce. Tout le dessus du corps est brun mêlé de beaucoup de jaune pale, qui domine sur le dos et le croupion. Tout le dessous du corps est d’un jaune-serin uni. Les ailes sont variées de brun et dejaune clair, leursrémiges sont brunes termi- nées d’un rebord blanc et frangées d'olive sur leur bord externe; les rectrices sont légèrement étagées, brunes, terminées de blanc jaunâtre, et donnent à la queue une forme arrondie. Cette Sittelle habite l'ile d'O-Taiti, où les naturels la nomment o-tataré. 93° ÉPIMAQUE ROYAL. Epimachus regius, Less., pl. XX VIIE, ( male ). Ptiloris paradisœus, Swainson, Zool. journ. E. Corpore atro purpurascente ; capite pectoreque smaragdo vi- rescentibus ; abdomine œris viride ; hypochondrium pennis lon- gioribus nulles, (mas). Les Epimaques, Æpimachus , voisins des promerops dont ils ne sont qu'un démembrement, appartiennent à l'ordre des passereaux et à la tribu des ténuirostres de la méthode de M. Cuvier. Les seules espèces admises jusqu'à ce jour dans ce genre sont le proméfil, le paradis multifil et l’épimaque royal ; les deux premiers, originaires des iles des Papous ; et le dernier, vivant dans les parties chaudes de la Nouvelle-Galles du Sud. L'épimaque royal male a de dix à onze pouces de longueur totale, et le bec entre pour quinze lignes dans cette dimension, en le mesurant depuis les plumes du front jusqu'à la pointe, car il est largement fendu, et la commissure avance jusque sous les yeux. La couleur du bec, celle des tarses et des ongles est un noir mat. La queue est élargie, presque rectiligne et composée de dix rectrices. Les ailes sont courtes, concaves, la première 84. 668 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. rémige très-courte, la deuxième plus longue, les cinquième, sixième, septième et huitième presque égales et les plus longues de toutes. Le dessus de la tête est revêtu de plumes écailleuses d'un vert bleuâtre d'acier irisé; une cravate triangulaire occupe le devant du cou et de la gorge, en formant un plastron de plumes écailleuses , brillantes et jouissant de tout l'éclat de l’é- meraude, en prenant, sous les rayons lumineux, divers reflets chatoyants et métallisés. Ces plumes sont triangulaires, colo- rées en vert olive mat et comme frangées sur les bords, tandis que leur portion moyenne est à facettes et resplendissante. Le plumage du dos, des ailes, a la douceur du velours, et sa cou- leur noire intense en offre l'aspect et la nature séricéeuse, sous un certain jour, tandis que, différemment éclairé, il prend les teintes les plus suaves du velours noir-ponceau, passant au riche violet. Des plumes comme écailleuses recouvrent aussi l'abdomen ; elles sont plus fermes que celles du cou et de l’oc- ciput, noires séricéeuses au centre, et frangées de cuivre de rosette et d'acier chatoyant. La queue est courte, presque rectiligne , et les rectrices sont d'un vert-doré uniforme en dessus. Les tarses sont noirs, gar. nis de scutelles en avant et de lamelles réticulées en arrière. Les ongles qui terminent les doigts sont très-robustes, très- crochus, comprimés sur les côtés et concaves en dessous. Celui du pouce est le plus puissant. Le bec est légèrement fléchi dans sa longueur et très-com- primé sur les bords, et la commissure se déjette un peu en se recourbant en dessous. Les narines sont percées dans une mem- brane située dans une fossette que les plumes du front recou- vrent en partie. [l est complètement noir. La femelle de cette rare et belle espèce d'oiseau a dix pouces et demi de longueur totale. La queue entre pour trois pouces et demi dans cette dimension et dépasse les ailes de vingt lignes. ZOOLOGTE. 669 Les plumes qui recouvrent la tête, depuis le front jusqu'à l'occiput et sur les joues, sont d'un gris brun, et chaque très- petite plume est rayée en long d'un trait blanc. Un sourcil blan- châtre assez large se dessine derrière les yeux. Les petites plu- mes du tour des yeux et du rebord de la mandibule inférieure, et celles des jugulaires, sont blanchätres teintées de roux vif. Le dos, les couvertures des ailes, le croupion, sont d'un gris- olivätre-brun uniforme; les rémiges et les rectrices, d'un fauve 5 brunâtre tirant au blond vif mais ferrugineux. Le rebord de 5 l'aile est varié de blanc et de brun, ainsi que le dessous. Les rémiges en dessous sont brunes près des tiges, et couleur rouille ou d'un blond doré sur leurs bords. La gorge est blanchätre sans tache : le devant du cou, les côtés; le thorax, et toutes les parties inférieures jusqu'aux plu- mes tectrices de la queue en dessous, sont d'un gris teint de roux ; et, sur le milieu , se dessine en forme de V et souvent de fer de lance, un ruban fauve-noirâtre. Les plumes du bas-ventre sont seulement rayées en chevron de ce même trait noir. Le bec et les pieds sont noirs. Nous nous procurames un très-bel individu de l’épimaque royal à Sydney dans la Nouvelle-Galles du Sud. Il provenait de port Macquarie, et portait dans la colonie le nom vulgaire de riffle-man, pour rappeler que ce fut un soldat de la garnison qui le tua le premier. Depuis, M. le docteur Busseuil, chirurgien- major de la frégate la Thétis, commandée par M. de Bougainville, en donna un deuxième individu au Muséum d'histoire naturelle, dans les galeries duquel on l'a déposé. 94° FOURNIER. ‘ Furnarius, VxriLLor. Le genre furnarius a'été établi par M. Vieillot pour recevoir quelques petits oiseaux du Paraguay , dont le plus célèbre d’'en- 670 VOYAGE AUTOUR DÙU MONDE. tr'eux a tantôt été ballotté parmi les merles, et tantôt parmi les grimpereaux, les guépiers ou les promerops. L'espèce la plus anciennement connue, le fournier de Buenos-Ayres ( merops rufus, L. Gm. ) est souvent cité par la manière dont il construit son nid, en forme de four, d'où lui vient son nom. Il est figuré dans les dessins de Commerson, sous les noms de hornero Bona- riensium, et de turdus furnifaber. Vel qu'il doit être, le genre Jfurnarius ne peut recevoir que les trois espèces décrites par d'Azara, et les deux que nous y ajoutons sous les noms de four- nier fuligineux et de fournier du Chili. 95° LE FOURNIER FULIGINEUX. Furnarius fulisinosus, Lxss. Certhia antarctica, GARN. Ann. sc. nat. 1896. F. rostro pedibusque nigris ; gulà gilvo et ferrugineo variä ; ca- pite , corporeque tin lotum fuliginosis ; speculo sub alis fulvo. Cet oiseau a de longueur totale cinq pouces et demi ; le bec est long de huit lignes ; les tarses d'un pouce, et la queue de deux pouces huit lignes. Le bec est légèrement comprimé, convexe en dessus, à man- dibule supérieure doucement recourbée, entière, et dépassant l'inférieure. La queue est presque rectiligne , composée de douze pennes, formant un peu le toit. Les jambes sont emplumées jusqu'aux tarses. Ceux-ci sont grèles, allongés, à scutelles larges et peu apparentes. Le doigt du milieu est le plus long. Les deux externes sont à-peu-près d'égale longueur. L’externe est soudé avec celui du milieu à la base. L'ongle du doigt pos- térieur est plus long du double que ceux des doigts de devant, qui sont très-comprimés sur les côtés, recourbés et aigus. Le plumage entier de ce Fournier est d'un brun fuligineux- clair répandu également sur toutes les parties du corps. La ZOOLOGIE. Co gorge seulement présente des stries de fauve et de brun peu dessinées. Le dessous de la queue est d’un brun-gris clair. Une bande fauve à teinte marquée occupe le milieu des grandes pennes des ailes, et forme une écharpe lorsque l'oiseau vole. L'extrémité des pennes est légèrement plus foncée que le reste du plumage , et leur rebord externe un peu plus clair. Le fournier fuligineux habite les iles Malouines. Il vit sur les rivages, où sa familiarité et son peu de crainte permettent de l'approcher souvent jusqu'à le toucher avec la main. Son plu- mage sombre l'a fait mentionner dans quelques narrations de voyages sous le nom de mnerle. Pernetty, qui séjourna sur les iles Malouines, le peint ainsi dans la relation , tom. II, pag. 20, qu'il en a donnée: «Cet oiseau est tellement familier qu'il venait « voler presque sur le doigt: en moins d’une demi-heure, j'en « tuai dix avec une petite baguette, et sans presque changer de « place. Il gratte dans les goémons (fucus) que la mer jette sur « le rivage, et y mange les vers et les petites crevettes que l'on « appelle puces de mer. » Son vol est court : lorsqu'on l’inquiète, il se borne à voleter deux ou trois pas plus loin. Ses habitudes sont solitaires, et à peine le distingue-t-on sur les schistes des côtes sur lesquels il se tient presque constamment. 96° LE FOURNIER DU CHILI. Furnarius chilensis, Less. Furnarius Lessonii, Dumonr, Atlas, Dict. scienc. nat. FE. corpore super fusco ; als fuscis necnon atris ; caudæ pennis exterioribus fulvo terminatis ; gul& griseo vartegatà ; rostro et pedibus sub fulvo-nigris. Cette espèce de Fournier, de même taille que la précédente, a le bec et les tarses plus forts : elle se rapproche d’ailleurs beau- coup de l'annumbr de d’'Azara. 672 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. Le Fournier du Chili a un peu plus de huit pouces de lon- gueur totale. Le bec a un pouce, de la commissure à son extré- mité; la queue trois, et les tarses douze lignes. Les ailes sont pointues et se terminent à douze ou quinze lignes du croupion. La queue est rectiligne et composée de dix pennes. La couleur du bec et des pieds est d’un brun rougeatre. Les ongles sont plus forts que ceux du précédent, jaunes et comprimés. Le plu- mage entier est un mélange de brun-roux fuligineux, entre- mélé de taches fauves assez vives, et de brun. La tête est revêtue d'une calotte brune : une teinte rousse uniforme est la couleur du manteau, du dos et du croupion. La gorge est grivelée de fauve et de blanc. Le ventre, les flancs et les couvertures inférieures de la queue sont d'un brun-roussâtre fauve , un trait fauve clair surmonte chaque œil. Les ailes sont brunes, avec des espaces d'un jaune-fauve assez vif. Une bande de la même couleur occupe le milieu des grandes pennes. Celles- ci sont, en dessous, brunes à leur extrémité, et d'un blanc rose à leur milieu. Les couvertures du coude sont d’un fauve ferrugi- neux. La queue est brune, et les pennes les plus extérieures sont terminées par une tache fauve clair. Cet oiseau, dont nous ignorons les mœurs, vit au milieu des buissons ras et dans les alentours du port Saint-Vincent au Chili. DICÉE A POITRINE ROUGE. Diceum erythrothorax, Less. PI. XXX, fig. I (male) et IT (femelle ), À, le bec grossi. Cette gracieuse espèce de Dicée a au plus trois pouces de lon- sueur. Les ailes sont presque aussi longues que la queue, qui est courte, régulièrement carrée. Les tarses sont proportionnés, et les deux doigts externes sont soudés jusqu'à leur milieu. Le bec et les tarses sont noirs. Le premier a ses bords rentrés en dedans et très-finement dentelés, ZOOLOGIE. 673 Le male (pl. XXX, fig. 1) est gris-bleu bronzé sur la tête, passant au gris ardoisé sur le cou, et à l'olivätre brun sur le dos, qui est jaune olive sur le croupion. Les joues et les côtés du cou sont gris de cendre. La gorge et le devant du cou sont d'un blanc pur. La poitrine et les épaules sont gris cendré, mais au milieu de la poitrine se dessine une large tache de forme hastée, et colorée en rouge de saturne fort vif. Le ventre, les flancs et les couvertures inférieures sont d'un jaune-olive tirant sur le jaune fauve près la région anale. Les ailes sont brunes lisérées de jaune olive. La queue est brun noir, très-courte et en partie recouverte par les plumes uropygiales jaunes. La femelle ( pl. XXX,, fig. 2) ressemble au male par les cou- leurs des parties supérieures : une ligne blanc sale se dessine en avant du cou; mais toutes les parties inférieures sur le cou, la poitrine et les flancs sont gris-ardoisé; le bas- ventre est olivà- tre : elle n'a point de rouge sur la poitrine. Cette jolie espèce de dicée habite l'ile de Bourou, l'une des Moluques. 98° DICÉE NOIR. Dicœum niger, Less. Ce Dicée est la plus grande espèce du genre. Ses dimensions en longueur sont de quatre pouces. Le bec est robuste, noir en dessus et blanc en dessous. Les ailes sont presque aussi longues que la queue : les tarses sont plombés. Le mâle a les parties supérieures, les ailes et la queue d'un noir-bleu bronzé et brillant : tout le dessous du corps est d'un vert olive sale et uniforme, La femelle est au contraire d'un vert-brun olivâtre en dessus, et d'un vert-olivâtre clair en dessous. Les rectrices et les rémi- ges sont brunes teintées de vert. Ce dicée a la première rémige rudimentaire, la seconde plus Voyage de la Coquille. — Z. Tom. I, Partie II. 85 674 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. alongée, les quatrième et cinquième les plus longues. Ses plu- mes, vues à la loupe, sont décomposées et organisées comme celles des oiseaux-mouches, et caractérisent, sous ce rapport, toutes les espèces du genre dicœum. C’est à la Nouvelle-Guinée, près du havre Doréry, que vit le dicée noir. 99° SOUI-MANGA. Cinnyris, Cuv. Mellisuga, Nreiz. Certhia, L. Sous le nom de Soui-manga, qui dans le langage de Mada- gascar, signifie, d'après Commerson, mange-sucre, M. G. Cuvier a réuni une nombreuse suite de petits oiseaux, la plupart très-riches en couleurs, de l’ancien Continent, et a plus parti- culièrement réservé le nom de sucriers ( rectarinia, Ilig.), aux espèces à queue également non usée, à bec arqué et pointu, du Nouveau-Monde. M. Vieillot a conservé à ces derniers sucriers le nom américain de guit-guit ( cæreba , Briss. ), et il en a séparé ceux à livrée terne sous le nom générique de fournter. Il a aussi distingué les espèces propres aux iles de la mer du Sud et à l'Australie, qui se rapprochent des philédons, dont il est difficile de les isoler, car elles ont, comme ces derniers, la langue ter- minée par un pinceau de fibres ténues : ces soui-mangas à lan- gue pénicillée sont nommés assez universellement aujourd'hui héorotaires ( melithreptus); enfin la plupart des sucriers de Le- vaillant sont des souïi-mangas. Les anciens auteurs, Linnæus, Gmelin et Latham , entre au- tres, réunirent, sous le nom générique de certhia, les souï- mangas, les guits-guits, et les vrais grimpereaux. Les certhia aujourd'hui se trouvent donc répartis dans les genres assez na- ZOOLOGIE. 675 turels, sous le rapport géographique, des grimpereaux ( 7cho- droma , Wlig.), sucriers ( nectarinia, Ilig. ), fourniers ( furna- rius, Vieill.), dicées (dicœum, Cuv.), héorotaires (melithreptus, Vieill. ), échelet ( cXmacteris , Temm.), soui-mangas ( cénnyris, Cuv. ), nommés mellisuga par M. Vieillot. Enfin, dans ces der- niers temps, M. Horsfield a créé le groupe pomatorhinus pour re- cevoir quelques oiseaux voisins des c/nnyris. Les soui-mangas sont ainsi caractérisés génériquement : Bec droit ou recourbé lésèrement, long, très-grele, très-aigu, un peu trigone, en alène, élargi à la base, ayant les bords des mandibules très-finement dentelés comme les dicées; narines latérales fermées par une membrane nue ; queue non usée à son extrémité ; langue extensible, tubulaire, pouvant sortir du bec et s'étendre au dehors et bifurquée à sa pointe, ou parfois avant trois filets; pieds médiocres ; tarse plus long, ou de la longueur du doigt intermédiaire ; la premiere et la cinquième rémiges égales, les deuxième et troisième les plus longues de toutes. Les narines des soui-mangas sont situées à la base du bec : elles sont à demi closes en dessous par une membrane, et tout- à-fait fermées dans certaines espèces, que pour cela M. Horsfield a placées dans le genre pomatorhinus, ce qui répond à narines garntes d'un opercule. Les soui-mangas sont des oiseaux remarquables par l'éclat mé- tallique ou le brillant des pierres précieuses qui décorent le plumage de la plupart des espèces. Tous sont de l’ancien conti- nent et des archipels d'Asie. Leur plumage varie suivant les âges et les sexes. En général, la livrée du mâle est brillante, au temps des amours, et celle de la femelle est sombre ou de cou- leurs brunes-jaunâtres sales. De ces différences naissent les er- reurs sans nombre qui règnent dans la synonymie des espè- 5 ces. Les soui-mangas sont vifs, alertes ; ils sucent avec leur 85. 676 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. langue l'exsudation miellée que présentent un grand nombre de fleurs africaines ou asiatiques. Ils habitent les forêts épaisses ou leurs lisières, et témoignent très-peu de défiance. Ces oiseaux représentent dans l’ancien continent les guits-puits, les oiseaux- mouches et les colibris du Nouveau-Monde : aussi sont-ils con- fondus sous ce nom dans la plupart des relations des voyageurs. La mue a cela de remarquable, pour les espèces de ce genre, qu'elle a lieu deux fois l’année. Ce n’est même qu'au moment de la ponte que les mâles prennent leur parure qu'ils ne tardent pas à perdre pour revêtir une livrée plus sombre. Les femelles conservent assez exactement leur plumage de l'âge adulte. Suivant Levaillant, ces oiseaux nichent dans un trou d'arbre, et portent des colons hollandais le nom de blom-suyger ou suce- fleurs. Les Portugais les confondent également avec les colibris sous le nom de chupa-flores qui exprime la même idée. 1009 SOUI-MANGA ASPASIE. Cinnyris Aspasia, Less. (PL XXX, fig. 4.) Ce Souïi-manga a trois pouces six lignes de longueur totale. Comme la plupart des individus de ce genre, il est remarquable par l'éclat dont brillent les plumes métallisées qui le revétent. En effet, au noir velouté et doux qui forme le fond entier de sa livrée, succèdent sur plusieurs parties les couleurs les plus riches. Peut-être ne serait-il pas hors de propos de chercher à se rendre compte des phénomènes qui se passent dans la coloration des plumes. Comment se fait-il en effet qu'une telle diversité de couleurs soit propre aux oiseaux, et qu'on n'aït jamais essayé ni par l'analyse chimique, ni par des expériences de physique, d'étudier des propriétés si remarquables ? Ce sont les teintes métallisées surtout qui doivent nous étonner. On sait qu'on ne ZOOLOGIE. Ga les rencontre que sur un seul mammifère ; tandis que les oiseaux des climats chauds, et surtout certaines espèces, en ont leur li- vrée parfois entièrement composée. On attribue généralement la couleur des plumes à l'arrange- ment des éléments organiques de la matière cornée de la tige, des lames ou barbes et barbules qui les terminent, en même temps qu'aux matières colorantes qui y sont introduites par le sang. Mais il reste encore à savoir comment les couleurs métal- liques sont produites, et si elles doivent leur naissance à ces deux causes ou bien à des éléments encore inapercus ? Le bec et les pieds du soui-manga Aspasie mâle sont noirs : les pennes alaires sont brunes; le sommet de la tête ‘est recouvert d’une calotte d’un vert d’'émeraude. Les couver- tures moyennes des ailes, le croupion, le dessus de la queue, sont également d'un vert doré tres-brillant; le devant de la gorge est occupé par un plastron chatoyant violet ou plutôt à teinte de fer spéculaire. Cette espèce habite les bois des alentours du havre de Doréry, à la Nouvelle-Guinée. 1o19 SOUI-MANGA PAPOU. Cinnyris Novæ-Guineæ, Less. Nous ne connaissons pas le male de cette espèce, qui se rap- proche du cénnyris longrostris. Son bec est plus long et plus élargi à sa base que dans plusieurs autres soui-mangas, et a près de dix lignes. Sa couleur est noire, et celle des pieds est plombée. Le corps a de longueur totale, de la queue à la base du bec, plus de trois pouces. Tout le dessus du corps est d’un vert olive uniforme, plus jaune sur le croupion; les pennes alaiï- res ont leurs barbes brunes en dedans, olives en dehors; la queue est égale, très-courte, brun olivätre en dessus; le devant 678 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. de la gorge est vert jaunûtre; le ventre est d'un jaune très-lége- rement mélangé d'un peu de vert. Ce soui-manga habite les bords du havre Doréry, à la Nou- velle-Guinée. 10° LE SOUI-MANGA ROUGE ET NOIR. Cinnyris rubrater, Less. Cette espèce habite les îles Philippines, où l’a trouvée M. Dus- sumier, et l'ile d'Oualan où nous en avons tué un grand nombre d'individus. Elle se rapproche par le plumage un peu de l'héo- rotaire kuyumata , figuré pl. LVIII, pag. 92, t.Il, des Oiseaux dorés de Vieillot, et qu'il indique à Tanna, une des Hébrides ; mais tous ces caractères en font un soui-manga, remarquable par les deux seules couleurs sans éclat métallique, qui forment sa parure. Le dos et le ventre, de même que le cou, la poitrine et la tête, sont d'un rouge vif; mais comme ce rouge n’occupe que le sommet de chaque plume, et que leur base est noire, il en résulte, çà et là, lorsque celles-ci sont dérangées, des ta- ches brunes; les ailes et la queue sont brunes, et le bec et les pieds sont noirs. Long de quatre pouces, cet oiseau a les mou- vements vifs et agiles. Il est familier, peu défiant, et se tient de préférence dans les grands arbres du genre Bruguïera, qui bor- dent l'ile. Les naturels le nomment césse. Il habite les iles Océaniennes les plus occidentales, et doit, sans doute, se retrouver sur les iles Pelew. MM. Quoy et Gai- mard ont rapporté ce souï-manga des iles Mariannes. 1032 SOUI-MANGA DÉCORÉ. Cinnyris eques , Less. Amambo ou Amit des naturels de Waigiou. ( PL XXXI, fig. 1.) ZOOLOGIE. 679 C. corpore omnind olivaceo , fuliginoso ; pennis marginis ala- rum penè subflavis : ante juguluin fulventi tænià rubrà. Le soui-manga décoré ne brille point, comme la plupart de ses congénères, par le luxe des teintes métalliques répandues sur son plumage. Modeste et simple quant aux couleurs qui lui fu- rent départies, sa livrée est d’un brun fuligineux et olivatre uniforme, hormis sur le devant du cou, qui est occupé par un ruban d'un rouge éclatant large de deux lignes, et long de sept à huit. Le bec garni de dentelures serrées et nombreuses au bord de la mandibule supérieure , est noir, ainsi que les pieds. La queue est composée de douze pennes égales, qui dépassent les ailes de neuf lignes. Ce soui-manga a de longueur totale quatre pouces cinq lignes; le bec a neuf lignes et la queue dix-huit lignes. Nous l'observä- mes d’abord sur l'ile de Waigiou, dans les grands mimosas ; mais nous le revimes plus communément ensuite à la Nouvelle-Gui- née, sur les extrémités des branches des grands arbres du pour- tour du havre de Doréry. 104° SOUI-MANGA ZÉNOBIE. Cinnyris Zenobia, Less. (PL XXX, fig. 3.) Le mâle de ce soui-manga, qui est le seul que nous connais- sions, à de longueur totale trois pouces six lignes. Le bec et les pieds sont noirs. Le dessus de la tête, le dos, le croupion, les grandes couver- tures des ailes sont d’un jaune olive uniforme. Les pennes alai- res sont brunes, bordées de jaune. La queue est légèrement inégale ou composée de pennes un peu étagées et de couleur brun-foncé. Tout le devant du corps, depuis la gorge jusqu'à la poitrine, est d'un noir d’acier métallique. Le ventre est d’un 6830 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. noir de velours. Deux touffes très-vives aurores occupent les côtés de la poitrine. Les plumes de la région anale et des flancs sont olivätres. Nous avons tué ce soui-manga dans les bois qui recouvrent les montagnes de la Soya, dans l'ile d'Amboine. 1050 POMATORHIN D'ISIDORE. Pomatorhinus Isidort, Less. ( PL XXIX, fig. 2.) Cet oiseau , de la Nouvelle-Guinée, a neuf pouces de longueur totale, du bout du bec à l'extrémité de la queue. Le bec est long d'un pouce , légèrement recourbé, de couleur jaune, très-com- primé vers sa pointe : la commissure est garnie d'un rebord, et recouvre la mandibule inférieure. Les tarses sont robustes, vêtus de larges scutelles. Les doigts sont forts, garnis d'ongles comprimés ; celui du pouce est plus fort que ceux de devant: le doigt du milieu est le plus long. La queue est composée de dix pennes étagées, elle est longue d'un peu moins de quatre pouces. Les ailes sont courtes, à pennes presque égales, allant jusqu'aux deux tiers de la queue. Les quatrième, cinquième et sixième rémiges sont les plus longues; la première étant la plus courte de toutes. Le plumage de cet oiseau est en entier d’une teinte uniforme ; les ailes et la queue sont d'un marron assez vif, plus clair sur la gorge et sur la poitrine, plus terne sur le ventre, teinté de brun sur la tête et sur le dos. L'extrémité des plumes caudales est fréquemment usée. Les tarses sont d'un brun roux et les ongles jaunàâtres. Il habite les forêts des alentours du havre de Doréry, à la Nouvelle -Guinée, où nous n'en avons observé que deux indi- vidus. ZOOLOGIE. 681 Le nom de cet oiseau rappelle celui de M. Isidore Geoffroy St-Hilaire, docteur en médecine, jeune naturaliste déja connu par d'importants travaux. 1060 OISEAU-MOUCHE A COURONNE VIOLETTE. Orthorhynchus sephaniodes , Less.’ (PL XXXT, fig. 2.) O. corpore supra viride, infra albido; alis brunneis ; capite violaceo et metallizato ; gulà et pectore subalbidis et punctis varte- gatis. Les immenses forêts du Brésil et de la Guyane où règne une verdure éternelle, que réchauffe sans cesse le soleil de la zone torride, sont peuplées d'essaims d'oiseaux-mouches, qui bril- lent des couleurs les plus variées, et pour lesquels on à épuisé les dénominations des pierres les plus précieuses, telles que le rubis, l'émeraude, le grenat, etc. Quelques espèces ont traversé les Andes, et se sont répandues dans le Pérou; mais plusieurs autres n'ont pas craint de sortir des tropiques, et se sont fixées jusque par 35 degrés de latitude Sud: telle est surtout l'espèce que nous décrivons. L'oiseau-mouche à couronne violette habite le Chih. C'est dans les bois environnant la grande baie de la Concepcion, non loin de Talcahuano , que nous le rencontrames communé- ment, volant au milieu du jour, et s’arrêtant sur les fleurs d’un loranthus écarlate, dont les corolles exsudent un suc miellé très-abondant : ce qui lui a mérité le nom, des créoles espa- gnols, de picaflor ou suce-fleurs. Ce gracieux oiseau semble être de passage dans cette partie du Chili, et ne venir dans le Sud qu'avec les chaleurs de l'été, et se retirer au Nord, sur les limites 1 Ornismya sephaniodes, Less. Monog. des Ois.-mouches, pl. XIV. Voyage de la Coquille. — Z. Tome I, Partie II. 86 682 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. du Pérou, pendant l'hiver. C'est problabement le pigda du P. Molina, mais nous n'avons point eu connaissance des deux colibris de la même contrée qu'il a décrits sous les noms de trochilus cyanocephalus et galeritus. L'oiseau-mouche à couronne violette a quatre pouces trois lignes de longueur totale. Le bec a huit lignes, et la queue en a dix-sept. Celle-ci est légèrement fourchue, et de même di- mension que les ailes. Le bec et les pieds sont noirs. Cette espèce plus robuste dans ses formes que la plupart des autres oiseaux-mouches, a une calotte d'un pourpre doré pas- sant au violet, qui forme sur l'occiput une sorte de huppe. Toutes les parties supérieures du corps sont d'un vert doré, qui règne aussi sur les pennes de la queue. La gorge est blanche, recouverte de plumes arrondies, marquées en leur centre d’une larme brune, verte et dorée. La poitrine, le ventre, sont d'un blanc roussâtre, avec le milieu des plumes flammé de brun. Les côtés sont teintés de vert doré. Le dessous de la queue est brun verdatre, et les pennes des ailes sont brunes, ayant quel- ques reflets violätres. Leurs tiges sont d'un noir lustré, fortes, et la plus extérieure est profondément sillonnée à la partie in- terne, qui est élargie, modification qu'on retrouve chez beau- coup de ces petits volatiles. 07° OISEAU-MOUCHE CORA. Orthorhynchus Cora, Less. (PI XXXI, fig. 4.) O. corpore supra viride ; lamell& chalybea et tridea ante gu- lam ; pectore et abdomine albis ; caudä gradatim ordinatä ; pen- nis longioribus subalbidrs. L'oiseau - mouche Cora est remarquable par sa petite taille et par sa longue queue, et ilse rapproche, par la forme de celle-ci, ZOOLOGTITE. 683 des trochilus Langdorffti et bilophus (pl. XVIIH) de M. Temminck. Sa longueur totale est de cinq pouces cinq lignes, y compris la queue qui a trois pouces deux lignes , et le bec qui en a six. Le dessus de la tête, du dos, du croupion et les couvertures des ailes, sont d'un vert uniforme et métallique. Une large cra- vate irisée ou couleur d'acier bruni ou de fer oligiste cha- toyant, occupe la gorge jusqu’à la moitié du cou, et les joues. Le bas du cou en avant, la poitrine et toute la partie inférieure du corps, est d'un blanc sale, auquel s’unit un peu de vert sur les côtés du corps. La queue, chez les individus soumis à notre examen, n'avait que huit pennes étagées, brunâtres, bordées de blanc en dedans. Les deux pennes internes , beaucoup plus lon- gues que les autres, sont blanches sur leur côté interne, bru- natres sur le bord externe, et tout-à-fait brunes à l'extrémité. Le bec est grêle, de couleur noire, et les pieds sont rougeàtres. ! L'oiseau-mouche Cora, dont le nom rappelle la touchante prètresse du Soleil, de l'histoire des Zncas de Marmontel , habite les bouquets d'arbustes épars aux alentours de Callao, non loin de Lima, la Ciudad de los Reyes du farouche conquérant du Pérou (Pizarre).| Cet oiseau-mouche, moins commun que l'Amazili, vole avec une telle rapidité, et reste si peu de temps à bec- queter les fleurs où il puise sa nourriture, que nous eùmes beau- coup de peine à nous le procurer. Nous en devons un bel individu à M. de Blois de la Calande, un de nos officiers. 1080 OISEAU-MOUCHE AMAZILIT. Orthorhynchus Amazila, Less, pl. XXXI, fig. 3. O. corpore, collo et gulà virescentibus ; alarum pennis brun- © Lesson, Monog. des Oiseaux-mouches, pl. XIT et XIIL. j 86. 684 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. nets ; pectore, abdomine, caudä, uropyrgtoque TUE eTReREE ; rostré dimidiä inferiort parte alba. Le Pérou possède, comme le Brésil, des oiseaux-mouches; et le nom de cette espèce rappellera à l'imagination de nos lec- teurs une des héroïnes célébrées par Marmontel dans ses Zncas, et en même temps les lieux où elle vit. C'est dans les environs de Lima, sur les plaines dégarnies qui entourent Callao, et que des buissons d'arbustes et principalement de baccharis recou- vrent çà et là, que nous découvrimes cet oiseau-mouche, de- venu aujourd'hui assez commun dans les collections. D'un vert métallique sur la tête, les joues et le dos, l'Amazili a les couvertures des ailes vertes, les pennes d'un brunûtre terne, la poitrine, le ventre, le bas du dos, le croupion et la queue d’un roux fort vif. Celle-ci est carrée, et présente des traces de teintes vertes sur les deux pennes les plus extérieures. La gorge est blanchâtre, et le centre de chaque plume qui la revêt est occupé par une tache arrondie brune, puis d’un vert doré bleu, passant au vert émeraude sur les côtés du cou. Les pieds sont noirs , le bec est noir, blanc à sa base et dans les deux tiers de la mandibule inférieure. Les ailes sont un peu moins longues que la queue. Cette espèce a de longueur totale quatre pouces, le bec huit lignes, et la queue quinze. Elle est commune dans les buis- sons du littoral du Pérou, principalement le soir et le matin. Comme tous les oiseaux-mouches, l'Amazili est toujours en mou- vement, et vole de fleurs en fleurs en bourdonnant. L'individu figuré par M. Bevalet est un jeune, tandis que nous devons au pinceau de M. Bessa l'âge complétement adulte , ainsi que le représente la pl. XIII de notre Monographie. 109° TODIRAMPHE. Todiramphus, Less. ZOOLOGTE, 685 Nous avons proposé ce genre pour isoler dans la famille des aléyons un groupe très-naturel, qui, jusqu'à ce jour, a fort em- barrassé les naturalistes. Les todiramphes comprendront les oi- seaux de la mer du Sud décrits sous les noms d'acedo sacra, Gm., sp. XXX ( Sacred King's fisher, Lath., Syn. sp. XV ), d'at- cedo tuta et venerata (sp. XVI et XVII, Lath., sp. XXVIIT et XXIX, Gmelin). Les caractères d'organisation qui les distinguent, et leurs mœurs, ne permettent de les ranger ni avec les vrais mar- an-pécheurs ( alcedo), ni avec les martin -chasseurs ( dacelo, Leach. ), ni avec les ceyx (alcyons tridactyles), ni avec notre nouveau genre sy7na où martin-pécheurs, à bec garni de dents fortes et aiguës. Ce groupe est remarquable aussi par la forme aplatie du bec qui rappelle celle des todiers. M. Swainson a admis deux espèces dans son genre halcyon ; si ce genre repose sur les mêmes caractères que le nôtre, ce que nous ignorons, nous pensons que son nom ne peut être conservé, ce mot halcyon (quoiqu'il soit écrit par un 2) impliquant un embarras de sy- nonymie très-désavantageux pour l'étude. MM. Horsfeld et Vigors (Trans. soc. Linn. de Lond., t. XV, pag. 206) ont décrit sous le nom d’halcyon sanctus, un martin-pécheur du port Jack- son, différant peu de la même espèce de la Nouvelle-Zélande et nullement de la même espèce de la Nouvelle-Guinée, dont nous avons rapporté des individus. Leur description est parfaitement bonne, et cette espèce est réelle. Ces naturalistes témoignent cependant leur embarras pour distinguer leur kalcyon sanctus de l'alcedo sacra de Gmelin et de Latham. Nous étant aussi pro- curé des individus de cette dernière espèce à O-Tahiti et à Bo- rabora , nous pourrons résoudre la question. Le plumage de ces oiseaux se ressemble en effet d’une manière frappante; et si on observe des différences, elles sont légères, et d'ailleurs elles s'effacent d'individu à individu. Tous ont cela de particulier 686 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. que la moitié de la mandibule inférieure est blanche en dessous et à sa base. Mais un caractère plus spécial tranche la question. L'alcedo sacra, si mal défini par les auteurs, formera notre genre todéramphus, et lhalcyon sanctus de MM. Horsf. et Vi- sors demeurera dans le genre alcedo dont il a tous les carac- tères. Ces todiramphes ont le bec droit, à mandibule inférieure très-légèrement renflée, très-déprimé, le large que haut, sans arête, à mandibules égales, obtuses au bout et aplaties , à bords entièrement lisses ; narines basales en fissure oblique très-peu apparente, bordées par les plumes du front ; ailes courtes, ar- rondies, première rémige plus courte, la quatrième la plus longue ; queue longue, à rectrices égales au nombre de douze; tarses alongés, médiocres, réticulés. Les oiseaux de ce genre vivent dans les iles de la mer du Sud, et ne semblent être que des variétés les uns des autres ; ils habi- tent les bois et se perchent presque constamment sur les coco- üers. Leur nourriture ne se compose que de moucherons qu'ils saisissent lorsqu'ils viennent se placer sur les spathes chargées de fleurs de ce palmier. Les insulaires des iles de la Société les nomment o-tataré. C'étaient, avec le crabier blanc, des oiseaux vénérés dans l'ancienne religion de ces peuples. Il était défendu de les tuer sous des peines sévères, et leur dépouille était of- ferte au grand dieu Oro. 1109 TODIRAMPHE SACRÉ. Todiramphus sacer, Less. Alcedo tuta, Gu., Sp. 28; LaTH. Sp. 17. Alcedo sacra, Gx., Sp. 30, var À ; LatH., Sp. 15, var. A. Sacred King's fisher, pl. XXVII;, LarTx., Gen. syn. var C, pl. DCXXIT, fig. 2. Corpore et capite suprà viridibus ; torquato albo infra, albo brunneo striato ( male ). ZOOLOGIE. 687 Cet oiseau a huit pouces six lignes de longueur totale. Le bec a vingt et une lignes de sa commissure à la pointe. La queue a trois pouces ; bec noir, et blanc à la naissance de la mandibule inférieure. Le sommet de la tête est recouvert par des plumes d'un vert brunètre qui forment une calotte séparée par une large raie blanche, quinait au front, passe au-dessus des yeux et se rend derrière l’occiput. Un large trait noir nait de l'œil, et, prenantune teinte verte puis brune, forme une bordure à la ligne blanche et la circonscrit. La gorge, la poitrine et tout le dessus du corps sont d'un blanc pur. Un demi-collier très-large, blanchâtre sinuolé de brun léger et de marron très-faible, occupe le haut du man- teau , et est bordé de noir. Le dos, les couvertures des ailes, le croupion et le dessus de la queue , sont d’un vert bleuâtre uni- forme. Les rémiges sont brunes, et bleues sur leur bord externe. Les rémiges moyennes sont terminées de brun. La queue en dessous est de cette dernière couleur. Les tarses sont noirs. Les ailes s'étendent au tiers supérieur de la queue. Cet oiseau est très-commun dans lesiles d'O-Taiti et de Bora- bora. Il se tient sur les cocotiers. Les naturels le nomment, ainsi qu'une szttèle , o-tatare. Son vol est peu étendu, et ses habitudes ne sont point craintives. Il vit d'insectes que l'exsudation miellée des spathes des fleurs de cocos attire. On remarque que cette espèce et la perruche e-vint ou arimanou se tiennent constam- ment sur les cocotiers qui forment des ceintures au bord de la mer sur toutes ces îles. Latham dit que son Sacred King's fisher a été trouvé à la baie Dusky de la Nouvelle-Zélande , et qu'on l'y nomme ghotaré. 1110 TODIRAMPHE DIEU. Todiramphus divinus. Less. Corpore brunneo suprà , albo infrà ; collari torquato nigro. 688 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. Cette espèce a sept pouces huit lignes de longueur totale : le bec a dix-huit lignes et la queue trente-quatre. Le bec est beaucoup plus aplati que dans l'espèce précédente; il est légèrement convexe en dessus, et ressemblerait parfaite- ment à celui d’un todier, s’il avait la moindre trace de carêne et les barbes qu'on observe à la base de celui des oiseaux de ce genre. Le bec est noir, et blanc à la racine de la mandibule inférieure. Le sommet de la tête est d’un brun prenant sur les joues une lé- gère teinte verdätre peu sensible. La gorge est blanche. Une bandelette noire et large naît à la commissure du bec, et sépare le blanc de la gorge du brun verdâtre de la tête. Un large collier noir occupe le haut de la poitrine, et se perd sur le dos avec la . teinte brune de tout le dessus du corps et même des ailes. Le ventre est d’un blanc passant au blanchätre roux, qui se conti- nue aux épaules en prenant un peu de brun. Les rectrices sont brunes légèrement, bordées de vert extérieurement. La queue est brune en dessous, et brune verdâtre en dessus. Les tar- ses sont noirs et organisés comme ceux des a/cedo. Les ailes, dans cette espèce, ne s'étendent que jusqu à la naïssance de la queue. Nous eussions été tentés de considérer cet oiseau comme la femelle du précédent, cependant la forme encore plus aplatie du bec ne permet pas de s'arrêter à cette opinion. . Le todiramphe divin jouait un grand rôle dans l’ancienne théo- gonie des habitants des archipels de la Société. C'était un des oiseaux favoris du dieu Oro. Nous ne nous en procurâmes que deux individus tués dans l'ile de Borabora. 119° SYMÉ. Syma, Less. Syma , nom mythologique d'une nymphe de la mer. Va , \f sq YMP Ce genre, de la famille des alcyons, sera ainsi caractérisé : Bec long, élargi à la base, comprimé et mince sur les côtés ZOOLOGIE. 689 vers son extrémité; à mandibule supérieure, à arète recourbée légèrement vers sa pointe qui est très-aiguë et plus longue que l'inférieure; celle-ci, carénée en dessous et convexe, très-aiguëé au sommet, qui est logé dans la rainure de la mandibule supérieure ; bords des deux mandibules garnis, dans les deux tiers de leur longueur, de dents aiguës, en scie, fortes et nombreuses, dirigées d'avant en arrière; pourtour inférieur de l'œil nu ; troisième et quatrième rémiges égales, longues, la première courte; tarses médiocres, à trois doigts antérieurs réunis, l'externe plus court; ailes courtes; queue médiocre, à rectrices inégales, au nombre de dix grandes et deux petites externes. 113° SYMÉ TOROTORO. Syma torotoro, Less. (PL XXXI Os, fig. 1.) Capite rufo ; rostro aureo ; pedibus abdomineque flavis ; dorso atro ; alis uropygioque castaneo-virescentibus ; caudà cærulea ; oculorum circuitu nigro , lateralibus colli macula nigra. Cette espèce inédite a sept pouces de longueur totale du bout du bec à l'extrémité de la queue; le bec a deux pouces de la commissure à la pointe, et la queue a vingt-sept lignes. Le bec est entièrement d'un jaune brillant; la tête et les joues sont d'une couleur jaune-cannelle claire et uniforme, séparée d’une teinte plus claire et en collier du manteau par deux taches noir foncé qui ne se réunissent point tout-à-fait sur le cou. Un cer- cle noir entoure l'œil; les plumes du manteau sont d’un noir de velours; celles des couvertures des ailes sont d'un bleu-vert uni- forme, et le croupion est d’un vert clair. Les pennes sont bru- nes en dedans, et bordées de verdàtre métallisé en dehors. Les rectrices sont égales, d’un bleu assez foncé en dessus, brunes en Voyage de la Coquille. — 7. Tom. I, Part. IL. 87 690 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. dessous. La gorge est d’un jaunâtre blond très-clair, qui prend une teinte plus foncée sur les côtés du ventre et sur la poitrine, pour s'éclaircir et passer au blanchâtre sur le bas-ventre; les pieds sont assez forts, d’un jaune-clair ; les ongles sont noirs. Cet oiseau habite les bords de la mer, le long des palétuviers (Bruguiera). W rase les grèves en volant pour saisir les petits pois- sons que son bec, fortement dentelé, ne lui permet pas de lais- ser échapper. Nous en observames plusieurs individus volant en rasant les eaux des petites rivières qui se jettent dans le havre de Doréry à la Nouvelle-Guinée. Les Papous le nomment torotoro, sans doute par analogie avec son cri. 114° CEYX. Ceyx, Lacer., Cuv. Le genre Ceyx, tel que nous le caractérisons, a le bec entie- rement droit, un peu aplati verticalement, long, à mandibules d'égale hauteur, lisses sur leurs bords, ayant chacune une arête arrondie sur leur milieu , à pointe égale et mousse, narines ba- sales obliques, petites; troisième rémige la plus longue; queue très-courte , à pennes légèrement inégales ; tarses courts, min- ces, n'ayant que trois doigts gréles ; les deux antérieurs profon- dément soudés, le pouce libre. Le type de ce genre malaisien est: L'alcedo tridactyla, Lath., /nd. Sp. 4x, dont le martin-pécheur de lile de Lucon de Sonnerat (pl. XXXIT, Voyage à la Nou- velle- Guinée ) n'est regardé que comme une variété. 1159 CEYX BLEU. Ceyx azurea, Less. Alcedo azurea, Lara. , Suppl., t. X p. 372. Saturatè cærule&, corpore subtus lorisque flavescentibus ; late- ribus coll maculä obliqu& albä.( Lath. /nd. Supp. pag. 32.) ZOOLOGIE, Gor Ce Ceyx a les plus grands rapports de teinte avec le ceyx me- rinting , ou alcedo meninting, de la planche CCXXXIX de M. Temminck. Il en diffère par une taille beaucoup plus forte. Son plumage est entier en dessus d’un bleu d'azur brillant et uniforme sur la tête comme sur le corps. Deux petites taches rousses occupent les côtés du front ; deux plus grandes et de la même couleur traversent obliquement les côtés du cou, à la naissance des ailes. Les pennes alaires sont brunes: les troisième et quatrième sont égales et les plus longues. Les rectrices sont bleues en dessus et brunes en dessous. La gorge est blanchâtre, la poitrine et le ventre sont d'un jaune de rouille uniforme et fort agréable. Les rémiges sont noiràtres, sans aucune bor- dure rousse. Les tarses sont jaunes ; les ongles très-recourbés et très-faibles. Ce Ceyx a de longueur totale sept pouces. Le bec à vingt et une lignes de la pointe à la commissure. Cette belle espèce a été tuée par M. de Blois, enseigne de vaisseau , sur le bord du havre de Doréry, à la Nouvelle-Guinée. Latham l'indique à l'ile de Norfolk, et Lewin au Port-Jackson. 116° CEYX MENINTING. Ceyx meninting, Less. ÆAlcedo meninting, Horsr., Resea. in Java, pl. CLXXIT. Temm., pl. col. n° CCXXXIX, fig. 2. Alcedo bengalensis, EbwarDs ? Ce martin-pécheur a quatre pouces trois lignes de longueur to- tale, de l'extrémité de la queue au bout du bec. La tête est d'un bleu-noir intense ponctué de bleu-clair brillant. Les ailes sont brunes,également garnies sur leurs petites couvertures de points azurés. Le dos est bleu foncé, taché de bleu-clair passant au bleu d'aigue marine. Les plumes du front sont d’un noir de velours. 87. 692 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. Deux taches jaunâtre-clair occupent les côtés du front au-de- vant des veux. Deux touffes d'un blanc-jaunätre règnent sur les côtés du cou. La gorge est blanche. La poitrine et le ventre sont d'un jaune-roux agréable. Le bec est noir, très-droit et blanc à son extrémité. Les tarses sont courts, gréles, de cou- leur jaune. Les doigts ne sont qu'au nombre de trois, deux an- térieurs très-grèles, fortement soudés ensemble, et un postérieur unique et mince. Les ongles sont blancs. Ce martin-pécheur a été décrit par MM. Horsfield et Tem- minck. Il habite le bord des petits ruisseaux sur le pourtour du havre de Doréry, à la Nouvelle-Guinée. Déja Sonnerat , pag. 67 de son Voyage à la Nouvelle-Guinée, avait mentionné un ceyx (pl. XXXIL), sous le nom de martin-pécheur de l'ile de Luçon. 117° MARTIN-CHASSEUR GROS BEC. Dacelo macrorhinus, Less. (PL XXXI Des, fig. 2.) Nous avons fait figurer cette espèce remarquable de martin- chasseur, bien que le seul individu que nous nous soyons procuré à la Nouvelle-Guinée füt dans son plumage de mue. Nous sup- pléerons à la figure par une description minutieuse de chacune de ses parties. Sa longueur totale, du bout du bec à l'extrémité de la queue, est de neuf pouces six lignes. Le bec a deux pouces de longueur, et vingt-huit lignes de circonférence à sa base, vis-à-vis les nari- nes : il est extrêmement dilaté, fortement bicaréné sur la man- dibule supérieure, qui est terminée par une pointe forte et crochue. La mandibule inférieure, qui est blanche, tandis que la précédente est noire, est moins haute; elle est peu renflée, marquée d’une ligne saillante à son milieu. Toutes les deux sont entièrement lisses sur leurs bords. Les narines sont triangulai- ZOOLOGIE. 693 res, à la naissance des plumes du front. Quelques-unes de celles-ci sont roides et couchées sur les branches du demi-bec supérieur. La première rémige est courte, la troisième est la plus longue et ne dépasse la deuxième et la quatrième que de peu. Les tarses sont forts, réticulés et brunâtres. Les ongles sont concaves, celui du milieu élargi, tous de couleur jaune. Une calotte brune, légèrement rayée de jaune vert, revêt la tête. Deux bandes larges composées de plumes brunes bordées de bleu d'aigue marine, circonscrivent l'occiput et naissent derrière les yeux. Le /orum est fauve. Deux traits noirs partent de la mandibule inférieure. Un collier blanc entoure le cou. Les plumes du dos, du croupion, celles des couvertures des ailes, grandes et petites, sont brunâtres, terminées par un point fauve bordé de jaune, de sorte que tout le dessous du corps est parsemé de gouttelettes olivätres. Les rémiges sont brunes, bordées de fauve en dehors. Les rectrices sont rousses, à tige lustrée. La gorge, la poitrine et les flancs, sont blanchâtres, tachés de roux sale et de brunâtre par légères stries ou par plaques, toutes les plumes étant brunes à leur base. L’abdomen est blanchâtre ; et les couvertures inférieures de la queue sont rousses. Ce martin-chasseur habite les forêts de la Nouvelle-Guinée, non loin du havre de Doréry. Nous ne nous en sommes procuré en ce lieu qu'un seul individu qui est déposé au Muséum. 118° MARTIN-PÉCHEUR. Ælcedo , L. Dans ce genre, tel qu'on le définit, pour le distinguer des martin - chasseurs, symé, todiramphe et ceyx, le bec est long, très-droit, plus ou moins anguleux et pointu. La queue est régulièrement carrée. On peut encore le diviser en deux sec- tions. La première renfermerait toutes les espèces à bec très- 694 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. droit, et le martin-pécheur d'Europe en serait le type, tandis que, dans la seconde, on rangerait celles dont le bec est légère- ment renflé sous la mandibule inférieure, et dont l'extrémité de la supérieure se termine en crochet. : 1199 MARTIN-PÊCHEUR D'EUROPE. Alcedo ispida, L. Burr., pl. ent. LXX VII. Var. des Moluques. Cette variété du martin-pècheur ordinaire ne diffère presque nullement de l’zspida d'Europe par les teintes de son plumage. Cependant sa taille est moindre ( six pouces ), et son bec est plus effilé et plus long à proportion. Les j joues sont entièrement bleues, et n'ont pas de roux foncé qui traverse l'œil comme dans l'espèce d'Europe. La tache blanche, du côté du cou, n'est presque pas sensible, et la noire qu'on remarque à l'éspida n'existe point chez notre oiseau. La gorge est blanche, et le ventre d'un roux sale. Les pieds sont d’un jaune clair. Elle habite l'ile de Bourou, une des Moluques. M. Temminck, à l'article WMartin-pécheur double œil( alcedo diops , PI. col. ), avait déja remarqué dans une note que la taille des alcedo ispida apportés de Java, de Banda, et de Célèbes, était plus petite que celle de l'espèce d'Europe. Il n'avait point trouvé de différence dans les teintes du plumage, si ce n’est une colo- ration un peu plus vive. 1900 MARTIN-PÈCHEUR ERRANT. Alcedo vagans, Less. Halcyon sanctus,Vic. et Horse. 7rans.Soc.Linn., t. XV, p. 206. Sacred King's fisher, Wuxre., pag, 193, édit. angl. in-4?, 1700; LATHAM. ZOOLOGIE. 695 Le type de cette espèce habite la Nouvelle-Zélande. Il a huit pouces de longueur totale. Son bec est fort, assez élargi à la base, sans arête vive sur la mandibule supérieure qui est en voute. La mandibule inférieure a une arête centrale marquée, et a moins de hauteur que la supérieure: elle est aussi légèrement convexe. La couleur générale du bec est noire, ex- cepté à la base et en dessous qu'il présente une tache triangu- laire blanche occupant toute la moitié du demi-bec. Ses bords sont entièrement lisses. La tête est recouverte d’une sorte de calotte d’un brun vert passant au vert clair sur locciput. Deux taches fauves sont pla- cées devant le front au-dessus des narines. Une large bande d'un vert très-noir naît à la commissure du bec, passe au-dessous de l'œil, et se dirige sur les côtés du cou, en remontant pour se joindre à celle du côté opposé, derrière l'occiput. Un petit fais- ceau de plumes blanches borde la paupière inférieure. Un collier mélangé de blanc, de roux et de brunâtre, occupe la partie pos- térieure et inférieure du cou. Le haut du manteau est brun passant au verdàtre sur le dos. Le croupion et le dessus de la queue sont d'un vert bleu. Les tiges des rectrices sont noires. Les petites couvertures des ailes sont vertes : chaque plume est lisérée sur son bord de fauve clair. Le moignon de l'épaule est jaune. Les rémiges sont brunes en dedans, et vertes en dehors; elles sont entièrement brunes à leur extrémité. La gorge est d’un blanc sale. La poitrine et le haut du ventre, surtout les côtés du cou et les flancs, sont d’un fauve jaune, analogue à la couleur du collier, et sont striés de brun, chaque plume étant bordée délicatement de cette dernière couleur. Le milieu du ventre est blanchätre, et les plumes anales sont d'un fauve roux. Les tarses sont d’un rouge noiratre foncé. Cet oiseau sé nomme #otare-popo, à la Nouvelle-Zélande, sa 696 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. patrie. Nous l'avons rencontré fréquemment sur les bords des petites criques de l'immense baie des Iles. Ses plumes non lisses, la forme de son bec qui se rapproche de celle des martin-chasseurs, ses habitudes qui nous paraissent différer des vrais martin - pêcheurs, le PIECent sur la limite de ces deux genres. Le martin-pécheur errant du Port-Jackson. Très-commun dans toute la Nouvelle-Galles du Sud; ne diffère du précédent que par des nuances de couleur insensibles, -lorsqu'on ne les compare pas avec une attention minutieuse. Ii n'a que sept pouces de longueur totale. Le vert de la tête, du dos, du croupion, des ailes et de la queue, est seulement plus brillant. Le roux des parties inférieures du corps est plus terne , et les bordures brunes des plumes de la poitrine beau- coup plus foncées. Le martin-pécheur errant de la Nouvelle-Guinée , halcyon cin- namominus , Swains. Zool. ilust. pl. LX VIT. Commun sur les bords du havre de Doréry, où il est aussi nommé coro-toro, ne diffère aucunement des deux oiseaux précédents. Il a sept pouces six lignes de longueur totale. Son bec est un peu plus comprimé vers la pointe. Le bleu-clair du dessus du corps est assez vif. Son collier est un peu plus roux, ainsi que toutes les parties inférieures. Les bordures brunes des plumes de la poitrine sont très-légères et moins apparentes que dans les précédents. Cet oiseau parait habiter toutes les parties boréale et orien- tale de la Nouvelle-Hollande, les iles de la Nouvelle-Zélande, de la Calédonie, des Hébrides, de Salomon, la Nouvelle-Gui- née et les Moluques. Les todiramphes, au contraire, paraissent vivre exclusive- ment sur toutes les iles océaniennes de la Polynésie orientale. ZOOLOGIE. 697 1219 MARTIN-PÉCHEUR A LONGS BRINS. Aicedo dea, L.; Larx. Index. sp. 28. (Mas. ): Rectricibus duabus longissimis medio attenuatis ; cor- pore nigro cœrulescente ; alis virescentibus. Burrow, Ent. 116(male). ( Fœm. ). Rectricibus longissimis non attenuatis ; corpore fus- co-brunneo ; occipite cæruleo ; gula, pectore, abdomineque fubis ; rostro et pedibus nigris. Le mâle adultedece beau martin-pécheur est depuis long-temps décrit et figuré dans la plupart des auteurs. Séba, le premier, en a donné une gravure très-reconnaissable sous le nom d'aves paradisiaca ternatea, t. 1, pl. XLVI, fig. 3 ; mais il n'en est pas de même de la femelle, qui était encore inconnue. Celle-ci a neuf pouces et demi de longueur totale; la queue en a quatre, et le bec, du front à son extrémité, a douze lignes. Le bec est brun noir, excepté en dessous de la mandibule inférieure quil est rougeûtre sale. Les tarses sont noirûtres, et les ongles bruns à la pointe. Le dessus de la tête est d’un brun très-foncé, lavé de fauve peu apparent. Sur le milieu de la tête et sur le haut du cou, les plumes prennent une couleur bleu- de-ciel assez vive, qui simule une sorte de calotte. Les yeux sont surmontés d'un sourcil fauve, qui s'étend sur le front. Les joues sont brunâtres. Les côtés du cou, le manteau, les ailes, le crou- pion, sont d'un fauve brunätre uniforme. Les rémiges sont brunes, bordées de roux. La gorge, le devant et les côtés du cou, la poitrine et l’abdo- men , sont d'un fauve jaunâtre, striés de brun sur le rebord de chaque plume. La queue est étagée. Les deux rectrices moyen- nes, plus longues que les autres de deux pouces seulement, ne sont point effilées, et sont partout d'une égale largeur. Elles Voyage de la Coquille.—Z. Tome I, Partie 11. 88 698 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. sont d’un bleu vif à leur milieu , et d’un brun terne sur leurs bords. Toutes sont uniformément brunes en dessous. Le martin-pécheur à longs brins fut trouvé d'abord dans l'ile de Ternate, et c'est sous ce nom que Valentyn l’a décrit, p. 301, t. III de son ouvrage sur Amboine. Il est très-commun à la Nou- velle-Guinée, où nous en tuâmes fréquemment. Les Papous le nomment Ananesoukour. PASSERI-GALLES. 1220 TAVON OÙ MÉGAPODE. Megapodius, Quoyx et GAïmaRD. Il y a à peine quelques années que ce genre est établi, et déja il se trouve enrichi de plusieurs espèces naguère inconnues, et qui toutes proviennent des iles dela Malaisie et des Mariannes. Ce sont des oiseaux dont les formes et le port sont ceux des gallinacées, mais que M. Cuvier place parmi les échassiers, à cause de la nudité de la jambe au-dessus du genou. M. Wagler y réunit le Ménure de la Nouvelle-Hollande. MM. Quoy et Gaïi- mard ont caractérisé ce genre dans la Zoologie de l'expédition Freycinet ( pag. 124 ), en ces termes: Bec grêle, faible, droit, aussi large que haut, et aplati en dessus à sa base ; mandibule supérieure plus longue que l'inférieure, légèrement courbée à son extrémité ; mandibule inférieure droite, point cachée par les bords de la supérieure ; narines ovalaires, ouvertes, placées plus près de la pointe du bec que de sa base; fosses nasales lon- gues, couvertes d'une membrane garnie de petites plumes ; tour de l'œil nu; pieds grands et forts, placés à l'arrière du corps ; tarse gros et long , couvert de grandes écailles, comprimé sur- tout eu arrière; quatre doigts très -allongés; trois en devant ZOOLOGIE. 694 presque égaux, réunis à leur base par une petite membrane plus apparente entre le doigt interne et celui du milieu qu'entre ce dernier et l'externe; le postérieur horizontal posant à terre dans toute sa longueur ; ongles très-longs, très-forts, plats en dessus, très-peu recourbés , triangulaires, à pointe obtuse, pres- que comme ceux des ménures ; ailes médiocres, concaves ar- rondies ; les troisième et quatrième rémiges les plus longues de toutes ; queue petite, cunéiforme , dépassant à peine les ailes et formée de douze pennes. L'espèce la plus anciennement connue : du genre mégapode est le tavon des Philippines , mentionné par Gemelli Carreri”, en 1719, et récemment déposé dans les galeries du Muséum de Paris par M. Dussumier. Cette espèce de gallinacée paraitrait avoir quelques traits des mœurs de l'autruche, en abandonnant ses œufs dans le sable ( d’où vient son nom de tavon, qui, en lan- gue fagale , signifie enfoutr), et laissant à la chaleur solaire le soin de les faire éclore. Mais les habitudes des mégapodes de la 1 Dès 1521, par Pigafetta qui dit en parlant des îles Philippines : « On y trouve « aussi des oiseaux noirs et gros comme une poule, qui font des œufs aussi gros « que ceux de canard, et qui sont bons à manger. On nous dit que la femelle pond «ses œufs dans le sable, et que la chaleur du soleil suffit pour les faire éclore » (p. 88, trad. franc. ). 2 Gemelli Carreri, dans son Géro del Mondo, décrit le Tavon de la manière qui suit, et consacre sans doute bien des erreurs, mais aussi probablement quelques faits exacts. « C’est un oiseau de mer, noir et plus petit qu’une poule, mais qui a « les pieds et le cou assez longs : il dépose ses œufs dans les terres sablonneuses « où il a fait un trou, et se contente de les recouvrir de sable. Ces œufs sont de « la grosseur de ceux de l’oie. Les tavons pondent en mars, avril et mai, époque « où la mer est plus tranquille, et où les vagues ne avancent point autant sur le « rivage et puissent les noyer. Les matelots cherchent avidement ces nids le long « des bords de la mer : lorsqu'ils trouvent la terre remuée, ils l’ouvrent avec un « bâton, et prennent les œufs et les petits qui sont également estimés. »( ist. génér. des Voyages, 1. X, p. 411.) 88. 700 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. Nouvelle-Guinée , et des iles environnantes , nous sont entière- ment inconnues, et tout porte à croire que, vivant dans des forêts profondes et humides, ils n’abandonnent point au hasard leurs œufs et leurs petits. À l'espèce de tavon, jusqu'à ces der- niers temps mal caractérisée, MM. Quoy et Gaimard ajouterent le megapode Freycinet (fig. pl. XXXIT), que nous trouvames très-communément à l'ile de Waigiou, et le r#egapode la Pe- rouse (fig. pl. XXXIIL), qui provient des iles Mariannes et qu'on indique également aux iles Philippines, où il porte le nom de tavon. M. Temminck, dans ces derniers temps, a fait con- naître une espèce d'amboine qu'il a nommé meégapode à pieds rouges ; il a indiqué l’analogie qui existe entre ces oiseaux, quil regarde comme les véritables représentants, dans lesiles de la Po- lynésie, des ttnamous des régions chaudes du nouveau continent. Nous ajoutons ainsi à ce genre, composé jusqu'à présent d’es- pèces essentiellement polynésiennes et asiatiques , le neégapode Duperrey et le nouveau genre alecthela, qui a les plus grands rapports avec les mégapodes, et qui ne renferme qu’une seule espèce de l'ile de Guébé, une des Moluques orientales. Les mégapodes sont des gallinacées des régions chaudes, qui viventdans les forêts des Moluques orientales et des iles Papoues, et qui pondent des œufs excessivement gros pour leur taille. On en connait aujourd'hui quatre espèces. 123 MÉGAPODE DUPERREY. Megapodius Duperreyü, N. Mangoipe dans la langue des Papous. M. capite cristato ; collo , pectore , abdomineque griseis et ar- doisiaceis ; uropygio atro-rubente; cristà, alis et dorso rufis ; rostro pedibusque subalbidis. . (PL XXXVI.) ZOOLOGIE. 7OI Cet oiseau est à peine de la grosseur d’une perdrix. Ses tarses sont moins élevés que dans les deux espèces décrites ; il est aussi mieux proportionné dans ses formes. Sa longueur totale, du bout du bec à l'extrémité des ailes, qui sont plus longues que la queue, est d’un peu moins d'un pied. Les tarses sont forts, recouverts d'écailles, et longs de vingt lignes. Le doigt du milieu, y compris l’ongle, a dix-sept lignes; celui de der- rière en a quatorze, et l'ongle postérieur, à lui seul, en a sept. Le bec, légèrement renflé vers son extrémité, long de huit lignes, est de couleur jaunâtre. Les narines sont ovalaires, re- couvertes d'une membrane garnie de très-petites plumes rudi- mentaires. Le tour des yeux est nu, mais moins que dans les autres espèces. Le cou est très-fourni de plumes. L'iris est rougeàtre. Une huppe très-épaisse recouvre la tête. Les plumes qui la composent se redressent vers locciput. Les ailes sont concaves, plus longues d’un pouce que la queue, et terminées en pointe dont la cinquième rémige est la plus allongée ; queue ovalaire , pointue, très-courte , composée de dix pennes petites. Les jambes sont grisâtres, et emplumées jusqu'au tarse. Les ongles légèrement courbés, aigus au sommet, planes inférieu- rement, sont bruns. La huppe de notre mégapode Duperrey est de couleur brune fauve. Le cou, la gorge, le ventre et les parties latérales, sont d'un gris ardoisé. Les plumes du dos, et des couvertures des ailes , sont larges et d’un brun roux jaunâtre assez vif. Le crou- pion, le dessus de la queue et les plumes anales, sont d’un rouge ocracé. Les rémiges sont fauves en dehors, brunes en dedans, à tiges brun roux. Le doigt du milieu est réuni au doigt interne par un rebord membraneux , qui manque entre lui et l’externe. En comparant notre mégapode au ménure de la Nouvelle- Hollande, on ne peut se dispenser de reconnaitre qu'il lie ce 702 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. dernier genre aux gallinacées , en formant un passage très-na- turel. En effet, si on examine la place que les narines occupent, la forme générale du bec et des pieds, la nudité du tour des yeux, la membrane qui réunit les deux doigts externes, mais qui manque entre celui du milieu et l'interne ( ce qui est l'op- posé chez le mégapode), la même longueur des doigts entre eux, une analogie de forme dans les ongles, la plus grande longueur du postérieur, la concavité et la petitesse des ailes, tous ces ca- ractères, en effet, coïncident pour assurer ce passage. Le méga- pode appartient ainsi à un petit groupe naturel voisin des pigeons et intermédiaire aux passereaux et aux gallinacées. Le mégapode Duperrey habite les forêts ombreuses de la Nouvelle-Guinée, sur le pourtour du havre de Doréry. Cet oiseau est craintif, court très-vite dans les broussailles, à la manière des perdrix dans les blés , et pousse un petit glous- sement. Il a été tué par M. de Blois de la Calande, dans une chasse que nous fimes avec cet officier; et, quoiqu'il soit rare, on en vit cependant plusieurs individus. Nous n'observämes le mégapode Freycinet ( megapodius Freycinetit ) que dans l'ile de Waigiou. C'est en vain que nous essayames d'en conserver en vie dans des cages : ces oiseaux 5 mouraient bientôt. Leur chair est noire, très-dure, et peu agréable à manger, qnoïque possédant un fumet que la cuisson développe. Les Papous nous en apportaient journellement à bord , et les nomment, ceux du havre d'Offack du moins, ma- nesaque. 1240 ALECTHÉLIE. ÆAlecthelia, Less. Les caractères des mégapodes sont en grande partie apphica- bles au sous-cenre alecthelia ( de alectorhis, poule, gallinacée, et de helios, soleil, équateur ), que nous formons pour y placer un ZOOLOGIE. 703 oiseau qui diffère des vrais mégapodes ou tavons par plusieurs traits distinctifs. On peut ainsi définir les alecthelia : Bec petit, comprimé, pointu, à mandibule supérieure prolongée, à mandibule infé- rieure un peu renflée et plus courte; narimes à la base du bec, séparées par une arête étroite ; tête et front abondamment re- couverts de plumes jusqu'aux narines ; tour des yeux garni de plumes courtes et serrées ; le doigt interne des trois doigts anté- rieurs un peu plus court que les deux autres; membrane qui unit le doigt du milieu avec le plus intérieur, presque nulle; queue nulle, sans aucune penne ; toutes les plumes du corps, moins celles des ailes, composées de barbes lâches, ciliées tres- finement sur chaque tige. Une seule espèce provenant des Moluques orientales appar- tient à ce sous-genre. 125° ALECTHÉLIE D'URVILLE. Alecthelia Urvili, Less. À. corpore , capite , dorso abdomineque, brunneo - fuligtnosts ; gulà cinerea ; alis rotundatis, brunnets, linners fulvis intersectis ; rostro , pedibusque griseo-albidis. (PL XXX VIT.) La corvette {a Coquille était à plus de deux milles de l'ile de Guébé, l’une des Moluques, lorsque, le 14 août 1824, une forte brise, soufflant du côté de terre, apporta à bord l'espèce que nous décrivons, et qui paraissait accablée de lassitude. La longueur totale de cet oiseau, du bout du bec à l'extrémité des ailes, est de cinq pouces quatre lignes. Les tarses ont qua- torze lignes, le doigt du milieu dix, celui de derrière huit, les ongles cinq, le bec six. \ 704 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. Ramassé dans ses formes, très-recouvert de plumes lâches et peu serrées, l'Alecthélie présente sur l’occiput un faisceau de plumes allongées, qui revétent cette partie d’une maniere très- épaisse. La teinte générale de cet oiseau est brune fuligineuse, plus foncée en dessus. Le ventre et la gorge sont d’un brun lé- gèrement roussâtre ; la gorge est cendrée. Les ailes sont con- caves, arrondies, à pennes entièrement brunes ; les deuxième, troisième et quatrième étant égales. Le dessus est brun, et par- semé de lignes en zigzag ou irrégulières, peu prononcées, d’un jaune roux. Les rectrices caudales sont remplacées par des plumes tres-lâches, composées de barbes très-fines, hérissées chacune de barbules très-tenues, très-rapprochées, présentant beaucoup d’analogie avec celles du casoar (n° 6, pl. LX VIT, At- las de Péron), et qui, implantées dans le croupion de la même manière, ne composent la queue de cet oiseau que d'une touffe plumeuse. Nous remarquerons à cet effet que, comme le ca- soar, toutes les plumes de cet oiseau, moins celles des ailes, sont composées de tiges multiples , très-grèles et très-molles, et gar- nies de barbules égales et très-fines, plumes qu'on pourrait ap- peler multirachidees. Le bec est grisâtre , de même que les pieds. Le doigt interne est un peu plus réuni à celui du milieu que l'externe. Les on- gles lésèrement recourbés, aigus, convexes en dessus, concaves en dessous , sont bruns. L'iris est rougeàtre. Cette espèce qui provient de l'ile de Guébé, placée immédia- tement sous l'équateur, est sans doute propre aux terres voisi- nes, telles que la grande et belle ile d'Halamira ou de Gilolo, si peu connue et si peu étudiée par les naturalistes. Le nom de cet oiseau rappelle celui de M. D'Urville, capitaine de vaisseau, botaniste instruit, connu par des travaux d'un grand mérite dans plusieurs expéditions, et commandant la corvette /’Astrolabe dans son voyage de découvertes. ZOOLOGIE. 705 1260 COLOMBE ZOË. Columba Zoeæ , Less. Manangore dans la langue des Papous. Capite, genis, abdomineque griseis } jugulo cinereo ; collo et pectore griseo-vinacets ; dorso et tectricibus alarum brunneo-ru- bris ; uropygto, remisibus caudäque suprà splendidè viridibus ; cingulo atro pectus cingente ; plumis ani rubro variegatrs ; cauda tnfrà ocraced ; rostro nigro, et pedibus sangutnets. (LS) La colombe Zoé est de la taille du pigeon domestique ; sa lon- gueur totale est de seize pouces, y compris la queue qui en a quatre. La nature semble avoir pris plaisir à revêtir des couleurs les plus douces ou les plus éclatantes la parure des colombes qui partout se font remarquer par des teintes empruntées à celles des métaux les plus précieux. La colombe Zoé, très-remarqua- ble parmi les espèces les plus belles de ce genre, est de la gros- seur du pigeon de volière. Sa longueur est d'environ seize pou- ces, y compris la queue qui en a quatre, et qui est rectiligne. Le bec est noir, ainsi que le rebord qui forme un cercle membra- neux à l'œil. Les pieds sont d’un rouge de sang; les tarses sont robustes et emplumés jusqu'à moitié. Le front , le sommet de la tête et les joues, sont d'un gris cendré un peu foncé : le des- sous de la gorge est blanchâtre ou d'un gris clair. Le cou, jus- qu'au dos, la poitrine, sont d'un gris vineux d’'égale teinte; une bande étroite, noire, entoure le corps, et tranche , au commen- cement de l'abdomen, avec le gris cendré qui le recouvre. Les plumes anales et celles du dessous de la queue sont rouges et ter- minées, au milieu de leur extrémité, par des taches arrondies blanches, ce qui leur donne un aspect émaillé. Le dos et la partie Voyage de la Coquille. — Z. Tom. I, Partie 11. 89 706 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. moyenne des ailes sont d'un rouge-brun foncé. Les rémiges , le croupion et le dessus des plumes de la queue, sont d'un vert éclarant et doré. Le dedans des pennes est brun. Le dessous de la queue est fauve rougeitre. Nous tuâmes cette colombe dans un eugenta, où se ras- semblaient un grand nombre de lorris, près le village de Do- réry, à la Nouvelle-Guinée. Sa chair est parfumée, et nous trouvämes dans le gésier des fruits entiers de l'arbre sur lequel elle était posée avant sa mort. Les Papous la nomment manan- gore. Quoique plusieurs naturalistes semblent blàmer avec amer- tume toute nomenclature qui n’est point consacrée directement à des savants qui cultivent ou qui ont rendu des services à la branche de la science dont l'objet à nommer fait partie, nous pensons que le voyageur qui a consacré plusieurs années de sa vie à exécuter un voyage, qui n'est jamais sans grandes misères etsans moments épineux, a bien le droit d'imposer, au lieu d'un nom souvent fort insignifiant, celui d'un être qui lui fut cher, et qui mérita constamment, et sa vénération, et le souvenir le plus religieux. Cette colombe est consacrée à la mémoire d'une épouse expirée à l'aurore de la vie. 1279 COLOMBE DU CHILI. Columba araucana, Less. C. capite, dorso , jugulo et abdomine rubro-ocraceis ; alis, uro- pygto ctnereïs ; pennis majoribus brunneis, cum line4 tenut lu- tea ; caudä grise4, albido-cinere& extremitati ; squammis metal- licis super collum ; rostro nigro ; pedibus flavis. (PL XL.) Sous le nom de columba melanoptera , le P. Molina: ne dé- 1 Histoire naturelle du Chili. ZOOLOGIE. der crit qu'une seule colombe comme propre au Chili, et la deuxième espèce qu'il y mentionne, ne diffère point, dit-il, de la tourterelle d'Europe. Celle à laquelle nous imposons le nom de colombe araucanienne, provient des bois environnant le petit port de Talcahuano, dans la province de la Concepcion, sur le boulevart du territoire des farouches et belliqueux Araucanos. Cette espèce vient naturellement se ranger près de la colombe à queue annelée, columba caribæa, Lath., de la Jamaïque et de Porto-Ricco, ou l'indiquent Browne et Maugé; mais elle se rapproche surtout de la colombe à nuque écaillée (C. portoricen- sts, Temm. ), et de la colombe picazuro de Vieillot, ou picazu de d'Azara , qui habite le Paraguay. La colombe araucanienne a un pied de longueur totale; il s'en faut d’un pouce que les ailes soient aussi longues que la queue , qui a quatre pouces. La grosseur du corps est à-peu-près celle de notre ramier commun. Le bec est assez fort, et noir. Un espace nu, rougeûtre , entoure l'œil. Les pieds sont jaunes et les ongles noirs. Les doigts sont débordés par une membrane, plus élargie que dans plusieurs autres espèces. Le doigt du mi- lieu est plus allongé que les deux autres, et a dix-huit lignes. Cette colombe porte la livrée sombre des climats tempérés ; elle ne présente point ces nuances heureusement fondues et combinées qu'offrent les colombes des climats chauds. Cepen- dant, en examinant en détail les couleurs qui teignent ses diver- ses parties, on leur trouve encore une harmonie et des reflets qui flattent l'œil. Un demi- collier de plumes écailleuses occupe la partie pos- térieure du cou. Brunes au milieu, plus claires sur leur bord, la lumière leur donne quelques teintes irisées et un peu chatoyan- tes. Le dessus de la tête, le cou, la poitrine, l'abdomen, les couvertures des cuisses, la portion supérieure du dos, sont d’un rouge de rouille, ou ferrugineux légèrement lustré, parfois 89. 708 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. mêlé d’un peu de gris. Le dos et le croupion, ainsi que les plu- mes scapulaires supérieures et moyennes, sont gris-cendré. Les grandes penñes des ailes sont brunes, à tige rousse, bor- dées en dehors d'un petit liséré jaune : elles sont cendrées en dessous. La queue est carrée ou presque rectiligne, à pennes égales, cendrées en dessus. Cette teinte augmente et passe au brun de manière à former une bande de cette couleur à un peu moins d’un pouce de son extrémité qui est d'un gris clair. Le dessous est d’un brun uniforme, également terminé par la bande grisatre. Les couvertures inférieures de la queue sont mélangées de gris cendré et de rouge ocracé. Cette colombe est abondante dans les bois de la presqu'ile de Talcahuano, et, comme elle mange souvent des baies aromati- ques , sa chair en contracte un excellent gout, qui la fait es- timer. 1280 COLOMBE OCÉANIQUE. Columba oceanica, Less. Moulouesse ou mouleux dans la langue des naturels d'Oualan. C. dorso , alis caudäque æneo-viridibus ; capite et collo ardoi- staceïs ; gulo, pectoreque cinerers ; abdomine ferrugineo ; rostro nigro et pedibus rubris. (PI. XLI.) Remarquable par la pureté de ses teintes adoucies, ou par le vert métallique des ailes ou de son manteau, la colombe mus- cadivore, très-bien figurée dans le superbe ouvrage de M. Tem- minck et de M" Knip, et aussi dans la Zoologie de l'Urante, paraît se rapprocher singulièrement par l'ensemble des formes de la colombe que nous décrivons sous le nom d’océanique. Celle-ci en diffère toutefois par la taille, qui est d’un tiers moin- dre, et par la distribution de quelques couleurs. La muscadi- ZOOLOGTE. 709 vore vit plus particulièrement dans les Moluques orientales, et surtout à la Nouvelle-Guinée et à Waigiou , tandis que l'océa- nique peuple abondamment le petite ile d'Oualan, au milieu de l'immense archipel des Carolines, et parait exister aux iles Pelew où la mentionne Wilson sous le nom de eyep. Il serait donc fort possible que cette espèce se fut aussi répandue sur les iles Philippines, et à Magindanao. La colombe océanique ne mange point de muscades ; elle vit d'une baie fort abondante dans les bois touffus de la petite ile d'Oualan , et n'est jamais inquiétée par les naturels. Sa longueur totale est de quatorze pouces, y compris la queue qui en a cinq. Le bec, long d'un pouce, est noir, fort, et surmonté à sa base d’une caroncule arrondie et tres-noire. Les pieds sont forts et d'un rouge-orangé vif. Les tarses sont emplumés presque jus- qu'aux doigts, qui ont un rebord assez développé. Les ailes sont aigués, et n'ont qu'un pouce de moins que la queue, qui est à-peu-près rectiligne. Les plumes du front, des joues et de la gorge, sont d’un blan- châtre mêlé de gris. La tête et le derrière du cou sont d'un gris ardoisé assez foncé. Le manteau, le croupion, les couvertures des ailes, les grandes pennes et celles de la queue, sont d'un vert métallique uniforme, passant au brun sur les rémiges et les rectrices. La poitrine et le haut de l'abdomen sont d'un gris avec une teinte de rouille. Le ventre, les plumes anales, les couvertures des cuisses et du dessous de la queue, sont d'un gineux foncé. Le dessous des pennes de la queue est $ vert-rougeàtre clair. rouge-ferru C'est très-probablement cette espèce, très-peu éloignée d'ail- leurs de la colombe muscadivore, que mentionne Forster, qui ob- serva dans l'ile de Tanna , l'une des Hébrides, un pigeon man- geur de muscades (t. IT, pag. 170, in-4°, deuxième Voyage de A x a ñ . Cook) de même espèce que celui des îles des Amis ou de Tonga. 710 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. 1999 COLOMBE GÉANT. Columba spadicea, LATH. Koukoupa, dans la langue des Nouveaux Zélandais. Columba spadicea, Temm., Pigeons, pt C. capite, collo, dorso, caudä&, alisque aureo-virescentibus ; ab- domine niveo ; caud& infrà brunneo ; rostro et pedibus rubescen- tibus. Le nombre des espèces qui viennent se classer naturellement dans le genre Columba est considérable, surtout sous l'équateur; mais les terres de l'Océanie et de l'Australie n’ont pas peu contri- bué à l'augmenter encore. Celle que nous rappelonsici, en recti- fiant les descriptions qui en ont été faites, et dont nous tuâmes plusieurs individus dans les alentours de l'immense baie desIles, décrite primitivement par Latham ( /ndex Orn. supp. Sp. 7 ), et figurée par M. Temminck , dans son histoire des pigeons, offre cependant quelques légères différences, et c’est pour cela que nous en présenterons une rapide esquisse. Cette espèce si remarquable par la couleur verte métallique qui la colore, a seize pouces et demi de longueur totale. Sa taille est celle du pigeon ordinaire. Sa queue, longue de six pouces, est à-peu-près rectiligne ou légèrement échancrée au milieu. Le bec est un peu renflé près la pointe de la mandibule inférieure : il est d’un rouge de carmin brillant à sa base, ainsi que les pieds, dont les tarses sont emplumés jusqu'aux doigts. Les yeux sont entourés d'une membrane d'un rouge vif, et l'iris est de la méme couleur. Toutes les parties supérieures de cet oiseau, le dos, le crou- pion, le dessus des ailes, la gorge, jusqu'à la poitrine, sont d'une teinte verte chatoyante à laquelle se mélent des reflets rouges de cuivre de rosette, affectant des nuances irisées et ZOCLOGIE. TITI brillantes plus sombres sur les grandes pennes. La poitrine , le ventre et les plumes anales et des tarses, sont d'un blanc pur. Le dessus de la queue est d’un brun légèrement verdätre, et le dessous est d’un brun plus foncé en dedans et à l'extrémité. Cette brillante colombe dont la chair est excellente est très- multipliée dans les bois des environs de la baie d'/piripé ou des Iles. La première que nous nous procuràmes fut tuée et remise à l'expédition par M. de Blois de la Calande, un des officiers de la corvette {4 Coquille. Toui, chef de lhippah de Xaouera, près duquel nous étions mouillés, nous en apporta ensuite plusieurs fois à bord. Celle que décrivit Latham sous le nom de chesnut- shouldered pigeon , provenait de l'ile de Norfolk, peu éloignée de la Nouvelle-Zélande, et M. Temminck indique aussi les îles des Amis ou de Tonga comme la patrie de cette belle espèce. Nous sommes autorisés à penser toutefois qu'elle ne doit point s'y trouver. En général, l'indication des objets apportés par les particuliers de plusieurs contrées lointaines n'est jamais précise, et on ne saurait trop avoir de réserve à ce sujet. Nous en avons eu fréquemment de nombreux exemples. 1300 COLOMBE AMARANTE. Columba puella, Yess., Bullet. des scienc. nat., n° 3, pag. 400, mars 1827. Var. A? de la columba magnifica de Temminck ; mapouha dans la langue des Papous. C. minor ; capite , colloque subalbido-srisers ; dorso, alis cau- däque supra lætè virentibus ; gulis aurets super alas ; pectore et collo ante, abdomine rubro-amaranthinis; ani plumis flavis ; pe- dibus nigris ; rostro plumbeo. Parmi les espèces nombreuses et à riche livrée de l'intéres- sante famille des colombes, la magnifique est remarquable par 712 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. grande taille ; et celle que nous décrivons, et qui lui ressemble parfaitement par toutes les teintes de son plumage, en diffère seulement par desproportions qui sont de moitié moindres. Ainsi, vivant dans la Nouvelle-Galles du Sud et sous une zone beau- coup plus froide, la colombe magnifique acquiert des proportions robustes, tandis que l’Æmarante, affectant dans son plumage Sa © limitation la plus servile, et très-commune sous les zones brü- lantes de l'équateur, n'y a conservé que des formes greles et délicates. C'est à la Nouvelle-Irlande et à la Nouvelle-Guinée que nous observämes la colombe amarante , dans les forêts vierges des alentours du port Praslin et du Ho de Doréry. Elle a la tête et le cou-de couleur grise ou plutôt d'un cendré blanchitre. Le dos , les ailes et le dessus de la queue, sont d’un vert agréable et changeant. Les grandes pennes alaires sont d’un vert noir. Des D souttes arrondies, formant une ligne sur les couvertures moyen- 5 nes, sont d'un jaune doré tres-vif, et se terminent par une tache élargie et ovalaire sur les deux dernières pennes moyennes. Les côtés de la gorge sont verts; une large bande d’un beau rouge amarante prend naissance au tiers supérieur du cou, en devant, descend sur la gorge en s'élargissant , et occupe tout le dessous du corps jusqu'aux cuisses. Les plumes de la région anale sont du jaune le plus pur; les couvertures inférieures de la queue sont verdatres, et le dessous des pennes est brun. Les ailes, en dedans, sont jaunes et d’une belle teinte de rouille à la naissance des grandes pennes. Le bec est noïratre à sa base, et blanc rosé à son extrémité. Les pieds sont d'un brun noir. La colombe amarante ne forme sans doute qu'une variété de la magnifique, elle n'a toutefois que onze pouces de longueur totale. Le bec, du front à sa pointe, a six lignes, et la queue, qui est arrondie, a quatre pouces huit lignes. Nous n'avons point figuré cette jolie espèce, parce qu'elle ne diffère point par ZOOLOGTE. 713 les couleurs de la columba magnifica de la CLXIIT"* planche de M. Temminck, qu'elle représente en miniature. Cette dernière, dont nous avons rapporté plusieurs beaux individus, n’est point rare à Vew-Castle aux environs du port Jackson, à la Nouvelle- Hollande. 131° TOURTERELLE BLEU-VERDIN. Columba cyanovirens, Less. Manasope , dans la langue des Papous. C. viridis ; occipite cæruleo; maculis cyanets super alas ; abdo- mine luteo-albido ; remigibus brunets, luteo marginates ; rostro nigro ; pedibus rubro-luteis. Mas. C. omnino viridis; fronte et gulo cinerers; macula rubrä pectort; plumis griseis sub alas ; ant plumis albo et luteo variegatis ; ros- tro subalbido, et pedibus rubro-luters. Fomina ? ( PI. XLIT, fig. r (male), et fig. 2 ( femelle ? ). Cette tourterelle habite les forêts profondes et encore vierges de la Nouvelle-Guinée. C'est dans les environs du havre Doréry que nous nous en procurames plusieurs individus. Leur rou- coulement sourd se faisait entendre fréquemment sur les grands arbres, au milieu des lianes qui les enlacent , et tout indique que l'espèce y est commune. Le bleu-verdin a de longueur totale, du bout du bec à l'extré- mité de la queue, huit pouces six lignes. Le bec est mince et noir; l'iris d'un rouge brun; les tarses courts et presque entiè- rement emplumés. Les doigts, garnis d'un rebord membraneux, sont d'un jaune-orangé vif. La tête, le croupion, le dessus du corps, des ailes et de la queue, sont d'un vert-pré agréable. Une large calotte d'un beau bleu-ndigo couvre l'occiput. Des taches bleues allongées occupent le centre des plumes sub-alai- Voyage de la Coquille. — 7. Tome I, Partie 11. 99 714 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. res, qui sont bordées d’une ligne étroite jaune. La partie interne et cachée des mêmes plumes est brune. Les rémiges sont entiè- rement brunes, et bordées , à leur portion extérieure, d’une li- gne d'un jaune serin. La queue est carrée et rectiligne. Les pennes qui la composent, au nombre de quatorze, sont brunes à l'extrémité, blanches en dessous, d'un vert analogue à celui du dos en dessus, passant au noir au milieu, chacune d'elles se terminant en dedans par une tache blanche. Les deux plus extérieures sont noirâtres, bor- dées de jaune extérieurement , ainsi que les deux ou trois sui- vantes. Leur tige est brune. La gorge, jusqu'à la moitié du cou, est d'un gris cendré. La poitrine est d’un vert grisatre. Le ventre et les flancs sont d'abord d'un vert mélé de quelques petites bordures jaunes, puis une large plaque d’un blanc jaunûtre les recouvre, et sétend de chaque côté en formant une sorte de ceinture. Les plumes qui revètent les cuisses sont vertes, celles de l'anus sont blanches et jaune pale : les tectrices du dessous de la queue sont jaunes mélangées de vert. Un autre individu que nous nous procurames était un peu plus petit que l'espèce précédente, dont il est probablement la femelle ou peut-être le jeune âge. Le bec est blanchàtre, et les pieds sont de couleur orangée. Le plumage entier est d’un vert- pré, mêlé de quelques nuances bleues sur les ailes, mais la calotte indigo n'existe point. Les autres différences qu'on remarque sont d'avoir le front cendré comme la gorge; d'offrir une tache d'un rouge ferrugineux au milieu de la poitrine, d'avoir quel- ques plumes d'un gris blanc sur les grandes couvertures des ailes, l'abdomen uniformément d’un vert mélé de jaunàtre. Du reste, la disposition des teintes générales du corps et des ailes, de la queue et de leurs couvertures inférieures, ainsi que des plumes anales , est parfaitement analogue. ZOOLOGIE. 715 GALLINACEES. 1320 TALÉGALLE. Talegallus , Less. L'oiseau qui sert de type à ce nouveau genre a été découvert dans les forêts de la Nouvelle-Guinée. Il est entièrement noir, de la taille d’une poule commune, et retrace quelques-unes des formes des talèves ou porphyrions : aussi est-ce pour rappeler ces analogies que nous avons forgé le mot hybride talegalle. Ce genre est très-remarquable, et doit prendre place à côté des peintades(numida), dans les gallinacées. Les caractères que nous assignons aux talégalles sont les suivants : Le bec est très-robuste, très-épais, de la longueur de la tête, comprimé en dessus, à mandibule superieure convexe entamant les plumes du front. Les narines sont latérales, ovalaires, ob- longues, percées dans une membrane large. La mandibule infé- rieure est moins haute, mais plus large que la supérieure, presque droite en dessous, obliquement taillée en bec de flute à sa pointe , à bords lisses, à branches écartées à la base, et l’é- cartement rempli par une membrane garnie de plumes. Les joues sont entièrement nues; la tête et le cou garnis de plumes à barbules simples. Les ailes sont arrondies, médiocres; la pre- mière penne très-courte, la deuxième un peu plus longue, la troisième la plus longue de toutes, les quatrième et cinquième diminuant de longueur après la troisième ; queue assez longue, arrondie, composée de douze rectrices. Les tarses sont assez ro- bustes, médiocrement longs, garnis de larges scutelles en devant; doigts assez longs, celui du milieu le plus allongé, l'externe le plus court , les trois de devant garnis à leur naissance d'un re- 90. 716 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. bord membraneux plus large entre le doigt externe et médian ; ongles convexes, aplatis en dessous , légèrement recourbés et médiocrement robustes. Le pouce est long , appuyant en entier sur le sol, et garni d’un ongle également robuste. 133° TALÉGALLE DE CUVIER. Talegallus Cuviert, Less. T. rostro incarnato ; pedibus subflavis ; corpore toto rigro. (PL XXXVIIL.) Le Talégalle à quinze pouces de longueur totale , et, dans ces dimensions, la queue entre pour cinq pouces, et le bec pour treize lignes. Les tarses ont, du genou à la première articulation du doigt du milieu , deux pouces cinq lignes , et le doigt médius, qui est le plus long, a moins de deux pouces. Les ailes, amples et concaves, dépassent à peine le croupion. Leurs rémiges , de même que les rectrices, sont larges assez résistantes, à tiges minces mais fermes et luisantes. | Le bec robuste et dur de cet oiseau, les joues dénudées, l'ou- verture du conduit auditif non revêtue de plumes épaisses, le cou garni de petites plumes décomposées et comme poilues, donnent au talégalle un aspect particulier qui , sous ce rapport, le fait ressembler à certains mégapodes. Ses tarses sont forts, très-réticulés, et terminés par des ongles robustes bien que médiocres. Ils sont colorés en jaune assez intense, et semblent indiquer que la vie de cet oïseau se passe aussi bien sur le sol, dans les broussailles , à la manière des gallinacées domestiques, qu'à voler d'arbre en arbre lorsque sa sécurité est compromise. Cet oiseau a le bec d'un jaune rosé assez vif, et la peau nue des joues jaune. Les petites plumes courtes et rares de la tête et du cou, plus épaisses sur l’occiput où elles affectent une teinte brune, sont partout ailleurs d’un gris brunâtre. Elles sont ZOOLOGIE. se à barbes munies elles-mêmes de barbules d'une extrême finesse. Toutes les plumes sur le corps aussi bien qu'en dessous, les ré- miges et les rectrices, sont d'un noir brun assez intense. Cet oiseau a été tué par M. Bérard, lieutenant de vaisseau, dans les forêts des alentours de Doréry, à la Nouvelle-Guinée, et cet officier a bien voulu en enrichir nos collections. Les Pa- pous le nomment mangoipe. ECHASSIERS. 134° CASOAR ÉMEU OÙ A CASQUE. Casuarius emeu, LatH., Synop. pl. LXXI. Struthio casuarius , L.; Brissox , t. V, pl. I, fig. 2. Le casoar, Burr. Ent. 313 ; Frison., pl. CV ; MarécH. Menaz. du Museum. Casuarius galeatus, Vrerzz. Gal., pl. CCXXV. Le premier Casoar qui parut en Europe y fut apporté par les Hollandais, en 1597. C'est un oiseau massif dont la tête est surmontée d'un casque osseux , dont la face est recou- verte de peau nue vivement colorée en bleu ou en violet , à pen- deloques charnues imitant celles du dindon. Ses plumes sont lâches, noirâtres, assez analogues à des poils effilés. Sa taille est d'environ cinq pieds de hauteur totale. Les plumes de la région anale, remplacent la queue et sont tombantes. Le casoar est un oiseau stupide, glouton , vivant de fruits, d'herbes et même de petits animaux. Dans l'Inde on l'élève en domesticité, et l'époque des amours est marquée chez le male par une sorte d'effervescence qui le rend furieux et méchant. La femelle pond trois œufs verdâtres pointillés , qu'elle couve 715 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. pendant la nuit , l'espace d’un mois. Les jeunes ont leur plumage d’un roux clair mêlé de grisätre. Cet oiseau court avec une grande rapidité et se défend des chiens avec courage à l'aide de ses pieds. On le trouve dans les îles Moluques à Céram, à Bou- rou, mais surtout à la Nouvelle-Guinée. IL vit le plus habituelle- ment par couples solitaires. 1350 ÉMOU PAREMBANG. Dromaius ater, Virirx., Gal. pl. CCXX VI. Casuarius Novæ-Hollandiæ , Larx.; PÉRON, V’oy. aux terres australes, pl. XXX VI; Waure's Journ., pl. à la pag. 1209. New-Holland Cassowary, Paiviipr, 74. to Botany-Bay, p. 271; Cuv. Res. an. t. I, pag. 497; Sxaw, Nat. mise. pl. XCIX. Sa longueur est d'à-peu-près sept pieds. Son plumage est très-épais, très-fourni et brunâtre. Les jeunes ont une livrée orisätre, sur laquelle se dessinent quatre bandes d'un roux vif. Les plumes sont remarquables par les deux tiges centrales qui s'unissent à leur base, et qui portent des barbes le plus sou- vent simples ou parfois garnies de barbules trèscourtes. Ses formes sont lourdes et massives, son dos vouté; le tour des yeux, les joues et les côtés du cou, sont recouverts d’une peau dénudée, violâtre. Le dessus de la tête est revêtu de plumes rares, simples et comme poilues. White dit que l'émou n’a point de gésier, que son foie est très- petit, mais que la vésicule du fiel est très-large ; que son tube digestif a près de six aunes anglaises de longueur. Il trouva l'estomac d'un individu rempli de six à sept livres de fleurs, de baies et d'herbages de toutes sortes, et il ajoute que sa chair lui parut avoir le gout de viande de bœuf. M. Knox a publié un fort bon mémoire sur l'anatomie de l’'émou comparée à celle du casoar (Ediëmb. philos. Journ., n° 19, ZOOLOGIE. os janvier 1824), d'ou il résulte que cet oiseau a la plus grande ana- logie dans la structure de plusieurs de ses viscères avec l’autru- che. Une large poche membraneuse est formée par la dilatation de l’œsophage, qui aboutit à un gésier très-peu apparent. Le tube intestinal a seize pieds environ de longueur. Le cloaque parait servir uniquement de réservoir à l'urine. La trachée-artère très- longue, se trouve composée d'anneaux qui, au cinquante- deuxième cercle, s'ouvrent dans une immense poche muscu- leuse dont l'usage est problématique. Les os du carpe, suivant M. Wagner, manquent chez l'émou, et les os de l’avant-bras supportent immédiatement le métacarpe. Les naturels de la Nouvelle-Galles du Sud donnent à l'émou le nom de parembang. C'est un oiseau farouche, courant trés- vite, dont la race inoffensive diminue chaque jour aux environs de Sydney, et qu'ont relégué au-delà des Montagnes Bleues les défrichements des colons. 1360 PLUVIER A CALOTTE ROUGE. Charadrius pyrrhocephalus, Less. Cette espèce nouvelle tient le milieu entre le petit pluvier à collier et le pluvier masqué. Elle habite les terres les plus avan- cées dans le Sud, et nous l’'observames sur les côtes désertes des iles Malouines. Ses mœurs sont solitaires, et elle court sans cesse sur le rivage en poussant un petit cri. Le pluvier à calotte rouge à sept pouces de longueur totale. Les ailes dépassent la queue de auatre à cinq lignes. Le bec est noir, assez fort, et les pieds sont d’un brun rougeàtre. Le front est recouvert par un bandeau blanc, qui s'étend jusqu'à l'œil, et occupe les joues et la gorge. Un bandeau noir surmonte le précédent, passe au dessus de l'œil, descend sur les côtés du cou, et se confond avec le premier collier, qui est d’un noir vif 720 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. assez large. Le milieu de la poitrine est également blanc, et une large ceinture noire sépare cette partie du ventre et des couver- tures inférieures de la queue, qui sont aussi d'un blanc de neige. Le dessus de la tête est recouvert d'une calotte d'un roux brun ; une bande d’un roux fort vif la circonscrit, descend sur les côtés du cou, et forme un demi-collier de cette couleur sur sa partie postérieure. Le dos, le croupion, les couvertures des ailes, sont d'un brun gris, ainsi que les pennes moyennes de la queue, tan- dis que les plus extérieures sont blanches. Le moignon de l'aile est aussi varié de brun et de blanc. Pendant notre séjour aux Malouines , de novembre en décem- bre, les jeunes n'étaient couverts que de duvet, ce qui ferait supposer que cet oiseau ne couve qu'en octobre. Le pluvier à calotte rouge est sans doute l'espèce mentionnée, t. X XIII, pag. 31, de l'édition des œuvres de Buffon par Sonnini, sous le nom de pluvier des iles Falkland, charadrius falklandi- cus de Latham. Cependant cet auteur n'indique qu'un collier noir , et quelques autres couleurs du plumage paraissent d'ail- leurs être différentes. 137° VANNEAU A ÉCHARPE. V'anellus cinctus, Less. 7 Tringa Urvillit, Garnor, Remarg. sur la Zool. des Malouines ( Ann. Sc. nat., janvier 1826 ).. V. capite, dorso , alis, uropygto caudäâque tinsuper fusco-cine- reis et brunacets ; gulà , genis, necnon fronte griseis ; fasciä albä oculos suprä 5 inter ocraceum pectus et niveum ventrem zon4 atr4 5 rostro nigro ; pedibus sub-viridibus. (PL XLHI. ) Ce petit vanneau, qui habite les iles désertes des Malouines, est très-familier. Il fréquente les vastes prairies de ces iles an- tarctiques aussi bien que les rivages des baies qui en morcèlent ZOOLOGIE. 721 le pourtour. Il aime se placer sur les singulières éminences que forme le bolax de Commerson, l’'hydrocotyle gummifère des bo- tanistes, en poussant , d'une voix forte et pendant quelques ins- tants, des cris vifs et pressés. Du bout du bec à l'extrémité de la queue, ce vanneau a huit pouces de longueur totale. Le bec a huit lignes, les tarses dix- huit lignes, le doigt du milieu un pouce. Les ailes, qui se termi- nent en pointe, sont plus longues que la queue. Sans être revêtu d'un plumage brillant, la livrée de ce van- neau est cependant agréable. Le dessus du corps est en entier d'un gris fauve uniforme, qui s'étend sur le croupion et sur les pennes moyennes de la queue. Cette teinte est plus foncée sur la tête, où elle forme une sorte de calotte. Le front, à la base du bec, de même que les joues et la gorge, sont d’un gris cen- dré. Un bandeau d'un blanc pur nait au-dessus du front, con- tourne l'œil, et se rend derrière la tête sans se réunir à celui du côté opposé. Le bec est noir; l'iris rougeàtre. Sous les couver- tures on remarque quelques plumes blanches, et les rectrices extérieures de la queue sont également blanches. Le dessous de ces parties, ainsi que les tectrices et le ventre, offrent également la teinte blanche, tandis que quelques plumes fauves envelop- pent les jambes. La poitrine est d'un rouge ocracé, et est séparée du blanc pur de l'abdomen par une ceinture assez large d'un noir vif. Les pieds sont verdâtres. 1380 HUITRIER AUX PIEDS BLANCS. Ostralega leucopus, Less. Hæmatopus leucopus, GARN. Cette espèce que Bougainville avait indiquée sous le nom de pie de mer, dans sa description des iles Malouines, fut prise par Buffon pour l'espèce d'Europe. Elle vit de patelles, de petits Voyage de la Coquille. — Z. Tom. I, Part. II. 91 722 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. vers, et court sans cesse sur les grèves des îles antarctiques. Son iris est d'un jaune brillant , cerclé de rose. Sa taille, comme les teintes de son plumage, sont parfaitement analogues à l'es- pèce commune d'Europe; mais son bec diffère de la forme de celui des espèces connues parce qu'il est arrondi, et ses pieds sont parfaitement blancs. Bougainville, en parlant de cette sorte d'huitrier, avait dit dans son livre (’oyage autour du monde, pag. 71 ): «Cette pie de mer a le bec d'un rouge de « corail et les pattes blanches. » 1399 HÉRON PHAÉTON. Ardea heliosyla , Less. A. corpore brunneo , rufo, léneato supr ; lénets nigris et fubois infra ; gulà et abdomine albidis ; pedibus luteis. (PL XLIV.) Ce héron, de la section des butors, a deux pieds de longueur totale : le bec entre dans ces dimensions pour trois pouces deux lignes, mesuré du front à sa pointe; il est robuste, fortement caréné en dessus, et les narines, en scissure étroite, s'ouvrent dans une membrane tendue sur les fosses nasales profondes et en rainure, qui en sillonnent les côtés. La mandibule supérieure est noirâtre, tandis que l’inférieure est de couleur de corne. Les tarses sont alongés, grèles, d'un beau jaune. Les ailes sont très-amples et très-concaves, dépassant à peine le croupion , et ne s'étendant que jusqu'au milieu de la queue, qui est courte et arrondie. La membrane nue qui entoure les yeux est d'un jaune serin uniforme. Une calotte noire revêt la tête; tout le plumage en dessus est d’un brun noir plus ou moins foncé, que relèvent des rayu- res assez larges, rubanées, disposées dans le sens transversal ZOOLOGIE. 723 des plumes, et d’un jaune ferrugineux clair. Chaque plume se trouve ainsi rayée en travers, et, sur les barbes brunes, de trois à quatre raies souvent interrompues au milieu, d'abord blan- ches, puis rouille. Sur le dos, le croupion, les rectrices et les rémiges, ces bandelettes deviennent inégales, interrompues, comme des taches oblongues, qui passent au blanc légèrement teinté de roussâtre. Les ailes aussi bien que la queue en dessous sont brunes vermiculées ou rayées de blanchâtre. Comme à tous les hérons de la section des butors, le Phaéton a les plumes de l'occiput et de la partie postérieure du cou larges, lâches, et formant une sorte de parure flottante sur cette partie. Les joues sont brunes, ravées de blanc. La gorge et le men- ton sont d'un blanc pur. Le cou, en devant et sur les côtés, la poitrine, et jusqu'à la moitié du ventre, sont d'abord alternati- vement rayés de noir et de blanc roux par raies de mème lar- geur, puis, à mesure qu'on avance sur l'abdomen, le roux se fonce en teinte, et domine d'autant plus que le brun s'efface Le bas-ventre, les flancs, la région anale et les couvertures in- férieures sont d'une couleur rouille très-claire. ses du havre de $ Doréry à la Nouvelle-Guinée. Les Papous le nomment man- Ce héron fut tué par M. Roland sur les riva sothéme. 1400 CHIONIS. Chiontis, Forsr. Forster, le premier’, décrivit ce genre sous le nom que nous lui conservons. Plus tard, Gmelin et Latham le changèrent en celui de vaginalis, que M. Dumont remplaca par la dénomina- tion de coléoramphe ( Dict. sc. nat. t. X, pag. 35). La seule es- * Enchiridion historiæ naturali, Halæ, 1788, p. 37, genre 56. 1. 724 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. pèce que l’on connaisse est un oiseau des plus remarquables, et qui à pour caractères : Un bec fort, gros et dur, conico-convexe, comprimé sur les côtés , fléchi vers la pointe. La base de la mandibule supérieure est à moitié recouverte par un fourreau de substance cornée, découpé en avant et garni de sillons longitudinaux. Les narines sont placées au milieu du bec. Les pieds sont médiocres et même assez courts. Les doigts sont à demi bordés d'un rudiment de membrane, ou presque à demi palmés. La face est nue, mame- lonnée chez les adultes. Les ailes sont éperonnées au poignet ; la deuxième rémige se trouve ètre la plus longue. Ce genre tres-remarquable et singulièrement organisé ne se compose que d'une espèce à plumage d'une blancheur éblouis- sante , et à corps gros et massif, mentionnée depuis long-temps dans toutes les relations de voyages. 141° CHIONIS BLANC. Chionis alba, Forsr. V’aginalis alba, Gn. White-sheath-bill, Larx., Syn. 3, pl. LXXXIX , pag. 268. The Southern-sheat-bill, Suaw. Misc. t. XII, pl. 481. Coleoramphus nivalis, Dum., Dict. sc. nat. t. X, pag. 36, 1818. Chionis Novæ-Hollandiæ , TEemm., Syst. orn. Chionis necrophagus, Viexzz. ; Gal., pl. CCLVYIT. Chionis alba, Quox et Gaim., Zool. Uranie , pl. X XX, p. 131; Fceurieu, Voy. de Marchand, t. IV, pag. 290. MM. Quoy et Gaimard ont décrit le chionis dans leur Zoologie en ces termes : « Tout son plumage est peu éclatant ; les plumes « du cou sont un peu soyeuses. Le bec est fort gros, légèrement « arrondi, d'un blanc sale, noirâtre à la pointe ; sa longueur est ZOOLOGIE. 725 « de quinze lignes, sa circonférence de vingt-cinq à la base. La « mandibule supérieure un peu arquée, convexe, ne dépasse que « de très-peu l'inférieure. Les plaques cornées qui entourent la « base du bec sont immobiles, à l'exception peut-être de celle « dont la mandibule supérieure est recouverte, qui parait suscep- « tible demouvement. Les narines sont latérales etirrégulières; les « Joues nues, jaunâtres, avec des caroncules de la même couleur. « Les pieds, d'un noir rougeatre, sont largement écailleux et «charnus sur les bords comme ceux des huitriers. Des trois « doigts de devant, celui du milieu a vingt lignes de longueur ; « la membrane qui unit les deux extérieurs est courte; lés tar- «ses ont dix-neuf lignes de hauteur ; les ongles sont noirs. « L'aile, dans le repos, a neuf pouces et demi de longueur; «son pli est muni d'un tubercule jaunâtre. La queue est recti- « ligne. La longueur totale de l'oiseau est de quinze pouces. » À ces détails nous ajouterons des observations qui nous sont propres. Forster découvrit le chionis sur la terre des Etats, et voici comment on le trouve décrit par ce naturaliste, dans le second voyage de Cook (t. IV, pag. 59). « Ce genre, que nous LC S renconträmes dans notre excursion sur la terre des Etats, € À était de la grosseur d’un pigeon et parfaitement blanc ; il ap- «partient à la classe des oiseaux aquatiques, qui marchent à « gué. Il avait les pieds à demi palmés, et ses yeux ainsi que la base du bec entourés de petites glandes ou verrues blanches. Il A A À exhalait une odeur si insupportable, que nous ne pümes en «manger la chair, quoique alors les plus mauvais aliments ne «nous causassent pas aisément du dégoût. » Ce chionis avait sans doute déchiqueté quelques charognes, car nous goutames la chair de deux de ces oiseaux tués par nous, l’un en mer, et l'autre aux iles Malouines, et nous la trouvâmes fort bonne. MM. Quoy et Gaimard disent la même chose, et déja Ander- son, médecin, dans le troisième voyage de Cook (pag. 113), a 726 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. dit en parlant du chionis : « On le trouva aussi bon que du ca- « nard.» Le nom de necrophagus de M. Vieillot est donc très- mal choisi et ne repose que sur une circonstance exceptionnelle et nuilement sur une habitude constante. Le chionis est mentionné par presque tous les navigateurs ‘sous le nom de pigeon blanc antarctique. Dès 1739, il avait été indiqué par Lozier-Bouvet. Anderson (troisième Voyage de Cook, pag. 135) dit quil s'offrit par volées dans la baie de Noël de la terre de Kerguelen ou de la Désolation. Depuis on l'a rencontré au Sud de la terre de Diemen, de la Nouvelle-Zé- lande et de la Nouvelle-Hollande, et on doit le regarder comme un habitant naturel des hautes latitudes australes, et même des terres frappées de stérilité placées sur les limites du pôle Sud. Sans doute quil faut reconnaitre le chionis dans un oiseau décrit par M. Lesquin de Roscoff qui séjourna long-temps sur les iles Crozet après un naufrage désastreux sur ces iles, placées par 46 à 47 degrés de latitude Sud. Nous citons cette description textuellement à cause de la par- ücularité fort remarquable, qu'en vieillissant le chionis aurait une calotte noire. Nous soupconnons cependant que M. Lesquin aura confondu dans son souvenir la huppe d'un cormorar, et qu'il l'aura donnée au chionis. Il s'exprime ainsi, pag. 36 du 55" N° du Lycée armoricain, publié en juillet 1827. « Il est un oiseau, « seul oiseau terrestre de ces iles, dont l'instinct se fait particu- « lièrement remarquer. Il a le corps d’un beau blanc, la tête «ornée d'une crête noire, qui s'accroit à mesure quil avance «en âge, le bec d'un pigeon, mais les pattes d’une poule; il se « nourrit de chair, de coquillages, en un mot de tout ce qu'il « rencontre. » A Le chionis blanc n’est pas très-commun sur les iles Maloui- nes. Pendant notre séjour sur ces terres, nous le rencontrâmes presque toujours par individus solitaires sur les rochers qui hé- ZOOLOGIE. 727 rissent les plages de la baie Francaise. Ses mœurs sont farouches, et bien que nous en vimes de petites troupes, nous ne pümes en tuer que deux. Leur vol est lourd et peu analogue à celui des oiseaux de hauté mer. Nous ajouterons quelques rectifications à la figure publiée par MM. Quoy et Gaïmard. La blancheur neigeuse des plumes est relevée par l'iris gris-bleu qu'entoure un cercle rouge-brun près de la pupiile. L'extrémité du bec est d'un noir plus foncé sur la mandibule supérieure. La partie moyenne des deux mandibules est occupée par deux taches de rouge brun d'autant plus saillantes que le reste du bec est d'une couleur verte uniforme. Le corps glanduleux qui occupe les joues et la base du fourreau corné, et qu'on ne peut mieux com- parer qu'au tissu de la glande lacrymale , est couleur de chair. Nous trouvâmes dans le gésier d'un chionis un caillou et une petite coquille. Deux cœcum longs de trois pouces venaient s'in- sérer à deux pouces de la terminaison de l'intestin. Les dimensions d'un individu que nous avons mesuré étaient de quatorze pouces de longueur totale. La tête avait neuf pouces deux lignes; le bec un pouce quatre lignes; la circonférence était de douze pouces six lignes, et l’envergure offrait vingt- huit pouces. PALMIPÉDES. 1499 GRÈBE AUX BELLES JOUES. Podiceps calipareus, Less. Petit plongeon à lunettes, PerNerry, ’oy. t. Il, pag. 15; Bou- GAINV., Voy., pag. 67. P. rostro nigro ; pedibus sub-viridibus ; fronte, colo, dorso uro- 728 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. pyetoque griseo-cineracers ; occipite atro ; malis et aureis duabus cristis ; corpore antè niveo el sericeo. (PI. XLV.) Les îles Malouines possèdent, dans leurs rivières et leurs ma- rais, deux espèces de Grèbes : l’une a été décrite par MM. Quoy et Gaimard sous le nom de grèbe Rolland, et la seconde sera ici l'objet de notre examen. Le grebe aux belles joues parait être plus rare que l'espèce précédente, et c'est encore à M. Rol- land’ que nous en sommes redevables ; 1l le tua sur la rivière de Bougainville, au fond de la baie Soledad , aux environs du port Louis. Ce grèbe est remarquable par les teintes douces de son plu- mage, qui est gris ardoisé supérieurement, et d’un blanc satiné en dessous. Les joues et le front sont d'un gris léger. Un fais- ceau de plumes effilées naît derrière chaque œil, et se prolonge en arrière et sur les côtés du cou. Une calotte d'un noir vif part de l'occiput et se prolonge sur la partie postérieure du cou et jusqu'à moitié. La gorge est d’un gris perlé agréable qui l'affai- blit, de sorte que le devant du cou et les côtés sont d'un blanc pur, ainsi que le reste du dessous du corps. Le manteau et les ailes sont d'un gris ardoisé plus foncé. Cette teinte règne aussi, mais mélangée de blanc, sur les plumes du croupion. Les tarses, les doigts et les membranes assez larges qui les festonnent, sont verdâtres. Le bec est court et noir. L'iris est d’un rouge extraor- dinairement vif, qui a fait dire au P. Dom Pernetty : « Les dia- ! M. Rolland était maître canonnier sur l’Urante, dans le Voyage autour du Monde de M. Freycinet; il s'embarqua dans la même qualité sur la corvette /a Coguille. Les obligations que lui doit la Zoologie de l'Urante ont été appréciées par MM. Quoy et Gaimard, dans leur ouvrage : nous ne pouvons ici qu’ajouter les témoignages de notre reconnaissance pour les services sans nombre en ce genre que cet excellent homme nous a rendus. ZOOLOGIE. _. « mants et les rubis n’ont rien qui égale le feu des yeux d’une «espèce de plongeon qui se trouve assez fréquemment sur le « bord de la mer. » Ce grebe a de longueur totale onze pouces et deux ou trois lignes. Du front à la pointe du bec on compte huit lignes; du coude de l'aile à son sommet, quatre pouces neuf lignes. Les tarses ont dix-sept lignes, et les doigts externes deux pouces. 143° PUFFINURE. Puffinuria , Less. Pelecanotides, Lacée.? Haladroma , Vrac. ? Ce genre nous a offert les caractères suivants: Un bec élargi, renflé, composé de plusieurs pièces soudées, à bords lisses, rentrés ; le demi-bec supérieur, composé de deux pièces, garni de plumes à sa base jusqu'aux narines. Celles-ci, très-ouvertes, formant un cercle ovalaire dont l'ouverture est en haut, séparées l'une de l’autre par une simple cloison inté- rieure , cette cloison supportant de chaque côté un léger rebord qui divise à moitié chaque fosse nasale. La portion élargie du demi-bec supérieur dépasse la mandibule inférieure, et se ter- mine au rétrécissement du rostre qui est étroit, convexe, très- recourbé et très-robuste. La mandibule inférieure est composée également de deux pièces soudées; celle du bord est étroite, engagée dans le demi-bec supérieur; celle d'en bas est formée par deux branches légèrement renflées, écartées en dessous où le vide est rempli par une très-petite et peu distincte peau nue. L'extrémité de la mandibule est convexe sur les bords, concave en dessous, et aiguë. Les première et deuxième rémiges sont les plus longues, égales; les troisième et quatrième légèrement plus courtes. La queue est petite, très-égale , pointue, formée Voyage de la Coquille.— Z. Tom. I, Part. II. 92 730 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. de douze pennes. Les tarses sont médiocres, faibles, garnis de scutelles aréolées petites. Les trois doigts antérieurs sont seule- ment enveloppés d'une membrane entière; le pouce manque. Ce qui nous a portés à changer le nom de la seule espèce connue qui sert de type à ce genre est l'incertitude où nous sommes que ce soit réellement le pelecanoides de M. Lacépède ou l'haladroma d'Illiger. Quelques fortes nuances de: dissem- blance nous ont paru exister entre les caractères donnés par ces auteurs et ceux que nous venons de citer, et nous n'avons vu nulle trace de la petite poche membraneuse susceptible de dilatation qu'on dit exister sous la mandibule inférieure. Ce genre n'a qu'une espèce. 144° PUFFINURE DE GARNOT. Puffinuria Garnoti, Less. Procellaria urinatrix , Gx. (PI XLVI.) Le Puffinure de Garnot habite par grandes troupes, le long des côtes du Pérou. Il vole médiocrement bien, d'une manière précipitée, eten rasant la mer; mais il préfère se tenir en repos sur la surface des eaux, et plonge très-fréquemment à la ma- nière des grèbes, sans doute pour saisir les petits poissons qui forment sa pâture. | Cet oiseau a neuf pouces de longueur totale, et son bec y entre pour dix lignes. Ses formes sont massives, courtes et ra- massées , et ses ailes sont presque aussi longues que la queue, qui est brève et pointue. Le bec et les tarses sont noirs. Tout le dessus du corps, les joues, les ailes et la queue, sont d'un brun noirâtre; toutes les parties inférieures sont d'un blanc satiné, légèrement teint de fuligineux sur les côtés de la poitrine. M. Garnot a donné sur cet oiseau des détails anatomiques ZOOLOGIE. 73: curieux quon devra consulter ( pag. 611), pour compléter son histoire; et le nom de grebr-petrel, qu'il était enclin à lui consacrer, exprime assez bien l’analogie que le puffinure a avec les genres petrel et grèbe. Le nom générique que nous lui assi- gnons exprime ses grands rapports avec les puffins et les uria , et sa désignation spécifique rappelle les services rendus à l'histoire naturelle par notre confrère M. Garnot. 145° STERNE DES INCAS. Sterna inca, Less. S. corpore fuliginoso et ardoïsiaceo ; duabus longissimis mys- tacibus nivers ; extremitate remigum alba; rostro pedibusque san- guinets. (PL XLVIL.) C'est sur les côtes du Pérou qu'habite cette espèce fort re- marquable de Sterne, qui joint à l'élégance des formes de ses congénères, une couleur sombre mais gracieuse, que relèvent deux élégantes moustaches blanches, flottantes et libres à leur extrémité, la couleur rouge de carmin du bec et la teinte oran- gée des pieds. Nous observames un grand nombre de ces sternes dans une chasse que nous fimes sur l'ile stérile de San-Lorenzo , en fé- vrier 1823. Nous en tuèmes plusieurs en ce lieu où elles sem- blent avoir fixé leur principale résidence, à l'entrée de l'im- mense baie de Callao, à peu de distance de Lima ou de la Ciudad de los Reyes. Le nom que nous lui imposämes dès-lors servira à rappeler sa patrie. : La sterne des Incas a treize pouces six lignes de longueur totale. Le bec a deux pouces, les tarses dix lignes, et le doigt du milieu quatorze lignes, y compris l’ongle. Les ailes sont 92. 732 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. plus longues que la queue d'un pouce. Celle-ci est fourchue et a un peu moins de cinq pouces. Le bec est fort et d'un rouge de carmin très-vif. Les tarses et la membrane des doigts sont orangés, tandis que les ongles (et celui du milieu est renflé en dedans) sont noirs. La commissure du bec est bordée d’une peau nue, colorée en beau jaune citron. La couleur générale du corps est d’un brun ardoisé uni, plus clair sur le croupion, et mélangé de quelques taches fauves ou grisatres sur la poitrine et sur le ventre. Les plumes du som- met de la tête sont aussi plus foncées en couleur. L'iris est gris. Deux moustaches d'un blanc très-pur naissent à la base du bec, passent sur l'œil, et se terminent, sur les côtés du cou, par quatre ou six plumes plus allongées, libres et agréablement contournées. Les pennes des ailes sont d'un brun noir, terminées, ainsi que leurs grandes couvertures, par du blanc. Le rebord in- férieur de l'aile est garni de plumes grises tachetées de brun. Les pennes de la queue, ardoisées en dessus et à tiges brunes, sont cendrées' en dessous et à tige blanche de ce côté. 1460 OIE ANTARCTIQUE. Anser antarcticus, VxEix. Anas antarctica, Guez., Systema nat., Sp. 57. Antarctic goose, Forsr., second Voyage de Cook ; LatT., Syst. ornith., Sp. 8. Outarde , Pernerry, Voyage aux iles Mal., t. IX, p. 13. À. capite griseo ; gents, gulo, colloque albo et nigro acutè stria- ts ; oculorum circuitu nudo ; pectore , abdomineque omnind atris, atque vittis niveis notatrs ; tectricibus alarum nigris ; dorso uro- pygto , caudà ef ano albis ; alis niveis, cum speculo luteo-vrres- ZOOLOGIE. 733 cente, brunneo marginato ; pennis longs aterrimus ; rostro et pedi- bus aurantiacts. CPE) La plus grande obscurité a régné pour les distinctions spéci- fiques de plusieurs espèces d'oies propres aux iles Malouines et aux terres avancées du Sud de l'Amérique. C'est ainsi qu'on en a décrit quatre espèces au lieu de deux, parce que chaque sexe présente des différences telles qu'il serait en effet très-dif- ficile de ne pas les séparer d’après l'examen seul des dépouilles, si on ne les avait pas vues dans leur patrie, et si on ne les avait pas suivies dans leurs habitudes, et fixé son jugement par la dissection. Ainsi l'oie magellanique ( anas magellanica, Gm. ), est la femelle de l’oie aux ailes blanches (anas leucoptera, Gm.); et celle que nous figurons ici avec soin est la femelle de l'oie antarctique (anas antarctica), dont le mâle, représenté n° 1006 des planches enluminées de Buffon, est depuis long-temps décrit avec beaucoup d'exactitude dans les auteurs. Quant à l'oie du plein de Pernetty, dont M. Vieillot a fait à tort un anser, c'est le canard aux ailes courtes (anas brachyptera, Lath.), fig. pl. L de la Zoologie de l'Urante. La femelle de l'oie antarctique a été mentionnée pour la pre- mière fois par Sparrman, qui en à publié une figure dans le deuxième fascicule, pl. XX XVII du Museum Carlsonianum. Ce qu'il y a de certain, c'est que la description qu'ilen donne, tracée dans le style linnéen, est assez incomplète pour faire même douter de l'identité de notre oiseau avec celui qu'il indique comme la femelle de l'oie des régions australes. Sonnini, plus récemment, a complétement embrouillé la synonymie de ces espèces. L'oie antarctique est beaucoup moins abondante sur les iles Malouines que l'oie aux ailes blanches ( anser leucoptera), qui 734 VOYAGE AUTOUR DU MONDE. parait y être sédentaire et y vivre par grandes troupes , à la manière de nos oies domestiques, tandis, au contraire, que l'oie antarctique n'y estque de passage, et habite principalement les terres de l'extrémité Sud de l'Amérique. Ses mœurs d’ailleurs sont solitaires , et ce n'est jamais que par paires qu'on la ren- contre sur les rivages où elle cherche des mollusques marins et des fucus dont elle fait sa nourriture. Aussi sa chair en contrac- te-t-elle une odeur détestable qui la rend dégoütante, tandis que loie aux ailes blanches où magellanique est trés-agréable à manger, et ressemble parfaitement à notre oie commune ; elle ne se nourrit que d'herbes et d'aliments qui ne lui donnent nul mauvais goût. Le mâle de l'oie antarctique a son plumage d’une blancheur éblouissante, et les pieds et le bec d'un jaune vif. La femelle, au contraire, présente le mélange le plus varié du blanc uni aux couleurs sombres, ce qui contribue toutefois à lui donner une livrée agréable à l'œil. Cette espèce est de la taille de l'oie domestique. Sa longueur totale, de l'extrémité du bec au bout de la queue, est de deux pieds environ. À Le bec et les pieds sont de couleur jaune orangée. Le front, les joues et les ongles, sont brun-noir maillé très-finement de lignes blanches. Le noir est plus épais devant le cou, et cette couleur devient de plus en plus foncée sur les côtés et en arrière. Tout le sommet de la tête est recouvert d'une calotte rousse. Les plumes noires, dès le haut de la poitrine, sont traversées, chacune, par deux ou trois bandes blanches, qui s’élargissent, et qui forment sur cette partie, comme sur toute la surface in- férieure du corps, un champ noir agréablement rayé de blanc, par parties égales. Le bas-ventre, le dos, le croupion et toutes les pennes de la queue, sans exception, sont d’un blanc de neige. Le moignon et les moyennes couvertures des ailes, sont égale- ZOOLOGIE. 735 ment de cette couleur, et leur milieu est occupé par un large miroir d’un vert métallique, dont les bords sont brun-noir. Le haut du dos et les grandes couvertures alaires, dans toute leur longueur, sont d'un brun foncé, et les grandes pennes sont en- tièrement d'un noir vif. Un fort tubercule rougeûtre est placé en dedans du coude de chaque aile. Cette espèce n'arriva aux îles Malouines que quelques jours avant notre départ (vers le 10 décembre environ ), ce qui suppose qu'elle vient de la terre des États et des bords du détroit de Ma- gellan pendant l'été de ces climats, pour en repartir vers mars, époque à laquelle commence l'automne. Si Foie magellanique est peu défiante; celle-ci, au contraire, parait l'être beaucoup, car ce n'est qu'avec précaution que nous pouvions l'approcher pour la tirer. Bougainville, pag. 66 de son ouvrage, la mentionne avec les autres espèces sous le nom d'outarde , et dit que sa chair con- tracte un goût huileux de ce qu'elle se nourrit de poisson. L'oie aux ailes blanches, ou magellanique, vit au contraire par troupes nombreuses, qui se plaisent sur les étangs. Nous en détruisimes une quantité prodigieuse, et nous trouvâmes leur chair délicate. IL nous arriva souvent d'en tuer quelques dizaines, sans qu'aucune de celles qui composaient la troupe cherchât à fuir, leurs ailes n'étant alors garnies que de pennes naissantes dont les tuyaux n'avaient aucune consistance. Le mâle de cette espèce est plus gros que la femelle, son plumage est d'un blanc pur, mais le dos et les couvertures des ailes sont gris et maillés de noir. La femelle, au contraire, plus svelte dans ses formes, à la tête et le cou d'un marron vif, le corps gris et la poitrine maillée de brun, et c’est de cette dernière $ couleur qu'est l'iris. FIN DE LA DEUXIÈME ET DERNIÈRE PARTIE DU TOME PREMIER. CO0SISI010000010000000002000000006 080600000000 0006S000000080100000060000 16000000 001000100010Di0t00008800® TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS LA DEUXIÈME PARTIE DU PREMIER VOLUME DE LA ZOOLOGIE DU VOYAGE AUTOUR DU MONDE, EXÉCUTÉ PENDANT LES ANNÉES 1922-1825. SUITE DU CHAPITRE V. Observations générales sur l’histoire naturelle des diverses contrées visitées par la corvette a Coguille, et plus particulièrement sur l’ornithologie de chacune d'elles; par NSIÉESSONS CR ne nee Page 1: $ X (lisez IX.) Cajéli, île de Bourou , Archipel des Moluques. 361 SAT" déAMPbOInE Se PIN M RER PAU NU rar 395 $ XIT. Nouvelle-Galles du Sud, Nouvelle-Hollande.......... 385 $ XIII. Baie Marion ou des Iles, Nouvelle-Zélande. ......... 404 SEXE d'Oualan ou Strene eee tee PCR 423 $ XV. Havre de Doréry, Nouvelle-Guinée... .............. 436 XVI Rade/de Sourabaya, ile de Java." "0e C0" 448 SECVIESPort-Louissile Maurice 6-0 ER NE ERA en 449 $ XVIIT. James’s-Town, ile de Sainte-Hélène. ....,........ 473 ETletde Ascension: 220 28 CARS RER RS 489 CHAPITRE VI. Mémoires sur divers sujets; par M. PROSPER GARNOT. $ I. Mémoire sur les races humaines ; par M. GARNOT....... bo7 $ IL. Notes sur quelques peuples de la mer du Sud; par DE GARNOM SN NEN RNA EE een M EL 522 Voyage de la Coquille. — Z. Tom. I, Part. II. 93 738 TABLE DES MATIÈRES. STI. Remarques sur la Zoologie des îles Malouines; par MS /GARNOT, 2 een eee ee EE OS JE RE et 535 $ IV. Voyage dans les environs de la ville de Sydney; par MÉGARNOTE AT AN ARR ete CEE DE NE 553 $ V. Quelques souvenirs sur le Chili; par M. GarnoT....... 563 $ VI. Relation d’un naufrage sur les côtes d’Afrique, et observa- tions d'histoire naturelle faites au Cap; par M. Garnor .... 573 $ VII. Description de la ville du Cap et histoire naturelle de ses environs par MACARNOR PER CE EEE CE 578 $ VIII. Note sur les oiseaux vus dans les environs de Lima; Dar MAGARNOT: RER Er CE 586 CHAPITRE VII. Description de quelques espèces nouvelles d’oi- seaux- par MAGARNOT. AR RE EE . Le SR 588 Autour longicaude, 588.—Pie-grièche mélanure, 589.— Gobe- mouche à tête d’acier, idern.—Toï-toi, 590o.—simple, 591.— à gouttelettes, idem.— de Maupiti, 592. — à lunettes, 593. —or- noir, 594. — aux longs pieds, idem. — Eurylaime de Blain- ville, 595.—Description anatomique de l'oiseau de paradis pe- tit émeraude, 596.—Philéden à cravate frisée, 598.—Certhia du Chili, 599.— Grèbe d'Amérique, idem.— Psittacule de Desma- rest, 600.—Coucal mênebiki, idem. — Grèbe de la Concep- cion, 601.—Cormoran de Gaimard, idem.—Canard radjah, 602. Recherches anatomiques relatives à divers oiseaux ma- Paille-en-queue à brins rouges, 603. — Albatrosse fuligi- neux, 604.— Pétrel gris-blanc, 605.—Pétrel bleu, 607.— Variété de l’oiseau de tempête, 609.—Gorfou sauteur, 610. --Manchot à lunettes, idem.—Puffinure, 61 r.—Observations sur les oiseaux de Sainte-Catherine aupres etre encre re Ci Gr2 CHAPITRE VIITL. Catalogue des oiseaux recueillis dans l’expédi- tion de {a Coquille, avec la description de plusieurs genres et d’un grand nombre d'espèces inédites; par M. Lesson. Espèces remarquables ou nouvelles: Ani de Las-Casas, 619. — Coucal atralbin, 620.— Coucou à ventre roux, 622.— Arara des Patagons' 625. — Psittacule de Kuhl, 629. — Vanga cap-gris, 632. — Échenilleur karou. ...................... 633 TABLE DES MATIÈRES. 739 Genre PHONTEAMERLN RE A RNA RE ERER LERAN.A 635 Phonygame de Kéraudren, 636.— Phonygame noir.......... 638 Cassican de Quoy, 639.—Séricule prince-régent, 641.—Mou- cherolle énado , 643. — Philédon de Duméril, 644.—Philédon à oreillons jaunes, 645.— Philédon rougefront , 646.—Martinet à moustaches, 647.— Hirondelle d'O-Taïti, 648. — Carouge rou- noir, 649.—Étourneau des terres magellaniques, 650.—Corbeau VTC AT Ce RP TE MN GPA UE A ER AN 650 Genre MIN ON MN ee nt re Re RU 651 Minoide DUMODE Rs Me ones a te A ee Te 652 CENT PAR ADISIERS 22 20e NP ie ete LU . 654 Le manucode, 658.—Le paradisier rouge femelle, 660.— Tra- quet turdoïde, 662.—Moineau à tête blanche , idem — Bouvreuil Télasco, 663. — Fauvette des Malouines, idem. — Fauvette olive, 664. — Pitpit sombre, idem. — Troglodyte chilien, 665. — Synallaxe de Tupinier, idem.—Sittelle o-tataré, 666. — Épi- maque royal, 667.— Fournier, 669.— Fournier fuligineux, 670. — Fournier du Chili, 671. — Dicée à poitrine rouge, 672. — Dicéci noi Ne ete APN er que VRAI NE Ron er 673 CENT SODEMANGA CREER RER PE NEA 674 Souï-manga Aspasie , 676. — papou, 677.—rouge et noir, 678. décoré, 679.—Zénobie, idem.—Pomatorhin d’Isidore......... 680 Genre OISEAU-MOUCRE AR er re Oiseau-mouche à couronne violette, 681.— Oiseau-mouche Cora, 682. — Oiïseau-mouche Amazili, 683.—Todiramphe sacré, 686. — Todiramphe Dieu, 687.—Symé, 688.—Symé torotoro 689.— Ceyx, 690.— Ceyx bleu, idem.— Ceyx Meninting, 691.— Martin-chasseur gros bec, 692. — Martin-pêcheur d'Europe, va- riété des Moluques, 693.—Martin-pêcheur errant, 694.—Martin- pécheunaÿlones brins) "PRE Re PR PR UN 697 Genre TAvoN ou MÉGAPODE.......................... 698 MécapodelDuperreye te creer ee PC 700 Cenre rECTHELIES eee mec ie 702 Alecthélie de d’Urville, 703.— Colombe de Zoé, 705. — Colombe araucanienne, 706.— Colombe océanique, 708.—Colombe géant, 710.— Colombe amarante, 11. — Tourterelle bleu-verdin.... 713 GenTeNTATÉGADEE. A ei MP NA PRANENR 715 Talégalle de Cuvier, 716. — Casoar Émeu, 717. — Émou pa- rembang, 718.— Pluvier à calotte rouge, 719. — Vanneau à 3. 740 TABLE DES MATIÈRES. écharpe, 720.— Huïîtrier aux pieds blancs, 721. — Héron phaé- ton ....... HAL Alo/arote oo 417 0 0.000100 0 0.0/0/a 0,010 90/0 0 0 4000000 722 Genre GRIONIS TANT TN ERP A RE Tee AT On 723 Chionis blanc, 724. — Grèbe aux belles joues. ........... TE) Genre PUFFINDREL LU AN Are An nt 729 Puffinure de Garnot , 930.— Sterne des Incas, 731.— Oie an- tarctique hs és ane a nr Et du Een Aer Re, 732 FIN DE L'INDEX DE LA DEUXIÈME PARTIE DU PREMIER VOLUME. OO 1000006D000000000020120000000D0000000000000002001000100006080016008000008cG200910000608080000080006101:© TABLE DES PLANCHES DE L'ATLAS, PI. r. 2. Fig. 1. Vespertilion de Buenos-Ayres, espertilio bona- 3 4. &e 6. 7. 8. 9. QUI SE RAPPORTENT AU PREMIER VOLUME. , # FLO C om Crânes d’Alfourous (habitants de l'intérieur de la Nouvelle- Guinée ). Page riensis, LESs. 2. Rat-taupe hottentot, Bathyergus hottentotus, Less. Otarie Molosse, Otaria molossina, Less. Grand Couscous tacheté, Cuscus maculatus, Less. Couscous à grosse queue, Cuscus macrourus, Less. Couscous blanc, Cuscus albus, Less. Kangourou Oualabat, Xangurus ualabatus, Less. Cochon des Papous, Sus papuensis, Less. Fig. 1. Delphinaptère de Péron, Delphinapterus Peronx, L. 2. Dauphin à sourcils blancs, Delphinus superciliosus,L. 3. Dauphin à bandes, Delphinus bivittatus , Less. 4. Dauphin unenas, Delphinus lunatus, Less. 5. Dauphin malais, Delphinus malayanus, Less. . Autour à longue queue , Falco longicauda, GARN9T. . Pie-grièche cap-gris, Y’anga kirhocephalus, Less. . Pie-grièche Karou, Ceblepyris Karu, Less. . Cassican de Kéraudren, Phonygama Keraudrenii, Less. . Cassican de Quoy, Barita Quoyt, Less. . Fig. 1. Gobe-mouche à tête d'acier, Muscicapa chalybeo- cephalus, GARN. 2. Gobe-mouche Enado, Muscicapa enado, Less. 3. Moucherolle toi-toi, Muscicapa toi-toi, Garx. . Fig. 1. Gobe-mouche simple, Muscicapa inornata, Garx. 2. Gobemouche à gouttelettes, Muscicapa guttula, Garw. 991 3. Bouvreuil Télasco, Pyrrhula Telasco, Less. 102 137 166 140 150 156 158 161 17T LS) 181 178 183 18/ 588 632 633 636 639 589 643 590 or 663 CS e D LE 2 { é JC 50 ) 742 20. 21. TABLE DES PLANCHES. . Moucherolle Pomaré, Muscicapa Pomarea, Less.; Musci- capa maupitiensis, GARN., mâle, femelle, et vieil âge. Mie re Gobe-mouche à lunettes, Muscicapa telescophtal- mus, GARN. 2. Gobe-mouche ornoir, Muscicapa chrysomela, Garx. . Fig. 1. Gobe-mouche aux longs pieds, Muscicapa longipes, GARN. 2. Eurylaime de Blainville, Eurylaimus Blainvillu, GaRN. Séricule prince-régent, femelle, Sericulus regens, Less. Philédon de Duméril, vieux et jeune, Philedon Dumerilü, Less. 21 bis. Philédon à oreillons jaunes , Philedon chrysotis, Less. 22. 23. 24. 25. 26. 27: 28. 29: 30. 3r 32. 33: Martinet à moustaches, Cypselus mystaceus, Less. Fig. r. Troupiale ou carouge rounoir, Zcterus rufusater, L. 2. Sittelle o-tataré, Sitta o-tatare, Less. Corbeau vieillard, Corvus senex, Less. Mino de Dumont, WMino Dumontu , Less. Manucode, femelle, Paradisæa regia, Linx. Paradisier rouge, femelle, Paradisæa rubra, Lacér. Épimaque royal, Epimachus regius, Less. Fig. 1. Synallaxe de Tupinier, Synallaxis Tupinieri, Less. 2. Pomatorhin d’Isidore, Pomatorhinus Isidori, Less. Fig, 1 et 2. Dicée à poitrine rouge, Dicæum erythrothorax, Less. Mâle et femelle. 3. Soui-manga Zénobie, Cinnyris Zenobia, Less. 4. Soui-manga Aspasie, Cinnyris Aspasia, Less. . Fig. 1. Soui-manga décoré, Cinnyris eques, Less. 2. Oiseau-mouche à couronne violette, Orthorkynchus sephaniodes , Less. 681 3. Oiseau-mouche Amazili, Orthorhynchus Amazilia, Less. 4. Oiseau - mouche Cora, Orthorhynchus Cora, Less. bis. Fig. 1. Symé toro-toro, Syma toro-toro, Less. 2. Martin-chasseur gros bec, Dacelo macrorhinus, L. Pic du Chili, Picus chilensis, GarN. Coucal Ménebiki, centropus Menebikii, Garx. 683- 689 692 241 600 PINS 35. 35 TABLE DES PLANCHES. Coucal atralbin, Centropus ateralbus, Less. Psittacule de Desmarest, Psittacula Desmarestii, GaRN. bis. Psittacara ou Arara de Patagonie, Psittacara patago- nica, Less. . Mégapode Duperrey, Megapodius Duperreyi, Less. . Alecthélie de d'Urville, Ælecthelia Urvillü, Less. . Talégalle de Cuvier, T'alegallus Cuvieri , LEss. . Colombe de Zoé, Columba Zoeæ, Less. . Colombe araucanienne, Columba araucana, Less. . Colombe océanique, Columba oceanica, Less. . Tourterelle bleu-verdin , Columba cyano-virens, Less. Mâle et femelle. . Vanneau à écharpe, ’anellus cinctus, Less. . Héron phaéton, Ærdea heliosyla, Less. . Grèbe aux belles joues, Podiceps calipareus, Less. . Puffinure de Garnot, Puffinuria Garnotü, Less. . Sterne des Incas, Sterna Inca, Less. . Cormoran de Gaimard, Carbo Gaimardi, Garx. . Sarcelle des Malais, Ænas radjah, Garx. . Oie antarctique, fem., Ænser antarcticurs, VEILL. FIN DE LA TABLE DES PLANCHES. nr ES CN 2 + ARMES 26 DL FETE Ne Na UNE + AUS a s1re ; ” 6 } LE l " 0 F 1 \ à ) { : Vin RES Î j Î =" É x 2 { À F Cat x x 4 " n We heu ARRET TON TR