ïmSm SîëJiaDR&IK! RSfliHHBl Uni Bfllffi m i!lln(iOi]iHiilrt■ VOYAGE DANS L'AMERIQUE DU NORD PAR ritcrrh; kâlm NATURALISTE SUÉDOIS TRADUCTION \(o°y VOYAGES DE PIERRE KALM DANS L'AMERIQ EPTENTRIONA F J AU FOUT ST FRÉDÉRIC, 1er Juillet 1749. Dès l'aurore nous étions en route, mais nous ne retrou- vâmes notre chemin qu'après avoir fait force rames pendant quelque temps. Nous passions à travers un pays des plus pauvres et d'aspect misérable. Rien ne s'offrait à la vue, qu'une rangée de hautes montagnes escarpées, couvertes de bois et aux lianes boueux. O'ettf à peine si nous pûmes trouver un endroit où débarquer à pied •, pour y faire cuire notre diner. Les terrains bas, inondés, me rappellent nos marais de Suède, dont le dessèchement es1 projet.'1 ; les Hollan- dais d'Albany donnent à ce pays Le nom de De Verdron* teene landen (les terres submergées). Des montagnes s'é- tendanl du 8.S.O. au N.N.Iv viennent finir en pente abrupte à la rivière don! elles forment la berge, ei don! le cours, sur une ligne non interrompue de quelques milles, prend la direction du sud au nord. Ces hauteurs it couvertes de pierres de différentes grandeui S JUILLET 1749. Toute la journée il fit un fort vent du nord, et nous n'avançâmes qu'avec difficulté ; nous nagions ferme ce- pendant, aiguillonnés que nous étions par la faim, ayant épuisé toutes nos provisions au déjeuner. La rivière en plusieurs endroits a une largeur d'un mille anglais ; en d'autres, son lit se rétrécit pour s'agrandir de nouveau plus loin, mais en somme c'est un fleuve imposant, et son cours emprunte de la majesté aux hautes montagnes qui le bordent de chaque côté. Vers six heures du soir, nous touchâmes à une pointe de terre, distante du Fort St Frédéric d'environ douze milles anglais, et derrière laquelle la rivière forme une baie spacieuse. Le vent du nord continuait à souffler avec violence, et nous étions épuisés, de sorte que nous fûmes contraints de faire halte en cet endroit, et même d'y passer la nuit, en dépit des protestations de nos es- tomacs aifamés. Dieu nous fit une grande grâce en mettant sur notre chemin les Français dont j'ai parlé plus haut, et qui nous prêtèrent un de leurs canots d'écorce. Il n'arrive pas une fois dans trois ans, que les Français prennent cette route pour aller à Albany; ordinairement, ils passent par le lac St Sacrement, ou lac^Georges, comme les Anglais l'appellent, qui est la voie la plus courte et la meilleure. Pourquoi donc avaient-ils choisi le chemin le plus long et le plus fatiguant, si ce n'est par un coup du ciel qui nous ménageait un secours dans notre dé- tresse ? En effet, sans leur grande et forte embarcation, nous aurions été obligés de continuer notre voyage dans celle que nous avions construite nous-mêmes, et très probablement *il nous serait arrivé quelqu'accident fâ- cheux. Nous n'aurions pu, sans témérité, nous aventu- rer sur la grande baie, par le moindre vent, dans un si FORT ST FRÉDÉRIC. 3 frêle esquif; d'un autre côté, attendre le calme, c'était nous exposer à souffrir de la faim. Sans armes à feu dans des déserts où, d'ailleurs, le gibier est rare, il nous aurait fallu nous nourrir de grenouilles et de serpents, qui pullulent dans ces parages. Aussi je ne pense jamais à ce voyage sans rendre grâces, du fond de mon cœur, à la divine Providence. 2 JUILLET. De bonne heure ce matin, par un beau clair de lune et un temps calme, nous nous remîmes en route avec hâte et en nageant vigoureusement, de peur qu'un vent défavorable ne vint à s'élever; et nous arrivâmes heu- reusement vers huit heures de l'avant-midi au Fort St Frédéric, que les Anglais appellent Crown Point (1). M. Lusignan (2), le gouverneur, nous reçut très poli- ment. C'est un homme de cinquante ans environ, Web versé dans la littérature, et qui, grâce à de nombreux voyages qu'il a faits dans ce pays, a acquis beaucoup de notions exactes sur nombre de sujets utiles et intéres- sants. I] Poinle-a-la-Chev< lure. Crown Point esl aujourd'hui une petite ville, de hauteur. inderagar— Carillon— autre petitevilledu memeooml a. dans iquelle on voit les ruines d'uneancienne forti célèbre dans les annales de la guerre entre la France et l'Angleterre, el de colle do rindép I ' là que Monte il na la bataille lion. (M ) \ i i note \ .'i la (In du volun 4 Juillet 1749. Il a régné une grande sécheresse ici pendant tout l'été ; on dit même qu'il n'y est pas tombé de pluie de- puis le printemps. Une chaleur excessive a retardé la végétation, et l'herbe a séché sur les coteaux. Des arbres rabougris, qui ont poussé à grand'peine entre les rochers, laissent pendre tristement leurs feuilles jaunies et brû- lées par le soleil, et les moissons ont une chétive appa- rence. Le blé n'a pas épié, et les pois ne sont pas encore en fleurs. La terre est sillonnée de crevasses larges et profondes où se réfugient, comme dans un asile impéné- trable, les petits serpents, quand on leur donne la chasse. Le pays d'alentour contient de grandes forêts com- posées presqu'entièrement de toutes les essences de sa- pins— blanches, noires et rouges ; — autrefois elles étaient encore bien plus étendues, mais elles sont ravagées tous les ans par de terribles incendies, causés par la négli- gence des Indiens, qui allument souvent de grands feux dans leurs parties de chasse, sans se préoccuper des dégâts que l'élément destructeur peut faire, par un temps de sécheresse, dans ces contrées couvertes d'arbres résineux. Il se déploie ici un grand zèle pour l'avancement de l'Histoire Naturelle ; il y a même peu de pays où Ton fasse d'aussi bons règlements, dans le but de généraliser les observations, et tout cela est dû, au moins en grande partie, à l'initiative et aux soins d'un seul homme. Une science utile progresse facilement chez un peuple, lors- qu'elle y a pour patrons, les personnages les plus émi- nents. Le gouverneur du Fort m'a passé un long mé- moire que le gouverneur-général du Canada, le Marquis de la Q-alissonniôre, lui avait envoyé. C'est ce même mar- quis, qui, devenu amiral quelques années plus tard, en- gagea avec la flotte anglaise, commandée par l'infortuné FORT ST FREDERIC. 5 Byng, une bataille dont le résultat fut la conquête de Minorque par la France (1), L'écrit en question était une liste des arbres et des plantes de l'Amérique du Nord qui méritent les honneurs de la collection et de la culture à cause de- leurs propriétés utiles. La liste contenait même la description de quelques espèces, entre autres du Polygala Senega, ou Racine aux serpenta à sonnettes, (Polygalées) (2) et une mention des lieux où elles croissent. On conseille fortement dans ce même document de recueillir avec soin toutes sortes de graines et de racines, et pour faciliter l'opération, on va jusqu'à décrire la manière de les conserver pour qu'elles puissent arriver en bon état à Paris. On y demande des échan- tillons de tous les minéraux, et une liste y est donnée de toutes les localités dans la Colonie Française où l'on a trouvé quelque pierre ou minerai utile ou digne de remarque. La manière de faire des observations et des collections de curiosités dans le règne animal y est aussi enseignée. A ces recommandations, on ajoute celle de s'enquérir, par tous las moyens possibles, de l'usage que les Indiens font de certaines productions de la nature, plantes ou minéraux. Cet intéressant écrit a été rédigé sur l'ordre du marquis de la Galissonnière, par M. Gaultier (3), méde- (1) Voir la ii « » t » * 13, à la lin. (2) Beneka — Polygale uV Virginie. M. l'abbé Provancher, dans sa Flore Canadienne, attribue le nom vulgaire de Raitle'snakerootk la Prénanlhe Manche, P, alba L. — Naba/us alba (Chicoracées), el il ajoute; "LosPré- ■anthes sont comme los laitrons des plantes sans intérêt, rangées parmi plantes nuisibles." Bo parlant polygalas, la 'môme auteur dit qu'ils peuvent Bgurer avantage l'arpent, laquelle, par l'ordonnance de Louis XIV, est Qxée à 2,200 pied iip • m'' de Paris (voir la note précédente), nous avons pensé qu'il valail mieux oe pas rétablir ce passage dans notre traduction. (R) e note et les deux précédentes ne se Ifouveot pasdans la vbi hollandaise. Inutile da dire que la m' sure donnée par M Kalm était exacte • [liant BU G I (M 16 JUILLET 1749 les instruments aratoires indispensables. Les camarades viennent lui donner un coup de main pour l'aider à se bâtir une maison, et pour ce service, ils reçoivent une gratification de la part du roi. Ces secours sont d'une grande utilité pour un pauvre homme qui commence à tenir ménage, et il semble que dans un pays où les troupes reçoivent des marques si manifestes de la faveur royale, on ne doit pas être en peine de trouver des soldats. Il y a quelque temps, on a proposé, comme moyen de favo- riser la colonisation, et d'accroître la population du Ca- nada, d'envoyer chaque année 300 hommes de France, ce qui permettrait de licencier autant de soldats, qui se marieraient et s'établieraient dans le pays. La terre assignée aux militaires dans les environs est excellente, consistant en un épais terreau mélangé de terre glaise. Les herses en usage ici sont faites entièrement de bois, et de forme triangulaire. Les charrues m'ont paru assez mal construites. Les roues du train sont aussi épaisses que celles d'un tombereau, et toute la charpente est si lourde qu'il faut la force d'un cheval pour tirer la machine sur un terrain uni. Des roches de différentes sortes gisent éparses dans les champs. 11 y en a qui ont de quatre à cinq pieds de hau- teur sur trois de largeur. Quant à la composition de la pierre, elle est à peu près la même partout ; cependant, j'en ai remarqué de trois différentes espèces. lo. Il y en a de quartz, d'une couleur ressemblant au sucre candi, mélangé de mica noir à petits grains, de pierre-de-corne, noire aussi, et de quelques menus grains de spath brun. Le quartz en forme la partie la plus considérable ; le mica vient ensuite dans une quantité notable, mais le spath n'y est que pour peu de chose. Le mélange des parties est tellement parfait, que bien FORT ST FRÉDÉRIC. 17 que visibles à l'œil nu, aucun instrument n'a pu les séparer. La pierre est très dure et compacte, et les grains de quartz sont de la plus grande finesse. 2o. D'autres roches consistent en particules grises de quartz, de mica noir, de pierre-de-corne, (1) de quelques molécules de spath, le tout formant un mélange très dur et très serré, compact, ne différant de l'espèce plus haut décrite, que par la couleur. 3o. Quelques roches consistent en un mélange de quartz blanc, de mica noir et de grains de quartz (2) rouge. Néanmoins, le quartz en est l'élément prédomi- nant, et le mica y est répandu en paillettes. La liaison des parties n'est pas aussi complète que dans les deux autres espèces de roches, la pierre n'est pas aussi dure, ni aussi compacte, et on la peut broyer aisément (3). Les montagnes sur lesquelles le Fort St. Frédéric est bâti, ainsi que celles où l'on trouve les roches ci-dessus décrites, consistent généralement en une pierre calcaire noire, divisée en couches minces, superposées comme des lames d'ardoise, et on pourrait dire que c'est une espèce d'ardoise susceptible de se convertir en chaux vive sous l'action du feu (4). Cette pierre calcaire est entièrement noire à l'inté- rieur, et d'une texture très fine. Elle est parsemée de grains de spath de même couleur qui, réunis à d'autres corps étrangers, y forment des veines. Les couches de surface consistent en lits dune pierre calcaire grise, qui, Amphibole i ornéenne, (M.) (.') Lises fel lipath. (M.) (3) Toutes ces roche* ont des rariétéi d< granités. La demien un granité décomposé. [M (4) Jfoj histosum, Lion. 8yst. tn« p. 40, Marmor unicolor nigrumi Waller Min. p. 61, No. 2. L whittus ctlcareut Porsler'sln- •rai, p '». (F.) 18 JUILLET 1749. suivant les apparences, n'est qu'une variété de la précédente. La pierre calcaire noire est remplie de pétrifications de toutes sortes, et principalement des suivantes : Les Pectinites, ou Ostreœ Pectines^ pétrifiées (1). Ces coquilles fossiles y sont plus abondantes qu'aucune autre espèce, et quelquefois elles forment des lits tout entiers. Elles sont petites, n'excédant jamais un pouce et demi en longueur. On les trouve en deux états différents de pétrification, dont l'un n'offre que l'impression des sur- faces concaves et convexes des valves, sans aucun vestige des écailles elles-mêmes, tandis que l'autre nous montre, incrustée dans la pierre, la vraie coquille, qu'il est facile de distinguer par sa couleur luisante. Les deux espèces abondent, mais les impressions se rencon- trent plus souvent que les coquilles mêmes. Quelques unes de ces dernières sont très bombées, surtout vers leur sommet, qui prend l'apparence d'une protubérance ; d'autres sont déprimées au centre, mais dans la plupart la surface extérieure est remarquablement élevée. Les rayons de ces coquilles courent toujours longitudinaire- ment, ou, partant du sommet, ils vont en divergeant jusqu'au bord. La Cornua Ammônis, ou Corne d'Ammon pétrifiée (2), est commune, mais pas autant que les pectinites, et comme ces dernières, elle offre le double état de pétrifi- cation et d'impression. J'ai trouvé des limaçons dans quelques-unes. Parfois ces cornes d'Ammon sont re- marquablement grosses, à tel point que je ne me rap- (1) Coquilles fossiles en forme de peigne (Pectinidées.) M. (2) Coquille fossile en spirale, ayant la forme d'une corne de bélier Ammonidées céphalopodes.) M. FOKT ST KHÉDÉRIC. 19 pelle pas en avoir jamais vu de semblables ailleurs ; elles mesurent jusqu'à deux pieds de diamètre (1). Différentes espèces de coraux sont très visibles dans la pierre où ils sont incrustés, et peuvent s'en déta- cher. Les uns sont blancs et rameux, Lithophytes ; d'autres sont étoiles, Madrépores ; la dernière espèce est rare. Je dois donner le nom de boules de pierre à une espèce de pierre que je ne connais pas, mais que l'on trouve en grande quantité dans les rochers (2). Elles sont de forme sphérique, incrustées à moitié dans la pierre, l'autre moitié faisant saillie. C'est un réseau de fibres presque parallèles, procédant du fond comme d'un centre com- mun, et se répandant sur toute la surface de la boule, dont la couleur est grise. L'extérieur en est uni, mais il est rempli de pores qui paraissent à leur surface, cou- verts d'une croûte d'un gris pâle. Ces boules ont un pouce ou un pouce et demi de diamètre. Parmi les différentes espèces de sables que l'on ren- contre sur les bords du lac Champlain, il y en a deux qui méritent une mention spéciale; on les trouve ordi- nairement au même endroit, l'un noir et l'autre brun rougeâtre ou couleur de grenat. Le sable noir, qui forme toujours le lit supérieur, con- siste en grains très-fins, qui, examinés au microscope, paraissent avoir une couleur bleu foncé, comme celle du fer poli que la rouille n'a pas attaqué. Quelques grains sont ronds, mais la plupart de forme angulaire, à surface brillant e, et ils étincellent au soleil. Toutes (1) i Ion hollandaise dit que le diamètre de ces coquilles était «l'une aune suédoise, ou d'environ 45 pouces (M.) (2) ! renfermant d n tua >i«' nature ■ de - elle do I i ma i • M 20 JUILLET 1749. les parties de ce sable, sans exception, sont attirées par l'aimant. Parmi ces^ grains noirs ou couleur bleu foncé, on trouve quelques parcelles d'un sable rouge, ou couleur de grenat, qui est le même que le sable rouga dont est formé le lit inférieur, et que je vais maintenant décrire. Il est très beau, mais pas autant que le sable noir. Non-seulement ses grains ont la couleur du grenat, mais en réalité ce sable n'est que de la poussière de grenat, à grains tantôt ronds, tantôt angulaires ; tous brillent et sont à moitié perlucides, mais l'aimant ne les affecte pas, et ils n'étincellent que peu au soleil. Ce sable rouge se trouve rarement à l'état pur ; au contraire il est ordinairement mêlé de sable blanc, composé de particules de quartz. Le sable noir et le sable rouge ne se rencontrent pas partout sur le rivage, mais seulement en quelques endroits, en couches superposées. Le lit de dessus, ou sable noir, a une profondeur d'environ un quart de pouce ; en l'enlevant avec soin, on découvre l'autre sable, dont la couleur paraît plus rouge à mesure que l'on creuse plus avant, et dont la profondeur est généralement plus grande que celle du premier* Le sable rouge étant aussi enlevé avec soin, apparaît le sable blanc de quartz, mêlé sur le dessus de sable rouge, mais il s'épure à mesure que l'on pénètre plus avant. Ce lit de [sable blanc a une épaisseur de plus de quatre pouces, et son grain est rond, ce qui lui donne tout l'apparence du sable de perles. Au-dessous on découvre un sable de quartz gris pâle à grains an- gulaires. En quelques endroits, le sable couleur de grenat forme le lit supérieur; vient immédiatement après le sable gris, mais sans aucun mélange de sable noir ou blanc. Je ne puis déterminer la provenance du sable noir ou couleur d'acier, car on ignore ici s'il y a des mines de fer dans le voisinage. Mais je suis porté FORT ST FRÉDÉRIC. 21 à croire que l'on finira par en découvrir, vu qu'elles sont communes en différentes parties du Canada, et que ce sable s'y trouve sur les bords de presque tous les lacs et rivières, non en égale quantité cependant. Le sable rouge ou couleur grenat provient des environs ; quoique les rochers près du Fort St Frédéric ne contiennent pas de grenat, cependant il y a sur le rivage des pierres plus ou moins grosses, toutes différentes de celles qui forment ces rochers, et qui sont remplies de grains de grenat, à tel point que, broyées, elles ressemblent au sable rouge. Dans les parties les plus septentrionales du Canada, au bas de Québec, par exemple, les montagnes même con- tiennent beaucoup de grenat. Le sable couleur de grenat est très commun sur les rives du St Laurent. Je laisse de côté d'autres observations sur les minéraux des environs, comme peu intéressantes pour le grand nombre de mes lecteurs. L'Apocyn à feuilles d'Androsème, Apocynum androsœ- mifolium (Apocynées), croît en abondance sur les col- lines couvertes de bois, et est actuellement en pleine floraison. Les Français lui donnent le nom à? Herbe à (a puce. Il sort de la tige, lorsqu'on la coupe ou la brise, un suc blanc laiteux. Les Français attribuent à cette plante les mômes propriétés que possède l'arbre à poison, ou Rhns rernix des colonies anglaises ; ils pré- tendent aussi que son action est nuisible à quelques individus, et inofïensive pour d'autres, et que certaines personnes peuvent impunément se frotter les mains et le corps avec le suc laiteux de la plante, tandis que d'autres ne sauraient même la toucher sans avoir la peau couverte de pustules. J'ai vu un soldat dont les main- étaient tontei gonflées pour avoir cueilli un apo- i qu'il voulait me faire voir. On dit même que talaisona affectent certaines personnes qui ont le 22 juillet 1749. malheur d'en approcher de trop près. Il est générale* ment admis, ici, que le suc laiteux de cette plante, ré- pandu sur quelques parties du corps humain, non-seule- ment irrite, mais fréquemment corrode la peau ; du moins il ne manque pas d'individus sur lesquels il a produit cet effet. Quant à moi, il rie m'a jamais fait aucun mal, quoique j'aie manié la plante en présence de plusieurs personnes, et que je me sois frotté les mains avec son suc jusqu'à ce qu'elles en fussent toutes blanches ; j'en ai aussi écrasé la tige entre mes doigts sans en souffrir le moindre inconvénient. Les animaux ne touchent jamais à l' Apocyn. 12 JUILLET. La bardane, ou Arctium Lappu, (Composées-Cinaro- céphales) croît en plusieurs endroits autour du fort, et le gouverneur me dit que ses bourgeons se mangent au printemps en guise de radis, après que la pelure exté- rieure en a été enlevée. Le Sison Canadense, [laberle, ou sison aromatique, et en- core chervis, plante ombellifère,] se plaît dans les bois de toute l'Amérique du Nord. Les Français lui donnent , le nom de cerfeuil sauvage, et s'en servent pour la soupe au printemps. On la vante universellement ici comme une plante salutaire, anti-scorbutique, et l'une des meil- leures que l'on puissse se procurer au printemps. 1j Asclépiade de Syrie (Asclépiadées), ou, comme les Français l'appellent ici, le cotonnier, vient en abondance dans le pays, sur les flancs des collines sises près des rivières, ou ailleurs, aussi bien dans un endroit sec et les éclaircies des bois que dans un sol riche et meuble. Un suc laiteux sort de la tige lorsqu'elle est coupée ou brisée, ce qui fait croire que la plante est quelque peu FORT 8T FBÉDÉRIC. 23 délétère. Cependant les Français du Canada en man- gent au printemps les jeunes pousses préparées comme des asperges, et ne s'en portent pas plus mal, ces premiers jets n'ayant pas eu le temps de s'imprégner du poison. Ses fleurs sont très odorantes, et remplissent les bois de leurs exhalaisons, ce qui rend une promenade dans la forêt extrêmement agréable, surtout le soir. Les Français font du sucre avec les fleurs de l'asclépiade. que pour cet objet ils ont soin de cueillir le matin, lors- qu'elles sont encore toutes couvertes de rosée. Cette rosée, exprimée et bouillie, produit un sucre brun ex- cellent et d'un goût agréable. Les cosses de cette plante, lorsqu'elles sont mûres, contiennent une sorte de ouate qui renferme la graine et ressemble à du coton, d'où lui vient son nom français. Ce coton est l'édredon des pauvres ; ils le recueillent et en font des lits, surtout pour leurs enfants, aussi moelleux que des lits de plumes. L'asclépiade fleurit en Canada entre la fin de juin et le commencement de juillet, et ses graines sont mûres au milieu de septembre. Les chevaux n'en mangent jamais. 16 juillet. Ce matin j'ai traversé le lac Champlain pour exa- miner la flore et les autres curiosités d'une haute montagne qui s'élève sur sa rive ouest. Du sommet des rochers, à une petite distance du Fort St Frédéric, une rangée d'autres éminences se déroule à la vue, sur la même rive, s'étendant du sud au nord; et sur la rive orientale, une seconde chaine court dans la m me direction, mais à une certaine distance du lac, dix ou douze milles environ, et la plaine entre le lac et ces hauteurs est basse, nui.' <>: Lverte de l»<»i-. excepté là où le feua exercé ses ra- « montagnes sont généralement ëeoarp 24 juillet 1749, y en a, cependant, dont les flancs vont en pente douce. Nous traversâmes le lac dans un canot qui pouvait à peine contenir trois personnes, et, aussitôt débarqués, nous ne fîmes qu'une étape du rivage au sommet du pic le plus rapproché, non sans trouver l'ascension fa- tigante, d'abord parce que la montée était roide, et ensuite à cause du peu de consistance du sol, qui est un pur terreau parsemé de grosses roches. Parvenus à la crête de la montagne, nous nous aperçûmes qu'elle n'était pas la plus haute ; d'autres beaucoup plus élevées bornaient l'horizon dans le lointain. Mais le temps pour les explorer nous manquait ; puis le vent s'éle- vait, et notre canot était si petit ! D'ailleurs, nous ne trouvâmes ni plantes curieuses, ni rien de remarquable. Toutes ces montagnes étaient autrefois boisées ; mais, en certains endroits, les forêts ont été détruites par le feu. De retour au rivage, nous trouvâmes le vent tellement fort que nous n'osâmes nous risquer à traverser le lac dans notre canot ; et, pour cette raison, je laissai au patron le soin de ramener son esquif aussitôt que le vent aurait cessé, et fis, suivi de mon domestique, le tour de la baie à pied, promenade d'environ sept milles anglais. Comme il n'y avait pas de sentier battu, nous longeâmes le rivage en le serrant de près, passant au- dessus des collines et sur les saillies des rochers, à travers d'épaisses forêts et des marais profonds, que nous sa- vions être fréquentés par d'innombrables serpents à sonnettes ; heureusement nous n'en vîmes aucun. Le rivage est rempli de cailloux en certains endroits, et couvert de grosses roches primitivement angulaires ; mais le temps a tellement émoussé l'arête de ces blocs que quelques uns paraissent presque ronds. Ça et là nous rencontrons d'étroits espaces couverts de sable gris, et aussi de ce beau sable rouge dont j'ai déjà parlé, FORT ST FRÉDÉRIC. 25 mêlé de sable noir ferrugineux. Nous avons trouvé sur les montagnes des pierres d'un rouge éclatant, de belle texture. Quelquefois ces hauteurs, avec les arbres qui les couvrent, s'élèvent perpendiculairement au-dessus du lac, mais en d'autres lieux la rive est maré- cageuse. J'ai vu un certain nombre de cornes d'Ammon pétri- fiées en un endroit, près du rivage, au milieu d'un tas de pierres et de roches. Les rochers consistent en une pierre à chaux grise, qui est une variété de la noire, disposée en couches superposées comme elle. Quelques uns contiennent des pétrifications avec ou sans coquilles ; nous y avons trouvé une énorme ammonite, large d'environ vingt pouces. L'eau avait usé le roc en certains endroits, laissant en relief les pétrifications, qui paraissaient comme collées à la pierre. Les montagnes près du rivage, très hautes et im- posantes, sont formées de pierre de roche grise compacte, non disposée par couches comme la pierre à chaux, et dont la principale partie constituante est le quartz gris parsemé de mica noir. Cette pierre composée vient jusqu'à l'eau aux endroits où les montagnes émergent des bords mêmes du lac. Mais celles qui sont éloi- gnées sont formées de couches de pierre à chaux grise el noire, qui se prolongent jusqu'au bord de l'eau, et la roche grise ne s'y trouve pas. La Zizatiia aquatica — folle-avoine — (Graminées) croît dans la vase aussi bien que dans le courant le plu^ rapide des ruisseaux, et entre en fleuraison dans la maison actuelle, 17 JUILLET. Les Indiens sont très sujets aux rhumatismes et aux pleurésies, soit parcequ'ils couchent souvent la nuit sur la 26 JUILLET 1749. terre humide dans les bois, ou parcequ'ils sont exjoosés à un brusque passage de la chaleur au froid — ce qui est une particularité du climat de ce pays. L'abus des liqueurs fortes leur fait commettre mille extrava- gances, comme de rester nus en plein air, sans égard à la saison ou au temps. Ces maladies, surtout la pleu- résie, sont bien communes aussi parmi les Français. Le gouverneur m'a dit en avoir eu une attaque très vio- lente, dont le docteur Sarrasin l'avait guéri par le traitement suivant, qui est regardé comme le meilleur ici : il le tînt sous l'effet des sudorifiques pendant huit ou dix heures, après quoi, il le saigna, répéta l'emploi des sudorifiques, puis nouvelle saignée, et cure complète. Le Dr. Sarrasin, médecin du roi à Québec, était mem- bre correspondant de l'Académie Royale des Sciences de Paris. Il avait une grande connaissance de la pratique de la médecine, de l'anatomie, et des autres sciences, et son commerce était des plus agréables. Il mourut à Québec d'une fièvre maligne apportée par un vaisseau, et qu'il prit à l'hôpital en soignant les malades. Il laissa un fils, qui étudia aussi la médecine ; mais il est mort en France, où il était allé pour se perfectionner dans la pratique de son art. (1) (1) Le Dr. Michel Sarrasin, savant naturaliste, né à Nuits, en France, en 1659, décédé à Québec en 1734. C'est lui qui découvrit la Sarracène, genre de plantes d'Amérique, toutes marécageuses à fleurs éclatantes, remarqua- bles par la singulière conformation de leurs feuilles. Le Dr. Sarrasin en ayant envoyé de Québec, un pied au célèbre botaniste Tournefort, celui-ci lui dédia la plante qui, prise pour type, a donné son nom à toute la famille des Sarracénées. Il n'est peut-être pas hors de propos de relever ici une erreur de date de nos auteurs Canadiens ; ils prétendent que ce fut vers 1730 que le Dr. Sarrasin envoya un pied de sarracène à Tournefort, tandis que tous les biographes s'accordent à placer le décès de l'illustre savant en 1708. On soutient aujourd'hui que la Sarracène e?t un antidote du virus de la petite vérole. La Biographie Univer- selle erre évidemment quand elle fait un missionnaire du Dr, Sarrasin. FOET ST FRÉDÉRIC. 27 Les lièvres intermittentes sévissent quelquefois ici, parmi les habitants et la maladie vénérienne est com- mune. Les Indiens y sont sujets comme les Français. Beaucoup d'entre eux ont eu cette maladie, et plusieurs l'ont encore. Mais ils connaissent parfaitement l'art de se guérir. On cite des cures merveilleuses: plu- sieurs Français, infectés de ce mal par tout le corps, ont été radicalement guéris par des Indiens dans le cours de cinq ou six mois. Les Français n'ont pu décou- vrir ce remède ; ils savent cependant que les Indiens ne se servent pas de mercure, mais de racines prin- cipalement ; quelles sont ces racines ? ils l'ignorent. Je l'ai su depuis et ai fait un long mémoire sur ces simples à notre Académie Royale des Sciences. (1) Nous connaissons fort bien en Suède la maladie causée par une espèce de vers appelée Tœniœ. Elle est assez rare dans les colonies de l'Amérique Britannique du Nord (Nouvelle Angleterre), mais très commune en Canada. Il y a des personnes qui ont évacué des vers de plusieurs verges de long. On ne sait si les Indiens en sont atteints ou non, et l'on ne connaît ici aucun re- mède particulier contre cette maladie ; personne ne peut dire comment elle se contracte ; on conjecture cependant M. Ferland (Cours d'Histoire du Canada, vol. '2, p. 447) dit que cet hom- me, remarquable par sa science, ses talents et sa renommée, mourut le 8 Septembre 17.; '», âgé de Tu aus. Il serait donc né en 166i et cou en 1659. ( lependant, M. l'abbé Tanguay hictionnaire Généalogique) a adopté celte dernière date, Les descendants du Dr. Sarrasin vivent encore dans les environs de Québec. (M.) (1) Voir les mémoires de cette Académie pour l'année l t:>o, page -i probablement une de ces plantes. [V.) lin'e-u | • mention de la StiUttnge des bois dans la Flore Cana* d enne regardé comme le plus durable ici, et à cause de cela, de beaucoup préféré au sapin. Un peu plus bas, la palis- sade est à double rang, l'un dans l'autre. On a élevé tout le long de ces pieux, à une hauteur de plus de deux verges, une large plateforme, avec des garde-corps, dans l'intérieur du fort, pour la protection des soldats qui, de là, peuvent tirer sur l'ennemi, sans s'exposer eux-mêmes. L'année dernière (1748) la garnison comptait deux cents hommes, mais aujourd'hui il n'y a que le com- mandant, un commissaire, un boulamrer et six soldats FORT ST JEAJS 37 pour prendre soin du fort et surveiller le transport des provisions. Le gouverneur actuel est le chevalier de G-anues (1), gentilhomme très aimable, et beau-frère de M. Lusignan, gouverneur du fort St Frédéric. Le terrain d'alentour, sur les deux côtés de la rivière, est riche et fertile, mais encore inhabité, quoiqu'on parle d'y faire des établissements au plus tôt. Tar tout le Canada, les Français donnent aux mous- tiques le nom de marangouins, mot emprunté à la langue sauvage (2) : ces insectes sont en nombre si prodigieux dans les bois qui avoisinent le fort St. Jean, qu'on le sur- nommerait avec plus d'à-propos le fort aux marangouins. La situation basse et marécageuse du pays, et les forets épaisses qui le couvrent, favorisent beaucoup leur ac- croissement ; ils diminueront sans doute, comme ailleurs? quand les bois seront abattus, les marais desséchés, ei la culture établie. D'après les rapports unanimes des Français, le serpent à sonnettes est inconnu dans ce voisinage, de même que plus au nord, près Montréal et Québec'. Les en- droits les plus reculés où on l'ait vu de ce côté, son! dans les montagnes du fort St. Frédéric. Il n'y a pas de reptiles en Canada dont la morsure soit mortelle ; tous fuient l'approche de l'homme. Je renvoie le lecteur aux notes que j'ai communiquées à notre Académie des Sciences (année 1752) concernant la nature et les habi- tudes du serpent à sonnettes. 22 JUILLET. Quelques personnes sont arrivés ici, ce soir, venant de Laprairie, a^ chevaux que le gouverneur m'en- voie, à ma demande. St. Jean ne compte encore qu'un I i \ ; I 38 juillet 1749. an d'existence, personne ne s'y est fixé, ce qui explique la rareté de ces utiles solipèdes. Ces messagers avaient aussi apporté des lettres à M. de G-anues, de la part du gouverneur-en-chef du Canada, le marquis de la Galissonnicre, en date de Québec et du 15 du mois cou- rant, ainsi qu'une dépêche du vice-gouverneur de Mont- réal, le baron de Longueuil, cette dernière datée du 21 du même mois. On y marquait que j'avais été particu- lièrement recommandé par la cour de France, et qu'elle désirait qu'il me lût donné toute facilité de poursuivre ma route. Un envoi de deux petits barils de vin était gracieusement ajouté à ces recommandations. Dans la soirée, nous bûmes à la santé des rois de France et de Suède, au bruit d'une salve des canons du fort, ainsi qu'à la santé du gouverneur-général et d'autres personnages. 23 JUILLET. Le matin, départ pour Laprairie, sur la route de Mont- réal. La distance entre Laprairie et le fort St. Jean est d'environ ^six lieues ; et /entre Laprairie et Montréal, de deux lieues et demie par la rivière St. Laurent. Nous longeâmes d'abord le rivage, ayant à notre droite la rivière St. Jean. C'est ainsi que l'on nomme l'embou- chure du lacChamplain, qui se jette dans le St. Laurent. On lui donne quelquefois aussi le nom de rivière Châm- plain. Après une course d'un mille français, nous tournâmes à gauche dans les terres. Le pays est bas, boisé et passablement humide pour la saison ; nous n'a- vancions qu'avec beaucoup de difficulté. Mais il ne faut pas oublier que le fort St Jean ne date que de l'été dernier, ainsi que la route qui y conduit, ce qui ex- plique pourquoi elle n'a pas acquis un degré de solidité convenable. Deux cents hommes, à la solde du gou- vernement, et recevant chacun un salaire de 30 sous par ENTRE LE FORT ST JEAN ET LAPRAIRIE. 39 jour, ont mis trois mois à faire ce chemin ; les travaux seront repris l'automne prochain. Toute cette plaine est couverte de forêts, affreux séjour de millions de mous- tiques qui nous incommodent beaucoup. Nous sortons du bois, après avoir marché une distance de trois milles, pour entrer dans un ancien marais, aujourd'hui dessé- ché, et d'où une belle vue s'oiïre à nos yeux, de tous côtés. À notre droite, à une grande distance, mais non loin du fort Champlain, nous voyons deux hautes mon- i;i ; nés ; nous apercevons aussi celle de Montréal — puis le chemin se continue en ligne droite. Mais bientôt après, nous retombons sur un terrain bas et humide, que nous laissons pour entrer dans une forêt de sapins, aux feuilles argentées en dessous. (1) Nous foulons en ce moment un sol beau et riche, et qui sera sans doute très fertile lorsque les arbres auront abattus, et qu'il sera livré à l'agriculture. Il n'y a ni rochers ni pierres près du chemin. A environ quatre milles du fort St Jean, le pays prend un autre aspect. Il est tout cultivé, et une continuelle variété de champs de blé, de pois et d'à \roine — lions ne vîmes pas d'autres des — se présente à notre vue. Les fermes sonl \ l< - unes des autres, <•! chacune d'elles est i dé ses champ de ses prairies. Les dû s, très-pel >n1 bê Kii guise de mo on né peut se | i b I bou< h «li.ii a ' u !!• 3 et c< en chaum< . Le - bon, ruisseaux : il n'y a qu< peu d< : vu ! ard p< i n? ■ uljlu.s a 40 JUILLET 1749. vois que des terres en pleine culture ; tous les champs sont couverts de moissons, le blé d'été l'emportant sur les autres sortes de grains. Le sol est encore tellement fertile qu'il n'est pas nécessaire de le laisser en friche. Les forêts sont passablement éclaircies, et il est à craindre, qu'avant longtemps, le bois ne devienne très rare. Tel est l'aspect du pays jusqu'à Laprairie et jusqu'à la rivière St. Laurent, que nous ne perdons plus de vue maintenant ; en un mot, c'est, dans mon opinion, la plus belle contrée de l'Amérique du Nord que j'aie encore vue. A l'heure du diner, nous arrivâmes à Laprairie, qui est située sur une petite élévation, près de la rivière St. Laurent. Nous y passâmes la journée, ayant l'intention d'en visiter les environs avant d'aller plus loiu. La Prairie de la Magdeleine est un petit village, sur la rive droite du St Laurent, à deux milles et demi au nord-ouest de Montréal, qui est situé sur l'autre côté de la rivière. Tout le pays autour de Laprairie est plat, et ne présente presque pas d'inégalités. De tous côtés, il y a de grands champs de blé, des prairies et des pâturages. A l'ouest, coule la rivière St Laurent, dont la largeur est d'au-delà d'un mille et demi. La plupart des maisons à Laprairie, sont bâties en bois de charpente, à toits inclinés ; les fentes dans les murs, sont bouchées avec de la terre glaise. Il y a quelques maisons en pierre, principalement de pierre-à-chaux noire, ou de moellons ; dans ces der- nières, les cintres des portes et des fenêtres sont en pierre à chaux noire. Au milieu du village, s'élève une belle église, surmontée, à sa face occidentale d'une flèche contenant des cloches. Devant la porte, il y a une croix, surchargée de sculptures représentant des LAPRA1RIE. 41 échelles, des pincettes, des marteaux, des clous, etc., tous les instruments qu'on s'est imagine, à tort ou a raison, avoir servi au crucifiement de notre Sauveur. Le village est entouré de palissades, de quatre à cinq verges de hauteur, élevées autrefois, pour le protéger contre les incursions des Indiens. Hors de cette en- ceinte, il y a des jardins potagers et d'ornement, mais ils sont dépourvus d'arbres fruitiers. L'élévation du terrain, le long de la rivière, est à peu près nulle. Le village a son curé et son capitaine, qui prend le nom de gouverneur. Les terres sont grandes et ensemencées de blé d'été ; on n'y voit ni seigle, ni orge, ni maïs. Au sud-ouest, il y a une grande chute dans la rivière St. Laurent, et l'on en entend distinctement le bruit d'ici. Au printemps, lorsque le volume des eaux s'accroît par la fonte des glaces, qui commence alors, le fleuve inonde une grande partie des terres, et au lieu de les fertiliser, comme le Nil, par son débordement, fait pour l'Egypte, il leur cause au contraire beaucoup de domma- ges, en y déposant des plantes dont les graines répandent toutes sortes de mauvaises herbes, qui ruinent les champs. Ces inondations obligent les habitants à éloi- gner leurs bestiaux à une distance considérable, parce que l'eau s'étend très loin ; mais heureusement elle ne te pas plus de deux ou trois jours. Le plus souvent ces débordements sont causés par l'amoncellement des glaces dans quelque partie de la rivière. La Zizania aquatica, ou Folle-Avoine, croit en abon- dance sur les bords d'un ruisseau qui arrose les terres <\.u\^ le bas de Laprairie 24 JUILLET Oe matin je suis allé de Laprairie à Montréal en ba- 42 juillet 1749. teau, sur la rivière St. Laurent. Le fleuve est très rapide, mais pas très profond près de Laprairie, telle- ment que les yachts ne peuvent remonter plus haut que Montréal, excepté en printemps, à la crue des eaux, époque à laquelle ils peuvent aller jusqu'à Laprai mais pas au-delà. On voit Montréal, du village et tout le long du trajet. A notre arrivée, il y avait foule à la porte de la ville. La nouvelle de la prochaine visite d'étrangers avait excité la curiosité. On avait bien, déjà, entendu parler de notre pays, mais on" n'avait jamais vu de suédois, et chacun de nous dire que nous étions les premiers de notre nation qui fussent jamais venus à Montréal. À peine avions-nous mis pied à terre, que le gouverneur de la ville me dépêcha un capitaine chargé de me conduire à son hôtel, et qui m'y introduisit. Le baron Longueuil n'était encore que vice-gouverneur, mais il attendait sa promotion de France, d'un jour à l'autre. 11 me fit un accueil plus civil et plus généreux que je ne saurais l'exprimer, et me montra des lettres du irouverneur-g'énéral du Canada, le marquis de la G-alissonnière, qui y marquait avoir reçu l'ordre de la cour de France de me fournir de tout ce dont j'aurais besoin, attendu que je devais voyager dans ce pays aux dépens de Sa Majesté Très- Chrétienne. En un mot, le gouverneur Longueuil me combla de faveurs, tant durant mon premier séjour qu'à mon retour de Québec, à un point excédant de beau- coup ce que je pouvais espérer ou imaginer. La différence entre les manières et les coutumes des français à Montréal et au Canada, et celles des anglais dans les colonies américaines, est la même qui existe entre ces deux nations en Europe. /Ici les femmes en général sont belles ; elles sont bien élevées et vertueuses, et ont un laisser-aller qui charme par son MONTRÉAL. 43 innocence même, et prévient en leur faveur/ Elles s'habillent beaucoup le dimanche, mais les autres, jours, elles s'occupent assez peu de leur toilette, si uf leur c , qu'elles soignent extrêmement, :t toujou 3 cheveux frisés et poudrés, ornés brillantes et d'aigrettes. Chaque jour de la line, le dimanche excepté, elles portent un mantelet t et élégant, sur un court jupon, qui va à peine à la moitié de le jambe, et dans ce détail de leur ajustement, elles pan issent imiter les femmes indiennes. Les talons de leurs souliers sont élevés et très étroits; je m'étonne qu'ainsi chaussées elles puissent marcher à l'aise. En fait d'économie domestique, elles surpassent grande- ment l»s anglaises des plantations, qui ne se gênent pas de jeter tout le fardeau du ménage sur leurs maris, tandis qu'elles se prélassent tonte la journée, assises, les bras croisés (1). /Les femmes en Canada, au contraire, s<»iîl dures au travail et à la peine, surtout parmi le bas peu- ple ; on les voit toujours aux champs, dans les prairies, aux étables, ne répugnant à aucune espèce d'outragre. Cependant elles se relâchent un peu à l'égard de la propreté des ustensiles ci «les appartements, car, dans quelques maisons, aussi bien à la ville qu'à la cai ipagne, plancfc sont i qu'une fois par six mois ; cela n'impressionne pas agréablement L'étranger qui arrive d'un voyag \ i hollandais ou anglais, où le curage el le frottage d comme chose tout importante que l'exercice de la religion. (I i II ]• s de [a nature de ceux M. Kalm ,iu adn '. on dil qu dames, rjue lemps, pourvoira le mieux sa , de ba , de I de leurs propres maii pi un i l'ollos en ce : 44 JUILLET 1749. Pour empêcher la poussière accumulée de devenir nui- sible à la santé, les femmes arrosent le parquet plusieurs fois par jour, ce qui a l'effet de la rendre encore plus épaisse. Les aspersions se répètent aussi souvent que la poussière est sèche et se soulève. En général cependant les dames ne refusent pas de prendre leur part des soins du ménage et j'ai vu avec plaisir les filles du meilleur monde — voire même celles du gouverneur, habillées pour l'occasion, aller dans les cuisines et les celliers pour s'assurer que tout y était en ordre. Les hommes sont extrêmement polis et saluent, en ôtant leurs chapeaux, chaque personne, indistinctement, qu'ils rencontrent dans les rues. Il est d'usage de remet- tre une visite le lendemain même, en eût-on des ving- taines à faire dans la journée. D'après ce que j'ai appris de quelques Français qui ont fait la chasse au castor avec des Indiens dans les parties septentrionales du Canada, les fourrures les plus recher- chées sont les peaux de castors, de chats sauvages ou lynx et de martres. (1) Ces animaux sont d'autant plus appréciés qu'on les trouve plus au nord, parce que leur poil est mieux fourni et qu'il a une plus belle apparence que celui des peaux qui proviennent de chasses faites au midi ; les fourrures sont plus ou moins estimées, suivant que le lieu d'où elles sont rapportées est plus rappro- ché, ou s'éloigne d'avantage du pôle arctique. Les Français du Canada donnent le nom de perdrix blanche à une espèce d'oiseaux qui abonde, durant l'hiver, près de la Baie d'Hudson, c'est notre Ptarmigan ; ou poule-de-neige ( Tetrao Lagopus). Elle est très nom- breuse au temps des fortes gelées et lorsque la neige commence à tomber en grande quantité. On décrit ce la- (1) Muslela Canaûemis, Pennanl's Marten (carnivores digitigrades.) M. 'NTRÉAL. 45 gopède comme un oiseau à pattes blanches, rugueuses, et à plumage entièrement de la même couleur à l'exception de deux ou trois pennes noires à la queue. Leur chair est savoureuse et délicate. Dans l'Histoire Naturelle des oiseaux d'Edwards (page 72) on voit que le ptarmigan est commun aux environs de la Baie d'Hud- son (1). Il en est de même des lièvres qui sont très communs aussi en Canada, où j'en ai vu souvent ; ils ressemblent en tout à nos lièvres de Suéde. Leur poil est gris foncé en été, et blanc comme la neige en hiver, ainsi que chez nous. Les arts mécaniques tels que l'architecture, l'ébénistc- rie, la confection des ouvrages au tour, etc., ne sont pas aussi avancés ici qu'on devrait s'y attendre, et les Anglais sous ce rapport l'emportent sur les Français. Cela vient de ce que la plupart des colons, ici, sont des soldats licen- - qui n'ont pas eu l'occasion d'apprendre aucun mé- tier, ou n'en ont appris un que par accident ou par nécessité. Il y en a cependant qui ont de bonnes notions do la mécanique et j'en ai vu un qui faisait d'excellentes horloges et montres, quoiqu'il n'eût que fort peu d'instruction (2). (I) Voyez Hr. Zool. Suppl. Planche XIII, f. I. (F.) uteur il'' l'Histoire Naturelle des Oiseaux, Animaux "i lu en -I'» planches colorié» la description «mi français, publiée .'i Londr ■■:! 1745-8, 1750-1 : quatre partieâ en deux vols m-'. . M (•) i Lion de Kalm désaccord av. m- ],• témoignage de 'Abl '/ Laval), qui «lit que les une grande perfection chez le ' Sana lion |u'on trouvait parmi eux de fort bons ouvriei le petil enfant! montranl de i adre i .!<• r.i\ tilude naturelle de Canadi» juillet 1749. 46 La présence de la mouche commune ou mouche de maison (1), n'est observée dans ce pays que depuis envi- ron cent cinqttàîïte ails, suivant ce que m'ont assuré plu- sieurs personnes, tant ici qu'à Québec. Les Indiens affir- ment tous la 'même chose, et sont d'opinion que cette mouche a été apportée ici dans des vaisseaux Européens qui se sont échoués sur la côte. Je ne 'disputerai pas avec eux sur ce point, cependant il me souvient que dans les solitudes entre Saratoga et Pointe à-la-Chevelure ou Fort St Frédéric, sitôt que je m'asseyais pour pren- dre du repos ou pour manger, j'étais importuné par des mouches de l'espèce de la mouche commune qui venaient se poser sur moi. Il est par conséquent douteux si la présence de la mouche en Amérique ne remonte pas à une époque plus éloignée que celle indiquée, ou si elle a été importée d'Europe. D'un autre côté, on peut prétendre que l'existence de cet insecte dans ces soli- tudes date du temps où. le fort Anne étant encore debout, les Anglais y passaient et repassaient souvent. D'ailleurs, .des voyageurs européens, tant avant que depuis cette époque, ont pu, en parcourant le pays, apporter ces mouches, avec leurs pro visions. Les bestiaux sauvages abondent au sud du Canada et leur existence y a été remarquée de temps immé- morial, surtout dans le pays des Indiens Illinois, dont la latitude est à peu près la même que celle de Philadel- phie. On en rencontre rarement plus au nord. J'ai vu aujourd'hui, une peau de bison (2) de grandeur égale à " pour les arts et métiers, Mgr. de Laval établit à St Joachim un pen- ■' sionnat, où les enfants de la campagne, avec une éducation religieuse, " recevaient une bonne instruction primaire, étaient formés à ragricul- " ture, ou apprenaient des métiers." Cours d'Histoire du Canada, II p, 05. (M.) (1) Musca domestica (Diptera). (M.) (2) Bos americanus (Ruminants). (M.) MONTRÉAL. 47 celle de la plus belle peau de bœuf d'Europe, mais le poil en était meilleur, et de couleur noir foncé, comme celui de l'ours brun. L pelage de dessous est aussi soyeux que la laine. Le cuir ne m'a pas paru très épais, et en général, la peau du boeuf sauvag i n'est pas estimée autant que la peau d'ours en France. En hiver, tend ces robes sur le plancher pour se tenir les pieds chauds. Le poil de quelques uns de ces animaux, me dit-on, donne une laine qui, en longueur et en iinesse, est égale, sinon supérieure à la laine du mouton. On en fait des bat», du drap, des gants et diverses étoffes, qui paraissent aussi bonnes que si la toison du plus beau mérinos en avait fourni la matière première; les In- diens L'emploient à plusieurs usages. La chair du bœuf sauvage vaut celle du bœuf domestique tant en subs- ■e fibr use qu'en graisse, et sa peau, lorsqu'elle a un épai s ur suffisante, ce qui arrive quelquefois, est d'aussi bon service que le cuir de la vache d'Europe. Le bœuf sauvage est plus gros et plus fort que le bœul d'EuT pe, ei sa robe est couleur brun foncé. Ses cornes ; courtes mi i ip\s épaisses à leur racine. Ces qualités, >ter beaucoup d'autres qu'il a en commun avec eui" domestique et à un plus haut degré de perfec- .. ont induit quelqu s expérim ara à tenter de privoiser, afî mieux tirer parti de Ba foururre i ir Findustri ', »-t (:•> sa grand pour L'agriculture < i nt, ou s ^ qu'on a apport icdes mou urenl an bout de qu'accoutumés à poirdu monde liment, ils ;< t tonj eno lem férocité leur < omb lx, dressant les blanl .. 1 1 \ H d'un h< ou prenan t < h.n i tx'a pu <'i 48 JUILLET 1749. moyen de domestiquer le bison. Des éleveurs croient qu'il ne peut supporter le froid, vu qu'on ne le ren- contre jamais plus au nord qu'à la latitude déjà men- tionnée, quoique l'été soit très chaud, même dans ces régions septentrionales. On pense que lorsque le pays aux alentours des Illinois sera plus peuplé, il deviendra plus aisé de dompter ces animaux, et qu'on poura ensuite les utiliser dans les climats du nord (1). Les Indiens et les Français du Canada se servent de leurs cornes en guise de poudrières de chasse. Aujourd'hui grandes réjouissances : la paix conclue entre la France et l'Angleterre a été proclamée. Les soldats sont sous les armes ; salves d'artillerie sur les murs ; décharges de mousqueterie en bas ; feux d'arti- fice et illumination générale pendant toute la nuit. La population entière est dehors et encombre les rues. Le gouverneur m'a invité à souper et à partager la joie des habitants. Beaucoup d'officiers et de personnes de dis- tinction étaient au nombre des convives, et l'allégresse générale a duré autant que la fête. 28 JUILLET. Ce matin j'ai accompagné le gouverneur, baron de Longueuil (2), et sa famille, dans une excursion à une petite île appelée Madeleine (Ste. Hélène), qui est sa pro- priété personnelle. Elle est située dans la rivière St. Laurent, tout en face de la ville, et à son levant. Le gouverneur y possède une fort jolie maison, mais peu spa- cieuse, et un beau grand jardin avec parterre. La rivière (1) Ne perdraient-ils pas alors cette supériorité que leur donne l'état sauvage sur les animaux domestiques ? On sait que les petits des ani- maux apprivoisés dégénèrent de leurs ancêtres libres et sauvages. (F.) (2) Charles le Moyne, second baron de Longueuil, gouverneur de Mont- réal en 1749, commandants-général de la colonie en 1752. (M.) [LÉ sTE. ÔÊLÊNË passe entre cette île et la ville, et son cours est très rapide. Près de Montréal, elle est assez profonde pour les yachts ; mais du côté de l'île il y a si peu d'eau que l'on est obligé de pousser les bateaux en avant avec des perches. Il y a un moulin sur l'île, qui tourne par la seule force du courant, sans le secours d'une écluse. Le sumac doux (l)tRhu8 glabra, (Anacardiacées) croît ici avec une vigueur incroyable: il atteint jusqu'à huit verges de hauteur, et est gros en proportion. Le sassafras (Laurinées) n'est pas originaire élu pays ; on ne l'y trouve jamais à l'état sauvage au nord du Fort Anne. J'en ai vu plusieurs sur l'île qui, bien que plantés il y a déjà quelques années, ne sont encore que des ar- brisseaux, n'ayant guère plus de deux à trois pieds de hauteur. La tige en est détruite par le froid chaque hiver, presque jusqu'à la racine, et produit de nouveaux rejetons au printemps ; j'ai constaté ce fait par mes pro- pres observations ici ; et il paraît qu'il en est de même près des forts Anne, Nicholson et Oswego. On tenterait donc en vain d'acclimater le sassafras dans un climat -froid. Le mûrier rouge Moins rubra, Linn., (Morées) est aussi un arbre exotique. J'en ai vu quatre ou cinq qui avaient atteint une hauteur d'environ cinq verg< d'après ce que m'a dii le gouverneur, ils ont été plant< s il y ;i vingl ans, <•< doivent avoir été apportés des pays du sud, puisqu'on n'en trouve pas près de Montréal à Pétai sauvage. Le mûrier croîl naturellement à vingt milles au nord d'Âlbany, mais il ne dépasse pas cette limite, el même il y est très rare dans les bois -au «lue 1 i, itna qu'on op| elle vin u a Euro] îlot 1 50 JUILLET 1749. des gens dé la campagne. Lors de mon passage a Saratoga, je me suis informe si le mûrier existait dans le voisinage, — chacun de me répondre qu'on ne l'y avait jamais vu, et qu'il ne croissait plus passé vingt milles au nord d'Albany. Cependant, les quatre ou cinq indi- vidus que j'ai vus dans l'île réussissaient très bien, quoique plantés dans un sol pauvre. Leur feuillage est large et épais, mais ils n'ont pas rapporté cette année. On m'assure qu'ils peuvent supporter un degré de froid considérable. Le hêtre Water-Beech (Quercinées) a été planté ici dans un lieu ombragé, et a atteint une grande hauteur. Tous les Français des environs l'appellent cotonnier (1). On ne le trouve jamais à l'état sauvage près de la rivière St. Laurent, ni au nord du fort St Frédéric, où il est maintenant très rare. Les cèdres rouges du jardin du gouverneur sont égale- ment des arbres de plantation, qui y ont été apportés du midi ; on n'en voit pas dans les forêts des environs. Cependant ceux-ci sont de la plus belle venue. A sept heures et demie du soir, nous laissâmes cette île charmante, et bientôt après notre retour, le baron de Longueuil recevait à la fois deux nouvelles fort agré- ables : la première, que son fils était revenu de France, où il avait passé deux années, et la seconde, qu'il apportait avec lui les lettres royales nommant le baron gouverneur de Montréal et du pays qui en relève. On se sert ici d'éventails faits de queues de din- dons sauvages. Dès que l'oiseau a été abattu, on lui (1) M. Kalm a dit plus haut que ce nom est donné à l'asclépiade de Syrie. F. MONTRÉEL. 51 enlève la quelle, que Ton étend en éventail, et on la soumet à un procédé de dessication qui lui fait garder cette forme. Les dames et les hommes de distinction portent ces éventails, en marchant dans les rues, durant la grande chaleur du jour. Le paturin des prairies autour de Montréal appar- tient à l'espèce du Poa Capiliaris, Linn. (1) (Graminées). C'est une herbe très tenue, très serrée, et qui réussi I même sur les coteaux les plus arides. Elle n'est cepen- dant pas riche en feuillage, et sa mince tige est employée en guise de foin. Nous avons en Suède de nombreuses espèces d'herbes qui font de bien plus belles prairies que celle-ci. 30 JUILLET. Le prunier sauvage (Drupacées) vient ici à merveille, sur les coteaux et le long des ruisseaux, autour de la ville, et il est tellement chargé de fruits que ses branches fléchissent sous leur poids. Les prunes ne sont pas en- core mangeables, car elles n'ont pas la couleur rouge qui annonce leur parfaite maturité. Ce fruit a une bonne saveur : on eu fait des confitures. Le gadellier noir Ribes nigrum, Linn. (Kibésiacées) abonde aussi, et ses baies sont mûres en ce moment Elles sont très petites, ei n'ont pas le goût agréable de nos gadelles de Suéde. Le Panais (Ombellifère) se trouve partout le long des rivières, el dans les champs, ce qui donnerait à penser que cette plante est originaire du continent d'Amérique, «ndani dans mon voyage au pays des Lroquois, où aucun Européen ne s'est jamais établi, je ne l'ai pas ren- contrée, quoique le sol y soit excellent. Il faudrait donc (l) M. K.'iliu h >i> . i ii comme suit : Poa culmo tubcnmpresso panicula lit bâti i ibu (I 52 Aour 1749, conclure de cette observation, que le panais a été apporté ici d'Europe, et n'est pas une plante indigène de l'Amérique. Et, par conséquent, on le chercherait en vain sur ce continent, partout ailleurs que dans les établissements Européens. 1er AOUT. Le gouverneur-général du Canada réside habituelle- ment à Québec, mais il vient souvent à Montréal, et y passe généralement l'hiver. Le séjour de Québec est plus commode en été, à cause des arrivages fréquents de vaisseaux du roi, qui apportent au gouverneur des lettres auxquelles il doit répondre, et pour l'expédition d'autres affaires propres à cette saison. Pendant sa résidence à Montréal, il habite le château, qui est une grande maison en pierre, bâtie par le gouverneur-géné- ral Yaudreuil, encore aujourd'hui la propriété de sa famille, qui la loue au roi (1). Le marquis de La G-alis. sonnière, parait-il, préfère Montréal à Québec, et, de fait, la situation de la première ville est beaucoup plus agréable que celle de la seconde. Au Canada, l'échange se fait presqu' entièrement avec le papier-monnaie. C'est à peine si j'y ai vu une pièce métallique, excepté les sous français, qui sont en cuivre, mêlés d'argent en très petite quantité. Ils sont devenus bien minces, à force de circuler, et leur valeur est esti- mée à un sou et demi. Les billets sont écrits, et non im- primés. Yoici leur origine et la cause de leur émission : le roi de France ayant trouvé trop dangereux d'en- voyer de l'argent monnayé pour la paie de ses troupes à cause des pirates, des naufrages, et d'autres acci- dents, ordonna à son intendant à Québec, et à son commissaire à Montréal, d'écrire des billets pour le (!) Voir note G. MONTRÉAL. 53 montant des sommes dues à ses troupes et de les distri- buer à chacun des soldats. Sur ces billets il est marqué qu'ils portent la valeur de telle ou telle somme jusqu'en octobre prochain, et ils sont signés par l'intendant, ou le commissaire ; dans l'intervalle ils ont le cours de l'argent. Au mois d'octobre, à un jour donné, chacun apporte les billets qu'il possède à l'intendant à Québec, ou au commissaire à Montréal, qui les échangent contre des mandats sur la France, payables à vue, en argent légal, au trésor du roi. Si le détenteur du billet n'a pas besoin de fonds, il le garde jusqu'au mois d'octobre suivant, époque à laquelle il le fera changer par l'un de ces fonctionnaires pour une lettre sur la France. La monnaie de papier ne peut être délivrée et échangée contre des traites sur la France qu'en octobre. Ces billets sont de différentes valeurs ; il y en a d'une livre, et même, je crois, de fractions de livre. Vers l'automne, à l'arrivée des vaisseaux de France, les marchands se procurent autant de billets qu'ils peuvent, et les échangent contre des billets payables par le trésor fran- çais. Ces derniers billets sont partiellement imprimés, des blancs y étant laissés pour l'insertion des noms, sommes, etc. Mais le papier courant du pays est tout écrit à la main, et par conséquent sujet à être contrefait : aussi l'a-t-il été plus d'une fois ; mais on a infligé de tels châtiments (la peine capitale le plus souvent) aux au- teurs de ces faux, que ce crime est devenu très rare maintenant. Le manque de menue monnaie est une cause de pertes pour les acheteurs et les vendeurs, vu qu'il n'y a pas de prix intermédiaire entre une livre et deux livres. (1 ) ( I ) i plus p lu Canada, «'t il a, à peu près, la h .lu penny i fne Ih ra ou fran I toul un] M ii anofl (on! au écu ou courons 54 août 1749. Les gages d'un laquais fidèle et intelligent sont de cent cinquante francs par année, et ceux d'une servante sent francs. Un compagnon ouvrier chez un artisan gagne de trois à quatre francs par jour, et un simple journalier de trente à quarante sous. C'est la rareté des manœuvres qui rend les gages si élevés. Chacun pouvant sans difficulté s'établira son compte, et vivre à son aise à peu de frais, comme fermier dans ce pays encore si peu ouvert à la culture, on n'y est guère porté à se mettre en service ou à travailler pour les autres. Montréal est la seconde ville du Canada, par rapport à la grandeur et à la richesse, et la première par rap- port à son site, qui est très beau, et à son climat, qui est doux. Un peu au-dessus de la ville, la rivière St. Laurent se divise en deux branches, et forme plusieurs îles, dont la plus considérable, celle de Montréal, a dix lieues de longueur sur quatre de largeur. La ville de Montréal est bâtie sur le côté oriental de l'île, et sur le bord d'une des branches les plus considérables du St. Laurent, occupant ainsi un site à la fois agréable et avantageux. Elle est de forme quadrangulaire, ou plutôt c'est un parallélogramme rectangulaire, dont la ligne la plus longue court à l'est, sur le bord de la plus grande branche de la rivière. De l'autre côté, elle est entourée de champs fertiles, de belles prairies, et de bois enchanteurs. Elle tient son nom de Montréal d'une grande montagne, qui s'élève à la distance d'un mille et demi à l'ouest de la ville, et domine le pays environnant. Monsieur Cartier, l'un des premiers Français qui ont exploré le Canada avec le plus de soin, a donné à cette montagne le nom de Montréal, à son arrivée dans l'île, en l'année 1535, quand il en fit la visite, ainsi que de la bourgade indienne d'Hochelaga. Les prêtres, qui, suivant l'usage catholique romain, donnent un nom de saint à MONTRÉAL. 55 chaque localité dans le pays, ont appelé Montréal Ville- Marie ; mais en général le nom n'a pas pris (1), et la ville a gardé son nom primitif. Elle est passablement bien forti- Jiée, et entourée d'un mur élevé et épais. A l'est, elle est protégée par la rivière St. Laurent, et sur tous les autres points par un fossé profond, rempli d'eau, qui défend les habitants contre tout danger d'une incursion sou- daine des troupes de l'ennemi. Cependant elle ne pourrait soutenir un long siège, parcequ'elle requiert une forte garnison, à cause de son étendue, et parce qu'elle renferme principalement des maisons de bois. Elle a plusieurs églises, dont je ne mentionnerai que celles des religieux de l'ordre de St. Sulpice, des Jé- suites, des moines Franciscains, du couvent et de l'hôpi- tal. La première, par la richesse de ses ornements, tant intérieurs qu'extérieurs, est de beaucoup la plus belle église, non-seulement de la ville, mais de tout le Canada. Les prêtres du séminaire de St. Sulpice ont une superbe maison, où ils vivent ensemble. Le collège des moines Franciscains est spacieux aussi, et ses murs sont solides; cependant il ne peut être comparé au séminaire. Le collège des Jésuites est petit, mais bien bâti. Attenants à chacun de ces édifices il y a de beaux jardins où les membres delà communauté peuvent faire provision de santé, tout en se donnant le plaisir de promenade. Quelques maisons dans la ville sont bâties en pierre; la plupart le sont en bois de charpente. ni;iis très élégamment construites. Les maisons de première classe ont une porte donnant sur la, rue, un siège de chaque* le la porte, où l'on vi.'ii r pour causer et se récréer, matin et soir. principal it. droites, larges et coupée (1) K.iiin oubl e [u '<• nom de Montréal en latin M ) 50 \out 1749. angles droits par les petites rues. Il y en a qui sont pavées, mais c'est l'exception. La ville a de nom- breuses portes : à l'est, du côté de la rivière, on en compte cinq, deux grandes et trois petites ; et sur l'autre côté il y en a pareillement plusieurs. Le gou- verneur-général du Canada, quand il est à Montréal, réside au château que le gouvernement loue de la famille de Yaudreuil ; mais le gouverneur de Montréal est obligé d'acheter ou louer une maison en ville ; on me dit cependant que le gouvernement contribue au paiement du loyer. Il y un couvent dans la ville, et un demi-couvent hors les murs, (1) c'est-à-dire qu'il est complet, moins la con- firmation du Pape, qui lui manque encore. Dans le premier on ne reçoit pas la première fille venue, car les parents doivent payer pour l'admission une dot d'envi- ron cinq cents écus, ou couronnes. A la vérité, il y en a qui sont admises moyennant trois cents écus, mais elles sont obligées de servir celles qui paient davantage. On n'y prend pas de filles pauvres. Le roi a érigé ici un hôpital pour ses soldats malades. Le patient y est pourvu de tout ce dont il a besoin, et le trésor paie douze sous par jour pour pension, soins, etc. Les médecins sont rétribués par le roi. Un officier tombe-t-il malade au service de la couronne, on le con- duit à cet hôpital, où il reçoit les vivres et les soins gratis ; mais s'il a contracté son mal dans la pour- suite de ses affaires privées, et y vient pour se faire soigner, il paie de sa propre bourse. Quand il y a de la place, on y reçoit aussi les habitants malades de la ville et de la campagne. Les remèdes et les soins des médecins leur sont fournis gratis, mais ils paient douze sous par jour pour leur nourriture. (I) L'Hôpital des Sœurs Grises. MONTRÉAL. 6Ï Chaque vendredi est jour de marché, et les paysans viennent en ville avec des provisions, qui sont bientôt écoulées, car c'est le seul jour de marché de la se- maine. Le vendredi aussi, nombre d'Indiens s'y rendent pour vendre leurs produits, et en acheter d'autres. La déclinaison de l'aiguille magnétique est, à Mont- réal, de dix degrés et trente-huit minutes, ouest. M. G-illion, (1) un des prêtres, qui a du goût pour les mathé- matiques et l'astronomie, a tiré un méridien dans le jardin du séminaire qui, maintes fois vérifié sur le soleil et les étoiles, a toujours été trouvé très exact. J'ai comparé ma boussole avec ce méridien, en prenant bien garde qu'aucun objet en fer ne fut à proximité, et ai trouvé sa déclinaison aussi exacte que celle que j'ai déjà mentionnée. D'après les observations de Monsieur Gillion, Mont- réal est à quarante-cinq degrés et vingt-sept minutes de latitude. (2) Monsieur Pontarion, (3) un autre prêtre, a fait des ob- servations thermométriques à Montréal, depuis le com- mencement de cette année (1740). Il se sert d'un thermomètre de Réaumur, qu'il place tantôt dans une fenêtre à moitié ouverte, et tantôt dans une fenêtre grand'ouverte, et qui, par conséquent, ne doit lui donner que rarement le plus haut degré de froid dans l'atmos- phère. Voici quelques unes de ses observations pour moifl d'hiver. En janvier, le plus grand froid eût lieu D une note que le savant abbé Daniel, P. S. 8., a tu l'obligea de nom ; ni parler ici de M Gui Ion, qui vint en Canada on M. Norman! et repassa en France en I i • • " Je sain par la tradition/1 ajoute M. Daniel, u que le méridien placé sur i r «mi de M. le Supérieur esl de la main d'un ancien Buij icien." (M.) M. M », venu en i < 18, du temp - M Noi manl el I ici (,ii 1777. (Note fournie par M l'abJ I j 58 août 1749. le 18, le thermomètre de Réaumur marquant vingt-trois degrés an-dessous du point de congélation. Le jour le moins froid de ce mois fut le 31, où le mercure s'est tenu juste au point de congélation, mais la plus grande partie du mois, le thermomètre a marqué de douze à quinze degrés au-dessous du point de congélation. En février le plus haut degré de froid eut lieu le 19 et le 25, où le thermomètre marqua quatorze degrés au- dessous du point de congélation — et le plus petit, le 3, où le thermomètre s'éleva à huit degrés au-dessus, mais il s'est généralement tenu à onze degrés au-dessous. En mars, le plus grand froid eut lieu le 3, à dix degrés au- dessous du point de congélation; les 22, 23 et 24 fu- rent les jours les plus doux, le thermomètre marquant quinze degrés au-dessus. La température générale du mois fut quatre degrés au-dessous. En avril, le jour le plus froid fut le 7, le thermomètre marquant cinq degrés au-dessous du point de congélation ; le 25 fut le jour le moins \ froid, le mercure marquant vingt degrés au-dessus du point de congélation ; mais, en général, il se tint à douze desrrés au-dessus. Les observations qui précèdent sont extraites des notes de M. fontarion ; mais d'après sa manière de les faire, je suis porté à croire que le froid a été chaque jour de quatre à six degrés plus grand qu'il ne l'a mar- qué. Il a pareillement entré, dans son journal que la glace dans la rivière St. Laurent se brisa le 3 avril à • Montréal, et que la débâcle n'eut lieu que le 20 du même mois à Québec. Le 3 mai, quelques arbres com- mencèrent à fleurir à Montréal, et le 12, toute la végé- tation était couverte de gelée blanche, comme en plein hiver. La glace dans la rivière, près de la ville, atteint chaque année une épaisseur qui varie, d'après le témoi- gnage de tout le monde ici, d'un à deux pieds. MONTRÉAL, ;)Q Causant avec quelques religieux, je lus ai on tendus émettre l'opinion que les étés s'allongent d'une manière remarquable en Canada, depuis que le sol y est livré à la culture ; qu'ils commencent plus tôt et finissent plus tard. Les hivers, au contraire, deviennent pins courts, tout en ne perdant rien de leur sévérité. D'après ces moines, l'été ne serait cependant pas plus chaud qu'au- paravant. Les vents les plus froids à Montréal sont ceux du nord et du nord-ouest. 2 AOTIT. Ce matin de bonne heure, nous nous embarquâmes en bateau pour Québec, en compagnie du second major de Montréal, M. de Sermonville. Nous descendîmes la rivière St. Laurent, qui est ici passablement large, ayant à notre gauche, au nord-ouest, Pile de Montréal, i -i a notre droite plusieurs îles et le rivage. Une population dense habite les bords de l'ile de Montréal, lesquels sont en pur terreau, très unis, et ne s'élèvenl guère à plus de trois ou quatre verges de hauteur. Les bois ont été abattus le long de la rivière sur une pro- fondeur d'un mille anglais. Les maisons sont bâties en bois, ou en pierre, et blanchies à l'extérieur. Les dé- pendances, telles que granges, étables, etc., sont toutes en bois. Le terrain dans le voisinage de la rivière esl converti en champs de blé, ou en prairies. Çà el là nous apercevons des églises qui se font face sur chaque côté du fleuve ; il esi à remarquer qu'on n'esl pas tenu ici de placei les clochers à L'extrémité occidentale des A six milles français de Montréal, nous sons ^]\ vue de plusieurs [les de [différentes indeurt, la plupart habité* 'les qui ne le son! pas sont converties en champs de blé, plus souveni en Non- n'avons remarqué aujourd'hui ni mon- 60 AOUT 1749. tagnes, ni collines, ni rochers ou pierres ; le pays est tout-à-fait plat, et le sol entièrement forme de terre vé- gétale. Les fermes en Canada sont séparées les unes des autres, de manière que chaque propriétaire a son bien entièrement distinct de celui de son voisin. Chaque église, il est vrai, est entourée d'un petit village ; mais il est formé principalement du presbytère, d'une école pour les garçons et filles, et des demeures des commer- çants et artisans, rarement d'habitations de fermiers, et quand il y en a, les terres sont séparées. Les maisons des paysans sont généralement bâties sur les bords de la rivière, à une distance plus [ou moins^grande de l'eau, et à trois ou quatre arpents les unes^des autres. Quelques cultivateurs ont des vergers, c'est le petit nombre ; mais chacun a son jardin potager. Je tiens de voyageurs qui ont parcouru les régions occidentales du Canada, et celles arrosées par la rivière Mississipi, que les bois dans ces pays abondent en pê- chers rapportant d'excellents fruits, et que les Indieus de ces contrées disent que ces arbres y sont connus de temps immémorial. Les maisons des fermiers sont généralement bâties en pierre, ou en bois de charpente, et contiennent trois ou quatre chambres. Les fenêtres sont rarement gar- nies de vitres; le plus souvent des carreaux de papier remplacent le verre. Un poêle en fonte chauffe toute la maison. Les toits sont couverts en bardeaux. On calfeutre les fentes et les lézardes avec de la terre glaise. Les dépendances sont couvertes en chaume. De distance en distance, on voit des croix plantées le long du chemin, qui court parallèlement au rivage. Cet emblème est multiplié en Canada,, sans doute afin ENTRE MONTRÉAL ET TROIS-R1VIÈRES. (il d'exciter la foi du voyageur. Ces croix, eu bois, ont une hauteur de cinq à six verges et leur largeur est en proportion. Le côté qui fait face au chemin contient une niche renfermant une image de notre Sauveur cru- cifie, ou de la Sainte Vierge avec l'Enfant dans ses bras, et le tout est protège contre les intempéries de l'air au moyen d'un carreau vitré. Les calvaires érigés près des églises sont couverts de sculptures, représentant tous les instruments qu'ont dû employer les Juifs pour crucifier notre Seigneur : le marteau, les pincettes, les clous, et beaucoup d'autres dont les bour- reaux ne se sont peut-être pas servis; le flacon de vinai- gre n'est pas oublié. La croix est surmontée de la figure du coq qui chanta au reniement de St. Pierre. Le paysage de chaque côte de la rivière est charmant, et l'état avancé de la culture des terres ajoute grande- ment à la beauté de la scène. On dirait un village con- tinu, commençant à Montréal, et finissant à Québec, sur une ligne de plus de cent quatre-vingt milles. Les maisons des fermiers, à peu d'exceptions près, ne sont sé- parées les unes des autres que par une distance de trois à cinq arpents. La vue est très belle, surtout lorsque la rivière court en droite ligne l'espace de quelques milles ; alors les habitations paraissent plus rapprochées les unes des autres, et offrent davantage l'aspect d'un village bâti sur une seule rue se prolongeant indéfini- ment. Toutes les femmes du pays, sans exception, portent le bonnet. Leur toilette consiste en un court mantelel sur un court jupon, qui leur va, à peine, au milieu de la jambe; une croix dfargenl est Buspendueà leur cou. En général, elles sont fori laborieuses; cependant j'en ai vu quelques unes qui, comme les anglaises des colonies ne 82 Août 1749. faisaient rien que caqueter toute la journée. Lorsqu'elles travaillent en dedans de leurs maisons, elles fredonnent toujours, les filles surtout, quelques chansons, dans les- quelles les mots amour et cœur reviennent souvent. A la campagne, lorsque le mari reçoit la visite d'une per- sonne de distinction, et l'invite à dîner avec la famille, sa femme ne se met pas à table, mais elle se tient der- rière l'hôte et le sert. Dans les villes, cependant, les dames ont» meilleur ton, et sont plutôt portées à se mettre sur un pied d'égalité que d'infériorité, avec leurs maris. Lorsqu'elles sortent, elles s'enveloppent d'un long manteau gris, brun, ou bleu, qui couvre ious les autres vêtements. Les hommes en portent un aussi les jours de pluie. Ce manteau offre aux femmes l'avantage de sortir en déshabillé sans que personne s'en aperçoive. De temps en temps nous voyons des moulins à vent près des fermes. Ils sont généralement bâtis en pierre, et couverts d'un toit en planches, qui tourne avec les ailes suivant la direction du vent. La largeur de la rivière n'est pas égale ; elle varie d'un quart de mille à deux milles anglais. Le rivage est tantôt élevé et escarpé, tantôt il est bas ou descend en pente. A trois heures cette après-midi, nous traversâmes l'en- trée d'une rivière qui tombe dans le St. Laurent, et vient du lac Champlain (1) ; au milieu du fleuve il y a une grande ile. Les yachts qui font le service entre Montréal et Québec passent au sud-est de cette ile, parce que l'eau y est plus profonde ; mais pour les bateaux, on préfère le côté nord-ouest, parce qu'il est plus près, et qu'il y a (1) Rivière Chnml»l\\ ENTRE MONTREAL ET TROIS-RIVIÈR E>. 6$ assez d'eau pour ces embarcations. Outre cette ile, il y en a plusieurs autres qui sont toutes habitées. Un peu plus loin, le pays sur les deux côtés de la rivière est désert, jusqu'à ce qu'on arrive au lac St. Pierre, et si bas qu'il est inondé en certains temps de Tannée. En revanche, il parait que l'intérieur en est aussi peuplé que les bords de la rivière ailleurs. Le lac St. Pierre l'ait partie dé la rivière St Laurent, qui est si large ici que c'est à peine si l'on voit devant soi autre chose que le ciel et l'eau. On m'assure que le lac a sept lieues de longueur sur trois de largeur. Du milieu de ce lac, Ton voit à l'ouest un pays fort élevé, dominant les bois. L'eau en plusieurs endroits est cou- verte d'une espèce de jonc Scirpus paluslris, (Cypêracées) Linn.. 11 n'y a pas de maisons en vue sur les rives ; elles sont trop basses, et par suite toujours inondées au printemps, si bien que l'on s'y promène en 'bateau entre les arbres. Le niveau du terrain est plus élevé à quelque distance du rivage et les fermes sont rapprochées les unes des autres. Nous n'avons pas vu d'iles cette après- midi dans le lac, mais le lendemain nous en comptâmes plusieurs. Tard dans la soirée, nous laissâmes le lac St. Pierre pour entrer dans une petite rivière appelée la Rivière du Loup, à la recherche d'un gîte pour la nuit. Parve- nus à environ un mille anglais de son entrée, n<>u- avons trouvé un pays habité de chaque Côté de la. ri- re, qui esl profondément encaissée, bien que la con- i rée 'in général soit unie. Nous passâmes la nuit chez un fermier. Le territoire de Montréal s'étend jusqu'à (,(,t endroit; mai lom- mence la juridiction du gouverneur des Trois-Rn le 04 Août 1749. petite ville distante d'environ huit lieues de la Rivière du Loup. 3 AOUT. Nous nous rembarquâmes dès cinq henres du matin. Redescendre le cours de la petite rivière fut l'affaire d'un instant, et bientôt nous nous retrouvâmes sur le lac St. Pierre, suivant une direction inclinée vers le bas. Après avoir ramé quelque temps, nous aperçûmes une haute chaine de montagnes dans le nord-ouest, domi- nant tout le pays d'alentour, qui est plat et uni. La côte est parsemée d'habitations, mais au sud-est on ne voit rien que des bois épais, couvrant de leur ombre une contrée basse et sujette aux inondations. Mais plus à l'intérieur on me dit qu'il y a beaucoup de fermes. A l'extrémité du lac, là rivière rentre dans ses limites ordinaires, ne dépassant pas un mille et demi en largeur, avec tendance à se rétrécir à mesure que nous avançons. De l'extrémité du lac St. Pierre à Trois-Rivières, on estime qu'il y a trois lieues. Vers onze heures du matin, nous étions arrivés à cette dernière place, où nous assistâmes au service divin. Trois-Rivières — petite ville de marché — - a tout l'apparence d'un grand village. Elle est cependant comptée au nombre des trois grandes villes du Canada qui sont Québec, Montréal et Trois-Rivières. Elle est sise à égale distance des deux premières, et éloignée de trente lieues de chaque. La ville est bâtie sur la côte nord du fleuve St Laurent, au sommet d'un plateau sablon- neux, et occupe un site des plus agréables, entre la rivière qui coule à ses pieds, et dont le lit a, en cet endroit, une largeur d'un mille et demi, et de beaux champs de blé, qui paraissent très fertiles, quoique le sol contienne beaucoup de sable. TBOIS-BIVIÈRES. Ses principaux édifices sont deux églises en pierre, un couvent et un collège sous la direction de frères de l'ordre de St François, et la maison, aussi en pierre, du gouverneur, qui est le troisième gouverneur du Canada. La plupart des autres maisons sont en bois, à un seul étage, assez bien bâties, et très éloignées les unes des autres ; les rues sont tortueuses. La côte ici est composée de sable et s'élève très haut. Lorsque le vent est violent, il balaye le sable et le porte jusque dans les rues, ce qui rend la marche très fatigante. Les sœurs du couvent qui sont au nombre de vingt-deux, passent pour très adroites en toutes sortes d'ouvrages à l'aiguille. Il fut un temps où Trois-Rivières était la ville la plus florissante du Canada. Les Indiens alors y apportaient de tous côtés leurs marchandises Mais depuis la guerre avec les Iroquois, ou Cinq-Nations, ils vont faire leurs achats à Montréal et à Québec, et chez les Anglais, ce qui — avec d'autres causes — a de beaucoup amoindri l'im- portance delà ville et arrêté ses progrès. Ses habituais vivent principalement du produit de leurs terres, mais le voisinage des Forges leur est aussi très avantageux. A la distance d'un mille anglais au-dessous de la ville, une grande rivière vient se décharger dans le fleuve St. Laurent, après s'être divisée en trois branches, qui sem- blent autant de rivières différentes. De là le nom de T rois-Rivi^rcs donné à la ville, aussi bien qu'à la rivière La marée se lait sentir jusqu'à une lieue au-dessus de Trois-Rivi< mais si peu que c'est à peine si on le remarque. Cependant, au temps de l'équinoxe, et aux nouvelles et pleines lunes au printemps e( en automne, La différence entre le niveau le plus élevé et le plus bas est de deux pieds. La marée remonte donc très haul dans le fleuve, puisque l'on compte du lieu ci-dessus 66 août 1749. mentionné à la mer une distance d'environ cent cin- quante lieues. Pendant que mes compagnons prenaient du repos, je montai à cheval et fus voir les Forges, passant à travers un pays assez élevé, sablonneux, et à surface plane. Pas de montagnes, ni même de pierres. L'usine, qui est le seul établissement de ce genre dans le pays, est à trois milles à l'ouest de Trois-Bivières. Il y a là deux grandes forges, avec deux plus petites adossées à chacune d'elles, sous un même toit. Les soufflets sont en bois, ainsi que tout le reste, comme dans les usines de Suède. Les hauts-fourneaux sont près des forges et ressemblent aux nôtres. La mine est à deux lieues et demie de la fonderie, et le mitferai y est charroyé sur des traineaux. C'est une sorte de mé- tal (1) (moor ore) que l'on trouve en veines, à six pouces ou un pied de la surface du sol. Chaque veine a une profondeur de six à dix-huit pouces, repose sur un lit de sable blanc, et est entourée de chaque côté de ce même sable. Le tout est recouvert d'une légère couche d'humus. Le minerai est très riche, et se trouve dans les veines en masses détachées, de la grosseur des deux poings ; il y en a qui ont jusqu'à dix-huit pouces d'épaisseur. Ces masses sont pleines de trous rem- plis d'ocre. Le minerai est si mou qu'on peut l'écraser entre ses doigts. Pour en activer la fusion, on se sert d'une sorte de pierre à chaux grise, que l'on se procure dans le voisinage de l'usine ; on emploie aussi dans le même but de la marne argileuse, appelée vulgairement terre-à-pipe, que l'on trouve près de là. Le pays étant (l) Tophus labalcaini, Linn. Syst. Nat. III, p. 187, n. 5. Minera ferri subaquosa nigro cœrulescens. Wall. Minerai, p. 2G3. Ed. Allemande, p. 340, n. 3. Les ocres de fer en forme de croûtes sont quelquefois caver- neuses^ comme le Briish ore. Forster's Minerai, p. 48. T ROIS-RIVIÈRES. 67 couvert de forêts qui ne sont jamais 6 branchées, il est facile d'y faire du charbon de bois en abondance. Le combustible provenant d'arbres toujours verts, comme le sapin, par exemple, est préférable pour la forge, mais celui qu'on fait avec des arbres à feuilles décidues con- vient mieux pour les hauts-fourneaux. Le fer qui sort de cette usine est, me dit-on, mou, flexible et résistant ; et la rouille ne l'attaque pas aussi aisément que le fer or- dinaire ; et à cet égard il paraît que l'on. fait une grande différence entre le fer espagnol et celui d'ici pour la cons- truction des vaisseaux. L'usine a été fondée en 1737, par des particuliers, qui l'ont ensuite cédée au roi ; on y fond des canons et des mortiers de diverses grandeurs, des poêles qui sont en vogue dans tout le Canada, des chaudrons, etc., sans compter le fer en barres. On a essayé d'y fabriquer de l'acier, mais sans pouvoir l'ame- ner au degré de perfection requis, faute de connaître la meilleure manière de le tremper. L'usine est sous la surveillance de beaucoup d'officiers et d'inspecteurs, qui habitent de très bonnes maisons bâties exprès pour eux Tout le monde convient qu'elle ne paie pas ses dépenses et que pour la maintenir le roi est obligé d'en combler les déficits chaque année. On attribue ce résultat a l'insuffi- sance de la population, les habitants du pays ayan! assez à faire de cultiver leurs terres, et ce n'es! qu'a fo d'argent, et avec beaucoup de peine. que l'on peu! se procurer des ouvriers d'ailleurs. Or! le explication peut paraître plausible» h cependant l'usine devrai! être une entreprise profitable, pour plusieurs raiso Laminées! d'exploitation facile, elle esl aux portes de la Fonderie, et l)<• r.iit aucune mention se peindrai môme pour Lea Liqueun enivrantes que tes Yukagbiris savent extraire d une aorte de champignon vénéneux qu'iU se procurent chez les Russes. i Esquimaux paraissent appartenir à la même race que lea habi- tants du Groenland, Lapons, L'Amérique du su.i nlièremeol le Pérou tire probablement sa population du grand 'oui m. Mit sud inci nnu, qui et! tout près de l'Amérique, et qui est civilisé, rempli d'habitants de différentes couleurs, qui ont pu facilement ôtre mérique '-il ' (F.) T 98 août 1749. lieu, que la mer du sud n'était plus qu'à quelques journées de marche, et que les Indiens trafiquaient souvent avec les Espagnols sur cette côte, et quelquefois se rendaient à la Baie d'Hudson, pour faire le commerce avec les Anglais. Plusieurs de ces sauvages habitaient des huttes de terre. Beaucoup d'entre eux n'avaient jamais vu de Français ; leurs vêtements ordinaires étaient en peaux mais grand nombre allaient entièrement nus. Tous ceux qui ont fait de longs voyages en Canada vers le sud, et surtout à l'occident, s'accordent à constater l'existence de plusieurs grandes plaines dé- nuées d'arbres, et dont le sol est couvert de sillons comme s'il avait été labouré. A quoi cela est-il dû, personne ne le sait ; car les champs d'un grand village ou bourgade des Indiens ont à peine plus de quatre ou six acres d'é- tendue ; tandis que ces plaines ondulées sont si vastes qu'il faut faire plusieurs journées de marche successi- ves pour les traverser, et ce n'est que par exception, que l'on rencontre par-ci, par-là, des inégalités de terrain ou des points où la surface du sol n'offre pas de semblables traces d'anciens labours, Je n'ai pu découvrir d'autres vestiges d'antiquité au Canada, malgré toutes mes recherches. Dans la continua- tion de ma relation de voyage pour l'année 1750 (1) j'au- rai occasion de parler de deux autres curiosités remar- quables» Notre compatriote M. G-eorge Westman, A.M. a clairement démontré que les Scandinaves, principa- lement ceux du Nord, ont entrepris des voyages dans l'Amérique Septentrionale longtemps avant l'époque de Colomb, (voir la dissertation sur ce sujet, qu'il a lue à Abo en 1747, pour obtenir son degré,) (l) Cette partie îi'apag encore été publiée. (F.) QUÉBEC. 99 8 AOUT. Ce matin j'ai visité le plus grand couvent de femmes de Québec. L'entrée en est défendue aux hommes sous les peines les plus sévères, à l'exception de quelques chambres divisées par des grilles en fer, dans lesquelles les hommes et les femmes qui n'appartiennent pas à la communauté peuvent causer du dehors avec les reli- gieuses. Mais pour mettre le comble aux faveurs toutes spéciales dont on m'a honoré dans ce pays, comme Sué- dois et étranger, le gouverneur-général a obtenu de l'évêque, pour moi, la permission de pénétrer dans le cloî- tre et d'en voir l'intérieur. L'ordinaire a seul le pouvoir d'accorder cette faveur, et il en use rarement. Le mé- decin du roi et le chirurgien ont cependant leurs entrées libres aussi souvent que leur ministère le requiert. M. Gaulthier, homme d'un grand savoir en physique et en botanique, et maintenant le médecin du couvent, m'a accompagné dans cette visite. Nous vîmes d'abord rhôpital, dont je vais donner une description, et nous entrâmes ensuite dans le couvent, qui est contigu à l'hôpital. C'est un grand bâtiment en pierre, à trois étages, divisé à l'intérieur en longs corridors, sur les- quels donnent, de chaque côté, des cellules, des salles et des chambres. Les cellules des religieuses sont au troisième, elles sent petites, non peinturées en dedans et ornées d'images de saints, en papier, et d'un crucifix. Un lit à rideaux et garni de bonnes couvertures, un petit pu- pitre, une chaise ou deux en forment tout l'ameublement, chambres ne sont pas chauffées en hiver, mais il y a un poêle dans le corridor, et les religieuse» laissent ia porte de leurs cellules ouverte, pour que la chaleur y pénètio. Dans l'étage du milieu il y a des chambres où elles pas- sent la journée ensemble, la salle de couture suriout, qui Un >v CANADIA 100 août 1749 est spacieuse, bien peinturée, bien ornée, et garnie d'un poêle en fonte. Elles s'y livrent à des travaux d'aiguille, de broderie, de dorure, à la fabrication de fleurs artificielles en soie qui imitent très bien les fleurs naturelles. En un mot, elles sont toutes employées à des ouvrages délicats, convenables au rang qu'occupent ces dames dans la vie. Elles tiennent leurs assemblées dans une grande salle ; une autre est réservée pour celles qui sont indis- posées, mais si la maladie a un caractère dangereux, on soigne la patiente dans une chambre séparée. Le novi- ciat forme aussi un appartement à part, ainsi que le réfectoire ou salle à manger, qui est garni de tables ran* gées le long des murs, et au centre, il y a une petite tri* bune sur laquelle je vois un livre français contenant la vie des saints du Nouveau Testament. Pendant le dîner toutes gardent le silence, à l'exception d'une des plus âgées, qui lit à haute voix du haut de la tribune. Le repas est suivi d'une lecture spirituelle. Chaque tablée tourne le dos au mur. Dans presque toutes les chambres, on voit sur un guéridon doré, un crucifix, des images de saints et des cierges ; c'est là qu'elles disent leurs prières. Adossée à cet édifice est l'église, et tout près il y a une galerie spacieuse où se tiennent les religieuses pendant le service, et qui est séparée de l'église par un treillis qui leur permet tout juste de suivre l'office du regard, sans être vues elles-mêmes. Le prêtre reste dans l'église, et les nonnes lui présentent ses habits sa- cerdotaux à travers un guichet, l'entrée de la sacristie leur étant interdite5 ainsi que celle de l'appartement où se tient le prêtre. Il y a encore nombre de salles et de chambres dont je ne me rappelle plus la destination. L'étage inférieur contient la cuisine, la boulangerie, les dépenses, etc. Dans les greniers on conserve les grains et fait sécher le linge. L'étage du milieu est entouré QUÉBEC. 101 d'une galerie où les religieuses ont la liberté d'aller prendre l'air. Du couvent on a une fort belle vue de tous côtés sur la rivière, les champs et les prairies en dehors de la ville. La maison possède un grand jardin, contenant toutes sortes d'arbres fruitiers>et entouré d'un mur élevé ; les religieuses ont la permission de s'y promener. Le couvent renferme environ cinquante nonnes; presque toutes d'un âge avancé, la plus jeune n'ayant guère moins de quarante ans. En ce moment il y a parmi elles deux postulantes qui reçoivent ren- seignement propre à la vie du cloître. Avant d'être admise à faire profession, la religieuse passe par un noviciat de deux ou trois ans, dans le cours duquel sa vocation s'éprouve. Car pendant ce temps la novice peut laisser le couvent à volonté, si la règle monastique ne lui convient pas. Mais dès qu'elle a été reçue reli- gieuse, et qu'elle a prononcé des vœux, elle doit y passer sa vie entière. Si une nonne montre des dispositions à vouloir changer son mode d'existence, on l'enferme dans une chambre d'où elle ne peut plus sortir. Les religieuses de ce couvent ne vont jamais plus loin qu'à l'hôpital, qui est tout près, et même en fait partie. Elles y pren- nent le soin des malades. Je me suis laissé dire par plusieurs personnes — voire par des dames — qu'aucune jeune fille ne se décide à entrer au couvent qu'après avoir atteint un âge qui ne lui laisse que peu d'espoir de ja- mais trouver un mari. Les religieuses des trois couvents de Québec paraissent très vieilles, ce qui me fait croire qu'il y a quelque vérité dans cette assertion, Tout le monde convient ici qu'il y a moins d'hommes que de femmes en Canada, pareeque beaucoup d'homim^ meurent en voyage, qu'un irrand nombre vont aux rns Occidentales pour s'y établir, e< que d'autres succombent 102 août 1749, dans les combats, etc. Delà, la nécessité pour quelques femmes d'entrer dans les couvents. L'hôpital, je l'ai déjà dit, fait partie du couvent. Il renferme deux grandes salles et quelques chambres près de l'apothicairerie. Les salles contiennent deux rangées de lits de chaque côté. Les lits près du mur sont entourés de rideaux : les autres n'en ont pas. Tous sont garnis de bonnes couvertures et de draps doubles bien propres. Dès que le malade est debout, on refait son lit, de manière à garder l'hôpital dans un état de propreté et en bon ordre. Les couchettes sont à deux ou trois verges de distance les unes des autres, et entre chacune d'elles il y a une petite table. Les dortoirs sont chauffés avec d'excellents poêles en fonte, et de nom- breuses croisées y laissent pénétrer la lumière. Les religieuses prennent soin des malades, leur apportent leurs repas, et voient à leurs besoins. En outre, l'hôpi* tal a ses infirmiers et son chirurgien. Le médecin du roi est tenu de faire la visite une ou deux fois par jour ; il va d'un lit à l'autre et donne ses prescriptions. On reçoit généralement les soldats malades dans cet hôpi- tal ; ils sont très nombreux en juillet et août, époque de l'arrivée des vaisseaux du roi, et en temps de guerre. Mais en d'autres temps, quand il n'y a pas beaucoup de militaires malades, leurs places sont données à d'autres patients, au fur et à mesure que les lits se vident. La maison est abondamment pourvue de tout ce qui est requis pour le soin des malades : provisions, médeci- nes, combustible, etc. On met dans une chambre sépa- rée ceux dont l'état demande plus de soin, afin d'empê- cher qu'ils ne soient incommodés par le bruit. La politesse des habitants, ici, est bien plus raffinée que celle des Hollandais et des Anglais des colonies ap- partenant à la Grrande Bretagne ; mais en revanche, ces QUÉBEC. 103 derniers ne donnent pas autant de temps à leur toilette que les Français. Les dames, surtout, ornent et poudrent leurs cheveux chaque jour, et se papillottent chaque nuit. Cette coutume frivole n'est pas introduite dans les colonies anglaises. Les gentilshommes portent gé- néralement leurs propres cheveux, mais il y en a qui font usage de perruques. Les gens de condition mettent du linge garni de dentelles ; tous les officiers de la cou- ronne ont l'épée. Les gentilshommes, même ceux d'un rang élevé, le gouverneur-général excepté, lors- qu'ils vont en ville par un jour qui menace d'être plu- vieux, portent leurs manteaux sur le bras gauche. Les amis de l'un et l'autre sexe, qui ne se sont pas vus depuis quelque temps, se saluent en s'embrassant mu- tuellement lorsqu'ils viennent à se rencontrer. Je ne ferai pas une nouvelle mention des plantes que j'ai collectionnées en Canada, et que j'ai déjà en partie décrites, afin de ne pas fatiguer la patience des lecteurs par une ennuyeuse énumération. Si je remplissais mon journal de mes observations botaniques de tous les jours, et de mes descriptions d'animaux, d'oiseaux, d'insectes de minéraux et d'autres curiosités semblables, il devien- drait de six à dix lois plus volumineux qu'il ne l'est. (1) Par conséquent, je réserve toutes ces notes, qui sont principalement des descriptions arides de curiosités na- turelles, pour une Flora Çanadensis, ou un autre ouvrage de ce genre. Je dirai la même chose de mes observa- tions sur la médecine. J'ai recueilli fidèlement toutes les informations que j'ai pu me procurer dans mon voyage sur l'usage médical des plantes d'Amérique et des simples, (I) Quel libraire en Suède pourrai! entreprendre d'imprimer un pareil ourrafe frais sans s'exposer à une perte considérable 1 N >ur) 104 août 1749, dont quelques-uns passent en plus d'un endroit pour des remèdes souverains. Mais la médecine n'étant pas mon fort (bien que depuis ma jeunesse je l'aie toujours beau- coup aimée) j'ai probablement omis des circonstances remarquables dans mes descriptions de remèdes et de simples, et je sais qu'on ne peut jamais être trop précis sur de semblables sujets. Les médecins, par conséquent, ne tireront que peu ou point de profit de mes remarques, à cause des nombreuses lacunes qu'ils y trouveront. C'est mon excuse pour avoir omis autant que possible, de faire mention des choses qui intéressent la médecine, et qui sont au-dessus de mes connaissances. Quant aux plantes du Canada, je puis ajouter ici, que plus vous allez au Nord, plus vous trouvez qu'elles ressemblent à celles de la Suède ; au septentrion de Québec, cet+e similitude se remarque dans la proportion d'un quart au moins. Cependant certaines plantes ou arbres qui ont des qua- lités particulières ou sont employés à des usages spéciaux feront l'objet d'une courte mention, dans la suite de cet ouvrage. La mousse de renne ou lichen, [Lichen rangiferinus) croît en abondance dans les bois autour de Québec. M . G-aulthier, et plusieurs autres messieurs, m'on t assuré que les Français, dans les longues courses que leur com- merce de fourrures avec les Indiens les oblige d'en- treprendre au milieu des forêts, font quelquefois bouil- lir cette mousse et en boivent la décoction au défaut de meilleure nourriture, quand leurs provisions sont épui- sées ; il paraîlque ce breuvage est très nutritif. Des Français qui sont allés dans le pays du Labrador, où il y a beaucoup de rennes (appelés Caribous ici) (1) rapportent (1) Cervus Tdrandiis (Ruminants). (M.) QUÉBEC. 105 que toute la terre y est, en beaucoup d'endroits, couverte de cette mousse, si bien que le sol parait aussi blanc que neige. 10 AOUT. Aujourd'hui, j'ai dîné chez les jésuites. Je leur avais fait une visite il y a quelques jours, et dès le lendemain leur supérieur et un autre père jésuite vin- rent m'inviter à dîner avec eux pour aujourd'hui. J'ai assisté au service divin dans leur église, qui fait partie de leur maison. Elle est très belle à l'intérieur, mais dépourvue de sièges, et il faut suivre l'office à ge- noux. Au dessus de l'église il y a un petit clocher à cadran. La maison qu'habitent les jésuites est magnifi- que, et a une apparence superbe tant du dehors qu'à l'intérieur— on dirait un vrai palais. C'est un édifice en pierre à trois étages, — outre le grenier — à toit carré très élevé et couvert en ardoise ; il ressemble au nouveau palais de Stockholm, et renferme entre ses murs une cour spacieuse. Ses dimensions sont telles que trois cents familles pourraient y loger à l'aise, et cependant, dans le moment, il n'abrite pas plus de vingt jésuites. Mais quelquefois leur maison en contient un bien plus grand nombre, surtout au retour de ceux qui ont été en- voyés comme missionnaires dans le pays. A chaque étage il y a un long corridor, sur lequel donnent des cham- sallea ou d'autres pièces pour les pères ; ainsi que la bibliothèque, l'apothicairerie, etc. Tout y est bien ordonné, et les jésuites sont des mieux ici. Le collège forme un»' maison à part; de grand 8 vergers et des jardina potagers coupés de belles allées l'entourent de tous Outre les arbres de culture, il y a la de nombreui vétérans que la hache du bûcheron 106 août 1740. a respectés, seuls restes des forêts primitives qui ont vu les commencements de la ville. On y a planté aussi beaucoup d'arbres fruitiers, et le jardin est rempli de toutes sortes d'herbes et de végétaux, pour l'usage de la cuisine. Les jésuites dînent ensemble dans une grande salle. Des tables'y sont placées tout le long des murs, et entre ces tables et les murs, il y a des sièges, mais non de l'autre coté. Adossée à l'un des murs, il y a une tribu- ne d'où l'un des pères fait la lecture dans quelque ouvra- ge religieux, mais ce jour-là, la lecture fut omise ; tout le temps du repas fut employé à la conversation, et à faire honneur au dîner, un dîner vraiment somptueux, et com* prenant une variété de mets comme dans les plus grands festins. Dans cet édifice spacieux, vous ne rencontrez pas une seule femme ; il ne contient que les pères et les frè- res. Ces derniers, tous des jeunes hommes élevés pour faire des jésuites, apprêtent eux-mêmes les mets et les apportent sur la table, car de domestiques proprement dits il n'y en a point. Outre l'Êvêque, il y a trois sortes d'ec- clésiastiques en Canada ; les jésuites, les prêtres (curés) et les récollets. Les jésuites, sont sans contredit, les plus con- sidérés. C'est un dicton général, ici, passé en proverbe que, " pour faire un récollet, il faut une hachette, et un ciseau pour faire un prêtre, mais pour un jésuite, il faut un pinceau" (1). Les jésuites sont ordinairement très instruits, et adonnés à l'étude en même temps que très polis et agréables en compagnie. Il y a quelque chose qui plait dans tout leur maintien, et il n'est pas surprenant qu'ils captivent l'esprit du peuple. Ils parlent rarement de questions religieuses, ou bien quand il leur arrive d'en parler, ils ont le soin d'éviter les disputes. (I) En français dans le texte. QUÉBEC. 107 Ils sont toujours prêts à rendre service, et quand ils voient que leur assistance est requise, ils préviennent toute demande d'aide en se mettant tout de suite à l'œuvre, pour faire ce que l'on attend d'eux. Leur con. versation est très intéressante et instructive, et l'on ne peut s'ennuyer dans leur société. J'ai causé avec beau- coup de jésuites en Canada; je n'en ai pas trouvé un qui ne possédât ces qualités, à un degré éminent. Ils ont de grands biens dans ce pays qu'ils tiennent du roi de France. A Montréal, ils ont pareillement une belle église, une maison petite mais élégante, et un jardin à l'avenant. Ils ne se soucient pas de devenir prédicateurs de congrégations (curés) à la ville ou à la campagne ; ils laissent aux prêtres les cures, ainsi que les émoluments qui y sont attachés. Ils se consacrent entièrement à la conversion des païens, et leurs missionnaires sont dis- persés dans toutes les parties du pays, à la poursuite de celte œuvre. Dans chaque bourgade ou village habités par les Indiens convertis, il y a un ou deux jésuites fixés au millieu d'eux pour leur apprendre à vivre en bons chrétiens, et les détourner des pratiques du paganisme. Ainsi, il y a des jésuites, chez les Indiens convertis de Tadoussac,de Lorette, de Bécancour, de St François, du Sault St Louis, par tout le Canada. Cet ordre envoie pa- reillement des missionnaires parmi les nations non encore évangélisées, de sorte qu'il y a un jésuite dans chaque bourgade d'Indiens, s'efforçani en toute occasion deles christianiser, l<*s suivant dans leurs grandes chasses d'hi- ver, on but t.' à des souffrances inimaginables, marchant dans la neige toute la journée, couchant en plein air par plus gros Froids; sortant par tous [es temps beaux ou mauvais, (car les Indiens n'ont nul souci de ta tempéra- ture) vivant dans les huttes de ces sauvages, quisou\ 108 août 1749. fourmillent de puces, et d'autres vermines, etc. Les jésuites endurent toutes ces peines en vue de la conversion de ces barbares, et aussi dans un but politique. Ils rendent souvent de grands services au roi, en invitant les Indiens à rompre leurs traités avec les Anglais, et à leur faire la guerre, ou bien à apporter leurs fourrures aux Français, et à ne pas permettre aux Anglafs de trafiquer avec eux. Mais tout cela n'est pas sans danger ; car quand les Indiens sont ivres, ils tuent quelquefois les missionnai- res qui vivent au millieu d'eux, en affectant de les regarder comme des espions, après quoi, ils disent pour s'excuser, que le meurtre est l'œuvre de l'eau-de-feu, L'évangélisation des sauvages est donc, comme je l'ai dit plus haut, l'occupation principale des jésuites. Ils ne vont pas visiter les malades dans la ville, ils n'enten- dent pas les confessions, n'assistent pas aux funérailles. Je ne les ai jamais vus faisant des processions en l'hon- neur de la Vierge Marie, et des autres saints. Ils entrent rarement dans les maisons pour y prendre un repas ; rarement ils acceptent une invitation, à moins qu'ils ne soient en voyage ; en un mot, on les considère comme des sujets chosis entre beaucoup d'autres, à cause de leurs talents supérieurs et de leurs qualités. On les regarde aussi comme gens très habiles, réussissant toujours dans leurs entreprises, et surpassant tous les autres en finesse et pénétration d'esprit. Aussi, ai-je remarqué souvent qu'ils ont des ennemis en Canada. Ils ne reçoivent dans leur société que des sujets qui promettent. On ne trouve pas d'imbéciles parmi eux. Les prêtres, de leur côté, aussi, reçoivent dans leurs rangs les meilleurs sujets qu'ils peuvent trouver, mais les moines sont moins particuliers. Les jésuites qui demeurent ici vien„ nent tous de France, et beaucoup y retournent après QUÉBEC. 109 un séjour de quelques années. Quelques uns (dont cinq ou six sont encore vivants) natifs du Canada sont allés en France, et y ont été admis au nombre des jésui- tes ; mais aucun d'eux n'est jamais revenu en Canada; pour quelle cause ? je l'ignore. Pendant mon séjour à Québec, un des prêtres s'est démis de sa cure avec la permission de l'évêque pour se faire jésuite, au grand mécontentement des autres prêtres, qui se sont demandés si le changement d'état de leur confrère était dû à ce qu'il croyait leur condition trop petite pour lui. 11 y a des paroisses dans la campagne qui paient des rede- vances aux jésuites, mais elles sont desservies par des prêtres nommés par l'évêque, et lesjésuites ne perçoivent que les cens et rentes. Les jésuites ne trafiquent ni dans les peaux ni dans les fourrures, laissant ce soin entiè- rement aux marchands. Cette après-midi j'ai visité la bâtisse appelée le Sémi- naire, où tous les prêtres vivent en commun. C'est une grande maison en pierre, divisée en corridors, avec cham- bres de chaque côté. Elle est à plusieurs étages, et tout près il y a un beau jardin rempli de toutes sortes d'ar- bres fruitiers, et d'herbes potagères, et coupé d'allées. De là, on a la plus belle vue de tout Québec. Les prêtres du Séminaire ne le cèdent guère aux jésuites sous le rapport de la politesse, et j'ai passé un temps des plus agréables en leur compagnie. Les prêtres (curés) forment la seconde et la plus nom* breuse classe du clergé dans le pays et desservent la plus grande partie des églises, tant dans la ville que dans les rilh ption des bourgades d'Indiens convertis ; cependant, quelques-unes [de ces paroisses ont des mis- sionnaires pour (Mirés. Il y a deux Séminaires on Ca- nada, un à Québec <'t L'autre a Kontréah Les prêtres 110 Août 1749. du Séminaire de Montréal sont de l'ordre de St. Sulpice et desservent seulement l'île de Montréal, et la ville du même nom. Dans toutes les autres églises du Canada, ce sont des prêtres appartenant au Séminaire de Québec qui officient. Les premiers, ou ceux de l'ordre de St Sulpice, viennent tous de France : on m'assure qu'ils n'admettent aucun natif du Canada parmi eux. Au Séminaire de Québec, ce sont les natifs du Canada qui for- ment la majorité. Il y a des écoles à Québec et à St Joachim, pour préparer aux ordres les enfants du pays. Ils y apprennent le latin et les sciences qui ont le plus de rapport avec l'état auquel on les destine. Cepen- dant, on n'est pas toujours heureux dans le choix des sujets et des gens de capacités médiocres sont souvent ordonnés. Les curés ne paraissent pas très forts sur le latin, car quoique le service se fasse dans cette langue, et qu'ils lisent leurs bréviaires et d'autres livres chaque jour, ce- pendant la plupart ne parlent le latin que très difficile- ment. Tous les piètres du Séminaire de Québec Sont consacrés par l'évêque. Les deux Séminaires ont de grands revenus, qu'ils tiennent de la libéralité du roi . celui de Québec a au-dessus de trente mille livres par an. Toute la contrée sur le côté ouest de la rivière St Lau- rent, depuis la ville de Québec jusqu'à la baie' St Paul, appartient à cette communauté, et elle a d'autres do- maines, Elle concède les terres aux colons moyen- nant une certaine rente, et le paiement annuel de cette rente* suivant les conventions, assure aux enfants ou aux héritiers des colons la possession tranquille du sol. Pour une pièce de terre de trois arpents de large sur trente, quarante ou cinquante arpents de profondeur, on donne annuellement un écu, plus un couple de poulets; QUÉBEC. 111 redevances vraiment insignifiantes. Partout où il y a des pouvoirs d'eau, le Séminaire a bâti des moulins à scie dont il retire un revenu considérable. Celui de Montréal possède tout le terrain occupé par la ville, et toute l'île de Montréal. On m'assure que la rente fon- cière de la ville et de l'île rapporte soixante-dix mille livres, à part de ce que les prêtres reçoivent pour dire des messes, baptiser, entendre des confessions (1), célé- brer des mariages et des services funéraires, etc. Tout le revenu provenant des rentes foncières appartient aux Séminaires seuls, et les prêtres de la campagne n'y ont aucune part. Mais comme celui de Montréal, qui ne compte que seize prêtres, a plus de revenus qu'il ne peut en dépenser, il envoie chaque année à la maison- mère, en France, une grosse somme d'argent. Les rentes foncières appartenant au Séminaire de Québec sont employées pour l'usage de ses membres, et l'en- tretien d'un certain nombre de jeunes gens, qui sont élevés pour la prêtrise. Les curés des paroisses de la campagne perçoivent la dîme, ainsi que certains hono- raires casuels pour la visite des malades (2), etc. Si la paroisse est trop petite, le roi donne au desservant une somme additionnelle. Lorsqu'un prêtre de la cam- pagne devient infirme, après une carrière bien remplie, on le recueille au Séminaire. Ces communautés ont la nomination des curés sur leurs terr?s, mais elle ap- partient à l'évéque dans les autres paroisses. Les récollets forment la troisième classe d'ecclésias- tiques en Canada, Ils ont une grande et belle maison (I) M. Kiilm a dû tenir ce renseignement <1<- quelqtt'egprit fort b peu tu fait •! ' coutumes du tribunal de ta pénitence, le ieul où la justice l'administre | otir rient (M ) i,i visii" ilea malades n'a jamais enflé aucun casuel, Croyons- noutt M 112 août 1749. et une très jolie église qu'ils desservent, et tout auprès, un jardin spacieux qu'ils cultivent avec soin. A Montréal et à Trois-Rivières ils sont aussi bien établis qu'ici. Ils ne se mettent pas en peine de choisir des sujets brillants pour leur communauté ; au contraire, ils prennent tous ceux qu'ils peuvent avoir. Ils ne se martèlent pas le cerveau pour acquérir la science, et l'on m'assure qu'à peine ont-ils endossé l'habit monastique, non-seule- ment ils cessent d'étudier, mais ils oublient le peu qu'ils savaient avant. Ils couchent sur une natte ou un matelas dur. J'ai vu cependant de bons lits dans les cellules de quelques-uns d'entre eux. Ces moines n'ont pas de biens, ici, ayant fait vœu de pauvreté ; ils vivent principalement d'aumônes, Les jeunes moines ou frères vont, munis de besaces, quêter de maison en maison. Ils n'ont pas de congrégations (cures) dans le pays, mais quelquefois ils vont évangéliser les sauvages. En outre, dans chaque fort qui contient quarante hommes, le roi tient un de ces moines comme aumônier ; il lui fournit le logement, la nourriture, le service, en un mot, il pour- voit à tous ses besoins, et lui donne en outre deux cents livres par an, dont moitié va à la communauté, l'aumô- nier gardant l'autre moitié pour lui. A bord des vais- seaux du roi, il n'y a pas d'autres prêtres que ces moines qui, en conséquence, sont regardés par le peuple comme gens du roi. Quand un curé de la campagne vient à mourir, et qu'un successeur ne peut lui être nommé immédiatement, on y envoie un de ces religieux pour desservir la paroisse pendant que la place reste vacante» Les récollets viennent en partie de France ; les autres sont natifs du Canada. Il n'y a pas d'autres moines en Canada ; cependant, de temps en temps, il arrive ici, sur les vaisseaux du roi, un religieux de l'ordre de St. Au- gustin, ou de quelqu'autre ordre, mais il n'y fait qu'un QUÉBEC. 113 court séjour, et s'en retourne le plus souvent sur le même vaisseau. 11 AOUT. Ce matin, j'ai fait une promenade hors les murs avec M. Gaulthier, le médecin du roi, pour collectionner des plantes et visiter un couvent de femmes à quelque dis- tance de Québec. Ce monastère, magnifique édifice en pierre, occupe un site charmant, entouré qu'il est de champs, de prairies et de bois au travers desquels on voit Québec et la rivière St Laurent ; un hôpital pour les vieillards indigents, les infirmes, etc., fait partie du monastère ; il est divisé en deux salles : l'une pour les hommes, l'autre pour les femmes. Les religieuses subviennent aux besoins des malades des deux sexes, avec cette différence, néanmoins, qu'elles ne font que prépa- rer la nourriture des hommes, apporter leurs mets enlever la nappe après le repas et leur donner des remèdes, laissant le reste du service aux domestiques ; mais dans l'appartement des femmes, elles font tout le service elles-mêmes. Le règlement de l'hôpital est le même que celui de l'hôpital de Québec. Par une faveur toute spéciale, l'évêque, à la prière du Marquis de la Galissonnière, gouverneur-général du Canada, m'a ac- cordé la permission de visiter ce couvent ; aucun homme n'y peut entrer sans une permission de l'ordinaire, et c'est un honneur qui s'accorde rarement. L'abbesse, suivie d'un grand nombre de religieuses, nous a con- duits dans tous les appartements. La plupart de ces nonnes appartiennent à des familles nobles, et l'une d'elles est la fille d'un gouverneur. Il y en a beaucoup qui paraissent àgéea, mais il y en a aussi quelques unefl jeunes et fort jolies. Il m'a semblé qu'elles étaient 8 114 août 1749. plus polies que les religieuses de l'autre couvent. Quant à la division des chambres, elle est la même que dans cette dernière maison, à l'exception de quelques meubles en plus dans les cellules ; les lits sont entourés de rideaux bleus ; il y a une couple de petits bureaux avec une table au milieu, et des tableaux suspendus aux murs. Les cellules n'ont pas de poêles. Mais les salles et les chambres dans lesquelles les nonnes se réunissent, ou qui sont occupées par les malades, sont chauffées par un poêle en fonte. Le nombre des religieuses est indé- terminé ici, et si j'en juge par mes yeux, il est très con- sidérable. Il y a aussi quelques novices qui se pré- parent à faire leur profession. De petites filles sont envoyées ici par leurs parents pour être élevées par les sœurs dans les principes de la religion chrétienne, et apprendre à faire toutes sortes d'ouvrages de dames. Le couvent, à distance, paraît comme un palais ; il a été fondé par un évêque dont les restes, dit-on, reposent dans l'église* Nous avons botanisé dans les champs voisins jusqu'à l'heure du dîner, et de retour au couvent nous nous sommes mis à table avec le chapelain, un vénérable père récollet très âgé. Les mets, tous apprêtés par les religieuses elles-mêmes, étaient aussi nombreux et variés que sur la table des grands. Il y avait, en outre, plusieurs sortes de vins et beaucoup de conserves, Il parait que les revenus du monastère sont considérables. L'édifice est surmonté d'un clocheton contenant une cloche. Quand on considère les grandes étendues de terrain que le roi a données aux couvents, aux jésuites, aux prêtres et à plusieurs familles nobles, il semblerait n'avoir presque rien gardé pour lui-même. Notre framboisier commun est extrêmement abon- dant ici ; il couvre les coteaux et court sur les lisières QUÉBEC. 115 des champs, et les bords des rivières, en longues haies qui, en cette saison, paraissent toutes rouges, tant les branches de l'arbuste sont chargées de baies en pleine maturité. On les donne comme dessert après dîner, au naturel ou en confitures. Le sorbier, ou frêne sauvage (1), est très commun dans les bois environnants. On regarde ici le nord-est comme le vent le plus perçant. Des personnes dignes de foi m'ont assuré que l'aquilon, quand il est très violent en hiver, passe à tra- vers les murs d'épaisseur moyenne, si bien que toute la muraille en dedans de la maison est couverte de neige ou d'une gelée blanche, et qu'une chandelle placée près d'un mur plus mince est presque soufflée par l'air qui le transperce. Le nord-est endommage jusqu'aux maisons en pierre, surtout à leur pignon septentrional qu'il faut réparer souvent. Les vents du nord et du nord-est sont pareillement redoutés ici comme les plus glacés. En été, le premier amène généralement la pluie. La différence de climat entre Québec et Montréal est très grande. Le vent et la température à Montréal sont souvent tout l'opposé de ce qu'ils sont à Québec. L'hiver n'y est pas aussi rigoureux. Plusieurs espèces de poires (2) délicieuses qui viennent bien à Montréal, ne réussissent pas ici, et la gelée les détruit fréquemment. Québec a généralement plus de temps pluvieux que Montréal ; le printemps y commence moins vite et l'hiver plus tôt, et toutes les espèces de fruits y mûrissent une semaine ou deux plus tard qu'à Montréal. (1) Snrhus au s lux (Hosa P m (M. ($) Pifttm, fruit du Poirier Pi ut B v ■ Pora icé< (M.) 116 août 1749. 12 AOUT. Cette après-midi, je suis sorti de la ville avec mon ser- viteur, pour aller passer une couple de jours à la cam- pagne, afin d'avoir plus de loisir pour examiner les plantes qui croissent dans les bois, et le pays en général. Dans le but de me faciliter cette excursion, le gouver- neur-général avait envoyé chercher un Indien de Lo- rette pour nous servir de guide, et m'indiquer en même temps l'usage que les aborigènes font des plantes natu- relles. Cet Indien était un anglais de naissance qui fut pris par les sauvages il y a trente ans, alors qu'il n'était encore qu'un petit garçon, et adopté par eux, suivant leur coutume, pour tenir la place d'un des leurs tué par l'ennemi. Depuis ce temps il est toujours resté avec eux ; devenu Catholique Romain, il s'est marie avec une femme Indienne, s'habille comme un Indien, parle an* glais et français et plusieurs des idiomes sauvages. Dans les guerres entre les Français et les Anglais, les tribus amies des Français ont fait beaucoup de prison* niers des deux sexes dans les colonies anglaises, les ont adoptés et mariés avec des gens de leur nation. Il s'en suit que le sang indien en Canada est très mélangé de sang européen, et une grande partie des sauvages main- tenant vivants peuvent se dire d'origine anglaise* Chose remarquable, la plupart des individus qu'ils ont ainsi pris pendant la guerre, et incorporés à leurs nations, les jeunes gens surtout, ont refusé de retourner dans leur pays natal, alors même qu'il était en leur pouvoir de le faire, résistant aux sollicitations de leurs plus proches parents, venus exprès pour les chercher, et préférant la vie licencieuse des sauvages aux douceurs du foyer pater* nel. Ces Indiens d'adoption s'habillent comme les sauvages, et font tout à la mode indienne. Ce n'est pas ENTEE QUÉBEC ET LORETTE, 117 chose aisée que de les distinguer des vrais Indiens, si ce n'est par leur couleur, qui est un peu plus blanche. Il y a aussi un grand nombre de Français qui sont allés habiter avec les Indiens et ont adopte leur manière de vivre. Au contraire, c'est à peine si l'on connaît un Indien qui ait adopté les coutumes européennes ; ceux qui ont été faits prisonniers pendant la guerre ont tou- jours cherché à retourner au milieu des leurs, même après avoir joui, pendant plusieurs années de captivité, de tous tes privilèges des Européens en Amérique. Les terres que nous parcourons sont partout divisées en champs et en prairies ou pâturages. Nous ne voyons que fermes et maisons de fermiers. Près de la ville, le sol est plat et coupé, ci et là, par des ruisseaux limpides. Les chemins sont excellents, larges et bordés de fossés de chaque côté, dans les terrains bas. Mais à mesure qu'on s'éloigne de la ville, le sol devient plus élevé ; on dirait des terrasses échelonnées les unes au-dessus des autres. Le sol de ces plateaux est uni et très fertile, et on n'y voit pas de pierres, Sous ce riche terreau il y a un fond de roche feuilletée, si commune ici, et qui^e divise er petits fragments sous l'action de l'air. Ces couches sont tantôt horizontales, tantôt perpendiculaires, comme dar s plusieurs autres localités autour de Québec. Toi les collines sont cultivées; sur le sommet de plusieurs on distingue des villages pittoresquement groupés au- tour de belles églises. Les prairies sont généralement dans les vallées, quoiqu'il y en ait sur les coteaux. atôl après, nous jouissons de la plus belle pers- pective possible, du haut d'une de ces éminences. A l'est nous avons une vue splendidc de Que ainsi que de la rivière SI Laurent. Tins loin, levant, une longue chaîne de hautes montagnes court sur me ligne parallèle au fleure, quoiqu'elle en soit 118 AOUT 1749. éloignée de plusieurs milles. A l'occident, à quelque dis- tance du plateau que nous occupons, les collines se changent en une autre longue chaine de très hautes montagnes rapprochées les unes des autres, et courant aussi parallèlement à la rivière, c'est-à-dire du sud au nord. Ces masses imposantes sont formées d'une pierre grise, composée de plusieurs espèces de pierres (1) dont je ferai une mention spéciale dans la suite. Il semble- rait que l'ardoise de ces montagnes est de date aussi ancienne que la pierre grise, puisque d'immenses blocs de cette pierre s'y trouvent au sommet, tandis que c'est l'ardoise qui en forme la base. Les hautes prairies en Canada sont excellentes, et de beaucoup préférables à celles des environs de Philadel- phie et des autres colonies anglaises. Plus j'avance au nord, plus elles sont belles, et plus le gazon en est riche et fourni. L'herbe ici est de deux sortes, savoir: une espèce d'herbe à feuilles étroites (2), et dont les épis (3) contiennent trois ou quatre fleurs si petites que la plante pourrait facilement être prise pour l'agrostis, et dont la graine est à base pubescente. L'autre plante, qui croît dans les prairies, est le trèfle blanc (4). Ces deux sortes d'herbes forment le foin des prairies, et ce foin est très fourni et serré. Le paturin des prés (Poa) a une tige assez élevée, mais ses épis sont très minces. Au pied de cette herbe, le sol est couvert de trèfle, de sorte que l'on ne peut trouver de meilleures praiiies que celles-là. Toutes ces prairies ont été aupa- ravant des champs de blé ; on y voit encore la trace de (1) Conglomérats. (M.) (2) Poa angusti/olia, Linn. (3) Spiculse tri vel quadri-florse minimse ; semina basi pubescentia, (4) Trifolium repens} Linn.; Trifolium pratense album, G. B. ENTRE QUÉBEC ET LORETTE. 110 la charrue. On ne les fauche qu'une fois l'été, parce que le printemps commence tard. Les cultivateurs sont maintenant occupés à faire leurs foins et à les rentrer, et il y a environ une se- maine qu'ils ont commence ces travaux. Il y a de grands tas de fourrage près de la plupart de leurs prairies. Lorsque le foin est humide, on le met en monceaux de forme conique. Comme les bestiaux sont parqués dans les pâturages de l'autre côté des bois, et confiés à la garde de va- chers en cas de nécessité, beaucoup de colons se dis- pensent de clôturer leurs terres. Les champs sont très grands. Je n'ai pas vu de fossés nulle part : ce n'est pourtant pas manque de be- soin, ainsi qu'il m'a semblé en certains endroits. Ces champs sont divisés en planches larges de deux ou trois verges entre les raies. La hauteur perpendicu- laire d'une planche de son milieu au fond du sillon, est de près d'un pied. Tout le blé est du blé d'été ; le froid durant l'hiver détruisant le grain qui a été dé- posé dans la terre, on n'en sème pas l'automne. Le blé blanc est très commun dans les champs ; il y a aussi de grandes pièces de pois, d'avoine, de seigle d'été en quelques endroits, et d'orge ça et là. Près de chaque ferme on voit un carre planté de choux, de citrouilles et de melons. Les champs ne sont pas toujours ensemencés ; on les laisse en friche tous les deux ans. On ne laboure pas les terres en friche durant l'été, de sorte que les herbes sauvages y croissent en pleine liberté, et tes tiaux les broutent pendant toute la saison (1). (I) Suit dans l'original uno description des clôture! en uRagr c, qui ne peu! être intéressante que pour les Suédois, et non pour une nation comme I \ I dans l'art (Je cultiver la terre, (P.) 120 août 1749, Les habitations dans la campagne sont bâties indistinc- tement en pierre ou en bois. Il n'entre pas de brique dans la construction des maisons en pierre, on n'en fait pas encore assez pour cela, ici. On emploie les matériaux que l'on trouve dans le voisinage, l'ardoise noire sur- tout. Cette ardoise qui parait compacte lorsqu'on la casse, se fendille lorsqu'elle est exposée à l'air ; cependant cela ne tire pas à conséquence, vu que les pierres tiennent ferme au mur, et ne s'en détachent pas. A défaut de cette espèce de schiste, on construit les maisons avec des moellons ou de la pierre à sablon, et quelque- fois avec une pierre grisâtre. Les murs ont deux pieds d'épaisseur, rarement moins. On peut se procurer la pierre à chaux partout dans le voisinage. Presque toutes les maisons à la campagne sont en bois ; quelques unes sont enduites à l'extérieur. Les joints sont rem- plis avec de la glaise au lieu de mousse. Les maisons ont rarement plus d'un étage de haut. Chaque chambre a, ou sa cheminée, ou un poêle, ou les deux ensemble. Les poêles ont la forme d'un carré oblong ; quelques uns sont entièrement en 1er, et des dimensions qui suivent : longueur deux pieds et demi, hauteur un pied et demi, largeur un pied et demi. Ces poêles en fer viennent tous de la fonderie des Trois-Rivières. D'autres sont en brique ou en pierre, de la grandeur à peu près des poêles en fonte, et recouverts au sommet d'une plaque de fer. La fumée est conduite dans la cheminée par un tuyau en fer. En été les poêles sont enlevés. Arrivés à Lcrette dans la soirée, nous allâmes passer la nuit chez les Jésuites. 13 AOUT. Sur le matin, nous continuons notre excursion à travers la forêt en gagnant les hautes montagnes, à la recherche X»OBETTE. 121 de plantes rares et de curiosités. Le terrain est plat et couvert d'un bois épais, excepté dans les endroits marécageux. Près de la moitié des plantes que nous rencontrons croissent dans les bois et les* marais de Suède, Voici deux sortes de cerisiers sauvages qui sont pro- bablement de simples variétés de la même espèce, quoi- qu'ils diffèrent sous plusieurs rapports. Tous les deux sont communs en Canada, et produisent des baies rouges. L'un, appelé tout simplement cerisier par les Français, porte des fruits qui ont le goût de notre cerise des Alpes, et leur âcreté est telle qu'elle fait con- tracter la bouche et les joues. Les baies de l'autre es- pèce ont un goût légèrement acidulé et agréable (1). L'ellébore à trois feuilles (2) croît en grande quantité dans les bois, et en beaucoup d'endroits il couvre tout le sol. Cependant il préfère un terrain humide qui n'est pas trop trempé ; l'oseille sauvage (3), et la Circée de montagne, ou Herbe des Magiciennes (4), lui tien- nent compagnie. Ses graines ne sont, pas encore mûres, et la plupart de ses tiges n'en portent pas du tout. Cette plante est appelée la tissavoyanne jaune par tout le Canada. Les Indiens se servent de ses feuilles et de sa tige pour donner une belle couleur orange à certains ouvrages en peaux dans lesquels ils excellent. Les (l) J'ai décrit comme suit dans mon journal l'arbre appelé cerisier par les Français ; Cerasu* .ituris prqfund/iifBrtiubu* fructu raeemoiOy »'t l'autre, Cerasui foliis lanceolalis crçnato-umtis, acutiiffruetuj irio. (1) îfelleboruë trifoliui, (Renonculacées). M (3) aeeto tellu^ Linn. c'est le Rumei PctilesOseille (Polygo- Bf.) M.) (4) Cirema Alpina, Lion. I Alpes, On l'appel le aussi Berne de St. Btienne, [Ona gradées), M 122 AOUT 1749. Français, qui ont appris cela d'eux, teignent la laine et d'autres tissus avec cette plante. Nous atteignîmes avec beaucoup de difficulté le sommet d'une des plus hautes montagnes, mais, à mon grand désappointement, je n'y ai rien trouvé que je n'eusse déjà vu en Canada. Nous n'eûmes pas même le plaisir de la perspective, les bois qui couronnent le sommet de cette éminence obstruant la vue. En fait d'arbres, j'ai noté le charme, ou Carpinus Ostrya, Linn., l'orme d'Amérique, l'érable rouge, l'érable à sucre, cette espèce d'érable qui guérit les brûlures (que je n'ai pas encore décrite), le hêtre, le bouleau commun, le meri- sier (1), le sorbier (ou cormier), le pin du Canada, appe- lé pruche, le viorne aux feuilles dentelées (2), le frêne, le cerisier que je viens de décrire, et l'if baccifère. (3) Les moucherons sont plus nombreux que nous ne l'au- rions désiré. Leur piqûre irrite la peau, et les Jésuites de Lorette disent que le meilleur préservatif contre leurs attaques est de se frotter le visage et les parties nues du corps avec de la graisse. On prétend aussi que l'eau fraîche est le meilleur remède contre leur piqûre, pourvu que l'on ait le soin de laver les plaies tout de suite. Il était nuit quand nous retournâmes à Lorette, après un examen minutieux des plantes que nous avions ren- contrées. 14 AOUT. Lorette est un village situé à trois milles français (lieues) à l'ouest de Québec, habité principalement par des Indiens de la nation Huronne, convertis à la reli- gion catholique. Le village occupe le bord d'une petite (1) Betula nigra, L,[rm. (2) Viburnum Dentatum (Caprifoliacées). (M.) (3) Taxus baccata (Conifères). (M.) LORETTE. 123 rivière qui, en cet endroit, tombe avec grand bruit du haut d'un rocher, et fait tourner un moulin à scie et un moulin à farine. Lorsque le jésuite qui les dessert y vint pour la première fois, ils vivaient dans des ca- banes (wigwams) faites sur le modèle de celles des Lapons. Depuis, ils se sont bâti des habitations à la mode française. Chaque maison est divisée en deux parties, dont l'une est la chambre à coucher et l'autre la cuisine, qui contient un petit four en pierre, recouvert à son sommet d'une plaque de fer. Les lits sont rangés contre le mur et dépourvus de draps et de couvrepieds ; l'Indien, lorsqu'il se couche, s'enroule dans la même couverture qu'il a portée toute la journée. Les autres meubles et ustensiles paraissent également misérables. La petite église du village est vraiment jolie avec sa flèche élevée couverte en ferblanc, qui contient une cloche. On pré- tend qu'elle a un air de ressemblance, par sa forme et ses dimensions, avec la Santa Casa de Lorette en Italie, d'où vient le nom de Lorette donné à ce village. Près de l'église il y a une maison de pierre servant de presby- tère, et occupée par les deux jésuites domiciliés ici. Le service divin est aussi régulièrement suivi que dans aucune autre église catholique, et j'ai été charmé de voir le zèle des Indiens, surtout des femmes, et de les entendre chanter, avec de belles voix, dans leur idiome, toutes sortes de cantiques. Leur habillement ressem- ble à celui des autres sauvages ; les hommes cepen- dant aiment à porter des gilets, ou vestes, comme les Français. Les femmes restent fidèles an costume in- dien. 11 est certain que ces barbâtes et leurs ancêtres ont depuis longtemps, et même lors de leur conversion à la religion chrétienne, fail nn voen à Dieu de ne ja mais boire de liqueurs fortes. Ce vœu, ils l'on! gardé d'une manière inviolable jusqu'à présent, et il c-i trÔS 124 AOUT 1749. rare d'en voir sous l'influence de la boisson ; pour- tant, Dieu sait si l'eau de vie et les autres liqueurs eni- vrantes ont généralement de l'attrait pour les Indiens qui, bien souvent, préféreraient mourir plutôt que de s'en priver. Ces Indiens ont choisi les Français pour modèles en beaucoup d'autres choses que la construction de leurs maisons. Ils cultivent tous le maïs, et quelques uns ont dé petits champs de blé et de seigle. Plusieurs d'en- tre eux ont des vaches. Ils sèment dans leurs pièces de maïs cette plante, si commune chez nous, que nous appelons soleil (1), et ses graines forment un des ingré- dients de leur sagamité, ou soupe au maïs. Le maïs qu'ils cultivent ici est de l'espèce naine, qui mûrit plus tôt que l'autre ; ses grains sont plus petits, mais ils don- nent plus de farine et d'une meilleure qualité en pro- portion. Il vient à maturité généralement au milieu, et quel- quefois à la fin d'août. Le blé d'hiver de Suède et le seigle d'hiver ont été essayés en Canada pour voir comment ils s'acclimate- raient ; car on ne sème ici que le blé d'été, l'expérience ayant démontré que le blé et le seigle de France semés en automne ne supportent pas l'hiver . Le Dr. Sarrazin (à ce que m'a dit le doyen des deux jésuites ici) s'est pro- curé de Suède une petite quantité de blé et de seigle de l'espèce dite d'hiver. Elle fut semée en automne, passa l'hiver sans dommage aucun et rapporta de beaux grains, à épis plus petits que le blé du Canada, il est vrai, mais près du double plus pesants, et ce grain donna une plus grande quantité de belle farine que le blé d'été. Je n'ai jamais pu savoir pourquoi l'expérience n'a pas été (t) Ileliantlius annuus, composées-sénécionidées. (M,) QUÉBEC. 125 continuée— On ne peut, me dit-on, faire ici avec la farine de blé d'été du pain blanc qui vaille celui fait en France avec la farine de blé d'hiver. Je tiens de plusieurs personnes que tout le blé d'été maintenant cultivé ici vient de Suède ou Norvège ; car les Français à leur arrivée, ont trouvé le froid en Canada trop sévère pour leur blé d'hiver et leur blé d'été ne venait pas toujours à maturité, à cause du peu de durée *de la saison. Ils commencèrent en conséquence à regarder le Canada comme un pays à peu près inhabitable. C'est alors qu'ils songèrent à l'expédient qui leur a si bien réussi de faire venir leur blé des pays du Nord de l'Europe. Je retournai de jour à Québec, faisant des observa- tions botaniques en chemin, 15 AOUT. Le nouveau gouverneur-général de tout le Canada, le Marquis de la Jonquière, est arrivé la nuit dernière, dans le port de Québec ; mais comme il était tard, il a remis son entrée officielle à aujourd'hui. Parti de France le 2 juin, il n'a pu parvenir plus tôt au lieu de sa destination, les bancs de sable rendant la navigation très difficile aux vaissaux de fort tonnage dans la rivière St Laurent. Les navires ne se risquent pas à monter sans un vent favorable à cause des coudes nombreux qu'il leur faut tourner, et cela dans un chenal souvent très étroit. Ce jour est en outre un jour de grande fête: celle de l'Ascension (l'Assomption) de la Vierge Marie, qui esl célébrée avec la plus grande pompe dans les pays Ca* tholiqiK's-Komains. Le 1"> août de cette année sera donc une date doublement remarquable, tant à cause de la iï-i.\ qu'à cause de l'arrivée du nouveau gouverneur-général 126 août 1749. qui est toujours reçu avec beauconp d'éclat, ce fonction- naire ayant, ici, le rang d'un vice-roi. Vers huit heures, les principaux habitants de la ville se sont assemblés dans la maison de M. de Yaudreuil qui vient d'être nommé gon ver neur de Trois-Eivières et dont le père a été gouverneur-général du Canada. Sa mai- son est dans la basse-ville. M. le Marquis de la Gralisson- nière, gouverneur-général jusqu'à ce jour, et qui parlira pour France à la première occasion, y vint pareillement, accompagné de tous les officiers publics. Je fus invité à assister à la cérémonie. A huit heures et demie le nouveau gouverneur-général est descendu de son vais- seau dans une chaloupe couverte d'un tapis rouge, et au même moment les canons du haut des remparts, donnè- rent le signal de mettre en branle toutes les cloches de la ville. Les personnes de distinction descendirent au rivage pour rendre hommage au gouverneur, qui, à son débarquement de la chaloupe, fut reçu par le Marquis de la G-alissonnière. Après qu'ils se furent salués l'un l'autre, le commandant de la ville présenta au nouveau gouverneur-général dans le langage le plus éloquent, une adresse à laquelle il répondit fort laconique ment et qui fût suivie d'une salve générale des canons des remparts. Toute la rue jusqu'à la cathédrale était bordée d'hommes sous les armes appartenant pour la plupart à la classe bourgeoise. Le gouverneur-général se dirigea vers la cathédrale, passant entre cette double haie. Il portait un habillement rouge tout galonné d'or. Ses gens, en livrée verte, le précédaient le fusil sur l'épaule. A son arrivée à la cathédrale il fut reçu par l'évêque du Canada revêtu de ses habits pontificaux, la tête couverte d'une large mitre dorée, une haute crosse d'argent massif à la main et entouré de son clergé. Après une Sourte adresse de l'évêque au gouverneur-général, un QUÉBEC. 127 prêtre accompagné de deux autres ecclésiastiques, l'un à sa droite et l'autre à sa gauche, qui tenaient en mains des cierges allumés, survint apportant un crucifix d'ar- gent fixé au bout d'un long bâton qu'il lui donna à baiser. Ensuite le cortège se dirigea vers le chœur en passant par la grande allée dans l'ordre suivant : l'évêque suivi de son clergé, les gens du gouverneur marchant tête couverte et le fusil sur l'épaule, puis le gouver- neur lui-même avec sa suite et la foule. A l'entrée du chœur, le gouverneur-général et le général de la Galissonnière s'arrêtèrent devant une stalle couverte d'un tapis rouge, et y restèrent pendant tout yle temps de la messe, qui fut célébrée par l'évêque lui-même. De l'église il se rendit au palais où les personnages de marque vinrent lui rendre leurs hommages. Les reli- gieux des différents ordres avec leurs supérieurs respec- tifs vinrent aussi lui témoigner leur joie de son arrivée. De toute cette foule qui s'était portée au devant du gouverneur, aucun ne resta pour le dîner à l'exception de ceux qui avaient été invités d'avance, et j'eus l'hon- neur d'être de ce nombre. Le repas dura fort longtemps et fut aussi somptueux que l'occasion le demandait. Le gouverneur-général, marquis de la Jonquière, était un homme de haute taille et paraissant alors âgé d'un peu plus de soixante ans. Il s'était battu avec les anglais sur mer dilis la dernière guerre ; — le combat fut acharné, mais les anglais étant de beaucoup supérieurs en nombre tant en vaisseaux qu'en hommes, il perdit la bataille el fut obligé de se rendre. Il fut blessé en cette occasion par une balle, qui lui traversa l'épaule de part en part. Quoique d'un caractère affable, il savait conserver i dignité avec ceux qui recherchaient sa faveur. 128 AOUT 1749. Beaucoup des messieurs présents à ce banquet, m'ont assuré que le moyen suivant était employé avec succès pour garder frais durant l'été le vin, la bière ou l'eau. On met le liquide dans des bouteilles qu'on a le soin de bien boucher ; on enveloppe les bouteilles dans des linges mouillés et on les suspend en plein air. Ce procédé réussit toujours. Pour entretenir l'humidité des linges, il faut les mouil* 1er de temps en temps dans l'eau la plus froide qu'on peut trouver. Le vin ou tout autre liquide contenu dans les bouteilles, est toujours d'une température plus basse que l'eau, avec laquelle on a humecté les linges. Ce moyen de rafraîchir les boissons réussit pareillement, même si les bouteilles sont exposées au soleil. (1) 16 AOTJT. Le Thuya occidental (2) ou arbre de vie (Conifères) croit en grande abondance en Canada; mais il est moins com- mun dans le midi. Le point le plus éloigné dans cette di- rection où j'en ai vu, est un endroit un peu au sud de Sara- toga dans la province de New- York ; j'en ai vu aussi près (1) Il a été observé dans plusieurs expériences qu'un liquide plongé dans un autre liquide et qu'on expose ensuite à l'air pour en faciliter l'évaporation, 'se refroidit à un degré remarquable ; et plus vite s'opère l'évaporation, que l'on accélère au moyen de plongements repétés, plus grand est le refroidissement. Ainsi l'esprit de vin qui s'évapore plus promp- tement que l'eau, perd sa chaleur aussi plus tôt ; et l'esprit de sel ammoniac extrait de la chaux vive, encore plus volatil que l'esprit de vin, est aussi plus susceptible de diminution de calorique. Pour stimuler l'évaporation on brasse le vaisseau qui contient le liquide et on l'expose à l'air ou bien on souffle dessus avec la bouche, ou en se servant d'une piire de soufflets. — Voyez de Mairan. Dissertation sur la glace. Prof. Richman in Nov. Comment. Petrop. ad an. 1747 et 1748 p. 284 et Dr. Gullen dans Edinburgh Physical and literary Essays and Observations, Vol. II, p. 145. (F.) (2) Thuya occidenlalis,~Lhm. Lignum-vilae — arbre voisin du cyprès — tou* jours vert commun en Chine et en Canada. QUÉBEC. 12!' de Cassen dans la même Province — ces deux localités sont à 42 ° 10m de latitude nord. M. Bartram cependant m'a dit n'avoir trouvé qu'un seul arbre de cette espèce en Virginie, près des chûtes de la rivière James. Le Dr. Colden assure aussi qu'il a vu cet arbre en plusieurs endroits aux environs de son château de Coldingham qui est situé entre New York et Albany à 40 ° 30m de latitude nord. Les Français par tout le Canada l'appellent Cèdre blanc ainsi que les Anglais et Hollandais d' Albany. Les anglais en Virginie ont donné le nom de Juniper à une espèce de Thuya qui croît chez eux. Les terrains qu'il habite ne se ressemblent pas toujours» néanmoins il préfère généralement un sol humide et marécageux, et il y atteint une grande hauteur. Sans s'y plaire autant, il vient bien, aussi, sur les collines rocail- leuses et les terrains remplis de roches couvertes de plusieurs espèces de mousses. (1) Lorsque les rivages de la mer sont montagneux et parsemés de roches mous- sues, il est rare que le Thuya ne s'y trouve pas. On le rencontre ça et là sur les coteaux qui bordent les rivières, sur certains plateaux dont le sol se compose d'une sorte de poussière de terreau. Il est à remarquer que ces endroits sont imprégnés d'une eau à saveur acre, et qu'ils reçoi- vent l'humidité de contrées plus élevées. J'ai vu cepen- dant de ces arbres dans des lieux passablement sors ; mais ils n'y parviennent jamais à une croissance consi- dérable. Ils sont assez communs dans les crevasses des mon- tagnes, mais ils y végètent pauvrement. Les plus grands individus de cette espace que j'aie remarqués dans Les bois en Canada, avaient de trente à trente-six pieds de (I) / brion h 180 août 1749, haut. Sur la tranche horizontale d'un arbre de dix poti^ ces de diamètre (mesure précise) j'ai compté quatre-vingt- douze cernes autour du tronc (1) ; sur un autre arbre d'un pied et deux pouces de diamètre, j'en ai compté cent quarante-deux. (2) Les habitants du Canada emploient le bois de cet arbre aux usages suivants ; reconnu pour être le plus durable, le moins sujet à la pourriture et pour se conserver sain pendant plus qu'âge d'homme, il est choisi, de préférence à tout autre, pour les clôtures. Tous les pieux qu'on enfonce dans le sol, sont du bois de Thuya, ainsi que les palissades des forts, les planches qui entrent dans la construction des maisons et ces pièces minces qui forment à la fois le fond et les membrures des canots d'écorce si communs ici, ce bois ayant à la fois la flexibilité et la légèreté requises pour cet emploi, surtout quand il est vert. On considère le bois de Thuya comme l'un des meilleurs combustibles pour les fours à chaux. Avec ses branches on fait des balais ; les brindilles et les feuilles de l'arbre étant naturellement ramassées toutes ensemble, cela les rend éminemment propres à cet usage. Les Indiens qui ont le monopole de cette industrie vont en écouler les produits dans les villes. Je ne me souviens pas d'avoir vu en Canada d'autres balais que ces balais de cèdre. Les branches du Thuya fraîchement coupées ont une odeur particulière assez agréable dont s'imprègne fortement l'air des maisons où l'on étrenne l'un de ces utiles instruments de ménage. (1) Il est bien connu que tous les arbres n'ont qu'un cerne par année, de sorte que le nombre des cernes indique celui des années de l'arbre ainsi que la rapidité ou la lenteur de sa croissance. (F.) (2) L'écorce des arbres n'entre pas dans le mssurage de leurs dia- mètres. (F.) titfÉflEd. 13i Le Thuya est employé à différents usages médicaux. Le commandant du fort St Frédéric le recommandait fortement contre les douleurs rhumatismales. Il m'a dit avoir vu souvent essayer avec un succès remarquable sur plusieurs personnes, une sorte d'onguent composé de feuilles fraîches de Thuya pilées dans un mortier et bouillies avec du saindoux. Cet onguent étendu sur un linge, appliqué ensuite sur la partie malade, procure un soulagement certain en peu de temps. On recommande, contre ces douleurs violentes qui montent et descendent dans les cuisses, et qui quel- quefois se répandent par tout le corps — l'application d'un cataplasme composé de feuilles d'une espèce de Polypode (1) (4[5),et de cônes de Thuya (1|5) que l'on commence par réduire séparément en poudres grossières pour les mêler ensuite; puis on verse sur ce mélange de l'eau de lait chaud, et le tout forme un topique que vous étendez sur une toile dont vous vous enve- loppez le corps ; mais vu que cet emplâtre brûle comme le feu, on a soin ordinairement de se ceindre d'une autre toile avant de l'appliquer, autrement il écorcherait la peau. J'ai entendu préconiser ce remède outre mesure par des personnes qui avaient fait l'expérience de son efficacité. Un Indien Iroquois m'a dit qu'un décocté de feuilles de Thuya est bon pour la toux. Dans le voisinage de Saratoga on se sert de cette tisane dans les fièvres intermittentes. Le Thuya garde ses feuilles et sa verdure pondant tout l'hiver ; B68 graines sont mûres vers la fin de septem- bre (vieux stylo.) (2) Le 4 Octobre de coït.' a nnôe (17 l: I) (1) Pôly podium froncu pinnaict pinnis , altêrtiit ad bmin tuperni ûppendicu» genre de plantes cryptogames de la famille d< res. lire suivant la manière de compter lei Jours 6l I •- mois al i mil oduclion du calendrie a, (M.) 132 août 1740. une partie des cônes, surtout ceux qui s'étaient trouvés les plus exposés à la chaleur du soleil, avaient déjà laissé tomber leurs graines, et les autres commençaient à s'ouvrir. A ce propos, il convient de noter une singula- rité qu'offre cet arbre, en commun, du reste, avec beau- coup d'autres en Amérique. Il est certain qu'il se plait dans les marais et les bois épais ; on peut dire avec assu- rance que ce sont ses lieux de prédilection. Et cepen- dant c'est à peine si l'on y trouve un seul arbre qui porte des graines — tandis qu'un individu de cette espèce qui a crû accidentellement en dehors du bois, sur le bord de la mer ou dans un champ en plein air, en porte toujours en abondance. J'ai, en maintes occasions, fait cette obser- vation sur le Thuya. Il en est de même de l'érable à sucre, de l'érable qui est bonne pour guérir les écorchures, du sapin blanc, du pin appelé Pérusse (1) du mûrier et de plusieurs autres arbres. 17 AOUT Aujourd'hui, je suis allé visiter le couvent des tfrsc- lines, qui est tenu à peu près sur le même pied que les deux autres couvents. Ii est situé dans la ville et pos- sède une fort belle église. Les religieuses, qui sont renom- mées pour leur piété, vont moins au dehors que les autres. L'entrée du monastère est strictement interdite aux hommes, à moins d'un permis spécial de l'évêque, ce qui est une grande faveur. Le médecin du roi et le chirurgien, seuls ont leurs entrées libres, pour la visite des malades. A la demande du marquis de la Glalisson- nière, les portes du cloître me furent gracieusement (1) C'est la pruche probablement, qui, cependant, appartient au genre sapin, Abics Canadensis. (M.) 'JUEBEC. 133 ouvertes. J'étais accompagné du médecin du roi M. Gaul- thier. A notre arrivée, nous fûmes reçus par l'abbi entourée d'un grand nombre de religieuses, la plupart avancées en âge. De là, nous passâmes à l'église où, comme c'était un dimanche, nous vîmes des religieuses agenouillées ça et là qui disaient leurs prières. L'ab- besse et les nonnes se mirent aussi à genoux en entrant dans l'église, et M. G-aulthier et moi en fîmes autant. Nous nous dirigeâmes ensuite vers un oratoire ou pe- tite chapelle dédiée à la Vierge Marie. Puis nous visitâ- mes la cuisine, le réfectoire, la salle de travail — pièce très belle et très spacieuse. On y fait toutes sortes d'ouvrages délicats, images dorées, fleurs artificielles etc. Le réfec- toire est disposé de la môme manière, que dans les deux autres monastères. Les tables sont munies en dessous de petits tiroirs dans lesquels chaque religieuse serre sa serviette, son couteau et sa fourchette et autres menus objets. Les cellules sont petites ; mais chaque religieuse a la sienne — Les murs ne sont pas peints ; un petit lit, une chaise, une table avec un tiroir et sur cette table un crucifix, et des images de saints en composent tout l'ameublement. On nous fit entrer ensuite dans une chambre remplie de jeunes demoiselles dont les plus âgées pouvaient avoir une douzaine d'années, envoyées la par leurs parents pour apprendre à lire et recevoir l'instruction religieuse. On leur permet de sortir une fois par jour pour aller voir leurs familles, mais elles ne doivent pas rester longtemps absentes. Quand elles savent lire •'! connaissent Leurs devoirs de religion, on les rend à leurs parents. Près du couvent, il y a un beau jardin entouré d'un mur élevé : il appartient à la mai et est fourni de tout* s sortes d'herbes culinaires et d'arb fruitiers l. sœurs travaillent et dînent en ûlence tandis 134 août 1749. que l'une d'elles fait la lecture à haute voix. Mais après le dîner, elles ont la permission de se promener pendant une heure ou deux dans le jardin, ou de se recréer dans l'intérieur du couvent. Après que nous eûmes vu tout ce qu'il y avait de remarquable dans ce monastère nous prîmes congé de l'abbesse et de ses nonnes. A la distance d'environ un quart de mille suédois à l'ouest de Québec, il y a une source d'eau minérale char- gée d'ocre de fer et ayant un goût ferrugineux très prononcé. M. G-aulthier l'a prescrite avec succès dans des cas de constipation et dans d'autres maladies du même genre. On assure qu'il n'y a pas de serpents venimeux dans les bois et les campagnes autour de Québec et que l'on peut marcher dans les prairies en toute sûreté. Je n'ai pas trouvé de reptiles qui cherchassent à mordre ; au contraire, ils semblaient plutôt disposés à prendre la fuite. Dans les régions méridionales du Canada, il en est autrement, il faut se tenir toujours sur ses gardes. Une très petite espèce de fourmi noire (1) vit en société dans des retraites creusées sur les flancs des collines boi- sées ; elle ressemble beaucoup à notre fourmi de Suède. 21 AOUT Aujourd'hui, le gouverneur-général a reçu des repré- sentants des trois nations Indiennes de ce pays, savoir ; des Hurons, des Micmacs et des Anies (Agniers). (2) Ces derniers dont la tribu fait partie de la nation Iroquoise alliée des anglais, étaient prisonniers de guerre, (1) Formica nigra. Linn. (I) Probablement des Onidoes. (F,) QUEBEC, 135 Les Hurons appartenaient au groupe d'indiens établis à Lorette et convertis à la religion chrétienne. Ils sont grands, robustes, bien faits et de couleur cuivrée. Leur chevelure noire et courte, est rasée sur le front d'une oreille à l'autre. Ils n'ont ni chapeaux ni casquettes, mais plusieurs portent des pendants d'oreilles. Les uns ont toute la figure, et même jusqu'aux cheveux peints de vermillon ; mais d'autres se sont contentés de quelques bariolages sur le front et près des oreilles. Le rouge est évidemment leur couleur préférée. J'en ai vu cepen- dant qui avaient toute la face barbouillée de noir. Plusieurs d'entre eux ont la figure et le corps couverts de tatouages, formés de couleurs imprégnées dans des piqûres à la peau et partant indélibiles. La manière de les faire sera décrite dans la suite de cet ouvrage. (1) Ces desseins sont ordinairement noirs ; tantôt c'est un serpent qu'on s'est peint sur chaque joue, tantôt ce sont des croix ou des flèches, un soleil ou n'importe quel objet suivant le caprice ou l'imagination des individus. Il y en a qui ont de semblables desseins sur la poitrine, les cuisses, toutes les parties du corps ; d'autres n'en ont pas du tout. Leur habillement se compose d'une chemise blanche ou en toile à carreaux et d'un morceau de gros drap à longs poils, de couleur bleue ou blanche, garni en bas d'une bordure bleue ou roug-e. Ils portent cette couverture sur leurs épaules ou enroulée autour de la taille. Leur cou est orné d'un collier de Wampums violets alternant avec de petits Wam~ punu bleus. Ces grains de nacre, menus et ressemblant à des perles oblongues, sont faits de l'écaillé d'une espèce de bivalve que les anglais appellent Clama. (2) Au bout du (l) Il est probable qu'il l'a donnée plutôt dam iM< moires & l'Académie la rivière 144 août 1749. St. Laurent, est magnifique. Le terrain est très escarpé près du fleuve et s'élève de plus en plus à mesure qu il s'en éloigne. En beaucoup d'endroits, il est naturelle- ment divise en terrasses. Du sommet de ces éminences, le regard du touriste embrasse, comme dans un vaste panorama, Québec, qu'on voit distinctement au sud, la rivière St. Laurent à l'est, et la multitude de vaisseaux à voiles de toutes grandeurs qui en montent ou descen- dent le cours ; et à l'ouest, un long amphithéâtre de montagnes Rabaissant graduellement depuis celles dont la masse imposante borne l'horizon jusqu'aux collines dont le pied forme la berge du fleuve. Toute la contrée est en état de culture et divisée en champs, en prairies ou pâturages. La plupart des terres sont couvertes de riches moissons de blé, d'avoine blanche et de pois. La campagne est parsemée de fermes et d'habitations dont quelques-unes fort belles ; il n'y en a pas deux qui se touchent. Les maisons sont généralement bâties en pierre à chaux noire et blanchies à l'extérieur. Beaucoup de ruisseaux et de cours d'eau descendent des éminen- ces et des montagnes qui les dominent. Ces hauteurs sont entièrement formées d'une espèce de schiste ardoisier sujette à se diviser en feuillets au contact de l'air, et que recouvre une croûte de terre végétable de deux ou trois pieds d'épaisseur. Le sol des champs est partout mé- langé de particules de cette ardoise, et les bords des ruisseaux dont les lits sont très creux en sont aussi com- posés. Dans ces couches de schiste, on trouve une espèce de pierre calcaire gris de fer qui, broyée, émet une odeur semblable à celle de la pierre puante. On est actuellement à construire au-dessous de Québec plusieurs navires pour la marine royale ; cependant, avant mon départ, il est arrivé un ordre de France dé- fendant de mettre sur les chantiers des vaisseaux de QUEBEC. 14-") ç guerre, permettant néanmoins de finir ceux qui y étaient déjà. On a trouvé, parait-il, que le chêne d'Amérique ne vaut pas celui d'Europe pour la cons- truction des navires. Cet arbre est assez rare près de Québec, et lorsqu'il y croît, il est si petit qu'il ne peut servir. Aussi, fait-on venir le chêne des régions du Canada qui a voisinent la Nouvelle-Angleterre. Mais tous les chênes de l'Améri- que septentrionale ont la propriété de durer plus long- temps et de résister mieux à la pourriture, à mesure qu'ils croissent plus au nord et vice versa. Le bois de construction qui vient des confins de la Nouvelle-Angle- terre est apporté en trains flottants ou radeaux par les rivières qui se jettent dans la grande rivière St Laurent, près du lac St Pierre. Une partie du chêne employé vient aussi du pays situé entre Montréal et le fort St Frédéric ou fort Champlain, mais il n'est pas aussi estimé que le premier, sans compter qu'il faut le faire descendre d'une distance plus considérable. 26 AOUT. On m'a montré un morceau de terre verte apport*» des pays d'en haut au général Marquis de la G-alisson- nière ; c'était une sorte de glaise dont toutes les parties adhéraient fortement les unes aux autres, et dont la couleur ressemblait à celle du vert-de-gris, (1) Tous Les ruisseaux eu Canada contiennent des écre- (2) de la môme espèce que les nôtres ; les Français en sont friands e1 disent que le nombre en a grandement diminué depuis qu'on leur lait la chasft I BUi probablement impi • le pai i m lierai de cuivre. Ne serait-C phoiphat 10 146 août 1749. Les habitants de la campagne paraissent très-pauvres. Ils n'ont guère plus que le strict nécessaire. Ils se con- tentent de pain et d'eau et portent tous leurs autres produits, tels que le beurre, le fromage, les viandes, les œufs et les volailles, à la ville, pour les convertir en argent avec lequel ils achètent des vêtements et del'eau- de-vie pour eux, et des robes pour leurs femmes. Mal- gré leur pauvreté, ils sont toujours d'humeur joyeuse et gaillarde. 29 Août A la demande du gouverneur-général, le Marquis de la Jonquière, et du Marquis de la Gralissonnière, je partis avec quelques gentilshommes français, pour aller visiter une mine d'argent, ou de plomb, qu'on disait exister près de la baie St. Paul. J'étais bien aise d'entreprendre ce voyage, comme cela me donnait occasion de voir une plus grande étendue du pays. Conséquemment, nous partîmes en bateau pour notre excursion et descendîmes la rivière St. Laurent. On faisait alors la récolte, et les paysans travaillaient dans leurs champs. La moisson du blé et de l'avoine était déjà commencée depuis une semaine. Vus de la rivière, les environs de Québec sont des plus pittoresques. La ville est très-élevée, et ses églises et ses monuments s'aperçoivent de fort loin. Les vaisseaux* dans la rivière, au-dessous de la cité, ornent le paysage de ce côté. La poudrière, qui couronne le sommet de la montagne sur laquelle s'élève la ville, domine tous les autres édifices. La campagne, qui se déroule sous nos regards le long de notre course, ne nous offre pas un aspect moins enchanteur. La rivière St. Laurent coule du sud au nord en cet endroit ; les deux côtés en sont bien cultivés, cependant, celui de l'ouest, l'est ILE d'orlkan- 147 davantage. Les rives sont hautes et coupées à pic. Plusieurs belles collines détachées, de grands champs, éblouissants de la blancheur du blé mûr qui les cou- vre, et de magnifiques forêts d'arbres à feuilles déci- dues (1) donnent à la contrée un aspect tout-à-fait agréable. De temps en temps, apparaissait une église en pierre, et de distance en distance, des ruisseaux venaient se perdre dans la rivière. On a bâti des moulins à vent et même des moulins à scie sur les cours d'eau de quel- que importance. Après avoir fait un mille et demi (fran- çais), (2) nous arrivâmes à l'île d'Orléans, grande île qui a 7J milles de long, sur deux milles (français) de large, dans sa plus vaste étendue. Elle émerge du sein des flots comme une montagne, et ses rives sont escarpées et bien boisées. Il y a cependant des espaces sur la côte où il n'y a plus d'arbres, des maisons de ferme occupant les éclaircies. L'île est bien cultivée, et l'on n'y trouve que de belles maisons construites en moellons, de vastes champs de blé, des prairies, des pâturages, des bois d'arbres à feuilles déci- dues et quelques églises en pierre. Nous entrâmes dans le bras de la rivière qui coule sur la côte occidentale de l'île d'Orléans, et qui offre la voie la plus courte. On lui donne à peu près un quart de mille (français) de largeur, mais les vaisseaux ne peuvent y naviguer, à cause des bancs de sable avoisinant les pointes de terre qui s'avancent dans la rivière, du peu de profondeur de l'eau, et aussi à cause des rochers ri) Airbres qui perdent leurs feuilles en automne ou avant la nouvelle ^e. Ce terme détidu s'emploie par opposition ;"i oeltii de persis- tant. (M (2) Le lecteur n'a pas oublié que par cette locution ' mille français,'1 l'aut'Mit e une lieue. M 148 août 1749. et des pierres du fond. Les rivages offraient toujours le même coup d'ceil qu'auparavant Sur le côté ouest, ou plutôt sur la terre ferme, les collines près de la rivière sont composées d'une pierre à chaux noire, employée par les paysans dans la construction de leurs maisons, qui sont cependant blan- chies à l'extérieur. Quelques habitations sont en pierres meulières. Une chaîne de dix montagnes, qui se déroule sur la côte occidentale et s'étend du sud au nord, s'ap- proche graduellement du rivage : de sorte que la distance entre ces hauteurs et le fleuve qui, à Québec, est de près de deux milles (français), diminue peu à peu jusqu'à neuf milles (français) en aval de la rivière où les hauteurs touchent presque aux rives. Ces monta- gnes sont bien boisées ; cependant, en quelques endroits, les forêts ont été détruites par des incendies. Sur cette même côte, et tout près du rivage, à environ huit milles et demi (français) de Québec, est située l'église qu'on appelle Ste. Anne, et qui est remarquable par cette circonstance que les équipages des vaisseaux venant de France ou d'autres pays, aussitôt qu'ils ont remonté le St Laurent assez haut pour l'apercevoir, tirent des salves d'artillerie, en signe de joie, parce qu'arrivés là, ils en ont fini avec les dangers de la navi- gation, les écueils et les bancs de sable. L'eau a une teinte rouge pâle, et se trouvait très sale dans les parties du fleuve que nous parcourûmes aujour d'hui, bien qu'elle eût partout une profondeur uniforme d'environ six brasses. Quelque peu plus bas que Ste Anne, sur la côte orientale du neuve St Laurent, une autre rivière, appelée la G-rand'Bivière, vient s'y jeter avec une telle violence que ses eaux se tracent un chemin ST. .JOACHIM. 1 r. jusqu'au milieu du bras du fleuve St Laurent, qui divise la terre ferme d'avec l'île d'Orléans. Vers deux heures de l'après-midi, la marée commença à remonter le cours de la rivière, et le vent se trouvant contraire, nous fûmes obligés de faire une relâche et d'attendre le reflux pour nous remettre en route. Nous passâmes la nuit dans une grande ferme apparte- nant aux prêtres de Québec et près de laquelle s'élève une belle église dédiée â St Joachim. De cette loca- lité à Québec, la distance est d'environ huit lieues. Nous fûmes reçus avec tous les égards possibles. Le roi a donné le pays d'alentour au Séminaire de Québec, qui en a concédé la plus grande partie â des cultiva- teurs dont les maisons sont éparses ça et là. Deux prêtres résident à St Joachim, et avec eux un certain nombre de jeunes gens à qui ils enseignent la lecture, l'écrituiv et le latin. La plupart de ces élèves sont des- tinés à la prêtrise. Juste en face de cette ferme, à l'orient, se trouve la pointe nord-est ou l'extrémité de l'île d'Orléans. Le gadellier rouge, qui fut d'abord apporté d'Europe, abonde dans tous les jardins du Canada. Il vient parfaitement bien ici. Les buissons sont telle- ment chargés de fruit que le vert de leur feuillage se perd dans le pourpre de leurs baies. Les vignes sauvages (1) croissent assez abondam- ment dans les bois. Dans toutes les autres parties du Canada, on en plante dané les jardins, près dés berceaux, ou pavillons d'été faits en treillages de latt ignés, en grimpant, y accrochent leurs tendrons el ue tardent pas à les couvrir de letfï feuillage, de toani lj \ Hit Utbi " ça • i \ u/p 150 AOUT 174:> demandai aux habitants s'il leur arrivait de trouver dos coquillages en creusant leurs puits ; ils me répondirent toujours négativement. Je reçus la même réponse de ceux qui habitent les terres basses directement au nord de Québec, et tous convinrent qu'ils u'avaient jamais rien trouvé, en creusant, que de la terre et du sable. Chose remarquable, le vent qui souille dans la baie diffère généralement de celui qui agite les eaux de la rivière. Ce phénomène singulier s'explique par les hautes montagnes, couvertes de grands bois, qui envi- ronnent la rade de tous les côtés, à l'exception d'un seul. Ainsi, quand le vent vient delà rivière, il se jette sur une montagne qui le renvoie en lui imprimant une direction tout opposée à celle qu'il avait d'abord. J'ai trouvé trois sortes de sable sur le rivage ; il y a d'abord un gros sable luisant, composé de grains de quartz angulaires, qui est très abondant ; l'autre est ce même beau sable noir, que j'ai vu en si grande quantité sur les bords du lac Champlain (1) et qui est commun dans tout le Canada. L'aimant en attire presque tous grains. En outre, il y a un sable couleur de grenat qui est très lin, aussi, et dont l'origine n'est pas douteuse, car on en trouve dans toutes les pierres et les monta- gnes ([ni aroieinent la rive, mb matières aréneuses proviennent-elles de morceaux égrenés de rochers ; ne sont-elles pas, au contraire, antérieures aux roches mêmes qui, en ce cas, leur devraient leur formation? .l'ai trouvé le sable degrenai ••t Le sable noir sur les rivages en plusieurs endroits dame i \ 154 AOUT 1741». cette excursion ; mais le sable noir était toujours le plus abondant. SI AOUT. Toutes les hautes collines du voisinage nous envo- yaient ce matin une fumée ressemblant à celle d'un fourneau à charbon. Les cousins sont innombrables, ici ; ils nous attaquent au sortir de la maison, et ils sont encore plus incommodes dans les bois. Ils ont évidemment de la parenté avec nos cousins de Suéde, quoiqu'un peu plus petits que la généralité des moustiques de l'Amérique du Nord, comme ceux du fort St Jean, par exemple, qui ressemblent aussi aux nôtres, bien que plus gros, leur taille se rapprochant de celle de nos tipules. (1) Les cousins d'ici, sont avides de sang, outre mesure. Heureusement, le temps arrivait, bientôt où nous allions en être débarrassés. Nous descendîmes cette après-midi encore plus bas dans la rivière St Laurent, jusqu'à un endroit où l'on nous dit qu'il y avait des mines d'argent ou de plomb. Tant soit peu en aval de la Baie St Paul, nous passâmes une langue de terre, composée entièrement d'une pierre calcaire grise et assez compacte, disposée en couches inclinées et presque perpendiculaires, et qui me paraît n'être qu'une variété du schiste ardoisier. Les couches penchent vers le sud-est et remontent au nord-ouest. Chacun de ces lits séparément est de l'épaisseur de dix à quinze pouces. Quand on brise la roche, il en émane une odeur forte rappelant celle de la roche-puante. Nous longeâmes, comme auparavant, la rive occidentale du fleuve, qui est toute bordée de montagnes et de rochers 1) Tipula horiorum, Linn. (Diptlres némocères.; BAIE >T. PAUL. L55 escarpés. La rivière n'a pas au-delà de trois milles (français) de largeur ici. Çà et là, on pouvait distinguer dans le roc des veines de spath d'un beau blanc, semi- opaque, à grains peu serrés. On voyait aussi, dans le fleuve, des morceaux de rochers gros comme des mai- sons, qui ont roulé, au printemps, du flanc des monta- gnes, y laissant des vides que le temps n'a pas encore remplis et que l'on reconnaît facilement. En plusieurs endroits, il y avait, dans la rivière, des madragues pour la pêcherie des anguilles semblables à celles que j'ai déjà décrites. (1) Je me suis amusé à noter quelques mots de la langue des Algonquins, que j'ai appris d'un jésuite qui a vécu longtemps chez les sauvages. Ils appellent l'eau, muku- man ; la tête, ustigon ; le cœur, uta ; le corps, veetras ; le pied, ukhita ; un petit bateau, usb ; un navire, nabikoan ; le feu, skute ; du foin, maskoesee ; le lièvre, whabus ; (ils ont un verbe, dérivé du nom, qui exprime l'action de cha&ser le lièvre) ; la martre, whabislanis ; l'élan, moosu (1) (Vu final est à peine prononcé) ; le renne, atticku : la souris, maivituhi*. Le jésuite de qui je tiens ces détails m'a dit aussi qu'il avait grand'raison de croire que si quelques Indiens, ici, étaient de race Tartare, ce devaient être certainement les Algonquins, car leur langue est universellement I \ i ro. i ) Le^ fameux '/"<■ *<-./"/■ n'i si probablement pas autre chose queTélan, car personne ne peut nierque rnoose-dt" n«' // .- surtout quand on con |uVr an1 que les Iroquois ou Cinq-Nations soienl par- venusaubaul ance qu'ils ont maintenant 3ur toute l'Amé- rique ect, avec leurs champs de blé, leurs prairies et leurs pâturages émaillés de fleurs, d'an amphithéâtre de rerdure. 158 SEPTEMBRE 1749. Le grand tremblement de terre qui a eu lieu en Ca- nada, en février 1663, et dont Charlevoix fait mention, (1) a causé un dommage considérable à cette place, renver- sant les collines les plus élevées sur les coteaux qu'elles dominaient et comblant les vallées en état de culture. On m'a montré plusieurs petites îles qui doivent le in- existence à cette convulsion de la nature. La couche d'humus qui forme le sol de ces collines est parsemée de roches gypseuses noires. En revanche, on n'en trouve pas une seule le long de la rivière jusqu'à la distance de huit milles français. Tout ce pays est couvert de hautes montagnes grises de formation granitique qui contien- nent du quartz pourpre et cristallin mélangé de pierre calcaire et de mica noir, et dont le pied baigne dans le fleuve. Ensuite reparaît la pierre gypseuse. Une bande d'hirondelles de mer (2) vole le long du rivage en gazouillant un bruyant concert. Le fleuve peut avoir, ici, une largeur d'environ quatre milles français. Sur chacun de ses bords, à une dis- tance d'environ deux milles français, on voit des terras- ses sem blables à celles de la Terre d'Eboulement ; puis, un peu plus loin, des montagnes sourcilleuses, d'aspect sauvage. Des ruisseaux se déchargent avec bruit dans la rivière, tombant en cascade du sommet des falaises escarpées et taillées, en précipice, à une hauteur de plu- sieurs verges, dans la terre ou la roche granitique. L'un de ces ruisseaux qui traverse une colline com* posée de pierre calcaire, contient de l'eau minérale à (1) Histoire de la Nouvelle France, tome II, p. m. 125. (2) Slerna hirundo, Linn. TERRE D ÉBOULEMENT. 159 odeur sulfureuse mais très claire, et qui, mélangée avec de la noix de galle, ne change pas de couleur. Versée dans une coupe d'argent, elle la fait paraître comme dorée et y laisse un sédiment rougeâtre. Les pierres et les morceaux de bois, dans le voisinage de cette eau, sont recouverts d'un limon gris-pâle sur le dessus et noir au dessous. Cette vase à une saveur qui sans être très acre rappelle celle de l'huile de tabac. Ayant pris pour les examiner quelques-unes de ces pierres, mes mains en ont senti le soufre toute la journée. Au niveau de l'eau, le schiste ardoisier noir appa- raît de nouveau en abondance. Il gît en couches posées presque perpendiculairement les unes près des autres avec une légère inclinaison vers l'ouest sud-ouest. Chaque lit a une épaisseur de dix à quinze pouces. La surface de ce schiste se divise en feuilles minces sous l'action des agents atmosphériques; mais l'intérieur qui est à l'abri du soleil, de l'air et de l'eau, en reste serré et compacte. Quelques-unes de ces pierres ne sont pas tout-à-fait noires et ont plutôt une teinte grisâtre. Vers midi, nous arrivâmes au Cap aux O/jes, qui doit probablement son nom au nombre d'oies sauvages que les Français trouv rent près d'ici, lors de leur première arrivée en Canada. Pour moi, je n'ai vu ni palmipèdes, ni aucune autre espèce d'oiseaux, à l'exception d'un seul corbeau. Ici, nous devions examiner sur les flancs de la montagne de prétendus liions métallifères dont on par- lait beaucoup, mais je nai rien trouvé que de petites Veine* d'un beau spath Main-, contenant quelques taches d'un minerai de plomb. ( )n estime que la distance entre le Cap aux Oies et Québec est de -- à 29 milles français, A mon grand plaisir, j'ai remarqué que la plupart dos plant'1- ion1 les mêmes «pu1 celles de Suède. Je donne- 160 SEPTEMBRE 1749. rai plus loin la preuve que mon observation est exacte. L'ammophile arundinacée (1) se plait sur les bords du fleuve et empêche les vents d'enlever les sables pour les transporter ailleurs. Le seigle sauvage (2) se trouve aussi en abondance sur le rivage. Les Français donnent à cette plante, ainsi qu'à la précédente, le nom de seigle de mer. Elles sont si communes, dit-on, à Terreneuve et sur toutes les côtes de l'Amérique du Nord, que les espaces qui en sont couverts, vus d'une certaine distance, paraissent comme autant de champs de blé — ce qui explique ce passage des vieilles relations de voyages au nord, dans lequel il est fait mention de l'excellent pays du Vinland, (3) où l'on trouve des champs entiers de blé sauvage. Le plantain maritime (4) se rencontre fréquemment sur le bord de la mer. Les marins français se servent de ses feuilles pour relever le goût de leur bouillon ou les mangent en salade. On peut aussi les mariner com- me celles de la passe-pierre. il) Arundo arenaria, Linn. (Graminées.) (M.) (2) Elymus arenarius, Linn. (Graminées.) (M.) (3) Vinland det goda, ou la bonne terre, est le nom que les anciens na- vigateurs Scandinaves donnèrent à l'Amérique, qu'ils ont découverte long- temps avant Colomb. Voyez Torfœi Hisloria Vinlandix antiqux S. partis Americx Septentrionaîis. hlasniae (Haneau) 1715 4to, et la dissertation sur ce sujet de M. George Westmann, A. M. Abo, 1747. (F.) Voir aussi lo. Description abrégée de la province de la Nouvelle Suède en Amérique, appelée aujourd'hui Pensylvanie (en Suédois). Stockholm, 1702, in-4o, par Thomas Campanius. On relate dans cet ouvrage les expéditions qui eurent lieu dans le Vinland au Xe siècle. 2o. Island Hoitramannaland, Groenland, und Vinland von Karl Wilhelmi. Hei- delberg 1842. (M.) (1) Plantage maritima, Linn. BAIE ST. PAUL 1G1 Le raisin-d'ours (1) croît à profusion ici. Partout où je suis allé dans l'Amérique du nord, j'ai toujours entendu désigner cette plante par son nom indien, Sagackhomi ; et tous, Français, Anglais et Hollandais ont l'habitude d'en mêler les feuilles avec leur tabac. Le gale ou piment royal (2) est abondant aussi. Les Français le nomment Laurier ou Poivrier ; ils font une grande consommation de ses feuilles pour assaisonner leurs aliments. La raquette de mer (3) est assez commune. Ses raci- nes, pilées, entrent dans la composition du pain quand la farine est rare. Le sorbier ou frêne sauvage, la canneberge (atocas), le genévrier, les pois de mer, la linnée et plusieurs autres plantes familières aux habi- tants de la Suède se trouvent ici. Comme nous retournions de jour à la Baie St. Paul, nous vîmes un phoque de couleur grise qui prenait ses ébats derrière notre bateau, tout en ayant soin de se tenir hors de la portée de nos fusils 2 Septembre. Ce matin, nous allâmes visiter la montagne où Ton prétend qu'il existe des veines d'argent ou de plomb, et qui s'élève un peu au sud du moulin des prêtres. Elle « -I de la même formation que les hauts rochers de cou- leur grise que l'on trouve en cet endroit ; c'est un com- posé de granit, de pierre à chaux blanchâtre, de quartz rouget re. couleur de grenat, et do mica noir. La pierre à C\) Arbutut 1 1 '• /:w Liim Arbousier, Afctostaphyloth Busaerole (M.) V fi ira yak, Lmn. i M 11 162 SEPTEMBRE 1749. chaux prédomine, mais elle est d'un grain si fin qu'elle est à peine visible. L'application de l'acide nitrique y produit une forte effervescence. Ensuite vient le quartz rougeâtre ou couleur de grenat disséminé en grains excessivement menus, et qui, battu avec un briquet, jette des étincelles ; puis, de petites particules de mica noir, et enfin les points cristallins et transparents du quartz métallifère. La pierre à chaux contient de menus grains de spath. Toutes ces différentes espèces de pierre sont bien mélangées, à l'exception du mica qui, parfois, se répand en petites lignes ou veines. La roche est naturellement très dure, mais exposée au soleil et en plein air, elle se décompose et devient friable, et alors il est presque impossible d'en distinguer les parties constituantes. La montagne est remplie de ravins à coupe hardie ; c'est sur les parois de ces excavations que se trouve le minerai de plomb en veines, courant de l'est-sud-est à l'ouest-nord-ouest. D'après son apparence, il semble que la montagne portait autrefois dans ses flancs des crevasses qui, avec le temps, ont été remplies par une sorte de pierre, dans laquelle le minerai de plomb s'est produit, et qui est un spath mou, de couleur blanche et souvent semi-diaphane, pouvant se travailler aisément. On y trouve quelquefois des filons de pierre à chaux d'une blancheur de neige et presque toujours des veines \rertes ressemblant à du quartz. Ce spath contient beaucoup de fils et se casse en morceaux comme le quartz ; mais il est beaucoup plus noir et il n'en jaillit pas d'étincelles lorsqu'on le frappe avec l'acier ; il n'en- tre pas en effervescence sous l'action des acides et n'est pas doux au toucher. Il parait être une espèce du BAIE ST. PAUL. 163 spath yitrescible de M. le Professeur "Wallerius. (1) 11 contient quelquefois de petits morceaux d'un quartz grisâtre qui émet de fortes étincelles sous l'action du briquet. C'est dans cette sorte de pierre que se trouve le minerai de plomb en protubérances de la grosseur d'un pois, et plus rarement en lamelles d'un pouce carré. (2) Le minerai est très clair et a la forme de petits cubes, mais il est généralement pauvre. Les veines* de spath mou et des autres espèces de pierre sont étroites, n'ayant guère plus de dix à quinze pouces de large, sauf en quelques endroits où j'ai trouvé des veines de vingt pouces ; une avait vingt-deux pouces et demi de large. La ravine qui coupe la montagne dans la direc- tion des moulins court dans une gorge, profonde de près de douze verges. Cette conformation du terrain facili- tant mon examen, j'ai remarqué que la largeur des veines est la même près du fond du ruisseau, et que la mine n'est pas plus riche en bas qu'en haut ; d'où je conclus qu'elle ne paierait pas les frais de l'exploitation. Il y a dans le voisinage trois ou quatre autres veines, à quelque distance les unes des autres, mais elles sont toutes de la même nature. Elles ont en général une direction perpendiculaire, avec une légère tendance à s'en écarter. Quand cette pierre verte dont j'ai parlé plus haut est mise dans de l'eau, une grande partie du spath blanc et de la pierre à chaux qui y adhèrent se consume ; mais la pierre elle-même demeure intacte. Il BU est de même de la surface de la veine qui est ex- posée au soleil, à l'ait et à la pluie ; les agents extérieurs réduisent ses parties molles en poussière, ne laissant que (\) Vo; Bi ion i ii té iut La Minéralogie, é i. allemande, p. - Introduction to Miii'-ralogy, p. 13. (1 (2) Ces! un minerai de plomba ipparlenant au Forster, introducl p il 164 SEPTEMBRE 1749. la pierre verte, qui est alors très rude au toucher. On y trouve quelquefois des trous profonds remplis de cristal de montagne. La plus grande quantité du minerai de plomb ou d'argent gît immédiatement sous le roc, et même sur les côtés de la veine. Çà et là brillent dans le spath de petits grains de pyrites couleur d'or fin. La pierre verte, broyée et mise sur une pelle chauffée à blanc, brûle, émettant une flamme bleue, et au dire de quelques-uns, une odeur de soufre que je n'ai pu cons- tater pour ma part, bien que j'aie le sens de l'odorant excellent. La même pierre, exposée à un feu ardent, perd sa couleur verte et devient blanchâtre, mais elle n'entre pas en effervescence sous l'action de l'eau forte. Les sources sulfureuses (si je puis les appeler ainsi) sont au pied de la montagne qui contient la mine de plomb et d'argent. Leurs eaux en se réunissant forment un petit ruisseau, dont la surface est couverte d'une matière blanche, farineuse, à odeur de soufre, qui s'at- tache aux arbres et à tous les autres corps que le ruisseau rencontre dans sa course. Le bois imprégné de cette matière, lorsqu'il est séché et mis au feu, brûle avec une flamme bleue et émet la même odeur. Cette eau mêlée avec de la noix de galle ne change pas de couleur, elle n'affecte pas, non plus, celle du papier bleu, et ne fait pas de mousse avec le savon. Elle ternit l'argent. La lame d'un couteau en a été retirée tout-à-fait noire au bout de trois heures. Elle a une odeur désagréable qui se fait sentir davantage lorsque le temps est à la pluie. Un essaim de sauterelles vient d'y tomber en ce moment même. Les habitants se servent de cette eau comme d'un remède contre la gale. Dans l'après-midi, nous allâmes visiter une autre veine dont on parle comme renfermant du minerai d'argent. BAIE ST. PAUL. 165 Elle est à environ un quart de mille au nord-est de la Baie St Paul, près d'une pointe de terre appelée Cap au Corbeau et sur le bord de la rivière St Laurent. La montagne qui contient cette veine est formée de spath vitrescible rouge-pâle, de mica noir, de pierre à chaux, d'un quartz à grains couleur pourpre ou de grenat et d'un peu de quartz transparent. Tantôt c'est le spath vitrescible rougeâtre qui domine, et alors on le trouve en filaments de petits grains très durs, tantôt c'est le mica noir ; généralement ces deux substances sont disposées en lignes alternantes. La pierre à chaux blan- che s'y mêle en particules presqu'invisibles. Le quartz couleur de grenat est disséminé par-ci par-là, cependant quelquefois il forme à lui seul de longues coulées. Ses grains aussi gros que des têtes d'épingles, sont ronds et brillants ; ils étincellent au choc de l'acier. Les montagnes voisines de la mer sont entièrement formées de ces différentes sortes de pierres, toutes très dures et disposées en lits perpendiculaires de dix à quinze pouces d'épaisseur, suivant' une direction nord-ouest qui les éloigne de la rivière ; on dirait que l'eau en les refoulant les force de s'appuyer sur le côté sud-est des montagnes dont elle baigne le pied. Ces hauteurs con- tiennent de petites veines d'un spatb blanc ou quelque- fois verdâtre. très lin, semi-diaphane et mou, s'miiettant facilement en grains, et dans lequel on trouve très souvent des Lamelles qui ont l'apparence de la blende calaminaire (1) nt formées de hornblende à grains noirs très beaux et d'une pierre à 'baux ferrugineuse, mais la 'il \ i.i Mil p •'> / Slerilum, Lum - •. in. p, |î6, Ed \n 166 SEPTEMBRE 1749. première substance est trois ou quatre fois plus consi* dérable que l'autre. Il y a dans les environs une source sulfureuse exacte* ment semblable à celle que j'ai décrite plus haut. La masse d'eau à larges feuilles (1) croît dans la source même et ne s'en porte pas plus mal. Mais voici, tout près, un frêne sauvage qui ne s'accommode pas si bien de ce voisinage, si l'on en juge par la teinte pâle et languissante de ses capsules, bien différente de la cou* leur ordinairement rouge foncé des fruits de cet arbre. On fait du goudron en grande quantité à la Baie St. Paul. (2) Nous passons en ce moment près d'une localité où l'on se livre à cette industrie pendant l'été, comme chez nous dans la Bothnie-Orientale, mais plus en petit. On m'avait dit, cependant, qu'il y en avait ici de très grandes fabriques. On n'emploie que le pin rouge (3) pour faire le goudron. Tous les autres pins, dont il y a plusieurs espèces ici, sont trop pauvres en sucs gom- meux, et encore n'utilise-t-on que les racines — tou- jours remplies de résine — après les avoir entièrement arrachées de terre, avec environ deux verges du tronc, laissant tout le reste de côté. On ignore encore, ici, l'art d'attirer la résine sur un seul côté de l'arbre en en enlevant l'écorce ; du moins, on n'y prend jamais (1) Ou massette — plante marécageuse— dont en certaines parties de l'Europe, on couvre les toits et dont on remplit les matelas. Typha Laiifolia. Linn., genre type de la famille des Typhacées. (M.) (2) En 1735, M. Hocqusrt fit embarquer sur le vaisseau du roi 350 livres de térébentine et 400 barils de goudron, fournis par les habitants de la Baie St. Paul, de la Rivière Ouelle et de Chambly. Ferland, Cours d'Histoire, Vol. 2, p. 450. (M.) (3) Pinus foliis geminis longis; ramis tripiici fasciculo foliorum termi* natis, conjs ovatis leevibus. Flor. Canad, PAIE ST. PAUL 167 ce moyen. Les quarts de goudron sont d'environ moitié moins grands que les nôtres. Une tonne contient qua- rante-six pots et se vend maintenant vingt-cinq francs à Québec. Le goudron est excellent à ce qu'il parait. Le rivage est recouvert en quelques endroits d'une espèce de sable de perle, à grains de quartz, petits, semi- transparents ; ailleurs, c'est un sable composé de petites particules de mica qui domine ; ou bien, c'est le sable couleur de grenat décrit plus haut et qui est abondant en Canada. 4 SEPTEMBRE. Mn nuage épais ressemblant à la fumée d'un fourneau à charbon enveloppe la cîme et parfois entame les con- tours arrondis des montagnes qui bornent l'horizon et dont plusieurs sont très élevées. J'ai demandé à des voyageurs qui ont parcouru l'Amérique du Nord s'ils avaient rencontré des pics dont le sommet fut toujours couvert de neige ; ils m'ont invariablement répondu qu'il n'y en avait pas sur cette partie du continent. Les monts les plus sourcilleux, par exemple, ceux qui sépa- rent le Canada'des colonies anglaises, gardent leur blan- che couronne pendant une partie de l'été seulement. L'habitant de la campagne ne sème et ne cultive de lin qu'autant qu'il lui en faut pour son usage. On vient d'en faire la récolte ici ; j'en vois répanda partout dans \os champs, les prairies et les pâturages où on le laisse rouir. Je remarque qu'il est très court cette année en Canada Il 7 a du minerai de 1er, ici, et dans Les environs. Aprôa d un mille suédois de la bai»' St Paul, dans l'intérieur, sVJ.-ve une montagne qui en est toute remplie. Le 168 SEPTEMBRE 1*749. pays d'alentour étant couvert d'une forêt épaisse et en- trecoupé de ruisseaux de différentes grandeurs, rien ne serait plus facile que d'y établir une fonderie. Mais le gouvernement a fait si peu de bénéfice avec celle de Trois-Rivières, que personne n'ose lui proposer de tenter une autre expérience. 5 SEPTEMBRE, Ce matin de bonne heure nous mimes à la voile pour Québec et nous poursuivîmes notre route jusqu'à midi malgré une forte pluie accompagnée de tonnerre. Mais au milieu du jour, la marée commençant à baisser, il nous fût impossible de continuer, et nous débarquâmes à un village appelé Petite Rivière. Ce hameau est situé sur la rive occidentale du St Laurent et est bâti sur les bords d'un ruisseau, de là son nom. Les maisons disséminées çà et là dans la campagne sont construites en pierre, ainsi que la jolie petite église paroissiale. A l'ouest du village s'élèvent de hautes montagnes, si hautes que le coucher du soleil a lieu ici trois ou quatre heures plus \bt qu'ailleurs. La rivière St Laurent enlève chaque année un morceau de terre dans la partie orientale du hameau et les habi- tants craignent de perdre avant longtemps le peu qui leur en reste, à peine la largeur d'une portée de mous- quet. Toutes les maisons sont bien remplies d'enfants. Le schiste ardoisier qui forme les collines, ici, est de deux sortes — le noir que j'ai décrit plus haut en parlant du roc sur lequel Québec est bâti, et un autre plutôt gris- foncé que noir et qui paraît être une variété du premier. On l'appelle pierre à chaux dans le pays. On le distingue surtout de l'ardoise noire en ce qu'il se taille très aisément, donne une chaux très blanche et ne PETITE-RIVIÈRE. llj!» se fendille pas sous Tact ion de l'air. Les murs des maisons, ici, en sont entièrement construits, ainsi que les cheminées, à l'exception de l'âtre que Ton fait avec une sorte de grès mêlé de mica dont on est sûr de toujours trouver une ample provision, vu que les montagnes voisines de la Petite Rivière en sont presqu'entièrement composées, à l'exception de leur base qui est en ardoise. Ce grès est exactement le même que celui des mines de plomb de la Baie St Paul, déjà décrit. Les montagnes granitiques du Canada, comme les roches grises de la Gothie Occidentale, en Suède, repo- sent généralement sur un schiste calcaire. 6 SEPTEMBRE On fait avec succès, ici, la pêche à l'anguille (1) et au marsouin à la fin de septembre et durant tout le mois d'octobre. Les anguilles remontent la rivière à cette saison de l'année fuyant les marsouins qui leur donnent la chasse par bandes d'autant plus nombreuses que la quantité des murènes est plus considérable. Voici comment se fait la pêche de ces dauphins. A marée basse, les marsouins descendent en longeant les bords de la rivière pour happer les anguilles qui s'y tiennent. habitants enfoncent de deux pieds en deux pieds de petites branches d'arbres munies de leurs feuilles et disposées en ligne courbe ou en forme d'arc, les pointes tournées du côté du rivage, mais à une certaine distance, de manière a laisse]- un passage. uand les marsouins arrivent auprès de ces branches et entendent l'eau bruire à travers les feuilles, ils n'osent passer outre craignant un piège ou une trappe et ils rebroussent chemin. Pendant ce temps, l'eau s'esi tellement retirée ( I) Amj'iilhi < \l , \| 170 SEPTEMBRE 1740. que dans leur fuite ils touchent, sur quelque point, les extrémités de l'arc dont le froissement des feuilles mou- vantes les effraient encore. Déconcertés, ahuris, ils nagent tantôt en avant, tantôt en arrière, jusqu'à ce que le reflux continuant toujours ils se trouvent tout-à-fait à sec, et alors les habitants en ont facilement raison. On en tire une grande quantité d'huile de baleine. Près du rivage, il y a une argile grise remplie de filons ferrugineux et percée par les vers. Les trous sont petits, perpendiculaires et assez grands pour qu'on puisse y introduire une épingle de moyenne grandeur ; leurs parois sont ferrugineuses aussi et à moitié pétri- fiées aux endroits où l'argile a été emportée par l'eau, — le reste a l'apparence de tronçons de tuyaux de pipe couleur d'ocre. A midi, nous laissâmes Petite Rivière, continuant notre chemin vers St Joachim. Entre Petite Rivière, qui occupe le fond d'une anse, et St Joachim, la côte occidentale de la Rivière St Lau- rent n'est qu'une suite de montagnes élevées, séparées les unes des autres par de petites baies. Une longue observation a appris aux habitants qu'il y a toujours du vent sur ces hauteurs, même quand le temps est calme à Petite-Rivière ; et quand la brise souffle avec force, il n'est pas prudent de s'embarquer pour Québec ; les vagues prennent des dimensions inquiétantes dans ces parages. J'ai eu l'occasion d'en faire l'expérien- ce ; l'eau était tranquille dans les anses, mais comme nous commencions à doubler l'une des pointes formées par les hautes montagnes, les vagues augmentèrent, le vent devint si violent, qu'il fallut mettre deux hommes au gouvernail, et le mât fut brisé plusieurs fois. Près ENTRE PETITE-RIVIERE ET QUEBEC. 171 de ces caps ou pointes, il y a toujours un fort courant cjui contribue à grossir les vagues. 7 Septembre. Il s'en allait midi quand nous quittâmes St Joachim. Le champignon de bois s'emploie ici très fréquem- ment en guise d'amadou. Celui de l'érable à sucre est le plus estimé ; vient ensuite l'agaric de l'érable rouge, puis celui du merisier ; enfin, à défaut d'un meilleur substitut de l'amadou, on se contente du champignon qui croît sur le tremble. Les seuls arbres à verdure persistante dans cette partie du Canada sont le thuya, l'if et quelques indivi- dus du genre sapin. Le thuya est estimé parce qu'il résiste à la pourriture plus longtemps qu'aucun autre arbre ; le bois le plus recherché, ensuite, c'est le pin, qu'on appelle PCrusse, ici, (pruche). % On fait du fromage en maints endroits. Mais celui de l'île d'Orléans est regardé comme le meilleur. Petit, mince, rond de forme et de quatre à la livre de France, il se vend trente sous la douzaine. Une livre de beurre salé coûte dix sous, et la môme quantité de beurre frais quinze sous à Québec. Anciennement, on pouvait avoir une livre de beurre pour quatre sous ici. Les champs labourables vont en pente du côté de la rivière. Il y en a qui sont en friche, d'autres ensemencés, d'où je conclu^ qtté Ton suit ]<> m m. me de faire altern- c le friche avec la culture. Les champs ensemencés m' jaunes a distance, et eeuj en friche, yerta 172 SEPTEMBRE 1749. Les mauvaises herbes sont laissées pendant tout l'été sur les terres non labourées, les animaux les broutent. C'est le frêne qui fournit ici les meilleurs cercles pour les tonneaux, et quand il fait défaut on emploie le thuya, le petit bouleau, le cerisier sauvage. Des collines hautes et escarpées bordent la rivière sur sa côte occidentale vis-à-vis l'île d'Orléans. Elles sont formées pour la plupart de schiste calcaire noir ; cepen- dant on y trouve aussi le grès qu'à première vue on prendrait pour du granit et qui est composé de quartz gris, de pierre à chaux rougeâtre ou grisâtre et de quelques grains de sable, le tout en particules assez également mêlées. La pierre est de couleur rouge avec une teinte grise et très dure. Elle est disposée en lits superposés de cinq pouces d'épaisseur. Chose remarquable ! cette pierre portant à sa surface des impressions de pectinites de la dimension d'un pouce carré, tantôt en relief tantôt creuses, on s'attend naturellement à y trouver des valves pétrifiées, mais quand vous brisez la pierre vous êtes étonné de n'y pouvoir découvrir le moindre vestige d'une coquille^fossile. Les particules de quartz émettent des étincelles sous les coups du briquet et les particules de pierre à chaux entrent en effervescence sous l'action de l'eau forte. Les couches consistent en pierre à chaux à leur surface et à leur base et en quartz à l'intérieur. Cette pierre est très employée pour la construction des maisons et des escaliers, le pavage des parquets. On en envoie de grandes quantités à Québec. Elle contient des pétrifications, tandis qu'on n'en trouve jamais dans le schiste calcaire noir. Les femmes teignent la laine en jaune avec les graines du myrte-bâtard (1) appelé poivrier ici et qui se plait dans les terrains humides, (l) Myrica gale. Linn. MONTMORENCI. 173 Dans l'après-midi, M. Gaulthier et moi nous allâmes voir la chute de Montinorenci. La rivière coule au pied d'un plateau élevé, divisé en prairies et dominé par de hautes collines recouvertes d'une couche de terre arable qu'on a convertie en champs de blé. Le lit des ravines et le sol des terres a voisinantes sont entièrement composés de particules de schiste calcaire noir. Mais ailleurs l'argile a une teinte rougeâtre, ainsi que l'ardoise crayeuse. Les grosses pierres, brisées en morceaux, ont l'odeur de la pierre puante. La chute de Montmorenci, une des plus hautes que j'aie vues, est produite par une rivière peu considérable qui se précipite du sommet d'une colline de schiste calcaire noir, au fond d'une petite crique à parois lézar- dées et dont la coupe perpendiculaire et abrupte vous trappe d'étonnement. La pluie des jours précédents ayant gonflé les eaux de la rivière, la chute s'offrait à nos regards dans toute sa majesté. Sa largeur peut être de dix à douze verges et sa hauteur perpendiculaire, d'après l'estimation que M. Gaulthier et moi en avons faite, de cent dix à cent vingt pieds. A notre retour à Québec, ayant soumis notre estimation à plusieurs mes- sieurs, qui avaient eux-mêmes mesuré exactement la hauteur de la chute, ils nous ont déclaré qu'elle était correcte. Les gens du voisinage, très portés à l'exagé- ration, veulent absolument que la chute ait trois cents pieds. Le Tère Charlevoix (,l) donne dans le défaut contraire quand il ne lui en accorde que quarante. Un brouillard épais enveloppe constamment le pied de la cascade et s.' résout en une pluie incessante. (i) Il Nouvel li -• me ^ , p. n, 100. 174 SÊPTEMBLE 1749. M. Gaulthier et moi,ainsi que notre guide nous aurions voulu nous rapprocher le plus près possi- ble de la chute, afin de calculer exactement la courbe suivie par l'eau en tombant d'une si grande hauteur et faire un examen plus minutieux du roc ; mais à la distance d'environ douze verges du gouffre une bouffée de vent envoya au-dessus de nos têtes une brume qui, en moins d'une minute, nous eut mouillés de pied en cap comme si nous avions marché pendant une demie-heure sous une pluie d'orage, et nous rebrous- sâmes chemin le plus vite possible. Le bruit de la chute se fait entendre quelquefois jusqu'à Québec, qui en est éloigné de plus de deux milles (français) du côté du midi, et c'est un signe de vent de nord-est. D'autres fois, le bruit parvient aux villages situés dans le nord, et alors c'est un signe certain de vent sud-ouest ou de pluie. Le» couches de schiste calcaire noir qui forment les parois de la chute suivent une direction inclinée pres- que perpendiculaire. On y trouve les espèces de pierre qui suivent : Le gypse fibreux^ (1) disposé en feuilles très minces, blanches comme la neige, dans les fentes du schiste cal- caire noir ; j'en ai rencontré en plusieurs parties du Canada dans la même ardoise crayeuse. Pierre à Calumet. Tel est le nom français d'une pierre avec laquelle on fait des fourneaux de pipe par tout le pays. On la trouve entre les couches de schiste calcaire en lits généralement de quatre ou cinq, mais quelquefois, comme j'ai eu occasion de m'en assurer, de quinze pouces (I) Gypsum amianti forme Waller. Min. Germ. éd. p. 74. Fibrous or radiated gypsum. Forsl. Introd. to Minerology, p. 1G. MONTMORENCI. 175 d'épaisseur. Lorsque la pierre reste longtemps exposée au soleil ou à l'action de l'air, elle jaunit, tout en con- servant sa couleur grise à l'intérieur. Sa compacité est telle qu'on n'en peut distinguer les particules à l'œil nu. Elle est très molle, et suivant qu'on la peut couper plus ou moins facilement avec un couteau, on la juge plus ou moins bonne pour la fabrication des fourneaux de calumets. Elle se fendille à l'extérieur lorsqu'elle est laissée trop longtemps exposée aux rayons du soleil. Les godets, si chargés de sculptures, des bouffardes des gens du peuple, sont faits avec cette pierre. Une grande partie de la bourgeoisie fume aussi la pipe, surtout en voyage. Les Indiens emploient cette substance pour le même usage depuis des siècles, et ce sont eux qui ont appris aux Européens à s'en servir. Les fourneaux de calumets sont naturellement de couleur grise, mais avant de les étrenner, et pour leur donner meil- leure apparence, on les colore par le procédé suivant : après les avoir couverts de graisse, on les tient au-dessus d'une chandelle allumée ou de tout autre feu, et ils ne tardent pas à prendre un beau lustre noir, qui s'augmente par le fréquent usage. Les tuyaux de pipe sont tou- jours en bois. (1) îl n'y a pas de mines de houille près de la chute, ni dans les hautes collines qui l'avoisinent. Les villa- ci) Partout *'ii Pologne, en Russie, en Turquie, el dans la Tartarïej on l'urne avec des pipes de pierre marneuse, ajustées, à de longs tuyaux en généralement faits avec des bourgeons de différentes espèces de ppiréa dont la moelle est facile à extraire. Celte pierre marneuse s'appelle généralement écume de mer, el tires molle. Les Tartaree de la Grimée lui donnent le nom, de Ke/fekiU, Kl comme elle se faille aisément, on sculpte les pipes qui en sont fait''- de manière à leur donner toutes sortes de formes curieuses. Il n'est \>&> rare d'en voir montées on 176 SEPTEMBRE 1749. geois m'ont cependant montré un morceau de charbon de terre qui, disaient-ils, avait été trouvé sur Tune de ces collines. Nous fûmes de retour très tard le soir. 8 Septembre M. G-aulthier m'affirme que les fièvres intermittentes sont extrêmement rares à Québec. Au contraire, elles sont très fréquentes près du Fort St Frédéric et du Fort Détroit, qui est une colonie française, entre le lac Erie et le lac Huron, à 43 degrés de latitude nord. Les riches propriétaires ont des glacières (ice-cellars) pour conserver la bière et la viande fraîche, si difficile à garder pendant les grandes chaleurs. Ces glacières sont ordinairement bâties en pierre et dans les celliers des maisons. Pour diminuer le pou\*oir d'absorption des murs, on les revêt de planches à l'intérieur. Peu* dant l'hiver, on remplit ces glacières de neige, que l'on durcit en la battant avec les pieds, et ensuite on la couvre d'eau ; puis on ouvre portes et fenêtres pour laisser entrer le froid. On a l'habitude en été de mettre un morceau de glace dans l'eau ou le vin. Tout le sel en usage ici est importé de France. On pourrait cependant en faire du bon avec l'eau de mer ; mais la métropole se réserve le commerce du sel. Les Esquimaux forment une espèce particulière de sauvages américains établis sur la terre du Labrador, entre la pointe extérieure de l'embouchure de la Rivière St Laurent et la Baie d'Hudson ; ils n*habitent que les bords de la mer ou, du moins, ils ne s'en éloignent jamais beaucoup. Il ne m'a pas été donné d'en voir aucun, QUÉBEC. 177 mais j'ai parlé à nombre de Français, qui en avaient vu et reçu à bord de leurs vaisseaux. Voici ce que j'ai pu recueillir de leurs rapports unanimes sur cette nation : " Les Esquimaux diffèrent entièrement des Indiens de l'Amérique du Nord par rapport à la complexion et au langage. Ils sont presqu'aussi blancs que les Euro- péens ; comme eux, ils ont les yeux petits, et de la barbe, tandis que les Indiens ont le teint cuivré et nont pas de barbe. On prétend que leur idiome contient quelques mots des langues de l'Europe (1). Ils habitent des caver- nes, des crevasses dans les montagnes, ou des huttes de gazon. Ils ne sèment ni ne plantent de végétaux et ne vivent que de la pêche à la baleine et de la chasse au phoque (2) et au morse (3). Rarement il leur arrive de prendre des animaux de terre et de pouvoir ainsi varier leur nourriture. Ils mandent la viande crue. Pour boisson, ils n'ont que l'eau, et on prétend les avoir vus boire de l'eau de mer, aussi salée que de la saumure. Leurs chaussures, leurs bas, leurs culottes et leurs habits sont faits de peaux de phoque bien préparées et (l) Le! ftforaves, dans le Groenland, étanl entrés, une fois, en compagnie de Groênlandais, sur la terre du Labrador, les Esquimaux se sauvèrent dès qu'ils les aperçurent; mais les Moraves ayant ordonné à I un des Groënlandaia de les rappeler dans son langage, les Esquimaux. comprenant ce qu'il leurdisail commi fûl exprimé dans leur propre langue, t'arrêtèrent immédiatement revinrenl sur leurs] i déclaré- heureux d'avoir retrouvé un compatriote; le bruit se répandit bientôt parmi eux que l'un des leurs était revenu Cela prouve que les Esquimaux • ni un peuple qui n.i rien de commun i Dations européenne imilitudi aucun idiome d'Eu« I . I i Vilulina. Linn. (3) Trichechus rosmarus. Linn, 12 178 SEPTEMBRE 1749. cousues ensemble avec des nerfs de baleine qui, bien que très forts, peuvent se tordre comme du fil ; et la couture de leurs vêtements, qu'ils portent le poil en dehors, est si bien faite qu'ils peuvent marcher dans l'eau jusqu'aux épaules sans mouiller leurs hardes de dessous, car ils en mettent, quoi qu'on dise ; mais leurs vestes, et même leurs chemises, sont aussi faites avec des peaux de veaux- marins, si bien préparées qu'elles ont la mollesse des tissus les plus fins. J'ai eu l'occasion de voir la toilette d'une femme Esquimaux, comprenant chapeau, veste et robe faits d'un seul morceau de peau de phoque bien préparée, douce au toucher et le poil tourné en dehors. La robe courte par devant et n'allant guère qu'au milieu du haut de la jambe, s'allonge en traîne par derrière, et recouvre la culotte qui ne fait qu'une seule pièce avec les bottes. La chemise — qu'on m'a montrée — était en peau très fine. Les Esquimaudes (1) sont, dit-on, plus belles que les In- diennes de l'Amérique, aussi y a-t-ilplus de maris jaloux au Labrador que chez les peaux-rouges. J'ai vu aussi un bateau esquimaux. (2) L'intérieur en était entièrement fait de peaux épilées soigneusement — les côtés où se trouvait le poil tournés en dehors — et aussi douces au toucher que du velin. Le bateau, étroit et très pointu à ses extrémités, avait près de quatorze pieds de long. Deux ou trois planches minces, placées à l'intérieur donnaient de la tournure à l'esquif. Le dessus en était entièrement couvert de peaux, à l'exception d'une (1) Certains auteurs français contemporains ont récemment employé ce mot. (M.) (2) Kagack ou Kaiack — nom esquimaux de cette embarcation — ressemble singulièremeut au mot caïc ou caïque, nom que l'on donnait à l'esquif des galères, dans le temps où il existait des galères dans la marine française. (M.) QUÉBEC. 17!» ouverture à l'un des bouts, juste assez large pour qu'une personne puisse s'y asseoir et s'y tenir les jambes à cou- vert. Ce trou a la forme d'un demi-cercle ; sa base ou diamètre est tourné du côté de l'extrémité la plus large du bateau ; il est plaqué en bois et muni d'un tablier en peau fine, enroulé, et attaché avec des courroies à son extré- mité supérieure. Quand un Esquimaux s'embarque sur son bateau, il commence par glisser ses jambes sous le pont, puis il s'assoit à fond de cale, retire le tablier dont il s'enveloppe tout le corps et le fixe solidement avec ses courroies ; les vagues peuvent passer pardessus son canot sans qu'il y entre une goutte d'eau ; ses vêtements délient l'humidité. Il conduit son vaisseau avec une rame disposée en étroite pagaie à chaque bout et avec laquelle il réussit à tenir son kaiak en équilibre pendant le gros temps. Le bateau ne contient qu'une seule per. sonne. Il n'est pas rare de trouver des Esquimaux à une distance de plusieurs milles en pleine mer voguant en sûreté au milieu de violentes tempêtes dont des vais- seaux de haut bord ne se tirent qu'avec peine. Leurs canots flottent sur l'eau comme des vessies et ils les pa- gaient avec une vitesse incroyable. Ils en ont de diffé- rentes formes ; on dit même qu'ils ont de grands bateaux en bois couverts en cuir pouvant contenir plusieurs per- sonnes et avec lesquels ils voyagent avec leurs femmes. Leurs armes consistent en arcs e1 en (lèches, en javelines et en harpons avec lesquels ils tuent des baleines et d'autres grands animani marins. La pointe de leurs flèches et de leurs harpons esl faite d'os, de dents de morse : quelquefois elle est en fer. Leurs carquois sonl en peaux. Les aiguilles dont il- rvent pnm- coudre leuts rétements sont eillemenl en os on en fer. Tout le métal qu'ils peu- \ «'in se procurer leur rient des Européens. 180 SEPTEMBRE 1749. Ils vont à bord des vaisseaux étrangers échanger quelques-uns de leurs produits pour des couteaux ou d'autres objets en fer. Mais il n'est pas prudent pour les Européens de descendre sur le rivage, car les Esqui- maux sont traîtres et perfides, et ne peuvent souffrir d'étrangers parmi eux. S'ils ne se trouvent pas en nombre, ils se sauvent à l'approche des nouveaux venus ; mais pensent-ils être en force, ils tuent, impitoyablement ceux qui leur tombent sous la main, sans en épargner un seul. Aussi, les Européens ont-ils soin de ne laisser monter à bord de leurs vaisseaux qu'un petit nombre d'Esquimaux, à la fois. Quant aux naufragés, autant vaudrait pour eux être ensevelis au fond de la mer que d'être jetés sur les parages habités par ces barbares. Beaucoup trop d'Européens en ont fait la triste expé- rience. Ils s'emparent immédiatement des navires qui s'échouent sur leurs rivages et les dépècent pour en retirer les clous et tout le métal qu'ils peuvent contenir et qu'ils convertissent en couteaux, en aiguilles et en pointes de flèches, etc. Ils ne font usage du feu que pour travail- ler le fer et préparer les peaux d'animaux ; quant à leurs aliments, ils les dévorent tout crus. Lorsqu'ils viennent à bord d'un vaisseau européen, ils ne touchent jamais aux mets que les matelots leur offrent, avant de les avoir vus en manger eux-mêmes. Bien que rien ne plaise autant aux autres nations indigènes que l'eau-de- vie, cependant beaucoup de Français m'ont assuré qu'ils n'ont jamais pu réussir à en faire boire aux Esquimaux, tant est grande leur méfiance à l'égard des étrangers, qu'ils soupçonnent continuellement de vouloir les empoisonner ou leur causer quelque mal ; et en cela, ils n'ont peut-être pas toujours tort. Ils ne portent pas de pendants-d'oreil- les et ne se peignent pas la figure comme les Indiens d'Amérique* Depuis des siècles, ils ont une race de QUÉBEC 181 chiens dont les oreilles sont naturellement droites et ne pendent jamais (1). Ils s'en servent pour la chasse et comme bêtes de trait, l'hiver, pour le transport de leurs pacotilles sur la glace, et quelquefois aussi pour se pro- mener en traînaux. Ils n'ont pas d'autre animal domes- tique. Bien qu'il y ait beaucoup de rennes- dans leur pays, il ne paraît pas que les Esquimaux, ni aucune autre tribu sauvage de l'Amérique aient réussi à les apprivoiser. Les Français du Canada, qui, en quelque sorte, sont les voisins des Esquimaux, ont fait l'impossi- ble pour ouvrir des rapports de commerce avec eux et leur inspirer des dispositions plus amicales envers les autres nations. Dans ce but, ils ont pris des enfants Esquimaux, leur ont appris à lire et les ont instruits de leur mieux. Leur intention était de renvoyer ces en- fants dans leur pays, espérant, par les bons rapports qu'ils ne manqueraient pas de faire des traitements qu'ils avaient reçus, arriver à se concilier les Esqui- maux. Malheureusement, ils moururent de la petite vérole et le plan échoua. Mais l'on doute beaucoup ici que l'expérience eût réussi, même dans le cas où les enfants auraient vécu. En effet, on raconte l'histoire d'un Esquimaux qui, pris autrefois par les Français et emmené au Canada, y a vécu pendant longtemps, toujours traité avec la plus grande bouté. Il apprit le français et sembla se faire merveilleusement bien^à la manière de vivre des Français. Lorsqu'on le rendit à ses compa- triotes, on espérait qu'il pourrait exercer sur eux assez d'influence pour leur inspirer de meilleurs sentiments à jard de ses anciens maîtres. Mais il fut tué par ses pro- ches parants commeà demi Français et étranger. Aussi, \i , ,ii,i.t i ■ land i fs i uai lescriptioa aussi intéressants qus blsn " comte d i Vaudreuil, qui commandail l'Intrépide, se distin- gua grandemenl dansce combal el reçut une lettre de félicitations de M. de l'Estanduère. La frégate I . qui faisait pari tte esca- dre, i "i\ chantiers du roi, à Quel) Ferland i vol. il. p« Ifl En 1735, l'Estanduère, alors commandanl «lu vaisseau du mi le Rubis, tel en Prani e, m 184 SEPTEMBRE 1749, Il ne fut pas plus tôt installé dans sa charge de gouver- neur-général, qu'il combina cette série de mesures pour obtenir des informations sur l'histoire naturelle, que j'ai mentionnées plus haut. Lui arrive-t-il de voir des gens qui ont séjourné dans quelqu'un des établissements les plus éloignés du pays, ou les ont parcourus, il ne manque jamais de les questionner sur les arbres, les plantes, le sol, les pierres, les minéraux de ces localités. Il s'informe également de l'usage que les habitants font de ces choses, de leurs méthodes de culture, des lacs, rivières ou passages de ces pays, et de nombre d'autres détails. Ceux qui paraissent avoir des notions plus claires que les autres, il ne les laisse partir qu'après en avoir obtenu une description circonstanciée de ce qu'ils ont vu. Il prend note de toutes ces informations, en rédige lui-même des rapports, et grâce à cette grande application si peu commune chez les personnes de son rang, il s'est bientôt acquis une connaissance parfaite des parties les plus éloignées de l'Amérique. Les prêtres et les commandants des forts qui se rencontrent chez lui, en visite, à leur retour de contrées quelquefois très distantes les unes des autres, sont surpris des questions qu'il leur pose et émerveillés de le voir si bien renseigné ; il n'est pas rare qu'il leur dise que près de telle montagne ou tel rivage où ils sont allés souvent faire la chasse, il y a telle plante particulière, des arbres de telle espèce, que le sol est de telle ou telle qualité, qu'on y trouve un certain minéral ; or toutes ces informations dont l'exacti- tude étonne les voyageurs, il les a obtenues d'avance. Mais quelques-uns de ses administrés, qui ne sont pas dans le secret, l'entendant faire une description de toutes les curiosités de lieux situés quelquefois à deux cents milles suédois de Québec, et où il n'a jamais mis le pied, croient qu'il a une connaissance surnaturelle des choses. QUEBEC. 185 Il n'y a jamais en un meilleur homme d'état que lui, et personne ne peut prendre des mesures plus judicieuses et choisir des moyens plus efficaces pour l'amélioration d'un pays et l'accroissement de sa prospérité. Le Ca- nada avait à peine eu le temps de connaître le trésor qu'il possédait en la personne de ce gentilhomme, qu'il eût le malheur de le perdre ; le roi avait besoin de ses services et ne pouvait le laisser en pays si éloigné. Il est retourné en France avec une collection de curiosités naturelles et une quantité de plantes et de jeunes arbres empotés dans des vaisseaux remplis de terre. (1) J'ai parlé bien souvent du schiste calcaire noir, dans cette relation de mon voyage. Je vais maintenant en donner une description plus minutieuse. La montagne sur laquelle Québec est bâti, et les collines qui bordent la rivière St Laurent, sur une étendue de plusieurs mil- les des deux côtés de Québec, sont composées de cette espèce de schiste argileux. A la profondeur d'une verge, la pierre est très compacte et sans crevasses, de sorte que Ton ne peut s'apercevoir, à première vue, que c'est une ardoise, les molécules en étant imperceptibles. Elle gît en couches qui varient de trois à quatre et jusqu'à vingt pouces et plus d'épaisseur. Dans les montagnes sur Lesquelles Québec est assis, les couches ne sont pas dis- horizontalement, mais en pente avec tendance à se rapprocher de la ligne verticale, les surfaces de dessus pointant vers le Nord-Ouest et celles de dessous vers le M Barrin, marquis de la Galissonnière, lieutenant-général 1 mce el associé libre de l'Académie des v lut Dommé rneur du Canada en 1745 <-\ occupa cette charge <1» 1 1 nandail l'escadre destinée à i le débarquement I hommes i our l'attaque de M inorque el battit la Botte angl aux o (M.) 186 SEPTEMBRE 1740. Sud-Est. On peut remarquer cette disposition dans les rues mêmes de la ville où, à tout moment, on est exposé à voir sa chaussure coupée par l'arête tranchante d'un de ses lits de pierre qui perce la croûte du sol. J'ai observé quelquefois l'inclinaison vers le nord mais avec tendance vers la ligne verticale et aussi, mais plus rarement, l'incli- naison horizontale. Les lits sont divisés par des crevasses étroites généralement remplies d'un gypse blanc fibreux qui se désagrège facilement avec un couteau lors- que la pierre est cassée de manière à le laisser décou- vert et alors il a l'apparance d'un mince feuillet blanc. Les crevasses larges sont remplies de cristaux de quartz transparent de différentes grandeurs. Une partie de la montagne en contient des quantités considérables d'où vient le nom de Pointe de Diamant donné à l'une de ses crêtes, celle qui s'élève au S. S. E. du Palais. Les petites crevasses qui divisent la pierre sont généralement à angles droits, mais les distances entre elles ne sont pas toujours égales. La surface des couches entre chaque assise est souvent couverte d'une fine membrane noire et brillante qui a l'apparence d'une espèce de pierre de corne (1) pyriteuse. On y rencontre quelquefois des pyrites jaunes, mais toujours en petits grains. Je n'y ai jamais trouvé de pétrifications, ni d'impressions, ni aucune espèce de roche autre que celle que je viens de décrire. Presque tous les édifices publics et privés de Québec sont construits avec cette pierre schisteuse, ainsi que les murs qui entourent la ville et enclosent les monas- tères et les couvents. Elle se casse facilement, et on la peut tailler de la grandeur voulue. Mais après une année ou deux d'exposition à l'air et au soleil, elle a le défaut de se fendre en minces feuillets parallèlement à (l) Amphibole noire ou hornblende, dite aussi amphibole cor- néenne. (M.) QUÉBEC 187 la surface du lit d'où elle a été tirée. Cependant, cela n'endommage pas les murs qui en sont construits, parce qu'on a le soin de placer les pierres dans une position telle que le clivage suit toujours une ligne horizon- tale. La pression des pierres de dessus sur les pierres de dessous empêche les fentes de se produire ailleurs que sur la surface extérieure, et l'intérieur de la pierre reste compacte. Les feuillets deviennent plus minces à mesure que la maison vieillit. Aiin de donner à mes lecteurs une idée du climat de Québec, et des variations de la chaleur et du froid dans les différentes saisons de l'année, j'insère ici quel- ques notes extraites d'observations météorologiques, faites par M. Chiulthier, médecin du roi. Il m'a donné une copie de celles qu'il a consignées depuis Octobre 1744 à la fin de Septembre 1740. J'omets ses observa- tions thermométriques, ne les croyant pas correctes. M. Gaulthier se sert du thermomètre de La Hire ; or, cet instrument ne peut déterminer exactement les degrés du froid, parceque le mercure reste comprimé fi ans la boule qui termine la partie inférieure du tube des que le froid devient intense. M. Gaulthier a fait ces observations pendant tout le cours de l'année entre sept et huit heures du matin et deux ou trois heures de L'après-midi, rarement plus tard dans la journée. D'ail- leurs, son thermomètre ne pouvait lui donner des indi- cations exactes, parce ier du genre plantigrade qui nalui le G louton, Qulut, et les Canadien celui de Carcajou dénomination zoologique ■lus lusi pendant, is auteurs modem atquele i d'Amérique, M< les La ra I m de Pichou, donn< den Patpi imme lynon; me ur. S'il est vrai que ce métal se rencontre toi' - sur le sol, à l'embouchure des : .\ ières, il i >babje qu'il y est apporté par la glace, ou par l'eau qui descend des mon- tagnes. Cependant quoique des recherches soigneuses aient été faiies, on n'a encore trouvé aucun endroit où le cuivre existe en aussi grande abondance. Le chef ou supérieur clés prêtres de Montréal m'a donné aujourd'hui un morceau de minerai de plomb très compacte et à cuboïdes bril qui a été ramassé à quelques milles fr mçais (lieues) de Me Ltr il. riusiours personnes m'ont assuré qu'il y a ri te de plomb quelque part dans le Sud Les ! ls en connaissent l'existence,! ; u Llis< ni même le m y trouvent en le convertissant, par lai i,enbal nb. Je m'en su' are quelques éch con- tiennent, en effet, un minerai de plomb en < lants, séparés les mis des autres par de minces <• d'une terre blanche ou glaise dure, H sensible à l'action de l'acide nitrique. .l'ai pareillement reçu un échantillon d'une sorte de terre brune tirant sur 1«> roux, que l'on trouve près du des Deux-Montagnes, à quelques milles français de Montréal. Elle s'écrase facilemeni entre les doigts, quoi- que très pesante comme toutes les argiles. Luisante à .sa surface, elle se déteint dans la main pou* peu qu'on l'y garde quelque temps, <-t y laisse des reflets argentés t probablement un.- sorte ur bien mal partagée, si elle ne compte pas au moins vingt adorateurs. Ces jeunes demoiselles, surtout celles du plus haut rang, se lèvent pt heures, .•! s'occupent de leui toilette jusqu'à neuf 216 SEPTEMBRE 1740. heures, et cela en prenant leur café ; aussitôt leur toilette finie, elles se placent près d'une fenêtre qui ouvre sur la rue, tiennent à la main quelqu'ouvrage à l'aiguille, et cousent un point de temps à autre, mais sans cesser de regarder au dehors. Tin jeune homme entre-t-il dans la maison, soit qu'elles le connaissent ou non, elles mettent immédiatement l'ou- vrage de côté, et vont s'asseoir près de lui pour causer, rire, plaisanter, inventer des " double- entendrez" (1) et, ainsi, l'on croit passer pour avoir beaucoup desprit Pen- dant ce temps-là, la mère a tout le fardeau du ménage. A Montréal, les filles sont moins frivoles et plus adonnées au travail. On les voit toujours occupées à coudre quand elles n'ont point d'autre devoir à remplir. Cela ne les empêche pas d'être gaies et contentes ; personne, non plus, ne peut les accuser de manquer d'esprit ni d'attraits. Leur seul défaut, c'est d'avoir trop bonne opinion d'elles- mêmes. Notons à leur louange que les tilles de tout rang, sans exception, vont au marche, et rapportent avec elles les provisions qu'elles y o»t achetées. Elles se lèvent aussi de bonne heure, et se couchent aussi tard que qui que ce soit dans la maison. D'après ce qui m'a été dit, je suis porté à croire que leur dot, en général, est peu considérable, à cause du grand nombre d'enfants dans chaque famille et de la modicité des revenus. Les filles de Montréal ne voient pas, sans en éprouver un grand dépit, celles de Québec trouver des maris plus tôt qu'elles. Aussi les chances ne sont pas égales : les jeunes gentilhommes qui viennent de France, chaque année, sont captivés par les dames de Québec et s'y marient ; mais comme ces messieurs vont rarement (1) En français dans le Uwte. -ai: r- \r-!:i':cui.ij. 217 à Montréal, les jeunes filles de oçtte dernière ville n'ont pas souvent semblable fortune. 23 Septembre. Ce matin, je suis alfë au Saut-au-Recoliet. village situé à trois milles français au nord de Montréal, pour en observer et décrire les plantes et les minéraux, et surtout pour cueillir des graines de différents \ ux Près de la ville, le chemin est bordé d'habitations de chaque côté, mais, plus loin, le pays est boisé et d'un niveau inégal. Le sol est ferme et contient de la pierre composée et une espèce de pierre à chaux grise. Les routes sont mauvaises et presqu'impraticables pour les voitures légè- res. Un peu avant d'arriver au Saut-au-Ré collet, le pays est découvert, et offre au regard une longue suite de champs, de prairies et de pâturages. A un mille français de la ville, il y a, sur le bord du chemin, deux fours à chaux construits en pierre dur- cie au feu, à l'exception de l'intérieur, qui est i mit. Leurs voûtes ont sept verges de hauteur. La pierre a chaux es! de deux sortes, l'une a sque noire, et si compacte <]'i'on ne peut en distinguer particules constituantes, sauf quelques gri pars (1*1111 spath grie, blanc ou pâle. Par-ci par-] . on dé couvre de petites [entes remplies de spath >lanc e menus cristaux. Malgré l'examen le plus atienx ie n'ai pu y découvrir aucune pétrification. Cette pi' me dans l'île de Mou a! : on l'y rencontre a une profondeur d'environ un p i un pied »'t demi de la surface 'lu sol, en lits de à dix pouces d'épaisseur. Elle donne paraît-il chaux qui, sans être aussi blanche que la pierr< 218 SEPTEMBRE 1740. grise, est cependant beaucoup plus estimée, parce qu'elle fait un mortier d'une qualité supérieure, lequel se durcit et devient plus dense en vieillissant. Il est arrivé quel- quefois, pendant qu'on était à faire des réparations à des maisons dont les pierres étaient liées avec ce mortier, que ces pierres se brisaient, tandis que le mortier restait intact. L'autre espèce de pierre à chaux est grise ou gris- foncé ; c'est un calcaire compacte, mêlé de grains de spath de même couleur. Cette pierre est remplie de coquilles striées, pétrifiées ou pectinites. La plupart de ces pétrifications ne sont cependant que des impres- sions du côté creux des écailles. Pourtant, j'ai trouvé, ça et là, des morceaux de valves pétrifiées, bien que je n'aie jamais pu découvrir des coquillages de même espèce dans leur état naturel sur les rivages ; et je ne conçois pas comment une telle quantité d'impressions ait pu se grou- per en un seul point. J'ai vu de gros morceaux de cette pierre à chaux composés presqu'entièrement de ces pectinites serrées les unes contre les autres. On trouve cette pierre en différents endroits dans l'île, en couches horizontales de l'épaisseur de cinq à dix pouces. Elle fournit beaucoup de chaux blanche, mais de qualité inférieure, parce qu'elle devient humide dans la saison des pluies. Le sapin est considéré comme le meilleur combusti- ble pour les fours à chaux, et le thuya vient ensuite. L'érable à sucre et les autres arbres de même espèce ne conviennent pas pour cet usage, parce qu'ils font une trop grande quantité de charbon. Les bois et les champs sont remplis de grosses roches grises (rock-stone). Les feuilles de beaucoup d'arbres et de plantes com- mencent à prendre une teinte pâle, surtout celles de - \r C-AU-RÉCOLLET. 21!» l'érable rouge, du sumac glabre, de la renouée sagit- tée, Pohjgonum Sagittatum (1), Linn, et de plusieurs fougères. 1 ne grande croix est érigée sur le chemin, et le gamin qui m'a servi de guide à travers le bois me dit que là fut enterrée une personne qui a fait de grands miracles. A midi, nous étions arrivés au Saut-au-Récollet, petit village situé sur un bras de la rivière St Laurent, dont le courant est très violent entre l'île de Montréal et l'île Jésus. Son nom lui vient d'un accident qui est arrivé à un frère récollet appelé Nicolas Yeil, en Tannée 1623 (2). Il descendait dans un bateau avec un sauvage converti et quelques autres sauvages de la nation des 1 lurons, dans le but de se rendre à Québec ; mais, com- me il passait en cet endroit delà rivière, le canot chavira et il se noya, ainsi que son néophyte. Les sauvages, qui furent soupçonnés au reste d'avoir causé volontai- rement l'accident, nagèrent jusqu'au rivage, emportant avec eux ce qu'ils purent sauver des effets du moine, épaves ou dépouilles, qu'ils ne rendirent jamais. Le pays, aux alentours, est rempli de pierres, et la cul- ture ne fait que d'y commencer. Les vieillards se sou- viennent d'avoir vu, couverts de grands bois, tous ces champs, ces prairies et ces pâturages. Les prêtres disent que la contrée était autrefois entière- ment habité • par des limons convertis. Quand les Fran- nétrèreni daus cette partie du pays, ces [ndiene ] Iv M 220 SEPTEMBRE 1740. vivaient sur une hante montagne à une petite distance de Montréal ; mais les colons, à force d'instances, finirent par les décider à leur abandonner la place, et à transpor- ter leurs cabanes dans une autre localité. C'est alors que les sauvages vinrent s'établir au Sault-au-Récollet, où plus tard on leur construisit l'église qui existe encore, et où ils assistent, actuellement, et depuis une longue suite d'années à l'office divin. Les Français s'étant accrus en nombre dans l'île de Montréal, le désir de l'avoir tout entière, pour eux seuls, s'empara naturellement d'eux, et ils s'efforcèrent d'engager les Indiens à leur vendre cette terre du Saut, comme ils avaient déjà fait de l'autre, et d'aller planter leurs tentes ailleurs. Après maints pourparlers, ils réussirent encore au gré de leur désir, et les sauvages, dont au reste le voisinage est peu désirable, à cause de leur ivrognerie et de leur vie nomade et paresseuse, quittèrent le pays pour aller se fixer au lac des Deux-Montagnes, où ils sont encore et où ils ont une belle église en pierre (1). Celle du Saut- au-Récollet est un vieil édifice en bois, d'apparence dé- crépite ; mais l'intérieur en vaut mieux que le dehors et es Français y suivent les offices religieux. D'ailleurs, on ne tardera pas à bâtir une église neuve ; la pierre qui devra entrer ctens sa construction est déjà rendue sur les lieux. Les observations que j'ai faites durant ces trois jours paraîtront dans une autre publication. Il n'y a pas eu de pluie ici depuis quelque temps ; cependant l'humidité de l'air est telle que j'ai retrouvé, (1) On sait dans quelles circonstances fâcheuses seltc église a été récemment détruite. (M.) SAUT-AU-rtÉOOLLEl. tout mouille . des morceaux de palpier que j'avais laisses à l'ombre, sur le sol, quelqueé mi mtes auparavant, et que je destin is à pes A niés graines. Cep< n<ïant, le firmament est clair et brillant, et la cha- leur aussi nterisé qu'au mois de juillet. Chaque année, une moitié des champs est laissée en friche en alternant, et la par:;" ; i ; : tesée en friche n'est jamais labourée pend mt l'été, ce qui permet aux animaux de brouter les herbes sauvages qui y poussent. Je l'ai déjà dit, on ne sème ici que du blé d'été. Quel- ques cultivateurs labourent les terrains en friche, tard en automne, d'autres attendent jusqu'au printemps pour le faire ; mais le premier mode est, dit-on, préférable au second, et donne une bien meilleure récolte. Le blé, l'orge, seigle el l'avoine sont hersés, mais les pois sont semés avant le labour. L'ensemencement se fait ordinaire- ment vers le 15 avril, et on commence par les pois. Parmi les espèces différentes de pois que l'on peut se procurer ici, les pois verts sont préférés pour la semence. Ils viennent très bien dans un sol pauvre, niais élevé, sec el mélangé de sable grossier. La récolte commence vers la lin el quelquefois au milieu d'août. blé rapporte généralemenl quinze ou vingt niinota pour un, L'avoine de quinze à trente. Le rendement ]><»is va parfois jusqu'à <|u:irau<<4 minots pour un : mais d'autres années il ne dépasse pa> dix ri varie beaucoup. La charrue h la 1" rse Constituent tout l'outillage ai du paysan canadien, et encore ces instrumenta ne sont-ils de la meilleure qualité. On fume ]• bes au printemps. Le sol se compose d'une terre grise pierreuse, mélangée de glaise el de sable. ( >u ne sème d'orge •ut'- ce qu'il en faut peur la nourri- 222 SEPTEMBRE 1749. ture des bestiaux ; il ne se fait pas de malt ici. On sème beaucoup d'avoine, mais seulement pour les chevaux et les bestiaux. Personne, dans un pays où il faut garder à l'étable et nourrir les animaux de ferme pen- dant cinq mois chaque année, ne songe à utiliser, comme fourrage, les feuilles d'arbres décidues, dont cependant les forêts sont remplies. J'ai déjà dit et répété que presque tout le blé semé en Canada est du blé d'été, c'est-à-dire qu'on n'y sème le blé qu'au printemps. Près de Québec, il arrive quel- quefois, lorsque l'été est moins chaud ou le printemps plus tardif que d'ordinaire, qu'une grande partie du blé n'a pas le temps de mûrir parfaitement avant que le froid commence. On m'assure que quelques culti da- teurs de l'île Jésus sèment leur blé en automne, et que leur récolte est bien meilleure et beaucoup plus abon- dante que s'ils semaient leur blé l'été ; cependant, le blé d'automne mûrit à peine une semaine avant l'autre. 25 Septembre. Je remarque qu'ici les champs sont enclos de murs de pierre a»u lieu de palissades de bois : ce qui s'explique par l'abondance de la pierre. Le hêtre, qui est très commun dans les bois, porte maintenant ses graines, dont les Canadiens sont très friands ; ils les cueillent l'automne et les font sécher jusqu'à l'hiver ; les faînes ont alors une saveur excellente, et on les sert, au dessert, en guise de noix ou de noisettes. Le curé de cette localité me dit qu'à sept milles français d'ici, près de la rivière l'Assomption, il y a une saline où, pendant la guerre, les habitants se sont approvision- nés d'un beau sel blanc. L'eau de cette source a, paraît-il, un goût très saumâtre. SAUT-AtKRÉCOLLET. 223 Certaines espèces d'arbres fruitiers réussissent mer- veilleusement bien près de Montréal, et j'ai eu l'occa- sion d'y voir de très-belles variétés de poires et de pommes. A Québec, les poiriers ne pourraient sup- porter la rigueur de l'hiver ; il arrive quelquefois que^ même dans le voisinage de Montréal, la gelée les détruit. Les pruniers de différentes sortes, qui ont été importés de France, viennent très-bien. 11 y a dans les forêts trois espèces de noyers indigènes ; mais le noisetier im- porté d'Europe périt presque chaque année, à l'excep- tion de la racine, qui émet de nouveaux rejetons au printemps. Le pêcher ne s'acclimate pas ; quelques individus, cependant, résistent au froid, quand on a eu la précaution de les entourer de paillassons. On n'a encore planté en Canada ni mûriers, ni châtaigniers, ni d'autres arbres de même espèce. Toute la partie cultivée du Canada a été donnée par Le roi au clergé et aux nobles ; les terres non défrichées leur appartiennent aussi, de même que le terrain occupé par les villes de Trois-Rivières et de Québec. Celui sur lequel Montréal est bâti appartient, ainsi que toute l'île du même nom, aux prêtres de l'ordre de St Sulpice résidant à Montréal. Us ont donné la terre en censive aux fermiers el à tous autres désirant s'y établir. Les premiers colons payaient Leurs champs une bien modique somme ; souvent, toute la redevance pour une pièce de trois arpents sur trente consiste en un couple de poulets, ou bien en une rente de vingt, trente ou qua- rante sols. Mais ceux qui sont venus plus tard paient près de deui écus une terre de semblable étendue; il s'en suit que la rente foncière esl très Inégale par tout le pays. L'évéque du Canada n'a pas de reve- nus fonciers Les églises sont bâties aux Irais d< jlM septembre 1749. grAgutions (1). Les habitants ne paient pas encore de taxes au roi, et les seuls impôts qu'il y prélève sont ceux qui proviennent de la douane. Les ; rêtres de Montréal ont ici un moulin qui leur rappoii le quart de tout le grain qui y est moulu ; et sur ce quart, le meunier prélève un tiers pour sa part ; ailleurs il en aurait la moitié. Quelquefois, les prêtres louent le moulin une certaine somme. A part eux, nul n'a droit d'ériger un moulin sur l'île de Montréal ; ils se sont réservé ce privilège pour eux-mêmes. Dans le contra passé entre les prêtres et les habitants de l'île, ces derniers s'obligent de faire moudre tout leur grain dans les moulins des sulpiciens. On extrait beaucoup de sucre en Canada de la sève de l'érable à sucre, de l'érable rouge et du merisier, de la sève du premier arbre surtout. On la fait couler au moyen d'incisions pratiquées sur l'arbre. J'ai décrit avec soin la manière de fabriquer le sucre d'érable dans les Mé- moires de notre Académie Royale des Sciences (2). 26 SEPTEMBRE. Je partis ca matin, de benne heure, pour m'en retour- ner à Montréal. La nature commençait à prendre la teinte de l'automne. Les feuilles de certaines espèces d'arbres étaient pâles, celles d'autres essences, rougeâtres, et la plupart des plantes avaient cessé de fleurir. Néan- moins les espèces suivantes étaient encore dans leur période d'épanouissement : Plusieurs sortes d'astères bleues et blanches, Asteres. Plusieurs variétés de la verge d'or, Solidaginées. il) Paroisses. (?) Vol. de l'année 1751, MONTRÉAL. 225 La millefeuille commune, Achillea millefolium. Le prunellier commun, Prunella vulgaris (1). Le chardon frisé, Carduus crispus (2). L'œnothère bisannuelle, Œnothera biennis, (Onagra- riées.) Le soleil à feuilles rugueuses trifoliées, Rudbeckia iriloba (3). La violette du Canada, Viola Canadensis, (Violacées.) Une espèce de gentiane, Gentiana saponaria. La vigne sauvage, qui est très abondante dans les bois, grimpe en s'enlaçant autour des grands arbres. J'ai demandé à des Français qui ont fait de longs voyages dans l'intérieur du pays, quelles sont les diffé- rentes substances qui servent à l'alimentation des Indiens. Les sauvages qui vivent dans les régions les plus septentrionales ne peuvent rien planter à cause de la rigueur du froid. Ils n'ont, par conséquent, ni pain ni végétaux ; ils vivent de poissons et de la chair du castor, de l'ours, du renne, de l'élan, du lièvre et de différentes espèces d'oiseaux. Les Indiens qui habitent des contrées plus méridionales cultivent le maïs, une espèce de haricot appelée faséole ou favéole, jthaseoli, plusieurs variétés de citrouilles, le melon d'eau et le melon (cucumis melot Linn.). Les fruits de certains arbres des forêts leur sont une grande ressource. Mais ils se nourrissent surtout de poisson et de la chair de certains animaux, par exemple, de la chair du chat sauvage, du chevreuil, du cerf, de l'ours, du castor et de celle d'autres quadrupè (I) /V"/, ire prunier, (M.) la famille des 68, tribu t les orties leurs fleurs (1). Les feuilles du Lilleul oui été également endommagées. Dans les I . i — (I il i é ;. M 232 octobre 1740. jardins potagers, la gelée a détruit les feuilles du melon. Cependant, le hêtre, le chêne et le bouleau ne paraissent pas avoir souffert du tout. La terre est partout couverte d'une gelée blanche. La glace des étangs a l'épaisseur d'une ligne et demie géométrique. L'œnothère bisannuelle (Linn.) croît en abondance sur les collines boisées, là où la hache du bûcheron a fait de larges éclaircies et dans les champs en friche. Un vieux français qui m'accompagnait pendant que je faisais ma collection de graines, ne pouvait assez vanter, comme un remède excellent pour la guérison des blessures, la feuille pilée de cette plante. Un mot maintenant sur les Sœurs de la Congrégation. Ce sont des religieuses qui, à la différence des nonnes, ne vivent pas dans un seul et même couvent ; elles ont, tant à la ville qu'à la campagne, des maisons qu'elles habitent, et elles vont demeurer où il leur plaît. Il leur est même permis de se marier si elles en trouvent l'occasion ; mais on me dit que cela arrive très rarement. En beaucoup de paroisses à la campagne, il y a deux ou trois de ces sœurs et même plus ; généralement, leur maison est voisine de l'église, et le terrain de l'autre côté est occupé par le presbytère. Leur mission est d'élever les jeunes filles dans la religion chrétienne, de leur apprendre la lecture, l'écriture, les ouvrages à l'aiguille et les arts d'agrément qui font partie de l'éducation des femmes. Les parents riches mettent leurs enfants en pension dans les maisons de ces sœurs, qui fournissent la nourriture, le logement, la literie, l'instruction et tout ce qui est nécessaire aux élèves à des termes très raisonnables. La maison mère est à Montréal, et cesi de là que les religieuses sont envoyées dans les succursales, à la cam- LACHINE. pagn3. Une dame qui désire être admise comme mem- bre de la communauté doit verser une somme considé- rable dans le fonds général ; on dit même que cette dot s'élève jusqu'à quatre mille francs. Mais une fois pro- fesse, la religieuse est sûre de sa subsistance pour toute sa vie. Lachine est un joli village situé à trois milles français au Sud-Est de Montréal, sur l'île du même nom, et le bord de la rivière St Laurent. Les maisons des fermiers s'alignent sur la côte, à quatre ou cinq arpents les unes des autres. Le village possède une jolie église surmon- tée d'un petit clocher, et le site qu'il occupe est très agréable. Il doit son nom à l'aventure suivante : durant le séjour qu'y fit ce pauvre M. Salée (1), qui devait plus tard périr dans une région lointaine, massacré par ses compatriotes, il ne parlait que d'un projet auquel il donnait toute son attention : trouver la route la plus courte pour la Chine, par la rivière St Laurent. C'était le sujet continuel de sa conversation comme de ses recherches. Mais au moment d'entreprendre le voyage qui devait amener cette découverte, il lui arriva un contre-temps, et il ne put aller plus loin : de là le nom de La Chine donné à ce village par dérision. J'étais de retour à Montréal dans la soirée. 5 OCTOBRE. Le gouverneur-général à Québec est, comme je l'ai du plus haut, le commandant en chef du Canada. Après lui, vient l'intendant de Québec, puis le gouverneur de Montréal, el ensuite l«i gouverneur de Trois-Bivières. ( M > OCTOBRE 17 1M. Après le gouverneur-général, l'intendant est l'officier qui a les pouvoirs les plus étendus; il est le trésorier du gouvernement, le président du bureau des finan- ces et de la cour de justice du pays. Cependant il est subordonné au gouverneur-général, qui a droit de lui donner des ordres et de le rappeler au devoir quand il vient à manquer à quelqu'une des obligations de sa charge, et l'intendant doit se soumettre. Néanmoins il lui est permis d'en appeler au gouvernement français. Dans chacune des principales villes, le gouverneur est le premier en autorité, ensuite le lieutenant-général, puis le major et après ce dernier, les capitaines. Le gou- verneur-général a l'initiative dans toutes les affaires importantes. Quand il va à Trois-Rivières et à Mont- réal, le pouvoir des gouverneurs locaux cesse, parce- qu'il commande toujours là où il est. Le gouverneur- général monte à Montréal une fois par année, en hiver le plus souvent ; pendant son absence, c'est le lieu- tenant-général qui, à Québec, exerce le commandement, à sa place. Avenant le décès du gouverneur-général, ou son départ pour la France, le gouverneur de Montréal laisse cette dernière ville sous les ordres du major, et va à Québec, prendre le commandement par intérim. Il vient chaque année, en Canada, un ou deux vaisseaux du roi amenant des recrues pour remplacer les soldats morts au service, ceux qui ont obtenu la permission de s'établir comme colons, dans le pays, ou qui s'en retour- nent en France, après avoir fini leur temps. Le nom- bre de ces recrues est actuellement de cent à cent cin- quante, sans compter les contrebandiers, doirt on envoie un bon nombre en même temps. Autrefois, on les con- damnait aux galères ; mais à présent, on les dirige sur les MONTRÉAL. % colonies où ils sont libères dès leur arrivée, mais à condi- tion de ne pas sortir du pays sans un permis spécial du roi. Les vaisseaux apportent aussi une grande quantité de marchandises achetées par le roi pour être distribuées parmi les Indiens en certaines occasions. Les habitants du Canada paient bien peu de taxes. En l'année 1748, on a commencé, cependant, à frapper d'un impôt de trois pour cent toutes les marchandises françaises importées par des négociants du Canada. Il fut aussi réglé, à cette époque, que toutes les peaux et fourrures expédiées du Canada en France paieraient un certain droit; mais ce qui est expédié aux colonies ne paie rien. Les mar- chands de toutes les parties de la France et de ses colo- nies ont la liberté d'envoyer au Canada des vaisseaux chargés de denrées ; pareille liberté est accordée aux marchands de Québec, et ils peuvent expédier les produits du pays à tous les ports de France et de ses colonies. Mais les négociants de Québec ont peu de vaisseaux, parce que les gages des matelots sont trop élevés. Les villes de France qui commercent le plus avec le Canada, sont en premier lieu la Rochelle et Bordeaux, puis Marseilles, Nantes, Hâvre-de-Grfice et St Malo. C'est de Brest ou de Rochefort que partent les vais- seaux du roi qui viennent apporter des marchandises an Canada. Les négociants de Québec expédient sur leurs propres vaisseaux, de la farine, du blé, des pois et des ustensiles en bois, etc., aux possessions françaises des Indes Occidentales. Les murs de Montréal ont été bâtis en 1738 aux dépens du roi, niais à charge par les habi- tants de lui en rembourser le coûl peu à peu. La ville paie maintenant chaque année à l'acqnil de cette deti 6000 livres, don! 2000 son! fourmes par le séminaire. A Q léb ■■■ les murs oni pareillement été bâtis aux frais du 236 octobre 1749. trésor ; mais les habitants de cette ville ne sont pas tenus d'en rembourser le coût, vu qu'ils ont déjà à payer un droit sur leurs marchandises. La compagnie française des Indes a le monopole du commerce des peaux de castor et personne n'a le droit d'en vendre ou d'en acheter ici, à l'exception de ses agents. Mais le commerce des autres fourrures est ouvert à chacun. Les Français ont des magasins à plusieurs endroits dans les régions lointaines occupées par les Indiens ; c'est ce qu'ils appellent les postes. Le roi n'a pas d'autres forteresses en Canada que Québec, le Fort Ghambly, le Fort St Jean, le Fort St Frédéric ou Crown Point (1), Montréal, Frontenac et Niagara. Tou- tes les autres places appartiennent à des particuliers. Le roi s'est réservé le trafic de Niagara. Quiconque se propose de faire le commerce avec les Indiens doit avoir une licence du gouverneur-général ; il paie une somme proportionnée aux avantages plus ou moins grands qu'offre la localité où il veut alier. Un négociant qui envoie un bateau chargé de toutes sortes de marchan- dises, et monté de quatre ou cinq hommes d'équipage, est obligé d'obtenir une licence qu'il paye cinq ou six cents livres ; il y a même des postes où le droit de commercer coûte mille livres. Quelquefois, on ne peut acheter une licence pour aller à certains endroits de commerce, parce que le gouverneur-général en a dis- posé ou entend en disposer en faveur de quelqu'un de ses parents ou connaissances. L'argent provenant des licences appartient au gouverneur-général. Mais il est d'usage d'en donner la moitié aux pauvres ; je ne I (1) Pointe à la Chevelure. MONTRÉAL. puis dire si cette coutume est observée strictement ou non. Le paragraphe qui suit, omis dans la version anglaise, a été traduit de la version hollandaise. La religion du Canada est la religion Catholique Romaine ; aucune autre n'y est tolérée. Il est admis par tous ceux qui ont voyagé en France, que le Français du Canada est plus fervent Catholique que son cousin d'Europe. Malheureusement, la religion ne paraît con- sister ici qu'en pratiques extérieures. Le service se# fait en latin, et personne n'a l'air à y comprendre grand'- chose, ajoutez à cela que le latin est si mal prononcé, que même une personne bien versée dans cette langue, ne saurait en distinguer un traître mot. Le sermon seul se fait en français. Je n'ai jamais vu de bible latine ou française entre les mains d'un ecclésiastique, prêtre ou moine. La Vierge Marie paraît plus honorée en Ca- nada que Dieu même. FIN. ITOTES. Note A. (page S.) DE LUSIGNAN. Environ le 8 juillet 1692 "le Sieur de Lusignan, capitaine réformé, tomba dans une embuscade, en passant par les isles de Richelieu, et fut tué à la première décharge." (Charlevoix, Tome 2dpage 115.) Après avoir cité ce texte, Le Commandeur Viger, dans une dissertation très intéressante, sur la famille de Lusignan, prouve que cet officier s'appelait Paul Louis Dazemard, Sieur de Lusignan ; qu'il épousa à Champlain, le 5 février 1689, Madlle. Jeanne Babie, et qu'il était originaire de la Rochelle. En 1691 il eut un fils qui fut aussi nommé Paul Louis Dazemard, Sieur de Lusignan. Ce fils fut marié à Montréal, le 18 janvier 1722, à Délie Marguerite Bouât. Il était alors enseigne d'une compagnie du détache- ment de la Marine. En 1733, il obtint de MM. do Beauharnois et Hocquarl. la concession d'une seigneurie d'environ 2 lieues de front, sur 3 lieues de profondeur, dans la baie de Missisquoi, au Lac Champlain, concession qui fut ratifiée par le Roi, le 8 février 1735. Cette même année, 1735, le Sieur de Lusignan, qui était alors dési comme lieutenant des troupes, fut détaché pour commander à la rivière St. Joseph, (Illinois) d'où il est revenu en 1739. Après avoir été commandant au Poste ou Fort de la rivière 8t. Joseph, de 1735 à 1739, Paul Louis Dazemard, (ou d'Asmard) Bcr., Sieur de Luti- gnan, seigneur d'une seigneurie dans la Baie de Missisquoi, était com- mandant au Fort St. Frédéric, en 1749, lorsque Kalm le visita. Bn 1759, M. de Hourlamaque, brigadier, en repliant les troupes de la frontière, le 28 novembre, sul l'ordi e de laisser 300 hommes d<- garnison limandes par le Bieur de Lusignan, capitaine des troupes de la Manne, dans un fort de pieux construit à la lin de la campagne, au milieu 'I retranchements de l'isle aux Noix. Le 29 août 17C0, le Fort 8t. Jean lui brûlé par II. de R iquemaure. L'armée anglau - la destruction du Fort. On renvoya un détachemenl s'emparer du Porl Chambly situé aux bas des rapides et dont les fortifications en i lerre a 'étaient pas capabli d'arréu i une armée. !,»• Sieur de Lusignan, ancien capitaine de la colonie, en était le commandant. Il attendit pour m rendre qu'il j eut du canon de | L'armée prit le chemin d< il le, R. B, — 240 — Note B (page 5). Rolland Michel Barrin, comte de La Galissonnière. Le Roi avait nommé, par commission du 15 mars 1746, M. Le Marquis de la Jonquière, pour remplacer le gouverneur, M. de Beauharnois. Il venait en 1747, prendre possession de son gouvernement lorsque la flotte qu'il montait et commandait comme Vice-Amiral, fut attaquée à la hauteur du Cap Finistère et défaite par les amiraux anglais Ansoti et Warren. Ce combat dans lequel le Marquis fut fait prisonnier de guerre, eut lieu le 3 mai. Le comte de la Galissonnière fut nommé parla Cour pour administrer le gouvernement du Canada par intérim, ou durant la captivité du M. de la Jonquière. M. de la Galissonnière, muni d'une commission du Roi du 10 juin 1747, (et non 1745 comme il est dit à la note de la page 185 de ce volume et dans Feller) dut arriver à Québec le 21 septembre suivant, dans l'un des trois vaisseaux du Roi qui mouillèrent l'ancre le môme jour, puisqu'il est de fait qu'il fit enregistrer sa commission le 25 septembre même, et non le 25 juin, comme dit Smith dans son " Hislory of Canada." M. de la Jonquière releva M. de la Galissonnière comme gouverneur- général, en 1749, en vertu de sa commission première de 1746. M. de la Galissonnière s'embarqua pour France le 14 septembre 1749. Extrait d'une notice du commandeur Viger sur les gouverneurs du Canada. R. B. Note C (Page 5) Gauthier. Jean François Gauthier, premier médecin du roi à Québec, et conseiller au conseil souverain, était né vers 1711. Il mourut à Québec, à l'âge peu avancé de 45 ans : il fut enterré le II juillet, 1756. Gauthier était un savant modeste qui partageai son temps entre l'étude et l'accomplisse- ment des devoirs de ses deux "-barges, importante pour lui, non pas tant peut-être, à cause de l'honneur que de la très modique pension qu'il en retirait. Comme Sarrazin, qui l'avait précédé dans le même emploi, il attacha son nom à des découvertes botaniques : comme Sarrazin, il était correspon- dant de l'Académie des sciences. A l'époque où Kalm le rencontra, il était jeune encore, puisqu'il n'avait que 37 ans. Les documents nous manquent pour établir la date certaine de son arrivée à Québec et pour écrire sa vie d'une manière convenable. Nous le voyons siéger au conseil, pour la pre- mière fois, au mois de mars 1745. Il est nommé plusieurs fois rapporteur dans des causes criminelles, portées en appel devant cette cour suprême, ce qui prouve la confiance que ses confrères avaient dans sa capacité. Nous croyons qu'il mourut victime de l'épidémie causée par le Léopard, une des frégates de l'escadre qui amena Montcalm. En un clin d'oeil, les — 241 — hôpitaux furent encombrés, le commandant, le lieutenant et l'aumonier du Léopard moururent, et au 20 juin, il y avait encore près de 300 hommes malades. Dans ce cas, M. Gauthier aurait eu le même sort que plusieurs religieuses de l'Hôtel-Dieu et de l'Hôpital-Général dont il partagea le dévouement. Nous croyons qu'il avait épousé une Délie Tarieu de Lanaudière de la Pérade. Du moins, assistant — 27 juillet 1754 — au mariage do Dame Magdeleine Coulon de Viliers il est qualifié de cousin de l'épouse, en même temps qu'on désigne comme cousine, — et elle l'était en effet — Dame Marie Anne de la Pérade, laquelle signe Lapérade-Gauthier. (II. A. Verreau.) Le Dr Gauthier était un botaniste distingué. Son nom a été donné par Linné, d'après Kalm, à un genre important d'arbrisseaux du continent de l'Amérique, à fleurs en grappes terminales appartenant à la famille des Eri- cacées. Lagaullhérie du Canada, gaultheria procumbens, petit thé, thé de monta- gne, thé de merisier, a des fleurs purpurines auxquelles succèdent des baies d'un rouge écarlate qui sont comestibles. En France on extrait des fleurs de cette plante une huile essentielle qui est employée en parfumerie. M. Note E (Page 28). Amirauté. La remarque de Kalm est trop générale et elle ne commence à se véri- fier que sous l'administration de M. de Maurepas, comme on peut le voir par l'extrait suivant d'un ouvrage presqu'officiel : "Les trois gouvernements généraux de la Nouvelle-France, ou de l'Amérique française, sous le ministère de M. le Comte de Maurep 8 rétaire d'état de la Marine et des galères du Roi, sont remplis ordi- nairement par des officiers de la marine; et toutes les troupes du Koy qui sont dans ces pays avec leurs officiers, sont détachés des compagnies franches de la marine, qui résident dans les ports de France, aux ordres de Mgr. le comte de Toulouse, Grand-Amiral en IG83, et Mgr. le Duc de Penthlèvre, fils de S. A. S. en survivance, du premier Janvier 1734." Plan des principa'cs villes maritime*, etc.; par Léman de la Jaisse, Paris. 1736. En effet, M. de Maurepas parvint su ministère de la marine en 1723, et à partir de cette époque jusqu'à la conquête, tous les gouverneurs furent choisis dans la marine. II. A. V. Note F (l'âge 'M) En 1G9'«, V) Sept. Louis de Gannes, Ecr., sieur de Falaize, Lieutenant de la Marins en . demanda (,t obtint la concession de la Beigneurie • i- st. D-nis, ainsi décrite dans les documents relai su régime féodal. — 242 — " Les dites 2 lieues de terre de profondeur derrière la terre et seigneurie de Contrecœur, sur toute la largeur d'icelle, qui est de 2 lieues, laquelle profondeur passera en partie au delà de la rivière de Chambly * *, avec les isles et islets qui se trouveront dans la dite rivière de Chambly *, en pro- priété à toujours, a titre de fief et seigneurie, haute, moyenne et basse justice avec droit de chasse, pescheet traite avec les sauvages dans toute l'étendue de la présente concession." Le 12 sept. 1745, MM. de Beauharnois et Hocquart écrivant au comte Maurepas, dans un rapport sur les affaires de la colonie, faisaient la men- tion suivante : «Le Sieur de Garnies l'un des capitaines d'infanterie qui sont restés à l'Isle Royale jusqu'à l'évacuation complète, par une lettre du 22 juillet, nous a communiqué la même nouvelle que le Sieur Iriard." Il s'agissait des mesures que prenaient les Anglais pour opérer contre la colonie fran- çaise. Paris documents de 1745 à 1778. Dans un journal des opérations militaires durant les années 1745 à 1746 on lit la note suivante : " 30 Sept. Nous apprenons que M. de Garnies, Député-Gouverntur de Montréal, est mort le 26 de ce mois." Dans un journal des événements survenus au Canada de 1746 à 1747 on lit ce qui suit, à la date du 1 No. 1747 : "Jean Gannes, ci-devant contre-maitre du vaisseau St. Joseph, de St. Malo, commandé par le Sieur Georges Deshayes, est arrivé de Terreneuve dans un bateau avec 19 hommes appartenant à l'équipage du dit vaisseau Ce qui suit est extrait de son journal : " Le 20 Sept. Vent S. 0. on apperçoit au havre de Grillet, à dist nce d'une demie portée de canon, un vaisseau de 64 canons, 3 frégates de 28 à 30 canons, et une goélette de 14 canons, tous occupés à sonder les envi- rons du havre ; il était 8 heures du matin ; après avoir examiné la pro- fondeur de l'eau, ils commencèrent à explorer les deux chenaux du havre sur l'espace de 6 lieues, sans mettre les voiles. Le soir le grand vaisseau fut mis en position d'attaque ; ce qui détermina les 3 capitaines de L'heu- reuse Marie, Le Sauveur et le Joseph, h dépêcher un officier avec offre d'une rançon à bord du vaisseau anglais ; mais le commandant refusa de l'écou- ter. Le Sieur Deshayes et les autres capitaines résolurent alors de se rendre, et lui, (Jean Degannes) et 19 hommes laissèrent Grillet le même soir, dans un bateau avec quelques provisions pour Kerpont où ils prirent une double chaloupe qui les conduisit à Québec." Paris Documents. Charlevoix parle d'un M. de Gannes qui servait comme officier sous M. de Villebon en Aca7 Cm /tua ammonii, Coi ne d'Ammon, is, Cornouiller sanguin, bois pUnais, 193 Cornutus, Canadens. plant. Ilisloria, 90 Corossolier, cachimentier, anone (Anonacées), 226 Cortez Fernando, 96 Costumes des Indiens, 123, 135, 206, 208 — des Esquimaux, 177 Cotonnier, asclépiade de Syrie (As- clépiadées), 22 Couâgne, MA de, 211, 229 Courcelles, M. de, 194 Coureurs des bois, 104, 205, 210 Courge, 91, 192, 202,225 Coutumes et mœurs des Anglais et des Français, 4, 34, 42, 43, 44, 50, 62, 73, 8*1, 91, 102, 125, 138, 139, 140, 142, 146, 175, 192, 193, 194, 214,228 Couvents, 56, 65, 77, 99, 113, 132, 232 Crantz's, History ofGreenland, 182 Crimée, 71 Criquet, 72 Cristal de montagne, 164 Croix et calvaires, 40, 00, 219 Crown Point, Fort St. Frédéric, 3, 28 Cuivre, cuprum, mines de, 212 Cullen, Dr., Edingbury Phytical ami Lilerary Essai/s, 128 Cultivateurs, 146, 193, 194, 202, 221, 223, 231 Curés, 106, 108, 109, 110, 111 Dalaï-Lama, culte du, 90 Daniel, l'abbé, P.S.S., 57 Daucus carotla, (Ombcllifères-Dauci- nées), 91 Dazemard ou d'Asmard, Paul Louis, Sieur de Lusignan, 239 Débâcle, 58, 188 Déclinaison de l'aiguille magnétique , 57 nérescencede i es pèces i»(»\ in 142, 143 Dent-de-lion pissenlit, Il Deshaye -. I leoi ge, 2 i 2 Détroit, Fort, I m Deux-Montagne , Lac des 213, 220 I limes, 1 1 1 Diocèse de Québec, - Dobbt gaUey, ' Domestiques, laquai Dosquet, Bvêque, I I Draps, 206 — 248 — Eau-de-vie, 209 Eaux et Forêts, 15 Ebénisterie, 45 Eboulement, Terre u", t56, 157 Echange, 52 Eclairage des maisons, 157 Ecoles, 46,60, 110 Ecorchures et brûlures, 122, 132 Ecrevisse, Astacus fluviatilis, (Crus- tacés Décapodes-macroures), 145, 198 Ecume-de-mer, Magnésite, 71 Edifices, principaux, — de Québec, 74 Edwards, George, Histoire Naturelle des Oiseaux, 45 Eglises de Montréal, 55 — Notre-Dame, 55 — des Jésuites, 55 — des Récollets, 55 — du Couvent, 55 —de l'Hôpital, 55 Eglises de Québec, 75 — des Jésuites, 75 — des Récollets, 76 — des Ursulines, 76 — Notre-Dame de la Victoire, 76 Egypte, 41 Elan, 155, 225 Eléphant fossile, 10 Ellébore à trois feuilles, Helleborus Irifolius (Renonculacées), 121 Ellis, Henry, 182 Empreintes sur le roc, 95 Endive sauvage, 91 Epidémie de 1756 à Québec, 240 Erable, 122, 132, 171, 218, 219, 224 Erie, Lac, 176 Espagnols, 96, 98 Esprit de vin ou alcool, 128 — de sel ammoniac, 128 Esquimaux, 97, 141, 176 Essex, Comté d', N. Y., 3 Estanduère, Marquis de 1', 183 Esturgeon, 32 Euphorbiacées, famille des, 27 Europe, 7, 11, 34, 42, 46, 52, 90 Evangélisation des Sauvages, 107, 108,112 Evaporation des liquides, 128 Evêché de Québec, 76 Eventails, 50 Evoque du Canada, 80, 106, 126, 196 223 Expéditions des Français à la mer du Sud, 94, 95 Exportations, 11, 235 Faîne, fruit du hêtre, 222 Farine, 125 Feldspath, 17 Feller, Biographie Universelle, 240 Femmes, les, — canadiennes, vi, 42, 61, 81, 101, 103, 157, 214 Fenaison, 118, 189 Fer, mines de, 66, 167, 195 Fermes, 40, 60, 120, 142, 144, 146. 147, 192 Ferland, Abbé, 27, 45, 68, 73, 94, 160 181, 183 Fertilité du sol, 156, 197, 221, 230 Fièvres intermittentes, 7, 27, 131, 176 Finistère cnp, — Combat naval près du, 183, 240 Finlande, 136 Flora Canadensis, 103, 166 Flore canadienne, 5, 90 Folle avoine, Zizaniaaqualica, (Gra- minéesï, 25, 41, 226 Forges de St. Maurice, 66 Forster, John Reinhold, 6, 11, 17,66 79, 130, 163, 165, 174 Fort Anne, 8, 46, 49 — Chamblv, 36, 166, 193, 230, 236 — Champlain, 39, 145 -Détroit, 176 — Frontenac, 236 — Naxoat, 243 — Nicholson, 49 — Oswego, 49 —St. Frédéric, 3, 8, 28, 30, 34, 35, 46 145, 176, 236, 239 —St. Jean, 30, 35, 154, 236, 239 —St. Joseph, 239 Forteresses, 236 Fossiles animaux, 10 —coquilles, 18, 228 Fourmi noire, formica nigra, (Hymé- noptères), 134 Fours à chaux, 69, 130, 217 Foutreau, visontMustela, Vison (Gar- nassiers-Mustelidés), 211 Fraisier, Fragaria (Rosacées-Drya- dées), 188, 189 Framboisier, 114, 188 Franc, monnaie, 53 France, 3,5,11,15, 38, 42, 52, 82, 88, 96, 108, 110, 125, 138, 142, 14i, 176, 235, 240, 241 Français et anglais, 4, 6, 34, 42, 43, 45,* 61, 83, 85, 91, 102, 115, 127, 138, 139, 194, 199, 205, 225 249- Français, colons et canadiens, 7, 26, 27/91, 193 Franciscains, 55, 65 Franklin Benjamin, 6 Frêne, Fraxinus, (Oléacées), 122, 172 — sauvage, Sorbus aucuparia (Rosa- cées-Pomacées), 115, 161 Friche, terres en, 119 Fromage de l'Ile dOrléans, 171 Fusils, 205 Gadellier noir, ribes nigrum, 51 — rouge, ribes rubrum, 149, 192 Gages des domestiques etc., 54 Gaillet des teinturiers, galium tincto- rum, Tisavoyanne rouge (Rubia- cées), 12 — jaune, galium luleum, 12 Gale, Myrica gale, Piment royal, 161 Galène, sulfure de plomb naturel, 163 Galissonnière, Comte de la, 4, 5, 38, 42, 52. 73, 113, 126, 127, 132, 145, 146, 182, 185, 240 Gannes Falaize de, 37, 38, 241, 242, 243 Garanloging, ginseng, 87 Garden Dr, 6 Garneau, Histoire du Canada, 94 Gaulthérie du Canada, Gaullheria pro- cumbens (Ericacées), 241 Gauthier, médecin du roi, 5, 99, 104, 113, 133, 134, 157, 173, 174, 176, 187,240,241 Genévrier, 161 Gengis-Khan, 96 Georges Lac ou Lac St. Sacrement, 2, 28, 30 Gesse maritime, Pisum maritimum, (Légumineuses), 152 Gentiane saponaire, genliana sapo naria (Gentianées), Ginseng, Panax quinquefoHum \\ra liacéus), 86 Glacières, 170 Glaux maritimo, G. maritima (Pri mulacées), 152 Glouton, çulu* intrus, Wolverenm (Plantigrades), 209 Goudron, 13, 166 Gouvernement do Canada, 28, 78 —de Montréal, 63, : —de Trols-Riviè Gouverneur-Général <;, 102 Mille français ou lieue, 3 1 Mil lefeuille commune, hei be-è dinde. 2 2 5 Mines el minéraux, ■ >, 66, 1 16, 154 159, 161, 164, 167, 212, 213 M inorque, combal naval de, • 1 35 Miroirs, 208 :08 M - >nn i bs, 107, 109 107, 1 23 Missisquoi, baie d Mœurs et coutumes, 34,42, i3, 50, 57, 61,73,81, 1 12, 214, 216, Moines, 108, 112 Mongols, 96 Monnaie du Canada, 14 —de carte. 52 Monopole, 81, 236 Mont-Royal, 39, 54, 230 Montagnes du Canada, 1,17, 23, 25, 30,69,72, 122, 144. 148, 150, 151, 165, 167, 169, 185 Montagne de fer, 167 Montcalm, 3, 240 Montézuma, 96 Montmorency chute de, 173 Montréal, 9, 35, 42, 52, 5 i, 57, 64, 115, 143, 145, 193, 199, 214, 223, 235, 236, 243 —île de, 54, 59, 62, 1 1 1 , 2 1 7, 2 19, 223 —juridiction du gouverneur de, 63, 233 — différence de climat entre— et Qué- bec, 115, 223 Montréalaises et Québccqoises, 214 Moose-dcer, 155 Moraves Frères, 177 Morse, Trichecus rosmarus (P/ioci- dac), 177 Mortier, 218 Mouche commune, musca domestica, 46 — à-feu, Lampyre, 157, 195 Moucheron, cousin, brûlot, 122, 154 Moulins à vent, 29, 33, 62, 1 i7 —à scie, 111, 123, 147 —à farine, 123, 224 Mousquets, 205 Mousses, 129 Moustiques, maringouins, 37, 122,154 Menton, ovis (Ruminants Bovidés) 1 13, 229 Mozomlecks, 96 Mûrier, morut, 49, 132 Myrte-batard, Poivrier, Myrica-crilé 172 Xuf.ah's aJba, Prénanlhe blanche (Chicoracées), 5 NanteR, 235 Narcisse, narcistui ( Vman llidi 188 '' Naturaliste canadien le. 28, 209 i. tirassico-napui (Cruciferesl '>i Navigation entre Montn al et < fué- bec, 6a —sur le Bt. Laurent, 85, 125, 1 i?, i ,o il POI ! — 252 Nénuphar, Nijmphxa (Nyinphéacées), 198 Neva Rivière, 190 New-York état de, 3, 200, 204 —ville de, 129,201 Niagara, 23G Nicholson Fort, 49 Nil le, 41 Nipan-gri, 9G Noisetier, 223 Noix, ile aux, 239 Nord-Ouest, passage du, 182 Normant, supérieur du séminaire de Montréal, 57 Norvège, 125 Noire-Dame de la Victoire, Eglise — à Québec, 76 Nouvelle-Angleterre, 27, 30, 145 —France, 241, 243 —Suède, 83, 160 Noyelles M. de, 94 Noyer cendré, B aller -nul Iree, 231 Nuits, ville de France, ;'6 Observations astronomiques, 57 — botaniques, 103 — météorologiques, 187 — thermométriques, 57, 187 Oenothère bisannuelle, Oenolher'a biennis (Onagrariées), 225, 232 Oeufs, prix des, 229 Officiers et soldats, 13, 14 Ohio Rivière, 10, 95 Oignon, Allium cepa (Liliacées), 91, 192, 202 Oiseaux, 157, 197 — de neige, 157 Oiseau-mouche, 69 Oka Eglise d\ 220 Onidoes, 134, 199 OnoheseraKalee, concombre, 202 Ordonnance sur les eaux et forêts, 15 Orge, Hordeum vulgare (Graminées), 197, 221 Orhola, nom tartare du ginseng, 86 Orléans ile d', 84, 147 Orme, 122 Ortie, Urtica divaricata (Urticinées), 231 Osbeck Peter, voyage en Chine, 86, 88, 89 Oseille sauvage, Rame.r Oxalis acelo sella (Polygonées), 121 Oslreae Pectines, Pectiniles, 18, 218 Oswego Fort, 49 Quelle Rivière, 166 Ours, 10, 225 — graisse d', 11 Outagamis ou Renards, 94 Outaouais, Riv.ère, 219 Outardes, 159, 231 Ouvriers, gages des, 54 Paix, Proclamation de la, 48 —Traités de, 48, 82 Palais, le, — à Québec, 75 — de l'Evêque à Québec, 76 Palissades, 36, 41, 130 Peinais, 51, 91 Panthère, (Carnassiers-félidés), 210 Papier-monaie, 52, 137 Paris, 5 Paris documents, 242 Paroisses, 109, 111, 224 Passe-pierre,Salicorne(Ghenopodées) 152,160 Pastèque, melon d'eau, cucurbila citrallus (Gucurbitacées), 189, 199 225, 229 Patate des Bermudes, 91 Paturm, herbe des prairies, 51, t!8, Paysages, 39, 61, 109, 117, 143, 146 198 Pêche, engins de, 70, 155, 169 Pêcher, 60 Pectinites, Ostrese Peclines, 18, 172, 218 Perdrix, 44, 157 Pékan, Wood Shock, Bête-puante. Maries canadensis, {Mustelldes), 212 Pékin, 86, Pelleteries, II, 44, 80, 204, 209, 210, 211, 236 Pennant's Nalural Hisloru, 4 4 Pensylvanie, 7, 143, 160, 201, 202 Penthièvre, duc de, 241 Pérou, 28, 97 Petite Rivière, 195 — _ Village, 151, 168, 170 Pétrifications, 18, 172, 218 Philadelphie, 46, 118 Phipps, général, — Sir William, 76, 83 Phoque ou veau marin, Phoca vitu- lina, (Mammifères marins), 34, IJ7 Phosphate, 145 Pichou du Nord, 209 —du Sud, 210 Pierre de corne, 16, 186 Pierre calcaire noire, 17, 148 — — grise, 17,81,144,154, — composée, 25 — puante, 79, 144, 154 253 — Pierre à sablon, 81 — à calumet, 174 — à chaux, 217 — boules de, 19 — Piliers de 95, 97 Piment royal, gale, Laurier, Poi- vrier, 161 Pin du Canada ou Pruche, 122, 132, 171 — rouge, Pinusrubra, 166 Pissenlit, dent-dc-lion, 1 l Plaines ondulées de l'Ouest, 9i, 98 Plantain maritime, 1 GO Plantes au Canada, leurs propriétés médicinales, 7, 103, 104, 121, 184 — potagères, 91, 92, 192 Pleurésie, 25 Plomb, mines de, 146, 154, 159, 161, 163, 213 Plombifère, terre, 213 Poêle», 120 Pointe à la chevelure ou Crown Point, St. Frédéric, 3 Poire, pirum, fruit du poirier, pirus (iiosacées - pomacc -s), 115, 189, 223 Poireau ou porreau, aUium porrum, (Liliacées), !)1 Pois, 91, 157, 221, 229 — de mer, Salicornia (Chenopodées- Salicorniées), 152, Mil Poitrine, maladies de, 90 Poix, 13 Police, direction de la, 78 Pologne, 175 Polygala setiega (Polygalées), 5 Pulypode, Polypodium (Fougères-Po- lypodiacées), 131 Pomme déterre, Solanum tuberosum - lanées), 91 Pommier, 188, 189 Pont de glac« Pontarion, de, Prêtre de St. Sulpice, 57, 58 Ponlcbartrain, chevalier de, 28 Pontédérie en cwur, Ponlederia cor- dala (Pontédei 198 Population du Canada, 33, 67, loi Pori de Québec, S|) -Postes, les,— c mptoirs . • OCT 1 9 19% )CT 2 3 Ibwv ^ £ ô 2ÛÛÛJ 3V 2 7 20( Ù« 1 9 2006 UOSE I / J a3900 00 3939 1 O^b /' E 0162 •K14E14 lb80 V0002 CE KALM, PENH VOYAGE DE KALM EN AME 1 526096