^lf:|P^N-^ OAarm ^folo^fml Ubomforu Libraru 'yJoods O(ok, Massachusetts ^oYAQis • OF • ^Exploration Collcctcd ^EWCOfAB JhOMPJO/J MoNTjOMERY ^hihficlphia archifat, mvhcv} of nhomas Oiarrison MontQomcru (i875'19l2X (MBL mmtt^atûr, md ^nscillu ^m$\m OÀcnt^mcru ( 1874' 1956), MBL librarm. Qjft oj thdrsons Ofu^h Chionf^omcrt^, MfD, and ^aumûttd^. Monf^otncru — 1387. VOYAGES DU CAPITAINE J. M E A R es: TOME PRE MIE P. ^ ziaoulî—- X icvtlie^i Décret ds la Convention nationale concernant les Contré-^ facteurs, rendu le i () juillet 1793, l'an 2^ delà République. La Convention nationale , après avoir entendu le rapport de son Comité d'instruction publique , décrète ce qui suit : Art. I. Les Auteurs d'écrits en tout genre , les Compositeurs de Musique, les Peintres et Dessinateurs qui feront graver des Ta- bleaux ou Dessins , jovtiront durant Icvir vie entière du droit exclusif de vcn('re, faire vendre, distribuer leurs Ouvrages dans le territoire de la République , et d'en céder la propriété en tout ou en partie. _ Art. 2. Leurs héritiers ou Cessionnaires jouiront du même droit Autant l'espace de dix ans après la mort des auteurs. Art. 3. Les officiers de paix seront tenus de faire confisquer , à la rétrliisition et au profit des Auteurs , Compositeurs , Peintres ou Dessinateurs et autres , leurs Héritiers ou Cessionnaiïcs , tous les Exemplaires des Éditions imprimées ou gravées sans la permission formelle et par écrit des Auteurs. Art. 4. Tout Contrefacteur sera tenu de payer au véritable Pro- priétaire tme somme équivalente au prix de trois mille exemplaires de l'Édition originale. Art. 5. Tout Débitant d'Edition contrefaite , s'il n'est pas reconnu Contrefacteur, sera tenu de payer au véritable Propriétai^re une somme équivalente au prix de cinq cents exemplaires de l'Ldition originale. . ^ • . Art.6. Tout Citoyen qui mettra au jour ua Ouvrage, soit de Littérature ou de Gravure dans quelque genre aue ce soit , sera obligé d'en déposer deux exem.plaires à la Bibliothèque nationale ou au Cabinet des esta npes de la République , dont il recevra un reçu signé par le Bibliothécaire ; faute de quoi il ne pourra être admis en justice pour la poursuite des Contrefacteurs. Akt. 7. Les héritiers de l'Auteur d'un Ouvrage de Littérature ou de Gravure, ou de toute autre production de l'esprit ou du génie qui appartiennent aux beaux-arts , en auront la propriété exclusive pen- dant dix années. Jtfolace la présente Édition sous la sauve-garde des Loix et de la probité des Citoyens. Je déclare que je poursuivrai devant les Tr^bunaux tout Con-^ trefacteur, Distributeur ou Débitant d'Édition contrefaite. J'assure même au Citoyen qui me f}ra connaître le Contrefacteur , Distributeur «u Débitant, la moitié du dédo^.magement que la Loi accorde. Paris , et 30 Nivôse, l'an 3' de la République Françoise , une & indivifible. PL 1 Le Capitaine JEAN ME ARE S VOYAGES DE LA CHINE . A LA CÔTE NORD -OUEST D'AMÉRIQUE, FAITS DANS LES ANNÉES 1788 ET 1789; Précédés de la relation d'un autre Voyage exëcuté eri 1786 sur le vaisseau le Nootka , parti du Bengale 5 D'un Recueil d'Observations sur la Probabilité d'uH Passage Nord - Ouest ; JEt d'un Traité abrégé du Commerce entie la Côte Nord- Ouest et la Chine , etc. etc. Par le Capitaine J. MEAPvES, Commandant le Vaisseau la F e lice. Traduits de l'A norois Par JiB. L. J. EILLECOCQ.Ctoy en Français, Aycc une Collection de Cartes géograpliicues , Vues , Maria Plans et Portraits, gravés en taille - douce, TOME PRE?d[IER. A P A R I S , Clicz F. Buisson, Libraire , rue Hautefeuille , n'; 20,^ Aw 3e. DE liA RÉPUBilQtfS. PRETA CE DU TRADUCTEUR, yj N ne peut lire sans admiration l'his- toire de ces hommes extraordinaires qui, bravant tous les périls , et guidés à tra- vers mille écueils par l'amour des Sciences et la noble passion de la gloire , sont parvenus à faire flotter les pavillons Eu- ropéens sur des mers jusqu'alors incon- nues. Cest à ce zèle ardent pour le pro- grès des connoissances et des lumières, c'est à cet héroïque dévouement que notre siècle doit les découvertes des Naviga- teurs célèbres qu'il a produits. Les Voyages exécutés successivement par les capitaines Byron , Wallis ^ Carteret , et enfin par Fimmortel Cook / ceux de Bougalnville 5 ^ 3 vj Préface ceux de notre infortuné la Pérouse , ont tour -à -tour étonné le monde. Tant de dangers évités , tant d'obstacles franchis , tant de difficultés vaincues ont laissé dans tous les cceurs un sentiment profond de respect et d'intérêt pour ces intrépides Marins. Le nom du capitaine Meares , dont je publie aujourd'hui les Voyages , est digne de trouver place à côté de ces noms fameux. La même audace, le même sang-froid l'ont accompagné jusques chez les Peuples anthropophages de la Cotô Nord - Ouest d^ Amérique. J'ajoute qu'il a déployé dans la conduite des deux ex- péditions qui lui ont été confiées (i), les mêmes talens et la même habileté que ses illustres devanciers. De retour dans sa patrie , il a lui-même écrit ses Voyages- (i) Savoir;, la première sur le vaisseau le ITootka ^ parti en 1 786 de Calcutta pour se rendre à la cota nord-ouest d'Ans érique 5 la seconde j pendant les an- nées 1788 et 1789 , sur la Felice , partie de la Chine» pour gagner la cote nord-ouest. DU Traducteur, vi} Ici 5 ce n'est plus seulement le Marin qui transmet des observations sur la situation des pays , sur le gisement des côtes , et sur la nature des dangers qui menacent les Navigateurs dans les mers qu'il a par- courues j c'est l'Historien judicieux et vrai, c'est le Philosophe éclairé qui , sans s'é- carter pourtant de son objet principal , a rassemblé les plus précieux détails sur les hommes que la nature a fait naître dans ces climats , sur leurs mœurs sauvages , sur les relations qu'ils ont entr'eux , et sur les productions des pays. Entendons - le , au reste, déclarer lui-même dans quel esprit il a publié ses Voyages : « Si 5 dit-il , l'histoire des Navigateurs » n'étoit écrite que pour amuser un mo- » ment les loisirs du riche, ou pour éclai- ^ rer les recherches laborieuses du Philo- » sophe, il seroit nécessaire, sans doute, >> ce s^interdire dans un pareil Ouvrage » une foule de petits détails^, peu agréa- ?> blés peur l'un, et trop au dessous des a 4 viij Préface » connoissances de l'autre. Mais ils doî- » vent se proposer un autre but en pu- » bliant le journal de leurs Voyages : ea » effet 5 si leurs récits ne sont pas propres >^ à instruire les Navigateurs qui leur suc- » céderont , s'ils n'ont pas pour objet d'ai- » der et de faciliter les entreprises corn- , » merciales , en vain ils auront bravé les » dangers et surrno nté tous les obstacles n de ces périlleux Voyages : le temps ■ » même qu'ils auront employé à en écrirç » les événemens ira se perdre avec tant » d'autres momens inutilement consumés » dans la vie(i)». On présume assez, d'après ces réflexions^ ce qu'on peut attendre d'un pareil Voya- geur. Fidèle à ses principes , il laisse en^ trevoir plus souvent le désir d'instruire que l'ambition de plaire ; et cependant oia le suit avec un vif intérêt da,ns ses diverses (i) Voyez le sr^cond volume de ces Voyages, cha^ pitre iX ^ page 63. DU Traducteur. îx aventures. La sécheresse des observations nautiques est toujours rachetée par une foule de détails agréables et curieux sur les naturels qu'il a visités , et de la bouche même desquels il a recueilli les regrets les plus touchans et les plus smcères sur le sort déplorable de son malheureux com- patriote 5 le capitaine Cook. En un mot , les Voyages du c^pitw^e Meares sont un Ou- vrage précieux qu'il est indispensable de joindre à la collection des Voyages dans les mers du Sud, et qu'on doit regarder comme une véritable continuation de ceux du capitaine CooL La relation du Voyage fait par le ca- pitaine Douglas â bord de XîpkîgcmCy relation insérée à la suite des Voyages de Mcares , en form.e le complément- Le vaisseau de cet cfEcier apparte- n.oit aux mêmes propriétaires. Le capi- taine Mcares^ en le chargeant du com- mandement sous ses ordres, lui avoit transmis précisément les mêmes instruç- X Préface tions qu'il tenoit de ses commettans ( i ). Les événemens de son e:xpédition , liée né- cessairement à celle du capitaine Aleares , ne méritent donc pas moins l'attention et la curiosité du Lecteur. Les Observations sur la Probahilitc dhin Passage Nord- Ouest , c'est - à - dire , sur l'existence d'une communication de la baie d'Iîudson à la mer du Sud , pla- cées entre les deux Voyages , sont plus particulièrement du ressort des Marins et des Géographes. Elles présentent une discussion très - savante de la famicuse question qui les a partagés jusqu'ici. Cette discussion est d'autant plus digne aujourd'hui de leur attention , qu'on paroît du moins d'accord sur l'existence du Pas- sage en question , et que la possibilité de l'effectuer à travers des amas de glace re- gardés comme impénétrables , est seule révoquée en doute (2). (i) Vryez le n". II de l'AppGnd'ce cln i^"' volunie. (^1) 1, 'auteur des Etudes de la Nature n^adii.eî poinS DU Traducteur, xj Le traité du Commerce qui st fait entre la Chine et la Côte Nord-Gucst d'Amérique TexistencG du Passage dont il s'agit. Voici comme il s'exprime à ce sujet : v Henri 'JEllis observa avec éu-n- r> nement dans son Voyage à la baie d'Hudson en 174^ » et 1747? ^^^ ^^^ marées y venoient du nord, et Ti qu'elles avancoient au lieu de relarder , à mesure x> qu'il s'élevoit en latitude. Il assure que ces elTets , » si contraires à leurs effets ordinaires sur nos rivages j> où elles Tiennent dii sud , prouvent que les marées » de ces cotes ne viennent point de la Ligne , ni de » l'Océan Atlantique.' Il les attribue à une prétendue » communication de la haie d'Hudson à la mer du 53 Sud ^ communication qu'il clierclioit avec beaucoup » d'ardeur , et qui étoit l'objet de son Voyage 5 mais » on est très - assuré aujourd'hui qu'elle n'existe 53 point , par les tentatives infructueuses que le capi- j) taire Cook a faites, en dernier lieu, pour la trouver »> par la mer du Sud au nord de la Cab'fornie , suivant r le conseil qu'en avoit donné iong-!ei:i])s auparavant v) le fameux marin Dampier , dont les lumières et les »» vues , pour le dire en passant , ont b.eaucoup servi 33 3.U capitaine Cook dans toutes ses découvertes ». 11. tu des de la Nature^ par J. H. B. Saint- Pierre ^ p'-;.-;?/er volume , étude IV^ P^g^ 2o3. Il ne ni 'appartient pas de discuter , encore moins de vdécider une pareille question. J'avoue poin-fa^it que je suis loin de partager la conviction de l'estimable écri- Xïî Préface sera d'un intérêt plus général. C'est une dissertation très - instructive sur les rela- tions qu'il est possible d'établir entre les vaisseaux Européens , la Chine , et les na- turels de la côte 'd'Amérique. Le Négo- ciant ^ le Politique y puiseront également des connoissances. J'aime à penser que mon pays pourra retirer quelqu'utilité de la publication de ces Voyages. Ce n'est pas , ce me semble , le moyen le moins propre à nous venger d'une Nation ennemie et d'un Gouvernement dé- loyal que de faire passer ainsi dans notre langue tous les Ouvrages qui peuvent contri- buer aux progrès des Sciences , au succès des vain que je viens de citer ^ quelque soit, d'aiUeurs , mon respect pour lui , et ma confiance dans ses lumières, li semble j au reste , lui - même , à la manière dont il s'exprime , ne fonder son opinion que sur l'inutilité des recherches du capitaine Cook , ce qui n'exclut pas la possibilité de l'existence du Passage qu'il est peut-être réservé à des Navigateurs plus heureux de découvrir un jour. Les observations du capitaine NLearcs soitg très-propres à éclairer la question. DU Traducteur. xiij opérations commerciaIes,en un mot^à main- tenir la France dans la supériorité qu'elle a sur cette Nation comme sur tous les autres Peuples de l'Europe. Le temps n'est pas éloigné peut-être oùjvictorieuse et indépen- dante au dehors , et tranquille au dedans , elle pourra étonner l'univers par la gran- deur et le noble but de ses entreprises. Déjà , depuis près de trois années , la mis- sion la plus honorable et la plus impor- tante a été confiée au citoyen Entrecas- îcaux 5 en vertu d'un Décret du Corps législatif ( 1 ). En ce moment même , au (i) Je ne puis mieux faire que de rapporter ici en entier le Décret rendu par l'Assemblée Nationale cons- tituante au sujet de la Pérouse. Les dispositions qu'il renferme honorent également la Nation Françoise et la mémoire de ce malheureux Navigateur. Décret de l'Assemblée Nationale , du () février 1791. L'Assemblée Nationale , après avoir en-tendu ses Comités réunis d'Agriculture ^ de Commerce et de Marine j décrète : xiv Préface nom de la Nation Françoise , il redemande aux mers , et peut-être à des climats nou- Qu'il sera donné des ordres à tous les Ambassa- deurs , R-ésidens , Consuls , Agens de la Nation , au- près des différentes Puissances , pour qu'ils aient à en- gager, au nom de l'Humanité , des Arts et des Sciences ^ les divers Souverains , auprès desquels ils résident , à charger tous les Navigateurs et -Agens quelconques, qui sont dans leur dépendance , en qTielque lieu qu'ils soient , mais notamment dans la partie australe de la mer du Sud , de faire toutes recherches des deux fré^ gâtes françoises , la Boussole et {^Astrolabe , comman- dées par M. de la Pérouse , ainsi que de leurs équi- pages 5 de même que toute perquisition qui pour roi Ê constater leur es^istence ou leur naufrage j afin qus dans le cas où M. de la Pérouse et ses compagnons seroient trouvés ou rencontrés, n'importe en quel lieu , il leur soit donné toute assistance , et procuré tous les moyens de revenir dans leur patrie , comme d'y pouvoir rapporter tout ce qui seroit en leur possession ; l'Assemblée Nationale prenant l'engagement d'indem- niser et même de récompenser , suivant l'importance, du service , quiconque prêtera secours à ces Naviga- teurs , pourra procurer de leurs nouvelles , ou ne feroit même qu'opérer la restitution à la France des papiers et effets quelconques qui pourroient appartenir ou avoir appartenu k leur expédition. DU Traducteur. xv veaux, le grand homme qu'elle a perdu. Intortuiié la Pérousz ! toi dont l'Europe Décrète en outre , qu'il sera armé \m ou plusieurs batimens , sur lesquels seront embarqués des Savans , des Naturalistes et des Dessinateurs , et donné aux Commandans de l'expédition la double mission de re- chercher M. de la Pérouse , d'après les documens ^ instructions et ordres qui leur seront donnés , et de faire en même temps des recherches relatives aux Sciences et au Commerce , en prenant toutes les me- sures pour rendre , indépendamment de la recherche de M. de la Pérouse , ou même api es l'avoir recouvré oa s^'étre procuré de ses nouvelles , cette expédition utile et avantageuse à la Navigation , à la Géographie , au Commerce , aux Arts et aux Sciences. CcGt le 28 septembre 1791 que le citoyen Entre- casteaux a appareillé du port de Brest. Il commandoit la frégate la Fveclierche , et avoit sous ses ordres la îï^.g2Xç.\' Espérajice. L'objet de sa mission étoit, comme on vient de le voir , de rechercher les bàtimens de la PJrouse _, en se portant sur les points que celui - ci avoit dû reconnoîire 5 et tout en les recherchant , il étoit ainsi forcé de se livrer aux observations astro- nomiques et autres opérations non moins utiles. En- fin , il dcvoit terminer la campagne que U PérQi:>ss ftvûit commencée. xvj Préfacé entière admira le dévouement et plaint encore la destinée , ah ! s'il est vrai que tu aies trouvé la mort dans les flots ou parmi des barbares , reçois ici une foible partie du tribut que doit à ta mémoire le Peuple François que tu honoras par ton courage! Ton nom arrivera à la pos- térité avec celui de l'illustre Cook dont tu fus le digne émule. Elle vous associera tous deux dans son estime et dans ses re- grets. Vous avez éprouvé les mêmes mal- heurs 5 la même gloire vous sera com- mune. Ah ! plutôt , puisses - tu reparoître au sein de ta Nation ! puisse cette Pro- vidence qui veille sur tous les êtres qu elle a créés , te ramener au sein de la La durée de la campagne du C. Rntrecasteaiix doit être de trois années. Nous touchons au terme. Sous deux mois , il doit être de retour. Puisse t-il éprouver un sort plus heureux que celui du héros qui l'a précédé dans une carrière tout à la fois brillante et dangereuse ! Frrnce DU Traducteur, xvîj France libre ! te rendre aux larmes d'une épouse inconsolable , et digne de voir se réaliser enfin l'espoir qui ne l'a jamais abandonnée , aux vœux de tes concitoyens chez lesquels ton nom est un objet de vénération j à ceux du monde entier, rem- pli de l'histoire de tes infortunes ! J'indiquerai au Lecteur, pour l'intelli- gence des termes de marine et des obser- vations nautiques qui se représentent sou- vent dans le cours de ces Voyages , l'ex- cellent Vocabulaire de Marine du citoyen rEscallkr , et l'explication de "ces mêmes termes , placée en tête du premier Voyage de CGoh. Il m'eût été impossible de don- ner cette explication chaque fois que les termes se reproduisent , sans accumuler note sur note , et nuire par conséquent à l'intérêt de l'Ouvrage, au moins pour une partie des Lecteurs. C'est de bonne foi que je sollicite l'in- dulgence du Public en lui offrant cette traduction d'un Ouvrage qui exigeoit , Tome L b xviij Préfacé dwej Traducteur, avec de grandes connoissances , un talenf plus exercé que le mien. J'ai réuni tous mes efforts pour me trouver le moins souvent possible au dessous de l'original. Il jugera si j'ai réussi (ï). (i) J'ai essayé d'ajouter encore à l'intérêt de l'Ou- vrage en y semant quelques Notes. Aucune , je l'es- père , ne paroîtra étrangère aux Voyages dont on va ,lire le récit. Le Lecteur trouvera souvent que j'ai prévenu ses réflexions par les miennes. D'autres fois , ' il me saura gré d'être entré dans quelques détails. Il siappercevra toujours que j'ai eu l'intention de lui épargner des reclierclies. XiS P R. E F A C E DE L'AUTEUR, L ES conseils de mes amis, les circons- tances politiques du moment 5 et, si fose le croire 5 l'attente ëu-Public m'ont déteriîliifé à joindre les Voyages qu'on va lire à ta ^collection de ceux qui ont été déjà publiés dans là-Wé'tf éclairer -larnàvîgatil^îvv et <î'étendrek commerce de i'Angletefrè.-Je n'ai certainement pas' la prétention* de me regarder comme lé rival de ces illustrés -Navigateurs^ dont la^ réputation es^'-dere- nue,en quelque sorte, une partie de Ja gloire nationale; je sais, au contraire,. que je me suis traîné humblement sur leurs traces j et quand il me seroit permis, poiir ainsi dire , d'envier les avantàp;es aue leur ont donné des talens supérieurs , j'essaie- hz XX Préface rois encore , et en homme vraiment sin- c 3re 5 d'ajouter , par mon foibîe témoi- gnage , à rëclat de ce mérite qui les a placés au rang des grands hommes dont mon pays s'honore. Je m'empresse de déclarer , non - seule- ment pour ir^oi-même , mais encore pour jnodér-er î'impatie,rK}€ qu'a pu produire l'attente des Voyages entrepris par moi ,. et que je puis dire avoir seul dirigés , qu'ils ont eu pour objet le commerce ^ et non des recken^kêS.T ^pute que tout ce qu'on pou£- roit y rencontrer d'éclaircissemens , tout ce qui auroit, en un mot, le caractère de découverte^ ne doit être considéré que comme accessoire de ce but principal { i).. Les vaisseaux que j'ai commandés furent (r) J'engage le Lecteur à ne pa^ s'arrêter à celte modeste aéclaratiôn du capitaine Meares. li se con- vaincra en lisanfc ses Voyages que les travaux de cet. habile Narigateur doivent n'être pas moins utiles aux "Sciences qu'au Commerce. Note du Traducteur. DE l' A U T E u R. xy] équipés dans les ports de l'Orient, par les soins de plusieurs commerçans et citoyens anglois établis dans cette partie du globe. J'étois chargé d'aller découvrir de nou- velles régions pour le Commerce. J'avois reçu d'eux toutes les marques de confiance qui pouvoient m'encourager dans cette entreprise. Ainsi l'intérêt de ces marchands et de ces citoyens vraiment patriotes , qui ^voient remis entre mes mains et sous m.a garde une partie considérable de leurs pro- priétés , le noble désir de partager la gloire réservée à ceux qui contribuent à l'agran- dissement du Commerce national ont été les seuls aiguillons de mon zèle, les seuls ^ soutiens de mon existence au milieu des périls qu'il m'a fallu surmonter et des obs- tacles que j'ai dû vaincre pour m'acquitter de ma mission. Dans ces momens où je luEtois contre les tempêtes de la mer Paci- fique, où je me trouvois environné de toutes parts d'énormes glaces , où j'éprou- vois sur la côte d'Amérique toutes les hor* i xjS] Préface reurs de cette même situation, dans c^s auL^es instaiis cù je m'occupois avec tant de sollicitude d'atteindre le but principal de mes Voyages , où je proiitois de toutes les occasions que le hasard ti'offroit de visiter ces côtes si peu connues encore , je ne pensois guère que je fiisse destiné à donner un jour au monde Tiiistoire de cettje partie de ma vie, passée sur mer. Si je l'eusse prévu , j'aurois donné plus d'éten- due à mes observations , j'aurois examiné plus en détail et avec plus d'attention une foule d'objets divers que je n'ai remarqués;, pour ainsi dire, qu'en courant ^ enfin , je me serois mit un plaisir de répandre sur les diuérentef parties de mes Voyages tout l'intérêt dont elles étoient susceptibles, et d'y placer tous les éciaircissemens qyi pouvoient devenir ce quelqu utilité. Je n'essaierai point ici a écarter de mon Ou- vrage la censure des critiques par une af- fectation de modestie j je ne la braverai pas non plus par un excès de confiance DE l' A U T E U R, XXîij déplacé : j'oserai dire seulement que j'es- père qu'on trouvera dans ces Voyages des détails dont le Commerce pourra tirer quel- qu'avantage, et des instructions que les Navigateurs qui me suivront , ne croiront peut - être pas devoir dédaigner. J aime encore à penser que cette relation pro- curera quelques instans agréables à ceux qui cherchent à connoîîre les mœurs di- verses des peuples : enfin , je me flatte que certains morceaux de cet Ouvrage réveil- leront la sensibilité de ceux qui voudront bien réfJchir à toutes les traverses de la vie (Tun Marin. Le Mémoire sur le Commerce de la Chine parlera pour lui-même. Quant aux Observations que j'ai hasardées sur la pos- sibilité de trouver un Passage Ncrd-Quest , je les soumets également aux lumières et à la bonne foi de tous ceux qui s'occupent de pareilles recherches. Je crois , au reste , devoir ajouter que pour corroborer mon opinion sur cette question , j'ai eu recours xxiv Préface de L^4uTEUR. plus d'une fois aux puissans argumens de M. Dalrympk , dans son admirable écrit sur le Commerce des fourrures. Tout Lecteur juste conviendra , je l'es- père, que j'ai apporté toute l'attention pos- sible à rendre cet Ouvrage digne de la curiosité publique. Quant aux négligences qu'on pourra y rencontrer , quoique je me flatte qu elles n'y sont pas en grand nom- bre 5 je trouve une juste excuse dans la rapidité avec laquelle je l'ai composé pour satisfaire l'impatience du Public , et je. me persuade qu'il ne me refusera pas l'in- dulgence que j'attends de lui. J. Meares. i6 novembre 1790. VOYAGES VOYAGES DU CAPITAINE J. M E A R E S. VOYAGE Du vaisseau le N o OT ka ^ Capitaine M E A R E s , de Calcutta à la ccte nord - ouest d^Ainéric^ue , pendant les années iy86 et tjSj ^ pour servir d^ introduction à ses Voyages de la Chine à la côte nord-ouest d'Amérique, en 1788 et 1789. CjE seroit peut-être sans intérêt que le lecteur me verroit entrer dans les détails historiques de cette expédition commerciale, m'étendre en éloges sur les vues patriotiques Tome /. A de plusieurs personnes distinguées du Ben- cale qui Font secondée et soutenue ; enfin , rapporter.] es marques honorables de zèle et de bienveillance avec lesquelles elles se sont empressées de la confier à mes soins. D'au- tres , sans doute ^ n'apprendroient qu'avec indifférence les obstacles qu'elle a éprou- vés , les artifices mis en œuvre pour la faire échouer , et les difficultés de tout genre qu'il m'a fallu vaincre en la préparant. Je vais donc commencer sur le champ le récit des principaux événeraens du voyage auquel elle a donné lieu. Le 2.0 janvier 1786, on fit Tacquisition de deux, vaisseaux pour cette expédition. L'un fut nommé le Nootka , de deux cents ton- neaux ; l'autre , la Loutre Marine , de cent tonneaux seulement. Je reçus le comman- dement du premier : celui du second fut donné à William Tipping, lieutenant dans la marine royale. Vers le 20 février , ils étoient en état de partir , lorsque les commissaires chargés par la compagnie générale des propriétaires de tous les préparatifs du voyage reçurent deux propositions. L'une était de fréter la Loutre Marine pour porter de l'opium à (3) Matacca , ce qui produiroit un gain de trois mille roupies. Les commissaires ne balan- cèrent pas un moment à l'accepter. En con- séquence , on s'occupa sans délai de hâtet le départ de la Loutre Marine, De Malacca, le capitaine Tipping devoit avancer à la côte nord-ouest d'Amérique , et l'on lit toutes les dispositions nécessaires pour que nous pussions nous y rejoindre. L'autre proposition étoit de transporter à Madras M. Burke, payeur général des forces du roi dans l'Lide , avec sa suite. Il ofFroit pour son voyage la somme de trois mille roupies. Cet avantage n'étoit pas à refuser. J'eus donc l'honneur de l'y conduire. Le 2 mars , nous mîmes à la voile et avan- çâmes jusqu'aux, jardins du gouverneur, où nous reçûmes à bord M. Burke et sa suite. Le 12 du même mois , nous perdîmes la terre de vue , et continuâmes notre route vers Madras j où nous arrivâmes le 27 sans aucun événement remarquable. Notre trajet parut avoir été rapide pour la saison où nous l'avions entrepris. Après avoir débar- qué nos passagers , et nous être pourvus abondamment de munitions et de provisions Xteurelles, grâces aux soins obiigeans de A 2 (4) Joseph Dupree Porcher , écuyer , nous nous disposâmes à remettre à la voile , ce que nous fîmes le 7 avril , le jour même que son excellence Sir Archibald Campbell ar- riva pour prendre le gouvernement de Ma- dras. Nous reçûmes en ce lieu toutes sortes de marques de bienveillance , d'attention et d'encouragement. Dans le nombre des personnes dont les bontés et l'affection ont le plus mérité notre reconnoissance , je n'hésite point à nommer M. Burke , M. Porcher , et M. Boyd. Je m'empresse aussî^ de publier les obligations particulières que . nous avons à son excellence le gouverneur Davidson. Il ne sera pas inutile de remarquer qu'à l'époque où nous quittâmes le Bengale , nous avions une si petite quantité demu- nitions de tout genre que le vaisseau étoit à peine équipé pour une année seulement : quant aux provisions , il n'y en avoit pas à bord de quoi suffire aux besoins de l'année , et rien n'étoit plus évident que l'impossi- bilité d'achever en cet état un pareil voya- ge. Il est vrai que nous avions compté jusqu'à certain point sur les secours que nous reçûmes à Madras, et qui dévoient ( 5 ) compléter nôtre équipement potir dix- huit mois. Qaant au nombre^ l'équipage étoit monté d'une manière formidable , mais là composition étoit telle, en grande partie, que la nécessité seule pouvoit la rendre agréa- ble. La totalité montoit à quarante Euro- péens , y compris le munitionnaire j le chirurgien , cinq officiers , le contre-maî- tre j et dix lascars que nous avions pris à Madras. Mais tous nos efforts pour nous procurer un charpentier furent inutiles , et nous n'éprouvâmes que trop pendant tout le voyage combien cet ouvrier nous man- quoit. Au 2.3 mai, nous n'étions pas encore arrivés a. Malacca. Le trajet fut d'un ennui extraordinaire, et sa Ion guêur donn a le temps au scorbut de se déclarer. Dès le commen- cement du voyage , nous perdîmes le con- tre-maître ^ l'un dé no^ meilleurs marins. C'étoit, dans les circonstances et la Bitua- tion où nous lious trouvions , un malheur irréparable. A nôtre arrivée à Malacca , nous apprîmes que le capitaine Tipping avoit fait voile vers l'Amérique après avoir terminé ses affaires dans cette île. Nous y Kmes de l'eau , recueillîmes du bois , et A3 (é) prîmes tous les rafraîchissemens nécessaires ^ non-seulement pour remplacer les provi- sions déjà consommées , mais encore pour être en état de donner tous les secours pos- sibles au capitaine Tipping , lorsque nous Je rejoindrions à la côte d'Amérique. Le 2,9 , nous remîmes à la mer , après avoir salué de neuf coups de canon le fort hol- landois qui nous rendit le salut de la môme manière. En peu de jours, nous entrâmes dans les mers de Chine , et poursuivîmes notre route par une forte mous-son de sud - est jusqu'au 22 juin que nous vîmes les îles JSashee restant à l'est sud-est mi-est, à dis- tance de neuf lieues. Mais le 26 arriva avant que nous pussions mouiller à l'île de Graf- ton ; nous y mîmes à l'ancre ce jour-là, dans une petite baie très-agréable, à six brasses ^'eau,et environ à un quart de mille du rivage. Cette baie est environnée de terres hau- tes , cultivées jusqu'à leur pointe la plus élevée. Les plantations qui sont divisées en enclos proprement entretenus, offrent une vue très -agréable. On appercevoit un grand village situé sur une belle éminence près le bo^rd de l'eau ; des bosquets charmans Sfgj. (7) troiivoient dlsulbués inégalement et sans ordre sur les côtés des montagnes , tandis qu'un ruisseau coulolt avec rapidité à tra- vers la vallée. L'ensemble formoit une scène d'une beauté rare. Environ quatre ans au- paravant, les Espagnols avolent pris posses- sion de ces îles, s'attendant à y trouver les entrailles de la terre enrichies de métaux précieux. Nous reçûmes Taccuell le plus amical du gouverneur et de la garnison > qui ne se mêlèrent en aucune façon de nos petites relations de commerce avec les na- turels du pays. Ceux-ci paroissent être le peuple le plus doux et le plus tranquille. Nous restâmes en ce lieu quatre jours, pen- dant lesquels nous nous procurâmes, en grande quantité, des cochons, des chèvres, des canards, des oiseaiix , àeh yains y et des patates très-douces , ne donnant en échange que du fer brut. Le 18 juillet , nous quittâmes les îles Bashee y et fîmes route vers le nord - est , prenant notre direction le long des îles du Japon , mais sans appercevoir aucune terre. Les îles qu'il nous a fallu traverser, ⧠trouvent sur les cartes dans, la posi- A4 'tîon même où elles sont placées. Quand nous eûmes passé le ^5^ degré de latitude nord , nous eûmes une brume continuelle, et si épaisse en certains momens , qu'il nous étoit impossible d'appercevoîr d'un bouta l'autre du vaisseau. Le premier août, étant restés en panne la nuit précédente , nous jueeâmes que nous étions près de la terre , et le matiri , à la pointe du jour, nous par- vînmes à la voir à travers les terres de brume. Nous reconnÛLues que c'étoient les îles Ainluc et A te ha. Nous nous arrêtâmes à la première où nous mouillâmes deux jours. Nous reçûmes^ pendant ce temps, •là visite des habita^is russes et des naturels du pays. Dans notre passage à Ounalaschka^ nous fûmes chassés vers cinq îles où les dangers nous environnoient de toutes parts, sans que nous pussions reconnoître notre route. Mais nous en sortîmes , grâces à la Providence. Un brouillard continuel nous enveloppoit depuis que nous avions traversé le 35^ degré de latitude, et de ce moment, il ne nous avoit été possible de (aire que deux seules observations. Heu- reusement nous avions à bord un garde^ temps ( 1 ) qui nous ctêvint de la plus grande utilité. Les cinq îles ou nous nous éLions trouvés si fort dans l'embarras , sont décrites dans les Découvertes Russes de Coxe, sous les noms dé \P^/ Sopka. Cet écrivain parle aussi des traces de destruction que plusieurs des navigateurs russes ont remarquées entre ces îles et le Kamschatka. Elles sont inhabi- tées , et ne paroissent être autre cbose que de grandes masses de roc. Deux d'entr'elles se ressejnblent parfaitement, et ont la forme d'un pain de sucre. Le 5 août , dans l'après-midi, nous nous Times environnés d'un grand nombre de canots. L'habillement et les manières des gens qu'ils portoient ne nous laissèrent pas douter qu'ils ne fussent de quelques-unes de ces îles , quoique nous nous fussions imaginés d'abord être trop loin pour eux du côté du midi pour qu'ils vinssent vers nous. Cette petite flotte étoit occupée à la (i) Voyez , au sujet de cet instrument, les observa* lions astronomiques qui se trouvent à la lin du qua-. trième volume du second voyage de Cook , page 357^ Note du Traducteur. ( lO ) pêcîie de la baleine. Elle s'arrêta quelques înstans pour examiner le vaisseau , ce qu'elle parut faire avec des marques d'une extrême admiration. Elle s'éloigna ensuite , et prit sa direction vers le nord. Nous gouvernâmes alors un peu plus au midi : car nous sup- posions, d'après notre calcul, que le cou- rant nous avoit portes du côte du nord. Le^ brouillard continuoit d'être si épais, qu'il étoit impossible de dislinguer aucun objet à la distance de vingt verges du vaisseau. Mais d'après le nombre des canots au milieu desquels nous venions de passer 3, il y avoit tout lieu de présumer que nous étions dans le voisinage de la terre ; et , selon toutes les probabilités ;^ ce devoit être l'île àH Amouchta. La nuit suivante , nious fûmes effrayés d'entendre la lame de la mer se briser contre le rivage. Nous virâmes vent devant tout aussitôt ; et quand nous eûmes couru sur la terre pendant deux heures envi- ron , le même bruit nous causa une nou-^ velîe alarme. Nous revirâoies de bord vent devant , et dès Ja pointe du jour , nous distinguâmes la terre par le mât de l'a-, vaut. Elle paroîssoit couverte de neige. Mais le brouillard redevint tel ,. que la vuq C " ) ne pouvoît percer au travers , comme sî c'eût été pour augmenter l'horrible incer* titude de notre situation. Pendant quatre jours que nos esprits demeurèrent , comme i'athmosphère , obscurcis par les ténèbres , nous fîmes des efforts continuels , mais inutiles y pour trouver un passage : il sem- bloit que tous les chemins fussent bloqués pour nous. Le sourd mugissement de la lame nous chassoit d'un côté, tandis qu'un signal pareil , et non moins sinistre , nous repous- soit de l'autre. Tout nous portoit réellement à croire que nous étions arrivés par quelque passage fort étroit dans un golfe environ- né de dangereux rivages, d'où il n'étoit possible de revenir que par le même ca- nal à travers lequel nous y avions pénétré. Quoique nous nous trouvassions souvent à cent verges des rochers , le fond étoit im- praticable , et le bord étoit tellement escarpé que les ancres ne pouvoient nous servir. Le 5 , sur le matin , le brouillard se dis- sipa, et nous laissa entrevoir une perspec- tive terrible de dangers tels, que notre heureuse expérience suffisoit à peine pour nous persuader qu'il fût possible d'y échap* per. Nous nons vîmes envîroftnës de terres d'une hauteur effrayante , couvertes auX deux tiers de neige sur les côtés : la côte ëtoit rendue inaccessible par de sourcil- leux rochers de hauteur perpendiculaire : ils formoient un mur régulier, excepté à l'endroit où la mer en les frappant avec violence avoit formé ces excavations qui étoient , avec l'élévation et la chute rapide de lioulles prodigieuses , la cause de cet heu- reux bruit auquel nous avions dû notre salut. Nous découvrîmes alors deux pas- sages qui s'ouvroient à nous, l'un vers le midi , ( c'étoit celui à travers lequel nous avions été poussés ) l'autre au nord-ouest, il est vrai que , si nous eussions été poin- tés jusqu'à cette pointe , nous aurions en même temps vu diminuer l'horreur de notre situation : mais nous avions redouté sans cesse d'arriver au nord de ces îles , prévoyant la difficulté que nous éprouve- rions à êlre ramenés vers le midi. Car il est bien reconnu que les courans prennent, en été , une direction de nord , et alors il est difficile de déterminer le temps que nous aurions pu être retenus , jusqu'à ce qu'il s'élevât un fort vent du nord pour nous en ( i3 ) repousser ; les vents de sud-est étant ceux qui régnent le plus généralement dans ces mers à cette époque de l'année. Trouvant im- possible, quoi qu'il en soit, de porter au midi par le passage à travers lequel nous étions venus en cet endroit, à cause de la vio* lence du courant , nous prîmes notre direc- tion vers le nord ; et étant parvenus à l'est jusqu'à Ounalaschka , nous fûmes heureu- sement favorisés d'un fort vent du nord qui nous mit en état de passer entre Unamah et Ounalaschka. Dans ces détroits, le cou- rant ne permettoit pas de filer moins de sept nœuds , ce qui rendoit la mer on ne sauroit plus redoutable. Quand nous eûmes fait le tour de la partie méridionale de l'île , un Russe vint nous trouver, et conduisit notre vaisseau dans un port voisin de celui où le capitaine Cook avoit radoubé. Les Russes de ces îles yenoï^vxà^Ochotsk et du Kamschatka y dans une galiote char- gée d'environ cinquante tonneaux; chacune peut contenir de soixante à quatre-vingts hommes. Ils conduisent leurs vaisseaux dan? quelqu'endrolt commode et sûr , pour y rester pendant leur séjour ea ce lieu qui ( H ) dure huit ans. Au bout de ce temps un autre parti vient les relever. Ils chassent la loutre de mer et d'autres animaux que la nature à vêtus de fourrures. Les naturels des diffërens districts sont pareillement employés à ce genre d'occupation. Le fruit de leurs tra- vaux est une espèce de tribut qu'ils sont obliges de payer à l'impératrice de Russie à qui appartient exclusivement ce genre de commerce. Ils reçoivent en retour de pe- tites provisions de tabac qu'ils aiment à l'ex- cès. Une fois satisfaits sur cet article , ils se plaisent dans leur misérable condition , et n'en sortiront jamais , «tant que cela dé- pendra de leurs efforts. Quant au fer, ou à tout autre objet d'utilité commun parmi les Européens , on le trouve aussi rare- ment chez eux que chez leurs voisins du continent. Les maisons des Russes sont construites de la même manière que celles des na- turels du pays , mais sur un plan d'une plus grande étendue. Elles consistent en des fosses considérables creusées en terre. Un étranger courroit grand risque d'y tom- ber, sans soupçonner le moins du monde qu'il étoit sur U bord d'une habitation , ( i5 ) ces demeures souterraines n'ayant d'autre entrée qu'un trou de forme ronde à leur sommet , où l'on a pratiqué des degrés par le moyen desquels on peut y descendre. Le soir même du jour de notre débarque- ment , cet accident arriva au premier offi- cier et au chirurgien du Nootka. En re- venant d'un village russe , ils disparurent tout-à-coup dans un de ces trous, et se trouvèrent entrés , non sans beaucoup de surprise , dans une habitation de naturels du pays. L'effroi , dans cette occasion , fut le même de part et d'autre. Les naturels se précipitèrent en ^ule hors du lieu , aussi promptement que leur frayeur pouvoit le leur permettre , et laissèrent aux infortunés qui venoient de faire cette chute , la crainte que ces gens qu'ils avoient ainsi surpris , et dont ils ne connoissoient pas encore alors la douceur et les inclinations ami- cales, ne répandissent sur le champ l'alar- me , et n'appel lassent leurs amis pour tirer vengeance , en les massacrant , de cette invasion bien innocente. Mais , remontés sur la terre , ils virent que les naturels avoient pris la fuite , dans le plus grand désordre , et pointé l'effroi jusqu'au village russe. Le (i6) lendemain matin raccident s'expliqua ^ et on lit à ces pauvres gens un petit pré- sent de tabac pour les dédommager de Falarme qu'ils avoient eue le soir du jour précédent. Les côtés de ces habitations sont divi- sés en compartimens destinés à former les chambres à coucher. Les lits sont faits de peaux de bêtes. Dans le milieu de la chambre est le lieu où l'on apprête les viandes et où l'on mange. Par les froids rigoureux, ils se servent de lampes au lieu de bois. Comme il n'y a point d'arbres dans les îles , le bois y est nécessairement très-rare , et ils n'en sont guère approvi^ sionnés que lorsque la mer leur en apporte par hasard du continent. Toute leur nour- riture consiste en poisson dont l'huile fait leur sauce. Cette manière de vivre est com- mune aux Russes et aux naturels du pays , avec cette différence que les premiers font bouillir la chair des animaux, et que les seconds la mangent toute crue. Nous les avons vus souvent manger , ou plutôt , dé- vorer une tête de morue ou de halibut (i) ^ (i) C'est le nom qu'on donne en anglois à un poisson qui approche beaucoup de la plie. Note du Traducteur, à (17) à rinstant même où ils venoient de l'at- traper , avec toutes les marques Je la joie qu'ils éprouvoient de pouvoir satisfaire ainsi leur voracité. La seule production végétale de ces îles est du céleri sau- vage que les naturels du pays mangent aus- sitôt qu'il est arraché de terre. Quoique les Russes aient été si long-temps établis dans ces îles , ils n'y ont introduit aucun genre de culture. Ils n'ont aucua oiseau oa animal domestique , si ce n'est le cliien. Nous ne pûmes examiner si c'est à la stérilité naturelle du pays ou à leur indolence habituelle qu'ils doivent s'en prendre de manquer de ces utiles secours , qu'il est si facile de se procurer. Leur seule ressource pour la vie journalière est dans le produit de la mer et des fleuves où ils pèchent d'excel- lent poisson en abondance. Et si l'on en peut juger sur l'apparence de vigueur et de bonne santé qu'on remarque chez les naturels ainsi que parmi les colons, ils n'ont pas besoin d'une nourriture plus saine et plus substantielle. Les naturels de ces îles connues sous le Toirie I, B ( i8 ) nom d'iles Foa: (i) sont une race d'hommes de petite taille, mais pleins de courage. Ils ont un air d'amënitë qui n'annonce pas du tout des sauvages. Ils ne se coupent^ ne se déchi- quètent , en un mot, ne se défigurent jamais le visage d'aucune manière^ comme les natu- rels du continent. Leur caractère, selon toutes les apparences, est doux et tranquille. La ja- lousie , au moins , n'est pas une de leurs passions ordinaires ; car on ne s'apperçoit jamais qu'ils soient mécontens des soins que les étrangers aiment à rendre à leurS: femmes. Les seuls animaux qu'on trouve dans ces îles sont des renards. Quelques-uns sont noirs, et leur peau est d'une grande valeur. Pendant le temps que nous y séjournâmes, nous tâchâmes d'engager les Russes à tra- fiquer avec nous ; mais ils portoient leurs fourrures à un trop haut prix pour que nous pussions nous en arranger avec eux , au moins en ©change des articles que nous avions à leur offrir eji retour. Leur prin- (i) Ou des Renards. Elles sont ainsi nommées de . la grande quantité de ces animaux qu'on y troure. £{ote du Traducteur, ( 19 ) cîpal motif étoit l'espërance de se voir re- levés l'année suivante. Le havre où nous entrâmes est situé à dix ou douze milles environ de celui où le capitaine Cook ra- douba. Sa position est au 5^^ degré 2 mi- nutes de latitude nord , et de longitude , au 193e degré aS minutes Est de Green- ^ich. Le 20 août , nous partîmes d' Oujialaschka^ dans ie dessein de suivre le continent jus- qu'à ce que nous eussions doublé les îles tSAz^- maglfiy le capitaine Cook ayant décrit Ko- diak comme l'une des îles méridionales ( 1 ). Il est vrai que nous desirions quitter les (1) t« Je longeai la cliaîne la plus méridionale des îles : à midi, nous étions par SS degrés i8 minutes de latitude , et dans la partie la plus étroite du canal formé par elles , et par celles qui gissent le long du continent: ce canal a ici une lieue et demie ou deux lieues de lar- geur. L'île la plus considérable du grouppe se mon- troit sur notre gauche / et ^ selon les informations que nous reçûmes ensuite , elle porte le nom de Kodiak. Je lui ai laissé ce nom , mais je n'en ai point donné aux autres. Troisième voyage de Cook , kome III , livre IV^ chap. VII f page iqS» B a ( ^c. ) ëtAbliSx^îemens russes avant cravancer »\ la cote , :u^ \ ovaiit rien d ga^iior luiiis leur voi- I*c arr iui\t , nous ani\d*ucs à la vue dos îles Sx^/wm^i^'t, Q:i uid nous lûmes à la di>unce d'euviron i^uatre Houes dn ri- Vîigo , nous > î:nos venir vers nous un grand nouibre de canots. Nous remarquâmes que leur construoùon étoit la nit^nie que celle des canoîs des iîes Pou^ , et que les hommes qu'ils porîoiont avoienl IhabUleiuent et toutes les manières des naturels do ces in^mes îles. Il jKiroit que les Russes, quelque part qu'ils soient établis j. ont pour usage, (sans doute par une raison de politique) d'eiu- pécher les naturels du pays d'avoir des canots qui puissent porter plus d*uno seule personne. Ces caiiois put , en geaeral , à-peu-près douze pieds de long. Ils sont alliles à chaque bout. Leur largeur est d'environ douze pouces. Ils se terminent en poiale. Leur profondeur au centre , dans l'endroit où îliomme s'asseoit , est d'environ douze pouces. Les canots de cette forme s'oîouJent depuis les détroits des deux con- liiiens le loiig de la c^te jusqu'au cap (ai ) r.i/(yncumhe. Quelont t!cf>tln(^-.s à j)ortcr trois personnes : mais y tn ^^énérA , ils ne sont faits (\ue pour vnc oix deux louL au [)ÎU5. On se sert pour leur cons- truction de b.indes très rn in ces de bois dé pîn f|u*on attache enscnjb'e avec du nerf de baleine. On les couvre alors d'une peaii de veau marin ou de vacbe marine dont on a commencé par enlever tout le [)oiI. L'extrômitc^' du manteau de peau que [)or- lent les naturels bouche herm(^^tif]ueaient le trou du canot à Pendroît où Thomme s'asseoit, et crnpôche qu'il ne pursse p^'nr^- trer la plus petite goutte d'eau. Ces vais- seaux [>euvent faire un chemin prodr^ieux. Ils sortent par tous les temps, quels qu'ils soient. Nous étions au iS août , et nous n'avions rien g'igné encore au voyage. Mais comme nous croyions eUe arrivés au bout des établissemens russes , et qu'il nous restoît un grand trajet à faire à la côte , nous nous ilaltions que nous aurions terminé un trafic fort avantageux avant l'hiver qui approchoit à grande hâte. Dans ce dessein uous résolûmes de ne faire qn'rjn seul port jusqu'à, l'ouest de la rivière de Cook , Ji3 (23) et en longeant la côte , nons vîmes une grande ouverture qui senibloit formée par une île , et vers laquelle nous gou- vernâmes. Quand nous y fûmes arrivés, elle nous parut d'une très-grande étendue dans la direction de nord -est. Persuadés que nous étions tout-à-fait hors des éta- blissemens russes , nous nous attendions continuellement à recevoir la visite des naturels , et à voir enfin arriver l'époque de notre voyage qui devoit nous procu- rer quelques avantages. Il n'est pas facile , au reste , d'expliquer comment un détroit aussi grand n'a pas été observé par le capitaine Cook, Nous fîmes environ vingt lieues en y continuant notre route. Nous appercûmes alors un , canot qui venoit vers nous du côté de l'intérieur des terres. Il y avoit dedans trois personnes. Une d'elles vint à bord , et nous reconnûmes que c'étoit un marin russe. Cet homme qui paroissoitfoit intelligent nous apprit que cette île étoit rîle de Kodiak ^ que les équipages de trois galiotes y étoient en station , et qu'il y avoit une autre île du même nom le long de la côte. Cet avis ne pouvait nous être agréable , (a3) en ce qu'il clétruisoit absolument l'espoir que nous avions conçu de pouvoir trafi- quer dans quelque place intermédiaire entre la rivière de Cook (i) et les îles Scfiuma- gin. Nous continuâmes donc notre passa-" ge au travers des détroits , nommés détroit de Pétrie^ en l'honneur de Guillaume Pé- trie , écuyer , et reconnûmes qu'ils nous avoient portés près cette pointe qui forme la rivière de Cook , et qui se trouve dis- tinguée par le nom de cap Douglas sur la carte du capitaine Cook, Ces détroits ont plus de dix lieues en longueur ^ et de quinze environ en largeur : ils coupent , en la traversant , une portion très-considé- rable du continent depuis les premières cartes. Nous mouillâmes sous le cap T>ou^ glas ; et bientôt après ^ des canots char- gés d'Indiens de la rivière s'avancèrent jus- qu'à nous. Ils nous vendirent deux ou trois peaux de loutres , et nous leur donnâmes en retour quelques morceaux de fer brut. (i) Le capitaine Cook avoit laissé çn blanc le nom de cette grande rivière sur son manuscrit. On a trouvé lout simple de la iiommer rivlèra dç Cook. B4 (M) environ une livre pour chaque peau. Ils parurent très- satisfaits de nous voir , et nous offrirent en prësens tout ce qu'ils pouvoient avoir dans leurs bateaux. Le re- fus que firent ces gens du tabac que nous leur présentâmes nous prouva qu'ils n'a- voient aucun rapport avec les Russes ; et le plaisir qu'ils prenoient à prononcer souvent le mot Jinglois , Anglois , nous donna aussi à penser que le Nootka n'étoit pas le premier vaisseau de notre pays qu'ils eussent vu. On a su depuis que le Roi Geofge et \ii Reine Charlotte partis de Lon- dres avoient été chez eux avant nous. Les canots nous quittèrent au bout de quelques momens pour remonter la rivière, afin de chercher des pelleteries de plus ; et le jour suivant , nous vîmes deux grands bateaux qui la descendoient, portant chacun envi- ron dix - huit hommes. Nous les recon- nûmes pour des Russes qui avoient monté la rivière de Cook pour aller trafiquer. Chaque bateau avoit une pièce de campagne , et de petites armes pour chacun des hommes qu'il portoit. Ces Russes avoient quitté leur habitation d'été qui est l'île la plus basse sur la rivière de (25) Cook y et allolent gagner leurs quartiers d'hiver dans l'île de Kodiak, Nous étions arrivés au 20 septembre. Le temps étoit extrêmement orageux. Nous nous déterminâmes en conséquence à quit- ter la rivière où nous avions été retenus par plusieurs brises , à avancer jusqu'à Ventrée ou canal du JPrince Gulllaunte -, {V rince Williams Sound) et s'il éîolt possi* ble, à y passer l'hiver. A notre arrivée dans V anse ferniée de Ventrée du T rince GuiU laujne y {^Snug Corner Cove) (ainsi nom- mée par le capitaine Cook) il s'éleva un temps très-violent, et pendant trois jours que nous nous y reposâmes, pas un seul natu- rel du pays ne parut à nos yeux. Nous en conclûmes que les naturels s'étoient retirés de la côte, ou bien étoient allés vers le midi pour y hiverner. Dans nos excursions sur le rivage , nous vîmes du bois qui avoit été fraîchement coupé et par le moyen d'un instrument tranchant. Nous trouvâmes aussi un morceau de bambou ; ce qui nous causa la joie la plus vive. Car nous ne pouvions plus douter que nous n'eussions été précédés tout récemment en cette entrée par quelque vaisseau. Et comme c'étoit le li-eu du ren^ (a6) dez-vons dont nous étions convenus avec réquipage de îa Loutre Marine y nous en conclûmes naturellement qu'il y avoit pas- sé , et que delà ^ il av oit fait voiles pour la Ghine. Notre situation présentoît d'effrayantes difficultés. La côte , selon toute apparence , n'étoit point habitée ; et si nous y passions i*liiver , nous ne pouvions prévoix com- ment nous nous procurerions des rafraîchis» semens ou l'avantage de quelque trafic» D'un autre côté , le mauvais temps conti- nuoit : de fortes brises de vent ne cessoient d'être accompagnées de neige et de pluie. Si nous sortions de notre position présente , il étoit fort douteux que nous pussions nous en procurer une autre ^ et que nous ne fus- sions pas forcés de gagner les îles Sand'wichf où y selon toute probabilité , nous trouve- rions le terme de notre voyage , attendu que nos marins commençoient à devenir très - mécontens. Dans cette fâcheuse per- plexité , nous nous déterminâmes à pré- férer les rigueurs d'un hiver passé dans le Canal inhospitalier du Frince GuiU laume à toutes les ressources que pou- voient offrir les îles Sandmch» Je pen- ( 27 ) ,soîs , non sans beaucoup déraison, (|u'il seroit extrêmement difficile , si même il ne devenoit pas tout-à'fait impossible , de per- suader à notre monde de revenir de ces dernières îles à la côte d'Amérique. Telles ëtoient les difficultés que nous avions à sur- monter. Mais l'objet du voyage et l'intérêt des propriétaires exigeoient si fortement que nous supportassions les fatigues dont nous étions menacés , et les disgrâces que nous aurions à éprouver , que nous prîmes le parti de souffrir les unes et de nous-résigner aux autres. En réfléchissant un peu sur le pou- voir bien limité d'un officier de marine mar- chande , et sur la triste insubordination qui règne dans le vaisseau qu'il commande , on croira sans peine que , pour rester en ce lieu, il ne falloit pas être indifférent sur les intérêts de ceux qui avoient conçu le pro- jet et fait les frais de cette expédition com- merciale. Le quatrième jour, les naturels vinrent nous trouver dans plusieurs canots , et se conduisirent de la manière du monde la plus douce et la plus amicale. Ils pronon- cèrent devant nous plusieurs noms anglois que nous crûmes être ceux des personnes (a8) qtiî composoîent Téqulpage de la Loutrs Marin.e, Ils nous donnèrent aussi à entendre qu'il étoit parti de ce lieu , peu de jours aupa- ravant, un vaisseau avec deux mâts ; qm'il emportait une quantité de pelleteries , ce qu'ils nous expliquèrent en montrant le nombre des cheveux de leurs têtes. Ils nous dirent pareillement que si nous nous arrêtions parmi eux , ils tuéroient pour nous une grande quantité de loutres pendant Thiver. Nous avions la satisfaction de savoir que \ entrée éloxX, habitée. Il ne nous manquoit plus qu'un bon port pour nous détermi- ner à y passer la saison rigoureuse. Le jour suivant, les chaloupes en trouvèrent un très- commode à environ quinze milles est -nord -est de l'endroit où nous nous étions arrêtés. En conséquence , le 7 oc- tobre , on conduisit le vaisseau au lieu dé- signé. Il fut alors dégréé , et l'on com- merça sur le rivae^e la construction d'une cabane de troncs d'arbres, dans laquelle les armuriers pussent travailler , et qui , vu l'état où se trou voit alors le vaisseau , ser- viroit aussi à contenir le bois préparé pour la charpente. Les naturels nous honorèrent alors chaque ( 29 ) ~ jour de leurs visites , et ne manquoient ja- mais de déployer leur adresse vraiment extraordinaire dans le métier de voleurs. Ils employoient cette subtilité de main à se procurer des matériaux en fer de toute espèce , et d'une manière qui est à peine concevable. Nous avons remarqué plus d'une fols que lorsque la tête d'un clou , soit dans le vaisseau, soit dans les chaloupes, se détaclioit un peu du bois , ils y portoient la dent pour l'arracher. Certainement , si je rapportois ici les différentes pertes que nous essuyâmes , et la manière dont ces naturels s'y prenoient pour nous voler , plus d'un lecteur seroit fondé à soupçon- ner que j'exalte ici ^ aux dépens de la vé- rité , leurs talens dans l'art d'escamoter (i). Nous étions à la mi-octobre , et n'avions encore fait qu'une petite provision de pel- leteries. Les naturels se rassembloient en plus grand nombre, et commençoient à^ nous tourmenter au point que nous nous trouvions très - embarrassés de la nia- (i) Voyez le troisième voyage de Cook j chap, I du livre IV, tome HZ , page 2,1, et suiv. C3o) lîîère dont nous devions nous conduire à leur égard. La politique et l'humanité nous avoient également instruits à éviter , s'il étoit possible , tout correctif violent : mais il arrivoit souvent que nos gens oc- cupés sur le rivage à couper du bois et à construire la cabane, étoient obligés d'aller au vaisseau : les naturels descen» doient de leurs bois derrière eux , et tâ- clioient de leur dérober les outils dont ils se servoient , quels qu'ils fussent. Le vais- seau se trouvant si près de l'endroit où nos gens étoient à l'ouvrage que nous pouvions converser avec eux, nous ne leur permet- tions pas de prendre d'armes à feu, à moins qu'ils ne fussent accompagnés d'un officier prudent , de peur qu'ils n'en fissent un dan- gereux iisage. Nous avior-s déjà reconnu qu'un coup de mousquet tiré du vaisseau ne manquoit jamais de mettre les naturels en fuite. Le 25 octobre , nous apperçumes un parti considérable d'Indiens qui avançoient sur une crique ; et comme ils paroissoient être en plus grand nombre que nous n'en avions encore vus auparavant , nous criâmes à nos gens de venir à bord. Ils tardèrent f 3i ) un peu : pendant ce temps les Indiens mon- tèrent à côté du vaisseau ^ et débarquèrent sur le champ à Fendroit où on étoit à l'ouvrage. Au même instant , un autre parti vint des bois les rejoindre. Comme les na- turels avançoient dans leurs canots vers le < rivage, malgré tous les signes que nous pouvions leur faire pour les en empêcher, je donnai l'ordre de pointer sur eux deux canons. Il produisit l'effet que j'en atten- dois ; car , en ce moment même, ils étoient occupés à prendre les haches de nos gens sur le rivage. Mais dès qu'ils apperçurent les dispositions qui se faisoient de notre côté , ils crièrent à nous selon leur manière accoutumée, laulé-laulé , ou, arnis, amis, tenant leurs bras étendus en signe d'amitié. Lorsque tout notre monde fut arrivé à bofd, nous pensâmes que l'occasion étoit favorable pour disperser les naturels qui se trouvoient alors rassemblés en si grand nombre , en leur montrant le pouvoir de nos armes à feu. En conséquence , on tira une pièce de do^ze chargée en grappe^ dont les effets se déployèrent, sur Teau d'une manière qui leur causa un extrême étonnement. Ils furent aussitôt saisis d'une telle frayeur, que (32) la moitié d'entr'eux en renversèrent leurs canots. On fit alors du rivage une décharge d'une pièce de campagne de trois seule- ment , chargée à boulet rond. Comme lis la virent raser la surface de l'eau à une dis- tance considérable , ils demeurèrent con- vaincus qu'il étoit en notre pouvoir de lancer cette arme meurtrière vers quelque point et dans quelque direction que nous voudrions. Tandis qu'ils dëlii3éroient entr'eux, en proie à la plus cruelle frayeur , nous leur fîmes entendre que nous n'avions pas l'intention de leur faire le moindre mal tant qu'ils se comporteroient avec nous d'une manière amicale et fraternelle ; que nous desirions trafiquer avec eux , et leur donner en échange de leurs pelleteries les divers ob- jets que nous avions apportés à cet effet. Nous expo.sâmes alors ces objets à leurs yeux. Aussitôt , tous ceux d'eatr'eux qui ëtoient vêtus de fourrures, se dépouillèrent en poussant de grands cris de joie , et, en retour d'une modique quantité de clous à grande peinte , nous reçûmes soixante belles peaui;. de loutres. Pour nous concilier leur affection , nous offrîmes aux principaux d'entr'eujt des grains de rassade de difié- reiites (33) rentes couleujrs , et ils nous promirent de nous apporter autant de pelleteries qu'ils pourroient s'en procurer. Il n'y a pas de doute que ce ne fut de leur part une tentative préméditée. Ces peuples ne font jamais la guerre l'un con- tre l'autre dans ces grands bateaux ; ils ne s'en servent que pour transporter leurs vieil- lards, leurs femmes et leurs enfans , à l'ap- proche de l'ennemi , et ils leur donnent le nom de bateaux des femmes. Ils enavoient fait usage , en cette circonstance , afin de pouvoir débarquer un grand nombre à la fois , et d'être en état de couper la retraite à nos travailleurs. Mais quoique ce projet eût échoué, ce n'étoit pas une raison de croire qu'ils résisteroient à la tentation de nous dérober quelqu 'article où il entrât du fer, quand l'occasion s'en présenteroit, tant il y avoit d'attrait pour eux dans tout ce qui prenoit la forme de ce métal favori. Telle étoit, quoiqu'il en soit, la situation présente de nos affaires , que nous renon-' i^ames à continuer les travaux sur le rivage. Nous commençâmes donc à couvrir le vais- seau d'esparres de sapin ^ et à le fermer par tous les côtés : ce que nous parvînmes à fair^ TomeL C ( "4 ) pour plus de la moitié de Tarrière , en avant. Mais la neige vint à tomber en si grande abondance sur le riva-e ^ cp'il ne nous fut pas possible d'achever cette besogne. Ce contre-teinps ëtoit très-fâcheux, en ce que la partie couverte par la neige nous avoit offert jnsques-là un endroit pour nous pro- îiiener, en même temps qu'elle empêchoit une grande partie du froid de nous gagner au travers du pont. Elle auroit aussi formé , au besoin , une fortification très - avanta- geuse. Car nous étions plancheyés et cla- quemurés tout autour , à dix pieds au-dessus du plat- bord , de manière que nous au- rions pu nous défendre contre toute es- pèce d'attaque. Il est vrai que la glace dont nous étions environnés, donnoit aux naturels un très grand avantage. Mais quel- que pussent être les dispositions de ces voisins à notre égard, l'eflet de nos canons kur avoit causé une frayeur qui les por- toit à en user avec nous d'une manière très- amicale. Le 3i octobre , le thermomètre descen- dit au 01^ degré , et les matinées et les soirées furent très - piquantes. Jusqu'à ce mom,cnt, nous avions attrapé une grande (35 ) "quântiié de saumons. Mais alors nous trou- va m es qu'ils qnitr oient les petites rivières. A deux endroits d'un lac où je fis jetter la seine (i) , entre les montagnes voisines nous en prîuies autant qu'il nous fut pos- sible d'en saler pour les besoins de Tliiver. On y envoyoit tous les matins deux hommes pour la consommation journalière , et au bout de deux heures , ils en rapportoient toute leur charge. La manière de les prendre pourra paroître ridicule ; voici comme on y parveno't : on suivoit le cours de l'eau du jax: jusqu'à l'endroit où il se dé- ci.arge dans la mer, et l'on frappoit le poisson sur la tête avec des massues à me- sure qu'il montoit ou qu'il descendoit ; et comme le canal n'avoit pas plus d'un pied de profondeur , cette occupation amu- soit les matelots , en même temps qu'elle nous fournissoit en quantité des provi- sions pour la table. Mais les jours d'abon- dance tlroient à leur fin. Les canards et les oies qui, jusqu'alors, n'avoient cessé de nous être une très-utile ressource , corn- (i) C'est une espèce de filet qui se traîne sur lej grèves. Noie du Traducteur, (3(5 ) iRençoient à se former en troupes et à passer vers îe midi. Les naturels clu pays nous a voient aussi apporté de temps en temps quelques brebis de montagnes^ seuls animaux de terre que nous eussions vus chez eux. Nous avions eu souvent l^esoin de leurs secours , au moins quant à l'article des provisions , durant l'hiver. Tout chan- gea bientôt pour nous- Au 5 novembre, on ne vit plus d'oiseaux, et il ne fut pas pos- sible d'aller dans les bois, la terre étant, à cette époque, couverte d'au moins cinq pieds d'une neige sèche. Le poisson quittolt éga- lement les criques et les petites rivières , et la slace co.nmencoit à se former autour de nous. Les e[fraya.ntes montagnes que nos yeux rencontroient de toutes parts étoient alors blanches de neige à fleur d'eau , et les naturels n'avoient d'autres moyens de subsistance que la chair et l'huile de ba- leine préparées pour leurs provisions d'hi- V3r, Mais après le 2 novembre , la glace fut assez Forte , depuis le vaisseau jusqu'au rivage , pour porter , et nos gens s'amu- soient déjà à patiner et à d'autres divertis- sem^ens qui , tout en leur procurant beaucoup de plaisir ^ contribuoient encore à leur (37) conserver la santé. Ces amusemens durèrent jusqu'à ce qu'il fut tombé de la neige en aussi grande abondance sur la glace que sur le riyage. Pendant les mois de novembre et de décembre, nous jouîmes tous d'une excel- lente santé. Les naturels continuèrent aussi d'en user avec nous de la manière la plus amicale , si Ton en excepte toutefois leur incorrigible penchant à voler , penchant qu'ils ne manquoient jamais de satisfaire y lorsque l'occasion s'en présentoit, et dont la plus vigilante attention de notra part ne réussisÊoit pas toujours à nous garantir. Pen- dant le mois de novembre, le thermomètre étoit du 2.6^ au 28^ degré ; et , en décem- bre , il descendit au 20^ degré où il resta la plus grande partie du mois. Nous n'avions alors à midi qn'uîi; jour foible et obscur ^ le soleil n'étant pas à plus de six degrés , et se trouvant caché à nos yeux par les montagnes éle- vées au 22® degré au midi de l'endroit où nous nous étions fixés. Tandis que nous étions privés ainsi tristement de la clarté du jour ^ et de^a chaleur vivifiante C 3 ( 3S ) des rayons du soleil, il ne se présentoit à ïious aucuns motifs de consolation pour nous dédommager un peu de la scène d'hor- reur qui nous environnoit. En même temps que d'effrayantes montagnes nous déro- boient presque la vue du ciel , et répan- doient sur nous les ombres de la nuit dans le milieu même du jour, la neige couvroic la surface de la terre ù une telle hauteur qu'on ne pouvoit y pénétrer, de sorte qu'il ne nous étoit permis d'espérer pendant l'hiver d'autres plaisirs , d'autres amuse - mens, d'autres moyens de consolation que ceux que nous trouverions dans le vaisseau et en nous-mêmes. Ce n'étoit , au reste , que le commencement de nos peines. La nouvelle année vit augmenter le froid, el tomber la neige, de plus belle et en plus grande quantité jusqu'au milieu du premier mois. Nos ponts furent alors incapables de résister aux gelées excessives de chaque nuit : leur partie lapins basse étoit couverte d'une gelée blanche de l'épaisseur d'un pouce tout- à-fait semblable à la neige, malgré le soin cjue nous avions de tenir trois feux cons- tamment allumés pendant vingt heures sur vingt- quatre^ de sorte qu'aussitôt qu'ils com- ( 39 ) înençolent à brûler , les ponts se trouvoient à flot. Pendant quelque temps , nous y tînmes ces Feux nuit et jour : mais la fumée qui soitoit d'un poëie construit pour les besoins du moment hors de l'une des forges nous incommodoit au point que ceux de nos gens qui, alors, se trouvèrent mal , demeurèrent convaincus que leur mal- aise n'avoit pas d'autre cause que cette fu* mée continuelle. Quelque temps après que la neige eut tombé en si grande quantité , douze des nôtres furent violemment atta- qués du scorbut , et vers la fin du mois ^ il en mourut quatre. Nous en eûmes jusqu'à vingt-trois obligés de garder le lit. De ce nombre étoit le cliirurgien qui fut très-mal. Le premier officier se voyant légèrement attaqué àla poitrine, symptôme qui ^ d'ordi- naiie , G4roit d'un fâcheux pronostic qu'on ne teirdoit guère à voir se réaliser , eut le bonheur de se tirer d'affaire en mâchant continuellement les branches d'un jeune pin^ et en en avalant le jus. Mais cette mé- decine avoit un goût si désagréable quepea de nos malades purent se déterminer à con- tinuer de la prendre. Yers la fin de février ;, le mal augmen» C 4 (4o) ta, et nous ne comptions pas moins de trente àe nos gens qiû se trouvoient si bas qu'aucun d'eux n'avoit la force de sortir de son hamac. Quatre d'entr*eux moururent dans le courant du mois. Ajoutez qu'à cette époque toutes nos provisions ëtoient telle- ment épuisées que^si de plus \iolens symptô- mes du mal eussent empiré notre état, nous aurions manqué des alimens nécessaires pour Gpérer la guérison. Le désespoir qui ga- gnoit tous les gens de l'équipage rendoit encore pins affligeante cette triste situation de nos affaires : car tel étoit le décourage- ment général parmi eux qu'ils regardoient le plus léger symptôme du mal comme le présage d'une mort certaine. Pendant les mois de janvier et de février, le thermomètre étoit presque toujours resté au iS*" degré , quoiqu'il fût descendu quel- quefois au 14®. Malgré ce froid excessif , nous fûmes visités, comme à l'ordinaire, par les naturels qui n'avoient d'autres vê- temens que leurs capuchons faits de peaux de loutres e^, de veaux marins , mais , en plus grande partie, de ces derniers ani- maux y avec la fourrure par dessus. Mais qxieique couvert que pût être le corps (4i ) par cet liabîlîement , leurs jambes de- meiiroient nues , sans qu'ils en parus- sent incommodés. Nous eûmes lieu de penser qu'ils étoient dans une dlsetle de provisions égale à la nôtre ; et comme nous possédions plusieurs tonneaux d'huile de baleine que nous avions recueillie pour en faire notre huile , ils ne manquoient jamais lorsqu'ils venoient à bord sous pré- texte que le temps étoit trop orageux pocrr qu'ils p ussent se déterminera la pêche de la baleine , de prier qu'on les en régalât ; ce que nous leur accordions toujours^ et c'é- toit leur donner une grande satisfaction- Si nous éprouvions les ravages d'une ma- ladie si efirayante et si destructrice, c'é- toit , à les entendre ^ parce que nous négli- gions de prendre, comme eux, cette nour- riture aussi agréable que salutaire. Nous fûmes d'abord très - surpris de les voir instruits de la mort de nos gens , et du lieu où nous les enterrions. Ils avoient sur - tout remarqué au bord du rivage , entre les fentes de la glace , Fendroit où nous étions parvenus , à force de travaux , à creuser une fosse profonde pour notre contre-maître, qui s'étcit attiré de leur part (43) nne considération particulière par son ta- lent à jouer de la flûte. Nous irrjagindmes d'abord qu'ils n'avoient observé ces tris- tes cérëinonies que dans le desseir^ de faire un festin , ne cloutint pas qu'ils ne fussent de race cannibale. Mais nous sûmes bientôt après qu'ils n'avoient fait cette découverte qu'en veillant continuelle- ment pour empêcher d'autres tribus de na- turels de venir trafiquer avec nous , sans partager avec eux les profits , quels qu'ils fussent. Comme ils nous rendoient des visites jourîsallères , nous pensâmes d'abord que le lieu de leur habitation n'étoit pas iort é]oÏPi]é , quoique nous n'eussions ja- inrîis ])u le découvrir. Mais nous apprîmes alors qu'ils étoicnt un peuple vagabond, sans aucun séjour fixe , doririant où ils p en- voient, et quand l'envie leur en prenoit ; quils ne faisoient point de distinction entre la nuit et le jour, errant aussi bien dans un temps que dans l'autre. Ils n'allu- ni oient jamais de feux la nuit , de peur d'être surpris par quelqu'une des tribus avec lesquelles ils sembl ient être dans un état d'hostilités continuelles , et qui ne pou- ( 43 ) Toîent venir les attaquer sans traverser la glace. Car l'usage des chaussures pour la neige étant absoiument inconnu à ces peu- ples , il Jeur clevenoit impossible de passer à travers les bois. Le mois de mars n'apporta aucun sou- lagement à nos infortunes. Il fit aussi froid que pendant les mois qui l'avoient précède. Dans le commencement , il tomba une o^ran- de quantité de neige qui augmenta le nom- bre des malades et la violence du mal chez ceux qui en étoient déjà attaqués. Dan^ le courant de ce mois, nous eûmes à rem- plir un triste devoir en rendant, du mieux que nous pûmes , les derniers honneurs aux restes du chirurgien et du pilote. De pareils maux étoient cruels à supporter ; et la perte du premier , dans un moment sur-tout où des coniioissances en médecine nous étoient si nécessaires , paroîtra , sans doute ^ à ceux qui liront ceci, le comble de ralilictiou pour nous. Le premier officier se sentant attaqué de nouveau, eut recours aux mêmes moyens de soulagement qui lui avoient déjà si biea réussi auparavant , l'exercice et le jus de pin. Il fit une décoction de ce dernier re- • (44) inècîe extrêmement dégoûtante , et très» difficile à garder sur l'estomac , malgré qu'elle fût délayée. îl en prit à plusieurs reprises comme derémétique , avant qu'elle produisît insensiblement son effet : et peut- être ce retard même aida-til , en nettoyant l'estomac , à préparer le succès de cette médecine anti-scorbutique. Le second offi- cier et un ou deux de nos marins ayant observé le même régime, en éprouvèrent un semblable soulagement , et se tirèrent ainsi d'un état presque désespéré. Un des symptômes de ce funeste mal est de se sen- tir du dégoût pour le mouvement, et de répugner à prendre quelqu'exercice , tandis que ce remède seroit précisément le plus salutaire de tous. Nous nous vîmes privés par la mort de no- tre chirurgien de tous les secours de la méde- cine. Tous les soins que les malades pou- voient attendre du zèle le plus tendre et le plus vigilant , ils les recevoient de moi , du premier officier et d'un matelot qui étions les seuls en état de leur rendre ce service. Mais nous n'en voyions pas moins avec une vive douleur diminuer chaque jour noire équipage par les ravages de cette terrible ( 4S) maladie. Plus d'une fois , je m'enteTidis appeller pour aider à remplir le triste offi- ce de traîner les cadavres à travers la glace jusqu'à une fosse profonde que nous avions creusée de nos mains même sur le rivao^e pour leur sépulture. Le traîneau sur lequel nous allions chercher 1^ bois étoit leur chariot funèbre , et un crcu!x dans la glace leur servoit de tombe. Mais ces cérémo- nies, quelque grossières qu'elles fussent , etoient accompagnées de cette douleur vraie et sincère qu'on ne voit pas toujours à la suite de l'appareil pompeux qui conduit l'or- gueil humain à de superbes mausolées. Notre seul bonheur, ou, pour parler plus juste, le seul adoucissement à nos maux étoit lors- que nous pouvions quitter le vaisseau, et nous éloigner assez pour ne pas entendre les cris douloureux de nos infortunés pa- tiens, et pour trouver quelque consolation dans l'examen solitaire de l'affreux aban- don où nous étions plongés. Tous nos cor- diaux étoient épuisés depuis long-temps. Il ne nous restoit pour soutenir les mala- des et pour les fortifier, que du biscuit ^ du riz, et une petite quantité de farine : mais nous n'avions ni sucre ni vin à leur (46) rlonner. Nous ne irianquions pas de bœnf sale ni de porc: mais, quand ces viandes eussent été nne nourriture convenable , la rénD^inance que leur vue seule inspiroità J7 0S malades auroit suffi pour en empêcher l'effet salutaire. Le poisson ou les oiseaux n'é- toient pas en ce pays un présent de l'hiver* Une corneille ou une mouette nous parois- soient des friandises très-rares; et quand nous i^angions un aigle, c'étoit un véritable régal. Nous en tuâmes un ou deux, au moment où ils sembloient , en voltigeant autour de nous, vouloir faire curée de '^notre chair , .nu lieu de servir aux besoins de notre table. Nous finîmes aussi par tuer , non sans beau- coup de regret , deux boucs que nous avions, mâle et femelle , de même âge. Ils avoient été comme nos compagnons pendant tout Je voyage : nous en servîmes à nos malades pendant quatorze jours avec du bouillon {ait de leur chair. Quoique nous fussions à la fin de mars, le temps n'avoit pas du tout changé. Le froid continuoit dans toute sa rigueur. Nous commençâmes pourtant à concevoir quel- ques espérances en voyant le soleil , si long- (47 ) temps caché à nos yeux , poindre , sur le midi , à rextrêmitë du sommet des mon- tagnes. Le thermomètre ëtoit resté pendant la plus grande partie de ce mois au i5e et au 16^ degré , quoiqu'il se fût élevé quel- quefois jusqu'au 17^* Au commencement d'avril ^ il gela très- fort , et nous eûmes des vents très-violens. Vers le milieu de ce mois , nous eûmes quel- ques fortes brises de vent de sud qui pro- duisent un temps d'été dans ces hauts de- grés de latitude , comme celles du nord don- nent un tem,ps d'hiver. Ce changement amena , comme on peut le supposer , une altération sensible dans l'air. Mais ce vent occasionna de fortes giboulées et ne resta pas au sud , de sorte que lorsqu'il repassa au nord , le froid fut aussi ri- goureux qu'il l'avoit jamais été. Sur la fin cle ce niois , il s'éleva un combat perpé- tuel entre ces vents opposés , et d'autani plus désagréables qu'ils occasionnoient un temps épais et brumeux. Tant que le vent de sud régna , l'état de nos malades em- pira , et dans le courant de ce mois, il nous mourut trois lascars et quatre euro- péens. Le second officier elle matelot qui (48) âvoîent eu recours au régime du jus de pîn se trou voient alors assez bien rétablis pour pouvoir aller , un instant seulement , jouir, sur le pont, de la bienfaisante influence des rayons du soleil. Le succès de leur régime engagea plusieurs de nos ma- lades à recourir à la décoction , et quelques- uns se déterminèrent à en continuer l'usage. Mais la plus grande partie d'entr'eux négli- geoit ce remède. Ils aimoient mieux mou- rir à leur aise ( c'est ainsi qu'ils s'expri- moient) que de souffrir les cruels tour- jnens qu'un remède si dégoûtant faisoit éprouver. Vers la fin du mois , au soleil de midi , le thermomètre s'éleva jusqu'au 32.® degré ; mais, la nuit, il descendit au-dessous du 517®» Pendant les derniers jours de ce mois, les naturels nous apportèrent du hareng et des oiseaux de mer. Je me chargeai moi-même de distribuer le poisson à nos malades. J'es- sàyeroisinutilementd'exprimer les transports de joie qui se peignirent sur leurs visages blêmes et défaits lorsque je leur donnai cette nourriture si bonne et si rafraîchissante. Nous ne manquâmes pas d'engager, par touft (49) tous les moyens qui dépendoient de nous ; les naturels à nous procurer le plus souvent possible la ressource d'un mets si propre à les fortifier. Ces bonnes gens commencèrent à nous consoler en nous assurant que le froid ces- seroit bientôt. Il est certain qu'ils nous «voient toujours donné à entendre, en comptant le nombre des lunes, queVe'té commenceroit vers le milieu du mois d^ mai. Le soleil formoit déjà un grand cercle sur le haut des montagnes, et à midi , la chaleur étoit excessive. Le poisson nous ve- noit aussi en assez grande quantité. Nous sentîmes naître enfin l'espoir, que ceux de nous qui survivroient pourroient sortir de ce séjour de désolation, et retourner dans notre pays. Ce changement dans notre situa- tion ranima tellement les esprits des ma- lades, que plusieurs d'entr'eux consenti- rent à être portés sur le gaillard pour y jouir de la chaleur du soleil ; à peine se trouvoient- ils à l'air, qu'ils s'évanouissoient. Ce qu'il y a de très-singulier, c'est que plusieurs de ces malheureux patiens conservoient un courage surprenant tant qu'ils étoient dans le lit, pouvoient tout dire et tout faire Tome I. -Q * ( 5o ) paroissoient , en un mot, guéris entière- ment de leur mal, et que le moindre mou- vement , le plus léger balancement de leurs hamacs , leur causoient coup sur coup tant de douleurs d'agonie , tant d'évanouisse- mens , que chaque moment sembloit devoir être le dernier pour eux. Ils restoient dans cet état près d'une demi-heure sans pouvoir reprendre connoissance. A l'époque du 6 mai , il se fit un chan- arra8sé dss glaces , que le reste de Yotre équipage sei^a rétabli , et que votre vaisseau se trouvera en état de quitter Venirée, Je pense que vous ne sauriez trop accélérer votre départ , attendu qu'en quittant la c6te , vous pouvez arriver rapidement au- milieu des îles Sandwich , où vous trouverez tous les rafraîclùssemens nécessaires pour mettre les gens de Totre vaisseau en état d'avancer du côté de la Chine,. Là , je me flatte de vous voir en bonne s^té dans W temps favorable pour m'y rendre n. < «9 ) effets du retour du soleil ; et malgré tous les soins que nous pûmes leur donner, ils augmentèrent le nombre de ceux pour qui « Ce fut, je crois, le second jour après que toii» nous eûtes quittés , que nous fîmes voiles du port Rose à. l'île Montagii. Après avoir fait le tour de l'extrémité orientale de cette île , je £s force de voiles pour arriver en ce lieu où' je me trouve très-exposé. Mais , à tout événement, je me propose d'y rester jusqu'à ce que ma chaloupe soit de retour de la rivière de Cook et de la côte qui aboutit à cette route, où je l'ai envoyée I^ lendemain du jour que vous nous quittâtes j et d'où j'attends qu'elle reviendra sous un mois j>. « Le capitaine Dixon prit congé de moi au cap. Sa destination est au midi vers Ventrée du Koi George. Il a ordre de relâcher à tous les ports qu'il trouvera 1© long de la côte , et de voir ce qu'on peut espérer die faire dans la route jusqu'à cet endroit j et comme de- puis son départ le temps a été très-favorable , j'çspèrp qu'il en tirera bon parti 7>. « Je me rappelle vous avoir entendu dire avant de nous quitter qu'il vous restoit une grande quantité d'articles de trafic. Dans ce cas, mon bon ami, je crois , vu l'état actuel de votre situation qui ne vous permet pas , ou au moin» qui ne devroit pas vous per- mettre de songer au trafic 5 je crois, dis -je, devoir vous prier de m'en abandonner une partie. Ceux que je désire sont des verroteries de différentes espèces j sur- Htt destîii cruel avoît marqué Phetire clu dernier sommeil sur ces affreux rivages. La surface de la terre ëtoit toujours cou- tout de la petite espèce des vertes et des jaunes , de celles-là le plus qu'il vous sera possible ^ du fer brat , et votre enclume de réserve. Vous vous rappellerez aussi que je vous ai parlé du besoin que j'avois de poivre et d'un compas ». « J'espère vous voir à votre passage par Ventrée , et je demeure avec estime sincère , votre , etc. ?5 Natlianaël Portlock.' Au capitaine Jean Meares , Commandant le vaisseau Sno-w Nootka , anse de Suthirland ( Sutlierland - Cove ) , entrée du Prince Guillaume. Je lui écrivis par les cîialoupes lorsquWîes s'en re- touTnèrent. ( Voyez n°. III , page 79 de ce volume,") 'M Je n'hésitai pas un moment à remplir l'objet de sa let- tre j^ et com.me je ne pouvois pas donner pour le mo- ment tous les articles de trafic parce qu'ils étoient ser- rés à fond de cale , je lui envoyai ce que j'avois sous la main , savoir le compas , du poivre , quelques sacs <îe riz de quatre-vingts livres cliacun , et plusieurs autres articles que je pensois pouvoir lui être nécessaires, quoiqu'il s'en fallût bien qu'il se fût empressé de potir- voir à mes besoins avec une égale attention en en- Vovant ses cliaioupes. Au bout de quatorze ou quinze jours ^ le Nootka ( 61 ) verte de neige. La cime des pins offroît les setiles^roductions végétales qu'on pût encore se procurer. C'étoit une ressource fut prêt à mettre en nier. N-ous sortîmes donc enfin de cette aJLse où nous avions été emprisonnés si lontr- teiups , et vînmes mouiiier le soir du jour suivant au port Etcîies , où le Roi George étoit aussi à Pancre. Jq rencontrai donc de nouveau le capitaine Portlock à qui je fis mille civilités. Peu de jours après mon arrivée , comme nous nous entretenions fort amicalement ensemble à bord de son Taisseau , je fus très-surpris de ce q^n'il me remit dans ia main la lettre suivante : A bord du Roi George , port Etches ^ <) juin 1787. Capitaine Meares, « Dans le moment où je me proposois de vous don« «ler Tliomas Dixon et George Willis pour vous aider dans la navigation du Nootka vers la Chine , je ne •çensois pas à quitter cette entrée, ni à avancer aux au- tres parties de la côte : ainsi votre séjour dans Ventrée et la continuation de votre trafic avec les naturels ne pouvoit m'affecter bien essentiellement. Je ne crus donc devoir vous proposer, pour prix du secourà que je vous donnois , aucunes conditions , quoique je ne doute pas è.Q l'empressement avec lequel vous eussiez souscrit 4 que les rigueurs de l'hiver avoîent daîgné épargner en notre faveur y et qui devint un. remède très-efiicaee pour ceux qui en con- tinuèrent exactement l'usage. celles que j^aurois cru devoir mettre pour prix à mes services. Depuis cette époque , de fortes raisons m'^ont déterminé à adopter un autre plan dont une partie est de rester dans Ventrée , et d'acheter les pelleteries dô toute espèce qui passeront sur notre route ; et commfr votre séjour dansi Ventrée et le trafic que vous pourriez faire intercepteroient naturellement une partie considé- i-able des objets que j'aurois l'espoir de me procurer au moyen des échanges , je me trouve obligé par mon zèle pour les intérêts de mes commettans de vous proposer 1,65 conditions suivantes, auxquelles vous jugerez né- cessaire de souscrire ^ si vous desirez conserver les se- cours que je vous ai déjà domiés. Ces conditions sont que : vous vous engagerez par une obligation de cinq cents livres sterlings à ce qu'aucun commerce ayant pour objet des pelleteries , dé quelqu'espèce qu'elles puissent être , ne sera entrepris ni par vous ni par au- cune personne de votre équipage pendant le séjour que '"yous ferez dans Ventrée dans cette saison , et que tous me donnerez vingt barres de fer et quelques grains de verre. A ces conditions seulement , vous pourrez con- server le secours cpte vous tenez déjà de ma bienveil- lance y et espérer par la suite ceux qu'il est en mon pouvoir de vous donner encore. Je dois vous assurer ■en même temps que j si j'ctois dans TOtdi-e situation , je (63) Le 17 mai, une fonte générale des glaces eut lieu dans toute l'étendue de Vanse ; et lorsqu'enfin nous nous retrouvâmes en pleine îi^bésiteroîs pas un moment à souscrire à des conditions telles que celles que je vous propose. Vous avez fait de t)onnes acquisitions; j'ai les miennes à faire. Vous avez plus d'articles de trafic qu'il ne vous est possible d'eu débiter. Il convient que je me fasse aussi ma part 33, Nathanaël Portlock. Une demande si peu délicate excita tout mon étoii* «ement : ce ne iiit pas sans effort que je parvins à re- tenir l'indignation que je ressentois naturellement de voir qu'il n'avoit pas honte de vouloir tirer parti de l'abandon déplorable où. je ma trairvois. Mais enfin, que pouvois-je faire ? Force par une cruelle nécessité , je souscrivis à toutes ses demandes , avec la condition ce- pendant qu'il m'engageroit sa jiarole d'honneur de me donner encore un de ses hommes , et même l'espérance d'avoir un garçon. Il m'avoit d'ailleurs, prévenu qu'il avoit à bord une forte provision de Porter pour le rnar- ^ché du Japon , ainsi que d'autres articles , tels que du fiucre , du chocolat , etc. j qu'il m'en fourniroit tout ce dont je pourrois avoir besoin , au prLx de Canton, 5012 intention n'étant pas d'aller au Japon, Comme il me promit avec assurance de me procurer tous ces objets , je m'engageai en retour à ne point faire \a trafic et à ne point le laisser faire à mon monde , et je lui envoyai le fer et les grains de verre-. Avant que je le quittasse , ( 64 ) «au , l'espoir de quitter un pays qui avolt été pour nous un théâtre d'affliction et d^horreur , apporta dans nos cœurs abattus une consolation difficile à exprimer. il fixa le jour suivant comme celui où il m'enverroit l'homme en question , peut-être le garçon, mais bien certainement le Porter , qui eût été pour nous une ac- quisition d'un prix inestimable , à cause des attaques de scorbut auxquelles nous étions sujets , et parce que nous n'avions pour subsister dans les îles que du bœuf salé dont ridée seule nous dégoùtoit. i Le jour suivant, son charpentier vint à bord. Il com- mença à calfater le pont, et à examiner les pompes. Le capitaine Portlock employa aussi qu,elques-uns de ses hommes à brasser de la bière et à couper du bois pour nous. Le capitaine Portlock avoit fait tout cela avec de« protestations si souvent réitérées qu'il n'avoit en vue que le bien des propriétaires qui lui avoient donné leur confiance , et avec tant de marques d'amitié que j'y fus réellement trompé. Pour calfater une partie de notre pont , son charpen- tier avoit employé environ cinquante livres d'étoupe à lui. Je n'en avois point du tout. Je manquois égale- ment d'hommes pour la préparer. J'envoyai à bord environ onze brasses d'un vieux cable pour servir en place. Bientôt après, un des gens du capitaine Portlock vint me trouver. Il étoit chargé de me dire qu'on avoit besoin dç vingt brasses de cable de plus pour employer Le (65) Le nolhbre des naturels que nous avions msn'excédoit pas celui de cinq ou six cents. Cest une race d'hommes vigoureux , mem- lu lieu ^'étoupe. Surpris d'une pareille demande y j'envoyai mon premier officier au capitaine Portlock pour lui exposer que je n'avois plus dans le vaisseau de bouts de cables , ni d'autres vieux cordages , et que , s'il persistoit dans sa demande , il me faudroit sacrifier ua cable pour le satisfaire 5 qu'enfin , je pensois que ce que j'avois déjà envoyé étoit plus que suffisant. BienLot après , je regus du capitaine Portlock la lettre sui- vante : Mon cher Mo n s i e u r , « Je serois cliarmé que vous m'envoyassiez les huit autres barres de fer carré qui complètent le nombre dont nous étions convenus. Si vous n'avez point de fer carré , il faut que je fasse battre du fer piat : mais je croisf que vous avez assez de l'un et de l'autre pour en don- ner facilement. Une des douze barres que j'ai déjà re- çues a été employée par mon armurier à étendre vos verges de pompe et à accommoder les pistons. Je puis donc dire que je n'en ai réellement reçu qu'onze. En conséquence de ce qui s'est passé hier entre nous rela- tivement aux vieux cordages , j'envoyai mon contre- maître à bord , et m'attendois qu'il en recevroit environ quinze brasses de plus. On lui en a offert cinq ou six : U a refusé de les prendre pour les rapporter au vais- ( «s ) brus , et cVane taille plus haute en général que la taille commune des Européens. Ils n'ont ni cilles ^ ni villages , ni séjour fixe. seau , parce que je lui avois dit qu'on lui en donneroit davantage. Vous devez considérer la perte qu'il y a dans la préparation de l'ét.oupe j et , en outre , l'occupa- tion de mes gens dont le travail auroit tourné au profit de mon vaisseau dans quelqu'expédition de trafic en liaut de Ventrée , s'ils n'eussent point été employés pour votre compte. Mais enfin, dans cet état de clioses ) il faut que toutes les mains travaillent pendant quel- ques jours et préparent aussi de l'étoupe , afin que le charpentier puisse calfater mon vaisseau après avoir fait cette besogne dans le vôtre. La perte de temps qui est résultée de tout cela est donc bien plus préjudiciable aux intérêts de mes commettans que je ne puis suppo- ser que le seroit aux vôtres celle de cinquante brasses de vieux cordages. Expédiez cette chaloupe aussi promp- tement qu'il vous sera possible , et le troisième homme sera bientôt pi*êt à vous allei' trouver. J'espère qu® TOUS vous portez bien ce matin j etc. rx Je suis très-sincérement , Mon cher Monsieur ^ Votre , etc. JN". PORTLOCK, J'envoyai alors au capitaine Portlock le cable qi (<Î7) Ils errent sans cesse dans toutes les parties de Ventrée au gré de leur caprice ou de leurs besoins , re2,ardant tout ce territoire renfermoit vingt fois la valeur de ce que j'avois reçu de lui. Il me pria aussi de lui prêter six caisses d'armçs auel* ques mousquetons et l'enclume jusqu'au moment ou nous jious rencontrerions à la Chine. Je les lui envoyai sur le cliaiiip. Quoi qu^il en soit^ il différoit de jour en jour à en- voyer l'homme , le gaiçon et le Porter , en un mot . à remplir le reste de son engagement 5 et Jes choses en demeurèrent là jusqu'au moment où nous fûmes en état d'entrer en mer. Je priai alors M. HoLUngs de se ren- dre à bord du vaisseau du capitaine Porllock. pour tâ- cher de le déterminer à satisfaire aux conditions, et à «auver ainsi soh honneur. Mais quel fut moii étonne- ment de voir revenir M. Hollings avec la réponse sui- vante de sa part : « qu'il me mettroit en réserve vingt douzaines de bouteilles de Porter et dix valions de ce- nièvre pour un cabJe neuf d'Europe de traiza pouces r (observez qu'il coûte au Bengale près de deux cents livres sterlii^gs ) qu'il ne pou voit pas me céder un homme , mais qu'il me doaneroit xvo^q vieille haussière de néiif pouces de quatre-vingts brasses». On conçoit que je rêjettai cette offre avec indignation ^ les objets qu'il me proposoit n'étant pas^ à beaucoup près, d^ine égale valeur. Je ne supportois pas d'ailleurs Piuée du refus opiniâtre qu'il faisoit de templir l'engagement cou- (68) comme soumis à leur domination , efe n'y laissant pas pénétrer une autre tribu lors- qu'ils sont assez en force pour s'opposer à tracté avec moi. Je lui dis, au reste, en présence cîe M. Hollings , que , s'^il étoit en peine d'un cable , je lui en fournirois un , au prix que le payoient ses proprié- taires , mais pas à d'autres conditions , n'ayant pas ordre de dissiper ainsi la propriété du vaisseau. Je lui observai alors que si son honneur lui tenoit peu à cœur, au moins il lui paroîtroit peut-être de l'humanité de nous donner les articles qui pouvoient arrêter les oi'uels effets de la maladie qui nous déso- loit , jusqu^i ce que nous eussions gagné les îles Sand- wich. Je lui représentai qu'il étoit contre son intérêt et contre celui de ses propriétaires de réserver un seul article de ce genre pour la Chine , lorsqu'on lui en of- froit le plus haut prix qu'on en eût jamais donné à Canton. Z'i ne pouvois , comme J€ l'ai dit ci-dessus , obtenir le Porter ni d'autres petits articles qu'en donnant le cable neuf. Je refusai ; et, pour se venger de ce que je ne souscrivois pas à des demandes aussi exagérées et aussi peu délicates, le capilaine Portlock me refusa les deux hommes et le garçon , retira son charpentier , et se conduisit en beaucoup d'autres points de la manière la plus répréhensible. Lorsqu''il eut rappelle son char- pentier , ce mauvais sujet déclara au capitaine Portlock que notre vaisseau n'étoit pas dans un état bien ras- surant j les coutures entre les bordages étant ouvertes (69^ l'invasion , sans lui faire aclioter ce privi- lège par un tribut qu'ils en exigent. Et lors- que quelque nation puissante fait inuption par-totit, et les pompes n'étant pas achevées. Pour l'ouvrage qu'il avoit fait , cest-à-diie pour avoir cal- faté deux coutures entre les bm'dages de i'avant à i'ar- rière , il me demanda soixante dollars, et le capitaine Portlock le souiB-it. Je les- refusai , et convins avec lui de quarante dollars ou de dix livres sterlings , somme qui lui, fut payée par M. Cox à Canton. Le capitaine Portlock reçut l'argent. Le 18 juin, il m'écrivit une autre lettre conçue en ces termes :. -É^ hard du Roh George , port Etches, près le cap Hichinhrohé ^ entrée du F rince Guillaume , \^ juin. 1787. Capitaine Meares^. «c J'ai eu. tout récemment de fortes raisons de présu- mer qu'après avoir quitté cette eritrée , vous aviez le projet de relâcher dans quelques ports de la côte d'A- mérique avec l'intention d'y faire le trafic. Vous vou- drez bien vous rappelier que , lorsque vous me repré- sentâtes votre déplorable situation , vous me donnâtes. à entendre que tous vos vtBux se bornoient à arriver sans accident avec votre vaisseau de M* entrée du Prince CuillOrUmQ aux îles Sa,ndwichj et delà à la Chine», E3 ( 7° ) cliez eux , ce qui arrive quelquefois , ils se retirent sur de certains rochers où ils ne peuvent parvenir qu'au moyen d'une échelle ce Si telle est réellement votre intention , vous ne pouvez 5 en homme triionneur , refuser de me donner une paran-tie que vons quitterez la cote immédiatement en quittant cette entrée , et en poursuivant cette route. D'après votre lettre , je vous ai accordé deux des meil- leurs marins du R.oi George , mais vous pouvez croire eiî toute assurance que ce n'étoit pas pour vous aider à faire le trafic ie lang de la cote «. « M. Cresselman perte avec lui l'écrit. Vous ne pouvez refuser de le signer , si vous avez réellement le projet de continuer la route comme vous aviez déclaré^ que vous vous proposiez de ie faire ». Je suis , Monsieur ^ Votre Ixumbîe et obéissant serviteur^ NatLanaël Portlock. P. iS*. ce Vous aurez pour agréable d'être prompt à TOUS décider , afin que ^ dans le cas où vous ne préfé- reriez pas de me donner satisfaction en ra^accordant la garantie que je demande , je puisse vous renvoyer les articles que j'ai reçus , et rc]>rendre mes Lommes j?. Cette manière de procéder n'^ -^^s besoin de com.-- ( 70 qu'ils tirent après eux quand ils sont arri- ves ; quelquefois même , ils y moiiteut avec eux leurs canots construits d'un bois très- mince et trèsdéger. mentaire. . Il fallut; souscrire à tout. Je signai donc Pobiigation. En Yoici la copie iidelle» Copie de l' obligation. Vaisseau le B^oi George , port Etcles j \^ juiît i-j^j. fc Faisons saA'^oir à tous qu'entre A. Portlock /com- mandant le Roi George , d'Angleterre, d'une jiart , et Jean Meares , commandant le S/iow Nootka , du Ben- gale , d'antre part , il est coiivenu aujourd'hui de ce qui suit , sous les peines et délits ci - dessous men- tionnés »?. {.e d'Amérique , perdit malheureusenient la plus grande partie du monde qui cDinposoit son équipage , et fut réduit à la plus cruelle détresse , se tyouYant hors d'état d'avancer à la Chine avec son vaisseau. D'après le tableau affligeant que ledit Jean Meares présenta de sa situation audit A. Portlock ^ ccnimandant du B^oi George^ ledit A. Portlock promit et convint do venir au secours dudit Jean Meares , en lui prêtant deux bons marins pour le mettre en état de poursuivre son' Toyage à la Chine j d condition que ledit Jean Zv'Xeares ^, E4 Ils ont un roi qu'ils nomm Oient She-i 7io\say, C'étoit un vieillard presqu'aveugle. Lors de la première visite qu'il nous rendit ■—•'" ■■—■■»« ■ ■ ' I ■ , lia en quittant Ventrée du Prince Guillaume où il est pré- Rentement , avancera , sans s'arrêter , vers Canton , et qu'aucune raison , quelle qu'elle puisse être ( excepté un accident ou la nécessité absolue ) ne l'engagera à aller trouver les naturels de quelque partie qiie ce soit de ladite cote pour faire avec eux le trafic ou des éciianges ayant pour objet d*;s peaux de loutres ou au- tres fourrures 5 le produit desdites cotes appartenant ^ à peine de payer , par le contrevenant , la somme de mille livres sterliiigs eut bon argent d'Angleterre , audit A. Portlock, à ses hériti^^rs > exécuteurs , ou substituts quelconques , pour le compte des prapriélaires dudit vaisseau le Koi George ». « En foi de quoi nous avons signé de nptre main? lesdits jour et an que dessus ». Comme j'avois bien des raisons de craindre de ntDU»- velies demandes d'un homme aussi intéressé et aussi peu délicat que le capitaine Portlock , je me disposai sur le champ à mettre à la mer. Mais avant que je pusse effectuer mon dessein , le même officier qui m'a- voit apporté le billet à signer revint encore une fois k bord pour me demander positivement que je renvoyasse sur le Koi George les deux hommes qui m'avoient été donnés lors de nia première entrevue avec le capitaine Partlock. Apprenant que \r capitaine Portlock avoit (73) l'automne précédent , il avoit amené avec lui trois femmes qu'il appelloit ses épouses. Kous les traitâmes en conséquence avec tous résolu de garder l'écrit aussi bien que les articles avec lesquels je m'étois procuré ces hommes , je puis dire à lin prix bien cher, je refusai de les laisser aller. L'offi- cier me déclara qu'on emploieroit la force pour me con- traindre à satisfaire à la demande dont il étoit porteur. Ma réponse à cette menace fut que , comme j'avois rempli l'engagement en ce qui me concernoit , je soutiendrois le droit que j'avois de garder ces homnies; et que si le capitaine Portlock, sur le compte duquel je m'exi^liquai de la manière la plus prononcée et la moins équivoque, «e portoit à quelqu'extrèmité contre le vaisseau , mon parti étoit pris de repousser la force par la force. Sur ce, l'offiCier partit, et revint au bout d'environ demi-heure, chargé par le capitaine Portlock de dire que je pouvois garder les deux hommes. Mais il se dispensa de me faire l'apologie de sa, conduite» Au moment où le vaisseau alioit mettre à la voile - le capitaine Portlock jugea à propos de m'envoyer en présent un bonnet et un manteau des îles Sandwich : je les lui renvoyai sur le champ. Telle fut la conduite du capitaine Portlock. Les ob- servations auxquelles elle pour'roit donner lieu ne fe- roient qu'alonger sans nécessité cet article déjà trop étendu. Chacun est en état de juger si la^ conduite de cet homme à mon égard a été celle d'un tendre ami ou d'un barbare. C'est à ceux i^ui liront ces détails où je une me : (74) les égards convenables , ayant soin de lenr offrir les objets qui paroissoient leur plaire davantage : mais elles n'auroient pas souf- n'ai fait 3. et Tout mon monde, tant en liommes qu'en officiers ,5 consistoit en quatre mates , un canonnier , un muni- tionnaire , un chirurgien et le contre-maître , un char- pentier , quarante personnes , maitres et gens de ser- vice 5 enfin c'étoit un équipage 'solide , bien monté , et l^ojiiposé d'''hommes vigoureux et bien portans. Je 'me f 76) parrtiî etiK. Nous désirions vivement qu'ils lions laissassent un de leurs jeunes garçons > aiin que nons pussions nous procurer par regardois comme à l'abri de tous les évéïiemens : mais Totre cœur s'^attendrira , j'en suis certain ^ au récit des maux c[ue nous. avons soufferts pendant un hiver si long et si rigoureux, privés, comme nous l'étions, de toutes les provisions, nécessaires. Tel a été le mailieur de notre position que, bien souvent , les officiers et moi nou? nous trouvions seuls pour enterrer les moris , ce que nous ne pouvions faire qu'avec beaucoup de peine , à cause de la rigueur dii froid qui rendoit la glace impé- nétrable î>. et Nous arrivâmes ici le 2.5 septembre,, et éprou- Tâmes le froid le plus rude jusqu'au premier novembre^s Vers noël , le scorbvit se déclara parmi nous , et fit de tels ravagées que le troisième et le quatrième officiers y. le chirurgien, le contre - maître , le charpentier et le. tonnelier furent bientôt enlevés ,. ainsi que la plus grande partie iÏa Téquipage. Personne ,. en un mot , ne^ fut exempt de ses atteintes ^ chacun, en fut attaqué plus au moins ^ et il n'y a guère plus de trois, semaines que le petit nombre qui restoit a commencé à pouvoir so. traîner. Voilà quelle a été notre déplorable situation. Nous- n'avons aujourd'hui , indépendamment des offi- ciers. , que cinq honimes devant le mât ,. en état de faire. leur service, et quatre malades qui composent tout et qui nous reste ». « Je ne vous ai fait , Monsieur , qu'un très - couri i77) lui quelque connoissance de leur langage et de leurs mœurs ; mais ils se refusèrent constamment à la proposition que nous leur récit de nos irifortiiiies 5 j'espère cependant que. s'il est en votre pouvoir de nous donner quelque soulagement, TOUS ne nous le refuserez pas ■>■), a Peusse volontiers accompagné le capitaine Dixon, si j'avois en à flot une chaloupe en état de naviguer, î^ous sommes occupés en ce moment à réparer la seule ■que j'aie, -et elle est à terre •îj. «Comme j'ai dit particulièrement au capitaine Dixon -en quoi je pense qu'il vous esft plus facile de nous se- courir , je me bornerai ici à ajouter que le moindre èxi vos bienfaits sera reçu avec la plus vive reoonnois- sance ». ce Permenez - moi encore de vous dire que , si vou« pouvez, me céder des hommes , je les prendrai à telles conditions et à tel prix que vous voudrez régler en leur faveur , et serai très - fidèle à vous les renvoyer dès le ujouient où le vaisseau sera arrivé à Canton j>^ « Je vous prie de vouloir bien accepter quelques sac» •de riz. C'est mallieureusemcnt la seule chose que j'ai* à vous offrir îj. Je suis j Monsieur ^ Votre 5 etc. ^ J, Mi;A2.as, 11 mai 1787. (78) eiï fîmes , et n'y consentirent enfin , qu'à condition que nous laisserions avec eux un (le nos gens. Le roi lui-même avoit tou- ( N^ I L ) A bord du Roi George ^ port Ètclies , entrée du Prince Guillaume ^16 TTiai 1787. Âua; capitaines Portïock et Dixon* ce Dans ma lettre du 11 de ce mois, je vous ai re* présenté le triste et déplorable état de mon vaisseau* Vous savez parfaitement que je vous ai dit la vérité , et m'avez offert de la manière la plus obligeante tous les secours qui dépendoient de vous , quant aux boai- mes dont je pour rois avoir besoin pour m'aider dans ma navigation à la Ciiine xi. ce Pcriiiettez - moi de vous exposer de nouveau que , telle est ma situation , que, sans un secours d'hommes , il me sera presqu'inipossible même de quitter cette entrée , encore plus d'avancer à la Chine avec mon vaisseau ^ tant l'équipage se trouve affoibti v. « Si donc , Messieurs , vous voulez bien prendre en considération cette demande , et m'abandonner un homme ou deux de chacun de vos vaisseaux , vous au- rez trouvé le seul moyen de conserver la ^ ie au reste (79) jours balancé à se rendre sur notre bord , à moins que, pendant le temps de sa visite. infortuné de mon équipage , en me -mettant en état par ce secours de conduire le JSFootka à Canton : et ^ès que vous y arriverez , (veuille la Providence or- donner que vous ne tardiez pas à nous y rejoindre ) J8 les rendrai fidèlement à cliacun des vaisseaux au- quel ils appartiendront. Je m'engage de plus , au nom de mes propriétaires , à vous inclemniser du tort qui pourra résultei- pour vous de m'avoir donné un secours «i pressant et si nécessaire jd. « Enfin , je m'engage , dans le cas où vos vaisseaux n'arriveroient pas à Canton, à renvoyer ces hommes en Angleterre , s'ils témoignent le désir d'y retourner «, Je suis , Messieurs , Votre , etc. J. Meares , commandant le Snow Nootka, ( N^ III.) Au capitaine Tortlock , commandant h Roi George, port Etches. Mon cher Monsieur « J'ai eu, ce matin, tout à la fois le bonheur et 1 V ■ gréable surprise de voir arriver vos chaloupes , et ^t • recevoir la lettre amicale que tous m'avez écrite \u (80 quéîqii'nn de nos matelots ne restât dans son canot. Un jour , (c'étoît dans le mois d'octobre M « La glace est fondue entiëreraent , et nous avons eu un très-beau temps qui nous a donné les moyens d'a- vancer nos préparatifs pour la mer. Vous pouvez croire en toute assurance que nous avons fait les plus grands efforts pour les terminer». . . ce J'ai remarqué ce que vous me dites de l'arrange- mc t que vous avez pris pour ce qui concerne le trafic? Tome I. F (Sa) coûta une petite hache et une certaine quantité de grains de verre» Nous avions pense d'abord que c'ëtoitune de ses femmes'. Mais elle nous donna bientôt à entendre qu'^elle étoit une captive , que les ennemis Ta- voient emmenée avec un parti de sa tribu qui je voiis souliaite à cet égard un plein succès , et vous me permettrez de vous dire combien j'espère que nous nous rejoindrons à Canton vers la lin de la saison v. « Vous pouvez être sûr que j'ai lu avec grand plai- sii* cette partie de votre lettre où vous me demandez de vous fournir les articles de trafic dont vous faites le détail. Je m'empresserai, n'en doutez pas, de vous sa- tisfaire dès le moment où je me rendrai auprès de vous, ce que je me propose de faire incessamment pour sub- venir à tous les besoins que vous pourrez avoir , et qu'il sera en mon pouvoir de soulager v. a Les verroteries et le fer étant , ainsi que je vous l'ai déjà marqué , serrés dans la rangée, ne peuvent en être tirés avant que je sois auprès de vous , et alors il sera nécessaire que vous m'aidiez à les sortir •, j'en ai à peine sous la main la quantité suffisante pour tenir le vaisseau approvisionné des rafraicliisseraens nécessaires que les naturels du pays nous apportent de tcmi^s à autre jj. ce Quant aux autres articles que j'ai mis dans les clialoupes , je les ai tout-à-fait à ma disposition v. Comme j'espère vous voir sous peu j vous permet- (it (83) avoit été massacré et mangé , destinée ordi- naire de tous les prisonniers de guerre. Elle s'étoit vue seule épargnée pour servir de com- pagne aux princesses royales. Mais ceiies-cî n'avoient pas tardé à s'ennuyer, ou, peut-être trez que je me borne ici à ajouter que je suis avec estime « ^ Votre , etc. J. Meares. A bord du Nootka , anse de Sutheiland y entrée du Prince Guil- laume^ 22 mai i'j^'j* ( 'N\ I V. ) Capitaine Portlock, « je reçois à l'instant par votre officier la lettre que vous m'avez écrite , ainsi que le billet ou projet d'o- bligation 33. « Je vous renvoie l'écrit, signé ; mais vous permet- trez que je vous rappelle que voua en avez usé bien mal avec moi dans toute cette affaire , en rétractanfe votre parole relativement aux trois hommes que je de- vois avoir. Un de mes meilleurs matelots est hors d'état de faire le service 5 j'ai lieu de Croire qu'il en sera inca.? pable pendant toute la durée du voya<ïe. Vous devez sentir que cette circonstance exige davantage encore d© F2 (S4) même , à devenir jalouses de ses serrices; Elle resta avec nous près de quatre mois , et paroissoit très-contente de sa cojndition. TOUS , que vous en agissiez avec cette humanité qui convient à un Anglois ». Je suis , Monsieur ^ Votre , etc. J. Meares.^ 18 juin ij^7' A Henri Çox y écuyer à Canton^ Monsieur, et dont des îles Sancîwicli. Comme je vais m'y rendre en per- sonne , j'espère pofiToir m'y procurer les objets de ce genre dont j'ai besoin. Je ne vous suis pas moins obligé^ mais vous permettrez que je me dispense d'acœpter aucune marque de votre souvenir. Je suis , Monsieur , Votre, etc. J, Meares. iS Juin 1787. ^u capitaine Tortîock» Avant de terminer cette note , je dois faire une re- marque sur la déclaration que s'est permise le capi- taine Dixon dans le récit de son voyage 5 savoir quft ce le mal affreux qui désola mon équipage a été produit par l'excès condamnable avec lequel on s'y livroit aux liqueurs spiritueuses ». Je dirai , en premier Heu , que l'assjertion n'est pas fondée ; ensuite , que l'éqiiipagfe du capitaine Dixon et hii - même ayaiit été attaqués du même mal , je suis fondé à rétorquer Paccusatioh contre lui. F 3 (86) j'ai fait plus haut le triste récit , ne nous permit pas de mettre à exécution un pareil projet. Je ne sais jusqu'à quel point elle disait t vrai : mais elle nous dépeignoit tou- jours lès naturels de Ventrée comme les plus sautvages de tous les habitans de la côte ^.^.t ne^ cessoit . de nous répéter que c'étoit la peur seule de nos canons qui les empêchoit de nous massacrer, pour nous dé- vorer après. Pendant les froids excessifs des mois de janvier et de févHer, nous reçûmes la visite de quelques tribus intermédiaires qui liabi- toient dans le voisinage de sa nation. Elle les employa pour aller engager ses compa- triotes à venir nous trouver : nous joignîmes à son invitation des présens de grains de verre, pour les encourager à nous rendre leur visite ; et , au bout d'un petit nombre de àours^ à l'époque même où elle disoit at- tendre leur arrivée , quelques-uns d'entr'eux se rendirent auprès de nous dans trois ca- hots séparés , et nous apportèrent une petite provision de pelleteries. Elle demanda alors avec instance la permission de partir avec eiix;comme nous espérions tirer quelqu'avan- tage des renseignemens qu'elle nous donne- ( S7 ) roît l'été ^ elle n'obtînt pas ce qu'elle desiroît. Mais, tandis que lios gens étoient allés dé- jeûner , elle imagina de gagner les canots^ et nous ne la revîmes plus. A l'époque où cette £lle nous quitta , le scorbut n'avcit pas fait encore les cruels progrès qui causèrent depuis tant de ravages parmi nous. Elle nous donna néanmoins à entendre que le même maldésoloit sa nation, et que toutes les fois qu'il se manifestoit des symptômes , elle se portoit vers le midi où le climat étoit plus tempéré, et où l'on pouvait se procurer du poisson en abondance , ce qui ne manquoit jamais de faciliter leur guérison. Les naturels de V entrée du F rince Guil- laume ^ àç^ l'un et l'autre sexe , portent leurs clieveux très-courts, mais de la même lon- gueur par devant qiie par derrière. Ils leur couvrent tellernent le visage, qu'ils sont obligés à tout moment de les séparer pour voir devant eux. Les hommes ont presque tous une fente au-dessous de la lèvre infé- rieure , dans la partie avancée qui sépare la lèvre d'avec le menton. Elle est coupée pa- rallèle avec leur bouclie , et semble en être une seconde. Les garçons ont deux, trois, et quelquefois quatre trous à l'endroit où 1-4 (88) les hommes ont cette fente qui est peut-être la marque distinctive de la virilité. Les femmes ont des trous comme les garçons ; elles y attachent des morceaux de coquille qui ont ainsi l'air d une rangée de dents. Les personnes de l'un et l'autre sexo ont la cloison du nez percée , et y portent assez généralement une grande plume ou un morceau d'écorce d'arbre. La barbe qui , d'ailleurs , n'est guère commune que parmi les personnes avancées en âge , est au-des- sus de la lèvre supérieure et vsrs l'extré- mité du menton presque toujours hérissé de glaçons en hiver. Les jeunes gens, à ce que j'imagine , se l'arrachent à mesure qu'elle pousse. Ils ont les joues larges et fortes , le visage rond et applati , de petits yeux noirs , et les cheveux couleur de jais. Leur physionomie est farouche et sauvage. Leurs oreilles sont remplies de trous où sont attachés des pendans d'os ou de co- quille. Ils se servent d'une espèce de peinture rouge avec laquelle ils se barbouillent le nez et le visage : mais à la mort de leurs amis ou de leurs parens , ils y substituent la couleur noire. Leurs cheveux sont pres- que toujours couverts de duvet d'oiseaux* (89) Tout leur habillement consiste en une es- pèce de manteau fait de peau de loutre qui leur descend jusqu'aux genoux et laisse leurs jambes à nud. Le vêtement dont ils se ser- vent dans leurs canots ;, est fait de boyaux de baleine. li leur couvre la tête; et le bas étant attaché tont autour du trou dans le- quel ils s'asseyent^ empêche que l'eau ne pénètre dans le canot ^ et les tient ^ en même temps , à l'abri du froid et de l'humidité. Ce dernier habillement peut être regardé comme le plus ordinaire pour eux , en ce qu'ils passent la plus grande partie de leur vie dans les canots (i). Ce pays produit toutes les espèces de sapins qui croissent de l'autre côté de l'Amérique. On y trouve aussi la racine de serpent et le ginseng. Les naturels en ont toujours avec eux pour s'en servir comme d'un remède. Nous ne pûmes ce* pendant jamais nous en procurer. (i) Tous ces détails sur les naturels de Vf./itrée dù^ Prince Guillaume sont parfaiterae.nt conformes à ceux donnés sur le même peuple par le capitaine Cook. Voyez le chapitre V du livre IV du troisième voyar^ de Cook f tome III ^ page 145 et suiv. (9°) Les bois sont touffus : ils couvrent en- viron les deux tiers de l'élévation des mon- tagnes qui se terminent en niasses énormes de roc nu. Le pin noir qui y croît eu grande quantité , est propre à faire d'ex- ceilentès esparres. Nous vîmes aussi quel- ques groseilliers noirs lorsque nous arrivâmes dans Ventrée du Vrince Guillaujne , au mois de septembre , mais nous ne trouvâmes au- cune espèce d'autres fruits , aucuns végé- taux. Il est vrai qu'à cette époque la neige couvroit les terres élevées ^ et que les terres basses n'étoient plus que des marais par l'ef- fet des courans de neige qui descendoient ^en haut. Les seuls animaux que nous vîmes étoient des ours, des renards , des martins , des brebis de montagnes , et des hermines. Naus tuâmes deux couples de ces derniers ani- maux d'espèces différentes. Il y avoit, dans la saison , une grande quantité d'oies , ainsi que de divers autres oiseaux de l'espèce aq^uatique : mais, ex- cepté la corneille et l'aigle , nous ne vîmes point de ceux qui naissent dans les bois. L'article de trafic dont les naturels font le plus de cas, est le fer, et ils préfèrent les (90 morceaux de ce métal qui approchent le plus de la forme d'un pieu. Ils recherchent aussi beaucoup les grains de verre de cou- leur verte ^ et quelquefois encore les rouges et les bleus. Ils ainioient singulièrement nos jaquettes de laine, et les vieux habits dé nos matelots. Ils ne vivent que de poisson : mais ils préfèrent la baleine à tous les autres. Et comme Tliuile est pour eux la partie la plus délicate du poisson, ils prisent davantage celui qui a la chair huileuse. Il est rare qu'ils apprêtent le poisson ; mais lorsque cela leur arrive , il leur suffit pour allumer du feu de frotter l'un contre l'autre des mor- ceaux de bois de pin le plus sec possible. Ils ont des espèces de corbeilles faites d'une matière qui peut contenir de l'eau; et dans cette eau , ils jettent une quan- tité de pierres ardentes pour la faire bouillir : mais leur nourriture s'apprête le plus ordinairement sans le secours ds cette opération aussi ihcoiBimode que peu nécessaire. Au plus fort de l'hiver , nous ne les vîmes jamais faire leur cuisine , peut- être à cause des lieux même où ils se trou- Yoient, et où. il leur devenoit plus difficile (90 de se procurer tous les objets dont ils avolent besoin. Ce peuple est certainement d'une race très-sauvage j et porte à un degré extraor- dinaire l'insensibilité aux maux physiques* Nous en eûmes une preuve remarquable dans une circonstance dont je vais parler. Pendant l'hiver , on avoit jette hors du vaisseau , entr'autres ordures , plusieurs bou- teilles cassées. Un des naturels qui cherchoit dans ce tas s'il se trouveroit quelque chose dont il put faire son profit, se coupa le pied d'une manière cruelle. Le voyant saigner j nous lui indiquâmes la cause de sa bles- sure , et nous empressâmes de la panser , lui donnant à entendre que c'étoit le re- mède auquel nous avions recours en pareille circonstance. Mais ses compagnons et lui tournèrent le tout en ridicule , et prenant au moment même quelques morceaux de ce verre, ils se firent des incisions aux jam- bes et aux bras d'une manière fort étrange, nous disant que rien de tout cela ne pou- voit leur faire le moindre mal. Tels sont le caractère et les mœurs du peuple dans le territoire duquel nous pas- sâmes une saiffon affreuse. Aussi fut-ce avec 4 (93) une joie extrême que nous sortîmes de Y anse le 2.1 juin , et que le soir du jour suivant nous nous trouvâmes en mer. Vingt-quatre personnes seulement composoient alors tout notre équipage, y compris les officiers et moi avec les deux matelots que nous avions obtenus du Roi George. Nous en avions , hélas 1 enterré vingt -trois dans cette entrée funeste. Ceux qui survi voient étoient tous en bonnes dispositions : quelques-uns d'en- tr'eux cependant n'étoient pas encore assez bien rétablis pour monter en haut du vais- seau* Aussitôt que nous eûmes quitté la terre , le vent souffla avec violence au midi , et apporta avec lui un brouillard épais« Comme ce temps ne pouvoit être que très - contraire à notre monde dans l'état où nous nous trouvions , nous pensâmes qu'il seroit prudent de nous tenir près de la côte. Il y avoit dix jours que nous étions en mer, et nous ne nous trouvions pas avancés au midi plus loin que le Sy^ degré. Nos gens qui avoient gagné de l'humidité sur le pont, commencèrent à se plaindre de douleurs dans les jambes. Elles leur enflèrent bien»-- tôt au point que plusieurs d'entr'eux furent (94) obligés de garder le lit. 11 fut donc résolu que nous nous arrêterions pour prendre terre. Nous n'en étions guère éloignés que de quarante lieues. Nous élevâmes en con- séquence un pic d'une forme singulière , les liabitans des terres voisines paroissant eux-mêmes très «^singuliers par leur air et dans leurs mœurs. Quand nous fûmes heureusement sur le rivage, nous vîmes venir à nous un nombre considérable de canots ^ dont la construc- tion différoit entièrement de celle des canots des naturels de \! entrée du F rince Guillaume , W^ étoient faits du bois d'un arbre très-dur : plusieurs paroissoient avoir de cinquante à soixante-dix pieds de longueur , cependant ils étoient fort étroits , n'ayant pas plus de largeur que l'arbre même. Mais de toutes les créatures de forme hnmaine^que nous eussions jamais vues, les femmes étoient certainement les plus étranges et les plus hideuses. Elles ont une fente au-dessous de la lèvre inférieure comme celle que nous avions remarquée chez les hommes de V en- trée du 1^ rince Guillaume ^ mais beaucoup plus grande, puisqu'elle prend un bon pouce de la joue de chaque côté. Dans cette ou- (95) verture elles ont un morceau cle boîs d'au moins sept pouces en circonférence , de forme ovale , de l'épaisseur d'environ un demi -pouce, avec une rainure autour des bords pour le tenir ferme dans l'orifice. Cette bizarre invention prolonge la lèvre depuis l'extrémité des dents , et donne à la physionomie l'air le plus hideux qu'on. puisse jamais trouver dans une figure hu- maine. Ce peuple nous parut avoir quelque connoissance des naturels de Ventilée, lors- que nous les lui dépeignîmes comme ayant aussi deux bouches. Leur langage, il est vrai, sembi oit avoir beaucoup de rapport; mais nous eûmes tout lieu de croire que ce peuple formoit une tribu plus nom- breuse. Aucuns navigateurs ne les avoient vus avant nous ; et s'il ne se fût pas élevé pendant la nuit un vent favorable , notre intention étoit de passer quelques jours parmi eux. Cette partie de la côte est au S6^ degré 38 minutes de latitude nord , et au 223e degré %S secondes de longitude Est de Greenwich. Un vent du nord commença alors à souf- fler , et nous rendit le beau temps qui con- tinua jusqu'au moment où nous découvrîmes (9^) rîle à'O^'hyhèe. Ce fut un bonheur pour nous que le trajet depuis le continent eût été très - court ; car tel étoit l'état du* vaisseau que , si nous n'eussions pas eu sans interruption un temps favorable , il est fort douteux que nous eussions pu ga- gner les îles Sandwich. Mais la cruelle maladie qui avoit désolé si long-temps notre équipage continuoit ses affreux ravages. 11 nous mourut un homme avant que nous fussions arrivés sous la température d'un cli- mat plus salutaire^ où l'on peut dire que les zéphirs apportoient la santé sur leurs ailes ; car au bout de dix jours que nous fûmes ar- rivés aux îles , on n'entendoit plus parmi nous la moindre plainte. Nous y passâmes un mois. Pendant tout ce temps , les insulaires nous peirurent ne connoître d'autre plaisir que celui qu'ils goûtoient à nous donner des marques d'a- mitié et à exercer l'hospitalité envers nous. Ils nous accueillirent avec des transports de joie , et leurs larmes coulèrent à notre dé- part. Parmi ceux qui se pressoient au- devant de nous avec toutes les marques du désir qu'ils avoient de nous accom- pagner en Brltaiwee , le seul que nous consentîmes (97) consentîmes à recevoir pour l'embarquer avec nous , non sans exciter beaucoup l'envie de tousses compatriotes, £îit Tia/i- na, chef d'Aijooi , et frère du souverain de cette île. Je ne dirai rien de plus ici sur c^t liomme aimable. On aura occasion dans la suite de l'ouvrage d'admirer en lui des qualités brillantes , et un caractère di- gne , j'ose le croire , d'intéresser ie lecteur. Le 3 septembre , nous quittâmes les îles Sandwich, ayant toute raison de croire que nous laissions après nous chez les peuples qui les habitoient l'opinion la plus avanta- geuse de nos manières et de notre carac- tère. Nous remportions, de notre côte, les sentimens d'une vive reconnoissaiice pour les services empressés et les généreuses mar- ques d'amitié que nous avions reçues d'eux. Après un voyage très - heureux , pendant le- quel nous ne cessâmes d'avoir un vent favo- rable à nos vues de trafic, nous arrivâmes, le 20 octobre 1787^ dans le Typa, port Toisin de Macao. A peine avions-nous mouillé dans^ce port , que le temps commença à menacer d'une tempête prochaine , et notre vaisseau , en- dommagé comme il rétoic , se îrouvoit ab- Tome /. G (98) solument hors d'ëtat de soutenir ce nouvel assaut. Nous fûmes aussi ti es -alarmes de voir deux frégates françoises qui parois- soient être à l'ancre, à la distance d'envi- ron un mille de nous. Epuisés, comme nous l'étions depuis si long temps, par des fati- gues de tout genre^ devenus à peu près étran- gers à toutes les affaires politiques , nos esprits ne pouvoient guère former des con- jectures rassurantes,sur-tout lorsque nous ré- fléchissions qu'il n'étoit pas ordinaire de voir dans ces mers des vaisseaux de guerre fran- çois. Aussi, quandnousapperçûmes plusieurs chaloupes remplies de troupes qui se pres- soien'c à'en sortir ^ nous en tirâmes le plus fâcheux augure. Ne mettant aucune con- liance dans la protection d'un port neu- tre^ nous commençâmes à regarder l'escla- vat^e qui nous menaçoit comme la scène qui devoit terminer nos premières infortunes. Mais ces chaloupes , ainsi que nous l'apprî- mes depuis, passèrent seulement près de nous pour aborder un vaisseau marchand espagnol occupé à la recherche de quel-, ques matelots déserteurs. Nous reconnûmes les vaisseaux françois pour être la frégate la Cal;ypso , de 36 canons , et un vaisseau C 99 ) armé en flûte , commandé par le comte de Kergarien. Mais , comme si notre destinée €Ût été 4'être persécutés jusqu'à la £in par le malheur, nous ne fûmes pas plutôt rassurés contre la crainte des lioslilités de la part des hommes , que nous eûmes à lutter contre des élémens ennemis. La brise de vent qui s'éleva fut si violente que la frégate /a Ca^ lypso eut beaucoup de peine à conserver sa position malgré ses cinq ancres. Le Nootka n'en avoit plus qu'une , et il est plus facile de concevoir la situation où il se trouvoit, que de la décrire. Après l'avoir tiré de ce nouveau danger par un bonheur égal à ce- lui que nous avions eu de le sauver déjà ^ comme avec le secours de la Providence , nous fûmes obligés de l'amener à terre , . parce que c'étoit le seul moyen de le conser- ver. C'est ce que nous parvînmes à faire , grâces à l'activité des secours que nous re- çûmes du comte de Kergarieu , de ses offi- ciers et de ses matelots. Les services frater* nels,et je puis dire infatigables qu'ils nous rendirent alors, ont mérité l'hommage de reconnoissance que je me trouve heureux ^e pouvoir leur offrir ici , quoiqu'en de« ( 100 ) termes bien au-dessous de ce que je dois à leur généreuse assistance. C'est avec, un sentiment pénible qu'en exprimant ici tout à la fois mon étonne- naent et ma reconnoissance d'avoir édwp- pé avec le reste de mon équipage à d mi. minens dangers, et aux malheurs dont nous nous étions vus accablés, je me trouve ré- duit à déplorer le triste sort du vaisseau compagnon du mien, la Loutre Manne, commandé par le capitaine Tippnig. On n'en a eu aucunes nouvelles depuis qu'il eut quitté le détroit du Prince Guillaume: nous ne sommes que trop fondés à en con- dure 'que ce vaisseau et les gens de l'eqw page ont été ensevelis dans les flots. i.'A>ri,iiH)i i; SI'.PTI«TBI<)>-AI V t,,r,.,,r.,.„/,- n,M, ,/./,■ J m. >AV„; vtvm yytv.Ktvxm. 1 A llAïlî I>'hUI>SON^ Jusini'n la (OU >Om»-(>VKST. M K tt 1» .V ( 101 ) OBSERVATIONS Sur la probabilité d'un Passage Nord - Ouest ^ etc . J_j 'Angleterre , ainsi que d'autres nations commerçantes de l'Europe , ont dirigé long- Itenips toute leur attention vers la côte d'Amérique , dans l'espoir de découvrir un passage entre la mer Pacifique du Nord , et la mer Atlantique. Depuis le commencement de ce siècle , jusqu'au dernier voyage du ca- pitaine Cook , on a géaéralement regardé "comme certaine l'existence de ce passage : on a fait les frais de diverses expéditions dont l'objet étoit, ou de confirmer l'opinion re- çue à cet égard , ou de la détruire , en dé- montrant, s'il sepouvoit, qu'elle étoit une erreur , une croyance cliiaiérique et dé- nuée de fondement. Il est inutile , autant qu'il seroit déplacé de ma part , de faire ici , dans tous ses détails , l'histoire de ceux qui, les premiers^ G 3 ( 1©S ) cor}qvirent Tidée d'un Passage Nord-Ouest On la connoît assez ^ ainsi que les tentatives» fi:iites en eonséquence pour le découvrir , et les différentes disputes auxquelles il a donné lieu. Je me contenterai d'observer que M. Dobbs , dont les louables efforts et les avis éclairés déterminèrent le parlement à destiner une récompense aux navigateurs qui feroient cette importante découverte , termina sa carrière , distinguée par les soins, infatigables qu'il a donnés à cette recher- che, dans la ferme persuasion que le pas- sage dont il s'agit existoit , et que ce siècle Be s'écouleroit pas sans que la découverte en procurât de nouveaux avantages au com- merce de son pays. Il ne paroit pas encore j je l'avoue ^ que tant de voyages faits dans l'inten- tion de découvrir un Passage Nord-Ouest ^ aient réussi à satisfaire la nation angloi- se, ou à la convaincre qu'ils dussent dis- penser d'en entreprendre d'autres. Quoi- que la côte orientale d'Amérique ait été vi- sitée de manière à ne laisser rien à désirer j^ les détroits , baies et entrées qui restent à reconnoitre, suffisent cependant pour jus- ( io3) tîfîer les conjectures qu'on persiste à former^^ et pour exciter plus que jamais le courage entreprenant de nouveaux navigateurs. Il est facile J'appercevrv»r les avantages immenses qui résulteraient de la décou- verte d'un Passage Nord-Otsest. Quoique l'Inde soir , en quelque sorte , rapprochée de l'Europe par les progrès des rao iernes d ns la marine et dans la navigation , un moyeu d'abréger le tour qu'on est obligé de faire aujourd'hui, seroit cependant de la der- nière importance pour le commerce. Ce fut dans ces vues que le capitaine Cook en- treprit son voyage par ordre du roi. Sou but étoit de découvrir un passage entre les deux mers , et de commencc?r ses recherches à la côte de la nouvelle Albion. Si les voyages faits précédemment , et dans le même dessein , aux baies d'Hud- son et de Raffin, n'ont point eu le succès désiré , ils ont pourtant Rervi à confirmer l'existence du passage en question. M. Dobbs , qui avoit fait de cette décou- verte le principal objet de son ambitiora et des travaux de sa vie entière , réussis- G4 ( 104 )■ soit à augmenter chaque jour ie nombre des partisans de son système favori. L'ex- pédition de Middieton fut le fruit de ses sollicitations : mais le voyage de ce dernier ne parut p.as avoir jette un grand jour sur la question* Sa marche , dit-on , fut tenue secrette ; et , dans les détails qu'on se déter- mina à publier, on crut devoir faire un clioix . Une haine violente se déclara alors contre la compagnie de la baie d'Hudsôn : elle aug- menta en proportion des progrès que fai- soit dans le peuple le système d'un Passage Nord-Ouest, et l'espérance de le voir dé- couvrir. On entreprît de nouveaux voyages. Il n'en résulta aucune certitude, quant à ce qui en faisoit l'objet principal. Ainsi , les opinions à cet égard ëtoient , ou en ba- lance , ou partagées dans le public , lorsque le ministre de la marine d'alors envoya,, successivement Young etPickersgill à la baie de Baffin , et Cook à la côte occidentale d'Amérique , pour résoudre définitivement la question, s'il étoit possible. Les détails du voyage du capitaine Cook que tout le monde connoît pour les avoir lus , mon- trent jusqu'à quel point il a réussi à éclaircir ( 1°5 ) cotte importante matière. Ceux des voyages d-Yûung et de Pii.kersgiil n'eut j "ruais été piihiiés : mais nous s omises fondés k croire, sur rautorité respectabie de lu préface des voyages du capitaine Cook , que ces deux navi 'dateurs ont manqué entièrement le but qu'ils s'étoient proposé. Ainsi la baie de Bafiin est encore à reconnoître , et laisse toujours ( on peut du moins s'en flatter) Tespérance de vo'r découvrir cetle commu- nication si désirable. On voit dans le voyage du capitaine Cook qu'après en avoir terminé les objets les moins importans , ce navigateur arrive à la côte de la nouvelle Albion , et qu'au lieu de commencer ses recherches dans le 65^ degré de latitude nord, conformément à ses instructions , il les commence dans un degré de latitude beaucoup plus bas , jusqu'à ce qu'il arrive au canal du Moi Georg[e , et successivement dans Ventrée du Frhice Guillainne , et à la rivière qui a eu, depuis, l'honneur de porter son nom. Il avance alors vers la latitude indiquée dans les ordres : il trouve , à l'extrémité , \\\\q barrière insurmontable dans un amas Je glaces qu'on suppose s'étendre jusqu'au pôle ( 10^ ) arctique. De cette circonstance seule on * conclu qu'il n'y a pas cle passage entre les mets Pacifi jue et Atlantique. On ne sauroit, certes , trop regretter que les navigateurs n'aient pu reconnoître, mieux qu'ils ne semblent l'avoir fait , la partie de la côte d'Amérique qui se trouve entre les 5o^ et 56^, los 47^ et 4^^ de- grés de latitude nord. En cet endroit im- portant du voyage , le temps fut si con- traire que les vaisseaux ne purent appro- cher de la côte : et quoique la Felice , et Xlphigénie aient visité ces latitudes^ il est toujours ti^ès-fâcheux que des obstacles, 1^ insurmontables pour le capitaine Cook lui- même, l'aient empêché de les observer comme on pouvoit l'attendre de lui. ;: Dans le moment où ce grand navigateur étoit occupé à reconnoître ces basses latitu- des , il suivoit la route tracée par M. Hearne à travers le continent d'Amérique jusqu'au 70^ degré de latitude nord : ce qui paroîtroit devoir détruire tout espoir de trouver wn. passage entre le fort Churchill ^X U rivière Mine de Cuivre, Malgré ses instructions qui lui prescrivoient une route contraire , le capitaine Cook pensa qu'il seroit utile de ' ( 107 ) reconnoî'tre les parties occidentales ; ce qui , certes, nous autorise bien à présumer qu'il ne regard oit pas la route de M. Hearne comme aussi sûre et aussi décisive qu'on l'a considérée depuis. On a tiré aussi la conclusion générale , qu'un passage au 70^ degré de latitude nord % ne serolt que d'une médiocre utilité : et l'on s'est déterminé à regarder non - seulement W comme probable, mais même comme cer- taine , l'existence d'un passage au 70e de- gré de latitude méridionale. Cela n'eiri- pêclia pas le ministre de la marine , à qui le secret des découvertes de la com- pagnie de la baie d'Hudson étoit entière- ment connu , de penser qu'il serolt bon d'envoyer Young et PickersgUl, l'un après l'autre, dans la baie de BalTm pour cher- cher un passage par cette route : et Toîi peut conclure de cette détermination du gouvernement , qu'il avoit toute raison de croire à l'existence d'un Passage Nord- ^ Ouest. Les voyages entrepris depuis n'ont pas plus réussi que les raisonnemens auxquels ils ont donné lieu ^ à me con- vaincre que les principes des premières opinions à ce sujet aient changé essen- '^- ( io8 ) tielîemeiît. Il me semble^ au contraire J du moins autant que je puis en juger, qu'il eut toujours permis d'espérer, comme clans l'origine , que le Passage Nord- Ouest exisle, et qu'on peut s'y frayer une route : quant à la question de savoir si c'est au nord ou au midi de la mer de M. Hearne , et de la route tracée par lui , c'est ce que nous examinerons ci-après. On sait que , lors des disputes qui s'éle- vèrent à ce sujet dans les premiers temps, la discussion fut mêlée de beaucoup d'ai- greur. On accusa la compagnie de la baie d'Hudson de chercher à décourager les na- vigateurs , et de tenir comme enveloppées de ténèbres mystérieuses les découvertes qui avoient été faites, et dont le secours au- roit pu être très-utile à ceux qui , par la suite , entreprend roient de nouvelles ex- péditions. On lui lit même un reproche plus grave ; celui d'altérer et de falsifier les rapports des hommes qu'elle envoyoit à la découverte d'un Passage Nord-Ouest , lors- qu'elle ne pouvoit se dispenser de les rendre publics. Ces préjugés subsistent toujours ; mais nous osons assurer que c'est sans fondement. Du moins , sommes - nous ( i09 ) da nombre de cei>x qui ajoi^tent i^ne con- fiance entière aux renseignémens comaïu- ïiiqués par la compagnie de la baie d'Hud- son. On trouvera, peut-être, que nous différons de sentiment avec M. Hearne ; mais nous espérons qu'on reconnoîtra, aux argumens dont nous ferons usage, q e nous nous appuyons sur des faits qui au- torisent à les prés-enter au public , en fa- veur d une opinion considérée depuis>eu^ îur l'autorité de noms célèbres et d'hommes d'un grand poids , autant comme une théo- rie créée par l'imagination , que comme une doctrine conU-aire aux intérêts de la nation. C'est dans cette vue que nous nous per- mettrons de mettre au jour la relation du voyage de VIphigénie, telle qu'on la trouvera dans le corps àe cet ouvrage- On y verra que ce vaisseau a reconnu des routes de la côte d'Amérique que n'avoient visi- tées ni le capitaine Cook ni d'autres navi- gateurs ; et qu'on trouve , dans cet espace , l'ancien Archipel du Nord dont la posiaoïi est conforme à celle que lui donnent xes plus anciens voyageurs dans la description qu'ils en ont faite. On verra ce vaisseau avancer tellement à Test qu il passe, par trois degrés , les limites occidentales de la mer de M. Hearne dans le 72^ degré, (M. Arrowsmitli^ dans la carte qu'ii a publiée récemment d'après les cartes et journaux de M. Turner, la place au 68© degré i5 minutes de latitude nord , et au 228e degré de longitude Est de Greenwich ) où Ton trouve , sans aucun obstacle , un passage facile et d'une grande étendue. Cet Archipel occupe tout l'espace depuis les 5i^ degré de latitude nord et 23 1^ degré 45 mi- nutes de longitude est, jusqu'aux 54^ degré 3o minutes de latitude nord, et 227e degré de longitude est , espace qui , malgré son éfcendue , n'a pas été du tout observé par le capitaine Cook. Mais , quand même on pour- roi t dire que ce grand navigateur en a re- connu une partie quelconque, ce qu'aucune découverte ne prouve , il faut considérer qu'à l'ouest de cet Archipel sont situées des îles d'une grande étendue qui s'en trouvent séparées en quelques endroits par une mer' aussi large que le canal d'Angleterre , comme le prouve la route suivie par VIphigénie, Il iaut observer que c'étoit la côte de cesgrandes îles que le capitaine Cook supposa être le cou- tî lient d'Amérique, dont nous avons tout liea de penser qu'il n'a jamais eu connoissance. Toutefois, dans cette supposition , il conti- nua de reconnoître une chaîne d'î es qni se prolongent en latitude nord depu's le 45« éegré jusqu'au 65^ , peut - être même plus avant, tant au nord qu'an midi , et (jui f ur- inent une barrière occidentale au véritable continent d'Amérique ; car il y a do J'ortes raisons de conjecturer que le canal du llci George , la rivière de Cook et toute la côte qu'on a vue jusqu'à présent , font partie du prolongement d'une chaîne d^îles détac'îiées. Les canaux de cet Arcltipel sont va-tes et d'one étendue considcrable. L'eau y a près de deux cents brassej de profondeur. D énormes promontoires avancent dans la mer, où l'on voit une protii^ieuse (juanlité de baleines et de loutres marines. Dans quel- ques-uns de ces canaux il y a des î es de glaces ; et nous osons bien assurer qu'il n'a jamais pu s'en former (le seml)labîes à la partie occidentale d'Améri(|uo qui est un climat d'une température très douce. Ainsi l'on ne peut absolument concilier i'cxi.^tence de ces îles avec d'antre systôiue (jue celui -0^, savoir qu'elles ont été forméwS dans Ici» mcis {111 ) crlentales^ d\m elles ont é-té apportées par cli'S marées ou par des courans à travers le jyassaii^e dont l'existence fait l'objet de nos discnssions. îl ne paroît gnère possible de rendre compte autrement de ces masses énormes de glace qui fiCttent ainsi sur les eaux. On n'est jamais arrêté par de semblables bar- rières dans la mer Pacifique du Nord. Elle est navigable dans toutes les saisons de Tannée ; car le Isootka , quoique long- temps environné de glaces clans Ventrée du T rince Guillaume ^ ne le l'ut pourtant que jusqu'à un certain point , et dans un port dont l'eau étoit adoucie à une certaine profondeur^ par les réservoirs et les petits ruisseaux qui ven oient s'y décharger. Il y avoit évidemment des raisons pour que la ri^nieur du froid y agît avec plus de force. Mais, après tour , la glace n'étoit pas d'une éi>aisseur extraordinaire ; .et pendant tout le cours de l'hiver , il n'y en eut pas dans la grande entrée ; il ne gela même pas à l'em- bouchure de la rivière. En un mot , il est ceriahi que si ré(]uipago n'eût pas été tota-. lement affoibii par ia cruelle maladie qui le désoloit, on auroit pu débarrasser le vais- seau ( ii3) seau de la glace en la coupant, et le mettre en ëtat de voguer. Dans la navigation à la côte de cette par- île de l'Amérique depuis le 45e degré nord jusqu'au 63e degré , on n'avoit rien vu qui ressemblât à des amas de glaces : au lieu de s'imaginer qu'ils avançoient dans les ré- gions du nord , les navigateurs pouvoient plutôt penser qu'ils arrivoient sous le tro- pique. On acquerroit,au reste, des lumières satisfaisantes en parvenant à s'assurer si cette barrière de glace que vit le capitaine Cook dans le détroit de Behring reste continuel- lement immobile. On pourroit, en effet, sup- poser que les vents du nord qui Th2^neni avec tant de violence dans ces parages, font flot- ter la glace en morceaux séparés comme dans d'autres mers ; et alors il ne seroic pas déraisonnable de penser que ces mor- ceaux de glace sont quelquefois portés en flottant vers la rivière de Cook , ou vers Ventrée du Prince Guillaume : mais on n'a jamais rien vu qui ressemblât à un morceau de glace depuis le mois de mars jusqu'au mois d'octobre , époque où les navigateurs ont avancé à la côte nord-ouest d'Amérique. Un écrivain dont l'autorité en tout ce qui Tome /. j^ ( 114 ) Concerne la géographie et îâ navigation est d'un grand poids (i) , a déclaré qu'il avoit Ion g- temps soupçonné que la partie nord- ouest de la baie d'Hudson est formée d'îles détachées : ses présomptions à cet égard pa- roissent fondées sur l'examen qu^il fit de différentes cartes de la partie occidentale de la baie d'Hudson ^ tant imprimées que manuscrites , qui lui ont été com^ muniquées par la compagnie. Il avoue , au reste , n'y avoir remarqué que de la dlscar- dance et de la confusion , et en parle avec tout le mépris que méritent des hommes as- sez insensés pour prétendre indiquer avec précision, dans un aussi court espace de temps que celui qu'on y a employé , toutes les baies et entrées de détroits aussi étendus que le sont ceux de FFager et de Chesterfield. Son opinion est qu'on peut regarder comme sûre la route de M, Hcarne , dans toute son étendue , si Veau des lacs et des rivières qu'il eut à passer était une eau douce ^ ce dont on n'a pas absolu- ment la certitude. Mais il ne décide 'rien sur la question j^^énérale d'un Passage *» ' " » myimmm'mm ■ni n \% (i) M. Dalrymple. ( 115) 1^'ord-Ouest ; et malgré les connoissances qu'il possède en cette partie, et la sagacité de ses recherches , il préfère laisser la ma- tière à étudier et à discuter après lui. En parlant de Ventrée de Chesterfield dont il a vu quatre cartes appartenantes à la compagnie de la baie d'Hudson, et qui toutes diffèrent Tune de l'autre , il observe qu'elle est navigable l'espace de deux cents milles géographiques et au-delà pour des vaisseaux de la charge la plus considérable ; il ajoute qu'on auroit pu espérer de voir ré- sulter d'une telle découverte des avantao^es infinis pour le commerce : ce Mais ^ conti- ns nue - 1 - il , on m'a donné à entendre que » les employés de la compagnie ont une 55 extrême répugnance pour les expéditions » au nord ; et tout homme un peu versé » dans les affaires publiques sentira la dif- H ficulté ^ je dirois presque l'impossibilité , >3 de forcer des hommes à aller, dans un 55 pays éloigné , exécuter quelque dessein , » lorsqu'il se trouve contraire à leur incli- :>3 nation et à leur volonté ». L'opinion de cet écrivain^ comme on vient de le donner à penser, paroît être (ii6) que, suivant les découvertes de M, Heaitie, il jie peut y avoir de communication par mer depuis la baie d'Hudson jusqu'à la mer Pa- cifique, sous le 726 degré de latitude nord , et o'est celui de la mer qu'a vue M. Hearne. Cette latitude , au reste ^ n'est pas dé- terminée d'une manière bien exacte , quoique M. Hearne assure ne s'être pas trompé de 20 minutes. Les trafiquans du Canada, au contraire^ placent dans leurs cartes cette même mer polaire au 68^ degré 13 minutes de latitude nord; c'est- à -dire ^ au - dessous des observations faites par M. Hearn e à Congé -ca- tha - 'wha - chaga ^ des- quelles il résulte qu'elle est au 68^ degré 46 minutes nord , si toutefois ce sont des observations dignes de quelque confiance. Si l'on croit raisonnable d'ajouter foî aux éclaircissemens publiés sur l'au- torité des commerçans Canadiens dont quelques - uns possédoient de grandes connoissances en cette matière , il faut , de deux choses l'une , ou qu'il y ait deux positions dans lesquelles on ait vu la mer polaire , à des degrés de latitude diffé- rens , savoir le 68^ degré i5 minutes de lati- tude nord j et le 72.6 degré ; ou que les opi- nîons restent partagées entre les observai- tions de M. Hearne et celle des traliquans du Canada. Supposons , au reste , pour uu moment, que la latitude dans laquelle ceux- ci placent la mer polaire soit exacte ^ il de- vient alors infiniment probable que la /'i- \'ière de Cook peut avoir communication avec cette mer par le 68^ degré 1 5 minutes^ puisque la distance la plus reculée à la- quelle des navigateurs soient arrivés sur cette rivière est le 6i^ dearé 3o minutes de latitude , et de longi ude le 210e degré ; et que la mer que les trafiquans du Canada rapportent avoir vue est par le 68^ degré i5 minutes de latitude nord . et le 22.8^ déparé de longitude est , ce qui ne forme pas une distance de plus de 620 milles géographi- ques. Si donc on s'en rapporte aux caiculs àe.^ trafiquans Canadiens que tout annonce être exacts , et que, d'après cela , on place la mer vue par M. Hearne au 68^ degré i5 mi- nutes de latitude nord, et au 228^ déféré de longitude est , on appercevra en même temps plus que la possibilité de communi- quer entre la rivière de Cook et la partie la plus méridionale de la baie de Baffin , ou la partie la plus septentrionale de la baie- H 3 (ii8) d'Hudson dans la mer Atlantique. Car 11 faut se rappeller que, dans le plus haut degré de latitude connu de la rivière de Cook , on n'a remarqué ni rochers, ni bas -fonds , ni eaux basses, en un mot , aucun obstacle qui arrêtât la navigation des vaisseaux. Le ca- nal paroissoit ^ au contraire , d*une vaste étendue , et Von y voyoit une grande quan- tité de baleines. Il y a , d'après les renseignemens les plus sûrs et les plus exacts, plusieurs cartes ma- rines et autres très-curieuses dont la com- pagnie de la baie d'Hudson est en pos- session. Elles ont été dressées par diffé- rentes personnes , quelques - unes même ont été esquissées par des Indiens. Ces cartes sont celles des parties intérieures du pay5 vers le nord - ouest et des terres qui bordent la mer Pacifique du Nord. Sur ces cartes , et particulièrement sur l'une d'elles tracée par deux Indiens y on voit plusieurs rivières et canaux inconnus aux Européens, qui ont communication avec le lac Aratha^ pesco'W ; on voit la rivière Klscachewan se rendre de ce lac dans la mer Pacifique dans une direction de nord-ouest ; et l'on peut même présumer qu'elle a communicatiom '( ÎÎ9 ) avec la rhnère de Cook^ l'Archipel du Nord, ou ce que nous appellerons les détroits de Jean de Fuca. Ces cartes ont beaucoup de points de ressemblance avec celles dressées par les trafiquans du Canada , ce qui les rend infiniment curieuses et intéressantes. Les cartes indiennes font communiquer la baie d'Hudson avec la mer Polaire. Ce système favorit-e celui d'un passage par la baie du Refus ^ qui el'e même n'a pas été parfaitement examinée ; et c'est ce que sem^ bleroit confirmer un manuscrit anonyme appartenant à la compagnie , ainsi que l'ob- serve le même écrivain dont j'ai dejA cité l'autorité. Mais il y est dit expressément qu'à l'endroit où arriva le capitcdne Mid- dleton , l'eau est très-basse. Au reste , lô but de ce voy^age fut manqué : on sait à combien de clameurs et de mécontentemens ce mauvais succès donna lieu. C'est ce qui fait souvent douter que la relation soit bien fidelle. Quelque justice qu'il puisse y avoir dans les plciintes qui se sont élevées en dernier lieu à l'occasion des réserves mystérieuses de la compagnie de la baie d'Hudson , on n'est fondé à reproclier rien de semblable H4 ( Î20 ) aux citoyens qui composent aujourd'hui c#' corps respectable. Entr'autres preuves de la loyauté de leur conduite et de leurs prin- cipes^ on doit distinguer le plan qu'ils ont adopte, de faire des observations, et de cher- cher à augmenter les découvertes dans la baie d'Hudson , etc. M. Duncan , officier de la marine royale, est ailé dans le dernier vaisseau de la com- pagnie de la baie d'Hudson jusqu'à ses éta- blissemens , dans le dessein exprès de re- connoître et de décrire, non -seulement la baie d'Hudson, mais même la baie de Baf-' lin. Dès son arrivée aux comptoirs de la compagnie , il doit être employé toute cette année à naviguer dans de petits bâtimens pour remplir cet objet dont l'utilité et la nécessité sont également reconnues. Nous apprenons que la compagnie l'a engagé pour deux ans à son service , aux conditions les plus avantageuses : ainsi ^ il y a tout lieu d'espérer que, pendant l'été de cette année, il aura fait des progrès considérables. M. Duncan ( le lecteur se le rappellera sans doute ) est le même dont il a déjà été parlé avec do justes éloges pour l'activité et le courage soutenu qu'il a déployés pendant le ( I2i ) temps qu'il commancloit le petit vaisseau appelle la Princesse Rojale ; et nous éprouverions une double satisfaction s'il ëtoit assez heureux pour réussir dans une entreprise où Middleton et tant d'autreô ont éclioué , et pour faire une découverte si importante au commerce de l'Angleterre, Une observation qui se présente naturel- lement ici, c'est qu'en employant M. Dun- can à cette découverte , la compagnie de la baie d'Hudson ne paroît pas avoir déses- péré de réussir dans la recherche d'une communication entre la baie d'Hudson ou celle dé Baf£n, et la mer Pacifique du Nord. Le voyage de la Felice vient encore à l'appui. Ce vaisseau arrive dans les détroits de Jean de Fiica, entre le 4^^ degré 3o mi- nutes de latitude nord et le ^35^ de longi- tude est ; le J\j^ degré 3o minutes cle la- titude nord et le 235^ degré 3o minutes de longitude est. Il y trouve quinze lieues de largeur , une vaste étendue, et l'eau pro- fonde de i5o brasses ^ avec une quantité considérable de baleines et de loutres ma- rines. Si l'on peut en croire les rapports qui ont été faits anciennement sur ces détroits^on ( 122 ) ^ y remarque une conformité avec les nôtres^ qui produit presque la conviction. Lorsqu'on entre dans cette mer ou dans ce détroit, nn vaste et bel liorisoii se présente à Test , par le 206^ degré 00 minutes de longi- tude Est de Greenwich , ce qui ne forme pas une distance de plus de 460 lieues de la baie d'Hudson , et sa position à l'est de la mer de M. Hearne est conibrme aux ob- servations dont j'ai déjà parlé. Si l'on me demande pourquoi l'on n'a pas encore pé- nétré , ou du moins tenté de pénétrer dans ces détroits , la réponse est facile. C'est que les vaisseaux de sa majesté catholique ont totalement détruit notre entreprise commer- ciale. Chacun des différens voyages qui ont été faits à la côte nord-ouest d'Amérique avant ceux de la Felice et de VlpkJgénie , a ré- pandu de nouvelles lumières et ajouté aux premières découvertes dans cette partie du globe. A peine fut- on instruit que le canal du. Moi George présentolt la possibilité d^un commerce avantageux _, que le goût des aventures se réveilla vivement. On aura peine à le croire : quatre expéditions di- C 1=^3 ) verses curent lieu, en 1786, dos différeii'lc.'i parties du globe. Elles avoient toutes ce corn* merce pour objet, sans qu'aucune d'elles eût connoissance des vues qui conduisoient les autres , ou soupçonnât le moins du monde quelque rivalité d'intérêt. Elles arrivèrent à la côte d'Amérique ; et bientôt, ainsi qu'on peut le présumer, quelque circonstance dont Teffet fut de jetter le découragement dé- termina, mais trop tard , les navigateurs k abandonner l'entreprise. Au reste , avant toutes ces expéditions , des citoyens renommés pour leurs lumières et leurs talens en matière de commerce , équipèrent en Chine, dans l'année 1785, un vaisseau dont le commandement fut confié au capitaine Jacques flanna. Ce ma- rin partit , en conséquence , pour aller chercher le continent éloigné d'Amérique , pour reconnoître les côtes, enfin pour par- venir à se procurer avec les habitans une communication dont reflet pût être d'éta- blir, quelque jour, des relations de com- merce avec eux, La charge du vaisseau , quoiqu'elle n'allât pas à soixante et dix ton- neaux , l'équipage composé de trente per- sç.nnes au plus, les circonstances, tout oela ( 124) iît concevoir à ceux qui se trouvoient înté- xessës dans l'entreprise, la pins haute opi- xiion de riiomme courageux qui s'étoit dë- terminé.à conduire cette petite troupe d'Ar- gonautes vers une route presqu'inconnue' encore , où les attendoient des périls inévi- tables contre lesquels ils n etoient pas pré- munis, les premiers navigateurs ayant gardé le silence sur ceux qu'ils avoient éprouvés. En quittant la Chine, le capitaine Harina poursuivit sa route jusques dans le voisi- nage du Japon. 11 traversa les îles Laqueo ; et bravant les orages , les brumes et les tem- pêtes, il arriva dans le canal du Roi George^ C'étoit le second Européen qui y fût entré depuis que le capitaine Cook en étoit parti. Les naturels enhardis par la foiblesse appa- rente du vaisseau ^ et par le petit nombre de personnes qui composoit l'équipage , l'attaquèrent avec fureur , mais ils furent repoussés vigoureusement ; et ces hommes qui ven oient les visiter pour la première fois durent la viclolre à leur bravoure. Ces hostilités , au reste , se terminèrent bientôt en relations de commerce très-ami- cales : les naturels ne tardèrent pas à livrer une quantité de peaux de loutres. Lorsque ( 125 ) îe capltaîiie Hanna quitta ces peuples, les témoignages d'amitié furent réciproques. Il avança ensuite vers le Nord où il découvrit plusieurs entrées ., îles et ports qu'il nomma entî^ée de Fitzhugh ^ îles de Lance ^ et plu- sieurs autres parties auxquelles il donna le nom de HeTiri Lane , écuyer. Il y eut par- ticulièrement un port qu'il appella \q port la Loutre de Mer. Le journal du capitaine Hanna fut très- curieux^ ainsi qu'on pouvoit s'y attendre. Il a eu la bonté de le soumettre à mon exa- onen. Autant que j'ai pu en juger, j'ai trouvé qu'il conFirmoit les découvertes qu'on pré- tend avoir été fliites par de Fonte, et qu'on peut regarder aujourd'hui comme réalisées parla connoissance que nous avons du grand Archipel du Nord. Le capitaine Hanna pér nétra jusqu''à cette entrée ^ car elle ne lui parut pas être autre chose , tandis que nous savons aujourd'hui que c'étoit une partie de l'Archipel du Nord ; mais le mauvais temps et une grosse mer le forcèrent de précipiter son expédition et de la- quitter promptement. C'est dans ce voyage que nous voyons toute rétendue de ses découvertes; car le ( 10.6 ) second qu'il fit à la côte nord-ouest d'Ame* rique, en 1786, ne procura absolument d'au- tres lumières que celles qui pouvoient inté- resser le commerce ; et avant qu'il eût le temps d'en entreprendre un troisième , ce brave et habile marin fut appelle à faire le voyage dont on ne revient pas. Ce fut en 1786 que différentes sociétés de trafiquans hardis et déterminés se prépa- rèrent, tant dans l'Inde qu'en Angleterre , à poursuivre ce commerce important. Ceux qui partirent de l'Inde équipèrent les vais- seaux au Bengale et à Bombay, sous la pro- tection des gouvernemens respectifs de ces places. Le Nootka et la. Loziire Marine par- tirent du Bengale ; et de Bombay, le Capi^ taine Coo^ (1) et VExperimeiit. A la même époque, on équipa en Chine dans les mêmes vues ; et la Loutre Marine partit do ce pays , et fut bientôt jointe par le Larkj, qu'on avoit équipé dans le même dessein pour la côte d'Amérique. (1) Le lecteur observera qu'il n'est pas question ici du célèbre navigateur , mort dès 1779. H ne s'agit que d'un vaisseau auquel on avoit donné son nom. Note du Traducteur» ( 1^7 ) A-pcn-près vers le même temps, quelques înarciiands anglois , et eutr'autres , les ci- toyens Etclics de Londres , s enga^rrent dans une pareille entreprise. Ils obtinrent de la compagnie de la mer du Sud , en con- sidération de l'Angleterre , une permission, exclusive pour cinq années d'aller faire ce trafic. -La compagnie des Lides orientales leur accorda pareillement celle de transpor- ter de Chine en Angleterre des cargaisons de thé. Ces citoyens équipèrent, en consé- quence , les vaisseaux le Roi Geor^re et la Pleine Charlotte ^ et dune manière siipé* rieure : ils en donnèrent le commandement au citoyen Portlock , lieutenant de la ma- rine royale , qui avoit déjà été employé sou- venta leur service en qualité de Maître d'un vaisseau envoyé pour le trafic. Ces vaisseaux quittèrent l'Angleterre en septembre 1785 , à-peu-près sept mois avant qu'il ne partît des diirérens ports de l'Inde aucun bâtiment armé et équipé. Le Capitaine Cook et V Experimejit y com- mandés par les capitaines Lowrie et Guise , sous la surintendance de M. Strange , un des employés de la compagnie, mirent à la voile vers la fin de 1785, ou au commence- (128) xnent de 1786. Ils ëtoient parfaitement équi- pés , grâces aux soins patriotiques de David Scott, ëcuyer , de Bombay, lequel en étoit le principal propriétaire. Les commandans ëtoient d'habiles marins , et les officiers su- balternes avoienttous des connoissances qui les rendoient propres à servir utilement sons leurs ordres. L'on pouvoit donc fonder les plus grandes espérances sur cette expédi- tion. Après être restés quelque temps dans Ve/i^ trée de Nootka ^ ils visitèrenî d'autres par- ties de la côte , et arrivèrent à V anse fermée (Snug Corner Cove) dans Ventrée du T rince Guillaume ( T rince JVilUams Sound ). Ce fut en avançant ainsi qu'ils découvrirent d'une manière positive cette terre à la- quelle M. Dixon donna le nom à! îles Char- lotte , ce qu'il ne fît que par simple con- jecture ; car elles ne furent bien reconnues pour telles que lorsque le capitaine Douglas traversa sur VIphigénie le canal qui les sé- pare de ce qu'on supposoit alors être le con- tinent d'Amérique. M. Strange trouva aussi le premier la baie appellée Vanse des Amis^ qui a reçu de lui le nom qu'elle porte ac- tuellement. Quoique '( ï^9 ) Quoique le Roi George et la Reine Char-^ lotte eussent l'avantage d'avoir été ëc^uipës dans le port de Londres ; quoiqu'ils fussent montés par un grand nombre de personnes, et qu'il s y trouvât beaucoup d'officiers des différens grades; enfin, quoiqu'ils fussent chargés de provisions suffisantes pour qu'on fût sûr de tous les avantages du trafic , pour qu'on pût aussi former des établissemens , créer des comptoirs , ainsi qu'on étoit auto- risé à le faire, et construire des vaisseaux, le voyage fut cependant ennuyeux par sa lenteur. Le succès, soit dans le commerce, soit dans les découvertes , ne répondit pas , à beaucoup près ^ à ce qu'avoit promis un si pompeux équipement. Lorsque ces vaisseaux se furent séparés , la Reine Charlotte avança au midi de Yen* îrée du F rince Guillaume ^ et continuant sa route jusqu'à cette partie de la côte nom- mée par le capitaine Cook baie de BeJirlnir il entra dans un port qui reçut alors le nom de port Mulgrave, Le capitaine Di\on. avance alors au cap Edgecumbe de Cook €t delà, il suit la côte jusqu'à son arrivée dans un port , auquel il fit l'honneur de V^."^- feWer jport Banks : enfin, il découvre la par- Tojne L I (i3o> tîe septentrionale de ces îles dont Textrê- mité méridionale avoit été découverte , ainsi que je Tai dit ci dessus , par les capitaines Lowrie et Guise. Le vaisseau descend alors le côté occidental de ces îles , et faisant le tour de leur extrémité méridionale , il avance cntr'elles et ce qu'on supposoit alors être le continent d'Amérique ; mais craignant de se perdre dans ces îles , il les, quitte bientôt et continue sa route vers la Chine. Le Roi George resta fort long temps dans X entrée dii F rince Guillaume y d'où il en- voya sa chaloupe, à deux époques différen- tes, à la rivière de Cook, Elle y observa une partie de la côte entre Ventrée du Prince Guillaume y qui tenoit une place considéra- ble dans la circonférence générale. Le Roi Georo-e quitta alors Ventrée ; et , après avoir reconnu ce qu'il fut possible de la côte , et découvert un ou deux ports dont l'un fut nommé port Portlock , il prit aussi sa route vers la Chine , et les deux vaisseaux retour- nèrent en Europe. U Aigle Impérial y capitaine Barclay, par- tit d'Europe au commencement de 1787, et non - seulement arriva dans Ventrée de '^ootka dès le mois daoût, mais encore (i3i ) visita ceUe partie de la côte quî se trouve depuis Nootka jusqu'à Wicananish , et pé- nétra insensiblement jusqu'à une entrée , à laquelle le capitaine donna son nom. Il en- voya de plus k chaloupe à la découverte ; elle parvint à reconnoître les détroits ex- traordinaires de Jean de Fuca , ainsi que toute l'étendue de la côte jusqu'à Queen- hythe. Un fatal accident dont quelques per- sonnes de l'équipage furent victimes , força ee vaisseau à quitter la côte : il s'avança 'à la Chine , n'ayant mis que douze mois à fkire tout le voyage , tandis que le Roi George et la Reine Charlotte y avoient employé ''plus de deux ans. Quant au vaisseau le Nootka, une affreuse détresse et de cruelles infor- tunes furent tout le fruit de ses recherches. L'année 1788 vit réunir, en quelque sorte; les découvertes partielles faites par les vais- seaux dont nous avons déjà parlé. Il y a voit alors sur la côte plusieurs vaisseaux ; le Prince de Galles et la Princesse Royale , la Felice , Ylphigénie , la Columbia et lé Washington. Chacun d'eux contribua pour sa part à compléter les cartes de la partie nord-ouest du monde qu'on trouvera dans cet ouvrage. I 2 ( i3i ) La Tî^incesse Hoyale , capîtaîne Dùïî* caii , entre dans le canal qui sépare Jes îles Charloite de ce qu'on suppo- soit être le continent , et continue de re- connoî-rc les deux côtés. Il découvre un grand nombre de ports , d'entrées et de pas- sages qui ne laissent plus aucun doute sur l'Archipel du Nord. Il passe presqu'un été tout entier dans cette position , et cepen- dant, chose étrange ! il quitte la côte d'A- mérique sans savoir que le capitaine Dou- glas avoit déjà pris la même route. Gela n'empêche pas que le capitaine Duncan n'ait enrichi de plusieurs remarques in£niment utiles , ainsi qu'on avoit lieu de l'attendre de lui, la description géographique de cette partie du monde. Le V rince de Galles a beaucoup ajouté aussi aux connoissances géographiques sur l'Amérique. Nous ne pouvons que gémir sur la perte de l'officier qui commandoit ce vaisseau , perte réelle pour la patrie. Il est aujourd'hui prisonnier en Espagne, et tout laisse à présumer qu'il a toujours l'esprit aliéné. C'est le triste effet des indignes trai- temens que lui fit éprouve^r le commandant de la flotte espagnole. On verra en détail ( i33 ) dans la suite de cet ouvrage Jusqu'à quel point Vlphjgénîe et la Felice ont contribué à rassembler ces observations partielles. Le Washington arriva aux détroits de Jean de Fuca dont je lui avois donnée la connois- sance. Après y avoir pénétré , il entra dans une vaste mer. Il gouverna alors au nord et à l'est, et parvint bientôt à communiquer avec les diverses tribus qui habitent les îles nombreuses situées derrière Ventrée de Nootka , et qui parlent , à quelque diffé- rence près^ la langue des peuples de Nootka, La route de ce vaisseau est tracée sur la carte. Elle est très-intéressante à observer ^ en ce qu'elle prouve complètement que Ven^ trée de Nootka et les parties voisines sont des lies , et se trouvent comprises dans lé grand Archipel du ISTord. La mer qu'on voit à l'est y est aussi d'une étendue considéra- ble ; et c'^est de ce point fixe et des parties les plus occidentales de la baie d'Hadson q^ue nous partons pour estimer la distance qui se trouve entr'elles. La direction la plus orientale de la route du JVashington #st par le o.'àj'^ degré de lon- gitude Est de Greenwich. Il est assez pro- bable, au reste ; q^ue le maître de ce vaisseau I 3 ne fît aucunes observations aistronomîqties pour donner une juste estime de cette po- sition. Mais comme nous avons celles que fit le capitaine Cook dans Ventrée de Mootka y nous sommes à portée de former des conjectures assez vraisemblables sur la distance qui se trouve entre Ncotka et la position la plus orientale du Washingtan dans r Archipel du Nord. On peut présumer en conséquence que cette position est à-peu- près au 287^ degré de longitude Est de Green- wicli. La longitude prouvée du fort Churchill est 94 degrés la minutes 3o secondes ouest de Greenwicli. La distance entre la position la plus orientale du TfasJiington est 1020 milles géographiques , et d'après le même calcul , 660 milles géographiques à prendre de la maison de la compagnie de la baie d'Hudson , et dans la direction d'est un quart nord-est. Quant à la question de savoirs! la partie intermédiaire entre ces points donnés est une mer , une rivière , ou une terre , les découvertes qu'on fera par la suite pourront seules la résoudre. C'est ainsi qu'a été reconnue entièrement f la côte d'Amérique , et sur-tout les parties ^ui se trouYeiU entire les 5o^ et 56^ , les 47* ( î35 ) «t 4s* degrés de latitude nord ; et eertame- ment on est autorisé par ces observations à former quelque chose de plus que des con- jectures. Elles nous apprennent aussi à ac- corder quelque confiance aux anciens navi- gateurs, puisqu'enfin les relations de quel- ques-uns d'entr*eux , je ne dirai pas seule- ment soupçonnées d'être des fictians ou des erreurs , mais encore regardées absolument comme telles , sont reconnues aujourd'hui: pour de véritables découvertes. Tous ces détails particuliers sont fidéle- nient extraits de divers journaux de marine, et l'on peut aussi les regarder comme d'au- tant plus importans qu'ils intéressent le com- merce d'Amérique. Il sera très - glorieux pour la nation que ces recherches mènent enfin à un résultat. Car , malgré l'opinion' reçue qu'on cherche en vain à découvrir u» passage dans la baie d'Hudson au 67e degré de latitude méridionale , lorsqu'on voit soute- nir le système que les vaisseaux doivent être dirigés bien plus vers le nord , au moins pen- dant une partie de leur voyage / avant de pouvoir passer d'un côté de l'Amérique à Vautre , ne peut-on pas regarder la mer qu'a Tue M. Hearne comme ce point le plus 14 ( i3t5 ) ^levé ? L'Archipel du Nord , les détroits de Jean de Fuca et la rivière de Cook , toutes parties qui s*étendent au nord- est, et dont quelques-unes sont plus à l'est que cette mer, ne pourroient-ils pas être le passage en ques- tion f Ne seroit - il pas possible que cette même mer que M. Hearne a vu se déchar- ger impétueusement dans la baie d'Hudson ou dans la partie la plus méridionale de la baie de Bafiîn, fût quelqu'entrée ou pas-. sage au 67® degré de latitude nord ? Si l'on fa.it usage des preuves fournies par d'anciens écrivains^ et qui viennent à l'ap- pui ; si l'on sait, à n'en pas douter , que c'est de la rivière Mine de Cuivra que les Indiens de Ventrée du Prince Guillaume et de TAr- chipel du Nord tirent leur cuivre ; si l'on tient des Indiens eux-mêmes que de grosses eaux sans glace les portent vers le nord ; si , dis -je, tous ces motifs partiels paroissent pouvoir être de quelque poids dans la ba- lance , combien ne prennent-ils pas de con- sistance lorsqu'on sait que àes navigateurs ont pénétré aveq^ leurs vaisseaux entre les 61° et 62^^ degrés'de latitude dans la rivière de Cook ; qu'ils y virent un détroit navigable d'une éteixduç immense ^ dans lequel on ne (i37) remarquoit ni glace ^ ni aucune autre bar- rière , et où rélévation et la chute de la marée étoit si grande qu'on ne pouvoit pas douter qu'il n'y eik d'autres canaux égale- ment vastes dans lesquels les eaux se déchar- geoient, canaux qui ne pouvoient être qu'à l'est ? On ne trouve de la glace en aucun temps de Tannée dans la rivière de Cook : M. Hearne n'en remarqua point dans la mer qu'il a vue , si ce n'est sur le bord des ri- vages où elle a pu s'amonceler par le con- fluent des hautes marées , etc. La mer occi* dentale d'Amérique est également navigable en tout temps, et nous pouvons affirmer qu'on n'y rencontre poini de glace , au moins jusqu'au 64^ degré de latitude nord. Avant de terminer ce que j'avols à expo- ser en faveur du svstêrne d'un Passage Nord.«« Ouest ouvert pour la navigation , je n'ajou- terai plus qu'une observation. Si nous jet- ions un coup-d'œil sur la carte générale du monde ^ surtout sur ^<^ partie septentrio- nale jusqu'à l'est y nous y trouvons cette grande étendue de terre bornée par la baie de Baffin qu on n'a cependant pas encore ywîconaue. A l'ouest^ nous appercevons dans ( i38 ) îe cercle arctique cette portion de terre- ferme bornée par des glaces , qui sépare l'Asie de l'Amérique , et opposa une bar- rière au capitaine Cook. Portons ensuite nos regards sur cette parlie de la mer qu'a Tue M. Hearne , et admettons , après cela , si nous pouvoirs, qu'elle est une partie de la naer Glaciale dont nous croyons que sont environnées ces terres qui, suivant l'opinion cammune, s'étendent jusqu'au pôle.. Si c'est la mer Glaciale^, quel est le plus haut degré de latitude où doive s'étendre la terre de la baie de Baffîn r Dans quel degré de latitude est la partie occidentale ainsi bornée par la mer f Ou nous devons présumer que ces terres ne s'étendent pas jus(|u'au pôle, si c'est effectivement la mer Glaciale ; ou si nous concluons qu'elles s'y étendent , alors la mer qu'a vue M. Hearne ne peut être au- tre chose que le détroit ou un passage sem^ blable entre les deux mers. Peut- on supposer que les Esquimaux na- viguent dans leurs canots autour des terres de la baie de Baf£n ou de la partie occidentale pour arriver à cette mer r N'est-il pas plus na- turel de croire que ces peuples viennent du cûté de l'ouest pour chercher le cxiivre et pour ( i39 ) pêcjier la baleine , e* que ce poisson luî- même s'est fait un passage à travers les me- jnes canaux par lesquels y étoîent arrivées les tribus errantes , de la rivière de Cook , de Ventrée du F rince Guillaume , ou de l'Archipel du Nord r Si l'on rejette cette con- jecture, je demanderai en définitif p^"' quelle mer et suivant quelle direction la baleine arrivoit dans la mer de M. Hearne ; si elle faisoît le tour des terres de la baie de Baf* lin , ou si elle s'ouvroit audacieusement un. passage à travers les barrières de glace que vit le capitaine Cook, et qu'il supposa s'é- tendre jusqu'au pôle septentrional ? Nous voyons qu'elle trou.ve en cet endroit des obstacles insurmontables , et nous ne pou- vons pas croire davantage qu'elle ait jamais fait le tour des terres de la baîe de Baffin. Au reste, une opinion que nous serons assez hardis pour hasarder , c'est que cette mer vue par M. Hearne au 72» degré , et placée par d'autres au 68^ degré 3o mi« nutes , ou même , selon Pierre Pond , au 4S5^ degrés n'est autre chose que cette partie de la communication entre la mer Pacifique du Nord et la mer Atlantique, qui se décharge dans la baie de Baffin ou dans wv. ( i4o) celle d'Hudson, et que c'est à travers ceâ canaux qui ont assez de profondeur et d'é- tendue pour être navigables , que la baleine et d'autres animaux marins aussi énormes trouvent un passage facile et sûr. Les Indiens que vit M. llearne , et qui furent détruits par le parti qui lui servoit de guide au travers d'une route affreuse , faisoient partie, selon toute apparence , d'une tribu de l'ouest qui avoit entrepris une ex- pédition aux mines pour se procurer du cui- vre. Peut-être étoient-iis habitans de la ri- vière de Cook. Ces tribus nombreuses ont une grande quantité de cuivre : il est pour eux un moyen d'échange dans le commerce qu'ils font avec leurs voisins les plus méri- dionaux. Nous leur en avons vu des masses d'un poids considérable qu'ils avoient tirées des mines. Elles étoient d'une extrême beauté. Ils nous dirent qu'ils avançoient très -loin au nord pour se le procurer, et qu'ils trouvoient la mine dans la terre , dis- persée ça et là , et qu'elle étoit, autant que nous pouvions les comprendre , lancée du sein de la mer par un volcan. Les Indiens que vit M. Hearne étoient Esquimaux. Leurs :usa^es et leurs mœurs sout absolumeiit coar (i4i ) formes aux mœurs et aux usages de cette tribu considérabie qu'on voir à la côte oc- cidentale d'Amérique s'étendre aussi loin au midi que le 5o^ degré de latitude nord. On a prétendu que le navigateur espa- gnol, DonFrancisco-Antonio Mciurelle, vi- sita, en 1775, cette partie du continent d'A- mérique que le capitaine Cook n'avoit pas yue dans sa route vers le nord ; qu'eu eonséq^-'ence , son voyage est particulière- ment intéressant pour la navigation , en Cô que ce marin y assure qu'on ne trouve point de détroits tels que ceux de Jean de Fuca , ni d'Arcliipel semblable à celui de l'amiral de Fonte. La cour d'Espagne avoît tenu très-secrets les détails particuliers de ce voyage. Mais ils ont été communiqués au public par un respectable citoyen , un phiiosoplie éclairé , l'honorable M. Daines Barrins^ton. Le mé- rite qu'on supposoit à l'ouvrage fît taire pour quelque temps la critique. Ceux de nos na- vigateurs qui venoient de faire , en d'èrnier lieu , le tour du monde , en augmentèrent encore le crédit à leur retour. Cela étoit na- turel : ils y trouvoient détendu un système qui étoit le leur j savoir qu'on ne devoit ac- I corder aucune confiance anx prétendues dé- couvertes de de Fonte ou de Fuca , qu'on se persuadoit alors n'être qu'un roman du vieux temps , ou une fiction créée par l'enthou- siasme. Nous déclarerons à notre tour sans hési- ter que les cartes de M. Maurelle ne méri- tent aucune espèce de confiance, et qu'elles sont entièrement contraires à la vérité des faits. Elles ne donnent point d'idée de la vraie position de la côte d^Amérique , et l'on ne peut guère s'empêcher de soupçonner également d'infidélité les journaux du même navigateur d'où elles ont été tirées. Le moyen le plus prompt et le plus décisif pour savoir à quoi s'en tenir , est de comparer la carte du voyage de Maurelle avec la carte du ca- pitaine Cook , ou avec celle qui a été dres- sée d'après le voyage de la Felice et de Xlphigénie y et qui comprend toutes les dé- couvertes faites par d'autres navigateurs an- glois qui ont visité la côte d'Amérique. La carte de M. Maurelle aura soutenu alors une rude épreuve , et Ton en portera le juge- ment qu'elle mérite. Nous venons d'établir d'une manière claire et positive , et , nous osons le croire , sans (143) trop de présomption et de légèreté , les diP* férens points qui servent de fondement à notre opinion de l'existence d'un Passage Nord-Ouest, Il semble que , lorsqu'on avance une as- sertion de cette importance , on ne doive pas négliger de l'étayer de tous les témoi- gnages qui viennent à l'appui : cependant , si nous en citons quelqu'un sur lequel nous aurions des doutes, nous ne balancerons pas à le déclarer , quelque favorable qu'il pût être , d'ailleurs , à notre système gé- néral. Ainsi , par exemple , si la réalité des dé- couvertes de Pierre Pond étoit évidemment démontrée , nous en pourrions tirer des con- séquences avantageuses pour notre opinion; car elles rectifîeroient beaucoup le calcul, de la route de M. Ilearne , en changeant la position de la mer qu'a vue ce navigateur, du y 2.^ degré au 65^, Il en résulteroit né- cessairement qu'il existe une communica- tion facile , un vaste passage ouvert entre la rivière de Cook et cette mer, et peut-être aussi dans les baies de Baffln ou d'^Hudson. Mais nous avouons sans hésiter qu'il nous reste quelques doutes sur ce qu'avança (M4) M. Pond. Après tout, comme ses caîcuîs'' sont entre les mains de tout le monde , iïous laisserons le public pî-ononcer sur le degré de confiance auquel ils peuvent prétendre é Mais il y a un auteur infiniment respec- table dont nous avons déjà cité les observa- tions , auquel nous aurons l'obligation de nouvelles lumières sur cette matière. Comme il prouve la vérité de tout ce qui a été dit an- ciennement de l'existence de Y Archipel de Saint-hazai^e et des détroits de Fuca^ nous croyons qu'il mérite une entière confiance \ et le succès de ses recherches nous permet d^abré^er les nôtres. Nous aurons donc re- cours à lui, seulement pour établir quelques points qui puissent nous guider dans la dé- monstration des motifs qui nous portent à croire que cet Archipel et ces détroits exis- tent. Des hommes très -instruits ont attribué jusqu'ici cette opinion à l'audace avec la- quelle en imposoient quelques-uns , et à la crédule ignorance de beaucoup d'autres. Cet auteur observe que des navigateurs de nos jours ont trouvé un Archipel d'îles, et les plus forts indices d'une grande rivière à l'endroit même dont l'amiral de Fonte fait une ( i4S ) tihe description conforme à leur découverte t ce qui, ajoute- t- il , donne beaucoup de poids à ses assertions qu'on a trop légèrement rejettées. Nous avons , il est vrai , dans Ha- cluit , Purchas et Harris^ d'anciens récits , de vieilles traditions sur l'Archipel de de Fonte et les détroits de Fuca : mais sur quels fon-^ dernens et d'après quelles découvertes ? c'est ce qui reste enveloppé aujourd'hui dans une impénétrable obscurité. Mais M. Dalrymplô se présente armé d'une meilleure autorité. 11 nous apprend que , dans la seconde édi^ tion de l'oUvrage : TÂe nord and ort Tàf^ tarye, donnée en 1705, le bourguemestre Witson dit avoir eu en sa possession le ma- nuscrit original du récit du célèbre navicra^ teur de Fonta ^ et non de Fonte , qui avoit décrit la Terre de Feu en 1649. Cette cir^ constance peut bien être regardée comme la preuve que le navigateur en question a existé ; et nous sommes fondés à en con~ dure que, s'il fit un voyage en 1649, il pO"- voit bien avoir fait en i(546 l'autre voyage dont parlent Purchas^ etc. La découvei^te ré- cente de l'Archipel en question vient a l'^ip- pui de cette Opinion. Quoi qu'il en soit, àii reste, et quelque confiance qu'on doive âH Tome I, K ( i46 ) bourc^uemestre Witson , nous n'hésitons pas ^ affirmer que l'Archipel du Nord est à la même place que celui de de Fonta, Ce qui a été publié au sujet des détroits de de Fiica n'est pas moins extraordinaire. Une pièce vraiment curieuse en fait de ren^ seignemens , est un avis qu'on à de lui , si l'on en doit croire le très-honorable M. Gré* ville qui le tenoit de Sir Jean Macpherson , auquel il avoit été communiqué par des Es- pagnols au cap de Bonne-Espérance. Ceux-ci instruisirent Sir Jean que , tout récemment , on avolt découvert une entrée dans le 47^ degré 45 minutes de latitude nord , par laquelle i's étoient arrivés , en vingt - sept jours , dans le voisinage de la baie d'Hud- son. Que doit-on dire d'un avis si extraor- dinaire ? Jean de Fuca , au rapport de M. Hacluit , ëtoit un pilote grec qui, en ^592, fit voiles^ dans un passage d'une largeur considérable, entre les 47^ et 48^ degrés de latitude , pas- sage qui le conduisit dans une mer plus vaste encore où il navigua vingt-sept jours , au bout desquels il arriva dans la mer Atlan- tique. Il parle d'une grande pointe de terre Qu île , et d'un rocher d'une hauteur prodi- (un gleiise placé auprès. Cette île ou pointé est^ selon toute apparence, la même où notre ami Tatootche a une ville et une forteresse. Quant au rocher , nous avons eu par nos yeux même la preuve qu'il est placé à l'en- trée de cette mer , ainsi que la gratlde île ou pointe dont nous avons fait mention dans le voyage de la Felice dans cette la- titude. 11 pafoît que de Fuca communiqua cet avis à M. Lock, pendant que ce gentilhomme ëtoit à Venise , et qu'il offrit de faire le voyage pour 6o,oqo ducats. Les ministres de la reine Elisabeth, du nombre desquels étoit Cécil y refusèrent l'offre^ par Un prin- cipe d'économie bien louable sans doute ! là fortune de M. Lock ne lui permit pas de promettre cette récompense au pilote. L'ar- i-angement n'eut donc pas lieu : mais il ne continua pas moins d'entretenir une corres-^ pondance exacte avec lui. Les affaires ayant changé de face^ on se détermina à employer le pilote ; et Lock se rendit en Italie avec mission de l'amener en Angleterre. Mais à son arrivée , il apprit qu'il étoit mort peu de temps auparavant. Tels sont les dé- tails que nous ont donnés Hacluit , Pur* I . K 3i ( 148 ) clias, etc. et qu'ont adoptés tous ceux qui ; depuis eux , ont écrit sur la marine et sur la navigation. Une particularité qui n'est pas moins in- téressante à connoître , c'est qu'un autre homme publia en Portugal , vers le même temps , un ouvrage dans lequel il traitoit d'un Passage Nord-Ouest, et déclaroit posi- tivement qu'il l'avoit traversé. Cet ouvrage fut bientôt supprimé par la cour de Lis- bonne. Mais je me contente de citer à l'ap- pui de ce que j'ai personnellement avancé le témoignage des officiers du capitaine Bar- clay. Ils ont vu tout ce que je déclare avoir vu moi-même : et quoique le capitaine fut resté à quelques lieues du détroit , ils vin- rent dans une chaloupe observer ces para- ges. Il est également à remarquer que la Princesse Royale , capitaine Duncan , les a vus aussi : enfin , nous offrons les preuves que peut donner le W ashington , qui tra- versa une mer dont l'étendue a plus de huit degrés de latitude. En lisant Les récits des anciens voyageurs , nous fûmes singulièrement frappés de la ressemblance que nous trouvions entre les liabitans dont Jean de Fuca fait la descrip- (M9) tîon , et ceux avec lesquels nous avons eu communication. Entre beaucoup de particu- larités, nous en ferons remarquer une seule qui se présente naturellement. Outre qu'il déclare que ces habitans sont vêtus de four- rures et de peaux d*ours , il va jusqu'à nous dire qu'ils ont pour usage , lorsque leurs en- fans sont très-jeunes, de leur presser la tête entre deux planches , ce qui lui donne la forme d'un pain de sucre ; et dans les dé- tails que nous avons publiés sur les peuples deNootka,nous avons particulièrement re- cnarqué cette coutume , et nous rangeons Tatootche au nombre des princes de Nootka. La latitude dans laquelle nous trouvons ce détroit placé diffère sans doute de celle que lui ont assignée les anciens auteurs. Mais c'est ce qu'il est facile d'expliquer par la grande différence qui existe entre l'arba- lète qui étoit l'instrument astronomique de Colomb et notre quart. Nous croyons, d'ail- leurs, qu'il n'y a pas encore bien long- temps , nos navigateurs ne faisoient pas as- sez d'attention aux cliangemens nécessai- res pour la déclinaison du soleil , ce qui produit aussi une grande difféj^ence de calcuL K 3 ( lio ) Je ne dois pas oublier un autre récit d'une date plus ancienne , et qui est relatif à ce passage. C'est le voyage de ThomasTêche , tel que Ta publié M. Dalrymple. Ce voya- geur rapporte qu'il monta , en 1676, le dé- troit à' Aman dont l'étendue étoit de cent vingt lieues; que son intention étoit de re^ tourner en Angleterre par cette route. Mais le mois d'octobre étant très-avancé , et les vents soufflant au nord, (nous avons ob- servé, je dois le dire en passant, que ce sont toujours les vents du nord qui régnent à cette époque ) il redescendit le détroit , et côtoyant la Californie, la Nouvelle-Espagne et le Pérou , il arriva^., en 1677, dans la mer du Nord par les détroits de Magellan. Il trouva que , depuis le cap Mendocino en Californie , le courant portoit au noVd- est, à plus de vingt lieues dans le canal. Au reste , il n'est pas facile de déterminer exac- tement Fendroit où ces détroits sont situés ,^ parce qu'il n'a été publié qu'une très-petite partie àes voyages de Thomas Pêche. Un examen approfondi de la position géo- graphique de l'intérieur de cette partie de l'Amérique , ne serviroit qu'à augmenter l'incertitude et à multiplier les doutes. Nous^ ( i5i ) savons qu'il en a été dressé plusieurs cartes , mais ce n'est pas d'après elles que nous pou- vons porter un jugement. Il est si aisé de remplir des espaces avec des lacs et des ri- yières imaginaires qui n'ont d'autre effet que de nous égarer ! Quoique le lac Aratha- pescow ait tous les caractères d'une exis- tence réelle^ aucun témoignage respectable ne nous autorise encore à croire que sa si- tuation ait été déterminée d'après des ob- servations astronomiques. On nous permettra d'ajouter une conjec- ture de plus. C'est celle de M. Dalrymple, qui est aussi la mienne. Je présume avec lui que le lac de Fonte peut bien être la même chose que le lac Arathapescow ; et dans ce cas, il communique avec la mer Pacifique du Nord. Si l'on doit en croire deux cartes indiennes , manuscrites ^ dont la compagnie de la baie d'Hudson est en possession , le lac Arathapescow a une communication avec cette baie. C'est ce qui donne lieu à M. Dal- rymple de remarquer, avec la sagacité qu'on lui connoît, qu'il seroit très-utile de recher- cher quels sont les obstacles qui empêchent les vaisseaux d'y pénétrer. Car M. Hearne assure, d'après les informations qu'il a prises K4. aes Indiens , que ce lac a environ quatre cents milles en longueur. Il est aussi d'avis que la manière la plus sûre de faire cet exa- men seroit de commencer du lac Aratha- pescow, qui, d'après l'observation de la lon- gitude de la maison appartenante à la com- pagnie de la baie d'Hudson , paroît être beaucoup plus près de cette maison que ne l'indique la carte de M. Hearne. 11 faut con- venir, au reste, que si l'on doit beaucoup ^u génie actif et aux pénibles travaux de ce navigateur , il a cependant laissé encore de grandes recherches à faire. Car il n'est giière croyable que M. Hearne ait été en état d'ar- rêter définitivement une carte de pays d'une ^ussi vaste étendue. Il convient aussi d'observer que la com- pagnie de la baie d'Hudson a une maison par le 53^ degré o minute Sa secondes de latitude nord, et le 106^ degré 27 minutes %o secondes de longitude ouest , maisqn qui est à plus de 53o milles géographiques de rétablissement le plus voisin de la baie. Ainsi la distance, pour opérer la communi- cation entre cette maison et Nootka , est de plus de 700 milles géographiques. Les In- 4À^m ^&s^rç^l;a §'11 fau^ en croire M. Tac^ ( i53 ) uer , inspecteur de la compagnie de la baie d'Hudson , que la rivière continue d être aussi navigable au - dessus de la maison de cette compagnie qu'au-dessous , et que cette navigation n'est pas plus difficile que celle de la Tamise, en ce qu'il n'y a pas une seule chute ou rapide après rjii'on l'a passée près du lac Winipig (i) ^ dans un cours de plus de deux cents milles. Mais il est probable que la communication entre la baie d'Hudson et la côte occidentale d'Amérique pourroit avoir plus facilement lieu dans un plus haut degré de latitude , par le moyen de l'entrée de Chesterfield , ou de quelques-uns des ca- naux ou rivières qui se joignent de la baie d'Hudson avec les lacs Arathapescow ^ Do- baunt , et autres. Nous savons à quoi nous en tenir sur là navigation de la côte occidentale d'Améri- que , aussi bien que de ces passages, entrées et bras de mer considérables qui sont der- rière Nootka. Quant à la partie orientale an continent , nous n'avons guère , il est vrai , ( 1 ) Ou WÏHnepeeh. Voyez Carver , histoire de l'Amérique septentrionale. Voyez aussi la traduclion 4e« Voyages de J, Long, p. aSç. Note du Traducteur^ ( ^H ) qtie clés conjectures pour croire qii*on peut trouver, soit par la baie d'Hudson, soit par les parties méridionales de la baie de Baf- fin , des entrées navigables par le moyen des- quelles on puisse communiquer avec la mer Pacifique orientale. Il y a pourtant qiîelque chose de décisif en faveur de notre opi- nion, c'est la preuve incontestable que nous avons que la position géographique de la baie d'Hudson est très-imparfaitement con- nue, et que celle de la baie de Baflin ne Test pas du tout. Il en résulte qu'on peut toujours croire avec raison à la possibilité de découvrir un Passage Nord-Ouest. On sait que les employés de la compagnie de la baie d'Hudson ont toujours eu jus- qu'à présent une grande aversion pour les expéditions au Nord. Notre espoir est qu'ils sauront la vaincre , et qu'enfin, quelqu'heu- reux navigateur découvrira ce Passage Nord- Ouest. ( i55 ) TRAITÉ ABRÉGÉ jDz^ Commerce entre la Côte Nord - Ouest d' Amérique et la Chine j, etc. JL ouT citoyen vraiment patriote doit éprou- yer une vive satisfliction de voir le com- merce de cette nation s'étendre par degi'és sur toutes les parties du globe. Les encoura- gemens que savent donner de sages minis- tres , le génie entreprenant de commerçans riches et hardis produiront cet heureux ef- fet, qu'il n'y a pas un coin de la terre où la mer roule ses flots , où le souffle des vents puisse guider les navigateurs, qui ne soit découvert tôt ou tard , et ne procure Jes moyens d'accroître la force, la puissance et la prospérité de Tenipire britannique. C'est au capitaine Cook que nous devons^ entr'autres bienfaits inestimables ^ Je com- merce de la côte nord - ouest d'Améri- que , et la facilité de le transporter utile- îïient jusqu'à la Chine, Lorsque ce com-s ( i56) merce sera mieux connu , et que , par con- séquent , on s'y livrera avec plus de con- fiance et d'empressement ^ la nation en re- tirera, nous nen pouvons douter^ les plus grands avantages. Il est difficile de se faire actuellement une idée des immenses richesses que la mer Pa- ciiîque du Sud offre à ceux qu'animent en même temps l'amour du commerce et le ^oût des aventures. La Chine et le Japon peu- vent, non- seulement devenir de nouvelles sources de prospérité pour le commerce de ce royaume par l'exportation des objets sor- tis de nos manufactures , mais encore pro- curer les moyens d'augmenter ses forces ma- ritimes , et d'étendre ainsi, avec le plus grand succès , la puissance de la nation an- gloise» Dans nos précédentes observations sur la probabilité d'un passage au nord-ouest , nous avons parlé des divers navigateurs qui avoient osé avancer à la côte nord-ouest d'Améri- que depuis que le capitaine Cook avoit dé- couvert qu'on pou voit y faire un commerce avantageux. Leur destinée, ainsi qu'il ar- rive ordinairement à tous ceux qui se ha- sardent à courir de nouvelles aventures , a ( i57 ) été d'éprouver des malheurs divers. Dans le petit nombre des vaisseaux qui ont été dirigés vers cette côte , deux ont fait nau- frage. D'autres ont essuyé des malheurs sem- blables par l'ignorance ou l'inhabileté des hommes qui les gouvernoient ; et delà est née cette opinion si fausse que le commerce de la côte nord-ouest d'Amérique est une entreprise dont il ne peut résulter aucun avantage. Il s'est répandu d'autres opinions très-fâ- cheuses pour les hommes courageux qui s'étoient engagés dans ce commerce. On a affirmé hardiment comme une chose cer- taine^ et plusieurs l'ont cru sur parole , que ces mêmes hommes n'avoient fait autre chose qu'un commerce de contrebande à la côte d'Amérique. Certes , il est cruel pour des citoyens que leur patriotisme et leur zèle pour les intérêts du commerce national ont portés à tenter de si périlleuses entreprises de voir que, malgré les pertes considérables qu'ils ont essuyées , on calomnie la probité , la loyauté qui faisoit leur caractère distinc- tif. Mais ces imputations qui ne peuvent être que l'ouvrage de l'ignorance ou de l'envie sont absolument fausses. Elles trouveront, ( i58 ) ]b l'espère, une réfutation complète dans les arrangemens de commerce qui ont été le but de ces voyages , et dont il a été parlé dans le commencement de i*ouvrage. Les articles de trafic les plus communé- ment importés d'Amérique ont été la peau de loutre de mer, et des fourrures de moin-& dre valeur. Nous avons tout lieu de présu- mer qu'on pourra s*en procurer une grande quantité , lorsqu'on sera parvenu à éveillei? assez fortement l'industrie des naturels pour les déterminer à parcourir une plus grande étendue de pays pour en recueillir. Il faut > d'ailleurs , observer que ce trafic est encore dans l'enfance , et qu'il n'a été fait jusqu'ici que dans le voisinage des rivages de l'Amé- rique. Ces parties que ïon a déjà visitées ne sont pas , comme on se Test imaginé , les côtes du continent, mais un Archipel d'îles formant une espèce de barrière qu'elles lui opposent. Ainsi , du moment où une com- munication est ouverte pour le commerce avec le continent même qu'on est fondé à croire peuplé d'un grand nombre d'habi- tans^ notre pays peut y appercevoir une source féconde de richesses commerciales. Elle forme , pour ainsi dire , une c/iame dd (159) trafic entre la baie d'Hudson , le Canada > et la côte nord-ouest d'Amérique. Les articles dont on s'est servi jusqu'ici pour l'acquisition des fourrures d'Amëri* que sont, en eux mêmes, de peu de valeur, comparés avec le prix auquel sont portées ces fourrures à la Chine et dans d'autres places de commerce. Mais si l'on fait atten- tion aux frais qursont indispensables pour les transporter à leur destination y on con- viendra qu'ils acquièrent ainsi une valeur qui ne laisse pas que d'être considérable. Les premiers qui osèrent tenter ce trafic employèrent comme moyen d'échange, du fer, des grains de verre, et d'autres baga- telles des Indes. Mais ceux qui vinrent après ^ux y ajoutèrent des laines angloises , et bientôt , dans tous les villages , on vit les na- turels Américains s'affubler de couvertures et se parer de tous les objets qui forment l'habillement an^ilols. Les Indiens ne tardé- rent pas à prendre un tel goût pour les lai- nes , qu'on ne pouvoit pas espérer de traiter avec ces peuples , si elles n'entroient pas comme article principal dans les échanges qu'on leur proposoit. La peau de loutre peut être un v êteraent plus riche et plus chaud ; ( i6o ) mais la couverture est infiniment plus coni^ mode. Une fois que ces peuples eurent adopté cet habillement^ ils lui donnèrent une pré- férence marquée , trouvant , sans doute ^ qu'il leur convenoit mieux. Quant aux par- ties de riiabillement européen en faveur des- quelles le goût naturel ou l'amour de la nouveauté pourroit déterminer leur choix, il seroit facile de les diversifier de manière que, non contens de les aimer, ils en adop- tassent l'usage ; et alors nos manufactures les leur fourniroient. Le nombre des naturels qui habitent au midi de Ventrée de Nootka jusqu'au 4-^® ou 4^^ degré de latitude , monte à près de soixante mille. On le calcule sur celui des villages, dont chacun renferme de six à neuf cents habitans. Au nord de Nootka , vers le 61^ degré de latitude , il est plus considérable. On peut donc en conclure avec fondement qu'il y a plus de cent mille habitans sur la côte maritime de la partie occidentale de cet Archipel , sans parler de la partie orientale , ce qui , après tout , ne forme pas une population bien considérable pour une si grande étendue de pays. Ainsi, en cakulant ce qu'il seroit néces* sairg i ( ■«> ) 8aîre d'exporter d'Angleterre en grosses laî*^ nés , fer^ coutellerie , cuivre et étaln manu-, factures^ dans ces premiers temps du com- merce à la côte nord-onest d'Amérique , on sauroit à-peu-près ce qu'il doit résulter d'a- vantages pour nos manufactures de fournir ces articles à une population si nombreuse» Le cuivre et l'étain , sur - tout , formeroient bientôt une branche considérable d'expor- tation, une fois qu'ils auroient reçu la forme des ustensiles auxquels on les emploie or- dinairement. On a remarqué sur plusieurs parties de la côte que ces métaux étoient deux principaux articles de commerce pour les Indiens. Il est inutile d'ajouter que le besoin de ces divers objets se feroit sen- tir à eux , à mesure que leurs mœurs s'adou- ciroient , et qu'ils feroient des progrès dans la civilisation. Les marchandises qu'on exporte d'x4.méri* que consistent en fourrures d'animaux dont voici le détail : la loutre de mer, (on en trouvera la description particulière , ainsi que celle des différentes espèces, dans le voyage de la Felice y) le castor , la martre , la martre zibeline , la loutre de rivière que les naturels appellent caj?u ca j Vhermine , Tome /. L ( 1^2 ) les différentes espèces de renards, mais sur- tout ceux dont la peau est d'un noir de jais ; le loup gris, blanc et rouge, le renne-loup^ la marmotte, le raton, l'ours, la brebis de montagne , dont la toison est très-longue et d'une grande beauté, celle d'une espèce plus commune , le daim couleur de souris et l'élan. Quoique la loutre de mer soit un animal ampliibie, on la rangeroit peut-être avec plus de raison au nombre des animaux ma- rins ; car c'est un avantage particulier à ce pays , que la mer qui baigne ses côtes par- tage avec la terre la grande quantité de ses productions commerciales. Qn y trouve par- tout le veau marin fourré, la vache marine, le lion de mer , le veau tacheté , enfin l'es- pèce des veaux ordinaires. Le ginseng pourroit aussi devenir un ar- ticle d'une valeur considérable dans les mar- chandises qu'on exporte d'Amérique. Quoi- qu'on n'en ait pas recueilli jusqu'ici une quantité bien considérable dans le voisinage de Nootka, c'est une production qui se trouve dans les parties septentrionales , et sur-tout , sur les bords de la rivière de Cook. Le gin- 4eng de cette partie de l'^^iérique est de ( i63 ) Beaucoup préférable à celui de la parh'ô Orientale , et approche davantage de celui de Chine qu'on regarde généralement com- me supérieur à toutes les espèces de ginseng exportées en Europe. I' Mais la branche de commerce la plus avantageuse cju'offre naturellement la côte nord- ouest d'Amérique , c'est la pêche de la baleine à laquelle on peut donner la plus grande étendue. Ces mers sont remplies de toutes les espèces de ce poisson, de baleines »oires et de spermaceti , ainsi que d'autres animaux marins qui donnent une huile d'une qualité vraiment supérieure. On me permet- tra ici de présenter quelques observations Sur les avantages que l'Angleterre pourroit retirer de cette pêche, non-seulement dans la mer du Nord , mais encore dans la mer du Sud. La première renferme une immense quantité de baleines noires. On trouve en aussi grand nombre dans l'autre celles de l'espèce du spermaceti. Cette pêche embrasse fane telle étendue de pays , depuis le cap Horn jusqu'à la Li- gne, qu'en y joignant celle de la côte nord- ouest d'Amérique , elle pourroit employer plusieurs milliers de tonneaux. Cette bran- La. ( x6i ) clie utile de commerce occuperoît , mêméî" dans les premiers temps , an moins une cen- taine de va sseaux dont chacun ne contien- droit pas moins de trente hommes. Je sup- pose , d'après cette règle , que sur ces trente personnes composant chaque équipage, une vingtaine seroient des matelots ou des hom- mes exercés à cette pêche, et les autres des epprentifs ou des ouvriers qu'on prend sou- vent à bord pour les employer dans ces ex- péditions. Le nombre total des marins mcn- teroit ainsi à trois mille. Il n'est pas permis de douter que ce commerce , entrepris sous les auspices de la liberté angloise, et dirigé par le génie des marchands de notre nation, ne devînt une source de richesses qui s'ac- croîtroit de jour en jour. Oui, les produits en seroient si avantageux pour nos manuFrx- tures , le besoin s'en feroit tellement sentir aux pays étrangers , que cette double con- sommation de l'étranger et de la nation éten- droit à l'infirii les bonnes de notre naviga- tion et de notre commerce. Il résulteroit aussi de cette pêche un autre avantage non moins important: elle augmenteroit prodi- gieusement cette pépinière de marins qu'on doit regarder comme une mine inépuisable ( i65 ) de puissance et de gloire pour l'Angleterrev Je ne balance pas à prédire c|ue^ si unfei telle branche de commerce reste libre, si, stir-tout^ on ne la laisse point entraver par des çhar^ très privilég'ées , par des monopoles légall^' ses , les prolits en seront bientôt si considé- rables que le gouvernement se trouvera dis- pensé de recourir aux rabais et à des libé-- ralités ruineuses pour encourager l'indus- trie . Je n'aurai pas la présomption de pres- crire les règles de conduite qu'il importe d'observer pour diriger cette pêche et en favoriser le succès. Le lord Hawkesbury qui possède tant de lumières et de connoissan- ces en matière de commerce , a clairement établi les moyens d'administration pour cette partie où les soins et les travaux tournent au profit du commerce national. On me per- mettra cependant de suggérer une idée : il me sembleroit nécessaire qu'il y eût , sur chaque vaisseau occupé à ce service, six ou huit apprentiis dont l'âge seroit limité. Si par exemple, il y en avoithuit, quatre d'en- tr'eux ne devroient pas avoir plus.de dix ou douze ans : deux autres iien ciuroient pas plus de quatorze , et le reste pourroit être L3 ( 1-^6 ) ^gé de seîze ans tout au plus. Le terme de Tappi .en tissage ne seroit pas de plus de cinqi ans. On voit , sans que j'aie besoin de le dire , ce qu'un pareil arrangement auroit d'utile et d'avantasieux. On peut regarder la navigation de ces yners comme la meilleure école de marine* D'un autre côté , comme les vaisseaux y cou-« rent bien moins, de dangers que dans d*au-* très mers , c'est une chance de plus qui ne doit pas échapper aux spéculations des mar- chands. Je ne négligerai pas ^ non plus ^ de. faire observer que des vaisseaux employés à la pêche ou à la traite des fourrures ne peuvent Jamais se passer de provisions abon-^ dantes de toutes les espèces de poisson , non» seulement afin d'être en état de fournir une quantité considérable de cette nourriture si saine, mais aussi pour devenir un objet di- gne de fixer l'attention des commerçans. Les îles Sandwich offrent, d'ailleurs, au milieu des fatigues , un lieu de repos où l'air le plus pur apporte la, santé , et où l'on î;rouve toutes sortes de rafraîchissemens. J'ai déjà dit quels sont les différens arti- cles de traiic , soit exportés d'Europe , soit iî^portés de ce pays nouvellement ouvert au ( î«7 ) • commerce, et dont on pourrolt dire qu'il semble attendre notre arrivée. Nous devons prendre également en considération^ comme pouvant, quelque jour, produire de grands avantages, ces mines placées, comme on en a la certitude , entre le 40^ et le 60^ degrés de latitude nord. Il n'est pas douteux qu'elles ne devinssent bientôt nue source précieuse de relations commerciales entre l'Amérique et la Chine. Mais pour en tirer parti , ainsi que pour jouir promptement d'autres avan- tages qu'on peut se promettre, il convient de former des établissemens. La côte nord- ouest d'Amérique offre un climat très-doux €t un sol fertile où. l'on peut cultiver toutes les espèces de grains , sans beaucoup d'ef- forts ni d'industrie -, sur-tout dans le voisi- nage de Nootka et dans le pays de la nou«- velle Albion. Voilà tout ce qu'il nous est possible de dire en général du commerce de cette partie de l'Amérique qui nous est connue depuis s£ peu de temps. Nous allons maintenant clier^ cher à découvrir les rapports qu*il a formés avec la Chine jusqu'à ce jour , ainsi que les motifs de l'espoir qu'on avoit conçu d'établir des relations commerciales avec le Japon j L4 i. ( i68 ) I projet qui , si Ton en tentoit l'exëculion y (et je ne doute pas qu'il ne soit possible de le faire revivre) deviendroit, avec le temps, •un objet de la première importance pour le commerce de notre pays. Les fourrures que divers navigateurs parvenoient à se pro- curer à la côte' nord - ouest d'Amérique , «ëtoiént portées au marché de Canton où elles se vendoient à un prix énorme. L'a- vantage de fournir cette place de fourrures ^'Amérique , a procuré les moyens d'ouvrir une route au commerce entre l'Angleterre et la Chine , pour les fourrures du Canada et de la baie d'Hudson, moyens qu'on n'a- voit pas tentés encore. Ces fourrures se ven- dent aussi à un prix très-avantageux. Le commerce entre l'Angleterre etl'em* pire de la Chine est de la plus grande im- portance. Je vais rechercher les causes qui continuent à nous rendre la balance con- traire , et qui peuvent conduire à décou- vrir les moyens , non - seulement de dimi- nuer l'inégalité de cette balance , mais en- core de la faire pencher en notre faveur. Cette recherche ne pourra , je Tespère , qu'être bien accueillie du public , et en par- ticulier, de l'honorable compagnie des Indes ( i69 ) orientales , ce corps respectable de corn- merçans. Il y a , je le sais, de la justice à déclarer qu'ils ont déjà fait beaucoup : mais, en même temps, je dois à la vérité d'observer qu'il reste encore beaucoup à faire. Il est, en effet, de toute nécessité, non-seulement d'augmenter le plus possible l'exportation de nos marchandises , mais en- core d'ouvrir de nouvelles routes au com- merce par - tout où l'occasion se présente d'exécuter un projet si utile. En traitant ce sujet en général , je ne me pique pas cependant d'avoir une connois- sance si exacte des choses que je doive m'en- gager à les discuter en détail. J'examinerai le commerce de la Chine sous trois rapports principaux , savoir : 1^. Le commerce par terre de la Chine avec la Russie; et l'on peut y comprendre le commerce nord-ouest par mer , les mar- chandises principales étant des fourrures dont l'Angleterre a sa part , au moyen de la prodigieuse quantité de celles du Canada et de la baie d'Hudson , expédiées de ce pays en Russie :, et delà à Pékin , où les mar- chands Russes les envoient sur des voitures qui font par terre un long circuit. (37^) S''. Les relations cemmerciales entre l'An- gleterre et la Chine. 3^. Le commerce entre les nations étran* gères avec les puissances du pays dans Tlnde et à la Chine. Il seroit inutile que Je décrivisse ici , quand même je le pourrois , la vaste étendue de Fempire de la Chine et l'état de sa prodi- gieuse population. Je me contenterai d'ob- server qu'un traité de commerce avec un tel pays , et sur-tout un tel peuple , seroit un des plus importans événemens pour l'An- gleterre. Les Anglois sont certainement en possession de la plus grande partie du com- merce d'importation à Canton : mais il faut dire une vérité , c'est que tout le commerce d^Europe ( et le nôtre s'y trouve nécessaire- ment compris) éprouve de jour en jour des désavantages sensibles par l'oppression sous laquelle il gémit. Je ne puis concevoir quel principe de saine politique nous porte à nous soumettre toujours à la volonté et au bon plaisir du gouvernement Chinois dans nos relations de commerce avec lui. Ce seroit faire une grande injustice aux Chinois que de se former une opinion de leur caractère en général , d'après ceux qui ( 171 ) habitent les bancs de la rivière de Ccintnn, Un port 3.3 mer qui ne procure qu'une foi- ble communication avec des douaniers , des courtiers et toute la basse classe des mar- chands , ou qui n'en offre pas d'autre, ne met pas le voyageur en état de juger de la natioa à laquelle il appartient. Mais si nous nous en formons une idée d'après les rapports deceLi:c qui ont eu occasion de visiter les parties intérieures de la Chine , nous croirons sans peine que les Chinois sont un peuple civi- lisé, généreuK , éclairé^ et qu'ils s'honorent eux-mêmes de ce caractère. On peut donc supposer que si l'Angleterre env.yoit en Chine un ambassadeur accompagné le tout l'appareiï qui convient à son caractère, il y seroit reçu avec les égards et la dignité qu'exigeroit une pareille mission. Des obstacles de tout genre nui- ^ntànot^^e commerce dans cette partie de l'Orient. Il faudroit, peut-être, un talent consommé dans l'art des négociations , ainsi qu'une parfaite connoissance de l'histoire du com- merce de la Chine et du caractère des peu- ples qui l'habitent, pour réussir à conclure un traité de commerce honorable entre les deux nations. Les Chinois connoissent bien ( Tf7^ ) la puissance de l'Angleterre , et ne la voient pas sans crainte. Voici un fait iacontestable. Le Hoppo^ ou vice- roi de Canton, en 1789 , dansies informations c[n'il avoit contume de tî'ansmettre à la cour de Pékin ^ rendit un compte inexact des vaisseaux européens qui se trouvoient dans son port. Comme le nom- bre en augmentoit de jour en jour, et sur- tout celui des' vaisseaux angiois , les agens ministériels à Canton s'en alarmèrent ; et si l'empereur l'eût appris , ils seroient peut-être tombés dans sa disgrâce , pour avoir exposé l'Etat^ en souffrant un pareil rassemblement de vaisseaux étran^^ers. Mais ils eurent bien- tôt levé ces scrupules patriotiques, et calmé leurs inquiétudes personnelles , en remet- tant au trésor royal les revenus ordinaires du commerce avec l'étranger, et en ver- sant dans leurs propres coffres le pro- duit considérable des droits qu'ils avoient exiges. Il sembleroit qu'on n'a cherclié dans ce port qu'à gêner et entraver le commerce d'Europe. Toute affaire de commerce est soumise à la jurisdiction d'un corps de mar* cbands, composé d'onze personnes ou plus, q^u'on appelle les Jlu/ig y ou les Houang, (1-3) Des qu'un vaisseau arrive à Canton , un de ces marchands est chargé de présider à tous les arrangeiHens de coiumerce. On le nomme alors le marchand de sûreté ^ et toute affaire relative au vaisseau sur lequel il est placé , se traite suivant son bon plai- sir. Revêtu de cette autorité extraordinaire, il peut régler le débit des marchandises dont l'inspection lui est confiée , de la manière la plus avantageuse pour lui. Si donc il lui paroît de son intérêt d'empêcher que les articles d'importation soient livrés à un prix raisonnable , il ne considère que lui- même , et nullement celui qui a fait les frais d'importation ; car le naturel qui veut ache- ter, et l'étranger qui a besoin de vendre, ne peuvent communiquer l'un avec l'antre. C'est cet étrange intermédiaire , ce marchand nommé d'office pour gêner la liberté du com- merce, qui agit pour tous deux ; c'est lui dont la volonté , quelqu'arbitraire qu'elle puisse être , devient une loi pour eux , sans espoir de revision ni d'appel. Tant que ces homme* continueront d'exercer une pareille auto- rité ^ les articles d'importation ne pourront ' jamais être portés à un prix bien a vanta- (^74) peux , ni ceux d'exportation réduits par îâ concurrence à une règle égale. Les marchands Houang sont^ à leur tour^, imposés à de fortes taxes par les Mandarins de la première classe , et par ceux d'une classe inférieure ou officiers de la douane. Mais ils savent fort bien s'en rembourser en levant des contributions sur le commerce d'Europe. Toutes les marcliandîses qui entrent à Canton paient d'abord un droit exorbitant. Si le propriétaire use de la faculté qu'il â de se plaindre aux meircliânds Houang j il ne lui est pas permis pour cela de rembar^ quer un seul article : tine fois débarquées à Canton, les marchandises ne peuvent en être emportées que par quelque trafiquant du pays qui les auroit achetées ^ Rien de mieux imaginé pour tuer le commerce qu'une rè- gle aussi tyrannique. ' Les droits , dans ce port^ ont eu, pen- dant long - temps , une augmentation pro- gressive ; ils ont été portés , ces dernières années , à 5o pour loo. Le montant actuel de ces droits n'étant plus versé dans le tré- sor royal par les raisons que j'ai données plus ( Ï75 ) liaiit, les mandarins sont devenus de plus en plus avides, en proportion de ce que l'augmentation des droits produit celle de leurs revenus. Comme ils sont imposés sui- vant le bon plaisir du Hoppo ou vice - roi , celui-ci trouve le moyen d'amasser une for- tune imuiense pendant son administration. Mais il est obligé de partager le fruit de ses rapines avec les ministres de la cour de Pé- kin , pour empêcher que les exactions qu'il se permet sur les Européens à Canton soient jamais découvertes. Dès le moment de leur arrivée , tous les vaisseaux paient un droit de mesurage. Il se calcule sur le nombre de leurs tonneaux. Ce droitest considérable , et, depuis quelques années , on l'a beaucoup augmenté. Un vais- seau appartenant à la compagnie des Indes orientales , paie^ je crois, de 800 à 1200 liv. sterlîngs. Les marchandises ne peuvent être portées à terre que par des chaloupes du pays , de manière qu'il se commet des vois continuels lorsque les cargaisons sont en- voyées du vaisseau à Canton , qui est à en- viron quatorze milles de distance ; et , ce qui paroîtra fort étrange , il n'y a ni moyens de remédier à une injustice si criante^ ni châ- (176) tîment pour ceux qui s'en rendent coupa- Lies. Le Houang est la seule personne au- près de laquelle un Européen ait accès. Ain^i, le marcliand étranger est entièrement à la merci d'un agent intéressé à l'opprimer le pius qu'il lui est possible. Aucun Européen ne peut entrer à Canton. Celui qui auroit la témérité de s'y intro- duire clandestinement , recevroit une rude bastonnade , et seroit renvoyé après. Les Chinois appellent un Européen un Fanqui, Il faut observer, au reste, que cette idée> que les Houang sont une sûi^eté pour les deux marchands, est une erreur complète. On n'ignore pas que ces préposés au com- merce ont fait quelquefois banqueroute ; et plusieurs Européens ont cruellement souf- fert de leurs faillites. J'ai tout lieu de croire que les sommes dues à des marchands an- glois , et pour le paiement desquelles le ca- pitaine Panton fut envoyé à Canton sur le Race-Horse , ne sont pas encore liquidées. Ces créances étoient le résultat de la faillite d'un des plus riches marchands ZToz/^/z^; ce qui prouve évidemment que les membres de ce corps ne sont rien moins qu'une sûreté pour pour le commerce. La dette montoît à queU ques centaines de mille livres sterlinps. Une partie a été acquittée par installations -, le paiement a été achevé dans l'espace de dix ans> et sans intérêts. Au reste , ce sont les Européens eux-mêmes qui, dans le fait, ont payé cette somme : car, pour en être rem- pli, on a imposé tous les articles importés d'Europe à un droit de plus. Ce droit , on continue de le percevoir ; et comme l'An- gleterre est en possession de la plus grande partie du commerce de Chine ^'elle est aussi grevée à proportion par ces taxes si fortes et si multipliées. Cette ambassade n^augmentapas beaucoup l'importance de la nation angloise dans l'opi- nion des Chinois. Ils ne virent pas du même oeil et n'accueillirent pas avec les mêmes égards le lord Anson et le capitaiiie Panton. Je suis loin de vouloir insinuer que ce dernier manquât de quelqu'une des qualités néces- saires pour donner de l'importance à sa mis- ision j ou pour en assurer le succès^ Je dirai plus : il les possédoit toutes. Mais il ne fut ni soutenu comme il convenoit, ni accom- pagné de l'appareil de dignité qu'exigeoifi son caractère , et qui étoit indispensable Tome L M (178) pour Imprimer aux Chinois un respect mêlé de crainte pour le pays qui l'avoit envoyé. De tout cela résulte évidemment là triste preuve que le nom anglois ne jouit pas chez les Chinois de la considération qu'il mérite d'avoir dans toutes les parties du globe. Il suffit, pour en juger , de voir leur conduite à l'égard des employés de la compagnie des Indes orientales, qui se retirent toujours pendant plusieurs mois de l'année à Macao, ville des Portugais. En 1789, un vaisseau de la compagnie arriva en Chine. Les subrecargues furent aussitôt obligés de se retirer, comme à l'ordi- naire, à Canton. Pour en obtenir la permis- sion qui n'est que de forme , ils adressèrent la requête d'usage au gouvernement chi- nois. Ils essuyèrent un refus positif, sous prétexte que la requête auroit dû être pré- sentée par l'entremise des Portugais qui , eux-mêmes, refusèrent d'intervenir. Par ce moyen, le gouverneur de Macao pour les Portugais pouvoit mettre de très-fâcheuses entraves au commerce de l'Angleterre. Cette affaire désagréable fut cependant réglée à la fin, non sans beaucoup de délais, et, selon toute apparence , avec de grandes exactions. f /'tv/j i/,\i/mtv /v/r,/t; V//C (/(' /'('/ifrc'c (/(( Bocca TigTis, ( ('//,„■ T. s P.lliHY. ■ ,/c /'/'/c riGl<:R,..v/^/^r ..///■ /' IU)CCA TIGRIS, c/' /lommecj Tailoc Tow/v//' /^i/ c'////t(>/j. J. C/ui/.m/v r/iMoi.',- /wt.wl ,/,-.• Mjrc/i,im//:w Je' Cauum ,V «// Vui/.iniii -Eii/v/H-'en? . ( ^79 ) Pendant ces Jours d'oppression, les riches vaisseaux de la compagnie des Indes orien- tales mettoient à l'ancre, en arrivant, dans le Bocca Tigris ou à ?Vampoa , et ne pour- voient se procurer les rafraîcliissemens or- dinaires. Les sommes énormes qui ne ces- sent d'être payées pour l'entrée des employés de la compagnie à Canton, et pour leur sor- tie de cette ville d'où les Chinois les forcent de se retirer^ sont, non - seulement une monstruosité en fait de commerce , mais encore l'effet d'une complaisance vraiment déshonorante de la part de l'Angleterre. Les Portugais se permettent aussi , dans cet établissement éloigné, de prendre avec les sujets de l'Angleterre un ton de supé- riorité^ et de tenir à leur égard une con- duite dont il est difficile de se rendre rai- son , lorsqu'on compare ensemble la force , la puissance et la grandeur des deux nations respectives. Il est très-ordinaire à Macao dô voir les employés de la compagnie empri- sonnés et accablés d'autres mauvais traite- mens sous les prétextes les plus légers , ré-* duits enfin à des soumissions auxquelles l'es* prit sordide du commerce peut seul les dé* M s ( i8o ) terminer , en même temps qu'il fait taire îé ressentiment de ceux qui les emploient. On peut conclure évidemment de tous ces faits que ie commerce entre la Chine et l'An- gleterre devroit être établi sur un pied res- pectable et d'après des règles égales. Il ne seroit pas aussi difficile qu'on l'imagine, en général, de parvenir à cet heureux résultat , si l'on employoit les moyens convenables. Nous ne supposerons pas que le commerce de la côte nord^ouest d'Amérique à la Chine pût se soustraire , dans son enfance , à ces transactions humiliantes qui diminuent, pour des établissemens déjà anciens et bien supé- rieurs ^ les avantages du commerce avec cette partie de l'Orient ^ en même temps qu'elles lui impriment une sorte de flétris- sure. Nous en sentons les inconvéniens ; nous les avons en horreur : mais , une fois débarrassé de ces entraves , le commerce appercevroit d'immenses avantages qui jus- tifieroient les encouragcmens que la nation auroit jugé à propos de lui donner. - Il n'y avoit encore eu de communication avec la Chine entre les provinces de Russie, le Kamschalka et la Sibérie , que par terre./ ( i8i ) Cette communication fat interrompue pen- dant plusieurs années, par suite de disputes qui s'étoient élevées entre la cour de Pékin et celle de Pétersbourg , disputes qui n'ont jamais été terminées. Alors on médita sé- rieusement les moyens d'établir des rapports immédiats entre le commerce de la côte nord-ouest d'Amérique et de ces provinces y et celui de la Chine et du Japon. Si un pa- reil projet eût été mis à exécution , il en seroit résulté les conséquences les plus avan- tageuses pourTAugleterre. Car, au lieu d etro envoyés à travers l'empire de Russie ^ par la voie de Pétersbourg^ et delà en Sibérie et à Kiasclia, les objets sortis de nos manu- factures auroient été importés immédiate- n^icnt par mer, et les fourrures de ces pays reçues en échange. Ces fourrures se seroieiit vendues à Canton avec celles de la côte nord - ouest d'Amérique ; et les revenus , produits naturels du commerce, eussent été versés ici sans regret dans le trésor d'Angle- terre : ce qui auroit eu pour effet de dimi- nuer l'exportation de l'argent en lingot de ce royamne. L'Angleterre auroit vu augmenter par ce trafic ses exportations de draps , de gro-sses ( i82 ) laines , de cotons , de toiles , de clincaille-» ries , de l'étain et du cuivre qu'elle produit ^ et des divers articles dont ces métaux pren- nent la forme dans nos manufactures. Elle auroit reçu en échange, ainsi que je l'ai fait remarquer ci- dessus , des fourrures les plus précieuses de toutes les espèces d'animaux dont abonde cette partie du monde. Il au- roit failu , pour fournir les provinces de Russio de nos marchandises exportées , que la quantité en eût été considérable ; et en les fournissant ainsi, on seroit bientôt par- venu à faire disparoître de la place ces lai- nes de France et toute cette ferraille dont elle est remjjlie aujourd'hui. Car on ne peut douter que les habitans ne préférassent aux draps légers et à la mauvaise clincaillerie de France, les articles solides et durables qui se fabriquent dans nos manufactures. Plus on examine cette partie du çom- jncrce du Nord , plus l'attention se fixe naturellement sur la nécessité de pénétrer dajis les provinces septentrionales de la Cbine , ainsi qu'au Japon, pour étendre cette chaîne de relations commerciales. L'exécution d'un pareil projet ne tarderoit paa à puyrir un débouché considérable pour ( iS3 ) les manufactures angloises , sur -tout pour l'étain et le cuivre, mais plus encore pour ce dernier métal. Comme l'exporration en est de la plus grande importance pour l'An- gleterre^ ce sujet nous semble exiger une discussion particulière à laquelle nous nous livrerons dans la suite de ces observations. L'exclusion actuelle des nations euro- péennes de tous les ports de la Chine, ex- cepté de Canton , est un désavantage sensi- ble pour l'Angleterre. D'un autre côté , par les règles arbitraires auxquelles le gouver- nement chinois assujettit le commerce d'Eu- rope , nous sommes forcés de livrer aux acheteurs^ au prix qu'ils fixent eux-mêmes y nos marchandises exportées., indépendam- ment des droits considérables auxquels elles sont d'ailleurs imposées. Le même principe de tyrannie et de déloyauté a pour effet d'augmenter le prix de tous les articles que nous recevons en retour : c'est enccfre à lui que nous devons le mauvais thé que l'on importe en Angleterre. Il serolt éo-alement inutile et déplacé d'ol> server jusqu'à quel point a prévalu , chez toutes les classes du peuple anglois , rusaa,e de cette plante de l'Orient. Il a cessé , de- M 4 ( i84) puis long-temps , d'être un luxe parmi les grands^ et est devenu, en quelque sorte » pour le pauvre même, une des nécessites de la vie (i). Quoique produite à l'extrémité du globe , cette plante est tellement natura- lisée cliez nous qu'elle est devenue un ob- jet de consommation générale, et une source de revenus pour le trésor public (a). (i) On peut çn dire autant de l'usage du café eii France. Cette denrée y est considérée comme objet de, première nécessité. Le goût en est presqu'universel. La classe la plus pauvre du peuple est celle à (^ui la pri- vation en seroit le plus sensible. Cela est naturel. Elle trouve dans le café dont les immenses provisions ren- dent le prix beaucoup moins cher , une nourriture agréable qui la dédommage un peu des mauvais ali- niens qu'elle est , trop souvent , forcée de prendre. Il n'est point de mon ressort d'examiner ce que l'usage du, café peut avoir de funeste pour la santé. Cette ques- tion en sera toujours une , et en attendant qu'elle soit décidée , qxi. continuera d'en prendre. Le goût et l'ha- bitude , j'ajouterai encore, le besoin, sont plus puissans que les raisonnemens des médecins et des naturalistes. Les marchandes de Paris s'en moquent f elles ont rai- son. Celle qui , depuis trente ans , prend son café tous les matins sur son comptoir , ne peut guère être ef- frayée des menaces de la médecine. Note du Traducteur^ (2) Cette plante à laquelle plusieurs de ceux qui oxit ( i85 ) SI donc , il est de l'intérêt national de se procurer les thés , et les divers articles sor- tis des manufactures de la Chine des meil- leures qualités , et à un prix beaucoup plus avantageux; le gouvernement anglois devroit également aviser aux moyens d'obtenir que les ports septentrionaux ue ce pays nous fus- sent ouverts. Il devroit sur tout s'occuper d'affranchir notre commerce de l'avilissante oppression sous laquelle il gémit dans le seul port de Chine où nos vaisseaux aient la per- mission d'entrer. Pour y parvenir, (et je ne doute pas un instant de la possibilité) je me Icrit sur la médecine attribnent des propriétés perni- cieuses , est regardée , au contraire , en Chine , comice remplie d'une vertu salutaire. Son usage, dans le pays où elle croît, est de tous les jours et de tons les lieux; et le moindre doute sur le pouvoir bienfaisant de cette plante y seroit traité d'extravagance complète ou de grossière ignorance. Ecoutez un Chinois : il vous dira que le thé resserre les nerfs , leur donne du ton , forti- fie l'estomac , et ranime la foiblesse. Il faut observer , au reste , que le thé noir est généralement en usage parmi les Chinois ; et qu'ils réservent , en grande par- tie , je dirai presque^out-à-fait , le thé verd et le thé ^11 fleurs pour ^'commerce avec l'étranger. Note de V Auteur^ ( i86 ) permettrai de demander , s'il ne seroit pas à propos d'envoyer directement une ambas- sade à Pékin, accompagnée de l'appareil de grandeur et de dignité avec lequel il con- vient que le représentant d'un monarque anglois porte ses lettres de créance à la cour brillante d'un grand potentat de l'Orient. L'entrée de ces ports , une fois ouverte à nos vaisseaux , augmenteroit et multiplieroit les moyens de communication entre les deux pays, et produiroit ainsi pour chacun d'eux les plus grands avantages. Sans faire Ténu- mération de ceux qu'en retireroit en parti- culier l'Angleterre , j'observerai que l'ex- portation seule de notre étain auroit été pour la nation une source considérable d# revenus industriels , indépendamment de ceux qu'elle doit aux productions dont la nature a favorisé son territoire. Par suite de cet arrangement, le royaume de Corée, peu connu jusqu'ici , mais qui n'en est pas moins puissant et civilisé , seroit ouvert aux navigateurs anglois ; et, sans parler des re- lations avec Tempire du Japon , il est diffi- cile de dire combien l'Ano-leterre trouveroit d'avantages pour son commerce à adopter ^e projet dont ce mémoire a pour objet de ( i87 ) faire naître l'idée , et de recommander Texé- Cution. C'est dans les provinces septentrionales que croissent les meilleures et les plus belles espèces de thé. Nous les aurions de ces pro« vinces, exemptes du mélange qu'une cupi- dité sordide porte les marchands Hpuang j non-seulement à permettre, mais même à encourager. Les soies crues de ces pays ser roient aussi portées bientôt au prix de nos soies de la plus belle qualité. Le royaume de Corée recevroit , et avec empressement, les mêmes ouvrages de nos manufactures que la Chine. Ajoutez (et cela est bien itnportant ) que y dans un climat si froid, les Coréens auroient nos laines di- rectement de nous - mêaies , au lieu de ces draps légers de France qui leur arrivent de Russie par la route de Pékin, c'est-à-dire ^^ en faisant un long circuit, ou, plus immé- diatement, de Canton. Attendu le prix ex- cessif des laines occasionné par le mode dis- pendieux d'importation, ces peuples ont re- cours à des cotons grossiers qui, après tout, ne leur suifisent pas pour les protéger con- tre la rigueur de leurs hivers. Ce pays pro- çluit les plus belles espèces de thé , mais (i88) point de soies. Au reste , les Coréens les re- çoivent de la Chine , où ils les renvoient après en avoir fabriqué de très-beaux et de très - riches ouvrages de soie et de damas. C'est aussi dans ce pays qu'on voit le cha^ riot à voiles ^ cette machine curieuse qui fest fort utile sur les terres basses et maré- cageuses par où l'on se rend à la mer de Corée. On peut considérer Fempire du Japon comme une source d'avantages commer- ciau:s: tout-à-fait distincts de ceux qu'offre 3 a Chine. Mais ce vCcn. est pas moins un vaste champ ouvert aux spéculations har- dies. Il offre des ressources semblables , et laisse entrevoir la possibilité d'un débit avan- tageux pour les marchandises angloises. La communication qu'un des vaisseaux pris par les Espagnols à Ventrée de Nootka eut avec ce pays , prouve évidemment que les habi- tans verroient avec satisfaction s'établir en- tr'eux et nous des relations de trafic. On avoit conçu le projet d'y envoyer cette an- née ( 1790) un vaisseau de Canton , si le commerce nord-ouest n'eût pas été inter- rompu, et même détruit , au moins pour un temps, par les vaisseaux de sa majesté ça- (189) tliolîqtie. Je tiens d'uii^ autorité digne dé foi que les fourrures s'y vendent à un prix considérable : ajoutez que le pays , le cli* mat , les habitans , tout nous garantit pres- que la certitude que de pareilles relations de commerce liniroient par rapporter dea sommes immenses à l'Angleterre. Il se fait de la Chine en ce pays quelques exportations de drap large , de soies , co- tons , sucres , clincailleries , fourrures , et d'ëtain en lingots qu'on y estime presqu'à l'égal de l'argent. Les habitans s'en servent , non-seulement pour leurs ustensiles de cui- sine^ mais encore pour la fabrication de ces vases et de ces ornemens qu'ils emploient dans leurs cérémonies religieuses. Ils don- nent en retour aux Chinois de l'or , du thé de la plus belle qualité , et du cuivre pur. Après tout , le commerce entre les deux pays n'est pas d'une grande importance. On sait que la seule nation européenne qui ait des rapports de commerce avec les Japonois , est la Hollande. Quatre vaisseaux liollandois sont expédiés tous les ans de Ba- tavia au Japon. Chacun d'eux donne cent mille dollars pour le privilège de ce trafic* C 190 ) Qu'on juge par une somme aussi considé- rable qu'ils sont obligés de payer préalable- ment, des immenses produits qu'ils en re- tirent. Les Holiandois sentent trop les avan- tages de ce monopole pour ne pas en déro- ber, le plus possible , la connoissance à l'Eu- rope, ou ne pas déguiser de toutes manières la vérité en faisant des rapports infidèles. Mais quelque peu instruits que nous soyons de la nature particulière des marchandises qu'ils importent ou qu'ils exportent > de la manière dont ils font leur commerce , nous savons cependant quelque chose de certain: c'est qu'il est très-lucratif pour eux, et que, par conséquent , il le seroit autant pour nous. 3e ne crains même pas de dire qu'il pour- roit l'être davantage. Ajoutez l'avantage d'une navigation très sûre, pour aller au Ja- pon comme pour en revenir, quand on Ten-* treprend en certains temps qui lui sont plus favorables. Les Chinois font aussi le trafic au sud entre les îles Philippines et le Japon. Ils in^» portent des îles Philippines des soies crues, de l'or , du cuivre , et du fer. Ils transpor- tent au Japou des épices, du poivre, de l'ar-* ( 19» ) gent et du suci^e. Ils recueillent d'immenses profits de ce commerce , d'ailleurs très-pré-^ judlciable aux Espagnols. Si l'on parvenoit à former un établisse- ment anglois sur l'une des plus méridionales des îles de Corée, on faciliteroit beaucoup les relations entre l'Angleterre et ces par- ties du globe. L'accomplissement de ce pro- jet ne seroit pas assez difficile pour présen- ter de grands dangers , ou pour exiger des efforts plus qu'ordinaires. J'ai tout lieu de croire , par ce qu^on m'en a dit, que les na- turels sont un peuple doux , humain , civi- lisé , et qu'ils s'empresseroient d'accueillir favorablement le voyageur anglois. Je n'ai besoin , pour prouver la possibilité de fon- der une telle colonie, que de citer l'établis^ sèment formé par les Russes sur la plus sep- tentrionale de ces îles. Outre l'exportation générale de nos mar- chandises angloises , avantage auquel nous sommes si continuellement obligés de re- courir, nous verrions le commerce des four- rures acquérir , par l'ouverture de ces ca- naux de communication^ une nouvelle con- sistance. Nous nous trouverions aiissi à por- tée d'anéantir , en grande partie , les profits ( 192 ) ailé cette branche de commerce rapporte à ia Russie. Les Piiisses ont sur la rivière dé Cook, en bas de la côte d'Amérique du côté du midi , et sur cette chaîne d'îles appellées les îles Fox , des établissemens dont Tunique objet est de recueillir des fourrures. L'im-^ pératrice Catherine encourage les naviga- teurs par tous les moyens possibles ; elle assure protection aux marchands qui font habituellement le commerce entre la Chine et ses domaines par la voie de Kiascha j comme l'établit M. Coxe avec autant d'exac- titude que de sagacité dans ses Découvertes Russes. Tout cela annonce clairement l'opi- nion qu'on s'est formée de ce commerce à îa cour de Pétersbourg. Une branche de ce trafic , savoir , la vente en Chine des four- rures du Canada et de la baie d'Hudson ^ s'étend déjà directement jusqu'à cet Empire, Nous espérons qu'elles n'y arriveront plus désormais par l'intermédiaire des marchands i russes. \ On peut assurer , sans crainte d'être dé- menti j que Timportation des fourrures de laf cote nord-ouest d'Amérique à Canton a pro- curé cet avantage. Il ne pourra certainement qu'augmenter (-Ï93 ) Ijn^aiigmenter sî cette importation est con- tinuée. La réputation des peaux de loutres de mer conduisoit à Canton un corps con- sidérable de marchands de Pékin et de la partie septentrionale de la Chine. C'étoit la première fois qu'ils se rendoient dans ce port , éloigné de près de cent milles des lieux de leur résidence. Malo;ré sa lono-ueur. le voyage répondit d'une manière satisfai- sante à leur attente. Ils purent s'y procurer les mêmes espèces de fourrures qu'ils avoient coutume d'acheter à Kiascha , à bien meil- leur marché que dans cette dernière place. Ils arrivèrent à Canton , chargés de thé , de soies et d'ivoire , et remportèrent, en retour, des draps larges et des fourrures. Le drap importé par la compagnie des Indes orien- tales excita leur admiration particulière ; ils lui donnèrent la préférence , et ne balancè- rent pas à convenir de sa supériorité sur les laines de toute espèce qu'ils avoient reçues jusqu'alors par la voie de Kiascha. Les fourrures sont l'habillement favori des peuples qui habitent les provinces sep- tentrionales de la Chine. Ils s'empressent d'acheter celles de l'espèce la plus rare et Tome L N ( 194 ) clu prix le plus coûteux. Un seul habillemem de ces précieuses fourrures est souvent payé de cinq cents à mille dollars , et quelquefois davantage. L'épaisseur du poil et la longueur de la fourrure fait de la peau de loutre de mer un habillement très commode pour les lia- bitans des provinces septentrionales. Ils pré- fèrent , en général , celles du Canada et de la baie d'Hudson : mais ceux qui ont le moyen d'avoir un collet de peau de loutre de mer à leur justaucorps , négligent rare- ment cVen faire l'acquisition , fût-ce au prix le plus fou : car ils le paient quelquefois six dollars. On a avancé une opinion qui pa- roissoit assez plausible, savoir que la place de commerce de la Chine pourroit^ à la lin, se trouver garnie d'une trop grande quan- tité de fourrures du Canada et de la baie d'Hudson , ainsi que de la côte nord-ouest d'Amérique. En considérant la prodigieuse population de la Chine , et en supposant le commerce des fourrures soumis à de justes règles , on verra clairement , et sans qu'il soit nécessaire de réfléchir beaucoup , tout ce que cette opinion a d'inexact. La nôtre ( »95 ) est Lien dlfTérente : nous croyons fermement que les peaux de loutres de mer, importées en Chine , depuis qu'on a commence Je trafiquer à la côte nord- ouest d'Amëiique , n'ont pas suffi pour répondre aux demandes de la seule province de Canton. La rigueur du froid y fait souvent sentir aux Chinois le besoin d'être habillés de fourrures, eux, sur-tout , qui mettent une attention minu- tieuse à consulter , à tout moment , pour se vêtir, la température de l'air , quelle qu'elle paisse être. Il leur arrive souvent, dans un même jour, d'augmenter ou de diminuer le nombre ou la chaleur de leurs habits , sui- YaTit que les variations de l'atlimosphère exi- gent que le corps soit plus ou moins cou? vert. Je viens de publier tout ce que l'expé- rience et mes recherches m'ont appris du commerce de la côte nord-ouest d'Ainéfi- que et des parties septentrionales de la Chine,, ainsi que des relations commerciales que la Russie entretient avec ces pays. Je vais en- trer maintenant dans quelques détails parti- culiers sur le commerce de Canton avec l'étranger . et sur celui de l'Angleterre. C Ï96 ) La liste suivante est celle des vaîsscamf des différentes nations qui se trouvoient, en 1789^ dans la rivière de Canton. Elle don- nera une juste idée de la supériorité actuelle du commerce d'Angleterre sur celui de tou- tes les autres nations de l'Europe (1). (1) J'ai cru devoir épargner au lecteur cette éiiumé- ration fastueuse cpii n'a pour ohjet que de faire éclater la puissance inoritime de l'Angleterre aux dépens des autres nations. Une liste de vaisseaux et de noms d'of- ficiers n'offre rien de curieux ni d'instructif. Ce cpa'il peut être utile de connoître , c'est le nombre de voilos que cliaque puissance avoit , en 1 789 , dans un port de la Chine. C'est aussi à quoi je réduirai la lorigue no- menclature que le capitaine Meares nous a donnée. On comptoit 20 vaisseaux appartenans à la compagnie des Indes orientales angloises , à yVampoa : il y aA'oit 4^ Taisseaux anglois commerçans à la Chine en 1789 , savoir : de Bombay à la Chine , et de la Chine à Bo?n~ hayy 2.4 vaisseaux : de Bombay à Surate , 3 vaisseaux : du Bcîigale et de la côte Malay au Bengale , 3 vais- seaux : du Bengale et de la côte Malay à Bombay , 1 vaisseau : de Bombay à Madras , et de Madras à Bombay , 1 vaisseau : de Bombay au Bengale , et du Bengale à Boinbay , 1 A^aisseau : de Aladras à Bom- hay y I vaisseau : de Bombay au Bengale^ 1 vaisseau : Un Bengale à Batavia , et de Batavia au Bengale j i C Ï97 ) De grands avantages résulteront néces- sairement pour nous de raccroissement de nos rapports avec la Chine. C'est une de ces vérités si évidentes , qu'elles n'ont pas be- soin d'être prouvées. II n'est pas moins fa- cile de reeonnoitre combien ils tendent à augmenter cette pépinière d'hommes qui font la force de notre marine ( i ). Il est prouvé que les vaisseaux anglois employés à Canton, occupèrent, en 1789, près de wiisseau : de Bombay au P(^gu et au Bengale , 1 vais- seau : de Bombay et de Madras à Bombay , i vais- seau : de la Chine à la côte nord-ouest d'Amérique , 2 vaisseaux 5 total , 4^ vaisseaux. Vingt-cinq vaisseaux étrangers commerçoient égale- ment à la Chine en 1789. Les Hoîlandois en avoient 5 ; la France^ i 5 le Dajinemarck , 1 5 les Américains^ i5 5 les Portugais ^ 3. Total , 25 Vaisseaux. (1) L'Angleterre a toujours affecté l'empire des mers, et méconnu les forces de ses voisins. Le temps n'est pas loin , peut-être , où cette rivale de la France ces- sera de l'être 5 où le gouvernement britannique , si fier de sa marine et de son commerce , verra nos flottes cou- vrir les mers , et venger l'Europe entière de ses préten- tions offiueilleiises. ISiote du Traducteur. N 3 (ig8) deux mille hommes, tant officiers que ma-, telots. ' ? On a fait une observation sur la quantité considérable d'argent en lingot nécessaire- ment exportée d'Angleterre, pour Facqui- sition des marchandises qu'on y rapporte. On a prétendu que cette exportation est , dans le fait, pour la nation , un désavantage réel y qui ne se trouve pas du tout compensé par celle qu'on fait, en même temps , des divers objets fabriqués dans nos manufac- tures. Je dois l'avouer^ cette fâcheuse re- marque sur notre commerce avec la Chine n'est que trop fondée. On sait pourtant aussi qu'il a éprouvé un changement considéra- ble sous le rapport même, dont quelques- uns se faisoient un argument pour l'atta- quer. L'exportation de l'argent en lingot a été pendant plusieurs années ^ elle est en- core aujourd'hui dans un état de décroisse- ment progressif, tandis que celle des ou- vrages de nos manufactures augmente pro- portionnellement. Ajoutons, comme d'ex- cellentes raisons nous autorisent à le faire, les nouveaux arrangemens qui ont lieu dans la traite des fourrures du Canada et de la ( 199 ) baîe d'Huclson , et l'avantage d'un commerce de plus , celui des fourrures de la côte nord- ouest d'Amérique : nous serons alors fondes à espérer de la sage administration de la compagnie actuelle des Indes orientales que, bientôt , elle pourra faire pencher en notre faveur la balance du commerce entre l'An- gleterre et la Chine. Entr'autres marchandises exportées en cette partie de l'Orient , nos draps larges ont augmenté dans une proportion extraor- dinaire , et la compagnie y en envoie aujour- d'hui pour une somme très - considérable. En 1789 , elle exporta plusieurs milliers de ballots. Les marchands de fourrures qui des- cendent des provinces septentrionales de la Chine, emportent une quantité prodigieuse de ces draps, et le nombre des demandes augmente de jour en jour^ de toutes les parties de ce vaste Empire. Les camelots , les étoffes de laine ( 1 ) , les longues au-- (j) Shalloojzs. Par ce mot les Anglais entendent une espèce d'étoffe de laine. J'ai cru pouvoir Je rendre par l'expressiofi générale, étoffes de laine. Note du Traducteur, N i ( 2.00 ) >/es(i) , etc. ainsi que les laines pins gros- sières, sont devenus aussi , plus que jamais , àes articles nécessaires pour le commerce de Chine. On peut encore ajouter le cuivre aux divers objets dont l'exportation d'An- gleterre en cette partie du globe devient , de même , chaque jour plus considérable. La compagnie le fait travailler en petites barres , ce qui lui donne une ressemblance avantageuse avec le cuivre du Japon. Le comte de Cornouailles est le pays de l'Europe qui produit la plus belle espèce de ce précieux métal. Les HoUandois n'en ont pas importé dernièrement du Japon, à cause de l'énormité du prix. La compagnie des Indes orientales peut donc espérer de voir augmenter les produits qu'elle retire du cui- vre et de l'étain , parce qu'elle se trouve en état de le vendre aux Japonois chez eux même, à bien meilleur marché. (i) Lo7îg elh. C'est , sans doute , le nom par lequel les Angloi:; désignent une des espèces de laines di- verses, de première qualité. Le coarser woollens qui suit, semble confirnier cette opinion. ISote du Traducteur^ i ( ^01 ) ^ Maïs un article du commerce avec îa Chine, très-neuveau, très-recherché, et qui ajoutera considérablement chaque année aux exportations de la compagnie des Indes orientales, c'est l'étain. L'Angleterre en gé- néral , et le comté de Cornouailles en parti- culier, doivent beaucoup à M. George Un- win , ofiicier de la marine royale , pour avoir découvert et fait réussir cette branche précieuse du commerce actuel avec la Chine^ pendant qu'il étoit employé au service de la compagnie. On peut considérer l'éîain comme une marchandise dont le commerce d'Angleterre retirera des avantages très-so- lides, et j'ose le croire, très -durables. Je suis redevable à M. Unwin de connois- sances fort utiles à ce sujet ; et quelques soient les produits de ce que j'appellerai ce nouveau cours de trafic , soit que la nation elle-même, soit que des individus seulemeut ^ les recueillent , lAngleterre devra toujours beaucoup de reconnoissance au zèle infati- gable de ce citoyen pour les intérêts de son commerce. Ce fut dans un moment critique V pour le comté de Cornouailles qu'on réus- sit à ouvrir , pour la vente de son étain , ce ( 202 ) nouveau cîéboucliié si^r lequel on ne compi toit pas. Le débit avoit , en effet , diminue considérablement à celte époque. Les can- tons où se trouvent les mines commen- çoient à éprouver la plus fâcheuse détresse. Les demandes pour les diverses places de commerce en Europe étoient devenues infi- niment plus rares , tant à cause de la der- nière guerre que des troubles quis'élevoient dans cette partie du monde. En un mot , dans le court espace de neuf mois^ la valeur de l'étain se trouva réduite d'un cinquième ; ce ^ui fit une perte réelle de 40jOoo ^iv. ster- lings par an pour le comté de Cornouailles^ sans parler des peines et des tourmcns dont elle fut accompagnée. L'avenir n'offroit au- cune consolation, aucun motif d'encoura- gement à ce corps respectable de citoyens qui sont, à proprement parler, la mine pro- ductive des trésors de cette riche province. Mais le commerce de la Chine a ranimé leurs espérances; et j'espère qu'il aura pour effet , non-seulement de rendre à cette par- tie de l'Angleterre l'importance qu'elle avoit dans Toris^ine , mais encore de lui donner une nouvelle force , et d'augmenter SOB opulence. ( ^û^ ) En publiant nos espérances à est égard , [\ est bien satisfaisant de penser que nous ne nous sommes pas appuyés sur de simples conjectures , quelque probables qu'elles pus- sent être , mais sur des faits. Ils ne permet- tent pas de douter, j'ose le croire^ que l'Angleterre ne voie bientôt renaître et pros- pérer ce commerce , l'une des plus ancien- nes causes de sa puissance. Durant le long espace de temps que la compagnie des Indes orientales a fait le commerce à la Chine , la totalité de ses exportations , en y coin- prenant tous les articles de trafic , n'a pas monté à plus de 100,000 livres sterlings jus- qu'aux cinq dernières années. Il est recon- nu , comme une chose certaine, que les ex- portations faites , pendant ce temps, du seul comté de Corn ouailles sur ses vaisseaux, eu treize mois , ou deux saisons, ont monte à 2000 tonneaux d'étain , valeur de i3o,cdo livres sterlings , sans parler de sa part du cuivre importé. Les nouvelles reçues de Chine cette an- née sont aussi très-satisfaisantes, et engage- ront, sans doute, la compagnie des Indes à ne négliger aucun des avantages considé- ( ^o4 ) Tcthles qu'elle peut retirer de cette brandie d'exportation. La consommation annuelle de 1 etain, au marche de la Chine, est au- jourd'hui de trois à quatre mille tonneaux. Ce sont les Holiandois qui le fournissent , dans des bâtimens marchands de leur pays et des jonques chinoises qui viennent des lies Malay. Mais nous espérons que les pro- priétaires des mines d etain s'uniront, pour ainsi dire, par une alliance commerciale avec la compagnie des Indes orientales ; qu'alors, ils prendront, de concert avec elle, des mesures propres à s'assurer^ avec le- temps, (et l'époque n'est peut-être pas éloi- gnée ) la vente exclusive en Chine de ce précieux métal , que leur pays a regardé si long-temps comme la principale source de^ sa prospérité. Les usages auxquels les Chinois emploient l'étain , varient à l'infmi. Il est ^ sur-tout , devenu indispensable dans leurs cérémonies religieuses, ce qui ne peut manquer d'en occasionner une immense consommation. Le marchand qui achète ce métal, le revend à des batteurs d'or. Ceux-ci le manufactu- rent en feuilles , et le livrent aux prêtres^ ( 2o5 ) fprès la cérémonie de la consécration , îeô êtres le collent en morceaux sur des es- îces de cartons , à - peu - près de la forme une carte à jouer , qu'ils déposent dans îs boutiques pour y être vendus par toutes s parties de l'Empire. Au lever du soleil , certaines heures du jour, et à la nuit fer- ée , on voit les Chinois faire ce qu'ils jpellent ch'ui ^ chin y c'est-à-dire, rendre )mmage à leurs dieux ou Josses ^ en brû- ' nt ces cartons , et en se prosternant vers 3rient. Ils en brûlent une quantité plus ou .oins considérable, suivant que leur dévo- on est plus ou moins fervente. Cet article m\ doit donc occasionner une grande 3nsommation d'étain. On prétend Cjue la rivière de Canton est abitée , si je puis m'exprimer ahisi , par fixante à soixante et dix mille hommes ui vivent sur l'eau , et qui sont tous très- xacts à faire, chaque jour, la dépense de es cartons pour i-eur offrande. La popula- on de la Chine ne nous est point connue : lais si l'on en jnge sur le calcul récemment ublié, et que nous croyons très-exact, le '.ombre des habitans est si considérable ( loG ) qu'on ne peut douter que tout Tétaîn dont le comté de Cornouailles peut faire Texpor- tatïon, ne fût bientôt veiidu^ si nous parve* nions à nous rendre maîtres absolus du prix des marchandises à la Chine. Les Chinois possèdent aussi l'art d'extraire l'argent de ce métal. Ils l'emploient, non- seulement à la composition de leurs usten- siles de cuisine et autres du ménage , ainsi qu'à divers usages dans leurs manufactures , mais encore à la fabrication d'une srande quantité de métal blanc, appelle Tutenage , qu'ils exportent sur des bâtimens marchands du pays dans toutes les parties de l'Inde. On peut donc croire que là compagnie des Indes orientales encouragera vivement l'ex- portation de cette marchandise , et qu'ainsi , en favorisant une consommation si impor- tante pour le comté de Cornouailles ^ et en augmentant les revenus de son propre com- merce, elle ajoutera encore à l'opulence et à la prospérité nationale. Ce n'est pas, au reste^ en Chine seule- ment que l'étain seroit d'un débit avanta- geux pour nous, si le commerce en étoit sagement dirigé. Le Bengale sera en état ( 20? ) cVen prendre, par la suite, une c^uantité très - considérable ,à un prix satisfaisant. Cette place en demande aujourd'hui une portion égale au quart du revenu annuel du comté de Cornouailles , et qui ne tardera pas à être répandue dans les parties inté- rieures de l'Inde. Si le commerce avec la Porte nous étoit ouvert , il en résulteroit in- failliblement une consommation nouvelle et plus grande encore de ce métal. L'étain par- vient , même du Bengale et de Bombay, jus- ques dans les parties occidentales de la Perse , et la communication que nous avons avec ce pays par la voie de Surate, pourrolt en rendre l'exportation beaucoup plus con- sidérable. Dans ces trois dernières années, on a vu l'étain de Cornouailles qui avoit été transporté dMngleterre en Turquie, vendu à un encan des caravanes publiques comme lane ni3.rchandise d'un excellent débit, mal- gré les droits énormes qu'il avoit payés en passant par les Etats du Grand - Seigneur, On sait^ en outre , que la plus grande par- tie des nations de TAsie connoissent aussi bien que les Chinois la valeur de cette pré* cieuse production de notre pays. ( 2o8 ) Lss Chinois ont habituellement reçu leur ëtain par les vaisseaux anglois et holiandois. Il leur en est aussi parvenu de petites pro- visions par leurs jonques (i). Quoique To- pium du Bengale diminuât la quantité d'ar- gent en lingot qu'il eût fallu , sans une pa- reille ressource , exporter au pays Malay pour Tachât de cette importante marchan- dise, la balance TLQ,n est pas moins restée très-contraire aux étabiissemens européens dans cette branche de leur commerce. Il faut aussi observer que les Malais nô travaillent pas eux-mêmes à leurs mines, et qu'ils lais- sent ce soin important, ainsi que celui de rafiner le minéral , à des Chinois établis parmi eux. La compagnie des Indes orientales Hol- landoise^ douée de cette heureuse intelli- gence qui distingue \e^ marchands de sa nation, trouve le moyen de tirer de cet ar- ticle un revenu considérable. Le sultan de Banee qui réside à Balani'hangany sur l'iie {y) Sorte de ])i\tiinens cîiinois. JSlotc du Traducteur, dô ( 209 ) èe Sumatra, à la vue de la première de ces places , est oblige de fournir à la compaanie hollandoise, et à très - bas prix, quelques centaines de tonnes d'étain dont le nombre est détermine. On le charge pour Batavia dans de petits bâtimens. De Batavia, les vaisseaux de la compagnie le transportent en Chine > où il se vend à un prix assez avantageux pour compenser la perte qui seroit résultée de l'exportation de 1 argent en lingot. Il s'est élevé plusieurs objections contre l'exportation de hétain à la Chine. Elles sont fondées.sur la prévention qu'on suppose aux Chinois contrel'étain de Corwouailles , qu'ils ne trouvent pas, dit-on, aussi malléable que celui qu'ils tirent des Malais. Animé du zèle h plus louable pour les intérêts particuliers du comté de CornouaiUes , autant que pour les progrès du commerce de l'Angleterre ea général, M. Unwin entreprit d'approfondir ces objections. Il fit, en conséquence, plu- sieurs expériences successives pour compa- rer la bonté de l'étain d'Angletelre avec celle de l'étain des Malais. L'attestation à^^ ouvriers que ce citoyen employa , et une feuille qu'il a conservée de chaque espèce^ Tome I, Q ( 210 ) ne permettent pas de douter que notre étain ne soit égal, sous tous les rapports, à celui des Malais, si même il n'est pas d'une qua- lité supérieure. Il en donna une preuve bieit convaincante. Il fit battre une livre d'étain de Cornouailles jusqu'à concurrence de la quantité de feuilles suffisante pour couvrir trente-cinq vergues quarrées. D'après ses ex- périences , la compagnie des Indes orien- tales envoya , la saison dernière , en Chine et à ses établissemens dans l'Inde , non -seu- lement plusieurs cahiers de feuilles d'étain ancrlois, comme échantillons, mais encore une quantité suffisante du métal même , pour en encourager l'exportation, autant qu'il étoit en son pouvoir. L'exportation d'argent en lingot a été oi ne sauroit plus désastreuse pour notre com nierce d'Orient. Le premier devoir de ceu3 qui ont entrepris de le diriger, est de di minuer,et même, s'il est possible, d'anéaa tir un mal si funeste au commerce. On ob tiendroit ^ peut - être , le premier de ce avantages en resserrant l'éiendue actuell du commerce de Chine. Mais^ alors , le re mède seroit pire que le mal : car, en dimi (tu ) nuant Vimportation du thé qui est presque devenu une des nécessités de la vie pour toutes les classes du peuple anglois, on rou- Vriroit la porte, si prudemment fermée jus- qu'alors, à la contrebande de cette marchan- dise; et, ce qu'il y auroit de plus fâcheux, au lieu d'une production salutaire et bien- faisante de la Chine , nous n'aurions plus que ces thés falsifiés dont l'introduction en Angleterre est également destructive du revenu national et de la santé des habitans. Quant à l'anéantissement total de ce mal , on ne peut y parvenir que par des mesures qui forceroient la Chine et d'autres parties de l'Orient, de recourir à nos manufactures et aux productions de notre territoire. Si nous réussissions dans une aussi utile entre- prise, je ne doute pas que l'exportation qui se fait en ces pays de notre argent en lin- got, et qui ruine notre commerce d'Orient, ne fût bientôt diminuée , et peut-être, tout- à -fait anéantie. On ne regardera sûrement pas comme lin acte de présomption et de légèreté de notre part d'appelier sur ces objets, la sé- rieuse attention de la législature. Notre es- O2 ( ^1^ ) poîr est que l'esprit qui anime les comihef- çans de notre nation les portera à dirig-et tous leurs soins et toute Tactivité de leurs efforts vers un but si important. L'état de nos manufactures en deviendroit plus flo- rissant^ et notre puissance maritime ac- querroit un nouveau degré de splendeur. Il en résulteroit un autre avantage qui > sans être d'une importance générale, n'est pourtant pas à mépriser. Le comté de Cornouailles verroit renaître son ancienne prospérité, à laquelle il est, je ne dirai pas seulement de l'intérêt , mais encore de l'honneur de l'Angleterre de veiller avec soin. Cette partie de son territoire a été, pour ainsi dire, le berceau de son commerce ; et c'est à elle qu'elle doit, de- puis plusieurs siècles , ce génie commercial qui la caractérise entre toutes les nations du monde (i). (i) Je ne m'étendrai pas davantage sur cet article. Bientôt 5 je l'espère , aidé des lumières de M. Domû- thorne , agent public du comté de Cornouailles , qùî s'acquitte de ses fonctions avec un zèle et des talens qui lui ont si justement acquis l'estime générale , et d« (ai3) e n'ajoute plus qu'une réflexion : ellp ible être, en quelque sorte^ un anneau cette chaîne d'idées sur le commerce it j'ai eu ici pour objet de démontrer ilité, quelqu'imparfaitement que je m'en , d'ailleurs, acquitté. En permettant la ouverte des îles Sandwich par l'Angle- e , la Providence paroît avoir voulu îlles devinssent une partie de ce royau- La situation, le climat, les productions ces îles appellent l'attention du com- ce, et peuvent justifier les entreprises plus importantes. Les habitans sont un >îe brave et généreux, dont l'esprit est susceptible de culture , et qui méritent lartager , comme ils en ont déjà formé jeu, l'heureuse condition des sujets de mi M. Unwln , dont les connoissances en matière )mmerGe et les soins infatigables ont été d'une i particulière à ce mèine comté , je serai en état sser aux citoyens de Cornouailles , au sujet de irécieuse brandie de commerce , quelques propo- î qui ne leur paroîtront , peut-être , pas indignes ir attention. Note de U Auteur. 03 ( ^i4 ) l'Angleterre. Cinq cent mille hommes d'une fidélité éprouvée , et dont on dirigeroit sa- gement l'industrie , ne pourroient , certes 3 qu'ajouter à la grandeur et à la prospérité de l'Empire Britannique. ^ ( ^15 ) VOYAGES A LA COTE NORD - OUEST D'AMÉRIQUE , EN 1788 ET 1789, etc. C H 'A P I T R E PREMIER. Préparatifs du voyage. — Tianna , prince de rîle Atooi , et d'autres naturels des lies Sandwich, sont reçus à bord. — Ca- ractère de Tianna. Composition de l'équipage de chacun des deux vais- seaux. — Quantité de bétail embarquée pour les îles Sandwich. La Feiice et ri^Wi^éniQ partent de la Chine. M'ÉTANT associe, au mois de janvier 1788, 1788. avec plusieurs marchands anglois établis Janvier, dans l'Inde , je fis l'acquisition de deux vais- seaux , et je les équipai. Us furent nommes la Feiice et VIphigénie , le premier, du port 04 (^1(5) ■17SS. de 100 tonneaux, le second, de 200 ton- Janvier. „eaux seulement. On eut soin de pourvoir à tout ce qui pouvoit les mettre en état de soutenir le voyage auquel on les destinoit. Ils étoient bons voiliers ; on les avoit dou- bles de cuivre ; en un mot, leur construc- tion étoit assez solide pour résister à ces violentes tempêtes , si fort à redouter en hiver dans la mer Pacifique du Nord. Nous avions projette d'abord de quitter la Chine au commencement dç la saison. Mais la difficulté que nous éprouvâmes à nous procurer la quantité de provisions né-, cessaire pour le voyage, arrêta les vaisseaux jtisqu'au 30 de ce mois^ époque à laquelle ils furent complètement équipés , et prêts à partir. L'un d'eux devoît rester plus long-temps, en mer que l'autre. On avoit réglé qu'il qultteroit la côte d'Amérique cette année à la fin de l'automne, et gagneroit les îles. Sandwich pour y passer l'hiver. Il devoit ensuite retourner en Am.érique, et y rejoin- dre l'autre vaisseau parti de Chine en même temps que lui , avec une provision suffisante de munitions et "de rafraîchissemens pour établir des comptoirs, et donner plus d'é-. tendue au commerce que nous avions en- 178?. ^'""Pf''- ^ Janvier. L'équipage de cliacun de ces deux vais- seaux étoit composé d'Européens et de Chi- nois. Les premiers formoient le plus grand nombre. On n'avoit embarqué les Chinois , en cette circonstance, que pour faire un essai. Ils ont toujours été regardés comme un peuple brave, spirituel et industrieux. Ils vivent de poisson et de riz ; et comme le salaire qu'ils exigent n'est pas bien consi- dérable, il y a aussi une raison d'économie à les employer. Nous eûmes lieu d'ôtre sa^ tisfaits des services de ceux que nous avions avec nous, pendant toute la durée du voyage. Si , par la suite, on croyoit devoir établir des postes pour le trafic sur la côte d'Ame- rique , une colonie d'hommes de cette na- tion seroit une acquisition très-importante. Le commandement de Viphigéjûe fut donné à M. Douglas, officier d'un rare mérite, qui connoissoit parfaitement la côte d'Amérique, et qui , par cette raison, étoit l'homme sur lequel on dût se reposer, avec le plus de confiance , du soin de conduire cette expédition commerciale, L'équipa«e çontenoit différentes espèces d'ouyriers. ii ( 2i8 ) 1788. y ayoît parmi eux des forgerons et des cîiar- Janvier, peritiers chinois , ainsi que des artisans eu- ropéens. La totalité raontoit à quarante hommes. " La même classe d'hommes , si utile et si nécessaire, composoit l'équipage de la Fe- lice. Ils étoient cinquante. Je commandois le vaisseau. Il y eut un bien plus grand nombre de Chinois qui désirèrent être employés à ce service. Mais nous ne pouvions pas les re- cevoir tous. L'esprit d'entreprise les avoit tellement électrisés,que ceux d'entr'eux que nous fûmes obligés de refuser, en témoignè- rent leur mécontentement et leur chagrin en termes non équivoques. Parmi ceux qui s'offrirent eux-mêmes, nous en choisîmes cinquante qui nous parurent devoir suffire pour les besoins du voyage. Ils étoient^ la plupart , ainsi que je l'ai déjà observé^ des ouvriers de diverses espèces. Le reste étoit un petit nombre de matelots accoutumés à faire le service des jonques qu'on emploie pour la navigation par toutes les mers de Chine. Dans un voyage de si long cours , en des climats si différens , nous avions naturelle- ( ^^9 ) ment à redouter beaucoup de maux et Je 1788. dangers du scorbut, ce fiéau cruel pour les Janvier, marins. Nous prîmes donc toutes les pré- cautions que l'expérience et l'humanité pou- voient suggérer pour nous garantir de ses atteintes , pour en diminuer, la malignité , enfin , pour parvenir à une parfaite guéri- son. Nous eûmes soin de faire d'abondantes provisions de mélasse, de thé, de sucre, et de tous les articles qui pouvoient contri- buer à opérer ces effets salutaires. Chaque vaisseau avoit de l'eau pour près de cinq mois. On en donnoitungallon par jour à cha- que personne. La grande quantité d'eau est un des préservatifs les plus elïicaces contre cette maladie. On emporta aussi beaucoup d'habillemens très-chauds de toute espèce pour les personnes de chaque équipage , tant Chinois qu'Européens. En un mot , on se procura tout ce que produit la Chine pour que les deux vaisseaux fussent approvision- nés le mieux possible , et pour assurer , en même temps , le succès du voyage et toute espèce de secours à ceux qui se préparoient à en partager les dangers. Ce voyage avoit plusieurs objets. Nous nous en étions proposé un , entr'autres^ où ( 220 ) 17^8. nous n'avions réellement d'autre înîérêt qn©. Janvier, celui de nous procurer une bien douce sa- tisfaction. C'étoit de reconduire dans leur patrie ces bonnes gens qu'on avoit amenés d'Amérique et des îles Sandwich. On acheta une certaine quantité de bétail et d'animaux utiles qu'on embarqua. On se proposoit de les mettre à terre dans des lieux où ils pour- roient être une ressource ide plus pour les habitans , ou offrir les secours et les rafraî- chissemens nécessaires aux navigateurs , soit anglois, soit de toute autre nation , qui^ par la suite , visiteroient ces parages. Parmi ces enfans de la nature , conduits par la curiosité autant que par leur carac- tère confiant à une si grande distance du pays qui les avoit vus naître , il y en eut un que nous traitâmes avec des égards particu' liers. C'étoit Tianna^ prince de l'île à'Jtooi^ chef d'une naissance illustre, et d'un rang très-distingué (i). Je i'avois amené en Chine, (i) Le lecteur se rappellera que notre voyageur a déjà parlé de ce clief vers la iîn du voyage qui sert d'introduction à celui-ci , et qu'il a promis des détails ]^li!s étendus sur son compte. Mo te du Traducteut» yy, xni TIAN N A , Pri/icc y d'Ato oi , \ i Janvier. ( 221 ) en 1787 ; et il nous procuroît aujourd'hiû 17^^ le plaisir de le rendre à son pays et à sa fa- mille. Il y reportoit un esprit agrandi, en quelque sorte , par les scènes nouvelles , par les tableaux, divers qui s'étoient offerts à ses regards , et une parfaite connoissance de tous les objets d'utilité^ de tous les ar- ticles de luxe qui dévoient le rendre le plus riche de tous les habitans des îles où il avoit pris naissance. M. Cox, commerçant' établi en Chine, ëtoit un des hommes pour qui Tianna res- sentoit cette vive estime que des marques de bienveillance multipliées ne manquent jamais de faire naître dans un cœur recon- noissant. Au reste, je manquerois de justice envers cet aimable Indien, si je ne le re- présentois pas ici comme ayant tous les sen- timens qui honorent l'esprit le plus cultivé. M. Cox ne borna pas ses soins à le traiter avec distinction , et à lui préparer une vie agréable et heureuse en laissant généreuse- ment une grande quantité de bétail et d'a- nimaux vivans dans l'île d'Atooi : il voulut encore » par un mouvement de la plus ten- dre amitié , qu'il pût se livrer à tous ses goûts , et satisfaire toutes ses fantaicsies. Il ( 222 ) 178?. nul à la disposition de cet Indien Une somme Janvier, d'argent pour être employée par lui selon son idée , et suivant ses désirs. Mais son in- tention , à cet égard , ne fut nécessairement • pas suivie. Les Européens , amis de Tianna^ suppléèrent par de sages conseils à ce qui lui manquoit de discernement , et le dirigè- rent dans l'emploi de la somme qui lui avoit été donnée. Au lieu de satisfaire le caprice d'un moment pour des objets que lui-même ïi'auroit, peut-être, pas tardé à mépriser^ ils eurent soin de lui procurer des biens durables, et qui pussent contribuer aux pro- grès de sa nation vers la civilisation. Le temps qu'on pouvoit dérober à Téqui- penient des vaisseaux étoit ^ en grande par- tie , consacré à cet aimable Indien. On eut beaucoup de peine à lui faire comprendre qu'il alloit bientôt s'embarquer pour son pays. Tout ce que le monde nouveau daHS lequel il s'étoit vu conduit , offroit de ri- chesses et de merveilles , n'avoit pu en sépa- rer ses affections. L'amour de la patrie , ce sentiment qui semble inné avec l'homme , dans toutes les conditions et par tous les climats, agissoit puissamment sur lui. Ces affections domestiques qui sont^ en même ( ^^3 ) temps , le lien des sociétés et la source de i?^^* la félicité commune , cette tendresse pour Janvier, les parens qui opère avec plus ou moins de force sur tous les êtres animés , depuis les classes les plus nobles du genre humain jusqu'aux animaux de l'espèce la plus vile ; tous ces sentimens , dis -je , avoient con- servé leur vivacité dans le cœur de Tianna. Le souvenir de sa famille et de sa patrie ve- ïioit souvent accabler son esprit. Les tristes pensées dans lesquelles il s'abîmoit alors , Tabsorboient au point que tout ce qui frap- poit ses regards n'avoit rien de surprenant pour lui. On le voyoit quelquefois, dans le ïiiême moment , sourire à l'aspect des nou- veautés qui l'environnoient , et verser des larmes amères au souvenir des objets chéris qu'il avoit quittés ^ en pensant qu'il ne les reverroit peut-être plus. Aussi , lorsqu'il fut certain de son pro- chain retour à Atooi , l'idée qu'il embrasse- roit de nouveau la femme qu'il aimoit, l'en- fant qu'il adoroit , jointe à celle de l'effet que produiroit son retour , d'après ce qu'il avoit acquis de connoissances^ ce qu'il pos- sédoit de richesses, ce qu'^l poùrroit répan- dre de bienfaits dans le lieu de sîx naissance. / ( 2^4 ) 17^^. lui causa des transports de joie que coricé- Jâimcr, vront les cœurs sensibles ^ mais qu'il est impossible d'exprimer. Si j'en trois ici dans les détails particuliers de la conduite de ce chef, et des sentimens qu'on remarqua en lui dès son arrivée à Canton, j'aurois peut-être à craindre qu'on ne les considérât comme une digression inutile, et peu digne de la curiosité que cet ouvrage a pour objet d'inspirer. Il est ce- pendant à propos d'observer qu'on décou- vroit en lui un esprit capable de tout ce que Féducation peut produire chez celui qui a reçu de îa nature wne intelligence supé- rieure. J'ajoute qu'il étoit doué de cette sensibilité qui fait une loi à tout homme éclairé de ne point avilir par le nom de sauvage l'individu qu'elle caractérise , quel- que soit, d'ailleurs, et la couleur de sa peau^ et le pays qu'il habite. Lorsqu'il vit pour la première fois les vaisseaux à Wampoa , il éprouva une sur- prise qui passe toute imagination. Il les nom- moit avec emphase les îles de Biitannee. Mais quand il en eut examiné l'intérieur, qu'on lui en eut fait connoître tous les détails ^ ( 225 ) détails , il tomba bientôt dans la tristesse et 178g. Tf^ljatLement. Il penchoit la tête en gardant Janvier^ lin profond silence , et versolt involontaire- ment quelques larmes , comme si tout ce qu'il voyoit lui eût fait sentir davantage en- core son infériorité. Mais le même esprit qui l'avoit porté à quitter son pays pour y revenir ensuite avec des connoissances pro- près à y répandre l'instruction , et y rappor- ter des arts qui pussent rendre les liabitans plus policés ^ ne tardoit pas à être réveillé en lui par le besoin de satisfaire sa curiosité» Il fit bientôt preuve d'une intelligence peu ordinaire en marquant très - bien , quand l'occasion s'en présentoit , la différence en- tre les hommes des diverses nations de l'Eu- rope , et ceux qui appartenoient à l'Angle- terre, Ces derniers , il avoit coutume de les nommer les hommes de Britannee. Il ne voyoit les Chinois qu'avec une répugnance qui approchoit de l'extrême aversion. Leur tête chauve, leurs narines larges et ouver- tes, leurs traits insignifians, tout lui avoit donné le plus souverain mépris pour eux. On peut croire que ce sentiment qui domi- noit che^i lui , augtnentoit la dignité natu- rellement répandue dans toute sa personne. ( 226' ) itSS. PeLit-elre. est-ce à cela qu'il faut attribuer le Janvier, respect dbuC les Chinois parolssolent péné- trés nour lui toutes les i'ois qu'il se trouvoit au milieu d'eux, et l'empressement avec le- quel cette ïuultltude timide hii ouvroit le passage dès qu'ils le voy oient arriver. Tianna avoit à-peu- près trente-deux ans. il étoit d'une lallie d'environ six pieds cinq, pouces. Ses membres robustes annonçoient une force d'Hcicule. Sa déniarciie étoit rem- plie de dignité ; et, comme ii avoit éié, de bonne héure^ accoutumé à recevoir dans son . pays les homma^i^es dus au rang élevé qu'il y occupoit, on admirolt en lui un air de dis- tinction dr,3jt^ sans doute , il n''avolt rien perdu en adoj)tauL les manières européennes. Il n'étoit pas plus gêné dans riiablllement d'Europe que; s'il eut toujours vécu dans cette partie du monde. ISion - seulement il savoit très -bien le porter, et en connoissoit les diverses parties ; mais encore , il mettoit ses soins à é're, dans toute sa personne^ d'une propreté et d'une recherche la plus étudiée. On s'appercevoit^ ceptnidant ^ de temps à autre , du retour de ses habitudes naturelles. Il avoit la foiblesse de penser quelquefois à l'état dans lequel il étoit né ; ( 227 ) et ce souvenir (]ui occupoit son esprit , en ^7^^. retardoit nécessairement les progrès. On ne J^^vicr. put réussir à lui faire connoître la valeur de notre monnoie courante ; et lorscju'il avoit besoin d'acheter quelque chose j il offroit ingénument du fer en retour. Ce métal , le plus précieux de tous à ses yeux , lui paroissoit devoir être le moyen naturel d'échange pour toutes les autres nations. Le soin de reconduire Tianna dans son pays eut beaucoup de part aux arrangemens du voyage qui précéda le nôtre. Son projet, comme son inclination , étoit d'arriver jus- qu'en Angleterre. Le capitaine Churchill , qui commandoit le Walpols , vaisseau de la comoaîïnie des Indes orientales , lui avoit offert , avec toute la grâce possible , de le prendre sous sa protection. Tianna n'auroit pu , sans doute , trouver un meilleur appui. Mais le confier aux soins d'un autre, l'en- voyer dans un pays qui ne lui auroit peut- êtie présenté , par la suite, aucune occasion de retourner dans le sien , c'étoit un parti que SCS amis ne pou voient pas facilement concilier avec leur tendresse pour lui. Nous regardions déià comme un acte irréfléchi la permission que nous lui avions donnée dcî ( 228 ) j gg quitter Atool. On décida aujourd'hui rju'il Janvier, y retourneroit , sinon, beaucoup plus heu- reux qu'avant son départ, au moins posses- seur de plus de trésors que son cœur simple n'en eût jamais pu espérer. Mais de tous les objets qui Ibrm oient sa richesse , celui qui charmoit le plus son imagination , étoit un portrait de lui-même , peint par Spoi- hun , célèbre artiste de Chine , et ^ peut-être^ le seul de son genre dans toute l'étendue de ce vaste Empire. Le peintre y avoit fidèle- ment exprimé tous les traits de sa physiono- mie t mais il s'étoit surpassé lui-même dans le talent avec lequel il avoit rendu les grâces répandues sur la figure de l'Indien, La sur- prise de Tianna , à mesure que l'ouvrage avançoit, étoit extrême, et il la manifes- toit de diverses manières. Il sembloit qu'elle changeât d'expression à chaque coup de pin- ceau. Lorsque ce portrait lui fut présenté , il le reçut avec un air de solemnité qui frappa tous les assistans , et se livrant bien- tôt à une agitation dans laquelle nous ne l'avions jamais vu encore, il nous entretînt de l'affreuse catastrophe qui avoit enlevé au monde le capitaine Cook. Il nous apprit, pour la première fois , qu'une guerre ter- ( 229 ) rlb'e s'étoît engagée dans les îles , à Tocca- 178S. sion. d'une peinture qu'il disoit être le por- Janvier. trait de ce grand homme , et qui étoit resté à un de leurs chefs les plus puissans. Il ajouta qu'on regarde it , parmi eux , cette peinture comme sacrée , leur vénération pour elle étant le seul moyen qu'ils eussent de témoigner leur douleur de la mort fu- neste du héros qu'elle représentoit. On me permettra , sans doute , ici une courte digression pour faire connoître que ^ pendant notre premier séjour parmi ces in- sulaires ( 1 ) ^ nous eûmes mille occasions d'apprécier leurs sentimens sur le triste sort du capitaine Cook. Nous avons tout lieu de croire que ces habitans des mers les plus éloignées de nous, donnèrent aussi des lar- mes sincères à un événement qui jetta la " douleur dans toute l'Europe. Il est impossi- ble de se faire une idée du nombre de ceux d'en tr 'eux qui se press oient autour du vais- seau pour obtenir la permission d'aller en Britaiinee , vers les amis de leur cher et (1) Il en a été rendu compte dans le premier voyage ^ui sert d'introduction à celui -ri. Idiote de rAitteur., P3 ( ^3o ) T7S5. bien -aimé Cook. Ils pieu roîent , ils nous Janvier, supplioient avec des instances capables de gagner les cœurs les moins disposés ^ d'a- bord , en leur faveur. Les chefs , à Tenvi , rxons combloient de prësens. La foule les empêclioit d'approcher du vaisseau. Pendant long-temps, on les entendit crier de tontes parts, et avec des vociférations terr^'>'es , Brhajinee ^ Brhannee ; et j/essaierois en vain de peindre le silence de leur douleur,, lorsqu'on sut parmi eux que Tianna , prince d'Atooi, étoit le seul choisi pour avoir l'hon- neur tant désiré d^ partir avec nous. Avant notre départ , Taheo , roi de cette île , nous rendit une visite , accompagné de tous ses. chefs. Comme ces insulaires croyoient que les coramandans de chacun des vaisseaux européens qui arrivoient à leurs îles depuis la mort du capitaine Cook , étoient les enfans de cej^ illustre navigateur, ils déploroient ce triste événement avec les signes de la plus vive douleur. Chacun d'eux s'empressoit de protester de son innocenceo. Ils se réunissoient ensuite pour peindre la passion qui les avoit portés à commettre le meurtre affreux qui devoit être pour eux îin sujet éternel de repentir. Leur aiïUction, ( 23l ) SjOTitolent - ils , étolt le cliatiment que leur tySè. îrifligeolent les Dieux irrités. Après ces dé- Janvier, clarations , et beaucoup d'auti'es semblables , ils renouvellèrent les assurances de l'amitié qu'ils nou5 chargeoieiit de porter en Bii^ tannée ^ et partirent. Je ne dou'e pas que les navigateurs auxquels il arriveroit, par la suite, de se trouver arrêtés près de ces îles, n'y trouvassent un asyle sûr, et un accueil amical. Les autres naturels des îles Sand^YÎcli et d'Amérique que nous reçûmes à bord , avoient été amenés en Chine sxijc différens vaisseaux, plutôt comme objets de curiosité, que pour recevoir de ^instruction , ou pour servir à Tintérêt du commerce. Ils consis- toient en une femme de l'île à.'0\vyhee , nommée Wince, dont la santé étoit mau- vaise et dépérissoit de jour en jour ; un homme très-vigoureux et un jeune gnrçon de l'île de Mo\^ee ^ et un naturel de Ventrée du PlOÎ George, Mais les compatriotes de ce dernier étoient d'une nature si sauvage , que c'eût été un essai absolument inutile que de le charger de reporter parmi eux les divers avantages que nous réservions aux autres insulaires. P4 ( 5î32 ) 1788. On embarqua à bord de chaque vaisseau Janvier, six vaches et t]*ois taureaux , quatre veaux , une certaine quantité de boucs , de dindons et de lapins , avec plusieurs paires de pi- geons et d'autres provisions en abondance, Kous ne pûmes , malheureusement pas , nous procurer alors quelques moutons. Mais nous achetâmes plusieurs limonniers et orangers que nous destinions four l'île d'Atooi, dont le prince souverain, Taheo, ëtoit assez puis* sant pour se maintenir en possession d'une si précieuse propriété. Si nous avions eu le bonheur de pouvoir débarquer toute la car- gaison préparée pour les îles Sandwich, elles seroient certainement devenues l'endroit de toute la mer Pacifique du Nord , le, plus propre à fournir des rafraîchissemens aux navigateurs. Quoiqu'il en soit , si l'on s'oc- cupe sérieusement du commerce d'Améri- que , on recueillera des avantages CQnsidé- yables, même de cette partie de notre projet que nous pûmes exécuter. Dimanche Sur le soir du 22 janvier , les deux vais- ^^* « seaux levèrent l'ancre pour quitter le Typa j, et s'avancer en mer. Mais elle calma bientôt après , et le montant de la marée portant contre nous , le signal fut donné pour mettra ( 233 ) à l'ancre. Nous mouillâmes donc dans la 1788. rade , à six brasses , sur un fond de vase Janvier, molle. \J Iphi génie se trouvant dans le plus fort de la marée , fut chassée bien loin au- delà de la rade, et alla mouiller à deux milles en arrière de notre vaisseau. Nousy trouvâmes à l'ancre VArgyleshire ^ fort vais- seau anglois , du port d'environ six ou sept •cents tonneaux , chargé pour le Bengale. Ce vaisseau périt depuis malheureusement dans son passage du Bengale à la Chine , et l'on a tout lieu de présumer que les per- ^ sonnes de l'équipage périrent avec lui. Jaqvi«r. ( a34 ) CHAPITRE II. iL*Iphîgénie a son mât de misaine rompu. -^-^Passage aux Philippines, — Naviga- tion le lonr de la côte de Luconie, — Passage à Vile des Boucs ^ aux îles de Lui? an y à rtle de JVlindoro y et aux Ca* lamines. — JLe scorbut fait de cruels ra^ vages à bord de /'Iphigénie. — Passage à Pile de Pana.y, — Révolte de Péqui' page de la Felice. i-2. dimanche J^j^yip^ON sur les neuf heures du soîr, îl s'éleva une brise de sud-est qui nous déter- mina , malgré qu'elle nous fût directement contraire ^ à remettre à la mer. On donna donc à V Iphigénie le signal d'appareiller. Vers dix heures, nons fûmes sous voiles, par un vent léger et variable du midi. Nous continuâmes de porter vers le grand La^ drone jusqu'à minuit. Nous eûmes alors une brume très-épaisse qui nous força de dimi- î?uer de voiles pour X Iphigénie ^s\p^\ se trou- ( =35 ) voit consldéraMement en arrière de notre 1788. vaisseau. La soiulc rapportoit régulièrement Janvier, de quatre à six brasses , fond de vase molle. Nous perdîmes alors de vue Y Argyleshire qui leva aussi l'ancre, et avança au sud» ouest. Dans la matinée du 20 , non s eûmes une Lundi brume épaisse ; et, dans la nuit , nous avions 23* perdu de vue Xlphigénïe, Le vent sauta à Test-nord -est, et cotnmença à fraîchir. Deux coups de canon furent tirés pour donner le signal à Vlphigénle d'amurer les voiles de bâbord , et de porter au sud -est. A rnidi^le. vent s'éclaircit , et nous appercûmes Vlphi- génie à vorn^ lieiie environ sous le vent de notre vaisseau. Pendant la nuit , nous ne cessâmes de tirer du canon , et de battre les gongs ( 1 ) , afin qu'elle pût juger de notre situation. D'après une observation , notre Lititude nord étoit de ao degrés 54 minutes, »ll ■ »■■ ■! ■ I ■■ I ■«■Il l.l ■ . 11^— 1 (1) Un i^'-OTz^ chinois ressemble assez à un crible. Il est iait du mélange de differens métaux. On s'en sert, comme de sonnettes dans les jonques chinoises. Frap- pés avec un maillet de bois , ils rendent un bruie sourd , mais sonore. NotG de V Auteur. ( 236 ) jy£^^ et notre longitude Est de ii4 degrés 2^4 mî- Janvier. nutes. La partie sud • ouest des bancs dç sable de Frata nous restoit , dans la direc- tion de sud , au 'jZ^ degré Est , à distance de 40 lieues , et le cap Bolinou , aussi dans la direction de sud", au 5oe degré Est, dis- tance de 419 milles. Comme notre intention étoit de ranger la côte de Lucorùe, tout- à fait au vent, nous résolûmes de nous tenir le plus possible à l'est , craignant d'éprouver des courans de sud , dans cette saison de l'année. Nous pré- férâmes naviguer le long de la côte de Lu^ co7iie , à ranger celle de Mindoro ou des Calamines ^ ces dernières îles étant environ- nées de bas-fonds , de rochers , et de por- tions d'îles qui rendent la navigation extrê- mement dangereuse , et exigent les plus grandes précautions pour les vaisseaux dans un Archipel d'une aussi vaste étendue. Les cartes que M. Dalrymple nous a données de ces mers , sont , sans doute , très - exactes : mais elles ont été dressées sur une échelle si réduite , et tracées à si petits points , que l'utilité dont elles dévoient être pour la na- vigation se trouve beaucoup diminuée. En suivant cette route , nous espérions avoir un. ( 207 ) temps moins orageux , la côte de "Luconie i^gg, devant , en quelque sorte , nous servir d'abri. Janvier, Nous nous flattions encore de pouvoir nous tirer de plusieurs bas-Fonds très-dangereux qui gisent à quelque distance de la côte , et se trouvent , à dire vrai , dispersés par toutes ces mers. Nous continuâmes d'avancer au sud-est^ Mercredi jusqu'au 2<5. Le temps étoit obscur et triste. ^î' Les vents souffloient avec violence d'est- nord -est, et de nord - est - quart -est. Nous avions^ en outre , une mer très-grosse. La latitude nord, à midi , étoit de 18 degrés ; la longitude Est, de 117 degrés 1 minute. Le bas-fond du Maroona méridional nous res- toit au nord^ par les ôi^ degrés de longi- tude Est , à 49 lieues de distance ; et le cap Bolinou, par les 61^ degrés de longitude Est y à la distance de 6j lieues. Le vaisseau VIphi génie étoit un mauvais voilier en comparaison de la Felice. Aussi étions-nous sans cesse obligés de diminuer de voiles à cause de lui. Nous résolûmes de nous débarrasser d'une paxeille gène ^ en nous séparant d'avec ce vaisseau ^ et en fai- sant toute la diligence possible, dès que nous serions sortis de la mer de Sooloo. ( 238 ) tyîÈ. Dans la soirée , nous nous parlâmes cVun Janvier, yaisseau à l'autre. Le capitaine Douglas qui commandoit V Iphigénie nous apprit que , dans les derniers mauvais temps que nous avions eus , son vaisseau avoit fait une voie d'eau par dessus le cuivre , ce qui l'obligeoit de tenir sans cesse une des pompes en ac- tivité , mais qu'il espéroit l'étancher au pre- mier moment favorable. Cet accident nous causa une vive inc[uiétude. De tels événe- mens ont pour elTet de jetter le décourage- Hient dans l'ame des matelots. Quelque soit leur intrépidité , ils sont très-sujets à se lais- ser abattre par les présages superstitieux, les plus ridicules et les plus extravagans. Quand ce malheur leur arrive dans le coin- mencement d'un voyage , il influe souvent sur leurs esprits et sur leur conduite pen- dant toute la route , quelque longue qu'elle puisse être. Les Chinois de notre, équipage se trou- vèrent très-attaqués du mal de mer. Ce fut un événement bien fâcheux pour nous. Le roulis continuel et les mouvemens du vais- seau causèrent aussi aux bestiaux une espèce de langueur. Il nous parut impossible de les conserver tous. Nous manquions , d'ail- ( ^39 ) leurs , de la nourriture nécessaire pour Té- T78S, quipage, et il y avoit à bord une beaucoup Janvier, plus grande c|uantité de ces animaux qu'il n'en falloit réellement pour les îles aux- quelles nous les destinions. Ces motifs nous déterminèrent à les tuer tous ^ à l'exception de deux vaches, un taureau, et un veau qu'on pourroit dérober aux besoins du voyage , et réserver pour le lieu de leur destination. En conséquence , on en tua d'abord deux. On en servit la viande fraîche avec de l'orga aux gens de l'équipage, pour qui ce fut un mets très restaurant. Dans la soirée, le vent souffla avec vio- lence , et nous eûmes Une grosse mer. Nous continuâmes de porter au sud-est , dans l'es- pérance de pouvoir doubler le bas-fond àa Maroona septentrional, dont la position-^' suivant M. Dalrymple , est fort incertaine. Nous nous tînmes donc en observation le' mieux qu'il nous fut possible. A cinq heures^ nous eûmes une alarme.- U Iphigénie lit signal d'incommodité ; mais , - en même temps , il ne paroissoit pas qu'elle eût besoin d'un prompt secours. Cependant, nous portâmes sur elle à l'instant , et arri- vâmes assez près pour communiquer avec ( Mo ) f^SS. réquipage. Le capitaine Douglas nous ap- Jaavier. prit que son mât de misaine a voit consenti d'une manière si inquiétante qu'il étoit né- cessaire de prendre sur le champ quelque moyen pour l'assurer. Mais la mer devint si grosse , et le vent souffla au même mo- ment avec tant de furi€ , que nous ne pûmes Itii donner aucun secours. Nous diminuâmes de voiles aussitôt; et, avant la nuit , Vlphl" génie enl sujf le pont son petit mât de hune, et son mât de perroquet. Le inât de misaine étoit entièrement dëgréé. Il devint alors d'une nécessité absolue pour nous de nous tenir sous voiles le plus ■DÇxss\h\Q,Tu!Jphigé7iie étoit en état de con- server son grand hunier , sa grande voile , et son mât d'artimon. Pour rendre ces voiles propres à servir au moins pendant la nuit , nous dirigeâmes notre route sur deux airs de vent qui nous laissoient espérer de pou- "voir àoxùÀQvYe Maroo7ia septentrional. Nous n'étions inême pas certains de conserver assez de vent pour doubler le Marooîia mé- ^ ridional q.u'on représente comme très-dan- gereux , et dont la situation n'est pas mieux déterminée que celle du bas-fond septen- trional qui porte le même woin. Le vent souffla ( 24l ) Souffla avec violence pendanî toute la nuit , 1788. 'et V Iphîgénie nous parut souffrir beaucoup. Janvier-," Il ne pouvoit, en vérité, no>;s arriver rien de plus malheureux. Le temps auquel îîous nous trouvions exposés étoit loit à redouter. L'état de délabrement du mat de l'i^Â/V^'/zzV augmentoit beaucoup nos crain- tes : car, en cas de nouvel accident , nous ^iie connoissions pas de port allié où nous pussions le réparer, plus proche que Bata- via. Chassés , comme nous Tétions , par toutes ces mers , et environnés de dano;ereux: ëcueils , notre situation n'offroit rien qjie de triste et d'alarmant. Il nous étoit impos- 'siblè de découvrh' la terre ; nous nous serions jettes dans une situation qui au- 'roit augmenté les dangers de Ylphigéjiîe ; quant à l'abandonner dans une si lâcheuse détresse, c'est ôè dont nous n'avions pas "'feu un. seul rnoment l'idée. Eri outre , nouis n'étions pas sans quelques craintes d'être poussés trop loin vers le midi , ce qui nousauroit mis dans rimpossil)ilité absolue de nous tenir à portée de la côte de Lzico- 7iie ^ de JMif^doro , ou des Calamines. Dans ce cas , au lieu de passer par la mer de Tome /. Q (242) 1788. Sooloo , nous aurions été obligés de prendre Janvier, notre course à travers les détroits de la Sonde ^ et de gagner la mer Pacifique du Nord par les détroits de Macassar. Nous étions , après tout , fort incertains si nous prendrions cette route , ou si , en doublant lextrêmité sud-est de la Nouvelle-Hollande, nous ne trouverions pas le passage des dé* trolts d'Endeavour. Il est aisé de se figurer l'inquiétude que nous faisoit éprouver la triste perspective de la navigation qu'exi- geoit un pareil circuit. Jeudi ^'^ temps ne s'adoucit pas jusqu'au 26 à 26. midi. La latitude nord étoit alors de 17 de- grés 5 minutes, et la longitude Est de 118 degrés. L'extrémité sud-ouest du Maroona septentrional nous restoit dans la direction de sud-est , à la distance de 3o lieues. Nous continuâmes de porter vers elle pendant la nuit. Nous faisions de la voile autant que VIphigénie pouvolt le permettre , et de- sirions vivement envoyer une chaloupe à ce vaisseau. Mais, tout-à-coup, le temps de- vint plus orageux que jamais , de sorte que nous ne pûmes envoyer à son secours ni cbarpentiers ni planches. On avoit dressé ( 243 ) un ëcliafaud autour de son mât de Tavant; lygg, mais une grosse mer nous iît craindre Janvier; davantage que sa situation n'empirât. Ce jour^ on tua encore un des animaux pour les besoins de l'équipage. Le roulis des vaisseaux et leur balancement continuel nous faisoient désespérer d'en pouvoir sau- ver un seul. Deux des plus beaux boucs avoient été écrasés dans un de ces violens mouvemens. Pendant la nuit , le vent souffla avec force , et la mer continua d'être très- grosse. Nous gouvernions toujours au sud- est , mettant souvent en panne à cause de V Iphigénie y qui ne faisoit que très-foible- ment de la voile. Ce temps si contraire dura jusqu'au 37, à Vendredi midi. La latitude nord étoit de 16 degrés *7« 20 minutes, et la longitude Est de 119 de- grés 12 minutes. La variété des courans que nous éprouvions ne permettoit pas de faire des observations bien sûres. Le vent avoit sauté au nord , et nous portâmes à Test-sud- est , proportionnant notre navigation à celle de Xlphlgéïiie. Nous craignions beaucoup qu'un courant d'est ne nous poussât à l'ouest, en ce que notre latitude nord étoit de 16 degrés ao minutes , et que nous ne voyions ( M4 ) îyS^. rien qui ressemblât à des bas-fonds. Commô Janvier. '^[ j^g nous parut pas possible que nous fus- sions à l'est du. Afaroona , nous fûmes obli- gés de serrer le vent à l'est , autant que le courant d'une mer très • grosse pouvoit le permettre. Dans la soirée , nous parlâmes avec le ca- pitaine Douglas, qui m'informa que le haut de son mât de misaine étoit entièrement pourri , et que les charpentiers avolent beaucoup de peine à l'assurer contre la vio- lence d'une mer si grosse. Nous eûmes pour- tant, avant la nuit ^ la satisfaction de voir la hune de misaine de V Iphigéiûe rétablie^ ainsi que ses manœuvres basses , de sorte que la crainte que nous avions eue d'être chassés au midi de Mindoro se dissipa en grande partie . Il fut cependant reconnu , d'après la vaste étendne de mers que nous avions à traver- ser, Q^Q^Iphigéiûe Q.KyViVO\l de trop grands risques dans l'état où elle se trouvoit, pour s'exposer à un tel passage sans que son mât fût parfaitement rétabli, et qu'il valoit mieux, s'il étoit déclaré incapable de servir, le rem- placer par un autre. On convint donc que les charpentiers i'examineroient au premier ( M5 ) moment favorable. Il ë;oit absolument in- ,78g. dispensabie de déterminer un lieu où Ton Janvier; pût faire les réparations qu'ils auroient jno-^ nécessaires. L'établissement espa<^n(>l de Samôomgrm , à rextrémiié méridionale de Magîndaiiao , fut regardé comme le plus convenable ; et quoique nons en eussions à peine entendu parler, et qu'il fût plus que douteux que les Espagnols nous accordas- sent rhospitaiité , la nécessité nous força à prendre ce parti plutôt que d'avancer jus- qu'à Batavia ^ ou de nous exposer sur la côte de la Nouvelle-Hollande. Dans la soirée de ce jour^ nans vîmes xine grande quantité de bois flottant, et de cette herbe que l'eau détache des rochers , ce qui nous fit craindre de tomber dans quel- ques bas-fonds. Le samedi 28, au matin , on distingua c i. VA, 1 7- . . Ail, ° Samedi 1 ne de Lucome par le mat de 1 avant, res- 28. tant de l'est-nord-est à l'est-sudest, à la dis- tance de 11 ou i4 lieues. Elle paroissoit très-haute et remplie de montagnes. A me- sure que nous approchions de la terre , le temps devenoit plus calme et plus beau , et la mer s'appaisa entièrement. U Iphi génie avoit rét^li son petit mât de hune. Une 0 3 ( M6 ) ïtSS. observation faite à midi donna l6 degrés Janvier, x6 minutes de latitude nord ; de sorte que , pendant les dernières vingt-quatre heures , nous avions éprouvé un fort courant de nord. Rien ne prouve mieux les dangers de là navigation dans les mers de Chine ^ que la variété des courans contraires que nous éprouvâmes en si peu de temps. On a ob- servé généralement que , pendant la plus grande partie de la mousson de nord-est, il y a un courant de nord le long de la côte de Luconie jusqu'au cap Bolinou, En cet endroit les eaux qui se précipitent à travers les détroits formant le passage entre For- mosay cette île et les Babuyanes ^ arrêtent ce courant et le font tourner dans la mer de Chine où il reçoit une direction de sud , à la distance de 1 5 ou 20 lieues de la côte de Luconie. A toutes les époques de la mousson de nord-est , les courans portent avec violence au midi dans ces mers, excepté près de Luconie. Mais leur cours devient beaucoup plus rapide à 00 ou 4° lieues des bords de cette île qu'à la hauteur de la côte de Chine ; ce qu'on peut attribuer à la jonction des ]}/i\i i/c /il Tcnr (/(Ui,i /('.i lies Plnlippincs, au J}/t/ t/c Mauilla eaux qui coulent à travers les détroits de 17s?, huconie , et de celles qui passent entre la Janvier. Chine et Formosa, Des vaisseaux charges pour la Chine pourroient , sur la fin de la saison , profiter de ces courans pour attein- dre le cap Bolinou y et y trouver un passage facile et sûr ouvert jusqu'à Canton. Il peut être certainement très-avantageux de ranger la côte de Luconie : car, outre ce courant de nord si favorable , le temps est ordinai- rement très - beau. Par fois , les vents sont variables. Dans le plus fort de la mousson de nord - est , on a vu quelquefois souiller un vent violent de sud-est. Comme notre crainte d'être chassés vers le midi n'avoit fait qu'augmenter , nous éprouvâmes à pouvoir ainsi nous tenir près de la terre , une satisfaction dont il est aisé de se faire une idée. Sur le soir du même jour, nous eûmes calme tout plat : mais vers les neuf heures^ il s'éleva une brise de sud* ouest , qui nous engagea à virer vent de- vant bord à terre pour la nuit : pendant la plus grande partie du temps nous apper- çûmes plusieurs feux qui restèrent allu- més. Nous étions à six ou sept lieues de la terre. Q4 ( ^48 ) jySS. Le dimanche 29^ dans la matinée, la terrô Janvier, nous restoit de nord-nord-est à sud-sud-est. Dimanche à distance d'environ six lieues. Elle nous ^9' paroissoit remplie de montagnes , et cou- verte de bois , excepté en quelques endroits détachés , sur la pente des montagnes. Ou voyoit de grosses colonnes de fumée s'éle- ver de l'intérieur des hauteurs qu'on apper- cevoit, ce qui annonçolt la population. La latitude nord , à midi, étoit de i5 degrés 52 minutes. Le soir, et pendant la nuit, nous continuâmes de courir sur la terre ; mais, avec cent cinquante brasses de ligne de sonde , nous ne pûmes trouver de fond. Lundi -^^ terre s'étendoit de nord-quart-norJ- 3°- est au nord-est-quart est. Elle étoit à environ six lieues de nous. Nous nous tînmes dans, celte distance , portant lo long du rivac^e aa FAid et à l'est ; on se trouvoit à i5 degrés 39 minules de latitude nord , selon l'obser- vation. Abrités , pour ainsi dire, par la terre , nous avions un temps extrêmement doux et agréable ; la njer étoit d'un calme peu ordinaire, et nos yeux n'appercevoient qu'un pays élevé , montagneux, et couvert de bois. A la nuit , le vent fraîchit de l'ouest , çt ( 249 ) noils portâmes au sud- quart-est pour recon- i^gg. iioitre Vite des Boucs ( Goat ïslarid ) ; ce qui Janvier, exigeoit des observations fort attentives à cause de quelques bas-fonds qu'on assure être placés au nord de cette île. Le 3i , vers huit heures du matin , on Mardi apperçut Vile des Boucs 'gisant au nord- V-* est-quai t~nord , à la distance d'environ six iieues. La côte de Luconie nous restoit, ent cette position.;, de nord-quart-ouest au sud- est , à 14 lieues de distance. D'après une observation faite à midi , la latitude îiord, étoit de i3 degrés 4^ minutes. JJÎIe des Boucs nous parut d'une éléva- tion médiocre , et bien boisée. Mais nous ne vîmes absolument rien qui annonçât: qu'elle fût habitée. Les îles Luhaii étoient de véritables montagnes , couvertes de bois. Elles sont représentées dans les cartes espa- gnoles comme joignant à Vile des Boucs par des bas -fonds. Nous ne pûmes cependant découvrir un seul endroit où l'eau lût in- terrompue^ ni trouver un fond avec cent cinquante brasses de ligne de sonde. Nous profitâmes du temps favorable dont nous jouissions alors pour mettre les vais- seaux en état de défense. En conséquence,. ( 25o ) j gg; OH monta les canons. On les remplît de Ta JaBvier. quantité de poudre suffisante ; on fit, en un niot, tontes les autres dispositionV, néces- saires , ces mers étant infestées d'un nom- bre prodigieux de pirates. Deux vaisseaux très-beaux avoient été pris récemment par eux. L'un d'eux étoit le May^ du port de 3oo tonneaux et de Bo pièces de canon. Il étoit parti du Bengale pour venir f'aije le commerce à la côte de Bornéo. 6e lut par les Malais qu'on sut en général qu'il avoit été détruit. Aucune personne du vaisseau ne s'étoit sauvée pour raconter les détails. Plusieurs autres vaisseaux ont échappé de bien près à la perte qui les menaçoit. Il est rare, pour dire le vrai, qu'il se passe une seule année sans qu'il arrive quelque mal- heur semblable. Les Fros (i) sortent en si grand nombre de Magindanao et de Sooloo qu'il devient dangereux pour un vaisseau trop foible de faire voiles dans ces mers. Ces Fros portent cent , et quelquefois cent Il I ^mmmmÊmmc ■ — il ■ ■ ■ f ■■ «i. riiii.n1 (i) Ce sont de petits bâtimeiis montés par des cor- saires , et qui inquiètent continuellement les vaisseaux ^aus seç mei«. "Note du Traducteur* ( 251 ) Cinquante liommes bien armés , et , pour 178S. l'ordinaire, des pièces de canon de six à Janvier, douze livres de balles. Sitôt qu'un vaisseau est pris par ces corsaires , ils y font un car- nage horrible , et eniinènent en esclavage le petit nombre des infortunés qui survi- vent , sans qu'ils puissent espérer d'être jamais rachetés. Des flottes de trente ou quarante de ces Pî'os croisent dans les mers : quelquefois même , on en a vu jusqu'à cent ; et quoique nous ne craignissions guère qu'ils osassent attaquer deux vaisseaux , c'eût été pourtant de notre part une négligence 'im- pardonnable de ne pas nous préparer à tous les événcmcns. Nous profitâmes aussi du moment favorable pour faire la revue des mâts de Vlphlgénie ,et pour lui donner tous les articles dont nous savions qu'elle avoit besoin , afin de la mettre sur un pied de défense respectable. Nous lui envoyâmes deux pièces de canon de plus, avec une quantité proportionnée de poudre , de balles, et d'autres munitions. Nous reçûmes en retour une bonne provision de charbon pour les forges , et plusieurs autres articles également nécessaires. De nouveaux motifs nous faisoient chaque ( 252 ) 17SS. jour sentir la nécessité d'une séparation Janvier, pour les vaisseaux , dès que nous serions sortis de ces mers dangereuses. La Felice ^ en accompagnant Vlphigénie ^ beaucoup moins en état qu'elle de soutenir la naviga- tion, se seroit trouvée singulièrement retar- dée dans son voyage. Ce motif, eût-il été le seul , auroit suffi ; car il étoit de la der- nière importance pour nous de faire toute la diligence possible pour arriver à temps à la cote d'Amérique. Dans la soirée , les charpentiers revinrent de VIpJùgéniey et rapportèrent que son mât étoit , à tous égards , hors d'état de suffire an voyage. Ils doutaient même qu'il pût la conduire juso^uk Samdoingan. Le haut étoit entièrement pourri , et soutenu par des jot- tereaux : on y avoit , cependant , mis de bonnes jumelles qu'on rousta d'une manière N sûre. Au coucher du soleil, on découvrit l'île de Mindoro. Elle nous restoit au sud-est- quart-est, à la distance de lo lieues. Le vent souffloit avec violence de l'est ; il descen- doit en raffales précipitées des hautes mon- tagnes de Lubun, Pendant la nuit ;, nous, forçâmes de voiles pour arriver sous la cOtQ ( 353 ) de Mindoro, Le vent souiïloit constamment 178^. de l'est, au point que nous commençâmes Janvier, à craindre de nous trouver embarrassés dans les îles appellées Its Calamines , qui , non- seulement sont en grand nombre^ mais en- core présentent d'affreux dangers. Les hu- niers furent risés , et nous fîmes de la voile autant qu'il nous fut possible,, de sorte que nous arrivâmes heureusement sous l'île de Mindoro vers minuit. Le temps devint alors orageux ; et, comme il y eût eu de l'impru- dence à avancer par des ténèbres épaisses sur une côte inconnue , on donna le signal à V Iphigénie de courir en avant sur son ancre, ce que nous exécutâmes sur le champ nous-mêmes. Mais elle avoit fait force de voiles au plus près du vent , et nous ne pou- vions déjà plus l'appercevoir ^ quoiqu'elle eût répondu à notre signal. Pendant la nuit , le vent souffla avec violence. Nous fûmes sans cesse occupés à sonder , mais cent brasses de ligne ne nous rapportèrent point de fond. Les habitans ne se contentoient pas d'entretenir des feux continuels ^ en très- grand nombre , sur le rivage ; ils en avoient allumés jusques sur le sommet des monta- gnes. { ^H ) ,78g. Le premier février, à la pointe du jour; Février, nous occupions absolument la même posi- Mcrcredi ^^^^ 4"^ ^^^^^ ^^ "^"^ étions , lorsque notre I. vaisseau avoit couru en avant sur son ancre pendant la nuit. \J Iphîgénie étoit à près de quatre lieues en avant. Mais nous fîmes de la voile, et l'atteignîmes vers midi. Notre latitude nord étoit de 12 degrés 59 minutes^ L'île de Miîidoro nous restoit au sud-est- quart-est , à six lieues de' distance. Au coucher du soleil , l'île de Mindoro nous restoit de nord- quart-est ^ mi- est , au sud-est-quart-est , mi-est. Nous étions envi- ron à six lieues de distance du rivage. Dans la nuit , le temps fut , comme à l'ordinaire , très-orageux ; et nous éprouvâmes un fort courant qui occasionna une telle agitation de la mer que nous craignîmes pour nos mâts et pour nos vergues. Vers la fin du ' jour , nous diminuâmes de voiles , et nous tînmes attentivement en observation à cause des bas-fonds qui gisent entre Mindoro et les Calamines. Pour nous en tirer , nous serrâmes la terre sous le rivage de la pre- mière de ces îles. On donne trois lieues de largeur au canal qui se trouve entre Min- doro et ces bas-fonds. Les feux nous parurent en plus grand nombre sur le pencliant des j-g^^ montagnes , et restèrent allumes toute la Février, nuit. Le jeudi 2 ^ à neuf heures du malin , nous jeudi apperçûmes les îles Calamines , restant de 2. sud -ouest au sud -est, à seize ou dix-sept lieues de distance. Le temps a voit aussi changé , et promettoit d'être phis favorable. Il devint calme et agréable. Nous nous fé- licitâmes beaucoup d'entrer dans ce canal. Eli effet , les vents qui souifloient avec vio- lence de l'est auroient pu nous chasser au midi et à l'ouest des Calamines ^ ce qui nous eût forcés d'avancer le long de la côte deP^- lawan, et de rentrer dans la mer de Sooloo ^ si peu sûre en cette saison de Tannée. Nous eûmes alors l'avantage de pouvoir nous te- nir près de la côte des Philippines, tant que les vents le permirent : mais nous éprouvâmes quelque difficulté à conserver cette position , à cause des vents d'est et de nord-est qui ne cessoient de nous inquiéter, et qui nous obligèrent de forcer de voiles sans relâche. Le capitaine Douglas saisît cette occasion de me donner avis que le scorbut commen- coit à se déclarer sur son vaisseau. lie char- ( 256 ) rySS, pentîer , deux des quartiers - maîtres , et Février, quelques-uns de ses matelots en ëtoient déjà très-malades. Il se manifestoit chez d'autres des symptômes très- alarmans. Les jambes leur enfloient , et leurs gencives commen- çoient à pourrir. On leur prescrivit donc , 6ur le champ, un régime. L'ordre fut donné •de brasser continueiiement de la bière, qu'on leur servit en place de liqueurs fortes. Nous envoyâmes à bord de Y Iphigénie plusieurs corbeilles d'oranges. On sait combien la vertu de ce fruit est efficace pour la gué- rlson de cette maladie. On. eut recours sur le champ à tous les autres remèdes anti- scorbutiques pour étouffer dans sa naissance un mal affreux dont les progrès ne pou- rvoient être accompagnés que des suites les plus fâcheuses. Nous nous appercevions sensiblement de Taugmentation de la chaleur. Nous avions eu un froid glacial en quittant la Chine, et, tout d'un coup , le temps avoit passé d'une extrémité à l'autre . Un pareil changement, joint aux fortes rosées qui tomboient cha- que matin et chaque soir , étoit très- con- traire à ia santé. Nous fûmes néanmoins fort ( ^5j ) joit surpris que des hommes quî venoîent \yé. de quitter le rivage où ils avoient eu des Févrièk provisions fraîches et des végétaux en abon- dance, et qui n avoient pas goûté de viande salée pendant plusieurs mois, fussent atta- qués de si violens symptômes de scorbut, et cela dès le commencement du voyage. Ajoutez que nous apportions les plus grands soins dans la distribution des alimens. Les provisions salées étoient toujours bien trem- pées. On laisoit bouillir alternativement cha- que jour du riz et des pois. Les gens de i équipage déjeûnoient avec du thé et du^ sucre. Ils avoient de l'eau en ai3ondance , et on mettoit toute l'attention possible à en- tretenir la propreté parmi eux. Jamais on. ne leur permettoit de s'endormir sur lé pont, de peur qu'ils ne ressentissent quelqu^ef'fet funeste des rosées pernicieuses qui tom- ,boient matin et soir. Enfin , on ne laissoit point à leur disposition des liqueurs fortes en fermentation. Cette dernière précaution est de la plus grande importance pour tous Jes marins. Au reste , celles dont je viens de parier sont plus nécessaires encore l\ prendre , à 1 égard de ceux qui ont fait ^e feéquens voyages dans l'Inde , attendu que Tom.e /, j> ( 258 ) 1788. leur sang devient plus susceptible de s'en- Février, flammer , et d'éprouver les atteintes de ce terrible mal. Nous nous tînmes , pendant la nuit , sous les bords de Mindoro, Les voiles de hune avoient tous leurs ris pris ; et comme le temps étoit très-orageux , nous ne cessions de sonder. Mais nous ne pûmes trouver de fond avec cent brasses de ligne , quoique nous ne fussions qu'à quatre lieues de la terre. „ , ,. Le vendredi 3 , au matin ^ nous perdîmes Vendredi ^ ^ ^ 3. de vue l'île de Mbidoro , et 1 on apperçut a midi rîle de Panay , restant de nord-est- quart-est au sud-est , à neuf lieues de dis- tance. Le tem.ps étoit calme ; le vent souf- floit de nord -est. Notre latitude nord, à midi , étoit de 12 degrés 53 minutes. L'île de Miiidoro est d'une étendue con» sidérable. Nous ne lui trouvâmes , en quel- ques endroits , qu'une élévation médiocre ; en d'autres, elle nous parut très - monta- gneuse, et, presque par-tout , couverte de bois. Les nombreuses colonnes de fumée que nous vîmes s'élever tant des vallées que des montagnes pendant le jour, et les feux, qui ne cessoient d'éclairer la nuit , ne ( ^59 ) permettent pas de douter que la population 1789; ii'en s>^it très - considérable. Quelques en- ï évrier^ droits de l île que nous pûmes observer dis- tinctement nous parurent un séjour dé dé- lices. C'étoient des plaines d'une vaste éten- due, parées de la plus belle verdure, arro- sées par l'onde argentée des ruisseaux , et ornées de bosquets , le tout placé avec tant d'agrément, soit par l'art, soit par la na- ture, qu'il en résultoit des scèrics d'une beauté champêtre, dignes de ce qu'il y a de plus recherché dans la culture des jardins en Europe. Le jour suivant, hotis côtoyâmes l'île dé Panay, La latitude nord, à midi , étoit de 10 degrés 36 minutes. Nous ne nous trou- vions qu'à quatre miles de distance de la terre ,et, ce qui est fort extraordinaire, qua- tre-vingts brasses de ligne de sonde ne rap- portoient point de fond. On appercevoit un nombre infini de vill orelle. On ne peut que déplorer amèrement l'in- suffisance et l'inefficacité des loix sur la marine pour réprimer les excès des mate- lots à bord deo vaisseaux marchands. C'est une véritable lionte pour une nation, la première du monde par sa marine et par son commerce, d'avoir négligé si long-temps d'éiablir un code de loix pour contenir dans nne juste soumission les matelots des vais- seaux marchands, de même que ceux em^ ployés au service de la marine royale. Com- bien de vaisseaux n'ont dû leur perte qu'à la licence et aux excès des gens de l'équi- page ! Combien de voyages rendus infruc- tueux par la même cause ! Je ne vois pas cependant qu'on ait fait le moindre effort pour prévenir un mal si évidemment nui-, sible au commerce de notre pays. Chez d'au^ très nations , on a compris les vaisseaux marchanaô dans les loix générales établies pour la subordination dans le service mari- time. Il est réellement de la dernière im- portance pour l'Angleterre de suivre un sî salutaire exemple , et de former un code ^ I9U qui imissenî; avoir pour çiFçt de ( 263 ) contenir clans les bornes d'une sage dîsci- jyîj. pline cette classe d'hommes si nécessaire Février, au commerce, à la puissance et à la gloire de l'Empire Britannii^ue. R4 Février. ( ^H y CHAPITRE I I I. Maladie des naturels des îles Sandwichs ' — Mo ri de Winee. Son caractère , etc, ^-"^DestructioTi du bétail. — Iles de Ba- silan et de Magindaiiao — hes vaisseaux mettent à V ancre à la hauteur de la der* nière. — hes charpentiers sont envoyés à terre avec un détachement pour cou- per un mât, — Perte d'un Chinois. — Espagnols envoyés à bord pour compli" menter les vaisseaux. '— Les deux vais^ seaux sont amarrés à la hauteur du fort Caldera. — Conduite du gonverneur es- pagnol ;, etc. IN os amis àiO^yhee avoient cruellement souffert pendant la route à travers les mers de Chine. Dans ses soins assidus auprès de Winee , Tianna avoit gagné une grosse fiè- vre. Cette maladie, jointe à Tinquiétude qu'il éprouvoit sur son compte , le retint <ç[uelques jours au lit. Le naturel de Ventrée, % PI, XV. WINEE, .A^/Z/z/vv^ D'OAVHYHEE /'///ic c/cv //c\i Saiidwicli. ( 265 ) €ie Nootka, doué d'une constitution vigou- 17S8. reuse, supporta les incommodités du voy.ige Février, sans beaucoup se pkindre. Quant à la pau- vre malheureuse femme, elle ne justifia que trop les craintes que nous avions conçues à son sujet , et l'opinion où nous étions qu'elle ne reverroit jamais son pays ni ses amis. Elle dépérissoit de jour en jour, et il îie nous restoit plus qu'à lui adoucir le moment fatal d'une dissolution prochaine qu'il n'étoit pas au pouvoir des liommes de retarder. Nous ne manquâmes, on le croira sans doute, à aucune des attentions que l'humanité pouvoit suggérer, ni à rien de ce qui dépendoit de nos secours. Elle fut , pendant quelque temps, un spectre vivant. Enfin , le 5 février, au matin , elle expira. A midi, son corps fut confié à Ja mer pro- fonde. Nous pensâmes qu'il convenoit d'ho- norer les restes de cette infortunée par les cérémonies et les usages d'une religion qui ouvre ses bras à tous les hommes^ quelque soit la couleur de leur peau , et quelque climat qu'ils habitent, aux sauvages comme aux saints et aux philosophes. Tianna fut si affecté de sa mort que nous craignîmes ^ivement pendant quelque temps que la. ( 266 ) 1785. sensibilité qu'il ëprouvoit en cette occasion Février, n'altérât sa santé. Car il avoit cette extrême délicatesse de constitution qui distingue les chefs des gens du vulgaire , et qu'on re- marque particulièrement chez les hommes de haute taille dans son pays. Ainsi mourut Winee, naturelle à^Owyhee, l'une des îles Sandwich , qui possëdoit toutes les vertus qu'on ne troiive pas ordinaire- ment chez les femmes de sa classe dans le pays qui Tavoit vu naître. J'ajoute qu'elle avoit reçu de la nature une supériorité d'in- telligence qu'on ne s'attend pas à rencon- trer dans un esprit grossier et sans culture. Le lecteur n'apprendra peut-être pas sans intérêt comment cette fille infortunée quitta ses amis et son pays qu'elle n'étoit plus des- tinée à revoir. Le capitaine Barclay, qui commandoit V Aigle Impérial^ étoit un des navigateurs à la côte d'Amérique dont le voyage avoit été le plus heureux. Mistriss Barclay ac- compagna son époux , et partagea avec lui les travaux , les fatigues et les accidens d'une route si longue et si périlleuse. Elle ne consulta ni les convenances , ni la dé* Uçat;esse etréducation d'un sexe plu&foible^ C =67 ) Cette clame fut si enchantée des manières 1788. aimables de la pauvre Winee qu'elle decira Février, la cujidiiire avec elle en Europe. En consé- quence, et avec l'agrément des amis de Winee, elle se chargea d'elle, et la prit sous sa protection particulière. Lorsque mistriss Barclay quitta la Chine pour retourner en Europe , Winee fut laissée , comme je l'ai dit plus hai.it , dans un état de dépérisse- ment^ et destinée à ê.re embarquée pour son pays avec le reste des naturels des îles Sandwich. Le matin du jour de sa mort, elle remit àTianna, comme un ^a5:;e de sa reconnois-- sauce pour ses soins et ses attentions , un. iniroîr , un bassin et une bouteille de la p^us belle porcelaine. A ces dons elle ajouta une robe, un panier, une jupe et un bonnet pour sa femme. Quant à ses autres proprié-' tés ^ qui consîstoient en ^n grand nombre d'articles divers , elle les légua à sa famille. Elle en jfitTianna dépositaire, et le chargea de les remettre de sa part à son père et à sa mère. Hommes fiers et dédaigneux, gardez-vous, de sourire avec mépris à ces bagatelles ipu composoieut le m.odest€; trésor de X^_ uauv^"^ ( ^M ) 1788. Winee ! Elles étolent pour elle une véritables Février, richesse , et lui auroient donné une grande importance dans son île natale si elle eût pu les y emporter. Mais lorsqu'on songe à ce qu'elle dut souffrir de cette idée qu'elle ne reverroit pius son pays , au cliagrin dont elle étoit consumée en voyant , pour ainsi dire , son innocente vanité trompée : lors- qu'on pense qu'à tant de motifs de tris- tesse et d'abattement, venoien^ se joindre les douleurs d'une maladie incurable , aug- mentée encore par les secousses et les vio- lens mouvemens qu'imprimoient au vais- seau des mers fécondes en tempêtes , la sensibilité se réveille au souvenir de tant de maux qui désolent l'humanité par toute la terre , et l'on ne peut refuser quelques, larmes de compassion au sort de l'infortu- née Winee ! A cette époque , notre provision de bes- tiaux se trou voit déjà bien diminuée par le mauvais temps. Il ne nous restoit de tout ce que nous avions dans Forigine qu'un taureau, une vache et un veau. Tous les l^oucs avoient péri , à l'exception de deux. Le 5, au coucher du soleil , nous eûmes presque perdu de vue l'île de Panaj. Fomt; deNasso,(]m en est l'extrémité mëridio- 1788. ïiale, gisoit alors à l'est - nord - est , à sept Févrieri lieues de distance. Le ciel étoit très-embru- mé, et le vent souffloit de nord-est. Nous gouvernâmes , pendant la nuit , au sud et à l'est, par un vent agréable, vers l'extrémité méridionale de l'île de Magindanao. Le matin du 6 février, à la pointe du jour , nous découvrîmes cette île qui nous restoit à l'est^ à sept ou huit lieues de distance. Elle nous parut très-haute et très-montagneuse. Une observation faite à raidi donna 7 degrés 22 minutes de latitude nord ; nous étions à trois lieues de la terre. Les montagnes avan- çolent jusques dans la mer : elles étoient couvertes de bois depuis leur sommet jus- qu'à fleur d'eau. Nous ne cessions de son- der : mais nous ne trouvâmes pas de fond avec cent brasses de ligne. Nous eûmes alors à choisir, ou de porter directement vers Sooloo , ou de gagner ré- tablissement espagnol de Sa/nboingan. Nous préférâmes le dernier parti. Il ne nous parut pas prudent d'avancer sous le vent jusqu'à la première de ces places. D'ail- leurs , les vents continuels de nord - est nous faisoient craindre d'éprouver beaucoup (^7^ ) .^gg plus cle âifiicnhé h doubler Jeîolo , oiî Féviier. même la iSouv Me- Guinée, Nous nous dé^ terinin aines donc à serrer le rivage de Ma^ crindanao ^ et à n -us en reu ettre au hasard du soin de pourvoir à nos besoins» Nous continuâmes de suivre Tîle jusqu'au cou- cher du soleil. La côte étoit sûre, et nous n'avions aucun danger à craindre , la ligne ne rapportant point de fond. La pointe oc- cidentale de l'île nous restoit au sud-sud-est > à cinq lieues de distance. Nous pensâmes^ cependant, qu'il pourroit être dangereux d'avancer pendant la nuit, et, en consé- quence , le signal fut donné de virer au cabestan jusqu'au lendemain matin que nous continuâmes notre route, n'étant guère éloi- gnés de plus d'un mille clu rivage. Nous avions éprouvé ^ pen lant la nuit du 6 au 7 nn fort courant de nord. A midi, on apperçut l'île de Basilan ^ gisant au sud -sud -ouest , à la distance de neuf lieues. Notre latitude nord étoit de 7 dearés 8 minutes. Un «rand nombre, de col- Unes de forme conicjue Itii donnoient une apparence singulière. Une de ces collines qui ressembloit au bonnet d'un mandarin chinois terminoil; la pointe orientale de l'îièi ( v^ ) Elle étoit très - remarquable , parce qu'elle ty^^. surpassoit en élévation toutes les autres col- Février. lines qui fbrmoient ce grouppe curieux. L'île de Basilan court à peu près est et ouest. On apperçoit à la hauteur de sa pointe occidentale plusieurs autres îles qui sont d'une bien moins grande étendue. Vers trois heures d'après-midi, nous nous ouvrîmes le passage qui sépare Basilan de Magindanao. A trois heures passées , nous doublâmes l'extrémité méridionale de Ma- gindanao, et nous entrâmes dans ce canal, qui nous parut avoir une largeur consi- dérable avec plusieurs petites îles dans le milieu. Nos sondes rapportoient de i5 à 3o brasses, fond de roche. L'extrémité m.éri- dionale de Magindanao gisoit par les 6® degrés Sd minutes de latitude nord de notre esûme. Le bord de la mer étoit par - tout couvert de bois, A quatre heures et demie passées , nous fûmes agréablement surpris en appercevant un petit fort en pierres situé sur le rivage de Magindanao. Il joignoit à un courant d'eau vive, et n'étoit guère à plus de deux milles de distance de la pointe méridionale de l'île. Nous découvrîmes, en même temps. ( ^7^ ) 17S8. plus à l'est, un grand village. Nous hissâmes Février, le pavillon à l'instant , ce qui donna occa- sion de déployer aussitôt du fort les cou- leurs espagnoles. Nous ne doutâmes plus alors que cette place ne fût Saniboingan, C'ëtoit un bâtiment quarrë , couvert en cliàume , avec deux guérites à chaque an- gle. Les remparts paroissoient garnis de Malais. Le tout n'annonçoit pas une forti- -fication bien imposante. Le jusant porta alors fortement contre nous. Le signal fut donné de mettre à l'an- cre. Nous mouillâmes donc sur sept brasses d'eau , fond de vase molle ^ à deux milles «environ du fort , et à un quart de mille du rivage qui paroiesoit couvert de bois très- épais. Nous mîmes sur le champ les chaloupes en mer , et envoyâmes les charpentiers re- connoître la nature des bois. Nous apper- eûmes alors par le moyen des lunettes d'ap- proche les couleurs espagnoles qui flottoient sur une autre fortification attenante au vil- lage , et devant kvquelle deux galions étoient à l'-^ncre. Vers les cinq heures , nous vîmes venir à nous , le long de la Cote , une petite chaloupe ^ ( ^73 ) tliaîoups, sur Tarant de laquelle fioUoit un 178g. pavillon blanc. Elle étoit servie par quatre Février^ Malais, et portoit trois Padres ou prêtres espagnols. Ils parurent^ dabord, craindre beaucoup que notre arrivée n'annonçât quelques vues hostiles. Mais quand ils eu- rent l'assurance que nos intentions ctoient paisibles et amicales , ils se rendirent à l'in- vitation que nous leur fîmes de venir à bord, et , après avoir pris quelques rafraî- ehissemens, ils retournèrent au village. Ils nous engagèrent à ne permettre à aucun de nos gens de s'attarder dans les bois qui étolent infestés de Malais, attendu que ces derniers épieroient le moment de nous faire toutes sortes de mauvais traitemens. En con- séquence de cet avis si important , et qui prouvoit leur bienveillance, des ordres fu- rent expédiés sur le cliamp à Vlphigénie y qui avoit mis à l'ancre à environ un mille de nous , pour qu'elle eût soin de tenir son monde éloigné du rivage. Les charpentiers revinrent sur les six heures, et rapportèrent qu'on pourrolt avoir toutes les espèces de bois de construction qui nous manquoîent. Le matin du lundi 8^ j'envoyai un officier ^""^^ Tome /. S ( ^74 ) 1788. à la tête d'un fort détachement avec les Février, charpentiers charges de scier des esparres de sapin pour des vergues de huniers et des boute -hors dont la Felice avoit besoin. L'ordre fut également expédié à Ylphigénle d'envoyer un pareil détachement pour cou- per un mât de misaine. On employa, en même temps ^ la chaloupe à sonder et à re- connoître le canal. Elle trouva qu'il conte- noit de grandes cataractes , de cinq à dix , et même à trente brasses , fond de roche. Sur le midi , les charpentiers furent de retour à bord avec des vergues de huniers et des boute-hors. Ils avoient aussi coupé un mât de misaine pour VIphigénie. L'offi- cier m'annonça que nous venions de perdre un Chinois. Il présumoit que cet infortuné s'étoit ésaré dans les bois , et avoit été pris par les Malais. Une bande nombreuse de ces sauvages , armés formidablement à leur manière^ erroit autour du lieu où les char- pentiers étoient à l'ouvrage ; et , comme nous ne pûmes réussir à nous procurer au- cunes nouvelles de ce malheureux , il y a toute raison de croire qu'il tomba entre les mains des naturels. A une heure ^ nous vîmes venir à nous ( ^75 ) une grande clialonpe envoyée par le gou- 178&. verneur qui falsoit sa résidence dans le vii- février,' lage. £lie éoit chargée de nous compli- menter sur notre arrivée , et de noi s inviter à un repas qu'il a voit eu la bonîé de faire préparer pour nous. L'officier qui a voit mis- sion de nous faire cette invitation obli- geante , confirma ce que les prêtres ve- noient de nous dire du caractère perfide des naturels de File , et nous recommanda, avec les plus vives instances , de prendre toutes les précautions possibles lorsque nous enverrions des détachemens à terre. Il nous apprit aussi que nous pourrions nous pro- curer tout le bois de construction néces- . saire , avec plus de facilité et de sûreté dans les environs du village qui offroient un autre avanti^ge dont nous retirerions une grande utilité. C'étoit un ruisseau d'une très -belle eau qui les arrosoit. Il ajouta aussi que le gouverneur l'avoit chargé de nous dire qu'il se trouveroit heureux de nous donner tous les secours qui dépendroient de lui. Il fut donc résolu sur le champ d'amarrer le vaisseau plus près du village. En consé- quence , à deux heures j comme la marée S2 { 2,j6 ) 1788. nous étoît favorable, les deux vaisseaux ap-^ Février, pareillèrent et mirent à Fancre vis-à-vis d'un grand fort de pierres , nomme le Fort CaU dera^ dont les bastions étoient à cent verges de la mer. Nous saluâmes le fort de neuf coups de canon. Le salut nous fut rendu sur le champ* Le corps du village nous restoit au nord un quart est - mi -^ est, à un quart de mille de distance. Les extrémités de l'île JMaginda^ nao couroient d'est-nord est à nord-nord- cuest ; et l'île de Basilan j de sud - est un quart est à sud - ouest un quart ouest , à la distance d'environ douze lieues. C^77) CHAPITRE IV. RéceptioTi qui nous est faite à Samboln- gan, — Conduite du gouverneur ^ ses pro^ cédés à notre égard Les galions es- pagnols protègent nos détachejnens ^ pen- dant qu'ils sont occupés à couper un mât. — Maladie de Tiajiîia, — // va à bord de /'Iphigëriie. Bétail reçu à bord. Le gouverneur visite les vais- seaux, -^ La Felice se prépare à re- mettre en mer, Elle perd un de ses ancres , et part pour V Amérique, — Dé- tails sur Aïagindanao , son commerce , ses productions , ses habitans , et leur religion. — Observations astronomiques , mouillage , etc. Village de Samboia- gan, — 'Puissance et force des Espa et a voit résidé dans cette île pendant trente ans sans interruption. On nous conduisit au fort qui nous sem- bla dans un état de délabrement fâcbeux. On nous y régala , à l'espagnole , c'est à- dire, avec des confitures et des cordiaux. Il y eut ensui e un repas magnifique auquel furent invirés le major de la milice du pays, ^X d'autres officiers. Quelques - uns d'eui^ ( ^79 ) ëtoîent natifs de Maiûlla , et d'autres de 178^. Magindanao. Ils avoient le teint si noir Févncr, qu'on les auroit presque pris pour des Afri- cains. Les prêtres profitèrent ce jour-là des douceurs de l'hospitalité qu'on nous avoit offerte ; ils animèrent même le repas , et ne parurent pas du tout croire qu'ils eussent été jettes- sur ce coin du globe pour passer leur temps dans la pénitence et dans la prière. Après avoir baigné les murs du fort , le petit ruisseau qui couloit au travers du vil- lage , venoit se décharger dans la mer à une petite distance de l'endroit où nous avions amarré, ce qui nous présentoit im moyen bien précieux de^ faire de l'eau. Nous sai- sîmes donc avec empressement une occa- sion si favorable de remplacer la consom- mation oue nous avions faite d'un article si important. Le premier mat que les charpentiers avoient été- couper dans les bois pour VIphi- oénie.se trouva incapable de servir. Le lo, Mercredi ^ 10 le (gouverneur eut la bonté de permettre que les deux galions , armés complètement , ac- compagnassent les clialoupes de nos deux vaisseaux qui dev^oient poxter les cixarpen- S4 ( 28o ) 1788. tiers à terre, environ à une lieue du fort ^ février, pour en aller couper un autre. Vers raidi , ils furent sous voiles , et commencèrent à naviguer de conserve avec nos chaloupes, qui étoient aussi bien armées et montées formidablement. On nous avoit assuré que des bandes nombreuses de Malais se tenoient sans cesse en embuscade , soit pour piller^ soit pour emmener quelques traîneurs im- prudens en esclavage^ d'où il est rare qu'ils se sauvent , si touteiois on les en voit jamais réchapper. Nous étions donc déterminés à nous tenir en état de défense , de manière à pouvoir exécuter notre petite expédition sans être essentiellement troublés par eux. Sur les neuf heures , nos détschemens furent de retour avec de très-beau bois, et sans avoir vu l'ombre d'un ennemi. Cependant, les autres opérations avançoient, et l'on fai- soit tous les préparatifs nécessaires pour la continuation du voyage. Il fut résolu, au reste , que les deux vais- seaux se sépareroient en cet endroit. L'^>^/- génie n'auroit pu être prête de quelques jours ; et cet espace de temps nous devenoit précieux, attendu que l'année étolt déjà fort avancée. La Feliçe fut approvisionnée de C 2Si ) tons les articles dont elle pouvoit avoir bc- i7^>5' soifi , et nous nous disposâmes à quitte? F^vner. Samboingan , sans p'us loni:^ délai. Tianna et Comekala (ainsi se nommoit le naturel de Ventrée du Bol George ) étoient , depuis la mort de Winee, les seuls naturels de leurs îles respectives que nous eussions à bord de la Felice, On avoit em- barqué les autres à bord de VIphigénîe. Nous déposâmes alors sur ce vaisseau l'aimable chef d'Atooi, dont les îles se trouvoient sur sa route. Comekala resta avec nous, l'objet de notre voyage étant de nous rendre dans son pays. Tianna avoit ressenti une si profonde af- fliction de la mort de Winee , que sa santé en fat considérablement altérée. Sa fièvre continuoit , et sembloit se jouer de tous les soins que nous prenions pour lui procurer du soulagement. Par un effet de cette même destinée qui avoit séparé pour jamais sa compatriote infortunée des amis qu'elle ché- rissoit et de la terre qui l'avoit vu naître, toutes ses réflexions se portoient vers son pays. On peut croire qu'il craignit souvent) de ne plus entendre les doux noms 'le | ère çt d'époux ; que , peut-être même , il s'atteu- ( :.80 i-^SS. ci oit quelquefois à ce malheur^ et se per-^ Février, guadoit que le sein de l'Océan seroit son tombeau comme il avoit été celui de Winee. Je le confiai donc aux soins du capitaine Doiiglas. J'espérai que le séjour qu'il feroît à terre jusqu'à son départ , et le spectacle nouveau des scènes qui Tenvironnoient, cal- meroient la violence de son mal , et ren- droient à ses esprits le degré de vigueur né- cessaire pour soutenir le reste du voyage. Le soir de ce jour , nous reçûmes à bord quatre beaux buffles avec de l'herbe et du plantln pour leur nourriture et celle de nos autres bestiaux. On ajouta à ces provisions une grande quantité de riz^ de végétaux et de; fruits , ainsi que plusieurs codions trcs- gras. Notre intention étoit de mettre sur le champ à la voile ; mais comme le vent souf- floit du sud - est avec violence , et que les nuages qui obscurcissoient le temps ne per- Riettoient pas de s'y confier , nous différâ- mes notre départ jusqu'au jour suivant. Nous avions alors les moyens de témoi- gner au gouverneur quelque reconuoissance de ses attentions bienveillantes. Je lui en- voyai un officier avec mission de le remer- cier de Ses procédés , et de l'inviter àffnlr ( iS3 ) le jour suivant prendre sa patt d'iin repas 178g. à bord des vaisseaux. Il accepta avec ern- Février, presseiiient. En retour de ce.te politesse de notre part , il nous pria d'un bal y)our le soir même. J'en donnerai cpielpies détails lorsfjue je viendrai à parler de l'île et de ses h a bi tans. A l'heure indiquée^ le gouverneur vint Jeudi nous trouver comme il Tavoit promis. Il étoit accompagné des trois religieux ^ et du major de milice. Nous le traitâmes le mieux qu'il nous fut possible , pour lui prouver notre sensibilité aux marques d'a- mitié que nous avions reçues de lui. Les prêtres se divertirent sur le vaisseau comme ils avoient fait à terre, et demeurèrent d'ac- cord de cette vérité , que rien ne contribue autant que le vin et la bonne chère à anéan- tir i'empire des distinctions religieuses. Le gouverneur et sa suite nous quittèrent en nous exprimant , dans les termes les plus affectueux, combien ils étoient satisfaits de notre accueil. A quatre heures d'après midi , nous pro- fitâmes d'une jolie brise de riord , et de ce e la marée nous favorisait, pour virer à Lc. Mais nous eûmes le malheur de recoin ( 284 ) 178?» noitre que notre ancre avoît accroché un Fwvner. j-Q^j^er. Tous nos eflbits pour l'en déiacher i'urent inutiles. Nous donnâmes avec vigueur vn dernier coup de main, mais le cable échappa , et nous le perdîmes sans retour. Le vaisseau fut à l'instant sous voiles. Nous passâmes près de VIphîgénie, Les gens de réfjuipage jettèrent trois cris vers nous : nous les leur renvoyâmes à l'instant. Ce vaiv^seau ne pouvoit plus se servir de son vieux mât de misaine^ et les cliarpentiers etolent occupés à terre à mettre le nouveau en état de le remplacer. Le très - court séjour que nous fîmes à Samboirigan ne nous laissa pas le temps d'acquérir, sur cet établissement, de plus grandes connoissances que celles que nous a voient données les récits d'autres voya^ geurs. Mais, comme cette place se trouve tout -à -fait étrangère à notre marine et à notre commerce , je n'hésite point à com- muniquer au public ce que m^en a dit le plus vieux des trois religieux. On pensera^ sans doute , que la longue résidence qu'il a faite dans cette île rend son témoigna ore digne de quelque confiance. Magindanao est une île d'une étendu© C ^85 ) considérable. Elle a environ 120 milles de 178?* iarseur , et 160 de lori2:ueur. La nature lui Février* a donné un sol fertile et très-productif. Les parties intérieures renferiuient plusieurs chaî- nes de hautes montagnes , entre lesquelles sont situées des plaines immenses où de nombreux troupeaux errent à l'aventure dans les plus délicieux pâturages. Quelques parties du pays sont coupées , piour ainsi dire , par plusieurs vallées profondes. De * vastes torrens descendus des montagnes les traversent pendant les saisons pluvieuses , et s'échappent impétueusement vers la mer. Les pluies et les vapeurs humides répandues dans les plaines, se résolvent en petits ruis- seaux qui forment , en s'écoulant, mille et mille détours. Elles rassemblent , dans leur cours , une quantité de petits courans di- vers, de sorte qu'elles sont déjà des rivières considérables lorsqu'elles arrivent à la mer. A peu près au milieu de l'île ^ on voit plu- sieurs lacs d'une assez grande étendue. Tout ce que nous en avons pu savoir , c'est que leurs bords sont habités par des tribus de naturels très - sauvages , dont le principal moyen d'existence consiste à piller ceux qui résident plus près de la mer. Ces peuples (^ 0.86 ) lySS» se regardent comme libres , et absolument Février, indépenclans du souverain de Maginda/zao, 'Leur caractère est fier, implacable. Ils sont continuellement en guerre avec les Maho- métans qui composent la principale partie des habilans de l'île. On les nomme HilloO" nas. Ils ne professent aucune espèce de re- ligion , et vivent dans l'état d'ignorance et de barbarie le plus complet. Le souverain de Magindanao est un prince ' puissant. Il compte au dessous de lui plu- sieurs princes subalternes qui le reconnois- sent pour leur cheF. Il y en a , cependant, parmi eux , qui refusent de lui rendre cet hommage , et qui , par conséquent , sont toujours en guerre avec lui ; d'où l'on peut conclure que îa paix n'est pas un des biens dont le ciel a favorisé cette île. Les Espa- gnols, il est vrai , préiendent avoir des droits sur Magindanao , et la regardent comme entièrement soumise à leur domination. Mais c'est une prétention illusoire : car , malgré qu'ils soient en possession de ces forts dans l'île, elle n'est rangée, en au- cune manière, sous les loix de leur nation. La ville de ^lanindariao est située sur la côte sud- est de l'île. Elle est traversée par ( =S7 ) une rivière capable de recevoir de petits 1788. vaisseaux , et fait un coiniiicrce considérable février. avec Mauilla y Sooloo ^ Bornéo et les Molu^ ques. Ses articles d'exportation sont du riz , du tabac, de la cire jaune et des épiceries: elle reçoit, en. échange , de gros draps de Coromandel, de la porcelaine et de l'opium. Cette ville étoit jadis accoutumée à être visitée par des vaisseaux européens d'un, port peu considérable. Mais il y a tres- long-temps qu'elle n'en a vu aucun. Le gou- verneur nous informa que V Ip/ii génie et la Felice étoient les seuls vaisseaux européens qui eussent fait voiles dans ces mers dans le cours de plusieurs années. Les habitans de cette île professent tous la religion de Mahomet , à l'exception des Hllloofias. Ceux-ci, comme nous l'avons déjà observé , ne sont gouvernés par au- cuns principes religieux , n'ont aucune es- pèce de culte , et vivent absolument dans Fétat de nature. Ces peuples sont appelles par les Espa- gnols , Negros del Monte , ou Nègres de la Montagne , à cause de leur ressemblance avec les Noirs d'Afrique, tant au physique qu'au moral. On prétend qu'ils étoient, dans 47S8. l'origine , seigneurs de Mas^indaiiao ^ et Février» jnêiiie de toutes les Philippines. Isla de Ne- gros ^ ou rîle des Nègres , en est entière- ment peuplée , et ils y sont en éîat d'iiosti- litës continuelles avec les Espagnols. Les iiaturels de 1 lie qui suivent la loi de Maho- niet sont des hommes robustes ; leur teint est d'un cuivre foncé, et ils passent pour des marchands très-intelligens. Si les Hilloonas ^ ainsi qu'on le croit, ont été, dans l'origine ,habitans de Maginda- nao ^ il y a tout lieu de présumer qu'ils se sauvèrent jusques dans leurs montagnes pour conserver leur liberté, lors de l'invasion des Mahométans qui , pendant les treizième et quatorzième siècles, se répandirent, comme des nuées de sauterelles , sur l'Archipel oriental. La plus grossière ignorance, les dispositions les plus barbares^ semblent être devenues si naturelles chez eux qu'elles les laissent sans le moindre dcsir , et peut-être même, sans la moindre idée d'une intelli- gence supérieure à la leur. Les missionnaires catholiques-romains , que leur zèle si connu pour la conversion des Infidèles a portés à aller prêcher le christianisme à ces peuples barbares , ( 289 ) barbares^ ont été bientôt pris et massacrés ^ySS, par eux. Féyrici L'île est bien boisée : des forêts impéné^ trables en couvrent plusieurs parties vers les côtes de la mer. Sur d'autres , les bois sont jettes çà et là avec une irrégularité qui pUiît à 1 œil. Ils contribuent ainsi, non-seulement à rembellissement du pays, mais encore à la salubrité, à !a commodité des lieux en abritant les collines et lès vallées contre la chaleur dévorante des rayons du soleil. Les espèces d'arbres qui y abondent le plus sont le teake y le poone et le îarioo. Mais la plus utile et la plus précieuse des productions de l'île , c'est le cannellier. Il s'y trouve par- tout, et ne le cède en rien pour la qualité à celui de l'île de Ceylan. On nous donna , pour échantillon ^ de l'écorce fraîchement ôtée de cet arbre. Nous lui trouvâmes une délicatesse de goût et de parfum compara- ble à celle de la cannelle de cette dernière île. Notre bon ami le religieux eut la bonté ce nous procurer quarante jeunes plants du véritable cannellier que nous réservâmes pour les îles Sandwich. L'air passe pour très-salubre à Maginda^ nao j, sur-tout dans le voisinage de la mer. Tome /. T 1788. La chaleur n'y est pas , à beaucoup près J février, aussi brûlante qu'on s'attendroit naturelle- ment à la trouver dans un pays situe au rnilieu même de la zone torriJe. Je ne nie souviens pas d'avoir vu le thermomètre à plus de 88 degrés ; et très-souvent il descen- doit jusqu'à 62. Les vents d'est qui rèii^nent sur cette partie de la côte baignée par la mer Pacifique rendent Tair frais et agréable. Le vent alizé souffle continuellement sur ses bords, et avec tant de violence qu'il balaie, en quelque sorte , l'île dans toute sa largeur : et quoique, dans son passage, il perde beau- coup de sa force, il en conserve cependant assez pour apporter quelques brises rafraî- chissantes aux habitans de la rive occiden- tale. Les parties intérieures sont beaucoup plus froides, parce qu'un athmosphère très- nébuleux, suspendu, pour ainsi dire, sur le sommet des montagnes , s'y résout en épaisses et humides vapeurs. Le sol est ti es fertile, et propre à la cul- ture de toutes les familles de végétaux. Il produit du riz en abondance. On peut s'en procurer un pécul ou i33 livres pour un dollar d'Espagne. On y cultive dans la plus grande perfec* (291) tîott rîgname (1) et la patate douce. Oh y t^SS. trouve aussi le cocotier, \e pumble nose y le Ftvner* mangoustier ^ \e jack , le plane, i'orar»ger^ (1) Cette plante est la même dont ii a déjà été parlé sous le nom à''yams au commencement du voyage qui sert d'introduction à celui-ci. J'avoue de bonne foi que j'ignorois alors quel nom elle avolt en françois. U igname est une plante qui Croît en plusieurs endroits de l'Amérique , en Afrique , en Guinée , sur la Côte- d'Or , etc. C'est une espèce de patate. On ne sème point ^igname , mais on plante seulement un morceau de la racine , et pourvu qu'il y ait une petite fibre , elle pousse immanquablement et grossit. Ses tiges sont carrées ^ et rampent , non - seulement sur la terre où elles produisent des racines , mais aussi sur les haies. Ses feuilles sont plus grandes et plus fortes qUe celles de la patate , d'nh verd plus brun et plus luisant j en forme de c ur. Ses fleurs sont jaunâtres j raniassées en manière d'épi. Ses racines sont grosses, longues , cou- Tertes d'une petite eau de couleur cendrée, obscure , garnies de beaucoup de petites fibres. Elles ont une cliair blanche , succulente et farineuse , quelquefois Tineuse. On les mange au lieu de pain quand elles sont cuites. Elles servent de liourriture aux insulaires de là mer du Su-l. Voyez sur cette plante j les Lettres lu^ tieuses et édifiantes , tome X , page 68 5^ le Diction^ naire des Jardiniers de Philippe Miller y etc. , Note du Traducteufo Ta- ( *9^0 -88. le limoiinîer j en un mot^ tons les arbres Février, fruitiers que produisent les climats de la même température. La nature a été très- libérale envers les habitans,en faisant naître pour eux , sans le secours de leur travail et de leurs efforts , toutes les productions di- verses qui croissent en si grande quantité sous le tropique. Il y a aussi dans ce pays des mines d'ot que Ton présume être d'une grande valeur. On peut croire que les Espagnols les con- noissoient, ou soupc^onnoient leur existence, et que c'est ce motif qui les détermina à s'établir sur l'île. Mais comme les naturels ignorent entièrement l'art d'exploiter les mines , ils n'ont pas pris la peine de les re- connoitre. On nous a assuré que le peu tVor qu'ils ont, si toutefois ils sont parvcDUS à s'en procurer^ est celui que les torrens détachent, pendant Tautomne , des monta- gnes habitées par les IlUIooiias y et où se trouvent les parties qui recèlent, à ce qu'on croie, ce précieux métal. Mais , d'un côté, ces montagnards sont en trop grand nom- bre et trop déterminés à ne céder , qu'après une lutte vigoureuse et même sanglante , un poste qu'ils occupent depuis si long- temps; ( =93 ) €t Je Taulre, la puissarscc des Espagnols est j^gg^ aujourd'hui beaucoup trop af'tbibiie pour Février, qu'ils osent entreprendre de les en déloger;. Tontes les parties de Tîle a!}ondent ea buffles j vacbes y cochons , boucs , etc. Oji y trouve aussi une quantité d^oiseaux divers, €t une espèce de canards dont la tête esT: de couleur d'une très-belle ëcariate. On y voit encore une petite race de chevaux re- marquables pour leur intelligence. Cepen- dant les naturels se servent principalement des buffles pour les diffërens travaux du labourage et de l'agriculture. Les habitans de Magindanao mâchent presque tous du bétel et. de i'arek ; mais ils font uîi usage plus modéré de rojnurn qu'au- cuns des insulaires des mers de rOrierit. Les Pros des Malais sont en g] and nom- bre et d'une force redoutable. 11^ peuvent contenir de cinquante à deux cents hom- mes. Les résultats ordinaires de leurs expé- ditions vagabondes sont î'effnsion du sang, ie carnage et la captivité des habitans des villes et des villages qu'ils surprennent sans défense, ou des personnes qui -.composent l'équipage des vaisseaux qu'il leur arrive de prendre. T3 ( ^94 ) 'i7S8. Le village , ou , si l'on veut , la ville d© février. Samboingan ^ est située sur les bords d'un petit ruisseau qui se décharge iuimédiate-p ment dans la mer, et que des bosquets de cocotiers couvrent de leur agréable om-? brage. On y compte environ mille habitans , y compris les officiers, soldats, et leurs fa- milles respectives. Il y a dans les environs plusieurs petits observatoires construits sur des postes de douze pieds de haut, et dans lesquels on tient constamment une garde. Ce qui donne à croire (jue les Espagnols sont sans cesse en état de guerre avec les îiaturels du pays. Les habitans se servent , pour bâtir levirs maisons, de ces simples matériaux qui sont d^un usage général parmi les insulaires des mers de l'Orient. Ils les élèvent sur des postes. Ils emploient le bois de bambou pour leur construction , et les couvrent avec des îiattes. Les pièces d'en bas sont destinées à loo^er les cochons . le bétail et la volaille : la famille occupe celles d'en haut. Nous ne fûmes pas peu surpris de voir que les Es- pagnols , au lieu de faire naître l'émuiadon p.armi les naturels , et de contribuer à leurs; progrès par la, supériorité qu'ils ont sur eux (295) dans la connoissance des arts et des agrë- 17SS: mens de la vie , déaénèrenl insensiblement Février- eux-mêmes , et adoptent les mœurs et les coutumes de ce peuple dont ils affecteiit de mépriser l'ignorance. Qu«>iqu'ils n'aient guère sujet de vanter la magnificence de leurs maisons^ ils ont pourtant une église bâtie convenablement. C'est l^onvrage de ' leur dévotion : elle est construite en pierres. On ne peut pas regarder le lurt comme une place d'une grande défense. Autant que nous en pûmes juger , il est dans un état de délabrement qui augiuente tous les jours : car le gruverneur eut la précaution d'em- pêcher que nous en fissions un examen par- ticulier Du côté de la terre , toute la défense consiste en une simple barrière avec deux ou trois pièces de canon. Il ne faudroit pas une attaque bien vigoureuse pour parvenir à s'emparer de la place. La Felice et Vlphi^ génie auroient pu certainement , à elles seules, Faire éprouver un terrible écl^c à la puissance des Espagnols d ms cet étal lis- sèment. Toute leur force militaire consiste ^n cent cinquante ou deux cents soldats , naiii's de Alam/Ia , place où le gouverneur a aussi pris naissance. Leur discipline nous T4 (29«î ) gg parut répondre parfaitement à l'état de Id Février, forteresse dont ils formoient la garnison. Samboingan est la Botany-Bay (i) des Philippines. Le bannissement en cette place est la peine de certains crimes. Nous ne TÎmes aucuns criminels ; mais nous avons, tout lieu de soupçonner qu'on tient la plu- part d'entr'eux renfermés dans une espèco de prison très -étroite. Quelque peu considérable , au reste , que paroisse cet établissement , on assure que l'emploi du gouverneur lui rapporte trente mille dollars pendant les trois années de sa résidence en cette place. Il retire ce profit des fourniUires d'habillemens et de provi- sions diverses qu'il fait aux soldats ; et aussi de la poudre d'or, de la cannelle ^ des épice- ries , et d'autres marchandises, de contre- bande. Les habitans observoient dans leur con- duite avec nous les règles de la plus aima- ble bienséance. Ils sont uniquement rede- vables de ces heureuses manières à l'esprit (i) Tout le monde sait que Botany-Bay est PHe où- l^s ciiniinels sont déportés d'Angleterre. Notq du Traducteur^, ( ^97 ) de civilisation introduit chez eux par le 178?, vieux religieux. Ses deux coopérateurs dans Février. les travaux de la vis^iie spirituelle étaient plus propres à corrompre qu'à rendre meil- leur le pauvre peuple confie à leurs soins. Quant à lui ^ il avoit ce caractère doux et conciliant , si nécessaire dans ceux qui en- treprennent de cultiver l'esprit des Sau- vages. Ce ne fut pas sans beaucoup de surprise que nous enrendîmes un concert exécuté par une troupe d'assez bons musiciens, tous naturels du pays. Elle consistoit en quatre violons, deux bassons, et plusieurs flûtes et mandolines. Ces musiciens, que nous étions loin d'attendre , se tiroient assez bien de quelques unes des pièces choisies de Han^ del. Us connoissoient aussi plusieurs de nos contredanses angloises, de nos airs favoris , et de nos chansons des rues. Mais ils exé- cutoient le Fandango avec une perfection capable de charmer les oreilles les plus dé- licates en Espagne. Les Malais , comme beaucoup d'autres nations, sauvages , sont extrêmement sensibles aux douceurs de lu musique ; ils peuvent même ^ avec du tra-s yail ^ exceller dans cet art enchanteur. (298) iy88. Le bon vieux religieux avoit aussi appris février, à danser à la plus grande partie de la ville ; de sorte que les hal)itaîis de ce lieu infré- quenté, de ce pays situé à l'extrémité du globe ^ connoissoient les deux genres d'a- musement les plus propres à réveiller la lan* gueur, ou à adoucir les amertumes de la vie. La veille de notre départ^ au soir, le gou- verneur , ainsi que je l'ai déjà dit , nous donna une autre preuve de sa politesse et de son caractère hospitalier, en préparant un bal exprès pour nous procurer quelque plaisir. Sur les huit heures du soir, la compagnie se rassembla à la maison du gouverneur. Les dames, escortées par un certain nombre do jeunes gens de Samboingan y étoient vê- tues à la mode de l'îie qni approche beau^ coup de celle de Manilla ^ d'où nous pou- vons croire qu'elles ont emprunté leur ha-^ billement. Il consistoit en un voile qui leur tomboitavec grâce jusqu'au bas des jambes. Par l'art avec lequel elles, l'arrange oient, elles augmentoient leurs charmes , ou sa voient se rendre belles, quand la nature leur avoit refusé la beauté. Leurs bras seuls restoient îius : mais les plis du voile étoient ménagés ( 299 ) de manière à laisser appercevoîr le sein , 1785, tandis que l'œil avide et curieux cherchoit Février, en vain à saibir les traits du visasre au tra- vers de ce morne voile qui aii en déroboit entièrement la beauté simple et naturelle. Elles avoient les chevilles et les poignets ornés de bracelets d'or, qui donnoient , comme on le croira sans peine , quelque chose de riche à leur tournure, déjà remplie de noblesse et d'élégance. Plusieurs de ces feraines étoient très-belles : certains regard$ voluptueux qui paroissoient leur être habi- tuels , le devenoient davantage encore dans les mouvemens de la danse , et ne les ren- doient pas moins agréables. Le Fandango fut exécuté dans la plus grande perfection. Leurs pas ne faisoient rien perdre au me- nuet de sa noblesse ; et les contredanses an* gloises dont ils dansèrent quelques * unes pour nous plaire , ont été souvent exécutées avec moins de grâce et de légèreté dans plu- sieurs de nos assemblées les mieux choisies , qu'elles ne le furent alors dans un coin des îles Philippines. Ce divertissement dura jus*- qu'à minuit, heure à laquelle la compagnie se sépara avec toutes les marques dç la, sar tisfactioii la plus coniplèt;e. ( 3oo ) jjSS. C'est au vénérable religieux qne le peuple Février, de Sciniboingau a l'obligation de ces inno- cens plaisirs. Lui - même ii se raeloit à la danse. Il serolt honorable, je ne dis pas seu- lement pour TEspagne^ mais encore pour la religion qu'elle professe , d'employer des hommes qui ^ à l'exemple de ce prêtre ai- mable, feroient de leurs missions ua moyen de consolation et une source d.e bonheur pour leurs seniblables. Certes , ils réussi- roient mieux ainsi , qu'en y portant cette discipline austère , cette cruelle intolérance dont l'effet est toujours de produire des conversions peu sincères , des dévotions mai entendues , et qui est si opposé à l'esprit de douceur et de bonté du christianisme. Au reste , malgré tontes ses honnêtetés , le gouverneur ne nous permit pas de porter à terre un seul des instrumens qui pouvoient servir à des observations astronomiques ; nous fûmes donc obligés de les faire des vaisseaux , non sans un grand désavantage. Suivant plusieurs bonnes observations faites à midi , la latitude nord du mouillage étoh de 6 degrés 58 minutes, et sa longi- tude , d'après vingt autres observations que 3:ious fîmes successiverneïit s\ir le^. distances ( 3ôi ) au soleil et cle la lune avec àe boTis sex- 1788. tans^ de 122 degrés 28 minutes Est de Green- Février*' \'vicli. Le pavillon qui flottoit sur le fort ^ nous restoit alors au nord-mi-est, à un demi mille de distance. Le mouillage devant le fort est mauvais et d'un fond de roche : vis-à-vis de la ville , il est beaucoup meilleur ; les vaisseaux y mettent à Tancre sur un ibnd de sable , et sont bien abrités , excepté de la partie sud- ouest ; et même de ce côté , le vent ne souf- fle pas avec assez de violence pour produire une grosse mer, ou pour faire craindre quel- ques dangers. Je vais interrompre un moment le cours de mon voyage pour offrir au lecteur les observations et les remarques que j'ai eu occasion de faire sur le passage entre la mer Pacifique du Nord et les mers de Chine. J'espère qu'elles ne lui paroîtront pas étran- gères à l'objet de cet ouvrage. Il est d'une importance majeure pour ceux qui entre- prennent le commerce de l'Orient, soit au nord , soit au midi des Philippines, d'avoir ime connoissance de cette route. Elle est, sur-tout, essentielle aux vaisseaux qui pren- nent le passage oriental à la Chine, passage ( 3ô2 ) 1788. qu'ils préfèrent souvent à tout autre , par- Février, ticuliërement en temps de guerre, lorsqu'ils sont chargés pour le port de Canton, dans la mousson de nord-est. Des observations nautiques sont toujours de la plus grande utilité. Je livre les miennes aux reflexions et à la sagacité des personnes qu'elles peuvent intéresser davantage. Il y a cependant ici une réflexion à faire. Quoique dans leur route à travers les mers de Chine, et le long des îles Philippines dans la mer Pacifi- que, la Felice et VIphi génie n'aient essuyé au^ cuns dangers , d'autres vaisseaux pourroient n'être pas aussi heureux en suivant la même, attendu qu'elle est regardée généralement comme très-périlleuse. Nous n'éprouvâmes > en effet , aucuns obstacles ; et je ne doute pas qu'en prenant toutes les précautions convenables , des vaisseaux ne parvinssent à se procurer une entrée facile et sûre dans les mers de Chine par Magindanao et le canal de Basilan, Les mers de lOrient sont, on ne peut en douter, remplies d'écueiis qui rendent nécessairement la navigation très-redouta- ble. Ces écueils sont pour la plupart incon- nus ; ce qui ne contribue pas peu à en aug* ( 3o3 ) tnenter les dangers. Il est vrai que des vais- 1788* seaux qui suivent la route ordinaire à tra- I^evrier. vers les mers de Chine par la mousson de sud - ouest , n'ont pas beaucoup à craindre s'ils ne font que reconnoître les différenîes îles pour se procurer de nouveaux points de départ. Tous les temps ne sont pas pro- pres à faire des observations lunaires , et c'est ce qui devroit éveiller la vii^iiance et rendre plus sensible la nécessité de prendre les précautiOi'.s qu'il importe tant de ne pas négliger dans cette difficile navigation. Il ne seroit pas du tont prudent de faire monter des vaisseaux dans les mers de Chine contre la mou son de nord -est ; de même qu on courroit beaucoup de risque à les faire descendre par le vent de sud ouest. Il y a dans ces mers un ni a;rand nombre de cou- rans divers, qu'un vaisseau se trouve exposé, sans s'en être apperçu, dans le milieu du dang *r, et qu'on ne peut réussir à le sauver, avec toute l'activité et toute l'iiablleté ima- ginables , même quand il est doublé de cuivre. Je sais qu'il y a des exemples c]e vaisseaux qui sont venus à bout de faire le voyage ïnalgré les vents qui régnoient dans ces ( 3o4 ) iyî2, mers. Ceux-là, on devroît plutôt les citer Février, comme des preuves extraordinaires de bon- heur pour avoir échappé à un nombre in- fini de périls divers dont un seul pouvoit leur être fatal , que les ofiiir pour exemple^ et encourager ainsi d'autres-vaisseaux à en- treprendre la même navigation. Car, outre les risques du voyage , en supposant même cju'on pût s'y exposer avec ces inconvéniens, toutes les chances sont contre le succès , lorsque les moussons soufflent avec vio- lence , soit dans une route , soit dans une autre. Comme des vaisseaux ont toujours beau- coup à craindre, même par les vents pério- diques, il est essentiellement nécessaire de les pourvoir d'un couple de chronomètres. A l'aide de ces instrumens, on peut déter- miner d'une manière sûre les positions du vaisseau. Car , comme ils sont sujets à s'ar- rêter, si un accident semblable arrive à l'un des deux , on peut connoître par l'autre l'in- tervalle de temps qui s'est écoulé, sur-tout si on prend soin de les consulter de quatre heures en quatre heures; et c'est une atten- tion qti'il est très - important d'avoir. Il convient ( 3o5 ) Convient aussi de s'assurer de leur exacti- îfSSi tude dans tous les lieux où le vaisseau s'ar- Février, rête assez de temps pour qu'on puisse en faire l'examen nécessaire. Il y a plusieurs exemples récens d'acci- dens funestes arrivés à des vaisseaux pen- dant les moussons ordinaires , pour avoir manqué de ces instrumens si utiles. h'Uornôj/ j vaisseau de Canton , char^^é pour Bombay, dans le mois de décembre 17B8 , fut poussé par une brise de vent contre l'île Pu/a Sapata dans \qs mers de Chine , et se vit au moment d'être mis eil pièces. Il étoit si près de la terre que rien, ne paroissoit plus pouvoir le sauver. Tout- à-coup, la vague rebondit avec violence du côié d'un rocher : le vaisseau saisit alors avec une extrême promptitude le moment de faire de la voile ^ et eut ainsi le bonheur de s'en tirer. Dans la même année , un vaisseau liol- landois périt sur le bas-fond àe Prata ; les gens de l'équipage se sauvèrent dans la chaloupe , et arrivèrent heureusement à Canton. En 1789, et à peu près dans le mois dé juin , le Lizard , vaisseau chargé de Bom- T 0111e /, V ( 3o6 ) pg hay pour Canton , échoua sur ie bas-fônd ié Février. Lincoln. Le capitaine et sept hommes avec lui furent les seules personnes de ré(|uipage qui réchappèrent i Après avoir essuyé les plus cruelles fatigues et souffert des maux inex- primables dans une petite chaloupe, ils dé* barquèrent à Canton. On présume que X Argyleshire ^ fort vais- seau de guerre , chargé du Bengale pour la Chine , a péri dans quelqu'endroit des mers de Chine. Le nombre des vaisseaux espagnols et por- tugais qui ont péri dans ces mers est consi- dérable : ce qui prouve qu'on ne sauroit apporter trop de vigilance et de précaution dans une navigation si périlleuse. Le Cûrnwallls , du port de 800 tonneaux , commandé par le capitaine \¥iiliam Coun-» sili^ descendit les mers de Chine dans son voyage auBengale en mai 1789, époque que Ton supposoit être celle de la mousson de sud-ouest. Il rencontra tant de bas -fonds divers, tant d'îles et de rochers qu'on re- garda comme un véritable miracle qu'il eût échappé. S'il n'eut pas été équipé d'une nianière supérieure, et gouverné avec \xnQ sagesse et une habileté peu communes, il y ( 3o7 ) ' a toute apparence qu'il n'eût jamais gagné iysé. le Bengale. "" p.^,,i,;. Comme l'extrait suivant d'une lettre écrite à bord de ce vaisseau peut être d'une grande utilité aux navigateurs qui , par la suite , feront voiles dans ces parages , je n'ai pas cru avoir besoin de justification pour l'in- sérer ici. Malacca^ 4 juillet 1789. ce Nous arrivâmes de la Chine ici, le 27 i> juin, après une traversée de quarante-cinq w jours que nous avons regardée comme ex- w trêtnement longue et ennuyeuse pour uii s> vaisseau aussi bon voilier que le Corn- >> 'SvalUs. Nous eûmes dans notre trajet une 3> singulière position à l'est ; nous ne pûmes 53 découvrir ni le Macclesfield ni Puia Sa- 33 pata. Ce fut le 28 mai que nous vîmes à> pour la première fois la terre. Elle nous 3> restoit au sud - ouest - mi - sud, à quatre M lieues de distance^ ainsi qu'un rescif et » des brisans très - dangereux , que nous » conjecturâmes être les ^/zû^t^ûï^^j^ se trou - 33 vaut à peu près au même degré de lati- h tucle. A deux ligures et demie passées ^ ( 3oB ) ir88 ^' p. M. fi), on apperçut du pont un bas- février. >' fond gisant au sud-ouest-mi-ouest, à deux >3 milles de distance ; et vers les quatre >5 heures^ comme nous gouvernions au sud- y» est , nous fûmes obliges de virer vent de- y> vant , à cause d'un autre bas - fond qui w nous restoit au sud- est -quart- est , à la » distance de deux milles. A l'extrémité >5 sud- est de ce bas fond est une île basse » et sablonneuse sur laquelle nous vîmes » quelque chose qui ressembloit à un bâti- 3> ment naufragé. Le temps étoit très-raffa- 53 leux. Pendant la nuit , nous crûmes pru- » dent de gouverner au nord en faisant » modérément de la voile ; car nous crai- » gnions que cette chaîne de bas-fonds ne >3 s'étendît davantage au sud. Le lendemain, y) à la pointe du jour , nous virâmes vent y> arrière , et courûmes sur les bas-fonds , >j et à lo heures , A. M. (2), nous les dé- 33 couvrîmes. Nous fûmes alors obligés de >3 serrer le vent à l'est et à l'est-nord-est , » jusqu'à trois heures P. M. (3) , et de nous (1) Posù Meridiem , après midi. (2) ^71 Le Alcridiem ^ avant midi. (^o) Fûs£ Meridiem , après midi. (3o9) » tirer ainsi successivement des diffërens 17S8. 35 bas - fonds qne nous apperçûnies. Onze Février. » d'entr'eux décrivent une courbe ou cer- » cle profond , et se prolongent considéra- » blement à l'ouest. Ils paroissent embrasser » dans leur étendue, qui est d'environ vingt- » cinq milles j, chacune des deux extrémités » est-nord-est, et ouest -sud -ouest. Ce qui » rend plus dangereux encore de les recon- » noître , c'est qu'il y en a , même dans les » endroits où la surface de Teau est calme 53 et unie , et qu'il est impossible de les ap- » percevoir _, en ce qu'on ne remarque au- » tour d'eux d'autre rocher que le premier. >> Quand nous fûmes soitis de ce rescif , >5 nous gouvernâmes au sud; et le jour sui- >3 vant, nous nous trouvâmes dans une mer » débarrassée d'obstacles. 35 Le 3o, à midi ^ nous apperçûmes des 35 brisans qui gisoient au nord-est-quart- 35 nord , à huit ou neuf milles de distance. 35 Ce rescif nous parut avoir le même gise- 35 ment que le dernier. Des rocliers dange- 35 reux régnent le long de ses bords. Son 3> étendue est d'environ trois lieues. Lors- 35 qu'on apperçut ce rescif^ notre latitude ^5 nord étoit , suivant une bonne observa- V 3 ( ôxo ) ifîB. 25 tien j de S degrés 47 niinutes. Plusieurs février. ^^ autres observations du soleil et de la lune 3» nous donnèrent une longitude est de ii4 35 degrés 14 minutes 4^ secondes , à 62 milles 35 à l'est de notre estime. Quand nons f unies ^> sortis de ces bas-fonds^ nous gouvernâmes. >? au sud - ouest. Le 4 jnin , à cinq heures 35 du matin , on découvrit une îie basse et » sablonneuse avec un roclier dessus. Elle 55 nous parut touîe unie quand nous l'ob-. » servâmes du gaillard d'arrière ; et avant 55 que nous pussions changer la direction 55 du vaisseau, nous nous trouvâmes à trois >? quarts de mille d'une dangereuse chaînç ^5 de rochers qui se présenta à nous préci- 5? sèment à fleur d'eau. Pendant la nuit , 55 nous eûmes une forte brise qui ne nous 5? permit pas de filer moins de cinq à six >5 nœuds par heure ; mais elle se caîma heu- 55 reusement dans la matinée. Une demi- » heure de plus d'obscurité ou de ce vent 3> violent , et notre perte étoit inévitable. » Ce rescif court nord nord-ouest et sud-. a> sud-est; il a cinq milles de longueur. Sa i5 latitude nord est de 7 dei^rés 52 minutes ; 5? sa longitude Est , à peu près d e 1 1 2 degrés ^,, 32 minutes. Pour éterniser notre recon- I { -^ïl ) » noîssance envers la Providence qui nous 178S. >:» avoit si heureusement délivres, nous ap- -février. 33 pellâines l'île , ile de la Providence : quant - >3 au rescif , nous Ini donnâmes le nom de 53 rescif de Séhcist'ien. » Les dannjers sans nombre auxquels nous 03 nous étions vus exposés , nous avoient 53 rendu la route extrêmement fatli^ante. 33 Enfin nous découvrîmes les Natiimas et 33 Anamhas y sur le compte desquelles on est y> bien dans l'erreur^ tant pour la latitude 33 que pour la longitude 33. Il paroît , d'après ces détails, que des vaisseaux d'Europe chargés pour la Chine , et qui n'auront poini gagné le détroit de la Sonde au mois de septembre , n'ont rien de plus prudent à faire que de prendre le pas- sage à l'est pour éviter les dangers dont nous venons de parler. Quoique les vaisseaux de la compagnie des Indes orientales, le Wah pôle , le Belvédère et le TV alsingharn ç>o\QYiX. arrivés en Chine dans le mois de novembre 1787, c'étoit de leur part une témérité qu'une nécessité impérieuse pouvoit seule justifier. Le Walsingham monta le lon^ de la côte de Bornéo, et fut même favorisé d'un bon ¥4, ( 3i2 ) Î78?. "vsnt de sud-ouest sur la côte des Philippines] Février, il courut cependant de si grands risques qu'aucun homme sage ne seroit tenté de s'y e?. poser de nouveau. Le Walpole gagna la côte de Luconie ^ et son passage fut heu- reux, quoique^ de l'avis du capitaine Chur- chill, les dangers ne fussent pas moins con- sidérables. Enfin ^^ le Belvédère , capitaine Gréer , fit voiles , dans le même temps , à travers les mers de Chine , et cependant , selon toutes les probabilités , la mousson devoit y régner alors avec violence. Ce sont là de ces faveurs de la fortune qu'on doit plutôt considérer comme des coups de bonheur que citer comme des exemples. Car, dans tous les cas, il seroit, certes , beaucoup plus prudent pour les vais- seaux de préférer un passage à l'est ^ sur- tout quand ils n'ont point gagné les hau- teurs de Java vers le 10 octobre. Les détroits de Bally ou à' Allas offrent, dans cette dernière hypothèse , un passage ^ûr^ si toutefois les cartes de M. Dalrymple aont bien exactes. Delà , les vaisseaux con-f tinuent leur route jusqu'aux détroits de Maça^sar y et il leur importe de prendie (3.3 ) toutes les précautions nëcessaires à cause 178?. des lies et bas- fonds qui gisent entre ces Février, détroits. Les détroits de Macassar ont aussi leurs dangers. A la vérité, ils sont en petit nom- bre, et on les connoît parfaitement. h'Ea:- périment et le Capitaine Cook traversèrent ces détroits ^ et firent d'utiles observations dans leur passage ( 1 ). 1^' Experunent fut pourtant poussé sur la côte , et un peu en- dommagé. Dans le temps de la mousson de nord-ouest , il y a d'ordinaire un courant qui traverse au sud. Ce sont, en général , les eaux de la mer Pacifique et de l'Archipel de Sooloo qui , se trouvant resserrées en cet endroit, y forment ce courant. Dans le passage des détroits , les vents sont varia- bles. Mais lorsqu'on en est une fois sorti, on trouve qu'ils soufflent à Test , et à i'est- sud - est. Il n'est guère possible alors , il n'est même pas permis de douter qu'on ne puisse arriver sous la côte de Maginda- nao j qui est préférable à l'île de Sooloo., où il règne par fais des vents d'ouest , sur-tout (i) Ces vaisseaux faisoient, en 1786, un voyage do commerce , de Bombay à la côte nord - ouest d'Amé-^ ïique. Note de l'Aufei/r. ( 3i4 ) 17^^' clans les mois cle novembre et de décembre» Jf'évrier. jj ^^ scroit donc pas avantageux de porter vers Soo/00 y en ce que les coiirans et les vents rendroient très-difficile pour les vais- seaux de monter à Magjndanao ^ indépen- damment d'un grand nombre de bas-fonds et de rescifs de corail fort dangereux qui gisent çà et là entre Sooloo et BasUan / tandis qu'on peut passer entre le haut des détroits de Macar,sar et l'extrémité sud de jMag'indanao ^ sans s'exposer à de grands, périls. Nous traversâmes ce canal entre Je- ïolo et l'île de Morolay , et rentrâmes dans la mer Paclfirpie au sud de cette île. Les courans portent ici au sud- ouest ; et avec le vent, ils portent à l'est. Il n'en est pas moins très - p.ossible de gagner l'île de Basilan. ^ et dcli. Samboingan ^ où l'on trouve tous les rafraîchissemens nécessaires. Nous dirigeâmes alors notre route vers San* guir et ces petites îles qui gisent entre San» guir et l'extrémité méridionale de Magia- danao. Ces iles sont d'une hauteur médio-- cre , et bien boisées. 11 n'y a autour d'elles. aucun écueil qu'on ne puisse appercevoir , et qu'il ne soit , par conséquent , très-facile , 4.'éYiter. Sangulr est bien peuplée , et olire: ( 3i5 ) des rarraîcklsscmens do toute espèce. On dit 178^. que cette île abonde aussi en épiceries dont F^vneç, elle fait un commerce avec Mag'mdanao, Il nous a paru que les vents d'est y i é^noient^ et ne s'en éloignoient jamais beaucoup. Entre les îles de Basilan et de Sangiùr , il y a plusieurs petites îles qui ne sont point marquées sur les cartes : mais nous n'avons apperçu dans leur voisinage rien qui an- nonçât le moindre danger. Le passage par SamhoingaTi est certai- nement préférable au passage à l'est de Ma- gindanao. Il est très - difficile d'y parvenir par ce dernier. Ce ne fut qu'avec beaucoup de temps, de peines et de fatigues que nous pûmes gagner seulement le 147*^ degré do longitude. De plus^ la route est , pour ainsi dire, semée d'écueils. On y apperçoit par- tout de petites îles basses et sablonneuses , et un. grand nombre de rescifs de roches de corail qi?!, dans une nuit noire et obscure, seroient la cause d'une perte certaine. Il y a d'autant plus à craindre pour les vaisseaux que la sonde ne rapporte pas de fond, et;. qu'ainsi , ils ne peuvent être avertis à temps, du danger qu'ils courent. Mais, en sunpo.-. sant même qu'on réussisse à se tirer de ces. ( 3i(5 ) 178^. rochers et de ces bas-fonds, il ne serolt pas Février, prudent de virer vent devant , avant d'avoir dépassé la Nouvelle-Guinée. Enfin, on doit se figurer la route au nord comme placée au travers de ces îles dangereuses, les Caro- lines, dont on ne regardait pas la position comme déterminée d'une manière bien cer- taine, jusqu'au moment où elle l'a éié par Y I phi génie ^ ainsi que le gisement des bas- fonds qui l'a voisinent ; et particulièrement celui du bas-fond Abreo-oës dont l'existence étoit généralement révoquée en doute, mais qu'on sait aujourd'hui être placé sur la route des vaisseaux qui entrent de la mer Paci- fique dans les mers de Chine entre Formose et Luconie. Si on préfère le passage à l'ouest de jlf^- gindanao y il n'y a pas de danger à entrer dans le canal de Basilan ; du moins, nen apperçûmes-nous aucun. On trouve dans ce passage des chûtes d'eau considérables , mais rien de plus, à l'endroit du mouillage à la hauteur du Fort Caldera. Ce passage est de beaucoup le plus court ; et, dans mon opi- nion, il est égal, sous tous les rapports , à celui de la mer Pacifique , si on en excepte toutefois , ce qui est d'une cousidératio» (3i7) très-importante , les moyens de rafraîchis- 17SS. seraens pour l'équipage des ditlërens vais- Février, seaux. En quittant Samboîngan , les navigateurs doivent, autant qu'il leur sera possible, serrer de près le rivage de Maguidanao, Comme le vent souffle généralement à la hauteur de la côte qui est à pic, ils n'en auront rien à craindre. Quant aux endroits propres au mouillage , ils se trouvent déjà indiqués dans le compte que j'ai rendu de rétablissement de Samboingait, De Magiiidanao , il sera nécessaire de porter directement vers la partie méridio- nale de l'île de Panay. Si le vent n'est pas très-favorable, il faudra alors ranger la côte de l'île del Negros. Il n'y a aucun danger à serrer de près l'îie de Panay dont la côte est très - sûre, jusqu'à ce qu'on ait gagné la pointe occidentale de l'île Mindoro, De là, on avancera à la côte de Lucorde y où l'on sera favorisé beaucoup par les courans qui portent au nord , pendant le temps de la mousson de nord-est , à la hauteur du cap Bolinou ^ de 20 à 2.5 milles dans l'espace de vingt-quatre heures , et souvent à la hau- teur même du cap Buxadore. ( 3i8 ) k^SS. Les pins grandes précautions deviennent Février, nécessaires à l'époque où les moussons changent. Ce tcn^ps est le plus redoutable de tous dans les mers de Cliine. Si donc , des vaisfeaux se trou voient avoir ci^sné iSamboinouji dans le mois d'octobre ^ il se- roit très à propos qu^ib y restassent jusqu'à ce que le plus i'ort de la mousson de nord- (Est fût passé. Après le mois d'octobre , lé passage à Manilla et de Manilla à la Chine est toujours sûr. Le plus mauvais des vais- seaux espagnols ( et l'on sait qu'il n'y en a pas dans le monde de plus misérablement équipés ) monte la côte de Luconie jusqu'à la hauteur de 1 île , aidé par le courant de nord. Il avance alors à la côte de Chine y . certain de pouvoir y trouver un passage. * De tout ce que je viens de dire , on peut évidemment conclure que cette route est en même temps la plus sûre et la plus courte. J'ajoute qu'elle offre , dans tous les événe- mens , beaucoup plus d'avantages que la côté occidentale de Bornéo. Si l'on préféroit la mer Pacifique , pour effectuer le passage en question , d'abord en avançant à l'est , puis en virant vent de- vant pour dépasser l'île de Luconie , il fau- ( 3i9 ) droit alors gouverner à l'est j Lisqu'à ce qu'on 178^. eût doublé la côte de la Nouvelle Guinée , Février, et aiteint le i5oe degré de longitude. Il est probable , dans ce cas , qu'on dépassera ce grouppe dangereux d'îles appellées les Ca- roline s , au nombre desquelles il faut placer les Veie^,\ y et d'autres îles très - basses qui sont environnées de rescif's à une grande distance , et où la sonde ne peut avertir les vaisseaux du danger ^ dans les nuits obscures et orageuses. Il y a , entre Magindanao et la Nouvelle- Guinée , des amas si considérables de ces îles basses qu'elles exigent toute la vigilance et l'attention imaginables, et que, souvent même , les précautions sont insuffisantes. Lorsqu'on est au nord de ces écueiis, ori peut ga^rner les îles Bashee vues par Dahi- pieiTe, ou l'île àe Botol-Tobago-Xlma que découvrit le lord Anson. Mais il y a beau- coup plus d'avantage et de sûreté à se dé- terminer pour cette dernière, en observant touteFois d'éviter avec tout le soin possible le bas -fond Abregoës qui est extrêmement dangereux. Lorsqu'on commence à apper- cevoir Botol-Tobago-Xuria ^ on peut , sans la moindre crainte , et même par la nuit la (3xo) 17S8. P^"^ obscure , gouverner sud- ouest pendant Février, quatorze lieues. On tourne alors les rochers de Ville-Ile te à une dislance médiocre , et ii estfacile d'entrer dans les mers de Chine en serrant le vent au nord et à Touest. Il y a une petite île , remplie de rochers , qui git presqu'à l'est de Botol- Tobago -Xima ^ à quelques milles de distance. Il faut bien se garder de prendre l'une pour l'autre. Les rochers de Ville-Rete sont très-dan- gereux : ils forment une espèce de grouppe et sont environnés de brlsans. Le plus con- sidérable n'a guère pUis d'élévation que le €orps d'un petit vaisseau hors de l'eau. Ces rochers courent sud-ouest à la hauteur de Textrêmité méridionale de Forniose ^ à cinq lieues de distance. Nous pensions que nous pourrions découvrir par le mât de l'avant un canal entre ces rochers et Formose, La dernière fois que nous approchâmes de Botol-Tobago-Jiima y nous avions pres- que les ténèbres au milieu du jour. Le temps étoit orageux et embrumé ; et bientôt , le vent souffla à l'est avec violence. Nous gou- vernâmes sud-est l'espace de quinze lieues > et serrant le vent à l'ouest et à l'ouest-nord- ouest ^ (331) ouest ^ nous entrâmes à minuit dans les 178g. mers de Chine , sans appercevoir le moins Février; du monde l'île àeFormose, Nous avons tracé sur la carte la longitude de ces parages d'après d'excellentes observations dîi soleil et de la lune. Dans cette navigation , oft doit compter , en général , sur un fort cou- rant qui porte à l'ouest, du moment oit l'avant du vaisseau est au nord. C'est aux environs de Pedro Blanco ^ où Floche Blanche ^ que l'on prend terre ordi- nairement sur la côte de Chine. Delà, par les îles Le ma ^ on peut passer en toute sû- reté à Canton : il n'y a pas le moindre ac- cident à craindre. En prenant cette route , on évite le bas-fond de F rata, qui , comme On sait , peut être si funeste aux naviga- teurs. Un vaisseau qui préféreroit entrer dansi les mers de Chine par la route des îles Bashee ^ seroit exposé à quelque malheur dans son passage à Canton , à cause de la violence des courans de sud en cette saison de l'année. Il y a donc beaucoup plus de dangers à courir par cette route que par l'autre , sur- tout depuis que les Espagnols se sont emparés de ces îles , et y ont établi Tome F X ( 32l ) i7§g. une force militaire qui , à la vérité , n'est ^ Février, jusqu'à présent , ni bien imposante ni bien redoutable. On doit , cependant , regarder les îles BasJise comme très -sûres pour les naviga- teurs. Nous y étions en 1786^ et nous nous y procurâmes tous les rafraîchissemens né- cessaires. Il se peut qu'on ne sache pas gé- néralement que les Espagnols ont pris pos- session de ces îles. C'est pourtant un fait réel. Ils ont un gouverneur dans l'île de Grafton. Avec lui y résident cent soldats , plusieurs ofliciers, et quelques prêtres. Cinq ou six pièces de canon sont montées devant sa maison , mais il n'y a ni fortifications, ni aucune autre espèce de défense. Notre séjour dans ces îles fut de si courte durée qu'il ne nous permit d'y faire que des observations générales. Mais , comme on ne connoît qu'un très- petit nombre de vaisseaux qui aient visité les îles Bashee , ce sera , non-seuiement satisfaire la curio- sité , mais encore servir utilement la navi- gation dea mers orientales que de commu- niquer ici le résultat de mes remarques per- sonnelles , ou de celles d'autres naviga^ leurs. ( 323 ) Ces îles , situées entre Formose et Liico- 178^.' tiie y sont au nombre de cinq , outre quatre FèvrieiTi' autres petites îles remplies de rochers , et qui sont, cependant, couvertes de verdure. Dampierre nomme ainsi les cinq plus gran- des , savoir : île de Grafton y celle qui est la plus conshiérable ; île de Monmouth ^ la plus appan nte après celle-là ; tfe des Boucs, île d'Ora-'ge et île Bashee , celles qui sont plus petites que les deux premières. Nous vîmes dans les naturels du pays une racé rriiomnies forts et vigoureux. lis se sont trouvés heureux jusqu'ici sur un sol qui pro- duit toutes les choses nécessaires pour le soutien et l'agrément de la vie. Mais nous ïie pouvons croire que le joug de TEspagné contribue beaucoup à augmenter le bonheur de ces peuples. L'île d'Orange gît nord et sud ^ et paroît presqu'inaccessible de tous les côtés. Elle est entièrement applatie vers la pointe. A quatre lieues de distance , en approchant de cette île du côté des mers de Chine , on distinp-ue très-bien, par dessus cet applatis- sèment élevé , le pic qui est sur Tîle de ij-rafcon. On peut conjecturer que l'île est ( 324 ) ij%^. à cinquante pieds au dessus du niveau de Février, la mer. Au nord de cette île ^ il y a quatre îles remplies de rochers , connues sous le nom de Roches d'Anson, Deux d'entr'elles sont à trois milles de l'extrémité septentrionale de l'île. Nous entrâmes dans ce passage ^ et n'y apperçûmes aucun danger. Un vaisseau d'une grandeur considérable pourroit même raser des deux côtés Vile d'Orange, Les deux autres gisent à quatre ou cinq milles des premières et de ce passage que suivit le lord Anson sur le Centurion. Vile de Grafton est située à l'est de \île d'Orange. Elle gît à peu près nord et sud. Son étendue est considérable. Elle a envi- ron trente lieues de circonférence , et un bon mouillage du côté de l'ouest. A deux milles , à peu près , au sud de la ville où réside le gouverneur , est une petite baie sablonneuse où nous mîmes à l'ancre sur neuf brasses , à environ un demi-mille de la côte. La sonde avoit diminué par degrés de quarante à neuf brasses ; mais le rivage ne se trouve pas à plus de deux milles de distance. Les vaisseaux étoient alors par ( 3^5 ) ao degrés 56 minutes de latitude nord , et 1788, 122 degrés de longitude Est de Greenwich, ï^évrier. suivant les observations du soleil et de la lune. Rien de plus beau que l'aspect de cette île. Elle paroît être extrêmement fertile , et les provisions que nous y reçûmes ne dé- mentoient point ce que promettoit le spec- tacle enchanteur de leurs diverses produc- tions. Les naturels nous apportèrent en abondance les plus beaux ignames du monde, des cannes à sucre , de la racine de taro , des fruits du plane , et d'autres végétaux. Nous reçûmes aussi d'eux une quantité de cochons et de boucs , mais très-peu de vo- laille. Le fer étoit la marchandise favorite de ce peuple. J'ai cependant remarqué plu- sieurs fois qu'ils faisoient autant de cas des grains de verre , si même ils ne les prisoient pas davantage. Il est vrai que, depuis que les Espagnols se sont emparés de ces îles , l'argent a autant de cours parmi les natu- rels que le fer. Du temps de Dampierre , ils ne connoissoient pas d'autre moyen de commerce que les grains de verre. Nous laissâmes au gouverneur une race de mou- tons du Bengale, Dès qu'ils eurent été mis X3 ( 326 ) jySS, à terre , nous les vîmes errer dans de gras. février, pâturages , et sur un sol d'une admirable, fertilité. Je ne doute pas que ces animaux ne profitent beaucoup dans leur nouveau séjour, et qu'ils ne procurent d'abondantes ressources aux navigateurs qui viendront , p:ir la suite , s'arrêter à ces îles. L'eau dans l'île est très belle. Elle y coule en grartde quantité et près du rivage , où il se fornie un petit réservoir entretenu sans, cesse par un ruisseau qui descend des mon- tagnes. Des troupes espagnoles arrivèrent dans ces îles à peu près vers 1780 pour en pren- dre possession. Il n'est pas difficile de con- jecturer dans quelle vue elles y ont été en-^ voyées^ lorsqu'on sait que ces îles passoient pour renfermer des mines d'or. Il est cer- tain que nous vîmes chez les naturels une quantité considérable de poudre d'or , et plusieurs petits morceaux de mine que , se- lon toute apparence , les torrens ont déta- chés des montagnes, et qui ont été trouvés dans le lit des petites rivières dont ces îles abondent. Ces morceaux , ils les travaillent en gros fil de métal , et les portent comme oxnemens à. leurs oreilles , ou en forment (327) des colliers pour les enfans. Nous en aclie- 17S8. tâmes quelques-uns. Février. Ces îles sont bien peuplées. Nous trou- vâmes clans les habitans une race d'hommes doux et tranquilles. Leur plaisir suprême consiste à boire une liqueur appellée has^ hee (1) , et qui est distillée du riz et de la canne à sucre. Le soir , hommes , femmes et enfans se rassemblent en foule sur le ri- vage y des torches à la main , et boivent du bashce jusqu'à ce qu'ils soient complètement ivres. Ils forment alors des danses , et don- nent toutes les marques possibles de joie et de satisfaction. Je crains bien cependant que le gouvernement espagnol n'ait déjà trou- blé d'une manière cruelle , par la tyrannie de sa domination autant que par un système de dévotion mal entendue , les innocens plaisirs de ces bons insulaires. A l'époque de la mousson du sud-ouest , le temps est extrêmement orageux ; et lors- que le vent souffle dans ces parages , il est très-violent et très-redoutable. (1) C'est, sans (loiite, du nom de cette liqnenr qn'on a appelle îles Bashce les îles dont il est ici question. Ko te du Traducteur, Xi ( 3^8 ) i^gg. Les courans et les marées ont un cours Févriçr. impétueux et rapide , sur-tout le long de la plus méridionale de ces îles qui sont toutes très - basses. Il est donc nécessaire que les vaisseaux se procurent un bon mouillage dans leur passage entre ces îles et Formose* (3^9) CHAPITRE V. La Felice pan de Samboîngan. — Passage aux îles de la Fellce, , Exposé des ordres et instructions données par les ^ciJ^chands propriétaires pour le voyage-, ' Changement extraordinaire dans le naturel des buffles reçus à bord. — Pas- sage à Vîle de Magindanao, —Rapidité des courans. L'île de 'la Trcvidence , heureusement évitée. — Passage aux îles Talour, - Isle Sanguir, - Vue du cap JSford, Impossibilité de le doubler."-^ Les vents alizés soufflent constamment dans la merPacifique.^La Felîce avance sous le vent du cap Nord. — Passage à Vîle Pilou. Canal entj^e Morintay et l'île de Jelolo. Odeur suave et parfU^ mée de Pair, Passage à P extrémité méridionale de Morintay. La Felice gagne enfin la mer. — Latitude de Mo-, rintay exactement déterminée. XjE 12 février, à îa pointe du jour, nous avions perdu de vue l'île de Samboinoan. 17SS. Février^ ( 33o ) 1788. Nous poursuivîmes notre route le long de Février. ]a côte àe Magindanao . La latitude nord, à midi, étoit de 6 degrés 34 minutes, et l'ex- trêmité de l'île que nous appercevions gisoit ouest- nord -ouest , k la distance de douze lieues. L'île de Basilan couroit de sud- ouest -quart - sud à l'ouest -nord -ouest , à quatre lieues de distance. Dans cette posi- tion , on remarquoit très - bien la colline dont nous avons déjà parlé comme ayant la forme d'un bonnet de mandarin. Nous observâmes deux petites îles situées entre Magindanao et Basilan ^ et qui nous restoient au nord - quart - est, à quatre railles de distance. Elles n'avoient pas une bien grande étendue : mais elles étoient par- tout couvertes de bois. Comme elles n'oc- cupent pas de place sur les cartes, nous leur donnâmes le nom d'îles de la Felice, Un courant très-considérable nous avoit poussés au nord - est pendant la nuit. Le vent fraîchissoit du nord et du midi; et, au coucher du soleil , nous pûmes à peine dis- tinguer l'île de Mao-'indaiiao, Avant notre départ de Samboingan ^ e£ notre séparation d'avec VIpJii génie ^ j'avois remis au capitaine Douglas les ordres et ( 33x ) instructions qui forment le N®. Il de Tap- 178^. pendix de cet ouvrage ( 1 ) j, pour le guider Feviier. dans la conduite qu'il devoit tenir. J'avois moi-même reçu, avant mon départ de la Chine ^ les instructions reuFennées dans le N^. P^'. Elles contiennent en détail les mo- tifs et le véritable ohjct du voyage. Je ne blesserai certainement pas la vérité en as- surant qu'il ne s'y trouve pas une seule ex^ pression contraire à ces sentimens d'huma- nité ou a ces principes que les marchaTids angiois doivent s'honorer de professer dans leur commerce avec toutes les nations du monde. On peut dire que ces ordres et ins- tructions respirent par-tout la justice et la bienveillance : par - tout on y admire ces moyens délicats qu'ils emploient pour en- courager l'industrie, moyens également ho- norables pour l'humanité et utiles pour notre pays, dans quelque partie de la terre habitable qu'on les mette en usage. Le i3^ nous continuâmes notre route (1) Chaque yolume de cette traductidn est terminé par les différentes pièces justificatives dont Pau leur y aura fait mention. Note du Traducteur» (330 1788. avec des vents légers et variables» Le temps Février. ^^q[^ orageux : il f'aisoit une chaleur étouf- fante. Sur les six heures du soir ^ nous eû- mes perdu de vue l'extrémité sud-ouest de Magindunao. Nous apperçûmes à la hau- teur de cette ile une autre île très-remar- quable qui avoit la forme d'une montagne, et dont les côtés inclinoient presque per- pendiculairement vers la mer. Nous eûmes une grosse pluie toute la nuit. Nous gouvernions au sud et à l'est , il. pour pouvoir serrer l'extrémité sud-est de A Idagindanao. Nous nous en trouvâmes très- près ^ le matin du jour suivant. Elle nous parut haute , montagneuse et entièrement couverte de bois, depuis ia mer jusqu'à son sommet. Nous jettâraes souvent la sonde ; mais cent brasses de ligne ne nous rappor- tèrent point de fond. A midi, nous étions par les 6 degrés 2 minutes de latitude nord. A quatre heures P. M. ( 1 ) ^ la pointe de JMagifidanaa que nous pouvions apperce- voir couroit est-mi-nord , à huit lieues de distance. Nous serrâmes le vent à l'est-sud- €St pour doubler l'extréaiîté méridionale. - - (i) 1^09t Mtridlem , après midi. ( 333 ) Nous remarquâmes alors un cliangemcnt 178g. extraordinaire dans le naturel des buffles Février, que nous avions embarqués à Samboingan. yendredi Ils étoient , à cette époque , si sauvages et si 15» fiers que ce ne fut qu'avec beaucoup de peine , et en nous exposant à de grands dangers , que nous parvînmes à les amener à bord. Ces animaux se servoient de leurs cornes avec tant d'adresse que les naturels eux -me aies n'osoient les approcher dans la nouvelle situation où ils se trouvoient. Leur férocité naturelle parut les abandonner tout- à-coup : ils s'étoient déjà tellement appri- voisés qu'ils mangeoient dans la main , et nous paroissoient avoir moins de mauvaises qualités que les autres bestiaux. Le matin de ce jour , nous trouvâmes qu'un fort courant nous avoit portés au sud de Magiîidanao . Il nous restoit au nord, à la distance d'environ onze lieues. L'extré- mité méridionale formoit un promontoire élevé qui ressembloit à une île. Nous commencions à nous féliciter d'en- trer avec si peu d'obslacles dans la mer Pacifique du Nord. Mais notre satisfaction fut biei% diminuée par le changement fâ- cheux du vent qui soufiia d'est - nord - est. (354) lyBS. Nous avions , à midi, 4 clegi'és 58 minutes Février, de latitude nord , et 126 degrés 36 minutes de longitude Est de Ôreenwich. A ce mo- nient, nous apperçûmes deux petites îles , gisant au sud-sud-est , à cinq lieues de dis» tance ; et le promontoire de JMagiiidanaù que la vue découvroit encore , nous restoit au nord j à treize lieues de distance. Le courant nous porta alors si violem- iaient au sud que nous ne pûmes doubler les deux petites îles apperçues au sud-sud-est. Ayant découvert au milieu d'elles tin pas- sage facile, nous nous déterminâmes à le traverser. Ces îles sont très-élevées et cou- vertes de bois. Des extrémités nord et sud de la plus septentrionale des deux, on voit sortir une pointe dé terre d'à peu près un demi- mille, et de l'extrémité la plus septen- trionale , à environ un mille de distance , quelques rocliers détachés , sur lesquels nous vîmes quelques arbres dispersés çà et là , ce qui les rendoit faciles à remarquer. Quand nous fiimes au milieu du canal qui est entre les îles, nous jettâmes Ja sonde : soixante brasses de ligne nous rapportèrent un fond de coquillages rouges et blancs. A peine l'avions - nous traversé , que l'île la ( 335 ) plus méridionale s'ouvrit comme en deux 178^». îles distinctes ^ qui sembloieat partagées par Février, un canal. Nous apperçûmes, au môme mo- ment , une autre île gisant à l'est-sud-est , à quatre lieues de distance , aussi couverte de bois. On ne tarda pas à distinguer par le mât de l'avant un bas-fond et un rescif très- dangereux qui ont près de trois milles d'é- tendue depuis l'extrémité méridionale de cette île , et sont très-remarquables par \q\\v blancheur. Enfin nous yiaies , droit par Is travers du vaisseau , une autre île courant sud -sud -est, à la distance de huit lieues. Dans cette position, le promontoire de JUa- gmdajiao nous restoit à i'est-nord-est, à dix- huit ou vingt lieues de distance. Notre situation ne correspondoit alors avec aucune des cartes que nous avions sous les yeux. Il devint donc très-nécessaire pour nous de n'avancer au travers de cet Archipel qu'avec les plus grandes précau- tions. Le cap septentrionai de l'île Morifi- tay couroit est -nord -est, à 104 milles de distance i^selon notre estime ; et le cap de Bonne ' Espérance ^ ou l'extrémité septen- trionale de la Nouvelle - Guinée , gisoit au sud-est, à la distance de /i^io milles. Le vent ( 335 ) , 22 restûît constamment à i'est- nord -est ; et ett Février* passant ces îles , nous nous apperçûmes qu'un rapide courant de sud nous faisoit j dériver sous le vent par le travers du vais- 1 seau. Des contre-temps si fâcheux ne nous i laissoient guère espérer^ en se succédant ainsi, de pouvoir doubler le Cap ISord. Ajoutez que nous avions beaucoup à craindre d'être poussés, sans pouvoir Téviter ^ vers les Mo^ lu que s y ce grouppe d'îles si dangereux, qui est regardé comme l'écueil le plus périlleux: pour les navigateurs dans les mers de l'Inde. Il est vrai que nous pouvions nous flatter jusqu'à un certain point que le soleil ^ se trouvant près de la ligne , diminueroit un peu la violence de la mousson de nord-est. Mais , après tout , en envisageant , comme il convenoit , et ce qu'il nous étoit permis d'esnérer, et ce que nous devions craindre , ainsi que le désagrément des nuits longues et obscures , nous ne pouvions nous atten* dre dans la route , qu'à des obstacles et à des périls qui seroient devenus bien plus considérables , si malheureusement nous eussions eu un temps orageux. Le courant qui , pour être d'une vaste étendue > ( 337 ) étendue , n'en avoit pas moins de force et 178?. de rapidité , nous faisoit toujours dériver 'Février: sous le vent. Je ne dirai rien de trop en assurant qu'il parcouroit trois milles dans l'espace d'une heure ; et nous avions tout lieu de croire que son impétuosité augmen- toit à mesure qu'il approclioit des détroits de Macassar. Ce qu'il y a de certain , c'est qu'il nous emportoit avec une telle violence que nous ne fûmes pas maîtres de gagner l'île qu'on avoit vue au sud -est-quart- est , et que nous en restâmes à cinq lieues. Pendant la nuit du i5 , nous eûmes un grand vent, et cependant la mer fut extrê- mement calme ; preuve certaine que nous étions dans le voisinage de quelque terre considérable. Nous gouvernâmes sud-est- quart-est ; le vent souillant constamment au nord et à l'est. Nous carguâmes les basses voiles afin de pouvoir distinguer plus facile- ment les objets , et d'être toujours prêts à virer vent devant , en cas de pressant dan- ger. Ces précautions étoient singulièrement nécessaires ; car vers minuit , nous décou* vrîmes , au clair de la lune , que nous étions près d'une île couverte de sable blanc et presqu'au niveau de l'eau. Nous eûmes le Tome /. y ( 358 ) 1788. bonheur d'appercevoir ce dangereux écuell ' Février, à peu près à un demi-mille de distance , ce qui nous donna le temps d'arriver. Nous ^ jettâmes alors la sonde ; mais cent brasses de ligne ne nous rapportèrent point de fond. Nous continuâmes , toutefois , de tenir le vaisseau en bonne position jusqu'à deux heures du matin que nous perdîmes de vue cet ëcueil. Nous gouvernâmes alors à l'est- sud-est , avec un bon frais de nord-est. Ces îles basses et sablonneuses, dispersées çà et là dans le voisinage de la ligne y ren- dent la navigation extrêmement périlleuse dans ces parages. La sonde ne peut y aver- tir les vaisseaux du danger qui les menace , de sorte que , par une nuit obscure , ni la vipilance , ni les précautions ne suffiroient pour les garantir d'une destruction inévi- table. Le 16 , au lever du soleil , nous vîmes la Samedi ' >!>..> 16. terre s'étendant de nord-ouest a 1 ouest, a la distance de seize lieues. Nous calculâmes que le gisement de la petite île basse et sablonneuse qu'on avoit apperçue la nuit , pouvoit être par les 4 degrés 1 minute de latitude nord, et les 127 degrés 10 minutes de longitude est. Nous lui donnâmes le nom ( 339 ) ' ^île de la Troviderice. Pendant les vingt- 178S; quatre dernières heures , un fort courant Février, nous avoit portés à 33 milles au sud. La longitude Est étoit de 127 degrés 58 minutes. Nous apperçûmes alors la terre de tous les côtés. Elle s'étendoit d'est-nord-est à l'ouest- nord - ouest. Au nord et à l'est , elle nous parut détachée et coupée en plusieurs en- droits , comme si elle étoit composée d'un grouppe d'îles. A l'ouest, elle pouvoit être éloignée de nous d'environ i5 lieues. Au coucher du soleil , les îles du vent couroient nord - nord- est , à 14 lieues de distance. Nous nous trouvions dans une po- sition d'autant plus critique qu'elle ne pou- Toit s'accorder avec aucune de nos cartes. Il y avoit, cependant^ tout lieu de présumer que la terre au nord-nord-est consistoit dans ces îles connues sous le nom à'îles Talour^ €t que celle à l'ouest étoit Yile Sanguir. Mais si nous ne nous trompions pas dans ' nos conjectures , les courans auroient dû agir sur nous avec la plus grande force en nous portant au sud ; et nous commençâmes à éprouver une cruelle incertitude, celle de savoir si nous serions en état de doubler le Y2 ( 34o ) ^ 17S8. cap Nord ; ce qui étoit pour nous une affaire Février, àe la plus grande importance. Nous avions beaucoup espéré qu'en ap- prochant de la ligne, les vents serolent va- riables. Mais, jusqu'à ce moment, le vent ëtoit resté à l'est ^ comme s'il n'eût plus dû changer ; et il ne paroissoit pas alors vou- loir nous favoriser davantage. Notre situa- tion actuelle étoit donc très-critique. L'ave- nir ne nous offroit rien de plus rassurant ; et, selon toutes les apparences, nous de- vions être chassés sous le vent de Jelolo , et forcés ^ par conséquent, à nous abandon- ner à tous les dangers d'une navigation pé- nible et semée d'écueils. Nous étions pleinement convaincus que , si l'on ne pouvoit pas doubler le cap Nord, il faudroit tenter un passage à travers les Moluques^ au sud de Jelolo y où nous avions toute raison d'espérer que l'on rencontre- roit , sinon la mousson de nord - est^, au moins des vents assez variables pour nous permettre de rentrer dans la mer Pacifique du Nord par les détroits de Pitt, Mais il n'étoit pas du tout certain , même dans ce dernier cas , que nous fussions ej:i état de (340 doiiLler la côte de la Nouvelle - Guinée. ,^gg. Nous ne pensions pas y sans un chagrin février; extrême , à la nécessité où nous nous trou- verions de suivre sa côte occidentale , et de gagner la mer du Sud par les détroits d' En- dea^our. Il étoit à craindre qu'en prenant celte route pendant laquelle la longueur et l'obscurité des nuits devoit nécessairement ralentir notre voyage , nous n'en manquas- sions entièrement le but. D'un autre côté, si nous gouvernions au nord , dans l'inten- tion de doubler la côte de la Nouvelle-Gui- née contre une forte mousson, il n'y avoit pas moins de raison de croire que nous écliouerions. Enfin , nous nous détermi- nâmes à renoncer à ce projet , attendu l'im- possibilité manifeste de l'exécuter sans con- sumer une grande partie du temps , et nous n'en avions pas beaucoup à perdre. Tant d'obstacles n'étoient pas faciles à surmon- ter ; et l'événement a prouvé que nous échappâmes de bien peu aux dangers que la crainte nous avoit fait entrevoir. Pendant la nuit du 16, nous continuâmes de gouverner à l'est-sud-est efi forçant de voiles. Il faisoit un très-beau clair de lune, Y3 1 342 ) 178S. de sorte qu*on auroit pu facilement dis- février, tinguer le moindre écueil autour de riio- ris on. Dimanche -^^ ^7> ^^ matin, on ap perçut la terre en ï7» avant du vaisseau. Elle nous restoit dans la direction d'est , à 12 lieues de distance. On la découvrit aussi sous le vent ^ gisant au sud-sud-est. La latitude nord , à midi , étoit de 2 degrés 4^ minutes. Le cap Nord nous restoit à Test , dans la direction de nord ^ à !a distance de quatorze lieues. Le vent souf- floit constamment du nord-est et de l'est- nord-est, et nous avions un fort courant de sud. LuntTi Nous continuâmes de serrer le cap Nord, i8» espérant que le vent de terre nous seconde- roit avantageusement. Mais , sur les six heures du soir , comme nous étions à deux milles de l'île Morintay^ nous fûmes obligés de virer vent devant , et de porter vers la mer pour la première fois. Nous ne pûmes trouver de fond avec cent brasses de ligne. Mais quoique nous eussions eu le malheur de tomber sous le vent du cap Nord , nous avions résolu de ne rien relâcher de nos efforts, jusqu'à ce que nous fussions coiit- ■( 343 ) vaincus de l'impossibilité de doubler ce 178S. cap. Ce fut alors que nous virâmes vent Février, devant , et que nous gouvernâmes vers la mer. Vers les dix heures du matin , nous nous trouvâmes de nouveau très - près de l'île Moriiitay. Nous avions viré vent devant à minuit pour nous rapprocher de la côte. Mais , malheureusement , nous n'éprouvâ- mes , ni en mer , ni près de la terre y un changement de vent qui nous fût plus favo- rable. Nous remarquâmes aussi, à notre grand chagrin, que par l'effet des courans de sud , nous avions dérivé , pendant la ïiuit s sous le vent de la position que nous occupions clans la soirée du jour précédent. La latitude nord observée à midi étoit de 2. degrés 35 minutes^ et nous avions entiè- rement perdu de vue le cap Nord , qui cou- roit est- quart - nord , à 17 lieues de dis- tance , immédiatement dans la direction du vent. Nous reconnoissions alors si évidemment l'impossibilité absolue d'exécuter notre pro- jet , que la nécessité de choisir entre mille obstacles qui se présentoient , rendoit notr« Y 4 ( 344 ) 1^88. situation très - embarrassante. Nous décoil- Février, vrîmes pourtant un canal étroit entre une petite île qui glsoit au sud-sud-est , à quatre lieues de distance , et l'île de Morbitay, Il n'ëtoit pas moins facile de distinguer Jeloloy dont la pointe la plus septentrionale nous restoit au sud-ouest, à la distance seulement de neuf lieues. Entre cette pointe et l'île dont je viens de parler, nous apperçûmes un canal d'une vaste étendue. Nous n'eûmes donc d'autre alternative que d'y cherclier un passage, et de tourner l'extrémité méri- dionale de Moriatay ^ sans nous exposer davantage à perdre un temps qui nous étoit alors si précieux, et tenter d'inutiles efforts pour doubler le cap Nord , en dépit des vents , des courans et de la mer. Nous prévoyions parfaitement qu'une fois entrés dans cette route, il n'y auroit plus moyen d'en sortir. Nous sentions aussi que nous pourrions nous trouver engagés dans les bas-fonds àeJeloloet clans le golfe de Chiamv^ golfe profond qui n'est pas moins rempli de bas-fonds et de battures , et où la mousson souffle sans cesse, entretenue constamment par des courans. Un pareil concours de cir- ( 345 ) constances étoit plus que suffisant pour nous 178?; convaincre que la poursuite de cette en- FévrierJ treprise exigeoit la plus courageuse persé- vérance. En conséquence , à midi , nous portâmes vers le canal entre les îles Riou et Jelolo; et, sur les quatre heures P. M. (1) , il s'ouvrit à nous , et parut avoir assez de largeur pour être navigable. Mais nous trou- vâmes dans le milieu plusieurs petites îles basses et sablonneuses qui pouvoient , jus- qu'à un certain point , former un obstacle à la navigation de ce canal, et même la rendre très - périlleuse. Nous continuâmes donc notre route le long de la côte de Riou^ à deux milles de distance. La terre étoit par-tout couverte de bois jusqu'au bord de l'eau. Mais, autant que nous pûmes nous en assurer par nos observations, on n'y dé- couvroit aucune trace d'habitans. Quarante brasses de ligne ne nous rapportoient point de fond. A quatre heures et demie passées , nous apperçûmes le sommet des hautes monta- gnes de Jelolo , qui sembloit s'élever au des- (1) Post Merldiem ^ après midi. (346) jjBS. SUS de rhorison ; ce qui nous fît connoître Février, bientôt tout le danger de notre situation. £n ce moment ^ nous nous trouvions si fort avancés , que la moindre tentative pour re- tourner eût été le comble de l'extravagance. !Nous avions déjà dépassé le canal : mais rîle de Morîntay occupoit beaucoup plus détendue au sud que ne lui en donnoit aucune des cartes. Nous avions également passé l'île de Miou ; celles de Jelolo et de Morintay form oient alors un canal vaste et profond, d'environ douze ou treize lieues d'étfendue. Le grand golfe de Chiaww étoit, à cet instant , sous le vent de notre vais- seau. On voyoit à environ cinq lieues à la hauteur de l'île Morintay, dans le canal le long duquel nous gouvernions, une rangée .d'îles basses et sablonneuses , joignant à des bas -fonds. Il faisoit un très -beau clair de lune : autrement nous ne nous serions pas exposés à avancer pendant la nuit. Le vent soufiloit avec violence du nord -est. Notre mond^^ se tenoit constamment dans les deux .chaînes de haubans pour observer le suc- cès de la sonde , ainsi que sur les vergues pour reconnoître les bas-fonds ou tous au- tres écueils non moins dangereux. Comme i ( 347 ) nous passions ces îles , les bas -fonds nous 1788. parurent très - unis à la distance d'environ Février; quatre milles, et nous pûmes remarquer un terrible ressac qui rouloit par dessus. La sonde rapportoit régulièrement de six , sept à huit brasses d'eau sur un fond de salîle. En faisant voiles plus avant dans le canal , nous avions quatorze , vingt , et quelquefois trente brasses, même fond. Ces îles s'étendent à près de cinq lieues , nord et sud. Elles sont à environ cinq lieues de Morintay et à huit de Jelolo. Ce seroit, à mon avis , augmenter les dangers qu'on court déjà dans ce canal que de passer entre les îles et Morintay : car nous trouvâmes un fort courant qui, dans sa rapidité, nous portoit presqu'au sud. Ce fut un grand chagrin pour nous d'a- voir passé le canal en question pendant la nuit, parce qu'à raison de ce contre-temps , nous ne pûmes envoyer des chaloupes à terre pour examiner la nature du sol , et chercher des tortues. On sait que les îles basses et sablonneuses sont les lieux où elles se trouvent le plus ordinairement. Dans notre passage , nous trouvâmes l'air parfumé d'odeurs aromatiques. Quelques-uns de nous t"évrier. (348) crurent distinguer particulièrement l'odeur de la muscade. Quand nous fûmes sortis de cette chaîne d'îles et de bas - fonds , nous serrâmes au plus près du vent pour approcher , encore une fois, de l'extrémité méridionale de JHo' rintay. Nous y réussîmes heureusement le Mardi 19 à la pointe du jour, ou nous trouvâmes *9» que nous n'en étions qu'à trois lieues. Nous continuâmes de gouverner ainsi jusqu'à midi. La latitude étoit alors d'un degré ^'j mi- nutes. Les extrémités de l'île Riou couroient de sud - ouest - quart - ouest au sud- ouest- mi-sud , à neuf lieues de distance ; et celles de Jelolo nous restoient de sud-sud-ouest au sud - est, à la distance de onze lieues. Dans cette position, nous découvrions Tex- trêmité du canal à travers lequel nous avions fait voiles. Mercredi Nous continuâmes notre route à Test- ^0» sud-est , avec un vent de nord - est , mais assez léger pourtant , jusqu'au 20 , que nous eûmes , à midi , la satisfaction d'être por- tés vers la pleine mer. La latitude nord étoit d'un degré ^6 minutes. L'île de Morintay couroit de sud - quart - ouest - mi - ouest , à l'ouest -quart» nord -mi- nord, à seize lieues ( 349 ) de distance ; et l'île de Jelolo nous rest.olt 1788. de sud - quart - ouest au sud - ouest , à la Févri^. distance de quatorze lieues. Nous gagnâmes ainsi très heureusement la mer, sans perdre beaucoup de temps , et à travers un canal par lequel nous ne nous serions jamais ex- poses à passer, dans toute autre situation. Nous ne vîmes cependant rien qui puisse empêcher un vaisseau de le passer facile* ment et en toute sûreté ^ en prenant les mêmes précautions que nous , et en fai- sant attention à toutes les circonstances particulières dont il a été parlé plus haut. J'ai indiqué les gisemens avec tout le soin et toute la fidélité possibles pour l'utilité des navigateurs qui, par choix ou par né- cessité, jugeront à propos de suivre cette route. Nous n'avions cessé d'éprouver depuis Magindanao de forts courans qui portoient au sud et au sud - ouest. Le vent souifloit constamment au nord - est ; et dans toute la route , depuis cette île jusqu'à Morinta/y, nous avions remarqué la plupart des dan- gers qui se trouvent entr'elles deux. Suivant notre calcul ^ l'extrémité méri- dionale de l'île MorintPj git par les 1 degré ( 35o ) tySS. 40 minutes de latitude nord , et les i!i8 Février, degrés de longitude Est de Greenwich. La terre que nous vîmes le 16 devoit être, selon nos conjectures, les îles Talour et l'île de Sanguir, ( 35i ) Février, CHAPITRE VI. Le vaisseau continue sa route à Pest,—^ JDes courans le portent jusqu'à Vile de Wagiew, Des symptômes de scorbut se manifestent parmi les gens de Véqui^ pcige. Le vent adonne pour la pre^ litière fois au nord ^ ouest, Passage à l'île JVagie^ ^ et aux îles Tatee , dange^ reuses pour les navigateurs. Vue des îles Freewill. — Des naturels viennent à bord. — Joie qu'ils témoignent en voyant du fer. — Quelques détails sur ces îles* — Leur latitude , leur longitude ^ etc. — Forts courans dans leur voisinage. ±L ne nous arriva rien de bien remarqua- ^^ , ,. , Vendredi ble jusqu'au 22.. Nous gouvernions a lest- ^2, sud-est. Le vent souffloit constamment du nord- est , et nous éprouvions chaque jour un courant de sud. A cette époque , l'ex- trémité septentrionale de la Nouvelle-Gui- ïié€ nous restolt dans la direction d'est-sud- ( 353 ) jjSS, est , à la distance de 120 lieues. Nous vîmes Février, alors la terre qui couroit d'est - sud - est à l'ouest - quart - nord^ à environ neuf lieues de distance de la Nouvelle - Guinée. Nous pensâmes que la terre à Touest étoit l'île de Wagîe'w y qui forme la partie la plus sep- tentrionale des détroits de Pitt. Quant à celle que nous voyions à l'est , nous ne pûmes rien conjecturer, attendu qu'il ne s'en trouvoit aucune de marquée sur les cartes dans cette direction. La latitude nord de la lisne observée à midi étoit de sa mi- nutes seulement , et la longitude Est de Greenw^icli , de i3i degrés 10 minutes. L'île de Wagiew s'étendoit , en ce moment , de sud - est - quart - est à l'ouest, et nous pou- vions bien en être à six lieues de distance. Dans cette situation , nous dérivions par le travers du vaisseau sous le vent de l'île TVagie'W, Il nous parut presqu'impossible de doubler l'extrémité de cette île , et en- core moins la Nouvelle- Guinée , si les vents ne changeoient pas d'une manière plus fa- vorable pour nous. Car, ils avoient, jusqu'a- lors , soufflé invariablement du nord - est. Ajoutez que les forts courans de sud avoient porté ( 353 ) porté le vaisseau si loin que nous nous trou- i^gg^ viens dans une position également incer- Février taine et embarrassante. Il nous devenoit très-difficile de prévoir un changement heu- reux ; et ceperivlant il nous sembloit que la seule ressource qui nous restât réellement étoit d'attendre ce changement avec pa- tience. Il faisoit une chaleur étouffante ; mais nous avions des vents assez frais ; c'é- toit l'unique avantage qui pût adoucir un peu notre situation critique. La persévérance triomphe quelquefois de dangers qui avoient paru d'abord insurmontables ; c'est ce qui nous détermina à redoubler de courage en cette circonstance. Le 23, à midi, nous n'avions fait aucune espèce de progrès. La latitude nord de la 23. ligne étoit de o degré 3o minutes, et la lon- gitude Est de i3i degrés 20 minutes. Nous : ne nous trouvions alors qu'à cinq lieues de l'île IVagiev/y qui s'étendoit de l'est-sud-est à Touest-sud-ouest. La terre n'offroit rien de semblable à celle qu'on avoit vue jusqu'à ce moment. Elle étoit extrêmement élevée, et se composoit de montagnes détachées et dispersées ça et là ; enfin , elle présentoit , autant qu'il nous fut possible d'en juger. Tome /. Z (354) i-SS. l'aspect le plus triste et le plus sauvage. Elle Février, coiiroit est et ouest ; toutes les montagnes alloient ^ pour ainsi dire , s'abîmer dans la mer. Cent cinquante brasses de ligne ne nous rapportoient point de fond. Nous dé- couvrîmes aussi une petite île dans la di- rection de nord-ouest. Ainsi nous arrivions, à chaque instant , . plus près de la terre, sans le moindre espoir de voir notre persévérance récompensée par un changement plus favorable. Il y avoit , à cette époque , un grand mois que nous nous étions exposés à tous les périls d'une navigation difficile et fatigante, sans avoir fait des progrès bien considérables. Plu- sieurs de nos e;ens commencoient aussi à se trouver incommodés des chaleurs ; et l'idée seule de l'ennui qui nous menaçoit dans le passage en Amérique , donnoit du chagrin, aux uns , et jettoit les autres dans l'abatte- ment et le désespoir. Les premiers symp- tômes du scorbut s'étoient manifestés , mal- gré notre scrupuleuse attention à suivre , dans tous ses points, le régime si heureuse- ment imaginé par le capitaine Cook , et observé par lui avec tant de succès. Nous avions redoublé de soins pour retarder les ( 355 ) attaques de ce cruel ennemi ; l'incertîtude dé 475! réus:dr nous piaroit dans une triste situa- Février, tion, et je no sais jusqu'à quel y)oint nos gens se seroient abandonnés au décourage- ment, s'il ne fui survenu dans notre état uti cliangement qui ranima leurs esprits abat» tus, et les porta à tenter de nouveaux ef- forts. A quatre heures du soir de ce jour, comme nous étions à trois lieues de l'iIe , le vent souffla tout -à coup de nord- ouest. C'étoit le premier ch^ingement favorable que nous eussions éprouvé depuis notre départ de Saniboinmri, Nous profitâmes sur le champ de cette heureuse circonstance. Nous avions alors la route au nord- est; toutes les voiles étoient déployées , de sorte qu'au coucher du so- leil , nous nous trouvâmes à une distance considérable de Wagiew. En ce moment^ nous voyions beaucoup plus la terre, par l'avant du vaisseau. Elle ëtoit très basse , et paroissoit composée de masses détachées ; d'où nous conclûmes que c'étoit un grouppe d'îles. Pendant la nuit, nous continuâmes de gouverner au nord- est, immédiatement vers la terre. Le vent ne cessa de souffler à l'ouest - nord - ouest , Z % ( 356 ) ce qui nous mit en état de tenir la route '^ ' iusqu'au lendemain 24. A la pointe du jour. Février, i ^ . , . ,. i 1^ nous nous trouvâmes a trois lieues cle la Diimnc e ^^^^^ ^^^ ^^^^ avions vue dans la soirée de la veille. Elle conslstoit^ ainsi que nous l'avions conjecturé , en plusieurs îles très- basses et entièrement couvertes de bois. Des bas - fonds et des rescifs les environnoient d,e toutes parts ; leur étendue paroissoit con- sidérable. Elles couroient de nord-ouest au nord-est-quart-est , et étoient situées à en- viron cinq milles les unes des autres. Comme ces îles ne se trouvoient pas pla- cées sjip les cartes, nous imaginâmes de les nommer îles Tatee , du mot quelle petit nombre des naturels qui étoient venus à la portée du vaisseau n'avoient cessé de pro- noncer avec de grandes vociférations. Elles gisent par les o degré 20 minutes de latitude nord, et les iSa degrés 2 minutes de lon- gitude Est de Greenwich. Il est très-dange- reux de les approcher , sur-tout la nuit ; un vaisseau qui se hasarderoit à les traverser , péri^oit infailliblement. Nons apperçûmes plusieurs canots qui voguoient entre les rescifs- Deux d'entr'eux portant chacun cinq naturels, vinrent trè$- _ - ^■^,^■4^ mmam^^ (357) près du vaisseau. Ces insulaires crlolent tySS. d'un tort de voix efiroyable : Tatee , Taiee, Février. Toutes les tentatives que nous pûmes faire pour les déterminer à venir bord à bord , furent inutiles. Nous avions pourtant soin de leur montrer les articles de trafic que nous regardions comme plus propres à les engager à communiquer de plus près avec nous ; ils considéroient le vaisseau avec des marques d'une extrême surprise ; et, à leurs diffërens gestes, tous vraiment grotesques, nous eûmes lieu de penser qu'ils n'aVoient jamais rien vu de semblable. Ils paroissoient être de la même race que les Papous. Ils avoient la tête laineuse , la peau d'un noir de jais , et tous les traits des nègres d'Afri- que. Ils tenoient dans leurs mains de longs javelots dont une arête de poisson formoit la pointe, et les brandissoient de temps à autre de notre côté. Nous remarquâmes la construction parti- culière et vraiment curieuse de leurs ca* nots. Ils étoient de forme longue et très- étroits. Pour les tenir en balance , ils font sortir d'un côté une crrande aiguille de ca- rêne avec un réseau au milieu. Ge réseau est une forte corde pour laquelle on se sert ^3 ( 358 ) 17^^* de récorce du bois de cocotier. Il formôît Février, ^j^e espèce d'ëchafaud sur lequel ces insu- laires plaçoient leurs armes , leurs instru- mens pour la pêche , etc. Nous desirions bien envoyer des chaloupes à terre . mais comme les bas- fonds empêchoient le vais- seau d'avancer assez près pour leur donner secours , nous pensâmes que ce seroit , de notre part, une témérité impardonnable d'ex^ poser ainsi notre monde à quelque danger. Vers midi, le vent fr.iîchit du nord ouest, à notre grande satiisfaction. Nous dîmes adieu aux îles Tatee^ et poursuivîmes notre route au nord et à l'est. Chaque lieue, dans cette direction , étoit pour nous de la der- nière importance. Au coucher du soleil , les extrémités des îles T/2^^6^nousrestoient d'est- quart-sud au sud-est- quart-est, à cinq lieues de distance. La cime des arl^res paroissoit s'élever précisément au dessus de l'eau. En ce moment , les extrémités de Fîle FFagiew couroient de sud-ouest-quart sud au sud- ouest - quart - ouest , à la distance de dix , lieues. Mercredi Nous continuâmes notre route jusqu'au ^7* 27 avec un vent favorable, mais, en géîié- rai, très léger. Il tonna et il éclaira, d'une ( 359 ) manière effrayante. Le temps étoit obscur , 17^?. et Ja chaleur accablante. Le thermomètre se Février, trouvoit, en ce moment, au 88^ degré;, sou- vent même au 92^. Une observation faite à midi donna S6 minutes de latitude nord, et i36 degrés 35 minutes de longitude Est de Greenwich. On découvroit, par le mât de l'avant , la terre ou plutôt des arbres , restant d'est-quart-sud au sud est-quart-est. Lorsque nous en fûmes à une certaine dis- tance , les courans portèrent fortement au sud - sud - ouest. Comme nous n'étions pas en état de doubler la j^artie la plus septen- trionale , nous arrivâmes sous le vent de cette terre, et nous trouvâmes alors qu'elle consistoit en quatre petites îles dont la plus grande n'avoit pas plus de cinq lieues de circonférence. Nous rangeâmes la côte à trois milles de distance , et découvrîmes alors un grand village situé sur le bord de l'île , au milieu d'un bois de cocotiers : tout le reste ne paroissoit être qu'une forêt : en n'y appercevoit pas un seul endroit en cul- ture. Nous fûmes bientôt environnés d'un grand nombre de canots qui venoient pour nous visiter. Ils contenoient , réunis ensemble, 24 L-x ( 36o ) J788. au moins cinq cents naturels, tous hommes, février. Chacun de ces canots portoit six ou sept personnes. La forme de leur construction étoit la même que celle des canots des îles Sandwich. Les naturels ressembloient aussi aux habltans de ces îles ; et ce ne fut pas sans beaucoup de surprise que nous les en- tendîmes parler le langage de ces derniers insulaires. D'après les observations que noHS fîmes, on peut conjecturer, je dirai plus, on peut croire en toute assurance qu'ils sont la même race d'hommes. Ils vinrent bord à bord du vaisseau sans se faire prier , et sans armes. Nous reçûmes d'eux une quan- tité considérable de noix de cocos fraîche- ment cueillies et de ligne de coir 3 et leur donnâmes en échange des morceaux d'un cercle de fer, d'environ un pouce de lon- gueur. Lorsque ce fer eut été exposé à leur vue , ils furent tous saisis d'une joie muette , mais si expressive qu'il est impossible de la dé- crire. Celui d'entr'eux à qui nous l'avions remis , commença à danser et à cabrioler autour du pont , et s'étant couché sur le dos, il se roula et se démena d'une ma- îiière si extraordinaire que nous crûmes C 3^' ) repliement qu'il venoit d'être attaque tout- 17S3. à-coup de quelque mal particulier. Enfin, il Février* se leva et baisa le morceau de fer avec les signes d'une joie extravagante qui prouvoit combien la possession de ce fer qu'il regar- doit comme un si grand trésor avoit de charmes pour lui. Ses camarades , impatiens de voir le morceau de fer, se pressoient au- tour de lui ; mais au bout de quelques mi- nutes^ il se plongea dans la mer, et ayant tourne la tête de notre côté , il baisa de nouveau le morceau de fer^ et nagea les- tement vers le rivage. Je donnai ordre alors qu'on coupât plusieurs cercles de fer, et chacun de ces naturels qui nous avoient ainsi rendu leur visite , reçut un morceau de ce métal si précieux à leurs yeux. Ils nous quittèrent ensuite avec des expressions réitérées de la plus vive reconnolssance. Ces insulaires sont d'un caractère aima- ble, confiant et rempli de franchise. Aussi leur fîmes -nous un accueil assez gracieux pour qu'il ne sorte pas facilem^^nt de leur mémoire. Nous remarquâmes- de grandes nattes dans leurs canots ; et sur ce que nous leur demandâmes à quel usage ils les em- ployoient , ils nous apprirent cj^u'ils s*en ser- ( 362 ) lySS, voient comme de cottes de mailles , et Février, qu'elles pouvoient résister à la pointe d'un javelot. Il est vrai que le tissu en étoit si fort et si serré , que je doute qu'une balle de pistolet pût les pénétrer , même à une très-petite distance. Tout semble donc an- noncer, et cette réflexion est pénible à faire> que les aimables liabitans de ces îles con- noissoient les arts , sans être cependant inoins accoutumés aux horreurs de la guerre. Le cruel Dieu des combats peut contempler dans toutes les parties du globe les tristes victimes de ses jeux barbares. C'est le capitaine Carteret qui , dans son voyage autour du monde , découvrit origi- nairement ce grouppe d îles. Il jugea à pro- pos de les nommer îles de Freewi/l , du caractère franc et généreux de leurs habi- tans. Peut-être ne se rappelle-t-on pas géné- ralement qu'un de ces insulaires l'accom- pagna sur le Swa/Iow. On l'appelloit Tom Freewill ; il mourut dans le passage aux Ce le è es. Comme il s'étoit écoulé un intervalle de temps considérable depuis le moment ou le capitaine Carteret visita ces îles jusqu'à celui où nous y arrivâmes j on pou voit ( 363 ) croire avec assez de fondement que les lySS. compatriotes de ce jeune homme avoient Février. oublié qu'il étoit parti avec le navigateur anglois. Mais ^ au contraire , plusieurs de ces naturels montroient^ tantôt le vaisseau, et tantôt la mer , et nous donnoîent à en- tendre avec d'autres gestes non moins signi- ficatifs qu'un d'eutr'eux avoit été emmené. Comme nous connoissions parfaitement tous les détails du journal du capitaine Carteret, nous leur apprîmes à notre tour que leur compatriote n'étoit plus. Ils s'entretinrent alors tous ensemble de ce sujet , et nous en reparlèrent de nouveau , mais avec l'air de la plus entière indifférence. Au moins n'en remarquâmes nous aiicun parmi eux qui , soit comme ami , soit comme parent, témoi- gnât la moindre douleur du triste sort de l'infortuné Tom Freewâll. Nous reprîmes alors notre route au nord- est avec une jolie brise d'ouest-nord-ouest. En passant au nord de ces îles , nous ob- servâmes qu'elles étoient connne attachée.^* ensemble par des resciis très-dan-gereux qui avoient trois ou quatre milles d'étendue dans toutes les directions. Au coucher du aoleil 3 le corps de ces îles xious restoit au ( 36.i ) 178S, nord-nord-onest , à quatre lieues de dis- Février, tance. , .. Le 28 , le temps devînt très - raffaleux. Jeudi . . ,, 28, Le vent sautoit coniinuelleinent du nord au nord-est, de sorte que la nteilleure route que nous pûmes faire lut à l'est , ou à Test ' un quart- sud. A midi nous avions o degré 65 minutes de latitude ; les vents étoient maniables ; la pluie tomboit par grosses bouffées ; elle étoit accompagnée de ton- nerre et d'éclairs. w, , ,. Le 20 , dans la matinée , comme nous , Vendredi ^/ ' i r -, 29. gouvernions au nord par un vent léger de sud-est, on découvrit la terre par le mât de l'avant. Nous rangeâmes la côte , et trou- vâmes que c^étoit les îles FreewiU, Notis ne pûmes nous rendre facilement raison de cet événement. Comme les îles, dans cette nier, ont beaucoup de ressemblance les unes avec les autres, nous crûmes d'abord nous être trompés : mais notre doute fut bientôt éciairci par l'arrivée de plusieurs de ces insulaires dont nous nous étions fait tout récemment des amis. Ils s'avancèrent à tra- vers les rescifs pour nous apporter en pré- sent des noi« de cocos , et nous eûmes | beaucoup de peine à obtenir d'eux qu'ils | ( 365 ) acceptassent quelque chose en écîiange. Un i?^^- de ces naturels , entr'autres , nous montra ^^vrier, un morceau de fer qu'il a voit reçu de nous deux jours auparavant , comme pour nous prouver qu'il n'avoit pas oublié ses bien- faiteurs. La latitude nord , à midi . étoit de i de- gré 7 minutes ; plusieurs observations sur les distances du soleil et de la lune donnè- rent 187 degrés 10 minutes dse longitude est. Le grouppe des îles Freewill nous restoit alors au sud est-mi-est , à quatre lieues de distance ; ce qui détermine leur gisement par les o degré 55 minutes de latitude nord de la ligne ^ et les 137 degrés de longitude Est de Greenwicli. Nous comptions bien que les courans nous auroient fait dériver sous le vent le 28 : mais nous ne nous étions pas attendus qu'ils nous pousseroient avec assez de violence pour nous faire retomber dans ces îles. Nous trouvâmes , au contraire, qu'en portant au nord pendant toute la durée du jour précé- dent , notre route n'étoit pas beaucoup meilleure qu'au sud , un peu à l'est, quoique nous gouvernassions à l'est. Nous ne perdîmes de vue ces îles que le C 366 ) t7SS. premier mars. Nous étions , à midi , par îeè Mars. 1 degré 40 minutes de latitude nord. Le vent 5 .. fiautoit, comme à l'ordinaire, du nord-est à I. l'est-nord-est. Le temps ëtoit sombre , in^ certain, et il faisoit une chaleur étouffante. De temps à autre, la pluie tomboit par raf- fales précipitées , ce qui étoit fort mal sain pour les gens de l'équipage qui souffroient beaucoup de l'humidité continuelle. D'é- paisses ténèbres obscurclssoient l'athmos- phère , et nos habits étoient tout mouillés. Ajoutez à cette triste situation la lenteur avec laquelle nous avancions vers le nord. Elle afîligeoit nos gens ^ et diminuoit leur activité à tel point qu'il ne falloit pas moins que toute l'attention et toute la Vigilance des ofiiciers pour empêcher les progrès d'une langueur si alarmante. ( ^^7 ) A P P E N D I X DE CE PREMIER VOLUME. N^ r Instructions données au Capitaine Jeak Mb ARES y commandant les vaisseaux la Felice «^//''Ipliigënie, par les Marchands Anglais propriétaires de ces vaisseaux» Monsieur, JLL est une gloire bien flatteuse pour ceux qui entre- prennent des voyages dans des contrées éloignées ; c'est de contribuer à éclaircir les points obscurs d(? la géo- graphie , et à ouvrir de nouvelles routes au commerce. Tout nous porte à croire qu'on pourroit faire le trafic avec beaucoup d'avantage entre la Chine et la côte nord-ouest d'Amérique , dont une partie a été décou- verte en 15/9 par sir François Drake. La situation de la Chine , tant pour ce qui concerne l'équipement des vaisseaux destinés au commerce des fourrures , que ( 368 ) pour Tarrangement des cargaisons , est si favorable ^ qu'elle nous a paru devoir bientôt détruire toute espèce de concurrence, et nous assurer la possession exclusive de cette précieuse branche de^ommerce dont la nation retireroit de si grands avantages. Ces considérations nous ont déterminés à armer et équiper convenable- ment deux bons vaisseaux , savoir la Felice et Vlphi- génie , dans le dessein d'établir à la côte nord-ouest d'Amérique le trafic dont il s'agit. Vous êtes expressément requis par ces présentes de conduire, en faisant le plus de diligence possible, les deux vaisseaux en question , à la côte nord - ouest d'Amérique. La route la plus courte , à notre avis , est d'avancer vers le sud au travers des mers de Chine , çntre Mindoro et Petc^wan , et au sud de Maginda- nao. Vous relâcherez , s'il est nécessaire , à Sooloo ; et tournant l'extrémité septentrionale de la Nouvelle^ Guinée , vous pousserez à l'est , autant que les vents le permettront, ou que vous jugerez convenable de le faire. Delà , vous porterez au nord du tropique pour avoir df s vents variables qui puissent vous conduire en Amérique. Comme cette navigation est considérable , et exigera beaucoup de temps , il est à propos que vous TOUS approvisionnez d'une quantité suffisante de tonnes d'eau, attendu qu'il n'y a pas de meilleur préservatif contre ie scorbut , ni rien de plus efficace pour en em- pêcher les progrès , que d'être fourni d'eau en abon- dance. Comme le succès du voyage dépend , en grande partie , de votre prompte arrivée à l'entrée de Nootka , nous desirons j dans le cas où Vlphigé/iie se trouveroit être ( 3^9 ) être inàuvais voilier, et retarderoit Votre routé , (Jué TOUS vous sépariez de ce vaisseau , et que vous avan- ciez avec la Felice seulement à la côte d'Amérique. Vous vous chargerez de donner au capitaiiie Guil- laume Douglas les instructions nécessaires pour qu^il dirige sa route le plus promptement possible vers là rivière de Cook , où il restei-a aussi long - temps qu'il le jugera à propos. Vous lui prescrirez d'avancer delà à Ventrée du Prince Guillaume , pour y séjourner jus- qu'à ce que le trafic commence à se ralentir. Il gou- vernera alors au sud vers l'entrée de la Croix qu'oii présume avoir communication avec la baie gisant au iiord du cap Edgecombe , et le loUg de la c6te au sud jusqu'à Ventrée de Nootka. Il aura soin de reconnoîtré les différentes baies et îles , et de s'arrêter , dans clia- cune d'elles, le temps qu'il croira nécessaire. Il tâchera d'arriver à Ventrée de Nootku vers le premier septem- bre 1788. il vous y attendra jusqu'au i5 octobre 5 et dans le cas où vous n'y seriez point arrivé à cette épo- que, vous lui enjoindrez de faire voiles vers la Chine avec sa cargaison , telle qu'il aura pu se la procurer j et de laisser à l'un des principaux chefs une lettré dans laquelle il donnera seulement connoissance de sort arrivée et de son départ; Les habitans de Ventrée de Nootka qui attendent des vaisseaux j ne manqueront certainement pas de tenir prête une bonne cargaison de pelleteries , destinée à récompenser la diligence du premier qui abordera chez eux. Nous vous recommandons en conséquence ^ et de la manière la plus expresse , de ne rien négliger pour y arriver le plus promptemeïTt possible* Pendant Tome lé A a ■ ( 370 ) votre séjour que tous prolongerez autant que vous le croirez nécessaire ^ vous aurez soin d'envoyer votre chaloupe , bien armée , sous les ordres d'un officier prudent , à l'V^icananish , à douze ou treize lieues au sud de Ventrée de Nootka ^ où nous pensons qu'on peut se procurer de belles pelleteries. Nous vous recomman- dons d'avancer ensuite à Ventrée de Barclay^ et de re- connoitre avec beaucoup d'attention la côte vers le sud jusqu'aux établissemens espagnols. Si la perspective du trafic faisoit concevoir de grandes espérances , vous retourneriez au nord en examinant les différentes baies et ports qui gisent au nord de Ventrée de Nootka , particulièrement les côtes des îles de la Reine Char- lotte jusqu'au 55^ degré de latitude nord ; ou bien ^ vous A'ous borneriez à exécuter la partie de vos ins- tructions qui pourra s'accorder avec le projet d'arriver à Ventrée de Nootka vers le premier septembre 1788. Il seroit possible que de retour à Ventrée de Nootka^ vous y trouvassiez V Iphigénie . Dans ce cas , vous donneriez ordre à ce vaisseau de faire voiles sur le champ vers la Chine, avec toutes les fourrures que vous auriez amassées j et comme nous nous proposons de vous le renvoyer le plutôt possible après son arri- vée 5 vous conviendrez avec le capitaine Douglas d'une époque et d'un lieu de rendez-vous où vous puissiez recevoir les instructions et les rafraichissemens que nous comptons vous envoyer l'année prochaine. Nous vous laissons le maître d'hiverner sur la côte d'Amérique ou aux îles Sandwich. Toutefois , lorsque nous songeons à la rigueur du climat et combien il importe de veiller à la conservation de votre monde j lorsque nous réflé- k^liîssôns aussi qu'on ne peut pas se promettre cle grands avantages du trafic à la côte d'Amérique pendant l'hi- ver, nous pensons qu'il sera préférable pour tous d'hi- verner aux f/es Sandw/ck^ et de revenir à la cAte dans le commencement de mars. Vous rie négligeriez pas d'en instruire les Indiens de Ventrée de Nootka > afin qu'ils passent attendre votre retour. Quoique la provision de cuivre , de fer et d'autres articles de trafic que vous emporterez avec vous soit considérable , nous vous recommandons cependant d'en user avec la plus stricte économie. Car les naturels commercent , à ce qu'il paroît , avec beaucoup d'intel- ligence et d'adresse. Alors, pour peu qu'ils remarquas- sent de la prodigalité ou de la négligence de votre part dans les échanges , ils porteroient leurs fourrures à si haut prix que, non -seulement ils épuiseroient vos pro- visions actuelles , mais encore feroient le plus grand tort à ceux qni , par la suite, entreprendroient le tra- fic , si même ils ne détruisoient totalement leurs espé- rances. Toutes les personnes que vous aurez à bord se sont engagées par les articles du traité à ne point faire le commerce , même pour des objets de îa plus mince va- leur. Nous comptons que cette obligation sera fidèle- ment remplie j et nous sommes très-déterminés à profi- ter de l'amende qui résulteroit pour nous de la viola- tion de cette clause. Mais comme il se pourroit que ^ malgré la condition , vos matelots eussent fait provision de fer et d'autres articles de trafic , dans l'espérance d'échapper à votre attention et à votre vigilance , noua vous enjoignons de choisir un moment convenable Aa % (370 avant d'arriver à la vue de la cote d'Amérique ^ pour Tisiler soigneusement le A'aisseau , et vous emparer de tous les articles qui pourroient être employés au trafic ^ en en remboursant la valeur au propriétaire. Comme les peaux de loutres sont d'un prix bien supérieur à celui des autres fourrures , elles seront na- turellement Tobjet principal de votre trafic. Les peaux de castors et de renards , sur- tout celles des renards noirs , ont une valeur considérable en Chine. Les peaux de martres ne doivent pas rapporter plus d'un dollar chacune. Nous vous recommandons aussi comme un objet qui mérite toute votre attention , de recueillir le plus d'huile et de cote de baleine qu'il vous sera possible. Nous vous avons approvisionné , à cet effet, d'une quantité suffisante de tonneaux. On assure que le ginsenp; et la racine de serpent sont des productions de la cote nord-ouest d'Amérique. Vous rapj)ortçrez autant que vous pourrez de ces deux productions , ainsi que des échantillons des difierens Gcres et minéraux dont les naturels font usage pour se peindre. On prétend également que les perles de moules abondent à la côte nord-ouest d'Amérique , et qu'on V trouve aussi du corail. Vous en rapporterez autant qu'il vous sera possil^îe. On ne cesse de nous demander ici des esparres de sapin. Approvisionnez-vous de tout ce que vous pour- rez commodément en emporter. Tâchez de vous procurer une grande quantité de ( 373 ) Jîeaiix d'iiurst ou de noiirse. Elles valent ici vingt dollars d'Espagne le cent. Comme il paroît qne les naturels épient toujours le moment de tirer avantage de la foihlesse ou de la né- gligence de ceux avec lesquels ils traitent , il sera né- cessaire que vous vous teniez toujours en garde con- tr'eux 5 et que vous ne relâcliiez rien de votie vigilance et de votre attention. Nous vous recommandons cepen- dant très-expressément la plus entière tolérance avee eux dans les circonstances même où elle pourroit vous raîmisser dans leur opinion ou compromettre votre sû- reté 5 Pliumanité l'exige. Vous tâcherez de faire multiplier beaucoup , tant à Ventrée de Noctka qu'aux îles Stindwicfi , toutes les espèces de volailles que vous aurez , ainsi que les co-. clions j les boucs et les moutons. Dès votre arrivée , vous verrez Coniekala , l'un des naturels de cette en- trée , et lui ferez tels présens que vous jugerez à propos. Dans votre retour aux îles Sajidwich , vous irez chez Tianna à Atooi , ou à celle des iles où il voudra vous recevoir. Vous lui offrirez en présent ce que vous croirez pouvoir lui être utile on agréable. Vous réser- verez , s'il est possible , quelques-uns de vos boucs et de vos moutons pour ce clief •, attendu qu'en les laissant en sa possession , c'est le moyen le plus sûr qu'il en soit pris un soin particulier , que leur nombre s'ac- croisse , et qu'ainsi ces îles deviennent le lieu du monde le plus propre à offrir aux vaisseaux tous les, rafraîchissemens nécessaires. A a a (374) Nous vous recommandons de n'emmener avec V0115. aucuns naturels de l'Amérique , ni des îles Sandwich ^ parce qu'il n'est pas certain que nous trouvassions quel- qu'occasion de les renvoyer dans leur pays. Si , dans le cours du voyage y tous rencontriez quel- ques vaisseaux russes , anglois ou espagnols , vous ea agirez avec honnêteté et amitié. Vous leur permettrez même , s'ils y sont autorisés , d'examiner vos papiers qui pourront montrer quel est l'objet de votre voyage. Vous vous prémunirez , en même temps , contre toute espèce de surprise. S'ils tentoient de s'emparer de votre, vaisseau ^ ou même de vous détourner de votre route , vous les en empêcherez par tous les moyens qui seront en votre po,uvoir , et repousserez , s'il le faut , la force par la force. Dans le premier port où vous arriverez , vous protesterez devant un officier public contre l'illé- galité d'un pareil procédé 5 vous constaterez , autant qu'il sera possible , la valeur de votre vaisseau et de la cargaison , et nous enverrez cette protestation à la Chine avec le détail fidèle de l'événement qui y aura donné lieu. Dans le cas où , à la suite d'une semblable atta- que, la victoire vous resteroit , vous prendriez posses- sion du vaisseau ennemi , ainsi que de la cargaison. Vous emmèneriez l'un et l'autre avec les officiers et les gens de l'équipage à la Chine , afin qu'ils y soient jugés de bonne prise > et que les hommes soient punis comme corsaires. Nous finissons par vous recommander de vivre dans |a meilleure intelligence avec vos officiers j et d'ob-^ ( ?.j5 ) Sf^rver à TégarJ (îes gens de Téquipage la plus sévère discij)line. Agréez Us vœux sincères que nous formons pour l'heureux succès de votre voyage. Vos très-humbles et très-obéis- sans serviteurs , signés leR marchands propriétaires, La Chine, 24 décembre 1787. N°. I I. Ordres au Capitaine Douglas. Extrait d'une lettre du Capitaine Jean Meares , au Capitaine Guillaume Dou- glas , commandant le vaisseau /"Iphi* génie. Monsieur^ Aussitôt que j'aurai donné le signât pour notre séparation , vous commencerez à mettre à exécution les instructions suivantes. Permettez , avant tout , que j'insiste sur la nécessité qu'il y a que vous soyez exact à vous trouver avec Aa 4 ■ ( 3/6 ) moi au lieu et à l'époque que je vous ai indiqués. De cette exactitude dépend, en grande partie, le succèâ du voyage que nous avons entrepris. Je dois vous informer d'abord qu'il vous sera alloué Tin pour cent sur les cargaisons de V Iphigénie et de la Felice , et que le tout vous sera payé après la vente des fourrures. Je n'ai pas besoin de vous faire remar- quer combien ce traitement peut devenir avantageux pour vous. Ne pensez pas non plus qu'en réglant les choses sur ce pied, les personnes qui vous emploient aieçLt eu. l'intention de vous exciter à bien remplir votre devoir à leur ésard. Car si elles eussent cru nn seul o instant que des motifs d'encouragement vous étoient nécessaires , elles ne vous auroient certainement pas conféré le commandement dont vous êtes revêtu 5 elles ne vous auroient pas donné la marque de confiance que vous avez reçue d'elles. Mais elles ont senti, au contraire, qu'en faisant clioix de vous pour commander VIpJugénie , en plaçant en vous une confiance illimi- tée , elles prenoient le meilleur moyen de vous attacher à leurs intérêts. Ces réflexions n'ont pour but que de vous remettre sous les yeux tout ce qu'on attend de TOUS , que de vous engager à %^ous tenir sans cesse sur vos gardes , et à veiller à ce que vos officiers et les. gens de votre équipage soient fidèles aux articles qu'ils se sont obligés par écrit de suivre. Vous leur rappelle- T^ez, qu'il ne leur est pas permis de faire aucune espèce de. commerce ou de trafic avec les naturels pour s& procurer des fourrures ou quelqu'objet de semblablû va,Ieur. Je désire sur- tout qu'il ne soit rien acheté, pas ]giêjçae un article de pure curiosité à. la côte d'Améri"^ (377) que , et le moins possible , aux îles Sajichvicli. De pareilles relations avec les naturels ne tendent qu'à satisfaire une vaine et puérile fantaisie aux dépens du eonimerce que nous sommes sur le point de voir tout- à-fait établi , mais qui n'est encore que dans son enfance. Si l'on vous dénonçoit un trafic aussi illicite, ou qiie yous vinssiez à le découvrir vous-même, vous en pren- ainsi acquis par une voie illégitime , et les mettrez en dépôt dans la cargaison 5 de même que , si dans votre équipage , quelqu'un avoit eu l'imprudence d'embar- quer des articles de trafic , vous les saisirez pour le compte de vos commettans , et consignerez sur le journal du vaisseau toutes les circonstances particu- lières. Vous tiendrez registre, sur un livre destiné à .cet iisage , de toutes les fourrures que vous a-cLèterez , de leur qualité , de leur nomin-e et du prix que vous les. aure2^ payées j de manière que vos commettans puis- sent juger de votre économie dans le trafic confié à vos soins. Je n'ai pas besoin de vous faire sentir îa nécessité de ménagfn- les articles qui vous ont été re- mis , et de ne pas les prodiguer au point que votre ics, et vos grains de verre bleus finissent par" être regardés comme de la drogue par les naturels avec lesquels ii pourra vous arriver de trafiquer. ( 37» ) Quand vos fourrures seront une fois classées selo» leurs qualités , vous les emballerez dans des caisses. Vous les ferez passer à la fumée , et les serrerez ensuite soigneusement avec des objets d'un poids considérable par dessus, afin qu'au moment où elles seront expo- sées en vente , leur bonne mine ajoute encore à leur valeur. Je désire que , dans votre commerce avec les Indiens^ vous ne preniez aucunes peaux de jeunes loutres ^ attendu qu'elles ne sont pas d'un grand prix ( i )• L'envie de les vendre engage les naturels à les détruire impitoyablement, tandis que, plus tard, elles auroient eu beaucoup plus de valeur. Les queues de loutres ont leur prix 5 vous en achè- terez donc autant qu'il vous s^ra possible. Mais vous n'encouragerez pas les naturels à vous apporter des mor- ceaux de peaux de loutres ou de vieilles pelleteries. Elles n'ont , les unes ni les autres, beaucoup de va- leur 5 et la facilité que trouvent les naturels à les dé- biter n'a d'autre effet que de les rendre moins ardens k la chasse des loutres qui en ont davantage. Tâchez de les dissuader de couper , comme ils le font , les peaux de loutres et autres. Le commerce y gagnera beaucoup. Les peaux de renards noirs se vendent très-bien j achetez-en autant qu'il vous sera possible. Quant aux ( I ) « Ordinairement les Jeaies animaux sont jolis : les jeunes loutres sont plus laides que les vieilles». Buforty Histoln naturelle y tome f^II de l'édition in-12 , page 031. (379) loutres de rivières , et aux fourrures d'un prix infé- jieur, je vous laisse entièrement le maître de les acheter ou non : je vous observerai seulement qu'en encoura- geant les naturels à se procurer de préférence les lou- tres de mer , c'est le moyen d'augmenter considérable- nient la provision de ces fourrures dont le débit est si avantageux. Le castor , quand il a la peau noire , peut se vendre de dix k douze dollars \ la loutre de rivière de quatrç à cinq seulement. Les peaux de martres noires ont du prix 5 mais les brunes ne sont pas d'une grande valeur. On estime beaucoup les peaux des jeunes hursts ; elles sont un objet de commerce j elles se vendent de dix à quinze dollars le cent. Comme il y a au nord une quantité considérable de ginseng, je vous recommande d'en rapporter le plus qu'il vous sera possible. Faites entendre aux naturels que les femmes et les enfans doivent être emp lovés à le recueillir. En l'achetant d'eux seuls , vous réussirez à tourner toute leur industrie vers cet article qui a une si grande valeur. Lorsque vous séjournerez dans quelque port , vos charpentiers pourront s'occuper à couper des esparres de sapin , et à scier des planches, sur- tout des courbe» et des couples de vaisseau , toutes pièces de construc- tion qui se vendent très- bien à la Chine. L'huile n'est pas un objet moins digne de votre at- tention. Elle coûte en Chine l\S livres sterlings 1^ tonne. La c<*)te de baleine est aussi d'un grand prix. Vous rapporterez des échantillons de tous les miné- Â-aux. Je vous recommande particulièrement de vous. ( 3Bo ) informer arec som tendre les secours journaliers , mais bien précaires qu'on pourroit vous donner. Comme j'ai le projet de gagner directement Ventrée ( 383 ) 'lphjgénie a son mât de misaine rompu, — Passage aux Philippines, — iViû:- visation le Ion sir de la cote de Luconie.-^ Passage à l'île des Boucs , aux îles de Luban j à Vile de Mindoro , et aux Ca^ lamines, — Le scorbut fait de cruels ra-* vages à bord de /Tphigénie. — Passage à Vile de Panay, — Révolue de P équi- page de la Felice , 204 Chap. 111. Maladie des naturels des îles Sandwich, — Mort de ïfinee. Son carac- tère , etc. — Destruction du bétail, — Isles de Basilan et de Magindanao, — Les vais- seaux mettent à l'ancre à la hauteur de la dernière, Les charpentiers sont envoyés à terre avec un détachement pour cou- per un mât, — Perte d'un Chinois. — — Espagnols envoyés à bord pour compli- menter les vaisseaux, — Les deux vais-' ^ç(iux sont amarrés à la hauteur du-foi^t DES Chapitres. 3^9 Caldera, — Conduite du gouverneur es- pagjiol ^ etc, P^^^ ^^4 Chap. IV. Exception qui nous est faîte à Samboingan. — Conduite du gouverneur , ses procédés à notre égard. — 1, es galions espagnols protègent nos dé tache mens y pendant qu'ils sont occupés à couper un îndt.- — Maladie de Tianna. — // va à. bord de /^Iphigénie. - — Bétail reçu à bord, he gouverneur visite les vais^ seaux, JLa Felice se prépare à re-^ mettre en mer, — Elle perd luie de ses ancres y et part pour l'Aihérique, — Dé- tails sur Magindanao , son commerce , ses productions , ses habitans , et leur religion, — Observations astronomiques ^ mouillage ^ etc, Village de Samboin- gan. -^Puissance et force des Espagnols. — Richesses que s'est procurées le ^you- verneur de Samboingan. Description d'un bal donné par lui , et des mœurs des habitans, Observations nautiques sur le passage entre les jners de Chine et la mer Pacifque du JSojd. — Dan- oers de la navigation dans les mers de Chine. — Détails sur plusieurs. passaoes filtra les deux mers ^ avec leurs dircc- SpO T A B t E lions j etc. — Tas sage entre l'île Formas^ et les Philippines. Isles Bashee. — — Description de ces îles , p a g, 277 Chap. V. La V^Yxce part de Santhoingan.-- Passage aux îles de la Felîce. — Exposé des ordres et instructions données par les marchands propriétaires pour le voyage. - — - Chanfrement extraordinaire dans le naturel des hu^es reçus à bord. — Pas- sage à l'île de JMagindanao. — Rapidité des courans. L'île de la Providence ^ heureusement évitée. — Passage aux îles Talour. — Isle Sanguir. — Vue du cap Nord. Impossibilité de le doubler.- — ^ Les vents alizés soujjîent constamment dans la merPaciJique. — La Felice avance sous le vent du cap Nord. — Passage à l'île Fxiou. Canal entre Morintay et rîle de Jelolo. Odeur suave et parfu- mée de l'air. Passage à V extra inité niéridionale de Morintay . — — La Felice gagne enfin la mer. - — - Latitude de Mo^ rintay exactement déterminée , 829 CiïAP. VI. Le vaisseau continue sa route à l'est* Des courans le portent jusqu'à l'île de pf agie^v. — Des symptômes de scorbut se manifestent panhi les gens ds DES Chapitre»; 891 V équipage. — Le vent adonne pour la première fois au nord- ouest. — Passage à Vile IFagie^v j, et aux îles Tatee , dange- reuses pour les navigateurs. Vue des îles Freewill. — Des naturels viennent à bord. — Joie qu'ils témoignent en voyant du fer. *~, Quelques détails sur ces îles. — Leur latitude ^ leur longitude ^ etc,-^ Forts courans dans leur voisinage, p. 35i Appei^^dix de ce premier Volume. N°. F^. Instructions données au Capitaine Jean Meures , commandant les vais^ seaux la Felice et /Iphigénie , par les Marchands Anghis propriétaires de ces vaisseaux , 35^ K^. IL Ordres au Capitaine Douglas. Ex- trait d'une lettre du Capitaine Jeau Meares , au Capitaine Guillaume Dou- glas y commandant le vaisseau /''Ipliigé- Fin de la Table du Tome premier. V .fv* ^