iE VOYAGES D Ü PROFESSEUR PALLAS, DANS PLUSIEURS PROVINCES DE L'EMPIRE DE RUSSIE E T DANS I/ASIE SEPTENTRIONALE. TOME CINQUIEME. VOYAGES D U PROFESSEUR PALLAS; DANS PLUSIEURS PROVINCES DE L'EMPIRE DE RUSSIE £ T DANS L'ASIE SEPTENTRIONALE; QFraduits de l'allemand par le C. Gauthieä de la Peyronie. NOUVELLE ÉDITION, Revue et enrichie de Notes par les CC. LAM ARCK, Profes- seur de Zoologie au Muséum national d'Histoire naturelle ; Et LANGLÈS, Sous -Garde des Manuscrits de la Biblio- thèque nationale , pour les Langues Arabe , Persane , Tatarc- Mantchou , &e. TOME CINQUIÈME. A PARIS, Chez Ma rad an, Libraire, rue du Cimetière André -des -Arcs, n°. 9. L'AN II DE LA RSPUBLiqUfi,. DKc3 T>S7 BOSTON PUBLIC LIBRARY VOYAGES D U PROFESSEUR PALLAS, DANS PLUSIEURS PROVINCES DE L'EMPIRE DE RUSSIE. :■■ ■ ■■■■,■■■■ , ■■■,■■■ — -rgt s. Ier. De Tschernorietschinskaia a Koépoennaia* Du 21 septembre au ier octobre. Atschinskoè , 3a verst. — Nasarova , 2.5 v. — Schéreschskoé , 18 verstes. — Ruisseau de Tétésé , 35 verst. — Iourtehs Tatars., près du ruisseau de Soulgoun , 10 verst. — Village Tatar , près du ruisseau de Naoudsiour , 2.5 verst. — Montagne Oustschioum y 20 v. — Kopiévo-Saïmka , 7 verst. — Oulouss dé Kokovo , 20 verst. — Tatars de Katschinzi. — Oulouss de Schebherdé. — Ruisseau de Karisch , 3o verst. — Ruisseau de Ssoon 9 i5 verst. — Ruisseau d' lourba , 35 verst. — lourb'uiskaia , 3o v. — Koépoennaîa^ 7 v. J'appris, à Tschernorietschinskaia t. que les paysans d'Atschinskaia m avoient trompé / et A 3 6 1771' BE TsCHERNORtEfSCHTlSrSKlTA qu'une route conduisoit de leur village à riions à travers la lande. Cette route exige oit beau- coup de réparations. On pouvoit la suivre ce- pendant pour se rendre assez commodément au-delà de la montagne , dont le pied est arrosé par le Tschoulim. Je renvoyai le même jour à Atschinskoé pour faire réparer le chemin, et N construire un bac sur le Tschoulim. Je m'y rendis le io , et tout fut préparé > le 2.4 , pour entreprendre mon voyage par l'Arga. Je tra- versai le ruisseau de Tebdet , près du village. Je passai ? à cinq verstes, une campagne assez unie , et atteignis ensuite une chaîne de mon- tagnes dont les premières éminences sont boi- sées de pins, tandis que les plus élevées sont garnies de mélèzes et de trembles. Je traversai doux ruisseaux , qui coulent entre les monta- gnes. J'atteignis la plus häute de ces élévations , 6i\ le ruisseau d'Ouloni prend sa source. On descend une cote assez rapide pour se porter vers le Tschoulim à travers des forets de pins. On compte vingt-cinq verstes du Tebdet à la plus grande sinuosité que le Tschouiim forme vers l'ouest. On rencontre un peu plus haut, près de l'embouchure du ruisseau d'Abadim , qui se jette, à gauche , dans le Tschoulim , le village de Nasarova , nouvellement établi par des paysans de l'Enisséï. Je passai le fleuve sur le bac pour me rendre à ce village. On y compte Ti»gt familles 5 on en attend encore d'autres A K O I P O I N Ä A I 4. 7 3e la même contrée. Elle n'est pas aussi favo- rable à l'agriculture que celle-ci, à cause de» froids et de l'humidité du sol : aussi la prin- cipale occupation des paysans consiste-t-elle dang la chasse, la préparation des cendres pour les manufactures de cuir de Russie , et autres tra- vaux semblables. Je continuai ma route par le ruisseau d'A- badim , et en remontant le Tschoulim vers Schéreschskoé. Ce .village à clocher est situé à un quart de vèrste au - dessus de Tschéresch f et près du Tschoulim. Les habitans ne don- nent le nom d'Iisous à ce fleuve qu'à Sa réu- nion avec le Tschéresch , ou Szeress, suivant la prononciation Tatare. Il s'appelle Iious au- dessus et au-dessous du Schéresch , jusqu'à sa jonction à l'Iious blanc et noir. Le village fait partie du territoire de Tomsk, qui est borné dans ce district parle Tschoulim et l'Iious. C'est le fleuve qui forme ses limites. Les Tatars, qui dépendent de Tomsk , et habitent la partie occidentale du Tschoulim , descendent des Ad- schintzi , des Kisiltzi > des Kamlaiski , &c* Comme ils sont chrétiens, ils ont été incorporés dans la paroisse de ce village. On avoit établi un entrepôt à l'embouchure du Schéresch , dans le tems que les usines de Kolivano - Voskrésenskoï tïroient leur fer des forges situées prés de l'Enisséï. On y complè- tent la cargaison des bateaux, qui y arrivoient A 4 ô IJfié DE ÏSCHJERNORIETSCHÏ&SKÀÎÀ au printems , sur l'Iisous^ du village de Lé- gostaïéva«, On attendoit ensuite l'hiver , époque où les chemins sont praticables, pour les faire venir de TEnissei. Du Schércsch , je dirigeai ma route directe- ment au sud , en traversant une superbe lande qui longe cette rivière et avoisine l'Iious. Ce steppe devient toujours plus montagneux. On ne voit que de petits bois de bouleaux près des ruisseaux , et sur plusieurs éminences , ou des bosquets clair semés de mélèzes sur les montagnes plus élevées. A cinq verstes de Schéreschskoé , on arrive au ruisseau de Kir- guisiou , sur lequel est un moulin . On ne ren- contre que des sentiers dans ce désert, parce que les Tatars ne se servent point de voitures ; notre route fut très - pénible dans un terrain aussi inégal. Je traversai trois ruisseaux. Les Tatars appellent le premier Atschoulat, le second Sirijou, et le troisième Ousoun-Dsioul. Ils tombent dans le Schéresch , qui coule tou- jours sur la droite. Près du dernier, j'arrivai au pied d'une montagne boisée de mélèzes, d'où jaillit une source, nommée Tét-îsé, où je passai la nuit. Je fis descendre , le lendemain , à nos voitures , un vallon rapide , arrosé par cette source. On fut obligé de les enrayer avec dos cordes. Je traversai après le ruisseau de Sibberdsiou (1), et continuai ma route à tra- (0 Le Dsioal des Tatars de Krasnoïarsk . cA la meine A KoépOENNAIA. g Vers une contrée ouverte , qui est toujours plus montagneuse* Les Tatars des lourtens voisins nous amenèrent des chevaux de relais ; mais comme ilsn'étoient pas suffisans , nous les fîmes suivre , sans les atteler , jusqu'au ruisseau de Soulgoun ou Salgom , qui est à dix verstes. On nous en amena d'autres pour completter l'atte- lage de nos voitures , et renvoyer les anciens. Les Tatars chrétiens de cette contrée habi- tent , pendant l'été , de misérables lourtens ou cabanes , construits avec des perches affer- mies en terre , qui se réunissent en haut en formant un cône , ou avec des lattes de bou- leaux , qui sont fixées et affermies par de gros cerceaux. Ils les couvrent d'écorce de bouleau blanc ; ils cousent les morceaux ensemble , après les avoir fait bouillir fortement. Ces iourtens ressemblent aux tentes des Kalmouks. Leurs iourtens d'hiver , construites en charpente , ont la forme d'une grande caisse. Ils prennent pour cela des poutres de bouleau minces qu'ils dres- sent perpendiculairement. Ils en posent d'au- tres entravers, en conservant un peu de biais aux murs des côtés. Le devant de C3S cabanes est ouvert, et forme un porche. L'autre moitié est fermée par une cloison , dans laquelle on ménage une petite porte. Ils revêtissent ensuite chose que le Silga des Baschkirs ; il signifie un petit ruisseau , ou un ravin qui sert d'écoulement aux eaux de pluie. 1© *77*- DB TSCKERKORIÎTSCHIKSKATA les murs d'une couche épaisse de terre, pour les garantir du froid. Ils construisent au milieu de la cabane une cheminée à la Baschkire avec du clayonnage et de la glaise ; ils y adaptent un tuyau de bois , pour servir d'issue à la fu- mée. Ils ménagent dans le haut , qui forme un toit plat , une lucarne carrée pour éclairer l'in- térieur , qu'on bouche pendant la nuit. Lors- que les froids sont rigoureux y deux larges bancs , qui servent de lit , sont en face de la cheminée contre deux des murs. Ces cabanes d'hiver ne valent guère mieux que celles d'été. Ces Tatars ont presque entièrement conservé leurs anciens usages. Ils sont si peu instruits dans la religion chrétienne, que la croix qu'ils portent au cou , et pendent dans leur iourten^ est Tunique signe qui les distingue des païens, lis n*ont adopté des Russes que l'habillement des femmes , et l'agriculture '• encore ne tra- vaillent-ils que pour suffire aux besoins indis- pensables de la vie. La plupart des filles sont encore vêtues à la Tatare ; les hommes portent leurs anciennes fourrures et les moustaches. Ils sont très-pauvres, et entretiennent peu de bétail. Ils prétendent que les bestiaux sont trop exposés aux animaux voraces dans ces contrées , et que les neiges les empêchent de trouver assez de nourriture , tandis que les autres Tatars , qui occupent les rives de l'Iious et de l'Enisséï » ne sont pas exposés à ces inconvéniens. Ils ont A K O ÎÊ P O £ N K A I A.~ Il des moutons qui ressemblent beaucoup à ceux de la Russie ; mais ils en entretiennent peu , parce que leur paresse les empêche de faire des provisions de foin. Je voyageai toute la journée au pied, d'une chaîne de montagnes , qui fait partie de l' Arga , et qui s'étend aussi de ce côté vçrs l'Iious. Les plus hautes éminences sont généralement boi- sées de mélèzes. Je traversai les ruisseaux de liage , Tériakté , Ousoukdsioul , qui sortent de cette chaîne , et coulent vers le Schéresch. Des iourtens Tatars a voisinent ces ruisseaux. Je passai le Karaguiza, près duquel est une métairie,, qui appartient à Outschoukatschef '9 député des Tatars du territoire de Tomsk. Je rejoignis, sur le soir, une grande route près de l'habitation de ce député , qui est située entre le ruisseau de Kara-Disoul et la petite rivière de Naoudsiour. J^e vis par- tout sur cette route de superbes landes , qui longent la chaîne de montagnes. Elles deviennent toujours plus riches en plantes. Il y croît beaucoup de lia de Sibérie , vivace. Je rencontrai, près du ruis-^ seau de Térekté , les premières tombes an- ciennes. Elles abondent ensuite par-tout dans les steppes montagneux près de l'Iious et do l'Enisséï , où elles sont très-considérables. Celles de cette contrée sont, pour la plupart, com- posées d'amoncelemens de terre, entourés de gros morceaux de rochers plats , moitié enter- Il 1JJI* BE TSCHEANORISTSCHINSÎCAÏA rés. Plusieurs avoient à leur proximité trois colonnes étroites en pierres , Tune à côté de l'autre. J'en ai vit de pareilles près des monts Altaïsks. Plus loin , il en existe très - peu de semblables. Les morceaux de rochers sont pla- cés de manière à former un carré long. Les plus gros sont dressés dans les encoignures, arrangés dans leur longueur sur les côtés, souvent presque tout -à -fait sous terre. Les pierres de deux des encoignures sont de gros- ses dalles , placées de manière que l'une fait face au nord, et l'autre au sud > ainsi que les côtés étroits du carré. Ce sont des colonnes de pierres étroites ei; brutes qui forment les deux autres côtés. L'intérieur de l'enceinte est tout uni dans plusieurs de ces tombes , et il forme une colline applatie dans d'autres. Ces deux espèces de tombes sont entremêlées ; elles sont souvent voisines, et on en compte autant d'une espèce que de l'autre. Il est donc probable que les unes sont des tombes d'hommes , et les au- tres des tombes de femmes. On rencontre pres- que toujours ces tombes à la proximité d'un ruisseau , d'une rivière ou d'un lac , dans les? belles campagnes élevées , ou au pied des mon- tagnes, et dans des vallons unis. Je me suis toujours rappelé, en les voyant celles qu'on trouve dans plusieurs contrées d'Allemagne , et sur -tout dans la Marche de Brandebourg ^ elles ont à-peu-près la même forme. Elles sont connues sous le nom de Lits des Géants. f A KoÉPOENNAIA. l3 Les Tatars , qui habitent la contrée de Naoud- siour , assurent qu'ils ne descendent pas du peuple qui a construit ces tombes. Ils rappor- tent qu'elle étoit anciennement occupée par deux frères. ( Ils entendent probablement par- là deux nations alliées. ) L'un possédoit beau- coup d'or et d'argent qu'il avoit tiré des mon- tagnes 5 l'autre étoit au contraire très-riche en bétail, et plus puissant par le nombre de ses sujets. Ce dernier attaquoit souvent l'autre f et lui enlevoit ses trésors ; le premier fut forcé de se mettre sous la protection de l'empereur de la Chine, qui lui abandonna, pour lui et son peuple, le pays situé à l'est. Malpré la différence qui existe dans la forme de ces tombes , elles paroissent venir du même peuple. On n'y trouve communément que des ustensiles et des armes de cuivre. On rencontre , dans les plus riches , des ornemens en or et en argent , et de petites plaquettes d'or dans celles qui le sont moins. J'ai vu, pendant mon séjour à Rrasnoïarsk , parmi le vieux cuivre que les paysans tirent de ces tombes, et viennent vendre dans la ville , des pointes de lance en cuivre , une masse d'armes légères , et des poi- gnards : la plupart ont la forme des deux dont je donne le dessin \ planche XL , figure 4]. Ils sont assez bien travaillés. J'y ai remarqué aussi des lames de couteau , de petites pierres à ai^ guiser , des pointes de flèches en os et en cuivre 14 *77*' M TSCHERNORIETSCHIXSKAIA de différentes formes, des faulx de cuivre serri'- blables à celles dont on se sert en Sibérie , toutes sortes de figures plattes montées , telles que des élans , des rennes , des cerfs , des capri- cornes , et des béliers sauvages. Ces figures paroissent avoir servi d'ornemens à quelques meubles sur lesquels on les appliquoit. J'ai vu plusieurs autres bagatelles, qui n'étoient pas reconnoissables , beaucoup de petites bandes de cuivre , pareilles à de très - minces lamines de manche de couteau. Le cuivre, dont tous ces objets sont composés , est quelquefois très-pur $ mais il n'est communément qu'une fleur de bronze assez aigre. On m'a assuré qu'on ren- contre dans ces tombes des débris des bran- cards de bois , sur lesquels reposoient les ca- davres. Je me suis procuré des boutons creux moulés , qui ont la forme d'une demi-boule ; ils avoient été appliqués sur les quatre piliers d'un de ces brancards. On voit dessus ces bou- tons l'empreinte d'un capricorne ; on avoit trouvé avec eux une espèce de panier à feu , orné de la figure de cet animal sur chacun de ses carreaux. On apperçoit encore, dans le manche creux de ce panier , les restes du bou- ton qui y étoit fixé : on en rencontre fréquem- ment de pareils. Ceux qui cherchent des tré- sors les appellent Flambeaux. On y trouve aussi de petites pierres blanches , qui ont la tbune des coquilles , connues sous le nom de A KOÉPOENNAIJU 5*ï Cyprea nodosa, que nos concliyologis tes nom- ment Tête de Méduse. Le trou qu'on y remar- que prouve qu'elles étoient pendues quelque part. Je m'étendrai peut-être davantage sur ces tombes dans la suite, La chaîne de montagnes que j'avois toujours conservée sur la droite, se termine près de la petite rivière de Naoudsiour , qui y prend sa source (1). Elle traverse le lac Ak - Koul , et tombe dans celui de Kousia - Koul (2) , qui donne naissance à celui de Széress. La maison du député Tatar est construite en bois de mé- lèze , et ornée d'un balcon. Les autres mai- sons sont bâties à la Russe ; elles appartien- nent ou à ses parens , ou à d'autres Tatars. On doit y bâtir une église pour les Tatars chré- tiens, qui dépendent aujourd'hui de la pa- roisse de Schéresch. Le député encourage , par son exemple , les autres Tatars à abandonner leur vie sauvage , pour adopter des mœurs plus douces , et s'adonner à l'agriculture et à la vie champêtre. Je continuai ma route le 27 , et rencontrai plusieurs places salines. La lande que la route (1) M. Gmélln a eu tort de nommer cette petite rivière Oustchiour , dans la troisième partie de ses Voyages en Sibérie. On a donné ce nom au lac et à la montagne Out- schioum , dont je vais parler. (z) Lac aux gardons. l6 *77i- »E TsCnERNORIETSCHINSKAlA traverse , est bordée de montagnes des deux côtés , et est elle-même montagneuse. A vingt verstes , on voit, sur la droite, l'Outschioum , haute montagne, près de laquelle je m'arrêtai pour faire des observations. J'avois le plus grand désir de l'examiner , d'après le rapport qu'en a fait M. Gmélin. Elle mérite d'être connue , ainsi que plusieurs autres montagnes de cette contrée. Elle est liée par une petite chaîne à une autre montagne semblable. Elle a une pente douce au nord , tandis qu'elle est très - escar- pée et garnie de rochers au sud. Ceci est com- mun à la plus grande partie de la chaîne de montagnes de cette contrée, ainsi qu'à celles de l'Iious et de l'Enisséï. J'attribue cette nature au site des couches , qui s'inclinent en pente douce du sud au nord; elles consistent ici en un schiste rougre grossier. C'est aussi la raison pour laquelle on y jouit de deux climats dif- férens , qui produisent une grande variété dans les plantes. Les plus remarquables de celles qu'on pouvoit encore reconnoître , étoient la sophora à feuilles de lupin (1) , la chataire inul- tifide (2) , la buplèvre des rochers (3) , la vesce bisannuelle (4) j l'aster de Sibérie (5) , la sar- „. . . 1 .. « (1) Sophora lupinoides. (2) Nepeta multifida. (3) Bupleurum saxatiU, (4) Vicia Hennis. (?) A sur Sibiricus. rette A K Û i f O S N » A 1 À^ 17 rette à feuilles de saule (1 ), Taxyris cératoïde et l'axy ris hybride (2) , la soude couchée (3),, la gypsophile d'Espagne ( 4 ) > l'armoise des ro- chers (5), l'argentine à feuilles bifides (6), et toutes sortes d'astragales (7). Je trouvai , au sud , entre les rochers , l'arabette de Tatarie (8) , dont j'ai donné la description dans le premier volume , et des buissons de rosiers des Alpes , de groseillers épineux , et d'amelanchiers ( 9 ). lues petits vallons du bas de la montagne étoient remplis d'ortie -chanvre ou d'ortie à feuilles op- posées et divisées en trois parties ( 10 ). Je trou- vai , près de la montagne , un fond circulaire plein de scories calcaires blanches et verdâtres ; elles prouvoient qu'on avoit fondu ici des mi- nerais. On rencontre beaucoup d'autres indices pareilles dans ces montagnes. Le lac salin d'Outs- chioum est situé dans un vallon uni au bas de la montagne. Je vis., parmi les joncs qui (1) Serratula salicifolia, (z) Axyris ceratoides et hybrida. (3) S also la prostrata, (4) Gypsophila struthium* (5) Arttmisia /Tupestris. (6) Potentilla bifida. ' (7) AstragalL (8) Arabis Tatarica. Je présume que cette plante oft Xarabls nudicaulls de Linnée, (9) Cotoneaster. (10) Urtica cannabina. Tome r.& S aß *77l' DE TsCHERNORIETSCHlNSKAIÄ garnissent ses rives humides, la petite gentiane aquatique ( 1 ) en fleurs , et des vestiges de la primevère farineuse (2). Cette dernière croit dans presque toutes les prairies humides., qui avoisinent l'Enisseî* J'avois encore sept verstes à l'aire à travers tine côte assez rude pour arriver à l'Iious. J'y passai la nuit dans une maison de paysan isolée , hahitée par un riche tanneur de Tonisk. On l'a lait établir ici, pour fournir les chevaux de poste nécessaires à la route des usines d'ir- bischkoï. Il s'y est beaucoup enrichi, par la grande quantité de cuir de Russie qu'il vend aux Tatars. * L'Iious est formé, à peu de, distance d'ici , par la réunion de deux rivières qui sortent des montagnes. Les Tatars les appellent Ak-Ouiious et Kara - Oüiious (3). On y pèche en abon- dance, tputes les truites qu'on rencontre dans les ruisseaux et rivières de la Sibérie. On y prend aussi de l'esturgeon , du sterlet , et du saumon blanc ( Nelma ) , qui y remontent du Tschoulim. Le climat est le même que celui des contrées plus méridionales , qui s'étendent jusqu'aux monts Saïani : les landes y sont aussi belles , les fourrages excellens pour tous les . , (i) Gentlana aquatica. . (x) Primula farlnosa. (3) L'iioiis blanc et Filous noix. A KOÉPOENNAIA. 19 animaux. L'hiver y est fort tempere, en com- paraison de celui de Sibérie ; il y tombe si peu de neige, qu'on peut laisser les bestiaux dans les pâturages pendant les frimats. Les au- tomnes y sont très-beaux et très- doux, ainsi que dans toutes les contrées abritées par des montagnes. Les jours étoient très-beaux et fort agréables depuis le 14 septembre 3 il y avoit dos gelées blanches pendant la nuit. On jouit de pareils automnes près des monts Altaïsks. Les fortes gelées et les neiges ne se font sentir près de Tlious qu'au mois de décembre. On m'a rapporté que l'année précédente on avoit laissé courir la volaille dans la campagne jusqu'à Noël, et que le fleuve n' avoit gelé qu'en jan- vier. Les glaces ne s'y consolident jamais long- tems. Je traversai l'Iious le lendemain au matin j mais le bac étant trop petit et trop foible, je fus obligé de faire passer successivement nos voitures : ce qui prit beaucoup de tems ; la tra- versée fut heureuse jusqu'à ma voiture. Ayant été mal placée dans le bac , elle chavira avec lui, et s'enfonça dans l'eau. Le fleuve, heu- reusement , n' avoit pas une brasse de profon- deur ; on parvint , avec beaucoup de peine , à la retirer , ainsi que le bac. Tout ce qui étoit dedans fut mouillé. Je fus obligé de tout dé- baller et de le faire sécher : ce qui dura jusqu'à midi. Jene fus coucher qu'aux iourtens de Kat- B % 20 *771\ DE TsCHERNOB.IETSCHINSKi.IJE schinzi, qui sont les plus voisins. Elles sont situées près de l'Iious blanc , et habitées par les quatre frères Kokovo y dont elles portent le nom. Je fus obligé de traverser deux hautes montagnes: ce qui rendoit le chemin très -pé- nible pour nos chevaux. La première , qui com- mence à Tlious , s'appelle T e s s ; les Tatars nomment la seconde Ousva. Je passai au pied de la Tess le ruisseau de Sourtik ; je vis un moulin abandonné , près de son embouchure , dans l'Iious. Je montai la montagne , après avoir longé un petit torrent desséché , nommé aussi Sourtik. Je visitai , en la descendant , une mine de cuivre , située sur le bord de la route. Elle dépend des forges d'Iésagaschki , qui appartiennent au négociant Vlassiiefskoï. On y voit plusieurs fouilles et un conduit , qui , commençant à la superficie du sol , a vingt toiies de profondeur. Il paroît que le minerai s'y trouvoit par morceaux dans une roche grise tachetée. Il consiste dans un vert de montagne granulé , qui y est imprégné , ou qui se trouve par veines. J'atteignis les iourtens Tatars au pied de la liaute montagne de Tarbig , qui est arrosée à sa base par l'Iious blanc. Une superbe plaine sablonneuse s'étend entre cette montagne , et d'autres collines qui lui sont parallèles. On pré- tend que les neiges y durent rarement en hi- ver. On rencontre plusieurs lacs et bas -fonds A K o 2 y O E N N A t A. ai> salins dans ce vallon , ainsi que le Toustou- Kora, dont M. Gmélin fait mention. Ce der- nier fournit le sel au territoire de Krasnoïarsk. Obligé de coucher dans ces iourtens, j'eus oc- casion d'examiner les mœurs des Tatars de Katschinzi , qui sont riches. Ils paroi ssent avoir la même origine que ceux connus sous diffé- rens noms , et qui habitent les parties supé- rieures de TEnisséî : ils ont en outre beaucoup de rapport avec eux. Ces Tatars , qui se distinguent de& autres par le nom de Katsçhinzi, sont au nombre dç mille. Ils occupent le pays situé à l'ouest de l'Enisséï y entre l'Iiousetl'Abakan. On y trouve de superbes pâturages. Leur langue prouve qu'ils sont de vrais Tatars. Les traits de leur visage , leurs habits , et leurs mœurs tiennent beaucoup des Mongols 5 ils ont peut - être été long - tems sous la domination des Kalmouks : et alors le voisinage et leurs, liaisons avec les Mongols les ont abâtardis. Leur langue est composée d'un si grand nombre de mots Mongols , qu'un Ta- tar de Kasan ne peut les comprendre ; leur ac- cent et leur manière de s'énoncer lui sont même étrangers. Les hommes se rasent comme les Kalmouks ; ils ne gardent qu'une moustache en forme de croissant , et une barbette sur la lèvre inférieure ou au menton. La plupart por- tent leurs cheveux noirs en tresse 5 les jeunes 22 1771' T)E TsClIERNOlUETSCHlNSKAIA gens en font une avec les cheveux de la queue , et laissent flotter les autres autour de la tête à six pouces de longueur. En hiver , ils ne por- tent pas de chemises 5 ils n'ont alors sur la peau qu'une longue fourrure à manches étroi- tes. Ces fourrures sont , en grande partie , com- posées de peaux de chevreuils , que leurs fem- mes préparent , en vingt- quatre heures, avec le foie de l'animal cuit en bouillie. Lorsque ces peaux sont imprégnées de ce foie , elles les travaillent sur les genoux avec un bâton den- télé , pour les amollir. Les riches ont des four- rures de peaux de moutons et d'agneaux -y les chefs portent des habits de draps et des culottes de soie les jours de solemnkés. Les autres n'ont, avec leurs fourrures et leurs bottes , qu'une large culotte de grosse toile , que leurs femmes fabriquent avec 1* ortie-chanvre , qxii croît dans les vallons 5 ils l'appellent Kinder. L'habillement des femmes diffère peu de ce- lui des femmes Kalmoukes du commun. Leur coiffure consiste en deux tresses de cheveux, qui leur pendent sur leurs épaules, en un bon- net rond garni d'une large bordure de peau , en une houppe rouge qui tient au bonnet sur le sommet de la tête , et en deux bandes de soie, qui pendent sur le chignon. Les filles portent , jusqu'à leur mariage , un petit bonnet rond , qui descend un peu plus par- derrière À KOEFOSNNAXA. 2.3 que celai des femmes j il est sans bordure, et n'a qu'une houppe ê? soie rouge. Elles font neuf tresses avec leurs cheveux 3 trois pendent le long du dos > et trois de chaque côté des faces. Les habiilemens des femmes , et sur tout leurs fourrures , ont une coupe particulière , élégante et agréable. Quelques femmes mariées portent sur la poitrine un esclavage , ou, pour mieux dire , une pièce de gorge ou compère garni de grains de coraux. La plupart des en* fans courent tout nus dans les iourtens. Les tentes qu'ils habitent aussi en hiver sont vastes. Elles sont couvertes de feutre , et en- tièrement semblables à celles des Kirgnis et des Kalmouks. Leur manière de vivre, et même celle des riches , est très-mal-propre. Ils ne lavent et ne nettoient jamais leurs vases $ ils les essuient seulement un peu avec la main , sans les laver auparavant. Leur batterie de cuisiné et leurs us- tensiles consistent en une marmite de fer et des vases ou auges de bois dé bouleau. Ils distil- lent leur eau-de-vie de lait à la manière des Kalmouks. Ils s'enivrent , pendant l'été et en automne , aussi long-tems qu'ils ont du lait. Les hommes et les femmes aiment beaucoup à fumer; ils ont, vingt fois le jour, la petite pipe Chinoise à la bouche. Leur mets favori , après la viande , est un gruau composé d'orge ou de seigle, et de farine qu'ils font rôtir dans une poêle, et sur lequel ils versent du beurre B 4 Ä4 l77ié DE TsCHERtfÔRIETSCHl^SKAIÀ fondu. Ils appellent ce mets Kack (i .) C'est la cul- ture du gruau qui les distrait de leur paresse et de leur fainéantise , en les obligeant de ne pas abandonner totalement l'agriculture. Ils en man- gent à toute heure du jour, dès qu'ils ont faim. Ils mangent aussi , au lieu de légumes , les tiges de la grande berce (2) , et toutes sortes de racines sauvages , telles que celles de la pi- voine , du nénuphar, qu'ils nomment Sosasch, du gros lis martagon (3) , du petit lis rouge foncé (4), qui abonde près de l'Enisséï, et celle de la dent de chien (5), qu'ils appellent Bess. De tous les Tatars que j'ai vus jusqu'à pré- sent, ceux de Katschinzi sont les plus mal- propres, les plus grossiers , et les plus fourbes. Ils ne s'épargnent pas même entre eux. C'est lorsqu'ils sont ivres qu'ils sont dangereux. De- venus insolens depuis qu'on les a traités avec égards , ils maltraitent quelquefois les Kosa- ques qu'on envoie pour pacifier leurs difFérens. Us forment plusieurs oulouss , qui ont chacun à leur tête un chef à gages , nommé Kni azi (6) ; (1) Les Russes appellent Kacha les bouillies , et tous les gruaux cuits. (a) Heracleum sphondylium. (3) Lllium martagon. (4) Lilium Pomponium. ( Lis de Pomponne. ) (5) Erythronium dens canis, (6) Petit prince« A K o é P O E N HT A 1 A. ü5 ils payent leur tribut ou gassak en pelleterie , ou bien ils en donnent la valeur en argent. On les régale de liqueurs spiritueuses le jour du paiement ,, et ce jour se passe rarement sans dis- putes et sans qu'il y ait du sang répandu* Leur richesse consiste dans le bétail qu'ils laissent pâturer tout l'hiver dans les herbages de leurs superbes landes montagneuses. En été , ces animaux se mettent à l'abri des fortes chaleurs dans de charmai] s vallons, où ils res- pirent une fraîcheur agréable. Les bestiaux y prospèrent beaucoup 5 mais l'air des montagnes les empêche de devenir très-gros. Leurs che- vaux sont d'excellens bidets pour la chasse 5 ils ont les membres fort agiles , et la plupart sont d'une couleur claire. Ils ont le nez fendu., et portent la tête au vent. Quelque échauffé que soit un cheval, ils le mènent à l'abreuvoir, sans craindre de lui faire du mal. Ils obser- vent cependant de ne pas le faire boire ainsi au printems, qu'ils regardent comme une sai- son dangereuse \ ils ont aussi grand soin de laisser reposer leurs chevaux pendant deux heures , lorsqu'ils sont échauffés , avant de les envoyer au pâturage. Parmi ces animaux, j'en ai remarqué d'une couleur que je n'ai vue nulle part ; et en général , ils sont parfaitement noirs , avec la tête , la crinière , et la queue couleur gris de fer, les quatre pieds blancs. Leurs bêtes à cornes sont tigrées , pour la plupart , et de 25 177 l- DE TscnEp,.rcor,irTscniKsi:AiA médiocre grosseur ; mais , en revancl« , ra- massées, vigoureuses, et robustes. Ils entre- tiennent beaucoup de moutons, qui font une espèce mixte entre ceux des Kalmouks et des Russes ; ils ont le nez plus courbé et les oreilles plus pendantes que les montons Russes : mais ils ne sont pas plus gros , et ont la même laine. Ce qui les distingue le plus, c'est la queue ; elle forme mie pelotte de graisse un peu plus forte que les deux doigts, au bout de la- quelle est une seconde petite queue mince, Ils ont presque tons des cornes; et on rencontre souvent des béliers qui en ont quatre , et même six. Ces moutons sor:t communément blancs , avec la tête et le poitrail noir ou marbré. On en voit peu d'entièrement Mancs ou noirs. Je n'ai appris que peu de clioses sur ce qui concerne leur religion et les cérémonies de leur culte. Je puis affirmer que ce sont des payées très-stupides. Ils adressent leurs prières a un Dieu bienfaisant , en se tournant vers l'est. Ils craignent davantage une divinité malfaisante, à laquelle ils font des prières, pour qu'elle ;:e leur nuise point 5 ils lui consacrent , au prin- tems , un étalon noir ou alezan. Ou le conduit devant le bûclier ; on l'y parfume avec une petite armoise odoriférante (1) , qu'ils appellent (1) C'est Uns variété âz ïartemlsla tanacetïfolia , l'ar- moise à feuille cie taiiésie , c^ui croît sur les montagnes arides* À K O ~É V O E N N A I A. 27 Irvenj ils l'arrosent et Je lavent avec du lait , dont ils jettent le reste dans le bûcher en ré- citant différentes formules de prières. Ils laissent retourner cet étalon dans son troupeau, aprèr. lui avoir attaché un petit lambeau d'étoffe rouge et blanche devant la crinière et la queue. Ils renouvellent chaque année la même cérémonie avec ce cheval, nommé ïsik ; leurs Devins ou Kamnoé, jouent le principal rôle dans cette fête. Ces Tatars m'ont fait comprendre que l'idole placée à Test , hors de leurs tentes , est la re- présentation de cette divinité malfaisante. Ils l'appellent Tous. On voit aussi près de leurs tentes un bâton fendu en fourche , qui est tiré d'une longue branche d'arbre. Une courroie passe d'un des bouts de la fourche à l'autre ; de petits morceaux de bois grossièrement tra- vaillés, et représentant des oiseaux, sont at- tachés à cette courroie. Une plume de gelinotte est fichée dans chacune de ces figures , de sorte qu'elles ressemblent à Un oiseau à double corps qui a les ailes écartées. (Voyez plane. XXXU^y ßgure i a.) Il pend entre les deux petits mor- ceaux de bois un petit morceau de peau de re- nard ou d'hermine , et une longue queue de nerfs effilés, fréquemment entremêlés de crins de cheval. J'ai remarqué qu'on voyoit près des ten- tes des riches, entre ces petits morceaux de bois f un petit cerceau ou cercle de bois , auquel tenoit. %8 I77IÎ BE TsCÏÎERKORrETSCHfNSlCAlit «ne longue baguette travaillée {figure 2) 5 elle représente probablement le tambour magique du Kamnoé, qui a fabriqué et béni Pidole. On remarque à côté du bâton qui forme la fourche , deux autres petits bâtons (figure 1, b , c) , fichés entre les cordes qui soutiennent la tente. A Tun de ces bâtons est attaché un petit lambeau d'é- toffe rouge , et à l'autre un blanc , qui est or- dinairement accompagné d'un troisième de couleur bleue (1). Ces petits bâtons se trouvent d'un côté de l'idole , ou un de chaque côté. J'ai vu auprès de plusieurs tentes , et sur-tout près des Iourtens , des Tatars qui sont pau- très , un bâton fourchu où ne pendoit qu'une queue de renard , et le bout d'une queue de mouton avec sa laine. De chaque côté de ces ornemens est un petit morceau def drap bleu et un cordonnet assez gros , fait avec de la laine blanche et brune; ils tiennent tous deux à la courroie. (V oyez figure 3.) On ap- perçoit d'autres petits bâtons sur le côté , où pendent de petits lambeaux de drap ou d'étoffe blanche et rouge. D'autres Tatars attachent simplement une peau d'hermine à un bâton placé à Test ou à l'ouest, quoique les autres bâtons où tiennent les morceaux d'étoffe soient (1) Ces trois couleurs paroissent être sacrées chez ces Tatars : ce sont aussi celles que leurs devins choisissent pour leur habillement, ainsi que pour rornement de leurs idoles» A K û E F O B N N i I A^ 29 toujours à l'est. Ils ne peuvent souffrir qu'on touche à leurs reliques , devant qui ils font fré- quemment des prières lorsqu'ils ont besoin de quelque chose. Le jour de la fête de la Di- vinité bienfaisante , ils tiennent cette idole au- dessus du feu , et la parfument avec l'absinthe odoriférante, et elle paroît alors rousse. On trouve aussi de cette plante dans plusieurs Iourtens; elle est pendue du côté où est l'idole. Je passe aux cérémonies du mariage. Quand un homme veut se marier, il charge un en- tremetteur de remettre au père de la fille une provision d'eau-de-vie et de tabac. Celui-ci fait la demande , en offrant au père de boire un verre d'eau-de-vie avec lui et de fumer une pipe. Si le père accepte , il est censé donner son consentement au mariage de sa fille , et l'en- tremetteur s'en retourne. Le prétendu ne peut faire sa demande en personne qu'au bout de six mois, en observant avec le père la même cérémonie que l'entremetteur. On fait alors les conditions ; on stipule la dot, et on fixe le jour du mariage, qu'on renvoie à plusieurs mois. Ceci n'est observé que par les riches; les pauvres qui veulent se marier , se mettent pendant plusieurs années au service du père. Les préparatifs du mariage finis , le futur se rend avec ses amis dans la tente du père de l'épousée, où il trouve tous les parensetamis rassemblés. Le père et la mère sont assis à la 3o 1^7 T' DE TsCHERNOTIIETSCHINSKAIA. tête de la compagnie ; le reste forme cercle , et ceux qui ne peuvent pas entrer restent debout hors de la lente. La fille se jette aux pieds de ses père et mère , et prend congé d'eux en lar- moyant. Elle se tourne ensuite vers ses frères , sœurs et alliés. Toutes les femmes et filles qui sont présentes se mettent à pleurer. Cette la- mentation dure jusqu'au moment où le pré- tendu prend sa future par la main, et la mène dans une autre tente , préparée à quelque dis- tance pour eux. On se divertit , l'on mange et Tonboit pendant plusieurs jours. Ces fêtes même commencent avant les noces , aussi-tôt que le prétendu est arrivé. Plusieurs observent des cé- rémonies que je dois taire. Il arrive quelquefois parmi eux des enlèvemens, mais alors le vain- queur est toujours le plus fort. Lorsque l'épousée est convaincue d'avoir mené avant son ma- riage une vie déréglée , son amant est condamné à des dédominagemens envers l'époux. Je paisse aux cérémonies des funérailles. Ils enterrent le3 morts dans leurs liabillernens or- dinaires. Ils mettent dans les bières plusieurs petites bagatelles , et les ferment avec des planches avant de les combler de terre. Ils posent un 'gobelet1 sur la tombe. Le jour de l'anni- versähe, les parens s'y rassemblent pour fêter sa mémoire. Les femmes commencent la cé- rémonie par des lamentations et des pleurs ; et elle finit par un repas et des diverlissemens. A KoÉPOENNAIA. 3ï Tous les eoîivives boivent avec la coupe qui est sur la tombe. Ils ne se servent dans leurs .fêtes que d'un seul instrument appelé Iettaga: il consiste en une petite caisse de sapin de deux aunes de Ion«; et large d'une main. Elle n'a qu'un fond qui forme la table harmonique. Six cordes de laiton de différentes grosseurs , sont tendues dessus sans chevalet. Pour accorder cet instrument, on pose un petit morceau de bois sous chaque corde ; on l'avance ou recule jusqu'à ce qu'on ait trouvé l'accord. La partie la plus courte forme le dessus , et la plus longue en cordes libres fait la basse. On joue celle-ci de la main gauche , tandis que le dessus s'exé- cute de la droite. Les airs que je leur ai entendu exécuter y sont aussi mauvais que ceux des Kalmoiixsjleurs danses ressemblent beaucoup à celles de cette nation. Deux routes conduisent de ces Ionrtens à Abakansk par lourbinskaia - Dérevna 5 l'une passe près du lac salin de Toustou , à travers une lande où l'on ne trouve ni bois ni eau douce, et où. l'on est obligé de faire quatre-vingts verstes sans changer de chevaux : l'autre côtoie plusieurs^ lacs près du ruisseau de Karisch, et a environ cent dix verstes de longueur. Je pris cette dernière de préférence , pour examiner les mines qui s'y trouvent. Je laissai le Toustou- Koul sur la droite. J'entrai dans une contrée très-montagneuse, où je vis le caragan pygmée. 3ä tjjl. DB TSCHERNORIETSCHINSKAIA C'est celui qui a les pédoncules simples , et quatre folioles sessiles (1). Je longeai un grand nombre de p etits lacs , dont les eaux sont douces , saumâtres 9 ou amères. J'atteignis le lac Bili-Koul , qui a , dit-on , soixante- dix verstes de circonférence. Il est poissonneux , quoique ses eaux soient un peu saumâtres et son ri- vage salin. Je remarquai sur le sol salin de ce district, des plantes qu'on ne trouve point ailleurs, entr' autres la renoncule décrite dans la Flora Sibirica , part, 4 , Page 202 9 n°- 4^- Elle étoit encore très-reconnoissable. Je passe les autres sous silence , à l'exception d'un Alysson,dont il n'existe aucune description. J'en donnerai une très-circonstanciée dès que j'aurai occasion de voir cette plante dans une saison plus favorable et dans sa perfection. J'atteignis > à quelque distance du Bili - Koul , et près du gros ruisseau de Touigoum qui s'y jette , le« Jourtens d'été de l'Oulouss de Schebberdé , où je rassemblai plusieurs chevaux de relais. Plu- sieurs autres Iourtens dispersés sur ce ruisseau nous en envoyèrent d'autres. Je le traversai h plusieurs reprises. Je découvris enfin sur la droite le vaste lac d'It-Koul , qui est très-pois- sonneux. On voit beaucoup d'indices de mi- nerais et de fouilles sur ces bords. Je pàs^ile Karisch , qui sort de l'It-Koul pour se réunir au Touigoum. ■ il II I . I- .-, .. .1.1 -OT I « «W—| | I II 1.1.1 «III I I. (x) Robin! a pygmca. Je À-KO^POESTNAIA, 33 Je m'arrêtai dans un cabaret établi près ôp îa maison d'un maître mineur et d'autres bâ-^ îimens particuliers. J'y passai la nuit pour at- tendre les gens de ma suite qui étoient restés «n arrière. La mine d'Irkoulskoï est en face de la maison du maître mineur, et au pied d'une montagne boisée de mélèzes. Les travaux y ont été poussés à plus de dix toises de pro- fondeur. On y trouve une superbe pyrite d'azur parmi d'autres pyrites de cuivre aurifère , mais plus pauvre. Elle produit à l'essai trente livres de matte crue par poud 5 on en a tiré quinze livres de cuivre , neuf zolotniks d'argent ; et sur cent livres , treize zolotniks et demi d'or. Cette pyrite est le plus riche minerai récemment découvert 5 on n'a pas trouvé de continuité au Jilon , parce que la gangue qui étoit d'abord très-large , s'est entièrement perdue lorsqu'on est arrivé à une certaine profondeur. On venoit d'ouvrir une nouvelle fosse dans la partie su- périeure du ruisseau d'Iourba , qui donnoit beaucoup d'espérance. On travailloit aussi sur un autre filon à cinq ou six verstes d'ici. Le premier maître mineur qui conduit les travaux est un Allemand du Duché de Brunswick • il a fort peu de mineurs avec lui 5 il est donc obligé d'employer des paysans des villages de Tess et de Koépen , qui dépendent du dis- trict d'Abakansk. On a peuplé ces villages de criminels pour les travaux des mines. Les tome V. C 34 lr77X' D3S TsCHER?ïORIETSCHlNSK?-AIA. travaux vont lentement, faute d'encouragement. Ces montagnes méritent d'être fouillées avec soin, et par des mineurs expérimentés. Il seroit même nécessaire de recommencer les travaux dans les mines qui ont été abandonnées parce que le filon a paru tarir. Je présume que ce proverbe qui dit que la richesse métallique de ïâ Sibérie existe à la surface du sol, est faux; il ne doit pro- bablement son origine qu'à la paresse des Ou- vriers. Il y a trop d'indices de minerais pour aban- donner les recherches. Il n'existe peut-être pas une seule montagne > sur-tout dans 'cette ton- 7 Ci treé, où l'on ne rencontre d'anciennes scories , des pyrites à moitié fondues, d'anciens travaux et fouilles. Les vallons sont remplis de tombes; on y trouve beaucoup de cuivre et d'or qui ont été exploités dans le pays. Je m'étendrai davan- tage dans la suite , sur les travaux de ces mines. Passé le Karisch , la contrée devient toujours plus montagneuse. On n'y voit ^d'autres bois que quelques broussailles sur le bord des ruis- seaux , et un petit saule dans les vallons qui ne croit qu a la hauteur d une aune. Je traversai un petit ruisseau près d'un lac situé entre les montagnes. Je passai à quinze v erstes au-delà d'une hauteur considérable, près du gros ruis- seau de Ssoon , appelé Ssona par les Russes. Je trouvai encore ici de superbes vestiges des plantes de l'année ; elles doivent abonder dans cette co» trée lorsque le teins est favorable. Les A KoÉPOENNAIA. 35 plus remarquables étoient la quinte-feuille fru- tiqueuse ( 1 ) et le menisperme du Canada (2) qui ont plus de cinq pieds de hauteur; leurs feuilles étoient encore de la plus belle verdure; I^es montagnes of'froient aussi des plantes encore vertes ; j'y remarquai une de ces joKes plantes à feuilles étoilées, qui sont décrites dans la quatrième partie de la fiora Sibi^'ca, pa^es 61 et 63 (3). Le caragan pygrfïée (4) est géné- ralement répandu dans ce district. Au- delà du ruisseau , la grande route se dirige à droite vers le village de Tess ; mais je pris un ancien chemin presque tout couvert d'herbages , qui traverse une haute montagne , et conduit au ruisseau d'Iourba , qui tombe dans l'Enisséï. Ce chemin continue à travers une colline basse et assez unie jusqu'à lourbinskaia, où j'arrivai assez tard dans la nuit,, parce que nos chevaux étoient harassés de fatigue. Ce gros village situé sur l'Enisséï, est nommé Kemson par les Tatars. Je m'étois proposé de traverser le fleuve le lendemain , pour me rendre à Abakansk. Mais le soldat que j'avois envoyé pour faire préparer le bac , vint m'attendre près de Koépoennaia , (1) PotentUla fruùcosa. (z) Mcnisperrnum canadense» (3) Astragaius verticillaris, (4) Robinia pygmea. c a 36 1771' D* KOÏÊPOENNAIA petit village nouvellement établi sur un bras de l'Enisséï à six verstes d'Iourbinskaia , pour m'annoncer que le bac étoit si endommagé, qu'il ne pouvoit servir qu'après avoir été réparé. Je couchai dans ce lieu qui n'est encore composé que de quatre maisons. 11 doit son -nom à un bosquet de pins qui est a sa proximité; on l'appelle Koépoen-KarAgaï. Je ramassai, près clés montagnes voisines composées de couches horizontales de pierre sablonneuse , des graines de plusieurs plantes rares , sur-tout de celle de la belle ballote laineuse (î) qui croît ici en abondance. On l'emploie comme remède domestique, à cause de son odeur aromatique. Les montagnes , dont je viens deparier , bordent les deux rives de l'EnisséL S. I t De KoÉfOEN N A I A A KrASNOIAKSIC, Du ier au io octobre. 'Abakansk, 2.0 verst. — lourbinskaîa , 10 verst. — Ruisseau de Karassoiik , a5 verstes. — lanovaia • io verst. — Novosélovo , 5 verst. (1) Ballota lanata. Les habitans de Krasnoïarsk appellent cette plante Grémïiasscha , parce qu elle croît en abon- dance près d'une montagne de ce nom , située au-dessus de la ville. Ils l'emploient intérieurement et extérieurement contre les maux ce tête. A K R A S N O ï A R S K.' 87 ~ Igrischnaia , 2,0 verst. — Baliktinskoé 9 3o ver st. — Ogourskaia , 1 5 yerst. — Forge' cl' " Iésagaschkoï , 35 verstes. — Cours de- VEnîsséï. — Ofscharskaia , 3o verstes. — Birioussinskaia , z5 v. — Ofsiianka , 2.5 V-i — Krasnoïarsk , 22 verstes. On longe le fleuve pour aller joindre le bac d'Abakansk , établi à quinze verstes pins haut. On découvre à cinq ou six verstes sur sa rive élevée, beaucoup d'anciennes tombes de pierres. Une étendue de terrain d'environ quatre cents toises est si couverte de ces tombes qui sont communément doubles , qu'elles ont à peine deux toises d'intervalle entr'elles. Elles forment un carré construit en dalles; les unes sont revêtues d'un amoncellement de terre , les autres sont tout unies. Il y a eu probablement ici un cimetière renommé, ou bien il s'est donné une- bataille dans le voisinage. Le passage du fleuve est au-dessous d' Abakansk , au pied de la Pé~ révosnaia , montagne rapide , composée d'une- roche sablonneuse rougeâtre qui se brise par carreaux. On y voit sur-tout les plateaux des pierres abritées par la saillie des rochers.; elles sont couvertes d'inscriptions fort bien moulées avec de l'encre de la Chine , ou autre cou- leur noire , en lettres de la grandeur de nos grosses capitales. La plupart de ces insertions. sont très-bien conservées. Elles sent presque Co 4 38 1771' »SKOEPOEKNAIA toutes on langue mongole; je n'en ai vu que deux en langue Tatare. Elles paroissent plus anciennes que la çpnqjiête de cette partie de la Sibérie, îl seroit à désirer qu'elles fussent traduites; mais il faudroit pour cela une personne bien instruite dans la langue mongole. La traversée pour se rendre à Abakansk est de cinq verstes. Il faut d'abord passer le corps du fleuve qui a plus de trois cents toises de largeur. Il est très -rapide, et a beaucoup de tournants. On le traverse à la rame ; on est obligé de tirer les bateaux le lon^ de l'île Dé- guériàtof, en remontant l'Enisséï, et ensuite entre cette île et celle d'Ovinnoï (1). Delà f on passe par un bras du fleuve où les eaux sont basses vers l'île de Taborskoï. On reprend les rames pour traverser un autre bras qui est plus large. On est obligé de iirer de nouveau les bateaux > sur le rivage opposé , jusqu'à Abakansk. Cet ostrog est une misérable maison qui tombe en ruine. On y voit une mauvaise église de bois , et peu de maisons habitables. Il est situé sur une rive sablonneuse et basse de l'E- nisséï , ce qui l'expose à des inondations considé- rables et générales, à la suite des gTandes neiges. (i) On a donné ce nom i cette île, parce qu'on y voyoit autrefois beaucoup de fours. Ils servaient à sécher le hou- blon. A K R A S N O ï A R S K. 3j Heureusement elles ne sont pas fréquentes. On n'en a pas essuyé depuis 1768, et cette dernière a été la plus forte. Elle a entraîné les meilleures maisons qui étoient situées près du fleuve , ainsi qu'un clocher. La fortification a été également endommagée. Elle a un besoin pressant d'être réparée. Ce lieu est la résidence d'un Oupravitel , ou Voïévode, qui a dans sa dépendance les villages voisins , les paysans qui ressortissent du commissaire de Beleskoï- Ostrog, les Tatars-Katschinszi qui habitent la rive gauche de l'Enisséï, les Tatars-Kaïhals , et les Kischtimi qui occupent la rive droite. On compte à Abakansk plus de six cents hahitans mâles , y compris ceux qu'on en a tirés pour peupler les villages. Ils vivent principalement de l'entretien et du commerce des bestiaux, et de l'agriculture^ qui ne leur fournit cependant pas le nécessaire à -cause de leur paresse. îl en est de même des Russes répandus dans les contrées supérieures de FEnissei. Le bétail prospère aussi bien ici que dans les superbes contrées dont j'ai fait mention. Il demande peu de soins 5 aussi ces peuples vivent-ils sans soucis et dans la plus grande nonchalance. On fait passer beaucoup de bêtes à corne de cette contrée à Oudinsk et au-delà, vers Irkoutzk, 4 Kousnezk , au-delà des montagnes, aux mines et forges de Kolivan , vers Baraba et jusqu'à Tobolsk , où elles prospèrent beaucoup mieux C 4 4à I77i- BK KOÉPOEKNAIA que les taureaux des Kirguis. On ne peut le» faire voyager qu'en été , parce que les chemins ne sont praticables pour les bestiaux que dans cette saison 5 on ne peut y aller en voiture à cause des montagnes sauvages. Pour se rendre à Kousnezk , la moitié du chemin se fait à travers la lande de Saïan; cette route assez, commode , devient infiniment pénible lorsqu'on est arrivé aux montagnes. Après les avoir tra- versées, on atteint les rivières qui se jettent dans le Tom. Lorsque les marcha7ids y sont arrivés , ils font construire des radeaux pour transporter leurs bestiaux par eau jusqu'à Kous- nezk. Les habitans d'Abakansk commercent aussi en houblon. Ils en font de fortes récoltes dans les îles de l'Enisséï, où il croît en abon- dance ; ~ils en chargent un grand nombre de ba- teaux pour Irkouzk (1). Les habitans de cette contrée m'ont assuré unanimement que les hivers y sont doux et très- courts en comparaison de ceux qu'on éprouve à KrasnoTarsk. Cet adoucissement est dû à la situation de cette contrée \ elle est entourée au nord et à l'est d'une haute chaîne de mon- tagnes, qui borde l'Enisséï et file à l'ouest au- dessus de Krasnoïarsk, et elle est abritée au gud par la plus haute montagne de la chaîne (i) Abakansk est aujoiTfdnui l'une des villes de cercle du Gojyernement de Kolivan. A K R A S tf O ï A Ä S K'. 4* 3e Saïarîsk. Cette contrée forme donc un vallon bien clos , où la chaleur est vivement augmentée par les rayons dn soleil qui dardent contre les ro- chers arides de ces montagnes. Ce district estdonc le plus chaud et le plus doux de la Sibérie. Un Habitant de la petite Russie qui s'y est établi , cul- tive avec succès du tabac et des arbouses. Il com- pare les hivers de ce canton à ceux de son pays. Il m'aditque s'il obtenoit un terrain propre , il es- péroit y faire réussir les arbres fruitiers et les abeilles. On voit de petits bois et des broussailles autour d'Abakansk et sur les petites îles du fleuve. J'y remarquai beaucoup de petits oiseaux rares, savoir : un ortolan (i) , le bec croisé de Sibérie (2), une lavandière (3)., la mésange de la mer Caspienne (4) , et le pic à trois ergots (5) ; ils s'y arrêtent presque tout l'hiver. On y remarquoit depuis quelque teins deux espèces de moineaux blancs. Mes chasseurs ne purent s'en procurer. On m'a rapporté qu'on a voit apperçu ici , il y a deux ans, quantité d'ours tigrés de blanc qui paroissoient venir de très - loin. Ils étoient maigres, épuisés, et (i) Eniberi-[aclat [le bruant fou ou le bruant àzz prés. £"f- ) (i) Loxin Slbirlca. Appendix , n°. $3. (3) Motacilla tyanurus. A.ppendix, n°. 71. (4) Parus Scythicus. [j) Ficus tridactylus. [ i'épeiche ou le pic varié. Bî-Jf.'J 4^ t771' DE Koêpoekn A1A si affamés, qu'ils entroient dans les villages oh Ton en. a tué plusieurs. J'aurois désiré passer l'hiver à Ab Jkansk ou dans les environs, mais les maisons d'Irbizkoï étoient inhabitées , et les bâti mens de TOulax ruinés ; il nj avoit pas une seule chambre lo- geable à Abakansk. J'étois donc obligé d'aller à Krasnoïarsk , afin de me procurer un logement assez com mode pour y travailler pendant Fhiver. La saison étoit déjà très - avancée ; les froids excessifs des nuits annonçaient que PEnisséï seroit pris dans peu j ce qui rendoit la tra- versée difficile. Ne pouvant me rendre à Kras- noïarsk sans passer ce fleuve , je renonçai att projet de parcourir cette superbe contrée , et renvoyai la partie à l'été prochain. Je ine mis en route le 4- Je traversai heureusement l'Enisséï, malgré- tin ouragan considérable qui venoit du nord-est, et le mauvais état des bateaux. D'ïourbins- laia - Dérevna , je pris la route qui m'avoit conduit à Abakansk $ le chemin meneaux forges de fer établies près de Flés^gasch, et passe entre l'Enisséï et l'iious. J'avois envoyé un relui en avant, à moitié chemin d'Ianovaia, village qui est à soixante-cinq verstes. Je m'y rendis sans perdre de tems. On a établi une métairie près du petit ruisseau de Kaskir ; le chemin est ici m on tu eux et très -epénible. Je montai nue côte qui longe ce ruisseau. Je grimpai en- A KrasnoïarsiC. Jß suite une montagne très-haute et très-rapide , sur laquelle j'eus beaucoup de peine à parvenir, malgré le double attelage que j'avois fait mettre à nos voitures. Celles qui portoient mes équi- pages , n'arrivèrent au sommet que le lende- main matin. Cette mcntagne est boisée de mé- lèses , de bouleaux et de peupliers. Je me trouvai, après ce passage, dans une contrée plus ouverte et assez unie, qui longe l'Enisséï entre de hautes montagnes de rocs. , Te traversai peu après le petit ruisseau de Taschtip ; je*re- layai près de celui de Karassouk, que je n'at- teignis qu'à la brune. Je lis quarante verstes pendant la nuit, pour arriver à ïanovaia. Un petit lac salin est à dix verstes au plus du Ka- rassouk sur la droite -, il est situé au pied de la haute montagne de Saragasch qui longe l'E- nisséï. On en a tiré du sel pendant cinq ou six ans, depuis ij58 > époque où le Toustoukoul n'en fournissoit plus. Il étoit destiné à la four% niture du territoire de Krasnoïarsk. Potéchin, habitant de cette ville, avoit contracté un marché pour la préparation et la livraison de ce sel. Ces salines sont tombées depuis cinq ans , parce qu'il s'est formé de nouvelles croûtes de sel dans le Toustotikoul. Je laissai sur le côté le Tschernoï-Kamen (1) , haute montagne qui borde l'Enisséï. Elle est cqns- _ (1) Rocher noir. 44 i771' DE KôipOENNAlA titrée de couches horizontales de schiste noir qui s'inclinent vers le nord , ainsi que toute - la chaîne de montagnes qui s'étend depuis Abakansk, avec plus ou moins de pente. L'in- clinaison des couche« n'est pas aussi forte dans- toutes les montagnes de cette contrée , que dans le pays qui est plus élevé. On s'en apperçoit aisément dans deux montagnes situées près du fleuve et en face d'Ianova. Celle appelée Ou la s a un village à sa base ; l'autre est nommée Gorodovaia Sténa (i), parce qu'elle forme un escarpement à pic vers le fleuve qu'elle longe. Dans ces montagnes les couches font à peine un angle avec l'horizon. Le village d'Ianovaia n'est composé que de huit maisons. C'est l'entrepôt du sel tiré du lac Toustoukoul , qui est à soixante-quinze; vers tes à l'ouest. On le transporte de - là sur des bateaux plats (Barki) , dans les magasins- à sel de Krasnoïarsk, Le trésor de la couronne paye à la personne chargée de cette livraison quinze kopeks par poucl pour le transport ; il ne coûte à cet entrepreneur (Podriadsckik ) qu'un rouble et demi pour cent pouds , en le faisant voiturer par terre ; ce prix seroit moindre s'il le faisoit transporter par eau, puisqu'il n'y a que deux cents verstes. On fait descendre sur l'Enisséï des usines d'Irbischkoï jusqu'à ce village ~u - '■■■ ■ ■ ' 1 . (t). Mur de ville. A K R A S N O ï A R S K. 4ß les fers nécessaires aux forges de Kolivaii. On les décharge à Ianova, en attendant l'hiver pour les transporter au-delà de l'Iious , qui est à dix verstes d'ici , et les déposer au village de Lé- gostaiéva. Lorsque les eaux sont grandes, on les fait passer sur des bateaux dans l'Obi, en descendant le Tschoulim. Ce transport n'a plus lieu depuis le printems dernier, époque où les usines d'Irbischkoï ont été cédées au •collège des mines, parce que la direction des mines de Kolivano - Voskrésenskoï se propose d'exploiter les minerais de fer qui abondent dans les montagnes de Kouznezka. On a établi à cet effet de nouvelles forges de fer près de Kouznezka 5 elles sont dans la dépendance de Tomsk. Le 6, mes équipages n'étant point arrivés, .je ne me pressai pas de partir d'ianova. Je profitai de ce délai pour observer ce que les montagnes voisines offroient encore d'intéres- gant en plantes. J'y remarquai sur-tout un gros lys qui y abonde. Ses feuilles sont d'un vert d'herbe. Il croît principalement près des vil- lages et dans les bas -fonds humides qui sont battus par les bestiaux. Il y vient par touffes. On ne le rencontre que près de l'EnisséY. Les paysans l'appellent Piskoulnik. Il paroît différer de tous ceux qui ont été décrits. A cinq verstes d'ianova je traversai une plaine qui longe TEnisséï ; elle est remplie d'an- 46 Vppi! de Koepo E N Jf AI A ciennes tombes. Je passai Novosélovo, village a clocher, et de-là une montagne de laquelle on découvre à Test le cours de PEnîssel , à une grande profondeur très - rapide. On voit Tlious à l'ouest , sur le bord d'une campagne unie qui décline de la montagne ; ses rives sont garnies de plusieurs villages. Cette rivière est plus élevée que l'Enisséï, et la contrée située au-delà est fort montagneuse. Je trouvai drms celle qui précède, une plaine dont le sol est assez maigre et salin. Elle s'étend jusqu'au petit village d'ïgrischnaia 5 elle confine d'un côté à l'Iious , et de l'autre à des montagnes qui Ion peut l'Enisséï. Ce village doit son nom à la source d'Igrischna , dont les eaux s'enfouis- sent à peu de distance de l'Iious. Les montagnes se rapprochent cle l'Iious au- dessous d'ïgrischnaia \ la route dévient péni- ble, parce qu'on est obligé de côtoyer ce fleuve jusqu'au village dé Baliktinskoé. On rencontre sur ces hauteurs, aimoitié chemin > le ruisseau d'Oumna 3 on passer'en suite auprès de la source du ruisseau de Baîikta^, qui a donné son nom au gros village à clocher, dont je viens de par- ler. Il est situé sur l'Iious, et distribué par plusieurs petits villages, peu éloignés les uns des autres. Il a deux verstes d'étendue. La partie la plus considérable est composée de quarante maisons. J'y couchai', pour aller de jour aux usines A K R A S N O ï À R S K. 47 de ferd'Iésagaschki. La route cjui y conduit est très - mon tueuse , et garnie de bois. Elle étoit si boueuse et en si mauvais état , -que je' fus obligé d'envoyer du monde en avant pour La faire réparer. Le Chemin passe d'abord sur des hauteurs* considérables , mais assez ouvertes jusqu'au ^ruisseau d'Ogour 9 qui tombe dans l'Enisséï, et sur lequel est situé le village d'O- goürskaia. Ori entre, à peu de distance, dans Ttne forêt de bouleaux , où l'on traverse le ruis- seau de Soùschoï - Ogour, qui est presque à sec. Un peu au-delà, est une épaisse forêt d'arbres à résine assez, montagneuse. Je la con- servai jusqu'à un vairon rapide, arrosé par ie ruisseau de Kourou-Iésagasch. Ce vallon longe une côte étroite. Je côtoyai lé ruisseau avant de le traverser. J'eus ensuite de belles campa- 'gués. J'atteignis , au bout de quelques verstes , le grand Iésagasch et les forges de fer construites "sûr ses bords j elles sont à deux vèrstes de son embouchure dans l'Enisséï. Je trouvai ici deux radeaux, qrii v à voient amené du fer -en gueuse des usines d'Irbischr- "koï. Ils suffisoieiit BSiff porter toutes mes voi- tures. Je m'y embarquai pour me reudrë à Kra- Vnoïarsk , qui est encore à cent vèrstes. On ne peut y aller par lierre , par rapport aux mon- tagnes , qui sont très - sauvages. Elles s'éten- dent insensibi^ement dans la chaîne de monta- gnes dont j'ai parié. On peut s'y rendre à che- val , par un sentier , lorsque Ton n'a pas d'autre moyen. Ce sentier, situé sur la rive droite di£ fleuve , est très-périlleux. Ces forges ont été établies, il y a environ seize ans , par un négociant de Verkotourié , nommé Alexéi Vlassiefkoï. Son fils, Andrêi% en est aujourd'hui le possesseur. Toutes les mines de PEnisséï , et ces forces , sont entre- prises pour le collège des mines et les usines d'Irbischkoï ; elles dépendent de la chancellerie des mines et forges d'Ekaterinbourg , quoi- qu'elles en soient éloignées de deux mille cinq cents verstes (i). Les émiueiices sèches et les mon- tagnes boisées en partie , qui environnent ces forges, rendent leur sue charmant. On .a tiré entre ces montagnes une digue longue de cent *l~s .- CD O quatre-vingt-dix toises. L'étang n'est pas fort large vers le ruisseau, qui a un cours rapide. Il fournit une si grande quantilé d'eau, que ces usines pourroient être beaucoup plus con- sidérables. Le bois y abonde également j mais elles manquent, en revanche ,• de tous les au- tres objets. On avoit construit.,., dans le prin- cipe, un haut fourneau pour la fonte d'un mi- nerai de fer , découvert plus haut près de i'E- aiisséï. Il s'est montré fort beau à la superficie du sol. Devenu cuivreux dans la suite , il ne donnoit plus qu'un fer en gueuse, qui n'étoit (i) Cinq cents lieues. propre A K R A S H Ö î A R S &? propre ni à la fonte ni à la forge. Le fer de- ces usines tomba, par ce moyen, dans un tel dis- crédit , qu'on n'en, tronvoit presque plus de débit. Il n'étoit pas d'ailleurs fort considéra- ble, à cause de la grande quantité de fer que fournissent les forées de Sibérie, où l'on n'em- ploie pour la fonte que des fourneaux avec des soufflets à bras , qui coûtent beaucoup moins.' Ce haut fourneau , la fonderie , et le bâtiment à mouler, sont devenus inutiles, parce qu'on n'a pas trouvé de meilleur minerai. On avoit construit dans le bâtiment à mouler deux four- neaux courbes pour la fonte de différens mi- nerais de cuivre , découverts dans les monta- gnes qui bordent flious ,, le Karisch , et l'E- nisséï. On n'a jamais pu réussir à fondre les riches pyrites tirées des mines du Karisch ; les minerais d'ailleurs étoient de foible rapport ; les travaux qu'on étoit obligé de faire dans une montagne très-solide , ne pouvoient être que très-pénibles et fort dispendieux. La mine ces- soit de donner ß aussi-tôt qu'on étoit parvenu à quelques toises de profondeur ; de sorte que plusieurs filons n'ont pro luit que six à huit cents pouds de minerai : les meilleures n'ont rapporté que quelques milliers de pouds. On ne pouvoit prendre un meilleur p ir i qu^ d'a- bandonner les travaux. Ils ont d'ailleurs cessé d'eux-mêmes , puisque le propriétaire, n'ayant plus assez de. fonds, a été obligé d'en emprunt Tome r. D So l77*- de Ko'épo ekkaijil- •ter, et d'employer clés ouvriers à gages for? igriorans. -Réduit à la mendicité , il a laissé, .à sa mort, son fils dans la misère. On vient de transporter ici, par ordre de la cour, tout le fer en gueuse superflu des usines d'Irbinschkoï ; on l'y met en barres et en plaques. Le mar- tinet est donc la seule forge en activité ; il est composé de deux martinets avec leurs doubles foyers. Toutes ces usines et les magasins sont en bois > mais d'une bonne construction. La belle maison du propriétaire est située au pied de la montagne vis-à-vis les forges (1). Je continuai ma route vers i'Enisséï. Tout étoit prêt pour mon départ , et mes voitures étoient déjà sur les radeaux. J'y arrivai à midi» Nous ne pûmes aller que très-lentement, parce que les eaux etoient fort basses ; nous ne fîmes aussi ce jour-là que le tiers du chemin, tandis qu'on peut se rendre en un jour à Krasnoïarsk , dans les grandes eaux , sans se servir de rames» Le fleuve coule ici dans nn canal interrompu , qu'il s'est frayé entre les hautes montagnes- sauvages, dont j'ai parlé. Cette chaîne s'étend clans sa largeur jusqu'auprès de Krasnoïarsk, et par conséquent à cent verstes. Elle borde , des (1) Les murailles de cette maison étoient couvertes ce la cochenille de i'axiris, cocc'uislla axiridls , décrite au n°. 136 <3e ¥ Appendix. Cette pdaAte , qui sert de nourriture à cet insecte , croît abondamment dans ce district. A K R A S tf O ï A R S ÎÇ. 5f fleux cotés , le fleuve d'énormes écueils qui s'élèvent , sur-tout à l'est, avec des cimes de ro- chers brisés garnies de bois. Ou ne rencontre plus ici de couches horizontales métalliques , mais des roches et des schistes compactes ou, brisés par couches près ^ne perpendiculaires. Les ruisseaux qui sortent de ces montagnes . et se jettent dans l'Enisseï, sont à. droite j les grand et petit Naguina, aii-dessus desquels le fleuve forme une île , et conséqueuiiiient url bras auquel on a donné le nom de Doumkova- Protoka : aguiche, le petit ruisseau de Bou- ßia, et sur la droite, le Strelnaia. La négli- gence de nos mariniers nous fit donner, à peu de distance d'ici, sur un banc de sable , situé près d'une pointe de terre. Il nous fallut près d'une heure pour nous remettre à flot. Nous passâmes ensuite un endroit rempli d'écueils. lies bateliers de Sibérie appellent ?ces places Schivéra. Nous vîmes, sur la droite, léKrol, ruisseau considérable ; ceux de Soumischa et de Birla sont sur la gauche. Nous atteignîmes , à la brune ^ le petit ruisseau de Dvorovaia; le village à? Qfscharskalo est situé sur sa rive droite. Sa rive gauche présente* des rochers de «chiste alumineux noir. Il se forme , dans les crevasses et cavités de ces rochers, de l'alun jaune et mou ( Kamennoié-Miaslo ) (1) \ il est ■ " i — — — — — — 'i— — — m (ï) Eeaire de pierre. 5Z 3-77Ï* *>£ Ko'IfOBNKÄ'lA aussi beau et aussi abondant que celui de \A rivière de Mana., et tient aux rochers par croûtes épaisses et raboteuses. Il n'est souvent composé que de Unes pointes , comme l'alun de plume , et en druses. Cet alun est, en général, très- blanc et léger ; lorsqu'on le brûle à la flamme , il devient facilement fluide , bouillonne , et s'évapore avec des vapeurs rouges vitrioliques ; son résidu est une terre légère très-blanche et savoureuse. Chaque année on en recueille plu- . sieurs pouds ici et près de la Mana , qu'on xa vendre à Krasnoïarsk. La livre se paye quinze à vingt kopeks, de la seconde main. Le peu- ple l'emploie comme remède , sur - tout dans les diarrhées et les dyssenteries , dans les lie- morrhagies ., qui suivent les eiifantemens' labo- rieux, pour les gonorrhées malignes et les fleurs blanches. Ils le font prendre comme vomitif aux enfans dont la poitrine est chargée de glaires. On se sert aussi , dans le besoin, do cet alun rouge au lieu de vitriol , pour teindre des cuirs en noir. Les forgerons en font usage pour convertir le fer en acier. Le tems fut froid et chargé de nei£-e le len- demain 9 octobre. Nous traversâmes un vaste ' enfoncement sur la rive droite du fleuve dont les montagnes s'éloignent à quelques verstes. Ge bas -fond s'appelle Boschtitsskoî - Saïmit- Sché. Nous passâmes heureusement le Rosto- sratoï-Piicès et Kossa 5 ils sont garnis et hérissés A K R A S N O ï A R S K. 53 d'écueils presqu'au niveau des eaux , lorsqu'elles sont basses : ce qui rend ce passage très - dan- gereux. Nous apperçûmes ensuite le ruisseau de Schoumischa , qui tombe à droite dans le fleuve. Avant d'arriver au ruisseau de Birioussa et au village du même nom, qui est situé à gauche dans un enfoncement , on voit , de ce même côté, de hauts rochers , qui bordent la rive , presque sans interruption , pendant deux verstes. Ces rochers viennent de deux monta- gnes. On apperçoit les entrées de trois grandes cavernes , et de plusieurs autres plus petites , qui se présentent fort bien. Leurs ouvertures sont plus ou moins élevées au-dessus de l'eau.. Je ne m'étendrai pas davantage sur cet objet , parce que plusieurs voyageurs en ont déj à donné la description. On tire du talc de la montagne située vers la partie supérieure du ruisseau de Birioussa ; mais les chemins étoient trop mauvais pour la visiter : elle est située d'ailleurs dans un désert presque impénétrable. On voit plus loin, sur la gauche , le petit ruisseau de Schoumischa. On en rencontre trois autres à quelque distance, l'un à droite , et deux à gauche 5 ils portent tous trois le nom de Listvennaia. Vers la brune , nous passâmes l'embouchure de la ri- vière de Mana ou Mona, ainsi que celle du Manskoï-Bouik , et dans la nuit le village d'Of- siianka. D 3 54 î771, se KoÉroEîfNAiA Ce village, habité par des paysans riches,* prouve combien la. population est augmentée dans l'\s vastes déserts de la Sibérie. Il est peu- plé , à l'exception de quelques maisons, d'une même lignée , qui forme vingt - cinq familles nombreuses , quoiqu'elle en ait fourni presque autant à d'autres villages établis sur l'Enisséï. Un Russe, nommé louschl'of, a été la souche de cette race. 11 y a environ deux cents ans que cet homme a voit quitta la Pussie pour s'établir dans cette contrée , occupée alors par les Kirguis. Il avolt s^pt fils , dont l'un fut înass^cré par ces peuples. Ils sont les auteurs de près de cinquante familles. Ces paysans ont conservé la passion la plus forte pour la chas- se , la pêche , et tous les objets d'indus- trie de leurs ancêtres. La plupart sont très- riches. Les montagnes sauvages et inhabitées , qui bordent la partie supérieure de la Man a , leur offrent le pays le pins favorable à la chasse. On y trouve encore beaucoup de zibelines , de loups cerviers, de goulus, et d'ours. Les autres animaux sont, la belette rouge ( Kouloukï (i) , l'écureuil, et un grand nombre d'autres. Le porte-musc abonde dans tout ce district, quoi- qu'il soit très-rare dans la partie occidental« de l'Lnisséï , et qu'il appartienne aux monta- gnes de Kousnezki, près du lac Télezkoï. C'est (î) Mus utfl ^r)ifUa9 n°. 3 de Vdppendix* A K R A S N O ï A R 8 S, 55 fin automne et au commencement de l'hiver qu'on en prend le plus. On se sert (Je. lacets et d'assommoirs ; on les place dans les ouvertures de haies formées entre les rochers et les gra-r clins des montagnes, où ces animaux cherchent leur nourriture. On vend leurs vessies à très- bas prix y c'est-à-dire , de vingt à trente ko- peksj il est vrai que ce musc n'a pas autant d'odeur que celui de la Chine. On emploie la peau de cet animal pour des fourrures* com- munes i on les coud comme les peaux de che- vreuil. Lorsque ces peaux sont tannées , elles ont beaucoup plus de moelleux que toutes celles des autres animaux. La Mana fournit à ces pay- sans tout le poisson qu'ils peuvent désirer 9 et sur-tout plusieurs espèces de truites y celle ap- pelée Lénok [ Appendice y n°. 104 ] >.es$ la plus commune. Ces paysans s'adonnent aussi à. l'a- griculture et à l'éducation des bestiaux. Us. ont beaucoup de métairies dans les terres qui âvoi- sinentla Mana , parce qu'elles sont très-bonnes. Une source , qui n'a pas de nom , tombe ici dans l'Enisséï'. On découvre , dans les rochers calcaires qui composent la rive gauche du fleuve, appelée Ofshanskc-ï - Bouik ( 1 ) > elles n'ont pas autant d'apparence que celles du Eirioussa.. Je n'entrerai pas dans de plus grands détails à ce (1) Plusieurs grottes. D 4 56 ^l1^ T)E Koepoennaia sujet , puisque M. Gmélin a donné la description de toutes ces grottes. Ofsiianka est à vingt - de^ix verstes de Kra- enoïarsk. On atteint le ruisseau de Karaoul- naia sur la gauche , et ensuite lä rive rocail- leuse, nommée Schalounin - Bo'uik. La con- trée présente tout-à-coup, dr>s deux cotés du fleuve, des steppes ouvertes, qui forment des collines basses et unies. La roche de Sehalou- mn, qui est au-dessous d'un petit ruisseau, sur la rive droite, forme la dernière extrémité de la montagne escarpée, qui s'étend jusqu'ici, et la contrée devient pins urne. Ce rocher a la figure d'un pain de sucre ; on y voit une petite ouverture au-dessus de l'eau, et on dit qu'elle conduit à une grande excavntion. Nous pas- sâmes ensuite devant l'île appelée Sosnofskoï , à cause des pins dont elle est garnie, et les embouchures de plusieurs petits ruisseaux. Nous atteignîmes Krasnoïarsk , qui est agréablement situé sur une haute pointe de terre sablonneuse , Formée par l'Enisséï et la rivière de Katscha. Nous y arrivâmes d'assez bonne heure : ce qui nous donna la facilité de nous arranger dans les maisons que nous avions choisies pour passer l'hiver. Je termine ici la troisième partie de mes voya- ges. Je rendrai compte, dans la suivante , de« autres observations faites en 1771. ;À K R A S N O ï A R S K.' 67 ANNÉE 1772/ S- I I I* K R A S N O ï A R S K. Janvier et Février. Krasnoïarsk. — Voyage de M. Souiefk îa mer Glaciale. — Retour de M. Souief. — Obser- vations sur les Ostiaks. — Observations sur les Samoïèdes. — Pêche de VObi. — Descrip- tion du poisson blanc. — Chasse du territoire de Bérézof,\ — Chasse au renne. — Pêche du chien marin. — Chasse aux oiseaux près de VO6L Le tems devint agréable et très-doux après mon arrivée à Krasnoïarsk. Les automnes sont communément très-beaux dans la partie mé- ridionale de la Sibérie , et dans presque tous les pays montagneux situés à Test. Il y eut , pendant le mois d'octobre 1771 , deux jours nébuleux et froids ; mais la plupart furent beaux et très-doux. Il geloit fort 5 la Katscha fut prise le i5, et l'Enisséï commença à charier le 2.2. On essuya des ouragans et des tempêtes dans les quinze derniers jours d'octobre $ ils conti- nuèrent avec la même violence jusqu'au 19 no- vembre. Le vent étoit fixé entre le nord-ouest et le sud-ouest« ,La contrée de Krasnoïarsk est £8 1772.. Krassoiars*. continuellement exposée à de pareilles intem- péries ; il existe peu de climats où Fair soit dans une agitation aussi continuelle qu'en Sibérie , quoique les vents y soient plus violens et d'une plus longue durée , à cause de la rature du sol, qu* , en général , est montagneux. Il tomba un peu de neige et de pluie jusqu'au 18 no- vembre; l'Enisséï fut entièrement pris le 20, Jl l'est rarement avant la mi - novembre ^ par rapport à la rapidité de son cours y la débâcle se fait d'ordinaire en avril. De la gelée et un teins calme succèdent à la débâcle. Les tems froids , propres à la Sibérie , ré- gnèrent en décembre et janvier; il est rare cependant de les voir continuer avec autant de force. La nuit du 7 au 8 décembre, le -thermomè- tre étoit au cent quatre - vingt- seizième de- gré ; le 9 au matin j, au cent quatre- vingt- qua- torzième 5 le 10 , au deux cent troisième ; le 11, au deux cent neuvième ; et le. 12, au deux cent-, deuxième. Le tems devint ensuite nébu- leux. Le froid reprit avec violence jiprès le jour, de l'an : de manière que , le 5 janvier , le ther- momètre étoit au deux cent unième degré; le. 6, au deux cent sixième ; le 8, au deux cent douzième ; et le 9,, il fut de nouveau au cent quatre-vingt-seizième. Une forte tempête , ve- nant du nord - ouest , mit fin au froid rigou- reux , le 1$. D'autres tempêtes continuelles, venant de l'ouest f augmentèrent la chute de$ Krasnoïarsk. 5$ neiges. L'hiver continua ainsi jusqu'au i5 fé- vrier, époque où Ton essuya quelques fortes gelées. Le soleil étoit si ardent, que les neiges fondoient rapidement sur les montagnes sa- blonneuses de cette contrée ; leur diminution étoit sensible. La ville de Krasnoïarsk n'est point changée depuis trente ans. Je Tai trouvée telle que M. Ginélin nous la dépeint dans ses voyages. On n'y voit point de nouveaux édifices publics , excepté l'église paroissiale , qui est en pierres ; mais elle n'est pas encore achevée. Le nombre des habitans n'a presque pas augmenté, mal- gré la forte population du plat pays. Elle ne renferme point de riches marchands 5 les arti- sans n'y exercent que les métiers les plus in- dispensables. Cette ville ne deviendra jamais florissante, à cause de l'insouciance et de l'ivro- gnerie du peuple ; ces vices sont enracinés chez lui par le bas prix des grains , et par l'abon- dance de toutes les denrées ( 1 ). Krasnoïarsk est fort avantageusement située pour le com- merce. Tous les négocians Russes , qui se ren- dent à Kiakta, y passent aujourd'hui, lorsque les chemins d'hiver sont praticables. C'est , (1) Il est fâcheux: que notre voyageur ait voulu rejeter ■sur la libéralité de la nature les coupables effets d'un gou- vernement despotique. On a déjà pu s'appcrcevoir plus d'une fois qu'il a voit plus déiudition <^ue de philosophie. Note du RediUHtur* Co ^77^> K R A S N O ï A R i K. après Tomsk , la ville que les marchands pré- fèrent pour acheter les zibelines communes et les pelleteries qui se vendent en Chine. Il y passe, depuis novembre jusqu'en février , des milliers de traîneaux chargés de marchandises, qui vont par kara varies. Ils ne s'y arrêtent point , parce que le marchand , propriétaire de la ka- ravane , est en avant ; ses affaires d'ailleurs \sont expédiées aussi-tôt, puisqu'il paye comp- tant tout ce qu'il achète. Les marchandises Busses sont beaucoup plus chères à Krasnoïarsk qu'à Irkoutzk. On n'y trouve que des marchan- dises médiocres, qui se vendent assez cher, à cause du peu de débit , et par la raison que la viile ne renferme que deux marchands posses- seurs de magasins ; ceux-ci mettent donc le prix qu'ils veulent à leurs marchandises. Les productions du pays sont beaucoup moins chères à Krasnoïarsk qu'en Russie , où elles sont à bon marché. On y vendoit, à mon arri- vée , la farine de seigle de deux à trois kopeks le poud ; la farine de froment , de quatre et demi à cinq kopeks ; le bœuf, de quinze à vingt-cinq kopeks le poud; un bœuf entier , un rouble et demi ; une vache , un rouble ; un bon cheval , trois roubles , quelquefois deux seule- ment , et même au-dessous 3 un mouton et un cochon, de trente à cinquante kopeks. Le prix des grains augmenta un peu , à cause des fortes livraisons qu'on faisoit aux forges et mines de K r a s h o ï a r s k; 61 Kolivano « Voskrésenskoï , aux forteresses de Plrtisch , à la fabrique d'eau - de - vie établie près du Tschonlim l'hiver dernier , et aux ma- gasins que le gouvernement a formés à Kras- noïarsk. Le seigle n'a jamais passé cinq à sis kopeks le pond. . ' Il y a fort peu de -débit dans le pays , parce que la plupart des habitans sont cultivateurs, et élèvent eux-mêmes des bestiaux. Si le pays étoit moins 'fertile, le prix des denrées auroit augmenté depuis long-tems , à cause des en- vois de grains qu'on fait annuellement dans les contrées septentrionales de l'Enisséï, et dans le gouvernement d'Irkoutzk , où il nen croît point , ainsi qu'à Sourgout et Narini. Jamais la récolte n'a manqué généralement dans *ce canton \ dans une récolte ordinaire , le seigle donne dix fois son grain ; les semailles d'hiver huit ^ et l'orge , douze. Le froment ne produit, dans les mauvaises années , que six pour un y il est fort rare que l'avoine ne produise pas vingt. On sème très- peu de sarrasin commun ; mais lorsqu'on eu sème , c'est dans des terres épuisées , parce que la trop grande fertilité du sol le feroit monter en herbe : il donne ordi- nairement douze à quinze fois son grain. Ces champs présentent aussi bien sur les éminences <|ue dans les vallons une terre noire et légère. On ne leur donne jamais d'engrais 5 l'expérience sl prouvé que si 011 le faisoit , £>n détruiroit la 6t. 1772. KäasnöiAäSk? récolte. Quoique ces terres ne soient en jachère* que tous les trois ans, elles conservent la même fertilité pendant 12 à i5 ansäet même davantage. Un paysan n'est jamais embarrassé lorsque sou champ est épuisé ; il trouve assez de landes et de superbes coteaux à cultiver : il les dé-» friche communément après les semailles d'été. On commence, dans les premiers jours de juin , à labourer le nouveau champ , en retirant les racines avec la herse ; on lui donne un second labour à la fin du mois. Ce nouveau champ ( Saiog ) , qu'on laisse reposer jusqu'à la lin de juillet ,. est propre à recevoir en août le» semailles d'hiver , en y faisant simplement passer la herse. Il se repose aussi jusqu'au prin- tems ; on y sème alors du froment, après lui avoir donné un nouveau labour. On n'a point encore , en Sibérie , du froment d'hiver , quoi- qu'il soit fort commun et d'un très-grand avan- tage dans le territoire de Kasan , et près de la Kama. On laisse reposer un pareil champ (Pèrélog), après la première moisson, pen- dant l'hiver, sans lui donner de labour. On y jette la seconde et la troisième année, une semaille d'été. On le laisse en jachère (Pari) la quatrième année , après lui avoir donné- deux labours 5 on le sème pour lors l'automne suivant , ou au printems. La plupart des champs peuvent être ensemencés de trois années denx • ceux des contrées .élevées au moins d'une année K B. A S K O 1 A R S K. 65 à la troisième. Ils sont propres à toutes les se- mailles , et même au chanvre et aux pois. Ce détail fera COîmoîCçè l'état de l'agricul- ture dans les contrées orientales de la Sibérie, et prouvera l'heureux sort des paysans dans un pays si fertile. Le territoire de Krasnoïarsk a près de six cents vers 1res en carré \ on n'y éva- lue la population qu'à un peu plus de quinze mille mâles , parmi lesquels se trouvent trois mille Tatars, et autres peuples de Sibérie 5 .ce* derniers ne s'adonnent point à l'agriculture , et mènent une vie pastorale. Cependant la po- pulation de ce territoire surpasse celle des con- trées de la Sibérie pins orientales. Je crois de- voir observer que la Sibérie n'étoit guère plus peuplée que l' Amérique septentrionale , il y a au plus deux cents ans; ce n'étoit qu'un désert aussi inconnu ; par conséquent on doit ëtr® étonné de l'état actuel de ce pays^ les Russe* qui l'habitent surpassent de beaucoup le nom- bre des nationaux. Si la découverte et la con- quête d'une contrée entièrement déserte et aussi vaste , qui s'étend jusqu'à l'Océan oriental , fait honneur au génie , au courage , et à la bravoure des Russes > sa population ne peut être regardée que comme un chef-d'œuvre de la plus saine politique. Il ne faut pas deux siècles pour rendre cette province florissante puisque le sol y est très - abondant ; l'air sa- Kibre et purifié par les yents des montagnes , 64 Ï772" K * A S N O ï A R s K." qui régnent toute l'année ; les sources , qui jaillissent des rochers, fournissent d'excellentes eaux. Le site de cette province est des plus avan- tageux. Leshabitans , malgré leur intempérance, y parviennent à un âge fort avancé , et engen- drent beaucoup d'enfans. On ne cultive guère , en Sibérie , que les grains dont j'ai parlé ci-dessus , quoique les contrées méridionales soient très - propres à la culture des plantes potagères. Il est rare quç les gelées précoces de l'automne fassent tort aux plantes délicates \ mais elles sont exposées aux gelées , qui se font sentir communément Ters la fin de mai \ les potirons et les concom- bres sont les seules plantes potagères qui y réussissent \ les melons et les arbouses ou me- lons d'eau , ne viennent point à parfaite ma- turité en pleine terre. Le tabac y est ciutivé avec succès; il s'en fait un très - grand débit parmi les idolâtres. Ou ne sait cependant pas encore cueillir la feuille à tems , ni la prépa- rer \ le goût qu'il conserve le fait appeler Sé- ientschak. On ne le vend que quinze à vingt kopeks la livre , à cause de sa mauvaise qualité > tandis que celui de Tscherkask coule quarante kopeks, et plus 5 on le vend même souvent soixante à Oudïnst. Les liabitans de Krasnoïarsk tirent de grand§ avantages du houblon sauvage , qui croît abon- damment dans les îles de Tunisseï, sur - tout vers vers Abakansk, et plus haut. Ils s'y rendent par troupes nombreuses, en automne, et en rapportent le houblon sur des radeaux. On le vend , à Krasnoïarsk , de cinquante kopeks à un rouble le poud. On en envoie beaucoup à Enisséï , Irkoutzk , et dans les contrées bai- gnées par la Tougouska , où il ne vient point ; il y est cher. La bière des habitans de Kras- noïarsk revient à bon marché , à cause du bas prix des grains : aussi , à chaque fête , s'eni- vrent-ils plusieurs jours de suite. La rhubarbe se tire principalement de Kra- snoïarsk 5 c'est une des plantes sauvages des montagnes. Lorsque le collège de Médecine en demande , la chancellerie de cette ville charge des entrepreneurs d'en faire la livraison à un prix fixe. Ils la font récolter , en automne , dans plusieurs districts des montagnes, sur- tout au-dessus d'Abakan , et au-delà de PEnis- séï , près des ruisseaux de Salba et de Sisim. I^a meilleure vient d'Oudinsk; on la trouve sur les montagnes voisines de l'Öuda et de la Bi- rioussa. Ce sont communément les racines de la rhubarbe ondée (1) , et d'une espèce qui a beaucoup d'affinité avec elle ; cette dernière paroît différer de celle que les botanistes ap- pellent Rhapontic (2). Les vieilles plantes de (1) Rheum undulatum. (z) Rhaponth'um. C'est vraisemblablement du rheum corn« pactum dont veut ici parler le professeur Pallas. Lam. Tome K E 66 1772' Kraskoïarsk rhubarbe sont presque toujours pourries dany le nœud principal de leur racine , qui est com- munément très -fort. Je ne puis dire si cette pourriture vient de l'humidité du sol, puisque la rhubarbe de Sibérie croît dans le voisinage des ruisseaux des montagnes ou du climat , et sur-tout des étés humides. On voit toujours la grosse racine qui part du cœur de la plante , changée jusqu'à son écorce en une moelle d'un jaune brun, qui a une saveur amère et astrin- gente. On ne peut donc employer, dans la Médecine 9 que les continuités cylindriques de la racine ; et c'est à cause de sa forme qu'on donne à la rhubarbe de Sibérie le nom de Tsché- renkovoÏ - Kéven. On a envoyé à Tobolsk , pendant l'hiver de 1771 , cinq cent onze pouds dix livres de rhubarbe pour le collège de Mé- decine. Elle seroit beaucoup meilleure, si on ordonnoit à ceux qui la récoltent d'employer un autre procédé lorsqu'ils la préparent. Ar- rivés chez eux avec la racine fraîchement dé- terrée , ils en ôtent l'écorce , la coupent par morceaux, et la font sécher à une chaleur mo- dérée. Elle perd par-là son suc , qui fait une partie de sa vertu ; elle prend, en séchant f une forme spongieuse , où il se fait des cre- vasses , et ne ressemble nullement à la vraie rhubarbe , dont elle n'a point la vertu. Je crois devoir rapporter ici le procédé dont je me suis servi pour cette préparation. K a A 8 K O î A R 8 K ' 6? Je me procurai cle la rhubarbe d'Oudinsk et des montagnes de* Saïani , qui étoit dans tonte sa fraîcheur. Je suspendis ces racines au plancher d'une chambre à poêle j lorsqu'elles furent bien sèches, je pelai et nettoyai celles qui me parurent bonnes ; j'obtins, par ce moyen 9 une rhubarbe aussi compacte et d'une aussi belle couleur que la meilleure rhubarbe de la Chine, et elle avoit presque autant de qualité et de vertu. Sa saveur étoit plus forte que celle de la rhubarbe préparée avec le procédé or- dinaire , et ses effets bien plus actifs. Si l'on pouvoit rencontrer des districts dans les monta- gnes de la Sibérie , où le maître tronc des vieilles racines de rhubarbe se conservât sans pour- riture , je ne doute point qu'étant préparée suivant ma manière, elle n'égalât la rhubarbe de la Chine, tant pour la grosseur que pour la beauté et la dureté; et peut-être ne lui cède- roi t- elle que peu, et même point, en vertu et en qualité. Les environs de Krasnoïarsk , et la plus grande partie de la Sibérie, abondent en bois de toutes espèces. On peut se procurer,, à peu de frais, de superbes bois de charpente,, en le faisant venir à flo toit en radeaux des montagnes es- carpées qui bordent l'Enisséï. L'érable , l'orme , et le tilleul sont les seules espèces d'arbres qui n'existent point dans la partie orientale de la Sibérie. On rencontre des cèdres près de la E 2, 68 *772* K R A S N O ï A R S K. Maria. On voit beaucoup de peupliers baumier3 vers Abakansk et près de l'Enisséï \ les bour- geons résineux de cet arbre l'ont , en hiver , la nourriture favorite des gelinottes 5 ils com- muniquent aux intestins de cet oiseau le par- fum agréable qu'ils renferment. Le petit bois taillis des forêts de cette contrée consiste en merisiers, en aubépines, et en amélancliicrs(i) : ces derniers deviennent des arbres assez con- sidérables près de la petite rivière de Katscha. Pendant l'hiver, on apporte à Krasnoïarsk beaucoup de gibier et de pelleteries. La chasse des animaux, dont la peau entre dans le com- merce de la pelleterie , est entièrement aban- donnée aux peuples de la Sibérie , en vertu d'une ordonnance ; ils payent leur tribut à la couronne avec ces peaux , et le surplus se vend assez bien : aussi la chasse est-elle une de leurs principales occupations, La plus grande partie des Russes, qui ha' Lent les campagnes de cette contrée , s'en occupent pendant tout l'hi- ver ; ils dressent des trébuchets et tendent des lacets pour toutes les espèces d'animaux ; ils prennent dans le voisinage des hermines , des écureuils , et autres bêtes. Cependant , pour pouvoir chasser librement, ils sont obligés d'en obtenir la permission des chefs des hordes Ta- tares , ou de la magistrature, qui la leur déli- (j) Mes pilas çotonsaster. K R A S N O ï A R 8 K. 69 vrent pour un hiver entier. Sans cette précau- tion, ils courent risque d'être surpris par les Tatars , qui les punissent sur le fait , ou les livrent à la justice \ et celle - ci leur inflige un châtiment. Les zibelines sont encore assez abondantes dans le territoire de Krasnoïarsk ; il y en a de deux espèces. Les peaux des unes sont de très- mauvaise qualité , et presque semblables à celles de Tomsk ; le poil en est long , mais leur cou- leur tire sur le gris. Cette espèce vient , en grande partie , des montagnes de riions noir et du Tschoulim. hes peaux de la seconde espèce sont d'une bien meilleure qualité $ elles viennent des montagnes de Saïan , au-delà de rEnisséï , et sur-tout des environs de TOT et des ruisseaux qui tombent dans la Touba. Elles Ont le poil court,, et communément assez noir ; on en trouve dont l'extrémité du poil tire sur le blanc et sur le gris. La plupart de ces der- nières ont des taches jaunes jusqu'au cou, comme les martres ; elles en diffèrent cepen- dant par toutes les autres marques propres à la zibeline. Les peaux de belles zibelines sont cependant assez rares à Krasnoïarsk ; celles d'Oudinsk ont toujours la préférence : le poiï en est plus noir et plus fourni. On a détruit les loups du territoire de Kra- snoïarsk , ainsi que d'une grande partie de la Sibérie. On y rencontre , en revanche / beau- E 3 7<* 1772^ K A A S N O ï A R S K.' coup de renards dans les contrées ouvertes; on en apporte de noirs , et d'autres d'un gris noir ; ceux-ci viennent des contrées septentrionales, et se vendent à haut prix 5 on les nomme Tsches.- inobourié. les castors (Bobri) et les loutres (Vidri) abondent encore dans les rivières au - delà de l'Enisséï ; les loutres coûtent souvent jusqu'à sept roubles la pièce \ on les transporte vers les frontières de la Chine. Les loups cerviers (Kissi) sont beaucoup plus rares , ils se vendent le même prix > sans les pattes de devant > qui sont tigrées , et qu'on a soin de leur couper , pour les vendre séparément. Les gloutons ( Kosso- mAki ) y abondent davantage ; ceux qui sont tout noirs coûtent quatre roubles la pièce. On y voit une assez grande quantité de blaireaux ( Bafssouki ) 5 comme leurs peaux sont mépri- sées , on n'en tue que par hasard, ou lorsque leur voisinage incommode, ou lorsqu'on a be- soin de leur graisse. Le petit gris (Bielka ) , du territoire de Kra-» snoïarsJv^ est de fort mauvaise qualité. Il arrive quelquefois vers l'automne dans les contrées situées entre les monts Saïani et la Toiingou- ska , de fortes émigrations de ces petits ani- maux., qui se portent du sud au nord , lors- qu'ils sont chassés de lenrs contrées par ia di- sette des champignons ou, des noix de cèdres. On prend beaucoup d'hermines (Gornostaï) dans les landes situées au nord de Rrasnoïarsk K K A J N O ï 1 R â «, Jl et vers Abakan. Elles sont de belle longueur.' On les vendoit jusqu'à vingt -cinq kopeks la pièce , lorsqu'elles faisoient partie du com- merce de la Chine, tandis qu'on n'en tire à présent que cinq à six kopeks. On pourroit prendre aussi beaucoup de belettes., cFun jaune vif ( KouLOUKi ) , dans les montagnes couvertes de bois ; mais on n'en fait pas grand cas. Celles qui tombent dans les pièges se vendent aux niarchands forains cinq à six kopeks la pièce , et quelquefois plus ; ils les portent aux Chi- nois , qui aiment beaucoup leurs peaux , et les payent très-cher 5 c'est pourquoi on les tient à haut prix à Irkoutzk , et la raison pour la- quelle on nen transporte point en Russie. On ne s'amuse point à prendre ici le putois, parce que personne ne l'achète , quoique sa peau soit d'un plus beau blanc et plus nette en Sibérie qu'en Russie $ son poil est aussi plus parfait. L'élan (SoKHatié) , le cerf (Sinin), le che- vreuil (Kosouli), et l'animal du musc (Ka- barga) (i) , abondent dans les montagnes au- delà de l'Enisséï. Les Tatars payent une grande partie de leur tribut en peaux d'élans et de gros cerfs , que le gouvernement reçoit au taux (i) Buffon nous a donné la description et le dessin de cet animal. Il le nomme l'animal du musc , ou porte-musc» Moschus moschifcrus. Lina. e 4 72 1772t Krasnoïarsk.' de soixante à cent vingt kopeks pour le service de la cavalerie. Le tribut est encore fixé en zibelines. Suivant la dernière ordonnance, cet impôt ne se paye plus en forme de capitation; -les hordes entières des peuples idolâtres du terri- toire de Krasnoïarsk se cottlsent pour le déposer ; il se monte à cent soixante-deux peaux et demie de zibelines. Le mot zibeline n'est presque plus que pour la forme , puisque la plus grande partie de ce tribut se paye avec d'autres pel- leteries ou en argent ; on évalue chaque zibeline à un rouble, Les chevreuils sont si communs dans les en- virons de Krasnoïarsk , qu'ils ne coûtent que quinze kopeks au plus ; leur peau sert à faire des fourrures communes pour les voyageurs. Préparée , elle se vend dix kopeks. Le porte- musc est aussi commun dans certaines années, et sur - tout dans celle-ci. Le mâle , Rosatshki, se vend de trente à quarante kopeks, à cau&e de sa vessie , tandis qu'on donne à peine dix kopeks de la femelle avec sa peau. J'ai va dans la suite une femelle qui étoit entièrement blanche, phénomène rare et remarquable. Elle, venoit des contrées d' Abakansk ; on m'a assuré y avoir vu la peau d'un mâle de pareille couleur. Le po'sTon est le seul objet qui manque dans le district de Krasnoïarsk. Les eaux de la Katsclm sont basses. Elle n'a presque point de poissons, KRA S NOTARS K.. 73 parce que ses eaux croupissent en hiver sous la glace , ainsi que celles de beaucoup de ri- vières de Sibérie. L'Enisséï a peu de bras où. les eaux soient paisibles. Il n'est guère propre à la pêche, pnr rapport à la rapidité de son cours et à "son fond rempli de rochers; d'ail- leurs , il est peu poissonneux. Le poisson y remonte peu de la mer Glaciale ; on n'y pêche point de saumons à l'exception de plusieurs espèces appelées Taïmen, Lénok, Rha- rious, et Sic. Les esturgeons y sont rares, mais exquis. Ils se tiennent en hiver dans des places où le fleuve a beaucoup de profondeur , et il est impossible de les approcher. Les ha- hitans sont obligés de se contenter, pendant le carême, de poissons gelés et salés, que la ville de Tomsk leur fournit. Ce sont en grande partie des murènes , et une mauvaise espèce de poissons blancs , ou du saumon. La Chancellerie du Voïévode de Krasnoïarsk ressortit de la province d'Enisséïsk, tandis que son commandant et la chancellerie de la guerre dépendent de la province de Tomsk (1). On comptait alors dans le territoire de Krasnoïarsk neuf -mille deux cent vingt-huit paysans Eusses taillables , huit cent sept colons, cent vingt- huit réfugiés devenus colons, deux mille vingt- (1) Krasnoïarsk est aujourd'hui une des villes de cercle du Gouvernement de Kolivan. 74 1772* Voyage trois bourgeois et artisans (Posât ski et Ze- KHoyié), et deux mille neuf cent quatre-vingt- onze Tatars tributaires de différentes hordes. Ces derniers sont répartis en six cantons (Se- mlizi) , savoir : Katschintzi, Koïbali, Iarinzi, Kanskoï, Kamaschintzi, et Oudinskoï. Ces can- tons sont partagés en plusieurs petites hordes. Réunis, ils payent un tribut de cinq mille cent soixante-un roubles. M. Souïefy jeune savant de ma suite, que j'avois chargé de descendre l'Obi jusqu'à la mer Glaciale, vint me rejoindre en janvier. Je vais donner ici l'extrait de ses observations. Voyage de M. Soutef a la mer Glaciale. • M. Sozà'ef était parti de Tsehéliabinsk le 2.6 février 1771. Il ne trouva rien, de remarquable jusqu'à Tobolsk. M. de Tscïdtschérin , gou- verneur de cette ville, l'accueillit favorablement, et le recommanda expressément au commissaire de Bérézof. Il continua son voyage le 8 mars, afin de profiter de la saison qui étoit encore favorable au traînage. Comme il n'y a pas de routes tracées à travers les forêts , on ne peut voyager en été que par eau , dans ces contrées marécageuses 5 les traîneaux passent en hiver sur rirtisch et le long de ses rives. Depuis To- bolsk les bords de ce fleuve sont garnis d'un grand nombre de villages Tatars et Russes; A LÀ MER GlAClÄ'lB. j5 en en rencontre ensuite qui sont habités par des Ostiaks. O22 les traverse en grande partie. Les villages Tatars finissent à Démianskoï-Iam , situé à deux cent soixante verstes de Tobolsk. Ceux des Ostiaks sont en très-prand nombre dans la contrée inférieure, et mêlés avec ceux des Russes. Dans quelques-uns, ils vivent con- fondus avec les Russes ; ils sont la plupart chré- tiens jusqu'à Bérézof, ou du moins en apparence. Plusieurs de ces villages dépendent des nom- breuses paroisses (1) établies entre Tobolsk et Bérézof, sur-tout après Sainarofskoï-Iani, oiitous les Ostiaks sont baptisés. Les Russes et les .Tatars qui habitent le pays depuis Démianskoï-Iam jusqu'à Samarof sont assez agriculteurs. La plus grande partie des rives droites de l'Irtisch sont élevées ; cette (1) Ces paroisses sont : Bouïakof , Broninkova , et Iouro- voï-Pogost; Démianskoï-Iam, Komanofskoï, Filinskoï, Ké- polova-Pogost , Samarofskoï-Iam , Troïtza, qui n'est habité que par des Ostiaks , Souschoroukofskoi' - Po^ost , Maloï- Atlimskoï-Gorodok, le couvent de Koudiskenskoï , qui ren- ferme une église de pierres , & cinquante maisons ; Schor- karskoï-Pogost et Tschémaschéva. Les villages Ostiaks ,. situés des deux côtés de Bérézof, sont appelés en Russe Go- rcdki , ou bien on ajoute à leur nom la syllabe kar. Ces dénominations désignent les lieux oit les Ostiaks avoient des. places fortifiées avant ou lors de la conquête de la Sibérie 5. tels sont Karimkar , Atlimkar , Noïgakar, Schorkar, Vesha- kar , tous situés au-dessus de Bérézof, et ainsi des autres. ?6 ï77ft- V o V A & « élévation est due aux montagnes et collines qui bordent. Elles sont composées cle sable et d'argile avec des couches de terre noire. La plupart des villages ont été établis sur ces éminences » parce qu'on trouve plusieurs verstes de terrain propre au labourage , entre ces éminences et les montagnes. Lorsque les premières sont coupées par des fonds , ou lorsqu'elles s'éloi- gnent du fleuve , on a eu soin d'établir les vil- lages sur la rive gauche, qui se trouve com- munément élevée par les sables que les eaux y ontchariés et amoncelés. On ne cultive guères que de l'orge et de l'avoine dans la contrée située au nord de Démiaiiskj on y sème rarement des grains d'été , parce que le froid et l'hu- midité nuisent à toutes les productions de la terre, excepté le chanvre et le lin qu'on cul- tive également. Sur trois récoltes à peine en \ient-il une en maturité. On y plante des choux ; mais ils ne forment point tête; et ils ne jettent que des feuilles vertes., éparses. L'ail , les radis , les navets , et le raifort réussissent assez bien quand les teins ne sont pas trop mauvais. En s'éloignant du fleuve on entre dans une contrée inhabitée et inhabitable, parce qu'elle n'est dans toute son étendue que forêts et marais , où il est impossible de percer en été. La plupart des forêts sont composées de taillis et d'arbres rabougris ; les plus abondans sont les saules, les aulnes, les merisiers, les cor- a la mer Glaciale. 77 pouillers blancs , les trembles , les peupliers , les bouleaux , les sapins , et les pins qui produisent rarement cle beaux jets. On ne voit plus de tilleuls à trente-six verstes au- dessus de Tobolsk 5 on n'en trouve point près de PIrtisch et du Tobol. La contrée produit en arbustes le groseiller rouge , le cassis , et différentes espèces d'andromède. Des lacs bordent les deux rives du fleuve ; ils communiquent avec lui dans les grandes eaux, et ils paroissent souvent ne former que des débordemens (Stori). L'Irtisch ne reçoit dans toute cette étendue qu'un très-petit nombre de ruisseaux , malgré la nature du pays qui est marécageux et très-humide. Ses eaux sont cependant beaucoup augmentées parla quantité de sources qui pénètrent à travers ses rives. Plusieurs parties du rivage élevé étant minées peu-à-peu par ces sources, elles s'écroulent par morceaux 5 on y rencontre des os d'éléphans> Il arrive quelquefois que ces masses de terre s'écroulent en hiver , et elles brisent la glace sur laquelle elles se précipitent. La forte pres- sion qu'elles occasionnent, jette sur la glace tous les poissons qui se rassemblent près des sources. Samarofakoï-Iam est la place la plus consi- dérable entre Tobolsk et Eérézof, à cent cin- quante verstes de Tobolsk par eau, sur la rive j8 1772. Voyage droite et basse de l'Irtisch , qui sert de limite à une contrée élevée et montagneuse. Elle est à vingt-sept verstes de Pembouchure du fleuve dans l'Obi. Ses habitans y ainsi que ceux de Démiansk, y ont été transportés en 1607 des contrées septentrionales du gouvernement de Kasan, pour servir de Voiturîers (Ia:,ischiks). Sainarofskoï renferme une centaine de maisons et une église. Ses babitans ne s'occupent nul- lement de l'agriculture ; aussi ne voit-on point de grains depuis Sainarofskoï jusqu'à Sourgout et Narim, en remontant TObi., et plus avant au nord. Ceux qu'on y consomme viennent en partie de Tobolsk par l'Irtisch, et en partie des territoires de Tomsk et de Krasnoïarsk par le Tschoulim et l'Obi. On se plaint déjà à Sa- marofde ce que les chevaux n'y réussissent pas , et de ce qu'il en périt beaucoup. La perte de cet hiver a été considérable, mais je pense qu'on doit plutôt l'attribuer au mauvais fourrage qu'à toute autre cause. Les inondations de l'année précédente avoient été si fortes , qu'elles avoient submergé entièrement les meilleures prai- ries. Les habitans prétendent que de pareilles inondations arrivent tous les dix ans. Le pays abonde en poissons et en gibier à plumes. C'est aussi la principale nourriture des Russes et des Ostiaks qui l'habitent. On est aussi in- commodé à Samarof des teignes domestiques et des grillons , que dans toutes les maisons a la mer Glaciale. 79 de la Russie ; mais on n'en apperçoit plus dès qu'on a atteint l'Obi. La rive droite de ce fleuve, depuis la jonction de l'Irtisch , est montagneuse et presque sans aucune interruption. Elle est constituée d'argile blanche, jaune, rouge et grise, et de couches horizontales de sable et de schiste. Son sol est boisé de cèdres, de pins et de sapins, entre* coupé de beaucoup de ruisseaux qui prennent leur écoulement dans l'Obi. Le pays situé sur îa gauche est au contraire uni et bas , garni en grande partie de saules, de peupliers et de petits bois taillis. La Sosva se jette dans le fleuve près de Bérézof ; il a ici plusieurs verstes de largeur , et se partage en diîiérens bras , tellement séparés et même éloignés les uns des autres par les vastes îles unies et garnies de saules qui les entre-coupent, qu'on compte de trente à quarante verstes (1) , d'une rive à l'autre dans plusieurs endroits. Le rivage gauche devient montagneux près de Bérézof 5 il présente des couches horizontales qui viennent de la Sosva, en s' étendant toujours de plus en plus vers les monts Oural sk s. La ville de Bérézof ( 2 ) est située à vingt- (1) De six à huit lieues. (1) Bérézof est une des villes de cercle du Gouvernement de Tobolsk ; les Ostiaks rappellent Soumltvasch , et les Samoïèdes Chou-Charn. 8o 177*1' V O Y AGE sept verstes de l'embouchure de la Sosva dans le bras de l'Obi qui est le plus voisin. Elle se trouve sur sa rive gauche., près de la décharge du ruisseau de Vogoulka , qui a aussi une em- bouchure dans la Sosva ; on nomme la dernière OusMALOva. La ville est assez irrégulièrement bâtie 'y on n'y compte guères plus de cent cinquante maisons, habitées par des Kosaques. Elle renferme trois églises. La principale qui étoit en pierres a été réduite en cendres ainsi qu'une des deux autres , mais on vient de les rebâtir toutes deux en pierres. Hors de la ville est une chapelle située vers le Vogoulka et dédiée à Saint - Alexandre Nevski, auquel on attribue beaucoup de miracles ; le principal est d'avoir fait croître un cèdre dans la chapelle lors de sa construction. Berézof est le siège d'un com- missaire et d'une cour de justice. Sa Jurisdiction s'étend sur tout le territoire de la ville, c'est-à- dire, depuis l'Obi jusqu'à la mer Glaciale. Ce district est habité par des Vogouls , des Ostia ks , et un petit nombre de Sarnoïèdes. Les habitans de Bérézof sont aisés , tranquilles , et fort hos- pitaliers. Ils s'enrichissent par la pêche, la chasse, l'entretien des rennes, et par leur com- merce avec les peuples Idolâtres et les marchands Russes. Ils vivent contens , malgré toutes les incommodités que leur occasionne l'insalubrité du pays qu'ils habitent; leur intempérance dans la boisson leur cause aussi beaucoup de maladies a la mer Glaciale.1 81 maladies et des morts prématurées. Bérézof fournit de poissons Tobolsk et les autres villes baignées par l'Irtisch et l'Obi; on les y envoie salés en été., et gelés pendant l'hiver. C'est de ce lieu que viennent en partie les renards bleus et blancs connus dans le commerce sous le nom de renards de glace (Pestzi); les peaux d'élans et de rennes apprêtées et non apprêtées , les ours noirs et blancs, les renards rouges , les loups , les zibelines communes y une assez grande quantité de castors , de loutres , et beaucoup de petit gris commun. La contrée qui s'étend au nord de Samarof n'est point propre pour l'agriculture. Des fo- rêts basses et marécageuses , composées de bou- leaux , de sapins et de cèdres , entourent Bé- rézof ; mais on ne voit plus ici de bois de haute-futaye. Les légumes y réussissent assez bien , et sur- tout les racines. La pêche y est fort abondante ; les rivières fournissent depuis le printems jusqu'en automne beaucoup de gibier aquatique , tels que des eignes , des oies et des canards , qui arrivent aussi - tôt après le dégel. On les prend au filet et au piège , où bien on les tire. On en sale pour les provisions d'hiver. Les plus riches habitans entretiennent de nombreux troupeaux de rennes qu'ils con- fient aux soins d'un pâtre. Ils sont obligés de les envoyer dans le pays situé au nord, parce que cet animal ne prospère que dans les conr Tome F. F ö2 t772, V ° Y A G F- trées septentrionales , ce qui est le contraire de toutes les bêtes à cornes et clés chevaux. Ils élèvent peu de moutons, de cochons et de poules , parce qu'il faut les tenir renfermés > pour les empêcher d'être dévorés par les chiens. Ils ont un grand nombre de chiens pour voyager en hiver, voiturer du bois , et autres usages ; ils les atte.lent à de petits traîneaux. Ces animaux ne coûtent pas beaucoup à entretenir, et n'exigent que peu de soins. Ils les nourrissent de pois- sons, de gibier aquatique, et dans la disette y avec de petits animaux, et sur-tout a\ec les rats d'eau qui abondent près de l'Obi. On les entend aboyer continuellement dans la ville >. ce qui fait un concert fort désagréable. Des qu'un chien jappe ou heurle , les autres lui répondent en chœur. Bérézof est à cinq degrés plus au nord que Tobolsk (1) ; cependant les étés quoique fort: courts , y sont très-chauds , on y jouit quel- quefois en hiver d'une température si douce , qu'on ne voit point de neige dans les rues qui sont pontonnées. En 1771 , les chaleurs durèrent jusqu'au mois de septembre , et les froids suc- cédèrent si subitement, que les rivières étoient prises à la mi-octobre. Les gelées commencent (1) On compte par eau , de Bérézof à Tomsk , mille onze verstes , à cause des détours , et par terre neuf cents 5 mais- les chemins ne sont praticables qu'en hiver. 1 IA MER GlACIAIï,' 83 ordinairement à la fin d'août, et les glaces de l'Obi ne se rompent jamais avant la fin de mai. Les oiseaux de passage arrivent plutôt dans cette contrée qu'ailleurs ; ils s'y arrêtent près des lacs et des mares d'eau , jusqu'à ce qu'ils puissent se rendre sur le fleuve et dans les déserts situés au nord , pour y attendre le tems de la ponte et celui de la mue. Si les froids y régnent encore au' moment de leur arrivée, ils remontent le fleuve, passent dans des contrées de l'Irtisch, plus méridionales,. et y choissisent des endroits aquatiques \ mais dès que le tems «e radoucit , on les voit voler par troupes vers le nord, pour peupler leur patrie glaciale, M. Souïef passa le printems à Bérézof pour se procurer les espèces rares d'oiseaux de passage qu'on y trouve en telle abondance , qu'on ne peut s'en faire une idée , si l'on n'en a pas été témoin 5 elle surpasse ce que Gmélin et d'autres voyageurs nous ont rapporté des contrées de Mangazéia et d'Obdori. Les plus remarquables de celles que M. Souïef me rapporta , étoient l'oie rouge (1) et plusieurs canards (2) qui s'y 1 • ■ ■ ■■ 1 1 11 M (1 ) Anser pulchricollis, le professeur Pallas appelle cette oie pulchricollis dans le corps de l'ouvrage , et ruficollis dans r Appendix , n°. 35. (%) Anas fus ca, nigra, marila , hyemalis , et acuta; la double macreuse ,1a macreuse, le petit canard noir, le ca- nard à longue queue de Terre-Neuve ; et le pilet. F a 84 177'1' V O Y A G T! rendent par troupes 5 le lumme ou coîimbs arctique et le colitnbe immer ou grand plon- geon (i)j la mouette de la petite espèce (2) ; en oiseaux de terre, le pic à trois ergots (3) et le faucon de Barbarie (4) , qui fait sa couvée dans les montagnes situées plus au nord. Les étangs et les lacs sont remplis de toutes les es- pèces de canards sauvages, de grosses et pe- tites espèces d'oie , de plongeons ordinaires , de mouettes de toutes les espèces , de grues , de bécassines , et de poules d'eau. Ils abondent sur-tout en bécassines et petits oiseaux de ri- vage, de presque toutes les espèces connues. M. Souïef entreprit son voyage vers la mer Glaciale , aussi - tôt que le fleuve fut devenu, navigable > et que sa* collection d'oiseaux fut achevée. On ne peut aller que par eau à Ob- dorskoï, qui est la dernière place Poisse vers le nord. Il partit le 11 juin, époque où les bouleaux commencent à bourgeonner dans cette contrée. Il s'embarqua dans un gros canot , avec un chasseur, un interprète et six Kosaques. Le plat pays et les îles étoient alors tellement inondés , qu'ils ressembloient à un vaste lac , où l'on découvroit des branches de saule qui (1) Colymbus arcticus et y m mer. (t) I.arus minutus. Appendix, n°. 41. (3) Picus Tridactylus. (4) FaUo barbants* A la mer Glaciale. 85 s'éle voient au-dessus de l'eau. Cet événement l'empêcha de faire aucune observation sur les rives de l'Obi» D'ailleurs , il fut obligé de passer sur le petit; bras qui est à gauche y celui-ci se sé- pare du fleuve au-dessus des Iourtens d'Oust-Sos- vinskoé, et ne s'y réunit que près d'Obdorskoï, qui est à trois cents verstes par eati de Bérézof. M. Sou'ief arriva à Obdorskoï le 14 (*)• Cette place est située au soixante-septième degré de latitude nord , sur une montagne , près de la Poloni , qui tombe à sept verstes sud-ouest dans l'Obi. Celle de Sob qui vient du nord % des monts Ouralsk > s'y décharge aussi à quarante verstes plus haut , sur la gauche. Le lit de cette dernière rivière est pierreux, Obdorskoï ne renferme que cinq maisons, mais en revanche beaucoup d'angards et de ma- gasins , >qui lui donnent de loin l'apparence d'un gros village. Son église est dédiée à Saint- Basile - le - Grand. Les Russes l'habitent en toute saison , tandis qu'un grand nombre d'Os- tiaks n'y restent que l'hiver ; ils suivent la pêche en été avec leurs Iourtens portatifs et retrouvent leurs habitations souterraines toutes prêtes lorsque les froids les obligent à revenir. Ob- dorskoï est la résidence d'un Opékoun, ou inspecteur des Ostiaks et Samoïèdes du voisi- — (1) Les Ostiaks appellent Obiorskoï Poidnovat-vciS'ck 3 et les Samoïèdes Solia-Charn* F 3 86 I773- Voyage nage; cette charge est remplie par un Kosaque qui a sous ses ordres un Ataman et vingt-cinq Kosaques. La contrée est m on tueuse des deux côtés de l'Obi; les montagnes composées en grande partie d'un schiste cornée sont assez nues. On ne Toit près d'Obdorskoï, que des broussailles de saule , qui bordent la rive gauche du Poloni. Plus haut, ses rives, ainsi que celles de l'Obi-, sont garnies de petits bois de cèdres , de mé- lèses, de sapins, de bouleaux, de cochênes et d'aunes. Les cèdres les plus forts n'ont pas quatre toises de hauteur , et le diamètre de leur tronc , près de la racine, n'est pas tout -à -fait d'un empan. On ne trouve plus de bouleaux, de cèdres, ni de cochênes au nord d'Obdorsk. Des mélèses et quelques petits sapins croissent encore près du ruisseau de Stschoufschia, mais ils disparoissent à environ deux cents verstes d'Obdorsk. De petits mélèses et des aunes résis- tent encore tout-à fait au nord , ainsi que dans les vallons des montagnes septentrionales , et sur les rives escarpées du ruisseau de Lesnaia , mais leurs branches rampent sur terre , ainsi que les broussailles qui viennent sur les mon- tagnes. Quelque court que soit l'été à Obdorsk , il est fort agréable , parce que le soleil reste toujours sur l'horizon. Une haute montagne du voisinage le cache pendant une heure de A LA MER GlAClAlE, 87 la nuit clans les grands jours. Il éclaire l'horizon pendant toute la nuit ; mais il paroît alors plus grand, et ses rayons sont si foibles qu'on peut le fixer attentivement. Il se couche pour la première fois, le 3o juillet, et c'est alors que les étoiles commencent à paroi tre. On n'a, dans les nuits d'hiver, que deux à trois heures d'obscurité , lorsque les aurores boréales ne paroissent pas 5 elles sont fréquentes et majes- tueuses. On n'entend jamais à Obdorsk les bruits et les siffien.ens qu'un grand nombre de ces phénomènes occasionnent près de l'Océan. Ces aurores boréales s'étendent communément sur l'horizon en forme d'arcs très - clairs d'où partent ^s colonnes de lumières mobiles. Les orages sont très-rares en été \ et le ton- nerre ne gronde que deux fois par an au plus 5 ce n'est même que dans le lointain , et il se dirige du nord au sud. Il est rare qu'il fasse des journées assez chaudes, pour ne pouvoir pas supporter une légère fourrure. M. Souïef, dans son voyage vers la mer Glaciale, n'a resté que cinq jours sans fourrure , et il n'a ressenti alors qu'une légère sueur. Dans une pareille tem- pérature , les plantes des montagnes n'existent que quelques semaines 5 elles ne paroissent au'à la mi -juin dans les plaines qui sont garnies de mousse. Les plantes tardives ne vivent ordi- nairement que plusieurs jours 5 elles fleurissent et forment graine dans cette courte durée. Il F 4 88 l77'2" Voyage survient en juillet des vents de nord si froids ' . que l'on voit communément de la glace sur les mares d'eau; les plantes jaunissent dès ce mo- ment. Les plus gros radis et les navets des jardins d'Obdorsk ne pèsent pas plus de deux onces 5 mais ils poussent des feuilles de plus d'une demi-aune. Les autres légumes n'y réussissent pas. Le sol ne 'dégèle qu'à la superficie. Près d'Obdorsk, le terrain élevé, s'amollit à trois ou quatre empans , et à peine à deux dans les fonds. On a observé que les sols élevés et sa- blonneux, situés au nord près des petites ri- vières de Stschoutschia et de Lesnia , dégeloient à deux empans j les bas - fonds marécageux et remplis de mousse seulement à un eppan. On trouve dans les marais aqueux de la glace très- pure- sous la mousse qui forme leur super- ficie. Les bêtes à corne , transportées à Obdorsk, n'ont jamais vécu plus de cinq ans. Passé Bé- rézof , les chevaux ne peuvent exister. Ceux que l'on a amenés à Obdorsk n'ont pas duré un an. Les habitans sont donc forcés de se contenter des rennes qui sont dans leur véritable patrie. Ils s'y multiplient considérablement, malgré les animaux voraces et le grand nombre de maladies qui les assiègent. Elles sont la ri- chesse dès habitans Russes ou Idolâtres, qui jouissent tous d'une grande aisance et sont bien à leur aise. A li MSR GlACUIÏ, 89 M. Sauïef fut obligé de rester à Obdorsk jusqu'à la fin de juin, pour se mettre en état de continuer son voyage vers la mer Glaciale. Il rassembla des traîneaux pour le transport des vivres et des équipages ; il augmenta sa suite de quelques guides Samoïècle's avec leurs femmes , et d'un interprète. Il lui falloit un plus grand nombre de rennes, pour pouvoir relayer souvent, parce que ces animaux se fatiguent aisément. Le sol de la lisière septen- trionale de la Sibérie vers les côtes de la mer Glaciale , est un marais aqueux (Toundra), couvert de mousses, et dénué de toute espèce de bois. Ce marais a plus de deux cents verstes (1). On ne pourroit le traverser en été , parce qu'il dégèle à plus d'un empan , s'il ne se trouvoit au-dessous de la mousse un terrain gelé ou de la glace sur laquelle les rennes peuvent prendre pied , et traîner sur la surface humide de la mousse les traîneaux légers dont les Samoïèdes se servent en tous teins. Cette surface mousseuse forme souvent, par son élasticité , une espèce d'ondulation qui facilite beaucoup le glissage des traîneaux. Il seroit impossible d'y voyager avec des voitures à roues. Nos voyageurs partirent d'Obdorskoï le 1er juillet. Ils descendirent , ce jour-là et le sui~ _ - m nainij ^^ i^rn — r^ (1) Quarante lieues de largeur. $o ^71^* Voyage vant , le Polouï dans des canots , traversèrent le grand- Obi pour se rendre aux iourtens de Vespougolskoï , situés sur un bras du fleuve , à vingt verstes d'Obdorsk. Ils arrivèrent à ceux de Vespougolskié, appelés §avodnie, du bras du fleuve nommé Sa voda, qui sent à six verstes des premiers. Ils passèrent ensuite ceux de Boulvanpougolskiéj trois verstes, d'Eschlo- schskié , huit verstes , Viïalposlinskié , dix verstes , et Votvaschkié , treize verstes. Le lieu où les rennes destinés au voyage étoient ras- semblés y se trou voit à dix verstes plus loin. Les montagnes qui bordent l'Obi sont assez garnies de bois à résine jusqu'ici , et ses rives boisées de saules. Le chef (Kniaze t z ) des Samoïèdes et des Ostiaks réside dans les iour- tens de Boulsmanpoulkié ; il se nomme Ssila. Son père , qui s'étoit rendu à Moskou pour recevoir de's marques de distinction de l'impé- ratrice, est mort pendant son retour. Elle lui avoit donné des lettres de noblesse , et un habit d honneur. Le 3 fl nos voyageurs continuèrent leur che- min avec les rennes ; ils prirent la route qui conduit de l'Obi dans l'intérieur du pays ; ils se portèrent presque directement au nord , à travers des plaines marécageuses. Les plantes y sont très-rares 5 on n'y voit que des joncs de toutes sortes d'espèces , entremêlés de petits buissons de saules rampans , et de bouleau a l a m e r Glacial e. 91 nain à grandes feuilles (1) , de lède des ma- rais (2), d'andromède (3), et de l'arbousier des Alpes (4). Les places plus élevées ne forment que des collines argileuses et humides \ leurs plateaux sont garnis de petits mélèzes épars. La plaine contient plusieurs lacs et marais. Ils atteignirent, le même jour^, la rivière de Khaia , qui sort des montagnes , et se dirige vers la baie de l'Obi. Après avoir remonté cette rivière pendant quelque tems., ils y trou- vèrent le sol des collines dégelé à peine à deux empans de profondeur , et celui de la plaine à un empan au plus. Ce dégel ne pénètre pres- que jamais plus avant. La Khaia est large de quinze brasses $ elle a un cours très-rapide , des eaux aussi claires que le cristal , avec un fond pierreux et argileux. Ils longèrent la rivière le 4.» ^a traversèrent le 5 , et s'en éloignèrent ensuite. Les contrées qu'ils parcoururent leur offrirent peu de varia- tions. Les mélèzes , épars sur les élévations , deviennent toujours plus rares ; les plus grands ont une toise et demie de hauteur. Dans la plaine marécageuse, ils trouvèrent , parmi les broussailles , beaucoup de lichen nival (o) , ou * ■■■■> „— , - ,.-■ ,~— .i ■■ — »..Lim wm nwiwNi»*.i wmmm*m0—m 1 1 $ ■ ■■r^ 1 » um —* (1) Betula nana. (1) Ledum palustre, (3) Andromeda. (4) Arbutus alpïna. (5) Lichen nivalis» 92 * î772* Voyage à feuilles d'endive. Les rennes s'y attachent peu en été , parce qu'elle est desséchée • ils préfèrent alors les jeunes branches du bouleau nain*, le sainfoin des Alpes (1) , la berce (2), et autres plantes •. ils réservent ces mousses pour l'automne et le printems. En hiver, ils se nourrissent de lichen hérissé (3) , qui croît abondamment dans les forêts de sapins. Les voyageurs arrivèrent , le 6 juillet au soir, à une chaîne de rochers peu élevés, composés d'un granit micacé , mêlé de beaucoup de quartz. Ils virent,, sur les places nues et dans 1-e gravier qui couvre les plateaux de ces mon- tagnes, l'orpin quadrifide (4)> petite plante remarquable , dont je donne la description dans Y Appendix. Ses longues racines rongeât res sont astringentes, et ont un goût aigrelet. On voit , dans plusieurs places de ces monticules , de petits mélèzes d'une toise de hauteur , et des buissons d'aunes à feuilles pointues, et de saules. Les vallons renferment des lacs et des ruisseaux formés par la fonte des neiges. La terre étoit entièrement couverte de neiges et de glaces au nord de ces montagnes. Il y eut, pendant la nuit, un brouillard épais et froid, (1) Hedysarum alpinitm, (i) Heracleum sphondylium. (3) Lichen hinus. (4) Sedum quadrïfidum. Appendix 3 ,n°. $26. A LA MER GlAClAl^ <)3 qui règne assez fréquemment clans cette contrée au milieu de Vite: Ces montagnes appartiennent à la branche septentrionale des monts Ouralsks. Les che- mins raboteux qui les traversent sont si haras- sans pour les rennes , que plusieurs des nôtres commencèrent à tomber de fatigue. On les saigna sous la queue \ c'est ce que les Samoïèdes font en pareil cas ; mais quelques - uns péri- rent, malgré cette précaution. Après avoir fait une forte journée, nos voyageurs atteigni- rent la rivière de Schoutschia , avant devant eux la chaîne des hautes montagnes ( 1 ). Ils passèrent ici la nuit. Cette rivière sort des mon- tagnes , et se dirige rapidement vers le golfe de l'Obi. Elle a v^ngt brasses de largeur dans beaucoup d'endroits; mais son lit étant vaseux, ses eaux sont troubles. Ses rives, basses par places, et élevées dans d'autres, sont compo- sées d'argiles , quoique les monticules voisines soient constituées de rochers. Le 8 , ils furent obligés d'envoyer leurs Sa- moïèdes de côté et d'autre pour rassembler les rennes qui s'étoient retirés dans les vallons frais , afin de se mettre à l'abri des insectes. (1) On ne peut évaluer la journée de chemin , en voya- geant avec des rennes , qu'à 10 ou zf verstes ; on est obligé de relayer souvent ces animaux , qui se fatiguent aisément, ce qui occasionne de longs retards. <)4 l77%- V O Y A G E Ils ne revinrent qu'à midi. Nos voyageurs , obligés de choisir une place favorable pour tra- verser le Stchoutschia à cinq verstes de leur gîte , ne purent faire beaucoup de chemin ; ils passèrent la nuit sur l'autre bord de la ri- vière. Ils avoient avec eux les canots néces- saires. Ils continuèrent leur route le 9 ^ après avoir fait provision de bois. Ils trouvèrent plusieurs petits mélèzes de la hauteur d'une toise ; mais plus avant , vers la montagne , on n'en voit presque plus. Ils alloient droit au nord , en suivant la direction des montagnes , qui ne sont pas fort étendues. Les collines , qui bor- dent les deux côtés , présentent souvent des plateaux arides. Les vallon s^ sont remplis de lacs considérables, avec des lits en partie sa- blonneux , et en partie vaseux. On y pêche de petits gardons et des goléians (1). Il y en a dans tous les lacs et ruisseaux jusqu'à la mer Gla- ciale. On apperçoit encore des buissons de saules et d'aunes dans plusieurs places de ces vallons. Nos voyageurs marchèrent ensuite pendant trois jours vers le nord , à travers des mon- tagnes primitives , composées de granit , de roche micacée , et de roche cornée compacte. Ils découvrirent , dans ces roches de granit, un (0 Cyprinus rïvularh. Appendix,- n°. 1 1 1. A LA MER (jLACULE, p5 asbeste cru et grossier dans les trous ou cre- vasses. Ces montagnes sont si sauvages , qu'elles îie renferment probablement aucuns métaux. Le 12 au soir, après une forte journée, ils atteignirent le ruisseau de Lesnaia , ou ruis- seau des bois, qui doit ce nom h ses rives es- carpées, garnies de buissons, d'aunes et de eaules, et de petits mélèzes nains rampans , qui forment, avec les broussailles, dont j'ai parié, une espèce d'espalier très- touffu. Dans quelques places , on peut se reposer sous le feuillage que forment les mélèzes avec leurs gros branchages. Le ruisseau de Lesnaia est considérable ; il se dirige, au nord, vers la mer Glaciale. Il a dix brasses de largeur et. une brasse et demie de profondeur dans beau- coup de places. Ses eaux sont si limpides , qu'elles laissent voir la plus petite pierre dans son. fond. Nos voyageurs passèrent une grande partie de la nuit à traverser ce ruisseau,, pour aller camper sur sa rive opposée , et le soleil étoit déjà au nord. Suivant la carte des côtes septentrionales , insérée dans ¥ Atlas Russe , il paroissoit qu'en se dirigeant en droite liçne vers le nord , on devoit trouver la mer Glaciale, dans les envi- rons du golfe de Kariscli. Ce golfe , appelé, Kap.skoÏ par les Russes , me paroissant le plus près, je Pavois désigné à M. Souief comme; le terme de sa route. Il atteignit au contraire une 9^ 1772" V O Y A & E côte éloignée du golfe. Ayant entrepris de con- tinuer son voyage jusqu'à ce golfe, il s'assura qu'on l'a placé sur la carte bien plus loin , à l'ouest, puisqu'il y a au moins cinq à six jour- nées de chemin de l'embouchure du Lesnaia. L'Iéroubea est le premier ruisseau considéra- ble qui tombe des montagnes de l'Obi, à l'ouest de la mer Glaciale. Il traverse un lac considé- rable ; M. Souïefle fit observer , à son retour , par quelques Kosaques. Le ruisseau de Lesnaia est le plus voisin ; nos voyageurs y abordèrent , après s'être toujours dirigés vers le nord. C'est ici qu'ils trouvèrent les derniers bou- quets de bois ; ils furent obligés de se diriger ensuite à l'ouest. Le reste de la route les porta à travers un désert marécageux , où ils n'y vi- rent pas le plus petit jet de saule ou d'aune. On ne rencontre , dans ces froides régions de l'extrémité du globe , que des saules de la plus petite espèce , de petits bouleaux nains , et des buissons formés par l'arbousier des Alpes (1) , que les Russes de ces cantons nomment Am- prick , par lacamarine (2) , qu'ils nomment Vo- TjjEniza; en langue Sibérienne, Schikscha. Ceux-ci même deviennent très - rares près des côtes. On trouve > en revanche , jusqu'à l'Océan beaucoup de ronces du nord et de ronces de (1) Arbutus alpïna* (2) Empctrum» marais A x. a mer Glaciale. 07 >narais (1 ). Ils virent jusqu'à la mer trois es- pèces de beaux pluviers hupés (2) , qui abondent dans cette contrée polaire ; elle paroît être leur vraie patrie. Il y restoit encore beaucoup de neiges dans les vallons de cette chaîne de montagnes, ainsi que sur les rives escarpées de plusieurs petits ruisseaux pierreux qu'ils traversèrent le i3. Ils ne firent guère qu'une demi-journée de che- min 'y ils apperçurent, le 14, la mer Glaciale, appelée par les Samoïèdes Podaretti - Paga , et par les Russes Lesnaia - Gouba. Ils passè- rent deux ibis un ruisseau qui se dirige vers ce golfe, auquel les Samoïèdes donnent le nom de Pensévotta. Ce ruisseau, qui a deux aunes de profondeur dans certaines places, est presque entièrement à sec lorsque les eaux de neiges se sont écoulées. Ils y découvrirent, dans Ja seconde traversée , des couches de schiste noir , qui avoient une direction oblique , et qui étoient couvertes d'une couche semblable à l'asbeste jaune et rayé. Ils franchirent en- suite des éminences de rochers , où ils virent (?) Rubus chamœmorus et arcticus* L'une est la ronce a feuilles simples, ailées, et dont la tige sans épine soutient une seule fleur \ l'autre est la ronce avec des feuilles ternées> et une tio-e semblable à celle de la première. (z) Charadrlus ïnterpres , aprïcarius et hypomelus. Ap- pendix , n9. 4p. Buffon n'a parié oaie de 1 'aprïcarius , qu'il appelle le pluvier doré à gorge noire. Tome V. G 98 *772, Voyage beaucoup de fosses pleines d'eau , et des car- vités escarpées remplies déneiges. Vers le soir , le pays se couvrit de vapeurs , qui formoient un tapis ondoyant. On a remarqué qu'elles pré- cédoient les orages dans cette contrée. Ils firent, le i5 , une forte journée , en tra- versant l'angle de la chaîne de montagnes , qui se termine , près de la mer , entre le golfe de Lesnaia et celui de Karkoï. Ils passèrent aussi près d'un grand nombre de précipices ; les uns étoient remplis de neiges , et les autres don- noient cours à des ruisseaux de neiges fon- dues. Le lendemain au matin , M. Souïefse sépara de sa suite avec un guide. Après avoir traversé des plaines marécageuses, il atteignit , vers midi, un petit golfe, appelé par les Sa- moïèdesVÉNOÙMTOURMA-PAGA et Loüschnaia- Gouba (1) parles Russes, et trouva,, sur la droite, un rivage sablonneux uni , d'où la mer s'étoiî retirée à plus de soixante brasses. Il s'y arrêta pour ramasser des productions marines que le reflux y avoit déposées. Le rivage étoit com- posé , sous le sable , d'une argile grise , et plus avant d'une argile noire. L'eau de la mer étoit si froide , que quoique le tems fût assez chaud , on ne pouvoit y rester deux minutes sans être transi. Pour arriver au golfe , il fut obligé de prendre à gauche , et de passer le ruisseau de Vénoumtourma , qui s'y jette. Au-delà du golfe , », 1 11 ■ 1— ■ (ï) Golfe arqué. i la mer Glacials. 99 le sol est uni et très-marécageux. Il traversa plus avant une contrée montagneuse > pour rejoindre sa suite et ses équipages. Nos voyageurs firent peu de cliemin le 17 9 ayant employé une partie de la journée à di- verses occupations. Ils arrivèrent, à la nuit 9 près du ruisseau d'Iepta-Sola-Paga , qui tombe au nord-est dans la mer. Ils avoîent traversé auparavant un vaste pays élevé et uni , cou- vert de beaucoup de lacs, dont les eaux sont troubles, quoiqu'ils eussent \\n fond pierreux. Les rives montagneuses de ces ruisseaux pré- sentent une assez forte couche horizontale de marne rougeâtre qui teint. Le 18 , ils traversèrent un vaste pays uni et marécageux , bordé de montagnes des deux côtés, où ils trouvèrent ensuite des lacs assez considérables. Ils arrivèrent, vers le soir, ail pied de la plus haute de ces montagnes, qui est composée de rochers. C'est ici aie se ter- mine la principale branche de l' Jurai, ou de la grande chaîne de montagnes près de la côte du nord. Us passèrent la nuit près d'un lac à 'peu de distance du ruisseau de Talvctca, qui s'y jette. ^Ils y virent des troupes innombrables d'oies sauvages , qui nageoient dans la mer; ils en tuèrent beaucoup. Le ruisseau doit son nom à deux rochers voisins, entre lesquels il prend un cours rapide Ils passèrent ce ruisseau le 19 > et trouvé- G 2, îoo l772* Voyage rent , à peu de distance , les pâtres ., qui gar- doient les troupeaux cîe rennes du corn man- dant d'Obdorsk. Ils échangèrent leurs soixante- dix rennes contre d'autres : ce qui les obligea de séjourner jusqu'au lendemain. M. Soiiief profita de cette halte pour visiter les bords de la mer, qui étoit à la proximité. Il lui fut im- possible de faire une grande collection, à cause de l'escarpement du rivage |argileux , lorsque la mer est haute. Il y flottoit beaucoup d'ortie de mer (1) , qui se fondoit , pour ainsi dire, dans les mains. Le 20., nos voyageurs traversèrent un che- min marécageux , et passèrent plusieurs petits ruisseaux, sans nom, formés par des eaux de neiges. Ils rencontrèrent un autre troupeau de rennes 5 ils relayèrent une partie de ceux qui leur restoient. Le 21 , ils entrèrent dans une contrée assez unie et sèche , qui s'étend jusqu'à un ruisseau dont l'embouchure tombe dans l'Océan. Ce pays devient ici raboteux et marécageux. Ils découvrirent ensuite , à la proximité , l'angle le plus élevé de la chaîne de montagnes, qui est composé de hautes pointes de rochers nus , qui se brisent et se perdent vers les bords de (1) Medusa Beroe. Ver mollusque , ayant le corps géla- tineux , orbiculé , et la bouche placée au centre [ en dessous ] comme dans les astéries ou étoiles 4e mer. LX %K MER GtACïAIE. ÎOÎ là mer , éloignés de vingt vers tes. La princi- pale chaîne de l'Oural se dirige plus à Tonest. Ils l'apperçurent dti golfe de Karisch ; elle étoit couverte de nuées. On prétend qu'elle se ter- mine aux côtes situées vis - à - vis la nouvelle Zemble. M. Souief ramassa ici beaucoup de productions marines, déposées par le reflux sur le rivage de la mer , qui étoit à la proxi- mité. Ce bord étoit enceint d'un second rivage élevé , encore couvert de neiges. Ils ne décou- vrirent point de bois flottant dans leur voyage, pas même sur la côte d'Iougorié ; ils espéroienfe en trouver, d'après le récit de GméLin ( 1 )' qui dit en avoir rencontré à l'est de l'embou- chure de l'Enisséï. Ils trouvèrent , dans plu- sieurs places, de petits fragmen s d'ambre trans- parent , appelé par les Russes , qui habitent les côtes de la mer, MorskoÏ-Ladan (2). Ils virent aussi de gros morceaux de charbon de pierre, chariés par les eaux de la mer. Cet ambre abonde beaucoup plus sur les côtes d'Iou^- razki , entre les embouchures de TObi et dö l'Enisséï. Je n'en puis douter, puisqu'on m'en, a envoyé une provision de Mangaséa ; il étoit en petits morceaux. Ils traversèrent , sur le soir y des montagnes éparses^ baignées par de petits ruisseaux et des lacs. (ï) Voyages en Sibérie, partie III, pag, 116, (2) Encens de mer^ G S %ot ^77^- V ° Y A C, 2 Le 22 , ils partirent un peu plus tard que t\e coutume , passèrent des montagnes qui vont en déclinant , séparées p ir des places mare» cageuses. Le bras de l'Oural se termine avec ces montagnes. Sur cette route , la mer est souvent à plusieurs verstes de distance. Il s'é- toit élevé la veille un vent du nord, accom- pagné de brouillards , qui étoit cause que tout l'Océan étoit couvert de glaçons, excepté la large bande qui borde le rivage, et les places où les eaux sont basses : ceci provient de ce qu'en beaucoup d'endroits la mer n'a pas , à un verste de largeur , deux brasses de profon- deur 5 et alors les glaçons , qui ont souvent plusieurs toises d'épaisseur, ne peuvent y abor- der. Nos voyageurs ne trouvèrent que du sa- ble sous la couche marécageuse qui couvre le rivage ; on ne rencontre qu'une argile de mer grise à une plus grande profondeur. Ils tra- versèrent beaucoup de ruisseaux et de lacs , couverts de troupes d'oies sauvages , très-faciles à tuer. Les lacs voisins de la mer Glaciale sont remplis d'une espèce de monocles (î) , qui sont Ja nourriture favorite des canards et de tout le gibier d'eau. Le lendemain , ils parcoururent une contrée un peu montagneuse. Les plaines marécageuses y sont garnies de lacs peu considérables , qui {1) Monoculus arcticus, Appendix, ö°. 243« A IA MER G LA* CI A tE. îo3 Forment des ruisseaux dont la plupart ont des fonds pierreux. Ils arrivèrent au ruisseau d'Oo qu'ils traversèrent à peu de distance de son embouchure dans la mer. Ils avoient décou- vert , depuis îa veille , une longue île basse le long de la côte , ou plutôt un banc de mer à sec, qui se termine au lieu où ils couchèrent le 2,3» En-delà de l'île , la mer leur parut cou- Terte de glace aussi loin que leur vue pouvoit porter. L'embouchure de l'Oo est en face du milieu de cette île. Plus à l'ouest, ils trouvè- rent des ruisseaux sans nom, et plusieurs lacs. Il passèrent la nuit près d'un ruisseau , dont les rives escarpées sont de granit. Le vent du nord continuoit à souffler avec moins de vio- lence ; mais il étoit si froid , que les traîneaux p qui avoient été mouillés en traversant le ruis- seau , se couvrirent de glace > comme si on eût été dans l'automne. Ils partirent de bonne heure le 2.4, trouvè- rent un pays uni et assez sec , quoique baigné par plusieurs ruisseaux , dont deux assez con- sidérables , appelés par les Samoïèdes Padiia et Libiia. Les Promischléniki , c'est-à-dire 7 les Russes , qui parcourent ces contrées par troupes , nomment Kamennaia le premier de ces ruisseaux. Ils virent encore plusieurs lacs dans leur route , et apperçurent toujours la mer. Comme le soleil déclinoit au nord-ouest r itos voyageurs couchèrent sur le bord de la G 4 i°4 l772t V O Y A G? s mer, près de l'embouchure du ruisseau de* Choudéa , appelé par les Russes Kouropats- CHIA (l). Le 2.5 , une demi- journée les conduisit au golfe de Karisch , après avoir traversé plusieurs petits ruisseaux qui s'y déchargent. Le rivage du golfe est assez élevé et escarpé, et en partie composé de sable. Ils trouvèrent , près de ce golfe, à une journée et demie de l'embouchure du ruisseau de Kara , qui lui donne son nom ,. une troupe de quatorze pêcheurs. Ils y vien- nent habituellement tous les étés , de Pousto- zersk, pour pêcher le long de la côte, et faire- un commerce interlope avec les Samoïèdes. Ils pèchent aux filets à la marée montante f niais le golfe ne leur procure qu'un petit sau- mon ( 2 ) , qu'ils appellent Kounsha, et une espèce de sangchalle ( 3 ) , nommé ici et dans la Sibérie orientale Oümouli. Ils prennent aussi quelquefois dans leurs iilets une petite mer- luche , qu'ils appellent Navaga (4) , des gla- ciales (5) , à qui ils donnent le nom de Kam- balA , et du scorpion (6) , appelé Kaimscha. Ils ne gagnent que sur les deux premières espèces __ * (1) Ruisseau d'Arbennes. (i) Salmo trutta. Appendix, n°. 105. (3) Salmo coreg. autumnalis, Appendix, n°. 108. (4) Plie. (f) Pleuronectes glacîalis. Appendix, n°. 10c (6) Conus scorpïus* [ le scorpion de mer. ] A la mer Glacial Si io£T 3e poissons, qu'ils salent et mettent en tonne. Une île considérable , située au milieu du golfe de Karisch , est peut - être la cause qui empêche la marée de s'élever beaucoup dans l'intérieur de ce golfe. M. Sozà'ef, ayant ob- servé , le 2jS juillet , avec une toise , les va- riations du niveau de la mer, trouva que la différence entre le flux et le reflux n'étoit que de dix-neuf verschoks. Il avoit observé aupa- ravant, sur la côte de la pleine mer, que la ma- rée , dans sa crue, couvroit entièrement la toise qu'il avoit placée sur le rivage. Le but du voyage étant rempli , et la sai- son devenant trop rude pour avancer davan- tage, nos voyageurs songèrent à leur retour, et partirent le 28 juillet. La gelée, occasionnée par le vent du nord , avoit tellement desséché les plantes et les herbages , que les places unies paroissoient , de loin , plus blanches que vertes. Ils couchèrent près de la mer le 29. A peine arrivés , ils essuyèrent un orage suivi d'une gelée blanche si forte pendant la nuit, que l'eau renfermée dans des vases et les mares furent couvertes de glace. Ils s'arrêtèrent , le 3o, près du ruisseau de Sola-Paia. Le3i juillet les 1 , 2 , et 3 août , ils campèrent à la proxi- mité des lacs qu'ils rencontrèrent $ ils atteigni- rent , le 5 à midi , le ruisseau de Lesnaia , où ils restèrent jusqu'au 7 , par rapport à la pluie , et pour laisser reposer leurs rennes. Ils arri- io6 .i??*- V o y a g s vèrent enfin, le 14, à Obdorsk. Leur retot?2* fut moins pénible , parce que les rivières , ac- crues par les pluies , favorisoient la navigation ; les rennes étoient aussi moins harassés que par les chaleurs. Avant de terminer la relation de ce voyage 9 je crois devoir parler des plantes que M. Sou- ïefeL trouvées dans les déserts arctiques qu'il a parcourus , ainsi que des productions qu'il a recueillies sur les côtes basses de la mer Gla- ciale qu'il a visitées. J'ai déjà fait mention des arbustes et arbrisseaux qui couvrent les ma- rais chargés de mousses , lorsqu'on avance au nord , où l'on voit disparoître les forêts , et où de simples buissons font le plus bel or- nement de ces misérables contrées. Les plus remarquables sont le bouleau nain (1) , les pe- tits saules rampans , dont plusieurs poussent des» tiges de la hauteur du doigt seulement , et parmi lesquels il remarqua cinq espèces (2) qu'il mit dans sa collection. Ces contrées abon- dent également en arbousier des Alpes ( 3 ) , et en camarine à fruits noirs (4) / mais le ro~ sage ferrugineux (5) y est plus rare. La pesse (1) Bnula nana. (z) Salix myrtilloides , herbacea, lapponica , fusça ew arenaria, h) A rhums alpina* (4) Empetrum nigrum. ($} Rhododtndrum fer rugi neu m. a la mer Glacials. 107 Ö'eau (1) est communément clans les lacs fé- tides , qui avoisinent la mer Glaciale ; elle ne diffère point, quant à la croissance et à la hau- teur , de celle qui croît dans toutes les con- trées méridionales. On observe la même chose avec le plantain maritime (2) , la sabline pé- ploïde (3). Il trouva , sur la montagne qui est au nord, la grassette des Alpes (4) > la gym- nandre septentrionale (5), l'orpin quadrilkle (6) , la statice à tiges simples (7), qu'il ne s'atten- doit pas à trou ver dans une contrée aussi froide, puisqu'elle ne croît , en Europe , que dans les pays chauds et sablonneux. On ne la voit point en Eussie ni en Sibérie. Il rencontra plusieurs espèces de saxifrages (8) , la driade à huit pé- tales (9) , le pavot à tige nue (10) , Fépervière des Alpes ( 1 1 ) , Tépervière liondent (12) ., l?éri* »■■'■■'■ 1 i 1 1 . . 1 ..1...^ (i) Hippuris. (z) Plant a go maritima, (3) Arenaria pepïcides. (4) Pinguecula alpina. (5) Gymnandra borealis. Appendix, n°. 401; et pi. I, n°. ». (6) Sedum quadrifidum. Appendix, n°. 326; et pL It b°. 2. (7) Statice armeria. (8) Saxifraga , cernuay rivularis , bronchialis et nivalis 0 (9) Dry as oc tope ta/a. (10) Papaver nudicaule. (it) Hieracium alpinum. (11) Hieracium taraxacU *o8 177*- V Ö Y A G s geron des Alpes (1); la linaigrette à gaîne (2) est l'herbe la plus commune des marais du nord : le sol en paroît tout blanc. M. Souïef vit , parmi les plantes qui garnissent les plaines > la véronique des Alpes ( 3 ) , la campanule à feuilles rondes (4) , la polemoine à feuilles dra- pées (5) , la patience digyne ( 6 ) , la patience surelle ou l'oseille de brebis ( 7 ) , l'antheric calyculée ou la narthèce (8), l'épilobe des ma- rais (9), et Tépilobe à feuilles étroites (10) : cette dernière plante n'avoit guère que trois pouces de hauteur $ mais elle portoit de grandes fleurs très-belles ; la renouée et la bistorte (11)5 ces deux dernières étoient très-maigres , ainsi qu'une autre espèce de polygonum ( 12) , qui vient très-bas dans les sables sur les côtes de la mer; Pandromède îiypnoïde ( i3) , la sapo- (1) Erigeron alpinum, (i) Eriophorum vaginatum, (3) Veronica alpina. (4) Campanula rotundifoluu (7) Polemonium lanaturn. (6) Rumex digynus. (7) Rumex acetosella. (8) Anthericum calyculatum, (9) Ep'doblum palustre. (10) Epilobium angustifolium* (it) Polygonum avlculare et bistorta» (ii) Polygonum divaricatum* (13) Andromeda hypnoides. I/andromè de qui ressemble i une mousse. a LA mer Glaciale. 109 naire des Alpes ( 1 ) , la sabliue à grandes fleurs (2) , l'œillet des Alpes , et l'œillet plu- maire (3) , la saxifrage puante (4) , la stellaire. des bois , et la stellaire biflore ( 5 ) , la do- rine à feuilles alternes (6) , qui croît des plus bas ; la quintefeuiile à stipules (7) , deux ronces naines (8) , la bartsie à chevelure rouge ( 9 ) , la pëdiculaire de Laponie , la pédiculaire hé- rissée, la pédiculaire panicnlée, et la pédicu- laire verticillée (10) ; les unes ne viennent pas plus hautes que le doigt , et la dernière n'a qu'un pouce de hauteur; le lamion lisse (n), le cochléaria de Groenland ( 12-) , trois carda- mines (io), la chélidoine ( i/f ) , l'arabette des Alpes ( i5 ) , le sysimbre sophie , le thalictron (i) Saponaria alpina. (z) Arenaria grandiflera. (3) Dianthus alpinus et plumarius» (4) Saxifraga hirculus» (5) Stellaria nemorum et biflora. (6) Chrysosplenium alternifolium. (7) Potentilla stipularis. (8) Kubus charnœmorus et arcticus, (9) Bartsia rubricoma. (10) Pedicularis laponie a , hirsuta , et paniculata. Flor. Sikirica III , pag. 203 , tab. 43 , fig. Iy et ped. verti- iillata, (il) Lamiunz lœvigatum. (i%) Cochléaria groenlandica. (13) Cardamine nudicaulis , bellidifolia, triphylla, (14 Chelidonia. (tf) drabis alpina» iio 1772^ Voyage des boutiques (1) $ la passerage de Sibérie (2),' l'astragaloïde des Alpes (3) , qui y croît très- bas , tandis que le sainfoin des Alpes (4) 'vient très-gros dans toutes ses parties ; la mi41efeuille des Alpes (5), la gnaphale des bois et celle des Alpes (6), l'armoise boréale (7), la camomillö des Alpes (8), le chrysanthème bipinné ( 9 ) % la violette biflore , et la violette des marais (10); la rhodiole à odeur de rose ( 11 ), qui n'a que quelques pouces de hauteur; le lycopocle cam- phrée, et le lycopode applati (12), ainsi qu'un grand nombre d'autres plantes. Ce jeune voyageur me rapporta encore de la mer Glaciale les objets suivans : le cloporte entomon (i3) et le cloporte puce (14) d'une gros- seur extraordinaire. (1) Sysimbrium sophia, (r) Lepidium sibiricum, Flora Sibirica III, pag. 1$$ > tab. $6 , .fig. 1. (3) Phaca alpina. (4) He dys arum alpinum* (5) Achillea alpina. (6) Gnaphalium sylvaticum et alpinum. (7) Artemïsia borealisy Appendix, n°. ^99, et pi. i. (8) Anthémis alpina. (9) Chrysanthemum bipinnatum. (10) Viola biflora et palustris* ( 1 1 j Rho dio la rose a . (it) hycopodiitm selago et complanatum* (13) Oniscus entomon* (14) Oniscus jfulex. a la mer Glacials. ni L'aphrodite à écailles ( i ) , le néréis à cy- lindre ( 2 ) , l'actinie de cheval et l'actinie ri- dée ( 3 ) , l'ascidie globulaire ( 4 ) ? ^e buccin glacial et le buccin onde (5) avec leurs ovaires f la pourpre ancienne et la pourpre canalicu- lée (6), la telline noire (7), la cuirasse marine d'impérati (8) , l'escare foliacée (9) , deux ser- tulaires (10), deux alcyons (11), deux éponges particulières (12) , difïérens v arecs (i3)^ et l'ulve intestinale (14) . On n'auroit jamais cru qu'il existât sous le pôle nord des débris d'éléphars, connus en Sibérie sous le nom d'Os de Mammout. Les Samoïèdes déterrent beaucoup d'os d'animaux (1) Aphrodha squamata. s (1) Nereis cylindraria. Miscellan. Zoolog. pag> ïia , lab. 8. (I) Actinia eqnina et senilis. (4) Ascidla globularis. Appendix, n°. i?o, (?) Bucclnum glaciale et undatum. (6) Murex antiquus et canaliculatus, (7) Tellina atra. (8) Lorica m'arina imperati. (9) Eschara foliacea. F/ustra. (10) Sertularia dichotoma et cupresslna. (II) Alcyonium lobatum et gelatinös um, (11) Spongia oculata et infundibulum, (13) Fucus saccharinus , edulis , quercus , cerauoides , aculeatus , glacialis et truncatus. Vovez. , pour les deux derniers, Y Appendix , nos. 411 et 413. (14} Uly a intestinalis. 112 ' ijji. Voyage étrangers dans les plaines marécageuses et les collines sablonneuses des côtes septentrionales \ ils y rencontrent fréquemment de superbes dents d'ivoire qu'ils livrent à la caisse oli se paye le tribut, ou qu'ils échangent avec 'les Russes. J'ai donné , dans les Mémoires de l'A- cadémie des Sciences de Péiersbourrr ( i ) la description de plusieurs crânes de taureaux sauvages, d'autant plus remarquables, qu'ils sont d'une espèce peu connue. L'un d'eux a été trouvé au fond du nord. J'ai eu aussi en ma possession un crâne de rhinocéros que des Samoïèdes avoient trouvé sur la Toundra, près de l'Obi. M. Souïef entreprit deux autres voyages dans la contrée d'Obdori , quoiqu'il fît déjà très- froid. Dans le premier , il remonta le Sob vers les monts Ouralsks ; et dans le second , il fut par eau vers l'Obskaia - Gouba ou golfe de l'Obi. Pour remonter le Sob, il partit le 18 août, et revint à Obdorsk le 22. Il traversa > le pre- mier jour , la rivière d'Onomaiougan , qui a jusqu'à quarante brasses de largeur dans les grandes eaux. Elle est formée par deux ruis- seaux , qui tirent leurs sources de la montagne voisine; elle a son embouchure dans le Sob. Ses eaux , quoique basses , ont une rapidité (1) Nov. Commentant, , t. XVII , p. 601 , tab. 17. extraordinaire. A LA MER GlACULË; Ïî3 extraordinaire. Le lendemain , il traversa le Sob , dont les eaux ne sont pas très - hautes. Son lit a plus de soixante toises de largeur ; on y trouve beaucoup*de bancs pierreux ( Péré- bori ). On y pêche peu de poissons ; cepen- dant la truite arctique ( i ) , y abonde. Dans le lieu où M. Souïeftr&versa. le Sob, cette ri- vière est formée par deux gros ruisseaux, qui sortent du pied d'une haute montagne. La source en est beaucoup plus près qu'on ne la trouve marquée dans X Atlas Russe. Cette montagne est composée de granit; mais sa base est for- mée de couches de schiste noir; sa cime perce jusques dans les nues. Elle étoit déjà couverte de neiges tombées entre la nouvelle lune et le premier quartier de juillet. Nos voyageurs gra- virent cette montagne pendant la nuit 5 des loups assaillirent leurs rennes , et les disper- sèrent tellement , qu'ils eurent de la peine à ÇH rassembler assez pour leur retour. M. Souïef partit ,, dans un canot, pour se rendre vers le golfe d'Obis le 2,5 août. Les eaux étoient déjà tombées de plus d'une brasse et demie , et continuoient à diminuer. Le pre- mier jour, il passa sur un banc de sable ( Es- chlosch), situé au milieu de l'Obi, couvert au plus d'une aune et demie d'eau. Il s'étend jusqu'aux iourtens des Ostiaks , qui lui doi- (1) Salmo arcticus. Appendix, n°. 110. Tome V. 13 ( tl~4t I772. V O Y A G K vent leur nom. Ici, le fleuve devient tout-â- coup si profond , qu'il n'a pas été possible de le sonder avec la corde la plus longue. Les rives de l'Obi sont assez ^carpées dans cette contrée; elles sont composées de couches ho- rizontales d'argile et de sable. Nos voyageurs furent , le 16 , aux iourtens de Voksarski ; les rives du fleuve y sont garnies de bois 5 mais les arbres y croissent à peine à une toise de hau- teur. Les feuilles des aunes et des mélèzes étolent d'un rouge écarlate : ce qui provenoit de l'ac- tion du froid. Le 27 , ils atteignirent des con- trées, où le pays, situé au-delà du fleuve , est entièrement dépourvu de bois. Ils arrivèrent y §ur le soir , au golfe d'Obi. Il est si large , que la rive opposée a l'apparence d'une ligne on- dée. Ils trouvèrent ici des iourtens deSamoïèdes établis sur le rivage. Le 28, malgré une forte tempête, ils entrèrent dans le golfe , et se por- tèrent jusqu'à une île située en face de l'em- bouchure. L'escarpement des rives de cette île lui a fait donner le nom d'iARi. Ils retournè- rent dans le fleuve , parce que la tempête cle- venoit plus violente. Cette île ne méritoit pas la peine de s'exposer au danger qu'ils couru- rent. Leâ rives du golfe , ainsi que celles qui bordent le fleuve depuis Obdorsk , sont com- posées de collines de sable et de glaise ; on y •voit, de place en place, des couches d'arguer 'À Ï.A MER Glâ.CIÂIEJ lî5 éboulées , qui ne conservent ni ordre ni uniformité dans leur direction. Un très -petit nombre de ces collines sont garnies de gazons et de broussailles. Les fonds herbageux avoient perdu leur verdure : la gelée avoit tout dé- truit. M. Souïef partit enfin d'Obdorsk, le 11 sep- tembre , pour se rendre à Bérézof. 11 y a observé les rives du fleuve , parce que les eaux étoient écoulées. Celles qui bordent son lit principal sont unies et sablonneuses jusqu'à l'embouchure du sol, et même au-delà. Les bas - fonds , qui les avoisinent, sont garnis de gros saules. On voit des deux côtés, entre le bras du fleuve , nommé KingAm , et les iourtens de Paravazki ^ des forêts àe pins , et beaucoup de cèdres. On apperçoit , dans les rives escarpées de sable et de glaise , des cavités qui ont différentes di- rections , et remplies de mulm noir. La partie des rives de niveau avec l'eau est garnie de fortes masses de pierre argileuse brune , qui paroissent venir d'une couche horizontale. M. Souïef y observa plusieurs masses calcaires , remplies de coquilles de moules pétrifiées, re- vêtues d'une Groûte semblable au gypse strié. 11 vit aussi , sur les bords de l'eau , beaucoup d'os de mammorit, et autres débris d'animaux, étrangers, qui avoient été jetés sur le rivage par les eaux. Il reconnut parmi ces débris un morceau de täte de taureau ? semblable à celui Îl6 ^772- V O Y A O Ef dont je viens de parler ; des cornes couvroient entièrement son front. Vis-à-vis l'embouchure du Pitliarski, on ap- perçoit dans les rives de minces couches de schiste noirâtre et gris. M, Souief y trouva aussi une dent mâchelière d'éléphant très - en- dommagée y qu'il me rapporta avec plusieurs autres débris. Le lieu où ces débris abondent le plus est à -trois verstes au-dessous de Kou- schevazkoï-Pogost, à cent cinquante verstes de Ben zof". De hautes collines y bordent l'Obi y et lui forment des rives escarpées , composées de glaise et de sable. Le bas du rivage est rem- pli de ces os épars çà et là ; les grandes eaux , en minant les collines , les ont tirés du lieu où ils étoient enterrés. J'ai reçu , dé cette con- trée, un très-gros os d'épaule (1) d'un éléphant > avec des articulations de pied , des vertèbres , des côtes, et une mâchoire de cet animal , ainsi qu'un crâne énorme de la structure ordinaire de celui du buffle (2). On rencontre jusqu'à Bérézof beaucoup d'ha- bitations d'Ostiaks , et sur - tout sur la rive (1) Humérus. (z) Ce crâne avoit, d'une corne à l'autre , dix pouces un quart de largeur, mesure de Paris,'; le front ou le dessus des cornes en avoit treize". La quille de la corne n'avoit que dix-huit pouces de longueur, et son soc, près delà racine , «douze pouces neuf lignes de circonférence* a la mer Glaciale. i ï 7 droite du fleuve. Celle de Languivasch (1) , si- tuée un peu au-dessous de Koutschévat , mérite d'être citée; on prétend qu'il existoit autrefois en ce lieu un gros bourg , qui avoit été fortifié par les Ostiaks 5 mais on n'y voit plus qu'un seul Iourten , qui est encore habité. Le 12 septembre, nos voyageurs virent arri- ver , des contrées du nord , dans le voisinage de Bérézof, de nombreuses troupes de berna- cles de la grande et petite espèce ( 2 ) , et des oies à cou rouge (3) : ce qui prouve que leur émigration commence à cette époque 5 on les avoit déjà apperçues au sud., près d'Obdorsk, le 18 août. Les voyageurs arrivèrent, par eau, à Bérézof le 1 3. M. Souïef entreprit un troisième voyage, en traîneau , à Obdorsk ; mais il ne fit aucune observation $ il rapporta seulement avec lui un ours marin , qui arriva vivant à Krasnoiarsk. Il m'a ainsi procuré l'avantage de publier la description de cet animal rare, et de montrer en quoi il diffère de l'ours ordinaire des bois , avec lequel il a beaucoup de ressemblance. [ Voyez Y Appendix y n°. 1. ] (1) Ville d'écureuils. {i) Anas erythropus. (3) Anser pukhricolUs* Anas ruficollls, Appenc!. n°. 3 j"< H 3 Îi5 1772. Observations Je passe à la description des peuples idolâ- tres , qui habitent les contrées septentrionales d'Obdori; je donnerai ensuite des détails sur leurs chasses et leurs pêches. Je commence par les Ostiaks. Mes observations sur ce peuple se- ront plus complètes que celles qui ont été pu- bliées jusqu'à présent. Observations sur les Ostiaks. Les Ostiaks de l'Obi ( 1 ) sont une des pre- mières nations de la Sibérie , découvertes et soumises par les Russes. Ainsi que tous les peuples de cette vaste région , leur nombre a diminué depuis qu'ils ont été conquis ; la pe- tite vérole , et d'autres maladies qui leur étoient anciennement inconnues , ont fait de grands ravages parmi eux. Cependant ils forment en- core une nation nombreuse $ c'est la plus con- sidérable de toutes celles qui habitent le terri- toire de Bérézof. Ils s'étendent le long de l'Obi jusqu'à Narim et Sourgout. I I I I ■ ■! I I 1 I I I I ■ M I ■ ) (1) On trouve, dans la première partie de l'histoire delà Sibérie , que le nom Ostiak est originaire du Tatar. Les Ostiaks d'Obdori se donnent le nom de Condischo. Cho , signifie , dans leur langue , une personne. Les Samoïèdes les nomment Th ab É, et appellent Vagui les Vogouls. LesToun- gousa6 de l'Enisséï les nomment Ostiakel ; ctles Vogouls, ilANSi, qui est leur propre nom. SU R LES O S T ï A^K S. îï<) La plupart des Ostiaks sont de taille médio- cre , plus petits que grands , peu robustes ; ils ont sur-tout la jambe maigre et effilée 5 ils ont presque tous la figure désagréable , et le teint pâle 5 aucun trait ne les caractérise. Leur chevelure , communément rougeâtre , ou d'un blond doré , les rend encore plus laids , et principalement les hommes , qui la laissent flotter, sans ordre, autour de la tête. On voit peu de ligures agréables parmi le sexe , sur-tout lorsque les femmes avancent en âge. Les Os- tiaks sont fort simples , craintifs , et remplis de préjugés. Ils ont le cœur assez bon. Leur "vie ^g»enible , et nullement agréable 5 quoi- qu'adormés au travail dès l'enfance,, ils sont rjJP-portés à l'oisiveté , lorsque leurs besoins né les excitent pas à travailler , et sur-tout les hom- mes. Ils sont très-rnal-propres , et même dégoû- tans dans leur ménage. L'habillement des hommes et des femmes [plaric. XIII] n'a presque rien de commun avec celui des autres nations. Il consiste principa- lement en peaux d'animaux, préparées par eux-mêmes. Les riches sont les seuls qui ayent des chemises. Les autres portent leur habit de cuir sur la peau. L'habillement des hommes est Une fourrure de dessous , étroite et à man- ches, appelée Mavliza , qui va à peine à la moitié des reins, avec une ouverture vers le haut pour passer la tête 5 elle est fermée par-devant H 4 120 177:2" Observations et par-derrière. Cette espèce de gilet est fait communément avec les peaux clés rennes qui naissent au printems ; ils y laissent le poil qui se met sur la peau. La fourrure ordinaire de dessus se nomme Parga ou Parka; on la porte aussi en été , lorsqu'il fait des vents froids. Elle ressemble à leur Mavliza ; près du trou où l'on passe la tête., pend un capuchon rond qui sert de bonnet. Cette fourrure et le capu- chon sont bordés de peau de chien. Ils la met- tent quelquefois en été pendant les chaleurs .5 mais ils quittent alors leur gilet. La première ligure de la planche représente un Ostiak avec son gilet ou fourrure de dessous. La figure deuxième le montre avec son Parga. En mver, ils portent une autre fourrure beaucoup plus ample et plus longue , à laquelle pend aussi un capuchon , qu'ils mettent sur la tête par- dessus l'autre. Celle-ci s'appelle Gous. Elle est faite de peaux de gros rennes à longs poils ; et pour cela , ils ne dépouillent ces peaux qu'en hiver. Ceux qui donnent dans le luxe font , pour l'été , un Mavliza de petits morceaux de drap de différentes couleurs , cousus ensemble , sans doublure , et chamarré de peaux de chien blanc, ou de queues de renards du nord. Ceux qui habitent les rives de l'Obi portent un man- teau de peaux de loutre , qui leur sert de nour- riture dans les momens de disette ; ils le font cuire dans un chaudron, et le mangent. Les SUR LES O S T I A TC 3.' 121 culottes que les hommes portent habituelle- ment joignent bien sur la cuisse, mais elles ne descendent pas jusqu'aux genoux. Elles sont faites de peaux de rennes apprêtées , qu'ils appellent Kovdougi , ou bien de peaux de loutres. Ils ont des bas courts , qu'ils nomment Pischi. Ils portent par-dessus des bottes ( Pimi) , faites avec les pattes de rennes (Kissi ) , dé- coupées par bandes , et qu'ils rassemblent en- suite en les cousant. Ils prennent pour les se- melles les parties en poil de brosses qui se trouvent entre les ergots de l'animal ; ils les cousent ensemble , parce qu'elles en sont plus solides : ce poil hérissé les empêche de glisser sur la neige. Plusieurs Russes font un com- merce de ces bottes Ostiakes. Ils en vendent en Sibérie et en Russie ; on s'en sert pour voyager. Les femmes Ostiakes portent sur la peau des robes-de- chambre de fourrure, ouvertes par- devant ( voyez plane. XIII) , qui ne sont pas très - amples , mais assez cependant pour que l'un des côtés puisse être un peu rabattu sur l'autre ; elles les fixent avec de petites cour- roies. C'est leur unique habillement ; et quoi- qu'elles ne portent pas de ceinture , on ne voit jamais aucune partie de leur corps à nu. Elles n'ont point de caleçons , ni même de bas en été. Elles sont toutes nues sous cette robe-de- chambre. Elles mettent , en hiver , des bas de Ï24 ^W2" Observations peau (Nétoven ) , corroyée en blanc. Leurs cheveux forment deux tresses, qui pendent sur le dos , et fixées ensemble par un cordon qui les traverse. Les femmes riches ont dans leurs cheveux deux longues bandes de drap jaune, qui tombent jusqu'aux jarrets ; elles sont or- nées de petites figures en platine de cuivre ou de laiton > qui représentent de petits chevaux, des rennes, des poissons , &c.'[ Voyez pi. XIII , ßgure î et 2. " Celles qui n'ont pas beaucoup de cheveux se font autour de la tête une cou- ronne avec une bande de drap, soutenue sur le crâne par deux petites bandes qui se croi- sent. LeS deux extrémités de cette bande pen- dent sur le dos. Les filles ont sur la tête une couronne garnie de petites plaques, d'où pen- dent de longues bandes fixées ensemble par un ruban qui les traverse : ces bandes tombent plus bas que les reins. Les femmes et les filles por- tent toutes de longs pendants d'oreille , com- posés de petits coraux colorés , enfilés dans du fil de laiton, ou dans du cordonnet. La plu- part des hommes ont les oreilles percées , et portent de petits anneaux. Toutes les femmes et les filles mettent un voile sur leur tête aussi- tôt qu'un étranger et même un parent entre dans leur iourten. Ce voile s'appelle Voksché. Elles n'ont jamais le visage découvert que de- vant leur mère. Ces voiles sont ourlés et garnis de franges. [ Voyez pL XIII , figure 3 et 4- \ STJH I, K S O S T I A K S. 1^3 Ce costume est maintenu par une pudeur natu- relle chez les femmes et les filles Ostiakes. Lors- qu'une personne quelconque entre dans leur iourten , elles en sortent aussi- tôt , ou elles s@ cachent dans un coin. Le principal ornement des femmes Ostiakes est d'avoir le dos des mains , 1* ayant-bras , et le devant de la jambe taoués. Elles dessinent à cet effet la figure qu'elles veulent avoir avec de la suie ; elles la piquent ensuite avec une aiguille jusqu'à ce que le sang paroisse. Ces piquures , se remplissant de suie , laissent des points bleus imprimés dans la peau. Les hom- mes ne s'incrustent sur le poignet que le signe par lequel ils sont désignés dans les livres où l'on enregistre les tributaires $ ce signe sert aussi de signature chez les peuples de la Sibé- rie , qui ne savent point écrire. Dans les ma- ladies , les hommes se* font incruster toutes sortes de figures sur les épaules et autres par- ties du corps , et ils attribuent autant de vertu à ce remède , que les Européens à l'application des ventouses. Cet usage est commun auxToun- gouses , et à plusieurs peuples de l'Amérique septentrionale. - Les femmes Ostiakes ont adopté des femmes Kamtschadales un costume aussi ridicule que bizarre. Elles ont continuellement , dans la partie naturelle de leur sexe , une mèche torse d'écorce de Saule ( Otjelp ) , ratissée et amollie 5 ïs4 ^71^- Observations telles l'y introduisent aussi avant qu'elles peu- vent y l'en retirent pour satisfaire à leurs be- soins, et en changent souvent par propreté. Comme cette mèche se déplaceroit à chaque mouvement , et qu'elle tomberoit même à terre f elles ont inventé , pour la retenir , une ceinture (Vorop) , presque semblable aux ceintures Italiennes. Il part de cette ceinture une bande qui passe entre les cuisses ; elles y affermissent un morceau d'écorce de bouleau coupé d'une forme particulière , et propre à l'usage auquel il est destiné. Cette invention leur est très-utile dans les tems périodiques, puisqu'elles ne por- tent ni chemise ni caleçons. Les Ostiaks. peuvent être regardés comme une nation de pêcheurs, car la pêche est leur principale occupation pendant tout l'été et une partie de l'hiver ; le poisson est leur principale nourriture. Ils chassent et prennent des oiseaux au lacet lorsqu'ils n'ont pas d'autres occupa- tions. Je ferai mention de ces deux articles. La pêche les oblige à mener une vie un peu errante ; ils passent en été avec des lourtens portatifs dans les contrées poissonneuses 5 mais ils ont des habitations d'hiver fixées , ainsi que les Baschkirs et les Tatars de Sibérie, où ils se rendent tous les ans. Leurs lourtens d'été, Chat (ou Tschoum), nom Tougouse adopté par les Russes de l'Obi , sont d'une construction facile et très-simple. SUR LES OSTIAKS.' 12.5 Ils emportent avec eux des bandes d'écorce de bouleau cousues ensemble , pour servir à la couverture de la cabane. Comme il y a des forêts dans presque toute la contrée , ils trouvent par- tout des perches et des lattes pour la monter ; ils lui donnent une forme pyramidale. Lorsqu'ils vont dans des contrées dépourvues de forêts , ils mettent dans leurs gros canots (1) les perches et lattes nécessaires. Ils se rendent ainsi à la prêche; ils emmènent avec eux leurs femmes, leurs en fans, leurs chiens, et tout ce qu'ils possèdent. LesOstiaks qui demeurent au-dessous de Bérézof n'ont pas adopté cet usage. Ceux qui habitent au-dessus, occupent l'été et l'hiver des Iourtensde charpente, où ils couchent snr des bancs. Les Russes les ont accoutumés à mener une vie plus agréable et à habiter des demeures stables. Les Ostiaks choisissent le voisinage des fleuves et des lieux secs et élevés pour y établir leurs habitations d'hiver. Ils y construisent en char- pente des cabanes carrées qui ressemblent beaucoup aux maisons de charpente Russes \ mais elles sont beaucoup plus basses , et quel- quefois à moitié enterrées et sans toit. Ils les chargent de terre pour les couvrir. Ils ne laissent " (t) Ces canots sont, faits avec un arbre évasé, auquel ils ajoutent des planches de bateau, pour leur donner plus ds grandeur. 3 2.6 i772' Observations à ces cabanes qu'une seule ouverture qui sert de fenêtre. Pour avoir plus de chaleur en hiver , ils la bouchent avec un glaçon qu'ils y laissent geler; la cabane reçoit par ce moyen quelques rayons de lumière. Ils ne se font pas une loi de placer la porte de la cabane à l'ouest , comme plusieurs peuples du nord. Un corridor ouvert construit en charpente est devant la porte. Il renferme de petites chambres des deux côtés. Ces chambres s'appellent Labassi. Ils y serrent leurs fourrures de réserve et les ustensiles. Plu- sieurs familles habitent une même cabane : aussi pratiquent-ils le long des murs autant de séparations (Nari) qu'il y a de familles. Quelque resserrées que soient ces distributions , ou plutôt ces loges dans certains Iourtens , il faut qu'une mère de famille trouve moyen de s'y arranger avec ses enfans et les ustensilôs du ménage ^ et qu'elle y fasse tout ce qui est nécessaire près d'un petit feu. On voit aisément qu'il ne peut régner aucun ordre dans l'intérieur de ces mé- jaages, les Ostiaks étant aussi serrés. Trois ou quatre familles demeurent ensemble, et on en compte jusqu'à six dans plusieurs Iourtens. Au-dessous de Bérézof , il y en a quelques-uns qui sont habités par trente familles. Les femmes qui ont de petits enfans, supendent les berceaux ou les mettent devant leurs loges. Ces berceaux sont faits d'écorce de bouleau. Elles les rem- plissent de poudre fine de bois pourri, pour S TT R L S S OSTIAKS." l2f éponger et absorber les humidités qui partent des enfans. Ils sont simplement couverts d'une petite fourrure , au-dessus de laquelle les mères entrelacent un cordeau en travers du berceau , pour les empêcher de tomber. Lorsqu'ils sont un peu grands , ils couchent sur un tas de foin étendu par terre , et couvert de peaux de rennes. Leurs chiens de bonne race , et sur-tout les chiennes qui ont des petits, couchent sous les bancs qui servent de couchettes. Les chiens communs , c'est-à-dire , ceux qu'ils attèlent à leurs traîneaux , couchent en dehors de la ca- bane, et n'y entrent pour manger que lorsque la famille se propose de voyager; On entretient un feu au milieu de l'Iourten ; il est commun à tous ceux qui l'habitent. Chacun y va faire la cuisine lorsque bon lui semble. Les Osiiaks n'ont pas d'heure réglée pour leurs repas 5 la faim seule les y décide. Ce feu de communauté sert aussi à faire griller les débris des poisson» qu'ils donnent à leurs chiens. Ce grillage con- tinuel remplit tellement le toit de leurs cabanes d'une suie grasse , qu'elle y pend par flocons. On sèche aussi près de ce feu le poisson su- perflu qu'on prend en hiver. Cette préparation doit occasionner une très-grande malpropreté* On se fera facilement une idée de la puanteur, des vapeurs fétides et de l'humidité qui régnent dans leurs Iourtens, lorsque l'on saura que les hommes, les femmes, les enfans, et les chien» 128 ijji. Observations y satisfont par - tout à tous leurs besoins , et que personne n'a soin d'enlever les ordures. Les Ostiaks se construisent de petites ca- banes qui leur servent de magasins (Labasi). Ils choisissent pour cela des forêts; plusieurs même sont assez éloignées de leurs Iourtens. Ils y serrent leurs fourrures , les peaux de rennes , et d'autres objets , mais sans aucun soin. Ce qui n'y peut pas entrer reste en paquet sur les traîneaux ; les voleurs ne sont point à craindre. Kien n'est aussi dégoûtant que la manière de vivre de ce peuple. Ils ne se lavent jamais les mains. A peine les femmes en ôtent- elles une partie de la crasse lorsqu'elles ouvrent les poissons , ou qu'elles les retireut du chaudron ; elles n'ont pour essuie-main que leurs fourrures. On n'y lave jamais la vaisselle, quoiqu'elle serve aux hommes et aux animaux. Leur chevelure est remplie de vermine. Plusieurs Ostiaks riches ont pris tant de goût pour la propreté , qu'ils composent eux-mêmes un savon pour se laver, ne pouvant en avoir que très - difficilement de la Russie , et encore le leur fait-on payer fort cher. Celui qu'ils employent est plus pro- pre à enlever la crasse collée sur la peau, parce qu'il est plus mordant. Pour le composer , ils font lessiver 17 ne quantité de cendres très- forte ; ils la mettent dans un ehaudra&j et versent peu à peu de la graisse de poisson clans cette S Ü R LES OsTIAKS. I29 Cette lessive. Ils font bouillir ce mélange jusqu'à ce qu'il prenne la consistance du savon. Ils le retirent ensuite par morceaux qu'ils envelop- pent dans des chiffons. Ils s'en frottent les mains , et l'expriment comme une éponge. Les pauvres n'ont pu songer encore à ce moyen de propreté. La principale raison de leur malpropreté c'est que les femmes sont surchargées d'ouvrage. Les hommes les regardent comme leurs esclaves- Les femmes montent et démontent les cabanes, préparent le manger, ont soin des habillemens des hommes , et sont entièrement chargées du ménage. Elles nétoyent et apprêtent le gibier et le poisson, lorsque les hommes reviennent de la chasse et de la pêche. Ceux-ci ne font que chasser , pêcher , et préparer les instru- xnens qui leur sont nécessaires pour ces deux objets (1). (1) L'opinion eue les Ostiaks ont de leurs femmes, et la rigueur avec laquelle ils les traitent , sont communes à tous les peuples sauvages connus sous le nom d'Indiens de l'Amé- rique septentrionale. Les voyageurs s'accordent tous sur ce point. Voici ce que dit entre autres , le trafiquant /. Long, qui avoit vécu douze ou treize années de suite parmi ces peuples , et dont les voyages , publiés récemment par le Ci- toyen Blllecoq , sont écrits avec cette simplicité naïve qui n'appartient qu'à la vérité, a Les hommes considèrent les fem- » mes comme n'étant destinées a autre chose qu'à faire des »> enfuis, et à supporter toutes les peines de la vie domes~ Tome V* I i3o *772» Observations Les peaux préparées par les femmes Ostîakesf lie se gâtent jamais à l'humidité. Elles emploient deux instrumens pour cette préparation. L'un est un fer qui traverse un manche de bois 5 ses deux extrémités sont courbées en sens con- traires, et un peu aiguisées. Elles écharnent grossièrement les peaux avec cet outil. Elles mettent dans leurs bouches les œufs et le ventre des poissons séchés (Varka), les mâchent, et en mouillent" les peaux; elles les roulent, et les mettent de côté pour qu'elles s'imbibent. Elles prennent un autre fer qui a la forme d'une serpe étroite , auquel tiennent deux manches de bois , traversés par une corde ; elles la passent autour du pied ou dans un pieu, en tenant le fer entre les genoux, et elles achèvent par ce moyen d'écharner les peaux. Elles les font sécher dans leurs cabanes après cette opération , et les foulent ensuite avec les mains , elles écharnent seulement avec le couteau les peaux qui sont minces; et après les avoir enduites d'œufs de poissons mâchés , elles les foulent avec les mains, jusqu'à ce qu'elles soient sèches. » tique par la même raison qu'ils traitent leurs fem„ n mes en véritables esclaves , ils ne font pas grand cas des » filles , qu'ils jugent dignes tout au plus de servir des guerriers , » et de travailler à des ouvrages qui déshonoreroient des v> hommes ». Voyages che\ différentes nations fauvages de V Amérique septentrionale , trad. de TAnglois de /. Long , par le citoyen Bilkcoq* chap. XIII, pag. iji. SUR LES OSTIAKS. l3î Les Ostiaks riches sont les seuls qui aient des troupeaux de rennes; ceux qui habitent les contrées méridionales voisin es de Tobolsk, pos- sèdent des bêtes à cornes et des moutons. Les Ostiaks de cette contrée , qui sont peu aisés , forment le plus grand nombre; ils se nourrissent uniquement de la pêche : grands et petits s'en occupent tout l'été. Ils habituent leurs enfans, lorsqu'ils ont l'âge requis, à pêcher à la nasse, et de toutes les manières qui ne demandent pas beaucoup d'adresse. Ils ne se nourrissent que de poisson pendant l'été. Ils se donnent alors rare- ment îa peinede le faire bouillir ou griller; ils pré- fèrent de le rnaneer cru sortant de l'eau. Ils le coupent par bandes , l'humectent avec le sang qui sort abondamment des piquures ou entailles qu'on leur fait dans la queue. Ils mordent dans ces bandes de chair , en coupant adroitement la bouchée avec le couteau près de la lèvre infé- rieure. La bouche et le^s habits des Ostiaks infectent pendant l'été; ils sentent plus mauvais que les marchés où l'on vend de la marée. En hiver , ils mangent de préférence le poisson cru lorsqu'ils est gelé, en grattant peu-à-peu la chair qui est dessus les arêtes. Les Russes ont cet usage , ils mangent également , hiver et été, du poisson cru; ils prétendent que le poisson gelé est un excellent préservatif contre le scorbut. Les Ostiaks ont du poisson en si grande abon- I a i3ä 1772. Observations dance , que , malgré leur consommation et celui qu'ils donnent aux Russos en échange , il leur en reste encore beaucoup. Dans les con- trées inférieures de l'Obi, ils jettent les espèces de moindre qualité, ainsi que les lottes, après en avoir ôté la graisse 5 on en trouve par-tout sous les pieds , parce que les chiens qui sont ras- sasiés n'en veulent pas. Les femmes préparent de différentes manières les espèces de bonne quali- té , afin de les garder pour les saisons où ils en manquent. Elles les font sécher ou griller, et le tout sans sel. ' Les femmes Ostiakes préparent le poisson de trois manières. La première est le Poséem^ on le fait avec les flancs des gros poissons blancs 5 elles laissent le dos et le ventre dans leur entier. Elles prennent seulement une bande de chair de chaque flanc qu'elles détachent des arêtes. Après y avoir fait des entailles, elles les mette::'; sécher sur des perches et griller sur le feu , pour les empêcher de se gâter ou de moisir. Elles l'arrangent ensuite par paquets (Bérémia). Le meilleur Poséem se fait avec le poisson qu'ils nomment Mouksoun, c'est un des poissons les plus communs qui remontent dans l'Obi. La seconde préparation est le VarkAj elles le préparent avec la chair du ventre et du dos, qui est la plus grasse. Elles la détachent des prêtes,, la font un peu sécher à l'air, la mettent s S TT R LES OSTIAKS. ï33 Sur le feU dans un chaudron, et la remuent jusqu'à ce qu'elle prenne une couleur brunâtre. Elles la foulent ensuite dans des vases d'écorce de bouleau, ou dans des estomacs de rennes sèches. Elles la conservent pour l'hiver. Elles font sécher et griller les arêtes avec la chair qui y tientj pour en faire la principale nourriture des chiens. La troisième préparation appelée Ioutta , se fait avec de petits poissons comme le Poséem. Ori le foule dans des sacs de peau d'esturgeon. Elles nomment Porsa les poissons à écailles de petite espèce. Elles les fendent en deux, et les font sécher à l'air 5 elles lesbroyeiit ensuite avec les arêtes en forme de son. Le Posée m est le poisson préparé dont les Ostiaks font le plus d'usage; mais lorsau'ils ont des convives, ils servent du Varka et du Poséem. Ce dernier sert de pain et se mange avec l'autre qui est beaucoup plus gras. Lorscme la provision de ces deux mets commence à manquer, on se contente alors du Ioutta. D'or- dinaire, le Porsa se mange sec j il est rarement cuit. On ne fait cuire du poisson frais que Dour les convives ; les personnes de la maison ne mangent que les restes , et lèchent la sausse. En hiver , ils font communément une soupe avec du Varka ou avec des arêtes de poissons r dans laquelle ils mettent de la farine délayée lorsque l'eau bout. Ils la mangent avec d'énormes 13 i34 177^" Observations cuillers (Kééoul), Les Russes leur fournissent de 3a farine. Les Ostiaks emploient jusqu'aux boyaux des poissons. Ils en tirent y par la cuisson , la graisse nécessaire à leur ménage , et vendent le reste aux Russes , qui en font usage les jours maigres. Pour l'extraire, ils mettent tremper les boyaux dans un chaudron rempli d'eau , jusqu'à ce qu'ils commencent à être en putré- faction^ et à rendre la graisse qui surnage ; alors ils l'en retirent avec une grande cuiller de fer, et la mettent dans un autre chaudron pour la faire cuire. Ils l'ôtent de dessus le feu lorsqu'elle veut pétiller. Les Russes la préparent rarement aussi bien que les Ostiaks ; si on ne la laisse pas assez sur le feu , elle prend le goût de rance 9 et si on l'y laisse trop , elle brûle. JLes Ostiaks ne font presque jamais cuire le nerf dorsal des esturgeons .(Véziga). Ils ont également une remarque pour sa cuisson lorsque cela arrive. Ils mandent communément ces nerfs crus ainsi que les cartilages des poissons. C'est leur mets le plus délicieux ; mais ils ont grand soin de ne pas y toucher avec le couteau, per- suadés qu'ils seroient malheureux à la pêche , s'ils s'en ser voient pour le manger. Ils ne le seroient pas moins, à ce qu'ils assurent, s'ils fendoient le ventre d'un poisson en long 3 aussi les femmes ont-elles grand soin de les fendre tous en travers. SUR I. E S O S T I A K S. ï35 Ils ôtent de la vessie de l'esturgeon tonte la graisse qui Fentoure, et la pendent à l'air pour la faire uil peu sécher. Ils la font bouillir en- suite dans un chaudron jusqu'à ce qu'elle nagé sur l'eau. Ils la broyent dans de Feau fraîche et lui donnent la forme d'un gâteau. Cette colle de poisson ainsi préparée , peut être em- ployée sans qu'on la fasse fondre ; celle qui est seulement séchée à l'air, n'a pas cet avan- tage. Les hommes chassent pendant tout l'hiver $ ceux qui ont beaucoup d'enfàns capables de conduire la pêche , s'en occupent aussi l'été. On pêche alors sous la glace avec des nasses ; les enfans y ont l'œil \ ceux qui sont déjà grands suivent leurs pères à la chasse. L'époque où les neiges commencent à tomber ., est le tems favorable à la chasse des élans et des rennes. Lorsqu'un Ostiak tue une pièce de gros gibier, il la mange avec ses amis et ses voisins. lis mangent crus les rognons , la fressure et la moële des os. On fait cuire une partie de la viande; on fume le res'te pour le consommer dans le ménage , ou en faire des présens. En hiver, les Ostiaks pénètrent fort avant dans les landes et forêts désertes \ ils se servent de raquettes pour marcher sur la neige ( 1 )- — ■ • ». ■ i,. . . . i. i - — - . ■ (i) Ces raquettes sont sans doute la même chaussure , à peu de chose près , quç les makis s ins ou souliers Indien$ i36 J772. Observations Ces courses durent souvent plusieurs mois/ Chaque Ostiafc se charge d'une provision de vivres,, qu'il traîne après lui sur de petits traî- neaux. Ils se ser\ent de plusieurs espèces de flèches pour la chasse. Ils en ont une dont la pointe est en forme de fourchette ; une autre dont la pointe est en os , ne forme le crochet que d'un côté. Ils en ont une particulière pour le petit gibier , dont le bout , qui est d7os , forme une crosse émoussée. Ils prennent des zibelines, des écureuils, et dans les contrées ouvertes si- tuées plus au nord, des renards rouges et blancs. Lorsqu'ils tuent de grosses bêtes, ils les écor- chent et les enterrent dans la neige en mar- quant la place , afin de venir les enlever avec des rennes ou des chiens. Ils mangent les ours, les renards , les écureuils , et même la charogne* Le tabac est une grande ressource pour les Os- tiaks dans ces chasses d'hiver, puisqu'ils sont exposés au froid le plus violent ., à toutes les incommodités, et quelquefois à la faim.. Ils en fument, mais ils préfèrent de le prendre en poudre. Ils ne le trouvent jamais assez mordant ; dont parle J. Long dans ses voyages , que j'ai déjà c^és. « Je fis , dit-il , des makisslns ou souliers Indiens , de » peau de daim , qu'on prépare et qu'on passe à la fumée , » pour rendre le cuir plus doux et plus souple , et qu'on gar- » nit de piquans de porc- épie ». Voyages de /. Long , traduits par le citoyen Billecoq , chap. VI , pag. 67 et 68. SUR X I S O S T I A K s. tij ils le mêlent avec de la cendre d'agaric ou excroissances fongueuses (i) qui croissent dans les fentes des bouleaux et des trembles. Cette cendre est très-alkaiine. Après s'être bien rempli les narines de ce tabac , ils les bouchent avec de minces copeaux d'écorce de saule. Le mon- tant de cette poudre se trouvant ainsi concentré, leur occasionne une espèce d'inflammation sur tout le visage , qui les garantit du froid ; et il leur gèle très- rarement quelque partie de la figure. Je passe à leur préjugé relatif à la chasse» Lorsqu'ils veulent chasser , ils tâchent d'éter- htier la veille au soir 5 si l'éternuement a lieu, ils le regardent comme un heureux augure \ si au contraire ils veulent étemuer le matin du jour où ils doivent chasser, ils font mille gri- maces ou contorsions pour s'en empêcher. S'il?» ne peuvent y réussir, ils deviennent aussi- toi tristes et maussades , parce qu'ils regardent ce jour comme malheureux 5 ils sont persuadés que le gibier doit leur échapper. Quelques- uns même remettent la partie à un autre jour. Les oiseaux de passage leur fournissent, au printems une autre occupation et une nouvelle (1) Les Russes les appellent Tschaga , et les Ostiaks ÏASCH.VNI. i38 *7?z- Observation« nourriture. Je parlerai de cette cliasse dans Σ suite. Les Ostiaks jouissent d'une très-bonne santé , quoiqu'ils ne se nourrissent que de mauvais al i- mens, et que l'eau soit leur unique boisson; ils se procurent quelquefois un peu d'eau-de-vie des Russes. Ils ne sont pas sujets aux maladies tant qu'ils sont dans la fleur de l'âge. Mais lorsque les années ou quelques incommodités les em- pêchent de suivre leur vie active, ils ont com- munément des maladies chroniques ., scorbu- tiques et nerveuses dont ils ont peine à se tirer. Ils connaissent peu les maladies inflammatoires. La petite vérole fait quelquefois de grands ra- vages ; elle est un des grands obstacles qui s'op- posent à leur population. Cette maladie doit être nécessairement très - meurtrière avec leur genre de vie. Lorsqu'elle se manifeste dans un lourten ou dans un village, elleenlèveles grands et les petits. On voit cependant desOstiaks qui ne l'ont jamais eu. Les maladies vénériennes sont assez communes. Une chose singulière^ c'est qu'elles ne se gagnent pas facilement, quoique plusieurs Ostiaks qui en sont fort infectés, communiquent avec d'autres. Ils connaissent peu les remèdes. L'applica- tion des ventouses est le plus usité contre les douleurs des jointures , les enflures et les in- flammations , maladies auxquelles ils sont très- sujets; ou bien ils font brûler sur la partie SUR X E S 0 S T I A K S. l3p affectée un morceau d'agaric de bouleau (l&- schani), de la môme manière que les Chinois et les Japonois le pratiquent au moyen du moxa, ou mèches qu'ils composent avec le duvet du cotonnier. lis prétendent que i'ap- plicaîion doit se faire sur la place même du mal , si on vent en ressentir l'effet ; ils prennent un charbon bien allumé qu'ils approchent de la partie souffrante ; ils le changent de place jusqu'à ce qu'ils en trouvent une où le malade ne sente pas tout de suite l'action du feu. Ils appliquent à cette place le vrai caustique, qu'ils laissent agir ; le malade doit souffrir cette opé- ration jusqu'à ce que la peau soit brûlée et percée. Ils guérissent les constipations , en faisant avaler de grandes cuillerées de graisse de poisson ; dans les cas graves , ils prennent de la noix vomique. Ces deux remèdes agissent comme vomitifs et purgatifs. Ils attribuent beau- coup de vertu au fiel et au cœur de l'ours , et sur-tout au fiel des ours blancs. Ils l'em- ploient dans les maladies des enfans et dans la colique $ ils en font aussi usage pour guérir les maladies syphillitiques. Les Ostiaks , et sur-tout cevjx. qui demeurent au - dessous de Bérézof, sont encore payens; ils ont autant de femmes qu'ils en peuvent nourrir. Ils épousent la veuve de leur frère , leur belle- mère, leur belle -fille, ou toute %4o 1/7î* Observations antre parente du côté clés femmes. Ils se ma* rient de préférence avec les deux sœurs , dans 3a conviction où. ils sont , que cela porte bonheur à leur ménage. Ils ont en outre l'avantage de ne *payer à leur beau-père , pour cette seconde fille , que la moitié de la somme , K a l i m , donnée pour la première. Ils regardent comme une grande faute , et même comme une tache „ d'épouser une femme de leur famille et de leur nom. Ils comptent seulement leur généa- logie sur la ligne masculine. Lorsqu'une femme mariée dans une autre famille a fait une fdle, le frère de la mère, ou les enfans de celui-ci peuvent l'épouser. Au surplus, tous les ma- riages sont bons, pourvu que les pères des deux époux soient de races différentes. Lorsqu'un Ostiak veut se marier, il choisit dans ses plus proches parens et dans ses amis, des compagnons de service , du même âge, et il en nomme un pour être son entremetteur. Il se rend ensuite avec eux dans la cabane du père de la fille dont il a fait choix. Quand le père d'une fille nubile voit arriver cette compagnie , il n'a aucun doute sur l'objet de la visite, et il ré- gale ses hôtes sur le champ. Le repas fini, les convives se rendent dans un autre Iourten. L'amant envoie son entremetteur vers le père de la belle y pour faire la proposition du ma- riage , et savoir îe prix qu'il y met. L'entre- metteur court d'une cabane à l'autre, jusqu'à sur les Ostia K s. î.f* ce que les parties soient d'accord. Le marché conclu, on s'en retourne. Le futur revient quelque tems après , pour remettre au père la moitié du Kali m fixé. On l'fîcquitte rarement- en une seule ibis , parce qu'on le fait monter autant qu'on le peut , selon la richesse de la fiancée et de son futur. Le Kalim d'une fille riche monte communément à cent peaux de rennes , et en outre à beaucoup de fourrures de toute espèce. Après avoir acquitté la moitié du Kalim , le futur annonce au père de la fille qu'il couchera chez lui le lendemain, et Je prie d'avoir sa iule à la maison. Si le père est content du marché, et accepte l'à-compte de la dot , le prétendu vient le soir indiqué , et couche dans le lit qu'on lui a préparé. Quelques heures après , la future vient se mettre dans tin lit voisin^ elle y reste seule jusqu'à ce que les lumières et les feux soient éteints. Le len- demain au matin, la mère de la jeune femme demande au mari s'il est content. S'il répond ouï , il donne à sa belle-mère une robe de peau de renne. Celle-ci prend alors la peau de renne Sur laquelle les époux ont couché, la coupe par petits morceaux , et les éparpille en triomphe. Lorsque le marié n'est pas satisfait, la mère de l'épouse est obligée de lui donner une renne. Dès ce moment, les mariés vivent librement ensemble; mais l'homme n'ose em- mener sa femme j jusqu'y* ce qu'il ait payé le 1 4% i JJi. Observations Kalim en entier. Si le beau-père eht pauvre, il arrive quelquefois au mari d'enlever sa femme, avec le présent du lendemain des noces, avant d'avoir acquitté entièrement la dot. Mais dans ce cas , le père, plusieurs années après, profite de l'occasion où sa fille \ient le voir, pour la retenir chez lai 5 il ne la laisse point aller que le mari n'ait payé sa dette. Une fille mariée évite autant qu'il lui est possible la présence du père de son mari, tant qu'elle n'a pas d'enfant; et le mari, pendant ce tems , n'ose pas paraître devant la mère de sa femme. S'ils se rencontrent par hasard, le mari lui tourne le dos , et la femme se couvre le vi- sage. On ne donne point de nom aux filles Ostiakes j lorsqu'elles sont mariées, les hommes les nomment, Imi (femme), Les femmes, par respect pour leurs maris, ne les appellent pas par leur nom 5 elles se servent du mot Thaé (homme). Les Ostiaks ne regardent, pour ainsi dire, leurs femmes que comme des animaux domes- tiques nécessaires ; ils leur disent à peine une parole de douceur , quoiqu'elles soient chargées de tous les travaux pénibles du ménage. Ils ne leur infligent cependant aiicun châtiment cor- porel sans le consentement du père , quelque grave que puisse être leur faute. Si la femme SUR LES OSTIAKS. 1$ É8t maltraitée | elle se sauve chez ses parens ; elle oblige alors son père de rendre le Kaliin à son mari, et de lui faire épouser un autre homme. Les Ostiaks ne connoissent pas la jalousie. Ils ont rarement beaucoup d'enfans ; on prétend qu'ils sont un peu brutes dans leurs amours. On yoit à peine trois ou quatre encans dans une famille 5 ceci provient peut-être de ce qu'il en meurt beaucoup dans la première enfance, à cause de la mauvaise nourriture et du. peu de soins, quoique les femmes allaitent quel- quefois leurs enfans jusqu'à l'âge de cinq ans. Les femmes accouchent avec beaucoup de facilité (1). On rapporte que lorsque la femme d'un Ostiak pauvre accouche en voyageant, on lui fait avaler une forte portion de colle de poisson cuite , pour arrêter toute perte de sang, quand le mari ne veut pas s'arrêter de peur de manquer de vivres. Je ne garantis pas la vérité de ce fait. Les Ostiaks appellent ChalAs les lieux de leur sépulture ; ils enterrent leurs morts aussi- tôt après qu'ils ont rendu le dernier soupir. (r) Après l'accouchement , les Ostiaks mettent l'arriêre-faix avec l*écorce de saule qui se trouve souillée, dans une petite boîte d'écoice de bouleau ; ils y ajoutent du poisson et de la viande. Ils pendent cette boîte à un arbre un peu enfoncé dans la roiêt. l44 r77^" •Observations Une personne morte le matin , est déjà enterrée à midi. On fait une fosse d'une archine de pro- fondeur au plus, parce que le sol qui est gelé presque par- tout, ne permet pas de pénétrer davantage. Ils revêtent le mort de ses meilleurs habits; on les choisit plus ou moins chauds, stiivant la saison. On l'expose en mettant à côté de lui , un couteau , une hache , un cornet de corne rempli de tabac; on n'y joint pas la pierre à feu et le briquet, mais on met à leur place, des modèles de bois. Fendant la cour Le exposition du mort dans l'Iourten, ses parens , ses amis et voisins, se rassemblent autour de lui; ils le pleurent en poussant des gémissemens épouvantables. Les femmes sont assises, le vi- sage voilé ; les hommes sont debout. Au lieu de cercueil, on le met dans un. petit canot dont les deux pointes ont été coupées. On y ajoute les objets ci-dessus, et on le porte en terre , accompagné des personnes qui l'entou- roient. Si c'est un homme, les hommes seuls vont à l'enterrement : quand c'est une femme, les femmes seules y assistent , mais elles sont accompagnées de quelques hommes pour faire la fosse. Ils enterrent leurs morts sur des hau- teurs; tandis que quatre autres les suivent avec des pieux épointés, en les enfonçant de tous côtés dans le corps de ces animaux. Quand le mort est riche , on en tue plusieurs autres ^ en leur passant des cordes au col et aux jambes, et en les frappant avec des perches sur le dos, jusqu'à ce qu'ils tombent morts sous les coups. Ces animaux, immolés aux mânes du défunt, restent sur la tombe. On pose les harnois sur un petit échaffaudage, construit également sur la tombe , avec des bran- chages d'arbres , contre lequel on place les traî- neaux renversés. On prépare ensuite un repas près de la sépulture , et après s'être rassasié > on emporte toutes les viandes qui restent pour les distribuer aux voisins , en mémoire du dé- funt. La famille donne plusieurs autres repas de commémoraison , lorsqu'elle en a la fan- taisie. Avant la conquête faite par les Russes, les Ostiaks avoient des petits princes ou chefs hé- réditaires. Leurs descendant jouissent encore de cette dignité 5 mais,, à l'exception de quel- ques - uns , on a peu d'égards pour eux. Ils sont obligés de vivre de leur travail ou de leurs possessions , comme les simples Ostiaks. Lorsqu'un chef meurt sans héritier mâle , on choisit pour lui succéder une personne d'une Tome F. K i/[6 ^77^ Observations des familles les plus anciennes et les plus res- pectées. Les Ostiaks ont recours à leurs princes , ou bien ils se choisissent parmi eux des juges pour terminer leurs disputes. Si le procès passe à un tribunal Russe, et que l'affaire soit telle- ment embrouillée qu'elle ne puisse être jugée , on a recours à la prestation du serinent. On apporte une de leurs idoles de bois ; on fait sentir à l'accusé, ou à celui que l'on croit cou- pable , le danger auquel s'expose celui qui prête un faux serment. On l'oblige à prendre une hache ou un couteau pour couper le nez à l'idole, ou du moins l'endommager, en réci- tant le serment usité y qui est lu par un inter- prête. Voici le contenu de ce serment, ce Je t» veux que mon nez périsse de cette manière , >5 que cette hache me coupe, qu'un ours me x> dévore dans la forêt , et qu'il m'arrive enfin w tous les malheurs possibles , si je ne dis pa3 » la vérité dans la cause pour laquelle je com- 33 parois ici »* On fait prêter ce serment aux parties. Celui que Ton fait faire aux témoins t obligés de comparoître , est presque le même. Les préjugés de ce peuple le font obéir à de pareils sermens. liest fort rare d'en voir prêter de faux à un Ostiak ; quand cela arrive ^ sa conscience le lui reproche , et la terreur s'em- pare de son ame $ il éprouve alors toutes sortes de malheurs, que les autres attribuentàla colère de leurs divinités« SUR LES O S * I A K S. l47 - Lorsqu'ils sont obligés de rendre foi et hom- mage à un nouveau souverain , on les rassem- ble par petits cercles , au milieu desquels on place une hache avec laquelle on a tué un ours ; faute de hache , on y met une peau d'ours. On présente à chaque Ostiak une bouchée de pain au bout de la pointe du couteau , en lui faisant prêter le serinent suivant. ce Si , dans le cours de ma vie , je deviens in- » fidèle à mon Tzar ( ou à ma Tzarine ) ; si je me » détache volontairement de lui (ou d'elle) 5 si *> je ne paye pas exactement mon tribut \ si je y> déserte de la contrée qui m'est assignée y ou t> si je commets quelque autre infidélité , je x> veux qu'un ours me dévore ; que ce pain 35 que je mange m'étouffe $ que cette hache me » coupe la tête , et que ce couteau me poi- >:> gnarde *>. Si on les fait mettre à genoux de- vant une peau d'ours, chaque Ostiak est obligé de mordre dans la peau , après avoir prononcé le serment. Il arrive que quelques Ostiaks , pour témoigner leur ferveur , en arrachent du poil avec les dents. La prestation de serinent , en face d'une peau d'ours, est usitée par la plupart des peuples idolâtres de la Sibérie. La langue des Ostiaks de l'Obi a beaucoup d'affinité avec la langue Finoise ou Tschoudej mais elle en a davantage avec la Vogoule. On remarque plusieurs dialectes différens, selon les contrées. Ceux qui demeurent au « dessus K z t 148 1?72« Observations de Bérézof , et qui bordent les Vogouls , par- lent un langage très-mélangé. Le Mordouan est , "n"£> ^ de tous les dialectes Finois les plus éloignés , celui qui a le plus de ressemblance avec l'Os- tiak. Je donne ici un tableau des mots Ostîaks , Vogouls , etMordouans , que j'ai tiré d'un vo- cabulaire Vogoul , rédigé près de la Sosva. Ostiaks au- Ostiaks au- dessous de dessus de 3érc\of. Bérézof. Vn, It. Ihoï. Deux, Kat. Kathoï. ZTrois. Kholim. Kouloumhoï. Quatre, Neil. Nithoï. Cinq% Vet. Véthoï. Six. Khot. Hothoï. Sept. Labit. Tabéthoï. Huit. Nul. Niléhoï. Heuf. Ertiang. Orionhoï. Dix, lang. Ionhoï. Vingt, Khos. Koushoï. Trente, Khoulmiiang. Kolimianoï. Quarante. Néliiang. Nili anghoï. Cinquante. Vettiiang. Votianghoï. Soixante. Khoutiang. Kotianghoï. Soixante-dix. Labitiang. Tabetianghoï. Quatre-vingt. Niiliang. Niilsothoï. Quatre-vingt- dix, Ertsat. Oriothoï, Cent. Ssat. Sothoï, Mille. Tschoros, Tschiourous. Dieu. Torom. Touroum. Diable. Koul. Ciel. Noum. Touroum. JSluée» Péiing. Pillem. Vent. Vat. Vot. JSleige, Soleil, Loïs. Ltoitsch. Khat'l. Khottel. Lune, Tils. Tilesch. Feu. Tout. Tut. M au. Eng. Ioung. Fleuve* Iougang. Sigengalt. Lac, Touvou. L*tor. Vogouls Mor douant près de la Sosva. près du Volga. Aékou. Véigké. Kitti. Kafrta. Khoroum. Kolma. Nilia. Nillé. Att. Vietté. Khot. Kota. Ssatt. Ssisim. Nioulolaou. Kaouksa. Ondolaou. Véiksa. Lou. Kumcn. Khousou. Komars. Voau Koulmengémen, Naliman. Nillingémen. Ampan. Vietgémen. Rhotpan, Sadoloum. Kotgémen. Ssisgcmen. Nioulschat. Kaouksingémen. Ondolschot. Schott. Véipingémen. Ssiada. Schodara» Toschen. Tora. ( Tschou- Torom. vasche. Koul. Koul. Noumi. Ménil. Toull. Piel. Vot. Varma. Touit. Lo. Khodel. Ko. , Ioungop. Tiltsché. Oulse. Toi. Viti. \iad. / Iouger ( Tschc- Marsvitor. rémisse) Erké. Sur les Ostia K s. Vogouls près de la Sosva. Mer. Terre. Montagne . Pierre. Fer. Personne. Homme. Œil. Oreille. lèvre. langue. Parties vi- riles. Parties du sexe. Ville. Cabane. Flèche. Arc. Poisson^ Chien» Z.oup^ Ours, Ostiaks au~ Ostiaks au- dessous de dessus de Béré{of. Béréi^of, Tschaaris. Saritsch, Mouoa. Mig. Sooïgom. Palta. Kévoiu Kiv. Karti. Vog. Kho. Khoïiet. Kuo. •■ ...«**• Ssem, Ssem. PeL Peît. Torip. Pellem.. Noulim. Nialcm. Mon» Quttcha, Non. Noun. Vasch. Osch. Khat. Khot. Nioul. Nioul. lougol. lougol. Khoull. Khoul. Aemp. Amp. Evour. Eouvr. Icimvoï. lémouaï. %4f Mordouan* près du Volga. (i) Et pat Tschaaris. Mag. Niltig. Aschtisch. jKer. ïEiimschols. |Khoum. ,'Schem. Pel. Pitmi. Nélom. Visi. Non. Vosch» Kol. Iougit. Khoul. Aemb. Pournévoï. Toorog. les Samoïèdes Faris.( Votiak. Moda. Panda. Kiiav. Kort. ( Votiak.) Loman. Mirdem. Ssielma:« Piiia. Tourva«, Kiel. Mona» Päd» Osch. KardaSr Nall. Ionk» Ka*. Pins. Ouiou. Viargcï > Voiga. (O. Une grande idolâtrie est encore la religion principale des Ostiaks } ceux qu'on a baptisés sont secrètement chrétiens. Les païens ont des idoles particulières dans leurs cabanes , et sont dirigés par des devins» Les femmes ont aussi leurs idoles. Ce sont des statues à figure hu- niaine , ou , pour mieux dire , des poupées grossièrement taillées en bois , dont plusieurs sont revêtues de chiffons. On les place dans l'angle le plus propre de l'iourten 5 on met un petit coffret devant cette poupée , pour y dé- poser les offrandes de celui qui lui rend un culte. Il y a toujours , près de ce coffre , une K 5 i5o fjyz. Observations corne remplie de tabac en poudre et de minces copeaux d'écorce de saule , pour que l'idole. puisse en prendre , et se boucher les narines comme les Ostiaks. Ils ont soin de barbouiller souvent la bouche de l'idole avec de la graisse de poisson , et de lui rendre toutes sortes d'hon- neurs. Quelques Ostiaks rendent aussi un culte divin à de petits troncs d'arbres, qui sont en- core sur leurs souches, à des bâtons, à des morceaux de bois coupés en forme de massue, à des boîtes , petits coffres , et autres objets pareils qu'ils achètent des Russes. Ils les or- nent d'anneaux , de jetons , de petites plaquettes, de rubans , et de chiffons ; ils leur rendent le même culte qu'aux poupées de bois. Les voya- geurs Russes , qui , passant la nuit chez les Ostiaks , veulent s'y amuser , profitent de l'obs- curité pour ôter le tabac delà corne. L'Ostiak , . à son réveil , est saisi d'étonnement ; il ne peut concevoir comment son idole a pu prendre tant de tabac; et il finit par croire qu'elle est allée à la chasse. Malgré la vénération et le respect qu'ils ont pour leurs idoles , malheur à elles lorsqu'il arrive un malheur àl'Ostiak , et que l'idole n'y remédie pas. Il la jette alors par terre, la frappe , la maltraite , et la brise en morceaux. Cette correction arrive fréquemment. La même colère est commune à tous les peuples idolâtres de la Sibérie. Ils rendent aussi un culte à leurs morts. Ils SUR LES OSTIAKS. l5l sculptent des figures de bois pour représenter les Ostiaks célèbres. Dans les repas de com- mémoraison , on place devant ces figures une partie des mets. Les femmes , à qui la mémoire de leurs maris est chère , ont de pareilles fi- gures , les couchent avec elles , les parent , et ne mangent point sans partager leur portion avec elles. Les Ostiaks vénèrent aussi certaines monta- gnes et des arbres , qui ont frappé leur ima- gination y ou qui ont été déclarés comme sacrés par leurs devins. Ils ne passent jamais devant sans y décocher une flèche ; c'est la marque de vénération que l'on rend à ces objets. Mou récit ne regarde que le culte particulier. Le culte public est adressé à des idoles de la première classe , bénites par leurs devins. Ils en avoient autrefois dans un grand nombre d'en- droits ) ils y ont recours dans leurs malheurs, ou lorsqu'ils appréhendent des dangers ; les devins jouent alors le principal rôle. Leurs ruses soumettent l'Ostiak ., et le forcent à leur jurer une obéissance aveugle. L'idole pour laquelle les Ostiaks de l'Obi et les Samoïèdes voisins ont le plus de vénéra- tion , est dans la contrée des iourtens de Vok- sarskoï., à soixante-dix verstes au-dessous d'Ob- dorsk. Elle est placée dans un vallon boisé, et soigneusement gardée par les Ostiaks , qui cher- chent à en cacher aux Russes toutes les ave- K 4 ï52 177'2" Observations nues. Ils s'y rassemblent fréquemment par com- munautés > pour y faire leurs offrandes. On m'a rapporté que cette idole représente deux personnes ; l'une est habillée en homme , et l'autre en femme , à la mode des Ostiaks. Ils n'épargnent rien pour la beauté de leurs ha- bits. Ils les font avec le meilleur drap et les plus belles fourrures. Leurs habits sont ornés de toutes sortes de figures d'animaux en pla- ques de laiton et de fer - blanc. Chacune d'elles est dans une cabane particulière , construite près d'un arbre. Le tronc de ces arbres est tapissé de draps et d'étoffes ; le sommet est garni de lamines de fer- blanc , auxquelles est suspendue une clochette que le vent fait mou- voir. L'arbre de l'idole mâle est garni de car- quois et d'arcs , et tous les arbres voisins de fourrures et de peaux de rennes j ce sont celles des victimes immolées. L'idole est entourée de toutes sortes d'ustensiles de ménage , tels que des chaudrons, des cuillers, des vases, des cornets à tabac , et autres objets rapportés en offrande. Les hommes seuls viennent réguliè- rement rendre leur culte à l'idole. Les femmes > conduites par une devineresse, se rassemblent quelquefois près de leur idole , et mettent leurs présens à ses pieds. Les Ostiaks vénéroient autrefois beaucoup d'arbres de cette forêt 5 ils y appendoient les fourrures et los peaux des animaux immolés. SUR LES OSTIAKS. l53 Mais comme les Kosaques s'emparoient de ces fourrures , ils se sont déterminés à couper les arbres dont ils ont formé des troncs et de gros rondins. Après les avoir ornés de chiffons et de plaquettes, ils les ont placés dans des lieux sûrs , où ils vont aujourd'hui déposer leurs offrandes. Les Ostiaks ont différentes marques pour ne point s'égarer dans les contrées dédiées à leurs idoles , telles que les fleuves , les ruisseaux , &c. Leur vénération pour leurs idoles s'étend même. jusqu'aux contrées ; ils n'y fauchent au- cune herbe , n'y abattent aucun arbre ; ils n'y chassent point., n'y pèchent point; ils n'osent pas même y boire de l'eau des ruisseaux qui les arrosent , de peur de déplaire à leurs di- vinités. Ils évitent avec une égale attention d'aborder trop près du rivage avec leurs ca- nots , quand ils voyagent par eau dans ces contrées ; ils ne le touchent pas même avec la rame, Si le trajet est considérable , ils font leur provision d'eau avant d'entrer dans le pays con- sacré à l'idole ; et s'ils y manquoient , ils endure - roient la soif la plus forte , plutôt que de puiser de l'eau dans la rivière. La connoissance des lieux où étoient placées anciennement des idoles , se transmet. Lors- qu'on veut transporter l'idole dans un nouveau lieu , les Ostiaks chargent leurs devins du choix. Il tombe communément sur une contrée où i54 1772- Observations Ton a fait une chasse extraordinaire. Ils regar- dent comme sacré l'arbre où un aigle a fait sa ponte plusieurs années de suite , et ils ont aussi beaucoup d'égards pour cet aigle. On ne peut les offenser plus cruellement qu'en le tuant , ou en détruisant son nid. Leurs schamans ou devins sont les seuls qui le» dirigent dans leur croyance. Ces fourbes savent profiter adroitement de toutes les oc- casions pour tromper le peuple , et tirer parti des offrandes. Il suffit qu'un Ostiak soit chargé d'une commission extraordinaire par le gou- vernement, ou qu'il se fasse une innovation f pour que la crainte et la terreur se répandent dans toute une contrée. Les devins saisissent alors ce moment pour faire au peuple des contes absurdes , et le menacer de la colère et de la vengeance de ses divinités, pour l'obliger, et sur - tout les riches , à faire des offrandes et des sacrifices , qui tournent à leur profit. Ces schamans sont remplis d'astuces ; ils ont grand soin de se faire d'abord une réputation par leurs fables et leurs prédictions , afin de par- venir à cette place d'honneur ; le corps les ins- truit alors dans la Négromancie , ou plutôt dans l'art d'escroquer. La superstition agit tellement sur l'imagination des Ostiaks , que le moindre objet les remplit de terreur. S'il arrive un accident à un Ostiak , s'il fait un rêve affreux > s'il est malheureux à la chasse SUR 1ES OSTIAKS. l55 ou à la pèche, il a recours aux devins. Ceux- ci font usage du tambour de basque , ainsi que les schamans de Sibérie. Lorsqu'ils exercent leur art , ils se mettent dans la cabane devant un grand feu 5 ils font des grimaces et des con- torsions affreuses jusqu'à ce qu'ils ayent ren- voyé le diable qu'ils ont cité, et obtenu ré- ponse de lui-même. Tous ceux qui assistent à cette cérémonie font un bruit épouvantable , en battant sur des chaudrons et de la vaisselle , ou autrement, et en jettant des cris, jusqu'à ce que leur imagination les porte à voir une fumée bleue s'élever au-dessus de la tête du de- vin. Celui-ci fait alors semblant d'être hors d'ha- leine et épuisé de fatigue. Une des principales fonctions de ces devins est d'ordonner tout ce qui est nécessaire aux sacrifices particuliers auxquels ils imposent ce peuple craintif , lorsqu'il lui arrive quelque chose d'extraordinaire. Je ne parle pais des pe- tits sacrifices , qui sont très - communs. Pour faire ces derniers, les Oscîaks se rendent , de leur propre mouvement, vers une de leurs idoles , et lui portent en offrandes des baga- telles , des ornemens , du gibier ou du poisson frais. Ils se prosternent devant l'idole ; et après leur prière , ils font cuire la victime , et bar- bouillent la bouche de l'idole avec la graisse ou la sauce. Le schaman n'assiste qu'aux grands sacrifices , lorsqu'on veut immoler un renne à î56 177^- Observations la divinité. Voici la cérémonie. On lie ensem- ble les quatre jambes du renne 3 le schamanse place devant l'idole , et lui crie de toutes ses forces la demande de celui qui fait le sacrifice 5 tous les assistans répètent ses paroles. Pendant cette cérémonie ,, un Ostiak se place à côté du renne, tenant un arc tendu 5 il lâche la flèche , et perce l'animal au moment où le magicien donne le signal , en frappant avec une baguette la tête de la victime. Un autre Ostiak achève de tuer l'animal avec un pieu pointu. On prend le renne par la queue ; on le traîne trois fois autour de l'idole , et on Péventre. On frotte la bouche de la divinité avec le sang du cœur de ranimai -> on pend la peau et la tête à un arbre voisin ; on fait ensuite cuire la chair , et on la mange , en poussant des cris d'aiégresse. Les Ostiaks récitent en chantant tout ce qui leur plaît. On entonne de pareils cantiques dans- les sacrifices. La cérémonie faite , chacun crie de toutes ses forces > étend les bras vers le ciel , et croit ainsi remercier l'idole d'avoir assisté à son repas. Ils emportent la viande qui reste , pour la donnera leurs femmes , à leurs enfans, et à leurs voisins. Ils présentent ^ en arrivant f à leur idole pénate , un morceau de la graisse de l'animal immolé. Lorsqu'on veut faire un grand sacrifice pu- blic , les plus riches des Ostiaks conduisent par troupeau leurs meilleurs rennes au lieu sacré $ SUR LIS OSTIÀKS. 1^7 leur ferveur les pousse quelquefois à n'en pas réserver assez pour atteler les traîneaux à leur retour. Ils ne peuvent trouver de moyens assez prompts ni assez cruels pour les immoler, per- suadés que, plus la mort de ranimai est prompte, plus le sacrifice est agréable à l'idole. Dans ces circonstances , un Ostiak riche auroit honte de n'immoler que huit ou dix rennes. Ils of- frent en outre à l'idole leurs meilleures four- rures , qu'ils pendent aux arbres voisins. Les Ostiaks aiment mieux les sacrifier aux injures du tems , que de les réserver pour acquitter leur tribut. Ils en choisissent de moins bons pour cet usage. Ils font encore des sacrifices quand une per- sonne de leur famille est dangereusement ma- lade. Le schaman fixe le nombre d'animaux à imnjoler , suivant la qualité et la durée de la maladie. On place alors le renne devant la porte de la tente; on lui attache une corde au pied, et on donne l'autre bout à tenir au malade. Ses amis et ses parens sont en dehors de la cabane , avec le devin. Ils appellent les idoles jusqu'à ce que le malade tire la corde , soit par hasard ou de bon gré. Ce mouvement est le signal pour immoler la victime. On réser\e sa peau pour l'usage , et on met la tête et les cornes au bout d'un pieu. On mange la chair de l'animal ; on frotte ensuite avec la graisse le front et la partie affligée du malade. i58 T772. Observations Ils observent une cérémonie lorsqu'un Os- tiak a eu le bonheur de tuer un ours. On pend à un arbre la peau de l'animal , à une grande élévation ; on lui rend tous les hommages pos- sibles, et on lui fait des excuses de l'avoir tué. Ils croient que ces marques d'honnêteté les pré- servent du mal que l'esprit de ces ours peut leur faire (1). La plupart de ces usages superstitieux sont presque les mêmes parmi les peuples de la Sibérie, qui sont encore de stupides païens ; ces malheureux n'ont pour conseils que des ma- giciens. Je passe aux danses des Ostiaks , qui sont remarquables et particulières à ce peuple. Je les ai vu exécuter par des Busses , qui avoient vécu long - tems chez les Ostiaks. Je ne puis (i)" Tous les voyageurs qui ont visité les sauvages de l'Amérique scp'en'rionale , rapportent des faits qui ne per- mettant pas de clouter que ces peuples ne soient esclaves d'une superstition à -peu - p:ès aussi grossière. Voici ce que die le trafiquant /. Long que nous avons déjà cité : « Une » partie de la superstition des sauvages consiste en ce que » chacun d'eux a son totam ou esprit favorable qu'il croit » veiller sur lui. Ce totam , ils se le représentent prenant » une forme de quelque bête , ou une autre , et , en consé- » quence , jamais ils ne tuent , ne chassent , ni ne mangent » l'animal dont ils pensent que le totam a pris la forme »• Voyages che\ différentes nations sauvages de V Amérique septentrionale , traduits de l'Anglois de J. Long, par le citoyen BiUecocq , chap. X , pag. 1-64. SUR LES OSTIAKS. l5<) mieux les comparer qu'à des pantomimes bur- lesques , à cause du grand nombre de figures lisibles. Ils dansent les jours de fêtes , et sur- tout lorsqu'ils se sont procuré par échange avec les Russes une bonne provision d'eau-de- vie. Les hommes et les jeunes garçons sont les seuls qui dansent. Ces danses , très-pénibles et très-fatigantes , demandent beaucoup de sou- plesse et d'agilité. Elles représentent, par les diverses positions , les pas et gestes du dan- seur , les allures des différens oiseaux et ani- maux lorsqu'on les chasse , et ceux des pois- sons lors de la pêche. Par d'autres danses., ils contrefont adroitement leurs voisins , en con- servant toujours avec exactitude la cadence que le musicien a soin de varier , d'après les sujets que le danseur veut représenter. J'ai vu ren- dre la chasse de la zibeline, les allures de la grue et du renne , le vol de la bondrée , et la manière dont elle saisit sa proie, la posture et les gestes des femmes Russes lorsqu'elles lavent à la rivière, et diverses actions aussi plaisantes : tout étoit copié de manière à se pâmer à force de rire. L'imitation de l'allure de la grue m'a paru la danse la plus pénible ; le danseur , se tenant tout accroupi , est caché sous une fourrure, après en avoir lié la pointe à un long bâton , au bout duquel il a fiché la tête d'une grue. Dans cette position, il saute sur les talons ; il imite , en dansant , et au 160 177'2" Observations moyen d'un bâton, tous les mouvemens de la grue. Qunnd on veut représenter l'allure du renne, il faut que la musique varie, selon les différens mouvemens de l'animal, pour expri- mer son pas y son trot , et son galop , et mar- quer lorsqu'il s'arrête pour s'assurer de la di- rection qu'il tient avec le chasseur qui le pour- suit. Je n'aurois jamais cru trouver autant d'art chez une nation aussi peu civilisée. Ils pré- fèrent les danses satiriques ; ils aiment aussi la plaisanterie dans leurs chansons. Lorsqu'ils sont en gaieté , ou qu'ils ont hu , ils mettent tout en chansons. Ces danses et ces chansons ne sont pas leurs seuls divertissemens ; ils s'amusent à faire de petits contes : la plupart sont des récits d'a- mourettes, ou des histoires romanesques de leurs héros. Ils racontent, par exemple , l'his- toire d'un Ostiak intrépide et courageux, qui, voulant se marier , fit , dans vingt - quatre heures, avec les mômes rennes, la route d'Ob- dorsk jusqu'au-delà delà Sosva , trajet de qua- tre cent cinquante verstes. N'ayant pu s'ac- corder avec le père de son amante , il l'enleva, et fit son retour avec autant de célérité. Les parens de sa femme étant venu l'attaquer, il en tua lui seul plusieurs milliers ; &c. Les Os- tiask ajoutent la plus grande foi à ce fait. Il est probable qu'un de leurs ancêtres a pu faire quelque chose qui approche de ce trait mer- veilleux ; S TT & LES O S T I A K S? t6lj vellleux ; mais on Ta tellement embelli , qu'il est devenu. un roman, ou, pour mieux dire, une fable. Leurs instrumens de musique sont la Dombra et le Der n oboï. la Dombra ( i ) ressemble parfaitement , par sa forme de canot , et 1© nombre de ses cordes, à l'instrument des Vo-i gouls , dont j'ai donné la description dans le second volume. Le Dernoboï doit son nom à la harpe. Il consiste en une longue caisse har- monique , garnie d'un long manche , qui res- semble au cou d'un cygne , avec une petite planche très-mince , qui ferme l'angle du trian- gle que figure l'instrument. L'intérieur de cette caisse est monté d'une trentaine de cordes ; le musicien les pince des deux mains , en pres- sant de tems à autre avec le pouce la petite plan- che , pour donner de la vibration aux tons , et former des tremblemens. Les Ostiaks sont très-hospitaliers envers les étrangers , et font tout leur possible pour les bien traiter. Ceux qui ont des rennes en tuent un sur le champ , et servent à leurs hôtes la langue , la cervelle , la poitrine , et les filets (i) Dombra est le nom donné à cet instrument par les Ostiaks qui demeurent au-dessous de Bérézof; les Russes rappellent de même. Les Ostiaks de la contrée supérieure l'appellent au contraire Narisiousch , et les Vogodls San» WELTOUP et SCHANGUILTOP. Tome V. L ïfo l77** Observation» de l'animal : mets qu'ils estiment être les plus délicieux. Ils leur l'ont des présens , après le repas , selon leur fortune. Ils ne se condui- sent pas ainsi dans l'espérance de la récipro- cité , leur libéralité est parfaitement désinté- ressée. Observations sur les SamoÏèdes. Je passe aux SamoÏèdes Iougoris et Obdors , dont M. Souïef 'a également étudié les mœurs dans son voyage au Nord. Les détails, publiés sur ce peuple , sont imparfaits , parce qu'il y a fort peu de SamoÏèdes à Obdorsk ; les plus voisins sont mêlés , en partie , avec les Ostiaks , et ils ont contracté des mariages entr'eux. Les SamoÏèdes se donnent le nom de Kha- sovA (1) ; les Ostiaks les appellent Iérounscho , et les Toungouses de l'Enisséï , Dspiiandal, Ils habitent la contrée la plus septentrionale de la Russie et de la Sibérie , et s'étendent jusqu'à l'Enisséï. Ils forment plusieurs tribus , qui ont des dialectes différens. Toutes ces tri- bus, nommées indistinctement SamoÏèdes par les Russes , peuvent fort bien n'avoir pas la » ■ i i . n ■ ■■■ i. » (i) Les Toungouses se donnent eux-mêmes le nom de Boia (hommes). Le nom Louzé , que les SamoÏèdes donnent aux Russes, et que les Toungouses de PEpisséï changent en Loutscha, signifie, en langue Samoïcde , un guerrier, car Louzé-Ninsimé , veut dire colérique dans la même langue. StTR LES SaMOÏeBES. î63 même origine. Les détails que je vais donner concernent les Samoïèdes, qui occupent le pays situé entre l'Obi et les monts Iougori ; ils dif- fèrent , en beaucoup de choses , de ceux qui habitent les contrées qui s'étendent à Test de- puis l'Obi jusqu'aux côtes d'Iouraki , qui doi- vent leur nom à ce peuple. Les Toungouses de PEnisséï nomment cette tribu Iorakel. L'assertion la plus certaine , c'est que les limites les plus reculées de l'hémisphère bo- réal ont été peuplées par une nation opprimée par les guerres,, et chassée de ses habitations* Il est probable que ce peuple avoit habité au- paravant un pays montagneux et froid , où il menoit une vie errante -y car il ne lui auroif pas été possible de résister à un climat aussi rigoureux , et d'y loger dans des cabanes por- tatives , tandis que les autres nations ne peu- vent y passer l'hiver dans les maisons les mieux fermées. Il faut observer en meine tems qu'on trouve encore des restes de cette même nation dans la partie orientale de la Sibérie , près de l'Enisséï :tout prouve que ces contrées étoienfc autrefois bien plus peuplées. On ne doutera plus que ce pays soit la vraie patrie des Sa- moïèdes , lorsqu'on saura que les Koibals , les Kamaclies , les Abotors , les Soïots , et les Ka- ragasses ont la même figure que les Samoïèdes,, et parlent leur langue. Les Samoïèdes disent qu'ils viennent des contrées orientales. La vie L % i64 1772' Observations dure et pénible qu'ils mènent, et les dangers auxquels ils sont exposes , ont sans doute ef- facé de leur mémoire toute espèce de monu- ment. La partie septentrionale du territoire de Bé- rézof , occupée par des Samoïèdes , est divisée en deux contrées par le golfe de l'Obi. Celle qui est à l'ouest , connue sous le nom de Ka- mennaia (1), s'étend de la source du Sob , en longeant les monts lougori , jusqu'au golfe de Karisch , où elle a pour limites le territoire dePoustozersk , qui dépend d'Arkhangel. L'au- tre , nommée Nisoyaia (2.), commence à l'Obi et au golfe de Tazééva , et aboutit au ter- ritoire des Samoïèdes d'Iouraki , dépendant de Mangazéia. Les Samoïèdes diffèrent entièrement des Os- tiaks par la langue et les traits de la ligure. Les visages de ces derniers ressemblent à ceux des Russes, et beaucoup plus encore à ceux des Finois , tandis que les Samoïèdes ont beau- coup de ressemblance avec les Toungouses. Ils ont le visage plat , rond ., et large : ce qui rend les jeunes femmes très-agréables. Ils ont de larges lèvres retroussées , le nez large et ouvert,, peu de barbe , et les cheveux noirs et rudes. La plupart sont plutôt petits que de **' ."■■ ■^■ — ■» ■ ii 'M**^^»- ■■!>■— 1 »■ ■ ■ ■■!— il|Wii,l|i||„m„i,|ii>.|lil vtl p.«i niw yn H^mw.u i ■. ■ « ,,» M» ■ ^t (1) Pays de montagnes, (i) Pays inférieur. 8 TT ». LES S A M O 1 È B E S. %65 taille médiocre , mais bien proportionnés , plus trapus et plus gras que les Ostiaks. Ils sont , en revanche , plus sauvages et plus remuans que ce peuple , qui s'est un peu civilisé par ses relations de commerce avec les Russes. Ce qui a le plus contribué à ce changement des Ostiaks, c'est leur soumission parfaite. Les Samoïèdes mènent au contraire une vie libre dans les déserts éloignés qu'ils habitent. L'habillement des hommes diffère peu de celui des Ostiaks. 'Voyez p la riche XX. ] Les uns se rasent la tête entièrement , ou en par- tie 'y les autres conservent leurs cheveux. Plu- sieurs portent des moustaches j d'autres laissent une petite barbe de chaque côté du menton , quoique clair semée. On remarque , dans l'habillement des femmes , beaucoup de détails qui leur sont propres ^ et qu'elles n'ont empruntés d'aucune autre na- tion. [ Voyez planche XX , jïg. i et 3. ] Elles ne commissent pas le voile ni le Vorop des femmes Ostiakes. Elles ont la tête et le visage o découvert , excepté dans les voyages d'hiver ; elles manquent de pudeur. Leurs cheveux for- ment deux tresses , qui pendent par-derrière , et qu'elles ne défont jamais. Elles portent des pendans d'oreilles de grains de coraux. Leur robe est un assemblage de morceaux de drap , dont le devant de la poitrine et le dos sont communément formés de peaux de jeunes ren* i66 ^T2" Observations nés. Elles les ornent par-devant et par-derrièra de quelques morceaux de drap. Le bas de la robe de dessus est garni de trois bandes de belle fourrure, qui forment le tour. Cette robe est ouverte par-devant ; elles rabattent un des côtes sur l'autre, et les fixent au moyen d'uîie ceinture , qui a , au lieu de boucle , un gros anneau de fer , auquel elles attacher] t ses deux extrémités. Les femmes Samoïèdes portent des culottes de peaux de renne préparées comme nos peaux de daim. Elles ne quittent point leurs habits, même pour se coucher. Les hommes êtent les leurs ; mais ils gardent leurs culottes. Les femmes ont , ainsi que les Ostiaks , adopté l'usage ridicule des femmes Kamtschadales , dont j'ai parlé ci-dessus. On ne s'apperçoit pas autant de la mal -pro- preté des Samoïèdes que de celle des Ostiaks , parce qu'ils mènent tout l'hiver une vie er- rante. Ils passent d'une contrée à l'autre avec leurs iourtens 5 ils choisissent toujours, pc^r camper , des plaines dépourvues de bois , qu'ils appellent Toundra. Ils sont aussi sales que les Ostiaks , sur -tout dans leur nourriture et dans leurs habits. Les Samoïèdes gardent eux- mêmes, avec leurs familles, leurs rennes dans les pâturages , à l'exception des riches , qui pavent des pauvres pour leur servir de pâtres. Ils ne se servent guère de ces animaux domes- tiques que pour les atteler à leurs traîneaux. SUR LES SaMOÏÈDES. \6j Ils ne savent pas traire les rennes pour se pro- curer du lait , et n'en mangent jamais, soit par avarice , soit qu'ils ne le croyent pas assez bon. Ils vivent de la cliasse , ainsi que les Toungouses , et plusieurs peuples de l'Améri- que septentrionale ; ils mangent beaucoup de rennes sauvages , qu'ils prennent de plusieurs manières. Je donnerai, dans la suite , la des- cription de cette cliasse. Ces animaux suffisent à presque tous les besoins des Samoïèdes , soit pour la \ie y soit pour leurs tentes ou leur habillement. Ils se servent des nerfs de l'ani- mal pour coudre y et pour d'autres usages 5 ils en tirent aussi une colle. Ils font des pelles avec les cornes. Lorsqu'ils sont sur les côtes de la mer , ils se nourrissent avec les ours ma- rins , qui viennent sur le rivage _, les baleines mortes que les eaux y jettent,, et d'autres ani- maux marins. Ils les mangent sans préférence et sans aversion. Ils pèchent , de tems à autre , dans les golfes de la mer et dans les lacs. Ils se font des filets avec l'écorce du, saule , et les cordes nécessaires avec les jeunes jets ou ba- guettes de cet arbre. Leur principale occupa- tion , en automne , est la chasse du renard blanc. Hommes , femmes , enfans , tout le inonde s'en mêle. Les premiers leur dressent des pièges, les autres s'amusent à les déterrer de leurs terriers > et à les assommer. Quelques Samoïèdes riches vont, en été, fixer leur ré- L 4 l68 1772. OßSERTATIOKS sidence près de l'Obi , pour jouir du plaisir de la pèche; ils font paître et garder leurs trou- peaux par des enfans ou des patres , et y séjour- nent jusqu'à la saison de la chasse. Dès qu'un Samoïède a tué un renne sau- vage , il a soin de le dépecer de manière à n'en rien perdre ; il lui coupe les oreilles à la place même où il tombe; il les jette comme par ma- nière d'offrande , afin d'être toujours heureux à la chasse. Il désosse les jambes du renne , fend les os en deux , pour en manger la moelle toute fraîche et toute crue. Leur mets favori est de manger la cervelle crue et encore fumante. Ils prennent les yeux pour les enterrer dans une place où aucune femme et fille nubile ne puis- sent approcher ; car si elles y passoient , elles Jeroient un tort infini à leur chasse. Lorsque les rennes viennent de changer de bois , au printems , et que ce bois est encore tendre et velu , ils brûlent les poils et mangent crues ces jeunes cornes. Ils font une excellente colle avec ces jeunes bois, et même avec ceux qui ont déjà acquis plus de solidité., en les pilant et les faisant cuire. Ils préparent une colle semblable avec le sang de l'animal. On fait cuire la chair. Lorsque plusieurs familles sont réu- nies , chacune prend sa portion , et va la manger dans sa tente. La femme ne mange point avec son mari, et elle est obligée de se contenter de ses restes. ß TT H LES S A M O ï B D E S. l6f Les femmes Samoïèdes sont plus malheu- reuses que les femmes Ostiakes. Malgré la vie errante de ce peuple , les femmes, outre les travaux du ménage , sont obligées de monter et démonter les tentes , de charger et décharger les traîneaux,, d'être aux petits soins avec leur« maris , qui se font servir en lançant un re- gard , parce qu'ils daignent à peine leur dire une parole de douceur. Le tems le plus heu- reux pour elles , est dans quelques soirées où les maris daignent leur faire quelques caresses , lorsque l'amour les y engage. La plus forte galanterie diun. Samoïède est de regarder sa: femme comme un être impur. Lorsqu'elle a dressé la tente, elle est obligée, avant d'yen- trer , de se parfumer avec du poil de renne au-dessus d'un petit brasier , ainsi que tout ce qu'elle a touché , et même le siège sur lequel elle s'est assise, et les* traîneaux qu'elle a dé- chargés, elle rentre ensuite tous les effets dans sa tente. Peur ôter les habits qui sont attachés sur' le devant du traîneau , elle n'ose pas le faire par-dessus ) elle est obligée de passer sous la perche à laquelle on attelé le renne. En route , il n'est pas permis à une femme de pas- ser devant un des traîneaux , qui suivent par nie , et par conséquent de couper; elle est obligée de courir pour la devancer entièrement , ou de se glisser comme elle peut sous la per- che du traîneau. Elles sont vexées et gênées ijo Ï772. Observations jusques dans les tentes. Les hommes mettent une perche derrière le foyer en lace de la porte , et il n'est pas permis aux femmes de l'en j am - her. Si elles sont obligées de passer d'un côté de la tente à l'autre, il faut qu'elles fassent le tour du foyer en passant devant la porte. Ce peuple idiot et rustre croit que si la femme avoit le malheur de faire le tour de l'iourten , la nuit ne se passeroit pas sans que les loups ne vinssent leur dévorer un renne. Les Ostiaks ont le même préjugé. Une autre idée aussi ri- dicule , c'est que les femmes et les filles nubiles auroient à redouter quelque malheur , si elles manseoient de la tête de renne. C'est dans les tems périodiques que les femmes Samoïèdes sont Je plus méprisées et les plus à plaindre. Elles sont obligées alors d'en- jamher souvent le brasier du foyer, et de se parfumer avec du poil Je castor ou de renne. Elles n'osent pas préparer les repas des hom- mes , ni leur rien donner. Les couches sont encore un état de mépris pour elles 5 elles sont deux mois entiers sans avoir aucune commu- nication avec leurs maris. Pendant ce tems , la femme n'ose pas manger de viande fraîche ; elle est forcée de se contenter de vieilles pro- visions. Leur moment le plus cruel est l'épo- que de l'accouchement , tems où les femmes Européennes sont les plus heureuses , puis- qu'elles sont alors soignées par l'amour et l'a- SUR LES 5 A M O ï E D E S. 1J1 mitié. Les pauvres femmes Samoïèdes sont obligées de faire leur confession en présence du. mari et de la sa^e- femme; de déclarer si elles n'ont pas commis d'infidélité, et de nom- mer les personnes avec qui elles Font com- mise. Elles se gardent bien de nier le fait, dans la crainte d'avoir un accouchement labo- rieux et cruel ; elles avouent au contraire leurs fautes avec ingénuité, si elles sont coupables. Leur confession n'a heureusement aucunes suites fâcheuses. Le mari va trouver celui que sa femme a accusé^ et le force à lui donner un petit dédommagement. Si le coupable est un proche parent,, la femme tait son nomj mais le mari le devine. Lorsqu'un Samoïède veut se marier, il cher- che une ii lie dans une autre famille que la sienne $ mais , autant que cela se peut , du même rang et de la même richesse. Il tient peu à la beauté. Il se choisit un entremetteur , qui reçoit communément un renne pour ses peines. Il se rend avec lui et plusieurs de ses païens 4i l'iourten du futur beau - père. Arrivés là^ personne n'y entre. Chacun reste dans son traî- neau , et on les range en file devant la tente. L'entremetteur va trouver le père (Je la fille pour négocier le mariage. En cas de refus, la compagnie s'en retourne sur le champ assez mécontente $ mais ce désagrément n'arrive pres- que jamais. Si le père est traitable, l'entremct- lyiL 1772- Observations teur achève la négociation , et on fixe le ka- lim. Il est plus considérable chez les Samoïèdes que chez les Ostiaks : aussi la négociation est- elle assez longue , et par conséquent très-en- nuyeuse pour les personnes qui attendent dans leurs traîneaux. Les pères montrent , dans cette occasion , une avarice outrée. Les prétentions sont communément fondées sur toutes sortes d'habillement , de bons meubles , des «ustensiles de ménage , de petites bagatelles qu'ils sont obligés d'acheter des Russes , et sur une quan- tité de peaux de rennes. I e beau-père ne peut cependant s'approprier que la moitié du kalim ; l'usage est de partager l'autre moitié entre les parens de la mariée. Lorsque le jeune homme a payé le Kalim , le beau-père l'invite à dîner , et le régale de chair de renne. Ils chantent réciproquement pendant le repas. Le père recommande à son gendre de bien aimer sa fille , de la bien traiter, et le gendre demande à son beau-père son amitié et ses bonnes grâces. On fixe alors le jour où le père doit livrer sa fille , avec le présent du lendemain des noces. Il consiste sur-tout en habillemens qu'il est obligé de donner à, sa fille et à son gendre. Le prétendu, accompagné de plusieurs femmes étrangères, vient chercher sa femme le jour convenu. On visite alors tons les parens qui ont eu part au Kalim $ ceux-ci font un petit présent aux jeunes SUR LES SaMOÏÈDES. 1J* époux. Les femmes amenées par le mari , sai- sissent ensuite la nouvelle mariée , la mettent de force dans un traîneau , l'y attachent , et partent. On charge les traîneaux de tous les présens reçus, et de celui du lendemain des noces y on les attache en file après celui de la jeune mariée. Le père de la fille est obligé de couvrir les trois ou quatre premiers avec d'excellens draps, et les autres avec des peaux de rennes neuves. Le nouveau marié ferme la marche dans un traîneau séparé. Arrivés à l'iourten de l'époux , le premier devoir de la jeune femme est de préparer le coucher pour elle et son mari. On m'a dit que le mari ne de voit voir sa femme qu'un mois après l'union, quoiqu' occupant le même lit ; cet usage diffère , comme on l'a vu, de celui des Ostiaks, qui couchent sur des peaux séparées. Les Samoïèdes font aussi un présent à leurs belles- mères , par reconnoissance de ce qu'ils ont trouvé leurs femmes telles qu'elles dévoient être. Au bout de quelque tems , la jeune femme rend une visite à son père 5 elle y reste plu- sieurs semaines , parce qu'il lui est permis d'avoir son mari . avec elle. Le père est obligé de lui faire beaucoup de présens à son départ et d'en faire de nouveaux chaque fois qu'elle vient le voir. Aussi les jeunes femmes s'entre- tiennent en plus grande partie de ce qu'elles reçoivent de leurs pères , et par conséquent î y 4- ijj?.. Observations elles coûtent peu à leurs maris. S'il y a scpa- ration entre eux , on rend te kalira et le pré- sent du lendemain de noces, suivant que la sé- paration est demandée par l'un ou l'autre époux. Si la femme meurt peu de tems après le ma- riage, l'homme est en droit de réclamer le kalim, à moins qu'il ne veuille l'abandonner par respect pour sa femme. Ou prétend, que les femmes Samoïèdes ac- couchent avec facilité. Ils enterrent le placenta dans un endroit écarté où les animaux domes- tiques ou sauvages ne puissent aborder aisément. Lors des couches de la femme , le mari a soin de tenir prêt un bon couteau; la sage-femme le prend pour couper le cordon ombilical , après l'avoir noué avec une ficelle de nerf 5 elle garde le couteau pour ses peines. Lorsque reniant est venu au monde , toutes les per- sonnes présentes le prennent tour- à-tour dans les bras , et le caressent. On le couche dans un berceau d'écorce de bouleau , garni de bois pourri en poudre ou de mousse bien douce, et on l'y attache. Au moyen de ce berceau , la mère porte plus commodément son enfant au sein ponr l'allaiter, et elle vaque à ses oc- cupations domestiques, en portant ce berceau sur son dos au moyen d'une courroie (1). (i) Il est intéressant, pour le philosophe, de rapprocher les usages observés , à des époques &irérenies , par des peu-* SUR I, E S S A M O ï k D E S. ljS Le père ne donne un nom a son enfant que lorsqu'il a atteint l'âge de cinq ans. Il le con- serve jusqu'à celui de i5 , époque où on lui donne un nom qu'il doit toujours porter. Le père le choisit également , et il prend celui d'un de ses parens ou amis décédés (1). Si un Samoïède s'avise de donner à son fils le nom pies placés à une immense distance les uns des autres, « Lors- » que les François prirent possession du Canada , dit J. Long » dans ses voyages , les femmes n'avoient ni toiles , ni mail- » lots ; toute leur layette consistoit en une cspèco de baquet » rempli de poussière de bois pourri sec, aussi douce que îe » plus beau duvet, et dont l'objet étoit de sécher la moiteur » de l'eafant. On y plaçoit l'enfant , couvert de riches four- » rures , et attaché par le bas avec de forts cordons de cuir«, » La poussière étoit renouvelée aussi souvent que la néces- î> site l'exigeoit, jusqu'à ce que l'enfant fut sevré». Voyages che\ différentes nations sauvages de V Amérique septen- trionale , traduits de TAnglois de /. Long , par le citoyea Billecocq, chap. VIII, pag. no et m. (ï) Je crois devoir rapporter ici plusieurs noms propres Sa- moïedes , qui ont communément leur signification et du rap- port. Chanschara signifie traîneau , ainsi que bois de bou- leau j Nermé , ouverture dans la glace j Laatscha , monti- cule de terre ; Eakour , pays rempli de collines ; Naïmalé , jambe cassée; Palima , fourreau d'épée; Mo , branchage; Khalévouhoï, os de mouette ; Khaïdïou , bélier; Varptï 3 enragé ; Pazi , parties du se^te ; Eptouhaï , pied d'oie ; Enhitsch.0 , tortuj Pakit-Tabaï , fourrure déguenillée ; Oudasi , impotent des mains; Haï'si , impotent des pieds; LamboÏ, patin de neige ou raquette ; Pcïa , orme, et autres semblable». lyû 1772- Observât io x* d'un mort d'une famille étrangère , sans en avoir le consentement, la dispute ne se termine qu'avec effusion de sang. On ne donne point de nom aux filles. Une fois mariées , leurs maris ne les nomment jamais autrement que NÉ y femmes , etfelles appellent leurs maris Kiia- soova , hommes. Ils enterrent les morts peu après leur décès , et n'ont pas de lieu fixe pour les sépultures. Ils choisissent la première hauteur ou colline qu'ils trouvent. Ils mettent à leurs morts au- tant d'habits qu'ils peuvent, et placent autour du cadavre ceux qui sont trop étroits. Ils lui renversent un chaudron par -dessus la tête, persuadés que l'ame y réside même après la destruction du corps ( 1 ). Us enveloppent ensuite le cadavre avec tous ces objets dans une couverture de tente faite de peaux de rennes ; ils l'emballent avec des cordes., et le tirent, la tête en avant, par une ouverture faite à la tente où la personne est décédée; jamais on ne les fait passer par la porte , parce qu'ils sont persuadés que le mort entrain eroit .„■.M . i . i - . . » (i) Hommes civilisés, profonds philosophes, qui devez a votre orgueil et à vos fausses et tristes lumières les doutes affreux que vous élevez sans cesse sur le plus consolant de tous les dogmes , apprenez de ces peuples grossiers , dont vos livres et vos raisonnemens n'ont point attaqué les idées saines , à respecter cette croyance commune à tous les peuples 1 Note du citoyen JBilUcocq , Rédacteur. bientôt SUR LES SaMOÏEDES. 1JJ bientôt après lui quelqu'un de la famille , s'il y passoit. Arrivés au lieu cle la sépulture., on creuse une fosse. On la fait 'si peu profonde en été , que le mort est à peine entièrement cou- vert 5 ils couvrent la tombe de branchages, et jettent de la terre par-dessus. Ils construisent en hiver une cabane avec du bois et des bran- chages ; ils y placent le mort , lui donnent une hache, un couteau, un arc, des flèches , du tabac , une pipe, une cuiller, et une tasse. Le convoi s'en retourne ensuite. On tue les rennes- qui ont traîné le cadavre au lieu de la sépulture , et on les laisse sur la tombe avec leurs harnois. Les riches tuent aussi ceux dont le défunt se servoit pour aller à la chasse. En hiver on couvre la fosse de neige \ on la couvre en été de branchages et de mousse ; aussi leurs morts servent-ils de pâture aux renards blancs, aux gloutons, et autres animaux carnassiers. Ils observent aussi une cérémonie avec leurs morts. Ils font venir quelquefois, de très-loin 9 un magicien (Tadib)., pour appaiser l'esprit du défunt. Ces devins Samoïèdes se servent d'un tambour de basque. Ils mettent un habit par- ticulier, garni de différens colifichets de fer. Ils parlent à l'esprit ; ils l'exhortent à ne pas inquiéter ceux qu'il laisse sur la terre , et à ne pas les entraîner j ils finissent prie prier d'a- bandonner à ses parens les places où. il chassoit avec succès. On tue un renne pour le repas Tome V. - M 178 ^11^' Observations des funérailles; le mari ou la femme du défunt n'ose pas manger avec les convives, avant de s'être lavé et purifié en se parfumant avec du musc. Si un Samoïède , dans quelque tems que ce soit, passe près de la sépulture d'un proche parent, et qu'il reconnoisse le lieu, il esc obligé de tuer un renne, et de le manger avec ses compagnons de voyage , en mémoire du défunt 5 on fiche la tête de l'animal sur un pieu, que l'on enfonce près de la tombe. Dès qu'un Samoïède est mort, on ne prononce plus son nom ; il faut user de détours lors- qu'on veut parler de lui. Celui qui prononceroit son nom, deviendroit le plus mortel ennemi de toute la famille. Le nom du défunt repasse avec le tems dans la famille ; on le donne à tin enfant de la seconde ou troisième génération ; on renouvelle par ce moyen la mémoire de celui qui Ta porté. Le deuil pour un mort ou pour un ami con- siste à ne point relever et attacher pendant quel- que tems les bottes fourrées , et à n'avoir point de ceinture autour du corps. Les veuves défont les tresses de leurs cheveux , et les portent flot- tans. Le deuil fini , elles les nattent en deux tresses , et en ajoutent une troisième qui pend sur une oreille \ elles portent ces trois nattes toute leur vie. Une chose remarquable , c'est que les mar glciens et un grand nombre de Samoïèdes ont quelque chose d'effrayant dans la figure $ ceci SUR LES SamOÏÈDES. 279 provient de la tension et de la sensibilité ex- traordinaire de leurs fibres , du climat qu'ils habitent, de la vie qu'ils mènent, de leur ima^ gination , et de leurs préjugés. Des personnes dignes de foi , m'ont assuré qu'on trou voit des fi* gures pareilles chez les Toungouseset lesKamts- chadales. Le major Islénief m'a dit, qu'il en existoit aussi chez les Iakoutzkij j'en ai vu parmi les Bouriats et les Tatars de l'Enis.séï , mais ils étoient moins effrayans. Pour peu qu'on les touche dans les flancs ou dans quelque partie du corps sensible , un cri ou un coup dç sifflet imprévu, un rêve., &c, mettent ces malr heureux hors d'eux-mêmes , et les font presque tomber dans une espèce de rage. Cette rage est portée à un tel degré chez les Samoïèdes et les Iakoutzki , qui ont le #enre nerveux et les fibres très-sensibles , que lorsqu'elle leur prend , ils saisissent couteau , hache , ou tout ce qui se trouve sous la mein pour massacrer la personne qui est la cause de leur s dsisse- ment, ou toutes celles qu'elles rencontrent. On ne s'en débarrasse que par la force > et en les désarmant (i). Lorsqu'ils ne peuvent assouvir leur fureur, ils frappent des pieds et des mains, poussent des hurlemeris, se roulent par terre, &c, (1) Les Samoïèdes sont les hommes les plus craintifs de la terre ,- tout événement ou objet imprévu les jette dans une forte terreur. M a i8o l772' Observations Les Samoïèdes et les Ostiaks ont un excellent remède pour guérir ces maniaques; ils allument un morceau de peau de renne , ou un petit tam- pon de poils de rennes , et ils leur en font respirer la fumée par le nez. Le malade tombe aussi- tôt dans un assoupissement et une lassitude qui dure d'ordinaire vingt - quatre heures , et lui remet entièrement les sens. Ce remède est plus propre que toute autre chose à ré- pandre des lumières sur la cause du mal. M. Souïefa. vu , près de l'Obi , une Schamane ou magicienne que l'âge a voit forcée de quitter sa profession. Le moindre sifflement, et celui même du vent qui pénètre par une fente , l'épou- vantoit. Il vit parmi les Samoïèdes qui l'accom- pagnèrent à la mer Glaciale , une femme qui étoit presque aussi facile à épouvanter. Il ren- contra un jeune magicien Samoïède dans le voyage qu'il fit cette année par Mangazéia. Dès que celui-ci l'apperçut, il fut tout étourdi , croyant qu'on alloit le frapper. Lorsqu'on lui présentoit le bout du doigt, il le prenoit des deux mains pour se défendre, et fuyoit ensuite à toutes jambes. Il se remit aussi-tôt après que l'interprète lui eut persuadé qu'il n'avoit rien à craindre. On l'amadoua par des caresses et on lui mit à l'improviste un gant noir à la main. Il le contempla avec des yeux hagards ; il tomba ensuite dans une telle frénésie, qu'il eût tué ©u blessé quelqu'un , si on ne s'étoit saisi aussi- sur les SamoÏèdes. 181 tôt d'une hache qui était à côté de lui. payant pu remplir son dessein , il se mit à courir en poussant des hurlemens , secouant la main revêtue du gant , pour s'en débarrasser 5 il croyoit voir la patte d'un ours , et n'osoit y toucher avec l'autre main. Il se débattit beau- coup ; on le saisit de force $ on lui ôta le gant f et il revint peu-à-peu. Les magiciens Samoïèdes sont renommés. Ils employent pour leurs cérémonies un habil- lement particulier. Plusieurs ont l'art de s'en- foncer un couteau dans le corps sans se blesser* Je ne suis pas le seul qui atteste ce fait. M. G me lin en a parlé dans ses Voyages en Sibérie. Les Samoïèdes rapportent un tour qui surpasseroit tous ceux de nos escamoteurs et joueurs de gobelets , s'il étoit Vrai. Ils prétendent que plusieurs de ces magiciens se font mettre une corde au cou, et la font tirer et serrer avec tant de force , que la tête saute. Ils la replacent en- suite sur les épaules, et se portent au mieux. On sent très - bien que les Samoïèdes seuls osent raconter un fait pareil , parce que ce bon peuple est très-facile à tromper. M. Souïef n'a rien pu apprendre de certain sur leurs idoles. Chaque Samoïède en a une dans sa tente. Cette idole est une pierre ou tout autre objet inanimé, qu'il attache à son traîneau, et pour lequel il a beaucoup de vé- nération. M 3 l8à 1772. Peche de i/Öa-tf.' Je passe aux divertissemens de ce peuple. 3Les jours de fête ils se rassemblent pour jouer au lut et sauter à des distances marquées. Ils dansent aussi des rondeaux, et chaque danseur a sa danseuse. Sans s'écarter beaucoup de leurs places, ils font des figures, et prennent diffé- rentes positions ; leurs pas sont courts , et ils marchent en cadence. Leur musique consiste à chanter du nez et de la gorge quelques syl- labes particulières avec des répétitions. Les ïemmes nasillent en même tems , et marquent la mesure. Tels sont les détails que M. Souïef a. pu se procurer sur les Ostiaks et les Samoïèdes. Je passe à la pêche de l'Obi et à la chasse des environs de ce fleuve. Ces deux objets ont des rapports avec ces peuples. Les Ostiaks , comme on l'a vu , tirent la plus grande partie de leur subsistance de la pêche , et les Samoïèdes de la chasse : ces deux peuples s'occupent éga- lement de l'une et de l'autre. Pèche de l'Obi. De tous les fleuves de la Russie et de la Si- bérie , l'Obi est le plus abondant en poissons de toutes espèces , qui y remontent de la mer. On y pêche plusieurs poissons ( 1 ) inconnus ailleurs. On doit attribuer cette abondance (1) Coregoni. P tcHi be l'Obi. l83 et cette variété à la qualité de l'eau , au fond vaseux du fleuve, et à la lenteur de son cours : une preuve convaincante de cette as- sertion , c'est qu'on ne trouve pas dans l'Obi les saumons et les truites que Ton pêche dans les autres rivières de la Russie et de la Si- bérie , et qui y remontent de la mer. L'Omoul ou Sangschalle (1) pénètre par l'Enisséï et l'Angara jusques dans le Baïkal et dans le lac Madshar par la Touba ; on ne voit pas ce poisson dans l'Obi, quoiqu'il soit assez commun dans la mer Glaciale , et qu'il remonte sans cesse dans le golfe de Karisch , et dans ceux qui servent d'embouchures aux ruisseaux des montagnes à fond pierreux ß pour y déposer son frai. Ou pêche aussi beaucoup d'Eriox (2) sur les côtep d'Iougorie. On m'a assuré qu'il remontoit abon- damment dans le fleuve Petschora 5 mais on ne l'a jamais apperçu dans l'Obi , non plus que le saumon rouge. On pêche au contraire dans le golfe d'Obi beaucoup de Chycaîle (3)r appelé par les Ostiaks , Tschir ou Kegschoull y mais il ne remonte jamais dans le fleuve même* On ne trouve pas non plus dans l'Obi la truite blanche qui est si abondante dans l'Enisséï f la Lena , l'Amour ; elle est connue dans la Si- (1) Salmo autumnalis \ vide Appendix, n9. 108. (i) Salmo eriox, (3) Salmo nasus. Appendix , n°. 107. M 4 iö4 1772. Peche de i'Obi. bérie orientale sous les noms de KousKoutscH et de LÉ nok. IIa pénétré par l'Obi et l'Irtisch jusques dans les ruisseaux pierreux des monte Altaïsks , où il se multiplie. Le Taïmen et le Charious sont plus rares dans l'Obi que dans les rivières à fond pierreux placées à l'est. Les esturgeons et les sterlets, qui préfèrent un fond de rivière terreux , y abondent et sont plus gros ; leur chair n'est pas aussi délicate que celle de ceux qu'on pêche dans les fleuves à fond pierreux. Les poissons de passage qui remontent ha- bituellement # clans l'Obi, qui sont propres à ce fleuve, et qu'on ne voit point en Sibérie, sont: un saumon qui approche du Lavaret (1), appelé Mouksoun par les Ostiaks, et Siotjm- bounga par les Samoïèdes ; le Fidschi an (2) y varié du Lavaret, nommé Pölkour par les Samoïèdes ; un saumon (3) , appelé Schokour par les Russes, Tschogor par les Ostiaks, et Hirdrtscha par les Samoïèdes; le Sirok ou Sob.ok, la Vimbe (4) en Samoïède P a ï , et l'Able (5) , nommé par les Ostiaks Iénischem. On pêche encore dans l'Obi , beaucoup de (1) Salmo lavarezo affinis. (z) Salmo an lavaretivarietas. Appendix, n°. 106. (3) Salmo coreg. Appendix , n°. 105. Salmo schokur, (4) Salmo vimba. (5) Salmo albula. Pêche de l'Obi. i85 Nelma , ou saumon blanc de Sibérie , de lottes très-grosses, de brochets , de perches ordinaires , de petites perches de rivière, de corrassins , de rougets et d'ablettes aux yeux rouges. Les poissons de passage qui peuplent l'Obi, et le remontent régulièrement , sont donc le Nelma , le Taimen > le Charious , le Mouk- soun? le Fidschi an y le Schokour , le Sirok , et le Iénischem ; ils y entrent par troupes dès que les glaces se brisent. On les voit paroître près de Bérézof vers le mois de juin , d'où ils remontent dans Flrtisch et le Torn. Ces poissons ne déposent leur frai que vers l'au- tomne, et en hiver sur des fonds de gravier et de pierres. Ils reviennent dans la partie in- férieure de l'Obi , au mois de septembre , lorsque les glaces commencent à charier. La plupart ne sont qu'à leur demi-croissance , et forment l'arrière-garde des troupes ; les poissons œuvés paroissent tout énervés. L'hiver, ils re- tournent en plus grande partie dans la mer, avant que les eaux se putréfient sous les glaces. Cette corruption d'eaux courantes ( 1 ) se fait sous la glace en septembre , et vers la fin de novembre , non-seulement dans les rivières qui arrosent un pays uni , dont le cours est peu (1) Les Sibériens appellent cette putréfaction Mertva- Voda (eau morte) , ou Riéki-Samiraiout ( les rivières meurent). i86 1772. Peche de l'Obi. rapide , tels qu'au - dessus de Tobolsk ' dans l'Osch , l'Orn , l'Ischim , le Vagaï y dans la contrée de Bérézof , dans le Poloui , le Nadim , le Pour et le Tas , mais encore dans l'Obi au com- mencement de janvier, quoique ses eaux for- ment une masse considérable. Cette putréfac- tion est due à la nature marécageuse des fonds de ces rivières, à la lenteur de leurs cours, et au mélange de sels terreux , qui abondent sur- tout dans l'Irtisch et l'Ischim. Elle empêche les poissons qui frayent et aiment les eaux de roche et les courans rapides , de remonter dans l'Obi. Plusieurs rivières rapides et à fond pierreux qui sortent des montagnes du nord pour se jetter dans l'Obi, telle que le Sob , la Stschoutschia -et la Chaia ne sont point exposées à cette cor- ruption; elles sont aussi beaucoup plus abon- dantes en poissons pendant l'hiver. Dans l'Obi, le poisson ne peut exister qu'en certains endroits des bords qui avoisinent des sources d'eaux vives , ou près de l'embouchure de quelques ruisseaux. On voit alors le poisson s'y rassembler en grand nombre $ on en pêche beaucoup au filet ou à la nasse pendant tout l'hiver. Les eaux putréfiées de l'intérieur du fleuve ne re- prennent de la fraîcheur qu'après la fonte des neiges, époque où les nouvelles eaux emportent les autres. Dans l'Obi , la pêche du printeins commence au mois de juin f après l'entière débâcle de* Peche de l'Obi. 187 glaces. Les poissons y affluent des bras qu'il formé et des lacs et rivières qui s'y jettent. On ne peut pêcher dans le bassin même du fleuve, à cause de son extrême largeur et de son im- mense profondeur. Lorsque les crues d'eau de- viennent considérables , comme en 1770 et 1771 , les Ostiaks sont à plaindre ; ils éprouvent alors la plus grande disette , parce qu'ils ne font leurs provisions que pour l'hiver. Dans les lieux où le fleuve n'a pas de bras ,, on pêche dans les lacs lorsque les eaux sont hautes. Les Ostiaks choisissent les endroits du fleuve où ils trouvent les eaux plus basses; si ces places sont pierreuses,, ils ont en automne la précaution d'y planter des pieux en travers , pour pouvoir y tendre leurs filets de manière à ce qu'ils ne restent point accrochés. Cette pêche , qui se fait avec le filet, que nous nommons traîneau ou senne, dure depuis le mois de juin jusqu'au mois d'octobre. Les Ostiaks ont plusieurs antres manières de pêcher. La plus singulière se fait avec le filet nommé Kilidan. Sa forme est presque la même que celle d'un sac ; il a une brasse et demie de largeur sur une brasse de longueur. Le bas de ce sac ou filet est tendu sur une perche, comme les filets dont on fait usa^e dans la mer Baltique. Pour que cette perche se tienne à plat dans le fond de l'eau, ils attachent dans le milieu une pierre près de laquelle ils fixent i88 1-772" Pêche de l'Obi. une corde en la passant dans un anneau attaché au cordage dont le contour supérieur du filet est bordé. Au moyen de cette corde , le pécheur traîne le filet après son canot. Plusieurs ficelles sont attachées à un empan du bord supérieur du filet 'y le pêcheur les tient entre ses doigts ; elles lui servent à sentir le moment où le poisson entre dans le sac. Il lâche aussi-tôt ces ficelles , retire le filet au moyen de la corde ; la perche se trouve dans le bas , bouche le fond du sac, de manière que le poisson ne peut sortir. On pêche avec ce filets depuis le mois de juin jusqu'en septembre, des esturgeons, du saumon blanc, des lottes, du mouksoun et du schokour. Les Ostiaks construisent aussi plusieurs espèces de parcs. Lorsque le poisson remonte , ils éta- blissent près des rives des petits parcs de trois à quatre toises vers le fond de la rivière. Les Russes de 'ces contrées les appellent Béresniki. Ils placent à leur extrémité une grande borgue (espèce de mannequin ou pannier d'osier, dont l'ouverture est dirigée vers le courant de l'eau). Ils ajoutent au parc une aile dont la direction suit également le cours de la rivière ; ils placent aussi à son extrémité une borgue, dont l'ouverture est placée de même. Le poisson, en filant le long du rivage, vient contre les parcs , et tombe dans ces borgues. S'il échappe à la première, il ne peut manquer de se prendre Pechb de -l'Obi. 189 dans la seconde. Ils pèchent de cette manière non-seulement en été, mais même en hiver, depuis que la glace est prise jusqu'au mois d'avril. , Lorsque l'on apperçoit que le poisson abonde dans les bras du fleuve et les alises formées par les alluvions, on construit un parc en travers de l'entrée. On y laisse des trous à vo- lonté; on place devant ces trous des iilets en forme de sac qui ont leur ouverture vers les bras du fleuve pour que le poisson qui cherche à rétrograder s'y jette. Les filets en forme de sac ou de poche, Vashan , dont ils se servent,, ressemblent beaucoup à leur Kîlidan. Ils res- tent à la place où on les met 3 et pour les faire résister au reflux des eaux ^ on les fixe, au moyen d'une perche perpendiculaire af- fermie , sur celle qui est dans le fend , de ma- nière qu'elles forment ensemble des angles droits , et on les charge de pierres pour qu'elles ne se dérangent point. Les ficelles , qui font connoître au pêcheur le moment où le filet est agité , ne sont pas dans le milieu, mais à l'extrémité obtuse ctola perche. Le pêcheur qui se sert de ce filet, n'est pas dans un canot, mais sur un échafaudage construit au-dessus de l'em- bouchure. Leur usage est de mettre près de ces parcs des filets à trébuchet , qu'ils nomment Pouschi , et qui ont deux brasses de longueur , et la forme d'un entonnoir, c'est-à-dire une ouverture 190 1772- Peche de l'Obi. très-large qui se termine en cylindre. On y prend de gros poissons, qui s'y embarrassent de manière à n'en pouvoir plus sortir. Ils employent principalement ces filets lorsque les eaux grossissent $ ils les placent alors contre le courant. Le Var. est une autre espèce de parc dont la construction diffère peu de celle des premiers. Les Ostiaks nomment Obskoï - Iés les grands parcs qu'ils construisent en octobre. Ceux - ci traversent en entier les bras et les anses des rivières. Ils sont •soutenus par de forts pieux et forment divers compartimens , devant lesquels on met de grandes nasses , ainsi que devant les embouchures des parcs. Ces Obskoï - lés servent à prendre le poisson pendant l'hiver. Les Puisses de la contrée de Bérézof s'en ser- vent plus que tous les autres. Le Pérémet, instrument très-utile sur l'Obi, est le même que celui appelé Schaschovaia- Snast , près du Volga , et Samovoli , près de l'Ir tisch. C'est un gros cable placé dans le fond de l'eau , après lequel flottent des hameçons attachés à de petites corde%. Les esturgeons et les sterlets s'y prennent en grand nombre. On fait ici un instrument pareil , avec lequel on prend plusieurs espèces de poissons. Les Samoïèdes et les Ostiaks ont encore une autre manière d'attraper les poissons dans les petites rivières qui se jettent dans l'Obi. Ils sortent la nuit, et sur- tout en automne, avec Pêche d b l'O b i. 191 des torches de morceaux de bouleau allumés et fixés au bout d'une perche. Arrives aux places où les eaux sont basses, ils prennent le poisson avec des gaffes, Ostrogut. Dans les rivières situées plus au nord , les Samoïèdes font des trous dans la glace aussi- tôt qu'elle est prise , et construisent des cabanes au-dessus de ces ouvertures. Ils sculptent des figures de poisson en bois, et les attachent à des ficelles; ils les jettent ensuite dans l'eau avec des pierres pour leur donner du poids. Ces poissons de bois servent à attirer les autres , qui se laissent prendre par curiosité , ou dans l'espoir d'en faire leurproye. Le pêcheur les harponne avec sa gaffe , lorsqu'il les trouve à sa proximité. Ils sont très-adroits à cet exercice. Ils s'amusent aussi à construire de petits parcs dans ces ri- vières; ils font descendre dans le fond de l'eau par l'ouverture , des morceaux d'écorce blanche chargés de pierres , et harponnent le poisson qui passe , n'ayant pas de peine à le distinguer au moyen de ces morceaux d'écorce. Ils font de fortes pêches au milieu de l'hiver, tems où les poissons quittent les eaux fétides du fleuve , vont par troupes près des sources et des embouchures des ruisseaux. Ils cons-r truisent deux murailles de planche près de ces places, et élèvent entr'elles une petite digue; ils placent des nasses contre ces deux murailles ; les poissons s'y jettent en grand nombre , en l<)2 1/72.. Description venant chercher des eaux pins fraîches et plus pures. Au moyen de cette industrie , les Ostiaks et les Russes qui les avoisinent, se procurent pendant toute l'année plus de poissons qu'ils n'en peuvent consommer. En été les esturgeons qui ont fréquemment dix empans de longueur, leur fournissent seuls , en si grande abondance 7 les moyens de subsister, qu'ils jettent souvent les poissons d'une espèce médiocre. A Bérézof , l'esturgeon ne coûte jamais plus de quarante kopeks ( sous ) le poud ; la graisse de poisson s'y vend assez communément cinquante ko- peks le poud , et ne passe jamais un rouble. Description du Poisson blanc. Je passe à la description d'un dauphin qui ha- bite fréquemment le golfe de l'Obi. Il remonte quelquefois assez avant dans le fleuve pourchas- ser aux poissons de passage. C'est le poisson que les Russes appellent Bélouga. Gmélin en fait mention dans ses Voyages en Sibérie , mais M. Müller ( 1 ) nous en a donné des détails plus vrais et plus précis. Le professeur Kraschen- nidikqf en parle aussi dans son Histoire na- turelle du Kamtschatka, Ce savant observe que le Bélouga de mer peut très - bien être une (i) Recueils historiques sur la Russie , tom. III , part» 1 y % et 3 j Paë* 25$ €t suivantes. espèce ton Poisson biànc? 19S «spece différente du poisson blanc connu de tous les marins qui naviguent dans la mer du Groenland (1). M. Souïef trouva sept têtes de ces animaux marins à six verstes au - dessous d'Obdorsk, dans une place où ces peuples »ido- lâtres sacrifient à leurs idoles y -4esr"'Samoïèdes et les Ostiaks voisins les avoient chassés l'année précédente hors de l'embouchure de l'Obi , et fait remonter sur le rivage. Ces têtes étoient piquées sur des perches pour servir d'holo- caustes aux divinités de ces peuples. Je vais lever l'incertitude qui a existé jusqu'à présent sur cet animal marin. Je dois ma description aux détails que M. Souïef s'est procurés, aune tête de bélouga qu'il m'a rapportée assez bien conservée , et aux observations-faites à Tobolsk sur un jeune poisson de cette espèce. Je crois que le bélouga de mer ou poisson blanc appartient à l'espèce du dauphin. Il a, comme la baleine, deux ventricules, deux poumons ., le sang chaud , les parties de la gé- nération à l'extérieur, et des tétines. On doit (i) Anderson , dans sa Description du Groenland , pag. 2*4, et Crant\, dans son Histoire du Groenland , p. 150, donnent des détails circonstanciés sur le poisson blanc. Ce qu'ils rapportent des dents de cet animal marin , est entière- ment conforme aux observations que j'ai faites sur la tête du poisson blanc que m'apporta M. Souïef, Anderson le nomma albus piscis cetaceus rail. Tome F. N ÏÇ4 I772- Description en conclure qu'il n'a que le nom, la forme, et la couleur blanche de commun avec l'ich- tiocolle ou le bélouga des mers Noire et Cas- pienne., qui est une espèce d'esturgeon carti- lagineux. Les Russes devroient donc l'appeler bélouga de mer ( Morskaia -Bélouga) , pour le distinguer de l'autre 3 il mérite d'autant plus ce nom, qu'il appartient à l'Océan. Il remonte les fleuves par hazard et non par instinct; mais lorsqu'il y remonte, il ne s'é- loigne jamais beaucoup de la mer. Le poisson blanc a beaucoup d'affinité par ses parties internes avec les quadrupèdes , et sur-tout avec le chien marin : aussi les Sa- moïèdes ( 1 ) le regardent - ils plutôt comme un animal marin , que comme un poisson (2)» Il n'a jamais plus de trois toises de longueur. Il a la tête alongée , et assez petite en com- paraison de la grosseur de son corps. Son museau , qui est un peu plat , forme le cône ; son extrémité est émoussée , et se ter- (1) Les Samoïèdes l'appellent Vïborka , les Ostiaks , Vising-Potliand. Je penfe qu'on pourroit lui donner une nouvelle dénomination , et l'appeler delphinus leucas , puis- que Artedi et Linnée n'en font aucune mention. (z) Cet animal n'est pas un poisson ; mais il appartient à la classe des mammaux [ mammalla ] , et fait partie du sep- tième ordre de cette classe , qui comprend les cétacées. lî est du genre des dauphins; et Gmélin , dans son systema naturœ , vol. 1 , pa g. z 5 z , l'a en effet publié sous le non* de delphinus leucas } que F allas lui a donné. Lam* du Poisson blanc. $95 mine un peu en pointe. Ses yeux sont petits , ronds et saillans. Il n'a point de narines 5 elles se trouvent remplacées par une trompe sur le front; celle-ci a une ouverture â l'extérieur, et deux autres séparées par un os au haut du palais. Lorsque cet animal nage à la surface de l'eau , il se sert de cette trompe pour éle- ver une fusée d'eau à une hauteur assez con- sidérable. On distingue très-bien les trous des oreilles à l'extérieur. Il n'a pas la bouche plus large que celle du renne ; mais il ouvre une gueule énorme quand il veut mordre. Chaque mâchoire est garnie d'un rang de neuf dents assez courtes et émoussées ; les supérieures , qui sont excavées , avancent un peu. [ Voyez pi. LXXIX. ] Les inférieures sont plus droites , un peu aiguisées, et se joignent parfaitement avec les supérieures. Les troisième et quatrième de l'extrémité de la mâchoire supérieure sont un peu plus longues que les autres , et près- qu'aussi aiguës qu'une dent de porc. Le dessin de l'occiput de cet animal [pi. LXXIX] en donnera une idée plus parfaite aux lecteurs , que ma description. Le corps de cet animal a la forme de celui d'un poisson. Il est épais dans le milieu , et se rétrécit vers la tête , qui est séparée du corps par un cou presqu'imperceptible ; il diminue petit à petit vers la queue. On n'apperçoit sur son dos aucune trace de verrue : ce qui dis- N a 1q6 x772' Description tingue essentiellement cette espèce de dauphin de tous ceux connus jusqu'à présent. Les ver- rues ou glandes de la poitrine sont de la lar- geur de la main le long du corps 5 elles s'élar- gissent plus avant , prennent la forme d'une pelle , deviennent plates et garnies de graisse : en les maniant , on distingue aisément cinq ossemens de doigt , et leur extrémité présente en même tems cinq extensions sensibles. Sa queue est cartilagineuse , divisée en deux piè- ces , et dans une action de roideur. Lorsque l'animal nage, il rabat sa queue en - dessous comme une écrevisse ; il bat l'eau avec force derrière lui, et s'élance , par ce moyen, comme une flèche. Il a la peau aussi lisse par - toufc que celle d'un homme 5 elle est douce , blan- che, et sans poils. Plusieurs auteurs se sont trompés , en avançant , sur de simples rapports., que cet animal étoit couvert de poils. On dis- tingue très-bien , au ventre de la femelle , l'ou- verture de la partie de la génération , et à sa proximité deux mamelons semblables au pis de la vache. Ils sont remplis d'un lait blanc. Lorsque les Samoïèdes dépècent cet animal , ils coupent ce pis et la partie de la génération pour les jeter. Le mâle a un membre de trois empans de longueur ; il est de la grosseur du bras ; il se termine en pointe , comme celui du taureau , et n'a ni os ni cartilage. Les Samoïèdes disent que sa chair est noire comme delà suie, du Poisson blanc. 197 et que son corps est couvert, d'une extrémité à l'autre, d'une bande de lard blanc, qui fournit un saindoux très-pur. Ils ajoutent que les jeunes sont d'une couleur plus foncée que les mères , et qu'ils nagent avec elles. Les bélougas se tien- nent généralement par petites troupes. Dès que les Samoïèdes les apperçoivent dans le golfe de FObi , ils travaillent à les rassembler, et à les faire passer dans les places où l'eau est basse, pour les tuer à coups de harpon. Pendant l'hiver de 1768, on a reçu, à To- bolsk , un bélouga qui venoit de la contrée d'Obdori. Il avoit deux toises de longueur; il étoit d'un gris cendré : l'air avoit peut - être beaucoup terni sa fraîcheur. On m'a donné les os de la tête de cet animal ; les dents commen- çoient à peine à sortir de leurs alvéoles. On en conservoit la peau ; le membre a été mis dans de l'esprit-de-vin. M. de Tschitschérim , gouverneur de Tobolsk , l'avoit fait dessiner 5 j'ai trouvé ce dessin , dans toutes les parties y exact et conforme à ma description. M. Baden > médecin du gouvernement , qui a disséqué cet animal , en comparoit les parties internes à celles d'un veau. Ce fait m'a été assuré par plusieurs autres personnes. Chasse du territoire de BérÉzoI. La chasse est assez abondante dans toutes les contrées situées au nord de Bérézoll Les N 3 ï 98 lyyz* Chasse du territoire animaux qui abondent le plus dans les déserts } dégarnis de bois , et les plus septentrionaux de ceux qui avoisinent l'Océan , sont les renards du nord , blancs et bleus , que les habitans nomment Pestzi , les renards roux , les loups blancs et gris,, le gk?utön , et le renne. On trouve , dans les contrées garnies de bois , et qui sont moins éloignées , l'élan , le loup cer- vier , la zibeline, l'hermine , et l'écureuil; 013. rencontre, près des fleuves et des rivières, la loutre et le castor. Les ours noirs sont rares. Les blancs n'abondent pas non plus dans ce vaste pays , qui forme Jin angle vers la mer \ ils préfèrent de se tenir dans la partie qui forme une langue de terre tout -à- fait à l'extrémité du nord, et dans les campagnes glaciales de l'Océan. On en voit rarement près d'Obdorsk , quoiqu'il soit assez ordinaire d'en rencontrer près de FEnisséï , et jusqu'à Mangazéia. La chasse du renard du nord n'est pas aussi abon- dante chaque année dans le territoire de Bé- rézof. On prétend avoir remarqué que , dan 3 les années où cet animal se rend dans les con- trées orientales pour chasser aux souris , il abonde bien plus dans le district de Mangazéia , et beaucoup moins vers l'Obi. Les Ostiaks et les Samoïèdes emploient , pour prendre ces animaux , les moyens usités en Sibérie, et dans une autre partie delà Russie. On se sert d'armes , de pièges ou chausses- DI BÉRÉZOF. I99 trapes (Rapkani), et d'arcs à flèches , qui partent d'elles-mêmes ( Samostriéli ) pour les cmrs , les loups , les loups-cerviers , et les glou- tons. Ils prennent aussi les loups et les renards avec des boulettes de' sublimé corrosif et de noix vomique , ou avec des trébuchets à assom- moir ( Sloptzi ). Les Russes construisent un trébucliet à-peu-près pareil ,- qu'ils nomment Kouromsess. C'est un billot auquel on attache un morceau de charogne , pour servir d'appât ; ce billot est tendu : l'animal , voulant empor- ter l'appât, lache la détente, et est assommé par le billot. Ils construisent ces trébuchets dans un passage qu'ils bordent d'échalats. Les Samoïèdes se servent , pour prendre les renards du nord, des mêmes pièges ou broyons dont les Ptusses font usage pour prendre les her- mines et les putois, en les plaçant devant leurs trous 5 ceux des renards sont plus grands ; on les nomme Tscherkan , près de l'Obi. Pour prendre les renards , ils tendent des arcs avec des flèches qui partent d'elles - mêmes , lors- qu'il y a beaucoup de neige. Ils placent ces arcs en face des monticules de neige , dans la- quelle ils enterrent des morceaux de poisson ; après s'être assuré de la place où' le renard fera le trou pour manger le morceau de pois- son , on met l'arc et la flèche à cette même place y et on la dirige de manière à percer l'a- nimal. N 1 2oo 177'2" Chasse Les zibelines sont de peu de valeur dan* cette contrée. On les tue à coup de flèches sur les arbres , où on leur fait la chasse , pour les faire tomber dans des espèces d'ailiers ou rets dressés. Lorsqu'on s'apperçoit qu'elles dorment dans leurs terriers , on place , à l'entrée , des poches ou filets semblables à ceux dont nous nous servons pour prendre des lapins $ on les appelle Saïi». On travaille dans la neige par- derrière, pour épouvanter la zibeline, et la faire sortir de son retranchement. En voulant se sauver, elle donne dans la poche, et s'y entortille de manière à ne pouvoir s'en débar- rasser. On rencontre des troupeaux de castors près de plusieurs rivières , dont le voisinage n'est pas habité 5 mais ils se tiennent plus commu- nément seuls près des rives boisées. Lorsqu'on s'est assuré de leurs terriers , on forme un en- clos avec des pieux devant l'entrée qui donne du côté de l'eau. On agrandit ensuite le trou , qui est du côté de la campagne , et qui sert de soupirail au terrier 5 on y fait entrer un chien dressé à cet effet 5 il happe le castor avec ses dents, et le tire hors du terrier par les jambes de derrière. On chasse aussi les loutres avec des chiens , ou bien on les tue avec des arcs tendus de flèches que l'on place sur le rivage de» fleuves. auRennne. ÜOi Chasse au Renne. Lorsque les Samoïèdes veulent chasser "aux rennes , ils font des abattis d'arbres dans les contrées boisées pour former des espèces de parcs, où ils placent des armes , qui partent d'elles - mêmes , ou de gros lacets dans toutes les ouvertures ou passages. Ils prennent ainsi des rennes, des élans, et des chevreuils. Ils ont recours à d'autres moyens pour chasser aux rennes dans les plaines ouvertes , garnies de mousse , qui a voisinent la mer ; on y rencon- tre ces animaux, même en hiver, par troupe de dix à douze cents. Si les Samoïèdes sont une compagnie de chasseurs, et qu'ils découvrent un troupeau de rennes sauvages , ils rassem- blent aussi - tôt leurs rennes privés avec leurs traîneaux sur une hauteur qui fasse la plate- forme y et les placent dans la direction du vent. Ils s'avancent aussi près qu'ils le peuvent du troupeau, et ils plantent des perches dans la neige , auxquelles sont attachées des ailes d'oies, garnies de leurs plumes , qui voltigent au gré da vent. Ils met cent d'abord ces perches à cinq toises de distance , et ensuite à dix. Ils en plan- tent de pareilles de l'autre côté , et sous le vent, en commençant à cinquante toises des traîneaux, et ils continuent ainsi jusqu'à. ce qu'ils aient presque dépassé le troupeau. Les rennes , étant occupés à brouter la mousse qu'ils 2,0% 1772" Chasse sont obligés de tirer de dessons la neige , et leurs bois les empêchant de voir au loin , et se reposant d'ailleurs sur leur odorat , ne s'ap- perçoivent pas aisément de l'artifice des chas»- seurs. Lorsque tout est préparé, la troupe se partage ; les uns se cachent à la proximité des amoncellemens de neige ; d'autres , qui reçoi- vent le nom de Vardan, se couchent avec leurs arcs ou des armes à feu dans. des enfon- cemens sous le vent; d'autres foxit un détour pour prendre le troupeau en arrière , et le chasser vers les perches. Ces animaux intimidés par ces aiîes flottantes , courent droit vers les rennes , qui se trouvent près des traîneaux. Arrivés là, ceux qui sont retranchés derrière les amoncellemens de neige , leur donnent l'épou- vante, elles chassent vers les vardans , qui en font un massacre horrible. Si un troupeau de rennes pâture à la proxi- mité d'une montagne,, les Samoïèdes entou- rent de perches le pied de la montagne ; ils y pendent leurs habits et' tous leurs chiffons ; ils font avec celles où sont attachées les ailes d'oies une large route vers la montagne , pour y chas- ser les rennes. Dès que ces animaux se trou- vent entre ces perches , les femmes avancent avec les traîneaux vers cette route , et en fer- ment l'entrée. Les rennes , ne trouvant point d'issue pour s'échapper , courent tout autour de la montagne; les chasseurs, qui sont en em- A U R E N 1ST E. 2o3 feuscade , les tuent. Il est rare devoir échapper un seul renne. Comme il faut être en grand nombre pour ces chasses, et qu'on ne peut pas toujours s® rassembler, les Samoïèdes ont recours à d'au- tres moyens pour tromper la vigilance de ces anitnaux. Ils dressent quatre ou cinq de leurs tenues privés à marcher autour élu chasseur ; l'un marche à la laisse en avant à la distance de plusieurs toises : les autres vont à côté du chasseur, liés à des cordes qu'il attache à sa ceinture , afin de pouvoir réunir ces animaux en ordre , s'ils se mettaient en déroute , et s'il n'en pouvoit venir à bout par les signes aux- quels ils se sont -habitués. Ce sont communé- ment les femelles qu'ils dressent, et elles sont suivies ele leurs petits. Le chasseur., habillé de peaux de rennes, marche courbé, et parvient, avec cet expédient , à approcher d'un troupeau assez près pour faire feu dessus , et choisir un des plus beaux de ces animaux. Lorsque les rennes sont en rut , en automne , les Samoïèdes choisissent parmi leurs rennes privés îe plus beau bouc entier (Khar), pour aller à la découverte des troupeaux ele rennes sauvages. Quand ils en ont rencontré un., ils attachent clés cordes aux bois de ce bouc pour les croiser à leurs extrémités , et les fixent , dans cette position , avec de cce d'arbre. Il lâche ensuite son bouc ; celui - ci court sur îe troupeau, pour se mettre eu rut 2o4 ijyi. P E C H ï avec les femelles qu'il apperçoit. Dès que le cerf sauvage du troupeau en voit arriver un étranger , il va sur lui pour se battre. Dans ce combat, il entortille ses bois dans les lacets , dont le bois du cerf privé est garni. Le cerf sauvage, voyant arriver le chasseur > cherche à se sauver ; mais en se débattant , il resserre les deux bois de l'autre , qui perdent leur dé- tente. Le renne privé retient de cette manière son adversaire , jusqu'à, l'arrivée du chasseur , qui le tue. Les Samoïèdes choisissent pour cet usage le cerf le plus ardent et le plus vigou- reux , et ils lui pincent un des testicules avec les dents pour le mieux conserver dans toute sa force. On peut approcher de ces animaux sauvages lorsqu'ils vont se rafraîchir dans les ruisseaux , et avec des raquettes , en hiver , dans les grandes neiges. Pêche du Chien marin. Lorsque les Samoïèdes sont à la proximité des côtes de la mer, ils prennent les hippo- potames et les veaux marins , qui se placent sur les rochers voisins du rivage , ou sur la glace. On remar que plusieurs espèces de chiens marins dans la mer Glaciale. Ceux qui sont connus près de l'Obi, de l'Enisséï , et de la Lena , sous le nom de Morskoi-Saetz (1) , dif- (ï) Lièvre de mer. BU C H I E K MARIN. 2o5 fèrent entièrement de l'espèce commune. Les jeunes lièvres marins, dont je me suis procuré des peaux > sont blancs comme la neige, et luisans comme l'argent; leur poil est plus long que celui des autres chiens de mer -, de sorte qu'en ôtant la tête et les pieds , on prendroit facilement leur peau pour celle d'un jeune ours marin ( i ). C'est ordinairement au prin- tems que les Samoïèdes s'amusent à guetter les chiens de mer, lorsqu'ils sortent de l'eau près de l'embouchure du fleuve , au moyen des trous qu'ils pratiquent dans la glace par leur haleine. Ils placent des planches près de ces ouvertures, auxquelles ils assujettissent une corde. Ils se cachent ensuite derrière un glaçon , et dès que le chien de mer est venu se placer sur la glace , ils tirent la planche pour fermer le trou par où il est sorti , et courent sur l'animal pour le tuer. Chasse aux Oiseaux , près de l'Obi. Je passe à la chasse aux oiseaux , qui se fait au printems dans les contrées arrosées par l'Obi. Lorsque le tems se met au beau , on choisit les places où les premières neiges qui tombent (i) M. Crant\ a donné, dans son Histoire du Groenland , pag* 163 , une description de cette espèce de chien de mer ; il lui donne le même nom que les Groe'nlandois , Attar- so6 1 772.. Chasse aux Oiseaux, forment des flaques d'eau. On cherche même à en hâter la fori le , en répandant de la cendre dans ces fonds. Au moment du dégel , on voit arriver les oiseaux aquatiques, qui se rendent par troupes près de ces flaques. Les chasseurs construisent alors des cabanes à la proximité* des retranchera ens , en amoncelant les neiges : ils font ces cabanes avec des branchages , au printems. Ils tirent de-là sur les cygnes , les oies, et les canards. Pour attirer ces oiseaux, ci: leur donner plus de sécurité , ils placent sur l'eau, près des retranehemens ou cabanes, des canards et des oies empaillé-*. Il est étonnant que les cygnes et les oies sauvages viennent voler avec avidité sur ces appeaux pour les mor- dre ; mais aussi ceux qui échappent au chasseur n'y reviennent jamais. Les chasses de cette espèce cessent au prin- tems , dès que les lacs sont dégarnis de glace. Mais comme ces oiseaux ne se dispersent qu'à la £11 du printems pour aller faire leurs nids , et qu'ils volent d'un lac à l'autre,, les Ostiaks font de petites routes en ligne droite entre ces lacs à travers la forêt, où. les oies et les canards s'habituent à voler , n'aimant pas à s'élever bien haut dans les airs > à cause de leur pesanteur ; ils les prennent alors avec le filet élevé entre deux perches ( Pérévessi ) , dont j'ai donné la description dans le second volume. On tend ce filet à la brune , et on y prend une grande près d s l'Obi. 207 quantité d'oiseaux. Ils ont encore un autre moyen pour prendre ^ en plein jour, les oies et les canards à la volée. L'oiseleur construit à cet effet une cabane de branchages à une des extrémités de ces petites routes, afin de s'y cacher , et d'y observer les oiseaux qui pas- sent. Il a un filet étendu par terre , nommé Kiskan ; deux des extrémités de ce filet tien- nent à des cordes qu'on attache aux cimes de deux arbres. Dès que l'oiseleur voit les oiseaux s'élever, il tend aussi-tôt son filet , au moyen des deux cordes auxquelles il donne beaucoup de jeu. Les oiseaux , que leur pesanteur em- pêche de s'élever prompteinent assez haut pour éviter le filet , donnent dedans. L'oiseleur laisse retomber le filet , qui enveloppe le gibier 3 il est rare qu'un seul oiseau échappe. Dans le cas où les oiseaux voudroient voler au-dessus du filet , si l'oiseleur se hâtoit trop de l'élever, les Ostiaks ont soin de placer à une certaine distance des oies qui servent d'appeau : et ils savent eux - mêmes si bien contrefaire le cri des oies sauvages avec un morceau d'écorce de bouleau, que ces animaux, oubliant le filet , viennent s'y jeter. Près de Samarof , on fait usa^e d'un autre filet, appelé Pou s H. Il a vingt toises de lon- gueur sur deux de largeur. On l'étend près des rivières sur des places unies , de manière que les deux moitiés soient parallèles. Les bord« 2o8 1772" de KrasnoÏarsk du filet tiennent à une corde qu'on affermit eil dehors à un pieu. L'oiseleur , qui est caché , réunit les deux parois au moyen de cette corde , et ferme le filet comme un sac. Les oies sau- vages parcourent , au printems , les rives sa- blonneuses pour manger les bourgeons de la prêle à feuilles de pins. Si une troupe d'oies se pose sur le filet , l'oiseleur tire la corde pour les y envelopper tous. Les habitans de ces contrées boréales ne font aucune attention au petit gibier aquatique 5 ils se donnent même rarement la peine de pren- dre les canards de grosses espèces. Ce gibier y est si abondant , que les Russes peuvent en saler plus que leur provision. Il leur en reste tant au printems , qu'ils sont obligés d'en jeter. S- I V. De K r a s n o ï a r s k a Irkouzk. Du 7 au 22 mars. Voyages particuliers. — Lodéiki , 7 verst.— Bërézofka , 8 v. — Boloï, 9 V. — Kouskoun , 25 y. — Balai y 33 v. — BibenskoÀa , 5o v. • — Ourinskaïa , 53 v. — Kanskoï- Ostrog , 25 v. — llctji ,27 V. — Poïam , 33 v. — Tins- koï, 19 v. — Klloutschefskoïé , 4f verst. — Télofskoié y 2,5 y. — Birzozissinskaia , 16 v. — Baïaronofskoï , 21 v. — - Alsamaï > 45 v. — • Samsor , A I R K O U Z K. ^09- - Samsory 3a v. — (?#z (yzzVz , 36 v. — Oudinsk> 26 v» — Koungziî, 2.5 v. — Schabarta , 3 ) v. — Toulounskaia 9 46 v. — Schéragoul , 26 V. — - Kountouiy 41 v. — Kameltou , 44 v* """ Siminskoï , i5 v. — Salari , \(i v. — Kou- toulouk , 3o verst. — Tschéremnovoï-¥ad , 29 v. — Taïtourskaia , 3ç v. — Kitoïkaia ,. 36 v. — Irkouzk , 44 v- — Débris de rhino- céros découverts près du Viloui. — Descrip- tion de la contrée arrosée par le Viloui. Voyages particuliers. Je reviens à mon séjour d'hiver à Kras- noïarsk. Le professeur i^/£ , qui avoitété choisi par l'académie des Sciences pour voyager , fut obligé d'interrompre ses courses à cause du délabrement de sa santé. Il m'envoya ses com- pagnons de voyage, pour achever les observa- tions qui restoient à faire en Sibérie. M. Géor- gui, apothicaire dePétersbourg, étoit le premier» MM. Bikof, Kaschkarej , et Tebédef étoient trois jeunes étudians. J'envoyai , le 4 mars , à M. Falk le sieur Walter 9 jeune homme de ma suite , pour l'accompagner à Pétersbourg. Je le chargeai de la plupart des observations et découvertes en Histoire Naturelle que j'avois faites l'année précédente. Mes occupations d'hi- ver étant terminées , et ma santé bien rétablie, j'entrepris le voyage que j'avois projeté de faire dans la partie orientale de la Sibérie. Le désir Tome V. O %*o 177a. de Kr as noYarsîC qne j'avois de parcourir ces contrées remar- quables, augmentait mes forces. Je partis le 7 mars avec M. Géorgui , qui m'avoit offert d'entreprendre un voyage vers le lac Baikal , deux de mes jeunes gens , et mon dessinateur, Nous prîmes la route d'Irkouzk. J'y avoisdéjà envoyé, au mois de janvier, M. Sokolqf "avec un chasseur , pour attendre le printems dans la contrée qui est au-delà du Baikal, et y faire des observations. Je chargeai , pendant mon absence, M. Kaschkaref d'observer tout ce que les rives de l'Enisséï offrent de remarquable en Histoire Naturelle; je le priai sur-tout de faire un herbier des plantes qui croissent sur les montagnes de cette contrée , et sur celles situées plus loin près de ce fleuve. M. Souïef^ déjà accoutumé aux voyages du Nord, se ren- dit, par les chemins d'hiver, à Enisséïsk 5 il me promit d'aller à Mangazéia aussi - t&t que les eaux seroient débarrassées de glace , et de percer plus loin vers le nord , pour observer les productions de la Sibérie dans le climat le plus froid. Je comptois , avec raison , sur son intelligence et son exactitude, dont il m'avoit déjà donné des preuves. Je partis de Krasnoïarsk l'après-midi. Je traversai une hauteur au-delà de l'Enisséï ., qui me conduisit du village à clocher de Lodéiki à Bérézofka. J'y trouvai si peu de neige , que j'eus beaucoup de peine à avancer avec mes trai^ A I a K o !f z K. ail ïieaux. La moitié de la route de Botoï fut aussi pénible ; c'est le premier poste de la route de Kouskoun. J'entrai après dans une forêt mon- tagneuse , où je trouvai beaucoup de neige. Je voyageai par une route frayée pour les tra$-\ neaux ; on ne rencontre plus de campagne en- tièrement dégarnie de bois jusqu'à l'Angara. La contrée devient plus ouverte de place en place , et on n'y voit que des forêts de bou- leaux dispersées. Il y tombe beaucoup plus de neige. Le pays, devenant toujours plus mon- tagneux , est plus froid que la contrée ouverte et sablonneuse de Krasnoïarsk , située plus près de l'Enisséî*. Les grains y mûrissent aussi bien plus tard. Je donnerai une description plus détaillée de ce chemin quand je parierai de mon retour. Je voyageai jour et nuit, et ne m'arrêtai dans les villages et postes qui bordent la route de Krasnoïarsk à Irkouzk , que le teins nér cessaire pour relayer. Ces villages sont peuplés d'anciens habitans de la Sibérie, et de colons Russes. J'arrivai le 8 mars dans la matinée au bourg de Ribenskaia. Je traversai , dans la même nuit , Kanskoï-Ostrog et le fleuve Kan > au delà duquel on entre aussi - tôt dans une forêt d'arbres à résine. Cette forêt, très - ma- récageuse , a beaucoup de places montagneuses; elle s'étend presque sans interruption au - delà de l'Ouda, et couvre jusqu'à la Toungouska O a 212 177*- »e KrasnoïarsK la contrée montagneuse où ces fleuves prennent leurs sources. Cette forêt sauvage est habitée par plusieurs petites hordes de peuples idolâ- tres. On y a pontonné les chemins en beaucoup d'endroits. Cet inconvénient , et le grand nom- bre d'arbres abattus et renversés par terre , rendent cette route très-pénible en hiver. J'at- teignis, le 9 au soir, le bourg Birioussinskaia , qui est arrosé par la Birioussa , rivière consi- dérable. J'arrivai le 10 , dans la nuit , à Ou- dinsk. J'y restai jusqu'au matin , pour me pro- curer des éclaircissemens sur des carrières de verre de Moscovie , nouvellement découvertes sur de hautes montagnes voisines , situées en- tre la Birioussa et l'Onda. Elles se sont sur-tout présentées en gangues quartzeuses grasses près des ruisseaux de Schelma , Sob , et Néresch ; On en a souvent tiré des morceaux de trois empans. Je m'adressai au propriétaire de ces carrières , nommé Khoudonogof; c'est un nou- veau converti, qui demeure près d'Oudinsk. Il est Kniazetz des Bouriats qui dépendent de son village. Le gouvernement lui a donné le privilège exclusif d'exploiter les carrières qu'il a découvertes , sous la condition d'en payer le dixième au trésor de la couronne ( x ) . Je (i) La gangue de ce talc de Moscovie ne ressemble pas, a celui de Tschébarkoul , qui eft un quartz blanc de lait et tec ; c'est au contraire un quartz gras, vitreux et transparent mt A ï B. R Ö V Z K. Sfclî fus oblige de faire un détour pour me rendre chez Khoudono gqf \ dont plusieurs parens et compatriotes ont embrassé le christianisme. Ce village , situé sur la rive droite d'un ruisseau , et près de son embouchure , est à six verstes 20 v. — Tvara- govaia , 11 v. — K abanskoï-Ostrog , 26verst* — Tara^anofskaia , 2.2. v. — lliinskoï-Ostrog, 2.3 v. — Polovlnnaia - Sastava , 23 verst. — - Oudinsk , 2.4 v. — Simovié de Fœstschikova > 25 verst. — Orongoï , 3o v. — Arsentiefskoï , 3i v. — Seien gui n sk y 2,4 verst. Le tems étant devenu cliaucl, on vit voler autour d'Irkouzk les dernières troupes d'a- louettes des Alpes (1) , et de moineaux noirs (2)^ quiprenoient leur vol vers le nord, tandis qu'il arrivoit une espèce particulière de corbeaux tigrés (3) , qui passent l'hiver dans les pays "chauds de la Mongolie , et peut - être même en Chine. Il tomba beaucoup de neige le 20 mars; mais le dégel suivit de si près,, que je me hâtai de continuer ma route, pour profiter du traînage. Je partis le 22. A dix.-huit verstes de la ville , je trouvai la glace brisée dans plusieurs places de l'Angara, qui borde le chemin d'hiver. Il n'y avoit pres- que plus de glace dans une longue étendue de ce fleuve Ti au-dessus de Paschkova , appelé aussi Chromova. J'y vis beaucoup de canards (1) Alawla alpestns. [ le hausse-col noir de Buffion. ] (z) Fringllla flavirostris. [le pinson brun. Buffion, hist. Bat. des ois. vol. 4, p. ixi.] {3) Corvus Dauricus* Appendix, n°. ja. % 22o 1772" b'Irk OüZK et de pluviers. J'apperçus ici, pour la première fois , le canard à collier de Terre -Neuve (1). Je fus forcé de côtoyer les rives pierreuses du fleuve. Le traînage étoit fort pénible , parce que les neiges étoient fondues $ j'allois aussi fort lentement. Plus on approche du lac Baïkal , plus les montagnes deviennent élevées et sauvages y quoiqu'elles s'étendent en pente assez douce dans les environs d'Irkouzk. L' embouchure de l'Angara est bordée des deux côtés de ro- chers fort élevés , entre lesquels on décou- vre , comme à travers une arcade , le vaste bassin du Baïkal , et la haute montagne qui lui sert délimite en face. Passé cette embouchure, on atteint aussi -tôt après le second relais de poste ; il est situé sur le rivage près du Si- movié de Litsvénischnoié. Je me serois rendu le même jour au Simovié de Goloustnoé, si j'avois pu m'y procurer des chevaux f ou si les miens n'avoient pas été aussi harassés. Les postes de la route d'Irkouzk à Sélenguinsk n'ont que six chevaux ; il est aussi très - difficile d'y re- layer , à cause du grand nombre de voyageurs. Je résolus d'y passer la nuit. J'employai le reste du jour à nie promener sur les montagnes et sur le rivage. Les plantes étoient à peine re- cohnoissables , excepté la belle saxifrage bron- (x) Anas histrionica. A SÉLENGUtNSK. 121 chiale (1), qui conserve sa verdure en hiver > et l'androsace lactée (2). Je vis un objet digne de fixer mon attention sur les places unies du rivage, dégarnies déneiges. C'étoit une éponge très - douce (3) , qui croît dans la mer : elle est très-grosse, et diffère entièrement de toutes les espèces connues ; on la nomme Mo a skaï A- Souba (4). On la recueille dans le tems convena- ble. Les orfèvres d'Irkouzk s'en servent pour donner le premier poli à la vaisselle d'argent , et autres vases de cuivre et de laiton , et pour * les nettoyer. INous partîmes le lendemain pour le Simo- vié de Goloutsnoé. Nous fîmes route en droite ligne sur la glace : ce qui nous éloignoit sou- Vent beaucoup des rives de l'Angara. On compte cinquante verstes par cette ligne directe ; on en fait plus de soixante-dix lorsque l'on côtoie exactement le fleuve , à cause de toutes ses baies et sinuosités. Voici la division de cette route. De Listvenischnoé au Pad , ou à la vallée de Krestofka , trois cents toises 5 de-là au ruis- seau de Tschéremsclia , deux cents toises 5 au Pad , ou vallée de Bésimœnnaia , d'ici à la (î) Saxifraga bronchialis, Gmél. Flora Siblr. IV ', s. 65 , f. i. (z) AndrosacQ lactea. (3) Spongia Baikultnsis. Appendix, n°. i?f. (4) Eponge de mer. ä22 t77t2" h'Irkoukk pointe deListvénischnoï , un verste quatre cents toises 5 à la Kroütaia - Gouba , baie rapide, cinq cents toises ; à la cabane des pêcheurs , trois verstes ; au Pad de Schirokaia , vallée large, deux verstes quatre cents toises 5 au SennAia-Pad, vallée au foin , trois verstes ; à la pointe de Soboléva > deux verstes quatre cents toises ; au Simovié de Radilnoé, six verstes ; à Louschkanovoï-Pad, vallée aux lièvres , six verstes 5 au Simovié d'Artenief, six verstes; et de-là à Goloustna , deux verstes. Nous étions à peine parvenus à la moitié du chemin , qu'il s'éleva une horrible tempête der- rière nous, qui refroidit entièrement l'atmos- phère 5 les* coups de vent emportoient à plu- sieurs toises sur la glace les voituriers qui cou- roientà côté de nos traîneaux; ils étoient obli- gés de piquer leurs couteaux dans la glace pour se retenir. Dans ces tempêtes , on court ris- que de geler de froid , ou d'être entraîné dans les crevasses que forme la glace : aussi se garde- t-on bien alors de traverser le lac. La tempête devenant toujours plus furieuse, je différai la traversée jusqu'au lendemain. Le teins se remit au beau le 24. Nous rencontrâmes au Simovié , où nous nous arrêtâmes , plusieurs personnes qui alloient à la pêche du chien de mer. Cette pêche , ou plutôt cette chasse , qui se fait sur le Baïkal , est affermée. Le fermier prend des gens de bonne volonté , et leur fournit les mu- A S K L E N 'G II T N S K. 22,5, Xiitions nécessaires. Il leur paye un prix con- venu par chaque peau chargée de son lard. Cette chasse se fait principalement en avril. Les chiens de mer, qui se rassemblent par troupes , en hiver, dans les places où les ruis- seaux rapides et des sources chaudes entre- tiennent des ouvertures dans la glace, sortent alors volontiers de l'eau , et montent sur la glace pour se mettre au soleil , et y dormir. Les chasseurs connoissent parfaitement ces places > qui existent sur-tout près des embou- chures du Bargousin et du Tourka. Ils se met- tent dans de petits traîneaux, et arborent une voile blanche. Les chiens de mer ^ prenant cette voile pour de la glace , ne s'en épouvan- tent pas. On les approche de très près, et 01* les tire à balle. Nous traversâmes heureusement le Baïkal en peu de teins. On compte de l'embouchure du ruisseau de Goloustna , qui est à deux verstes et trois cents toises duSimovié, cinquante-deux verstes et demi en ligne directe jusqu'au mo- nastère de Polefskoï $ mais on paye communé- ment pour soixante verstes. On pouvoit encore, voyager sur la glace sans courir aucun danger. Nous rencontrâmes uue crevasse d'une aune et demie de largeur, qui nous obligea de faire un grand détour. Cet hiver, le lac avoit été couvert d'une glace aussi unie qu'un miroir; à peine découvroit-on., près des xives, quel- üa4 177é1' b'IrKouzk ques glaçons ( Totossi ) , qui formoient une élévation. Ce n'est pas la même chose tous les ans 5 car la glace est souvent très - raboteuse. La neige se conserve peu de terns sur cette vaste plaine de glaces : aussi est-on obligé de ferrer les chevaux à glace pour traverser le lac, et sur-tout dans tescommencemens. Lors- que la glace prend plus d'épaisseur et de con- sistance, on fraye une route à traînage (Sakmà), en émoussant la glace à la pioche ; on peut alors y passer sans faire ferrer ses chevaux. On peut communément passer sur Je Baïkal, sans aucun risque, jusqu'à la fin d'avril. La glace ne prend pas avant le mois de janvier : et cela arrive rarement dans les derniers jours de décembre. Lorsqu'on n'ose plus le traver- ser au printems, à cause des sources qui fon- dent la glace le long du rivage , on prend le chemin qui conduit de Listvénischnoé au mo- nastère de Posolskoï. Quoique ce chemin ne soit que de soixante - dix verstes au plus , on en paye quatre-vingt-quatorze et demi $ il tra- verse plusieurs lacs. Si la glace commence à avoir de fortes crevasses , on se munit de plan- ches 5 on les met en travers de ces mêmes cre- vasses pour y faire passer les chevaux et les traîneaux. Quelques personnes traversent le Baikal , dans des cas urgens , quoique les gla- çons soient quelquefois séparés les uns des au- tres à plusieurs toises ) mais ils ne s'y risquent qu'à A SllINfitrîîTSKÎ $25 qu'à pied , en traînant après eux de petits ca- nots qu'ils mettent à flot entre les glaçons, si le cas l'exise. On est forcé de recourir à ce moyen au printems, parce que la route qui remonte l'Irkouzk vers Tounkinskoï , et longe les torrens de Dshonmourin et de Dshida jus- qu'à Selen guinsk , est à peine praticable à cheval , en été , à cause des eaux de neiges qu'on rencontre dans les hautes montagnes. Arrivés au monastère de Posolskoï, nous continuâmes notre route. Nous avions beau- coup de peine à avancer avec nos traîneaux , parce que nous traversions des contrées unies et sablonneuses , qui étoient entièrement dé- garnies de neiges. Les nombreux débordemens du Baïkal , le long de ses rives , facilitaient urt peu notre voyage. Je remarquai des nasses d'une singulière construction. Les pêcheurs de ce district s'en servent pour prendre., au prin- tems , le poisson qui se tient dans les joncs. Ces nasses sont formées par un petit parc fait avec des branchages , qui s'étend dans l'eau à quelques brasses. Il a à son extrémité d'autres petits parcs, qui forment deux chambres ovales, dont l'entrée se trouve dans l'angle aigu mar- qué a a pi. LXXIX. Cet angle est formé par les deux chambres et par le parc, qui descend du rivage. Les poissons , entrant dans le parc , vont vers le fond ; ils trouvent aux angles un. passage pour percer dans les chambres ; ils ne. Tome V* P zi6 ljj%î D'ÏRtotrzx peuvent en sortir, parce que les branches ou baguettes font pointe à l'ouverture , comme dans une nasse. Cette invention porte le nom de Kotsi. On ne la connoît point ailleurs. Je partis de Stepnaia-Saïmka , terre qui ap- partient à ce monastère , et profitai d'un bras de rivière , qui étoit encore gelé dans l'espace de plusieurs verstes. Je traversai, plus loin, des collines boisées de pins et de bouleaux , entièrement dégarnies de neiges. Je fus obligé de m' arrêter au bourg de Tsvaragovaia , pour y faire remettre une de mes voitures sur ses roues. J'arrivai, dans la nuit, près des petits villages de Kolskoié et de Karguina , et de-là à Kabanskoï, situés près du ruisseau de Ka- banka , et sur la rive gauche du Sélenga , comme les autres villages. Je traversai , pen- dant la nuit,, les villages de Briaskaia,, Tre- skova , Tarakanofskaia , le monastère de Troïtz- koï , et le Simovié de Pianofskoï. J'atteignis £ vers le jour , Iliinskoï ou Bolschaia- Saïmka , où la fortification de bois est entièrement rui- née 5 mais l'église et les maisons , nouvelle- ment bâties à neuf, sont très-bien construites. Il tomba tant de neiges pendant la nuit , que je fus obligé de faire replacer ma voiture sur un traîneau à Iliinskoï, parce qu'elle nous retardoit beaucoup. Les montagnes deviennent ici très-sauvages^ et sont garnies de forêts. La route perce à tra- A S É t E N G tT ï ÎI S K.S Htf vers un défilé étroit, où elle coupe la rivière de Sélenga. C'est ici qu'est situé le Polovin- naia - Sastava. Le gouverneur actuel de cette province l'a fait construire à neuf, dans le goût des auberges de la Livonie , avec une longue voûte. On laisse sur le côté., avant d'ar- river à la Sélenga, Itanzinskoï-Ostrog, et plu- sieurs autres petits villages. On visite toutes les marchandises qui viennent des frontières de la Chine , près du Polovinnaia $ tous les bateaux et les voitures y sont assujettis, afin de vérifier si les marchandises ont été plom- bées à la douane 3 on y entretient à cet effet un petit détachement ? commandé par un bas- officier. On s'embarque sur la Sélenga , à peu de distance de ce poste 5 cette rivière coule entre de hautes montagnes de rocs , qui se dégar- nissent de bois de plus en plus. C'est la route d'hiver de Sélenguinsk. On découvre plusieurs villages , sur la rive gauche , avant d'arriver à Oudinsk. Cette ville , située sur la rive droite et près de l'embouchure de l'Ouda , renferme un grand nombre de maisons bien bâties , et habitées par de riches marchands. On y voit une très-belle église. L'hôtel du commandant est construit avec goût. Le traînage sur la Sélenga fut très - pénible j Qsqu'ici , à cause du grand nombre de glaçons que cette rivière , fort rapide , jette de côté P a 2l3 IJJI. BE SÉLENOtTTKSlt et d'autre , en automne , avant d'être entière- ment prise. Nous ne courûmes cependant au- cun danger. Plus loin , nous trouvâmes plu- sieurs places déjà ouvertes. Une forte tempête, venant du nord , accompagnée d'une forte neige, rendoit le voyage très-dangereux pen- dant la nuit. Cette crainte nous fit coucher à la poste de Restscliikova , situé à vingt-cinq verstes d'Oudinsk. Je me sus gré de ce séjour ; car la route fut très - dangereuse le lendemain. Nos chevaux s'enfoncèrent en beaucoup d'endroits, malgré la prudence et les précautions de nos voitu- riers,, qui nous faisoient côtoyer les rives , et passer de l'une à l'autre pour choisir les places les plus sûres. Mon traîneau s'enfonça même avec les chevaux dans une place ; l'eau n'étoit pas très-haute heureusement. J'arrivai d'assea bonne heure à Sélenguinsk , où je trouvai M. So- kolofy que j'avois envoyé en avant vers le com- mencement de janvier. S- V I. De Sélenguinsk à Kiakta,1 Du 26 mars au 9 avril. Forteresse de Tétropavlofskaia , 9 verstes. «d Ruisseau de Sarama 9 11 versL — Frolovo- Sdimka 9 2,3 v. —- JPianoï , 38 v. — Datzan , A K ï A K T A, 2^9 ou Temple Mongol situé dans la plaine de Khilgoutoui , 7 T. — Simovié de JDargouieJ ', 6 v. — Simovié de Marleva , 16 v. — Simovié de Monastirskaia , 10 v. — Kiaktay 4 V. -"* Bourg Chinois de Maimatschin. La contrée de Seien guinsk est située entre des montagnes de sable ; sa température est très - douce $ le printems y revient beaucoup plutôt que dans les montagnes qui avoisinent le Baïkal , et dans celles qui sont à l'est. Les troupeaux ont commencé à pâturer le 20 , et on ne vit plus de neige dans les élévations ex- posées au midi vers la fin de mars. Les oiseaux, qui vont passer l'hiver dans des régions plus tempérées , y arrivoient peu - à - peu 5 on en voyoit de toutes les espèces. On tua, le 20., la première bergeronnette ; les petits oiseaux com- mençoient à peupler les forêts. Je remarquai le gobe-mouche noir et blanc (1), qu'on ren- contre aussi dans les contrées montagneuses du Volga et de l'Irtisch , et de petites fauvettes à tête grise (2) ; elles abondoient , en ce mo- ment, près du Sélenga, et elles se répandent, en été , plus au nord. Ces oiseaux étoient ac- compagnés d'un gros bec (3), qu'on ne trouve (1) Motacilla Uucomela. {z) Motacllla daurlca vel montanella. Append. n°. 72«. (3) Loxia cocçotkraustes» p 3 2.3o !77^' DE SÉL e ; G LT i ns K point dans la Sibérie occidentale. Il est ici trcs- commun , et se nourrit d'un fruit semblable à une petite pomme (1) ; il abonde dans cette contrée, et on l'appelle Iablotschki. J'y trou- vai , à mon arrivée , le gros bec couleur de rose,, de la petite espèce (2), dont j'ai fait mention, un très-beau linot rouge (3) , le coracias hupé ( 4 ) > qui habite les environs de Sélen- guinsk, et l'alouette des Alpes (5). On apper- çoit , près des villages, et autour de la ville, des troupes de corneilles tigrées de Danrie (6). Les outardes , les canards rouges , et les cy- gnes , parurent vers la fin de mars. On ne voyoit plus de neige que dans les forêts et près des montagnes situées au nord. lien tomba le 3i$ mais elle ne parut plus le 2. avril. Le 3 , j'entrepris un petit voyage. Je remon- tai le Tschikoï pour visiter un temple bâti par les Mongols , il y a environ douze ans ,, et je me rendis de-là plus loin vers Kiakta. J'appris qu'on ailoit célébrer les trois jours de prières, pratique usitée tous les mois chez les Mongols et les Bouriats j ces jours tombent régulière- (1) Pyrus baccata. (2,) Loxia Sibirien» Appendix , n°. $3. (3) FringilLa rosea. Appendix, n°. $6* (4) Corvus graculus^ (?) Alauda alpestris. (6) Corvus dauricus, Appendix, n°. 31. Km a K i a K t a: n3i ment les i3, 14, et i5 de la nouvelle lune; je profitai de cette occasion pour m'instruire du Lamisme (1) , et le comparer au culte des Kalmouks. Je longeai le Sélenga pendant quelques »vers* tes, et passai, avant d'atteindre le Tschikoï y nne côte élevée, composée de rochers et cou- verte de sable et de cailloux, qui borde le Sé- lenga. On traverse une plaine remplie; de pe- tites monticules de sable mouvant; dont le sol est un peu salin ; elle est à neuf, vexstes de Sélenguinsk. Cette plaine r et toutes les m'oïF- tagnes sablonneuses qui avoisinent le Sélenga et le Tschikoï, sont garnies d'ormes nains '(2)^ cet arbre est très-commun dans cette contrée , où on l'appelle Ilimovnik. On apperçoit toù> jours devant soi la forteresse de Pétropavlôf- skaia. Je passai plusieurs chemins qui condui- sent à des villages situés près du Khilôkr, et je dirigeai ma route sur une montagne bien plus élevée que les précédentes. J'atteignis ;, à environ vingt verstes de Sélenguinsk<, le ruis- seau de Sarama , qui coule vers le_KIiilok , en traversant un vallon ouvert et très - lame. Je trouvai plus loin une côte élevée', composée de rocs, couverte de sable., ,et légèrement boi- sée en pins. Je descendis ensuite dans une (1) Ou culte du Lama. Note du Rédacteur, (%) Ulmus pumila* ï" 4 $32 I772. DE SÉLE N GTTÏNSK vaste plaine ouverte , arrosée par un petit ruis- seau , nommé Stoubenaia (1), et en langue Mongole Iiké-Goréchon (2). Il se dirige du mê- me côté que leTschikoï, et se jette dans le lac Tourpanovo , appelé aussi Frolovskoï 5 il est très- bas , et situé entre des monticules sablon- neuses. Ce lac, peu aqueux, est abrité par d'épais, ses broussailles de saules 5 il étoit entièrement dégarni de glace. J'y vis beaucoup de canards rouges , qu'on appelle ici Tarpani , et une oie (3) ., qui arrive de bonne heure du pays du .sud. J'apperçus aussi, dans ces broussailles, des volées de gros - becs , couleur de rose , de Ja petite espèce (4) y et de l'alouette de mer (5). ,Nos chevaux harassés ne vouloient plus mar- cher ; le jour étoit avancé ; je résolus de cou- cher dans une métairie , située près de Sarama , à. environ cinq verstes de la route. Elle appar- tient à un sotnik des Kosaques de Sélenguinsk. Il faut descendre le ruisseau et le lac pour y arriver. Le lendemain, je côtoyai le Tschikoï, en (1) Le froid. (2) Le gros ruisseau. (3) Anser cygnoid.es spontaneus'. Appendix , n°. 34. H ressemble au cygne du Levant. Anser cygnoides, Anas tygnoides. Linn. [ l'oie de Guinée. Buff. ] (4) Loxia Sibirica. (5) Schoeniclus* Tringla cinclus. A K I A ï£ T A. ^33 voyageant continuellement sur des montagnes de sable ; les premières étoient richement boi- sées de pins ; mais celles qui sui voient étoient, en plus grande partie , dégarnies de bois , et on y voyoit seulement des broussailles d'ormes nains et de caragans (1). On rencontre , entre ces montagnes, le Khalaroun, petit ruisseau qui se jette dans le Tschikoï. Je traversai, à quarante six verstes , un des bras du Tschikoï , dont je trouvai les eaux basses. Plusieurs étoient entièrement dégarnies de glace. J'y remarquai une île ? à la pointe supérieure de laquelle on a établi un chantier. Les marchands de Sélenguinsk y font cons- truire de petites barques ( Dostscheniki ) pour transporter les marchandises de la Chine sur le Sélengaetle Baïkal. Cette île est à plusieurs verstes du village d'Istopnikova , situé sur le Tschikoï, et à la séparation de ce bras. On l'appelle communément Pianoïbereg ou Bé- régovaia. On y compte huit maisons* Il doit son origine à des bourgeois de Sélenguinsk et ^mmm^mm,; i ,m — ■— — „ -,.— ,,, , ■■ ■■ m. ■■■--■ i. .— ■■■-■ - — ■—■■■■ , , .,. ,.— ,■■■ « il i m. — — — ^— t* (1) C'est le rob'uiia que les botanistes appellent caragana. Les Moneols le nomment Altaganah. Il croît abondamment ici, et dans les diserts montagneux de la Daourie. Ses jets, peu hauts , n'ont fréquemment qu'un empan de hauteur. Ils poussent tous les ans de la souche. Cette réproduction est due en partie aux incendies des landes , et à ce que les mou- tons et autres bestiaux , qui sont avides «le est arbuste , en broutent les jets jusqu'à la racine. 234 ^77^- I)E Sélincuinsk à des agriculteurs. J'y changeai de chevaux. Je continuai ma route entre des monticules sablonneuses, boisées de pins , entre lesquelles j'atteignis, à six verstes du village , le petit ruisseau de Pestschanka ou Birkoé-Goréchon , sur lequel on a construit un moulin. Je trou- vai , à un verste de-là , une plaine sablonneuse près du Tschikoï. On y remarque un temple , qui est le plus considérable de tous ceux cons- truits par les Mongols , soumis aux Russes. Cette plaine, appelée Khilgontoui , doit son nom à la stipe capiilacée ( 1 ) , qui y croît en abondance 5 les Mongols l'appellent Khilgona, et ils la regardent comme une plante très-sa- lutaire aux bestiaux. Cette plaine est située entre le Tschikoï et des montagnes ; les unes sont couvertes de forêts , et les autres "sablon- neuses , et entièrement dégarnies de bois. Cette situation est des plus agréables. Ce lieu consiste en un grand temple , en six autres plus petits , en une maison bien cons- truite., où réside le clergé lamiste, et en deux autres maisons , dont l'une est habitée par un secrétaire , et l'autre par un Mongol baptisé y qui sert dans les Kosaques. On donne au clergé lamiste le titre de Bandidi - Chambo - Lama. On voit , au nord , à l'est et à l'ouest de ces temples , des places entourées de haies , où (j) Stlpa capillata* A K I A K T A. 5/35 les principaux prêtres montent leurs tentes de feutres sur le sol même , ou sur un échafau- dage , lorsqu'ils séjournent ici queloue teins. Tous ces bâtimens ont été construits en bois par des charpentiers Russes , d'après le devis donné parle Chanibo-Lama* Ce dernier , qui avoit vu le Tibet dans sa jeunesse, a imité , dans son plan, la forme et les ornemens des pagodes de ce pays. Je n'en donnerai pas la description, parce que je la réserve pour un autre ouvrage , où je traiterai à fond des mœurs, des usages _ et du culte des Mongols et des Kalmouks. Je reviens à mon vovage à Kiakta. t Je partis le 5 avril , après avoir assisté aux cérémonies de ces prêtres Mongols. Je traver- sai d'abord le Tschikoï,, dont la glace étoit en- core très-solide , et passai trois de ses bras > séparés par de vastes îles couvertes de brous- sailles \ les eaux de deux de ces bras étoient basses et assez dégarnies de place. Le Slmovié de Dargouief est situé sur la rive opposée du Tschikoï. Il a été établi par un Bouriate^ qui s'est vu forcé de l'abandonner , ayant été en- tièrement ruiné par une épizootie qui lui en- leva tous ses bestiaux et chameaux. Ce Simo- vié est à six vers tes des temples , en traversant les îles. J'atteignis , dans la nuit , le Simovié de Martéva, après avoir traversé une contrée montagneuse, ouverte et aride, nui longe le Tschikoï pendant six verstes. Je passai ensuite à36 *77'lt DE Sélenguinsk une montagne beaucoup plus considérable , et un profond vallon garni de rochers , auquel on a donné le nom de Monastirskaia - Pad. J'atteignis enfin le Simovié de ce nom , qui est situé dans un vallon, à quatre verstes de Kiakta. La douane y entretient un corps - de - garde, pour empêcher la contrebande qu'on pourroit faire par les routes détournées. J'y restai jusqu'à l'aube du jour, et arrivai, le 6 de bonne heure , à Kiakta. Cette place frontière est célèbre, parce que le commerce entre la Russie et la Chine s'y fait presqu'entièrement. Elle est située sur un terrein uni et élevé dans un vallon fort vaste coupé par le ruisseau du Kiakta , auquel aboutit îe Monastirskoi-Pad. Ce vallon est entouré de hautes montagnes de rocs,, boisées en plus grande partie. Les Mongols appellent la plus considéra- ble Bourgoultéi (1). Elle est si près de la forteresse à l'est , qu'elle la commande un peu. On découvre de son sommet toutes les rues de Kiakta et de la ville chinoise. C'est proba- blement la raison qui a engagé les Chinois à se réserver cette montagne dans le dernier traité de démarcation, sous prétexte que son sommet renfermoit les tombes de leurs ancêtres. Elle appartenoit auparavant à la Russie, qui Pa (î) Montagne des aigles. A K I A K T A. 23/ cédée en entier \ on a tiré la ligne de démarca- tion plus au nord,, en longeant le pied de cette montagne. On voit sur une autre montagne à l'ouest , deux buttes en face , qui marquent les limites. L'une a été placée par les Russes , l'autre par les Chinois, La première , cons- truite en pierres et en terre , est surmontée d'une croix 5 la seconde , faite de pierres entassées, forme un cône creux dans son in- térieur» La forteresse est un carré revêtu de pallis- sades , flanqué de quatre bastions de bois , et de batteries sur les courtines. Elle a trois portes. Celle du nord fait face à la route de Seien guinsk, celle du sud à la ville Chinoise, et celle de l'ouest au ruisseau de Kiakta et au faubourg construit sur sa rive. Plusieurs mai- sons , et la halle où se vend la rhubarbe , sont situées au nord vers la route de Sélenguinsk. On voit dans l'intérieur de la forteresse une belle église de bois qui a une très- belle sonnerie, et un vaste bâtiment qui renferme environ soi- xante boutiques. On avoit formé le projet de l'aggrandir et de le construire en pierres , mais ces travaux ont été discontinués par ordre. On remarque dans l'enceinte de la ville l'hôtel du commandant, la douane, l'ancien corps- de-garde de la place, et les casernes. On a construit un nouveau corps-de-garde près d$ la porte de la Chine. Les bâtiniens de la cou- 2.3S 1772, DE SÉtENGUIKSX ronne et les magasins ont été cédés pour la plupart à de riches négociant qui les occupent. Le faubourg, qui est entouré d'une muraille de planches garnies de pointes, renferme plus de cent-vingt maisons, construites fort irrégu- lièrement. Ses portes sont gardées comme celles de la forteresse. Les eaux manquent à Kiakta. On a revêtu d'une digue le ruisseau de Kiakta ( 1 ) , près de l'angle sud- ouest de la forteresse. Ce ruis- seau , qui vient du nord , baigne le faubourg , la forteresse et la ville Chinoise au sud ^ et se jette dans le Boura , qui est sur le territoire de la Chine. On a construit la digue pour lui frire former un bassin , et y rassembler les eaux i mais elles sont si basses en été, qu'on peut le traverser sans avoir de l'eau jusqu'à la boucle du soulier. Ses eaux d'ailleurs sont troubles et peu potables. On a creusé des puits dans le faubourg et la forteresse $ mais les eaux sont chargées de sel amer ou de chaux ; en y faisant même infuser le meilleur thé , il n'en résulte qu'un lavage épais et désagréable au goût. J'ai vu creuser un puits sur la place (1) Son vrai nom Mongol est Kiaktou - Goréchon. On l'a ainsi appelé à cause de la quantité de joncs qui croissent sur ses rives , dans îa contrée supérieure. Les joncs , en lan- gue Mongole, s'appellent Kiiak. Tou, ÎWi et Té , sont ki syllabes, adjectives. A K I A K T A. s3() de la forteresse ; c'est celui qui fournit l'eau la plus pure, quoiqu'elle soit chargée de par- ticules calcaires. Les riches qui boivent beau- coup de thé , font venir l'eau d'une excellente source , située sur le bord du Kiakta , près des limites, et sur le territoire Chinois. Mais ils ont soin d'en obtenir la permission (1). Les habitans de Kiakta ne sont pas plus heureux pour le sol que pour Peau. Les en- virons ne sont que sable et rochers , sol peu propre à la culture des légumes. Si la ligne de démarcation eût été portée jusqu'au Boura, qui coule de l'est à l'ouest, c'est-à-dire à neuf verstes plus loin , Kiakta auroit eu un site beaucoup plus agréable , de l'eau excel- lente en abondance , une plaine fertile , et du poisson , avantages dont jouissent les Chinois. La garnison de Kiakta est composée d'une com- pagnie d'infanterie et de Kosaques domiciliés. L'officier del'état-major , qui fait les fonctions de commandant, est chargé de l'inspection des limites , de surveiller le commerce, et de juger les contestations qui peuvent survenir. Dans les causes importantes , il est obligé de faire son rapport à la chancellerie de Sélenguinsk, et au gouverneur d'Irkouzk, et d'en attendre les ordres. (i) On trouve une excellente vue de Kiakta dans l'atlas de l'histoire de Russie , de le Clerc , père et fils. M° 1772'* *>E SkENGÜINSK Les principaux habitans de Kiakta sont deS négocians Russes ou des commissionnaires des principales maisons de commerce de l'Empire. Leur manière de vivre est polie et sociable , ce qu'on ne rencontre dans aucune ville de la Sibérie, excepté Irkouzk. La société des ha- bitans de Kiakta y seroit encore plus agréable > sans les fortes instances qu'ils vous font pour prendre du thé. Ces négocians s'imaginent ne pouvoir mieux vous combler d'honnêteté , qu'en vous forçant de boire successivement de toutes les espèces de thé. Les limites de Kiakta à l'ouest jusqu'au Se- len ga , et à l'est jusqu'au Tschikoï, sont gar- nies de chevaux de frise , qui servent princi- palement à empêcher la contrebande des bes- tiaux. Tous les postes avancés qui bordent la ligne à l'ouest jusqu'au gouvernement de To- bolsk ( î ) , et les cinq qui s'étendent à l'est jusques aux montagnes limitrophes, dépendent du commandant de Kiakta \ ceux situés au- delà de ces montagnes sont sous l'inspection du commandant de la forteresse d'Akschinskaia. Je crois qu'il est avantageux pour la géogra- phie de donner ici la liste de ces postes, a ec leurs sites et distances. Je parlerai dans la suite de la ligne de démarcation, située plus loin vers l'est. (i) Cette ligne ne s'étend plus aujourd'hui jusqu'au Gou- vernement de Tobolsk , mais elle borde celui de Kolivan. Tous A K 1 À K T A. 2$1 Tous ces postes se succèdent dans Tordre suivant : Ouschinskoï - Karaoul est situé près du Sé- lenga dans une contrée ouverte et montagneuse. à trente verstes de Kiakta. Zagan-Oussounskoï-Karaoul est à sept verstes plus loin et près du Seien ga. Bossinskoï- Karaoul est à vingt - cinq verstes sur le bord du Dshida, qui borde la ligne de démarcation en remontant. Siltourinskoï'-Karaoul à trente verstes de Bos- sinskoï sur le ruisseau de Siltoura, qui se jette à droite dans le Dshida ; la contrée devient tou- jours plus montagneuse. Khouldatzkoï-Karaoul, appelé aussi Ourkil- Scholok^ à cause d'un rocher voisin, est à vingt-cinq verstes du précédent. Kharazanskoï - Karaoul à vingt verstes du précédent. Les chemins pour les voitures se terminent ici. On trouve des terres à labour dans les vallons ; mais elles ne sont pas entiè- rement cultivées à cause du petit nombre de villages établis près du Dshida. Les montagnes deviennent si hautes et si arides sur la droite de la rivière et principalement vers la Mon- golie, qu'on ne peut parvenir qu'à cheval aux autres postes. On y court de très-grands dangers dans beaucoup de places, et sur- tout en été lorsqu'il a plu. Zeshinsk oï- Karaoul à vingt-cinq verstes de Tome V. Q 24^ 1772^ B31 Sélenguibtsk Kharazan, pies du ruisseau de Sodski , qui se jette à droite dans le Dshida. Modonkolskoï- Karaoul à soixante-dix v erstes , près de l'embouchure du ruisseau de Modonkol,, dans le Dshida. Natschitounskoï-Karaoul à soixante-dix vers- tes , près de la réunion de Zékira avec le Dshida. Cette contrée n'offre que de hautes montagnes sauvages , marécageuses et garnies de bois , où on peut à peine passer à cheval. Dotoshinskoï - Karaoul à douze verstes. Ce lieu est dans une position extrêmement sauvage. Il n'a pas été possible d'établir des postes dans une étendue de plus de deux cents verstes jusqu'au Tounkinskoï , entre le Dslionmourin et le golfe de Baïkal ou Koultouk , parce que les montagnes couvertes de neiges qui s'étendent entre les sources du Dshida et du Dshonmourin, sont inhabitables et inaccessibles. Tounkinskoi- Ostrog. Les montagnes s'éten- dent au-delà des limites jusqu'auprès de l'E- nisséï; elles sont si élevées, qu'on n'a pu y établir que deux postes , savoir : Touranskoî- Karaoul à vingt-cinq verstes de Tounkinskoï., et Khandinskoï -Karaoul à cin- quante verstes du précédent , et à cent-soixante d'Okinskoï , premier poste des limites du gouvernement de Tobolsk (aujourd'hui Ko- livan ) . On vient d'établir les postes suivans sur le iTschikoï à l'est de Kiakta : A K I A K T A. 243 Kiranskoï- Karaoul , près du ruisseau de Ki- rarij à seize verstes de Kiakta. Koudarinskoï- Karaoul à vingt-six verstes de Kiran, vers le ruisseau de Koudara, et à peu de distance du bourg. Scharagolshinskoï-Karaoul à quarante - cinq verstes plus haut , près de l'embouchure du ruisseau de Scharaçoletz dans le Tschikoï , du côté de la Mongolie. Oustourloutzkor Karaoul à vingt-cinq verstes de Scharagol, près de l'embouchure du ruisseau d'Ourlouk. , Dshindinskoï-Karaoul à quinze verstes dans le lieu où le Tschikoï s'éloigne des limites. La ligne de démarcation se dirige vers le fleuve de Mansa , où est situé : Mandshinskoï - Karaoul à cent - cinquante verstes de Dshinda. La haute chaîne de mon- tagnes limitrophes vient ensuite $ elle perce entre le Tschikoï et l'Onon , et sépare les ri- vières qui se jettent dans le Baïkal de celles qui tombent dans l'Amour. Il y a cent-soixante verstes , en traversant cette chaîne jusqu'au premier poste établi près du Balschikan , qui dépend d'Akschinsk. Cette distance a été, me- surée. Q* a44* i77a- DE KiaktX S- VIL DeKiaKta a Kouitounskaia. Du 9 au 2.5 avril. Bérécro vaia . — Frolo vo-Saïm ka . — Seien cruinsk. — Niinaia - C/ùlotskaia - Dérevna , 3o v. — Fortofskaia ou Bariklna - Saïmka , 12. v. — Schar ina- Sa î mka , 5 v. — Bourg de Tarba- gantéiy 2,5 v. — Kouitounskaia , ^5 v. Bourg Chinois de Maï matsch in, La ville Chinoise n'a pas de nom , à pro- prement parler. Les Russes l'appellent Kitaïs- Kaia-Sloboda ( bourg Chinois ) , et N aï- aï atschin. C'est par corruption que les Russes et les Mongols ont adopté ce nom , car la vé- ritable dénomination Chinoise est Maïmats- chin : elle vient de deux mots Nikan et Mandshour, M aï m a et Tschtm ou Tschen. Le premier signifie commerce , et le second un lieu entouré de murs. Les Mongols la nomment Dai - Oergoé , et l'appellent aussi Khadal- datschiis , comme les Mandshours. Cette ville est au sud , et à environ soixante toises du mur de Kiakta , et presque sur la même parallèle. Elle est située sur un beau terrain uni , entièrement séparé du ruisseau de Kiakta. Elle paroît renfermer près de deus A ROUITO U NSK AI A. 1^5 cents maisons, bâties les unes près des autres. On a placé des poteaux de dix pieds de hauteur au milieu de l'espace qui sépare les deux villes. On voit sur l'un une inscription en langue Russe , et sur le second une inscription Mandshoure. Maïmatschin est défendu par une muraille de bois qui sert d'enceinte aux maisons. On l'a revécu d'un fossé de trois pieds de large en iy56 9 époque de la guerre des Kai mou ks avec Amoursanan, prince Koït ; cette ville fut alors menacée d'être mise à feu et à sang par les Mongols révoltés qui avoient à leur tête le prince Schadir - Vang. L'enceinte forme un carré long de l'est à l'ouest de trois cent cin- quante toises sur environ deux cents. Une porte est placée au centre de chaque façade > et ces portes répondent aux deux grandes rues qui se croisent. La façade du nord a deux petites portes qui répondent à deux rues. La façade du midi en a une pareille \ elle conduit aux jardins situés près du ruisseau de Kiakta. On a construit au -dessus de quatre grandes portes un petit corps-de- garde de bois pour la garnison Chinoise qui veille à la police , et sur-tout pendant la nuit. Des Mongols portant des habits déguenillés , et armés de bâtons, composent cette garnison. En dehors des portes, les Chinois ont élevé un parapet de bois pins large que la porte, etde quatre toises de hauteur, Q3 ^46 177*' DE K i a k t a pour empêcher de voir ce gui se passe clans les rues. Les maisons sont alignées. Les grandes rues ont trois à quatre toises de largeur. Les deux autres , qui se prolongent du nord au sud ., sont parallèles aux premières ; elles ne sont pas pavées, mais couvertes de gravier , et d'une très-grande propreté. Les maisons qui sont vastes, ont toutes une place ou cour de dix à douze toises, formant un carré long battu en gravier, et très - pro- prement tenue. Elles ont sur la rue une porte cocîière dont l'entrée est couverte , et quel- ques-unes ont une petite porte sur le côté. Les magasins des marchandises tiennent aux mai- sons y ils ont leur entrée par la cour, et communément en dehors un toit avancé, dont le dessous forme un angard fermé par un gros treillage de bois qui ressemble à une étable à bestiaux. Les autres Mtimens qui entourent les maisons sont des magasins qui tiennent aux appartemens, et des chambres qui servent de cuisine, et où Ton serre les provisions. Les maisons sont presque toutes uniformes. Elles n'ont qu'un rez - de - chaussée haut de deux toises , et sont construites de charpente et de clayon nage légers , revêtus de terre glaise et de plâtre, et peintes en blanc. Les toits, qui sont plats, débordent de beaucoup les bâti- mens ; des colonnes les soutiennent en dehors, ce qui forme un porche. Le dessus est couvert A KOÜITOUNSKAIA.' de planches ; les pauvres les couvrent de lattes recouvertes de gazons. Les fenêtres sont grandes comme en Europe ; mais le verre et le talc de Russie étant fort chers , les châssis sont garnis de papier, à l'exception de quelques carreaux de vitre, pour donner du jour à l'appartement. Il donne rarement sur la rue ; c'est une espèce de boutique , où les échantillons des marchan- dises sont placés dans des armoires garnies de rayons, et fermées avec des portes de papier pour les garantir de la poussière. Les châssis des fenêtres sont communément ornés de pe- tites peintures, et les murailles tapissées de papiers de couleur. Le plancher est d'argile bien battue. Vers le milieu de l'appartement est un gradin parqueté d'environ deux pieds de haut, où l'on s'assied le jour et où l'on couche pendant la nuit. A côté de cette es- trade, et presqu'à la même élévation , on voit un poêle carré, de briques, surmonté d'une excavation cylindrique et perpendiculaire, où l'on met des petits morceaux de bois pour ré- chauffer. Quoique l'ouverture de ce poêle ne seit point bouchée , il ne fume point , ce qui est fort heureux pour les marchandises. La fumée sort par un tuyau de côté qui , partant du pied du poêle , n'incommode point. Ce tuyau forme des zigzags sous le gradin, et aboutit à une cheminée construite du côté de la rue , à la même hauteur que le bâtiment. Ce gradin Q 4 2^8 ijyz. beKiakta est tellement échauffé en hiver , qu'on ne petit y coucher la tê.te tournée du côté de la* mu- raille, L'ouverture du poêle sert à faire bouillir de l'eau pour le thé, et c'est la raison qui le fait chauffer souvent en été. On ne voit pas d'au- tres meubles qu'une grande table, et deux autres petites vernissées et placées sur l'estrade. L'une porte toujours un réchaud rempli de feu qui sert à allumer les pipes. On trouve dans toutes les maisons une petite niche couverte de rideaux de soie , qui ren- ferme des images de papiers joliment peintes, et représentant leurs idoles. Des lampes qu'on allume les jours de fête et un vase de métal ou de pierre très -bien travaillé , sont placés devant cette niche. On jette dans l'urne les cendres de l'encens et des pastilles à odeur. Plusieurs de ces niches sont parées de fleurs et autres ornemens. Les Chinois n'ont point d'emplacemens fixes pour ces niches , et ils permettent volontiers aux étrangers de tirer les rideaux pour regarder leurs idoles. Les cuisines sont aussi propres et aussi bien rangées que les plus belles de l'Europe. Voici leur distribution. Elles ont dans le milieu un gradin pareil à celui des appartemens où couchent les domestiques, avec un poêle pour chauffer la pièce. On voit en outre deux autres poêles de maçonnerie qui tiennent l'un à l'autre, et sur lesquels sont enclavées deux chaudières A KOUITOTT KSKAI A. 2^9 pu vases de fer. L'ustensile le plus remarquable est un large couteau avec lequel ils dépècent la viande par petits inorceaux, avant de la servir dans les écuelles de bois. Ces couteaux, plus larges que la main , ont un empan de longueur, et sont presque carrés. La lame est d'un acier bien poli , et le manche en bois. Le tranchant du bas est presque aussi aiguisé qu'un rasoir. Le cuisinier prend un couteau de chaque main , et dépèce la viande par mor- ceaux sans la toucher. Les bâtimens publics les plus remarquables sont la maison du Sourgoutschéi ou inspecteur du commerce , les deux Pagodes , et le Mets- ched Mahométan situé dans le quartier des Boukarski. Temples Chinoi s. L'une des Pagodes est dans le centre de la vilie , à l'endroit où se croisent les deux prin- cipales rues. C'est une tour Chinoise de deux étages, au-dessous de laquelle on passe au moyen d'une voûte. Elle est construite eu bois , et ornée extérieurement de colonnes , de peintures, et de petites cloches de fer qui pendent à. tous les angles saiîlaris du toit. Le toit du premier étage , au-dessus de la voûte , est carré 5 et le second octogone ainsi que le toit. On a placé à chaque extrémité saillante de la coupole, quatre ailes semblables à celles 2,5o 177%. D« K I A K T A de nos monlins-à vent, pour que le vent le plus léger fasse mouvoir et aller les cloches. Chaque étage a sa galerie couverte , qui lui sert d'entrée. Les portes sont au sud. On voit dans le premier étage le tableau du Dieu Tien , mot qui, suivant l'explication des Chinois les plus instruits, si- * gnifie le Dieu Tout-Puissant , qui gouverne les trente- deux Cieux. Les IVlandshours l'appellent Abscho , et les Mongols Tinguéru , Ciel ou Dieu du Ciel. Il est représenté assis , la tête découverte , et environnée d'une auréole , et avec de la barbe ; il tient une ér3ée nue dans la main-droite, et étend la gauche comme s'il donnoit la bénédiction ( 1 ). A l'un des côtés de cette ligure on a peint deux jeunes garçons, et de l'autre une jeune fille et un vieillard. On remarque dans le second étage la figuré d'une autre idole qui porte un chapeau à carreaux noirs et blancs, et également entourée de trois jeunes personnes et d'un petit vieillard. On ne voit, dans ce temple, ni autels, ni (i) Le Sourgoutschéi , auquel je demandai la permis- sion de voir ce temple , m'a assuré que les jésuites de Pe- king j et leurs prosélytes, avoient pour cette idole la même vénération que les Chinois. Je présume que les Jésuites , pour excii er la ferveur des convertis, cherchoient à" leur faire trouver une ressemblance entre l'image du Tien des Chinois et celle de J. C. A KOU ITOU NSKAI A. 2.5l gradins., et il n'offre rien d'intéressant que les niches de ces idoles. On ne l'ouvre que les jours de fête , et les étrangers ne peuvent y entrer sans permission. Les Chinois n'ont pas plus de vénération pour ces images que pour celles de la grande pagode. La grande pagode ( 1 ) située devant la maison du gouverneur et près de la princi- pale porte du sud , est plus vaste et plus ma- gnifique que la première. Les étrangers peuvent y entrer en tout teins, pourvu qu'ils soient accompagnés d'un des prêtres qui se trouvent toujours dans la cour. Cette cour extérieure est environnée de chevaux de frise. L'entrée fait face au mur de la ville qui est au sud. Il y a deux belies portes séparées par un petit bâtiment assez remarquable, qui a son entrée au nord. Son extérieur offre deux niches dé- fendues par des grillages, au fond desquelles ou voit deux chevaux d'argile de grandeur naturelle, grossièrement modelés. Ils sont sellés, bridés , et conduits par deux hommes habillés (i) On ne trouve pas la grande pagode dans la gravure de Maïmatschîn , que M. William Cox a donnée dans son Histoire du Commerce des Russes et des Chinois, a Cette » omission, dit-il, vient de ce que l'artiste fut. obligé de » partir de Kiakta , avant d'avoir fini son dessin. La planche » est d'ailleurs complète et de la plus grande exactitude , » ainsi que je Tai appris d'un Anglois qui a été dans ces » viiies fron ùe res ». s5ä 17721. DE KiaktA en palfreniers. Le cheval de la droite est alezan -y l'autre isabelle , sa crinière et sa queue sont noires. Le premier est dans l'attitude du galop , et le second dans celle du pas. Les ligures des palfreniers et les idoles du temple sont artistement travaillées« Près de chaque cheval est un drapeau d'étoffe de soie jaune avec des dragons peints en argent. On n'y re- marque point d'autres ornemens. On voit,, dans l'enceinte de la cour , près xl'une des portes , deux tours de bois entourées d'une galerie. Il y a une grosse cloche de fonte dans celle qui est à Test , et on la frappe avec un battant de bois pour la sonner; deux énormes timbales , semblables à celles des Kalmouks , sont placées sur celui de l'ouest. Deux bâtimens, occupés par les prêtres , sont sur les côtés. Cette cour communique à la cour intérieure par une grande porte et deux petites; elles sont peintes et bien sculptées. Celle-ci est bor- dée de chaque côté de petits hâtimens étroits , ouverts sur le devant,, et défendus par un gril- lage. Les murailles intérieures sont couvertes- de peintures,, qui représentent l'histoire de leurs divinités. A l'extrémité de cette seconde cour, est un grand bâtiment , entouré , ainsi que le tem- ple, de colonnes ornées de sculptures dorées et vernissées en lacs. Il est couvert d'un toit à la Chinoise , auquel sont suspendues de pc_ A KOÜITOUNSKAIA". 253 tites clochettes de fer. Ce toit est entouré d'une galerie. Il a en-dedans soixante pieds de long et trente de large. Il est rempli d'anciennes armes gigantesques et de trophées , telles que des lances , des faulx , de longues piques qui ont un large 1er , des boucliers , des écussons , des bannières avec des mains , des têtes de dragons, et d'autres figures bien sculptées. Tous ces instrumens sont bien dorés et rangés avec ordre sur des échafauds le Ions; de la mu- raille. La porte de derrière est en face de l'en- trée , et cachée , en partie , par un grand dra- peau jaune, orné de broderies d'argent,, qui représentent des dragons et des feuillages. 1^ y a au - dessous une espèce d'autel , entouré d'armoiries 5 cet autel est couvert de petites* tables oblongues, qui portent des inscriptions Chinoises ; ces tables sont sur des piédestaux. En sortant par la porte de derrière , on tra- verse une petite galerie, qui conduit à la colo- nade du temple. Cette galerie est ornée de pots de fleurs des deux côtés. On remarque , dans las entre colonnes , des tablettes d'ar- doise , revêtues de cadres de plus de six pieds de haut , sur l'une desquelles on a gravé une inscription relative à la fondation du temple. On voit , devant l'une des tables , qui est à Test , une idole d'une figure hideuse , qui est placée dans une petite niche \ la figure a tout au plus un empan de hauteur. 254 Xn%' DE KlAKTA L'intérieur du temple est supérieurement décoré. Les murailles sont couvertes de pein- tures, qui représentent les exploits les plus célèbres de la principale divinité. Ce temple renferme cinq idoles d'une stature colossale , artistement sculptées en argile ; elles sont as- sises sur des gradins de quatre pieds d'éléva- tion, pratiqués dans des enfoncemens qui pren- nent toute la muraille du nord. Ces niches sont revêtues de beaucoup de sculptures dorées , et d'autres ornemens , qui forment une espèce de baldaquin. La principale idole est assise dans la nche du milieu , entre deux colonnes entrelacées de dragons dorés. Elle porte le nom de Guedsocjr ou Guessotjr-Kan (i). Les Chinois l'appellent (r) Ce sont les Mongols et les Kalmouks qui lui ont donn£ le nom de Guessour-Kan; et quoiqu'ils ne la tangent pas parmi leurs divinités, ils la regardent comme un héros, né, à ce qu'ils prétendent , près de la source du Khoango , et qui mérite d'être mis an rang des Dieux , ayant dompté et vaincu un grand nombre de monstres. Il est le Bacchus et VHercule de la Tatarie orientale. Ces peuples possèdent une histoire fort détaillée de ses exploits héroïques. Voici le titre de cet ouvrage , écrit en langue Mongole : Arban Ssoughi Guessour Bcgdc-Kan (le souverain des dix con- trées de l'univers , ou le monarque Guessour-Kan). Note du profeffeur Pallas. « Je possède , dit le savant écrivain William Cox , une co- » pie de ce manuscrit Mongol , dont le professeur Pallas » m'a fait présent ,• je le communiquerois avec plaisir à » un savant versé dans les langues oxientales ». A KOUITOÜNSKAIA. 2>55^ Lov~Ié'(i)$ les Mandshours, Gouan-Loé (2). Les deux chevaux , qui sont dans la cour , ont rapport à l'histoire de cette idole. Elle a environ vingt-trois pieds de hauteur, le visage brillant comme de l'or , la tête ornée .d'une couronne , et de la barbe au menton. Ses vêtemens ne sont pas modelés en argile $ mais ils sont d'une étoffe de soie , et faits à sa taille. Elle est habillée fort richement. Elle tient dans ses mains une espèce de tablette qu'elle paroît lire avec beaucoup d'attention. Deux petites figures de femmes , qui ressemblent à de jeunes personnes de quatorze ans , sont debout de chaque côté de l'idole , et sur le même pié- destal : l'une d'elles empoigne un rouleau de papier arrangé avec grâce. On voit sept flè- ches d'or à la droite de l'idole et à ses pieds , et un arc à sa gauche , placés sur des piédes- taux. Cette idole n'a aucun attribut guerrier ; sa figure et son maintien représentent au con- traire un prince pacilique , et un juge rempli de clémence. Il y a devant l'idole un assez grand espace r entouré d'un grillage. On y remarque un au- tel , au - dessus duquel sont suspendues d'é- troites bandes d'étoffes de soie semblables à celles qui ornent les temples des Mongols 5 elles (0 I.c premier et le plus ancien. (1) Le Dieu supérieur. + 2.56 I772. DE K 1 A K T A répandent un peu d'obscurité dans l'enfonce- yinent, qui forme la niche de l'idole. Quatre ligures colossales sont placées sur cet autel en face les unes des autres. Elles représentent pro- bablement les principaux mandarins des col- lèges de justice et de guerre de Guessour-Kan , que les Chinois ont déifié. Les plus voisines de l'idole portent des robes de juge , et tien- nent des tablettes semblables à celles de l'idole. Celle qui a une barbe blanche est très-animée, et paroît chanter à haute voix. Les deux au- tres sont revêtues d'une armure complète ; celle de la gauche porte un turban , et sur l'é- paule gauche un grand sabre dans son four- reau , dont la poignée fait face perpendiculai- rement à l'aisselle droite. La quatrième , qui a le visage ba.sané , enflammé , et hideux , et le ventre gros , tient dans sa main droite une lance dont le fer est très-iarge. On voit deux idoles dans chacune des ni- ches, qui sont sur les côtés. L'une est habillée en guerrier , et l'autre en juge. Ces quatre sta- tues sont d'une taille gigantesque , mais repen- dant plus petites que celle de Guessour. La première idole , placée dans la niche à droite , est habillée en militaire ; elle repré- sente le dieu Maouang, l'Otscairbanni des Mongols. Elle a trois visages si basanés, qu'ils sont presque noirs \ un œil sur le nombril, et un miroir sur la poitrine. Cette idole a six bras A EOUITÔÏÏNSKAIA? 207 bras $ deux de ses bras agitent au-dessus de sa tête deux sabres > qui se croisent. Le second bras droit tient un miroir, et le gauche une tablette carrée , qui paroît être d'ivoire. Les deux autres bras bandent un arc armé de sa flèche. Le dieu Maouang a près de lui deux petites figures , dont la première tient une flèche , et l'autre porte un petit animal. L'idole , qui se trouve à côté de Maouang > et dans la même niche , est appelée par les Chinois , Tziauscaing (1) , et parles Mongols , Tzagan-DsambalA. Elle a sur la tête un cha- peau noir , dont les cornes sont émoussees ; elle est revêtue de magnifiques robes, et elle tient à la main une petite cassette remplie de bijoux. Elle a près d'elle deux petites figures , dont Tune tient une branche d'arbre cassée. Dans la niche à gauche , est le dieu appelé Knouscno et Khoua - Schan par les Mands- hours , et G a ldi (2) par les Mongols. Son visage, couleur de feu , présente un aspect hideux. Il est revêtu d'une armure complète , et tient un glaive. Quoiqu'assis il paroît sur le point de s'élancer de son siège. Deux petites idoles sont à ses côtés ; l'une paroît crier , l'autre porte sur sa main un oiseau qui ressemble au pilet ou au canard à longue queue. (1) Le dieu d'or et d'argent, (i) Dieu du feu. Tome F, R ä6Ö ^772* D E K i a K t À La seconde idole se nomme Niou-O(i) j elle est assise 5 elle a l'air tranquille , et une couronne sur la tête ; sa poitrine est couverte d'un miroir rond, ainsi que celle des autres idoles. Les Chinois pensent que c'est le même dieu que l'Iamandaga des Mongols. On dit que les Mandshours l'appellent Khaïn - Kil- xova, et les Mongols Bars-Batir (2), et lui font jouer un rôle dans l'histoire de Guessour- Kan (3). Les petites figures , qui sont à ses côtés j portent un animal , et ont un anneau d'or. On voit , devant ces idoles , deux tables ou autels , sur lesquels on dépose , les jours de fêtes et de prières publiques, de la pâtisserie, des fruits secs , du poisson , et des moutons entiers. On a placé devant ces autels des urnes , des boîtes d'encens , des flambeaux , et des lampes., dont plusieurs brûlent jour et nuit devant la principale idole. On y remarque un, vase , qui a la forme d'un carquois rempli de pièces plates de roseaux, sur lesquelles sont mm 11 . ■ ' ' '■ '■■ - ■— " — ■'"■ (1) Le dieu des bœufs. (i) Le héros des tigres. (3) Les Chinois sont si m é flans , que, quelques liaisons que vous ayez avec eux , ils se tairont sur les noms de leurs idoles , s'ils s'apperçoivent que vous prenez des notes , ou bien ils donnent alors de faux noms. C'est la raison pour la- quelle je ne réponds pas de la véracité de tous ceux que j'ai donnés , et sur- tout des derniers* a KotriTO unskài a? a5^ empreintes de petites devises Chinoises. Les Chinois vont y tirer une de ces devises le jour de l'an : elles sont pour eux des oracles , qui annoncent ce qui doit leur arriver d'heureux ou de malheureux dans l'année. A l'extrémité orientale de l'une des tables , est un casque de bois vernissé en noir , que tous les dévots viennent frapper avec une baguette , en en- trant dans le temple. Ce casque est si sacré , qu'on ne permet point aux étrangers de le tou- cher, quoiqu'ils puissent tout observer, et tou- cher les idoles. Batimens PUBLICS. Le théâtre est au pied de la muraille de la ville , qui est au sud , et en face de la grande pagode. Il ressemble un peu à ceux des bala- dins d'Europe , ou, pour mieux dire , à une serre de jardin ; cependant il est construit avec plus de goût. On voit à côté deux grands mats, sur lesquels on arbore, dans les jours de fêtes, de grands pavillons où sont peints des carac- tères Chinois. On y joue de petites comédies en l'honneur des idoles. Les acteurs sont des garçons de boutiques ; les spectateurs se tien-* nent dans la rue. Je passe aux autres bâtimens publics. La maison du Sourgoutschéi , ou inspecteur du commerce , qui est grande et bien meublée 11'ofïre de remarquable que la chambre où s$ R a Ù.6& *772' ^ E KiaKtA" rend la justice, où Ton voit un très-beau fau- teuil , et les deux grands poteaux , surmontés d'un pavillon ^ qui sont à l'entrée. Le quartier des Boukarski est à l'angle snd- ouest de la ville. Ils ont un petit metsched , ou temple construit en bois. La plupart des Boukarski ont pris le cos- tume des Chinois ; mais ils sont beaucoup plus sales y et vivent moins bien. Le plus grand nombre fait un commerce très - lucratif , et ce sont eux qui fournissent la cour de Peking. Ils viennent , à cet effet , tous les ans à Maïmat- schin. Lorqu'un des fournisseurs de la cour a offert le prix d'une marchandise, il est défendu à tout marchand Chinois d'en offrir davantage, sous peine d'être rigoureusement puni , et celui- ci n'ose enchérir que lorsque ces fournisseurs ont complété leur achat. Des Chinois. Je passe aux Chinois. Les marchands , qui restent à Maïmatschin , sont tous Nikaniens , ou naturels du pays , nés dans les provinces septentrionales de la Chine , sur-tout de Pe- king, Sant - Schouen , et de plusieurs au- tres villes. Ils s'y arrêtent comme voyageurs, sans avoir de famille avec eux ; on ne tolère même aucune femme dans ce bourg Chinois. Les femmes de Kiakta , qui , à ce qu'on pré- tend , ne sont pas sévères , les dédommagent AKouitounskaia. 261 de cette privation , et s'enrichissent avec eux aux dépens de leur honneur. On accuse les liabitans de Maïmatschin d'être pédérastes , parce qu'ils ont soin de choisir des garçons de boutiques jeunes et d'une jolie figure 5 ils vi- vent très - familièrement avec eux. Plusieurs dépensent beaucoup d'argent avec des femmes Mongoles , qui habitent le grand camp , dont je parlerai dans la siiite. Tous ces négocians ne commercent que par compagnie. Ils sont au moins deux en société , et se relèvent suc- cessivement, de manière que l'un reste à Maï- matschin , tandis que l'autre va commercer à Kiakta. Lorsque celui-ci est de retour avec la marchandise qu'il a eue en échange , son com- pagnon s'en charge., et part pour sa ville na- tale , ou celle de son domicile , on il reste un an. Le Sourgoutschéi y dont j'ai parlé, a l'ins- pection et la police sur tous les négocians de Maïmatschin. Il rend toutes les ordonnances relatives au commerce, et il a soin de surveiller tous les intérêts de sa nation. On confie ordi- nairement ce poste à une personne de rang ou à un homme instruit, et souvent à un man* darin, qui s'est mal comporté; on l'exile en lui donnant cet emploi , on l'y laisse jusqu'à ce qu'on se soit ap perçu d'un changement decon. duite; Les marques distinctives de sa place con- sistent dans un bouton de cristal qu'il porte à la pointe de son bonnet a et dans une plume de paon R â •s 262 *772' D E Kiaktä qu'il porte par-derrière. On compare son rang à celui d'un simple officier de l'état-major en Russie. Les Chinois lui donnent le titre d'hon- neur (I'Amban (1). Ils fléchissent le genou gauche lorsqu'ils paroissent devant lui ; ils res- tent dans cette position pendant tout le tems qu'ils lui portent leur plainte ou leur requête, et même jusqu'à ce qu'ils aient obtenu sa ré- ponse. Le Sourgoutschéi a des appointemens fixes $ mais ils ne montent pas , à beaucoup près, aux présens que tous les négocians , sou- mis à sa police , sont obligés de lui faire. Les grands et les personnes d'un rang distingué osent seuls , en Chine , se servir de voitures à quatre roues. Ce Sourgoutschéi ne peut avoir qu'un chariot couvert à deux roues. Je ne m'étendrai pas beaucoup sur la figure ,' la taille et la conformation des Chinois. Ces détails sont consignés dans beaucoup d'ouvra- ges. Ils sont très - bien formés dans leur jeu- nesse ; on en voit beaucoup qui ont des figures très- agréables , un beau teint, de petits yeux noirs , qui forment l'angle , et des cheveux du plus beau noir. Cependant ils préfèrent ceux qui ont une figure Mandshoure , c'est-à-dire , le visage large, de hautes mâchoires, un nez très -large, et d'énormes oreilles. Cette der- nière conformation est propre aux Chinois , (ï) Commandant général. *A KOITITOUNSKAIA. a63 et presque générale parmi eux. Ils ont la barbe noire , et clair - semée 5 les gens âgés sont les seuls qui la laissent croître. Ils ont tous une très-longue chevelure d'un noir luisant ; mais ils se rasent la tête , comme les Mandshours ; ils ne conservent qu'une petite touffe de che- veux sur le sommet de la tête , et ils ont soin, de la tresser. Ils avouent cependant qu'ils pré- îéreroient porter leurs cheveux. Leurs barbiers en seroient très-fâchés , parce que ce sont eux qui leur rasent la tête. On reconnoît les logis des Chinois aux enseignes qu'ils ont à leurs mai- sons. Elles consistent en un petit drapeau pendu au-dessus de la porte. Il y a beaucoup d'uniformité dans leur ha- billement , qui varie suivant les saisons. Ils ont des habits d'hiver , d'étés et d'autres pour le printems et l'automne. On remarque sur- tout le changement à leurs bonnets et à leurs chapeaux. Ils ne portent , au printems et en automne , que de petits chapeaux ronds , qui leur couvrent à peine le sommet de la tête. Ces chapeaux ont un rebord de peau de chien de mer , ou d'ours marin , ou de velours. Un bouton est au-dessus de ce chapeau, et une houppe de soie torse couvre tout le dessus. Ils portent, en été, de grands chapeaux de paille , dont la forme est celle d'un cône applati , qui leur couvrent le visage. Ils sont très-bien tra- vaillés, et ils coûtent de quatre à six roubles» R 4 2.64 1772- DE Kiakta Au-dessus de ce chapeau , est une jolie houppe \ elle est formée de Longs poils luisans de va- ches sauvages des Tangouts (i), que l'on teint en rouge. Ils portent , en hiver , des bonnets plats , garnis de peaux de renard , et au-dessus desquels est une houppe en soie ; ces bonnets ne leur couvrent pas les oreilles. Un Chinois qui ôteroit son bonnet devant son supérieur , lui feroit une impolitesse. Les habits des diverses saisons ne diffèrent que par la finesse de l'étoffe et de la doublure. Les négocians et marchands de toutes les classes sont habillés uniformément. Ils portent , dé- puis le printems jusqu'à la fin de l'automne , des habits d'étoffe de coton lustrée ( Kitaïka ) , et presque tous de couleur noire , et rarement d'un bleu foncé. L'habillement des Chinois consiste dans une longue robe , qui descend jusqu'à la cheville du pied, avec des manches étroites. Cette robe est ouverte par - derrière jusqu'à six pouces des reins ; par-devant , elle est garnie de boutons du haut en bas. Ils ont par-dessus cette robe une veste qui ressemble à un long casaquin de femmes., sans manches, parce qu'ils passent leurs bras dans les fentes. (i) Bos grunniens, Linn. Syst. 7, pag. 99 > sp. 4. Les Chinois appellent Siniiou cet animal , et les Mongols ' Sarlik-Oukir. C'est la vache de Tatarie de Buffon. Hjst« nalur, XV > p. 136. A Kouitounskaia.' $65 Ils portent par-dessus ce casaquin une camisole courte , dont les manches ne vont qu'aux cou- des. Cette camisole est ou doublée de soie, et piquée , ou de fourrure , ou faite af tistement avec des pattes de zibelines , de renards , de peaux d'ours marins $ et celle du peuple , de peaux de cheval ou de chevreuil , avec le poil en dehors. Les camisoles des personnes distin- guées sont de peaux d'agneaux noires , bien frisées et choisies , de zibelines ou de castors marins du Kamstschatka. La raison pour la- quelle le commerce de ces peaux est si consi- dérable , est que la cour de Peking en porte préférablement à toute autre fourrure. Les Chi- nois se servent de larges bottes couvertes d'une étoffe de soie noire. Les semelles ont plus d'un doigt d'épaisseur 5 elles sont faites d'une grosse étoffe de coton (Daba ), dont les morceaux sont collés l'un sur l'autre $ on prétend qu'elles durent au moins deux ans. Ils ont une ceinture par-dessus la robe, à laquelle pend une longue bourse de soie joliment brodée. Ils mettent leurs pipes et le tabac à fumer dans cette bourse. Ils attachent à la ceinture une gaine pour y serrer leur couteau , et les petites brochettes de bois , qui leur servent de fourchettes. Ils sont toujours vêtus de même , soit chez eux, soit au dehors. Ils sont aussi propres sur le corps que dans l'intérieur des maisons ; et cependant ils n'ont z66 1772- »a Kïakta que des domestiques mâles à leur service. Ils sont insensibles au froid ; ils font un si petit feu en hiver , qu'un Européen geleroit de froid dans leurs appartemens. La plupart des Chi- nois , et sur- tout les maîtres , qui ne font pas de gros ouvrages , laissent tellement croître leurs ongles , qu'ils passent le bout des doigts de plus d'un demi-pouce. J'en ai vu dont les on- gles s'étoient recourbés , et étoient rentrés dan* la chair. Cette coutume m'a paru fort bizarre. Je ne conseillerois pas à mes compatriotes d'i- miter les Chinois , parce que la plupart per- droient leurs ongles avant de les voir devenir si gros et si longs. Leurs mets , préparés avec beaucoup de pro- preté , sont sains et adaptés à leur frugalité ; on les varie suivant les saisons. Ils mangent beaucoup de fruits et de légumes , et sont friands de sucreries. Ils mangent beaucoup d'aulx et de ciboules qu'ils cultivent dans leurs jardins. Ils fournissent, en partie, Kiakta de choux , de concombres , de cornichons , de ra- dix , et de haricots. Ils cultivent aussi des épi- nards , du céleri , du persil , des carottes , de la carde-poirée , et des choux frisés. Comme les autres légumes ne mûrissent pas dans cette contrée , les Chinois apportent avec eux , en venant à Maïmatschin, du riz, plusieurs es- pèces de pois , et toutes sortes de fruits secs , et des fruits gelés en hiver. J'ai vu une espèce A KOUITOUNSKAIA. 267 de pois remarquable (1), appelé Lodou; ii est un peu long, petit, et vert. En hiver, ils les lavent dans plusieurs eaux ., et les mangent crus en salade. Les fruits qu'on achète des Chinois , dans leur fraîcheur , sont des arbouses ou melons d'eau , des pommes (Pïnsa ) , qui ressemblent à nos rainettes grises , des poires , des coings longs ( Moung-Ha ) , des citrons , des oranges douces et aigres , des châtaignes ( Lidsa ), des noix et des petites nèfles rouges, qui ont une forme pentagone (2). Elles viennent sauvages dans les contrées septentrionales de la Chine. Ils vendent aussi un autre fruit , qu'ils nom- ment A lé m a, qui m'a paru être la pomme d'acajou; ils la tirent des provinces méridio- nales Chinoises. Ils ont aussi une espèce de citron, ou pompbleum , qu'ils appellent Fou 1- schou. Ce citron est partagé en deux , comme la pierre de lis 5 il n'a ni chair ni pépins : son parium est délicieux. On ne peiit l'ob- tenir qu'en présence du SourgoutschéL Les fruits secs consistent en de longs raisins de (1) Ce pois m'a paru être le phaseolus radiants de Linnée. (2) Mespilus fructit obtuse pentagono , ruherriw.o. Les Chinois apportent avec eux une pâte semblable à la pâte d'abricots, faite avec ce fruit cuit et du sucre. Ils la vendent à très-bon compte. Les Russes l'appellent Fcstila. ^63 1777" DE K. i a k t a. caisse avec un pépin $ des petits raisins noirs acidulés $ des petits fruits d'une espèce de cha- lef (i), qui ont un noyau singulier. Les Bou- karski nomment ce fruit Dshigdia , les Mon- gols , Zagda, et les Chinois, Sazousa. Ils vendent aussi des pruneaux rougeâtres à demi- fumés ? appelés Schouptoug a ., dont les noyaux sont oblongs , mais parfaitement arrondis 5 des petits pruneaux noirs , et des pommes tappées. Les confitures sont , des oranges confites , du gingembre confît 3 des petits fruits noirs, nom- més Thodsor, qui sont fort doux, et ont beaucoup de pépins plats. Il en vient aussi de Perse $ mais ceux-ci sont appelés Gokokoum ; un fruit à coque avec un gros noyau rond , enveloppé d'une moelle douce, qui a un goût de casse (2.) ; d'autres fruits à coque ., avec un ou deux noyaux , dont l'amande a le goût de noix , qui viennent de l'Arachide de Cura- çao (3) 5 des noix blanches à coque lisse , qui ont presque la forme d'un noyau d'abricot , (1) Elœagnus. (z) Les Chinois nomment ce fruit Lounian , lorsque sa coque est tout-à-fait lisse j l'espèce dont la coque est à cotes, s'appelle Louniant-Sidsé. On fait des gâteaux plats avec la moéile de ce fruit , au moyen de la presse , et on les enve- loppe dans des feuilles de bambou. On les apporte des pro-- vinces les plus méridionales de l'empire , et on les vend sous le nom de Ganlo. (3) AracMs curassavlca. A KotflTOUNSKAîA.* äfa) appelées La is su et Boïgo, dont les amandes sont un peu amères et purgatives ; des amandes ordinaires ; du poivre de Guinée , et plusieurs espèces d'épices d'un prix médiocre. Ils ont plusieurs mets qui m'ont paru singuliers $ sa- voir , du riz cuit avec des crables salés , qui viennent des côtes de la mer , avec des lima- çons de mer (i ) ( Kh a'ssan ) , qu'ils enfdent en chapelets pour faire sécher, et avec plusieurs espèces de varechs ou fucus (2) , qu'ils nom- ment Rhaïdaï. Ils mangent aussi cru un autre fucus (3) de mer, qu'ils appellent Dsilefg, après l'avoir fait tremper dans l'eau. Je me suis procuré ce dernier, et de longues fleurs sécliées ( Tschentscheng ) , qu'ils font cuire dans les soupes : on dit qu'elles viennent des provinces méridionales. On se procure aussi quelquefois des racines fraîches et gelées d'une plante aquatique ; ces racines spongieuses sont composées de jets qui ont un empan de lon-^ gueux. Pendant l'hiver, les Chinois vendent , à Kia- kta y des faisans qui arrivent gelés. On en trouve en-deçà de la muraille de la" Chine , vers la (1) Hoîothurla tremula. Lin. (z) Fucus esculentus et saccharinus : le fucus bon à maa- ger , et le fucus porte-sucre. (3) Fucus muricçtus. GmélLn , Hist. Fucor, p. m, tab. 6 , /. 4. ^7° îyyi. biî Kiàkta partie méridionale de la chaîne de montâmes qui sépare l'Amour du Khoango ; mais ils ne sont nulle part aussi- communs que près de ce fleuve, appelé Khara-Mourin par les Mon- gols. Ces faisans ne diffèrent point des faisans sauvages d'Astrakhan. On prétend que les Chi- nois mangent du chien , et que Ton vend cette viande publiquement dans Peking ; cependant .les habitans de Maïmatschin nient ce fait : et peut-être par la raison que les Russes les ont souvent plaisantes à ce sujet. Ils ne veulent pas convenir qu'ils mangent aussi des grenouilles/, et une grosse espèce de sauterelles sans aile , qui existent sur les bords du Seien ga. La boisson ordinaire des Chinois est le thé ; on en voit toujours sur le feu., et ils en boivent continuellement 5 il est très - léger , quoiqu'ils le fassent bouillir; ils le prennent avec très- peu de sucre, ou bien ils n'en mettent point. Leurs boissons fortes consistent en une liqueur appelée Tarasoun, que l'on peut comparer à de la bière Ano;loise mêlée avec de l'eau-de- vie , et dans une eau-de-vie distillée ^ que les Mongols nomment Khantschina. La plupart des Chinois s'enivrent très - souvent avec ces boissons et avec les liqueurs spiritueuses des Russes. C'est la raison pour laquelle on voit des Chinois , et sur-tout des gens du peuple 9 se promener dans les rues de Maïmatschin avec des fers aux pieds : châtiment réservé à ceux A KOTTITOUNSKÀÏA? Hjt qui , dans l'ivresse , commettent quelques excès ou excitent des disputes. Cette punition est peut-être la raison qui empêche les Chinois de se promener dans les rues lorsqu'ils sont ivres \ il est de fait qu'ils s'y exposent rarement. Les Chinois se passeroient plutôt de thé que de tabac à fumer. Ils ne peuvent rester un quart - d'heure oisifs sans avoir la pipe à la bouche , et on ne les voit guère sans fumer par- tout où ils se trouvent , et même dans la rue. Comme leurs pipes ne sont pas plus fortes qu'un dez à coudre , ils ont le plaisir de les charger et de les allumer fréquemment. Les Chinois , qui demeurent à Maïmatschin , sont affables et fort hospitaliers. Quoiqu'ils ne présentent que du tabac et du thé à ceux qui les visitent, ils le font de si bon cœur ^ qu'on ne sauroit douter du plaisir qu'ils ont à faire leurs honneurs. Ils vous présentent toutes sortes de confitures et des fruits secs, lorsqu'on est intimement lié avec eux. Quand ils rendent visite aux Russes ou aux étrangers qu'ils ne connoissent pas, ils font grand bruit , et n'ont aucun égard au rang ou à la qualité des per- sonnes où ils se trouvent. Ils sont très-effron- tés , quelquefois même impolis. Ils entrent dans les maisons sans y être priés ; ils s'asseyent dans les appartemens avec la pipe à la main , saris faire attention si on les voit avec plai- sir ou non , et y restent autant que cela leur 272 1772^ DE K r -a k t a plaît. Il paroît que ce sont les Russes qui,, par quelques égards particuliers, les ont ha- bitués à ce manque de politesse. Ils ne se con- duisent pas de même avec leurs supérieurs Chinois, avec lesquels ils sont au contraire très- liumbles et très-soumis. Les Chinois sont très - adonnés au jeu ; on les voit assis autour d'un damier ou les cartes à la main , dès que leurs affaires leur laissent quelques momens de libres. Ils jouent le jeu de dames d'une manière particulière. Les cartes Chinoises sont beaucoup plus petites que les nôtres. Leur grande passion pour le jeu les engage à faire un petit commerce de détail , pour se procurer des monnoies Ilusses d'argent et de cuivre , afin de faciliter les paiemens. Cette acquisition de monnoie a aussi pour objet le moyen de se procurer à meilleur marché des Russes les vivres et les bagatelles dont ils ont besoin. Les Chinois de distinction s'amusent aussi , dans les momens d'oisiveté , à jouer aveo un chapelet. Ceux d'une classe moyenne ont tou- jours à leur côté un chapelet , dont les grains sont composés de résine de mélèze séchée. La transpiration continuelle des mains les rend aussi durs et transparens que s'ils étoient faits avec de l'ambre : ils les vendent alors très-cher aux Mongols; Les Chinois sont généralement secrets , très- rusés , A K OUITOUNS K AIA, 27$ rusés , et fort intéressés vis-à-vis des Russes , tant dans la société habituelle que dans les af- faires de commerce. Il n'est pas étonnant qu'a- vec ces qualités, l'excellente police du Sour- gojitschéi , et ses soins particuliers pour tout ce qui intéresse le commerce , les Chinois aient des avantages considérables sur les négocians Russes , qui n'ont ni union, ni ordre , ni se- cret. Leur intérêt sordide et leur babil détrui- sent les sages règlemens qui ont été faits à leur avantage. Tl n'en seroit pas de même s'ils étoient subordonnés , comme les Chinois , à un ins- pecteur du commerce , et soumis à un genre de police , qui mettroit un frein à leur légè- reté. Les Chinois, au contraire, par leurs sages dispositions , sont toujours maîtres du prix des marchandises ; ils tiennent toujours les leurs dans une balance avantageuse , parce que l'on punit les personnes qui s'avisent d'em- piéter sur la prisée d'un autre , ou lui font manquer son marché. Ils ont aussi grand soin d'empêcher que l'affiuence des marchands et l'abondance des marchandises ne nuisent au prix et à la valeur où ils veulent les conserver. La résidence Mongole (1), située près du Tola, , É (i) Les Russes appellent cette résidence Ourga. On de- vroit la nommer Oergoé, car c'est le nom général que les Mongols donnent à toute résidence du prince. Le Koutoukta gu chef du clergé Mongol , transportent autrefois sa demeure Tome F. S ty 4 1772t DE Kiàkta à cinq verstes de Kiakta , est le lieu où se ras- semblent toutes les karavanes qui viennent des différentes villes de la Chine. On a soin de ne les laisser partir pour les frontières de l'empire qu'à certaines époques, telles que janvier * mai , et vers l'automne , et d'en fixer le nom- bre. Elles sont obligées , à l'époque de leur départ , de payer un petit droit de péage , dont les deniers sont versés au trésor de la couronne. Ce droit est modique ; on m'a assuré que ce- lui qui se perçoit sur les marchandises que les Russes importent en Chine, n'est environ que de cinq pour cent. Ce droit , quoique modéré , augmente encore les avantages des commerçans Chinois sur les négocians Russes. Les marchandises , qui viennent à Maïmat- schirt,. se transportent, en plus grande partie, sur des chameaux. Les Chinois se servent aussi de mauvaises charrettes , qui ont des roues dé- de côté et d'autre , en campant à la manière de son peuple , sous des tentes de feutre -y on ne nommoit cependant sa rési- dence qu'OERGOÉ, quoique les principaux Princes y demeu- rassent ave« lui. Les Russes , qui n'ont pas toutes les dou- bles voyelles dans leur langue , pour exprimer ce mot , ont formé celui d'OuR*GA, qui signifie , en langue Mongole, la longue perche garnie d'un lacet , dont on se sert pour prendre les chevaux. Les Monp-ols , au contraire , lui ont donné le nom de Kouroé , ville, depuis que leur chef s'est fixé pour toujours à une place , ou il a formé une ville qui est entou* ne de murs de bois. A KOUITOUNSKAIA. %j5 testables. Ces charrettes sont composées d'une longue poutre , qui sert en même tems de ti- mon , et de trois autres poutres plus courtes, qui croisent sur Pautre. L'essieu perce dans la pou- tre de traverse du milieu , et tourne avec les roues. Les échelles de la charrette reposent également sur celle - ci, au moyen d'une sim- ple entaille. Les karavanes , qui traversent les landes pendant l'hiver, portent avec elles des tentes de feutre. En été , elles se pourvoient de bois de tente , composés de pièces de joncs , rapportées et ferrées de manière à pouvoir for- mer l'arc 5 lorsqu'elles ne sont pas montées , on les ploie , on les met dans un étui de bois. Ces pièces rapportées n'ont que sept empans de longueur et un travers de main de hauteur et d'épaisseur. Quand on veut tendre latente, on les déploie ; on couvre ensuite cette car- casse d'une toile à voile , ou de paillassons, Deux personnes peuvent être assises , et dormir à l'aise dans ces balangans , qui sont plus que sufïisans pour les garantir du soleil et de la pluie. Les Chinois de IVlaïmatschin mettent communément quarante-six jours pour arriver à Zifbugkou, qui est la ville la plus voisine du grand mur de la Chine ; ils ont quatre à cinq jours de route pour se rendre à Peking 5 il faut environ quatorze jours de route pour se rendre de Ralgan à San- Chouen. Les Chi- nois donnent aussi à la ville de Zifougkou le S % 2j6 1772. DE KlAKTÀ nom de Scan - Schiascho ; les Mongols l'appel * lent Kalgan ou Kalscha , qui veut dire la nou- velle porte. Les Nicaniens , qui font ici le commerce des limites., parlent tous la langue Mongole 5 c'est aussi la langue dont se servent le plus ordi- nairement les Russes pour négocier avec eux ; ils la parlent eux-mêmes , ou ils se servent d'in- terprètes - jurés. Un grand nombre de Nika- niens parlent la langue Russe , mais assez mal. Ils ont un accent si foible et si défectueux , que ceux qui n'y sont pas accoutumés ont de la peine à les comprendre. Ils ne peuvent pas prononcer r, ils en font un /; ils partagent les svllahes qui sont liées par plusieurs lettre^ muettes , dont la langue Russe est fort riche ; ils les divisent en interposant une voyelle ( 1 ). (1) Bayer, dans son Mureum Sinicum , donne plusieurs exemples de la manière dont les Chinois articulent les lettres qui ne se trouvent pas dans leur langue. Ils changent les B, D,R, X, Z, en P, T,L, S, S. Ainsi, pour Maria, ils disent, • • • Ma-li-ya. Pour Crux Cu-lu-su. Pour Baptizo , Pa-pe-ti-so. Pour Cardinales Kia-ul-fî-na-iis. Pour Spiritus ....... Su-pi-li-tu-su. Pour Adam Va-tam. PourEva. . Nge-va. Pour Christus Ki-li-su-tu-su. Hoc est Corpus meum « • • Ho-ke, nge-su-tu, Co- ul-pu-su , mevum. Bayer, tom> 1 , pag. i*. Note de Téditeur« i A ROüITOüNSKAlX. ^rjrj Cette impossibilité de prononcer la langue Russe est particulière aux Nikaniens et aux Chinois 5 on ne la remarque pas dans les Ta- tars , les Mongols , les Kalmouks , et les au- tres peuples de P Asie , qui parlent la "langue Eusse. Le commerce avec les Chinois se fait par échange , en plus grande partie (1). Les Chinois (1) Le commerce entre les Russes et les Chinois, dit M» TWilliam. Cox , se fait tout par échange. Il est défendu aux Russes d'exporter de l'argent de leur pays , et même les Chi- nois n'en recevroient point , si cette prohibition n'avoit pas lieu ; car , a la Chine , il n'y a , dans le commerce , que des lingots. Les Russes trouvent plus d'avantage à recevoir des marchandises en échange qu'à prendre des lingots au taux des Chinois. Les Chinois, dit Müller 9 n'ont point de monnoies d'or ou d'argent : les paiemens se font en lingots ; et pour en déter- miner la pesanteur , les marchands portent toujours leur ba- lance. L'or étant très-rare parmi eux , l'argent est la mesure du commerce la plus .commune. Lorsque plusieurs auteurs assurent que les Russes tirent beaucoup d'argent de la Cfeine, ils établissent en fait général ce qui arrive seulement quelque- fois. Pendant la guerre entre les Chinois et les Kalmouks les premiers achetèrent à Kiakta des provisions , des che- vaux , des chameaux, qu'ils payèrent en argent, et cela ré- pandit en Sibérie une si grande quantité de ce métal , que son prix tomba fort au-dessous de sa valeur intrinsèque. La livre d'argent , qui se paye quinze à seize roubles , n'en va- loit alors , sur les frontières , que huit ou n^-uf j mais depuis que la réduction entière des Kalmouks sous l'autorité de l'Empereur de la Chine , a mis un à la guerre , la Russie ic s 3 2.7S 1772" D E K I A K T A fréquentent l'entrepôt des Russes , où les échan- tillons des marchandises sont exposés , et ils y choisissent ce qui leur convient. Les mar- chés s'y font assez souvent ; mais ils se con- tractent le plus communément chez les mar- chands Russes. On commence par stipuler les marchandises que leChinois donnera en échange 5 on convient ensuite de la valeur et du prix des marchandises , de leur qualité , et des frais de transport , en prenant du thé. Lorsqu'on est d'accord, le marchand Chinois met le scellé sur les ballots ou sur le magasin entier , s'il prend tout ce qu'il renferme. Le négociant Russe se transporte chez le Chinois pour choi- sir les marchandises , s'assurer de leur qualité , et s'il n'y a pas de falsification dans les ballots. Lorsqu'il a fait son choix , il trie les ballots , et les fait garder jusqu'au moment de l'échange. Le négociant Russe évalue toujours ses mar- çoit peu d'argent des Chinois. Recueils historiques sur la Russie , tom. III , pag. 593 et suiv. L'argent importé à Kiakta , dit M. William Cox , vient sur-tout des négocians de la Boukharie , qui, après avoir d onné aux Chinois du bétail en échange de ce métal , le livrent aux Russes en paiement des marchandises d'Europe. Ils apportent aussi quelquefois de la paudre d'or ; mais la quantité de ces métaux , qui arrive à Kiakta , est si peu con- fîdéra'ole , qu'elle mérite à peine qu'on en fasse mention. Tout. ce qu'il en vint, en 1777 , n'excéJa pas dix-huit mille deux cent quinze roubles. Note de ^éditeur. A KotTITOUNSKAîA. 279 chan dises un quart, un tiers, et quelquefois une moitié moins que celles de la Chine , sans y rien perdre , parce que la pelleterie de Si- bérie , qui est le principal objet de ce commerce d'échange, se vend toujours le double de ce qu'elle a coûté 5 et souvent on ne peut taxer au juste son prix et sa qualité. Si les négo- cians Russes ne jouissoient pas de cet avantage , ils ne pourroient pas continuer le commerce de la Chine, à cause des frais énormes qu'oc- casionne le transport , et des droits de douane que payent les marchandises d'importation et d'exportation que l'on évalue de vingt à vingt- cinq pour cent. Quand il n'existeroit aucune ordonnance pour interdire aux Russes le com- merce en gros avec les Chinois , en payant ar- gent comptant, ce commerce seroit impossi- ble , par deux raisons : la première , c'est que les Chinois n'accepteroient pas cette condition > la seconde, c'est que les Russes n'y trouveroient aucun avantage. Les bagatelles que les Russes achètent dès Chinois argent comptant , et qu'ils payent en monnoie de cuivre de Russie , doublent de prix pour ceux qui les achètent des marchands Russes à Kiakta , à cause des droits de douane et du bénéfice dû au marchand. Un malheur , c'est que les marchands Russes , et sur - tout ceux qui viennent des extrémités de l'empire , en- chérissent les uns sur les autres pour terminer S 4 ä8o 177*' de KtAKTX promptement leurs affaires ; ils nuisent à leurs intérêts par ce moyen , et donnent trop de fa- cilité aux Chinois. Pour remédier à cet incon- vénient, il a été enjoint au bureau du com- merce, établi à Kiakta, d'ordonner aux négo- ciais Russes de former une société , pour fixer le prix des marchandises , d'après les rapports des commissionnaires., qui sont chargés en ou- tre de donner tous les renseignemens possi- bles aux négocians qui y arrivent. On engage les commerçans Russes à vivre en bonne union , et on leur recommande sur-tout le secret vis- à-vis des Chinois. Mais toutes ces sages dispo- sitions ont été sans effet jusqu'à présent, parce que les Russes n'ont pas d'inspecteur de po- lice , comme les Chinois. La boisson , et sur- tout le grand usage des liqueurs fortes , rendent les jeunes négocians si bavards et si inconsé- quens , que les Chinois savent par eux tout ce qui se passe, ainsi que tout ce qui est relatif au commerce. Je vais donner le tarif des prix de toutes les espèces de marchandises qui forment le com- merce de Kiakta. Il a été fait par le colonel Kropotofy commissaire des limites. Ce tarif comprend toutes les marchandises d'exportation et d'importation. On compte dans les premières toutes celles du crû ou manufacturées en Rus- sie, et celles qui viennent de l'étranger. On a fixé ce tarif d'après ceux de 177p et 1772. A KOU ITO UNSK AI A. s8l > % Je commence par les articles qui regardent la pelleterie, parce qu'ils forment l'objet prin- cipal de l'exportation. On ne transporte à Kiakta que les articles suivans , qui viennent du Ca- nada,, du Kamtschatka , et des îles nouvellement découvertes. Les castors du Canada , de sept à dix roubles la pièce (1). (i) L'Angleterre seule fournit une quantité considérable de peaux de castor, & d'autres, qu'elle tire de ia baie à' Hud- son et du Canada, Etat des fourrures envoyées cV Angleterre à Pétersbourg pendant les années suivantes, peaux de castors. peaux de loutres. 177^ ....... 4^,460 7,143 1776 ...... 27,700 ...... ii,o86. 1777. ..... .17,316 10,705. Le prix moyen des plus beaux castors d'Hudson a été , à Pétersbourg , de 70 à 90 roubles les 10 peaux. Ceux d'une qualité inférieure, et les plus beaux castors du Canada , de 50 à 75. Les petits ou les jeunes castors , de îo à i?. Les plus belles peaux de loutres, de 5)0 à 100. Celles d'une qualité inférieure, de 60 a 80. A Kiakta , le plus beau castor de la baie d'Hudson , vaut de 7 à io roubles la peau. Les plus belles loutres, dlto , de 6 à 3^. L'Angleterre envoie, aussi quelquefois à Pétersbourg des renards noirs du Canada. Ils valent , a Kiakta, de 1 à 100 roubles la peau. Note tirée des Nouvelles Découvertes des Russes entre 282 1772t DE K I A K T -A Les loutres de première qualité, de six à vingt- cinq roubles la pièce. Les Tschernobourié, ou renards noirs ., d'un à cent roubles la pièce. Les Biélo-Douschkij ou renards ordinaires a gorge blanche , à trois roubles et demi. Les Zivodouschki (1) , ou renards de meil- leure qualité que les précédens , à six roubles. Les renards du nord bleuâtres, à deux rou- bles. La plus grande partie des pelleteries de prix , que l'on vend très -cher aux Chinois, se tire de la Sibérie et des îles nouvellement décou- vertes. Il envient une petite quantité des déserts de la Russie. V Asie et V Amérique , avec V Histoire de la conquête de la Sibérie , et du Commerce des Russes et des Chinois , p&g> 1I9 et 190. (1) Les noms des différentes variétés qu'on remarque parmi les renards de la Sibérie , se trouvent dans les Recueils his- toriques sur la Russie , par Müller , tom. 111 , liv. ? et 6. Comme cet ouvrage , peu connu , n'est point traduit , je crois devoir observer que les renards appelés Zivodouschki , ont le ventre et la gorp-e noirâtres. On les nomme Tscher- o fc> NODouschkï , lorsqu'ils sont entièrement noirs. Ceux qui ti- rent sur le noir , et ont aussi les flancs et le dos plus ou moins tigrés de petites taches gris de fer , mais seulement à l'ex- trémité du poil , sont appelés Bocjrié. Les Tschermo- bourïe approchent encore plus àcs renards noirs; ils n'ont du poil gris que sur les côtés de l'épine du dos. Note du professeur Pallas* JL KOUI TOÜNSKAI A. 2$3 Les loutres marines , ou castors de mer (Bo- bri-Morskié) , sont les fourrures les plus pré- cieuses , et celles que les Chinois préfèrent. La pièce des vieilles (Matki) coûte commu- nément de quatre-vingt-dix à cent roubles , et quelques-unes cent quarante 5 les moins grosses ( Roschloki ) , de trente à quarante roubles ; mais jamais au-delà, quoiqu'elles soient portées au même prix que les autres sur le tarif de la douane ; c'est la raison pour laquelle on en ex- porte peu à Kiakta. Des queues de castors de mer , de deux à sept roubles la pièce. Les castors ordinaires des Zidanes , de l'Obi , et du Tschoulim , sans les ventres , de quatre à six et demi roubles la pièce. Les jeunes castors de rivière , appelés aussi Koschloki , d'un demi-rouble à quatre roubles la pièce. Des ventres de castors cousus ensemble , de vingt- cinq à quarante-quatre roubles le sac. Des loutres de rivière , de deux à #nze roubles la pièce. Des ventres de loutres , à trente kopeks la pièce. Des peaux d'ours , de deux à quatre roubles la pièce. Des peaux de loups , les plus communes , d'un rouble quatre-vingts kopeks à deux rou- bles , et les meilleures jusqu'à huk roubles la pièce. 284 1772- DE KlAKTA Les peaux des jeunes loups tirés du ventre de la mère , trente kopeks la pièce. Des pattes de loups , suivant leur qualité, de trente à soixante-dix kopeks. Des loups cerviers, de quatre à seize roubles la pièce. Des pattes de loups cerviers , d'un demi-rou- ble à trois roubles et demi la paire. Des peaux de gloutons , de trois à quatre rou- bles la pièce. Des pattes de gloutons, de vingt-cinq à cin- quante kopeks la paire. Des renards entièrement noirs , ou mouchetés en gris de fer , ou autre couleur , sur un fond foncé , de quatre à cent quatre-vingts roubles la pièce. Des Sivobouschki et Nédolisi , ou renards précoces , d'un rouble et demi à dix roubles la pièce. Des Sivïé , ou renards gris de fer , dix roubles la pièce. Des Ognmanki , ou renards couleur de feu , avec des gorges blanches ordinaires, de quatre- vingts kopeks à neuf roubles la pièce. Des renards blancs, deux roubles. Des jeunes renards communs , d'un rouble et demi à deux roubles. Des ventres de renards , de soixante - quinze kopeks à un rouble la paire. Des D o u s c H k 1 , ou gorges de renards , d'un A KOUITOUNSKAIA. ü85 rouble à un rouble quarante kopeks la paire. Des pattes de renards communes , de dix à soixante kopeks la paire. Les pattes de renards , appelés Bourïé etZi- vodouschki , de vingt-cinq kopeks à trois roubles la paire \ et celles des renards noirs jusqu'à qua- tre roubles. Des queues de renards d'espèce commune ,' quatre kopeks. Des dos de renards rouges cousus ensemble f de vingt-six à soixante roubles le sac. Des ventres de renards cousus ensemble., de vingt à vingt- huit roubles le sac. Des pattes de renards , d'espèce commune , cousues ensemble , de trois à vingt-cinq roubles le sac. Des pattes de zivodouschki , cousues ensem- ble , de vingt - deux à cinquante roubles le sac. Des vieilles peaux de renards , qui ont servi , de douze à dix-huit roubles. T)es Karaganki, ou renards des landes des Rirguis , de cent vingt-cinq kopeks à deux rou- bles la pièce. Des pattes de Korsaki , ou petits renards des steppes , d'un rouble et demi à deux roubles la pièce. Des partes de Korsaki , de cinq à onze kopeks la paire. Des Pestzi , ou renards du nord , de toutes 286 I772. BE KlAKTA sortes d'espèces , comme des blancs, gris de fer ( Goloubié ), des Norkiki, des Sisiaki (1), et des Tschaïeschniki , de cinquante kopeks à deux roubles soixante - quinze kopeks la pièce. Des ventres de renards du nord, bleus, jus- qu'à vingt-sept kopeks la pièce. Des pattes de pestzi, de huit à vingt kopeks la paire, et celles qui viennent des îles situées vers l'Amérique , se vendent plus cher. Des Pesez entières , ou des fourrures de re- nards du nord, jusqu'à cinquante roubles. Des dos de renards du nord , blancs et bleus , eousus ensemble , de vingt à soixante-deux rou- bles le sac. Des ventres de ces mêmes renards , cousus ensemble, jusqu'à dix roubles le sac. Des Siniakï, de douze à vingt-huit roubles le sac. (ï) Les renards blancs du nord sont bruns en été , et ils ont cette couleur en venant au monde. Lorsque les jeunes commencent à sortir de lturs terriers , à la fin d'août , ils n'ont plus que le dos de brun , les flancs sont blancs ; et on les appelle alors Normiki. A la mi -septembre , les vieux renards du nord ont déjà pris leur poil d'hiver ^ ils n'ont plus alors sur le dos qu'une raie brune en croix ; et on les ap- pelle Krestovatiki. Ils sont presque tous blancs au mois d'octobre , et ils n'ont plus que quelques taches brunes sur le dos. Ils portent alors le nom de Tschaïeschniki, et de Siniaki , si ces taches sont grises. à KouitounsîCaià. 287 Des Krestovatiki , ou renards qui ont sur le dos une#raie brune en croix, jusqu'à quinze roubles le sac. Des Tschaïeschniki , ou renards du nord , gris de mouette , de cinq à trente-neuf roubles le sac. Des Nédopestzi , ou renards d'automne, de sept à quarante roubles le sac. Des Norniki , de dix à vingt -sept roubles le sac. Un saç de pattes de Pestzi , blanches ou ti- grées , de huit à vingt roubles. Des couvertures de lit faites de peaux de renards du nord , de différentes espèces et gran- deurs , de douze à soixante roubles. Des zibelines entières de médiocre qualité , et entièrement communes, de deux roubles et demi à dix roubles la pièce. Des dos de zibelines communes, cousus en- semble , jusqu'à cent vingt roubles le sac. Des ventres de zibelines , cinquante - huit ko- peks la paire. Des pattes de zibelines, cousues ensemble, de vingt à cinquante roubles le sac. Des queues de zibelines } de vingt-cinq à cin- quante kopeks la pièce. Des Norki, ou loutres à écrevisses , d'un rouble et demi à deux roubles la pièce. Des peaux de martres , de quatre - vingt - dix kopeks à trois roubles la pièce. s88 177^" *> E Kiakta Des gorges de martres , cousues ensemble , jusqu'à sept roubles le sac. Des queues de martres , à vingt kopeks la pièce. Des fourrures des insulaires , faites de peaux de martres ou de zibelines couleur de maron , de vingt-cinq à quarante roubles la pièce. Cet article vient par Anadirsk. Des hermines de différentes qualités et gran- deurs , ne se vendent que vingt - cinq kopeks la pièce, depuis que les Chinois se «sont ap- perçus de la fraude des Russes , qui les leur vendoient au poids«, et cousoient des morceaux de plomb dans les pattes ; cette coquinerie ren- doit cet objet très-cher, puisqu'une peau d'her- mine revenoit à soixante kopeks. Un sac de peaux d'hermines , cousues ensemble , coûte de quinze à vingt- cinq roubles. Des Laski, ou belettes blanches, de deux à dix kopeks. - Des Koulokki , ou belettes jaunes couleur de feu, de vingt-cinq à vingt-sept kopeks. Des peaux de furets , d'espèce commune , de onze à quinze kopeks. Des queues de belettes et de furets , 'deux à trois kopeks la pièce. Un sac de peaux de furets , cousues ensemble, de trois à vingt roubles. Un sac de ventres d'écureuils du nord , ou petit gris, d'un rouble et demi à dix roubles.' Un A KOUITÔU NSKAI A. 289 Un sac de dos d'écureuils du nord , de trois à vingt roubles. Un sac de têtes d'écureuils , qui se fabriquent près de la Lena, trois roubles. Des Liétagui, ou écureuils vol ans , de deux à six kopeks la pièce. Des Bouroundouki , ou écureuils à raies , de deux à trois kopeks la pièce. Des peaux de lièvres blancs , de onze à douze kopeks la pièce. Un sac fait avec les ventres ou dos de ces lièvres , d'un rouble soixante-dix kopeks à quatre roubles trente-cinq kopeks. Un sac de peaux deKoussAKi , ou lièvres gris, jusqu'à sept roubles. Un sac fait avec des pattes ae lièvres , deux roubles et demi. Un sac fait avec des oreilles de lièvres blancs tannées , trois roubles. La pointe de ces oreilles est noire : ce qui fait une très-jolie fourrure. Un sac de peaux de lapins , jusqu'à dix rou- bles. Des Manoul , ou chats sauvages des mon- tagnes, jusqu'à un rouble soixante - quatorze kopeks, Des peaux de Vouischouscholi , ou rats mus- qués du Volga y de vingt- huit à trente kopeks la pièce. Un sac de peaux de K r o t i , ou rats d'eau Tome V. T 29° IJJI- DE K I A K T A bruns et noirs, que Ton prend près de la Lena, de quatre à dix kopeks. Un sac de peaux d'iÉvRASCHKi, ou musarai- gnes mouchetées , que l'on prend également près de la Lena, cinq roubles. Des peaux de Sourki ou Tarbagani, ou peaux de marmottes, d'espèce commune, ou à qui on a donné une teinte noire , de quinze à vingt-cinq kopeks la pièce. Des fourrures que l'on fabrique dans le Ba- raba , avec les ventres de Gagari , ou plon- geons y qui sont d'un blanc argenté. Une four- rare de ces peaux se vend douze à treize roubles. Des peaux de chiens de mer, qui viennent d'Arkhangel et du lac Baïkal, d'un rouble qua- ran te kopeks à deux roubles la pièce. Des Kotiki tMorskié , ou jeunes ours ma- rins noirs et gris, depuis un rouble et demi jusqu'à six roubles. Des Sanaïaki , espèce de capottes que portent les Iakoutzki. Elles sont faites de peaux d'ours marins , et se vendent de trente à soixante-dix roubles. De grandes valises ou vaches faites de peaux d'ours marins gris , de quatre à vingt roubles. Des matelas de peaux d'ours marins se ven- dent jusqu'à quatre-vingt-neuf roubles. Des peaux de Pishi , ou jeunes rennes d'Ia- koutzk, de quatre à cinq roubles et demi. On vend aussi aux Chinois toutes les rognures - X KOÜITOUNSKAIA? 319t de peaüx ( Loskouti) , et sur-toüt Celles de peaux de prix. Les bois ou cornes des saïgaks. Une paire de cornes se vend de soixante à quatre-vingts kopeks. Les Chinois en font des vitres pour les lanternes, qui sont assez transparentes. Des fiels d'ours sèches , soixante-dix kopeks la pièce. Des bourses de Kabargtjinié - Stroui, ou castors de Sibérie , de quatre - vingt à cent vingt-cinq kopeks la pièce. On présume que les Chinois s'en servent pour falsifier le vrai musc. Les Russes vendent aussi aux Chinois des peaux d'animaux domestiques , telles que Des peaux de chats privés de toutes sortes de couleurs., quatorze kopeks la pièce. Des dos de peaux de chats , cousus ensem- ble , après avoir rassorti les couleurs. Le sac coûte deux roubles, et jusqu'à quinze, si les peaux sont noires. Des Merlousciïki , ou peaux d'agneaux noires et fines , de trente kopeks à un rouble dix ko- peks la pièce. Des merlouschki , couleur de renard , brunes i grises, et couleur de perle, de vingt à soixante kopeks la pièce. Des peaux d'agneaux , communes , noires , eC blanches , de vingt-cinq à ciziquante-huit kopeks la pièce. Ta £9a 1772' DE KiAktA DusSaksourki, ou peaux d'agneaux à longue laine, tant noires que tigrées, de trente- cinq kopeks à un rouble la pièce. Des grandes peaux de moutons , communes , noires et blanches , de vingt-cinq à quatre-vingts kopeks la pièce. Des Imanina , ou peaux de chèvres , de douze à quarante kopeks. On en emploie beaucoup pour les fourrures communes des Mongols. Des peaux de chiens , de cinquante kopeks à un rouble. Des peaux de cuir de Russie., noires et rouges, de deux roubles cinquante kopeks à quatre roubles. Des Viroski , ou petites peaux de bœufs , d'un rouble à deux roubles cinquante kopeks. Des Opoïki , ou peaux de veaux préparées , de cent soixante-quinze à cent quatre-vingts ko- peks la paire 5 les plus grandes , de soixante k cent cinquante kopeks la pièce. Des peaux de maroquin, de quatre-vingt-dix kopeks à deux roubles. Des moutons en vie , d'un à deux roubles. Des taureaux, de dix-sept à vingt-huit rou- bles. Des chevaux coupés , vingt roubles et plus. La viande de bœuf, un rouble trente kopeks le poud. La viande de mouton , un rouble le poud. Du suif de bœuf et de mouton, deux roubles le poud. A KOUITOUNSKAIA.' 2Ç)3 La graisse de chien de mer , d'un rouble cin- quante kopeks à deux roubles le poud. La colle forte commune , de quinze à trente kopeks la livre. La colle de poisson , jusqu'à dix roubles le poud , et en détail , de quarante à quatre-vingts kopeks la livre. Je passe aux marchandises manufacturées. Le drap commun , dit drap de soldat , se vend un rouijle Par chine ou aune. Le drap commun de Russie , de quarante ko- peks , à un rouble cinquante kopeks et plus Par- chine. Les draps de paysans 9 qui se fabriquent près de la Lena , et ailleurs , teints et non teints , de douze à trente-cinq kopeks Parchine. Des Voïloki , ou feutres fabriqués avec de la laine de mouton , de deux à trois roubles la pièce. Le camelot de Moskou , trente kopeks Par- chine. La calmandre de Russie., de vingt-cinq à cin- quante kopeks Parchine. Le droguet de Russie , cinquante kopeks Par» chine. La toile damassée commune , de trente-neuf à soixante kopeks Parchine. LaNABOÏKA ou toile à petits carreaux ou œil de perdrix , quinze kopeks Parchine. T 3 1?72- *> e Kiakta La Pestked, ou toile peinte , cinquante- cinq kopeks l'archine. La toile commune, de six à sept et demi kopeks l'archine. La toile à serviettes, quinze kopeks l'ar- chine. La Tik , ou grosse toile rayée , de trente à cinquante kopeks. Des mouchoirs communs, vingt-un kopeks la pièce. Du papier à tapisserie , seize roubles la * rame. > Des chaudrons de cuivre jaune pour le thé , d'un à deux roubles. Des bouteilles de verre commun , et autres vases de la verrerie d'Irkouzk, cinquante ko- peks. Des glaces de toutes grandeurs , avec leurs bordures , des miroirs de toutes espèces, de dix kopeks à quatre roubles j les plus grandes glaces., quarante roubles. DuMischouraj ou or faux, de vingt-cinq à quarante kopeks la pièce. Des haches , de cinquante kopeks à un rouble quinze kopeks. Des serpes et des faulx, de trente-trois à qua- tre-vingts kopeks. Les couteaux de poche communs , qui se ferment, deux roubles la douzaine; et d'au- tres , de quarante kopeks à trois roubles. A KOUITOUNSKAIA. 295 Des couteaux communs à gaine, vingt -cinq kopeks la pièce. Des ciseaux communs , quinze kopeks. Des cadenats communs , de cinq à cinquante kopeks. Des serrures qui se font à Pavlofsk , de dix à quarante-deux kopeks. Les Chinois achetoient autrefois avec avidité plusieurs autres articles , qui sont des produc- tions du pays ; ils en payent encore quelques- uns assez bien , tels que le Sliouda , ou verre de Moskovie, qui vaut encore à présent de sept à vingt roubles le poud. Mais ce prix est bien inférieur à ce qu'il valoit anciennement 5 on payoit alors à Peking une livre de talc en grande table , de huit à dix roubles* Les marchandises de manufactures étrangères , qui entrent dans le commerce , sont , Des draps d'Angleterre , de Hollande , de France , et d'Allemagne , de deux à quatre rou- bles Parchine. On en vend aussi à un moindre prix. Des camelots , de soixante-dix kopeks à un rouble Parchine. Des calmandres , à trente roubles la pièce. Des droguets, d'un demi-rouble à deux rou- bles Parchine. Des flanelles blanches , de soixante-six kopeks à un rouble Parchine. T4 29^ 1772' DE K I -A K T A Des étoffes d'or , de vingt à trente roubles Far- chine. / Des moires en or, avec des fleurs en soie , quinze roubles l'archine. Du fer-blanc, de quinze à trente-un ltopeks la feuille. Et toutes sortes de miroirs de manufactures étrangères. Je passe aux marchandises de la Chine , que les Russes prennent en échange , et qu'ils font passer dans l'empire et chez les étrangers. Les marchandises de soie de la Chine ne sont plus aussi bonnes qu'elles l'étoienj; autrefois. Les satins et les damas sont si minces et si Légers , qu'ils ne valent pas la peine d'être importés dans les villes de l'empire de Russie. Les Chi- nois fabriquent, même aujourd'hui , pour trom- per le public,, beaucoup de damas dont la trame est en fil d'orties. On ne voit presque plus de ces riches et forts satins, ni d'excel- lentes étoffes qu'ils fabriquoient autrefois. Les Fansa et KitaïkA sont les seules étoffes qui aient conservé leur ancienne qualité. Les Fans a sont des taffetas minces et unis, sans gomme, faits avec de la bonne soie. Les Kit aï k a sont des étoffes de coton teintes , les plus fortes et les plus solides de toutes les étoffes tissues des Chinois. Le thé n'est plus d'aussi bonne qualité qu'autrefois , et coûte plus cher. Les marchands Russes le regardent comme A KûUlTOUWSKAïA, 297 la marchandise la plus précieuse , et celle qui se vend le mieux. La porcelaine est ensuite l'article d'importation le pins considérable. Les Chinois commencent à imiter les Européens , pour la forme, la peinture , et la force qu'ils donnent à leurs porcelaines ; il paroît qu'on leur a fait passer des modèles par Kouang- Tscheou-Fou (1). Leurs porcelaines et tableaux représentent des figures Européennes , des or- nemens , des divinités Romaines , et des co- pies très - bien exécutées de nos gravures et tailles -douces. J'ai vu, chez un Chinois, le tableau de Pygmalion, ainsi que l'oiseau en cage , copié d'après une gravure Françoise. Plusieurs négocians Russes apportent à Kiakta des gravures d'Allemagne très - médiocres : ce qui n'empêche pas u^i grand nombre d'amateurs Chinois de les acheter. Les autres marchandises de la Chine sont : Des pièces d'argent fin fondues et chargées d'un coin ou timbre. C'est la monnoie cou- rante des Chinois (sa). La livre est évaluée dans le commerce à seize roubles. De la soie écrue , dont l'exportation , à ce (1) Canton. (2,) Cette monnoie a communément la forme d'un feu à cheval , parce qu'anciennement un cheval a déterré avec le pied des morceaux d'argent natif; ce qui a donné lieu à la découverte de la première mine d'argent. 298 1772' DE KlAKTA qu'on assure , est défendue en Chine sous peine de mort. Ce commerce est interlope , et les Chinois n'en apportent pas autant que les Russes le désirent. Le poud de soie écrue, de première qualité , se vend cent cinquante roubles, et celui de qualité médiocre soixante- quinze roubles. La livre de soie écrue de pre- mière qualité se vend en détail trois roubles cinquante kopeks. Du coton brut , mais très-propre , se vend quatre roubles quatre-vingts kopeks le poud, et monte quelquefois jusqu'à douze roubles. Les Chinois gagnent beaucoup sur cet article, car ils emballent leurs porcelaines avec ce coton. De la soie filée de toutes sortes de couleurs, de deux à quatre roubles la poignée. De la soie à coudre , plus forte que la pré- cédente, de quatre roubles et demi à six roubles la poignée. Elle est connue sous le nom de POLOUTARNAIA. De la soie à coudre , dite de Mongolie , de toutes sortes de couleurs, mais de mauvaise qualité , de deux à trois roubles la poignée. Quoique les étoffes de soie de la Chine, les toiles et étoffes de coton soient bien infé- rieures en qualité ace qu'elles étoient autrefois, elles sont encore fixées aux prix suivans : Des velours unis très-légers et en pièces de neuf archines , de neuf à douze roubles la pièce. A KOÜITOUNSKAIA. 2$<) Des velours a fleurs, de qualité un peu meil- leure , la pièce de même aunage , de dix-huit à vingt- cinq roubles. Des étoffes à ramages , de vingt- cinq à trente roubles la pièce. Des Pi an fa ou satins à fleurs et unis. Les pièces les plus grandes et les plus larges qui contiennent jusqu'à vingt aunes, coûtent qua- rante roubles. Ceux d'une moindre qualité et de seize archines , de quinze à vingt-cinq rou- bles -, les pièces les plus petites de dix à vingt roubles, et les satins appelés Masljanki, de dix à dix-huit roubles. Des Gooli ou damas, que les Boukarskï apportent à Kiakta. Les grandes pièces valent de douze à vingt roubles, et les petites de onze à treize. Des clamas des manufactures Chinoises dont une pièce de quinze à seize archines , coûte de douze à seize roubles, et les petites de dix à onze. Des gros de tours à fleurs et unis, de dix à trente roubles la pièce. L'étoffe appelée Kézet , dont les pièces sont de différens aunases. L'archine est évaluée à environ un rouble, et la pièce de dix à vingt roubles. Le Baïbérek , dix roubles la pièce. Le Oussi, espèce d'étoffe de soie de mau- vaise qualité, qui a le lustre du satin , de cinq à dix roubles la pièce. 3co 1772- DE Kiakta Du Fansa ou taffetas mince de la meilleure qualité, en grandes pièces de vingt à vingt- deux aunes , de dix à douze roubles ; ceux de moindre qualité dont la pièce a seize archines , de six à huit roubles 5 les petits taffetas de trois à quatre roubles et les taffetas brochés , qui sont plus mauvais , deux à quatre roubles la pièce. Du crêpe en soie , la pièce vaut de deux à dix roubles, et l'archine de vingt-cinq à trente kopeks. Des Lan s a en soie, un rouble et demi à deux roubles et demi; ceux mi-soie d'un à deux roubles et demi la pièce. Du K o u t n a de Boukharie , étoffe de coton mêlé de soie avec des raies satinées , trois roubles la pièce. Du ruban de soie , la pièce de petit aunage , de quatre-vingts kopeks à un rouble. Du crêpe en soie vernissé, propre à faire des capottes pour la pluie , de deux et demi à cinq roubles la pièce. Du taffetas vernissé pour le même usage , de trois à six roubles la pièce de petit aunage. Des capottes pour la pluie , de crêpe ou de taffetas , de trois à cinq roubles. Des Asiami , habillemens Chinois, en forme de robe-de-chambre; ces habits sont en satin, damas , lansa , ou en crépon , mais ils ont été portés. Les premiers coûtent de trois à quinze A K O V I T O U N S K A I A . 3o 1 roubles , et les autres de quarante-cinq kopeks à un rouble. Des rideaux de soie , de dix à vingt rou- bles. Des couvertures de lits en soie., de cinq à dix roubles 5 celles de lansa ou d'étoffes de coton , d'un demi-rouble à deux roubles. Des houpes de soie rouge pour mettre sur des bonnets , quarante-quatre kopeks. De la flanelle de coton frisée d'un côté comme les fines peaux d'agneaux, de dix à vingt-cinq kopeks Farchine ; la pièce , de cinquante ko- peks àtfrois roubles. De l'indienne de Boukiiarie, de deux à quatre roubles la pièce. Du Kitaïka de différentes couleurs , de cinq et demi à sept roubles le ballot de dix petites pièces. Celui de la première qualité , qui est glacé 9 se nomme Lanskaiaou Pé- KINSKAIA. Du KitaÏka de Boukiiarie à plis, ap- pelé Skladnaia, cinq roubles le ballot. Du Sëmilannaia ouPiatilannah à fleurs , de quatre à sept roubles le ballot. Du Schanschaï de la grande sorte , de sept et demi à dix roubles le ballot $ la moyenne , de sept à dix , et la petite , de six à huit. Du grand Kitaïka non lustré, de douze roubles et demi à quinze roubles le ballot. 3dà 177^ » E KlAKTA Du Kitaika Sabîzovaia à fleurs, de six à sept roubles le ballot, et le grand, jusqu'à dix roubles. L'Odinzovaia ou Kita ïk A roulé, la pièce de onze archines et demie, d'un à un rouble et demi. Des Kitaïka communs et plus grossiers, ap- pelés ToB.GOVAiA.et Valkovaia , de trois à cinq roubles le ballot. Du Daba ou indienne blanche étroite, d'un tissu grossier, les grandes pièces de quinze à vingt archines , un rouble \ les petites pièces de dix à dix-huit archines , de cinquante ko* peks à un rouble. Du Dalemba, étoffe de coton étroite , un rouble et demi la pièce. La seconde classe des marchandises d'impor- tation consiste en toutes sortes de vaisselles et d'ornemens de porcelaine, faïence, émail, et autres , et un grand nombre de bagatelles de luxe. Je vais donner seulement les prix des principaux objets. Des tasses et soucoupes de porcelaine ordi- naire , quatre roubles la douzaine ; les plus com- munes avec ou sans couvercle, de trois à cin- quante kopeks la paire. Des assiettes et petites jattes , de cinq ko- peks à un rouble; des plateaux de dessert, deux roubles et demi, et des assiettes de des- sert, de deux à quinze kopeks. a Kou i toi; n sk Ai a. 3o3 Des services à thé sans les tasses, ou caba- rets à thé complets, de cinq à douze roubles; dés théières , de dix kopeks à un rouble ; des pots à lait , cinquante kopeks. Des petites jattes, de six à cinquante kopeks, et avec leurs soucoupes , de vingt-cinq kopeks à un rouble et demi. Des jattes à-punch avec leurs plateaux, un rouble. Des tasses , jattes , théières , petits pots , çt autres objets semblables en terre , de quatre à trente kopeks. Des petites assiettes , tasses , et théières en pierre , et autres objets de même matière, de dix à vingt- cinq kopeks. Des grandes assiettes en plateaux, de même matière , trois roubles. Des cabarets émaillés avec six tasses et sou-? coupes , de vingt-cinq kopeks à un rouble et demi; les théières pareilles, de quinze kopeks à un. rouble soixante kopeks ; des sucriers et boîtes à thé , de vingt - cinq kopeks à un rouble et demi ; des assiettes à dessert , de deux à quatre roubles ; des assiettes de dessert plus petites, de quarante-quatre kopeks à trois roubles; des salières, des huiliers, des gobe- lets, et autres objets semblables. Des services de dessert complets , trois roubles. Des plateaux de bois vernissé, et autres choses semblables, de vingt- cinq kopeks à un rouble et demi. 3o4 177a. DE K I A K T A Des jattes en bois vernissé qui se font à Maïm-atschin , de cinq à quarante kopeks. Des grandes écuelies en cuivre., cinquante kopeks 3 des cuillers à puiser, et autres objets , de vingt à cinquante kopeks. Des cuillers à puiser et autres ustensiles de fer , de quatre à trente kopeks 5 des écuelies de fonte de différentes grandeurs , de cinquante kopeks à deux roubles et demi ; des boîtes pour les roues , et des cendrières (1). Une paire de ces boîtes et deux cendrières coûtent jusqu'à cinquante kopeks. Le cent des cendrières vaut vingt- cinq kopeks. Des armoires en laque , du vernis le plus fin, de quatre-vingt-dix à cent cinquante roubles et plus 5 les plus communs vernis sur bois , trente roubles et plus. (î) Les Chinois ne pourroient se défaire de ces chétives marchandises de fer , si les forges d'Irkouzk n'étoient sup- primées j il reste quelques forgerons qui ne fondent qu'une certaine quantité de fer de première nécessité. Les marchan- dises de fer sont très chères dans cette contrée, car la livre de fer coûte trois kopeks au marché de Sélenguinsk , et se vend encore plus cher à Irkouzk. Les Chinois ont commencé à fondre du fer en gueuse dans des fourneaux à main, près du lac Iro , à environ 50 verstes de Kiakta. Comme ils n'en forgent pas de petit fer, ils sont obligés d'acheter des Russes tous les objets d'acier , et de les payer très-cher. Le fer de fonte leur revient à bon compte, et ils peuvent le vendre avec avantage. Dec A KOUITOUNSKAIA. 3o5 Des cassettes en laque , à tiroirs , propres à toutes sortes 'd'usages , d'un rouble et demi à dix roubles. Des petites boîtes et cassettes travaillées en ivoire, cinq roubles. T>es petites boîtes incrustées en nacre de perles et en écaille , de vingt-cinq à soixante-six kopeks. Des tableaux dits bibles Chinoises , peints ou en stéatite ou en hoire, et figurés en bosse sur un fond de soie, de cinq à trente rou- bles. Toutes sortes de petites figures en porce- laine., argile, ou autres matières , à différens prix, selon que le travail est plus ou moins fini. Des boîtes à pendules et à montres en laque ,' pour poser sur une table ou sur une cheminée, de soixante-quinze à cent vingt kopeks. Des lanternes de corne, de ueux à trois roubles ; des petites lanternes de Lansa, voile ou papier, de vingt-un kopeks à un rouble soixante -quinze kopeks 5 et des petites lan- ternes de poche en papier, cinq kopeks. Des images peintes sur soie et papier , de vingt-cinq kopeks à trois roubles la pièce. Du papier à thé , de vingt-cinq kopeks à un rouble les cent feuilles. De Pencre de la Chine commune, de cin- quante kopeks à onze roubles les cent tablettes, ou de quarante kopeks à un rouble la livre. Tome V. V 3o£ 177^" T)E Kiakta Celle de la meilleure qualité avec ou sans étui , vaut de trente à cinquante kopeks la ta- blette. Du blanc de céruse dans des petites boîtes , d'un à cinq kopeks. La petite boîte de vermillon coûte jusqu'à un rouble. Une petite boîte de couleur rouge , vingt- cinq kopeks. Du vernis en vessie , de deux à cinq ko- peks. Du papier à fard , de cinquante kopeks à deux roubles le cent. Les pastilles à brûler , d'un à dix kopeks le paquet , et trois roubles cinquante kopeks la boîte. Du Densoui , médicament terreux en petites tablettes de forme cylindrique. Il est rouge , jaune, ou noir, et ressemble beaucoup à la pierre de Goa. La tablette se vend d'un kopek et demi à cinquante. Des cannes de jonc, de dix-neuf à cinquante kopeks $ des cannes de bois vernis } trente ko- peks. Des éventails en Lansa , et autres étoffes , de quatre à quatre-vingts kopeks la pièce. Des Gansa, ou petites pipes en fer, de ileux à six kopeks la pièce $ d'autres en laiton ou cuivre blanchi, mieux façonnées que les premières,, de quatre à cinquante kopeks. A KOU ITOUN5K AI A. 3oj Des bourses à tabac , quinze kopeks ; des briquets et des limes , de dix à quinze kopeks. Des verres ardens, dix kopeks $ des lunettes avec leur étui, quarante kopeks; de mauvais cadrans solaires Chinois renfermés dans une boule creuse de laiton, avec un petit miroir, quatre-vingts kopeks. Des lampes de verre garnies d© petites chaînes vingt-cinq kopeks. Des cuillers à café , de cuivre blanchi , deux kopeks. Des aiguilles à coudre , en paquets , de vingt kopeks à un rouble le millier. Des coraux de verre , de vingt -cinq kopeks à un rouble le millier. Des coraux rouges élastiques , faits d'argile et trempés dans de l'huile , de vingt-cinq ko- peks à deux roubles et demi le millier. Des pierres factices polies à facettes de dia* inant, dix kopeks la pièce (1). DesPoLOviîsTSCHATiÉ ou perles fausses plates, un rouble le millier. Des coquillages (2) appelés porcelaine ou tête (1) Les Chinois, dit M. Cox , vendent quelques rubis , mais ces pierres ne sont pas d-unp grande valeur. Les rubis sont de contrebande. Les Russes vendent aussi aux Chinois, à très- haut prix , des perles qui sont défendues ; les Chinois les en- lèvent avec empressement ; on, pourroit en faire une branche de commerce très-utile. Note de l'éditeur. (z) Cyprœa nodosa. Les Indiens ont donné le nom de cora a ces coquillages. V a 3o8 177*' »e Kiakta de Méduse , de quinze à cinquante kopeks.' Des fleurs fabriquées avec la moelle d'une espèce de plante, dont les couleurs sont très- vives , d'un demi-kopek à deux kopeks le bou- quet. Des peaux de tigres , sept roubles ; des peaux d'irbis où de léopards , deux roubles. Des singes vivans, selon leur grosseur et leur gentillesse, de cinq à vingt-un roubles. Les marchandises de troisième qualité con- sistent dans toutesles espèces de thés , dans plu- sieurs denrées , et en toutes sortes de friandises. Le thé Shoulan ou bon thé vert,, un rouble la livre; de cinquante kopeks à un rouble le Baschtscha ou paquet; en boîte de plomb ou dans une petite boîte en bois , ৠcinquante kopeks à huit roubles ; en caisses , de cuiquante-neuf' à quatre-vingts roubles ; en Mest ou panier , de cinquante- cinq à quatre- vingts roubles. Le thé Lausouméi ou thë* Boy de première qualité 9 en petites boîtes de bois , d'un à six roubles ; en boîte de plomb , d'un à deux rou- bles; la livre deux roubles. Le thé Monischo, de quarante à cin- quante kopeks le Baschtscha; cinquante roubles la caisse. Le thé Taïr - Za , de quarante à cinquante kopeks la livre ; de trente-sept et demi kopeks à un rouble le baschtscha $ en boîte , un rouble» A KotT ITOUNSKAï A. Soj cinquante kopeks $ un Zïbik jusqu'à quatre rou- bles; en petits paniers, de cinquante à soixante- dix kopeks. Le thé LonschovoÏ, seize roubles le poud$ de Vingt-quatre à vingt-cinq roubles 3a caisse £ de vingt à quarante kopeks le baschtscha. Le thé Baïschovoï ou thé Boy de seconde qualité, de -cinquante à quatre-vingts kopeks la livre; de trente à quatre-vingts kopeks le baschtscha ; de trente-cinq à soixante roubles la caisse j de trente à quatre-vingts roubles le panier ; trente roubles le bortogon ; de qua- rante kopeks à deux roubles vingt-cinq kopeks en boîte de plomb , et de deux à quatre roubles la boîte joliment travaillée et plombée en dedans. Le thé Boy commun, de trente à cinquante kopeks le baschtscha; de vingt-quatre à trente roubles la caisse. Le thé Ouï, de douze à quarante rfepeks le baschtscha j vingt roubles la caisse. Le thé Lougan, un rouble et demi le bor- tO"On. Le Kibipitschnoï-Tschaï (1) (qui est un thé (i) Les Russes ont appelé ce thé, Kirpitschnoï-TschaÏ ( thé de brique ) r parce qu'on le foule en forme de tablettes d'environ deux empans de Ion?, sur un de larçe , et douze à treize lignes d'épaisseur. On le récolte dans les provinces Tes plus septentrionales de la Chine ; ce sont les feuilles d'un v3 *iö 1772. DE K I A K T A foulé) , de vingt - cinq à cinquante kopeks la tablette; de treize à dix - huit roubles le panier. Du T schar ou tabac jaune de la Chine, quinze kopeks la livre ; de dix à vingt kopeks le baschtscha; et vingt à trente roubles le panier. * ' ' ■ iii. 1 û arbuste qui ressemble beaucoup au sorbier des oiseaux. La préparation consiste à faire macérer les feuilles dans l'eau. Les Mongols sont ceux qui en consomment le plus j ils ne peuvent être un jour sans prendre de ce thé; il en est de même des Russes et des Rouriats qui demeurent au delà du Baikal. Il est astringent", et humecté. avec l'eau qui se forme du sang- des animaux qu'on égorge, arm de donner de la so- lldite aux tablettes. Il est très-nourrissant , et sur-tout lors- - qu'on p'int du lait et du beurre? s on infusion ', ou de l'huile et de la farine , comme le font les Russes les jours de jeûne. On voit des imprimés sur ces -tablettes ; ifl désignent le nom du lieu ou elles ont été fabriquées , et .les qualités du. the. J'ai fait traduire du Mandshour un de ces imprimés y dont voici le contenu : « de la fabrique d'Iounzed-Zedsi , Gou* » vernement ce Nan-shin ; thé salubre , parfait et admirable > » récolté dans sa fraîcheur dans le second mois du printems > y> à la rosée tombante ; thé qui surpasse en qualité les meil- » leures sortes de thés de Sououlou , Péioarl, Loutan, Fin- » sou , Sioupan , et de Louidsian ». Un habitant de Sélen- guinsk a essayé de contrefaire ce thé , en faisant un mélange de feuilles du bouleau nain y de saxifrage à feuilles épaisses ( saxifraga crassifolia ) , et de la pyrole à feuilles rondes (pyrola rotundîf'otia ) ; il espéroit en vendre beaucoup aux Bouriats et aux Kalmouks ; sa fraude a d'abord été décou- verte , parce qu'il n'a pu donner à ses tablettes la solidité nécessaire. A KO U IT OTT WS KAI A. 3l i Du tabac noir, à vingt kopeks le baschtscha. Du sucre candi , de dix à quinze kopeks la livre, et le panier jusqu'à vingt- cinq roubles. Du rîzj d'un rouble soixante kopeks à quatre roubles le poud. Du millet, de soixante kopeks à deux roubles le poud. La farine de froment , dé cinquante kopeks à deux roubles quarante kopeks le poud. Du gingembre confit , - de^ deux roubles quatre- vingts kopeks à huit roubles le poud. Des oranges confites de trois quarts de kopek à trois kopeks la pièce; de quatre à six roubles le poud. Du Radi a m ou anis étoile, de six roubles cinquante kopeks à douze roubles le poud. Des arbouses ou melons d'eau, quinze ko- *peks la pièce ; des Aléma ou pommes de ca- chou, dix kopeks la livre y àes poires, un et demi kopek la pièce ; des pommes* de vingt kopeks à trois roubles le cent ; des pommes sc- ellées, de cinq à dix kopeks la livre j, des châ- taignes, de cinq à quinze kopeks lav livre, ou cinq à six kopeks Je cent; des noix., de dix à trente kopeks le cent \ dés Schou.ptou oa , de trois à quinze kopeks la ]ïvre. . Des confitures et gelées de fruits au sucre _et au miel., de cinq à trente kopeks la livre j et un grand nombre d'autres articles sem- blables. / V 4 5l2 1772; ÜB KlAKTA On a vu par ce tarif que la pelleterie , les peaux préparées, et plusieurs marchandises grossières manufacturées , des draps de di- verses qualités et couleurs , de la verrerie, et les bestiaux forment la plus grande partie des mar- chandises d'exportation qui passent en Chine; et que les principaux objets d'importation con- sistent en cotons brûta, soies écrues, en étoffes de soie et coton , eri thé, tabac, porcelaines , :^n toutes sortes de petits meubles et bagatelles. Les Chinois achetoient autrefois beaucoup plus de vivres, et sur-tout de farine, et les payaient plus cher ; ce commerce est considérablement diminué depuis qu'ils font cultiver les terres ■voisines-de 'v> \;ieu par de pauvres Mongols. Ils ach- 6 Russes beaucoup de gros bé- 'ta^1 ;'rpî iif empalement des chevaux, parce que -!e£ -"Mongols ne sont pas riches en bestiaux'/ ;et parce 'qne leurs chevaux sont encore" plus mauvais qtfe ceux to« Russes. Ils sont très- curieux de beaux cMens, et sur-tout des lé- vriers, des dogues, et des caniches, qu'ifs payent couvent fort cher. Le commerce de i'horlogerie n'offre presque plus de bénéfice ., parce que les Chinois reçoivent à bon compte les montres par Canton. Ils apportent même à Kiakta des montres qui sont dérangées et les y vendent à vil prix aux Russes., parce qu'ils n'ont per- sonne pour les raccommoder. Le commerce avec les Chinois procure de A KOU ITOU N SK A I A. 3lS grands avantages à la Russie, puisqu'elle y débite ses productions , et sur- tout celles des contrées éloignées de la Sibérie, telles que la pelleterie commune > dont la vente ne payeroit pas le transport i si on étoit obligé de les faire passer dans l'Empire. Les ftusses vendent aussi très-cher aux Chinois les superbes peaux de castors , dont ils ne trouveroient aucun dé- bouché en Europe à cause de leur prix ; ces peaux font le principal objet du commerce du Kamschatka , et sont le produit des navi- gations périlleuses qu'us entreprennent dans ces parages. La Russie tire d'ailleurs , en échange , des marchandises et des objets de nécessité qu'elle seroit obligée d'acheter des Nations Européennes au désavantage de la balance de son commerce. Le trésor de la couronne retire aussi de grands avantages de ce commerce, parce que les marchands Russes sont obligés de payer de très- gros droits, tant pour les marchandises d'importation que pour celles d'exportation. La douane de Kiakta a rendu en 1770 , cinq cent cinquante mille roubles et presqu'autant les deux années précédentes. Cette somme n'est pas le produit de toutes celles qu'on y vend en échange, parce qu'elles payent des droits plus ou moins forts , et que plusieurs productions du pays 11 en payent 'point. Les principales marchandises, et celles dont la qualité est à peu près égale j sont portée8 3i4 177/l' DE Kiakta sur le tarif à un droit fixe ; celles qui nTy sont pas assujetties, payent vingt- trois pour cent pour ce qui est pelleteries , bestiaux , et denrées/ dix-huit pour cent pour toutes les marchandises manufacturées en Russie , dix- neuf pour cent pour toutes les fourrures de zi- beline ; et seize pour les glaces et miroirs. Ces marchandises payent en outre un pour cent sur le canal , et sept pour cent pour l'entretien des préposés et commis de la douane. Les mar- chandises d'exportation exemptes de droits., sont toutes les espèces de papiers, tous les draps fabriqués en Russie , excepté les draps des paysans , les eaux - de - vie de grains , et les liqueurs faites avec ces mêmes eaux -de -vie; celles d'importation sont , les cotons bruts et teints , tous les coraux de verre , les perles fausses, le blanc de céruse , les éventails de toutes façons , des indiennes de Taschkent et autres , les aiguilles à coudre , le «in membre confit, et les confitures tant sèches que liquides, le riz, tous les joujoux d'enfans, les instrumens de musique , et autres , la porcelaine , la po- terie, les objets vernis et émaillés , et toutes sortes de meubles et ornemens. Un grand nombre de marchandises étoit prohibé autrefois, et réservé à la karavane que le gouvernement envoyoit en Chine. On y comprenoit toutes les pelleteries de prix, la zibeline , les renards noirs et de couleur foncée , les renards du nord bleus et noirs , les loutres, A KoüitounskAiA, 3i5 les castors , et le tabac. Cette prohibition n'a plus lieu, depuis la suppression des karavanes, ce qui est un grand avantage pour les négo- ciais Russes qui commercent à Kiakta. Les seules marchandises d'exportation prohibées aujourd'hui, sont : les armes à feu , les canons, et munitions de guerre , les étalons et jumens , les peaux préparées et non préparées ou salées de cerfs, de rennes et d'élans, ainsi que les cuirs tannés, les peaux de chevaux, le poil de castor, la potasse, la résine, les fils de lin, et les galons (i) $ parmi les importations, le sel , l'eau-de-vie , les poissons, la monnoie de cuivre et la rhubarbe. (Je crois devoir terminer cette description de M. Pallas par le morceau suivant, tiré de l'excellent ouvrage de W^Uiiam Cooc , intitulé : Les nouvelles découvertes des Russes entrée V Asie et V Amérique , avec V Histoire de la -Conquête de la Sibérie , et du commerce des Russes et des Chinois. Cox doit une grande partie de ses lumières au professeur Pallas , qui lui a communiqué une partie de ses ma- nuscrits.) La table suivante montrera de quelle im- portance le commerce de la Chine est pour la Russie. (i) ïl y a un grand pront à porter en contrebande -des ga- lons a'.ix Chinois , car ils les payent presque aussi cher que s'ils étoient d'argent massif. Mutier. 3i6 1772. »E KlAKTÀ Exportations et importations de l'année 1777 , à Kiakta: roubles. kopcks. Les droits perçus a h douane ont monté à . 481,4^0 55 f L'importation des marchandises de la Chine , à 1,466,497 3 l Celle de l'or et de l'argent , à . . • 11,2-15 Total des importations . . . . 1,477,7 12, 5 \ L'exportation des marchandises ou produc- tions Russes, à - . 1,313,611 3f Ainsi la somme totale des importations ■ et des exportations a été de . . . , 1,791,333 38 \ La contrebande qui forme un article très- considérable , n'est pas comprise dans ce calcul ; et Tannée 1 777 n'ayant pas été aussi favorable que les précédentes (1) au commerce interlope., on peut estimer, sur un taux moyen , le commerce total de la Russie avec la Chine , à quatre millions de roubles ou vingt millions de livres. , (1} En 1770, 177 1 , 1772 , les droits perçus à la douane de Kiakta , ont produit 550,000 roubles. Si l'on prend un terme moyen entre cette somme et celle de 481,460, mon- tant des droits perçus en 1777, il sera de 515,730. Comme les droits perçus en 1777 font à-peu-près la sixième partie de la valeur totale des exportations et des importations , ea multipliant 515,730 par 6, on aura pour la valeur totale ( moyenne ) des exportations et des importations, 3,094,380. Mais plusieurs articles ne payent rien , et le commerce inter- lope étant évalué , d'après le taux le plus bas , au cinquième des exportations et d^s importations , le total du commerce de la Chine est d'environ quatre millions de roubles. A KOÜITÖ UNSKAT A. B17 Le gouvernement s'est réservé le commerce exclusif de la rhubarbe 5 comme il n'y avoit pas eu de livraison depuis deux ans , on venoit de passer un contrat avec un Boukarski nommé Abdousalam, et son fils Adoula. Mourat Akiliin, père d'Abdousalam , avoit été anciennement chargé de cette fourniture , et en avoit fait un monopole. Ces Boukarski sont de la ville de Se lin y située au sud-ouest du Koko-Noor (1) vers le Thibet (2) et soumise aujourd'hui à la domination des Chinois,, ainsi que celles de Kaschkar , lerken , uétràr*:et autres. La con- trée est couverte de hautes montagnes , dé- pourvues de bois en plus grande partie. La rhubarbe croît sur ces montagnes entre les ro- chers , au nord de Sélin , et presque jusqu'au' Koko-Noor. On reco.niioît les vieilles racines qui sont les bonnes , à leurs tiges larges et épaisses. Les Tangouts qui les tirent, commencent leur récolte au mois d'avril ou de mai. Ils les net- toyent au moment même où ils les arrachent , et les suspendent aux arbres voisins, jusqu'à ce que la récolte soit entièrement finie : ils les (1) Lac bleu. (i) Le Séllngol baigne cette ville , et lui a donné son nom. C'est un fleuve considérable , formé par la réunion de deux rivières qui sortent des montagnes, et dont le Gours est fort rapide. Il se jette dans le JChattoungol , nommé par les Chinois Choango ou Chongo* 3i8 1777" DE Kiakta emportent alors chez eux. On dit que la feuille de cette plante est ronde et fortement dentelée ; on doit donc regarder la vraie rhubarbe comme le rheum compactum , et non comme le rhewn ■palmatum > dont les feuilles étoient entièrement inconnues aux Boukarski , auxquels je m'a- dressai pour vérifier ce fait. Le rheum undu- latum commun croît peut-être aussi dans cette contrée sur les montagnes du Thibet , situées plus au sud , qui sont ouvertes et plus sèches. Ce rheum fournit d'excellentes racines, tandis que celui qui croît sur les montagnes froides et humides de la Sibérie ne donne communé- ment que des racines pourries. On pourroit peut-être cultiver la rhubarbe dans certaines contrées de la Daourie et près de l'Enisséï , en observant que la plante doit toujours être à sec., et transplantée souvent. L'empereur de la Chine a défendu , sous des peines très - sévères , l'exportation de la rhu- barbe de la première qualité (1). On en obtient par contrebande, en gagnant les préposés , qui la laissent mêler dans les sacs avec de mau- vaises racines. Ces sacs , qui sont de laine , con- tiennent plus de cinq pouds y on les charge sur des chameaux : et cette marchandise arrive ainsi à Kiakta. Le collège du commerce y entretient (i) Les iMongols appellent la rhubarbe Schara-Modo ♦ (racine jaune) y et les Chinois , Dokscho. x Kouitounskaiä. 3i 9 une commission particulière pour choisir., re- cevoir ,, et payer en pelleteries la rhubarbe qu'on. y apporte : un apothicaire fait l'office de vé- rificateur. On y dépose la rhubarbe dans un magasin destiné à cet usage» Des ouvriers jurés la brisent par morceaux, pour la nettoyer et enlever tout ce qui est gâté 5 ils mettent de côtelés racines spongieuses et les vermoulures. On pèse toutes celles qui ont été jugées bonnes, et on les paye suivant le prix convenu. On brûle tous les rebuts , ainsi que l'écorce des morceaux de choix , qui pourroit cependant être employée à des extraits ou autres préparations pour les hôpitaux. Le gouvernement s'est déjà procuré deux fois , à grands frais , de la graine de rhubarbe, par le moyen des Boukarski. J'ignore quelle est l'espèce de rhubarbe provenue de la meil- leure de ces graines. La dernière graine que l'on a obtenue par un Grec nommé Simon ATa- nouélofsin-Skerletqf \ n'a produit que le rheum. pahnatum , bien connu de nos botanistes. Il étoit employé autrefois dans la commission de la rhubarbe , et il s'étoit procuré de la graine d'un Boukarski de ses amis. J'ai déjà observé que plusieurs personnes, qui ont vu croître la rhubarbe sur les montagnes du Thibet , son pays originaire, ont décrit ses feuilles d'une manière entièrement différente du rheufii pal- fyaturn. Cette racine vient peut - être de di- 3lO 1772. DE K 1 A K T A verses variétés de cette plante. Il seroit facile de s'en assurer,, en faisant des essais avec le rheum que l'on possède dans le jardin botani- que de Pétersbourg. Il faudroit au moins dix ans pour faire ces essais , afin de laisser le tems aux racines de prendre la croissance nécessaire. Il seroit intéressant de faire ces essais dans une contrée semblable au Thibet. On ne peut en trouver de meilleures , dans l'empire de Russie, que les montagnes entièrement dégar- nies de bois , situées entre l'iious et l'Enisséï , près d'Àbakansk et de Saïansk ; cette contrée paroît avoir beaucoup d'analogie avec celle où Croît la rhubarbe. La partie méridionale de la Daourie , près de l'Onon et de l'Argoun , y seroit peut-être également propre , parce que la température est la même que celle du Thi- bet, qui, quoique plus au sud ^ est rafraîchie par la hauteur de ces montagnes , qui occa- sionne naturellement un air froid. Il suffit de préparer, dans ces contrées, une bonne terre sur une couche de rocher , et d'y semer , à différentes hauteurs et expositions, de la graine de toutes les espèces de rhubarbe que nous pos- sédons , et d'attendre le tems nécessaire pour observer l'issue de cette culture. J'ai vu, pendant mon séjour à Kiakta, des petits morceaux de rhubarbe blancs comme du lait. Elle est douce au goût, et a les mêmes propriétés que celle de la meilleure qualité» L'apothicaire A KoTriTOTTffSKÄIÄ? 3lt L'apothicaire se proposoit de trier tous ces morceaux, et de les envoyer séparément à Pétersbourg pour la pharmacie de la cour. J'ai été témoin oculaire des sots préjugés des Chinois à l'occasion d'une" éclipse de lune, le 6 avril. La garde Chinoise , qui veille à la po- lice , est dans l'usage de se promener toute la, nuit , et à chaque heure , les hommes qui la composent frappent sur des planches , pour prouver qu'ils veillent exactement à la sûreté publique. Mais, cette nuit, toute la ville étoit sur pied, et tous les Chinois faisoient le même bruit que les hommes de garde. Ce tapage com- mença à la nuit tombante , un moment après que les portes de la ville furent fermées, et il dura pendant toute l'éclipsé. On faisoit ce bruit eu frappant sur des planches et sur des chaudrons \ on entendoit , près du temple , le bruit des cloches et des timbales 5 les chiens, qui aboyoient de tous côtés , augmentoient cet horrible bac- chanal. On ne voyoit presque pas un seul Chi- nois dans la ville le lendemain ; il étoit facile de s'appercevoir de cette désertion : car ils ne font communément qu'aller et venir. Je m'in- formai de la cause, et j'appris que le 7 avril étoit annoncé dans leur calendrier comme un jour sinistre ; que le travail leur étoit défendu ce jour-là , et qu'ils ne s'occupoient qu'à se bai- gner. Je fus vivement surpris de voir un peuple Tome F% X 3z% 1771- i> e K I À £ T ï civilisé et fort instruit s'attacher ainsi aux pré- dictions de leur calendrier , qui leur dicte l'oc- cupation de chaque jour , et à tant d'autres pré- jugés. Ils ont la bêtise de croire que l'éclipsé vient de ce que leur AraschoullA (1) a mis la main sur la lune , et qu'ils sont obligés de vo- ler à son secours , et de repousser l'esprit , en faisant beaucoup de bruit, On pardonneroit à peine un préjugé aussi sot aux stupides Mon- gols. Ils montrent autant de petitesse d'esprit dans les incendies 5 ils s'imaginent que le dieu du feu a fait choix de leurs maisons comme d'un holocauste, lossque le feu y prend. Il y avoit eu récemment un incendie à Maïmats- chin ; plusieurs maisons furent à l'instant ré- duites en cendres 5 la ville eût été entièrement consumée, sans les Russes qui se trouvèrent dans la ville. Ils s'attroupent autour des mai- sons qui brûlent , et ils jettent un peu d'eau dans les flammes , pour appaiser leur dieu du feu. Quoique très-superstitieux, les Chinois n'ont pas beaucoup de vénération pour leurs idoles. Ils ne se rendent aux temples que les jours de prières fixés à la nouvelle et à la pleine lune de chaque mois. Ils y entrent sans ôter leurs bonnets. Ils mettent les deux mains devant le visage, et se prosternent cinq fois devant cha- -...(t) Mauvais esprit aérien. A KötriTOTTKSKAiA# 3^3 ijTie idole. Plusieurs touchent du front la mar- che du trône où est assis le Bourkhan; chacun s'en retourne après cette cérémonie. Ils arbo- rent des drapeaux devant leurs temples les jours de grandes fêtes , et portent sur les autels de leurs idoles un grand nombre de mets. Leur jour de l'an , qui est la principale fête , tombe à la pleine lune de février , et ils le nomment xe jour Blanc, ainsi que les Mongols. Cette fête dure pendant toute la lune. Les bedeaux du temple profitent de ces offrandes ; ils se rassemblent, le soir, sur les ailes des bâtimens de la première cour du temple , et ils s'y réga- lent. ^ Les Chinois jouent des comédies sur le petit théâtre dont j'ai parlé. Ces pièces tiennent du. burlesque et du satirique. C'est communément une critique de leurs juges qu'ils taxent d'in- justice. Ils ont plusieurs autres divertissemens : ce qui ne les empêche cependant pas de va- quer à leurs affaires. Les Russes regardent ce mois comme le plus favorable au commerce , parce que c'est celui où les Chinois y sont le plus disposés , attendu que leur calendrier leur prédit tout le bonheur possible pour ce tems. Il arriva à Kiakta, le 8 avril , un Taïscha, ou prince Mongol, revêtu du titre de Bos- chKA ( i ). Le Sourgout - Schéi des Chinois — _ _ ,_ — . | (i) Bosckka signifie un émissaire qu'on expédie d'un dé* X 3 ltivoit annoncé la veille. Le commandant le reçut cle bonne heure , ainsi que sa suite ; il lui offrit à déjeuner, et lui donna une escorte pour le conduire à Seien guinsk. Il venoit d'Ourga i résidence Mongole , située près du Tola , dont nous avons parlé. Il venoit se plaindre de plusieurs Toungouses, qui étoient sous la protection de la Russie. Ces miséra- bles , en chassant , pendant l'hiver , près de rOurgoun , avoient empiété les limites d'envi- ron vingt verstes ; ils furent faits prisonniers par une troupe de Mongols , qui chassoient de ce côté. Les Chinois profitèrent de ces pe- tites occasions pour expédier sur le champ un envoyé à Irkouzk , et se plaindre amèrement de l'infraction faite au traité des limites. Je partis de Kiakta le 9 au soir. Comme je îi'avois pas rencontré , en m'y rendant , le Kambolama, ou grand-prêtre des Mongols ., et qu'il m'avoit promis de se trouver à mon re- tour, je dirigeai la route vers Tschikoï, et arrivai près des temples le lendemain au ma- tin. Je vis , dans les places du Tschikoï , qui étoient dégarnies de glaces, un canard (1) dont il n'existe pas encore de description. Il est hupé , et les plumes de ses ailes sont variée* facilement à un autre , chargé d'ordres peu importans. On donne aussi ce nom à des envoyés publics. (1) Anas falcata. Appendix, n°. 38* A KouitounskAià*. 3^5 clé plusieurs couleurs. Ce canard passe l'hiver en Chine , et habite, pendant l'été , les fleuves de la Daourie , ainsi que les bords de la Lena et de l'Enisséï. Il s'y rend par petites troupes , en criant dan s les airs. Je repris la route de Seien guinsk le 10 après- midi. La nuit nous surprit entre Bérégovaia et Frolovo - Saïmka. ~Les voituriers y qui ne con- noissoient pas bien la route \ s'égarèrent, et nous conduisirent au nord - est , au - delà du ruisseau de Stoudénaiaj nous fumes obligés de traverser deux autres ruisseaux que nous avions laissés sur le coté , en nous rendant à Kiakta, parce que nous avions dirigé notre route plus près du Tschikoï. Le premier de ces ruisseaux s'appelle Potassé - Schibir ; on dit qu'il se perd dans un lac qui a un écoule- ment momentané dans le Tschikoï. Le second, nommé Tagalsaré-Sckibir , se perd dans le sable. Nous ne nous apperçûmes de notre er- reur qu'auprès de ce second ruisseau. Nous découvrîmes , dans le voisinage , des iourtens Baschkirs; nous y envoyâmes chercher un guide, qui nous conduisit à Frolovo-Saïmka , en nous faisant traverser un pays assez uni. Nous par- tîmes le lendemain au matin pour nous rendre à Sélenguinsk. Le tems étoit toujours assez sec et agréable, ex* cepté vers le milieu d'avril , époque où des venta du nord,, très-froids, régnent toujours en Si- X 1 3a6 \jil de K i a k t ä bérie. Ils se firent sentir. Je trouvai , à mon arrivée à Séléguînsk , le Sélenga dégarni cle glaces , en plus grande partie , tandis que le Tschikoï et le Khilok étoient encore bien pris. Ce dernier ne commença à dégeler que le 20 avril. Le soleil avoit déjà une telle force , que la campagne commençoit à verdoyer au sud vers les collines, et les fleurs printanières à paroître. Je remarquai, le i3, dans un terrain sablonneux , les premières fleurs de la vraie coquelourde (1)3 on en voyoit chaque jour davantage. J'apperçus, le i3 , l'alysse à feuilles de pourpier de mer (2), qui croît dans les fentes des rochers de ces montagnes couvertes de sables. Je trouvai, un peu plus loin, dans la plaine , l'alysse de montagne (3) , et la pas- serage thlaspidioïde ( 4 ) dans les fonds qui étoient plus humides \ elle commençoit à fleu- rir. C'est une des premières fleurs printanières qui paroissent sur toutes les montagnes de la Daourie , et près de l'Enisséï. Je vis , le 20 , les premières fleurs de l'argentine sans tige (5) , T-r N 1 ■ - . ■ ■- ,_ 1 iij ii 1. -1-1 -m ■ 11 .ir _ m ■ !■_■ jj... ■ 1 m um— - n-i (1) Anemone puis atllla. (%) Alyssum halimifolium, (3) Alyssum montanum. (4) Lepidlum thlaspidioïde s foliis cordatis , superioribus amplexicaulibus. Hall. Helv. p. 546. Flor. Sibir. III , p. 2?4, n. iz , tab. 56, fig, L Lepidium perfoliatum* Linn. (5) Potentilla subacaulis* A KOUITOUKSKAIA. 3^7 qui abonde dans les plaines sablonneuses. Ses feuilles conservent leur verdure sous la neige , et sont, au printems , la première pâture des troupeaux des Bouriats. Ils broutent en même tems les feuilles desséchées de la véronique blanche (i) , et deux espèces de coquelourde. Cette véronique est un purgatif salutaire pour ces animaux , et les guérit communément de la gale qu'ils gagnent en hiver; le suc de cette plante est un caustique , et forme des cloches sur la peau des hommes. La contrée de Seien guinsk est trop peu va- riée pour occuper un naturaliste pendant un printems entier. Désirant terminer bientôt mon voyage en Daourie , et me rendre , en automne , sur les bords de FEnisséï, pour y botaniser , je résolus de ne pas m'arrêter à Seien guinsk plus long-tems. Je partis avant la fin d'avril. J'y laissai un de mes jeunes observateurs pour recueillir toutes les plantes priiitanières de cette contrée. Plusieurs routes conduisent par la grande chaîne de montagnes de Khilok au fleuve In- goda , et par conséquent dans la vraie Daourie , que l'on appelle ici Sakamennaia (2). Je les (1) yeronlca incana. C'est la véronique dont les fleurs à épis terminent les tiges 5 ses feuilles sont opposées , cré- nelées et obtuses ; sa tige est cotonneuse et hérissée. Note du Traducteur, (1) Province au-delà des montagnes. x 4 328 1772.' i> e K i A k t ä aurois prises de préférence , parce qu'elles sont encore peu communes ; mais elles ne sont pas praticables , et sur-tout au printems 5 les piaules d'ailleurs n'y paroissent que tard, par rapport au froid qui règne dans les montagnes. Je vais donner ici les observations que je me suis pro- curées sur les routes et sentiers nouvellement découverts , qui conduisent du Khilok à l'In- goda. On trouve , à plus de deux cents verstes de l'embouchure du Khilok , en le remontant, des villages nouvellement établis. En remontant le fleuve depuis Sibildouiskaia , le dernier de ces villages , on ne trouve plus de routes pra- ticables en voiture , à cause de la montagne , qui est couverte de rochers et de bois. Il fau- droit , en été , pour parvenir à l'autre route , qui est plus haut , remonter le Khilok en ca- nots : ce qui n'est pas praticable alors , parce que les eaux sont trop basses. Le chemin le plus court, qui traverse la montagne ., conduit du Khilok au Khilkotschou ou Bloudnaia ; on le côtoie, en descendant , jusqu'à son embou- chure. On suit après un ruisseau qui traverse la montagne , nommée Iablonoï , jusqu'au lac Taréï. On côtoie ensuite le ruisseau de Tanga, qui tombe dans l'Ingoda , et on le traverse en- tre les deux petits lacs saumâtres , appelés Bié- 3LiÉ. On atteint le village et le ruisseau de Schiou- schalann. On passe par les villages de Scha- & Koi/iTô u n s K A r A.' 3^9 schal an n et de Goréchanskaia , et on arrive enfin au village à clocher de Doroninskaia , après avoir côtoyé l'Ingoda. Cette route n'est pratica- ble qu'en hiver et au printems , avant le dégel des marais. La seconde route, en partant du Khilok , passe près du Siinovié de Goreschinskoé , situé à environ quarante verstes au-dessus de l'em- bouchure du Khilkotschou. On remonte le ruk- reau de Gorékha , qui tombe, à gauche, dans le Khilok. On traverse la montagne qui avoi- sine le ruisseau de Gorékhazan; on laisse , à peu de distance, le lac Torom (1) , pour aller en ligne directe au village de Doroninskoé. On compte soixante -quatorze verstes du Khilok à l'Ingoda par cette route, qui n'est praticable qu'à cheval , à cause des montagnes , des rochers , et des marais. La troisième route remonte le ruisseau d'Ou- liataï, qui se jette dans le Khilok , traverse la montagne près d'un ruisseau du même nom , qui coule vers l'Ingoda. Elle côtoie ce dernier ruisseau en descendant, et passe par le petit village d'Ouliataï , situé sur cette rivière. On ne compte que cinquante yerstes par cette route , qui est assez marécageuse. On y a cependant fait passer > en 17^0, une compagnie d'infan- terie avec ses équipages , qui avoit remonté le ■—"———' — — — — ~j — — » \ (1) Lac rond. 33o I772. DE K I A K T A Khilok dans des canots. Elle alloit en Daourie. Des convois de vivres prennent fréquemment cette route en hiver, et on transporte, au prin- tems, par cette route, le plomb des usines de Nertschinskoï, On pourroit la rendre même très- commode , en traçant le long du Khilok un chemin pour les voitures. Il existe une autre route praticable en voi- ture ^ qui commence plus haut , à environ vingt verstes de l'endroit où le Khilok sort du lac Irguen. Elle longe le ruisseau de Kouka, qui se réunit au Khilok sur la gauche. Elle se di- rige vers un ruisseau du même nom , qui prend sa source à plusieurs verstes du premier dans les montagnes limitrophes, et tombe dans l'In- goda. On le côtoie , en descendant , jusqu'à Kouskinskaia-ï-'érevna. On ne compte par cette route que trente-neuf verstes du Khilok à Fin- goda ; mais il y en a cent dix de Koukinskaia au village à clocher de Doroninskoé. Les habitans des villages , situés sur l'In- goda , ont encore une route plus courte pour se rendre au Khilok ; lorsqu'ils veulent aller pêcher dans le lac ïrguen, ils prennent en droi- ture par les montagnes près du ruisseau de Kou- schmaléi, qui tombe dans le Khilok, à peu de distance de sa source. Je fus obligé de prendre la route ordinaire pour me rendre en Daourie ; elle passe par Oudinsk , en remontant l'Ouda. Je partis pour À Kou r t o u k s k a i A. 33i cette ville, le 22, avec M. Sokolof, mon des- sinateur et mon chasseur. Je ne suivis pas le chemin qui longe le Selen ga , et la montagne qui le borde ; je fis un petit détour le long de sa rive orientale pour me rendre à la mine de fer découverte près du Kouitoun. Les forges v de ce canton travaillent 5 elles fournissent du fer et de l'acier à tout le territoire de Sélen- guinsk. Je fis environ dix - huit verstes , en descendant le Séîenga. La passerage thlaspi- dioïde ( 1 ) fleurissoit plus abondamment. Je trouvai , dans les forêts àe pins , deux espèces d'ortolans (2) , et dans les broussailles dé saule qui bordent le rivage , beaucoup de pies bleues de ciel (3) à tête noire , dont les queues sont très- longues. Elles ne paroissent qu'au com- mencement du printems $ elles arrivent alors de la Mongolie et de la Chine , et elles font leurs couvées près du Sélenga,, de l'Onon , et de l'Argoun , de préférence à toute autre contrée. Malgré le grand nombre de ces oi- seaux , qui se tiennent par troupes , il nous fut impossible d'en tirer un, par rapport à la variation de leur vol , et parce qu'ils sont trop attentifs à observer ce qui se passe autour d'eux, J'en fus dédommagé par une fauvette (1) Lepidium perfoliatum, (1) Emberi^a-Cia, Pithyornus. (3) Corvus cyanus, Appendix, n°. 31. 33a *772> J) e KiaktA' aurore (1), superbe oiseau qui est très-rare. Je m'éloignai du Seien ga , et traversai une montagne de sable , pierreuse et boisée j, et en- suite une profonde vallée, Niinaia - Khilots- kaia-Pad, et i' atteignis le Khilok. Il y avoit deux jours que la débaxle des glaces avoit com- mencé, et ses eaux étoient très-hautes. Le bac avoit besoin de réparation ; la traversée n'étoit pas praticable , à cause de l'obscurité , et d'une petite pluie, accompagnée d'un gros vent. Je passai la nuit sur le bord de la rivière, où je fis faire bon feu. Le lendemain au matin, mes voitures la traversèrent l'une après l'autre sur une petite barque , soutenue par. des poutres , à Khilotskaia, appelé aussi Kharitonova-Dé- kevnA. Ce village est composé d'environ trente maisons , dont les deux tiers sont occupés par des Polonois, qui y sont établis depuis dix ans. Ces nouveaux colons n'avoient pas encore payé ia capitation en grains , à laquelle les anciens liabitans du gouvernement d'Irkouzk sont as- sujettis.'Ils payent tous les ans deux pouds de seigle par chaque désettine de terre labourable. On cultive ici du sarasin ; les Polonois sèment dans leurs jardins des melons , qui y réussis- sent aussi bien qu'à Sélenguinsk , parce que le terrain est sablonneux , et parce que l'ex- position du midi est ouverte et chaude. (i) Motacilla aurorea. Appendix, n°. 73«. X IC o tri TO u nsk a i a. 333 Le Khilok, quoiqu'assez large, est si bas en été , qu'on le passe à gué en voiture ; on n'y Voit aussi , en poissons de passage , que des lenki, des khariousi, et un peu de taïmen. L'o- nioul n'y entre pas , quoiqu'on prétende y en avoir apperçu autrefois. On traverse et on ren- contre , en remontant ce fleuve , les villages de Parkina ., BalenguinsLaia , Katangarskaia , Dlptouiskaia, Koukounskaia - Kaïdabaefskaia , Narinskibir, appelé aussi Kataïefskaia , Bé- loplotofskaia , Malétinskaia , Sokotoieiskaia , Sardamiskaia , Pestsclianskaia , Ouksoulouz- kaia , Kotiourskaia , Bouiskaia , le bourg de Krasnoïarskaia , Bitschourskaia , Iélanskaia , Manguirtouiskaia , Sibildouiskaia , et Khaba- roiskaia. Les uns sont situés sur le fleuve , et les axitres sur les petits ruisseaux qtd s'y jet- tent. Les lieux suivans sont sur la rivière da Toungnoui, et les ruisseaux qui s'y jettent., laquelle tombe dans le Khilok , au-dessus de Kharitonova ; savoir , le nouveau bourg de Moukerskibir , et les villages de Kokouiskaia , Scharaldaefskaia, Zaghanskaia , Kharaskibirs- kaia , Bourdoukofskaia , et INikolskoé-Sélo. On y compte quatre cent cinquante paysans, qui y sont nés , et trois cent cinquante colons nouvel- le ment établis. îl existe près du Khilok, à environ cent ein t quante verstes de son embouchure, un riche minerai de fer i on 1§ trouve dans une monta- 334 177'1' DE Kiakta gne boisée. Le régiment de dragons, qui est en garnison à Irkouzk , s'occupoit autrefois à en fondre dans de petits fourneaux • mais personne n'en fait cas aujourd'hui. Je m'éloignai du Khilok pour longer le petit ruisseau de Tirgoutoui, qui se jette dans ce fleuve près de Kharitonova. Le vallon qu'il ar- rose est entouré de montagnes boisées en plus grande partie; j'y remarquai beaucoup de pe- tits oiseaux, et sur-tout un ortolan sauvage (1) d'une espèce rare. J'y vis aussi , près des flaques d'eau , un papillon (2) qui abondoit dans ces forêts. Je quittai ce ruisseau, et traversai plu- sieurs côtes élevées , garnies de rochers , dont la partie sud étoit émaillée des fleurs de l'ar- gentine sans tige (3) , et de la pulsatille à fleurs ouvertes (4)- J'arrivai à une habitation isolée , occupée par un Kosaque de Sélenguinsk. A cinq verstes plus loin , je trouvai des sources qui se réunissent au petit ruisseau de Dschi- guirim , où est située une très-belle métairie f qui appartient à un habitant de cette ville , nommé Dvoriianin. J'attendis ici des chevaux de relais , qui dévoient arriver du petit village de Klioutschi , qu'on laisse sur le côté. Je con- {1) Emberi\a rustica. Appendix, n°. 61% (x) PapiLio C. aureum. (3) Potent 'Ma subacauîis, (4) Anemone patens. A KCUITOTJNSKAIA. 335 tîmiai ma route. On va en droite ligne àKoui- toun. La route, qui tire sur la droite du ruis- seau , et traverse la montagne vers le village de Tarbagantéi, est très-pénible. C'est la raison qui me fit préférer un autre chemin , un peu plus long de quelques verstes ^ mais plus agréa- ble et plus uni. Il traverse Tarbagantéi. On remonte le Dschiguiri in entre des collines dont plusieurs sont couvertes de bois. On le passe au bout de huit verstes. On voyage à travers des forêts de pins montagneuses , et l'on arrive à une contrée ouverte et assez unie. J'atteignis, vers la nuit , le bourg de Tarbagantéi. Il ren- ferme près de quarante maisons , dont dix sont occupées par des colons Poionois. On y remar- que une assez belle église. Il est situé sur le ruisseau de Kouitoun (1) , et sur celui de Tar- bagantéi (2) , qui se réunissent. La nuit fut si froide et si orageuse , que je résolus d'y cou- cher. Ce bourg a pour chef un VibornoÏ , ou an- cien. , qui est élu tous les ans par les village* qui sont sous sa Jurisdiction. Ces villages sont ceux de Bournaschefka et Mikaïlef ka , situés près du Kouitoun ; ceux de Gaïtourinskaia , Kabalina , Souïefska , Krasnoïarova , Sascha- rova, Kalenova , Restschikova , et Sotnikova > (1) Le froid. (z) Des marmottes. 336* îyjz. de Kiaktà situés sur le Sélenga ; ceux de Roupischefka ,* et d'Ivolguinskaia , sur l'Ivolga ; et ceux de Barskaia , Kounaléiskaia , Branskaia , Khobo- dolskaia , Ouboukounskié , et d'Iengashinskaia. Jls doivent leurs noms aux ruisseaux qui les arrosent. Il y en a trois qui se nomment Ou- boukounskié. La population de ces villages et du bourg monte à trois cent neuf paysans , et à quatre cent soixante-six colons , qui s'y sont éta- blis depuis peu. En sortant de Tarbagantéi , je remontai le Kouitoun , qui sort d'une montagne sauvage ; cette montagne méritoit cette épithète , puis- qu'on ne voyoit pas encore de plantes vertes clans toute sa contrée. Les endroits les plus pro- fonds sont couverts de fleurs de sel, et onap- perçoit plusieurs places salines entièrement dé- pourvues d'herbages. Je crois que Ton peut regarder la nature saline du sol comme la cause du froid qui règne dans cette contrée 5 le voi- sinage des montagnes couvertes de forêts , et le site même du pays, l'augmentent encore. J'atteignis , à cinq verstes , le village de Pes- teréva , composé de six maisons , et ensuite celui de Nadéiina , qui en a neuf, que je lais- sai sur le côté. Je traversai les petits ruisseaux d'Oulountoui et de Soultoura , qui tombent dans le Kouitoun , et arrivai au village de Koni- tounskaia , situé à peu de distance de la source de cette rivière. On y compte soixante-quatorze maisons. A Köü ITÖTTNSKAr A? 53^ maisons. Les anciens habitans en occupent trente $ les autres sont la demeure des colons Polonois , qui se donnent beaucoup de peine pour défricher des terres dans ces montagnes couvertes de bois ; la nature les dédommage heureusement de leurs travaux par de vastes champs : mais ils manquent de prairies et de pâturages pour leurs bestiaux, qui sont assez nombreux. Cette contrée est beaucoup plus froide que celle de Séleuguinsk; le lin , le chan- vre ß le sarrasin, et les pois n'y réussissent pas , et Je froment même n'y mûrit pas. Ces co- lons en ont fait l'expérience plusieurs fois , et ils ont toujours perdu les semailles qu'ils avoient achetées. On leur a donné depuis du sarrasin de Sibérie ; ils le cultivent } et ils espè- rent en faire de grosses récoltes dans la suite. Il ne réussit pas dans les lieux bas , parce quo les brouillards et les gelées blanches commen* cent de très - bonne heure près du Kouitoun 5 le dégel d'ailleurs se fait très-tard dans les val- lons , où la gelée détruit tout , excepté les seigles d'été et d'hiver. Les hauteurs sont un peu plus chaudes, et les grains y réussissent bien ; mais par malheur il arrive fréquemment que les sécheresses font évanouir l'espérance de ces cultivateurs laborieux. Pour défricher les endroits couverts de brous- sailles , ces Polonois se servent d'un soc de jcharrue , dont le fer est de la môme forme que Tome V* Y 338 *77** * B KïâktA' ceux dont ils faisoient usage en Pologne. Leur Kossoula , ou charrue à deux chevaux, sans roue et avec des roues , est la même que celle de Pologne. Par ce moyen , ils labourent à une plus grande profondeur , et ils détachent mieux les racines qu'avec le soc de la charrue des Eusses. Leurs socs sont triangulaires , de la lar- geur d'une grosse main, et bien aiguisés. Ce- lui de la droite est posé à plat , son bord in- térieur tourné vers le fond \ celui de la gauche est placé en sens contraire , son tranchant ex- térieur tourné vers le haut. Ils adaptent à ce- lui-ci une pièce de bois ferrée ou non ferrée , qui sert à retourner le sillon avec lui. L'autre soc coupe les racines que l'on rencontre. Il a été inventé par de vieux paysans Russes , qui se sont anciennement établis en Pologne. Ces colons Polonois se servoient auparavant d'une charrue très-lourde, telle qu'on les a commu- nément, et ils voyoient avec chagrin que leurs travaux étoient infructueux. Il n'est pas possible de fertiliser le sol des montagnes , même avec des engrais. Ces Po- lonois l'ont tenté plusieurs fois , et les semailles s'y sont toujours desséchées. Quelques-uns des anciens habitans ont de nombreux troupeaux de moutons de race Mongole, qui ne sont guère plus gros que ceux des Russes ; mais leurs queues sont des pelotons de graisse. La plupart ont le tête noire ^ et les brebis ont rarement des A RCUITOÜ KSK ATÀ? cornes. Les Russes élèvent aussi beaucoup de chèvres ; elles sont de bon rapport , parce que leurs peaux servent à faire des fourrures. Le plus grand nombre n'a point de cornes , attendu que les Bouriats , qui gardent le bétail des Russes pendant l'été , ont soin de ne laisser accoupler ces chèvres qu'avec des boucs sans cornes , pour que ces animaux ne blessent pas les autres. Les Bouriats m'ont assuré qu'un bouc pouvoit s'accoupler , en un jour , avec cinquante chèvres , et les féconder toutes , et tin bélier soixante brebis : ce qui paroît in- croyable. Les Kalmouks affirment la même chose. La plupart des agneaux naissent avec de belles peaux frisées 5 on les vend très-cher aux Chinois pour des peaux de Eoukharie. Ces Polonois ont conservé l'usage de coudre dans de la toile les agneaux nouvellement nés, et ils ont soin de les mouiller avec de l'eau chaude tous les deux jours. Ils les laissent dans cet état trois ou quatre semaines avec les mères , jus- qu'à ce qu'ils jugent leur laine suffisamment frisée. Ils y regardent de tems en tems , et ils lâchent aussi la ficelle qui lace la toile, à me- sure que l'agneau prend delà croissance. Lors- que la laine leur paroît assez belle, ils tuent l'agneau, pour conserver ces peaux dans leur beauté. Les forêts des montagnes , qui avoisinent le Kouitoun , sont composées de pins ; les ciines Y % Z4& 1772.'. be KixßTA les plus élevées sont boisées de mélèzes , qui garnissent sur- tout la Sinaia-Gora (1) , située* au nord-est , près de l'embouchure du Koui- toun 9 appelé autrefois le Petit Khilok j c'est la plus haute montagne de la contrée. On pré- tend y trouver encore beaucoup d'élans , et autres animaux sauvages. On ne rencontre des cèdres qu'à trente ou trente - cinq verstes de là , et sur - tout près du ruisseau de Béléga , qui se jette dans le Souschala ; celui-cî tombe dans le Toun^aoui , et ce dernier dans le Khilok. Ces monta «mes renferment des minerais. Des mineurs de Nertschinsk ont fait autrefois des fouilles sur une montagne située à trois verstes , sud - ouest de Kouitounskaia. C'est une plate^ forme qui a plusieurs petites bosses. Elle est séparée des autres montagnes boisées , qui l'en- vironnent, et d'une extrême aridité. Pour s'y rendre , on traverse le Kouitoun , qui se sépare en deux bras près du village , et le Narim- Goréchon , à deux verstes plus loin , ruisseau qui tombe dans cette rivière. On voit, au som- met de sa cime , deux puits assez voisins ; ils ont été commencés , à l'est , sur le filon d'une gangue cuivreuse, peu large. Il s'étend au sud-est, en déclinant vers le vallon. Ces puits sont entourés de plusieurs fouilles , où l'on ne découvre qu'une pierre sauvage. La gangue est imprégnée d'un vert de montagne pauvre | {1} Montagne bUuç« A KOUITOUNSKAIA. 3zft on remarque une légère croûte dendritique dans une roche cornée ou de quartz gris, remplie de trous. On y observe un très-léger mélange de galène. On n'y a pas travaillé depuis long- tems. L'anémone à fleurs ouvertes (1), la pul- satille (a) , et l'alysse à feuilles de pourpier de mer (3) , commençoient à fleurir près de la mon- tagne. Les deux premières avoient des fleurs bleues. S. V I I I. De Kouitounskaia a Moüngoüzk oï. Du 2.5 avril au ier mai. Fouilles de K oui tins koï. — - Mines de Katscher- guinskoï. — Minerais de fer près du ruisseau de Kittitéi. — Fonte de fer près du Koui- toun. — Oudinsk , 5o vers tes. — Ruisseau JDabatéi. — Ruisseau de Noc/wï. — Lac Oué- jrioukéi , 36 verst. — Magicienne Bratskire. — 'Narang - Noor , 2.8 vers tes. — Lossiévo- Simovié ? 55 verst. —Rivière de Koudou?i\ -—Mine de Moinigouzkoï , i5 v. — Slaniz^ Goutschitskoï y 33 verst. On a fait des fouilles plus considérables sn| (i) Anemone païens-, {%) Anemone pulsatillcu (3) Alyssum kaliniifoUum, y 3 3^2 1772- :DE Kouitounskaiä une montagne moins escarpée , située plus haut à l'est clu village , et près de la rive gau- che du Kouitoun ; elles promettoient plus de richesses. La place où l'on a entrepris ces tra- vaux est à environ six vers tes de Kouitouns- kaia. On y passe pour se rendre à une mine de fer, qui avoisine le ruisseau de Kâttitéi. On côtoie ensuite le ruisseau de Katscherga , qui se jette dans le Kouitoun. La montagne est si- tuée près de la rive droite du ruisseau. On voit les restes de l'ancienne mine de Katscher- guinskoï , au milieu de sa pente rapide : ils consistent en plusieurs puits assez profonds. La connoissance de ce minerai est due à S;~ biriakof, mineur » expert et juré. On y avoit fait venir des mineurs de Nertscliinsk. On a trouvé dans une roche grise ^ de nature cornée , une gangue cuivreuse imprégnée d'un peu de galène. Elle s'étend au sud - ouest $ mais comme elle se perd aussi— tôt dans la monta- gne , on l'a abandonnée , il y a environ dix ans. A environ cinq verstes de cette mine, et près du Katscherga , est une autre montagne , qui s'étend à l'est. Le Katscherga prend sa source dans cette rnoptagne ; le Kittitéi y qui se jette dans la Brian, et celle-ci daus l'Onda, a la sienne dans la partie méridionale. Le fond de ce dernier, qui est fortement coloré d'une ocre grossière , prouve qu'il existe du minerai A MOTTNÖOUZKOI. 343 Je fer près de sa source. Plusieurs morceaux de ce minerai sont cuivreux , et par consé- quent peu propres à la fonte. Le meilleur mi- nerai de cette contrée se trouve à un demi-;, Terste au plus de Kittitéi , près d'une sources qui vient du nord , dont le cours se dirige à gauche à peu de distance du ruisseau. Des for- gerons de Kouitoun viennent le chercher pour le fondre dans de petits fourneaux. Ce minerai se trouve , comme une vraie gangue , au-des- sous d'un terreau rouge argileux, et sous la couche pierreuse qui compose le sommet de la montagne. Il est dans le milieu d'un talus ra- pide , vers le vallon , par couche d'une aune à une toise de hauteur , et d'environ cinq toises de largeur 5 il se perd si rapidement dans la montagne j qu'on nyen voit plus de traces. Ce minerai est rempli de fentes , et s'exploite fa- cilement à la pioche et au maillet. On peut le regarder comme un minerai d'acier compacte, d'un noir luisant, excepté celui qui tient à la roche , qui est ou une mine de fer arsenicale , ou une manganèse, que les paysans appellent I Moden (1 ), parce qu'il n'est pas propre à la fonte. Le nommé Véréténof a découvert ce minerai à l'époque de la construction de Téplise d'Oudinsk ; on y envoya aussi-tôt des officiers des mines de Nertschinsk pour l'examiner. On *' ' ' ' ' — — — Hl ni» !)——«■ . 1 1 ■■ . r-q (j) Cobalt. Y 4 ^44 1772- DE Koüitoünskaia l'a abandonné aux forgerons de Kouitoun , sans aucune rétribution , parce qu'il se trouve à la superficie du sol , et on n'a point cherché à en découvrir clans les montagnes voisines. Ces forgerons en fondent assez pour fournir an- ime llement de fer tout le territoire de Séle - guinsk. On auroit pu, sans injustice , les assu- jettir à un petit droit, puisqu'on fait payer, dans toute la province ci'Enisséisk , dix rou- bles par an pour chaque petit fourneau, c'est- à-dire , les fourneaux dont les soufflets sont à bras. J'eus le teins d'examiner la manière de fon- dre le fer des forgerons de Kouitoun , parce que mes voitures a voient besoin de réparation ; j'attenclois aussi un interprète pour entrepren- dre le vovage de la Daourie. La méthode de ces ouvriers est celle qui est usitée dans toute la Sibérie orientale. Enisséisk est le lieu d'école de la plupart des forges de cette partie de la Sibérie. On v fond . dermis plus de cinquante ans , un minerai de fer blanc comme la neige , qu'on trouve par débris ; on en tire beaucoup de fer de la meilleure qualité. Le forgeron qui a fondu le premier du fer à Kouitoun, est d'Enisséisk. Il existe encore , et il est le pre- mier des forges. Il s'est tellement enrichi , que les paysans du territoire de Tarbogantaïskoï lui ont donné ie titre de Vibohméi (1). {1; D'ancien. A M OCfN'GOUZKO 1. 34? Les paysans exploitent et transportent ce mi- nerai au commencement des celées d'automne, ayant la chute des neiges. Un homme peut en exploiter plus de cinquante pouds par jour. Comme ce minerai est d'une fusion difficile , on le met par tas, et on lui donne un fort grillage. Il conserve encore une si grande du- reté , qu'on est obligé de le bocarder dans des auges, dont le fond est garni d'une platine de fonte. Leur fourneau est une maçonnerie car- o rée , qui a près de deux archines de hauteur sur autant d'épaisseur. Sa cuvette cylindrique , qui a environ une demi - archine , a trois em- pans de largeur au bas dans le nid. ( Ils l'ap- pellent ainsi. ) On en voit une de même lar- geur dans le fond, qui est ouverte» Lorsqu'ils veulent procéder à une fonte , ils commencent par remplir le nid de charbon pilé , et ils y mettent le feu, en répandant un peu de braise sur le devant ; ils empêchent sa trop grande activité, en jettant de la terre dessus. Ils pla- cent sur cette couche un tuyau de terre, dont le diamètre intérieur est d'un verschok et demi. Ce tuyau s'étend jusqu'au milieu du nid 5 ils le couvrent, en partie , d'un vieux tuyau par- tagé en deux , pour le garantir de la grande action du feu. On jette un peu de braise allu- mée dans le fourneau par la bouche de la forge 5 on en ferme l'entrée avec une pierre de taille et de la terre glaise. On remplit ensuite le four- 346 177%. de KouiTOUKSKArX' neau avec trois paniers de charbon. On adapte les soufflets an tuyau, et on les fait aller; dès que le feu est bien pris, on y met un baquet de minerai , qui tient environ dix livres. Ils fabriquent leurs soufflets. Lorsque le charbon , placé au - dessus de l'ouverture du fourneau , se trouve affaissé dans le cylindre , on y en re- met un panier , et un baquet de minerai par- dessus. On continue de même jusqu'à ce qu'on ait remis huit paniers de charbon. On met un baquet de minerai sur les second et troisième paniers de charbon 5 un peu plus sur les qua- trième et cinquième ; deux bacjuets sur les sixième et septième, et un sur le huitième. On laisse ensuite agir le feu jusqu'à ce qu'il s'é- teigne. Les soufflets travaillent continuelle- ment. Ce travail exige seul les soins d'un homme pour faire aller les soufflets , déboucher leurs tuyaux avec une verge de fer , afin d'en faire sortir les scories , et remettre de la terre glaise dans les places où le feu se fait jour. Quand le charbon est consommé , on ôte la pierre qui ferme la bouche de la forge 3 on enlève le reste de la braise et les scories , et on retire avec les tenailles la matte, toute rouge ; on la pose à terre , et on la bat avec une massue pour en séparer un fer en gueuse , et faire sortir les scories renfermées dans la matte. Deux pouds et demi de minerai donnent une matte d'en- viron un pouil. On la met encore rouge sur a Moungouzko ï. 3 f7 Penclnme , pour que le marteau la sépare en plusieurs pièces. Elle est propre à être travaillée à la l'orge après cette opération. La couche su- périeure est dure comme l'acier; et cette ma- nière de fondre le minerai ne lui donne pas une très-bonne qualité. Le fer, au contraire , est doux et excellent. Ces forgerons perdent , par leur procédé, une certaine quantité de fer. Le minerai rapporteroit davantage , s'ils fai- soient des fontes plus fortes 5 mais leur atten- tion ne s'étend pas jusques - là. Il faut cepen- dant convenir que cette quantité de minerai qui se trouve à la superficie du sol , ne suppor- teroit pas des fontes trop considérables. On m'apporta une bergeronnette jaune ( 1 ) qui diffère beaucoup de la bergeronnette com- mune par sa grosseur, et par sa tête qui esc entièrement jaune. On la voit au printems en Russie , lors du passage des oiseaux qui se rendent dans des contrées plus septentrionales. La route de Konitoun à Oudinsk traverse des forêts de pins montagneuses, qui sont d'abord assez marécageuses , mais qui deviennent sè- ches et sablonneuses lorsqu'on approche dû POuda. On trouve dans plusieurs places de ces forêts beaucoup de petits taillis , 'composés en plus grande partie du bouleau en buisson (2), (i) Motacilla citreola. Appendix, n°. 74. (:,) Betuïa fruticosà, Appendix, û?. 403. 348 177^. DE Ko U ITOTTNSK AI A arbre indigène dans toute la partie orien- tale de la Sibérie et de la Daourie. On voyage pendant plus de la moitié du chemin dans un long wallon étroit,, on Ta appelé Vo- B.OFSKAIA, parce que dans les premières années de la prise de possession de cette con- trée parles Russes, les Bouriats et les Mon- gols venoient attaquer les habitans d'Oudinsk par ce vallon ; et ceux-ci les attaqu oient à leur tour par ce même chemin. On a également donné le nom de Voroika à un petit ruisseau qui sort de ce vallon, et se dirige vers l'Ouda; les Bouriats l'appellent Soui-doura. Pour traverser l'Ouda je fus obligé de faire remonter le prame qui sert au passage du Sélenga. J'arrivai cependant d'assez bonne heure à Oudinsk. J'v séjournai jusqu'au lendemain après - midi , afin de mettre ordre à mes affaires. Cette ville est sur la pointe d'une colline qui domine l'embouchure de l'Ouda dans le Sélénga. On y a nouvellement bâti une église en pierres et deux en bois. Le fort construit en bois, a quatre tours et une porte. Il est situé au-dessus d'Oudinsk, sur une montagne de sable baignée par l'Ouda 5 on l'a abandonné. Derrière ce fort est un magasin de £rains nouvellement construit en bois. Il est destiné à l'approvisionnement des forges d'argent de la Daourie. On remarque parmi les habitans A M O V K- G O ff Z K O ï. 349 plusieurs riches marchands. Leur commerce consiste en plus grande partie en bestiaux ^ peaux d'agneaux , petit - gris de Daourie, qui tire sur le noir, et autres pelleteries. On apporte ici tous les ans plus de trois à quatre cent mille peaux de petit - gris que l'on en- voie ensuite à Kiakta. Les habitans d'Oudinsk, et d'autres petits lieux situés sur la route do Nertscliinsk , transportent les grains et le sel dans les forges de la Daourie , d'où ils ramè- nent du plomb. Ils portent du poisson salé , et sur -tout de l'Omoul dans les contrées si- tuées au - delà des montagnes, où il est très- rare. La grande route de Nertscliinsk commence près d'Oudinsk. Les poteaux qui marquent les distances étoient déjà placés, mais on ne voyoit ni ponts ni fossés. On L'a voit laissée dans l'état où la nature l'a formée, parce qu'on ne la suit qu'en hiver , époque du transport des marchan- dises et denrées. En sortant d'Oudinsk , on entre dans une forêt de pins sablonneuse, qui con- duit jusqu'au ruisseau de Bérésofka, appelée aussi Oltkgoussoutaï ) on traverse ensuite une plaine étroite qui est très -sèche. Elle s'étend entre des montagnes qui filent sur la gauche et l'Ouda. On apperçoit au-delà de cette rivière une chaîne de montagne* boisées. On voyage toujours agréablement dans cette même plaine, qui fc' élargit g, différentes reprises. Elle coiiz 35ô 177a. DE Koüitounskaiä tinue de même, et presque sans interruption J pendant plus de deux cents verstes; elle est cou- pée par plusieurs côtes ^ et beaucoup de ruis- seaux qui ont leur cours vers l'Ouda. Son sol est compose de gravier ou de sable argileux. Il croît peu d'herbe , et la terre est imprégnée de sel dans les fonds. L'ornilhoçile jaune (1) commençoit à fleurir dans ces places. Je vis dans les endroits pierreux la sibbalde à tige droite (2)5 ses feuilles formoient une belle étoile. On traverse , avant d'arriver à la première poste, les ruisseaux de Griasnouscha nommé aussi SchabArta , Iiké- Dabatéi , BagA -Da- batéi , Discha -Dabatéi (3). On prend en- suite une route plus courte , qui conduit à travers la montagne depuis l'Ouda jusqu'au Seien ga dans la contrée du ruisseau d'Ir- #uilik. La première poste Bratskienne est Noschoï- Gorékhon , qui veut dire ruisseau de chien. Les Bouriats de Khorintzi entretiennent encore (1) Orn'uhogaluni luteum. (1) Sïbbaldla erecta. (3) Dabatéi signifie un ruisseau qui traverse les monta- gnes. Ce nom paroît devoir son origine à la proximité des ruisseaux d'Ouda et du Séienga , et aux chemins qui bor- dent ces ruisseaux à travers la chaîne de montagnes qui les sépare. La signification des adjectifs en langue Mongole , est t Iiké (grand), Baga (petit) , Dschascha (le dernier ou le plus éloigné ). & M O IT N Ö O TT Z K O ï. 3Sl les postes d'Qudinsk à Tschitinsk. Ils sont obligés d'avoir à chaque poste cinquante che- vaux , et plusieurs chameaux pour le service des personnes qui voyagent par ordre du gou- vernement , et pour les transports qu'elles com- mandent. Les tribus des Khorintzi payent des particuliers pour faire ce service \ ces derniers se chargent de tout , et partagent le profit ou la perte. D'autres fois elles fournissent des chevaux et des chameaux, et les confient à des voituriers. On commande alors de place en. place un Kosaque de Bargousinsk ou de Nerts- chinsk pour inspecter ces postes, et avoir soin, que les relais soient toujours prêts. Un Dvo- rianin d'Oudinsk est chargé de l'inspection gé- nérale de toutes ces postes. Les Bouriats emploient à ce service des chevaux sauvages. Ils n'ont communément que quelques chevaux dressés ; ils en mettent un -au bran- card de chaque voiture , et ils attèlent les autres de force. Ils sont quelquefois obligés de mettre- un cheval sauvage au brancard, lorsque les autres ne suffisent pas. Pour atteler ces che- vaux sauvages, ils les sanglent par dessus la selle avec une corde double , à laquelle eet un billot. Ils attachent une autre corde double à la voiture ; ils montent sur le cheval qu'ils pressent aussi près de la voiture qu'ils peuvent jusqu'à ce qu'ils puissent atteindre le billot qui tient à, la &elle ? pour l'entrelacer dans les cordes 352 î J72.. DE KOL'ITOUÜSKAI À cl es traits. Ces chevaux une fois attelés cou- rent sans beaucoup de peine à côté du cheval dressé qui est au brancard ou au timon , mais ils se fatiguent beaucoup plus vite , lorsque les chemins sont mauvais : plusieurs Bouriats suivent les voitures , en conduisant des chevaux pour relayer. On atteint la métairie de M. Sérébrzanikqf9 négociant d'Oudinsk, après avoir passé le Na- rim- Schibbir (1) , à environ dix verstes du Noschoï-Gorékhon. Elle est située près de ce bas-fond aqueux , arrosé par trois ruisseaux , appelés Aga -Dschascha , qui se jettent dans rOuda. J'y couchai. Je traversai le lendemain les différens bras qui forment ces ruisseaux , ainsi que ceux de Kharin-Tscholotéi et de Khara- Schibbir près de la petite rivière de Kourba qui étoit débordée 5 elle est si profonde et si ra- pide que nous eûmes beaucoup de peine à la passer à l'endroit où les eaux étoient le moins élevées, et plusieurs de nos équipages furent mouillés. On s'éloigne un peu de l'Ouda , et on arrive au bout de six verstes à la forêt de pins du Kourlinskoï, qui est bordée parl'Oué- (t) Les Bouriats appellent Schibbir les ruisseaux et les ravins bordés de broussailles. Gorékhon signifie un petit ruisseau dont les rives sont dépourvues de bois en plus grande partie. Tschclctoï désigne un ruisseau pierreux , ou wn vallon qui sert aux écoulemens des eaux de neip-es. moukçi-Noor, A M O U N G O U Z K O 1. 353 .moukéi-Noor , lac de sel amer blanc desséché en plus grande partie ^ et par une flaque saline. La seconde poste des Bouriats est près de ce lac ; on l'appelle KourdoutzkoÏ , nom de la tribu qui l'entretient. Les rives du lac sont Lasses. et sablonneuses comme toute la contrée. On voit beaucoup Je sel amer blanc , sem- blable au na.tron , dans la partie qui est des- séchée. Les Bouriats l'appellent Choudsir; ils en font bouillir dans leur thé pour le rendre plus épais. Ils ne se servent pas de tous les sels amers y ils n'emploient que ceux qui ont am goût d'urine et d'alkaih Ceux qui ne peuvent js'en procurer ^ font usage de fortes cendres de bois de bouleau, qu'ils nomment Schoulta. En creusant à une demi-archine de profondeur, on trouve, comme dans tous les marais salins, une argile tenace d'un gris foncé , qui perce très-avant. Je vis, dans un lourten Bratskir r une jeune magicienne de l\hprint^i , O u d o u g o u n. Je la fis paraître devant .np.us. Elle était encore si novice que ses tours ne méritent pas la peine d'être détaillés. Son habillement ressembloit parfaitement à celui que je détaillerai dans la suite. Ses crosses ou béquilles différaient de celles des au treß magiciennes ,' qui sont garnies de fer et ornées de petites clochettes et de grelots. Celles de cette Oudougoun n'étoient pas droites comme les autres, ma^s courbées en forme de Tome V* 2 354 t*]*]*. DB KOUI T OU KSK kl A. sahre. Son mari portoit un tambour magiqu© dont il jouoit. Lorsque j'entrai dans l'Jcurten, le maître prit ses béquilles et les fit passer par- dessus la porte en levant la couverture da feutre. En quittant l'Ouémoukié - Noor on traverse une forêt de pins et des montagnes arides , et Ton voit toujours l'Ouda à une assez grande distance. Je longeai sur la gauche pendant dix- huit verstes le lac Kolpinnoï, appelé aussi Na- rang-Noor (i), qui est situé dans un fond 4ini , et sur la droite la petite montagne de Naran - Khadda, qui est isolée et située dan» ce même fond. Nos chevaux étant fatigués , je fus forcé de faire halte sur le soir , près d'un, petit ruisseau qui sort du lac , et se dirige vers l'Ouda. Je continuai ma route pendant la nuit. Je traversai les ruisseaux d'Ouénougoutaï et de Narin - Gorékhon, et atteignis ensuite une source inconnue , et le Khakir qui est un ruis- seau dont les rives sont salines. Je changeai de chevaux à Khoudaïefskoï-Staniz ., situé près de TOuda. J'arrivai le matin vers l'Ona, après avoir traversé le Mogoï - Gorékhon ,. ruisseau des serpens , le Dshergantou , le Schoubouga 9 leNarin-Schibbir, et deux autres ruisseaux , et des contrées un "peu montagneuses. Un bour- geois de Kiakta a établi ici un excellent simovié W0"i l i un il 1 ■■■ ni ■ m »m i' ■—^■^QW^^W— — — mmmmammm ^ — — — im-**» (?) Lac du Soleil» A M o tJ N g o u z k o ï. 355 pour y élever et entretenir des bestiaux. Je m'y arrêtai pour examiner une mine située près du Koundoun , et fronr y attendre plusieurs per- sonnes de ma suite, qui étoient. restées à Ou- dinsk, pour faire réparer mes voitures. En sortant des montagnes, l'Ona se divise en trois bras dans la plaine qui borde l'Ouda. Les Bouriats appellent Ta tour son bras in- férieur, et DsirguilïA le supérieur. L'inter-* médiaire conserve le nom d'ÛNA. Le Simovié de Lossiévo est au-dessous de celui-ci et près de l'Ouda. Le Kouda se décharge dans l'Ouda de l'autre côté et un peu au-dessous de l'Ona. I/Ouda devient ici très - considérable par la réunion de ces deux rivières. Il est aupara- vant un ruisseau assez médiocre et peu pro- fond. J'employai la journée du 29 à envoyer chercher plusieurs magiciens Khorintzi , et à rendre vi- site au Taïschen - Darnba , qui demeure dans le voisinage. C'est le fils de PErizen dont Gméliit fait mention dans ses voyages en Sibérie , et le chef héréditaire de la nombreuse tribu des Khorintzi. On me rapporta que tous les ma- giciens étoient absens. Je fus obligé de me contenter de cette réponse , qui me parut une défaite. Les Bouriats de Khorintzi habitent la con- trée qui s'étend entre le Khilok et le Baïkal, ^t le pays situé au - delà des montagnes qui Z % 356 1772- DE Kouitoünskaia s'étend entre le Khilok et le Baïkal ; ils forment neuf tribus. Ce peuple dépend de là ville de Nertschinsk , et. paye le Iassak ou tribut en pelleteries par vingt arcs. La plupart sont ido- lâtres., très-brutes et soumis à leurs magiciens; cependant les prêtres Lamistes qui sont très- zélés y font tous les jours des prosélites parmi les Bouriats qu'ils regardent comme leurs frères. Ils passent ainsi de l'idolâtrie à la superstition. Il existe de la morale dans le Larnisme , avan- tage qui manque à l'idolâtrie. On compte déjà parmi ces Bouriats un Guedsoul , et vingt-six prêtres Lamistes du bas -clergé. Le Taïscha et les principaux Saïssans ont presqu'entièrement adopté leur doctrine. Le 3o avril, je fus visiter la mine de Moun- goutzkoï , qui est abandonnée. Elle est si- tuée au-delà de l'Ouda, et à quinze verstes du Simovié de Lossiévo. Je passai l'Ouda , et tra- versai une petite forêt de pins. Je longeai au foout de quatre verstes un marais de sel amer (Torom) , qui est à sec en plus grande partie. Ce marais , qui forme un cercle et le bas- fond salin qui est à sa proximité , abondent assez en choudshir ou sel de glauber. On voit au-delà du lac^ et près du Koudounqui avoisine déjà l'Ouda , les ruines isolées du petit village de Moungalova, dont il reste encore quelques maisons; elles servoient d'abri aux ouvriers qiii travailloient à la mine de Koudounskoù JL MOUKGOUZKOÏ. 357 On passe plus loin le Khoroï-Ouda , ou l'Ouda desséché , qui est un double fossé rempli de cailloux 5 la rivière y av©it autrefois son cours 5 il se dirige aujourd'hui près du Simovié deLos- siévo, autour d'une montagne boisée qui est plus au nord. Je traversai le Koudoun à près de deux cents toises de là. Il est plus profond et plus considérable que l'Ouda au-dessus de sa réunion avec lui. Il tombe plus bas dans le canal desséché dont je viens de pailer , et prend de là son cours vers l'Ouda où il se jette. J'eus un chemin assez montagneux 9 qui remonte la rive gauche du Koudoun. La montagne couverte de forêts de pins éparses, est com- posée principalement d'un granit rougeâtre ou d'une roche sablonneuse d'un grain fin qui ressemble à la roche cornée. Tous deux filent de l'est à l'ouest par grosses couches. Je vis ici pour la première fois , le lycopode des ro- chers (1) qui est plus abondant sur les rochers de la Daourie. L'androsace velue et à fleur lactée (2) coinmençoit à pousser les jets de ses fj^urs. Je remarquai entre les rochers beaucoup de trous d'une espèce particulière de grosses souris noirâtres. Je m'arrêtai quelque tems prés des Iourtens du Schantan - Saïssan des Bouriats , pour lui (t) Lycopodlum rupestre. (:4 Androsace vïllosa et lactea, z 3 358 *772* »ï KoufTOtrKSKAïA demander des guides , et parce que j'espéroïs y trouver un magicien célèbre de ce pays. Je m'éloignai ensuite du Koundounen longeant le ruisseau de Moungout (1), jusqu'à son origine, qui est due à la réunion de deux ruisseaux * J'atteignis à dix verstes de ma traversée du Koudoun, la montagne où se trouve la mine Mou d gou zkoï . Ce ruisseau qui avoisine la montagne , portoit déjà anciennement le nom de Moungout. Dans les recherches faites dans cette contrée pour trouver des mines , on a découvert des foyers de forge à sa proximité. Le Taïschen- Erinzé de Khoriutzi apperçut les premiers in- dices de minerais en 1768. Dès l'année suivante 011 ouvrit les travaux dans la cime escarpée de cette montagne, que les Bouriats appellent M ailé. On creusa un puits sur le minerai de cuivre verdâtre qui se inontroit à la superficie du sol. Le minerai filoit par gangue perpen- diculaire. Il consistait d'abord, ainsi que dans la plus grande partie des mines de plomb et d'argent de la Sibérie , en mine cuivreuse et en ocre; plus avant, il étoit composé d'une galène grossière et compacte , qui avoit de six à huit verschoks d'épaisseur et de largeur. La gangue devenoit plus étroite à trois brasses métalliques de profondeur ; le minerai se trou- ât) Ruisseau d'argent. * Mou k g ou fcicoïi 3££ Voit par rognons épars dans une roche stérile grise. A cinq à six brasses métalliques , la gangue s'inclinoit à l'ouest, côté où la chute de la montagne est plus rapide. Cependant en continuant l'exploitation, on a creusé dans une direction un peu inclinée ; mais on a aban- donné les travaux parce que le minerai devenoit toujours plus rare , et parce que la poussée faite vers l'ouest qui s'étendoit à quatre toises et demie , ne donnoit plus d'espérance. Sur six autres fouilles , les unes n'ont donné aucun indice , et les autres n'ont rendu que de mauvais minerais. Comme cette mine étoit la seule ex- ploitée près de l'Ouda , on a abandonné, dès qu'elle a eu cessé de donner , tous les travaux près du Koundoun, et des ruisseaux de Tar- bagantéi et de Kouitoun , parce qu'ils étoient d'un trop f'oible rapport. Les minerais exploités étoient encore entassés sur la place. Ils consis- toient en une galène native et compacte , con- tenant sept livres de plomb et un zolotnik d'argent par poud, et légèrement entre-mêlée de pyrites qui tomboient en efflorescence 5 oit dans une ocre d'un jaune de soufre mêlée de mine de plomb blanche , et enfin de minerais cui* vreux. On a exploité treize mille pouds de ceux de la première espèce , et un peu plus de douze mille de minerais cuivreux. La roche qui constitue la montagne , est cornée , sa- felonnen6ô et compacte , d'une espèce très-cern- Z4 36o 1772.' T>E MOïïNGÔUSiKOÏ mune près du Koudoun , ce qui fait présumer qu'il y existe encore des minéraux. 1 Je trouvai près de la montagne les beaux restes du dracocéphale aîlé (1) ; les vallons étoient couverts d'ortie chanvre (2) qui com- mençoit à germer. En quittant la mine je fus surpris par une grêle accompagnée d'un si fu- rieux ouragan, que presque toutes les vitres du Simovié furent brisées, et une partie de son toit emportée. S- I X. De Moungouzkoï au Konba. Du ier au 6 mai. Lossievo-Simovié. — Galzouzkoï , 7 verst. — - BatUnaïskoï , 34 verst. — Boutoungouzkoï- Staniz , 26 verst. — Village et ruisseau de Pogromna , ai verst. — Staniz-Scharanzkoï , 8 v. — Magicienne de Khorintzi. — Simovié près de Y Oukir - Noor. — Khoubdouzkoï- Staniz , 3 a verst. — Staniz -Goutschitskoï 9 33 v. — Simovié près du Konda. Je continuai ma route le ier mai. On compte sept verstes du Simovié de Lossiévo à la poste de Galsouzkoï ., en passant près de l'embou- chure supérieure de l'Ona (Dsirguiiia). On «_ 1 — — — — — ^— 1 1 m m ». 1 ■— .— — (i) Dracocephalum pinnatum, (1) Urtica cannabina. Au K O N D AÏ 36*1 traverse le Dsirguilia qui est à sec, près de PAkschanga, où est une seconde poste. On a découvert, en remontant la gauche de ce ruis- seau , à dix verstes de son embouchure , des indices de cristal et de topases enfoncés dans le Eiltschi , montagne composée d'une roche sablonneuse grise. Les Bouriats en ont apperçu dans la montagne d'Ourta , près du ruisseau de Kitschinga, à une place appelée Zagàn- Koutou. En quittant PUkschanga on voyage par des montagnes ouvertes, à pentes douces, d'une hauteur moyenne , et qui s'élèvent insensible- ment de plus en plus. On passe le ruisseau de Nakhala , près duquel les Bouriats ramassent des silex jaunes et de la nature de Fagathe; on. traverse ensuite ceux de Narin - Gorékhon , Khoroï - Marouktou , et de Marouktou, qui tombent dans celui de Popereschnaia , appelé aussi Ou eggoutou, que l'on traverse éga- lement, et près duquel je passai la nuit dans les Iourtens des Bouriats qui sont chargés de la poste. La contrée est ouverte et élevée. On n'y voit pas d'autres forets que plusieurs petits bois , composés de mélèses clair- semés. Les monta- gnes s'élèvent davantage , et deviennent plus froides et plus humides ; on n'y apperçoit ni herbes ni fleurs. Les fonds sont remplis de bou- leaux nains et de broussailles de saule, mêlés 36a *77*< ®B MotTNcouzltoï de quintefeuille frutiqueuse (1). On ne trouve dans les bois que des mousses et l'airelle des marais (2). Il tomba ce jour-là un peu déneige qui couvrit la terre. .Té traversai le lendemain, les ruisseaux les plus voisins, qui sont : le Khoutshirtou et le Kharasehou. Les Russes appellent le dernier Îogromnaia. Il existoit un simovié près de celui-ci y mais on y a établi un village que Ton a peuplé dé personnes exilées en Sibérie pour des fautes légères. Ce« village presque achevé renfermoit déjà vingt-cinq maisons, dont chacune étoit habitée par quatre hommes. On se propose de les marier, et de les diviser dans plusieurs villages projettes sur la route de Nertschinsk., parce qu'on a envie de la peupler de villages Russes , pour y établir des postes et affranchir les Bouriats de cette fourniture. On rencontre une source d'eau minérale au nord-ouest, à environ un verste et demi du village , en remontant le Pogromnaia. Elle donne des étourdisse m eus et même, le vomissement, quand on en boit beaucoup. Les Bouriats l'em- ploient avec succès dans plusieurs maladies d'a- près l'avis de leurs Lamas. Quelques Russes sont morts pour en avoir fait un usage immo- déré dans des maladies graves. Je me suis rendu (1) Potentilla frutîcosa. (z) Vaccinium uliginosunu AU lt O N B A. 363 à cette source, mais sans pouvoir examiner la qualité de son eau, parce que le fond où elle est située étoit inondé, et cette inondation encore gelée 5 j'ai donc été forcé de remettre mes observations à l'époque de mon retour. Cette source est entourée d'un grand nombre de rameaux garnis de lambeaux de toutes sortes de couleurs et d'omoplates , ou autres mem- bres du corps humain dessinés , que les Bou- riats y laissent lorsqu'ils viennent prendre les eaux. Les Bouriats tiennent la poste de la tribu de Scliaranzkoï , à huit verstes du Pogromnaia. Je m'arrêtai à ces Iourtens ; j'y lis venir pour in'as- surer, une magicienne de Khorintzi , nommée Labantsiksa. Elle étoit accompagnée de son mari et de deux autres Bouriats. Ils avoient chacun un tambour magique. Elle me dit que le nombre de ses conducteurs n'étoit pas complet, et qu'il lui falloit neuf tambours pour exercer son art avec solennité. Elle tenoit deux Sorbi ou crosses garnies comme un foureau de sabre de cavalier 3 ornées dans le haut, d'une tête de cheval , d'une clochette, et de beaucoup de petits ciseaux évasés (1) , dans leur longueur. Sa robe de cuir étoit garnie de ces petits ci- seaux. Il lui pendoit sur le derrière , depuis les épaules jusqu'à terre, une trentaine de (1) Kholbouga , ce mot signifie une cuiller. 364 1772- öe MotrtfG ouzkoï serpens entrelacés (Noutschal); ils sont faits de morceaux de fourrures blanches et noires, et de bandelettes de peaux de fouine et de be- lette rouge. L'un de ces serpens étoit fendu en trois à son extrémité ; elle Pappeloit Mogoï , et m'assuroit que l'habit d'une magicienne Bratskire seroit incomplet sans ce serpent. Son bonnet étoit couvert d'un casque de fer , armé cle cornes à trois pointes , semblables au bois d'un chevreuil. Elle ne fit aucune difficulté d'exercer son art même en plein jour, et me parut très-habile. Elle fit d'abord des mouvemens et des sauts qui s'animoient de plus en plus. Elle chantoit en même tems , et récitoit diverses imprécations en poussant des cris. Les tambours magiques l'ac- compagn oient. Ces imprécations étoient enton- nées par les Bouriats qui formoien t un cercle au- tour de la devineresse ; celle-ci reprenoit et achc voit le récitatif, presque toujours en entrant dans des transports convulsifs , en tombant en syn- cope , et en passant ses mains sur son visage. Après les premiers chants , elle se mit à courir comme si elle avoit voulu se sauver de la tente j deux Bouriats se placèrent aussi-tôt devant la porte pour la retenir. Elle fit plusieurs autres «zrimaces: elle courut en chantant sur les trois Bouriats qui jouoient du tambour, et étoient assis sur la gauche de l'Iourten, en leur présentant la tête comme un taureau dans le combat. au K o if d A, 365 Elle prit ses deux crosses d'une main , et sauta à plusieurs reprises dans la cheminée, comme si elle avoit voulu s'en servir pour accrocher les esprits aériens, et les faire entrer dans la tente. Elle prit ensuite un air gai , et demanda qu'on lui fît des questions ; elle y répondit en chantant et en se dandinant. Elle me demanda de l'eau- de-vie , en m'assurant que je serois heu- reux , et que je ferois encore de grands voyages sur mer. C'est ainsi que se termina la farce. Je ne donne ici qu'une esquisse de l'art, &t du costume des magiciennes Bouriates , afiti de montrer les nouveaux chan gern en s qu'elles ont faits, sur -tout dans leurs habiliemens. J en donnerai une pareille de tous les magi- ciens des nations idolâtres de la Sibérie , dont j'aurai vu les tours. On jugera par ce moyen du peu de différence qui existe dans les jon- gleries de ces peuples. L'idolâtrie est à peu-près la même parmi tous les peuples de la Sibérie. Les Voyages de Gmélui prouvent mon asser- tion. On peut lui reprocher d'avoir trop outré le nombre des scènes magiques , dont il a donné des détails répétés. Je traversai ce jour-là une côte marécageuse, boisée de mélèses mêlés de bouleaux, qui longe le ruisseau d'Ouroudenguia. Elle forme un grand arc de l'est à l'ouest, et sépare les ruisseaux de l'Ouda des contrées qui avoisi- UiQiat le Vitim. Les marais de cette montasse 366 1JJ%. DE KouitounzkoÏ qui étoient dégelés à une assez grande pro- fondeur, rendoient la route très-désagréable. On ne voyoit d'autre verdure que des mousses, parmi lesquelles j'apperçus le beau lichen blanc de neige ( 1 ) qui y abondoit. J'entrai enfin dans un pays ouvert $ les plaines qui s'é- tendent à plusieurs verstes sont entourées de montagnes. J'atteignis sur le soir I'Oukir- Noor (2), après avoir passé le fond aqueux de Kourgoutia. Ce lac , qui n'a point d'écou- lement, é toit encore couvert de glace. Je couchai dans une métairie voisine qui appartient à M. Novosélof) Dvbrianin d'Oudinsk, c'est-à- pire, inspecteur des postes Bratskires. J'y lus logé passablement. L'Oukir-Noor est très-sau- mâtre. Je trouvai à sa proximité un petit lac dont les eaux sont potables. Il étoit dégelé , et couvert de gibier aquatique. En été l'Oukir- Noor paroît rouge de loin, lorsque sa muire s'épaissit par les vapeurs. Ses rives, dont les eaux se retirent, se couvrent abondamment de sel de glauber. Le lendemain au matin, 3 mai, je traversai la plaine près des lacs Oukir et Narrassatou , appelé aussi Sosnûvoï (3) , qui se décharge (1) Lichen nivalis. (2) Le lac aux vaches. (3) L»es Bouriats et les Russes lui donnent ce nom , qui signifie lac 4e pins, dan« ces deux langues. On Ta ainsi^ap- au Kon» a . 3i>7 dans l'Iérouna ou Iéravna. Ce dernier s'ap- perçoit de loin 5 il reçoit un petit ruisseau qui traverse le chemin et le Kholoï-Noor. Tous ces lacs sont sur la gauche. Je passai près du petit Kharatorom ,, qui est situé sur la droite vers le Kholoï , et je poursuivis ma route jusqu'au ruisseau de Dogno, nommé Domna par les Russes , qui tombe dans le lac Iérouna. La tribu de Khoubdouzkoï tient ici ses chevaux de poste. Cette plaine qui s'étend au-delà du Dogno présente par- tout un excellent terrain noir ; son site est si froid, que je n'y apperçus pas un seul brin d'herbe ., et il n?a aucun abri du côté du nord. Cette plaine est arrosée par un grand nombre de lacs qui ont tous leur embouchure dans le Kitin ^ et celui-ci dans le Lena, ce qui est une preuve de l'élévation du sol. En suivant le Dogno on traverse les mon- tagnes élevées , marécageuses, et boisées, dont j'ai fait mention. La route devient si mauvaise, que j'eus beaucoup de peine à atteindre sur le soir le relais de poste d'Oudin^skié-Verschini ; il est situé au - delà de ces montagnes, près des ruisseaux qui forment la source del'Ouda. Je fus obligé d'y passer la nuit. Il tomba le lendemain., dès l'aube du jour, beaucoup de neige à moitié fondue. Je me mi$ pelé , parce que sa rive orientale est garnie de quelques pias 368 177'2" ^ E Koui tou-n z koY de bonne heure en route , dans l'espérance que ce tems ne dureroit pas. Je trouvai les chemins couverts de neige, parce qu'elle tom- boit toujours de plus fort en plus fort. La route étoit fort désagréable et très -pénible , à cause de la boue qui étoit sons la neige, et par la contrée qui est ruontueuse et très -pierreuse. Pour comble de malheur, mes voitures étoient traînées par des chevaux bouriats maigres, dér charnés et sans aucune vigueur. Je iùs oblige de m'arrêter à chaque demi-verste pour les laisser reposer. J'atteignis TOudaavec beaucoup de peine , et je le traversai. Je laissai sa source sur la gauche , ainsi que plusieurs ruisseaux qui s'y réunissent. Je trouvai sur la route une cabane d'hiver qui étoit abandonnée. Je ré- solus d'aller jusqu'au relais de poste malgré le mauvais état de nos chevaux. Je passai une côte boisée de mélèses , qui sépare de nouveau les ruisseaux de l'Ouda de ceux du Vitim. j'atteignis très-tard dans l'après-midi le Kirété-Koekdou , nommé ainsi par les Bou- riats. Ce nom signifie le petit Koendou , ou le Koendou entrelacé. Les eaux de neise F av oient tellement gonflé , que j'eus beaucoup de peine aie traverser. Les chevaux attelés à ma voiture ne vouloieiH p] us avancer ; mes autres voitures étoient restées fort en arrière , ta neige qui contiuuoit de tomber., étoit déjà si haute , qu'elle s'amoricetoit en collines. Je rencontrai heureu- sement A ÏÏ K O N B Aï 5% tement au-delà du Konda une cabane d'hiver abandonnée. Elle n'avoit ni toit, ni portes, ni fenêtres; mais j'y trouvai un poêle. Je pris le parti de m'y arrêter, plutôt que de risquer de périr dans les neiges. Ce misérable abri nous metioit un peu à couvert de l'intempérie. Le plus difficile étoit de nous procurer du bois à cause de la hauteur des neiges. Je ne pouvois cependant rester sans feu, car i] geloit fortement depuis l'entrée de la nuit. Je finis par arracher les planches qui restoient encore dans ce Si- movié 5 ceux qui rn'avoient précédé en avoient déjà brûlé une partie. J'allumai le feu; mais quoique la cabane fût entièrement ouverte , elle se remplit tellement de fumée, que nous fûmes forcés d'en sortir, et de nous tenir dans la neige , jusqu'à ce que le bois fût réduit en braise. D'eux de mes voitures ne purent at- teindre cette cabane , quoique nous leur eussions envoyé ceux de nos chevaux qui avoient encore la force de marcher. Elles passèrent la nuit dans la forêt. Le lendemain le tems nous annonça de la gelée pour la nuit suivante. Nous avions vingt- quatre chevaux , tant de traits que de selle.' Onze de ces chevaux moururent de froid et de besoin. Les uns étoient étendus autour de la misérable cabane , et les autres le long du chemin , depuis les voitures restées en arrière ce qui faisoit une distance de plus de tïfoît Tome V- A» , 3/ô îjjz. de KoirïTOtTïïz'koî.' •^erstes. Ces chevaux attiroient les corbeaux et les corneilles de Ip. forêt 5 ces oiseaux rem- plissoient l'air de leurs cris désagréables., et rendoient la contrée plus triste et plus lugubre. En dételant ces animaux , on les avoit laissés près des bouleaux , dont les feuilles servent dans ce pays à nourrir les chevaux Bouriats pendant l'hiver , lorsqu'ils manquent de fourrage et de pâture. Mais ils étoient si narrasses , qu'ils n'a- voient pas mangé ; et la plupart étoient tombés morts au pied des arbres où on les avoit mis. La neige continuoit à tomber. Je m'amusai à regarder les petits oiseaux que la faim chassoit des bois, et attiroit près de notre cabane. Je fis couvrir la neige qui l'entouroit de terre et de plâtras; ils s'approchèrent alors avec plus d'avidité. Nous en tuâmes beaucoup en tirant par les fenêtres. J'y remarquai des espèces rares , parmi lesquelles je m'en procurai sept nouvelles ( 1 ) , que je n'ai pas vues depuis , parce qu'elles sont très-sauvages , et se tiennent dans le fond des forêts. Je vis sur le soir beau- coup de petits oiseaux qui étoient morts de froid dans la neige. J'y remarquai une petite (1) Ce« espèces sont ; Turdus ruficollis et Sibiricus ; Jßotacilla, cyanura ; Emberi\a pusilla , rüstica , chryso* cilla, et spodocephala. J'en ai donné la description, Appentis #?U 60 ,61,64 , éf , 67 , 68 , 71, a P e ï ? o tr jp o y A? 371 Fauvette à queue bleue (1), qui, quoique très- sauvage , entroit hardiment dans notre cabane t) pour y chercher un abri. S. X, Du K.ONDA A PRITOUPOVÀ? Du 6 au il mai. Staniz'Konda-Khasazkoi, *4 verst. -—Ruisseau & Ouroundenguia. — Simovié près de VOur- bou-JDog/20 , 20 verst. — Staniz-Schakscka-* Khasazkoï , 2 verst. — Schaksoha- Noor. — -» I ab lé ni- JD ab a. — Staniz-Karaganazkoï , 35 v» — Village de Pritoupova > 3 verst. Le 6 , le changement de lune nous amena le beau tems. Le ciel s'éclaircit ; je vis arriver avec joie le moment de sortir de cette triste solitude. De nouvelles incommodités se joi- gnoient à la neige ; Peau tomboit sur nous , et la suie nous infectoit. Je fis partir , à cheval r dès le jour , notre interprète pour aller aux postes les plus voisines, établies près du grand Konda , à quarante verstes. Il revint , sur le soir , avec des relais ; mais les chevaux qu'il nous procura étoient aussi mauvais que ceux que nous quittions. Nous travaillâmes sur le champ à faire avancer les voitures restées en (1) Motacilia cyanura. S/à t^jit » xr K o sr 0 A arrière. Elles nous joignirent enfin le mémo jour. Nous nous mîmes en route le lendemain au matin. Il étoit teins : car les vivres com- mençoieiit à manquer. Nous marchâmes tous à pied, pour soulager les chevaux dans cette forêt montagneuse. Nous eûmes de la neige , de la boue , et de Peau jusqu'aux jarrets. Mal- gré nos précautions, et de fréquens repos > nos chevaux ne purent faire que six vers tes. Nous fûmes obligés de nous arrêter , et de faire un© longue halte dans un fond orné de buissons de jeunes bouleaux , pour donner à nos chevaux ie tems de se reposer , et de leur laisser pren- dre des forces, en broutant les jeunes bour- geons de ces arbres. Nous n'aurions pu aller plus loin , si les Bouriats de Schakscha - Noor ne fussent venus à notre secours avec des che- vaux et des chameaux. Dans le besoin , on at- telé les chameaux dans les brancards , en leur faisant un collier avec du feutre roulé \ ce col- lier , qui passe entre les deux bosses , sert aussi de sellette* Nous continuâmes notre route, en avançant peu , à cause de la marche lente de ces animaux. Le chemin étoit très - boueux , les vallons couverts de neige et d'eau. Ces cha- meaux sont quelquefois si rétifs ^ qu'on ne peut, même à coups de bâton, les faire tirer dans les endroits rudes. Ils se jettent sur les genoux de devant ; on ne peut les faire relever et cdn» l'muer la marche qu'ea &%x& la corde qu'os A P R I T O TJ P O V A; $7^ leur passe dans les narines. Ils occasionnent beaucoup de retard , parce qu'on est obligé de les relayer. Nous traversâmes les ruisseaux d'Il- goui-Gorékhon , de Schibirtou , et deux autres qui n'ont pas de nom ; ils se jettent dans le Konda. Du Schibirtou au Konda , la forêt est coupée par une montagne en pente. Les eaux de neiges qui couloient y formoient une nappe d'eau qu'on auroit pu prendre de loin pour un ruisseau. Le Konda étoit si gonflé , qu'on ne pouvoit le traverser sans pont, et le jour étoit trop avancé pour en construire un de bois avant la nuit. Les chevaux et les chameaux ayant be- soin de repos , nous passâmes la nuit dans les iourtens Bouriats établis ici. Le pont fut achevé le lendemain au matin sur le bras le plus profond du fleuve ; j'y fis passer les voitures j noua traversâmes l'eau sur des chameaux. Nous étions à peine sur l'autre rive , que les eaux , qui passoient déjà sur le pont, devenant plus hautes , l'entraînèrent. La route fut aussi pénible que celle de la veille» Nous remontâmes i'Ouroundenguia , appelé aussi Popérekhnaia , ruisseau qui baigne des montagnes couvertes de forêts. Le pays étoit entièrement inondé 5 les petits ruisseaux étoient si profonds, que nous n'aurions jamais, pu les traverser > si nous n'avions pas construit des ponts d'une invention singulière , qui nous ont été d'un grand secours dans la suite, Nous Aa 'à S'/i 1772' D u K O N D A choisîmes les places les moins larges , et celles ou les rives sont élevées. Nous limes abattre deux pins , droits et unis ; les Bouriats , pas- sant l'eau à cheval , tirèrent ces deux arbres avec des cordes, et leur firent prendre le tra- vers du ruisseau. Lorsqu'ils lurent posés sur les deux rives , nous dirigeâmes les voitures de manière à ce que les essieux posassent sur les arbres. On les tira assez promptement avec des cordes. Nous entrâmes dans la contrée bai- gnée par le Khilok , après avoir traversé des colli- nes couvertes de forêts. Nous passâmesplusieurs petits ruisseaux et ravins , qui servent d'écou- lement aux eaux de neiges ; ils prennent tous leurs cours vers le Khilok. Nous traversâmes enfin ie ruisseau de Koustou ou Kamenka , dont les eaux étoient très - grandes , et nous le côtoyâmes jusqu'à un Simovié. L'Ourbou- Dogno, qui reçoit tous ces ruisseaux , se jette dans le lac ïrguen. Le Khilok , qui en sort , dirige son cours , à l'ouest, vers le Sélenga. Ce lac communique à celui de Schakscha , et celui-ci avec ceux de Kakhléi, Tasséévo , et ïvanovo , situés au nord-est 3 le long des mon- tagnes. Ces lacs ont an écoulement vers le Vidrn. On potirroit , par ce moyen, former des canaux de communication entre les fleuves et les rivières, qui baignent ces contrées éloi- gnées. Je passai la nuit dans' le Simovié. Il me res* A F r i t o tr v o t Ki 3j5 toit à faire un chemin très - pénible pour at- teindre les montagnes , qui servent de limites. On ne peut y arriver qu'après douze bonnes heures de chemin. Il n'y a pas d'autre route pour les voitures à travers ces montagnes. Les autres routes., dont j'ai parlé , qui conduisent du Khilok et de Tschikoï , en Daourie, ne sont praticables qu'à cheval, et en de certains tems. Le 9 , je passai l'Ourbou - Dogno avec mes voitures, au moyen du pont que nous avions inventé. Cette rivière étoit d'une rapidité éton- nante. J'y vis la superbe espèce de canards (1) qu'on trouve seulement dans les lacs situés sur les montagnes et dans les rivières de la partie la plus orientale de la Sibérie. Les Russes les appellent Kaménouschki (3), parce qu'ils cherchent les eaux les plus vives des monta- gnes. J'atteignis une poste Bratskire , à deux verstes de l'Ourbou-Dogno , nommé Schakscha-Kha- sazkoï. J'eus soin de prendre tous les chevaux et les chameaux que j'y trouvai, pour ne pas rester à moitié chemin dans la montagne. Je laissai , sur la droite , le lac d'Irguen , qui est très-poissonneux. On a construit une chapell© (1) Anas histrionica. Buffon l'appelle canard à collier de Terre-Neuve. (a) Canards des rochers. Aa 4 376 l77%* D u K o n î> a à cette place, à cause de plusieurs miracle $ qui s'y sont opérés. Gmclin a publié des dé- tails à ce sujet dans ses voyages. J'arrivai au Schakscha-Noor au bout de quelques verstes. Ce lac a un ruisseau qui communique avec l'Irguen. Je le traversai sur mon nouveau pont. Mes voituriers Bouriats vouloient passer sur la glace , qui couvroit le lac et son ruis- seau. J'envoyai plusieurs chevaux pour tenter ce passage ; mais ils enfoncèrent : ceux qui les conduisoient eurent beaucoup de peine à se sauver et à gagner le rivage. Les canards fourrnilloient dans les places où la glace étoit couverte d'eau 5 j'apperçus parmi eux le canard à collier de Terre-Neuve , qui nage entre deux eaux : de sorte qu'on lui voit seulement la tête et le cou. Il s'élève rarement dans l'air lors- qu'on le chasse $ il se sauve de préférence , en nageanjc et en plongeant $ exercice auquel il est irès-routiné. Je traversai , plus loin , le ruisseau de Dschi- bkoessen , et à douze verstes de l'Ourbou-Dogno celui d'Arou - Dogno , qui se jette, avec le- Dschibkoessen , dans le lac Schakscha. Les Bou- riats nomment Dogno les ruisseaux qui ont leur source dans la môme contrée , ceux des montagnes situées entre deux fleuves , ou qui ont un cours directement opposé le long des deux côtés d'une montagne, et sur- tout lorsqu'il y a une route ou un sentier qui ♦ A Pritotjïova^ 377 traverse la montagne. On a donné aussi le même nom à plusieurs autres ruisseaux qui arrosent cette contrée. J'ai déjà, parlé d'un ruisseau ainsi appelé, et qui s'écoule dans le lac d'Iéravna. L'Ourbou - Dogiio , et l'Arou- Dogno, ont leur embouchure dans cette con- trée , le premier dans l'Irguen , et le second dans le Schakscha , près de la route 5 il y en a encore un troisième , qui se jette dans l'In- goda. Le Schakscha baigne un pays assez uni ; il a au moins dix verstes de diamètre dans sa plus grande dimension. On voit plusieurs pe- tits villages ou habitations éparses près de ses rives. Il est si poissonneux , que l'on a affermé sa pêche. Le lac Irguen l'est aussi beaucoup $ il s'en faut de plus de moitié qu'il ne soit aussi grand. On y prend beaucoup de brochets, et autres poissons de petite espèce , qui sont les plus abondans 5 on y pêche beaucoup de per- ches très-grosses ; on n'en voit point vers l'A- mour dans les rivières et ruisseaux qui coulent au-delà des montagnes. Depuis l'Arou-Dogno (1) , le pied de la mon- tagne, qui sert de limites, s'élève d'abord en côte douce $ on atteint ensuite la haute chaîne (1) Lorsqu'il y a dans une contrée plusieurs ruisseaux qui portent le même nom , on ajoute le mot Arou aux noms de ceux qui coulent au nord , et celui d'OuRBOU ou Oubcur à ceux qui se dirigent au midi. 378 *772t D u K O N D A de rochers à pic, appelée Iableki-Daba. Ella sépare la Daourie de la Sibérie , et les ruis- seaux du Baikal et de la Lena de ceux de l'A- mour. Les Bouriats ne le connoissent pas sous d'autre nom depuis les tems les plus reculés. JLes premiers Russes , qui se sont établis dans cette contrée , lui ont donné celui d'iABLONOÏ- Krébet (1), et peut-être à cause de la ressem- blance. On a cherché , dans la suite , l'étymo- logie et l'origine de ce même nom. Les uns ont \oulu le faire dériver du grand nombre de pier- res et de brisures de rochers , quoique la forme angulaire de ces pierres et rochers ne mérite pas le nom de Pomme ; d'autres le tirent du P y rus- Bac© at A (2) , qui ne vient pas dans ces monta- gnes. Le dos - d'âne de ces montagnes a près de vingt verstes de largeur; il est composé de granit , et il s'étend des limites de la Mongolie vers la mer d'Okotsk. Cette chaîne perce même au - delà de ces limites entre les sources du Tschikoï et de l'Onori , et elle forme plusieurs courbures non interrompues dans son exten- sion. Elle est, en grande partie, d'une hau- teur médiocre , et adossée plusieurs fois à des montagnes plus élevées, dont quelques som- mets sont couverts de neige pendant tout l'été , ■ »■■» 11 1 ■■ ■ "™ — ■■ ■ ■■— ■ 1. 1 1 ... - 1 - ■ ■- mi 111 ii »!»-- 1 11 1 ■ 1 ■ ^1 ' ■— — ■ —■■ — ■» (1) De montagne des pommes. (x) M. Pallas l'appelle en Allemand Wilde -Afterœp- ïeln ( pommier sauvage ). a Pritoitpova* 379 tandis qu'elles fondent de bonne heure dans les montagnes qui forment les limites. La ra- pidité des rivières , qui dirigent leurs cours vers la mer 7 sont une preuve de la hauteur de ces montagnes limitrophes. Une chose surpre- nante j c'est qu'on n'apperçoit aucune couche régulière de rochers dans toute l'étendue de cette chaîne de montagnes. Les rochers sont entassés les uns sur les autres , sans ordre , gros et petits , pêle-mêle. Ils sont couverts de mousse. Les arbres prennent racine entre leurs brisures. T^es roues des voitures souffrent beau- coup sur ces rochers , quoiqu'il ne soit pas pos- sible de rendre la route plus commode , parce que les eaux de neiges auroient bientôt enlevé toiis les travaux. Ce sont ces mêmes eaux qui ont mis tous ces rochers à nu depuis un grand nombre de siècles , puisque toutes ces monta- gnes manquent d'eau. Leurs forêts sont géné- ralement composées de mélèzes et de bouleaux nains. On remarque des bouleaux blancs et des pins dans la partie sud-est et le long des ruis- seaux ^ dont les bords sont couverts de sapins blancs et de sapins rouges entremêlés. Je passai , sans accident , cette montagne dans la journée , en remontant d'abord le ruis- seau d'Arou-Dogno. Arrivé au sommet , j'étois encore à douze verstes du relais le plus pro- che. Je côtoyai l'Ourbou - Dogno , qui coule vers Flngoda, ^La nuit me surprit au pied delà 58o 177a. » E PïïITOUPOVA montagne. Les chemins étoient si mauvais, et les chevaux si harassés, que je passai la nuit dans la forêt , et n'atteignis le relais que le lendemain matin. On voit, à quelque distance , im village habité par des Russes , situé près du Dogno. Il n'étoit tombé que fort peu de neige dans cette partie de la montagne le 8 et le 9 mai. La campagne étoit assez verdoyante , tandis qu'on n'appercevoit pas la plus petite herbe dans la partie nord-ouest. Je remarquai parmi les oiseaux beaucoup d'hirondelles domesti- ques ordinaires , et d'hirondelles de chemi- née à ventre roux ; cette dernière espèce est entièrement dégénérée dans la partie orientale de la Sibérie. Plusieurs personnes de ma suite étant restées en arrière pour chasser près du Schahscha-Noor , je séjournai , le 10 , au village de Pritoupova, composé de cinq maisons. S- X I. De Pritoupova a Kiioutschi. Du 11 au 17 mai. Tschitinskoï - Os trog, 6 verst. — Lac Tschi- galdshour. — Rat d'une espèce particulière. — Lac Balshina , 16 verst. — Klioutschi , 8 verst. Le 11 ? je continuai ma route vers Tschi- A K X I O IT T S C H *? 38l tïnsk. La contrée est d'abord plus ouverte et plus agréable, et il n'y a que les élévations qui soient boisées. Le bouleau nain croît snr les rochers, et y pousse des jets delà grosseur du bras. Le soldes vallons est graveleux ; on y trouve parmi les petites pierres beaucoup de quarts et des cailloux très-blancs , qui tiennent de la calcédoine. Je traversai le Kek, appelé aussi Kitschikschibir. On voit , près de ce ruisseau, plusieurs places salines et diverses tombes avec des pierres dressées ( i ). Je passai le Dshirck et le Khadaléi. Je côtoyai ensuite le Kinon 9 lac considérable , où l'on pêche de gros coras- sins et des brochets. Je m'arrêtai au village de Sasoposchnaia , situé près de l'Ingoda , à six verstes au-dessus de Tschitinsk, parce que j'étois forcé de faire faire du pain pour conti- nuer ma route. En attendant, je donnai l'ordre de préparer un radeau , à Tschitinsk , pour descendre l'Ingoda. La route qui côtoie ce fleuve n'étoit plus praticable , à cause des déborde- mens. J'apperçus , sur les montagnes de l'Ingoda, les mieux exposées , les feuilles du mélèzes et (i) La plupart de ces tombes forment un carre , et sont entourées de dales comme celles qui bordent TEnisséi. Elles abondent près du Tschikoï , du Dshida et du Schilka 3 on en rencontre peu près du Baikal, du S&enga, de l'Ouda et de l'Ingoda. 38a I772. DE PrITOUPOYA les fleurs du rosage de Daourie (1) , qui sont d'un beau pourpre. Le bouleau commençoit à bour- geonner. Le i3 mai, j'envoyai mes voitures au Tschita. Après m'y être embarqué sur le radeau, nous passames devant Tschitinskoï pour nous rendre dans Pin goda. Je laissai sur la gauche les ruis- seaux de Pestsclianka , Nikischikha ( en Bou- riat Tschégaïtou ), Ielnisehna, Glouboka (en Bouriat Boutefkoen ) , et de Kroutschina. Je m'arrêtai près du Simovié de Bolétoui , où je passai la nuit. Il existe dans PIngoda , un peu au-dessus du Kroutschina , un rocher nommé Kapitän, qui rend le passage très-dangereux, lorsque les eaux sont basses. L'Ingoda, nommé Anguida par les Bouriats, est bordé des deux côtés de montagnes granitelles couvertes de bois , dont les rochers saillans forment de place en place des rives très - escarpées. Ces rochers sont couverts de mousses rares $ le lycopode .des rochers (p) est celle qui y abonde le plus» J'y vis une fougère remarquable , la ptéride pédiaire (3) : l'hiver ne lui avoit fait aucun tort. Je trouvai , dans presque toutes les fentes de rochers , les feuilles de cette plante , qui conservent leur verdure en hiver 5 le dessous (1) 'Rhododendron dauricum. (i) Lycopodium rupestre, (3) Pteris pedata. a Klioutschï. 383 clés feuilles est blanc. Les feuilles de la rhu- barbe ondée (i) commençoient à pousser, et le bouton rouge de ses feuilles paroissoit. Je trou- vai sur le fleuve les canards à collier de Terre- Neuve., qui nageoient toujours deux à deux,, c'est-à-dire, le mâle avec sa femelle. Ils quittent cette contrée pendant l'été. Je laissai sur la droite, le 14, POlengoui et ïe village d'Olenguiskaia , et sur la rive gauche le hameau de Makavééva , composé de deux maisons. Je passai devant plusieurs petits ruis- seaux. J'atteignis , à cinquante verstes deTschi« tinsk , le village d'Oulsoutouéva ou Khara- mari goût (2). L'Ingoda coule ici dans une con- trée plus ouverte. J'y débarquai , pour me ren- dre , par terre , à la forteresse d' Akschinskaia p en prenant au sud - est vers l'Onon. Je conti- nuai ma route; je traversai le ruisseau d'Onad- schikan (3) et une lande élevée pour arriver au lac Tschigaldshour , où je passai la nuit. ■■ -1 .Il il — » .. , 1, I . -. , _ |.;_ . 1 I (1) Rheum undulatum\ la rhubarbe à feuilles velues et ondées , avec des pétioles égaux. (x) Les Bouriats ne donnent communément aux Russes que le nom de Man go ut , qui signifie un revenant. Ce nom doit son origine aux anciennes idées de ce peuple sur les Russes. Le premier fondateur de ce village avoit des cheveux noirs ; c'est la raison pour laquelle les Bouriats lui donnèrent le so- briquet de Kharamangout (revenant noir). Ce nom a passé à sa postérité 5 ainsi qu'au village. (3) Onadschi signifie , en langue Toungouse , une jeune fille, Kan est le diminutif 5 on l'emploie avec beaucoup de 384 1772" DE Pritoüpovi Le i5, j'entrai dans une forêt j et m'avançai jusqu'à la Toura dans des bas-fonds humides garnis de bouleaux. On traverse d'abord un large marais, nommé Kilbiri, et ensuite les ruisseaux de Kourkiréko , Kouimak , et Tirgo- toui 5 ce dernier se jette dans le lac du même nom. Je m'arrêtai , dans l' après - dîner , près du Tirgotoui, et j'atteignis la Toura vers la nuit. On découvroit de dessus les montagnes f exposées au midi , les prémices des superbes plantes printanières de la Daourie. J'y remar- quai principalement en fleurs l'androsace ve- lue (î) , et la vergerolle graminée (2) ; ces deux plantes fleurissent , au printems , sur toutes les montagnes de rocs bien exposées de la partie orientale de la Sibérie. On voyoit à peine les boutons à fleurs de l'ornithogale nain (3) , du miosot des rochers (4) , de la violette pinnée (5) > de deux potentilles particulières ( 6 ) , de la noms de fleuve et de rivière. Ce ruisseau doit son nom à une montagne voisine, qui paroît comme isolée dans cette con- trée. Pallas. Il n'est peut-être pas inutile de faire remarquer au lecteur que les diminutifs Toungouses et Allemands sont les mêmes. Kan , en Tongout , et Chcn ( prononcez Khen) en Allemand. Note du Rédacteur» (1) Androsace villosa. (2) Erigeron gramineum. (3) Ornithogalum minutum, (4) Myosotis rupestris. Appendix, n*. 282. (5) Viola pinnata. (6) PoHntilla leucophylla et multifida* JLd. première est passerage à Klioutschi. 385 passerage thlaspidioïde (i) , et de Palysse des montagnes (2). Les plaines basses étoient gar- nies de primevère des jardins ( 3 ) 9 qui com- mencent à former tige , et les parties boisées celle dont Amman nous a donné la description dans son Stirp. ruth. n°. 109 , sous le nom de Fragaria sterilis , procumbens ,/bliis betonicce instar serraiis [subtus niveis) , et dont il a publié le dessin planche 14 , fig. 2. Linnée l'a confondue avec la Potentilla nivea , qui n'a point de feuilles lisses ridées comme l'autre. La potentilla nivea est supérieu- rement bien rendue dans la Flora Sibirien , tom. 3 , tab. 36, fig. 1 ; Gmélin Ta distinguée avec raison de celle dont Amman nous a donné la description, je nomme potentilla multifida , celle décrite imparfaitement par Amman , sous le nom de pentaphyloides humile foliis angustissimis , et la superbe variété indigène à la Daourie , dont le dessin se trouve planche 16 de l'ouvrage cité ci-dessus. Pour répandre plus de lumières sur cette plante , je crois devoir ajouter ce qui suit à sa description : Folia radicalia longitudine caulis pinnata , foliolis linearibus , margine infiexis , subtus tomento niveis , folio terminait trifido , vel. quinquefido , caulina opposita trifida , ad pedunculos subsimplicia. Pe- dunculi teîiliissimi , cum caule rachibusque folio rum sub~ pilosi , sed ipsa foliola g/abra. Flores potenuUœ sericece. — Lin n ée rapporte à l'article potentill 1 multifida, deux passages tirés des ouvrages à* Amman et de Buxbaum , qui désignent parfaitement la potentilla bifurca, espèce très- commune depuis le Don jusques dans la Daourie ; mais la petite description qu'il y a jointe se rapporte à une variété très-connue de la potentilla sericea. (1) Lepidium thlaspidioides» (z) Alyssum montanum* (3) Primula farinosa*. Tome V. B h 386 ^11^ DB Phitouïova des montagnes étoient couvertes du cotylé- don malacophylle (1) , plante particulière à la Daourie. Une chose surprenante , c'est la multitude de rats des champs dans toutes les plaines unies, qui s'étendent entre l'Ingoda et l'Ar- goun. On y remarque sur-tout l'espèce noirâ- tre dont je donne la description dans X Appen- dix, n°. 19(2). Quoiqu'il s'en trouve aussi près de l'Enisséï, et dans les landes de Bara- binski et d'Ischimi , ils ne sont pas aussi nom- breux dans ces derniers cantons. Cet animal se creuse de vastes terriers sous le gazon , avec des galeries qui communiquent à d'autres trous ; ceux-ci lui servent de magasins pour serrer les racines qui le nourrissent pendant l'hiver. Il a soin de les bien nettoyer avant d'en rem- plir ses greniers. Ces rats se tiennent commu- nément deux à deux, et il est rare d'en voir davantage ensemble en hiver. On a peine à conce- voir comment deux petits animaux peuvent ti- rer une aussi grande quantité de racines sous le gazon , qui est très - compacte , et en accu- muler d'aussi grands tas dans leurs terriers. Un de leurs magasins renferme souvent huit à dix livres de racines nettoyées. Plusieurs ter- riers ont jusqu'à cinq magasins. Ces rats vont «.'■ 1 1 1 ■ i ■ ■ *■ ' 1 . . . ■" i- (1) Cotylcdon malacophillum* Appendix, n°. $17. |i) Mus acQnomus* A KlIOUTSCHI. 38/ quelquefois chercher les racines assez loin. On Voit , dans les places où ils s'arrêtent souvent > des trous dans le gazon , qui indiquent les lieux d'où ils ont déterré les racines. Ils enlèvent sur la place la terre et les fiiarnens qui y tiennent; ils les charient ensuite dans leurs terriers , en marchant à reculons. Pour faciliter ce char- roi, ces petits animaux ont creusé par - tout des trous dans le gazon , qui communiquent avec leurs terriers. Les racines qui composent leur récolte sont celles de la pimprenelle ordi- naire ( 1 ) , appelée Schoudou par les Toun- gouses , de la renouée vivipare (2) , nommée Mikir par les mêmes , et d'une plante ombel- lifère des prés (3). Si l'on en mangeoit , on ressentiroit aussi - tôt les pernicieux effets de son poison. Les Toungouses prétendent que ces rats ne font provision de ce cerfeuil que pour s'en enivrer. Il est certain que ces ani- maux mangent cette racine avec les autres. On rencontre, dans les steppes de laDaourie, qui sont plus élevées , un autre espèce de rat d'un gris clair (4), que j'avois déjà vu prèsdel'Iaïk. Ses allures sont presque les mêmes. Son ter- (1) Sanguisorba. (1) Polygonum viviparum. (3) ChcBrophyllurn temulum. C'est un cerfeuil qui enivre« (4) Mus soclalls, an mus Gregarius. Linn. . Voyez sa description dans 1! 'Appendix , n°. 1 6, Bb a 388 1772- de Pritoupovä rier se reconnoît facilement par la terre qu'on trouve toujours fraîchement remuée. U fait aussi des magasins pour ses provisions d'hiver ; mais il ne se nourrit que des racines du lis pompone (1) , et d'un petit ail (2,) , qui n'a pas de goût. Cet ail croît dans le sable. Il s'atta- che sur-tout à l'oignon de la tulipe , près de l'Iaïk. Les peuples idolâtres de la Daourie , et dé plusieurs contrées orientales de la Sibérie, qui ne s'occupent pas de l'agriculture, tirent parti de l'industrie de ces petits animaux. Les Toun- gouses cherchent sur-tout les terriers pour en- lever leurs magasins , parce qu'ils se nourris- sent quelquefois tout Un hiver de ces racines. Ils choisissent pour cela l'automne, tems où ces rats ont rempli leurs terriers , qu'ils ap- pellent Ourgan. Quand les Toungouses croient en avoir trouvé un , .ils tâtent avec le pied ou la bêche si le gazon cède : alors ils l'enlèvent, et découvrent , par ce moyen , le terrier et le magasin garnis d'herbes tendres. Ils reconnois- sent facilement les terriers abandonnés , lors- que les petits sentiers, qui y aboutissent, ne »ont pas fraîchement creusés , ni en bon état , ou qu'ils n'apperçoivent pas à proximité des traces de racines déterrées. Ils ne fouillent pas (i) Li Hum pomponium. (*) AUium tenulssimum, A K&ïOtTTSCH*. 38$ ees places. Quand ils trouvent un bon terrier 9 ils en enlèvent aussi-tôt les racines qu'ils sé- parent avec soin de celles du cerfeuil. Ces der- nières ont la même forme que celle de la pim- prenelle $ mais elles sont plus coriaces et plus blanches , et par conséquent très-aisées à dis- tinguer des secondes , qui sont noires. Les Toungouses mangent comme légumes les ra- cines de la pimprenelle 5 ils en font aussi une infusion qu'ils boivent en guise de thé. Ces pauvres rats ont à peine le tems de s'en- fuir pour sauver leur vie , quand on vient s'em- parer de leurs magasins \ mais ils sont encore plus maltraités par les sangliers , qui , non moins friands de ces racines que les Toun- gouses , sont toujours à la piste de ces terriers* Ils dévorent ces petits animaux avec leurs pro- visions d'hiver. Gméliri (1) nous a donné de pareils détail» sur la marmotte. Cet animal est assez commun en Daourie 5 mais il ne fait pas son terrier au-dessous du gazon , et ne s'approvisionne point de racines , parce qu'il passe l'hiver dans une espèce de léthargie. Le même voyageur s'est également trompé, en disant que lesToungouses appellent Mouka la bistorte des montagnes ^ son vrai nom est Mikir* Je continuai ma route le 16 mai, en longeant (1) Voyages en Sibérie , IF. part» pag. $0 et $%. Kb 3 3()$ 1772. î)ï Pïl ITOTJPCV la rive gauche du Toura , ruisseau considéra- ble , dont le cours se dirige d'abord au sud- ouest, et ensuite au nord vers l'Ingoda. Ses deux rives sont élevées et garnies de rochers. Elles for; nent des montagnes boisées à la partie supérieure , et s'éloignent de l'eau , en plu- sieurs endroits , pour faire place à de belles plaines , qui présentent de superbes prairies ou des terres propres au labour. En côtoyant le Toura , je traversai plusieurs ruisseaux qui sly jettent : tels sont l'Outtagazah , le Sehi- voïa, rOulountouï, l'Irtscirignir, l'Outtagat- schkan , et le Nuiiékok. J'entrai ensuite dans une vas«;e plaine élevée, qui est entourée de montagnes dans le lointain. Cette plaine étoit déjà très-verte ; je n'y remarquai aucun bois. En approchant du lac Baîshina (Baldshina- Amout ), elle a plusieurs places marécageuses et salines, ainsi que des flaques d'eau. Ce lac est très -étendu. Le Toura, qui y prend sa source, ne forme qu'un petit ruisseau très- bas. Les villages , déjà très-rares près du Toura, le sont encore plus dans le pays montagneux , qui s'étend entre l'Ingoda et l'Onon. Toutes ces contrées sont encore incultes ; on n'y remar- que aucune habitation Russe , quoique le sol soit très - propre à l'agriculture. Les Bouriats de Khorinzi s'y rendent , en été , avec leurs troupeaux. Les peuples , qui occupent ordinai- À K I ! O tî T S C fl I, 3 est peuplé de colons Busses. Quoique situé dans une contrée mon- tagneuse et couverte de rochers, son site est plus avantageux que celui de beaucoup d'au- a Akschinsïéàïa; 898 ties villages plus voisins cle l'Onon , dont les colons n'ont pour sol que des montagnes arides. La contrée présente, au-delà de Tili, une chaîne de montagne, nommée Alaschana , dont les cimes sont couvertes de neiges. Le pays voisin est cependant assez chaud, hes mon- tagnes de rocs, qui avoisinent le village, étoient déjà ornées d'un grand nombre de fleurs prin- tanières , telles que le rosage de la Daourie (1) , l'iris nain (2), l'anémone pulsatile (3), et une espèce du même genre que cette dernière plante, qui n'existe qu'en Daourie (4)* Jap- perçus celles de l'ornithogale (5), d'une va- riété du lion-dent (6) , qui est petite , et d'un bel astragale des montagnes ( 7 ). Les ormes ^— ^— — — ' ■ ' ~ ~~ i^ — «— — ^— — — — (r) Rhododendron dauricum* \z) Iris pumilci. (3) Anemone pulsatïlla. (4) Cette anémone diffère peu de l'autre. Comme elle croit dans le même terrain que la coquelourde ordinaire , on né peut la regarder comme une simple variété. Ses feuilles , qui ont une dentelure plus fine , poussent plutôt & presqu*en même tems que la fleur. La tige est plus velue ; les invo- lucres ou enveloppes ne sont partagées que dans leur pointe. La fleur est d*un bleu pourpre ; elle ne se développe jamais parfaitement , et elle forme la conque ea se réunissant avec les pointes des feuilles à fleurs. Cette anémone est peut-être celle appelée anémone pratensis par les botanistes. (j) Ornithogalum minutum, (6) Taraxacum. (7) Astragalus montanus, Flora Sibîr. IV, p. 59, n°. 76 , tab% 30. 3<) »E KLTOtTTêCHT nains étoient aussi en fleurs. Les ormes de ces montagnes sont plus beaux que ceux qui crois^ sent dans un terrain sablonneux près du Sélenga. Leurs branches étoient plus fortes , et leur écorce ressembloit à celle du liège. Je trouvai, pins loin, près de l'Ili, le prunier de Sibérie (i) , et 3a spirée à feuilles de ger- roandrée (2) ; ils poussent ensemble en Daou- xle sur toutes les montagnes escarpées , rocail- leuses , et nues, qui ont une exposition au midi. Je vis , ce jour-là et le lendemain , de petits troupeaux de Dséren ou chèvres des landes de la Daourie. Je traversai l'Ili près du village. Ce ruis- seau , qui est assez profond , a dix brasses de largeur. Je côtoyai sa rive droite en descen- dant , passai le ruisseau d'Oubdshiguéia , et fus coucher près du Doldorgo , dans la contrée où la rive gauche de Tili est bordée d'une au- tre chaîne de hautes montagnes , appelées Sa- Ka.ni. On voit déjà, près du Toura , les trous d'une grosse espèce de rats (3) , qui creusent, comme les taupes , dans les landes , et se nour- rissent de racines. Ces animaux font souvent des amoncelemens de terre de deux cents brasses. Ce rat est beaucoup plus abondant près de l'O- (j) Prunus Sibirica. (z) Spircza cliamœdrifoUa* {3) Mus aspaiax. Appendix, n°. zo. A A K 8 C H I N S K A X A.* 395 lion, et les plaines de l'Argounsont remplies des amas de terre qu'il fait. En descendant Tili , la contrée devient tou- jours plus montagneuse , se remplit de rochers , mais se dégarnit de bois. Les plantes dont je viens de parler étoient en fleurs près des mon- tagnes. Je vis des plants épars du pavot à tige nue (i) , et un très - petit tussilage blanc et velu (2) ; ce dernier est assez abondant , et il se plaît sur - tout dans les ravins, qui servent d'écoulement aux eaux de neiges. Je traversai, le 18, les ruisseaux d'Oulan-Dsliigguétéi, Dshib- Icoessen, Tarbagantéi , et de Tolountaï., et les côtes élevées qui les séparent. La nuit nous surprit ; nos chevaux, qui nous avoient amenés depuis ringoda , étoient fort harassés ; nous couchâmes près de l'Onon , à quatorze verstes au - dessous de la forteresse d'Akschinskaia* Nous avions eu plusieurs jours sereins et agréa- bles ; mais il tomba cette nuit un pied de neige , qui resta sur la terre jusqu'au lendemain après ~ — ■ — * (t) Papaver nudicaule* (2) On m'a aussi rapporté cette jolie petite plante de la contrée de Mangazélia, C'est une «les premières fleurs du printems. Ses feuilles blanches et cotonneuses paroissent en même tems que le narcisse blanc. C'est sans doute une es- pèce particulière, et nullement une variété du tussilago anan- dria. Gmelin en a donné une excellente description dans la Flora Slbir. II , p. 14; , n°. 124 , tab. 67 , fig. 2. C'est le tussilago nana ele Gmc'l, Syst. nat. 2, p. 1224. midi. Les plantes fleurissoient de plus en plus' On ne peut rien voir de plus beau que le ta~ bleau des montagnes escarpées , qui bordent TOnon. La partie méridionale est couverte d'abricots sauvages de Sibérie (1) 5 le nord est entièrement garni de rhododendron de Daou- rie (2) ; ils étoient tous en pleine floraison. La fleur du premier est de la couleur de la fleur de pécher : l'autre est d'un pourpre foncé. Je n'ai jamais rencontré , dans mes voyages , un paysage aussi charmant. Le 19 , je côtoyai (1) Prunus Sibirica. Ce superbe arbuste ressemble beau- coup à l'abricotier des jardins. Les Russes de la Da.ourie ne lui donnent pas d'autre nom que celui de Tscmeriioslif (prunier sauvage). îl couvre la plupart des montagnes arides qui sont près de TOnon , et il y forme des buissons. Il croît même sur celles dont la superficie n'est composée que de débris de rochers détachés, et où il ne vient presque aucune plante, On ne le voit point dans la partie méridionale de cette chaîne de montagne. Plusieurs personnes récoltent les noyaux de cet arbuste dans leur maturité. Ils les mettent infuser dans de l'eau-de-vie , qui prend le goût dJeau de noyaux. Cette liqueur enivre plus facilement que toutes les autres. Les habitans de la Daourie savent qu'on s'expose à de violens maux de tête , lorsqu'on mange beaucoup de ses amandes et de son fruit , qui est aigrelet. Un interprète Toungouse , que j'avois envoyé avec M. Sokolof , ayant mangé de ce fruit qui n'étoit pas encore mûr , quoique la fin de juin , fut attaqué d'une céphalalgie cruelle , qui le força de garder le lit pendant cinq jo^ïs. Ce fruit mûrit or- dinairement en juin. (x) Rhododendron daurlcunu a Akschinskàiâ. 397 des montagnes semblables jusqu'à la forteresse d'Akschinskaia, où je trouvai un prame prêt pour passer l'Onon. Je traversai, avant d'ar- river à ce fleuve , les ruisseaux d'Oulaatsché , Dshibkoessen, Nakhalanda, Ongossen , et plus haut la rivière d'Okscha ou Akscha , qui a donné son nom à la forteresse. Je longeai en* suite la rive gauche del'Onon. La forteresse d'Akschinskaia est située sur la rive droite du fleuve qui dirige son cours à Test , en passant près d'un petit lac beaucoupplus long que large , dans lequel ses eaux dégorgent quel- quefois. L'Okscha est moins considérable que Fin coda. La forteresse a la forme d'une étoile. Les bâtimens consistent en une église , des ma«r gasins, la chancellerie , plusieurs maisons pour les officiers , et huit casernes pour- les soldats. L'hôtel du commandant, réduit en cendre il y a un an, n'étoit pas encore rebâti. Cette forteresse fut construite en ij56. On vouloit d'abord la placer sur la rive gauche de POnon , dans un angle qui est entouré d'une montagne escarpée au-dessus de POkscha. Mais avant d'entreprendre les travaux., on s'apperçut des inconvéniens qui résultent d'un pareil local. Les fortifications ne sont pas encore achevées , parce que les soldats de la garnison, qu'on em- ploie à ces travaux, sont en trop petit nombre. On a construit les maisons des habitans sur les bords du petit lac. Dix maisons habitées par 398 177'2" DB Klioutschi des colons en forment la plus grande partie. On a le projet de les augmenter, et de construire un faubourg avec des rues régulières. Le vil- lage d'Akschînskaia, composé de cinq maisons , étoit , avant 17^5, dans la place où est au- jourd'hui la forteresse ; elles étoient occupées par des paysans qui avoient quitté les contrées du Schilki pour s'y établir. Ce lieu fut détruit et incendié par un parti de Mongols fugitifs qui surprirent les habitans par la vallée de Kourgoutéi, située dans le voisinage. On ré- solut alors d'y construire une forteresse pour défendre ce lieu et protéger les troupes légères qui dévoient garder les limites. Ces Mongols, appelés autrefois Kharazirik, se rendirent redoutables par leurs brigandages qu'ils nous- sèrent jusqu'aux frontières de la Bussie. On enrégimenta alors quatre cents Toungonses et quatre cents Kosaques de ■ Nertschinsk , pour garnir les postés de l'Onon et de l'Argoun. Ceux de Seien gninsk et d'îrkouzk gardent ceux de la chaîne de montagnes qui servent de li- mites., auxquels on a joint un parti de Mon- gols soumis à la Russie; c'est le seul service auquel ces derniers soient assujettis. Cette troupe monte à mille sept cents hommes. On n'emploie que la moitié des troupes légères pour garder les postes des limites de la Daourie ; chaque piquet est commandé par un caporal de troupes réglées $ l'autre moitié est dispersée A AKSCHINSKAIA. 399 par pelotons , qui campent de distance en distance, et sont toujours prêts à marcher au premier signal. Il n'existe encore que deux forteresses dans ce district , Akschinskaia et le nouveau Zouroukaïtou. On se propose d'en construire une troisième dans la distance qui les sépare , près de la petite rivière d'Onon- borsa. On a déjà disposé du commandement de cette place , qui se nommera Oustbor- sinskoÏ. On doit garnir ces limites d'une ligne de forteresses et de postes à l'instar de celles de rirtisch et de l'Obi $ mais il se rencontrera des places dans plusieurs de ces contrées, où il ne sera pas possible d'approcher des monta- gnes, et qui, par conséquent s'opposeront à la construction des forteresses. Je passe aux dis- tances qui séparent ces postes. Je les ai évaluées, d'après la démarcation faite relativement au nou- veau plan de fortification. Les places qui bordent la chaîne de monta- gnes où se termine la distance des limites de Kiakhta , et où commence celle d'Akschinski, sont : Baltschikanskoï - Karaoul , à cent soixante verstes de Manshinskoï- Karaoul , le dernier poste qui dépend de Kiakhta. On n'en compte que cent quinze en traversant les montagnes en ligne directe. Altanskoï - Karaoul , situé près du ruisseau d'Agouza à quatre-vingt-trois verstes de Balts- cliikanskoï. 4oo ^77^' DE Klioutschi Kirinskoï - Karaoul , près du ruisseau de Kira^ à trente-six verstes du précédent. Verkhnéi-Oulschounskoï* Karaoul , à quarante- deux verstes de Kirinskoï. Mangouzoï-Karaoul. Les personnes qui ont été chargées de la démarcation prétendent qu'il est à trente verstes du précédent ; d'autres assurent qu'il n'en est éloigné que de quinze ^ verstes. Nishnéi-Oulschounskoï - Karaoul est à aua- rante-cinq verstes de Mangouzkoï , et à trente d'Akscliinskaia. Le poste avancé de Tosclitorskoï , à trente verstes d'Oulschounskoï , en suivant la route de la démarcation des limites. Mogoïtouefsjkoï -Karaoul est situé près du lac Mogoïtou , à vingt-cinq verstes de Tos- chtor. Dorolgouiskoï-Karaoul , à vingt- cinq verstes du précédent , et à peu de distance de l'Onon. Koubouschaïtouefskoï-Karaoul , à trente-trois verstes du précédent. Tschassoutschinskoï - Karaoul 9 a quarante- cinq verstes. Kouloussoutaefskoï- Karaoul, à trente -cinq verstes. Oudoumkaefskoï-Karaoul , à la même distance que le précédent, d'après la démarcation qui a été faite. y Tschindantouroukouefskoï- A Akschinskaïa. 4oî Tschindantouroukouefskoï-Karaoul , à trente- cinq verstes. La ligne s'éloigne ici entièrement de rOnon, et passe près de l'Argoun. Klioutschefskoï-Karaoul, à trente- trois verstes du précédent. Zagan - Oloïskoï - Karaoul , à cinquante Verstes. Le poste avancé de Soltouef'skoï , à quarante verstes. ^ Aba gaïtouef skoï- Karaoul, à cinquante verstes du Soltouefskoï , en prenant presqu'en ligne directe. On en compte quatre- vingt en suivant la route ordinaire. C'est le premier poste situé près de l'Argoun. Kailassoutouefskoï - Karaoul , à cinquante verstes d'Abagaïtouefskoï. Dourouefskoï - Karaoul , à quarante - neuf verstes du précédent. L'ancien Zouroukaïtou , à vingt-cinq verstes. Ce n'est aujourd'hui qu'un poste. Le nouveau Zouroukaïtou, appelé aussi Ou- kouloungouiskoÏj à vingt- six verstes de l'ancien. Sorgolskoï - Karaoul , à vingt - six verstes. On n'en compte que dix-neuf en ligne di- recte. Bourinskoï - Karaoul , à vingt - cinq verstes du précédent. Borsinskoï-Karaoul , à dix-sept verstes* Tome V. Ce 4o2 *772« *>* Klioutschi Bouldourouefskoï-Karaoul, à environ vingt-un Verstes de Borsinskoï. Tscholboutschinskoï-Karaoul , et son village. Il est à dix-sept verstes du précédent, à douze verstes des forges d'argent de Nertschinskoï , çt à quarante - cinq du fort d'Argounofskoï , qui est la dernière place des limites à l'est. Cette ligne de places frontières est actuel- lement divisée en trois distances , qui sont sous les ordres des Cominandans d'Akschinskaia , du nouveau Zouroukaïtou , et de la nouvelle forteresse que Ton doit construire près de l'O- nonborsa. Ces commandais et ceux de la ligne de Kiaklita , prennent les ordres du département des limites de Sélenguinsk , qui a le gouver- neur d'Irkouzk pour chef. Il est administré par une Chancellerie. Chasse aux Antuopes. • Je séjournai à Akschinskaia jusqu'au 2.3 mai, pour observer cette contrée et chasser les an- tilopes au trac. Les Mongols appellent cette chasse Ablakhou , et les Russes Oblava ; les Toungouses qui habitent les landes de la Daourie en font leur principale récréation. Ils choississent à cet effet des contrées unies et ouvertes , situées vers une montagne , une ri- vière , ou une forêt pour que ces animaux soient obligés de s'y arrêter. Ils forment en automne , teins où les chevaux sont dans toute A A K S C H I N S K A I A.' 4°3 leur vigueur , des compagnies de cent cinquante à deux cents chasseurs à cheval. Ils ont chacun un chien dressé et des chevaux de main, et sont armés d'arcs et de flèches. Cette chasse dure communément plusieurs jours. Arrivés au rendez^ vous , trois ou quatre chasseurs , ayant bonne vue, vont en avant afin de découvrir le gibier de dessus les hauteurs ou les mon- tagnes. Ils s'arrêtent pour attendre leurs com- pagnons,, dès qu'ils apperçoivent des antilopes. A mesure que la troupe approche , ils lui font des signaux , ou bien ils font faire quelqu'évo- lution à leurs chevaux pour lui indiquer le lieu où les antilopes pâturent, et la manière dont il faut s'y prendre pour arriver jusqu'au troupeau. La compagnie se divise alors en plu- sieurs parties; chaque chasseur se sépare à la distance de soixante ou quatre-vingts toises l'un de l'autre pour former un grand cercle. Ceux des ailes avancent vers le lieu dû pâture le troupeau, et ils cherchent à se cacher derrière les hauteurs jusqu'à ce que les antilopes soient entourées. Le cordon des chasseurs se resserre. Lorsque les antilopes veulent s'enfuir à leur approche , les chasseurs fondent sur elles , et seles renvoyent de l'un à l'autre, en les épou- vantant par leurs cris et le sifflement des flè- ches (1) qu'ils lancent. Ils tuent de cette ma- (i) Ces flèches sont armées d'un dard très-mince et bien Ce 2 4o4 *17%* DE Klioutscht nière toutes celles qu'ils peuvent atteindre. Les peuples qui habitent les landes de la Daourie sont excellens chasseurs, parce qu'ils sont très-exercés et fort habiles à tirer au but. La chasse est plus heureuse lorsque Ton trouve une rivière ou une montagne boisée dans le voisinage du lieu où elle se fait. Ces antilopes ou chèvres des landes , n'entrent jamais dans l'eau , quoique poursuivies avec acharnement par les chasseurs et les chiens. Elles tâchent de se sauver en faisant des bonds et des sauts pour passer entre ceux qui les chassent. Mes- sersc/imidies appeloit donc avec raison, capra hydrophobos (i) ; et c'est à tort qu'on l'a blâmé de leur avoir donné ce nom. Gmélin assure qu'elles traversent quelquefois des rivières de leur propre mouvement, pour chercher des pâturages ou par un autre instinct , mais qu'elles ne le font jamais lorsqu'on les chasse. Les an- tilopes de là Daourie ont la même aversion pour toutes les forêts. Dès qu'elles sont chas- sées dans les bois , elles se trouvent si embar- rassées qu'elles se frappent la tête contre les aiguisé , qui a quatre doigts de large , et forme le carreau d'arbalète. Au dessous du dard est un bouton creux en os. Ct bouton a des trous qui reçoivent l'air. Elle forme, par c* moyen , un sifflement lorsqu'elle est lancée ; son dard fait une large blessure , qui est très-meurtrière. Les Russes ap- pellent cette flèche Dvistouhi , et les Mongols Du« (i) Chè vie hydrophobe» A Akschinskaia: 4°S arbres , perdent entièrement haleine f et se laissent prendre avant d'avoir fait une course de cent toises. Elles ont par conséquent beau- coup de peine à échapper aux chasseurs dans tous les cas. On prend souvent dans ces chasses des loups et autres animaux carnassiers qui se trouvent enveloppés avec les antilopes. On aime beaucoup ces rencontres heureuses qui augmen- tent le profit. Si la chasse se fait dans une con- trée entièrement ouverte et sans abris , les chas- seursde derrière sont obligés de se cacher jusqu'à ce que ceux des aîles, ayant bien enfermé les antilopes , les fassent refluer sur le centre en les serrant de près , ou bien en lançant leurs flè- ches , dont le sifflement les épouvante. Je m'occupai , pendant les préparatifs de cette chasse, à observer les poissons de l'Onon, et les plantes de cette contrée, qui corn mençoient à pousser Je vis dans les plaines qui avoisinent le fleuve , l'astragale biflore (i) , la gentiane aqua- tique (2) , la plus petite de toutes les plantes à fleurs qui croissent en Daourie , la primevère fa** (1) Astragalus bîflorus , an astragalus ( caulibus). ra+ dlcatis scapis folia œquantibus , floribus gemellis , fo- îiolis ovalibus sericeis , legwnùnibus teretlbus , glabrls 9 trecùs. Flor. Sibir. IV \ p. j 4 -, n. 70, tab. 16 >fig^ 1. (i) Gentiana. aquatlca» C c 3 4o6 ^IT*» D1! KtiouTscHt Hneuse (1), et l'argentine fragaroïdé (2), qui 6ont les fleurs ordinaires du printems. On ap- percevoit dans tous les fonds le peuplier bau- mier en fleurs. Ses boutons., qu'il conserve pendant tout l'hiver commençoient à tomber. Ceux-ci sont enveloppés d'une résine visqueuse et odoriférante , presque semblable au baume de la Mecque. Le sorbier des oiseaux commen- çoit aussi à fleurir 5 la floraison tardive de cet arbre prouve l'influence du climat de la Daourie sur la végétation. Je trouvai près des monta- gnes beaucoup de violette aîlée et digitée (3) > d'iris nain (4) , et de scorzonère naine à feuilles larges et veinées ( 5 ) ; les fleurs des pavots à tige nue (6) étoient assez rares ; elles sont cou- leur de soufre , mais elles ne paroissent dans toute la Daourie qu'à la fin du printems. Lorsque les plants se trouvent dans des contrées ou" vertes, leurs fleurs deviennent superbes et (1) Prlmula farinosa. (1) Potentilla fragarioides. (3) Viola pinnata et ■ digitata , an viola acaulis foliis digitatis. Fîor. Sibir. IV^p. 100, n. 6$ , tab, 48 , fig% y* Sa description y est bien détaillée , et le dessin fort exaft. ùmélin la donne comme une espèce particulière et invaria- ble. Il paroît que c'eft celle dont parle M. de Haller> dant son Stirp. Helv. vol. II, pag. foi , sp. 7, (4) Iris pumila. (f) Scor\onera humilis. {6) Papaver nudicaule. A A K 5 C H ! S S lt A I il 4°7 ^maillent agréablement les campagnes. Toutes les plantes dont j'ai parlé et les arbustes étoient en pleine floraison ; d'autres commençaient seu- lement à pousser ; je remarquai parmi celles- €i la pédiculaire incarnate (1) qui abonde dans toute la Sibérie. Poissons » e i/Onon. Les rivières qui baignent les campagnes de la Daourie, et se réunissent à l'Amour, sont peuplées de plusieurs espèces de poissons qu'on ne rencontre pas dans toutes les autres rivières de la Sibérie ; mais presque toutes ces espèces se trouvent dans l'Onon. Ceux que l'on pêche le plus souvent dans les rivières delà Daourie, sont deux espèces de ciprins, que les Russes de cette contrée appellent Krasnoper (2) ; ils donnent le nom de Kon (3) à l'autre espèce , à cause delà vi- vacité de ce poisson ; il faut être très-attentif pour le retenir dans les filets où on le prend. Ce dernier est d'un goût exquis. Ces deux poissons sont inconnus ailleurs. On y pêche aussi des petits barbeaux ; on n'en voit plu» en Sibérie dès qu'on a quitté les bords de Tlaïk. Ils sont assez abondans ; et on les appelle ici »1 • ■ !■ 1 ...... 1 1 ■! ■■ h 1 ■»— —— — — wm»m»wmi 11 1 ii m (1) Pcdicularis incarnat a, (\) Rougets. (?) Cyprinus leptocephalus et lahco* Appendix , n°*. tim] et 115. Ce 4 4°8 l772" DE Klioutsciî? Szazan comme en Russie. Ils ne diffèrent da la carpe du Volga que par leur petitesse, et sont plus délicats. Parvenu aux monts Ouralsks, on ne trouve plus en Sibérie le glanis ordi- naire. On pêche ici un glanis appelé Som. On n'y voit pas l'espèce connue en Russie , mais une plus petite que les Ichthyologistes nomment Silur us Asotus. Il remonte de l'Amour dans l'Onon et l'Ingoda., un esturgeon ou ichtycolle f appelé ici Kai, ou g a. Je n'ai pas eu occasion d'en voir , parce qu'on ne les prend guères qu'en automne. Les détails que l'on m'en a donnés me font juger que c'est une espèce particulière. On le rencontre le plus communément dans la Schiika. Les brochets ordinaires ressemblent aux poissons de la Chine, ils ont une couleur d'or et tigrée ; on pourroit les prendre au premier apperçu pour une espèce particulière. On pêche rarement dans l'Onon des esturgeons communs. On y prend aussi des taïmans et une grosse espèce de Morène (i), connue près du lac Baikal sous le nom de Morskoï-Sig. Je ne parle pas des autres petits poissons , je parmi lesquels je trouvai leGoléian (2), dont donne la description dans Y Appendix , n°. ji 1 1 . On le voit dans tous les ruisseaux de cette (1) Salino oxrynchus ; f oxrynque des Ichthyologistes Fran- çois. (1) Çyprinus rivularls* A A K S C H I K S K A I A ;? 4°9 contrée, aiusi qu'une espèce de goujon (1). Le petit ciprin soyeux ( 2 ) , poisson remarquable par la variété de ses couleurs , abonde dans Jes eaux stagnantes. On trouve des écrevisses dans les rivières de la Daourie , mais point en Sibérie dès que Ton a quitté les bords de Tlaïk et de la Kama Elles sont de la Ion sueur du doigt comme les petites écrevisses de sources , et un peu plus lisses que celles d'Europe. On n'ap- perçoit pas en deçà des montagnes les petites perches de rivière qui abondent dans les lacs situés à l'ouest de la chaîne d'Iablénoï. Plu- sieurs de ces lacs ne sont qu'à trente Yerstes de ringoda en ligne directe. La petite perche de rivière et le poisson blanc ordinaire (Tsché-. ba ki) sont communs dans toute la Daourie. L'Onon, et plusieurs des rivières qui s'y jettent p. et l'ïli sur-tout, roulent des coquilles à perles assez grosses , et beaucoup de inyes des pein. très. On pèche des moules de limon com- munes , et la conque anatif ère dans les lacs et les fonds qui bordent l'Onon. Elles sont très- grosses , et leurs coquilles très- fortes. Je me suis procuré des coquilles des lacs de Scha- ranaï , qui sont au-dessous de l'Onon. Elles avoient une demi - aune do long et de trois à (ij Cobitls barbatula. La franche barbottc des Ichthyolo- gistes François. (1) Cyprinus sericeus. Appgiidix , n°. 114. 4to *7^a- »s Klioutschî cinq lignes d'épaisseur. Celles de neuf pouces de longueur sont communes. On prétend que l'Argoun charie un grand nombre de ces co- quilles. L'Onon coule sur un fond entièrement pierreux. Ses eaux, dans cette contrée , jettent sur leurs rives beaucoup de cailloux, qui sont de la nature de la cornaline, de la calcédoine , et du kascholon. Ces cailloux seroient précieux s'ils étoient plus gros , et pas fendus. On trouve aussi par-taut des morceaux de jaspe vert, jaune, rouge , et rayé. On prétend qu'il s'en ren- contre de pareils dans les montagnes baignées par l'Onon. J'ai entendu dire que des cailloux beaucoup plus beaux et semblables au kas- cholon et à la cornaline , étoient encore plus abondans près de l'Argoun. Les pays où ces espèces de pierres sont les plus belles, sont les déserts de Gobéi dans la Mongolie ; ils passent pour la patrie du kascholon , dont le nom est Mongol (1). On apporte en hiver, beaucoup de pellete- ries à Akschinskaïa , telles que des petits- gris de la plus belle qualité , et très-foncés en couleur , qui ne le cèdent point à ceux de Nertschinsk et de Bargoun. On prend ces animaux dans (i) Kia signifie beau et gentil en Mongol; Tschojlon , une pierre. D'autres personnes font dériver ce nom de Khasch et de TscholoK , et appellent cette pierre Khasch-Erdéwi. A Akschinskaia. 4t% les montagnes élevées qui s'étendent entre l'Onon et le Tschikoï. On voit aussi beaucoup de zibelines dans cette forteresse. S- X I I I. D'Akschinskaia a KoussoulatbfskoÏ. Du 2.3 au 3o mai. Ruisseau de Schilboungou. — Poste avance de Toschtorskoï , a5 verstes. — Karaoul- Dorolgouefskoï ou Imalschinskoï , a5 verst. — Grand lac Zagan-Noory 10 verst. — Petit lac Zagan~Noorf i5 verst. — Kouboukhai~ .touefskoï-Karaoul , 8 verst. — Sassoutzchin** skoï-Karaoul , 4^ verst. — Taréï - Noor, — Koussoulatefskoï - Karaoul , 35 verstes. «— Observations sur le Dshigguétéi , cheval sau- vage. — Observations sur YOgotona , espèce de lièvre. Les Toungouses ayant fait une chasse dans le voisinage de Niishnéi-Oulschounskoï-Karaoul, m'apportèrent, le a3 mai, une assez grande quantité de chèvres des steppes ou antilopes (Dseren). Il y en avoit de vieilles , de jeunes, des mâles , et des femelles (î). Je m'occupai (i) Nov. Comment. Act. PetK tom. V , p. 374. C'est V antilope gutturos a de Gme'lin, Syst. nat. p. 186. 4i* 177** »'AiÄCHtygüAiÄ le soir et le lendemain aies disséquer. Une chos# remarquable dans ces animaux, et qu'on n'ob- serve dans aucune autre espèce d'antilopes , c'est que le bouc a des cornes très- longues; son larynx est d'une grosseur si extraordinaire , que les vieux mâles paroissent avoir un goitre énorme. Ils ont sous le ventre , vers la poitrine, une vaste bourse qui a une ouverture particu- lière ; cette bourse ressemble parfaitement à celle du porte-musc., excepté qu'elle est vide. Elle se remplit peut-être de quelque matière, lorsque ces animaux sont en rut , ce qui arrive à la fin de l'automne 3 la femelle met bas ses petits au mois de juin , pendant la flo- raison du lys pomponium (Sarana). Ces jeunes antilopes s'apprivoisent très-bien, ainsi que le Saïga du Volga , lorsqu'on les élève. J'ai vu des antilopes se promener dans les cabanes des Toungouses , qui les laissent aller librement dans la campagne , parce qu'elles reviennent tous les soirs à leur étable. Lorsqu'elles sont poursuivies par des chiens , elles se sauvent auprès des personnes qu'elles apperçoivent. Les antilopes sauvages se mêlent volontiers avec les troupeaux de vaches et de veaux ; j'en ai vu près d' Akschinskaia qui paissoient tranquil- lement avec eux , Sans témoigner aucune in- quiétude. Mais quand ces animaux sont dans les landes ouvertes , ils ont grand soin de ne pas se laisser approcher par un chasseur. On A KOUSSOULATBÏSIOI 41' assure qu'ils surpassent le Saïga pour la rapidité de la course. Je reçus, pendant mon séjour, quelques oiseaux rares , dont plusieurs n'appartiennent en partie qu'à la Daourie. Je remarquai parmi ces derniers , le corbeau bleu ( 1 ) , une pie- grièche (2), et une emberize (3) dont j'ai parlé. Je quittai Akschinskaia le %5 , et pris la route des limites en descendant l'Onon. Mon intention étoit de profiter de la belle saison pour aller observer les plantes des montagnes et plaines qui s'étendent entre l'Onon et FArgoun. On passe , en suivant cette route , devant les corps- -de-gardes des limites. Le sol du pays et le cours des rivières n'ont pas permis de les éta^- blir à des distances égales. Les Russes leur donnent le nom de Ma/îaki , et les Mongols celui d'OBO. D'après un ordre de la cour,, les Kosaques Russes ont construit des maisons près de ces corps * de - gardes , et défriché des champs. Après avoir passé le premier poste , la route d' Akschinskaia traverse la vallée de Kour- goutéi. Celle - ci partage une montagne boisée qui longe l'Onon à l'ouest. On s'éloigne ici du (1) Corvus c y anus, (x) Lanius brachyurus, Appendix, n°. i8> (^ Embcri\a ruüla* Appendix , n*. $3. 4*4 1777" d'Akschikskaia fleuve pour suivre un ruisseau du même nom.4 Parvenu à la moitié du chemin , je m'arrêtai dans une plaine sablonneuse où l'Onon forme une nouvelle sinuosité. Je fis halte pour faire manger les chevaux près du petit ruisseau de Schilboungou. Ici l'Onon est bordé de rochers escarpés, et sur-tout vers sa rive gauche. Je vis dans la plaine sablonneuse , la cherlere en ga- zon (1), petite plante très-commune en Daourie , l'astragale applati (2) et le petit tussilage (3) dont j'ai parlé. Les chasseurs rapportèrent de leur course un oiseau que je n'avois jamais vu, un étourneau d'un superbe plumage (4) ; on ne le trouve point ailleurs qu'entre l'Onon et l' Ar- goun. Il se tient volontiers dans les broussailles de saule , et il se nourrit de vers et de feuilles de l'ail sauvage. La femelle pond dans les trous des rochers, et quelquefois dans les nids des moineaux sous les toits des villages. Ses œufs $ont d'un vert foncé. Je trouvai des hauteurs sablonneuses nues et boisées de pins jusqu'au ruisseau de Tos- chtor. Les Kosaques de Dorolgoui ou Tosch- torskoï-Karaoul, ont formé ici un établissement. Ce village est situé au-dessous de l'embouchure (1) Cherleria. sedoides, (i) Astragalus deprtssus. (3) Tussilago nana. {4) Gracula sturnina. Appendix, n\ 30. A KO US SO ÜL AT BFSKOl. 4l$ du ruisseau , près d'un bras de l'Onon qui re- çoit le petit ruisseau de Koudschin. Un poste occupé par des Kosaques Toungouses , qui cam- pent dans des Iourtens , est au-delà des limites à plusieurs verstes au sud. Le Toschtor y reçoit le ruisseau de Mogoïtou, et plus bas celui de Marschiga. Sa rive droite est bordée de mon- tagnes boisées. Les gardes de Kosaques Russes sont composées de dix hommes , mais elles n'en ont encore que quatre, parce que les gens mariés sont les seuls qui aient bâti des maisons. Les sinuosités de la route m'ont forcé de faire au moins quarante verstes, tandis qu'on n'en compte que vingt-cinq en ligne directe depuis la forteresse. En quittant le poste de Toschtor y la lande sablonneuse garnie de pins est toujours la même; on y voit les mêmes plantes , et sur - tout l'as- tragale applati (1) , qui étoit en pleine floraison et couYroit de vastes places. Je traversai une grande plaine couverte de gravier > qui s'étend jusqu'au ruisseau de Kourouldsha, et se perd dans une vallée de l'Onon , appelée K o u t* Kaltou. On monte le Dorolgoui , montagne considérable qui se dirige au nord. Elle est boisée d'une forêt de bouleaux très-humide et très-froide. On entre dans une lande ouverte qui est d'abord montagneuse et garnie de ro- ■ ■i i ' " ' ' i , ii ■, i i i i u — — — — tmm . (i) dstragalus depnssus. A. 4i on atteint le Taréi-Noor , bas-fond uni et desséché. Il s'étend dans la Mongolie sur trente verstes de longueur et vingt O Ol) de largeur. Le lit de ce vaste fond est assez ■P». ■ ■ ■ - ' - " ■■■■ — ■' ■ ■ — ,..-■,■■-—. ■ ■ - ■ ■ ■ 1 . HHJBf (1) Sassou signifie de la neige en langue Mongole«, (i) Le riche Wanc*. Dd 3 4-22 1 772. d'ÂKSCHIÎïSKIIA plat et uni , composé, en grande partie 9 cle gravier et de pierres ; le reste est une vase des- séchée. On y décoiivre , dans plusieurs places , des couches de rochers saiUans, qui forment de petites îles et des écueils. On y voit aussi , sur-tout vers la rive gauche , des flaques d'eaux salines et marécageuses , qui n'ont presque pas de fond solide. Le sol est en général salin , et Ton. rencontre peu de places assez impré- gnées de sel amer pour s'en appercevoir à la superficie du sol. Comme la végétation n'étoit pas commencée , il n'y avoit que de l'herbe aride et desséchée, et de l'absinthe. On décou- vroit cependant, près des rochers saillans, les buissons de nitraire ( 1 ) , et de salicorne fo- liée (2,) , dont j'ai parlé dans le premier vo- lume de mes Voyages , et qui jetoient même leurs premières pousses. J'y remarquai une groseille verte (3) , qui ne croît qu'en Daourie , et près du Sélenga. Ses feuilles et sa fleur, qui forme grappe , commençoient à paroître. Son fruit est abondant, rougeâtre , plus petit, et plus doux que la groseille d'Europe. Il res- semble aux raisins de Corinthe , lorsqu'il est sec. Le bas - fond sablonneux , qui entoure le lac , étoit tapissé d'iris d'un bleu pâle (4) , de (1) Nitraria. (i) Salicornia foliata, ($) Rlbes diacantha. Appendix , nG. 196. (4) Iris an s parla, Appendix , n°. 2,74. J'en donne la * KOUSSOUIATÊFSKOI. l'astragaloïde couchée (1) „ du dryas-géoïde (2)^ de Vastragale applati (3), et de plusieurs au- tres fleurs. J'y observai encore la potentiile (4) bifurquée. Les feuilles de la plante étoient si maigres et si arides , qu'on les reconnoissoit à peine. J'ai souvent rencontré cette plante , dans le même état , en Daourie. Le phaca sa- lmaire (5) commençoit à paroître. J'en ai re- cueilli des fleurs près du Taréi ; mais on ne le trouve , en Daourie , que dans cet endroit , et près du vallon d'Ourouloungoui , vers l'Ar- goun. Le Taréi est bordé par une lande ouverte , qui s'élève peu-à-peu. Son sol est sablonneux,, argileux, pierreux, et même garni de rochers- dans certaines places. Plusieurs Toungouses prétendent que cette lande est l'extrémité du vaste désert de Gobée , qui s'étend jusqu'au Daléi-Noor ; la chaîne de montagnes, qui sert de démarcation entre l'Amour et la Lena , pa- roît être une continuation de la haute monta- gne de Khan - Oola , qui confine au nord la lande de Gobée 5 on est obligé de la traverser description, ainsi que celle de pîufievtrs autres espèces, parce que je ne me ressouvenois pas des noms que les botanistes ont donnes à cet iris et aux autre.". (1) Fhaca prostrata. Appendix, n°. 383. (z) Dryas geolchs. (3) 'Astragnlus de près sus. (4) Potentllla hifurca. (5) Fhaca salsula. Appendix , n°. 387. Va 4 '4^4 *77^' b'Akschïkskaià pour aller de Kiakhta à Pékin. On voit, a l'est du Taréi , une montagne de schiste noir freu élevée, dont les couches, presque perpendi- culaires , filent de Test à l'ouest. Cette mon- tagne sépare le lac desséché en deux baies ; celle située au sud-est s'appelle le Petit Ta- réi. Le grand Taréi reçoit lTmalscha , ruis- seau dont j'ai parlé, qui vient de la Mongo- lie , et celui d'Ouldsa ; mais ils se perdent tous deux dans le terrain à leur embouchure. J© trouvai aussi le lac sans eau , et en partie à sec. On ne voit aucunes sources ni flaques d'eau vers ses rives méridionales et orientales. Le poste de Koussoulatefskoï est situé dans un fond du même nom , baigné par trois ma- rais, dont les eaux sont un peu samnâtres. On y voit plusieurs grandes places chargées de beaucoup de sel amer et de natrum. Les Toun- gouses , qui font le service , sont campés dans des iourtens. On a bâti une caserne sur une éminence voisine , et on l'a entourée de chevaux de frise. Cette caserne a été tellement ruinée l'hiver dernier , qu'elle n'est plus habitable. Cette destruction provient d'une source qui s'est fait jour sous ces fondemens : ce qui arrive sou- vent dans cette contrée., dans des places qui sont entièrement à sec, Les Kosaques Russes ont formé un établisse- ment près de l'Onon , à trente verstes au nord de Koussoulatefskoï - Karaoul. La route qui y conduit traverse un vallon continu , nommé À KOUSSOUL A TE TS KOI. 4^5 aussi Koussoulateiskoï. On trouve un autre marais dans ce vallon, à quinze verstes du poste. ; il est si abondant en natrum > qu'il pa- roît couvert de neige. Ce marais est presqu'à sec. On y voit plusieurs autres places salines. Le lac Boulgoundak est à cinq verstes de celui de Rouloussoutaï ; ses eaux sont blanches sur les élévations qu'on ap perçoit au midi , tandis que ses rives septentrionales sont composées d'une argile blanche très-chargée de sel. Les Toungouses y établissent communément leur poste en été. Il existe au nord du Taré! , vers la partie occidentale du vallon de Kouloussou- taï , deux autres petits lacs séparés par une petite montagne. Ils portent également le nom deZ agan-Noor. On rencontre encore quelquefois , dans les steppes arrosées par le Taréi, le cheval, sau*- vage que les Mongols appellftitDsHiGGLÉTÉi (i). On rapporte qu'ils se tiennent par nombreux troupeaux dans la Mongolie , et sur- tout dans la vaste lande de Gobée , qui manque d'eau. On rencontre rarement, dans ces contrées , ces animaux par troupes , conduits par un vieil étalon , depuis l'établissement des nombreux postes qui défendent les frontières de la Rus- sie. Ces troupeaux étoient composés de dix à trente jumens, et même plus. On ne les ap- perçoit aujourd'hui qu'un à un. Ce sont des (i) Longue oreille. %i6 177z* d'Akschinskai'JC jumens égarées, ou de jeunes chevaux entiers chassés par les étalons > qui franchissent les limites de la Mongolie. On n'en trouve plus aucun lorsque l'on quitte les steppes méridio- nales du Taréi-Noor, et l'angle qui forme l'ex- trémité de la contrée d'Argoun , près d'Aba- eaitou. Le dshigguétéi n'est ni cheval ni âne 5 sa conformation prouve que c'est une espèce par- ticulière, qui tient des deux,, comme le mu- let. C'est par cette raison que Messerschmidt l'a appelé mulet fécond (1). Ce savant est le premier qui ait fait connoître cet animal. On ne doit pas le regarder comme androgyne 5 on observe dans sa constitution beaucoup de par- ties qui lui sont propres. Il est d'une plus belle conformation que le mulet ordinaire. On ne doit pas le confondre avec l'âne -des steppes , nommé KoulAn pft* les Kirguis occidentaux ; les détails cer tairas que je me suis procurés sur ce dernier m'ont convaincu qu'il étoit l'âne sauvage, l'onagre des anciens. Le koulan se tient par troupeaux dans les landes monta- gneuses de la Tatarie occidentale , comme le dshigguétéi dans les déserts de la Mongolie. Celui-ci a des beautés qu'on ne remarque pas dans le koulan. Il est très-effilé , et fort léger 5 il aies membres très-déliés , l'air vif et sauvage, (1) Mulus daurlcus fœcundus. C'est Yequus kemiomts de Gmélin. Syst, pat. p. 210. Lam. A KOÜSSOULATEFSK Ol". 4^7 et un superbe poiî. Ses oreilles sont mieux pro- portionnées que celles du mulet , et plus .droites. Sa tête est un peu lourde , et son sabot res- semble à celui de l'âne. Il a encore deux au- tres petites imperfections , qui le défigurent ; c'est le dos long et carré , et la queue de va- che, comme l'âne. Il est de la force de notre bidet , c'est - à -. dire , un peu plus vigoureux que le mulet de petite espèce, avec trie tête un peu forte, le poitrail large et carré du bas, et la poitrine un peu resserrée. L'épine Judos n'est pas effilée comme celle du cheval , mais un peu concave et ronde , moins droite et moins carrée que celle de l'âne , courbe en dehors, basse et raboteuse. Ses oreilles sont plus longues que celles du cheval, et plus courtes que celles du mulet ordinaire. Sa cri- nière , courte et crépue , ressemble à celle de l'âne. Ses cuisses de devant sont étroites , et, comme son poitrail, moins charnues que celles du cheval. Sa croupe est plus effilée. Tous ses membres sont très-déliés , et cependant assez hauts. Le poil est d'un jaune rembruni assez clair j-il a le nez et l'intérieur des membres d'un jaune roux ; la crinière et la queue noirâtres; l'épine du dos est marquée dans toute* sa lon- gueur d'une jolie bande ou rainure d'un brun noir, qui s'élargit un peu au défaut des reins , et se rétrécit beaucoup vers la queue. Lorsque le dshigguétéi est sur ses jambes , il porte la tête très-droite , et le nez tout-à-fait au. vent, #28 1772. d'Akschinskau quand il est en course. Le dshigguétéî , que j'ai disséqué à Kouloussoutaefskoï,, étoit une jument de trois ans. On l'avoit tuée dans la lande, où elle étoit seule. Les Toungouses - avoient abattu , peu de jours auparavant, deux jeunes étalons, et les avoient mangés; ils en préfèrent la chair à tout antre gibier. Ces ani- maux avoient déjà quitté leurs longs poils frisés d'hiver, qui sont un peu plus roux , et avoient leurs nouveaux poils , qui étoient courts , très- lisses, et lustrés. On s'accorde à penser que le dshigguétéi sur- passe à la course tous les autres animaux : aussi le meilleur cheval ne le vaut -il pas. On ne peut le prendre que par la ruse , et en se mettant en embuscade. Le chasseur est obligé d'avoir le vent sur l'animal , et de se cacher jusqu'à ce qu'il l'approche d'assez près pour le tirer. Lorsqu'un troupeau de dshigguétéis apperçoit un danger, découvre un chasseur couché par terre , ou qui marche courbé , l'éta- lon , qui lui sert de conducteur, se met aussi- tôt à sauter trois fois en rond vers l'objet qui l'épouvante , et s'enfuit avec le troupeau. Par ce moyen , il est beaucoup plus facile de tuer l'étalon qu'une jument. Si on le jette à terre , le troupeau se disperse, et il est probable que l'on attrapera alors dans la contrée quelques- unes des jumens égarées. On ne pourroit se procurer de meilleurs bi- dets que ceux de cette espèce, s'il étoit pos- A KöUSSOüLATEFSKö'i. 429 slble de l'apprivoiser \ mais elle est d'un naturel assez sauvage pour ne pouvoir être domptée. Les Mongols , et tous les peuples nomades dé l'Asie , n'auroient probablement pas été tant de siècles sans essayer d'élever les jeunes pou- lains qu'ils prennent pour les dompter , et les rendre propres à leur usage. Un Kosaque, de Nertschinsk, ayant pris un de ces poulains près des limites, l'a nourri pendant plusieurs mois, et a voulu l'apprivoiser. L'animal resta sau- vage , malgré toutes ses peines , et a uni par se tuer lui-même, en sautant et se débattant. Je suis persuadé qu'on y réussiroit, sil'onpou- voit prendre ces animaux peu de jours après leur naissance. On devroit faire cet essai 5 mais ce ne seroit qu'autant que le gouvernement or- donneroit aux Toungouses , qui habitent le pays situé entre le Taréi et le Dalaï-Noor , de se procurer de ces jeunes animaux. Plusieurs années suffiroient pour achever cette expé- rience. Si on parvenoit alors à dompter et à employer un animal aussi utile pour la course , on s'assureroit bientôt de la race , en accordant une récompense à ceux qui se chargeroient de ce soin pénible. M. Sokolof me quitta à Kouloussoutaï 5 il prit sa route par Zouroukaïtou pour se rendre à Argounofskoï. Je séjournai à Kouloussoutaï jusqu'au 3i mai , pour y rédiger toutes mes observations d'histoire naturelle, et sur - tout celles du règne animal $ je n'y pris pas un seul 43o 1772. d' Aschinskai a moment de repos. Je m'y procurai beaucoup d'oiseaux rares et nouveaux qu'on ne voit point ailleurs. Je donne la description des plus beaux dans mon Appendix (1). Plus la centrée, près de l'Argoun , est couverte de flaques d'eau et de petits lacs , plus elle abonde en toutes sortes de gibier d'eau, sur-tout en grues , non seule- ment de l'espèce ordinaire , mais aussi celles des Indes (2) , et celle appelée Demoiselle de Xnumïdie (3) par les Ornithologistes. L'on tards y est également très-commune et très - grosse. Les Mongols nomment l'outarde maie S a k- h iLTOü, à cause des superbes plumes qui lui forment une barbe. Cet. animal a un petit trou sous lalangue , qui sert d'ouverture à une bourse aqueuse de la grosseur d'un œuf d'oie , et qui pèse souvent plus de trente livres. On. ne con- noît point ici la petite outarde. On rencontre dans ces landes un petit ani- mai très-remarquable , qui abonde davantage près du Séienga, et connu en Daourie sous le nom Mongol d'OGOTONA. Il ressemble beau- coup au lièvre de terre de la petite espèce (4) , (1) Motacilla cyana , alauda mongollca , charcidnus monpolus et AUxaiulriiius , Trynga ruficollis, Appendix , H-r\ 44, 50, 78 , 8l. (z) Ardai antigone. (3) Ardea virgo. (4) Lepus piulllus. On en a donné une description et un iesoïfi imparfaits tos les Nov. Comm. Acad. Petrop. vol, Xîil , p. 531 , tà% 3. A Ko US S OUI A T E F SKOÏ. 4^* dont j'ai parlé dans le premier volume, et au lièvre des Alpes (1)«, dont j'ai fait mention dans le second. Ces derniers sont aussi très - nom- breux dans les froides montagnes de la Daou- rie. Ces trois animaux ne diffèrent pas plus entr'eux que le lièvre ordinaire du lapin. Le lièvre de terre de Daourie est à -peu -près de la même grosseur que le lièvre des Alpes 5 mais son poil , d'un gris jaunâtre, est beaucoup plus doux. Il a de grandes oreilles rondes comme les deux autres espèces , la tête ramassée , les jambes courtes avec les articulations ordinaires ; mais il n'a pas de queue. Ses parties internes, son allure , et sa voix ont beaucoup de con- formité avec le petit lièvre des Alpes. Il choisit de préférence les montagnes et les landes pour y construire des terriers, qui ont plusieurs issues et des galeries. Il n'en sort qu'à la brune et vers midi, pour pâturer et manger l'écorce du poirier sauvage de Daourie (2) : ce qui l'at- tire dans les îles et sur les rives des fleuves 011 cet arbre croît le plus volontiers. On les en- tend crier, matin et soir, dans les contrées où ils abondent. En automne, ils rassemblent du foin près de leurs terriers , et ils en forment de petites meules rondes d'environ un pied d@ diamètre. Ce foin est composé de toutes sortes d'herbages , mais sur - tout de la véronique (1) Lepus alpinus. (z) Pyrus bcucata* ^32 Ijfml DE KOUSSOU LATEFSKOl grise des montagnes , et des feuilles de la pul- satille. Toutes les communications de son ter- rier sont bouchées avec la véronique ; il a grand soin d'apporter des provisions de la meule, lorsque le tems est beau et serein. Ce petit animal est fort exposé aux attaques du Ma- noul(i)., qui en fait sa principale nourriture. Je donne dans X Appendix , nos. 2 et 3 , la des- cription de l'ogotona et celle du manoul. s. x I V. De Koussoulatefskoï a Adon-Scholo; Du 3o mai au 2 juin. Magicienne Totmgou.se. — Rivière à'Onon- Borsa.— Oudcumkaefskoï '- Karaoul , i5 v. — Tschindantouroukouefskoé - Karaoul > 3a verst. — Montagne & Adon-Scholo. Le 3o, je m'amusai à voir les tours d'nne magicienne Toungouse fort habile , qui de- meuroit chez ses parens. Elle se rendit, à la brune , près d'un feu que l'on entretenoit de- vant une tente. Elle étpit suivie de plusieurs jeunes garçons, qui portoient ses habilienuiis , son tambour magique , ses crosses , et envi- ronnée de jeunes femmes et de filles , qui dé- voient l'accompagner dans son chant. Elle sa mit toute nue devant le feu , pour passer sa robe de magicienne, qui ressemblent beaucoup à celle des devins de Khorintzi. C'étoit une (1) Ch<$ sauvage des steppes, assez commun en Daouric. robe X ÂBON-SCHOLO. 43S tobe de cuir , garnie d'une quantité de colifi- chets en fer et en laiton, et ornée d'un grand nombre de bandes colorées en forme de ser- pens , qui pendent le long des épaules. Une sonnette est suspendue à l'une de ces bandes.' Le bonnet, qui étoit de cuir, n'avoit point d'oreilles en fer comme les autres ; mais la ma- gicienne portoit , en revanche , sur les épaules des oreilles de fer, qui ressembloient à des grenouilles. Son tambour avoit plus d'une aune de diamètre. Il fallut le tenir long-tems auprès du feu pour le tendre. Elle le prit dans ses mains, se plaça , au nord, près du feu, fit ranger devant elle , sur une même ligne , le chœur des femmes et des filles, tandis que les liom mes formoient un cercle à l'entour. Elle se tourna vers le nord pour réciter ses impré- cations d'une voix effrayante. Ensuite elle donna son tambour à son mari pour en jouer, se mit à sauter , en tenant ses crosses d'une main , et en faisant mille contorsions. On la vit hors d'elle - même , après avoir poussé des hurle- mens , et contrefait le cri du coucou , et d'au-* très aussi désagréables. Elle se fit faire une question , et elle y donna une solution assez vraisemblable , tandis que les femmes chan- toienten chœur. Après avoir demandé de l'eau- de vie , et promis de répondre aux questions qu'on pourroit lui faire , elle finit par dire qu'elle n'avoit que trois esprits à sa disposition ce soir , et chacun seulement une fois. Le pre- Tomß V. Ee 4^4 1^71. TiX KoUSSOULATKFSKOl mier demeuroit à l'ouest , le second à l'est, et le troisième au nord; et ne pouvant résoudre que deux questions, ells pria, la compagnie de ne pas lui en faire davantage. S'étant retournée à l'ouest, elle recommença ses imprécations, invoqua son esprit aérien , Daroldsiié , regarda la lune plusieurs fois , en portant la main au- dessus des yeux , et fixant cet astre avec atten- tion. Pour répondre à la dernière question , elle commença ses chansons magiques, le vi- sage tourné à l'est. Elle répondit avec la plus grande justesse à mes trois questions , quoiqu'el- les fussent entortillées ; je présumai même que mon interprète avoit deviné mes idées , et en avolt fait part à cette femme. Les Toungouses m'assurèrent qu'elle n 'avoit jamais reçu de le- çons d'aucun magicien , et qu'elle s'étoit for- mée d'elle-même , après avoir vécu long-tems fille dans une grande mélancolie. Les Kosaques m'affirmèrent au contraire qu'elle avoit eu ponr instituteur un vieux magicien , qui demeuroit près de l'Onon. Ils ajoutèrent que ce devin n'exerçoit plus son art, parce que des sa vans , qui voyageoient dans ces contrées , s'étoient em- parés de ses habits. Je traversai , le 3i mai, une contrée aride et un peu montagneuse. Après avoir passé lapre- mière côte., on laisse sur la gauche un marais salin, appelé Kon&ois , maintenant à sec. Un sel terrestre , très-beau et très-blanc , en cou- vre le fond. Ce sel , qui contient beaucoup de na x Adon-Schoio. $5 tron , forme des cristaux de sel de glauber. Tout ce qui a voisine ce fond , quoique garni de ver- dure , est plus ou moins couvert et imprégné de sel. J'y vis beaucoup de plantes en fleurs. Les places humides étoient tapissées en rouge des fleurs de la primevère des jardins à feuilles unies et crénelées , dont le limbe de la fleur est uni (i) y et de la primevère à feuilles ron- des (2) ; cette dernière étoit moins abondante , parce qu'elle fleurit plus tard. J'y remarquai une petite espèce de dent -de -lion , avec des fleurs pâles et jaunes ; la violette à feuilles ailées et lancéolées (3) y étoit fort commune. Les endroits , plus secs et sablonneux , m'of- frirent le sophora lupinoïde (4), et la stellere jasminoide (5) : ces deux plantes , qui coin- mençoient à fleurir ^ sont très - communes en Daourie. Un bel iris (6), blanc de lait, et une pédiculaire jaune de soufre (7), commençoient aussi à montrer leurs fleurs dans ces mêmes, places. Je n'ai vu ces deux dernières plantes dans aucune autre contrée. Les Russes , qui habitent la Daourie , font un grand usage de la racine de la steilere , quoiqu'elle soit très- (1) Primula farinosa. {%] Primula rotundl/blia, (3 Viola pinnata et lanceolata. (4) Sophora luplnoides. (5) Steilem chamœiasme. (6) Iris lactea. Appendix, n°. 173. (7) Pedicularis flava, Appendix, n°. 339- Et a 436 tyyz. T5E Koussôirr, atïïsKoi violente , et qu'elle ait déjà tué beaucoup de monde. Cette racine ressemble bien plus à une ligure humaine que celle de la mandragore ou de l'arum. On y distingue quelquefois une tête et des liras assez bien conformés ; et c'est par cette raison que les Russes l'ont appelée Moi:- Khïk-Korén (i). Elles deviennent grosses comme des carottes en vieillissant , et leur effet est alors beaucoup plus violent. Une forte pousse de cinquante à cent jets. En considérant la beauté des corolles de ses fleurs odoriférantes on ne soupçonneroit jamais leur dangereux effet. La Heur est d'un pourpre foncé en de- hors , et rarement d'un jaune de soufre. L'in- térieur est blanc, les bords blancs des corolles forment, avec le bouton rouge ou jaune du milieu , un effet charmant. Les jeunes Toun- oouses se mettent sur la tête une couronne faite avec cette plante renversée. Cet ornement leur sert de bonnet. On trouve assez fréquem- ment, dans les corolles., des fleurons simples, qui paroissent composés de deux; ils ont deux »raines , neuf pétales, et dix-huit étamines sur deux ügnes. Lorsque l'Onon-Borsa. est couvert de glace au commencement de l'hiver , on remarque 9 dans les places humides et dans les prairies, que les eaux du fleuve grossissant, soulèvent le gazon , et s'y gèlent. Au printems , ce gazon (i) Racine humaine. a Adoït-Scholo. 4^7 reprend son assiette , quand cette glace se fond» La même chose arrive près de l'Argoun., On y voit tous les ans le terrain hausser et baisser. Ce fait est regardé comme un prodige ; c'est ce qui a engagé G/né lin à en parler dans ses Voya-i ges , tom. II , pag. 79. Le Borsa , qui n'est pas très-large , n'a de l'eau qu'au primeras. Ses rives, dans ces con- trées inférieures , sont entièrement dénuées d'arbres , ainsi que toutes les montagnes voi- sines. On a voit autrefois établi les forges de cuivre de Kourensélinskié dans les contrées su- périeures , parce que le pays qui avoisirie le Borsa est boisé par place de pins, et sur-tout de bouleaux noirs (1). Cette petite rivière a un cours si lent en hiver , que ses eaux se putré- fient sous la glace. J'attribue cette putréfac- tion en partie au limon gras , aux sels amers (t) On ne voit point le bouleau noir dans toute la Sibérie, excepté en Daourie, et même il ne paroît d'abord qu'entre rOnon et l'Argoun. On ne trouve aussi le premier noiset- tier qu'au-delà de l'Argoun , le chêne près de l'Amour et sur la montagne de Kingan, qui sépare l'Argoun du Naoun. Ce bouleau croît avec le bouleau ordinaire , mais sa croissance est totalement différente. On assure que le peuplier noir est plus abondant que l'autre dans la partie sud de la Tatarie orientale. Il devient très-touffu et forme la boule. Son boi3 se tord; il est jaune. Son écorce est grise et fendue. Elle jette, comme le pin, des croûtes foliées et noirâtres. Ses feuilles ont plus de conformité avec celles du bouleau ar* buste , dont je donne la description , appendix , n°. 405- , qu'avec celles du bouleau blanc, Ee S 4^5 1772- DE KOUSSOULATEFSKOÏ et au natron dont le sol est imprégné. La même remarque peut s'appliquer à plusieurs autres fleuves et rivières de la Sibérie. J'atteignis le poste situé à quinze verstes de Kouloussoutaï, en côtoyant toujours le fond baigné par l'Onon. Il est situé dans le vallou d'Oudagataï. Les Russes ont changé son nom en celui d'Qudoumkaefskoï , à cause de leur prononciation. J'y changeai de chevaux , et continuai ma route , sans délai , pour me fen- dre à Tschiridan- Touroukouefskoï - Karaouh J'ignore par quel motif les ingénieurs , chargés de tracer la ligne de démarcation , ont compté trente-cinq verstes entre Kouloussoutaï et Ôu- dagataï. Il est aisé de s'appercevoir , à vue d'œil , et encore mieux la montre à la main , qu'il n'y en a que quinze. La route de Tschindantourouk ne quitte point le fond charmant qui forme ie lit du fleuve. Il offroit, en ce moment, une campa- gne émaillée de fleurs du printems. J'y vis trois espèces de grues , et beaucoup d'oiseaux de rivière. A vingt - sept verstes du ruisseau d'Oudagataï, on trouve , dans le bas -fond , un rocher escarpé , situé près du Borsaj lesTotin- gouses l'appellent Kiroé (1). On découvre, à la superficie de ce rocher, plusieurs fragment d'une matière métallique noire. Ces morceaux déposent en faveur de l'existence des métaux; (1) Grue. a A»on-Schôï.o. 4^9 mais on n'a pas encore cherché à s'en assurer. Je remarquai, sur ce même rocher, la belle potentille (1), qui étoit en fleurs $ j'observai à sa base, parmi les orties qui l'environn oient , la jusquiame physaloïde (2). Les Toungouses tirent parti de sa graine narcotique 5 ils la gril- lent comme le café, et en boiyent la décoction à leur déjeûner. Les habitans de la Daourie prennent en guise de thé la feuille de la cléma- tite blanche (3) , qui croît ici en abondance. On atteint , à cinq verstes , une caserne bâtie en bois , et plusieurs cabanes situées sur la rive opposée cm î'orsa. Cet établissement a été formé pour lesKosaques, qui gardent le lac sa- lin , à sept verstes au sud-ouest. Les ouvriers , qui récoltent le sel pendant l'été, y logent éga- lement. Le poste de Tschindantourouk est sur le Borsa, à quelques verstes plus loin. Il doit son nom à plusieurs petits lacs plus au sud vers les limites. Sa situation n'est pas fort avan- tageuse , parce que les eaux et les pâturages y manquent. D'ailleurs ces landes ouvertes sont exposées, en hiver, à de furieux ouragans. Ils amoncellent les neiges au point qu'on ne peut y entretenir aucuns bestiaux : aussi les Toun- gouses ne s'y arrêtent-ils que dans la belle sai- son. Ils campent sous leurs iourtens , et dé- (1) Potentilla sericea et multifida. (i) Hyoscyamus physaloides. (3) Clemaùs hexapeiala* Appendix, n°. 33,7» Ee 4 44° 177^' m KoirssouiATEFsKoï lîlent vers le Kouitoun - Boulak , à l'approche de l'hiver. Cette source froide , située à dix verstesde-là, vient du nord. Les Kosaques Russes y ont commencé un établissement, et construit déjà plusieurs cabanes. En quittant Oudagataï, on apperçoit déjà, au-delà du Borsa , l'Adon - Scholo , montagne saillante ., qui présente beaucoup de rochers en pointe. Les argali 9 ou moutons sauvages, sont encore assez communs dans ces montagnes, et dans celles situées au sud - est du Borsa , qui longent les limites jusqu'à Abagaïtou. Ces der- nières sont entièrement composées de rochers arides. L* argali est très - sauvage , et fort diffi- cile à prendre en été. J'avois envoyé en avant de Tschindantourouk des interprètes pour faire rassembler des chasseurs Bouriats , voisins de la rivière cl'Aga. J'avois déjà fait la même chose en partant d'Arschinsk pour me rendre au poste de Soktoui. Je trouvai., à mon arrivée, soixante chasseurs à cheval, bien montés. Le ier juin, je traversai le Borsa pour aller à la montagne d'Adon- Scholo , à environ vingt verstes de Tschindantouroukouefskoï. La ri- vière étoit très-forte , à cause des neiges , qui commençoient à fondre dans les montagnes. Je fus obligé de faire décharger ma voiture près du poste établi pour la garde des sels , et de •placer mes équipages sur des chameaux , qui les passèrent. Des hommes chargèrent la voi- ture sur leurs épaules , et la portèrent sur l'au- a Adon-Scholo. 44l tre rive. En quittant le fond salin du Borsa , on trouve d'abord des collines en pente douce , qui sont toutes nues : du sable et du gravier couvrent leur surface 5 mais l'intérieur est com- posé de roche. La montagne, située derrière ces collines élevées , s'étend au plus à vingt verstes de l'est à l'ouest entre l'Onon et le Borsa , qui se réunissent peu après. Cette montagne s'incline de tous côtés , en pentes douces et unies, vers le fond salin de Borsa, et les val- lons ouverts qui l'en séparent. Ces pentes n'ont rien de métallique , à l'exception de leur ter- reau. La chaîne est formée par des montagnes nnes , qui s'élèvent de plus en plus. Dans des places les plus élevées , elles sont coupées par de profonds vallons escarpés , et présentent des cimes saillantes , remarquables par leurs pointes. Les rochers représentent des ruines et des grottes charmantes, des portiques entassés et formés par d'énormes masses de roche, des murailles , et autres figures semblables. Plu- sieurs de ces montâmes sont hérissées de pe- tits rochers , qui ressemblent , de loin , à des chevaux, des chameaux,, et des bestiaux qui pâturent. C'est la raison qui a engagé les Mon- gols à appeler cette montagne Adon-Scholo (1). On y trouve deux cavernes , qui n'offrent rien de remarquable , quoique Gmél'ui ait parlé de l'une dans ses Voyages en Sibérie , tom. II , . I !.. | . , ,, , .1 1, .11 I . IP.— BM» (1) Rochers semblables à dés troupeaux. 44* l77^< DE KOTJSSOULATEFSKOÏ page no et suiv. Les roches granitelles , qui constituent cette chaîne de montagnes , tom- bant enefflorescence , forment tontes ces figures. La plupart des montages de la Daourie sont de granit. L'Adon-Scliolo est formé de fortes couches et d'énormes masses de roches plates , entassées les unes sur les antres , qui présen- tent un angle presque demi-droit verâ le sud eu le sud-est. Cette inclinaison de couches , que j'ai remarquée dans plusieurs montagnes de la Daourie méridionale , rend ces montagnes plus douces que celles du nord, qui sont escar- pées et hérissées de rochers. Une éminence de la partie orientale fie cette chaîne fait face au vallon de Dshiran-Tschoun- gourouk. La roche qui la compose est une pierre de sable grossière , dans laquelle on trouve des cristaux de schorl , les uns verts et les autres couleur d'eau. Ceux-ci ressemblent beaucoup , par leur forme prismatique sillon- née , aux éméraudes du Brésil. Cela provient de ce que cette pierre tombe en effervescence à la superficie ; on en voit même de dispersés sur le terrain. Les Toungouses , qui vont à la chasse , en rapportent à leurs enfans pour leur servir de joujoux. Les Toungouses m'en ont procuré beaucoup plus que si j'avois été en cher- cher moi-même , parce qu'ils se trouvent assez disséminés. Malgré leur ressemblance avec les éméraudes du Brésil , elles n'ont rien d'électri- que y je m'en suis assuré par differeiis essais. a Abok-Schol©. 44^ Je n'ai jamais vu , de ma vie, un désert aussi apréable que celui de ces montagnes , où je m® trouvai au printerns. La diversité des rochers , leur forme particulière, les vallons tapissés de verdure qui séparent les montagnes, les bois, et les bosquets , qui garnissent la partie sep- tentrionale de la plupart de ces montagnes , en serpentant depuis leurs sommets jusques ,dans les vallons , le grand nombre de chevreuils , de gibier , et d'oiseaux de toute espèce , tout y charme la vue. Ces montagnes abondent aussi en plantes ; celles qui garnissent la partie mé- ridionale étoient en pleine floraison. J'étois si enchanté de ce superbe spectacle , que je ré- solus d'y passer la nuit. Je campai près d'une source. Il n'en existe que deux dans toute l'éten- due de ces montagnes. J'employai toute la journée à escalader et à parcourir les montagnes , sans prendre un quart d'heure de repos. Cette contrée abonde en bêtes fauves , et sur - tout en chevreuils ; on y voit aussi le bouquetin, dont j'ai parlé. J'en ren- contrai un troupeau de sept dans un vallon ; niais ils prirent la fuite avec une précipitation étonnante , en faisant des sauts terribles d'un ro- cher à l'autre , dès qu'ils m'apperçurent sur le rocher, autour duquel j'avois marché. Ces montagnes sont très-peuplées de loups , de re- nards , de korsaks , et de chats sauvages tigrés , appelés Manoul. Ces chats sont bien plus com- muns près du Seien ga , et sur - tout près du 444 1J72- *>E Koû SSOUXATEfSKOÏ Dshida. On voit, dans ce canton et dans toutes les contrées méridionales de la Daonrie , deux espèces de lièvres 5 savoir, le lièvre ordinaire , nommé par les Mongols Schandaga et le TolaÏ. Ces deux espèces existent aussi près du Sélenga. Le premier y devient blanc en hiver, et l'autre y prend une robe grise. Le Tolaï a la tête plus petite et plus longue , le dessus de la queue noir , et ne ressemble en rien au lapin d'Europe. Lorsqu'on le chasse , il court tou- jours en droite ligne, sans faire de détours. comme le lièvre ordinaire. Habitant les landes, et ne se creusant pas de terrier , comme les lapins, il cherche de préférence les buissons, et sur-tout ceux du petit acacia ; quand on le poursuit , il se réfugie dans un terrier de mar- motte , ou dans un trou de rocher. Les oiseaux d'espèces rares que je vis ici sont le grand vautour barbu (1) , appelé Ielloo par les M on sols \ j'en apperçus deux sur le rocher le plus élevé , qui étoit en même tems le plus inaccessible. Gniélin en a fait mention sous le nom d'aigle blanc ; le corbeau de monta» gne (2) , et deux espèces de pigeons de mon- tagne , qui , dans cette contrée et près de l'O- non , font leurs nids dans les trous et les fentes des rochers. L'un ressemble tout - à - fait à la tourterelle , et le second , beaucoup au biset , excepté qu'il est plus petit, et que les plumes (1) Vuhur harbatus, (1) Corvus graculus* JL A»ow-Sch©io» 3e la queue sont traversées par une large rai© blanche. J'y remarquai encore le beau merla de roche (1) d'un jaune vif, une pîegrièche à queue rouge ( 2) , un rossignol de monta- gne (3), qui chante la nuit comme le rossi- gnol d'Europe ,, une petite fauvette (4), qui a un chant agréable, et trois espèces d'hiron- delles. L'une est l'hirondelle de montagne de» monts Altaïsks 5 l'autre, l'hirondelle de che- minée. Ces deux espèces font leurs nids contre les rochers. La troisième est l'hirondelle de mer , tigrée de blanc. Cette dernière est com- mune eu Daourie , et près du Baikal, Elle fait £on nid dans les trous des rochers les plus éle- vés. Le soir, au coucher du soleil , on les voit voler par troupes, comme un essaim de mou- ches autour des cimes des rochers. Elles vol- tigent au contraire dans les fonds arrosés par des lacs et des marais , lorsque le tems est cou» vert. Je ne parlerai pas des oiseaux connus qui peuplent cette contrée. Je dois observer cepen„ daùt que je n'ai jamais vu autant de coucous que dans ce désert. Les plantes étolent déjà avancées. Le pavot à tige nue (5), lapédiculaire incarnate et cou- (1) Turdus s axât 'dis. (\) Lantus phœnicurus. Appendix ; n°. 29. (3) Mussicapa rupicola. Appead^c, n°, 69. (4) hlotacilla certhiasia* (5) Pœpav&r nudiaiule. 446 1 7J2>. de KoL'SSOUtATErSKOl leur de soufre (1) > l'iris du printems (2) > 1« violier à fleurs pâles (3) , l'astragale des mon- tagnes (4) , la spirée à feuilles de germandrée., et celle à feuilles d'obier (5) , et le sureau à grappes (6) 9 émailloient de leurs fleurs toute la partie de la montagne exposée au soleil. L'ancholie du Canada ( 7 ) abondoit autour des rochers. J'y remarquai encore la stellere jasminoïde (8), la valériane de Sibérie (9), l'androsace velue (10) , l'androsace lactée , et l'androsace du nord (11), la saxifrage bron- chiale (12.) ,1a quintefeuille bâtarde à tige droite et à grandes fleurs (i3) , la julienne de Sibé- (t) Pedicularis incarnata et sulphurea. Append. n°. 340. (z) Iris venia, (3) Cheiranthus p nitidus ; Hes péris angustifolia inca* na , fioribus amplis luteis , siliquis longioribus. Amman. Ruth. n. 76. C'est une plante entièrement distincte du chei- ranthus montanus , avec lequel Gmilin Ta confondu dans la Flora Sibir. III , p. 161 , n. 10. On remarque sur-tout la diiïerence dans les fleurs et dans les cosses. (a.) Astragalus montanus ; (•t) Spire a chamœdrifolia et opulifolia* (6) Sambucus racemosa. (7) Aquilegia canadensis. ' (8) Stellera chamœiasme. (■9) Valeriana Sibirica. (ïo) Androsace villosa. (ïi) Androsace lactea et septentrionalis. (iz) Saxifraga bronchialis. (13) Sibbaldia erecta grandiflora. C'est une variété dis- tincte de la Sibbaldia erecta , qui abonde sur les montagnes de la Daourie , exposées au soleil et garnies de rochers. Cette A A D O N - S C H O L O. 44/ rie (1) , la violette à feuilles lancéolées (2) , la violette sans tige ( 3 ) , et la violette à feuil- les clignées (4) > l'alyse des montagnes (5) , l'astragale sousligneuse (6) ,1a vesce à plusieurs fleurs sur chaque pédoncule sillonné , avec (pour la plupart) douze lobes unis et en forme de lance sur chaque feuille (7) ? la renouée à feu lues étroites (8) , la scorsonnère naine (9) , la spirée à feuilles d'ancholie (10) ,, et un tithy- maie à grosses racines laiteuses (11). Les val- plante s'étend sur la terre \ ses tiges , qui ont au plus la lon- gueur du doigt , sont peu garnies de feuilles. Ses fleurs sont bien plus fortes dans' toutes leurs parties que celles de la Slbbaldia ordinaire , et même plus fortes qu'on ne croit , vu la petitesse de sa graine. Elles ont sept parties femelles , heptagynl. Gmélhi a parié de cette variété dans la Flora Siblr. III , p. 187. ( 1 ) Hcsperis Slbirica. (I) Viola lanceolata. (3) Viola pinnata. (4) Viola dighata. (5) A lys s um moniarium. (6) dstragalui suffruticosus. Astragalus caulescens , f mucosus , ramis herbacels , florlbus panels subcapltatis t legurninlbus villosis. Flor. Slb. IV , p. 47 , n, 6z , lab. 24 B (7) Vicia Hennis. (3) Polygonum angustifolium, Polygonum splcis pa~ niculatls , diffusis , foliontm [ linearium j vaglnis glahris. Flor. Sib. III, p. 55, n. 40 , tab. 9. (?) Scor\onera humills, (10) Spina thalle troides an aquilegifblla, «Appendix «°. 333- (II) Ce titliyniale est celui dont Gmélin parle dan; sa Flor„ . MA 44$ T772- DE Kotxssoü lAtepskoÏ. Ions étoient tapisses du beau pigamon péta- loïde (i). La plupart de ces plantes croissent dan s toutes les contrées de la Daourie , qui sont de même nature. J'ai préféré d'en parler ici , parce qu'elles fleurissent ailleurs quelques jours plus tard. Elles ornent ensuite , pendant presque tout le mois de juin, les landes et les monta- gnes. Au commencement de juillet, le lis de montagne (2), d'un beau rouge de cinabre 9 »e joint à elles , et dans les valions le lis bul- bifère ( 3 ) , couleur de feu , et riiéméro- cale (4), qui est jaune. *S7/\ I1 1 p. iz9 , tah. 9î , fig. 1. Sa description est aussi bonne que le dessin est mauvais. Les Russes rappellent BiousHiK-KoREN , à cause de la grosseur de sa racine , qui ressemble à celle de la Mandragore, lis donnent le même nom à la stellera , en ajoutant Tépithète blanche. Ils rem- ploient comme un purgatif violent. Les Bouriats , qui font nnc décoction de cette racine pour guérir la gale , TappeW lent Kounoueoussou. (1) Thalicirum petaloideum, {%) LilluTTL pompoîùum. 0$) lAlium bulbiferum. (4) Hemerocallis. Fin du Tome cinquième»