Digitized by the Internet Archive in 2013 http://archive.org/details/voyagesduprofess07pall VOYAGES D U PPvOFESSEUR PALLAS, DANS PLUSIEURS PROVINCES DE L'EMPIRE DE RUSSI * T DANS L'ASIE SEPTENTRIONALE. TOME SEPTIÈME, i ■ ■ ' T VOYAGES D U PROFESSEUR PALLAS, DANS PLUSIEURS PROVINCES DE L'EMPIRE DE RUSSIE E T DANS -L'ASIE SEP TENTRION ALE* Traduits de l'allemand par le C. Gauthleä de xa Peyronie. NOUVELLE ÉDITION, Revue et enrichie de Notes par les CC. LAMA R CK, Profes- seur de ZoologLe au Muséum national d'Histoire naturelle 5 LAN GL ES , Sous - Garde des Manuscrits de la Biblio- thèque nationale , pour les Langues Arabe , Persane , Tatare- Maatchou , &c. j etBILLECOCQ, Homme de Lettres. TOME SEPTIÈME. A PARIS, Chea Ma rad an, Libraire, rue du Cimetière André -des -Arcs,, n°. 9. fe M II DS LA. 8.ÉPUELIQU M.&3 XI BUC Ul VOYAGES DU PROFESSEUR PALLAS, DANS PLUSIEURS PROVINCES DE L'EMPIRE DE RUSSIE. I^W»i^ ,— f— ■, ^ttmmm. m,—*.. , L ri ni»« >| »I » « I— — — — M^ UPIIH I ■>■■•■■■ H | ■■ ■ ■ 1 n giMWHI i>^. !■■■!< Il i L "***|W^HB » ■' '■ ' ■ ■ ■ ■ U ■ ■ ■ Il llll'll I L».l«l»llMlfo II '!■!■ Il» #jf^^ÉPipWW| s. Ier. De S o u k h o ï a S a b, a ? a u z.." Du 8 au 12 mars tjy3* Village de Tschouvaschkaia > %5 verst. «-* Ruis- seau de Tschatlyk. — Selo - Baschkirskoé 9 &5 verst. — - Irguenskoï - Savod , 6 verstes. — ■ Selo- Âltiîinoï , 19 v. — Selo-Bogorodizkdi y 20 verst. -— / » S o u k h o ï en cela aux hommes. On. pourroit croire qu'il* se sont adonnés à ce vice par la liberté qu'ils avoièïit de fabriquer eux-mêmes des eaux-de- vie : ce qui peut avoir beaucoup influé sur les mœurs $e leur nation, puisqu'on voit qu'ils ne se sont pas encore beaucoup alliés ni avec les Iltisses , ni avec d'autres peuples. Il y a parmi eux très - peu d'hommes grands , bien faits, et robustes. Les femmes sur - tout sont petites , et point jolies. L'on ne voit chez au- cun peuple autant de rouges ardens que chez les Votiaks. Il y en a cependant qui ont des cheveux bruns , d'autres des cheveux noirs ; néanmoins la plupart sont châtains : mais ils ont en général la barbe rousse. Ils ne sont pas aussi propres que les Tatars 5 mais ils sont aussi moins sales quelesMordouans, et les Fi- nois. Quant à la propreté dans le ménage et dan s les habits , ils ne le ce dent en rien aux Tsehérémisses. Rien de plus dégoûtant que leurs vaisselles et leurs mets. Leurs bois- sons spiritueuses ne sont guère plus agréa- bles , quoiqu'ils n'y épargnent ni malt , ni miel. Il n'y a point de pays dans toute la Russie où les femmes soient aussi singulièrement et aussi monstrueusement coiffées que les Votia- kes. Leur bonnet est composé d'un morceau d'écorce de bouleau , qui a un empan de hau- teur, et qui forme un demi-cylindre. Par-der- rière A S a r a p o u i; 15» ,A1 friere est un autre morceau d'écorce qui ferme le jjo* bonnet, soutenu intérieurement dans sa forme ^ si par un petit carreau et deux petits bâtons qui V c se croisent. Le dessus du bonnet est égale- '•/ ment fermé par un morceau d'écorce de bou- n leau coupé carrément , et cousu au bonnet. )0 < Le couvercle est relevé sur le devant , et 7W{ courbé en derrière , de manière qu'il s'affaisse 01 des deux côtés. L'écorce , qui forme le haut , °^ est couverte de drap rouge , et celle dont ,5 on fait le contour , de drap bleu , et garnie î de kopeks et de petites médailles d'étain. Ce bonnet se nomme Aïschoun. Les femmes le portent un peu penché en avant , et l'affermis- sent sur la tête , au moyen d'une courroie at- tachée au milieu du dos , et correspondante au bonnet. Ce qui donne un peu de goût à cette coiffure , c'est un grand mouchoir carré , qui a au-delà d'une aune du pays. Les bords et les coins sont brodés de rouge, de bleu, et de brun, et le dedans est orné de carreaux» Le tour de ce mouchoir est garni de cordon- net et de franges d'un doigt de hauteur. Ces franges et le cordonnet sont blancs , rouges ou bleus. Elles affermissent ce mouchoir ou fichu sur le bordsupérieur du bonnet , dema- vTU nière qu'un coin pend sur le devant , et om- ni brage cette partie d'écorce de bouleau, qui j p^ est garnie de petites plaques et médailles d'ar- ts gent et d'étain. Deux autres coins tombent des TI° Terne VIL B >A S nbxi *8 Ï773. BS Sô VKHOÎ côtés jusques sur les épaules , et le quatrième coin tombe sur le dos. Elles ont sous ce bonnet leurs cheveux en deux tresses , qui couvrent les oreilles , et qui sont terminées par un gros nœud orné de grains de coraux et de médailles. Une femme mariée ne paroît jamais devant un étranger sans avoir son bonnet sur la tête. Elles n'ont pas d'autre coiffure , même au lit , s'il y a des étrangers logés chez elles. Ce bon- net est si bien affermi sur leurs têtes , qu'elles font tous les ouvrages de la maison sans crainte qu'il tombe ou qu'il se dérange. Les veuves et les femmes âgées ne sont point assujetties à le porter. Elles ont un simple fichu autour de la tête , et en font pendre un coin brodé sur le chignon. Les femmes Votiakes ont aussi quelque chose de particulier dans leur habillement. La robe de dessus est de drap ou de toile, avec de longues manches ouvertes comme les portent les Polonois. Après y avoir passé les bras, elles font passer les pointes étroites de ces manches dans la ceinture. Au haut de cette robe y est wne pièce d'étoffe en carré, qui est assujettie comme un collet. Elle est ornée , ainsi que les inanches et autres parties de la robe , de mor- ceaux d'étoffes de couleur et de carreaux. Leurs chemises se ferment au collet; les manches sont piquées. Les femmes et les filles ont des culottes étroites, qui joignent parfaitement. aSarapouk. 19 Les jeunes filles portent des bonnets ronds à~peu-près comme ceux des Tatars. Ils sont garnis de kopcks et de coraux. Toute la dif- férence de leur coiffure , d'avec celle dss fem- mes Tatares , c'est qu'elles mettent par-dessus ces bonnets un petit mouchoir ou iichu brodé, dont elles font pendre un coin sur le chignon. Il y en a qui portent aussi , en guise de bi- joux 7 un rang de coraux , qui leur pend d'une oreille à l'autre , en tombant par-derrière sur le chignon. Elles tressent leurs cheveux par- derrière , et les cachent dans l'habit. En revan- che j elles ont quelques cordons avec de grosses houppes , qui leur pendent de la ceinture jus- qu'aux talons. Les villages des Votiaks ne diffèrent presque pas de ceux des Tschouvasches. Les maisons , dispersées , ne sont entourées ni de murs ni de haies. Dans l'intérieur , on y voit de larges bancs , qui leur servent de couchers , et des poêles à la Tatare. Ces peuples sont excellens laboureurs , et entretiennent des mouches à miel dans des arbres évasés qu'ils laissent sur leurs racines dans les forêts. En hiver , ils s'oc- cupent de la chasse , et l'on peut dire qu'ils sont tout aussi adroits à tirer de l'arc , à tendre des pièces et à dresser des trébuche ts que les Tsché- remisses. Je vais donner une description des métiers de tisseranderie , dont les Votiaks , les Tatars BS fco *773* *> e Soukhoi de Kasan qui vivent à la campagne , les Tsché- remisses, et quelques Mordouans font usage. Ils sont simples et commodes. Les pièces qui les composent sont toutes mobiles, à l'excep- tion d'une colonne ou poteau qui a une bran- che. Ce poteau est fixé dans le voisinage de la porte d'entrée entre le plafond et le plan- cher de l'appartement. Il n'incommode point pour aller et venir , non plus que les deux barres placées sur les entre-toises. Ces barres servent à y attirer le balançoir. Tout le reste du métier se démonte et remonte en un clin d'œil. L'on peut en placer commodément trois ou quatre dans un appartement. Le rouleau ou cylindre fendu , sur lequel est tendu le tissu , repose sur deux poteaux fixés dans le plancher, mais qu'on peut démonter à vo- lonté. L'ouvrière qui tisse est sur un banc en- tre ces deux poteaux. L'autre extrémité de la tissure , ou , pour mieux dire , le fil qu'on n'a pas encore tissu, est noué en plusieurs cou- lans accrochés à une toise et demie du rouleau à des crochets de la barre de traverse. Les cartes qui font mouvoir la tissure sont suspendues à deux poulies de bois , ou seulement à des ba- lançons faits avec des os tirés des ailes d'une oie. Elles tiennent aux barres placées dans le haut du métier. Ces cartes sont mises en mou- vement par de courtes marchettes suspendues au moyen de petits bâtons à bander. La plu- i S 1 R ï P O tJ lî 31 part de ces tisserands ne composent leurs pei- gnes qu'avec du jonc , ou de petites planchettes bien minces de bois de merisier. La navette est de longueur à pouvoir être passée d'une main à l'autre , sans qu'on ait besoin de la je-r ter , et par conséquent proportionnée à la lar- geur de la toile. Le tissu étant porté au point que l'ouvrière ne puisse plus tenir la navette , elle détache quelques coulans, et roule la toile finie sur le cylindre , en le faisant tourner. Il me reste peu de chose à dire sur le culte idolâtre des Votiaks , puisque M. Müller s'est très - étendu sur ce sujet dans son excellent ouvrage , intitulé : Samlungen Russischer Geschichte ( Recueil historique sur la Rus- sie (i)). Il existe d'ailleurs très-peu de villages de ce peuple qui soient encore adonnés au pa- nisme. Il est vrai cependant- que les Votiaks du gouvernement de Kasan, qui sont baptisés, en grande partie , conservent en cachette leur ancien culte et leurs anciennes superstitions 5 mais ils ont grand soin de rien rien dévoiler , à cause des prêtres Russes auxquels ils sont soumis. Voici ce que j'ai pu apprendre du cuite idolâtre de ces peuples par les Votiaks du gou- vernement cl'Orembourg , non encore convertis y mais en même tems très - ignares. Ils adorent plusieurs divinités : i°. un grand dieu qu'ils (1) Voyez ci~après la note et qui sont garnis de sapins blancs de la belle venue. Ils appellent cet arbre Kus. Ils entourent ces places de haies , et ont un soin particulier de ces sapins qu'ils regar- dent comme sacrés. Ce que j'ai pu savoir avec certitude ,, c'est qu'ils ont , dans Vannée , quatre fêtes publiques où ils assistent tous. La pre- mière s'appelle Bôuschin-Nounal , qu'ils cé- lèbrent eu commun après la moisson , et après que tous les travaux de la campagne sont finis. Ils se rassemblent à cet. effet dans le Kérémet du village pour y faire des sacrifices publics, dans lesquels on immole communément un che- val, et de préférence un alezan. Ils ne s'en tien- nent cependant pas à cette seule couleur ; mais ils 1 SARÎfOffll ä3 évitent strictement de prendre un cheval hoir.' Ils immolent, en même tems que le taureau,, un mouton, une oie et un canard. Après le sacrifice , on en fait un repa&. L'on immoler d'abord le canard , puis l'oie r ensuite le tau- reau y et en dernier le cheval. C'est un adju- dant du Toua (Schilda-Schilvasch ) qui fait cette opération , et qui prépare aussi les viandes pour le repas. On ramasse le sang et la graisse de ces animaux 5 on en remplit le sac de leur& estomacs , et on les brûle avec la plus grande partie des os. On pend à un des sapins 9 qui croissent dans le kérémet , les têtes du taureau et du mouton , ainsi que le squelette du che- val. 1/on emporte les peaux qull est permis de vendre. Pendant qu'on immole ces animaux, l'assemblée récite des prières , et chacun des assistans a la face tournée au midi. Observations sur les TscHÉrémisses. Les Tschérémisses ( 1 ) habitent aussi., pour îa plupart, les contrées baignées par la Via- schta ( 2 ) et la Kama 5 ce qui forme une m 1 ■ ' ■ m ■■ 1 ni 11 1 » ma ( 1 ) Ces peuples ne sont appelés Tschérémisses que par les Russes ; Us- se donnent i eux-mêmes le nom de Mari , et ils appellent les Tatars Sou vas r qui signifie ,enTschouvasche,. un trompeur, , (z)Il paroît eue la Viaschtatire son nom du Tschérémisse ? puisque le mst Vit signifie ,. dans cette langue , une grosse rivièïe. M l77$- »s Sotricfloï horde assez considérable dans le gouvernement de Kasan. Je ne m'étendrai pas beaucoup sur ce peuple , n'ayant pu prendre des éclaircis- semens sur ce qui les concerne , que dans le peu de villages où j'ai eu occasion de m'ar^ rêter. Ils sont de taille médiocre ; ils ont pres- que tous les cheveux châtains clairs , ou blonds ou rouges. Ces couleurs se distinguent sur- tout dans leur barbe , qui n'est pas très-garnie. Ils sont très-blancs de visage ; maïs ils ont de gros traits ; ils ne sont pas robustes , et , ce qui est assez ordinaire , ils sont lâches , crain- tifs., fourbes, et d'un entêtement sans égal. Le sexe y est d'une figure assez agréable. Les femmes Tatares l'emportent cependant de beau- coup sur elles en beauté. Il faut convenir en même tems que le costume des Tschérémisses n'est pas fort avantageux. Elles portent la che- velure très-mince et très -courte ; elles en for- ment deux nattes , dont l'une vient couvrir le crâne , et l'autre le chignon. Par-dessus ces nattes , elies ont un petit bonnet de toile brodé en couleurs , qui cache presque toute leur che- velure. Ce bonnet consiste en un morceau 'de toile de la longueur de deux empans , plissé et cousu à l'une de ses extrémités. L'extrémité ■cousue vient aboutir à la natte qui porte sur le crâne. Telle est la coiffure des femmes ma- riées. Lorsqu'elles sortent, elles ont par-dessus ce bonnet un mouchoir ou fichu ., dont les A S A R A P O V zt SÄ coins sont pareillement brodés en laines de Couleur. Ce mouchoir prend sur le crâne , et vient passer sous le menton , où elles le fixent par un nœud. Les filles au contraire vont tête nue dans la maison. Leurs cheveux, tressés en deux nattes , leur tombent sur les épaules. Lorsqu'elles sortent, elles mettent par -dessus un mouchoir pareil à celui des femmes. Une femme mariée auroit honte de paroître nue tête , sur-tout devant le père de son mari. Si , par hasard , quelqu'un lui ô te son bonnet pour la voir, elle se hâte bien vite de se couvrir d'un mouchoir , ou de son bras , si elle ne peut faire autrement. J'ai dit que les filles se met- taient en cheveux naissans , il y en a cependant qui portent de petits bonnets à la Tatare , garnis de kopeks. L'habillement des femmes et des filles con*- siste en une chemise et un caleçon de grosse toîle , une longue robe de drap , ou de toile à manches étroites, à laquelle est adaptée une pièce brodée et bordée en couleur , formant le collet comme à l'habillement des Votiaks. La lisière ou ourlet du bas de cette robe est également brodée en couleur et ornée de car- reaux et de croix colorés. La gorge de la che- mise est pareillement orodée et fermée par deux ou trois boucles de laiton , ayant* la forme d'un anneau. La plupart ont des bracelets de métal faits au moule. Elles s'enveloppent les pieds de chiffons avant démettre leurs souliers èti. sabots d'écorce d'arbre; ce qui rend leur chaussure monstrueuse. Il en est de même, en ceci, des Mordouanes. Les Tschérémisses sont plus propres dans leurs habitations que les Votiaks Mordouans et Finois, et approchent beaucoup , en cela, des Tschouvasches. Leurs maisons ressemblent à celles de ces derniers ; elles n'ont point de- cour, et sont dispersées. Dans la plupart de ces» maisons , il y a un appartement d'été et un d'hiver , avec une galerie couverte, et un es- calier. La distribution intérieure est, en tout r la même que celle des maisons Tatarcs. Ce sont d'excellens agriculteurs ; aussi abondent- ils en grains. Lorsqu'ils moissonnent , ils em- pilent les gerbes en meules en forme de cônes, qui sont soutenues par quatre pieux ou poteaux avec des traverses , et couvertes de morceaux d'écorce d'arbre : ce qui les met à l'abri des souris et de la pourriture. La plupart des Ta- tars de Kasan en font de même. Ils ont beau- coup de chevaux et de bêtes à cornes, et plu- sieurs élèvent des abeilles. Les Tschérémisses et Votiaks , qui demeurent dans le gouverne- ment d'Orembourg , sur le territoire des Bas- chkirs , à qui ils payent une légère redevance foncière , ne jouissent pas des mêmes avanta- ges. Ces derniers ne les toléreroient pas avec une vie si économique. On les emploie , comme àSaràp-oui. 27 les Teptéris , ù transporter les sels de ITÏek dans les magasins. Une partie des Tschérémissesvit dans l'ido- lâtrie. Ils observent cependant quelques fêtes Russes , principalement la semaine de Noël et le Carnaval. Ce n'est pas, il est vrai, par des actes de dévotion , mais par des repas et des divertissement. Ils croient à quelques Saints Russes , et au Mahomet des Tatars , qu'ils vé- nèrent sous le nom de Piambar (i) , qui signifie^ en langue Tatare , un prophète. Ils sont si ignares , qu'on ne peut faire aucun fond sur leurs autres divinités. Ils ont trois grandes fêtes dans Tannée ; la première est celle du printems $ elle tombe peu avant la Pentecôte , et a beau- coup de rapport avec le Saban des Tatars , qui signifie la fête des champs ou des labou- reurs. Pour se préparer à cette^fête , ils com- mencent par se baigner $ après quoi ils chan- gent de culottes , de chemises , et mettent des sabots d'écorce d'arbre. On se rassemble ensuite au lieu destiné pour le sacrifice. Ils immolent , (i) On reconnoît aifément le Péyghambar dzs Pcrfans , mot qui lignine littéralement porteur de nouvelles , quoique ce titre foit commun aux 12,4,000 prophètes qui ont précédé Mohhammedj-ils le donnent plus particulièrement encore à ce dernier, ou pour mieux dire, le mot Péyghambar , fans être accompagné d'un nom propre , défigne toujours le fonda- teur de la religion musulmane x le plus grand & le dentier des prophètes. (Langlés.) *8 1J7$. »s S o ü « h o ï dans ce kérémet^, un cheyal alezan, #t une vache blanche. On jette ensxiite dans le brasier la graisse, le sang, et les os de ces animaux. Chacun va aussi porter un morceau de pain , dont il s'est pourvu pour le repas du sacrifice. On suspend les peaux à des perches , et elles y restent exposées tout le tems de la prière. Leur seconde fête se célèbre , comme celle des Votiaks , avant la coupe des foins. Elle se nomme Ouguinda. Son but principal est d'in- voquer le Dieu des blés ( Aguebarem) > pour en obtenir une bonne récolte (t). Leur année com- mence au carême , en mars, et par conséquent avec le printems (2). (1) Les Tschérémisses baptiies, dont le nombre fe moiitoit, dans îe feul gouvernement de Kasan, en T774, à 6580 mâles & 5951 femmes, assistent fecretement à ces fêtes Sz aux cé- rémonies idolâtres, sur-tout quand ils peuvent le faire sans craindre d'être surpris & punis par les Prêtres Russes. Cette nation a tant d'horreur pour le porc , que le baptême ne les guérit pas même de ce préjugé. Les Tschérémisses idolâtres sont presque tous polygames ; ils achcttent leurs femmes de 30 à 100 roubles la pièce. (Langlès.) {%) Les Recueils historiques de Müller n'ayant point paru en françois, l'éditeur de Pallas a cru faire plaisir au lecteur de lui fournir le passage suivant. Observations sur les Tschérémisses , Votiaks et Tschou- vasches. «Ces peuples n'ont que des idées confuses de Dieu et des objets divins. Leurs principaux articles de foi consistent à croire, i°. qu'il y a un Dieu, qui habite le ciel } que ce a S a r a p o u r, 29 Le dégel se montra peu après mon ar- rivée à Sarapoul , et continua. J'avois eu le Dieu a ses regards sur les actions des hommes ; que le bon- heur dont ils jouissent vient de lui ; qu'il écarte d'eux le mal, et qu'il mérite par-là d'être adoré. » 2e. Qu'il y a un diable, qui fait sa demeure dans les eaux 5 que les maux auxquels ils sont exposés viennent de lui ; qu'il est de leur devoir de prier Dieu qu'il les préserve des embûches de cet esprit malin. » 38. Qu'ils irritent Dieu par leurs péchés ; qu'il y a un châtiment pour ceux qui l'offensent, à moins qu'ils n'obtiennent le pardon de leurs fautes; que ce Dieu fait miséricorde à ceux «mi le prient et qui le servent , et qu'il comble de biens ceux qui l'aiment. » Ils ne savent rien des récompenses ni des peines éteT^ ri-elles, et n'y croient pas. Un vieillard, avec qui j'ai eu une assez longue conversation sur cette matière , me dit qu'ils étoient de trop imbéciiles et viles créatures , et de trop grands pécheurs pour mériter que leur grand I o u m a (nom qu'ils donnent à Dieu } , pût les réserver pour une autre vie; mais qu'ils ne nous disputoient pas cette félicité , parce qu'ils nous regardoient en tout comme tLVjs-supérieurs à eux. » Ils n'ont aucun espoir à une récompense future : aussi ne craignent-ils rien pour l'avenir. Les prières qu'ils adressent à Dieu ne consistent qu'à demander du bien, et la conserva-r lion de leurs personnes et de leurs familles. Les châtimens .qu'ils croient encourir par leurs péchés , font les ma- ladies, la stérilité dans le mariage, les mauvaises récoltes , hs pertes dans leurs troupeaux , les mauvaises chasses et pê- ches, et une mort prématurée. Ce qu'ils appréhendent le plus , c'est que Dieu ne les écrase de sa foudre dans sa colère : aussi les voit-on tout tremblans lorsqu'il tonne. »Ces peuples ont tous trois les mêmes idées fabuleuse« 3o ^77^- P E S o u k h o ï projet de poursuivre nia route par eau sur la Kama et le VoL^aj mais je fus obligé de m'en du paganisme , et à-peu-prês les mêmes cérémonies. Il y a lieu de croire, par le nom que les Tschérémisses et les Tschouvasches donnent à leur divinité supérieure , que I'Iouma des Tschéré misses n'est autre chose que I'Icumala des an- ciens Finois , et que le Tho r a des Tschouvasches est le Thor des anciens Goths. Les Tschouvasches ont quelques autres divinités inférieures, que les villages et cantons se choisissent pour patrons. Ils les comparent à nos saints. Les Tschouvasches, que j'ai eu occasion de fréquenter à Tsché- barar et dans les environs , donnoient à leur patron , ou divinité tutéiaire, le nom de Rgrodcn. » lis n'ont point de jour fixe pour leur culte Quoiqu'ils regardent, en quelque façon, le vendredi comme un joui- sacré , on ne remarque pourtant pas que ce soit par esprit de religion. Ce sont les cas ou les besoins qui les déterminent sur l'heure de leur dévotion , et qui les portent à invoquer la divinité. » lis n'ont point de temples; le culte se fait dans les mal- sons , ou en pleine campagne. Ils choisissent de préférence les forêts écartées. Ils y arrangent une place en rond, et l'entourent de palissades. Le milieu de la place est couvert d'un toit , qui repose sur quelques poteaux; et au-dessous de ce toit sont une table et quelques bancs. Ce nom est le même chez les trois peuples. » J'ai vu un de ces kérémets à v-inst verstes au-dessus de Tschébarar. Il est situé sur la rive droite du Vol^a, qui est montagneuse. Le rivage est si escarpé , et la forêt si épaisse , que j'eus beaucoup de peine à y parvenir. Je vis au contraire , eatre la petite rivière Viartkact IaKama, des villages Tsché- p omisses et Votiaks , qui tenoient leur kérémet en pleine campagne , près de la chaussée ; ce qui vient peut- être de ce aSaäapoul. 3i désister. Contraint de voyager par terre, il fallut songer à des préparatifs. Ne trouvant pas d'en- quc , vivant éloigné de tout autre peuple, ils ne craignent pas qu'on les interrompe dans leur dévotion. » Il y a des familles qui ont un ou deux kérémets parti- culiers ; mais chaque village a son grand kérémet public , où l'on célèbre tous les ans la fctt-. -H n'y a point de jour préposé pour cela. C'est l'ancien du village qui le fixe à vo- lonté. Chez les Tschérémisses , il y a des kérémets parti- culiers, qui servent pour tout un canton. Il s'y rassemble -quelquefois dix et jusqu'à vingt villages pour célébrer la grande fête annuelle. Il y en a un pareil près de la petite rivière de Nemda. Ce kérémet est situé sur une montagne irès-élevée. » Ces peuples ont tous des devins ou magiciens; ce que les Russes nomment Voroschei. Ce sont communément des vieillards à barbe blanche. Ces peuples , abrutis par les su- perstitions les plus absurdes , croient que ces gens ont le don B Saràpoui S, IL De Sarapoül a KAMSKié. Du 12 mars au 21 avril. J'arrivai, le 7 avrils à Sarapoul. Il n'y a voit plus cle neige dans les places ouvertes, et l'on commençoit à appercevoir le tussilage (1). Le 9, je vis dans les broussailles, l'ellébore à trois feuilles (2) , qui montroit déjà sa fleur,. Il abonde dans cette contrée. Le 12, je commençai à voir la violette de marais en fleur (3), et le 18 ^ j'en trouvai en abondance, ainsi que la pulmonaire commune (4) et la dorine à feuilles alternes (5). Le noisetier commençoit aussi à cîi a tonner. Les bouleaux qui étaient en belle exposition , pré- sentoient des boutons , et l'on voyoit paro^tre les premières fleurs de l'androsace du nord (6). Dans les derniers jours de mars, nous vîmes les premiers oiseaux de passage, tels que l'é- tourneau, le râle de terre., le pinson, le bruant,, la grive et le vanneau. Au commencement d'a- vril, suivirent les bergeronnettes, les bécas- ''» , , ■ . . .in , , ... 1 ., . , - m . (i)Tussilago* (z) HelUborus trlfollus, (3) Viola palustris. (4) Pulmonaria. (5) Chrysosplenium ahernifolium* (6) Andiosace septentrionalis* â K a ic s X i i' 39 feines , les bécasses , et plusieurs espèces de gi- bier aquatique. Je ne rencontrai point dans cette contrée d'espèces extraordinaires , parce qu'il n'y existe point de lacs, et que la rivière est renfermée entre des montagnes et des forêts de sapins. La débâcle des glaces de la Kama se lit le l4 avril , et les eaux montèrent de trois archines dans la nuit. Le chariage fut terminé le 18, et les eaux devinrent beaucoup plus basses. La débâcle des glaces de la Vischera, de la Kolva, et d'autres rivières qui ont leur cours dans les montagnes plus septentrionales 9 a lieu bien plus tard. Je m'étois décidé à passer une partie duprin- temsàSarapoul^ village à clocher, très-peuplé. Les habitans sont riches , et la plupart des gros bourgs ou Sîobodes ne peuvent lui être comparés. Il est situé sur la rive droite de la Kama , au pied d'une éminence sur laquelle on voit les ruines d'une forteresse qui existoit pen- dant les anciens troubles des Baschkirs. Elle consistoit en une circonvallation assez vaste , entourée de murs en charpente. Elle étoit garnie de batteries et de tourillons et placée dans une situation très - avantageuse. On voit dans son enceinte l'église principale , l'hôtel du bailliage et la maison de l'Oupravitel qui régit les biens de la couronne du territoire de Sarapoul. On voit outre cela dans le village, deux églises C4 4° *773- »s-SarIpôttî. bâties en 'charpente , et trois cent quarante- trois maisons , toutes très- étroites et formant des- rues courbes qui, malgré leur pontonnage, sont si boueuses au prîntems et en automne 9 qu'il n'y a presque pas moyen d'y passer. Le .ruisseau d'Iourmanka passe dans le village 5 il est peu considérable. Il vient des montagnes Voisines garnies de forets, et se décharge dans la Kaina. Sarapoul prend son nom de deux au- tres ruisseaux qu'on appelle Bolschxaïa et Malaïa-Sarapoulka, et qui tombent aussi dans la Kam a , un peu au-dessous du premier. Leurs rives sont garnies de villages. Il se tient dans Sarapoul une foire assez con- sidérable. On y vend toutes sortes de marchan- dises. Il s'y fait un grand débit par l'affluence des gens de la campagne,, et par les bateliers qui remontent au printems la Kania , et la Be- laïa, ainsi que par ceux qui conduisent sur la Ramä , des bois et des sels des contrées supé- rieures, et les bateaux qui nayigént sur la Tschoussova'ia avec des fers. On transporte aussi de cette ville et des fertiles contrées qui bordent la partie inférieure de la Kama , quantité de grains à Solvkamsk. On en fait passer delà a Tscher-. diin , et aux Voioks de Petsçhgrkoï et Dvins- koïj pour en approvisionner les contrées su- périeures de la Dvina et les villes situées au nord le long de la Petschora. Ces transports se font en remontant la Kama, mais il s'en A K A M S K I i. 4* £ût aussi d'antres en descendant le même fleuve et sur le Volga, pour passer à Astrakhan et à INischnei-Novogrod. Cette contrée tire , d'ail- leurs , de grands avantages par ses immenses forets qui bordent les deux rives de la Kam a depuis Sarapoul , et qui sont très riches en bois de sapins. On construit ici des Nassadi, qui sont d'énormes radeaux de vingt toises de long sur sept de large, et cinq aunes d'élévation. Vingt- cinq mariniers en forment l'équipage. C'est au moyen de ces énormes radeaux qu'on fait descendre le bois de chauffage et de cons- truction jusqu'à Astrakhan. A leur arrivée dans cette ville , on les défait et on les vend. Pour faci- liter la construction de ces radeaux et des bateaux qui servent au transport des grains , un habi- tant de cette contrée a établi une scierie sur la Sarapoulka. D'autres ont formé de petites tanneries de cuir de Roussi dont ils ont plus de débit qu'ils n'en peuvent préparer. Les gens de la basse classe s'occupent du labour et de la navigation. Ils s'engagent comme mariniers sur les bateaux qui transportent les grains et sur les radeaux dont j'ai parlé plus haut. Comme ces transports se font dans des tems où les terres ne demandent pas leurs soins , elles ne souffrent point de leur absence. Ces mariniers gagnent, dans un voyage d'été pour descendre IaKama, sept roubles, et même huit. On en donne jusqu'à dix-&uit aux pilotes. fa 1773. Bfi S A' R A f 0 tf É Les autres villages de ce bailliage, ne sont peuples que d'agriculteurs. On ne compte dans tout le bailliage, y compris Sarapoul , que neuf mille six cent quarante huit têtes capitables. Ce ne sont cependant pas les seuls habitans de ce district. On y voit aussi des Tschéré- inisses : il y a de ces villages qui rassortissent du collège économique. L'Impératrice a permis depuis peu, de recevoir tous les émigran s Asia- tiques qui parviennent à se sauver de l'es- clavage des Kirguis. On les fait passer à Orem- bourg; ils y sont baptisés, instruits dans la langue Russe , et placés ensuite chez de riches paysans du pays qui ont soin d'eux jusqu'à ce qu'ils soient en état de pourvoir par eux-mêmes à leur subsistance. J'y aï vu des Persans, des Trakhmènes et des Arabes. Leur nombre mon- toit alors à soixante- quatre. La Kama, qui baigne leur pays , leur fournit du poisson en abondance. 11 n'y a peut-être pas de contrée en Russie où l'on en mange d'aussi délicats. Le saumon blanc , le sterlet et l'esturgeon y sont préférables à ceux du Volga. L'on, pêche aussi de i'ériox dans la Kama 5 c'est uneespèce de petit saumon queles Russes nom- ment KrasnaÏakiba. Ce poisson est d'or- dinaire d'une aune et demie à doux aunes de long. On m'a parlé d'un autre saumon, qu'on prend quelquefois dans la Kama , mais qui se tient principalement dans la Bélaïa. On le nomme a K A m s k i ï; ^3 dans le pays Strescitevoi-Kamskoi -Lin. On dit l'espèce d'un goût estimable. Je n'ai pu en yoir. Il y a apparence que ces espèces n'exis- tent point dans la mer Caspienne, et qu'on n'en trouve que . par hazard dans le Volga. S'il y eji a dans la Kama., elles y sont venues des contrées supérieures , et des rivières qui se joi- gnent à elles 5 et avec le tems, elles s'y sont multipliées. Les ruisseaux les plus éloignés de ce fleuve ont leur source si près de ceux qui se déchargent dans la Petschora, et la Vits- chegcla , qu'il est possible que leurs eaux se> communiquent dans les débordemens du prin- tems. Le Vuilva , et un autre ruisseau dont je n'ai pu savoir le nom , tirent leur source d'un marais sur lequel on peut naviguer d'un de ces ruisseaux à l'autre. Le Vuilva se décharge dans la Kama Supérieure, et l'autre tombe dans la Vitschegda. L'on voit par-là, qu'il est facile au poisson de parvenir et de se répandre de l'Océan septentrional dans la Kama , en tra- versant la Dvina et la Petschora et les autres' rivières qui viennent s'y joindre. On sait d'ail- leurs , que le saumon se plaît dans les rivières qui sortent des montagnes, comme,, par exemple, dans la Bélaïa. La Kama n'offre rien de re- marquable dans les autres poissons , si ce n'est l'alose (i)j que les Russes appellent Sheles- (t) Clupea alosa. 44 ^-77^* D E S a r Jt p o tj r kisa, et le couteau (1), qu'ils nomment TscHs- Khon. Ils y remontent du Volga en abondance» On sait que ce poisson meurt en été dans les rivières; aussi, dès que cette saison est arri- vée, et qu'il commence à perdre ses forces y les rives de la Kama en sont couvertes. , La pêche de la Kama diffère un peu de celle du Volga. On y prend principalement de l'es- turgeon et du sterlet avec cette manœuvre à crochets dont j'ai donné la description dans la seconde partie de ces voyages , en parlant de rir tisch. On nomme ici cette espèce de piège Babatki. L'on prend dans de vastes parcs r Kamskoï-Ies, du saumon, des salmones et de l'esturgeon. Ces parcs traversent des bras du fleuve. Ils sont consolidés par d'épais poteaux ► On place à leur entrée de grandes pentières. Cette pêche a lieu tout l'été ß et même l'hiver sous la glace. On ne la suspend que lorsque les eaux sont hautes , ou bien lorsque les glaces ne portent pas. Pour pêcher les autres espèces de poissons, on se sert de nasses, de manne- quins (Verschi et Mordi ) et de nasses à filet (Vetylî). On choisit pour cela les places les plus commodes. On compte soixante-dix verstes de Sarapouî, et trente de la Kama à une usine de fer qui se nomme Ishefskoï. Elle est située dans la (i) Cyprinus cultratus* aKamskié. 4^ contrée supérieure de la petite rivière d'Iscru Il y en a unlautre à quarante verstes plus loin 5 ■on. l'appelle Votkinskoï-S avoue. Elle est cons- truite sur le grand Votka., ruisseau de la Kam a qui se décharge dans la Siva. Ces usines ap- partiennent à la couronne. Eues sont de la Ju- risdiction du directoire des mines de Bla godât* Kouschvinski, Ces forges et celles de Toiirinsk et de Serebrianski affinent le fer qui a été fondu dans les Savodes de Kouschvinskoï et Barants- chînskoï. On employé jusqu'à sept mille paysans du gouvernement de Kasan , et on y frappe annuellement cent trente à cent cinquante mille ponds de fer en barre , et de fer travaillé. Ou transporte ensuite ces marchandises à Goliani> village situé à trente -six verstes de Sarapoul. Arrivées là , on les embarque sur la Kama dans des KoloviinKï , ou bateaux du pavs , et dans d'autres bâtimens du gouvernement qui arri- vent par la Tsciioussovaïa après la débâcle des glaces. Ces mêmes bâtimens y apportent le fer en gueuse nécessaire pour de nouvelles opéra- tions. Après avoir chargé les marchandises des usines, ils descendent la Kama, et vont à Pé- tersbourg par le Volga. Quelques-uns se rendent i/ Astrakhan par ce même fleuve. LaSavoded'I- sefskoï a seize marteaux et une foro;e à ancres* celle de Yotkinskoï en a dix -huit avec un "la- minoir et un fourneau à acier. Il y a dans la première quatre cents ouvriers , maître et gàr- 46 iyy'ê>. de K a m s K i £ çons , et cinq cents dans l'autre. Elles ont touteg deux un site des plus avantageux, et jouissent du voisinage de vastes forêts qui leur fournissent d'excellens bois de diverses espèces. La cons- truction de ces Savodes, et Tordre qui y règne font vraiment honneur à M. Moskvin , asses- seur au directoire des mines de Kouschvinki à qui l'on doit leur établissement. Les appar- temens sont propres et commodes. Les prin- cipaux sont destinés à loger le directeur ou chef du département des mines de Kouschvinki , lorsqu'il vient aux Savodes , et les autres sont pour les inspecteurs et autres officiers subal- ternes attachés à ces forges. On y voit aussi un très-beau bâtiment où se tiennent les bureaux. S- iii. De Kam skié a Miriassova. Du 21 au i5 avril. Village de Kostina ,10 verst. — Sélo-Kibaéva , 8 verst. — Village àtlourina , i3 verst. — Ruisseau de Tschlschostanischa. — Village de Tabaëva , 16 verst. — Village de Vobié , y verstes. — Village de Msnia, 6 verstes. — ■ Village de Fischto , 5 verst. — Village de Terssi, 5 verst. — Village Û'Omgui, 5 verst. 1— Village de Tavarli , 8 verst. — Village de Soukmcui 9 7 v. — Village de Boulât , 14 v. •— Villase de .Kousaekova, 2 verst. — Village A MlRIASSÔVA. 4j de Kotnor y 3 verst. — Mine de KotnorskL — Village de Novaia-Soudshs , 8 verst. — - . Sélo Oust-îkofskoé > 18 verst. — La Kama. — Viljage de Malaia-Schilna , 6 verstes. — Village de Tschirschili , 18 verst. — Village de Saïtova , 5 y, — Village de Mh*iassova ,' 7 verst. J'étois parvenu à la Kama, comme je l'ai dit plus haut , afin de m'embarquer delà sur le Volga 5 mais il ne me fut pas possible de trouver dans toute la contrée un bateau propre à mon entreprise. La navigation étant sur le point de s'ouvrir, je renonçai à mon projet, et pris le parti de continuer ma route par terre. Je fis néanmoins embarquer dans une espèce de ga- iiote un de mes compagnons de voyage, et le plus lourd de mes équipages. Je lui dis de des- cendre la rivière jusqu'à Zarizin , et de se porter en avant jusques dans les contrées méridionales du Volga où j'irois le rejoindre. Je me rendis de mon côté par terre dans les steppes méri- dionaux, mais déserts qui s'étendent entre l'Iaïk et le Volga, pour y observer les plantes prin- tanières de ces landes auxquelles aucun voyageur n'avoit encore songé= Mon plan étoit de suivre ensuite les rives du Volga, et d'y passer le reste de l'été pour faire des observations sur tout ce qui est relatif à l'histoire naturelle, de joindre de là la grande route qui conduit à Iaiskoi-Gorodok, 4$ tjy3. de Kam skie où il in'étoit facile de parvenir par des routes de traverses inconnues , mais qui y conduisent en li.çrne directe de la Kama. Je partis de Sarapoulle 21 avril après-midi. Je trouvai les chemins de cette contrée septen- trionale encore inondés et les plantes peu avan- cées dans leur floraison ; mais je n'avois pas de teins à perdre pour traverser la Kama avant les fortes inondations qui lui sont ordinaires tons les printems ; et en second lieu , pour ne point arriver trop tard dans les steppes méridionaux que je me proposois de parcourir. Je passai d'abord le village de Kibaéva , et le ruisseau de Meshnaïa , et me rendis delà au village de Kostina situé sur la Malaïa-Saraponlka. Pour y arriver, on laisse le petit village de Sïropia- tova sur la gauche. On traverse ie ruisseau de Mordvikha , après avoir remonté le petit Sa- raponlka, et Ton atteint ensuite deux autres petits villages, l'un à droite, l'autre a gauche. Le premier se nomme Seiigueva, le second P a x- Xhova. On passe ensuite ie ruisseau de Pots- chikha, sur lequel est situe un troisième village appelé Gioukhova. Parvenu à huit verstes de Körtina, on atteint le village à clocher de Ki- baéva, situé sur la Sarapoulka. Il y avoit cent trente maisons et quatre églises, dont trois ont été incendiées récemment avec une grande partie de F endroit. Tous les villages que je viens de nommer & M I R I A S S O Y Aj 49 nommer dépendent des terres seigneuriales du canton. On remonte d'ici la Kîbaefka. Les côtes dont elle est bordée présentent de superbes champs et une forêt entremêlée de sapins où la floraison des plantes étoit beaucoup plus avancée que dans les autres contrées. Nous y trouvâmes en ileur la fumeterre bulbeuse (i) , l'anémone re- noncule (a) , l'hellébore à trois feuilles (3) s la pulmonaire { 4 ) > ^e daphné méséréon ou bois« gentil (5), et la violette des marais (6). Après dix verstes de route , nous atteignîmes le ruis- seau de Bougrisch et le village de Viied t habité par des paysans qui payent le lassak ou tribut, A cinq verstes plus loin "est le village d'Iou- rina, situé sur le ruisseau de Petschanka, qui se décharge dans le Bougrisch. J'y arrivai à la nuit tombante. On voit peu de contrées en Russie où le la- bourage soit aussi en' vigueur que dans celles du gouvernement de Kasan qui bordent le Volga et la Kama. Les Puisses, les Tatars , les Vo- tiaks et les Tschérémisses cherchent à l'envi (ï) Fumaria bidbosa. (z) Anemone ranwiculoïdcs* {3) Hdleborus trlfolius, (4) Pulmonaria, (t)!) aphne mesereum, (6) Viola palustris* gome VU. So I77S. »£ Kam ski È les uns des autres à qui portera à un plug haut degré la culture des terres. Il m'a paru que les Tatars ont une préférence marquée sur les autres. Les paysans aisés se font une gloire d'avoir beaucoup de meules de grains très-fortes dont ils conservent plusieurs années le superflu dans la paille , ou pour mieux dire en gerbes. La contrée qui s'étend le long de la Kam a est sans contredit la plus avantageuse pour les gens de la campagne. Ils ont d'exceliens champs ; ils abondent en forêts et en rivières poisson- neuses ; aussi doit-on dire que le pays est assez peuplé , à l'exception de la contrée de Loti- govaïa qui avoisine les steppes qu'on rencontre en descendant le fleuve. Ce canton seroit sus- ceptible d'une plus forte population. Les laboureurs de ces contrées sèment beau- coup de froment d'hiver qui réussit à mer- veille , malgré le terrain argileux qui est froid et humide. Ils en font les semailles un peu plus tard que celles du seigle d'hiver ^ et choissis- sent pour ce genre de grains des contrées mon- tagneuses et élevées qui soient moins humides. Ils ont soin aussi , pour diminuer l'humidité des champs où ils cultivent les grains d'été , et pour leur fournir en même tems un engrais , d'y brûler , par un tems calme , la paille ou le chaume qu'ils y laissent à dessein, à la hau- teur d'une demi-aune de France lorsqu'ils scient A M X A X A 8 8 o v a; 5% les bleds, lis la brûlent , coin me on le pré- sume bien, avant que d'y faire passer la charrue. Ceux qui occupent au contraire les steppes mé- ridionaux de la Kama qui sont bien plus secs , sèment leurs grains d'été sur les champs en chaume , avant que d'y passer la charrue , ou bien ils donnent un second labour après avoir semé, ce qu'ils observent principalement lorsque les printems sont secs. Les habitans qui peu- plent les contrées méridionales du Sok , de la Samara et du Volga, suivent le même procédé. Ils appellent cette opération Pod-Sokkou- £>éeit (i). Une longue expérience les a con- vaincus que les semailles prennent bien mieux , parce que la terre n'a pas le tems de sécher avant de recevoir les semailles , et d'exhaler son hu- midité printanière. Outre cela, la semaille pé- nètre plus avant dans la terre. Les paysans des bords de la Kama commencent à cultiver davantage les lins de la Valachie. Ils échangent la graine entr'eux; mais les premières semences sont venues de la Pologne par les co- lons qui ont passé en Sibérie. Le gouvernement de Sélenguiusk en a été pourvu par le même moyen , et cette denrée s'y cultive avec succès. Il pousse près de la Kama à sept empans de hauteur , et fournit un bien plus beau fil que le lin ordinaire. Quels avantages ne résulteroit-il (i) Semei sous la charrue. tyy?). Di Kam skié pas pour l'Empire , si l'on portoit dans les conV trëes baignées par la Kama cette branche d'a- griculture au degré dont le pays est suscep- tible^ et si l'on exportoit ensuite la matière récoltée par la navigation de ce fleuve qui a les plus heureuses communications. Nous traversâmes, le 22, , le ruisseau de Dris- tounikha qui tombe dans le Bougrousch. On passe ensuite celui de Terriza qui se joint au Tschikhostanikha qui n'est qu'à un demi-verste. Celui-ci est bordé d'une forêt de bouleaux en- tremêlés de trembles et de pins qu'on passe pour arriver au gros ruisseau d'Ara qui a aussi sa décharge dans le Tschikhostanikha. Arrivés à la source marécageuse de ce dernier , qu'on passe au moyen d'un pont, nous atteignîmes le village de Tabaief , situé sur la Tscherna, un des ruisseaux qui forment la source du Tschi- khostanikha. A cinq verstes delà, on atteint la rivière d'Isch qui étoit tellement débordée que nous eûmes bien de la peine à traverser les places inondées pour arriver jusqu'à ses bords. Pour la passer, il nous fallut mettre nos voi- tures sur deux bateaux amarrés l'un à l'autre. Nous abordâmes heureusement sur la rive op- posée où est le village de Vobié, habité par des Tschérémisses. Il est baigné par un ruis- seau qui lui donne son nom. Du ruisseau de Vobié , on laisse l'Isch sur la gauche. Nous la côtoyâmes ij. la distance dq A M ï R I Ä s s o v A? Si quatre ou six verstes. On passe plusieurs vil- lages ; en premier lieu., celui de Monia habité par des Votiaks , et ensuite ceux d'Ireschevo , situé sur le ruisseau de Sched-Oschmes , Pis- clitova baigné par l'Ikaschour et Mordvei près du ruisseau de Tschasli , sur lequel est situé un autre village appelé Terssi. Il est composé de cent maisons. Les trois derniers villages que je viens de nommer appartiennent au général- major Tevkelefy qui est d'origine Tatare, et de la religion Mahométane j aussi ses vassaux sont tous Tatars. J'ai beaucoup admiré Tordre économique et la propreté qui régnent dans ces villages , et principalement dans celui où M. Tevkelef fait sa résidence. Il y a un château très -bien construit, quoiqu'il ne soit qu'en bois. J'eus un plaisir infini à voir la maniera dont ils conservent leurs grains, l'arrangement des gerbes , leurs appro vision nemens en bois de chauffage, la distribution de leurs champs, leurs écuries et étables , et enfin l'intérieur de leurs ménages, même chez les moins aisés de ces Tatars. Leurs champs., entremêlés de petits bois de sapins , offrent un coup-d'œil charmant. Les rossignols y abondent. M. Tevkelef étoit aller visiter d'autres villages situés sur la Be- laïa qui lui appartiennent. Il s'y rend tous les ans pour y célébrer la fête du Saban , qui «at celle des Tatars pour les moissons. Je fus D 3 54 îyy3. »E R a m s K i é fâcîié cle son absence. J'aurok été charmé de le voir et de converser avec lui. En quittant Terssi , on passe dans de su- perbes campagnes où l'on ne voit que des champs qui appartiennent ait village d'Omgui habité par des \7otiaks. îl est situé sur le Tschashi qu'on conserve sur la droite jusqu'axi village. J'y passai la nuit* Le lendemain matin nous passâmes le Tschashi à peu de distance d'Omgui , et tout près de son embouchure dans un autre ruisseau qui se nomme Kirsak. L'on ne rencontre ensuite que des bois jusqu'au village de Tavarli , peuplé de Tatars, On y voit l'anémone renoncule (1) , et la pezize pédonculée y abonde (2). A quinze verstes plus loin, on laisse sur la gauche, en deçà du Tschashi > une forge de cuivre établie par M. Tcvkelef, Il y a quatre fourneaux. On la nomme Varsinskoï-Savod. îl est rare qu'il y ait plus d'un fourneau en activité, faute de matière. Je ne la regardai pas comme un objet d'assez grande conséquence pour m'écarter de ma route. On repasse ensuite le Tschashi, et l'on s'en éloigne près du village de Soukman ha- bité par des Tatars. L'on n'y compte que quinze (1) Anemone ranunculoides. (2) Pc\L\a pedunculata , terres nis > calice gemino , irre- guläre , cartilcigineo , margine lacero , sesquipolucaris dia~ met ri , extus pallida , intus cinabarea. A M I Ä ï A S Ä Ö V AÎ 55 maisons. Il prend son nom d'un ruisseau qui coule dans son voisinage. On traverse ensuite un petit ruisseau qui a un cours très-rapide près d'un vallon dans lequel est situé le village de Schoudshia peuplé par des Votiaks. Il est baigné par le ruisseau qu£ lui a donné son nom, et qui se décharge dans le Toïm : celui - ci se jette dans la Kama. Il nous fallut encore traverser un autre ruisseau assez rapide qui tombe dans le Sclioudslii ; et après cela, on passe le Toïm près du village de Boulât. Ce dernier ruisseau est le plus con- sidérable. Il ne reste ensuite que deux verstes pour arriver à Kousoekova, village peuplé de Votiaks comme Boulât l'est de Tatars. Je. re- layai à Kousackova. L'on rencontre aussi -tôt après ce village, une cliétive mine de cuivre qui appartient à la forge de Tevkelef. Elle con- siste en plusieurs conduits qu'on avoit plan- cliéiës ; mais ils sont en partie ruinés. On les avoit percés immédiatement sous le terreau sa- blonneux, dans un sable à bâtisse, à peine pé- trifié. On tiroit de ces conduits une cliétive fleur de cuivre. Celui qui est au nord a été poussé à quelques toises de plus en profondeur; et le puits qui est à droite de la route , l'a été à sis toises dans un sable et un banc d'ardoise sablon- îieuse et argileuse. On compte qu'en descendant la Kama , il y a cinquante verstes d'ici au Volost d'Alabouga 7 B6 lyfê. ©ä K a m s & i é qui appartient aux domaines de la couronne? On estime qu'il n'y a guère plus de distance qu'au magasin à sel établi de l'autre côté du fleuve. C'est-là que se fait le dépôt des sels d'Ilezki qu'on transporte ici par terre. En sortant de Kousœkova qui est iiabité par des Votiaks, on voit le ruisseau de Taltemak. Les champs des environs sont remplis d'orni- thogale avec des fleurs jaunes (i), qui étoient déjà épanouies. A un verste environ je quittai la rcmte pour prendre sur la droite , et j'at- teignis > après deux verstes de chemin > un autre village situé sur le Taltemak. Il se nomme KotkûRj et est peuplé par des Votîaks. La mine de Kotnorskoï est tout près de ce village sur la gauche du ruisseau. Elle se trouve dans un terrain peu élevé , où étoit autrefois une partie des maisons de Kotnor. Cette mine ap- partient aussi aux forges de Varsinski , et n'en est qu'à seize verstes. On a lait de droite et de gauche des fouilles immédialement au-des- sous de la superficie du sol , pour tirer un chétif minéral de cuivre d'une couche horizontale. Ces travaux ont été abandonnés , il y a plus de six ans , parce que la mine se trouvoit épuisée, Mais il y a un an qu'un Tatar , mineur de son melier, et attaché à ses forges, découvrit que la couche horizontale n'avoitpas été poussée (i) Ornithogalum luteum^ A M 1 R I A S S O V A* S? à bout. On y mit aussi-tôt une soixantaine de travailleurs; l'on creusa à une autre place, et au-dessous du terreau, des conduits et gale-, ries , et on parvint à exploiter au-delà de seize mille pouds de minerai. On rencontre sous le gazon un sable à bâtisse jaune et brunâtre , dont les couches se trouvent ondées. La couche ho- rizontale du minerai consiste dans un sable à bâ- tisse gris , mélangé de vert. On y trouve peu de fi- lons et de rognons riches en métaux. Ces filons ne produisent guère au-delà de dix pour cent 9 et le minerai commun rend tout au plus deux par chaque cent, quoiqu'on se soit mis à laver le petit minerai et le sable chargé de moisis*- sure verte $ ce qui prouve une grande pénurie. On rencontre aussi dans le sable à bâtisse de grosses masses stériles de pierres de sable aux- quelles on ne touche pas. On est oblige de plan- chéïer tous les puits et condtiits que l'on creuse sous le terreau. Il n'y a point de pont ici sur le Taltemak, ce qui nous obligea de faire un long détour à travers la forêt , pour aller rejoindre la route qui conduit à celui qui est établi sur le Toïm, que nous traversâmes pour nous porter sur la rive droite. A quelques vers tes , avant le village deNovaïa-Soudsbé, habité par desVotiaks, on trouve un hameau peuplé de Tatars. Pour y arriver, il faut passer le Dourousch. Dans la traversée le pont croula avec ma voiture. Heu-r » « 58 177^* !DE KamskiÏ reusement les chevaux l'avoient déjà franchi,,1 et ils eurent assez de force pour faire remonter sur la rive ma voiture , d'où, je n'étois pas des- cendu. Le village cle Novaia-Soudslié est à dix vers tes de Kousœkova sur le Toïm , qui devient ici plus considérable par la jonction du petit ruisseau de Poudarkhoun. En sortant de ce village, et an prenant la route vers la Kama, Ton entre dans une forêt de sapins qui est très- marécageuse. Elle s'étend à dix vers tes en lar- geur. J'y vis beaucoup de mercuriale vivace (i). Elle étoit en fleurs, et tapissoit toutes les places bourbeuses. On rencontre enfin près du village Ssarssas , qui est peuplé par des Tatars.» dans un pays de terres à labour. On atteint - là le ruisseau d'Ouetschemen , et on rencontre sur ses rives quelques villages Baschkirs de la tribu de Bailarski , qui font en conséquence partie de cette même tribu. Elle occupe la contrée qui est en-delà de la Kama entre l'îk , le Sioun , et la Belaïa. Il faut observerque ces deux branches ne vivent pas sous la même Jurisdiction , puisque ces deniierssontdu gouvernement d'Orem bourg au lieu que les villages Tatars, dont j'ai fait men- tion, et en général tous ceux qui sont en- deçà de la Kama ressortissent du gouvernement c^e Kasan. Nous entrâmes ensuite dans une superbe forêt de bouleaux, où je vis la beiie phalène ver- (i) Mercurialis perennis. V c/l MiriAssovX'. 6$ Bicolore ou chinée (i). En approchant de la Kama , l'on entre dans une contrée sèche et élevée , où le dessous du sol est composé de cou- ches d'une pierre argileuse qui forme aussi dans ce canton le haut rivage de la Kama. Nous at- teignîmes, vers la nuit, le village à clocher d'Oust - Ikofskoë auquel les Tatars donnent le nom d'iKTAMAK. Ce gros village appartient aux économats. Son nom lui vient de la rivière d'Ik , qui a son embouchure tout en face, et qui se décharge à gauche dans la Kama. Il est situé sur une haute rive escarpée. Cette rive présente, à la Kama qui coule au pied, un angle de rocher qui oc- casionne le long du rivage un reflux COnsidé- rabie , lorsque les eaux sont hautes , et qu'elles viennent se briser contre. La Kama reçoit à quatre verstes plus haut la rivière d'Isch. Cette réu- nion se fait au nord du côté où elle est bordée par la montagne qui porte, par cette raison, le nom de .Nagornaia. On y rencontre un village à clocher qui en a pris le nom. Le ruisseau de Tiraiefka se jette également dans ce fleuve avant la réunion de Fisch. Lorsque les eaux sont basses , la Kama a ici environ un verste de largeur, mais ses rives présentent par-tout des contrées ouvertes , entremêlées de forêts et de monticules. L'embouchure de l'Ik est (î) Phalœna versicohr. précisément en face de l'angle dont j'ai parlé J On a construit la nouvelle église sur sa plate- forme. Un vaste enfoncement qui confine à cette rivière étoit inondé dans ce moment par la crue de ses eaux. On compte trente-huit v erstes de cette embouchure à la décharge de la Bé- laia^, et les mariniers en comptent encore deux cents jusqu'à l'embouchure de la Kama. Les eaux étant très-hautes , je calculai à sept verstes notre traversée de la Kama , parce que nous fumes obligés, pour éviter les endroits où les eaux sont en tout teins très-basses, d'aller aborder à une place appelée Béloitst ; elle est im- médiatement au-dessous du petit village de Pes- tschanka. Nous n'arrivâmes sur l'autre rive qu'à midi, et nous ne pûmes nous mettre en route que vers les six heures du soir, obligés d'en- voyer à Bolschaia-Schilna pour avoir des che- vaux. Ce village est à huit verstes de îa Kama. Le retard me fut d'autant plus désagréable que je ne pus m'occuper d'aucunes recherches en botani- que , parce qu'il n'y avoit encore aucune fleur printanière sur les rives de ce fleuve garnies de forêts, mais très-froides. Les premiers in- sectes comrnençoient à. peine à voltiger autour des saules qui montroient leurs Heurs. J'y vis en revanche quantité de rats d'eau , des cou- leuvres., et la vipère noire (1), dont la morsure (1) Coluber presier. aMiriXssota. 5i est très- venimeuse, et occasionne une enflure énorme à la partie qui en est attaquée. Les j ' ysans de cette contrée se servent avec avan- • du lait chaud pour en détruire les effets* L'on ne pecLoit, en ce moment, dans la Kama que du rouget, du gardon , et du Tschekhon (t) ou couteau« En quittant la Kama , on entre de suite dans une forêt de bouleaux et de chênes ; elle est très-élevée et un peu. montagneuse. J'y vis la pulsatiile de Tatarie (2) qu'on ne rencontre pas au nord de Ja Karna. Sa fleur étoit émaillé© de blanc et de Lieu. On y voit- beaucoup de merles qui ne sont nulle part en aussi grand nombre que dans les forêts voisines de ce fleuve» Ces bois sont remplis de genévriers. La partie gauche de la Kama présente par-tout un pays plus uni, plus ouvert et sec. En descendant le fleuve de ce cote-là , on ne rencontre que des landes ouvertes, ce qui fui:: qu'on peut l'appeler .avec raison Lougavaïa (3), quoiqu'elles n'y soient pas ainsi é'endues que celles qui bor- dent un côté du Volga, à qui on donne ce nom. A six verstes de la Kama, et après qu'on a traversé le ruisseau de Schiina, on arrive au (l) Cyprinus cultratus. (z) Anemone patens* £$) Côté des kndes. %% 1-773- « k Kam skié village de Malaia-Schilna, qui n'est composé que de vingt maisons. Nous y passâmes la nuit. Il est situé sur le petit Schilna qui se réunit au gros ruisseau de ce nom, pour aller se dé- charger ensemble dans la Kama, près du village deBoroveskoi. Malaia-Schilna fournit du monde pour les forges d'Afsiano-Petrofskoï, et autres qui dépendent des établissent ens de la famille des Demidof. Ces malheureux sont obligés de faire plus de six cents verstes pour s'y rendre, en traversant des montagnes où le chemin est très-pénible ; ce qui leur fait perdre un tems précieux , qu'ils employeroient à leurs occu- pations économiques. Ils ne sont pas les seuls, car on en compte cinq mille autres du gouver- nement de Kasan qu'on force aux mêmes tra- vaux. Ceux-ci ont encore plus de chemin à faire, parce qu'ils habitent une contrée de la Kama beaucoup plus basse. En calculant le tems qu'ils eur >loyent aux travaux, celui qu'ils mettent à se transporter à ces forges, enfin celui de leur retour , on trouve qu'ils perdent une très-grande partie de l'année. Nous entendîmes ce jour-là, mais dans le lointain , le premier coup de tonnerre. Nous nous mîmes en route dans la journée pour re- monter le petit Schilna. L'on atteint, après l'a- voir traversé, le village d'Ilbouschnito, situé sur le ruisseau de Bisketschinka. L'on arrive ensuite à quelque distance delà à Asmousch- JL M I R I A S S 0 V A. 63 îcina , petit village habité par des Tatars. Je relayai au village de Sirdaly situé sur le Scliilna. Ji est peuplé de Tatars chrétiens et dépend de la province d'Oufa. On ne rencontre jusques-là que des landes où je vis la puisatiiie de Ta- tarie ( i ) , l'argentine (2.) , l'adonide printa- îiière(3) , et la violette. Je remarquai dans les places aqueuses la renoncule ficaire (4) quiétoit en fleurs , ainsi que les autres. On y voit aussi le cytise velu (5) , et le cerisier sauvage , qui coimnençoient à boutonner. Ce n'est que dans cette partie de la Kama , que Ton commence à rencontrer ces deux arbrisseaux, Une étendue de forêt marécageuses qui borde le Schilna nous obligea de prendre à l'ouest, et de faire un détour assez considérable. Nous fûmes dédommagés de ce retard en arrivant à une contrée ouverte , qui conduit jusqu'à Schilnebasch, Ce village fait partie des domaines de la couronne , et dépend du Volost d'Aiabouga 5 il est en cou- séquence du territoire de Kasan. On passe sur cette route une forêt de chênes et de bouleaux qui se prolonge jusqu'à Tschirkhili,, gros vil- lage Tatar situé sur le ruisseau du même nom. (1) Anemone pacens, (i) Potentilla. {3) Adonis ver/ia. (4.) Ranunculus ficaria* {$) Cyùsus pilosus* »4 i.77& © m K a m s k i 6 J'eus occasion de voir clans ce trajet l'extrémité de la ligne de Sakami, qui se termine à quatre Verstesde Schiinebasch. Cette extrémité aboutit à la route près d'un bois touffu. Le fossé et les remparts de la ligne ne finissent qu'avec elle , et tout se termine par un abattis d'arbres qui va jusqu'à l'Ile. Le gobe-mouche (1) se plaît beaucoup dans les forêts de cette contrée,, et principalement dans une multitude de petits bosquets , qui ren- dent ce canton très-champêtre. Je nel'avoispas encore apperçu en Russ'e. On voit aussi l'ortolan entre IaKama et la Samara. Le village de Tschirkhiii n'a guère que vingt- cinq maisons. Le ruisseau sur lequel il est situé, et dont il prend le nom, s'écoule dans le Mensela. Je me portai vers Menselinsk 3 une partie de la route présente d'agréables campa- gnes 3 l'autre perce à travers une forêt de chênes. Cette variété est la même jusqu'au village de Kouvaskh , situé à dei>x verstes plus loin, sur le ruisseau de Tschirkhiii. Nous trouvâmes en- core, près de ce village, le poste qu'on y avoit placé , à cause de l'épidémie , et que le com- ïnandant de Menselinski avoit eu la négligence de ne pas retirer. Nous passâmes ensuite le yillage de Saïtovàj situé sur le ruisseau de (1) Muscicapa atricapila. Le tratjuct d'Angleterre. Buff, Jiist. Nat. des Ois, $ , p. 2,2-2,. RcwloucU. A MlRlASSOYA. 65 Roudoudi. Il est assez considérable. On atteint ensuite celui de Miriassova, situé près du mis-* seau d'Iganéi , qui se décharge dans le Men- sela, au-dessus duTschirkhili^nous y passâmes la nuit. Les Tatars, qui peuplent les villages dont je viens de faire mention , tirent tous leur ori- gine de ceux de Kasan, et dépendoient autre- fois de cette ville. Ils ont passé sous le gou- vernement d'Orembourg , et ressortissent de la chancellerie provinciale d'Oufa. Cités devant le tribunal de Menselinsk, ils n'y comparoissent que lorsqu'ils le veulent bien. Ils entretiennent beaucoup d'abeilles dans leurs habitations ; ils en ont dans des ruches et dans des troncs d'ar- bres évasés. Leurs champs sont constitués d'une terre noire; ils les labourent avec le saban des Tatars, charrue très- lourde , dont j'ai déjà parle. En quittant ce village , on ne rencontre que des landes, qui, par leur terrain noir, four- nissent d'excellentes terres à labour. Il n'y a que les places élevées qui soient un peu arides. A un verste à-peu-près du village , est une monticule constituée d'une pierre de sable , où l'on voit quantité de marmottes. Elles se peu- plent d'autant plus facilement , que les Tatars ont soin de les nourrir, et qu'elles n'ont rien à craindre des oiseaux de proie , le village étant très- voisin. Les Tatars croiroient com- • Tome VU. E 66 177^- DE Miriassova mettre un péché , s'ils faisoient du mal à ces animaux ; ils prétendent que leur voisinage leur porte bonheur, et cherchent en conséquence à les y conserver. Ils regarderont comme un pronostic de malheur qu'une musaraigne (Sou- slik ) soit venue faire son nid dans leur niai- son, dans leur cave , ou dans leur jardin. Ils en font même un terme d'exécration , en pro- nonçant ces mots : Iourt toukgA Dshumouran ijeliassen , qui signifie , qu'/7 ne te vienne des musaraignes dans ta maison (i). s- iv. De Miriassova a Dimskai a, Du 2,5 avril au ier mai. Village de Scherliaremia , 12 verst. — Village de Kaussiak, x5 verst. — Village de Schon- gan ,10 verst. — Village de Sougoiasch. — Village de Saepéi-Aoul , 8 verst. — Mine de Saepéqfskoï. — Village de Toikina , 9 V.— Slobode de Bouhoulminskam .,28 v. — Village de JDimskaia , 2.0 verst. — Roustaia-Kandïs* Nous quittâmes la route de Meselinski , à douze verstes de Miriassova , pour traverser le (1) Nous sourions avec une orgueilleuse compassion aux idées superstitieuses de ces peuples privés de lumières ; et nous, qui tirons tant de vanité des nôtres, nous oublions a B i ii.s « a i A, Gf Menseîa sur un pont que j'avoiseu soin de faire réparer. On atteint Scherliaremia, situé sur la rive opposée de cette rivière , qui est pleine d'éminences et de collines. Les Baschkirs , qui peuplent ce rivage , sont de la lignée Boilar- che , qui a peut - être conservé ce nom de3 Boukarski ou Bolgare. Comme les Tatars, ils s'occupent de l'agriculture , et habitent , été comme liiver^ des maisons construites en char- pente. La route conduit ensuite à Sarsas-Ta- kilmen , situé sur le Sarsas , et de là à Imen- Aoul , près du Katoussas , et enfin au village de Koussiak , situé sur le ruisseau du même nom. Il est à quinze verstes de Mensela. L'oii y compte une vingtaine de maisons. Le Kous- siak tombe dans l'Emeihia , et ils vont ensem- ble se réunir à rik. Tous ces paysans étoient qu'il existe parmi nous certaines croyances non moins ab- surdes. Par exemple , ne voit-on pas des personnes à qui le renversement d'une salière fait concevoir les plus sinistres présages? D'autres ne croiroient-elles pas attirer sur elles les plus grands malheurs , si elles changeaient de chemise un vendredi ? EnHn , ta vue d'une araignée n'est - elle pas pour plusieurs l'annonce de quelque calamité ? C'est ainsi que l'homme est injuste } et qu'il blâme , dans ses semblables , les foiblesses dont souvent il est atteint lui-même« Pauvres créatures que nous sommes î II semble que nous espérions dissimuler, et même faire disparoître entièrement nos défauts ou nos ridicules , en remarquant ceux des autres. ( Note du Ç, Billecocq j rédacteur» ) tâ i773. DE MlRIASSOVA ivres, et dans l'excès de tous leurs plaisirs," parce qu'ils célébroient , depuis trois jours , la fête des Tatars , dite fête des laboureurs (1). Je ne m'arrêtai en conséquence que le teins néces- saire pour relayer. Immédiatement après le village, nous tra- versâmes le Koussiak , pour nous porter sur la rive droite de ce ruisseau. Un peu plus loin , nous laissâmes derrière nous une mine de cui- vre, qui appartient à un négociant, appelé Klassinikqf ', qui a des usines dans cette con- trée. Cette mine est dans des montagnes escar- pées , qui bordent le ruisseau. On y avoit creusé plusieurs puits , et fait différentes poussées sur un minerai calcaire, veiné de gris et de blanc , et légèrement imprégné de fleurs de cuivre vertes et bleues ; ce qu'on en a exploité a rendu (1) Nous avons déjà vu , plus haut , qu'il est d'usage pres- que général parmi ces peuples de célébrer la fête de Yagrl- culture. Toutes les nations ont dû naturellement consacrer des jours de Tannée à remercier le ciel des heureux dons de la terre. C'est ainsi que les Athéniens avoient , le 11 du mois Sclrrophorion , qui répond & notre mois de mai , une fête qu'ils appeloient Schire ou Scirrophorie , en l'honneur de Cérès et de Proserpine. C'est ainsi encore que , le xxj des Calendes, 2c du mois d'avril, les Romains célébroient les Paliliennes , en l'honneur de Paies, déesse des pasteurs, pour qui cette fête étoit particulièrement instituée, et qui lui donnoient le plus grand caractère de solemnité. ( Note du C» BilUcocci t. rédacteur. ) A D I M S K A 1 A. 69 tout au plus un et demi pour cent. Les travaux é {.oient suspendus. Nous traversâmes l'Emelhia à sept verstes de Koussiak; ce ruisseau tombe dans l'Ik à seize verstes d'ici. On passe ensuite une monticule qui s'étend à sept verstes. Sa cime et sa pente opposée sont garnies d'une forêt peu épaisse , composée de chênes et de bouleaux. Les Ta- tars lui donnent le nom à* Im en. Elle cache à la vue, aune très -vaste distance, les vil- lages des landes. On en retire des bois de chauffage et de charpente. En sortant de cette forêt,, l'on atteint le village de Schougan , dont le ruisseau coule par plusieurs sources sur un lit de pierre calcaire , et se perd en terre avant que d'arriver à l'Ik. Ce village est peuplé de Tatars d'Oufa , et de quelques autres , qui descendent de ceux de Kasan. Il est situé dans une contrée charmante , à dix verstes de Na- gaibazkaia -Kriépost , qu'on découvre à l'est, près de l'Ik. Cette forteresse est occupée par des Tatars chrétiens , enregistrés pour faire le ser- vice des Kosaques. Je pris cette route , quoiqu'elle ne soit pas la plus directe pour se rendre à Bouhoulma , parce qu'il n'étoit pas possible de passer par le village de Mendéi , situé sur l'Emelhia , vu que les ponts du Kangasar , du Karamaii^ et autres ruisseaux a voient été entraînés par les eaux . E 3 ?0 îjfê. BE Miriassova On trouve encore un peu de bois après avoir passé Schougan. Au bout de trois verstes de route , on arrive à un petit village peuplé de Tatars , et situé sur le ruisseau de Malaia- Tschalpa; et cinq verstes plus loin, on en atteint un pfois considérable, où il y a un Metschït. Celui - ci est situé sur le grand Tschalpa , qui se perd , ainsi que l'autre , en terre , avant que de parvenir à l'Ile On entre ici dans des landes où le terrain devient de plus en plus chargé de collines. Nous atteignîmes , à dix verstes duTschalpa , le village et le ruisseau de Sougoiasch , qui coule sur un lit de pierre calcaire, entre des rives constituées d'une glaise rougeâfcre. Ce village est peuplé d'un mélange de Tatars d'Oufa et de Kasan ß et il y a un Metsohet à la proximité. On atteint, un peu plus loin, le petit Sougoiasch , et ensuite un gros village Tatar , où il y a un bon Metschet. Ce village se nomme Sjepéi-Aoul. Il est situé sur le ruis- seau de Verdschéié, qui tient son nom d'un Ba- schkir , dont les descendans demeurent encore à Sccpéi-Aoul. On découvre , dans cette contrée , à gauche de la route , et directement à l'est du village de Sœpéi , une chaîne de montagnes en cou- ches horizontales , qui longent en s'élevant vers le Schatir - Tan , qui est d'une hauteur assez, considérable. Cette chaîne est entrecou* A D I M S K A I A. 7I pëe de collines , qui filent vers le midi. Ayant ouï-dire qu'il y avoit une mine de cuivre dans ces montagnes , je m'y transportai , malgré l'orage qui s'élevoit. Cette mine est à une cou- ple de verstes de la route ; elle appartient au sieur Asaf-Simsonofsin'Maesnikofy négociant, et propriétaire des usines de cuivre d'Ischte- rsekofski. Elle est située dans la seconde colline à l'ouest de la plus haute bosse de cette chaîne de montagnes. Il y a douze ans qu'on en a commencé l'exploitation. On y voit deux an- ciens conduits, qui s'étendent le long du che- vet de la montagne , où l'on a fait plusieurs poussées de mines. L'on en a tiré beaucoup déminerai. Ces deux conduits sont à moitié rui- nés ; mais , en revanche , on a commencé , l'automne dernier , à en creuser un nouveau dans les anciens travaux . dans leauel on a fait des galeries. Tous ces travaux > tant an- ciens que nouveaux, s'étendent dans la lon- gueur de la montagne à deux cents toises , au lieu qu'ils ne vont qu'à dix toises de profon- deur dans son noyau. Ils présentent une cou- che horizontale de schiste cuivreux ^ qui, dans sa plus forte épaisseur , ne va qu'à un empan. Ce schiste est de nature argileuse. On remar- que , dans son intérieur , des empreintes de roseaux. Il est entre un Vap , ou pierre argi- leuse grise , qui s'incline un peu à l'est , et perce à dix toises clans la montagne. Cette cou- E 4 73 177^- DE Miriassota clie horizontale de schiste et la pierre argi- leuse sont couvertes d'une pierre de sable grise et compacte qui les ont affaissées. On travail- lons, en ce moment, à de nouvelles places plus au sud, vers le déclin de la montagne. Pen- dant l'hiver , on a tiré du nouveau conduit , le plus voisin du nord , dix mille pouds de minerai, qui rend deux pour cent. On transporte ce minerai aux forges que l'on a établies à qua- rante verstes d'ici. Ce sont des voituriers qui se chargent du transport > et qui ne prennent qu'un kopek par cent. Nous rencontrâmes , dans le vallon où sont les fosses , l'amandier sauvage , qui étoit en fleurs , et nous vîmes , à une place , le cerisier sauvage, le cytise à feuilles velues (1) , et l'as- tragale globuleux (2) , qui commençoient aussi à fleurir. Je n'en fus pas du tout surpris, parce que ce vallon est très-chaud. Je retournai au village, où mes voitures m'attendoient. Passé Scepéi - Aoul , on traverse le ruisseau de Verkhélé, qui tombe dans le Sterli, et l'on entre dans de hautes landes. On laisse la mon- tagne sur la gauche , et après quatre verstes de chemin , on arrive au village d'Osnakaiva , peuplé par des Tatars d'Oufa. Il est situé sur le Ménéus , ruisseau qui se décharge , comme (i) Cltlsus pilosus. (z) Asiragalus physo3.es. A D I M S K A I A. 73 le précédent , clans le Sterli. On faft ensuite cinq verstes dans une plaine , d'où l'on descend une forte éminence , et l'on atteint le Sterli , ruisseau considérable ,, qui va s'unir à l'Ile , qui coule à vingt verstes d'ici. Je passai la nuit à Toikina, village Tatar , si- tué près de la jonction du Ménéus et du Tsclial- téimas avec le Sterli. Il faut traverser ce dernier ruisseau pour entrer dans le village qui est situé sur sa rive droite. On est obligé de passer ensuite le Tschaltéi- mas tout près du village et de son embouchure. Après trois verstes de route , on atteint le vil- lage Tatar Baltatkheva , qu'on laisse de côté. On trouve ensuite une plaine qui s'élève in- sensiblement, et l'on traverse une petite forêt de chênes , dont le sol est humide. On laisse à gauche , l'Ialtau , montagne très - étendue. Après que nous eûmes fait environ vingt - un verstes , nous eûmes une descente assez rapide , qui nous mena au Saï. Il est plein de grosses grenouilles , dont le croassement retentit au loin. Il a cela de commun avec l'Iaïk. Nous traversâmes le Saï près d'un mauvais moulin, moitié sur sa digue , qui tombe en ruines , et moitié dans \in bac. Nous arrivâmes enfin au bour.^ Bouhoulma, dont i'ai fait mention dans mes précédens voyages« Pour se rendre d'ici à la Samara par le che- min le plus court, il auroit fallu prendre par 74 177^- de Mi r i Ass ov a Sok-Karmala; mais on est oblige de faire cin- quante verstes avec les meines chevaux , faute de relais. Les chemins étoient encore trop dé- foncés pour s'y risquer. Je pris donc la route de poste d'Orembourg jusqu'à Tatarskaia-Kan- dis , qui est le douzième relais de poste d'O- rembourg à cette place. Nous nous portâmes au Malaia - Bouhoulma, où il nous fallut re- passer le Saï pour aller de sa rive droite à Selo-Spaskoé , le long de la Schaitanka, qui tombe dans le Dim. Nous passâmes ensuite par Isakofska-Dérevna ; et après avoir traversé le Dim , nous atteignîmes le relais de poste établi à Dimskaia 9 qui est habité par des Tatars. Les montagnes, qui bordent le Schaitanka, étoient déjà émaillées des fleurs du printems dans la partie du sud. Le scorsonère et l'astragale dé- primé ( 1 ) étoient défleuris. En revanche , le cytise à feuilles velues (2) , la spirée à feuilles crénelées (3) , le thésion des Alpes (4) , l'orca- nette vipérine (5) , et le chardon cyanoïde (6) , mon tr oient leurs premières fleurs. Le sainfoin (i) Astragalus depressus*. (2) C y usus pi los us. (3) Spirea crenata. (4) Tlieslum alpinum. (?) O nos ma echioides. (6) Carduus cyanoides. jlDimskaia. 76 grcndifîore (i) n'étoit encore qu'en boutons > tandis que l'astragale globuleux (2) et l'aman- dier nain (3) étoient en pleine floraison. On n'apperçoit le robinia en arbrisseau (4) 9 et la spirée, dont j'ai fait mention ci-dessus, que lorsqu'on est parvenu aux montagnes les plus élevées. Mes voitures , ayant besoin d'être réparées , (1) Hedysarum grandiflorum. Voyez la description que j'en aï donnée dans 1' Appendix , n°. 3 67. j'observe cependant que les fleurs de cette plante sont d'abord d'un blanc de lait , qu'on y voit rarement une nuance de rouge , & qu'elles ne deviennent jaunâtres que lors- qu'elles commencent à se faner. Il paroît cependant que c'eft de cette même plante que M. Gmélin a voulu parler dans la Flor. Slbir. IV ", pag. 61 % n. 78, tab, 31; mais il s'est trompé sur ses signes caractéristiques, & nous l'a donnée sous le nom d' Astragalus pedunculis radicatis , folio lon- gioribus , secipis erectis spicatis , splca speciosa , fioribus amplis y foliolis ovato oblongis , cbtusis , villosissimis, Oa rencontre cette plante avec ses feuilles étroites , dans les mon- tagnes méridionales qui bordent l'Enisséï j mais on ne la voit près de l'Oural, que sur les rochers les plus arides. Je me suis aussi assuré que Yhedysarum scapis radicatis , dont ce savant nous donne la description dans la Flar. Sibir. IF \ pag* 30 , 7z. 38, tab, 13 , n'est autre chose qu'une variété de notre hedy- sarum grandiflorum à fieurs rouges que j'ai rencontré sur la partie orientale des monts Ouralks, et dans l'isie d'Olkonj jnais la plante y est plus petite» (1) Astragalus physodss, (3) Amygdalus nana. (4) Rûbihia frutçscms. 76 177^- de MiniASSOVA je restai à Dimskaia jusqu'au lendemain matin. Pendant ce séjour , je m'amusai à parcourir les montagnes qui sont au-delà du Dim. Je n'y vis à-peu-près* que les mêmes plantes dont je viens de parler. J'en trouvai une particu- lière, que -j'ai prise pour le caquillier oubunias à siliques unies ( 1 ) ; il commençait à fleurir. L'herbe desséchée etbit chargée de pucerons ; en ne pouvoit passer sans en avoir les habits remplis, étonne pouvoit les en détacher sans beaucoup de peine. Ils se tiennent cramponnés, dans cette saison, avec deux pattes unique- ment à la sommité des chalumeaux , et après les feuilles du gramen. Ils étendent leurs quatre autres pattes en l'air, afin de pouvoir s'accro- cher aux animaux qui passent. La contrée devient de plus en plus monta- gneuse dans le voisinage de l'Oural , principa- lement sur la gauche de la route. Ces monta- gnes sont chargées de forêts éparses. En quit- tant Dimskaia, nous primes la route de poste ordinaire 9 où l'on traverse différentes hauteurs , et le ruisseau de Dourkoul-Silgasse , sur lequel est situé un petit village seigneurial , avec une petite église. Le ruisseau tombe dans l'Ous- soula , dont la rive gauche commence , dans cette contrée, à être bordée de montagnes ra- pides et escarpées , qui s'étendent jusqu'au (i) Bunias caklk. A D I M S K A I A. JJ Kandis. On rencontre , près de ce ruisseau , un second village seigneurial , et l'on atteint en- suite le Koï-Silga , où l'on a établi deux mou- lins. La partie méridionale des montagnes , dont je viens de parler , étoit émaillée de fleurs. Les plantes y étoient les mêmes que celles dont j'ai parlé plus haut, Nous y vîmes aussi la pé- diculaire tubéreuse (i) , l'anémone sauvage (2) , et l'astragale déprimé (3) , qui étoit encore en fleurs. On passe le Kandis près du village Tatar , qui porte son nom, et où Ton a établi un re- lais de poste. Ce ruisseau se décharge dans l'Ik. On a ensuite encore cinq relais peur at- teindre la principale masse de l'Oural , quij comme montagne de mines en lit ^ se sépare entre la Sakmara et la Bélaia de la chaîne prin- cipale des montagnes à gangues , qu'on ap- pelle à tort Montagnes de continuation Dir Véritable Oural. Cette masse file au sud- ouest 5 elle jette plusieurs rameaux , qui ac- compagnent, à l'ouest, les ruisseaux et petites rivières qui y prennent leur source. Ils vont s'accoller à la chaîne de montagnes calcaires , qui s'étendent le long du Volga. Cette masse se rétrécit ensuite entre l'Iaïk et la Samara , (t) Pedicularis tube rosa, (x) Anemone silvestris. (3) Astragalus depressus. 7# ï£Jf3. de MlRIASSOVÄ et va se perdre de-là à une traînée étroite de collines dans les landes désertes entre l'Iaïk et le Volga. Je quittai ici la route de poste d'Oremhourg , qui prend vers l'Oural. Nous prîmes à l'ouest, en nous éloignant tout- à-coup de la chaîne de montagnes que nous avions côtoyée jusqu'ici. La route traverse une côte élevée, dont la cime est boisée de bouleaux. On atteint le pe- tit Kandis , où il y a un viilage Russe , situé dans une profonde vallée. Il y existe une église, et l'on y compte deux cents feux. Il y a en- viron vingt - sept ans qu'on l'a établi. Il est situé dans une excellente contrée. Nous fûmes témoins , vers le soir , d'un triste spectacle. Les gens de la campagne ont la malheureuse coutume de mettre le feu à l'herbe desséchée des landes, sans s'inquiéter de quel côté porte le vent. La flamme s'étoit communiquée à de fortes meules de grains, qui furent réduites en cendres. Ces incendies sont fréquens ; et lorsqu'on reproche à ces malheureux leur peu de précaution , ils répondent froidement que c'est au propriétaire à avoir l'œil à ses grains , et ils ne se donneraient pas la peine de cher- cher à sauver les meules. Je m'imagine que ce n'est que l'abondance dans laquelle ils vi- vent qui les rend aussi lâches et aussi peu soi- gneux : car ce que j'ai dit de la fertilité du pays, baigné par le Kiiiel, comprend toutes A D I M S K A I A. 79 les contrées qui sont entre la Karaa et la Sa- mara. Elles abondent en grains , quoiqu'il reste encore beaucoup d'excellens terrains à cul- tiver. Je passai la journée du 3o à Koustaia- Kan- dis , curieux d'observer les environs ; mais je trouvai cette contrée encore moins avancée dans la végétation que les montagnes rocailleuses que je venois de quitter. Je n'y rencontrai presque aucune plante en fleurs que l'adonis apennin (1), qui y abonde. Le saule commen- çait aussi à châtonner. Le Kandis coule sur un fond argileux , formant différentes cascades d'eau. La contrée , en général, est composée d'une couche inférieure d'argile rouge. S. V. De Roüstaia-Kaidis a Proukina, Du ier au 8 mai. Slobode de Bogorolaousfcala. ■ — Village de Pilouguina, ao verst. — Village de Simins? kaiciy 18 verst. — Shadassovo , 8 verst. — « Village àilgruakhkina , 35 verst. — Village d' laschkina , 1 1 verst. — Village de Prou- kina 9 i3 verst. — Chevaux sauvages. Je continuai ma route, le ier mai; vers l& (i) Jtdonis apennina. 8° i773- »e Roustaia Kinel, en côtoyant de loin le Kandis. On passe sur des ëminences fertiles et ouvertes. On dé- couvre ensuite, dans le lointain , le Bogoros- lan , qui a son cours à droite, et sur la gau- che le ruisseau de Boita , qui serpente dans un profond vallon. Il va se joindre au Mats- chagaï, sur lequel sont situés plusieurs village« seigneuriaux. Le Matschagaï et le Bogoroslan ont tous deux leur décharge dans le Kinel. On s'approche ensuite de Bogoroslan , qu'on est obligé de traverser près du petit village de Schestova, peuplé par des Mordvins , qui vi- vent encore dans le paganisme. On a construit un moulin près du village. On descend le ruis- seau , et, après trois verstes de chemin, à tra- vers une éminence assez considérable , on at- teint Pogoroslan-Mordofskaia , village qui com- porte au - delà de cent vingt feux. Il y a une dixaine d'années que ses habitans se sont tous convertis au christianisme ; ce qui a obligé les Mordvins de Khestova , qui ne formoient avec eux qu'une commune , de s'en séparer , et de former leur habitation ailleurs. Arrivé ici , on laisse le ruisseau de Bogo- roslan sur la gauche , et l'on traverse de hautes collines , entre lesquelles on voit de charmani.es vallées, garnies de bosquets et de petits bois de chêne. Ces vallons bordent le ruisseau de Troukhan, que l'on côtoie jusqu'à la Slobode de A P R O Ü K 1 N A. 8l de Bogorolanskaia , qui est habitée par des Russes. Cette Slobode est située sur le Kinel ; on y compte plus de deux cents maisons , et trois cent trente hommes 3 dont la plupart sont des soldats reformés. Les cimes des montagnes pierreuses et ar- gileuses , qui bordent ici le Kinel j sont tapis- sées de la sauge à fleurs penchées ( 1 ) , qui commençoit à développer ses épis. Sa vraie patrie est dans la partie du sud-ouest des mon- tagnes primitives de l'Oural. Nous trouvâmes en fleurs l'astragale (2) , la glauce maritime (3) , la véronique (4) , la germandrée en arbre (5) 9 la julienne de Sibérie , qui est très-petite (6) , et la grande androsace (7) ; le seseii nain , dont les tiges ont des feuilles fort étroites (8) , Tas- clépias dompte-venin (9) , et autres semblables, commençoient à boutonner. Nous fumes obligés de passer le Kinel dans un bac , parce que la hauteur de ses eaux n'a- — ' "■- — ■ — >■» (1) Salvia nutans. (z) Astragatus. (3) Qlaux maritima» {4) Veronica. (5) Teucrium. (6) He s péris Sibirica. (7) Androsace maxima. (8) Seseii pumilum, (9) Asclepias Fincetoxîcum, Tome FIL V 8s ^77^' 'de Roüstaia voit pas encore permis de rétablir le pont* Comme il fallut radouber le bac , la traversée nous tint jusqu'à midi. Arrivés sur l'autre rive , nous entrâmes dans des steppes élevés, où, la nuit d'avant , l'on avoit mis le feu qui incendia plusieurs meules de grains. Ces landes sont entrecoupées de petits bosquets. Nous attei- gnîmes le village de Kilouschkina , peuplé de Mordvins , où l'on est obligé de traverser le Kondousli (i), qui tombe dans le Kinel. Nous eûmes de la peine à nous procurer des relais , parce que les habitans étoient dispersés- dans les champs, et nous n'arrivâmes à Pilou- guina que sur le soir. C'est un village seigneu- rial , et à clocher ; il çst situé sur le petit Ki- nel , ou Kinel tschik ; les landes que nous tra- versâmes étoient pleines de cerisiers chargés de fleurs, et de cytises. Arrivé près du Kinel > on ne voit pi as l'adonide apennin (2) ; mais on trouve, en revanche, quantité d'adonides à fleurs jaunes (3). Nous nous remîmes en route à l'entrée de la nuit , et fîmes encore dix verstes. Nos che- vaux étoient trop narrasses pour pousser pljns loin. Nous passâmes la nuit près d'une source qui va se décharger dans le Kineltschik. Les (ï) Ruisseau de Castors, (i) Adonis apemûna* (3) Adonis venia. a Prou 'K in A. 83 (éminences , quiayoisinent les ruisseaux de cette source , étoient émaillées de nouvelles fleurs , et nous en rencontrâmes dans le trajet que nous fîmes le lendemain 3 mai. J'observai une variété de l'astragale applati (1) à fleurs rouges. Ses tiges à fleurs étaient assez longues. Il é toit accompagné de l'orobe à feuilles étroites ( 2 ) , du polygale ordinaire (3), de l'astragale glo- buleux (4)> et du sesseli (5) , dont j'ai parlé plus haut , plante que Ton rencontre jus- qu'à la Samara. Je vis, dans les fonds, l'iris naine avec des fleurs bleues et jaunes de souci f et la tulipe jaune des bois. On rencontre s près des terres à labour , l'herbe Sainte-Barbe , ou le velar à feuilles en lyre (6). Ilétoit en fleurs. Nous atteignîmes , à environ huit verstes de notre gîte , le Koutoulouk , près duquel est un village seigneurial , composé de vingt - cinq maisons. On y voit une espèce de château assez joli, près duquel on a établi un moulin. Après y avoir changé de chevaux , nous continuâmes notre route , qui nous porta sur des hauteurs é maillées en blanc et en jaune par les fleurs (1) Âstraqalus depfessus. {%) Orobus angiistïfoUus. (3) Polygala. (4) Auragalus physodes. (5 S es e II pumllum. (6) Erysimum barbarea. 84 iffi&i dé Roustaia: des cerisiers et des cytises. On traverse plu- sieurs petits bois de chOnes ; après quoi l'on atteint le village de Kouroïédova, qu'on laisse de côté. On va de -là à Shaclanovo , situé près du ruisseau de Borofka. Ce village a une église et une maison seigneuriale. Passe Shaclanovo , je quittai la route des landes qui conduit à Bousoulonzkaia-Kriépost , parce que des voyageurs , que j'avois rencon- trés à Bogoroslan , m'avoient averti qu'il n'y avoit pas moyen de traverser la Samara , à cause des bas - fonds qui étoient inondés. Je pris le chemin qui conduit à Sorotschinskaia. On côtoie le Borofka à travers des monticules entrecoupées de petits vallons jusqu'à la source de ce ruisseau , qui sort d'une contrée monta- gneuse , tout près du Tok. Après avoir décrit •une courbe au nord, il prend son cours à l'ouest, et va se décharger dans la Samara, fort au-dessous du Tok , près du Borskaia-Krié- post. Le pays , qui borde le Borofka, présente un aspect charmant ; il est agréablement mé- langé de petits lacs et de bas-fonds, qui se des- sèchent , en partie , pendant l'été , et qui sont entourés de bosquets. Ils forment contraste avec les montagnes argileuses qui bordent sa rive op- posée. Du Borofka , il laut monter une forte côte , qui est néanmoins assez douce. On découvre de superbes et larges vallons 5 dans lesquels le Tok a son 'cours. Nous atteignît X P 'HO TT K * IT A* 85 Smes, vers la nuit, -un village Tschoirvasche, construit partie sur la rive droite, partie sur la rive gauche de cette rivière. Le Tok, et principalement les petits lacs qui se trouvent dans son enfoncement , sont pleins de tortues et de grosses grenouilles qu'on ren- contre en aussi grande quantité dans l'Iaïk.. Cette rivière, étant très-profonde et bourbeuse? abonde en glanis d'une grosseur peu commu- ne. Les bas - fonds , dont les eaux s'étoient écoulées , étoient émaillés de fleurs de la fri- tillaire méléagre(i) , de la renoncule ficaire (2) , de la pédiculaire chevelue (3) 5 et les hauteurs étoient tapissées de celles de la valériane tu- béreuse (4) y au oaragan frutescent (5) , et du sainfoin à grandes fleurs (6) . . . ■ La droite duTok est ., comme celle de la Kama, du Kinel , de la Samara , et du Volga , bordée de montagnes élevées , et son enfoncement garni de bois, où le peuplier blanc abonde le plus. Le tussilage hybride (7) est très -commun sur ses rives sablonneuses. (1) Fritillarla meleagris* (2) Fi cari a» (3) Pedicularis comosa* (4) Valeriana tuberosa. (5) Robinia frutescens* (6) Hedysarum grandifl&mm* (7) Tussillago hy brida, F 3 86 tyjS. a« Roüstaia Dès que mes voitures eurent passé le Tok ,' le 4 niai, je continuai ma route en côtoyant rUmen , ruisseau qui prend naissance clans les StepDes. Après douze verstcs de chemin, nous atteignîmes lasclikina , village habité par des Tschouvasches. L'on arrive ensuite à Proukina, village situe sur la Malaia-Borofka , qui abonde en écre visses d'une grosseur extraordinaire , et qui prend sa décharge dans la Samara. Après avoir relayé dans ce village, nous poussâmes, ce même jour , jusqu'au grand Ouran ( i ) 9 après avoir traversé une montagne assez con- sidérable. L'obscurité nous obligea d'y pren- dre gîte. L'Ouran est entouré, du côté de la Samara , d'un vaste enfoncement, garni de bos- quets, de broussailles, de marais , de petits lacs., qui abondent en rossignols , gibier aqua- tique de" toute espèce, de grenouilles, et de tortues. Le chant y le cri , et le croassement de ces animaux , joints à une multitude de cousins et de moucherons , ne nous permirent point de fermer l'œil de la nuit. Ces enfonce - meus et les bords de la Samara offrent le plus beau et le plus agréable coup - d'œil , par la variété des arbustes sauvages dont ils sont garnis. On y voit des amandiers sauvages, des cerisiers, des acacias , et des cytises, qui for- ment des haies de la hauteur de cinq pieds et (î) Nishnoi-Ouram en Russe. a p r o u < i h i1: plus. Au printems , les fleurs de ces arbustes se mélangent ou se succèdent agréablement. Dès que les neiges sont passées , on voit d'a- bord fleurir l'amandier nain ; Tient ensuite la floraison du cerisier , puis celle du cytise ; à celle - là succède la fleur du caragan frutes- cent (1). On jouit ensuite, mais plus tard, de la fleur de la spirée crénelée (2) , puis celle de l'épine blanche , quo remplace l'érable de Ta- tarie (3). Ces arbustes indigènes , et tant d'au- tres qui abondent en Sibérie , suffiroient , pour ainsi dire , pour former les plus jolis jardins An - g^ois dans la Russie. Joignez à cela la multitude de fleurs agréables et odorantes qu'on trouve dans ces contrées. Le débordement de la rivière nous obligea , lorsque nous fûmes à l' Oui-an, de faire un dé- tour, et de prendre sur de hautes collines , qui s'étendent entre le grand Ouran et l'Ou- rantschik, qui se joint à lui jusqu'à la Samara. La cime de ces collines est argileuse ; mais leur fond est pierreux. Je n'ai vu nulle part le sain- foin à grandes fleurs (4) , en si grande quan- tité^ ni d'une aussi belle venue. Le sainfoin {1) Robinia frutescens, (i) Spirea crenata* (3) Ater Tatarlcum. (4) Hedysarum grandïflorum, f 4 SB 177,3. BE ROUSTÀIA obscur (1 ) étoit aussi fort commun près de S montagnes ; il étoit en pleine floraison. J'y vis aussi l'astragale applati (2), la molène pour- pre (3) 5 l'euphorbe péplide ( 4 ) > et la sauge à fleurs penchées ( 5 ) , avec une variété qui tient de ces deux espèces. J'observai aussi une espèce bâtarde de seseli des prés ( 6 ) , de ger- mandrée* de Sibérie (7) , et la pédiculaire feuil- lée (8) , qui étoit prête à fleurir. On n'avoit pas encore rétabli le pont de la (1) Hedysarum obscurum. Ce sainfoin est tout autre près ries montagnes primitives àz l'Oural, que celui qu'on ren- contre en Sibérie. Ce dernier est vivace , et ses tiçes sont ligneuses. Il n'y a néanmoins point à douter qu'ils ne soient tous deux de la même Famille. Voyez la Flora Siblr. p. IV a pagi 19, 7*. 57, tab. \z. (z) Astragalus dcpressus. (3) Verb lis cum phœniceum. (4) Euphorbia peplis. (5) Salvia nemorosa. (ô) Seseli pratensis. (7) Teucrium Sibiriciim. Cette plante est assez commune près de riaïk , du Vol^a et du Don; clltz Test bien moins en Sibérie, ou on la voit tout au plus jusqu'à l'Iitiscn. Elle est d'une grande beauté, mais sans odeur. Lmnée n'en a fait qu'une très-courte description. M. le professeur Gmélin en donne le dessin , planche XXVI de la première partie de ses Voyages» Il lui donne le nom de teucrium arenarium. Je crois qu'on a compris cette plante sous le nom de nepeia dans la Flot* Sibir. v. III , p. 135?. (3) Pedicularis foliosam aProukiwa. #g Samara, près de Sorotscliinskaia-Kriépost. Je profitai du retard que cela m'occasionnoit pour dépêcher un exprès à Bousoulouskaia - Krié- i , afin de m'en rapporter des lettres et des que j'avois prié le gouverneur d'Orem- 1 m'y adresser, parce que je croyois elte route. En attendant son retour , y :;^$er ma tente sur le bord du fleuve > € ce de Sorotschinska. Il fut de retour le rj a soir y et m'apporta toutes mes lettres. On m'amena, le même jour, un cheval sauvage qu'on a voit pris , il y avoit environ une semaine,, près de Toskaia-Kriépost. Depuis que le pays, qui est entre l'Iaïk et le Volga a été abandonné par les peuples qui rhabicoient , ce n'est qu'un désert. Oh y voit aussi , depuis quelques années , beaucoup plus de chevaux sauvages qu'autrefois. Cet animal s'arme, en été, le plus qu'il peut, dans les, contrées les plus septentrionales, pour se met- tre \ l'abri de la chaleur , des mouches , et se pre v er de, meilleurs pâturages que ceux qu'il i : oit dans des contrées exposées à la sé- \ de la saison. Plus j'y réfléchis , plus i ;>se à croire que la race des chevaux que Ton trouve dans les landes" bai- fâik et le Don, et dans celles de provient que de chevaux Kir guis --venus sauvages , ou d'étalons ippés avec une ou plusieurs 9^ >Wff3ß de RoustAïa jumensdes troupeaux appartenans aces peuple^ pastetirs y §m mènent une vie errante (i). C'est aussi de-la que vient la diversité que l'on re- marque dans la couleur de ces chevaux. La plupart sont cependant ou fauves , ou roux , ou isabeUes. Le poulain qu'on m'amena avoit cette dernier? couleur. Il étoit déjà parfaitement apprivoisé ; ce qui n'est pas étonnant , puisqu'on Favoit pris quelques heures après sa naissance. En comparant exactement ce poulain sauvage avec d'autres poulains privés, de la même date , voici la différence que j'ai remarquée. Le pou- îain sauvage étoit plus haut ; il avoit des mem- bres plus forts , la tête plus grande , et la bou- che garnie de longs poils , qu'on n'apperçoit qu'en bien petite quantité à la bouche des pou- lains privés , qui les ont en même teins plus courts. îl avoit les oreilles beaucoup plus lon- gues ; les pointes en sont plus fortes et- recour- bées en devant, au lieu que le cheval privé les a toutes droites. îl portoit les oreilles couchées en arrière , comme un cheval ordinaire le s tient lorsqu'il a envie de mordre. Il avoit le Iront très - voûté 3 la crinière paroissoit plus (t) Le professeur Beckmann eft aussi de cet avis, & cite les chevaux sauvages répandus dans la vaste bruyère qui se trouve entre Lîppspèihg , Paderboorg; , StuckenbrocK ', & Lopshorn. Voyez Beckmanns physich, und œconom. Bi~ hlivuck. p. t- u. p. 58? & 590. (Langlcs.) A P R O U K I N A. 9I épaisse ß et descendoit plus avant sur l'arçon. La queue avoit la même forme que celle du cheval privé. Le crin en étoit noirâtre. Le dos étoit moins voûté que dans le cheval ordinaire,, le sabot plus petit et plus pointu. Son poil étoit frisé , principalement sur la croupe et vers la queue. J'ai dit que ce poulain étoit isabelle > iln'avoit point de raie dorsale 5 sa crinière étoit noire , et le contour de la bouche de la cou- leur de celle des ânes. Ce poulain étoit femelle.; ceux qui l'avoient pris m'ont assuré que sa mère étoit de la même couieur ; qu'il y avoit avec elle sept autres jumens et l'étalon sauvage de couleur fauve. [ Voyez^p/. XXX V. ] D'après les informations et les recherches que j'ai faites, je me suis assuré que les che- vaux ou ânes sauvages que les Kir guis et Kal- mouks appellent Koulak ou Khoulan, et qu'on n'a jamais pu apprivoiser, sont d'une KLce tout-à-fait différente des Taupaîîs ou chevaux sauvages dont je viens de parler, à qui les Kalmouks donnent le nom de Takia , et de ceux que les Mongols appellent Dshig- guetéi. La plupart des personnes de qui j'ai pris des renseignemens , m'ont certifié que les premiers ont la couleur de -Fane , et la raie croisée sur le gareau. D'autres disent qu'ils sont d'un jaune brunâtre, avec une raie dorsale brune , et deux bandes en croix sur le gareau $ qu'ils ont les oreilles plus courtes que l'âne ijjZ. de ProukiwA ordinaire , et une queue de vache comme ï& Dshigguetéi. La dernière description qu'on m'a laite de cet animal m'a paru la plus au- thentique s elle me vient d'un vieux Kosaciue d'ilezki, qui, après avoir été fait prisonnier par les Kirguis , est parvenu à se sauver. Il eut occasion de voir un poulain Khoulan pendant sa captivité; et, d'après ce qui'il m'en a dit, je crois ne pouvoir mieux classer cet animai que de le mettre entre le Dshigguetéi et 1/âne ordinaire. Si je m'en tenois au contraire aux premiers détails qu'on m'a donnés , cet âne sauvage seroit l'onagre dès anciens. D'ail- leurs, tous ceux qui m'en ont parlé s'accor- dent à dire que le Khoulan est si sauvage _, qu'il n'est pas possible de le dompter , et qu'il- l'emporte, pour la course et l'agilité, sur le cheval le plus vif. Ces animaux vont par trou-: peaux nombreux, principalement lorsqu'ils se rendent , au prin teins , dans les montagnes der Ton m an da , au nord de l'Oural, parce que la contrée est fraîche et ouverte. Leurs troupes sont aussi nombreuses, lorsqu'ils retournent > en automne, dans les contrées chaudes de la Perse et de l'Inde. On. remarque alors les traces des troupeaux, qui marquent plus d'un vers te en largeur dans les landes (i). (i) Gméiïn neveu a trouvé aussi des chevaux sauvages dans les environs de Bobrovsk, ville située à ioo versées da A U K 0 U S C H O U M. 93 s. v I. De Proukina au Kouschoum. Du 8 au 2.5 mai. De p art de Sorot schhiskaia. — Ohstchei-Sirt.—~i Ruisseau à'Irtek. — Changement clans le sol. — Ruisseau de Kindely. — Avant-poste de KynderlynskoL — - Anciennes fortifications près de ïlaïk. — Avant-poste àJ Irtezkoï -9 2,5 verst. — Avant-poste de Dsnvartzofskoî-.9 35 verstes. — Ruisseau de Hou6es/z//a. — Avant-poste de Guilofskoï , s3 versies. «~* laiskoï-Gorodok. — Lé Tschagan , 6 verst. — Le Kouschoum. — Avant-poste de Kos- chakharof. — Avant-poste de Soundacf. — - » Steppes vers le Kouschoum. Je traversai, le 8 mai, la Samara, pour raê rendre à la forteresse de Soroka , et continuai Voronesch. «Ils sont, dit ce voyageur, tout au plus de la taille des plus petits chevaux Russes. Leur tête eft d'une gros- -seur monstrueuse , avec des oreilles très-pointues, tantôt aussi .courtes que celles d'un cheval & tantôt longues comme celles .d'un âne. Leur crinière est courte Se crépue, leur queue plus ou moins garnie de crins & un peu plus courte, que celle d'un cheval domeftique. Leur robe est couleur de souris, quoique certains voyageurs n'ayent sttribué que le gris-blanc ou le gris- cendré aux chevaux sauvages , &c. » Voyez. Samuel Gottlhb Gmdïns ni s m durch Russland. 1. theil. {Langlès.) 94 177^« nE PrOïUKina de suite ma route avec des chevaux que je louai des Kosaques, à travers les landes, pour me rendre à l'îaïk. On s'éloigne de la Samara , au sud - est , pour traverser une lande aride , sèche , et en partie sablonneuse , qui est d'a- bord assez unie , mais qui s'élève ensuite insen- siblement. Nous laissâmes, au sud, une route qui va directement à Iaizkoï-Gorodok , et choi- sîmes celle oui conduit à i'avant-ooste de Kin- delinskoï. Nous ne fîmes dans notre journée que vingt - huit verstes. Nous traversâmes le PERVAiA-RrrscKKA (î) ; nous passâmes la nuit près d'un fond humide , à dix verstes en deçà de ce ruisseau. On fpit, clans ce fond, plu- sieurs flaques d'eau , et l'on découvre , dans de vastes collines à gauche , la source du So- roka. L'on n'y voyoit, dans ce moment , rien dé remarquable en plantes que la campanule étalée ( 2. ). L»e lendemain , nous montâmes plusieurs pe- tites côtes qu'on peut regarder comme une con- tinuation de PObstchéi-Sir, chaîne de monta- gnes qui traverse ces steppes. Ces côtes sont garnies de petits bois entremêlés de chênes et de bouleaux. On y voit le galéga de Daourie (3) , le trèfle heclisaroïde ( 4 ) , le trèfle des monta- (ï) Premier ruisseau. iij Campanula panda. (3) Galega daiuïca. (4) Trifolium heâysaroides. AU K O U S C H O U M. 95 gnes (1) , la scorsonère pourprée (2) , et la spi- rée crénelée (3). Ces plantes étaient en fleurs, il s'élève une montagne de craie sur la par de la plus élevée de cette contrée. La partie mé- ridionale de cette montagne est chauve et es- carpée. On n'y voit rien de remarquable en plantes que les deux trèfles, dont je viens de faire mention , et un astragale (4) , qui forme baisson. Au pied de ces éminences , on ren- contre des bas fonds remplis de sources, dont les unes se réunissent au Srednaia-îUetschka , ruisseau intermédiaire, qui se décharge dans la. Samara ; les autres , qui sont les plus voi- sines des côtes , forment , en partie , la source de l'Irtek , qui se jette dans l'Iaïk. En -delà de ces mêmes hauteurs, on laisse la source de Bousoulouk sur la droite. On redescend ensuite la partie opposée de ces côtes jusqu'à Flrtek , que nous passâmes dans un endroit où les eaux sont basses , entre plusieurs baies assez pro- fondes qu'il forme , comme la plupart des ruis- seaux des steppes. Nous prîmes gîte sur la (1) Trifolium montanum. (z) Scor^onnera purpurea. (2) Spiro: a crenata. (4) Astragalus. Cette espèce est la même que celle dont j'ai donné la description dans X Appendix , ;z. 370. Elle ap- procne beaucoup de celle dont il est parié dans la Flor. Sibir. IV ^ p, 47. tab, 24, §6 lyfê. b.e Proukina rive opposée ^ quoiqu'il fût encore de bonne* heure, et que nous n'eussions fait ce jour -là qu'environ vingt- deux vers tes. Dès qu'on a passé l'Irtek , on s'apperçoit tout- à- coup que le steppe devient beaucoup plus sec, et l'on, n'y voit que très -peu de plantes j mais, en revanche, beaucoup de pla- ces salines chargées d'absinthe. Ce changement subit dans le sol, au sud des élévations qui terminent l'Obstschéi-Sir , ne m'étonna point. J'en avois déjà vu un pareil près de l'Iaïk , qui m'a paru d'autant plus remarquable, qu'il a la plus parfaite ressemblance à celui que l'on observe sur les limites des steppes salins _, qui sont entre le Don et le Volga ^ dont la démar- cation se fait par le talus que prend le pays qui est élevé et montagneux. J'en parlerai dans la suite. Les rives escarpées de flrtek étoient tapis- sées de fleurs jaunes du faux acacia de Sibé- rie en arbrisseau (1). Ce qu'il y a de plus re- marquable en plantes dans les places salines, c'est le peucedan des prés (2) , et le sison verti- cillé (3). La route nous conduisit, le lendemain, à (1) M. Pallas ne donne qiie le nom Allemand; mais il paroît qu'il a voulu désigner le robïnia caragana Je Linné, (z) Peucedanum Si lau s. (3) Sison verûclllatum, travers A tj K o. u s c H o tr M* 97 travers des monticules sablonneuses s arides , et salines, où nous vîmes la scorsonère coton- neuse (i), et l'œillet prolifère (2). Ces plantes ne flenrissoient pas encore. L'on appercevoit, de place en place , la passerage perfoliée (3) $ mais la plante étoit si petite , qu'on l'eût prise pour une espèce naine. On commençoit à voir plusieurs insectes rares, entre autres le scarabée de Scheffer (4). Ils se tenoient deux à deux dans les ornières, où ils s'aniusoient à rouler de petits crotins , en cherchant à y miner un trou, où cet insecte a coutume de déposer ses œufs. Nous nous portâmes de l'Irtek en droite li- gne , à l'est , vers le Kindeii , que nous attei- gnîmes après trente verstes environ de che- min , près un des deux moulins établis sur ce ruisseau par un Tatar d'Ilezkoï-Gorodok. On voyoit, sur la pente des côtes qui donne vers l'enfoncement du ruisseau , le chèvrefeuille de Tatarie (5) , le caragan de Sibérie (6) , des tulipes , et la rindere (7). Les trois premières (1) Scor^onera tomentosa, (2) Dianthus proUfer, (3) Lepidlum perfoliatum, (4) Scabarœus Schœffer'u (5) Lonicera Tatarica, (6) Robinia caragana. (7) Rindern tetraspis, Appendix, n°. 287. Tome VIL Q 9& T77^- BE ProukiU étoient en fleurs ; mais la rindere présentent déjà ses lobes séminales, dont les bords sont nuancés d'un beau violet. Elles étoient accom- pagnées del'orcanette vipérine (i). Nous vîmes, ce jour- là ., un troupeau de chevaux sauva- ges, où il y avoit plus de vingt jumens , et beau- coup d'antilopes. Nous en avions déjà apperçu la veille. Nous fûmes obligés de faire construire un pont en fascines sur le Kindeli , parce que les grandes eaux avoient rompu la digue , et qu'elles n'avoient pas encore beaucoup baissé. Ce tra- vail nous fit perdre une bonne partie de la journée. Nous nous mîmes en route ; mais , après environ dix versîes de chemin, l'obscu- rité nous obligea de prendre gîte , • d'autant plus que nous avions devant nous des bas fonds à passer, qui entrecoupent la plaine vers le ruisseau. Il y a en outre beaucoup de chemins de traverse dans la lande ., au milieu desquels il est presque impossible de ne pas s'égarer pen- dant la nuit. Je commençai à voir l'ornithogale de Nar- bonne (a) dans le canton où nous avions pris gîte. Cette plante croît abondamment dans les landes méridionales , qui s'étendent de Flaïk au Don. Eile fleurit en juin. Les Kosaques de (i) O nos ma echloides . (z) Ornithogalum Narbonense. Atr KouscHöüm? ify i'îaïlc lui donnent le nom de Karshinoi - Ta- blak , parce que les corneilles déterrent ses oignons, dont elles sont très-friandes. C'est aussi dans ce canton que l'on commence à apperce- voir la perdrix de met (1) , et un pluvier doré d'une espèce particulière (2). Nous passâmes près de quelques métairies , qui appartiennent à des Kosaques d'Ilezki ; elles sont situées dans la lande le long du Kin- deli; il fallut repasser ce ruisseau sur un pont pour arriver à F avant -poste de Kinderlinskoï , qui est à vingt-cinq verstes de l'endroit où nous avions gîté la veille. Je renvoyai les Kosaques de Samara , qui nous avoient .conduits., pour prendre des che- vaux de poste , afin d'avancer plus vite. Nous parvînmes, ce jour-là , jusqu'à l'avant - poste d'ïrtesjcoï. Je profitai de cette occasion pour voir plus en détail, que je n'avois fait dans mon précédent voyage , l'ancienne fortification qui existe près de l'Iaïk , à quelque distance de la source du Kindeli. Elle est sur une émi~ nence qui borde un enfoncement de l'Iaïk , que les eaux du printems mondent chaque année. Tout ce que l'on sait de cette fortification, c'est qu'on la regarde comme une ancienne habitation de Tatars. Les fortifications consis- (î) Charadrlus gregarius, (z) Pratincola. G a leoo 1773. i>e V&övkivk teilt en tin double rempart avec ses fossés 3 elle« figurent un rr grec (1) vers une rive escarpée , qui fait face au sud. Sa circonvallation exté- rieure forme un circuit de plus d'un derni- verste ; mais le revêtissement des remparts a tout au plus une aune de hauteur. La circon- vallation intérieure n'est que d'environ vingt toises en circuit. Le revêtissement des remparts a , en revanche , deux aunes et demie de hau- teur., et ses fossés près d'une brasse de pro- fondeur. On ne voit aucune trace de bâtiment dans la forteresse. Le terrain de la place est très-uni. Un bras de l'Iaïk passoit autrefois près de l'éminence qui borde l'enfoncement dont j'ai parlé ci-dessus : il formoit une espèce de lac , qu'on appeloit Pestschanoï - Osero. Les Kosaques , qui peuplent les bords de l'Iaïk , se Souviennent encore de ce lac , dont la place est couverte de joncs et d'herbages depuis que le bras du fleuve a été obstrué. Il existe encore , tout près de l'embouchure du Kindeli , un fossé qu'on avoit creusé à vingt aunes environ de lon- gueur, vers une mare \ on y voit des canaux de traverse j ce qui feroit présumer qu'il y avoit autrefois des jardins. Nous trouvâmes, en allant àlrtek, presque toutes les plantes printanières dont j'ai parlé ; (ï) Cette lettre grecque est le Pi, qui répond au P. {Billecocq.) AU KoüSCHOff M.' 10Î elles étoient accompagnées de la rindere ( 1 ) , de la molène à fleurs pourpres (2.) , de l'astra- gale sillonné (3), et de l'alysse calicinal (4). Ces dernières étoient en fleurs. L'Irtek étoit très-débordé; ce qui nous obli- gea de faire embarquer nos voitures dans un bac , et de remonter, à quatre yerstes , ce ruis- seau,, au moyen des rames , pour éviter les places submergées , et pouvoir aborder dans celle où la lande a le plus d'élévation. Ce dé- bordement a lieu toutes les fois que les eaux de riaïk grossissent , à cause de leur reflux dans rirtek. Le vent étant contraire , et très - vio- lent , cette traversée nous tint beaucoup de tems. Nous nous éloignâmes ensuite de l'Iaïk. Pour aller à Denvarzova, on n'a que des mon- tagnes de sable. Il nous fallut faire ensuite des détours considérables pour arriver à Roubesh- noï 5 ce qui fut cause que nous n'atteignîmes cet avant - poste que très -avant dans la nuit. Nous ne rencontrâmes de remarquable en plan- tes , sur ces montagnes de sable, que la slié- rarde des champs (5). Les Kosaques de l'Iaïk assurent, par tradi- fi) Rlndera. (z) Verbascum phœnlceum, (3) Astragalus sulcatus. (4) Alyssum calycinum. (5) Shcrardla aryens is* G 3 îo% $77$. t>b ProüKina tion , que le ruisseau de Roubeshna., près du- quel nous passâmes la nuit, a reçu ce nom , parce qu'il servoit de Roubesh, ou limites entre les pâturages et la pêche des Kosaques de l'Iaïk, qui avoient formé deux tribus dis- tinctes, dont l'une occupoit les environs de Kirs an of-Iar, tandis que l'autre s'étoit portée à quatre-vingt - dix verstes plus loin , qui est le pays dont je parle ici. Ils y transférèrent en même tems l'église de bois , qui existoit à Kir- sanof-Iar, à laquelle on donne encore à pré- sent le surnom de Kirsanoekaia. L'on remar- que encore , sur la haute langue de pays qui s'étend entre le Kirsanofkaia - Stariza et le ca- nal de l'Iaïk., qui existe aujourd'hui., et qui va, en serpentant, vers le nord, les anciennes traces de cette église. On distingue facilement ces traces par un amoncellement considérable de sable, placé dans l'enceinte du petit rempart qui coupe en angle l'extrémité méridionale de cette pointe ou langue (\e pays. La soirée du 12 fut très -froide; néanmoins nous ne nous attendions pas à voir, le lende- main matin , la terre couverte de neige dans une contrée aussi méridionale. Elle tint jus- qu'à neuf heures, où elle commença enfin à fondre , quoique l'air fût très-froid. Les habi- tans du pays ne se souviennent pas d;avoir vu pareille chose dans une saison aussi avancée. II en tomba de même dans les contrées méridio- A IT KOÜSCHOU M. lc3 nales du Volga, et près du Don, où les grains souffrirent de manière à ôter toute espoir de moisson. Ayant projeté de faire une collection des plantes printanières qu'on trouve sur les mon- tagnes de craie en - delk de l'Iaïk , j@ passai , le 1 3 , à Roubesîmoï , pour voir si le tems se rernettroit. Le 2.4, il fut tout aussi orageux : je me déterminai donc, vers midi, à continuer ma route vers laïzkoï-Gorodok. La plaine basse qu'on traverse étoit pleine de santoline anthé- moïcle (1.2.). Cette plante a une odeur très- forte , et se plaît beaucoup dans les terrains salins. Elle commençoit à fleurir. Jusqu'alors je n'avois pas beaucoup apperçu cette plante. On voit , environ sept verstes avant que d'arriver à Iaizkoï« Gorodok , qui est au nord , une li- (1) Santolina anthemoïdes. (2,) M. Pallas peut s'être trompé dans la dénomination de cette plante , dont il a déjà parlé dans le cours de. ses voyages. Il dit que celle dont il s'agit, et que Ton substitue dans les pharmacies à la camomille romaine , . est parfaitement sem- blable à la plante qui est décrite et représentée dans la se- conde partie de la Flor. Sibirien , cap, zo6 , n. 173, tab. 85, fig. i, à l'exception qu'elle a plus de rameaux, et que ses Heurs ont rarement un rayon femelle [radium femi ne uni) bien distinct. Il ajoute qu'elle est bien différente de ¥ an- thémis milUfolia , et du Chrysanthemum bipinnatum ; mais qu'elle a beaucoup de ressemblance avec le tanacetum mo- namhosj décrit dans le Mantissa de Linnée, p.m. G 4 io4 177^- D E P^ouKi^A gne de démarcation fortifiée , dont je n'ai pas encore parlé. Elle servoit autrefois à protéger les Kosaques laïkis ^ dans leurs pâturages com- munaux y contre les attaques des hordes Na- gaïs et Kirguises , entre l'Iaïk et le Tschagan. Cette ligne est fortifiée d'un rempart et d'un fossé. On en a creusé un pareil à un vers te de la ville ) il forme circonvallation autour de l'an- gle intérieur de ces deux rivières. Je pris quelques jours de halte à Iaizkoï- Gorodok. J'avois des préparatifs à faire pour le trajet que j'entreprenois à travers des landes désertes , dans l'intention d'aller rejoindre le Volpa. Il nie falloit aussi louer ici les chevaux nécessaires pour ma route. Les journées du i5 et du 1 6 furent très-froides., et letems très-clair, quoique , d'un moment à l'autre , un gros vent nord-ouest nous amenât de fortes giboulées. Les Kosaques laïkis vi voient autrefois en ré* publique, gouvernés par leur chancellerie de Voizkovoï ; mais on les a soumis à un autre gouvernement depuis les troubles de 1 77 1 . Ils sont maintenant sous la Jurisdiction d'un comman- dant et de deux assesseurs. C'est à un nommé M. Simanof, lieutenant - colonel Russe , que l'on a coniié ce commandement. Ses assesseurs sont deux Starkhins , qui ont -échappé, lors des troubles , à la fureur populaire. On a établi à laizkoï - Gorodok une garnison composée de lu Kouschoüm. îo5 deux détachemens de troupes légères, et d'un certain nombre de milices. Une partie de cette garnison est casernée dans l'intérieur ; l'antre campe devant la ville. Un grand nombre de ces Kosaques , même des Starkhins , ont pris la fuite , pour se soustraire au châtiment qu'ils avoient mérité , et ont abandonné toutes leurs possessions, Ils errent dans les déserts, vivent de la chasse , et de quelques foibles secours que leurs familles leur font passer en cachette. On s'occupoit encore , en ce moment, du pro- cès de ces révoltés. L'ordre se trouvoit néanmoins parfaitement rétabli , et tout étoit rentré dans l'obéissance. Ceux qui n'avoient pas été obligés de se soustraire aux poursuites de la justice , é.toient occupés, en ce moment, à la pêche- du Sevrouguen. On leur avoit donné deux dé- tachemens j l'un étoit porté près des limites du pays des Kirguis , pour les mettre à couvert de leurs attaques et de leurs brigandages $ l'au- tre, commandé par un Iertaoue (1), escortoit (1) On donne le nom d'Ienaoul au chef que Tan choisit parmi les Starkhins , pour être à la tête d'une troupe armée destinée à protéger ceux qui vont à la pêche du sevrouguen, et à celle qui se fait tous les automnes , contre les attaques des Kirguis. Soit que cette troupe se porte de l'autre côté du fleuve sur le territoire de l'ennemi, ou que les grandes eaux la forcent de rester en deçà , elle marche toujours sur la même ligne que les pêcheurs , et fait de nombreuses pa- trouilles pour les couvrir de toutes surprises. Les pêcheurs 1 100 îfyS. de Paoukîna les pêcheurs. Avec ce nouveau genre de gou- vernement^ je n'éprouvai aucun retard pour tout ce dont j'avois besoin , comme chevaux et guides pour le voyage que j'entreprenois à travers les landes. Sous l'ancienne administra- tion , j'eusse sans doute éprouvé plus de diffi- cultés. Je me mis en route le i^ après-midi , jour de la Pentecôte. On m'avoit donné douze Ko- saques , tant pour me conduire que pour me servir d'escorte. Le 16, j'avois fait partir M. Souïe 'f, un de mes jeunes compagnons de voyage, afin qu'il pût faire collection des plantes prin- tanières des montagnes d'Inderski. Je devois le rejoindre à l'avant-poste de Soundaef , d'où je me proposois de côtoyer l'iaïk , et traverser ensuite les landes désertes , qui bordent ce fleuve. On avoit enlevé le pont du Tschagan , à cause des grandes eaux. Nous fûmes obligé d'aller à six verstes d'Iaizkoï-Gorodok pour le traverser, au moyen d'un bac , près de l'embouchure du Derkoul. Ce bac n'étant pas en état , la nuit nous surprit, et nous obligea de coucher en- de.,;^ de cette rivière. Nous eûmes toute la nuit uu très -fort oura- gan. Lèvent étoit nord-ouest. 11 varia le matin leur paient en rétribution une somme fixée à* tant par char- rettes a deux chevaux. AU K O «r S C H O U M. ÏO7 avant la pluie, qui commença à tomber. Il tourna à l'ouest ; mais il n'en fut pas moins vio- lent pendant toute la journée. On peut s'ima- giner combien notre traversée fut pénible , n'ayant qu'un très-mauvais bac , composé de deux canots. On employa.? depuis huit heures du matin jusqu'à quatre heures du soir , pour faire passer nos voitures et nos chevaux. Nous nous mîmes enfin en route; mais la pluie avoit rendu les chemins si mauvais et si boueux dans les landes qu'il nous falloit passer , et dont le sol est argile par - tout , que nous n'avancions que pas à pas. Nous marchâmes jusqu'à la nuit pour faire environ quinze verstes. Nous prîmes gîte dans des iourtens Kalmoukes , que nous trouvâmes près du Tschiligan , Gjui n'est qu'un. petit fond aqueux. Les prairies, qui bordent le Tschagan , étoient remplies du sisimbre à feuilles de tabouret (1). Jenel'avois pas encore apperçu; mais il existe aussi dans la partie mé- ridionale du Volga. Nous nous remîmes en route le lendemain matin. L'air étoit chargé de giboulées ; ce qui rendoit le tems très - variable. Nous voyagions toujours dans les mêmes landes, Après avoir laissé un peu de côté l'avant-poste de Tscha- ganskoï^, nous fîmes halte à environ cinq verstes du petit Zagan , pour faire manger nos che- (t) Sis y mb ri um bursifolium. lo8 lrjfô- BE PaOüKiwA vaux. Nous traversâmes ensuite co ruisseau Jans un endroit où il ëtoit à sec , tout près du Koukhoum, fossé aqueux , qui s'étend au sud- ouest , avec un étroit enfoncement de Pïàïk. Ce fossé se dessèche entièrement, en été ? dans les environs du fleuve. Nous vîmes ici la do- dart à feuilles fort étroites , unies et entières (1) , qui étoit déjà en fleurs. L'on y rencontre aussi le statice trigone (2); mais il ne fleurissoit pas (ï) Dodania orientalis. (i) ftatice trigona. Linnée ne fait pas mention de cette plante, à moins que ce ne soit celle qu'il a désignée dans son Mantlssa , p. ?p, sous le nom de statice i ne an a. Elle est très-distincte du statice speciosa et tatarica , qui sont les variétés qui en approchent le plus. Le dessin qu'on en a donné dans la Flor. Sibir. II, pag. 1213 , n°. 16', tab# 52 , est très-imparfait. Voici les marques caractéristiques de la plante, lorsqu'elle croît sauvage. Folia radicalia spa- ' thulato oblonga , vel lanceolata> interiora mutica, extima aculeo infirmo mucronata , subundulata. Scapus spitha- mails infernè te res , versus ramos triqueter , rigidus , di- chotomus , multoties subdivisas , stipklis ad divisuras carinatis'y acutis. Rami argutè triquetrh angulis plus mi- nusve alatis. Cotymbus , pro altitudine plant œ maximus , plerumque trigonus. Flores supià extremos ramulos relut in spicas secundas imbricati , plerumque bini , intrà eam- dem stipulant sessiles ; stipula, florales ternatœ. , extima argutè carinata ; interioram altera trideniata ; altera ma.^is membranacea. Calyces tubo angusto reliquis longiore , pen- taedro , limbo membranaceo , profunde quinquefido , laci~ niis acutis. Corollœ sera nec simul efflorescenies , diluiè roseœ , vix calyce majoras. Licet mature flarescat, sero AU KOUSCHOU M. I09 encore. Cette plante est encore plus abondante près du Volga que près de l'Iaïk, qui est ce- pendant sa vraie patrie. Elle prospère beaucoup mieux dans un bon terrain que dans des steppes arides et salins , où elle est cependant assez com- mune« Nous nous remîmes en chemin après-midi , et poussâmes d'abord jusqu'à Koschiaik \ mais ne trouvant aucuns fourrages dans les envi- rons de l'avant- poste , il fallut aller à quatra verstes plus loin , où il y a un fond herba- geux. Nous y prime gîte à peu de distance da l'Iaïk. Nous eûmes , le lendemain , le même tems variable , de la pluie , du vent , des giboulées , et par - fois quelques foibles rayons de soleil. On trouvoit , dans les landes et dans les trous , beaucoup de guêpiers (1) morts de faim, parc© qu'ils étoient arrivés trop tôt dans ces parages , où les froids continus empêchoient l'appari- tion des insectes dont ils se nourrissent. Vers midi , nous fîmes halte à Boudarin , et fumes coucher dans un vaste enfoncement que l'on rencontre à sept verstes avant que d'arriver à Koschakharof. C'est ici que je commençai à tarnen autumno semina perficlt. M. Gmélin le jeune a donné un dessin assez correct de cette plante dans la seconde par- tie de ses Voyag;ss , p, 14. (1) Merops. voir la réglisse à feuilles rudes avec des Heurs (i)- Je m'assurai qu'elle est une espèce tout- à-fait distincte des autres réglisses. J'en ai donné la description dans mes précédens voyages., quoi- que je n'eusse pas encore eu occasion de voir ses fleurs. Sa racine n'est jamais plus grosse qu'un tuyau de plume ordinaire -, mais au prin- tems , c'est celle qui a le plus de douceur , et qui est la plus facile à déterrer. Au-dessous de Koschakharoi, le steppe com- mence à être plus mêlé de sable y au lieu que la lande que nous venions de traverser est très- glaiseuse , saline., et mélangée de coquillages marins. On n'y voit presque pas d'autres plantes que des absinthes, de la camphrée (2), et de la camomille sauvage., dont j'ai fait mention plus haut. Le terrain venant à changer , on rencontre quelques belles plantes , telles que le crambe oriental (3), l'astragale pois-ciche (4) , la giroflée des rives ( 5 ) 9 et le beau cachrys odontalgique (6). Ses semences sont blanches et unies ; l'amande est aromatique , ainsi que (1) Gllcyrrhl\a aspera. Appendix, n°. 36$, pi. LXXX. (z) Camphorosma. (3) Crambe orient ails, . (4) Astragalus clcer. (5) Chelranthus Ut t or eus. (6) Cachrys odonialgica. App. nQ. 309, pi. LXXVIîI. f. t. C3est sans doute sa vertu odontalgique qui a porté M. Palla« à lui donner cette épithète. AU KOUSCHOUM. la racine cle la plante. Les Kosaques en font "usage pour les maux de dents. Ce cachrys est distinct des antres variétés, liest commun dans les steppes arides et méridionaux de l'Iaïk. Il devient plus rare sur les bords du Volga. Il unit sa floraison dès le commencement de Tété ; et dès que la plante vient en f anne , elle est emportée par les vents. C'est ce qui fît que je ne pus la voir dans mon précédent voyage à riaïfe, où je n'ai eu occasion de la connoître que parles graines que je m'en étois procurées. J'ai donc attendu jusqu'à ce moment à en don- ner la description et le dessin. A peine étois -je arrivé à Soudaef, que je fus rejoint par M. Souïefy que j'avois envoyé dans les montagnes d' Inderski. La collection des plantes qu'il avoit faite me satisfit beau- coup ; j'y trouvai entr'autres la molucelie tu- béreuse (i)? dont je ferai encore mention , la lunettière didyme (2), l'orpin à feuilles réflé- chies (3) , le trsgopogon ou barbe de bouc à feuilles de poireau (4), le plantain pig- mée (5), la vella, ou cresson de Tatarie (6), (î) Molucella tuberosiu App. n°. 338, pi. LXXV1IÎ , f . z , 3 . [z) Biscuteîla didyma. (3) Sedum reßexum. C4) Tragopogon porrlfollum. (?) Plantago minuta, App. n°. 2S1 , et pî. LXXVIÏ, f. 4, (6) Vdla TatancarA?p.n°. 344, et pi. LXXVII , £». lia l77^- D B ProuKina et une autre plante qui m'a paru appartenir au genre des léontices > ou pieds-de-lion (1) , une autre encore ( 2 ) qu'on doit classer près des amaryllis. J'ai été surpris qu'on eût trouvé quelques-unes de ces plantes dans les monta- gnes., tandis que je ne les avois jamais vues que cultivées dans les jardins. Je quittai les rives et les environs de l'Iaïk le 24. Du Maïak de Soundaefskoï , je pris ma route , sud-est, à travers des steppes déserts. Nous suivîmes un chemin frayé, que les Ko- saques prennent lorsqu'ils vont pêcher dans les lacs d'Ousen et de Kamischsamarskoï , ou pour aller chercher des sels des lacs salins situés entre les ruisseaux d'Ousen. Nous fîmes vingt- deux verstes environ à travers des landes ari- des et dépourvues de toutherbage. Nous prîmes gîte pour passer la nuit dans un fond sablon- neux et herbageux. Sachant d'avance que nous n'y trouverions pas d'eau , nous avions eu le soin de nous pourvoir de celle de l'Iaïk , et de faire abreuver nos chevaux, de manière qu'ils pussent attendre vingt-quatre heures. On trouve ici , dans les fonds herbageux des landes , l'as- tragale alopécuroïde (3). Ses fleurs ont l'odeur de la violette. On y voit en même tems i'as- (j) Appendix, n°. 3x1, et pi. LXXVIï , f. 3. (x) Appendix, n°. 318. (3) Astragalus alopecuroides. tra^ale AU KoUSCHOTJMk il3r tragale sillonné (1) , qui pousse à près de qua- tre pieds de haut, la rindere cynoglosse (2), et le caucalis oriental (3) , qui n'étoit pas eu- core en fleurs. On voit aussi la rhubarbe dans les places les plus élevées et les plus arides de ces steppes ; elle étoit encore réconnoissable à ses feuilles fannées, et à ses pédoncules. S- VIL Du Kouschoum a Sakha-Ousen. Du 25 au 3i niai. Ruisseau de Kouschoum. — Eoutes à travers les landes. — Zagan-Nor , 27 v. — Mous- ehor-Ouséen , 36 vers tes. — Modot-Ouséen '■■ '9 7 verst.— Lacs salins d' Ousenoù — Anciens canaux. — Saklia - O use ri , 22 verstes. — • Oratoires Kalmouks. — - Gourban-Dolodai , 3o verstes. — Désert sablonneux de Nariri , i5 verst. Nous poursuivîmes notre route , le 25, dans la même direction. Après trente verstes envi- ron de chemin , nous découvrîmes le Kous- choum , qui coule , en serpentant beaucoup , vers le sud. On le prendroit, de loin, pour (1) Astragalus sulcatus% (z) Rinde ra tetraspis. (j) Caucalis oriintalis* Tome FIL M 11~4 Ï773. DU KoüSCHOüM ■un fossé profond. Il n'a presque pas d?en^ fbncement : il est garni de joncs. On ne voit point de bois dans son voisinage 5 on ne trouve dans ces fonds que quelques buissons de ta- mariscs et des bosquets épars de trembles. Nous le côtoyâmes pendant cinq verstes pour arri- ver à l'endroit où on le passe , endroit maré- cageux et assez profond. Nous prîmes gîte après l'avoir traversé. Nous trouvâmes ici un inter- prète qu'on avoit envoyé d'Astrakhan à Orem- bourg , pour affaire du gouvernement. Il étoit truchement d'origine. Nous nous étions déjà vus à Stavropol en 1769. Il me témoigna com- bien il étoit enchanté de cette rencontre, et passa la nuit avec nous. Il avoit avec lui quatre Kalmouks qui lui servoient d'escorte. On rencontre ici quelques étendues de pays vers le Kouschoum , où le terrain est très- salin. La plus grande partie de la lande qu'on trouve au-delà de cette rivière, est de même nature. Il y croît beaucoup d'arroche mari- time (1), et plusieurs autres plantes salines. On y voit aussi beaucoup de petites vipères , de lézards véloces (2) , qui sont vert d'herbe , et de lézards des sables (3). (1) Halimus. (i) Lacer ta agills, (3) Lacerta arenaria. Je crois que M. Palias entend par £e lézard, celui que nous nommons le caméléon. n S a k h a : - O v s n ir. îi£ Le Kouschoum grossit beaucoup au printems, par les eaux de neige et par des sources ca- chées qu'il peut avoir ; mais il reçoit en même terns une grande partie des eaux qui sortent du lit de riaïk lors de ses inondations. Ses eaux sont alors très-potables. En été, au con- traire, il se dessèche à plusieurs places. Le peu d'eau qui lui reste alors ne forme plus que quelques mares puantes et saumâtres. £)n est obligé de creuser dans ses rives pour se pror curer un peu d'eau potable par des suinte- mens. Il prend plus de largeur dans sa contrée inférieure , parce qu'il y forme de vastes et profondes baies, qui ressemblent à de petits lacs $ elles sont entourées de joncs. Il se termine enfin en un grand lac situé dans un fond garni de joncs. Les Kaimouks lui donnent le nom de Zaghan-Nor, parce qu'il paroît tout blanc de loin , lorsque le fond est plein d'eau. Ce lac n'a aucune communication avec celui de Kamis- chsamara. Il en est au contraire séparé par de hauts steppes arides. Routes a travers les landes. Nous prîmes la route ordinaire que tiennent les karavanes d'Astrakhan. Ce chemin côtoie le Kouschoum depuis laizkoï - Gorodok. Il con- tinue à le longer encore plus loin dans une direction presque méridionale , qui décline en- suite un peu à l'ouest. On nomme ce chemin^ H z S 16 1773. DU KôUSCHOUBt FcOUTE INFÉRIEURE d' ASTRAKHAN. La rOUtS supérieure remonte le Derkoul , et le côtoie depuis laizkoi-Gorodok. Elle croise ensuite les trois ruisseaux de Tschaslii , qui n'ont d'autre décharge que de se terminer en formant des fla- ques d'eau. Elle traverse de - là les deux ri- vières d' Ousen , et se porte du petit Ousen au- delà du Targoun , qui coule vers le Volga^. Elle côtoie le Targoun jusqu'à l'Ouloustan, que les Kusses appellent IérouslAn. Elle descend en- suite , en le suivant , vers le Kamischenka , ou près de PAktouba. Il y a une troisième route , que les Kosaques nomment ITntermédiaire. Elle perce du Derkoul assez avant dans le pays 5 après quoi elle croise le premier Tschaslii. Elle n'atteint pas les autres , parce qu'ils n'avancent pas aussi avant au sud. Elle traverse ensuite un bras du grand Ousen ^ appelé TschertolA. Elle croise , après cela , le grand et le petit Ousen. On. entre ensuite dans de vastes landes où les Kalmouks ont des citernes. On passe de-là devant le lac d'Elton , et la route vous conduit à Aktouba, ou un peu plus près du Volga. Il existe encore deux autres routes au sud de Kamischsamara. On n'y passe qu'à cheval, et jamais avec des voitures , parce que le pays, situé au sud, est plein de côtes sablonneuses , qui rendent le chemin très-pénible. Il y a un second inconvénient > c'est qu'en été l'on n'y St S a k h A - ô v s » $r* lîf trouve pas d'eau potable, Les Kalinouks ont donné à l'une de ces routes le nom d'Oui, an- Khajlga. (i). Elle se sépare de l'Iaïk près dTn- derskaia - Rriépost. Elle passe d'abord le long d'un rempart , dont le fossé fait face au nord. Ce rempart s'étend de l'Iaïk jusqu'au Toukoul ? ruisseau des steppes , qui se décharge dans le lac de Kamisclisainara. Il a sans doute été cons- truit anciennement par les Tatars \ qui habi- taient Saratschik^, ou par quelque peuple des steppes , pour servir de ligne de démarcation* Cette route côtoie ensuite le Toukoul jusqu'au Kamischsamara ,, près duquel elle tourne au sud , pour se porter dans des déserts de sable, d'où elle vient se réunir à celle que j'avois prise. Les Kalmoüks ont fait beaucoup de ci- ternes le long de ce rempart {%) depuis l'Iaïk jusqu'au Toukoul ; mais leurs eaux sont sau- mâtres, et elles se dessèchent en été/ On fait donc deux fortes journées de cheval sur cette route sans trouver une eau potable. L'antre route, qui est la plus au sud, se porte de l'avant - poste de Baksai vers le ruis- seau salin de Narinkhara. Elle le côtoie jus- ques vers la mer Caspienne ,, en se rapprochant (ï) Chemin ronge, (2.) J'aurai occasion de parler de la tradition fabuleuse que les K-almouks donnent sur Ipiigke de ce rempart et' de. ces fossés. «ï8 ''1.778. DU KOîTSCHàUM de distance en distance du golfe étroit qu'e forme (1). Elle passe ensuite dans une contrée où P011 ne -trouve de Peau qu'au moyen de quelques puits qu'on a creusés dans un petit canton où le terrain est sablonneux. Cette route Ta ensuite en droiture à Krasnoïarsk et à Astra- khan. Le 26 , nous fîmes trente verstes dans I3, inatinée, en côtoyant le Kouschoum. A midi, nous nous arrêtâmes quelques heures pour faire rafraîchir nos chevaux. Dans Paprès-midi , nous fîmes quinze verstes pour gagner la cou- chée. Nous prîmes gîte près d'une anse du Kouschoum , qui est sur le bord de la route. Quoiqu'on suive toujours le cours de ce ruis- seau , il y a des places où il s'éloigne tellement du chemin , qu'on le perd tout-à-fait de vue. On trouve, de ce côté-ci , le long du Kou- schoum , l'anabase sans feuilles (?.) , et la soucie frutescente (3), qui forme d'assez gros buis- sons 1 la lunettière diclyme (4) y est aussi très- commune. Nous vîmes beaucoup de saïgaks ou chèvres des steppes dans les landes qui bor- dent le Kouschoum. Elles se tiennent tantôt (î) Les Kalmouks nomment ce golfe Mazar, à cause des excellens pâturages d'hiver qui sont dans le voisinage (i) Anabasis aphylla. "(3) Salsola fruteseens* (4) Biscutella didjma. A S a fc a A - O tr s B ït* 119 Une à une, tantôt par troupeaux. Les Kosa- ques qui m'eseortoient , en tuèrent à volonté* On chasse cet animal près de l'Iaïk. On ne pro- fite que de la viande et des cornes. En été , lorsque les Kosaques n'ont pas d'autres occu- pations , ils se forment en petites troupes , et vont chasser dans les steppes. Ne pouvant pas consommer la viande de toutes les chèvres qu'ils tuent , ni l'emporter avec eux , ils se conten- tent des cornes et des plus belles peaux. Ils ont soin en même tems de ramasser toutes les cornes qu'ils rencontrent dans les landes , quoi- qu'elles proviennent de saïgaks crevés et dé- vorés par les loups. Ils en trouvent un prompt débit , parce qu'ils les vendent aux marchands étrangers , qui viennent dans le pays , lesquels les revendent aux Chinois , qui en font grand cas. Une paire de cornes se vend , près de ITÏaïkj de dix à quinze kopeks , tandis qu'elle Taut en Chine soixante à soixante-dix kopeks. Les Kosaques de l'Iaïk qui chassent tous les- ans le Saïgak , assurent qu'il y a de ces ani- maux qui ont trois cornes , et d'autres qui n'eu ont qu'une , placée au milieu du front. Celle-ci est pour lors plus forte , plus longue et moins courbe. Deux de mes conducteurs me dirent en avoir tué de semblables qui n'avoient qu'une corne, et l'un d'eux m'assura qu'un de ses parens avoit tué un Saïgak à trois cornes. Ce jeu de 1« nature ne se rencontre cependant que H 4 120 1773. Dtf KoTT8CÏ£Ôtf'M lorsque ranimai est très-gros et très-fort. J'ai eu occasion de me procurer les deux cornes d'un vieux saïgak. Elles étoient beaucoup plus longues que de coutume, et se croisoient, parce qu'il y avoit excroissance à leurs extré- mités, liest possible que ces jeux de la nature aient aussi lieu parmi les gros antilopes d'A- frique , et c'est sans doute ce qui a fait dire qu'il existe des licornes des steppes. On -trouve dans les landes que nous avons traversées jusqu'ici beaucoup de pectinites et autres coquillages marins dans toutes les places où le zisel a labouré et excavé des terres. Celles qui ont été jetées sur la superficie du sol sont déjà â moitié pulvérisées par les injures du tems. Les autres au contraire qui sont restées enfouies clans l'argile sèche dont le terrain est constitué , se sont conservées, et ne sont pas seulement à demi calcinées , malgré un cours d'années innombrables que les eaux de la mer Caspienne ont couvert ces landes. Le steppe qui borde le Kousclioum est si aride et si salin , qu'il n'y a pas moyen d'en tirer parti pour aucune espèce de culture. Le pays n'est pas seulement propre à l'entretien des bestiaux : c'est tout au plus si l'on trouve au printems quelques places garnies de verdure dans les fonds. La contrée n'est pas plus riche en bols qu'en herbages ; le peu de buissons qu'on y rencontre ne. s'élèvent pas à deux pieds. Ä S A x k A - O V S % IC. tat' 4 ïl y a près de la place où nous passâmes la nuit , une route qui conduit au ruisseau de Balikta. Les Kosaques la prennent en été et en automne, lorsqu'ils vont pêcher dans les anses du Sarkra et dans les Ousen. On n'y prend que du poisson commun. Le Balikta est un ruisseau qui prend sa source dans les steppes , et va se décharger dans le Sarkra. Le 27 , nous côtoyâmes encore le Kouschoum pendant douze verstes., toujours en le descen- dant. Nous fîmes halte , etnousapprovisionâmes d'eau , parce que nous avions une vaste lande à traverser pour atteindre FOusen. Nous étions prévenus que nous n'y rencontrerions pas d'eau, et qu'il n'étoit pas possible d'y arriver ce même soir. On quitte ici le Kouschoum, où il commence déjà à former de vastes golfes à quelques verstes du Zagan-Nor , dans lequel il se décharge. Les lisières du steppe qui sont élevées étoient gar- nies de buissons de tamariscs dont la fleur étoit passée; il y avoit en même tems beaucoup de nitraire ( 1 ) en fleurs. Dans les places herba- -geuses, l'air étoit rempli d'une espèce de four- milions (2) qui faisoient chasse aux mouches , ets'accouploient d'ans leur vol. La chaleur avant remplacé les tems froids que nous avions eus jusqu'alors, on commençoit à voir beaucoup d'autres insectes. (i) Nil rar ici. (z) Myrmclson barbafutn» t1% I773. DU KOUSCHOUM Du Kouschoum , nous laissâmes de côté uti chemin quiie côtoyé encore à une assez grande distance 5 c'est celui que suivent les Kosaques lorsqu'ils vont à la pêche. Nous choisîmes une autre route qui va au sud-ouest ; c'est celle que prennent les karavanes. Nous fîmes, ce jour-là, encore dix-huit verstes dans un steppe très-herbageux, et garni de place en place de petits tamariscs. Nous fûmes obliges de prendre gîte dans un lieu où il n'y a voit pas d'eau 5 mais en revanche nous y fûmes assaillis d'un grand nombre de moucherons et de cousins qui nous désoleront toute la nuit. Nous voyageâmes le lendemain dans une lande très-aride. Après quinze verstes de chemin, on traverse un fossé, à deux verstes duquel on en passe un autre qui est très-profond. Us s'é- tendent assez loin, après quoi ils se réunissent; pour aller tomber dans le grand Ousen. Le premier se nomme Nàgaiskoï - Rossisch ; ce nom lui vient d'une tombe qui est dans son voi- sinage , où est enterré un Tatar d'Astrakhan. L'autre s'appelle Mou khor-O use en (1). Ce dernier n'est aqueux qu'au priatems et en au- tomne , lors de la fonte des neiges , et par les (1) Moukhor signifie en langue Kàlmouke, court et émoussé. Cette épithète convient parfaitement à ce fossé, qui ne s'étend pas fort loin, et qui est à sec une grande pa tie de Tannée. ' % Sakha-Ousew. 123 eaux de pluie qui s'y rassemblent des steppes élevés. Dans les autres tems son fond uni et dé- pourvu de tout herbage ne présente qu'une vase. Mais ses rives sont très-verdoyantes , quoique leur sol soit aussi salin que celui du fossé. On y voit des tamariscs, l'arguze (1) , et le statice (2) qui s'y plaisent beaucoup. Il y a quelques ci- ternes à peu de distance de la route ; mais leurs eaux saumâtres sont tout au plus bonnes à abreuver des chevaux. Nous atteignîmes le grand Ouséen à vingt-cinq verstes environ de l'endroit où nous avions passé la nuit et à soixante ou soixante-dix verstes de son embouchure dans le lac de Kamischsamara. Les Tatars l'appellent Oulk^n-Ouséen (3), et les Kalmouks Modot - Ouséen (4). Ses rives sont escarpées , et de même nature que le steppe , c'est-à-dire argileuses. Elles ont de quatre à six toises d'élévation ; mais il y a si peu d'inter- valle entr'elles, qu'à peine peut-il y venir quel- ques arbres àfeuilies mal conformées ou en buis- sons, des saules et quelques peupliers, soit blancs, soit noirs. Dans les contrées supérieures du grand Ouséen , les bas -fonda de ses rives sont plus larges en plusieurs endroits ; on y ren. - • 1 1 1 » > ] 1 ■■■ ■ » ■ r ■ .T. ,. . . 1 *Cm (1) Messerschmidla, (z) Statice. (3) Le boscageux. (4} Le riclie en bois. 4s4 Î773. du Ko v s ch ötjm: contre des bosquets d'ormes et de pommiers satt* vages ; il a des eaux limpides et potables , au lieu qu'ici elles sont troubles , et ont un goût saumâ- tre. On pourroit , au besoin , établir de petits vil- lages dans ces contrées. Lepetitetle grandOuséen sont très-poissonneux 5 il en est de même du vaste lac de Kamischsamara, dans lequel ils se déchargent. On y pêche du brochet 9 des car- pillons ( 1 ) qui sont bien plus délicats que ceux de l'Iaïk. C'est sans doute pour cela que les Ko- saques laïkis viennent en automne pêcher dans- ces parages. Nous en rencontrâmes même quel- ques-uns quis'étoient détachés de ceuK occupes en ce moment à la pêche du sevrouguen. Il est certain que la pêche de cette contrée est beaucoup moins pénible et d'un plus grand rapport. Nous vîmes quelques - uns de ces Iaïkiens lors de notre traversée. Quand ils se mettent à pêcher, ils choisissent d'abord une place qui leur' soit commode; après quoi ils enferment ou parquent une portion de la rivière j ils y jettent ensuite les filets jusqu'à ce qu'ils en aient écume tout le poisson. Ils donnent après cela une ouver- ture à leur parc pour y l'aire rentrer de nou- veaux poissons. Ils salent le poisson et le l'ont sécher à l'air pour le conserver et le trans- porter. Les pêcheurs nous procurèrent deux canots, (1) En Russe Ssasani. a Sakha-Ousen. 1^5 &u moyen desquels nous passâmes l'Ousen avec nos voitures toutes chargées : ce qui fut effectue avant la nuit. Sans ce secours^ il nous eût fallu imiter les karavanes qui traversent ces contrées. On fait de petits fagots de joncs dont on cons- truit une prame , et l'on s'en sert pour passer l'eau. Arrivés sur l'autre rive, nous y prîmes gîte jusqu'au lendemain. Passé l'Ousen , le steppe devient plus sablon- neux, et en même tems si aride , qu'on y voit tout au plus quelques brins d'herbe desséchée j de l'absinthe et de la camphrée (1). En avan- çant au sud, le steppe devient de plus en plus étroit, à mesure que les deux Ousen se rap- prochent l'un de l'autre. Ils sont si voisins à une trentaine de verstes au - dessous de la place où nous avions fait notre traversée , qu'on les découvre en plein de droite et de gauche. On atteint plusieurs Barkhani ou petites col- lines de sable assez unies, entre lesquelles le petit Ousen commence déjà à former un vaste golphe garni et entouré de joncs. Les Kosaques Iaïkis tirent leur sel des lacs d'Ousenoï. C'est dans cette contrée qu'existe le plus riche de ces lacs. Il est situé presqu'intermédiairement entre les deux rivières , et entouré d'une lande élevée 9 sablonneuse et saline. Le lit de ce lac s'étend en longueur du sud-ouest au nord-est., et forme 11 ' ' . i— ■!■ ■ I il », i i .ni. iili I il III (i) Camphorosma, tzô A77^' niJ Koüschoum au snd plusieurs anses devant lesquelles on voit de petits islots qui doivent leur naissance à des amoncellemens de terre. La circonvaJlationde ce golfe est d'environ deux verstes $ mais celle de son bassin, qui renferme la muire , n'est que d'environ trois cents toises. On voyoit déjà dans le fond une croûte de sel de près d'un empan, d'épaisseur. Le bas , et en partie le haut de ses rives escarpées , sont imprégnés de sel marin qui effleure la surface du sol , quoique le terrain soit de même nature que le steppe , c'est-à-dire d'une glaise sablonneuse , d'un jaune qui tire sur le rouge. On trouve un autre lac salin entre ceux que je viens de nommer, et la p]ace où l'on passe le petit Ousen. Celui-ci, beaucoup plus petite est à dix verstes à peu - près de la route que tiennent les karavanes , et plus rapproché du petit Ousen. Il n'est pas, à beaucoup près, aussi riche en sel que les autres. Il existe encore plusieurs fonds salins dans la lande ; mais ils sont à sec. On rencontre dans cette langue de terre qui sépare encore les deux Ousen, des traces d'an- ciens canaux. La plupart avoisinent le grand Ousen. Ces conduits s'étendent à travers la lando qui est par-tout élevée., aride et saline. Ils n'ont guères que huit à dix pieds de profondeur. On trouve encore les amoncellemens de laterre qu'on en a tirée pour les creuser. Cette terre devroit A SÀKHÂ-OtTSEK. 127 être garnie d'herbe depuis long-tems , si le sol n'étoit pas aussi aride et aussi ingrat. On voit de pareils fossés ou conduits , dans les con- trées supérieures qui avoisinent l'Ousen , les Tatars les nomment A r i k. Ils y ont été même très-multipiiés. On remarque , à n'en pas douter, qu'ils avoient été faits pour fournir de quoi arroser les champs et les jardins 5 mais il paroîtxque ceux-ci se trouvant dans une lande élevée , il falloit y porter l'eau par des ma*, chines hydrauliques. Ces nombreux otmaux, la multitude de tombes , et quelques restes d'an- ciens bâtimens que l'on rencontre dans cette contrée , prouvent assez clairement que les rives des deuxOusen ont été habitées autrefois et que la population y étolt même assez nombreuse. Les peuples qui occupoient ces pays , étoient sans doute les Nogaïs. On voit de pareilles ruines près de Sarkly , lac salin qui se réunit au grand Ousen au-dessous du Sarkra. îl part de ce lac un canal qui perce dans la lande. Il y a au mi- lieu de ce steppe , à peu de distance du canal, et entre les deux Ousen , un autre petit lac salin | mais le sel ne s'y forme qu'en de certaines an- nées. Ces ruines présentent les restes de bâti- mens séparés , qu'on avoit construits en briques carrées. Ils étoient bâtis dans le voisinage d'un fond garni de bois. Je ne sais par quelle tradi- tion bizarre , les Kosaques de l'Iaïk ont donné «28 lyiyS. du Kooschoü'm à. pes ruines le nom cV Alexander -Ougitei (i)J Je crois cependant que l'on doit attribuer (i) Ce qui signifie, je crois, le trésor d' 'A 'lex andre. Voici une preuve incontestable que les anciens habitans de ces con- trées , aujourd'hui désertes et sauvages, ou air moins les Ko- saques de l'Iaïk , ont eu et conservent encore une idée con- fuse de ce conquérant si célèbre dans les annales, dans les romans orientaux, et même dans le Qorân, sous le nom â'IsAender Dh\oul Qarneïn (Alexandre aux deux cornes). La plupart des historiens et des poètes s'accordent à le con- fondre avec Ylskender roumy ben filibous ( Alexandre le grec, fils de Philippe). Cependant Khondémyr prétend qu'il a existé un autre conquérant nommé aussi Iskender Dh\oul Qarnéïn , bien antérieur au Macédonien , contemporain d'Ibrahym ( Abraham ) , et Tun des rois de Perse de la pre- mière dynastie. Parmi les faits et gestes de celui-ci, on cite la construction de cette prodigieuse muraille nommée le Rem- part de Gog et de Magog , destinée à retenir les habitans du nord dans leur pays natal, et J. les empêcher de se répandre dans les contrées méridionales de FAsie. Les auteurs Arabes, Turks et Persans ont débité tant de contes sur ces deux per- sonnages , qu'ils ont fini par les confondre et n'en faire souvent qu'un seul. Au reste , les immenses conquêtes qu'on leur at- tribue , justifient l'interprétation que les meilleurs commen- tateurs orientaux donnent au surnom qui leur est commun j Dh\oul Qarnèïn , signifie possesseur des deux cornes , et par métonymie de deux puissances ( l'une en orient et l'autre en occident ). Le mot Çorn ou Qornoun en Hébreu , ea Arabe, en Chaldéen, a cette double signification, l'une propre et l'autre métaphorique. Ainsi , malgré mon estime, je dirai même mon respect pour Scaliger, l'Empereur et Golius * je ne puis me ranger a l'avis 4e ces savaus, qui attribuent les A S A K H A - O U S £ N. I29 les plus grandes des tombes dont je viens de parler ,, et les pierres sépulcrales taillées en fi- gures humaines , non pas à ces mêmes Nogaïs , mais a d'autres peuples qui menoient une vie errante. On en rencontre de pareilles entre le Kouschoum , et le grand Ousen. Ce qu'il y a d'étonnant, c'est que des gens accoutumés à une demeure stable , ayent pu choisir des landes aussi arides pour y former une habitation , et s'y soient occupés de l'agriculture , tandis que le vaste et fertile pays qui avoisine l'Iaïk , leur ofFroit des contrées bien plus favorables. Il n'y le surnom dont il s'agit, aux deux cornes que nous voyons sur les bustes et sur les médailles & Alexandre le Macédonien; ils prétendent, à la vérité, que ces cornes caractérisent le fils' de Jupiter Hamnon\ c'est reculer la difficulté sans la résoudre- Pourquoi le fils de Jupiter Hamnon portoit-il des cornes i L'interprétation des orientaux me paroît infiniment plus na- lureile et plus juste, puisqu'ils expliquent à la fois le sur- nom métaphorique etlesornemens emblématiques sur lesquels tous les antiquaires n'ont donné jusqu'à présent que des con- jectures peu satisfaisantes. Voyez le Coran surat , ou cha- pitre 18, intitulé Alkehef (la caverne), Comma, ou verset 85 , et le commentaire 'de Zamkhachery sur ce verset > pao-e 42, 6 , ex edit. Arabico-Latina Maracci. D'Herbelot , Bi- bliothèque orientale, p. 317, au mot Eskander. Castelll Lexicon heptaglotton , p. $ 10, ad verbum qrn. Scaliger, de emendatione temporum , p. 3453. Constant. V Empereur , not, in lachiad: Daniel, VIII. Jac. Goïii notœ in Alferganum , p. 58. Hottingeri historia orientalis , p. 58, et Eutichii annales ex edit. A raine a-Latin a , p. ißo et seq. (Langlès*) Tome FIL . I I *3o~ .I773. Dlf KoüSCHOü?! a , ce me semble , que l'espoir de mener tins vie plus tranquille dans ces déserts éloignés , et peut-être l'appas de la pêche, qui ayent pu les y déterminer, La route des karavanes se continue toujours le long du petit Ousen , en direction du sud- ouest. A mesure qu'on approche de ce ruisseau, la plaine devient si saline qu'on voit quantité de places toutes blanches , où il n'y a pas ap- parence qu'il y ait jamais eu aucun herbage. L'on atteint à vingt-deux verstes du grand Oasen des fonds très -salins qui s'étendent jusqu'au petit Ousen. Onn'y voit presque d'autres plantes que la salicorne strobilacée (1), l'arroche por- tulacoïde (2), et l'arroche halime ou maritime (3), différentes soud-^s (4) et la nitraire (5). Ces ra- vins que les pluies ont creusés vers le fleuve, sont pleins de coquillages marins que les eaux ont mis à découvert. Le petit Ousen n'est guères plus large que le grand ; mais ses eaux ne sont pas à beau- coup près aussi abondantes. Les Kalmouks lui donnent le nom de Sakha-Ousen (6) \ et les (1) Salicornia strobllacea , n°. 15? de TAppcndix 3 et planche XLIV, idem. (z) Atriplex portulacoules, (3) A triplex halimus* (4) Salsolœ. (5) Nitraria, (6) L'extrême ou le plus éloigné. A SAKHA-0t7SÉN; î3l Tatars l'appellent Kitschkinia-Ousen (i). Ses rives sont hautes et escarpées , mais dépourvues de bois ; on y voit tout au plus quelques buis- sons de tamariscs et de nerpruns. Ce ruisseau serpente avec tant d'irrégularité , qu'on a de la peine à fixer sa vraie direction. Ses eaux étoient en ce moment meilleures que celles du grand Ousen, mais elles deviennent saumâtres en été , au point de n'être presque pas potables. Il est d'ailleurs très-poissonneux, et ne le cède pas sous ce rapport au grand Ousen. Nous nous étions munis de canots , au moyen desquels nous le passâmes avec nos voitures, et prîmes gîte sur la rive opposée. Ces deux ruisseaux ont un cours assez rapide , et reçoivent beaucoup d'eaux auprintems, lors de la fonte des neiges dans les montagnes des steppes (2) , où ils ont leur source. Il y a des années où ils débordent alors de leurs rives, qui ont quatre ou cinq toises d'élévation. Je ne vis pas sans surprise qu'elles étoient , en ce moment, déjà renfermées dans leur lit ordi- naire , et montoient tout au plus à quatre pieds au-dessus de ce qu'elles sont en été. .Remar- quez aussi que le lac de Kamischsamara, dans lequel il se décharge , a tout au plus deux cents verstes de circuit, y compris les marais garnis (1) Le petit. * (i) Cbtschii-Sirt. I a 53* 1 Jjli. BU Koüschoum et environnés cle roseaux , et qu'il n'a pas d'é- coulement visible. Ceci prouve qu'il perd par l'évaporation, et par ce qui est épongé par le terrain aride , sablonneux et argileux qui Fa- voisine , une aussi forte masse d'eau , que celle que lui fournissent les deux Ousen. Il faut donc d'autant moins s'étonner de ce que la mer Cas- pienne suffit pour absorber et évaporer les eaux des fleuves et des rivières qui s'y déchargent , qu'elle est environnée d'une vaste superficie de terrain très-propre à pomper toutes ses vapeurs., puisqu'il se trouve sous un hémisphère bien plus chaud. Pourquoi donc se fatiguera lui chercher des canaux souterrains de décharge qui n'e- xistent pas, lorsqu'on voit clairement ., par les fleuves qui y ont leur embouchure , combien sa surface hausse lors des fontes du printems , tandis que les fleuves et les rivières ne rentrent dans leur lit que très- avant en été ? S'il existoit de pareils canaux souterrains , on ne verroit point le Volga et l'Iaïk conserver leurs grosses eaux très-avant en juin , et continuer même à monter , tandis que les rivières qui ont leur embouchure dans l'Océan, commencent toutes à diminuer, même en Sibérie., où. il fait très- froid y et où les torrens et les ravines abondent ; ce qui rend le pays très -aqueux. On ne verroit pas non plus le Volga monter à dix., et jusqu'à douze pieds dans les contrées inférieures où il a son cours 5 comme par exemple , près de Zarizin , a-Sakha-Ousen. î33 et deKamischenka. Je certifierai quesaîiausseest souvent de quarante pieds près d'Astrakhan, où il a son embouchure. J'ajouterai même qu'il n'y •a nulle possibilité que la mer Caspienne trouve quekju'écoulement dans d'autres mers , puis- qu'en examinant les embouchures du Volga et del'Iaïk, il n'y a pas à douter que sa superficie ne soit beaucoup plus basse que la mer Noire et l'Océan. x Nous quittâmes le petit Ousen , le 3o mai , et nous nous portâmes au sud-ouest dans un pays désert. Comme on nousavoit prévenus que nous n'y trouverions ni eau, ni bois, il fallut se pourvoir de ces deux objets. On passe à quel- ques lieues de l'Ousen un vaste fond f garni de joncs, que les Tatars nomment Tschouxh al y, parce que les sangliers s'y rendent de Kamis- chsamara , et s'y plaisent beaucoup. Nous vîmes dans ce fond des places entières émaillées de fleurs blanches du bunias , que nous appelons vulgairement roquette (1)» Passé ce fond, l'on arrive près d'un Zazia, ou petit oratoire Kalmouk ; il est construit en briques qui n'ont pas été cuites, et situé un (1) Eruca. Quel est ce Bunias ? Si c'est le hunïas erucago, ses rieurs ne sont point blanches. Serait-ce le bunias cornuta de Linnée, au veut-on parler du cakilc dont Linné e fait aussi un bunias ? Il vaut autant ne pas citer une plante , que de ne la pas désigner convenablement. ( Lam. ) I S î34 1773. dû Kouschoum peu hors de la route. Il forme un carré long d'environ huit pieds d'élévation. Il a deux toises de long sur environ une toise trois pieds de large, et une lucarne au sud, à deux pieds d'éléva- tion de terre 5 c'est elle qui lui donne du jour, quoiqu'elle ne soit pas très-grande. On y trouve quantité d'écritures Tangoutes et Mongoles , de petits morceaux de bois découpés , de petites boîtes et autres choses semblables ; mais tout y est sans ordre et jeté pêle-mêle. Il y a eu autre- fois , selon toute apparence , une fosse dans le milieu de l'enceinte , elle étoit probablement entourée de briques rayées de diverses couleurs. On avoit fait creuser cette fosse lors de la fon- dation de l'oratoire , pour y mettre des cônes d'argile que les prêtres avoient fabriqués. La route côtoyé ensuite deux collines situées à gauche à la proximité l'une de l'autre ; leur terrain est salin. Elles s'étendent à plus d'un Terste. On n'y voyoitplus aucunes plantes. Plus loin on entre dans un steppe élevé dont le terrain n'est que sable , et où l'on rencontre beaucoup de tombes. On passe de là dans une vaste plaine. Le vent «toit sud-est 5 on l'entendoit souffler avec violen- ce : de grosses cigales qui abondent dans cette contrée ne cessoient de chanter. Je n'en avois pas encore apperçu : elles ne commençaient en effet qu'à sortir de leur enveloppe. Le chant du mâle est différent de celui de la femelle. Il a SakHà-Ousbn. l3$ a du rapport avec le cri d'appeau d'oiseau; au lieu que la femelle fait un bruit continu et aigre , semblable à celui d'une cresselle. Nous atteignîmes , à une trentaine deverstas de l'Ousen, quelques fonds herbeux. Il y a dans le voisinage trois grandes tombes qu'on laisse à gauche de la route. On les appelle en Kal- mouIcGouREAN Dolodai (i). Elles ont déjà été fouillées, sans doute par quelques uns de ces ^ens qui viennent du Volga faire des pèlerinages près des tombes de POusen. Nous nous arrêtâmes pour la dînée. Quelqu'un de ma suite ayant fait un peu de feu , il prit aussi- tôt à Pherbe par l'effet du vent sec qui souffloit , et se pro- pagea tellement qu'il ne fut plus possible de Péteindre. Nous n'eûmes que le tems de sauver nos voitures, et d'abandonner cette place qui fut toute incendiée. On voit de place en place , dans la lande aride et sablonneuse de ces environs , principalement près de ces tombes, la moluceUe tubéreuse (2). Elle avoit déjà perdu sa fleur. Je dois néan- moins observer que cette plante n'y est pas abondante. J'envoyai plusieurs de mes gens en avant, pour tâcher de nous découvrir quelque bonne citerne. Après que nos chevaux eurent mangé , (ij Les trois collines. (2) Molucdla tuberös a* 14 i36 l77^' r)tJ KouscEOtJM nous nous mîmes en route avec notre guide. On découvre sur la gauche , quantité de fonds sa- lins qui prennent depuis les Gourban-Dolodai , et s'étendent fort loin , en se suivant comme une chaîne. Il y en a de pareils dans tout le désert sablonneux; il en est bordé à l'est et à l'ouest. Nous vîmes ce jour -là, et la veille, au loin dans le steppe, des gens armés à cheval. C'é- Stoient sans doute des Kosaques Iaikis déserteurs, qui n'avoient d'autre ressource pour vivre que la chasse et la pêche. Nous fûmes toute la nuit sur notre garde. DÉSERT SABLONNEUX DE NarIN. Nous atteignîmes à quinze vers tes de Gourban- Dolodai, les Rinpeski qui sont les premières collines de sable mouvant. C'est entre ces col- lines que l'on rencontre les premiers puits ou citernes que les Busses appellent Kopani. Les Kalmouks leur donnent le nom de Khoudouk. Leurs eaux sont douces et limpides. Nous en fîmes bouillir pour prendre du thé qui étoit délicieux. Nous aurions pu cependant en con- cevoir quelque dégoût, parce qu'elles étoient chargées de frai de grenouilles ; mais le besoin fait tout supporter (1). Nous étions au comble (i) « La faim s dit /. Long dans ses voyages , réconcilie avec tout ce que la nature peut supporter , et rend agréable 1$, nourriture la plus indifférente. D'après la triste expérience A S A K 'K A - O V S £ IT. ify de la joie de nous voir hors d'un désert salin et aride , et où Ton appercevoit à peine quelques brins d'herbes, pour entrer dans une contrée verdoyante et émaillée de fleurs. Aussi pris- je le parti d'y rester le lendemain jusques vers le soir , autant pour nous reposer que pour faire mne collection des superbes plantes dont le pays abonde , et qui étoient en pleine flo- raison. Nous vîmes , le 3o au soir , près de nos ci- ternes , l'alouette noire des steppes , autrement que j'en ai faite , je puis assurer que ce qu'on auroit trouvé désagréable et même rebutant dans toute autre circonstance , devient, pour celui qui a faim , une nourriture que non-seu- lement il mange avec avidité , mais encore qu'il savoure avec délices ». Et ailleurs : « C'est quelque chose d'étoftnant que les efforis de la nature pour soutenir la détresse, et le courage avec lequel elle lutte lorsque l'espoir d'un prochain soulagement s'offre à elle: tout souvenir fâcheux des peines passées s'é- vanouit, une nouvelle vie semble couler dans toutes les veines. Les personnes accoutumées aux douceurs de la mollesse et aux Jouissances du luxe , ne soupçonnent pas le plaisir que pro- cure un secours inespéré , et celui de se mettre à table dans un désert. La faim n'a pas besoin du secours de la sauce , et c'est le cas de dire avec Pope : « jouir , c'est obéir ». Com- bien est délicieuse une telle obéissance » 1 Voyages cke% difi- férentes nations sauvages de l'Amérique septentrionale , traduits de l'Anglois , chap. IV , pag. 36, 37 ; et chap. XII 3 pag. azi. (Note du citoyen Billceocq,) *38 *f7$; B^ KouscHOiTM 1* alouette de Tatarie (1) ; elles volent par cou- ples , ou quelquefois seules. Leur chant res- semble beaucoup à celui de la calandre (2). On la rencontre dans tout le désert sablonneux de cette région , principalement dans les fonds sa- lins. Elles ne viennent jamais en été dans les contrées habitées , et ne paroissent près du Volga que dans l'arrière-automne , lors des premières neiges. On rencontre aussi dans ce pays l'araignée scorpion (3) dont j'ai donné la description dans le cours de ces voyages^et un gros carabe vorace (4) qui y multiplie beaucoup. Il se tient dans les irons des collines de sable les plus sèches. S'il est vrai , comme les Kalinouks l'assurent , que ces animaux qu'on met au pâturage meurent quand ils viennent à être piqués par ces scorpions , on pourroit croire que c'est le bupreste des anciens (5). Cette dénomination me paroi tce- pendant convenir plutôt à un autre petit ca- rabe (6) que les Kirguis appellent Alla - Gou- LOUK. On entre ici dans le désert sablonneux que (1) Alauda tatarica. (z) Alauda calandra. (3) P halangium araneoîdes. (4) Çarabus buclda. Appendix,, n°. 179. (5) Buprestris. (6) Meloe. A Saxxa-Ottssn. 139 les Kalmouks nomment Narin ( 1 ). Les Russes ôtent la première syllabe , et l'appellent Rin- peski (2). Les Kalmouks y trouvoient autrefois leurs meilleurs pâturages de printems et d'au- tomne , et passoient l'hiver dans sa partie mé- ridionale. Son entrée est environ par le qua- rante-neuvième degré de latitude nord, entie le grand Ousen et le lac de sel d'Elton qu'on nomme Altannor. Ce désert tient aune traî- née de collines qui viennent des montagnes des steppes appelées Obstschei-Sirt , en passant entre la source du grand Ousen et l'Outoutan. Ces montagnes deviennent de plus en plus sa- blonneuses à mesure qu'elles approchent du midi ; elles s'étendent ensemble , et sans in- terruption , presque jusques dans le centre de la contrée qui est entre le Volga et l'Iaïk, et se portent jusqu'aux rives septentrionales de la mer Caspienne. Elles y pénètrent même avec une langue de terre vers laquelle il y a encore une pe- tite île de sable qui est pleine de zisels que les Kal- mouks appellent Sourmoutou. Le désert de Na- rin est constitué généralement de masses de sable garnies de verdure. Ces masses couvrent le terrain naturel du steppe qui est aride , salin et ar- gileux. Il y a , de places en places, de hautes collines de sable mouvant où l'on croiroit que (i) Sable étroit, (x^ Le sable Rm, i4° 17?3' Bu Ko TT S CHOU M 3a lande est chargée de petites montagnes éparses, entrecoupées çà et là de fonds salins. On voit dans la partie plus méridionale une continuité de champs sablonneux , et de superbes pâturages qui vont en serpentant entre les montagnes de sable mouvant. On y rencontre, en même tenis, des fonds garnis de joncs , de bosquets , et de buissons. Ce désert est d'ailleurs entouré de tous côtés de fonds salins et de mares de même nature. On ne croiroit pas que ce sol, tout de sable, et en même tems très brûlant , pût être favo- rable à la végétation , et tapissé d'une aussi char- mante verdure. On voit, malgré cela, de super- bes plantes dans les plaines et dans les fonds situés entre les collines de sable mouvant. Elles sont d'une fraîcheur délicieuse, et, pleines de sucs. On ne peut attribuer cette espèce de phénomène qu'à la nature de la contrée que les nombreuses sources dont elle est garnie rendent très-re- inarquable. On ne s'en apperçoitpas moins dans ïes collines de sable mouvant ; on n'a pas besoin d'y creuser fort avant avec la main , pour s'ap. percevoir que le terrain est humide , et dans les fonds, on le trouve mouillé et baigné à un pied et même moins de sa surface , et cela dans les plus grandes sécheresses. Dès qu'on rencontre le moindre fond garni déjoues, principalement entre les collines , on n'a qu'à creuser à quatre ou cinq pieds de profondeur, qn tout au plus A S A K H A - O TJ S É 3f. l4î à une toise, on trouve de l'eau. Elle ne vient pas seulement du fond de la fosse , mais on la voit ruisseler en même tems des côtés par de petites veines , de manière que , dans quelques heures , le bassin se trouve rempli jusqu'au haut. Il en est de même dans la plaine, par-tout où l'on apperçoit quelques brins de joncs, quoi- qu'elle soit très-sèche. On ne manque donc pas d'eau tant qu'on voyage dans ce désert, parce que les Kalmouks ont creusé des fosses près de toutes les collines, pour ainsi dire, et même dans la plaine. Il ne reste plus qu'à faire le choix de celles où les eaux sont bonnes ou mau- vaises , parce qu'il y en a beaucoup , principa- lement vers l'ouest , où les eaux sont saumâtrcs , et d'autres où elles sont très-salines. On en ren- contre aussi dont les eaux sont char gees de foie de soufre ; ce qui les rend très-fétides. Nous en trouvâmes de pareilles dans quelques fosses que nous avions creusées nous-mêmes. Si l'on est surpris par la nuit* et qu'on nerencoiitre dans le voisinage que d'anciennes fosses desséchées et obstruées par les joncs , on n'a qu'à. les arracher avec leurs racines, et déblayer la vase qui s'est amassée dans le fond , et l'on voit aussi- tôt ruisseler une eau fraîche , et la fosse se rem- plir. Voyons d'où peuvent provenir ces- innom- brables veines d'eau qui ont filtré à travers uns aussi grande quantité de sable , et cela au mi- rifa 177$* B ü KoirscHor m: lieu d'une plaine très-sèclie , et où quelquefois l'on ne rencontre pas du tout d'eau. Les his- toriens Kalmouks disent que cette contrée étoit autrefois une mer dont les eaux se sont en- fouies à plus de profondeur dans le sable. Ils n'ont pas tout-à-fait tort quant au premier point, puisque l'on voit presque par-tout le sable mêlé de quantité de pëctinites, et autres coquillages marins , principalement dans les places où l'on a creusé à plus de profondeur. On a remarqué la même chose dans la lande argileuse. Adop- tons que la mer Caspienne ait baigné autrefois toutes ces plaines , cela ne peut avoir aucune in- fluence sur l'existence de ces innombrables sour- ces , puisque ces amoncellemens ou collines sont bien au - dessus de la superficie actuelle de cette mer. L'on ne peut pas plus attribuer cette abondance de sources au lac de Kamischsamara , principalement toutes celles qui existent dans la partie nord du désert sablonneux, puisque ce lac est de cinq à six toises plus bas que le steppe argileux entre l'Ousen et le désert de Narin. Si les premières masses de sable, c'est-à-dire celles qui bordent le steppe , ont une élévation si sensible au-dessus de la superficie de la mer et des Ousen , les montagnes de sable en doi- vent avoir une bien plus forte , et n'en sont pas moins remplies de sources. Pour moi, je donne une toute antre origine à ces innombrables sources , et je prétends A S A K H A ' - ö U S £ If." 14^ qu'elles viennent des contrées supérieures qui sont plus au nord , ainsi que de ia montagne des steppes. J'appuie mon opinion sur ce que cette montagne , quoique peu élevée, a quan- tité de sources qui ruissellent sur ses couches horizontales d'argile, qu'il y a dans les con- trées ci-dessus dénommées , beaucoup de ruis- seaux qui coulent très-peu en été, et d'autres qui perdent tout-à-fait leur cours , parce que les eaux leur manquent., et celles qui leur res- tent s'arrêtent alors dans des bassins ou creux. Il y en a d'autres enfin qui, après un court trajet, perdent leurs eaux dans la terre j ajoute» à cela la quantité d'eaux de neige qui se ras- semblent dans les fonds des steppes les plus sep- tentrionaux , et qui s'enfouissent en terre. Le désert de Narin produit de superbes plantes. Il y en a qui ne sont pas communes, quoiqu'elles existent dans presque tous les cantons sablon- neux. On ne voit cependant pas beaucoup de variétés ; celles qu'on rencontre sur les collines existent de même dans les fonds. On rencontre sur les collines peu élevées qui sont composées de sable mouvant, le sistopèle ou élyme des sables ( i ) , le roseau ( 2 ) et le carex sablonneux (3) . Ces collines se tiennent , (t) Elymus. (z) Arundo. (3) Carton arenaria, 5^4 *7?3' DU Kouschoum pour ainsi dire > l'une à l'autre; on croîroït de loin qu'elles sont couvertes de forêts , par rap- port au carex qui pousse à beaucoup de hauteur ; elles sont garnies d'ailleurs de quelques buissons. L'arbuste le plus rare et le plus singulier qu'on y remarque est le calligone polygonoide (1). Il (i) Calligonum polygonoid.es. Je regardois d'abord cette plante comme inconnue; mais je me rappelai bientôt que Tourne/on en avoit donné la description et le dessin dans ses Voyages au Levant, part. II, pag. 147. Il l'appelle poly- gonoldes orientale, ephedrœ facie. Avant d'avoir pu con- fronter quelques marques caractéristiques auxquelles on re- connoît cet arbuste , je n'eusse jamais pu m'imaginer que celui que Linne'e nomme calligonum polygonoides dans son Gen. plantar. , fût le même que celui qui est décrit par Tourne/on. Voilà ce qui m'a induit en erreur, et qui me l'a fait représenter dans le volume deuxième de ces Voyages , sous le nom de pterococcus. La description et le dessin que j'en ai donnés ne sont cependant pas de trop, et peuvent ré- pandre plus de lumières sur Une plante qui est encore si peu connue. M. Linnée la classe dans sa treizième classe. Cet arbuste n'a néanmoins que dix , ou tout au plus douze éta- mines d'un rouge très-clair, à ses petites fleurs blanches qu'il montre encore à la. fin du mois de mai, mais en petite quan- tité. Elles se renouvellent en-automne , mais encore moindres en nombre. Sa vraie floraison est au milieu de mai. Ses fruits ont beaucoup d'éciat , et ils sont un peu plus gros que je ne les ai dépeints. Leurs aigrettes , d'un vert tirant sur le jaune, ou d'un beau rouge nuancé , sont assez pleines de suc , et ont le même goût que l'épi. En le mâchant , on y trouve l'aigrelet d'une pomme acide ; c'est pourquoi \qs Kalmouks en mangent pour étaneher la soif. Ils font des fu- n'a a Sàkha-Ousek. i45 n'a point de feuilles, mais de simples épis menues et à longues cotes. On ne Fa encore rencontré nulle part qu'ici , sur quelques montagnes de sable dans la partie méridionale du Volga , près de l'embouchure du Kouma, et enfin près de T Ararat où Tournefort en fit le premier la décou- verte. Lorsque je le vis ici, il étoit déjà chargé de fruits 5 il fait alors un effet charmant. Cet arbuste paroît bien né pour un terrain sablon- neux ; il pousse des racines à plus de deuxtoi#s de profondeur. L'armoise santonique (1) abonde dans ces sables. On lui trouve , vers l'automne , des jets de six pieds de haut. On y voit aussi le prenanthes chondrilloide (2) ; il y prend pa- reillement la forme d'un arbrisseau par son énorme ramification. s Les fonds qui entrecoupent les collines et la plupart des citernes sont ombragés du chalef à feuilles étroites (3), de l'olivier sauvage et de petits buissons de peuplier blanc. Les deux premiers y poussent dans plusieurs places à une telle hauteur., qu*ils forment de petits ar- bres. J'y ai vu des oliviers sauvages de la gros- seur de la cuisse. migations sèches avec son bois , qu'ils brûlent, pour les maux «Tyeux. Le dessin que Tournefort nous a donné dans son co- rollaire , est très-inexact. Voye-^ F Appendix , n°. 330t (1) Artemisia santonicay (2) Prenanthes chondrilloide s, (3) Elœagnus, Tome FIL K 1^6 177^t DU K.OUSCHOUM Les principales plantes qui garnissent les plai- nes et les fonds sablonneux sont : le brome à crête (i) , le poa ou l'herbe paturin des prés (2) , le nard serré (3), l'alpiste en forme de ro- quette (4) , le scirpe romain (5), divers sou- chets (6) et gramens plus communs ; le coris- perme à feuilles d'hyssope (7) , et le corisperme à épis rudes (8) , le caillelait en forme de ga- rance (9) , et le caillelait glauque (10) , la garan- cAà quatre feuilles v erticillées (11), l'orcanette vipérine (12) ; elle a de grandesfleurs blanchâtres qu'on lui voit aussi près de l'Irtek , tandis qu'elle n'en donne pas de pareilles près de l'Iaïk; la gypsophile paniculée (i3) > le cucubale avec des fleurs mâles et femelles sur différentes plan- tes, et des pétales linéaires et entiers (14) , l'œillet (I) Bromus cris tat us. [z) Poa an tenella, sive gramen palustre paniculatum griseum. Buxbaum. Cent. IV, tab. Ji. (3) A 'ardus s trie ta. (4) Phalarïs erucœformis, » (5) Scirpus romanus ; plante de la familla des souckets. (6) CyperL (7) Corlspermum hyssopifoliuni* (8) Corlspermum squarrosum. (9) Gallium rubioides. (10) Gallium glaucum. (II) Rubia peregrina. (12) Onosma echioides. (1 3) Gypsophila panicuhita* (14) CuQiibalus otites. x S a K h A ;- O if s e vçi. létf prolifère (1) , l'euphorbe linaire (2), deux po- tentilles (3), l'orobanche de la grande espèce, doubles fleurs sont d'un bleu tendre (4), le dodart oriental (5) , le giroflier des monta- gnes (6) , l'arabette rameuse ( 7 ) , la réglisse officinale (8 ). Cette plante étoit trés-maigre ; le sainfoin épineux (9), l'astragale sillonné (10), le mélilot officinal et le mélilot de Pologne (1 1) , deux espèces particulières de luserne (12) , l'as- tragale globuleux et applati (i3), la centaurée paniculée et la centaurée scabieuse (i4)> le char- don cyanoYcle monoclone et poly clone (i5) l'a- chillée noble et cotonneuse (16) , le tragopogon , ou barbe de bouc, velu (17)., les chevaux en w iiiuh.,1 ■' l il IIP»! Il — »■ I 1 un ...1^ »rpijim.nj (1) Dianthus proUfer. (i) Euphorbia esula. (3) Potent illa reptans et potentilla aurea. (4) Orobranche major. (ç) Dodartla orientalis. (tf) Cheiranthus montants. (7) Arabis thaliana. (8) Glicyrrhisa glabra. ($) Hedysarum alhagi. (10) Astragalus sulcatus. (ti) Melilo tus officinales , et polonica. (n) Medicago falcata et sauva. (13) Astragalus phy sodés et depressus. (14) Centaurea paniculata et scabiosa» (15) Carduus cyanoides , monoclodos et polyclonos* (16) Achillea nobilis et tomentosa, (17) Tragopogon villosum. K s î4S 177^' Dü RoüscftouM sont très- friand s , parce que cette plante ren- ferme un suc laiteux et amer ; la scorzonère cotonneuse ( 1 ) , la gnaphale des sables ( * ) > la nitraire ( 3 ) , une absynthe grise ( 4 ) qui est très-abondante. Elle a une odeur de citron si forte , que l'air en est parfume. Je ne lui ai trouvé nulle part cette vertu. Cette contrée produit plusieurs autres plantes dont je par- lerai plus bas 5 mais elles sont plus rares 9 et on ne les rencontre pas par-tout comme celles que je viens de nommer. Les plantes qui crois- sent dans les fonds salins n'étoient plus recon- noissables , à l'exception de la nitraire, du ly- cium d'Europe (5), d'un tamarisc gris (6)> de la salicorne strobilacée (7) , d'un Jepidium à feuilles épaisses (8) , et d'une variété de l'ana- base commun (0). Cette plante est petite et rampante. Ce désert n'est pas très - varié en gibier. On n'y rencontre que de& loups , des renards , des korsakis, et quelques boucs étain; des (1) Scorsonera tomentosa. (z) Gnaphallum aretiarium. (3) Nitraria. (4) Absynthium. (5) Lycium Europeum. [Linnée, Mantiss. p. 47.] (6) Tamaris eus. (7) Salicornia strobllacea. (8) Lepidlum. Appendix , n°, 34?« (?) Anabasis varkias. a S a t. R a - O v s b n. iJfe sangliers qui se trouvent dans les fonds garnis de roseaux, des zizels d'une très-petite espèce, v.t le lièvre sauteur. Le gibier à plumes con- siste en calandres , alouettes noires , et err ta- dornes , ou canards des montagnes (1) qui avoient des petits déjà assez forts. Us se tiennent près des citernes et des marais salins. On y voit beaucoup de moineaux , et le faucon lanier (2), Il fait son nid dans les fonds , sur des arbres peu élevés. Il y a peu de serpens dans cette contrée ; mais on rencontre dans les fonds le serpent lézard (3). Les vipères sont encore moins communes. L'on voit en revanche beaucoup de lézards sur les collines de sable , principalement deux espèces très-petites qui existent par- tout ; la grenouille des prés avec des taches vertes (4) se tient près des citernes, et choisit celles qu£ ont les eaux les plus pures, pour y déposer son frai. On y voit beaucoup d'insectes, dont plusieurs sont indigènes au pays , principale- ment un ténébrion (S) , et le scarabée Ämmon (6). Ce ténébrion se tient sur les collines de sable » (1) Anas tadorna. (i) Falco ïanarïus. M. Pallas lui donne le nom de fau- con des steppes. (3) Lacerta apoda. Appendîx , n°. 8£. (4) Rana mut&bilis» (5) Tenebrio echinatus. Appendix, nö. îjp.. (6) Scarabàus Ammon> Appendix , n°. tz?.. i5o l77^* »n-KousciïôîfM et nous trouvions la nuit le scarabée Ammon dans les places où nous mettions pâturer nos chevaux. On y rencontre aussi 1@ grillon do- mestique que nous voyons en Europe ; il existe de même dans les déserts qui avoisinent le Volga. Il s'assembloit par troupes pendant la nuit autour de notre tente. Il est plus noir et plus petit que celui qui se tient dans les mai- sons. Le calligonum (1) étoit couvert de che- nilles qui, après leur accouplement, donnent des papillons nocturnes d'une espèce toute par- ticulière. Quoiqu'il y ait très - peu de flaques d'eau dans ce désert, nous étions incommodés pendant le jour d'un petit taon , d'un genre tout particulier; et la nuit nous avions beau- coup à souffrir de&xousins qui sont très-petits. Nous nous remîmes en route le 3i après- midi, et fîmes environ vingt verstes , en cô- toyant des collines de sable. On passe devant plusieurs fonds salins , où l'on voit beaucoup de grillons-taupes, Quelques-uns de ces fonds avoient déposé , à leur superficie , de mince5 croûtes de sel amer. La route que tiennent les karavanes se partage à l'endroit où nous avions passé la nuit. Un chemin conduit à gau- che à travers des collines de sable 5 il est très" pénible : l'autre est devenu tellement mauvais, qu'il n'est plus praticable. 1 tmm 1 11 1 1 - 1 •*■ (1) Calligonum, A S A K H A - O U S B w. i5r Nous prîmes gîte à l'entrée d'une chaîne de collines de sable, entre lesquelles on rencontre d'excellentes citernes. Il y en avoit deux à.no- tre proximité , situées dans des fonds garnis de saules et d'oliviers sauvages , on chalefs , dont les fleurs, quoique petites, mais très- multi- pliées , répandoient un parfum charmant clans tout le voisinage. Les feuilles de cet arbre sont très-étroites , et ses fruits ne deviennent guère* plus gros qu'un pois dans cette contrée , tandis qu'un Kosaque Tatar , de ma suite , qui avoit voyagé près de l'Iemba , m'assura que ces olives sauvages y deviennent bien plus grosses. Les Persans appellent cet arbre Kalaff ; les Tatars Dshigdia ; les Kalmouks lui donnent le nom de Segdé ; et lesE-usses du gouvernement d'Astra- khan celui de Lokh. S- V I I I. De Sakha - ÖUSEN a Tschaptschatski. Du ier au 6 juin. Limites du désert de Karin, 90 verst. — Col- lines de Miîig'aii , 20 verst. — Oulan-Khak y 35 verst. — Bourlou-Koudouk , \5 verst. — Tschapischatkki , 10 verts. — Sel gemme. Je m'amusai , le ier juin , à botaniser ; ce qui fit que nous ne partîmes qu'à midi , et no pûmes faire ce jour-là qu'environ vingt verstes K 4 i5% 1773. d! Sakha-Ouser- pour atteindre la couchée. Je vis , dans les bas* fonds , beaucoup de cynanque à feuilles poin- tue^ ( 1 ). Elle étoit en fleurs. Je rencontrai , près de quelques citernes entourées de flaques d'eau , une espèce particulière de scorsonère avec des feuilles de roseaux, et une racine à deux têtes, qui est d'une saveur très-douce et très-agréable (2). Le terrain en étoit rempli. Je l'a vois déjà apperçue près des salines d'Ilezki sur les rives du Soiianaia-Rietschka ; mais elle n'étoit qu'imparfaitement fleurie. Le 2, après vingt -• deux verstes de route ^ nous fîmes halte près d'une citerne , pour que nos chevaux pussent se rafraîchir. Il y en avoit quantité d'autres à la proximité. Nous mon- tâmes ensuite une forte côte , composée de collines de sable. C'est là que commence cette longue chaîne de collines de même nature, à laquelle les Tatars Nogaïs donnent le nom cl'A- risch (3). Elle s'étend d'ici au sud-ouest, et se prolonge, dit - on , jusqu'à la mer Caspienne, sans interruption. Nous la côtoyâmes ce jour- là , et le lendemain dans la matinée , en la gardant sur notre gauche. Nous marchions dans une plaine remplie de fonds salins, qui tien- nent l'un à l'autre comme une chaîne. Ils sont (1) Cynanchum acutum. (1) Voyez Y Appendix, n*. 392, et pi. Cil, ftg. 3 (3) Timon. / a Tsghaptschàtski: i53 plus ou moins vastes. On y voit un gramen rampant d'une espèce particulière , et la fran- kène velue (1), qui montroitses premières fleurs. L'un de ces fonds salins , qui est un des plus grands , avoit à la superficie de son sol , une croûte de sel marin assez épaisse«. Les collines de sable que nous avions sur notre gauche , paroissoient assez élevées ; les fonds., qui les accompagnent, étoient garnis de broussailles. Nous fîmes , dans l'après-dîner , à-peu-près quinze verstes. L'obscurité, accompagnée d'une petite pluie d'orage , nous obligea de prendre gîte près des deux citernes , qui étoient obs- truées par les roseaux et par la vase. J'y fis creuser et déblayer , et aussi-tôt les veines d'eau ruisselèrent à flots. L'une ne donna que des eaux salées , et l'autre des eaux saumâtres , qui sentaient la vase ; de sorte que nous fûmes obligés de nous contenter de celles dont nous nous étions pourvus à la dînée, Elle n'étoit guère meilleure , parce que l'eau de ces puits et de ces citernes est pleine de petits vers ; ce quila met en putréfaction pendant les chaleurs, pour peu qu'elle passe une heure dans les ton- neaux. Nous fîmes, le lendemain^ environ quinze verstes clans la matinée, et atteignîmes l'angle que forme l'Ârisch , ou la chaîne des collines (i) Franke nia hirsuta* i54 . 1773. de Sakha-Ouseît de sable dont j'ai parlé. Elle se porte d'ici axé sud. Nous fîmes halte près de trois citernes r dont les eaux saumâtres exhalent une forte odeur de soufre. Nous avions côtoyé, dans ce trajet de quinze verstes , beaucoup de fonds salins, et une longue mare d'eau salée,, qui borde la droite de la route 5 elle a assez de profondeur, et ne dessèche dans aucun teins. Le bouillon blanc > ou verbascum de Boerrhaave, croît près de cette mare dans le sable. On ren- contre cette même plante dans plusieurs cantons de la partie méridionale du Volga. Les montagnes de sable , près desquelles non» fîmes halte , sont , sans contredit , les plus hautes de toutes celles que nous avons passées. Leurs fonds sont considérables , et garnjs de saules , d'oliviers sauvages , et de peupliers. Le calligone y abonde ; j'en ai vu qui étoit près- qu'aussi gros que le bras. On trouve^ dans ces mêmes enfoncements , le fnstet à feuilles sim- ples etobverses (1). Le dessin que j'en ai donné a été exécuté avec soin. On remarque, sur les collines, une* variété particulière de genêt (2) sans feuilles , mais qui a beaucoup de branches semblables à des joncs très-minces. Cette grande quantité de branches forme comme un balai ; mais elles dessèchent tous, les ans. On les voit (1) Rhus cotinus. Appendix, n°. 3 ï î . (a) Spanium vpkyilum. Append. n°. 357 , et pi. XC1X« a Tsch àptsch atikt; i55* «Éparpillées clans les vallons, où le vent les a portées. Quoique ce genêt se reproduise cha- que année , par de nouveaux jets qui partent de sa racine, ils prennent , dans le courant de l'été, six pieds de haut. Lorsque je le vis, sa fleur commençoit à passer. Je l'ai trouvé en- suite sur les côtes sablonneuses , qui s'éten- dent entre Tschernoïarsk et Iénataei'ka , et particulièrement dans le pays qui borde la gau- che du Volga. Cet arbuste est très - commun dans les environs de Sassikol. Je remarquai, sur les montagnes de sable de F Arisch , un lézard d'une espèce particulière ; il est plus grand et plus beau que tous nos lézards d'Europe. Il a deux papilles, en forme de peigne, dans l'angle de la bouche. Comme le sang y circule, il peut les mouvoir à volonté. J'en ai donné le dessin 9 planche C > fig> 1 • Deux de mes jeunes compagnons de voyage l'a voient déjà apperçu ailleurs , M. Sokolqf, dans les déserts sablon- 3ieux d'Anketeri , entre le Kouma et le Terek , et M. Bikofy dans la partie du désert de Na- rin y qui fait face à la forteresse de Tscher- noïarsk. La rotite nous conduisit encore à travers une petite plaine de sable , où il croît beaucoup de muflier à tige de jonc (1). Sa fleur étoit pas- sée. Le pays varie tout- à-coup. On passe d'une (1) Antlrrhinum junceum* i56 1773.' de Sakha-Ousew contrée charmante clans une lande saline , aride et glaiseuse, remplie de fonds salins, où nous ne vîmes que des absinthes maigres , et quel- ques plantes salines , parce que les autres étoient déjà en fane 5 on y voit beaucoup de lézards liélioscopes ( 1 ) , et l'araignée - scorpion ( 2, ) , qui est très-grosse. Elle étoit boursoufflée par îa quantité d'œufs qu'elle avoit dans le corps'. Nous passâmes devant des éminences consti- tuées de glaise. Elles s'appellent Are an - To- xoGOi (3). Nous prîmes gîte à vingt verstes de FArisch , auprès de quelques fonds salins très- herbeux. Nous choisîmes une place 011 il y avoit une mare d'eau douce, en face d'une col- line que les Tatars > que j'avois avec moi, appe- loient Mi kg an (4). Les fonds étoien.t pleins de gypsophile pani- culée(5). Elle étoit en fleurs., et entourée d'in- sectes. J'y remarquai deux mantes ( 6 ) très- particulières , et quejen'avois pas encore vues. Elles se ten oient cachées sous les grosses tiges de la plante, pour guetter les papillons. Il ne faut pas croire , parles deux noms que je donne (1) Lacerta helioscopa. (2-) Phalangium araneoides. (3) Les dix collines. (4) Les mille collines. (5) Gypsophilla panlculata, (6) Mantis pectinL'ornls et gongylodes. A TSCHAPTSCHATSKI. l5>? à ces insectes , qu'ils forment deux espèces dif- férentes. C'est la même, si ce n'est que l'un $st le mâle, et l'autre la femelle. Nous voyageâmes, le 4> dans un pays aride, pierreux , et salin , où l'on passe plusieurs fonds salins et humides. Après trente - cinq verstes de route, nous fîmes halte près d'un vaste lac Salin , qui étoit à sec. Ses rives paroissent toutes rouges de loin $ ce qui fait que les Kalmouks lui donnent le nom d'OcirAN-KHAK ( 1 ). Au printems ,. ces fonds salins sont inondés par les eaux de neige. Ils s'étendent d'ici en forme â& chaîne le Ions; de la lisière occidentale du dé- sert de Varin jusqu'à la mer Caspienne. Ils sont entrecoupés > en certains endroits , par des val- lons dont le sol est de même nature. Nous fîmes encore dix verstes, sur le soir , pour aller pren- dre gîte près d'une traînée de collines de sa- ble , qu'on appelle Tabou n-Tologoï (a). Nous n'y trouvâmes que des citernes desséchées 5 ce qui nous fit passer la nuit sans eau. On voit ici des perdrix d'une très -jolie espèce, que- (1) Les Kalmouks donnent le nom de Khaak à tout fond salin, dont le sol argileux est presqu'entièrement dépourvu d'herbage. Ils se remplissent d'eau lors des pluies et de ta fonte des neiges ; et en été , la superficie 'du terrain est char- gée de sel. Ils appellent Khoutshir un fond garni de plantes salines grasses. (z) Les cinq collines. î58 1773» de Sakha-Oü set? nous apperçû mes, dans la suite , jusqu'au Volga.4 Elles se tiennent près des citernes et flaques d'eau. Elles ont de longues ailes pointues ; ce^ qui fait que leur vol est presque le même que celui du pigeon. Leurs jambes sont plus courtes que celles des autres perdrix. Elles boivent beaucoup : raison pour laquelle , sans doute , elles ne s'éloignent jamais des places où il y a de l'eau. En automne , lorsque les mares se dessèchent , elles se rapprochent de. la partie méridionale du Volga. Elles se nourris- sent particulièrement de graine de l'astragale pois chiche ( 1 ) , et de l'astragale à queue de renard (2) , qui abondent dans cette contrée. En automne j ce sont les plantes salines qui les font vivre. Eiles vont communément seules ou par couple , et en automne par compagnies. Elles jettent un cri aigu en s'élevant , et ne font pas de bruit dans leur vol. Leur chair est succulente , mais un peu coriace. Elles ar- rivent sans doute très-tard des contrées méri- dionales , car elles ne faisaient que de commen- cer leurs couvées. Leurs œufs sont blancs., et presqu'aussi gros que ceux de nos poulettes. [ Voyez X Appendix , n°. Si. ] Le 5 . nous fîmes encore quinze verstes (3) »—"' ■ ' ' - ■ ■"■■■'■ ■ ■ " ■ ■ ■ • ' "' » (1) Astragùlus cicer. (z) Astragalus alopecuroides, (3) J'ai calcule , dans tout ce voyage , les verstes par le tems que nous mettions à chaque trajet, j'ai confronté en- A TSCHAJTSCHATKHÎ, l5^ dans un steppe rempli de collines , pour arri- ver au Bourlou - Khoudouk , où nous prîmes gi te , parce que j'avois envie d'examiner un sel gemme dont les Kalmouks m'a voient parlé en 1769. La place , qu'on appelle Bourlou- Khoudouk, est un ensemble de dix-huit à vingt citernes, Il y en a dix à onze que l'on a très- bien appropriées, et qui ont près de douze pieds de profondeur. Elles sont vastes , et ont été creusées par gradins sur un fond de sable. Elles passent pour être les meilleures et les plus aqueuses de toutes celles qui existent dans la partie occidentale du désert. Leurs eaux sont limpides , et de bon goût. Les Kalmouks en fai- soient autrefois commerce ; ils en vendoient aux étrangers , qui traversoient ces contrées. Il y a plusieurs années que les Kalmouks ont découvert un sel gemme dans le steppe et dans une montagne qui s'élève beaucoup au-dessus clés collines de cette lande. Ils en alloient cher- cher pour leur usage domestique | c'est pour- quoi ils ont donné le nom de Tschaftschatkhi à cette place 5 ce qui signifie, dans leur lan- gue , un lieu où l'on travaille à la pioche. Ils appellent aussi , par cette même raison , la petite montagne dont je viens de parler, Ar- sargal - Schoogot (1). La direction des sels, suite ce calcul avec les bornes de distance cpe nous rencon^ trames le ionp- de l'Iaïk. (ï) Montagne de sel. î6o 1773. DE SaKH A-OlüSEM" établie à Saratof, y a envoyé , il y a quelques années, un officier de l'état - major, pour en faire l'inspection ; mais on n'a pas pris de déter- mination ultérieure > parce qu'on a craint sans doute que les frais de transport ne fussent trop considérables» Pour arriver à Tschaptschatkhi , il falloit se porter, nord -ouest, à travers une lande qui s'étend le long des montagnes , et qui est rem- plie de petites collines. Il y a dix vers tes de chemin. On trouve , dans les fonds , de vastes marais , où je vis le courlis noir(i), et quan- tité d'autres oiseaux aquatiques. Au pied de la montagne , on passe devant un vaste fond sa- lin , qui a bien deux cents toises d'étendue. Il y restoit encore un peu d'eau saumâtre et crou- pissante ; mais il se dessèche presqu'entière- ment vers l'automne. On découvre , à droite , mais dans le lointain., deux autres lacs vers la partie nord-est de la montagne ; l'un est très- saumâtre , aulieuque l'autre a de bonnes eaux. Cette montagne a environ huit verstes de dia- mètre. Elle est entrecoupée d'un vallon salin , bordé des deux côtés par des collines consti- tuées de rocailles. Ce vallon serpente de droite et de gauche , prenant sa direction au nord- ouest. On y rencontre d'abord des flaques d'eaux un peu saumatres , au lieu qu'en avançant on —— ■ ° ' ' ■ ' ' — (1) Tantalus faicinellus* T A TSCHAPTSCHÀTKHÏ.4 l6% y trouve , dans un fond salin , quelques citernes dont Jes eaux sont potables et assez bonnes. L'on voit, dans quelques fonds qui accompa- gnent ce vallon, un superbe pied d'alouette , avec des fleurs brunes (i). Les mouches à miel en approchent rarement. Cette montagne , cons- tituée d'un schiste calcaire , se montre , mal- gré cela , gypseuse , près de quelques collines qui y tiennent , et présente , dans quelques places , une sélénite qui se brise par feuilles rhomboïdes. En sortant de ce vallon, nous montâmes, à gauche , une petite côte , et atteignîmes , à sa proximité , un vaste fond salin. Il est dans une profondeur de la montagne , qui forme chau- dron. Il a bien un vers te et demi d'étendue. Il étoit dans ce moment à sec , à l'exception de quelques petites mares. Ilya, dans le milieu A une ouverture de mine où Ton avoit exploite dans une vase argileuse et tenace. M. Gmélin me dit , dans la suite , qu'il y avoit perdu sa tarrière en faisant creuser pour s'assurer de la nature de cette mine. Ce fond salin forme une courbe, prenant à-peu-près sa direction du sud au nord. Il est entouré de collines chauves , qui présentent quelques sélénites. On trouve plusieurs fossés et cavités à son extrémité sep- tentrionale , dans un petit vallon qui s'ouvre ~- f- - 1 1— — i— 'mm î1 • y •'•- -~ • • un i - i- i iim— h ihiwi iwwnnwmi (i) Delphinium puniceum. Appendk , i\°. 336. Tome VU* I« l6% ï?73. de SakkEA-Ouseit vers le lac, qui est à sec ; et en face , on voit le talus méridional d'une éminence assez forte. Il paroît que quelques-unes de ces cavités n'ont été formées que par des éboulemens de terre. J'en ai remarqué une entr'autres qui présente immédiatement au-dessous d'une glaise mêlée de coquillages d'escargots , un beau sel gemme en masse, qui a la pureté du cristal. Je pense qu'on parviendroit facilement , dans d'autres ,, à obtenir un sel pareil, en déblayant les terres éboulées. La surface de cette éminence ou monticule paroît très-raboteuse , et va, avec la montagne, aboutir au vallon en pente escarpée. On ne sauroit fixer à quelle profondeur se porte le sel , sans y sonder par des travaux entrepris avec beaucoup d'attention. Mais on ne peut douter qu'il ne s'étende très - avant dans cette côte. Les parties nord et est de cette montagne sont pleines de cavités et ravins , qui partent de la cime où l'on a creusé du sel. Ces ravins ont sans doute été formés par la fonte des sels , occasionnée par les eaux externes qui ont pé- nétré dans l'intérieur. On voit, du même côté, à trois cent cinquante toises environ de la fosse , deux petits lacs. Celui qui est à l'est se trouve dans un profond enfoncement qui forme le chaudron'. Il a des eaux très-salées ; l'autre est dans un fond bien moins considérable , et ses eaux ne sont que saumâtres. A TSCHAPTSCHATKHI.' l63 La partie occidentale de la montagne est pleine de rochers chauves et arides. On ren- contre sur la cime quelques tombes qui sont assez considérables. Elles ont été construites en pierre et en terre. Cette contrée a beau- coup de ressemblance avec les montagnes d'In- derski , dont j'ai parié dans le cours de mes voyages. Je rencontrai, sur quelques - unes de ces montagnes , la molucelle tubéreuse (i). J'y vis en même tems des restes de la lunettière ou biscutelle didyme ( 2 ) , et la rhubarbe rîiapontique (3). Cette dernière est très-abon- dante. Ces trois plantes sont constituées comme beaucoup de plantes des steppes , que la na- ture a ordonnées de manière qu'au moment de leur maturité , elles étalent leurs rameanx , qui se détachent alors très - facilement de la racine ; de sorte qu'emportées par le vent , leurs graines se répandent au loin , et se sè- ment d'elles-mêmes. Il en est de même du ca- chrys (4). Ses jets forment la boule, comme ceux de la rhubarbe rhapontique \ par ce (1) Molucella tuberosa, (2) Biscutella didyma. (3) J'ai fait mention de ce rheum rhapontlcum sauvage des steppes de Tatarie; mais j'ai oublié de dire que cette plante a une feuille parfaitement semblable à celle du rheum ribes [ rhubarbe bouillonnée ] , dont Rauwoif nous a donné un dessin très-exat~t. (4) Cachrys odontalgica. ï64 *773o de Sakha-Ousej? moyen , la plante roule facilement clans la plaine , pour peu qu'elle soit poussée par le vent. La hiscutella didyma et la molucella tu- berosa ? dont je viens de parler, ne sont pas moins sujettes à être entraînées par les vents ; la première , par ses capsules , et l'autre par ses larges calices. On voit , près des fonds salins , la belle soude laineuse ( 1) , l'orcanette orien- tale (2) , et la salicorne d'Arabie (3). Les jets de cette dernière étoient maigres. La triumfette (4) y vient d'une beauté supérieure. Ony trouve éga- lement le brome écailleux (5) , et le pavot rouge ou coquelicot ordinaire (6). Je n'avois pas encore vu,, en Russie, cette plante croître sans cul- ture. Ce pavot et ce brome abondent dans cette contrée. On voit ici beaucoup d'insectes très- rares. Des aigles de différentes espèces avoient fait leurs nids sur les collines chauves de ce canton 5 leurs petits n'avoient pas encore de plumes. Près des fosses où l'on a creusé du sel, on remarque beaucoup de pierres calcaires très-lisses ? et des pierres de grès. On voyoit sur ces pierres des écritures Mongoles et Tan- (1) Salsola lanata, (2,) Onosma orientalls* (3) Sallcornïa arabica, (4) Trlumfetta Icippula, (5) Bromus squarrosus, (6) Papaver rhœas. A TsCHAPTSCHATKHï. l65 goûtes. Les unes présentaient des prières qu'on y avoit gravées sans cloute pour les transmettre à la postérité ; les autres étoient cle petites inscriptions , qui paroissoient n'y avoir été mises que pour laisser le souvenir des voyages faits en ce lieu. Je m'étonne qu'on n'ait pas encore songé à l'exploitation en règle de ce superbe sel gemme, qui est en même tems d'une qualité supérieure. Si l'on se déterminoit à l'entreprendre , les en- virons du puits de Bourlou - KhoucTouk offri- roient un emplacement très - avantageux pour faire camper le détachement qu'on y enver- roit pour la sûreté des ouvriers. Quant au trans- port du sel , on ne pourroit le tenter qu'en hiver et en automne \ peut-être aussi au prin- tems , si la saison étoit pluvieuse , parce que d'ici au Volga on a plus de quatre-vingts verstes à travers des collines de sable , où la route est presqu'impraticable en été , ou au moins très-pénible. En choisissant l'hiver, on auroit un avantage de plus; ce seroit de trouver le fourrage nécessaire pour nourrir les bêtes de somme , et principalement les taureaux qu'on employeroit. Ce fourrage , les roseaux qui croissent en abondance dans les fonds , le four- niroient. Au printems et en automne , on ne manqueront pas d'eau sur toute la route , en donnant plus de profondeur à deux puits , qui s'appellent Soon et Dutschix - Kkoudouk, et 5 l€6 1773. DE TsCHA PTSCH A TKHI dont les eaux sont excellentes , et reposent su? un lit de sable. Je retournai j vers le soir, à Bourlou-Khou- douk. L'obscurité nous ayant surpris , mes Kosaques s'égarèrent , en voulant trouver un. chemin plus commode à travers la plaine qui est remplie de fonds. Nous errâmes pen- dant huit verstes y sans savoir où nous allions. M. Soziïef, s'étant un peu séparé de nous y nous perdit tout-à-fait. Ne pouvant plus nous joindre , il passa la nuit dans le steppe, et at- tendit le jour pour venir nous trouver au gîte dont nous étions convenus la veille , et où nous arrivâmes très-tard. Nous eûmes , ce même soir , une peur bien inattendue. A peine étois-je entré dans latente que j'avois fait dresser, que j'apperçus une araignée- scorpion , qui se promenoit sur nos habits. On vint heureusement à bout de la tuer avant que personne en eût été blessé. S- I X. De Tschaptschatkhi a GrAtschefskoï. Du 6 au 19 juin. Soon-Khondouk y i5 verst. — Akhtouha > ^5 v, — Tatars de Koiuidourof. — Sélitrennoï- Gorodok y i5 verst. — Séroglasofskoï -Staniz. — Krougloh-Gorodok , 2,3 verst. — Lébiashié- A Gratschef s ko ï. 167- Staniz , 24 v- — Dournofskaia-Podstava , 17 verst. — Astrakhan y 22. Verst. Sérogla- sofskoï - Stanizy 86 verstes. — Kosikofskoï- StaiùZ) 24 verst. — iénataefskoï-Kriépost > 2.4 verst. — Kovanofskoï - Staniz , 26 verst. — Vertliaenskoï- Staniz , 21 verst. Gratschef- skoï- Staniz , 33 verst. Nous quittâmes Bourlöu-Khoudouk le 6 juin. Le steppe se remplit de plus en plus de col- lines 5 on traverse ensuite un pays qui n'est que sable mouvant : ce qui rend la route très« pénible. Cette contrée est pleine de citernes $ c'est pour cette raison que les Kalmor et l'orcanette orientale (5). Lorsque les fleurs de cette or- canette commencent à paroître , elles sont jau- nâtres 5 mais elles se colorent ensuite en rouge garance. Il en est de même de l'orcanette vi- périne (6) , lorsqu'elle vient dans un terrain sec et argileux. Après un trajet très - pénible à travers ces montagnes de sable , nous apperçumes enfin un bras de l'Akhtouba , et ensuite le Volga. Tous deux avoient quitté leur lit, parce que les eaux étoient très - hautes. Nous prîmes à gauche pour atteindre l'eau le plutôt possible. Il étoit tems 5 car nous mourions de soif, et nos (1) Gllcyrrhisa as per a. (?.) Cmium caspium. (3) Molucella tuberös a, (4) Hyoscyamus aureus. (5) Oriosma orientalls. (6) Onosma echioides. A G R A T S C II E F S K O ï. ljl chevaux n'en pouvoient plus. Depuis soixante jours nous n'avions pas eu d'eau ; la chaleur était étouffante , et nous marchions à travers un chemin pénible et harassant. Nous en avions rencontré dans les steppes ; mais c'était une eau saumâtre , et à moitié croupie. Elle ne tar- dait pas à infecter, dès que nous voulions en conserver dans des bariques , pour n'en pas manquer tout-à-fait. L'endroit où nous attei- gnîmes l'Akhtouba se nommoit autrefois Xer , parce que c'est en cet endroit que se faisait le commerce d'échange avec les Kalmouks- Torgoutes. Il nous restoit encore quinze verstes pour arriver à Tschiguk ou Sélitrennoï - Go- rodok. Nous côtoyâmes l'Akhtouba , dans l'es- pérance de pouvoir le traverser en cet en- droit. J'eus occasion de voir sur cette route une espèce de Tatars ou Mankates , qui mènent une vie pareille à celle des Bohémiens vaga- bonds que l'on rencontre dans quelques parties de l'Europe \ ils sont originaires du Kouban. Ils vivoient autrefois , comme vassaux , avec des hordes Kalmoukes qui étoient gouvernées par des Khans. Ils y avoient été placés par une ordonnance de l'empire. Mais après la défec- tion d'une partie de ces Kalmcuks, ils cher- chèrent à se mettre en sûreté. Ils formèrent à- peu-près mule tentes, et ont actuellement la permission de se porter, avec leurs troupeaux, 172 177^- DE Tschapschatkhi le long de PAkhtouba depuis Tscliiguit jus- qu'à la mer. Ils se donnent le nom de Koun- xjoürau , comme la plupart des peuples qui oc- cupent le Kouban. Ils prétendent , d'après cette dénomination , être le même peuple que celui à qui nos anciens géographes donnoient le nom (I'Hamarobites (î). Nous rencontrâmes trois de leurs villages ambulans. Leurs iourtes ou îourtens (2) diffèrent > par la forme et par la cons- truction , de celles des Kalmouks , et autres peuples Nomades de l'Asie. Elles ne sont pas susceptibles d'être démontées par pièces comme celles-là ; mais elles sont aussi plus légères , et de simple grandeur , de manière à pouvoir être placées sur une charrette ; c'est - à - dire , qu'elles ont tout au plus huit à neuf pieds de diamètre. Ils les composent d'un léger treil- lage en cercle. Le couvert est fait de légères pièces de bois qu'ils courbent en forme de voûte. Une des extrémités de ces pièces de bois est fixée au treillage , et l'autre passe dans une pièce formant anneau j lequel sert d'issue à la fumée. Ils entourent le treillage d'un pail- laisson fait avec des roseaux , et couvrent en- (1) Campes très Scythœ , Quorum p laust ra vagas rite trahunt domos. Horat. (a") Je dois observer que le mot lourten est le pluriel Allemand du mot Tatar lourt. Voyez ma note de la page 200, du tom. VI. ( hanglès. ) A G R A T S C H E F S K O î. 1 j3 suite toute la cabane d'un feutre , qu'ils fixent aussi de manière à ce qu'il ne puisse pas être enlevé lors du transport. Lorsqu'ils passent d'une contrée à une autre , ils mettent cette tente ou cabane sur une grande charrette à deux roues ( Arba ) , de manière qu'elle repose devant et derrière sur les brancards , et cou- vre les roues des deux côtés. Ils déposent sur la même charrette leurs petits effets , leur vais- selle et les cassettes qui renferment leurs habille« mens. Les riches possèdent deux et quelquefois trois cabanes , selon que la famille est plus ou moins nombreuse. Ils ont de plus une charrette particulière , qui porte une espèce de maison- nette en charpente, à- peu-près semblable aux cabanes portatives de nos bergers , et dans la- quelle ils couchent avec leur femme. En été , lorsqu'ils ne s'arrêtent pas long-tems dans une place avec leurs troupeaux , ils ne se donnent pas la peine de descendre la cabane de dessus la charrette \ ils se contentent de s'asseoir des- sous , pour se mettre à l'ombre , et y font leur besogne. Pour enfermer le jeune bétail, ils forment un enclos autour de cette même char- rette, au moyen de clayons très-bas. Mais lors- qu'ils rencontrent un pays où les pâturages peuvent fournir long-tems à leurs trouoeaux , ils mettent leurs cabanes en ordre , déballent tous leurs effets , et placent., au - dessus de l'ouverture du haut, un petit drapeau d'é- lji ijyo- de Tschaptschatkhi toffes de diverses couleurs , ou une pièce de feutre du côté où vient le vent. C'est sans doute à cause de la fumée , ou peut-être aussi pour servir d'ornement à la cabane. Ces Mankates ont quelque chose de sauvage dans la physionomie ; ils sont tellement hâlés du soleil , qu'on les pren droit pour des In- diens. Les femmes ont de beaux traits et une figure agréable, tant qu'elles sont jeunes. Elles portent des bonnets garnis de petites plaques d'étain et de fer-blanc, à-peu-près semblables k ceux des KArguises. Elles ont un voile par- dessus ce bonnet. Elles attachent des anneaux dans les côtés des narines , et de longues tresses qu'elles ont soin de cacher. Ces peuples sont riches en bestiaux , et se servent de taureaux pour leurs chariots. Ils y en attelent commu- nément deux , et en mettent quelquefois un troisième en flèche. Ils payoient autrefois un tribut ou redevance annuelle au Khan des Kalmouks. Cette redevance consistoit en bes- tiaux, beurre, et autres objets de consomma- tion. Maintenant , quoiqu' affranchis de toute redevance , ils n'en sont pas moins voleurs , et exercent leurs brigandages par - tout où ils peuvent , soit contre les Russes du voisinage > soit contre les voyageurs. On sait , d'après des relations authentiques , que les Tatars de la Crimée et de Bessarabie ont les mômes mœurs , les mêmes traits , et le même genre de vie que ces Mankates. A G R A T S C I-ï E F S X O ï. 173 En côtoyant l'Akhtouba, nous vîmes , le long de ses rives } l'harmale cl'Assirie ( 1 ) , et l'eu- foncement qui borde ce ruisseau est garni de réglisse. Cette harmale se plaît beaucoup dans les terrains salins et imprégnés de salpêtre , et dans ceux où il y a des décombres. La rai- son pour laquelle elle est si abondante le long de ce ruisseau , tant au-dessus qu'au-dessous de Tschiguit, est qu'il y existe quantité de décombres de briques , pierres , et plâtras , et même encore des fondemens d'anciennes ha- bitations Tatares. Ses fleiïrs sont très -belles $ mais la plante est en général si puante , que les animaux mêmes l'ont en horreur. Lebrom« des toits (2) se plaît aussi dans ces décom- bres. Nous prîmes gîte à Sélitrennoï - Gorodojc. C'est une ancienne salpêtrière, située sur une côte qui s'étend à dix verstes \ elle se trouve précisément dans le milieu. Cette côte ou chaîne de collines borde l'Akhtouba ; elle a deux verstes de largeur. On n'y voit que des décom- bres de briques , des traces de tombes en ma- çonnerie qui ont été fouillées et bouleversées , et celles des bâtimens d'une ancienne ville ha- bitée par des Tatars Nagaïs , qui doit avoir été considérable. On y avoit construit une petite (1) Peganum harmala, (i) Bromus tectorum. Ij6 1 JJO, DE T S C H A P T S C H A T K H ï forteresse , où Ton envoyoit un détachement pour protéger les ouvriers qui travailloient au salpêtre $ mais elle est entièrement tombée en ruines , ainsi que les bâti mens qu'elle renfer« moit. Il y existoit aussi un château entouré d'un gros mur. Tout étoit situé sur la plus forte des collines qui constituent cette chaîne. On y voit encore de ces ruines ', principalement celles de deux bâtimens, qui avoient été ense- velis sous les décombres 5 mais elles ont été remises au jour , soit par les ouvriers qui tra- vaillent au nouvel établissement de salpêtre , soit par des gens avides , qui s'occupent de la fouille des trésors. On avoit creusé principa- lement sur celles qui appartiennent au bâti- ment le plus considérable , et qui montroit avoir eu quelque chose de majestueux. On ju- geoit , aux ruines et aux 'fondemens du second , que cette maison avoit été bâtie pour y loger. La distribution présentoit beaucoup de petites chambres ; et l'on voyoit dans les fondemens plusieurs caveaux destinés à y déposer des morts -j c'est ainsi sans doute que se faisoient enterrer les Khans. On a tiré jadis quelques richesses de ces caveaux ; savoir , des cercueils garnis en argent. Ce bâtiment formoit, selon les apparences, un carré long, s'étendant du nord-nord- est au sud- sud- eues t. Il avoit douze toises environ de longueur , et la façade du sud comportoit à-peu-près huit toises et demie en Ä G R A T S C H E ? S K O Ï. I77 ©n largeur. On y voit deux séparations, qui sont encore assez semblables et très - faciles à reconnoître. C'est sans doute sous celle qui est au nord , que se trouvoit le caveau où Ton déposoit les morts 5 on y distingue encore les fosses. L'autre est plus au sud, et par consé- quent attenante à la façade , dont les murs de fondement ont conservé le plus de hauteur, puisqu'ils ont encore plus de deux toises sur quatre pieds de largeur. Cette façade étoit ac- compagnée de pilastres, de colonnes et d'ar-* cades , le tout dans le genre gothique. On en voyoit encore des restes. La partie des murs qui avoient été conservés montroit une ma- gnificence et une régularité que je n'avois en- core apperçues dans les ruines d'aucun bâti-' ment Tatar. Ces murs étoient construits en belles dalles faites en briques , et la maçon- nerie avoit été supérieurement suivie et exé- cutée. L'extérieur des murs étoit ordonné en champs , et chargé d'ornemens en terre à po- tier, vernissés et colorés en vert , jaune , blanc, et bleu. Ces ornemens représentoient des trian- gles et autres figures. On remarque encore > sur la principale façade du bâtiment , un stuc gothique , vernissé , et représentant des fleurs , ^ des feuillages , et des volutes. On y voyoit de même des encadremens entiers en carreaux de terre cuite, représentant une mosaïque. Mais les années , les injures dutems, et encore plu$ Tome VU. M %fd Î773. DE TsCHAPTSCHATSKHf ce goût frénétique du peuple pour la destruc« tion, ont fait des décombres de ces restes re- marquables de l'antiquité. On a envoyé à As- trakhan des charges entières de bateau des bri- ques qu'on a retirées de ces bâtimens ; mais clans la démolition , le ciment s'est trouvé si dur ß que sur deux mille de ces briques , on en a sauvé à peine la moitié , tant il y en a eu de brisées. Quoiqu'on ait tiré anciennement d'ici beaucoup de monnoies et autres antiques 9 on m'a assuré que l'on en rencontroit encore en fouillant. Je doute qu'il en soit parvenu beaucoup au cabinet impérial des antiquités : encore n'y auroit - il que demi - mal , si elles étoient tombées entre les mains de curieux et de connoisseurs. Mais il est fort à craindre qu'elles ne soient devenues la proie d'hommes qui n'ont pour but qu'une sordide cupidité. On rencontre y à un demi-verste à- peu-près .de Sélitrennoï-Gorodok , une tombe rehaussée en colline; elle est remarquable par sa gran- deur ; on l'avoit ouverte, et entièrement bou- leversée. Les Tatars de Koundourof , et autres, ne manquent pas d'y venir en pèlerinage faire leurs prières , lorsqu'ils se trouvent dans le voisinage. Ils y attachent beaucoup de supers- tition , et disent qu'on y a enterré un saint de leur religion , qui est la mahométane. Ils ap- pellent ce lieu Dshiguit-Hadshi ; c'est de-là qu'on donne aussi le nom de Dshigpit à Se- A G R Ä T S C H S F S K 0 ï. IJ$ Ktrennoï - Gorodok. Ces Tatars assurent que ce saint fait encore des miracles , qu'il guérit des malades , et qu'il leur apparoît quelque* fois en sonp^e. Sont-ce des vérités , sont-ce des rêveries ? C'est sur quoi je ne me permets aucune réflexion. La salpêtrière dont j'ai parlé , a été éta- blie, il y a nombre d'années, par un nommé JSlolostof. Le gouvernement s'en étoit ensuite chargé ; mais elle a été cédée depuis au sieur Kobïaekqfy négociant d'Astrakhan , qui en est le propriétaire actuel. Il étoit occupé à la re- mettre en activité ; mais ses affaires ne sont pas en assez bon état pour qu'il réussisse dans cette entreprise. Ce n'est pas par la matière qu'elle manquera jamais 5 car il y a une telle quantité de terre nitreuse dans toute la con- trée, qu'il s'en présente par-tout une forte cou- che à la superficie du sol 5 sa qualité est su- périeure. Il y a des places où le terrain est imprégné de salpêtre à une assez forte profon- deur \ mais il est en même teins très-salin. C'est sans doute à cette qualité du sol, qui, sans aucun autre secours que celui de la nature , se trouve rempli de sel natif, et en même tems à la transmutation de ce sel, qu'on doit cette abondance de salpêtre. Les endroits où. il y a des décombres en fournissent aussi 5 de ma- nière que cette salpêtrière rendoit autrefois , chaque année , trois à quatre mille pouds de M % salpêtre préparé au gouvernement qui le payoît extrêmement bon marché ; malgré cela., le sal- pêtrier avoit au moins deux tiers et plus de bénéfice. L'entrepreneur actuel n'a presqu'au- cune dépense à faire pour se procurer les us- tensiles , puisqu'il y a trouvé les chaudières , et quantité d'autres objets de fabrique« On rencontre, à de certaines places sur le rivage , une sélénite d'un jaune qui tire sur le brun : On la trouve dans une argile rougeâtre. Elle est mêlée de sable , et foliée en boutons , qui se tiennent l'un à l'autre. Je n'ai vu nulle part autant de serpens que parmi les décombres et ruines de ces anciens bâtimens Tatars , et dans les fonds. Ce sol sa- lin et imprégné de salpêtre, produit une grande diversité de plantes , c'est - à - dire ,, celles qui se plaisent dans un pareil terrain , entr'autres beaucoup de lycium d'Europe (1) , qui a une forte ressemblance avec la nitraire (2). On ren- contre, auprintems, l'hypécoon à gousses pen- dantes (3) , et un joliornithogale (4) , qui y est très- commun. M. Gmèlin avoit déjà parcouru cette con- trée l'été dernier. Je ne m'y arrêtai pas plus (1) Lycium europeum. (i) Nitrarla* (3) Hipecoum pendulum* {4) Ornithogalum* A Gkatschbtskoï. 18^ long-tems , parce que le bac que j'avais ob- tenu avec bien de la peine pour passer l'Akhr touba , m'attendoit , et qu'on devoit le rendre ensuite à deux cents Kosaques de Plâïk, qui a voient à traverser cette même rivière , pour se rendre aux limites du Kouban. Le vent , qui nous étoit contraire , changea un peu vers midi ; nous nous mîmes- aussi - tôt en route. On passe d'abord l'Akhtouba , ensuite un bras de cette rivière , qui s'appelle Bann ai a. On a ensuite le Metschetnaia ; après quoi l'on traverse le Volga , qui étoit débordé . La tra- versée de ce fleuve et de ses bras , qui et oient aussi sortis de leur lit , embrassoit trente vers- tes depuis Sélitrennoï à Séroglasofskôï-Staniz 9 où nous n'arrivâmes que sur le soir. Séroglasofskoï est un de ces Staniz que le gouverneur d'Astrakhan et le sénateur Kéguétof ont établis , il y a quelques années , pour la commodité des postes et des voyageurs. On en rencontre depuis Astrakhan jusqu'à Tscher- noïar. On a mis dans chacun cinquante à qua- tre-vingts Kosaques. Les uns ont des maisons construites en charpente $ les autres occupent de simples cabanes bâties en clayonnage récrépi de terre Franche. Ces habitations sont entourées d'un rempart revêtu de petits bastions et d'un fossé : le tout est défendu , en première ligne , par un revêtissement en fascines * Elles forment un fortin ► M 3' S&a Î773. 15E T$CKA?TSCHATSKSl Nous n'étions qu'à quatre-vingt-six verstes d/Astrakhan. Les fonds commençant à me man- quer , et me trouvant hors d'état de payer les appointcmens et gages qne je devois aux personnes de ma suite , je résolus de m'y ren- dre 9 en laissant tous mes équipages en arrière. Cette occasion satisfaisoit en même tems la curiosité que j'avois de voir cette ville célèbre. Je fis venir , le même soir, des bidets de poste , et partis à francs étriers. La route de Séro- glasofskoï à Astrakhan est très-pénible, à cause d'une continuité de collines de sable , dont quelques-unes ne sont que sable mouvant, Le premier poste que l'on rencontre se nomme Krougloï ou Dshamianovo Gorodok» Cette dernière dénomination lui vient d'un prince Kalmouk , qui y est mort depuis peu. Il s'appe-' loit T>shamîang. Le gouvernement lui avoit fait construire un beau palais , quoiqu'en char- pente , avec une chapelle et un corps d'écuries, ïl reste toujours habité par la veuve et les des- cendait de ce prince ; ils ont une garde d'hon- neur composée de Kosaques. Krougloï - Gorodok est situé sur un terrain qui n'est que sable mouvant , dans lequel sont déjà enterrées les maisons placées à l'extré- mité de l'endroit, et une partie des fortifica- tions. Les chevaux ont toutes les peines pos- sibles pour se tirer de ce sable. Il y a., tout près de cette forteresse , un petit lac de sei A GxÂTselâîïSAôt ï83 amer , dont les eaux sont très- saturées. II est à quelque distance du Volga. Je passai Léhia- shié dans la nuit , et n'atteignis Dournofskaia-* Podstava que vers le matin , à cause des sa- bles qui sont très -profonds. On a encore vingt - deux verstes pour arriver au bac dont on se sert pour passer à Astrakhan. Je ne m'étendrai pas sur de gros vataguen ou villages de pê- cheurs que je rencontrai sur cette route , ni sur le Scharénoï -Bougor, qui est au- dessus de l'endroit où l'on traverse le Volga. Les dé- combres que Ton y voit, où Ton a fouillé jadis pour trouver du salpêtre > prouvent qu'il y avoit anciennement une ville dont les ruines ne sont cependant pas , à beaucoup près , aussi importantes que celles que Ton rencontre près de Dschiguit. En parlant de ce que cette ville offre de remarquable, je ne ferois que répé- ter ce que plusieurs voyageurs et historiens en ont déjà dit (1). Je trouvai à Astrakhan M. Gmélïîi. II fai- soit des préparatifs pour son second voyage en Perse qu'il termina si malheureusement. J'y demeurai jusqu'au 16. Ayant fini toutes mes affaires , je partis vers le soir , et voyageai toute (i) Je conviens que mes lecteurs ne se contenteront pas de fee que des voyageurs et historiens Allemands et Russes ont dit de cette ville ; mais je les renvoie à l'histoire de Russie* par Ledere , père et fils,' ( Note de l'Editeur. ) M A i84 Î773. DÉ TsCHAFTSCHiTS^kf la nuit pour aller rejoindre ma suite et mes équipages à Séroglasoiskoï. Je pris d'abord la même route que j'avois tenue en venant $ mais après dix vers tes de chemin , je pris vers Tsehernaia-Griada , et passai devant un bourg fortifié , peuplé de pêcheurs. On rencontre là , sur le bord du Volga , qui est élevé et consti- tué d'argile , des couches complètes de coquil- lages marins , parmi lesquels on en voit plu- sieurs qui sont indigènes à la mer Caspienne. Le steppe se charge de plus en plus d'une terre franche , et acquiert , par ce moyen , plus de solidité. L'on traverse cependant encore , ça et là , des cantons sablonneux jusqu'à Iénataf- skoï-Kriépost. Je fis, ce' jour-là, deux postes. L'on ne paye la seconde qu'à raison de qua- torze verstes', parce qu'il y a en une erreur lors du mesurage et de la fixation des distances. Quoiqu'elle ait été reconnue dans la suite , et que l'on se soit assuré qu'il y en a vingt-quatre ? on a laissé subsister la même taxe. La forteresse d'Iénaiaefskaia au Schimia- Baxgàsoi>n (1) , appelée ainsi par les Kalmouks, n'est pas de grande conséquence. Il n'y a que huit marchands, qui font peu de commerce, et le reste de sa population consiste en soldats réformés et en Kosaques. La forteresse forme un carré entouré d'un rempart en terre bien (ï) La ville neuve. k G R A T S C H E F S K O ï. l85 solide, et flanqué de quatre bastions. Elle est située près du rivage élevé d'un bras du Volga j mais il est à craindre qu'elle ne se conserve pas long-tems , à cause du terrain qui est sa- blonneux. Il y a dans son enceinte plusieurs bâ- timens qui appartiennent au gouvernement.' Les principaux sont la maison du commandant de la place , une autre où loge ie colonel des officiers de l'état-major , qui ont l'inspection sur la horde des Kalmouks. Cette maison se nomme Pristaf. Un troisième bâtiment est une espèce de palais où logeoit autrefois le Khan des Kalmouks. Il est occupé actuelle- ment par un prince de la même nation de la tribu Torgote. Il a été élevé à Pétersbourg dans le corps des cadets y lors de son baptême, on lui a donné le nom d? Alexéi- Dondoukof? il est maintenant colonel. Les maisons ordi- naires forment un petit faubourg près de la partie méridionale de la forteresse, au- dessus de laquelle on a établi un vatague. Comme il n'y avoit rien qui pût m'engager à prolonger mon séjour à lénataefska , je me mis en route le lendemain à midi. La première poste se nomme Kopanofski $ cet endroit est habité par des Kosaques de Doubofskoï , qu* y ont fixé leur domicile. Il y a vingt-un verstes d'ici à Vertlïcenskoï - Staniz , et de là trente- trois à celui de Gratschefskoï. Ils sont bien construits et peuplés par des Kosaques d'As- i86 I7j3. DE Tschâptsckât^hî trafchan. Le steppe que nous venions de tra~ verser est si mauvais et si aride, qu'on n'y voit que quelques chétives plantes très-éparses. Il y croît, en revanche , beaucoup d'alhagi ou sainfoin épineux (1). Arrivé près de Gratschef - ska, je fus plus heureux. Je m'y arrêtai, le 3k 8 y jusques vers le midi, à faire une collec- tion de toutes les plantes d'été qui émailloienl le rivage. J'y trouvai le phloinis herbe-au-vent(2), la dracoeéphale à fleurs de thym (3) , la sauge des bois (4) , le sisymbre à hautes tiges (5) , la scabieuse de l'Ukraine (6) , l'ail noir potir- pre (7) , la lavatère de Thuringe (8) , le piga- mon jaune (9) , l'échinope a&urée (10), la car- claire laciniée (11) , l'achillée ou mille feuille à odeur (12), le caillelait glauque (i3) , la sonde penchée, et la soude éehioïde ( 14 ) y le broms (1) Hedysarum alhagi, (2) Phlomis herb a venu, (g) Dracocephalum thymifiorum» (4) Salvia nemorosa. (5) Sisymbrium altissimum. (6) Scablosa ucranlca, (7) Allium descendens. (8) Lavatera thuringica» (p) Thalictrum flaviim* iio) Echinops rltro. .'t i) Dipsacus Laciniatus. i) AchilUa odorata. • j ) Gallium glaucum* (£4) Salsola prostrata et echioides* k G 1 A T 8 C S B M KO ï, 187 à épis rudes (1). L'enfoncement du rivage étoit garni de l'euphorbe des marais (2). Une va- riété particulière de réglisse (3) étoit déjà dé- fleurie , et Ton voyoit dans les places où le rivage est constitué de terre franche ou glaise , la véronique d'Autriche à feuilles finement dé- coupées (4) 5 elle y abondoit : mais elle étoit déjà en graine. Elle est tout aussi commune près du Volga , et s'étend jusqu'au dessus de Doubofka. S. X. De Gratschefskoï a SarpinskAiA»1 Du 19 au 3.6 juin. Kriépost - Tschemoïarskaia , 39 verstes. — * Tschernoïarsk. — JMesenskaia - Podstava r 35 verst. — Kamenskaia-P odstava , %5 v. — Solotnikova-Podstava , 18 verst. — Popovit- schkaia-P odstava , 18 v. — Patianofskaia- Podstava 9 18 verst. — Colonie de Sarpins- kaia , 5 verst. Après m'être amusé à botaniser, je pris la (1) Bromus squarrosus, (z) Euphorbia palustris. (3) Glicyrrhi^a lœvis. (4) Veronica austriaca. Cette plante ne montre aucune affinité avec la veronica pinnata, quoiqu'elles aient été con- fondues ensemble dans k Flor» Sibir. III, p. z,zz. i8& *773. ce Gratschbtskoi* routé de Tsonernoïarskaia-Kriépost. Nons trâ4 versâmes un steppe aride et plein de monti- cules, etpassâmes ensuite une baie. Nous avions des chaleurs excessives , et les plantes d'été étant passées en partie , il ne me restoit plus qu'à recueillir des graines. N'ayant pas de tems à perdre , je m'arrêtai quelques jours , et envoyai quelques-uns de mes jeunes gens vers un lac salin, situé en-delàdu Volga, pour y observer les plantes salines qui y croissent , me réser- vant de m'y transporter moi-même vers l'ar- rière-saison. Les Kalmouks nomment ce lac Bogdo - Dabassoun. Mes jeunes observateurs y arrivèrent trop tôt , car la plupart de ces plantes ne faisoient que montrer leurs dards. Ils trouvèrent en fleurs l'asclépias maritime (i) ; il croît dans plusieurs fonds qui avoisinent le lac salin. J'ai vu , dans la suite , cette même plante sur des rives salines du Volga 3 et près du lac salin d'Elton. Je n'ai rencontré nulle part le statice trigone (2.) , et la polycnème mo. nandrique (3) en aussi grande abondance que dans les environs de Tschernoïar, Cette der- nière croît principalement dans la partie sep- tentrionale des fossés de la forteresse , et près du poste le plus voisin de Tschernoïar. (1) Asclepias maritima, (z) Statue trigona. (3) Polycnemum monandrum. a Sarpin s kAï a. 189 La forteresse de Tschernoïarsk est située sur mie rive très élevée , constituée de terre fran- che. Elle a huit à dix toises de hauteur per- pendiculaire. On y remarque , à six et huit toises au-dessus du niveau des eaux , des cou- ches entières de coquillages marins calcinés, et beaucoup d'autres coquilles éparses dans le gravier. La partie la plus inférieure du rivage renferme des couches d'argile endurcie : on y Toit toutes sortes de petites pierres et cailloux déjetés hors du sable , qui ont différentes formes singulières. La nouvelle forteresse est vaste ; les fortifi- cations consistent dans un rempart construit avec beaucoup de régularité , et flanqué de plusieurs bastions. Elle est assez peuplée 5 ce qui n'est pas étonnant , puisqu'elle existoit cent ans avant l'établissement d'Iénataefka., qui n'a été bâti qu'en 1744« On n'a construit cette der- nière que pour servir de barrière contre les hordes Kalmoukes , et l'on n'a cherché à la peupler que de Kosaques habitués dans le can~ ton. On trouve, immédiatement au-dessous de la npuvelle forteresse de Krasnoïarsk , un re- tranchement qui forme un carré. Il existoit déjà en i634, avant la fondation de la nouvelle ville. C'est là qu'étoit l'ancienne forteresse. On epperçoit , plus bas , un fond herbageux , qui forme au Volga une rive assez basse , constituée d'une terre noire. C'est de cette rive que la for* jtçresse. a pris son nom. *9° *77^> *> e Gr atsch e f s Koï Je quittai Tschernoïar le a4- De cet endroit à Zarizin , les postes sont servis par des Ko- saques du Don , qui se relayent de quatre en quatre mois. Ils n'ont que de chétives cabanes en clayonnage ; et en hiver , ils habitent des cavernes ou des trous qu'ils se creusent sous terre. Pour mettre ces petits endroits en sûreté , on les a fortifiés d'un rempart et d'un fossé en forme de redoute. Masanskaia est le premier poste que l'on rencontre après qu'on a quitté Tschernoïar. On lui donne aussi le nom de Stoutinskaia- Podstaya, à cause d'un vatague qu'on a établi dans son voisinage. Nous vîmes, sur cette route , dans les places qui sont consti- tuées d'une terre noire , beaucoup de cramhe oriental (i) \ ses graines étoient déjà en ma- turité. C'est une plante charmante; elle for- moit, en ce moment., par ses nombreux ra- meaux , une boule bien arrondie , que le vent emporte et roule avec facilité dans les campa- gnes, après l'avoir détachée du pied. Il en est de même du séséli nain (2) , et , en automne , (1) Crambe orientalls . Au lieu du crambe orientalïs que cite ici le professeur Pallas , il y a apparence que c'est le crambe tatarïa qu'il a observé 5 plante que Jacquin a si bien fait connoître , et dont les grosses racines se mangent dans le pays. ( Lam. ) (2.) Seseli pumilum. X Sarpinskai A. 19! de la polycnème vulgaire (1), et d'un statice qui a beaucoup d'affinité avec le liniotiium (ji)i Les Kosaques mangent les tiges crues du crarnbe dont je viens de parler , lorsqu'elles sont jeunes et tendres ; et ils sont en même tems très- i'rians de ses grosses racines , qui ont presque le goût du navet. Ils donnent à cette plante le nom de Katran blanc. Ils appellent au contraire le statice , dont je viens de faire men- tion , le vrai Katran ou Katran rouge. Ils lui donnent sans doute ce nom , parce qu'il est très - commun près du Don . principale- ment dans les contrées méridionales où il n'y a point de bois. On déterre et l'on récolte ses grosses racines , non sans beaucoup de peine 9 et l'on s'en sert pour tanner les cuirs , dont la préparation s'effectue bien plus promptement qu'avec le tan de chêne. Au-dessus de Tschernoïar ? les enfoncemens «t inclinaisons de terrain qui bordent le Volga , sont agréablement garnis de buissons et de broussailles. On y remarque sur-tout beaucoup de pruneliers 5 au lieu que, plus bas, les rives sont presque à nu 5 il y croît tout au plus quel-» ques saules dispersés çà et là. Le poste qui suit se nomme KamenskaiA^ Ce nom lui vient d'une pierre qu'on trouve (1) Polycnemum vulgare» (i) Statice limonium. *9% ^77^' DE Gr ATSCHEPSKOÏ dans le steppe le plus voisin. On traverse *9 entre ces deux relais de poste , un large et pro- fond défilé, au moyen d'un pont qui étoit alors en bien mauvais état. Le ruisseau de Viasof'ka coule dans ce défilé, et se porte vers le Volga , où il se décharge. Ses eaux sont très - abon- dantes au printems , mais en même tems tout- à-fait saumâtres. Les Kalmouks lui donnent le nom de Baguirdai. Il prend sa source dans la partie occidentale du steppe , à plus de vingt- cinq ver&tes d'ici ^ d'un fond garni de roseaux. Il part de la même place un autre fossé aqueux , qui se nomme Gologoï. Il prend son cours vers la Sarpa, et se termine à la Sarepta , à quel- ques verstes au-dessus d'une colonie qui porte ce même nom. IL n'a pas une embouchure bien déterminée dans cette rivière, et ses eaux n'y passent que lorsqu'elles sont liantes. La colo- nie, dont je viens de parier, est peuplée par des Herrenhuters ( i ). On rencontre des ruines (i) On leur donne en François îe nom de frères Bohémiens ou frères Moraves. Le nom Allemand Herrenhuter leur vient à'Herrenhout ou Hcrrnhout , endroit fameux dxins le marqui- sat de la Haute-Lusace , dont les premiers fondemens furent jetés , lorsque quelques frères Moraves commencèrent à for- mer une colonie près du village de Bertheisdorfs , apparte- nant au comte de Zin\êhdorf. Il s'agrandit dans la suite et devint la métropole de cette secte , qui en tire le nom , et qui se qualifie elle-même de frères de l'Unité. Cette secte 3 pris de grandes extensions en Allemagne et ailleurs. Elle a de A SàRPINSKAIA,' l remonte avec eux le vallon. Après un quart-d'heure de marche, » ils trouvent un beau champ d'orge : voilà ce qu'il nous faut , » dit le capitaine : — attendez un moment, dit son conducteur , » et vous serez content. — Ils continuent à marcher , et ils ar- ia rivent, à un quart de lieue plus loin , à un autre champ » d'orge. La troupe aussi-tôt met pied à terre, fauche le » grain, le met en trousse , et remonte à cheval. L'officier » de cavalerie dit alors à son guide: mon père, vous nous » avez fait aller trop loin sans nécessité,* le premier champ » valoit mieux que celui-ci. — Cela est vrai , monsieur , reprit Tome FIL N Î94 *77^- Di GeAtschefsioï sans doute d'une ancienne habitation de Tatars Nagaïs. On remarque encore , dans toute cette contrée , de hautes collines à tombes ; il y en a de pareilles le long du Gologoï , et jusques vers Tschernoïar. Ces tombes sont bâties en briques rouges. Les unes n'ont qu'un compar- timent , les autres en ont plusieurs. Dans les unes , il n'y a qu'un seul squelette ; on ren- contre dans d'autres les ossemens de plusieurs cadavres ; ce qui prouve que celles - ci ser- voient à la sépulture des gens du commun. On y voit des débris de cercueil, et l'on rencontre assez fréquemment, dans quelques - unes de ces tombes , diverses pièces d'argent, qui avoient servi à des garnitures de harnois et selles de cheval , et autres effets de prix , qui déclom- mageoient amplement de leur peine ceux qui se sont occupés de la fouille de ces tombes. C'est ce qui fait qu'il n'en est resté que très-peu d'intactes. La nuit nous surprit à Kamenskaïa. Le re- lais de poste , qu'on trouve après celui - ci , se nomme SolotniKOva -, il est situé près d'un vatague , qui porte le même nom. Pour y ar- river, l'on passe plusieurs fonds, qui sont par- semés de petite menthe ( 1 ). Les chevaux ne » le bon vieillard, mais il n'étoit pas à moi ». Etudes de la Nature, par J. H. B. Saint-Pierre , tome 3 , Etude XII , pages 174 et 175. (Note du citoyen Billecocq y rédacteur.) (1) Mentha exigua. A S A R P I N S K A X A. 1^5 pouvoient, faire un pas sans l'écraser sous leurs pieds : l'air étolt parfumé de son odeur. Lorsqu'on approche du relais de poste, le che- min perce à travers deux défilés profonds et escarpés , qui ont été formés par des eaux de source et par les pluies. On les nomme So- iiENiÉ- BouïéraKi , parce que les rives et le soï sont constitués d'argile , et très-salins. On n'y voit aussi que des plantes salines très - jo- lies , accompagnées de quelques buissons de tamarisc. La contrée est en général tout aussi saline , et sur- tout les ravins qui avoisinent le relais de poste. Le terrain est de même nature à- peu - près jusqu'à la Sarpa. On remarque , dans la partie méridionale de ces Bouïeraks salins , une forte couche horizontale de terre à foulon (1) d'excellente qualité. Elle est d'un gris foncé tirant sur le brun, et fermente un peu. Les rives du Volga sont de même nature dans cette contrée jusqu'au -delà du Zarizin. Cette couche, presqu'entièrement horizontale, paroît néanmoins s'incliner un peu au sud , et elle est sensiblement plus élevée dans le voisi- nage de Zarizin, au lieu qu'elle est bien plus basse dans les rives du Viasofka. C'est sans (1) Le F. Pallas l'appelle en Allemand, argile à foulon. Je pense que c'est le Smectis de nos minéralogistes latins, que nous nommons en français, terre ou marne à foulon. (Note de l'Editeur.) N 2 *£$$ tyjs- »'s Gr atschèfskoÏ ;c!mite ce qui fait que la nature du terrain de terre franche qui la couvre est saline. Mais ses particules salines ne sont pas aussi disper- sées par les eaux externes , et ne peuvent pas être poussées dans les profondeurs 5 ou bien il se peut aussi qu'elles se multiplient par cette couche d'argile j ou par d'autres couches ho- rizontales qui sont au-dessus d'elle. Il y a des places , principalement dans les environs de Zarizin , où cette argile est très-propre à la poterie . Elle acquiert au four une couleur aussi rouge , et devient aussi lisse que la terre spéculaire delà Chine. J'ai vu , à Zarizin., un prisonnier Turc qui en fabriquoit de très-jolis petits vases , des encriers, des pipes , et au- tres objets pareils. On rencontre ça et là, dans le Bouiérak salin , ainsi que dans le Viasofka , beaucoup de petits morceaux de sélénite ren- fermés dans cette même argile. Cette contrée est devenue célèbre par les troubles que JPtigat- schew y a occasionnés , et par la défaite totale de ce révolté et de ses adhérens, qui a eu lieu en 1774' On ne voit , le long de la route de Popovit- sehaia ., presqu' aucunes autres plantes que celles qui se plaisent dans un sol salin. Le steppe argileux et aride présente toujours, immédia- tement sous sa superficie , quantité de pectinites et autres coquillages. Mais dès qu'on a passé ce relais de poste, on s'apperçoit que le ter- A S A R P I K S K A I A. - ÏQ7 rain devient plus élevée, et en même te ms sa- blonneux et herbeux jusqu'au relais, de Ta- tianofskaia. Arrivé-là , on n'a plus . que i cinq ., verstes au ruisseau de Sarpa , où'l'on.a jçtabli , il y a huit ans , une superbe colonie des frères Morales. Les fondateurs lui ont .donné Je. nom de Sarepta, tiré de l'Ecriture-SainteuXa nuit , et un orage affreux , accompagné d'une, forte pluie, nous ayant, surpris au m ornent, où nous . cjuiltions ce relais de poste, nous y primes gîte , et atlendiines le lendemain. S- X I. • . . • ■ ... De Sarpikskaia au Ko um: an. Jn ' • • : . ' . ! ' Ou 26 au ,3,9 juin. Colonie de Sarepta. — Environs de la Sarpa — Anciennes rives de la nlèr Càsglerinë. -— Forteresse du Zàriziii -• 2,2 versî.c La colonie de Sarepta a été établie en ij65 , sous le nom de colonie des Frères de l'Unité ou Mor aves . Les fondateurs q ui sollicitèrent auprès du gouvernement la permission de former cette colonie, obtinrent en même teins pour elfô beaucoup 1 de privilèges.' Il n'y avoit d'abord que. cinq de ces frères Moraves , qu'on avoifc sans doute députés en avant pour choisir le local et le canton qui leur .paroitroiej^t conve- nables à rétablissement de leur Hermhoute* N â Î98 ^ifî* DB SARHNSKAIÄ Mais la population a ensuite augmenté d'année eiï année r des familles entières de cette secte sont venues de la Hollande et de l'Allemagne ; de manière qu'on y comp'toit , en 1773, près de deux mille cinq cents âmes d§s deux sexes, et le nombre en augmente tous les ans. Le plan de cet établissement n'a voit pas encore été exécuté en entier , c'est-à-dire , que rem- placement n'étoit pas encore tout- à -fait bâti. Il y a néanmoins beaucoup de maisons dont la construction est parfaitement terminée. Il y en a en charpente , d'autres en briques et clayonnage , et l'on en bâtit encore tous les ans. L'édifice le plus considérable , et qui , en même temps , a le plus d'apparence , est un oratoire construit tout récemment en pierres de taille. Il a deux étages avec une petite tour, dans laquelle on venoit de placer une horloge. On voit, à sa proximité., deux autres bâtimens assez "vastes 5 l'un est habité par les garçons , et l'autre par les filles. Ne faisant point de vœux , ils peuvent se 1 marier avec la permis- sion de leurs supérieurs , qui ne la leur accor- dent que le plus tard possible» L'on voit parmi ces frères Moraves d'excellens artisans , tels que tailleurs , cordonniers , bonnetiers , tan- neurs, menuisiers, serruriers, boulangers, peaussier^, orfèvres , &e. , sans parler des ou- vriers d'une manufacture de mouchoirs, d?é- A U K O U M A N. 199 toffes mi-soie , de toiles de coton , et de toiles de lin de toutes couleurs, qui sont de bonne qualité , comme tout ce qu'ils fabriquent en général. Mais tout se vend très-cher , et à prix fixe : il en est de même dans tous les établis- semens des Herrnhuters. Les filles gagnent leur vie à coudre., à tricoter , à filer du coton, et à blanchir. Ces deux maisons ont des bâtimens de derrière d'une étendue immense , destinés à l'économie rurale et aux besoins domesti- que. On y voit des écuries, des étables, et une laiterie. Les autres bâtimens publics de la colonie sont une auberge pour les étrangers , une brande- vinerie , une manufacture de tabac , une de savon et de chandelles , la douane ou les ma- gasins , la pharmacie , une scierie , et un mou- lin à moudre, pour lesquels on a digue les «aux de la Sarpa. Il y a environ une dixaine de maisons particulières , habitées par un ma- réchal > par un potier, deux maçons , un char- pentier , un charron , et un mercier. Chacune de ces maisons a son petit jardin potager. On voit encore un bâtiment assez considérable près de la maison des frères et de la pharmacie ; c'est là que demeure le médecin du lieu. L'on remarque , le long de la Sarpa ., des plantations de tabac , qui sont d'un grand rapport. La colonie est fortifiée d'un rempart garni d'un fossé reyêtu de cheyaux de frise ; il y a N 1 six batteries de deux pièces chacune. La Sarpä,' et plusieurs rochers escarpés , en font une place très-forte, ou au moins plus que suffisante pour s'opposer aux incursions des peuplades des step- pes. On y a caserne une petite garnison , for- mée d'un détachement de celle de ZaMzin , qu'on relève à certaines époques. On trouve , à un vers te environ de la co- lonie., une ferme très-considérable où l'on voit une belle métairie : l'on y élève beaucoup de bestiaux , et le labourage y est en vigueur. Il faut néanmoins observer que cette ferme se trou- vant dans un terrain humide et marécageux , les moutons y réussissent mal , et qu'il y périt beaucoup de jeunes bestiaux. L'on remarque derrière cet établissement une grosse source , qui , au. moyen des tuyaux qu'on a pratiqués , fournit de l'eau à la ferme , aux deux com- munautés., et à tous les autres habitans. Ses eaux sont excellentes. Il s'établit un nouveau village à deux verstes au-dessus de cette colonie , au pied de quelques éminences qui bordent le Volga. On lui a donné le nom de Schienerounn (i), sans doute à cause de sa situation près d'une superbe source , qu'on a eu soin dégarnir d'un bon encaissement. Il n'y avoit encore que six paysans à Schœn- brounn, mais sa population doit être portée à vingt familles. Le site est charmant ; il pos- (i) Eclle fontaine. au K o u m a n. api sède sur la pente des éminences dont j'ai parlé , des terres à labour et des prairies 5 mais l'ex- trême sécheresse du canton met de grands obs- tacles à la culture des grains , et le laboureur a tiré jusqu'à présent un bien meilleur parti de la plantation du tabac. En général les terres de cette colonie } jusques sur le bord d'une mon- tagne de sable qui est dans le voisinage , et qui se nomme Tschépournik ( 1 ) , n'ont pas encore été mises en valeur , à cause de leur éloignement et faute de bras. Je ne parle que des meilleures terres ; car la plupart ont un sol si aride et si salin , qu'attendu les sécheresses qui régnent dans cette contrée, elles ne sont susceptibles d'aucune fertilisation. Si les habi- tans veulent jouir de quelques légumes, il faut ou'ils aient soin d'établir leurs potagers dans le voisinage de la Sarpa , ou de les arroser souvent $ sans cette précaution, tout ce qui est sur les hauteurs dépérit. Je crois qu'ils pour- roient cultiver le lin avec succès, puisque le lin sauvage y vient aussi abondamment que dans les steppes du Don 3 il paroît même être une plante indigène à cette contrée. Je leur con- seillerois en même tems la culture du sarrasin , parce qu'il supporte mieux les sécheresses que tout autre grain. (1) £,es Kalmouks lui donnent le nom de Boschtqutou (grotte d'une aune), 302 177^- DE Sarpin skaia Cette colonie ne man q ne pas de pâturages; il y en a d'excellens dans les enfoncemens du Volga, près d'une langue de terre qu'on ap- pelle l'isle de Sarpischkoï , et le long de la Sarpa. Elle a en même teins assez de bois de chauf- fage, un peu de chênes qui croissent sur les hauteurs et clans l'isle dont je viens de parler. Quant au bois de charpente, il en arrive des trains des contrées supérieures du Volga. Ce fleuve leur fournit une grande abondance de poisson ; la colonie a pris une partie de sa pêche à bail. La Sarpa lui fournit du poisson commun , des carpes et des écrevisses dont on a eu soin de la peupler. Elle n'a cependant pas à elle seule la jouissance de la pêche dans la Sarpa, elle en partage le droit avec la ville de Zarizin. Au printems le pays abonde en gibier aquatique , et en hiver l'on ne manque pas de perdrix ni de lièvres. Au printems et en automne, cette même rivière est couverte d'oies sauvages et de canards de toutes sortes d'espèces. Ils font leurs couvées dans les étangs et bayes qu'elle forme , parce qu'ils y trouvent beaucoup de ro- seaux qui leur donnent un abri. Jetons maintenant un coup-d'œil sur l'en- semble des rapports de cette colonie , et sur ses jouissances en biens de communauté. J'ai dit qu'elle possédoit une partie de la pêche du Volga et de la Sarpa. Elle élève beaucoup de bestiaux. Elle a des grains 5 mais comme les AU K 0 V M A Tf. 2o3 récoltes sont très-pauvres , elles ne suffisent pas pour ses besoins. Ses plantations en tabac sont très-avantageuses. L'hôtellerie ou auberge qu'on a établie pour les étrangers , est d'un assez bon rapport, ils n'ont pas encore fait grande fortune dans le commerce avec les marchandises de leurs manufactures; leur débit a même diminué, depuis qu'il n'y a plus autant de hordes de Kalmouks dans le pays. Ces derniers achetoient aussi beaucoup de leurs tabacs fabriqués. Ils font, par exemple, un débit considérable de chandelles. Leur commerce de farine a aussi diminué , parce qu'ils en vendoient la plus grande partie aux Khans des Kalmouks. Leur scierie n'a pas été jusqu'à présent d'un grand rapport , et son entretien ne peut être compensé que par le rapport du moulin à mouture (i). (i) Cette colonie a beaucoup souffert, en 1774, lors de l'irruption des rebelles. Heureusement les colons eurent le temps de se sauver à Astrakhan, les uns par terre, les autres pat eau , en abandonnant néanmoins aux brigands une grande partie de leurs marchandises et de leurs effets. D'après cela on pour- roit croire que l'état de ces Frères Moraves a bien changé , si l'on ne savoit pas que l'impératrice est venue à leur se- cours et les a dédommagés de leurs pertes. Ils sont en outre très-laborieux et pleins d'industrie. ïl n'est donc pas douteux qu'avec ces moyens , ils n'aient bientôt remis leurs affaires au niveau de ce qu'elles étoient avant cette catastrophe. Ce qu'il y a eu de plus heureux , c'est que les bâtiniens sont restés intacts , et n'ont pas souffert la moindre dégradation. 2.0 À- ï 773. DE SARPÎNSKAIA Cette colonie pôurroit devenir très - floris- sante à la ï>aix , si son commerce réussissoit i. ' avec les Tatars de Bessarabie qui occupent maintenant les steppes du Kouman. Les maisons particulières et tous les bâti- mens dont j'ai parié , ont été construits avec les deniers de la caisse commune, et les acqué- reurs les paient m ain tenant à raison de six pour cent par an. Or , comme le capital consiste en une somme de quarante mille roubles , prêtés parie gouvernement, sans intérêts, pour dix années , par le moyen de ces redevances il ren- trera dans la caisse, dans l'espace de dix ans,, les six dixièmes des avances. A l'expiration de ce terme , la colonie est tenue de rembourser la somme susdite au gouvernement , ou d'en CT " payer l'intérêt au taux prescrit par l'édit de l'Impératrice. Mais ce ne sera qu'au bout de trente ans , qu'elle commencera de payer le cens ou la rente foncière des terres qui lui ont été accordées 5 et qui, comme je puis l'assurer, produisent à présent quatre cents desettines. La redevance de la colonie sera de vingt-cinq kopeks par desettine , ce qui formera, année commune , une somme de mille roubles. Les colons qui pendant les dix années de franchise voudront retourner dans leur patrie , sont obli- gés de rembourser au trésor impérial, la somme qui leur avoit été allouée pour leurs frais de voyage , et qui se monte à trente - deux rou- au Kor m A ??. 2.0S blés. S'ils ne quittent le pays qu'après l'expi- ' ration cle ce terme, cette avance leur sera al- louée en gratification. Outre ces avantages , la colonie de Sarepta jouit encore exclusivement à toutes les autres colonies allemandes établies dans l'empire Russe, du privilège de relever immédiatement de la chancellerie des tutelles 3 qui réside à Péters- bourg, et de ne dépendre d'aucune Jurisdiction provinciale. Pour le maintien de la police in- térieure, ils choisissent parmi eux, des pré- posés chargés de veiller aux intérêts de la communauté , d'y maintenir le bon ordre et de tenir les comptes. Ils ont un traitement an- nuel , assigné sur les revenus de la même com- munauté ., ainsi que les instituteurs ecclésias- tiques,, dont l'un a le titre d'évêque, le médecin et quelques autres agens subalternes. Il y a en outre xm inspecteur et une inspec- trice pour présider au ch'œur des frères et des sœurs célibataires. On les nomme inspecteur (ou inspectrice*) y président (ou présidente} du chœur. Ils sont charges, conjointement avec le directeur particulier de chaque chœur , de maintenir parmi leurs subordonnés, cette rigou- reuse discipline , cette conduite austère qui ca- ractérise la secte. On leur donne un certain ■ nombre d'assesseurs tirés du sein même de la communauté qui les élit. Ils ont le titre de conseillers. Ceux ci, conjointement avec les ins- 5>,o6 1778. DE SARPIN9KAÏA ti tuteurs ecclésiastiques, l'administrateur , et le supérieur des frères célibataires, forment une assemblée qu'ils nomment collège de surveil- ïans. Ils sont chargés de veiller aux Intérêts temporels de la communauté , d'accommoder les différends, d'infliger les punitions prescrites par la discipline ecclésiastique , et exercent un pouvoir assez étendu. Ils ont établi un autre petit conseil inférieur , nommé conférence assistante ß devant lequel cm porte en première instance les affaires de la communauté, avant de les présenter au collège des surveillans. Enfin ils ont formé une assem- blée composée de tous les hommes adultes de la colonie qui ont été admis à la communion. Cette assemblée se nomme grand conseil gé- néral. Elle est convoquée ordinairement une fois par mois , et chacun a le droit d'y donner son avis. On ne peut faire aucun changement dans Tordre économique , et dans l'administra- tion de la communauté , sans la participation de cette chambre basse , et les décisions y sont ordinairement prises à la pluralité des voix» Les administrateurs sont obligés , à la fin de chaque année , de rendre compte de leur ges- tion ^ à ce conseil général, et de présenter un état de la recette et de la dépense. Cet état passe des chefs et des administrateurs des biens communaux, aux inspecteurs et surveillans. Nous donnons ce détail en faveur des lecteurs AU K O U M A Nf 2.0 J qui ne connoissent l'état et le régime intérieur de la communauté des Cénobites et des frères Moraves , que d'après les relations de M. Cranz. C'est ce qui me porte encore à ajouter une courte description des différentes assemblées et céré* monies religieuses instituées dans cette com- munauté. L'ordre de ces assemblées ne change jamais sans des raisons majeures, afin que cha- que habitant puisse regieret distribuer ses affaires et ses travaux , de manière à n'en manquer au- cune. Ces assemblées sont tantôt publiques (tout le monde , les Kalmouks mêmes peuvent y en- trer) , tantôt particulières , et seulement pour les communians ; quelquefois aussi pour les frères et sœurs célibataires qui se constituent en assemblée de chœur. Suivant l'ordre établi, il se tient, dans 1» cours de la semaine , deux assemblées par jour , et trois le dimanche ; quelquefois même quatre. L'assemblée des jours ouvriers, dans l'hiver, depuis la Saint- Michel jusqu'à Pâques , s'ouvre le soir , de manière que la première commence à sept heures ; et quand elle est publique , on la nomme V heure de la prière , parce qu'on a coutume d'y lire quelques morceaux de la bi- ble , ou d'un livre de piété , ou d'un sermon déjà prononcé. Il arrive aussi quelquefois que l'on prêche dans ces assemblées , particulière- ment le mercredi et le vendredi. Cependant sette assemblée n'est pas toujours générale. Deux äo8 177^' ßS SaapinskAïa fois et même trois fois la semaine, les mardi, jeudi., et dimanche, les cornmunians, ou con- frères de la sainte cène, tiennent leurs assem- blées de dévotion dans lesquelles ils chantent communément une hymne de l'église, ou ce qu'ils appellent une Liturgie. Quelquefois au2:i Ton y lit des nouvelles intéressantes qu'on a reçues des confrères des pays étrangers. En été , cette première assemblée a lieu à huit heures du matin 5 mais la seconde est fixée dans cette saison, comme dans l'hiver, à neuf heures du soir j et se nomme V heure du chœur , parce qu'on y chante des versets de différens eau- "tiques , indiqués par celui qui préside l'assem- blée. Celles du dimanche ont un ordre parti- culier. A huit heures du matin , les litanies de l'église, à dix heures, prédication j et à huit heures du soir , on tient celle qu'on appelle V heure de la commune , et qu'on peut aussi regarder comme un sermon. La sainte cène se célèbre tous les mois , après une confession rigide, bien détaillée , et l'ab- solution. Cette confession particulière , dans la société , se nomme le parler $ et c'est l'adminis- trateur de chaque chœur qui est chargé de l'en- tendre. Il déploie clans cette fonction la plus grande partie xle son autorité. Tous les corn- munians vont ensemble à la sainte table , ainsi que les administrateurs ecclésiastiques qui sont choisis pour chaque assemblée, par le grand- prêtre , AU R O V M A N? 20J prêtre, ou évêque , parmi les administrateurs et les inspecteurs (ou préposés). Ils sont alors vêtus de longues robes blanches, tandis que pour les exercices de piété ordinaires , ils por- tent un habit séculier , et sont assis devant une table. Cette assemblée de chœur, ou prière extraor- dinaire des frères et des sœurs célibataires , a lieu avec le consentement de chacune des deux so- ciétés , ou d'après celui de l'administrateur» Au lieu de marguiilier , ils ont un garçon de salle qui sonne pour appeler aux assemblées publiques , allume les cierges pour Celles dit soir, et qui est en outre chargé de veiller à ce que tout se passe dans l'ordre , ot qu'il ne se commette aucune indécence.. Les assemblées particulières des com munians' sont annoncées au son de la trompette y pour qu'on puisse les distinguer de celles qui sont publiques. Outre les réunions de circonstance dont nous avons déjà parlé., ils ont encore dès re^asd'ämi- tié, comme les nomment les frères. Ils se font dans la salle qui sert d'église. On y prend du thé avec du pain blanc. Ils sont accompagnés de cantiques spirituels et de musique. L'exclusion de ces espèces de collations est le second de- gré de punitions ecclésiastiques. La première consiste dans la privation de la communion,. Elles ont lieu régulièrement toutes les quatre se- maines, mais sur-tojit les veilles de cèaeetde , Tome VIL Q ÄIO I773, DB.SARPiKSKAU grandes fêtes. Qui ne s'imagineroit pas que la pratique si fréquente et si variée de ces exer- cices de piété dut éteindre toute espèce d'af- fection mondaine, de manière à ce que cette société présentât le modèle d'une vie toute spi- rituelle? Cependant les fbiblesses humaines se montrent toujours; on s'occupe des moindres dé- tails économiques et mondains, et les membres de cette association ne négligent aucune occa- sion de l'enrichir. La petite rivière de Sarpa, sur laquelle est fondée eetfce ^colonie , à un verste de son em- bouchure, dans le Volga ,. tout auprès des bords de son- vaste enfoncement , sort d'un steppe immense, aride, et salin, situé au sud, entre le Don çt Je Volga. Comme beaucoup d'autres rivières, de steppes ,*elle prend sa source dans des étangs très-profonds et très- vastes, remplis de roseaux j à travers lesquels elle se fraie des Canaux de jonction qui ont peu de profondeur. Peux de , ces étangs , situés au-dessus de la co- lonie,, l'un- à la suite de: l'autre, l'un* à quatre et l'autre à six verstes de la colonie , sontgarnis d'écluses avec un fossé soigneusement nettoyé , afin, de fournir de l'eau au moulin quipourroit en manquer dans l'été. Le troisième , plus< considérable, est plein de roseaux qui don- nent un abri au gibier aquatique. Le plus» vaste et le mieux fourni en eau forme le qua- trième : comnre il est moins garni de roseaux gue les ^utres, $% que «es eaux sont tyanciiçsa' AU K O U M A K- ail les Kalmouks Tout nommé Za ghan-Nor. Le long de la rive gauche ou occidentale de la Sarpa, dans la partie méridionale des step- pes , s'étend un terrain élevé qui forme beau- coup de bayes et de promontoires. Vu de la partie basse du steppe , il ressemble à une chaîne de montagnes en couches horizontales. Ce n'est pourtant que la pente ou l'escarpement d'un terrain uni du côté du nord, mais plus élevé par ici , et même un peu inégal. Ce même terrain , du côté des déserts salins , arides et argileux du Volga et du Kouman, s'abaisse tout à coup, et prend la forme d'un rivage coupé, tantôt par des sources et par les eaux de neige, tantôt par de larges vallées. C'est d'elle- que la Sarpa reçoit la plus grande partie de ses eaux. ipLe nombre de ces vallées et de ces espèces de tranchées le long de la Sarpa , depuis le pays des Kalmouks , est de soixante et une. Il y a un nombre égal de pointes de terre et de pro- montoires (Khammour)^ qui sont distingués comme les vallées , par des noms particuliers*' A la droite de la colonie, cette haute terre forme un promontoire de sable, isolé et très*- remarquable. Les Kalmouks l'ont nommé Mos- Khammour (i). La lisière du terrain élevé qui s'étend au nord le long du Volga, forme ici une courbe. Il se porte ensuite jusqu'à l'Ielshanka (i) Le nez ou la poiate nue ou aride. £L* ï 773. de Sarpinskaia intermédiaire qui tombe dans ce fleuve à .douze verstes au-dessus de la colonie. Il y a des places dams lesquelles ce terrain ou pays élevé forme , vers le Volga , une terrasse qui s'avance à deux verstes en largeur , et qui a , comme tous les steppes situés au midi , vingt toises de suréminence au-dessus du niveau des eaux, lorsqu'elles sont à leur plus forte hau- teur. Il a donc une suréminence bien plus consi- dérable au-dessus des enfoncemens .du Vol°a. Anciennes kives de la mer Caspienne. Le pays élevé qui borde l'Ielshanka s'étend en pente douce et unie qui vient aboutir à son rivage. Ce terrain présente dans la partie su- périeure de cette rivière , une roche calcaire , et devient, par le moyen de fortes couches ho- rizontales , de plus en plus élevé, tant du côté de Zarizin , que vers le Don en descendant le . .Volga. Ce rehaussement est tel , qu'il comprend tout le pays qui sépare ces deux fleuves. Il s'incline sensiblement près de la rive droite du Volga, de manière , qu'à l'exception de quel- ques éminences , tout le steppe que l'on voit ici sur la gauche et toute la partie qui s'étend jusqu'à l'Iérouslan, sont de même hauteur et de même nature que les vastes landes qui se portent au midi. Cette élévation subite du terrain , ces pentes $n sable qui terminent vers le., steppe le haut AU K O U M A W. 2î3 pays, les bayes et les promontoires et plus encore la nature saline de la lande ^ qui est constituée de glaise et chargée de coquillages dans sa superfi- cie , tous ces objets réunis fournissent une vaste carrière aux conjectures des géographes surl'an- cien état des steppes du Kouman > du pays dos Kalmouks et del'Iaïk. Ces landes ont dans tcu& leurs rapports une ressemblance parfaite entre elles. Tout cela, dis-je , ne porte-t-il pas à se former des idées sur l'ancienne extension de la mer Caspienne, et sur la communication qu'elle peut avoir eue avec la mer Noire ? Ces idées et ces conjectures s'accordent parfaitement avec celles de Tournefort (1) . Ce que ce savant nous dit , relativement à la séparation de la mer Noire avec la Méditerranée , l'accroissement des eaux de la première au-dessus du niveau de la seconde , et sur Fépanchement de ces eaux dans la Méditerranée , sans doute lors du dé- luge de Deucalion, n'est pas à beaucoup près dépourvu de fondement. Cette multitude de coquillages disperses sur tous les steppes de l'Iaïk , du pays des Kalmouks et du. Volga, comme je l'ai déjà observé, et qui sont absolument les mêmes que ceux qu'on trouve dans la mer Caspienne, sans avoir ce- pendant la moindre ressemblance avec ceux des (i) Voyez Relat:on d'un Voyage au Levant , tom. îj pag. Sa, tbiD. Il, pagi 63 , £4 et suivantes. O 5 2îzf I773. Bï .SahHïïSKÂIA deux fleuves; cette uniformité de terrain dan» les steppes, qui, à l'exception des endroits couverts de sabîe mouvant , n'est par-tout qu'un sable lié avec te limon de la mer, ou bien une glaise jaune, sans le moindre gazon, ou la moindre couche de minerai, jusqu'à un lit d'ar- gile qui perce à une certaine profondeur , la nature saline du sol qui provient en plus grande partie d'un sel marin, et qui est générale ; ces innombrables fonds salins , la coupé et la forme de ces immenses déserts 5 tous ces objets enfin sont des témoignages incontestables que cette étendue de pays a été autrefois couverte par Ja mer Caspienne. Quoique depuis un nombre de siècles in calculable , les eaux se soient écoulées de ces contrées, ces plaines ne sont pas encore couvertes de terre végétale ni de gazon , et n'ont encore produit ni bois ni buissons. Ce qu'on doit sans doute attribuer à leur malheu- reuse situation dans un climat brûlant, ou bien à leur constitution saline , qui est entretenue par une couche inférieure d'argile ; on enfin à leur nature , qui ne leur permet de produire que du sel et des plantes salines, qui rendent peu de terre et beaucoup de sel. Il n'est pas moins évident que le haut pays situé le long de la Sarpa entre le Don et le Volga, ainsi que les montagnes de l'Obtschei-Sirt qui r> étendent entre ce dernier fleuve et l'Iai'k , formoîent anciennement les rivages de la vaste Ä TT K O ü M A KÎ 2l5 mer Hyrcanienne. C'est dans ce haut pays que l'on commence à voir des couches horizontales« La surface du terrain est revêtue d'un gazon qui croît sur un lit assez épais de terre noire et végétale. On ne voit plus ici les coquillages de la mer Caspienne ; et en remontant le Volga y le terrain devient plus montueux. L'on ne trouve que des bancs de coquilles et de coraux , qui proviennent d'une inondation plus ancienne et plus considérable que colle que nous avons déjà soupçonnée. Les productions marines de ces couches horizontales sont généralement des es- pèces qu'on ne rencontre que dans l'Océan f la mer Caspienne et la mer Noire nen offrent pas de semblables. L'on me dira sans cloute que la mer Caspienne reçoit régulièrement la même masse d'eau de ses fleuves , sans que l'on ait remarqué , de- puis bien des années , aucune diminution ni augmentation ; et l'on me demandera ensuite , par quelle convulsion de la nature , cette mer a perdu une assez grande quantité d'eau pour laisser à sec les vastes déserts qui s'étendent depuis le Don jusqu'à l'iaïk, et depuis i'Iaïk jusqu'au lac Aral , ainsi que celui situé derrière ce même lac vers les monts Ouralks , qui sont une branche méridionale des montagnes Mo- gouldshiennes ., tandis que ces landes désertes , quoiqu'elles forment plaine , sont à quinze toises àe suréminence au-dessus du niveau de la nier» O 4 &i6 177^* de Sar^ïnskaia Je réponds en admettant la supposition très- vraisemblable de To7t.rnefo7*£, que les monta- gnes du Bosphore de Tlirace ne formoient an- ciennement qu'une seule masse , et une digue qui séparoit la mer Noire de la Méditerranée, de manière que la première, grossie par de gros fleuves, tels que le Danube , le Dniester, le Nnieper, le Don et le Kouban , ibrmoit au milieu des terres un lac immense , mais en même tems resserré et beaucoup plus élevé que la mer Méditerranée et l'Océan. Cette puis- sante digue ayant été rompue , soit par l'ac- tion insensible , mais continue des eaux , soit par un tremblement de terre , la mer Noire s'é- pancha avec impétuosité dans la Méditerranée, pour se mettre à son niveau. La première chute de cet énorme torrent a causé ces inondations., qui, selon les plus anciens monumens de l'his- toire , engloutirent une partie de la Grèce et des islcs de l'Archipel. Voilà, je crois, une ex- plication assez claire et assez satisfaisante de la diminution de la mer Caspienne, et les traces évidentes de son ancienne hauteur, viennent encore à l'appui de l'opinion de Toumefort. C'est en petits rochers brisés que se termine le haut pays qui aboutit à l'extrémité de la plaine basse et saline qui borde la Sarpa. Il s'en éloigne en- suite de plus en plus, jusqu'à l'embouchure du Manytsch, dans le Don inférieur. Cette pe- tite rivière prend sa source à cent quatre- vingts AU K O U M A W. 517 verstes de celle de la Sarpa , dans une plaine basse qui s'étend à plus de vingt verstes en lai> geur. Son terrain est très-salin et humide ; on y rencontre quelques petits étangs de sel ma- rin. Le Manytscli dirige sa course à l'ouest à travers une vaste fondrière. Il parcourt ensuite cent verstes de pays dans une plaine immense et aride , qu'on dit aller jusqu'au Don et s'é- tendre jusques dans les steppes de la Crimée. 11 forme à quelque distance de sa source deux lacs de sel marin , à qui les Kosaques du Don donnent le nom de Swjatyé - Osera (1). Le haut pays qui sépare la Sarpa et le Manytsch vers leurs sources , présente à l'ouest des an- gles de terrain constitué de sable , et à l'est un steppe uni qui est entrecoupé , mais seu- lement dans son principe, par quelques émi- nences qui partent du haut pays et par plu- sieurs mares d'eau stagnante. Ce steppe qui forme pia.ine, se prolonge au-delà du Many- tsch vers une hauteur qui le sépare du Kou- man ; il va aboutir ensuite à ia source de cette rivière, au pied du Caucase. Ce steppe qui est à l'est , et qui prouve par de nombreuses traces , que la mer Caspienne couvroit anciennement son sol, a donc, dans les contrées basses, une pleine communication avec ceux de la Crimée, et les autres landes qui bordent cette mer. Ces (1) Lacs saints» 2ï8 î77^- ÜÄ SarpïnskaijC steppes ont en général une même conformité et sont en plus grande partie tout aussi saline les uns que les autres. La mer Noire étoit de plusieurs toises plus haute qu'elle ne l'est au- jourd'hui, avant son débordement dans la Mé- diterranée par le canal de Constantinople. Elle recevoit sans doute dans ces tems reculés les eaux abondantes des fleuves qui y prenoient leur décharge , après avoir parcouru des con- trées qui sont encore désertes , aqueuses et garnies de forêts. Il s'ensuivrolt donc de cette ancienne suréminence , que les steppes de \a Crimée , du Konman , an Volga , de PJaïk , e* le plateau de la grande Tatarie jusqu'au lac Aral inclusivement, ne form oient qu'une mer qui, au moyen d'un petit canal peu profond, dont le Manvtsch nous offre encore des traces . arrosoit la pointe septentrionale du Caucase , et avoit deux golfes énormes, l'un dans la mer Caspienne et l'autre dans la mer Noire. C'est à cette époque que le chien de mer , les esturgeons et autres poissons de la mer Noire my le poisson d'argent (1) , le tuyau de plume (2,) et les pectinites ont pu se rendre dans la mer Caspienne. Car elle est trop éloignée mainte- nant des autres mers , pour que ces différens êtres aient pu s'y introduire depuis. Aussi toi (t) Atherlnci Itepsetus. (z) Syngnauis pelagicus. A V KOUMAKV fil<| que la mer Noire trouva moyen de s'épancher* dans la Méditerranée par la Propontide , la première baisse de ses eaux convertit la plus grande partie de ces bords bas et unis , en steppes salins. La mer Caspienne , qui ne te- noit à la mer Noire que par un détroit peu profond, s'en trouva bientôt détachée , parce que les eaux de cette dernière baissèrent au- dessous du niveau que formoit le lit de ce dé^ troit. Depuis cette commotion, la mer Cas- pienne ne fut plus qu'un lac isolé dans les terres* Et comme elle ne recevoit pas des fleuves aussi considérables > ni en aussi grand nombre que la mer Noire (1), qui elle-même ne luienfour- nissoit plus , l'évaporation et la retraite des eaux laissèrent encore à découvert un grand espace de terrain, le long des côtesr basses. Cette mer se trouva, par conséquent, resserrée dans des bornes encore plus étroites. C'est sans doute Vers le même tems , que cessa la çommunica- (i) La rapidité du courant dans le canal de Constantinopîe est, selon moi, une preuve que les fleuves de la mer Noire lui fournissent beaucoup plus d'eau qu'elle n'en perd par l*ë- vaporation. Car en comptant même le courant d'une eau beau- coup plus salée, qu'on a remarque dans ce canal, et qui va en sens contraire, le salin des eaux de la mer Noire, dont on ne doute pas , et qui se soutient constamment , mais à un bien moindre degré que celui des eaux du courant , prouve quM est bien plus folbîe que celui par lequel s'écoulent les .eaux de cette mer. %2ö ifj3. oe Sarpïnskaia tion avec le lac Aral. Les anciens bancs de sable se convertirent en un sable mouvant , qui s'amoncela et forma des éminences , telles qu'on en voit dans les déserts de Narin et vers le Volga. Les anciennes îles qui existent sur le lit desséché de cette mer, se présentent comme de petites montagnes ; on peut comprendre dans ce nombre celles d'Inderki et quelques autres. Après que les eaux se furent retirées des places qui formoient plaine , il resta des fonds dont certains conservèrent leurs eaux et formèrent ou des lacs ou des fondrières salines , qui exis- tent encore en très-grand nombre dans toute la vaste étendue du steppe. On objectera, mais en vain, contre la di- minution évidente de la mer Caspienne, l'au- torité > des voyageurs qui ont observé à Bakou qu'elle avoit franchi son rivage et submergé une partie de la ville. D'après la nature phlo- gistique de la montagne voisine, je vois plus de vraisemblance à admettre l'affaissement du terrain et de la montagne , que l'accroissement de la mer. L'inspection des pays situés au nord de la mer Caspienne prouve en outre, qu'elle a éprouvé des pertes plus considérables que la Méditerranée ou qu'aucune autre mer , et qu'elle diminue mèm'e encore tous les jours. Mais sans supposer l'épanchement de la mer Noire dans la Méditerranée , dont nous avons parié ci-dessus^ la diminution généralement reconnus Au K O V M A N. 221-i qu'épï*>uvent toutes les mers en général , suffit pour expliquer la séparation qui a eu lieu avec celle-ci et les deux mers voisines, ainsi que le dessèchement insensible des détroits qui les réunissoient. Ce dessèchement a dû s'opérer dans des tems bien plus postérieurs. Cette com- munication une lois interrompue, la dispro- portion entre le volume d'eau fourni à la mer Caspienne par les fleuves qui viennent s'y dé- charger , et la perte occasionnée par l'évapo- ration, aura produit le même effet et abaissé sa surface au-dessous du niveau de toutes les autres mers. Je trouve un passage assez, curieux dans les extraits que M. Stritter nous a donnés des historiens de Byzance. Il porîeroit à croire que l'enfoncement situé nord au pied du Cau- case , et dans lequel il me paroît que ces deux mers avoient leur jonction., n'étoit pas entièrement desséché dans le quatrième ou cin- quième siècle de l'Ere chrétienne. Priskus ayant été de la suite d'une ambassade que Taéo- dose II , empereur d'Orient, envoyoit Tan 449 h Attila, roi des Huns (1), dit qu'un ambas- sadeur de l'empereur d'Occident, qu'ils ren- contrèrent par hazard* lui •■ apprit' quel chemin 1 (ï) Memorlœ populorum olim ad Danubium , Pomunt Euxinum, Paludem Mœotïdem, Caucasum , Mare CâT~ pium 9 etc. incolentium , a scriptoribus historiée By\antin& eruue et digestx à J. G. Stritten , tom. 1 , p. 513, 2^4 177^>t DJE Sarîïkskaii constitution. J'ajoute en outre que si l'on vou- loit lever un plan exact du site et des limites du haut pays depuis Zarizin à Dmitrefs nord- est à travers les landes des Kalmouks, et sud* ouest de la Sarpa au Don , à travers les steppes de la Crimée , il seroit possible de démontrer., avec assez de ponctualité, quelles étoient les ri- ves des mers Noire et Caspienne , lorsqu'elles ne faisoient qu'une même mer. Je pourrois avancer plusieurs autres petites circonstances pour confirmer ce que je viens de dire 5 mais je m'arrête dans la crainte de devenir diffus. Voici cependant deux particu- larités trop remarquables pour que je les passe sous silence. On les découvre dans le voisinage delà lisière du haut pays. Elles prouvent que c'est-là qu'étoit anciennement le rivage de la mer. La première consiste en ce que l'on trouve une concrétion sablonneuse liée avec une matière e&leaire , près du talus du premier* angle que fiafaae.'ie Moo - Khamour dans le voisinage denta.çolonie de Sarepta. Ce Moo-Khamotir est une montagne primitive 'constituée de sa- ble. Comme cette concrétion paroîl avoir été formée par l'action de l'eau salée de la mer et des particules calcaires qu'on remarque dans l'écume de ces mêmes eaux, et cela au moyen du lavage et dessèchement alternatifs qui ne font au K o ir m a if., 3^5 Font sur les rivages , ne pourroit-on pas déter- miner par-là quelle a été l'ancienne élévation de cette mer? J'observe qu'à très -peu de dis- tance au-dessous du coteau supérieur des mon- tagnes de sable „ on trouve au sud une lisière* étroite de sable blanc, endurci , et qui ressemble à du sucre candi. Il forme en différentes places des masses en couches très-minces, ou en forme de druses , ou semblables à une pierre de tuf. D'autres sont en forme de cylindres de différentes fi ^ures et grosseurs, qui ont ce qu'on pourroit ap- peler une ostéocolle calcaire , où perce une trace rougeâtre de racine qui les traverse dans leur axe. La lisière de sable, dont je viens de parier, et qui entoure le coteau , n'a tout au plus que deux pieds de largeur , et quelquefois nioin^ dans l'intérieur de la montagne , qui consiste dans son noyau., et au-dessous de cette lisière, d'un sable mouvant très - tendre. A mesurer cette lisière endurcie ou pétrifiée, son voisinage le plus près de la Sarpa est de cinq cent cin- quante toises. J'ai pris, au moyen du niveau, l'é- lévation perpendiculaire qu'elle a au-dessus des; steppes unis qui tordent la Sarpa et le Volga, et je me suis assuré qu'elle a trente-neuf toises et une archine 5 j'ajouterai à ces observations que le haut pays et ses collines surpassent son élé- vation de plusieurs toises. Passons à la seconde particularité. Le haut pays se rapproche du Volga à douze verstes Tome VIL P £2<5 Î773. DE SarPIKSKAU de Sarepta, et y forme une espèce cle baie. On voit à découvert sur le rivage près de TE1- çhanka intermédiaire des couches de vases ou limon remplies de vitriol. On y remarque en- core des traces de joncs et de marécages ma- ritimes. Le professeur Gmélin , qui s'y étoit transporté avant moi , y avoit fait creuser per- pendiculairement aune très-forte profondeur, c'est-à-dire, jusqu'à un fond sableux qui forme sa couche inférieure. Ces couches de terre. vi- triolique, qui, à la vérité, ne s'étendent pas beau- coup en largeur j sont , à n'en pas douter , des restes d'un marais maritime qui étoit garni de joncs (1). (1) Les détails suivans , donnés par un voyageur exact sur l'élévation et rabaissement des eaux de la mer Caspienne , serviront de complément à l'intéressant article qu'on vient de lire. il y avoit , du côté de la rivière de Langaroud 2 plus de huit mules Angloisde terrain à sec et bien habités. En effet, on voit encore de ce côté le sommet de plusieurs maisons , dans les endroits où l'eau a peu de profondeur. On dit la même chose d'Asterâbâd ; les habitans assurent qu'il n'y a pas plus de cinquante ans que les ânes pouvoient traverser la baie , et main- tenant [en 1743] il y a deux brasses d'eau. Ceux de Balkhan rirent le même rapport au capitaine Woodroof. On ne peut donc plus douter que les grands fieuves , tels que le Volga f l'Iaïk , l'Iamba, le Sambour, le Koura, le Sefidroud , e£ d'autres moins considérables , aient perdu une immense quan- tité d'eau , que le soleil n'a pas absorbée j ce qui donne de vives inquiétudes aux habitans de la côte. » Les Russes assurent que le lac Karabougaskoï , situé ß*8 1773. DB S Â.RP1 NSKAI A communiquer à mes lecteurs quelques obser- au nord de Balkhan , a un conduit souterrain dans lequel se sont engloutis tous les bâti mens qui ont essayé de le sonder. Mais les habitans de l'île d'Ogurtjoï , qui servirent de pilotes au capitaine Woodroof5 nièrent positivement ce fait, et lui dirent que ce lac , dans sa plus grande profondeur , n'avoit pas plus de huit brasses. Il est presque rond , a près de huit lieues de circonférence ; et comme il abonde en poissons ex- cellens , ces insulaires ont continuellement deux barques em- ployées à la pêche. On peut donc raisonnablement supposer qu'ils en connoissent toutes les parties. » Selon une ancienne tradition , les eaux de la mer Cas- pienne s'élèvent pendant trente ans et diminuent pendant les trente années suivantes } mais elle est entièrement dépourvue de fondement. Je crois que la même loi qui produit un chan- gement continuel et alternatif dans cette partie de la matière , par l'évaporation , agit aussi sur la mer Caspienne. Ce lac niéditerranée est le réservoir des rivières des montagnes et des contrées qui l'environnent , et qui lui rendent à leur tour les eaux qu'il leur a prêtées. Quant a son exhaussement depuis le czar Pierre Ier , je l'attribue aux étés qui ont été moins chauds , et qui , par conséquent, ont causé moins d'évaporation ». Hanway's historical accouru of the british trade over the Cas pian sea with a journal of travels from London through Russia into Persia , etc. tom. I , chap. xxiv, p. 155, 156 et i$7. On trouvera des détails très-précieux, relativement aux connoissances que les anciens avoient de la mer Caspienne , dans un ouvrage rem- pli d'érudition et de critique , intitulé : Geographie des Grecs comparée , ou les systèmes d'Eratos thé ries , de Strabon et de Ptolémée , comparés entre eux et avec nos connoissances modernes , p. 30, 31, 100, 101 , ioi, 133. L'auteur [ le cit. Gosselin ] croit qu'elle a communiqué au- trefois avec la mer du Nord. ( Note du cit. Langlês. ) . Jl IT K O TT M A TT*' 2.2$ rations curieuses sur les environs de Sarepta. Je n'ai cependant eu occasion de les faire que dans l'arrière- saison, , lors de plusieurs voyages que j'entrepris de Zarizin pour aller botaniser. Je parlerai d'abord d'une source de sel de glauber, située au-dessus de la colonie. J'ai parlé plus haut d'une pente qui s'étend à quel- ques verstes , c'est-à-dire , de la Sarpa à i'Iel- shanka , entre le haut pays et l'enfoncement du Yolga. L'on rencontre sur cette pente plu- sieurs fonds et places humides garnies de joncs 9 qui sont des preuves certaines d'une existence de sources \ et il y en a plusieurs qui se sont fait jour à travers le terrain. Arrivé près de plu- sieurs prairies et pâturages qui appartiennent à un village nouvellement établi sur Flelshanka par le chevalier Békéîof ', l'on trouve un fond très -garni de joncs. Il part an dossier de la montagne et s'étend vers le Volga, sans aller néanmoins jusqu'à ce fleuve. Je calculai qu'il est trois ou quatre verstes au-dessus de la co- lonie. L'on rencontre dans ce fond deux veines de sources salines qui jaillissent de deux cavi- tés particulières qui se sont formées dans le haut pays. La plus considérable , est celle qui est au nord. Ses eaux sont froides et fortement chargées de sel amer. Les essais que je fis sur cette eau (1) dans le mois d'octobre suivant, (i) Si l'on verse dans cette* eau de l'huile de tartre par dé- p 3 s3o ijyj- ï>e Sarpinskaia prouvent qu'elle ne contient qu'un sel de glauber très-saturé , à raison de trente-deux grains sur une livre d'eau la plus forte. Je crois qu'en Faisant usage de cette eau comme d'une eau minérale, elle pourroit produire d'excellens ef- fets. L'on y remarque en même tems des traces d'un soufre très-fin ., mais l'on ne s'en apper- faillancc , elle forme aussi-tôt des nuages ou flocons blancs , qui se précipitent peu à peu. Ils donnent après leur dessicaîion une magnésie très-pure et de la plus grande finesse. On en retire quatre grains environ sur une livre d'eau. Si vous ajoutez à cette même eau une dissolution de sucre de saturne ou d'argent, elle blanchit comme du lait, et se précipite ensuite. Ob- servez néanmoins, qu'avec une dissolution de sucre de saturne j son résidu ou dépôt est de couleur de perle, et qu'il devient au contraire noir avec une dissolution d'argent. Ce résidu ne le cède pas au soufre le plus fin. L'on obtient un précipité jaune , si Ton y ajoute du mercure. Avec de la noix de galle , cette eau devient beaucoup plus brune que l'eau ordinaire, et après révaporation , le dépôt de ce mélange, devenu gélatineux, donne un noir pareil à de l'encre. Ce même résidu forme des cristaux de sel de glauber très-purs; et il n'y a absolument que le fond qui ne se cristallise point , mais on lui trouve la même saturation. Exposez- le au froid, il se congèle à for- mer crlace. En le calcinant il acquiert une substance sulfu- reuse , mais on n'y remarque aucune trace de sel marin. La liqueur qu'on en retire après la calcination, est blanche et saturée au plus haut degré. Enfin, si vous versez dans cette eau de l'huile de tartre goutte à goutte, cette mixtion se coagule aussi-tôt, et forme une espèce de bouillie. En la laissant reposer , et après son édulcoraûon , Ton en retire une magnésie très-fine et très-légè*e. A V K O TJ M A W. ö3t coït nullement au goût. Elle renferme aussi des particules ferrugineuses , dont on s'assure par le résidu jaune et terreux qu'elle dépose après trois fois vingt-quatre heures au fond des vase» où on l'a mise. Elle ne montre cependant rien de spiritueux, en en faisant même l'inspection sur les lieux. Cette eau a en revanche une odeur acidulé etle^goût de l'eau de Selterj mais elle a de plus un arrière-goût d'amertume^ principale- ment celle d'une des deux veines. Au printems , ces sources coulent dans des fonds unis , qui vont en pente vers la colonie et portent par con- séquent les eaux de ces sources et celles qui proviennent de la fonte des neiges , dans les en- foncemens de la Sarpa et du Volga , à travers les excavations et ravins profonds qui se sent formés dans le rivage. Il se rassemble néanmoins de ces eaux de source, dans des fonds garnis de joncs qui sont à leur proximité. Elles lais- sent après leur évaporation une telle quantité de sel, qu'on rencontre de vastes places qui en sont chargées , mais on n'y voit aucunes plantes. L'on peut , par ce moyen , recueillir beaucoup de sel de glanher , qu'il est facile d'épurer par une seconde cristallisation. On en. retire aussi de la magnésie. M. Vier ? médecin de la colonie de Sarepta , homme d'un grand mérite , se sert de ce sel de glauber avec suc- cès. Il me fit voir cinq livres de magnésie qu'il avoit préparée. Il vient de faire nettoyer la P4 ao2 1770- »£ Sarîinskaïa' source supérieure, et y envoie ses malades pour y prendre les eaux. Il n'est pas bien difficile de remonter à l'origine de ce sel de glauber, que cette source fournit en aussi grande abondance. Il existe sans doute dans l'eminence sous laquelle sort cette source , une couche de terre vitriolique, pareille à celle qu'on rencontre dans le rivage de l'Elshanka (1) intermédiaire 5 peut-être n'en est -elle qu'une continuation. Il y a beaucoup de sources sa- lines dans cette contrée ; et il est possible que prenant leurs cours sur des couches vitrioli- ques , le sel marin dont elles sont imprégnées, se transforme en un sel de glauber. Il peut aussi y avoir des veines natreuses qui composent ce sel sur les terres vitrioliques. Et qui sait si les sels lixiviels qui se forment., lorsqu'on met le feu aux steppes , ne changent pas de nature dans la terre? Qui sait, dis -je, si ce ne sont pas ces mêmes sels lixiviels qui forment ces sources natreuses , après avoir été rassemblés par les eaux externes , au moyen des pentes des hauteurs et des couches argileuses ? L'on trouve aussi beaucoup de sel de glauber dans un large ravin, qui forme vallon. Il a son débouché vers la Sarpa , à neuf verstes à peu ' (1) M. Pallas écrit tantôt Elshaoka , tantôt îelshanka 3 ce que j'ai imite, pour montrer que ce même nom a deux pronon- ciations différentes. AU KO 0 IM A 2T. 2.33 près de la colonie , et s'étend an loin dans le haut pays. Les Kalmouks lui donnent le nom . de Sostou. L'on voit plusieurs sources qui ont clés bassins garnis de joncs, et forment une espèce de ruisseau. Celui-ci se trouve entre- coupé en plusieurs places , et ce n'est qu'au printems , que son cours parvient jusqu'à la Sarpa. Les mares inférieures sont très-peu sau- mâtres. L'on trouve néanmoins , en avançant dans le vallon , une flaque d'eau qui ne des- sèche jamais, puisqu'elle est produite par une source saline. Ses eaux sont tellement chargées de sel, que l'on tire en été d'une livre d'eau, trois gros de sel de glauber et quatre scrupu- les de sel marin , sans compter le résidu qui reste au fond. Ce dépôt estmucilagineux et ne se cris- tallise point, mais il renferme encore du sel marin. Les rives ou bords des mares et autres las - fonds que l'on rencontre dans ce vallon, se chargent de sel de glauber. Au printems sur- tout, il sort de terre comme une écume , et est ensuite dispersé par le vent. Ce sel devient un peu natreux , ce qui s'opère sans doute par l'action de l'air et du soleil. La première de ces mares est à quelques verstes de la gorge du vallon. Il existe en face une petite colline , que le lavage des eaux de pluie et de neige , qui s'épanchent de son sommet, a détachée des au- tres éminences , et qui a pris la forme d'un en- tonnoir renversé. Cette colline est constituée %®% ljro. de SarfINSKAIA en plus grande partie d'une argile tenace. Elle renferme à son pied, des couches et des nids d'ocre ferrugineuse , d'un jaune qui tire sur le brun. Les Kalmouks la calcinent et s'en ser- vent ensuite pour peindre l'échaffaudage de leurs tentes. Ils appellent cette couleur Sossan , ce qui a fait donner le même nom au vallon ; Ton rencontre dans le ravin qui sépare la col- line des autres éminences, une chétive pierre ferrugineuse qui donne une couleur ronge par la calcination. Les Kalmouks ont la bonne foi de croire que cette colline augmente tous les ans en hauteur. Il se peut bien qu'elle leur pa- roisse acquérir peu à peu plus d'élévation , puis- que les eaux de pluie et de neiges minent et lavent successivement le terrain qui est à sa base. Il croît un très-beau cytise (i) sur les mon- tagnes qui environnent ce vallon ; ils y viennent même en grande quantité. Il croît en buissons, avec des jets peu élevés , à peu près comme celui qui vient dans les steppes de Daourie. Son écorceest d'un jaune doré , ses fleurs sont char- mantes, et il fait un très- joli effet par ses nom- breux épis à fleurs. On en formeront sans doute de très- belles haies. Les chevaux et les mou- tons en sont très-friands, c'est ce qui fait qu'il (i) Cytisus an nigricans, Appendix, n°. 358. pkn.Iie CI, f. 1. AU K O TT M A N. ^ 2.35 ne pousse pas de plus forts jets , parce qu'ils les broutent et les mandent avant qu'ils soient parvenus à leur portée. L'on assure que les chameaux n'y touchent pas, et cependant les Kalmouks l'appellent T emané-Shull- Oeuussun (i). Je n'ai apperçu cet arbrisseau que de place en place, si ce n'est dans ce can- ton., et dans certaines parties du haut pays qui s'étend entre le Don et le Volga. Il est aussi très-commun le long des rives de ce dernier fleuve dans le voisinage de Doubofka. Je me mis en route le 26. On côtoie le Vol^a < .i et l'on traverse les trois ruisseaux d'Ielshanka pour arriver à Zarizin. Le chemin étoit très- boueux et très-gras , parce qu il avoit tombé de fortes pluies la veille. Je trouvai ici M. Bykqf, qui m'avoit quitté en Sibérie, d'oujel'avois envoyé en avant vers le Volga , pour examiner et recueillir ce que le printems de cette contrée offre d'intéressant en plantes et en insectes. M. Sokolqf, qui étoit parti en même tems , s'en étoit séparé dès les premiers beaux jours pour remonter la Sarpa 9 et se rendre dans les steppes du Kouman; mais il n'étoit pas encore de retour. M. Ketsch- karefy autre jeune homme de ma suite , étoit: arrivé peu de tems avant moi avec nos équi- pages , parce qu'il étoit venu par eau sur la Kama. (î) Herbe de nerfs de ckametUix. s3# 1773. Steppes Je choisis cette ville pour y passer l'automne , où nous allions entrer , et une partie de l'hiver. Ses environs m'ofïroient des observations im- menses à faire sur l'histoire naturelle. J'employai néanmoins ce qui me restoit du mois de juin et tout le mois de juillet à voir les Kalmouks qui paroissoient par hordes dans le voisinage , pour se porter entre le Don et le Volga. Ceci me procura des connoissances bien plus exactes et plus détaillées sur cette nation, et je me pro- pose d'en donner l'histoire dans un ouvrage particulier, qui aura pour titre : Recherches sur les peuplades JMongoules. M. So ko lof me rejoignit vers la fin de juillet. Il avoit terminé heureusement son voyage à travers les steppes du Kouman quoiqu'il eût couru de grands dangers pour arriver à Mos- dok , petite ville peuplée de Kosaques. Elle est située près du Terek , au pied du mont Cau- case. Il fut obligé de revenir par Kislan et Astrakhan en côtoyant le Terek. Voici ce que j'ai trouvé d'intéressant dans le journal de ce voyage. S. XII. Voyage a travers les steppes du Kouman. Du 3o juin au 4 juillet. M. Sokolofy parti le 14 décembre 1772, de Krasnoïarsk ^ arriya le 7 mars 177a à Zarizin, BU K O U M A TT. *&? ayant été obligé cle prendre , dans tout ce tra- jet , les chemins d'hiver. Il parvint dans cette contrée dès les premiers beaux jours du prin- terns. Les oiseaux de passage l'y suivirent de près , c'est-à-dire vers le milieu du mois, terme habituel de leur arrivée , qui est toujours le pré- sage de l'entrée de la belle saison. Il ne put partir de Zarizin que le i5 avril. Il dut ce retard à la négligence du commandant de la place , qui tarda , je ne sais dans quel dessein, de lui fournir l'escorte dont il avoit besoin pour tra- verser les déserts du Kouman. Il se mit enfin en route vers la colonie de Sarpiskhkoï, et traversa ensuite les steppes déserts qui s'éten- dent le long de la Sarpa. La route qui conduit à Mosdok est frayée. Elle va d'abord sud-ouest en direction avec la Sarpa , à travers une plaine saline et glaiseuse , qui prend une inclinaison peu sensible. Elle, n'a guères qu'un yerste de largeur 5 il y a néan- moins des places où elle s'étend à près de deux verstes. Cette plaine se détache du haut pays qui est sur la gauche , et accompagné de lacs et de baies garnies de roseaux, Il est séparé de la plaine par des vallons qui font presque face à la Sarpa, et se termine par beaucoup d'angles qui forment promontoires. L'on ne dé- couvre en deçà de la Sarpa que le steppe qui est constitué d'une terre franche et qui forme par- tout une plaine absolument dépourvue de s 38 ^Z^- Steppes Lois; l'on n'y apperçoit pas là moindre mon- ticule. On atteint., à quinze verstes de la colonie de Sarpiskhkoï, lapremière maison de pêcheurs. On y envoyé quelquefois un détachement de Zarizin , à cause des peuplades des steppes , ou aussi pour tout autre objet. On arrive, à "vingt verstes plus loin, près du canal d'une source ; il vient de la partie occidentale du haut pays, et se porte vers la Sarpa. Les Kalmouks lui donnent le nom d'iRC-uEN. L'on découvre , au-delà du canal , une pierre sépulcrale sur un de ces angles escarpés dont j'ai parlé plus haut. Il existe des anciennes tombes sur la plu- part de ces espèces de promontoires. La pierre dont je parle ici, est dressée, elle a deux pieds de hauteur. On a taillé une fi sure humaine sur le champ qui se présente au sud. On y re- marque en même teins quelques traits ou lignes tirées transversalement, par lesquelles on vou- loit sans doute détacher le buste de la ligure. Les Russes donnent le nom de Bolvajsi à ces pierres sépulcrales ; il en existe beaucoup dans les steppes du Kouman. On en rencontre ce- pendant davantage lorsqu'on avance plus au nord, dans les contrées peu peuplées qui s'é^ tendent entre le Don et le Volga. Elles ne sont pas moins communes près del'Ilovla et du Med* vediza 5 mais elles sont toutes isolées : il est rare d'en Yoir deux très-près l'une de l'autre. Il y 35 U K O U M A N. 5*3^ en a de très-vastes. Celles qui sont construites ou accompagnées d'un revêtissernent ou orne- ment en pierres, ne sont pas aussi communes que les autres, qui ne forment qu'un amoncelle- ment ou colline de terre. Après que Ton a fait encore dix verstes , l'on atteint une autre source qui coule dans une profonde vallée, à laquelle les Kalmouks donnent le nom de Sostou-Schiria , parce que c'est là qu'ils vont chercher une terre rouge. Les eaux de cette source se jettent dans la Sarpa, et lai font former , à l'endroit de cette décharge , un vaste étang , où la colonie de Sarepta entre- tient une autre maison de pêcheurs 5 c'est la dernière maison que l'on rencontre près de la Sarpa. La grande pêche de cet étang se fait en automne. On m'a dit qu'il croît beaucoup de mûriers sauvages dans la partie supérieure de la vaste fondrière où jaillit cette source. L'on en remarque encore une dans un vaste fond à neuf verstes de Sostou-Schiria. Elle jaillit d'une fondrière formée dans le haut pays , à laquelle les Kalmouks donnent le nom de Khah- moud-Schiria. On la distingue par deux trem- bles qui ont pris croissance près de son embou- chure. L'on voit un peu au-dessus de cette source un Zaga , ou oratoire Kalmouk , situé sur le rivage de la Sarpa. Il est construit en forme de cône 5 il a de deux à trois toises de hauteur. On y voit quantité de petits lambeaux ^4Ô 1773. Steppes d'étoffes qu'on a pendus à sa proximité. L'on at- teint, un peu plus loin, la dernière place où Ton puisse faire halte sur les rives de la Sarpa, parce que la route ordinaire s'en éloigne en- suite. Elle prend son cours en direction vers le sud, au lieu que la route se prolonge plus au sud - ouest avec le haut pays dont on cô- toyé les angles sailians. On découvre entre le haut pays et renfoncement de la Sarpa , qui s'éloigne peu à peu sur la gauche, un steppe constitué de terre franche, il est salin, uni et Ta en pente. Il entrecoupe les sources nom- breuses qui jaillissent des baies ou excavations qui existent dans le haut pays , et vont porter leurs eaux dans la Sarpa. L'on ne voit . d'ail- leurs., devant soi, tant au sud qu'au sud-est, qu'une plaine illimitée, aride et parfaitement la même dans toute son étendue. On n'y ap - perçoit ni bois , ni buissons , ni collines , pas même la moindre éminence. On traverse le Toungoutou-Schiria à vingt verstes environ de la Sarpa. Il vient d'une large et profonde vallée et forme beaucoup de baies. Ses eaux deviennent salines en été dès qu'il perd sa communication avec ses baies. Il y a des places de même nature dans le bas du vallon; elles sont entremêlées avec d'autres garnies de petits joncs. Les baies sont pleines de tortues. Le nom de ce vallon vient d'une plante que les Ralmouks Kalmoufcs appellent Touncou > elle m'est restée in c on ne. L'on découvre ensuite le ruisseau d'Oulaastou- Schiria ; derrière une forte pointe de terre que forme un des angles dont j'ai parlé. Ce nom lui vient des peupliers blancs qui croissent en abondance dans son vallon. Après qu'on a passé un autre angle , l'on entre dans la vallée d'A- limiatou dans laquelle il y a une source. Elle est ainsi nommée d'une quantité de pommiers sauvages qui croissent dans la partie supérieure. Il y a de plus deux autres angles séparés par un vallon très- sec. Onatteint ensuite la vallée de Sel- miatou qui est très- large 5 son nom lui ^vient d'un Kalmouk appelé Selmé. Elle a une source dont les eaux ont un goût salin 5 elles se dé- chargent dans la Sarpa. Passé un autre angle , l'on arrive à un ruisseau auquel les Kalmouks ont donné le nom d'ArTAiGAN-OusTOu-ScHiRiA. Ses eaux sont douces. Son vallon est comme ceux dont nous venons de parler. L'extrémité supérieure répond à la source de l'Axai, ruis- seau qui prend son cours vers le Don. Les Kalmouks l'appellent Oulaastou. L'on par- vient à un autre angle qui sépare le vallon ci- dessus d u ruisseau de Saschoun-Oustou •Schiria(i) qui prend son cours vers le Don avec la rivière de Sal ou Salai. Viennent ensuite i'Ielestou- (1) Vallée de source amère. Tome FIL Q #4- 177^' Steppes Schiria , et le Bougoussoutou-ScMria (i) , près duquel le ruisseau le plus méridional, qui donne naissance au Salai , prend sa source. L'on arrive à treize verstes environ de Bourbons tou , au vallon de Soukhaitou où il y a une source. Ses rives sont constituées d'un sol rou^eâtre nui Ci l forme escarpement vers le steppe. On atteint après cela Tlaschiltou qui est derrière un angle. Ce nom lui vient de ce qu'il y croît beaucoup de nerprun (s), que les Kaimouks appellent Iaschihl à cause de son bois rouge. Le petit ruisseau qui baigne ce vallon n'ayant de cours que pendant les premiers jours du printems ., et setrouvant à sec le restant de Tannée, Ton a eu soin d'y creuser des citernes qui fournissent une eau très-potable. Les Russes qui voyagent dans cette contrée les appellent Schirokyé- Kopani. Le steppe n'avoit présenté jusqu'ici qu'un pays aride où Ton ne voyoit aucune plante; et quoique Ton eût déjà passé la mi-avril, Ton n'avoit des herbages que dans les vallons bai- gnés par des sources , au lieu que dans les con- trées méridionales tout étoit dans la plus belle verdure. Notre jeune observateur trouva sur les angles sablonneux qui forment les limites du haut pays, l'iris nain et à feuilles de chien- (i) Vallon des saules. (%) Khamnus catharticus* Ö Ü K O U M A N. 243- dent (1), et le giroflier des montagnes (2), en fleurs. Il vit dans les places où le terrain: est un peu noir , la julienne à tige hérissée (3)_, l'astragale poischiche et l'astragale à crochet (4), et l'orcanette vipérine (5). L'on voit dans les plaines arides la petite tulipe blanche à deu£ fleurs , et rornithogale dont les fleurs sont dis « posées en corymbe ombeliiforme (6). On n'ap- perçoit ces deux plantes que depuis Soukhai- tou et delà à cinquante verstes. Elles se plai- sent le long des routes. Ces plaines ne sont d'ailleurs guères propres qu'à former un asile aux serpens et aux lézards qui y abondent. La contrée devient plus herbeuse depuis Iaschil- tou , parce que le terrain est moins salin et plus sablonneux. L'on rencontre pour lors le crambe oriental (7), plusieurs astragales (8), la véronique d'Autriche (9) , la passerage perf o- liée (10), la renoncule lanugineuse et d'Illy- rie (11) , et autres semblables. (1) Iris nana tt graminifolia. (i) Cheiranthus montanus, (3) Hes péris tris lis. (4) Astragalus cicer et hamosus» (5) Onosma echioides (6) Ornithoga um umbeliatum» (7) Crambe orientalis* (8) AstragalL (9} Veronica austriaca. (10) Lepiâium perfoliaturn* (î 1) Ranunculus lanuginosus et illyricus. &44' 177<^* Steppes A vingt - cinq verstes environ d'Iaschiltou f et après avoir passé un vallon semblable à celui ci-dessus , qui est tout à fait à sec en été , Ton at- teint l'une des trois sources d'eau douce à laquel- le les Kalmonks donnent le nom de Khoulous- san-Noor. Elle est à droite de la route , à trois v erstes à peu près de distance. Ces trois sources sont situées près de trois vallons qui s'étendent du haut pays ; elles prennent leurs cours vers la Sarpa où elles se déchargent. Leur direction est sur la même ligne du nord-est au sud-ouest. La seconde est à quatre verstes environ de la première ; et la troisième à huit verstes de la seconde. Elles ont à peu- près un demi-verste de longueur sur un quart de verste de largeur. Elles s'étendent en direction des vallons., et leurs bords sont couverts de roseaux. L'on y voit la grande pervenche ( i ) , et la passerage dont je viens de parler ci-dessus. Passé une pointe de terre, on découvre de celui de ces lacs qui est le plus au sud , un ruis- seau salin et amer qui vient du haut pays. Ses eaux sont chargées d'une muire si forte , même au prin terris , que les chevaux n'en veulent pas ÎDoire. On trouve ensuite une fondrière qui est à sec , et l'on atteint delà un autre ruisseau également salin et amer. Il coule dans un large vallon qui a son débouché vers le steppe qui (î) Pervinca major. » V K O Ü M A S.' 2>4& est bas. Ses rives escarpées sont constituées d'une glaise rougeâtre , ce qui lui a fait donner le nom de Krasnaïa-Retschka. L'on a creusé ici des citernes pour la commodité des voya- geurs ; niais leurs eaux sont saumâtres. Les bords du Krasnaïa-Retschka sont garnis d'adonis d'été (1) qui étoit déjà en fleurs. C'est le der- nier ruisseau qui porte des eaux du haut pays dans la Sarpa j l'on ne rencontre plus loin que des ravins et des fondrières qui sont absolument à sec. L'on manque également d'eau dans le steppe que Ton passe ensuite , particulièrement en été , parce que les sources y sont toutes sau- mâtres. Cette lande aride devient de plus en plus sablonneuse j l'on ne rencontre que rarement quelques fonds glaiseux et salins, où il se ras- semble un peu d'eau après de fortes pluies , mais elles se perdent bientôt par l'évaporation. Le baut pays s'étend toujours au sud- ouest, et présente alternativement, comme ci-dessus, des angles saillans dont l'un sur - tout prend très- avant dans le steppe en formant une côte sablonneuse : on a été obligé d'y faire passer la route. Le nouveau chemin de Mosdok croise pareillement cette côte dans un endroit où l'on voit encore des traces d'une ancienne route très-défoncée , qui va de l'ouest à l'est. D'après les renseignemens que j'ai pu me procurer, (i) Adonis œstivalis, .... Q 3 s4# 177^* Steppes cette vieille route vient du coté d'Asof, et ts à lénataef ka. Elle servoit sans-doute de route de communication entre Asof et la ville capi- tale des Tatars dont les ruines ont conservé le nom de Dschiguit. -J'en ai fait mention plus haut en pariant de l'Akhtouba. Les Kalmouks donnent à cette route le nom cI'Okdshil- Kha.lga. Ils disent qu'elle commence près du Manytsch ., quelle passe delà devant un puits ou citerne qui s'appelle Olon-KhoudoüKj qu'elle longe ensuite la source de la Ssai et de la Sarpadans la contrée où le ruisseau de Bour- goustou - Schîroé se décharge dans un étang qu'ils appellent Schorbais-Zaohan-Noor; qu'étant arrivée là , elle prend vers Iénataefka, J'observerai que l'étang dont je viens de parler est formé des eaux de la Sarpa. "Voici les détails fabuleux que les Kalmouks nous donnent sur cette route , sur celle qui existoit auparavant , sous le nom d'OuiAN- Khalga, et sur le rempart , avec ses fossés , dont j'ai parlé, en parcourant les steppes de l'Iaïk. Ce sont des restes, disent -ils, d'un énorme char que in on toit une géante , appelée Khoubou- Khaptoun. Il étoit traîné par deux taureaux bleus ( KoetoÉ-Zarr ) d'une grosseur »extraordinaire. Elle erroit ainsi dans ces step- pes , pour chercher son époux , nommé Olon* Qassar , et qui étoit un nain de Pespèce de Micromégas. Il avoit péri dans la mer Cas- du K o u m a w.' n^j pienne , par la ruse d'un héros appelé Ak^Koé- boen. Ils brodent ce roman d'une infinité d'anec- dotes toutes aussi ridicules , qu'ils arrangent à leur manière. L'on entre ici dans un vaste fond, qui s'é- tend du. haut pays $ les Kalmouks lui donnent le nom d'I aschkost l. On y rencontre des ci- ternes dans un enfoncement dont le sol est un peu salin. Ces hordes y passent communément l'hiver ; mais elles furent assaillies , il y a quel- ques années , par des Tatars de Bessarabie. Cela vient d'une ancienne rancune qui existoit entre ces deux peuples. Ils leur enlevèrent cinq cents tentes, et une partie de leurs troupeaux. Ces Tatars occupent le sud de ces steppes , et poussent souvent leurs incursions jusqu'à la Sarpa. On atteint , au sud de la vallée dTaschkoul , quelques côtes de sable assez unies. L'astragale à gousses enflées ( 1 ) s'y plaît beaucoup. Le steppe reprend ensuite ^ et forme plaine. Il faut cependant traverser plusieurs ravins,, qui servent à l'écoulement des eaux que le prin- tems amène du haut pays. Elles se rassemblent dans des fonds salins , situés près de la source de la Sarpa. On les a désignés, sur les cartes , sous le nom de Kysil ^Khaak ;. maisdeur vra^ nom est Gulox-Khaak» (1) Astragd-lus p'hyso&s. Q4 ä4^ l77^- Stoppes A quatre-vingts verstes du vallon d'Iaschkoul ^ le haut pays qui côtoyoit toujours la route à différentes distances , disparoît -peu-à-neu, Le steppe s'incline, sensiblement vers un vaste val- lon qui se porte en pente à l'ouest. Le Ma- li y tsch y a sa source , et prend de-là son cours vers le Don. C'est ce même vallon qui coupe la côte à droite , et la sépare entièrement à une très-forte distance du steppe qui est entre le Manytsch et la Kotima. Le dernier angle du haut pays de la Sarpa forme , à l'entrée du pays baigné par le Manytsch , une montagne ronde , assez douce et unie dans son sommet. Elle présente , dans sa partie sud - est et sud- ouest^ une roche en couches horizontales. Le steppe se rétrécit tellement entre cet angle et une côte située au sud , qu'il forme comme une espèce d'encoignure. Il prend ensuite pente vers le vallon du Manytsch , qui présente , dans son principe, un enfoncement d'environ vingt verstes de largeur, et en figure de demi-cercle. C'est dans cet enfoncement ^ plein de mares sali- nes , que se rassemblent les eaux des premières sources du Manytsch, et que se forment ses ruis- seaux primitifs. Le Manytsch a aussi des eaux très - amères et très - salines , et son cours est très-lent. îl n'existe point de bois dans son voi- sinage. C'est la mauvaise qualité de ses eaux qui a engagé les voyageurs à creuser des puits dans l'enfoncement dont nous venons déparier. L'eau B V K O IT M A Uti 2.4$ de ces puits est un peusaumâtre, mais cependant potable. I] n'y a pas de sûreté pour les voya- geurs dans cette contrée , à cause des incur- sions des Tatars des montagnes , qui commet- tent des brigandages dans le pays. Les Kalmouks se cardent bien de s'établir, avec leur tente, dans le voisinage de ces hordes de voleurs. Lorsqu'on a passé les deux sources du Ma- nytsch, et toutes les mares salines de son voi- sinage, l'on arrive à un petit lac salin. Il est situé à gauche , près de« la lisière de la vallée du Manytsch. Le terrain reprend ici plus de hauteur, et devient plus sec. Il se forme de très - bon sel marin dans le lac dont nous ve- nons de parler , mais en petite quantité. Ce lac figure , pour ainsi dire , un octogone t, son angle, nord - ouest , se prolonge en un petit golfe étroit, qui prend de l'extension dans son extrémité ^ et y forme comme un second lac fort petit, dans lequel on voit une petite île. Ce lac , y Gompris le golfe , a environ cent cin- quante toises de longueur sur cent de large. Son lit est chargé d'un limon noir. L'on trouve , dès le printems , deux pouces de sel sur sa rive occidentale, et dans le milieu de son bassin. Il y a deux autres lacs salins assez considéra- bles à près de cent verstes de celui-ci. Ils sont à droite du Manytsch , où il est bordé des deux côtés par une lande sèche et unie. Les Kosa- s5o ^77^- Steppes ques du Don les appellent Sviatié-Osèra (i); ils y vont par troupes pour chercher du sel. Le lac supérieur est beaucoup plus grand que l'autre $ il a cinq verstes de longueur, et dé- pose beaucoup de sel. Le géranion ou bec de grue musqué (2) est la plante la plus commune et en même tems la plus remarquable des envi- rons du Manytsch. En suivant cette rivière jusqu'à l'endroit où le Kalaous y a son embouchure, la contrée se garnit , de ce même côté , de montagnes boi- sées qui viennent du sud; elles s'étendent en- suite dans le steppe entre le Manytsch et le Kouma : mais elles n'y forment plus qu'une côte nue. Celle-ci s'élève comme par gradins, et se porte , à l'est , vers le steppe avec les val- lons qui les entrecoupent. Elle a^ en cela, une direction pareille à celle du haut pays , près de la . Sarpa. On passe cette côte pour se ren- dre du Manytsch au Kouma. Parvenu au som- met, ori découvre , dans la plaine la plus mé- ridionale , le cours du Kouma , et ensuite la cime du Caucase , qui s'élève en-deçà du Térek. Elle étoit encore couverte de neige , et paroissoit ilotter dans les airs. En passant ces hauteurs, l'on met vingt- (1) Lacs saints. (i) Géranium mo$chatum% DU K O U M A ». 2.5l quatre heures de la source du Manytsch au Konma. Celui-ci diripe son cours de l'ouest à l'est $ il n'avoit , dans ce moment, que six toises au plus de largeur. Ses rives sont escar- pées dans la contrée où on le traverse ; c'est pourquoi l'on y a établi un pont. Il est très-ra- pide. Les prairies , qui le bordent des deux cotés, sont assez humides $ il est fâcheux qu'elles soient abâtardies par la quantité de joncs qui y croissent. Les faisans s'y plaisent beaucoup. Les Kosaques les nomment Madsarskié- Petouschki(j), à cause de leur cri. La forêt commence déjà à s'étendre. Elle consiste principalement en chênes , trembles , bou- leaux nains (2), cornouillers sanguins (3), prunelliers , saules , clématite orientale (4) , et périploque , dont les fleurs sont velues an- dedans (5). La foret se garnit davantage près de la source du fleuve qui avoisine le haut promontoire du Caucase , auquel les Tatars des montagnes donnent le nom de Bisch-Tag (6). (1) Petits coqs ce Madshar. (z) Les Russes le nomment Karagoutsch: ce mot vient de K.ara-Agatsch , qui siguirie en Tatar un arbre noir. (3) Cornus sanguinea. En Russe Kysyi. Nous, le nommons vulgairement bois panais. (4) Clematis orientait s. (5) Periploca grœca. En Russe Svidika« (é) Les cinq montagnes. ü5a l77^' Steppes I/on y voit , avec les arbres que nous venons de nommer , le hêtre (i) , 1 érable , le frêne , le poirier, le pommier _, et la vigne sauvage , et beaucoup d'autres arbres à fruits , égale- ment sauvages , qui croissent dans la contrée baignée par le Térek. On n'y voyoit, en ce mo- ment , de plantes remarquables, que la mâche ou valériane des potagers, et la jacinthe amé- thyste. La contrée fourmille de rolliers , de hruans , de gobe -mouches , et autres oiseaux semblables. Les fonds qui bordent les deux côtés du fleuve , sont remplis de tombes , principale- ment ceux à droite. Il y en a qui ont jusqu'à huit toises de hauteur $ leur grandeur est pro- portionnée. Ces tombes , et les ruines de bati- mens construits en pierres , que Ton voit à trente vcrstes au-dessus du pont , prouvent qu'il y a voit anciennement une ville assez considé- rable à cette place, et que cette contrée étoit très peuplée« Ces ruines se trouvent dans un angle formé par l'embouchure du lac Eaiba- linski et le Kouma. On ne les connoît , dans ]e gouvernement d'Astrakhan , que sous le nom de Madshar. Les enfoncemens du Kouma pré- sentent par-tout un sol fertile , et propre à toutes les cultures qui demandent un climat chaud. D'un autre côté, il seroit très - facile (i) En Russe Tschinar. DU K O U M A N. 2.53 âe mettre le steppe qui est tout ouvert , en sûreté , en établissant une ligne de défense sur le fleuve. Je suis étonné qu'avec de pareils avantages , l'on ne pense pas à repeupler cette contrée. Les Kalmouks appellent les ruines dont nous Venons de parler, Zaghan-Balcasun (i) , ou bien Madshahien - Kia - Balgasun (2.). Ce qu'ils nous disent de son origine et de son ancienne existence, n'est qu'un tissu de fables et de ridicule. J'avois chargé M. Sokolof de s'y rendre , et de m'en rapporter une descrip- tion ; mais l'escorte qu'on lui avoit donnée à Zarizin n'étoit pas suffisante pour le protéger contre les Tatars , qui rodoient par troupes dans les steppes , et principalement dans les environs de Madsliar. Ni ses Kosaques ni lui n'eurent envie de s'exposer avec autant d'im- 1 prudence. Le steppe, qui s'étend entre le Kouma et le Térek, forme d'abord une plaine, garnie, en grauide partie, de fonds salins. Le pays est le mê- me jusqu'aux premières citernes que l'on atteint après quinze verstes de route. Vient ensuite une contrée sablonneuse , remplie de monticu- les , qu'on appelle ici Bourouni. Elle s'étend de l'ouest à l'est, en coupant le steppe dans sa (1) La ville blanche. (z) La jolie ville du Madshar. a54 l77^' S t b p p ! s largeur. On peut la regarder comme faisant plus de la moitié de cette lande. Il croît ici beaucoup d'ivette ou germanclrée à feuilles li- néaires entières , et divisées en trois parties (1) , de luzerne maritime ( 2 ) , de shcrarde des champs (3), et de l'immortelle annuelle (4)* L'on y voit en même tems la germandrée à épis ronds (5) , le muflier de Dalmatie ( 6) , et le liseron de Perse {7) 5 mais ils sont moins com- muns. L'on arrive à de nouveaux puits à vingt- cinq verstes à- peu-près de la première des ci- ternes dont nous venons de parler. Ils sont situés dans une profonde et vaste fonderie , à gauche de la route. A dix verstes plus loin , on passe le dernier puits, et Tonne trouve en- suite plus d'eau que l'on ne soit arrivé au Te- rek. Parvenu-là , on est à-peu-près au milieu du steppe. C'est ici où les monticules de sable, appelées Bourouki , ont le plus de hauteur ; elles s'inclinent ensuite peu-à-peu vers le Te- rek. C'est dans cette même contrée que com- mence le désert sablonneux d' Ankétéri , qui est tyt) Teucrium ckamœpytis* {z) Medicago marina, (3) Sherardia arvensïs. (4) Xeranthemum annuum. (5) Teucrium polium. {6) Antirrhinum dalmaùcum* (7) Convolvulus persicus* DU K O U M A K. 2.55 détaché du Bouroun, dont il a été fait men* tion plus haut. Il s'étend du nord - ouest au sud-est , et ne consiste qu'en un sable mou* vant y que les vents ont amoncelé en collines , qui se trouvent entrecoupées par de gros en- foncemens. Ce pays sablonneux se termine , au nord-ouest, par un angle saillant. 11 pré- sente au contraire , à l'ouest, où il a son prin- cipe , une forte élévation , qui ressemble , de loin , à une muraille escarpée , et par-tout uni- forme. Cette espèce de muraille n'est qu'à deux verstes et demi de la route. L'on rencontre, là et dans la lande de Bouroun, l'armoise san- tonique (1 ) , et le fustet à feuilles simples et obtuses (2) ; il croît abondamment entre les col- lines de sable. L'on y voit aussi une espèce de poirier sauvage (3). Il a non seulement la feuille du saule , mais encore sa couleur. Il est épineux, et ses branches forment buisson , comme celles du pommier sauvage. Son fruit n'a pas de queue ; ce qui fait qu'il paroît collé aux branches. L'on voit ce poirier dans la partie la plus orientale de la lande sablonneuse d'An- kétéri , près de la petite ville de Tscherflénoï , qui est habitée par des Kosaques. Il se plait principalement sur ces collines de sable , aux- (1) Artemisia santonica, (2) Rhus cotinus. Planche LVII. (3) Pyrus salicifoliu. App. aQ. 531, planche LXII, f. 1. 2,56 1J■•■ n f. (1) Gmêlïn neveu, a donné dans son Reisen dwfekws* Tome FIL R 2.53 ljj2>, DE ZâRIZIN On voit , en plein steppe , sur les coteaux où passe la route, quantité de jardins d'ar- bouses. Ils viennent d'une très-belle grosseur , sans arrosemens, et ont un goût délicieux. On rencontre de ces jardins jusqu'au Metschetnaia inférieur. Les melons deZarizin surpassent pres- que ceux d' Astrakhan ; mais il s'en faut que la qualité soit la même que celle de ceux qui viennent dans les contrées plus méridionales. On les cultive en abondance , parce qu'ils ne demandent d'autres soins que de labourer le steppe à très-peu de profondeur , et de les gar- der lorsqu'ils commencent à mûrir, afin de les mettre à couvert des oiseaux et • des voleurs. Ces coteaux , et quantité d'autres qui s'éten- dent jusqu'à Doubofka , ont tous une situation bien avantageuse pour la vigne. La meilleure preuve que je puisse donner de ce que j'avance, c'est de voir un vignoble et en même teins un verger que M. Ziplétqf'o. établis près du Met- schetnaia. Il n'y a que quatre ans que cette vigne est plantée , et il en tire déjà près de vingt sland, t. III, p. 5 , une intéressante description du cours des inondations et même des environs du Volga. Cette descrip- tion a été traduite et insérée dans l'Histoire des nouvelles découvertes des savans Russes, 1. 1, in-40. On peuf aussi consulter le 21e chapitre du Voyage d'Hanway , en An- glois, et la carte que ce savani négociant voyageur a jointe à ce même chapitre. [Langlès,)  1) M I T R E ï S K\ iBc) pouds (cent soixante livres) de beau raisin, année commune. On a établi ce jardin dans un endroit où Ton avoit commencé à former auparavant une pé- pinière d'arbres fruitiers sauvages. Mais on lui a donné depuis beaucoup plus d'extension, et l'on y a joint la régularité et l'agrément. Comme il est situé sur un coteau qui fait face au Volga y en peut facilement lui fournir les arrosemens nécessaires , au moyen de deux bassins bien digues qu'on y a construits et réunis par un canal ; ce sont des sources qui leur fournissent des eaux. L'on voit, dans ce jardin, tous les arbres fruitiers possibles , et le vignoble est en seps de Hongrie et d'Astrakhan. Tout y réussit et y prospère à merveille. Il n'y a que la lisière septentrionale, et principalement l'angle supé- rieur , où toute culture seroit impraticable , parce que le sol effleure beaucoup de sel de glauber 5 ce qui vient , sans contredit , des sources cachées , et de ce qu'il existe peut-être , dans les monticules ou côtes du voisinage , des couches horizontales vitrioliques , pareilles à celles qu'on remarque en dessous de l'Elshanlca. L'on arrive à un petit village tout près du jar- din. Il est situé sur le bord du Volga. M. ZL~ -plélof en est le seigneur. Il a aussi établi , près du Metschetnaia , une ferme et un mou- lin. Il existe , un peu plus haut , un pa- reil village , habité par des paysans de la &6ö I773. DE ZARIZIN petite Russie , et situé sur le même ruisseau; Cette contrée est en même tems remarqua- ble vers le Volga , par d'anciennes ruines d'une ville Tatare , qui existoit entre le Met- schetna inférieur et le supérieur ; mais elles ne s'élèvent plus qu'au niveau du terrain. L'on y distingue encore le gros fondement et les traces d'un mur de fortifications formant un carré. Elle avoit été construite sur le bord d'un ter- rain escarpé et salin , qui partage la rive^ et se trouve à-peu-près dans le centre des deux ruisseaux de Metschetna. Il paroît que cette forteresse n'avoit qu'une porte , dans le voi- sinage de laquelle l'on remarque encore les traces d'un gros bâtiment en pierres , qui pa- roît avoir servi de cai^avanserai , ou douane. Ses fondemens représentent un vaste carré, qui a dans le milieu une large allée. L'on voit, à droite de cette allée , une enfilade de mu- railles de séparation, et à gauche ., plusieurs grandes chambres, et deux petites. Du pied du terrain escarpé , dont nous venons de par- ler , l'enfoncement uni qui borde le rivage , est , jusqu'au Metschetna supérieur, rempli de tas de décombres et de fosses , qui viennent en partie des caves écroulées , et en partie des fouilles faites par des gens qui ont cherché des trésors. L'on y voit peu de briques \ mais , en revanche , beaucoup de pierres de taille que l'on a entassées , et qui se vendent au pro- a. DmitrefsK. 261 fît du seigneur territorial. On a fouillé près du Metschetna supérieur , à côté d'une tui- lerie établie depuis plusieurs années. On a creusé, dans cette fouille, sur une pente du rivage , et l'on est parvenu à un bâtiment sou- terrain assez considérable , dont les restes font assez connoître qu'il servoit à une forge ou fonderie. Dans la même place où est située la maison de campagne du commandant , on a déterré, dit-on, lors de sa construction, les ruines etfondemens axxixmetschet. On a trouvé^ dans les fouilles faites jadis , plusieurs objets précieux , et entr'autres des lamines en or mas- sif, qui avoient servi à la garniture d'une selle de cheval ; elles étoient artistement travaillées. On rencontre encore , sur le haut pays , des ruines et fondemens d'anciennes tours de garde. L'habitation , qui existoit ici anciennement , n'étoit , à ce qu'il paroît , qu'une espèce de faubourg de la capitale et ville de résidence Tatare, dont on remarque les ruines un peu plus bas que Zarizin, prèsdel'Akhtouba. J'au- rai occasion d'en parler dans la suite. L'île , qui s'étend de l'embouchure de l'Akhtouba j>resque jusqu'à Zarizin , facilitoit- beaucoup la communication entre ce faubourg et la ville $ on lui a donné le nom de Deneschnoï. On laisse tous ces monumens à une assez forte distance sur la droite, pour prendre la route ordinaire qui pas3e sur les hauteurs. Elle K 3 Ä^S IJJ3. DE ZARIZIJT traverse le Metsclietna inférieur , qui coule entre deux rives escarpées. Elle croise ensuite le Metsclietna supérieur, dont les rivages ont tout autant d'escarpement. On y cultive beau- coup de cornichons et de melons. L'on remar- que ici , et dans tous les jardins ou plants à cornichons, qui existent le long de la partie inférieure du Volga , le pourpier avec des feuilles en forme de coing ,, et des fleurs ses- siles (1). Il croît le long des rigoles , et en si grande abondance , qu'il forme mauvaise herbe, îl vient de même dans quelques ravins que les pluies ont formés sur les rives du Volpa. Les ■S. s.j Russes n'en font pas beaucoup de cas 5 les Ar- méniens d'Astrakhan le mangent au contraire avec plaisir j, et en font des soupes aux herbes. Le lycopus à feuilles découpées en forme de plumes (2), croît sur les rives du Metsclietna , et des autres ruisseaux nuise déchargent au sud dans le Volga. L'on y voit en même teins le trefïle à fleurs retournées (3). L'on passe quelques fonds sablonneux , garnis de buissons, près du petit Pitschouguia. Ou atteint un relais de poste établi près de ce ruis- seau. Il n'y a point de maisons j on y voit seu~ (1) Portulaca olitoria , an oUracea. {%) Lycopus. Nos botanistes frar.cois l'appellent commu- nément JVlarmbe aquatique. (3) Trifolium resupïnatum* A Dmitrefsk. 263 lement quelques cabanes construites en bran- chages d'arbres , qui servent à loger les Kosa- ques qu'on y envoie tour-à-tour de Doubofka. Je fus obligé d'y passer la nuit. Il croît beaucoup d'inule année (1) , et de tus- silage ibricle (2) sur les rives sablonneuses de ce ruisseau., comme près de la plupart des ruis- seaux et rivières de la partie inférieure du Volga. L'on rencontre , sur les hauteurs oui bordent ce fleuve , une variété particulière (3) du chardon à forme de bluet (4)- Cette plante a de larges feuilles pendantes, et découpées autour de sa tige. C'est une des plus communes de ce canton. On la rencontre depuis Zarizin jusqu'à Kamischenka. J'ai vu aussi , sur quel- ques rivages , beaucoup d'anserine à feuilles étroites en forme de lance , planes et entières (5) 5 on ne la voit néanmoins que de places en places* C'est sur- tout près àe Zarizin , immédiatement au-dessus du faubourg , qu'il abonde le plus. (1) Inula helenlum. (z) Tussilago hy brida. (3) Cette variété paroît d'abord étrangère , mais elle ap- partient au Polyclone. M. le professeur Gmélin l'appelle Centaurea lacinïata , et nous en donne le dessin dans la première partie de ses Voyages, planche XXIV. Ses feuilles ont été très - bien représentées ; mais ses Heurs sont un peu inexactes. (4) Carduus cyanoides. (5) Chmopodlum scoçaria. sl(j4 1770. DE Zarizin Les fonds salins , qui entrecoupent les hau- teurs, sont très -herb eux. La plante que je re- marquai parmi celles qui y sont communes , est un statice , qui monte à une hauteur pro- digieuse 5 on le nomme KatrAn dans le pays. Les plus remarquables sont la gypsophile avec des feuilles rudes et en forme de lance ^ des fleurs mâles et femelles sur différentes plantes, et des pétales recourbés ( t ) , la scabieuse de l'Ukraine (2) , le xérantlième ? ou immortelle annuelle (3), et le panicaut des champs , dont les feuilles embrassent les tiges , et sont découpées comme des feuilles ailées (4)- Cette dernière est très- commune entre Zarizin et Doubofka ; mais on ne Fapperçoit plus dès qu'on a passé Kamischenka. Les hauteurs sont presque toutes couvertes de réglisse avec des légumes unis et sans stipules ( 5 ) , au lieu que celles qui ont des légumes velus , et des feuilles terminées par un lobe impair , pétiole (6) , et la réglisse avec des légumes épineux , et des stipules aux feuilles (7) , viennent en abondance dans les en- fonce mens du Volga. (1) Gypsophila paniculata. (1) Scabiosa ukranica. (3) Xeranthemum annuum, (4) Eryngium campestre* (5) Glycyrrhi\a glabra. (6) ...... . hirsuta. (7) ....... echinata* & Dmitrefsk. 2.65 Il y avoit autrefois un moulin sur le petit Pitschouga , près de la route ; mais on Ta trans- porté plus loin, On passe le grand Pitschouga à seize verstes du petit. Le pays , en delà de ce ruisseau, présente de fortes éniineiices très- pierreuses,et constituées d'une roche de sable; elles sont cependant couvertes de réglisse, On traverse , à sept verstes plus loin , le Dou- bof'ka (1) , et l'on atteint la petite ville , qui porte son nom , et qui est habitée par des Ko- saques. Cette ville est située sur une pente tout près du Volga, qui avoit autrefois , dans cette même place, une rive escarpée, et assez de profondeur pour que les bateaux pussent aborder à sa proximité. Les fortes inondations du printerns , et les torrens qui se renouvellent tous les ans , ont changé entièrement ce rivage«, Les mêmes causes ont fait disparoître , cette année , une île charmante , qui étoit située un peu plus haut près de l'embouchure du ruisseau de Pes- kovatka. Elle étoit garnie de jolis bosquets, et renfermoit d'excellentes prairies, quoique son sol fut sablonneux. Les eaux la minoient succes- sivement depuis un grand nombre d'années.' Lors de son entière destruction , les sables ont été portés en partie sur le rivage qui fait face à Doufoof ka ; de sorte que le courant du Volga (ï) Ruisseau de chêne. 2öö l77%- DE Zariziü? est maintenant à plus de cent toises de la ville , et très-bas dans tout ceparage. Les eaux coulent aujourd'hui sur une masse de sable presqu'à sec , lorsqu'elles sont basses. Doubofka a deux églises; l'une, très - an- cienne , construite en charpente, et l'autre en pierres 5 elle n'est pas achevée. On y voit la mai- son du feu Ataman Torsizki, qui est mort à cent vingt ans. Il existoit lors de la fondation de cette ville. Cette maison est en charpente., mais d'une construction soiide. Eile est vaste et très-bien distribuée , quoique d'un goût go- thique , et même particulier. Le propriétaire ïi'à pas vécu assez long-tems pour lavoir ache- vée. Elle est, depuis sa mort , presque déserte , parce que les héritiers occupent leurs propres maisons. Ce même Porsizki a voit aussi entre- pris de faire construire en pierres de taille un magasin public , et une douane. Il avoit fait tirer toutes ces pierres des rives du Volga , et la pierre à chaux près de lllovla. Les Kosaques de Doubofka ont été pris ., au commencement de ce siècle , de ceux du Don , et envoyés ici pour la sûreté du Volga. Ils étoient d'abord mille six cents hommes armés , au lieu qu'ils ne forment à présent que cinq cent dix- sept hommes, parce que l'on a fait passer, il y a trois ans , cinq familles de ces Kosaques à Térek , et le reste à Grébens. Ils ont conservé néanmoins leur ancienne administration , et ont A Dmitrefsk. 267 toujours leur Voiskovoï-Ataman , leur Dïak , leurs Stakhins , et leur Stciniz - Ataman. Ils sont répartis entre six stanizes : trois résident à Doubofka, et les trois autres sont dispersés clans les petites villes d'Antipofka, Karavaiua , et Bolikléa. Ces places sont encore assez peu- plées , quoiqu'elles aient perdu de leurs habi- tai! s y parce que tous ceux qu'on a fait passer près du Terek sont la plupart de jeunes gens mariés. Les Kosaques de Doubofka sont pres- que tous à leur aise. Leur principale richesse consiste en un grand nombre de bêtes à cornes 5 ce qui fait qu'ils ont établi des fermes ou mé- tairies le long de l'Ilovla, et des deux côtés du Volga , aussi loin que s'étend leur territoire. Ils appellent ces métairies Kiioutori. Lorsqu'il s'en trouve plusieurs à la proximité l'une de l'autre , on les prendroit pour de petits vil- lages. Leur territoire s'étend depuis le Pits- chouga supérieur jusqu'au Sestrenka inférieur, et va dans l'intérieur du pays , depuis le Volga jusques dans le milieu du steppe entre l'Ilovla et le Medvédiza. Le vaste enfoncement qu'on voit par-delà le Volga , en dépend aussi , et leur fournit beaucoup de bois. Ils possèdent d'excellentes terres à labour dans les fonds qui entrecoupent cette contrée élevée , et remplie de collines. Ils en cultivent une partie. Ils font un commerce très - avantageux vers le Don? en planches • soliveaux , poix et goudron. Ils ^68 \rjJ3. DE ZaRIZIK y vendent aussi des canots tont construits , et même d'assez forts bateaux. Ce sont, en partie , les Malorosses qui viennent chercher ces cl if- fërens objets , et les transportent sur des char- rettes attelées de taureaux , depuis le Volga jusqu'au Staniz de Katschaina , d'où on leur fait descendre le Don jusqu'aux villes habitées par les Kosaques , qui portent le nom de ce fleuve , parce que ceux-ci n'ont pas de forêts , dans leur voisinage. Quant aux gros bateaux , qui ont quelquefois six à huit toises de long , on les met sur des rouleaux ou cylindres , et on les fait traîner par quinze ou vingt bœufs. On voit journellement , tant que Tété dure , des files de charrettes chargées de planches , bois de charpente , et autres objets nécessaires à la construction des vaisseaux. Ces différens convois viennent des contrées supérieures du Volga , et principalement de la Kama. Arrivés à Doubofka , on les transporte par terre. On rencontre, au-dessus de Doubofka, des éminences chauves et arides. Au bout de sept verstes , l'on passe le Peskovatka , qui a une vallée profonde et escarpée, comme tous les ruisseaux qui viennent de la partie des monta- gnes pour se jetter dans le Volga. L'on atteint, à huit verstes plus loin , FOlénia^ qui se dé- charge dans le même fleuve. Le nom de ce ruisseau vient des mots ( bois de rennes ) , parce qu'on en a rencontré quelques-uns dans a Dmitrefsk. 269 son rivage sablonneux , miné par les eaux. Ce que j'avance surprendra sans cloute , et Ton aura de la peine à se persuader qu'on ait rencontré des débris de cet animal dans une contrée méri- dionale, aride , et dépourvue de bois. Mais j'observerai que beaucoup de pays, qui sont actuellement découverts , formoient autrefois de vastes forêts entre le Don et le Volga. J'a- jouterai qu'il y a des rennes près du mont Caucase , et que l'on en voit jusqu'au Kouma. Ils viennent, en hiver, jusques sur la lisière du steppe ; et la preuve de ce que j'avance 9 c'est qu'il ne se passe pas d'année que les Kal- mouks n'en tuent quelques-uns. Les rives de l'Olénia sont encore très-garnies de bois ; l'on y a établi des métairies ; mais elles ne sont pas en aussi grand nombre que près duVouiANOÏ- BouÏerak (1), J'ai appris , depuis mon retour à Pétersbourg , que les Kirguis y ont fait deux incursions, l'une en décembre 17/3, et l'au- tre dans le mois de janvier suivant. Ils en ont enlevé presque tout le monde et les bes- tiaux. Je remarquai, entre le Vodianoï et le Schi- rokoï-Bouïérak (2), le beau cytise avec des grappes simples de fleurs ., et des feuilles oblon- (f) Fond aquatique, (i) Large fond. 2JO- 1JJD. DE ZjÂRIZIN &ues et ovales (1). J'y vis en même tenis Ten-» fi aise jaune (2), qui est un épiante d'automne. Elle est commune clans cette contrée , et ou la rencontre jusqu'à Saratof. . Nous atteignîmes , à l'entrée de la nuit, îe ruisseau de Prolei - Kaschi , ou Proleika. Les Kosaques du Staniz supérieur y tiennent un relais de poste 5 il est à quarante-trois verstes de Doubofka. Passé la profonde vallée du Proleika, l'on entre dans une contrée élevée , garnie de col- Unes. Les herbes y dessèchent dès le commen- cement de l'été. Je n'y vis plus qu'une sca- bieuse (3)^ dont les fleurs sont couleur de soufre ; elle commençoit à fleurir. C'est, pour ainsi dire , la seule plante d'automne qui croisse dans les steppes élevés et arides , qui bordent la partie inférieure du Volga. L'on voit ., tout près de la route, deux gros amoncellemens de pierres , qui viennent de tombes que l'on a ouvertes , et qui n'étoient revêtues que de pierres de grès. L'on atteint , à vingt-un verstes de Proleikaschi, le Staniz de Boliklenskoï. Il est situé sur une haute pointe de terre dans (t) Chisus an nigricans. J'en ai parlé et indiqué la des- cription à Y Appendix , au n°. 358. (z) Euphrasia lutea, (3) Scabiosa. & D M I T R E F S K. 27 î l'aii gîe que forme l'embouchure du ruisseau de Bolikléa, dans le Volga. La jonction de ce gros ruisseau s'effectue immédiatement au-dessous du Staniz , après avoir reçu , peu avant , les eaux du Bérésofka , qui est bien moins consi- dérable. Ils ont tous deux leur cours clans un vallon qui sépare deux montagnes , dont l'une est adossée au Volffa , et l'autre est au-dessus du Bolikléa. La première est constituée de rochers; l'autre , au contraire , de pierres de sable \ celle- ci forme plusieurs masses. Ce Staniz a l'air d'un gros village mai construit. On y voit ce- pendant une église bâtie en charpente, et un Stanischnaïa (1). Il y a aussi un Ataman. L'on y compte une centaine de maisons. La route passe sur des éminences pierreuses. Elles occupent , en augmentant , la portion étroite du pays , qui longe entre le Volga et la Bolikléa , qui a une direction, pour ainsi dire , parallèle à ce fleuve. Ces éminences ont une superficie de sable. Il paroît provenir des ro- chers dont elles sont constituées. Les particules qui s'en sont détachées ont sans doute été pul- vérisées , et sont tombées en efflorescence. Les fonds donnent d'excellentes terres à labour ; il n'est pas possible aux Kosaques de les mettre toutes en valeur. La moisson étoit déjà très- avancée dans tout le pays. (1) Maison oe bailliage. äy$ 1 7^3. de Zarïziisf La route qui conduit à Karavaikinskoï ou Kara vanskoï-Staniz se trouve très - alongée par les détours que l'on est obligé de faire , à cause des ravins et fondrières escarpées , qui s'éten- dent vers le Volga. Ce Staniz a le même site que celui de Boliklenskoï. Il est entre deux es- carpe mens , placé sur une haute pointe de ferre , près d'un bras du Volga. L'on y ren- contre de même une église , un Stanisclmaia , et un Ataman. J'atteignis, vers le soir, Antipin - Gorodok , ou Antipofskoï- Staniz. C'est la quatrième pe- tite ville qu'occupent les Kosaques de Dou~ bof'ka. J'y passai la nuit. Cet endroit est situé , comme les autres , sur une haute pointe de terre , entre deux fondrières escarpées , qui filent vers le Volga. Celle de la gauche s'étend davantage dans le pays , et n'a point de nom . L'autre conduit d'Antipofka au Volga. Ce petit ruisseau a sa source à l'extrémité supérieure de cette fondrière j à quelques verstes du Sta- niz. La langue de terre , sur laquelle est située cette petite ville , présente une couche hori- zontale dans la rive escarpée de l'Antipofka. Cette couche semble donner une solution inat- tendue sur l'origine de tant de sources , mares , et lacs salins que l'on rencontre dans le steppe du Volga, qui forme plaine. C'est une couche argileuse d'à - peu • près quatre toises d'épais- seur y A DmitrefsK. 27$ senr , et qui s'étend à près de cinq toises par- delà le ruisseau. L'argile est rougeâtre , entre- iß C ' mêlée de jaune , et comme marbrée. Elle est tellement imprégnée de sel, qu'eue effleure beaucoup à la superficie de la rive , sans don- ner néanmoins aucun indice de sources ca- chées . Ce sont probablement ces mêmes cou- ches horizontales d'argile, fortement impré_ gnées de sel , qui entretiennent les sources et ruisseaux salins , comme , par exemple , ceux près du lac d'Elton. L'on ne peut douter de leur existence, quoiqu'on ne les voye pas. Ce qu'il y a de plus remarquable, c'est que les principales veines salines du lac d'Elton ont leur source dans le steppe qui est en -delà d' Antipofka , presqu'en face de cette forte- resse. Le rivage d'Antipofka est couvert du tithy- male à feuilles obliques (1) , du tribule terres- tre (2), et de l'inule puante (3). Ces plantes y viennent , à cause de la nature saline du terrain. Je vis ici quelques plants d'arbouses , provenant sans doute de graines perdues, qui s'étoient se- mées d'elles-mêmes. Elles n'avoientpas moins réussi sans culture, et les plantes étoienten fleurs. J'avois déjà remarqué la même chose sur les (1) Euphorbia chamaesyce, (%) Tribuliis terrestris* (3) Inula fœtida* Tome VII* 2j4 1jj5. de Zarizuc rives da Volga. J'observe cependant que les fruits de ces plants sauvages ne viennent pa£ à maturité, parce qu'ils lèvent trop tard, c'est- à dire , seulement après que les hautes eaux se sont écoulées. On exploite une carrière près du Volga, au- dessus de l'embouchure de PAntipofka. Des forçats y taillent les pierres qu'on destine aux bâtimens publics , et au canal d'Astrakhan. On n'en a pas encore transporté beaucoup , et le premier transport que l'on a fait partir a été perdu , parce que le bateau a coulé bas , à cause de sa surcharge. Passé Antipofka , la route prend de nouveau un grand détour, parce qu'il faut passer sur lea hauteurs pour éviter beaucoup de fondrières escarpées, où le chemin seroit absolument im- praticable. Je vis encore , de place en place , les arrière - fleurs de quelques astragales , du stachis ou marube annuel ( 1 ) , du mélampy- re , appelé vulgairement Blé de Vache (2), et de l'eufraise jaune (3). L'on atteint , après seize verstes de chemin , les deux ruisseaux de Sestrenki ou Sestrénizi (4)> cpî pren- nent leur cours vers le Volga. Le comman- (1) Stachys annua, (z) Melampyrum. (3) Euphrasia lutea, {4) Les deux sœurs. a Dmitrkfsk. 2/5 dant de Kamischenka a établi , près du pre- mier , une métairie et un moulin. On compte encore d'ici sept verstes jusqu'à la forteresse. Pour y arriver , on est obligé de passer d'a- bord un fond qui est à sec , et auquel certaines personnes donnent le nom de Soukhaia - Ses- trenka. En approchant de Kamischenka , l'on voit , à gauche de la route , des collines de sa- ble , où nous trouvâmes l'œillet à fleurs sim- ples sur chaque tige , les écailles du calice ovales et obtuses , les pétales divisés en plu- sieurs pointes , et les feuilles étroites (1). Ses fleurs émaillent le terrain avec celles de la shé- rardia, qu'on appelle vulgairement FHerbe a ESQJJINANCIE OU PETITE GARANCE DES CHAMPS (2). Ces plantes abondent dans ce canton. Le ruisseau de Kamischenka, et son large vallon, séparent ces collines du haut pays mon- tagneux , qui borde sa rive gauche. Il se ter- mine en lui formant un rivage élevé , constitué d'un schiste argileux bleu , entremêlé de chaux, de coquillages. Le professeur Lovitz a fait des essais avec cette première espèce de pierre , et il a trouvé qu'après avoir été calcinée au feu , elle donne des lamelles , qui font absolument l'effet d'un hygromètre. Elles marquent exac- tement le degré de l'humidité de l'air, à me- (i) Dianthus arenarius, (i) Sherardia» Sa '%yj6 1770. de Zarïzin sure qu'elles acquièrent plus ou moins de pe-r santeur. La forteresse de Dmitrefsk , ou Kamischenka , est située dans un angle inférieur formé par le Kamischenka et le Volga , sur un terrain bas et humide. L'ancienne forteresse de ce nom , construite dans le siècle dernier , avoit une situation plus salubre et plus avantageuse. Elle étoit sur une hauteur au-dessus du ruisseau $ on voit encore son rempart de terre. La for- teresse actuelle est commandée par cette hau- teur. Sa fortification consiste en quatre bas- tions, dont l'un est revêtu d'un mur en bri- ques , afin de résister aux grosses eaux , et qui communiquent l'un à l'autre par des fossés profonds, garnis de palissades. Cette forteresse renferme la cathédrale , bâtie en pierres , la chancellerie , construite en charpente , la mai- son du commandant , et quelques autres bâti- inens. La ville s'étend le long du Volga, en formant de longues rues parallèles. La princi- pale est garnie de boutiques > et depuis la for- teresse jusques dans la campagne où l'on a établi les magasins à sel. Outre la cathédrale , dont nous venons de parler , cette ville a deux autres églises. Celles - ci sont construites en charpente. L'une d'elles est nouvellement bâ- tie. Les boutiquiers vendent beaucoup de vivres et d'articles à l'usage des charretiers. Le pas- sage par cette ville est considérable, à cause A D M I f R S F S K? ±^ du transport des sels. Cette ville faisoît aussi beaucoup de commerce avec les Kalmouks , principalement avec la Slobode de Nikolskoï , située sur la rive opposée du Volga ; mais il est totalement tombé depuis que ces hordes ont abandonné les steppes qui bordent ce fleuve. Il en résulte nécessairement un tort considérable pour Dmitrefsk. Les habitans de cette ville gagneroient infi- niment, si Ton mettoit à exécution le plan que Pierre-le-Grand avoit conçu de construire un canal , qui, s'étendant d'ici à l'Ilovla, forme- roit une communication entre le Don et le Volga. L'impératrice , jalouse d'imiter en tout son illustre prédécesseur , n'a pas perdu ce pro- jet de vue. Je trouvai le professeur Lovitz et son adjoint Inokhodsof 'occupés au nivellement de la contrée où l'on doit percer ce canal. On voit encore les premiers travaux de celui qui avoit été entrepris sous le règne de Pierre Ier. C'est le capitaine Terri, Anglois de nation, qui en avoit alors la direction. Il .y a tout lieu de croire que ce canal réussira , si Ton considère le site du vallon dans lequel le Kamisclienka a son cours , la nature sauvage des hauteurs qui le séparent de l'Ilovla , et les sources nombreuses de cette contrée. Le territoire de la forteresse de Dmitrefsk commence près du Volga, entre la Sestrenka inférieure et un défilé , qui se nomme Rosié, S 3 %y$ Î77S« t> s DmîtretsK Il remonte d'un côté jusqu'à l'Ourakofka , et s'étend de l'autre jusqu'au-dessus de l'Ilovla, On y voit très - peu de bois ; mais son sol est très-fertile , particulièrement au - dessous de Dmitrefsk ; c'est un terrain tout neuf, puis- qu'on n'y a entrepris presque aucune culture. Cette forteresse jouit de la pêche du Volga depuis Tscherbakofka jusqu'à Antipof ka. Mon projet étoit de traverser le Volga , en sortant de Dmitrefsk , et parvenu sur la rive gauche , de parcourir le plus de pays que je pourrois dans ces steppes , qui sont absolument déserts , et de voir principalement la partie qui borde l'Iérousîan, de gagner ensuite les colonies situées sur les rives gauches du Volga -y et comme je me devois trouver , par ce moyen , dans les environs de Saratof, je me réservois de visiter, à mon retour , les colonies Alle- mandes ou'ona établies sur la rive droite de ce A fleuve. s. X I V. De Dmitrefsk a Ekathrinstadt. Du 8 au i5 août. Nikolskaza-Sloboda , 4 verstes. — Ruisseau de Koura, 2.0 verst. — Contrée près de Ylérous- lan. — Solianaia-Retschka. — Ruisseau de Tarp-oun. — Rivière à'Jérouslan , 18 verst. — Contrée baignée par Y Iérouslan, — Ruis- a Ekathri^stadt.' «79 seau de Bilouk. — Colonie de Kotschetnaia. «— • Colonie de Fopofkina 9 19 verstes. — Tokrofskaia ~ Sloboda > 5a verst. — Colonies au-dessus de Saratof. — Ekathrinstadl 9 4<) verst. Après avoir passé le Volga ^ le 8 août après- midi , nous prîmes , à Nikolskaia-Sloboda , les chevaux dont nous avions besoin. Cette Slo- bode est située diagonalement en face de Ka- mischenka , dans un fond de sable du bras que ce fleuve forme ici. Elle est peuplée , en partie , par des Malorosses (1) y qui s'y sont établis pour être employés au transport des sels. Il y a , dans Nikolska, plus de trois cents maisons , une jolie église en charpente y nouvellement construite, et beaucoup de boutiques ou ma- gasins , qui appartiennent à des Russes domi- ciliés« On y a établi un bureau d'expédition , à cause des sels que l'on tire du lac d'Eiton. Un membre de la direction ( 2 ) du grenier à sel de Saratof est à la tête de ce bureau $ il a avec lui un certain nombre de commis. L'on y tient un détachement. On a aussi établi des magasins cm entrepôts de sels au dehors de la (1) C'est le nom que l'on donne aux habltans Je la petite Russie. (2.) Cette direction s'appelle Nisovaïa-Solïabaïa -Co^ "îora. s 4 s8o 1773. ï>e DwitRErsK Siobode , et près d'un bras du Volga , qui en est très -voisin. C'est là qu'on charge les sels dans des bateaux qui remontent ce fleuve. Ce bras du Volga est séparé du corps du fleuve par deux îles ; on lui donne le nom de Volo- schka - Solienka ; il est à trois veretes de la Siobode , et le terrain qui l'en sépare n'est que sable. On voit beaucoup de moulins à vent sur les éminences aux environs de Nikolska. Ils sont d'une construction particulière 5 c'est celle que l'on observe dans la petite Russie. L'on a établi en même t'ems quelques moulins à eau sur le bras du Volga , dont je viens de parler. On n'auroit pas pu les placer plus avan- tageusement , parce que le cours y est très-» rapide. Nous ne pûmes rassembler les chevaux que sur îe soir. Nous nous mîmes en route , quoi- qu'il commençât à faire obscur, et fûmes pren- dre gîte dans un vallon appelé Koura , à cause du ruisseau qui a son cours au printems , et va se décharger dans le Voîça. Le reste de l'an- née, ce ruisseau n'y forme que des flaques d'eau assez »nombreuses et très - étendues ; elles sont entrecoupées par des places garnies de joncs. Il y a, près de l'embouchure du Koura, une petite Siobode peuplée de Malorosses , que les pâturages ont déterminés à s'y établir. Ils cul- tivent à-peu-près ce quiqleur en faut pour leur consommation 5 mais ils s'entretiennent prin- a EKAthrinstadt, s8i cipalement de ce qu'ils gagnent avec le trans- port des sels. On ne trouve ce ruisseau , sur les cartes qui ont paru jusqu'à présent, que sous le nom de Mienta ; mais personne ne le lui conhbît dans toute la contrée. Il croît beaucoup de camomille, de guimauve (1), et de marrube commun (2) dans les fonds. A dix verstes environ du Koura , l'on at- teint, à travers des steppes arides , le premier vallon. Il a la forme d'an profond ruisseau desséché., qui s'étend en serpentant vers l'Ié- rouslan. L'on y rencontre des places humides , garnies de joncs \ leurs fjords sont salins, et semés de jolies plantes. J'y remarquai particu- lièrement une variété de la salicorne (3) , dont j'ai donné la description et le dessin dans la première partie de ces voyages, plusieurs sou- des ( 4 ) , et beaucoup de gramen étoile ( 5 ) , qui se plaît infiniment dans les terres salines. La plupart des plantes , le roseau même , étoient couchées , au lieu qu'elles croissent le- (1) Alte a. . (z) Afarrubium. (5) Salicornia. (4) Salsolœ. ( 5 ) Schoenus aculeatus. Cette plante est la même que celle dont j'ai donné la description et le dessin dans Y Appendix , n°. 177 , sans lui fixer un in. j'ai vu dans la suite un dessin très-exact de cette plante (ââils Morison* äB^ 1773. de Dmitjlefsk vées par- tout ailleurs. J'en excepte toutefois le statice de Tatarie (1) , la sabline maritime (2) , et une variété de la camphrée (3) ? qui est an- jraeîle. Celles-ci avoient leur port ordinaire. La dernière m'a paru être une variété tout-à- fait distincte de la camphrée à feuilles linéaires et hérissées (4). Le steppe devient très-salin le long de l'Ié- rouslan , à qui les Kalmouks donnent le nom «TOuloustan. Comme il est rempli d'absinthe, il fait un pâturage agréable pour le mouflon (5) | nous en rencontrâmes quantité. Parmi les ab- sinthes qui croissent dans les steppes du Volga , je m'arrêtai à une espèce qui est très - remar- quable. Elle m'a paru être la même plante que Fherbe aux vers ou cyna de Boukarie ; et je crois qu'on pourroit le substituer , dans nos pharmacies, au cyna que nous tirons de l'étran- ger (6). (1) Statice tatarica. (a) Arenaria maritima. (3) Camphorosma. (4) Camphorosma monspeîiaca. (5) Mouton sauvage, à qui M. Pallas donne le nom de eîièvre des steppes; je me suis servi de cette dénomination dans quelques passages de l'ouvrage. (6) Y ai fait mention dans une note , pag. 60c du premier voîurne , de la ressemblance qu'il y a entre l'absinthe grise des steppes et le cyna. Cette absinthe du Volga en approche 1 ■ >ye plus parfaitement par ses fleurs, sa tige unie, et son A Ekathkinstadt, a83 L'on découvre quelques hauteurs vers la con- trée inférieure de l'Iérouslan , au lieu que nous n'avions vu , jusqu'à présent ., qu'un steppe très-uni. Il existe sur ces hauteurs plusieurs tombes avec des briques éparpillées. Le Steppe est aride , et n'a plus qu'environ huit toises d'élévation au-dessus de l'enfoncement du fleuve ; son sol est glaiseux , fréquemment salin , et ne montre aucune fertilité. L'enfoncement qui sépare le fleuve du steppe, a beaucoup de lar- geur 5 il forme d'excellentes prairies : mais l'on n'y voit que très-peu de bois. Nous fîmes halte pour la dînée près d'un fond salin , où nous vîmes beaucoup de soude dichotome ou fourchue ( 1 ) j elle n'étoit pas encore en fleurs. Le polycnème sclérosperme (2) et la soude à feuilles de tarnarisc (3) , qui gar- nissoient le steppe , a voient déjà perdu les leurs. odeur de camphre. Au lieu que le dessin que Rauvolf nous a donné de Yartemisia judaica , n'en approche pas; mais sa .description est juste. Tl n'y a point de famille de plantes qui mérite plus que celle des nombreuses armoises [artemisiae) , d'être éclaircie par une iconographie exacte. Elles abondent dans la partie méridionale de la Russie et en Sibérie. Ces ar- moises, les soudes, les aulx, les pédiculaires , et les astra- gales , y sont en général les plantes les plus communes. (1) Salsola dichotoma. (z^ Polycnemum s c le rospermum. Appendix , n°. i£83plan. XLIX, f. t. (3) Salsola tamaris cina. z%4 î77^- BE Dmïtrefsk On rencontre le long de cette route beaucoup de sison avec des feuilles capillaires et verti^ cillées (1)5 je ne l'avois pas encore vu en fleurs , quoique je l'eusse rencontré , au printems 9 dans les landes salines ; mais alors il étoit sim- plement en herbe. Il se dessèche avant que ses tiges à fleurs ne soient formées. En approchant du Targoun , on s'éloigne à gauche de l'Iérouslan , mais sans cesser de cô- toyer son enfoncement. On passe ensuite un pays uni, salin , et aride. Les environs du Tar- goun sont généralement de même nature : aussi n'y rencontre- 1- on que l'arroche haline (2), le statice en sous-arbrisseau (3) , un très-petit anabase (4) , et la soude en arbrisseau (5) , qui forme boule. On voit , de places en places , parmi ces plantes qui s'élèvent en petits buis- sons , Faxyris cératoide (6) , la soude à feuille de bruyère ( 7 ) , et l'arroche de Tatarie ( 8 ). La contrée est d'ailleurs si chétive, qu'elle ne fournit pas même des pâturages pour les bes- tiaux. Le Targoun se décharge dans l'Iérouslano (î) Sison verticillatum. (i) Atrlphx halimus. (3) Statice suffruticosa* (4) Anabasis. (5) Salsola fraticosa. (6) Axyris ceratoides» (7) Salsola ericoides. (8) Atriphx tatarica. A Ekathrinstadt, 285 L'obscurité nous obligea de prendre gîte à cinquante-cinq verstes à - peu - près du Volga. Nous avions suivi dans notre route une direc- tion presque entièrement à Test. Nous trou- vâmes un ruisseau à la proximité de cet en- droit 5 mais les eaux en sont saumâtres , et tout au plus potables. Il n'y avoit pas moyen de s'en procurer de l'Iérouslan • car nous en étions à plusieurs verstes , séparés de lui par un vaste enfoncement. Je n'ai pu savoir le nom de ce ruisseau 5 il serpente du sud à l'ouest , et s'é- coule dans rOuloustan , immédiatement au- dessous du Targoun. L'on rencontre jusqu'ici beaucoup de prairies et quelques métairies, où des Malorosses ( paysans de la petite Russie ) passent l'hiver avec leurs troupeaux. Nous traversâmes ce ruisseau à quelques verstes au-dessus de la place où nous avions gîté. Il ne manque pas d'eau ; mais elle est li- moneuse et si salée dans l'endroit où on le passe 9 qu'il est impossible de la boire. Plus loin , cette nature saline diminue beaucoup , parce qu'il s'y joint sans doute des sources d'eau douce. Ce ruisseau devient tout-à-coup salin , près de quelques fortes sources salines qui jaillissent de ses rives opposées , par- tout constituées de glaise. L'une de ces sources con- tient d'abord du sel marin ; elle est en même terns viti iolique ., et dépose beaucoup d'ocre. *86 177^' öe Dmitrefsk L'autre , qui est à sa proximité , ne produit qu'une simple muire. Il faut que ee ruisseau ait de pareilles sources bien avant d'arriver à cette place, parce que ses eaux y ont déjà un goût saumâtre très-sensible. Quelle peut donc être la matrice de pareilles sources salines dans des steppes glaiseux qui forment absolument plaine, et qui sont éloignées de toutes espèces de mon- tagnes ? Je ne vois absolument d'autre agent que des couches argileuses imprégnées de sel , pa- reilles à celles dont nous avons parlé. Il n'y a que deux à trois verstes de ce ruis- seau salin au Targoun \ mais nous fûmes obligés de faire vingt verstes pour le traverser, parce que ses rives étoient trop escarpées. Il fallut pousser jusqu'à la grande route que l'on pra- tique pour transporter les sels du lac d'Elton à Saratof. Nous avions pris , depuis le Koura, notre direction à l'est , et quelquefois un peu au sud 5 nous tournâmes ici au nord-ouest. Le steppe, qui bördele Targoun, a la même na- ture saline que ceux que nous avions passés avant. Le ruisseau serpente dans un large fond escarpé. Il forme , dans cette saison , beaucoup de baies profondes , ou de petits réservoirs d'eau entrecoupés par des places garnies de joncs. Ces eaux croupissantes sont saumâtres ,, pleines de mousses et d'herbages. Leur lit est pareil- lement salin , et effleure beaucoup de sel. Nous a EkatHrinstadt. 287 ne vîmes en plantes que la salicorne (i), Tar- roche pédônculée (2) , et quelques soucies. I^es autres places 9 et principalement la partie la plus exhaussée du rivage, sont couvertes du staticede Tatarie (3) , de plusieurs arroclies (4)» et de Faxyris cératoïde (5). Ces plantes étoient toutes dans leur pleine floraison. Le chardon à foulon avec des feuilles sinuées et jointes à leur base (6) , l'échinope à tête globulaire , et dont les feuilles sont unies en dessus (7) 9 et la centaurée avec un calice rude et des feuilles non divisées , entières et coulant dans toute la longueur des tiges (8) , y sont tout aussi com* rnuns. Je ne remarquai plus en insectes que la mante ordinaire (9), etle papillon hermione(io), qui abonde dans cette contrée, On le rencontre encore, pendant l'arrière - automne fi dans les steppes arides ; il sert de pâture à la mante dont nous venons de parler. Le steppe qui borde le Targoun n'a , comme (ï) SaUcornla. (x) A triplex pedurrculata. (3) Staues tatarica. (4) A triplex laciniata, glauca et tatarica* (5) Axyris ceratoides. {6) JDip.su eus laciniatus* (7) Echinops ritro. (8) Centaureà glastifolia. (9) Mantis oratorio,. (10) Papilio hermiorie. s88 1 jy3. de Dmitrefsk ici , que six ou huit toises d'exhaussement au- dessus du fond j il forme plaine : mais son sol est mauvais , et d'une aridité étonnante. La glaise j, ou , pour mieux dire , le limon qui est à la surface , se transforme , sur les routes , en une poussière si légère et si subtile, que , pour peu qu'elle se trouve agitée dans les tems de sécheresse , elle s'élève en l'air à une hau- teur prodigieuse. Les voyageurs en sont fort incommodés : nous éprouvâmes cet inconvé- nient , et nos habits n'étoient plus reconnois- sables. Les plantes salines sont moins com- munes entre le Targoun et l'Iérouslan ; il y a même de vastes étendues de terrain où l'on ne voit que de l'absinthe et de l'herbe absolument fanée et desséchée. Nous atteignîmes l'Iérouslan (1) , à dix- huit verstes à -peu -près du Targoun. Après avoir traversé cette rivière , nous prîmes gîte sur le rivage , qui offroit d'excellens pâturages. Les eaux de cette rivière sont délicieuses et lim- pides ; ses rives , et l'enfoncement qui les borde , sont constitués de sable. Son cours n'est ni lent ni rapide. Sa profondeur varie entre deux et six pieds, de manière que l'on rencontre beau- coup de places guéables; mais, au prin teins , elle est sujette à desdébordemens affreux. Dans l'endroit où elle est la plus large , elle n'a que (i) On l'appelle aussi Ourouslan. quinze a Ekathrinstâdt. quinze toîses. Son avant-rive ou enfoncement sablonneux n'a pas beaucoup de largeur 5 mais, en revanche , il est très - garni de peupliers à haute tige , de trembles , et de bois à coterets, Eile est riche en poissons , et je crois qu'un peu plus haut, où le pays commence à devenir montueuï , l'on trouvèrent des cantons très- propres à l'agriculture. Je n'ai pas la même opinion de la partie qui est basse , parce que F avant - rive est très-étroite , et le rivage très- escarpé ; ce qui me fait présumer que l'on ne ren- contreroit pas assez de bonnes terres laboura^ blés pour pouvoir établir des villages sur les bords de cette rivière. L'Iérouslan vient du nord ; il reçoit trois ruisseaux au-dessus du Targoun , à qui les Kal- mouks donnent le nom commun de Khoïïba. Le premier a sa source si près du petit Ousen ^ que l'on découvre ces deux ruisseaux du haut d'une côte qui a environ vingt verstes de lar- geur. Au-dessus de ces ruisseaux , la contrée* qui côtoie Tlérouslan est très - sablonneuse* Déjà ici ses rives ne sont que sable mouvante J'y remarquai beaucoup de corisperme avec des épis rudes et garnis de pointas (1) ; il monte quelquefois à la hauteur de cinq pieds deux ou trois pouces. On y voit en même tems un petit liseron , un cucubale d'une espèse parti- ^ — ' ' ' 1 ■ 11 ■ m 'i c ■ ■■ 1 i j«4 / (1) Corlspermum squarrosum. Tome FIL T %<§o l*}y3. de BmitrepsÄ culière (1), et le gypsophila avec des feuilles rudes , et en forme de lance , des fleurs mâles et femelles sur différentes plantes , et des pé- tales recourbés (2). Dès qu'on a passé l'Iérou- slan , le steppe devient plus élevé , plus sa- blonneux , et plus garni de plantes. On ren- contre des fonds unis couverts de réglisse. L'on ne voit plus guère de places salines } et ces fonds sont une preuve que le pays est plus fertile que celui que nous venions de passer. Nous vîmes , ce jour-là , beaucoup d'outardes delà grosse et de la petite espèces , ainsi qu'une petite alouette des steppes, qui est noire (3). Elles voloient par troupes. Nous les apperçûmes aussi en grand nombre dans la route qui conduit à Saratof. Cette route côtoie l'Iérouslan , parce que , passé le Targoun , ce fleuve coule presqu'en parallèle avec le Volga à plus de trente verstes de trajet. Le 11 , nous ne rencontrâmes sur notre route qu'un seul fond salin assez consi- dérable. 11 est entouré de joncs , et plein d'eau auprintems. Je vis, à sa proximité , une soude remarquable , dont la fleur n'a qu'une éta- mine(4). Cette plante est rare, et ne vient (1) Cucubalus. (%) Gypsophila panlculata» (3) Alauda spinoletia. (4) Salsola monandra. App. n°. 306, plan. XLIX, X EKATHRINSTÂDf. pas près de tous les fonds salins. On remarqua parmi les joncs beaucoup de sarrette salée (ï); elle étoit en fleurs. IL "y croît aussi de Taster à feuilles unies , charnues , en forme de lance , avec des branches inégales , et des fleurs en corymbes (2)$ il commençoit à fleurir. Nous vîmes , plus loin., où le steppe commence à prendre plus d'exhaussement , et à se garnir de petites collines de glaise > la soude à feuilles de bruyère (3) , qui formoit de petits buis- sons. L'Iérouslan change de direction dans l'en- droit où il s'éloigne de la route ; elle part pour lors de Fest ? et la contrée qui Favoisine devient montueuse. On a établi là un Oitmet (4) où Pon vend du pain et des fourrages aux voi- turiers. On y entretient aussi un pont lorsque les eaux sont hautes. On compte cent verstes eiï droite ligne d'ici jusqu'à Saratof , et environ autant jusqu'au lac d'Elton» A peine avions-nous dételé , que le feu prit au steppe par un morceau d'amadou allumé f. 1. Je serois tenté de croire que c'est la même que celle à qui M. Pallas a donné ailleurs le nom de salsola tama,~ riscina. ( L'Editeur. ) (1) Serratuta sais a, {y) Aster tripolium* (3) Salsola ericoides» (4) Maison de route. T a 302 l77^' DE DmitrbfsK que l'on avoit laissé tomber par imprudence«4 L'incendie se communiqua aussi- tôt avec une telle violence , qu'il ne fut pas possible de l'é- teindre. Nous eûmes toutes les peines imagi- nables à sauver nos voitures , et à les traîner dans une place où le feu avoit déjà fait son ra- vage. Arrivés -là, nous n'avions plus rien à craindre , mais nous eûmes beaucoup à souf- frir de la chaleur et de la fumée , jusqu'à ce que l'on pût ratrapper nos chevaux , et les at- teler. Il étoit presqu'impossible de se précau- tionner contre de pareils accidens , à cause du liâle et du vent d'est qui régnoient ; aussi voy oit- on le long du Volga , quantité de places nou- vellement incendiées , et d'autres qui brûloient encore. Nous fûmes coucher à quinze verstes environ de l'Iérouslan., près du ruisseau de Bilouk> qui vient du nord. Il est encombré clans quel- ques places par les sables , à travers lesquels il se fait jour. C'est la raison pour laquelle les eaux sont toujours fraîches, bonnes et limpi- des ? malgré qu'il soit arrêté par intervalles dans son cours. Nous découvrions des éminences qui envi- ronnent ce ruisseau et les hautes montagnes de Saratof , qui sont en - delà le Volga. Désirant voir les colonies Allemandes que l'on a éta- blies dans cette contrée , ces montagnes nous servirent, en quelque sorte, de fanal poumons A Ekathrinstadt. 29«* rendre à travers les steppes > où il n'y a au- cune route de tracée. Nous quittâmes donc la grande route de Saratof. Le pays prend un exhaussement sensible , dès qu'on a quitté le ruisseau dont nous venons de parler. Le terrain devient noir et garni d'herbe , et bien différent de celui d'où nous sortions. Nous avions trente verstes environ* à faire pour parvenir en ligne directe à la première colonie Allemande appelée Kokschetna. Ce village est composé de quarante-neuf mai- sons. Les colons qui le peuplent sont presque tous des catholiques émigrés des évêchés de Franconie 5 son nom lui vient du petit ruis- seau de Kotscjietna où il est situé. Il relève d'un cercle auquel on a donné le nom de Wa- henbourg , et qui fut formé par deux françois , l'un nommé Leroy , et l'autre Pictet , chargés de l'établissement de ces colons. Ce cercle con- tient seize colonies placées sur les rives du Volga ; la dernière est à neuf verstes de Kots- chetnaïa en descendant le fleuve , et à quatre- vingt un verstes de Saratof 5 au lieu que la co- lonie supérieure n'en est qu'à trente-huit. On verra par le tableau que je donne , l'ordre de leur site et de leur population, J'observe que les noms François et Allemands sont ceux qu'elles ont reçus de la direction , lors de leur fondation , et que les noms Russes sont ceux qui ont été portés sur les rôles par le bureau des co» T 3 294 177^' DE Dmitrefsk lonies. J'en ai laissé quelques-uns en blanc â parce que je n'ai pu me procurer leur première dénomination. NOMS RUSSES. K.osi\kaia près du ruisseau de Moukhor -Tar- lik , . . . . JBérésofka . . . Sa-Oumoric Stepnaia , Noms François , j etnomspropresPENOMBREMENT- Allem. qu'on! a ct£ obligé de rendre dans leur naturel. f Familles., Hommes Oudigorod • . . Volskaïa . . . Jablonofka . . . Popofka y près du petit Tai- ■lyk. Tarlik . . . . Tarlikofka , près du grand Tarlik , ainsi que la précéd, Skotofka .... Vrimolnaïa . , . JKrasnopole . . JCotschetnaia , JKrasnorynofka JCoiistaréva, . . . Rpvnaia . , . ,i Le nouveau Bra- bant .... Schoenfeld .... Obernberg . . .' Veidenfeld . « . Le haut Holstein. Viesenthal . . . Varenbourg . . . Choisy-le-Roi . , Neuendorf . . . Schoenthal . . . Schoenberg . . . Kreuzenach „ . . 99 39 28 S« 44 41 66 5<5 47 Si 145 99 47 62 6î 71 177 71 51 90 IOO 77 121 liS 90 III i27 204 105 116 124 I 4E NT. Distance de ces colonies à Saratof Femmes. 174 38 versta 79 39 51 40 98 48 Si 49 * 73 52 98 53 ÏOJ 54 89 55 98 59 252 6S. 178 70 9ï 72 IP7 71 118 79 135 81 On voit dans ces colonies des gens de toutes les contrées de l'Allemagne et de différentes religions. Il y en a dont les habitans ont le même culte ; dans d'autres on en professe plu- sieurs. On leur a donné un prêtre luthérien qui demeure près de l'église de Privolouaïa , A EkAtHRIKSïAT)T. 29S et doux prêtres catholiques qui ont leurs pres- bitères à Krasnopole et à Kosizkaia. Les mai- sons de ces colons sont toutes en charpente 9 construites la plupart sur un nouveau plan y de manière qu'il y a deux corps- de-logis sous le même toit. Cette proximité de ménages oc- casionne des différends. Il y a un autre incon- vénient en ce que les attenances de ces maisons , comme cours et jardins , se suivent en conti- nuité entre les maisons , et que n'étant pas très- vastes , les bâtimens se trouvent trop rapproches les uns des autres, ce qui fait que dans un in- cendie , le feu se communique par toute la ligne. Les corps-de-logis sont composés d'une grande chambre à feu , d'un porche et d'une cuisine. Dans d'autres , il y a de pins une petite chambre ou cabinet* Les villages dont je viens de donner la liste , sont tous situés sur le large enfoncement qui s'étend le long du Volga. Cette avant-rive leur fournit abondamment du foin et du bois de chauffage ; mais ces colonies manquent en gé- néral de bois de construction et de charpente. Je dois dire que la direction a fait deux grandes fautes lors de leur établissement. En premier lieu , elle a choisi un canton dont le terrain , quoique noir et de bonne qualité , est trop élevé et trop aride ß de manière que dans les années de sécheresse , qui y sont plus fréquentes que les autres , il n'y a que le bord de l'enfonce- ment des rives et quelques fonds humides qui T 4 Ä96 177^- I5E Dmitrepsk soient de rapport. En second lieu., c'est qu'ayant trop rassemblé les habitations de ces colons , on les a restreints à une trop foible portion de terrain pour qu'ils puissent en tirer parti. Il n'y en manque cependant pas. J'ai décou- vert d'ailleurs bien d'autres causes qui me font croire que ces colonies ne prospéreront point. Le canton en général est sujet àdes sécheresses et à de mauvaises récoltes , parce qu'il est ex- posé aux brûlantes chaleurs de l'été , et privé des rosées dans les années chaudes , ce qui est occasionné par les montagnes qui sont en face ; elles attirent à elles les orages et les nuées de pluie , et privent les campagnes de ce qui se- roit si utile à leur fertilité. Je n'ai point vu que ce pays soit propre à la plantation des bois. Je joindrai à cela le mauvais choix qu'on a fait des colons. La plupart sont des gens qui ont croupi dans la paresse et l'oisiveté , ne sachant aucun métier, et il existe parmi eux très-peu de laboureurs. Elle ne manque pas pour la population ; car depuis sept ans qu'elle est éta- blie , on voit une jeunesse fraîche et robuste. Il y auroit un moyen facile de mieux faire pros- pérer cette colonie , ce seroit de transplanter une partie des villages qui la composent dans une autre contrée , et de donner par ce moyen à ceux qui resteroient plus de terres pour leur entretien. Ce seroit, il me semble, le moment â'opérer cette translation , puisque de mille fa- a Ekathrinstabt.' 297 milles dont la colonie étoit composée , il y en a près de neuf cents qui se sont rendues in- dépendantes de la direction., et qui ont passé sous la Jurisdiction immédiate de la couronne. Elles sont inspectées depuis ce tems-là par un officier de cercle, établi par le comptoir de Saratof. L'on m'objectera peut - être que ce changement occasionneroit à ceux à qui le sort tomberoit , de nouveaux frais qui les arrière- roient beaucoup ; mais aussi auroient-ils l'es- pérance de voir leurs enfans plus heureux, et le gouvernement y gagneroit-il infiniment, en se procurant des sujets utiles. Je partis après midi de Kotschetnaia pour aller à Krasnopole , à qui on a donné ce nom par rapport à sa situation qui est charmante. Je me portai delà à Privolnaia^ où il y a une église 5 la direction du cercle y a son siège. Nous passâmes ensuite près de Skotofka, Tarlikofka et Tarlik , et prîmes gîte à Popof kina. Nous passâmes, le i3, devant les colonies d'Iablonof ka , Volskaia, Stepnaia, Sa-Oumorié et Bérésofka. Après avoir traversé la Slobode de Sa-Oumorié., peuplée de paysans de la petite Russie, anpasse le petit ruisseaude Metschetnaia où l'on a établi des métairies et un moulin. J'ar- rivai après midi à la Slobode de Pokrofskaia , qui est presqu'en face de Saratof. Ce sont des Malorosses qui ont établi cette Slobode , ainsi que celle de Nikolski; ce sont eux qu'on em- S(;ö ij~3. de Dmitrefsk ploie an transport des sels d'Elton. La Slobod« contient environ quatre cents maisons , il y en a d'assez bien construites. Elle renferme deux églises, l'une bâtie en bois, l'autre en pierres. La place du marché est garnie de boutiques où l'on vend toutes sortes de marchandises communes. Pokrofsnaia est un peu plus haut que Saratof, presqu'au dessous de la décharge du ruisseau de Saratof ka , dans le Volga , où l'on a établi des magasins de sels. Je partis d'iei , vers le soir, pour visiter les colonies Allemandes établies près du grand et du petit Karaman , et le long du Volga. Les colonies au-dessus de Saratof, vers les landes , ont été établies en partie par le gou- vernement, et en partie par les directions de Leroy et Pictet , et du baron de Beauregard. Les premières sont situées dans la contrée in- férieure du grand Karaman , ou sur ses rives , ou dans l'enfoncement du Volga, ou près du. bras de ce fleuve appelé Tel a usa. En voici la liste : i°. Colonies situées dans renfoncement du Volga. NOMS RUSSES. K rasnoïarofka , ou siege un offi- cier de cercle Todstçpnaïa , ou. il y a une église. Oustkaraman ....,..,.. Telausa *•• . « DÉNOMBREMENT, Familles. Hommes. Femmes. 115 lit 242 6S 139 135 5 Z 53 55 1 35 73 69 Distance 4 ï 7j3. DE DtlITRBÏSK coutelier, un charron, un serrurier et un hor- loger. J'y rencontrai aussi deux mineurs oui ont établi leur domicile dans les landes. Ils se sont faits laboureurs, ne pouvant tirer parti de leur métier. Si les environs offraient plus de dé- bouchés à ces gens de métier, Ekathrinstadt deviendrait à coup sûr un endroit florissant. L'agriculture ne fait guère de progrès dans ce pays -j des années sèches et arides qui se suc- cèdent assez fréquemment^ y mettent un obs- tacle invincible , et les chétives récoltes dé- couragent le laboureur» Cette année a été si mauvaise , qu'on a retiré à peine la semaiile dans tout le fief de Catherine et ailleurs. Les colonies qu'on a transplantées , ont eu seules une récoke passable. La disette s'est étendue jusques sur les légumes et sur les pommes de terre qui sont d'une très-grande ressource pour ces colons. Lorsque ces disettes arrivent., l'ad- ministration des magasins du gouvernement, établis à S ara toi", vient à leur secours , et leur fait passer des farines pour subsister jusqu'à des récoltes plus favorables. L'orge et l'avoine d'Egypte sont les seuls grains qui réussissent un peu dans ce terrain aride. Ces colons com- mencent à en cultiver , et il seroit à désirer que toutes les coloaies situées au-delà du Volga ; suivissent leur exemple. Lorsque les années ne sont pas trop mauvaises , le froment y vient assez bien. On a observé près du Karainan que dans A EkatHrinstadt. 3o5 dans les années de sécheresse , le froment que . l'on a voit; semé,, n'a pas germé du tout; qu'il est reste en terre jusqu'au printems suivant, où il a monté et fourni une bonne récolte sur laquelle on étoit loin de compter. Les habitans de ces contrées avoient commencé à cultiver le tabac , ils en vendoient beaucoup aux hordes Kalmoukes qui traversoient ces landes en été. IMais le débit n^en est plus aussi considérable. On en cultive cependant encore avec avantage , parce que la feuille ne le cède pas au tabac de Virginie , ce qui deyrpit encourager les fa- bricans de l'Empire , à en venir chercher. L'année n'a pas été plus favorable à cette culture qu'à celle des grains et des légumes. On a été obligé de repiquer plusieurs fois le plant , et sans de fréquens arrosemens, on n'en eût rien retiré. Il y a des années où les chenilles et les grêles du mois d'août font un tort prodigieux à la culture du tabac. Quoiqu'elle ne soit plus aussi étendue qu'autrefois, j'ai vu près de Pa- ninskoï vingt desettines de terre en tabac, et environ dix, près d'Ekathrinstadt. On en cultive principalement de deux espèces, le tabac à larges feuilles , et celui à petites feuilles en forme de lance. On a essayé de cultiver le mûrier ; mais en Hiver les lièvres ont détruit tout le jeune plant. Un habitant d'Ekathrinstadt avoit essayé de teindre des étoffes avec la guède qui croît sau- Tome VU, Y, io6 l77^- B* DmitiefsK vage et en abondance dans ce canton : mais 9 il n'a pas trouvé de débit pour sa marchandise f parce que les teinturiers sont habitués à l'indigo, qui a plus d'éclat à la vérité que le pastel. On n'a pas réussi dans la culture de la vigne ni dans celle des arbres fruitiers , à cause de la rigueur des hivers et de la sécheresse des étés. Ajoutez que les premiers froids se font sentir dès la mi-septembre , et qu'il n'eût pas été pos- sible de voir mûrir le raisin. Le pays est très- plat,, et n'a aucun abri. Si les eaux du Volga ne devenoient pas assez hautes pour inonder l'enfoncement qui borde ce fleuve , où elles sé- journent très-avant dans l'été, on pourroit y cultiver la garance., et autres plantes à tein- ture , de même que du tabac , et autres pro- ductions semblables pour lesquelles ce terrain seroit excellent > au lieu qu'il n'est bon que pour des herbages et pour le bois de chauffage nécessaire. Le pays manque de bois de char- pente. L'éducation du bétail y réussit beaucoup mieux , quoique ces colonies aient souffert de Tépizootie , et perdu beaucoup de bestiaux par leur imprudence , en envoyant leurs troupeaux dans l'enfoncement du fleuve , dès que les eaux en étoient écoulées, sans attendre que les pâ- turages fussent un peu nettoyés. Il seroit pos- sible de tirer de très-grands avantages des bes- tiaux dans le fief de Catherine , si on y intro-: a Ekathbinstadt, 307 çhùsoit la fabrication du fromage de Hollande , comme on l'a fait avec succès à Ekathrinstadt et à Paninskoï , où il n'y a cependant encore qu'un petit nombre de colons qui s'en occu- pent. On a aussi commencé à faire du fromage de Suisse dans une des colonies du grand Ka- raman , qui dépend encore de la direction. Cette fabrication réussit à merveille; on en doit le pro- jet à M. Goguely capitaine du cercle. C'est en général sur les bestiaux et la culture du ta- bac, que les colonies établies le long de la rive gauche du Volga , doivent fonder le plus d'es- poir, puisque, comme je l'ai déjà dit, la sé- cheresse des étés est trop défavorable à l'agri- cuiture^et les bonnes années qu'on peut avoir ne compensent pas les années de disette. La population qui augmente beaucoup , rend leurs besoins plus grands. Elle seroit plus forte , s'il n'y eût péri beaucoup de monde , avant que ces colons se fussent acclimatés. Des eaux un, peu saumâtres en ont fait mourir aussi beau- coup dans les colonies établies près des deux Kar amans. Ces colons n'ont aucun acide vineux. Ils se fabriquent un vinaigre avec du petit lait. Ils prennent à cet effet une partie du petit lait prove- nant de lait aigri , le mettent dans un baril , y ajoutant quelque peu de levain ou levure ; après que le tout a bien fermenté , ils en retirent un vinaigre très- fort et très-agréable. Va So8 177$* s'Ekathriîjstadt J'observerai , avant de quitter ces contrées } qu'on rencontre quelques anciennes pierres sé- pulcrales qui représentent des statues informes. On en voit deux dans le steppe , à quinze verstes de Bas-Monjou , et une troisième près de Schaf- fouse , qui est placée sur une tombe. Ces tombes abondent dans cette contrée ; on y a trouvé beaucoup d'antiquités , et l'on a rencontré dans certaines de petites monnoies Tatares. s. x V. D'EkathriwstAdt 1? Volga» Du i5 au 18 août. Tokrofskaia-Sloboda , 4 verst. — Saratof, 5 v." — Colonie de la partie occidentale du Volga. — Colonie en deçà du Volga, Je partis le i5 d'Ekathrinstadt , et pris une route beaucoup plus courte. Après qu'on a passé Telausa, on traverse le grand Karaman près d'un moulin qu'y a établi un habitant de Podstepnoï. On côtoie presque toujours un pays plat et bas qui présente d'excellentes terres à labour 5 ce sont les meilleures que j'aie vues dans ces colonies. Je passai le Volga , et arrivai d'assez bonne heure à Saratof, où je restai jus- qu'au 18 août. Cette ville avoit d'abord été bâtie sur la partie gauche du Volga 9 près du ruisseau de Sara- AU V O L & A.1 309 tofkaj c'est de lui qu'elle a pris son nom. Elle fut construite vers la lin du seizième siècle ; on en voit encore des traces. Saratof d'aujour^ d'hui est une ville de conséquence , dont le commerce a augmenté considérablement depuis l'établissement des colonies Allemandes. Elle est située sur une rive escarpée du Volga , au pied de hautes montagnes. Les unes filent au nord et côtôyent le fleuve de très-près : elles se nomment Sokolofskié. Les autres lonaent à l'ouest de la ville , et ne bordent point le Volga d'aussi près. On les appelle Lyssié-Gori , parce qu'elles sont toutes chauves et très-pier- reuses. Ces dernières sont contigues à d'autres montagnes qui s'étendent vers Ouviek 9 en des-* cendant le long du Volga, et à celles qui bor- dent ce fleuve depuis Kasan , en longeant avec l'Ilovla jusqu'au Don ; elles forment ensemble une chaîne composée en plus grande partie de montagnes calcaires en couches horizontales. Un ravin qui a la profondeur d'un gouffre , partage la ville en deux 5 de plus, elle est sé- parée de son faubourg par un ancien rem- part. La ville basse se trouve presqu'entièrë- ment dans une plaine; les rues sont larges et régulières. On y compte sept églises , un cou- vent d'hommes , et un de femmes qui est des- servi par un Archirnandrit. Il y a une chancel- lerie de Voïévodes, un bureau au sel (Niso- vaïa -Solia^aÏa-CojïtoraJ , le bureau de la V 3 Si a 1773. D'ËKATHRîNâfAîsr chancellerie de Toukel, qui a inspection stïf les colonies Allemandes , et un commandant qui préside le tribunal de police. Le bâtiment de la chancellerie des Voïévodes est en pierres. En ïace, on voit des magasins publics et des bou- tiques qui sont de même construction. Il y a à Sara'tof de très- riches habitans,, et des nobles qui possèdent des terres dans les environs. Tous ces particuliers ont de très-belles maisons. On commence peu à peu à en construire en pierres * ce qui donne beaucoup plus d'apparence à la ville. La grande place au marché est pleine de bois et de toutes sortes de marchandises qu'on y apporte des foires de Lomof et d'Ouroupi (1). On compte trois cents Allemands parmi les ha- bitans de cette ville 3 mais ces bonnes gens ont bien de la peine à tirer parti de leur industrie , excepté ceux qui ont de bons métiers. Un nommé F^erä'iera Tàiliine plantation de mûriers à cinq verstes de Saratof, et a commencé à élever des vers à soie , mais son entreprise n'a pas encore acquis beaucoup de consistance, ni d'extension, Saratof gagne beaucoup parles nombreux trans- ports, qui se font à travers son territoire , en peaux, cuirs, suifs , poissons , sel et marchan- dises de Perse qui viennent d'Astrakhan et de« * 1) Le 15 avril Ï774, cette malheureuse ville fut réduite en centres, ci la même année elle souffrit beaucoup par les ^belles qui furent mis en déroute. A TT V 0 Z Û AT 3ïi > contrées supérieures pour les provinces de la Russie , et par le passage des bateaux chargés de grains , de bois , de vaisselles en terre et en. bois, et autres marchandises semblables, qui se rendent à Astrakhan. On compte que pendant l'hiver il passe , dans le cours d'une semaine , des milliers de charettes par cette ville, char- gées de sel et de poissons, pour se rendre danâ l'intérieur de l'Empire. On a construit les magasins à sel au-dessus de la ville , au pied des montagnes de Sokolof , et les maisons des mariniers , attachés au bu- reau à sel , sont situées le long du Volga. Au- dessous de la ville , il y a d%s casernes pour loger les colons. Un habitant de Saratof., Alle- mand de nation, y a établi une auberge destinée au même objet. Les montagnes de Sokolof sont glaiseuses dans leur cime ; mais elles renferment , comme celles de Lyssié , des couches horizontales de chaux et d'argile. On rencontre, au pied des montagnes de Lyssié , de fortes couches épaisses de marne, qui sont sous le gazon. On trouve, dans le ravin ou défilé qui partage Saratof en ^deux , des cornes d'Ammon , .et autres pétri- fications, avec des silex. Il y coule une source alumineuse , qui doit sans doute sa nature aux couches d'argile caillouteuses qui constituent son lit. J'ai donné là liste des colonies Allemandes V 4 3ia 1773. ö'EkatHrinstadt situées sur la gauche , ou partie orientale du Volga; elles dépendent de la chancellerie de tutelle 9 établie à Saratof. Voici le tableau de celles situées dans la partie opposée qui avoi- sine cefle%ve; elles sont sous la même Jurisdic- tion. On se fera une idée plus claire de leur site par la carie que je donne. On divise ces colonies en six cercles 5 chacun d'eux a son inspecteur , connu sous le nom ci'Officier de Cercle. lime paroîtroit plus - naturel de les diviser par paroisses , et d'après les principales rivières qui baignent leurs terri- toires respectifs , comme le Karamisch , l'Ilovla , le M.eclvediza, etWVoI^a. Il n'y a qu'une seule colonie dans la province de Pensa, au-dessus de Saratof; elle se nomme Iagodnié- Poliani. Elle est à soixante verstes de Saratof, et à trente de Pétrofsk. Ses habi- tans sont luthériens , et on y compte quatrö- vinprt-cinq familles , dont deux cent six hommes, et cent quatre-vingt-seize femmes. Il n'y auroit pas moyen d'établir beaucoup de colonies sur les bords du Volga proprement dit j, parce que la plus grande partie du pays est occupée par les domaines d'Akhmat et de Saratof : les colonies manqueraient donc du terrain nécessaire pour pourvoir à leur subsis- tance. Voici le tableau des villages situés yers ce fleuve. À TJ V O L O A.' M NOMS DES COLONIES. Scsnofka "Sovastkinova Vadianoï-Bouïéruk. . . . . . Krestovoï-Bouïérak Stscheibakofka . . ...... Boudakof-Bouïérak 'Verkhna-Koulalina ou Galka . Oust-Koulalina Verkhna-Dobnnka Nishna-Dobrinka DÉNOMBREMENT. Distance _ de ces Familles. Hommes Femmes. » oaratOJ 9S S9 32 35 49 45 43 57 iS 33 215 i?7 70 69 Ï14 IC2 ir4 124 23 1S5 214 143 74 73 115 85 PS n6 63 163 Ces colonies sont toutes luthériennes , à l'ex?- ception de celle de Sévastianofka. Elles ont deux églises et deux prêtres 5 l'une à Vodianoï- Bouïérak \ l'autre à Oustkoulalina. Il y a en- core quelques "villages situés en descendant le Volga , qui tiennent à ces paroisses. Sévastia- nofka est annexe des colonies calvinistes , qui ont leur paroisse à Oustslikha. Le Karamisch a sa source dans une contrée montagneuse, à l'ouest de Solotoskoï - Selo, plus à la proximité duMedvécliza que du Volga. Il prend ensuite son cours au nord des mon- tagnes du Volgoï , et assez près d'elles. ïl ser^- pente de-là vers le Medvédiza , dans lequel ii se décharge , après s'être réuni au Latrig. La contrée inférieure, pariaquelle il passe , en se rapprochant du Medvédiza , est peuplée de villages Russes. Les colonies Allemandes oc- cupent presque tout le pays où il a le plus 3x4 ^77^' *>'EkàT#RI!Ï8TABT d'étendue, et celui où coulent les nuisseaus: qui se réunissent à lui. Le surplus appartient à quelques villages peuplés par des Russes , dépendans des domaines. Celles que j'ai mar- quées d'une astérique sont situées sur des ruis- seaux dont elles ont pris le nom ; les autres sont toutes sur les bords du Karamiscli. NOMS DES COLONIES. Talofska , sur la droite . . . f Norka , sur la gauche ..... * Splavnouscha , à gauche . . -Popof ka , à droite *Goloï-Karamisch , à droite . * KÏioutschi , i droite .... * Oustsaiischa , à droite . . . * Gololcbof ka , â gauche. . . * Lesnoï-Karamisch a à droite (Karamischef ka, à gauche . . * Kamennoï-Ovrag , à droite . Makarofka, £ dibite Potschinkaia , à droite. . . . .Verschinina , à droite .... Olesc'îna Pametna •..«. Verkhovié DENOMBREMENT. Familles, Hommes. Femmes 75 185 212 501 So 19 f 79 184 98 257 6t 149 «7 206 105 238 171 402 54 124 14 27 3 entreprise près de cette colonie , m'avoit seule engagé à faire un détour assez considérable. Je m'assurai , avec satis- faction , que la vigne y réussit très-bien. C'est à un vigneron d'un bourg situé sur le Rhin f nommé Peiler , qu'on doit cet essai. Il a formé deux jardins > dans lesquels il a déjà trois cents ceps en rapport \ ils lui ont donné, l'année dernière, vingt pouds (4) de raisins. Le froid y survenu cette année dans les fêtes de la Pen- tecôte , avoit fait tort à la fleur , et rendoit les espérances de sa vendange moins grandes que l'année précédente. Quoique sa vigne soit dans un terrain assez sec , il n'arrose pas beau- (i) Plantago cynops. (i) Stachys annua. (3) Astragalus dasyanthus. Appeudix3 nd. 375- , et plan, LXXXV,£i. (4) Huit Gents livres, 3£ % Bn4 1778. de Saratof coup Les ceps. Ce raisin est infiniment infé- rieur à celui d'Astrakhan , pour la grosseur 9 l'apparence , et le goût ; mais il donne un bien meilleur vin que celui d'Àstrakkan, qui est très-médiocre. J'attribuai la supériorité du vin de Galka à la nature du terrain , qui n'a rien de salin , et à ce que le vigneron n'arrose pas les ceps. Je ne puis mieux comparer son vin qu'à un petit vin de France , léger en couleur. A Astrakhan , au contraire , ils ont la manie de donner de nombreux arrosemens à leurs vignes , et de mouiller tellement la terre , qu'elle ne forme plus qu'une bourbe. On obtient, à la vérité, par de fréquens arrosemens., un raisin plus gros et plus rempli , et il mûrit plutôt. C'est ce qui fait qu'on suit cette méthode à Astrakhan., où l'on cultive la vigne plutôt pour le fruit que pour en faire du vin. Il est donc prouvé que pour tirer d'une vigne un bon vin de garde, il faut éviter les arrosemens. Cette colonie est située sur le ruisseau de Koulalina 3 on en trouve encore une autre près de son embouchure. Ses eaux se perdent sous terre à peu de distance de sa source 5 mais elles reprennent jour vers le Volga, et forment plu- sieurs mares très-poissonneuses. Je me portai sur Verkhnaia-Dobrinka. Cette colonie a , vers le ruisseau , un vaste enfon- cement où l'on cultive du tabac et toutes sortes de légumes, qui réussissent à souhait, mêm» A ZaB-IZIN. 325 dans les années sèches. Quelques-uns des co- lons ont commencé, à l'exemple du vigneron dont j'ai parlé plus haut, à y cultiver la vi- gne. Il seroit à désirer qu'on suivît cet exem- ple dans toutes les colonies établies vers le Volga , au-dessous de Solotoï-Sélo. Je serois même d'avis que le gouvernement encourageât cette culture par de petites primes. Le pays y est très-propre^ parce qu'il est plein de coteaux pierreux , graveleux , et marneux à la super- ficie du sol. Ils ont l'exposition la plus avan- tageuse ; le soleil y donne en plein , et cepen- dant le terrain n'est pas trop sec , et n'a rien de salin. On sait parfaitement que la tempéra- ture est beaucoup plus douce dans le pays qui avoisine le Volga que dans les steppes , qui sont plus éloignés , et dans les contrées voi- sines de riiovla. On y voit rarement périr des plantes par la gelée. Le district de Bmitrefs- koï jouit de la même température, et le Don baigne une quantité de contrées où l'on pourroit cultiver la vigne. Les eaux du Dobrinka , du Koulalinka , du Doubofka, et du Ternofka s'enfouissent d'es- pace en espace dans le gravier. Le premier se dessèche en été , déjà près de son embouchure t et devient plein de petites pierres de craie. Dobrinka est la colonie du territoire de Sa- ratof , située le plus au midi. Elle n'est qu'à trente yerstes de Dmitrefsk. Nous atteignîmes * X 3 3%6 1JJD. de Saratof à Tentrée de la miit , le ruisseau et le petit village de Doubofka , où des bourgeois de Dmi- trefsk se sont établis. Nous nous mîmes en route après avoir relayé. Nous traversâmes , dans la nuit , les ruisseaux de Ternof'ka et Li- pofka , et atteignîmes , à la pointe du jour, la forteresse de Dmitrefsk. C'étoit précisément la saison où les plantes salines sont parvenues à leur perfection. Les unes étoient en fleurs , les autres montroient déjà leur germe ou leurs aigrettes. Je me ilat- tois de faire une excellente récolte de graines de ces différentes plantes dans les environs du lac d'Elton. Je formai donc le projet de re- tourner de Dmitrefsk à Zarizin à travers les landes , pour me rendre à ce lac. Je faisois , à la vérité, un détour 5 mais j'avois consacré cet automne àbotaniser, et à étudier les plantes salines de cette contrée , n'ayant d'ailleurs au- cune occupation intéressante quipût me distraire de cette entreprise. Le 22 , je traversai , de rechef , le Volga près de Dmitrefsk. Nous eûmes beaucoup de peine , et courûmes même quelques dangers clans ce passage , à cause du vent qui souffloit avec violence ., et nous étoit en même teins contraire. Après avoir pris des relais à Nikol- skaîa , nous continuâmes notre route à tra- vers le steppe. 11 est d'abord très - uni et sa- blonneux 3 l'on n'y voit aussi presqu'auc mi* jl Zàrizin. 3ïj autre plante que le kali ordinaire (1). L'on passe ensuite près d'un petit lac, appelé Pres- Tv'OÏ-Oséro. L'on découvre , après cela, à qua- torze verstes du Volga, en ligne à -peu- près directe , quelques puits ruinés ; ils sont dans un fond. L'on arrive à vingt - deux verstes et demi plus loin près d'un Oumet (2) , qui tombe en ruines 3 il se nomme TaliKi. Nous attei- gnîmes , vers la nuit , l' avant-poste de Mogou- tefskoï,, à qui l'on a donné le nom de Man- gout , d'après un marais garni de joncs , qui existe dans le steppe. Ce poste n'est , à pro- prement dire , comme ceux dont nous parle- rons dans la suite , qu'une simple maison de route , entourée d'une cour close en planches , où les voituriers , qni cliarient les sels , font halte , et laissent leurs chevaux lorsqu'ils tom- bent assez malades pour n'être plus en état d'avancer. L'on y tient une garde composée de quelques Kosaques. Le marais , dont nous ve- nons de parler, étoit entièrement à sec. Il y a quelques puits près de son bord 5 les eaux en sont très-bonnes , quoiqu'ils n'aient pas plus d'une toise et demie de profondeur. L'on passe > pour se rendre de Mogoutefskoï à Soubofskoï-Oumet , un pays de sable élevé , où il y a des citernes ; elles ne sont point en- (1) Salsola kali. (z; Maison de route» x 4 32.8 Ijjl). DE SârAtOî cadrées. Elles n'ont de l'eau qu'au printems , et sont presqu'entièrement comblées par les sables. L'on rencontre au contraire , près de Soubofskoï , d'excellens puits bien enchâssés j ils ont environ quatre toises d'eau. Ce steppe aride présente , de plus en plus , depuis cet Oumet , des plantes salines. Nous y Times d'a- bord beaucoup de soude à feuille d'orpin ( 1 ) , et de soude haccifère(2). L'on rencontre, à dix - sept verstes de Sou- bova > des puits situés sur le bord du chemin. Ceux qui conduisent les sels les appellent Abis- sovi-RoLODESsi. L*on entre ici dans de vastes campagnes salines , qui bordent un marais de même nature. Il n'y a de l'eau qu'au printems , et il ne formoit , dans ce moment ,^qu'un fond dont la superficie étoit couverte d'une légère croûte de sel marin. Nous y remarquâmes la salicorne herbacée (3) 5 elle vient très - haute. L'on voit de grandes places couvertes de la sa- licorne strobilacée (4) , presqu'à niveau du ter- (ï) Salsola sedoides. J'ai fait mention de cette plante dans V Appendix n°. 303 , sous la même dénomination que je lui donne ici. Je me suis ressouvenu depuis, que M. Limiez en parle dans son Mantissa, pag. 54, sous le nom de s al" sola miiricaca. (z) Salsola haccifera. C'est Yanabasis foliosa de Linnée* Ses graines, en maturité, sont renfermées dans une petite vessie remplie d'un suc rouge. (3) Salicornia htrbacea. (4} Salicornia strobilacée* a Zarizin. 3z() rain ; elle étoit accompagnée de l'arrociie por- tulacoïcle (1). La partie de cette campagne sa- line , où il y a plus d'exhaussement , étoit cou- verte de l'arrociie halime ou maritime (2,) , du statice sous-ligneux (3), de la soude rosacée avec des calices étendus (4)> et de ^a soude salée (5). J'y remarquai aussi une autre soude que je n'avois pas encore rencontrée dans son état de perfection. Il y croît en même teins de l'armoise soyeuse (6). Nous atteignîmes Baloukhtinskoï - Oumet , à six verstes des puits dont nous venons de parler. Nos guides y firent rafraîchir leurs che- vaux. L'on y trouve d'excellentes citernes. On entre ensuite , après trois verstes de route 9 dans un fond garni de joncs. Il a beaucoup d'extension , et Ton a donné son nom à cette •maison de route , puisqu'il s'appelle Balou- KHta. L'on compte encore trente-sept verstes au lac d'Elton , où nous arrivâmes fort avant dans la nuit. Ce lac salin, auquel les Kalmouks donnent le nom cI'Altan-Nor (7) , à cause qu'il parozt (1) Atriplex portulacoides. (x) A triplex halimus. (3) Statice suffruticosa* (4) Sais o la rosacea. (5) S 'also la salsa. (6) Artemisia sericea. Gmel. FI. Sib. z. p. 131. n°. 113. (7) Lac doré. •2 t 3^o ïZZ^- DE Saratof tout rouge lorsque le soleil donne dessus , est presque tout aussi vaste que celui d'Inderski. C'est du mot Altan qu'est venu , par corrup- tion de langue , celui d'Elton ou Ielton. Il forme un léger ovale assez régulier, ayant son plus grand diamètre de l'est à l'ouest. Ses rives escarpées sont par fois entrecoupées de petites anses. Elles ont communément depuis deux jusqu'à quatre toises d'exhaussement au-dessus de ses bords unis. Passé les rives , le steppe prend de tous côtés plus d'élévation , et monte insensiblement à deux ou trois toises. Au nord , le steppe se trouve tout - à - fait adossé au lac avec un exhaussement assez considérable. Il présente là une couche horizontale de schiste dans une rive constituée d'une argile rouge. Autant qu'on a pu s'en assurer , le lit du lac est par- tout très - uni. Sa muire a beaucoup diminué depuis trois ans : aussi les eaux sont si basses , que l'on peut le traverser maintenant à pied , et l'on a tout au plus de l'eau jusqu'à la poitrine. Le haut rivage est plein de fondrières à sec , mais entrecoupées de plusieurs sources à muire et de ruisseaux salins. Il y a un de ces ruis- seaux à l'extrémité occidentale du steppe. On le découvre de loin. Il arrive en serpentant à travers la lande, et se forme une vaste em- bouchure dans le lac , au moyen d'un large 2 auquel on donne le nom de Sojliajska- A Z A R I Z I N. 33 1 RetschXa. Ce ruisseau est assez considérable , et ses eaux sont limpides. L'on arrive , plus loin , à un fond escarpé et entrecoupé de pro- fondes mares légèrement salées , et garnies de joncs. Ce fond n'a un courant d'eau qu'au prin- terns; on l'appelle Ojlan - Sakha. Passé ce fond , Ton se trouve dans la partie septentrio- nale du lac. L'on remarque là un large ruis- seau salin , dont le cours est très-lent , et un fond auquel les Kalmouks donnent le nom de Khara-Sakma. Ce ruisseau vient du nord-ouest, et tombe dans le lac 5 l'on dit qu'il a sa source à trente verstes de son embouchure. L'Oulan et le Kh ara- Sakha sont séparés par une pointe de terre ( IaizkaiA - Rossa ) , qui est remplie de sources 5 elle pénètre assez avant dans le lac. L'Altan-Nor reçoit un autre ruisseau salin immédiatement à côté du premier. Les Russes l'appellent Grémiatscha (i)j il coule avec beaucoup de rapidité. A l'est d'une hauteur , qui se présente au nord du lac ,, est l'embou- chure du grand Smoroda , au lieu que le petit Smoroda a la sienne à l'extrémité orientale de cet Altan-Nor. Il reçoit aussi les eaux de quantité de sources 5 les unes se font jour à travers le rivage , les autres filtrent cje son lit même. Tous ces ruisseaux et sources sont assez salins , et les eaux du premier sont salées au (1) Le bruyant. 3*>2 1773. de Saratof point qu'elles approchent du degré de satura- tion. L'on peut regarder ce lac comme une saline inépuisable , et l'on n'aura pas grand'peine à trouver les causes de cette richesse. La muire , qui se rassemble dans ce lac , a une superficie plus que suffisante pour l'évaporation : le sel reste , et forme , d'année en année , de nou- velles couches. Il est possible que les années humides augmentent par fois la muire 5 mais je dirai en même tems que la diminution du sel ne peut pas être bien sensible. En compa- raison de toute sa niasse , on deyroit en tirer tous les ans des milliers > et cela pendant des siècles. L'on a exploité, jusqu'à présent,, de ce sel à trois places différentes du rivage. Ce que l'on a enlevé n'est presque pas sensible , en comparaison de la masse totale , et cette Soustraction se reproduit en très - peu d'an- nées. On n'a pas encore sondé à quelle profondeur va la couche de sel qui couvre le lit du lac. Lorsqu'on exploite , on commence par enlever la première croûte , qui s'est formée dans l'an- née. Le sel qui la compose n'ayant pas encore acquis sa parfaite maturité , ni assez de soli- dité, on le laisse de côté. L'on enlève ensuite la seconde couche , qui a été formée dans l'an- née précédente. Ces couches ont un verstchok environ d'épaisseur , et sont séparées l'une de a Zartzin. 333 l'antre par une légère entre-couche de limon noir. Parvenu à la cinquième couche , Ton rencontre entre celle-ci et la quatrième , qui la précède, un pareil limon noir à quatre em- pans de hauteur. Sous ce limon viennent d'au- tres couches de sel plus minces , fplus solides ., et plus compactes que celles qui sont au-des- sus. Il n'est pas possible de sonder à plus de profondeur , à cause du limon qui devient trop fluide, La couche que l'on exploitait alors étoit d'une épaisseur extraordinaire , parce que l'été avoit été très-sec. Le sel de l'année formoit un lit de près de cinq doigts d'épaisseur , et il augmentoit encore. Les vents d'est ayant fait retirer les eaux salées du rivage ,, l'on voyoit distinctement comment ce sel se produit. On le voit répandu en mottes assez minces , mais de la grosseur d'un empan. Lorsque le tems estcalme , elles se forment d'abord à la superfi- cie de la muire en pellicules ou petites croûtes très-minces 5 puis, prenant une certaine pe- santeur ^ elles tombent à fond, et s'accumu- lent couches sur couches. Les petits espaces intermédiaires se remplissent par la formation, du nouveau sel , et le tout ne devient alors qu'une masse. Lorsque ces mottes sont encore détachées , elles présentent en - dessous des cubes , et dans leur surface des aiguilles de sel de glauber très- déliées ; ce qui produit un effet 334 177^t DE S" ab. at or charmant. Ces cubes et ces aiguilles se forment principalement dans les tems frais de l'automne ; ce qui fait que le sel de l'été est toujours le .meilleur ; il est moins abâtardi par le sel amer. C'est d'après ces rapports que le sel gemme d'ilezki est beaucoup supérieur au sel d'El- ton. Les sources qui jaillissent du lit du lac se frayent un passage à travers le sel , et se for- ment des canaux. Si, après la retraite des eaux, l'on veut parcourir le lac à pied, il faut bien se garder de ces conduits , parce qu'on cour- roit risque de s'enfoncer dans la vase noire dont ils sont remplis. L'eau salée de ces sources a communément une apparence rougeâtre , et une forte odeur d'œuf pourri. Il s'y forme aussi une pellicule grasse de diverses couleurs, qui nage à la surface. Lorsque les eaux salées du lac ont beaucoup de hauteur, et que le soleil donne dessus , elles paroissent toutes rouges de loin , comme il me semble l'avoir déjà dit. A l'époque où je fus témoin de ce phénomène , cette muire tiroit un peu sur la couleur de feu. On donne, dans le pays, le nom de Râpa à cette maire ou eau salée. Le sel de l'année., qui forme la couche supérieure , et qui n'a pas encore acquis toute sa consistance , ne devient pas blanc , et ne durcit qu'à sa surface 5 en le brisant , il est au contraire d'un rouge foncé. Il a en même tems cette odeur de violette ou 'A Z A R T Z I 3f. 335 de framboise que l'on remarque dans tous les sels rouges , et il la conserve long-tems. Dans quelques places > il prend une couleur ver- datre. Les ouvriers qui travaillent à l'exploitation de ce sel , sont tous des hommes libres , qui se livrent , de leur propre gré , à cette besogne pendant cinq à six mois de la belle saison. Ils arrivent au printems , et quittent les tra- vaux à la fin de l'été. Il n'y avoit, cette année, que cinq cent cinquante de ces Lomschiki (i), parce qu'on avoit, je ne sais à quel dessein ? répandu le bruit que l'exploitation ne seroit pas aussi forte que les années précédentes. Ils y viennent communément au nombre de mille ^ et l'on en a compté jusqu'à quatre mille en 1768, 69, et 70. La hauteur de la muire ren- doit autrefois l'exploitation très-difficile. L'on auroit dû s'attendre à beaucoup moins d'obs- tacles , puisque le lac a beaucoup perdu de sa profondeur ; mais c'est le contraire , car l'on a eu beaucoup plus de mal cette année , quoi- qu'on exploitât à trois verstes du rivage , où la muire n'avoit pas deux pieds de profondeur. Ces travailleurs se distribuent deux par deux : placés ainsi à quelque distance les uns des auties, ils se mettent à rompre la couche de sel avec des pics de fer pointus , et montés sur une perche , '."■ • ■ ■ ■ Lu 1 il ■ "il 1 I '■' 1 wtmm- -»-r ' -■■■■■ 1 1 11 il 11 ■ (1) Briseurs de sel. 336* 177^' DE Sahatof semblables à ceux dont on se sert en Russie pour rompre les glaces. A mesure qu'on déta* che des pierres de cette masse de sel , on les brise et l'on amoncelé le sel avec des pelles , après l'avoir lavé dans la muire , pour en dé- tacher le limon. Dès que les vents font remonter •les eaux vers le rivage , ou qu'elles se trou- Tent au moins au niveau du lac , l'on charge ce sel dans de grandes naÇelles qu'on tire à bras jusques sur les rives. L'on a creusé à cet effet des canaux à plus de deux vers tes ; mais on devroit les garnir de fascines ou de planches , afin de n'être pas obligé de les nettoyer aussi souvent. Sans ces canaux , il n'y auroit pas moyen de faire parvenir ces nacelles jusqu'au rivage. Ces travailleurs , associés deux par deux dans leurs travaux , conviennent avec des voituriers de leur fournir certaine quantité de sel à un prix fixé , qui n'est pas précisément toujours le même ; mais qui augmente ou diminue , se- lon les circonstances. Lorsqu'il y avoit plus de travailleurs , et que l'exploitation se Faisoit plus facilement, les voituriers avoient un cha- riot de sel , attelé de deux bœufs , pour vingt- six à trente kopeks. L'on sait que deux bœufs tirent soixante - dix à cent vingt pouds pe- sant (1 ). Ces voituriers livrent ensuite ce sel (1) Deux mille huit cent à quatre mille huit cents livres. aux A Z A R I Z X IT. 33/ aux magasins , où on leur paye tant par poud • Le prix-ordinaire, pour le sel qu'ils déposent à Saratof , est de six kopeks par poud , parce que l'on évalue qu'il y a cent quatre^mgts ,rerstes du lac d'Eboii à cet endroit. On ne .leur donne au contraire que quatre kopeks var poud pour celui qu'ils voiturent a Dmitreis.: , parce qu'on ne compte que cent quatre yerstes. Un voiturier ne peut faire plus de cinq à six voyagea dans son été. Plus il y a de couples de bœufs à atteler,, plus il gagne. L'année dernière, le poud se payoit un kopek de plus. On construit , pour loger ces travailleurs , des cabanes en branchages d'arbres et en terre les unes auprès des autres. L'on y envoie un petit détachement, commandé par un officier > pour maintenir la police et surveiller le départ des sels. On avoit construit jadis des fortins pour la sûreté des travailleurs; mais ils sont tombés en ruines. L'un est sur les bords de 1^ Solianka ; il forme un carré entouré d'un rem- part et d'uit fossé. Le plus ancien est un peu plus au sud au bord d'un fond qui est à sec. L'on n'a cru devoir construire aucune fortifi- cation près de l'endroit où l'on exploite à pré- sent, puisque les Kalmouks ont entièrement abandonné les steppes de cette contrée. Pour avoir de l'eau , on creuse des puits, qui en fournissent d'assez bonne. L'on vient d'en pra- tiquer un dans une fondrière qui se trouve sur Tome VIL X 338 177^' DS Saratof le rivage à vingt et tant de toises du lac. Iî fallut d'abord creuser à deux toises de profon- deur sur une argile bleue , et ensuite sur un fond de sable , où l'on trouva de l'eau très- fraîche. Cette argile bleue fait donc niveau avec Je lac et les sources salines. Au-dessus de cette argile , dans la partie élevée du rivage , se trouve une autre argile bigarrée de jaune et de rouge, disposée par lits. Il y a dans cette argile des pectinites absolument les mêmes que celles qui sont Indigènes à la mer Caspienne. Ceci prouve donc que la mer couvroit ancien- Bernent ces endroits. L'on remarque encore , dans cette même argile , des sélénites ex-foliées j mais elles y sont dispersées sans ordre. Ces travaux, quelque rudes et désagréables qu'ils paroissent, ne nuisent point du tout à la santé de ceux qui s'y livrent habituellement; il faut seulement qu'ils n'entrent pas dans ces eaux salées, s'ils ont quelque écorchure à la peau : car la plus légère égratignure dégéné- rerait en ulcère. Pendant l'été , ils sont exposés à la piquure de l'araignée scorpion ( 1 ) , qui est très - commune dans ce canton $ elles s'in- troduisent dans leurs huttes , et l'on ne connoît pas de moyen de les détruire. Ils m'assurèrent que , dans les grandes chaleurs , ils avoient tout autant à craindre de la tarentule , dont la n h« j>« (l) Phalangium arancQukf, a 2a a r i z ï n. 33 à travers le steppe , où il n'y a aucune route frayée. L'exhaussement de cette lande , dès que l'on a quitté le lac, est remarquable. On entre ensuite dans une plaine étendue , dont le sol ne montre plus rien de salin ; il est tapissé au contraire d'un assez beau gazon : nous y rencontrâmes beaucoup de crambe orien- tal (il)« Nous prîmes ensuite un chemin qui (1) Cheiiopodlum maritimum. (I) Statice tatarka et suffruticosa. ($) Nitraria, {4) Serrant la s als a, (5) Aster tripolium. (6) Atrlplex portulacoides* (7) hastata. (8) laciniata. (9) glauca. (10) Salicomia herbacea tt strobilaçea, (II) Crambe orientalls. A Z A B. ï Z I N. 3^ï va au sud-ouest, en croisant la plaine ; il nous rapprocha du Volga , que nous atteignîmes au- dessous de Zarizin, Cette route nous fit faire beaucoup de détours , parce que le fleuve s'é- loigne beaucoup à l'ouest depuis Doubofka jusqu'à Zarizin. L'on rencontre, après trente verstes de chemin % une tombe entourée d'un fond qui forme , pour ainsi dire , fossé. On en trouve une pareille > mais moins considérable , à six verstes plus loin. Nous, nous y arrêtâmes pour faire rafraîchir nos chevaux. Le steppe continue à former plaine $ il est glaiseux , et présente des traces de coquillages marins épars» L'on ne voit presque par - tout qu'une herbe maigre et aride , le statice de Tatarie (1) , la soude couchée , et celle à feuilles.de bruyère (2). Il y a tout au pus quelques places qui pro- duisent du sainfoin , auquel les Russes don- nent le nom de Perdoun. C'est un, excellent fourrage pour les chevaux , et l'on pourrait en cultiver. par-tout, puisqu'il croît dans,, les endroits les plus secs et les plus arides de ces landes. Nous vîmes , dans une certaine étendue de terrain , le beau cytise noircissant (3). Il étoi't même très-commun, et avoit encore quelques. fleurs d'automne, (1) Statice taiarica. (z) S also la prostrata et ericoldcs. (3) Clilsus nigricans. Voye7.«en la figure dans mes Il- lustration» des genres t r-lan. DCXVIII > f. 3. (Lamarck*) 3^2 i77'3- i> e Saratof Après vingt-quatre verstes de route , nous atteignîmes un fond uni où il y avoit de l'herbe excellente. N'ayant ensuite que des steppes arides devant nous , et ne voyant pas moyen d'atteindre , ce jour-là , le Volga , nous prîmes gîte ici , quoiqu'il n'y eût ni bois ni eau. Nous y fïïmes forcés , en quelque sorte , parce que la nuit commençoit à tomber. Nous rencontrâmes , le 26 , après cinq quarts- d'heure de chemin , quelques tombes peu éle- vées , près desquelles on trouve des citernes , mais toutes comblées par des terres éboulées et des herbages, L'on passe ensuite devant plu- sieurs fonds unis, qui filent du nord au sud. Ils sont très - herbeux ; mais je pense qu'ils doivent être inondés au printems. Ces fonds s'étendent d'un vaste enfoncement , garni de joncs , que nous laissâmes sur notre droite : les Kaîmouks l'appellent Daiitschi. Nous fîmes, ce jour -là, plus de cinquante verstes avant que d'arriver au Volga. Nos chevaux étoient rendus 3 il y en eut un qui tomba de soif au moment où nous appercevions de loin le fleuve. Il creva le lendemain, quoiqu'à notre 7 A 1 arrivée sur le rivage il tombât une très - forte pluie , qui auroit dû le remettre. Nous atteignîmes le Volga un peu au-dessus d'une fondrière , à laquelle on a donné le nom d'iABLENNo'i-BouïÉBAK (î). Les* pêcheurs , qui (1) Gouffre de pommes; A Z A I ï Z I îf. 343 passoient la nuit sur l'avant - rive du fleuve nous dirent qu'il y avoit encore un peu plus de dix verstes à la petite ville deDoubofka, qui est habitée par des Kosaques. Je m'assurai par- là de la vraie distance du lac d'ELton au Volga , en prenant directement à Test. Les hautes rives glaiseuses du Volga sont y en général , un peu salines. Elles sont tapissées de diverses plantes 9 mais, comme on le pré- sume bien t de celles seulement qui se plaisent dans un pareil terrain. L'on y voit sur - tout le polycnème ordinaire (1) . r îa soude à feuilles de tamarisc (2) , la soude à feuilles piquantes (3) f et la soude dichotome (4)- ^s fossés aqueux de cette avant-rive sont garnis de bordures de réglisse à gousses épineuses (5). Ses parties sa- blonneuses étoient couvertes de l'astragale' à feuilles de réglisse (6) , de l'astragale onobry- chide (7) , et du statice trigone (8)- Cette avants (1) Polycnemum. (%) Salsola tamaris cina* (3) Salsola Mali, (4) Salsola dichotoma. (5) Glycirrhi-ça échinât a. (6) Astragalus glicyphyllos. (7) Astragalus onohrychides* Il me semble que c'est 1*<^- nobrychis incana de Bauhin , eu Tas: rafale 'à tige blanche % ayant des légumes en forme aliène 3 recourbés et blancs. { V Editeur, ) (8j S:aiicz trigonoîdes. T4 344 %7y3. dé Sa'ratof rive a , dans plusieurs places , cinq à six verstes. de largeur. Nous remarquâmes , sur les rives sablonneuses de certains bras de ce fleuve , de- Tenus stagnans, la pharnace cerviane ( 1 ), la sabline rouge ( 2) , et la cehteriille ( 3 ). L'on rencontre ici et plus loin au-dessous du Volga , dans les bonnes places à herbages , le sida a bu- tilon (4). L'on voit d'ailleurs très-peu de plantes remarquables parmi les liantes herbes, et il y a beaucoup de places où ces herbes sont acidulés. Les places qui ne sont pas propres au foin sont garnies de "peupliers et d*autres arbres qui se plaisent sur lés rivages. Le 27, nous prîmes notre route le long de cette avant-rive , où Ton rencontre beaucoup de fonds ? qui rendent le chemin très-pénible jusques dans les environs de Donbofka. Nous iùmes obligés d'attendre jusqu'au soir pour no- tre traversée , parce que l'on donnoit , ce jour- là , un repas aux chefs- des Kosaques. Je retournai , le 28 , à Zarizin par la même route dont nous avons parlé plus haut. Pen- dant l'automne que je passai , en partie , dans cette ville , je lis plusieurs petits voyages dans ses environs pour botanis.er. j'envoyai en même (1) Pharnaceum cervïana. (z) Arenaria rubra, (3) Centime ulus. (4) Sida abutilm* "■■■ «»"i ■»». aZàrizin. 345 tems de mes jeunes gens dans des cantons op- posés à ceux que je m'étois réservés pour le même objet. Je ne m'étendrai pas beaucoup sur nos observations , parce qu'elles ne me pa~ roissent pas en mériter la peine. Je puis donner d'assez vastes détails sur cette ville, sur la température du site, et sur les productions de ses campagnes , puisque j'y avois passé les mois d'hiver de 1772. C'est là que M. Géorgui vint me rejoindre en octobre, après avoir terminé ses voyages en Permie , et à travers les monts Ouralsks et la partie supérieure des steppes du Volga. Nous ne nous étions point revus de- puis Tara. Cette place est située entre le Don et le Volga sur un terrain élevé, mulmeux , et fertile, qui fait partie du pays qui s'étend en talus vers ce steppe salin,, aride , et argileux, dont nous avons parlé dans le tems. Cette lande se porte ensuite vers la mer Caspienne, l'Iaïk, et l'Ou- ral. Ce que j'ai dit alors des environs de Sa- repta et de la contrée de Zarizin , servira à ré- pandre beaucoup de lumières sur la nature du pays plat et uni , qui s'étend à Test et au sud , ainsi que sur la contrée qui va vers Saratof , en se garnissant de plus en plus de côteset de collines. A l'exception d'Astrakhan , Zarizin est la ville et forteresse la plus ancienne qui existe dans la partie inférieure du Volga. Elle est si«» 346 ^77^* DJB Saràtot tuée sur la rive droite de ce fleuve , tout à la proximité de F embouchure du petit ruisseau de Zariza. Le Volga a une petite île à quelque distance de la ville $ on la nomme Deneshnoï. A gauche, on voit l'Akhtouba, qui lui forme une espèce de bras y peu considérable dans son principe. Le Volga se partage de nouveau pres- qu'en face de Zarizin , et y forme une autre île. On lui a donné le nom de Sarpiisskoï- Ostrof , parce qu'elle s'étend jusqu'à l'embou- chure de la Sarpa , qui coule à plus de quinze ■verstes de la forteresse. Cette île a de très-bonnes prairies $ elle est très-bien garnie de bois ; et l'on y voit quelques habitations. Les for tili - cations de Zarizin sont un peu à l'antique. Elles consistent en un rempart , des bastions $ mais on n'y voit aucun ouvrage extérieur : elles sont adossées au rivage escarpé du Volga que l'on a garni de palissades > et séparées de hautes éminences , qui bordent la partie supérieure de ce fleuve , par une langue de terre qui prend tout l'intervalle angulaire entre le Volga et le Zariza. La forteresse en est cependant domi- née. Les années avoient presque entièrement détruit ces fortifications 5 mais elles ont été rétablies par des prisonniers de gue rre Tui ks que l'on avoit cantonnés près de Zarizin dans des huttes construites en terre. Le rempart a été exhaussé de beaucoup , et l'on a garni le- chemin couvert de palissades. Ces réparations A Z A R I que l'armée des paysans et Kosaques révoltés se porta dans cette contrée au mois d'août. Leur chef, Tugatscheir , tenta une attaque sur la ville 5 mais elle fit une si courageuse iésistance , qu'il fut obligé de se retirer , et de chercher son salut dans la fuite. Il est vrai que Ton dut en partie cette victoire à la nombreuse artil- lerie qui se trouvolt à Zarizin. Eue consistoit en des canons dont la plupart av oient été des* tinés pour Asof , où l'onvouloit les transporter par les steppes du Kouman 5 mais on avoit été obligé de les laisser ici , à cause des mauvais chemins, et du trop lourd calibre des pièces. L'intérieur de la forteresse est peu considé- rable ; l'on y voit très-peu de bâtimens dignes d'être remarqués , et les trois églises qu'elle possède sont toutes en charpente. Le marché est vaste et plein de boutiques , parce que l'on y fait beaucoup de commerce 5 il s'y trouve nombre de marchands aisés. Cette ville est très- passagère 'y ce qui lui procure un grand débit , sans compter celui qu'elle a par les hordes Kal- moukes , qui parcourent , en été , les steppes de cette contrée , et parles pêcheurs qui vien- nent jusques sous les murs de Zarizin. Les ha- bitans de la classe inférieure se nourrissent des bestiaux qu'ils entretiennent , et de la culture des cornichons j melons , et arbouses, qui de- mandent très-peu de soins. Plusieurs s'occu- 343 *77^< ÖE Saratôf pent de la pêche , et d'autres font le métier de charretiers. Mais on y trouve très-peu de bons artisans ; ce qui est avantageux pour les Alle- mands > qui demeurent dans la colonie de Sa- repta, voisine de Zarizin. Cent Kosaques seu- lement résident dans cette forteresse : il est vrai qu'on ne les emploie qu'au service militaire de la place , parce que des Kosaques du Don sont chargés de celui des postes le long du Volga et de la ligne deZarizin. De mon tems , la garnison étoit composée d'un détachement de troupes légères , et de quelques bataillons de milices non complets , dans lesquels il y avoit beaucoup de vieux officiers qui restoient en activité , sous la condition qu'ils ne servi- roient plus que dans les places. Le comman- dant de la forteresse avoit autrefois la Jurisdic- tion militaire et civile , tant de la ville que de son territoire $ mais il a perdu cette dernière depuis l'année 1713, où le gouvernement a établi ici une chancellerie de Voïévodes , oui peut devenir plus intéressante , avec le teais> et à mesure que la contrée peuplera davan- tage. Zarizin a un faubourg , qui s'étend le long du Volga y vers les hauteurs qui bordent la plaine de son rivage. Il est construit avec assez de régularité 5 ce sont presque tous Kosaques qni l'habitent. On y avoit bâti , il y a quelques années, une église en pierres ; mais l'on a été A ■ Z A Ä I É I »i 349 obligé d'y mettre le feu lors de l'irruption de J?ugatschew . La petite forteresse, qui existoit avant celle- ci , étoit située immédiatement au-dessous du ruisseau de Zariza $ l'on voit encore le rempart. Les Kosaques s'y transportent , dans leurs mo- mens perdus , pour déterrer des balles de fusil, et d'anciennes petites monnoies d'argent. La ligne de Zarizin consiste \ au sud , en un rem- part , en un fossé , et des palissades. Elle croise un profond ra\m , qui se porte jusqu'au Za- riza. Elle traverse aussi les ruisseaux de Met- schetna , qui s'écoulent dans le Volga au-dessus de la ville. Elle va ensuite, sans interruption, jusqu'au Don, qui n'est qu'à soixante verstes du Volga, Cette ligne est défendue par quatre fortins $ savoir , Metschetnaia , Gratschi , Sso- kora , et Donskaia. Dans l'espace intermédiaire de ces fortins , il y a des corps-de-gardes défendus par des chevaux de frise. Cette ligne est confiée au commandant de Zarizin : des Kosaques du Don y font le service. La contrée de Zarizin ne manque de rien , et jouit de grands avantages , en comparaison du pays aride qui borde la partie inférieure du Volga. Je dois dire cependant qu'il y a des cantons , au pied des montagnes et dans les vallons même du haut pays, qui ne sont pas tous propres à la culture des grains. Mais d'au- tres montrent , en revanche , malgré la sèche- 3#o 177B. DE SarAtöi resse naturelle du climat, une grande ferti- lité, à cause de leur sol humide , et deman- deraient une toute autre culture que celle des arbouses. Nous avons déjà dit , plus haut , combien ce pays est avantageux pour la cul- ture des melons , de la vigne , des arbres frui- tiers de toutes espèces , et en un mot , de tout ce qui exige un climat chaud. Les légumes, et généralement toutes les plantes potagères , y réussissent on ne peut mieux, lorsqu'on leur donne les arrosemens nécessaires , et ils sont même d'une grosseur prodigieuse. Il croît ici , en un mot , une quantité de productions sans aucune culture, tandis qu'on ne les rencontre point en remontant le Volga , ni en Russie. Le mûrier vient et prospère de lui-même dans les fonds incultes qui bordent FAkhtouba 3 il en est de même près de la Sarpa , et Ton croi- aroit volontiers que cet arbre est indigène à ces contrées. Ce n'est qu'en approchant de Zarizia que l'on commence à voir le tamarisc et la clématite orientale (1). L'on rencontre le pru- nier sauvage vers le Manytsch et le Kouma. Le cerfeuil ordinaire (2.) , et le cresson des jar- dins (3) croissent sans culture , près de la Sarpa , dans toutes les fondrières, et principalement '(1) CUmaüs orientalis* (z) Scandix cerefolium* (3) Lepidium sativum. a Zàrizih. 35i dans le bas-fond, auquel on a donné le nom de Tschépournik. Ils viennent aussi sur les places imprégnées de salpêtre. L'on m'avoit envoyé de la Chine des haricots à gousses ra- diées (1) , qui, selon Ltinriée , ne fleurissent et ne donnent du fruit , en Suède , que dans les terres les plus chaudes. J'en fis planter ici sans que la terre eût reçu aucune préparation. Ils ont très -bien réussi , et donné beaucoup de fruit , qui avoit déjà acquis sa maturité dès le mois d'août. Les hauteurs offrent d'excel- lens pâturages pour les bestiaux ; d'un autre côté, les îles et l'enfoncement qui est entre le Volga et F Akhtouba , présentent beaucoup de belles prairies. Ce même fond produit plus de bois de chauffage qu'il n'en faut pour la con- sommation du pays. Quant au bois de char- pente , il est facile de s'en procurer des con- trées supérieures , au moyen de la communi- cation des rivières. Nous parlerons, plus bas, des avantages qu'offre cette contrée pour la culture du mûrier , et en même tems pour Tédueation des vers à soie , que l'on pourroit porter à un très - haut degré de perfection et d'utilité. (i) Pkaceolus radiatus. A N N É E 1774, $. X V ï I. De Z A fc I Z I N A i'AKHÏOUBA. Du 1er janvier aü 2,4 avril, Zarïzin. *«■ Température de cette contrée. *-* Oiseaux clé passage. — Quadrupèdes de cette contrée. **m Insectes de cette contrée. — * Plantes des environs de Zarïzin. — Sources minérales de Zarizin. — Pays entre le Dort et le Volga. On ne sera nullement étonné de Ce que j'ai avancé plus haut , si mes lecteurs observent ^ avec moi, quelle est la température ordinaire de cette contrée dans le courant de l'année* Je l'ai étudiée par moi-même pendant plusieurs mois, et j'ai pris sur le reste les renseignemens d'habitans du pays , capables de se livrer à des observations. Il règne , pendant le mois de janvier, de fortes gelées presque continues; le mercure tombe quelquefois , pendant plusieurs jours de suite, au 180e et 200e degré 5 mais Ton remarque en même tems que l'air est alors tranquille ; ce qui rend le froid moins sensible et moins pernicieux. En février , l'on éprouve des tems variables , c'est-à-dire, tantôt des iroids tranquilles, tantôt des ouragans, venant la A l'A IC H T O U B Al 35$ la plupart du nord - ouest , accompagnes de giboulées. Ces tems se terminent communé- ment par un yent de dégel , qui vient de l'ouest- sud-ouest j ce qui fait que , vers la lin du mois % on ne voit presque plus de neige sur les hau- teurs. Ayant pu observer, en 1774? -le cours de l'hiver dans cette contrée,, je dirai que tout le mois de février a été très- beau et très-doux. Vers le i5, on vit déjà arriver toutes sortes de petits oiseaux de passage , et Ton apperçut, vers la fin du mois , les cygnes 9 les canards , les vanneaux j et presque tous les oiseaux de rivière, même les perdrix, et autres de cette espèce. La drave des murs ( 1 ) commençoit à fleurir , et la tulipe hâtive sortoit de terre i La débâcle op la partie inférieure du Volga eut lieu le 25;fil est vrai que les glaces n'avoient pas été très-fortes cet hiver. Il y eut ? le même jour, un très-fort orage dans les contrées in- férieures qui forment pays entre lénataefka et Astrakhan. Il tomba un peu de neige la nuit d'ensuite , et le froid augmenta. Il continua jusqu'en mars, et devint si considérable jus- qu'au 11 ? que les glaces dé bâclée s > dans la partie supérieure du fleuve jusqu'à Zarizin , formèrent masse de nouveau. Elles reprirent de telle manière , que l'on traversoit le Volga avec des chevaux et des voitures. Assez ordi- (ï) Dr ab a mur all s, . Tome FIL % nairement un vent de sud-est fait disparoître tontes les neiges en mars , et alors tout le pays plat se trouve inondé par les fontes. Les glaces du Volga se brisent toujours dans ce mois, et ce brisement s'opère avec un vent d'ouest ou de nord-ouest , qui annonce et accompagne cette débâcle. L'on a vu néanmoins le Volga rester quelquefois gelé jusqu'en avril , quoique le teins fut chaud et très - beau. Cela arrive lors- qu'à l'époque indiquée., il règne des vents sud et sud-est, et que l'hiver a été plus rude et les glaces plus fortes. En 1770, elles ne se rom- pirent que le 5 avril. L'observation faite en 1769 est encore plus remarquable. Le prin- tems fut très-doux, et l'on voyoit déjà la plu- part des fleurs printanières -daris leur florai- son : le Volga conserva, malgré cela , ses glaces jusqu'au 9 mai , et la débâcle n'arriva , dans la partie située plus nord-ouest , qu'après que les vents du sud et du sud-est , qui avoient régné jusqu'alors , eurent pris un autre point. Le mois d'avril est, sans contredit, le plus agréable de tous dans ce climat , et en même tems celui où le ciel conserve le plus de sérénité. L'on n'éprouve aucune pluie tant qu'il dure. Ce vent , qui conserve toujours la même direction sur différons points de l'est, vient, en partie, de la mer , et en partie des vastes steppes , et tempère la chaleur. Il n'est môme que trop froid en certain tems , et , quel qu'il soit , il % i'Ak h tôït b A'ï 355 est toujours désagréable par son impétuosité. Ces vents d'est, qui ne sont néanmoins que passagers, se font sentir communément dès la fin de mars , et avec la lune d'avril. Ils conti- nuent souvent jusqu'en été , ou , au moins , pen- dant quatre à six semaines. Comme ils se ras- semblent le plus souvent du même point , ils deviennent si violeos , qu'il est presqu'impos- sible de leur résister sur les hauteurs , et de ne pas être renversé. Ils s'élèvent habituelle- ment avec force vers midi, et durent jusqu'au soir. L'on en éprouve de semblables tous les ans dans les contrées inhabitées de l'Iaïk , qui donnent du côté des déserts des Kirguis. Lors- qu'ils soufflent plus tard , on peut s'attendre a en avoir jusques très - avant en mai 5 mais c'est en avril qu'ils commencent presque tou- jours. Quoiqu'ils ne soient jamais très-chauds, ils dessèchent beaucoup les terres qui ont été imprégnées par les eaux de neige -, et c'est ce qui occasionne le peu de fertilité des plaines ouvertes de la partie méridionale du Volga. Afin de profiter de toute l'humidité du terrain l'on sème ici les arbouses dès le commence- ment d'avril , et l'on est assez heureux pour que les nuits froides ne leur fassent pas grand tort. Quant aux melons , on les sème tout au plus à la fin du mois, avant que la terre soit trop desséchée. Au moyen de ces précautions , ces graines lèvent sans avoir besoin d'arrosé- s £-i 2. B56 $774' Dâ Zariîziîî mens. Les vents., dont nous venons de parler ^ occasionnent aussi-, en grande partie , la hausse des eaux du Volga , en entretenant celles du prin teins ., qui augmentent de plus en plus. Le cours du fleuve , qui a été jusqu'à cette époque doux et paisible , acquiert alors beaucoup d'impétuosité 5 ses eaux deviennent troubles et épaisses , parce qu'elles se chargent de glaises et de particules terrestres qu'elles détachent par le lavage. C'est ce qui occasionne sans doute les différentes maladies qui régnent dans ces contrées au printems et en été , telles que la dyssenterie , des fièvres nerveuses, intermit- tentes , et autres auxquelles il se mêle souvent de la malignité , ou qui dégénèrent quelquefois en maladies chroniques. Vers la fin d'avril (1) , ou au plus tard vers la mi-mai , les vents tournent au sud ou sud- ouest. C'est alors que l'on éprouve les pre- miers orages et des pluies douces pendant la nuit. Il y a cependant des années où elles n'ont pas lieu , ou bien elles sont moins abondantes ; ce qui augmente la sécheresse. L'on jouit pen- dant trois ou quatre semaines tout au plus de cette agréable température. Les vents devien- nent plus forts ,, et se remettent entre le sud et le sud-est :, il se joint aussi-tôt à cette va- riation une sécheresse qui dure dix à douze (1) Cette variation eut lieu , cette année, dès le 18 avril* X L ' A K H T O 17 B Aï 8^7 semaines. Elle est, en quelque façon , suppor- table dans le mois de juin, à cause des rosées abondantes que Ton éprouve , sur - tout pen- dant toute la durée de la hausse des eaux du Volga, qui parviennent, pendant ce mois , à leur plus forte élévation. Le ciel est d'ailleurs si serein dans tout le courant d'avril , que l'on n'y apperçoit pas le moindre petit nuage. Juillet lest , en revanche, le .mois le plus désagréable de l'été , à cause des fortes cha- leurs. Il ne regne alors que des vents du sud- sud-est , quelquefois est , qui viennent de la mer et des steppes arides. L'on éprouve alors de ces vents chauds , dont le souffle , quoi- qu'assez -violent pour remplir les airs de la poussière qu'ils enlèvent des landes., n'empê- chent pas qu'ils ne soient aussi étouiïans que s'ils partoient d'une fournaise. Ces vents s'élè- vent communément vers les deux heures après- midi, et se prolongent jusqu'après minuit. On n'a. jamais remarqué qu'ils aient plus de durée* Ils font périr beaucoup de bêtes à laine. On les voit tomber comme des mouches , en écu- ma-nt de sang. Ces brebis enflent et tombent si promptement en putréfaction, qu'on ne peut pas même tirer parti de leur toison. La cha- leur de ces vents provient aussi quelquefois des incendies qui ont lieu dans les steppes; ils durent alors bien au - delà de la période que nous ayons désignée. Cette observation m-' a z S 358 17*74- SE Zarizïh été communiquée par le docteur Wier, qui me la fit passer en juillet 1774 ,/ après mon départ de Zarizin. La chaleur devint alors si forte , à plusieurs reprises, qu'elle marquoit 6o° à un thermomètre au mercure , gradué d'après de Lille y et placé au soleil , un autre, à l'esprît- de-vin , se brisa. Il creva quantité d'écrevisses et de poissons de toutes grosseurs dans la Sarpa ; ce qui répandit une infection dans les envi- rons. L'on ne fut pas long-tems à apprendre que cette énorme augmentation de chaleur , apportée par un vent de sud , venoit du feu qui a voit incendié près de deux cents verstes carrés de terrain dans les steppes du Kouman. Quantité de personnes furent attaquées de ma- ladies eruptives , que l'on auroit prises tantôt pour le pourpre rouge , tantôt pour le pourpre Liane. On ressentoit sur - tout des picotemens très- douloureux , lorsque le mal étoit accom- pagné , en apparence , de ce dernier symptôme. Chacun devint si foible et si sensible , qu'un vent du nord étant survenu à la suite d'un .orage,, on fut obligé de prendre des vêtemens d'hiver. Les refroidissemens occasionnèrent alors beaucoup de maladies. Il n'est pas extraordi- naire d'ailleurs de voir , dans ce mois , le mer- cure d'un thermomètre,, placé à l'ombre, au çp°, et au-delà. D'après les observations de ce même M. Wier , le mercure d'un thermomètre, çxposé au soleil, monta, le 18 juillet et le i« A i/AKHTOUEA. 359 août 1773 , an y5°5 et le 28 juillet 1767 , au 74°. On l'a aussi vu une fois, le 12 juillet, au 6o°. L'air est tellement chargé pendant les fortes chaleurs de juillet , qu'on ne voit pas à beau- coup de distance., quoiqu'on se trouve dans une Taste plaine. L'on s'imagine néanmoins , comme par une espèce de magie d'optique , voir très - loin , parce que les vapeurs , on- doyantes dans le steppe > vous présentent de petites buttes et des herbages élevés comme de hautes montagnes et des forêts qui seroient dans un grand lointain (1). Il vous semble aussi découvrir parfois au loin , une colline entourée d'eau, au lieu qu'il n'y existe qu'un steppe aride. C'est, d'ailleurs, dans le commencement de ce mois que les melons sont tout à fait mûrs > et l'on mange déjà % à la mi- juillet , des arbouses et du raisin. Ceux qui achèvent de mûrir en août , sont plus tardifs. (1) M. Shaw dans la seconde partie de ses Voyages ( pag. 78 de la traduction et cet ouvrage en français) , M. Nibour, et plusieurs autres voyageurs qui ont parcouru le Levant « nous parlent du même phénomène. Ils assurent que lorsqu'on est dans les vastes déserts d'Arabie, les objets vous paroisse st beau- coup plus grands qu'ils ne sont en effet, et que l'horizon se couvre de vapeurs ondoyantes. [On trouve l'explication de ce phénomène et particulière- ment de la formation de ces vapeurs ondoyantes eue j'ai moi-même observées, dans mes Recherches sur les causes des principaux faits physiques , vol. i, p. 278, paragr. 542 et suiv. ( Lamarck. ) j z 4 MO î774. DE ZARIZIN C'est aussi clans ce mois que les orales sont plus fréquens. Ils viennent la plupart de sud et sud-ouest., prennent leur direction au nord , en passant le Volga , et s'éloignent à Test vers la mer , de manière qu'ils forment un demi- cercle régulier. Ils sont accompagnés quelque- fois de tant de grêle et de pluies si fortes, que les eaux viennent des hauteurs avec plus d'a- bondance que lors de la fonte des neiges. Elles se rassemblent dans les fondrières , et se por- tent comme des torrens vers le VoW ; cenen- dant ,' plusieurs de ces orages passent et se dissipent sans pluies,, et l'on se trouve ains1 privé des arrosemens salutaires de la nature y si nécessaires à la végétation. L'on est aussi exposé en août à de terribles tourbillons de vent qui enlèvent les étarnines clés nombreuses arro- clies et absinthes qui croissent dans le steppe. Ils en remplissent tellement l'air où ils prennent leur direction , que le jour en est obscurci. Tant que ces tourbillons durent j on croît être enveloppé d'un nuage ou d'une fumée d'un jaune brunâtre. J'ai été témoin, pendant mon séjour à Zarizin , d'un tourbillon pareil , et je îie pouvois pas revenir de l'étonnement que me causoit un phénomène aussi inattendu , d'au- tant plus que le jour, qui étoit très- serein, fut obscurci tout à coup par quelques nuées d'orage accompagnées d'un ouragan des plus forts. Ce tourbillon enveloppa d'une fumée a. x'Akhtouba.' 36i brune j très-épaisse, ma demeure qui étoit en pleine campagne. Elle ne dura à la vérité qu'un petit demi - quart - d'heure , et s'éleva ensuite comme un nuape avec la colonne de vent , et prit sa direction par-delà le Volga. Presque tout le mois de septembre s'écoula en jours sereins ^ clairs et tempérés. Le vent venoit tantôt du sud, tantôt du sud- est , ou bien de l'est et du nord-est. Octobre est encore très-doux. C'est dans ce mois cme le Vol«a , rentré dans son lit depuis juillet , commence a grossir , à cause de l'automne pluvieux qui règne communément dans ses contrées supé- rieures et dans les environs de la Kaina. Cette crue d'eau n'est cependant pas bien considé- rable. Ce qu'il y a de pis , c'est que les eaux deviennent troubles et donnent des maladies. Le vent varie alors du nord -est à l'ouest,, et occasionne des ïpluies et des brouillards. Ce n'est guères que dans le mois de novembre que ces tems humides ont lieu, ce qui fait qu'on l'appelle , dans le pays , le mois des pluies. Lorsque les froids ne sont pas précoces, ces pluies se changent communément en neiges vers la lin du mois. Ces ouragans et la gelée se font sentir quelquefois dès le commence- ment d'octobre; alors , le Volga ne tarde pas à charier des glaces , ce qui arriva en \ r/j3 , où le thermomètre marquoit déjà 90% le 4 et îe 5 du mois. Le fleuve fut r?ris entièrement 36"^ 17/4« DE Zaruiît dans la nuit du 1 3 au 14 Le froid se ralentit ensuite, et continua tout l'hiver au point que la glace ne prit pas assez de consistance pour qu'on pût s'y risquer. Il y a des années où le Volga ne gèle qu'en décembre, et ne charie que .huit jours ou tout au plus deux semaines. C'est-à-dire que le chariage des glaces a lieu , jusqu'à ce que le vent se fixe à l'est ; les glaçons s'entassent alors et forment masse. L'on n'a communément dans ce mois que de gros vents du nord, accompa- gnés de neiges. Ces tems durent six et quel- quefois huit jours sans varier. L'on ne voit ce- pendant pas qu'il reste assez de neiges sur les landes., pour que le traînage ait lieu , parce que le vent les chasse et les amoncelle dans les fonds. L'on ne peut , à bien dire , regarder dans cette contrée comme vrais mois d'hiver que décembre et janvier. Encore ces deux mois sont- ils communément si doux, que pendant tout l'hi- ver on voit des canards en de certaines places, au-dessous de Zarizin, qui ne gèlent jamais. Di- verses espèces d'alouettes et les perdrix ne quit- tent point cette contrée. Elles ont seulement soin de choisir des enfoncemens et des places salines où les neiges ne couvrent point les pe- tites graines qui leur servent de nourriture , et où elles puissent être à l'abri des ouragans. C'est en septembre et en octobre que les alouettes ». l'A K ht o üb A.' 363 se rassemblent par troupes clans ces cantons. L'on en prend beaucoup au filet. Cette chasse dure jusqu'en novembre , et le marché de Zarizinen est toujours très- bien fourni. Le filet dont on se sert pour prendre ces oiseaux, forme un en- tonnoir d'un pied de largeur, mais qui a quatre à cinq toises de longueur. îi part des deux côtés de cet entonnoir de longues ailes qui s'éten- dent à six toises, mais qui ont tout au plus un pied et demi de hauteur. Ces ailes sont dres- sées sur la lande ^ et forment comme mi petit mur. L'on met cet attirail à la proximité des endroits où se tiennent les compagnies de per- drix. L'oiseleur porte avec lui une espèce d'é- cran de toile blanche , fixée sur .deux rouleaux, et que l'on peut tendre à volonté au moyen d'une légère latte de traverse. îl se cache der- rière cet écran, et avançant avec lui sur les perdrix, il les chasse peu à peu vers le filet dans lequel elles vont se jeter , parce qu'elles ne font point usage de leurs aîies. Elles ne cher- chent pas même à franchir le petit mur dont j'ai parlé. Le hausse-col noir ou alouette de Virginie (i) arrive dès les premières gelées de novembre. On les regarde comme les derniers oiseaux de passage qui viennent des régions septentrionales. Elles passent tout l'hiver dans la partie inférieure (ï) Alauda nivalis* 364 17?i- 7> E Zahizin du Volga avec l'alouette clés champs et l'alouette pipi. L'on y voit aussi l'alouette noire des step- pes (1). Mais elle quitte les landes dès que les vents d'hiver et les neiges paroissent, et vient se réfugier près des villages ou autres habita- tions. Elle n'abandonne , d'ailleurs , jamais cette contrée. Les autres petits oiseaux de passage., qui passent l'hiver dans les contrées éloignées , ar- rivent ici en septembre. Ils y restent tant que les froids ne se font pas sentir , pour s'engraisser des graines des arroches et armoises qui crois- sent en abondance dans les environs de Zari- zin. L'on y voit principalement beaucoup de bruants qui sont très - friands de la graine du chardon , des broyers (2) 9 des ortolans , des pinçons d'Ardenne. L'on y remarque en même tems la bécasse et le guignard ( 3 ). La grue blanche (4) arrive dès les premiers jours du mois , pour se rendre dans les contrées méri- dionales y mais on ne la voit pas en aussi grand nombre que les autres. L'oie rieuse ou la ber- nacle (5) ne paroît qu'à la fin de septembre. Elles arrivent par troupes, et passent après un (1) Ahiuda tatarica. (2) Kmberi\a miliaris. (3) Char adr lus morinellus» (4) Grus leucogeranus, (}) Anas erythropus. A l ' A k H* t o w b ä/ 365 très -court séjour dans les régions occidentales. Les oiseaux de rivières et de rivages , qui ne pénètrent pas aussi avant dans le nord, et qui ne passent que l'été dans certaines parties du sud pour y faire leur ponte , se rendent dès la fin d'août dans des régions encore plus mé- ridionales pour y prendre leur retraite d'hiver. Ainsi , ils font place de bonne heure aux au- tres qui arrivent du nord. De ce nombre sont le héron blanc et le héron rouge ^ le bihoreau , le courlis vert , la poule des steppes ( 1 ) , la petite outarde , le cormoran , le canard rouge , le tadorne et plusieurs autres. Le passage du printems commence à la mi- février. £»'on voit dès les premiers jours du mois , le hausse - col noir , le bruant , qui se portent au nord par troupes 5 peu après , sui- vent l'ortolan de neige et le proyer. Vers le 16 , paroissent la linotte , le sansonnet et le. canard rouge. Arrivent ensuite, et successive- ment d'autres oiseaux aquatiques. Vers le 20 février ^ Ton voit déjà près de la Sarpa , et dans les enfoncemens de l' Akhtouba , les deux espèces de cygnes , et principalement beau- coup de cygnes criards. L'on apperçoit alors aussi les premières oies sauvages , le cormoran et le vanneau $ les roseaux desséchés fourmil- lent en même tems de la mésange biarmique (2), (ï) Charadrlus gregarius. (3.) Parus biarmicus. '666 1 774- DE 2ü a r ï z i u et de la mésange bleue (i). Le mois se termine par le triste spectacle clés incendies des step- pes , l'avant-rive même de Y Akhtouba fut en feu tout le mois de mars. On devroit bien em- pêcher les paysans de mettre ainsi le feu aux landes , ne seroit-ce qu'alin de conserver le mûrier qui y croît sauvage. Ces incendies dé- truisent en même tems , quantité de jeune bois , ce qui fait un tort considérable à ces contrées. Lorsqu'il survient des gelées en mars , comme cela arriva cette année, l'on voit tous les oi- seaux aquatiques, revenus en février, se cacher dans les marais garnis de roseaux, et sur fa- vanX-rive inondée du fleuve, qui est chargée de broussailles. Ces froids retardèrent de près d'un mois l'arrivée des oiseaux de passage qui viennent au printems. L'on ne vit que le i5 la poule des steppes , la bergeronnette blanche , le merle solitaire blanc et noir (2) , le milan et trois espèces de bécassines (3). Les hirondelles ne se montrèrent que le 3 avril ; ce ne fut aussi (1) Parus cœruUus. (z) Mo tac Ma leucomela. (3) N'ayant trouvé ces trois espèces de bécassines dans aucun «le nos Ornithologistes, j'ai traduit littéralement les dénomi- nations que le professeur Pallas Jeur donne en allemand. Sumpf- schnepfe (bécassine de marais ) , Kreu\-schnepfe ^bé- cassine à croix) , Kronschnepfe (bécassine à couronne). A l'A k h t o ü b Â? 3£>7 qu'à cette époque que l'on vit éclore les insectes,, malgré les vents d'est qui étoient très -froids. Le ramier, le coucou, le rollier, le guêpier et la hupe parurent en même tems. Entre le 6 et le 10 avril, parurent les oies à gorge rouge (1) qui font leur ponte dans les contrées les plus septentrionales. Elles s'arrêtoient par troupes près de la Sarpa; mais elles ne res- tèrent pas long-tems dans cette contrée. L'on remarque à cette même époque le bouvreuil (2) ; mais je n'apperçus que le mâle; il étoit ac- compagné de la linotte grise (3). On vit ensuite successivement les bécasses , c'est-à-dire celles qui arrivent toujours plus tard, et différentes espèces particulières de bécassines , dont je don- nerai la description ailleurs. Ce que nous avons dit des oiseaux de pas- sage des environs de Zarizin sufxra pour faire distinguer les espèces remarquables, et celles qui sont communes dans ce pays. Passons aux quadrupèdes. L'on remarque dans les steppes déserts qui sont en delà le Volga , beaucoup de saigaks ou antilopes qui se retirent en hiver vers le sud. On y voit aussi quelques korsaki ou petits renards des montagnes. On rencontre le renard ordinaire sur les hauteurs entre le (1) Anser ruficoilis. Appendix, »°. 35, (i) Fringitia coclebs. (3) Fringilla petronia. 368 ^774- DE 2 a r ï z i j( Volga et le Don, et l'on voit par-tout des liè- vres qui conservent en hiver leur couleur grise. On peut même dire qu'il y en a une très-grande quantité. La grosse et petite 'musaraigne (i) îie sont communes que dans les cantons où le pays est élevé ? la terre noire, et où elles trou- vent les racines propres à leur nourriture. L'on rencontre par - tout la belette , l'hermine et le putois j l'on voit même le putois tigré dans les contrées boisées qui bordent l'Ilovla. Le pola- touche (2) abonde dans les fonds et vallons garnis de chênes ; on le nomme ici PolAtschok. On voit quantité de rats sauteurs de deux espè- ces , à trois et à cinq ergots , et beaucoup de zisels qui sont en général gris et très-petits. Ils se distinguent même par leur cri. Nous allons nous arrêter aux insectes de cette contrée avant que de passer aux plantes. Il y en a qui incommodent beaucoup , et d'autres qui sont venimeux. Le plus dangereux sans doute est l'araignée scorpion (3) qui devient (i) Voyez les nouveaux Mémoires de l'Académie de Pé- tersbourg , vqU 14, part. 1, pag. 405) , 504, tab. 8, 155 et pag. 568 , tab. zi , fig. 3. (x) Mus quercinus. La dénomination latine que M. Pallas donne à cet animal, porte à croire que c'est le croque-noix. Il l'appelle en allemand haselmaus ; selon M. de Buffon ce seioit la musaraigne. Le nom de Polatschok , que les ge»s du pays lui donnent , désigne au contraire que c'est le po- îatouche» (3) Phalanglum aransodes^ de a l'Akhto u b a, 369 de plus en plus commune à Zarlzin et dans la colonie de Sarepta. J'en ai apperçu deux dans la maison que j'occupois , et je sais que l'on, en a tué plusieurs chez le commandant de Za~ rizin , durant mon séjour en cette ville. Il n'y eut cependant qu'une seule personne piquée par cet insecte , encore fut-ce par imprudence. La douleur n'a pas duré long-tems, parce qu'au moment même on eut recours à l'huile. M. Mier , médecin de Sarepta, a guéri beaucoup de personnes par le moyen du même topique administré avec quelques remèdes intérieurs. Il est parvenu à appaiser la douleur en très- peu de tems , et à prévenir toutes suites dan- gereuses,quoiqu'il y eût déjà beaucoup d'enflure dans la partie. D'ailleurs, il est reconnu que le venin de cette araignée est mortel, si l'on n'y porte remède à tems. Il s'introduit aussi dans les maisons une grosse espèce de scolopendre (1). Les habitans assu- rent que sa morsure est dangereuse. Quant â moi , j'en doute ; mais en supposant qu'elle ne le soit pas , cet insecte effraie toujours les per- sonnes peureuses , par sa forme et par sa gros- seur. Les petites fourmis qui se rassemblent dans les maisons sont aussi très-incommodes ; elles s'attachent à tout ce qui est bon à manger y (1) Scolopendra morsitans* Tome FIL A a 3? fig. z* Bromus tectorum. Veronica austriaca. Veronica chamsdris. Sisymbrium sophia. Onosma echioides. Scorzonera tuberosa. Apptnd. Verbascum phaeniceum» ?i°, 391, pL Cil, fig. 3. Ranunculus illyricus. Anemone pulsatilla. — lanugihosus. Cytisus pilosus. Cochlcaria draba» Cratargus oxyacantha. Xepidium graminifoliuio. Astragalus hamosus. Allium lineari affine. — contortuplicatu$. Ornithogalum narbonense» — sulcatus. Cynoglossum officinale. — - alopecuroides. Anchusa orientalis. Fumaria officinalis. Vicia cassubica. Lepidium ruderale. Astragalus tenuifolius. Euphorbia esula. Thymus vulgaris. Achillea tomentosa. — serpyllum. Potentilla bifida. — acinos. •— supina. Convaîlaria maialis. — hirta. — polygonatum. Hesperis tristis. Cheiranthus montant». Arabis thaliana. Stipa pennata. Telles sont les plantes que l'on remarque en avril. Je vais donner la liste de celles qui se succèdent à différentes époques dans le courant de l'été. Commençons par celles qui acquièrent leur perfection en mai. ( Il est ici question d'époques de floraison et non d'acci oissemens. ) Veronica spicata. Bromus cristatus. Verbena officinalis. Plantaço media. Bromus s^uanosus. — cynops. Aa 4 37« Î774- Solanum dulcamara. Echium italicum. Myosotis lappula. Verbascum nigrum. Messerschmedia argusia;. Chsrophyllum bulbosum. Caucalis orientalis. Allium descendens. Cucubalus otites. Tribulus terrestris. Dianthus prolifer. Nitraria schoben. Thalictrum minus. Dodartia orientalis. Phlomis tuberosa. Hesperis matronalis. DE ZA 3.ÏZIW Crambe orientalis. JVIelilotus flava. Cytisns , an nigricans. Ap~ pendix , 7z°. 358, pL C , fig* l- Lotus an?ustissimus. Trifolium resupinatum. Scorzonera tomentosa. Tragopogon villosum. Centaurea centaurium. — scabiosa. -— Flor. Sibir. 11 , iah.^7* Matricaria chamomilla. Achillese tomentosse variet. radio pallido. Celles qui suivent doivent être regardées comme les véritables plantes d'été. Salvia nemor'osa. Lycopus pinnatifïdus. Gladiolus imbricatus. Scabiosa ucranica. — stellata. Eryngium campestre. — planum. Pharnacenm ee^viana. Chenopodium scoparia. St.iticse varia;. Sison verticiilatum. Sium fàlcaria. Gypsophna paniculata. Arenaria rubra. Saponaria vulgaris. Euphorbia palustris. Clematis orientalis. Stachys annua. Schrophul?.ria orientalis. Dracocephalum thymiflorum, Phlomis herbaventi. Hyssopus ofTicinalis. Sisymbrium altissimum. Lavatera thuringica. Sida abutHon. Glycirrhiza larvis. — - hirsuta. — echinata. Onopordum acanthiuns. Echinops ritro. — sphcerocephalus. Carduus cyanoides» A l'A K M t o v b A; 3yj Serratula amara. Prenanthes altissîma. Cichorium commune. Centaurea glastifolia. Xèraathemnm amiuum. w— paniculata. Inuïa hcîèniuraî — • salmantica. - — germanica* Xanthium strumariuiru — britanaica. Peganum harmala. — hirta. Zygophiilum fabago. Lâctuca perennis. Axyiis ceratoides. ■— saligna. Et autres. ChondriHa juncea. En automne , on ne voit que quelques arrière- fleurs 9 à l'exception des nombreuses soudes , absintes , arroches , armoises , et de la scabieuse jaunâtre (1). J^es hauteurs qui avoisinent Zarizin présen- tent sur les rives du Volga, et dans toutes les fondrières occasionnées par les éboulemens , une couche horizontale de pierre de sable or- dinairement très - ferrugineuse. Cette pierre , qui forme la surface du soi , est tantôt d'une na- ture solide et dure , et tantôt molle et comme tombant en poussière. L'on voit dans quelques places de cette couche , principalement près de Zarizin , une ocre très-pure. Sous cette couche vient une argile brune ou grise. Il ne faut ce- pendant pas s'attendre que ces couches hori- zontales se succèdent avec régularité par-tout; car il y a des places où elles sont comme ébou- lées et confondues l'une avec l'autre. C'est à — » ■■— ■ ■ ■ ■' ■ ■' — ■ — »■■■■—■■■ ■«■■■■■ ,w w m, ■.!-■■■■ ■■^■■■i «■■■ m^mmmmmmmmmmm^Êmm (i) Sjubiosa ochroUuca» 378 l774- DE ^Arizitt ces couches horizontales , sablonneuses et fer- rugineuses que l'on doit attribuer ces nom- breuses sources martiales qui existent près de la forteresse, et plus avant clans leVol^a. Les eaux de celles qui ont leur issue près de Za- rizin , au bas de la rive du Volga, sont d'une fraîcheur et d'un limpide extraordinaires en été, lorsque les hautes eaux du fleuve ne les inondent plus. Une grande partie des habitans en font alors usage pour leur boisson et pour leur cuisine. Elles sont diurétiques. Il paroit qu'elles contiennent des particules ferrugineuses sans acides. Elles ne noircissent point lorsqu'on y fait bouillir du thé. J'en fis usage au prin- tems , ainsi que plusieurs personnes de ma suite $ mais nous fûmes obligés de l'abandonner et de préférer les eaux troubles du Volga, parce que nos dents commençaient à trembler. L'on Toit une pareille source à un verste de Zari- zin , près du Gloubokoï-Bouïérak. Elle dépose de l'ocre sur les pierres ; ses eaux qui s'écou- lent dans le Volga, ont une odeur de pétrole. L'on en rencontre encore d'autres près du Ban- naia, qui se décharge dans le fleuve , un peu plus haut. Les eaux de Zariza sont aussi très- limpides ; mais elles ne contiennent rien de minéral. Beaucoup de petites gens de Zarizin en boivent et se baignent dans le ruisseau pour guérir les fièvres intermittentes \ mais je crois que ceux à qui ce remède réussit, ne doivent a l'A k H t o u b ä; 3/9 leur guérison qu'à la force de leur imagination , et à la fraîcheur des eaux. L'on peut encore moins mettre au nombre des eaux minérales celles de PElsçhanka intermédiaire. Elles sont tellement imprégnées des particules qui se dé- tachent des couches de terre vitriolique sur les- quelles elles ont leur cours , qu'elles acquièrent une vertu émétique. L'on pourroit en revanche regarder comme minérales , les eaux de sel amer qui existent près du Sarepta. Je crois qu'il seroit moins impossible de réunir le Don avec le Volga 9 dans la contrée de Za- rizin , que d'exécuter ce plan près de Kamis- chenka , encore ne seroit- ce pas sans de grandes difficultés. Dans un voyage que je fis à Pia- tisbianskaia, j'eus occasion de voir le pays qui est entre ces deux fleuves. Ce Staniza , ou pe- tite ville Kosaque, est situé sur le Don; je m'y étois rendu pour avoir quelques renseignemens sur les Kalmouks. Le pays s'élève tellement le long du Zariza, que ce ruisseau coule dans un profond vallon. Il lui forme presque par- tout des rives escarpées , constituées d'une pierre de sable et d'argile. Elles varient beaucoup en couleur, car elles sont tantôt blanches, tantôt jaunes, quelquefois couleur de fer foncée , ou bien verdâtres. L'on rencontre des vallées tout aussi profondes à vingt vers Les environ du Volga. Les sources qui y prennent naissance se rejoignent toutes dans le Zariza. Ce ruis- 38$ 177^' DE l'Akhtouba seau s'unit à celui de Karpovka ( en Kalmouk Tirgoétou ) , et se décharge avec d'autres dans le Don. Le pays qui est entre ]e Zariza et le Tscherviénoï-Bouïérak est très-élevé et aride, îl prend seize verstes en largeur. Il est néan- moins entrecoupé tant près du Zariza que vers ce Bouïérak, par plusieurs fondrières et vallées profondes qui s'étendent en travers et quelque- fois à la distance de six à huit verstes Tune de Pautre. Le Karpovka a plus de trente verstes it faire pour arriver d'ici au Don ; il a par-tout assez d'eau j on trouve aussi, dans certaines places, des baies assez profondes. On s'apper- eoit néanmoins , sans beaucoup de peine, qu'il est de plusieurs toises plus haut que le Zariza. Ce ruisseau , clans son principe , s'approche beaucoup des vallons garnis de sources , qui partent du haut pays , et s'étendent vers la Sarpa. L'on voit là , mais encore plus au sud , la ri- vière de Ssal , qui a sa source tout près de la Sarpa , et qui prend ensuite sa décharge dans le Don. S. XVIII. De l'Akhtouba a. Z a r 1 z 1 m Du 24 avril au 3i mai. L' Âkhtouba. — Nischnoï~Akhtoubhiskdi-Go- rodok, — Zarévy-Pady , 35 verst. — Ruisseau de Solianka , 6 v. — Ruisseau dé Baloukta , a Zarizin. 38i 35 verst. — Ds/ii/ga , 6 verst. — Solianala- Piistati y i5 verst. — Steppes des environs de la montagne de Bogdo. — Bogdo - Oo/a. — Bogdoin-Dabassou. — Khafa-Qussoun- Bogdo. — Montagne de Moo - Bogdo. — Second voyage au lac Bogdo. — Zarïzin. Je retardai encore mon départ de Zarizin , parce qu'il me manquoit plusieurs renseigne- mens sur les Kalmouks. Je ne pus donc profiter des premiers beaux jours du printems pour mon retour. Voulant du moins tirer quelques avan- tages de ce délai, j'envoyai, dès que les pre- mières fleurs parurent , quelques - uns de mes jeunes gens le long du Volga, pour examiner ce que ces contrées ont de remarquable en plantes printanières. Il étoit intéressant qu'ils y passas- sent , à cet effet , tout le mois d'avril. De mon côté, j'entrepris , dès que mes affaires me le per- mirent, un petit voyage le long de l'Akhtouba, pour voir les ruines d'une ancienne ville ha- bitée dans son teins , par des Tatars Nagaïks. Elle avoit été bâtie sur les rivés de l'Akhtouba, et on la regardoit comme la capitale du terri- toire occupé par ces hordes. Ce voyage avoit en même tems pour but de connoître plus à fond le pays désert qui est par-delà cette rivière. Le voyage que j'entreprenois n'étoit pas sans danger, parce que les steppes étoient remous de partis de Kirguis et d'autres hordes vaga- bondes. 382 1774« BE i'Akhtouba Je traversai le Volga , près de Zarizin , le 2.4 avril 3 ses eaux montoient beaucoup. Les îles et fonds sablonneux , situés entre ce fleuve et FAkhtouba , sont garnis de chênes , de prune- liers , d'ormes ordinaires et d'ormes nains. Le prunelier étoit en pleine floraison , au lieu que les ormes avoient déjà des graines toutes for- mées. Les bas fonds sont communément salins. L'on y voit beaucoup d'astragale replié (1), «ne espèce particulière de potentille ( 2 ) , la cotule puante (3) , et le sisymbre des marais (4) $ voici à peu près les seules fleurs que je ren- contrai. L'asperge sauvage commençoit à bien donner ; quoique parvenue à près d'un pied hors de terre, elle est encore bonne à manger , et d'un goût délicieux. A celle-ci succède une asperge à gros bourgeon , qui ne donne que quelque tems après que les eaux du Volga se sont écoulées , parce qu'elle croît dans les can- tons qui ont été inondés. C'est un excellent lé- gume perdu pour cette contrée, parce que le petit peuple neu. soupçonne pas la bonté. Les hautes eaux du Volga n'ayant pas encore passé dans l'Akhtouba, il me fut possible de la traverser avec mes voitures près d'un moulin (1) Astragalus contonuplicatus. (z) Potçntilla supina (3) Cotula fœtlda. (4) Sisymbrium amphièium. a Zarizin. 383 que Ton y a établi 5 elles n'atteignoient pas même l'essieu. Parvenu à l'avant- rive opposée, l'on trouve des endroits qui ont plus d'exhausse- ment, mais en même teins beaucoup de fossés profonds , garnis d'herbage , et qui ne manquent jamais d'être inondés lors des débordemens. C'est ici que le mûrier sauvage commence à se mêler dans les bois. On le rencontre dans une distance de plus de vingt verstes le long de l'Aklv- touba (1). Il est très- commun en certaines pla- ces. C'étoit le seul arbre que l'on voyoit encore sans feuilles , et ses boutons commencoient à peine à s'ouvrir; aussi n'y avoit il encore per- sonne dans les huttes établies par tout ce dé-i sert pour ceux que l'on emploie à soigner les vers à soie. On commençoit cependant les pré- paratifs pour faire éciore les œufs. Les mûriers que l'on voit ici sont la plupart d'une chétive venue ; sans doute parce que les autres arbres parmi lesquels ils croissent les étouffent. La plus grande partie du terrain où ils viennent, est inondée lors du débordement du Volga. Ceci rend la cueilie des feuilles assez difficile. Les terribles incendies qui ont lieu tous les ans dans les enfoncemens , doivent naturellement nuire beaucoup à la venue de ces arbres \ c'est préci- (1) L'on écrit indifféremment ce nom par Achtouba ou Akhtouba\ le dernier marque mieux la prononciation que Ton doit lui donner. ( L'Éditeur. ) 384 1774* DE i'Akhtocba sèment ce que l'on a observé cette année. Les Kalmouks et Kosaques , et quelquefois aussi des paysans des environs de l'Akhtoubaen sont les auteurs. Lorsqu'ils arrivent dans cette con- trée pour la chasse du cygne , ils mettent le feu aux herbes sèches , et ne s'inquiètent pas des progrès qu'il peut faire. Il est bien à désirer que l'on se dispose enfin à faire àes plants réguliers de mûriers , dans les cantons foiblement élevés des avant - rives et enfoncemens qui ne sont pas sujets aux inon- dations du Volga. Combien ne faciliteroit- on pas par -là la réussite et l'extension de l'éta- blissement confié à l'assesseur Rytschkof, l'un de mes compagnons de voyage, dont j'ai parlé avec plaisir en différentes occasions. C'est lui qui s'est principalement occupé de la construc- tion des huttes ou granges dans lesquelles on élève et l'on soigne les vers à soie. On pour- roit tout aussi bien étendre la culture du mû- rier le long de l'Akhtouba , ainsi que sur les places élevées des îles. J'en dirai tout autant de la partie inférieure du Volga , ainsi que des bords de la Kama et du Terek , où le mûrier croît également sauvage. Cette contrée qui n'est qu'un pays aride et dénué de fertilité , pourroit devenir une des provinces de Russie , la pins riche , la plus peuplée et la plus florissante. Rien n'empêcheroit ., d'ailleurs, d'instruire et d'accoutumer à ce genre d'occupation , les co- lons iL Z A R I Z I N. 385 Ions Allemands qui habitent la rive gauche du Volga , et de les transporter ici. Le fruit de ce mûrier sauvage ne le cède presque point aux mûres des jardins , et ac* quiert sa maturité dès le mois de juin. L'on peut alors en faire une récolte très- abondante. On a reconnu il y a long-tems., par expérience , que le jus exprimé de ce fruit, mis en fermen- tation , donne une eau-de-vie très -forte et très- agréable 5 elle approche beaucoup par son odeur d'une eau céphalique connue sous le nom cT eau de la reine de Hongrie. J'atteignis, vers le soir, Nischnoï-Akhtoubins- kdï-Gorodok. C'est le plus bas de deux villages que l'on a établis sur l'Akhtouba pour la de- meure des personnes employées pour soigner les vers à soie. On donne aussi le nom deBES- rodnyé à ces villages, parce que ceux qui s'y établirent les premiers venoienr de toutes les parties de l'empire. Il y en avoit parmi qui ne demandoient pas mieux que de trouver un asile pour cacher leur existence. Le Gorodok sup'éV rieur est plus peuplé que l'autre $ il a nue église. Les paysans de ces villages possèdent assez de terres à labour pour pourvoir à leur néces- saire y ils ont. j d'ailleurs , l'éducation des bes- tiaux et la pêche, qui leur procurent tout ce qui leur faut, et même au-delà pour leur sub«? sistance. On peut bien croire qu'ils ne pense- roient guères aux vers à soie , s'ils n'y étoient Tome FIL B b 386 1774- DE i'Akhtovba pas forcés , et rigoureusement inspectés. On vient en outre , d'établir un régime qui les con- traint plus que toute autre précaution à remplir cette tâche : on les a assujettis à fournir tous les ans une certaine partie de soie, à un prix fixé, pour leur capitation. J'entrepris, le s5 avril, mon voyage le long del'Akhtouba, sous l'escorte de vingt Kosaques du Don , que me donna le commandant d'ob- servation , cantonné ici. Le village que je quit- tois est situé sur la lisière du steppe élevé qui constitue ce canton. On laisse d'abord snr la gauche un vaste lac garni de roseaux, qui est très-riche en poissons communs; il abonde aussi en gibier aquatique. Au bout ds huit verstes de chemin 9 on sort de ce steppe pour entrer dans un antre où il y a une vaste baie. L'on n'y voit ni bois, ni buissons , et son terrain est salin. Il existe un petit lac garni de roseaux à l'entrée de cette baie. Lorsque les eaux sont hautes , ils ont tous deux communication avecl'Akhtouba, d'où les Kalmouksles appellent Khara-Khoud- shir (1). L'Akhtouba forme ici un bras appelé Saplavnâia, d'où il se détache à l'est un antre petit canal qui va s'y rejoindre à quelque dis- tance plus bas 5 celui-ci se nomme Podstepnoï- IériK. Je passai entre ce canal et la lisière du steppe, laissant l'Akhtouba à assez de distance. (i) Marais salin noir. a Zarî^inc 387 Je rencontrai sur cette route beaucoup de sour- ces salines , dont la plupart paroissent toutes rouges dans le lointain. Nous fîmes halte pour la dînée, près de ce Iérik , après avoir fait en- viron vingt verstes. C'est quelque chose d'é- tonnant que la quantité de tortues aquatiques qu'on trouve dans tous ces lacs et sources. On les voyoit en ce moment sur le rivage occupées à s'accoupler. On ne rencontre rien d'intéres- sant en plantes. L'astragale pois-chiche (1) croît le long des chemins , en de certaines places sa- lines. Il avoit déjà de fortes gousses. Les mou- tons en sont très - friands lorsqu'elles ne sont pas encore en maturité, c'est-à-dire lorsqu'elles sont encore juteuses. Les enfans de la campagne les recherchent aussi à cette époque , et les mangent crues. Ils les appellent simplement Khlopouni , à cause du bruit qu'elles font lors- qu'on les écrase avec le pied. Après avoir quitté la place où nous avions fait halte , nous traversâmes le petit ruisseau de Ternoi'ka (2.) , qui a sa source à dix verstes de l'endroit où on le passe \ ses eaux sont douces. On atteint à quinze verstes duPodstepnoï-Iérisch (i) Astragalus cher» (z) Les Kalmouks l'appellent Kougoultou, qui signifie, de même que le nom que les Russes" lui donnent , un ruisseau garni de pruneliers. Bb a 388 . *774« BE i'Akhtovsâ' le ruisseau de Zarefka (1) , dont les eaux sont très -salées. Il a ici son cours dans un canton élevé et aride , qui fait partie de l'avant -rive de l'Akhtouba , auquel il va s'unir en-dessous de Saplavnoi-Iérik. Il se dessèche en certains endroits , lorsque ses eaux sont basses. Dès que l'on a passé ce ruisseau, on rencontre beau- coup de tas de briques , épars dans un steppe aride et élevé. La plupart paroissent venir de tombes que l'on a ouvertes. Quelques-uns sont bien plus considérables que les autres -, il est aisé de voir que ce sont les fondemens et dé- combres d'un gros bâtiment, et j'ai cru re- marquer que c'étoit un oratoire mahométan. Si l'on se détourne ici de la route, pour se porter à un verste environ vers l'Akhtouba, l'on rencontre les décombres d'une grande ville , qui a été totalement détruite et rasée jusqu'aux fon- demens. Elle étoit située dans une plaine aride et saline (pi s'appelle Zarefpod (2). La place où l'on voit ces décombres , est entourée de fossés remplis d'eau, qui formoient sans doute des puits tombés en ruines. On distingue encore en plusieurs endroits les traces d'un mur j des fondemens de maisons , des rues , accompa- gnées de décombres, d'excavations, et de nom- m* i i >>• m m ■'- — ■■——- ■ ■ ■ — . -.1—1 mm — 1 -—■■-■■■■ - ■ ■ —-.- i....i.. ■ 1 — ■ -, ■ É— ■ - (1) Les Kalmouks l'appellent Outou Gakhon-Sala (fond amer et salin ). (a) Fond royal. A Z A r i a i »i 389 breux débris de briques. Ces excavations n'ont été formées sans doute que long-tems après la destruction de cette ville , et viennent apparem* ment des fouilles que l'on a faites pour chercher des trésors ou pour déterrer des briques. Je remarquai sur- tout dans le milieu de cette place dévastée, trois énormes tas ou amonceliemens de briques contigus l'un à l'autre. Mais tout est tellement bouleversé et en si grand désordre , qu'il n'est plus possible de se former une idée du plan que cette ville a dû avoir anciennement. J'ajouterai que le terrain salin est imprégné de salpêtre, et si couvert de l'harmale ( 1 ), e^ de la fabagelle commune (2), qui croît à beau- coup de hauteur, que ces plantes cachent jus- qu'aux moindres traces des fondemens qui peu- vent encore exister. On pourroit faire , en au- tomne , une vaste collection des plantes salines qui croissent ici. Mais je conseille à ceux qui craignent les serpens, de ne point s'approcher de ce canton 5 Ton ne fait pas dix pas sans en faire le- ver quelques-uns. Ils se cachent entre les pierres et les décombres , ainsi que sous des tas d'herbes desséchées; l'on entend leur sifflement. La plu- part de ces serpens sont toutefois peu dange- reux ; on y voit sur- tout beaucoup de couleuvres noires. Je trouvai sur les plus hauts tas de dé- — ' ' 1 in . ■ 11 1 . mu 1 1 m Mu— W«W (i) Peganum harmala. . {%) Zygophillum Fabag&9. 3(^o *774« D E i'Akhtoubà combres le joli giroflier ( 1 ) dont nous avons parlé dans V Appendix , n°. 352. Il abonde dans les places un peu salines de la partie supé- rieure du steppe qui est plus méridionale. Il paroît même indigène à cette contrée. L'on atteint, à cinq ou six verstes de cette an- cienne ville dévastée , un ruisseau très-salin qui tombe d'une espèce d'antre escarpé du steppe. Il a son embouchure dans l'Akhtouba , qui se rapproche ensuite de la lisière du steppe et des rives élevées que celui-ci lui forme. Les Russes donnent à ce ruisseau salin le nom de Solianka. Les Kalmouks l'appellent au contraire Moukhor* Gakho n-S ala (2). Il coule sur un fond de sable assez solide , mais ses eaux sont si salées qu'il n'est pas possible d'en boire. Elles pa- roissent néanmoins ne contenir que très-peu de sel amer. Si l'on diguoit ce ruisseau en cer- tains endroits , de manière à former de lon^s bassins., le sel marin se cristalliseront par l'ac- tion du soleil, et augmenteront en masse, d'année en année. L'on auroit , par ce moyen , une provision de sel tout près du Volga. Lorsqu'on est monté sur la rive opposée de ce ruisseau , l'on rentre dans une lande très- élevée. On apperçoit aussi-tôt sur l'angle qu'elle forme vers l'Akhtouba , après avoir envoyé en avant un canot avec des gens armés pour nous reconnoître. Nous fûmes heureux de les rencontrer , car sans eux nous n'eussions pas trouvé moyen de traverser la ri- vière. Cet établissement étoit misérable. De trois a Z à r i z i ;f, 39^ maisons que Ton y avoit bâties , il n'en existoit plus une seule. Les Rirguis avoient incendié les deux premières , et démoli de fond en comble ce qui avoit échappé aux flammes. Ils avoient .enlevé les meubles, brisé les poêles., défoncé les tonnes de goudron , en un mot , tout dé- vasté. Cette contrée étant trop exposée aux in- cursions de ces brigands , on avoit résolu de ne plus y emmagasiner de sels du lac qui est à cinquante vers tes environ d'ici, et de faire en- lever simplement ce qui a^oit été amené l'au- tomne dernier. Le bras de rivière où l'on avoit établi ce magasin, s'appelle Volodimerka, il a communication avec l'Akhtouba au moyen de plusieurs canaux. On voyoit sur le haut rivage > imprégné de salpêtre, quelques-unes de ces plan- tes qui se plaisent dans les décombres, et qui sont habituelles aux climats chauds. Les plus remar- quables sont: le seigle couché (1) qui commen- çoit à fleurir , le paturin bulbeux (2,) , la buglose orientale (3) ; ses petites fleurs sont d'abord jaunes , et deviennent ensuite d'un rouge écar- late s la rapette couchée (4) , un myosote par- ticulier (5) qui a beaucoup d'affinité avec l'o- (1) Seeale prostramm. (i) Poa bullosa. (3) A nchus a orientalis. (4) As-perugo procumbens. (?) Myosotis echiîiophora. Ap. n°. 184, plan. CI, f. z* 3y6 *774» i>* l'Akhtouea reille de souris ou myosote lappule (1) : et Je crois que l'on peut le classer parmi les cyno- glosses. L'on y yoit aussi un très-petit grémil (2), avec des semences simples , le sisyrnbre à feuiles surcomposées ou la sophie ( 3 ) , la passerai perfoliée (4). Ces plantes sont accompagnées d'un radis particulier (5) ^ et du giroflier dont nous avons fait mention plus haut. J'ai donné la description de presque toutes les sources et lacs salins qui existent en Russie; il ne me restoit donc plus d'observations à faire sur ce qui concerne la formation des sels dans ce vaste empire. Je désirois cependant voir encore le lac salin de Baskountschatskoï , ou pour mieux dire Bogdo qui est dans ce voisinage , quoique l'on m'eût prévenu que le professeur Gmèlin y avoit fait un voyage en 1772. J'es- (1) Myosotis l appui a. (2) Lïthospermum. App. n°. 28? , pi. CI, f. 3. (3) Sisytnbrum sophia. (4) Lepidium perfoliatum. (5) Raphanus tenellus. C'est à tort que j'ai donné à cette plante le nom de Cheiranthus chlus , dans le premier volume de ces Voyages. C'est au contraire un radis, dont l'espèce étoit encore inconnue. Ses feuilles ont absolument le même goût que les autres radis. Lorsque cette plante croît sauvage , il est rare qu'elle devienne plus forte que nos radis ordi- naires, mais elie les surpasse de beaucoup, lorsqu'elle est cul- tivée dans les jardins. Sa racine donne alors beaucoup de feuilles et plusieurs rameaux. a Zarizitt. 3ç7 pérois aussi rencontrer dans ses environs quel- ques plantes printanières , dignes de mon at- tention. Ma curiosité étoit encore aiguillonnée par tout ce que les Kalmouks m'avoient dit d'une montagne qui porte le même nom que le lac , et qu'ils regardent comme sacrée. Je me mis en route vers midi , dès que nos che- vaux eurent mangé. En quittant le fleuve , l'on entre à l'est dans un steppe qui est d'abord très-uni et glaiseux, mais en même tems très-garni d'herbages. On dé- couvre des plus fortes éminences que l'on ren- contre dans cette lande , le sommet de la mon- tagne qui a voisine le lac. Après quinze verstes de chemin, le steppe commence à se garnir de collines. L'on rencontre ici de superbes pâtu- rages, et cette contrée a beaucoup de rapport avec les belles plaines des déserts sablonneux de Narin. L'on y voit le crambe à feuilles rudes et à tige unie (i) , un mufle de veau (2) qui a l'odeur de la violette , et beaucoup de ressem- blance avec la linaire (3), un vélar particu- lier (4) , et l'astragale tragacantoide (5) qui croît à une hauteur prodigieuse. L'on rencontre aussi (ï) Crambe orient ails, (z) Anthirrinum* (3) Linaria. (4) Erysimum. (5) Astragalus tragacantoides. 3ç)$ *774« *> E l'Akhtouba beaucoup cle cachrys avec des graines lisses (i) , et un laser (2) particulier le ion g du chemin , parce que le terrain où passe la route est un peu salin. Nous atteignîmes vers le soir un bas fonds sablonneux où il y a neuf puits dont les eaux sont excellentes. Nous avions fait quinze verstes depuis le Solianaia-Pristan. Le tems étoit beaucoup rafraîchi à la suite d'un orae;e accompagné de pluie que nous avions essuyé peu avant que d'arriver à ce bas - fonds. On trouve dans cette contrée beaucoup de puits pareils à ceux dont nous venons de parler , mais la plupart sont encombrés par les saisies. Les roseaux et les joncs qui croissent dispersés dans la lande, prouvent qu'en creusant l'on trouve- roit de l'eau dans bien des endroits. Les neuf puits que nous rencontrâmes ici étoient bien nettoyés ; leurs eauxsont limpides , excellentes et très-abondantes. Elles montent à près de quatre pieds de la surface du sol , ce qui fait que les puits n'ont pas besoin d'entourage. J'en aurois bu avec délices, si elles n'eussent été chargées de frai de grenouilles des steppes. J'en fis néan- moins usage , mais avec moins d'agrément. Nous vîmes près de ces puits une gelinotte (3) dont (i) Cachrys. (x) Laserpuium arvense seseleos pratensis folio. Bux- baum. Plant, cent, t , tab. 44. (3) Teirao arenaria. Gelinotte à laquelle M. Pallas donne en Allemand ie nom de SandliQun ( poule des sables ou des steppes). Appendix, n°. 51. a Zarizin. 3*99^ j,ai déjà fait mention, en parlant du voyage que je fis l'année précédente à travers les steppes. Ils vinrent,, dès le lendemain matin , s'abreuver couple par couple. Cet oiseau boit souvent dans les chaleurs , avec une telle avidité, qu'il plonge le bec dans l'eau jusqu'au col , et s'abreuve d'une gorgée comme font les pigeons. Nous rencontrâmes dans les herbages où nous avions mis pâturer nos chevaux , beaucoup de scarabées Aramon (1). Nous nous remîmes en route le 28. Nous avions encore quinze verstes jusqu'à la mon- tagne et au lac Bo^do. Il faut traverser un large et vaste fond avant d'arriver au pied de cette montap.ne. Il s'étend du sud au nord ; il est très-herbeux, et Ton rencontre des mares d'eau dans les places qui ont le plus d'enfon- cement. En avançant plus près de la montagne, on passe un petit ruisseau de source , garni de roseaux dans le fond. Il est profond et coule sur un lit de sable. Il prend naissance à deux cents toises environ du pied de la mon- tagne, où il forme d'abord deux canaux, et vient en serpentant se décharger dans le lac. J'ai observé trois nouvelles plantes dans un autre voyage que j'ai fait en cette contrée vers la mi-mai. Elles croissent en abondance près des puits que l'on a creusés dans ce fond pour (r) Scarabœus Ammon, 4©ö 1 774- DE l'Akhtouba la commodité des voituriers qui transportent les sels. Ces puits sont garnis d'un entourage. Je n'àvois pas encore vu les trois nouvelles plantes dont je viens de parler. Une cameline toute particulière ( 1 ) , étoit celle qui abon- doit le plus. Sa fleur étoit passée , et elle por- toit graine. Elle étoit accompagnée d'une petite plante (2) dont les semences forment la corne de bélier. Je lui ai donné le nom de mon ami M. Kœlpin , membre de plusieurs académies, et médecin physicien de la ville de Stettin. Ce savant s'est rendu recoinmandable parmi les botanistes Allemands. L'on voyoit en même tems les taies desséchées et chargées de graines d'une espèce de petit vélar (3). J'en semai dans un pot, et il se montra tel que le dessin que j'en donne. Ces trois plantes étoient accompa- gnées de deux autres presqu'aussi remarqua blés« L'une est une espèce de panais à fleurs jaunes et avec une petite racine noueuse (4) ^ et l'autre est un petit plantain (5). L'on remarque au pied de la montagne un (1) Myagrutn rigidum. App. n°. 343, planches LXV et CV,fVi. (z) Koeljjlnia linearis. Appendix, n°. 393, pi. CV, f. 2. (3) Erysiwum cornutum App. n°. 351, pi. CVII , f. 1. (4) Pastinaca orlentalis ,/bliis eleganter inci si s. Buxbaum. pi. cent. III, pag. 6 , tab. 17. ($) Plant ago minuta. Appendix, nö. a 81. autre & Z a a i u ï,1 '4°* autre fond plus considérable , qui se sépare en deux branches vers son adossement. Il s'é- tend du sud au nord, et s'ouvre vers le lac. L'on y rencontre un excellent puits près duquel nous prîmes gîte. Je ne parlerai du lac Bogdo qu'après avoir donné une description exacte de la nature et du site de la montagne remarquable que les Kalmouks appellent Bogdo-OolA (i). Lorsqua l'on arrive par l'ouest à travers le steppe uni que l'on est obligé de traverser , cette montagne paroît dans le lointain ne former qu'une seule bosse allongée qui a une cime éleTée au nord , mais qui est plus basse au sud, et se termine en talus. C'est à cause de sa conformation et de son apparence que les Kaiinouks la compa- rent à un lion couché, et lui donnent par rap- port à cela le surnom (I'ArslAn-Oüla (a), La bosse de cette montagne ne file pas en ligne directe ; elle décrit au contraire une courbe du nord -ouest au sud -est, en longeant une autre cime plus élevée , et va aboutir à l'ouest. Elle forme par son talus qui est slvl nord, et (î) Bagdo désigne en Mongol et en Kalmôufc, quelque chose d'élevé , de .majestueux. C'est pour cela que ces deux peuples donnent à f empereur de la Chine, le nom de Borda- Khan (le plus grand khan). Ils l'appellent aussi quelquefois Ammogolong-Khan (l'heureux khan], (i) Montagne du lion. Tome VIL Ce ^ö% *77i- B s i'Ikhtousa' qui ya en pente douce , une espèce de chau- dron qui s'ouvre au nord-ouest, et aboutit: au fond dont nous avons parlé. C'est-là que se ras- semblent toutes les eaux de pluie. La portion de cette bosse , qui fait face à l'est et au sud , a, dans la courbe qu'elle décrit, sept à huit verstes d'étendue. Elie est escarpée à pic avec des rochers brisés, et met à jour sa couche ho- rizontale dans tout son diamètre. C?est néan- moins sa cime la plus élevée qui est la plus escarpée dans la partie orientale. L'on remarque entre son escarpement, et une façade de rochers qui lui forme une parallèle , une vaste fondrière à moitié éboulée, dans laquelle file une autre élévation constituée d'une couche marneuse, qui est également parallèle ave d'escarpe ment, mais qui ne s'étend pas aussi loin. Passons aux couches horizontales de cette montagne. La masse, à proprement dire delà montagne, et un banc de rochers plus bas , filent en ligne assez directe à l'ouest , sans suivre la direction de la courbe dont nous avons déjà parlé. Ils sont constitués d'un schiste calcaire à gros grain. Cette masse s'élève clans sa plus forte éminence à cinquante ou cin- quante - cinq toises perpendiculairement au- dessus du niveau du steppe. La* pierre calcaire a de la solidité 3 elle est d'un gris clair ; elle se sépare en dalles d'une grandeur et d'une épaisseur assez remarquables. L'on .y voit d'an- ciennes traces de coquillages pétrifiés r qui sont ji Z a ä ï n s, '4°3 peu distincts , mais qui rendent ces dalles mé- galos. Il est difficile de reconnoître quelque chose.parmi les pétrifications ; je n'y vis qu'une seule corne d'Àmrnonqui s'étoit bien conservée. Sous cette couche calcaire , la plus forte por- tion de la montagne est constituée d'une forte couche horizontale d'argile entremêlée de marne ou de sable qui paroît avoir plus de vingt toises« Cette argile est en partie rouge , variée de couches blanches et grises, qui sont souvent sablonneuses dans le fond , et calcaires dans le haut. Elle est si imprégnée de sel marin , qu'il forme de petits cristaux cubiques sur la.marne, et principalement près des ravins qui filent à l'est delà montagne, et conduisent les eaux de pluie dans un petit fossé qui communique au nord avec le lac. On remarque cette même ef- ilorescence aux couches blanches. La plus forte portion de la façade de la montagne , qui est es- carpée , et du banc de roches intermédiaire , donc nous avons parlé , est constituée de cette marne. Les eaux souterraines ont lavé cette argile en beaucoup d'endroits et à une forte profondeur , et y ont fait des excavations où l'on enfonce à mi-corps , lorsque l'on passe sur leur superfi- cie , où une croûte légère masque le goufre. On raconte qu'il en existoit un , dont il étok presque impossible de sonder la profondeur. Il étoit situé dans. le banc de rochers intermé- diaire où l'on voit beaucoup de cavernes et Ce 1 '4o4 1774* DE i'Akstôubâ1 d'excavations très-profondes. Les Kaïmouks y venoient en dévotion , et y apportaient toutes sortes d'offrandes en argent , en cuirasses et en vêtemens. Ils disent que lorsqu'ils jettoient ces effets dans le goufre , ils entencloient distinc- tement qu'ils tornboient dans l'eau. Ils l'appe- loient Bogdoin-Kundia; il n'existe plus , parce qu'ils disent qu'il a été comblé lors delà retraite de la horde des Khans. L'on rencontre çà et là des sélénites dans les couches d'argile dont nous avons parlé. Les Kaïmouks disent avoir trouvé de leur teins , tant ici que dans les sa- bles de la partie occidentale de la montagne, des cubes et autres morceaux de sel marin de la grosseur du poing , lequel étoit aussi clair et aussi pur qu'un cristal. Ils faisoient grand cas de ce sel., parce qu'il venoit d'un lieu qui étoit sacré pour eux. Ils l'appeloient Morol- Dabassoun (i). Ils en venoient chercher régu- lièrement , ce qui n'arrive plus depuis que la torde des Torgots *a quitté cette contrée. L'on remarque sous la couche de marne dont nous venons de parler,, une pierre de sable grossière, grise, entremêlée de graviers et de petits cailloux. €ette pierre se présente tantôt en énorme masse caillouteuse, et tantôt en schiste grossier. Cette couche horizontale de pierre de sable se montre à découvert dans la im <■ mW»—*«— wmm»p (0 Sel gemme. A Z À R I £ I tt. 4°$ partie qui fait face à l'est, et qui compose le banc de rochers dont nous ayons parlé. Elle passe ensuite sons la montagne à l'ouest, dé- rivant en un angle de trente-cinq à quarante- cinq degrés , ce qui vient sans doute du dé- sordre et du bouleversement que l'on remarque dans toute la montagne. Elle forme, par ce moyen , près du banc de rochers , un fond ou terrain de roc qui présente une façade obli- quement escarpée entre ce même banc de rochers et la montagne ^principale. L'on re- marque dans cette pierre de sable des crevasses et de petites cavernes qui produisent vlti effet charmant. J'en observai principalement une qui est entre d'énormes cailloux, et des buis- sons de nerprun , ce qui la rend tout -à - fait pittoresque.' La coupe de ce banc de rochers , qui fait face à l'est j forme un tableau assez singulier. Il paroît qu'en certaines places la pierre de sable n'avoit pas beaucoup de dureté , ce qui fait qu'il . s'y est formé toutes sortes de petites grottes. L'on voit , au premier coup-d'œil 9, que ces excavations ou grottes ne doivent leur for- mation qu'à Faction des flots, lorsque la mer couvroit les steppes du voisinage (1). J'obser- verai que l'on ne voit point de pareilles grottes (i) Voyt\ ce que nous avons dit à ce sujet, pag. 187 et suivantes , en parlant des anciennes rives de la mer Caspienne^ Ce â '4°6 ï-774- T)E l'Akiitouba dans le haut de la coupe. L'on rencontre aussi dans la plaine qui avolsine le lac , quelques rochers épars qui paroissent avoir été détachés de la masse de la montagne. Ils étoient sans doute couverts par les eaux. L'on trouve entre ces rochers des boules de différentes grosseurs , dont la plupart sont creuses dans leur inté- rieur , où elles renferment du sable comme les géodes. Lorsque le vent d'est donne avec force sur la façade où sont ces grottes y l'on croiroit entendre de loin une centaine de personnes ré- citer des prières à haute voix. Je m'en suis as- suré par moi-même , parce qu'il régnoit ce jour- là un vent de nord-est très-violent. Les prêtres Kalrnouks font' accroire au peuple qu'il existe dans cette montagne une vaste et profonde ca- verne où réside un esprit folet appelé Zachan- Eeoughen (i). Cet esprit y tient des assemblées de saints , où l'on ne fait que réciter des prières et chanter des hymnes. La façade de la montagne qui se présente vers la partie méridionale du steppe est la plus basse 3 et n'est constituée que de pierre de sable, il y croît beaucoup de rhubarbe rhapontique (ta). La pierre calcaire ne se montre que sur une es- pèce de petit promontoire qui fait face à l'angle méridional de la bosse la plus élevée. La couche (i) Vieillard bîaoc. (2) Kheum rhaponùcum* A Z A R î & I ISN 4°7 horizontale de pierre de sable dérive ici vers le nofd , et s'incline tellement au sud, que l'on croiroit crue les couches de la montagne se sont toutes affaisées vers le chaudron qu'elle forme. L'on voit, dessous la pierre de sable r un schiste sablonneux d'un grain fin 5 il est allié avec une marne rouge d'une couleur très - fon- cée , et qui donne beaucoup de teinte. L'on remarque ces chisies au sud vers le steppe. Les Kalmouks pieux en viennent chercher pour peindre les piquets de leurs tentes et leurs meu- bles en bois. Ils l'appellent Sossoïïn, et le regardent comme une couleur admirable, et en même tems comme un objet béni. Le pied de la montagne s'incline en pente douce vers un vaste champ d'albâtre. C'est en partant de la couche horizontale , dont nous venons de parler, et de quelques hauteurs situées près de la coupe méridionale de la montagne, qu'il prend cette inclinaison. Ce champ ^ ou lit d'albâ- tre ., est renfermé entre le lac salin et une lisière du haut steppe , qui lui sert de borne vers le sud et l'est. Il y existe , à un verste et demi , ou près de deux verstes de distance de la monta- gne , quantité de crevasses et d'excavations , au moyen desquelles on distingue la pierre d'albâtre. C'est vers la partie la plus élevée de la montagne , et des ravins qui en partent , qu'on voit les plus fortes masses de cet albâtre % Ce 4 r4°6 177-4- DE i'AkUtoubà dans le haut de la coupe. L'on rencontre aussi dans la plaine qui avoisine le lac , quelques rochers épars qui paroissent avoir été détaches de la masse de la montagne. Ils étoient sans doute couverts par les eaux. L'on trouve entre ces rochers des boules de différentes grosseurs , dont la plupart sont creuses dans leur inté- rieur , où elles renferment du sable comme les géodes. Lorsque le vent d'est donne avec force sur la façade où sont ces grottes y l'on croiroit entendre de loin une centaine de personnes ré- citer des prières à haute voix. Je m'en suis as- suré par moi-même , parce qu'il régnoit ce jour- là un vent de nord-est très-violent. Les prêtres Kaimouks font' accroire au peuple qu'il existe dans cette montagne une vaste et profonde ca- verne où réside un esprit folet appelé Zaghatt- Eboughen (i). Cet esprit y tient des assemblées de saints , où l'on ne fait que réciter des prières et chanter des hymnes. La façade de la montagne qui se présente vers la partie méridionale du steppe est la plus basse , et n'est constituée que de pierre de sable 9 il y croît beaucoup de rhubarbe rhapontique (2) . La pierre calcaire ne se montre que sur une es- pèce de petit promontoire qui fait face à l'angle méridional de la bosse la plus élevée. La couche (1) Vieillard bîanc. (2) Rheum rhaponticum* A Z A R I & I W. 4°7 horizontale de pierre de sable dérive ici vers le nofd, et s'incline tellement au sud> que l'on croiroit que les couches de la montagne se sont toutes affaisées vers le chaudron qu'elle forme. L'on voit, dessous la pierre de sable r un schiste sablonneux d'un grain fin ; il est allié avec une marne rouge d'une couleur très - fon- cée , et qui donne beaucoup de teinte. L'on remarque ces chisies au sud vers le steppe. Les Kalmouks pieux en viennent chercher pour peindre les piquets de leurs tentes et leurs meu- bles en bois. Ils l'appellent Sossoun, et le regardent comme une couleur admirable , et en même tems comme un objet béni. Le pied de la montagne s'incline en pente douce vers un vaste champ d'albâtre. C'est ert partant de la couche horizontale , dont nous venons de parler, et de quelques hauteurs situées près de la coupe méridionale de la montagne, qu'il prend cette inclinaison. Ce champ , au lit d'albâ- tre , est renfermé entre le lac salin et une lisière du haut steppe , qui lui sert de borne vers le sud et l'est. Il y existe, à un verste et demi , ou près de deux verstes de distance de la monta- gne , quantité de crevasses et d'excavations , au moyen desquelles on distingue la pierre d'albâtre. C'est vers la partie la plus élevée de la montagne , et des ravins qui en partent , qu'on voit les plus fortes masses de cet albâtre, ' Ce 4 !4o8 1774- üe l'Akhtoubä et en plus grand nombre. L'un de ces ravins se termine dans une vaste fondrière, qui pré- sente vers le steppe un gradin de rochers gyp- seux escarpé et miné en dessous. On voit beau- coup de fondrières pareilles , qui se suivent en file ; mais elles sont moins considérables. C'est là que se trouve le conduit souterrain où se perdent les eaux de neiges. La plupart de ces fondrières , formées par des écroulemens , ont une espèce de talus du côté (Je la montagne, au lieu qu'elles ont un très-rort escarpement en rochers du côté du steppe. QueAques-unes res- semblent à de longs antres , et la plupart ont une énorme profondeur. L'on apperçoit , dans leur fond, des goufres en forme de puits. De loin ils inspirent de l'horreur 5 je laisse à penser quelle frayeur ils impriment lorsque l'on en appro- che. L'on découvre , dans toutes ces fondrières, du gypse sous différentes formes et de diffé- rentes natures. L'un se présente en cailloux, l'autre dans des crevasses ; l'on en voit de ten- dre , d'autre qui est dur et compacte. Il y en a de schisteux , de séléniteux , luisant , et res- semblant à un albâtre gelé. Ce gypse est cou- vert de sable , tantôt rouge , tantôt jaune , ou bien de terre marneuse et de pierres. Quel- ques-unes de ces fondrières sont garnies de buissons et de petits bosquets. En avançant, on entre enfin dans une plaine ou terrain uni , où l'on ne voit plus de fondrières ; mais A Z A R I Z I Tfi 4C9 l'on y remarque encore une couple de col- lines d'albâtre, avec quelques fonds escarpés, ou Ton trouve des pectinites de la mer Cas- pienne. Cette vaste plaine est semée de mor- ceaux de sélénites , et il y croît beaucoup de cette rhubarbe dont nous venons de parler. Elle est confinée à l'est par un gradin élevé du haut, qui forme comme une petite colline. On distingue encore cette couche d'albâtre dans la coupe de ce gradin ; l'on y remarque en même tems des fosses écroulées. L'on atteint , entre ce gradin et l'extrémité orientale du lac salin , un fond garni de joncs : ses rives sont élevées. Il renferme deux réservoirs d'eau douce, dont l'un est assez vaste. Les Kalmouks ont élevé des pyramides car- rées sur la partie la plus exhaussée de la mon- tagne, et du banc de rochers sablonneux. Ces pyramides consistent en un entassement de dalles de pierres; on les découvre de très-loin. L'on voyoit d'ailleurs très - peu de traces des idées fabuleuses qu'ils se forment de cette mon- tagne , dont j'ai fait deux fois le tour à pied. Il existe encore de ce peuple un autel ( Dian- diar ) , à six verstes de la montagne , sur la route du Volga. Il étoit construit en terre et en roseaux , et avoit servi à une fête particu- lière. On rencontre , de ce même côté , un petit lac d'eau douce. Il est situé dans la plaine à un verste à-peu-près de la montagne; c'est là. que campoientles Kalrnouks. '4 1 o * 77 f • v e i'Akhtôuba Si l'on réfléchit sur le site de cette monta- gne , l'on ne verra pas sans quelque étonne- juent une pareille masse détachée sortir des entrailles de la terre , et rester isolée dans le milieu d'une yaste plaine, Mais verra - t - on avec moins d'admiration un lac salin inépui- sable , qui n'est tout au plus qu'à un demi- verste de cette montagne? N'y a-t-il pas lieu de présumer que la richesse de ce lac ne vient que d'une masse de sel gemme lavée hors de cette montagne , et qui existe peut-être encore , en partie , sous les couches horizontales ébou- lées ? Les Kalmouks donnent à ce lac (1) le nom de Bogöoin-Dabassou ; les Russes l'appellent au contraire Bogdinskoï., ou aussi Baskoukt- ScHatskoÏ - Solianoï - Osero , parce qu'ils le confondent avec le lac de Basch-Motschagui- skoï , qui est au-dessous d'Astrakhan. Ce lac a quinze verstes de longueur , et un demi- verste dans sa plus grande largeur. Il a cinq verstes et demi vers une anse qui est à l'ouest > et quatre verstes vers son extrémité orientale > qui est plus étroite. Il a quarante verstes de circonférence. Il n'est qu'à trente - un verstes du Pristan inférieur que l'on a établi près de l'Àkhtouba ; c'est l'endroit le plus près. L'on compte quarante-deux verstes de ce lac à la (i) Vqye\ la planche XVII de ce volume. A Z A R I Z I W." 4li forteresse de Tschernoïarsk , et il faut tra- verser tous les bras du Volga. Sa partie occL dentale forme, :\ l'ouest de la montagne, -une petite anse , et se termine ensuite à la même direction par une autre anse ^ qui est ronde et Lien plus considérable, à qui les personnes, qni travaillent à l'exploitation du sel,, donnent simplement le nom de Koultoux (i). C'est ce qui fait que l'extension du lac,, en prenant du pied de la montagne , est plus considérable à l'ouest qu'à l'est. Son extrémité septentrionale prend encore plus d'extension par un large rivage , qui est inondé par ses eaux salées , lorsque le vent donne de ce coté. Le steppe forme autour du bassin du lac une rive élevée et escarpée, constituée d'argile , qui varie dans sa couleur. L'on y trouve , ainsi que dans le steppe même ., beaucoup de pectinites de la mer Caspienne , que l'on ne rencontre pas près de la montagne. Elles se présentent par - tout où la terre a été remuée par quelque petit animal. Ce rivage est entrecoupé au sud, et principalement près du Koultouk , par des écrou- lemens de terre. Plusieurs de ces excavations sont tout-à-fait à sec \ d'autres donnent passage à dejs sources qui se déchargent dans le lac. Ces sources sont plus ou moins fortes \ les unes ont un cours très- rapide : mais la plupart sont wmi^ttpmUmmfflituimww—imfmmmimm**** (i) Golfe, 4tz l77i- ^^ l'Akhtoubä câlines , sur-tout celles qui jaillissent près dit Koultouk. Elles paroissent venir d'un champ ou terrain d'albâtre , que l'on distingue près de ce golfe à travers les nombreuses fondrières , dont les unes sont très - profondes. On le re- marque aussi dans la langue de terre qui sé- pare les deux anses dont nous avons parlé. 1} se montre -là dans la forme d'une pierre de gypse tendre, d'un grain fin., blanc, un peu transparent , et imprégné de particules salines. Ce gypse se taille encore plus facilement que la stéatite. L'on voit encore une source saline ctaris la fondrière sablonneuse dont nous avons fait mention , en observant qu'elle se sépare en deux rameaux. Elle est à deux verstes à- peur près du pied de la montagne. L'on y re- marque en même tems deux puits. Les eaux saumâtres de cette source se perdent , en partie , dans le sable j le reste se décharge , à l'ouest , dans le lac ; c'est sans doute de-làque la partie inférieure de cette fondrière est très-chargée de particules salines. L'on rencontre , à l'est de la montagne une autre source dont les eaux sont très-salées. Elle prend naissance dans une fondrière à l'extrémité orientale du lac où. elle porte ses eaux. Le terrain qui constitue cette fondrière est salin. îl existe en outre, dans le rivage élevé du lac qui avoisine la montagne , quantité de places où le terrain est si imbibé par les eaux de JL Z A P, I S I N.4 4*3 sources souterraines, tantôt saumâtres , tantôt douces, que l'on ne sauroit s'y risquer sans courir risque d'enfoncer. Ces places sont très- reconnoissabies par les joncs qui les garnissent. Il existe de même, au milieu du Koultouk, dont nous avons parlé, un gouffre peu vaste , mais très-profond, qui provient d'une source. L'on assure qu'il y en a un pareil au milieu du lac. Le lac de Bogdo est d'ailleurs très-bas ; on peut le traverser sans avoir de l'eau jusqu'aux reins , dans les endroits même où le vent pousse les eaux, tantôt vers une rive, tantôt vers l'autre, selon qu'il est tourné. Lorsqu'on est près du lac , et que le soleil y darde ses rayons p la muire a une couleur verdâtre , et de loin , sa surface est d'un blanc argenté. Cette muiror est très - pure \ elle n'a pas la moindre amer- .tume, ni aucune odeur désagréable , même près des sources. Le fond du lac est une vas© qui a si peu de solidité en certains endroits , que l'on enfonce comme dans FAltan-Nor. IL a, dans toute son étendue, des croûtes de sel qui s'accumulent d'année en année. La couche de sel de cette année avoit déjà un pouce d'é- paisseur., quoique le sel n'eut pas encore ac- quis sa solidité. Il étoit très-pur, blanc, sans odeur et sans mélange sensible de sel amer , par conséquent meilleur que celui du lac d'Ei- ton. La croûte ou couche qui se forme dans 4i4 1774- ^^ l'Akktouba le courant de Tannée , c'est-à-dire , jusqu'en automne , acquiert trois pouces , et quelque- fois jusqu'à un empan d'épaisseur 5 elle prend en même tems de la solidité. L'on distingue dans ce lac, comme dans celui d'Elton , plu- sieurs couches de sel accumulées les unes sur les autres , et séparées par le limon qui se forme pendant les hivers. Les couches infé- rieures ont la dureté de la pierre 3 ce qui fait que Ton n'exploite que le sel qui est au-dessus , aiin d'avoir moins de peine et de travail. Il y a long- tems que les Russes, qui habi- tent les rives du Volga , ont connoissance de ce lac. Les habitans de Tschernoïarsk venoient s'en approvisionner eux-mêmes 5 parce moyen , le sel ne leur coûtoit rien 5 et s'ils n'y vien- nent plus, ce n'est que depuis qu'on les oblige à l'acheter. Après qu'il eût été fait défense d'en- lever de ces sels , et que l'on eût établi le trans- port des sels du lac d'Elton , l'on resta assez lons-tems sans toucher à ce lac. C'est en 1771 que , voyant la muire du lac d'Elton devenir considérable , on commença à transporter de ces sels dans les magasins de la couronne , et principalement à Astrakhan y Iénataef'ka , Tschernoïar , Zarizin, et Saratof. L'on a con- tinué pendant quelques années ces trarsports ; mais l'on vient de les suspendre, à cnuse du peu de sûreté qu'il y a clans le steppe. Les voituriers de la petite Russie aiment mieux A Z A R X Z I. x* 4i5 transporter les sels cki lac Bogclo, que ceux du lac d'Elton , parce que la route est moins lon- gue , et qu'ils trouvent clans les landes d'ex- cellens pâturages pour leurs bœufs d'attelage. L'on avoit essayé d'abord d'établir un entrepôt de sel à l'endroit le plus près de l'Akhtouba , où les bateaux seroient venus prendre leurs car- gaisons. Par ce moyen , l'on n'auroit eu que trente-un verstes de chemin dans un pays uni 5 ce dont je suis bien certain , puisque je l'ai traversé. Mais il n'y avoit pas assez de pro- fondeur pour que les bateaux pussent aborder. L'on essaya à un autre endroit , cinq verstes plus haut y où le Podstepnoï - Iérik vient se joindre à l'Akhtouba. C'est là qu'est le Pris tan. intermédiaire ; mais l'on y a rencontré le même inconvénient. On n'a pas trouvé d'autre moyen que d'établir l'entrepôt de sel près du Pristan; supérieur, et de choisir,, par suite, une route beaucoup plus longue. L'on payoit aux voitu- riers trois kopeks du poud pour ce trajet de cinquante verstes environ. Ce toit un nommé Barariof, négociant de Tscheraoïar , et d'ori- gine Kalmouke , qui avoit la livraison de ces sels. Il s'étoit enferré avec les voituriers , à qui il avoit fait des avances. Pour se tirer delà, il fut obligé de leur diminuer , l'année dernière un sixième sur les frais de voiture, et ne leur payoit eu conséquence que deux. kopeks et denyi par poud. La plupart de ces voituriers bris oient 5f 1 6 1 7 74» » e l'àkhtouu eux-mêmes le sel dans le lac , et chargeoîent ensuite. Ilyavoit cependant des Lomschiki (i), qui brisoient pour ceux qui étoient pressés , ou qui ne vouloient pas s'en donner la peine. Lesvoituriers leur pay oient douze jusqu'à quinze kopeks pour la charge de deux bœufs. Le sel , sortant du lac , est d'une blancheur et d'une pureté étonnante ; mais en l'amoncellant sans soin près de l'entrepôt , il s'y mêle du sable , et il se ternit de manière qu'il n'est presque plus reconnoissable. L'on doit cela à la cupi- dité des livreurs , et à la négligence que l'on met dans les transports qui se font, soit par terre , soit par eau. Il résulte de-là qu'on mange un sel très-impur et très-dégouttant dans tout l'empire , et principalement dans la capitale. L'on pourroit , ce me semble , faire usage d'un sel beaucoup plus pur , en donnant plus d'ex- tension à l'exploitation , et au débit du sel gemme d'Ileztkij on le transporteront par mor- ceaux , qu'il seroit facile de laver , s'il venoit à se salir dans la route. On s'en procureroit de pareil près du Volga , del'Arsagal-Schogot, dont nous avons parlé. En fouillant , l'on ren- contreroit peut-être aussi du sel gemme dans les environs de la montagne de Bogdo. C'est sur-tout dans la partie sablonneuse à l'ouest de la montagne , où il existe beaucoup de (i]j Briseurs de sel. sources , A Z A R. X Z X av 4*7 sources , et clans le champ d'albâtre , qui est à Test , que l'on conseillèrent d'entreprendre des fouilles. L'on n'auroit pas besoin de cher- cher ailleurs pour se procurer un excellent sel marin, si l'on vouloit mettre plus de soin dans le transport dans celui du lac Bogdo , qui est bien préférable au sel du lac d'Elton , et l'on n'a pas à craindre d'épuiser plutôt l'un que l'autre. Il est vrai que l'on rencontreroit des difficultés à en étendre le débit dans les con- trées supérieures de l'empire , tant à cause du long transport par eau ,. que du peu de sûreté qu'il y a d'exposer des bateaux dans la partie inférieure du Volga , laquelle est pleine de bancs de sable . qui varient de site. AvanAle quitter ce lac, je vais parler des plantes que j'ai trouvées en fleurs près de la montagne de Bogdo. J'ai déjà parlé , plus haut , de quelques espèces particulières qui ne crois- sent que dans ce fond garni de sources , qui se porte de la partie occidentale de la mon- tagne vers le lac. Je ne les ai vues nulle part ailleurs dans toute la contrée. J'ai fait aussi mention de la rhubarbe à feuilles rondes (1) , qui vient sur l'escarpement de la montagne , située à l'est, et qui abonde dans le champ d'albâtre , dont nous avons parlé. Ils sont très- avides de cette racine ; mais ils préfèrent sur- (i) Les Kalmouks l'appellent Bacïsh.lona\ mais il paroît qu'ils donnent ce nom i toutes les espèces de rhubarbe. Tomç FIL Dd 4iB T-774* ÎE l'Akhtouea tout celle qui croît ici , c'est sans doute parce qu'ils lui croyent plus de vertu. Ils en tiennent chercher comme à la dérobée. Ils en boivent en infusion comme du thé 5 ils en font aussi usage en substance. Elle ne croît point dans la partie occidentale du Volga. La plus belle plante de cette contrée est le tragopogon ou barbe de bouc à feuilles de safran (1)5 sa su- perbe fleur pourpre ne s'ouvre qu'avec le soleil levant $ elle croît abondamment près de la partie escarpée de la montagne , qui est cons- tituée en argile , ainsi que dans les fondrières et ravins garnis d'herbe , dont il a été fait men- tion, îl s'y attache une espèce particulière de chrysomèle toute noire et velue. Cette plante étoit accompagnée de l'astragale alopécuroïde ou à queue de renard (2) , de l'astragale à fruits gonflés (3) y de l'astragale tragacanthoïde (4) , et de plusieurs autres de a même famille ; ils étoient en fleurs. L'on y voit en même teins le cucubale ( 5 ) , la germandrée de Sibérie ( 6 ) , la renoncule cotonneuse (7) , la scorsonère tu- béreuse (8) , et la scorsonère à feuilles grami- (1) Tragopogon crocifotium* (i) /Istragalus alopecuroides, (2) phy sodés* (4) tragacanthoides, ($) Cucubalus. (6) Teucrium Sibiricum. (7) Ranunculus lanug'mosus. {%) Scorr^neni tuberosa. Appendix, n*. 3 pi > pi. CII> f. 5« IL Z A & ï Z I Hi ^i£ rues ( i ). L'on y rencontre aussi l'éphèdre ou uvette de Sibérie (2), l'atraphaxis épineux (3) f l'arroche lialime (4)* la rindère (-5 ) , que je n'ai point apperçue le long de l'Akhtouba, et la camphrée (6). L'on voit, dans le voisinage du lac , le tamarisc (7), la nitraire (8), l'a- pocin ($)j et plusieurs soudes , parmi lesquelles je remarquai la soude frutescente (10), qui est bien plus reconnoissable au printerns qu?elle ne l'étoit en ce moment. L'on trouve aussi le clialef (11) dans quelques fondrières garnies d'eau , près de la rive septentrionale du lac. Je retournai, le 29 avril, vers l'entrepôt de sel \ je m'y rendis en droite ligne à travers le steppe. Je vais néanmoins donner la descrip- tion de quelques places remarquables de cette lande, que j'ai eu occasion de voir dans la suite. Il existe une petite colline toutprès dulac dans sa partie nord-est. Elle fait face à son centre 9 (I) S cor-Sonera graminïfolia* (z) Ephedra. (3) Atraphaxis. (4) Atrip. halimus* (5) Rindera. (6) Camphorosma. (7) Tamarix. (8) Nitraria. (9) A pocin um venetum* (10) Salsola frutescsns. (II) Elceagnus, Del * 4%o l-77Â' DE l'Akhtouba approchant néanmoins davantage de son extré- mité orientale. Cette colline est entourée plus qu'à moitié d'un lac étroit d'eau douce ( Khaha- Oüssoün (i). Il n'a rien de remarquable, si ce n'est que Von y découvre aussi la pierre de gypse- En passant de l'extrémité nord-ouest du lac salin dans le steppe , pour se porter au nord ou nord-ouest , Ton atteint un lac d'eau douce , qui s'appelle TologoÏ-Kol. Il est situé à sept ou huit verstes du lac Bogdo. Il s'étend à un verste et demi de l'est" à l'ouest, et est en- touré de roseaux. A la suite de ce lac vient un bas-fond charmant , bien garni d'herbe ; il longe à quatre verstes vers le nord. L'on monte en- suite une petite côte qui s'élève presqu'insen- siblement 3 et s'incline de même dans sa partie opposée. L'on rencontre après cela , dans le steppe qui devient très-uni , une antre colline constituée de rochers. Celle-ci est à vingt-cinq verstes environ du lac Bogdo 5 elle est tout-à- fait isolée. Les Kalmouks l'appellent Moo- 3Bog»o (2). Elle forme une bosse qui s'étend du sud au nord f et n'a pas deux cents toises de longueur. Sa cime est hérissée de rochers 9 où l'on découvre une pierre de sable grise. J'ai dit que les Kalmouks jetoient autrefois , par (1) Khara-Oussou, veut dire lac doux, c'est à cause de cela que les Kalmouks l'appellent Khara~Oussoun-Bvgdo+ (1) Le petit Ott le méchant Bogdo* fc. Z A R I Z I K. 4Q1 dévotion , quelques pièces d'argent ou quel- ques effets dans le gouffre qui existe sur la grande montagne de Bogdo ; ce quils obser- vent encore lorsqu'ils ont occasion d'y venir ; ils récitent en même tems quelque prière. Ils font de même lorsqu'ils se trouvent sur cette colline, qu'ils regardent aussi comme sacrée. Comme il n'y existe point de gouffre ^ ils dé- posent leur offrande entre les rochers sous des pierres qu'ils entassent. Les Kosaques , qui for- moient mon escorte , instruits de cet usage religieux, ne manquèrent pas de démolir tous les tas de pierres qu'ils voyoient. Leur curio- sité me procura l'occasion de voir , pour la première fois en Russie, des scorpions 5 ils étoient cachés sous ces pierres. L'espèce est petite et particulière , mais parfaitement égale à ceux qui me sont venus de Perse. Je vis ici la petite scorsonère à feuilles arrondies au som- met (1) , qui se distingue sur- tout des autres par sa racine, qui est en forme de massue. Il part de la partie nord - ouest de cette col- line , ou petite montagne , une étendue de terrain élevé , où il y a beaucoup d'éboule- mens déterre. On découvre, en certains en- droits , la roche gypseuse , au moyen de ces éboulemens. L'on y remarque aussi de vastes places salines, qui portent à croire qu'il peut (1) Scoi\oner a circinata. J'en ai parlé au n°. ^odel'yfy" ptndix , sous le nom de Scorxoncra fusilla.. 4^2 IJJ '4. DE l'AkHTOüBA y exister tin sel gemme caché. Les environs ne présentent d'ailleurs qu'un steppe qui forme tout à l'en tour de cette montagne une vaste plaine. M. Bikof, jeune homme de ma suite , dont j'ai parlé en plusieurs occasions , avoit fait un voyage dans cette contrée en 1773. Sa course ayant pour objet d'examiner ce que ce pays a d'intéressant en Botanique, il avoit poussé jusqu'au désert de Narin. Il rencontra , dans le steppe , à quinze verstes environ de Tolo- goï~Kol,une pyramide élevée par lesKaimouks j ils l'appellent Schorolguin -Balgassoun ( 1 ). Elle est construite en briques, qui n'ont pas été cuites $ mais elle tombe en ruines. De-la., il lui restoit encore quinze verstes à faire pour arriver à une file de marais salins , qui longe presque sans interruption à plus de quatre- vingt-dix verstes du nord au sud, en prenant à-peu-près une trentaine de verstes de largeur. Ils côtoient la lisière occidentale du steppe sa- blonneux, et rendent , dans les tems de pluie , cette contrée très-boueuse. Ce jour-là, je me portai jusqu'aux puits ou citernes où j'avois déjà passé dans mon voyage précédent. J'atteignis, le lendemain de bonne heure, le Volga, où je fus arrêté jusqu'au soir à faire les préparatifs nécessaires pour le tra- verser. Je voyageai toute la nuit , qui étoit (r) Ville de terre. A. Z A R I Z I N. 423 très-sereine. J'atteignis Tschernoïar , qui n'est qn'-à trente verstes, le ier mai de très - bon matin. Je descendis, pour y arriver, le Yolga à la rame. Nous prîmes ici la poste , et arrivâ- mes le 2 à Zarizin. J'entrepris un second voyage au lac Bagclo le 21 mai, entraîné par quelques Kalmouks , qui me promettoient de me faire vgir un sel gemme près de la montagne. Je me portai , cette*fois-ci , en ligne directe sur Tschernoïar, et traversai le Volga près du Pris tan inférieur qui existoit autrefois sur la rive de ce fleuve. Nous passâmes d'abord le corps du Volga , qui est entrecoupé par deux îles , qui n'en fbr- moient autrefois qu'une. Après que l'on a passé ces îles , et que l'on est parvenu un peu plus haut , l'on entre dans un bras du fleuve ., ap- pelé Staraia - Volga (i). L'on passe ensuite devant un canal formé parce nié me bras, au- quel on donne le nom de Matvéefka. De-ià , on entre dans un autre bras séparé du fleuve depuis environ cinquante verstes. Celui - ci se nomme SarassimofkA-Voloschka : il a beau- coup de largeur. L'on traverse ensuite le Kri- voï-Iérik , qui est un autre petit bras, et Ton entre dans l'Akhtouba, qui en forme un sem- blable près d'une rive de sable très - exhaussée. Il faut une journée entière pour effectuer cette traversée dans de grosses prames qu'on ne peut diriger qu'avec la rame. (i) Ancien 'lit du üeuye» Dd 4 4^4 * 77 4' D E L ' ^ K H T o ^ B A Je vis, dans ce trajet > un saule très-remar- quable , qui est sans doute d'une espèce nou- velle. Je le connoissois déjà , mais imparfai- tement. On le rencontre dans les enfoncemens et sur les bancs de sable de l'embouchure de la Sarpa ß ainsi que dans les environs d'Astra- khan. Les habitans de ces contrées l'appellent B élolos j(i). Le saule auquel nos botanistes' donnent le nom de Salix-Pentandrà, à cause du nombre de ses étainines } est d'ailleurs le plus tardif à châtoimer , et à fleurir dans la partie inférieure du Volga. Les Russes l'ap- pellent TschernotAl (2). On lui donne ici le même nom. Il verdit à la fin de mai , c'est à- dire , six semaines plus tard que le saule or- dinaire. Notre saule à feuille argentée est en- core plus tardif, puisqu'il ne verdit qu'en juin, et ne fleurit que vers le i5 du mois» Ses feuilles paroissent seulement lorsque les eaux du Volga commencent à baisser. Il se plaît sur les bancs de sable que les eaux laissent à sec lorsqu'elles sont basses. C'est là qu'il réussit le mieux. Il pousse des jets de deux à trois toises; mais il ïie forme jamais tronc. Ses jets meurent , et se dessèchent : mais ses racines se répandent au loin dans le sable , et donnent quantité de nou- velles pousses; ce qui fait qu'il seroit très- propre pour consolider les bords des rivières. Je l'ai rencontré dans le pays près de Sarepta, m 1 11 1 1 ' 'I — ■— — m— 1 .m ihii—whi ■ -ni »ni n ■—■ — — — (i) Feuille blanche. (z) Saule noir. A Z A * I Z I 2f, 4^ clans les endroits humides. Il y croît beaucoup plus haut, et forme tronc. Il fleurit aussi plu- tôt, c'est-à-dire, dès les premiers jours de juin. N'ayant pas vu ces saules ailleurs, je me suis décidé à en donner la description et le des- sin (1). Je rejoignis la ville de Zarizin le i5 mai. Je ne retirai d'autres avantages de ce voyage que de çomioître plus exactement cette contrée, et de voir dans leur floraison les plantes dont il a été question plus haut. Je ne trouvai point le sel gemme dont les Kalmouks m'avoient parlé 5 ils avoient été induits en erreur sur de faux rapports. Ces peuples sont cependant si convaincus de son existence , qu'ils' m'auroient presque tenté de faire un troisième voyage. Je crois même que je l'aurois entrepris, si j'eusse rencontré des Torgots instruits pour me servir de* guides $ ils connoissent beaucoup mieux le pays. Mais je n'y pus réussir, attendu qu'ils sont très-rares depuis que le gros de cette horde s'est éloigné de ces contrées. S- XIX, De Zarizik a Fétersbov&g. Du 3i mai au 3o juillet. Metschna - Kriépost , 12 verst. — Kriépost- (i) Voyex Y Appendix, n°. 405, et la planche CCCLI, 4"6 1774. i5 e. Zariziw Gratschef kâ9 16 verst. — Kr'iépost-Ssokora , 12 verst. — Ruisseau de Tischanka. — Ri- vière d' I/o via , 27 verstes. — Relais de Per- dounofkala , 2,4 verst. — Relais de Krémens- kaia , 20 verst. — Staniz-Oulanova , i5 v. «—Relais de Eiezkoï-Tscheganak , i5 verst. ~- Relais à'O/kJ/oskoï 9 20 verst. — Glasoun- sfskoï - Staniz , 7 verst. —~Kouniyshenskoï- Staniz, 22 verstes. « — ■ Relais de Sotofskoï , 28 verstes. — Aleocéefskdi-Stauiz , 28 verst. — Relais de Pravotorofskoï , 19 verstes. — Relais de Kopeïkinskoï , 17 verstes. - — Ouroitpinskoï-Staniz , 17 verst. — ISÏikhui- lofskoï- Staniz , 17 verst. — JVàyo - Khoper- skaia - Kriépost , 27 verst. — MakarofskoJ- Stanok , 2a verst. — Ruisseau de Ta gai , 20 verst. — Ruisseau de Schinkoes , 26 v. — Ruisseau de Savaiia , ûo verst. — Panonvy- Kousty , 20 Verst. — Ruisseau de Zna> 24 v* — Kousmina-Gat , 27 v. — Tamhofy 21 v. — Séio-Pyssygori , 22 verst. — Sélo-Iavos- lofskoï, 27 verst. — Ville de Kosiof, 22 v. — Novospasko'i-Séîo , 32 verst. — Village de Peiagaia, 35 verst. — Ville de Riask , 07 v. — Skopin'y 4° verst. — Séio-Goriovo , 3o v. — - tSW/o - Bago'aK'ienskoï , 25 verst. — &// v. — SéloZ-Ouliaëmno , 02 v. — Village ôiï)strovzi9 38 verst. — Maskou% a4 verst. — getersbourg, y 04 verst. A PÉTERSEOURG; 427 II y avoit six ans que nous étions partis de Pétersbourg. Les fatigues que nous avions es- suyées nous faisoient soupirer après le repos. Il étoit tems d'ailleurs de quitter les environs du Volga 9 où les troubles s'allumoient. Mes ordres me prescrivoient scrupuleusement de prendre la route qui conduit en droiture de Zarizin à Moskou. Je m'y conformai, et ne fis aucun détour, d'autant plus que MM. GméHn. et Guldenstaedt avoient parcouru et examiné les contrées qui l'avoisinent. Je ne m'occupai dans la route qu'à examiner les différentes va- riations du sol, et à observer les plantes qui étoient en fleurs. Je quittai Zarizin , le 4 juin, avec les per- sonnes de ma suite , qui étoient encore avec moi. M. Géorgui étoit parti ., vers la fin de l'hi- ver , par la route de Kasan , afin de profiter du traînage. La route de poste traverse le haut pays. Elle passe d'abord le long de la ligne , et près de l'extrémité supérieure du Gloubokoï-Bouïérak et des deux ruisseaux deMetschetna. Le premier relais est un endroit fortifié , à douze vers tes de Zarizin ; on lui a donné le nom du ruisseau sur lequel il est situé. Le second est à droite de la route. L'on y voit une chapelle cons- truite en bois ; elle est près d'une source qui jaillit d'une rive constituée de pierres et d'un sable gris ; ses eaux sont excellentes. La clia- 4?3 I77 4- *> E Z a » ï z 1 ïf pelle est dédiée à la Vierge , pour qui un vieux jardinier de cette contrée , qui s'occupoit do la culture des arbouses , a voit une très-grande dévotion. L'on voit ici , près du ruisseau , beau- coup de chanvre , qui est devenu sauvage ,, c'est-à-dire, qui se ressème de lui-même, et vient sans aucune culture. J'y remarquai en même tems la julienne des jardins (1) , et le cerfeuil bulbeux ou à nœuds gonflés (2). Ses racines ont un goût délicieux, soit qu'on les mange crues , soit qu'on les fasse cuire. L'on rencontre aussi, dans les fonds secs., le cytise noircis- sant (3). Arrivé à trente - deux verstes de Zarizin ,, je pris gîte en-deçà de la petite forteresse de Gratschef ka , près du ruisseau du même nom. J'attendis là mes voitures > dont l'une avoit eu son essieu cassé. Le Gratschefka est rempli d'écrevisses ; elles sont excellentes. Il a cela de commun avec tous les ruisseaux du Don , et avec ce fleuve même , dans lequel il se dé- charge. L'on remarque sensiblement qu'il est beaucoup plus haut que les ruisseaux de Met- schetna ; ce qui fait qu'en avançant plus loin , l'on ne rencontre plus de fossés profonds , et que tous les ruisseaux qui viennent ensuite ont (t) Hesperis matronalis, (z) Chaerophyllum bulbosunu (3) Cytisus nigricans» a Pétbrsbourg. 4'à$ des rives élevées. L'on voit des plantes toutes différentes de celles qui viennent près du Volga ; elles indiquent que le sol gras est plus froid. La plus remarquable est le sisymbre ron- ciné (1). Nous n'avancions pas beaucoup , parce que la sécheresse et les chaleurs occasionnoient de fortes crevasses sur la route 5 ce qui nous re- tardoit considérablement. Le 5 , nous nous re- mîmes à côtoyer la ligne vers Ssokora. Ce relais est situé sur un ruisseau de même nom , et défendu par un fortin construit un peu de côté. Le Ssokora coule entre des rives de sable , et va se décharger dans le Don. L'on découvre ici les montagnes de craie, qui bordent cette contrée en - deçà le ruisseau. Nous ne pûmes parvenir, ce jour-là, qu'au ruisseau de Ti- sclianka, près duquel nous prîmes gîte. C'est près de cos rives sablonneuses que je vis , pour la dernière fois , le lièvre sauteur, Passé le Tischanka , l'on arrive dans un en- foncement bien garni d'herbe , où l'ilovla a son embouchure dans le Don. L'on passe cette ri- vière sur un mauvais pont , à vingt-sept verstes de Ssokora. La contrée devient ensuite sablon- neuse ; elle abonde néanmoins en pâturages et en prairies 5 ce qui fait que les bords de l'Ilovla sont garnis de métairies. L'on commence à ap percevoir ici les premières montagnes de sa- ble ; les fonds qui les entrecoupent forment de (1) Sisymbrlum irio. petits pâturages. L'on y voit le genêt arbuste, et clés bouleaux. Ce sont les premiers que l'on rencontre depuis Zarizin. Cet arbre ne vient pas près du Volga, au-dessous de Kamischenka , au lieu qu'on peut espérer de le voir prospérer près de la Sarpa , où l'on en a semé. Je m'arrêtai près d'une de ces fermes où métairies , à quelques verstes de l'Iîovla , et envoyai au Staniz d'Ilovlinskoï pour avoir des chevaux. Il est à sept verstes près de l'embou- chure de cette rivière. Je fis encore , ce jour- là , vingt - deux verstes à travers des collines de sable et des plaines graveleuses, ou cons- tituées d'une terre noire et d'un terreau qui forme un excellent engrais pour les champs. Nous prîmes gîte à deux verstes du relais de poste de Perdounofskoï , près d'une métairie située sur la rive, qui est agréablement garnie d'arbres. Le Staniz de Perdounofskoï est habité par des Kosaques , et situé en-delà du Don. J'en lis venir des chevaux, et nous continuâmes notre route le 7. L'on rencontre d'abord de fortes collines de sable ,que Tonne peut éviter qu'après être arrivé à une demi-distance de Kré- menskaia, en prenant à travers une espèce de vallon boisé, qui file dans l'enfoncement. Passé ce staniz, il laut faire cinq verstes de chemin, qui sont cruellement pénibles , parce que l'on ne trouve que des sables mouvans. Cette con- trée sablonneuse fournit plusieurs plantes que A P É T E R S fi O U R G. 4J1 nous n'avions pas encore apperçues dans ce trajet. Nous y trouvâmes la Imglose ondulée (i) , le lycopsis brunâtre (2,), la centaurée lui- sante (3)^ et la centaurée radiée (4), que l'on a classée, je ne sais pourquoi, dans la famille des immortelles (5). L'on voyoit en même teins d'autres' plantes qui viennent dans les campagnes sablonneuses des contrées mé- ridionales ; comme , par exemple , la zizane aquatique (6); la scabieuse d'Ukraine (7)3 la shérarde des champs (8) ; la molène noirâtre (9) 5 i'orcanette vipérine (10) ; la gypsophile pani- culée (il) , la gypsophile des champs (12); l'eu- phorbe ésule (i3) ; la pulsatille (14) j le stach} s annuel (i5) $ le muflier à feuilles de genêt (16)5 le muflier effilé (17) , le giroflier des monta- (I) Anchusa undulata. L'on trouve un dessin de cette plante dans les voyages de M. Gmélin , part. 1 , pi. XXX VIL (z) Lycopsis pufla. (3) Centaurea spleniens . (4) Centaurea radïata. (?) Xeraîithemum. (6) Zi-^ania aquatica. (7) Scablosa ucranica. (8) Sherardia aruensis. {$>) Verbascum nigrum , à fleurs blanches. (10) Onosma echioides. (II) Gypsophila paniculara. (iz) Gypsophila campestris. (13) Euphorbia esula. (14) Pulsatilla. (15) Siachys annua. (10) Antirrhinum genistifolïum., (17) • • junceum* 4fe î ,774- n e Zarïzîîï L I ;ee A ne gnesJ(i) ; l'astragale sainfoin (2) ; l'astragale ap* plati (3) ; le tragopogon ou barbe de bouc orien- tal (4) • le tragopogon velu (5) ; la scorsonère co- tonneuse (6) 5 la millefeuille cotonneuse à fleurs jaunes (7); l'armoise santonique (8) ; la cen- arj taurée à panicules (9)5 la gnaphale des sa- co blés (10) ; une sarrette particulière (11) ; et plu- aig sieurs autres semblables. Il y en avoit cepen- ite dant qui commençoient à devenir plus rares jj( dans cette contrée. Par-delà le Don, le pays :e présente par-tout cette chaîne de montagne de craie , dont nous avons parlé 5 elle est accom- ç pagnée de hautes collines. , Passé Krémenskaia, l'on trouve des montagnes de sable luisant 7 qui s'élèvent de plus en plus ou pendant cinq verstes. La partie la plus haute ne ec présente que des collines de sable mouvant, qui p paroissent néanmoins humides. Elles sont tapis- ce sées par la sabine , qui étend ses rameaux à \ j plusieurs toises sur la superficie du sable , et j* forme un effet charmant. L'on ne voit ici que très - peu de plantes ; les plus communes Yi) Cheiranthus montanus, ç[( (z) Astragalus onobrychis, (3) depressus. (4) Tragopogon orientale. I1-* (5) villosum. 2i (6) Se ordonnera tomentosa, (7) Ackïlha tomentosa, (8) Artemhia santonicum, {a) Centaurea panïculata. flj (10) Cnaphalium arenariunu ^ (n) SenWiula salicina,^ sont : c *c t. ec A PéTERSBOURG. 4^3 sont l'armoise santonique , dont nous venons de parler, et la centaurée luisante ( 1 ). Le lézard argus (2) est ici de couleur blanchâtre, et plus petit que celui des landes ou steppes du Volga. Ces montagnes de sable vont enfin en déclinant vers le relais de poste d'Oulanova. Ce Stanok ou Staniz est situé dans un fond charmant, garni de bosquets de bouleaux, et entrecoupé de petits marais. L'onvoyoit , sur les places où il y avoit eu des fumiers entassés , un astragale à fleurs verdâtres , qui a beaucoup d'af- finité avec l'astragale microphylle (3) 5 on le ren- contre en grande quantité jusqu'au Khoper.L'on voit, dans les fonds dont nous avons parlé, Pellé- borine ( 4 ) > Ie scirpe romain ( S ) , la chataire nue (6), la coronilie (7) , et une centaurée (8). L'on passe ensuite sur des côtes sablonneuses , et l'on atteint le relais de Klezkoï. Il croît sur ces côtes une véronique blanchâtre (9). Elle y abonde et monte à une hauteur prodigieuse; mais elle disparoît ensuite à mesure que l'on remonte le Don. ___ — - — 1 ■ ii m (1) Centaurea spiendens. (x) Lacerta arguta. J'en ai donné la description dan$ V Appendix , au n°. 87. (3) Astragalus mycrophylLus. (4) Helleborine. (5) Scirpus romanus, (6) Nepeta nuda* (7) Coronilla, (8) Centaurea. (Flor. Sifeir. IV» taW 44. ) (9) Verqnica incana* Zom* Fil, Ee 434 *774* BB Zarizin Nous eûmes, le 9, une journée très - plu« vieuse. Klezkoï est situé dans une superbe plaine toute en prairies. L'on trouve ensuite un ter- rain noir très-fertile , qui conduit jusqu'à Med- vediza. Nous vîmes , dans les prairies , dont nous venons de parler , le cytise à bouquets ou d'Autriche (1). Il formoit buisson. Il abonde dans cette contrée ; mais il disparoît dès qu'on en est sorti. Olkhofskoï-Stanok a reçu ce nom d'une forêt 4'aunes qui est dans son voisinage. C'est - là que commence le véritable enfoncement de Medvediza f qui a son embouchure à trente verstes environ d'ici. Nous y vîmes beaucoup de glayeul (2) en fleurs. L'on est obligé de tra- verser un bras de ce fleuve assez considérable pour atteindre le Staniz de Glasinofskoi , qui est très-peuplé. Ce sont des Kosaques qui l'ha- bitent. L'on y compte plus de quatre cents mai- sons. Il est situé près du lit principal et inter- médiaire du fleuve , et en partie sur une île qui forme ou détache , à droite , un bras de cette rivière. Nous passâmes la nuit près de ce Staniz. Cet enfoncement est toujours aussi herbeux au-delà de Medvediza, excepté qu'on rencontre nombre de places salines à mesure que l'on approche dvi fleuve : il y en a de pareilles sur la gauche. Lie pays, plus exhaussé, qui borde ,^ _ — , — ..1 11 1 » ' ■ ■ — p— — — — ■— »* (0 Cytisus - au.xtriacas; FI« Ci % •£. (1) Gladioluj* A PÉTERS BOURG. 435 cet enfoncement peu humide , est tout aussi herbeux et émaillé de fleurs. L'on y voit de petites sauterelles de toutes espèces , qui s© multiplient tellement par fois , qu'elles endom- magent beaucoup les grains. Je n'ai vu nulle part la sauterelle sans ailes (1) en aussi grande quantité qu'ici. Je remarquai beaucoup de vi- périne (2) , et de lycopsis brunâtre (3). On les rencontre jusqu'au-delà duKhoperj j'ai même vu le premier jusqu'au ruisseau de Zna, dont nous parlerons. Mais les statices que l'on trouve encore ici, disparoissent entièrement près du Khoper. Peu avant d'arriver au Stania de Kou- inishenskoï , l'on voit, sur la droite , une éten- due de collines de sable bordées de sabine , qui produit un efFet charmant. Cette traînée de collines est par-delà un canal de ruisseau , en- tièrement à sec , et dont le fond est sable 5 on est obligé de le traverser. Il s'appelle Soukho- DOLKA. La petite ville de Koumishenskoï , habitée par des Kosaques , n'a guère plus d'une cen- taine de maisons. L'on traverse ensuite la pe- tite rivière de Koumilga , qui a son embouchure dans le Don , d'où l'on s'éloigne de plus en plus. L'on rentre ici dans une contrée aride. Le pays redevient cependant herbeux à mesure (1) J'en ai parlé dans le supplément ou Appendix au n*« (x) Echium itallcum, (j) Lycopsis pidlax Ee 2 436 i yy^. de Zarizik que Ton approche du Khoper. Nous atteignîmes ce fleuve un peu au-dessous d'un Staniz situé sur sa rive droite. C'est également un relais de poste. Le 11 , nous fûmes obligés d'attendre jus- qu'à midi pour avoir des chevaux que je fis venir d'une petite ville située par - delà le fleuve. Nous prîmes gîte à Alexéefskoï, situé près du Bousoulouk. Ce Staniz est la dernière ou la plus basse des petites villes établies sur les rives de cette rivière. Elles sont au nombre de dix, toutes peuplées par des Kosaques. Le steppe conserve la même uniformité jusqu'au Bousoulouk. L'on voit ensuite cette rivière so border de montagnes de marne calcaire ; elles forment une lisière semblable sur la rive droite du Khoper et du Don. Elles sont sans doute une continuation de cette chaîne de monta- gnes calcaires que l'on voit entre le Volga et l'embouchure de la Soura. La route passe au travers. L'on y rencontre cette sauge (1) dont j'ai parlé plusieurs fois. Elle n'est pas encore commune dans ce canton ; mais elle le devient à mesure qu'on avance , et continue de l'être jusques vers l'Ouroup. La contrée est encore plus chargée de montagnes près du relais de Pravotorofskoï, qui n'est qu'à six verstes de celui que l'on a établi sur le Khoper , dont il porte le nom. (1) S ai via nutans* A P é T B R S B O V * G.' 43? On voit , près de toutes les habitations , le bunias oriental (1), que Ton rencontre jusqu'à l'Oka en si grande abondance , qu'il est re- gardé comme une mauvaise herbe. La contrée prend encore plus d'exhaussement près de Ko- peikinskoï-Stanok. Il paroît que le schiste sa-; blonneux commence ici à former couche sur la montagne ou masse calcaire. I/on y voit déjà* beaucoup de marmottes ; on les appelle BaÏ- baki près du Don. Il est rare que cet animal choisisse pour son séjour d'autres montagnes que celles qui sont constituées de pierres de sable. Je ne les ai vues nulle part en aussi grand nombre ; et de même en remontant d'ici le Khoper , principalement près des Staniz d'Ouroupinskoï et Mikhailof, habités par des Kosaques. Les tortues n'y sont pas moins corn-* munes. Me proposant d'observer les mouve- mens de ces animaux, je restai, jusqu'au i3 après-midi , à Kopeikinskoï-Staniz. Il survint, pendant que j'y séjournai , un ouragan furieux , accompagné d'une forte pluie. Je partis , vers le soir , pour me rendre à Ouroupinskoï-Sta- niz , renommé pour sa foire. On rappelle aussi Iotjroupinskoï. L'on traverse à moitié chemin le Kamenka ; la rive droite de ce ruisseau s'ex- hausse tout-à-coup , en cet endroit -, par un gradin que lui forment les montagnes qui lon- gent en-delà le Khoper, Elle ne présente plus (1) Bunias oritntaüs* Se 3 438 1-774' ^i Zarizik que des couches horizontales de pierres de sable jaune. Ouroup est situé à peu de distance du Kho- per, sur un bras de rivière dont les eaux sont stagnantes. La contrée qui suit après que l'on a passé ce Staniz , est basse et humide. Elle ne reprend de l'élévation que près de Mikhaï- lofskoï par des côtes de sable qui lui rendent son exhaussement. Ce Staniz a deux superbes églises ; il s'y tient aussi une foire, considéra- ble. L'on atteint , à moitié chemin , le Sarka , sur lequel on a établi un moulin ; il a ici son embouchure dans le Khoper. L'on voit , sur les rives de ce ruisseau , beaucoup de spirée à feuilles crénelées (i) ; on ne la rencontre plus près du Don. A cinq verstes de Mikhaïlof , l'on arrive au Saltin, qui coule derrière les côtes de sable dont nous venons de parler. L'on y a établi un relais , une métairie , et un moulin. J'attendis , mais en vain , près de ce ruisseau , mes voitures qui étoient restées en arrière. Ce retard fit que je ne pus arriver ce jour-là à la forteresse de Novo - Khoperskoï. Je fus obligé de coucher dans une ferme située sur le Khoper. Elle est dans le voisinage de Scher- novoï-Osero ( i ) , située au pied de certaines montagnes bien boisées et à pente douce , d'où Ton tire de pareilles pierres. Je lis, le iß y les quatorze verstes qui restaient pour arri- (î) Spirea crenata, fi} Lac de meule« A PÏTÏR8BOU116, Jß$ ver à la forteresse. L'on a entrepris de border la route d'ici à Moskou avec des arbres -, mais ils ne viennent pas bien. Passé la forteresse , l 'on traverse le Khoper. N'ayant rencontré , dans ce nouveau trajet , que de très-mauvais loge- mens , je lis dresser nos tentes , parce que nous fûmes obligés de nous arrêter pour faire répa- rer nos voitures 5 ce qui nous prit plus d'une demi- journée. La forteresse de Novo-Khoperskaia a été cons- truite en 1716, à l'occasion de quelques trou- bles survenus entre les Kosaques du Don. Son site est très - avantageux j elle est sur la rive droite du Khoper, qui s'exhausse en monta- gne, et présente des couches horizontales de cette même espèce de pierre que l'on pourroit nommer indigène à cette contrée. Il y a de très-mauvais puits dans cette forteresse \ mais l'on y voit une église , une très-belle maison , où loge le commandant , un bâtiment destiné pour la chancellerie , une maison pour les écoles , des magasins , et un autre bâtiment où est la caisse. Il existe au dehors de la ville une autre église très - bien construite en pierres. Le faubourg est composé de près de trois cents maisons habitées , en partie > par des gens de la petite Russie , qui sont venus s'y établir , et en partie par des Kosaques , qui font îé service de la place, au nombre de cent vingt hommes. Le commandant de cette ville étend sa Jurisdiction sur un certain nombre de vil- Ee 4 44» l774- »ï Zarïziïï lages situés le long du Khoper, et dans le steppe qui s'étend vers Pensa. Il est néanmoins su- bordonné au gouverneur de Voronesck. Un colon François a commencé une très - belle plantation, de mûriers à quelque distance de cette ville. Le 17^ je continuai ma route sur Tambof. Le chemin s'éloigne du Khoper , et remonte le long du Savalla , qui y a son embouchure. La rive droite de ce ruisseau devient mon- tueuse; elle est très-bien boisée. L'on trouve ici , et près des autres ruisseaux qui forment jonction avec le Savalla, beaucoup de sca- bieuse de Tatarie (1). Nous vîmes par - tout , près du Khoper, le lin campanule (2) en fleurs. Nous atteignîmes, vers le soir, après avoir passé Un superbe steppe qui s'élève un peu en colline , le ruisseau de Tagaï , sur lequel est situé un village seigneurial. L'on y a établi un relais ; nous y prîmes gîte. Nous vîmes ici dans sa pleine floraison une soude annuelle (3) , qui a beaucoup d'affinité avec la soude cou- chée ( 4 ). Elle étoit en fleurs. Je l'avois déjà (1) Scahiosa tatarica. (z) Lïnum campanulatum* (3) M. Gmtlin le jeune nous a fourni un dessin très-exact «le cette sowie dans le premier volume de ses Voyages. Il lui donne le nom de salsola laniflora. Je la regarde comme une espèce tout à fait particulière. Elle croît encore en pe- tite quantité près du Volga , & disparoît dans les contrées de l'est. (4) Salsola prostrata. A Petääsbourg.4 44* fcpperçue depuis le Don sur les éminences de sable. Je remarquai, s»r les collines sablon- neuses de ce canton, une espèce de joubarbe que je n'avois vue nulle part. Elle n'étoit pas encore en fleurs $ mais ses feuilles me donnè- rent à croire que c'étoit la joubarbe globuli- fère (1). Nous trouvâmes le lin vivace (2) en pleine floraison. Il est encore très - commun dans cette contrée. Il étoit accompagné de la gypsophile des murailles (3) , du géranium oui bec de grue sanguin (4) , du géranium des ma- rais (5) , de la blette effilée (6), et de la ju- lienne à fleurs livides (7) , qui croit encore sau- vage dams cette contrée. Le premier relais que nous passâmes , le 18, est .situé près du Schinkoes. Les marmottes deviennent on ne peut plus communes près de ce ruisseau , ainsi que sur les hauteurs , et dans le steppe jusqu'à la rivière de Zna , qui a son embouchure dans le Mokscha. Elles ne le sont pas moins depuis le Savalla jusqu'au Don. Il y a des endroits où les petites cavernes et amoncellemens de terre qu'elles ont formés sont tout aussi multipliés que les trous des (1) Sempervivum globiferum. . (z) Linum perenne* On Y appelle communément lin vivace de Sibérie. (3) Gypsophila muralls. (4) Géranium sanguineum» (5) Géranium palußre. (6) Blitum virgatum, (7) Hesperif tristis* 44* I yj 4* *> E Zariztk souris de campagne. Les habitans de ces con* trées en prennent beaucoup , au moyen des Tolkatschi , espèce de trébuchets qu'ils dres- sent devant leurs cavernes. Ils ne les recher- chent que pour les peaux. Les plus estimées sont celles qui donnent sur le noir; on ne les paye cependant que dix kopeks la pièce. L'on en retire aussi la graisse , que les corroyeurs achètent à deux kopeks la livre. L'espèce n'en diminue pas , malgré la chasse rigoureuse qu'on leur fait. Nous prîmes gîte dans un village habité par des voituriers , qui en sont les fon- dateurs. Il est sur le Savalla , que l'on passe ici. On le quitte ensuite pour aller traverser celui de Zna, qui a son embouchure dans le Mokscha. Il existe , près de ce village , des puits dont les eaux sont martiales. Je rencon»- trai, dans les petits bois et fonds garnis de broussailles , qui augmentent de plus en plus dans cette contrée , la campanule cervicaire (1) , la campanule à feuilles de pêcher ( 2) , l'hy- pocheris ou porcelle maculée (3), la ruys- chiane (4)* Ie lychnis de Calcédoine (5), le glayeul (6*), et la véronique d'Autriche (7). Elle ressemble parfaitement à la véronique mul- ■ ■ • 1 - — - — 1 (ï) Ccimpanula cervîcaria. (x) persicifolia. (3) Hypocheris maculât a» (4) Ruyschiana. (f) Lychnis chalcedonica, (6) Gladiolus. (7) Vtronica austriaca. tLfide (1). Ces plantes étoient toutes dans leur floraison. L'on atteint un antre relais de poste à vingt verstes du S a Va lia. Il a plusieurs puits ou ci- ternes dans son voisinage. Ce relais ne con- siste que dans une seule maison, qui est au milieu d'un bosquet, entremêlé de pruneliers , merisiers , et saules de différentes espèces. L'on atteint ensuite le ruisseau de Zna après vingt- quatre verstes de route. Il coule danstdes bas- fonds. La contrée se garnit de plus en plus de bois et de terres à labour , et l'on voit dispa- roître les plantes des steppes, dont nous avions joui depuis le Kboper. L'on rencontre encore , presque jusqu'à l'Oka, les marmottes , les zisels, et le gros muscardin (a) ; mais ils deviennent moins communs. Le 10 , je relavai d'abord à Kousmîna-Gat. Ce village est célèbre i à cause de la ligne que l'on avpit établie. Elle filou nord-ouest depuis le Zna sur Koslof., en longeant près de Vo ro- xi esk. Elle étoit flanquée autrefois de tours. Il paroît qu'elle avoit été formée en même tems que le Tscherta , qui s'étend depuis Simbirsk jusqu'à Pensa. Elles servoient sans doute toutes deux de démarcation entre la Russie et le pays des Tatars. En quittant Kousmina - Ga , l'on n'a presque plus que des champs ou terres à (1) Veronica multi/ida. (2) Oirl'appelle Slepi dans le pays, d'où les anglois lui ont donné le nom de Slsepcr, ( L'Editeur. ) 444 l774- BB Zarizin labour jusqu'à Tambof , qui est situé sur lé Zna. Cette ville est le siège d'un évêque et d'une chancellerie ou tribunal provincial. L'on y compte près de dix mille âmes , et seize églises, dont plusieurs sont construites en pier- res. II y a un très-beau marché , où il se fait beau- coup de débit, plusieurs manufactures,, entre autres une de draps. Comme quelques affaires m'appeloient à la chancellerie de Tambof, je m'y arrêtai jusqu'au 2,'d. Cette contrée offre très-peu d'objets inté- ressai! s 5 elle est de même jusqu'à Moskou. L'on ne trouve à relayer que passé la ligne, au village de Lissigori , situé sur le ruisseau de Tscholnovaia. L'on trouve ensuite un autre relais que l'on a établi près du ruisseau d'Ia- roslafka. L'on atteint ensuite la petite rivière de Voronesk près de Koslof, petite ville où siège un Voïévode. L'on voit, près du Voro- nesk , beaucoup de campanule de Sibérie (î). Elle est telle que M. Gmélin nous l'a dépeinte dans ses Voyages , pi. XXXIV. J'ai trouvé le dessin qu'il nous en donne très - exact. Passé Koslof, l'on ne rencontre que des villages sei- gneuriaux jusqu'à la petite ville de Kiask, située sur la rivière d'Oupta , qui n'est pas fort éloignée duKias. L'on appelle les deux principaux bras de ce fleuve , qui se réunissent en un , Stanovoï et Kakovoï-Ki as ( le Kias principal et le Kias riche en écrevisses ). (i) Campanula Sibirica. •» a Pétersbouro. 44& Le pays , qui vient ensuite , est couvert de villages seigneuriaux. On ne voit plus guère de terrain qui ne soit cultivé. J'atteignis Sko- pin le 2.6 *y il y avoit précisément foire ce jour-là. C'est un très-beau bailliage de la cou- ronne , où l'on a établi un superbe haras. Il est situé sur la petite rivière de Verda. Le pays se charge de nouveau de collines : c'est près du Tiamenka qu'il prend le plus d'exhausse- ment. Près de ce ruisseau , est une terre qui appartient au domaine. Il prend son cours vers le Verda •> celui-ci vers le Vranova : tous deux ont par conséquent une même embouchure dans l'Oka. Les ruisseaux qui coulent en delà de la côte , se déchargent au contraire dans le Don- L'on approche de plus en plus de la source de ce fleuve , qui est près du lac d'Imanovo , et à trente verstes seulement du village de Gor- lofka. De cette manière , le ruisseau de Gor- lovo , qui a sa source tout près du Tiamenka , se réunit au Tabala , et ils se jettent ensemble dans le Don. C'est le lac d'Imanovo qui donne naissance à ce fleuve. On sait aussi que c'est de lui qu'il prend le surnom d'iMANOviTSCH , qui cependant lui est commun avec la petite rivière d'Ossetr, et un autre ruiseau qui a son embou- chure dans l'Oupa. Ils ont tous leur source dans ce lac. Déjà, sous Pierre-le-Grand, on avoit conçu le projet de réunir le Don avec VOka, au moyen de l'Imanovo, en passant de- vant Toula) mais on ne Ta pas encore exécuté, 44^ *774- ee Zarizik quoique Ton n'ignore point les avantages que Ton tireroit de cette jonction. Bogoïavlenskoï est un très-gros village sei- gneurial. L'on descend , dans son voisinage , une côte rapide vers l'Ouioubescha. Ce ruis- seau tombe dans le Proun , qui se réunit à l'Ossetr 3 ils ont , par ce moyen , une embou- chure commune dans F Oka. L'on n'est cepen- dant qu'à vingt verstes à - peu- près de l'Ivan- Osero et du Don, qui baigne la ville d'Epilan. Le pays devient très-montueux, et renvoie toutes les eaux de neiges vers le Proun. L'on voit, dans les campagnes élevées du voisinage, le crépis de Sibérie (1) ; il y est très-commun. Il est accompagné de l'alpiste érucoïde (2) , que je rencontrai encore tout près de Moskou dans les environs du village d'Ostrovzi, où il croît en quantité dans les prairies humides. C'est la dernière plante de la flora de Sibérie que j'ai vue dans ce voyage. A peu de distance du Proun , l'on traverse la rivière d'Ossetr-Ivanovitsch près du Proudi- Sérébrianié. Ce village à clocher appartient au comte de Schérémétef^ il forme en même tems bailliage. L'on traverse l'Okaun peu avant d'ar- river à Kolomna. Nous y primes gîte le 01. Cette ville étoit assez considérable : mais elle avoit beaucoup souffert, tout récemment, d'un incendie , ainsi que la petite ville de Saraisk , (\) Crépis Sibirien. (*) Phalaris erucaformis. A PiTERSBOURG. 4(7 que Ton atteint avant d'être parvenu à l'Oka. L'on avoit tué, cette année , à Proudy, une corneille marquée de taches blanches ; et à Saraisk , une autre qui étoit entièrement blan- che. L'on m'assura que cette dernière avoit été couvée dans l'endroit même. En m'amusant le long des rives de l'Oka, qui sont constituées de pierres calcaires, je remarquai, parmi plu- sieurs autres pétrifications, beaucoup d'anomies qui ont de l'affinité avec les conçhites anoma- les (1) 5 elles étoient très-belles. En approchant de Moskou, l'on voit de nou- veau cette succession variée entre les couches horizontales de sable et les montagnes calcaires dont j'ai parlé plus haut. Il est très -fâcheux que je n'aie pas eu occasion de m'assurer du rapport qu'il y aentr'elles. J'ai le même regret pour ce qui concerne les couches horizontales d'argile , qui sont entrecoupées par le Moskaia , dans lesquelles l'on rencontre tant de pétrifica- tion et de silex (2). Il paroît cependant que la pierre de sable est plus exhaussée qu^la masse calcaire. Ayant souffert encore quelques retards dans ma route , je n'arrivai à Moskou que le i3 juillet. Je trouvai des ordres de la cour à mon arrivée dans cette ville. L'on m'enjoignit de me rendre, le plutôt possible, à Pétersbourg, Malgré toute l'envie que j'avois de faire un " — — ' * - ' I .j 1 1 1 1 im T-— — ^»wq»» (1) Conçhites anomalus» (z) Voy. tome pienue* de ces Voyages, -v-y'- 44$ î774- DE Zarizin a Pétersbourg. petit séjour à Moskou , pour profiter de la société du savant M. Müller , homme du plus grand mérite, et l'un des plus célèbres histo- riens de la Russie , il fallut obéir. Je ne m'y arrêtai donc que le tems nécessaire pour faire réparer nos voitures. J'arrivai à Pétersbourg le 3o juillet ; une partie de mes cheveux étoient devenus gris , quoique je n'eusse alors que trente-trois ans. Les fatigues a votent cruelle- ment altéré ma santé $ elle étoit néanmoins meilleure que lorsque je me trou vois en Sibé- rie. Il ne me restoit plus qu'à rendre des ac- tions de grâces à la Providence, qui avoit dai- gné ne pas m'abandonner à travers tous les périls que j'avois courus. Jamque hoc immensum spatils confecimus cequor , Et jam tempus equum fumantia solvere colla. Vir g il. Georg* Fin du Tome septième* !.. - i r