RSR | LE] ? Éditions ? UNESCO ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION sous la direction de JULIAN CALDECOTT et LERA MILES Préface de Kofi À. Annan Les grands singes, nos plus proches parents, sont me- nacés d'extinction en dépit des efforts de nombreuses per- sonnes et organisations. Cet atlas offre une vue d'ensemble des connaissances actuelles sur les six espèces de grands singes - chimpanzé, bonobo, orang-outan de Sumatra, orang-outan de Bornéo, gorille de l'Est et gorille de l'Ouest. Initié en as- sociation avec le Projet des Nations Unies pour la Survie des Grands Singes (GRASP), ce livre fournit une minutieuse des- cription du comportement et de l'écologie de chaque espèce, incluant leurs besoins concernant l'habitat, leur rôle écolo- gique et les possibles conséquences de leur déclin. L'Aflas Mondial des Grands Singes et de leur conservation présente de façon exhaustive les menaces, les efforts actuels de conserva- tion et les besoins supplémentaires nécessaires pour chacune des espèces, sur l’ensemble de son aire de répartition. De nombreuses cartes et illustrations en couleur rendent cet ou- vrage accessible au plus grand nombre, des spécialistes aux décisionnaires en passant par le grand public qui se soucie de l'avenir de ces primates charismatiques. Ce livre est né de l'élan de multiples organisations et chercheurs internationaux travaillant sur les grands singes. Ce partenariat, rassemblant des agences des Nations Unies, des gouvernements, des fondations ainsi que des représen- tants du secteur privé, a pour objectif de présenter l’état mon- dial de la conservation des grands singes et de faire émerger, pour des actions futures, une réelle volonté politique. Le lec- teur y découvre le travail effectué par les différents acteurs pour la conservation des grands singes et à quels endroits ces efforts de préservation doivent être renforcés pour être efh- caces. Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from UNEP-WCMC, Cambridge http://www.archive.org/details/worldatlasofgrea05jcal ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Publié en francais en 2009 par L'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) 7, Place de Fontenoy, 75352 Paris 07 SP. © UNESCO 2009 Toute reproduction faite sans Le consentement écrit de l'UNESCO est illicite. Les auteurs sont responsables du choix et de La présentation des faits contenus dans cet ouvrage ainsi que des opinions exprimées qui ne sont pas nécessairement celles de l'UNESCO Les appellations employées dans cet ouvrage et La présentation des données qui y figurent n'impliquent de la part du Secrétariat de l'UNESCO aucune prise de position quant au statut juridique des pays, territoires, villes ou zones ou de leurs autorités, ni quant au tracé de leurs frontières ou limites. ISBN: 978-92-3-204098-5 Titre original: World Atlas of Great Apes and their Conservation Publié en anglais par University of Califonia Press en association avec UNEP World Conservation Monitoring Center © UNEP World Conservation Monitoring Center 2005 Référence bibliographique Caldecott, J., Miles, L., Dir (2009). Atlas Mondial des Grands Singes et de leur Conservation. UNESCO, Paris. ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION = — — te - T 60°E 80°E 100°E 0 2 000 4 000 60°E 80°E 100°E = — = ! £ ( SOUS LA DIRECTION DE JULIAN CALDECOTT Er LERA MILES Préface de Kofi À. Annan EDITIONS UNESCO PARIS ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Atlas Mondial des Grands Singes et de leur Conservation Version originale en anglais préparée par UNEP World Conservation Monitoring Centre 219 Huntingdon Road, Cambridge CB3 ODL, UK Sous la direction de Julian Caldecott Lera Miles Cartographie Lee Shan Khee Matthew Doughty Mary Edwards Assistante d'édition Brigid Barry Assistants de production Helen de Mattos Angela Jameson Laura Kirby Jane Lyons Valerie Neal Tim Osmond Maquette Raul Lopez Cabello Swaingrove Imaging L'OUVRAGE ORIGINAL À ÉTÉ RÉALISÉ AVEC LE SOUTIEN DES ORGANISATIONS SUIVANTES : Le Programme des Nations Unies pour l'Environnement est la plus Fan VA CA haute autorité environnementale au 7 sein du système des Nations Unies. Le UNEP Programme joue le rôle de catalyseur, de défenseur et de facilitateur œuvrant à promouvoir l'utilisation avisée et Le déve- loppement durable de l'environnement mondial. Le travail du PNUE consiste à : Évaluer les conditions et les tendances environnementales mondiales, régionales et nationales ; Aider à développer des instruments environnementaux nationaux et internationaux ; Renforcer les institutions afin d'assurer une gestion avisée de l'environnement ; Faciliter Le transfert des connaissances et de technologies pour un développement durable ; Encourager de nouveaux partenariats et de nouvelles perspectives au sein de La société civile et du secteur privé. Site Internet : www.unep.org Le Department for Environnement, Food and Rural Affairs du Royaume- Uni (Defra] travaille dans une optique de développement durable : une meilleure qualité de vie pour tous, aujourd'hui et pour les générations à venir. Cela signifie un meilleur environnement local et dans le reste du monde et un usage durable des ressources naturelles, une prospérité économique grâce à une agriculture, une pêche, une alimen- tation, des ressources en eau, ainsi que des industries fonctionnant sur un mode durable et répondant aux besoins des consommateurs. Un soutien aux économies et aux communautés rurales assure le bien de tous. Site Internet : www.defra.gov.uk Ernest Kleinwort Charitable Trust Version francaise préparée sous la direction de : Dr. Sabrina Krief, MNHN Dr. Samy Mankoto Ma Mbaelele, UNESCO Traduction Pascal Nzodjou Ngueuko Ministère des Forêts et de la Faune du Cameroun Experts scientifiques Dr. Sabrina Krief, MNHN Pr. Claude Marcel Hladik, MNHN Dr. Emmanuelle Grundmann, AWELY Dr. Florence Lévrero Dr. Inza Kone, CSRS, Côte d'Ivoire Dr. Marc Ancrenaz, HUTAN Mise en page Georgius Koppert, Groupe d'Étude des Populations Forestières Équatoriales (GEPFE) Couverture Jean-Michel Krief, Projet pour la Conservation des Grands Singes (PCGS) ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION LA VERSION FRANÇAISE A ÉTÉ RÉALISÉE AVEC LE SOUTIEN DES ORGANISATIONS SUIVANTES : La France, qui a financé la version AE CRE française de cet ouvrage à travers une E contribution du Fonds Français pour l'Environnement Mondial (FFEM), est as un acteur majeur du Partenariat pour les Forêts du Bassin du Congo. Son action, dans les Aires Protégées, mais également hors des Aires Protégées pour La promotion de la gestion durable et de la certification dans les concessions forestières, contribue largement à la préservation de l'habitat des Grands Singes en Afrique centrale. Elle a rejoint dès septembre 2005 le Partenariat pour la Survie des Grands Singes (GRASP) lors de la première conférence intergouvernementale organisée par l'UNESCO à Kinshasa. Site Internet : www.diplomatie.gouvfr Site Internet : www.ffem.fr Le Muséum National d'Histoire Naturelle (MNHN] est la fois établissement scientifique et service public, tourné vers la recherche et La diffusion des connaissances. Le Muséum assume 5 grandes missions fondatrices qui régissent et nourrissent l'ensemble de ses activités : Recherche fondamentale et appliquée, Gestion et conservation des collections, Enseignement et pédagogie, Diffusion des connaissances et Expertise. Site Internet : www.mnhn.fr COR L'Organisation des Nations Unies pour Tiurnnao léducation, la science et la culture N F\ [ [ (UNESCO), à travers ses stratégies et ses activités, œuvre en faveur des — objectifs de développement des Nations Unies pour le Millénaire et, plus particulièrement, de ceux qui visent à : Réduire de moitié La proportion de La population vivant dans l'extrême pauvreté, d'ici à 2015, Assurer l'éducation primaire universelle dans tous les pays, d'ici à 2015, Eliminer les disparités entre les sexes dans l'éducation primaire et secondaire d'ici à 2015, Aider Les pays à mettre sur pied des stratégies nationales pour un développement durable, d'ici à 2015, afin d'inverser d'ici à 2015, La tendance actuelle à la déperdition des ressources environnementales. L'objectif que s'est fixé cette Organisation est vaste et ambitieux : construire La paix dans l'esprit des hommes à travers l'éducation, la science, la culture et la communication. Site Internet : www.unesco.org ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Remerciements CONCERNANT LA VERSION ORIGINALE EN ANGLAIS es éditeurs tiennent à exprimer leur immense gratitude à tous ceux qui ont contribué à fournir des données nécessaires pour mener à bien cet atlas. Tout d'abord, nous remercions pour leur soutien financier : La Division des Conventions Environnementales du Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE- DCE] et la Division de l'Alerte Rapide et de l'Évaluation du PNUE (PNUE-DEWA), le Department for Environnement, Food and Rural Affairs du Royaume-Uni (Defra) et Le Fond de charité Ernest Kleinwort. Nous remercions aussi, pour leur aide inestimable, Les auteurs, Les relecteurs et ceux cités dans les différents chapitres qui nous ont fourni les données géographiques et autres. La plupart des photos nous ont été généreusement données par leurs auteurs. De nombreuses autres personnes ont participé de multiples facons et ne peuvent être associées à une section donnée : au travers de conversations, en fournissant des introductions, des apports anonymes, en aidant à des tâches essentielles ou par leur soutien moral aux moments cruciaux. En fait, tous ceux du bureau de l'UNEP-WCMC et du GRASP de Nairobi et de nom- breuses personnes des organisations non gouvernementales de conservation, la section du Groupe des Spécialistes sur les Grands Singes de l'UICN comptent parmi eux. Avec nos excuses pour tout oubli, nous tenons à remercier particulièrement les personnes suivantes : Jared Bakusa, Brian Groombridge, Florence Jean, Ki Mc Conkey, Adrian Newton qui furent à l'origine du projet. Simon Blyth et Lucy Fish furent d'une grande aide aux cartographes. lan May mit en place le service de cartographie interactive qui fut d'une grande aide aux correcteurs. Pragati Tuladar nous a aidé à localiser certains sites nommés dans le texte. Simon Burr et Maria Murphy nous ont aidés pour les aspects logistiques et Les révisions. Mary Cordiner nous a fourni des passages essentiels de littérature. Brigid Barry et Lee Shan Khee ont passé des mois sur cet ouvrage, Brigid se focalisant sur le texte et Les photos, Shan Khee sur les cartes. Enfin nos remerciements vont à Philip Fox, Jerry Harrison, David Jay, Tim Johnson, Rebecca Kormos, Mark Leighton, Kirsty MacKay, Daniel Malonza, Corinna Ravilious, lan Redmond, Melanie Virtue, Matt Woods et Kaveh Zahedi pour leur soutien constant. Nous espérons que ce livre rendra justice à La générosité de ceux qui y ont participé et qu'il attirera l'attention d'une audience plus large et nouvelle sur la conservation des grands singes. Julian Caldecott et Lera Miles ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Préface KOFI À. ANNAN es grands singes font partie de notre famille. Comme nous, ils sont dotés de conscience, ils ont des cultures, des outils, des comportements politiques et utilisent des médica- ments. Ils peuvent apprendre le langage des signes et tenir des conversations avec des humains ou entre eux. Malheureusement, ils n'ont pas été traités avec le respect qu'ils méritent et, victimes de la déforestation, de maladies, de La fragmentation de leur habitat, de captures et de la chasse, leur nombre décroit aujourd'hui. Malgré tout, il y a des signes d'espoir. Certains gouvernements se sont engagés dans des efforts de conservation, La coopération s'étendant parfois au delà des frontières. Il est devenu de plus en plus clair que, quelle que soit l'origine des initiatives - les gouvernements nationaux ou les autorités locales, Les organisations non gouvernementales ou les citoyens - les communautés locales doivent être impliquées. Ce sont elles qui vivent en contact avec les grands singes et ce sont elles qui ont besoin d'être incitées à les préserver, par exemple par le partage des revenus du tourisme. Cet atlas raconte l'histoire de La conservation des grands singes. IL décrit Les progrès accomplis et ce que nous devons faire pour que les grands singes survivent. Les hommes considèrent souvent mieux les grands singes lorsqu'ils ont davantage de considération pour leurs semblables, grâce à l'éducation, à La bonne gouvernance et par la réduction de la pauvreté. En sauvant les grands singes, on a toutes chances de sauver aussi Les humains. En préservant les grands singes, il est également possible d'améliorer les conditions de vie de nombreuses populations qui dépendent de La forêt, notamment pour leur alimentation et leurs ressources en eau potable. En fait, le destin des grands singes a des conséquences à la fois pratiques et symboliques sur la capacité des hommes à se construire un avenir durable. On ne pourra pas sauver les grands singes sans argent. Le Projet pour la Survie des Grands Singes (GRASP) décrit dans ce volume peut aider à mobiliser des ressources. Mais ce n'est qu'une partie de la réponse et d'autres idées pertinentes pour la sauvegarde des grands singes sont nécessaires. Nous avons besoin de millions de gens ordinaires pour les aimer et les protéger Nous avons besoin de gouvernements et de sociétés qui les « adoptent » ainsi que leur habitat. Nous devons lutter contre le courant qui pousse vers l'extinction et menace nos plus proches parents encore en vie. Kofi À. Annan Secrétaire Général des Nations Unies (1997-2006) ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Remerciements CONCERNANT LA VERSION TRADUITE EN FRANCAIS a publication de « l'Atlas des grands singes et de leur conservation » en cette « Année 2009 - Année Internationale des Gorilles », tombe à point nommé et est un motif de grande satisfaction et de fierté qui m'oblige à m'acquitter d'un agréable devoir : celui de remercier toutes les personnes qui, de près ou de Loin, ont contribué à la réalisation de ce magnifique ouvrage. Mes vifs remerciements s'adressent tout d'abord aux responsables du Ministère français des Affaires Etrangères et de la Coopération, qui a bien voulu financer la traduction de l'Atlas en français, grâce au soutien du Fonds Français pour l'Environnement Mondial : je pense particulièrement à l'ambassadeur Laurent Stefanini, Christophe Besacier, Christophe Ducastel et Bambe Dansala. Sabrina Krief et Samy Mankoto, ont fait montre de compétence scientifique, d'assiduité et de perspicacité ; ils ont accompli un travail extraordinaire, celui de coordination qui a permis d'atteindre Le présent résultat : la traduction fidèle de 456 pages de l'Atlas en français. Je tiens à les en féliciter. Toute une équipe de scientifiques de haut niveau, coordonnée par les membres de l'équipe d'Eco-Anthropologie et Ethnobiologie du MNHN dirigé par Serge Bahuchet, a participé à des degrés divers, à la vérification et à La validation scientifique de l'ouvrage. Il s'agit de : Sabrina Krief, Claude-Marcel Hladik , Emmanuelle Grundmann, Florence Lévrero, Marc Ancrenaz et Inza Kone. Nous leur disons, merci. Nos remerciements s'adressent aussi à Pascal Nzodjou Ngueko et à son équipe du Ministère des Forêts et de La Faune du Cameroun, pour le premier jet de traduction de l'ouvrage, à Georgius Koppert pour la mise en page et à Jean-Michel Krief pour la couverture de l'Atlas. Nous remercions aussi les photographes qui ont renouvelé leur accord pour que leurs photos soient publiées dans l'ouvrage et ceux qui ont fourni de nouvelles images. De nombreuses personnes de bonne volonté nous ont bénévolement apporté leur appui, soit en vérifiant l'orthographe et autres coquilles de frappe, soit en ouvrant la porte de leur maison pour accueillir des équipes de travail pendant les vacances. C'est ainsi que je tiens à exprimer toute ma gratitude à Jean-Louis Beauvais et à Annette Hladik. /n fine, plusieurs de mes collègues de l'Unité des publications, de La Section des sources de financement gouvernementales bilatérales, et de la Division des sciences écologiques et de la terre ont été impliqués à des degrés divers, soit en mettant la main directement à la pâte dans la conception, les discussions et l'élaboration du contrat avec l'UNEP / WCMC, soit dans le suivi des dossiers, en aidant à des tâches essentielles où par leur appui moral aux moments cruciaux. Avec nos excuses pour tout oubli, nous tenons à remercier plus particulièrement Les organismes et personnes suivants : BPI Publications Unit, Saturnino Munoz Gomez, Isabelle De Billy, Swinnen Rudi, Gifty Dlouhy, lvette Fabbri, Malcom Hadley, Souad Rouabah, Josette Gainche, Noëline Raondry-Rakotoarisoa, et Christine Alfsen-Norodom, pour leur soutien constant. Dr Natarajan Ishwaran Directeur de la Division des Sciences écologiques et de la terre ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Utilisation des cartes es cartes de ce livre montrent le couvert forestier, les aires protégées et la répartition des espèces. Dans cette section nous présentons les abréviations et Les termes qui ne figurent pas sur les cartes. Pour l'Afrique, nous présentons trois types de données concernant les espèces : « les aires de répartition estimées » sont les surfaces maximales possibles occupées par les espèces ou les sous- espèces. « Les aires de répartition confirmées » sont les surfaces, plus petites, où la présence de l'espèce a été confirmée. Les points (carré ou cercle) correspondent à la présence présumée (?] ou aux sites où les espèces ont localement disparu (X). En dehors de ces cas d'extinctions, ces cartes concernent des observations plutôt qu'une présence ou une absence définitivement répertoriée car on ne peut pas exclure la présence de l'espèce à l'intérieur de l'aire estimée. Les observations sont basées sur la présence de nids, de traces et de tout autre signe et incluent les observations directes des animaux. Les dates dans les légendes indiquent la dernière observation. Si cette date est ancienne, il n'y a pas d'observation plus récente mais cela peut résulter du fait que le site na pas été visité récemment par un scientifique. Lorsqu'une espèce a définitivement disparu d'un site, cela est indiqué explicitement. Les extinctions ne concernent que celles qui se sont produites depuis 1940 et qui ont été enregistrées comme telles. IL est difficile de dire avec certitude qu'une espèce n'est plus présente en dehors des cas où l'habitat a été complètement détruit, donc les extinctions locales sont nécessairement sous-estimées. La densité des points d'observation ne reflète pas exactement celle des grands singes mais elle représente plutôt l'intensité du travail de recensement local. Par exemple, la carte 5.1 montre un grand nombre d'observations récentes dans le Parc National de la Salonga parce qu'une étude y a été réalisée en 2004. On doit consulter le chapitre concernant l'espèce ou le pays pour accéder aux données de densité de l'espèce dans les différentes parties de l'aire de répartition. La couverture forestière figurée sur les cartes par des nuances de vert est basée sur l'imagerie satellite et inclut les plantations et les parties dégradées de forêt au même titre que les forêts intactes. Les données sur les parcs et les réserves sont présentées selon trois catégories : Les aires connues pour avoir le meilleur niveau de protection officielle (désignées selon les catégories 1 à 4 de l'UICN, ou bien selon un classement associé à une convention internationale telle qu'un site du Patrimoine Mondial de l'UNESCO, ou une Réserve de Biosphère, ou un site ramsar] ; celles qui ne sont pas comprises dans ces catégories ; et enfin celles qui sont proposées pour un classement. Des abréviations sont utilisées pour désigner leurs noms comme par exemple RF pour Réserve Forestière, ainsi qu'indiqué dans la liste ci-contre. Les cartes concernant l'Afrique incluent une compilation des observations et les aires de répartition estimées des grands singes qui ont été rassemblées par Thomas Butynski (Conservation International) et mises à jour par [UNEP-WCMC en collaboration avec les chercheurs et les organisations de conservation. Aires protégées non délimitées A Aire protégée nationale (UICN Ct.I-IV) ou internationale A Autres aires désignées 4 Proposée comme aire protégée Aires protégées délimitées C2] aire protégée nationale (UICN Ct.I-IV) ou internationale ET Autres aires désignées A | Proposée comme aire protégée Autres traits caractéristiques ——- Frontière internationale Couvert Forestier (%) [110 EC] 1-10 11-40 EM 41-60 EM 51-100 Capitale Autres villes Route principale ou secondaire Fleuve Littoral Étangs et lacs ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 10 Les cartes concernant l'Asie du Sud-Est montrent les l'atelier de Jakarta, Indonésie (janvier 2004), sur blocs forestiers où vivent les orangs-outans ainsi que l'estimation des populations et de la viabilité de leur leur densité estimée. Ces données ont été habitat et par l'équipe du Leuser Management Unit, rassemblées par les chercheurs qui ont participé à Sumatra, Indonésie (voir chapitre 11). ABBRÉVIATIONS UTILISÉES POUR LES CARTES RFC Réserve Forestière Commerciale AC Aire de Conservation RFF Réserve Forestière et Floristique ACh Aire de Chasse RFIC Réserve Forestière Interdite de Chasse AGF Aire de Gestion de Faune RFP Réserve Forestière de Protection CR Centre de Réhabilitation RFq Réserve Faunique EC Forêt Classée RG Réserve de Gibier EN Forêt Nationale RN Réserve Naturelle ÊE) Forêt de Protection RNF Réserve Naturelle Forestière MHN Monument Historique National RNI Réserve Naturelle Intégrale PC Parc de Chasse RR Réserve de Ressources PN Parc National RRS Réserve de Recherche Scientifique PNa Parc Naturel RS Réserve Spéciale BE Paysage Protégé RSc Réserve Scientifique RB Réserve de Biosphère SF Sanctuaire de Faune RC Réserve de Chasse SPM Site du Patrimoine Mondial REI Réserve Ecologique Intégrale SR Site Ramsar REF Réserve Forestière UCN Unité de Conservation Naturelle RFa Réserve de Faune ZE Zone Cynégétique SOURCES DES DONNÉES CARTOGRAPHIQUES Aires protégées IUCN [1994] Guidelines for Protected Area Management Categories. IUCN, Cambridge, UK and Gland, Switzerland. http://www.unep-wemc.org/protected_areas/categories/eng/index.html. World Commission on Protected Areas (2004) World Database on Protected Areas. UNEP-WCMC. http://sea.unep- wemc.org/wdbpa/index.htm. Site consulté en septembre 2004. Couvert forestier Hansen, M., DeFries, R., Townshend, J.R., Carroll, M., Dimiceli, C., Sohlberg, R. (2003) 500m MODIS Vegetation Continuous Fields. Global Land Cover Facility, College Park, Maryland. http://glcf.umiacs.umd.edu/data/modis/ vcf/. Site consulté en septembre 2004. Fleuves Petroconsultants (CES) Ltd (1990) Mundocart/CD: Version 2.0. Petroconsultants (CES) Ltd, London. Routes, frontières nationales, littoral, Lacs DMA [1992] Digital Chart of the World. Defense Mapping Agency, Fairfax, Virginia. Villes ESRI (2003) ESRI Data & Maps 2003. ESRI, Redlands, California. Pour Les sources des données cartographiques sur Les grands singes, voir Les profils des pays des chapitres 16 et 17. Les références sont numérotées séparément dans chaque chapitre et profil de pays. Les listes correspondant aux références numérotées sont accessibles en ligne sur Le site : http://unep-wemc.org/resources/publications/WAGAC. Une liste de lectures complémentaires est suggérée à la fin de chaque chapitre ou profil de pays. L'origine des | données cartographiques est aussi fournie et représente généralement des lectures complémentaires. ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Présentation des grands singes RICHARD LEAKEY J'ai personnellement pris conscience de l'existence des grands singes quand j'étais très jeune et bien avant qu'ils ne soient menacés comme aujourd'hui. En 1949, ma mère, Mary Leakey, a découvert dans un site reculé de [île de Rusinga, sur Le Lac Victoria, Le crâne fossile d'un grand singe désormais connu comme Proconsul africanus. Ce fossile, datant de 17 millions d'années, fut expédié en Angleterre pour être étudié ; et Les journaux firent La une à propos de ce crâne lors de l'arrivée de ma mère. Curieux comme tout enfant de 5 ans, j'étais intrigué de savoir pourquoi il y avait autant de tapage autour de cet événement ; et c'est à partir de ce moment que j'ai connu les grands singes, et tout particu- lièrement leurs fossiles ! Le nom Proconsul fut inspiré de Consul, un célèbre chimpanzé du zoo de Londres. Ainsi mon jeune cerveau fut imprégné des images de ces chimpanzés et ces grands singes fossiles. Bien plus tard, je fus « conditionné aux grands singes » par mon père, Louis Leakey, qui fut à l'origine de l'établissement de Jane Goodall et de son site de recherche sur les chimpanzés sauvages de Gombe, en République Unie de Tanzanie. Le travail de Jane et sa large diffusion par la National Geographic Society et les autres médias, contri- buëèrent plus que tout autre chose a informer le public sur Les chimpanzés et, par extension, sur les autres grands singes. Avec le temps, d'autres personnes et d'autres études ont continué à enthousiasmer le public et à lui faire prendre conscience que nos plus proches parents vivent dans les forêts menacées d'Afrique et d'Asie du Sud-Est. Les biologistes moléculaires et Les généti- ciens ont montré à quel point nous sommes proches des chimpanzés, des bonobos, des gorilles et des orangs-outans. Il faut bien souligner qu'en demandant des mesures pour protéger les popula- tions restantes et pour améliorer les soins et l'élevage de ceux qui vivent en captivité, nous parlons de nos propres parents, pas de simples créatures poilues. Les grands singes et nous- mêmes sommes si proches qu'il est certain que nous avons fait une erreur fondamentale dans la classification en Les séparant des humains. Nous parlons de 6 espèces restantes, toutes menacées, alors qu'elles sont en fait sept. Le fait que ces six espèces soient à la merci d'une seule est Le triste témoignage et le malheureux reflet de notre prétention d'être La plus intelligente du Lot. Cet atlas des grands singes arrive à temps pour fournir de nombreuses informations que beaucoup ignorent. Les menaces qui pèsent sur Les orangs-outans, les gorilles, Les bonobos et les chimpanzés, sont nombreuses ; mais c'est La perte de leur habitat qui est Le plus grand problème au vu de La diminution drastique des forêts qui subsistent. Les maladies constituent aussi une cause d'inquiétude et, particulièrement, dans les lieux où les contacts avec les touristes accroissent les risques. Je pense que c'est pour nous un devoir envers nos descendants, aussi bien que vis-à-vis de nos ancêtres, que de protéger à jamais ce qu'il reste des populations sauvages des grands singes. En tant qu'humains, nous devons mettre en place un nouvel impératif moral afin d'assurer la survie de ces merveilleux parents et, pour ce faire, une amélioration des connaissances constitue cer- tainement un excellent point de départ. Richard Leakey 11 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Cyril Ruoso EVOLUTION, DISPERSION ET DÉCOUVERTE DES GRANDS SINGES CHAPITRE 1 Evolution, dispersion et découverte des grands singes MARTIN JENKINS es hominidés sont une des plus petites familles de mammifères, avec sept espèces vivantes. Six de ces espèces sont confinées dans des habitats forestiers et boisés sous les tropiques de l'ancien monde {les régions tropicales de l'Afrique et de l'Eurasie) et sont toutes considérées menacées de disparition, certaines ayant même atteint Le seuil critique. La septième espèce est omniprésente et constitue sans doute celle ayant le plus grand nombre de représentants parmi toutes les espèces de grands animaux ayant jamais vécu : il s'agit d'Homo sapiens, notre propre espèce. La situation précaire actuelle des autres espèces est entièrement due à l'activité humaine. Toutefois, nous sommes aujourd'hui dans une position unique telle que si nous faisons preuve d'une volonté collective, nous sommes à même de renverser cette tendance et assurer la pérennité de nos proches parents sur notre planète. Le présent ouvrage se propose d'envisager la voie qui mène à cet objectif. À part Les êtres humains (Homo), trois genres de grands singes existent de nos jours : les gorilles {Gorillal, les chimpanzés (Pan) et les orangs-outans {Pongo)]. Les deux premiers vivent en Afrique tandis que le troisième vit en Asie du sud-est. Jusqu'à une date récente, on reconnaissait généralement une espèce de gorille (Gorilla gorilla), deux espèces de chimpanzé (le chimpanzé robuste ou commun, Pan troglodytes, et le chimpanzé nain ou bonobo, Pan paniscus), et une espèce d'orang-outan (Pongo pygmaeus]. Mais Les recherches récentes ainsi que les nouvelles approches taxonomiques ont permis de distinguer deux espèces de gorilles et d'orangs- outans.”! C'est cette taxonomie, entérinée par le Groupe de primatologues de lL'UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature), qui est utilisée dans le présent ouvrage même si elle ne jouit pas d'une reconnaissance universelle. Par conséquent, les gorilles se subdivisent en gorille oriental (Gorilla beringeil et gorille occidental (Gorilla gorilla}, tandis que les orangs- outans se subdivisent en orang-outan de Sumatra (Pongo abeli] et orang-outan de Bornéo (Pongo pygmaeus). IL existe un deuxième groupe de grands singes : Les gibbons, qui feront l'objet d'une brève présentation au chapitre 12. En général, on les classe, séparément, dans la famille des Hylobatidés bien que certains taxonomistes les considèrent comme faisant partie de La famille des Hominidés. Près de 12 espèces des quatre genres sont actuellement reconnues à travers l'Asie du sud-est d'Assam à Java en passant par le sud de la Chine, Bornéo et Sumatra. Les gibbons partagent la lignée des autres grands singes et les mêmes forêts que les orangs-outans, mais se distinguent par leur monogamie à vie, leurs chants en duos, leur territorialité au sein de petites aires d'habitat ainsi que par leur spécialisation dans le déplacement rapide en se balancçant, à l'aide des leurs mains sous les branches d'arbres. De nombreux gibbons sont également en voie de disparition. DÉCOUVERTE DES GRANDS SINGES Une longue histoire Les grands singes et Les hommes ne sont pas étrangers les uns des autres. Les dépôts des grottes du Vietnam datant d'environ un demi million d'années (ma) contiennent des vestiges d'orangs- outans mélangés avec ceux de nos ancêtres Homo erectus, ‘tandis que des os d'orangs-outans cuits 13 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Ce ‘groupe de jeunes primates’ a paru dans The Childhood of Animals de E. Yarrow Jones, publié en 1912. 14 datant d'environ 35 000 années ont été trouvés dans les grandes grottes de Niah à Sarawak, Bornéo. En Afrique, Les hommes et Les singes ont assurément partagé les mêmes forêts pendant des millénaires même s'il n'existe pas de preuves fossiles directes. Ces créatures sont pourtant restées peu connues et peu comprises du monde occidental jusqu'à une date relativement récente. En effet, ce n'est qu'au début du 20°"* siècle que la dernière espèce a fait ‘objet d'une description scientifique et qu'une représentation assez nette de ce groupe d'animaux considérés jusqu'alors comme énigmatiques a vu le our. PREMIERS CONTACTS ENREGISTRÉS Le général carthaginois Hannon fit un voyage le ong de la côte ouest africaine au 5°”° siècle av. JC et ce périple qui se raconte encore de nos jours fait curieusement allusion à des hommes sauvages poilus vivant dans une île sur un lac. Les interprètes locaux les appelèrent ‘gorillae. À part cela, la Mary Evans Picture Library première trace écrite convaincante de grands singes ressemblant à l'homme, du moins selon Thomas Huxley”' dans sa critique des récits historiques et des connaissances courantes parue en 1863 (dont la suite de cette section s'est inspirée), se trouve dans Description du royaume du Congo de Philip Pigafetta, publiée en 1598‘ sous l'inspiration des notes du marin portugais Eduardo Lopez. Un passage de ce livre affirme [traduction de Huxley] : « dans ce pays Songan se trouvent sur les rives du fleuve Zaïre de nombreux ‘grands singes’ dont l'imitation des gestes humains est un véritable régal pour les yeux des notables ». Le mot ‘ape' utilisé par Huxley était un terme générique désignant divers primates de l'ancien monde à l'instar du macaque (Macaca spp.] jusqu'au 19°7° siècle au moins ; rien ne permet donc d'en déduire que les créatures en question étaient de grands singes au sens moderne du terme. Cependant, dans un autre chapitre du même ouvrage, figure une gravure signée des frères De Bry, de deux créatures qui semblent être une reproduction basée sur une description fidèle du gorille ou chimpanzé. Des descriptions encore plus détaillées et convaincantes sont contenues dans deux livres publiés au cours des décennies suivantes par un prêtre anglais Samuel Purchas. Il y relate Les récits d'un soldat - Andrew Battell - qui vécu en Afrique équatoriale pendant de nombreuses années. Le plus long se trouve dans le second volume‘? où Purchas reproduit La description, faite par Battell, des forêts le Long d'un fleuve: « Les bois sont si remplis de babouins, de singes, de grands singes et de perroquets, que tout homme aurait peur d'y voyager seul. Il y a aussi, ici, deux sortes de monstres qui sont communs dans ces bois et très dangereux. Le plus grand de ces deux monstres est appelé Pongo dans leur langue [des indigènes], et le plus petit est appelé Engeco. Ce Pongo est, dans toutes ses proportions, pareil à un homme ; mais il tient plutôt du géant que de l'homme par la stature ; car il est très grand, il a une face humaine, les yeux caves, avec de longs poils sur les sourcils. Son visage et ses oreilles sont glabres, ainsi que ses mains. Son corps est couvert de poils pas très épais ; et il est d'une couleur brun foncé. Il ne diffère pas de l'homme, sauf pour les jambes car il n'a pas de mollet. Il avance toujours dressé sur ses jambes, et tient ses mains jointes sur la nuque quand il marche sur le sol. Ils dorment dans les arbres et construisent des abris contre la pluie. Ils se nourrissent des fruits qu'ils trouvent dans les bois, et de noix, car ils ne mangent aucune sorte de chair. Ils ne peuvent pas parler et n'ont pas plus d'entendement qu'une bête. Les gens de ce pays, quand ils voyagent dans les bois allument des feux là où ils dorment la nuit ; et au matin, quand ils sont partis, les Pongos viennent s'asseoir autour du feu jusqu à ce qu'il s'éteigne ; car ils n'ont pas l'intelligence de rassembler le bois. » D'après une note marginale supplémentaire de Purchas : « Le pongo est un singe géant. Il m'a dit dans une causerie que l'un de ces pongos avait pris un petit nègre avec qui ils vécurent pendant un moment ; car ils n'attaquent pas les gens qu'ils surprennent sauf quand ils les regardent ; ce qu'il évita. Il affirma que sa taille était comme celle de l'homme mais qu'il était deux fois plus gros. J'ai vu le jeune nègre. Il a oublié de relater comment l'autre monstre était; et ces papiers tombèrent entre mes mains après sa mort, sinon j'aurais pu l'apprendre au cours de mes causeries régulières. Peut-être qu'il s'agissait des tueurs pongos pygmées en question. » La description du pongo jusqu'à ses habitudes végétariennes et la construction des nids dans les arbres est exactement celle du gorille, tandis que le nom ‘enche-echo’ [une version phonétique de ‘engeco’ de Battell) était encore utilisé au Gabon au moins jusqu'au début du 19°" siècle pour désigner le chimpanzé. Comprendre les descriptions des grands singes Une génération plus tard, apparaît le premier récit du grand singe en Europe. Observationes Medicae de Nicholas Tulpius, publiée en 1641, renferme une description de ce qui serait un jeune chimpanzé ramené de la région d'Angola et remis à Frederick Henry, Prince d'Orange. Tulpius affirme que le nom de l'animal en question est Orange-autang ou homme des bois chez les Indiens et Quoias Morrou' chez les Africains. Vu que les néerlandais fréquentaient à La fois, les Indes orientales et l'Afrique australe à cette époque, il ne s'agissait probablement pas d'un chimpanzé d'Angola mais plutôt d'un orang-outan d'Angkola, au Sumatra occidental.‘ À cette époque, il était clairement établi que des animaux similaires vivaient en Asie et en Afrique, même si la confusion entre les espèces EVOLUTION, DISPERSION ET DÉCOUVERTE DES GRANDS SINGES allait par la suite persister pendant plus d'un siècle ; ceci s'explique en partie par le fait que, vers la fin du 17°" siècle, Les récits de grands singes en Asie étaient confus et frisaient souvent Le ridicule. La première illustration évidente d'un anthropoide asiatique” est celle d'un humain de sexe féminin plutôt poilu. Cette image est ajoutée après La mort de l'auteur mais la description, faite par Bontius en 1658, serait réellement celle de l'orang-outan. La fin du 17°" siècle voit La publication du premier document scientifique sur l'un des anthropoïdes : un traité écrit par Tyson et publié par la Royal Society de Londres en 1699 sous Le titre Orang-outang, sive ‘Homo Sylvestris, ou l'Anatomie d'un Pygmée comparée à celle d'un ‘singe’, d'un anthropoide et d'un homme. IL s'agit de la description d'un jeune chimpanzé également ramené d'Angola. Après une analyse de La littérature alors disponible, Tyson conclut que l'animal en question n'était pas celui qui avait été décrit par Battell, Tulpius et Bontius, mais qu'il était probablement identique aux soi-disant pygmées des temps anciens. IL énuméra une multitude de caractéristiques montrant que son animal «ressemblait plus à l'homme qu'aux singes et grands singes » ainsi qu'une liste de quelques caractéristiques qui Le « distinguaient de l'homme et le rapprochaient davantage de singes et grands singes. » IL conclut que, bien qu'il « ressemble tellement à l'homme au niveau de nombreuses parties, plus que tout type de singe, ou tout autre animal au monde dont j'ai connaissance, je ne le vois nullement comme le produit d'une génération ‘mixte’ — c'est un animal brut sui generis’ et une espèce d'anthropoide particulière’. En 1739, apparaît une description anonyme d'un chimpanzé, illustrée par un dessin réalisé par Scotin. Cet animal semble être le même qui allait être plus tard décrit et dépeint par le grand naturaliste français Buffon qui, non seulement examina un jeune chimpanzé vivant, mais rentra également en possession du spécimen adulte d'un gibbon d'Asie (connu actuellement sous Le nom de gibbon lar, Hylobates lan. Cet animal, décrit en détail par Buffon et Daubenton sous le nom ‘jocko' (dérivé, par erreur, de engeco de Battell), était ainsi le premier anthropoïde adulte recensé en Europe et le dernier a être vu depuis de nombreuses années. Se fondant sur ces spécimens et les récits disponibles, Buffon conclut finalement qu'il existait deux espèces d'orang ou grand singe semblable à l'homme : le grand orang d'Afrique ou pongo de 15 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Gravure (fin du 19° siècle) d'un squelette humain comparé à celui d'un gorille. 16 Battell et Le petit orang des Indes orientales! ou jocko. Selon lui, Les petits anthropoïdes enregistrés par Tulpius et lui-même étaient de jeunes pongos. Entre temps, l'anatomiste néerlandais Peter Camper publie en 1779 un traité détaillé sur l'orang-outan, se fondant sur la dissection de plusieurs jeunes femelles et un mâle." IL affirme que : « Le vrai Orang, c'est-à-dire celui d'Asie, celui de Bornéo, n'est par conséquent ni Le pongo ni le jocko, ni l'Orang de Tulpius, ni le pygmée de Tyson - c'est un animal d'une espèce particulière. » Peu de temps après, le premier spécimen d'orang-outan adulte arrive en Europe; son squelette est exposé au Musée du Prince d'Orange, et Camper est Le premier à Le voir en 1784. Camper n'est manifestement pas sûr du lien entre ce grand animal de 1,2 m de hauteur en position debout qu'il appelle pongo comme Battell et Les orang-outan {juvéniles) dont il avait fait une description minutieuse cinq ans auparavant. Pendant quelques années, on le considère comme une espèce différente du chimpanzé, du gibbon et de l'orang- outan. En 1810, l'allemand Blumenbach suggère que cet animal est en fait un orang-outan adulte ;“ ce que Richard Owen démontre finalement avec force persuasions”*. Sa monographie comprend Mary Evans Picture Library aussi la première description documentée du squelette du chimpanzé adulte - tout à fait la version adulte des animaux africains considérés par Buffon et Tulpius comme de jeunes pongos. À cette époque, l'orang-outan et Le chimpanzé sont finalement bel et bien reconnus comme deux entités distinctes : Le premier vivant en Asie et le second en Afrique, les deux étant bien connus tant à l'état juvénile qu'adulte. IL est également admis que les diverses espèces de gibbons sont Les seuls autres grands singes d'Asie orientale. La carac- térisation du dernier grand singe à faire l'objet d'une description scientifique - le vrai pongo de Battell - est restée à La traîne. En 1819, le voyageur Thomas Bowdich note que des populations locales de la région du fleuve Gaboon (Gabon) parlent de l'existence d'un anthropoïde autre que l'engeco, nommé ‘ingena' ayant la description suivante : « cinq pieds de haut et quatre au niveau de l'épaule ».Ÿ Aucune autre trace de l'existence de cet animal n'est enregistrée jusqu'en 1847 lorsque le missionnaire américain Dr. Thomas Savage trouve le crâne d'un anthropoide inconnu chez le Révérend Wilson, missionnaire résidant dans la région du fleuve Gaboon. Sur la base du crâne et des descriptions fournies par les populations locales, Savage conclut que l'animal en question est une nouvelle espèce de grand singe.‘ Savage et Wilson obtiennent un récit détaillé des habitudes de cette créature dans la nature et suffisamment de matériel physique permettant à l'anatomiste américain Jeffries Wyman de publier une description détaillée.” C'est Savage qui attribue le nom ‘gorilla', tiré du périple de Hannon, à cette espèce, sans toutefois prétendre qu'il s'agisse effectivement de l'animal décrit dans le périple. Ce n'est finalement qu'après plus de deux cents ans que la remarquable précision du récit original de Battell sur Les anthropoïdes africains est confirmée. Comme le note Huxley, de tous les grands singes, le gorille a « l'insigne honneur d'être le premier à être porté à La connaissance du public et le dernier à faire l'objet d'une étude scientifique. » Au milieu du 19°7° siècle, on connaît donc l'existence de quatre différents grands singes : gibbons et orangs-outans en Asie orientale, chimpanzés et gorilles en Afrique occidentale. La connaissance de l'histoire naturelle des gibbons et orangs-outans est assez avancée grâce aux observations de nombreux naturalistes dont Müler, Duvaucel, Bennett, Wallace et Brooke. On connaît l'existence de plusieurs espèces de gibbons mais la question de savoir s'il y a une, deux ou plusieurs espèces d'orangs-outans reste sans réponse, du moins de l'avis de Huxley. Etant donné la vaste aire de répartition du chimpanzé, il pense qu'il existerait probablement plus d'une espèce, ce qui est confirmé avec la reconnaissance du bonobo comme une espèce distincte au début du 20°" siècle. Par contre, il admet qu'il n'y a qu'une seule espèce de gorille et note également que, en dépit des récits de Savage et Wilson, la connaissance des chimpanzés et des gorilles sauvages est moins complète que celle des grands singes d'Asie. Les grands singes, proches parents de l'homme La grande question dans les milieux scientifiques et intellectuels occidentaux était alors tout naturellement de connaître la place des grands singes - bien que considérés comme des êtres fascinants en eux-mêmes - par rapport à l'homme. Darwin avait publié son ouvrage révolutionnaire De l'origine des espèces en 1859, sous l'impulsion de Wallace qui avait, de facon indépendante, développé des idées similaires notamment à la suite de ses observations en Asie. Avec l'expansion des concepts évolutionnistes, il était davantage évident que les similitudes entre espèces étaient probablement signe d'affinités évolutives, c'est-à-dire que plus Les espèces sont similaires entres elles, plus il est probable qu'elles partagent le même ancêtre. La notion implicite de transmutabilité des espèces, sans être nouvelle, n'était pas facile à admettre par beaucoup de personnes, de même que l'idée de sélection agissant sur la variation aléatoire héritable, qui constitue la pierre angulaire de la théorie de Darwin. On avait du mal à admettre ces concepts appliqués à d'autres organismes, mais de telles difficultés étaient insignifiantes comparativement à celles qui se posaient en considérant la place de l'homme dans l'ordre des choses. IL était alors indéniable que Les grands singes possédaient des traits anatomiques d'une similitude criante avec l'homme. En déduire que les grands singes et Les hommes ont partagé un ancêtre commun récent et sont par conséquent très proches les uns des autres a toujours été considéré comme un anathème pour de nombreuses personnes. Ironiquement, l'un des grands pourfendeurs de cette idée était l'anatomiste Richard Owen qui avait décrit avec le plus de détails et de précisions EVOLUTION, DISPERSION ET DÉCOUVERTE DES GRANDS SINGES William H. Calvin (www.williamcalvin.com] possibles la morphologie du chimpanzé (considéré de nos jours comme le plus proche parent de l'homme]. Dans sa farouche détermination à démontrer la séparation entre les deux, il érigea toute une sous-classe de mammifères - Archencéphale - réservée uniquement à l'homme, caractérisée essentiellement par La présence d'une minuscule structure dans le cerveau humain - l'hippocampe mineur - qui serait absente chez tous les autres grands singes.” Pour Darwin, Huxley et tous les autres adeptes de plus en plus nombreux de la théorie évolution- niste dans toutes ses ramifications, il s'agissait non pas de savoir si les grands singes et Les hommes avaient une parenté proche - cela allant de soi - mais de savoir quelle espèce était Le plus proche parent vivant de l'homme. Sur des bases anatomiques, Huxley conclut que c'était soit le gorille, soit le chimpanzé, sans pouvoir préciser faute de preuve matérielle lequel des deux en était le plus proche. Cette question est restée sans réponse satisfaisante pendant plus d'un siècle jusqu'à la mise au point de nouvelles techniques de biologie moléculaire. ÉVOLUTION DES GRANDS SINGES Reconstitution phylogénique : fossiles et gènes IL y a deux principales sources de preuves pour établir La parenté entre organismes : Les organis- mes vivants eux-mêmes ainsi que les restes fossiles. Dans l'un et l'autre cas, on utilise deux Un siècle après l'avènement de La théorie de l'évolution, La découverte du maniement des outils chez Les grands singes révolutionne La perception qu'ont les humains d'eux-mêmes. Ici, au zoo de San Diego, un bonobo extrait du jus à l'aide d’un bâton au bout écrasé. 17 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 18 Encadré 1.1 TRAITS CARACTÉRISTIQUES DU PRIMATE IL n'existe aucun trait unique caractérisant tous les primates -— fossiles où vivants - de manière à les distinguer de tous les autres mammifères. Cependant, nombre de traits rares chez d'autres mammifères sont courants chez la plupart des primates ; ces traits distinguent les primates d'autres groupes. IL s'agit notamment de B Ooanset pieds préhensibles, le pouce et Le gros orteil pouvant être opposés aux autres doigts (même si l'Homme, par exemple, a perdu son habileté à opposer ses gros orteils) ; E griffes devenues des ongles plats (même si certaines espèces ont modifié les ongles, appelés griffes de toilette, pour assurer le toilettage à l'aide d'un ou de deux orteils ; Les aye-aye de Madagascar ainsi que les ouistitis et Les tamarins du nouveau monde ont des griffes d'orteils recourbées sur tous Les doigts à l'exception du gros orteil) ; = yeux à l'avant de la face, portés vers l'avant, avec des champs visuels qui se chevauchent, permettant une vision binoculaire et une appréciation précise des distances ; M cerveau assez gros par rapport à celui d'autres animaux de même gabarit ; [| portées très petites, généralement d'un seul petit ; la maturation du bébé est très lente comparativement à celle de la plupart des | mammifères de même grosseur ; | E origine distincte dans le crâne de la bulle | auditive (cavité osseuse protégeant le dessous de l'oreille moyenne et interne). L'ensemble des traits caractéristiques ci-contre nous permettent de classer dans l'ordre des primates les animaux vivants tels que les tarsiers, es lémurs, les Loris, les singes et Les grands singes y compris l'Homme). IL est communément admis de nos jours que les singes et grands singes partagent le même ancêtre commun récent plus qu'ils ne le font avec d'autres primates, formant ainsi un groupe monophylétique nommé simiens Les relations précises entre simiens et autres primates ne sont pas clairement établies de même que l'origine des primates en général.® Martin Jenkins Pied d'un bonobo avec Le pouce qui s'oppose aux autres doigts permettant une prise précise. William H. Calvin (www.williamcalvin.com] hypothèses de base, à savoir que les espèces partageant un grand nombre de caractères sont susceptibles d'avoir une parenté, et que Les espèces partageant un certain nombre de traits très complexes et spécialisés sont susceptibles d'être plus proches que celles qui ne Les possèdent pas. Jusqu'à une date récente, les caractères analysés étaient essentiellement anatomiques ou morphologiques même si l'on utilisait parfois Le comportement des animaux. Toutefois, cette approche présente des difficultés puisque les caractères peuvent clairement apparaître et disparaître au cours de l'évolution et surtout parce que les mêmes caractères peuvent se présenter de manière indépendante dans des lignées différentes. Par exemple, les ailes permettant de voler sont présentes chez les oiseaux, les mammifères (chauves-souris) et les insectes et sont donc apparues indépendamment au moins trois fois au cours de l'évolution. Par ailleurs, il y a, parmi les oiseaux et les insectes, des espèces ou groupes d'espèces qui n'arrivent plus à voler et qui, pour certains groupes d'insectes, ne posséderaient plus du tout des ailes reconnaissables. Les progrès réalisés en biologie moléculaire depuis les années 1970 ont révolutionné les approches taxonomiques et systématiques. Il est maintenant possible de comparer directement le matériel génétique des individus, des populations et des espèces, et de déterminer avec plus de précision, le degré de parenté existant entre eux. Ces techniques permettent de déterminer avec plus de fiabilité et de précision la proximité parentale entre les organismes vivants. Mais pour décrire l'itinéraire évolutif emprunté par ces organismes pour arriver au stade actuel, il faut toujours recourir aux preuves du passé généralement contenues dans les débris fossiles. Le problème qui se pose est que le fossile constitue un échantillon très partiel et biaisé de la vie dans Les temps passés. La plupart des organismes ne laissent aucune trace physique durable lorsqu'ils meurent, surtout à cause de lefficace travail des organismes décomposeurs et nécrophages. Même en cas de préservation de tout ou partie d'un organisme, les restes ont très peu de chance de résister au temps géologique et de garder une forme reconnaissable pouvant être récupérée de nos jours. Quand bien même le matériel fossile résiste à l'épreuve du temps, il demeure souvent très incomplet. Bien que Les traces fossiles puissent fournir des indications très détaillées sur Les tissus d'organismes mous, les fossiles sont généralement constitués uniquement des parties de l'organisme qui étaient solides du vivant de ce dernier, notamment les coquilles de mollusques, les squelettes ainsi que, pour de nombreux vertébrés, les dents. C'est uniquement dans des cas exceptionnels de préservation récente sous forme de restes subfossiles que la récupération du matériel génétique est possible. On estime que les fossiles connus représenteraient, globalement, 1 % des espèces ayant existé.“ Les prélèvements fossiles des primates sont beaucoup plus complets et peuvent atteindre 7 % de représentation.*! Le regroupement géographique des découvertes fossiles peut même fournir des séries beaucoup plus complètes que ne pourrait suggérer ce pourcentage.” Toujours est-il que beaucoup plus d'espèces que nous ne croyions connaître jusqu'à présent ont existé dans chaque lignée, y compris chez les primates qui font particulièrement l'objet d'intenses études et recherches. Comme corollaire, il est très peu ÉVOLUTION, DISPERSION ET DÉCOUVERTE DES GRANDS SINGES probable qu'un organisme fossile connu soit l'ancêtre direct d'un organisme vivant quelconque. Cette simple observation n'est pas souvent prise en compte dans les discussions sur la généalogie et La phylogénétique, surtout dans les efforts de reconstitution de la lignée ancestrale humaine. Les toutes dernières initiatives de recon- stitution des étapes chronologiques de l'évolution emploient La méthode de l'horloge moléculaire qui associe études moléculaires et matériels fossiles. Cette méthode suppose que les mutations s'accumulent de manière aléatoire et forment divers types d'ADN à des taux constants, sans mutation contraire, et que les écarts de code entre les lignées puissent être calibrés avec le matériel fossile et convertis en temps puisqu'il y a eu séparation des lignées. Certains ADN (ex. ADN mitochondrial ou ADN mt} ont tendance à accu- muler des mutations plus rapidement que d'autres (ex. les gènes de globines], et on peut alors dire que leurs horloges moléculaires tournent à différentes vitesses. On peut déduire de ces différentes vitesses, des liens évolutionnaires à divers niveaux taxonomiques, à savoir dans Le passé plus ou moins lointain. Par exemple, on peut utiliser l'ADN mt pour déterminer les relations entre les populations humaines modernes, les gènes de globine pour les relations entre les mammifères modernes, et le cytochrome c pour les relations lointaines’ entre les lignées d'eucaryotes. Si l'horloge du cytochrome c marche si lentement, c'est parce que la structure et La fonction de la molécule sont vitales au métabolisme et ne peuvent être modifiées à travers une mutation significative sans effet letal. Ces molécules restent essentiellement intactes à travers de nombreuses espèces, mais accumulent néanmoins de petites différences dues aux mutations anodines. Pour établir un rapport entre ce phénomène et une mesure effective du temps, le matériel fossile doit offrir une ou plusieurs Tableau 1.1 Époques du Cénozoïque, l'ère des mammifères” Début (ma) Fin (ma) Paléocène 65 Eocène Oligocène Miocène Pliocène 1,6 Pleistocène 0,01 Holocène aujourd'hui 19 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Au début du 19°" siècle, le chimpanzé présent en Afrique est bien caractérisé et se distingue nettement de l'orang-outan de l'Asie du sud-est. 20 estimations fiables de temps de divergence dans les lignées en question. L'hypothèse d'une vitesse constante de modification de l'ADN dans Le temps et la fixation des points de calibrage sont toutes problématiques ; toutefois, cette approche a produit des résultats qui sont de plus en plus reconnus comme c'est Le cas avec les grands singes abordés ci-dessous. Origines des primates Les premiers fossiles à avoir été sans conteste identifiés comme primates datent du début de l'éocène (Tableau 1.1] il y a 54-55 millions d'années (mal. Ils représentent un ensemble de lignées diverses qui se sont détachées des mêmes ancêtres communs pour constituer deux groupes distincts d'espèces: les grandes familles d'Omomyoideae et d'Adapoideae, établies à partir des sites fossiles de l'hémisphère nord. Ces groupes étaient des prosimiens (à ne pas confondre avec les simiens, voir Encadré 1.1), et environ 200 espèces représentant plus de 70 genres ont été décrites à ce jour? La grande majorité de ces Michael Huffman espèces a disparu vers la fin de l'éocène (du moins, d'après le matériel fossile], ce qui serait dû apparemment aux changements climatiques inter- venus sur notre planète. De toutes les espèces connues grâce au matériel fossile, neuf seulement proviennent des dépôts post-éocènes.” On estime que le poids de ces premiers primates variait de 50 g (poids du plus petit primate vivant : le microcèbe, Microcebus spp.) à 7-8 kg {poids des plus grands cercopithèques, Cerco- pithecus spp., ou des plus petits cercocèbes, Cercocebus spp.) Au début de l'éocène, les primates étaient déjà bien établis comme groupe, ce qui indique que leur origine se situe avant cette période, à une époque dont on ne dispose encore d'aucun fossile pertinent. La période exacte fait l'objet de débats scientifiques. Tout récemment encore, on pensait généralement que l'origine temporelle des primates, et partant d'autres grands groupes mammaliens, était relativement proche de la limite entre le crétacé et le tertiaire, c'est-à-dire il y a environ 65 ma, période à laquelle les dinosaures, les plésiosaures, ptérosaures et plusieurs autres groupes ont disparu. Les primates seraient issus de la première souche de mammifères de cette époque et auraient connu ensuite une radiation assez rapide, évoluant pour constituer des formes variées pendant une assez courte période, géologiquement parlant. Cependant, selon les analyses plus récentes utilisant des horloges moléculaires" et appliquant les analyses statistiques au matériel fossile, la séparation des grands groupes mammifères, y compris les primates, aurait eu lieu beaucoup plus tôt, au milieu du crétacé, c'est-à- dire il y a environ 90 ma, et l'on pense que Le dernier ancêtre commun de l'ensemble des primates vivants aurait vécu il y a un peu plus de 80 ma. La reconstitution de l'écologie et du comportement des primates de l'éocène est très problématique, et les concepts liés à leurs hypothétiques ancêtres relèvent davantage des spéculations. Pendant longtemps, l'on pensait que l'évolution des primates avait pour impulsion majeure leur mode de vie arboricole,‘"/{ y compris la préhension des mains et des pieds leur permettant de s'agripper aux branches, la vision binoculaire permettant d'apprécier les distances, un cerveau plus grand pour calculer les données spatiales complexes, et une dépendance moindre de l'odorat (de moindre importance dans La canopée exposée au vent au-dessus du sol). Or, il se pose un véritable problème concernant la thèse selon laquelle la vie arboricole en soi explique les adaptations des primates : le fait que beaucoup d'autres mammifères menant une vie au moins aussi arboricole que de nombreux primates ne possèdent pas pourtant ces attributs. \* Selon une thèse plus récente, le régime alimentaire aurait constitué un facteur déter- minant ; certains primatologues” affirment que le primate ancestral était déjà un animal arboricole qui s'est adapté à la chasse consistant à capturer les insectes dans les minces branches de la canopée forestière ou dans le sous-bois broussailleux. Pour d'autres,” l'avènement des primates coïncide avec l'émergence des plantes à fleurs (angiospermes]. Plus particulièrement, la radiation apparente des primates à l'éocène coïncide avec une radiation des plantes à fleurs et surtout la formation des forêts tropicales com- plexes comprenant des zones d'arbres fruitiers. Ils affirment que les primates ont évolué de facon particulière pour profiter de ce nouveau territoire caractérisé par la richesse des fleurs et fruits nourrissants sur les branches fines et terminales des arbres et broussailles. Selon des études menées sur les lémurs modernes tels que les Microcebus et les cheirogales, Cheirogaleus, qui sont considérés comme étant assez semblables à ces premiers primates à plusieurs égards, la nécessité d'adaptation à ces deux sources alimen- taires combinées aurait stimulé la formation des traits caractéristiques des primates. Les fleurs et fruits des fines branches terminales auraient d'abord attiré une variété d'insectes et d'autres invertébrés, et Les premiers primates se seraient alors nourris à la fois de La matière végétale et, sans doute de facon plus opportuniste, des invertébrés ainsi rassemblés. Comme nous allons Le voir, on pense communément que le régime alimentaire et particulièrement les changements de régime ont joué un rôle crucial dans l'évolution des primates depuis l'origine du groupe jusqu'à l'apparition de l'espèce humaine moderne. L'ORIGINE DES SIMIENS La toute première histoire de l'évolution des primates demeure un mystère autant que l'itinéraire exact qui a conduit à l'émergence de la lignée des simiens. Des simiens fossiles probables issus de divers sites de l'Afrique du nord et datant du début de l'éocène, il y a environ 50 ma, sont connus de nos jours, bien que la plupart des ÉVOLUTION, DISPERSION ET DÉCOUVERTE DES GRANDS SINGES simiens datent de la fin de l'éocène, tandis que Les premiers simiens connus hors d'Afrique (dans la péninsule arabique) datent du début de l'oligocène. Le lien entre ces premiers simiens et Les Omo- myoïdes et Adapoiïdes n'est pas bien établi - il n'est pas certain que les simiens soient véritablement issus de l'un des deux groupes. L'origine spatio- temporelle de La lignée des simiens reste également une énigme. Les premiers fossiles simiens ayant été découverts pour la première fois en Afrique du Nord (en particulier dans les dépôts du Fayum en Egypte), il était généralement admis que l'Afrique était Le berceau des simiens ; mais il est fort probable que ce soit l'Asie qui fut leur berceau et qu'ils gagnèrent l'Afrique ultérieurement. Les simiens de l’ancien monde et La radiation du miocène Les fossiles connus datent de la fin de l'éocène et du début de l'oligocène, 30-40 ma, et sont, sans conteste, ceux des premiers primates catarrhiniens d'une lignée qui comprend les grands singes {hominoïdes] et les singes à queue de l'ancien L'orang-outan se serait séparé de La lignée ancestrale commune des grands singes il y a 11 ma. 21 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Le gorille, premier à être répertorié, est Le dernier des grands singes à faire l'objet d'une description scientifique. 22 Martha M. Robbins monde (cercopithècoïdes]. La plupart ont été trouvés dans les dépôts de Fayum en Egypte et les sédiments de Tagah à Oman, contre une seule dent en Angola.” Ces fossiles, dont Le plus connu est Aegyptopithecus, servent de lien entre les simiens du début de l'éocène et Les singes et grands singes vivants. La nature des fossiles et l'analyse à l'aide de l'horloge moléculaire prouvent que ces soi-disant grands singes de l'aube précèdent la période à laquelle Les grands singes se sont séparés des singes à queue de l'ancien monde. Le miocène - l'ère des grands singes Pour les primates de l'ancien monde comme pour de nombreux autres groupes d'animaux, l'oligocène représente un fossé important dans l'ensemble des fossiles recensés. Mais au début du miocène il y a environ 22 ma, les fossiles ont commencé à réapparaître en plus grand nombre. À cette époque, les grands singes sont évidemment bien établis comme lignée évolutive distincte, indiquant une séparation d'avec les singes à queue intervenue entre 22 ma et 30 ma. Le miocène, qui dure jusqu'à il y a 5 ma environ, peut être considéré comme l'ère des grands singes, au cours de laquelle cette lignée s'est remarquablement répandue et diversifiée dans l'ancien monde. Une centaine d'espèces réparties dans quelques 40 genres ont été déjà identifiées, à ce jour, dans de nombreux sites en Afrique, en Europe et en Asie. La recherche dans ce domaine se poursuit ; Le taux de découverte de nouveaux fossiles indique que les nombreuses espèces mentionnées jusqu'ici ne constituent qu'une infime partie de la véritable diversité probable des grands singes du miocène. En 2004, on annonçait la découverte d'un nouveau genre et d'une nouvelle espèce - Pierolapithecus catalaunicus - dans des dépôts de mi-miocène en Espagne.” De nombreuses découvertes proviennent cependant de simples restes très partiels - notamment les dents et Les fragments du maxillaire rassemblés - rendant très difficile l'établissement des liens phylogénétiques ou la reconstitution des adaptations et écologies des espèces en question. Les fossiles d'anthropoides connus, datant de la première moitié du miocène jusqu'à il y a 15- 17 ma, se limitent à l'Afrique. On peut en déduire que ces anthropoïdes du début du miocène, dont Les plus connus font partie du genre Proconsul, étaient un groupe variable dont un animal pouvait peser de 3 à plus de 80 kg. IL semble qu'ils étaient essen- tiellement frugivores même si leur alimentation variait certainement selon les espèces. Le Proconsul n'avait pas de queue - caractéristique des grands singes actuels - et s'est apparemment adapté à un mode de vie arboricole. Toutefois, contrairement aux anthropoides modernes, il n'a pas développé la grande flexibilité et La puissance des membres antérieurs qui permettent à ces derniers de se déplacer en se balancant de branche en branche, et il était donc plus apte à se déplacer sur ses quatre membres jusqu'aux plus hautes branches. Les grands singes auraient envahi l'Eurasie à partir de l'Afrique à une époque située entre 15 ma et 17 ma, avec divers autres mammifères, à la faveur d'un nouveau pont terrestre entre les deux continents. Toutefois, de tels ponts terrestres avaient existé auparavant ; il est donc permis de penser qu'une modification est intervenue dans la biologie des grands singes (ou l'écologie de l'Eurasie) leur permettant d'exploiter et occuper les écosystèmes eurasiatiques : un facteur alimentaire leur a sans doute permis de subsister en se nourrissant d'herbes et/ou de fruits plus durs. Les preuves fossiles indiquent une dispersion et une diversification rapides ; Les grands singes se sont ainsi répandus et diversifiés en Eurasie entre 14 ma et 8 ma.” Par contre, les preuves fossiles des grands singes d'Afrique sont très éparses au cours de La même période. À partir d'il y a environ 5 ma, les restes fossiles africains, issus presque entièrement des grands singes qui seraient relativement très proches de la lignée des hominidés, sont beaucoup mieux représentés dans les collections ; ce qui est dû, en partie, au grand déploiement d'efforts pour leur recherche. Les preuves fossiles montrent clairement que les grands singes vivants représentent un maigre vestige de la diversité des anciens grands singes, sans toutefois nous permettre de comprendre leur origine en raison de l'insuffisance de ces preuves. Il est également très difficile de démontrer les relations anatomiques entre les fossiles de grands singes du miocène et les espèces actuelles [y compris l'Homme). Ces facteurs sont à l'origine de nombreuses spéculations relatives aux liens exacts existant entre les espèces vivantes, et concernant la nature de leurs ancêtres immédiats et où les trouver. Certaines spéculations - du moins celles concernant la parenté des grands singes vivants -— trouvent désormais une solution grâce à l'analyse moléculaire. C'est ainsi que l'on considère de nos jours que les gibbons ont été les premiers à se détacher de La branche qui est à l'origine des autres grands singes. Les orangs-outans ont ensuite suivi ; Les gorilles se sont par la suite détachés de la lignée des chimpanzés, des bonobos et des humains ; la séparation entre chimpanzés et bonobos étant La plus récente. Même si l'ordre chronologique de ces divers évènements ne fait plus l'objet de discussions, la date de chaque séparation est beaucoup plus controversée, puisque cette date est à la fois fonction de la fiabilité du calibrage de la preuve fossile et des hypothèses du taux relativement uniforme de la mutation des séquences d'ADN analysées. Une étude utilisant une série de séquences, avec il y a 23,3 ma comme date de séparation entre singes à queue et grands singes, aboutit aux dates de séparation suivantes (avec 95 % de seuil de fiabilité) : gibbons 14,9 + 2 ma ; orang-outan 11,3 + 1,3 ma ; gorilles 6,4 + 1,5 ma; ÉVOLUTION, DISPERSION ET DÉCOUVERTE DES GRANDS SINGES chimpanzés et humains 5,4 + 1,1 ma.” En général, tous ces chiffres s'accordent bien avec un certain nombre d'études antérieures, même si Les dates de séparation entre gibbons et gorilles sont quelque peu plus récentes que celles fournies notamment par Pilbeam, à savoir 17-16 ma et environ 9 ma respectivement‘ Changer le point de calibrage en déplacant la date de séparation supposée des singes à queue et des grands singes vers La fin de l'oligocène reculerait les dates de séparation calculées des divers grands singes, mais l'ordre de séparation et le degré de parenté entre espèces resteraient intacts.” Les parents probables des orangs-outans Les difficultés d'établissement de liens entre grands singes fossiles et grands singes vivants n'ont pas empêché les paléoanthropologues de poursuivre leurs efforts dans ce sens, en particulier dans le cas des orangs-outans. Une parenté a donc été suggérée entre plusieurs genres de grands singes fossiles d'Asie et cette lignée, plus particulièrement le Gigantopithecus des dépôts de la fin du miocène dans la région de Siwalik en Inde et au Pakistan, ainsi que les dépôts du pléistocène en Chine australe et au Vietnam ; le Lufengpithecus de La fin du miocène et, éventuellement, du début du pliocène en Chine australe ; Le Sivapithecus de la fin du miocène (entre 12,5 ma et 8,5 ma) dans la région de Siwalik ; et le Xhoratpithecus du milieu et de la fin du miocène en Thaïlande. On a d'abord pensé que les trois derniers étaient très proches des orangs-outans ancestraux, mais de solides arguments s'y opposent notam- ment en ce qui concerne le Sivapithecus et le Lufengpithecus.“. À présent, on semble s'accorder sur le fait que même si le Sivapithecus n'est pas très proche de l'orang-outan ancestral, il est tout de même plus proche de l'orang-outan que de tout autre primate vivant. Le consensus est, cependant, bien moins net pour le cas de Lufengpithecus. Le nouveau genre Khoratpithecus [compre- nant deux espèces dont le X chiangmuanensis originellement classé comme Lufengpithecus pendant sa description] semble, à présent, mieux placé pour être reconnu comme un proche parent de l'orang-outan ancestral.” En effet, non seulement il partage des traits très distinctifs des orangs-outans vivants et fossiles du pléistocène, mais également il vient d'une région où l'apparition des orangs-outans date du pléistocène, et est lié à 23 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 24 une flore tropicale. Par contre, le Sivapithecus et le Lufengpithecus auraient vécu non pas dans une zone forestière mais dans une région à habitat tempéré ou saisonnier et relativement ouvert. Chose intéressante, la première des deux espèces de Khoratpithecus datant du milieu du miocène (il y a un peu plus de 11 ma) se trouve être en association avec une flore qui présente d'importantes affinités africaines, signalant un corridor de dispersion faunique et floristique temporaire entre l'Asie du sud-est et l'Afrique à cette époque. Cela correspond bien à la date estimée de séparation [il y a 11,3 mal] entre La lignée des orangs-outans et celle conduisant aux gorilles, chimpanzés et humains, comme le montre l'analyse par horloge moléculaire. On pourrait en déduire que les gibbons représentent les survivants de la première vague des grands singes qui ont envahi l'Eurasie au début du miocène, tandis que les orangs-outans représentent les survivants d'une invasion ultérieure au milieu du miocène en provenance de l'Afrique. Alternativement, on a soutenu que les grands singes survivants d'Afrique, y compris les hominidés, proviennent d'une seconde invasion du continent par les grands singes d'Eurasie vers le milieu ou la fin du miocène. Les adeptes contemporains de cette thèse considèrent l'un des deux genres d'Eurasie, le Dryopithecus, connu de l'Espagne jusqu'en Europe de l'est, ou l'Ourano- pithecus (lou Graecopithecus) de la Grèce, comme étant probablement proches de l'ancêtre des grands singes africains et des humains.' Il ne se dégage en ce moment aucun consensus, et l'avancée des recherches sur les fossiles, des grands singes africains de La fin du miocène notamment, constituerait un atout pour éclaircir ce débat. Le Gigantopithecus, autre parent probable de l'orang-outan, est unique en ceci qu'il est Le seul genre connu des non hominidés disparus à avoir survécu au-delà du début du pliocène. Les restes du pléistocène, issus de la Chine australe et du Vietnam, attribués à l'espèce Gigantopithecus blackii, et comprenant des dents extrêmement larges ainsi que des mâchoires inférieures (mandibules}, indiquent un grand singe plus énorme que tout autre singe connu, fossile ou vivant. Considéré à un moment comme proche de la lignée humaine ancestrale, ce genre apparaît plutôt comme étant plus semblable au Sivapithecus et a été provisoirement classé avec ce dernier dans la même tribu taxonomique (Sivapithecinil. En survivant jusqu'au pléistocène, ce genre était tout au moins le contemporain des premiers humains ; en effet, on a trouvé des restes attribués à cette espèce, mélangés avec ceux des Homos erectus et des orangs-outans dans des dépôts dans une grotte vietnamienne datant d'il y a environ 475 000 ans. La date et la cause de sa disparition demeurent un mystère. Les chimpanzés et Les humains Si l'évolution des grands singes demeure incertaine et controversée, la quasi-totalité des scientifiques du monde entier affirme désormais que les chimpanzés sont nos plus proches parents, que la séparation entre la lignée des chimpanzés actuels et celle conduisant à celle des hommes modernes a eu lieu entre 4,3 et 6,6 ma, et que cette phase de l'évolution de l'homme et du chimpanzé a eu Lieu en Afrique. Mais, Les questions relatives à La physio- nomie du dernier ancêtre commun des deux groupes et du tout premier hominidé distinct (et en fait du chimpanzé ancestral), à leurs comporte- ments, et à l'origine de la séparation des deux lignées, font l'objet de nombreuses spéculations. Certains traits caractéristiques sont indispensables dans la distinction entre la lignée des humains et celle d'autres grands singes et plus particulière- ment celle des chimpanzés. IL s'agit de : M la bipédie, Les humains modernes étant les seuls hominidés vivants qui marchent habituellement debout sur deux pieds pendant de longues distances, M lataille du cerveau comparativement à celle du corps, qui est beaucoup plus grande chez les humains que chez tout autre primate, MB La structure et la solidité des dents, qui sont nécessairement liées au régime alimentaire. On attache une grande importance aux dents car elles constituent les restes fossiles les plus abondants et parfois les seuls restes fossiles disponibles. L'interprétation de la structure dentaire à partir des fossiles usés et fragmentés en vue de développer des arguments en matière d'évolution est très controversée. De même, bien que tous s'accordent sur le fait que La bipédie est un trait fondamental distinguant la lignée humaine de celle des autres grands singes, la date d'apparition de ce trait ne fait l'objet d'aucun consensus. Les restes fossiles disponibles actuellement sont insuffisants pour développer des arguments convaincants. La taille du cerveau est d'un usage limité dans la construction des premières phylogénies car ce n'est qu'autour de 2 ma, c'est-à-dire longtemps après la séparation de la lignée du chimpanzé, que le plus important accroissement de la taille relative du cerveau de la lignée humaine a commencé. À présent, trois candidats sérieux se présen- tent comme le plus ancien fossile de la lignée humaine distincte,” à savoir : M Ardipithecus kadabba issu des dépôts d'Ethiopie datant d'il y a 5,6-5,8 ma ;°°* M Orrorin tugenensis issu des dépôts des monts Tugen au Kenya qui daterait d'il y a un peu moins de 6 ma; M Sahelanthropus tchadensis issu du désert de Durab au nord du Tchad datant d'il y a 6 à 7 ma.” Chacun de ces vestiges [très incomplets) présente une mosaïque de caractéristiques dites primitives, c'est-à-dire partagées par des grands singes fossiles antérieurs et, dans une certaine mesure, par des grands singes actuels, ainsi que des caractéristiques dérivées c'est-à-dire celles qui sont beaucoup plus proches de La lignée des hominidés et qui ne sont pas partagées par d'autres grands singes vivants. Chaque vestige est présenté par ses adeptes comme étant le plus ancien représentant connu de la lignée humaine même s'il a également des détracteurs. Si on admet la plus récente analyse par horloge moléculaire relative à la séparation entre les chimpanzés et les humains (il y a 5,4 + 1,1 ma], ‘et si l'on s'en tient aux dates d'Orrorin et Sahelanthropus, alors ces deux vestiges précèdent la date de divergence entre les chimpanzés et les humains. Toutefois, quelle que soit l'hypothèse retenue, tous s'accordent sur Le fait que l'horloge moléculaire est mal calibrée et que les dates de divergence sont antérieures à celles qu'elle indique. Même si les preuves fossiles sont insuffi- santes pour justifier Les changements ayant abouti à la divergence des lignées des chimpanzés et des humains, on pourrait mieux comprendre ce phénomène en comparant le matériel génétique {ADN) de chaque espèce. Il s’agit Là d'une initiative majeure dans les efforts menés actuellement en vue du séquencçage du génome du chimpanzé. Les génomes des humains et ceux des chimpanzés sont identiques à environ 98,8 %, et l'on espère que la ÉVOLUTION, DISPERSION ET DÉCOUVERTE DES GRANDS SINGES Martha M. Robbins recherche sur le reste des 1,2% permettra de comprendre ce qui distingue l'Homme” du chim- panzé, du moins au niveau génétique. Comme résultat préliminaire intéressant, on a réussi à sélectionner des enzymes permettant de décomposer les aminoacides (constituants de protéines) dans la lignée humaine compara- tivement à la lignée des chimpanzés. Ces enzymes sont liés au régime carnivore et montrent que la consommation accrue de la viande aurait joué un rôle important dans l'évolution de l'Homme sans doute, en relation avec le développement de la taille du cerveau. Enfin, tous Les auteurs ne sont pas d'accord pour affirmer qu'il existe une divergence génétique assez poussée entre les humains et Les chimpanzés pour justifier leur classement dans deux genres distincts.” Si l'on s'en tient à cet argument taxonomique, les chimpanzés, les bonobos et les humains appartien- draient alors tous au genre Homo, ce qui soulignerait davantage la nature fraternelle de nos liens évolution- naires avec ces grands singes. RECHERCHE SUR LES GRANDS SINGES SAUVAGES Le premier primatologue pourrait être Charles Darwin aui, après avoir passé des semaines au zoo de Londres à observer des singes, a écrit un livre intitulé Expression des émotions chez l'Homme et les animaux (1872). La primatologie de terrain commence au début du 20°" siècle avec une étude menée sur les babouins chacma (Papio ursinus) en Afrique du Sud par Eugène Marais, qui ne fut Gorilles de montagne observés dans La nature dans Le Parc National de Bwindi en Ouganda. 25 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 26 Encadré 1.2 GRANDS SINGES CRYPTIQUES Les espèces cryptiques sont celles signalées de façon anecdotique ou à partir des signes physiques tels que les empreintes des pieds, ou des preuves photographiques, mais qui n'ont pas fait l'objet d'une description exhaustive par un biologiste profession- nel à partir d'un spécimen vivant ou mort. La communauté des grands singes renferment sa part d'espèces cryptiques ; trois d'entre elles méritent d'être mentionnées dans le présent volume car certains biologistes primatologues pensent qu'il est fort probable qu'elles puissent un jour aboutir à la validation de nouvelles espèces où sous-espèces. Il s'agit du ‘yeti' de l'Himalaya, * de l'orang pendek de Sumatra,” et du grand singe ‘Bili-Bondo' du nord de la République Démocratique du Congo [RDC]. Le Yeti Les observateurs occidentaux, chinois, tibétains, népalais ont signalé la présence de grands êtres semblables aux anthropoïdes bipèdes dans les montagnes himalayennes de Sikkim, Bhutan et du Népal ainsi que dans les régions environnantes à linstar du Pamir de Tadjikistan. La premier rapport publié est celui de B.H. Hodson, représentant britannique au Népal. Depuis 1921, les alpinistes participant aux expéditions dans La zone du mont Everest ont signalé leur présence à maintes reprises, soulignant même l'observation des animaux à différents moments (notamment par Alan Cameron en 1923, Tenzing Norgay en 1949, Don Whillans en 1970 et Craig Calonica en 1998] ou leurs empreintes au sol (notamment par L.A. Waddell en 1889, HW. Tilmn en 1936, Edmund Hillary et Tenzing Norgay en 1953, et Lord Hunt en 1978), parfois accompagnées de découvertes des restes de nourriture et d'excréments (notamment par l'expédition de Daily Mail de Londres en 1954 et Norman Dyrenfurth en 1958). Ces animaux attaqueraient et blesseraient parfois les humains (ex. par Hodson en 1832, Waddell en 1889, Jan Frostis en 1948 et l'expédition de Thomas Slick en 1957), d'où l'autre nom du yeti: ‘abominable homme de neige’ ; mais l'on rapporte également que ces êtres auraient secouru des alpinistes blessés (ex. par d'Auvergne en 1938]. Toutes ces preuves anecdotiques et fragmentaires ne sont que suggestives même si elles montrent par ailleurs combien le mythe et l'imaginaire quidés par une attente fondée sur la légende peuvent se confondre avec l'observation pour compliquer le problème en l'absence de preuves concrètes. Par ailleurs, l'habitat présumé du yeti, constitué de hautes montagnes et de La forêt dense à Rhododendrons ne favorise pas l'obser- vation à longue distance, la prise des images par caméra cachée, ou la chasse et la capture d'animaux craintifs et insaisissables. À La suite d'une expédition au Népal, l'alpiniste Reinhold Messner a conclu que le yeti en question n'était rien d'autre que l'ours noir de l'Himalaya (Ursus thibetanus).”? En fait, l'ours se dresse parfois sur ses pattes postérieures et marche souvent en posant la patte arrière sur l'empreinte de la patte avant, ce qui donne l'impression que les traces sont celles d'un animal bipède. Messner signale également que, lorsque les villageois l'ont amené voir un yeti, c'est plutôt un ours qu'ils ont vu. L'Orang pendek IL semble qu'un singe terrestre bipède non décrit, localement appelé ‘orang pendek’ {petit hommel, existe dans le Parc National de Kerinci-Seblat et les zones environnantes de l'Ouest-Centre de Sumatra. S'agit-il d'un gibbon qui se serait enfui de La canopée à cause de La compétition avec les siamangs et gibbons agiles ? Ou s'agit-il d'un descendant de lorang-outan ancestral qui aurait autrefois habité cette partie du plateau de Sunda ? L'orang-outan moderne aurait progressé vers le sud autour de la barrière faunique du Lac Toba à l'ouest mais certaines preuves suggèrent que les populations australes de Kerinci-Seblat sont différentes comme l'affirmaient déjà les néerlandais vers 1920. Une équipe de Fauna and Flora International dirigée par Debbie Matyr a analysé des question- naires remplis par environ 200 personnes à Kerinci : les résultats ont confirmé Les affirmations originelles des néerlandais selon lesquelles ce grand singe serait différent du gibbon et de l'orang- outan tels que nous les connaissons. En dehors de nombreux moulages d'une empreinte unique, chaque membre de l'équipe à vu un orang pendek et est bel et bien convaincu de son existence même si les images des caméras cachées n'offrent à présent aucune preuve, action néanmoins dirigée de main de maître par Jeremy Holden. Achmad Yanuar a mené EVOLUTION, DISPERSION ET DÉCOUVERTE DES GRANDS SINGES une enquête sur les orangs-outans à Bornéo et est resté sceptique à propos de l'orang pendek jusqu'au moment où il en a vu un. Le défi de la validation de l'existence de cette espèce qui correspond à la lignée humaine reste posé ; cependant, on craint sa disparition imminente due à l'action dévastatrice des feux de brousse, du braconnage et de l'exploitation forestière illégale dans le Parc National de Kerinci- Seblat Le contexte spéculatif de l'orang pendek a connu un bouleversement en octobre 2004 avec la publication des descriptions de l'Homo floresiensis, un hominien [fossile de la lignée humaine] d'un mètre de taille ayant vécu sur l'île indonésienne de Flores il y a 18000 ans, avec des preuves anecdotiques de son existence jusqu'à des périodes récentes.” Cette découverte extraordinaire fait penser que la confirmation d'un petit hominien récent à Flores ne serait pas totalement sans rapport avec l'actuel petit anthropoide bipède terrestre signalé à Sumatra. |L est fort probable que les deux aient un lien avec l'Homo erectus dont les fossiles datant d'il y a 1,6 ma ont été trouvés sur l'île de Java située entre Sumatra et Flores. L'anthropoïde inconnu du nord de La RDC Au nord du fleuve Congo, il y a une distance d'environ 1 000 km entre les aires de distributions connues du gorille oriental (Gorilla beringel et le gorille occidental (G. gorilla). Cette zone est habitée par des chimpanzés (Pan troglodytes) sur une surface entourant les villes de Bili et Bondo où des chasseurs européens tuaient des gorilles et rétrocédaient les crânes aux autorités au 19°7* siècle. Karl Ammann a visité la zone en 19% et y a trouvé un crâne de gorille : il a également rassemblé des récits anecdotiques des comportements anormaux des grands singes locaux. Selon ces récits, ces gorilles s'éloignaient doucement à La vue des hommes et ne les attaquaient jamais dans une démonstration d'intimidation caractéristique des gorilles mâles. La guerre en RDC a empêché la poursuite des recherches de 1999 à 2002 ; toutefois, une équipe de chercheurs comprenant George Schaller et Richard Wrangham a visité La zone en 2001 et trouvé des nids construits à même le sol. Cela n'a rien d'exceptionnel chez les gorilles mais les nids étaient utilisés à maintes reprises et souvent dans les marécages, ce qui sort de Colin Groves Ce moulage de crâne du singe inconnu de Bili- Bondo ressemble au crâne du chimpanzé sauf que sa crête sagittale est plus prononcée l'ordinaire chez les gorilles. Les animaux mêmes n'ont pas été observés Cependant, l'année suivante, une équipe accompagnant Shelly Williams a réussi à les filmer tandis que Ammann a réussi à Les photographier : ils ressemblent quelque peu aux gorilles au niveau de l'anatomie crânienne et aux chimpanzés en ce qui concerne l'anatomie postcränienne, mais leur pelage semble anormal En 2003, Williams se rend à nouveau dans la zone en compagnie de Groves qui mesure un certain nombre de crânes et déclare que ce sont des crânes de chimpanzés exceptionnellement grands disposant d'une crête sagittale étrange. Le moulage des empreintes est également plus long que chez les gorilles ou chimpanzés, et le poids corporel estimé sur la base de La photographie d'un individu mort dépasse celui du chimpanzé le plus lourd jamais recensé. Pendant ses recherches en 2003, Williams a noté l'attraction de quatre grands singes par limitation du cri d'un céphalophe blessé ; s approchant à la hâte avec une intention apparemment féroce, ils se sont tous enfuis à La rencontre des humains. Un tel comportement fait penser à un animal chasseur actif, peut-être juste opportuniste, plus proche d'un chimpanzé que d'un gorille. L'analyse de l'ADN mitochondrial des poils et échantillons fécaux a confirmé, entre-temps, que ces animaux sont effectivement des chimpanzés, tout au moins du côté maternel. En 2004, les chercheurs de d'Amsterdam ont lancé une étude de terrain sur ces l'Université chimpanzés étranges. Julian Caldecott ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 28 publiée que longtemps plus tard.“ La primatologie s'est poursuivie avec les efforts d'observation des chimpanzés et gorilles sauvages menés par Henry Nissen et Harld Bingham, efforts qualifiés par Alison Jolly de «tâche ardue dans un domaine impossible pour des gens n'ayant aucune idée sur la notion de recherche sur les primates. »“ Clarence Ray Carpenter réalise des études de terrain sur les singes hurleurs (Alouatta palliatal et Les gibbons lar {Hylobates lan] dans les années 1930, *"“ et sur Les macaques rhésus (Macaca mulatta] dans les années 1940. L'essor de La primatologie de terrain débute dans les années 1950 et 1960 lorsque les cher- cheurs commencent à s'intéresser à l'étude des grands singes sauvages. Les chercheurs japonais sont parmi les premiers sur le terrain avec un voyage exploratoire de Imanishi et Mitani en 1958.° Les chercheurs néerlandais emboîtent aussitôt Le pas à travers les descentes sur le terrain de Kortlandt au Congo belge d'alors (actuelle Répu- blique Démocratique du Congo) à partir de 1960.“ Les premières recherches portent sur les chimpanzés orientaux, les gorilles de montagne, et les orangs-outans. George Schaller est Le premier à étudier les gorilles de montagne dans les années 1950 et 1960 ;'”? Dian Fossey lui emboîte Le pas en 1967 au Rwanda, créant Le Centre de Recherche de Karisoke où elle fait ses recherches jusqu'à sa mort en 19857 Les études de Jane Goodall sur les chimpanzés de l'Est débutent en 1960 et aboutissent à La création du Centre de Recherche de Gombe Stream en République Unie de Tanzanie.” Ces deux femmes lancent leurs recherches sous la direction de Louis Leakey, paléoanthropologue de renom, et leurs travaux contribuent à la première grande sensibilisation de l'opinion internationale sur les grands singes, notamment à travers les pages du magazine de leur principal sponsor, National Geographic. En 1977, Digit, l'un des animaux d'étude de Karisoke est tué. Cela fait voler en éclats la qualité paradisiaque de ces premiers travaux. La série télévisée « Life on Earth » de la BBC portée à l'écran pour la première fois en 1979 avec un certain David Attenborough face à face avec des gorilles de montagne, et Le meurtre de Dian Fossey (suivi de son film autobio- graphique, « Gorillas in the Mist »] ont également contribué à sensibiliser l'opinion publique sur les gorilles de montagne et les dangers auxquels ils sont exposés. Les recherches dans les deux centres de Karisoke et de Gombe Stream se poursuivent jusqu'à aujourd'hui. C'est dans les années 1960 que débutent les premières recherches majeures de terrain sur les orangs-outans avec les descentes de John Mackinnon à Sabah en Malaisie et Renun au Sumatra.“ En 1971,* Biruté Galdikas entame les recherches dans la réserve de Tanjung Puting à Bornéo centre en Indonésie avec, une fois encore, l'implication de Louis Leakey (son site de terrain a pour nom Camp Leakey] ; ce projet se poursuit jusqu'aujourd'hui. Les recherches approfondies sur les orangs-outans de Sumatra se poursuivent jusqu'au début des années 1970° presque au moment où les recherches sur les chimpanzés occidentaux démarrent véritablement,*’’”? suivies par celles sur les gorilles occidentaux et les chimpanzés centraux dans les années 1980.%% Une étude systématique sur la distribution des bonobos dans l'aire septentrionale est menée pour la première fois en 1973, ainsi qu'une autre sur les menaces liées à l'exploitation forestière et La chasse ;”” mais ce n'est que dans les années 1990 que d'autres recherches importantes sur les bonobos sauvages sont conduites. Les recherches sur le terrain se développent parallèlement avec Les études en captivité et Les deux disciplines se complètent pour appréhender le comportement, les capacités d'apprentissage, l'écologie, l'évolution, la connaissance et La com- munication chez les grands singes.” Les chimpanzés, qui ont été utilisés pendant des décennies dans les laboratoires d'analyse biomédicale, sont au centre de la plupart des premières recherches comportementales, avant d'être ensuite relégués au second plan avec la multiplication des recherches sur d'autres espèces de grands singes. La découverte au début des années 1980 de la capacité pour les grands singes d'apprendre des signes du langage humain et l'avènement de La sociobiologie vers la fin des années 1970 contribuent ensemble à susciter un vif intérêt pour le comportement et l'évolution des grands singes.” La découverte de la culture,” de l'usage des outils,°et même des signes de l'organisation politique chez les chimpanzés” révolutionnent davantage nos préjugés concernant les grands singes et notre propre définition par rapport à eux. Les années 1980 débutent avec un courant de pensées chez les biologistes, Les philosophes, etc. qui pensent que les grands singes et Les humains appartiennent à une seule «communauté de pairs » ayant les mêmes droits par rapport à la liberté et la même protection contre la torture et l'incarcé- ration. "* L'intérêt et La préoccupation du public pour les grands singes s'amplifient et Les recherches sur ces anthropoïdes s'intensifient dans les universités et institutions scientifiques de par le monde. Certains centres de recherche jouent également un rôle capital dans la conservation des grands singes ; il s'agit notamment de Ketambe à Sumatra, du Camp Leakey à Bornéo, de Karisoke au Rwanda et de Gombe en Tanzanie. Par leur simple présence, ils attirent l'attention politique et jouent un rôle dissuasif face aux braconniers et exploitants forestiers sur le terrain. Dans certains cas, des parcs nationaux sont créés tout autour des stations de recherche sur le terrain. RECHERCHES SUR LES GRANDS SINGES EN CAPTIVITÉ Une population d'animaux en captivité permet de mener une recherche non invasive, qui pourrait être difficile, voire impossible, sur les animaux sauvages, notamment sur les interactions sociales, la santé et La biologie reproductive. L'Homme et les grands singes partagent de nombreux traits fondamentaux au niveau de la physiologie et du métabolisme en général, des fonctions biologiques, de la structure cellulaire et même de La constitution génétique ; ce qui signifie que Les grands singes sont des modèles utiles pour Les recherches sur la santé et Les maladies humaines, depuis les études de terrain sur des maladies à l'état sauvage jusqu'aux recherches de laboratoire sur les animaux captifs en passant par la recherche spatiale impliquant ces anthropoides. Le phénomène de vieillissement constitue un domaine de recherche prometteur sur les grands singes. En raison de nombreuses similitudes avec les humains, les grands singes subissent pratiquement le même phénomène de vieillisse- ment et connaissent presque les mêmes maladies de vieillesse que Les humains. C'est ainsi que les recherches sur le vieillissement des grands singes explorent la ménopause et les changements comportementaux qui l'accompagnent, Les change- ments de l'activité sexuelle et Les changements des comportements liés au vieillissement du cerveau. Le Projet Vieillissement des Grands Singes comprend le contrôle sanitaire non invasif, la connaissance et le comportement des grands singes vieillissants dans les stations de recherche et les parcs zoologiques. Par ailleurs, il facilite l'étude des cerveaux des grands singes qui ont vieilli et sont morts en captivité en vue de ÉVOLUTION, DISPERSION ET DÉCOUVERTE DES GRANDS SINGES comprendre davantage les conditions liées aux syndromes d'Alzheimer et de Parkinson et bien d'autres formes de dégénérescence neurologique dues à la vieillesse. Les chimpanzés sont les seuls grands singes utilisés actuellement en laboratoire pour des recherches biomédicales. Ils sont singulièrement prédisposés à l'infection de l'hépatite humaine et servent de cobaye pour ce problème sanitaire mondial. Les recherches sur l'hépatite chez les chimpanzés se sont concrétisées par la mise au point des vaccins humains contre l'hépatite B et ont également joué un rôle capital dans La mise au point des essais de réduction des risques de transmission de l'hépatite C à travers la transfusion sanguine. La recherche biomédicale sur les chimpanzés intègre d'autres aspects tels que le virus de l'immunodéficience humaine, VIH (même s'il s'avère que les chimpanzés ne sont pas de bons cobayes pour la recherche sur le VIH), la connaissance, la génétique, la neurologie, Les essais des médicaments et Les virus respiratoires. Par ailleurs, La valeur des analyses génomiques du chimpanzé est désormais établie.‘ Jusqu'à la fin des années 1970, La demande des chimpanzés par les laboratoires a été en grande partie satisfaite arâce aux importations des chimpanzés sauvages dont on capturait Les petits en tuant Les géniteurs ou tout autre parent protecteur. En 1977, les chimpanzés furent inscrits à l'annexe 1 de la Convention sur le Commerce International des Espèces de faune et de flore Menacées de disparition (CITES), interdisant ainsi leur commerce international pour des besoins essentiellement commerciaux. Le dernier cas en date en Europe est la décision autrichienne controversée délivrant une licence d'importation de 20 chimpanzés de La Sierra Léone en 1984 sur des licences d'exportation qui avaient été délivrées avant l'interdiction.‘ Dues aux considérations éthiques, on assiste à une résistance croissante à l'utilisation des grands singes captifs dans des centres biomédicaux et autres stations de recherche. L'interdiction a été décrétée au Royaume Uni en 1997 et est en vigueur dans plusieurs autres pays de l'Union Européenne ; actuellement une campagne est menée en vue de son interdiction dans toute l'Europe. À présent, La Humane Society des Etats-Unis lance un appel pour une interdiction officielle de l'utilisation des grands singes dans la recherche biomédicale et les essais aux Etats-Unis ainsi que pour leur transfert des centres de recherche vers des sanctuaires 29 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 30 appropriés. Aux Etats-Unis, 1300 chimpanzés environ demeurent actuellement en captivité dans des laboratoires de recherche." L'Institut National de la Santé des Etats-Unis dispose de huit Centres Nationaux de Recherche sur les Primates, chargés de mener des recherches sur les primates non humains, dont deux utilisent des chimpanzés. En 2001, le gouvernement fédéral a consacré 25-30 millions de dollars à La recherche sur les chimpanzés dans 23 institutions. Malgré son importance, ce montant constitue moins de 10 % des dépenses de recherche sur les singes en général. On utilise comparativement moins de procédures invasives dans des recherches sur les chimpanzés que celles sur les autres primates, probablement en raison du coût des grands singes.” OUVRAGES À CONSULTER : Begun, D.R. (2003) Planet of the apes. Scientific American 289: 74-83. Brown, P., Sutikna, T., Morwood, M.J., Soejono, R.P., Jatmiko, W.S.E., Rokus, A.D. (2004) À new small-bodied hominin from the Late Pleistocene of Flores, Indonesia. Nature 431: 1055-1061. Groves, C.P. (2001) Primate Taxonomy. Smithsonian Institution Press, Washington, DC. Hartwig, W.C. (2002) The Primate Fossil Record. Cambridge University Press, Cambridge, UK. Janke, À. Arnason, U. (2001) Primate divergence times. In: Galdikas, B.M.F,, Briggs, N.E., Sheeran, LK., et al, eds, Al Apes Great and Small, vol. 2: African Apes. Kluwer Academic/Plenum Publishers, Boston, Dordrecht, London, Moscow, New York. pp. 19-33. Kavanagh, M. (1983). À Complete Guide to Monkeys, Apes and Other Primates. Jonathan Cape, London. Tavaré, S., Marshall, C.R., Will, O., Soligo, C., Martin, R.D. (2002) Using the fossil record to estimate the age of the last common ancestor of extant primates. Nature 416: 726-729. Wildman, D.E., Uddin, M. Liu, G., Goodman, M. (2003) Implications of natural selection in shaping 99.4% nonsynonymous DNA identity between humans and chimpanzees: enlarging genus Homo. Proceedings of the National Academy of Science (PNAS) 100 [12]: 7181-7188. http://www.pnas.org/cgi/content/abstract/1232172100v1. Young, E. (2004) The beast with no name. New Scientist 184 (2468): 33-35. REMERCIEMENTS Nous adressons nos sincères remerciements à Peter Andrews (Natural History Museum), Colin Groves (Australian National University), Alexander Harcourt (University of California, Davis}, David Pilbeam (Harvard University], Christophe Soligo {Natural History Museum, London], Michael Wilson { Gombe Stream Research Center), et David Woodruff [University of California, San Diego) pour leurs précieux commentaires sur le manuscrit du présent chapitre. Nous remercions également Valerie Kapos (UNEP-WCMC] pour ses recherches et conseils. AUTEURS Martin Jenkins, UNEP World Conservation Monitoring Centre Encadré 1.1 Martin Jenkins, UNEP World Conservation Monitoring Centre Encadré 1.2 Julian Caldecott, UNEP World Conservation Monitoring Centre ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Biologie des grands singes JANE GOODALL epuis la multiplication des études portant sur les grands singes dans leur habitat naturel dans les années 1960, d'énormes quantités de données ont été acquises à travers l'Asie et l'Afrique. Les écologistes et éthologues ont réalisé de grandes avancées pour expliquer les différences entre les espèces au niveau de la structure et des comportements sociaux des grands singes, de leur alimentation, de la répartition de la nourriture, ainsi que sur les menaces venant des prédateurs et des congénères. Par ailleurs, Les études en cours sur les diverses populations de grands singes bénéficient de l'apport des nouvelles technologies comme la vidéo et les études de biologie moléculaire (obtenues de façon non invasive à partir des échantillons fécaux) ou l'imagerie satellite. Les grands singes d'Asie et d'Afrique pré- sentent une gamme variée de systèmes et comportements sociaux. Îls vivent en groupes allant d'un seul individu (chez les orangs-outans) jusqu'à plus de 100 (chez les chimpanzés]. Les orangs- outans sont les plus solitaires des grands singes tandis que Les plus sociaux sont les bonobos et les chimpanzés. Les gibbons vivent en paires et sont monogames ; ils maintiennent leurs relations et leurs territoires grâce à des chants en duos très sonores tout en dansant dans les arbres. Les parents élèvent leurs petits, puis les écartent à La maturité. Les siamangs sont plus sociaux et vivent en groupes de taille plus importante. Les orangs-outans sont les plus arboricoles des grands singes. Le mâle adulte dominant a un disque facial ; connu sous Le nom mâle à disque’, il vit dans une forêt englobant les domaines vitaux de plusieurs femelles. Les mâles, qui sont au moins deux fois plus gros que les femelles, signalent leur présence par de longs appels bruyants, et les femelles leur rendent visite à la période d'ovulation. Lorsque deux mâles adultes dominants se rencontrent en présence d'une femelle réceptive, il peut s'ensuivre une rivalité mortelle. Parfois, c'est Le mâle Le plus jeune ou du plus bas rang qui réussit à s'accoupler avec une femelle en ovulation mais généralement sans son consentement. En cas de grande abondance alimentaire, les mâles jeunes ou les moins dominants se joignent souvent aux femelles pour se nourrir, mais sont chassés dès qu'un mâle dominant apparaît. Même si Les orangs- outans font l'objet de recherches depuis de nombreuses années, les chercheurs restent divisés sur la question de l'existence de liens sociaux durables entre individus - et une réponse négative serait surprenante (à mon avis). Les grands singes africains - gorilles, chimpanzés et bonobos - sont tous très sociaux, mais avec des groupes de structures différentes. Les gorilles vivent en groupes de trois à 50 individus qui ne se quittent jamais. Le groupe type comprend un ou deux mâles à « dos argenté », quelques mâles plus jeunes à dos noir, et un certain nombre de femelles adultes et jeunes. En général, les jeunes femelles quittent leur groupe natal pour s'accoupler avec Les mâles d'autres groupes où elles s'installent pour élever leurs petits. La plupart des mâles quittent également leur groupe natal à La fin de l'adolescence, parfois pour s'associer à d'autres mâles qu'ils ne quitteront que pour fonder leurs propres groupes. Ils capturent parfois des femelles dans d'autres groupes, et peuvent commettre des infanticides. Les chimpanzés et les bonobos vivent en communautés multi-males multi-femelles. Dans ces unités sociales de type fission/fusion, Les individus s'associent en 31 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 32 sous-groupes temporaires au sein du domaine vital de la communauté. Dans certaines populations, les chimpanzés et plus particulièrement Les femelles se déplacent seuls. Lorsque les fruits saisonniers müûrissent, Les animaux se rassemblent bruyamment pour partager la nourriture. Les chimpanzés et les bonobos mâles passent toute leur vie dans leur communauté de naissance (philopatrie] tandis que de nombreuses jeunes femelles [comme les gorilles femelles) rejoignent une nouvelle communauté avant de procréer. Cette pratique est peu ordinaire chez les mammifères, mais est typique de nombreuses sociétés humaines. Les chimpanzés et les gorilles mâles sont dominants par rapport aux femelles et peuvent se montrer très agressifs. Les bonobos mâles sont généralement moins agressifs et le dimorphisme sexuel est moins prononcé. Les femelles vont parfois jusqu'à former des alliances pour dominer les mâles. Chez les bonobos, le comportement sexuel sert souvent de moyen pour régler des conflits. Les gorilles à dos argenté défendent farouchement les membres du groupe et S'attaquent aux ennemis qui ne reculent pas devant leurs impressionnantes frappes sur la poitrine, leurs cris et leurs charges. Les chimpanzés mâles coopèrent dans la défense de leur domaine vital en surveillant les frontières, émettant de cris longs et percants, et menant parfois des raids meurtriers dans des territoires voisins, comportements qui rappellent les guerres des sociétés humaines. La plupart des grands singes sont capables de fabriquer et manier un outil, dans le but de l'adapter à un usage spécifique. L'utilisation d'outil était considérée comme le propre de l'Homme. Aujourd'hui, on voit les oiseaux et Les primates utiliser des outils dans la nature. Tous les grands singes construisent des nids, mais il ne s’agit pas là, à proprement parler, d'un usage d'outil. Les orangs- outans de Bornéo peuvent mettre une feuille sur la tête pour s'abriter contre la pluie. Les orangs-outans de Sumatra, les chimpanzés et Les bonobos sont les plus prolifiques en matière d'utilisation et de fabrication d'outils. Toutefois, tous Les grands singes peuvent apprendre l'usage d'outil en captivité. Le plus fascinant c'est que partout où les recherches ont été menées, les chimpanzés utilisent des objets à des fins diverses et tout porte à croire que ces traditions sont des comportements culturels primitifs transmis de génération en génération à travers l'observation, limitation et la pratique. Nous les humains sommes, à coup sür, de grands singes. Certaines études montrent que l'ADN du chimpanzé est plus proche de celui de l'Homme que de celui du gorille, plaçant ainsi l'Homme au sein de la famille des grands singes. IL est frappant de noter que la structure du système immunitaire, la composition du sang ainsi que l'anatomie du cerveau et du système nerveux des humains sont similaires. Ces relations relatives à l'évolution rendent l'étude du comportement des grands singes particulièrement fascinante dans la mesure où elle permet de comprendre nos propres comportements. Les grands singes nous ressemblent par divers aspects des comportements sociaux. Ils ont des personnalités distinctes et manifestent des émotions similaires, voire identiques, à nos sentiments de joie, de tristesse, de peur, etc. Les chimpanzés présentent des comportements politiques (formation d'alliances et manipulations sociales), chassent des mammi- fères et se partagent les proies, utilisent diverses feuilles à des fins médicinales, et communiquent à travers des baisers, des embrassades, des accolades, des parades, etc. En captivité, ils font preuve de compréhension du langage humain et de capacités linguistiques. Les petits ont une longue période de dépendance envers leur mère et il existe certainement chez les chimpanzés des liens affectifs durables entre La mère et ses petits et entre les petits de mêmes parents. Tout comme nous, les grands singes ont un côté sombre, mais ils peuvent également faire preuve de compassion et d'altru- isme. Nous semblons avoir hérité l'instinct de violence de même que l'instinct d'amour de notre origine ancestrale commune de primates. La plus grande différence entre l'Homme et ses cousins grands singes est peut-être Le fait que l'Homme ait développé une langue sophistiquée - qui a désormais une forme écrite et électronique - permettant de faire des prévisions, d'apprendre du passé, d'enseigner des phénomènes non visibles, voire purement imaginaires, et de partager des idées. Grâce à notre intellect très développé, nous pouvons décider de La vie et de la mort d'espèces entières. Nous seuls pouvons décider de la préservation des grands singes. Nous espérons tout mettre en œuvre pour y parvenir, d'une part, parce qu'eux-mêmes le méritent et d'autre part, parce que nous avons encore à apprendre d'eux au sujet de leur monde et du nôtre. Jane Goodall Fondatrice de l'Institut Jane Goodall Messager de la paix de l'ONU WwW.janegoodall.org L'HABITAT DES GRANDS SINGES : LES FORÊTS TROPICALES HUMIDES DE L'ANCIEN MONDE CHAPITRE 2 L'habitat des grands singes : les forêts tropicales humides de l'Ancien Monde JULIAN CALDECOTT ET VAiERIE KAPOS ous les grands singes sont inféodés aux forêts tropicales, mais ils sont restreints à certains types de forêt. Un écosystème peut abriter une population de grands singes en fonction d'un ensemble de facteurs écologiques, biogéo- graphiques et des types de conversion et perturbation résultant de l'activité humaine. Le facteur écologique le plus important est La disponibilité en nourriture. IL convient de noter que les grands singes ont un estomac simple, unisacculé et ne disposent d'aucune adaptation particulière pouvant permettre La digestion par fermentation. D'autres groupes de primates tels que les singes folivores (Colobinés] ont un estomac fermentatif sacculé (avec de petits compartiments où les bactéries dégradent la cellulose). Les conséquences écologiques sont majeures puisque ces primates peuvent extraire leurs nutriments de nourriture fruste telle que les feuilles matures dont la digestion est sinon rendue difficile par la présence de métabolites secondaires toxiques. Par contre, Le régime alimentaire des grands singes se compose essentiellement de fruits mûrs sucrés et d'autres parties des plantes à digestion facile telles que les pousses, Le cœur du palmier, Les boutons de fleurs, le feuillage herbacé, Les tiges de gingembre Sauvage, les graines ne renfermant pas de produits chimiques dangereux, ainsi que de vertébrés et invertébrés. La taille du corps détermine également la nourriture dont les primates ont besoin. Plus le mammifère est grand, moins il est vulnérable aux métabolites toxiques, et moins ses besoins énergétiques par unité de poids sont importants. La proportion de nourriture de qualité inférieure {les feuilles par exemple) qu'un mammifère ayant un Iroko Foundation système digestif non fermentatif peut manger, augmente avec le gabarit de l'animal. Pour une même structure générale, les plus petits mammifères ont besoin d'aliments plus riches en énergie. Ces règles simples s'appliquent bien chez les grands singes : les plus grands, les gorilles Brume s’élevant au- dessus d’une forêt humide non loin du village Abo Obisu, Parc National de Cross River, Nigéria. 33 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Références bibliographiques à la fin de ce chapitre Sumatra et à Bornéo Carte 2.1 L'habitat des grands singes à \dS 8 2124 ITFNOIGIHAIN ANIH9O 44 L'EC EAN epUos e] ap neajeld xne3 | senny | Sainyno ap anbjesoW ! Sj210j ap je Seinyno ep enbieso Sainyno esneessieul }2104 (WO0€L <) auBequouwu ap 32104 (W00£L-062) asneuBejuowuqns ajuemieduss 19104 aulejd ap ajualieduss }9104 21}S8118} 2/NH2AN09 ogu10g ap Bueyno-Buelo [] eseuns ep Buemno-Buelo [7] 291352 uoniiedas ap 211y NAT ŒNT NFI920 sn > Jesn27 2)SAS09 7 wavssnuva H39V JOHOONVN A TNT HZ LONTNTIO 34 (environ 90-220 kg}, consomment du feuillage de plantes herbacées en grande quantité ; plus petits, les orangs-outans (35-100 kg) préfèrent les fruits mûrs mais tolèrent Les aliments moins riches tels que les fruits verts et Les écorces d'arbre ; et les plus petits, les chimpanzés et bonobos (30-60 kg), aiment également les fruits mais attrapent aussi des vertébrés et des insectes grâce à leur agilité. Toutes les espèces peuvent manger les jeunes feuilles contenant de faible quantité de métabolites secondaires. Pour comprendre l'écologie des grands singes, il faut tout d'abord savoir comment les écosystèmes où ils vivent offrent le type de nourriture qui leur convient, c'est à dire la variation temporelle et spatiale de ces aliments. On suppose que La période où interviennent les différentes phases saisonnières (floraison, fructification, pousse de jeunes feuilles) d'espèces de plantes forestières et l'équilibre entre ces phases ont une grande influence sur la répartition des grands singes. Par exemple, si les phases de fructification et de pousse de jeunes feuilles se produisent au même moment, la nourriture saisonnière des grands singes se fera rare ; cette crise grave ne peut être allégée que si Les animaux peuvent se déplacer d'un habitat à l'autre au sein d'une mosaïque de forêts où les phases saisonnières sont différentes. Les comportements des grands singes liés à Leur territoire et La recherche de la nourriture sont par conséquent fortement influencés par ces facteurs, et les divers aspects du comportement social peuvent se trouver indirectement affectés par ces mêmes influences. ASIE DU SUD-EST Biogéographie Les orangs-outans habitent les forêts humides de basse altitude sur deux grandes îles (Carte 2.1), à L'HABITAT DES GRANDS SINGES : LES FORÊTS TROPICALES HUMIDES DE L'ANCIEN MONDE savoir Sumatra (475000 km) et Bornéo (740 000 km‘), situées sur le plateau continental asiatique et sundanais comprenant également les îles Palawan et Java ainsi que la péninsule malaise. Le plateau continental est submergé par une mer qui a souvent moins de 200 m de profondeur ; il s'agit de La mer de Java, d'une partie de la mer de la Chine australe, du golfe de Thaïlande et du détroit de Malacca. Toutefois, ce plateau est entouré des eaux beaucoup plus profondes. Les mers peu profondes des temps modernes du plateau continental sundanais ont connu des assèchements intermittents, et Le niveau de La mer a changé au cours des deux derniers millions d'années suite aux glaciations successives ainsi qu'au phénomène de réchauffement. Cela a eu une grande influence sur la biogéographie régionale, causant tantôt un phénomène de dispersion des espèces terrestres à travers de vastes étendues de terre sundanaise tout en le limitant entre différentes espèces, et cherchant tantôt à favoriser l'isolement et la spéciation locale au sein de différentes îles." De nombreuses espèces animales originaires de Bornéo et Sumatra ont de proches parents en Asie d'où sont originaires les orangs-outans ancestraux. Parmi Les plantes, les groupes qui sont concentrés au plateau sundanais comprennent trois familles : Dipterocarpaceae (diptérocarpe]) et Magnoliaceae (magnolia], l'arbre à pain (Artocarpus] et les espèces apparentées, ainsi que les palmiers grimpants ou rotins (Calamoideae].® Sumatra et Bornéo font, tous Les deux, partie de La sous région botanique de La Malaisie occidentale.“ Les études écologiques de ces îles ont été revues par Whiten et ses collègues en ce qui concerne Sumatra,“ et par MacKinnon et ses collègues pour le cas de Bornéo indonésien (Kalimantan].* Ces deux îles ont un climat équatorial humide avec une pluviosité moyenne annuelle de 2 500-5 000 mm et sont très Tableau 2.1 Richesse et endémisme des espèces à Sumatra et à Bornéo Iles Oiseaux Mammifères Reptiles Poissons d'eau Taxons douce végétaux sélectionnés Nombre d'espèces indigènes Sumatra 820 Bornéo 900 Pourcentage d'espèces endémiques Sumatra 11 Bornéo 33 35 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Les racines d'un figuier étrangleur en Malaisie. 36 riches en espèces sauvages. Bornéo compte un plus grand nombre d'espèces parce que l'île est plus vaste, la plupart étant endémiques (qu'on ne trouve nulle part ailleurs] en raison de son plus grand isolement (Tableau 2.1]."1°17404147 ÉCOLOGIE DES FORÊTS SUNDANAISES DE DIPTÉROCARPES Le type de végétation naturelle dominante rencontré à Sumatra et à Bornéo est la forêt tropicale sempervirente humide“. Cette végétation change avec l'altitude, de la forêt mixte de diptérocarpes de basse altitude [moins de 700 m) jusqu'à La forêt humide de haute altitude (au- KOCP dessus de 1500 m), en passant par la forêt de diptérocarpes de montagne (de 700 à 1 200 m1] et La forêt humide de moyenne altitude (de 1200 à 1 500 m). On trouve de vastes zones de forêts de bruyères de faible hauteur partout à Bornéo dans les régions couvertes de sable blanc ou d'autres types de sol très pauvres en éléments nutritifs. Sumatra et Bornéo possèdent de très vastes zones de forêts marécageuses d'eau douce qui poussent souvent sur des dépôts de tourbe profonds. Les forêts de diptérocarpes de basse altitude sont plus riches en espèces que tout autre type de forêts. Jusqu'à 2 300 espèces végétales ont été recensées dans ces écosystèmes à Bornéo contre 850 espèces environ dans les forêts de bruyère et moins de 250 dans les forêts de marécage à tourbes.“ La richesse en espèces végétales diminue avec l'altitude tandis que l'endémisme pourrait s'accroître. On a identifié plusieurs petites montagnes au nord de Sarawak comme étant des foyers de diversité végétale.“ IL en est de même pour les oiseaux à Gunung Mulu au nord de Sarawak : 171 espèces dans les forêts de basse altitude contre 12 seulement à 1 300 m d'altitude.“ Les montagnes au nord de Bornéo [Crocker Range) renferment une zone d'endémicité remarquable sur Le Mont Kinabalu où sont confinées 26 espèces d'oiseaux."? L'abondance de tels arbres qui appartiennent à la famille des Dipterocarpaceae caractérise Les forêts de montagne et de basse altitude de Bornéo, de Java, de Sumatra et de la péninsule malaise, mais les forêts de Bornéo sont essentiellement caractérisées par la plus forte dominance de diptérocarpes. Leurs modes de fructification qui ont tendance à être synchronisés au sein d'une espèce et entre plusieurs espèces accroissent l'influence écologique causée par leur abondance. La fructification est irrégulière, ce qui donne lieu à une production fruitière massive aux intervalles imprévisibles de deux à cinq années." On suppose que cela réduit la prédation sur les graines en fournissant de la nourriture en abondance pendant les années fastes aux populations d'animaux granivores qui sont contraints à la disette pendant d'autres périodes, réduisant ainsi Le niveau de prédation sur chaque type de graine produite. IL apparaît que Le manque d'eau pendant La sécheresse occasionnelle incite énormément les diptérocarpes à une fructification abondante. Etant donné que de nombreux autres taxons végétaux d'Asie du sud-est dépendent du même signal environnemental pour induire la floraison, la nourriture des animaux frugivores et granivores disponible dans les forêts de diptérocarpes est en général soit surabondante soit presque inexistante à tout moment. C'est pour cela que ces animaux sont dans l'ensemble rares dans les forêts de diptérocarpes, contrairement aux autres forêts humides, et que la biomasse des primates frugivores est inversement liée à l'abondance de diptérocarpes dans les forêts pourtant simi- laires.2“°? La périodicité des fruits et graines dans les forêts de diptérocarpes favorise La mobilité et/ou la reproduction rapide des animaux frugivores et granivores. La première adaptation leur permet de suivre la fructification dans de vastes zones tandis que la deuxième permet à leurs populations de réagir promptement à l'imprévisibilité de La dispo- nibilité alimentaire. Les orangs-outans sont des animaux frugivores qui se sont adaptés à un milieu essentiellement pauvre en fruits. C'est ainsi qu'ils sont fortement adaptés à la vie arboricole, passant le plus clair de leur temps dans les arbres, et se sont familiarisés avec Les conditions de la canopée à travers leur vaste territoire. Les orangs-outans peuvent donc suivre les changements saisonniers dans la forêt humide fragmentée où les périodes de grande fructification varient parfois avec l'altitude et la structure forestière. Ils cherchent leur nourriture à l'intérieur de leur territoire en se déplacant en zigzags, à moins qu'ils ne sachent exactement où se trouvent les principales sources de fruits. La structure de forêt tropicale humide change de facon significative avec l'altitude, les arbres diminuant tant au niveau du diamètre que de la taille, plus serrés les uns aux autres avec moins de grosses branches, et la canopée passant de 25- 50 m dans les forêts de basse altitude à 15-25 m dans les forêts de moyenne altitude. Ce changement structurel à lui seul devrait imposer un certain coût énergétique à un animal essentiel- lement arboricole comme l'orang-outan. La disponibilité générale des fruits préférés des orangs-outans diminue également avec l'altitude, de même que la diversité floristique. Les espèces d'arbre renfermant généralement les principaux types de nourriture des orangs-outans se font progressivement rares dans la composition de la canopée au fur et à mesure que l'altitude aug- mente: le Nephelium (Sapindaceae), le Baccaurea (Euphorbiaceae), l'Artocarpus (Moraceae) et L'HABITAT DES GRANDS SINGES : LES FORÊTS TROPICALES HUMIDES DE L'ANCIEN MONDE lan Singleton/SOCP l'Aglaia (Meliaceae) disparaissent entre les forêts d'altitude et les forêts de diptérocarpes de haute altitude (700-900 m] ; Le Xanthophyllum (Polygala- ceae), le Mangifera (Anacardiaceae) et Le Garcinia (Clusiaceae) disparaissent entre la forêt de diptérocarpes de haute altitude et La forêt de chênes et lauriers (1 200-1 400 m).* La combinaison de ces facteurs explique pourquoi les orangs- outans sont généralement concentrés à une altitude ne dépassant guère 750 m, à moins qu'il n'existe une zone à densité exceptionnelle d'arbres fruitiers favoris. Les arbres produisant les fruits favoris des orangs-outans sont généralement plus communs et portent des fruits de façon plus régulière dans Les forêts de Sumatra que dans celles de Bornéo, même si Les forêts des deux îles sont disparates et La forêt primaire humide de plaine, habitat de l'orang-outan de Sumatra, en Indonésie. 37 Références bibliographiques à la fin de ce chapitre ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Carte 2.2 Habitats des grands singes d'Afrique senny | 3 (li 006 <) ssneubequouiqns je auBejuoui 8p 39104 EN Sjejiqeu,p 2 Sajsnqie,p anbiesoW | Sainyno sesoeqeu saue]d D eured 8p}210+ D 912119} 2/NH9AN09 1BU8pI990 al109 | ] jeJualo ao ezuedwuiyo [|] oqouog [7] aawnss uoniedai 2p 211y : VIO9NY ODNOD aa DER VPN un 00ÛT THOLLVHDONHG nor En IGN dE FANYA ELA" « FENTE eBuniA\ ep:NE A É Le HNIO LL NIET DE NE 70 0) ; 7 ee -HANROLVAOA ain O D? e A MR A Se fau) NNOXHINV CPE = ANIVORIAVALNED | Ro ve GO PAS 38 obéissent à une dynamique. Fait révélateur, lorsque les diptérocarpes sont moins dominants à Sumatra, d'autres types d'arbres se propagent et fructifient de facon plus constante. Certaines différences de comportement entre orangs-outans sont attribuées à La diversité de types de nourritures disponibles.” Les figues en particulier se trouvent en une si forte concentration dans certaines zones de Sumatra qu'elles auraient à elles seules engendré une plus forte densité et une sociabilité plus développée chez les orangs-outans de Sumatra que ceux de Bornéo.” La taille moyenne du domaine vital, La distance parcourue en un jour ainsi que la densité de la population répondent aux écarts d'abondance et de constance des fruits disponibles entre divers sites, saisons et types d'écosystème entre Sumatra et Bornéo. Avant la déforestation, la distribution des orangs-outans était inégale tant à Sumatra qu'à Bornéo. Ils sont absents dans de vastes régions constituant un habitat apparemment favorable, comme les trois-quarts du sud de Sumatra ainsi que de la zone s'étendant du fleuve Rajang au centre du Sarawak jusqu'au fleuve Padas à l'ouest du Sabah. Cela s'explique par la chasse préhistorique qui aurait exterminé les populations d'orangs-outans ; les ossements de ces grands singes ainsi que ceux d'autres proies ont souvent été signalés dans des caves préhistoriques situées dans des zones jadis habitées par les orangs- outans. Par ailleurs, certaines zones à forte densité d'orangs-outans correspondent aux régions où les populations locales répugnent à manger la viande d'orang-outan conformément à leur culture. À titre d'exemple, la chasse est un tabou séculaire dans la province à prédominance islamique d'Aceh à Sumatra ainsi que dans Le bassin versant de Batang Ai au Sarawak. Cela pourrait aussi s'expliquer par le fait que Les orangs-outans vivent à la lisière d'une niche écologique qu'une simple transformation de la structure forestière en diptérocarpes, par exemple, pourrait rendre peu viable. La distribution inégale des populations d'orangs-outans reflète donc la disparité de l'écosystème. Chaque théorie peut expliquer l'absence d'orangs-outans dans diverses zones. Impact des perturbations humaines IL n'est plus réaliste de présenter l'écologie de Sumatra ou de Bornéo sans faire allusion aux impacts de l'action humaine, étant donné que les terres de ces deux îles constituées des forêts L'HABITAT DES GRANDS SINGES : LES FORÊTS TROPICALES HUMIDES DE L'ANCIEN MONDE humides semblent suivre un processus de trans- formation rapide en partie dû aux plantations, exploitations agricoles, habitats et pâturages reconstitués au gré des feux de brousse. Ce scénario pessimiste découle de l'histoire récente de l'affectation des terres dans les deux îles, la deuxième s'étant lancée dans des programmes officiels et non officiels de repeuplement, une exploitation forestière (légale et illégale] de grande envergure, une expansion rapide des palmeraies (Elaeis guineensis) et de plantations des essences papetières (Acacia mangium, par exemple, en vue de la production de la cellulose utilisée en papeterie) et Le développement à grande échelle, mais mal concu, des infrastruc- tures routières. Comme autre facteur, on peut citer le recours effréné aux feux de brousse utilisés comme méthode de défrichage dans un milieu riche en bois, mais en proie à une sécheresse progressive due aux changements climatiques au plan local, régional et mondial. Puisque Bornéo et Sumatra comptent parmi les îles de la planète les plus riches sur le plan biologique, ce changement en matière de bio- diversité mondiale est lourd de conséquences et Les orangs-outans ne semblent pas pouvoir survivre longtemps dans ces conditions. Le seul moyen possible de conserver l'essentiel de la biodiversité, y compris les populations viables d'orangs-outans de Sumatra et Bornéo, consiste à assurer la conservation des vastes forêts de basse altitude de manière à ce qu'elles résistent aux feux pendant la sécheresse. Cela est encore possible à Sumatra dans les 26000 km’ des forêts de la région de Gunung Leuser (Ecosystème de Leuser, voir Encadré 11.2] ainsi qu'à Bornéo dans Les 11 000 km’ des forêts transfrontalières de la réserve de faune de Lanjak-Entimau à Sarawak et le Parc National de Betung Kerihun à l'ouest de Kalimantan. Les riches zones marécageuses tourbeuses à l'ouest et au centre de Kalimantan disposent également d'un énorme potentiel en matière de conservation de la biodiversité. AFRIQUE Biogéographie Les grands singes africains occupent au total une plus grande diversité de types d'écosystème que Les orangs-outans. Tous les grands singes africains sont particulièrement inféodés aux forêts tropicales humides mais on observe de grands écarts en terme d'altitude entre leur habitat tant au sein 39 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 7 Habitat des chimpanzés constitué de forêt de basse altitude, Maiombe, Cabinda, Angola. 40 * A. Tamar Ron d'une espèce qu'entre diverses espèces ; Les chimpanzés vivent également dans les forêts sèches et Les savanes. Les forêts tropicales humides bénéficient du courant d'air frais de l'océan atlantique avec des vents qui déversent leur humidité sur le continent. Les forêts s'étendent de l'embouchure du fleuve Congo et couvrent tout Le bassin du Congo jusqu'aux frontières montagneuses du Rwanda et de l'Ouganda, ainsi que celles du sud de la République Démocratique du Congo (RDC) jusqu'au sud du Nigéria (Carte 2.2]. Au Bénin et au Togo, ce sont des forêts et savanes sèches en raison de la configuration des côtes ainsi que des vents qui y soufflent. Ensuite, s'étend du Ghana jusqu'en Guinée un autre massif forestier humide qui se transforme sur la côte et vers l'intérieur en savane boisée, puis herbeuse et finalement en désert du Sahara. Ce sont ces forêts humides de basse altitude qu'on appelle formations guinéo-congolaises.‘ Elles sont très riches en espèces sauvages en Afrique centrale et relativement pauvres en Afrique de l'ouest. Dans l'ensemble, elles sont moins riches en espèces que les forêts humides d'Asie du sud-est et d'Amérique latine. Leur assez faible diversité est sans doute due aux fluctuations climatiques passées qui ont considérablement réduit leur étendue. IL existe bien des preuves palynologiques (pollen) et fossiles des grands changements de La végétation dans l'actuelle zone de forêts humides d'Afrique. Le climat a connu des sécheresses répétées en temps géologique et plus récemment pendant la dernière période glaciaire de l'hémisphère nord qui a pris fin, il y a environ 14 000 ans. Ces changements sont à la base de la restriction des forêts humides et des espèces y vivant à quelques enclaves humides restantes ainsi que la cause du développement des types de végétation sèche. En effet, dans certaines régions du bassin du Congo, les forêts poussent actuellement sur ce qui était jadis Les dunes au désert de Kalahari. De nombreuses essences forestières ont complète- ment disparu dans de telles conditions climatologiques difficiles. À la faveur des changements climatiques sur- venus après la dernière période glaciaire, Les essences restantes des forêts humides se sont néanmoins répandues à partir de quelques foyers où elles avaient persisté. Les essences dont la dispersion était moins efficace avaient tendance à rester confinées dans un refuge, créant ainsi des foyers de diversité et d'endémisme. Moins les essences des forêts humides d'Afrique de l'ouest sont dispersées, plus le massif forestier humide de cette région s'est rétréci au cours du Pléistocène, et plus les climats actuels secs et saisonniers ont prédominé. Ceci a contribué plus encore à ia fragmentation naturelle de ces forêts qu'à celles de l'Afrique centrale. Principaux types de forêts occupés par Les grands singes Les forêts humides de plaine qguinéo-congolaise poussent sur des terres bien drainées dans toute La région ; elles sont sempervirentes avec une certaine variation climatique saisonnière notamment en Afrique de l'ouest. Même si quelques essences perdent leurs feuilles, ce phénomène n'obéit à aucune synchronisation. Généralement ces essences demeurent sans feuilles seulement pour quelques jours le temps de se débarrasser des insectes folivores. Ces forêts sont typiquement géantes avec des / canopées généralement supérieures à 30 m, pouvant même atteindre jusqu'à 50-60 m pour les canopées émergentes notamment dans les zones côtières les plus pluvieuses. D'une manière générale, ces forêts sont riches en arbres et relativement pauvres en herbacées et espèces de sous-bois sauf lorsque la canopée est perturbée où interrompue. Dans ces zones, Le gingembre géant, Aframomum giganteum, et d'autres gingembres sauvages (Zingiberaceae), ainsi que les espèces de La famille Marantaceae sont caractéristiques de ces sous- bois, et représentent une nourriture capitale des grands singes. Quelques zones sont pratiquement aussi riches en essences forestières que certaines régions de l'Amérique latine mais, en général, cette richesse est plus faible. La plupart de plantes sont assez répandues, même si dans certaines zones on note de fortes concentrations d'espèces à distribution limitée. Dans certaines zones du bassin du Congo central, les forêts humides de plaine sont dominées par une où plusieurs espèces de plantes de La famille de légumineuses Cæsalpiniaceae. Cette dominance a d'énormes implications sur la distribution et l'écologie alimentaire des animaux de forêt. Gilbertiodendron dewevrei et Julbernardia seretii comptent parmi les espèces qui réussissent le plus souvent à dominer la canopée. Toutes ces Cæsalpiniaceae dominantes produisent générale- ment des fruits secs suivant un mode de fructification abondante!! et possèdent des feuilles au goût désagréable. Bien que ces fruits soient moins prisés par les primates que les fruits charnus et que l'irrégularité de leur production pose des problèmes de disette à certaines périodes de l'année, il est indéniable que certains grands singes tels que les gorilles de plaine investissent ces forêts pour tirer profit de l'abondance des fruits saisonniers nutritifs. Les forêts marécageuses continentales, les mosaïques de forêts marécageuses et de forêts humides de plaine constituent également un important habitat pour les grands singes d'Afrique L'HABITAT DES GRANDS SINGES : LES FORÊTS TROPICALES HUMIDES DE L'ANCIEN MONDE et plus particulièrement d'Afrique centrale.“ Elles sont souvent immenses telles les forêts bien drainées [terra firme), mais avec beaucoup plus d'interruptions et d'inégalité au niveau des canopées. Contrairement aux forêts Terra firme à canopée continue, cette inégalité permet une plus grande pénétration solaire, d'où une plus forte poussée des plantes herbacées de sous-bois. Les forêts marécageuses d'Afrique centrale sont d'une importance particulière pour les bonobos qui auraient survécu à la dernière glaciation dans les enclaves des forêts marécageuses. Ailleurs, des fragments locaux de forêts marécageuses constituent également un habitat majeur pour les gorilles qui aiment se nourrir de plantes aquatiques herbacées. La différence phénologique de la croissance des espèces de plantes dans les forêts marécageuses montre que ces habitats disparates peuvent s'avérer très importants en fonction des saisons en ce qui concerne la disponibilité continue des sources alimentaires des grands singes au sein de leur habitat. Tableau 2.2 Espèces endémiques des régions montagneuses de l'Afrique centrale* “* Mammifères Chaîne montagneuse du Cameroun 16 Région montagneuse du Rift Albertine 36 La structure des forêts change avec l'altitude à travers la région. Comme en Asie du sud-est, la tendance est à la baisse pour la taille et La richesse des forêts en espèces sauvages d'une part et à La hausse en terme d'endémisme, d'autre part, en raison de leur isolement par rapport à d'autres zones similaires. La tendance est également à un plus grand nombre d'épiphytes et d'herbes que dans les forêts de plaine. Les deux principales zones de forêts de montagne abritant les grands singes en Afrique sont la chaîne montagneuse du Cameroun et la région montagneuse du Rift Albertine. La chaîne montagneuse du Cameroun est volcanique et couvre une superficie d'environ 14000 km’ à l'ouest du Cameroun et à l'est du Nigéria. Elle est d'une renommée internationale grâce à ses oiseaux et amphibiens endémiques et à son niveau élevé d'endémisme floristique. Le climat étant plus humide vers la côte, on y trouve des forêts de montagne à de plus faibles altitude (plus 41 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 42 de 500-800 m] à l'extrême sud-est de La région qu'à l'intérieur (plus de 2000 m1), où la végétation de plaine locale est constituée de savane. La forêt de montagne est remplacée par un mélange de Podocarpus (Podocarpaceae) et de bambou à une plus haute altitude (plus de 2600 m]) des montagnes à l'intérieur du continent.” La région montagneuse du Rift Albertine comprenant les montagnes d'Itombwe, des Virunga et du Rwenzori s'étend sur une superficie de 56 000 km’ à l'est de la RDC, au Rwanda, au Burundi et à l'ouest de l'Ouganda. Cette chaîne montagneuse possède une flore très riche ainsi que de nombreuses espèces d'oiseaux et d'amphibiens endémiques (Tableau 2.2] qui sont, pour la plupart, menacées de disparition en raison de la déforestation accrue. Les forêts de plaine humides et Les forêts transitoires ou submontagneuses d'environ 1 600 m d'altitude sont floristiquement très proches des forêts de plaine guinéo-congolaises. La hauteur moyenne de leur canopée est de 40-50 m. Au-dessus de 1 500-1 600 m se trouvent des forêts de montagne dont les essences forestières n'atteignent pas la moitié de celles des forêts de plaine ; ces forêts forment une canopée d'environ 15-20 m de haut et se caractérisent par la présence des essences conifères Podocarpus. Au-dessus de 2 100 m les bambous apparaissent dans la forêt et la fréquence de leur apparition croît avec l'altitude. Les formations de bambous sont parsemées de forêts ‘d'elfes’ ou d'arbres nains ainsi que de broussailles sous-alpines au-dessus de 2 500 met constituent parfois des forêts de bambous ininterrompues à une altitude supérieure à 3 000 m. Les massifs forestiers et d'arbustes ouverts de haute altitude, où l'on peut également trouver des prairies, se caractérisent par l'Hagenia abyssinica (Rosaceae), l'Hypericum revolutum (Clusiaceae), les Ericaceae, et un sous-bois herbacé dense formé de Galium ruwenzoriense (Rubiaceae), de chardons, de céleri, et bien d'autres herbes importantes du régime alimentaire des gorilles de montagne.” Les zones de bambous de ces chaînes de montagne fournissent d'importantes ressources à certaines espèces animales dont les gorilles de montagne et les gorilles occidentaux de plaines. Les bambous, Yushania alpina (synonyme : Arundinaria alpina), qui se propagent à travers leurs rhizomes, forment une canopée dense notamment à une altitude de 2 300-2 600 m. Les gorilles se déplacent des forêts mixtes vers Les forêts de bambous pendant la petite saison pluvieuse, saison de repousse (septembre- novembre)”, lorsque les pousses de bambous peuvent constituer jusque 70 à 90% de leur alimentation. La persistance des bambous détermine la structure de la forêt ainsi que l'abondance d'autres espèces végétales dont se nourrissent les gorilles ; la forte densité de la canopée des bambous ne permet pas la croissance d'autres espèces végétales. Ainsi, les gorilles doivent avoir recours à divers habitats autres que les bambous pour satisfaire leurs besoins alimentaires tout au long de l'année.” L'origine et les facteurs déterminants de la distribution des formations de bambous font l'objet de controverse. Certains pensent que les bambous poussent uniquement après la perturbation de la forêt due, par exemple, aux feux de brousse. Les bambous sont monocarpiques. Leur massive floraison cyclique à intervalles irréguliers d'au moins 15 ans est suivie de leur mort, ce qui peut contribuer au maintien de ces formations, car les bambous morts favorisent le feu qui contribue à anéantir d'autres espèces. Inversement, La densité des formations de bambous signifie que d'autres espèces végétales ne peuvent y pousser que de facon épisodique à la mort des bambous. Ces épisodes peuvent être des périodes de disette locale chez les gorilles. Chez les grands singes d'Afrique, les chimpanzés se distinguent par l'utilisation des écosystèmes tropicaux plus secs. Les forêts sèches et les mosaïques de zones boisées ainsi que les régions savanicoles boisées peuvent constituer leur habitat, notamment au Sénégal, au Mali et en Afrique de l'est (République Unie de Tanzanie]. Les forêts saisonnièrement sèches de la ceinture soudanienne d'Afrique de l'ouest? connaissent actuellement une fragmentation importante due à la forte densité démographique et l'agriculture. La structure de ces forêts est tributaire d'une pluviométrie fortement saisonnière, la pluviosité annuelle d'environ 900-1200 mm n'étant concentrée presque que sur six à huit mois dans l'année. Cette zone est caractérisée par des périodes de grande sécheresse, la saison sèche devenant encore plus rude sous l'effet de lharmattan chaud et poussiéreux en provenance du Sahara. Les forêts qui subsistent par endroits et bénéficient d'une protection contre Les feux de brousse sont décidues et dominées par deux Elizabeth A. Williamson essences de Cæsalpiniaceae : Gilletiodendron glandulosum et Guibourtia copallifera. Le long des cours d'eau, se dressent des forêts galerie denses, sempervirentes par endroits. La mosaïque de zones boisées et La savane boisée, qui constituent un habitat de grande importance pour les chimpanzés compte tenu de leur vaste étendue, résultent du déboisement et du pâturage extensifs tant dans la zone de forêt guinéenne humide que dans les zones soudanien- nes boisées à /soberlinia (Cæsalpinaceae]. Le couvert herbeux dense et le cycle de feux de brousse saisonniers y empêchent la régénération des essences forestières. De même, en Afrique de l'est, on trouve des chimpanzés dans des régions savanicoles suite à la conversion et La dégradation des formations de miombo de zones boisées tant sèches qu'humides, particulièrement des régions connaissant une faible pluviosité annuelle d'environ 850 mm.'* Lorsque les chimpanzés occupent un habitat ouvert, leur nourriture et leurs refuges ne dépendent essentiellement que de quelques arbres et zones boisées disponibles. Leur utilisation d'habitats disparates au sein d'une mosaïque L'HABITAT DES GRANDS SINGES : LES FORÊTS TROPICALES HUMIDES DE L'ANCIEN MONDE connaît une variation saisonnière ; Les sources alimentaires végétales des zones typiquement sèches, à l'instar des cosses d'/soberlinia de l'Afrique de l'ouest et du Julbernadia et Brachystegia (Cæsalpinaceae) d'Afrique de l'est, peuvent s'avérer cruciales pour les chimpanzés en cas de grande sécheresse au cours de l'année. Impacts de la perturbation humaine À l'instar des forêts asiatiques qui abritent les orangs-outans, l'habitat des grands singes africains connaît progressivement une perturbation, une exploitation et de nouvelles utilisations de terres, ce qui constitue une menace grave pesant sur toutes les espèces [Voir Chapitre 13). Toutefois Les espèces peuvent subsister dans une certaine mesure dans des habitats perturbés. Les grands singes africains sont plus où moins folivores mais ne peuvent digérer les feuilles dures des plantes qui constituent la canopée. La perturbation, tout au moins celle résultant de La dynamique forestière de chute naturelle d'arbres, crée des espaces vides où poussent des espèces herbacées fournissant ainsi des feuilles alimentaires. De même les fruits de certaines La lisière du Parc National des Volcans, montrant des cultures pratiquées jusqu’à La limite du parc et La pyréthrine qui pousse au premier plan. 43 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION [TA espèces caractéristiques des forêts en cours de régénération, tels que le Musanga (Moraceael), constituent parfois l'essentiel du régime alimentaire des grands singes à certaines périodes de l'année, raison pour laquelle les gorilles de plaine, les chimpanzés et les bonobos tirent le meilleur parti des habitats perturbés et de la lisière des forêts comme habitat et sources de nourriture. *?1242 Toutefois, La perturbation anthropique des forêts a évidemment un impact négatif significatif sur les grands singes dans la mesure où toutes Les espèces évitent les zones perturbées par l'activité humaine. D'après certaines données actuelles, même l'exploitation forestière sélective de faible intensité au Gabon peut causer une importante diminution du nombre de chimpanzés à long terme“ Etant donné que la plupart des forêts humides d'Afrique abritant les grands singes ont été attribuées en concessions forestières, il s'avère indispensable de trouver des voies et moyens de collaborer étroitement avec les sociétés d'exploi- tation forestière concernées et de réglementer leurs activités en vue d'assurer la protection des grands singes. On observe en général que les écosystèmes susceptibles d'abriter les grands singes se dégradent à un rythme inquiétant, susceptible d'avoir des conséquences désastreuses sur Les populations de grands singes.’ LE RÔLE DES GRANDS SINGES DANS LEURS ÉCOSYSTÈMES Les grands singes dépendent des écosystèmes qui les abritent et jouent un rôle déterminant dans La nature et la persistance de ces mêmes éco- systèmes. À travers la consommation des fruits, ils assurent la dispersion de nombreuses essences forestières. Dans une forêt ougandaise, on a noté que les chimpanzés sont responsables d'une très grande quantité [environ 45%] de graines déféquées par les primates frugivores.“ Par ailleurs, des études menées au Gabon montrent que les gorilles seuls assurent la dispersion de l'essence dominante du Parc National de Lopé et de bien d'autres essences.”"*** Comparativement aux autres primates de forêt,” les chimpanzés et les gorilles dispersent de grandes quantités de graines viables sur un plus grand rayon, jouant ainsi un rôle déterminant dans la persistance des ces espèces qui se régénèrent mieux plus loin de l'arbre d'origine. Ce qui contribue à son tour à La diversité et l'hétérogénéité de la forêt. Les grands singes ont également un impact sur la structure et la composition de la forêt à travers l'utilisation des feuilles et branches d'arbre comme aliments et matériaux de nidification. Les gorilles en particulier peuvent contribuer à pérenniser l'apparition des plantes herbacées qu'ils adorent, en entraînant une grande perturbation structurelle de La forêt lorsqu'ils se nourrissent.#** Les grands singes jouent également un rôle écologique important en tant que compétiteurs et, dans certains cas, prédateurs. Les chimpanzés et les gorilles vivant dans la même zone forestière utilisent pratiquement les mêmes ressources, mais cette compétition est affectée par le régime alimentaire des gorilles qui comporte une énorme quantité de matières herbacées et parce qu'ils évitent Le contact direct entre eux.” La compétition est plus directe entre les chimpanzés et Les autres primates frugivores tels que Les cerco- pithèques”"#*# que Les chimpanzés peuvent chasser du lieu de nourriture. Les chimpanzés sont des prédateurs de certaines espèces de singes comme le colobe bai (voir encadré 4.1)‘ et bien d'autres petits mammifères. Les chimpanzés et les gorilles se nourrissent également d'invertébrés et de termites. CONCLUSION Les écosystèmes tropicaux abritent les grands singes qui les faconnent, les mêmes écosystèmes ayant à leur tour une influence sur leur comportement. Au cours de l'évolution, ces écosys- tèmes ont connu des transformations : Les forêts et les mers ont envahi déserts et savanes avant de se retirer par la suite ; les grandes zones maréca- geuses ont été inondées, puis se sont asséchées avant d'être de nouveau inondées; et les invertébrés ont été en contact les uns avec les autres avant de se séparer plus tard. Pendant ce temps, les grands singes ont survécu dans des conditions propres à chaque site, obligés parfois de se déplacer quitte à se heurter devant une barrière de rivière ou de montagne, et s'adaptant de génération en génération. Aujourd'hui, La distribution et la réussite ou l'échec des grands singes dans les forêts où ils vivent est La résultante de cette longue histoire d'adaptation et de déplacement. Leur écologie est déterminée par leurs capacités d'interaction et les modes de répartition de nourriture dans leur milieu, de leur habileté à se déplacer dans les arbres et au sol, à trouver et transformer leurs aliments préférés et à L'HABITAT DES GRANDS SINGES : LES FORÊTS TROPICALES HUMIDES DE L'ANCIEN MONDE en tolérer d'autres, à façonner et utiliser des outils. semble connaître son dénouement dû à l'action des C'est malheureusement au moment même où la humains que l'on commence à comprendre leur longue histoire des forêts tropicales humides complexité. OUVRAGES À CONSULTER Chapman, C.A., Lambert, J.E. (2000) Habitat alteration and the conservation of African primates: case study of Kibale National Park, Uganda. American Journal of Primatology 50: 169-185. Furuichi, T., Hashimoto, C., Tashiro, Y. 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Williamson (University of Stirling] pour leurs commentaires sur Le manuscrit du présent chapitre, ainsi qu'à Marc Languy (WWF Eastern Africa Regional Programme Office) pour les informations sur La région écologique du Rift Albertine. AUTEURS Julian Caldecott, UNEP World Conservation Monitoring Centre Valerie Kapos, UNEP World Conservation Monitoring Centre 45 Z © = < > C2 im ri] Z =] (=) œ D cm =) Lu =] + Lu un Lu © Z n un | Z < œ o un Lu =] = < = Z © Z 4 = < CHIMPANZÉ ET BONOBO : PRÉSENTATION GÉNÉRALE CHAPITRE 3 Chimpanzé et bonobo : présentation générale JULIAN CALDECOTT e genre Pan comprend deux espèces : le chimpanzé (P. troglodytes]) regroupant quatre sous-espèces, et le bonobo (P. paniscus]. Ils sont de taille similaire, les mâles adultes pesant de 30 à 61 kg pour une taille corps + tête de 82 à 91 cm tandis que les femelles ont un poids inférieur (35 % de moins) et sont plus petites (taille inférieure de 4 %).'"* Les mâles sont donc de constitution plus robuste que les femelles. Les deux espèces ont une face noire à l'âge adulte, un pelage sombre, des bras de même longueur que les jambes et n'ont pas de queue. Les différences sont les suivantes : !!? M àla naissance, Les bonobos ont une face noire tandis que celle des chimpanzés est rose; M les bonobos ont des lèvres roses alors que celles des chimpanzés sont brunes ou noires ; M Les bonobos n'ont guère de barbe au menton alors que les chimpanzés adultes portent une barbe blanche ; MH Les bonobos arborent des favoris à La naissance tandis que Les chimpanzés n'en ont pas ; M les bonobos adultes conservent une touffe de poils sur l'arrière train qui n'est apparente que chez les jeunes chimpanzés ; M les bonobos ont un crâne court et de forme très arrondie alors que celui des chimpanzés est plus long avec un front fuyant et des arcades sourcilières proéminentes; M les yeux des chimpanzés sont compara- tivement plus enfoncés et plus rapprochés ; MH {Le clitoris des bonobos est plus volumineux que celui de tout autre grand singe et est basculé ventralement comparativement aux chimpanzés.” Si l'on s'en tient aux différences entre leurs ADN mitochondriaux, la séparation des lignées serait intervenue il y a 1,3 à 3,0 millions d'années (MA), avec 1,5 MA comme médiane et 2,1 MA comme moyenne. /??##2% l'ancêtre commun des deux espèces aurait évolué dans un habitat ouvert” et aurait colonisé le bassin du Congo pendant les David W. Liggett (www.daveliggett.com] Femelle bonobo avec son petit (Columbus Zoo & Aquarium). 47 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Chimpanzé adulte femelle avec son petit, Parc National des monts Mahale, République Unie de Tanzanie. 48 hs Michael Huffman sécheresses du pliocène (5,0 MA-1,6 MA) ou du pléistocène (1,6 MA-0,01 MA, voir tableau 1.1), pendant les glaciations des hautes latitudes. Les ancêtres des chimpanzés se sont répandus dans les forêts sèches et les zones boisées formant un grand arc de cercle de l'Afrique de l'est jusqu'à l'Afrique de l'ouest, en passant par le nord de l'Afrique centrale et Le nord du fleuve Congo. Pendant ce temps, les ancêtres des bonobos se sont trouvés isolés au sud de ce fleuve, au centre du bassin du Congo. Cette zone est devenue plus humide après la période glaciaire et Le bonobo a dû adapter sa biologie et son comportement pour survivre. D'autres espèces telles que l'okapi - Okapia johnstoni - et la musaraigne éléphant à quatre orteils - Petrodromus tetradactylus - seraient également des descendants de lignées qui se seraient installées dans cette zone pendant Les périodes les plus sèches, se trouvant ensuite piégées entre fleuves, marécages et forêts qui Les ont encerclés Lors du retour des pluies. /? ÉCOLOGIE ET DISTRIBUTION Les chimpanzés vivent dans une grande diversité d'habitats, des forêts sempervirentes humides aux zones boisées savanicoles sèches, en passant par les mosaïques de zones boisées et de forêts décidues, à une altitude allant du niveau de la mer en Afrique de l'ouest jusqu'à 2 600 m en Afrique de l'est. Ils possèdent donc de loin la plus large distribution et l'écologie La plus cosmopolite de tous les grands singes, et font preuve d'adaptabilité et d'opportunisme. Ils se nourrissent d'aliments aussi variés que peut Le supporter leur système digestif. Ainsi, ils ne peuvent consommer de très grandes quantités de feuilles adultes, qui contiennent à la fois beaucoup de fibres et de métabolites secon- daires, comme les tannins et les alcaloïdes. Leur alimentation est par conséquent dominée par les fruits (notamment mûrs et sucrés lorsqu'ils sont disponibles], les fleurs et les graines: elle comprend également de jeunes feuilles, des algues, des champignons, du miel et divers petits mammi- fères et invertébrés. Les chimpanzés peuvent manger jusqu'à 330 types de nourriture au cours d'une année. Dans 12 sites d'études, on a observé les chimpanzés chasser au moins 32 espèces de mammifères dont le plus fréquent est Le colobe bai {Procolobus spp] (voir Encadré 4.1]. On les a également vu manger 17 autres espèces de primates, en particulier des singes de forêt (Cercopithecus et Colobus spp.] et des babouins {(Papio spp.]. Les écureuils volants (Anomaluridés), les pangolins à écailles tricuspides (Manis tricuspis), les musaraignes éléphants (Rhinchocyon cernei et divers céphalophes (Cephalophus spp. font également partie de leurs proies. Ce sont presque toujours les mâles adultes qui chassent et la chair est souvent partagée entre Les membres de la communauté, généralement après l'avoir quémandée. IL semble que les chimpanzés se livrent presque quotidiennement à une partie de chasse pendant certaines saisons alors que cette pratique est rare Le reste de l'année." Ce mode de chasse ne peut pas s'expliquer uniquement sur la base des données écologiques ou physiologiques. Une hypothèse est que cette pratique serait enracinée dans la psychologie sociale, auquel cas, cela s'apparenterait plus à des sortes de périodes de « folie » ou d'engouement, durant lesquelles Les individus se remémoreraient les dernières parties de chasse, revivant ces moments d'excitation à travers de nouvelles parties de chasse. IL semble que cet engouement partagé diminue lorsque toutes les proies faciles ont été attrapées et que Les chimpanzés commencent à se lasser jusqu'à la saison suivante. Un régime alimentaire flexible, avec une variation écologique sur un vaste territoire géographique caractérisé par une importante saisonnalité ne peut que créer une diversité de pratiques de recherche alimentaire et de délimitation du territoire. Une communauté typique de chimpanzés comprenant environ 35 individus occupe cependant une zone assez réduite de 6 à 15 km, sans pouvoir effectivement utiliser l'ensemble de la zone. Les mâles utilisent une surface 150 à 200 % plus vaste que les femelles et ont plus tendance à se rapprocher des limites, ce qui soutient la thèse selon laquelle les femelles se concentrent au milieu du domaine vital défendu par les mâles“ Très mobiles, les chimpanzés parcourent environ 4km en moyenne par jour’ Chaque communauté passe la majeure partie du temps scindée en groupes pour la recherche de nourriture. Lorsque les ressources s'appauvrissent, les chimpanzés réduisent leur domaine journalier ainsi que la taille des groupes, passent plus de temps à se nourrir et mangent plus souvent des aliments de faible valeur nutritive.° La forêt primaire de basse altitude constitue le principal habitat où les bonobos ont été étudiés même s'ils occupent aussi, éventuellement, d'autres habitats tels que les zones boisées savanicoles ouvertes, les forêts sèches, les forêts marécageuses, les prairies inondées et les forêts secondaires perturbées. Apparemment, les bonobos préfèrent les habitats où l'on trouve 34 divers types d'écosystèmes. Essentiellement frugivores, ils se nourrissent également de feuilles, de pousses, de fleurs, de graines, de noix, de jeunes pousses, de champignons et d'algues. D'autres sources alimentaires, telles que les plantes herbacées terrestres de bonne qualité, Les vers de terre, les larves, les termites, les fourmis, Le miel, les truffes, les plantes aquatiques, les invertébrés et les poissons, font également partie de leur régime alimentaire." *? Occasionnellement, les bonobos mangent aussi de petits mammifères tels que des écureuils volants, de jeunes céphalophes, et des chauves-souris, mais il est difficile de CHIMPANZÉ ET BONOBO : PRÉSENTATION GÉNÉRALE chasse est aussi les bonobos que chez les chimpanzés. Les bonobos interagissent parfois prouver que l'activité de importante chez avec des singes et peuvent même les tuer, mais vraisemblablement sans les manger ** Les bonobos consomment moins de protéines animales que les chimpanzés, ce qui pourrait être dû à une plus grande consommation de protéines issues de parties végétatives des plantes,” notamment les tiges d'herbes aquatiques où amphibies, et de graminées des prairies marécageuses.” Les bonobos vivent dans des communautés à peine plus larges que celles des chimpanzés (50- 120 contre 20-106 individus}* mais, de même que The Jane Goodall Institute (JG) NE A AUS Qu te ,, y << K€ UE pe , Es L'habitat des chimpanzés varie des forêts humides (ici à Gombe en République Unie de Tanzanie) aux régions boisées savanicoles sèches (comme dans la réserve de Bafing au Mali). 49 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 50 Encadré 3.1 USAGE DU LANGAGE HUMAIN PAR LES GRANDS SINGES EN CAPTIVITE Certains pensent que l'extinction des hominidés non humains est préférable à leur conservation éternelle en captivité, en raison de leur avilissement dans un habitat artificiel. D'autres soutiennent, par contre, que les grands singes en captivité peuvent mener une vie agréable, que la valeur du matériel génétique préservé sera très élevée et que le psychisme humain sera fortement bouleversé par la disparition de ces espèces. Cette position rejoint les stratégies de conservation qui créent une diversité de niches pour grands singes comprenant la nature, les zoos, les réserves, les refuges, les sanctuaires, voire Les laboratoires. Des chimpanzés et des bonobos vivent en captivité dans un centre de recherche à l'Université d'Etat de Georgie aux Etats-Unis depuis 1971, plus particulièrement sous le parrainage des travaux de Duane Rumbaugh et Sue Savage-Rumbaugh. Cette étude a exploré les capacités mentales ainsi que le caractère cognitif des grands singes, ce qui nous a fait réviser notre conception du genre Pan et du mode d'existence possible de ces hominidés non humains, dans un environnement modifié par l'homme. Deux méthodes ont été utilisées pour enseigner le langage humain aux grands singes : La première utilise Le langage des signes et la deuxième, explorée ici, utilise les symboles graphiques pour représenter des mots {lexigrammes]. Ci-dessous sont résumées les initiatives de recherche des Rumbaugh, les données sur les grands singes impliqués dans les travaux au Centre de recherche linguistique de l'Université d'Etat de Georgie, ainsi que les projets futurs de leur vie en coexistence avec les humains. Projet Lana, 1971-1976 Chimpanzé femelle, Lana est née en 1970 au Centre national de recherche sur les primates de Yerkes. Son nom est l'abréviation du Projet «LANguage Analoque » (LANA] qui visait à mettre au point un système de formation linguistique informatisée en vue d'étudier les capacités d'acquisition linguistique chez les chimpanzés. C'est à l'âge de deux ans et demi que Lana commence à faire l'objet de recherche. L'étude place ainsi, pour la première fois, un chimpanzé devant un ordinateur, l'utilisation des symboles étant alors considérée comme l'apanage des humains. Lana se montre capable de distinguer les lexigrammes et de les associer aux idées. Progressivement, elle parvient à agencer et utiliser correctement les mots, allant même jusqu'à former de nouvelles expressions liées aux évènements imprévus intervenant dans sa vie. Par exemple, elle demande souvent au technicien de recherche de recharger le distributeur de friandises lorsque celui-ci est vide ; elle demande aussi qu'on lui apporte des objets qu'elle a vus hors de sa chambre et que l'ordinateur ne peut lui procurer. Lana est ouverte à l'apprentissage linguistique et ses performances expérimentales sont extraordinaires. l’une de ses prouesses concerne le clavier à lexigrammes mis au point par Duane Rumbaugh, qui a servi d'interface de communication -primaire pour la recherche linguistique chez les grands singes, à Decatur en Georgie, au cours des dernières décennies. Ce clavier comprend trois pavés pour un total d'environ 384 symboles arbitraires non iconiques. Lorsque le grand singe appuie sur une touche, le mot correspondant est prononcé par une voie digitale et Le lexigramme est affiché à l'écran de l'ordinateur ? Recherches sur Sherman et Austin, 1975-1980 Considérant la langue comme un fait social par excellence, Sue Savage-Rumbaugh commence à travailler avec deux jeunes chimpanzés nommés Sherman {né en 1973] et Austin (né en 1974] sur Le clavier LANA. Le problème de l'intervention humaine est résolu au niveau expérimental à travers une communication entre pairs et non entre le chercheur et le sujet. La communication de chimpanzé à chimpanzé comporte un élément linguistique réceptif, les deux animaux ayant structuré leurs interactions autour des expressions préparées à l'avance. À La différence de Lana, Sherman et Austin classent par catégories, font semblant, programment, comprennent et se répondent l'un à l'autre. L'accession à l'usage complexe de traits linguistiques a procuré à Sherman et Austin un renforcement de sociabilité et de coopération. Malgré ces performances, Sherman et Austin n'arrivent pas à comprendre l'anglais parlé. Austin meurt en 1998, mais les autres grands singes du Centre de recherche linguistique ne l'ont pas oublié ; ils font encore CHIMPANZÉ ET BONOBO : PRÉSENTATION GÉNÉRALE allusion à lui en utilisant son lexigramme et sont contents de le voir sur des films vidéo. Recherches sur Kanzi, 1980-1993 Cette toute première recherche impliquant les bonobos dans les recherches linguistiques démarre sur une femelle sauvage capturée et nommée Matata ainsi que sur son fils adoptif Kanzi. Ce jeune bonobo de neuf mois joue dans le laboratoire alors que Savage-Rumbaugh s efforce d'enseigner un langage à sa mère. La recherche n'est pas centrée sur Kanzi, les chercheurs le trouvant trop jeune pour apprendre ces techniques. Lorsque Le petit est momentanément séparé de sa mère, il se met spontanément à manifester une compétence productrice en matière de lexigramme ainsi qu'une compétence réceptrice de l'anglais parlé (chose que Matata n'a pas pu réaliser après une formation méthodique). Kanzi développe ainsi la compétence productrice et réceptrice à travers une exposition et une observation passives. Plus tard avec le développement de son complexe linguistique, Savage-Rumbaugh démontre que les expressions de Kanzi sont correctes au niveau grammatical, syntaxique et sémantique. Ses aptitudes linguistiques semblent également renforcer ses capacités d'apprentissage de nouvelles techniques telles que la fabrication d'outils en pierre de type Oldowan. Chez Kanzi, la compétence réceptrice de l'anglais parlé contraste de facon spectaculaire avec l'incapacité des chimpanzés Sherman et Austin à en faire autant. À quoi est due les différences des capacités linguistiques observées ainsi chez Le bonobo Kanzi et les chimpanzés? Savage-Rumbaugh a clairement démontré à travers Kanzi qu'on peut acquérir une langue de facon spontanée à travers observation, même sans formation spécifique ; que la compréhension précède la production et entraîne l'acquisition linguistique ; et que l'exposition linguistique précoce peut renforcer énormément le niveau des compétences acquises. Lexigrammes du clavier à 384 mots, mis au point par Duane Rumbaugh dans Le cadre du Projet LANA. Recherches sur Panpanzee et Panbanisha, | 1986-1990: Par rapport au problème de compétence réceptrice | de La langue parlée, Savage-Rumbaugh examine la problématique des variables des espèces dans une étude sur l'élevage conjoint d'un chimpanzé et d'un bonobo. Le souhait de Savage-Rumbaugh est de voir Matata - la mère de Kanzi - élever le | chimpanzé Panpanzee et le bonobo Panbanisha dans des milieux identiques. Les deux bébés ont trois semaines d'écart de naissance. Matata prend grand soin des deux mais n'allaite que Panpanzee Dès lors, Savage-Rumbaugh et ses collègues humains se mettent à élever les deux bébés jusqu'à l'âge de quatre ans. Se fondant sur cette étude, Savage-Rumbaugh en conclut que lincapacité des chimpanzés Sherman et Austin à comprendre l'anglais parlé ne constitue pas la variable spécifique d'une espèce, puisque Panpanzee et Panbanisha ont pu développer une | compétence réceptrice de cette langue. Panbanisha et Kanzi, de 1990 jusqu'à aujourd'hui” | Kanzi vit dans une communauté de bonobos dans un habitat comprenant une forêt de 20 ha au sein d'une réserve de zone boisée de 125 ha. Les bonobos passent le même temps à se déplacer et communiquer à l'extérieur qu'à l'intérieur avecles | ordinateurs et les manettes. Les lieux de la forêt sont désignés par des lexigrammes, et les bonobos connaissent cette forêt comme les humains connaissent leur village. Les bonobos programment où ils doivent se rendre et ce qu'ils vont faire une fois sur les lieux ; ils parlent de ces projets à l'aide des tableaux de communication. Kanzi et Panbanisha continuent d'élargir leurs connaissances linguistiques à travers la musique, l'art, la rédaction, ainsi que la fabrication et la manipulation d'outils. Savage-Rumbaugh montre dans un film comment Kanzi ouvre une suite page suivante | 51 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 52 bouteille, casse des pierres pour fabriquer des outils tranchants fonctionnels suivant les enseignements de l'archéologue Nicholas Toth; comment Panbanisha utilise de la craie pour écrire des lexigrammes sur le sol ; et comment les deux bonobos participent aux spectacles musicaux aux côtés des musiciens humains Résumé Un apercu des diverses recherches sur les grands singes au cours des 50 dernières années montre clairement qu'ils utilisent des mots (gestes manuels où représentations graphiques] comme symboles sémantiques renvoyant aux objets et à leurs qualités (température, couleur, etc], aux humains ou à leurs congénères, aux activités, ou aux lieux d'alimentation, de repos, de chasse, etc Ils comprennent également de nouvelles phrases à | Kanzi communique avec Sue Savage-Rumbaugh en utilisant Le clavier de lexigrammes. La présence de Kanzi au projet depuis son enfance a grandement contribué à La compéhension de l'aptitude des singes pour le langage. Great Ape Trust of lowa les chimpanzés, ils forment de vetits groupes pour chercher leur nourriture. Ils passent cependant plus de temps que les chimpanzés en grands groupes et, étant donné que les relations avec Les communautés voisines sont bien moins tendues que chez les chimpanzés, ces groupes renferment parfois même des individus venant d'autres communautés. Pour chercher la nourriture, les deux espèces utilisent une stratégie mobile et souple visant à obtenir une alimentation riche en structure assez complexe. Ils utilisent le langage pour réaliser des choses qui ne sont pas normalement à leur portée, par exemple désigner | de nouveaux objets par des noms formés par une nouvelle combinaison de plusieurs mots. À l'aide des signes manuels et des symboles graphiques, ils communiquent sur des choses absentes ; ils apprennent à communiquer leurs besoins et à répondre à la demande des uns et des autres concernant des outils spécifiques, de la nourriture et des jeux; ils intègrent leurs compétences inguistiques et Les appliquent avec une certaine créativité, parfois plusieurs années plus tard dans de nouveaux contextes. Élevés dans des conditions proches de celles des humains, les grands singes pourront comprendre la langue humaine dans oute sa complexité, y compris sa syntaxe. L'acquisition linguistique à l'aide des exigrammes peut être optimisée si elle intervient en cours de socialisation dans un environnement utilisant un langage structuré. Idéalement, cela permet au tout jeune individu de parler couram- ment, décrire fidèlement les objets, dire ce qui va se passer, ainsi de suite ; cette narration doit être intégrée à l'usage des symboles graphiques devant | fonctionner comme des mots. Les résultats montrent que les grands singes peuvent acquérir un langage s'ils sont élevés et instruits par les humains, bien que leurs capacités linguistiques soient bien plus limitées que celles des humains. Beaucoup de choses restent encore à découvrir. Les futures recherches promettent de brouiller davantage les frontières des principes fonda- mentaux sur l'apprentissage, le langage, les fonctions symboliques et les comportements | complexes des humains et des animaux. Duane Rumbaugh et Bill Fields fruits mais comprenant en général des aliments digestes et non toxiques ayant une grande diversité taxonomique, ceci en exploitant autant de types d'écosystèmes que possible. Les quelques divergences observées en matière de régime alimentaire, de territoire et de recherche de la nourriture ne peuvent pas être considérées comme significatives. Cette conclusion est en quelque sorte peu satisfaisante compte tenu des différents milieux primaires des deux espèces {l'intérieur du bassin du Congo d'une part et les régions boisées semi-décidues à travers l'Afrique d'autre part]; d'où la nécessité de nouvelles recherches sur les écosystèmes et la biogéographie de l'intérieur du bassin du Congo ainsi que sur les stratégies de recherche de nourriture et d'alimentation des bonobos dans divers sites et circonstances. SOCIÉTÉ ET PSYCHOLOGIE La vie sociale des chimpanzés et celle des bonobos sont similaires à maints égards, mais comportent d'énormes différences sur certains plans."*'? Chez les deux espèces, les jeunes femelles quittent leurs communautés natales, migrent d'une communauté à l'autre avant de s'installer finalement dans l'une d'elles pour se reproduire. Si c'était ainsi le seul mode de transfert entre groupes, Les communautés seraient composées de femelles non apparentées et de mâles apparentés, mais il arrive aussi Les chimpanzés mâles migrent. La différence entre les deux espèces est plus marquée au niveau des relations entre mâles et femelles. Chez les chimpanzés, les mâles s'associent étroitement entre eux, s'épouillant mutuellement de facon fréquente ; ils coopèrent pour chasser, patrouiller aux limites du domaine vital, traquer et parfois tuer des chimpanzés des communautés voisines, et pour protéger et s'accoupler avec les femelles en oestrus [voir ci-dessous]. Chez les bonobos, l'épouillage entre individus de sexes opposés est plus courant et dure plus longtemps qu'entre individus de même sexe. Les bonobos mâles sont plus pacifiques que les chimpanzés mâles, interagissent moins, rivalisent moins pour l'accouplement, sont moins territoriaux et moins agressifs envers les mâles d'autres groupes, et ils ne chassent pas d'autres grands mammifères. Les bonobos femelles gardent des liens étroits avec leurs fils, ce qui augmente évidemment la fréquence d'épouillage entre mâles et femelles? Les interactions sociales sont peu courantes chez les chimpanzés femelles; chez les bonobos, par contre, la structure sociale est dominée par des coalitions de femelles qui influencent les stratégies d'accouplement et l'accès à la nourriture. Les bonobos femelles utilisent certaines techniques pour établir et maintenir des liens entre elles, y compris le partage de la nourriture et La formation d'alliances entre elles pour affronter Les mâles.*? Les coalitions des femelles permettent de faire face à la forte musculature des mâles : elles sont maintenues en partie grâce au frottement génital CHIMPANZÉ ET BONOBO : PRÉSENTATION GÉNÉRALE Volker Sommer mutuel - comportement courant chez les bonobos femelles. L'initiative est Le plus souvent prise par Les femelles de rang social bas,“ ce qui contribue souvent à réguler et régler Les tensions sociales qui surgissent parfois suite à des attaques soudaines ou à l'accaparement de La nourriture. Ceci témoigne de différences relatives à la sexualité entre chimpanzés et bonobos, même si la constitution de la physiologie sexuelle des deux espèces est similaire. Généralement, c'est à l'âge d'environ sept ans chez les bonobos et dix ans chez les chimpanzés que la femelle a son premier cycle menstruel. Chez les chimpanzés, pendant la première phase (folliculaire] du cycle, le niveau d'oestrogènes croît, causant ainsi Le gonflement de La peau périnéale de façon très visible, ce qui provoque une plus forte attirance sexuelle de La femelle auprès des mâles. Ce gonflement atteint son paroxysme neuf jours environ avant l'ovulation et se maintient pendant trois jours environ. IL s'agit Là d'une période non seulement d'attractivité maximale des femelles mais également de réceptivité (disposition à Les chercheurs et Les assistants de terrain du Parc National de Gashaka-Gumiti ; Le personnel de terrain porte des casquettes jaunes visibles de loin pour éviter d’effrayer les primates par une brusque irruption des humains. 53 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Habitat de mosaïques forestières et savanicoles dans la région australe de l'aire de distribution des bonobos, Lukuru, RDC. 54 accepter La copulation] et de proceptivité (pro- pension à solliciter La copulation]. Ce gonflement génital disparait ensuite après l'ovulation, avec la baisse du taux d'oestrogènes et la montée du taux de progestérone, et demeure dès lors latent pendant toute la phase lutéale du cycle et la menstruation qui s'ensuit. Le même phénomène se produit chez les bonobos avec la seule grande différence que leur gonflement dure plus longtemps et est en fait semi- permanent. Le gonflement génital des bonobos varie quelque peu au cours du cycle menstruel en termes de fermeté (turgidité) et de l'attirance des mâles ; il atteint son paroxysme au milieu du cycle. Les bonobos femelles sont continuellement réceptives et rien ne prouve que leur proceptivité varie.” La conséquence en est que les femelles sexuellement disponibles sont bien plus nombreuses à tout moment dans une communauté de bonobos que dans celle de chimpanzés. Puisque le statut des bonobos femelles n'est pas auto- matiquement inférieur à celui des mâles comme c'est le cas chez les chimpanzés et que de nombreuses femelles sont disponibles et consen- tantes, les bonobos mâles sont peu enclins à séquestrer les femelles et ne se battent guère pour s'accoupler avec elles. Chez les deux espèces, la jeune femelle mène une activité sexuelle pendant quelques temps avant de concevoir son premier petit; au cours de cette période importante, elle noue des relations sociales dans différentes communautés avant de s'installer définitivement. '° Cette période peut durer jusqu'à six ans chez les jeunes bonobos femelles contre quelques mois seulement chez les chimpanzés, ce qui signifie qu'une femelle bonobo a plus de chances de rencontrer des adultes qu'elle connaît chaque fois que sa communauté en rencontre une autre pendant Le reste de sa vie. PRÉOCCUPATIONS LIÉES À LA CONSERVATION D'après les plus récentes estimations, La population de chimpanzés sauvages compte de 173 000 à 300 000 individus.’ Elle connaît une tendance à la baisse dans de nombreuses régions mais pas dans l'ensemble des zones où des enquêtes comparables ont été conduites. Les deux sous- espèces d'Afrique occidentale sont moins abondantes, à cause de la déforestation accrue dans leur aire de répartition. Les chimpanzés sont menacés par un ensemble de facteurs qui tendent à se conjuguer. Une faible exploitation forestière sélective peut ne causer qu'une perturbation passagère sans toutefois réduire considérablement la capacité de charge de la forêt pour les chimpanzés tandis qu'une exploitation forestière Jo Thompson/Lukuru Wildlife Research Project intense et/ou répétée peut causer une perturbation continue de l'écosystème forestier, l'exposant aux vents secs et au soleil, et Le rendant plus vulnérable aux feux de brousse. La facilitation de l'accès aux zones d'exploitation forestière le long des pistes favorise la chasse, surtout lorsqu'il existe un marché de viande de brousse, les effets de la chasse s'ajoutant donc presque inévitablement à ceux de l'exploitation forestière. Les exploitations minière et pétrolière peuvent avoir des effets similaires sur l'accès aux écosystèmes locaux et leur destruction. L'augmen- tation de la pénétration expose également la forêt à l'invasion des agriculteurs à la recherche de terres agricoles avec pour corollaire l'intensification de la chasse ainsi que la fragmentation de la forêt à travers l'extension, et éventuellement la fusion des mosaiques de champs et de villages. Les chimpanzés ont de plus en plus de la peine à survivre dans un tel environnement, d'autant plus que leurs populations réduites et fragmentées sont de plus en plus en contact avec les humains devenant plus vulnérables aux maladies humaines. Ainsi, La survie des chimpanzés se trouve finale- ment menacée par tout Le processus d'exploitation accrue des forêts tropicales humides. Les bonobos sont inégalement répartis sur une aire géographique d'environ 340 000 km’, mais ne sont abondants dans aucun site. On estime à moins de 100 000 le nombre de bonobos vivant dans la nature et peut-être même beaucoup moins. Ils sont prisés pour leur chair dans la plupart des zones où ils vivent, même si les tabous favorisent leur protection dans certaines zones. Ils ont été décimés pendant la guerre civile par des soldats, les milices et les réfugiés affamés, mais la plupart des populations de bonobos ont échappé à cet impact direct. La menace la plus sérieuse a été La chasse accrue, favorisée par une interruption de l'agriculture et du commerce ainsi que de la pénurie alimentaire vers la fin des années 1990 ; certaines zones très accessibles auraient perdu 25 à 75 % de leur population de bonobos. L'essor commercial à La fin des hostilités pourrait favoriser dans la plupart des zones le trafic de la viande de brousse, et La chasse de subsistance pourrait ainsi se trans- former en chasse commerciale avec, pour corollaire, le maintien des populations de bonobos sous une forte pression cynégétique. La paix pourrait également être source de certains dangers tels que l'expansion de l'exploitation forestière industrielle, l'exploitation minière, et le déboise- CHIMPANZÉ ET BONOBO : PRÉSENTATION GÉNÉRALE ment pour des besoins agricoles, sans oublier les diverses améliorations de l'accès et l'expansion de la chasse dans d'autres régions {voir profil de pays de la République Démocratique du Congo (RDC), Chapitre 16). CE QUE NOUS IGNORONS Des centaines d'années cumulées de recherche ont été consacrées à l'étude des chimpanzés sauvages dans des sites d'étude à travers leur aire naturelle de répartition, notamment à Gombe et Mahale en République Unie de Tanzanie, à Kibale et Budongo en Ouganda, à La Lopé au Gabon, à Taï en Côte d'Ivoire, et à Bossou en Guinée. Ce travail de terrain s'ajoute à des milliers d'années cumulées de recherche en captivité sur tous les aspects de la biologie des chimpanzés (dont la plupart, faut-il Le souligner, trouvent leur motivation dans l'utilisation des chimpanzés comme cobayes physiologiques de l'homme), y compris la publication de l'ensemble du génome du chimpanzé. Même si aucune recherche de cette dimension n'a été entreprise sur les bonobos, nos connaissances sur cette espèce s'accumulent rapidement, rattrapant le retard. En ce qui concerne les bonobos, de nombreux efforts restent à faire pour en savoir plus sur leur communication à l'état sauvage, notamment au niveau des aspects vocaux et symboliques, sur l'usage des outils et leur culture, sur l'écologie comportementale de l'espèce dans les mosaïques des zones boisées et savanicoles ainsi que dans Les habitats forestiers. Comme mentionné précédem- ment, les recherches doivent être poursuivies sur les écosystèmes et la biogéographie de l'intérieur du bassin du Congo, et sur les stratégies d'alimen- tation et de recherche de la nourriture chez les bonobos dans diverses localités et contextes. Les recherches sur les populations captives actuelles, basées notamment en RDC et accompagnées par la sensibilisation du public, sont indispensables pour une meilleure compréhension du développement linguistique et des autres aspects relatifs à la cognition et à la communication ainsi que ceux portant sur le contrôle neuroendocrinien du com- portement sexuel et des relations entre individus mâles et femelles. Alors que la compréhension de la biologie des bonobos s'améliorera, des problématiques comportementales et écologiques supplémentaires surgiront certainement, portant sur Les différences et les similitudes entre bonobos et chimpanzés, ce qui suscitera une nouvelle série d'études de terrain 55 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 56 sur les chimpanzés. De nombreuses questions liées à la biologie des chimpanzés existent déjà et méritent d'être explorées ; il s'agit notamment des modes « d'apparition et de transmission des traditions des chimpanzés, de communauté en communauté, à travers Le continent africain » :* de leur utilisation de plantes à propriétés médicinales espèces dans leur milieu naturel. IL s'agit de mieux comprendre comment changer le mode de gestion des forêts et l'agroforesterie des mosaïques des paysages en intégrant les acteurs humains dans le but de garantir la survie des chimpanzés et bonobos. Les chercheurs doivent eux aussi rechercher les voies et moyens d'une meilleure ou psychotropes ; des origines, du rôle et de La diffusion de leurs résultats de recherches dans les signification de la chasse; et de la dynamique langues locales et autres médias appropriés. La psychologique de l'existence communautaire. D'où survie des deux espèces du genre Pan est limpérieuse nécessité d'orienter les recherches en conditionnée par l'acceptation locale de leur valeur vue de favoriser et d'assurer la survie des deux intrinsèque et de leur intérêt. OUVRAGES À CONSULTER Boesch, C., Hohmann, G., Marchant, L., eds (2002) Behavioural Diversity in Chimpanzees and Bonobos. Cambridge University Press, Cambridge, UK. Dixson, A.F. (1998] Primate Sexuality: Comparative Studies of the Prosimians, Monkeys, Apes, and Human Beings. Oxford University Press, Oxford. Fouts, R.S., Fouts, D.H. (1993) Chimpanzees’ use of sign language. In: Cavalieri, P., Singer, P., eds, The Great Ape Project. St. Martin's Griffin, New York. pp. 28-41. Gagneux, P. (2002) The genus Pan: population genetics of an endangered outgroup. Trends in Genetics 18 (7): 327-330. Goodall, J. (1986). The Chimpanzees of Gombe: Patterns of Behavior. Harvard University Press, Cambridge, Massachusetts. Hillix, W.A., Rumbaugh, D.M. 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(1997] Demonic Males: Apes and the Origins of Human Violence. Bloomsbury, London. REMERCIEMENTS Nos remerciements vont à Colin Groves (Université Nationale d'Australie], Takeshi Furuichi (Université de Meiji- Gakuin], à Hilde Vervaecke et Jeroen Stevens (Université d'Anvers] pour leurs commentaires sur ce manuscrit. Nous remercions également Tim Inskipp et Carmen Lacambra (PNUE-CMSC]) pour leur recherche bibliographique. AUTEURS Julian Caldecott, PNUE Centre mondial de la surveillance de La conservation de La nature (WCMC) Encadré 3.1 Duane Rumbaugh et Bill Fields, Georgia State University LE CHIMPANZÉ ( PAN TROGLODYTES) CHAPITRE 4 Le chimpanzé (Pan troglodytes) TIM INSKIPP e chimpanzé (Pan troglodytes, Blumen- bach, 1775] est également connu sous le nom chimpanzé robuste où commun pour le distinguer du bonobo (Pan paniscus, Schwarz, 1929) ou chimpanzé nain où gracile, qui a une distribution beaucoup plus limitée. Le chimpanzé a un corps trapu avec un cou court, de larges épaules, des bras plus longs que Les jambes et est dépourvu de queue. Il a un front fuyant, des arca- des sourcilières proéminentes et des yeux enfoncés et rapprochés. Son nez est large et plat, ses mains et ses doigts sont longs, les majeurs ont un épiderme plus épais. Rose à la naissance, la peau de sa face devient ensuite brune, puis noire à la maturité. Son pelage, essentiellement noir, est constitué de longs poils clairsemés. Les adultes portent une barbe blanche sur le menton et les jeunes une touffe de poils blancs sur l'arrière-train.””? La plupart du temps, les chimpanzés sont quadrupèdes mais ils adoptent parfois des postures bipèdes. On distingue en général quatre sous-espèces de chimpanzés : Le chimpanzé commun d'Afrique centrale (Pan t. troglodytes, Blumenbach, 1799), le chimpanzé commun occidental (Pan t. verus, Schwarz, 1934), le chimpanzé commun oriental (Pan t. schweinfurthii Giglioli, 1872), Le chimpanzé du Nigéria-Cameroun (Pan t. vellerosus, Gray, 1862). Le dernier est aussi appelé chimpanzé du Nigéria,” même si on estime aujourd'hui que les représentants de cette sous-espèce sont plus nombreux au Cameroun qu'au Nigéria. Nous utiliserons dans le présent ouvrage Le terme ‘chimpanzé du Nigéria-Cameroun'. Le chimpanzé d'Afrique Centrale, dont la taille varie selon Les populations, est plus grand et plus lourd que les autres sous-espèces. La longueur moyenne tête-corps, observée dans deux zones échantillonnées du Cameroun, est de 819 mm et de 914 mm chez les mâles contre 796 mm et 871 mm chez les femelles.” Les mâles pèsent en moyenne 60 kg au Cameroun et 52 kg au Gabon ; le poids moyen de deux femelles au Cameroun atteint 50 kg tandis que celui de 19 femelles au Gabon s'élève à 44 kg. Le chimpanzé occidental est plus petit, avec une tête moins large ; il a un occiput (nuque) plus verticale, des arcades sourcilières hautes et une barbe blanche assez dense et arrondie. Deux mâles pesaient 46,3 kg et 48,5 kg tandis qu'une femelle ne pesait que 21,2 kg.”* Le chimpanzé oriental est plus petit et ses membres sont plus courts que ceux du chimpanzé d'Afrique centrale ; il a une tête plus arrondie, une nuque plus longue et des arcades sourcilières droites, ainsi qu'une barbe blanche plus épaisse mais en désordre ; en République Unie de Tanzanie, le poids des mâles pesés varie entre 30,3 et 52 kg contre 22,7 et 45,5 kg pour les femelles,‘ tandis qu'en République Démocratique du Congo (RDC), Le poids des 3 mâles pesés varie entre 52,5 et 61 kg.” Les caractéristiques externes du chimpanzé du Nigéria-Cameroun sont moins connues parce que la reconnaissance de cette sous-espèce repose surtout sur des caractères génétiques 8 toutefois, Les photos et dessins”?! montrent qu'il a des arcades sourcilières plus saillantes et que ses oreilles sont plus petites. D'après Le taxonomiste Colin Groves, le crâne de cette sous-espèce ressemble plus à ceux des chimpanzés oriental et central qu'à celui du chimpanzé occidental.” Une cinquième sous-espèce,” Pan t. marun- gensis, pourrait se distinguer de Pan t. schwein- furthii. L'analyse de l'ADN mitochondrial (ADN mt} 57 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Carte 4.1 Répartition des chimpanzés {voir profils de pays pour plus de détails) MAURITANIE MONT Re 2. ASSIRIK Reel … GUINEE- ON BISSAU GUINEE : Chimpanzé du Nigeria-Cameroun Chimpanzé occidental Espèce Chimpanzé oriental Chimpanzé central Aire de répartition estimée F7 Chimpanzé oriental Tr Chimpanzé central HT? Chimpanzé du Nigeria-Cameroun T3 Chimpanzé occidental 58 Forêt communautaire du Mont Kilum- ljim # Golfe du 27 GUINEE Guinée EQUATORIALE h ! PN de Monte Alén o RFq & SR de Petit Loango OCEAN. AMD ANMIOIUrE. 1250 km LE CHIMPANZÉ ( PAN TROGLODYTES) Références bibliographiques à la fin de ce chapitre TCHAD SOUDAN 07 a. ; = 1 1@ ‘PNde a ÆGashakamt 5" ne A Y BASSIN DE Ÿ 5°s KOUILOU-- | CABINDA : ANGOLA 59 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET LEUR CONSERVATION Un chimpanzé oriental, Parc National de Kahuzi- Biega, RDC. 60 suggère que la lignée de P. t. verus est si distincte que Le taxon pourrait être élevé au rang d'espèce." Sur la base de la diagnose qui démontre que P.t. schweinfurthii est également distinct, il convient soit de reconnaître la distinc- tion entre les trois espèces, soit de maintenir le concept d'espèce unique.” Par contre, certaines études basées sur des séquences d'ADN mt ont remis en question la distinction entre P.t. schweinfurthii et P. t. troglodytes./*” En effet, les comparaisons entre les séquences d'ADN mt convergent de plus en plus vers la conclusion qu'il existe un lien très étroit entre le chimpanzé d'Afrique centrale et Le chimpanzé d'Afrique orientale (P:t. schweinfurthii et P.t. troglodytes], de même qu'entre les deux chimpanzés de l'Afrique de l'ouest (P.t. verus et P.t. vellerosus], de sorte qu'il n'est pas exclu qu'un jour l'on ne distingue que deux sous-espèces, à savoir le chimpanzé central/oriental (P.t. troglodytes] et le chimpanzé occidental (avec P.t. vellerosus comme nom antérieur]? La distinction entre Les sous- espèces de chimpanzés, à savoir central, occidental, oriental et Nigéria-Cameroun, est présentée dans la carte ci-dessous {Carte 4.1). Juichi Yamagiwa >. RÉPARTITION Le chimpanzé d'Afrique centrale (P. t. troglodytes) est assez répandu dans le sud Cameroun au sud du fleuve Sanaga.*?# Son aire de répartition s'étend vers l'est, jusqu'à l'ouest de La République centrafricaine (RCA) où il est essentiellement confiné dans l'extrême sud-ouest, au Parc National de Dzanga-Ndoki et d'autres localisa- tions autour de 4°N. On le retrouve également en RCA dans une localité isolée de Toubara (7°15'N 15°55'E]) où il a été apercu pour la première fois au début des années 1960, # et y est apparemment demeuré jusqu'après 1983.7 Vers Le sud, il est présent dans deux zones en Guinée Equatoriale, * y compris Le Parc National de Monte Alén.” IL est répandu au Gabon et dans la partie septentrionale du Congo au nord de l'équateur.” IL est également assez répandu dans le bassin du Kouilou au sud du Congo® ainsi que dans une zone isolée située à 3°S 16°E, pres de la frontière avec la RDC.” On le trouve aussi dans des sites de l'extrême sud dans la province angolaise du Cabinda et dans l'extrême ouest de La RDC juste au nord du fleuve Congo.” L'aire géographique de cette sous-espèce est d'environ 695 000 km?.” Le chimpanzé occidental (P. t verus]) est présent dans une vaste région qui s'étend vers le sud et l'est, du mont Assirik (12°58'N 12°46'W] au sud-est du Sénégal“! jusqu'au sud-est du Mali, au nord de la source de Djibashin (13°03°N 10°36'W)% et au sud de la Guinée Bissau.” IL est présent, avec des densités de populations variables en Guinée, en Sierra Leone,” au Libéria, * et dans La majeure partie de la Côte- d'Ivoire, et s'étend jusqu'au sud-ouest du Ghana, à l'est à environ 0°30'W.° Au Burkina Faso, selon des sources non confirmées, des chimpanzés semblent migrer vers Le sud-ouest du pays. * tandis que Butynski” fait allusion à une information anecdotique persistante selon la- quelle Les chimpanzés seraient encore présents le long du fleuve Volta près de la boucle du village Douroula. Jadis, le chimpanzé occidental était présent en Gambie jusqu'à son extinction, semble-t-il, vers La fin du 19°" siècle, * au Togo où sa dernière apparition remonte à 1971, et au Bénin où il a survécu jusqu'aux dernières décennies.” L'aire géographique de cette sous- espèce est d'environ 631 000 km.” Le chimpanzé oriental (P. t. schweinfurthii] a une aire fragmentée au nord, avec peu de données enregistrées depuis 1983, notamment dans seulement deux sites à l'est de La RCA, une seule zone dans l'extrême sud-ouest du Soudan, et quelques sites épars à l'est du fleuve Oubangui et au sud de l'équateur en RDC. Entre l'équateur et 5°S en RDC, on a noté sa présence dans de nombreuses zones en 19837°"?##% et de facon isolée dans les monts Marungu au sud. Cette aire s'étend vers l'est jusqu'à l'ouest de l'Ouganda” où une petite communauté a été trouvée au nord dans la réserve forestière d'Otzi, à l'extrême nord- est de l'aire de répartition de l'espèce. Plus au sud, il est présent au Rwanda, notamment dans La forêt de Nyungwe et probablement dans la forêt de Gishwati ;'% au Burundi,/? notamment dans le Parc National de Kibira, Le lac Mabanda/Nyanza et les aires protégées de Mukungu-Rukamabasi, et la réserve forestière de Rumonge ;* et dans l'extrême ouest de La Tanzanie! au sud du fleuve Lwazi, région de Rukwa (8°12'S 31°08'E).2* Son aire géographique est d'environ 874 000 km°.” Le chimpanzé du Nigéria-Cameroun (EP. t. vellerosus) est présent au sud du Nigéria, en petites communautés très fragmentées dans la réserve forestière d'Oba Hills et au sud et à l'est du delta du Niger, ainsi que le long de la frontière avec le Cameroun, du Parc National de Gashaka Gumti vers le sud-ouest jusqu'aux deux divisions Okwangwo et Oban du Parc National de Cross River! On ne dispose pas de données pour les populations de l'ouest, mais il est fort probable qu'elles appartiennent à la sous-espèce occi- dentale” qu'on retrouve également au Cameroun occidental, surtout près de la frontière avec le Nigéria et plus particulièrement dans la réserve forestière de Takamanda et le Parc National de Korup.#2#28 Cette population s'étend au sud du fleuve Sanaga qui constitue apparemment la limite de l'aire de répartition du chimpanzé du Nigéria-Cameroun. Cette sous-espèce est également présente dans trois zones de l'inté- rieur du pays et au nord du fleuve Sanaga.” L'aire géographique du chimpanzé Nigéria-Cameroun est d'environ 142 000 km.” Les recherches sur les chimpanzés se sont concentrées dans quelques zones au sein de cette vaste distribution. Les principaux sites d'étude sur les chimpanzés sont répertoriés au Tableau 4.1. Les premières recherches ont porté sur les chimpanzés de l'Est ; celles de Jane Goodall ont démarré en 1967 et conduit à la création du site de Gombe Stream en Tanzanie, où les recherches se poursuivent jusqu'aujourd'hui. Les recherches sur LE CHIMPANZÉ (PAN TROGLODYTES) Tableau 4.1 Principaux sites d’études de terrain et autres localités mentionnées dans le présent chapitre Site Pays Sous-espèce de chimpanzé Bafing (Réserve de Biosphere proposée]'* Mali occidental Bossou, near the Nimba Mountains®* Guinée occidental Réserve Forestière de Budongo’"* Uganda oriental PN Impénétrable de Bwindi* Uganda oriental PN de Dzanga-Ndoki'? RCA central PN de Gashaka Gumti Nigéria Nigéria- Cameroun PN de Gombe“* Rép. Unie de Tanzanie oriental 169 PN de Goualougo Triangle, Nouabalé-Ndoki"” Congo central Fleuve Ishasha’* RDC oriental Réserve Forestière d'Ituri” RDC oriental PN de Kahuzi-Biega” RDC oriental 97, 98 Kalinzu Forest Reserve Uganda oriental 119 Kasakati Rép. Unie de Tanzanie oriental PN de Kibale”” Uganda oriental PN de La Lopé””? Gabon central PN des Monts Mahale!* '# Rép. Unie de Tanzanie oriental PN de Minkébé''? Gabon central PN d'Alén’ "7 Guinée Equatoriale centra Mount Assirik, PN de Niokolo-Koba” * Sénégal occidenta Monts Nimba Guinée occidenta PN de Nouabalé-Ndoki!*? Congo centra PN d'Odzala'* Congo centra Semliki'"® Uganda orienta PN de Tai “ Côte-d'Ivoire occidenta Tenkere! * Sierra Leone Tongo, PN de Virunga"*? RDC occidental oriental 185 Ugalla Rép. Unie de Tanzanie orienta PN: Parc National D'après Moore, J., Collier, M. (1999) African Ape Study Sites. http://weber.ucsd.edu/-jmoore/apesites/ApeSite.html. Mise à jour 28 janvier 1999 ; accès 26 octobre 2004. le chimpanzé occidental ont véritablement commencé au milieu des années 1970 à Bossou, en Guinée?” et dans Le Parc National de Taï en Côte- d'Ivoire :” elles ont précédé les travaux de recherche sur le chimpanzé central dès le début des années 1980, notamment au Parc National de La Lopé au Gabon.” Les recherches se sont poursuivies au fil des ans dans nombre de sites d'étude, permettant ainsi de mieux appréhender les données démographiques des populations de chimpanzés. Le chimpanzé du Nigéria-Cameroun, par contre, n'a pas fait l'objet de recherches à long terme similaires. 61 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 62 Encadré 4.1 LES CHIMPANZÉS PRÉDATEURS Jusqu'aux années 1960, on pensait que les chimpanzés étaient complètement végétariens ; en fait, ils sont essentiellement frugivores, consacrant seulement 3 % de leur temps d'alimentation à la consommation de la viande, ce qui est inférieur au aux de la quasi-totalité des sociétés humaines.” Les travaux pionniers de Jane Goodall menés à Gombe, révélèrent que les chimpanzés adorent la viande et chassent diverses espèces de mammi- ères. Aujourd'hui la chasse pratiquée par les chimpanzés à Gombe est bien documentée, **## et les modes de chasse ont été observés dans la plupart des autres sites d'études sur les chimpanzés, notamment dans le Parc National des monts Mahale en Tanzanie,” dans Le Parc National de Kibale en Ouganda, '® et dans le Parc National de Taï en Côte d'Ivoire. 7? Quatre décennies de recherche sur les chimpanzés orientaux à Gombe ont permis d'accumuler de nombreuses connaissances sur les modes de prédation. Les chimpanzés vivent en communautés de 20 à 100 individus qui se subdivisent temporairement en plus petits groupes. Une telle communauté de chimpanzés peut tuer et manger chaque année plus de 100 animaux de petite ou moyenne taille tels que des singes, des cochons sauvages et de petites antilopes. Le colobe bai reste néanmoins le vertébré qui constitue leur proie préférée. À Gombe, il représente plus de 80% des proies mammifères. Les colobes bais enfants ou juvéniles sont plus susceptibles d'être attrapés que les adultes ;* en effet 75% des colobes tués sont immatures. Les chimpanzés mâles adultes et adolescents sont les plus impliqués dans les chasses, capturant et tuant environ 90 % des proies. Les femelles chassent aussi, bien que le plus souvent elles obtiennent de la chair lors d'un partage avec un mâle qui soit a capturé lui-même COMPORTEMENT ET ÉCOLOGIE Habitat et alimentation De tous les grands singes, Les chimpanzés sont ceux qui sont le moins fortement inféodés aux forêts tropicales humides de plaine. Ils vivent dans divers types d'habitats, des forêts sempervirentes humides aux régions boisées savanicoles sèches, * en la proie soit l'a volé à celui l'ayant attrapée. Même si des chasses solitaires existent chez les femelles ou les mâles, elle reste essentiellement une activité sociale chez Les chimpanzés. Chez d'autres espèces de prédateurs telles que Les lions et Les loups, la coopération entre chasseurs garantit plus de réussite que la chasse individuelle ; c'est ainsi que dans les forêts de Gombe et de Taï, il y a une forte relation positive entre le nombre de chimpanzés impliqués dans une partie de chasse et Le succès de la chasse.” Très souvent, un seul colobe bai est tué lors des chasses réussies mais ce nombre peut parfois s'élever jusqu'à sept. Selon les premières recherches de Jane Goodall, au cours de leurs saisons de chasse, les chimpanzés tuent chaque jour de nombreux singes et d'autres proies. On ne sait pas exactement ce qui les motive. Par exemple, la saison de chasse la plus intense survenue entre 1960 et 1995 a eu lieu pendant la saison sèche en 1990./* De fin juin Jusqu'au début septembre, soit une période de 68 jours, les chimpanzés observés ont tué 71 colobes bais au cours de 47 chasses. On peut estimer que le nombre de proies était probablement un tiers plus élevé si on considère les chasses qui n'ont pu être observées. Pendant cette période, les chimpanzés auraient tué plus de 10% de la population totale des colobes au sein de leur territoire de chasse, taux de prédation qui ne saurait se maintenir à long terme. Les changements brusques observés dans la fréquence de chasse à Gombe seraient liés aux facteurs écologiques, sociaux et démographiques. Les chimpanzés sont donc omnivores, les végétaux occupant une place prépondérante dans leur régime alimentaire. Ils choisissent La période d'alimentation carnée en fonction des coûts et bénéfices liés à La capture d'une proie, en fonction des éléments nutritifs apportés par cette nourriture comparativement à ceux des végétaux. Cependant, les influences sociales telles que la passant par Les mosaïques de zones boisées et forêts décidues. Leur habitat varie en altitude, du niveau de la mer en Afrique de l'ouest jusqu'à 2 600 m en Afrique de l'est." La disponibilité continuelle en eau conditionne la répartition des chimpanzés, mais dans certaines zones ceux-ci ont développé des techniques pour accéder à l'eau pendant les LE CHIMPANZÉ (PAN TROGLODYTES) taille et la composition du groupe semblent également affecter les habitudes de chasse. L'un des objectifs majeurs de la recherche sur le comportement prédateur des chimpanzés consiste à comprendre quand et pourquoi ils se mettent à chasser les colobes au lieu de se nourrir de fruits, alors que la chasse Les expose aux blessures des colobes aux canines puissantes et que le risque d'échec n'est pas nul Les premières études de ce comportement suggèrent que le régime carné et Le partage de la viande ont un fondement social solide. En effet, La chasse est percue comme une forme de manifestation sociale où Le chimpanzé mâle cherche à montrer ses prouesses aux autres membres de la communauté.” Dans les années 1970, la première étude systématique de l'écologie comportementale du chimpanzé à Gombe a conclu que, même si le comportement de prédation des chimpanzés était motivé par le gain nutritionnel, certains aspects du comportement de chasse ne sauraient s'expliquer uniquement par des besoins nutritifs.‘ Plus récemment, les chercheurs du projet de recherche sur les chimpanzés des monts Mahale ont rapporté que Le mâle alpha - Ntilogi - y utilise La viande de colobe comme arme politique, la refusant aux rivaux et la partageant avec les alliés.? À Gombe, les femelles chimpanzés qui reçoivent fréquemment de gros morceaux de viande ont plus de petits qui survivent, ce qui indiquerait un avantage reproductif lié à la consommation de viande.” D'autres chercheurs soutiennent que le partage de la viande tisse les liens avec Le mâle et que ces liens permettent ensuite de garantir le succès reproducteur du mâle.“ Diverses raisons pousseraient les chimpan- zés à pratiquer la chasse : La saison, La composition du groupe, la personnalité individuelle, etc.” Les recherches futures dans ce domaine pourront établir davantage les motivations et les stratégies qui sont à la base de la chasse et du partage de la périodes sèches. À Tongo par exemple, les chimpanzés vivent dans des forêts au sol volcanique bien drainé et, en cas de pénurie d'eau, ils creusent et déterrent des tubercules riches en eau. *? Les chimpanzés s'adaptent aussi facilement en cas de perturbation de l'habitat. Dans La réserve forestière de Kalinzu par exemple, une commu- nauté occupe une forêt secondaire dominée par des Craig Stanford Un chimpanzé mâle du Parc National de Gombe consommant un colobe bai. viande. De nombreux chercheurs ont établi une comparaison des habitudes de chasse entre les chimpanzés et les carnivores sociaux tels que les loups et les lions, cependant de nouvelles comparaisons plus pertinentes restent à faire avec les chasseurs-cueilleurs humains. Chez les humains comme chez les chimpanzés, la viande ne constitue qu'une partie du régime alimentaire et c'est pourquoi la décision de chasser doit être entretenue. Les humains partent à La recherche des aliments carnés et végétaux et, comme chez les chimpanzés, ce sont Les mâles qui sont Le plus impliqués dans les chasses collectives. Les chim- panzés recherchent généraiement les fruits mûrs et les chasses se déclenchent généralement de facon opportuniste lorsqu'ils rencontrent une proie. Leur mode de partage de la viande est plus systématique et plus proche du népotisme que chez les babouins sauvages, les capucins ou tout autre primate non humain. Craig Stanford Musanga spp. (Moraceae) et riche en grands figuiers (Ficus spp., Moraceae), tandis qu'une autre communauté occupe une forêt primaire comprenant une zone dominée par des Parinari spp. (Chrysobalanaceae], une forêt mixte ayant atteint la maturité, et une forêt de montagne.” Certains groupes survivent dans des régions déboisées devenues presque entièrement 63 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Jeune chimpanzé de l'Est mangeant des feuilles. République Unie de Tanzanie. 64 The Jane Goodall Institute (JGI) agricoles, se contentant des quelques fragments de forêts restants et ravageant parfois Les cultures.“ Dans la région de Tomboronkoto au sud-est du Sénégal, on a découvert que les chimpanzés se reposaient et mangeaient dans des grottes pendant la saison sèche, sans doute pour se mettre à l'abri des hautes températures diurnes de leur habitat de savane. / À Bossou, Les chimpanzés passent plus de temps dans les arbres pendant la saison des pluies ; selon les résultats d'une étude, plutôt qu'une réaction à la distribution verticale de la nourriture, cela permettrait à ces chimpanzés d'éviter le froid et l'humidité auxquels les expose Le sol humide au contraire de La brise de La canopée.“" Le régime alimentaire des chimpanzés est très varié ; il comprend surtout des fruits, des fleurs et des graines, mais il inclut aussi de jeunes feuilles, de petits mammifères et divers invertébrés. Ils peuvent manger jusqu'à 330 types d'aliments [taxons et parties de plantes] par an. Le régime alimentaire varie selon Les régions surtout en fonction des disponibilités, mais aussi compte tenu des traditions locales et des variations culturelles.'® On note également une diversité en matière de techniques de transformation alimentaire et d'utilisation des plantes médi- cinales."" Les chimpanzés se déplacent Le plus souvent au sol d'un endroit à l'autre à la recherche de la nourriture, mais le feuillage des arbres est néanmoins nécessaire comme source de nourri- ture et site de nidification. Le régime alimentaire est essentiellement composé des fruits mûrs des arbres de La forêt ; les chimpanzés choisissent généralement des fruits à forte teneur calorique sous forme de sucres.* IL semble que la végétation herbacée représente plutôt pour les chimpanzés une source de secours de carbohydrates en cas de pénurie de fruits.“ Dans la réserve forestière de Budongo, une communauté passe 65% de son temps d'alimentation à consommer des fruits et plus particulièrement des figues, 20 % à manger des feuilles d'arbres, et une petite partie du temps à ingérer la végétation herbacée.'* D'après une étude détaillée dans cette réserve, les fruits et jeunes feuilles d'au moins 15 espèces de ficus ont été consommés.” Les aliments choisis ont généralement une faible teneur en tannins même si les chimpanzés ont apparemment une capacité de tolérance des taux de tannins supérieure à celle des singes vivant dans la même forêt, tels que Le colobe quereza, le hocheur à nez blanc ou le Cercopithèque diadème {Cercopithecus spp.]."? Certains aliments requièrent un traitement spécifique et complexe. Par exemple, pour extraire la partie comestible du fruit de Saba florida (Apocynaceae), le chimpanzé doit d'abord enlever son épaisse partie externe. Selon une étude conduite sur l'apprentissage des techniques nécessaires, les enfants acquièrent des connais- sances en observant leurs mères à travers l'apprentissage par accoutumance {c'est-à-dire apprendre l'usage d'un objet en observant comment il est utilisé] ou par imitation (c'est-à-dire apprendre en copiant le comportement moteur en question] sans apprentissage intentionnel de La part du démonstrateur. Il n'a été trouvé aucun élément suggérant que la mère ait formé ses petits ou que ces derniers se soient livrés à des imitations en copiant des gestes.” Les enfants chimpanzés peuvent décortiquer des fruits entiers à l’âge de deux ans, mais n'acquièrent la maîtrise des techniques complexes des adultes qu'au cours des deux années suivantes.” À Bossou, on a constaté que les chimpanzés consomment plus de 200 espèces végétales, * soit 30 % de toutes les espèces répertoriées sur ce site. Ils consomment également divers aliments tels que des algues, des champignons, du miel, des termites, des fourmis, et de petits mammifères comme le pangolin à écailles tricuspides (Manis tricuspis]."* Les figuiers font aussi partie des espèces cruciales mais, ils utilisent aussi Le parasolier (Musanga cerropioides, Moraceael) et Le palmier à huile (Elaeis guineensis, Arecaceae) pendant les périodes de disette.” Les fruits de Musanga s'avèrent d'importantes sources de nourriture de secours dans des zones telles que la réserve forestière de Kalinzu en Ouganda, /? sans doute parce qu'ils sont disponibles tout au long de l'année. Les chimpanzés évitent généralement le contact de l'eau, mais dans le Parc National des monts Mahale on en a vu un plonger plusieurs fois pour se nourrir des algues,” et au Congo certains anciens chimpanzés captifs ont été filmés en train de patauger** Dans le Parc National de La Lopé, les insectes constituent un élément capital de l'alimentation des chimpanzés ; 31 % des échantillons de fèces contiennent des restes d'insectes.” La fourmi tisserand (Oecophylla longinoda) est l'espèce la plus consommée, on trouve aussi parmi les autres insectes consommés deux espèces de fourmis géantes ainsi que des abeilles (Apis]. Dans la même zone, les chimpanzés qui cherchent leur nourriture dans les fragments de forêts passent plus de temps à manger des pétioles de feuilles, des écorces et moins de temps à manger des fleurs. Cependant, comme dans toutes Les zones d'étude, les fruits restent l'aliment Le plus courant et constituent 62 % de la nourriture consommée par les chimpanzés de La Lopé. Ces fruits appar- tiennent à 114 espèces différentes de plantes. Lorsque les fruits préférés se font rares, ils maintiennent un taux relativement élevé de consommation de fruits en exploitant des arilles (charnus et de couleur souvent vive] et Les noix de palme? Dans les forêts de montagne du Parc National de Kahuzi-Biega - La plus haute altitude où vivent les chimpanzés - on a répertorié 171 différents types d'aliments consommés par les chimpanzés, la plupart étant des espèces végétales dont 66 espèces de fruits. Les figues, trouvées dans 92 % des échantillons de matières fécales,!” comptent parmi les espèces Les plus consommées. Dans le Parc National des monts Mahale, on a également vu les chimpanzés manger la terre, apparemment pour se procurer des minéraux supplémentaires et des substances médicinales ayant des propriétés antiacides et anti-diarrhéiques, ainsi que pour absorber et détoxiquer les alcaloïdes.“ Les chimpanzés ont probablement appris, à travers leurs expériences individuelles et en observant les autres, que l'ingestion de la terre LE CHIMPANZÉ (PAN TROGLODYTES) apaise leur besoin inconscient en micronutriments et leurs maux. Dans la plupart des populations étudiées, on a constaté que les chimpanzés chassent diverses espèces de proies et qu'ils consacrent environ 3 % de leur temps d'alimentation à La consommation de la viande. Toutefois, les variations sont considé- rables d'une population à l'autre, et Le pourcentage des échantillons fécaux contenant les restes animaux peut varier d'un facteur dix, de 0,6% à Kasakati à près de 6% dans le Parc National de Gombe. Les restes animaux identifiés appartiennent notamment au cercopithèque pogonias (Cerco- pithecus pogonias), à l'anomalure pygmée (/diurus spp., Anomaluridé), et au céphalophe (Cephalophus spp.].'""®® Au moins 32 espèces de mammifères ont été recensées dans 12 sites d'étude comme proies, mais les primates, et plus particulièrement les singes de forêt,” sont Les plus fréquentes. Dans le Parc National de Kahuzi-Biega, les chimpanzés tuent peu d'animaux. Au cours de 16 mois d'étude, un groupe a tué 18 à 30 mammifères par an, plus particulièrement des cercopithèques, juvéniles ou sub-adultes."" D'autres primates comme le vervet Cercopithecus aethiops] sont souvent chassés par les chimpanzés tandis que les babouins (Papio spp.) sont rarement tués. Ce n'est qu'à Gombe qu'on a vu les chimpanzés tuer occasionnellement des babouins olive (P. anubis) ainsi que dans le Parc National des monts Mahale où des babouins jaunes (P. cynocephalus] ont été tués.”? Dans la réserve forestière de Budongo, le David Watts Chimpanzés en patrouille dans Le Parc National de Kibale en Ouganda. 65 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Des chimpanzés occidentaux se reposant dans le Parc National de Taï en Côte-d'Ivoire. colobe guereza (Colobus guereza est le mammifère le plus couramment chassé tandis que d'autres proies telles que le céphalophe bleu et la musaraigne (Rhynchocyon cerneil ne sont capturés qu'occasionnellement.® Les chimpanzés n'étant pas des charognards, il est rare de Les voir récupérer le reste de la viande des animaux tués par d'autres prédateurs. C'est ainsi qu'à Gombe, un cerf (Trage- laphus scriptus) fraîchement tué a été complète- ment ignoré par un groupe de chimpanzés qui n'ont montré aucun intérêt vis-à-vis de La carcasse." La prédation du colobe bai (Procolobus spp. par les chimpanzés, décrite de façon détaillée dans l'Encadré 4.1, est un cas intéressant de variation écologique entre divers sites. Les chimpanzés, dans les petits arbres du Parc National de Gombe, doivent faire face à des colobes plus agressifs que ceux des grands arbres du Parc National de Taï. C'est peut-être pour cette raison que les chimpanzés de Gombe ne chassent qu'occasion- nellement, tandis que ceux de Taï adoptent une stratégie planifiée et participative et se partagent généralement la proie plus activement et plus fréquemment.” Les mâles partagent souvent leur nourriture avec d'autres membres du groupe ; les motifs et stratégies de ce phénomène ont fait l'objet de nombreuses spéculations. On a ainsi pensé que le coût énergétique du partage est inférieur à celui de la défense de la carcasse, * et que le partage facilite les alliances qui procurent des avantages sous forme d'épouillage ou de soutien dans les luttes pour la dominance,” ou sous forme de faveurs sexuelles.”' La nourriture d'origine végétale peut aussi faire l'objet de partage chez les chimpanzés. Ces phénomènes se déroulent généralement entre mères et enfants, où entre chimpanzés en captivité lorsque La nourriture leur est apportée par des soigneurs, ” mais des cas de partage de nourriture végétale entre chimpanzés adultes ont également été notés dans la nature.* De même, le partage de termites a été observé entre mères et enfants,” et entre adultes mâles. /?? Selon Les primatologues, Les espèces comme les macaques, qui consomment des aliments hautement énergétiques tels que des fruits mûrs, ont tendance à être généralement plus intelligentes et à interagir plus - toutes choses égales par ailleurs - que les espèces folivores comme les langurs qui se nourrissent de feuilles matures. Cela est en partie dû au fait que, les aliments énergé- tiques étant éparpillés dans l'environnement, c'est l'individu qui Les découvre en premier qui choisit très souvent les individus qui auront accès à la nourriture. Ceci offre l'opportunité d'un altruisme réciproque et de l'entretien des relations sur La base des liens de parenté ou/et de tout autre rapport. Par ailleurs l'hypothèse que les gros cerveaux ont besoin de beaucoup d'énergie explique que la viande fraîche riche en lipides et protéines est fortement recherchée par un animal intelligent comme le chimpanzé. Par comparaison avec les hypothèses portant sur les hominidés, on pourrait conclure que le volume du cerveau, l'alimentation carnée, et le comportement politique sont liés, même si dans ce type de raisonnement, la causalité est difficile à vérifier. Comportement territorial Dans la réserve forestière de Budongo, le territoire de La communauté de Sonso a été évaluée à une superficie d'environ 6,8 km’, parmi Les plus petits enregistrés pour des chimpanzés habi- tués.'*! Par contre, Le polygone minimal entourant le domaine vital d'une communauté dans le Parc National de Kibale couvrait 14,9 km’, même si seulement 7,8 km’ de cette superficie auraient été effectivement utilisés. Les mâles utilisaient une zone 150-200 % plus vaste que les femelles, raison pour laquelle ils pouvaient être vus plus souvent près des limites de cette zone ; ce qui vient appuyer la thèse selon laquelle Les femelles occupent les zones centrales du territoire défendu par les mâles.‘ Cependant, certains faits observés dans la réserve forestière de Budongo montrent que les mâles passent aussi la majeure partie de leur temps au sein d'une zone centrale restreinte. "*” Comparativement aux gorilles occidentaux qui parcourent généralement moins de 2 km par jour, les chimpanzés sont plus mobiles et parcourent en moyenne près de 4 km par jour” Lorsque les ressources se font rares, par exemple pendant la saison sèche en Côte-d'Ivoire, les chimpanzés peuvent réduire leurs déplacements quotidiens ainsi que la taille des groupes et passer plus de temps à s'alimenter, se nourrissant le plus souvent d'aliments de faible qualité nutritive.‘ Comportement social IL n'est pas aisé de décrire un aspect du comportement et de l'écologie des chimpanzés indépendamment des autres. Peu de décisions semblent être prises au jour le jour par les chimpanzés en ne tenant compte que d'un seul facteur ; en effet, la personnalité de chaque individu, son histoire ainsi que les relations jouent un rôle crucial dans l'expression du comportement dans divers contextes. Les caractéristiques comportementales sont également très variées car les comportements sont plus complexes chez les chimpanzés que chez toute autre espèce animale non humaine. On a répertorié plus de 500 termes descriptifs de caractéristiques comportementales des chimpanzés de Mahale dont 200 étaient des caractéristiques observées aussi fréquemment chez Les humains et bonobos, tandis que près de 50 caractéristiques, courantes chez plusieurs popu- lations d'étude de chimpanzés, étaient absentes chez Les bonobos.'”* Voir Encadré 4.3 pour de plus amples détails sur les différences comporte- mentales entre Les populations de chimpanzés. Une communauté de chimpanzés est en moyenne constituée d'environ 35 individus, pouvant compter de 20 à 100 (et même parfois jusqu'à 130] individus. Des différences sociales existent apparemment entre chimpanzés occidentaux et orientaux : les populations occidentales sont en général moins violentes et plus enclines à former des groupes stables ainsi que des alliances femelles/femelles.’*#! |l existe toujours une dyna- mique flexible de fission/fusion, marquée par la formation des groupes transitoires constitués de différents individus. Ce système peut faciliter l'exploitation des ressources de diverses tailles, Saisons et lieux au sein du domaine vital de la communauté.'® La taille et la composition du LE CHIMPANZÉ { PAN TROGLODYTES) The Jane Goodall Institute (JGi] groupe sont influencées par la menace des prédateurs tels que l'homme, la présence d'autres espèces de mammifères ainsi que par la disponibilité et Les lieux où se trouvent l'eau, les sites de nidification'*?? et l'abondance de nourri- ture. Une étude des chimpanzés orientaux de la réserve forestière de Budongo a proposé de prendre en compte à la fois la dispersion et l'abondance de la nourriture dans l'évaluation de l'impact de l'alimentation sur les modes de regroupement.” Le rôle de la nourriture, en tant que facteur déterminant la taille des groupes, diminue avec l'abondance croissante de la nourriture. La présence des femelles ‘en oestrus ou ‘gonflées’, ayant un gonflement périnéal saillant autour de l'anus et de La vulve,” a plus d'influence sur la taille du groupe que la disponibilité alimentaire “102% De grands groupes de chimpanzés peuvent se former quand une femelle adulte ‘en oestrus est attirée par un autre groupe comprenant un mâle dominant, souvent accom- pagné d'un grand nombre de mâles adultes et adolescents, d'autres mâles rejoignant alors le groupe pour La retrouver.“ Dans les petites communautés, par contre, un seul mâle dominant peut chercher à séquestrer et garder des femelles ‘en oestrus’. Dans la communauté de grande taille de Ngogo dans le Parc National de Kibale où le nombre de mâles est très élevé, les mâles dominants font parfois front commun à deux ou trois pour empêcher les femelles ‘gonflées de s'accoupler avec d'autres mâles, tout en tolérant leur propre accouplement avec elles. D'après ces Le toilettage social est d'une importance capitale chez Les chimpanzés mâles. 67 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 68 Encadré 4.2 LA VISION CHEZ LE CHIMPANZÉ La vue est le sens qui s'est le plus développé au cours de l'évolution des primates. Faisant partie intégrante de La vie et de la culture du chimpanzé, elle Lui permet, entre autres, de manipuler Les outils de manière sophistiquée, de se nourrir, de reconnaître individuellement ses congénères et de communiquer avec eux. La vision et l'évolution des primates Les premiers primates sont issus de l'évolution de mammifères insectivores, il y a plus de 65 voire 80 millions d'années. Les théories relatives à La radiation adaptative subséquente des primates considèrent le développement d'une meilleure vision des couleurs comme une étape capitale à La base de laquelle se trouvent diverses explications. Le mode de vie arbori- cole présumé des premiers primates a amené les premiers chercheurs à penser que le milieu favorisait une dépendance accrue vis-à-vis de la vue et du toucher”? Par ailleurs, la convergence orbitale et La vision stéréoscopique, de même que les mains préhensibles ayant des ongles et non des griffes, seraient des adaptations particulières à La prédation à vue. Pendant la nuit, une acuité visuelle accrue permettrait de discriminer les sources de nourriture potentielles dans la canopée. La précision dans la coordination de la vue et du toucher permettrait également aux animaux d'opérer dans l'obscurité”? La locomotion aurait également été une force de sélection de la vision stéréoscopique chez les ani- maux arboricoles qui ont besoin de localiser avec précision Les branches d'arbre afin de sauter de l'une à l'autre” Aujourd'hui, c'est cette acuité visuelle accrue que les chimpanzés utilisent pour manipuler les outils. Vision des couleurs Les primates ont une bonne vision des couleurs contrairement à La plupart des mammifères. Chez les chimpanzés comme chez les autres grands singes et les singes de l'Ancien Monde, la vision des couleurs résulte de trois différents types de cônes de la rétine de l'œil.” Chaque type de photo-pigment absorbe une longueur d'onde lumineuse distincte; c'est une vision des couleurs de type trichromatique. Les primates trichromatiques font preuve d'une très grande discrimination de la partie rouge/vert du spectre contrairement aux primates ayant uniquement deux types de pigments (dichro- matique), ce qui a fait penser que la le trichromatisme aurait évolué pour permettre l'identification des fruits mûrs sur un fond de feuillage tacheté/” Les espèces trichromatiques sont en effet plus aptes à cette tâche que Les espèces dichromatiques.”*#* Le trichromatisme profite également au régime folivore” et son évolution aurait favorisé l'exploitation sélective des jeunes feuilles (souvent rouges dans les forêts tropicales] comme ressource alimentaire.* Signaux visuels et interactions sociales Les primates frugivores ont un cerveau volumineux avec plus de neurones dans le système parvocellulaire, ce qui constitue un bon moyen de traitement de l'information visuelle” Ce système analyse essentiellement des détails et couleurs dans leur finesse, supportant l'hypothèse de La sélection de l'aptitude à détecter les fruits basée sur ces signaux visuels spécifiques. La même tendance du système parvocellulaire s'observe également chez les primates des grandes communautés.’ ILest donc fort probable que les chimpanzés utilisent ce système visuel au cours des interactions sociales critiques telles que l'interprétation des expressions faciales et du sens du regard. Laptitude à reconnaître d'autres membres est primordiale dans l'établissement et l'évolution des systèmes sociaux chez les mammifères. Les chimpanzés sont aussi particulièrement aptes à identifier les relations mère/petit chez des individus inconnus uniquement grâce aux signaux visuels. La vision devient dès lors un outil de reconnaissance des liens de parenté, basé sur l'apparence physique indépendamment de l'expérience antérieure.” Cette aptitude est d'autant plus importante chez les chimpanzés que des individus ayant des liens de parenté sont parfois séparés les uns des autres pendant de longues périodes et que les alliances politiques se forment parfois en fonction des liens familiaux. Chez les chimpanzés, la vision joue un rôle communicationnel capital à La fois pour déterminer les expressions faciales et les bases gestuelles du ‘langage’. Cette importance se traduit par l'aptitude d'apprentissage et d'utilisation de centaines de ‘signes humains observée chez les chimpanzés. Certains chercheurs pensent même que le langage humain s'est développé à partir des gestes très fortement liés à La vision.” Alison Surridge observations, il semble que ces femelles sont apparemment si attirantes que la réaction des mâles prime sur toute autre considération dans leur prise de décisions. À l'âge de 10 ans environ, la jeune femelle chimpanzé commence son cycle menstruel qui a une périodicité d'environ 35 jours.'?*""*# Pendant la première phase (folliculaire] du cycle, les oestrogènes sont secrétés par le follicule de Graaf qui se forme - capsule qui protège l'ovocyte en formation. Ceci provoque de facon très visible le gonflement de la peau périnéale (‘sexuelle). Lorsque la production d'oestrogènes atteint son paroxysme juste avant l'ovulation, Le gonflement atteint également son niveau maximal ; il s'ensuit un changement dans le comportement et dans les relations avec les adultes mâles, et dans l'attrac- tivité de La femelle sur les mâles. Sous l'influence accrue des hormones, la femelle devient proceptive et recherche activement des contacts sexuels avec les mâles, comportement qui atteint son paroxysme pendant ou juste avant l'ovulation au plus fort du gonflement sexuel. Elle devient également récep- tive à l'intromission et accepte le maintien de la posture copulatoire jusqu'à la fin de l'éjaculation intra vaginale. La montée de la motivation sexuelle au milieu du cycle est conventionnellement appelée ‘oestrus chez les mammifères et est principale- ment provoquée par les oestrogènes ovariens. Chez les grands singes (et Les singes de l'Ancien Monde) pourtant, elle obéit à un contrôle social et neuro- endocrinien plus complexe ; le terme oestrus n'est donc pas tout à fait approprié. ** Après l'ovulation, le niveau d'oestrogènes baisse brusquement et Le corpus luteum (corps jaune) se forme à partir du follicule et commence à secréter la progestérone. En réaction, le gonfle- ment diminue et reste quiescent tout au long de la phase lutéale du cycle et de la menstruation qui s'ensuit. Une jeune femelle peut connaître de telles périodes régulières de gonflement et de procep- tivité sexuelle pendant des mois avant de concevoir son premier enfant ; cette période peut être capitale pour essayer de vivre dans plusieurs communautés avant de s'installer définitivement.” Tout cela contribue à l'expression de diverses formes sociales. On trouve généralement des mâles côtoyant des femelles dans des groupes mixtes alors que les femelles sont souvent seules ou en petits groupes de femelles. Les mâles s'associent étroitement entre eux, y compris pour le toilettage mutuel, mais les interactions sociales LE CHIMPANZÉ (PAN TROGLODYTES) entre femelles sont rares (ce qui contraste avec la pratique chez les bonobos).”* Selon des recherches plus spécifiques, les mâles adultes ne s'associent pas à des partenaires particuliers entre eux contrairement aux femelles non gonflées qui peuvent s'associer entre elles.’ C'est apparem- ment pour des raisons tactiques que les mâles choisissent les partenaires avec lesquels ils s'asso- cient ; le regroupement et Le choix d'un site pour se nourrir ne relèvent donc pas d'un hasard. !* Rien ne confirme de facon certaine que Les liens de parenté aient une forte influence sur les relations entre les mâles. *” Les interactions sociales sont généralement complexes, avec des degrés divers de coopération, de coalition et d'alliance. D'une manière générale, les juvéniles et adolescents ont tendance à rester avec leurs mères, mais au fur et à mesure qu'ils prennent de l'âge, les jeunes mâles s'associent plus aux mâles adultes tandis que les jeunes femelles restent le plus souvent près de leurs mères au début de l'adolescence avant de migrer dans d'autres communautés à la fin de l'adolescence.” Pendant plus de 80 années cumulées d'observation en Tanzanie des chimpanzés bien connus, on n'a vu aucun mâle quitter son groupe natal.” Cependant, les statistiques de 1976 à 1997 mettent en évidence des disparitions de mâles non adultes de leurs groupes natals à Bossou, ce qui pourrait être le fait d'une émigration plutôt que d'une mortalité.“ Dans le Parc National de Kibale, on a vu 35 mâles de la grande communauté de Ngogo s'assembler en deux sous-groupes où les membres restaient généralement très unis et Andrew Fowler Ce jeune chimpanzé du Nigéria-Cameroun restera dépendant de sa mère jusqu'à l'âge de cinq ans. 69 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Encadré 4.3 CULTURE DES CHIMPANZES convenu de mettre en commun leurs données, pour la première fois, en vue d'élargir leurs Jusqu'à la moitié du 20*"* siècle, nous ne savions connaissances sur les traditions locales. pratiquement rien du comportement des Dans la première phase, les directeurs de chimpanzés sauvages. Grâce à des études de sites ont suggéré certains types de terrain menées au cours des décennies suivantes comportements quils estimaient pouvoir dans divers sites d'étude à long terme, on a réalisé représenter les traditions locales, générant ainsi une revue générale de toutes Les variations une liste de 65 comportements possibles. Dans la comportementales des chimpanzés à travers deuxième phase, le chercheur principal de chaque (Afrique, un peu comme les anthropologues l'ont site attribuait à chaque comportement des codes fait pour Les sociétés humaines. On a découvertque spécifiques relatifs à cet endroit : courant (affiché les chimpanzés possèdent une culture riche et par tous les individus physiquement aptes complexe, restée insoupconnée avant le début de appartenant à au moins une catégorie de sexe ou ces travaux de terrain. d'âge), habituel [se produisant de facon répétée Les premières initiatives de recherche visaient chez plusieurs individus, pouvant se transmettre à identifier Les différentes habitudes alimentaires socialement}, où inexistant, ayant où non une des chimpanzés dans les deux sites de Gombe et explication écologique apparente (telle que | Mahale en Tanzanie” ainsi que leur comportement l'absence de la matière première appropriée). Sur social - poignée de mains au-dessus de la tête la base de cette dernière information, les pendant le toilettage - observé à Mahale mais pas à traditions putatives où les « variants culturels » Gombe.* Avec de nombreux travaux de terrain à ont été définis comme des types comporte- long terme permettant progressivement de mieux mentaux traditionnels ou habituels dans au moins connaître Les comportements locaux, Les une communauté de chimpanzés et inexistants chercheurs ont commencé à dresser des tableaux sans explication écologique dans une autre. Les comparatifs suggérant une longue liste de explications génétiques ont été également exclues différentes caractéristiques comportementales à suivant divers critères, y compris la proximité 9,83,15 travers l'Afrique” Toutefois, les conclusions géographique des variants comportementaux. étaient plutôt limitées, dans la mesure où ces Parmi les 39 variants identifiés, on peut citer différentes caractéristiques étaient uniquement la manipulation des outils, les techniques pour | basées sur des données publiées sur chaque site. traiter les ectoparasites, les comportements | À la fin des années 1990, les directeurs des sociaux, et les parades nuptiales. Cette complexité sites d'étude de long terme sur les chimpanzés ont contraste étonnamment avec ce qu'on croyait participaient aux patrouilles frontalières.’ Malgré Au sein d'une communauté de chimpanzés, il ce regroupement, on a noté un faible taux est rare d'assister à un comportement agressif d'agressions entre les membres des différents assez intense pour provoquer la mort d'un sous-groupes.” membre de la communauté. On a observé en Les patrouilles sont menées le long des Tanzanie La mort d'un mâle alpha ® ainsi que la frontières du domaine vital de la communauté par mort d'un jeune adulte mâle en Ouganda‘ En des groupes de mâles surtout adultes, et se soldent Tanzanie, un jeune adulte mâle a été violemment parfois par des attaques mortelles de membres des attaqué par d'autres mâles de la même communautés voisines, visant souvent les mâles et communauté, apparemment parce qu'il aurait les jeunes.” Ces raids permettent parfois à la adopté un comportement provocateur envers le communauté d'élargir son territoire, de protéger les mâle alpha et ses alliés. '* membres de la communauté et d'intégrer de Signalé au sein des populations de nouvelles femelles dans la communauté ; ces chimpanzés à travers l'Afrique, l'infanticide est nombreux avantages dépassent apparemment les néanmoins plus courant chez les chimpanzés risques inhérents à la conduite des patrouilles et à orientaux. Des cas d'infanticide ont été enregistrés l'attaque de leurs congénères. dans la réserve forestière de Budongo,*'””#* dans le 70 LE CHIMPANZÉ (PAN TROGLODYTES) savoir des traditions animales, à savoir qu'elles comportaient typiquement une seule variation comportementale. En plus, on a trouvé que chaque communauté possédait au moins 10 de ces traditions de sorte que si on en connaît suffisamment sur le comportement d'un chimpanzé sauvage, on peut lui assigner sa communauté uniquement sur la base de son profil culturel (voir tableau, tel qu'on le ferait pour les humains. En fait c'est l'expression de ces multiples traditions par chaque communauté qui justifie l'appellation «culture» chez les chimpanzés. IL s'agit précisément de cette multiplicité que nous identifions avec le phénomène de culture humaine, notre seul point de référence pour de telles comparaisons.” Cette procédure systématique à deux phases est actuellement appliquée dans le cadre du deuxième projet de collaboration sur les cultures des chimpanzés, qui analyse Les variants comporte- mentaux additionnels. Les aspects, tels que les styles de chasse et La consommation de viande, qui avaient été explicitement omis dans la première étude sont dorénavant pris en compte. La procédure s'applique également aux orangs-outans dans une initiative internationale similaire qui a identifié 19 variants culturels dont l'utilisation des outils et Les traditions sociales?! Il est clair que les variants se transmettent socialement chez les orangs-outans comme chez les chimpanzés. Premièrement, la similitude du profil comporte- mental général a une corrélation avec La proximité Parc National de Gombe,* dans Le Parc National de Mahale, #1 et dans le Parc National de Kibale.“#* lL'infanticide, généralement perpétré par les mâles, servirait à ramener La mère dans un état de fertilité et de réceptivité sexuelle plus tôt que prévu, augmentant ainsi Les chances du meurtrier d'être Le géniteur du prochain petit.” Les petits ainsi tués sont souvent mangés suivant l'habituel partage de la viande, *’# ce qui laisse croire que l'infanticide aurait parfois une motivation alimentaire (incluant aussi l'amélioration du statut social qui accompagne le contrôle de la ressource carnée).” Les cas d'infanticide observés dans la communauté de Mahale étaient toujours des victimes mâles non sevrés dont la mère s'était accouplée avec des adolescents ou des mâles non géographique, ce qui montre que les comportements se transmettent à partir du lieu où ils sont apparus pour la première fois Deuxièmement, plus les communautés ont des indices élevés de proximité sociale plus les répertoires culturels sont larges. Dans les sites où les grands singes passent plus de temps ensemble, ils ont plus de chance d'apprendre de nouveaux comportements les uns des autres, ce qui permet aux comportements de mieux se répandre au sein du groupe Ces découvertes sont d'une importance capitale tant en anthropologie qu'en conservation Du point de vue anthropologique, ce nouveau tableau nous permet de comprendre les origines de notre propre capacité culturelle exceptionnelle. L'ancêtre commun aux humains et aux grands singes d'il y a environ 15 MA aurait probablement exprimé des cultures comparables aux simples formes que nous observons aujourd'hui chez les chimpanzés et orangs-outans. Du point de vue de La conservation, il s'agit d'une situation tragique dans la mesure où nous risquons de perdre non seulement des sous-espèces de chimpanzés mais aussi et surtout, de facon imminente, leurs sous- cultures uniques. IL est à espérer que la vaste campagne de sensibilisation en cours sur cette grande richesse permettra de mobiliser les efforts de conservation. Andrew Whiten adultes.” on a également enregistré l'enlèvement de jeunes chimpanzés par des mâles, les petits non sevrés mourant généralement de faim. La motivation des mâles pour enlever des enfants pourraient être leur «possession » ou leur utilisation comme jouet, plutôt qu'un intérêt pour leur mort.” Bien qu'il s'agisse d'une cause importante de mortalité si l'on s'en tient aux statistiques,“ l'infanticide est loin d'être La norme et n'affecte guère les jeunes chimpanzés sevrés. Le toilettage mutuel est un acte social important chez les chimpanzés, notamment chez les mâles, dans la mesure où il joue un rôle capital dans la formation des relations et des alliances pouvant rehausser le statut des individus” Le toilettage se fait en groupe de 2 à 23 membres, 71 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 72 l'épouillage étant plus long chez les mâles adultes tandis que les femelles adultes s'épouillent en groupe allant parfois jusqu'à 5 individus.'* Une pratique de grattage social associée au toilettage a été observée dans le Parc National des monts Mahale ainsi qu'à Ngogo dans le Parc National de Kibale,”' mais ni à Gombe, ni à Kanyawara (Parc National de Kibale) ni ailleurs en Afrique de l'ouest. Les chimpanzés des communautés ayant eu des contacts fréquents avec les humains se comportent différemment de ceux qui rencontrent les humains pour la première fois. La rencontre des chimpanzés non habitués aux humains dans le triangle de Goualougo (Congo) a très souvent provoqué des réactions de curiosité. Lorsque les chimpanzés ont des expériences négatives avec les humains, les survivants ont tendance à être méfiants où agressifs envers ces derniers. Développement et reproduction Les chimpanzés sauvages ont un faible taux de reproduction. La femelle atteint La maturité sexuelle à l'âge de 10-13 ans et met normalement bas tous Les six ans. Le jeune reste très dépendant de sa mère pendant les cinq premières années. En général, l'espérance de vie à la naissance est de moins de 15 ans, tandis que l'espérance moyenne de vie adulte après la maturité sexuelle est en moyenne de 15 ans.* La femelle ne peut donc avoir que trois à quatre petits au cours de sa vie. Dans le Parc National de Tai, on a observé que les femelles dominantes consacraient deux ans de plus que la moyenne à s'occuper de leurs fils alors que les femelles subordonnées consacraient 11 mois de plus à s'occuper de leurs filles.“ Dans le Parc National de Gombe, les femelles de haut rang se reproduisent plus rapidement, leurs enfants ont un taux de survie très élevé, et Leurs filles grandissent plus vite./"* Les Jumeaux sont rares. Une seule naissance du jumeaux sur les 135 naissances enregistrées au cours des 29 années d'étude a été observée dans le Parc National des monts Mahale. La démographie des chimpanzés de Mahale a fait l'objet d'une étude approfondie.’ IL en ressort que la principale cause de mortalité est La maladie (48 %), suivie de la sénescence (24 %] et de l'agression entre congénères (16 %), et que la moitié des jeunes chimpanzés meurent avant le sevrage. Le cycle de vie normal d'une femelle est marqué par l'apparition d'un gonflement maximum pour la première fois à environ 10 ans, une émigration dans d'autres groupes de chimpanzés à l'âge de 11 ans, et La naissance de son premier petit vers 13 ans. La femelle est beaucoup plus féconde entre 20 et 35 ans, avec un taux de natalité de 0,2 par femelle par an. D'après une étude similaire réalisée à Bossou de 1975 à 2001, la moyenne d'âge de la première mise bas (environ 11 ans] s'est avérée plus bas que dans les autres communautés de chimpanzés, tandis que Le taux de survie des jeunes était plus élevé; ce qui revient à dire que la probabilité de reproduction au cours de la vie serait plus élevée à Bossou que dans tout autre site d'étude à long terme.” Les membres de chaque communauté s'accouplent ensemble, la paternité extra groupe étant un évènement mineur. Une étude menée dans le Parc National de Taï sur La base des marqueurs micro-satellitaires de l'ADN nucléaire et des observations du comportement a trouvé un seul cas probable de paternité extragroupe sur 14 naissances, soit une incidence de 7%.” Les femelles peuvent copuler avec plusieurs mâles au début de la période de réceptivité, mais lorsque la probabilité de conception atteint son maximum, on observe qu'elles s'accouplent de facon répétée uniquement avec des mâles adultes de haut rang.” Communication Les chimpanzés mâles adultes poussent souvent de forts hululements haletants quand ils arrivent à des arbres en fruits. Selon certaines hypothèses, ce comportement renseignerait sur Le statut social du chimpanzé qui appelle, plutôt que de servir les intérêts de ceux qui entendent les cris”! ou bien il viserait à nouer et garder le contact avec le groupe tout en recrutant des alliés. *’ Les jeunes mâles et les femelles, sont généralement plus calmes que les mâles adultes, probablement pour éviter d'attirer la compétition alimentaire ainsi que les mâles potentiellement agressifs.“ Les plus jeunes mâles rejoignent néanmoins souvent Le mâle alpha dans un chœur de hululements haletants, semblant harmoniser leurs vocalisations dans des sonorités similaires." Les cris varient géographiquement, probablement à cause de certains facteurs tels que l'acoustique de l'habitat, Le bruit de fond des sons produits par la faune sauvage locale, ainsi que la taille de leur corps.” D'autres vocalisations comprennent des aboiements dans des contextes spécifiques tels que la chasse et les cris d'alarme relatifs aux serpents, ainsi que des combinaisons d'aboiements avec divers types de cris et de tambourinage.” LE CHIMPANZÉ [ PAN TROGLODYTES) Variation culturelle chez Les chimpanzés dans les sites de travaux à Long terme Distribution dans les six sites de travaux à très long terme des 38 caractéristiques comportementales répondant aux critères dits traditionnels ou habituels dans une communauté au moins, et absents sans | Traditionnel : se justification écologique évidente dans au moins une autre. manifeste chez presque tous les membres Bossou Kibale Budongo Forêt Mahale Gombe de Tai : Côte moins une classe d'âge/de Guinée Ouganda d'Ivoire {physiquement valides) d'au sexe ) (©) e = = [| = © = O ee © 5 © © = = © Pilage (écraser la couronne du palmier avec le pétiole) (ex. mâles adultes). Danse de la pluie {lente parade au début de La pluie] @ hHabituel : se manifeste plusieurs fois Pierre contre pierre (casse-noix, marteau de pierre sur une enclume de pierre) Pierre contre bois (casse-noix, marteau de pierre sur une enclume de bois) u chez plusieurs individus Bois contre bois (casse-noix, marteau de bois sur une enclume de bois) selon un certain degré de Bois contre pierre (casse-noix, marteau de bois sur une enclume de pierre) transmission sociale. © Bois contre autre [casse-noix, marteau de pierre sur Le sol, etc.) Pilage sur bois (pilage de nourriture sur du bois (écraser la nourriture] © Présent : ni traditionnel ni habituel, @)K2)K2)K2)K 22122122 L D) 1612100100 I681Q Pilage sur autre chose (pilage de nourriture sur autre pierre) mais clairement identifié. O Levier (morceau de bois utilisé pour agrandir une ouverture] ) O Expulser/remuer [bâton utilisé pour expulser où remuer les insectes) = ER ; © Impossible : Pêche de termites-M (pêcher les termites à l'aide de nervures de feuilles) © ÿ = l'absence peut s'expliquer Pêche de termites-S [pêcher termites à l'aide d'éléments non issus de feuilles] ; par les traits écologiques O @)K21K2) Extraction de liquide (extraire le liquide à l'aide d'une sonde) O|O 6221 locaux. ( Bain parasiticide pour fourmi (bâton utilisé comme bain parasiticide sur Les fourmis) O © Absent : non enregistré et sans Pêche de fourmis (sonde utilisée pour extraire Les fourmis] ( Ramassage des fourmis (recueillir Les fourmis sur un bâton à l'aide de La main) Lancer orienté {lancer un objet dans une direction précise) justification écologique ER PA = évidente. Pic à moelle (sonde utilisé pour extraire la moelle osseuse] O|[0|#/010\s O|O|[0|0/O\ Sonde à abeilles (paralyser les abeilles avec un coup de sonde) ? Inconnu: non O O Frappe de l'index (écraser l'ectoparasite sur Le bras] ’ ; enregistré, sans doute à O Chasse-mouche [touffe de feuilles utilisée pour chasser les mouches) Cause de l'insuffisance des, O6 554 O[O Pliage d'arbuste (écraser des objets sous Le pied, courtiser) opportunités d'observation )1@|0{( O pertinentes. ( Épouillage de feuilles (toilettage intense des feuilles) Déchiquetage de feuille avec La bouche ([déchiqueter une feuille avec la bouche] Arrachage de feuille avec les doigts (arracher une seule feuille à l'aide des doigts) One verene EE SES = = = absente et une autre Application de feuille (appliquer une feuille sur une plaie) n'était jamais courante Feuille utilisée comme serviette [feuilles utilisées pour se nettoyer Le corps] dans les six sites les os: #eœ0m0\0 Arrachage de feuilles (arracher les feuilles d'arbres en guise d'intimidation] eux ducs té Et @) Inspection de feuilles (rechercher les ectoparasites sur la feuille) Ecrasement de feuilles (écraser les ectoparasites sur la feuille) © Nature, une adaptation de Whiten, A. et al., (1999) Nature 399 : 682-685, avec permission. Pour tous Agitation de branches (remuer Les branches bruyamment pour attirer l'attention] O\@ 0 Végétation servant de siège {s'asseoir sur de larges feuilles étendues par terre) @) Chatouilles personnelles (se chatouiller soi-même avec des objets) détails supplémentaires, y Claque sur Les branches (frapper sur des branches pour attirer l'attention) compris sur les sites les Poignée de mains {s'attraper Les mains au-dessus de la tête au cours du toilettage) moins étudiés (Mont Cognement des articulations de doigts (pour attirer l'attention] Assirik, Lopé]), voir Whiten, A., et al., 1999, 2003. O|010[m/0/0/[0|0\# 0202/8210 m@ © 000 0 Om m10/0/0/@/::--10|0 0|[0\ ==: @,0 0108 0 0,808 m0 00/00 0[0|0|#1#0 0m mn 0e: O|0/0\m/0 0m 0|0|0/00|0|s @H 0 m4 008 0000 00e. O|0\m| 0 Gourdin (frapper fort avec un gourdin] 73 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 74 Manipulation d'outils La manipulation d'outils est répandue dans les communautés de chimpanzés dans toute la zone de répartition géographique de l'espèce. Une grande diversité d'outils est utilisée pour réaliser des tâches diverses. Tout comme les humains, les chimpanzés semblent être, en majorité, droitiers. On estime que les outils Les plus importants chez les chimpanzés sont ceux qui sont utilisés pour se procurer les aliments et inspecter le milieu (dont l'extraction, la sonde et le pilage), de moindre importance sont ceux utilisés dans les charges {y compris celles intervenant dans la communication ainsi que l'agression des congénères et d'autres espèces comme le léopard) et, dans une moindre mesure, pour leur propre toilettage corporel.” Les différentes communautés de chimpanzés ont des répertoires d'usage d'outils qui leur sont propres, certaines utilisant peu d'outils par rapport à d'autres.” On a observé chez Les chimpanzés de Taï 28 types de manipulations d'outils sur les 42 recensés dans l'aire de distribution de l'espèce, contre 17 à Gombe et 13 à Mahale {voir encadré sur les variations culturelles).*?7 On a observé chez Les chimpanzés de Tenkere, Sierra Leone, l'utilisation de bâtons pour pêcher les fourmis ; en général, la longueur moyenne de la baguette y était un peu plus longue qu'en Guinée, qu'au Sénégal et qu'en Tanzanie, et bien plus longue qu'en Côte-d'Ivoire! En Guinée, cette longueur est déterminée par les attributs de la proie, Les plus longs outils étant utilisés dans des conditions à plus hauts risques (ex. aux abords des nids de fourmis ou face à l'agressivité de fourmis noires Dorylus]. Ici deux techniques ont employées : le léchage direct, qui consiste à manger les fourmis à même la baguette, et le ramassage qui consiste à recueillir Les fourmis en passant La main le Long de la baguette et manger la poignée ainsi recueillie." * L'usage d'outils similaires a été observé au sud-ouest Cameroun,” ce qui indique une plus large distribution de la manipulation générale d'outils qu'on ne Le pensait auparavant. L'utilisation des outils pour pêcher les fourmis a été observée pour la première fois dans La réserve forestière de Kalinzu en Ouganda.” En Guinée Equatoriale, on a vu des chimpanzés perforer des termitières à l'aide de bâtons pour ensuite recueillir Les termites dans La main.” Tous les jeunes chimpanzés passent beau- coup de temps à jouer et à apprendre entre eux, même si on note apparemment des différences liées au sexe en matière d'apprentissage. Une étude sur l'acquisition des techniques de pêche de termites dans le Parc National de Gombe a révélé que les jeunes chimpanzés acquièrent en cinq ans La technique de pêche de termites.” Pourtant, les femelles apprennent à pêcher Les termites deux ans environ avant les mâles. Après l'acquisition des techniques, les femelles sont plus aptes que les mâles ; contrairement aux jeunes mâles, toute jeune femelle emploie une technique semblable à celle utilisée par sa mère. Les mâles passent plus de temps à jouer” et, là aussi, des différences culturelles se manifestent. Certains jeux sont connus uniquement dans des localités spécifiques, comme des tas de feuilles tirés en descendant une pente, observé uniquement au Parc National des monts Mahale ” Ce jeu consiste à marcher à reculons en raclant très bruyamment un tas de feuilles mortes des deux mains (note des relecteurs : ce jeu est aussi observé dans La communauté de Kanyawara, S. Krief, comm. pers). En Sierra Leone, on a vu des chimpanzés utiliser des « sandales » (baguette placée au- dessous du pied) et des « sièges » (baguettes tenant lieu de siège] pour éviter les blessures causées par des épines lorsqu'ils cherchent à se nourrir des fleurs de kapok (Ceiba pentanara, Bombacaceae)]./ En Guinée, on a observé un chimpanzé assis sur un coussin en feuilles de carapa (Carapa procera, Méliaceae), apparemment pour éviter de s'asseoir à même Le sol humide.'” Au mont Assirik, on a vu des chimpanzés se servir de pétioles de feuilles pour extraire les termites (Macrotermes subhyalinus), de bâtons pour extraire du miel, et de pierres (servant probablement de marteau) pour casser des fruits du baobab (Adansonia digitata, Bombacaceae).” En République Centrafricaine, une femelle chimpanzé s'est servie d'un gros morceau de bois mort comme outil de pilonnage pour percer une ruche d'abeille mélipone afin d'en extraire Le miel.‘ En Gambie, on a observé un chimpanzé utiliser plusieurs fois un jeu de quatre types d'outils différents, chacun ayant une fonction précise, pour extraire le miel de La ruche d'une souche d'arbre mort.” Des observations similaires ont eu Lieu au Congo.* Dans la Forêt Impénétrable de Bwindi en Ouganda, on a observé des chimpanzés se servir de deux types d'outils pour extraire Le miel : un bâtonnet pour des cavités d'arbre et des trous souterrains habités par des abeilles sans dard (Meliponula bocandei ; et des outils plus larges, plus épais servant à extraire le miel produit par l'abeille africaine (Apis mellifera).” Les chimpanzés utilisent également des outils pour casser des noix, comportement qui a été documenté en Sierra Léone dès Le 16°"* siècle.“ À Bossou, ils utilisent des outils pour casser des noix de palme. Des récentes études'** ont révélé que des détails caractéristiques de certaines populations en matière d'utilisation d'outils ne pouvaient pas se justifier simplement par des différences écologiques ; en effet, il s'agissait des différences culturelles non liées à l'écologie (Encadré 4.3]. Les animaux apprennent ces techniques à l'âge de trois à cinq ans, âge auquel les juvéniles sont les plus susceptibles à goûter les nouveaux types de nourriture disponibles. On a vu les chimpanzés du Parc National d'Odzala-Koukoua utiliser les tiges de carex (Cyperaceae) pour recueillir Les algues à la surface de l'eau de l'étang.” L'utilisation de « feuilles- éponge » pour recueillir et boire l'eau des creux d'arbres a été observée dans la plupart de sites d'étude à long terme.” À Bossou, les chimpanzés utilisent des feuilles pliées, notamment celles de Hybophrynium braunianum (Marantaceae), pour recueillir l'eau à boire dans les creux naturels des arbres.” En Tanzanie, on a observé des chimpanzés utiliser une sonde nasale provocant l'éternuement, sans doute pour nettoyer Les cavités nasales. “1” On a aussi vu un chimpanzé enfoncer un bâton dans un petit trou d'arbre pour lever un écureuil dans sa cachette ; ce dernier a ensuite été capturé et dévoré.!"? Un autre chimpanzé tanzanien, quant à lui, a été vu avec un collier’ autour du cou, fait d’un morceau de peau de colobe bai, avec un seul nœud, sans être sûr que ce collier ait été noué par le chimpanzé.'°* CONSTRUCTION DES NIDS Les chimpanzés construisent leurs nids chaque nuit, généralement dans les arbres. Ils utilisent de grosses branches ou fourches pour former la structure avant de plier et casser ensuite des branches latérales pour tisser une plateforme en y ajoutant parfois une seconde couche” dÎls construisent aussi parfois des nids pendant le jour pour se reposer généralement dans les arbres mais parfois à même le sol” Ils peuvent construire jusqu'à 10 nids dans un seul arbre, d'espèce variable selon Les différentes régions. En Afrique de l'ouest, LE CHIMPANZÉ [PAN TROGLODYTES) les espèces les plus sollicitées sont le ‘sassy’ (Erythrophleum suaveolens, Légumineuse) et le palmier à huile.'® C'est le Cynometra alexandri (Legumineuse) qui est l'espèce la pius utilisée dans la réserve forestière de Budongo où on a trouvé que les nids diurnes avaient une structure plus simple Maniement des outils pour casser des noix à Bossou en Guinée (ci- dessus), et pour pêcher des fourmis dans le Parc National de Taï en Côte d'Ivoire (ci-dessous). 75 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 76 Encadré 4.4 LA DISPERSION DES GRAINES PAR LES CHIMPANZES L'interaction espèces à fruits/vertébrés qui interviennent dans la dispersion des graines attire de plus en plus l'attention des écologistes, ce qui confirme l'idée selon laquelle la conservation effective des forêts tropicales passe nécessaire- ment par les frugivores qui assurent La dispersion des graines. Les chimpanzés ont toujours une prédilection pour les fruits tout au long de l'année, Dispersion des graines dans Les selles de chimpanzé, dans la réserve de Bafing au Mali. lan Redmond que les nids nocturnes et qu'ils étaient construits dans les arbres d'alimentation à la hauteur de l'activité alimentaire.“ Dans La réserve forestière de Kalinzu qui abrite peu de carnivores, de nombreux nids nocturnes sont logés sur des branches basses. Dans certaines zones, ils sont assez souvent construits à même le sol, notamment à Bili au nord de La RDC et dans les monts Nimba en Guinée.“ RÉPONSES À LA PERTURBATION DE L'HABITAT Les chimpanzés sont des animaux robustes ayant une grande facilité d'adaptation et ont de loin La plus grande distribution géographique et écologique de tous les grands singes, voire de tous les primates autres que les humains en Afrique, si l'on excepte l'espèce de babouin la plus répandue. On ne saurait donc s'attendre à ce que les chimpanzés soient particulièrement sensibles à une perturbation faible consacrant ainsi jusqu'à 98 % de leur temps de nutrition à la recherche des fruits dans tous les sites d'études. Par rapport aux petits frugivores, les chimpanzés ingèrent une plus grande quantité de fruits et de graines par repas tant en valeur relative qu'en valeur absolue. Les chimpanzés représentent moins de 2 % des populations (près de 14 % de la biomasse) de primates frugivores en Ouganda, pourtant ils sont responsables de La dispersion de 45,3 % des graines déféquées.” Ce degré élevé de frugivorie est peu ordinaire chez un si grand mammifère, mais il est bien caractéristique de la lignée de cette espèce et de la structure de son système digestif qui, comme chez tous les grands singes, comprend un simple estomac globulaire sans aucun méca- nisme de digestion fermentative. On retrouve également ce système de digestion chez les singes cercopithèques tels que le macaque, la guenon, le mandfrill, le mangabey, le patas et le babouin. L'animal est ainsi contraint de manger des aliments ayant de faibles concentrations de toxines où d'inhibiteurs de digestion, tels que les tanins et Les fibres. Dans la nature, ces aliments comprennent des fruits, des graines, des parties tendres des plantes, et des animaux. Les plus grands singes que sont les orangs-outans et Les gorilles peuvent vivre d'aliments de faible valeur nutritive dans cette gamme, par exemple l'écorce ou modérée de l'écosystème telle qu'à la suite d'une coupe sélective ou de l'installation par endroits d'une faible densité de paysans. Par conséquent, les populations de chimpanzés survivent tout à fait dans des forêts ayant connu une exploitation légère à l'instar de la réserve forestière de Kalinzu en Ouganda.*”’ Néanmoins, l'exploitation n'étant pas aussi bénigne dans toutes les forêts, de nombreuses études ont indiqué une baisse significative des populations de chimpanzés dans les forêts exploitées comparativement aux zones non exploitées telles que Les réserves forestières de Kalinzu, °° d'Ituri,? et de Budongo.."? Certains groupes ont pu survivre, ne serait-ce que temporairement, dans des zones déboisées et converties par la suite presque entièrement aux activités agricoles ; Les chimpanzés les traversent pour se rendre dans les petites parcelles de forêts LE CHIMPANZÉ [ PAN TROGLODYTES) et les végétaux herbacés, contrairement aux chimpanzés qui restent frugivores et carnivores Avec une bouche large, une denture robuste et une grande dextérité manuelle, le chimpanzé n'a | pas besoin de se spécialiser dans des fruits d'une taille spécifique. En effet, le chimpanzé mange des fruits entiers, avalant même intacts les graines de beaucoup d'espèces. Ces graines traversent l'estomac pratiquement sans aucune transfor- mation chimique où physique et sont parfois déféquées telles quelles.” Pour certains fruits, Le passage des graines à travers le tube digestif accroît le taux de germination. Tous ces facteurs font du chimpanzé un excellent agent de dispersion des graines, et son comportement renforce bien ce rôle. Habituellement, les chimpanzés se déplacent sur de longues distances chaque jour, évacuant leurs selles comprenant des graines à travers la forêt, ce qui facilite Le transport des graines sur une longue distance et La dispersion des graines sur une grande surface. Ce type de dispersion est indispensable pour des espèces d'arbres telles que le Mimusops bagshawei (Sapotaceae] qui se régénère très difficilement à proximité de l'arbre d'origine, mais produit des plants viables sous d'autres espèces arbres.“ La plupart des graines disséminées par les chimpanzés sont soit mangées par les rongeurs ou les insectes, soit anéanties par des agents pathogènes [en particulier les champignons) ais ces pressions sont particulièrement bien plus fortes pour des graines qui sont dispersées non loin de l'emplacement de l'arbre d'origine Les graines, non ingérées immédiatement, peuvent germer sur place ou être disséminées ultérieurement, surtout par des bousiers, et germer ailleurs. Les graines en germination font ace à une cascade d'autres agents destructeurs, en particulier Les animaux herbivores. Cependant, lorsqu'il existe une percée dans la canopée orestière, certaines graines d'origine finissent par germer, se développer en plants et ensuite en arbres Comme corollaire de leur comportement lié à la recherche de la nourriture, Les chimpanzés assurent la dispersion effective des graines sur un grand rayon. Cette diffusion de nombreuses graines de multiples espèces à travers l'habitat tout au long de l'année est indispensable pour le maintien de l'hétérogénéité de La forêt ; c'est pour cette raison que les chimpanzés sont considérés comme une espèce clef de voûte des écosystèmes forestiers. La réduction de leur nombre risque donc de déstabiliser la compo- sition et La structure des forêts tropicales James V. Wakibara restantes en pillant les cultures des paysans.“ Dans le Parc National de Kibale, des chimpanzés ont été trouvés dans neuf des 20 fragments de forêts en 1995, mais on a noté que c'est grâce à leur très vaste territoire qu'ils ont pu occuper ces fragments de forêt.” Dans la région d'Ugalla, la survie des chimpanzés est menacée par la coupe sélective des arbres de l'espèce Pterocarpus tinctorius {Légumineuse) qui fournit d'importantes sources de nourriture : des fleurs en mars, des graines en juillet et de jeunes feuilles de septembre en novembre. "2" À l'ouest de La Tanzanie, les prati- ques de l'agriculture itinérante, les feux de brousse incontrôlés et la fragmentation de l'habitat étaient les principales menaces de la survie des populations de chimpanzés hors des aires protégées. Cläudia Sousa Les nids de chimpanzés sur des palmiers à Tombali, caractéristiques de La zone côtière de Guinée Bissau. 77 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 78 Tableau 4.2 Récapitulatif des données démographiques des chimpanzés” Central Occidental Oriental Nigéria- Cameroun Angola 200-500 0 0 0 Bénin 0 disparu 0 0 Burkina Faso 0 disparu? 0 0 Burundi 0 0 200-500 0 Cameroun 31 000-39 000 0 0 3 000-5 000 RCA 800-1 000 0 inconnu” 0 Congo 10 000 0 0 0 Côte d'Ivoire 0 8 000-12 000 0 0 RDC disparu? 0 70 000-110 000 0 Guinée-Équatoriale 1 000-2 000 0 0 0 Gabon 27 000-64 000 0 0 0 Ghana 0 300-500 0 0 Guinée 0 8 100-29 000 0 0 Guinée-Bissau 0 600-1 000 0 0 Libéria 0 1 000-5 000 0 0 Mali 0 1 600-5 200 0 0 Nigéria 0 non confirmé® 0 2 000-3 000 Rwanda 0 0 500 0 Sénégal 0 200-400 0 0 Sierra Leone 0 1 500-2 500 0 0 Soudan 0 0 200-400 0 Togo 0 disparu 0 0 Ouganda 0 0 4 000-5 700 0 Rép. Unie de Tanzanie 0 0 1 500-2 500 0 Total 70 000-117 000 21 000-56 000 76 000-120 000 5 000-8 000 a forestières d'Ejagham et de Takamanda au Cameroun qu'on trouve une importante population. Données compilées par Butynski, T.M. (2003) ; ” Voir chap. 16 pour de plus récentes estimations au Cameroun, Ghana, | Mali, et Nigéria, ainsi que des informations supplémentaires sur les populations nationales. Interactions avec d’autres animaux Les chimpanzés coexistent avec les gorilles occidentaux (Gorilla gorilla] dans certaines régions {par exemple, au Parc National de la Lopé au Gabon}, en dépit de leurs régimes alimentaires similaires. Mais leurs principales ressources alimentaires diffèrent et ils ont tendance à éviter Le contact entre eux” {voir Encadré 8.1). Les chimpanzés et les babouins vivent souvent ensemble dans les zones sèches dans l'aire de répartition du chimpanzé. Dans un cas bien étudié dans le Parc National des monts Mahale, les chimpanzés se nourrissent de fruits mûrs, surtout de ceux ayant une haute valeur calorique,“ que ‘Inconnu’ signifie que la taille de La population n'est pas connue ; | ‘Non confirmé’ signifie que l'existence d'une population n'est pas prouvée. Comme l'indique le tableau, Le chimpanzé du Nigéria/Cameroun est de loin Le plus rare. C'est dans Les réserves certains babouins (Papio cynocephalus| consom- ment également verts.“ Le nombre de babouins a augmenté et ils ont considérablement élargi leur territoire à la suite du départ des populations humaines de la zone du parc en 1975, réduisant ainsi La probabilité pour Les groupes de chimpanzés locaux de trouver des fruits mûrs : la réaction des chimpanzés a été d'occuper ces zones et d'exploiter de nouvelles sources alimentaires, à de plus hautes altitudes qu'auparavant.” On a vu des chimpanzés de Mahale manger des babouins au moins une fois. Les colobes bais du Parc National de Taï montrent des tactiques anti-prédatrices lorsque les chimpanzés sont proches, se dissimulant silencieusement au sommet des arbres à l'abri des dangers du sol de la forêt. Cependant, en d'autres circonstances, ils se déplacent en se rapprochant davantage des groupes voisins de cercopithèques (Cercopithecus dianal, car ces derniers sont des sentinelles efficaces annonçant l'approche des prédateurs terrestres.” En Ouganda, on a vu des colobes bais s'associer à plusieurs autres espèces de singes dans des zones de forte densité de chimpanzés, sans doute pour la même raison.” En Ouganda, les chimpanzés chassent également les colobes guereza (Colobus guereza] dont la densité est beaucoup plus faible dans les zones d'activités des chimpanzés qu'en dehors de ces zones.” En face des chimpanzés, les guereza semblent réagir différemment par rapport au colobe bai : ils restent silencieux et s'enfuient au sol." En Guinée, on a pu observer des chimpanzés capturer et jouer avec des damans (Dendrohyrax dorsalis), sans les manger ni Les traiter comme des proies.” De même, on a vu à Mahale un chimpanzé traiter un écureuil comme un jouet, lui faisant des grimaces avant de l'abandonner dès sa mort.” En Ouganda, on a assisté à une association pacifique entre un chimpanzé et un galago de Thomas (Galago thomasi), ce dernier s'étant couché dans Le nid du premier.” De 1985 à 1990, dans le Parc National de Tat, on a observé 29 interactions entre léopards et chimpanzés parmi lesquelles 4 chimpanzés au moins ont été tués, les léopards étant apparem- ment la principale cause de mortalité dans cette zone.” On a également trouvé dans la réserve de Petit Loango au Gabon un chimpanzé mort, probablement tué par un léopard.” Cependant, Les attaques ne sont pas toujours à sens unique. En Tanzanie, un groupe de 33 chimpanzés a encerclé une mère léopard et son petit dans leur tanière, puis enlevé et tué le petit,” tandis qu'en Ouganda c'est un petit groupe de chimpanzés qu'on a vu chasser un léopard.” Dans le Parc National des monts Mahale, on a découvert en 1989 des preuves que des Lions ont dévoré des chimpanzés? En dehors de ceux ayant subi une habituation, les chimpanzés ont généralement peur en face des humains. Récemment dans le Parc National de Gombe (2002) et près de Kibale (2000), Les chimpanzés ont occasionnellement attaqué et tué des enfants humains. Ce phénomène, de l'avis de certains primatologues, relève de l'instinct prédateur des chimpanzés plutôt que de la motivation infanticide qui les pousse parfois à LE CHIMPANZÉ { PAN TROGLODYTES) Chimpanzés occidentaux en train de grimper à un arbre, Côte-d'Ivoire. IKka Herbinger/Wild Chimpanzee Foundation (WCF] Elizabeth A. Williamson Ce jeune chimpanzé d'Afrique centrale est ligoté dans Le sac à dos traditionnel du braconnier qui a tué sa mère, Cameroun. 79 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 80 Encadré 4.5 RÉINSERTION DES CHIMPANZÉS ORPHELINS En 1989, Aliette Jamart a mis sur pied un projet intitulé Habitat Écologique et Liberté des Primates (HELP Congo), visant le relâcher de chimpanzés, rescapés du circuit de commerce de la viande de brousse, dans leur milieu naturel. La zone d'activités de ce projet est le Parc National de Conkouati-Douli au Congo Depuis le départ, le projet avait pour but de suivre les directives de réinsertion des primates de l'UICN et d'évaluer les facteurs de succès et/ou d'échec à court, moyen et long terme. Voici récapi- tulées, les principales étapes du projet HELP : M 1989: Troisiles de la lagune de Conkouati sont considérées appropriées pour la création du sanctuaire des orphelins du projet HELP ; M 1990 : Le sanctuaire recoit son premier groupe de chimpanzés en provenance de Pointe Noire ; M 1992. Les premiers contrôles médicaux préliminaires sur les groupes de chimpanzés captifs et semi captifs du sanctuaire sont effectués par Marc Ancrenaz en collaboration avec le Centre International de Recherches Médicales de Franceville (CIRMF]) au Gabon: M 1994: Une évaluation de Caroline Tutin pour le compte de l'UICN est effectuée en vue de réaliser l'étude de faisabilité de libération des chimpanzés dans la zone de Conkouati (deux sites identifiés) : M 1995: Un deuxième examen médical, effectué sur ce groupe par Marc Ancrenaz du CIRMF déclare les chimpanzés concernés exempts de maladie et prêts pour la mise en liberté ; M 1996: Une deuxième évaluation de lUICN, réalisée par Caroline Tutin et Le botaniste Paul Sita dans les sites potentiels de libération, permet de sélectionner le Triangle’ - zone entourée par des fleuves contigus au Parc National de Conkouati ; Joanna Setchell and Benoît Goossens/HELP International Un chimpanzé d'Afrique centrale, mâle de six ans, sortant de la cage au moment du relâcher. M 19% .Le premier groupe de chimpanzés est libéré après un dernier bilan sanitaire et la fixation de colliers émetteurs; M 1996-2000: Au total, sept lâchers de 37 chimpanzés dont 10 mâles et 27 femelles ont été réalisées [voir tableau) Le projet HELP se consacre de préférence au relâcher des chimpanzés femelles, bien acceptées par les mâles sauvages, et pouvant continuer à se reproduire avec succès dans la nature. La capture des chimpanzés au sanctuaire, leur transport au site de libération, et leur lâcher dans un nouvel habitat inconnu peuvent stresser énormément les animaux. Pour minimiser ce stress, on injecte une combinaison d'agents anesthésiques, ‘ketamine’ et medetomidine', pour rendre les animaux incon- scients pendant le trajet jusqu'au site de libération et leur réveil dans leur cage dans l'île de Triangle. La cage n'est ouverte que lorsque les chimpanzés déjà libérés sont proches de la cage que les nouveaux arrivants sont pleinement conscients. Monitoring post-relâcher Après leur mise en liberté, les chimpanzés sont suivis au quotidien, de-nid à nid, pendant une LE CHIMPANZÉ ( PAN TROGLODYTES) période d'acclimatation allant de quelques semaines à plusieurs mois suivant l'individu. Actuellement, Le taux de mortalité est de 14 %, Le taux de survie de 62 % et Le taux de disparition de 24%. Les chimpanzés mâles lâchés, pouvant parfois être attaqués par les mâles sauvages, sont ainsi suivis du matin au soir. Les femelles sont localisées quotidiennement, mais ont tendance à quitter La zone de monitoring en période d'oestrus. On pense en effet qu'elles socialisent avec les mâles sauvages pendant cette période. À titre d'exemple, Bonnie était absente pendant six mois mais est revenue avec son petit ; Rosette n'a pas été vue pendant 18 mois, mais a passé 15 jours avec des chimpanzés sous surveillance; Matalila s'est absentée pendant 11 mois avant de rejoindre son groupe d'enfance ; Massabi et Mossendjo n'ont été retrouvées que 2 mois et demi après leur mise en liberté dans une zone marécageuse où elles parcouraient de longues distances. Seule Massabi portait un collier émetteur et lorsqu'elle s'est égarée en mai 2003, on a perdu les traces des deux chimpanzés. Ce n'est qu'en janvier 2004 qu'on a revu Massabi en compagnie d'un mâle sauvage. D'après Le suivi des chimpanzés libérés, il n'est pas conseillé de lâcher des mâles dans des sites où il y a des chimpanzés sauvages, le risque que ces derniers les tuent étant trop important. Les relâchers se passent mieux lorsque les chim- panzés sont transportés sous anesthésie et libérés dès leur réveil. Même si la réintroduction n'est pas l'unique solution possible face à la surpopulation des chimpanzés dans les sanctuaires, elle reste un outil potentiel. Toutefois, la priorité en matière de conservation des chimpanzés consiste à protéger leur habitat et réduire la pression de la chasse. Aliette Jamart et Benoît Goosens Méthodes de mise en liberté et problèmes rencontrés Date Numbre d'animaux libérés Transport jusqu'au État Problèmes {male, M; femelle, F] site de relâcher pré-relâcher post-relâcher 1996 5 (1M, 4F) Cage flottante ; Cage flottante RAS animaux conscients 1997 2 (2F) Cage flottante ; Lâcher direct Animaux paniqués animaux sous anesthésie et en fuite 1997 8 (2M, 6F] Barque ; Cage de lâcher Animaux traumatisés animaux sous anesthésie par les conditions de captivité 1999 5 (2M, 3F) Barque ; Cage de lâcher Animaux traumatisés animaux sous anesthésie par Les conditions de captivité 2000 4 (1M, 3F) Barque ; Cage flottante RAS animaux sous anesthésie jusqu'à l'état de conscience au site de lâcher 2001 1 (M) Barque Lâché directement dans RAS un groupe trouvé sur place 2001 12 (3M, 9F) Barque cage flottante jusqu'au RAS réveil au site de lâcher 81 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 82 Encadré 4.6 HABITUATION DES CHIMPANZES AU TOURISME Classé en 1993 et géré par l'Uganda Wildlife Authority (UWA)] où Agence Ougandaise de la Faune, le Parc National de Kibale couvre une superficie d'environ 795 km° constituée de forêts sempervirentes humides, de forêts secondaires, de marécages à papyrus et de plantations de bois tendre exotique, et est entouré par une population humaine à forte densité. Il constitue Le plus important habitat des chimpanzés de l'Est en Ouganda et abrite, avec ses quelques 1400 individus, plus du quart du peuplement du pays. 2! Trois communautés ont été soumises à un projet d'habituation : Kanyawara et Ngogo pour des programmes de recherches comporte- mentales, et Kanyanchu pour le tourisme. C'est vers la fin des années 1980 que les potentialités du tourisme des primates au sein du Parc National de Kibale ont été reconnues. Un système de layons a été mis en place dans le territoire central des chimpanzés en vue de les localiser et de suivre la disponibilité de leurs fruits préférés. En 1991, le centre d'accueil de Kanyanchu a été ouvert aux touristes avec La possibilité de parcourir Les layons forestiers et voir des chimpanzés et autres primates. La variation considérable de la probabilité de voir des chimpanzés a conduit à la création en 1997 d'un projet visant à relever Le niveau d'habituation et à permettre d'accroître Les chances des touristes de voir Les chimpanzés. C'est à cette fin que ce projet, fruit d'une collaboration entre lUWA et l'Institut Jane Goodall en Ouganda, a été créé. Habituation au tourisme Le projet visait l'atteinte d'un niveau d'habituation permettant aux chimpanzés d'être suffisamment en confiance en présence des humains de manière à ce qu'ils se comportent naturellement, tout en restant assez attentifs pour prévenir Les rencontres agressives. Le niveau d'habituation est d'une importance capitale pour l'expérience touristique dans la mesure où les chimpanzés sauvages disparaissent généralement très rapidement à la vue de l'homme. L'observation de certains aspects les plus intéressants des chimpanzés tels que le maniement des outils est corrélé avec le niveau d'habituation et Le temps durant lequel les chimpanzés peuvent être observés. * L'habituation des chimpanzés n'est cependant ni rapide ni facile, compte tenu de leurs déplacements et du phénomène de fission/fusion sociale, la taille des groupes variant de 2 à 50 individus de diverses classes d'age et de sexe.” Les mêmes individus ne sont pas suivis de facon systématique pendant le processus d'habituation et les visites touristiques ; le contact avec un grand nombre d'individus au Sein d'une communauté de chimpanzés ne peut alors se faire que de facon intermittente. Projet d’habituation des primates de Kibale De 1997 à 2001, Le projet a pu maintenir Le contact quotidien avec les chimpanzés de l'aube au crépuscule grâce au travail de 12 écogardes ougandais. Une équipe de deux écogardes localisait généralement les chimpanzés le matin en retournant au site des nids ou en les retrouvant aux arbres d'alimentation habituelle, ou encore guidés par leurs cris. Les agents d'habituation restaient avec les chimpanzés, collectant les données de base sur la composition des groupes et Les interactions de même que sur l'écologie alimentaire et l'utilisation du territoire. Les protocoles d'observation conçus pour le tourisme de vision des gorilles ont été adoptés et les agents d'habituation ont pris soin de ne pas afficher des comportements d'intimidation tels que regarder fixement Les animaux, effectuer des mouvements brusques, ou s'approcher trop près d'eux. Le système de layons bien entretenu a été agrandi pour faciliter l'accès plus large au domaine vital. Les écogardes ont reçu des formation sur le comportement des chimpanzés, l'écologie, La collecte des données, ainsi que sur les techniques de guide touristique et ont été dotés d'équipements tels que des jumelles, des boussoles, des sacs à dos, des uniformes, des bottes et des tenues de pluie. Tous les écogardes étaient munis de talkies-walkies pour permettre aux agents d'habituation d'informer les guides touristiques sur la localisation des chimpanzés. Réalisations du projet Après quatre années, Les chimpanzés ont, dans leur majorité, atteint un niveau d'habituation permettant leur suivi quotidien. Le taux de succès mensuel moyen d'observation des chimpanzés par Les groupes de touristes est passé de 61 %en 1997 à 88 % en 2001. Plus de 60 chimpanzés ont été identifiés et nommés. Avec ses 22 mâles, Kanyanchu compte parmi les plus grandes communautés sauvages connue. Le projet a également constitué une base de données sur la démographie, l'utilisation du domaine vital, les modes d'alimentation, La hiérarchie sociale, et Les associations. Les assistants de terrain expéri- mentés peuvent identifier la majorité des chimpanzés et interpréter correctement les comportements des chimpanzés à l'intention des touristes. Le suivi des chimpanzés à Kanyanchu est une expérience enrichissante de par son impressionnante forêt, l'habituation de sa grande communauté et ses écogardes expérimentés. Le projet a également favorisé la diversifica- tion des activités touristiques, offrant ainsi une chance unique de se joindre à l'équipe d'habitua- tion en vue du suivi quotidien des chimpanzés et de La découverte de l'ensemble de leurs activités quotidiennes. Kanyanchu est devenu le site le plus populaire de l'Ouganda en matière d'observation des chimpanzés sauvages. Avec ‘augmentation du nombre de touristes sub- séquent dans la région, on a assisté à l'essor de a gestion communautaire du tourisme et des organisations de conservation, à l'instar du sanctuaire des zones humides de Bigodi à ‘extérieur du parc. Conservations et contraintes futures Le tourisme lié aux chimpanzés a de nombreux avantages notamment la génération de revenus au profit de la gestion du parc et des populations riveraines ainsi que la réduction de la pauvreté, du braconnage et de la dégradation forestière. Malgré ces avantages considérables, l'avenir comporte un certain nombre de contraintes telles que la coordination effective des diverses activités touristiques, Le respect des protocoles et le suivi des chimpanzés en habituation. Une expérience touristique avérée requiert un bon niveau d'habituation des chimpanzés, mais lorsque les chimpanzés ne craignent plus l'homme, ils constituent dès lors un danger pour les écogardes, les touristes et les populations riveraines. Une fois que le niveau optimal d'habituation est atteint, le chimpanzé doit faire LE CHIMPANZÉ { PAN TROGLODYTES) l'objet d'un suivi quotidien afin de faciliter sa localisation et son monitoring, d'où la nécessité de disposer d'un personnel qualifié et d'une bonne gestion sur le terrain Limplication des chimpanzés dans le tourisme est assez délicate en raison de leur statut d'espèce menacée de disparition et de leur proximité phylogénétique avec l'homme. Les premières règles en matière de tourisme lié aux chimpanzés étaient fondées sur celles liées au tourisme relatif aux gorilles, mais chacun a des contraintes et des difficultés particulières, * et par ailleurs son impact à long terme reste inconnu. Comme pour le tourisme lié aux gorilles, il est indispensable de bien gérer les contacts entre le chimpanzé et l'homme dans le but de minimiser le stress chez les grands singes, de réduire le risque de transmission de maladies entre les deux espèces et d'éviter les agressions.” IL s'agit de chercher à obtenir le maximum d'effets positifs et de minimiser les impacts négatifs sur les chimpanzés, l'environ- nement et les populations locales. De nos jours, on ne connaît pas encore suffisamment l'impact du tourisme sur le comportement des chimpan- Suite page suivante Une case dans Les arbres, utilisée dans Le cadre du projet d'habituation dans Le Parc National de Kibale en Ouganda. ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 84 zés, l'écologie ou La viabilité démographique ; par conséquent, on se perd en conjectures en ce qui concerne le nombre exact de touristes par jour, la durée de la visite ou le bon comportement de l'observateur. LUWA et l'Université de Makerere ont mis en place ensemble un suivi sur les impacts du tourisme sur la communauté des chimpanzés de Kanyanchu. Les résultats obtenus serviront à réviser les protocoles d'observation, promouvoir leur adhésion et établir des systèmes de moni- toring à long terme en vue de déceler les change- ments comportementaux, sanitaires et écologiques des chimpanzés avant que ne surviennent des dommages irrémédiables. Julia Lloyd et Lilly Ajarova s'attaquer à la progéniture des mâles rivaux. Quelles qu'en soient les raisons, il s'agit là d'évènements rares, accablants pour les familles affectées, portant un sérieux coup aux efforts de conservation locale. POPULATION Statut L'estimation du nombre de chimpanzés s'avère difficile actuellement, tant les informations récentes font défaut dans de nombreuses régions alors que d'autres régions n'en disposent d'aucune. Le récapitulatif des données du Tableau 4.2 indique une population totale de chimpanzés estimée à 172 000-301 000 individus en 2003.” Evolution À l'instar d'autres animaux de La forêt, il est difficile d'évaluer la taille de La population et de suivre l'évolution démographique des chimpanzés. Des essais d'évaluation de la population totale des chimpanzés ont appliqué des valeurs de la densité démographique des sites connus dans le reste de la zone de l'habitat au sein de l'aire de distribution de l'espèce. En 1987, la population totale des chimpanzés était estimée à 151 000-235 000 individus“ contre 145 000-228 000 en 1989. Les chiffres de l'année 2003 du Tableau 4.2 suggèrent que les totaux antérieurs auraient été surestimés. Certaines hypothèses font état de quelques deux millions de chimpanzés dans les années 1900 contre plus d'un million encore en 1960.* Cette diminution est due à l'action anthropique du 20° siècle à travers l'Afrique, à savoir la déforestation à grande échelle, l'expansion de l'agriculture et des infrastructures à toutes Les échelles, l'accès accru aux armes à feu, la croissance démo- graphique humaine, etc. De même, il est difficile d'évaluer les tendances dans chaque pays dans la mesure où les estimations antérieures auraient été sous- évaluées. IL convient, néanmoins, de noter un cas de diminution relevée par Butynski”: la population de chimpanzés en Sierra Leone serait passée de 20 000 à la fin du 19°"* siècle à 2 000 en 1987.“ Au Gabon, l'ensemble des populations de chimpanzés et de gorilles a connu une chute de plus de 50% de 1983 à 2000 en raison de l'intensification.de l'exploitation forestière et de La chasse ainsi que de la progression de la fièvre hémorragique Ebola dans Le pays.*? Au Gabon, on a également enregistré une chute de 99 % des chimpanzés dans la forêt de Minkébé au nord- ouest dès 1994 avec l'épidémie d'Ebola.'? Dans le Parc National de Gombe en Tanzanie, on a également noté une baisse subite de La population de chimpanzés dès mi-1990, due aux maladies et à La chasse ** Au Soudan, cette espèce a connu «un essor remarquable en 1964, notamment au sud-ouest du pays où on a vu des chimpanzés se déplacer en bandes de 30 à 40 et parfois bien plus »"® mais selon certaines affirmations en 1988 « l'espèce pourrait être considérée comme sérieusement menacée de disparition si elle n'avait pas tout simplement disparu du pays. »'* Les statistiques obtenues dans les divers sites indiquent une variation des états allant de l'extinction locale (par ex. dans la forêt du mont Kilum-ljim au nord-ouest du Cameroun en 1987 ou 1988)“ à La stabilité en passant par l'aug- mentation. On a trouvé, par exemple, dans le Parc National de Monte Alén en Guinée Equatoriale en 1994 que les chimpanzés étaient présents dans tout le parc et n'étaient apparemment pas menacés par la chasse comme par le passé. Dans Le Parc National de Kibale où deux dénombrements avaient été réalisés notamment dans des forêts en 1975- 1976 et 1997-1998, on a constaté que la population de chimpanzés n'avait que peu diminué au cours de cette période. "? Menaces L'évaluation du risque d'extinction des chimpanzés est surtout basée sur la perte observée ou la modification de leur habitat, le taux d'exploitation, et les risques inhérents à un territoire de petite dimension pour les populations géographiquement limitées. En 2000, La Commission sur La Survie des Espèces de l'UICN (Union mondiale pour la conser- vation de la nature) a classé les chimpanzés comme étant une espèce en danger, c'est-à-dire à très haut risque d'extinction dans la nature dans un proche avenir. Les menaces multiplient leurs impacts mutuels sur les populations de chimpanzés. Une coupe sélective et légère n'entraîne qu'une perturbation temporaire sans réduction considé- rable de la capacité de charge de la forêt par rapport aux chimpanzés, à moins que des espèces d'arbres particulièrement prisées disparaissent du biotope. Une exploitation forestière répétée et plus intense peut entraîner une perturbation continue de l'écosystème forestier dont les chimpanzés font partie, dégradant ainsi son intégrité, l'exposant aux vents desséchants ainsi qu'au soleil, et Le rendant plus vulnérable aux feux de brousse. La facilitation de l'accès aux zones fores- tières exploitées le Long des pistes forestières ne peut qu'attirer les chasseurs, surtout en cas d'exploitation commerciale de la viande de LE CHIMPANZÉ [ PAN TROGLODYTES) Geoffroy Citegetse brousse (comme c'est généralement le cas en Afrique centrale et occidentale]; donc, les conséquences de la chasse accentuent celles de l'exploitation forestière. L'exploitation minière et pétrolière peut avoir des effets similaires sur l'accès, et même causer la dégradation locale des écosystèmes naturels. La facilitation de l'accès expose également la forêt à l'envahissement humain avec pour corollaire l'intensification de la chasse et la fragmentation de la forêt à travers l'extension et éventuellement la fusion des mosaïques de champs et de villages. La survie des chimpanzés est de plus en plus hypothétique dans un tel milieu, d'autant plus que Les contacts entre Les populations fragmentées et les humains se multiplient, rendant les animaux plus vulnérables aux maladies humaines. La survie des chimpanzés, comme celle d'autres espèces, se trouve ainsi menacée par l'ensemble du processus d'exploitation accrue des forêts tropicales humides. Avec la déforestation accrue en Afrique de l'ouest, il ne reste plus que des fragments de forêts humides primaires. Les populations fragmentées des sous-espèces orientales et occidentales se trouvent principalement dans les forêts restantes, les réserves de chasse et Les parcs nationaux. La chasse illégale et l'exploita- tion forestière, minière et agricole sont courantes dans de nombreuses aires protégées. Les limites du Parc National de Kibira à Kabarore au Burundi. Ici comme ailleurs, l'habitat du chimpanzé est menacé par l'extension agricole. 85 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 86 La chasse des adultes pour la viande de brousse a un impact considérable sur les populations et constitue une menace de plus en plus grave pour le chimpanzé. Selon un rapport publié en 2004, la seule chasse du chimpanzé du Nigéria-Cameroun pour sa chair pourra causer la disparition de cette espèce d'ici 17 à 23 ans. Cette estimation tire sa conclusion du nombre sans cesse croissant de chimpanzés orphelins recus dans les sanctuaires de la région, en supposant qu'à chaque orphelin corresponde l'abattage de 10 chimpanzés adultes.” La viande de brousse constitue souvent une source majeure de protéine alimentaire dans les cultures à alimentation carnée de l'Afrique occidentale et centrale, mais elle est parfois percue comme ayant des vertus magiques et médicinales. La chasse peut bien se pratiquer localement sans atteindre un seuil critique, mais elle Ss'intensifie avec l'exploitation forestière et minière dont la main d'œuvre a besoin d'une alimentation calorique et aussi dans La mesure où les communautés humaines non autochtones aiment particulièrement la viande de brousse. Les guerres civiles favorisent généralement La chasse, souvent pratiquée par des populations étrangères. L'impact de la chasse pour la viande de brousse est actuellement fort et augmente rapidement avec la facilitation de l'accès à des zones reculées. De nouveaux marchés se développent pour satisfaire la demande croissante des populations urbaines ; Les produits dérivés du chimpanzé se vendent couramment dans les marchés locaux et régionaux ; et le commerce de jeunes chimpanzés est souvent lié à la chasse des adultes. Cependant, dans certaines localités comme le bassin Kouilou au Congo, on ne chasse pas Le chimpanzé pour sa chair et l'espèce est par conséquent moins en danger.” Tout acte de chasse n'est cependant pas toujours intentionnel; le piégeage peut blesser les chimpanzés même s'ils n'en étaient pas la cible. Dans la réserve forestière de Budongo, on a trouvé que sur 52 chimpanzés, 11 avaient des amputations des membres, dûes généralement à divers types de pièges tendus dans la forêt.“ Le double impact du virus Ebola et de la chasse pour la viande de brousse au cœur du territoire du gorille et du chimpanzé de l'ouest dans le bassin du Congo n'est pas quantifié mais on estime qu'il aurait déjà considérablement réduit les populations de ces deux espèces.#? L'épidémie d'une nouvelle souche du virus Ebola a tué 12 chimpanzés dans la forêt de Taï en Côte- d'Ivoire, soit pratiquement le quart de la population étudiée.” "# On ignore Le nombre total Tableau 4.3 Score de réussite de La conservation dans Les aires protégées Pays Aires protégées Sous-espèces Score de réussite à n & a de chimpanzés de conservation Cameroun Parc National de Korup central 3.0 Cameroun Réserve de faune de Dja central 3.0 RCA Dzanga-Sangha oriental 95 Congo Parc National d'Odzala central 5.0 Côte d'Ivoire Parc National de Marahoue occidental 2.0 Côte d'Ivoire Parc National de Taï occidental 3.8 RDC Réserve forestière d'Ituri occidental 3.5 Guinée-Équatoriale Parc National de Monte Alén central 5.0 Gabon Parc National de La Lopé central 3.0 Ghana Parc National de Bia occidental 2.0 Nigéria Parc National de Cross River Nigéria-Cameroun 3.0 Ouganda Parc National de Kibale oriental on Rép. Unie de Tanzanie Parc National des Monts Mahale oriental 4.0 © Le score de réussite de La conservation est Le résultat d'une évaluation du questionnaire qualitatif allant de 1 indiquant l'échec jusqu'à 5 indiquant le succès total. Compilation de données réalisée par Struhsaker, TT. et al (2005 233 ] de chimpanzés du parc ainsi tués. Ebola reste de loin La maladie la plus virulente affectant les grands singes d'Afrique, même si d'autres maladies ont également causé des ravages. Dans un bilan sur l'occurrence des maladies chez les chimpanzés du Parc National de Gombe en Tanzanie, Wallis et Lee relèvent des cas attribués a la poliomyélite, ainsi que des incidences de pneumonie, d'autres maladies respiratoires et la gale. Analysant le mode de transmission de ces maladies des humains à ces animaux, il suggèrent plusieurs améliorations sanitaires pour combattre le problème. Toujours en Tanzanie, les chimpanzés sont porteurs de facon saisonnière de nématodes intestinaux, en particu- lier Oesophagotomum stephanostomum, pouvant provoquer une infection bactérienne secondaire, de la diarrhée, de sévères douleurs abdominales, et de la fatigue générale, conduisant parfois à la mort. Le chapitre 13 examine en détails la transmission des maladies telles que Ebola. Enfin, le commerce des animaux vivants implique la capture des jeunes chimpanzés pour le marché des animaux familiers, l'industrie du spectacle, et l'industrie biomédicale interna- tionale. À l'instar de La chasse des chimpanzés, toutes ces pratiques sont illégales dans les pays des zones de répartition. La capture d'un jeune chimpanzé implique généralement l'abattage d'autres chimpanzés faisant partie du groupe cible du chasseur. Ces pratiques ainsi que leurs impacts sur les populations sauvages ont été, certes, décriées par Le passé, mais dans certaines régions on pense qu'il s'agit Là d'une moindre menace comparativement à la disparition de l'habitat et au commerce de la viande de brousse. Bon nombre d'écologistes focalisent maintenant leur attention sur le sauvetage et La réhabilitation des orphelins eux-mêmes, non seulement pour leur valeur intrinsèque mais également pour tirer parti d'un échec en matière de conservation en créant des possibilités éducatives. Les program- mes de réhabilitation des chimpanzés orphelins ne sont pas aussi avancés que ceux des orangs- outans, mais ils Le sont plus que ceux des gorilles. Un essai dont Les résultats sont satisfaisants est en cours dans le Parc National de Conkouati- Douli au Congo [voir Encadré 4.5). CONSERVATION Le chimpanzé est l'espèce La plus abondante et La plus répandue de tous les grands singes, avec LE CHIMPANZÉ [ PAN TROGLODYTES) une population sauvage totale estimée à 300 000 individus. La plupart vivent hors des aires protégées où ils sont vulnérables à la perturbation de leur habitat forestier due à l'exploitation forestière, à La destruction de leur habitat par l'occupation humaine, les feux de brousse et l'agriculture, et à la chasse qui alimente le commerce de viande de brousse puissant, bien implanté et en augmentation. Par ailleurs, leurs populations fragmentées sont de plus en plus exposées aux maladies au fur et à mesure de la multiplication des contacts avec les humains. Les informations sur les efforts de conservation des chimpanzés varient à travers leur vaste aire de répartition ; elles sont présentées succinctement dans les profils de pays dans le Chapitre 16 du présent Atlas. Comme le montrent ces profils, les populations des quatre sous-espèces de chim- panzés sont présentes dans les aires protégées de leur aire de distribution. Ces aires protégées occupent des dizaines de milliers de km’ de forêts que les gouvernements des pays concernés ont consacré à la protection de la faune sauvage. Les points majeurs qui émergent concernent la gestion efficace de ces aires protégées, Les défis à relever, et enfin la sécurité des investissements publics dans la conservation qu'elles représen- tent. Une stratégie, actuellement en cours d'élaboration dans Le Parc National de Kibale, vise a renforcer les investissements publics à partir des fonds issus du tourisme (Encadré 4.6). Le Parc National de Kibale constitue un échantillon des 13 aires protégées d'Afrique abritant des chimpanzés, dont l'efficacité de la conservation a été étudiée.” Ces aires figurent au Tableau 4.3 avec leur score de réussite de conservation, représentant l'opinion qualitative des chercheurs et des biologistes de La conser- vation travaillant dans la zone concernée. Les sondés étaient appelés à attribuer une note de 1 à 5 à chaque aire protégée, la note 1 représentant l'échec et 5 le succès total. Cette approche qualitative a été utilisée en l'absence de programmes de monitoring des aires protégées qui auraient permis une évaluation quantitative. Le score moyen des 13 aires protégées était de 3,4 tandis que la médiane était de 3,5; ce qui suggère que, dans l'ensemble, tes observateurs avertis avaient la certitude que leurs aires protégées fonction- naient bien. 87 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 88 Les principaux facteurs ayant contribué à l'amé- grand isolement écologique, leur grande accessi- lioration du score de réussite de La conservation bilité ainsi que la présence de populations sont classés par ordre décroissant ainsi qu'il humaines denses ayant une culture de consom- suit : mation de viande de brousse ; ce qui correspond généralement à la faible présence des deux 1. Attitude publique positive, sous-espèces occidentales, à une plus forte 2. Application effective des lois et règlements, déforestation dans leur aire de distribution, et à 3. Vaste superficie de l'aire protégée, des perspectives générales de conservation peu 4. Faible densité des populations humaines favorables. riveraines, Ailleurs, on serait en droit d'être quelque 5. Présence d'organisations non gouvernemen- peu optimiste, mais une démographie humaine tales, croissante dans l'ensemble, l'extrême pauvreté 6. Pérennité écologique. dans de nombreuses régions, les investisse- ments publics compromis par la corruption et la En moyenne, le plus faible score revient aux aires dette, rendent les perspectives pour la survie des protégées de l'Afrique de l'ouest, reflétant leur chimpanzés des plus incertaines. OUVRAGES À CONSULTER Chapman, C.A., Onderdonk, D.A. (1998) Forests without primates: primate/plant codependency. American Journal of Primatology 45 [1]: 127-141. Dominy, N.J., Svenning, J-C., Li, W-H. (2003) Historical contingency in the evolution of primate colour vision. Journal of Human Evolution 44: 25-45. Goodall, J. (1986) The Chimpanzees of Gombe: Patterns of Behavior. Harvard University Press, Cambridge, Massachusetts. Goodall, J. (1990) Through a Window: My Thirty Years with the Chimpanzees of Gombe. Houghton Mifflin Company, Boston. Grubb, P., Butynski, T.M., Oates, J.F., Bearder, S.K., Disotell, T.R., Groves, C.P., Struhsaker, T.T. (2003) Assessment of the diversity of African primates. /nternational Journal of Primatology 24 (6): 1301-1357. Kormos, R., Boesch, C. (2003) Regional Action Plan for the Conservation of Chimpanzees in West Africa. Conservation International, Washington, DC. Kormos, R., Boesch, C., Bakarr, M.I., Butynski, T.M., eds (2003) West African Chimpanzees: Status Survey and Conservation Action Plan. IUCN/SSC Primate Specialist Group. IUCN, Gland, Switzerland. Kortlandt, A. (1983) Marginal habitats of chimpanzees. Journal of Human Evolution 12 (3]: 231-278. Lonsdorf, E.V., Eberly, L.E., Pusey, A.E. (2004) Sex differences in learning in chimpanzees. Nature 428: 715-716. McGrew, W.C., Marchant, L.F., Nishida, T., eds (1996) Great Ape Societies. Cambridge University Press, Cambridge, UK. 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Arluke, À. eds, Great Apes and Humans: The Ethics of Coexistence. Smithsonian Institution Press, Washington, DC. pp. 3-56. Butynski, T.M. (2003) The chimpanzee Pan troglodytes: taxonomy, distribution, abundance, and conservation status. In: Kormos, R., Boesch, C., Bakarr, MI. Butynski, T.M., eds, West African Chimpanzees: Status Survey and Conservation Action Plan. IUCN/SSC Primate Specialist Group. IUCN, Gland, Switzerland. pp. 5-12. À propos des aires protégées et des autres données, voir ‘utilisation des cartes’ REMERCIEMENTS Nous remercions vivement Colin Groves (Australian National University], Phyllis Lee (Cambridge University), John F. Oates (Hunter College, City University of New York], et David Woodruff (University of California, San Diego) pour leurs précieux commentaires sur le manuscrit du présent chapitre. Le projet HELP Congo, présenté à l'Encadré 4.5, travaillant en collaboration avec les autorités du Congo au Ministère des Forêts et de l'Environnement ainsi qu'avec la Wildlife Conservation Society, tient à remercier tous ses sponsors US Fish and Wildlife Service, Cleveland Zoological Society ; Columbus Zoo and Aquarium, Lincoln Park Zoo, International Primate Protection League, Arcus Foundation, Pan African Sanctuaries Alliance, la Fondation Brigitte Bardot, La Fondation Bourdon, la Société protectrice des animaux, One Voice, Le Zoo de Beauval, le Zoo d'Amneville, le Zoo de La Barben, Gorilla, Air Gabon, et Cardiff University ainsi que les assistants congolais qui suivent quotidiennement Les chimpanzés dans la forêt du Narc National de Conkouati-Douli. Le projet d'habituation des chimpanzés du Parc National de Kibale, présenté à l'Encadré 4.6, a été financé par Grants Management Unit de l'USAID, Jane Goodall Institute-Ouganda, Cleveland Zoo, North Carolina Zoo, Barclays Bank (Kampala), British Airways, Discovery Initiatives, et Total (UG]) Ltd. AUTEURS Tim Inskipp, PNUE, Centre mondial de la surveillance de La conservation de la nature (WCMC]) Encadré 4.1 Craig Stanford, Jane Goodall Research Center, University of Southern California Encadré 4.2 Alison Surridge, School of Biological Sciences, University of East Anglia Encadré 4.3 Andrew Whiten, Scottish Primate Research Group, University of St Andrews Encadré 4.4 James V. Wakibara, Tanzania National Parks/Kyoto University Encadré 4.5 Aliette Jamart, Habitat Ecologique et Liberté des Primates, Congo et Benoît Goossens, Cardiff School of Biosciences, Cardiff University Encadré 4.6 Julia Lloyd, Jane Goodall Institute-Uganda et Lilly Ajarova, Uganda Wildlife Authority 89 IAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION David W. Liggett lwww.daveliggett.com) CHAPITRE 5 Le bonobo (Pan paniscus) CARMEN LACAMBRA, JO THOMPSON, TAKESHI FURUICHI, HILDE VERVAECKE, ET JEROEN STEVENS e bonobo (Pan paniscus, Schwarz, 1929), connu également sous les noms chimpanzé m pygmée’ ou chimpanzé gracile', ne se trouve qu'à l'intérieur du bassin du Congo de la RDC en Afrique centrale où il est encore appelé chimpanzé nain, ou ‘chimpanzé noir’. Les bonobos ont un pelage noir, des bras aussi longs que les jambes, et une touffe de poils blancs à la place de la queue. C'est sans doute au niveau de la tête et de la face qu'ils sont physiquement les plus différents des chimpanzés. D'une manière générale, les bonobos adultes possèdent un crâne court et arrondi, une face noire, des lèvres roses, des favoris, mais n'ont guère de barbe. Les poils de la tête sont longs avec une raie au milieu. Le fleuve Congo et les montagnes du Rift Albertine isolent le bonobo des autres grands singes (y compris du chimpanzé) et de tous les autres primates de grande taille (y compris des babouins)]. Ce n'est qu'en 1929 que le bonobo fait l'objet d'une description scientifique, mais son existence est bien documentée depuis les années 1880 à travers les journaux des explorateurs, les photographies des naturalistes, les rapports des missionnaires, et Les archives de l'administration coloniale? Les travaux de terrain sur les bonobos ont débuté dans les années 1970 et se poursuivent jusqu'à aujourd'hui. #7##%1[ s'avère très difficile de définir clairement l'ensemble de l'aire géogra- phique occupée par les bonobos ou d'évaluer le nombre d'individus qui s'y trouvent {Les estimations varient entre 10 000 et 100 000). *® Cette difficulté reflète l'étendue et les difficultés d'observation du milieu, la disparité écologique de l'intérieur du bassin du Congo, ainsi que l'impact de l'action humaine et, au sud, La complexité typologique entre la forêt sèche et La savane. RÉPARTITION L'aire géographique des bonobos est limitée à l'est, au nord et à l'ouest par la rive sud (ou La rive gauche, d'après la convention] du fleuve Congo et par le Lualaba, au sud par le système fluvial de Kasai/Sankuru. De faible altitude (300 - 750 m), elle est dominée par des forêts humides et maréca- geuses ainsi que par une mosaïque de zones de végétation herbacée et de forêts sèches. Même si les bonobos occupent une mosaïque d'habitats de forêt et de prairies, La zone où on les trouve effectivement est de loin inférieure à leur aire de répartition géographique maximale : elle pourrait représenter moins de 30 % de cette dernière. Les densités de population peuvent ne pas dépasser 0,25 individu par km.” Le polygone représenté par des pointillés sur la carte 5.1, basé sur les données de distribution de 2004, a une superficie de 373 à 585 km’. Si on suppose que les bonobos n'occupent que 30 % de cette superficie avec une densité de 0,25 individu/km’, la population totale de bonobos serait de 28 019 individus. Ce chiffre indicatif prend en compte des hypothèses relatives à un ensemble de paramètres pertinents. On peut faire plus confiance aux estimations qu'aux données relatives aux sites d'étude faisant état de La présence de 4 421 bonobos à Wamba (au nord de la réserve scientifique de Luo), Ilongo (au sud de La réserve de Luo), Lomako, Lilungu et Yalosidi, même si la population de Yalosidi a maintenant disparu. LE BONOBO { PAN PANISCUS) 91 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Références bibliographiques à la fin de ce chapitre rtition des bonobos Carte 5.1 Répa oqouog di Sc 2aWhs2 uolh1eda ap 211y | L ObGL SISA jJueueleoo] nedsipoqouog x | egunsaid eoueseid'oqouog & LU» 008 00€ O0P 0 } ÉpSees OS6L JueAe gAIeSqo oqouog © Ep Pau O86L saide aAssqo oqouog € + C s v00c-966L US gAI8Sqo oqou0g € 1 D ALLÉE RL LUS <- va 22eds3 4" a eu" , e ®. ninYNny ep une} e[ ins NE nan © sipietoel spisloid ‘ e e © ELAS | OO efuojes s--à -3 | (e] 1 | eP.Na Art ninues epINX : à a =2rs, . e #++eL-3 F 9, ÿ No À F LR e © nBunl 1 e epurle)e | ©. epeys | IPISOEA É | | epluielie} e PONS % SR - B1p97-equuniL ! & & HA OIL 4 N'a 987 ep enesoy 2 EqejEnT 2 Dx 4 A D É EU oBuol| ep CCC NS RE ie A k ile uélerepeys le © © °° ae = | cl \ e] © (oo <0 He IHOdOTOHON ©" 1 °P SEAL 0 8 0 © sc Sie EP | Ÿ ë \ VaAMe © o © On Dee à “sex e æquemÈp osy e 15, si 2e OHVNOT à © © Lee e AO ., Fanzivnoz à = (eejefoid) PORC E S = ie oelo7ep 4H © Cases Su ÿ © 3 Ê | L Eat 9 | 1 al ) Ko Y RO EE 92 Les densités dans ces cinq sites varient de 0,35/km° (à ILongo) à 3,46 /km° (à Lomako).* Les bonobos sont présents dans les régions de Lomako, Kokolopori, Wamba, Ilongo, Lomami- Lualaba, Salonga et Lukuru, ainsi que dans de petites zones à l'ouest du lac Tumba.”*/*# Les bonobos semblent absents ou en faible densité au centre du Parc National de Salonga et absents de la majeure partie de la zone située entre le lac Mai- Ndombe et Salonga. Ils sont également absents de la zone située entre les fleuves Tshuapa et Lomami (Carte 5.1). COMPORTEMENT ET ÉCOLOGIE Habitat et régime alimentaire La plupart des études sur les bonobos sauvages ont été conduites dans les forêts primaires au nord de leur aire de répartition, mais de récentes études confirment qu'ils sont également présents dans la savane ouverte et Les forêts secondaires. De fortes densités sont signalées particulièrement dans les forêts secondaires mais aussi dans des mosaïques d'habitats marginaux et disparates.®* Les groupes de bonobos ayant accès aux forêts sèches, aux forêts marécageuses et aux forêts dégradées ont été étudiés dans La région de Wamba.* Une grande partie de leur territoire comprend des forêts sèches où ils préfèrent dormir. Ils utilisent également Les forêts maréca- geuses et dégradées qui contiennent apparem- ment des aliments riches en protéines tout au long de l'année. Ils ont tendance à utiliser les habitats plus secs en saison des pluies. Les bonobos se déplacent surtout au sol. Leurs pistes, difficiles à reconnaître, mènent généralement au pied des arbres qui leur pro- curent la nourriture où à leurs sites de nidifica- tion. Ils se déplacent dans les arbres en utilisant des méthodes dites ‘trial quadrupède’, mais on na pas encore vu ce mode efficace de déplacement porter sur plus de 40 m. La position la plus courante dans les arbres est La position assise tant pour manger que pour se reposer.“ La taille des groupes de bonobos varie de 10 à 120 individus” qui parcourent en moyenne 2 km par jour,“ notamment à la recherche de fruits. Leur régime alimentaire comprend également des feuilles, des tiges, des fleurs, des graines, des noix, de jeunes pousses, des champignons et des algues. Les autres sources alimentaires com- prennent de la végétation terrestre herbacée de haute valeur nutritive, des vers de terre, des larves, des termites, des fourmis, du miel, des truffes, ainsi que des plantes aquatiques.“ Ils forment des sous-groupes de 2 à 30 individus constitués de mâles, de femelles et de leur progéniture. Ils ne partagent pas souvent les sites d'alimentation avec des membres d'autres groupes.” On suppose que c'est pour s'adapter à La grande compétition alimentaire sur de petites parcelles que la taille des groupes peut varier en fonction de la surface.” Occasionnellement, les bonobos mangent de petits mammifères’?"“?#tels que des écureuils volants, de petits céphalophes et des chauves-souris. On ne sait que peu de choses de leurs méthodes de chasse mais apparemment, la chasse n'est pas souvent pratiquée par les bonobos. La viande est considérée comme une ressource précieuse lorsqu'elle est disponible : on a pu observer des bonobos quémander de la viande à ceux qui en détenaient. Selon certaines affirmations, les bonobos peuvent extraire les protéines alimentaires des parties végétales non reproductrices plus aisément que les chimpanzés, et ont donc moins besoin de dépenser de l'énergie dans la chasse.” À Yalosidi, Lomako et Wambo et dans Les étangs à Lukuru, on a pu observer les bonobos chercher leur nourriture dans les cours d'eau ou les marécages.*”* À Yalosidi, on a vu un groupe se rendre dans un marécage au sein de la forêt humide pour se nourrir de tiges de certaines plantes et herbes aquatiques.“ Les espèces Les plus consommées tout au long de l'année comprennent le Ranalisma humile (Alismata- ceae), le Pycreus vanderysti (Cyperaceae), et l'Aframomum spp. (Zingiberaceae]. D'autres espèces consommées comprennent le Cyclosorus dentatus (Thelypteridaceae], le Panicum brevifolium (Poaceae), le Renealmia africana {Zingiberaceae)], Marantochloa congensis, et Sarcophrynium schweinfurthianum (deux Marantaceae), ainsi que le Gambeya lacourtiana (Sapotaceae).“’* On a également vu des bonobos frapper l'eau dans une rivière et ramasser quelques feuilles mortes probablement pour attraper des invertébrés et de petits poissons.“ Même si les bonobos ont généralement un régime alimentaire similaire à travers leur zone de distribution, certaines différences ont été notées entre Les populations étudiées sur Le Long terme.”°? IL est difficile de dire dans quelle mesure Les différences sont d'ordre culturel et ne dépendent pas de la disponibilité des ressources. LE BONOBO { PAN PANISCUS) 93 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Épouillage entre un mâle adulte, une femelle adulte et son petit dans la communauté Bakumba de La forêt de Lomako. 94 Comportement social L'organisation sociale chez les bonobos se caractérise par la fission et la fusion des groupes temporaires au sein d'un groupe ou d'une communauté plus large et plus stable. Les connaissances que nous avons des bonobos proviennent surtout de deux sites d'études situés dans la province de l'équateur de La RDC, à savoir : Lomako, site non approvisionné, et Wamba, site jadis approvisionné. Avant la fin de leurs travaux en 1996, Les chercheurs fournissaient La nourriture aux groupes de bonobos de Wamba; lorsque les travaux de recherche reprirent après la guerre civile, les approvisionnements ne furent pas repris.” Les bonobos des deux sites ont un certain nombre de similitudes en matière d'organisation sociale, mais certaines différences ont également été observées. Comme chez les chimpanzés, la communauté est le plus grand regroupement d'individus des deux sexes en réseau social fermé. Les membres d'une même communauté partagent un domaine vital relativement vaste ; on peut néanmoins assister à un chevauchement inter- communautaire ainsi qu'à certaines variations saisonnières et annuelles entre les domaines vitaux.” Les communautés sont composées de 10 à 22 individus à Lomako et de 30 à 120 à Wamba.°’ À Wamba, les communautés comptent autant d'adultes mâles que de femelles,” alors que dans au moins une communauté de Lomako, le sex-ratio des adultes est largement biaisé en faveur des femelles. '°*? On voit des communautés entières rassem- blées moins souvent à Lomako qu'à Wamba.*°'?? La plus petite unité fonctionnelle dans la vie quotidienne des bonobos est le groupe, défini comme l'ensemble des individus à proximité Les uns des autres, en contact sonore,” ou se déplaçant et se nourrissant ensemble.* Au travers de ce phénomène de fission/fusion, la composition d'un groupe peut changer à des degrés divers au cours de la journée, au fil des heures ou des minutes. Par contre Les membres d'une communauté changent uniquement avec les naissances ou les décès des membres, ou lors des transferts. On trouve à Wamba des groupes plus grands et plus stables - avec une moyenne de 13 membres”! - qu'à Lomako, où Les groupes comptent en moyenne 5 individus et varient de 1 à 16.” Un groupe, se compose généralement d'adultes des deux sexes, avec plus de femelles que de mâles. **’“?! Une communauté de bonobos renferme des groupes d'individus qui s'associent plus souvent entre eux qu'avec les autres. Ces groupes ont tendance à partager des espaces spécifiques du domaine vital. Le discerne- ment de ces associations requiert une longue observation et une analyse approfondie des données. Leur présence n'est pas forcément visible sur le terrain. Comme chez les chimpanzés, les mâles devenant adultes demeurent généralement dans leur communauté de naissance alors que les femelles du même âge quittent leur communauté et se rendent de communauté en communauté avant de s'installer définitivement pour procréer. Par conséquent, les communautés de bonobos, comme celles de chimpanzés, sont composées de femelles non apparentées et de mâles qui ont plus de chance d'être apparentés. Cette similitude masque pourtant des différences, telles que la durée de la période (longue de plusieurs années et non de mois) pendant laquelle les jeunes femelles bonobos visitent les communautés voisines avant de s'installer définitivement, ainsi que les liens très intimes existants entre les mères bonobos et leurs fils 222793 La structure sociale des bonobos est régie par les coalitions des femelles qui influencent les stratégies de copulation et le partage de la nourriture. Plus petites que les mâles, Les femelles maintiennent cependant leur statut social en coopérant entre elles. Les bonobos femelles ont l'art de nouer et d'entretenir de solides relations avec d'autres femelles sans lien de parenté.‘'*?72# Les stratégies utilisées consistent à contrôler l'accès à La nourriture prisée, partager la nourriture avec d'autres femelles plus souvent qu'avec les mâles, avoir des rapports sexuels avec d'autres femelles, ou former des alliances contre les mâles en cas de nécessité. Par conséquent, Les bonobos adultes femelles possèdent un statut social pratiquement égal à celui des mâles adultes. Alors que les mâles peuvent charger les femelles, celles-ci peuvent aussi contraindre les mâles à leur laisser les meilleurs points d'alimentation. Le statut de la femelle est lié à son âge alors que celui du mâle est lié à celui de sa mère.” De jeunes mâles adultes peuvent obtenir un meilleur statut social grâce au soutien de leurs mères, tandis que le statut social de certains mâles chute à La mort de leurs mères. Le statut élevé des femelles chez les bonobos serait lié au maintien de leur attractivité sexuelle qui, indépendamment du cycle menstruel, se prolonge même pendant la gestation et La lactation, alors qu'une nouvelle conception est impossible./"? Donc, dans une communauté de bonobos, il existe à tout moment beaucoup plus de femelles prêtes à s'accoupler que dans une communauté de chimpanzés. Dans ces conditions, il serait bien plus difficile à un mâle de haut rang de monopoliser les opportunités de copulation, raison pour laquelle Le statut du mâle est moins important chez les bonobos.”*' On a rarement vu les bonobos mâles rivaliser ou se battre pour accéder aux femelles. Les mâles ont libre accès aux femelles réceptives et proceptives, qu'ils traitent de facon amicale ; c'est la femelle qui décide si l'accouplement peut se produire. On note, cependant, quelques cas où les mâles dominants ont plus de succès en matière de copulation,*”! ce qui signifie que la compétition n'est pas complètement absente. Dans ce système, il n'existe aucune certitude du mâle sur sa paternité. Ce flou sur la paternité cadre bien avec le paternalisme généralisé observé : Les bonobos adultes mâles sont extrême- ment attentionnés et affectueux envers les petits, avec qui ils partagent la nourriture ainsi que le nid. Chez les macaques, le paternalisme est lié à la promiscuité sexuelle des femelles, à l'éjaculation à LE BONOBO { PAN PANISCUS) Encadré 5.1 DISPERSION DES GRAINES PAR LES BONOBOS ET PERENNISATION DES FORETS HUMIDES En tant que frugivores spécialisés, les bonobos jouent un rôle essentiel dans la survie à long terme des forêts humides où ils vivent. Les bonobos cohabitent dans la forêt de Lomako avec sept autres espèces de primates, mais ils sont Les seuls qui avalent régulièrement et dispersent des graines entières d'une large gamme d'espèces d'arbres et de lianes des forêts humides. Les bonobos sont d'excellents agents de dispersion de graines à maints égards. Premièrement, ils sont essentiellement frugivores {les fruits mûrs constituent plus de 70 % de leur alimentation] et Les graines consommées sont rarement endommagées Deuxièmement, ils sont robustes et disposent d'un appareil digestif simple, permettant d'avaler de grosses graines entières qui Le traversent sans être digérées jusqu'à l'évacuation dans les excréments. Les graines de certaines espèces de fruits sont très grosses, à l'instar de celles l'Anonidium mannii (Annonaceae]) qui sont parmi les plus grosses. Ses fruits pèsent 3 kg, voire plus, et contiennent chacun plus de 50 graines de 3 cm de long et de 10 g chacune. Troisièmement, les bonobos parcourent de longues distances et disposent de vastes domaines vitaux. Les individus parcourent annuellement plus de la moitié de la surface occupée par leur communauté, et passent plus de 90 % de leur temps dans les forêts humides primaires, assurant ainsi une dispersion sur un grand rayon dans un habitat propice aux arbres de forêt humide. Quatrièmement, ils transportent souvent sur une longue distance des fruits, tels que le Treculia africana [Moraceae), qui pèsent plus de 10 kg, avant de les consommer après les avoir partagés ; les graines peuvent ensuite être dispersées encore plus loin avant d'être déféquées. Cinquièmement, les bonobos ne dorment pas là où ils mangent : ils se déplacent ailleurs pour construire des nids dans des arbres où ils dorment De nombreuses espèces d'arbres et de lianes auraient évolué avec les bonobos dont elles dépendent pour leur dispersion. Le Carpodinus gentilii (Apocynaceea] produit des fruits de 1 kg qui ont une peau dure et épaisse de 2,5 cm que les petits singes n'arrivent pas à ouvrir D'autres, tels que le Pancovia laurentii (Sapindaceae), possèdent des graines qui germent facilement après avoir transité par Le tube digestif, mais ne germent pas du tout si Les fruits qui tombent au pied de l'arbre producteur ne sont pas consommés ou sont plantés artificiellement, même loin de cet arbre. En raison de la diversité de son régime alimentaire, Le bonobo est le plus grand agent de dispersion de nombreuses espèces d'arbres de la forêt humide en RDC et serait même l'unique agent pour certaines espèces. Sur 130 espèces de fruits collectés et mesurés au cours d'une étude, les bonobos en consomment 63. La liste des fruits consommés par les bonobos ne fait que s'allonger au fil des années d'investigations, “et il est donc fort probable que les bonobos fassent partie de la chaîne de dispersion de plus de la moitié des espèces d'arbres fruitiers du bassin du Congo. Sans les bonobos, des bouleversements surviendraient dans cet écosystème au cours de quelques générations seulement. Frances White 95 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Les bébés bonobos sont allaités jusqu'à l'âge de 5 ans. 96 + 7 David W Liggett (www re com) une seule monte et à l'égalité du sex-ratio au sein d'un même groupe ;“ il semble que quelque chose de très similaire se passe chez les bonobos. Cependant, des milieux relativement pauvres en nourriture peuvent produire un système social contraire chez les macaques, caractérisé par un contrôle sexuel comme dans un harem, l'éjacu- lation après plusieurs montes (l'éjaculation ne se produit qu'après des rapports sexuels répétés entre le mâle et La femelle), une paternité quasi-certaine, et un manque de paternalisme. Le système social et sexuel détendu des bonobos a été attribué à La diversité de leur régime alimentaire et la richesse du milieu en ressources. Les bonobos femelles pratiquent l'attouche- ment génital mutuel, le contact génito-génital et bien d'autres comportements apparentés. La femelle bonobo possède un clitoris de grande taille ayant une orientation ventrale comparé à celui de la femelle chimpanzé.**' Le contact génital, qui fait partie des interactions sociales des bonobos, survient beaucoup plus souvent après un acte d'agression ou lorsque la nourriture est mono- polisée par un individu. On pense donc que les bonobos femelles peuvent utiliser l'activité sexuelle pour promouvoir la réconciliation et apaiser les tensions sociales et, de ce fait, restaurer et maintenir des rapports harmonieux. La fréquence des contacts génitaux est aussi liée au statut de la femelle, par exemple Les femelles de faible statut social initient les contacts plus souvent que les femelles dominantes. Cet ensemble de comportements sexuels auquel s'ajoute Le manque d'inhibition concernant la copulation hétérosexuelle a suscité de très nombreuses recherches ainsi qu'un intérêt populaire pour la sexualité des bonobos. Le statut social élevé des femelles peut aussi être lié à La différence des relations intergroupes pour les bonobos et les chimpanzés. Pour les bonobos, les interactions intergroupes sont régulières et se caractérisent par une excitation extrême et non par un conflit.’ Les chimpanzés se caractérisent par des réactions agonistiques envers les congénères d'autres groupes, se soldant parfois par des attaques mortelles de membres des autres groupes, tandis que les agressions entre différents groupes de bonobos qui se rencontrent sont rares. Par contre, des groupes différents de bonobos se réunissent pour se nourrir où pour se reposer dans une ambiance paisible. Les bonobos mâles devien- nent nerveux et ont tendance à rester derrière La ligne de contact entre les groupes au cours de telles rencontres, tandis que les femelles entrent délibérément dans un groupe différent et copulent avec des mâles inconnus.“ Par rapport aux chimpanzés mâles, les bonobos mâles font preuve de moins de compétition physique pour l'accès à la reproduction et sont moins agressifs envers les mâles d'autres groupes. Ils ne participent pas à des raids contre les communautés voisines.""”# L'organisation sociale mâle philopatrique commune aux deux espèces, selon laquelle Les jeunes mâles restent dans leur groupe natal tandis que les femelles migrent, ne préjuge pas des différences de leurs comporte- ments sociaux. D'une manière générale, les comportements sexuels sont plus fréquents et plus variés chez les bonobos des deux sexes que chez les chimpanzés.“ L'épouillage est plus uniformé- ment réparti entre individus dans Les communautés bonobos que dans les communautés chimpanzés, et l'épouillage entre individus de sexe opposé est plus fréquent et dure plus longtemps qu'entre individus du même sexe.* Les différences entre les deux espèces pourraient être moins intrinsèques qu'on ne l'aurait cru, en partie reliées aux conditions du milieu telles que La disponibilité en nourriture, La taille des groupe et les opportunités sexuelles.” De ce point de vue, la diminution de la compétition entre femelles permettrait le renforcement de la stabilité des groupes avec plus de sociabilité femelle chez les bonobos que chez les chimpanzés. Certains chercheurs considèrent aussi que la proximité génétique des bonobos et des chimpanzés serait plus forte que ne le suggère La comparaison de leurs ADN mitochondriaux. “77° On ne sait pas pourquoi les interactions sociales sont si différentes entre les bonobos et les chimpanzés. De l'avis général, la forte sexualité des bonobos femelles à laquelle s'ajoute leur réceptivité sur de longues périodes diminuent la cause majeure de frictions entre mâles qui rencontrent de nombreuses opportunités d'accouplement."!' Les femelles utilisent leur sexualité pour maintenir des coalitions effectives entre elles, favorisant une société sexuellement égalitaire au sein de laquelle toute tentative de possessivité du mâle serait inefficace. L'épouillage régulier entre les deux sexes renforce les relations sociales et favorise des relations sociales détendues. Le comportement sexuel non reproductif, comme toute interaction sociale, est potentielle- ment coûteux en terme d'énergie et de diminution de temps consacré à l'alimentation ; on ne peut donc pas écarter le fait que la richesse d'un milieu en nourriture est un facteur indispensable contribuant à l'édification du système social des bonobos. Par contre, si l'activité sexuelle est plus fréquente chez les bonobos que chez les chimpanzés, on assiste non pas à « une orgie infinie chez les bonobos, mais à une vie sociale émaillée de brefs moments d'activité sexuelle »,'! ainsi le coût énergétique pourrait ne pas être très important. Développement et reproduction Le développement de La reproduction, le fonction- nement hormonal et Les divers comportements des chimpanzés et des bonobos pendant le cycle menstruel sont détaillés au Chapitre 3. En bref, le premier gonflement génital se produit à l'âge de sept ans, la maturité sexuelle à neuf ans, alors que la taille adulte est atteinte à seize ans. À l'âge de huit ans, Les jeunes femelles commencent à migrer de groupe en groupe; l'installation dans une nouvelle communauté intervient entre 9 et 13 ans d'âge ? La femelle met bas pour la première fois entre 13 et 15 ans ; La portée est généralement d'un seul petit, souvent mis bas pendant la petite saison pluvieuse entre mars et mai? Le cycle menstruel dure 36-46 jours,” et La durée de la gestation est estimée à 220-230 jours. Les enfants sont dépendants de leur mère jusqu'à l'âge de 5 ans ; l'intervalle moyen entre deux naissances est de 4,6 ans. On ne sait pas si une ménopause se produit dans la mesure où l'on observe encore des cycles sexuels chez les femelles de plus de 45 ans.‘ L'espérance de vie est typiquement de 50 à 55 ans, ce qui suppose une moyenne de 5 à 6 naissances au cours de la vie d'une femelle. 77°? Selon les observations réalisées dans la région de Wamba de 1976 à 1996, le taux de mortalité infantile des bonobos est plus bas que chez les chimpanzés, ce qui serait dû à une combinaison de facteurs à Wamba tels que des fruits abondants et des aliments herbacés, une grande zone d'alimentation, une accessibilité des LE BONOBO { PAN PANISCUS) En captivité, Les bonobos utilisent souvent des outils, suggérant l'utilisation d'outils par les bonobos sauvages. 97 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 98 Encadré 5.2 LA COMMUNICATION CHEZ LES BONOBOS La communication chez les bonobos diffère de celle des autres grands singes à plusieurs égards, tous liés au fait que les bonobos ont adopté des stratégies sociales différentes de celles des autres grands singes. Les bonobos forment souvent des grandes communautés stables pouvant comprendre jusqu'à 120 membres qui se déplacent et se nourrissent ensemble, se subdivisant en petits groupes lorsqu'ils descendent au sol pour de longs déplacements. Contrairement aux autres grands singes, les bonobos font beaucoup entendre leur voix tant en captivité qu'en milieu sauvage où leurs cris se limitent surtout à la canopée. Les bonobos échangent souvent des regards et des gestes, tirent des branches d'arbre, cassent avec fracas de multiples branches, et frappent Le tronc d'arbre en guise de commu- nication. Selon des observations préliminaires, ils pourraient faire passer des messages, par exemple, en utilisant La végétation cassée pour indiquer La direction du trajet.* La coordination des déplacements en groupe vers deux, trois où quatre sources de fruits par jour nécessite une communication de haut niveau. Une large communauté de bonobos ne peut pas trouver la nourriture en quantité suffisante en se déplacant au hasard dans la forêt. Ils doivent localiser et trouver chaque jour des sources de fruits murs dans leur milieu. Lorsque la décision de se déplacer est prise, tous doivent se retrouver à La même destination quelques heures plus tard, même sils ne se voient ni ne communiquent vocalement à travers la forêt. Très larges, les communautés des bonobos se déplacent silencieusement au sol en petits groupes hors de vue les uns des autres ; leur vie quotidienne nécessite par conséquent une femelles aux meilleurs sites de nourriture, le paternalisme des mâles et l'absence de l'infanticide.?? Comportement vocal Les bonobos vocalisent plus que les chimpanzés ou tout autre grand singe (voir Encadré 5.2]. Leurs cris sont nombreux et audibles de près comme de loin, y compris les chœurs synchronisés qui finissent par résonner comme communication symbolique de haut niveau. Si, pour une raison ou une autre, il s'avère nécessaire de changer la destination choisie une fois que les bonobos se trouvent au sol (par exemple, s'ils découvrent des pièges sur leur itinéraire), ceci doit être transmis calmement d'un individu à un autre. IL reste encore beaucoup à apprendre sur la communication des bonobos sauvages. Comme les autres grands singes, les bonobos peuvent spontanément comprendre le langage humain et associer les symboles écrits aux expressions dans un contexte de captivité (voir Encadré 3.1]. Cette compétence ne requiert ni formation ni récompense. Elle émerge intuitivement, surtout lorsque les actes de communication rentrent dans les activités quotidiennes de déplacement d'un site de la forêt à l'autre, à la recherche des ressources alimentaires. Les jeunes bonobos âgés de deux ans en captivité peuvent facilement avoir une carte mentale d'une forêt de 20 ha, se déplacer à la recherche des ressources alimen- taires en empruntant de nouveaux ou anciens itinéraires, communiquer leurs intentions de déplacement à l'aide de symboles, et même guider des compagnons humains ne connaissant pas leur forêt en utilisant des désignations que Les bonobos choisissent et précisent à travers des symboles.‘ À l'âge de 4 ans, les bonobos sont capables de répondre aux questions relatives à leurs intentions de déplacement, programmer deux où trois destinations à l'avance, et commencent à ne plus être d'accord entre eux sur les destinations prévues. À huit ans, ils peuvent décider du Lieu de voyage des autres, les en informer et attendre leur retour. Les pisteurs locaux de RDC rapportent que les bonobos sauvages envoient des éclaireurs pour contrôler les ressources en nourriture pendant leur trajet de À à B. Cette activité, qui un écho. Parmi les plus remarquables se trouvent Les ‘high-hoots’ ou ululements, cris de longue distance les plus courants à tout moment de jour comme de nuit. Les bonobos poussent le plus souvent ces ululements lorsqu'ils arrivent tôt Le matin au site de nourriture et pendant qu'ils occupent un site potentiel de nidification dans l'après-midi. D'autres cris ont été identifiés pendant le repas et La copulation, ou face au danger.” reste à vérifier chez les bonobos sauvages, n'est pas observée chez les bonobos captifs Les bonobos en captivité peuvent acquérir un vocabulaire productif de plusieurs centaines de mots, à l'aide d'un clavier de lexigrammes [voir Encadré 3.1), milliers de et peuvent comprendre plusieurs mots prononcés. Les bonobos combinent Les symboles sans jamais avoir appris à le faire, et utilisent une grammaire simple qui est partiellement leur propre construction. Leur capacité à comprendre des structures grammati- cales complexes dépasse de loin ce quils produisent à l'aide des symboles lexicaux, ce qui semble néanmoins être un artefact du tableau de symboles artificiels plutôt que le reflet de La limite de leurs aptitudes grammaticales. Les bonobos tiennent des dialogues de symboles pouvant durer jusqu'à 20 ou 30 minutes et porter sur plusieurs sujets, en assurant la transition entre ceux-ci ; ils peuvent aussi reprendre le dialogue plus tard. Ils n'éprouvent aucune difficulté à passer d'un sujet à un autre, et à revenir au premier sujet sans avoir besoin de recréer la première conversation qui abordait ce sujet.” * Un parallélisme existe entre leur aptitude d'acquisition du langage en état de captivité et leur capacité d'acquisition des rudiments de la transformation de la pierre en outil.‘ Si le langage symbolique et La transformation de pierre en outil leur ont été montrés par leurs compagnons humains, c'est à travers limitation et l'observation que les bonobos ont acquis ces aptitudes. Plus intriguant encore, une fois qu'un bonobo a acquis ces aptitudes, celles-ci sont ensuite transmises à d'autres bonobos adultes et leur progéniture, sans le concours de l'homme, souvent avec beaucoup plus d'efficacité que celles acquises à travers l'apprentissage initial. Par exemple, le premier bonobo à acquérir La technique de transformation Utilisation d'outils Peu d'utilisations d'outils ont milieu sauvage. Au nord du Salonga, l'on a vu des bonobos été observées en Parc National de utiliser des bâtons pour creuser les termitières,‘ et Les mâles utiliser des branches dans leurs parades. En captivité, les bonobos utilisent divers objets : se balancer sur une corde, s'essuyer avec les feuilles, utiliser des bâtons comme échelles où armes.”*’# On a également vu de jeunes bonobos captifs utiliser des feuilles Lors de de pierre en outil a procédé d'abord au knapping horizontal et au lancer avant de développer finalement l'usage de coups obliques semblables au lancer, tout en tenant l'objet principal dans la main gauche et le marteau dans la main droite. Après avoir observé le premier bonobo, le deuxième bonobo qui a développé cette aptitude a adopté aussitôt la forme finale sans passer par les étapes intermédiaires Les outils, Le langage, et La culture semblent se développer de manière coordonnée chez les bonobos captifs élevés dans un milieu approprié ; il en est probablement de même pour les bonobos sauvages. Les vocalisations dans la nature sont complexes, fréquentes, échangées sous forme de longs dialogues, et accompagnées de gestes de pointage. Des cultures distinctes peuvent apparaître dans différents sites et des découvertes significatives concernant La culture et la communication chez les bonobos restent certainement encore à faire Susan Savage-Rumbaugh Un jeune bonobo en train de pousser un ululement David W. Liggett www.daveliggett.com) leurs jeux, se couvrant les yeux et jouant à l'aveuglette."IL est fort probable que ces comporte- ments existent chez les bonobos sauvages. Construction des nids De jour comme de nuit, les bonobos construisent des nids qu'ils utilisent pour dormir, s'épouiller, manger ou jouer. Construits chaque jour, les nids ont une forme circulaire et peuvent mesurer jusqu'à 1,3 m de diamètre. Les nids de nuit sont les plus LE BONOBO { PAN PANISCUS) 99 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Chasseurs locaux transportant un bonobo tué dans une forêt sur la commande d'un marchand de Kinshasa. élaborés et prennent plus de temps à construire. Ils sont souvent construits au milieu de La canopée (15- 30 m au-dessus du sol) alors que les nids diurnes sont généralement plus élevés. Les bonobos peuvent rassembler les branches de six arbres pour la construction de leur nid nocturne alors que les chimpanzés n'utilisent souvent qu'un seul arbre.” On signale également l'existence de nids terrestres, peut-être construits pour des fins autres que le repos.“ Les femelles construisent leurs nids plus haut, ceci Le plus souvent de jour, et les utilisent pendant plus longtemps que les mâles. On a noté que les bonobos de différents sites avaient des préférences différentes en ce qui concerne le type et Le lieu des arbres choisis pour construire Le nid.!?? Interactions avec Les autres animaux Diverses espèces diurnes de singes partagent le même territoire que Les bonobos, à l'instar du singe de marécage d'Allen (Allenopithecus nigroviridis), du cercocèbe noir (Lophocebus aterrimus], du cercocèbe agile (Cercocebus galeritus chrisogaster|, du cercopithèque à queue rouge (Cercopithecus ascanius), du cercopithèque pogonias de Wolf du bassin du Congo (Cerco- pithecus pogonias wolf, du cercopithèque de Brazza (Cercopithecus neglectus), de La guenon de Salonga (Cercopithecus dryas], du colobe guereza ou magistrat (Colobus guereza, et du colobe bai de Thollon (Procolobus sp. tholloni). À Yalosi, on a conclu que, bien qu'il existe un chevauchement alimentaire entre Le bonobo et les Jo Thompson/Lukuru Wildlife Research Project 100 quatre espèces de singes présentes, les singes étaient tous bien plus arboricoles que Le bonobo, et leurs niches écologiques étaient plus étroites.‘ Les interactions entre bonobos et autres espèces de primates ont été observées et particulièrement avec le colobe angolais (Colobus angolensis) et le singe à queue rouge.” Les bonobos traitent ces singes comme membres de leur propre espèce, mais au cours de certaines rencontres, certains singes ont été tués à la suite de mauvais traitements. Les singes ainsi tués n'ont pas été mangés. On a également observé à Wamba“ des interactions qui n'ont abouti à aucune blessure des individus impliqués, avec parfois même des séances d'épouillage entre les jeunes bonobos et Les colobes bais (Procolobus badius]. POPULATION Statut et évolution Peu d'informations sont disponibles sur l'évolution démographique des bonobos, et les effets de la guerre restent jusqu'ici largement inconnus. La baisse de la population dans l'ancien site de recherche de Yalosidi a été confirmée,” et on pense qu'une bonne partie de la population aurait aussi diminué sur le site de Wamba. La population totale a considérablement décliné du fait des activités humaines, en particulier La prolifération des armes à feu [y compris, tout récemment, l'artillerie lourde), ainsi que de la destruction de l'habitat. La répartition inégale de l'espèce ne facilite pas l'estimation de la population. Au sein de leur aire de distribution connue, la densité de La population locale varie de 0,25 à 3,7/km’, mais l'espèce n'est abondante nulle part. Le bonobo est classé comme espèce en danger sur la Liste Rouge de l'UICN (Union mondiale pour la nature) de 2004, ce qui indique que le risque de son extinction à l'état sauvage est très élevé dans un proche avenir. Le bonobo figure aussi dans l'Annexe | de la Convention sur le commerce des espèces de faune et flore sauvages menacées d'extinction (CITES), que La RDC a ratifiée en 1976. En tant que seul Parc National situé au sein de l'aire de distribution des bonobos, Salonga est d'une importance capitale pour la conservation des bonobos. Une étude sur un transect linéaire de reconnaissance systématique a été conduite sur environ 61 % des 36 560 km’ du parc en 2004, dans le cadre du programme MIKE (Système de suivi du braconnage des éléphants] de La CITES.“ L'étude a été coordonnée par WCS {Wildlife Conservation Society] et lICCN (Institut Congolais de Conservation de la Nature), et financée par WWF International, la USFWS (United States Fish and Wildlife Service), la Communauté Européenne, lUSAID-CARPE, et le Lukuru Wildlife Research Project. Les travaux de terrain ont été conduits par Lukuru Wildlife Research Project et Le Max Planck Institute. Les résultats montrent que la distribution des bonobos n'était pas uniforme, que ceux-ci n'étaient pas présents dans certains secteurs, et que leur densité était relativement forte dans certaines zones des deux blocs du parc : au nord et au nord-ouest du bloc septentrional ainsi qu'au sud-est, à l'ouest, et au nord-ouest du bloc austral, ainsi que dans le corridor séparant les deux blocs. Menaces La répartition des bonobos, qui a probablement toujours été irrégulière dans une vaste zone au sein du bassin du Congo, a été réduite par la pression humaine et la fragmentation forestière,“ et leur population a considérablement diminué suite au braconnage.** Ce braconnage s'est amplifié avec la chute de l'économie agricole suite à la guerre tandis que la chasse à but commercial s'est intensifiée notamment dans la forêt de Lomako."* Même si les bonobos ont l'air de s'adapter aux forêts secondaires, l'exploitation forestière a été identifiée comme étant la plus grande menace à long terme sur cette espèce, compte tenu du chevauchement entre l'aire de répartition des bonobos® et celle des concessions forestières encore en activité partielle. L'impact direct de l'exploitation forestière et l'intensification concomi- tante de la chasse semblent intimement liés compte tenu de l'amélioration de l'accès aux forêts et de La forte demande en viande de brousse sur les marchés locaux. Les exploitations agricoles et minières constituent également une menace pour l'habitat des bonobos. La croissance démographique de La RDC, qui est de 3 % par an, est la plus forte en Afrique. Le pays comptait 60 millions d'habitants en 1999 ; avec un tel taux de croissance, ce chiffre doublerait en 25 ans.” Les conditions de vie étant très difficiles en RDC, La majorité de La population dépend encore de la forêt pour l'alimentation, l'habitat et Les sources d'énergie. La pression sur toutes les ressources forestières connaît une progression rapide. La possibilité d'accès le long des fleuves facilite l'immigration humaine et le changement des modes d'utilisation des terres. L'absence des tabous protecteurs est susceptible d'accroître la pression de chasse. L'installation de nombreuses populations humaines aux conditions sanitaires précaires et ayant un système de soins rudimentaire peut favoriser La transmission des maladies et parasites humains aux bonobos.* Dans certaines régions du bassin du Congo, les populations locales chassent et mangent des bonobos. La chasse commerciale des bonobos est une menace grandissante même si l'on pense qu'elle n'est pas pratiquée dans Le Parc National de Salonga, la réserve scientifique de Luo, à Kokolopori, à Wamba et à Lukuru, pour ne citer que ceux-là. L'étude de reconnaissance de 2004 à compté 339 pièges et 97 campements de chasse sur 1 700 km.“ On n'a pratiquement pas trouvé de preuves tangibles de chasse aux bonobos - un seul crâne (mais pas de chair de bonobo] a été trouvé dans les 50 colis de viandes de brousse examinés”! - cependant les pièges ne sont pas sélectifs et peuvent blesser où tuer des bonobos par hasard. Par contre, la chair des éléphants est recherchée par les chasseurs qui utilisent des armes semi- automatiques, et ces animaux sont par conséquent considérés comme une espèce sérieusement menacée. On signale également le commerce des bonobos vivants généralement pour alimenter les collections privées. Les femelles et leurs petits sont particulièrement vulnérables car une mère en danger cherchera à porter son petit pour s'enfuir même si celui-ci est déjà grand,” ce qui la ralentit alors beaucoup et l'expose énormément. Depuis le début du conflit armé en 1996, des bonobos ont été tués par des soldats, y compris dans la réserve scientifique de Luo.” Les program- mes de recherche ont également connu des perturbations, compromettant ainsi Les recherches en cours sur l'histoire de vie, et l'évolution des bonobos, de même que les programmes de conservation impliquant les communautés de bonobos. D'une manière générale, ces activités de recherche ont connu un ralentissement sans s'arrêter complètement.” La pénétration de la guerre dans la forêt a accru la dépendance des populations locales aux produits sauvages, y compris la viande de brousse.“ Les bonobos adultes ont été tués pour leur chair tandis que les jeunes ont été capturés et vendus comme animaux familiers. On estime que, pour 12 bébés bonobos vus sur le marché de Kinshasa au cours d'une période de 5 mois pendant les pires moments de LE BONOBO { PAN PANISCUS) 101 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Le site de Lukuru, relativement sec, est d’une importance capitale pour Les recherches et La conservation des bonobos 102 Jo Thompson/Lukuru Wildlife Research Project trouble, 60 à 120 bonobos auraient été tués.” Néanmoins, la plus grande partie des populations de bonobos n'aurait pas été touchée par la guerre, en raison de leur éloignement du cœur des zones de conflit.” ATTITUDES ET TRADITIONS HUMAINES Histoire et tradition Les humains peupleraient le bassin du Congo depuis au moins 100 000 ans.‘ La grande migration des peuples bantous de la région connue actuellement comme le sud-est du Nigéria aurait débuté 1000 ans av. J.-C. Ces peuples se sont dispersés à travers les forêts et savanes d'Afrique, y compris l'actuelle RDC." De ce fait, La population de RDC est composée de 250 ethnies différentes, dont la plupart parlent les langues bantoues. Les plus grandes ethnies sont les Luba, les Kongo, et les Mongo.” Entre 100 av. J.-C et 200 ans après J.-C. les peuples non bantous, connus sous le nom de ‘pygmées’, ont été repoussés au centre du bassin du Congo, et ont disparu ailleurs à travers le métissage, la dépopulation, et La domination culturelle des peuples bantous. À La fin du 19°7* siècle, le Congo est colonisé par la Belgique et administré pendant de nombreuses années comme propriété personnelle du roi belge Léopold Il. Avant cette époque, la densité humaine était faible et les habitants vivaient de l'agriculture et de la chasse, avec probablement une sorte d'équilibre entre les ressources agricoles et forestières. La colonisation a introduit de nouvelles technologies ainsi que des espèces domestiquées, et les méthodes de production ont changé. Les européens ont conquis et, dans une certaine mesure, colonisé la région, exploitant ses habitants, ses ressources, et utilisant ses fleuves pour le transport. C'est en 1960 que La RDC obtint son indépendance du Royaume Belge. Le peuple bantou Ndegense domine actuelle- ment la fédération des quatre ethnies qui occupent la région de Lukuru, zone d'importance capitale pour la recherche et la conservation des bonobos.* Le peuple Bantou Mongo domine le reste de l'aire de distribution des bonobos.” Les populations locales chassent les animaux sauvages de génération en génération.“ Les filets, les arcs et Les flèches sont utilisés dans la chasse traditionnelle, mais Les fusils sont aussi couramment utilisés surtout depuis l'éclatement de la guerre civile. Dans les croyances populaires du nord de l'aire de répartition des bonobos, notamment à Wamba, l'homme est considéré comme le descendant du petit frère d'une famille de bonobos qui vivaient en forêt. Au sud, notamment à Lukuru, les bonobos représentent un frère déchu qui tente de redevenir homme. Toutes ces croyances sont à la base des tabous locaux sur la chasse. Ailleurs et plus encore dans les zones de tabou, les produits obtenus d'un bonobo tué sont très prisés : le cerveau est une nourriture très appréciée ; Les cendres des os confèreraient une forte virilité masculine ; les os écrasés sont utilisés pour le bain des bébés afin de leur donner de La vigueur“ ÉVÈNEMENTS RÉCENTS En RDC, les concessions forestières sont désormais attribuées pour un bail d'une durée de 25 à 99 années ; certaines ont été attribuées dans l'aire de distribution géographique des bonobos. D'après les chiffres fournis en 2003 par le Service Permanent d'Inventaire et d'Aménagement Forestier de La RDC, près de 24 % du territoire des bonobos fait partie des zones classées comme concessions d'exploita- tion forestière?” Les outils modernes tels que le fusil et Les câbles d'acier augmentent l'efficacité de la chasse ; les bonobos peuvent être pris dans les pièges” même s'ils n'en sont pas la véritable cible. Les gens ont souvent peur des bonobos”® même si les populations locales Les côtoient. Les bonobos et Les populations humaines partagent les mêmes sources de nourriture sauvage ; les bonobos viennent parfois piller les jardins sans toutefois être considérés comme une menace sérieuse pour les cultures. La guerre civile en RDC dans les années 90 a obligé les populations humaines à se déplacer en masse pour s'installer dans des zones plus calmes. Ces migrations constituent une menace pour les bonobos car des populations n'ayant aucun tabou vis-à-vis de La consommation de la chair du bonobo se sont installées dans leur aire de répartition. CONSERVATION ET RECHERCHE Aires protégées La superficie minimale pouvant supporter une population viable de bonobos est estimée entre 300 et 600 km, le chiffre exact dépendant de La densité de la population de bonobos, du degré et du type de menace, et de bien d'autres facteurs locaux.” Deux aires protégées d'une superficie de plus de 300 km° chacune, font partie du territoire des bonobos, à savoir Le Parc National de Salonga et la réserve scientifique de Luo. Ils sont aussi présents dans la réserve forestière de Lomami-Lualaba qui est en cours de reclassement comme aire de protection intégrale. Une expédition à Lomami-Lualaba, appuyée par WCS et conduite par Mwinyihali, y a confirmé la présence des bonobos en 2003. Le Parc National de Salonga au centre de l'aire de répartition des bonobos a été créé en 1970, particulièrement pour la protection des bonobos.* Encore intact, Le parc couvre une superficie de 36 560 km, divisée en deux blocs de dimensions presque égales (secteur nord et secteur sud) que sépare un corridor non protégé de 40-50 km de large. Le parc comprend un plateau de faible altitude couvert par une forêt marécageuse, des rivières, et des hauts plateaux couverts de forêts sèches. Bien que Le parc ne semble pas abriter de nombreux bonobos comparativement à Lomako et Wamba, une présence importante de bonobos a été signalée dans le secteur nord-est.* L'implication du gouvernement et la mise en application des lois sont, cependant, faibles dans cette zone, où la chasse constitue actuellement une véritable menace.” La réserve scientifique de Luo (358 km’) est un site de recherche sur les bonobos ; le secteur nord se trouve proche du village Wamba et le secteur sud du village Ilongo. Cette zone a été identifiée en 1973 comme étant un site idéal d'étude des bonobos ; depuis lors, Les populations riveraines y travaillent comme assistants de recherche et employés de la station de recherche et des projets de conservation. L'institut de Recherches sur les Primates d'Inuyama au Japon, le Comité de Wamba pour les recherches sur les bonobos, et Le Centre de Recherche en Écologie et Foresterie gèrent conjointement un projet basé au village Wamba. L'expansion agricole et l'exploitation forestière constituent les principales menaces dans la région. La plupart des travaux de recherche a été arrêtée pendant la querre civile, et les chercheurs ne sont revenus qu'en 2002.**? Située dans le secteur nord de l'aire géographique des bonobos et limitée par des fleuves, la forêt de Lomako, avec sa superficie de 3100 km’, dispose d'un bon couvert forestier et est très peu peuplée. Il a été signalé que Le secteur du centre sud de la forêt abrite une population viable de bonobos relativement à l'abri de la pression de la chasse, tandis que le secteur nord a été affecté par celle-ci. Bien que Les populations riveraines aient une forte tradition de chasse, les bonobos sont protégés par les tabous. Mais, avec La chute continue de l'économie agricole, la situation est en train de changer et la zone est de plus en plus accessible. Les efforts de création d'un parc national dans la zone n'ont pas encore porté leurs fruits. Des études viennent également d'être menées dans les localités du lac Tumba et de Kokolopori, mais aucune aire protégée n'y a été créée.” La forêt communautaire de Bososandja, située au sud du territoire, a aussi été proposée en vue d'une protection officielle.” Le Centre de Recherche en Écologie et Foresterie a proposé La création d'une aire protégée à Tumba, mais le statut de cette proposition reste flou.” Jo Thompson/Lukuru Wildlife Research Project LE BONOBO {PAN PANIScUS) Rencontre entre Jo Thompson, Directeur du Projet de recherches de Lukuru, et lyo Booto Alfonse, Grand Chef du groupement de Isolu, ayant instruit ses sujets de collaborer avec Le projet dans la protection des bonobos. 103 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 104 Les activités de conservation et de recherche L'observation des bonobos sauvages ne peut avoir lieu qu'en RDC, mais Les travaux de terrain sur cette espèce ont été beaucoup perturbés par les évènements politiques intervenus dans le pays. C'est en 1973 que les chercheurs commencent à explorer la biodiversité de La région ; Les recherches académiques et les travaux de conservation ont prospéré dans les années 70 et 80, encouragés par l'ancien président Mobutu. Ensuite, il y a un hiatus dans la plupart des travaux de terrain à cause de la guerre civile qui a renversé le président Mobutu en 1996/1997, et qui a affecté La plupart du pays pendant Les années suivantes. La plupart des travaux de terrain sur les bonobos sont réalisés dans Les localités de Wamba et Lomako. On espère que les travaux de Lukuru, mosaique de forêts sèches et de savanes, permettront de comprendre l'écologie comporte- mentale non disponible dans les sites de recherche forestiers. * Les autres sites de recherche se trouvent à Yalosidi, au lac Tumba, et à Lilungu. Les recherches sur les bonobos se focalisent sur le comportement social dans un but d'études comparatives avec les chimpanzés, mais aussi pour répondre à l'intérêt public et académique sur la sexualité des bonobos et La formation de La coalition des femelles, parallèlement à l'essor du mouvement féministe des années 70 et 80.” L'écologie comportementale des bonobos est également étudiée, et Les types d'habitat occupés identifiés. Parallèlement, la communication, le langage et La manipulation des outils font l'objet de recherches notamment sur les bonobos en captivité, et des travaux de suivi sur le terrain viennent d'être entrepris. Le programme d'études forestières MIKE, dont La coordination technique et administrative est assurée par WCS, vise à renforcer les capacités institutionnelles des pays concernés en matière de gestion des populations d'éléphants et de grands singes. Dans le cadre de ce programme, des populations de bonobos ont été identifiées dans Les zones de l'aire de distribution des éléphants qui n'avaient pas encore été étudiées ou prospectées récemment.* l'estimation des populations de bonobos a été conduite à Lomako, à Lukuru, et dans le Parc National de Salonga, tandis que des infrastructures de conservation ont été construites à Lukuru et Salonga.”? L'ICCN est chargé de la gestion et des travaux de recherche relatifs aux aires protégées du pays. Avec l'appui de l'UNESCO et de la Fondation des Nations Unies, l'ICCN a œuvré pour la conservation des bonobos et autres grands singes dans les aires protégées pendant le conflit en RDC. De nombreuses organisations nationales et inter- nationales participent également aux efforts de conservation. En 1997, la ‘Zoological Society’ de Milwaukee initie un projet d'évaluation des densités de bonobos et autres grands mammifères du Parc National de Salonga. Ces travaux de terrain ont été suspendus à cause du conflit armé, mais la ‘Zoological Society’ et l'USAID font partie des orga- nisations qui appuient les activités de sensibili- sation du public en RDC. Artistes, éducateurs, organisations non gouvernementales, et respon- sables gouvernementaux ont participé activement aux recherches, à l'éducation et à La production des brochures et magazines.“ Les autres organismes impliqués comprennent : le Comité de Wamba pour la recherche sur les bonobos et la National Geographic Society, Le Projet de recherches sur la faune sauvage de Lukuru, l'Initiative de conservation des bonobos du lac Tumba, Vie sauvage de Kokolopori, et Max Planck Institute de La région de Lui Kotal. Les informations supplé- mentaires sur les activités de conservation sont détaillées dans le chapitre consacré à La RDC (Chapitre 16). Priorités en matière de conservation Un plan d'action pour les primates d'Afrique mis à jour“ et un plan d'action axé sur les bonobos® ont été publiés au milieu des années 90. Ce dernier est une compilation des informations sur les sites et activités de recherches au cours des 20 dernières années. IL identifie les priorités en matière de conservation dans chaque site et recommande des actions de recherche (par ex. La définition de l'aire de répartition actuelle et le statut actuel de la population), de réglementation (par ex. La protection de l'habitat], d'éducation et de formation. En novembre 1999, le Conservation Breeding Specialist Group’ de l'UICN organise une réunion d'évaluation du statut de conservation des bonobos, au cours de laquelle les participants identifient Les menaces et fixent des priorités en matière de recherches et de conservation. Les recomman- dations portent tant sur les mesures de conservations de l'espèce que sur la nécessité d'améliorer la qualité de la vie des populations humaines. Les activités suivantes sont proposées : sensibilisation des populations de La RDC à la conservation de l'espèce, coordination des activités, évaluation des populations de bonobos, partage des informations, éducation du public, réouverture des sites de recherche, etc. Des appels sont également lancés en vue d'un plus grand intérêt de la communauté internationale pour la RDC, du renforcement des initiatives pour restaurer la paix, d'un investissement pour le renforcement et l'entretien des aires protégées.” Un autre atelier sur les bonobos, organisé au Japon en juillet 2003, passe en revue les recherches conduites à Wamba, Lomako, et Tukuru. IL fixe également des priorités pour l'avenir, notamment le développement des infrastructures et la poursuite de la participation communautaire dans la plupart des sites de recherche.” La sécurité de l'avenir de ces primates extraordinaires est loin d'être garantie. IL sont présents à l'intérieur du bassin du Congo, mais peu nombreux, avec une population totale qui serait bien en decà de l'estimation maximale de 100 000 individus. Avec l'érosion des tabous qui Les protégeaient localement, due aux migrations des populations humaines dans leur territoire, ils sont de plus en plus chassés comme gibier. Cette pression n'a fait qu'augmenter avec la guerre qui a dégradé l'économie agricole, favorisé l'exploitation forestière et le commerce de viande de brousse. Avec la fin de la guerre, on craint que l'exploitation OUVRAGES À CONSULTER forestière et minière par des sociétés industrielles ne s'intensifient de facon spectaculaire. Avec l'ouverture des régions, les nouvelles voies de transport vont permettre d'acheminer facilement La viande de brousse vers de nouveaux marchés créés par une population humaine en plein essor, augmentant de ce fait La pression sur toute la faune sauvage. Malgré cela, les bonobos sont présents dans des zones comme le Parc National de Salonga et La forêt de Lomako, encore reculées et relativement peu peuplées. Des opportunités existent pour la mise en place de stratégies efficaces de conser- vation, d'éducation et de gestion, avant que la pression sur les bonobos n'atteigne des proportions alarmantes. Comme autres atouts de conservation, on peut citer l'intérêt sans cesse croissant de la communauté internationale envers les bonobos, en partie compte tenu de la perception de ces primates ayant une vie sociale intéressante et paisible, contrastant avec le stéréotype du chimpanzé agressif, offrant un modèle alternatif pour la compréhension des sociétés d'hominidés. Cet enthousiasme peut se traduire par un appui du public afin que des gouvernements donateurs puissent s'engager à « adopter » cette espèce et s'impliquer pour garantir sa survie. Ces dispositions accroîtraient considérablement l'impact des mesu- res de conservation, qui sont sinon essentiellement basées sur l'engouement des organisations non gouvernementales, des chercheurs, et de nom- breuses populations locales. Bermejo, M. ILlera, G., Sabater Pi, J. (1994) Animals and mushrooms consumed by bonobos (Pan paniscus) - new records from Lilungu (Ikela), Zaire. /nternational Journal of Primatology 15 (6): 879-898. Coxe, S., Rosen, N., Miller, P., Seal, U. (1999) Bonobo Conservation Assessment. Workshop Report. Kyoto University Primate Research Institute, Inuyama, Japan. de Waal, F., Lanting, F. (1997) Bonobo. University of California Press, Berkeley. Galdikas, B.M-F., Briggs, N.E., Sheeran, L.K., Shapiro, G.L., Goodall, J., eds (2001) Al! Apes Great and Small, vol. 1: African Apes. Kluwer Academic/Plenum Publishers, Boston, Dordrecht, London, Moscow, New York. Hohmann, G., Fruth, B. (2003) Culture in bonobos? Between-species and within-species behavior Current Anthropology 44 (4): 563-570. Horn, A. [1980] Some observations on the ecology of the bonobo chimpanzee (Pan paniscus, Schwarz 1929) near Lake Tumba, Zaire. Folia Primatologica 34: 145-169. Kano, T. (1992] The Last Ape: Pygmy Chimpanzee Behavior and Ecology. Stanford University Press, Stanford. Kortlandt, A. (1996) A survey of the geographical range, habitats and conservation of the pygmy chimpanzee (Pan paniscus]: an ecological perspective. Primate Conservation 16: 21-36. McGrew, W.C., Marchant, L.F., Nishida, T., eds (1996) Great Ape Societies. Cambridge University Press, Cambridge, UK. LE BONOBO { PAN PANISCUs) 105 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 106 Sussman, R.L., ed. (1984) The Pygmy Chimpanzee, Evolutionary Biology and Behavior. Plenum Press, New York. Thompson, J., Hohmann, G., Furuichi, T., eds (2003) Bonobo Workshop: Behaviour, Ecology and Conservation of Wild Bonobos. Inuyama, Japan. Thompson, J.A.M. (1997) The History, Taxonomy and Ecology of the Bonobo Pan paniscus [Schwarz, 1929], with a First Description of a Wild Population Living in a Forest/savanna Mosaic Habitat. PhD dissertation, University of Oxford. Thompson-Handler, N., Malenky, R.K., Reinartz, G.E. (1995) Action Plan for Pan paniscus: Report on Free-ranging Populations and Proposals for their Preservation. Zoological Society of Milwaukee County in cooperation with the IUCN/SSC Primate Specialist Group, Milwaukee. SOURCES DE DONNÉES CARTOGRAPHIQUES Carte 5.1 Les statistiques sur les chimpanzés proviennent des sources suivantes, tenant compte des mises à jour des profils de pays du chapitre 16 : Butynski, T.M. (2001) Africa's great apes. In: Beck, B.B., Stoinski, T.S., Hutchins, M., Maple, T.L., Norton, B., Rowan, À. Stevens, EF. Arluke, À. eds, Great Apes and Humans: The Ethics of Coexistence. Smithsonian Institution Press, Washington, DC. pp. 3-56. Pour obtenir des données sur les aires protégées, voir ‘utilisation des cartes’ REMERCIEMENTS Nous adressons nos remerciements à Colins Groves (Université nationale d'Australie] pour ses commentaires sur Le manuscrit du présent chapitre. Nos remerciements vont également à Stephen Blake, John Hart, et aux collègues de WCS pour les informations sur Les études de MIKE sur Les bonobos, ainsi qu'à Els Cornelissen (Musée royal de l'Afrique centrale en Belgique] pour les conseils en matière d'archéologie. AUTEURS Carmen Lacambra, UNEP World Conservation Monitoring Centre Jo Thompson, Lukuru Wildlife Research Project Takeshi Furuichi, Meiji-Gakuin University Hilde Vervaecke, Université d'Anvers Jeroen Stevens, Université d'Anvers Encadré 5.1 Frances White, University of Oregon Encadré 5.2 Susan Savage-Rumbaugh, Georgia State University LE GORILLE CHAPITRE 6 Le gorille : Présentation générale JULIAN CALDECOTT ET SARAH FERRISS L'existe deux espèces de gorilles séparées par | le bassin du Congo, région d'Afrique centrale située au sud du fleuve Congo où vivent les bonobos. Chaque espèce comporte deux sous- espèces :? M {Le gorille oriental (Gorilla beringei, Matschie, 1903) qui comprend le gorille oriental de plaine (G.b. graueri, Matschie, 1914] et le gorille de montagne (G.b. beringei, Matschie, 1903) ; et M {Le gorille occidental (Gorilla gorilla, Savage, 1847) qui comprend le gorille occidental de plaine (G.g. gorilla, Savage, 1847] et Le gorille de Cross River (G.g. diehli, Matschie, 1904). Les études de l'ADN mitochondrial (ADN mt) suggèrent que la lignée du gorille occidental s'est séparée de celle du gorille oriental il y a 2 millions d'années (ma), sans pour autant que cela signifie que ces populations étaient déjà isolées les unes des autres. L'Afrique tropicale avait alors un climat plus sec et plus froid qu'aujourd'hui,” fragmentant les forêts qui abritaient l'ancêtre commun des gorilles, et accélérant éventuelle- ment une divergence déjà en cours du fait de la très vaste aire géographique de cette espèce. Les deux espèces de gorilles présentent de nombreuses ressemblances” et jusqu'en 2001, étaient considérées uniquement comme des sous-espèces.'' Toutes deux se caractérisent par une taille importante et un dimorphisme sexuel prononcé ; les mâles adultes pouvant peser jusqu'à 200 kg contre environ la moitié pour les femelles adultes. Les deux espèces ont une poitrine et des épaules larges, une large tête, et une face noire, brillante et sans poil. À leur maturité, les mâles de ces deux espèces, développent une crête sagittale (ou cimier]) et Les poils de leur dos prennent une couleur argentée, d'où Le nom dos argenté. Le gorille oriental est généralement un peu plus large que le gorille occidental. Les différences physiques qui les distinguent sont les suivantes : M {Le gorille oriental a des poils plus longs et plus noirs que le gorille occidental dont les poils lizabeth A. Williamson : PRÉSENTATION GÉNÉRALE Gorille oriental de plaine, mâle à dos argenté, en RDC. 107 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Un bébé gorille occidental de plaine cherche Le réconfort en se faisant porter sur le dos d'un gorille plus âgé ; Site de réhabilitation de La Lefini au Congo. 108 lan Redmond/UNESCO sont plus gris ou plus bruns ; les poils de la tête de ce dernier ont tendance à avoir des tons roux, et Les poils du cimier et de la nuque des mâles adultes deviennent généralement châtains vifs :°? MB Le gorille oriental a une crête sagittale plus développée le long de La ligne médiane du crâne que le gorille occidental, suggérant une musculature plus puissante de La mâchoire; et M La selle de poils blancs du dos argenté’ occidental se prolonge souvent jusqu'à la cuisse et se mêle plus graduellement à la couleur du reste du corps comparé au ‘dos argenté oriental chez qui la selle tend à se dessiner plus clairement et à plus contraster avec les poils noirs. ÉCOLOGIE Tous les gorilles mangent à peu près les mêmes types de nourriture, leur choix précis ne dépendant que de la disponibilité absolue ou relative des différents aliments. En raison de leur plus grande taille, Les gorilles peuvent manger une nourriture de relativement moindre qualité nutritive par rapport à celle des autres grands singes. Le choix des aliments est contraint par leur estomac, simple et non fermentatif qui ne permet pas de manger trop de feuilles matures. Les gorilles de montagne ont été étudiés en altitude dans les trois parcs nationaux des Virunga {Virunga, Volcans, et Mgahinga), et à une plus faible altitude dans La forêt du Parc National Impénétrable de Bwindi. Dans les Virunga, leur régime alimentaire est dominé par les feuilles et les jeunes pousses de plantes herbacées (en abondance là-bas], tandis qu'à Bwindi, il comprend beaucoup plus de fruits (très rares dans les parcs de Virunga mais répandus à Bwindi].'%* Dans les deux sites, Le régime alimentaire est influencé par les saisons. Les gorilles peuvent se repaître des ‘spécialités saisonnières telles que les jeunes pousses de bambou ou avoir une alimentation plus variée comprenant des plantes herbacées, des écorces, et des petites branches, lorsque la disponibilité Le permet.” Compte tenu de la faible qualité et digestibilité de leur régime alimentaire, Les gorilles de montagne des Virunga passent la majeure partie de leur journée à se nourrir, quand ils ne se reposent pas.“ Les groupes occupent une petite zone pendant un jour où deux, puis se déplacent. Ils y retournent rarement avant plusieurs mois ce qui permet à la végétation, piétinée et fourragée, de se régénérer. La végétation herbacée étant abondante, répandue et d'une faible qualité nutritive, il n'y a pas de raison écologique à défendre un territoire vis à vis des autres gorilles. Dans certains cas, des groupes de gorilles de montagne des Virunga ont même des domaines vitaux qui se chevauchent complètement. Ceux qui vivent à Bwindi sont plus mobiles que ceux des Virunga ; un groupe de Bwindi peut exploiter jusqu'à 40 km” par an contre 5-11 km? générale- ment exploités dans les Virunga.““ Ceci reflète la plus forte abondance des fruits saisonniers à Bwindi que dans les Virunga qui entraîne un sur- croît de trajet pour dénicher la nourriture prisée. Les gorilles orientaux de plaine ont été étudiés à des altitudes variées (certains gorilles de plaine vivent à des altitudes plus élevées que certains gorilles de montagne] dans les forêts de Kahuzi-Biega, Maiko, et Itombwe à l'est de la RDC. Les groupes occupent des domaines de 13- 17 km” dans les forêts de montagne,“ mais on ignore la taille de leur domaine dans les forêts tropicales de faible altitude. Tout comme les gorilles de montagne, ils se déplacent moins dans les montagnes que dans les forêts de faible altitude. Leur alimentation se compose de fruits, de graines, de feuilles, de tiges, et d'écorces ainsi que de fourmis, de termites, et autres insectes. Les gorilles orientaux de plaine préfèrent les fruits mais, lorsque ceux-ci se font rares, ils se nourrissent surtout de végétaux herbacés. Selon la saison, ils consomment beaucoup de jeunes pousses de bambou. Le régime alimentaire des gorilles occiden- taux varie également suivant les saisons.°"” Pendant la saison des fruits, il est essentielle- ment frugivore, tandis que Le reste du temps, ilest plutôt constitué de jeunes pousses, de jeunes feuilles et d'écorces. Les plantes terrestres herbacées, les herbes aquatiques et Les insectes sont consommés tout au long de l'année suivant leur disponibilité et Les opportunités. Les gorilles occidentaux de plaine ont été étudiés dans plusieurs sites en République Centrafricaine (RCA), au Congo, et au Gabon, mais, en dépit de leur plus grand nombre, ils sont moins connus que les gorilles orientaux. Ils occupent divers types d'habitat, notamment les forêts de faible altitude, de marécages et de montagnes ; les forêts à canopée ouverte ou fermée ; Les forêts à sous-bois dense ou clairsemé ; et des forêts dégradées, en régénération. Le rare gorille de Cross River est encore moins étudié, mais nous savons que son alimentation comprend des fruits, des feuilles, des tiges, La moelle des végétaux, des invertébrés et de La terre.” ILest généralement admis que les fruits sont beaucoup plus abondants dans l'habitat du gorille occidental que dans celui du gorille oriental, d'où leur alimentation beaucoup plus frugivore et leur plus grande mobilité. Dépassant généralement 20 km’, les domaines des gorilles occidentaux sont plus vastes que ceux des gorilles de montagne {sauf à Bwindi), et il peut y avoir d'importants chevauchements entre les domaines de groupes voisins." Ces chevauchements amènent parfois différents groupes à se rencontrer. De telles rencontres donnent lieu à des vocalisations et des frappements de poitrine de la part des deux groupes où uniquement d'un seul pouvant entraîner le retrait de l'un des groupes. Ces rencontres sont parfois violentes et peuvent causer des blessures mortelles. LE GORILLE : PRÉSENTATION GÉNÉRALE SOCIÉTÉ ET PSYCHOLOGIE Les jeunes gorilles sont considérés comme ‘enfants’ jusqu'à leur sevrage, vers trois ans,” voire plus tard chez les gorilles occidentaux de plaine.“ Les animaux jeunes où immatures sont regroupés en diverses catégories :”! juvéniles (3-6 ans), sub-adultes (6-8 ans), et jeunes mâles matures où adolescents, communément appelés ‘dos noir’ (8-11 ans). Le grisonnement des poils du dos et de la crête sagittale des mâles matures (après 12 ans, appelés dos argenté) débute à l'âge de 10-11 ans et s'achève à environ 15-16 ans. Les femelles ne connaissent pas ce changement de coloration durant leur maturation. On ignore la longévité maximale des gorilles sauvages,” mais on a recensé des gorilles de montagne de plus de 40 ans et un gorille a atteint 53 ans dans un z00.' La taille moyenne des groupes est de 7 à 16 animaux, la plupart regroupant entre 8 et 11 individus, et cela quelles que soient les populations de gorilles, le type d'habitat et leur régime alimentaire. Le groupe comprend généralement un mâle dominant (mâle adulte à dos argenté), trois ou quatre femelles, et quatre ou cinq jeunes.*****%* Cette composition de type harem concerne la quasi-totalité des groupes de gorilles occidentaux, près de 90 % des groupes de Martha M. Robbins Gorilles de montagne dans Le Parc National de Bwindi en Ouganda. 109 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Gorilles détruisant La végétation sur leur passage. 110 gorilles de plaine orientaux et environ 60 % des groupes de montagne. La présence de groupes composés uniquement de mâles et de groupes multimäles équilibre, du point de vue des mâles, la structure « harem ». La plupart des groupes multimâles résulte du fait que de jeunes mâles restent dans leur groupe natal après leur maturation. Quand ils deviennent dos argenté, ils peuvent hériter ou partager l'accès aux accouplements au sein du groupe. C'est pourquoi on pense que les mâles adultes des groupes multimâles sont apparentés. Mais il est plus courant, surtout chez les gorilles de plaine, que les mâles en maturation quittent leur groupe natal en partant avec des femelles, où en rejoignant temporairement un groupe composé uniquement de mâles ou encore en restant solitaires jusqu'à la formation de leur propre groupe en attirant des femelles. Les femelles migrent aussi d'un groupe à l'autre et parfois plus d'une fois au cours de leur vie. Si une femelle migre avec son enfant, celui-ci Gordon Miller/IRF = 25 Q risque d'être tué par le mâle dominant du nouveau groupe.” IL est alors difficile de comprendre pourquoi des femelles prennent ce risque. Plusieurs facteurs semblent intervenir : une prédisposition des femelles à quitter le groupe natal et leurs préférences et aversions peuvent contribuer à influencer Le choix de leur partenaire sexuel. Suite au décès du mâle adulte, soit les femelles migrent dans un ou plusieurs groupes successivement, soit un nouveau mâle adulte prend la tête du harem. Lorsque le mâle dominant d'un groupe multimâle meurt, les femelles restent généralement avec « l'héritier » qui leur est déjà familier. Chez les gorilles, les liens sociaux ne semblent pas particulièrement forts, à l'exception du lien mère / enfant. En vieillissant, Les jeunes gorilles passent de plus en plus de temps auprès du mâle dominant jusqu'à l'âge de l'adoles- cence.* Les interactions entre mâles adultes et femelles se limitent surtout à l'échange de vocalisations (voir Encadré 8.3], aux démonstrations de force des mâles envers les femelles, à l'apaisement des mâles par des femelles persécutées, et aux interventions des mâles pour mettre fin aux conflits entre femelles {et parfois inversement]. Ces interventions sont toujours des attaques de faible intensité qui ne compromettent guère les rapports entre mâles et femelles, mais peuvent limiter l'efficacité des coalitions entre femelles et permettre aux mâles d'asseoir leur dominance.‘ Les mâles des groupes multimâles interagissent peu, et Les relations entre mâle à dos argenté et dos noir sont généralement réduites au minimum car les dos noirs, subordonnés, ont tendance à passer beaucoup de temps en périphérie du groupe. Les interactions affiliatives (amicales ou coopératives) entre mâles sont donc rares, mais les mâles au sein d'un groupe multimâles peuvent occasion- nellement coopérer pour empêcher le départ des femelles.” Nos connaissances sur la reproduction et Le comportement sexuel des gorilles occidentaux sont encore embryonnaires ; ces sujets ont été mieux étudiés chez les gorilles de montagne que chez les autres sous-espèces." Chez le gorille de montagne, les femelles atteignent la maturité sexuelle à l'âge de six ou sept ans, même si on observe une période de stérilité adolescente de deux ans entre Le premier signe du comportement de type oestrus et La première Gordon Miller/IRF conception ; comme chez les chimpanzés et Les bonobos, cette période permet d'acquérir une certaine expérience de vie en groupe et avec différents partenaires potentiels. Le cycle menstruel des adultes a une durée moyenne de 28 jours, au cours duquel les femelles sont le plus réceptives et attirantes durant la phase d'ovulation, c'est à dire pendant 1 à 4 jours au milieu du cycle. Cependant, les accouplements ou les tentatives de copulation surviennent pendant ou autour du pic de la concentration en æstrogènes durant le cycle menstruel et la gestation.” "7 Dans les groupes uni-mâle de gorilles de montagne, le mâle unique engendre toute la progéniture.” Dans les groupes multimäâles, les mâles subordonnés peuvent aussi s'accoupler, mais généralement avec les femelles sub- adultes, moins fertiles.” Bien que les mâles dominants les en empêchent souvent, ils sont Les pères d'un certain nombre de jeunes” Les accouplements avec des individus d'un autre groupe sont extrêmement rares. Le choix des mâles par les femelles est apparemment important chez les gorilles de montagne; il LE GORILLE : PRÉSENTATION GÉNÉRALE dépend du comportement des mâles; les femelles font le choix de demeurer avec Le mâle de leur groupe où de le quitter pour rejoindre un autre groupe. Les gorilles orientaux de plaine partagent de nombreuses caractéristiques de reproduction avec les gorilles de montagne, notamment la conception tardive, l'âge de la première conception (8-9 ans), et l'intervalle entre deux naissances (environ 4 ans). Comme tous les autres grands singes, les gorilles construisent des nids dans lesquels ils dorment La nuit ; ils peuvent facilement apprendre a utiliser Le langage humain des signes et acquérir de nouvelles capacités motrices enseignées en captivité. Contrairement à tous les autres grands singes à l'exception des orangs- outans de Bornéo, on n'avait jamais observé, jusqu'à très récemment (ndir}, les gorilles sauvages fabriquer ou manipuler des outils. Ces rares observations suggèrent que l'utilisation d'outils est liée à la sociabilité des animaux suffisamment doués d'intelligence et d'aptitude d'apprentissage. En effet, elle élargit le champ des comportements potentiels qu'ils peuvent La conservation ne se fait guère sans conflit, les écogardes œuvrent pour maintenir l'adhésion des populations riveraines, comme ici en Ouganda. 111 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Des jeunes gorilles de montagne dans Le Parc National des Virunga en RDC (photo du haut) ; un mâle à dos argenté dans le Parc National Impénétrable de Bwindi en Ouganda. 112 Martha M. Robbins découvrir et apprendre. Les animaux solitaires que l'on voit rarement, tels que les orangs-outans de Bornéo, et les animaux vivant en groupe qui interagissent peu entre eux, tels que Les gorilles, seraient Les moins susceptibles de développer l'utilisation d'outils. Selon une autre explication Les gorilles n'auraient pas besoin de développer l'utilisa- tion d'outils dans La mesure où ils n'éprouvent pas de difficultés particulières à se nourrir. PRÉOCCUPATIONS LIÉES A LA CONSERVATION Parmi les gorilles orientaux, la sous-espèce de montagne comprend des populations d'effectif très réduit mais stable qui vivent dans plusieurs parcs nationaux des Virunga, bien gérés (380 gorilles environ pour une superficie forestière de 400 km) !° et à Bwindi (environ 320 gorilles pour 200 km’ de forêt}. Les parcs bénéficient de l'appui de la communauté scientifique et des organisations non gouvernementales internationales, des program- mes touristiques à but lucratif impliquant Les gorilles, et des gouvernements des pays de la région. Ces populations sont trop petites pour répondre aux critères théoriques de santé génétique ; elles sont vulnérables aux cata- strophes telles que les épidémies, et très menacées par le braconnage si la vigilance des conservationnistes venait à se relâcher. Fort heureusement, les efforts de conservation sont maintenus avec une grande attention. La situation du gorille oriental de plaine est beaucoup plus préoccupante et urgente : sa population était estimée à près de 17 000 individus au milieu des années 90 mais on craint que jusqu'en 2004, des milliers d'entre eux aient été tués par des chasseurs.” Pendant cette période, La guerre civile a ravagé entièrement l'aire de distribution de ce gorille tandis que l'armée régulière, les rebelles, Les réfugiés et les mineurs vivaient tous en puisant dans les ressources naturelles. La viande de brousse, y compris celle de gorille, est encore consommée en grande quantité. L'invasion de Bukavu en mai-juin 2004 par les rebelles, suivie de la destruction des équipements de la station de terrain de Tshivanga dans le Parc National de Kahuzi-Biega, a montré que la situation n'était pas encore stabilisée. Parmi Les gorilles occidentaux, le gorille de Cross River a une population totale restante estimée à 250-280 individus, fragmentée à travers plus de 10 aires de haute altitude.” IL est difficile d'évaluer le statut et l'évolution de La population des gorilles occidentaux de plaine qui sont bien plus nombreux et répandus, car le dénombrement n'a pas encore été fait sur de grandes zones, et de nouvelles aires d'habitat viennent d'être iden- tifiées. Conservation International et le Primate Specialist Group de l'IUCN ont inscrit ce gorille, de même que le gorille de montagne et l'orang-outan de Sumatra, sur la liste des 25 espèces de primates les plus menacées d'extinction dans le monde.” Les gorilles occidentaux de plaine ont une large aire de distribution à travers une vaste région forestière et sont présents dans de nombreuses aires protégées,“ mais Leur avenir est néanmoins incertain en raison de l'ampleur sans cesse croissante des menaces et de leurs effets cumulatifs dont ils sont les victimes. IL s'agit de la déforestation en faveur de l'agriculture, la fragmen- tation forestière due à la déforestation et l'ouverture des routes, la dégradation des forêts par l'exploitation forestière, la chasse du gibier, et la maladie. La chasse et les maladies sont des facteurs de risque en progression dans La mesure où l'accès de l'homme aux zones forestières jadis éloignées est facilité par l'exploitation forestière et l'installation des populations humaines. On estime que la population des grands singes a diminué de moitié entre 1983 et 2000 au Gabon, ancien refuge pour le gorille occidental,“ des suites de la chasse et du virus Ebola ; cela montre à quel point la combinaison de ces facteurs peut être dramatique. De nombreux gorilles occidentaux subsisteraient encore dans le bassin du Congo. La présence des gorilles occidentaux à très forte densité dans Les forêts marécageuses - habitat jadis considéré inadapté - n'a été confirmée que dans Les années 90/* après Les premières observations en 1983. En termes de frontières nationales, le Gabon abriterait La plus grande population de gorilles occidentaux, suivi probablement par Le Congo. Au début des années 80, la population des gorilles occidentaux de plaine était estimée à 40 000 individus“ dont 35 000 environ au Gabon.“ Lorsqu'on a découvert que Les gorilles occi- dentaux vivaient également en grand nombre dans les forêts marécageuses l'estimation de la population totale fut alors révisée à La hausse, soit 94 500-110 000 individus.“ **# Certes, ces estimations ont été faites avant l'impact récent, significatif et conjugué de la chasse pour la viande de brousse et du virus Ebola. Si Les nouvelles connaissances doivent permettre de guider les efforts de conservation, la conservation durable des gorilles occidentaux, dans un paysage sans cesse perturbé et dominé par l'homme, dépend essen- tiellement des attitudes des populations locales et des partenariats établis entre eux, les gouvernements et Les biologistes de la conservation. C'est pourquoi les approches modernes en matière de conservation sont axées sur l'implication, l'éducation et l'autogestion des populations, aussi bien que sur le suivi à l'échelle planétaire. Toutes ces approches sont mises en œuvre avec le concours des gouvernements ayant développé et promu des priorités politiques pertinentes. L'idée de base est que les initiatives de conser- vation et de développement durable ne peuvent réussir que si les communautés concernées sont suffisam- LE GORILLE : PRÉSENTATION GÉNÉRALE ment fortes. La conservation des grands singes connaîtra donc des difficultés si les communautés sont fragiles et fragmentées et si leurs intérêts sont occultés par des forces externes ou ignorés dans les prises de décisions de personnes éloignées géogra- phiquement. Par conséquent, les projets de conservation en cours se proposent à la fois de travailler avec Les communautés pour étendre leur action dans le reste de la société et, avec les gouvernements, pour travailler au niveau de La communauté. D'où cet extrait de la littérature sur La conservation en Afrique : «la nécessité s'impose d'instituer des concer- tations franches, des partenariats ainsi qu'un partage de connaissances et d'obtenir l'adhésion des popu- lations, en particulier des couches les plus pauvres... La conservation ici est avant tout un problème social, politique et humain … elle pose la problématique de la communication, de l'éducation et des valeurs, compte tenu des écarts de compréhension profonds. Dès la base, les liens doivent être établis entre les diverses composantes des communautés rurales, anciennes et nouvelles, la communauté nationale et la communauté internationale qui veut aider à concilier la conservation et le développement ».” CE QUE NOUS IGNORONS Les principales lacunes de nos connaissances relatives au gorille oriental de plaine concernent leur nombre réel et Leur répartition dans l'est de La RDC déchiré par la guerre, ainsi que les actions réalistes à engager pour garantir leur pérennité dans la nature. D'un point de vue plus scientifique, nos connaissances restent encore très limitées en ce qui concerne l'écologie ou la démo- graphie des gorilles de montagne de Bwindi, La distance parcourue annuellement par les gorilles orientaux de plaine dans les forêts tropicales de basse altitude, leur espérance de vie dans la nature, ou encore le comportement des mâles solitaires. En ce qui concerne le gorille occidental, les questions fondamentales persistent et sont également liées à leur nombre et leur distribution, ainsi qu'aux mécanismes mêmes du déclin de ces populations. IL y a un manque d'informations sur les détails de la vie des gorilles occidentaux d'un point de vue social et écolo- gique, sur les liens sociaux qui maintiennent les sociétés de l'espèce, sur le développement reproductif des individus, et sur les données démographiques telles que la longévité dans la nature et l'âge de la femelle à la première parturition. Ces informations sont indispen- sables pour évaluer la viabilité des populations. 113 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 114 OUVRAGES À CONSULTER Beck, B.B., Stoinski, T.S., Hutchins, M., Maple, T.L., Norton, B., Rowan, A., Stevens, E.F., Arluke, A., eds (2001) Great Apes and Humans: The Ethics of Coexistence. Smithsonian Institution Press, Washington, DC. Harcourt, AH. 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Williamson (University of Stirling), et David Woodruff (University of California, San Diego] pour leurs commentaires précieux sur le manuscrit du présent chapitre. AUTEURS Julian Caldecott, UNEP World Conservation Monitoring Centre Sarah Ferriss, UNEP World Conservation Monitoring Centre LE GORILLE OCCIDENTAL | GORILLA GORILLA) CHAPITRE 7 Le gorille occidental (Gorilla gorilla) SARAH FERRISS e gorille occidental (Gorilla gorilla, Savage, 1847) est un grand animal ayant une poitrine et des épaules larges, une large tête, et une face noire brillante. *®#% Les mâles pleinement adultes pèsent jusqu'à environ 180 kg, soit pratiquement le double du poids des femelles adultes. Deux sous-espèces ont été décrites :” Le gorille occidental de plaine (G. g. gorilla, Savage, 1847) et le gorille de Cross River (G. g. diehli, Matschie, 1904). Les gorilles occidentaux de plaine sont beaucoup plus répandus et nombreux que les gorilles de Cross River qui sont confinés sur une petite surface à la frontière Cameroun/Nigéria. Le présent chapitre est consacré au gorille occidental de plaine, le gorille de Cross River étant présenté dans l'Encadré 7.1. RÉPARTITION Les gorilles occidentaux de plaine sont répandus en Afrique occidentale et centrale (voir Carte 7.1]. Le fleuve Congo/Oubangui semble constituer la limite de son aire de distribution, tandis que le fleuve Sanaga et la limite nord de la forêt dense constituent essentiellement la frontière nord de cette distribution. L'aire de distribution est limitée à l'ouest par la côte atlantique et au sud par la frontière forêt/savane, telle qu'indiquée sur la Carte 7.1. On trouve les gorilles occidentaux au Gabon, dans la province angolaise de Cabinda, à l'ouest du Congo, à l'extrême sud-ouest de La RCA, au centre sud et au sud du Cameroun, ainsi qu'en Guinée Equatoriale continentale. Jadis présents dans la pointe de l'extrême ouest de la RDC, ils seraient maintenant éteints dans ce pays. COMPORTEMENT ET ÉCOLOGIE Difficultés d'observation La plupart des recherches sur Le comportement et l'écologie des gorilles ont porté sur les gorilles orientaux (Gorilla beringei, en particulier sur le gorille de montagne (G. b. beringei des volcans du Virunga en RDC, au Rwanda et en Ouganda; les gorilles occidentaux (G. gorilla] ont fait l'objet de peu de recherches. De nombreuses différences viennent d'être découvertes entre les deux espèces, mais beaucoup de questions subsistent. Au cours de ce siècle, les chercheurs n'ont réussi l'habituation des gorilles occidentaux de plaine que dans trois sites d'étude. /#*%* L'habituation est difficile en raison de la mobilité et La visibilité limitées dans la forêt dense qui constitue le plus vaste habitat des gorilles occidentaux. De plus, les gorilles fuient souvent à l'approche de l'homme pour avoir été, par le passé, la cible des chasseurs. Cependant, d'excellentes observations de gorilles moins habitués ont été réalisées dans les clairières des forêts marécageuses (appelées localement ‘bais) où la visibilité est bonne. Tous les comportements observés dans les bais ne sont pas caractéristiques des comportements en milieu forestier.” Habitat Les gorilles occidentaux de plaine vivent dans les forêts primaires (forêts âgées) et secondaires (en régénération), y compris les forêts marécageuses, ainsi que dans Les zones sub-montagneuses“ et les zones de basse altitude.” En général, la présence, La biomasse et La densité des gorilles occidentaux de 115 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Carte 7.1 Répartition des gorilles occidentaux de plaine (voir Encadré 7.1 pour le gorille de Cross River) Références bibliographiques à la fin de ce chapitre AA EEE [Men Se QE ss. à CARS El Espèce Aire de répartition estimée NOÉ AFI fa 1 G AC) Ÿ CAMEROUN Gorille occidental de plaine Gorille occidental de plaine ||?" PNde F $ pete # Espèce de gorille non identifiée ) ross River 20) 4 v. dd 22 22 (dont écorces, racines, bois, terre, et champignons) inclus dans “autres” Inconnu Inconnu Inconnu Inconnu Inconnu inconnu Réserve naturelle Nigéria 168 100 36 22 du Mt Afi° Cameroon * Bois, pousses, bourgeons, racines, rhizomes et champignons © Voir Encadré 7.2 Gorille de Cross River 53 3 (racines) d A A Aucune trace trouvée dans les échantillons fécaux, Les pistes d'alimentation, etc 118 Encadré 7.1 LE GORILLE DE CROSS RIVER (Gorilla gorilla diehli Les gorilles habitant La chaîne montagneuse, à cheval sur la frontière Cameroun/Nigéria, à proximité des sources de la Cross River, ont été récemment classés comme sous-espèce Gorilla gorilla diehli. La population de ces gorilles de Cross River est estimée à 250-280 individus, répartis dans plus de 10 zones montagneuses fragmentées.” En des rare UE dns +", 2 LS y Répartition des gorilles de Cross River _homhe Lan Gorille de Cross River Gorille de Cross River: présence présumée À Aire de répartition confirmée Gorille de Cross River _ passage.“ Les gorilles occidentaux consomment . des fibres en abondance et mangent également des feuilles, des tiges, des fruits, de la moelle de végétaux, des invertébrés, et de la terre. On note _des variations saisonnières, annuelles, et spatiales dans la fréquence de consommation des différents items alimentaires'*'% (Voir Tableau 7.1) L'importance saisonnière des fruits et herbes dans l'alimentation des gorilles occidentaux a fait l'objet de nombreux débats.“’*'® La disponibilité des fruits saisonniers semble faconner les stratégies de LE GORILLE OCCIDENTAL [ GORILLA GORILLA) dépit de la densité de population humaine assez élevée dans cette région d'Afrique de l'ouest, ces gorilles ont survécu, grâce à leur adaptabilité et leur relative inaccessibilité. Compte tenu de l'expansion des activités humaines de développement dans la région et de la forte dégradation de l'habitat des gorilles, La sauvegarde de ces grands singes passe par la prise de mesures de conservation urgentes. Suite page suivante recherche de nourriture et de déplacements chez les gorilles occidentaux.'® Les fruits constituent l'essentiel de l'alimentation en période d'abondance. Les herbes de qualité supérieure qui sont riches en sels minéraux et protéines sont consommées tout au long de l'année, tandis que les herbes de moindre qualité ne sont consommées qu'en cas de pénurie de fruits.71%1® Les feuilles et les végétaux ligneux sont plus consommés en saison sèche, de janvier à mars, lorsque les fruits charnus sont rares ; les fruits sont plus consommés pendant le reste de 119 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 120 Répartition géographique De toutes les populations de gorilles, les gorilles de Cross River sont situés Le plus au nord et à l'ouest. Séparés des populations de gorilles les plus proches au sud par près de 200 km, ils sont présents dans la forêt communautaire des monts Mbe, la réserve naturelle du mont Afi, et dans le secteur Okwangwo du Parc National de Cross River, au Nigéria ainsi que dans la réserve forestière de Takamanda et La forêt communautaire des monts Mbulu, au sud-ouest Cameroun” (voir carte). Histoire et statut taxonomique En 1904, les gorilles de cette région sont décrits comme une nouvelle espèce: Gorilla diehli, Matschie, 1904. Les révisions subséquentes de la systématique des gorilles vont changer leur statut et les classer comme sous-espèce Gorilla gorilla diehli, Rothschild, 1904. En 1929, ils sont classés parmi les gorilles occidentaux avec la sous-espèce Gorilla gorilla gorilla, Coolidge, 1929. Au tournant du 20°" siècle, les études crâniométriques (mesures du crâne] établissent une différence significative entre le gorille de Cross River (ou gorille nigérian] et les autres gorilles occiden- taux; le statut de cette sous-espèce est alors rétabli par Groves dans sa revue de la taxonomie des primates. En dépit de nouveaux efforts de conservation réalisés au cours des dernières années, l'habitat du gorille de Cross River continue de se dégrader, et les animaux d'être chassés, dans une moindre mesure. Compte tenu de la faible taille de ces populations, de leur état fragmenté et des menaces qui compromettent toujours leur survie, les gorilles de Cross River ont été classés sur la liste rouge de l'UICN comme espèce en danger critique d'extinction. Population Dès le début des années 30 et jusqu'à la fin des années 60, il y a eu des rapports épars sur la lannée.**%"#10 Les fruits qu'ils préfèrent sont produits par les plantes de genre Tetrapleura (Légumineuse - Mimosoideae), Chrysophylum (Gambeya] (Sapotaceae), Dialum (Légumineuse - Cesalpinioideae), et Landolphia (Apocynaceae)."“" distribution et l'abondance du gorille de Cross River 27712 La guerre civile nigériane de 1966- 1970 et l'absence d'information ont laissé penser que les gorilles avaient probablement disparu du Nigéria vers la fin des années 70. Pourtant, au cours des années 80, on y signalait encore leur présence :“% d'où la conduite de nouvelles études au Nigéria®*” et au Cameroun.‘ En 1968, Critchley a estimé que 25-50 gorilles étaient encore présents à Takamanda au Cameroun.” En 1989, Harcourt et ses collègues ont estimé que 100-300 autres gorilles étaient encore présents au Nigéria. En 1996, la première longue étude sur les gorilles de Cross River a débuté au Nigéria, suivie fin 1997 par une autre étude au Cameroun. Ces études se poursuivent et s'accompagnent d'efforts d'étude accrus. Les dernières estimations de La population des gorilles de Cross River, publiées en 2003, font état de 205-250 individus sevrés, dont 70-90 individus au Nigéria et environ 150 au Cameroun.” Les études en cours suggèrent l'existence de quelques sous-populations encore inconnues, conduisant l'estimation de la population totale à 250-280 individus. Écologie Les gorilles de Cross River habitent les forêts semi-décidues de basse altitude et sempervirentes sub-montagneuses, d'environ 200 m à 1500 m d'altitude. Malgré la présence de populations riveraines depuis de nombreuses générations, de vastes massifs de forêts primaires existent encore à travers l'habitat des gorilles de Cross River, en particulier au Cameroun. La plupart des sous- populations de gorilles de Cross River sont présentes dans les forêts de crête à une altitude de plus de 400 m ; l'accès est particulièrement difficile pour Les chasseurs à cause du relief accidenté. Sur les plus hautes altitudes de l'aire géographique des gorilles de Cross River. l'agriculture, les feux de brousse, et le pâturage du bétail ont créé une mosaïque de forêts et de savanes: ici, en particulier aux confins des hauts plateaux de Font également partie du régime alimentaire les fruits de plantes herbacées terrestres telles que les espèces Aframomum, Nauclea (Rubiaceae), et Megaphrynium (Marantaceae) en cas de disponibilité. *?! LE GORILLE OCCIDENTAL | GORILLA GORILLA) Kelley McFarland Bamenda au Cameroun, l'habitat du gorille est constitué de petits fragments de forêt assez isolés, reliés parfois de facon fragile par des forêts galeries. La seule étude de terrain de long terme réalisée sur les gorilles de Cross River, par Mc Farland dans la réserve naturelle du mont Afi” suggère que, comme les autres gorilles occidentaux, le G. g. diehli se nourrit de préférence de fruits, quand c'est la saison. Mais l'habitat du gorille de Cross River se distingue par sa forte saisonnalité, avec une saison sèche qui dure de quatre à cinq mois. En fin de saison pluvieuse et au début de la saison sèche (août-janvier] à Afi, Les fruits sont rares et le régime alimentaire est dominé par la moelle d'herbes terrestres, les écorces et les feuilles. Les gorilles de Cross River sont rares et craintifs à cause de l'activité de chasse; par conséquent, l'analyse de leurs sites de nidification, leurs fèces et Les traces de leur activité alimentaire fournit une mine d'informations sur Leur écologie et leur comportement. Les sites de nidification suggèrent que les groupes sont classiquement de petite taille [moins de 6 individus sevrés). Cependant, on peut trouver parfois des groupes Certains habitats des gorilles occidentaux de plaine sont dominés par la légumineuse Gilbertiodendron dewevrei (Leguminosae - Cesalpiniaceae] ; à intervalle de 5 ans, cet arbre produit des graines riches en azote et Le Kelley McFarland La prise de vue des gorilles de Cross River est particulièrement difficile. beaucoup plus nombreux. La disposition des nids à la réserve naturelle du Mont Afi suggère qu'un grand groupe d'environ 20 individus pourrait parfois se scinder en de plus petits groupes pour fourrager.” Perspectives de conservation Les perspectives de survie des gorilles de Cross River sont prometteuses à condition d'assurer leur protection et de sauvegarder leur habitat. De vastes zones d'habitat potentiel dont ils sont absents existent encore ; ce qui permet d'assurer une connexion entre plusieurs sous-populations. Le maintien de ces corridors forestiers passe par la création de nouvelles aires protégées et le renforcement de l'application des lois à l'échelle locale. De concert avec d'autres organisations de conservation, WCS mène des activités de chaque côté de la frontière Cameroun/Nigéria en collaboration avec les Etats et organismes étatiques nationaux en vue d'une meilleure conservation des gorilles. Jacqueline L. Sunderland, John F. Oates et Richard Bergi particulièrement nutritives. Les gorilles occidentaux se gavent de ces graines pendant cette période et sont prêts à parcourir de longues distances pour converger vers ces formations de G. dewevrei.\' 121 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Les contreforts d’un gros arbre (Parkia bicolor) à Oban dans le Parc National de Cross River. 122 Iroko Foundation Les herbes disponibles de valeur nutritive supérieure sont d'une importance capitale pour les gorilles occidentaux. Les plantes monocotylédones de la famille des Marantacées, par exemple, peuvent procurer une source alimentaire tout au long de l'année. Megaphrynium et Haumania sont des genres de Marantacées fréquemment consommés. Les gorilles occidentaux de plaine se nourrissent souvent, en cas de présence sur leur domaine vital, de sedges’ aquatiques et semi- aquatiques (Cyperaceae) et d'herbes telles que Marantochloa cordifolia, M. purpurea, et Halopegia azurea (toutes des Marantaceael, ils visitent des ruisseaux, bais et des marécages voisins à cet effet.’""5 À Mbeli Bai dans Le Parc National de Nouabalé-Ndoki au Congo, Les plantes alimentaires favorites comprennent les espèces d'Hydrocharis et des sedges Rhynchospora et Fimbristylis (toutes des Cyperacese].”' Dans Les forêts de marécages de La région de Likouala au nord du Congo, les gorilles occidentaux mangent les frondes de raphia de même que des espèces de Pandanus (Pandana- ceae) et d'Aframomum."? En dehors des saisons de fructification, l'alimentation comporte davantage de matière végétale fibreuse telle que des jeunes pousses et feuilles ainsi que des écorces.” En l'absence de leurs aliments favoris, les gorilles occidentaux mangent des feuilles, des écorces, des herbes de qualité inférieure comme le Palisota (Commelinaceae) et l'Aframomum, et des fruits moins prisés comme le Duboscia (Tiliaceae]) et Le Klainedoxa (Simaroubaceae).?* Les gorilles occidentaux de plaine mangent au moins 20 espèces différentes d'invertébrés.” Une étude réalisée au Parc National de La Lopé au Gabon a révélé que près d'un tiers de feces comportait des restes d'insectes.” La plupart de ces insectes étaient des termites ou fourmis ; une autre étude a trouvé des restes de termites Cubitermes sulcifrons dans 30,5 % des feces de gorilles occidentaux. Trois espèces de fourmis dont la fourmi tisserande (Oecophylla longinodal et, dans une moindre mesure, les mille-pattes, les asticots et les larves de bois mort font également partie de leur alimentation. "#1? Les gorilles occidentaux ont probablement une culture alimentaire dont les préférences sont transmises entre individus et entre générations.” C'est ainsi que les espèces d'insectes consommées varient sur le plan culturel. Les fourmis tisserandes (O0. longinoda] sont consommées en grande quantité dans le site d'étude du Parc National de la Lopé au Gabon ; tandis que dans le site d'étude de Belinga situé à 250 km, une espèce de termites {C. sulcifrons] est consommée exclusivement, bien que les fourmis tisserandes soient présentes dans Les deux sites.” De même, certaines populations de gorilles occidentaux mangent des espèces végétales alors que d'autres ne les ingèrent pas, ces espèces étant pourtant disponibles dans l'habitat des deux populations. Parcours journaliers Chez les primates, il y a une forte corrélation entre le régime alimentaire et l'activité de recherche alimentaire. Le parcours journalier (distance moyenne parcourue par un groupe en un jour) des espèces ou populations qui se nourrissent d'aliments de forte valeur énergétique variant selon le Lieu et La saison est, en général, plus long que le parcours de celles qui se nourrissent d'aliments de qualité inférieure, mais plus régulièrement disponibles.” Les gorilles occidentaux rentrent dans cette première : ils se déplacent beaucoup plus loin lorsque les fruits et termites sont plus disponibles dans la forêt, mais leur parcours journalier se raccourcit lorsqu'ils ne doivent se nourrir que de feuilles et de végétations ligneuses.” Encadré 7.2 CLAIRIÈRE À L'INTÉRIEUR DE LA FORÊT : FENÊTRE OUVERTE SUR LE MONDE DES GORILLES L'observation des gorilles occidentaux de plaine dans leur habitat de forêt humide n'est pas facile à cause de la canopée qui est à peine transpercée par une faible lumière et du sous-bois souvent fermé par la végétation dense. Rencontrer les gorilles dans de telles conditions peut être inquiétant tant pour les humains que pour les autres gorilles ; ces contacts provoquent souvent des conflits ou attaques, rendant la collecte des données comportementales non-biaisées quasi- ment impossible. Nos connaissances du comporte- ment social des gorilles occidentaux étaient pourtant fondées sur de telles observations jusqu'au début des années 90. Par la suite, les primatologues ont découvert dans la forêt des clairières marécageuses que les populations locales appellent bais. Ces derniers, à ciel ouvert, semblent attirer les gorilles occiden- taux de plaine, offrant ainsi une nouvelle vue sur leur monde. Plusieurs études sur les bais ont par la suite été réalisées au Congo, en RCA, et au Gabon. L'ensemble de ces travaux a beaucoup contribué à notre meilleure connaissance de la vie des gorilles occidentaux de plaine. Le bai typique du gorille est une clairière sans arbre, situé aux alentours d'un cours d'eau. Sa taille varie de 0,04 km? (Iboundji au Congo] jusqu'à LE GORILLE OCCIDENTAL | GORILLA GORILLA) 0,18 km° (Maya nord au Congo) : la plupart ont une forme plus ou moins circulaire où linéaire. Le substrat est souvent extrêmement marécageux avec des sols saturés d'eau, reliés par un tapis de végétation flottante. On y trouve souvent de petits ruisseaux et des mares même si Les zones de terre relativement sèches varient considérablement de bai en bai. Les gorilles occidentaux de plaine partagent ces zones avec de nombreuses autres espèces. L'on y trouve ainsi des loutres du Congo (Aonyx congica|, des loutres à cou tacheté (Lutra maculicollis), des sitatungas (Tragelaphus spekel, des aigles pêcheurs (Haliaeetus vocifer], des ombrettes (Scorpus umbretta], et des trotteurs de lis (Actophilornis africanus]. Les animaux suivants comptent aussi parmi les visiteurs des bais : éléphant de forêt (Loxodonta cyclotis), buffle de forêt (Syncerus caffer nanusl, potamochère (Potamochoerus porcus|, hylochère (Hylochoerus meinertzhagen), et colobe guereza (Colobus guereza). L'alimentation constitue la principale activité des gorilles occidentaux dans les bais. Elle démarre généralement dès qu'un animal où un groupe d'animaux pénètre dans le bai, et se termine juste avant leur départ. On suppose donc que la principale raison de la visite des bais par Les gorilles occidentaux n'est rien d'autre que la disponibilité ou la qualité de la nourriture Généralement abondante, la végétation aquatique Suite page suivante Un groupe familial de gorilles occidentaux et un mâle au dos argenté à ciel ouvert. Richard Parnell Richard Parnell 123 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 124 et semi-aquatique est dominée par des plantes de la famille des Hydrocharitaceae, des Cyperaceae, et des Graminées. De nombreuses plantes qui poussent dans les bais sont très digestibles, riches en protéines, et possèdent une forte teneur en sel et autres minéraux, ce qui attirent les gorilles occidentaux. Malgré ces qualités, La forte teneur en eau et le faible poids sec de nombreuses plantes du bai peuvent limiter la quantité des végétaux pouvant être ingérée en une seule session. Au bai de Mbeli dans le Parc National de Nouabalé-Ndoki, la durée de visite moyenne effectuée par un groupe n'est que de deux heures. Au-delà de cette durée, les gorilles se sentent peut-être simplement rassasiés. Certaines espèces de plantes aquatiques prélevées dans le bai, telles que Le Hydrocharis chevalieiri de la famille Hydrocharitaceae, sont souvent recouvertes d'une légère couche de sédiments. Les gorilles occidentaux de plaine enlèvent fastidieusement ce sédiment en secouant chaque bouquet de plantes dans l'eau avant de Le consommer. Pour atteindre cette source succu- lente de nourriture, les gorilles occidentaux traversent des marécages ainsi que des rivières de plus d'un mètre de profondeur en adoptant la marche bipède et en étendant les bras pour maintenir leur équilibre. Jusqu'à une date récente, on pensait que les gorilles évitaient à tout prix le contact de l'eau, mais il s'avère que les gorilles occidentaux de plaine se sentent à l'aise dans un milieu semi-aquatique. Lorsqu'il se nourrit dans le bai, un gorille peut parfois s'asseoir pendant plus de deux heures dans l'eau qui lui arrive jusqu'à la poitrine. Même les petits, bien que souvent cramponnés sur le dos de leur mère, se plaisent et jouent dans les eaux peu profondes pendant que leurs mères se nourrissent. Les gorilles occiden- taux tolèrent l'eau non seulement lorsqu'ils se nourrissent mais dans certains endroits, ils se servent de l'eau comme «outil» de communi- cation à travers des éclaboussures spectaculaires. Pendant des parades agressives ou ludiques, les gorilles occidentaux sautent et plongent parfois dans la rivière provoquant éclaboussures et propagations de vagues, ou encore frappent la surface de l'eau d'une ou de deux mains. Au bai de Mbeli, on a vu des gorilles occidentaux de tous âges, à l'exception des femelles adultes, se livrer à de telles parades, ce qui porte à croire que les mâles utilisent ces parades principalement pour intimider leurs rivaux.” Le taux de fréquentation des bais par les gorilles occidentaux varie énormément. IL semble qu'aucun groupe de gorilles n'occupe priori- tairement un bai spécifique. Même si les groupes ou mâles solitaires dont les domaines sont proches d'un bai sont susceptibles de visiter plus fréquemment celui-ci, aucun groupe ne possède l'exclusivité d'accès. La fréquence de visites dépend donc de la proximité du bai par rapport au centre du domaine des groupes de gorilles. Certains peuvent visiter un bai spécifique plusieurs fois par semaine tandis que d'autres ne le traversent que deux fois par an. Grâce aux bais, les primatologues ont finalement pu étudier des aspects de la vie des gorilles occidentaux qui seraient, autrement, restés probablement ‘non documentés encore long- temps.” Nombreux sont les groupes de gorilles occidentaux qui sont souvent attirés par Les baïis. Dans le bai de Lokoué par exemple, les chercheurs ont pu identifier 47 groupes différents et 25 mâles solitaires. Des échantillons de telles tailles ont permis de mener une étude plus approfondie de la dynamique de vie sociale des gorilles occidentaux, y compris la formation, l'évolution, et la fission des groupes ainsi que La manière dont la taille du groupe influence le sort des individus qui le composent. Nous avons désormais la possibilité d'étudier la dynamique sociale au sein du groupe, de voir s'il y a une hiérarchie de dominance entre les femelles, si les jeunes mâles sont expulsés de leur groupes ou s'ils Les quittent volontairement, et comment un dos argenté maintient son harem de femelles. Les bais nous permettent également d'étudier le comportement intergroupe. La grande surprise est le degré de tolérance observé entre les groupes. Dans Le bai de Mbeli, 30 % seulement de l'utilisation commune des bais par des groupes différents a entraîné une réaction agressive, presque toujours de la part des dos argentés. Dans 58% des cas, il s'avère que les groupes s'ignorent totalement Les uns les autres. En cas d'agression, aucun contact physique réel n'a jamais été observé, seules des parades d'intimidation ont été observées. Par contre, on a vu les gorilles de montagne s'engager dans des contacts agressifs dans 17 % des rencontres entre LE GORILLE OCCIDENTAL [| GORILLA GORILLA) groupes, et leurs groupes se sont montrés six fois moins enclins à s'engager dans une interaction IL s'avère que les sont pacifique que ceux de Mbeli. !! groupes de gorilles généralement plus détendus retrouvent ensemble dans les bais que dans les occidentaux quand ils se forêts. La visibilité extraordinaire offerte par l'habitat du bai permet au dos argenté de surveiller de près les femelles de son groupe tout en suivant de tout aussi près Le comportement des dos argentés voisins. Il en résulte une réduction de la tension qui permet aux autres membres du groupe d'avoir des interactions impensables dans Le milieu forestier. Les jeunes mâles font des parades devant les femelles d'autres groupes sans risque d'être attaqués, et les juvéniles de groupes différents luttent et jouent entre eux, nouant des contacts susceptibles d'être maintenus jusqu'à la vie adulte et d'influencer leurs interactions futures Les études du gorille occidental dans Les bais en sont encore à leur début, beaucoup reste encore à faire. Les bais peuvent provoquer ou faciliter des comportements rares ou absents dans les habitats de forêts plus communes des gorilles occidentaux AU bai de Mbeli, on estime que les gorilles occidentaux passent en moyenne 1% de leur journée dans la clairière. Les bais nous offrent sans doute la meilleure occasion d'étudier La complexité de la vie sociale des gorilles occidentaux ; toutefois, devons garder de faire des extrapolations hâtives à d'autres habitats de ce nous nous qu'on a appris sur Les comportements Richard Parnell Ils rentrent également dans cette catégorie comparativement aux gorilles orientaux, car leur parcours journalier est beaucoup plus long que celui des gorilles de montagne ayant une abondante ressource alimentaire herbacée ou encore celui des gorilles orientaux de plaine habitant des zones pauvres en fruits. Cette différence n'existe pas entre les parcours journaliers des gorilles occidentaux et orientaux lorsqu'ils habitent dans des zones riches en fruits.°'"7 Dans le Parc National de La Lopé au Gabon, les gorilles occidentaux de plaine parcourent environ 1 km chaque jour.‘ À Bai Hokôu en RCA, la distance parcourue varie de 3 km environ par jour en saison frugivore à 2 km en saison folivore, avec une médiane de 2,3-2,6 km par jour!" Les lan Redmond/UNESCO £ Comportement de jeunes gorilles en cours de jeu. 125 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 126 Encadré 7.3: VALEUR MÉDICINALE POTEN- TIELLE DES ALIMENTS DES GORILLES Selon une littérature de plus en plus abondante, Les primates utilisent certaines plantes pour soigner des maladies et réguler la reproduction. En Afrique, les chimpanzés et les humains utilisent quasiment les mêmes plantes pour soigner des symptômes similaires.“ On dispose encore de peu de données équivalentes pour les gorilles occidentaux ou orientaux. Une étude ethno- graphique et pharmacologique des propriétés de ces plantes a été menée pour évaluer la valeur médicinale de ces dernières.” IL a été dressé une liste de 118 plantes appartenant à 59 familles, utilisées par les humains dans la médecine traditionnelle africaine,” et mangées par les gorilles occidentaux et orientaux dans La nature.” Chez les humains, ces plantes ont surtout des propriétés pharmacologiques antiparasitaires, antifongiques, antibactériennes, antivirales, cardio- toniques [toniques cardiaques), hallucinogènes, et stimulantes, ou sont utilisées dans le traitement des affections respiratoires. Les gorilles occidentaux ingèrent des fruits et graines de plusieurs espèces de Cola (Sterculia- ceae), notamment celle de €C. pachycarpa communément appelée au Gabon ‘cola de gorille. groupes plus importants parcourent de plus longues distances afin de trouver suffisamment de nourriture.” Le trajet journalier est également influencé par la présence humaine et le degré d'habituation des gorilles occidentaux. Les déplacements caractéristiques de certains groupes de gorilles occidentaux sont influencés tant par les chasseurs que Les léopards (Panthera pardus). ls parcourent des distances très longues ou très courtes lorsque les prédateurs sont dans les parages, selon les efforts à fournir pour se dissimuler où se sauver.” Domaines vitaux Le domaine vital annuel (superficie utilisée par un groupe pendant une année] des gorilles occidentaux est plus vaste que celui des gorilles orientaux de plaine ou de montagne ;? les domaines de différents groupes se chevauchent."# Selon une étude réalisée à Bai Hokôou en RCA pendant deux ans, la superficie des domaines de Couramment consommées par les hommes en Afrique centrale et occidentale, notamment par les camionneurs pour rester éveillés au cours des longs voyages ; ces noix de cola sont aussi utilisées dans la fabrication commerciale des boissons à base de cola. Cette cola contient de La caféine (2- 2,5 % du poids sec) et du théobromine, mais très peu de protéine, ce qui suggère que les gorilles occidentaux la consomment surtout pour l'effet stimulant de la caféine. Au Gabon, il a été rapporté que les gorilles occidentaux mangeaient les fruits, La tige et les racines de Tabernanthe iboga [Apocynaceae). Cet arbuste est sans doute la plante hallucinogène d'Afrique La mieux documentée ; "” son principe actif est l'ibogaïne dont la plus forte concentration se trouve dans les racines. L'ibogaïne affecte le système nerveux central, en tant que hallucino- gène, et produit en même temps un effet tonique sur le système cardiovasculaire semblable à celui produit par la caféine. T. iboga est un élément essentiel dans certains cultes et rites africains. Les habitants de la région de Petit Loango comptent parmi ceux qui utilisent ainsi T. iboga. D'après une légende Bwiti (religion pratiquée par les Mitsogos et les Fangs, deux ethnies gabonaises), l'iboga a été découverte par les peuples pygmées vivant dans les forêts. Si cette légende s'avérait correcte, ces gorilles occidentaux varient d'une année à l'autre, avec 22,9 km? comme minimum estimé.!? Un groupe de gorilles occidentaux, observé dans le Parc National de La Lopé au Gabon, a visité 21,7 km’ sur 10 ans, mais n'aurait probablement pas parcouru la surface entière chaque année.” Les domaines des gorilles occidentaux habitués sont moins affectés par la présence humaine, d'où la plus grande précaution à prendre dans la comparaison des données issues des divers sites. Des changements temporaires de superficie et de localisation de territoire interviennent également, probablement en fonction de la disponibilité des fruits saisonniers.* De plus, les territoires sont parfois moins vastes en saison sèche, lorsque les gorilles se nourrissent des fruits dispersés. !"? Rôle écologique Les gorilles occidentaux sont de grands animaux habiles qui modifient La structure et La composition de la végétation, en mangeant les plantes et en les LE GORILLE OCCIDENTAL { GORILLA GORILLA) pygmées auraient vu des animaux sauvages ingérer la plante en question. Diverses sources d'informations gabonaises décrivent les sangliers, les porcs-épics et les gorilles occidentaux comme des animaux qui, après avoir creusé et mangé des racines, deviennent frénétiques, sautillent et courent dans tous les sens comme si quelque chose les effrayait 7" Les gorilles occidentaux et les chimpanzés mangent deux autres plantes hallu- cinogènes, Alchornea floribunda et A. cordifolia (Euphorbiaceae), notamment en Guinée Equa- toriale. Les deux espèces contiennent l'alcaloïde alchornine et alchornidine,!"? et Les populations locales utilisent leur moelle et leurs feuilles comme antiseptiques et remèdes contre La toux.'? Les gorilles du mont Virunga fréquentent périodiquement les versants de montagnes plus élevées couvertes de plantes de Senecio Compositae) géantes. En 1963, Georges Schaller a suivi un groupe jusqu'à une altitude de 4 100 m sur e mont Mikeno en RDC,'® où les animaux mangeaient exceptionnellement Senecio alticola et S. erici-rosenii, préférant consommer la moelle Les espèces Senecio sont importantes en ethnomédecine dans le traitement des affections pulmonaires et le rhume du cerveau. Les gorilles se nourrissent parfois aussi de plantes de Lobelia géantes qui poussent à ces hautes altitudes, notam- utilisant pour La nidification. Ils peuvent sérieusement endommager les arbres en y grimpant et en s'en nourrissant. ” Comme les autres frugivores, ils consomment et dispersent Les graines, réduisant le succès reproducteur de certaines espèces végétales et augmentant celui d'autres.‘ Les gorilles occidentaux sont des visiteurs fidèles de certains arbres ; ils avalent la plupart des fruits en gardant leurs graines intactes, n'abandonnant que les graines trop dures ou trop grosses. * Ils sont de grands agents de dispersion, avec jusqu'à 99 % de leurs échantillons fécaux qui contiennent des graines, intactes pour la plupart.#'"® Les graines déposées aux abords du nid ont un taux plus élevé de germination et de survie que celles qui sont déposées ailleurs, par exemple sur les pistes.“ Les gorilles occidentaux sont particulièrement efficaces en matière de dispersion de certaines espèces telles que le Cola lizae (Sterculiaceae]) du Gabon dont les fruits, consommés avec avidité, ont un fort taux de ment L. giberroa et L. wollastonii (Campanulaceael) Tous les membres de ce genre contiennent des alcaloïdes amers ayant des effets stimulants pouvant durer jusqu'à un quart d'heure. L'un de ces alcaloïdes, le lobéline, joue également le rôle de stimulant respiratoire. La détermination de ces orilles orientaux à monter jusqu'aux hautes titudes, dépensant ainsi une énergie considérable ourriture et d'oxygène, laisse penser que les g a pour atteindre une zone plus froide ayant moins de n P antes pharmacologiquement actives qu'ils consomment dès leur arrivée à destination, comportent pour eux une valeur spéciale Des études de terrain plus approfondies sont nécessaires pour permettre de faire une évaluation critique de la possibilité d'automédication des gorilles, et explorer la part significative de La consommation de ces plantes au quotidien. Les observations déjà faites constituent un point de départ important pour une meilleure compré- hension des besoins alimentaires et de l'adaptation des gorilles dans leurs divers habitats. Ce domaine de recherche peut nous permettre d'évaluer la qualité de l'habitat et La viabilité des populations, et d'ouvrir de nouvelles pistes dans la lutte où le traitement des maladies qui affectent à La fois les grands singes et Les humains. Michael A. Huffman et Don Cousins Parade de frappement de poitrine d'un gorille occidental de plaine (ici en captivité). 127 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Selon des études préliminaires, l'intervalle entre deux naissances est de quatre à six ans. 128 A Richard Parnell germination après dépôt. !" Avec Le temps et par ces multiples voies, les gorilles occidentaux peuvent avoir une influence significative sur la forêt. D'autres espèces exploitent les mêmes ressources alimentaires ainsi que le même habitat que le gorille occidental, ce qui rend la compétition presque inéluctable. La relation entre le gorille occidental et le chimpanzé est particulièrement intéressante à cet égard ; bien que tous deux aient pratiquement le même régime alimentaire et soient sympatriques en RCA, au Congo, en Guinée Equatoriale et au Gabon,” aucune interaction agressive n'a jamais été observée entre eux.” Lorsque cette question a été étudiée dans la localité de Belinga au Gabon et dans le Parc National de Nouabalé-Ndoki au Congo, 60% et 42% respectivement de tous les aliments recensés comme ceux des gorilles occidentaux étaient également mangés par les chimpanzés." La plupart des aliments partagés sont des fruits saisonniers, relativement abondants en période propice. |L est fort probable que La compétition entre les gorilles occidentaux et les chimpanzés soit également limitée par d'autres formes d'utilisation de niches et par les différentes stratégies appliquées par chaque espèce pour pallier Les manques de nourriture” (voir Encadré 8.1). Les gorilles occidentaux ont peu de prédateurs naturels, car les jeunes sont bien protégés et Les adultes sont imposants et robustes. À plusieurs occasions, les léopards ont été soupconnés d'avoir tué des gorilles :*'® on a observé des gorilles occidentaux se sauver devant les léopards, et on a senti dans l'air l'odeur de gorille apeuré à La suite de rencontres entre gorilles occidentaux et léopards.“ IL y a donc de fortes chances que pour les gorilles occidentaux Les léopards représentent des prédateurs dangereux pouvant constituer une menace réelle. Comportement social Les groupes reproducteurs de gorilles occidentaux, comprennent presque toujours un seul mâle dominant qui est un adulte à dos argenté, trois ou quatre femelles, et quatre ou cinq petits.‘!”? Les groupes comprenant plus d'un dos argenté ont rarement été signalés chez Le gorille occidental de plaine, 21210 et Les groupes constitués unique- ment de mâles n'ont été observés que sur quelques sites d'études.“2°076.72.108 En général, les gorilles occidentaux de plaine forment des groupes stables et cohésifs.*!# On a jamais observé un mâle à dos argenté usurper la dominance à un autre mâle pour prendre la tête de son groupe, et, la fission du groupe n'a été signalée qu'une seule fois." Cependant, sur la base journalière, les groupes de gorilles occidentaux ne semblent pas aussi cohésifs que ceux des gorilles orientaux.” Dans certains groupes, les membres se dispersent sur des distances de plus de 500 m, tandis que d'autres groupes se scindent en journée pour ne se reconstituer qu'au site de Leurs nids.*'?# Quand il y a plus d'un mâle à dos argenté, les sous- groupes restent parfois séparés pendant la nuit. 3672102 En général, la taille des groupes de gorilles de plaine occidentaux est similaire, non seulement à celle des deux sous-espèces orientales, mais aussi quels que soient Les habitats occupés.”???"#1% Les très grands groupes, qu'on observe parfois chez Les gorilles orientaux, sont néanmoins rares chez les occidentaux.*’?"#]|l semble que La taille des groupes de gorilles occidentaux est influencée par la taille de l'aire d'alimentation, l'abondance des fruits, "et le degré de compétition alimentaire qui existe au sein des groupes." Les gorilles occidentaux consomment beaucoup plus de fruits que les orientaux ; cette dépendance par rapport aux ressources alimentaires concentrées sur quelques arbres peut limiter la taille du groupe. La pression des prédateurs (y compris les braconniers] a certainement l'effet inverse dans la mesure où les groupes plus nombreux sont enclins à être plus vigilants et peuvent par conséquent avoir plus de chance de se défendre ou se sauver! La taille du groupe varie de 2 à 32 individus, avec une moyenne de quatre à six adultes, même si jusqu'à 52 nids appartenant à un seul groupe on été recensés”*”? (voir tableau de l'Encadré 7.4]. En général, dans les plus grands groupes, la proportion des adultes femelles est plus élevée”, car La plupart des groupes sont des harems à mâle unique. Dans le bai de Maya Nord (Parc National d'Odzala-Koukoua), Le ratio du sexe adulte atteignait parfois 9 femelles par mâle adulte.* On suppose que, la décision est prise par la femelle de rester où non avec un mâle donné, après avoir évalué si celui-ci peut être un bon partenaire reproducteur et s'il est capable de protéger sa progéniture contre les prédateurs et l'infanticide. Le nombre de femelles dans un groupe pourrait donc renseigner sur la perception des femelles quant à la « qualité » défensive du mâle du groupe. '"”? À La maturité, certains gorilles occidentaux de plaine restent dans leur groupe de naissance {groupe natal) tandis que La plupart le quittent.” Certaines femelles peuvent migrer d'un groupe à l'autre jusqu'à trois reprises.'*? La femelle migrante intègre généralement un autre groupe ou rejoint un mâle solitaire. 7! La qualité du mâle constitue probablement un facteur important qui influence Les modes de dispersion des femelles.'”"? Dans des groupes de plus petite taille, Le coût de la recherche de nourriture, lié à La compétition au sein des groupes, est peut-être moins élevé.?! Aucune corrélation n'a été relevée entre la taille du groupe ou le nombre de femelles dans un groupe, et le taux de reproduction des gorilles occidentaux, même si ces résultats doivent faire l'objet d'une certaine prudence compte tenu de la taille réduite des échantillons de comparaison." Pratiquement tous les mâles quittent leur groupe natal (c'est le cas de 7 mâles sur les 8 observés au bai de Mbeli au Congo), * et restent généralement solitaires jusqu'à La constitution de leurs propres groupes. * Parfois de jeunes mâles migrent d'un groupe mixte (gorilles des deux sexes présents) à l'autre;'* rarement des groupes composés uniquement de mâles se sont formés. La dépendance mutuelle entre dos argentés et femelles, liée à La protection infantile, est importante dans le maintien de l'intégrité des groupes de gorilles occidentaux et orientaux.!'? Lorsque l'unique mâle à dos argenté d'un groupe décède, Le groupe se désintègre généralement et LE GORILLE OCCIDENTAL [| GORILLA GORILLA) ses membres migrent vers d'autres groupes. On assiste parfois à l'intégration de tous les membres dans un groupe; dans ces conditions, Le dos argenté commet parfois des infanticides."" Dans deux cas, la migration d'une femelle et de son petit dans un nouveau groupe se sont soldés par un infanticide tandis que l'infanticide n'a pas été pratiqué dans deux autres cas.” En commettant un infanticide, le dos argenté tire un avantage reproductif dans la mesure où il lui offre aussitôt l'occasion de s'accoupler avec la mère et, d'éliminer un éventuel concurrent à sa propre progéniture. L'épouillage et Les autres formes de cohésion sociale sont assez rares entre les femelles adultes, et les hiérarchies de dominance sont peu mar- quées, les relations entre femelles étant individualistes et éphémères. !"*"?! Les liens sociaux entre les gorilles occidentaux ne sont pas particulièrement solides si ce n'est entre La mère et son petit. Les études réalisées dans Le bai de Mbéli montrent que les enfants dépendent du lait maternel pendant plus longtemps que chez les gorilles de montagne et restent très proches de leur mère jusqu'au sevrage.” Les enfants semblent mettre ce temps à profit pour connaître Les nourri- tures appropriées et développer les techniques de collecte de ces aliments, nécessaires à un animal qui exploite une telle diversité d'habitats. Les jeunes gorilles occidentaux de plaine semblent consacrer moins de temps que les Charlie Semeli-Botarba/UNEP/Topham Fabrication de charbon de bois au Congo. 129 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 130 Tableau 7.2 Populations de gorilles occidentaux de plaine Pays Date Estimations de La population Gabon 1980-1983 "°° 35 000 + 7000° Congo 10 34 000-44 000 Cameroun 20007 15 000 République Centrafricaine 1985°° 9000 Guinée Équatoriale 1989-1990 950-2450 République Démocratique du Congo 2000 0 Angola (province du Cabinda]) 20007 inconnu gorilles du mont Virunga à nouer des relations avec les autres membres du groupe, sans doute parce que les probabilités qu'ils quittent Le groupe natal sont plus élevées. Les jeunes gorilles passent plus de temps à développer leur habilité à travers les jeux qu'ils pourront utiliser plus tard dans leur vie, en interagissant avec de plus jeunes congénères, et en apprenant comment réagir face aux compor- tements négatifs des autres membres du groupe, sans pour autant nouer des liens de coopération durable. Cela peut également s'expliquer par le fait que, ayant moins d'accès aux aliments de qualité élevée que les gorilles orientaux, les gorilles occidentaux disposent probablement de moins de temps à consacrer à l'établissement des relations sociales. Rencontres intergroupes Souvent, les domaines des gorilles occidentaux se chevauchent largement ce qui entraîne des rencontres fréquentes entre les différents groupes, et ce plus souvent que chez les gorilles de montagne.” Plusieurs groupes visitent souvent Les bais en même temps.” Les agressions graves entre les membres de différents groupes sont assez rares : dans le Parc National de La Lopé, seules trois attaques ont eu lieu au cours d'interactions impliquant 43 groupes observés de 1984 à 1993.'#* Certaines rencontres donnent Lieu à un échange de vocalisations et de frappement de poitrine tandis que dans d'autres, un seul groupe se livre aux vocalisations. De nombreuses rencontres peuvent passer inaperçues, car les vocalisations n'accom- pagnent que la moitié des rencontres observées. À la suite des échanges, un groupe reste généralement dans la zone tandis que l'autre s'en De 1983 à 2000, on craint que La moitié de tous les grands singes du Gabon ait disparu M! va. La plupart des rencontres intergroupes sont liées à l'accès ou à La défense de grands arbres en fruit ou de groupes d'arbres d'espèces rares. Lorsqu'une ressource au sein du domaine d'un groupe donné attire d'autres gorilles, Le dos argenté du groupe «résident» fait une parade pour dissuader toute compétition alimentaire. Construction des nids Les gorilles occidentaux de plaines ne sont actifs qu'en journée. Ils se reposent généralement du crépuscule à l'aube dans leurs nids construits chaque soir en tirant, pliant et cassant des branches d'arbres qu'ils placent ensuite au- dessous et tout autour de leurs corps. ‘ Ils construisent des nids dans des arbres en pliant des branches en direction de la couronne de l'arbre pour former un lit de feuilles au centre.“ Les nids peuvent également être construits au sol ou à une faible hauteur dans les arbres.“ * Parfois, les gorilles occidentaux de plaine dorment à même le sol dépourvu de végétation; ce type de site de nids représente 44 % des 1231 sites identifiés à Bai Hokôu en RCA," et 45% des 3 725 identifiés à Mondika (Parc National de Dzanga-Ndkoti]. Les gorilles sont plus enclins à construire des nids par temps pluvieux ou frais.®"”? Le type de nid dépend de la disponibilité des matériaux nécessaires à la nidification, de la saison, de La taille du groupe, du micro habitat ainsi que du degré de perturbation causé par d'autres animaux!" Certains gorilles occidentaux de plaine construisent leur nid dans des zones de végétation dense sans doute en raison de la pression de chasse.” La hauteur moyenne de construction du nid varie en fonction de la disponibilité du sous-bois herbacé. Plus des 4/5 des nids dans le Parc National d'Odzala-Koukoua au Congo sont terrestres, là où poussent des plantes appropriées comme Haumania liebrechtsiana [Marantaceae) ; on trouve une proportion similaire de nids dans les arbres dans la forêt de Ngotto en RCA où le sous- bois herbacé est peu abondant”? Les gorilles occidentaux ne se couchent pas dans l'eau ou sur un sol trempé, raison pour laquelle ils construisent leurs nids très haut dans les arbres des forêts marécageuses ; à Likouala au nord du Congo, par exemple, Les frondes de raphia (Arecaceae) sont des matériaux de nidification privilégiés. "° Les nids solitaires servent d'indicateur de l'état de santé des populations ; un nombre disproportionné de nids solitaires est anormal. La moyenne des nids solitaires est d'environ 30 %,°’ mais ce taux a atteint 60% au Parc National de Minkébé au Gabon à la suite de la diminution de La population des gorilles occidentaux, due à l'émergence de la fièvre hémorragique Ebola ; celle-ci fera l'objet d'un paragraphe ultérieur. Réponses à la perturbation Les gorilles occidentaux réagissent de différentes manières face à La perturbation humaine. Il a été signalé que le contact avec l'homme avant l'habituation augmente les agressions, la peur, les vocalisations ainsi que la distance du parcours journalier ; mais ces réactions diminuent au fur et à mesure de l'habituation.*”# Les gorilles occiden- taux fuient les zones en pleine exploitation forestière et y retournent dès la cessation de cette activité humaine, à moins que la pression de la chasse ne les en empêche, comme c'est très souvent Le cas. l* Reproduction La reproduction des gorilles occidentaux n'a pas été étudiée sur de longues périodes ; ainsi l'âge de La femelle à la première naissance reste inconnu. Selon les statistiques préliminaires obtenues pour deux sites au Congo, notamment au sanctuaire de gorilles à Lossi (Parc National de Odzala-Koukua) et à Mbeli (Parc National de Nouabalé-Ndoki), Le taux de natalité par femelle adulte est d'environ 0,2 par an, ce qui est proche de celui des gorilles de montagne."® IL a été suggéré que la saisonnalité et la variation spatiale de la disponibilité alimentaire auraient pour conséquence de retarder l'âge de la première parturition et d'espacer Les intervalles des LE GORILLE OCCIDENTAL [ GORILLA GORILLA) naissances chez le gorilles occidentaux par rapport aux gorilles de montagne. D'après la même étude, l'espacement des naissances est de 4 à 6 ans lorsque l'enfant survit. Le nombre moyen d'enfants par femelle dans le bai de Maya nord est estimé à 0,62, ce qui est supérieur aux chiffres enregistrés chez tout autre groupe de gorilles orientaux ou occidentaux.’ En considérant un tout petit échantillon (12 naissances pour 68 femelles au sanctuaire de gorilles à Lossi et 32 naissances pour 162 femelles au bai de Mbeli], l'on obtient un taux de mortalité d'environ 8 % des enfants de moins d'un an à Lossi contre 43 % à Mbeli. Ce taux de mortalité atteint 22% et 65 % pour Lossi et Mbeli respectivement pour des enfants de moins de trois ans." lan Redmond/UNESCO L'exploitation forestière de l'habitat du gorille occidental de plaine s’est dramatiquement intensifiée dans leur aire de distribution depuis les années 1970, comme ici au Congo. 131 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Le squelette d’un gorille femelle de Cross River avec impacts des balles (indiqués par des flèches) 132 Communication Tous les gorilles communiquent par des grognements, des aboiements, des hurlements, des hululements et des expressions faciales, mais le répertoire vocal des gorilles occidentaux n'a pas encore été complètement identifié.” En courant vers les arbres fruitiers, les gorilles poussent souvent des cris d'excitation, peut-être pour annoncer l'imminence d'une compétition serrée en raison du petit nombre d'endroits où l'arbre porte des fruits. * Ils font entendre Le plus souvent des hululements qui constituent sans doute des appels directs pour communiquer la localisation dans la forêt.” Aucune étude empirique n'a été menée en vue de confirmer cette hypothèse. Les gorilles occidentaux parcourent quotidiennement de plus grande distance et leurs groupes se dispersent beaucoup plus à la recherche de nourriture que les groupes de gorilles orientaux; ce qui implique peut-être que les mécanismes pour garder le contact sont beaucoup plus importants. POPULATION Statut et évolution La plupart des études sur les populations de gorilles occidentaux sont menées sur un site où dans un pays de référence et non par rapport à des populations contigués. IL est difficile de définir le statut et l'évolution de La population des gorilles occidentaux, car aucun dénombrement n'a encore Kelley McFarland été réalisé sur de grandes superficies ; par ailleurs, les habitats des zones marécageuses viennent seulement d'être reconnus. Les cartes de distribution présentent souvent des estimations et non la présence confirmée des populations. Un grand nombre de gorilles occidentaux de plaine semblent encore exister dans le bassin du Congo'* et, dans diverses régions, ils seraient plus nombreux que les estimations passées le suggéraient.° Ce n'est qu'en 1989“ que la présence de gorilles occidentaux dans les forêts marécageuses - vaste habitat longtemps considéré comme leur étant défavorable - a été signalée puis confirmée dans les années 90 comme un fait constant.” Par ailleurs, l'impact de la fièvre Ebola et de la chasse n'a pas été clairement établi, ce qui a conduit de nombreux chercheurs à un excès d'optimisme."“! Le classement du gorille occidental de plaine comme «Espèce en Danger Critique d'Extinction » indique qu'il est gravement menacé de disparition dans la nature.” IUn'existe pratiquement aucune donnée sur Le nombre, le statut ou l'évolution des populations de gorilles occidentaux de plaine dans la plupart des sites des différents pays. Au début des années 80, Le nombre de gorilles occidentaux de plaine était estimé à 40000 dans le monde entier.” Les estimations les plus récentes font état de 94 500 à plus de 100 000 individus ;**’l” mais ces chiffres, selon plusieurs enquêtes, sont en baisse. Selon une estimation informelle et optimiste, basée sur les pays signalés dans ce présent ouvrage, 82 000. individus au plus subsistent encore. Ce chiffre est obtenu à partir des chiffres moyens de chaque pays ajustés pour refléter La perte estimative de La moitié de tous les grands singes du Gabon de 1983 à 2000.“ Les estimations publiées sont répertoriées au Tableau 7.2 ; mais de nombreuses populations des gorilles occidentaux ont diminué depuis lors. AU niveau national, c'est au Gabon et au Congo *** que vivraient les plus importantes populations de gorilles occidentaux même si les pertes récentes ne sont pas prises en compte. Les statistiques globales des populations de gorilles occidentaux et de chimpanzés indiquent une diminution de plus de la moitié des effectifs entre 1983 et 2000.“' Selon les résultats d'une enquête réalisée en 1989-1990, Les gorilles occidentaux étaient répandus et nombreux au nord du Congo. Les zones de forte densité sont des forêts marécageuses”“ comme les forêts du Parc National d'Odzala-Koukoua, et les zones voisines au nord et à l'est.” *IL convient toutefois de noter l'épidémie d'Ebola qui a sérieusement affecté Les populations de gorilles occidentaux en 2002 et 2003 au sanctuaire à gorilles de Lossi, forêt communautaire située à 50 km au sud-ouest du Parc National d'Odzala-Koukoua ;“""* en 2004, les observations de gorilles sur le Bai de Lokoué dans ce même parc, ont connu une diminution de l'ordre de 80 % laissant craindre le ravage de l'épidémie d'Ebola sur les populations de gorilles occidentaux de plaine.” De récentes enquêtes ont confirmé la bonne santé des populations des chimpanzés et gorilles occidentaux de la réserve communautaire du lac Télé/Likouala-aux-Herbes à l'est du Congo.” L'incertitude subsiste à propos des popula- tions de gorilles occidentaux de plaine dans la plupart des zones au Cameroun.” Une enquête réalisée en RCA en 1996 a permis de classer les gorilles occidentaux de plaine comme « vulné- rables » et non « en danger » dans ce pays.“ D'après une enquête menée en 1989-1990, 950 à 2450 gorilles occidentaux de plaine sont présents en Guinée Equatoriale,” en particulier dans les zones de plantation et de forêts secondaires.‘ Ceux qui ne vivent pas à l'intérieur des réserves de Guinée Equatoriale sont considérés « en danger critique d'extinction », de disparition du fait de la chasse, du déboisement par l'exploitation forestière, et/ou des activités agricoles et industrielles pétrolière.” Le gorille occidental de plaine est à présent probablement absent de son aire d'origine dans la région du Bas-Fleuve à l'extrême sud-ouest de La RDC au nord du fleuve Congo.” Son déclin, voire sa disparition, au niveau local sont probablement dûs aux effets combinés de la perte de l'habitat, de la fragmentation et de la chasse!" Les estimations ne sont pas disponibles pour les gorilles occidentaux de plaine de la province de Cabinda en Angola. Menaces Les gorilles occidentaux de plaine sont largement présents dans une vaste région forestière et leur répartition comprend plusieurs aires protégées. Leur avenir reste tout de même incertain compte tenu de l'ampleur accrue et du caractère interactif des menaces qui pèsent sur eux. ” Il s'agit notam- ment du déboisement et de la fragmentation de l'habitat dans un but agricole, pour l'ouverture de pistes, pour l'exploitation forestière, de La chasse de subsistance et des maladies. Les deux dernières constituent des facteurs de risque LE GORILLE OCCIDENTAL | GORILLA GORILLA) Patricia Ree croissants avec l'accès de l'homme aux anciennes zones forestières reculées, facilité par l'exploi- tation forestière, La construction de routes et les travaux d'aménagement. La disparition estimée de La moitié de La population des grands singes du Gabon illustre la menace que constitue cette combinaison de facteurs“! (voir Le profil de pays : Gabon, chapitre 16). Déboisement, fragmentation, dégradation Jusqu'à une date récente, une assez faible dégradation de l'habitat était enregistrée dans la majeure partie du bassin du Congo ainsi qu'un faible taux de déboisement à des fins agricoles.” Jusqu'à la fin des années 1980, Le bois d'Afrique de l'ouest et d'Afrique Centrale était considéré comme ayant une faible valeur commerciale, ce qui a limité la pression de la coupe sélective.” Cette situation a changé complètement au cours des années 1990. La production forestière représente de nos jours 10 % des échanges commerciaux du Cameroun, de la RCA, du Congo, de la Cote d'Ivoire, de la Guinée Equatoriale, du Gabon et du Libéria. La plupart des forêts du bassin du Congo sont exploitées par des sociétés étrangères basées dans l'Union Européenne, exercant comme concession- naires ou sous-traitants.“ C'est pour cette raison que les biologistes de la conservation considèrent que l'avenir de ces forêts et de leur faune est une responsabilité partagée par l'Europe. En 2000, plus de La moitié des forêts du Gabon avait été attribuée comme concessions d'exploitation forestière” Campagne de sensibilisation dans un village : à travers l'éducation au Congo, les villageois sont sensibilisés sur Les risques de transmission de maladie au contact des grands singes. 133 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 134 Encadré 7.4 RECENSEMENTS DES GORILLES Dans la plupart des habitats des gorilles occidentaux, le comptage des nids est la méthode la plus pratique d'estimation de La population et de la densité des gorilles. La méthode courante consiste à compter le nombre de nids par km de transect parcouru. Pour évaluer la taille des groupes de gorilles, on inspecte tous Les nids du site de nidification {voir tableau ci-dessous). La densité des gorilles occidentaux de plaine est typiquement d'environ de 0,25 individus sevrés par km?. Dans certains sites, elle peut atteindre 3 ou exceptionnellement 5 gorilles au km’, contre 0,1/km° dans les habitats pauvres. La densité des gorilles occidentaux de plaine varie entre Les forêts de même structure et de même composition spécifique, et est affectée par une faible variation de l'abondance et de la distribution des ressources déterminantes telles que les plantes herba- cées.““#1% L'interprétation comparative de la densité des populations se complique davantage avec les différentes méthodologies de terrain et Le niveau d'effort.” Le nombre d'individus sevrés dans une zone s'évalueen fonction du nombre de nids, de la taille Taille des groupes des gorilles occidentaux de plaine Lieux et méthode d'étude du groupe et du taux de dégradation des nids [taux de désintégration du nid), établi à l'aide d'un programme informatisé d'analyse de transect, comme DISTANCE. Les nids peuvent également fournir des informations sur la structure en termes d'âge et de sexe des populations, même si pour diverses raisons l'analyse des résultats doit être faite avec prudence. Premièrement, La durabilité des nids varie en fonction des matériaux de construction et des conditions climatiques qui peuvent varier selon les sites et ainsi influencer les résultats. Le taux de dégradation des nids employé dans Les calculs de population vise à corriger ces écarts.f?! En l'absence de données suffisantes, de nombreuses études se contentent du taux de dégradation des nids de Tutin et Fernandez,” ce qui introduit une source supplémentaire d'incerti- tude. Deuxièmement, les nids des gorilles occidentaux et de chimpanzés peuvent se confondre, car les deux espèces font leurs nids dans des arbres et se nourrissent essentiellement des mêmes aliments. Troisièmement, certains gorilles occidentaux se couchent à même le sol, ce qui peut causer une sous-estimation de leur nombre/""M21% Dans Le Parc National de La Lopé, par exemple, le nombre de nids de gorilles Nombre de Nombre de Gorilles sevrés groupes nids par groupe* Nord-ouest du Gabon!” 136 540 4 (1-19) (782.8 km de transects dans 15 types d'habitat] Dzanga-Sangha, RCA* (783 km de transects) 261 1 323 5.1 (1-52) Forêt de Ngotto, RCA! (94 km de transects) —° 145 5.7 (2-11) Marécage de Likouala, Congo’? 38 213 5.6 (2-10) 80 km de transects, saison des pluies) Marécage de Likouala, Congo” “ 36 - F 401 km de transects, saison des pluies) Bai Hokôu, RCA!” [observation et comptage de nids] ie = 12-15! Mbeli Bai, Congo”? 14 & 84 +43 observation à partir de la plateforme d'observation] Maya nord Bai, Parc National d'Odzala-Koukoua, Congo” 36 = 11.2 (2-22 observation à partir de La plateforme d'observation] ? Les données sont exprimées en moyenne et intervalle quand ils sont connus PY compris 73 mâles solitaires “Le tiret veut dire que Les données n'existent pas Exceptés les mâles solitaires * Ce groupe inhabituel possédait deux dos argentés ! aire de distribution observée pendant une période de 27 mois LE GORILLE OCCIDENTAL | GORILLA GORILLA) correspond au nombre d'individus sevrés dans le groupe dans seulement un tiers des sites de nidification récents. Les échantillons de grande taille sont indispensables pour minimiser l'impact des erreurs possibles. "% Dans les bais, il est possible d'observer des gorilles occidentaux directement et d'obtenir des informations très précises sur la taille et la composition des groupes. En général, la taille moyenne des groupes observés dans des bais est plus importante que celle enregistrée par le comptage des nids observés ailleurs. Toutefois, ces résultats ne concernent que les groupes de gorilles qui ont accès à ces clairières ; il est indispensable de conduire des recherches supplémentaires pour établir Les densités locales de populations ainsi que la distance parcourue pour atteindre un bai Sarah Ferris et Lera Miles tandis que la production du bois d'œuvre atteignait 3 millions de m° par an. Au Cameroun, plus de 170 000 km’ des forêts du pays, soit 76 %, ont été exploitées ou attribuées à des concessions forestières ; les images satellitaires ont révélé la construction dans ce pays d'un réseau de nouvelles pistes forestières menant jusqu'à l'intérieur des forêts jadis considérées inaccessibles.” La Guinée Equatoriale continentale et Le secteur congolais de La forêt de Mayombe”*!!""? font également partie de l'aire de distribution du gorille occidental de plaine et ont connu une extension de l'exploitation forestière. Même si l'exploitation forestière intervient dans certaines aires protégées au Cameroun, en RCA, au Gabon, et au Gabon où vivent les gorilles occidentaux de plaine,‘ La plupart des aires protégées y ont échappé jusqu'à présent. Les pistes forestières et les autres voies d'accès fragmentent les forêts et facilitent l'accès des chasseurs. La fragmentation forestière constitue une menace potentielle pour les gorilles occidentaux de plaine dans la mesure où elle peut empêcher l'accès aux sources de nourriture ainsi que le transfert d'individus d'un groupe à l'autre. On ne connaît pas le degré de fragmentation pouvant constituer une barrière aux gorilles occidentaux ;'? toutefois dans la forêt et La savane continue du Parc National de La Lopé au Gabon, on a noté l'hésitation des gorilles occidentaux à traverser une bande déboisée de plus 50 m divisant La forêt.” Chasse Les gorilles occidentaux de plaine sont chassés pour leur chair, pour être vendus aux collection- neurs privés (notamment les jeunes), pour des trophées, pour La médecine traditionnelle ou autres rites. Bien que ces pratiques soient illégales selon les termes des législations nationales des pays concernés, la réglementation en vigueur est rarement appliquée à tous Les niveaux du système juridique et judiciaire.” La chasse des grands singes a été signalée dans la province de Cabinda en Angola, au Cameroun, en RCA, au Congo, en RDC, en Guinée Equatoriale, au Gabon, et au Nigéria en 147 La chasse de viande de brousse est courante en Afrique et vise non seulement à satisfaire Les besoins en protéines mais aussi à générer des revenus à travers la commercialisation."” Dans Les zones forestières d'Afrique centrale, la chasse constitue la principale menace sur les gorilles occidentaux, en l'absence d'élevage de bétail # qui n'entre pas dans les pratiques culturelles. La croissance démographique et les circuits commer- ciaux ont grossi la demande de viande de brousse.” La chair du gorille est très populaire (quand elle est disponible] au nord du Congo. La chasse aux grands singes pour leur chair est répandue au Congo et comme par exemple dans toute la zone riveraine du fleuve Motaba au nord-est.” Ici Le taux de La population de gorilles occidentaux de plaine tués par les chasseurs chaque année est estimé à 5 %,? malgré la faible densité de La population humaine locale. Ce type de chasse ne peut pas permettre la pérennité des mammifères tels que les gorilles dont La reproduction est très lente.” L'intensité de La chasse aux gorilles occidentaux de plaine varie à travers leur aire de répartition. Les facteurs affectant l'intensité de la chasse pour la viande de brousse sont : Les tabous locaux, la législation et son application, l'accès aux fusils et munitions, et la facilité de chasser sous des climats saisonniers locaux." Les pistes forestières y contribuent en facilitant l'accès aux zones éloignées et en permettant l'entrée d'une main-d'œuvre affamée dans la forêt.” Les populations de gorilles occidentaux de plaine ont connu une diminution dans les zones d'exploitation forestière.“ La guerre civile en RDC et les troubles civils au Congo et en RCA ont également intensifié la chasse en exacerbant la 135 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 136 pauvreté et La dépendance vis-à-vis des ressources sauvages, en particulier pour les réfugiés et Les personnes déplacées. On ne dispose pas de statistiques, ni sur la diminution de l'ensemble des populations de gorilles occidentaux de plaine due à la chasse, ni sur leur impact sur l'évolution des populations, *"”? même si l'on connaît bien les effets négatifs de la chasse sur les populations de gorilles.”* Dès les années 1980, la chasse était considérée comme la principale menace sur les gorilles occidentaux de plaine et les chimpanzés du Gabon. En effet, leur densité démographique était plus faible dans les zones de chasse, avec des réductions de densité de l'ordre de 17 et 72 % enregistrées respectivement dans des zones de faible et forte activité de chasse. En outre, dans de nombreuses régions d'Afrique centrale et occidentale, il arrive que les gorilles soient tués ou blessés par des pièges qui étaient destinés à d'autres animaux. L'exploitation forestière et la chasse sont considérées comme des menaces pour l'habitat des gorilles occidentaux de plaine au Cameroun. La chasse constitue une menace particulière sur les petites populations de gorilles occidentaux de plaine au nord du fleuve Sanaga.* La chasse est pratiquée dans la réserve de faune de Dja mais celle-ci n'a fait l'objet d'aucune exploitation forestière même si l'on continue de prélever Le bois tout autour de la réserve." En Guinée Equatoriale au moins 63 gorilles occidentaux de plaine ont été prélevés vivants en milieu naturel entre septembre 1966 et février 1969 à destination des parcs zoologiques et centres de recherche. '* La capture des gorilles occidentaux de plaine à des fins commerciales et d'exportation est en baisse grâce aux efforts de conservation à l'échelle nationale et internationale, même si des jeunes vivants sont encore parfois commercialisés dans la région.'* En Angola, la chasse aux gorilles occidentaux de plaine pratiquée ces dernières années répond à la demande du marché de viande de brousse tandis que les jeunes vivants sont vendus à Luanda, la capitale, et au-delà de La frontière!" La situation dans cette région résulte surtout de conflits qui ont causé l'immigration des populations ne connaissant pas de tabous quant à La consommation de La chair des grands singes dans des zones où ces tabous sont traditionnellement respectés. Par contre, le contrôle de la chasse est effectif dans le Parc National de Nouabalé-Ndoki et sa zone tampon (Congo), le Parc National d'Odzala-Koukoua (Congol, et Le secteur Dzanga du Parc National de Dzanga-Ndoki (RCA), où la chasse aux grands singes est rare.*'” Le contrôle est le fruit de la collaboration entre le gouvernement du pays et les organismes extérieurs : Wildlife Conservation Society à Nouabalé-Ndoki; Programme de l'Union Européenne, Conservation et Utilisation rationnelle des Ecosystèmes forestiers d'Afrique Centrale (ECOFAC] à Odzala-Koukoua ; et Fonds mondial pour la nature [WWF] avec l'Agence de coopération allemande (GTZ) dans le Parc National de Dzanga-Ndoki. Maladies Les maladies constituent une menace potentielle grave pour les grands singes. Les gorilles occidentaux sont exposés à de nombreuses maladies humaines, à savoir Le virus d'Ebola,‘’'# le banal rhume, la pneumonie, la variole, la varicelle, la méningite bactérienne, la tuberculose, la rougeole, la rubéole, les oreillons, la fièvre jaune, l'encéphalo-myocardite, et La poliomyélite para- lytique.“'"® Sur La population de gorilles occidentaux de plaine identifiés à Maya Nord Bai, par exemple, 5,7 % ont été infectés par le pian (frambesia tropica] tandis que d'autres montraient des signes du début de cette maladie." IL existe plusieurs formes de pian, mais l'agent pathogène chez les gorilles est probablement 7reponema pertenue.* La maladie cause une nécrose tissulaire ; elle est courante chez les humains en Afrique Centrale et se traite avec des antibiotiques. On croyait que les populations déjà peu nombreuses ou fragmentées étaient les plus vulnérables aux maladies,“ mais La fièvre hémorragique d'Ebola a prouvé le contraire. Ebola est en fait une maladie humaine incurable qui tue jusqu'à 80 % de ses victimes. Son taux de mortalité est encore plus élevé chez les chimpanzés et gorilles occidentaux (95-99 %]. Les gorilles occidentaux de plaine du Gabon et du Congo ont été touchés par la récente épidémie d'Ebola qui a sévi en Afrique occidentale. Cette maladie aurait fortement contribué à la diminution des populations des grands singes au Gabon où quatre épidémies ont été signalées dont deux foyers provenaient du Parc National de Minkébé.‘’ Plus à l'est, La diminution des populations de gorilles occidentaux attribuée au virus d'Ebola a également été signalée au sanctuaire à gorilles de Lossi au Congo, et on craint que la maladie se soit répandue jusqu'au Parc National d'Odzala- Koukoua.**"*! De nombreuses épidémies récentes chez les humains en Afrique équatoriale de l'ouest seraient dues à la manipulation de la chair des grands singes infectés. L'habituation, processus qui grands singes de tolérer la présence humaine, facilite la régularité et la consistance des observations des chercheurs et touristes. Lhabituation des gorilles occidentaux de plaine s'avère très difficile notamment parce que la permet aux végétation dense de son habitat ne facilite pas son suivi.“ Le tourisme de vision des gorilles n'est donc pas aussi répandu que celui des gorilles orientaux. Depuis qu'il est établi que les gorilles occidentaux de plaine peuvent facilement être observés dans des baïis, les perspectives du tourisme de vision des gorilles sont devenues encourageantes. Le tourisme peut assurer d'importantes recettes pouvant appuyer les efforts de conservation des grands singes, mais il augmente par ailleurs le nombre de personnes qui entrent quotidiennement en contact avec les gorilles. Cela augmente les risques de transmission de maladies ainsi que le stress subi par les gorilles en contact avec les humains, et Le processus d'habituation peut réduire leur résistance aux maladies.“ IL existe une réglementation garantissant la protection des gorilles orientaux vis à vis de La transmission des maladies par les touristes et Les guides,” mais il n'en existe pas encore pour les gorilles occidentaux. Des directives ont été élaborées pour Le Mbeli Bai et le Bai Hokôu. IL semble néanmoins que c'est Ebola {maladie non liée au tourisme] qui aurait décimé huit groupes de gorilles occidentaux habitués au sanctuaire de gorilles de Lossi entre octobre 2002 et janvier 2003.” CONSERVATION ET RECHERCHE Protection de l'habitat et application de La Loi Le gorille occidental est protégé par la Loi contre La persécution dans tous les pays faisant partie de son aire de distribution. Au sein de leur aire de distribution, il existe des zones protégées pour les deux sous-espèces de gorilles occidentaux, mais La plupart des gorilles vivent en dehors.” Le gorille occidental de plaine a pu se maintenir dans de nombreuses zones non officiellement protégées car la population humaine y est peu dense et disséminée, mais la situation est en train de se détériorer rapidement avec l'augmentation de l'ex- ploitation forestière et Les ravages de la chasse. Les LE GORILLE OCCIDENTAL [ GORILLA GORILLA) aires protégées abritant Les gorilles occidentaux de plaine comprennent un site classé Patrimoine Mondial au Cameroun [Réserve de faune de Dja avec une superficie de 5250 km‘), divers parcs nationaux dont Dzanga-Ndoki en RCA, La Lopé au Gabon, Monte Alén en Guinée Equatoriale, Odzala-Koukoua et Nouabalé-Ndoki au Congo, et bien d'autres types de réserve. Le gorille de Cross River est présent dans plusieurs réserves dont le Parc National de Cross River au Nigéria {voir Encadré 7.1). Le niveau de protection nominale et réelle assuré par les divers systèmes de protection varie d'un pays à l'autre, en reflétant son histoire et son économie. Aucun des pays qui abritent des gorilles ne dispose pourtant de ressources de conservation suffisantes ; tous font partie des pays les plus pauvres de la planète. John Oates John Oates Montagnes boisées à La source du fleuve Asache, zone d'étude du gorille de Cross River ; Camp de base dans la même zone. 137 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 138 IL convient de lever les contraintes liées aux ressources de la conservation à travers l'établissement de partenariats entre les Etats faisant partie de l'aire géographique, les bailleurs de fonds officiels, et les organisations non gouvernementales. À titre d'exemple, depuis le classement de la réserve spéciale de forêt dense de Dzanga-Sangha et du Parc National de Dzanga- Ndoki, les deux sont gérés par le projet Dzanga- Sangha, fruit de collaboration entre le gouver- nement centrafricain, GTZ (à travers le bureau d'études allemand Luso Consult) et WWF." Le partenariat avec le secteur privé serait aussi le bienvenu ; le Congo est en train d'élaborer une loi innovante qui exigera la mise en place de patrouilles dans toutes les concessions forestières dans le but d'empêcher Le braconnage.!!? Certaines zones de l'habitat des gorilles occidentaux où d'aires protégées chevauchent Les frontières nationales, nécessitant de ce fait la coopération entre deux ou plusieurs pays en vue d'une conservation effective. La Trinationale de La Sangha, créée en 1998, en est un exemple : c'est une aire protégée transfrontalière comprenant une partie du sud de la RCA, une partie du nord du Congo et une partie du sud-est du Cameroun. Cette initiative de conservation couvre les parcs contigus de Dzanga-Ndoki, de Nouabale-Ndoki et de Lobéké, et scinde La région en zones d'activités humaines planifiées ou restreintes. Les patrouilles conjointes composées d'écogardes des trois pays y sont conduites de même que des missions qui contribuent à dissuader Le braconnage."? La forêt de Mayombe connaît une dégradation avancée bien que certaines parties soient protégées en Angola, en RCA et au Congo. Les concertations avec les populations locales sont organisées dans la province de Cabinda dans le but de promouvoir la conservation des forêts et de La biodiversité, et de réduire La pauvreté dans le cadre d'un projet de gestion des aires protégées transfrontalières regroupant Les trois pays concernés.'!! Le sanctuaire à gorilles de Memgamé renferme un corridor de biodiversité d'une superficie de 1000 km’ au Cameroun, le Long de La frontière avec le Gabon. IL fera partie d'une aire protégée transfrontalière en se rattachant au Parc National de Minkébé au Gabon ainsi qu'à l'initiative de la trinationale de la Sangha comprenant la réserve de faune de Dja au Cameroun, le Parc National de Minkébé au Gabon, et Le Parc National d'Odzala-Koukoua au Congo. En 2002, l'Institut Jane Goodall a signé un contrat avec Le ministère camerounais de l'Environnement et des Forêts (MINEF] en vue de la création d'une conservation communautaire et d'un programme de recherche sur la faune dans le sanctuaire de gorilles de Mengamé.* La principale contrainte liée au succès de La conservation du gorille occidental est La qualité de la législation ainsi que le niveau de mise en application de celle-ci. La création des aires protégées, surtout celles qui s'étendent au-delà des frontières nationales, et l'intégration de la protection des gorilles occidentaux dans leurs législations nationales, dénotent l'engagement officiel des pays situés dans l'aire de distribution en matière de conservation de l'habitat des gorilles. Les contraintes financières et le manque de ressources dans tous les pays concernés ralentissent Les efforts de mise en application de La législation existante qui est pertinente. Conservations et activités de recherche La vaste étendue de l'aire de distribution du gorille occidental de plaine est prometteuse pour la survie de l'espèce, à condition d'assurer la coordination des activités des multiples acteurs gouver- nementaux, des bailleurs et de la société civile. De nombreuses organisations internationales, régio- nales, et nationales oeuvrent en vue de la protection du gorille occidental de plaine dans le cadre des programmes de conservation et de recherche. Les profils de pays au Chapitre 16 fournissent de plus amples informations relatives aux organisations actives dans chaque pays concerné de l'aire de distribution. La recherche va souvent de pair avec la conservation. La station d'études des gorilles et des chimpanzés, basé dans Le Parc National de La Lopé au Gabon, fait partie des initiatives de conservation les plus soutenues. Elle a été instituée par Tutin et Fernandez grâce au financement initial du Centre international de recherche médical de Franceville (CIRMF] et l'appui ultérieur d'autres donateurs. Les études à long terme sur Les gorilles occidentaux de plaine y sont menées depuis 1983. Le programme régional ECOFAC a appuyé le développement de l'écotourisme dans le parc, de même que les études écologiques et sociologiques de la région. ECOFAC a été créé pour assurer la conservation de la biodiversité à travers la gestion des aires protégées et le développement des activités locales durables en Afrique centrale.” Dès 1992, ECOFAC a conduit des enquêtes sur la biodiversité comprenant la collecte des données relatives aux populations de primates dans des sites tels que le Parc National d'Odzala-Koukoua, la réserve de faune de Dja, Le Parc National de Monte Alén et La forêt de Ngotto. Des sanctuaires ont été également créés pour accueillir des gorilles occidentaux ex-captifs. Les initiatives de réinsertion d'orphelins dans la nature n'en sont encore qu à leur début. Au Congo, le projet de protection des gorilles a réussi à réintroduire un certain nombre de gorilles occidentaux de plaine orphelins dans la réserve de Lesio-Louna.””' Le Cameroun, Le Gabon et le Nigéria disposent chacun d'au moins un sanctuaire pour accueillir Les gorilles occidentaux de plaine orphelins, contrairement à l'Angola, La RCA et la Guinée Equatoriale qui n'en ont pas. Plusieurs initiatives ont été prises pour la mise en place d'opérations touristiques pour observer des gorilles occidentaux au Congo, au Cameroun, au Gabon, et en RCA. Les bais (clairières riches en sels minéraux) situés juste au nord du Parc National d'Odzala-Koukoua et qui sont visités par des gorilles occidentaux de plaine sembleraient convenir. Le tourisme peut générer d'importantes recettes pouvant être redéployées dans la conservation des grands singes. Cependant, l'expérience du gorille oriental montre que l'application stricte de la réglementation relative au tourisme et à la protection des grands singes contre les maladies humaines font souvent défaut à cause du manque de formation et d'éducation du personnel.“ Dans les baïis, Les touristes ont la possibilité d'utiliser des affüts ou des plateformes d'observation d'où ils peuvent observer la faune sauvage sans avoir besoin de l'habituation des gorilles ou d'un contact avec eux. L'expérience des OUVRAGES À CONSULTER LE GORILLE OCCIDENTAL [ GORILLA GORILLA) zoos nous a appris que les gorilles deviennent inquiets lorsqu'on les observe de haut,“ c'est pourquoi il serait préférable de prévoir de cacher les plate-formes. En conclusion, les pays situés dans l'aire de distribution du gorille occidental prennent des mesures en vue de la protection de l'espèce et de son habitat, ce qui représente un important investissement au regard des maigres ressources publiques et de la taille des vastes massifs forestiers à protéger Les menaces sans cesse croissantes sont en grande partie dues au développement non planifié et non réglementé des infrastructures, lié notamment à l'industrie forestière ; ce qui facilite l'accès des chasseurs aux vastes zones ainsi ouvertes et favorise Le développement des circuits de commercialisation de la viande de brousse. La fragmentation de l'habitat et Les maladies, y compris l'épidémie du virus Ebola, ont également contribué à mettre davantage en danger les populations de gorilles occidentaux déjà vulnérables. Notre capacité collective à réduire ces pressions fait face à notre ignorance, à la fois du statut et de l'évolution des populations du gorille occidental dans la majeure partie de leur aire de répartition. D'où l'impérieuse nécessité de mener de nouvelles études sur la distribution, l'abondance et le statut des gorilles occidentaux dans tous Les pays faisant partie de leur aire de distribution, en accordant une importance toute particulière au gorille de Cross River. Une meilleure compréhension de l'écologie et du comportement du gorille occidental contribuerait au succès de la conservation. Des études à long terme constitueraient une voie idéale pour parvenir à ces deux objectifs d'une part, et garantir, d'autre part, la conservation tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des sites d'études. Cipolletta, C. (2003) Ranging patterns of a western gorilla group during habituation to humans in the Dzanga-Ndoki National Park, Central African Republic. /nternational Journal of Primatology 24: 1207-1226. Cousins, D., Huffman, M.A. (2002) Medicinal properties in the diet of gorillas: an ethnopharmacological evaluation. African Study Monographs 23: 65-89. Doran, D.M., McNeilage, A. Greer, D., Bocian, C., Mehlman, P., Shah, N. (2002) Western lowland gorilla diet and resource availability: new evidence, cross-site comparisons, and reflections on indirect sampling methods. American Journal of Primatology 58: 91-116. Harcourt, AH. (1986) Gorilla conservation: anatomy of a campaign. In: Benirschke, K., ed., Primates: The Road to Self-sustaining Populations. Springer-Verlag, New York. pp. 31-46. Harcourt, A.H. (1996) Is the gorilla a threatened species? How should we judge? Biological Conservation 75 [2]: 165-176. 139 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 140 lwu, M.M. (1993) Handbook of African Medicinal Plants. CRC Press, London. Magliocca, F., Querouil, S., Gautier-Hion, A. (1999) Population structure and group composition of western lowland gorillas in north-western Republic of Congo. American Journal of Primatology 48 (1): 1-14. Nowell, A.A., Fletcher, A.W. (2004] Behavioral development in wild western lowland gorillas and a comparison with mountain gorillas. Folia Primatologica 75 S1: 314. Parnell, R.J. (2002) Group size and structure in western lowland gorillas (Gorilla gorilla gorilla) at Mbeli Bai, Republic of Congo. American Journal of Primatology 56: 193-206. Parnell, R.J., Buchanan-Smith, H.M. (2001) An unusual social display by gorillas. Nature 412: 294. Peterson, D. (2003) Eating Apes. California Studies in Food and Culture 6. University of California Press, Berkeley. Robbins, M.M., Bermejo, M. Cipolletta, C., Magliocca, F., Parnell, R.J., Stokes, E. 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American Journal of Primatology 6: 313-336. SOURCES DE DONNÉES CARTOGRAPHIQUES Carte 7.1 Les statistiques sur les gorilles proviennent des sources suivantes, tenant compte des mises à jour des profils de pays du Chapitre 16: Butynski, T.M. (2001) Africa's great apes. In: Beck, B.B., Stoinski, T.S., Hutchins, M., Maple, T.L., Norton, B., Rowan, À., Stevens, E.F., Arluke, À., eds, Great Apes and Humans: The Ethics of Coexistence. Smithsonian Institution Press, Washington, DC. pp. 3-56. Encadré 7.1 Les statistiques sur le gorille Cross River sont basées sur les données non publiées de Richard Bergl et Jacqueline L. Sunderland-Groves, et des données supplémentaires contenues dans les profils de pays pour le Cameroun et Le Nigéria. Pour Les données sur les aires protégées et autres, bien vouloir consulter ‘Comment utiliser Les cartes’. REMERCIEMENTS Nous adressons nos sincères remerciements à Kelley McFarland (City University of New York] pour Les informations sur le régime alimentaire du gorille de Cross River, ainsi qu'à Alexander Harcourt (University of California, Davis), Michael Huffman (Kyoto University), John F. Oates (Hunter College,City University of New York], Richard Parnell [University of Stirlingl, Emma Stokes [Wildlife Conservation Society), Jacqueline L. Sunderland-Groves (Wildlife Conservation Society), et Elizabeth A. Williamson (University of Stirling) pour leurs précieux commentaires sur le manuscrit du présent chapitre, et à Angela Nowell (University College Chester] pour les informations sur la croissance du gorille. Nous remercions également Muhammad Akhlas (UNEP-WCMC) pour la recherche bibliographique. AUTEURS Sarah Ferriss, UNEP World Conservation Monitoring Centre Encadré 7.1 Jacqueline L. Sunderland-Groves, Wildlife Conservation Society, John F. Oates, Wildlife Conservation Society and Hunter College, City University of New York, and Richard Bergl, Hunter College, City University of New York Encadré 7.2 Richard Parnell, Scottish Primate Research Group, University of Stirling Encadré 7.3 Michael A. Huffman and Don Cousins, Primate Research Institute, Kyoto University Encadré 7.4 Sarah Ferriss and Lera Miles, UNEP World Conservation Monitoring Centre LE GORILLE ORIENTAL ( GORILLA BERINGEI) CHAPITRE 8 Le gorille oriental (Gorilla beringei) SARAH FERRISS, MARTHA M. ROBBINS, ET ELIZABETH À. WILLIAMSON a distance qui sépare, dans la nature, les [= orientaux (Gorilla beringei, Matschie, 1903) des gorilles occidentaux (G. gorilla, Savage, 1847) Les plus proches est de plus de 1000 km. Avec une large poitrine et de larges épaules, une large tête et une face noire, lisse, sans poils, Les gorilles orientaux sont semblables aux gorilles occidentaux bien que de plus grande taille. Un adulte mâle mature peut peser jusqu'à 220 kg contre la moitié pour l'adulte femelle mature.“?7*? Deux sous-espèces de gorilles orientaux sont actuellement reconnues par le groupe d'experts sur les primates de l'UICN - Union Mondiale pour la Conservation :“ Le gorille oriental de plaine ou gorille de Grauer (G. b. graueri, Matschie, 1914] et Le gorille de montagne (G. b. beringei, Matschie, 1903) Une toute petite population de gorilles orientaux de plaine, dont la taille est particulière- ment grande, vit sur Le mont Tshiaberimu dans le Parc National des Virunga en République Démocratique du Congo (RDC].” Une population de gorilles de montagne dans le Parc National Impénétrable de Bwindi en Ouganda possède une morphologie, une écologie et une éthologie si distinctes que certains chercheurs suggèrent qu'elle pourrait être considérée comme une troisième sous-espèce.” IL s'agit Là d'une question controversée, dans la mesure où les populations de gorilles de montagne se seraient scindées uniquement pendant la courte période au cours de laquelle l'agriculture s'est intensifiée dans la zone qui les sépare. La petite taille de la population des gorilles de montagne et Le petit nombre d'échantillons prélevés pour analyse ne permettent pas de conclure aisément que la variation entre populations est plus grande que la variation au sein des populations. Les débats continuent sur cette question, “71% mais le présent atlas ne considère que deux sous-espèces du gorille oriental : Le gorille oriental de plaine et le gorille de montagne. Peu de différences physiques existent entre ces deux sous-espèces, même si Le gorille de montagne a en général un corps plus grand et de plus longs poils, et se distingue par son plus large crâne et un squelette facial plus large, ainsi que par des narines moins rondes et plus angulaires.‘ Les différences génétiques de ces sous-espèces ont été confirmées par la comparaison de leurs ADN mitochondriaux (ADN mt);/* cependant La fréquence élevée d'incorporation d'ADN mitochondrial au sein de l'ADN nucléaire signalée récemment chez les gorilles “'* rend difficile l'interprétation des résultats précédents. Les ADN mt de ces deux sous-espèces pourraient s'avérer plus semblables {ou même plus différents] qu'on ne l'avait aupara- vant suggéré. On estime que la divergence des deux sous-espèces aurait eu lieu il y a 400 000 ans. '* RÉPARTITION Gorille de montagne Deux populations connues de gorilles de montagne sont présentes dans trois pays : RDC, Rwanda et Ouganda (Carte 8.1]. Elles se trouvent presque toutes à l'intérieur de parcs nationaux. ‘une se trouve entre les volcans éteints des massifs des Virunga. Ces gorilles sont officiellement protégés par le Parc National des Virunga en RDC, le Parc National des Volcans au Rwanda et le Parc National des Gorilles de Mgahinga en Ouganda ; tous ces parcs sont contigus et protègent une seule zone d'habitat de gorilles Îles Virungal. L'autre 141 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Carte 8.1 Répartition du gorille oriental Références bibliographiques à la fin de ce chapitre 26E al 2'E{ Pol (e] 50 100 150 km | N À | { Réserve à gorilles de Tayna | Man | 0° D bel ne Réserve à | e gorilles EX PN de Maïko d'Usala ROHE, RNrde Réserve Kisimba | à gorilles IKkobo | Fonte p DE KIGEZI ; A Réserve Réserve à > PN Impénétrable Aldoriles Réserveà gorilles de NE, ide Bwindi & SPM d'Utunda primates de Shingisha "— ! etWassa. Bakumbule 7 Mebeshi { 2 SMONTVISOKE 4 £ FÉSSNE RFde PAS 74 CAT s 4 L ado SE, 4 ( à nes Bakano MASISI \ 70e Poe REA REF de KIRONRWE fi Le KASES Lowa fe Es PN à gorille 6 ON NORD KIVU* ? QUEUE A PN des (Dom Volcans PNde du fre Kahuzi-Biega 2%\ BR 4 (] TO 1 : REPUBLIQUE r / RWANDA ONTC |) DEMOCRATIQUE KAHUZ V ny n}0ny DU CONGO An mu nn = et TSHIVANGA }» RF de Maniema RN des \ Monts je Espèce à Itombwe Ne ÿ Gorille oriental de plaine avant 2000 - es pa } Gorille de montagne avant 2000 A re Wa r Aire de répartition estimée 1 = È 4 Gorille oriental de plaine x ! - 44 Fr" Gorille de montagne ZC dé Luama Ez----{ TANZANIE À = / Î ! R Es Er 26E à Ge [ 30E 142 population se trouve essentiellement dans le Parc National de la Forêt Impénétrable de Bwindi au sud-ouest de l'Ouganda à la frontière avec la RDC. Les gorilles de montagne occupent environ 375 km” dans les Virunga et 215 km’ à Bwindi,* Les deux zones étant séparées par une bande de terres agricoles de 25 km.” Les trois parcs nationaux des Virunga renferment la plupart des forêts restantes de la région qui s'étendent sur environ 440 km’, situées à une altitude variant de 2 000 m à 4 500 m. Elles constituent un écosystème diversifié comprenant des formations de bambous et de forêts humides de montagne, ainsi que des zones ayant une abondante végétation herbacée et un faible couvert d'arbres.” La région a une forte pluviométrie ; la topographie complexe et le drainage se combinent pour former des lacs, des marais, des marécages et des tourbières à diverses altitudes. Selon l'histoire volcanique l'on y trouve des pics à très forte érosion ainsi que des plaines à laves. Les sols y sont très fertiles et ce dernier facteur explique la forte densité des populations humaines riveraines. Le Parc National des Virunga, situé au nord-est de La RDC a une superficie de 7 900 km” et un périmètre de 650 km. L'altitude varie de 800 m à plus de 5 100 m et Le parc renferme donc des zones non boisées à faible et à haute altitude. Environ 95 % du parc se trouve dans la province du Nord Kivu et le reste dans l'Orientale (jadis appelée Haut Zaïre). °° Le parc est divisé en quatre secteurs et Les gorilles ne sont présents que dans le secteur sud. Le Parc National des Volcans du Rwanda a une superficie d'environ 160 km? et est situé à une altitude variant de 2400 m à 4507 m.'%'* Sa limite est située à 15 km environ au nord-ouest de la ville de Ruhengeri dans les massifs des Virunga à la frontière entre l'Ouganda et La RDC. Le Parc National des Gorilles de Mgahinga a une superficie de 33,7 km? et est situé à l'extrême sud-ouest de l'Ouganda à la frontière entre La RDC et le Rwanda à une altitude variant de 2 400 m à 4127 m. Le parc a été spécialement institué en 1991 pour la protection des gorilles de montagne, après avoir été classé réserve, mais non protégée auparavant. °1517.154 La seconde population des gorilles de montagne se trouve essentiellement dans le Parc National de Bwindi, situé dans les hauts plateaux de Kigezi au sud-ouest de l'Ouganda à la lisière de La vallée du Rift Albertin formant la frontière ouest avec la RDC.”' Certains de ces gorilles sont LE GORILLE ORIENTAL ( GORILLA BERINGEI) présents de part et d'autre de la frontière de La RDC. Le Parc National Impénétrable de Bwindi couvre une superficie d'environ 331 km’ et s'élève à une altitude variant entre 1 160 m et 2 607 m.”* Les gorilles de montagne ont une densité de 0,85-1,00 individu/km° tant à Bwindi que dans les Virunga.”®° 92,186,189 Le gorille oriental de plaine Le gorille oriental de plaine se trouve uniquement à l'est de La RDC entre le fleuve Lualaba et la frontière Burundi-Rwanda-Ouganda. Son aire de distribution est d'environ 90 000 km’ dont il occuperait environ 15 000 km’ répartis dans quatre vastes régions : le Parc National de Kahuzi-Biega et la région adjacente de Kasese, Le Parc National de Maiko et La forêt adjacente, La forêt d'Itombwe, et Le nord Kivu.‘” La superficie de Kahuzi-Biega est de 6 000 km” avec une altitude de 600 m à 3 400 m. Le parc est divisé en deux parties - le secteur des montagnes (600 km’) et le secteur des plaines (5 400 km’) - reliées par un corridor forestier Les gorilles sont présents dans les deux secteurs : la région du lac Kivu et Mont Kahuzi dans le secteur des montagnes, et La région de Kasese du secteur des plaines. * Les populations de gorilles de ce parc auraient été décimées pendant la querre civile en RDC au cours des années 90, passant de 8000 individus à un nombre inconnu mais peut-être aussi bas que 1 000 individus. '"* Le Parc National de Maiko et les forêts voisines sont situés dans la région montagneuse Pierre Kakulé Vwirasihikya Habitat du gorille oriental de plaine, réserve de gorilles de Taynia, RDC. 143 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Habitat du gorille de montagne, Parc National Impénétrable de Bwindi. 144 Gordon Miller/IRF entre le bassin hydrographique central de la RDC et les chaînes montagneuses du côté ouest de la vallée du Rift. Le parc a une superficie d'environ 10 800 km’ avec une altitude de 700 m à 1 300 m.*"* L'impact de La guerre en RDC sur la population des gorilles de Maiko n'est pas connu. Plusieurs réserves communautaires en dévelop- pement existent également autour de la zone des parcs nationaux de Maiko, Virunga et Kahuzi- Biega ; ces réserves abriteraient entre 700 et 1400 gorilles ainsi qu'un nombre inconnu de chimpanzés. #* L'une d'entre elles renferme la forêt d'Itombwe, une zone de forêt tropicale de montagne de transition et de plaine à l'ouest du lac Tanganyika,"” et comprend des aires proté- gées de diverses appellations. Elle couvre une superficie de 11 000 km” où l'on trouve quatre populations séparées de gorilles.® Une réserve communautaire est également en cours de développement dans la région de Masisi dans la zone de Nord Kivu au sud-ouest du Parc National des Virunga. COMPORTEMENT ET ÉCOLOGIE Beaucoup d'informations sur l'écologie du gorille oriental proviennent des travaux effectués sur les gorilles de montagne dans le massif des Virunga.”"?"# Les travaux dans Les Virunga avaient été initiés par George Schaller vers la fin des années 50; depuis 1967 trois à quatre groupes habitués ont été régulièrement suivis par des chercheurs du Centre de recherches de Karisoke au Rwanda. Moins d'informations sont disponibles sur l'écologie et la démographie des gorilles de montagne de Bwindi,” ou celle des gorilles orientaux de plaine, mais les recherches sont en cours. La plupart des travaux sur les gorilles orientaux de plaine ont été réalisés à Kahuzi-Biega sous les auspices de structures telles que l'Institut Congolais pour la Conservation de La Nature (ICCN, Kinshasa), le Centre de Recherches sur les Sciences Naturelles (CRSN, Lwiro}, et l'Université de Kyoto./"*”!"727 Les résultats des études sur les différences écologiques et comportementales entre et au sein des sous-espèces de gorilles occidentaux, et entre les gorilles occidentaux et orientaux, s'accumulent. 572.120.121.201,203 Habitat Les gorilles de montagne se trouvent dans les Virunga à des altitudes allant de 2000 m à 3 600 m, avec des incursions occasionnelles jusqu'à 4 100 m, tandis que ceux de Bwindi vivent à des hauteurs comprises entre 1 160 et 2 600 m. Les gorilles orientaux de plaine se trouvent à des hauteurs comprises entre 600 et 2 900 m.*?7272 Même si Les altitudes auxquelles vivent les gorilles orientaux de plaine et Les gorilles de montagne se confondent, leurs populations sont géographique- ment séparées. Habitat des gorilles des monts Virunga Les Virunga constituent une région forestière, montagneuse et volcanique comprenant différentes zones de végétation. Le type de végétation le plus répandu est constitué de terres boisées d'Hagenia abyssinica (Rosaceae]) et d'Hypericum revolutum {Clusiaceae), avec une canopée assez ouverte et un sous-étage herbacé très dense ou herbeux.”'®1#1 D'autres zones des Virunga fréquentées par les gorilles de montagne comprennent des aires herbacées souvent dominées par le Mimulopsis excellens (Acanthaceae), à cheval entre Les monts Visoke et Sabinyo, des formations mono- spécifiques de bambous, de la végétation de crête dense avec abondance d'Hypericum revolutum et des pousses broussailleuses de Senecio mariettae (Asteraceae) et une végétation de haute altitude ayant une hauteur de 4-5 m.”° Habitat des gorilles de montagne de Bwindi Les gorilles de Bwindi vivent à de faibles altitudes et sont plus arboricoles que les gorilles des Virunga. * Ils occupent des formations végétales du type forêt ouverte à canopée discontinue, parfois dominées par le Mimulopsis arborescens (Acanthaceae) ; des forêts mixtes dominées par les arbres et arbustes de sous-étages et de canopée, généralement avec des lianes et des plantes grimpantes ligneuses, notamment le Mimulopsis spp.; des forêts riveraines le long des rivières ou ruisseaux permanents et temporaires, avec une canopée ouverte ou continue et des forêts en régénération suite à une perturbation due notamment à l'exploitation forestière. La densité des arbres fruitiers est plus élevée dans les habitats de gorilles du Parc National de Bwindi que dans les Virunga.”® Habitat des gorilles orientaux de plaine Le gorille oriental de plaine possède la plus vaste aire de distribution altitudinale et géographique de tous les gorilles orientaux, vivant dans les forêts tropicales de montagne, de transition et de plaine. Sa densité varie de 0,25/km° dans Le Parc National de Maiko, à 0,55/km° au Mt Tshiaberimu, et 1,03- 1,26/km? à Kahuzi-Biega.** "#7 l'une des populations de gorilles orientaux de plaine La mieux étudiée occupe la région montagneuse de Kahuzi- Biega où les habitats vont de la forêt primaire dense mélangée de bambous aux zones boisées mésophitiques (moyennement humides), en passant par des zones marécageuses de Cyperus {(Cyperaceael) et des tourbières, des prairies alpines et sub-alpines à de hautes altitudes ; des zones de végétation ouverte existent aussi aux plus basses altitudes. Régime alimentaire Gorilles de montagne Les gorilles de montagne sont de grands herbivores. Dans les Virunga, ils se nourrissent presque exclusivement des feuilles et des tiges d'herbes, de plantes grimpantes et d'arbustes issus du sous-étage herbacé dense, compiétant le tout par des écorces et des racines.” Par contre, les gorilles de montagne de Bwindi vivent dans un habitat plus riche en fruits dont ils se nourrissent. Selon une étude réalisée dans La zone voisine du centre de recherche de Karisoke dans le Parc National des Volcans, les gorilles de montagne ont mangé 38 plantes appartenant à 18 familles, "#7 y compris les tiges et les racines de Peucedanum linderi (céleri sauvage, Umbelliferae), de Laportea alatipes (ortie, Urticaceae), de Urtica massaica {ortie brûlante, Urticaceae), ainsi que Les feuilles de LE GORILLE ORIENTAL [ GORILLA BERINGEI) L. alatipes, Carduus nyassanus (chardon, Asteraceae) et de Galium ruwenzoriense (gallium, Rubiaceae]. Les gorilles de montagne ont une prédilection pour : B {les feuilles de G. ruwenzoriense, Arundi- naria alpina (bambou, Poaceae), et Rubus sp. (ronce, Rosaceae) ; = les tiges de P. linderi ; et surtout Œ Les pousses de bambous'”*'# Le bambou est très riche en protéines. Sa disponibilité fluctue selon Les saisons et Les gorilles de montagne s'en régalent en saison propice”. Un certain nombre de techniques d'alimentation ont été observées et considérées comme méthode pour éviter de se blesser avec les feuilles portant des épines où des crochets tranchants.*"” La faible valeur nutritive et la mauvaise digestibilité de leurs aliments poussent les gorilles de montagne des Virunga à passer au moins la moitié de leur journée à se nourrir et pratiquement Le reste à se reposer. |”! Les gorilles de Virunga et de Bwindi requièrent d'énormes quantités de ressources végétales faciles à cueillir” L'habitat des gorilles dans le voisinage du centre de recherche de Karisoke renferme peu de fruits comestibles,” ce qui est reflété dans l'alimentation des gorilles dans ces zones, tandis qua Bwindi les fruits représentent une bonne partie de leur ali- mentation.* 71% Les aliments Les plus importants, riches en fibres, dont se nourrissent les gorilles de lan Redmond Un dos argenté en train de manger un fruit de Myrianthus. 145 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Un jeune gorille, Parc National Impénétrable de Bwindi, Ouganda. 146 Martha M. Robbins Bwindi diffèrent également de ceux des gorilles de Virunga ; il s'agit des espèces de: Basella {Basellaceae), Brillantaisia (Acanthaceael), Clitandra (Apocynaceae), /pomea (Convolvulaceae), Laportea (Urticaceae], Mimulopsis [Acanthaceael), Mormodica (Curcurbitaceae], Myrianthus (Mora- ceae), Palisota (Commelinaceae), Triumfetta (Tiliaceae), et Urera (Urticaceae).* On a vu de temps en temps les gorilles de montagne manger des aliments inhabituels qui auraient tous une valeur nutritive : des insectes (fourmis et cocons d'origine non spécifiée] ;°'417 des sédiments du sous-sol cinq à six fois par an au centre de recherche de Karisoke, source potentielle de sodium ou de fer,” des excréments,“°7'# et du bois en décomposition." Les gorilles de montagne ont une alimentation flexible : Le régime des populations des Virunga et de Bwindi varie en fonction de la répartition et de l'abondance des ressources alimentaires qui changent à leur tour en fonction des facteurs altitudinaux et climatiques.” À Bwindi par exemple, les groupes de gorilles occupant de faibles altitudes consomment plus d'espèces riches en fibres (140 contre 62] et de fruits (36 contre 11) que ceux vivant à de plus hautes altitudes. Le régime alimentaire des gorilles de montagne comporte une faible variation saisonnière dans certaines localités du parc des Virunga, sans doute parce que leur nourriture est en grande partie disponible tout au long de l'année, * alors que les fruits qui entrent dans l'alimentation des gorilles de Bwindi varient au cours de l'année.* Le nombre d'espèces consommées et le degré de frugivorie entre gorille oriental de plaine de Kahuzi-Biega et gorille de montagne de Bwindi sont plus proches qu'entre les populations de gorilles de montagne de Bwindi et des Virunga.* Les gorilles de montagne visitent les sites de nourriture qui n'ont pas été exploités récemment ainsi que ceux qui contiennent de la nourriture riche.’ Les sites ayant peu de nourriture de haute qualité où un plus faible taux de régénération sont visités moins fréquemment que les autres zones. Lorsque les pousses de bambou sont présentes en abondance, les gorilles de montagne s'en nourrissent presque exclusivement. Lorsque les bambous sont moins abondants, les gorilles s'éloignent de la zone pour consommer d'autres aliments herbacés. Lorsque toutes les nourritures favorites sont rares, les gorilles modifient leur régime alimentaire et élargissent l'aire d'alimen- tation parcourue chaque jour. "*"* L'apport nutritif ne semble pas constituer un facteur limitant pour les gorilles de montagne dans le Parc National des Volcans. L'abondance alimentaire est inégalement répartie dans l'espace et aucune zone n'est assez productive pour amener les groupes de gorilles à s'installer dans une zone alimentaire précise et à La défendre."* Au contraire, les domaines vitaux peuvent se chevaucher jusqu'à 100 %, 7" avec une tendance d'évitement mutuel entre Les groupes.” La disponibilité, l'abondance et la répartition régulière des ressources alimentaires fait que la compétition alimentaire au sein des groupes est également assez faible et, par conséquent, Le coût du fourragement en groupe doit aussi être bas,“ même si on peut assister à quelques conflits liés à La compétition alimentaire, surtout dans les plus grands groupes.” Les dos argentés ont accès à la nourriture en priorité, et il existe une faible hiérarchie de dominance chez les femelles." "#18 Par conséquent, la vie en groupe peut avoir un coût pour les dos noirs, les femelles et les juvéniles de plus faibles rangs. *? Gorilles orientaux de plaine L'alimentation des gorilles orientaux de plaine comprend une gamme variée de plantes et de leurs fruits, graines, feuilles, tiges et écorces ainsi que des fourmis, termites et autres insectes. ® La saisonnalité de l'alimentation et de l'utilisation de l'habitat est plus forte pour les gorilles orientaux de plaine dans les forêts de faible altitude que pour des gorilles de montagne. '® Les gorilles orientaux de plaine consomment plus de fruits que les gorilles de montagne de Bwindi, mais pas autant que les gorilles occidentaux. #?#%% Lorsque Les fruits sont rares, les gorilles orientaux de plaine se déplacent moins et consomment davantage de plantes herbacées./**" Les gorilles orientaux de plaine de hautes altitudes de Kahuzi-Biega’'*” ingèrent saisonnièrement d'énormes quantités de pousses de bambou ainsi que divers types de fruits. Ces gorilles se nourrissent aussi parfois de fourmis, mais on ne les a jamais vus manger des insectes aussi souvent que les gorilles orientaux dans les forêts de plaine. Quels que soient les gorilles, les insectes constituent une infime partie de leur alimentation.” Les sites de consommation de fourmis ont tous été trouvés dans des forêts primaires ou secondaires anciennes de lisières ou de pentes. La plupart des parties végétales sont consommées au sol, tandis que les feuilles, Les écorces, et les fruits sont parfois ingérés dans les arbres. Des signes d'activité alimentaire sont souvent observés en pistant les gorilles dans les vallées et Les marais.”* Comportement territorial Dans les Virunga, le domaine vital annuel typique d'un groupe de gorilles de montagne est d'environ 5,5-11,1 km. 18 Les gorilles de Bwindi peuvent utiliser de 20 à 40 km’ au cours d'une année! Le comportement territorial des groupes de gorilles est généralement déterminé par la répartition et l'abondance des fruits et des plantes herbacées dans le milieu, mais peut également être influencé par des facteurs sociaux tels que la compétition pour accéder aux partenaires sexuels ou Les tactiques de monopolisation des femelles par les mâles à dos argenté.” Ces facteurs complexes et dynamiques sont reflétés dans les divers comportements d'occupation de l'espace : les groupes passent généralement plus de temps dans les zones à forte disponibilité alimentaire que Les mâles solitaires."* Les solitaires des Virunga possèdent pourtant des domaines vitaux plus vastes que l'on imaginerait pour un seul individu ;!7°1% on ne dispose d'aucune donnée équivalente publiée pour Les gorilles de Bwindi. La nourriture a une influence capitale sur les déplacements des mâles solitaires, qui n'évitent pas toujours Les autres gorilles.? 1717204 Les groupes de gorilles orientaux de plaine qui se trouvent dans des forêts de montagne ont des LE GORILLE ORIENTAL [ GORILLA BERINGEI) domaines de 13 à 17 km.” Même si La superficie de leurs domaines dans les forêts tropicales de plaine est inconnue, on sait qu'ils parcourent en moyenne de plus faibles distances quotidiennes dans les forêts de montagne que dans les forêts de plaine. Rôle écologique Non seulement le comportement des gorilles est adapté aux écosystèmes dans lesquels ils vivent, mais Les gorilles contribuent également à faconner ces écosystèmes. En tant qu'animaux de grande taille, lourds et habiles, les gorilles consomment une grande quantité de feuilles et changent la structure de La végétation en la piétinant. Ceci peut stimuler la repousse ainsi que la productivité ; La densité des tiges de certaines plantes alimentaires herbacées augmente suite à l'alimentation des gorilles."”° On ignore s'il y a un mécanisme de feed- back positif par lequel l'action du gorille favorise le développement d'une communauté de plantes les plus comestibles. "#0 Dans de nombreux écosystèmes forestiers, les primates jouent à la fois le rôle d'agents de dispersion et de prédateurs des graines ; ils ont probablement un impact considérable sur la régénération forestière et sur la diversité des essences” (voir également Encadrés 4.4 et 5.1]. On sait que les gorilles occidentaux permettent la dispersion des graines.” La consommation des fruits par les gorilles orientaux de plaine et Les Elizabeth A. Williamson Un gorille oriental de plaine mâle à dos argenté, RDC. 147 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 148 gorilles de montagne de Bwindi suggère qu'ils peuvent également jouer ce rôle. Les gorilles orientaux partagent leur habitat avec d'autres grands mammifères herbivores, et pourraient ainsi être en compétition avec ces derniers pour accéder à la nourriture. Les mammifères herbivores des Virunga comprennent les buffles (Syncerus caffer) et le ‘bushbuck” (Tragelaphus scriptus] qui, pense-t-on, aurait un impact négligeable sur les populations de gorilles de montagne. "*"”"! Les autres herbivores tels que le céphalophe au front noir ([Cephalophus nigrifrons) et l'éléphant des forêts d'Afrique (Loxodonta cyclotis, ont très peu d'aliments en commun avec les gorilles de montagne." Les éléphants pourraient affecter les ressources alimentaires des gorilles de montagne, mais leur nombre est tellement faible qu'ils ne peuvent avoir qu'un réel effet Limité.” Les gorilles de montagne et les gorilles orientaux de plaine sont sympa- triques (vivent au même endroit) avec les chimpanzés dans certaines zones, et leurs régimes alimentaires se chevauchent.*?® Même s'il a été observé une rencontre compétitive entre les chimpanzés et les gorilles de montagne de Bwindi, ces espèces emploient différentes stratégies d'alimentation et il n'existe guère de preuve de compétition alimentaire entre eux." IL a été suggéré que la sympatrie avec les chimpanzés aurait favorisé la stratégie folivore chez les gorilles, en différenciant leur niche d'alimentation de celle occupée par les chimpanzés” (voir Encadré 8.1). Les seuls prédateurs connus des gorilles sont les humains et les léopards (Panthera pardus).* Les preuves des attaques des gorilles occidentaux par les léopards figurent au Chapitre 7, mais ces félins ne sont plus présents dans les Virunga et auraient également disparu à Bwindi. Comportement social Plus de trente années de recherches menées au Centre de Recherche de Karisoke fondé par Dian Fossey ont fait des gorilles de montagne l'une des espèces de primates Les mieux étudiées. Les comportements sociaux, l'écologie alimentaire, Les modes de vie et la démographie sont des domaines très documentés.!*11913414017818 Étant donnée la variabilité écologique entre les gorilles de différents habitats, une question importante est de savoir dans quelle mesure les informations issues de Karisoke s'appliquent aux autres populations de gorilles. Les groupes de gorilles orientaux peuvent renfermer un seul mâle mature, plusieurs mâles matures (dans un groupe multimäle), ou être composés uniquement de mâles.'#® La plupart comprennent un seul mâle adulte dominant appelé dos argenté, généralement avec trois où quatre femelles et quatre ou cinq jeunes.”*'* Au cours des trois dernières décennies dans les Virunga, 10 à 50 % des groupes de gorilles de montagne étaient multimâles” contre environ 50% à Bwindi.”? Environ 10 % des groupes de gorilles orientaux de plaine sont multimâles.® Chez le gorille de montagne, en cas de décès du mâle dominant dans un groupe uni-mâle, le groupe peut se désintégrer ; si le phénomène se produit dans un groupe multimäle, l'un des mâles subalternes peut prendre la relève et préserver la stabilité du groupe." Ce scénario habituel contraste avec ce qui se passe chez les gorilles occidentaux où les groupes multimâles sont rarissimes."?” La taille du groupe varie chez les gorilles orientaux ; Les groupes observés sont constitués de deux à 53 individus.” *’"# D'une manière générale, la taille médiane du groupe est la même chez les gorilles orientaux et chez les gorilles occidentaux ayant les mêmes types d'habitat et de régimes alimentaires. "*#2%2%% Dans Les Virunga, les tailles médiane et moyenne du groupe sont de 8 et 11 individus respectivement (voir Tableau 8.2]. À Bwindi, on a observé une moyenne d'environ 10 individus par groupe.” Dans la zone voisine de Tshivanga à Kahzi-Biega, la taille moyenne du groupe de gorilles orientaux de plaine (excepté Les mâles solitaires) est d'environ de 10. La taille moyenne du groupe dans le secteur des hautes terres de Kahuzi-Biega a diminuée de 16 en 1978 à 11 en 1990 puis à 10 en 1996. D'autres études signalent une moyenne de 7 individus par groupe à Kahuzi-Biega contre 3 seulement dans la zone adjacente de Kasese.” Le sex-ratio à la naissance dans les Virunga et à Kahuzi-Biega est d'environ 1:1./“7! La plupart des mâles et des femelles quittent le groupe natal à La maturité sexuelle. Les mâles qui émigrent restent généralement solitaires jusqu'à ce qu'ils parviennent à attirer des femelles pour fonder leur propre groupe ; on assiste parfois à la formation de groupes constitués exclusivement de mâles. Après avoir quitté Le groupe natal, certains mâles passent la majorité de leur temps en solitaire mais à l'intérieur du domaine de leur groupe natal.”* IL est extrêmement rare de voir LE GORILLE ORIENTAL ({ GORILLA BERINGEI) Encadré 8.1 COEXISTENCE DES GORILLES ET DES CHIMPANZÉS Les gorilles et les chimpanzés vivent ensemble au sein de mêmes forêts dans plusieurs régions d'Afrique : cette coexistence s'appelle sympatrie. Les deux espèces sont si semblables : comment parviennent-elles à coexister sans que l'une ne 77,124 ” ont chasse l'autre ? Les études antérieures démontré que la différence au niveau de leurs régimes alimentaires et comportements territoriaux réduit la compétition au travers d'une différentiation des niches. On a observé que les chimpanzés frugivores parcourent les forêts primaires et occupent les hauteurs sèches alors que les gorilles folivores ont tendance à sillonner les forêts secondaires en régénération et occupent les vallées humides. On pense que ces différences écologiques affectent leurs sociétés et déterminent leurs densités dans différents types d'habitats. Ainsi, La structure sociale dynamique des chimpanzés, caractérisée par le phénomène de fission-fusion, serait une consé- quence de leur frugivorie, tandis que la folivorie permet aux groupes de gorilles d'être plus cohésifs Toutefois, des études plus récentes ont montré qu'il y avait bien un important chevauchement du régime alimentaire et du comportement territorial entre chimpanzés et gorilles. Les gorilles occiden- taux et orientaux de plaine consomment des fruits et des insectes et parcourent les forêts primaires proches des Ciinanés ANMERIBAReRERE Les gorilles occidentaux de plaine consomment une variété de végétaux aussi importante que celle des chimpanzés sympatriques. Parmi Les espèces de fruits consommées par les gorilles occidentaux de plaine au Parc National de la Lopé au Gabon, 79 % sont également consommées par les chimpanzés dans la même forêt.‘ Tous Les fruits mangés par Les gorilles orientaux de plaine à Kahuzi-Biega Le sont également par Les chimpanzés sympatriques Cependant, l'analyse des échantillons fécaux issus de Kahuzi-Biega indique des différences manifestes entre les deux espèces en ce qui concerne leur dépendance vis-à-vis de certaines espèces fruitières particulières, telles que Ficus spp. (Moraceael), Syzygium sp. (Myrtaceae), Bridelia sp. et Drypetes sp. {des Euphorbiaceae toutes les deux). %#2% On pense que la présence des gorilles influence les chimpanzés dans le choix des arbres pour la construction des nids. Dans les forêts secondaires de Kahuzi-Biega, les chimpanzés orientaux (Pan trogodytes schweinfurthii] évitent généralement de construire leurs nids dans les arbres portant les fruits mûrs préférés des gorilles.? Pendant La saison de fructification, Les gorilles orientaux de plaine étendent généralement leur parcours journalier aux forêts de montagne et de plaine, alors que les chimpanzés sympatriques se cantonnent habituelle- ment dans une petite zone où ils visitent en perma- nence des arbres fruitiers spécifiques. ??®2% De telles différences de régime alimentaire, de comportement territorial et de choix de site de nidification pourraient réduire la compétition entre gorilles et chimpanzés sympatriques. Les gorilles et les chimpanzés se rencontrent occasionnellement dans les mêmes arbres en fruits à Kahuzi-Biega et Bwindi, La plupart de leurs rencontres étant tendues mais pacifiques. 2% À Ndoki au Congo, de telles rencon- tres entre gorilles occidentaux de plaine et chimpanzés sont plus pacifiques.“ Les comportements liés à La recherche de la nourriture observés chez les gorilles et les chimpanzés pourraient varier en fonction des conditions du milieu ; limportance même de cette variabilité reste inconnue. Cela pourrait trouver son importance pour prédire la manière dont gorilles et chimpanzés réagiront aux changements provoquées par l'Homme, ce qui est fondamental pour planifier une conservation durable.”"* La poursuite des recherches sur les gorilles orientaux de plaine et les chimpanzés sympatriques à Kahuzi-Biega et Bwindi permettra de clarifier le cadre d'action pour améliorer la survie des populations de grands singes sympatriques. Juichi Yamagiwa Une femelle gorille et son enfant au Parc National de Kahuzi-Biega. Juichi Yamagiwa 149 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 150 Encadré 8.2 INFANTICIDE CHEZ LES GORILLES Peu de comportements du règne animal ont engendré plus de débats houleux concernant leur fonction que l'infanticide [le meurtre de jeunes de la même espèce). Pourquoi tuer des jeunes encore dépendants serait une stratégie adaptative ? De l'avis général, l'infanticide commis par les mâles est lié à la compétition pour avoir accès aux femelles, conformément à l'hypothèse de la sélection sexuelle.“ Tout particulièrement, si un mâle tue le jeune non sevré d'un autre mâle, réduisant ainsi le temps d'attente pour féconder sa mère, il accroîtra son propre taux de reproduction par rapport à celui d'autres mâles ne suivant pas cette stratégie. Compte tenu du coût que cela constitue pour la femelle dans son effort reproductif, l'infanticide génère un conflit entre les deux sexes. L'infanticide est rare, mais au cours des quatre dernières décennies, il a été soupconné ou observé chez plus de 40 espèces de primates, y compris Les gorilles. Entre 1967 et 1988, 13 cas d'infanticide connus ou probables et de tentatives d'infanticide ont été relevés chez les gorilles de montagne à Karisoke, à savoir 3 cas observés, 9 cas déduits, et une agression avortée telle que suggérée par les blessures.” En supposant qu'il s'agisse dans tous les cas d'infanticides, l'infanticide consti- tuerait ainsi plus de 37% de la mortalité infantile. Dans La plupart de ces cas, linfanticide s'est produit au moment où les mères des jeunes n'étaient pas accompagnées par le dos argenté du groupe, en général parce qu'il était mort. On suppose donc que si Les femelles entretiennent des relations à long terme avec les mâles c'est pour garantir la protection de leur progéniture contre l'infanticide. L'infanticide est-il une pratique universelle chez les gorilles ? Curieusement, on a vu à Kahuzi- Biega des gorilles orientaux femelles de plaine avec leurs petits n'étant pas accompagnées de dos argentés pendant de longs mois. On a également vu des femelles émigrer dans un nouveau groupe accompagnées de leurs petits non sevrés sans que ceux-ci ne soient tués ; trois cas d'infanticide ont néanmoins été relevés à Kahuzi-Biega?! Par ailleurs deux cas d'infanticide ont été déduits chez les gorilles occidentaux suite à La désintégration des groupes. “* Le risque d'infanticide aurait joué un rôle considérable dans le développement des comportements sociaux et des structures sociales observés chez de nombreuses espèces de primates.“ Lorsque chaque groupe comprend un seul mâle, les femelles peuvent choisir Les mâles en changeant de groupe social : compte tenu du risque d'infanticide, l'opportunité pour une femelle d'émigrer dans un autre groupe sans aucun risque est limitée à la brève fenêtre de temps où elle n'a pas d'enfant dépendant.'#* La structure du groupe multimâle est avantageuse car, en cas de décès du dos argenté dominant, un autre mâle adulte (souvent apparenté] a des chances de prendre la tête du groupe ; ce qui empêche la désintégration du groupe ainsi que l'infanticide de la part d'un mâle étranger!" Depuis la fin des années 80, alors que les groupes de gorilles étudiés à Karisoke étaient presque exclusivement multimâles, aucun cas de désintégration de groupe n'a été relevé, et aucun cas d'infanticide non plus n'a été observé ou soupçonné °° L'infanticide a rarement été observé au cours des rencontres entre groupes, et l'expulsion des mâles et La prise de pouvoir dans un groupe par des mâles étrangers n'ont pas été observées chez les gorilles."# 41% Récemment à Kahuzi-Biega, suite à l'émigration simultanée de plusieurs femelles dans un nouveau groupe, le nouveau dos argenté a tué un enfant non apparenté, pendant l'immigration, sa mère ainsi que deux autres enfants [malgré l'opposition des femelles du groupe) aussitôt après leur naissance quelques mois seulement après leur transfert.2? En plus de son impact sur la socialité, l'infanticide a des implications sur la dynamique des populations. Le décès du dos argenté représente, au départ, la disparition d'un seul individu dans la population. S'il était par ailleurs le mâle dominant d'un groupe à mâle unique, son décès peut entraîner la mort de toute sa progéniture non sevrée, avec des conséquences sur la mortalité infantile, les naissances à venir, la structure d'âge des groupes et le taux de croissance démographique ; d'où son importance capitale pour des populations limitées comme celles des gorilles de montagne. Martha M. Robbins un mâle adulte mature quitter son groupe pour en rejoindre un autre.*'®1#1% Les jeunes mâles peuvent également rester au sein de leur groupe natal et hériter éventuellement du statut de dominant.” '®1® La formation des groupes multimâles, à l'exception de quelques-uns, serait due au fait que des mâles ayant atteint La maturité sexuelle ne quittent pas leur groupe natal," lequel finit ainsi par avoir plusieurs mâles adultes apparentés. Les études génétiques confirment que c'est souvent Le cas mais, pas toujours."” Plusieurs facteurs détermineraient un jeune mâle à rester au sein de son groupe natal ou à le quitter. On peut ainsi citer les changements dans les liens sociaux et la structure démographique, tels que les opportunités d'accouplement au sein du groupe, le décès d'un parent, ou la désintégration du groupe natal.*'®1® Les mâles qui développent de fortes relations affiliatives (amicales) avec Le dos argenté dominant durant leur enfance sont plus susceptibles d'être proches du mâle dominant dans leur adolescence, et sont donc plus à même de rester dans Le groupe natal.” Les mâles gorilles orientaux de plaine de Kahuzi-Biega restent rarement auprès de leurs pères putatifs et forment plutôt leurs propres groupes en emmenant parfois avec eux des femelles issues de leur groupe natal.” Les deux phénomènes de dispersion, la dispersion natale (quitter son groupe d'origine pour s'installer dans un autre groupe) et la dispersion secondaire (quitter un groupe d'accueil pour un autre groupe), existent chez les gorilles orientaux femelles. Les femelles peuvent également rester et se reproduire dans leur groupe natal.f""#1#.1# Les femelles gorilles de montagne des Virunga quittent généralement le groupe natal seules, alors que les femelles des gorilles orientaux de plaine le quittent souvent avec d'autres femelles et leur progéni- ture”! Lorsqu'une femelle est gestante où a un jeune enfant au moment de son transfert dans un autre groupe, l'enfant risque de se faire tuer par le nouveau mâle à dos argenté.* On assiste aussi parfois à des cas d'infanticide chez les gorilles orientaux, 7? mais ce n'est pas systématique * {voir Encadré 8.2). Le transfert d'une femelle dans un nouveau groupe offre un certain nombre d'avantages, tels que l'opportunité d'accéder à un meilleur rang social,” notamment suite à l'émigration dans un petit ou nouveau groupe; l'évitement de la consanguinité; Le choix accru des partenaires LE GORILLE ORIENTAL [ GORILLA BERINGEI) Gordon Miller/IRF sexuels ; l'amélioration du succès reproducteur; la réduction de la compétition alimentaire ; ou une meilleure protection contre l'infanticide."* Les femelles peuvent avoir des préférences quant à leurs partenaires, et leur choix peut être influencé par le comportement du mâle."* Pour le mâle, de bonnes relations avec les femelles sont importantes puisque la femelle est libre de quitter le groupe. Elles lui permettent d'avoir accès à l'accouplement et d'accroître son succès reproduc- teur. Même si les groupes de gorilles constituent essentiellement des harems contrôlés, les mâles ne peuvent donc pas se permettre de les rendre trop oppressifs. Des interactions affiliatives et agressives entre mâles et femelles ont été observées. Par exemple, des mâles ont exhibé des parades agressives directement dirigées contre des femelles et celles- ci Les ont apaisés [voir Encadré 8.3). Les raisons de ces parades ainsi que leur effet sur Le choix des femelles de leurs partenaires ne sont pas évidentes." Les mâles peuvent vocaliser et avoir des comportements non agressifs envers les femelles, éventuellement pour rester proches d'elles. * Les femelles peuvent aussi parfois intervenir pour mettre fin aux interactions agressives entre mâles adultes. °° Les mâles à dos argenté faisant partie de groupes mixtes mâles/femelles interagissent peu entre eux, mais quand ils Le font, leur comportement tend à être plus compétitif et agressif qu'affiliatif, sans doute en raison de la compétition pour l'accès aux femelles.''® Les Une partie du groupe des gorilles de montagne de Mapuwa, Parc National des Virunga. 151 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 152 Tableau 8.1 : Les populations des gorilles orientaux de plaine et de montagne Sous-espèces Taille approximative Surface approximative de La population occupée {[km°}"* Gorille de montagne [Virunga}* Gorille de montagne (Bwindi] 380“ * 375 3202002 215 Gorille oriental de plaine? 7° 15 000 17 000 + 8 000% 8 Voir également Tableau 8.2 b Voir également Tableau 8.3 ‘ Pas de données: Etude de terrain en cours depuis 2005 pour évaluer l'importance du déclin “ Estimations basées sur Les résultats des études de 1998, obtenus avant Le début de La guerre dans cette région‘ Tableau 8.2 : Populations des gorilles de montagne des Virunga (1971-2003) Années de Total de Estimation dénombrement gorilles de La recensés population Nombre Taille Nombre Groupes Individus de groupes moyenne de mâles multi-mâles immatures sociaux du groupe solitaires (%) (%) CHENE Tr 274 31 1 15 42,0 39,8 1976-1978 '% 252 268 8,8 39,0 35,8 1981° 242 254 8,5 40,0 39,7 1986 279 293 2. 8,0 48,2 1989? 309 324 9,2 28,0 45,5 2000° 359 359-395 10,9 22,9 44,7 2003“ - Tiré de Kalpers, J., et al. (2003). Tableau 8.3 : Populations des gorilles orientaux de plaine Région géographique Taille de La population estimée Taille de La population estimée (2001-2004) (1994-2000) Parc National de Kahuzi-Biega et région de de Kasese Présente (2005) 15 703 (7655-22 491] (1994-1995) 16 Taynia et autres réserves communautaires proposées 1050 (700-1400) (2004) ca Parc National de Maiko Présumée (2005) 859 (462-1135) (1996) Forêt d'Itombwe Présente (2005) 1155 (516-1796) (1999)02 Rive nord du fleuve Lowa [nord de La région de Kasese) ? 13 (0-26) (1998) Mont Tshiaberimu, Parc National des Virunga 20 (2004)? Masisi (y compris Shingisha Mabeshi) Présente!” 28 (0-33) (1988-1998) Mbohe, Nord Kivu ? Petite“ a ‘7 signifie qu'aucune donnée n'est disponible Adapté de Hall, JS. et al. [1998] et des sources citées dans Le tableau. interactions affiliatives sont rares,'* mais on a assisté à des coopérations occasionnelles entre mâles au sein du même groupe, dans le but d'empêcher les femelles de quitter Le groupe." Les relations entre dos argentés et dos noirs ont tendance à être rares.'*"® Les dos noirs sont subordonnés aux dos argentés, et passent généralement beaucoup de temps en périphérie du groupe. !'? On pense que les jeunes mâles non apparentés forment des groupes composés exclusivement de mâles dans Le but de développer des aptitudes sociales et sans doute renforcer leur sécurité vis-à-vis des prédateurs.!"#'! Les relations entre les mâles d'un groupe constitué exclusive- ment de mâles tendent à être plus affiliatives que chez les mâles d'un groupe composé d'individus des deux sexes, comme le montrent la fréquence des jeux, de l'épouillage, et du temps passé en forte proximité.''#"# Des comportements homosexuels ont également été observés.” Les agressions sont plus fréquentes dans les groupes composés uniquement de mâles, mais Les conflits entre mâles dans les groupes mixtes [le cas échéant] sont plus graves et davantage susceptibles de se solder par des blessures. '"* Cette différence est probablement due à la compétition entre mâles en vue de l'accouplement, problème qui ne se pose pas dans les groupes de mâles. Les liens sociaux entre femelles, excepté ceux entre mères et enfants, sont en général peu développés. Les femelles quittent généralement leur groupe natal, par conséquent il n'y a pas de réseaux sociaux complexes qui Les unit. Les seules coalitions manifestes de femelles, favorisant la défense commune en cas d'agression, seraient plus courantes chez les individus apparentés que chez les individus non apparentés./”'® Les mâles interviennent souvent en cas de conflit entre femelles, limitant ainsi l'efficacité de leurs coalitions. Ces interventions, qui se limitent à des agressions modérées, ne constituent qu'un risque limité pour Les relations sociales avec Les femelles et peuvent aider les mâles à les retenir en maintenant leur statut et leur contrôle sur le groupe.” Les gorilles immatures recoivent souvent le soutien défensif de leurs mères mais rarement des femelles adultes non apparentées. Les juvéniles recoivent rarement un soutien consistant même de la part de leurs mères s'ils ont un comportement agressif envers des adversaires plus forts.” Durant LE GORILLE ORIENTAL ( GORILLA BERINGEI) l'enfance, les gorilles développent souvent une attirance pour le mâle dominant du groupe qui peut protéger les jeunes contre les agressions des autres, servir de centre spatial pour les jeunes animaux et constituer un objet d'attachement au fur et à mesure de l'affaiblissement des liens maternels.” Le comportement du mâle envers les enfants et Les juvéniles est paternaliste, même si peu d'efforts particuliers sont portés à celà.” Les mâles adultes peuvent protéger les gorilles immatures contre les adversaires plus forts mais soutiennent peu ceux ayant des comportements agressifs ; ils interviennent surtout dans des conflits entre immatures, uniquement dans le but de conserver Le contrôle du groupe.'”? Reproduction Les gorilles mâles qui ont un bon succès reproducteur s'accouplent généralement avec plus d'une femelle (ils sont polygynes)]. D'après les données concernant les gorilles des Virunga, il semble que les gorilles de montagne femelles atteignent la maturité sexuelle à environ 6,5 ans (5,8-7,1 ans]. Entre le premier signe du comportement lié à l'oestrus et la première conception, il y a une phase de stérilité adolescente qui dure deux ans. /”* Bien que moins régulier chez les jeunes femelles, le cycle menstruel chez les adultes a une durée médiane de 28 jours; les femelles sont plus réceptives et attirantes pour les mâles au milieu du cycle et ce, pendant un à quatre jours.“ La période de gestation dure environ 8,5 mois. #14 Les accouplements ou les tentatives d'accouplement ont parfois lieu pendant le cycle menstruel mais aussi pendant la grossesse lorsque la concentration d'œstrogènes est maximale.“ 17 Les gorilles de montagne n'ont pas de saison des naissances, probablement en raison de l'absence de saisonnalité en matière de dispo- nibilité alimentaire. À Karisoke Le taux de mortalité infantile est plus élevé pendant les mois les plus pluvieux (avril-mai) lorsque Les animaux ont froid et sont plus exposés aux infections pulmonaires. "? L'intervalle entre deux naissances est d'environ quatre ans, car les gorilles femelles allaitantes ne sont pas fertiles (aménorrhée de lactation). L'intervalle des naissances chez les gorilles orientaux de plaine est légèrement plus long que chez les gorilles de montagne des Virunga (4,6 contre 3,9 ans}.'*2 Lorsqu'un jeune décède, cet intervalle est abrégé, et la mère peut concevoir à nouveau au bout de trois à six mois. L'âge de 153 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 154 Encadré 8.3 LE COMPORTEMENT VOCAL DES GORILLES DE MONTAGNE Les gorilles de montagne utilisent une variété de vocalisations pour communiquer tant au sein de leur groupe social qu'avec les autres groupes. Les appels lancés hors du groupe proviennent surtout des mâles signalant un danger potentiel, à l'instar d'un chasseur humain ou d'un dos argenté rival. Ces appels traduisent l'alerte/la menace et comprennent plusieurs types d'aboiements, des rugissements plus intimidants, et des hurlements ; ils sont parfois accompagnés de charges. À la rencontre d'un autre groupe ou d'un mâle solitaire, les adultes mâles poussent également une forme de long cri qui est une succession de ululements sonores souvent combiné aux parades de frappe de poitrine et de frappe du sol"? Les vocalisations intragroupes sont moins bruyantes et énergiques, mais bien plus fréquentes et variées. Certains de ces signaux sont émis dans des circonstances précises et évoquent des réponses précises. Pour un observateur, la signification des cris est souvent assez claire, comme la ‘toux- grognement légèrement agressive, Les geignements d'un jeune qui a perdu sa mère, des gloussements pendant les jeux, ou les gémissements saccadés qui accompagnent La copulation.?! Plus mystérieux sont les cris fréquents, calmes et de contacts émis par les gorilles pendant toute La journée dans diverses circonstances non spécifiques. Le plus courant de tous ces signaux est le grognement atone semblable à l'éructation, généralement en une ou deux syllabes, qui res- semble beaucoup au raclement de la gorge chez lhomme. D'autres cris de contacts comprennent les grognements asyllabiques, et des appels tonals aigus semblables au fredonnement et au chant des humains? ? Si la communication vocale est considérée comme une forme de comportement social, alors Les sevrage des enfants est typiquement de trois où quatre ans,” * mais peut varier.” Le rang social et la composition du groupe peuvent changer au cours de La vie d'un individu, en supposant qu'une position relative différente au sein du groupe puisse changer les stratégies de reproduction de l'individu en question. Même si les gorilles de montagne sont supposés avoir un appels de contacts constituent l'interaction sociale La plus fréquente entre Les gorilles. Dans deux groupes d'étude à Karisoke, les gorilles adultes vocalisent environ une fois toutes les huit minutes. Plus de la moitié de ces appels interviennent dans Le cadre d'un échange où chaque vocalisation est suivie d'un appel lancé par un autre individu. La principale caractéris- tique de ce comportement vocal est que les gorilles émettent et échangent ces cris lorsque d'autres individus sont proches, dans un rayon de 2 à 5 m.“’ Les vocalisations des gorilles sont corrélées avec d'autres aspects de leurs comportements sociaux. Par exemple La nature et la fréquence des appels de contacts sont liées à l'âge et au statut de dominance. Les mâles adultes qui dominent d'autres membres du groupe, vocalisent plus souvent que les femelles adultes qui, à leur tour, vocalisent plus que les animaux immatures et subalternes. Le répertoire vocal de l'adulte comprend essentiellement les grognements syllabiques alors que les gorilles plus jeunes se livrent plus au fredonnement et au chant 217 ['ün des contextes manifestes, mais non exclusifs, de grognement ou de fredonnement intense émis par une femelle adulte sobserve quand celle-ci est proche du mâle adulte qui vient de faire une parade. Dans ce cas, les vocalisations semblent signifier la subordination et jouent le rôle de signaux d'apaisement #17 Toutefois très souvent, on ne sait pas ce qui pousse l'animal à vocaliser, encore moins la signification du signal. Les grognements syllabiques sont particulièrement énigmatiques. Les animaux grognent plus souvent au cours du repas, des déplacements ou du repos. Les appels n'évoquent aucune réponse claire ou, tout au plus, évoquent une réponse vocale de la part d'un autre individu.”"#? Tandis que les analyses acoustiques indiquent que beaucoup de grognements sont individuelle- ment distincts (suggérant que les gorilles peuvent se reconnaître entre eux grâce à leurs grognements], système d'accouplement avec un mâle unique, de nombreux groupes multimâles existent. Dans un groupe à mâle unique, celui-ci assure la totalité des accouplements. Dans un groupe multimâle, les mâles subalternes s'accouplent eux aussi, même pendant la période fertile des femelles, mais de manière générale, c'est le mâle dominant qui s'accouple prioritairement avec Les femelles adultes LE GORILLE ORIENTAL | GORILLA BERINGEI) peu de traits sonores sont liés au comportement. 7 À notre connaissance, Les grognements poussés en mangeant sont acoustiquement les mêmes que ceux émis au cours du repos. |l est probable que ces signaux transmettent des messages d'ordre général tels que: «Je suis sur le point de changer d'activité», ou tout simplement «Me voici». La fonction de cette communication dépendra alors du contexte. Par exemple, pendant la prise des repas, les vocalisations pourraient s'avérer capitales dans l'espacement et l'évitement de la compétition alimentaire.” Dans d'autres contextes, les appels de contacts semblent jouer un rôle dans La coordination des mouvements et les activités du groupe. Vers la fin de leur sieste, les gorilles augmentent la fréquence de leurs grognements, comme pour dire que leur sieste tire à sa fin. Ils semblent signaler leur intention de se remettre en route, mais attendent l'assentiment des membres du groupe. Même lorsque les gorilles ne font rien, toujours allongés au sol, un observateur peut savoir que le repos est en train de prendre fin tout simplement en constatant l'augmentation de La « conversation ».“! Nos données sur la communication vocale en milieu naturel proviennent des gorilles de montagne des Volcans Virunga. L'étude des gorilles en captivité et les observations préliminaires dans la nature laissent penser que les répertoires vocaux d'autres En haut, un jeune dos argenté pousse un ululement au cours d’une parade de frappe de poitrine. En bas, une femelle adulte et un dos argenté en train de jouer ; ils viennent juste de s'asseoir après un combat ludique. La femelle se frappe La poitrine. ILs affichent tous Les deux une « expression de jeu » avec La bouche entrouverte qui accompagne les halètements que l'on appelle ‘rires’. Ce sont des vocalisations caractéristiques et spécifiques du jeu. Elles sont surtout émises par les jeunes. tandis que les mâles subalternes copulent avec les femelles sub-adultes.” Les études génétiques révèlent que les mâles subordonnés sont aussi géniteurs d'un certain nombre d'enfants. 21210! L'accouplement avec des individus d'un autre groupe est rarissime chez les gorilles de montagne.“ Dans les groupes multimâles, les mâles essaient souvent de rester proches des femelles populations de gorilles sont en général similaires Toutefois, il reste encore beaucoup à apprendre sur la communication vocale des gorilles Kelly J. Stewart AH. Harcourt/Anthrophoto 38 au milieu du cycle." IL arrive que les femelles s'accouplent avec plusieurs mâles, et parfois au cours de la même moitié du cycle. Cet acte peut être soit volontaire soit fait sous La contrainte du mâle.” IL peut arriver que Les mâles harcèlent les femelles ; cette pratique est souvent, mais pas uniquement, perpétrée par les mâles dominants." 155 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Une plaque commémorant sept des nombreuses personnes mortes entre Les mains des milices en mars 1999 dans le Parc National de Bwindi. 156 Gordon Miller/IRF Les gorilles orientaux de plaine partagent de nombreuses caractéristiques reproductrices avec les gorilles de montagne, y compris la période stérile des femelles sub-adultes, l'âge de la femelle à la première parturition (naissance), l'intervalle des naissances et Le taux de mortalité infantile." Construction des nids Les gorilles adultes et immatures sevrés construisent chaque soir des nids pour dormir. Les enfants non sevrés partagent les nids avec leurs mères ; sinon, les gorilles y dorment seuls. Le gorille défèque soit à l'intérieur, soit à côté du nid, et la taille des déjections est directement proportionnelle à l'âge du gorille.*'# Le comptage et la mesure des nids et des excréments peuvent donc fournir des informations sur Le nombre de gorilles dans un groupe et la classe d'âge de l'individu utilisant chaque nid; c'est donc une méthode de recensement couramment utilisée. Dans les Virunga, les gorilles construisent leur nid presque toujours à terre, tandis que près de la moitié des nids des gorilles orientaux de plaine en forêt tropicale de plaine à Kahuzi-Biega est construite dans Les arbres.” Dans Les forêts de montagne de Kahuzi-Biega, la plupart des nids sont construits au sol mais, ici, Les gorilles immatures ont tendance à construire leurs nids dans les arbres plus souvent que Les adultes ; les gorilles femelles et immatures ont plus tendance à construire leurs nids dans les arbres quand Le dos argenté du groupe est mort, ce qui serait dû à leur vulnérabilité face aux grands terrestres.” prédateurs POPULATION Statut et tendances La population des gorilles de montagne des Virunga est sous surveillance depuis 1970. Peu de données sont disponibles sur le statut et l'évolution des gorilles de montagne de Bwindi ou des gorilles orientaux de plaine. Les récentes estimations du nombre total des gorilles occidentaux figurent au Tableau 8.1. Les gorilles de montagne des Virunga Les gorilles de montagne des Virunga font l'objet d'études depuis plus de 40 ans. Les estimations des populations choisies sont récapitulées au Tableau 8.2. Ces statistiques indiquent un déclin au cours des années 70 et jusqu'au début des années 80, avec une baisse drastique en RDC.”'# La population comptait quelques 450 gorilles à la fin des années 50, 275 en 1973,* et 254 en 1981. Le recensement des gorilles de mon- tagne des Virunga a dénombré 309 individus et en a estimé 324 en 1989. Selon les estimations démographiques de 2000, basées sur des observations répétées de 17 groupes habitués et les informations de 15 groupes non habitués, la population des gorilles de montagne des Virunga a augmenté pour atteindre entre 359 et 395 individus.” Dans la partie du massif des Virunga de RDC, 7 groupes de gorilles habitués ont connu une chute de 103 à 66 entre 1995 et 1998, puis une augmentation globale de 66 à 86 entre 1998 et 2002." Le tout dernier recensement des gorilles des Virunga a dénombré 380 individus.‘ L'augmentation des gorilles de montagne révélée par ces recensements doit être interprétée avec prudence, car la quasi-totalité de la croissance démographique proviendrait du secteur de recherche (secteur Susa] du Parc National des Volcans, zone relativement bien protégée qui, pense-t-on, constitue un très bon habitat pour les gorilles. D'autres secteurs ont connu un déclin du nombre de gorilles,” d'où La nécessité de efforts de conservation. poursuivre les Les gorilles de montagne de Bwindi La petite population des gorilles de montagne de Bwindi s'avère également stable. Une enquête au début des années 90 a compté quelques 300 gorilles, *'* chiffre confirmé par un recensement général réalisé dans le parc tout entier vers La fin des années 90,” et revu à la hausse (environ 320) par un autre recensement en 2002.” Les gorilles orientaux de plaine La surface totale occupée par les gorilles orientaux de plaine est passée de 21000 km” en 1963 à 15 000 km” au début des années 90. Le territoire géographique total calculé par Butynski sur la base des statistiques historiques était de 112 000 km’. Cela illustre le degré de fragmentation des populations d'alors. Vers le milieu des années 90, on estimait à environ 17 000 (+ 8 000) Le nombre de gorilles orientaux de plaine dans au moins 11 sous- populations, dont 86 % vivant à Kahuzi-Biega et dans la région riveraine de Kasese en RDC.“ " Les derniers évènements survenus à Kahuzi- Biega et dans la région environnante indiquent toutefois que l'espèce a connu un déclin démographique drastique *'® [Voir Tableau 8.3). L'accès à la majeure partie du territoire des gorilles est devenu difficile au cours de ces dernières années et, il n'est de nouveau possible que depuis peu de temps. Les informations disponibles sont très limitées, mais ceux qui travaillent sur Le terrain s'accordent sur un déclin majeur de la population totale. Cela est dû aux effets combinés de La hausse de La demande du « coltan » (abordé plus en détail ci-dessous) et La guerre qui a ravagé l'ensemble du territoire des gorilles orientaux de plaine dès les années 90 ; Les armées, Les rebelles, les réfugiés, et les mineurs vivaient tous des terres cultivées et consommaient de La viande de brousse.'"* L'exemple le plus documenté sur le déclin des populations provient du secteur des montagnes de Kahuzi-Biega : là-bas le nombre des gorilles orientaux de plaine est passé de 245 en 1996 à 130 en 1999 dans la même zone.?'*"# Selon les gardiens du parc, la population des gorilles orien- taux de plaine du secteur de plaine de Kahuzi-Biega aurait connu une perte encore plus grande ; on déduit Le déclin de toutes les populations de grands mammifères à partir du déficit en viande de brousse de ces espèces jadis abondantes que les chasseurs vendent aux mineurs du coltan.'* Au début de La ruée pour le coltan, les mineurs du secteur des plaines de Kahuzi-Biega mangeaient LE GORILLE ORIENTAL { GORILLA BERINGEI) surtout les grands mammifères ; vers la fin, ils se nourrissaient de petits mammifères, d'oiseaux et de tortues. Le conflit a empêché la poursuite des enquêtes sur le terrain, mais WCS assurait la coordination d'une enquête sur Les gorilles en 2004- 2005 ; celle-ci donnera peut-être des estimations plus fiables des populations restantes. En résumé, quelques 700 gorilles de montagne et quelques milliers de gorilles orientaux de plaine survivent encore. Les deux sous-espèces ont connu un déclin significatif. Le processus continue (et va même de mal en pis) pour les gorilles orientaux de plaine, alors que la population des gorilles de montagne augmente progressivement depuis Le début des années 80 (Tableau 8.2). Les deux populations des gorilles de montagne des Virunga et de Bwindi sont classées (séparément en raison des incertitudes sur leur statut taxonomique] par l'UICN comme Espèce en Danger Critique d'Extinction, sur la base de La taille de leur population, avec moins de 250 individus dans chaque cas. Les gorilles orientaux de plaine sont aussi classés comme Espèce en Danger Critique d'Extinction, sur la base des estimations les plus récentes de leurs populations. Gordon Miller/IRF Gardiennage du bétail en Ouganda. 157 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 158 Menaces Chasse Les gorilles sont chassés pour leur chair, comme spécimens de collection {en particulier les jeunes) ou comme trophées. La chasse aux gorilles vendus comme trophées (peaux, têtes, crânes, pieds et mains, vendus par exemple comme cendriers] a émergé au milieu des années 70, et s'est poursuivie jusqu'à une date très récente." Occasionnelle- ment, des gorilles détruisant les récoltes des populations locales sont abattus.” Par exemple, un jeune gorille de montagne a été lapidé en janvier 2003 lorsque son groupe a détruit des cultures à proximité de la limite du Parc National de Virunga ‘ Rugendo, l'ancien dos argenté de ce groupe habitué, a été tué en 2001 dans des feux croisés."! Des jeunes gorilles ont été capturés à des fins commerciales, destinés aux collections publiques où privées, et de nombreux adultes ont été abattus alors qu'ils tentaient de protéger les enfants du groupe. ? La capture des jeunes gorilles de montagne dans les Virunga était un problème grave dans les années 70, même s'il a connu un grand déclin au cours des années 80 et jusqu'au début des années 90. En 1995, quatre gorilles adultes ont été tués à Bwindi,” et la capture de jeunes gorilles vendus ensuite aux collectionneurs privés été signalée.’ ILa été signalé en 2002 dans les Virunga un braconnage qui s'est soldé par La mort d'au moins sept gorilles;” en 2003, neuf braconniers rwandais ont écopé dune amende et d'un emprisonnement de 2 à 4 ans pour avoir volé un bébé gorille au Parc National des Volcans, et tué deux gorilles adultes qui essayaient de Le défendre.’ La chasse demeure donc une menace dans les Virunga. En réponse à la situation prévalant en RDC dès la fin des années 90, le Conseil de sécurité des Nations Unies a institué un groupe d'experts sur l'exploitation illégale des ressources naturelles en RDC. IL a été conclu que les diverses armées actives en RDC exploitaient systématiquement cinq ressources naturelles - diamant, cuivre, cobalt, or, et coltan'*’'#! - pour s'autofinancer ou pour acheter des armes. Le coltan est un minerai alluvial contenant du niobium (columbium] et du tantale - métaux utilisés dans la fabrication des téléphones mobiles et des équipements informatiques. Le minerai a un marché sûr et sa forte valeur a attiré des mineurs dans les localités où il abonde, y compris les rivières à Kahuzi-Biega.*’*'* Des guides de chasse ont rejoint Les mineurs pour leur fournir de la viande, et c'est ainsi que les gorilles orientaux de plaine ont été sérieusement touchés.""""® De plus amples informations sur le déclin de la population des gorilles orientaux de plaine sont fournies sur Le profil du pays de La RDC au Chapitre 16. Traditionnellement, le gorille était rarement consommé dans l'est du bassin du Congo ce qui garantissait une certaine protection au gorille oriental. Ces traditions sont moins fortes dans les zones habitées par les gorilles orientaux de plaine et, comme on l'a vu à Kahuzi-Biega, sont presque révolues. Elles étaient et restent pourtant fortes dans les zones riveraines des Virunga et de Bwindi et procurent une protection continue aux gorilles de montagne de cette zone. '"? Guerre et troubles politiques La guerre tue Les hommes et les gorilles, et La mort peut disloquer les groupes de gorilles de la même manière qu'elle perturbe les communautés humaines. Les groupes de gorilles peuvent se désintégrer à la suite de pertes, en particulier du dos argenté dominant, ce qui peut accroître la mortalité ainsi que Le déclin des populations.” Les conflits armés et Les troubles politiques ont fait des victimes parmi Les populations de gorilles orientaux de plaine et de gorilles de montagne, avec une succession de conflits et de guerres qui ont affecté les populations humaines, les paysages et La vie sauvage en RDC, au Rwanda, et en Ouganda. Le début des années 90 a vu Le déclenchement des rivalités au Rwanda, y compris dans les Virunga ; en avril 1994, la RDC a été embrasée, provoquant un exode de réfugiés en direction de l'habitat des gorilles et de ses environs. La moitié de la population civile du Rwanda a été déplacée pendant les conflits, faisant 860 000 réfugiés concentrés au voisinage du Parc National des Virunga, et 332 000 ont fui en RDC à proximité de Kahuzi-Biega.” Aussitôt après l'arrivée massive des réfugiés rwandais en RDC de 1994-1995, a éclaté la guerre dans ce pays, en 1996, puis à nouveau en 1998. Les réfugiés exercent une forte pression sur les gorilles et leurs habitats à travers la coupe incontrôlée du bois de feu, l'intensification de La chasse et la perturbation des modes migratoires. Pendant la guerre du Rwanda, trois des quatre camps de réfugiés au nord Kivu étaient situés à l'intérieur où à proximité de La zone tampon du Parc National des Virunga ; la majeure partie du parc a été affectée par le déboisement et Le braconnage.* Des conflits ultérieurs en RDC ont entraîné le pillage et La destruction des infrastructures du parc, ainsi que La mort de 5% des populations des gorilles de montagne dans les Virunga.” Ces évènements ont fait élever le Parc National des Virunga au rang de Patrimoine Mondial en Danger en 1994.” Comme noté plus haut, la chasse aux gorilles pour leur chair à Kahuzi-Biega s'est intensifiée à cause de la guerre et des déplace- ments des communautés humaines.'"!"" En plus de l'arrivée massive de réfugiés, les forêts abritant Les gorilles ont servi de refuge et de retraite aux forces rebelles, favorisant ainsi la perturbation et la chasse. C'est un phénomène courant en temps de guerre dans les forêts situées de part et d'autre des frontières internationales. !"? L'impact à long terme des récentes guerres en Afrique centrale n'est pas connu, et les guerres civiles au Rwanda et en RDC n'ont pas facilité l'évaluation du statut des gorilles de montagne," même si des enquêtes ont été réalisées." La seule lueur d'espoir concerne les gorilles de montagne à l'est des Virunga : cette petite sous- population quelque peu isolée comptait 57 gorilles en 1989 et malgré les activités militaires intenses au début des années 90, il y avait au moins 57 gorilles survivants en 2000.* Les aires protégées de faible altitude de La RDC qui abritaient La plupart des gorilles orientaux de plaine pendant les années 90, restent inaccessibles pour les chercheurs, rendant ainsi difficile l'évaluation de leur statut ;!!! leur population dans la zone riveraine de Tshivanga à Kahuzi-Biega était relativement stable entre 1990 et 1996 mais depuis Lors, deux rebellions ont éclaté, provoquant la mort de nombreux gorilles orientaux de plaine." En quatre ans seulement, Le secteur des hauts plateaux de Kahuzi-Biega a perdu plus de 95 % de sa population d'éléphants et environ 50% de sa population de gorilles. Le ressentiment des riverains envers le parc et ses dirigeants aurait contribué à cette exploitation illégale des ressources fauniques."” Les conflits peuvent également dissuader les organisations de conservation internationale, les bailleurs de fonds, et Les gouvernements d'investir dans Les zones affectées, entraînant de ce fait Le gel des budgets, le retrait du personnel, le relâchement des efforts de lutte contre le braconnage, et La fermeture des projets. Néanmoins, certaines organisations ont continué à appuyer les autorités du Parc des Virunga pendant la guerre,” malgré LE GORILLE ORIENTAL { GORILLA BERINGEI) Alastair McNeilage l'interruption des programmes de recherche. La protection des gorilles dans plusieurs zones s'est avérée extrêmement difficile et même périlleuse au cours de ces dernières années : de nombreux conservateurs nationaux sont exposés à des risques graves entraînant parfois La mort en effectuant leur travail. À titre d'exemple, dix membres du personnel de l'ICCN ont été assas- sinés, apparemment par des miliciens qui s'étaient réfugiés en RDC depuis le génocide du Rwanda, alors qu'ils patrouillaient Le long des frontières de Kahuzi-Biega en vue de ré-établir Les limites du parc. IL ne s'agissait pas Là de cas isolés de travailleurs kidnappés ou tués au cours des efforts de protection de La zone et de sa faune.” “712126 AU total, 92 gardes congolais du parc auraient été tués entre 1996 et 2004. Pendant les conflits au Rwanda, plusieurs gardes de Karisoke ont trouvé la mort, certains ont été faits prisonniers tandis que Le Centre lui-même a été saccagé ; “17 une plus grande attention internationale a été alors attirée Des touristes dans Le Parc National des Gorilles de Mgahinga, en Ouganda. 159 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Un dos argenté assis à côté d’une jeune femelle dont Le pied (seule partie visible) a été blessé par un piège dans le Parc National des Virunga en RDC. 160 par le meurtre de 8 touristes et 4 guides à Bwindi par la milice Interahamwe en mars 1999.!° Sans La détermination et l'engagement des gardiens des parcs, il serait impossible d'envisager la survie des gorilles orientaux. Perte ou perturbation de l'habitat Les gorilles de montagne et des plaines de l'est habitent des zones entourées par certaines populations humaines comptant parmi les plus fortes densités d'Afrique, avec 300 à 600 personnes au km’ et des besoins importants correspondants en terre et nourriture." Il en résulte Le confinement de plus en plus important des gorilles dans des fragments forestiers plus petits et plus isolés au fur et à mesure de l'accroissement des populations humaines.“ La perte de l'habitat, à travers notamment le défrichement à des fins agricoles, comptait parmi les principales causes du déclin des populations de gorilles de montagne pendant Les années 70.'*"* En 1968, plus du tiers du Parc National des Volcans était attribué à un projet agricole. "? De nos jours, le couvert forestier a presque totalement disparu au Rwanda, et pratiquement aucune forêt habitable par les gorilles ne subsiste en dehors des aires protégées.” Les gestionnaires et Les agriculteurs respectent généralement les limites des aires lizabeth A. Williamson protégées. Par conséquent, on n'a assisté pratiquement à aucune autre perte d'habitat au Rwanda en dépit de la perturbation due à la présence humaine accrue, l'instabilité sociale, Le génocide et la guerre. La forêt fait également l'objet de prélèvement de bois de construction et de chauffe ainsi que d'une exploitation comme pâturage et source d'eau.'"? Dans le Parc National des Gorilles de Mgahinga en Ouganda, les activités agro-pasto- rales et de chasse constituaient les principales pressions ; l'empiètement par les populations riveraines et leur bétail était courant.” L'histoire complexe du parc est marquée par les multiples changements au niveau de son classement après 111,112 sa désignation initiale à la fois comme réserve naturelle et réserve forestière, créées respective- ment en 1930 et 1939. Les limites de chaque réserve étaient définies par la courbe de niveau à 2 425 m d'altitude, sur les faibles pentes des trois volcans dans l'actuel Parc National de Mgahinga. En 1951, la limite de la réserve forestière est passée à 2730 m, réduisant ainsi de façon substantielle sa superficie et excluant certains habitats importants pour les gorilles."* Suite au classement du Parc National de Mgahinga en 1991, les personnes vivant dans cette zone ont été expulsées. Entre-temps, La limite de la réserve naturelle était passée à la courbe de 2 280 m en 1964, ce qui avait augmenté considérablement sa superficie en incluant des terres déjà occupées par les humains. Le parc national ainsi classé incluait une partie de la superficie supplémentaire de la réserve naturelle” ce qui signifie qu'une grande communauté ayant une tradition de prélèvement des ressources dans le parc se trouvait à l'intérieur et dans les zones environnantes du parc. Un programme de conservation communautaire s'efforce actuellement d'équilibrer Les besoins des humains avec ceux des animaux sauvages. En RDC, la demande du bois de chauffe par les réfugiés rwandais a concerné une zone de 105 km° (1,3 %]) du Parc National des Virunga en 1997, dont 35 km’ ont été complètement déboisés.!”? Depuis 2001, Le secteur Kirolirwe a été en grande partie défriché par les réfugiés du Rwanda qui s'y sont installés avec la bénédiction du Rassemblement Congolais pour la Démocratie, mouvement de l'opposition armée.” Une autre zone de 15 km” de superficie a été défrichée par les agriculteurs rwandais en mai 2004 dans le secteur de Mikeno toujours du côté congolais du parc.” Suite aux protestations de la communauté internationale, Les soldats rwandais ont évacué Les 6 000 bücherons et agriculteurs, en en tuant deux au passage,‘ et La frontière en pierre du parc a été reconstruite. Dans La mesure où la stabilité revient en RDC, les sociétés d'exploitation forestière vont probablement venir rapidement s'installer dans les forêts, !!! ce qui devrait avoir un fort impact sur les gorilles orientaux de montagne, même sil est peu probable que l'exploitation à grande échelle gagne les forêts de haute altitude des Virunga. Les gorilles apprécient les zones de forêt secondaire, et pourraient par conséquent cohabiter avec l'exploitation forestière si celle-ci n'était pas associée à La chasse!!! La population des gorilles de montagne de Bwindi est assez bien protégée. Avant Les années 80, la coupe manuelle et Le prélèvement du bois de facon artisanale (consistant à prélever uniquement la quantité de bois, très souvent les branches d'arbres, transportable par les personnes sur leur tête) étaient permises dans la zone qui jouissait alors du statut de réserve forestière.” Ces techniques manuelles favorisaient une exploitation très sélective et écologiquement durable. Pourtant, environ 10 % seulement de la forêt de Bwindi n'a pas été perturbée par l'action humaine. ' Aucune statistique n'est disponible sur l'intensité et La distribution de La perturbation de l'habitat depuis la déclaration de Bwindi en parc national, mais, depuis lors, on suppose que les efforts d'application de La loi et de lutte contre Le braconnage ont considérablement réduit Le taux de perturbation”? Les gorilles orientaux de plaine et leurs habitats sont confrontés aux mêmes problèmes de perte de surface qui s'ajoutent à l'impact de la chasse évoqué plus haut. l'accroissement de la population humaine et les besoins fonciers correspondants constituent une importante pression permanente.” La délimitation de Kahuzi- Biega a été modifiée en 1974, entraînant la perte d'une importante zone d'habitat de gorilles.‘” IL est suggéré que le taux de destruction de l'habitat des gorilles orientaux de plaine est probablement le plus élevé parmi ceux de toutes les sous-espèces de gorilles, mais en l'absence de clarification de La situation en RDC, aucun chiffre ne peut être avancé de facon péremptoire.'!! Comme les réserves en bois de chauffe hors de Kahuzi-Biega ont été sérieusement entamées par Les réfugiés, le prélèvement du bois de chauffe à l'intérieur du parc constitue une menace permanente.'!!""* LE GORILLE ORIENTAL ( GORILLA BERINGEI) Transmission des maladies humaines Les gorilles sont sensibles à de nombreuses maladies humaines telles qu'indiquées au Chapitre 7 ; au fur et à mesure que Les hommes s'installent dans et autour des forêts, où y pénètrent, contraints par les conflits, les gorilles sont exposés aux humains et à leurs excréments."” Les maladies peuvent être transmises par les gardiens du parc, les chercheurs, les touristes, Les exploitants forestiers, les chasseurs, où les populations riveraines empruntant les routes alentours. Les données relatives aux impacts des maladies parmi les gorilles orientaux, en particulier hors des Virunga,'"" sont Limitées, mais il s'avère que les populations de gorilles orientaux n'ont pas été affectés par le virus Ebola. Certains gorilles orientaux sont des vecteurs de parasites tels que les protozoaires (ex. Crypto- sporidium spp.}* et les nématodes (ex. Capillaria hepatica},® mais ces charges parasitaires ne seraient pas liées à la présence humaine” Les gorilles de montagne sont aussi sensibles aux parasites de la peau qui causent La gale (Sarcoptes spp.) dont l'épidémie déclarée dans un groupe de gorilles habitués à Bwindi en 1996 causa la mort d'un enfant mâle, probablement des suites d'une infection secondaire aux plaies de grattage‘? L'origine de cette maladie n'est pas connue, mais on pense qu'elle aurait été transmise par l'homme ou le bétail vivant à proximité du parc où elle est répandue.” Une autre épidémie de parasites s'est déclarée à Bwindi en 2000 sans faire de victime.” Une épidémie de pneumonie beaucoup plus grave s'était déclarée en 1998 au Parc National des Volcans au Rwanda, peut-être suite à une infection virale aiguë telle que la rougeole, causant La mort de six gorilles, les 27 autres victimes ayant été soignés." Le taux d'infection élevé (81 %) suppose que la maladie était nouvelle chez ces gorilles.* Le vaccin contre La rougeole a été par la suite administré à 65 gorilles habitués de cette population. "2167.17 Même si le tourisme peut apporter une contribution capitale à la conservation grâce à la mobilisation de fonds et à l'éducation, il représente une source potentielle de maladies “'* pouvant constituer une menace pour des petites populations.” En outre, la perturbation par le contact humain peut accentuer le stress et ainsi leur sensibilité aux maladies.” L'expansion du tourisme relatif aux gorilles expose plus les gorilles à de nouvelles maladies auxquelles ils n'auraient 161 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 162 pas été confrontés auparavant et contre lesquelles ils n'ont pas d'immunité, tout en encourageant la protection des gorilles contre la destruction de l'habitat et la chasse. Les touristes bien portants qui paient les frais requis, contribuent fortement au financement de la conservation, fournissent leur soutien politique et dissuadent les braconniers par leur simple présence ; ainsi dans La plupart des cas, la présence des touristes est probablement bénéfique aux gorilles. En 1981 une étude comparative du taux de reproduction dans les groupes de gorilles « surveillés » pour Le tourisme et celui des groupes non gardés a révélé que ces derniers avaient un nombre inférieur d'animaux immatures.* Non seulement Les enfants sont une cible directe pour les chasseurs mais, comme nous l'avons vu plus haut, ils pâtissent aussi beaucoup plus de la dislocation du groupe. Dans les Virunga et à Bwindi, Le tourisme est bien réglementé (même si l'application n'est pas toujours effective] : la visite des touristes est limitée à une heure par jour, leur groupe ne peut excéder 8 personnes, et ils ne doivent pas s'approcher des gorilles à moins de 7 m.'? D'autres mesures de prévention des maladies prévoient l'enfouissement des excréments humains à une profondeur de plus de 30 cm ainsi que le refoulement de gorilles Loin des terres cultivables aux alentours des parcs.‘ ”? L'assistance vétérinaire est également possible dans ces centres de gorilles de montagne. En Ouganda, les interventions vétérinaires se limitent aux maladies transmises par Les humains et à toute affection grave qui pourrait contaminer un bon nombre de gorilles dans un groupe.” Le projet vétérinaire sur les gorilles de montagne du Rwanda applique une politique non-interventionniste semblable comportant des instructions sur le traitement d'urgence des maladies pouvant mettre en péril Le groupe ou La population.” Autres menaces Les gorilles peuvent se prendre facilement dans les collets posés pour attraper les ongulés, ayant pour conséquence la perte de main ou de pied.”'"? Les trois groupes de recherche du Parc National des Volcans ont signalé que 50 gorilles avaient été blessés par des collets entre 1971 et 1998, quatre d'entre eux ayant succombé. Les collets posés pour attraper les mammifères de taille moyenne tels que les antilopes ont également blessé des gorilles orientaux de plaine à Kahuzi-Biega.“*” Parmi Les groupes habitués au tourisme dans le secteur des montagnes du parc, au moins un individu de chaque groupe a perdu une main.‘ Les collets sont donc considérés comme une menace sérieuse pour les gorilles orientaux du Parc National des Volcans et d'ailleurs.!” L'isolement et La petite taille des populations de gorilles de montagne posent le problème de La consanguinité. Cependant, deux études réalisées suggèrent que la population des Virunga, semblable à celle de Bwindi du point de vue de la taille et de la composition, n'aurait pas connu de problèmes génétiques depuis au moins 400 années./” L'analyse comparative des échantillons des gorilles de Bwindi et des plaines de l'est indique seulement une réduction minimale de la variabilité génétique (hétérozygotie] chez Les gorilles de Bwindi, malgré la petite taille de sa population.” Néanmoins tout doit être mis en œuvre pour conserver où restaurer la connectivité des habitats et le flux des gènes entre Les populations de gorilles lorsque les risques de transmission de maladies entre les populations reconnectées sont moindres que Les bénéfices de l'expansion du pool génétique. CONSERVATION ET RECHERCHE Des activités de conservation et de recherche sur les gorilles orientaux sont en cours depuis de nombreuses années. Ces efforts soutenus ont connu un succès retentissant même s'il faut reconnaître que de nombreux problèmes subsistent. Malgré les graves menaces liées à la guerre qui fait rage dans La région, le nombre de gorilles de montagne, bien que faible, semble stable et même en hausse dans certains cas. Les populations des gorilles orientaux de plaine connaissent, eux, un déclin, sans doute rapide. L'augmentation du nombre de gorilles de montagne dans les Virunga est probablement Le résultat direct des efforts de protection; elle se manifeste principalement dans une ou deux zones.” Ces données montrent qu'avec l'engagement des communautés locales et Les financements adéquats, il est tout à fait possible de protéger les populations de gorilles. La protection des gorilles orientaux est garantie par Les législations nationales des trois pays de l'aire de distribution, et la majorité des populations connues vivent dans des aires protégées qui ne sont pas toutes, où pas seulement, des parcs sur Le papier’ (zones théoriquement protégées par la loi mais pas concrètement sur le terrain]. La présence des gardiens et Le soutien des populations locales garantissent les chances de survie des populations de gorilles. Le travail des gardiens du parc consiste à surveiller Les populations de gorilles, effectuer des patrouilles à la recherche des braconniers, assurer l'application des lois, et exécuter Les travaux de développement communautaire. Comme parfaite illustration qui révèle que les parcs avec des gorilles peuvent transformer les attitudes des communautés locales, les ouvriers du parc sont engagés au point de risquer leur vie pour défendre le parc quand bien même ils accusent parfois des mois de salaires impayés. Grâce à la collaboration et La coordination des efforts dans la gestion du parc impliquant les gouvernements du Rwanda, de l'Ouganda et de la RDC, appuyés par les chercheurs ainsi que par Les organisations nationales et internationales, la conservation des gorilles de montagne a été assurée à travers son aire de répartition, et sera poursuivie. Conservation et activités de recherche L'amélioration de notre compréhension de la biologie des gorilles (y compris de traits tels que la structure et la dynamique du groupe, le comportement territorial, Les types d'habitat et La densité des populations), a contribué de diverses manières au choix des aires protégées et du type d'actions de conservation. Cette compréhension a également contribué de manière indirecte à la sensibilisation du public et des acteurs politiques ainsi qu'à La mobilisation des fonds qui font tant défaut. Les rapports de surveillance des populations sont d'une grande importance pour la gestion car ils fournissent des informations en retour sur ce qui fonctionne on non, ainsi qu'une alerte rapide sur Les nouveaux types de menaces. Cela permet d'adapter la conservation des gorilles avec le temps afin de gagner en efficacité. Le Centre de recherche de Karisoke géré par le Dian Fossey Gorilla International conduit des études sur les gorilles de montagne depuis 1967. IL s'agit notamment des travaux de dénombrement à court et à long terme, ainsi que d'études sur les structures sociales, la dynamique de groupe, le comportement alimentaire, l'usage de l'habitat, et la reproduction.'? Grâce à Karisoke la seule période où La surveillance régulière des gorilles n'a pas eu lieu ne fut que de 15 mois en 1997-1998 au cours desquels le personnel n'a pas pu pénétrer dans le parc pour cause de conflit armé.“? Par ailleurs, le projet vétérinaire sur les gorilles de montagne a créé un centre vétérinaire pour LE GORILLE ORIENTAL | GORILLA BERINGEI) contrôler la santé des gorilles et intervenir en cas d'urgence, y compris enlever des collets sur les gorilles, et assurer la prise en charge en cas d'épidémie. Les travaux sur les gorilles orientaux ont été tout récemment étendus aux gorilles de montagne de Bwindi et aux gorilles orientaux de plaine de Kahuzi-Biega entre autres. "717" Le Projet de Conservation de la Forêt Impénétrable a abouti à La création du Parc National Impénétrable de Bwindi et d'une zone tampon en 1992. Ce projet a été remplacé par l'Institut de Conservation de la Forêt Tropicale qui fait partie de l'Université de Mbarara en Ouganda. IL comporte un programme de surveillance écologique actif qui inclue l'étude de la qualité de l'eau, l'impact des incendies de forêts et la dynamique des zones déforestées. D'autres recherches comprennent des travaux sur les barrières qui empêchent la destruction des cultures par les gorilles, et un projet à long terme sur l'écologie, l'éthologie et la dynamique des populations de gorilles de montagne de Bwindi. La recherche a appuyé l'élaboration du plan de gestion du parc mis à jour en 2001 pour guider les actions de développement touristique, les inventaires biologiques et autres mesures qui sont actuellement en cours de réalisation. À Kahuzi-Biega, un projet de conservation communautaire à long terme fut établi en 1985 avec Elizabeth A. Williamson Le ramassage du bois dans la zone du Parc National de Kahuzi-Biega en RDC. 163 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 164 Encadré 8.4 TOURISME LIÉ AU GORILLE ORIENTAL Au Rwanda, en Ouganda et en RDC, le tourisme relatif aux gorilles génère d'importantes recettes, sensibilise davantage le public et a, sans nul doute, poussé Les gouvernements à prendre des initiatives en vue de la protection des gorilles et de Leurs habi- tats. IL ne doit pourtant pas être percu comme une solution idéale au problème très particulier de la conservation des gorilles, car ceux-ci sont alors exposés à beaucoup de risques à travers les con- tacts de plus en plus fréquents avec Les humains. Le tout premier projet de développement du tourisme lié aux gorilles a été initié à Kahuzi-Biega dans les années 70, mais le plus connu reste Le programme mis en place dix ans plus tard en réponse au projet de déboisement d'une large superficie du Parc National des Volcans pour des besoins de pâturage. La destruction de l'habitat était percue comme la plus grande menace à la survie des gorilles, aussi un programme de tourisme minutieusement élaboré et bien maîtrisé a vu le jour pour permettre aux gorilles de « participer à leur propre conservation », ce qui évita La conversion d'une nouvelle partie du parc. Les avantages de la conservation dans le cadre de ce programme comprennent, entre autres, la surveillance accrue des groupes de gorilles habitués au tourisme et le renforcement des patrouilles anti-braconnage. Le suivi quotidien facilite également l'intervention rapide du vétérinaire Le cas échéant, par exemple, pour libérer un gorille blessé et retenu dans un piège. Avec l'augmentation de la lutte contre Le braconnage, Les populations des gorilles de montagne ont commencé à se reconstituer. La prise de conscience internationale sur la situation critique des gorilles a permis de mobiliser des fonds pour les activités de conservation et de recherche et d'améliorer de manière conséquente les profils des pays de l'aire de répartition des gorilles. Le gorille a été adopté comme symbole national au Rwanda et au Zaïre {actuelle RDC], et figure sur les billets de banque, les timbres, les cartes postales, les sculptures, et les peintures murales. Aujourd'hui, le gorille figure sur Le passeport et le visa rwandais. La publicité internationale et l'avènement du tourisme organisé ont attiré de nombreux visiteurs et fait du tourisme une importante source de devises étrangères. Le tourisme donne du tonus à l'économie non seulement à travers les frais d'entrée dans les parcs mais aussi grace aux frais de location de véhicules, de chambres d'hôtels et de restaurants. Les membres des communautés riveraines des parcs peuvent trouver des emplois de guides ou de porteurs ; en Ouganda, un pourcentage de recettes du Parc National de gorilles de Mgahinga et du Parc National Impénétrable de Bwindi est alloué aux écoles et centres de santé locaux à travers un fonds fiduciaire. C'est tout récemment que les travaux de recherche ont débuté sur les impacts des visites touristiques sur le comportement des gorilles et sur les risques de transmission des maladies entre humains et gorilles. Avant ces études, les scientifiques se fiaient aux spéculations, à l'extrapolation et à leur sens du discernement pour évaluer ces impacts. Les études montrent que les gorilles captifs sont sensibles aux maladies humaines, ce qui a amené Homsy à La mise en garde contre «les conséquences catastrophiques d'un tourisme inconscient. »® Les maladies auxquelles les gorilles ont jadis été exposés sont potentielle- ment les plus dangereuses et les touristes internationaux peuvent bien introduire des virus inconnus dans la région, à l'instar de nouvelles souches de grippe. Afin de minimiser le stress et Les risques tant pour les gorilles que pour les humains, il y a des règles très importantes relatives aux distances minimales à observer entre humains et gorilles, au nombre maximum de touristes et à la durée de leurs visites, ainsi que des directives de bon comportement des visiteurs. La règlementation interdit aux visiteurs de s'approcher à moins de 7 m d'un gorille ou, pire encore, de Le toucher. Le tourisme est une entreprise lucrative qui exerce des pressions sur les gorilles et les responsables des parcs, amenant certaines personnes à remettre en question le bien fondé de l'observation des gorilles. Les droits d'obtention des permis d'observation doivent être fixés à un montant prohibitif tandis que les recettes gouvernementales doivent être maintenues. Le tourisme constitue, malgré les dangers inhérents, un mécanisme de mise en valeur des parcs nationaux et des gorilles à plusieurs titres, et il a, sans nul doute, contribué à leur survie. Elizabeth À. Williamson le concours de l'agence allemande de développement (GTZ), avec comme un des principaux objectifs, un développement économique axé sur les communautés °° Les responsables du parc de Kahuzi-Biega et La GTZ ont élaboré un plan d'urgence pour, entre autres, prélever et distribuer le bois de chauffe en réponse à la crise des réfugiés de la fin des années 90. La GTZ a aussi contribué au financement du dénombrement des populations de gorilles, y compris à Kahuzi-Biega, également avec l'appui de la WCS et d'autres organisations.“ Dans la même région, les populations riveraines, y compris les gardiens et Les guides du parc, ont mis sur pied une organisation non gouvernementale qui aide à la dissémination des connaissances en matière de conservation ainsi qu'à la réduction des conflits parmi Les communautés locales. !?* Les revenus générés par le tourisme lié aux gorilles ont alimenté substantiellement les ressources destinées à la protection de ceux-ci et des parcelles de leurs habitats (voir Encadré 8.4 et Chapitre 14]. En Ouganda, les fonds ainsi générés sont redistribués dans tout le système des parcs nationaux, et non pas seulement aux parcs avec des gorilles, apportant ainsi une large contribution aux besoins nationaux et un soutien politique à la conservation des gorilles, même si cela réduit Les fonds disponibles pour la gestion des populations de gorilles et de leurs habitats. Les conflits chassent les touristes mais pendant les troubles des années 90 les autorités des pays abritant Les gorilles, (Agence pour La Nature en Ouganda (UWA), l'Office Rwandais du Tourisme et des Parcs Nationaux, et l'ICCN) n'ont ménagé aucun effort dans la poursuite des actions de conservation. Mais la baisse des recettes touristiques a causé de sérieuses entorses dans la mise en application de la loi. Cette situation a été partiellement compensée dans les Virunga par des fonds supplémentaires et d'autres ressources allouées par des organisations extérieures. Certains programmes élargis d'éducation et de sensibilisation, développés avant les conflits, se sont également poursuivis.” C'est grâce aux organisations non gouvernementales inter- nationales suivantes que ces efforts se sont poursuivis : Programme International de Conser- vation des Gorilles {IGCP), Fondation Africaine pour la Faune, Fauna and Flora International, et WWF. LIGCP, qui a géré un certain nombre de projets, LE GORILLE ORIENTAL [ GORILLA BERINGEI) REX Gordon Miller/IRF participe à la réalisation des recensements démographiques et travaille en collaboration avec les institutions et agences nationales pour appuyer les efforts de conservation, mobiliser les ressources et développer les actions. D'autres organisations internationales travaillent également dans le cadre de la conservation des gorilles orientaux, bien souvent en collaboration avec les organisations locales. Le WCS, par exemple, organise des projets dans tous les pays de l'aire de distribution des gorilles occidentaux: B cn RDC, il assure la surveillance de gorilles de montagne, la réhabilitation des infrastructures du parc, la cartographie des habitats et l'exploration du secteur des plaines de Kahuzi-Biega ; BE « Ouganda, il entreprend un suivi biologique de Bwindi, le recensement des populations de gorilles, et des études d'impact du tourisme sur le comportement du gorille ; M au Rwanda, il fournit l'assistance en matière de gardiennage dans les Virunga et met en place une étude du pillage des cultures autour du Parc National des Volcans. La surveillance de l'habitat vient compléter la surveillance de la population, en fournissant une alerte précoce des menaces potentielles sur l'écologie des gorilles et en mesurant le succès de la gestion de la conservation. L'Organisation des Nations Unies pour l'Éducation, la Science et La Culture (UNESCO) et toutes les agences spatiales internationales ont lancé le Projet ‘Initiative ouverte’ Un touriste et un garde forestier admirent les acrobaties d’un jeune gorille au Parc National des Virunga. 165 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 166 qui entend aider les pays à surveiller Les Sites du Patrimoine Mondial à l'aide d'imagerie satellite." En avril 2003, l'Agence Spatiale Européenne a fourni d'importants financements ainsi qu'une assistance technique dans le cadre d'un projet conjoint avec l'UNESCO dénommé « Construire un environne- ment pour les gorilles (BEGo) ». Une série de cartes des parcs nationaux des zones montagneuses inaccessibles (jusqu'à 5000 m d'altitude] qui abritent les gorilles de montagne est en cours de production pour l'Ouganda, Le Rwanda et La RDC. Les comparaisons avec les images satellitaires de 1992 permettront d'évaluer les mutations intervenues dans les habitats de gorilles des Sites du Patrimoine Mondial. Dans un autre cadre, il a été développé une simulation informatisée des Virunga pour le Dian Fossey Gorilla Fund International. Son objectif consiste à déterminer les mouvements des gorilles à travers une réserve virtuelle, indiquer leurs préférences en matière d'habitat, réduire la capacité de charge de la réserve, surveiller Les activités humaines [y compris le braconnagel) et participer à La gestion des parcs nationaux. '* En conclusion, les gorilles de montagne subsistent en petites populations apparemment assez stables dans plusieurs Parcs Nationaux des Virunga ainsi qu'à Bwindi. Ces parcs sont gérés et OUVRAGES À CONSULTER par ailleurs appuyés par les gouvernements de la RDC, du Rwanda et de l'Ouganda, et par les groupes écologiques et scientifiques, avec d'importants financements générés par les pro- grammes de tourisme basés sur les gorilles. Ces populations de gorilles sont potentiellement vulnérables aux maladies et à la chasse mais, d'après les normes mondiales de conservation des grands singes, elles se trouvent à présent dans une relative sécurité. IUn'en est pas de même des gorilles orientaux de plaine dont Le statut actuel de La population n'est pas connu suite à la récente guerre qui a affecté son aire de répartition. Beaucoup auraient été tués pour approvisionner en viande de brousse les factions armées, les personnes déplacées et Les mineurs, et la population toute entière pourrait avoir été ainsi décimée. Avec la situation militaire et politique qui reste très instable, les écologistes sont pratique- ment dans l'impossibilité d'entreprendre les travaux de terrain nécessaires à la clarification de La situation de ces gorilles et encore moins d'appuyer les communautés locales dans leurs efforts de développement durable. Le sort des humains - et La recherche de la bonne gouvernance, de la prospérité et de La paix - sont intimement liés au sort de la faune sauvage avec laquelle ils partagent le milieu. Butynski, T.M., Kalina, J. (1998) Gorilla tourism: a critical Look. In: Milner-Gulland, E.J., Mace, R., eds, Conservation of Biological Resources. Blackwell Science, Oxford. pp. 280-300. Fossey, D. (1972) Vocalisations of the mountain gorilla (Gorilla gorilla beringei. Animal Behaviour 20: 36-53. Hall, J.S., Saltonstall, K., Inogwabini, B.I., Omari, I. (1998) Distribution, abundance and conservation status of Grauer's gorilla. Oryx 32 [2]: 122-130. Harcourt, AH. 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REMERCIEMENTS Nous adressons notre profonde gratitude à Dan Bucknell (Dian Fossey Gorilla Fund}, Thomas Butynski (Conservation International), Colin Groves (Australian National University), Alexander Harcourt (University of California, Davis], José Kalpers [International Gorilla Conservation Programme), Michael Wilson (Gombe Stream Research Center], et Juichi Yamagiwa (Kyoto University) pour leur contribution inestimable à La rédaction du présent chapitre. AUTEURS Sarah Ferriss, UNEP World Conservation Monitoring Centre Martha M. Robbins, Max Planck Institute for Evolutionary Anthropology Elizabeth A. Williamson, University of Stirling Encadré 8.1 Juichi Yamagiwa, Kyoto University Encadré 8.2 Martha M. Robbins, Max Planck Institute for Evolutionary Anthropology Encadré 8.3 Kelly J. Stewart, University of California, Davis Encadré 8.4 Elizabeth A. Williamson, University of Stirling 167 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Cyril Ruoso L'ORANG-OUTAN : PRÉSENTATION GÉNÉRALE CHAPITRE 9 L'orang-outan : présentation générale JULIAN CALDECOTT ET KiM MCCONKEY a lignée d'où proviennent les orangs-outans se serait détachée de celle des singes africains et des humains il y a environ 11 millions d'années (ma), sans doute quelquepart en Asie continentale. Les orangs-outans ancestraux habitaient alors les régions qui allaient devenir la péninsule malaise de l'Asie continentale, ainsi que les îles de Java, de Sumatra et de Bornéo. Cette unité biogéographique connue sous le nom de ‘région Sundanaise* comprend Les terres du plateau continental sundanais émergées et immer- gées par les mers transitoires peu profondes (voir Carte 2.1). À l'ère cénozoïque, les principales îles du pays sundanais ont été à plusieurs reprises reliées puis séparées du plateau continental sundanais à La faveur des changements du niveau de La mer liés à l'alternance des périodes de glaciations polaires et des périodes interglaciaires. Les forêts sundanaises se caractérisent par une abondance générale des arbres de la famille des Dipterocarpaceae. Ces forêts de diptérocarpes ont typiquement une production fruitière faible et irrégulière due à leur comportement de fructifi- cation synchrone. Ici, l'abondance des diptéro- carpes et La rareté d'autres arbres fruitiers sont des déterminants de La biomasse chez Les grands frugi- vores. De nombreux taxons s'adaptent particulière- ment à ces conditions ; c'est ainsi que l'on trouve des formes typiquement sundanaises de macaques (Macaca nemestrina) et de porcs (Sus barbatus).® La plupart de nos connaissances sur l'éthologie et l'écologie des orangs-outans suggère une adaptation partielle du même ordre. La lignée des orangs-outans de Bornéo s'est détachée de celle de Sumatra il y a 1,1-2,3 ma??? l'éventail des estimations de spéciation laisse penser que les deux espèces étaient sans doute génétiquement isolées l'une de l'autre avant leur séparation physique? Dans ce cas la spéciation a dû intervenir à travers l'isolement reproductif : par exemple, une divergence des caractéristiques des reproducteurs préférés chez les deux espèces Un orang-outan sub-adulte de Sumatra quelques jours seulement après sa réintroduction dans la forêt adjacente au Parc National de Tiga Puluh, Indonésie. 169 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Forêt secondaire de basse altitude sur un ancien site de coupe proche du Parc National de Bukit Tiga Puluh dans la province de Jambi, Sumatra, Indonésie, où des orangs-outans ont été réintroduits. 170 lan Singleton/SOCP émergentes conduirait à la réduction du transfert des gènes entre Les deux populations. Les populations d'orangs-outans de Sumatra (Pongo abelil pourraient contenir des vestiges de trois où plusieurs lignées distinctes. Après la première divergence de l'orang-outan de Sumatra, de nouveaux flux d'orangs-outans en provenance de Bornéo et de la plaine continentale de l'Asie du sud- est seraient arrivés dans la région au cours de l'une des époques de connexion terrestre. Le croisement d'animaux de même souche aurait produit trois types : l'un rattaché à La forme de Sumatra, l'autre à celle de Bornéo, et la dernière ayant beaucoup d'affinités avec l'orang-outan continental qui n'existe plus actuellement. Aucune sous-espèce d'orang-outan de Sumatra n'est reconnue. La dispersion des orangs-outans de Bornéo (Pongo pygmaeus] à travers la partie de la région Sundanaise de l'île de Bornéo, où les conditions écologiques sundanaises sont plus prononcées que partout ailleurs, a pour origine la partie sud-ouest; cette dispersion a été limitée par de grands fleuves et chaînes de montagnes qui constituent générale- ment des barrières à la progression de ces populations animales. La population s'est plus tard divisée lorsque les changements climatiques ont rendu inaccessibles de nombreux corridors de dispersion d'antan. Cela apparaît au travers de petites différences au niveau des ADN microsatellitaires et mitochondriaux chez quatre populations ;” trois sous-espèces sont maintenant reconnues dans différentes parties de Bornéo :*??! M lorang-outan du nord-ouest de Bornéo (P. p. pygmaeus], de taille moyenne, présent au nord du Kalimantan de l'Ouest et au Sarawak ; M lorang-outan du centre de Bornéo [P. p. wurmbii, qui est La plus grande des sous- espèces, est présent au sud du Kalimantan de l'Ouest et dans Le Kalimantan du Centre ; M lorang-outan du nord-est de Bornéo (P. p. morio), qui est la plus petite des sous- espèces, est présent à Sabah et dans le Kalimantan de l'Est. Les orangs-outans de Bornéo et de Sumatra sont grands et affichent un dimorphisme sexuel et comportemental : le mâle adulte pèse environ 75 kg tandis que la femelle adulte pèse environ 40 kg.' Les mâles adultes matures ont une excroissance sur Les joues ou ‘disque facial’, dont Le développement est Lié au statut social atteint par l'individu ; ce phénomène peut apparaître 10 ans après la maturité chez certains mais pas nécessairement chez tous les mâles“? Les deux espèces ont une longévité pouvant atteindre jusqu'à 45 ans à l'état sauvage? Quelques différences physiques les séparent : M Lorang-outan de Bornéo est plus corpulent et trapu ; son pelage est généralement de couleur roux sombre contrairement à la couleur cannelle claire de l'orang-outan, plus gracile, de Sumatra ; M Lorang-outan de Bornéo a peu de poils autour de la face tandis que la femelle de Sumatra porte une barbe caractéristique et Le mâle une grande barbe ainsi qu'une moustache ; M Lorang-outan mâle adulte et mature de Bornéo possède un gros sac laryngien et une face caractéristique dont la forme ressemble au chiffre 8 du fait de la présence d'une fosse suborbitale (absente chez l'orang-outan de Sumatra), avec un renflement ou disque facial droit sur les joues, tandis que le mâle de Sumatra a un disque facial plat sur les joues est recouvert de poils duveteux. ÉCOLOGIE ET DISTRIBUTION À l'instar de tous les grands singes, les orangs- outans possèdent un estomac simple et globulaire qui ne fermente pas la nourriture, et sont, par conséquent, contraints de manger des aliments ni trop fibreux, ni toxiques ou protégés par des inhibiteurs digestifs comme les tannins. En forêt humide, cela se traduit par une alimentation composée de fruits mürs sucrés (dont raffolent les orangs-outans) et des graines sans protection, en plus de divers petits aliments et de nourritures de famine’ comme les jeunes feuilles, les insectes, Les fleurs et Les écorces. Les orangs-outans ont un corps massif et peuvent donc tolérer une certaine quantité de matières légèrement toxiques ; ils mangent souvent de la terre qui permet d'adsorber et de neutraliser les métabolites secondaires des végétaux. Leur force et leur dextérité leur permettent d'accéder à des parties comestibles telles que les graines et les cœurs des palmiers, bien protégés par la matière ligneuse et Les épines. Grâce à leur intelligence, ils mémorisent les sites de sources alimentaires cryptiques et temporaires, et utilisent les signaux tels que le comportement d'autres animaux pour trouver des lianes et des arbres en fructification. Grâce à leurs longs bras, à la grande mobilité de leurs hanches et à l'opposabilité de leurs orteils, les orangs-outans sont bien adaptés à la vie arboricole. Ils ont ainsi La possibilité de se déplacer aisément dans un milieu tridimensionnel com- plexe ; ils passent Le plus clair de leur temps dans les arbres et ont une grande familiarité avec les conditions de la canopée à travers leur vaste territoire. Ils parcourent la forêt à La recherche de la nourriture suivant un itinéraire typique en zigzags à moins qu'ils ne connaissent exactement Les sites où abondent les fruits, auquel cas leur itinéraire devient plus orienté. Les orangs-outans suivent les changements saisonniers de production dans la forêt humide fragmentée où la période d'abondance en fruits peut varier en fonction de l'altitude et des types forestiers. Ce sont des caractéristiques d'un animal ayant poussé la niche frugivore jusqu'à sa limite dans un milieu plutôt pauvre en fruits. L'ORANG-OUTAN : PRÉSENTATION GÉNÉRALE Les arbres qui produisent les fruits préférés des orangs-outans sont généralement plus abondants dans les forêts de Sumatra que dans celles de Bornéo, et leurs périodes de fructification sont plus longues même si Les forêts des deux îles sont très discontinues et dynamiques. La faible dominance des diptérocarpes est une carac- téristique des forêts de Sumatra ; ces arbres sont remplacés par d'autres qui, collectivement, fructifient plus régulièrement. Certaines différen- ces comportementales entre les orangs-outans de Sumatra et ceux de Bornéo sont attribuées aux différents types de nourriture disponible.“ Les Orangutan Foundation "8 | # Une femelle orang-outan de Bornéo avec son petit. Le lien mère-enfant est très étroit chez Les orangs-outans. 171 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Un orang-outan mâle mature à ‘disque facial’. orangs-outans de Sumatra ont l'opportunité de consommer plus de fruits et de les partager entre adultes, ce qui renforce la sociabilité ; par ailleurs, cela permet aux orangs-outans d'acquérir Les uns des autres, entre autres comportements, le maniement des outils. En particulier, les figuiers sont présents à de telles densités dans certaines zones de Sumatra que l'on pense que les figues seules ont permis de renforcer la sociabilité chez les orangs-outans contrairement à ceux de Bornéo.‘ L'étendue du domaine vital, la distance quotidienne parcourue et Les densités de population correspondent aux différences concernant l'abon- dance et la constance des fruits disponibles, les saisons et les types d'écosystèmes de Sumatra et de Bornéo et à l'intérieur de chacune de ces deux îles. Les quelques études de terrain à long terme en cours de réalisation continuent de fournir des données plus précises, complétées par de nou- velles informations sur les populations d'orangs- outans et des analyses de la composition forestière. Cependant, le déboisement dans les deux îles pourrait empêcher la découverte de nombreuses caractéristiques de l'écologie forestière. La répartition préindustrielle des orangs- outans était discontinue tant à Bornéo qu'à Sumatra. Les orangs-outans étaient alors absents de vastes zones d'habitat apparemment approprié, comme les forêts de la quasi-totalité des deux tiers du sud de Sumatra, et de celles s'étendant entre le fleuve Rajang, au centre de Cindy Fromme/BOS-USA 172 Sarawak, et Le fleuve Padas, à l'ouest de Sabah. La chasse préhistorique aurait exterminé les orangs-outans de certaines forêts ; on trouve parfois des os d'orangs-outans et d'autres proies consommées par des humains dans des grottes anciennes à l'intérieur de zones actuellement dépourvues d'orangs-outans. Par ailleurs, certaines zones fortement peuplées par les orangs-outans sont associées aux pratiques culturelles de chasse : par exemple, dans La province d'Aceh très islamisée et sur le versant de Batang Ai à Sarawak, où Le tabou de chasse est ancré dans la culture du peuple ban. Une autre interprétation est fondée sur la thèse selon laquelle Les orangs-outans vivent près de la limite de la niche écologique qui peut devenir invivable suite à une légère modification de La composition de la forêt en faveur d'espèces comme les diptérocarpes. L'inégalité dans la répartition des populations reproductives d'orangs-outans pourrait alors tout simplement refléter la discontinuité des forêts dont dépend leur survie. Les deux thèses peuvent s'avérer correctes selon les sites, l'extermination locale pouvant affecter certaines zones tandis que l'inadéquation écologique en toucherait d'autres. SOCIÉTÉ ET PSYCHOLOGIE Les orangs-outans sont des animaux qui parcourent de longues distances et pour lesquels différents comportements vis-à-vis du domaine vital peuvent être différenciés: résident ; intermittent ; vagabond.” Selon cette interpréta- tion, les résidents occupent une zone bien définie pendant de nombreuses années mais peuvent la quitter pour rechercher des sources de nourritures alternatives et saisonnières." Les intermittents sont régulièrement vus dans des zones spécifiques pendant plusieurs semaines, puis disparaissent avant de revenir plusieurs mois après ; ils répètent ce scénario pendant de nombreuses années. On présume que ces individus font La navette entre deux ou plusieurs sites d'alimentation réguliers et pourraient suivre les fluctuations de la fructification selon les zones ou altitudes. Enfin, les vagabonds ne sont vus que très rarement sur un site donné, parfois une seule fois, et il arrive aussi qu'ils ne reviennent jamais dans une zone déjà visitée. Certains auteurs remettent en question cette typologie du comportement territorial des orangs- outans et interprètent toutes Les observations en termes de vastes étendues, de stabilité et de chevauchement de territoires qui s'étendent au- delà des zones d'étude et deviennent alors trop vastes pour un suivi global.” Cela pourrait justifier les navettes et le vagabondage des orangs-outans qui vont et viennent de facon intermittente sur de longues durées. IL est de plus en plus évident que plus une étude de terrain est longue, plus grande est la probabilité de voir plusieurs fois les visiteurs occasionnels. Quelle que soit l'interprétation de ces observa- tions, il s'avère que Les orangs-outans ne sont pas territoriaux au sens propre du terme et qu'aucun sexe n'exclut les congénères du territoire qu'ils occupent habituellement. Cependant, les adultes mâles matures sont intolérants entre eux et n'utilisent les territoires d'autres adultes mâles qu'avec beaucoup de précaution afin d'éviter les conflits. Dans un site d'étude, six mâles ont été observés simultanément, généralement séparé- ment dans une zone donnée, chaque rencontre donnant lieu à des confrontations physiques.! Lorsque les jeunes animaux de chaque sexe deviennent indépendants de leurs mères, ils parcourent souvent de longues distances avant de s'installer dans une nouvelle zone forestière ; Les jeunes femelles s'installent souvent non loin du territoire de leur mère. Les mâles sub-adultes peuvent continuer leurs errances plus longtemps et quand ils arrivent à s'installer, ils Le font au plus loin de leur mère. Les nouveaux individus dans une zone donnée sont presque toujours des mâles sub- adultes et tous les individus intermittents semblent être des mâles adultes ou sub-adultes ; jusqu'à 20% de ces individus pourraient ne jamais s'installer dans une zone donnée. La transition du statut de sub-adulte à celui d'adulte est complexe chez les orangs-outans mâles des deux espèces ; leur processus de matu- ration est connu sous Le nom de ‘bimaturisme’.? IL s'agit d'un phénomène unique chez les grands singes qui n'est pas encore bien compris. La période de maturation varie grandement: la puberté intervient entre 5 et 16 ans, et en moyenne un peu plus tôt chez les orangs-outans de Bornéo que chez ceux de Sumatra. Deux modes de développement alternatifs semblent avoir Lieu par la suite." Certains mâles développent certains caractères sexuels secondaires liés aux taux élevés de testostérone, comme le renflement des joues, “* et atteignent La maturité sexuelle plus tôt que les autres. Ils sont appelés mâles à disque facial, tandis que ceux du même âge n'ayant pas encore L'ORANG-OUTAN : PRÉSENTATION GÉNÉRALE Cyril Ruoso/BOS-USA développé ces traits sont appelés mâles sans disque facial. Certains mâles demeurent ‘sans disque facial et n'atteignent pas l'entière maturité avant l'âge de 20 ans. “?* Les mâles sans disque facial ont des taux de testostérone intermédiaires entre ceux des mâles à disque facial et ceux des juvéniles. Un mâle à disque facial aurait sans doute certains avantages par rapport au mâle sans disque facial, en l'occurrence le statut supérieur qui lui facilite l'accès à un territoire bien établi, aux sites d'alimentation inclus, et à toute femelle réceptive disponible. Mais tout cela a un coût. Le mâle à disque facial est plus corpulent et combatif, ce qui implique des Un jeune orang-outan de Bornéo. 173 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Le trafic continu des orangs-outans exacerbe le déclin des populations produit par l'exploitation forestière, Les feux de forêts, et La conversion des terres. Ici, Le personnel du Programme de Conservation des Orangs-outans de Sumatra (SOCP]) et un responsable de l'administration indonésienne de La conservation ont confisqué un jeune orang- outan femelle dans Le village Namo Tala au nord de Sumatra. 174 contraintes métaboliques plus élevées ainsi qu'un risque accru de blessures causées pendant les combats, et des taux sanguins de testostérone élevés peuvent aussi réduire la longévité. La mobilité induit aussi des coûts métaboliques plus élevés pour les mâles matures compte tenu de leur grosse corpulence. Ces coûts métaboliques ne sont avantageux que si l'individu concerné augmente ses chances d'acquérir un statut élevé et de devenir un mâle reproducteur de choix pour les femelles. C'est ainsi que l'on pense que le déclenchement du processus pour devenir un mâle à disque facial doit être lié à l'équilibre entre Le gain et Le coût des taux faibles ou élevés de testostérone. En captivité, l'exclusion d'un mâle à disque facial de l'enclos fait apparaître Le disque facial chez les mâles sans disque facial.” Dans la nature, les mâles à disque facial poussent de longs cris réguliers certainement pour signifier aux femelles et mâles sans disque facial leur emplacement et leur statut. IL est donc fort probable que le déclen- chement du développement du disque facial soit retardé chez les mâles jusqu'au moment ou apparaît un vide dans la population des mâles à disque facial qui permettrait à des mâles subordonnés de développer le disque et d'en supporter le coût. Le mécanisme semble être le suivant : l'hypothalamus des jeunes mâles qui régule La production de testostérone est affecté par les longs cris des mâles à disque facial.“ Un mâle qui reste sans disque facial pendant quelque temps peut être subalterne, mais, évitant les combats et ayant des dépenses métaboliques moindres, il ne manque pas pour autant d'opportunités d'accouplement, même si les femelles choisissent de préférence les mâles adul- tes matures comme partenaires les approchant pendant la période d'ovulation. Les femelles attirent également les mâles sans disque facial pendant cette période; ces derniers réussissent parfois à les attraper et à copuler de force avec elles.” 7? C'est ainsi que les mâles sans disque facial des deux espèces sont géniteurs, même si les mâles à disque facial possèdent un meilleur succès reproducteur. À Ketambe au nord de Sumatra, des mâles sans disque facial ont engendré La moitié des jeunes produits d'une population pendant une période de 15 ans,” l'autre moitié l'étant par un plus petit nombre de mâles à disque facial. À Tanjung Puting au sud de Bornéo, les mâles sub-adultes trouvent souvent les femelles réceptives avant les mâles adultes, mais les femelles résistent à 86 % Suherry/SOCP des tentatives d'accouplement initiées par Les petits mâles.‘ Cela suggère que les mâles utiliseraient deux stratégies stables, l'une liant le retard de La maturation à La copulation forcée et l'autre liant La pleine maturation à l'accouplement de partenaires consentants. À cet égard, il est pertinent de noter que les mâles qui développent les caractères sexuels secondaires de facon précoce engendrent aussi des jeunes mâles a développement rapide.” Les liens entre la mère et son jeune sont très étroits chez les orangs-outans, mais se relâchent progressivement avec l'âge ; lorsque les anthro- poïdes deviennent adultes matures, les rapports entre eux se limitent souvent aux coups d'œil.” Après leur indépendance, les femelles ont tendance à rester proches du territoire natal et gardent des relations amicales avec les femelles locales qui sont probablement apparentées. Les orangs- outans vivent donc dans des communautés lâches pouvant comprendre une ou plusieurs bandes de femelles apparentées ainsi qu'un mâle adulte avec qui elles préfèrent copuler” Les chercheurs ont noté que les mouvements des membres de la communauté sont subtilement coordonnés et que les individus peuvent se réunir pour former un véritable groupe à certaines occasions.” Les individus des bandes de femelles apparentées à Suaq Balimbing, Sumatra, partagent non seule- ment des limites territoriales semblables mais semblent aussi coordonner leur reproduction ; la période de parturition est la même au sein d'une bande, mais diffère entre diverses bandes.” Si tel en est le cas, cela implique une influence organisationnelle subtile mais puissante au sein de la communauté. PRÉOCCUPATIONS LIÉES À LA CONSERVATION Les plus récentes estimations du nombre total d'orangs-outans survivants de Sumatra et de Bornéo font état de 7 300 et 57 000 individus respectivement, répartis dans de petites sous- populations isolées.” Leur nombre décline constamment, ceci étant encore aggravé par le trafic des jeunes orangs-outans ; très peu de zones abritent encore aujourd'hui une population viable d'au moins 250-500 individus occupant une zone forestière bénéficiant à La fois d'une protection légale et applicable. Les principales causes du déclin de La population sont l'exploitation forestière suivie des L'ORANG-OUTAN : PRÉSENTATION GÉNÉRALE feux de forêts, de la conversion des forêts en plantations (souvent de palmiers à huile, Elaeis guineensis] et autres exploitations agricoles. Ces facteurs sont essentiellement déterminants dans les zones de basse altitude, en dessous de 500 m, où les forêts sont plus accessibles et précieuses en matière ligneuse (diptérocarpes en particulier), et les terres plus propices à l'agriculture et à l'installation des populations humaines. Même les zones plates et basses des forêts de marécages tourbeux et profonds qui sont impropres à l'agricul- ture ont été défrichées pour permettre l'installation des populations humaines en Indonésie, reflétant les échecs de la planification centralisée de l'ancien régime. La décentralisation des systèmes de gestion et de protection forestière survenue après 1998, avec Les mêmes faiblesses qu'auparavant, a permis aux groupes d'intérêt aux niveaux des provinces et de la régence de favoriser une exploi- tation forestière et un déboisement à un rythme effréné. En conséquence, récemment Les pires feux de mémoire d'homme ont ravagé les deux îles faisant craindre que la quasi-totalité des forêts de faible altitude ne disparaisse bientôt de ces deux îles. La situation serait sans doute en train de se stabiliser dans certaines régions; certains responsables des collectivités locales reconnais- sent des avantages à la conservation forestière et proposent déjà au gouvernement central la création des nouvelles aires protégées ; c'est Le cas du Parc National de Batang Gadis de Sumatra qui a été classé en 2004. CE QUE NOUS IGNORONS Après trois décennies d'études sur le terrain, de sérieuses lacunes subsistent dans nos connaissances sur les orangs-outans de Sumatra et de Bornéo. Nous n'arrivons pas encore à bien comprendre le développement étrange des caractères sexuels secondaires. On comprend mieux les comportements territoriaux et les systèmes sociaux à Sumatra, et il convient de définir comment les orangs-outans organisent leurs mouvements et leur socialité, dans un habitat relativement pauvre en fruits. Il est aussi extrêmement important d'élargir nos connais- sances sur l'adaptation des orangs-outans aux perturbations de l'habitat afin de pouvoir mieux évaluer leur réponse à la dégradation continue de l'habitat. Nos connaissances sur le système social 175 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 176 et les types de comportements territoriaux des grands singes se sont considérablement améliorées au cours de ces dernières années, mais le degré d'extrapolation de ces connaissances dans des régions autres que les zones d'étude n'est pas évident. À Sumatra, par exemple, la quasi-totalité des études a été conduite dans les forêts de Ketambe et Suaq Balimbing relativement riches en fruits. Les études doivent être étendues dans d'autres régions afin de tirer des conclusions OUVRAGES À CONSULTER fermes à propos de certaines caractéristiques, représentatives ou non de la population générale, de l'espèce, voire du genre ; ces lacunes actuelles empêchent de tirer aisément des conclusions claires concernant les différences entre les deux espèces. Enfin, de nouvelles études doivent s'étendre à d'autres régions dégradées afin d'approfondir les connaissances actuelles sur l'écologie de la dégradation et la régénération forestière. Bennett, E.L. (1998) The Natural History of Orang-utan. Natural History Publications, Kota Kinabalu, Sabah. De Boer, L.E.M., ed. (1982) The Orang utan: Its Biology and Conservation. Dr W. Junk Publishers, The Hague. Delgado, R.A., van Schaik, C.P. (2000] The behavioral ecology and conservation of the orangutan [Pongo pygmaeus]: a tale of two islands. Evolutionary Anthropology 9 (5]: 201-218. MacKinnon, J. (1974) The behaviour and ecology of wild orangutans (Pongo pygmaeus]. Animal Behaviour 22: 3-74. Maple, T. (1980) Orang-utan Behavior. van Nostrand Reinhold Company, New York. Rijksen, H.D., Meïjaard, E. (1999) Our Vanishing Relative: The Status of Wild Orang-utans at the Close of the Twentieth Century. Kluwer Academic Publishers, Dordrecht. Singleton, |., Wich, S., Husson, S., Stephens, S., Utami Atmoko, S., Leighton, M., Rosen, N., Traylor-Holzer, K., Lacy, R., Byers, O., eds (2004) Orangutan Population and Habitat Viability Assessment: Final Report. IUCN/SSC Conservation Breeding Specialist Group, Apple Valley, Minnesota. REMERCIEMENTS Nous adressons nos sincères remerciements à lan Singleton (Sumatran Orangutan Conservation Programme), Colin Groves (Australian National University], Raffaella Commitante (Cambridge University), et David Woodruff (University of California, San Diego), pour leurs précieuses contributions à l'élaboration du présent chapitre. AUTEURS Julian Caldecott, UNEP World Conservation Monitoring Centre Kim McConkey, UNEP World Conservation Monitoring Centre L'ORANG-OUTAN DE BoRNÉo { PONGO PYGMAEUS) CHAPITRE 10 L’orang-outan de Bornéo (Pongo pygmaeus) KiM MCCONKEY es orangs-outans de Bornéo (Pongo pygmaeus, Linnaeus, 1760) vivent au sein de 306 populations fragmentées et de plus en plus isolées sur l'île de Bornéo dont La superficie est d'environ 740 000 km’ (Carte 10.1]. Les popu- lations d'orangs-outans habitent des massifs forestiers séparés par des barrières infranchis- sables telles que les fleuves ou les zones de cultures. Ils sont concentrés au centre du Kalimantan [Indonésie] et du Sabah (Malaisie), avec de plus petites populations vivant à l'ouest et à l'est du Kalimantan et au Sarawak (Malaisie). On pense qu'aucune population permanente n'existerait dans le sultanat indépendant de Brunei Darussalam,” même si de nombreuses personnes ont déclaré y avoir vu des mâles adultes solitaires, *'"? ce qui montre que des individus nomades sillonneraient La forêt de facon épisodique. Les orangs-outans seraient absents dans la vaste zone proche de Brunei, qui s'étend du fleuve Rajang au Sarawak au fleuve Padas au Sabah. Ceci semble refléter l'extinction locale due à la pression historique de la chasse,” au milieu défavorable où à la combi- naison des deux. Les populations d'orangs-outans sont réparties en trois sous-espèces au moins. Pongo pygmaeus pygmaeus (l'orang-outan du nord-ouest de Bornéo) - La sous-espèce de taille moyenne - est présent à l'ouest du Kalimantan et au Sarawak. P. p. wurmbii (lorang-outan du centre de Bornéo) - La plus grande des trois sous-espèces - est présent au centre du Kalimantan. P. p. morio (l'orang-outan du nord-est de Bornéo) - La plus petite sous-espèce - est présent au Sabah et à l'est du Kalimantan. De nouveaux indices suggéreraient que les orangs- outans du Sabah et de l'est du Kalimantan pourraient être deux sous-espèces distinctes, mais cette thèse n'est pas encore totalement admise.” Les orangs-outans ne sont plus présents au sud du Kalimantan, la province indonésienne qui forme la partie sud-est de Bornéo. Les fleuves constituent les principales barrières entre les sous-espèces. Au centre de Bornéo où les fleuves sont assez étroits pour permettre la traversée, les trois sous-espèces peuvent se reproduire entre elles.” COMPORTEMENT ET ÉCOLOGIE Stratégie d'alimentation, recherche de nourriture et écologie Les orangs-outans de Bornéo affichent une très grande préférence pour les gros fruits succulents à haute teneur énergétique sous forme de sucres, en particulier lorsqu'ils sont produits en abondance.” La disponibilité de ces fruits influence tous les aspects de la vie des orangs-outans de Bornéo : comportements territoriaux, comportements sociaux, période de reproduction et santé.”**"# Les fruits constituent 50 % du régime alimentaire (Tableau 10.1), mais Les orangs-outans sont des fourrageurs opportunistes et non des frugivores exclusifs. La composition alimentaire peut donc changer considérablement au cours de l'année,” car les orangs-outans ont recours aux ‘aliments de famine’ pendant les périodes de faible production alimentaire. Cet opportunisme et cette flexibilité alimentaire sont indispensables pour un être de si grande taille, forestier, incapable de digérer des feuilles matures en grande quantité compte tenu de son estomac globulaire simple qui ne possède pas de chambres de fermentation. Les forêts de Bornéo sont reconnues pour l'irrégularité de leurs productions dont se 177 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Carte 10.1 Répartition des orangs-outans de Bornéo Distribution des orangs-outans (animaux/km°) Présence à une densité inconnue <0,5 1 05-10 BE 10-15 ER :5 25 EE 2: Taxonomie approximative des orangs-outans — Division des sous-espèces — : Division des sous-populations 178 MER DE CHINE MERIDIONALE Pongo pygmaeus pygmaeus Tani Lamandau Pufing. & Références bibliographiques à la fin de ce chapitre Pongo pygmaeus morio Mont Kinabalu PN de Crocker BRUNEI DARUSSALAM _Bandar Seri Begawa Sebangau Pongo pygmaeus wurmbii Range % É (es CR de l'orang-outang : de Sepilok SF de Kinabatangan de sé bi NA RF d'Ulu } > Segama AC de la Vallée de À AC du Bassin Bern de Maliau MER DE SULAIESI nourrissent les animaux frugivores et granivores. Elles renferment une faible biomasse frugivore comparée à celle d'autres forêts tropicales humides comme celles d'Afrique. "#51 Cela est surtout dû à l'abondance des arbres dits de mast' de la famille Dipterocarpaceae.“ Des forêts dominées par Les diptérocarpes sont présentes également à Sumatra et sur La péninsule malaise mais elles sont plus répandues à Bornéo. Les diptérocarpes produisent abondamment des fruits qui sont des graines ailées, sans défense chimique, riches en huile pendant la saison de mast' (ou d'abondance) qui intervient tous les six ans environ, et qui implique la participation de diverses espèces de diptérocarpes simultanément. Le ‘masting' est un comportement complexe lié à La sécheresse et est fortement influencé à Bornéo par le cycle d'oscillation australe connu sous Le nom de El Niño. # Lorsque Les arbres de nombreuses autres familles fleurissent et fructifient en réponse à la sécheresse, Le phénomène de masting' concerne une majorité des arbres de la forêt. Les frugivores de Bornéo se sont adaptés à cette irrégularité de production de nourriture. Ils risquent d'être repus en période de mast et affamés en dehors de ces périodes. Cette situation a favorisé les espèces mobiles avec un régime alimentaire flexible. Par exemple, Le sanglier barbu de Bornéo (Sus barbatus barbatus) est très mobile ; L'ORANG-OUTAN DE BORNÉO { PONGO PYGMAEUS) ses longues pattes et ses capacités à nager et grimper lui permettent d'exploiter la mosaïque phénologique’ correspondant à une rotation des périodes d'abondance en fruits à travers une vaste région.” La stratégie des orangs-outans est quelque peu similaire à celle du sanglier barbu (Encadré 10.1). Ils se gavent en période d'abondance fruitière, augmentant leur prise calorique de 50 à 70 %, se nourrissant exclusivement de fruits (y compris les graines de diptérocarpes) en cas d'abondance.”"*? Lorsque la population d'insectes explose, ils agissent de la même façon.” Les orangs-outans peuvent rester aux alentours d'un arbre fruitier pendant plusieurs jours jusqu'à l'épuisement de sa production. Les orangs-outans emmagasinent alors de la graisse qui leur permettra de survivre pendant plusieurs semaines. Leur stratégie de recherche de nourriture habituelle consiste à sillonner la forêt suivant un itinéraire en zigzags constants à La recherche des diverses sources de nourriture.” Chaque orang- outan peut être familier d'une zone de 30 km’ de superficie.” Plusieurs auteurs ont conclu que les orangs-outans suivent la nourriture à travers un environnement pouvant comprendre des chaînes de hauts plateaux, des particularités topographiques incluant divers types forestiers, disposant chacun de sources alimentaires disponibles à des périodes Tableau 10.1 : Régime alimentaire et domaine vital de trois populations d’orangs-outans de Bornéo Tanjung Puting Kalimantan‘” ‘? Kutai Kutai Kutai Kalimantan'” Kalimantan'#* © Kalimantan'* Ulu Segama Sabah°” Nombre d'années d'étude 4 1 1 5 Régime Nombre de types de nourriture mangée 317 Nombre de types de fruits mangées 169 Proportion du régime (%}° Fruits 61 (16-92) 54 (13-89) 53 (10-97) Jeunes feuilles 15 (0-40) 29 (5-57) 36 (7-73) Fleurs 4 (0-41) 2 (0-11) Écorces 11 (0-47) 14 (0-67) 16 (0-37) Insectes 4 (0-27) 1 (0-3) 2 (0-8) Domaine vital Domaine vital de La femelle (km 5,0-6,0 0,5 Domaine vital du mâle (km) 6,0 1,0 Parcours journalier de la femelle (m) 710 305 Parcours journalier du mâle (m) 850 305 a Chiffres moyens et variations mensuelles observées [entre parenthèses) 179 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Un orang-outan en train de manger l'écorce d’un arbre, source alimentaire importante en cas de pénurie de fruits. 180 KOCP différentes. ‘’* Les orangs-outans n'ont quère de difficulté à localiser les sources de fruits disponibles et utilisent des trajets directs d'une source à l'autre; ce qui fait penser qu'ils se rappellent la saisonnalité et les sites des plantes alimentaires. *"#? D'après certaines observations, les orangs- outans interprètent les signaux relatifs aux sources de fruits, tels que la forte odeur des durians (Durio spp., Bombacaceae), les interactions bruyantes d'autres animaux en train de se nourrir, et le déplacement en masse des calaos (Buceros spp.] et des roussettes (chauves-souris frugivores, Pteropus spp.) allant vers de nouveaux sites de nourriture. **'* Par exemple, un rassemblement d'animaux autour d'un figuier aux fruits mûrs peut être vu ou entendu à distance et attire souvent les orangs-outans.* Ces comportements suggèrent une grande capacité de prise de décisions raisonnables basées sur une mémoire spatiale minutieuse*"" et laissent supposer combien un gros mammifère semi solitaire et arboricole peut réussir à vivre dans un écosystème où les fruits sont non seulement imprévisibles. Les figuiers (Ficus spp., Moraceae), en particulier les figuiers étrangleurs, font exception à la fois à la fructification de type « masting » et à la insuffisants mais aussi fructification annuelle ou bisannuelle de nombreuses autres espèces d'arbres.” Les figuiers produisent abondamment des fruits, parfois deux à trois fois par an, chaque arbre ayant un cycle différent. Des périodes d'abondance existent, mais elles sont trop faibles pour que le domaine vital des orangs-outans puisse disposer des figues à tout moment.” Les orangs-outans préfèrent générale- ment manger d'autres fruits” mais Lorsqu'il y a des figues et peu d'autres sources alimentaires alternatives, les figues constituent une bonne partie de leur alimentation. Les populations d'orangs- outans sont également présentes dans des zones comme les forêts marécageuses du Parc National de Tanjung Puting qui sont pratiquement dépourvues de figuiers“ Dans ces forêts, la nourriture de base comprend : Tetramerista glabra (Tetrameristaceae] qui produit des fruits tout au long de l'année, Xanthophyllum rufum (Xantho- phyllaceae), Gironniera nervosa (Ulmaceae), Litho- carpus spp. (Fagaceae), et Nephelium spp. (Sapindaceae). Dans les vallées alluviales sèches, Ficus spp., Aglaia spp. (Meliaceae), Baccaurea spp., et Mallotus spp. (Euphorbiaceae] sont toutes d'importantes sources alimentaires pour les orangs-outans.‘”*? Plusieurs genres de plantes (ex. Durio, Aglaia, Nephelium] préférés des orangs- outans produisent également des fruits utilisés par les humains à des fins commerciales ou alimentaires. Comme autres adaptations des orangs- outans aux fluctuations de la disponibilité alimentaire, on peut citer leur flexibilité et leur résilience par rapport aux sources alimentaires inhabituelles. En dehors des périodes d'abondance, les orangs-outans consomment régulièrement des fruits immatures, des graines et de nombreux autres produits alimentaires.® Pendant les périodes de disette, Les fruits peuvent constituer moins de 16 % du régime alimentaire des orangs- outans.“'# Dans ce cas, ils consomment d'énormes quantités d'écorces (37 % du régime selon une étude],®” de feuilles, de gingembre sauvage (Zingiberaceae], et de tiges.” Les orangs- outans consomment également la couche de croissance sous l'écorce (surtout du figuier] ; leurs dents s'avèrent être adaptées à cette tâche.” Plusieurs orangs-outans étudiés à Kutai, à l'est du Kalimantan, ont pu survivre pendant cinq ans grâce à la consommation d'écorce et de matière végétale, suite à la dévastation de leur forêt par un incendie en 1982-1983." Dans certaines zones de Bornéo, les jeunes feuilles, les pousses et le tissu ‘méristématique’ des tiges de feuilles mûres du palmier Borassodendron borneensis constituent d'importantes sources alimentaires en période de pénurie de fruits. Selon Les populations riveraines, les orangs-outans ne peuvent survivre que dans des zones où cette espèce pousse en abon- dance.‘!76.125.127 Aucune consommation de viande n'a été rapportée chez les orangs-outans de Bornéo. Un jeune a été observé en train de mordre un rat au cou et de jouer avec le corps ;/” un ancien captif âgé de deux ans mordre et manger la tête d'un oiseau avant de se débarrasser ensuite du reste du corps.” Les œufs d'oiseaux sont également consommés.” Les feuilles, les jeunes pousses, les fleurs {notamment Madhuca spp., Sapotaceae), les champignons, la moelle du bois, le miel, Les insectes (sauterelles, criquets, abeilles, fourmis, et termites), et La terre riche en minéraux font partie de leur alimentation.” "#1 La terre a parfois de fortes concentrations de kaolin pouvant faciliter l'adsorption et la neutralisation d'énormes quantités de tannins et d'autres métabolites secondaires présents dans les plantes con- sommées à Bornéo, en dépit d'une alimentation sélective. Des orangs-outans ont été observés mangeant des sections de tubes de terre déposés Le long des troncs d'arbres par des termites ; ils descendent aussi parfois au sol pour manger des mottes de terre. Ils visitent des grottes ou sont concentrés certains minéraux (ex. sodium, potassium, et calcium]: ces endroits sont fréquentés par une grande variété d'animaux, y compris les cerfs et Les gibbons.” Les besoins nutritionnels des mâles et femelles sont quelque peu différents. Les mâles mangent plus de jeunes feuilles, d'écorces et de termites que les femelles ; ils passent également plus de temps au sol où ils trouvent Les termites.‘ Les orangs-outans femelles ont en général un régime alimentaire plus varié mais ingèrent moins de calories que Les mâles.“* Les femelles stockent donc moins de graisse en période d'abondance, et sont plus affectées en période de pénurie.‘ Comportement territorial Les orangs-outans de Bornéo sont des animaux qui parcourent et occupent virtuellement de très vastes domaines vitaux; ils se déplacent très lentement et La distance parcourue par jour est très courte par rapport à l'étendue du domaine vital occupé. La L'ORANG-OUTAN DE BORNÉ0O [| PoNGo PYGMAEUS) surface des domaines vitaux occupés varie considérablement à travers les sites d'étude (voir Tableau 10.1). Les territoires ne sont pas défendus et se chevauchent largement malgré l'intolérance entre mâles adultes matures. Le comportement territorial adopté par un individu donné semble déterminé par la combinaison de plusieurs facteurs : la disponibilité alimentaire, le statut social et reproductif.” Les femelles utilisent moins d'espace que les mâles, généralement 0,5 à 5 km’, surtout si elles sont limitées dans leurs déplacements par la présence des jeunes dépendants."*"#* Les territoires des mâles sont toujours au moins deux à trois fois plus grands que ceux des femelles. Toutefois, les mâles dominants ou de haut rang semblent conserver un territoire relativement petit pendant leur période de dominance, au sein duquel ils tâchent de monopoliser l'accès aux femelles réceptives.“? Les nouveaux venus dans une zone sont presque toujours des mâles sub-adultes,/” et le sexe mâle semble être Le sexe de dispersion, puisque l'on rencontre parfois des mâles solitaires loin des zones abritant des populations reproductrices (par exemple à haute altitude au Sabah et au Sarawak).""®# Formation des groupes La rareté des ressources alimentaires abon- dantes prévisibles à travers Bornéo semble être Le principal facteur limitant les opportunités d'interactions sociales chez les orangs-outans."”? Généralement, Les orangs-outans de Bornéo vivent dans des communautés dispersées et peu structurées avec peu d'interactions, comparative- ment à la plupart des grands singes. Les oppor- tunités d'accouplement sont limitées par la densité démographique autant que par la réceptivité des femelles ; elles-mêmes liées à la disponibilité alimentaire.’ La densité démographique varie et les accouplements sont par exemple beaucoup plus fréquents à Kutai ou Les orangs-outans vivent dans une structure sociale dense et riche en échanges sociaux que ceux vivants à Gunung Palung (ouest Kalimantan].”* Ces caractéristiques sont valables pour tous les autres aspects de La vie sociale y compris les interactions agressives qui sont plus fréquentes a Kutai qu'à Gunung Palung.”* Le fait que les orangs-outans de Bornéo n'ont jamais été vus en train d'utiliser des outils dans La nature, contrairement à leur congénères de Sumatra qui sont plus sociaux, serait dû au man- que d'opportunités d'apprentissage mutuel.“ 181 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 182 Encadré 10.1 ADAPTATIONS DES SANGLIERS BARBUS À LA VIE DANS LES FORÊTS À DIPTÉROCARPES :°2 Les sangliers barbus (Sus barbatus) consomment des racines, des champignons, de petits animaux, des œufs de tortue de mer, des cadavres et diverses parties d'au moins 50 genres de plantes. Les fruits déterminent la croissance, l'engraissement et la reproduction, tandis que les graines riches en huile des diptérocarpes (Shorea, Dipterocarpus spp., et autres), des chênes (Lithocarpus, Quercus spp] et des marronniers (Castanopsis spp] sont d'une importance particulière. Les forêts de chênes des hauts plateaux produisent régulièrement des fruits et constituent d'importantes sources de nourriture prévisible, alors que les forêts de diptérocarpes fournissent de la nourriture en abondance mais irrégulièrement lors du masting. La fructification des diptérocarpes est bien documentée au Sarawak En effet, les graines de ces arbres sont exportées par des commerçants, et les statistiques sont conservées depuis plusieurs décennies. Depuis 1989, les graines ont été peu exportées pendant un tiers des années, de petites quantités l'ont été pendant la plupart de la période d'étude et parfois plus de 1000 tonnes pour certaines années. Une abondante fructification se produit donc de facon épisodique tous les trois, quatre ou cinq ans, en dehors de La période 1945-1988 marquée par quatre Les orangs-outans vivent de facon solitaire ou en dyade mère-petit. ILs s'associent parfois en groupes lâches avec d'autres individus et la coordination de leurs déplacements suggère que les individus qui partagent une même zone forestière se connaissent Les uns les autres. On suppose que la familiarité et La parenté vont de pair tout au moins chez les femelles car elles ont tendance à s'installer près de leur mère“ Les groupes de deux ou trois individus, à l'exception des dyades mère-petit, constituent 19% des observations faites à Tajung Puting“ et 20 % des observations à Ulu Segama.” Les associations ou petits groupes se forment typiquement près de sources de fructification importantes et certains individus peuvent se déplacer en groupe entre différents points d'alimentation.‘ Les femelles sont plus enclines à former de petits groupes que les mâles :“'! Les orangs- paires d'années d'abondante fructification de diptérocarpes (1953-1954,1958-1959, 1982-1983, 1986-1987]. Au cours des années 80, ces évènements avaient une corrélation avec une succession de sécheresses liées au phénomène de loscillation australe d'El Niño. Au cours de la période allant de 1945 à 1988, la population du sanglier barbu a connu une augmentation fulgurante au cours des années 1954, 1959, 1983 et 1987 et seulement celles-ci ; ce qui laisse supposer que l'explosion démographique est Le résultat de la grande disponibilité des graines de diptérocarpes pendant deux années consécutives. Cette explosion démographique aurait également été favorisée par la portée moyenne de taille élevée (variant de 3 à 12 marcassins en fonction de La corpulence de La mère), une courte durée de gestation (90-120 jours] permettant deux portées par an, un âge variable mais néanmoins précoce du premier rut et de La première grossesse (10-12 mois), une transformation efficace de la graisse alimentaire en graisse corporelle, un taux de croissance variable mais généralement élevé, une taille du groupe très flexible (10-100 individus), une synchronisation de la période de mise-bas avec la chute des fruits, et des caractéristiques adaptées au déplacement telles que les longues jambes et l'aptitude à La nage. La synchronisation de la période de mise bas correspond à un rut qui est provoqué par la chûte en outans adultes matures de Bornéo sont Les moins sociaux des orangs-outans, passant 91 % de leur temps en solitaires.“ Les juvéniles peuvent jouer entre eux, même si leurs mères ne s'intéressent pas les unes aux autres” Les orangs-outans sub- adultes des deux sexes se montrent aussi parfois assez grégaires. À Tanjung Puting, les adolescentes passent 45 % de leur temps en groupe contre 10 % pour les femelles adultes. Les mâles sub-adultes passent 41% de leur temps en groupe dont 83 % avec les femelles et 3% exclusivement avec les mâles.“ En présence des adultes femelles, les adultes mâles chassent les mâles sub-adultes, mais généralement ceux-ci parviennent à s'écarter tranquillement.“ Rapports entre mâles La grande corpulence des adultes mâles à disque facial et par conséquent la nécessité de consommer L'ORANG-OUTAN DE BORNÉO { PONGO PYGMAEUS) masse des fleurs de la canopée forestière [« effet confetti »]. Les sangliers mâles barbus bombardent les femelles de signaux olfactifs et/ou de phéromones urinaires." Malheureusement, pour obtenir un rut satisfaisant, le mâle doit procéder à une forte rétention d'urines, risquant ainsi La destruction de ses reins. Les mâles peuvent retarder leur participation au rut (comparable aux orangs-outans mâles sans disque facial qui retardent leur maturation complète, voir Chapitre 9) jusqu'à ce que la combinaison de certains facteurs contrebalance les risques et les probabilités de mortalité. Les sangliers mâles adultes peuvent miser le succes reproductif de toute leur vie sur un seul rut pendant lequel ils peuvent engendrer des centaines de marcassins. Dans la péninsule malaise, des données historiques démontrent que les sangliers barbus migrent régulièrement pour tirer parti de la fructification prévisible des forêts de camphriers (Dryobalanops aromatica] dont le bois précieux a été coupé depuis longtemps. Pendant l'explosion démographique des sangliers barbus dans les années 50, Pfeffer a décrit les mouvements annuels de ces animaux au Kalimantan sur des distances de 250-650 km :'“* dans les années 80, Caldecott a suivi les troupeaux de sangliers barbus qui sillonnaient la région du haut Baram du Sarawak à un rythme de 8-22 km par mois, pendant au moins 4 mois.” Les déplacements de grande envergure des sangliers barbus ont été également signalés au départ de la péninsule 54,55,56,67 malaise. Pendant ces déplacements, les sangliers allaient systématiquement dans une même direction, en bandes éparpillées ou conden- sées, avec un front large ou étroit ; et il en était ainsi pendant des jours, des semaines, voire des mois. L'état physique des animaux pouvait être bon, mauvais où catastrophique. Îls étaient parfois accompagnés de leurs petits mais parfois seuls ; ils traversaient souvent les rivières, parfois les baies côtières voire même la mer à la nage. Dans certains cas, la population semblait retourner en suivant La même route, ou bien effectuer un trajet circulaire pour rejoindre son point de départ Julian Caldecott Un sanglier barbu Cyril Ruoso de grosses quantités de fruits mûrs rendent inéluctable La compétition entre les mâles dans une même zone. Les mâles ne défendent pas activement leurs domaines vitaux et les rassemblements de mâles peuvent être observés dans des zones qui abondent en ressources alimentaires, mais les adultes mâles se montrent agressifs Les uns envers les autres quand ils se retrouvent à proximité; des conflits peuvent s'ensuivre avec parfois des issues fatales.“/°#? Les combats sont rares dans la mesure où les adultes mâles s'évitent généralement. CROISSANCE ET REPRODUCTION Les orangs-outans femelles atteignent leur maturité sexuelle entre 11 et 15 ans.“ Elles se reproduisent tous Les huit ans en moyenne,“ en fonction des conditions écologiques. Le processus de maturation du mâle est complexe : certains mâles deviennent complètement matures, ou à « disque facial », plus tôt que d'autres qui restent sans disque parfois pendant de longues années {voir Chapitre 9]. Les mâles à disque sont plus corpulents, plus agressifs et dominants, et sont les partenaires préférés des femelles adultes. Celles-ci recherchent activement et obtiennent générale- ment l'attention des mâles à disque pendant la période d'ovulation,“ sans toutefois exhiber un signal physique manifeste tel le gonflement périnéal des chimpanzés (même si Le gonflement de La vulve apparaît au cours de la gestation]. La conception requiert souvent plusieurs copula- tions,“ et a plus de chance de succès pendant les périodes de fructification maximale lorsque les niveaux d'estrogènes des femelles sont au maximum.” L'accouplement peut prendre deux formes. Dans la première forme, la femelle initie Le contact 183 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Les orangs-outans à disque facial sont plus gros et plus agressifs que leurs congénères sans disque ; ils sont plus attractifs pour les femelles réceptives. 184 KOCP avec un mâle à disque, qui sollicite alors les rapports sexuels à travers des postures et l'exhibition du pénis.” L'accouplement se fait par consentement mutuel et Le plus souvent La femelle se trouve au-dessus ;*'® il peut avoir lieu plusieurs fois avec le même mâle dans une sorte d'union pouvant durer plusieurs jours, sinon La femelle peut s'accoupler avec plusieurs mâles pendant la période d'ovulation. La deuxième forme d'accouplement est une copulation forcée initiée par un mâle sans disque ou, moins souvent, par des mâles à disque inconnus de La femelle.” Dans l'un et l'autre cas, les juvéniles ne tolèrent pas souvent que Les mâles s'accouplent avec leurs mères et peuvent aller jusqu'à s'attaquer à ces mâles.” Les comportements sexuels des mâles sans disque du Parc National de Tanjung Puting ont été documentés par Biruté Galdikas.“ Ici, 86 % des accouplements initiés par les mâles sans disque se sont heurtés à une forte résistance. Les mâles sans disque repèrent souvent les femelles réceptives les premiers avant d'être devancés par les mâles à disque. Un mâle sans disque ne tente pas de s'accoupler avec une femelle gestante ou lorsqu'un mâle à disque se trouve dans les parages. Certains mâles à disque circonscrivent leur domaine vital et s'accouplent avec des femelles dont les domaines chevauchent avec les leurs; d'autres, plus mobiles, copulent lorsque l'occasion se présente dans le territoire d'autres mâles, parfois en contraignant les femelles. Le mâle à disque peut tolérer la présence des mâles sans disque qui passent alors la plupart de leur temps dans son domaine vital ou vont et viennent à la recherche de la nourriture et de femelles ; ces mâles peuvent fréquenter les femelles mais la copulation qui s'ensuit est très souvent un viol. Ces observations permettent de conclure que les femelles préfèrent s'accoupler avec les mâles matures de haut rang qui tolèrent La présence des mâles sans disque qui ne constituent pas une menace compétitive sérieuse. La gestation chez les orangs-outans dure huit mois et demi.” Environ 90 % de jeunes vivent au- delà de leur longue enfance dépendante. En se déplacant la femelle porte son petit en position ventro-latérale pendant plusieurs années. Dès onze mois, Le jeune orang-outan est capable de chercher sa propre nourriture,” mais il peut continuer de téter jusqu'à l'âge de cinq ou six ans.“ Les mères peuvent jouer avec leurs petits et parfois les nourrir directement avec des fruits. Entre sept et dix ans, les petits deviennent entièrement indépendants et peuvent quitter Le domaine vital maternel.“ Comportement vocal Les longs appels des orangs-outans mâles font partie des cris Les plus étranges et les plus pénétrants que l'on peut entendre dans la nature. Les mâles de plus haut rang lancent ces cris trois ou quatre fois par jour, les accompagnant parfois de parades durant lesquelles ils secouent les branches et hérissent leurs poils.” Les longs appels se font souvent entendre lorsque le mâle arrive sur une nouvelle zone ; ces cris sont souvent poussés dans la direction des déplacements permettant ainsi vraisemblablement aux autres mâles de s'écarter et de limiter les interactions violentes. Les longs appels sont souvent donnés à la suite des rencontres avec les femelles et sont plus fréquents dans les zones où les fréquences de rencontre sont faibles.” Ces cris pourraient avoir pour rôle d'attirer des femelles, ou tout au moins d'attirer leur attention sur la présence du mâle, en plus de l'effet inhibiteur qu'ils semblent avoir sur La pleine croissance d'autres mâles {voir Chapitre 9). Maniement des outils Les orangs-outans de Bornéo peuvent s'abriter du soleil ou de La pluie en tenant des petites branches ou des feuilles au-dessus de leur tête,? mais on ne les a pas vu utiliser d'outils nécessitant la manipulation et La transformation d'objets. Toutefois, en captivité, les orangs-outans de Bornéo apprennent rapidement à utiliser les outils suite aux contacts avec d'autres congénères ou des humains ; dans les zoos, les orangs-outans de Bornéo et de Sumatra peuvent dépasser les chimpanzés en matière de rapidité, d'ingéniosité, d'apprentissage et de créativité.“ Les orangs- outans du Camp Leakey du Parc National de Tanjung Puting peuvent imiter les humains dans maintes activités telles que conduire une pirogue, se brosser les dents, scier du bois, clouer des objets, tirer à la sarbacane et laver Le linge. Au Sabah, les grands singes réhabilités ont appris à employer les feuilles comme récipient. Ils sélectionnent minutieusement les feuilles et Les disposent sous la forme d'une assiette pouvant contenir les aliments semi-liquides. On les a vus cracher une gorgée de lait et de banane dans une assiette pour la manger ensuite lentement.” Ces observations constituent une preuve que les orangs-outans de Bornéo possèdent des capacités de manipulation des outils et de transmission de ces comportements, comme les orangs-outans de Sumatra, mais que les rencontres entre eux sont trop rares pour permettre un développement optimal de ces capacités à l'état sauvage. CONSTRUCTION DES NIDS Chaque soir, juste avant le coucher du soleil, les orangs-outans construisent des nids de nuit. Ce sont des plateformes souples formées de petites branches pliées et entremêlées, souvent recou- vertes de brindilles et de feuillage. Parfois ils utilisent des nids déjà construits s'ils se trouvent non loin d'une source de nourriture abondante. Les orangs-outans restent généralement dans leur nid jusqu'au milieu de la matinée, mais certains individus se déplacent occasionnellement la nuit. Les orangs-outans de Bornéo construisent leurs nids souvent près de l'arbre sur lequel ils se sont nourris précédemment et s'y alimentent à nouveau le lendemain ; ils retournent souvent dans leur nid de nuit pour se reposer en fin de matinée. IL est beaucoup plus facile de voir les nids des orangs- outans dans la voûte forestière que Les individus eux- mêmes. Ils se distinguent aisément de ceux des autres animaux comme les ours malais (Helarctos malayanus), mais moins aisément (du moins à partir du sol) de ceux des écureuils géants (Ratufa sppl). Les observations de nids peuvent donc permettre d'évaluer la densité des orangs-outans ; les L'ORANG-OUTAN DE BoRNÉo { PONGo PYGMAEUS) hélicoptères peuvent être utilisés pour étudier rapidement Les nids dans de vastes régions.“ ENNEMIS NATURELS En dehors de l'activité humaine, l'orang-outan de Bornéo n'a pas de prédateur, mais les juvéniles peuvent être la proie des panthères nébuleuses (Neofelis nebulosa), des pythons réticulés (Python reticulatus), et des aigles noirs (/ctinaetus malayensis). Le folklore Iban comporte des récits d'orangs-outans aux prises avec des crocodiles alors que la rencontre des deux espèces animales n'est pas possible à moins que l'orang-outan ne tombe accidentellement dans l'eau.” Certains orangs-outans juvéniles en cours de réhabilitation ont été tués par des sangliers barbus sauvages‘? Réponse à la perturbation La densité des orangs-outans est limitée par la perturbation de l'habitat *'* qui est fonction de l'intensité de la dégradation des forêts. Selon une étude, les densités diffèrent seulement de 7 % entre les forêts de diptérocarpes perturbées et non perturbées, mais de 21% entre les forêts marécageuses perturbées et non perturbées au Parc National de Gunung Palung. Les auteurs suggèrent que cela reflète Les plus grands taux de perturbations dans les forêts marécageuses.‘ Entre 1999 et 2004, la coupe illégale du bois à l'intérieur et aux alentours du Parc National de Gunung Palung s'est intensifiée, avec l'abattage d'un grand nombre d'arbres fruitiers, interrompant Les travaux de recherche dans le parc. "7 Cyril Ruoso/BOS-USA Les jeunes orangs- outans ont une longue période de dépendance comparativement aux autres grands singes. 185 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Ce nid d’orang-outan a été construit il y a quelques jours : La plupart de feuilles sont encore vertes 186 KOCP Peu d'évaluations sont disponibles en ce qui concerne la réponse comportementale des orangs- outans et leur capacité à faire face à La dégradation forestière! Dans les forêts marécageuses du bassin hydrographique de l'ouest de Sebangau au centre du Kalimantan, l'exploitation forestière illégale cause des bouleversements dans la répartition des orangs-outans, souvent dans des zones d'habitat sub-optimal. La surpopulation entraîne l'augmentation du stress, de la mortalité juvénile et diminue la fécondité.” Le Projet de Conservation des Orangs-outans de Kinabatangan (KOCP] a créé, dans la réserve de faune de Kinabatangan au Sabah, un site de recherche sur les populations d'orangs-outans vivant dans les forêts exploitées. Les premiers résultats indiquent la présence d'une population à très forte densité”! résultant de l'afflux d'animaux qui fuient les zones mitoyennes à la réserve, transformées en plantations agricoles.'? Cepen- dant, la zone fournit tout au long de l'année des fruits en abondance grâce aux espèces pionnières et aux plantes grimpantes dont abonde le site après l'exploitation forestière. Les orangs-outans consomment une majorité de fruits (qui constituent jusqu'à 60 % de leur alimentation],! et apparaissent en bonne santé. Comparativement aux populations vivant en forêt primaire, ils mangent et se déplacent moins et se reposent davantage. Face à la dispa- rition des grands arbres et de la continuité du couvert forestier, les mâles sont désormais obligés de se déplacer plus souvent au sol. Plus légers, Les femelles et Les jeunes peuvent toujours se déplacer d'arbre en arbre. Les orangs-outans font preuve de flexibilité et d'adaptabilité remarquables face aux perturbations rencontrées [voir Encadré 10.2). Rôle écologique L'importance des fruits dans l'alimentation des orangs-outans montre le rôle écologique capital que ces animaux jouent dans la dispersion des graines, affectant éventuellement les modes de régénération forestière et la diversité des espèces végétales.” La richesse des forêts tropicales est en partie garantie par les frugivores qui transportent les graines loin de l'arbre d'origine. Ce facteur de dispersion peut aussi augmenter le taux de germination et d'implantation, car le degré de prédation par les animaux granivores et de compétition des plants est souvent plus élevé sous l'arbre d'origine.“*°""%® Le principal facteur limitant la densité de nombreuses espèces végétales est le nombre de leurs graines qui atteignent les sites propices à leur croissance.” Le rôle des orangs-outans dans la dispersion des graines est peu connu,” mais on peut faire de nombreuses déductions en observant leur alimen- tation et leurs modes de vie. En raison de leur grande taille et de leur caractère frugivore, les orangs- outans disposent certainement d'un potentiel de dispersion de nombreuses graines. Inversement, le processus de dispersion est important puisqu'il peut influer sur leur propre avenir. Les graines avalées entières par les orangs- outans et déféquées par la suite sont davantage susceptibles d'être disséminées loin de la couronne de l'arbre d'origine, que les graines qui sont recrachées après consommation de La pulpe.” Les orangs-outans transportent souvent les fruits loin des arbres d'origine, jusqu'à 200 m, avant de recracher ou de laisser tomber les graines.” Cette distance peut être suffisante pour que celles-ci soient soustraites aux conditions défavorables que constitue le couvert de l'arbre d'origine? Les graines avalées peuvent être déféquées après plusieurs jours. Elles pourraient être dis- séminées à plusieurs centaines de mètres et jusqu'à 8-10 km de l'arbre d'origine. Les forêts de Bornéo regorgent de nombreux agents disperseurs de graines,” certains étant même plus frugivores que les orangs-outans L'ORANG-OUTAN DE BoRNÉo [ PONGO PYGMAEUS) Encadré 10.2 ADAPTATION DES ORANGS- OUTANS À LA DÉGRADATION FORESTIÈRE Le Sabah (Malaisie) abrite plus de 10 000 orangs- outans vivant pour la plupart dans Les forêts ayant subi une coupe sélective, hors des réserves forestières primaires Loin de considérer Les orangs-outans habitant les forêts secondaires comme étant condamnés à disparaître, l'organisation française Hutan, en collaboration avec la Direction de la faune du Sabah, a initié La première étude à long terme sur la manière dont les orangs-outans font face la dégradation et à l'exploitation de leurs habitats, en recherchant des solutions réalistes pour améliorer durablement leurs chances de survie en dehors des forêts protégées. Le Projet de conservation des orangs-outans de Kinabatangan a été initié en 1998 dans la plaine inondable de Kinabatangan à l'est du Sabah, corridor constitué des forêts très dégradées et fragmentées, abritant l'une des plus grandes populations d'orangs-outans de La Malaisie”! Dès les années 50, toutes les forêts {surtout les forêts de Diptérocarpes mixtes de plaine) de la plaine inondable du bassin de la Kinabatangan ont subi une exploitation forestière commerciale suivie par une conversion agricole, avec pour résultat une transformation radicale des écosystèmes originels structurés de forêts matures qui ont désormais une faible stature, dont Les étages ne se distinguent pas clairement, et une faible densité globale de troncs de 332 arbres (ayant un diamètre de plus de 10 cm au niveau de la poitrine] par hectare. IL y a très peu de gros Suite page suivante Familles des plantes Les plus consommées par les orangs-outans Fruits Feuilles Écorces Temps d'alimentation consacré à chaque type (% du total) * 66 22 9 Familles des fruits (% du total) Moraceae (figue] 27 13 5 Fagaceae [faine) 12 2500 (?] Batang Aÿ/Lanjak-Entimau/ Betung-Kerihun P. p. pygmaeus Danau-Sentarum {et environs) 500 (1500) P. p. pygmaeus D'après Singleton, |., et al. (2004) du Sarawak à cause des pressions de chasse par le passé, de la conversion de la forêt en terres agricoles où pour des raisons écologiques. Les populations d'orangs-outans importantes ne sont désormais présentes que dans la région centre- sud de l'intérieur, dans et autour du Parc National de Batang Ai et du Sanctuaire de faune de Lanjak- Entiamau qui est contigu au Parc National de Betung Kerihun à l'ouest du Kalimantan. On pense que ces aires protégées du Sarawak sont soumises à des menaces relativement faibles, même si elles manquent de personnel et qu'elles sont vulnérables à l'exploitation du bois et à la chasse illégales, y compris La probable exploitation transfrontalière depuis Le Kalimantan.“*? Les quatre provinces de la partie indonésienne du Kalimantan (536 000 km’ au total) s'étendent sur plus de 72 % de l'île de Bornéo ; les orangs-outans sont toujours présents dans trois d'entre elles. Toutefois, les menaces qui pèsent sur leurs populations et leurs habitats sont 199 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 200 nombreuses et étendues et se sont intensifiées au cours des années. On peut citer à titre d'exemple le méga programme d'assèchement de Proyek Lahan Gambut qui s'étend sur un million d'hectares au centre du Kalimantan. Ce projet, soutenu par l'ancien Président Suharto, visait à relancer le programme de transmigration chancelant et la production du riz au milieu des années 90. C'est dans le cadre de ce projet que 15000 km’ de marécage tourbeux ont été drainés, incluant 7 000 km? d'habitat majeur pour Les orangs-outans.'* Le projet fut abandonné en 1998," et Les terres brû- lées en 200? ; elles apparaissent maintenant sur Les images satellites sous la forme d'une parcelle circulaire de terres déboisées. L'agriculture de subsistance est une cause supplémentaire de destruction des forêts ; en 1999, on estimait que l'agriculture sur brûlis aurait eu des impacts négatifs sur 27 % des terres au Kalimantan, dont 87% auraient été un habitat majeur pour les orangs-outans. Les forêts indonésiennes sont aussi de facon croissante remplacées par des plantations, surtout de palmiers à huile et d'Acacia.”” L'exploitation du charbon pose depuis longtemps un problème dans le Parc National de Kutai et elle est en train d'en devenir un dans d'autres régions telles que Barito Ulu, Les droits miniers étant également recherchés dans d'autres parcs nationaux.” De plus, les incendies et les sécheresses ont ravagé le Kalimantan de facon répétée depuis le début des années 80. En 1997-1998, le feu a causé des dégâts considérables en brûlant près de 52 000 km’ de forêt dans La province la plus touchée, Le Kalimantan Est.” Les dégâts localisés étaient très importants ; 95 % des forêts de plaine du Parc National de Kutai furent détruites.” L'impact de La destruction dispropor- tionnée de forêts de marécage et de plaine a été Le plus grave car ce sont Les plus riches habitats pour les orangs-outans.® De très nombreux orangs- outans furent tués par les hommes alors qu'ils fuyaient les flammes et La fumée pendant et après les incendies ; le déplacement des grands singes pourrait avoir provoqué une installation massive de « réfugiés » dans les forêts adjacentes,” causant des pressions qui inhibent La reproduction. * À La suite des incendies, la population d'orangs-outans de Bornéo pourrait avoir diminué de 33 % en l'espace d'une seule année. * De graves incendies se sont également produits en 2004, dégageant une fumée qui a, de surplus, menacé la santé des habitants des villes de Bornéo.”''? Les vestiges des forêts indonésiennes, officiellement destinées à être pérennes, sont voués à la production du bois, à la protection du bassin hydrographique ou à la conservation de la biodiversité. Les concessions forestières officielles chevauchent presque totalement l'aire de répar- tition fragmentée de l'orang-outan au Kalimantan, et, d'une manière générale, on pense que les orangs-outans ne peuvent survivre à long terme dans les forêts soumises à une exploitation intense,” bien que l'orang-outan du nord-est de Bornéo semble doté d'une tolérance exception- nelle à l'exploitation forestière (voir Encadré 10.2]. Cependant, la crise actuelle de la déforestation au Kalimantan résulte davantage des activités illégales que légales. De vastes étendues sont converties en plantations privées non planifiées ou brûlées après une exploitation répétée. L'exploitation illégale du bois sévit dans Les parcs nationaux et a provoqué une baisse drastique du nombre d'orangs- outans. Si un terme n'y est pas mis, le couvert forestier et La population d'orangs-outans de ces aires diminueront encore fatalement.“ Le Parc National de Danau-Sentarum et celui de Betung Kerihun par exemple, ont été détruits par l'exploitation illégale du bois et ils ne disposent pas des capacités ni de l'appui nécessaires pour y remédier ; les Parcs Nationaux de Tanjung Puting et Gunung Palung ont également été gravement affectés. La construction des canaux dans le cadre d'exploitation illégale assèche et détruit Les forêts de tourbière profonde et constitue une menace majeure pour les orangs-outans [voir Encadré 10.3]. Les tendances actuelles laissent penser que toute La forêt de plaine indonésienne sera détruite ou gravement dégradée d'ici 2010, en raison principalement de l'extraction du bois.“ Si ces prévisions sont exactes, il est difficile d'imaginer un avenir pour les orangs-outans au Kalimantan. CONSERVATION ET RECHERCHE Les études de terrain portant sur Les orangs-outans de Bornéo ont débuté à la fin des années 60 au Parc National de Kutai dans l'Est du Kalimantan,'*'# et dans la région de Ulu Kinabatangan au Sabah, en Malaisie. * Une étude de long terme a été initiée en 1971 dans le centre du Kalimantan, dans la zone aujourd'hui appelée Parc National de Tanjung Puting, “7% et elle se poursuit de nos jours. Par la suite, des études ont été entreprises à Danum Valley, dans la plaine inondable de la Kinabatangan, dans les Parcs Nationaux de Tanjung Puting, et de Kutai et ailleurs, sur les habitudes alimentaires, l'adaptation aux perturbations et les adaptations comportementales des individus réhabilités. Depuis les années 70, à Bornéo, les cher- cheurs ont surtout été confrontés à La destruction croissante des habitats et au déclin des populations d'animaux sauvages, les orangs-outans étant soumis à des pressions de plus en plus fortes résultant de l'exploitation du bois, du défrichement des terres et des feux de forêt. C'est ainsi que la plupart des chercheurs ont soit quitté ces zones ou se sont impliqués davantage dans la conservation, généralement par le biais d'organisations non gouvernementales. Au Sabah par exemple, Hutan dirige un projet de conservation communautaire et de recherche le long du fleuve Kinabatangan, avec le soutien de WWF-Malaisie et l'étroite colla- boration de l'administration de La Faune du Sabah. Au Sarawak, WWF-Malaisie était impliqué pendant les années 80 dans l'élaboration de la stratégie de conservation nationale et dans la conduite d'études sur le terrain dans le but d'appuyer la gestion du Parc National de Batang Ai et du Sanctuaire de faune de Lanjak-Entimau. Dans la partie indonésienne de Bornéo, la Fondation Internationale pour les Orangs-outans finance des patrouilles dans le Parc National de Tanjung Puting, réhabilite et relâche les orangs- outans orphelins dans la réserve naturelle intégrale de Lamandau et soutient la recherche dans les domaines de la conservation et de la restauration des forêts. La Fondation pour la Sauvegarde de l'orang-outan de Bornéo réhabilite et relâche des orphelins dans la région de Balikpapan, ainsi que dans d’autres régions du Kalimantan, et est également engagée dans des projets visant à protéger l'aire de Mawas couverte par 5 000 km’ de forêts de tourbière habitées par les orangs-outans. L'habitat de La Réserve de Mawas est surveillé par des outils technologiques modernes, notamment par imagerie satellite qui est, le cas échéant, complété par des photographies aériennes. La télédétection permet ainsi d'avoir des preuves OUVRAGES À CONSULTER L'ORANG-OUTAN DE BORNÉO { PONGO PYGMAEUS) imagées des utilisations illégales des terres et des feux incontrôlés et d'envoyer des équipes pour les combattre. "* Les orangs-outans se déplacent lentement, se reproduisent lentement et sont essentiellement frugivores, dépendant profondément des forêts de plaine de Bornéo naturellement pauvres en fruits : ils sont donc très vulnérables au rapide défriche- ment de ces forêts, que ce soit pour créer des plantations ou à cause des feux de forêt qui résultent de l'exploitation du bois et de la séche- resse. La destruction des écosystèmes forestiers de lîle de Bornéo a atteint une gravité telle qu'il sera difficile d'y remédier même dans la plupart des aires protégées ; elle est pratiquement irréversible. Nous ne pouvons dire si elle sera aussi totale, mais les forêts humides isolées, entourées de broussailles, d'herbes et de terres arables inflam- mables et entretenues par le feu, peuvent s'avérer difficiles à protéger. La population actuelle des orangs-outans de Bornéo estimée à 57 000 individus environ montre bien que l'espèce est en déclin. Elle symbolise la destruction croissante de l'habitat dans La majorité des îles tropicales qui présentent la plus grande richesse biologique au monde. IL existe encore des populations d'orangs-outans et des forêts viables, mais leur sécurisation nécessite plus que des investissements ciblés à l'intérieur et autour des aires mêmes. Il faudra également que les Etats et les territoires de Bornéo initient une action coordonnée et soutenue afin d'améliorer les modes d'utilisation des terres et la gouvernance locale et de faire face aux facteurs qui encouragent le défrichement et Le brûlis des forêts. À l'évidence, les autorités locales de certaines régions collaborent maintenant étroitement avec les populations locales pour sauvegarder leurs forêts, et la coopération transfrontalière est de plus en plus une réalité tant au plan bilatéral que lorsqu'elle est facilitée par l'Association des nations d'Asie du sud- est. On ne peut qu'espérer que ces actions se poursuivent et s'intensifient. Ancrenaz, M. Calaque, R., Lackman-Ancrenaz, I. (2004) Orang-utan nesting behavior in disturbed forest of Sabah, Malaysia: implications for nest census. /nternational Journal of Primatology 25 (5): 983-1000. Ancrenaz, M. Gimenez, O., Ambu, L., Ancrenaz, K., Andau, P., Goossens, B., Payne, J., Tuuga, A. Lackman-Ancrenaz, |. 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AUTEURS Kim McConkey, UNEP World Conservation Monitoring Centre Encadré 10.1 Julian Caldecott, UNEP World Conservation Monitoring Centre Encadré 10.2 Marc Ancrenaz, Isabelle Lackman-Ancrenaz et Ahbam Abulani, Hutan Foundation Encadré 10.3 John O. Rieley, University of Nottingham, Susan E. Page, University of Leicester et Suwido H. Limin, University of Palangkaraya L'ORANG-OUTAN DE SUMATRA | PONGO ABELII) CHAPITRE 11 L'orang-outan de Sumatra (Pongo abelii KIM MCCONKEY es orangs-outans de Sumatra (Pongo abelii Lesson, 1827] sont maintenant essentielle- ment confinés dans 11 à 13 blocs forestiers isolés, situés surtout au nord du Lac Toba dans l'île indonésienne de Sumatra (Carte 11.1]“. L'absence d'orangs-outans plus au sud résulterait de plusieurs centaines (voire milliers) d'années de chasse, même si leur présence était encore signalée au sud dans les années 30.* Ils vivent maintenant en majorité dans la province de Nanggroe Aceh Darussalam (ou Aceh]. Le plus grand nombre se trouve dans les plaines, à moins de 1000 m d'altitude, bien que des individus itinérants - généralement des mâles - soient parfois aperçus à de plus hautes altitudes. Les populations les plus viables se trouvent au nord de Sumatra, dans l'Écosystème Leuser Île vaste ensemble abritant Le Parc National du Gunung Leuser] d'Aceh et plus particulièrement dans les marécages côtiers et certaines plaines de la Vallée d'Alas.” Deux zones montagneuses de la Vallée d'Alas abritent également des populations d'orangs-outans, à savoir les « Hautes Vallées de Mamas » et le Plateau de Kapi. Les sols et écosystèmes de ces zones ressemblent à ceux observés dans les plaines, ce qui permet aux densités d'orangs-outans d'atteindre trois à six individus au kilomètre carré.” Deux populations isolées d'orangs-outans sont présentes plus au sud, une dans la région de Padang Sidempuan, Tarutung et Sibolga {bloc forestier de Batang Toru Ouest] et l'autre dans les forêts de l'est, appelées Sarulla Est” Quelques orangs-outans subsistent dans les marécages côtiers de Lumut, mais cette population est considérée comme peu viable.“ COMPORTEMENT ET ÉCOLOGIE Régime et comportement alimentaires Les orangs-outans de Sumatra n'ont aucun mal à repérer les arbres fruitiers et semblent maîtriser la topographie des larges espaces. Ils sont capables de reconnaître les espèces alimentaires clefs, posséderaient une carte mentale des sources alimentaires et auraient conscience des saisons de fructification. IL apparaît aussi qu'ils décryptent les différents signes indiquant la présence de fruits. Les orangs-outans observent le vol des calaos et selon Les observations, suivent leur trajectoire.” La disponibilité des fruits est Le déterminant essentiel du comportement et de La distribution des orangs-outans. Leur présence à des altitudes inférieures à 1000 m et leur répartition inégale dans de vastes espaces forestiers à faible altitude seraient régies par la présence de fruits à pulpe tendre. Les orangs-outans consomment divers types de fruits dont l'ensemble constitue l'essentiel de leur alimentation pendant plusieurs mois. Pendant trois ans, 58 % des prises alimentaires observées dans le site de Ketambe dans le Parc national de Gunung Leuser comportaient des fruits cueillis de 92 espèces d'arbres et lianes différentes.” Plusieurs de ces grands singes géné- ralement semi-solitaires peuvent se retrouver en même temps sur un arbre portant des fruits à la chair tendre et juteuse tel que Antiaris toxicaria (Moraceae}), Cyathocalyx sumatranus (Annona- ceae), Mallotus schaeorocarpus (Euphorbiaceael, Tinomoscium phytocrenoides (Menispermaceae), Garcinia spp. (Clusiaceae), rambutan Nephelium Lappaceum, et Xerospermum spp. [tous Les deux des Sapindaceae)."“ Ils aiment également les gros 203 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Carte 11.1 Répartition des orangs-outans de Sumatra {4% \Pulau Wen ne) BandaAceh à CA Er RN de Hutan Pinus/Jantho n ÿ Station de recherche 2 CHE EE de Ketambe TENBDUIMENN, Vallée de MAMAS Ancienne Station de recherche de Suaq Balimbing Ancienne Station de recherche de Bengkung Ancienne Station de Trumon\@ recherche de Soraya RN du Marais} Marais de demon TRUMON SINGKIL + Singkil Parc naturel de recréation de Kepulauan Banyak Distribution de l'orang-outan (animaux/knr) < 0,5 EM 05 - 10 Œ :0 - 15 15 - 2,5 Ecosystème Leuser Frontière d'Aceh La densité Varie avec l'altitude. La carte illustre les densités moyennes dans ces zones altiduninales où la présence des orangs-outangs serait avérée. Les parties hachurées représentent des zones de très faible densité. 96'°E 204 Références bibliographiques à la fin de ce chapitre recherche de Sikundur ES Ancienne Station de WEST BATANG TORU Marais Côtier de LUMUT PN de Batang Gadis lis mél: à ER Éd. ss fruits de plus de 71 cm* de volume comme le durian (durio spp., Bombacaceae) et Le jaquier (Artocarpus elastica, Moraceae), même si les fruits plus petits sont plus abondants et figurent plus souvent dans leur régime alimentaire.“ Dans les forêts marécageuses de Suaq Balimbing dans le Parc National du Gunung Leuser, les espèces ci-après portent presque en permanence des fruits : Tetramerista glabra (Tetrameristaceae], Sandori- cum beccarianum ([Meliaceae) et Neesia cf. glabra (Bombacaceae]. Leurs fruits constituent Les aliments de base des orangs-outans dans ces habitats.”°* S'il apparaît que le régime alimentaire des orangs-outans de Sumatra est soumis à des changements saisonniers, certains sites disposent presque continuellement de fruits de qualité, ce qui réduit donc beaucoup les variations mensuelles du régime.* Par exemple, au moins huit espèces de figuiers étrangleurs (Ficus spp., Moraceae) ont produit des figues huit mois sur douze à Ketambe.”“ Lorsque les fruits viennent à manquer, les animaux peuvent aller à la recherche de nouvelles sources alimentaires et se tourner vers des aliments moins recherchés,” à savoir Les écorces et les feuilles.” À Ketambe, Les figues constitueraient près de la moitié des fruits consommés par les orangs- outans.” Les figuiers étrangleurs sont très nombreux dans certaines zones et produisent en abondance et à intervalles relativement courts des fruits aisément digestibles. ”’“ Certaines espèces de figues sont préférées à d'autres et à Ketambe, il s'agit de Ficus annulata, F. benjamina, F. drupacea, F. stupenda et F. subulata Les graines sont généralement riches en matières grasses avec une teneur calorique élevée, afin de soutenir Le jeune plant après la germination. Comme ces qualités attirent aussi Les animaux, les graines des forêts tropicales sont Le plus souvent protégées par des coques dures ou des poils irritants. Grâce à Leurs dents et mâchoires puissan- tes,” à leur adresse manuelle et à leurs fortes mains, les orangs-outans peuvent surmonter ces défenses et recueillir les graines de diverses espèces, y compris Le fruit de Heritiera elata {Sterculiaceae].” Les orangs-outans de Suaq Balimbing utilisent également des outils pour extraire les graines hautement nourrissantes de Neesia cf. malayana**? (voir ci-dessous). La capacité à recueillir ces graines, couplée à la tolérance aux fruits non mûrs et acides, confère aux L'ORANG-OUTAN DE SUMATRA [ PONGO ABELII) orangs-outans un avantage sur les autres primates vivant dans La même forêt.” Les orangs-outans de Sumatra consomment aussi régulièrement des feuilles, qui constituent 5 à 25 % de leur alimentation.** Les grands singes mangent habituellement les jeunes pousses et les bourgeons, mais également les feuilles matures d'espèces sélectionnées.” Ils montrent aussi une tolérance élevée aux espèces généralement difficiles à consommer. À titre d'exemple, les orangs-outans mangent les feuilles de la grande ortie, Dendrocnide spp. (Urticaceae), en évitant soigneusement que leurs lèvres entrent en contact avec la surface de La feuille.” Ils consomment aussi des racines aériennes, des champignons épiphytes, des orchidées, des tiges des plantes grimpantes, des herbes et les galles des feuilles ; Les orangs- outans se servent également de leurs puissantes dents et mâchoires pour arracher l'écorce des arbres. Même le phloème et Le xylème du bois de certains arbres sont mangés."* Dix-sept espèces d'insectes au moins figurent au menu des orangs- outans. Ils consomment aussi de la terre, vraisemblablement pour en recueillir Les substances minérales nutritives ou (dans Le cas de l'argile riche en kaolin] pour soulager les douleurs d'estomac. L'alimentation carnée est rare chez les orangs-outans de Sumatra et ces cas sont considérés comme fortuits plutôt que résultant d'une chasse planifiée.“ L'étude des crottes réalisée pendant trois ans à Ketambe n'a pas révélé des restes de vertébrés ; cependant il peut arriver qu'un orang-outan mange des œufs d'oiseau ou parfois inspecte Les nids d'écureuil et mange les petits s'il en a l'opportunité.” Une femelle adolescente a été observée consommer un bébé gibbon ([Hylobates lar] où un Lloris (Nycticebus coucang),“ et en 20 ans, trois adultes femelles ont été vues consommer sept Loris à Ketambe et Suaq Balimbing.” Les loris sont des proies faciles, lentes (pourvues pourtant de dents tranchantes] et les orangs-outans auraient des difficultés à capturer des animaux plus rapides. Comportement relatif au domaine vital Un espace unique peut être utilisé par plusieurs orangs-outans ayant des comportements différents vis-à-vis du domaine vital. Comme il apparaît au Chapitre 9, certains observateurs les ont classés en trois catégories sociales à savoir Les ‘résidents’, Les ‘intermittents’ et les ‘vagabonds’.*’ Ces conclusions 205 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Les fruits constituent l'essentiel de l'alimentation de l'orang- outan tout au long de l'année. Ici, un orang- outan réhabilité de La province de Jambi à Sumatra savoure une papaye donnée par un membre de l’équipe de surveillance post- relâcher. 206 lan Singleton/SOCP résultaient des données recueillies à Ketambe où les ‘intermittents constituaient 60% de La population, les ‘résidents 30 % et Les ‘vagabonds' 10 %. Les données de Suaq Balimbing indiquent que la plupart des individus vivent dans des domaines vitaux vastes mais stables qui se chevauchent. À Suaq Balimbing, 16 femelles adultes, 9 mâles adultes et au moins 15 jeunes adultes mâles ont été vus utilisant une parcelle de forêt de 4 ha seulement, entourée par un réseau de chemin d'étude de 200 m. Des groupes de femelles apparentées partageant des territoires ont également été identifiés. Certains jeunes adultes mâles peuvent occuper de vastes espaces sans pour autant être des intermittents. Les comportements en matière de territoire peuvent être mieux décrits en termes de très vastes domaines vitaux dont certaines zones sont plus régulièrement utilisées que d’autres, dépendant de divers facteurs sociaux et écologiques. Les différences de comportement des populations d'orangs-outans en matière d'habitat peuvent être comme les forêts marécageuses de Suaq Balimbing qui offrent par exemple des fruits nourrissants en abondance et en permanence. fonction des ressources, Les domines vitaux des orangs-outans mâles sont toujours deux à trois fois plus grands que ceux des femelles. IL apparaît cependant que les mâles dominants vivent dans un domaine vital relative- ment petit pendant leur période de dominance au cours de laquelle ils essaient d'avoir un accès privilégié aux femelles réceptives.”’“ Les autres mâles adultes ou sub-adultes (sans disque facial) doivent rechercher des femelles dans un vaste périmètre, généralement en évitant les zones occupées par les mâles dominants. On ne sait pas exactement dans quelle mesure la taille du domaine vital et les déplacements de l'orang-outan de Sumatra sont influencés par la disponibilité de La nourriture.“ À Ketambe où le relief est accidenté, les orangs-outans qui ne restent pas dans une zone circonscrite se déplacent au gré de la présence de fruits à pulpe tendre sur les fortes pentes altitudinales.?? À Suaq Balimbing où le terrain est généralement plat, La plupart des principaux arbres fructifient en même temps; ici les déplacements quotidiens des orangs-outans sont faibles mais ils occupent de très larges territoires.” “? Les femelles occupent des territoires de près de 8,5 km” dans ces marécages, contre 3 km” seulement à Ketambe, alors que les sub- adultes et les adultes mâles occupent environ 25 km” dans les forêts marécageuses et 8 km? à Ketambe.”“ Les orangs-outans de Suaq Balimbing utilisent les forêts des zones de marécage et de colline pour tirer le meilleur parti des variations spatiales et temporelles des ressources alimen- taires. Les larges chevauchements des domaines vitaux observés dans la forêt marécageuse tiennent probablement au fait que les orangs-outans se partagent l'accès aux zones abritant un grand nombre de leurs arbres fruitiers favoris. Les déplacements liés à La nourriture ont lieu régulièrement pendant la fructification de masse {mast), lorsque les arbres de la famille des Dipterocarpaceae fleurissent simultanément, généralement avec plusieurs autres espèces, et donnent de la nourriture en forte abondance. Lors des saisons de fructification normale, les plaines ont tendance à produire davantage que Les pentes montagneuses, mais Lors d'une période de « mast » en 1997, des orangs-outans du Parc National du Gunung Leuser ont quitté les marécages pour les collines afin de mieux profiter de l'abondance de nourriture locale.” Comportement social Les orangs-outans se distinguent des autres grands singes en ce qu'ils ne semblent pas avoir d'unités ou de groupes sociaux distincts. C'est ainsi que les orangs-outans de Sumatra vivent dans ce qu'on appelle des communautés « lâches » formées d'un ou plusieurs groupes de femelles apparentées et du mâle adulte avec lequel elles préfèrent s'accoupler“* Les chercheurs ont relevé que les déplacements des membres de la communauté sont subtilement coordonnés et qu'à certaines occasions ils peuvent véritablement faire preuve de cohésion sociale.” Les liens mère-enfant sont très étroits chez les orangs-outans, mais ils s'affaiblissent progres- sivement avec l'âge ; quand le jeune atteint l'âge adulte, il devient essentiellement solitaire. Les relations entre adultes se résument La plupart du temps à des échanges de regards le plus souvent,” alors qu'il arrive que les jeunes jouent ensemble. À la maturité, les femelles ont tendance à rester près de l'endroit où elles sont nées et à maintenir des relations amicales avec les femelles locales dont elles sont probablement des proches parentes.” À Suaq Balimbing, non seulement les individus des groupes de femelles apparentées partagent un même territoire, mais elles semblent également coordonner la procréation; les naissances sont synchrones au sein d'un groupe, mais différentes entre Les groupes.‘ Après la séparation d'avec leur mère, les mâles s'éloignent et s'installent dans un territoire plus grand ou errent dans des espaces plus vastes, parfois bien au-delà de la forêt qui abrite La popu- lation qui Les a vu naître. Les sub-adultes peuvent se déplacer ensemble mais les adultes mâles [à disque facial) évitent généralement de se rencontrer. Lorsque c'est Le cas, de violentes agressions peuvent survenir et conduire à des combats potentiellement fatals.? Les sub-adultes et les mâles à disque occupent souvent des territoires qui se chevauchent et Les aînés tolèrent généralement les plus jeunes à condition qu'ils restent éloignés.” Les longs cris sont un des moyens majeurs par lesquels les orangs-outans peuvent maintenir les liens au sein de leurs communautés lâches. Ces cris portent très loin et permettent aux femelles et aux jeunes de situer l'endroit où se trouvent les L'ORANG-OUTAN DE SUMATRA [ PONGO ABELII) PA lan Singleton/SOCP mâles. Seuls les adultes matures peuvent pousser ce long cri qui «commence par une série de grognements sourds qui augmentent progressive- ment en intensité et s élèvent jusqu'à un puissant rugissement accompagné par un vigoureux secouement des branches. »’ Le sac laryngien se gonfle pendant le cri et joue Le rôle de caisse de résonance,” tandis que Les poils du mâle qui émet le cri se hérissent pendant l'appel. Ces cris sont lancés trois à quatre fois par jour. Les appels sont plus fréquents lorsque la densité des orangs- outans est importante.” Certains pensent que les excroissances sur les joues des adultes mâles permettent peut-être de centrer et d'orienter les longs cris et que la différence de ces excroissances entre les orangs-outans de Bornéo et Sumatra explique la différence de Leurs longs cris.? Les communautés d'orangs-outans se forment en fonction de l'abondance de la nourriture ou de l'attrait sexuel des femelles.“*'* Cependant, les fruits ne sont pas toujours suffisants pour nourrir un groupe d'orangs-outans, même sils Bien que Les orangs- outans de Sumatra passent plus de temps en groupe que ceux de Bornéo, ils mènent généralement des vies solitaires, les mâles vivant dans des espaces plus vastes que les femelles. 207 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Même si Le Lien entre La mère et l'enfant s’affaiblit au fur et à mesure que l'orang- outan grandit, Les femelles ont tendance à rester à proximité du domaine vital où elles sont nées. 208 lan Singleton/SOCP montrent une tendance à être grégaires.” Lorsque des individus se regroupent, c'est suivant l'un des trois modes suivants : M Les couples, où une femelle réceptive et un mâle se déplacent ensemble pendant une longue période ;”! MB Les agrégations temporaires qui surviennent lorsque des individus se nourrissent ensemble mais quittent le lieu d'alimentation séparément ; M Les groupesitinérants, où tous les individus se nourrissent au même endroit, le quittent ensemble et peuvent se rendre ensemble au lieu suivant. Etant donné que des sources alimentaires uniques doivent être divisées entre Les membres du groupe, les agrégations sont probablement plus coûteuses pour les individus formant le groupe. Néanmoins, ces formations offrent, pense-t-on, aux orangs- outans des opportunités d'accouplement, de protection des femelles du harcèlement des jeunes adultes et de socialisation des enfants.” À Suaq Balimbing, les femelles avec des enfants d'age moyen sont rarement rencontrées dans des groupes sociaux, et les males adultes sont rarement impliqués dans des agrégations sociales autres que les couples.” Toutefois, La forte densité dans les forêts marécageuses de Sumatra et leur sociabilité auraient facilité La transmission sociale de techniques, dont l'utilisation des outils”? (voir plus bas). La taille moyenne quotidienne d'un groupe est proche de 1,7 environ à Suaq Balimbing et de 1,5 à Ketambe ; des individus ont été vus en compagnie d'autres congénères pendant 68 % du temps dans le premier site et 54 % dans le deuxième.” Les associations en couples dureraient plus longtemps à Suaq Balimbing où plusieurs femelles ont aussi été vues convergeant vers un mâle, créant une grande agrégation reproductrice qui aurait attiré également Les sub-adultes.” Toutes ces différences sont attribuées à l'abondance et à la plus grande disponibilité des fruits dans les forêts maré- cageuses de Suaq Balimbing qui permettent effectivement aux orangs-outans d'avoir un comportement plus sociable en levant l'un des problèmes liés à La proximité, à savoir l'insuffisance et La concurrence pour les aliments.” Utilisation des outils Les orangs-outans sauvages de Sumatra ont été observés utilisant 54 outils différents pour attraper des insectes et recueillir Le miel, et 20 autres pour ouvrir où préparer les fruits.” Selon des estimations prudentes, les outils sont utilisés dans 65 % des prises alimentaires à Sumatra.‘ Des baguettes de bois sont utilisés pour extraire les termites et d'autres insectes sociaux” et pour atteindre les graines nourrissantes des fruits de Neesia cf. malayana.” Les graines de Neesia sont riches en matières grasses mais sont protégées par une grande capsule ligneuse très dure, à cinq angles. Quand il arrive à maturité, le fruit s'ouvre, découvrant despoils irritants au milieu desquels se trouvent des rangées de graines. Pour les atteindre, l'orang-outan tient dans sa bouche un morceau de bois dépouillé de son écorce qu'il frotte à l'intérieur du fruit pour en déloger les graines. Cette technique peut être utilisée dès l'apparition de la première fissure dans la capsule. Plus tard dans la saison, un arille (expansion charnue qui enveloppe la graine) riche en matières grasses se développe, que les orangs-outans ôtent en utilisant leurs mains. L'utilisation des outils n'a été observée que dans les forêts marécageuses de Sumatra et jamais jusqu'alors dans aucune forêt sèche ; elle a été observée à plusieurs reprises à Suaq Balimbing et est attestée par la forme des fruits tombés dans lesquels les outils sont encore plantés, dans les marécages de Singkil et Tripa“ (voir Encadré 11]. Construction des nids Les orangs-outans de Sumatra dorment dans des nids et en construisent généralement un nouveau chaque soir. Ils entrelacent branches, brindilles et feuilles, ce qui leur prend normalement quelques minutes mais peut parfois durer jusqu'à 20 minutes. Cependant, 5 % des nuits sont passées dans des vieux nids que l'orang-outan trouve au moment de commencer sa nuit, auquel cas seule la litière est refaite. Le nid d'un soir n'est essentielle- ment destiné à ne servir que cette nuit Là, mais il peut arriver que l'orang-outan y joue ou s'y repose également le jour suivant. Les enfants partagent le nid de leurs mères jusqu'au sevrage. Les orangs-outans de Sumatra construisent aussi parfois des nids dans lesquels ils se reposent durant le jour. Ils recouvrent souvent leurs nids de feuilles et de brindilles quand il pleut et ils ont été vus tenant une feuille ou plusieurs branches au- dessus de leurs têtes pour se protéger du soleil ou de La pluie.” Développement et reproduction Les orangs-outans mâles atteignent généralement la puberté à l'âge de 14 ans, même si certains sont précocement matures à 5 ans, et d'autres tardive- ment à 16 ans. Comme il est décrit au Chapitre 9, les mâles des deux espèces d'orangs-outans subissent un processus de maturation complexe, certains devenant pleinement matures, ou avec « un disque facial » (renflement des joues) avant d'autres qui peuvent attendre de nombreuses années avant de développer ces caractères sexuels secondaires. Les mâles qui présentent un disque facial sont plus corpulents, plus agressifs, dominent les autres et sont les mâles que les femelles adultes semblent préférer. Les orangs-outans femelles de Sumatra atteignent en général La maturité cinq années avant les mâles et elles produisent des petits tous les huit ans.** Leur cycle menstruel dure un mois environ. Contrairement aux chimpanzés et bonobos, les L'ORANG-OUTAN DE SUMATRA | PONGO ABELII) femelles orangs-outans ne présentent pas un renflement du périnée pendant la période ovula- toire au milieu du cycle, mais c'est leur comporte- ment qui indique qu'elles sont en période féconde car elles recherchent activement des contacts sexuels avec les mâles qu'elles ont choisi.” Les mâles portant un disque facial s'accouplent habituellement avec des femelles au cours d'une relation particulière. C'est la femelle qui initie Les avances en général.” Les mâles sollicitent activement des relations sexuelles avec des femelles fécondes lors de parades par des postures et en exhibant leur pénis. Les alliances peuvent durer jusqu'à trois mois à Sumatra et plusieurs femelles peuvent se réunir autour d'un même mâle au même moment, contrairement aux alliances plus courtes et exclusives observées à Bornéo.“” Les mâles dominants s'accouplent aussi de force avec des femelles, même si cela est rare à Sumatra Les copulations pendant une relation exclusive ont une plus forte probabilité de conception car le mâle reste avec la femelle pendant toute la période féconde. Les femelles peuvent s'accoupler avec plus d'un mâle au cours du cycle menstruel, et ne concevoir qu'après plusieurs cycles.® À l'exception des bonobos, les comportements homosexuels sont peu fréquents chez les grands singes sauvages. Chez les orangs-outans, ce comportement n'est observé qu'entre les individus captifs ou réhabilités. Au cours d'une étude de 9 000 heures, des contacts où attouchements génitaux Forêt exploitée de manière sélective et en cours de régénération, contigué au Parc National de Bukit Tiga Puluh. Après deux décennies, cette aire s'est suffisamment reconstituée pour servir de site approprié de réintroduction des orangs-outans réhabilités. Le personnel les surveille dans Le cadre du programme post-relâcher. 209 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 210 Encadré 11.1 CULTURE ET SOCIALITÉ CHEZ LES ORANGS-OUTANS DE SUMATRA Les orangs-outans, comme les chimpanzés [voir Encadré 4.3), semblent avoir des cultures simples : des variations comportementales entre les populations sauvages qui ne sont pas aisément attribuables aux différences écologiques et seraient plutôt Le résultat d'un apprentissage social. Lorsque les chercheurs de tous Les sites d'étude des orangs- outans ont comparé leurs répertoires comporte- mentaux, 17 variantes comportementales ont été identifiées dans un site au moins mais absentes dans un autre, en dépit de l'absence de différences écologiques claires et pertinentes. Chaque population d'orangs-outans étudiée a révélé une série unique de comportements culturels. Cette étude comparative a porté sur les orangs- outans de Sumatra et de Bornéo. Certains des comportements apparemment culturels étaient exclusifs à l'une ou l'autre île. À titre d'illustration, les ‘nids superposés {construction d'un nid complet au- dessus pour préserver un nid occupé au-dessous de la pluie] et le ‘cri percant avec une feuille’ {qui consiste à tenir une feuille devant La bouche en poussant un cri d'alarme] n'ont été observés qu'à Bornéo, tandis que la manipulation d'outils dans les trous d'arbres {utilisation d'une brindille pour fouiller Les trous des arbres à la recherche d'insectes ou de miel) et La ‘branche-cuiller [utilisation d'une branche feuillue pour puiser de l'eau dans le creux d'un arbre] n'ont été vus que chez une population de Sumatra. Aucun de ces comportements culturels n'était typique de lune ou l'autre espèce - en d'autres termes, aucun comportement n'était universel dans une île et absent dans l'autre. Les plus intéressants seraient peut-être les comportements qu'on verrait chez une où plusieurs populations sur les deux îles, mais qui seraient absents dans une autre population au moins dans chacune des îles. Ces comportements incluent le sifflement au nid’ (sifflement émis en soufflant à travers les lèvres pincées, vu et entendu lorsque lorang-outan achève la construction d'un nid) et Le ‘parasol {les orangs-outans empilent les feuilles et les branches au dessus du nid et d'eux-mêmes pour se mettre à l'ombre les jours chauds et clairs). Suaq Balimbing est une forêt basse maré- cageuse et Ketambe une forêt primaire de montagne et riparienne ; ces sites de recherche se trouvent tous deux dans le Parc National du Gunung Leuser au nord de Sumatra; ils abritent les populations d'orangs-outans de Sumatra les mieux étudiées, représentant deux des trois populations qui affichent manifestement des variations dans leurs comportements culturels [sept et quatre respectivement). Comme le présente brièvement le tableau ci- dessous, il existe des différences culturelles distinctes entre les deux populations. À Suaq Balimbing, les orangs-outans utilisent régulière- ment aussi bien des outils alimentaires (dans les trous des arbres et pour extraire les graines des fruits de Neesia sp] et les ‘branches-cuillers’. Ils émettent aussi le sifflement au nid’, pratiquent la ‘morsure de la brindille’ [en passant les deux extrémités des brindilles devant la bouche où leur donnant effectivement un coup de dent avant de les introduire dans la litière du nid) et le ‘grattement Comportements susceptibles d’avoir une origine culturelle, observés chez les orangs-outans de Sumatra à deux endroits Comportement Suaq Balimbing Ketambe Utilisation d'outils dans Les trous des arbres Coutumier*® Absent (sans raison écologique) Utilisation d'outils pour l'extraction des graines Coutumier Absent (avec raisons écologiques) Branche-cuiller Habituel Absent (sans raison écologique) Sifflement au nid Coutumier Absent (sans raison écologique) Morsure de la brindille Coutumier Absent (sans raison écologique) Grattement symétrique Coutumier Rare Cri perçant avec la main Habituel Coutumier Tampon de feuilles Absent [avec raisons écologiques) Habituel Outil auto-érotique Absent (sans raison écologique) Coutumier Parasol Absent (sans raison écologique) Habituel a coutumier indique une fréquence d'occurrence plus importante que ‘habituel’ L'ORANG-OUTAN DE SUMATRA | PONGO ABELII) William H. Calvin (wwwwilliamcalvin.com] ECS William H. Calvin (www.williamcalvin.com) Bien que seul l'orang-outan de Sumatra ait été vu utiliser des outils dans La nature, les deux espèces utilisent des outils en captivité. symétrique’ [mouvements de grattements lents, exagérés des deux bras, qui ressemblent à la callisthénie ou au T'ai Chi]. À Ketambe, Les orangs- outans utilisent des tampons de feuilles {le fait de tenir des feuilles pour se protéger les mains au moment de manipuler les fruits épineux], les ‘outils auto-érotiques (un bâton utilisé pour stimuler leurs organes génitaux) et des ‘parasols. Les deux populations d'orangs-outans émettent le ‘cri percant avec la main’ [tenir La main à plat ou en poing près de La bouche en poussant ce cri).? Plus de 30 ans après que Jane Goodall ait pour la première fois révélé l'utilisation d'outils pour salimenter chez les chimpanzés de Gombe, les orangs-outans de Suaq Balimbing sont la première {et jusqu'ici La seule) population sauvage d'une autre espèce de grands singes qu'on a vue utiliser régulièrement les brindilles comme des sondes pour se nourrir®! IL a été établi que Les populations de primates qui utilisent régulièrement et systématiquement des outils pour se nourrir font preuve d'une plus grande tolérance sociale.” Une étude des différences individuelles dans la fréquence d'utilisation des outils chez les femelles de Suaq Balimbing le confirme, montrant notamment que le temps passé avec d'autres orangs-outans adultes à une distance de moins de 50 m influence positivement l'utilisation d'outils Une comparaison plus détaillée des interactions sociales à Suaq Balimbing et Ketambe 60 a été réalisée pour éprouver davantage cette théorie. Les orangs-outans de Suaq Balimbing et de Ketambe sont réputés plus sociables que toute autre population d'orangs-outans de Bornéo jamais étudiée : les mesures initiales du temps passé avec les autres orangs-outans à des distances inférieures à 50 m ont relevé peu de différences Des analyses plus approfondies ont révélé que les orangs-outans de 26,59 entre ces deux sites. Suaq Balimbing qui utilisent des outils passent davantage de temps à proximité d'autres individus [à moins de 10 m et particulièrement à moins de 2 m de distance] ; ils permettent également à un grand nombre de partenaires sociaux divers d'approcher aussi près.” Cela laisse penser que le fait de laisser s'approcher les partenaires sociaux est un facteur important dans la propagation et La préservation de l'utilisation régulière des outils pour l'alimentation par l'apprentissage social chez les populations d'orangs-outans. La nature beaucoup plus grégaire des orangs-outans de Sumatra par rapport à ceux de Bornéo peut expliquer pourquoi les populations de Sumatra affichent une plus grande variété de comportements culturels. Les orangs-outans de Sumatra ont des occasions plus fréquentes d'observer et d'apprendre des autres, de sorte que les comportements nouveaux peuvent se répandre relativement plus rapidement dans La population. Michelle Merrill 211 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Le fleuve Ketambe près du confluent avec le fleuve Alas, dans Le Parc National du Gunung Leuser, Sumatra. 212 ont été observés entre individus de même sexe deux fois à Suaq Balimbing et il s'agissait de deux jeunes adultes qui se déplacaient en bande." Ces interactions étaient accompagnées de cris percants (ce qui est généralement un signal d'alarme) et de secouement des branches, ce qui dénotait une tension sociale concurrentielle. Une autre inter- action entre mâles adolescents a été observée à Ketambe ; mais ce comportement était plutôt amical et affiliatif.\! IL existe trop peu de cas pour suggérer une fonction particulière au comporte- ment homosexuel chez les orangs-outans. Les jeunes mâles sans disque facial peuvent essayer de s approcher de femelles potentiellement réceptives mais lorsque ces dernières sont prêtes à concevoir, elles se tournent vers un mâle dominant et forment un couple avec lui. Le mâle dominant à disque est capable d'empêcher les sub-adultes Serge Wich sans disque sauf les plus déterminés, de s'accoupler avec elle. Ces jeunes peuvent copuler de force avec des femelles disponibles quand ils en ont l'occasion,” et suivront de près les femelles pendant de longues périodes, les gênant dans leur quête de nourriture." Une femelle qui porte un enfant peut éprouver des difficultés à s'échapper ; quoi qu'il en soit, même un mâle sub-adulte est plus massif qu'une femelle adulte. Au cours de ces accouplements forcés, la femelle essaie activement de s'échapper pour trouver protection auprès d'un mâle adulte s'il y en a un à proximité, sans néces- sairement s'accoupler avec lui. La période de gestation de l'orang-outan dure 245 jours, soit un peu plus de huit mois.” Les enfants sont portés par leurs mères pendant de nombreuses années et ils peuvent continuer à téter jusqu'à cinq ou six ans.“ Le rythme de reproduction de l'orang-outan est le plus faible de tous les primates, et l'un des plus faibles de tous les mammifères? Les petits sont portés ventro- latéralement et peuvent s'amuser avec leurs mères et parfois partager leur nourriture. Dès 11 mois, ils commencent à chercher eux-mêmes leur nourri- ture.” Les individus encore immatures quittent leurs mères et peuvent s'éloigner de leur domaine entre sept et dix ans. Les individus sauvages des deux espèces d'orangs-outans peuvent atteindre 45 ans,” et les récentes analyses des données recueillies pendant plus de 30 ans à Ketambe montrent qu'ils peuvent bien vivre au-delà de 50 ans.“ Si Les mâles sont plus nombreux à la naissance, à l'âge adulte Les femelles sont en plus grand nombre, dans certaines régions du moins, ce qui indique une mortalité accrue des mâles pendant leur dispersion.“ Faire face aux perturbations L'exploitation sélective du bois a un impact négatif sur la densité des orangs-outans,*' mais peu d'évaluations ont été réalisées sur les changements de comportement et l'adaptation écologique des orangs-outans de Sumatra aux perturbations forestières. Les individus qui essaient de demeurer dans leurs domaines sont exposés à des risques de blessures et de mortalité plus importants quand ces espaces sont exploités. S'il leur est possible de s'éloigner du site d'opérations forestières, alors la plupart des individus le feront. Mais si les populations d'orangs-outans s'approchent de la capacité de charge des forêts dans lesquelles elles vivent, L'ORANG-OUTAN DE SUMATRA | PONGO ABELII) Tableau 11.1 Stratégies d'alimentation de grands singes sympatriques dans l'aire de Ketambe Caractéristiques des espèces Hylobates Symphalangus Pongo Poids (kg) 6-8 10-13 30-70 Territorialité territorial territorial domaines chevauchants Domaine [km] 0.4 0.2 2-10+ Heure de réveil 05h00-06h00 06h00-07h00 07h00-08h00 Vitesse de déplacement très rapide rapide très lent Distance/jour (m) 1250-1 500 400-800 500-900 Quantité de nourriture consommée petite moyenne très grande Stratégie écologique alimentation sélective ; compétition moins sélectif dans préfère les petites figues sucrées” agressive l'alimentation, stocke les excédents d'énergie sous forme de tissus adipeux Fruits (% dans l'alimentation] 56 52 60 Feuilles (% dans l'alimentation] 34 40 34 alors l'arrivée massive de nouveaux individus dans une aire entraîne la surpopulation, le stress et très probablement la famine, autant chez les réfugiés que chez les populations résidentes.” Les aires dans lesquelles la population originale n'atteint pas la capacité de charge sont celles qui ont été probablement soumises à l'exploitation forestière ou à la chasse. La mise en parallèle des résultats des recensements des nids dans les forêts exploitées et non exploitées à Ketambe a montré que les populations d'orangs-outans ont décliné de 40 %, correspondant aux 40 % de déclin enregistré dans la disponibilité des fruits à pulpe tendre.” Les grands singes restant dans l'espace perturbé mangeaient davantage de feuilles, se déplaçaient plus et se reposaient moins et durant des périodes plus courtes. Ils étaient contraints de se déplacer sur Le sol en raison des trouées dans La canopée, ce qui exige une dépense d'énergie plus importante pour un animal aussi bien adapté à La vie dans les arbres. Toutefois, lorsque l'exploitation de la zone est stoppée après quelques temps et si les orangs-outans sont toujours dans les environs, la population peut se rétablir Dans la zone de Sekundur du Parc National du Gunung Leuser le bois était prélevé dans Les années 70 au rythme de 11 arbres matures par hectare. Après cinq ans, plus de la moitié des arbres portaient encore des signes de dommages. En 2001, la densité des arbres, la disponibilité des fruits et La densité des Adapté de Rijksen, H.D. [1978] À Field Study on Sumatran Orangutans {[Pongo pygmaeus abelii Lesson 1827]. H. Veenman and Sons, Wageningen orangs-outans étaient redevenues semblables à celles de la forêt originelle ailleurs dans le parc." On ne saurait dire si le nombre total des orangs- outans a atteint Les niveaux antérieurs aux coupes, ou si Les orangs-outans restants se sont dispersés pour exploiter les ressources disponibles, mais il est, clair que l'habitat s'est suffisamment reconstitué pour supporter le même nombre d'orangs-outans qu'une forêt non exploitée. On en sait encore moins sur la manière dont les orangs-outans de Sumatra font face à l'agriculture itinérante et à la conversion des terres en plantations. Ils pénètrent dans les plantations ou les jardins qui peuvent fournir de La nourriture, mais ils n'y vont pas exclusivement. Certaines populations isolées de Sumatra survivent dans des champs d'hévéa avec très peu d'arbres forestiers Le long des lits de certaines vallées. Ces individus sont des survivants affectés par la rapide expansion des plantations de palmiers à huile. Toutefois, s'ils n'étaient pas dérangés, ils pourraient survivre en petit nombre (certains procréent encore) bien qu'ils soient progressivement exterminés car considérés comme des bêtes nuisibles. La plupart des populations d'orangs-outans ne pourraient probablement pas survivre à long terme dans des forêts gravement fragmentées, car leur régime alimentaire essentiellement frugivore exige qu'ils vivent dans de larges domaines pour avoir suffisamment de fruits.” 213 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Au sud des provinces septentrionales de Sumatra et d'Aceh, les seuls orangs-outans de Sumatra vivant en liberté se trouvent autour du Parc National de Bukit Tiga Puluh, Jambi, où plus de 50 orangs-outans anciennement captifs ont jusqu'ici été réintroduits par Le Programme de Conservation de l'Orang- outan de Sumatra, et sont maintenant en phase de reproduction. 214 Type d'habitat Tableau 11.2 Densités d'orangs-outans de Sumatra dans différents habitats PE] e . 31 Densité dans divers sites Densité dans Nombres de sites Densité l'écosystème Leuser“ Plaine inondable et marécage tourbeux 3 6,9 (4,5-7,0 3-5 (max. 7+] Forêt et bassins alluviaux 3 3,2 (3,0-5,5 - Forêt secondaire et exploitée sélectivement 2 1,2 (1,1-1,3 - Hautes terres [forêt de colline et de diptérocarpacées) 6 1,1 (1,0-2,2 1,0 Forêts sub-montagneuses et montagneuses 5 0,7 (0,4-1,2 3 (max. 6)? © Dans la haute Vallée d'Alas Adapté de Rijksen, H.D., Meijaard, E. (1999)% et van Schaik, C.P, et al. (2001].# Rôle écologique Étant donné l'importance des fruits dans l'alimen- tation de l'orang-outan, il est probable que son rôle écologique majeur concerne la dispersion de graines. Toutefois, on ne sait rien, ou presque, de cet aspect de l'écologie de l'orang-outan de Sumatra, au-delà des 96 échantillons de déjections analysés par Herman Rijksen,” dont 44 % contenaient des graines intactes. Ce sujet est traité dans Les Chapitres 2 et 10. Nos connaissances limitées sur leur frugivorie ou la dispersion des graines ne nous permettent lan Singleton/SOCP © Nombre d orangs-outans en moyenne au km, suivi entre parenthèses des données sur le territoire, quand elles sont disponibles ; pas de déterminer le rôle écologique des orangs- outans de Sumatra par rapport aux autres espèces. Les orangs-outans partagent leur milieu avec plusieurs espèces frugivores de taille égale ou supérieure, tels que les éléphants (ÆElephas maximus]), les rhinocéros (Dicerorhinus sumatren- sis}, les ours de Malaisie (Helarctos malayanus] et dans des parcelles de forêt au sud du Lac Toba uniquement, les tapirs (Tapirus indicus). Ces espèces jouent peut-être un rôle moins important que celui des orangs-outans dans la dispersion des graines mais on ignore pratiquement tout de leur rôle ou du degré de similarité de leur régime alimentaire avec celui des orangs-outans. Les éléphants et les rhinocéros peuvent ingérer et transporter de plus grosses graines que les orangs- outans, et les tapirs sont considérés comme de bons disperseurs de graines dans les forêts néo tropicales, ** tout comme les ours de Malaisie à Bornéo.” Parmi les autres primates, le siamang (Symphalangus syndactylus\) dont la taille représente 15 à 30 % de celle d'un orang-outan, est aussi probablement capable de disperser un grand nombre de graines identiques. Interactions avec Les autres animaux Les ressources alimentaires d'une forêt sont si limitées que les espèces animales sympatriques sont forcées de développer leurs propres niches écologiques afin de réduire La compétition. Excepté lorsqu'ils se nourrissent des fruits produits par les gros figuiers étrangleurs qui attirent un grand nombre d'animaux, les orangs-outans partagent généralement certains de leurs fruits préférés avec cinq espèces environ de primates de taille moyenne. Quelle que soit la forêt de plaine considérée, elles font généralement partie des espèces suivantes: Les macaques à queue de cochon [Macaca nemestrina] ; les macaques crabiers (M. fascicularis) ; cinq espèces de langur (Presbytis spp., Trachypithecus spp.) ; et trois gibbons (deux petites espèces de Hylobates et les grands siamangs).” Tous ces primates consomment des figues ainsi que d'autres fruits et des feuilles ; ils sont actifs dans la canopée, les seules différences étant au niveau de la sélection des aliments et de La taille du territoire. À l'exception du siamang, tous se nourrissent pacifiquement les uns avec les autres dans le même arbre. À Ketambe, des femelles et jeunes orangs-outans ont été attaqués par les siamangs, mais apparemment par certains individus seulement. Les orangs-outans de Ketambe n'hésitent généralement pas à s'approcher des arbres dans lesquels Les siamangs sont en train de manger.” Les langurs ont des estomacs à saccules permettant la fermentation et donc de consommer des feuilles plus matures que d'autres primates ne le peuvent. Même s'ils sont capables de casser les fruits à enveloppe dure comme des orangs-outans, ils évitent la pulpe sucrée recherchée par les orangs-outans, les gibbons, les siamangs et les macaques."“ Les orangs-outans se distinguent également des autres primates par leur plus grande tolérance aux fruits immatures ou acides.“ Les deux espèces de macaques présentes à Sumatra diffèrent de tous les autres primates - et l'une de l'autre - dans leur manière d'occuper les espaces. Les macaques crabiers vivent en larges bandes dans de petits territoires proches des fleuves où ils demeurent, sauf si Les fruits sont plus abondants ailleurs ; les macaques à queue de cochon ont de vastes domaines et parcourent de longues distances au sol dans les forêts loin des grands fleuves.**#%0 Les orangs-outans et Les gibbons occupent Les niches écologiques les plus semblables, mais ont quand même des caractéristiques qui minimisent la concurrence (Tableau 11.1]. Les plus petits gibbons (Hylobates spp.) sont plus sélectifs dans leur alimentation, ils se lèvent plus tôt dans la journée et demeurent dans de petits territoires (en général de 0,5 km” ou moins] qu'ils défendent contre leurs congénères. Les orangs-outans consomment de grandes quantités de fruits à un moment donné et stockent l'excédent d'énergie sous forme de graisse. Les siamangs ont des caractéristiques intermédiaires.” Les orangs-outans sont indifférents aux espèces non primates et s'alimentent généralement L'ORANG-OUTAN DE SUMATRA { PONGO ABELII) Orangutan Foundation Orangutan Foundation pacifiquement dans les arbres en leur compagnie. Les roussettes (Pteropus spp.) peuvent changer leurs aires de repos périodiquement, ce qui peut se traduire par une arrivée massive de chauves-souris dans une zone. Elles établissent leurs terrains d'alimentation dans les arbres et peuvent y rester pendant la journée, empêchant les orangs-outans d'y accéder, quand bien même ce serait un figuier. Les binturongs (Arctictis binturong) ont tendance à éviter les arbres fruitiers dans lesquels se nour- rissent Les orangs-outans.” Les hommes semblent être les seuls préda- teurs réguliers des orangs-outans adultes, même si leur mode de vie presque exclusivement arboricole suggère un risque de prédation par les tigres (Panthera tigris sumatrae].” En 1975, le corps d'un vieux mâle orang-outan qui, semblait-il, venait d'être tué par un tigre avait été découvert.* L'exploitation forestière et minière, comme ici, à l'intérieur et autour du Parc National de Tanjung Puting en Indonésie a un effet dévastateur sur l'habitat des orangs-outans dans toute l'Asie du sud-est. 215 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Un orang-outan de Sumatra avant la confiscation en décembre 2003 trouvé dans une cage dans la cour arrière d'un restaurant à Desa Petai dans la province de Riau. On a trouvé plus tard qu'il avait des plombs de chasse dans l'abdomen. 216 lan Singleton/SOCP Le tigre de Sumatra lui-même est classé dans la catégorie « En Danger Critique d'Extinction » dans la Liste rouge des espèces menacées d'extinction, l'espèce ne comptant plus que quelques centaines d'individus en 2004. Les panthères longibandes (Neofelis nebulosal et les dholes où chiens sauvages d'Asie (Cuon alpinus] attrapent parfois des jeunes orangs-outans.” IL n'existe pas de léopard de l'espèce Panthera pardus à Sumatra ni à Bornéo. CONDITIONS D'HABITAT Les orangs-outans de Sumatra sont nombreux dans les forêts des plaines inondables, des bassins alluviaux et des marécages d'eau douce et de tourbière (Tableau 11.2] où leur densité peut parfois atteindre 10 individus au kilomètre carré.* Leurs densités sont moyennes dans les forêts de diptérocarpacées des basses terres et des hautes terres, et souvent très faibles dans certaines forêts sub-montagneuses et montagneuses“! Les orangs-outans sont également présents dans certaines forêts secondaires. Les zones soumises à une exploitation sélective abritent peu d'orangs- outans par rapport aux zones non exploitées ayant une formation forestière comparable ; La baisse est fonction de l'intensité de l'exploitation dans la zone.” La répartition actuelle des orangs-outans semble déterminée par deux principaux facteurs - la disponibilité des fruits favoris et la présence humaine. La chasse par les hommes serait responsable de la totale disparition des orangs- outans dans certaines régions de Sumatra et leur déclin continu coïncide avec l'occupation humaine et le défrichement accru de leurs habitats forestiers. Ces grands singes survivent mieux dans des zones à fable densité humaine.” Les fleuves larges de plus 10 m et de plus de 60cm de profondeur limitent également les déplacements des orangs-outans. Les orangs-outans préfèrent les fruits à chair tendre et la présence de ces fruits est un excellent indicateur de La densité des orangs-outans :“ ce qui explique que les densités soient faibles en haute altitude et dans Les forêts récemment exploitées,” ainsi que l'abondance très variable dans des types d'habitat particuliers.” Certaines espèces de fruits sont plus importantes que d'autres. Les lianes représentent 17 % de toute la nourriture végétale des orangs-outans (fruits et feuilles) à Ketambe et sont également un important moyen de locomotion utilisé dans les arbres.” Les figuiers étrangleurs produisent de grosses récoltes de fruits à des intervalles réduits, apportant aux grands singes une source régulière d'aliments ; dans certaines forêts marécageuses de Sumatra, les espèces de Tetramerista, Sandoricum, et Neesia remplissent aussi cette fonction.” Une forêt tropicale peut être percue comme «une immense mosaïque de communautés végétales de différentes compositions »‘', chaque parcelle ayant une importance spécifique pour un orang-outan en quête de nourriture. Les parcelles les plus riches se trouvent dans les marécages, les plaines inondables et Les forêts de tourbière situées entre les cours d'eau majeurs, et dans un rayon de 10 à 15km autour de ces habitats. Ces zones abritent une grande variété d'arbres alimentaires productifs ; 30 à 50 % des arbres produisent en général des fruits que consomment les orangs- outans, et 10 % de ces arbres fructifient chaque mois. Toutefois, des parcelles de moindre qualité existent dans ces habitats propices aux orangs- outangs. On a estimé que 50 % seulement d'une forêt marécageuse constituait un habitat approprié pour les orangs-outans.” Par contre, les zones plus sèches éloignées des fleuves ont une végétation dominées par les diptérocarpacées dont les graines sont dispersées par le vent, avec seulement quelques arbres qui produisent régulièrement des fruits. Seuls 35 % environ de ces zones constitueraient un habitat ! Lors des approprié pour les orangs-outans.” périodes de fructification surabondante des dipté- rocarpes {« masting »] qui interviennent par cycles de plusieurs années, les orangs-outans se déplacent vers ces zones sèches pour profiter des graines riches en matières grasses ainsi produites. Le Chapitre 10 décrit et discute la fructification surabondante des diptérocarpes. Au-delà de 1000 m d'altitude, les densités d'orangs-outans de Sumatra diminuent notable- ment, même si on observe occasionnellement des poches de forte densité dans les vallées d'altitude. Des mâles vagabonds' ont été vus jusqu'à 1 500 m d'altitude, mais ces zones ne peuvent supporter des populations reproductrices.* Ces limites altitudi- nales reflètent essentiellement la répartition des types d'aliment préférés : c'est-à-dire, La limite extrême de nombreux arbres dont les fruits sont consommés régulièrement par Les orangs-outans. Les populations viables d'orangs-outans vues sur les deux hauts plateaux de la Vallée d'Alas vivraient grâce aux sols moins acides sur lesquels les figuiers sont anormalement abondants.“ La surface pouvant supporter une population viable d'orangs-outans de Sumatra varie selon la qualité de l'habitat. Les interrogations persistantes sur leurs systèmes sociaux et d'occupation du territoire ne permettent pas vraiment de l'estimer avec précision.“ Les domaines vitaux mesurent généralement de 5 à 25 km” ou plus pour les mâles et de 1 à 10 km’ pour Les femelles.“ Les territoires les plus peuplés couvrent des zones de forêts L'ORANG-OUTAN DE SUMATRA | PONGO ABELII) 100 des mâles sub-adultes, et 33 seulement des adultes mâles. Sur les 33, sept au maximum deviendraient dominants quelle que soit La période considérée et ils contribueraient donc de facon significative à la reproduction et au patrimoine génétique. En 2002, les orangs-outans de Sumatra n'occupaient que 13 blocs de forêt primaire pour une superficie totale de 20 500 km’. Seuls 9 000 km’ se trouvaient à une altitude suffisamment basse pour supporter en permanence une population viable d'orangs-outans.* Quatre blocs uniquement supportaient plus de 500 individus (voir ci-dessous). ÉTAT DE LA POPULATION, ÉVOLUTION ET MENACES Attitudes et traditions humaines Les hommes du paléolithique se seraient installés le long de la côte orientale de Sumatra et des grands fleuves il y a 80 000 ans environ. D'après les vestiges archéologiques découverts dans les grottes des hautes terres de Padang à l'ouest de Sumatra, ces peuples consommaient les orangs- outans en quantités relativement abondantes. °! Sept peuples de chasseurs-cueilleurs auraient vécu à Sumatra : Les Abung, les Kubu, les Mamaq, les Sakai, Les Akit, Les Lubu et Les Ulu.” Ces peuples vivaient surtout sur le versant Est de la chaîne montagneuse de Bukit Barisan, occupant Les berges Tableau 11.3 Déclin de La population d’orangs-outans depuis 8000 av. J.-C. marécageuses et de collines. Les chevauche- Année Nombre estimatif des Déclin par rapport à D É De de Sumatra l'estimation antérieure ments de territoires varient considérablement ‘ 8000 av. J.-C. 380 000 - selon les habitats et sont plus nombreux dans les à ; 1900 85 000 78 % zones où abonde la nourriture. TEE 21200 5% D'après les estimations les plus récentes, 250 - 2001-2002 7 334 41% à 500 individus pourraient former une population viable,“ qui aurait besoin d'un bloc forestier de 50 à 600 km, selon Les types d'habitats.” En réalité, des espaces plus grands sont nécessaires compte tenu de l'inégale répartition de la distribution des orangs-outans. |l est possible d'estimer Le nombre d'orangs-outans qui pourraient vivre dans un espace forestier de 100 km’ d'une qualité similaire à celle de Suaq Balimbing, dans l'hypothèse où les systèmes d'occupation de l'espace seraient également semblables.” Si La taille des territoires et le degré de chevauchement pour chaque classe d'âge/sexe nous donnent une densité de 7,25/km°, alors 100 km? peuvent supporter 725 orangs-outans au total, dont 229 seraient des femelles adultes et D'après Rijksen, H.D., Meijaard, E. (1999)! et Singleton, |. et al. eds (2004). Tableau 11.4 Structure estimée de La population d’orangs-outans de Sumatra Taille de La population survivante 1993* 2001-2002“ 2007° < 100 individus 10 l 1 100-500 individus 7 8 500-1 000 individus 2 1 > 1 000 individus 4 3 Total 23 © NdT : mise à jour selon S. Wich com pers 217 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 218 Encadré 11.2 HISTOIRE DE L'ÉCOSYSTÈME LEUSER Au cours des années 80, les études de Herman Rijksen, Mike Griffiths, Carel van Schaik et d'autres ont révélé que le projet de Parc National du Gunung Leuser d'une superficie de 7927 km? ne pouvait contenir un échantillon représentatif de La faune et de la flore du nord de Sumatra. Cela n'aurait nullement dû être surprenant, si l'on considère que les frontières, fixées en 1936 et 1976, n'avaient aucun rapport avec la réalité sur Le terrain L'une des frontières n'était qu'une simple ligne tracée sur une carte entre deux sommets de montagne distants de 50 Km. Soit on a jugé de peu d'importance que le remarquable plateau volcanique et que deux importants points de captage des eaux soient traversés par la frontière, soit la géographie de l'endroit était mal connue au moment de sa classification. Une autre frontière était un demi cercle de 30 km de rayon dont le centre était le sommet du Gunung Leuser même La bonne délimitation des frontières sur le terrain est l'un des conditions préalables à la Le fleuve Alas, l'un des deux grands fleuves qui traversent l'Écosystème Leuser. classification totale d'un parc national en Indonésie, opération avant laquelle son statut Légal est faible. Les limites initiales n'ont pas tenu compte de l'écologie naturelle de La région. En outre, la nature montagneuse du projet de parc a rendu la matérialisation des bornes pratiquement impossible - un problème qui devra être résolu avant l'officialisation Légale du parc national. Les études réalisées au début des années 90 ont révélé les déplacements d'espèces largement itinérantes de Sumatra telles que les éléphants, Les roussettes et les calaos. Des études similaires ont révélé que des espèces comme l'orang-outan et le tigre avaient besoin de vastes étendues de forêts de basses alititudes pour la viabilité de leurs populations. La mise en parallèle des besoins en matière d'habitat de ces espèces charismatiques et de La géomorphologie de la région a révélé une aire naturellement bordée de 27 000 km? - à peu près La taille de Haïti ou du Rwanda. Cette zone fut baptisée ‘l'Écosystème Leuser’ et elle comprend des échantillons de la plupart des types d'écosystèmes de Sumatra L'Écosystème Leuser s'étend des plages sableuses qui bordent l'Océan indien, sur toute la largeur de Sumatra, jusqu'à la mangrove entourant le détroit de Malacca. Il comprend deux grandes chaînes de montagnes qui atteignent 3000 m d'altitude. Elles sont séparées par un rift par lequel s'écoulent deux fleuves - Le Tripa au nord-ouest et lAlas au sud. Ces fleuves se jettent dans l'Océan indien, après avoir traversé des vastes marécages d'eau douce qui abritent la population d'orangs- outans la plus dense au monde. C'est le dernier lieu où sont présentes des populations viables (ou potentiellement viables] d'éléphants, d'orangs- outans, de tigres et de rhinocéros propres à Sumatra, et Le seul endroit où toutes ces espèces coexistent Ce n'est qu'à la fin des études scientifiques d'identification de l'Écosystème Leuser en 1990 que l'on s'est rendu compte qu'en 1928 déjà, les chefs traditionnels des peuples de cette partie de Sumatra avaient œuvré pour la conservation de la majeure partie de cette région. Pendant six ans, les chefs locaux avaient requis avec insistance du gouvernement colonial hollandais que les forêts du Leuser soient conservées à perpétuité. Finalement, une aire correspondant à peu près au Parc National du Gunung Leuser fut cédée, qui ne comprenait pas la plupart des importantes forêts basses et plaines côtières Une fois que l'Écosystème Leuser fut reconnu comme une zone d'une importance significative qui devait être gérée de manière globale aux fins de conservation, la principale difficulté fut de concrétiser cette vision. Les efforts pour le faire se sont avérés énormes mais un facteur important a L'ORANG-OUTAN DE SUMATRA | PONGO ABELII) finalement rendu les choses plus faciles. Au début des années 90, l'Union européenne était désireuse d'aider à la conservation des forêts tropicales humides et le gouvernement indonésien était animé du même désir, à la condition de bénéficier d'un solide appui financier de la communauté internationale. Cette convergence des politiques a abouti à une série d'engagements par la Commission européenne et au fait que gouvernement indonésien a alloué près de 38 millions d'USD à la création d'un cadre propice à la conservation de l'Écosystème Leuser Cet engagement, effectif depuis 1992, devait s'achever vers la fin 2004. IL fut exécuté sous la forme d'un Projet de Conservation et de Développement intégrés des forêts humides de basse altitude à Aceh, suivi du Programme de Développement du Leuser Ces activités se sont traduites par un certain nombre de réalisations significatives, dont la mise en place d'un nouveau système de gestion de la zone d'une manière générale. Cette initiative était d'autant plus nécessaire que l'aire comprenait des plantations et des terres appartenant aux populations locales ainsi que des forêts naturelles soumises à diverses utilisations. IL s'avéra que la prise de décision était fragmentée et les capacités de gestion de la conservation faibles. Le gouvernement indonésien a donc confié la gestion de l'Écosystème Leuser à une fondation privée, la Leuser International Foundation, dont l'objectif déclaré est de conserver l'Écosystème Leuser Le Programme de Développement du Leuser a donc poursuivi son action d'appui à travers la Leuser International Foundation. La deuxième réalisation d'importance a été de susciter l'appui en faveur de la conservation de l'Écosystème Leuser parmi la variété d'inter- venants issus des gouvernements central et locaux, des universités, du secteur privé, des communautés locales et autres. La troisième a été d'assurer la reconnais- sance légale de l'Écosystème Leuser Différents décrets au niveau présidentiel, ministériel et provincial ont été signés pour renforcer le statut légal de l'Écosystème Leuser, sa gestion, et son inclusion dans tous les plans spatiaux aux niveaux local et national. La consolidation de ce statut légal devait passer par la délimitation de 3 000 km de frontière matérialisée par des bornes posées tous Serge Wich Station de recherche de Ketambe dans l'Écosystème Leuser. les 2 km - tâche qui nécessitait d'importants investissements physiques et financiers. Les personnes chargées de ce travail devaient ramer sur le ressac de l'Océan indien, transportant des sacs de ciment et des tiges métalliques ainsi que des provisions pour leur survie pendant La pose des repères sur des lignes côtières isolées. Elles devaient escalader des sommets où les températures avoisinent 0 °C la nuit. Outre les difficultés physiques, la délimitation a été entreprise pendant qu'un conflit armé déchirait Aceh et que les risques d'être pris entre Les feux croisés des belligérants étaient réels. L'autre difficulté résidait en ce que peu de populations locales comprenaient la conservation. IL a donc fallu mener de longues concertations auprès de toutes les communautés riveraines des zones de démarcation prévues, avant l'implantation des bornes avec le consentement des populations locales Le processus de ratification a été encore plus ardu que la délimitation physique. Il fut ascendant, les responsables de district (kabupaten] donnant les premiers leur aval, suivis des responsables Suite page suivante 219 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 220 provinciaux et enfin du gouvernement central à Jakarta. L'opération fut finalement achevée et l'Écosystème Leuser a officiellement été désigné aire de conservation par des textes juridiques à tous les niveaux. Les jalons étaient ainsi jetés pour le zonage et La protection de cette zone | inestimable. L'Écosystème Leuser ne comprend pas que des forêts vierges. Certaines parcelles ont été attribuées pour l'exploitation, voire pour servir de plantation, et certaines étaient asséchées pour convertir les marais en terres arables. Il était également prévu de convertir Les forêts basses en exploitations bovines et d'installer des populations de Java pour y travailler L'une des interventions de la Leuser International Foundation et du Programme de Développement du Leuser consiste à résoudre ces utilisations conflictuelles des terres. Dès juin 2004, plus de la moitié des 12 concessions forestières attribuées avaient été fermées et les licences de plusieurs plantations à problème révoquées. L'assèchement des marais à cessé et il n'existe plus aucune exploitation bovine dans le Leuser. La conservation du Leuser fait face à un autre grave, et on espère dernier, problème : La province dAceh projette la construction d'un réseau de routes appelé Ladia Galaska. Ce réseau devrait traverser quelques unes des forêts du Leuser | dotées de La plus riche biodiversité et ouvrir des | accès à l'exploitation forestière, aux plantations et aux habitations (de manière légale ou autre]. La Leuser International Foundation a noué des alliances nationales et internationales pour faire et les crêtes sèches des vastes plaines d'inondation et marécages tourbeux de l'est de Sumatra au sud du Lac Toba.”' Le fait que très peu d'orangs-outans, quand il y en a, survivent dans cette région aujourd'hui montre que ces peuples exercaient de fortes pressions cynégétiques sur l'espèce. Les chasseurs-cueilleurs étaient absents des forêts de l'Écosystème Leuser et c'est proba- blement la raison pour laquelle les populations de grands singes ont pu y survivre. Pendant des siècles, cette région a surtout été habitée par des musulmans qui ne mangent pas les orangs-outans {ou tout autre gibier]. Les populations locales prélevaient le bois pour leur subsistance et ont causé quelques perturbations par l'agriculture échec à ce projet et une décision sur l'avenir de Ladia Galaska était attendue peu après les élections présidentielles de septembre 2004. La Leuser International Foundation continuera de faire valoir que le projet routier n'améliorera en aucune facon le bien-être global des communautés locales, et que la construction d'infrastructures de transport alternatives serait moins préjudiciable et contribuerait davantage au développement local. Le tsunami de décembre 2004 a eu peu d'effets directs sur l'Écosystème Leuser et seule La zone marécageuse de Tripa aurait enregistré une arrivée temporaire d'eau de mer‘! Après les dégâts subis par les communautés côtières d'Aceh, certaines personnes ont suggéré que Les 3 à 4 millions de m° de bois nécessaires à la recon- struction soient prélevés dans la zone de l'Écosystème Leuser’ D'autres ont proposé que le bois soit importé comme une forme d'aide internationale et prélevé dans des forêts gérées de manière durable dans des pays tempérés.!! On ne peut dire si le projet Ladia Galaska sera accéléré ou retardé par les efforts de reconstruction. L'enjeu à terme est finalement l'avenir du cœur de l'Écosystème Leuser - 21 000 km? environ de forêts essentiellement. Si elle est préservée, cette zone permettrait d'assurer l'approvisionne- ment en eau ainsi que d'autres services de captage de 4 millions de personnes en aval. Cela se traduirait aussi probablement par la sauvegarde de l'orang-outan et de nombreux autres habitants des forêts du Leuser. Mike Griffiths itinérante, mais étant essentiellement des agriculteurs, leur impact sur les populations d'orangs-outans a été minimal.” Les chasseurs-cueilleurs du centre de Sumatra au contraire semblaient être des chasseurs efficaces. Les grands singes faisaient partie de leurs gibiers favoris en raison de leur « saveur quelque peu sucrée, mais agréable » ;#ils étaient chassés avec des chiens et des lances dans les plaines de leur territoire, où avec des sarbacanes et des flèches empoisonnées. Ces flèches étaient souvent empoisonnées avec la sève de l'Antiaris toxicaria qui, ironie du sort, est l'un des arbres fruitiers préférés de l'orang-outan. Le sys- tème de croyances traditionnelles des chasseurs leur interdit de chasser sur les hautes collines où les esprits résideraient.” Certains clans et familles évitaient aussi par tradition de manger de la chair d'orang-outan, sans pour autant dénigrer leurs Voisins qui les chassaient Les Batak pensent que manger de La chair d'orang-outan les rend forts, et cette croyance perdure jusqu'à aujourd'hui. Les bâtons et baguettes des shamans étaient généralement ornés de poils d'orangs-outans.” D'autres sources affirment que pour attirer l'esprit dans les bâtons, un foie d'orang-outan était donné à manger à un enfant kidnappé qui était ensuite sacrifié.” Plusieurs autres objets étaient ornés de peau où de poils d'orang-outan ; en 1971, un jeune Batak de La Vallée Alas a été vu, arborant un chapeau en peau d'orang-outan.” Histoire récente Au cours du 20°" siècle, la valeur économique des orangs-outans est devenue de plus en plus manifeste et un commerce international florissant s'est développé dans les années 30 et 60. Le collectionneur professionnel d'animaux de nationalité hollandaise, Van Goes, a capturé au moins 218 orangs-outans de Sumatra adultes pour Les exporter vers les cirques et les zoos à l'étranger. Les Gayo étaient réputés pour leur habileté à attraper des orangs-outans vivants.” De nombreux bébés ont également été vendus pour le commerce national et international d'animaux de compagnie, notamment vers Taiwan. Les orangs-outans continuent d'être tués par les populations locales et extérieures, en dépit de leur protection légale. Leur chair est encore mangée par quelques individus à Sumatra mais la propagation de l'islam parmi de nombreux peuples traditionnels (les Gayo, Alas et Achenese] a mis un terme à la chasse de subsistance qu'ils pratiquaient autrefois. Toutefois, les grands singes sont encore tués par toutes les populations quelle que soit leur obédience religieuse Lorsqu'ils pillent Les cultures” où quand on veut capturer des bébés pour en faire des animaux de compagnie. IL a également été fait état de safaris de chasse organisés par l'élite de l'armée au nord de Sumatra jusque dans les années 90. Récemment, Rijksen et Meijaard ont très justement décrit Les sentiments à l'égard des orangs- outans -— à savoir qu'ils ont « une valeur économique, médicinale, nutritive ou de nuisance — qui, toutes, leur valent d'être persécutés ». ‘! Lindonésie occupe une position historique de choix et Le sort de toutes ses espèces sauvages sera L'ORANG-OUTAN DE SUMATRA | PONGO ABELII) largement déterminé par le dénouement au cours des quelques années à venir des processus sociaux et économiques complexes. Le pays est en pleine renaissance, bien qu'on ait du mal à présumer du résultat de cette mutation. IL existe de puissantes forces qui exercent divers types d'influence, y compris des pressions en faveur d'une démocratie locale et participative à laquelle s'opposent les partisans d'un retour à une démocratie centralisée ‘guidée’. Les élites politiques, religieuses, militaires, capitalistes et administratives se battent pour asseoir leur influence et profiter des opportunités au niveau local, régional et national. Le développement fulgurant connu par l'Indonésie des années 70 aux années 90 ne peut plus se répéter car il se fondait sur le défrichement des forêts vierges qui ont toutes été exploitées jusqu'à leur complète destruction, sur la vente des ressources pétrolières aujourd'hui épuisées, et sur d'importants emprunts de capitaux qui ont presque tous fui Le pays, ne laissant derrière eux que le fardeau de la dette. Le problème crucial pour les orangs-outans et la plupart des autres espèces animales des forêts de Sumatra est de savoir s'il faudra où non que les habitudes et Le rythme imprimé par ce modèle de développement détruisent ce qui reste pour que Les populations indonésiennes consentent enfin à faire face aux questions fondamentales de durabilité. En clair, le sort de Pongo abelii dépend des actions qu'initieront les populations de l'Écosystème Leuser (avec l'appui de l'Union européenne, des organisations non gouver- nementales indonésiennes et de leurs soutiens gouvernementaux] pour sécuriser l'architecture écologique de leur propre environnement et, donc, leur avenir ainsi que celui de leurs voisins et cousins de la forêt (voir Encadré 11.2). La situation actuelle Le nombre total d'orangs-outans de Sumatra est aujourd'hui estimé inférieur à 7 % de celui de 1900 et à 2 % de celui d'il y a 10 000 ans, à La fin du dernier âge glaciaire, lorsque Le niveau de la mer s'éleva et que Sumatra fut coupée du continent asiatique.*"“” Le déclin des espèces s'est accéléré vers la fin du 20°"* siècle avec l'exploitation massive des forêts de Sumatra dans les années 70, 80, 90 et jusqu'à ce jour. Sans une intervention humaine, le rétablissement de cette espèce sera extrêmement lent (environ 0,006 % par an) en raison d'un rythme de reproduction très Lent.* Les orangs-outans de Sumatra ont été classés dans la catégorie « En danger Critique d'Extinction » 221 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 222 par l'UICN - l'Union mondiale pour la nature en 2000, ce qui signifie que l'espèce court un risque extrêmement élevé d'extinction dans la nature dans un futur proche” IL est évident que La population est fragmentée en plusieurs petites unités qui, à leur tour, sont divisées ou éteintes. La taille exacte de la population reste inconnue. Rijksen et Meijaard ont estimé que 12 500 orangs-outans survivaient en 1993 et prédisaient qu'il ne resterait que 7 500 individus d'ici 2020. Ces estimations se fondaient sur le fait que 45 % de leur habitat est officiellement protégé.” On pense maintenant que cette hypothèse était optimiste. Le chiffre de 12 500 orangs-outans en 1993 était surestimé car il prenait en compte des populations du sud de Sumatra dont la présence n'a pas été confirmée et dont on pense maintenant qu'elles avaient déjà disparu à cette date. Les populations ont continué à diminuer depuis 1997. On estime que 1 000 individus ont disparu chaque année entre 1997 et 2000 dans l'Écosystème Leuser uniquement.” En 2002, on estimait à 7 300 seulement le nombre de survivants“ (voir Tableau 11.3]. L'Écosystème Leuser est l'un des sites les mieux protégés pour les orangs-outans de Sumatra et il se trouve au cœur de leur aire de répartition actuelle. L'Écosystème Leuser, qui englobe le Parc National du Gunung Leuser, a bénéficié de l'appui de l'Union européenne par le biais du Programme de Développement du Leuser (voir Encadré 11.2). Toutefois, cet écosystème est aujourd'hui fragmenté en quatre zones forestières au moins (Leuser ouest, Trumon-Singkil, Leuser est et Tripa] et risque de l'être davantage à cause du projet de construction d'une nouvelle route.“ Les modèles récents estiment que les populations de plus 500 orangs-outans de Sumatra sont suffisamment grandes pour être démographi- quement stables à long terme.“ En 1993, ces populations étaient estimées au nombre de six ; en 2002, il n'en restait plus que quatre, dont une à l'extérieur de l'Écosystème Leuser Par ailleurs, huit populations plus petites, qu'on croyait présentes au sud du Lac Toba, avaient disparu dès 2002 ; deux d'entre elles se sont éteintes au cours de cette période de 10 ans et les autres auraient en réalité disparu avant 1993“ (voir Tableau 11.4). Les orangs-outans de Sumatra sont incapables de survivre à terme dans des forêts gravement fragmentées. La destruction, la fragmentation et la dégradation des habitats constituent les principales menaces à la survie de l'orang-outan.* La fragmentation de l'Écosystème Leuser a probablement l'impact le plus significatif sur les orangs-outans de Sumatra.“ Au début des années 60, Sumatra était presque entièrement recouvert par une forêt tropicale, mais ce couvert a été largement détruit et fragmenté par l'exploi- tation forestière, La construction des infrastruc- tures, la réinstallation (transmigration] et le développement des plantations à grande échelle au cours des années 70 et 80.°“ 61 % de la surface forestière de Sumatra a été détruite entre 1985 et 1997. À partir de 1998, la déforestation a connu un soudain envol du fait de l'absence de contrôle du gouvernement central indonésien, après des décennies de mauvaise gouvernance et de négli- gence environnementale.“ Kalimantan (Bornéo indonésien) a également été affecté et Les impacts sur la faune indonésienne sont incommensurables. Etant donné que 80 % de l'habitat actuel des orangs-outans fait partie de concessions forestières ou est exposé à l'exploitation illégale et à la conversion des habitats, il est probable que la destruction des habitats se poursuivra à un rythme élevé. Les incendies et Les sécheresses qui ont ravagé Kalimantan au cours des deux dernières décennies ont jusqu'ici représenté une moindre menace pour les orangs-outans de Sumatra. 5% environ des incendies de 1997-1998 sont survenus au cœur de l'habitat des orangs-outans.”? De graves incendies de forêt ont été signalés au sud du territoire de l'orang-outan au centre de Sumatra en juin 2004. Des concertations urgentes sur la lutte contre la fumée étaient en cours entre les gouvernements de Malaisie, d'Indonésie et de Singapour.! Le tsunami de décembre 2004 a détruit plusieurs villes et villages autour des côtes d'Aceh mais a eu peu d'impacts directs sur l'habitat des orangs-outans. Les impacts indirects doivent encore être mesurés, mais il est à craindre que le besoin en bois de chauffe et de construction aura pour conséquence une destruction de la forêt. CONSERVATION ET RECHERCHE Les premières études détaillées du comportement et de l'écologie de l'orang-outan de Sumatra ont été entreprises dans les années 70 par MacKinnon à Renun” et Rijksen à Ketambe.” Depuis lors, seul Ketambe a continué d'accueillir des chercheurs de façon continue ; le centre se trouve dans la Vallée d'Alas à l'intérieur du Parc National du Gunung Leuser. Un autre site de recherche à long terme fut ouvert en 1993 dans la forêt marécageuse de Suaq Balimbing au sud du Parc National de Gunung Leuser. Ces deux sites, situés dans des zones de plaine relativement riches en fruits et abritant des densités exceptionnelles d'orangs-outans nous ont appris presque tout ce que nous savons sur l'orang- outan sauvage de Sumatra, même si des études supplémentaires ont également été menées par Priatna à Soraya et Sikundur, et par Fox à Agusan.”'° Le Programme de Conservation de l'Orang- outan de Sumatra se charge de toutes les activités d'étude et de surveillance de l'état et de La répartition des orangs-outans de Sumatra à l'heure actuelle. IL a établi un programme de remise en liberté dans le Parc National de Bukit Tiga Puluh dans la province de Jambi. La Division de la Recherche, du Suivi et de l'Information de l'Unité de gestion du Leuser assure la gestion des activités de recherche à l'intérieur de l'Écosystème Leuser [voir Encadré 11.2). Au départ, il administrait quatre stations de recherche : MH Ketambe, toujours opérationnel (forêt de basse altitude), dont les études mettent l'accent sur les orangs-outans habitués et Les langurs de Thomas Presbytis thomasi ; M Soraya (forêt de basse altitude), zone protégée à l'intérieur d'une concession forestière mais fermée à la suite de conflits ; M Suaq Balimbing (forêt marécageuse de tourbière), fermée à la suite de conflits ; B Bengkung (basée sur un site de transmigration au milieu d'une forêt humide de basse altitude], fermée à la suite des conflits. Deux postes de surveillance ont été également été mis en place, permettant ainsi d'accroître Les capacités de suivi à l'intérieur du vaste et riche Écosystème Leuser"? Nul ne peut affirmer que ces initiatives suffiront car ce sont là nos dernières actions pour préserver l'orang-outan de Sumatra dans la nature. Après des siècles de contraction de la population et des décennies de déforestation et d'exploitation du bois, ces animaux n'ont nulle part où aller si ce n'est dans l'Écosystème Leuser déjà fragmenté et une autre étendue de forêt proche. L'estimation de la population la plus proche est actuellement de 7 300 individus et on pense qu'elle continue de décliner en dépit des importants investissements dans la conservation à l'intérieur et autour de L'ORANG-OUTAN DE SUMATRA | PONGO ABELII) SOCP l'Écosystème Leuser. Toutefois, la concentration des opportunités pour la protection de l'orang- outan de Sumatra pourrait elle-même faciliter la tâche, d'autant que les efforts de conservation, de recherche, d'éducation et d'application de La loi entrepris parallèlement peuvent avoir un puissant effet synergique. Si un espace était ménagé au milieu de ces efforts pour permettre aux populations locales, aux gouvernements et aux entreprises d'apprendre comment et pourquoi préserver une portion significative de ces forêts, alors il serait peut-être possible que l'orang-outan de Sumatra y survive. Un orang-outan conduit à son site de relâcher dans La province de Jambi. Le Programme de Conservation de l'Orang-outan de Sumatra assure La sensibilisation sur Le sort de l'orang-outan dans les écoles. 223 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 224 OUVRAGES À CONSULTER Corlett, R.T. [1998] Frugivory and seed dispersal by vertebrates in the Oriental (Indomalayan] region. Biological Review 73: 413-448. Djojosudharmo, S., van Schaik, C.P. [1992] Why are orangutans so rare in the highlands: altitudinal changes in a Sumatran forest. Tropical Biodiversity 1 (1]: 11-22. Knop, E., Ward, PI., Wich, S.A. (2004) À comparison of orang-utan density in a logged and unlogged forest on Sumatra. Biological Conservation 120 (2]: 187-192. MacKinnon, J. (1974) The behaviour and ecology of wild orangutans (Pongo pygmaeus]. Animal Behaviour 22: 3-74. Utami, S.S., Goossens, B., Bruford, M.W., de Ruiter, J.R., van Hooff, J.A.R.A.M. (2002) Male bimaturism and reproductive success in Sumatran orang-utans. Behavioral Ecology 13 (5): 643-652. van Schaik, C.P., Ancrenaz, M. Borgen, G., Galdikas, B., Knott, C.D., Singleton, l., Suzuki, A., Utami, S.S., Merrill, M. (2003) Orangutan cultures and the evolution of material culture. Science 299: 102-105. van Schaik, C.P., Fox, E.A., Sitompul, A.F. [1996] Manufacture and use of tools in wild Sumatran orangutans: implications for human evolution. Naturwissenschaften 83: 186-188. van Schaik, C.P., Monk, K.A., Robertson, J.M.Y. (2001) Dramatic decline in orang-utan numbers in the Leuser Ecosystem, northern Sumatra. Oryx 35 [1]: 14-25. Wich, S.A., Singleton, l., Utami-Atmoko, S.S., Geurts, M.L., Rijksen, H.D., van Schaik, C.P. (2003) The status of the Sumatran orangutan Pongo abelii: an update. Oryx 37 [1]: 49-54. Wich, S.A., Utami-Atmoko, S.S., Setia, T.M., Rijksen, H.D., Schürmann, C., van Hooff, J.A., van Schaik, C.P. (2004) Life history of wild Sumatran orangutans (Pongo abelii. Journal of Human Evolution 47 (6): 385-398. SOURCES DE DONNÉES CARTOGRAPHIQUES Carte 11.1 Les données sur les orangs-outans sont issues de sources suivantes: Dadi, R.A., Riswan (2004) Polygones de répartition des orangs-outans : Rahmadi A. Dadi et Riswan de Leuser Management Unit dans Le cadre du Leuser Development Programme, financé par la Commission Européenne et le gouvernement indonésien. Ils sont basés sur les critères techniques concus par lan Singleton, basés en particulier sur les densités par type d'habitat et limites altitudinales, les plus récentes informations étant fournies par Leuser Management Unit concernant les habitats détruits ou dégradés. Cette équipe a été fortement appuyée par Nick Jewell, qui a digitalisé La plupart des données du couvert forestier. Principales sources de données de terrain : Carel van Schaik, Idrusman, lan Singleton, et Serge Wich. Des informations supplémentaires ont été fournies par Rahmadi A. Dadii, Mike Griffiths, Dolly Priatna, Herman Rijksen, Riswan, Yarrow Robertson, les membres de l'Université de Bristol et de l'Expedition Bogor de Sumatra (James Burton, Catherine Bloxam, Kuswandono, Barney Long, James et des membres de l'unité antibraconnage de Leuser Management Unit. Singleton, l., Wich, S., Husson, S., Stephens, S., Utami Atmoko, S., Leighton, M. Rosen, N., Traylor-Holzer, K., Lacy, R., Byers, O., eds (2004) Orangutan Population and Habitat Viability Assessment: Final Report. IUCN/SSC Conservation Breeding Specialist Group, Apple Valley, Minnesota. Pour les aires protégées et autres données, voir Comment utiliser Les cartes’. REMERCIEMENTS Sincères remerciements à Raffaella Commitante (University of Cambridge], Simon Husson (University of Palangkaraya), Helen Morrogh-Bernard (University of Palangkaraya), lan Singleton (Sumatran Orangutan Conservation Programme), et Rondang Siregar (University of Cambridge] pour leurs précieuses contributions à l'élaboration du présent chapitre. AUTEURS Kim McConkey, UNEP World Conservation Monitoring Centre Encadré 11.1 Michelle Merrill, Emergent Systems Encadré 11.2 Mike Griffiths, Leuser Management Unit GIBBONS: LES PETITS HOMINOÏDES CHAPITRE 12 Gibbons : les petits hominoïides es grands singes d'Asie du Sud-est partagent leur habitat avec des petits, mais non moins intéressants, hominoïdes : les gibbons (famille des Hylobatidés). Dans certains cas, les gibbons sont même plus menacés d'extinction que Les grands singes mais sont moins exposés à l'attention du public. Ce bref tour d'horizon vise à mettre en exergue la famille des gibbons et permet d'opposer leurs comportement et écologie uniques à ceux des autres grands singes. Après les premières études importantes de Carpenter sur le gibbon lar en Thaïlande dans Les années 30,° La plupart des espèces de La famille des Hylobatidés ont été étudiées pour la première fois sur le terrain dans les années 60, 70 et 80. Ces études ont révélé que ces animaux sont mono- games, territoriaux, frugivores et arboricoles, et que les couples adultes forment des duos élaborés. Au cours des dernières années, les spécificités de chaque espèce ont fait l'objet d'études et Le rôle des gibbons dans la dispersion des graines et la régénération forestière a été mis en évidence. Les gibbons vivent dans la partie continentale de l'Asie du Sud-est, ainsi que sur les îles de Java, Sumatra, Bornéo (Kalimantan) et autres îles voisines. Elles sont toutes situées sur la plate-forme de la Sonde qui a émergé à la suite d'activités volcaniques il y a plus de 12 millions d'années (Ma). Elle doit son extraordinaire richesse faunique et floristique aux mélanges issus de l'immigration. Les premiers immigrés sont venus du sous continent indien [la faune siva-malaise) et les autres plus tard de la Chine [la faune sino-malaise).” Le lignage du gibbon s'est écarté de celui des autres hominoïdes il y a DAVID J. CHIVERS près de 15 Ma quelque part dans les forêts tropicales ou subtropicales d'Asie. Thomas Geissmann [www.gibbons.del] Un gibbon Lar ou à mains blanches (Hylobates lar) portant un enfant. 225 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Un grand figuier dans la forêt riparienne qui longe Le fleuve Kinabatangan à Bornéo. Les figuiers sont d'importantes ressources pour La faune car ils produisent plusieurs fois au cours d’une année. 226 TAXONOMIE DES GIBBONS Certains problèmes liés à la validité des espèces dans la taxonomie des gibbons demeurent irrésolus, en particulier au nord-est de la distribution de cette famille. Outre qu'elle apporte des éclairages sur la distribution et l'abondance dans des aires peu connues, l'analyse de l'ADN permet tout aussi bien d'aplanir les différends. Les gibbons sont maintenant subdivisés en quatre genres essentiellement allopatriques (avec des aires de répartition disjointes), sauf dans les zones où le domaine des siamangs chevauche celui du gibbon lar où du gibbon agile. 1] _ Symphalangus, le siamang, S. syndactylus, de Sumatra et de la Péninsule malaise (deux sous-espèces) ; {2} Nomascus, quatre espèces de gibbons à crête, dont chacune compte plusieurs sous-espèces, "7?! qu sud de la Chine, du Vietnam, du Cambodge et du Laos : 1. N. concolor [quatre sous-espèces) et N. nasutus (deux sous-espèces) au nord ; 2. N. leucogenys au centre (deux sous- espèces) ; 3. N. gabriella au sud ; (3) (4) KOCP Bunopithecus,* le gibbon houlock, B. hoolock (deux sous-espèces), d'Assam, du Bangladesh et de Myanmar (à travers le nord de la Thaïlande jusqu'à la lisière sud- ouest de la Chine] ; et Hylobates, qui compte cinq à six espèces présentes de la Thaïlande jusqu'aux îles de la Sonde ; 1. H. klossii le gibbon de Kloss), confiné dans les îles Mentawai au large de la côte occidentale de Sumatra ; 2. H. pileatus [le gibbon lar à bonnet] du sud-est de La Thaïlande et l'ouest du Cambodge ; 3. H. moloch [le gibbon cendré] de Java, maintenant confiné à l'ouest ; 4. H. lar (le gibbon à mains blanches ou gibbon Lar), avec deux ou trois sous- espèces en Thaïlande {et dans Le Yunan en Chine}, une dans la péninsule malaise et une au nord de Sumatra ; 5. H. agilis (le gibbon agile], avec une sous-espèce dont l'aire de répartition s'étend de la péninsule malaise (deux sous-espèces de lLar] à l'est de Sumatra, une dans le reste de Sumatra au sud du Lac Toba, et une au sud-ouest de Bornéo (ouest et centre de Kalimantan, entouré par les fleuves Kapuas et Baritol ; 6. H. muelleri (le gibbon de Müller] qui compte trois sous-espèces qui vivent dans le reste de Bornéo.“ Eu égard à la très forte hybridation entre Les deux derniers groupes au centre de Bornéo,” il convien- drait peut-être d'intégrer le H. muelleri dans la famille du H. agilis comme quatrième sous-espèce de cette dernière, mais Geissmann fait valoir que le gibbon agile ressemble davantage au gibbon lar. © IL a également défini Les quatre genres sur la base de données moléculaires qui révèlent une scission il y a 8 Ma.” Les cris et la couleur du pelage ainsi que certaines marques distinguent les gibbons.” Les espèces sont soit monochromes {noires à l'ouest, et grises au sud-est), soit polychromes (au centre), soit sexuellement ou non sexuellement dichroma- tiques (au nord, dans les habitats semi décidus plus clairs) ; ceci fait ressortir un tableau géographique intrigant. Les cris et La couleur du pelage ont une origine génétique ; ces caractères qui ont une importance comportementale singulière liée à La reproduction doivent donc être sérieusement pris en compte lors de la classification des gibbons. L'autre principal élément spécifique des espèces et des sexes est Le chant, le ‘grand cri’ étant l'apanage des femelles. Les groupes familiaux de gibbons ont tendance à chanter tous les jours pour montrer leur territoire et La force du lien entre Le couple. Le mâle et La femelle gibbons jouent des rôles distincts ils forment un véritable duo dans la majorité des espèces, ce qui est assez inhabituel chez les primates mais plutôt courant chez les oiseaux. ÉVOLUTION DU GIBBON Chivers a proposé un modèle d'évolution du gibbon lié aux fréquents changements du niveau de La mer au cours de la dernière partie du pléistocène.’ La glaciation des hautes latitudes et altitudes a entraîné l'émersion de La masse terrestre unique de la plate- forme de la Sonde ; après la fonte des glaces et l'immersion de la plate-forme de la Sonde, quelques îles sont restées émergées. Les populations de gibbons totalement ou partiellement isolées ont évolué séparément puis ont migré lorsque les passerelles naturelles se sont rétablies. En bref, selon ce modèle, après la première dispersion des GIBBONS: LES PETITS HOMINOÏDES trois lignages ancestraux (ou des genres gibbons) dans différentes parties de la plate-forme de la Sonde, la spéciation des gibbons s'est opérée à l'intérieur de la plate-forme avec une nouvelle dispersion et retour vers la partie continentale. Cette idée s'oppose à celle selon laquelle les espèces de gibbons se sont répandues à partir du continent asiatique. Selon le modèle de Chivers, le gibbon houlock a le premier pénétré l'Asie continentale, suivi des gibbons à bonnet et lar ; les gibbons de Kloss (Mentawai], de Müller et cendrés sont, eux, venus des lisières de La plate-forme ; et Les gibbons agiles et lar venaient du centre de la plate-forme. Au cours des périodes de baisse du niveau de la mer, le centre de la plate-forme s'est asséché ; à cette Tine Geurts Serge Wich Les gibbons et Les orangs-outans se nourrissent de certains fruits identiques tels que Le Blumeodendron sp. {à gauche) et Le Ficus sp. (ci-dessous). 227 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Gibbon Lar ou à mains blanches (Hylobates lar) : mâle adulte chantant. 228 Thomas Geissmann (www.gibbons.de] époque, les principales forêts humides résiduelles, dans lesquelles les gibbons et les autres animaux des forêts avaient cherché refuge et hors desquelles ils se sont dispersés au moment de la montée du niveau de la mer, se trouvaient à l'est de l'Indochine et au sud de La Chine, au nord-est de Bornéo, à l'ouest de Java, au nord de Sumatra et au sud de Myanmar, de même que dans les îles Mentawai. ÉCOLOGIE ET COMPORTEMENT Habitat Les habitats des gibbons couvrent les deux principales formations forestières de cette partie de la région biogéographique orientale”: les forêts humides de mousson semi décidues de lAsie continentale’ au nord de l'isthme de Kra; et les forêts sempervirentes de la Péninsule malaise et des îles de la Sonde.“ Les forêts sempervirentes de la plate-forme de la Sonde constituent le principal habitat des gibbons. Un nombre important d'espèces et d'individus vivent dans les forêts plus saisonnières de l'Asie continentale, dans des poches de forêt sempervirente, et survivent dans les zones plus humides balayées par la mer en Indochine, en Thaïlande, au Myanmar et au Bangladesh par exemple. Les arbres de la famille des Dipterocarpaceae sont généralement présents dans la plupart des habitats des gibbons, constituant 1 à 43% de La composition forestière,” avec une moyenne de 16%', alors que Les arbres de la famille des légumineuses constituent 13 à 14 %. Entre 24 et 50 familles d'arbres ont été répertoriées dans les habitats des gibbons (pour une moyenne de 37 %), avec près de 400 arbres par hectare.! Les Moraceae (figues) et les Euphorbiaceae sont les familles d'arbres les plus communément utilisées comme ressources alimentaires dans les habitats des gibbons, suivies par les Leguminosae, les Myrtaceae, les Annonaceae, les Rubiaceae, les Clusiaceae et les Anacardiaceae. Les figues constituent un bon indicateur de la biomasse de gibbons. Ces familles comptent 161 espèces, soit 45 % de tous les aliments connus des gibbons.” Les gibbons préfèrent les forêts de plaine où abondent divers arbres fruitiers ; toutefois, l'espèce la plus grande, le siamang qui pèse deux fois plus que Les autres (soit près de 10 kg}, est plus folivore et se rencontre plus fréquemment dans les forêts d'altitude. Types d'alimentation et d'activités Les gibbons passent 57 à 72% de leur temps de prise alimentaire à se nourrir des parties reproduc- tives des plantes (fruits et fleurs]. Le siamang qui est Le plus grand taxon, fait exception, avec 44 % ; le moloch, les gibbons cendré de Müller, lar et agile y consacrent 60 % de leur temps; et Les gibbons de Kloss, à bonnet et houlock y passent près de 70 % de leur temps. 25 % environ des fruits consommés sont des figues (presque 40 % chez le siamandgJ). Les jeunes feuilles sont importantes pour la plupart des gibbons, surtout les siamangs, mais pas pour le gibbon de Kloss dans les îles Mentawai où Les sols sont pauvres et les feuilles mieux protégées par leurs composants chimiques. Les matières animales, particulièrement Les invertébrés, représentent une source importante de protéines animales (près de 10 % du temps d'alimentation). La préférence est accordée aux petites sources de fruits mûrs (sucrés) et pulpeux (charnus). Les gibbons sont donc, comme les chim- panzés, des spécialistes des fruits à pulpe,” mais, plus que la plupart des primates, ils entrent en compétition avec de grands oiseaux tels que les pigeons et Les calaos pour les petits fruits colorés et sucrés. Par conséquent, Les gibbons semblent avoir appris à localiser les bonnes ressources alimen- taires et à les protéger. La petite aire qui peut effectivement être protégée ne peut suffire à l'alimentation de plusieurs individus, d'où la territorialité et la monogamie chez Les gibbons. Le fait que les groupes familiaux monogames s'intéressent principalement aux petits arbres fruitiers leur évite la compétition avec les grands groupes multi-males multi-femelles de macaques {Macaca spp.) et avec les espèces de grande taille comme les orang-outans. Pour certaines espèces végétales, les gibbons sont des espèces clé de voûte pour la dispersion des graines ; mais leur contribution est moindre pour d'autres, notamment celles dispersées par plusieurs espèces d'oiseaux. En dispersant les graines, les animaux favorisent le fait que des arbres de la même espèce produisent de manière asynchrone, de sorte que les fruits sont toujours disponibles. Les gibbons se distinguent des autres primates en ce que leurs activités quotidiennes ne connaissent pas deux phases marquées, à savoir les repas tres tôt et tard dans la journée, ponctués par une longue sieste en mi-journée." Après des séances actives d'alimentation, les gibbons continuent de s'activer dans la chaleur du jour en cherchant de la nourriture dans les étages inférieurs moins chauds de la canopée; ils se retirent très tôt pour la nuit, généralement plusieurs heures avant le coucher du soleil. Ceci libère les sources d'aliments que les gibbons partagent avec d'autres primates, langurs (Presbytis et Trachypithecus spp.] ou macaques (Macaca spp}, et que les gibbons monopolisent toute la matinée. Densité de la population La densité des groupes familiaux monogames de gibbons, qui comptent en général près de quatre individus, varie de 1,5 (pour deux espèces en Malaisie) à 6,5 (en Thaïlande] groupes au kilomètre carré. La densité de la biomasse, ou biomasse des gibbons au kilomètre carré, est une mesure plus pertinente de la densité de La population que le nombre d'individus ou de groupes au kilomètre carré, car elle se fonde davantage sur la disponibilité de la nourriture, spécialement en période de pénurie” La biomasse conjuguée des siamangs et des gibbons lar en Malaisie était de 126 kg/km°, 34 kg/km? pour le gibbon de Müller à Kalimantan et 104 kg/km’ pour les gibbons lar en Thaïlande. Aussi les gibbons sont-ils au moins aussi nombreux dans les forêts plus saisonnières situées au nord.° GIBBONS: LES PETITS HOMINOÏDES Parcours quotidien Le gibbon lar à bonnet, le gibbon de Müller et Le siamang parcourent en moyenne 0,8 à 0,9 km chaque jour, alors que les autres gibbons parcourent entre 1,2 et 1,5 km. Le siamang parcourt au minimum 0,15 km/jour et au maximum 2,86 km/jour. Pour le gibbon houlock, la distance parcourue quotidiennement varie entre 0,28 et 3,40 km; les autres gibbons affichent des chiffres comparables, variant entre 0,40 et 2,50 km environ. Ces chiffres reflètent les variations dans la répartition de la nourriture. Dans la péninsule malaise, Les siamangs se déplacent moins et mangent plus de feuilles lorsque les fruits viennent à manquer, allongeant Les parcours lorsque les fruits abondent et qu'ils débordent d'énergie. Dans les forêts de mousson cependant où les feuilles ne constituent pas une alternative viable pour les gibbons, l'allongement des distances parcourues au quotidien peut indiquer une quête plus large de fruits suffisants.! KOCP Les gibbons sont en compétition avec des grands oiseaux comme les calaos pour leurs fruits sucrés favoris. 229 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION {Ci-dessus) Jeune gibbon mâle à joues jaunes et crête (Nomascus gabriellae). {Ci-contre] Siamangs femelle et mâle {Symphalangus syndactylus) ; un couple adulte Lors d'un duo, leurs sacs laryngiens en partie gonflés. 230 Thomas Geissmann lwww.gibbons.de) Thomas Geissmann [www.gibbons.de) Territoires L'étendue des territoires varie de 0,16 km pour le gibbon Lar en Thaïlande, 0,17 km? pour Le gibbon Lar à bonnet à Java, à 0,45 km” pour Le gibbon houlock au Bangladesh et 0,56 km” pour Le gibbon lar en Malaisie où les territoires des siamangs sont également vastes (0,3-0,4 km‘). Lorsque deux espèces de gibbons se retrouvent dans la même zone [le siamang étant toujours l'espèce la plus grosse), il est probable que les territoires respectifs seront plus grands que si elles avaient été seules en raison de la compétition pour certains arbres fruitiers. Le gibbon agile a des territoires plus petits qu'il utilise régulièrement tous les cinq jours ; le siamang et Le gibbon lar ont chacun des territoires plus grands dans lesquels leurs déplacements sont plus restreints et plus variables pendant des périodes de cinq jours, même s'ils visent le même ou les mêmes arbres fruitiers." La portion de domaine qui est défendue comme territoire réservé à l'usage exclusif du groupe résident varie : pour Le siamang elle est de 62 % ; Le gibbon de Kloss, 64 % ; Le gibbon houlock, 86 % ; Le gibbon de Müller, 88 % ; Le gibbon lar à bonnet, 94 %. Les autres espèces défendent 75 à 77 % de leurs territoires. Utilisation verticale du couvert forestier Les gibbons qui sont arboricoles exploitent davantage la voûte forestière que la plupart des autres primates des forêts humides, ce qui n'empêche qu'ils se sentent tout aussi à l'aise dans les branches souples des petits arbres du sous- étage. En effet, ils fuient La chaleur de midi en cherchant la nourriture dans les petits arbres qui portent des früits ou de jeunes feuilles, dans le sous-étage relativement plus frais.#® Lorsque l'on compare avec les autres primates de la Péninsule malaise par exemple, il apparaît que les gibbons préfèrent les grands arbres qui se trouvent au cœur de la forêt, loin des habitats en lisière"! Organisation sociale Les groupes comptent en moyenne 8,8 individus - soit deux adultes et deux jeunes - mais La moyenne varie de deux à sept, ce qui signifie qu'un groupe compte parfois trois ou quatre jeunes.' IL semblerait que seul le gibbon noir vit dans des groupes polygynes, constitués de deux où trois adultes femelles et un jeune, et avec une taille moyenne de groupe de 7,2 individus dans Le Yunnan” et 5,3 dans la Réserve naturelle de Bawanglin à Hainan”’, bien que cela reste à confirmer. Ce n'est qu'à l'âge de deux ou trois ans que les jeunes deviennent capables de se déplacer seuls ; Les juvéniles sont âgés de cinq où six ans ; Les sub-adultes, qui sont physiquement semblables aux adultes, sont âgés de huit ans et plus, lorsqu'ils quittent leur groupe natal. Interactions sociales à l'intérieur des groupes Les interactions sociales à l'intérieur des groupes sont relativement rares, vraisemblablement parce que le groupe familial est très cohésif et habitué à sa routine quotidienne. Des signaux explicites sont rares, Les jeunes observant et suivant leurs parents. Les seuls sons entendus, en dehors des puissants cris des groupes et les bruits des branches et des feuilles, sont les cris percants d'un animal im- mature, généralement un sub-adulte, qui s'est trop approché d'un parent (en général Le mâle), ou Les plaintes d'un enfant en détresse encouragé à se déplacer seul. Les expressions faciales explicites se limitent aux menaces bouche ouverte lors des actes d'agression/soumission. Seul Le siamang mâle porte le petit au cours de sa seconde année de vie, après que la femelle l'ait sevré (même s'il peut encore téter pendant la nuit quand il dort avec elle). De cette facon, le petit apprend d'abord à connaître les animaux dont sa survie dépend le plus : la femelle, le mâle et puis le sub-adulte avec lequel il joue lorsque les adultes s'épouillent. IL échange moins avec les juvéniles avec lesquels l'on s'attendrait à ce qu'il joue le plus. C'est la femelle adulte qui conduit le groupe à travers le territoire, d'où la nécessité d'arrêter de porter le petit à La première occasion. Les juvéniles suivent la femelle, les sub-adultes restant en arrière. IL est cependant évident que le mâle adulte, depuis sa position centrale, influence la direction des déplacements. Les petits gibbons se séparent très souvent pour chercher la nourriture sur une vaste étendue tout en se déplacant entre les principaux arbres alimentaires. L'épouillage concerne soit les adultes et les sub-adultes pendant Les périodes de repos, soit Les adultes et Les petits quand ils se préparent pour La nuit (les juvéniles ont tendance à dormir avec le mâle et les enfants avec la femelle]. Les jeux représentent l'autre principale activité sociale et d'après certaines études ils constituent 4 % des activités quotidiennes (chez Les siamangs, gibbons lar, à bonnet et houlock]. Si les enfants et les juvéniles consacrent la majeure partie du temps à des jeux solitaires - balancement, bonds, mani- pulation des parties des arbres - ils se balancent, empoignent et mordent également les adultes ou sub-adultes, et quelques fois d'autres juvéniles. Chants et interactions sociales entre groupes On pense que chez toutes les espèces de gibbons le duo vise à garder le partenaire et le territoire, en particulier à exprimer sa disponibilité et à attirer un partenaire, à former et développer Le lien du couple {et consolider d'autres liens au sein du groupe), et à défendre le partenaire et Le territoire. IL semble que les femelles n'acceptent pas que d'autres femelles défendent leur mâle et les mâles ne tolèrent pas que des mâles étrangers défendent leur espace forestier. Ces chants sont accompagnés de GIBBONS: LES PETITS HOMINOÏDES patrouilles le long de la frontière pendant La quête de nourriture et pendant des poursuites d'un côté à l'autre de la frontière. En raison de la complexité des interactions entre plusieurs facteurs, il est difficile d'expliquer les comportements observés en termes simples. Ils ont été mieux explicités par des expériences reproduites sur les gibbons de Müller et agile à Bornéo”??? Thaïlande.* des réactions différentes aux chants exécutés par les voisins et aux chants des étrangers; s'ils 9 et sur les gibbons lar en 7 Les couples résidents ont affiché savent à quoi S'en tenir dans le premier cas, les chants des étrangers provoquent une grande agitation. Les femelles réagissent fortement aux chants d'une étrangère. Les groupes chantent en duo pour répondre à l'appel d'une femelle seule mais s'approchent en silence d'un mâle seul qui appelle. Les gibbons agiles de Bornéo répondent Thomas Ge smann (www.gibbons.de] Un gibbon agile mâle adulte (Hylobates agilis) ; un variant au pelage sombre avec des poils plus clairs au niveau des joues. 231 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Un gibbon adulte femelle à joues blanches du nord (Nomascus leucogenys leucogenys]. Un gibbon mâle sub- adulte à joues blanches du nord (Nomascus leucogenys leucogenys]. 232 Thomas Geissmann [www.gibbons.de) aux cris des gibbons agiles, même ceux de Sumatra, mais généralement pas à ceux des gibbons de Müller. De profonds débats ont porté sur les principales caractéristiques de la sociologie du gibbon - monogamie et territorialité — dont on pense qu'ils présentent des avantages tout en imposant certains coûts. "”??# On peut penser qu'en étant monogame, le mâle réduit son succès reproducteur ; ce sacrifice serait compensé par la disponibilité de la niche et la distribution des aliments, par rapport aux coûts énergétiques inhérents au fait de patrouiller et de défendre un territoire dont les ressources alimentaires abondent et sont prévisibles. La plupart des chercheurs sur le terrain pensent que Les gibbons sont monogames parce qu'ils sont armés pour ne vivre que des petits arbres fruitiers. Van Schaik et Dunbar ont affirmé que les gibbons sont mono- games pour éviter l'infanticide et qu'ils pourraient vivre dans des groupes polygynes ; malheureuse- ment, cette analyse se fondait sur des données incomplètes et disparates.*! Certaines exceptions à ce modèle strictement monogame ont été observées, mais généralement dans des circonstances extrêmes. Palombit a étudié le siamang et Le gibbon lar à Ketambe dans le Parc National du Gunung Leuser à Sumatra.”** IL a noté que le lien de couple est plus fort chez les siamangs ; Le couple se caractérise par une plus grande cohésion et l'épouillage était pratiqué aussi souvent par le mâle que par la femelle. Plusieurs cas d'abandon de partenaire, d'échange de parte- naire ou de copulation en dehors du couple étaient dus à une incidence élevée des maladies et des décès. Ahsan a rapporté des faits similaires au sujet des groupes de gibbons houlock au Bangladesh qui étaient confinés ou isolés dans des fragments de forêt de tailles diverses.' Les tendances à La pro- miscuité, voire à la polygynie sont souvent liées à l'absence de mâles dans ces fragments de forêt. Reichard et Sommer reprennent l'argument selon lequel les femelles défendent leurs parte- naires et les mâles défendent les ressources du territoire, ce qui laisse penser que les copulations en dehors du couple (12% de celles observées] brouillent la paternité et préviennent les infanti- cides ; d'où l'extension de la parenté aux groupes voisins.*”” Ils ont étudié des populations isolées de lar en Thaïlande, près de la zone hybride habitée par le H. lar et Le H. pileatus. lci, les domaines des couples de gibbons lar se chevauchaient à près de 64 %. Les rencontres entre les groupes étaient donc fréquentes et constituaient 9 % des activités quoti- diennes. Cette situation serait susceptible d'affaiblir le modèle de base monogamique et territorial. Formation des groupes Etant donnée la stabilité des groupes familiaux de gibbons sur de longues périodes, il est rare que les Jeunes qui arrivent à maturité dispersent et que de nouveaux groupes se forment. Le tableau qui s'est dégagé des observations faites à Malaya” et Mentawai“! est celui de jeunes adultes, récemment exclus de leur groupe de naissance, qui acquièrent un territoire avec où sans l'aide des parents et qui se trouvent un partenaire. Les jeunes femelles s'éloignent généralement peu du territoire parental à l'inverse des jeunes mâles et sont donc plus susceptibles de bénéficier de l'assistance parentale. IL existe une autre option, plus rare, qui conduit un jeune adulte à reprendre le territoire natal lorsque l'un où Les deux parents disparaissent ; si l'un des parents survit, il peut s'ensuivre un accouplement, mais cette relation incestueuse est généralement temporaire et/ou stérile. CONSERVATION DES GIBBONS Le défrichement des forêts est la menace la plus grave à la survie des primates et de nombreux autres animaux, de même qu'au bien-être des hommes. Lorsque le couvert forestier d'un pays tropical diminue à moins de 50 %, les changements climatiques et Les problèmes liés à l'eau et au sol semblent augmenter de manière dramatique.’ Puisque que peu de pays semblent être à même d'assurer la protection intégrale de plus de 10 % de leurs forêts, 40 % au moins de zone forestière doivent être gérés pour la production soutenue d'une grande variété de produits.””*' Les forêts en gestion servent de zone tampon aux forêts protégées, ce qui permet la régénération végétale et animale. Les formes, la taille et les relations spatiales des zones forestières aménagées doivent être planifiées avec le plus grand soin sur la base d'une recherche systématique qui doit encore être menée le plus souvent. La troisième partie de la stratégie consiste à utiliser au maximum et au mieux les portions de forêt déjà défrichées ou tellement dégradées qu'elles ne peuvent plus jouer leur rôle de forêt. Exploitation forestière, primates et populations humaines L'exploitation sélective du bois est à Long terme le meilleur compromis entre les besoins humains et animaux, mais elle ne peut réussir que si l'extraction du bois est très légère et soigneuse- ment contrôlée. Johns a étudié cette approche dans la zone de Sungai Tekam dans la Péninsule malaise. "7" Même lorsque seuls 10 arbres sont prélevés par hectare (c'est-à-dire 4 % des arbres), 45 % du peuplement (c'est-à-dire 68 % de la biomasse végétale) est endommagé pendant l'entrée, l'abattage et l'extraction. Ce sont les espèces les plus grandes et Les plus frugivores qui sont les plus vulnérables, mais leurs populations devraient se reconstituer totalement en 20 ou 30 GIBBONS ans (si aucune autre perturbation ne survient]. À titre d'illustration, les gibbons et les langurs mangent davantage de feuilles lorsque les fruits viennent à manquer dans les forêts fraîchement exploitées. Les gibbons restent dans leurs terri- toires mais les pressions affectent leur évolution. Les langurs peuvent quitter temporairement la zone perturbée et La mortalité s'accroît parmi Les jeunes (en raison des difficultés du déplacement à travers les trouées) ce qui ajoute aux pertes des populations. L'exploitation sélective du bois accroît la diversité des caractéristiques des micro-habitats de la mosaïque des états successifs de La forêt ; ce sont les plantes colonisatrices de la forêt immature qui fournissent les aliments les plus nourrissants et les moins protégés sur le plan chimique. Les communautés d'oiseaux gardent la même structure trophique, mais la composition des espèces peut changer de manière signifi- cative : les espèces généralistes survivent mieux que les insectivores et les frugivores dont les sources alimentaires peuvent être temporaire- ment bouleversées. Les mosaïques de forêt primaire ou exploitée peuvent supporter des populations viables de grands calaos qui occupent Serge Wich : LES PETITS HOMINOÏDES Habitat dégradé à Bornéo. 233 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 234 de vastes espaces. Ainsi, la persistance de la forêt primaire dans une zone peut être déterminante pour la survie de certaines espèces animales et Les relations entre ces deux types de forêt doivent faire l'objet d'études impératives. Des informations supplémentaires sur les incidences de l'exploitation sélective du bois dans la Péninsule malaise sont disponibles à partir des études sur la forêt primaire et des portions de forêt soumises à des per- turbations diverses” et de données tirées de Kalimantan est.“ À l'inverse des gibbons et des langurs, les orangs-outans et les nasiques (Nasalis larvatus] sont gravement affectés par l'exploitation sélective du bois. L'agriculture itinérante est pratiquée dans la majeure partie de l'Asie du Sud-est depuis des siècles, surtout Le long des fleuves. Dans les zones où La densité des populations est faible, Les périodes de jachère sont plus longues entre Les brülis et La culture, ce qui favorise La régénération de la forêt. Dans ces conditions, un paysage peut être couvert indéfiniment par une mosaïque de parcelles de forêt de taille et d'âge variables, avec un impact négligeable sur la biodiversité ou les fonctions écologiques relatives aux conditions naturelles. Lorsque la densité de la population humaine s'accroît, les périodes de jachère deviennent si courtes que le système devient insoutenable. La forêt peut très rapidement disparaître du paysage dans ces conditions. Si l'on considère les besoins humains, il devient évident que la forêt doit être aménagée pour un grand nombre de produits forestiers, outre le bois.”"* IL est impératif d'améliorer La protection des bassins hydrographiques et des parcs nationaux représentant tous les écosystèmes (en particulier les plus riches, situés sur les basses terres), et d'assurer une gestion efficace, durable des grandes zones tampons et une utilisation plus productive des terres forestières déjà défrichées.? Cette stratégie devrait permettre la sauvegarde perpétuelle de populations viables de tous les taxons de gibbons, mais sa mise en œuvre ne sera guère aisée. Translocation, élevage en captivité, réintroduction Mather” a élaboré une approche pertinente fondée sur l'analyse des arbres qui constituent la base alimentaire des gibbons d'après toutes les études antérieures, pour les comparer à la densité des gibbons dans chaque zone.’ IL démontre qu'il existe un lien direct entre la biomasse des gibbons et l'abondance de leurs aliments favoris. La taille des groupes s'accroît proportionnellement à l'abon- dance des figuiers dans une zone. Cette analyse permet de déterminer si une population de gibbons a atteint Le seuil de la capacité de charge, ou si elle est en decà (à cause des perturbations anthro- piques] ou au dessus (en raison de l'arrivée d'individus des zones perturbées adjacentes). L'opportunité des sites proposés pour la réintroduction ou la translocation peut être évaluée et La densité du peuplement déterminée ; La baisse de la capacité de charge peut être calculée là où intervient l'exploitation sélective du bois. Notre meilleure compréhension de la taxonomie et de l'écologie sociale de ce groupe d'hominoïdes et de leurs habitats dans les forêts tropicales humides améliore les chances pour leur conservation efficace. L'identification claire des espèces et des sous-espèces et une meilleure quantification de l'utilisation des ressources (struc- ture sociale, alimentation et parcours) par rapport aux disponibilités sont déterminantes pour une protection et/ou une gestion efficaces. Les prévisions relatives à une sévère réduction de la population des gibbons’ sont en train de devenir réalité pour Le gibbon de Kloss et Le gibbon lar à bonnet, les gibbons noirs étant les plus menacés d'extinction. Toutefois, avec la réduction des coupes à blanc, leur avenir serait plus prometteur si l'exploitation sélective du bois (avec de faibles taux d'extraction] se poursuit, ce d'autant que les gibbons ont montré une grande capacité d'adaptation à ce type de perturbation./”°# Peu d'avancées ont été enregistrées dans l'élaboration des techniques de translocation - déplacement de groupes sociaux d'un habitat condamné à un habitat protégé - probablement à cause des difficultés physiques inhérentes à cet exercice et l'absence d'habitat de destination approprié (mais pour en savoir davantage sur les véritables avancées voir Les travaux de Cheyne).‘ Cette alternative demeure cependant possible lorsque Les populations devien- nent en danger critique d'extinction, mais une préparation, des soins (avec une supervision vétéri- naire) et une surveillance adéquats sont indispensables. L'élevage en captivité à travers Le monde s'accompagne d'une utile publicité (sur Le sort des animaux des forêts humides) et d'éducation, ainsi que d'opportunités de mobilisation des fonds pour les activités de conservation. IL permet également de conserver le patrimoine génétique, avec des ‘studbooks’ méticuleux. L'avenir de la réintroduction des animaux dans la nature semble, cependant, sombre au vu des coûts que cette opération implique et de l'absence d'habitat disponible. Lorsque de tels habitats existent, il est plus économique et efficace de déplacer des groupes sociaux des fragments de forêt irrémédiablement détruits vers n'importe quelle forêt protégée faiblement peuplée. L'action prioritaire devrait consister à protéger l'habitat naturel et conserver la faune qu'il abrite. Kalaweit dans le Parc National de Bukit Baka au centre de Kalimantan donne des raisons d'espérer. Des infrastructures sont créées pour accueillir Les gibbons confisqués, pour promouvoir La formation des couples et Leur réintroduction {le moment venu) dans les forêts protégées. Un autre site susceptible d'assurer les mêmes fonctions est en train d'être mis sur pied près de Palangka Raya, la capitale provinciale de Kalimantan centre.‘* L'éducation est importante à divers niveaux comme l'ont prouvé les programmes réussis dans de nombreux pays. À terme, l'éducation des populations locales (dont Les vies sont immédiate- ment affectées par La destruction des forêts] et des jeunes [la génération future) à travers le monde s'avère cruciale. Cependant, il importe encore plus de persuader les décideurs d'aujourd'hui, notam- ment les gouvernements des pays tropicaux (qui sont presque tous conscients maintenant de ce qui doit être fait) et, davantage Les gouvernements des ‘pays utilisateurs ainsi que les dirigeants internationaux et nationaux des entreprises commerciales. Les politiques et les activités doivent être modifiées rapidement afin de prévenir les catastrophes imminentes. Il convient de changer les valeurs et de modifier considérablement l'écoulement des ressources pour éviter que la planète soit irrémédiablement endommagée. Un atelier international qui viserait La diffusion de OUVRAGES À CONSULTER GIBBONS: LES PETITS HOMINOÏDES l'approche interdisciplinaire bio-environnementale pourrait être déterminant dans ce processus. Les gibbons menacés La région indochinoise joue un rôle primordial dans la conservation des gibbons, et plus généralement dans la conservation de tous les primates [elle abrite environ 8 des 20 primates les plus menacés au monde). Les quatre espèces de gibbons à crête {(Nomascus spp.] au nord de cette zone et au sud de la Chine sont sérieusement menacées, les plus menacés sont les gibbons de Hainan (Chine) et Ca Vit (nord est du Vietnam] (Nomascus nasutus] qui comptent moins de 20 individus chacun. Des efforts ont déjà été entrepris pour assurer leur viabilité. Plus ils sont rares, plus Les populations locales sont disposées à faire des efforts. Les gibbons à joues blanches du nord et du sud présents au Vietnam et au Laos (Nomascus leucogenys) sont également dans une situation délicate, alors que le gibbon à joues jaunes (Nomascus gabriellae) au sud du Vietnam et au Cambodge semble être l'espèce la plus nombreuse du genre. Les autres gibbons Les plus menacés par la destruction des habitats sont le gibbon cendré {Hylobates moloch] qui ne survit qu'à l'ouest de Java et Le gibbon de Kloss (H. klossi] des îles Mentawai au large de la côte occidentale de Sumatra. Le statut du gibbon houlock (Buno- pithecus hoolock] est inconnu au Myanmar et est peut-être préoccupant; les populations du Bangladesh et de l'est de l'Inde ne sont pas abondantes. Le gibbon lar à bonnet (H. pileatus] est confiné en Thaïlande et sa situation au Cambodge est inconnue. Sinon, le très répandu siamang (Symphalangus syndactylus), le gibbon lar, le gibbon agile et Le gibbon de Müller (H. (ar, H. agilis et H. muelleri) sont toujours abondants là où survivent des vestiges de forêt et même dans les forêts soumises à une exploitation sélective. Brockelman, W.Y., Srikosamatara, S. (1984) Maintenance and evolution of social structure in gibbons. In: Preuschoft, H., Chivers, D.J., Brockelman, W.Y., Creel, N., eds, The Lesser Apes: Evolutionary and Behavioural Biology. Edinburgh University Press, Edinburgh. pp. 298-323. Carpenter, C.R. (1940) A field study in Siam of the behaviour and social relations of the gibbon (Hylobates lan. Comparative Psychology Monographs 16 (5): 1-212. Chivers, D.J., ed. (1980) Malayan Forest Primates: Ten Years’ Study in Tropical Rain Forest. Plenum Press, New York. Chivers, D.J. (2001) The swinging singing apes: fighting for food and family in far-east forests. In: Brookfield Zoo, The Apes: Challenges for the 21st Century. Conference proceedings. Chicago Zoological Society, Brookfield, Illinois. http://www.brookfieldzoo.org/content0.asp?pagelD=773. pp.1-28. 235 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Geissmann, T. (1995) Gibbon systematics and species identification. /nternational Zoo News 42: 65-77. Leighton, D.R. (1987) Gibbons: territoriality and monogamy. In: Smuts, B.B., Cheney, D.L., Seyfarth, R.M., Wrangham, RW. Struhsaker, T.T., eds, Primate Societies. University of Chicago Press, Chicago. pp. 135-145. REMERCIEMENTS J'adresse mes sincères remerciements à David Woodruff (University of California, San Diego) pour sa précieuse contribution à l'élaboration du présent chapitre. AUTEUR David J. Chivers, Wildlife Research Group, Department of Anatomy, University of Cambridge 236 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Conservation des grands singes TOSHISADA NISHIDA a conservation de la nature peut se décliner en objectifs à court, moyen et long terme. Un projet à court terme doit assurer la protection immédiate en empêchant en fait que soient commis des actes dangereux grâce à une application effective de La loi. De facon évidente, un projet à court terme est plus important qu'un projet à long terme car, si les animaux disparaissent aujourd'hui, il ne sert à rien de prévoir un projet à long terme pour demain. De même, si on réussit à sauver Les animaux au cours de cette décennie pour les perdre dans celle qui suit, alors l'action présente est totalement vaine. Notre mission à court terme devrait être de sauver les grands singes de l'extinction imminente et d'élaborer au minimum un plan de conservation à moyen terme en mettant en œuvre des mesures destinées à les sauver Si on considère GRASP comme une initiative à moyen terme, sa mission devrait alors consister à aider chacun des pays abritant des grands singes à élaborer des plans nationaux de sauvegarde des grands singes et à intégrer ces plans dans un réseau mondial. Limiter La construction des routes et l'exploitation forestière, parallèlement à l'appli- cation des principes de gestion forestière préconisés par le Forest Stewardship Council sont peut-être les éléments les plus importants à considérer. Les trois prochains chapitres font, je pense, une excellente présentation des mesures de conservation à court et à moyen terme, aussi me projetterai-je plutôt dans une perspective à long terme de la conservation des grands singes. Quand on me demande combien il y a de chimpanzés en Afrique aujourd'hui, je réponds généralement qu'il n'en reste peut être que 100 000. A cette réponse, mon interlocuteur pousse invariablement un «oh ! ILs sont donc encore si nombreux ! ». Les gens ne réfléchissent pas une seconde au fait que même la plus petite ville satellite de Tokyo ou Osaka compte plus de 100 000 habitants. Nous sommes tellement anthropo- centriques que nous ne nous rendons plus compte que nous surpeuplons la Planète au détriment des autres organismes vivants. L'anthropocentrisme est la cause première de l'extinction progressive des grands singes. Par conséquent, si nous ne parvenons pas à amener les individus à se départir de cette attitude nombriliste, tout espoir de sauver les grands singes sera vain. De toute évidence, nous, humains, devons tuer les animaux et les plantes pour survivre. Nous pouvons, toutefois, les respecter et nous abstenir de les tuer pour notre seul plaisir ou simplement pour satisfaire nos appétits insatiables. IL y a 50 ans à peine, l'interdiction de gaspiller de la nourriture, sauf en de rares occasions telles un festin ou un potlatch, était un principe universel de La doctrine humaine ; cette attitude devrait être reprise avec ferveur. L'existence humaine semble aujourd'hui n'être portée que par la seule éthique du « progrès ». Cependant, cette attitude ne s'est largement répandue en Europe qu'après le 18°" siècle, celui des Lumières. Tout au long de l'histoire des hommes, et encore de nos jours dans les communautés les plus traditionnelles à travers le monde, le conservatisme ou le respect des coutumes demeurent prédominants. Souvent je demande à mes assistants tanzaniens pourquoi ils font ceci et pas cela, et généralement, ils me répondent «oh, parce que mon grand-père le faisait. » Nous réalisons très peu que la plupart des développements modernes ne produisent que des 237 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 238 bénéfices à court terme au regard de la perte de matière qu'ils impliquent. Si l'anthropocentrisme actuel ne vise finalement que la perpétuation sans fin de la race humaine, je crois que la principale cause du déclin des populations de grands singes, ainsi que de nombreuses autres espèces de faune et de flore sauvages, est la demande sans cesse croissante, surtout dans les pays industrialisés, de matières premières : du bois bon marché, des produits agricoles bon marché, des ressources naturelles bon marché. IL est donc peut être temps pour nous qui vivons dans le monde industrialisé de remettre en question nos attitudes et habitudes consuméristes. C'est à ce moment seulement que nous pourrons véritablement œuvrer de concert avec ceux des pays abritant et consommant les grands singes pour réprimer la consommation de ces primates. D'autres approches prospectives peuvent, évidemment, être adoptées. Depuis quatre ans, je me suis engagé dans le Great Ape World Heritage Species Project (GAWHSP] car je demeure persuadé qu'un statut d'Espèce du Patrimoine Mondial devrait être conféré sur la base de sa valeur universelle qui répondrait tout à La fois aux objectifs scientifiques, culturels et de conservation. C'est l'un des motifs majeurs de la proposition de désignation des grands singes comme Espèce du Patrimoine Mondial. S'il arrive que l'écotourisme, voire la recherche aient des effets négatifs sur la santé des grands singes en raison de l'introduction des zoonoses, un grand nombre de grands singes sont protégés par des gardes forestiers en partie rémunérés grâce à l'écotourisme, comme à Mahale en Tanzanie. C'est dire si l'écotourisme a également un rôle important à jouer. Le versement des droits de recherche académique et orientée vers la conservation peut également être encouragé et, à l'instar de la pratique en cours dans certains pays d'Afrique de l'Est, les pays abritant Les grands singes pourraient considérer ces fonds comme une source de financement à long terme des aires protégées. Bien que les frais de recherche doivent être moins élevés que ceux exigés aux touristes, les chercheurs devraient consentir certains coûts, surtout qu'ils tirent certains avantages personnels de leurs travaux. Les efforts de conservation des grands singes à court terme entrepris au cours des 20 dernières années ont été mis à mal par la guerre et les conflits armés. Toutefois, même au plus fort des combats, certains chercheurs continuaient de se rendre dans leurs sites d'étude et de payer leurs assistants. Certes, les populations étudiées ont connu d'énormes pertes mais certains individus ont survécu à la crise et à cet égard, l'appui des scientifiques dévoués s'est avéré précieux. De ce fait, il serait, à mon sens, souhaitable que chaque aire protégée soit dotée d'une équipe de recherche scientifique à long terme basée sur place, même si sa composition est internationale. Gombe, Mahale, Karisoke, Wamba, Kahuzi-Biega, Bossou, Taï, Kibale, Budongo, Kutai et d'autres possèdent chacune une équipe scientifique. Kalinzu, Bwindi et Moukalaba devraient bientôt être du nombre. Cette liste pourrait intégrer toutes les aires protégées abritant les grands singes, et les organisations de conservation non gouvernemen- tales internationales pourraient aider à la mobilisation des fonds pour la recherche à long terme. Et étant donné que les chercheurs qui suivent les grands singes au quotidien se montrent très protecteurs à l'égard de « leurs » animaux, peut-être devrions-nous - comme le propose John Oates dans son excellent ouvrage Mythes et Réalités de la Forêt Tropicale- être amenés à créer des fonds d'affectation spéciale afin d'assurer la viabilité d'une recherche permanente à long terme. Toshida Nishida LES DÉFIS DE LA SURVIE DES GRANDS SINGES CHAPITRE 13 Les défis de La survie des grands singes LERA MILES, JULIAN CALDECOTT ET CHRISTIAN NELLEMANN es grands singes sont en péril car leur milieu est soumis à des actions anthropiques délibérées comme le déboisement et à des actions accidentelles comme les incendies de forêt. La destruction des forêts tropicales humides expose d'innombrables espèces au risque d'extinction. Aussi le problème de la conservation des grands singes ne peut-il être dissocié de la gestion et de l'avenir des forêts tropicales en général. Cela dit, les grands singes sont particulièrement vulnérables parce qu'il est aisé et généralement rentable de les abattre, que leur reproduction est lente et qu'ils sont sensibles à de nombreuses maladies humaines. Les principales menaces à leur survie sont la perte, la dégradation et la fragmentation des habitats en raison de l'exploitation forestière et du défrichement à des fins agricoles (en particulier en Afrique de l'ouest et en Asie du sud-est), les incendies de forêt (surtout en Asie du sud-est] et La chasse (en Afrique du centre et de l'ouest particulièrement]. Les maladies, les conflits humains et l'exploitation minière sont autant d'autres sources potentielles de risque. La demande des consommateurs étrangers pour des ressources de luxe tels que le bois tropical et Les produits alimentaires de base comme l'huile de palme contribue à l'accroissement de plusieurs de ces pressions. L'étendue et l'ampleur des menaces ont amené de nombreux observateurs à déduire que le déclin des grands singes s'accélèrera encore d'ici 10 à 20 ans.°“'"#"®115 PRÉDISPOSITIONS À LA FRAGILISATION Biologie et vulnérabilité Les grands singes ont un faible taux de reproduction, une longue espérance de vie et une longue ‘enfance’ (Tableau 13.1]. La conjonction de ces facteurs rend les populations de ces animaux vulnérables aux taux élevés de mortalité des individus adultes dont elles ont généralement du mal à se relever. Cette situation, associée aux exigences d'un vaste habitat naturel, constitue Le facteur écologique à la base de la sensibilité des grands singes aux actions anthropiques. Classification des catégories de menace La Liste Rouge des Espèces Menacées de l'UICN - l'Union Mondiale pour la Conservation de la Nature - est un guide qui permet de déterminer les espèces dont la conservation est la plus urgente. Le déclin de la population, récent ou attendu, constitue un critère important pour l'inscription sur la Liste Rouge. Si la population d'une espèce a baissé de 80 % ou plus sur une période de 10 ans (ou sur trois générations, Vu Danh Viet/U Topham X, | : Les incendies de forêts représentent l'une des nombreuses menaces sur les écosystèmes, surtout en Asie du sud-est. 239 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION suivant la période La plus longue] ou va certainement baisser, elle est classée dans la catégorie En danger critique d'extinction’ ; si Le déclin se situe entre 50 et 80 %, elle est En danger’. Tous les grands singes figurent dans les catégories ‘En danger’ ou ‘En danger critique d'extinction de la Liste Rouge”? L'orang-outan de Sumatra, le gorille de montagne et le gorille oriental de plaine (NdT), classés comme ‘En danger critique d'extinction’ suscitent Les plus vives inquiétudes (voir Tableau 13.1]. Le système de codification de la Liste Rouge fait également ressortir Les critères ayant motivé la classification.’ A titre d'exemple, l'orang-outan de Sumatra apparaît dans la catégorie En danger critique d'extinction [CR] A2bcd'. Ces lettres et chiffres signifient que : M Lorang-outan répond au critère À (déclin de La population) ; M de type 2 (baisse de plus de 80 % au cours des 10 dernières années ou trois dernières générations] ; M sur la base de facteurs de type b [indice d'abondance), c (déclin continu de La qualité de l'habitat] et d (niveau d'exploitation). Tableau 13.1 Caractéristiques de La reproduction des grands singes et statut dans la Liste rouge 2004 Durée de vie maximale Intervalle de procréation des adultes femelles Taxon Age minimum à la première gestation Statut de l'UICN° 7? Nombre estimatif Année d'individus de l'estimation Chimpanzé (Pan troglodytes] 10-137 44-67" 40-50° 172 700-299 700% 2003° EN A3cd Chimpanzé occidental (P. t. verus) 21 000-56 000 2003? EN Alcd+2cd Chimpanzé oriental (P. t. schweinfurthii) 76 400-119 600 2003? EN A3cd Chimpanzé central (P. t. troglodytes) Chimpanzé du Nigéria-Cameroun (P. t vellerosus] 2003? 2003° 70 000-116 500% 5 000-8 000% EN A3cd EN Aïlcd+2cd Bonobo 13-15 4.85 50-55!" {Pan paniscus] 10 000-50 000 (à > 100 000) * 2001 EN A2cd Gorille occidental (Gorilla gorilla} 94 500-110 000° * !"? 7 2000° EN A2cd 8 5€ 64, 160 rer 133 35-45° 12,65, 165 Gorille de Cross River (G. g. diehli) 250-280!" 2004 CR A2c:; C?ali] Gorille occidental des plaines (G. g. gorilla] 94 500-110 000° 1? 157 2000° EN A2cd Gorille oriental (Gorilla beringei) GOOM ca 2005 EN A?2cd Gorille de montagne (G. b. beringei) age 700 84 TON 102 2003 CR C?alil) Gorille oriental des plaines (G. b. graueri) 4.6" DÉSRLE 2005 EN A2cd+ 3cd+4cd 45 000-69 000! 2004 EN A2cd Orang-outan de Bornéo (Pongo pygmaeus) 11-15 8" Orang-outan du nord-est de Bornéo L C (P. p. morio) 11 000-21 000! 2004 non évalué Orang-outan du nord-ouest de Bornéo (P. p. pygmaeus]) 2 640-3 260" "7 2004 EN A2cd Orang-outan du centre de Bornéo (P. p. wurmbii] > 40 500 2004 EN A2cd Orang-outan de Sumatra (Pongo abelii] 7 334% 2004 CR A2bcd EN, En danger ; CR, En danger critique d'extinction ; pour plus d'explications sur les critères des menaces voir UICN (2000) catégories et critères de l'UICN pour la Liste rouge. Version 3.1. http://www.iucn.org/thèmes/ssc/listesrouges/RLcats2001booklet.htlm. Données du 28 mars 2004. Les estimations sur Les chimpanzés et Le gorille occidental ont été réalisées par Thomas Butynski (2001, 2003 | et comprennent des chiffres datant de 1984 à 2003. Consulter les profils des pays pour plus de détails Basé sur Le gorille oriental Basé sur Le gorille occidental des plaines Les récents déclins résultant des épidémies de la fièvre hémorragique Ebola n'ont pas été quantifiés Pas de données ; des travaux ont été entrepris sur le terrain en 2005 afin d'évaluer l'importance du déclin. Chute de 17 000 à + 8 000 en 1998. 240 Les principales menaces sont elles aussi classées par catégorie. Pour ce qui concerne l'orang-outan de Sumatra, elles sont : Œ 111.1 (perte de l'habitat due à l'agriculture itinérante) ; M 1.3.3 (perte de l'habitat dû au prélèvement du bois) ; H 3 {(prélèvement/chasse). Le système de l'UICN est donc une synthèse d'opinions d'experts et de preuves scientifiques sur le statut d'une espèce, d'une sous-espèce ou d'une population. La Liste Rouge 2004 comprend 352 espèces de mammifères en danger et 162 autres en danger critique d'extinction, ce qui montre, s'il en était encore besoin, que la menace est réelle.” Le péril qui menace les grands singes peut être perçu comme une alerte à la disparition de nombreuses autres espèces moins connues. La proche ressemblance entre Les êtres humains et Les grands singes rend leur situation encore plus préoccupante pour nous : car c'est bien nos parents qui sont ainsi menacés. Risques et incertitudes Nos connaissances écologiques s'affinant depuis Le milieu du 20°" siècle, nos estimations de la taille des populations des grands singes se sont parallèlement accrues, même si, en réalité ces populations ont plutôt décru au cours de cette période. L'orang- outan de Bornéo en est une parfaite illustration (voir Tableau 13.2]. La raison en est que les premières estimations ne prenaient pas toujours la pleine mesure de l'étendue des habitats et des régions occupées par les grands singes, de même que les différentes méthodes d'échantillonnage et d'extra- polation utilisées étaient sources d'erreurs. Ces méthodes sont généralement basées sur la densité des nids, alors que les nids des primates ne sont pas aisément repérables en forêt : des études au sol ou par hélicoptère, par exemple, peuvent produire des résultats totalement différents. Néanmoins, il est certain que les espèces ayant les plus petites populations sont Le gorille de l'est et l'orang-outan de Sumatra [voir Tableau 13.1), que la sous-espèce la plus rare est Le gorille de Cross River et que le chimpanzé est l'espèce de grand singe ayant Le plus grand effectif. Approxima- tivement, les chimpanzés sont deux fois plus nombreux que les gorilles occidentaux, quatre fois plus nombreux que les orangs-outans de Bornéo ou LES DÉFIS DE LA SURVIE DES GRANDS SINGES Tableau 13.2 Estimations des populations d'orangs-outans de Bornéo au fil des ans° Année Estimations Tendance Années 60 450-900 7 En déclin Années 70 250°, 2 000-3 000° * En déclin Années 80 > 3 500° En déclin 1990 30 000-50 000 Indéterminée 1995-1996 15 953-24 497107 12 En déclin 2004 45 000-69 000? En déclin a Voir également Tableau 10.4 b Sarawak uniquement c Sabah uniquement Tableau 13.3 Déclin de l'orang-outan de Sumatra, tiré de La Liste rouge de l'UICN® Année Taxon Pourcentage du déclin Tendance 1992-1999 Pongo abelii 46 En déclin‘” 1992-2000 Pongo abelii > 50 En déclin‘? 2000 Pongo abelii 17 En déclin‘ a Voir également Tableau 11.3 les bonobos, et près de 30 fois plus nombreux que les orangs-outans de Sumatra. Les sous-espèces de chimpanzé Afrique centrale et de l'est compteraient chacune plus de 90 000 individus. La seule autre sous-espèce de grand singe susceptible d'égaler ces chiffres est Le gorille des plaines de l'ouest. Si l'on oppose ces chiffres à ceux de La population humaine mondiale estimée à 6465 milliards de personnes en 2005, on obtient un ratio de 27 000 personnes environ pour un chimpanzé.” IL n'y a, à ce jour, que très peu de chiffres relatifs au taux de déclin réel du nombre de grands singes. La Liste Rouge fournit des estimations sur les orangs-outans de Sumatra (voir Tableau 13.3). Elle permet d'affirmer également que Le nombre d'orangs-outans de Bornéo, de chimpanzés et de gorilles de l'est est en baisse, mais en l'absence de chiffres précis, il est difficile de juger la situation exacte du gorille de l'ouest et du bonobo.” Les effets conjugués de la fièvre Ebola et de La chasse au gibier, au cœur du territoire du gorille de l'ouest et du chimpanzé, dans le Bassin du Congo, ont eu un effet dévastateur sur les grands singes ayant probablement réduit de moitié les populations de ces deux espèces (NdT]). 241 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION PERTE ET FRAGMENTATION DES HABITATS Les grands singes sont des créatures des forêts tropicales humides, même s'ils ne sont pas tous arboricoles au même degré. On verra rarement lorang-outan au sol, alors que le bonobo, plus terrestre, passe relativement peu de temps dans les arbres. Quoi qu'il en soit, tous les grands singes construisent, La plupart du temps, des nids dans les arbres et se nourrissent de produits arboricoles {les gorilles de montagne, cependant, trouvent plus souvent leur nourriture au niveau du sol dans la strate herbacée). Même les chimpanzés, l'espèce la plus susceptible d'être trouvée dans les forêts peu denses ou les terres agricoles, doivent se rendre dans la forêt pour dormir et se nourrir Aussi la sauvegarde à long terme des grands singes Tableau 13.4 Réduction du couvert forestier naturel dans Les états abritant Les grands singes, 1990-2000° Forêts Changements Changement annuel naturelles Forêts naturelles (% des chiffres 2000 (km’] 1990-2000 (km?) de 1990) Angola 696 150 -12 630 -0.18 Burundi 211 -1 279 -8.58 Cameroun 237 780 -22 820 -0.88 Congo 219 767 -2 213 -0.10 Côte d'Ivoire 69 327 -27 703 -2.86 Gabon 217 89%6 -1 164 -0.05 Ghana 62 590 -12 230 -1.64 Guinée 69 042 -3 678 -0.5 Guinea-Bissau 21 855 -2 165 -0.90 Guinée Equatoriale 17 520 -1 030 -0.56 Indonésie 951 155 -168 695 -1.5 Liberia 33 625 -8 725 -2.06 Mali 131 715 -9 935 -0.70 Malaisie 175 425 -40 375 -1.87 Nigéria 128 239 -45 261 -2.6 Ouganda 41 472 -9 358 -1.84 République Centrafricaine 229 027 -2 983 -0.13 République Démocratique 1351 103 -53 837 -0.38 du Congo République Unie de Tanzanie 386 761 -8 939 -0.23 Rwanda 462 -3 228 -8.75 Sénégal 59 418 -6 012 -0.92 Sierra Leone 10 490 -3 610 -2.56 Soudan 609 865 -100 265 -1.41 a Ces estimations de La déforestation entre 1990 et 2000 ont été calculées d'après les données de l'Evaluation des Ressources Forestières (FRA) de La FAO, en déduisant le changement total des surfaces plantées', FRA 1990 à FRA 2000.45 242 dépendra-t-elle du sort des forêts dans les pays qui les abritent. ILest difficile de trouver des cartes mondiales de la déforestation. L'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO) rassemble des informations sur les superficies forestières par pays ainsi que les estimations de l'ampleur des changements. La FAO définit les forêts comme des étendues dont la canopée est couverte à plus de 10 %, qu'elles soient des formations naturelles ou non. Les estimations des changements subis par Les forêts naturelles ne sont pas fournies séparément de celles des changements du couvert forestier, mais ces données peuvent être obtenues en déduisant le taux du changement des forêts plantées du total {voir Tableau 13.4). La déforestation est parfois La conséquence d'une décision de développement (ex. le remplacement de la forêt humide de plaine par des plantations de palmier à huile, ou des forêts de marécage par des constructions dans Le cadre d'un plan de réinstallation], tout comme elle peut être le résultat de La conjonction de petites actions qui finissent par créer un environnement déboisé {ex. l'installation des humains avec leurs petites exploitations agricoles se multipliant Le Long d'une route forestière]. Elle peut également survenir lorsqu'une forme de perturbation (à l'instar de l'exploitation forestière] entraîne un assèchement de la forêt au point qu'elle puisse prendre feu à la moindre occasion {comme ce fut Le cas à Bornéo en 1997-1998 et à Sumatra en 2004]. La déforestation peut être irréversible lorsque, par exemple, Les sols exposés sont profondément lessivés ou érodés ou si des herbes propices à s'enflammer, telles que l'alang-alang (/mperata cylindrica]) y poussent et sont brûlées régulièrement. Les incendies à grande échelle apparaissent comme un important facteur dans les forêts d'Asie du sud-est où vivent les orangs-outans, en particulier à Bornéo. Ici, Les sols fertiles sont peu nombreux, la population humaine est éparse et les techniques d'utilisation des terres nécessitent beaucoup d'espaces et de forêts. Les agriculteurs locaux ont coutume de défricher des flancs entiers de coteaux pour une ou deux récoltes avant de passer à un autre terrain, tout en pratiquant aussi la chasse dans de vastes étendues forestières. Par ailleurs, les planificateurs du gouvernement central ont tendance à considérer l'intérieur de Bornéo comme une zone plus ou moins «vide» et y attribuent des permis d'exploitation ou de plantation ou en font le site d'importants projets infrastructurels ou de plans de réinstallation. Périodiquement, l'Oscillation Australe El Nino (EL Niño Southern Oscillation : ENSO] retarde le début de la saison des pluies en Asie du sud-est. Ces sécheresses, couplées à La tradition locale du brülis et aux effets de l'exploitation forestière qui ouvre et entraîne l'assèchement des forêts, intensifient la propagation des feux. C'est en particulier le cas des forêts marécageuses où des canaux sont creusés pour faire flotter Les grumes et qui, à la fin de l'exploitation, ne sont pas remblayés et continuent alors de drainer les marais en asséchant Les nappes d'eau locales. Les principaux incendies liés à l'ENSO ont eu lieu en 1982-1983, 1991, 1994 et 1997-1998.’ Les incendies de 1997- 1998 étaient si étendus que des millions de personnes furent affectées par la pollution atmosphérique”; ces nuages de pollution sont de nouveau apparus en 2002 et 2004. Dans de nombreuses régions, le feu et l'agri- culture se conjuguent pour créer un paysage bigarré, formé de parcelles de forêt humides souvent confinées dans des ravins et des vallées et de prairies maintenues par Les feux sur les pentes. C'est ainsi que se présente la majeure partie de l'habitat du gorille de Cross River, par exemple sur le Plateau Obudu dans la Division Okwangwo du Parc National de Cross River au Nigéria. De petites populations peuvent se retrouver prisonnières dans ces portions de forêt, sans qu'il leur soit possible de se déplacer vers d'autres aires plus grandes. Des coulées vertes constituées de plantations agricoles ou d'habitations le long des routes peuvent de même fragmenter un paysage forestier et avec lui, une population de grands singes. Certaines des mesures mises en œuvre par les écologistes visent à remédier à cette situation en reliant, par exemple, les blocs d'habitats par des corridors forestiers. La fragmentation est une menace car elle réduit Le patrimoine génétique au sein d'une population qui se multiplie, diminuant ainsi son hétérogénéité génétique et exacerbant sa vulnérabilité aux effets de La consanguinité. Les populations isolées sont également potentiellement vulnérables aux catastrophes et autres accidents tels que les maladies et Les incendies de forêt.” DESTRUCTION DES HABITATS La deuxième moitié du 20°” siècle a été marquée par l'avènement d'un marché mondial du bois tropical et par la présence dans les pays tropicaux de capitaux et d'équipements permettant LES DÉFIS DE LA SURVIE DES GRANDS SINGES l'exploitation industrielle des forêts. Même l'exploitation mécanisée la mieux contrôlée a un fort impact sur l'environnement local. Les routes et les entrepôts de grumes sont construits à l'aide d'équipements lourds qui tassent et exposent les sols ; des arbres doivent être abattus, écrasant dans leur chute leurs voisins, puis sont traînés, détruisant d'autres arbres autour. Si l'on garde à l'esprit que ces opérations se déroulent dans un milieu tropical à forte pluviométrie, généralement sur un terrain escarpé et toujours loin de la supervision des ingénieurs forestiers et des responsables de l'administration forestière, alors l'impact sur les écosystèmes forestiers est probablement grave. Le degré de gravité dépendra de divers facteurs dont l'ampleur de l'opération. Les forêts de diptérocarpes d'Asie du sud-est sont exploitées à un rythme plus élevé que celui observé pour des opérations similaires dans les forêts africaines, car les diptérocarpes poussent de facon plus dense et donnent un bois précieux. Les études portant sur les pays tropicaux producteurs de bois font ressortir un tableau récurrent. Les administrations en charge des forêts fonctionnaient relativement bien jusqu'à ce que l'avènement de nouvelles technologies et l'ouver- ture de nouveaux marchés rendent l'exploitation forestière considérablement plus rentable. À partir de ce moment, les gouvernements de ces pays ont invité les multinationales à exploiter les forêts suivant le principe du partage des profits. Pour ce faire, il fallait généralement que les administrations chargées des forêts soient partiel- Gordon Miller/IRF Conversion de l'habitat des grands singes en terre agricole. Cette zone se situe entre Bwindi et Mgahinga en Ouganda. 243 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 244 Encadré 13.1 Bienheureux les gorilles ? Les grands animaux dont le cycle de reproduction est lent sont généralement les premiers menacés d'extinction. Les gorilles sont les plus grands des primates et seuls les autres grands singes se reproduisent aussi lentement qu'eux. Pourtant, ni le gorille occidental, ni Le gorille oriental n'étaient classés parmi les espèces de primates les plus menacées {voir Tableau 13.1] ( aujourd'hui Gorilla gorilla est classé «En danger critique d'extinction », NdT) . Plus de 6 % des 296 espèces de primates figurant dans la Liste Rouge de l'UICN sont classés dans la catégorie « En danger critique d'extinction »”, mais quatre des six espèces de grands singes ne sont classés que dans la catégorie « En danger » (NdT]. Pourquoi les gorilles de l'est [NdT}, les plus grands des primates, ne sont-ils pas classés parmi Les espèces de primates les plus menacées ? Le danger d'extinction d'un taxon est déterminé tout d'abord sur la base de la nature et de l'intensité des menaces, puis d'après sa biologie. Les gorilles semblaient être chanceux dans les deux cas Préservés par leur biologie (1) Contrairement aux autres grands singes, les gorilles peuvent survivre longtemps en se nourrissant d'herbes au lieu d'aliments à forte teneur énergétique tels que Les fruits ou la viande." Cette nourriture relativement pauvre abonde dans toutes les forêts, ce qui est loin d'être Le cas pour les autres aliments plus nutritifs. Lorsque les fruits viennent à manquer, les autres grands singes s'épuisent à en chercher tandis que les gorilles se tournent vers les aliments de qualité moindre. En dépit de leur large carrure qui exige une certaine quantité de nourriture, les gorilles peuvent ainsi survivre plus longtemps, dans de petites aires d'habitat naturel, que les autres grands singes. Préservés par leur biologie (2) Les gorilles occidentaux des plaines peuvent vivre en grand nombre dans les forêts marécageuses, comme l'ont récemment découvert les biologistes."““*'? De vastes superficies de forêts marécageuses restent intactes dans les aires de répartition des gorilles, surtout au Congo” Les orangs-outans vivent eux aussi très bien dans les forêts marécageuses, mais en Asie du Sud-est, ces dernières ont été gravement affectées par l'exploi- tation et Les changements connexes découlant du drainage et des incendies subséquents. Préservés des menaces {1} Les mammifères et les oiseaux sont plus souvent menacés dans les zones à forte densité humaine‘?, mais très peu d'hommes vivent dans les vastes régions des forêts marécageuses d'Afrique de l'Ouest. Si la faiblesse de la densité humaine et l'étendue de l'aire géographique de répartition accroissent la sécurité des taxons, alors on a des lement affaiblies pour les rendre moins regardantes sur la question de la durabilité, et que la législation forestière soit réécrite de sorte que Les intérêts publics à long terme soient dépassés par les intérêts financiers personnels à plus court terme. Ce scénario s'est maintes fois répété en divers lieux, dans les années 70 et 80 notamment à Bornéo, puis dans les années 80 et 90 en Indonésie. L'Indonésie a préservé l'intégrité de La plupart de ses forêts jusqu'en 1950 mais au cours des 50 années qui ont suivi, Le couvert forestier est passé de 1 620 000 km? à 980 000 km2.* La destruction des forêts s'accélère, les forêts de plaine étant Les plus en péril. Si les taux actuels de destruction sont maintenus, les forêts de plaine disparaîtront à jamais de Sumatra et de Kalimantan (Bornéo indo- nésien) dans 10 à 20 ans, voire plus tôt.“771 La plupart des forêts indonésiennes sont attribuées en concessions à des sociétés tournées vers l'exportation. Barito Pacific Timber Group, le plus grand exploitant forestier d'Indonésie a exporté plus de 94% de sa production en 2001.* L'exploitation frauduleuse massive du bois à des fins d'exportation constitue également un problème grave dans le secteur.” Un programme financé par le gouver- nement britannique a établi que 73 % de toutes Les grumes d'iIndonésie provenaient de sources illégales”, et que, depuis de nombreuses années, les grumes exportées frauduleusement appro- visionnent en matières premières les scieries malaisiennes dont les capacités sont trop importantes pour la production [légale] de bois du pays. Depuis de nombreuses années, le gouver- nement indonésien, aidé par l'Union Européenne, les Etats-Unis et d'autres pays, essaie de réguler cette activité et en juillet 2004, il a proposé d'infliger LES DÉFIS DE LA SURVIE DES GRANDS SINGES raisons de penser que les gorilles occidentaux seraient moins menacés que le suggère la Liste Rouge de l'UICN. Lorsque ces critères sont utilisés, le gorille occidental apparaît comme l'un des primates les moins menacés ; plus de 50 % des autres espèces de primates sont davantage menacés.“ Préservés des menaces (2) Non seulement très peu de personnes vivent actuellement au cœur des forêts marécageuses, mais l'accès y est encore extrêmement difficile Les gorilles des forêts marécageuses d'Afrique de l'ouest, peut-être les plus nombreux pour l'heure en Afrique, sont moins exposés à l'exploitation forestière ou au commerce de viande de brousse que leurs congénères où d'autres animaux vivant dans des zones ayant une égale densité humaine Préservés des menaces (3) La densité de La population humaine n'est pas aussi faible dans toutes les parties de l'aire de répartition des gorilles. Quelques-unes des densités Les plus fortes en Afrique sont enregistrées dans l'aire de répartition du gorille oriental, à l'est de l'Afrique Centrale.” Le chaos né de la guerre et de la rébellion dans cette région s'est souvent traduit par le massacre des gorilles, comme ce fut le cas pour les gorilles de plaine de l'est du Parc National de Kahuzi-Biega.* Singulièrement, certaines des aires les mieux protégées en Afrique se trouvent la peine de mort à toute personne jugée coupable d'exploitation illégale du bois. Jusque dans les années 80, la valeur commerciale du bois de l'Afrique de l'ouest et du centre était considérée comme faible, ce qui Limitait les pressions inhérentes à l'abattage sélectif du bois qui avait cours. La situation changea radicale- ment pendant les années 90 en raison de l'épuisement des forêts d'Asie du sud-est. En 2000, le Gabon avait attribué des concessions forestières sur la moitié de ses forêts” et La production de bois était passée à 2,5 - 2,7 millions de m3/an. Au même moment au Cameroun, plus de 170 000 km? (76 %) des forêts du pays avaient été soit exploitées, soit attribuées en concession et les images satellites ont montré que des réseaux de nouvelles routes forestières s'étaient développés jusqu'aux forêts considérées comme les moins accessibles du à ès lan Redmond/UNESCO Un gorille bienheureux ? également dans l'aire de répartition du gorille de l'est; malgré les vicissitudes de la guerre et du génocide la population de gorilles de montagne des Virunga s'est accrue. ®* Evidemment, si deux sous-espèces de gorilles {les gorilles des plaines de l'ouest et les gorilles de montagne] semblaient moins menacées que de nombreuses autres espèces de primates, nous ne pouvons pas pour autant en déduire que le genre tout entier est en sécurité. Les épidémies de la fièvre hémorragique Ebola semblent avoir exterminé Le gorille occidental des plaines de nombreuses aires à l'est du Gabon.’ En dépit des efforts de conservation menés depuis des décennies, Les changements des modes d'utilisation des terres et La chasse demeurent des menaces réelles pour les gorilles. Alexander H. Harcourt pays.” Une exploitation à grande échelle a également été observée au Rio Muni en Guinée- Équatoriale, en RDC et dans les sections de la forêt de Mayombé situées au Congo, ainsi que dans d'autres pays de l'aire de répartition du gorille occidental.” Un grand nombre des concessions attribuées en RDC est situé dans l'aire de répartition du bonobo. Selon Le service national des forêts, près de 24% de l'aire de répartition du bonobo est sous concession forestière“; d'autres observateurs avancent le chiffre de 55 %.” Les produits ligneux représentent à l'heure actuelle plus de 10 % des échanges commerciaux au Cameroun, en RCA, au Congo, en Côte-d'Ivoire, en Guinée-Équatoriale, au Gabon et au Libéria." La plupart des sociétés forestières opérant dans le Bassin du Congo ont leur siège dans des pays de l'Union Européenne, à 245 WORLD ATLAS 0F GREAT APES AND THEIR CONSERVATION Cet orang-outan du centre de Kalimantan présente manifestement des signes d'amaigrissement liés à la perturbation de son habitat. 246 Tine Geurts savoir Le Danemark (ex. Groupe DLH), la France (ex. Rougier, Thanry et Interwood), l'Italie (ex. Alpi] et l'Allemagne (ex. Danzer, Feldmeyer et Wonnemann).# L'exploitation du bois dans les forêts tropicales humides est un processus complexe qui touche à un grand nombre d'écosystèmes différents et a des effets considérables sur les diverses espèces en présence."* Il n'est pas encore complètement avéré qu'une exploitation modérée à elle seule ait un impact fortement négatif sur Les grands singes qui sont robustes, mobiles et dont Le régime alimentaire est varié. Toutefois, lorsque les fruits viennent à manquer à cause de l'exploitation forestière, alors la capacité de charge diminue inévitablement, en particulier pour l'orang-outan. Les gorilles plus herbivores et terrestres et Les chimpanzés dotés de plus grandes capacités d'adaptation sont susceptibles d'être moins affectés par une exploitation forestière modérée. S'ils sont, cependant, repoussé hors de leur domaine vital normal, cela peut être source de stress et de perturbations des interactions sociales avec les groupes et communautés voisins. Par contre, il apparaît clairement que les ouvriers qui manipulent Les bulldozers et troncon- neuses dans les chantiers, ceux qui les accom- pagnent dans les campements et toutes Les personnes qui viennent ultérieurement s'installer le long des nouvelles routes forestières voudront probablement compléter leur alimentation en s'adonnant à la chasse. Ils voudront également accroître leurs revenus en vendant, s'ils Le peuvent, des produits forestiers. La plupart considéreront les grands singes comme un aliment et La viande de grand singe boucanée comme une marchan- dise. Ces pressions cynégétiques constituent une menace sérieuse liée à l'exploitation forestière. En outre, une fois l'exploitation terminée, les plantations, fermes, ranches, feux et espèces exotiques envahissantes ont tendance à envahir les zones exploitées, créant un nouvel écosystème où ne subsistent que d'infimes parcelles de la forêt dense d'origine, et donc peu ou pas de grands singes. CHASSE ET COMMERCE DE LA VIANDE DE BROUSSE Marchés historiques Les grands singes ont pendant longtemps fait l'objet de divers usages traditionnels, notamment dans la confection des ‘fétiches. Les os des gorilles servent, par exemple, à la fabrication des amulettes qui sont très recherchées par les guérisseurs traditionnels.* Les parties du corps de chimpanzé et de gorille sont également utilisées dans la médecine traditionnelle en Afrique de l'ouest" et au Congo."* À Sumatra, les bâtons et les baguettes de chaman étaient généralement ornés de poils d'orang-outan."'À Bornéo où la tradition de La conservation des têtes comme trophées est répandue et récente, Le crâne d'un orang-outan peut rapporter jusqu'à 70 dollars américains dans les villes du Kalimantan et cela semble être l'alternative La moins illégale à l'utilisation des crânes humains (voir également Encadré 13.3). Au plan historique, le commerce des grands singes pour servir d'animaux de compagnie ou de recherche s'est avéré lucratif pour les chasseurs. Le commerce international des orangs-outans était florissant entre les années 30 et 60, même si leur chasse a été interdite en 1924 à Sumatra et en 1931 au Sarawak."' Dans les années 80, des films et séries télévisées populaires ont provoqué un regain de la demande en orangs-outans comme animaux de compagnie, en particulier en Extrême-Orient. Environ 1 000 orangs-outans auraient été importés à Taïwan entre 1995 et 1999 dans le cadre de ce commerce ; Le prix d'un grand singe au marché noir variait entre 11 000 et 20 000 Encadré 13.2 ANALYSE PAR SATELLITE DES MENACES SUR LES CHIMPANZÉS DE GOMBE Le 31 janvier 1961, Ham, un chimpanzé mâle de quatre ans, a participé à l'une des premières missions spatiales de La NASA. Le succès du vol de Ham a ouvert la voie au programme des vols spatiaux habités des Etats-Unis"! Les technologies spatiales! permettent maintenant d'obtenir des informations cruciales qui aident à sauver les chimpanzés et d'autres espèces de grands singes menacées d'extinction. Si nous voulons sauvegarder les grands singes, nous devons évaluer en toute objectivité Le succès des actions de conservation. Pour ce faire, nous avons besoin des informations les plus complètes sur les habitats et les modes d'utilisation des terres, assorties de tous les détails temporels et spatiaux. Malheureusement, les aires de répartition des grands singes se situent dans le monde en développement où peu d'informations de terrain sont disponibles. Un grand nombre de détecteurs à bord de satellites, dont les capacités sont multiples, permettent de nos jours de représenter sur des cartes la localisation, l'étendue et l'ampleur de certaines formes d'activités humaines à l'intérieur de l'aire de répartition des grands singes. Les images transmises par satellite nous ont permis de mieux mesurer les menaces sur les chimpanzés et de soutenir les efforts de conservation dans le Parc National de Gombe en République Unie de Tanzanie. À Gombe, les premiers travaux et décou- vertes révolutionnaires de Jane Goodall sur le comportement des chimpanzés ont permis de réduire le fossé entre les êtres humains et non humains, nous édifiant davantage sur notre propre place dans la nature. Situé sur les rives du Lac Tanganyika à l'ouest de la Tanzanie, le Parc National de Gombe a été créé en 1968 et est le premier parc voué principalement à la protection dollars américains. L'essentiel de ce commerce a aujourd'hui cessé, mais il est très rentable là où il a cours. Tout aussi lucratif était le commerce des bébés bonobos, chimpanzés, voire gorilles comme animaux de compagnie, pour les zoos et les collections privées ; des centaines de chimpanzés ont été exportés en vue de La recherche LES DÉFIS DE LA SURVIE DES GRANDS SINGES des chimpanzés. Gombe abrite l'un des plus vieux sites de recherche en éthologie au monde. La recherche a débuté en 1960: pendant des décennies, le personnel du Centre de Recherche de Gombe a suivi les chimpanzés à la trace pour rassembler des données au quotidien. Etant donné la somme d'informations disponibles sur chaque individu, les chimpanzés de Gombe constituent une source unique pour mieux comprendre l'écologie comportementale et Les besoins de conservation de leur espèce. Les chimpanzés de Gombe sont confrontés à de nombreuses menaces et leur situation est critique. La superficie du parc est de 35 km? seulement et le nombre de chimpanzés diminue en raison des maladies, du braconnage et de la destruction des habitats. Une fois que ces menaces et leurs causes seront bien identifiées, il sera possible d'améliorer les stratégies pratiques mises en œuvre pour atténuer ou éliminer ces menaces, et d'évaluer le succès de la conservation. À Gombe, les images transmises par satellite ont été déterminantes dans la représentation cartographique à diverses échelles spatiales des menaces qui pèsent sur les habitats des chimpanzés. Ces derniers vivent dans une mosaique de forêts et régions boisées semper- virentes et décidues ; Les images satellitaires ont donc permis d'évaluer l'ampleur de la destruction de ces habitats dans La région de Gombe. Les satellites Landsat gravitent autour de la Terre depuis 1972 et recueillent en permanence des images de la surface de la Terre. Les nombreuses données d'archive comprennent de nombreux clichés de Gombe, ce qui permet de comparer des images prises à diverses périodes. ‘Lindexage différentiel de La végétation qui quantifie les changements survenus dans la couverture végétale a été réalisé grâce aux images prises pendant Les saisons sèches de 1972 et 1999. L'on a pu ainsi observer la destruction et la Suite page suivante biomédicale, activité qui s'est poursuivie jusque dans les années 80 grâce à des permis existants, en dépit des restrictions imposées par la Convention sur le Commerce International des Espèces de faune et de flore sauvages Menacées d'Extinction (CITES). Ce commerce illégal reste rentable. 247 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 248 | Forêt sempervirente transformée en palmeraie Région boisée de Miombo | réduite en charbon de bois| © Villages Frontière Tanzanie- Burundi C1 PN de Gombe AN Routes principales NDVI 1972-1999 De jaune à rouge= déboisement De clair à sombre= augmentation de la végétation BB : 06 Su. EM 3 - 2 Dév Std D 2-1 Dév.Std. -1 - 0 Dév. Std. Moyen 0 - 1 Dév. Sid. LUN 1- 2Dév. Std. EM 2 - 306 Std Be - : 04 su. UM Aucune donnée conversion des forêts en plantations de palmier à huile, de même que le déboisement à grande échelle des régions boisées {sèches décidues] de Miombo pour l'agriculture et la production du charbon de bois. Les plus grandes pertes du couvert forestier s'observent surtout à l'extérieur du parc national, sur les terres des villages et dans les réserves forestières, dans des aires moins bien protégées mais dont on sait qu'elles abritent des chimpanzés (Figure A]. L'analyse a révélé un accroissement du couvert forestier dans le Parc National de Gombe et dans les portions de forêt protégées, comme à Kitwe [Figure Al, restaurées par le Projet de Captage, de Reboisement et d'Education de Les grands singes comme aliment La consommation de la viande de grand singe est interdite par la tradition dans diverses parties du monde, parfois parce qu'ils sont vénérés, ou jugés trop proches de l'homme, où encore impropres à La consommation. La consommation de primates est proscrite par l'islam, ce qui a quelque peu protégé Figure A Changement du couvert forestier dans La région de Gombe, 1972-1999 Le couvert forestier est exprimé en termes d'indice Normalisé de Différence de Végétation (NDVI). Tanganyika mis en œuvre par l'Institut Jane Goodall. Ceci est la preuve des immenses possibilités de restauration des forêts et des végétations de Miombo qui existent dans la région de Kigoma. Si des portions suffisamment vastes de ces habitats sont restaurées à des points stratégiques pour les chimpanzés et reliées aux vestiges de forêt existants, alors on pourrait dire que l'espoir est permis pour l'avenir à long terme des populations de chimpanzés de Gombe. Les satellites Landsat ne peuvent capter que des traits géographiques longs de plus de 57 mètres. La plupart des habitats humains, des routes et plantations dans l'ouest de la Tanzanie sont plus petits et donc difficiles ou impossibles à les espèces à Sumatra et dans certaines parties de Bornéo et de l'Afrique. Toutefois, les déplacements des populations humaines et Les échanges culturels ont dilué certaines de ces traditions, au même titre que la demande croissante du marché de la viande de brousse qui a fait de la chasse une activité très lucrative (Voir Encadrés 13.3 et 13.4). LES DÉFIS DE LA SURVIE DES GRANDS SINGES altimétrique numérique cartographier Des images satellitaires à plus haute résolution existent maintenant et permettent de détecter des objets à une échelle de 0,6 à 4 m. L'efficacité avec laquelle les nouvelles technologies cartographient les couverts forestiers hétérogènes de même que les plantations et habitations humaines et les sentiers est manifeste sur la Figure B (une image d'IKONOS avec une définition d'un mètre]. Les points jaunes indiquent la position de Fifi, un chimpanzé femelle suivie toutes Les 15 minutes en 1999. On peut voir à cette échelle, à quel point de nombreuses activités humaines affectent directement Les chimpanzés et c'est la raison pour laquelle de telles images sont Certaines communautés ont toujours considéré Les grands singes comme une ressource exploitable susceptible d'être chassée pour la subsistance ou pour satisfaire la demande du marché en viande ou en produits médicinaux. Les populations préhistoriques et contemporaines d'Indonésie sont réputées être de grands chasseurs Figure B Evolution de Fifi (points jaunes) à travers Le Parc National de Gombe Cette image d'IKONOS à l'échelle d'un mètre a été captée en juillet 2000 et est présentée suivant un modèle extrêmement importantes dans la planification, la mise en œuvre et l'évaluation des mesures de conservation dans la région de Gombe. Les images à plus haute résolution sont plus onéreuses. Les dizaines de détecteurs à bord des différents satellites qui seront mis sur orbite dans un futur proche viendront élargir l'éventail des options offertes aux chercheurs. L'efficacité de ces outils par rapport aux coûts dépendra de l'adéquation des progrès technologiques aux exigences de qualité, et de l'utilisation des résultats obtenus pour améliorer Les actions de conservation des grands singes. Lilian Pintea d'orangs-outans dont ils préfèrent la viande à celles d'autres gibiers." Les Batak de Sumatra croient que la viande de grand singe les fortifie et cette croyance subsiste de nos jours. Quelques communautés d'Afrique centrale et de l'ouest mangent généralement la viande de grand singe et on enregistre même une forte demande du marché" en 249 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Viande de brousse en vente, exposée sur un étal du marché de Kasese, dans La province de Maniena, en République Démocratique du Congo. 250 Encadré 13.3 CROYANCES ET TRADITIONS HUMAINES La culture cosmopolite, rationaliste, ‘occidentale’ n'est pas la seule à avoir de la considération pour es primates montrent que les traditions et croyances liées aux Les données ethnographiques singes foisonnent et ont des incidences aussi bien positives que négatives. À Bornéo, de nombreux ban pensent qu'après la mort, les ancêtres deviennent membres d'une espèce particulière tua) et, sous cette nouvelle forme, aident leurs descendants ; dans la région de Batang Al au Sarawak, l'orang-outan est l'une de ces espèces tua.” D'autres peuples de Sumatra et Bornéo considèrent les orangs-outans comme les représentants de leur dieu de la guerre, comme d'anciens chefs humains déchus, comme des êtres humains qui ont refusé de parler de peur d'être réduits à l'esclavage, ou comme leurs cousins des forêts.” Dans la partie nord du cœur du Bassin du Congo, le bonobo est considéré comme un frère déchu’ qui essaie de retrouver son humanité. Au Liberia, les membres du clan Wehdjeh de Sapo se considèrent comme des parents du chimpanzé dont ils tirent leurs connaissances des forêts,“ tandis que les Vili du Congo sont persuadés que Les chimpanzés sont des hommes réincarnés. De même, les peuples de la région de Boé en Guinée-Bissau croient que Pierre Kakulé Vwirasihikya les chimpanzés abritent les esprits de leurs ancêtres et il est donc tabou de les tuer En Côte- d'Ivoire, plusieurs des 60 groupes ethniques que compte le pays utilisent les chimpanzés comme totems et refusent donc de les tuer ou de les manger” L'attitude de la sous-tribu Fang de Guinée-équatoriale a presque valeur de tabou car ils croient que la consommation des grands singes, en particulier du gorille, rend Les femmes stériles." IL a été rapporté en 1891, que les Fang étaient persuadés que toute femme enceinte qui voyait un gorille courait le risque d'en enfanter un.'® Certaines tribus Fang considèrent Le gorille comme leur totem. Ces attitudes traditionnelles montrent plutôt le caractère spécial des grands singes et non leur statut de protection. Les traditions et croyances tuent Les primates dans autant de cas qu'elles les protègent. Les Kwélé, Kota, Mboko et Djem du Congo mangent la chair de gorille dans Le cadre du rituel de circoncision des jeunes hommes.*'® En Guinée, le sang de chimpanzé aurait des vertus curatives de l'épilepsie, tandis que sa chair En RDC, même dans les régions où il est généralement interdit de fortifierait Les jeunes enfants.” tuer les singes, quand un grand singe est abattu, les os et poils pulvérisés sont mélangés à l'eau de bain des bébés pour les rendre plus forts et sains. Bien que la consommation de la viande de primate soit taboue dans de nombreux peuples musulmans dépit des interdictions coutumières ou légales. La viande de gorille, en particulier, est réservée dans certaines cultures aux hommes puissants, de sorte qu'un chef qui n'en offre pas à ses visiteurs de marque se sentirait déshonoré. Certains mangent les gorilles parce qu'ils pensent gagner en force et d'autres les chimpanzés dans l'espoir de devenir aussi chanceux et rusés qu'eux.” Ampleur du commerce de la viande de brousse En 2000, le commerce illégal de la viande de brousse était chiffré à près de 1 milliard de dollars américains par an’, dont une partie est composée de viande de grands singes.” '#'# Cette activité a été facilitée par le désenclavement par les sociétés forestières de régions jadis inaccessibles, surtout en Afrique centrale**"#, où une seule carcasse de chimpanzé ou de gorille peut rapporter entre 20 et 25 USD.‘ (ex. en Sierra Leone, au Sénégal, au Liberia, au Mali et au nord du Nigeria), des parties de leurs corps peuvent être utilisées dans Le cadre de La médecine traditionnelle et de La sorcellerie. '®"#* Les anciens peuples de Bornéo, chasseurs de têtes [les lban et autres Dayak) considéraient parfois les crânes d'orangs-outans autant que ceux des hommes comme une source d'énergie spirituelle pour leurs « maisons longues ». Les Batak de Sumatra croient encore que manger la chair d'orangs-outans les rend forts." De nombreux peuples considèrent simple- ment les grands singes comme une autre source de viande quelque peu sucrée mais agréable au Un crâne à vendre dans une boutique de souvenirs pour touristes à Bali. Orangutan Foundation La quantité de viande de brousse prélevée est fonction de La disponibilité et du coût des autres sources de protéines (voir également Encadré 13.4). La pêche industrielle par des bateaux étrangers Le long de la côte ouest africaine par exemple a contribué à l'appauvrissement des stocks de poissons." Cette réduction a, à son tour, contribué à exacerber les pressions cynégétiques dans les réserves naturelles du Ghana et par conséquent, au déclin des populations de mammifères dans ce pays.” Par contre, plus le poisson est disponible dans Les marchés locaux, moins on y vend de viande de brousse. Le commerce de la viande de brousse peut porter sur près de 3 millions de tonnes de viande par an en Afrique du centre et de l'ouest, Les niveaux de consommation dans les zones rurales s'élevant à 16 kg environ par personne par an.” Un taux de consommation similaire, à près de 12 kg par LES DÉFIS DE LA SURVIE DES GRANDS SINGES palais."® Cette attitude est observée dans les villes africaines où les croyances traditionnelles n'ont plus prises et où les sociétés forestières recrutent leurs ouvriers. La disparition des tabous et l'installation, dans les aires de répartition des grands singes, de personnes qui ne respectent pas ces traditions constituent une grave menace pour ces animaux À titre d'illustration, Les populations riveraines de Wamba en RDC s'abstenaient généralement de chasser le bonobo pour des raisons religieuses"! mais, au milieu des années 80, des braconniers ont été vus chassant le bonobo pour sa viande.“ La ‘crise de La viande de brousse’ en Afrique du centre et de l'ouest reflète Le développement le long des nouvelles routes forestières d'un système culturel et commercial qui ammène à consommer avec enthousiasme de la viande de grands singes boucanée ; ce phénomène se manifeste jusque dans des régions jadis soumises à des croyances contraires. Cependant, plusieurs peuples de ces régions restent persuadés que ces hominidés (qui peuvent apprendre nos langages, casser des brindilles dans la forêt pour indiquer la direction de leur marche, bâtir des nids, utiliser des outils et développer leurs propres cultures) méritent mieux de la part des hominidés armés de fusils que d'être tués, évidés et fumés Julian Caldecott personne par an, était enregistré au Sarawak au milieu des années 80,*et ces chiffres cadrent bien avec ceux relevés dans d'autres régions tropicales dont les populations consomment de la viande de brousse. Toutefois, des taux de consommation atteignant 106 kg par personne par an ont été enregistrés parmi les chasseurs-cueilleurs du centre du Bassin du Congo et du nord du Congo. * En Amazonie péruvienne, Le taux de consommation de la viande de brousse serait de 19 à 168 kg par personne par an.” Le commerce national et international des grands singes vivants semble également s'être intensifié au cours des dernières années dans les pays qui en abritent. Au nombre des principales causes de ce phénomène, figurent La disponibilité d'orphelins vivants qui est un corollaire du commerce de la viande de brousse en Afrique du centre et de l'ouest [les chimpanzés et les 251 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 252 Encadré 13.4 CHASSE ET COMMERCE DE LA VIANDE DE BROUSSE À SENDJE EN GUINÉE ÉQUATORIALE" Le village de Sendje se trouve dans le Rio Muni, partie continentale de la Guinée-équatoriale, à 42 km par route au sud de sa capitale Bata, et à 10 km environ à l'ouest du Parc National de Monte Alén. Pendant la colonisation espagnole, de nombreuses populations étaient employées dans l'exploitation forestière ou dans les plantations de palmier à huile et elles vivaient dans des campements et des villages éparpillés dans la forêt. Après l'indépen- dance obtenue en 1968, ces habitants des forêts ont été réinstallés de force dans des habitats le long des principales routes, et c'est ainsi que naquit le village de Sendje. La population de Sendje s'est accrue à près de 400 personnes, mais en raison de l'arrêt de l'exploitation industrielle du bois et de l'agriculture à des fins commerciales, les opportunités d'emploi sont rares. Toutefois, La récente découverte de gise- ments de pétrole dans les eaux de la Guinée- Équatoriale s'est traduite par une véritable envolée économique à l'échelle nationale. Le boom pétrolier a exacerbé la demande urbaine en viande et poisson frais, y compris celle de la viande de brousse, créant ainsi Les conditions d'un commerce lucratif de La viande d'animaux sauvages” En outre, l'amélioration des infrastructures et la baisse des coûts du transport ont accru la rentabilité du commerce de la viande à partir de localités de plus en plus éloignées. À Sendje, comme dans plusieurs autres villages du pays, Les femmes s'adonnent à la culture de subsistance du manioc et des arachides, tandis que les hommes chassent et posent des pièges dans la forêt pour en tirer des revenus. La majeure partie du gibier attrapé est vendue dans les marchés de Bata. Sendje est idéalement indiqué pour la chasse commerciale, car il est la porte d'entrée d'une vaste région forestière où la faune est encore bonobos sont ici concernés au premier chef car les bébés gorilles meurent généralement avant l'arrivée d'un éventuel acheteur], la chasse liée à l'exploitation forestière en Asie (dont sont victimes les orangs-outans) et La situation économique calamiteuse dans de nombreux pays“ (voir Chapitres 16 et 17). relativement abondante. De vieilles pistes forestières pénètrent dans la forêt, ce qui en facilite l'accès. Les villages et campements abandonnés ont été transformés en refuges de chasseurs. Le piégeage de subsistance a cours autour des villages depuis des décennies, mais la récente intensification des activités de chasse et de piégeage {surtout la multiplication du nombre de trappeurs et du nombre total de pièges] oblige les chasseurs à pénétrer plus avant dans les profondeurs de la forêt à La recherche de proies. Le gros du piégeage et de la chasse commerciaux est maintenant entrepris jusqu'au cœur du Parc National de Monte Alén qui se trouve à 30 km, soit à 10 h de marche de Sendje. Le piégeage est beaucoup plus pratiqué que la chasse à l'aide de fusils car les frais encourus sont moindres [fil métallique opposé à un fusil et aux cartouches si chères et peu fiables] et les techniques requises sont minimales. Près de 75 à 80 trappeurs et chasseurs ont été recensés au cours d'une étude de 15 mois. À une exception près, ils étaient tous de sexe masculin, âgés de 13 à 74 ans. Seuls 15 personnes environ usaient de fusils, mais en général parallèlement aux pièges. Plus de 5 000 pièges actifs ont été recensés dans la région au cours d'une même période, pour une moyenne de 100 par trappeur; certains des trappeurs les plus jeunes, vigoureux et tournés vers Le commerce en possédaient jusqu'à 250. La plupart ont affirmé qu'ils chassaient davantage parce que c'était leur seule source de revenus que par tradition où par plaisir. Les études des mammifères ont révélé une sévère raréfaction du gibier près de Sendje. Les densités des petites et moyennes espèces terrestres telles que les céphalophes (antilopes de forêts) et Les gros rongeurs visés par les pièges, sont faibles dans toute la zone. Les espèces de primates sont également ciblées par les chasseurs armés ; leur densité depend beaucoup plus de la distance depuis le village et donc, de l'intensité de Les grands singes sont aussi souvent blessés ou tués par des pièges posés pour d'autres espèces, généralement des ongulés de taille moyenne.“ Les projets de conservation des primates comportent parfois des programmes particuliers de retrait des pièges, surtout en Afrique de l'est (ex. dans Le Parc National de Kibale en Ouganda * et dans les LES DÉFIS DE LA SURVIE DES GRANDS SINGES la chasse au fusil. Le nombre de primates est encore assez important dans le camp de chasse le plus éloigné (à l'intérieur du Parc National de Monte Alén], mais il est plus faible quand on se rapproche du village. Plus manifeste est la disparition, autour du village, du colobe noir (Colobus satanas), animal corpulent et proie facile classée ‘Vulnérable” par le Groupe des Spécialistes des Primates de l'UICN Au total 8396 animaux ont été tués à Sendje en 2003, dont La majorité était des ongulés (35 %] et des rongeurs (33 %) appartenant surtout à deux espèces : le céphalophe bleu ([Cephalophus monticola, 30 %] et l'athérure (Atherurus africanus, 28 %]. Les primates ne représentaient que 10 % des prises, ce qui atteste de l'usage relativement faible et encore récent des fusils. Seuls un chimpanzé et un gorille ont été officiellement tués en 2003 ; plus de la moitié des primates tués étaient des colobes noirs. Dans les zones où la chasse est intensive, le colobe noir figure rarement parmi les animaux pris où vendus, ce qui laisse penser que les primates sont encore relativement abondants dans la zone du Parc National de Monte Alén. Le nombre élevé d'animaux chassés globalement, ajouté au fait que les chasseurs et les trappeurs doivent s'éloigner de plus en plus du village pour trouver des proies montrent bien que la chasse et le piégeage à cette échelle ne peuvent être durables. Pour l'heure, les gorilles et les chimpanzés ne sont chassés que de manière fortuite dans cette région. Les deux espèces sont taboues pour les Fang qui vivent à Sendje et, même si d'autres populations Fang vivant dans d'autres localités du Rio Muni peuvent en manger, la viande de gorille est peu prisée sur Les marchés locaux. Comme la rencontre avec un groupe de gorilles peut être dangereuse pour les hommes, les gorilles de La région courent davantage le risque d'être blessés par un piège que d'être abattus par un chasseur. À Bata, la viande de brousse n'est pas forcément préférée aux autres types de viande ou de poisson, mais les produits frais sont préférés aux surgelés, meilleur marché et plus courants L'accroissement des revenus, corollaire du développement économique continu, intensifiera la demande en viande et poisson frais. À défaut d'alternatives comme la pêche et l'élevage durables (ou le développement d'autres opportunités génératrices de revenus pour les populations rurales) et d'éducation des consom- mateurs, la demande de la viande de brousse ira croissante. Pour l'instant, la réglementation sur la chasse n'est pas mise en application [le colobe noir et les grands singes par exemple sont censés être protégés en vertu de la loi équato- guinéenne) et la chasse à l'intérieur des aires protégées se poursuit sans rencontrer d'opposition. Si rien n'est fait, le commerce de la viande de brousse à Sendje ne sera jamais durable tant au plan socio-économique que biologique. Noëlle Kümpel Singe fumé, Guinée-Équatoriale. Noëlle Kümpel Virungas).* La présence de gardes forestiers chargés d'enlever les pièges décourage également d'autres formes d'exploitation illégale des forêts. CONTRAINTES ÉCONOMIQUES Les gouvernements des 23 pays abritant Les grands singes soutiennent d'une manière générale les efforts de conservation des grands singes en dépit de la faiblesse de leurs ressources, en particulier en Afrique et en Indonésie. Cette situation transparaît douloureusement dans le classement de ces Etats selon l'Indice du Développement Humain (IDH]) du Programme des Nations Unies pour le Développe- ment (PNUD), un indicateur de richesse et de 253 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Une famille vivant près de Kanyanchu, à La lisière de La forêt, Parc National de Kibale, Ouganda. 254 Se “tu Nicole Simmons Tableau 13.5 Classements selon l'Indice du Développement Humain, 2002“? Classement mondial® État abritant des grands singes” 59 Malaisie 09 Guinée-Équatoriale l Indonésie Gabon Ghana Soudan Cameroun 44 Congo 46 Ouganda 5 Nigéria 57 Sénégal Rwanda Guinée 62 République Unie de Tanzanie 63 Côte-d'Ivoire 66 Angola 68 République Démocratique du Congo 69 République Centrafricaine 72 Guinée-Bissau 73 74 77 * Sur 177 pays Burundi Mali Sierra Leone Linsuffisance des données a empêché le calcul pour le Libéria bien-être social des pays accepté de tous (Tableau 13.5]. L'IDH a pu être calculé pour 177 pays et, parmi les 23 pays abritant des grands singes, 21 sont classés entre Le 109° rang (Guinée-Équatoriale] et le 177: (Sierra Leone]. Le Libéria, non classé, et la Malaisie classée 59° constituent les seules exceptions. Le classement de La Malaisie peut être trompeur car la partie malaise de Bornéo (Sabah et Sarawak] qui abrite des orangs-outans, est considérablement plus pauvre et plus rurale que la péninsule urbanisée de Malaisie. Malgré cela, Sabah et Sarawak sont, de par la constitution, chargés de gérer leurs propres forêts et faunes sans nécessairement bénéficier d'un appui fédéral. L'analyse de l'IDH révèle que presque tous Les pays abritant les grands singes sont confrontés à des difficultés qui pourraient les empêcher d'effectuer les investissements sociaux organisés et à long terme qu'exige la conservation, du moins selon Le modèle actuel. Les grands singes sont protégés par la loi dans Les pays qui les abritent et La plupart des aires protégées comprennent quelques habitats et populations de grands singes. Plusieurs de ces aires protégées ont une importance mondiale, ayant été sélectionnées comme Sites du Patrimoine Mondial et/ou Réserves de Biosphère. Elles traduisent, toutes, La mise en défense, par La Loi, de vastes zones qui auraient autrement été vouées à l'exploitation forestière, à l'agriculture, à l'extraction minière, ou à d'autres fins, aux dépens des pays concernés. Ceci est révélateur de la volonté de ces pays de préserver leur patrimoine national, même quand cela implique des difficultés économiques supplémentaires. Si l'on en juge par les faits, l'engagement de ces Etats vis-à-vis de leurs aires protégées dépasse de loin celui dont font montre les pays donateurs plus riches. Un seul exemple suffit à démontrer ce fait. Un plan d'établissement et d'aménagement du Parc National de Cross River au sud-est du Nigéria a été élaboré avec l'appui conjugué du WWF - l'organi- sation de conservation mondiale, du gouverne- ment du Royaume-Uni et de la Commission Européenne.” *” Le parc abrite la majeure partie des vestiges de forêt humide de l'Etat de Cross River et compte deux divisions : Oban (qui abrite les chimpanzés du Nigéria-Cameroun, Pan troglodytes vellerosus] et Okwango (qui abrite les chimpanzés du Nigéria-Cameroun et les gorilles de Cross River, Gorilla gorilla diehli. Le plan fut adopté en décembre 1989 par le gouvernement Encadré 13.5 EBOLA ET LES GRANDS SINGES EN AFRIQUE CENTRALE Les maladies pouvant se transmettre de l'animal à l'homme dans des conditions naturelles (zoonoses) existent depuis aussi longtemps que nous cohabitons sur la Terre. À travers les siècles, des maladies telles que la peste bubonique, la rage, le tétanos et la rougeole sont passées de l'animal à l'homme. Récemment, les zoonoses ont capté l'attention internationale suite aux épidémies de Syndrome Respiratoire Aigu Sévère ([SRAS) et d'Ebola qui ont fait de nombreuses victimes humaines à travers Le monde. Le virus de la fièvre hémorragique Ebola n'est que l'un des 100 agents infectieux (au moins] que Les hommes et Les grands singes ont en commun. Ebola fut identifié en 1976." Depuis lors, il a touché les populations humaines une douzaine de fois, au moins, dans six pays différents d'Afrique équatoriale. Une récente épidémie en Afrique centrale a fait de nombreuses victimes au sein des populations de gorilles, de chimpanzés et humaines.* Cette maladie dévastatrice a tué plus de 130 personnes et aurait emporté la moitié d'une population de près de 1 200 grands singes, dans une petite région du nord-ouest du Congo. L'absence de groupes familiaux entiers de gorilles et de chimpanzés pendant et après l'épidémie a été confirmée par l'analyse en laboratoire d'échantillons prélevés sur des carcasses de gorilles. Certains gorilles ont survécu, même après que les autres membres du groupe aient succombé à La fièvre hémorragique Ebola, comme on a pu lobserver parmi les chimpanzés exposés à la maladie en Côte-d'Ivoire” On craint à présent fédéral du Nigéria qui sollicita l'assistance de la Commission Européenne pour sa mise en œuvre. En avril 1990, la délégation de La Commission Européenne à Lagos élabora un projet de finance- ment qui fut plus tard approuvé par la Commission à Bruxelles. Une équipe de la Commission Européenne et de l'Agence Allemande de Développement et de Crédit (Kreditanstalt für Wiederaufbau] rendit visite à l'Etat de Cross River en juin 1991 afin d'évaluer la faisabilité du projet et de modifier sa structure en vue du lancement d'un appel d'offres international. Des cabinets d'experts conseils furent présélectionnés en mars LES DÉFIS DE LA SURVIE DES GRANDS SINGES qu'Ebola se soit propagé jusque dans le Parc National d'Odzala-Koukoua.* L'incidence la plus désastreuse de la maladie sur Les grands singes aurait été enregistrée dans la région forestière de Minkébé au nord-est du Gabon où les populations de gorilles occidentaux et de chimpanzés ont disparu de larges zones (NdT) pendant les épidémies d'Ebola en 1994 et 1996. Des dizaines de milliers de gorilles et de chimpanzés auraient succombé au virus, y compris dans le Parc National d'Odzala au Congo (NaT|. Pendant les premières épidémies humaines, aucune activité de prélèvement d'échantillons ou | d'observation de la faune n'a été entreprise pour déterminer de manière certaine si et à quel point Ebola a affecté les populations de grands singes. Avant les épidémies d'Ebola de 2002-2003 au Congo et en prévision du déclenchement d'une | autre épidémie ou d'une maladie, la Wildlife Conservation Society et le programme de l'Union Européenne de Conservation et d'Utilisation Rationnelle des Ecosystèmes Forestiers en Afrique centrale (ECOFAC] ont entrepris conjointement de former les personnels des parcs nationaux et aires protégées du Congo et du Gabon aux techniques de recensement faunique, de suivi sanitaire des animaux sauvages, d'autopsie et de collectes standardisées des données. Les résultats ont mis en évidence la mort des gorilles des suites de la fièvre hémorragique, des liens génétiques directs, la similitude du virus qui affecte aussi bien les grands singes que les hommes et l'existence de plusieurs virus Ebola génétiquement distincts qui sévissent dans la forêt en même temps.* Cela laisse penser qu'il existerait plusieurs espèces Suite page suivante 1993 pour assurer la gestion du contrat qui fut adjugé en octobre 1993. Plus de cinq années s'écoulèrent entre le début de la planification du projet et celui de sa mise en œuvre. Alors que se déroulaient ces événements, le gouvernement du Nigéria entreprit de mettre à exécution son intention de créer le Parc National de Cross River. IL le fit, en dépit de ses propres difficultés politiques et économiques, notamment les tentatives de coup d'Etat, les guerres de factions, les grèves générales et les crises financières à grande échelle. Nonobstant ces embarras et à La date prescrite, le Conseil Fédéral 255 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 256 réservoirs. Ces équipes de terrain formées comptaient sur les importants liens créés avec les | villageois et les chasseurs locaux pour leur | permettre de déceler et de rapporter les décès dus à Ebola parmi les grands singes, des mois avant les premiers cas humains. Depuis le milieu des années 90, les premiers cas d'infections humaines relatives à Ebola, avant les grandes épidémies enregistrées en Afrique centrale, ont été soumis à des analyses. Le lien entre La manipulation de Carte : Epidémies d’Ebola en Afrique centrale. gorilles ou de chimpanzés infectés et la susceptibilité à la maladie a ainsi été démontré. La réduction de la fréquence de ces contacts pourrait entraîner un recul de l'incidence des épidémies humaines, tout en décourageant également la chasse aux gorilles et aux chimpanzés. Les travaux se poursuivent en vue de l'identification du foyer (ou des foyers) naturel(s] du virus Ebola. Certaines espèces de chauves-souris frugivores et insectivores peuvent survivre à | o 12PE Espèce ® Chimpanzé central Gorille occidental de plaine Le virus Ebola affecte les singes Année 1994- 1997 Année 1996 Année 2001- 2002 {777 Année 2002- 2003 CAMEROUN 14E Sanctuaire à gorilles de Lossi des Ministres du Nigéria donna son agrément à la création du Parc National de Cross River en octobre 1989 qui fut officialisée par la signature du décret présidentiel N° 36 de 1991 portant création du parc national Le 2 octobre 1991. Fort heureusement, les menaces qui pesaient sur le parc étaient moins intenses que ne l'avait pensé le WWF lors de son évaluation initiale et ce contretemps eu pour principal effet de faire douter les populations locales du financement du processus de conservation par les étrangers. Si le WWF avait été mieux préparé à la lenteur des activités inter- nationales, il aurait évité de susciter trop d'espoirs dans la région site du projet. Au lieu d'investir uniquement dans la planification pour une mise en œuvre rapide, un programme aurait plutôt été mis l'infection et disséminer le virus plus tard par leurs excréments.“ Des travaux de terrain en RCA ont révélé la présence de fragments au moins de particules virales d'Ebola chez de nombreuses espèces de rongeurs.” Des travaux similaires conduits au Congo sont parvenus aux mêmes conclusions au sujet des chauves-souris.” Ces diverses conclusions doivent être interprétées avec prudence car les techniques utilisées ne déterminent que la présence du matériel génétique ; elles n'indiquent pas toujours la présence de virus vivants ou viables. D'autres études menées en Afrique centrale ont décelé la présence d'anti-corps anti-Ebola chez des hommes et des primates apparemment sains, révélant ainsi un contact antérieur avec la maladie enrayée par le système immunitaire.” Les preuves scientifiques disponibles pour l'heure montrent qu'Ebola est répandu en Afrique équatoriale et qu'il persiste dans la nature entre les épidémies humaines observées. IL aurait un ou plusieurs hôtes naturels pour lesquels les symptômes seraient minimes à l'échelle de la population. Les conditions de transmission du virus Ebola à d'autres espèces plus vulnérables sont inconnues. Plutôt qu'un virus des profondeurs de la forêt, Ebola serait plus fréquent dans les périphéries de la forêt, les fragments et les mosaïques." Ces zones représentent peut-être Les habitats préférés des espèces réservoirs ou Le type d'habitat dans lequel La transmission entre les espèces est plus susceptible de se produire. Les changements du climat ou de la végétation peuvent modifier les relations écologiques entre les populations animales et favoriser La transmission du virus, comme on a pu l'observer pour d'autres maladies virales. Pour mieux comprendre la maladie que provoque le virus Ebola et élaborer des méthodes de prévention de sa propagation chez Les hommes et Les animaux sauvages (et pour comprendre et en œuvre comportant des activités de conservation de base autour des principales priorités qui étaient et demeurent : « protéger la forêt; maintenir La communication entre les populations affectées par cette protection et les individus l'assurant ; et aider les deux parties à connaître les limites écologiques de leur environnement et de quelle manière vivre au mieux en évitant de dépasser ces limites. »? LES DÉFIS DE LA SURVIE DES GRANDS SINGES prévenir les effets d'autres maladies sur Les grands singes) les actions ci-après doivent être menées : M anticiper les épidémies d'Ebola et identifier les populations à risque afin de mieux soutenir les régions susceptibles d'être touchées par le virus ; mettre en place des équipes de surveillance chargées de déterminer l'existence et la progression, dans la forêt, du virus Ebola et d'autres agents infectieux graves ainsi que leur impact sur la faune (espèces affectées, taux de mortalité, résistance, barrières naturelles, etc.] ; élaborer des plans d'intervention visant à alerter les personnes concernées lorsque la présence de la fièvre hémorragique Ebola et d'autres maladies est signalée ; approfondir les connaissances sur le virus Ebola et son écologie (foyer, mode de transmission entre et au sein des espèces, souches, immunité) ; rechercher des voies pour réduire les effets d'Ebola et d'autres maladies infectieuses sur les grands singes à l'aide de techniques telles que les programmes de vaccination, la séparation des espèces réservoirs et des espèces affectées dans le temps et l'espace, l'élaboration d'approches de la gestion des métapopulations (c'est-à-dire celles qui restent reliées à travers le paysage) et d'autres stratégies de médecine préventive et d'hygiène améliorée ; améliorer les campagnes d'éducation et de sensibilisation des communautés locales en se servant de la fièvre hémorragique Ebola comme un exemple de risque de maladie, dans le but de réduire les contacts avec Les hommes et la chasse des grands singes. William Karesh et Patricia Reed POLITIQUE ET CONFLITS Les guerres et les conflits civils ont grandement perturbé plusieurs des pays abritant les grands singes depuis 1990 et ont eu des impacts graves sur les populations locales de grands singes {voir Carte 13.1]. de graves conflits ont eu lieu dans les pays d'Afrique de l'ouest, en Guinée-Bissau, en Sierra Leone et en Côte-d'Ivoire ; en Afrique centrale, en 257 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION MAURITANIE S SENEGAL NIGERLA LIBERIA CÔTE D'IVOIRE GUINEE EQUATORIALE 1 500 km Conflits 1984 -2002 Conflits 1965-1983 Conflits 1946 -1964 # Faible 2 Faible & Faible d Moyen M Moyen 4 Moyen W Eleve W Eleve VW Eleve Territoire estimatif des singes ==Z5 Bonobo C7 Chimpanze spp. 77: Gorille spp. Les confits de faible intensité sont ceux ayant causé moins de 25 morts par an; les confits de forte intensité sont ceux ayant causé plus de 1000 morts par an. Les multiples conflits dans une même localité sont représentés par des symboles superposés 258 Carte 13.1 Les conflits historiques qui affectent Les pays abritant Les grands singes en Afrique. RDC, au Congo, en Angola et en RCA et en Afrique de l'est, au Soudan, au nord de l'Ouganda, au Burundi et au Rwanda. En Asie du sud-est, des conflits ont affecté l'Indonésie, en particulier au nord de Sumatra où les séparatistes d'Aceh combattent le gouvernement indonésien depuis de nombreuses années. Les conflits armés accroissent la disponibilité des armes, obligent Les hommes à quitter leurs maisons et leurs champs et font baisser la production agricole ; tous ces facteurs peuvent amener une intensification de la chasse et de l'exploitation illégale du bois, les populations se battant pour survivre.*” La plupart des fonds investis dans la conservation internationale provient des dons et des financements bilatéraux qui peuvent être gelés quand les conditions sécuritaires se dégradent. Cette situation peut entraîner la fermeture des projets de conservation et la perte de personnel expérimenté (comme ce fut Le cas dans les Virunga au milieu des années 90]. Toutefois, des efforts ont souvent été faits pour maintenir quelques activités dans les sites des grands singes pendant les périodes de conflit. 121 La guerre tue aussi Les grands singes, et Les conflits armés et troubles politiques ont eu un impact significatif sur le gorille de plaine de l'est et le gorille de montagne. Les réfugiés, déplacés en raison des conflits, peuvent exercer de fortes pressions sur les forêts et l'habitat des gorilles par des prélèvements excessifs de bois comme combustible et d'animaux pour leur viande. Pendant la guerre au Rwanda, trois des quatre camps de réfugiés du nord Kivu en RDC étaient situés à proximité ou à l'intérieur du Parc National des Virunga. Le conflit ultérieur en RDC a entraîné le pillage des infrastructures du parc, ainsi que le décès de plusieurs travailleurs du Centre de Recherche de Karisoke dans le Parc National des Volcans et de nombreux gorilles de montagne.* La guerre absorbe des fonds utilisés pour l'achat des armes au détriment des investisse- ments sociaux dans la conservation ou la réduction de la pauvreté et décourage les investissements privés responsables. Certaines compagnies peu scrupuleuses profitent du chaos pour extraire des matières précieuses et parfois, aux côtés des militaires et acteurs politiques locaux, font perdurer le conflit.*' L'engagement militaire appauvrit les états et peut amener les gouvernements à encourager les industries extractives à prélever des ressources naturelles qui seront bradées pour quelque gain financier.” Cette situation s'avère désastreuse pour les grands singes et leurs habitats, ainsi que pour les hommes (surtout les pauvres), même si Le gel des activités économiques, le dépeuplement et le chaos occasionnés par la guerre peuvent pour quelques temps alléger les pressions sur l'environnement en dissuadant les sociétés forestières par exemple. Les impacts à long terme sur les grands singes des récentes guerres en Afrique centrale sont peu évidents. Mais le retour de La paix va probablement susciter un regain du commerce dans la plupart des régions, ce qui pourrait entraîner l'accroissement du trafic de la viande de brousse. On ne chassera plus alors pour la subsistance mais pour l'argent, ce qui maintient Les pressions sur les populations de grands singes. La paix peut s'accompagner d'autres dangers, dont celui lié à l'expansion de l'exploitation industrielle du bois, des produits miniers et le défrichement des forêts pour l'agriculture, tous ces développements favorisant l'accès à de nouvelles zones auxquelles s'étendra la chasse. Des changements politiques moins violents peuvent également avoir des impacts négatifs sur la conservation des grands singes. Plusieurs années après La chute du gouvernement Suharto en 1998, la conservation avait quasiment cessé en Indonésie et la déforestation s'était considérable- ment accrue, même dans les aires protégées. /!7?"# Les gouvernements manifestent rarement une volonté politique, un engagement ou une capacité réels à mener effectivement des actions de conservation qui ne sont guère considérées comme prioritaires. Cela est particulièrement vrai dans les pays déchirés par la guerre. Le Soudan, par exemple, émerge peu à peu d'un conflit de 30 ans qui a tué ou déplacé des millions de personnes et le pays devrait s'engager au cours des prochaines années sur la voie de la réconciliation et de la reconstruction nationales, bien que le conflit et Le nettoyage ethnique déclenchés dans la province LES DÉFIS DE LA SURVIE DES GRANDS SINGES William Karesh occidentale du Darfour en 2004 puissent compromettre ces plans. Dans ce contexte, la conservation des dernières populations de chimpanzés du pays sera loin d'être une priorité et le Soudan n'a pas encore décidé de se joindre au Projet pour la Sauvegarde des Grands Singes. Les hommes politiques de nombreux pays en développement prennent peu à peu conscience de l'impact d'une démographie galopante sur les ressources naturelles. Parmi les Etats abritant les grands singes figurent certains dont la population est l'une des plus importantes (ex. Nigéria, Elizabeth A. Williamson Une équipe de conservation prélevant des échantillons pour Le diagnostic d'Ebola au Congo. Des orpailleurs dans Le Parc National de Nyungwe au Rwanda. 259 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 260 Indonésie] ou des plus denses (ex. Rwanda] au monde et certains avec une espérance de vie parmi les plus courtes (ex. Côte-d'Ivoire) ou un produit intérieur brut parmi Les plus faibles (ex. Burundi). La pauvreté est extrême dans nombre de ces pays, ce qui rajoute au fardeau des gouvernements et à La gestion des ressources naturelles. En fin de compte, le sort des grands singes est lié à l'avenir des populations des états de leur aire de répartition, en particulier à la capacité de ces pays à stabiliser leurs populations et satisfaire leurs besoins de développement social et économique. Les solutions qu'ils proposeront devront se fonder sur l'utilisation rationnelle des ressources naturelles et Le respect des autres espèces, si l'on veut sauvegarder les populations de grands singes. MALADIES Etant donné l'étroitesse des liens entre espèces, les hommes et les grands singes peuvent se transmettre un grand nombre de maladies et de parasites. Parce qu'ils sont plus mobiles et en contact avec un large éventail de pathogènes, Les hommes sont davantage susceptibles d'introduire des maladies dans des petites populations isolées de grands singes que l'inverse. Cependant, la possible transmission de maladies des grands singes vers les hommes est un argument fort contre la consommation de la chair des primates. La transmission des maladies menace également de compromettre l'un des quelques succès enregistrés dans la conservation des grands singes : leur utilisation dans le cadre du tourisme.” Les touristes sont prêts à payer des sommes énormes pour approcher un groupe de gorilles ou d'orangs-outans habitués. Cependant, les touristes sont des voyageurs et sont donc d'autant plus susceptibles d'exposer les singes à de nouveaux pathogènes. De nombreux cas d'infection croisée ont été enregistrés parmi Les gorilles de montagne des Virunga, notamment une épidémie supposée de rougeole ou d'un morbillivirus proche, en 1998, qui tua six femelles habituées ;' une épidémie de broncho-pneumonie, en 1990, qui toucha 26 gorilles d'un groupe de 35 individus ayant été en contact avec des touristes, tuant deux gorilles ;” et une maladie cutanée débilitante qui affecta les quatre membres d'un groupe de gorilles habitués pour le tourisme et en tua l'un d'eux. Cependant, dans ce dernier cas, l'infection avait été contractée par les Figure 13.1 Impacts du développement des infrastructures en Afrique tropicale pour l'année 2000. Cette carte est basée sur Les analyses de GLOBIO 2 pour l'année 2000. Le noir indique une probable perte élevée de la diversité des espèces, le rouge une perte moyenne à élevée et Le jaune une perte faible à moyenne. Les zones en vert EM Impact humain élevé EM Impact humain moyen/élevé EM Impact humain faible/moyen ne subissent qu'un faible impact du développement des infrastructures. contacts avec les populations locales et non avec Les touristes.” Le contact quotidien continu des grands singes avec un grand nombre de personnes et leurs maladies est considéré comme une grave menace potentielle des opérations de tourisme vis-à-vis des grands singes,” même si cela n'a pas encore mis en péril la survie de populations entières de grands singes. Par contre, la fièvre hémorragique Ebola, l'une des maladies virales Les plus létales connues, cause le décès de 50 à 90 % de tous les humains affectés, et son taux de mortalité serait encore plus élevé chez les gorilles.* Le virus a été identifié La première fois en 1976 après des épidémies dans le nord de la RDC et au sud du Soudan. IL est transmis par contact direct avec le sang, les liquides corporels et les tissus des mammifères infectés. Les infections dues à Ebola chez les hommes ont été reliées à des contacts directs avec les gorilles, les chimpanzés, les singes, les antilopes de forêt et Les porcs-épics trouvés morts dans la forêt (voir Encadré 13.5). MINES ET PÉTROLE L'extraction des minerais et du pétrole provoque la LES DÉFIS DE LA SURVIE DES GRANDS SINGES destruction et La dégradation des habitats dans un périmètre restreint ; les grands singes sont surtout affectés par le développement des infrastructures qui en découle. Les routes et les tracés des oléoducs facilitent l'accès des chasseurs à des forêts peu exploitées auparavant. Les ouvriers des plateformes pétrolières et les mineurs consomment généralement la viande de brousse et peuvent éventuellement en vendre pour compléter leurs revenus. Les principales activités d'exploita- tion des minerais et du pétrole présentent au moins l'avantage d'être menées par de grandes sociétés qui, si elles le voulaient, pourraient réguler la chasse et le commerce de la viande de brousse dans leurs zones d'opération. Le boom du coltan en RDC est un exemple de processus mal maîtrisé qui cause d'énormes dégâts au sein des populations de grands singes.*'” Le coltan est un minerai alluvionnaire noir de colombium et de tantale qu'on trouve dans les gisements fluviaux en Afrique centrale. Après son extraction, le tantale est utilisé dans les condensateurs électroniques, en particulier ceux que l'on retrouve dans les appareils miniaturisés tels que les téléphones mobiles, les ordinateurs Figure 13.2 Projection pour l’année 2030 du développement des infrastructures. Cette carte reflète les scénarios GLOBIO 2. Le noir indique une probable perte élevée de la diversité des espèces, Le rouge une perte moyenne à élevée et Le jaune une perte faible à moyenne. Les zones en vert ne subiraient qu'un faible impact du développement des infrastructures Î \ 261 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 262 M Impact humain élevé EM Impact humain moyen/élevé EM Impact humain faible/moyen Figure 13.3 Impacts du développement des infrastructures en Asie du Sud-est pour l’année 2000. Cette carte est basée sur les analyses de GLOBIO 2 pour l'année 2000. Le noir indique une probable perte élevée de la diversité des espèces, le rouge une perte moyenne à élevée et Le jaune une perte faible à moyenne. Les zones en vert ne subissent qu'un faible impact du développement des infrastructures portables et les consoles de jeux. Le lavage à la batée du coltan, à l'instar de celui de l'or, est généralement réalisé par des mineurs artisanaux opérant pour leur propre compte. Entre 1998 et 2003, la guerre en RDC aurait tué quelques 3 millions de personnes, directement ou par les effets indirects liés aux déplacements des populations. Elle a coïncidé avec une période de boom mondial du coltan sur les marchés en 2000, suivi d'une dépression en 2001. En RDC, ce boom a entraîné une ruée des mineurs vers les parcs nationaux mal protégés qui contenaient ce minerai. Le Parc National de Kahuzi-Biega était occupé par près de 10 000 personnes et La Réserve de Faune d'Okapi par quelques 3 000 autres. On y retrouvait des travailleurs indépendants, leurs familles et d'autres ouvriers travaillant sous contrainte. En décembre 2000, 300 guides de chasse armés de fusils automatiques travaillaient dans le Parc National de Kahuzi-Biega, approvisionnant les mineurs en gibier local. On pense que la majeure partie de La population d'alors de 8 000 gorilles de plaine de l'est dans le parc a été tuée, en même temps que tous les éléphants et de nombreux autres animaux et oiseaux. Une série de rapports du Conseil de Sécurité des Nations Unies et des organisations non gouvernementales a attiré l'attention du monde sur cette situation, concluant que la guerre elle-même était alimentée par les revenus de l'exploitation du coltan. De nombreuses sociétés et armées des pays voisins ont été citées pour avoir participé ou tiré parti de l'exploitation des ressources naturelles de La RDC.""''*? Les sociétés d'électronique ont été surprises par le tollé provoqué par Les rapports faisant état de la contribution des produits de grande consommation non seulement à la guerre, mais également au massacre de la faune en RDC. Plusieurs d'entre elles ont depuis lors déclaré qu'elles éviteraient d'acheter le coltan congolais.* Toutefois, la RDC continue d'en exporter et comme la chaîne de distribution ne fait pas l'objet d'un contrôle précis, il est difficile de savoir vers où ce minerai est acheminé. Des mesures sont maintenant prises pour légaliser et contrôler la production et le commerce de coltan en RDC dans le cadre d'un code minier élaboré par le gouvernement congolais et La Banque Mondiale. Pendant les années fastes du LES DÉFIS DE LA SURVIE DES GRANDS SINGES M Impact humain élevé EM Impact humain moyen/élevé Em Impact humain faible/moyen Figure 13.4 Développement des infrastructures prévu en l'an 2030. Cette carte reflète les scénarios GLOBIO 2. Le noir indique une probable perte élevée de la diversité des espèces, le rouge une perte moyenne à élevée et le jaune une perte faible à moyenne. Les zones en vert ne subiraient qu'un faible impact du développement des infrastructures coltan, La population de gorilles de plaine de l'est aurait chuté de près de 17 000 à moins de 4000 individus, mais l'insécurité dans la région n'a pas encore permis de confirmer ce recul par des études. MENACES ET PERSPECTIVES ÉVENTUELLES Menaces multiples Les grands singes sont parfois confrontés à des menaces de plusieurs ordres ; évaluer leurs effets combinés peut s'avérer difficile, d'autant que ces menaces ont des interactions entre elles en même temps qu'avec les grands singes mêmes. La manière la plus simple d'évaluer le niveau de menace posé par une combinaison de pressions est d'additionner les pressions à chaque point. Ceci peut être fait en superposant des cartes numériques des différentes pressions qui s'exer- cent sur l'aire de répartition d'une espèce à l'aide d'un logiciel de Système d'Information Géographi- que (SIG). Le nombre de pressions graves qu'on relève en un point peut ainsi être évalué ou classé et une notation combinée calculée. Une étude a utilisé un système de classement de 1 (la moindre menace) à 4 {la plus forte menace) pour comparer la situation actuelle de diverses pressions dans trois régions de La RCA. L'exploitation forestière, l'extraction minière, la chasse, l'agriculture et La présence humaine ont été calibrées et les résultats additionnés. Les niveaux de menace combinés pour les deux secteurs du Parc National de Dzanga-Ndoki, à savoir Dzanga et Ndoki, et de la région de Dzanga Sangha sont respectivement de 1,8, 1,5, et 2,4.° Les routes ont été jugées comme étant l'une des plus graves menaces dans les trois zones, alors que l'exploitation forestière et minière, même modérée, constitue une menace dans l'aire de Dzanga Sangha. Développement des infrastructures Les routes jouent un rôle crucial dans la disparition des grands singes et de la biodiversité des forêts tropicales humides en général. Elles fournissent des voies d'accès aux sociétés minières et forestières, fragmentent les habitats, et facilitent aussi bien Le transport de viande de brousse que l'accès des braconniers et des populations qui viennent s'installer. 771816 263 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Tableau 13.6 Prévisions du déclin des populations de grands singes, Liste Rouge 2004 Taxon Période Taux de réduction prévisionnel Gorille de plaine de l'est 2000 + 3 génerations 50 %° © (Gorilla beringei graueri] Chimpanzé d'Afrique centrale 2000 + 3 génerations 50 %°? (Pan troglodÿytes troglodytes] Chimpanzé de l'est 2000-2060 50 %° ?! (P. t. schweinfurthii] a Le déclin est projeté sur la base des récentes pertes enregistrées dans le secteur des | montagnes du Parc National de Kahuzi-Biega b Le déclin est projeté sur la base des destructions de l'habitat en Afrique de l'est et de | l'instabilité en RDC qui entraînent des pressions cynégétiques continues Outre les quelques réserves dans lesquelles La loi est effectivement appliquée, les seuls lieux relativement sûrs pour les grands singes sont les zones les plus reculées, les marécages ou les localités qui jouissent d'un important soutien local en faveur de la protection comme dans la Réserve communautaire du Lac Télé/Likouala-aux-Herbes au nord du Congo.” Les habitats sont essentielle- ment détruits par l'expansion agricole et Le brülis le long des corridors routiers, par l'exploitation du bois pour la pâte à papier et autour des mines.” Ces routes et ces industries extractives favorisent l'émergence de ‘villes-champignons dont l'approvisionnement en aliments est insuffisant ; d'où l'accroissement de la demande de la viande de brousse qui représente une importe source de revenus pour les familles les plus pauvres.“*'# Le lien entre les routes, Les industries extractives et l'intensification du commerce de la viande de brousse a été confirmé par de nombreuses études Mr La cartographie des réseaux routiers, des habitations et de l'exploitation minière peut aider à indiquer les zones probables de destruction d'habitats et le niveau d'exposition des grands singes à la chasse. Sur cette base, le modèle informatique GLOBIO a été élaboré à l'intention du Programme des Nations Unies pour l'Environne- ment (PNUE) en vue de l'évaluation et de la cartographie de l'impact du développement humain sur l'environnement.” ILest utilisé pour estimer les aires dans lesquelles le développement des infrastructures a entraîné une réduction de la biodiversité et où abondent les organismes vivants. ILpeut également prédire Les impacts des projets de 264 développement en permettant de visualiser les zones autour des routes, des principales pistes, des campements, des barrages, etc., où l'abondance de la faune pourrait diminuer. '"* Quatre zones d'impact sur la biodiversité sont définies à l'aide de cet outil : ŒH Impact élevé (c'est-à-dire l'aire dans laquelle plus de 50% de toutes les espèces répertoriées diminuent de plus de 50 %) ; M Impact moyen/élevé (c'est-à-dire l'aire dans laquelle 25 à 50% de toutes les espèces répertoriées diminuent de plus de 50 %) H Impact faible/moyen (c'est-à-dire l'aire dans laquelle 1 à 25% de toutes les espèces répertoriées diminuent de plus de 50 %) ; et M Impact faible [les aires autres que celles susmentionnées). Les zones à impact élevé forment une ceinture large de 1 km autour des routes et des villes ; ces aires sont généralement très utilisées et sont sujettes à l'exploitation forestière, aux activités agricoles, à l'implantation des populations, et abritent très peu de grands singes. Les zones à impact moyen/élevé se trouvent entre 1 et 3 km des routes et des habitations. C'est Le rayon habituel des opérations de débardage des grumes (traction des grumes vers leur destination] et c'est là également que l'exploitation est la plus intense. D'une manière générale, les populations de grands singes diminuent considérablement dans les zones soumises à une exploitation intensive, surtout à cause de la chasse.” Les gorilles, les chimpanzés et les orangs-outans tirent leur subsistance des forêts exploitées, pourvu qu'ils ne soient pas chassés?“ Les zones à impact faible/moyen se situent entre 3 à 10 km des routes ; ces forêts relativement intactes subissent parfois de fortes pressions cynégétiques. Les zones qui ne sont soumises ni à la chasse, ni à l'exploitation forestière abritent généralement les densités Les plus élevées des populations de grands singes.**“## En raison des chargements de viande qu'il faut transporter à travers la forêt, très peu de chasseurs vont à plus de 10 km des routes ; Les zones les plus sujettes à la chasse sont généralement situées dans un rayon de 3 à 8 km des routes des aires exploitées. IL est possible de simuler les changements futurs dans la distribution de ces zones d'impact en se basant sur des hypothèses simples sur le développement et la dispersion des infrastructures, par exemple que celles-ci se développeront plus vite dans les zones à forte population humaine, près des concentrations de ressources naturelles, à proximité des côtes et autour des infrastructures existantes. Cette analyse a conduit aux conclusions ci-après." Moins de 30 % des habitats de chacun des grands singes d'Afrique sont actuellement classés parmi Les zones à faible impact provoqué par les effets indirects du développement des infrastructures. (Figure 13.1). Le taux annuel de dégradation futur de ces habitats devrait excéder 2 % par an, 10 % ou moins de leurs habitats demeurant dans la catégorie faible impact jusqu'en 2030 (Figure 13.2]. Ces résultats montrent que les habitats des grands singes diminueront rapidement au cours des années à venir si les tendances actuelles se poursuivent. Par ailleurs, moins de 36 % des habitats des orangs-outans sont actuellement classés parmi Les zones à faible impact à cause des effets indirects du développement des infrastructures (voir Figure 13.3]. Les scénarios futurs montrent que le taux de destruction de ces habitats sera de près de 5 % par an, avec moins de 1 % restant classé parmi les zones à faible impact jusqu'en 2030 (voir Figure 13.4]. Ces chiffres cadrent avec Les estimations officielles qui indiquent que 47 % des habitats d'orangs-outans à l'intérieur des aires protégées seront détruits d'ici 2010.* PERSPECTIVES De toute évidence, certains taxons de grands singes sont plus menacés que d'autres, mais tous ont subi ou devraient subir des déclins OUVRAGES À CONSULTER LES DÉFIS DE LA SURVIE DES GRANDS SINGES suffisamment significatifs pour justifier leur inscription dans la Liste Rouge 2004 des espèces ‘En danger’ ou ‘En danger critique d'extinction de l'UICN.” Les menaces relatives à La survie des grands singes ne peuvent être traitées de manière isolée. Même s'il existe d'excellents modèles de conservation et que la recherche sur les pressions et leurs impacts est considérable, il faudra des efforts énormes pour sauvegarder les espèces et sous-espèces les plus en danger. Les aires protégées sont au cœur des stratégies de conservation dans de nombreux pays. Une bonne gestion est essentielle pour les populations de grands singes qui y vivent. Certains font valoir que les aires protégées sont les meilleures cibles des investissements liés à la conservation car ce sont des unités bien définies qui existent déjà dans la législation nationale. Toutefois, La plupart des grands singes vivent en dehors des aires protégées et une stratégie plus inclusive doit être adoptée pour assurer leur sauvegarde dans Le paysage rural en général. Les solutions à long terme tablent sur une évolution des habitudes des populations et des gouvernements des Etats abritant les grands singes. Ce changement est indispensable pour limiter la chasse et La conversion des terres dans les habitats des grands singes, et pour s'assurer que les ressources de la conservation et du développement sont disponibles et co-gérées de manière judicieuse. La conservation est Le thème de la suite de cet ouvrage. Brashares, J.S., Arcese, P., Sam, M.K., Coppolillo, P.B., Sinclair, A.R.E., Balmford, A. (2004) Bushmeat hunting, wildlife declines and fish supply in West Africa. Science 306: 1180-1183. Formenty, P., Boesch, C., Wyers, M. Steiner, C., Donati, F., Dind, F., Walker, F., Guenno, B.L. (1999) Ebola virus outbreak among wild chimpanzees living in a rain forest of Côte d'Ivoire. Journal of Infectious Diseases 179 (Suppl 1): S120-S126. Galdikas, B.M.F., Briggs, N.E., Sheeran, L.K., Shapiro, G.L., Goodall, J., eds (2001) Al! Apes Great and Small, vol. 1: African Apes. Kluwer Academic/Plenum Publishers, Boston, Dordrecht, London, Moscow, New York. Harcourt, A.H. (1996) Is the gorilla a threatened species? How should we judge? Biological Conservation 75 [2]: 165-176. Harcourt, AH. Parks, S.A. (2003) Threatened primate taxa experience high human densities: adding an index of threat to the IUCN Red List criteria. Biological Conservation 109 (1): 137-149. Hayes, K., Burge, R. 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Pour les données des aires protégées et autres, consulter Comment utiliser Les cartes’. REMERCIEMENTS Nous tenons à remercier Thomas Butynski (Conservation International), Alexander Harcourt (University of California, Davis], lan Redmond (Ape Alliance/GRASP], et David Woodruff (University of California, San Diego) pour leurs précieuses contributions à La rédaction du présent chapitre. Nous remercions également Tonya Lander, Nigel Varty, Sarah Ferris, et Valerie Kapos [tous de UNEP-WCMC] pour La recherche documentaire indispensable à La rédaction du présent chapitre. AUTEURS Lera Miles, UNEP World Conservation Monitoring Centre Julian Caldecott, UNEP World Conservation Monitoring Centre Christian Nellemann, UNEP/GRID Arendal Encadré 13.1 Alexander H. Harcourt, Department of Anthropology, University of California, Davis Encadré 13.2 Lilian Pintea, Center for Primate Studies, Jane Goodall Institute, University of Minnesota Encadré 13.3 Julian Caldecott, UNEP World Conservation Monitoring Centre Encadré 13.4 Noëlle Kümpel, Zoological Society of London, et Imperial College London Encadré 13.5 William Karesh et Patricia Reed, Field Veterinary Program et Wildlife Conservation Society LES MESURES DE CONSERVATION MISES EN ŒUVRE CHAPITRE 14 Les mesures de conservation mises en œuvre NIGEL VARTY, SARAH FERRISS, BRYAN CARROLL, ET JULIAN CALDECOTT es peuples et Les gouvernements à travers le monde ne sont pas restés indifférents face à l'émergence des menaces sur les forêts tropicales humides en général et sur les grands singes en particulier. Un grand nombre de mesures ont été prises avec une urgence croissante et avec l'investissement de ressources toujours plus importantes. Ces mesures comprenaient, entre autres, divers types d'accords intergouver- nementaux visant à encourager la planification de la conservation, à réguler le commerce et à promouvoir La coopération transfrontière dans la gestion des aires protégées et de leurs peuplements faunistiques. Les organisations non gouvernementale internationales (ONG), Les ONG nationales, Les donateurs bilatéraux et multilatéraux et les gouvernements des états incluant l'aire de répartition des grands singes ont tous collaboré dans des interventions dont le but était de créer des aires protégées, d'en améliorer la gestion et de se rapprocher des populations vivant à l'intérieur et autour de ces aires protégées. L'objectif est d'encourager et de permettre l'amélioration des conditions de vie et Le respect des lois qui protègent les grands singes et leurs habitats. Ces groupes de partenaires exercent des influences de divers ordres pour la conservation des grands singes, comme nous le verrons dans le présent chapitre. On a essayé d'étendre la collaboration entre les groupes concernés aux sociétés privées dont les activités dans les secteurs forestier, minier, de l'énergie et des infrastructures ont eu des incidences sur les grands singes par le passé et sont susceptibles d'en avoir dans l'avenir Les activités touristiques ont été introduites pour promouvoir l'attrait qu'ont, pour les grands singes, les visiteurs épris de nature, ce qui bénéficie à La conservation. Des sanctuaires accueillant les grands singes confisqués aux chasseurs et commerçants se sont multipliés. Ils servent à l'éducation du grand public et, dans certaines régions, à la réintroduction des grands singes dans les habitats naturels où ils ont un maximum de chances d'être en sécurité. Certaines communautés des zones d'habitat des grands singes ont, lorsqu'elles en ont Le pouvoir, donné leurs terres pour servir de refuges forestiers dans l'espoir d'avoir une part dans les revenus du tourisme et de tirer des bénéfices environnementaux des forêts protégées. Pour sa part, la communauté scientifique a progressivement enrichi nos connaissances sur les grands singes et leurs écosystèmes, permettant SOCP Personnel scientifique à la station de recherche de Ketambe à Sumatra. Ketambe est actuellement financé par Le Sumatra Orangutan Conservation Programme et La Leuser International Foundation. 267 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 268 ainsi de mieux mettre en exergue leurs extraordinaires caractéristiques, de renforcer l'intérêt et l'enthousiasme de tous ceux qui les apprécient et d'orienter les décideurs vers Les lieux les plus adaptés et les meilleures formes d'investissement dans la conservation des grands singes. Le présent chapitre analyse ces différentes initiatives et relate les efforts humains entrepris pour établir une relation durable avec les forêts tropicales humides de l'Ancien Monde, de l'Afrique de l'ouest jusqu'à Bornéo. PARTENARIATS L'intérêt majeur porté aux grands singes a créé un cadre favorable pour alerter l'opinion publique sur la détérioration de leur statut de conservation. Les populations de grands singes ont commencé à diminuer dangereusement au cours des années 60, dès lors que l'exploitation industrielle du bois et le développement des infrastructures et des plantations ont pénétré dans leurs habitats. Au milieu des années 80 et grâce à l'influence des primatologues et des médias, certaines espèces charismatiques, dont le gorille de montagne, sont devenues le symbole du sort des forêts tropicales humides. L'assassinat de Dian Fossey, en 1985, a mis en exergue à un niveau international l'impact dévastateur du braconnage sur la population des gorilles de montagne réduite et menacée. Les populations de tous les grands singes subissaient alors les pressions de la déforestation, de l'agriculture et de la chasse ; et Les conflits armés ont aggravé la situation dans de nombreuses régions. Un sentiment d'urgence a émergé dans le monde entier, alors que s'enracinait une volonté accrue d'investir dans les actions de conservation. Au début des années 70, avec le soutien du WWF - Organisation mondiale de La Conservation {l'ancien Fonds mondial pour la Nature, toujours appelé ainsi en Amérique du nord) et La Wildlife Conservation Society [WCS, ancienne Société de zoologie de New York] pour la réhabilitation de l'orang-outan à Bohorok et le travail de terrain à Ketambe (dans l'Ecosystème l_euser à Sumatra), de nombreuses ONG internationales se sont engagées dans la conservation des grands singes et de leurs habitats. Parmi celles-ci, on peut noter les Instituts Jane Goodall (créés en 1977), Le Dian Fossey Gorilla Fund International (créé en 1978) et l'Orangutan Foundation International (créée en 1986). D'autres organisations internationales renommées s'y sont ajoutées, dont Fauna and Flora International (FFI, précédemment Fauna and Flora Preservation Society), l'African Wildlife Foundation (AWF), Conservation International (CI), et l'International Gorilla Conservation Programme (IGCP - qui réunit l'AWF, FFI et le WWF). Les grands singes captifs étaient souvent transportés dans des conditions inhumaines, puis enfermés dans des petites cages dans les zoos ou utilisés pour la recherche médicale. Un mouvement militant en faveur du bien-être des animaux vit donc le jour. Des organisations internationales telles que l'International Primates Protection League (IPPL), la Born Free Foundation et l'International Fund for Animal Welfare (IFAW] ont milité aussi bien pour un meilleur traitement que pour la conservation des grands singes. Conscientes qu'aucune institution ne peut résoudre seule tous les problèmes, Les ONG et les agences gouvernementales ont noué des partenariats entre elles. On peut citer dans ce cadre l'International Gorilla Conservation Programme, l'Ape Alliance et le partenariat du projet pour la Survie des Grands Singes (GRASP]. Le GRASP regroupe les gouvernements des états de l'aire de répartition des grands singes, les secrétariats de plusieurs conventions internationales et la plupart des ONG impliquées dans l'étude, la sauvegarde et le bien-être des grands singes. Ce partenariat est dirigé par deux agences des Nations Unies Île Programme des Nations Unies pour l'Environnement, PNUE, et l'Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et La Culture, UNESCO)]. Elles en assurent conjointement le secrétariat depuis décembre 2003. Ce partenariat devrait pouvoir durer une décennie, voire davantage, et pendant cette période Les destins de plusieurs taxons de grands singes seront probablement fixés. L'idée du GRASP est née en 2000, le projet a été créé en 2001 et lancée sous la forme d'un partenariat de type Il (un accord volontaire et non contraignant à respecter les engagements en matière de conservation] Lors du Sommet mondial sur Le développement durable de 2002. Sa première réunion intergouvernementale sur les grands singes s'est tenue à l'UNESCO en 2003 et il s'est élargi au cours de la période 2003-2004 à tous les états abritant les grands singes (à l'exception du Soudan] et aux principaux pays donateurs. Les liens étroits qu'il entretient avec les gouvernements permettent au GRASP d'intervenir dans les sphères politiques les plus élevées. Le partenariat vise à fournir un cadre dans lequel les efforts de conservation entrepris par les gouvernements, les départements responsables de la faune, les universitaires, les ONG, les agences des Nations Unies et Les autres sont intégrés pour un maximum d'efficacité, une communication effective et une bonne attribution des ressources. Le GRASP respecte l'autonomie et l'indépendance des initiatives existantes, mais cherche à créer des synergies entre elles. Le GRASP a tout d'abord nommé trois envoyés spéciaux des Nations Unies afin d'aider à la mobilisation des ressources et de porter à l'attention de tous la situation critique des grands singes : Russell Mittermeier, Jane Goodall et Toshida Nishida. Ces trois personnalités ainsi que le Conseiller Spécial Richard Leakey sont devenus les parrains du GRASP en 2003. Dans le cadre du programme GRASP, un certain nombre de missions techniques, de séminaires et d'ateliers ont été organisés en vue de l'élaboration de plans nationaux de sauvegarde des grands singes. Ces processus visent à établir Le statut actuel et les dernières tendances de chaque population de grands singes et des vestiges de leurs habitats, les politiques nationales existantes, La législation et Les programmes de conservation, le niveau d'appli- cation de La loi ainsi que l'impact sur La conservation des grands singes de l'exploitation forestière, minière et de la prospection pétrolière. Les plans ainsi élaborés formulent des recommandations pour l'amélioration des mesures de conservation existantes. Les programmes élaborés visent la cohérence des activités des nombreuses agences, organisations et personnes afin de cibler plus efficacement les ressources, d'identifier Les zones qui sont pour l'heure négligées et d'améliorer les opportunités de financement. On envisage d'intégrer ces plans avec d'autres procédures dans des documents pertinents pour la conservation de la biodiversité nationale et La planification du développement. Ces initiatives incluent les stratégies et les plans d'action nationaux sur la biodiversité, les stratégies de réduction de la pauvreté et les plans de développement. Une série d'ateliers sur les plans nationaux de sauvegarde des grands singes est organisée dans les états de l'aire de répartition des grands singes pour planter les jalons de l'élaboration du plan national de chaque pays. Le GRASP à également pris part à l'atelier régional sur le chimpanzé en Afrique de l'ouest tenu à Abidjan en Côte-d'Ivoire sous les LES MESURES DE CONSERVATION MISES EN ŒUVRE Orangutan Foundation auspices de l'UICN - l'union mondiale pour la nature ; à l'atelier national de la Guinée; et à l'atelier d'évaluation de la viabilité de la population et de l'habitat des orangs-outans à Jakarta en Indonésie ; il s'emploie à faire adopter leurs recommandations par les gouvernements concernés. ILexiste de nombreux autres partenariats et de projets fondés sur des partenariats qui visent à promouvoir la conservation dans plusieurs états de l'aire de répartition des grands singes, y compris ceux qui engagent des professionnels de la conservation dans des actions communes au-delà des frontières nationales. Les plus représentatifs sont : M Le Partenariat pour les Forêts du Bassin du Congo qui réunit le Cameroun, la République Centrafricaine (RCA, La République Démocratique du Congo (RDC), la Guinée- Équatoriale, le Gabon et le Congo, en collaboration avec d'autres états hors d'Afrique, des ONG internationales et des entreprises.“ Il a pour objectif de promouvoir le développement économique, la réduction de la pauvreté, l'amélioration de la gouvernance et de la conservation des ressources natu- relles par l'appui à un réseau de parcs nationaux, d'aires protégées et de concessions forestières bien gérées. L'objectif connexe est de fournir une assistance aux communautés tributaires de la conservation des ressources Les sanctuaires tels que le Centre de soin de l'Orangutan Foundation Internationale localisée dans Le Kalimantan Central, font partie d'un réseau de sensibilisation et d'éducation du public. 269 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION La surveillance est un élément important de la conservation que le GRASP s'attelle à enraciner par le biais des plans nationaux de sauvegarde des grands singes [Les « NGASP »). Ici des assistants au travail dans le Parc National Impénétrable de Bwindi. 270 Martha M. Robbins forestières et fauniques de 11 sites clés des pays membres. Le Processus de Brazzaville a débuté en 1996 lors de la Conférence sur les Ecosystèmes des Forêts Denses et Humides d'Afrique Centrale (CEFDHAC]) et rassemble le Burundi, le Cameroun, la RCA, le Congo, la RDC, la Guinée- Équatoriale, le Gabon, le Rwanda, et Sao Tomé et Principe. Il vise à faciliter La collaboration en vue de la conservation et de l'utilisation durable des écosystèmes des forêts humides d'Afrique centrale. Son secrétariat se trouve dans le bureau régional de l'UICN pour l'Afrique Centrale à Yaoundé au Cameroun. Des projets ont été menés sur un grand nombre de sujets dont la résolution des conflits en vue de La gestion de l'écosystème des forêts, l'utilisation durable des concessions forestières, Les taxes forestières et Les frais de concession, les lois et politiques forestières et les sites critiques pour la conservation de la biodiversité. Une Initiative pour le Patrimoine Mondial Forestier d'Afrique Centrale (CAWFHI] mise en œuvre grâce à une alliance entre l'UNESCO, l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO), les gouvernements régionaux, les ONG internationales de conservation et les programmes d'aide officiels. Elle vise à réagir à la menace croissante de La chasse illégale et du commerce incontrôlé de La viande de brousse en promouvant et en soutenant l'élaboration de régimes de gestion dans les sites transfrontaliers des plus remarquables aires protégées forestières d'Afrique centrale qui satisferont aux normes correspondant au statut de Site du Patrimoine Mondial. Trois de ces zones transfrontalières ont été identifiées au cours de la première phase : Gamba-Conkouati entre Le Gabon et Le Congo ; Odzala-Minkébé-Dja-Boumba-Nki entre Le Congo, le Gabon et Le Cameroun ; et La Trinationale de La Sangha entre La RCA, le Cameroun et Le Congo. LOI NATIONALE ET INTERNATIONALE Législation nationale et application Les grands singes sont protégés par La loi dans tous les pays qui les abritent, même si l'application laisse à désirer dans nombre de ces états. Même dans les aires vouées à la conservation, le braconnage, l'exploitation illégale du bois et l'extraction minière ont tous des impacts directs sur les populations de grands singes. D'une manière générale, l'insuffisance de l'application des lois et des programmes d'éducation ne permet pas la compréhension et le respect en conformité avec la législation sur la conservation. En outre, la sanction prévue par la législation est parfois une amende dont Le montant est moins important que les gains financiers que le contrevenant tire de son infraction. Diverses mesures visant à juguler le commerce de la viande des grands singes ont été proposées et sont mises en œuvre au nom des principales ONG de conservation par le Bushmeat Crisis Task Force (Groupe de travail sur La crise du commerce de viande de brousse) et par le biais de nombreuses initiatives inter-gouvernemen- tales"####15718 Ces mesures prévoient notam- ment d'investir dans l'application de La loi et d'accroître le montant des amendes ; d'améliorer les capacités de gestion des aires protégées ; d'imposer des taxes sur la vente de la viande de brousse légale ; de promouvoir d'autres sources de protéines bon marché et durables pour la consommation urbaine et pour la subsistance rurale ; de trouver des sources alternatives de revenus pour les commercants et les chasseurs ; d'encourager les sociétés forestières et pétrolières à lutter contre la chasse illégale, Le transport et La consommation de la viande de brousse dans leurs concessions ; et de relier l'aide et l'allègement de La dette à des mesures vérifiables de performance en matière de conservation. Aucune de ces mesures ne peut être appliquée aisément et à moindre coût et les actions menées sur le terrain n'ont pour l'instant pas suffit à résoudre totalement les problèmes. Certains gouvernements ont entrepris des actions efficaces contre le braconnage des grands singes. Au Burundi et en Ouganda par exemple, (autrefois plaques tournantes du trafic illégal des chimpanzés), les autorités ont sévi contre ce commerce et il est rare désormais de voir des chimpanzés orphelins vendus publiquement. Toutefois, dans la plupart des pays, les agences impliquées dans la conservation de la faune - y compris la police et La douane - ne disposent pas d'infrastructures, de formation et de ressources suffisantes pour faire appliquer la loi; de même, elles ne sont généralement pas suffisamment à l'abri de la corruption. En conséquence, des partenariats ont vu le jour entre les agences gouvernementales et Les ONG internationales, ces dernières fournissant des ressources financières et participant à la formation. Les donateurs internationaux tels que l'Agence Américaine pour le Développement Inter- national (USAID) et La Banque Mondiale exigent de plus en plus des Études d'impact Environnemental (EIE) rigoureuses, transparentes et revues par des organismes indépendants, préalablement à toute initiative de développement d'envergure. Ces études sont percues comme un mécanisme visant à encourager une protection environnementale plus efficace dans Les pays en développement. La législation relative aux EIE est, cependant, mal élaborée et/ou contrôlée dans de nombreux états abritant les grands singes. Ces études, lorsqu'elles sont réalisées, mettent davantage l'accent sur les impacts in-situ plutôt que sur les incidences socioéconomiques plus larges, susceptibles, par exemple, d'exacerber la chasse, Le commerce et La consommation de viande de brousse. IL y a lieu d'améliorer la réglementation sur Le contenu et la mise en œuvre des EIE dans et autour des habitats des grands singes ; mais l'application doit aussi être améliorée si on veut que ces mesures ne soient pas vaines. Pour qu'une EIE soit utile, elle doit être conduite avec sérieux, et les mesures visant à atténuer et à éviter Les dommages qu'elle impose doivent alors être mises en œuvre. Les projets de LES MESURES DE CONSERVATION MISES EN ŒUVRE SOCP développement de l'exploitation industrielle du bois en RDC à La faveur de la fin de la guerre civile, soutenus par la Banque Mondiale, montrent bien que le chemin est encore long avant qu'on ne cesse de trouver normal le fait de brader le patrimoine forestier et les ressources de La biodiversité d'un pays au nom du développement national.“ Les conventions internationales et leur observance Adhésion aux conventions internationales De nombreuses conventions internationales portant sur différents aspects de La conservation de la biodiversité ont été établies et sont en vigueur. Les plus pertinentes pour les grands singes sont la Convention sur la Diversité Biologique (CDB), La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES), La Convention du Patrimoine Mondial (CPM), la Convention sur les Espèces Migratrices (CMS) et quelques conventions régionales. Le niveau d'adhésion des états abritant les grands singes à ces conventions est présenté dans le Tableau 14.1. La Convention sur la Diversité Biologique La CDB est entrée en vigueur le 29 décembre 1993 et poursuit trois principaux objectifs: La conservation de la diversité biologique, l'utilisation durable de ses composantes et le partage juste et équitable des bénéfices issus de leur utilisation. Même si elle ne propose pas une liste d'espèces et de lieux d'une importance particulière en matière Un orang-outan détenu illégalement est saisi par Les agents du Sumatran Orangutan Conservation Programme et de La Direction de La Conservation Indonésienne. 271 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Ce jeune chimpanzé, au zoo d'Ibadan, Nigéria, a été capturé près de La frontière camerounaise. De nombreux orphelins destinés à l'exportation et au commerce local sont confisqués et placés dans des sanctuaires, certains pouvant être relâchés dans La nature. 272 Volker Sommer de conservation, les thèmes, principes et activités de la CDB sont très pertinents dans le cadre de La conservation des grands singes. Elle encourage les parties à intégrer les problèmes liés à la biodiversité dans la planification du développement, à promouvoir la coopération transfrontalière et à impliquer les peuples autochtones et commu- nautés riveraines dans la gestion de l'écosystème. Les programmes thématiques sur la biodiversité des eaux continentales, des forêts et des montagnes traitent de la conservation de l'habitat de tous les grands singes. On peut citer à titre d'exemple le rapport d'étude de cas produit par la CDB sur l'impact et la gestion de l'exploitation forestière dans La Réserve de Biosphère du Dja au Cameroun, zone qui abrite Le chimpanzé central et le gorille occidental des plaines." La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction, la CITES La prise de conscience de la menace que le commerce international non durable fait peser sur de nombreuses espèces animales et végétales a conduit à l'adoption de la CITES en 1973 et à son entrée en vigueur en 1975. En régulant le commerce international des espèces en danger d'extinction [telles que listées dans ses annexes), La CITES veut s'assurer que Le commerce international des spécimens d'animaux et de plantes sauvages ne compromet pas leur survie. Les parties à la CITES sont tenues de mettre en œuvre la convention par le biais de leurs législations nationales. La CITES confère des niveaux divers de protection à pres de 33 000 espèces animales et végétales, qu'elles soient vendues vivantes ou comme « partie ou produit facilement identifiable » tels que la viande séchée ou fumée ou sous forme de souvenirs, trophées, défenses ou bois. Tous les grands singes sont menacés par la chasse pour l'alimentation, pour en faire des animaux de compagnie ou pour servir d'objets de curiosité ; beaucoup d'échanges commerciaux se pratiquent au niveau national, mais d'importants échanges transfrontaliers sont aussi enregistrés. Le commerce du chimpanzé était très important au cours des années 50 et 60 ; au moins 300 bébés chimpanzés auraient été exportés vers l'Europe entre 1950 et 1956, avec environ 100 décès enregistrés pendant le transit.® Ce commerce était surtout alimenté par la demande du marché en chimpanzés vivants utilisés pour la recherche biomédicale.” Les six espèces de grands singes sont listées dans l'annexe | de La CITES, ce qui signifie que le commerce international de ces espèces n'est permis qu'à titre exceptionnel, et jamais uniquement à des fins commerciales. La vente d'un grand singe ne peut être autorisée que si le déplacement de ce spécimen n'est pas préjudi- ciable à la survie de l'espèce, comme c'est Le cas dans l'échange d'individus reproducteurs entre zoos de renom. L'autorité scientifique désignée du pays doit être convaincue que le destinataire probable est parfaitement équipé pour abriter et prendre soin de toute espèce animale ou végétale vivante figurant dans l'annexe | qui serait échangée. A l'exception de l'Angola, tous les états abritant des grands singes sont signataires de La CITES et sont par conséquent tenus de rendre compte de leurs importations et exportations des espèces citées dans la liste de la CITES. Les chiffres du commerce international de spécimens vivants de toutes les espèces de grands singes entre 1975 et 2003 étaient de 146 gorilles de plusieurs sous-espèces (dont 71 élevés en captivité), 1 284 Pan troglodytes (dont 831 élevés en captivité], 30 P. paniscus (dont 12 élevés en captivité] et 324 individus des espèces de Pongo {dont 249 élevés en captivité]. La majorité des échanges de grands singes vivants se produit entre les zoos et les sanctuaires pour les programmes d'élevage en captivité, pour la réintroduction en milieu sauvage et à des fins scientifiques. Une partie de ce commerce (19 à 23 %] concernait les grands singes des cirques qui sillonnent régulièrement le monde et dont la plupart ont été élevés en captivité. IL y a lieu de mentionner que ces données surestiment quelquefois Le volume des échanges car il peut arriver qu'un animal transporté entre plusieurs pays soit enregistré plusieurs fois au cours d'une année. Outre les individus vivants, le commerce peut aussi porter sur des parties du corps, le sang, Les poils ou d'autres spécimens à des fins scientifiques. Pour ce qui est du commerce international à des fins de recherche biomédicale, il porte essentiel- lement sur des échantillons de sang, de poils, de peau, etc.; toutefois, 57 chimpanzés vivants auraient été vendus à cette fin entre 1975 et 2003. L'origine (sauvage ou élevé en captivité] de 37 de ces animaux n'a pas été mentionnée ; Les autres étaient soit captifs, soit obtenus avant la publication des listes des espèces de la CITES, soit encore originaires d'un état qui en abrite et qui n'était pas encore partie prenante à la CITES. IL a également été fait état du commerce des corps des grands singes. Les corps de cinq gorilles ont été exportés comme trophées de chasse de la RCA vers les Etats-Unis d'Amérique et La France en 1995. Ces trophées d'animaux auraient été obtenus avant la publication de la liste des espèces de la CITES. La plus grande partie du commerce des grands singes sauvages s'opère entre les pays africains ou les Etats abritant les grands singes et l'Europe, l'Amérique du nord et l'Asie. Une évaluation systématique de l'exactitude des rapports de La CITES au sujet du commerce global des grands singes n'a pas encore été réalisée, même sil est établi que les états africains observent mal les principes de la CITES," et que des orangs-outans ont été vendus il y a peu, en Indonésie, à l'aide de documents falsifiés.”* Outre la régulation du commerce des espèces en danger, la CITES traite également un certain nombre de questions qui intéressent la conservation des espèces affectées par le commerce. L'un de ces problèmes est le commerce de la viande de brousse, considéré par les parties à La CITES comme portant à la fois sur le commerce et sur la gestion de la faune. Le commerce transfrontalier de la viande de brousse est le plus souvent non durable et illégal. Par conséquent en 2000, les parties à La CITES ont mis sur pied un Groupe de Travail sur la Viande de LES MESURES DE CONSERVATION MISES EN ŒUVRE Brousse composé des Etats de l'aire de répartition des grands singes et des donateurs intéressés. IL a pour but d'étudier les problèmes que suscite le commerce de la viande de brousse, de trouver des solutions qui seront volontairement mises en œuvre par les états de l'aire de répartition des grands singes et de promouvoir la sensibilisation et l'action pour une gestion plus durable du commerce de viande de brousse. La première intervention du groupe a été une étude de cas sur le Cameroun, la RCA, Le Congo, la RDC, la Guinée- équatoriale et Le Gabon. La CITES a décidé en 2004 de rendre compte de l'évolution de la conservation Tableau 14.1 États de l'aire de répartition des grands singes et conventions internationales. État CDB° CITES” CMS‘ CPM“ CAC° Angola oui non non oul no Burundi oui non oui signée Cameroun oui oui oul ou Congo oui oui oul oul Côte-d'Ivoire oui oui oul oul Gabon oui non oul non Ghana oui oui oul oul Guinée oui oui oul signée Guinée-Bissau oui oui non Guinée-Équatoriale oui non non Indonésie oui non oui Libéria oui oui oul Malaisie oui non Mali oui oui oui Nigéria oui oui Ouganda oui oui République Centrafricaine oui non République Démocratique oui oui du Congo République Unie de Tanzanie Rwanda out Sénégal oui Sierra Leone signée Soudan a CDB, Convention sur la Diversité Biologique. oui b CITES, Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction c CMS, Convention sur les espèces Migratrices. d CPM, Convention du Patrimoine Mondial e CAC, Convention Africaine sur la Conservation de la nature et des ressources naturelles f oui: Le pays est partie à La convention : Signée : Le pays a signé mais n'est pas encore pleinement partie ; non: le pays n'a pas signé 273 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Lisière de La forêt du Parc National Impénétrable de Bwindi, l'un des parcs nationaux ayant le statut de Patrimoine Mondial. 274 et du commerce des grands singes et de travailler avec Le GRASP et le secrétariat de La CDB. La Convention du Patrimoine Mondial De nombreuses populations de grands singes vivent dans des zones hautement caractéristiques, riches en espèces, ou remarquables pour diverses raisons. L'importance de certaines de ces aires a été reconnue par La CPM qui vise à la définition et à La conservation du patrimoine culturel et naturel mondial. La CPM a été adoptée en 1972 par la conférence générale de l'UNESCO. Elle a dressé la Liste du Patrimoine Mondial qui comprend des sites ou des aires désignés sur la base de critères spécifiques. Les aires désignées sur La base du Critère [iv] de la convention doivent abriter «les habitats naturels les plus importants et significatifs pour la conservation in situ de la diversité biologique, y compris celles contenant des espèces menacées ayant une valeur universelle remarquable du point de vue de la science ou de La conservation ». Si un site du Patrimoine Mondial est menacé, il peut être placé sur la Liste du Patrimoine Mondial en Péril dont Le but est d'attirer l'attention du monde sur La question. La CPM a été signée par plus de 175 états. Les parties à La convention doivent rendre compte de La situation des sites de leurs territoires, des mesures prises pour les conserver et des efforts de sensibilisation entrepris à leur sujet. Huit des 23 états de l'aire de répartition des grands singes ont des sites du Patrimoine Mondial qui abritent des populations de grands singes {voir Tableau 14.2). En juillet 2004, le Parc National du Gunung Leuser (voir Encadré 11.22] à Sumatra a été Gordon Miller/IRF + désigné comme une partie d'un « massif de montagnes » Site du Patrimoine Mondial; il comprend deux autres parcs vers le sud (Bukit Barisan Selatan et Kerinci Seblat qui ne contiennent pas d'orangs-outans)."*"* Cette initiative faisait suite à une proposition antérieure du gouvernement indonésien qui demandait à l'UNESCO de conférer le statut de Site du Patrimoine Mondial à tout l'Écosystème Leuser de près de 26 000 km?, plutôt qu'au seul Parc National du Gunung Leuser de 8 900 km2.*° La raison en était que la plupart des orangs-outans de l'Écosystème Leuser (estimés à 3 573 sur 5 598 individus) vivent en dehors du parc national, de sorte que si l'accent n'était mis que sur le parc, les risques de pertes significatives d'habitats et d'orangs-outans seraient importants. Les sites du Patrimoine Mondial des massifs de montagnes sont généralement situés en haute montagne (comme l'Himalaya, les Andes ou les Alpes] où les efforts de conservation se concentrent sur les habitats de haute altitude. Les écologistes n'ont pas tous jugé cette désignation pertinente à Sumatra où la majeure partie de la biodiversité se trouve dans les forêts de plaines dont elle est totalement tributaire. Les sites du Patrimoine Mondial sont égale- ment protégés par la catégorie la plus élevée du classement national, normalement en tant que ‘parc national ; bon nombre de ceux qui abritent les grands singes ont cependant été placés sur la Liste du Patrimoine Mondial en Péril. Plus particulière- ment, les sites de la RDC qui abritent les gorilles orientaux, les chimpanzés et Les bonobos et qui ont été gravement affectés par le conflit armé et ses conséquences. Le Comité du Patrimoine Mondial a donc décidé d'apporter de l'aide à la RDC, en collaboration avec l'UICN et d'autres institutions telles que La Banque Mondiale et La Fondation des Nations Unies. ILa été proposé que soit créée une nouvelle désignation dite des Espèces du Patrimoine Mondial et que ce statut soit conféré à tous les grands singes.‘ Cette idée recoit Le soutien des conservationnistes même si elle ne fait pas l'unanimité. ‘® Si cette proposition était agréée, alors de nouveaux Sites du Patrimoine Mondial pourraient être désignés spécifiquement en vue de la protection des populations viables de ces espèces. Un nouveau protocole devrait être ajouté à la Convention du Patrimoine Mondial pour instituer cette nouvelle catégorie. LES MESURES DE CONSERVATION MISES EN ŒUVRE Tableau 14.2 Sites du Patrimoine Mondial contenant des populations de grands singes. État Site du Patrimoine Mondial d Année de Espèces et Patrimoine ésignation sous-espèces Mondial en péril Cameroon Réserve de faune du Dja 1987 gorille occidental chimpanzé Côte d'Ivoire Parc National de Tai Parc National de Comoé 1982 chimpanzé 1983 chimpanzé Guinée et Côte-d'Ivoire Réserve naturelle intégrale du Mont Nimba 1981 chimpanzé Indonésie Patrimoine de forêt tropicale humide de Sumatra 2004 orang-outan de Sumatra Malaisie Parc de Kinabalu 2000 orang-outan de Bornéo Ouganda Parc National de la forêt de Bwindi Parc National des Monts Rwenzori 994 goriile de montagne, chimpanzé 994 chimpanzé République Parc National des Virungas Démocratique du Congo Parc National de Garamba Parc National de Salonga Réserve de faune à Okapis Parc National de Kahuzi-Biega 979 gorille de montagne, chimpanzé gorille oriental des plaines, chimpanzé chimpanzé bonobo chimpanzé Sénégal Parc National Niokolo-Koba La Convention sur les Espèces Migratrices La CMS vise à conserver les espèces migratrices terrestres, marines et aviaires dans toutes les juridictions nationales qu'elles visitent ou par lesquelles elles transitent. L'’annexe | de La CMS énumère les espèces migratrices qui, selon de sérieuses preuves scientifiques, sont en danger. Sans être migrateurs au sens habituel du terme, les gorilles de montagne franchissent régulièrement les frontières nationales et, vu Leur importance au plan de la conservation, la sous-espèce est citée dans l'annexe | de La CMS. Depuis 1997, Le gorille de montagne a également été désigné comme une « action concertée » en raison des conflits en RDC et des problèmes qui touchent son habitat. Cette désignation exige des parties qu'elles entre- prennent des actions particulières pour aider à conserver la sous-espèce et son habitat. Le conseil scientifique de La CMS a aussi relevé Les opportu- nités de coopération avec d'autres conventions dans la protection de l'habitat des gorilles de montagne en RDC. Les trois états qui abritent des gorilles de montagne (RDC, Rwanda et Ouganda) sont adhérents à La CMS. Le Rwanda est Le dernier à y avoir adhéré, en juin 2005. Le Secrétariat de la chimpanzé Convention a accepté de promouvoir un accord éventuel, conformément à l'article IV de la CMS, portant sur la conservation de la population de gorilles de montagne commune aux trois pays. Cet accord pourrait également couvrir des Sites du Patrimoine Mondial et d'autres sites protégés.“ En 2004, le Groupe de travail sur les mammi- fères terrestres de la CMS à proposé que Le statut spécial des gorilles de montagne soit étendu à tous les gorilles. Observance des accords internationaux Le succès de toutes ces conventions dépend de la capacité des parties à Les mettre effectivement en œuvre, notamment de répondre à l'exigence de rédaction des rapports. Ces engagements exigent l'affectation de personnel formé et de ressources pour couvrir Les frais de fonctionnement, ce qui est généralement au-dessus des moyens des états de l'aire de répartition des grands singes lorsque les autres priorités du gouvernement sont prises en compte. Aucune évaluation globale de l'efficacité de ces conventions n'a encore été menée mais La CDB a adopté un objectif mesurable.” C'est « l'objectif 2010 » par lequel les parties se sont engagées à réduire de manière significative d'ici 2010 Le rythme 275 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Ce panneau au carrefour de l'Équateur près du Parc National du Lac Mburo en Ouganda, met en garde contre Les dangers de La corruption. 276 Gordon Miller/IRF actuel de destruction de La biodiversité aux niveaux global, régional et national. Accords et activités régionaux Accords régionaux Tous les grands singes africains apparaissent dans la Classe À «protection intégrale» de la Convention africaine sur la Conservation de la Nature et des Ressources naturelles (CAC). Elle est entrée en vigueur en 1969 et engage la majorité des 21 états africains abritant les grands singes (Tableau 14.1). Elle a pour objectif de valider et d'encourager la conservation et l'utilisation rationnelle des ressources naturelles par les pays, séparément ou en synergie. Elle sert principa- lement de guide et de base de définition de mesures spécifiques pour la conservation des ressources telles que Les grands singes qui, selon Les termes de la convention, sont importantes « d'un point de vue économique, nutritionnel, scientifique, éducatif, culturel et esthétique ». Le processus d'Application de la Législation Forestière et Gouvernance (FLEG] est une initiative des donateurs tels La Banque Mondiale, à laquelle prennent part les gouvernements, les ONG et la société civile. Elle met l'accent sur la nécessité de combattre la menace que font peser sur les forêts l'exploitation forestière, le commerce illicites, La corruption et le braconnage. Des réunions ministérielles et autres ont été organisées en Afrique (AFLEG] et en Asie (FLEG Asie) pour étudier des partenariats éventuels entre les producteurs et les consommateurs, les secteurs privé et public et les donateurs qui peuvent aider à juguler l'exploitation illégale du bois. Ces rencontres se sont conclues par des déclarations et des plans d'action ministériels, dont la Déclaration des Ministres d'octobre 2003 à Yaoundé sur la Législation forestière et La Gouvernance en Afrique (AFLEG])'# est un exemple. En 1999 La conférence au sommet de Yaoundé sur les forêts a réuni les dirigeants des pays du Bassin du Congo en vue d'examiner les menaces croissantes sur les forêts de la région et de rechercher des voies et moyens pour assurer leur intégrité et leur sauvegarde. La principale conclusion a été La « Déclaration de Yaoundé » sur la promotion de la coopération transfrontalière en vue de la conservation de La biodiversité à l'intérieur et autour du bassin du Congo, les pays concernés étant le Cameroun, La RCA, Le Tchad, Le Congo, la RDC, la Guinée-Équatoriale et le Gabon. Elle contient des engagements politiques fermes, notamment sur la création de nouvelles aires protégées forestières, des plans de lutte contre l'exploitation illégale du bois et le braconnage de la faune, des cadres élargis d'application des straté- gies de gestion durable des forêts. Elle a ainsi ouvert la voie à l'action et à de nouveaux parte- nariats, à l'instar de l'accord entre le Cameroun, le Congo et La RCA en 2000 qui a institué une gestion conjointe de 28 000 km? de forêt par des politiques forestières harmonisées dans l'aire de conservation nouvellement créée de la Trinationale de La Sangha. À ce jour, 34 000 km? au total de nouvelles aires protégées ont déjà été classées ou sont en voie de l'être dans le Bassin du Congo ; des efforts ont été faits pour la durabilité de la gestion des aires protégées existantes qui couvrent une superficie totale de 135 000 km2.'“* La Conférence ministérielle sur l'environne- ment en Afrique, tenue à Maputo en 2003, a adopté le Plan d'Action de l'Initiative Environnementale (PAIE) du Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique (NEPAD]). IL comprend Initiative sur Les Aires Protégées Africaines [IAPA] qui est une initiative, dirigée par des africains, destinée à mobiliser l'expertise et Les institutions africaines pour accroître Le rôle des aires protégées comme outils de sauvegarde de la biodiversité et de protection des écosystèmes qui contribue à au développement durable à travers le continent. IL encourage la création d'aires de conservation, le renforcement des capacités de mise en œuvre de la CDB, la gestion de la biodiversité et des connaissances qui lui sont liées, et La mise en réseau des institutions et experts africains. Plans d'action régionaux et sur les espèces Nombre de plans d'action régionaux, impliquant plusieurs états de l'aire de répartition des grands singes, ainsi que des plans d'action sur les espèces, ont été élaborés pour orienter et organiser la conservation des grands singes. Les récentes actions les plus remarquables du Groupe de spécialistes des Primates de la Commission de Sauvegarde des Espèces (CSE]) de l'UICN incluent : B L'étude du statut et le plan d'action pour la conservation des primates africains ;'” MH Létude du statut et le plan d'action pour la conservation des chimpanzés d'Afrique de l'ouest ;"° M LÉvaluation de la Viabilité de La Population et de l'Habitat (EVPH) des gorilles de montagne ;/°1%15 MH LEVPH des chimpanzés orientaux en Ouganda ;” MH LEVPH des orangs-outans.*'"* D'autres plans relatifs aux autres espèces ont également été élaborés, y compris deux sur les bonobos“"“ et un sur les chimpanzés en Ouganda.” Ces documents contiennent des séries de recommandations. Avant l'implication du GRASP, peu d'entre elles semblaient être intégrées dans les documents de planification nationale comme les stratégies et les plans d'action nationaux sur la biodiversité. Le Plan d'action de l'UICN sur le chimpanzé d'Afrique de l'ouest passe en revue les informations existantes sur le statut des deux sous espèces présentes en Afrique de l'ouest (jusqu'à la frontière entre le Nigeria et le Cameroun), à savoir Pan troglodytes verus et P.t. vellerosus.* IL contient un ensemble de profils nationaux et une évaluation régionale des menaces et des recommandations. IL évalue l'exploitation du bois, l'agriculture, le pillage des cultures, la chasse du gibier de brousse, Les sanctuaires de primates, les expériences en matière de réhabilitation et la menace posée par Les maladies infectieuses. Le Plan est né d'un atelier tenu en 2002 à Abidjan en Côte-d'Ivoire, auquel avaient pris part 72 scientifiques, écologistes, décideurs, responsables des aires protégées et les donateurs venus de 15 pays.” Les EVPH sont facilitées par le Conservation Breeding Specialist Group de l'UICN mais elles impliquent les intervenants locaux et diverses organisations concernées par la conservation des LES MESURES DE CONSERVATION MISES EN ŒUVRE espèces cibles. Le processus se déroule sous forme d'ateliers participatifs au cours desquels des modèles mathématiques sont utilisés pour produire un plan stratégique de sauvegarde d'une espèce menacée et de son habitat. Le processus utilise des données démographiques, génétiques et écologiques, ainsi que des estimations des menaces telles que les modes actuels et futurs d'utilisation des terres ; ilest spécifiquement concu pour accroître la participation des intervenants et favoriser le partage des connaissances." Un atelier d'EVPH focalisé sur les orangs-outans s'est tenu à Jakarta, en Indonésie, en janvier 2004. ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES De nombreuses ONG internationales et nationales, travaillant en partenariat avec les autorités nationales et Les ONG locales, se sont impliquées dans l'élaboration et la mise en œuvre de programmes de conservation des grands singes. Beaucoup d'entre elles sont maintenant partenaires du GRASP (voir Annexe] et leurs activités sont brièvement présentées dans cet atlas, en particulier dans les profils des pays des chapitres 16 et 17. Nous ne ferons qu'évoquer leurs activités ici, pour donner un rapide apercu de la Véhicule de gardes profondeur de leur engagement. forestiers arborant Le Les ONG internationales actives en Afrique logo du WWF. Le WWF sont, entre autres, le partenariat du Programme est l'une des premières International de Conservation des Gorilles (IGCP) ONG à s'être engagée {évoqué ci-dessus dans la partie intitulée dans la conservation des ‘Partenariats’), le Conservation International (CI), La grands singes. Gordon Miller/IRF 277 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION L'île de Rubondo, en République Unie de Tanzanie, où 17 chimpanzés furent relâchés dans La nature dans Les années 60. En 2002, ils représentaient une population autonome de 40 individus. 278 Michael Huffman Fauna et Flora International (FFI)], la Wildlife Conservation Society (WCS)] et le WWF - Organisation mondiale de La Conservation. La WCS met activement en œuvre, en Afrique centrale et en Afrique de l'est, un programme incluant des projets de conservation des grands singes au Congo, au Gabon, en RDC, en Ouganda et au Rwanda. Le CI mène un important programme en Afrique de l'ouest, une région considérée comme un ‘haut Lieu’ (« hotspot »] de biodiversité.“ Il a apporté des financements de base et fourni son appui technique et logistique à l'élaboration du Plan d'action de l'UICN sur le chimpanzé d'Afrique de l'ouest. L'IGCP vise La conservation des gorilles de montagne et de leurs habitats en RDC, en Ouganda et au Rwanda, et Le renforcement de la coopération entre les responsables des aires protégées. En dépit des conflits civils et d'autres problèmes, le projet a enregistré d'importants succès en aidant les autorités à protéger les gorilles de montagne dans les Virungas au cours des années 80. Outre sa participation dans l'IGCP, le WWF conduit des projets à travers l'Afrique, et apporte son appui à des projets de conservation des forêts au Cameroun, en Côte-d'Ivoire, au Gabon et en RCA. Parmi les autres groupes actifs sur Le terrain figurent Les Amis des Bonobos du Congo, Berggorilla und Regenwald Direkthilfe, Bonobo Conservation Initiative, Born Free Foundation, Cameroon Wildlife Aid Fund, Dian Fossey Gorilla Fund Europe, Dian Fossey Gorilla Fund Inter- national, Frankfurt Zoological Society, les Instituts Jane Goodall, Pan African Sanctuary Alliance, Wild Chimpanzee Foundation et Zoological Society of London. En Asie du Sud-Est, Les interventions des ONG se concentrent sur la conservation sur le terrain et la réhabilitation des orangs-outans. Dans la partie malaise de Bornéo, Hutan conduit un projet novateur de conservation communautaire et de recherche le long de La Kinabatangan River dans Le Sabah. Dans la partie indonésienne de Bornéo, lOrangutan Foundation International finance les patrouilles dans le Parc National de Tanjung Puting, réhabilite et relâche Les orangs-outans orphelins dans la Réserve Naturelle Intégrale de Lamandau et soutient la recherche en matière de conservation et de restauration des forêts. La Bornean Orangutan Survival Foundation réhabilite et relâche des orphelins à Balikpapan et dans d'autres parties de Kalimantan. Elle a formulé une proposition en faveur de la protection de la zone de Mawas comprenant 5000 km? de forêt marécageuse habitée par des orangs-outans. Le Programme de Conservation de l'Orang-outan de Sumatra (SOCP) a élaboré un programme de relâcher similaire dans le Parc National de Bukit Tiga Puluh, dans la province de Jambi. C'est également La seule organi- sation qui mène actuellement des recherches sur le terrain à Ketambe et permet de garder ouvert ce site de recherche ; elle procède essentiellement à l'étude et au suivi du statut et de La répartition de la population sauvage d'orangs-outans dans la région. ILexiste deux réseaux qui relient Les travailleurs des deux îles : le Réseau Orang-Outan qui relie les scientifiques engagés dans la conservation ;'° et lOrangutan Conservation Forum, proposé par l'atelier d'EVPH de 2004, qui vise la coordination des efforts d'éducation et de communication, y compris l'orientation des travaux d'élaboration des plans nationaux de sauvegarde des grands singes en Indonésie et en Malaisie. * L'Ecosystème Leuser (voir Encadré 11.2) est un habitat de première importance pour les orangs- outans de Sumatra. ILest constitué du Parc National du Gunung Leuser (8 900 km] et de vastes superficies de forêts pour la protection et la production de bois dans les provinces du nord de Sumatra et Nanggroe Aceh Darussalam, incluant environ 26 000 km? au total. La zone entière est soumise au Programme de développement à long terme du Leuser (LDP), projet exécuté conjointement par le gouvernement indonésien et l'Union Européenne et pour lequel ils ont investi 7,5 millions USD et 39 millions USD respectivement depuis 1996. Le gouvernement indonésien a confié la gestion de toute La zone à une ONG créée à cet effet, la Leuser International Foundation (LIF), qui a un mandat de neuf ans extensible à 30. Le LDP assiste actuellement la LIF dans la gestion de l'Ecosystème Leuser au cours de sa première phase de neuf ans.” D'autre part, au début de 2004, le président indonésien Megawati Sukarnoputri a donné le feu vert pour le démarrage du projet routier de Ladia Galaska qui devait passer à travers le Parc National du Gunung Leuser (mais voir Encadré 11.2). À Sabah, Le Projet de Conservation de l'Orang- outan de Kinabatangan (KOCP] a été mis sur pied en 1998 pour sécuriser l'une des plus importantes populations dans la plaine inondable de Kinaba- tangan, à l'est de Sabah. Le KOCP est soutenu par WWE-Malaisie et œuvre en étroite collaboration avec l'administration de la faune de Sabah, les communautés locales et d'autres intervenants, pour trouver les moyens de conserver les orangs- outans sauvages dans les forêts polyvalentes. Le KOCP a identifié une population d'orangs-outans de plusieurs milliers d'individus dans la région de Kalabakan, entre le Bassin de Maliau et Les zones de conservation de Danum Valley.” IL a été établi que c'est peut-être La population d'orangs-outans de Bornéo la plus viable à long terme, à condition que l'exploitation du bois (légale et illégale) soit jugulée et Les incendies de forêt évités. La zone l'a échappé de peu en 2002, lorsque le gouvernement de Sabah a résilié l'accord entre la Malaisie et La Chine pour la conversion de 2 414 km? de forêts naturelles en plantation d'Acacia mangium.""* pour la fabrication de pâte à papier Toutefois, cet accord a déjà été utilisé comme prétexte pour la coupe à blanc (l'abattage de tous les arbres en vue d'un re- boisement ultérieur] de vastes superficies de forêt. AIRES PROTEGÉES Apercu En termes de besoins liés à l'habitat, les intérêts des grands singes et des hommes sont parfois conflictuels ; d'une manière générale, les singes ont besoin de forêts naturelles libres de toute perturbation, alors que les hommes ont besoin de terres agricoles, de plantations ou de forêts qu'ils destinent à la production intensive. La survie en milieu sauvage des populations de grands singes dépendra par conséquent de La mise en réserve de LES MESURES DE CONSERVATION MISES EN ŒUVRE Martha M. Robbins zones d'habitat des grands singes qui auront un statut de protection légal et permanent. Ceci est valable pour plusieurs autres êtres vivants des forêts tropicales humides, de sorte que les aires protégées constituent le principal moyen de conservation de la biodiversité dans ce type d'écosystème.'” Les parcs nationaux et Les autres sites susceptibles de protéger les forêts contre toute destruction et contre la chasse sont essentiels pour la conservation des grands singes. Tous les Etats abritant Les grands singes sont dotés de systèmes d'aires protégées qui s'étendent généralement sur 5 à 15% de leurs territoires, même si seules quelques unes de ces aires sont efficientes pour la protection des grands singes alors que d'autres n'existent en réalité que sur le papier. Une population saine de grands singes est particulièrement difficile à maintenir sur les plus petites aires protégées. Les petites populations de grands singes risquent l'extinction en raison de catastrophes occasionnelles (telles que l'infection par le virus Ebola ou l'exposition aux incendies de forêt}, de la baisse de la variabilité génétique, du braconnage et d'autres formes de perturbations humaines. De plus, la possibilité de mouvements intercommunautaires est primordiale pour la viabilité des populations de grands singes ; l'avenir d'une population uniquement constituée de petits groupes isolés ne peut être que précaire. Les populations de grands singes ont généralement des densités de 0,3 à 1 individu par kilomètre carré ; il faut donc de vastes superficies d'habitat protégé à La déforestation à La lisière du Parc National Impénétrable de Bwindi en Ouganda. 279 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Des gardes forestiers du Parc National des Volcans au Rwanda détruisant des pièges posés par des braconniers. 280 même de supporter des populations qui pourraient être viables à long terme. Ces populations devraient comprendre un minimum de 1 000 individus sur une surface de plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de kilomètres carré." Les grands singes dans les aires protégées existantes L'orang-outan de Bornéo, comme toute espèce largement répartie, a une aire de répartition formée aussi bien de forêts protégées que non protégées. Parmi les parcs nationaux d'Indonésie contenant des populations d'orang-outans, on peut citer Kutai, Tanjung Puting, Gunung Palung et Betung Kerihun. La plupart des orangs-outans de Sumatra se trouvent dans l'Ecosystème Leuser dont la gestion est efficace mais reste soumise à l'exploitation illégale du bois. Dans le Bornéo malais, la population la plus importante à Sarawak se trouve dans Le sanctuaire de Lanjak-Entimau (qui englobe maintenant le Parc National de Batang Ai et est relié à Betung Kerihun]. En Malaisie, Le régime de protection d'un sanctuaire est plus strict que celui d'un parc national. De même, les orangs-outans sont présents dans de nombreuses aires de Sabah bien protégées par la législation nationale, à l'exemple de l'Aire de conservation de Danum Valley. La majeure partie des populations existantes de gorilles de plaine de l'est africain se trouve dans lan Redmond/UNESCO des aires officiellement protégées (bien que la situation de cette population soit incertaine en raison de l'importance signalée du braconnage et de l'insécurité qui empêche tout recensement) et tous les gorilles de montagne des Virungas et de Bwindi se trouvent dans des parcs nationaux. La situation du chimpanzé oriental est moins évidente car de vastes zones de l'est du Bassin du Congo n'ont pas encore été étudiées. De la même facon, les estimations précises sur les aires protégées de l'aire de répartition du chimpanzé central et du gorille occidental font défaut. IL existe 26 aires protégées dans l'aire de répartition du chimpanzé occidental {soit sur 6,6 % de son aire de répartition] et trois dans l'aire de répartition du chimpanzé Nigéria-Cameroun sur une même superficie.” Enfin, les bonobos ne sont présents que dans deux aires officiellement protégées en RDC, une très grande {le Parc National de La Salonga, 36 560 km!) et l'autre plus petite (la Réserve de Luo pour la recherche scientifique, 358 km?]. L'efficacité des aires protégées Comme c'est Le cas avec La mise en application de la loi, de nombreux programmes existants de gestion des aires protégées en Afrique et en Asie du Sud-est sont principalement financés par les ONG et les donateurs étrangers et ils ne pourraient fonctionner sans cet appui. Nombre de parcs nationaux et de réserves des états incluant l'aire de répartition des grands singes souffrent d'un manque criant de personnel et de fonds et ne sont guère plus que des ‘parcs sur papier’. En fait, dès 2000, on a relevé le déclin des populations de grands singes dans pratiquement toutes les 24 aires protégées où des programmes de recherche sur les grands singes avaient été menés.” Les populations de gorilles de plaine de l'est sont en recul depuis la fin des années 90 en dépit des vastes aires protégées qui couvrent leur territoire. Cependant, même les ‘parcs sur papier’ ont généralement un meilleur effet à long terme que les zones non protégées car elles ont des frontières que les gens respectent le plus souvent.””* Ils découragent également certains types d'investissements, tels les grands projets d'infrastructure exécutés par les bailleurs de fonds publiquement responsables, qui sont tenus par la loi d'effectuer des études d'impact environnemental que l'opinion publique oblige à prendre en compte. IL a été reconnu depuis longtemps que pour survivre et être maintenues, les aires protégées doivent être bénéfiques aussi bien aux populations locales qu'aux gouvernements. Aussi les respon- sables des parcs essaient-ils généralement de se rapprocher des communautés locales pour leur expliquer les avantages de la conservation et l'on exige de plus en plus que les aires protégées génèrent des revenus qui seront partagés entre Les communautés locales et Les gouvernements. Dans certains cas, les deux exigences peuvent être satisfaites grâce aux revenus du tourisme, des communautés de recherche, des frais de tournage {versés par les réalisateurs de documentaires) et des projets de développement communautaire, complétés par les financements extérieurs ; cela n'est, toutefois, pas réalisable dans toutes les régions du Bassin du Congo.”'* En Afrique centrale il serait utopique d'attendre des gouver- nements nationaux qu'ils supportent tous les coûts de fonctionnement des aires protégées. Au Cameroun par exemple, les coûts d'opportunité (c'est-à-dire les manques à gagner enregistrés du fait de la non-exploitation d'une ressource à d'autres fins, de manière durable ou non, parce qu'elle est protégée) pour Le gouvernement de la non-exploitation de la forêt tropicale ont été estimés à près de 15 000 USD par km? par an ;* dans ce cas, le coût de la mise en réserve d'une aire protégée de 2 700 km? excéderait 40 millions USD par an. Naturellement, les gouvernements demanderont que la communauté internationale contribue à hauteur au moins de la valeur des bénéfices perdus à cause d'un tel investissement. C'est le fondement de la politique du Fonds pour l'Environnement Mondial (FEM) qui finance les coûts marginaux des mesures visant la conservation de la biodiversité. Ces coûts différentiels représentent la différence de prix entre l'investissement qu'un gouvernement responsable consent pour le bien de ses populations (par exemple, fournir des services de captage des eaux et générer des revenus du tourisme), et ce que La communauté internationale aurait voulu faire (par exemple, ménager un écosystème d'importance mondiale ou préserver la fonction de stockage du carbone des forêts]. Le problème réside en partie en ce que la conservation est une entreprise lente, de longue haleine, qui nécessite des investissements réguliers perpétuels, alors que les perspectives des gouvernements et des donateurs dans les initiatives de conservation sont davantage à court terme. Pour surmonter cet écueil, le FEM a généralement recours aux fonds d'affectation LES MESURES DE CONSERVATION MISES EN ŒUVRE Gordon Miller/IRF spéciale et à des mécanismes assimilés qui sont pourvus de manière à fournir une subvention unique, étant entendu que le rendement du capital couvrira toujours une partie des dépenses de conservation.” Cette méthode fut utilisée dans le cas du Fonds pour la conservation de la Forêt Impénétrable de Bwindi-Mgahinga, qui concernait deux parcs nationaux du sud-ouest de l'Ouganda où vivent des gorilles de montagne."” Ce Fonds fut créé en 1995 grâce à un financement initial du FEM ; il constitue une source durable de crédits pour la gestion du parc, la recherche et Les projets de conservation communautaire ;'"* globalement, de tels exemples sont rares. Les aires protégées transfrontalières De nombreuses populations de grands singes s'étendent de part et d'autre des frontières internationales ; dans certaines zones, ces habitats coïncident avec des aires protégées (ou aménagées de quelque autre manière] établies d'un côté ou de l'autre d'une frontière. En théorie, cela donne l'occasion aux gestionnaires des réserves des pays limitrophes de coopérer pour améliorer la protection des grands singes dans une aire commune. L'un des meilleurs exemples à cet égard est la zone d'habitat protégé du gorille de montagne dans les Virungas gérée en étroite collaboration par les autorités du Rwanda, de l'Ouganda et de La RDC. La Déclaration de Yaoundé en 1999 visait à promouvoir La coopération transfrontalière en vue de la conservation de la biodiversité à l'intérieur et Le Parc National de Mgahinga, en Ouganda, est contigu au Parc National des Virungas, en République Démocratique du Congo, et au Parc National des Volcans, au Rwanda. 281 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Exploitation forestière au Gabon. 282 lan Redmond autour du Bassin du Congo. Elle a déjà conduit, entre autres, à : MH La reconnaissance et l'entérinement de la création de la Trinationale de La Sangha qui couvre une superficie de près de 7 300 km? au Cameroun {parc National de Lobéké], en RCA (Parc National de Dzanga-Ndoki] et au Congo (Parc National de Nouabalé-Ndoki) ; BH La création de deux nouveaux parcs nationaux forestiers au Cameroun (Campo- Ma'an, et Mbam et Djerem) : M La mise sur pied d'une initiative de conservation transfrontalière entre le Congo (Parc National de Bambama- Lékana] et le Gabon (Parc National des Plateaux Batéké) ; MB La création, en 2002, du Partenariat pour les Forêts du Bassin du Congo qui entend renforcer les nombreux programmes unilatéraux, bilatéraux et multilatéraux existant dans la région, y compris les collaborations entre les acteurs gouver- nementaux et Les ONG. Un programme financé par l'Union Européenne (Appui à la Gestion Intégrée des Ressources Naturelles des bassins du Haut Niger et de La Haute Gambie, AGIR) œuvre en Afrique de l'ouest à l'établissement d'accords de conservation transfrontalière entre la Guinée et les pays limitrophes qui partagent une forêt contiguë dont La majeure partie sert d'habitat aux chimpanzés. Sont concernés, le Parc National de Niokola-Koba (Sénégal) ; Le Parc National de Badiar (Guinée) ; La Réserve Naturelle Intégrale du Mont Nimba (Côte- d'Ivoire] ; le projet d'aire protégée de Bafing- Falémé (Guinée/Mali] ; et Le projet d'aire protégée de Guinée-Bissau /Guinée. Depuis 1995, des efforts ont été faits pour créer une aire transfrontalière de conservation de la biodiversité qui englobe le Sanctuaire de Lanjak- Entimau au Sarawak et Le Parc National de Betung Kerihun à l'ouest du Kalimantan en Indonésie, pour en faire un complexe d'une superficie totale de 11000 km?2. Cette initiative est coordonnée par l'International Tropical Timber Organization (ITTO) et l'administration des forêts de Sarawak, avec le WWF-Indonésie et l'Unité de Gestion des parcs du Parc National de Betung Kerihun en Indonésie.” LA GESTION HORS DES AIRES PROTEGÉES L'exploitation forestière La plupart des grands singes vivent en dehors des aires protégées existantes où en projet,“ aussi la protection et la gestion des habitats des grands singes dans un cadre plus global sont essentielles à leur sauvegarde. On devrait donc envisager la meilleure manière de concilier la sauvegarde des grands singes et l'exploitation forestière qui produit un impact majeur sur leurs habitats hors des aires protégées. Pour ce faire, il convient de mieux com- prendre l'impact du prélèvement du bois sur le comportement et l'écologie des grands singes. En ce qui concerne les gorilles, l'exploitation forestière sélective peut améliorer l'accès aux plantes herbacées facilement digestibles et aux autres aliments végétaux de leur milieu. Pour ces animaux, la modification de l'écosystème causée par l'exploitation forestière représente moins une menace que les pressions de chasse croissantes qu'exercent les ouvriers des exploitations forestières qui vivent des ressources naturelles, ainsi que l'amélioration de l'accès et du transport que les routes et les véhicules des exploitations offrent aux chasseurs commerciaux. La situation des orangs-outans est plus floue car il existe des preuves évidentes d'impacts graves et d'adaptation remarquable à l'exploitation forestière dans diver- ses parties de Bornéo et Sumatra. Dans les sites où la chasse n'est pas une menace grave, la survie des orangs-outans dans les forêts à exploitation sélective semble être déterminée par la qualité du peuplement résiduel en termes de productivité fruitière. Mais, même là où les arbres fruitiers abondent, les forêts exploitées peuvent brûler et elles brüûlent effectivement ; le feu a un effet dévastateur sur les orangs-outans. Les chimpanzés ont également de grandes qualités d'adaptation aux conditions écologiques dans les forêts exploitées, mais on dispose de peu de données sur la réaction des bonobos à l'exploitation forestière seule. Le fait qu'ils consomment beaucoup de végétation herba- cée laisse penser qu'ils peuvent raisonnablement survivre dans une forêt perturbée. Comme pour les gorilles, la chasse et la fragmentation des aires forestières par les routes et Les campements forestiers sont les plus susceptibles de détruire les populations de chimpanzés et de bonobos. En théorie donc, l'extraction sélective du bois à un rythme modéré ne devrait pas causer la totale destruction des populations des grands singes. L'impact pourrait être minimisé si les sociétés forestières prenaient les mesures ci-après : M Linterdiction de la chasse dans leurs concessions ; M La fermeture de l'accès aux zones forestières exploitées ; M La destruction des pistes, canaux (ex. dans les forêts marécageuses de Bornéo) et ponts à la fin de l'exploitation ; M Laisser intactes des parcelles de forêt d'une superficie suffisante pour préserver le microclimat humide et prendre d'autres mesures pour prévenir les incendies de forêt ; M Faire preuve d'une plus grande attention lors de l'exploitation afin de préserver les arbres fruitiers. Ce dernier point exige de : M Réaliser un inventaire détaillé avant La coupe des arbres ; M Marquer les arbres fruitiers ; M Assurer la coupe directionnelle des arbres sélectionnés ; M Recourir à l'enlèvement aérien des grumes plutôt qu'à La traction afin de réduire les dégâts sur les arbres n'ayant pas été choisis pour la coupe ; et M Eviter les traitements sylviculturaux après l'abattage tels que La coupe des lianes. Toutes ces mesures exigent des investissements importants de la société forestière et peuvent réduire les marges bénéficiaires ; il y a cependant LES MESURES DE CONSERVATION MISES EN ŒUVRE des avantages à pouvoir prouver aux consom- mateurs que le bois est produit selon un mode ‘respectueux des grands singes. De nombreuses populations de grands singes, surtout en Afrique centrale, vivent dans des forêts gérées pour la production; l'industrie du bois est un facteur important du développement social et économique de la plupart des états de l'aire de répartition des grands singes. L'engagement positif des sociétés forestières est donc crucial pour l'avenir de la protection des grands singes et certaines sociétés ont effectivement marqué leur adhésion en adoptant un code de conduite’ (proposé par la Ape Alliance en 1998) visant à réduire l'impact de leurs activités sur la faune sauvage. Quelques projets ont permis une collaboration directe avec les sociétés forestières pour réduire La chasse. Un exemple cité en modèle à cet égard est un projet conjoint au Congo entre la Wildlife Conservation Society, Le Ministère des Forêts et de l'Environnement et la Congolaise Industrielle des Bois, une société forestière. Ce partenariat vise à combattre la chasse et le commerce de la viande de brousse, en particulier celle des grands singes, dans les concessions forestières près du Parc National de Nouabalé-Ndoki,* même si certaines critiques ont mentionné l'absence d'évaluation ou de surveillance indépendantes. D'autres sociétés ont également essayé d'enrayer la chasse du gibier de brousse dans leurs aires d'activité. Au Cameroun par exemple, la société pétrolière Esso s'est efforcée de contrôler et de prévenir le commerce de la viande de brousse pendant la construction du pipeline Tchad- lan Redmond Coltan (minerai de tantale) saisi par des gardes forestiers dans Le Parc National de Kahuzi-Biega en République Démocratique du Congo. 283 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Une pépinière en Guinée pour la réalisation d’un programme de ‘corridor vert’ entre La forêt de Bossou et Le Mont Nimba en vue de relier deux populations de chimpanzés. 284 Akihiro Hirata Cameroun en 2001-2003.** La dénonciation par les médias des liens entre l'exploitation forestière et La chasse commerciale du gibier de brousse s'est également avérée efficace en incitant les sociétés à revoir leur attitude. L'Association Interafricaine des Industries Forestières (AIIF] rassemble 14 sociétés d'exploitation forestière qui possédaient un total de 140 000 km? de forêts et employaient 20 000 personnes à la fin des années 90. Elle a engagé ses membres à prendre des mesures pour empêcher la chasse commerciale.’ La Banque Mondiale a également formé un groupe de travail constitué de cadres des sociétés forestières européennes et qui inclut l'AIF. IL vise à promouvoir une meilleure protection et une gestion des forêts {y compris des aires protégées) afin de permettre les investissements dans les industries forestières locales et de réduire l'impact du commerce de viande de brousse sur les espèces vulnérables. Le groupe cherche à instaurer une coopération entre les sociétés privées, les ONG et la Banque Mondiale pour encourager l'utilisation durable et intégrée des ressources forestières en Afrique tropicale, surtout dans le Bassin du Congo et en Afrique de l'ouest. IL promeut aussi un ‘code de conduite’ pour les sociétés forestières en Afrique, mais les observateurs des ONG et même la Banque Mondiale sont frustrés par la lenteur des progrès et par l'absence de résultats concrets. Les opérations d'exploitation respectueuses de l'environnement et Les systèmes de suivi du bois le long de la ‘chaîne de production’, du producteur au consommateur, tels ceux élaborés par Le Forest Stewardship Council [FSC] ont été introduits il y a quelques années seulement. Ils sont promus par les ONG (à l'instar du WWF, de Greenpeace et des Amis de la Terre] comme un outil de contrôle de l'exploitation forestière illégale et de promotion de la gestion durable des forêts. Le Tropical Forest Trust travaille avec les sociétés membres pour accroître l'étendue des forêts tropicales certifiées. Toutefois, la certification évolue à petits pas en Afrique et en Asie du Sud-est. IL existe deux sites certifiés par Le FSC en Ouganda, un en Malaisie et un autre à Sumatra.* Les mécanismes de certification existants enregistrent cependant généralement des résultats peu probants en matière de gestion de la faune. Exploitation minière Une approche comparable a été adoptée par les groupes de conservation internationaux pour la certification des minéraux et Le plaidoyer sur leur utilisation. Par exemple, les campagnes inter- nationales ont réussi à convaincre Les sociétés de cesser d'acheter le coltan de l'Afrique centrale.” Comme le précise le chapitre 13, Le coltan est un minerai dont est extrait Le tantale (un élément métallique lourd] ; ilest utilisé dans certains alliages en chirurgie et dans le domaine aérospatial, ainsi que dans la fabrication de condensateurs résistants à La chaleur incorporés dans les téléphones mobiles et d'autres produits électroniques. Les cours élevés du coltan ont entraîné une ruée en 2000, poussant des milliers de mineurs artisanaux à pénétrer dans le Parc National de Kahuzi-Biega et dans la Réserve de Faune à Okapis à l'est de La RDC. La demande subséquente en viande de brousse a eu un impact dévastateur sur les populations de gorilles et d'autres animaux."? Jusqu'en 2004, une bonne partie du Parc National de Kahuzi-Biega n'était pas contrôlée par les autorités du parc mais était occupée par les chercheurs de coltan et la milice.” Le coltan était aussi utilisé pour financer les différentes armées en RDC pendant la guerre et était pour cette raison appelé « coltan de la guerre », ce qui justifiait encore davantage un embargo. L'objectif de la campagne appelant au boycott du coltan était, en effet, de réduire la valeur du coltan de RDC auprès des sociétés électroniques qui l'achetaient en dernière instance. Le Dian Fossey Gorilla Fund Europe a adopté une approche différente dans le ‘Processus de Durban’ qui a rassemblé tous les intervenants et appelait à investir dans un système d'extraction minière hors des aires protégées, qui serait responsable du point de vue environnemental et social, et permettrait encore que les pauvres mineurs artisanaux tirent avantage de cette précieuse ressource.“ De nouveaux partenariats apparaissent entre les sociétés et Les groupes de conservation. Fauna et Flora International (FF), par exemple, travaille avec le UN Global Compact, un réseau parrainé par les Nations Unies qui encourage l'engagement social responsable et le développement de marchés pour un coltan éthique, percus comme un investissement pour la paix en RDC.” L'objectif est de persuader les grandes sociétés occidentales qui utilisent Le coltan (comme Motorola, Sony, Hewlett Packard et Nokia) à acheter uniquement le minerai de RDC extrait dans des exploitations responsables du point de vue environnemental et social. La restauration des forêts Les populations de grands singes peuvent être morcelées dans des parcelles d'habitats isolés dans lesquelles elles sont vulnérables aux aléas. La restauration forestière qui vise à relier ces parcelles ou à Les élargir a été très peu promue dans les états abritant les grands singes. À titre d'initiatives réussies dans ce domaine, on peut citer les deux forêts certifiées par le FSC en Ouganda, Les deux projets de restauration ayant été financés avec les fonds du stockage du carbone. L'un de ces projets est exécuté dans Le Parc National de Kibale et son but est d'étendre l'habitat des chimpanzés. ”'* À Kinabatangan, Sabah, des initiatives de restauration des forêts et des zones humides sont en cours pour faire barrage à La destruction des forêts, '* mais le taux de défrichement des forêts pour les plantations de palmier à huile excède de loin Le taux de reboisement. De nombreux biologistes de la conservation ont proposé de relier des aires protégées forestières et d'autres blocs d'habitats par la création et La protection de ‘corridors forestiers.”'!" D'après une Evaluation de La Viabilité de La Population et de l'Habitat (EVPH) sur Le chimpanzé oriental en Ouganda, le risque d'extinction de certaines populations de chimpanzés d'Ouganda est réduit de 55 % lorsque les populations sont reliées par des corridors.” Si les possibilités de maintenir des populations importantes sont limitées, il est vital de s'assurer que les individus LES MESURES DE CONSERVATION MISES EN ŒUVRE Iroko Foundation peuvent se disperser Les populations de grands singes très fragmentées, susceptibles de bénéficier de La création de corridors sont, entre autres, celle du gorille de Cross River au Nigeria” et les populations d'orangs-outans de l'Écosystème Leuser en Indonésie.* Sur une plus vaste échelle, la population de chimpanzés d'Afrique de l'ouest tirerait parti de La restauration de son habitat et de la protection des corridors existants.* Les chimpanzés de Bossou (Guinée) ont survécu dans une parcelle de forêt isolée et devraient maintenant bénéficier d'un projet de corridor reliant Bossou à La région forestière centrale du Mont Nimba.“** Les communautés locales La perte de ressources alimentaires à la suite de la dégradation et du défrichement des forêts a poussé certains groupes de grands singes à se tourner vers les terres agricoles, provoquant des conflits avec les agriculteurs. Les chimpanzés sont considérés comme des pilleurs de cultures et ils ravagent davantage les champs lorsque les fruits se font rares en forêt.*'"*'® Les orangs-outans aussi pillent parfois les plantations d'abres fruitiers à proximité des forêts et peuvent être tués pour cette raison ; ce problème devient véritablement préoccupant dans certaines parties de Sumatra. Au sud du Burundi, ce problème a été résolu par un projet qui employait un petit groupe d'individus bien formés qui protégeaient les villageois des incursions des chimpanzés ; ils surveillaient la localisation des Des acathines (escargots géants) en vente en bordure de route dans le delta du Niger. 285 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Des gardes forestiers montrant un gorille victime de braconnage dans Le Parc National des Virungas, en République Démocratique du Congo. 286 groupes de chimpanzés et les éloignaient des villages et des cultures.” Les gorilles se livrent aussi au pillage des cultures, par exemple à l'extérieur du Parc National de la Forêt de Bwindi, en Ouganda” où Les responsables ont cherché des moyens de minimiser les impacts du parc sur les populations riveraines. La plupart des conflits d'intérêt entre les hommes et les animaux sauvages peuvent être résolus par le paiement de compensations suffi- santes pour les pertes subies, et les gens peuvent se montrer assez tolérants s'ils bénéficient des revenus de la faune. Divers mécanismes de négociation et de compensation pour les pertes, Les blessures et les décès ont été testés depuis les premiers jours où la conservation de la faune est apparue comme un enjeu, au début du siècle écoulé ; des accords de partage des bénéfices sont de plus en plus attendus autant par Le public que par Les biologistes de La conservation. Les choses se compliquent lorsqu'on exige qu'une communauté abandonne son droit d'utiliser une réserve naturelle de quelque manière que ce soit ; un coût d'opportunité est ainsi imposé qui doit être compensé par un nombre d'autres avantages pour éviter les frictions. Des possibilités d'établissement d'accords durables existent. Elles vont des contrats pour compenser certains droits perdus (ex. la chasse, l'exploitation du bois ou l'agriculture) tout en permettant l'utilisation des forêts pour le prélèvement des plantes médicinales Jobogo Mirindi/Virunga NP > à), & A et d'autres produits de peu d'importance en termes de conservation, à l'achat pur et simple des terres. Toutes nécessitent cependant des financements, ce qui explique que l'appui des donateurs inter- nationaux soit aussi important et que les plans de partage des bénéfices (basés par exemple sur le tourisme auprès des gorilles] semblent une source idéale d'autofinancement qui se substituerait aux subventions. IL importe néanmoins de reconnaître que les populations qui sacrifient leurs droits fonciers afin que le reste de la société puisse avoir une réserve naturelle méritent une compensation équitable. La participation dans la protection d'un paysage naturel qui produit de l'eau potable, assure la régularisation des crues, la protection du sol, le piégeage du carbone, et le bien-être des grands singes mérite une rétribution adaptée. INTÉGRATION DES APPROCHES On admet de plus en plus que la conservation de La biodiversité et Le développement durable sont inextricablement liés. Par conséquent, les politiques de conservation cherchent à résoudre Les problèmes les plus immédiats qui touchent les populations vivant autour des aires protégées, par exemple en améliorant les soins de santé et l'accès à l'éducation.“'*"®* Deux approches communes tentent de lier la conservation des ressources naturelles et Les besoins de développement des populations locales, à savoir les Projets de Conservation et de Développement Intégrés (PCDI) et la conservation communautaire. Elles visent toutes les deux à réduire la pauvreté et à rendre les modes de vie ruraux plus durables, particu- lièrement dans et autour des aires proté- gées."”*1#%5 Ces projets mettent généralement en œuvre des activités telles que : BH Lapiculture; MB Lagroforesterie, c'est-à-dire la plantation d'arbres pour les poteaux de construction, le bois de chauffage, le charbon de bois, le fourrage, combinée à celle des plantes vivrières ou autres ; M Les pépinières pour les arbres fruitiers, Le bois de chauffe et l'huile de palme ; M L'agriculture durable pour les produits vivriers et de rente ; L'écotourisme, le cas échéant ; L'éducation environnementale : La planification familiale ; L'eau potable ; M Les foyers améliorés économiques ; B Les soins de santé; M Les micro-crédits. Quand la chasse est autorisée, elle est généralement soumise à des procédures d'attri- bution de permis, des quotas d'abattage, au contrôle de l'enlèvement des animaux et à la répression des infractions. Parmi Les PCDI dont l'un des objectifs est La protection des populations de grands singes, on peut citer ceux, entrepris dans : M Les Divisions Oban et Okwangwo du Parc National de Cross River au Nigéria ;°** M Le Parc National de Korup et la Réserve de faune du Dja au Cameroun ; MH Le projet à long terme de Reboisement et d'éducation du bassin du Lac Tanganyika (TACARE) financé par Les Instituts Jane Goodall à l'ouest de la République Unie de Tanzanie (ainsi que d'autres financés par la même institution, tels que le Projet de Réserve de Mengamé au Cameroun) ; M Le projet de Nyamala en Guinée”, qui est financé par l'Union Européenne et l'Agence Américaine pour Le Développement International (USAID) : M Le programme de développement du Leuser au nord de Sumatra. Un PCDI est par essence une transaction entre différents groupes d'intervenants, dans le but de permettre à chacun de remplir ses fonctions qui incluent notamment : M Pour les agences officielles de donateurs, réduire la pauvreté ; MH Pourles ONG internationales participantes, conserver la biodiversité ; MH Pour les ONG locales et les groupes communautaires, parvenir à une plus grande autosuffisance, à l'autonomie et au bien-être collectif; M Pour les gouvernements nationaux, respecter les engagements politiques et internationaux. ILest extrêmement difficile de poursuivre tous ces objectifs d'une manière équilibrée et harmonieuse, ce d'autant que ces groupes usent d'échelles temporelles et spatiales différentes pour mesurer le succès. Les donateurs veulent élaborer et mettre LES MESURES DE CONSERVATION MISES EN ŒUVRE Tableau 14.3 Recettes du tourisme lié au gorille en Afrique de l'est et du centre“ Site Période Visiteurs/an Recettes/ an (USD) Parc National des Volcans, Rwanda 1985-1989 5 800 525 000 Parc National des Virungas, RDC 1986-1990 2 800 250 000 Parc National de Kahuzi-Biega, RDC 1988-1991 2 000 200 000 Parc National de la Forêt de Bwindi, 1994-1996 2 800 450 000 Ouganda Parc National de Mgahinga Gorilla, 1994-1996 1 200 60 000 Ouganda en œuvre des projets à la durée et aux dépenses limitées, avec une évaluation à mi-parcours et post- projet favorable. Les gouvernements nationaux veulent des bénéfices importants et rapides pour l'électorat. Les populations locales veulent plus de sécurité, d'autonomie et d'espoir quant à leur avenir à long terme. Les ONG pour la conservation veulent généralement des aires protégées aux frontières claires et stables, à l'abri des fléaux de La chasse et de l'exploitation et des menaces pré- visibles que doit conjurer un personnel de répression bien formé et équipé. Les objectifs poursuivis peuvent ainsi varier, mais il est difficile qu'un PCDI satisfasse tout le monde. Ceux qui rencontrent le plus grand succès sont ceux dont l'action est lente et se fonde sur un groupe, créant de véritables partenariats basés sur une communauté d'intérêt et sur l'entente entre les ONG internationales, les ONG locales et Les groupes communautaires - Les plans des gouvernements et organismes de financements étrangers étant souvent relégués au second plan. En d'autres termes, pour sauver un écosystème local et les grands singes qui s'y trouvent, il faut des trans- actions locales : ces dernières doivent être permanentes, continues, et leurs effets cumulatifs, comme nous le verrons plus en détail dans le Chapitre 15. LA GESTION DE LA CRISE DE LA VIANDE DE BROUSSE Les populations dont la chasse fait partie de la culture (comme celles des régions non islamiques de Bornéo, d'Afrique de l'ouest et d'Afrique centrale) sont habituées à La consommation de la chair de nombreuses espèces de vertébrés. Elles se définissent en partie en fonction de leurs exploits à 287 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Des écotouristes dans les gorges de Kyambura qui abritent une communauté de chimpanzés sauvages. Parc National de Queen Elizabeth, Ouganda. 288 JM Krief la chasse, par la diversité de leur alimentation, et, pour certains groupes ethniques, par certains tabous. Le fait qu'un animal sauvage peut être capturé gratuitement est également apprécié en milieu rural, tout comme le fait que la chair des animaux sauvages puisse être disponible sur le marché local à des prix moindres que ceux appliqués à la viande des animaux d'élevage.* La ‘crise de la viande de brousse’ en Afrique centrale et de l'ouest résulte de la préférence affichée par une population croissante pour cet aliment et de l'amélioration des infrastructures routières qui permettent l'accès à des zones reculées où abonde la faune. Ce commerce est assuré par de puissantes confréries de chasse et de commerce ; en effet, comme les professionnels de tout autre marché, ces groupes se recrutent généralement dans le clan et possèdent des contacts commer- ciaux secrets dans de vastes régions. Lorsque le commerce de viande de brousse est illégal (ce qui est le cas pour les grands singes), ces groupes peuvent être considérés comme des organisations criminelles menant une activité lucrative et douteuse. Cependant, à cause des insuffisances de l'éducation en milieu rural sur la conservation et de la mise en application de la Loi, les chasseurs de grands singes ne sont pas tous conscients que leurs activités sont illégales. Les premières initiatives de lutte contre ce commerce se fondaient sur la conviction que les populations consommaient la viande de brousse simplement parce qu'elles avaient besoin de protéines et en vendaient parce qu'elles avaient besoin d'argent. Dans le cadre des projets de conservation et de développement intégrés (PCDI), il est apparu que l'apport de sources alternatives de protéines et de revenus permettrait de lutter efficacement contre cette activité. Des ‘projets de protéines ont donc été élaborés pour fournir un complément alimentaire où une alternative à La chasse de La faune sauvage. On a ainsi offert à des familles rurales des animaux d'élevage pour en tirer La viande (ex. lapins, bétail ou poulets), ou des appuis pour l'élevage d'espèces à reproduction rapide et culturellement acceptables. A titre d'exemple, on peut citer les aulacodes (Thryonomys swinderianus] et les achatines, escargots géants d'Afrique (Achatina marginatal). Le projet de Développement d'Alternatives au Braconnage en Afrique Centrale (DABAC) est opérationnel dans les Etats abritant des grands singes comme le Gabon, le Cameroun et le Congo.“ Toutefois, il est maintenant de plus en plus évident que ces seules solutions ne peuvent réussir à résoudre la crise régionale de la viande de brousse et qu'on devrait s'attaquer avec vigueur: H Aux d'approvisionnement, en interdisant par exemple la chasse dans les concessions forestières et en fermant les routes d'accès non utilisées ; Œ À la demande du marché, par des campagnes d'information et d'éducation menées dans les écoles et par tous Les médias pour remplacer l'idée d'un commerce de viande de brousse vertueux, par celles d'une pratique favorisant le risque de transmission de maladie généralement illégale ; et ŒH Aux réseaux commerciaux, en traitant tous les trafiquants de la viande de brousse au même titre que les autres groupes criminels. sources La consommation de la viande de brousse a baissé de manière significative dans certaines régions du Ghana après une vaste et intense campagne de sensibilisation." Dans les Etats de Cross River et Ibom, au Nigéria, La chasse et le braconnage professionnels sont devenus un sale boulot, ce qui a entraîné une baisse drastique du nombre de chasseurs à plein temps” au cours de la dernière décennie. Ces exemples constituent autant d'indices sur la manière de réduire Les pressions cynégétiques, par un processus intégré qui canalise un ensemble de dynamiques dans le LES MESURES DE CONSERVATION MISES EN ŒUVRE but d'induire une transformation de certaines pratiques culturelles grâce aux explications et à la sensibilisation, à l'interdiction et à la répression, à la mobilisation communautaire et à l'investissement dans des modes de subsistance durables. Tableau 14.4 Programmes de reproduction des grands singes en captivité Studbook régiona Sources” AZA, ARAZPA EAZA EAZA, AZA Taxon Chimpanzé (Pan troglodytes spp)) Chimpanzé occidental (Pan troglodytes verus) régiona international, régiona Bonobo (Pan paniscus] LE TOURISME RELATIF AUX GRANDS SINGES Le tourisme tourné vers la nature qui contribue d'une manière durable au bien-être des populations locales, des écosystèmes et de la faune est connu sous le nom d'écotourisme. Nombre d'opérations proposant un tourisme de EAZA, AZA, ARAZPA international, régiona Gorille occidental{Gorilla gorilla gorilla} Gorille des plaines de l'est{Gorilla beringei graueri) international? EAZA, AZA, ARAZPA EAZA, AZA, ARA7PA international, régiona Orang-outan de Bornéo[Pongo pygmaeus] Orang-outan de Sumatra [Pongo abelii) international vision des grands singes prétendent répondre à cette définition stricte, mais on s'interroge généralement sur l'importance des bénéfices qu'en tirent les populations locales. Les revenus du tourisme lié aux grands singes découlent des frais d'entrée, de délivrance de permis et de pistage; entre 1985 et 1998, Les revenus annuels du tourisme lié au gorille dans les aires protégées s'échelonnaient de 60 000 USD à plus de 500 000 USD*'“ (voir Tableau 14.3]. Les recettes que génère le tourisme lié au gorille dans Les parcs sont parmi les plus élevées au monde,“ et la demande est soutenue en dépit des hausses des prix. Le tourisme lié aux grands singes est bien développé pour le gorille de montagne dans les trois états de son aire de répartition. Le tourisme lié au chimpanzé est pratiqué en Tanzanie, en Ouganda et (avant La guerre] en RDC. En Malaisie (et de plus en plus en Indonésie] ce type de tourisme permet l'observation des orangs-outans saisis et partiellement réhabilités. Dans de nombreux autres états abritant Les grands singes, le tourisme est considéré comme un moyen potentiellement durable de générer des revenus pouvant être redéployés dans la conservation ; ces revenus pourront encourager les communautés à adhérer à la conservation des grands singes ainsi que d'autres espèces charismatiques et de leurs habitats. La Convention sur la Diversité Biologique a produit des directives et des études de cas afin de promouvoir la planification et la gestion durables des activités touristiques dans Les écosystèmes fragiles et les habitats d'importance pour la diversité biologique. Dans certains pays comme l'Ouganda, le tourisme lié au gorille est percu comme un moyen de réduction de La pauvreté et comme un outil idéal de conservation ; il peut attirer de nombreux visiteurs et a ARAZPA, Australasian Regional Association of Zoological Parks and Aquaria: AZA, American Zoo and Aquarium Association; EAZA, European Association of Zoos and Aquaria b Seuls quelques vieux gorilles des plaines de l'est sont maintenus en zoos, aussi aucun programme de reproduction n'est possible pour cette sous-espèce mérite, à ce titre, d'importants investissements.’ ”*'# En 2004, le Rwanda et l'Ouganda ont accru le prix d'un permis individuel de pistage de gorilles, de 250 USD à 350 USD pour une heure passée avec une famille de gorilles de montagne. C'est le circuit d'observation d'animaux sauvages le plus onéreux au monde.” Toutefois, ces revenus sont généralement l'objet de conflits entre les demandes des autorités nationales et locales, de même qu'ils sont sensibles à l'évolution des coûts de la conservation. En Ouganda, la répartition des revenus du tourisme au gorille au Parc National de Mgahinga varie au gré des politiques. La proportion reversée aux communautés locales est faible ; des conflits sont apparus au sein de l'Uganda Wildlife Authority (Autorité Ougandaise de la Nature] (UWA) et entre l'UWA et Le gouverne- ment ougandais au sujet de la redistribution des revenus de l'écotourisme entre les parcs. Le gouver- nement central fait généralement valoir Les recettes du tourisme pour justifier La réduction des dotations budgétaires à l'UWA.*° Si l'écotourisme peut s'avérer bénéfique pour les communautés locales en termes d'amélioration des routes et d'opportunités d'emploi, elles ne sont toutefois pas jugées suffisantes pour compenser le coût des sacrifices imposés aux communautés locales par la conservation La capacité du tourisme lié aux grands singes à générer des bénéfices au profit des communautés locales peut être davantage mise à mal par des facteurs tels que la guerre et Les troubles qui peuvent faire fluctuer les revenus du tourisme.**? 289 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Encadré 14.1 LE TOURISME LIÉ À L'ORANG- OUTAN Le tourisme lié à l'orang-outan est opérationnel depuis Le début des années 70. Dès Le départ, il met l'accent sur la réhabilitation des orangs-outans, c'est-à-dire des jeunes orangs-outans capturés dans le cadre du commerce illégal d'animaux sauvages, puis récupérés et rendus à la vie en forêt. Quatre centres de réhabilitation se sont particulièrement illustrés : Sepilok (Sabah), Tanjung Puting (centre de Kalimantan], Bohorok (nord de Sumatra] et Semenggoh (Sarawak]. Ils avaient tous comme objectifs secondaires l'éducation à La conservation et La mobilisation des fonds et promouvaient le tourisme dans l'espoir qu'il génèrerait des bénéfices pour ces deux buts.” '# Les projets ont eu un grand succès auprès des touristes, surtout parce qu'il est de loin plus aisé d'observer des animaux réadaptés que des orangs-outans sauvages. Ces derniers sont semi- solitaires, impredictibles et restent généralement dans les cimes des arbres ; les individus réadaptés sont, eux, habitués aux hommes, à l'aise près du sol et visitent tous les jours des sites d'alimentation accessibles, prévisbles. Au moment du lancement des projets de réhabilitation et du tourisme aux animaux réhabilités, les connaissances sur la réadaptation des orangs-outans étaient relativement limitées et l'on ne faisait pas grand cas des effets négatifs du tourisme. Ils sont devenus manifestes lorsque les experts se sont intéressés à l'évaluation de la réhabilitation des orangs-outans à la fin des années 70. À cette date, deux sites recevaient déjà de nombreux touristes : Bohorok attirait jusqu'à 5000 visiteurs par an et Sepilok 17 000.?Au nombre des problèmes occasionnés par le tourisme figuraient les contacts excessifs entre Les orangs- outans réhabilitants et les hommes et La mise à mal du processus de retour à la vie sauvage des anciens captifs.*'® Plus grave peut-être, il est apparu que les touristes et Les personnels des projets de réhabilitation pouvaient transmettre des maladies [telles que La tuberculose, l'hépatite B et Néanmoins, des centaines de personnes vivent du Parc National de La Forêt Impénétrable de Bwindi en Ouganda, où les touristes étrangers la poliomyélite], aux populations sauvages.*"#* réhabilitants puis aux La plupart des experts ont donc préconisé des changements. Certains ont fait valoir que le pouvait être, et avait été, géré efficacement de manière à générer aussi bien des tourisme gains économiques qu'éducationnels.'"* D'autres ont argué que les visiteurs étaient rarement contrôlés et les bénéfices escomptés rarement réalisés, et qu'aucun bénéfice ne pouvait compenser les coûts de la réadaptation et de la santé des orangs-outans.”'* Lune des recommandations en termes de réforme appelait à réduire les contacts entre les touristes et les animaux réadaptés.”*'* Des efforts ont été faits pour mettre un terme au tourisme dans certains sites, mais cela s'est avéré difficile car les sites et les entreprises locales étaient devenus dépendants de cette source de revenus." En d'autres termes, la réhabilitation des-orangs-outans était de plus en plus liée à des intérêts économiques plutôt que de conservation et les individus réadaptés étaient davantage encouragés à rester tout près pour être exposés plutôt qu'à reprendre une vie indépendante dans la forêt. Le tourisme dans les sites de réhabilitation des orangs-outans a explosé au début des années 80, à tel point que les coûts pour les ex-captifs se sont fortement accrus. La plupart des problèmes identifiés dans les années 70 ont perduré jusque dans les années 90, certains empirant même, généralement parce que les premières recommandations formulées par les experts dans l'optique de la réforme n'avaient pas été suivies.” À La fin du siècle, le tableau du tourisme lié à l'orang-outan était plutôt sombre ; Les bénéfices économiques et éducationnels étaient peu évidents, tandis que les conséquences néfastes sur la santé et Le comportement devenaient plus préoccupantes. L'une des rares études systématique sur le tourisme à l'orang-outan était une étude de cas à Tanjung Puting sur les interactions touristes/ orangs-outans et la justification de l'éducation." Les désirs et le comportement des touristes viennent faire des randonnées pour observer les gorilles et où les populations riveraines travaillent comme gardes, guides et personnel de LES MESURES DE CONSERVATION MISES EN ŒUVRE n'étaient pas tempérés par les petits programmes éducatifs appliqués. Nombre d'entre eux considéraient les jeunes orphelins comme des jeunes enfants humains et ne rataient pas une occasion de les serrer dans leurs bras et de les câliner, ignorant ou refusant de reconnaître les dangers que cela comportait au plan sanitaire D'autres encore prétendaient que les animaux réadaptés n'étaient pas « vrais » et cherchaient des orangs-outans sauvages, ajoutant probablement ainsi aux pressions dans les zones plus sauvages Une autre étude sur d'autres sites de réhabilitation a confirmé que les touristes étaient rarement informés des problèmes liés à la réhabilitation ou de la manière de se conduire envers les anciens captifs." IL n'existe aucune étude systématique connue des impacts économiques du tourisme lié à l'orang- outan sur les communautés locales. Les informations disponibles laissent, toutefois, apparaître un tableau similaire à celui qu'on connaît ailleurs dans le cas du tourisme lié à La faune : La majeure partie des bénéfices économiques est absorbée par les grandes entreprises (étrangères) ; seule une infime portion parvient aux communautés locales. Les opérateurs internationaux peuvent, par exemple, faire La publicité de voyages écotouristiques onéreux dans des sites de réhabilitation d'orangs- outans (par ex. 3600 USD par personne pour une visite de 12 jours, outre les coûts du transport par avion]. Certains revenus des activités conjointes profitent aux populations locales mais les salaires et les coûts locaux en Indonésie et en Malaisie sont très bas par rapport aux normes internationales, de sorte que le gros des revenus ne profite pas aux locaux, ni même aux nationaux. Les entreprises locales (à l'instar des hôtels, des restaurants, des guides, du transport, des boutiques) se sont multipliées autour de certains sites de manière si anarchique et désordonnée qu'elles n'ont fait qu'exacerber les problèmes sanitaires et comportementaux des animaux réadaptés et aggraver la dégradation de leurs habitats.'* Prenant conscience de l'ampleur de ces problèmes et de l'absence de bénéfices évidents, la communauté des experts pour les orangs-outans a camping, ou vendent des aliments, des objets d'art ou des divertissements aux touristes (voir Encadré 8.4). Dans la Vallée de Buhoma à la officiellement recommandé que le tourisme soit désormais interdit dans les aires abritant des orangs-outans qui ont été réintroduits à la vie en forêt, ou dans lesquelles les orangs-outans doivent être réintroduits.”’ Le tourisme lié à l'orang-outan sauvage a été jugé acceptable seulement sil est soumis à des contrôles stritcs Jusqu'alors, très peu de recherches systématiques ont été menées sur le tourisme lié à l'orang-outan. Les recherches pourraient porter sur les impacts du tourisme, sur le succès de la réhabilitation des anciens orangs-outans captifs, sur la transmission des maladies des touristes aux anciens captifs et de ces derniers aux orangs-outans sauvages, sur Les incidences économiques du tourisme lié à l'orang-outan sur les communautés locales et sur les impacts de l'éducation sur les touristes et sur Les populations locales Anne E. Russon et Constance L. Russell Un orang-outan de Bornéo au centre de réhabilitation de Sepilok à Sabah en Malaisie. Elaine Marshall lisière de Bwindi, plusieurs nouvelles entreprises locales offrent des biens et des services aux visiteurs. 291 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Les programmes d'élevage de grands singes captifs sont mis en œuvre dans de nombreux z005, y compris dans le Colombus Zoo and Aquarium qui abrite La femelle bonobo (née en 2000) montrée sur la photo. 292 David W. Liggett [wm daveliggett.com) L'écotourisme en Afrique offre également l'oppor- tunité d'observer : MH Les gorilles occidentaux dans le Parc National de Dzanga-Ndoki en RCA" "et le Parc National de la Lopé au Gabon ;* M Le tourisme lié aux chimpanzés dans le Parc National de Kibale en Ouganda ;'* M Les célèbres gorilles de montagne dans le Parc National des Volcans au Rwanda. En Asie du sud-est, l'écotourisme s'est développé autour de plusieurs centres de réhabi- litation d'orangs-outans en Malaisie et en Indonésie, mais l'absence des contrôles et la médiocre planification ont fait naître de graves critiques à l'encontre de cette activité *” [voir Encadré 14.1). Le Parc National de Tanjung Puting au Centre de Kalimantan et Bohorok au nord de Sumatra ont ceci d'inhabituel que les touristes peuvent observer les orangs-outans sauvages dans les profondeurs des forêts. On trouve également à Tanjung Puting des individus en phase de réhabilitation vivant librement autour du Camp Leakey, le site de recherche à long terme. Des centres d'écotourisme sont prévus à Sungai Wain et dans Le Parc National de Kutai à l'est de Kalimantan. On peut également s'interroger sur la contribution du tourisme lié aux grands singes pour la sauvegarde effective des forêts, en dehors des gains qu'il peut procurer aux administrations des parcs et aux communautés locales. La réponse pourrait être positive, si l'on considère que les forêts autour de Bohorok au nord de Sumatra et celles à proximité de Ketambe ont généralement moins souffert de l'exploitation illégale du bois que d'autres zones proches. Le mérite revient peut-être aussi bien à la présence marquée d'observateurs étrangers dans les zones touristiques qu'au fait que les bénéfices du tourisme seraient appréciés par ceux qui, sinon, s'adonneraient à l'exploitation du bois ou à la chasse dans cette région. Le tourisme ne peut protéger toutes les populations de grands singes. L'analyse des recettes touristiques a montré qu'il est très peu probable que les fonds nécessaires à la gestion des aires protégées dans le Bassin du Congo puissent être générés de cette manière.“ Les gorilles de montagne vivent dans des îlots d'habitat qui sont aisément accessibles aux touristes et systéma- tiquement protégés par un nombre restreint de gardes. Ils peuvent vivre des apports de l'éco- tourisme, mais ce mécanisme ne saurait garantir la conservation des gorilles de l'est et de l'ouest et des autres grands singes qui vivent dans de vastes territoires et dans des zones difficiles d'accès." Toutefois, l'écotourisme développé dans le cadre d'un ensemble d'activités pourrait contribuer aux coûts de la conservation et au développement d'infrastructures qui bénéficieraient aux activités de conservation et aux communautés locales. Les dépenses des touristes permettent généralement aux chaînes hôtelières inter- nationales, aux compagnies aériennes et aux agences de tourisme d'engranger des profits sur leurs investissements, ainsi que sur les biens et services importés utilisés dans l'industrie touris- tique. Le tourisme est une activité versatile ; peu d'écotouristes se rendent dans des régions mena- cées par la guerre ou les conflits civils, ou dans les régions qui connaissent de graves problèmes sanitaires. La turbulence des années 90 dans la région africaine des Grands Lacs a néanmoins montré que le tourisme lié aux gorilles est remarquablement durable. IL existe quand même quelques enthousiastes prêts à braver certains périls dans l'espoir d'une rencontre mémorable avec des gorilles. L'arrêt momentané des circuits d'observation des gorilles au Rwanda et en RDC au cours des années 90 à cause des guerres civiles et du génocide qui y faisaient rage a accru La demande dans ce domaine en Ouganda; dès la fin des conflits, Le tourisme lié aux gorilles a repris son envol au Rwanda et en RDC. Les personnes prêtes à payer pour rencontrer les grands singes mi- apprivoisés sont aujourd'hui nombreuses, et tant qu'il y aura des grands singes, ils continueront de venir. Cependant, même l'écotourisme le mieux planifié comporte des risques, en particulier celui lié à La transmission des maladies des hommes aux grands singes”’” [voir Chapitre 8]. Le tourisme lié aux grands singes peut aussi être considéré comme une autre forme d'exploitation à des fins récréatives ou commerciales ; Le débat de l'heure porte sur la question de savoir s'il est moralement acceptable de soumettre les grands singes sauvages à des pratiques (dont l'habituation et Le tourisme] qui les perturbent et Les exposent à des dangers potentiels ou réels.” CONSERVATION EX SITU Apercu Les principes de la conservation dans les parcs zoologiques sont énoncés dans la Stratégie mondiale de Conservation dans les Zoos,” actuellement en cours de révision. La Stratégie mondiale de Conservation dans les Zoos et les Aquariums“ devait être publiée en 2005. Ces deux documents mettent l'accent sur : M La nécessité pour les zoos de garder des populations d'animaux (pour minimiser la perte de la diversité génétique et maximiser La rétention des comportements naturels] dans des conditions qui promeuvent le bien-être animal et permettent l'expression des com- portements naturels ; M Le rôle de représentation et d'éducation de ces populations ; MB Le fait que les populations d'animaux captifs sont précieuses parce qu'elles permettent d'enrichir les connaissances sur la biologie des espèces ; M Que ces populations devront être liées aux activités de conservation dans la nature, soit par l'élevage en vue de la réintroduction, ou par la mobilisation de fonds pour la conser- vation in situ, par l'institution détentrice ou par d'autres organisations (il est de plus en plus manifeste que ce dernier rôle est beaucoup LES MESURES DE CONSERVATION MISES EN ŒUVRE plus important que le premier pour la plupart des espèces gardées dans les zoos). Gestion des populations captives La prise en charge des populations captives de grands singes se fait par le biais des programmes régionaux d'élevage collaboratif administrés par l'Association Américaine des Zoos et Aquariums (AZA], l'Association Européenne des Zoos et Aquariums (EAZA) ou l'Association Régionale Australasienne des Parcs zoologiques et des Aquariums (ARAZPA). Elles utilisent toutes des studbooks qui constituent leur principal outil de gestion (voir Tableau 14.4). Toutes les espèces autres que les chimpanzés sont gérées comme des espèces ou sous-espèces distinctes. L'AZA prend en charge les chimpanzés de toutes les quatre sous espèces comme une population unique, alors que l'EAZA (qui compte un nombre relativement important de Pan troglodytes verus dans sa région) gère cette sous-espèce comme une population distincte des chimpanzés d'origine inconnue ou d'une sous-espèce mixte. Les mouvements des animaux entre les différentes collections s'effectuent généralement suivant les recommandations du coordonnateur désigné de l'espèce qui, pour ce faire, tient compte de certains facteurs. IL s'agit en l'occurrence des facteurs génétiques afin d'éviter la consanguinité ou la contribution du fondateur à la population, et des facteurs sociaux tels que l'âge ou l'histoire sociale des individus concernés. Le coordonnateur de l'espèce identifie également les problèmes liés à La gestion des animaux qui doivent être résolus ou lan Redmond Des chimpanzés orphelins saisis par les autorités et placés dans un sanctuaire de fortune à Lwiro, en République Démocratique du Congo. 293 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Rondang Siregar Des orangs-outans de Bornéo orphelins dans le centre de réhabilitation de Wanariset près de Balikpapan à l'est de Kalimantan en Indonésie. 294 doivent faire l'objet de recherches. Cela peut aller des enquêtes sur les causes des décès ou des maladies, à La recherche sur la reproduction ou la biologie sociale. Education et rôle d'« ambassadeur » Les grands singes attirent l'attention des visiteurs de zoos. Divers médias informent le public du statut d'espèce en danger des grands singes ainsi que des raisons de cette situation. Ces médias sont, entre autres, les panneaux d'affichage statiques, les communications interactives à l'aide de l'outil informatique, les courts métrages ou les exposés oraux par les gardiens, des volontaires ou du personnel enseignant. En 2001, l'EAZA a mené une campagne d'un an sur le problème de la viande de brousse, afin de sensibiliser, de mobiliser des fonds et de rédiger une pétition demandant aux dirigeants africains et au Parlement Européen de mieux combattre Le commerce illégal de viande de brousse. Les panneaux d'information de la campagne ont été vus par des millions de personnes à travers l'Europe ; elle a recueilli près de 50 000 USD et 1,9 million de signatures sur une pétition adressée au Parlement Européen. Cette pétition en particulier a eu pour résultat direct l'adoption par Le Parlement Européen d'un rapport sur le commerce de la viande de brousse en janvier 2004. Ce rapport reconnaît que le commerce de la viande de brousse est généralement lié à la subsistance et à La pauvreté. Il reconnaît également que le commerce illégal est une grave menace pour les grands singes d'Afrique et recommande que les mesures visant à y remédier bénéficient de l'appui de l'Union Européenne à travers la Commission Européenne. Relations avec la conservation in situ Un nombre croissant de zoos contribue à la conservation sur le terrain en soutenant des projets dans les Etats abritant les grands singes. Cet appui peut être financier, sous forme de dons en nature où d'expertise technique. Parmi les initiatives ainsi soutenues figurent les projets pilotes d'écotourisme, la recherche sur le commerce de la viande de brousse, la recherche sur le statut de conservation, l'appui aux sanctuaires et aux projets de réintroduction et l'appui aux gardiens et aux responsables des aires protégées. L'implication des zoos est très variable : certains recueillent les fonds pour des projets spécifiques auprès de leurs propres visiteurs, alors que d’autres offrent des dons tirés de leurs fonds. Certains s'impliquent de plus en plus activement dans les projets soutenus. Des organisations telles que La Zoological Society of London, La Wildlife Conservation Society, la Antwerp Zoological Society et La Frankfurt Zoo- logical Society sont engagées dans la conservation sur le terrain depuis de nombreuses années. D'autres, comme les Bristol Zoo Gardens, se sont récemment impliquées directement dans les projets sur le terrain. La base de données pilote de UEAZA sur la conservation (qui contient des données sur près de 20 % des zoos de l'EAZA) montre que 22 zoos au moins soutiennent directe- ment les projets de conservation des grands singes sur le terrain. Au moins 18 projets bénéficient de cet appui qui se chiffrait à plus de 530 000 USD entre 1999 et La fin de 2002. Enfin, les zoos ont réussi la réintroduction dans la nature d'individus de diverses espèces élevés en captivité. Jusqu'ici, La seule tentative à cet égard concernant les grands singes reste Le projet initié par feu John Aspinall, dans lequel des gorilles du Zoo de Howletts nés dans Le Kent furent expédiés au Gabon pour intégrer un programme de réhabilitation d'orphelins du commerce de la viande de brousse. En l'occurrence, les deux individus sont morts mais une deuxième tentative est en cours.“ Les grands singes élevés en captivité sont susceptibles d'éprouver des difficultés particulières dans la nature avant d'assimiler les techniques transmises culturellement en matière de recherche de nourriture, d'éducation des petits et d'échanges LES MESURES DE CONSERVATION MISES EN ŒUVRE Encadré 14.2 SENDJE, CHIMPANZÉ ORPHELIN Des milliers de tonnes de viande de brousse sont consommés chaque année en Afrique centrale, la majeure partie provenant d'animaux classés Vulnérables, En Danger ou En Danger Critique d'Extinction sur la Liste rouge de l'UICN - l'Union Mondiale pour la Conservation de la Nature. Plusieurs facteurs favorisent La consommation de la viande de brousse, y compris les traditions, l'accroissement des populations humaines et l'accès amélioré aux régions forestières. Il existe aussi bon nombre de conséquences dont les impacts écologiques de l'élimination des agents de dispersion des graines, et les épidémies de maladies telles que la fièvre hémorragique Ebola qui découle des contacts entre humains et animaux. Une autre incidence est l'accroissement du nombre de grands singes orphelins. Voici relatée l'histoire de l'un de ces grands singes, qui lève aussi un pan de voile sur le rôle de la communauté des expatriés en Guinée Équatoriale. La Guinée-Équatoriale jouit d'une économie pétrolière à croissance rapide qui attire un nombre de plus en plus important d'expatriés occidentaux. Beaucoup d'entre eux manifestent le désir d'acheter des chimpanzés orphelins (bien que ce soit illégal, soit parce qu'ils sont « mignons» où pour empêcher que les populations locales les mangent. Un bébé chimpanzé vendu à un expatrié rapporte à un chasseur moyen plus d'argent que 20 céphalophes bleus sur le marché de viande de brousse ; les communautés locales de chasseurs l'ont vite compris. Avant le boom pétrolier, les grands singes étaient peu chassés pour leur viande car les adultes sont très lourds à porter Maintenant, on tue des groupes entiers de chimpanzés et de gorilles pour capturer des orphelins et Les vendre aux expatriés. En achetant les chimpanzés dans le but de les sauver’, le marché des expatriés a encouragé la chasse aux grands singes et le commerce des animaux de compagnie. Voici l'histoire d'un chimpanzé orphelin femelle en Guinée-Équatoriale, appelé Sendje. Elle a été baptisée du nom du village le plus proche de la forêt d'où elle venait. Après avoir été privée de ses parents, elle a finalement été prise en charge par un projet de conservation en Guinée-Équatoriale ; Brigid Barry est devenue sa mère de substitution | « J'ai d'abord appris l'arrivée de ce bébé chimpanzé en ville lorsque j'ai vu les corps de deux chimpanzés adultes au marché de la viande de brousse. Cela n'avait rien d'inhabituel car on voit des chimpanzés morts au marché plusieurs fois par semaine. La différence cette fois-ci était que l'un des adultes était une femelle en lactation. Un employé local du projet me relata alors qu'un bébé chimpanzé vivant était également arrivé au marché et qu'un chauffeur de taxi l'avait pris pour essayer d'aller le vendre auprès de la communauté des expatriés » Tard ce même soir, un groupe d'européens ivres qui se trouvaient dans une discothèque locale acheta Sendje pour une forte somme parce qu'ils étaient « désolés pour elle et pensaient pouvoir La renvoyer dans la forêt ». Les chances de survie d'un jeune chimpanzé seul en forêt sont extrêmement minces car sans sa mère il ne peut trouver de nourriture et sera pris par un prédateur où un animal nécrophage après quelques jours. Deux jours plus tard, ces nouveaux propriétaires contactèrent Brigid, déclarant qu'ils voulaient se débarrasser de Sendje qui leur donnait du fil à retordre. Quand elle fut remise à Brigid, Sendje n'était pas entièrement consciente. C'était peut- être dû à la blessure qu'elle avait sur le sommet du crâne et qu'elle s'était sans doute faite quand Suite page suivante Sendje et sa nourrice. Les jeunes chimpanzés ont besoin de contacts physiques permanents. Lise Albrechtsen 295 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 296 on avait abattu sa mère, mais son état était plus vraisemblablement consécutif au fait qu'elle n'avait été nourrie, Les deux jours précédents, que de sandwiches au bacon et de bière. On a estimé qu'elle n'était âgée que de huit ou 10 mois environ. Etant donné que les chimpanzés tètent jusqu'à 18 mois, Brigid lui donna essentiellement du lait en poudre auquel elle ajoutait des vitamines et du calcium. Au bout d'une semaine, son pelage avait retrouvé de l'éclat et elle devenait assez active. Les jeunes chimpanzés élevés en captivité sont encore plus exigeants que Les bébés humains Pendant {a nuit, ils doivent être nourris et changés trois fois. Contrairement aux bébés humains, au cours des 18 premiers mois de vie, le chimpanzé reste en contact physique avec sa mère où tout autre membre de La communauté. Pour la ‘chimp- sitter’ cette situation est pénible. Dormir avec dans ses bras un animal à poil par une chaude nuit tropicale n'a rien de plaisant. Même prendre une douche ou se courber pour nouer les lacets de ses chaussures devient fastidieux quand cela s'accompagne d'un concert de cris perçants et de morsures. Brigid ne pouvait quitter la maison en compagnie du chimpanzé car elle ne voulait pas que Les populations locales pensent qu'elle pourrait acheter d'autres animaux sauvages capturés. Grâce au concours financier d'un employé d'une société pétrolière américaine, deux nourrices furent employées dans la journée et un jardin avec des arbres trouvé, sur lesquels Sendje pouvait grimper. Pendant les nuits, Brigid et une autre personne se relayaient pour sa garde. Que dire de l'avenir de Sendje ? À deux ou trois ans, elle deviendrait une véritable menace car un chimpanzé adulte est plus fort qu'un humain adulte. IL n'existe pour l'heure aucun sanctuaire en Guinée-Équatoriale et il n'y avait aucun espoir de pouvoir réintroduire Sendje dans la forêt. Après de nombreuses recherches et de longues discussions avec les experts européens et américains sur Les primates, le Centre de Secours aux chimpanzés de Sanaga-Yong au Cameroun accepta de l'accueillir La société pétrolière offrit de l'emmener au Cameroun à bord de son jet privé ; les vaccins nécessaires furent administrés et Les autorisations d'exportation et d'importation de la CITES obte- Lise Albrechtsen Un chimpanzé adulte venant d'être tué, présenté sur Le marché de viande de brousse de Mondasi à Bata en Guinée Équatoriale. nues. Sendje s'est finalement envolée pour aller vivre parmi d'autres chimpanzés dans le sanctuaire La situation de Sendje n'est pas idéale. Elle ne retrouvera jamais La vie qu'elle menait avant que sa mère soit tuée. Si elle demeure en bonne santé, elle pourra vivre 50 ans en captivité et même faire des petits. Reste à espérer que l'avenir de la conservation des chimpanzés n'est pas derrière des barreaux métalliques. Sendje a certes été sauvée de la marmite mais les expatriés qui l'ont achetée dans une discothèque ont contribué à l'expansion du commerce de chimpanzés orphelins comme animaux de compagnie. Au cours des deux mois qui ont suivi, on a proposé à trois reprises à Brigid de lui vendre un bébé chimpanzé. Ces offres ont été rejetées et ont servi de prétexte pour sensibiliser la communauté des expatriés sur la question. On espère que si ces refus se multiplient, les chasseurs vont de nouveau penser que ces grands singes en danger sont trop lourds à transporter hors de la forêt et que les jeunes ne valent pas la peine d'être capturés. IL faut également espérer que les lois nationales qui protègent les espèces en danger seront enfin mises en application. Avec ces réformes, la triste histoire de Sendje et son avenir en captivité marqueront la fin de ce type d'expériences pour les chimpanzés de Guinée-Équatoriale. Lise Albrechtsen et Brigid Barry avec les autres groupes. On a enregistré plus de succès avec les grands singes nés sauvages puis devenus orphelins comme on le verra ci-après. SANCTUAIRES, RÉADAPTATION, REMISE EN LIBERTÉ Aperçu La création des sanctuaires a été largement dictée par les circonstances, en l'occurrence pour répondre à une crise et leur valeur dans le domaine de la conservation est parfois considérée comme très limitée. Néanmoins, les lois interdisant la garde ou le commerce d'animaux vivants ne peuvent être appliquées que si l'autorité qui effectue les saisies dispose d'une installation appropriée pour accueillir Les animaux en question. L'alternative qu'est l'euthanasie n'est guère envisa- geable pour les espèces en danger en général et pour les grands singes en particulier. Les sanctuaires approuvés par le gouvernement sont donc devenus une solution lors des saisies de grands singes confisqués car vendus comme animaux de compagnie, destinés à des spectacles ou comme cobayes pour la recherche. En outre, ils peuvent s'avérer utiles dans l'éducation à la conservation et la sensibilisation du public sur le sort des populations de grands singes sauvages. Le nombre de grands singes dans les sanctuaires s'est accru au cours des dernières années, * sans doute suite à l'intensification de l'exploitation du bois, de la destruction des habitats et de la crise de la viande de brousse en Afrique, et suite à La déforestation et aux incendies de forêt en Indonésie et en Malaisie. Des institutions, main- tenant au nombre de 50 à travers le monde, hébergent des animaux qui sont soit donnés aux sanctuaires, soit saisis par les agences locales de la faune. Généralement, les sanctuaires abritant des animaux sont situés dans les états de l'aire de répartition de ces animaux ou alors dans des états proches de leur territoire naturel. Mais il en existe un petit nombre hors de l'Afrique, de l'Indonésie et de la Malaisie qui abritent des anciens animaux de laboratoire ou des animaux saisis en Europe qui n'ont pas encore été rapatriés dans les états de l'aire de répartition. Les sanctuaires de ces pays remplissent certaines fonctions dans la conser- vation des grands singes : M En prenant soin de chaque animal, ils jouent un rôle dans le bien-être animal ; M En fournissant des locaux où peuvent être gardés les animaux saisis, ils aident Les LES MESURES DE CONSERVATION MISES EN ŒUVRE Benoît Goossens/HELP International autorités à exécuter des politiques de confiscation sévères qui sont déterminantes dans l'application des lois relatives à la protection de la nature et des grands singes ; M En proposant des animaux pour la réintro- duction, ils peuvent aider à La restauration des populations sauvages ; M En mettant les populations locales et les visiteurs au contact des grands singes, ils peuvent avoir un impact éducatif significatif en aidant les gens à mieux apprécier la valeur des espèces concernées et à comprendre les problèmes de conservation de leurs congé- nères sauvages. Les animaux arrivent généralement dans les sanctuaires en mauvaise santé, affectés souvent par de mauvaises conditions de captivité, La formation de groupes inapropriés ou la solitude et une mauvaise alimentation. En fait, quatre gorilles orphelins sur cinq au moins décèdent avant d'être pris en charge par des experts.” Ceci pose des problèmes de gestion qui ne surviennent généralement pas avec les animaux de z00 et explique que l'accent soit mis sur la santé et le bien-être des animaux dans les sanctuaires. Certains sanctuaires ont joué un rôle important dans la création d'aires protégées, à l'instar du Sanctuaire de faune d'Afi Mountains dans l'Etat de Cross River au Nigéria. Ce fut le résultat des efforts déployés par l'ONG Pandrillus et le Centre de Réhabilitation et d'Elevage du Drill.* Un Assistant tenant un chimpanzé adulte anesthésié en vue du voyage jusqu'au site où il sera relâché dans Le Parc National de Conkouati-Douli, au Congo. 297 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Cette femelle a été l'un des premiers chimpanzés remis en liberté à Conkouati- Douli (en même temps que quatre autres individus) en 1996. En 2003, elle a donné naissance à un enfant mâle. 298 Benoît Goossens/HELP International sanctuaire au moins, Le Sanctuaire Tchimpounga au Congo, entreprend un programme à long terme basé sur les principes de conservation commu- nautaire à long terme, dont la construction d'un dispensaire au service des communautés locales.” Le financement et La planification à long terme de la conservation des populations captives dans les sanctuaires se sont avérés difficiles, d'où la nécessité d'élaborer des directives générales sur la création des sanctuaires de grands singes. Ces directives devraient porter sur la liaison avec les gouvernements hôtes, les communautés et les autorités locales, l'emplacement du site, la durabilité à long terme, les modes de gestion, la prise en charge des animaux et Les problèmes liés à la santé." Les sanctuaires africains Le premier sanctuaire de grands singes en Afrique fut créé en 1969 en Gambie par Stella Brewer* Le Chimpanzee Rehabilitation Trust Gambia continue de protéger et de suivre une population de 63 chimpanzés se reproduisant naturellement sur trois îles dans le parc National du Fleuve Gambie.*“° Plusieurs autres sanctuaires de primates et de faune ont encore été créés à travers l'Afrique sub- Saharienne ; en 2000, ils se sont mis en réseau, formant la Pan African Sanctuary Alliance (Alliance panafricaine des sanctuaires) (PASA). Ce réseau permet la liaison entre les sanctuaires, leurs promoteurs et Les organisations de conservation, et de militer plus efficacement que ne le feraient les sanctuaires individuellement pour une approche de la conservation qui intègre La réhabilitation et La réintroduction.* Le rapport de l'atelier de La PASA en 2003 liste 20 sanctuaires dont 19 sont membres de La PASA et 18 abritent des grands singes.” Parmi les grands singes présents dans ces 18 sanctuaires en juin 2003, l'on comptait 632 chimpanzés (dont Les sous- espèces sont inconnues), 67 gorilles (dont on pense qu'ils étaient des gorilles occidentaux pour la plupart}, et 27 bonobos. Le nombre important de chimpanzés atteste de leur grande capacité à survivre aux mauvais traitements et à La rudesse de la captivité ; il peut également indiquer des taux de chasse plus élevés ou l'importance géographique de leur territoire [ou Les deux]. Les grands singes saisis qui arrivent dans les sanctuaires sont généralement jeunes ou très jeunes. Ils proviennent pour l'essentiel du marché local d'animaux de compagnie qui est presque toujours un corollaire de la chasse du gibier de brousse [voir Encadré 14.2]. Les jeunes animaux vivants rapportés par les chasseurs sont, Le plus souvent, considérés comme des éventuels produits de vente plutôt que de consommation, à la condition qu'ils puissent être gardés en vie assez longtemps pour être vendus. Le nombre de grands singes dans les sanctuaires va probablement continuer de s'accroître, certains des états hôtes adoptant des politiques plus dures sur la saisie des animaux détenus illégalement. Cette évolution politique est perceptible au Cameroun où de lourdes amendes ont été infligées et des peines de prison prononcées à l'encontre de personnes trouvées en possession illégale de grands singes. Les sanctuaires en Asie du sud-est En 2002, quelques 600 orangs-outans ancienne- ment en captivité étaient placés sous les soins des centres de réhabilitation en Malaisie et en Indonésie.” IL existe trois centres en Malaisie (y compris un dans la péninsule malaise où les orangs-outans ne sont pas présents dans la nature) ; quatre en Indonésie, dont trois à Bornéo et un à Sumatra. Borohok, un ancien centre du Parc National du Gunung Leuser, a officiellement cessé d'accueillir de nouveaux orangs-outans depuis 1995. Plusieurs centres constituent des attractions pour touristes, outre les simples soins et La remise en liberté des orangs-outans en captivité (voir Encadré 14.1]. De nombreux jeunes orangs-outans ont, par le passé, fait l'objet d'un commerce local florissant d'animaux de compagnie, plusieurs d'entre eux étant exportés illégalement à Taiwan et en Thaïlande. L'application plus stricte des législations sur la faune dans les pays de l'aire de répartition et à Taiwan a entrainé le transfer d'un nombre croissant d'animaux illégalement détenus en captivité dans des sanctuaires, pour y être soignés et, si possible, relâchés. En Indonésie et en Malaisie, Les centres de réhabilitation des orangs-outans ont constitué un réseau et tenu une série d'ateliers pour partager leurs expériences et élaborer de meilleures pratiques. Lors de l'atelier sur La conservation et la réintroduction des orangs-outans de 2002, la décision fut prise de créer le Forum pour la Conservation de l'Orang-outan (OCF)]. Au cours de l'atelier sur l'évaluation de La viabilité des populations et des habitats tenu à Jakarta en 2004, les ONG ont promis une somme de 25 000 USD en appui à l'OCF, sa création ayant souffert de l'absence de fonds. Le forum est destiné à assurer l'orientation politique, la sensibilisation des médias et la mise en réseau pour améliorer l'efficacité de La conservation. Réintroduction et translocation Bien qu'ils offrent la nourriture, l'abri, des soins, des interactions sociales et des degrés divers de liberté (allant de cages spacieuses à des enceintes aux clôtures électrifiées], les sanctuaires représentent toujours une certaine forme de captivité. La réhabilitation et La réintroduction dans la nature sont donc généralement préconisées pour les grands singes saisis et de nombreux sanctu- aires travaillent à cette fin. Toutefois, la réintroduction s'avère parfois impossible pour des raisons diverses car la capacité d'un individu à réagir à la réhabilitation dépend de plusieurs facteurs dont l'âge ainsi que les conditions et La durée de sa captivité. Les animaux soufrant de graves troubles du comportement ou d'amputa- tions, séquelles par exemple de blessures causées par des collets, ne peuvent être relâchés en toute sécurité dans la nature.“ La réintroduction n'est jamais une tâche simple. IL se pose parfois des questions sur l'opportunité de mettre ensemble des individus d'origines génétiques différentes (l'origine des grands singes saisis est généralement inconnue). IL existe également des risques de transmission des maladies aux populations sauvages, de compétition accrue pour les rares ressources alimentaires entre LES MESURES DE CONSERVATION MISES EN ŒUVRE les réintroduits et les sauvages, et d'agressions entre eux.* Les nouvelles recherches génétiques et l'avancée des techniques en matière d'ADN permettent maintenant d'analyser l'origine génétique. L'analyse de l'ADN mitochondrial a, par exemple, montré qu'une jeune femelle saisie en RDC était un gorille de plaine de l'est du Parc National de Kahuzi-Biega ;* en 2004, des tests étaient prévus pour déterminer les origines de plus de 100 orangs-outans détenus illégalement dans un parc thaïlandais.’ La réintroduction est vaine s'il n'existe pas un habitat sûr sans chasse.“'” Lorsque des grands singes sont relâchés près des habitats humains, leur familiarité avec les hommes les poussent parfois à se montrer agressifs, à piller Les cultures et à pénétrer dans les villages. Les sites de remise en liberté doivent donc être choisis avec le plus grand soin. En Indonésie, la politique nationale n'autorise maintenant les réintroductions que dans les sites où les populations locales d'orangs-outans se sont éteintes. Comme dans tout projet de réintroduction, il convient de s'assurer que Les nouveaux individus ne succomberont pas aux pressions ayant détruit la population d'origine. Au vu des ressources finan- cières et du temps investis pour Les réintroductions, certains estiment que cet argent et ces efforts devraient être utilisés pour combattre les facteurs qui favorisent l'existence des singes orphelins. Les mêmes préoccupations valent pour la translocation, processus qui consiste à capturer les animaux dans la nature, leur donner des soins lan Singleton/SOCP 4 Ne Les orangs-outans relâchés dans le site de réintroduction adjacent au Parc National de Bukit Tiga Puluh, dans la province de Jambi, sont l’objet d’un suivi. 299 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Deux assistants de recherche Wa Tongwe, deuxième génération des membres de l'équipe de recherche de Mahale de l'Université de Kyoto, et un étudiant tanzanien en thèse travaillant ensemble sur le terrain. 300 Michael Huffman vétérinaires pendant une période de quarantaine, puis les relâcher dans un nouveau site.” IL a été suggéré que la translocation soit utilisée comme un moyen de fondre les individus isolés et Les petits groupes de grands singes en une seule grande population dans une zone qui serait plus aisément protégée et qui permettrait une plus grande diversité génétique. L'un des candidats potentiels à ce traitement serait Le gorille de Cross River qui est éparpillé dans des sites isolés au Nigéria et au Cameroun” [voir Encadré 7.1). Cette approche comporte néanmoins tellement d'inconvénients possibles, y compris son coût élevé et Les risques sanitaires auxquels sont exposés les grands singes nouvellement mis en contact entre eux et avec les hommes, qu'elle ne devrait être envisagée qu'en dernier recours. De toute évidence, l'élaboration des techni- ques et des protocoles pour une réhabilitation et une remise en liberté réussies des grands singes doit se poursuivre, et des sites protégés conve- nables doivent être identifiés pour les réintro- ductions, ce d'autant que le nombre d'animaux saisis continuera de croître. L'élevage en captivité des grands singes en vue de leur réintroduction dans la nature n'est pas, pour l'heure, une stratégie de conservation économique. Pour qu'elle soit efficace, il faudrait non seulement que les animaux se reproduisent bien en captivité, mais aussi que les nombreux problèmes de réintroduction soient résolus. Nombreux sont ceux qui pensent que l'importance de l'élevage des grands singes en captivité ne réside pas dans la conservation des populations sauvages, mais davantage dans la satisfaction des demandes de la recherche biomédicale et scientifique et dans la valeur éducative des singes dans les zoos,'” de sorte que ces utilisations sont jugées comme éthiques.“ Les grands singes d'Afrique ont été réadaptés et relâchés dans plusieurs sites ; on peut citer à cet égard surtout le cas des chimpanzés qui ont été relâchés dans des îles sur des fleuves et qui généralement doivent continuer de recevoir un complément d'aliments. IL existe cependant une exception, à savoir La remise en Liberté à La fin des années 60 par la Frankfurt Zoological Society de 17 chimpanzés sauvages dans l'île de Rubondo (240 km?) sur Le Lac Victoria en République Unie de Tanzanie. Ces chimpanzés provenaient, à l'origine, de l'Afrique de l'ouest et avaient passé entre trois mois et demi et neuf ans en captivité en Europe." Ces animaux ‘à problèmes’ ont été livrés à eux- mêmes mais en 2004, ils formaient une population autonome et reproductrice de plus de 40 individus vivant dans trois groupes." IL y eut une autre réintroduction réussie de chimpanzés dans la forêt continentale dans laquelle 25 des 34 animaux relâchés survécurent, le décès de trois fut confirmé et le sort de six demeura inconnu” (voir Encadré 4.5]. Le premier programme équivalent destiné aux gorilles débuta au Congo en 1994 ; les taux de survie, faibles au départ, se sont améliorés.“ Cet essai fut suivi par la réintro- duction de gorilles au Gabon en 1998 et de chimpanzés au Congo à partir de 1996. La réhabilitation et la réintroduction sont attractives autant pour les médias que pour les décideurs politiques et figurent effectivement dans les programmes prévus en différents lieux. Elles ont été menées en faveur des orangs-outans depuis le milieu des années 60, et cinq projets prévoient actuellement des programmes de réintroduction dans plusieurs sites. Certains ont consistés à nourrir Les animaux relâchés alors que d'autres ne le font pas afin de les encourager à devenir indépendants. Des critères minimums liés au comportement et à La santé ont été recommandés pour chaque grand singe préalablement à sa libération, de même que d'autres sur l'opportunité des sites de réintroduction.”’ Les taux de survie sont satisfaisants lorsque Les animaux sont jugés aptes à être relâchés. ÉDUCATION DU PUBLIC En plus des réformes fondamentales de la gouvernance, des investissements, du commerce, du développement économique national et de l'éradication de la pauvreté, l'éducation à la conservation est, sans nul doute, l'outil le plus important dans la sauvegarde des grands singes. Sans la sensibilisation et une bonne compréhension entre les intervenants, Les autres mesures pourraient être inopérantes. La plupart des programmes de conservation des grands singes comprennent donc un volet éducation. Tous les Etats africains de l'aire de distribution des grands singes présentent d'importantes lacunes dans les domaines de l'éducation et de l'alphabétisation,” et Les approches destinées à sensibiliser davantage Le public sur les questions de conservation doivent tenir compte, lors de leur élaboration, des difficultés inhérentes aux sociétés et aux systèmes éducatifs cibles. Diverses techniques ont été utilisées, y compris le recours aux bandes dessinées et au théâtre. Par exemple, une pièce a été écrite par la Wild Chimpanzee Foundation à l'attention des habitants des villes et villages riverains des forêts abritant des populations de chimpanzés. Les représentations données en français par la troupe théâtrale Ymako Teatri ont permis d'atteindre plus de 8 000 personnes dans 17 communautés riveraines du Parc National de Taï en Côte d'Ivoire. Sur un fond musical, les acteurs miment le comportement des chim- panzés, les effets de La chasse sur Les chimpanzés et les liens entre les communautés animales et humaines. La pièce insiste sur Les relations entre Les hommes et Les chimpanzés par le biais des totems et des ancètres et décrit Le conflit qui éclate entre les familles qui ont le chimpanzé pour totem et un chasseur qui abat un chimpanzé. La pièce peut être adaptée aux coutumes locales selon les différents auditoires mais préserve Le message qui dit que l'on ne doit pas tuer et manger Les grands singes car ils sont étroitement liés aux hommes. Les projets d'éducation à la conservation constituent généralement une part importante des activités des sanctuaires* où les grands singes servent de point de départ pour expliquer l'objet et limportance de la conservation de la faune. Les Africains, Indonésiens et Malaisiens des milieux urbains ont rarement la chance de voir des animaux sauvages dans leur habitat naturel, mais les visites dans les sanctuaires leur donnent cette opportunité, en particulier aux écoliers. À titre d'illustration, citons : M Le Chimpanzee Rehabilitation Trust dans le Parc National du Fleuve Gambie qui a aidé à LES MESURES DE CONSERVATION MISES EN ŒUVRE mettre un terme au commerce illégal des jeunes chimpanzés en Gambie ; B Le programme d'éducation du Sanctuaire Lola ya Bonobo près de Kinshasa en RDC qui abrite le plus important groupe de bonobos captifs au monde et recoit jusqu'à 10 000 élèves chaque année ; B L'Uganda Wildlife Education Centre (UWEC)] et le Sanctuaire des chimpanzés de l'île de Ngamba qui jouent un rôle similaire en Ouganda ; M Le Drill Rehabilitation and Breeding Centre au sud-ouest du Nigeria qui est géré par l'ONG Pandrillus et a permis à des milliers de Nigérians de connaître les drills et Les chimpanzés, aussi bien dans son ancien site de La ville de Calabar que plus récemment dans les Afi Mountains ; BH Le Limbé Wildlife Centre au Cameroun qui recoit plus de 30 000 visiteurs par an et dont le programme de sensibilisation s'est déroulée dans plus de 100 établissements scolaires pour 11 000 élèves en 2000.* La Pan African Sanctuary Alliance (PASA) travaille également avec le Groupe de travail sur la crise de la viande de brousse (Bushmeat Crisis Task Force) au développement d'outils pédagogiques pour améliorer l'éducation et la sensibilisation du public aux niveaux local et national. Ils ont organisé des ateliers pour réunir des éducateurs de différents sanctuaires afin de partager leurs expériences et élaborer des outils. SOCP Échantillons de fèces d'orangs-outans sauvages collectés pour les études de parasitologie et l'analyse génétique dans le cadre du Sumatran Orangutan Conservation Programme de la station de recherche de Ketambe en Indonésie. 301 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Le personnel du Parc National de Kibale, en Ouganda, a récemment recu d'importants équipements pour le travail sur Le terrain. 302 Julia Lloyd RECHERCHE CENTRÉE SUR LA CONSERVATION La recherche sur Le terrain est devenue inséparable des efforts de conservation car les primatologues ont observé Le déclin des populations des grands singes et la destruction de leurs habitats et sont devenus des fervents avocats de La conservation.* Les projets de recherche font rentrer des devises, fournissent des emplois aux populations locales et attirent l'attention sur l'aire d'étude. Si Le site concerné est déjà protégé, alors le projet de recherche et son personnel peuvent apporter un appui pratique et partager leurs connaissances avec les responsables du site. S'il n'est pas protégé, Les conclusions de l'étude peuvent persua- der les autorités locales de la nécessité de Le faire. Parmi les programmes de recherche à long terme qui ont fortement favorisé La conservation de grands singes, on peut citer ceux du Centre de recherche de Karisoke dans Le Parc National des Volcans au Rwanda,'* du Parc National de Gombe en Tanzanie,“ de Bossou en Guinée,” du Parc National de Taï en Côte d'Ivoire,” du Parc National de Tanjung Puting dans la partie indonésienne de Bornéo et de Ketambe dans le Parc National du Gunung Leuser à Sumatra.” Ces programmes et d'autres sont décrits dans Les chapitres relatifs aux espèces et dans les profils des pays du présent ouvrage. Les nombreux projets de recherche récemment entrepris cherchent à impliquer les communautés locales dans les activités de conservation et incorporent fréquemment des éléments d'éducation à la conservation et d'écotourisme (par exemple, La collaboration entre le WWF et Les Ba'aka du Parc National de Dzanga- Ndoki en RCA]. INITIATIVES COMMUNAUTAIRES Les communautés peuvent créer des aires protégées quand la loi Le leur permet et si elles sont suffisamment conscientes des avantages qu'elles en tireront. La zone de Lossi, située à près de 50 km au sud-ouest du Parc National d'Odzala au Congo a été protégée après que la communauté eut été sensibilisée par les chercheurs attirés par les fortes densités de gorilles occidentaux enregistrées dans cette zone. La communauté a pris conscience de l'importance qu'aurait le tourisme lié aux gorilles.* Un projet pilote sur le tourisme fut élaboré, des groupes de gorilles habitués et surveillés dès 1994; tout le monde espérait que Les communautés locales en tireraient avantage. Mais malheureusement en 2002, Le Sanctuaire des gorilles de Lossi a été frappé par une épidémie de fièvre hémorragique Ebola qui a décimé La population de gorilles et exterminé deux groupes de gorilles habitués au contact humain.” La forêt communautaire des Mbe Mountains fut créée au début des années 90 par les populations riveraines afin de relier La Division Okwango du Parc National de Cross River à la Réserve forestière d'Afi River dans l'état de Cross River au Nigéria." La décision fut motivée par le travail d'éducation de Pandrillus dans la région, par le désir d'aider à La protection des gorilles de Cross River et par la volonté générale de participer au processus de conservation et de développement durable impulsé par les investissements du gouvernement, des ONG internationales et des organismes de financement à L'intérieur et autour du Parc National de Cross River * La décentralisation survenue en Indonésie après La chute du régime dictatorial de Suharto en 1998 a souvent été rendue responsable de l'intensification de l'exploitation frauduleuse du bois à travers Le pays,‘'car elle a habilité Les autorités locales à attribuer des concessions forestières sans en référer à Jakarta. Cette évolution s'avère, cependant, de plus en plus bénéfique à certains égards. Les gouvernants locaux ont plus que jamais le pouvoir d'agir quand ils jugent que La conservation sert mieux les intérêts de Leurs populations. Aussi La Régence (kabupaten] de Mandailing Natal au nord de Sumatra, sous la pression de 30 000 personnes qui avaient adressé une pétition au Résident (Bupati), a proposé la création du Parc National de Batang Gadis, une aire de 1 080 km. Le parc fut entériné par le gouvernement central et inauguré par la Présidente Megawati en mai 2004." Le parc national né de cette démarche ascendante a été salué par Conservation International [CI] comme un modèle novateur de coopération dans la conservation entre les autorités centrales et locales en Indonésie." Outre la prévention des catastrophes, Les populations locales attendent du nouveau parc qu'il encourage la coopération avec des ONG telles que CI qui a négocié la vente par la chaîne internationale Starbucks du café biologique produit localement. Une initiative communautaire de même type est en cours pour la protection de la forêt de Sungai Wain près de Balikpatan, à l'est de Kalimantan.* Ces initiatives de conservation locales interviennent dans un contexte marqué par la promotion à l'échelle mondiale de l'implication des locaux dans la gestion forestière. En Amérique latine par exemple, les gouvernements locaux se sont engagés dans la plantation des arbres, La lutte contre les feux, Le zonage, la gestion des parcs, l'octroi des permis et la répression; des centaines de municipalités ont leurs propres bureaux et commissions qui travaillent sur la forêt et l'environnement.” De même, aux Philippines, La mise en œuvre du Code sur les autorités locales de 1991 a permis aux autorités municipales de mettre en réserve des aires de 50 km? parfois sous forme de forêts communautaires, dans le but de préserver le captage des eaux et d'autres services environne- mentaux.“ Ces autorités travaillent de plus en plus en partenariat avec les ONG locales et internationales et les groupes communautaires. Ces accords décentralisés sont reproduits en Afrique par le processus d'Application de la Législation et de Gouvernance dans le domaine forestier en Afrique (AFLEG, voir paragraphe précédent du présent chapitre « accords et activités régionaux »)]. Ils offrent aux peuples autochtones, aux petits exploitants, aux forestiers et aux groupes environnementaux locaux de nouvelles opportunités de participer et de décourager tout intérêt extérieur indésirable. IL faut espérer que la prochaine série de projets de conservation des grands singes tirera pleinement parti de cette redistribution de l'autorité sur l'environnement. FINANCEMENT DE LA CONSERVATION DES GRANDS SINGES Au fil des ans, des sommes colossales ont été engagées pour la conservation des grands singes ou pour des projets susceptibles de bénéficier LES MESURES DE CONSERVATION MISES EN ŒUVRE directement ou indirectement aux grands singes. La communauté des ONG a mobilisé et dépensé plusieurs dizaines de millions de dollars américains depuis La fin des années 70; plus récemment, les gouvernements et les donateurs officiels se sont joints à cette dynamique. Par exemple, l'US Great Apes Conservation Act de 2000 engage près de 1 million d'USD chaque année pour soutenir un programme de petites subventions {d'un montant de 30 000 USD environ]. Le gouvernement américain prévoit de dépenser jusqu'à 53 millions d'USD entre 2003 et 2005 pour La conservation et l'utilisation durable des ressources par le biais du Partenariat des Forêts du Bassin du Congo, et ce montant devrait au moins être complété par d'autres donateurs et gouvernements partenaires. Sur la contribution américaine, 12 millions d'USD seront déboursés chaque année pendant trois ans à travers le Programme Régional pour l'Environnement en Afrique Centrale (CARPE) initié en 1995 par l'Agence Américaine pour le Développement International (USAID) avec pour mission d'évaluer l'environnement dans neuf pays de la région. Pour sa part, la Fondation des Nations Unies a versé 3,3 millions d'USD à travers l'Initiative sur les Forêts du Patrimoine Mondial en Afrique Centrale, complétés par les ONG partenaires en 2003 - 2007.* Cette Fondation a également versé des fonds substantiels en 2001 pour soutenir les cinq Sites du Patrimoine Mondial de RDC pendant la guerre civile qui a déchiré ce pays. Depuis 1992, la Commission Européenne a apporté quelque 50 millions d'USD au programme Conservation et Utilisation Rationnelle des Ecosystèmes Forestiers d'Afrique Centrale (ECOFAC]). La priorité de ce programme était d'impliquer les peuples des forêts dans ses activités.“ ECOFAC participe directement à la conservation du gorille et du chimpanzé occidental en soutenant par exemple le tourisme lié au gorille, les évaluations de la biodiversité et les dénombrements des primates dans le Parc National d'Odzala au Congo et Le Parc National de La Lopé au Gabon, ainsi que l'administration de La Forêt classée de Ngotto en RCA. Depuis le début des années 90, la Commission Européenne soutient aussi le Programme de Développement du Leuser dans l'aire de répartition de l'orang-outan de Sumatra, avec différents projets visant à encourager les réformes dans l'industrie en Indonésie et l'arrêt de l'exploitation 303 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 304 illégale du bois {qui est l'une des menaces les plus graves sur l'orang-outan en Indonésie). Enfin, Le Fonds pour l'Environnement Mondial (FEM) a investi plusieurs millions de dollars dans la protection des zones d'habitat des grands singes, généralement grâce à des accords de financement jumelés avec ceux des donateurs et autres bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux, et avec les états de l'aire de répartition des grands singes. Les gestes Les plus remarquables du FEM dans ce cadre sont, entre autres, une subvention de 4,43 millions d'USD au Parc National de la Forêt Impénétrable de Bwindi et Le projet de conservation du Parc National de Mgahinga Gorilla en Ouganda, et de 10,46 millions USD pour la conservation de La biodiversité transfrontalière dans le projet inter-zones de Minkébé-Odzala-Dja au Gabon, au Congo et au Cameroun. Au vu des sommes énormes dépensées, on pourrait être surpris de constater que la sécurité à long terme des grands singes n'est que bien peu assurée. Mais cela devient compréhensible si l'on considère l'ampleur, la vitesse et Le rythme de l'exploitation par Les hommes des forêts tropicales ; OUVRAGES À CONSULTER les importants investissements privés dans les infrastructures, l'extraction minière et l'exploitation forestière ; et Le nombre quasi inimaginable d'actions et d'acteurs, des effets secondaires, des événements inattendus (des incendies incontrôlés aux coups d'Etat) et la cascade d'effets destructeurs liés à ces processus. Comparés à ces centaines de milliards de dollars et centaines de millions de personnes, les quelques dizaines de millions de dollars destinés à la conservation des forêts doivent effectivement être gérés de facon très rigoureuse afin qu'ils aient un impact visible. Toutefois, si l'expérience va de pair avec la sagesse, on est en droit d'espérer que les prochains 25 millions d'USD qui seront investis dans la conservation des grands singes auront plus d'impact que les précédents. C'est dans ce contexte qu'en 2003, le Directeur exécutif du Programme des Nations Unies pour l'Environnement a mis le GRASP au défi de mobiliser des fonds en déclarant que 25 millions d'USD supplémentaires devaient être trouvés d'urgence pour financer les efforts entrepris pour lever La menace d'extinction imminente qui pèse sur les grands singes." Beck, B.B., Stoinski, T.S., Hutchins, M., Maple, T.L., Norton, B., Rowan, À. Stevens, E.F., Arluke, À. eds (2001) Great Apes and Humans: The Ethics of Coexistence. Smithsonian Institution Press, Washington, DC. Brookfield Zoo (2001) The Apes: Challenges for the 21st Century. Conference proceedings. Chicago Zoological Society, Brookfield, Illinois. http:/www.brookfieldzoo.org/content0.asp?pagelD=773. Accessed June 13 2005. Brown, D. (1998) Participatory Biodiversity Conservation: Rethinking the Strategy in the Low Tourist Potential Areas of Tropical Africa. Natural Resource Perspectives 33. 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Russon, York University et Constance L. Russell, Lakehead University, Canada Encadré 14.2 Lise Albrechtsen, University of Oxford, et Brigid Barry, Tropical Biology Association 305 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Plantation d'arbres autour du Parc national de Nyungwe au Rwanda. 306 CHAPITRE 15 Lecons apprises et perspectives JULIAN CALDECOTT n théorie, une population de grands singes peut se maintenir indéfiniment dans un paysage formé de vastes étendues forestières riches en espèces comestibles, reliées par de larges corridors forestiers qui permettent les passages, avec ca et Là des terres cultivées et des villages prospères habités par des populations qui Elizabeth A. Williamson ne chassent pas les grands singes, ne posent pas de pièges, et qui bénéficient d'une bonne assistance médicale et ne se formalisent pas de voir leurs cultures pillées. La création de réserves naturelles, la restauration écologique, les plantations d'espèces fruitières, l'éducation, les compensations et diverses autres formes d'investissements publics, privés ou communautaires peuvent aider à créer ce paysage idéal. Faire de cette vision une réalité reste néanmoins fort difficile étant donnés les problèmes socioéconomiques qu'affrontent la plupart des états de l'aire de répartition des grands singes. On ne peut généralement pas leur demander de consentir Les investissements à long terme qu'exige le succès de la conservation. Pour la plupart de ces états, ce type d'investissement nécessite un appui externe. Le coût de cette ‘aide’ proposée est généralement monétisé et exprimé sous forme de programmes comportant des projets. Le financement de ces projets est devenu la principale priorité d'un ensemble institutionnel comprenant les départements ministériels, les organismes de financement, les organisations non gouvernemen- tales (ONG) et Les bureaux d'études. IL s'agit d'une vaste entreprise, mais elle n'est pas suffisamment vaste pour contrer les effets globaux des atteintes des hommes sur les forêts tropicales humides. IL est judicieux de nous demander si nous pouvons faire mieux. Les biologistes de La conservation ont élaboré un large éventail de techniques pour préciser les contours du problème de la sauvegarde des grands singes. Chemin faisant, certaines ont été essayées et abandonnées. La principale lecon apprise est que les programmes de conservation doivent être adaptés aux contextes et, d'une manière générale, doivent s'appuyer sur des ressources suffisantes et durables ; il est presque toujours indispensable que les habitants des régions concernées changent leur perception et leurs relations avec les autres et avec leur milieu. Un projet de conservation durable éduque et responsabilise, encourage et permet aux populations de vivre mieux (selon leurs normes), provoque une évolution des valeurs et se traduit par des partenariats efficaces. Suivant ces principes, peut-être devrions-nous étudier leur éventuelle application dans Le contexte des sociétés des pays abritant des grands singes, en considérant l'histoire et la culture, les espoirs et Les craintes, et Les attitudes de leurs peuples à l'égard des forêts et des grands singes, ainsi que leurs attentes vis-à-vis du gouvernement. Ce faisant, nous ne devons pas perdre de vue que tout projet de conservation qui vise Les grands singes implique de nombreux groupes d'inter- venants et que ces derniers ont des perspectives et des intérêts différents (conscients ou non). D'une manière générale, ces groupes d'intervenants sont constitués : M Des classes moyennes éduquées de tous les pays qui font des dons aux ONG de conservation et exercent des pressions politiques sur leurs gouvernements, devenant ainsi directement ou indirectement Le pivot du financement international en faveur de la conservation ; M Des gouvernements des pays abritant les grands singes, luttant pour respecter leurs obligations internationales, pour garder une certaine légitimité nationale et Le soutien du public et désireux de recevoir autant de financements extérieurs que possible (aux meilleures conditions possibles), sous forme d'investissements privés ou d'aide publique : M Des agences nationales chargées de la conservation et de La gestion des forêts ainsi que leurs personnels, tous plus ou moins tenus d'appliquer la législation relative à la gestion de la faune, des aires protégées et des forêts, tout en étant généralement privés des ressources pour le faire ; M Des sociétés privées et agences publiques possédant des intérêts dans l'agriculture, l'exploitation forestière, l'extraction du pétrole et du gaz, l'exploitation des mines ou des LECONS APPRISES ET PERSPECTIVES lan Singleton/SOCP minéraux alluvionnaires, et dans la construction des routes et d'autres infra- structures non loin des zones d'habitat des grands singes ; M Des populations locales, membres des communautés qui vivent en milieu rural à l'intérieur et autour des forêts qui abritent les grands singes, financièrement démunies, isolées des processus de prise de décision depuis une grande ville, et non éduquées {au sens cosmopolite), pourtant fortement conscientes de leur identité de groupe, de leurs valeurs et de ce qu'elles attendent de la vie. Les valeurs et aspirations de l'un des intervenants ci-dessus peuvent - mais pas toujours - être en conflit avec les intérêts du principal groupe cible, à savoir : M Les grands singes dont l'histoire naturelle a été expliquée dans Le présent volume, de même que leurs besoins spécifiques, notamment un milieu intact et adapté, protégé de la chasse, des maladies et des pertur- bations, pour qu'ils puissent s'y reproduire et élever correctement leurs petits et ainsi se maintenir dans la nature. La conservation sera couronnée de succès pour quelques uns où tous les groupes d'intervenants humains qui travaillent en partenariat pour clarifier Sensibilisation à La conservation à l'Ecole internationale Medan de Sumatra, en Indonésie. 307 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 308 et, s'il Le faut, ajuster leurs rôles, leurs droits, leurs responsabilités et leurs relations. Dans cette approche, Les grands singes sont parfois catalogués comme des ‘animaux à problèmes, sans pour autant qu'on occulte leurs qualités intrinsèques en tant qu'êtres intelligents et nos plus proches parents biologiques. Ils sont cependant des victimes, alors que leur population mondiale n'est équivalente qu'à celle de La ville allemande de Stuttgart par exemple. IL incombe, en particulier aux ONG de conservation et aux scientifiques, de comprendre et de défendre les intérêts des grands singes lors des concertations avec les autres intervenants humains. TRAVAILLER DANS UN BUT ÉDUCATIF Ceux qui apprécient la faune se sentent suffisamment concernés pour se justifier ou changer leurs propres comportements, ou du moins se culpabiliser au sujet de leurs actions néfastes sur la faune. Un processus de conservation des grands singes réussi doit confirmer et diffuser l'idée que ces animaux ont suffisamment de valeur pour qu'on s'abstienne de les tuer, de les manger ou de les maltraiter, ou encore de détruire leurs habitats. Cette approche aura un impact certain si elle guide le comportement des différents intervenants capables de faire changer les choses sur le terrain. L'éducation peut encourager et permettre aux populations de développer les concepts nécessaires pour appréhender, non seulement Les milieux et Les communautés animales, mais aussi leurs capacités personnelles pour s'assurer des moyens de subsistance suffisants et durables. Si la valeur et La situation critique des grands singes sont intégrées dans les processus éducatifs, il est probable qu'ils seront alors mieux compris. Si Les conditions sociales, économiques et technologiques sont propices, cette appréciation peut inciter Les gens à agir en faveur de la sauvegarde des grands singes et contre les éléments qui les menacent. Les efforts de conservation peuvent être vains s'ils mettent en œuvre une stratégie unique, comme celle qui propose des alternatives à la viande de brousse sans faire parallèlement appliquer les lois qui prohibent La chasse, ou encore celle qui offre un appui aux moyens de subsistance sans également assurer l'éducation environnementale et l'application effective des lois. La conservation serait probablement plus efficace si elle se fondait sur un programme équilibré comprenant : B Du matériel de présentation des lois relatives à la faune et aux aires protégées - il doit être concu avec la participation des populations locales, traduit dans les langues appropriées (pour assurer la clarté du texte] et largement diffusé ; B Des outils didactiques de toutes formes (radio communautaire, affiches, journaux, etc.] qui permettent de mieux comprendre l'écologie et appellent à un changement dans La perception de la chasse et de La consommation de la viande de brousse ; M Des programmes qui encouragent et permettent aux populations locales d'analyser leurs propres milieux et de planifier leur propre développement en conséquence, tout en défendant leurs intérêts contre ceux des étrangers ; MB Des limites clairement définies pour les aires de conservation ; M Lexplication et l'application des règles en matière de chasse et d'accès ; M Des forums de concertation et de règlement des différends entre les intervenants ; M L'assistance dans La mise en place des moyens de subsistance durables ; M Des attentes dirigées qui encouragent les populations à résoudre elle-même leurs problèmes par le truchement des organi- sations communautaires, à être autonomes et à faire montre d'assurance dans la quête des ressources à l'extérieur. L'exécution d'un tel programme permettra à tous les participants de mieux appréhender les bénéfices, pour la communauté, découlant du processus de conservation. Ces bénéfices peuvent inclure l'un ou tous ceux énumérés ci-dessous. L'ordre des priorités dans chaque localité et la manière dont elles sont présentées dans le cadre de l'éducation varient selon les conditions sociales et écologiques. Œ Permettre des prélèvements à l'intérieur des réserves. Les aires protégées désignées pour préserver les populations des grands singes ne sont pas toutes tenues d'interdire tout accès ou toute utilisation. Les réserves ‘extractives', dotées de régimes de prélèvement élaborés avec le concours des populations locales, peuvent fournir des ressources renouvelables telles que les plantes médicinales, le chaume, le bois de construction, le rotin, ainsi qu'une large palette d'aliments, d'épices, de produits tinctoriaux et de boissons, etc. Ces ressources permettent de satisfaire directement les besoins domestiques où fournissent des opportunités pour la transformation de ces matières premières et La vente des produits vivriers ou artisanaux. Permettre des prélèvements à l'extérieur des réserves. Même une aire protégée interdite aux hommes et à leurs utilisations peut avoir une zone tampon dans laquelle des produits peuvent être prélevés pour les utilisations citées ci-dessus. L'aire protégée et la zone tampon serviront d'aire de reproduction et d'alimentation à des espèces sauvages mobiles qui peuvent s'avérer utiles pour les zones environnantes en étant des sources légales de viande de brousse, en jouant le rôle d'agent de dispersion des plantes économiquement utiles, d'agents de pollinisation et de limitation des insectes nuisibles. Fournir des services écologiques locaux. Les forêts protégées peuvent préserver les communautés des effets pervers de la sécheresse, des inondations, des feux, de l'érosion des sols, des glissements de terrain, et de l'assèchement des nappes aquifères, des puits et des sources. Résister au réchauffement de la planète. Les forêts séquestrent le dioxyde de carbone. D'une manière générale, l'accroissement des niveaux de gaz carbonique dans l'atmosphère contribue largement aux changements climatiques en raison de l'augmentation de l'effet de serre. Des mécanismes sont mis en place pour que la communauté mondiale participe aux coûts du stockage du carbone dans Les forêts qui sont déjà le siège d'activités telles que la restauration des forêts dans le Parc National de Kibale en Ouganda. Les groupes de gestion communautaire pourraient faire des propositions à cet égard. Protéger les ressources génétiques. De nombreuses essences forestières contiennent des produits chimiques qui jouent un rôle important dans les traditions ethno- biologiques des populations locales et qui peuvent être transformés en produits commerciaux grâce à une prospection Gordon Miller/IRF LECONS APPRISES ET PERSPECTIVES systématique. Les populations locales peuvent bénéficier de ces découvertes, si tant est que des accords pertinents sont passés, prévoyant l'accès et Le partage des bénéfices de manière juste et équitable [y compris la reconnaissance des droits de propriété intellectuelle qui leur sont dus). Prévoir des ressources pour l'éducation et Le tourisme. L'organisation même d'un petit nombre de visites récréatives ou de fêtes d'école chaque année peut grandement contribuer à la prospérité économique d'une communauté, de facon directe par la vente de biens (ex. des rafraîchissements, des objets d'art) et de services (ex. les quides, le Gordon Miller/IRF Si l'on pouvait aider les communautés locales à satisfaire leurs besoins en protéines par des espèces végétales ou animales domestiquées ou à croissance rapide, alors La consommation de La viande de brousse serait réduite. 309 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 310 Encadré 15.1 GRANDS SINGES, CONSOMMATEURS ET MÉDIAS Au cours des 25 dernières années, des millions de livres sterling ont été collectées en vue de la protection des gorilles de montagne au Rwanda - et ont servi au paiement des salaires des gardes, à l'achat des uniformes et équipements et à la mise en œuvre des programmes d'éducation ; le pays a pu recevoir plusieurs autres millions de livres sterling recues des visiteurs qui paient les droits d'observation des gorilles, ce qui a incité l'état à encourager pleinement leur conservation. llne fait aucun doute que la publicité que leur à fait la télévision a été déterminante dans ces événements. David Attenborough Voici peut-être l'une des plus célèbres images télévisées mettant en présence deux primates différents. Mais qu'a donc apporté cette John Sparks/naturepl.com célébrité ? Le sort des gorilles de montagne s'est-il amélioré grâce à David Attenborough ? Ces stars animales ont-elles bénéficié de cette publicité, depuis Life on Earth ? À l'évidence, le monde connaît mieux que jamais les gorilles et a certainement agi en conséquence. En principe, la situation des grands singes devrait s'améliorer grâce à l'attention que leur porte Les médias. Leur statut actuel est examiné de manière circonstanciée dans Le présent volume, mais il y a lieu d'évoquer ici deux problèmes De nombreuses chaînes de télévision diffusent maintenant des émissions de qualité sur le règne animal, sans qu'il y soit question de conservation. Pourtant, les gorilles de plaine de l'est de La République Démocratique du Congo (RDC) ont été décimés par l'exploitation du coltan, un minéral alluvionnaire des forêts tropicales utilisé par les sociétés de fabrication des téléphones mobiles et des matériels informatiques qui approvisionnent les téléspectateurs du monde entier. Les forêts d'Asie du Sud-est sont également converties en plantations de palmiers à huile et leur faune est détruite. Quand nous mangeons des aliments conditionnés, utilisons des shampoings, employons un entrepreneur en bâtiment qui utilise du contreplaqué d'Indonésie, nous participons (en théorie et probablement aussi en pratique) au massacre des orangs-outans - peut-être tout en donnant parallèlement de l'argent pour leur conservation. À la télévision, Les publicités sur Les produits dérivés de l'huile de palme comme le shampoing, le chocolat, Les glaces ou les cosmétiques ont pour support des productions de rêve montrant des orangs-outans vivant dans une forêt paradisiaque logement), et indirecte en améliorant l'image de l'aire hors des cercles conventionnels de prise de décision. Opportunités locales. La recherche, la gestion, le tourisme, l'éducation, la formation et d'autres activités entreprises dans et autour d'une réserve créent différents types d'emplois dont les populations locales peuvent tirer parti grâce à une formation et une expérience accrues. Ces activités généreront également de nouvelles informations (accroissant l'intérêt des populations locales pour Les écosystèmes), tout en les encourageant à s'inscrire dans les institutions éducatives qui favorisent le transfert aux populations locales des tech- niques et technologies innovantes. Créer un environnement beau et sain. Les populations locales jouissent de l'accès à des décors naturels, généralement sans foule, ni pollution, qui permettent de mener une vie saine et reposante. Les réserves naturelles sont des lieux particuliers ; les populations riveraines sont les gardiens de ressources rares et jouent un rôle important de plus en plus reconnu. Préserver les valeurs traditionnelles. Les cultures procèdent de la combinaison des LECONS APPRISES ET PERSPECTIVES et sans limites. Les fonds utilisés pour La publicité de ces produits de l'huile de palme excèdent de loin ceux mobilisés pour la conservation des orangs-outans, et leur impact dépasse également celui que peuvent avoir les émissions sur la conservation. Ces multinationales devraient peut- être allouer une fraction de leurs bénéfices à la conservation des grands singes. Très fortuitement, ou suite à une négligence coupable nous nous trouvons liés à des sociétés internationales {parfois en tant qu'actionnaires), à la politique indonésienne et aux marchés internationaux. individuellement, nous ne pouvons pas changer la situation, mais peut-être arriverions-nous, par une action collective, à faire pencher la balance en notre faveur. Comme nous le rappelle si bien Atten- borough, la télévision nous montre les merveilles de ces primates et de leurs habitats. Les médias peuvent-ils compenser et soutenir leur source directement dans la nature ? les réalisateurs des émissions réalité’ de conservation qui mettent en lumière la crise de La conservation sont confrontés à un dilemme : tous les téléspectateurs ne se précipitent pas chez eux pour en apprendre davantage sur le commerce de la viande de brousse et l'abattage des grands singes pour nourrir les hommes. Ceux qui regardent jusqu'au bout ce sujet, combien important mais peu attrayant, comme 7he Ape Hunters sur BBC4 (R.U en connaissent déjà généralement un peu sur la question ; ils seront probablement très peu nombreux et peu désireux de regarder une chaîne grand public. Les journaux et La radio diffusent régulièrement des reportages bien documentés sur l'environnement ; étant donné la relativité de traditions, des langues, des technologies, des croyances et des formes artistiques, enracinées dans les écosystèmes où vivent les populations. Une réserve naturelle peut contribuer à la préservation de ces liens, gardant vivaces des concepts locaux et des pratiques traditionnelles. Préserver Les options du futur. Les populations vivant dans un écosystème viable proche d'une réserve naturelle disposent souvent, plus que d'autres, d'un éventail d'options de développement. C'est parce qu'elles peuvent utiliser leurs ressources de l'audimat, des images attrayantes, divertissantes et émouvantes influent La perception que le public a de La situation plus que les informations dérangeantes sur la viande de brousse. Les documentaires continueront sans doute de montrer et de ‘célébrer’ les grands singes, de filmer l'adorable Parc National de Gombe tout en évitant soigneusement toute allusion à sa dégradation et aux menaces perpétuelles qui pèsent sur lui. Si Gombe, ses chimpanzés et Les réalisations de Jane Goodall disparaissent au cours des 10 prochaines années, les téléspectateurs éteindront leurs téléviseurs et accuseront les réalisateurs de les avoir trompés, voire menti sur la situation réelle. La télévision devrait utiliser ses images et ses capacités pour aider à sauver ses héros sur les écrans mais potentiels anti-héros dans le monde réel. L'une des pistes à explorer serait que les réalisateurs se rapprochent des communautés, qu'ils fassent des films pertinents destinés à l'audience locale qui pourra ainsi redécouvrir et apprécier sa propre faune, ce qui aurait un impact manifeste sur les attitudes sur le terrain. Une avancée remarquable a été faite dans ce sens en 2005 lorsque 11 émissions sur les grands singes, primées et remises à Great Apes Film Initiative par BBC Worldwide et Granada International, ont été projetées dans des localités du Congo Brazzaville et du Cameroun. Filmmakers For Conservation (FFC) a joué un rôle déterminant dans cette initiative et prévoit de diffuser davantage ces documentaires dans les Etats abritant les grands singes. Richard Brock manière judicieuse pour déterminer leur avenir sans risquer de perdre leurs moyens de subsistance et de prospérité. Améliorer la sécurité foncière. Les popu- lations locales peuvent utiliser les réserves naturelles pour obtenir Le droit légal d'occuper ou d'utiliser les zones environnantes. Pour cela, elles doivent s'engager à respecter les limites permanentes de la réserve ; mais l'appropriation des terres hors des réserves comporte alors des avantages pouvant aller des droits de succession mieux définis à une meilleure capacité locale à résister à une 311 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Formation au dénombrement des grands singes en Ouganda. 312 Alastair McNeilage immigration malvenue ou au vol des ressources par des étrangers. Au-delà de son caractère ‘anti-viande de brousse’, cette approche est essentiellement pro- subsistance’. Le modèle de base vise à clarifier et affiner Les éléments spécifiques de La relation entre éducateurs et communautés, ainsi que Le contenu des découvertes de la communauté en matière d'environnement et de subsistance qui ont le plus d'impact sur la consommation de la viande de brousse ou la protection de la forêt. Les connaissances recueillies pourraient alors être utilisées pour élaborer des quides, outils et priorités d'action en vue d'une extension adaptée du processus à d'autres sites dans les pays de l'aire de répartition des grands singes. AMÉLIORATION DES MOYENS DE SUBSISTANCE Deux principales lecons profitables à la conser- vation ont pu être tirées des efforts entrepris pour améliorer les moyens de subsistance : ŒÆ L'augmentation des ressources financières des populations locales peut leur donner de meilleurs outils dont ils se serviront pour dégrader leur environnement, tout en attirant aussi des étrangers qui agiront de même ; M Si les améliorations des moyens de subsistance des populations locales découlent de la part qui leur revient des revenus générés par la faune, alors ils s'opposeront aux possibles actions destructrices des étrangers. De la première lecon découle de nombreuses mesures intégrées dans le cadre des investisse- ments sociaux connus sous le vocable de projets de conservation et de développement intégrés (PCDI). Dans cette approche, des actions manifestement axées sur Le développement et La conservation sont mises en œuvre de facon symétrique dans la zone du projet. Les activités de développement visent à améliorer les moyens de subsistance dans la zone de soutien ou zone tampon autour d'une aire protégée, notamment par des initiatives telles que l'agroforesterie, l'aquaculture, le petit élevage et La foresterie communautaire. Les activités de conser- vation, elles, mettent l'accent sur la délimitation et le contrôle des limites de l'aire protégée, la formation et l'équipement des agents chargés de faire appliquer la loi, La distribution des prospectus dans les villages environnants pour leur faire connaître La réglementation, ainsi que la sensibi- lisation des populations locales pour leur expliquer l'écologie et l'importance nationale et mondiale de la biodiversité présente dans l'aire protégée qui Leur est proche. Cette approche peut porter fruit si elle est mise en œuvre de manière coordonnée et organisée, avec des moyens suffisants et un échéancier réaliste. Des problèmes surviennent, cependant, lorsque les PCDI réussissent mieux Le volet ‘développement’ que l'aspect ‘conservation’, lorsque les liens entre les objectifs ne sont pas bien expliqués, lorsque le cycle du projet entraîne une discontinuité de l'aide extérieure, lorsque Les infractions des villageois sont sévèrement réprimées, brisant ainsi La confiance, ou lorsque le succès du projet attire des personnes étrangères dans la région. ILest rare qu'un PCDI échappe à l'un ou plusieurs de ces problèmes. De la seconde lecon découle un ensemble d'activités de conservation inspirées du Projet de gestion des aires communautaires pour les ressources indigènes (CAMPFIRE] exécuté au Zimbabwe dans les année 80.*° Cette méthode de gestion communautaire des ressources naturelles a été depuis adaptée à plusieurs sites, comme les sanctuaires marins aux Philippines, les commu- nautés protectrices des récifs et La plongée sous marine pour les écotouristes en Indonésie, les programmes de prospection biologique au Costa Rica et le tourisme lié aux grands singes en Ouganda et ailleurs. L'idée est que si Les ressources fauniques sont redéfinies comme un bien des populations riveraines (en totalité ou en copropriété] et si les revenus découlant de leur utilisation sont équitablement répartis, c'est tout Le système qui peut alors changer, en même temps que les valeurs et les comportements. Les villageois qui, à un moment, coopéraient avec les gangs de braconniers d'éléphants, en viennent, par la suite, à dénoncer les braconniers à La police et à creuser des points d'eau pour les éléphants {comme ce fut le cas au Zimbabwe). Pour que cette approche fonctionne correctement, une répartition acceptable de La propriété et des revenus doit être négociée et appliquée dans une totale transparence : les sources de revenus et leur répartition doivent également compenser le bénéfice marginal qu'obtiendrait un individu qui tricherait avec Le système. Même de petits montants par personne peuvent suffire à changer les attitudes, s'ils sont régulièrement versés. Les bénéfices à venir peuvent alors être pris en compte lors de la prise de décisions, comme celle de poser ou non des collets à un endroit précis. Les problèmes surviennent lorsque des différends éclatent au sujet de la proportion des revenus allouée aux étrangers, quand par exemple le tourisme lié aux gorilles est utilisé pour financer d'autres parcs,' ou quand les sources de revenus tarissent, comme ce fut Le cas en République Démocratique du Congo (RDC) à cause de la guerre. Au demeurant, une fois qu'une ressource liée à La faune sauvage a montré qu'elle génère des revenus, alors les attitudes à son égard changent ; en RDC par exemple, les populations locales pensent peut-être encore que la faune vaut d'être préservée dans l'espoir qu'elle générera à nouveau des revenus. Le principal problème auquel se heurte La mise en œuvre de l'une des stratégies de conservation fondées sur les moyens de subsistance réside dans la conclusion d'accords justes et durables, la création d'un contrat social à long terme dans l'esprit de toutes les personnes concernées. Les projets de conservation et de développement intégrés considèrent que les coûts imposés aux populations locales par la présence, à proximité de chez eux, d'une aire protégée sont compensés par des bénéfices sous forme d'appui à la subsistance par (ou au nom de] l'organisme de conservation impliqué. Dans des systèmes tels que La CBNRM, les coûts liés à la protection de la faune sont compensés par les revenus que génèrent les espèces sauvages, par Le biais d'une institution LECONS APPRISES ET PERSPECTIVES Gordon Miller/IRF responsable devant Le public, par exemple une ONG où un fonds spécial. Cet arrangement doit être clair, transparent, cohérent et irrécusable et il ne peut être mis à mal que par la corruption, la brutalité ou le népotisme {attitudes que les villageois des pays abritant Les grands singes ne connaissent que trop). Dans les deux cas, les populations locales doivent avoir l'autorité nécessaire pour négocier librement afin de protéger et de promouvoir leurs propres intérêts. Le gouvernement doit être disposé à leur accorder cette autorité, ce qui passe généralement par un certain degré de décentralisation ou de responsabilisation locale. PRIORITÉS STRATÉGIQUES DE CONSERVATION Les ateliers d'experts incluant Les Évaluations de la Viabilité des Populations et des Habitats (EVPH) les plans nationaux de sauvegarde des grands singes et la stratégie du GRASP ont tous contribué à l'élaboration d'une longue liste d'actions urgentes qui doivent être menées dans les états de l'aire de répartition pour assurer la survie des grands singes dans la nature. Elles sont brièvement présentées dans les profils des pays ci-après. Ces interventions seront Le résultat d'une conjonction des mesures décrites plus haut et au Chapitre 14, adaptées au contexte précis de l'aire et de La population visées, et basées sur la compréhension des problèmes relevés au Chapitre 13. D'une manière générale, Les priorités stratégiques peuvent être résumées ainsi : Sensibilisation sur La conservation communautaire en Ouganda. 313 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 314 Gestion des aires protégées. Réhabiliter, délimiter et aménager les aires protégées existantes en recherchant des compétences professionnelles et institutionnelles de haute qualité et en assurant l'allocation des ressources, Le renforcement des capacités et le transfert des technologies chaque fois que les circonstances l'exigent. Études et analyses des carences. Utiliser Les sciences de la conservation [y compris les systèmes GPS, systèmes d'information géographique et de télédétection Les plus récents) afin de définir l'aire de répartition des grands singes et d'identifier Les sites pour d'éventuelles nouvelles aires protégées. Éducation environnementale. Rechercher l'appui ou la participation locale à des systèmes de subsistance qui exigent la conservation des écosystèmes et sont peu nuisibles aux grands singes, tout en encourageant l'utilisation des sanctuaires, des zoos, du tourisme et des aires protégées comme des centres d'éducation des popula- tions des pays abritant Les grands singes. Élimination du commerce de La viande des grands singes. Supprimer les sources (par l'application stricte de La Loi, La parfaite gestion des aires protégées, la fourniture d'autres moyens de subsistance et La coopération entre les secteurs public et privé], la demande (par l'éducation du public et la fourniture d'alter- natives] et les mécanismes de distribution (par la répression ciblée et la coopération transfrontalière). Coopération transfrontalière. Récompenser et reproduire les initiatives déjà entreprises à l'intérieur et autour du Bassin du Congo et mettre en œuvre les accords politiques. Coopération secteur public/secteur privé. inciter les industries extractives à adopter des approches peu néfastes aux grands singes à travers des partenariats, la certification, Le journalisme d'investigation et la demande des consommateurs et des parties prenantes ; œuvrer de concert avec les détaillants, les commerçants, les services des douanes et Les groupes de la société civile dans Les pays importateurs. Initiatives communautaires. Comprendre les motivations locales quant à La conservation et trouver des voies pour que les populations locales soient libres d'adopter la conservation des forêts et de la biodiversité dans leur propre intérêt. M Autres activités. On ne saurait achever cette liste sans relever également la nécessité d'évaluer toute autre idée ingénieuse qui existerait déja ou serait sur le point d'émerger, comme une nouvelle avancée dans la lutte contre le virus Ebola ou une approche novatrice permettant de promouvoir les forêts comme des lieux sacrés. Lors de la mise en œuvre de toutes ces activités, l'accent doit être mis de manière systématique sur la minimisation des coûts, la maximisation de l'autonomie locale et l'efficacité des recouvrements des coûts. La communauté toute entière devra s'investir considérablement dans ces mesures pour qu'elles réussissent. Cet investissement peut être autre que financier ; des volontaires, scientifiques et journalistes financièrement autonomes peuvent s'avérer très utiles. Les gouvernements étrangers peuvent utiliser un ensemble de mesures incitatives peu onéreuses pour dynamiser les initiatives de conservation. Un allègement de la dette ou La levée des barrières douanières pourraient libérer ou accroître les ressources des pays abritant les grands singes. Toutefois, d'importantes sommes d'argent seront nécessaires chaque année pour couvrir Les salaires, les équipements, la formation et Les frais de fonctionnement des organismes de conservation et des équipes de gestion travaillant dans les aires protégées, afin d'assurer la délimitation et Le contrôle des limites; de soutenir les programmes de sensibilisation qui touchent des millions de personnes ; de surveiller, étudier et rédiger des rapports sur les populations et Les habitats soumis à la conservation ; et de gérer efficacement les connaissances qu'ils en tirent en mettant en place des mécanismes d'alerte rapide et de rétroaction en cas de problème. IL faudra également de l'argent pour financer les différentes formes de compensation des communautés locales, pour renflouer leurs entre- prises par des dons ou des micro-crédits et pour acquérir des concessions forestières ou des servitudes à des fins de conservation. Ceux qui renoncent à certains droits pour contribuer à la conservation afin que le monde puisse avoir des réserves naturelles et des populations de grands singes méritent d'être récompensés selon ce qu'ils estiment leur être dû. IL est extrêmement ardu d'arracher le consentement politique des pays les plus nantis en raison du niveau d'imposition néces- saire pour financer toutes ces activités et d'orga- niser puis d'obtenir des financements durables pour opérer un changement significatif (au plan local, de manière transparente et durable]. Ceci exige de la clairvoyance et une grande ingéniosité. Cette dernière est particulièrement indispen- sable car Les problèmes de la biodiversité tropicale sont urgents et la communauté mondiale se montre peu disposée à y remédier par des moyens fiscaux. Il y a donc lieu d'adopter des mesures provisoires qui permettront de mettre en œuvre des méthodes innovantes. Les pays pourraient par exemple ‘adopter’ les espèces de grands singes en se donnant le devoir de tout entreprendre pour assurer leur sauvegarde. Avec des plaidoyers suffisamment persuasifs, on pourrait imaginer que des peuples épris des animaux, à l'instar des Britanniques et des Japonais, adoptent le bonobo comme leur mascotte nationale. Pour leur part, des sociétés privées pourraient ‘adopter des sites du Patrimoine Mondial ou des Réserves de Biosphère qui abritent des grands singes, assumant les coûts de Leur fonction- nement et puisant dans la source permanente des connaissances sur l'histoire naturelle de ‘leur’ aire afin de soutenir et rehausser leur image publique. En dernière analyse, Le problème n'est pas de savoir si la communauté mondiale se soucie des grands singes, des forêts tropicales et de la santé des écosystèmes de la planète ; il est clair que des millions de personnes s'en préoccupent et ce nombre ne peut qu'aller croissant. Le problème majeur est l'absence de moyens pratiques qui nous permettent de traduire nos sentiments en actes qui auront un impact véritable. C'est un défi organisationnel que les institutions humaines {qu'elles soient publiques, privées, gouverne- mentales ou non) ont seules Les moyens de relever. CONCLUSIONS Les activités de conservation ne s'opèrent pas dans un vase clos, mais sont influencées et fréquemment limitées par un grand nombre de situations, d'événements et de demandes extérieurs. Cela inclue La guerre et les conflits civils, Les troubles politiques, l'exploitation abusive des ressources naturelles par des sociétés, l'accroissement de la population humaine, les conséquences des catastrophes naturelles et des perturbations climatiques, la compétition avec les politiques et Les plans d'autres secteurs publics, La récession LECONS APPRISES ET PERSPECTIVES économique et la pauvreté extrême de plusieurs pays de l'aire de répartition des grands singes, ainsi que certaines attitudes, comportements et croyances des populations locales. Depuis le milieu des années 70, Les grands singes focalisent l'attention et suscitent des inquiétudes accrues au sein de la communauté internationale. Les efforts pour les conserver ont revêtu diverses formes et ont impliqué nombre d'acteurs à travers le monde. Les activités inter- gouvernementales sont généralement conduites par les agences des Nations Unies ou grâce à des accords multilatéraux sur l'environnement financés par l'ONU, à l'instar de la Convention sur la Diver- sité Biologique et de La Convention du Patrimoine Mondial. Les stratégies et plans d'action nationaux sur la biodiversité, les Sites du Patrimoine Mondial et les accords de conservation transfrontalière qui en résultent ont favorisé la création d'un cadre propice à la conservation des grands singes et ont, sans nul doute, aidé à préserver certaines zones des habitats des grands singes. Par ailleurs, les gouvernements nationaux, aidés et encouragés par les programmes d'aide publique multilatéraux et bilatéraux et par Les ONG locales et internationales, ont permis la création de plus d'aires protégées que n'en ont désignées comme étant d'importance mondiale les accords environnementaux multilatéraux. Ces mesures sont, hélas, insuffisantes. En partie parce que de nombreuses aires protégées n'existent que sur le papier, privées de ressources pour se protéger des Tamar Ron Une affiche de sensibilisation sur La conservation dans le Cabinda, Angola. 315 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 316 menaces croissantes, et d'autre part parce que de nombreuses populations de grands singes et leurs habitats se trouvent totalement à l'extérieur des aires protégées et sont donc exposées à la chasse. Des actions en profondeur pour s'attaquer aux causes fondamentales de la destruction des habitats doivent aussi être menées, mais elles tardent à venir. Par conséquent, le déclin des populations de grands singes se poursuit. De nombreux biologistes de La conservation sont maintenant persuadés que la conservation des grands singes exige une mobilisation sociale et la volonté politique de s'investir dans un développement durable permettant aux populations d'améliorer leurs conditions de vie d'une manière propice à la sauvegarde des grands singes à l'état sauvage. Pourtant, les pays qui abritent Les grands singes sont confrontés à de nombreux problèmes et manquent de ressources, particulièrement en Afrique. La pauvreté endémique et La conjoncture économique et politique [y compris, dans de nombreux cas, les conflits armés) ne favorisent pas la planification et les investissements à long terme. D'autre part, les gouvernements sont tentés de brader les ressources forestières et minières pour assurer le remboursement de la dette ou pour faire face aux dépenses courantes. IL peut s'y ajouter les pressions qu'exercent Les multinationales désireuses d'exploiter ces ressources pour faire accepter des investissements. L'inévitable résultat est généralement la destruction à grande échelle des habitats, doublée, pour les grands singes, des pressions exercées par la chasse facilitée par l'accès amélioré à des zones reculées. Les organisations caritatives internationales et Les organismes officiels de financement impliqués dans Le développement durable et la conservation de La biodiversité (ou des grands singes) déploient des ressources qui paraissent dérisoires et ont peu d'influence, comparé à ce qu'obtient le secteur privé allié aux gouvernements. Toutefois, l'effet conjugué des conditionnalités attachées aux principaux investissements publics, des pressions des groupes de consommateurs et des journalistes d'investigation sur les sociétés, et la récompense des sociétés qui respectent les systèmes de certification et acceptent d'adopter des valeurs telles que ces prônées par le Pacte Mondial peut entraîner une utilisation plus durable des ressources naturelles. Quoi qu'il en soit, des résultats remarquables peuvent être atteints par des projets sur le terrain fondés sur des partenariats et par la prise en compte des lecons tirées des mécanismes éducatifs et autres évoqués ci- dessus. Ils impliquent des processus complexes en interaction avec des milieux eux-mêmes complexes et dynamiques. Dans ce contexte, la meilleure approche consiste à adopter quelques principes majeurs qui peuvent être appliqués de manière régulière, sans considération des détails, permettant d'adapter les processus au milieu dans lequel ils sont développés. Ces grands principes sont présentés ci-dessous. 1. Pour un projet éducatif : M Maintenir en tout temps un dialogue respectueux, basé sur La confiance ; MH Reconnaître que les populations locales sont Les principaux acteurs et que toute assistance extérieure doit être utilisée dans leur intérêt ; M S'assurer que les mots et les idées sont rapidement traduits en action afin de renforcer la confiance et valider Les compétences. 2. Dans le cadre des projets de conservation et de développement intégrés : M Assurer la symétrie des actions explicitement axées sur Le développement et de celles axées sur la conservation ; M Expliquer clairement et continuellement le ‘contrat social qu'impliquent les efforts de conservation de la biodiversité et promouvoir l'amélioration et La durabilité des moyens de subsistance; M Etre conscient du caractère temporaire des activités des projets et y intégrer des mécanismes de financement durable ainsi que d'autres moyens de promotion de la continuité de ces actions; M Eviter La répression brutale, sauf lorsque les populations locales conviennent de sa nécessité ; M Trouver des voies et moyens permettant aux résidents locaux de collaborer pour empêcher une immigration fâcheuse ou le prélèvement des ressources dans les zones des projets. 3. Pour les projets fondés sur la gestion communautaire des ressources naturelles : M Convenir dun modèle de propriété des ressources fauniques qui inclut Les populations locales et qui définit clairement la répartition conséquente des bénéfices issus de leur utilisation, afin que les communautés perçoivent des bénéfices suffisants qui compensent les coûts consentis ; M Maintenir la méthode de répartition des bénéfices utilisée et La transparence dans la répartition elle-même ; OUVRAGES À CONSULTER Adams, W.M,, Infield, M. (2003) Who is on the gorilla's payroll? Claims on tourist revenue from a Ugandan national park. World Development 31 (1): 177-190. LECONS APPRISES ET PERSPECTIVES M S'assurer que les communautés participantes agréent la manière dont les bénéfices sont répartis. Les notions développées dans les chapitres 16 et 17 constituent une revue de la situation des grands singes dans chacun des pays où ils vivent à l'état sauvage. Ils révèlent l'origine des principes décrits dans le présent chapitre et la difficulté qu'il y aura à les appliquer efficacement s'ils ne s'accompagnent pas d'humilité, de respect, de persévérance et d'une volonté d'apprentissage et d'adaptation. Cowlishaw, G., Dunbar, R. (2000) Primate Conservation Biology. Chicago University Press, Chicago. Lutz, E., Caldecott, J.0. (1996) Decentralization and Biodiversity Conservation. World Bank, Washington, DC. Martin, R.B. (1986) Communal Areas Management Programme for Indigenous Resources (CAMPFIRE]. Department of National Parks and Wildlife Management, Harare. AUTEURS Julian Caldecott, UNEP World Conservation Monitoring Centre Encadré 15.1 Richard Brock, Living Planet Productions 317 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 318 Où vivent les grands singes et à qui revient-il de les sauver ? lAN REDMOND es grands singes d'Afrique occupent l'actuelle ceinture fragmentée de forêt tropicale s'étendant du Sénégal en Afrique occidentale jusqu'à l'ouest de La Tanzanie en Afrique orientale. Les orangs-outangs sont, eux, confinés à certaines zones de forêts tropicales des îles indo- malaises de Bornéo et de Sumatra. Carte 16a : Répartion des grands singes en Afrique 1 Niamey Lo Répartition des grands singes L__] Bonobo [1 Chimpanzé LI Gorille Dre à Malgré les différentes cartes détaillées contenues dans le présent ouvrage, des doutes existent quant aux zones abritant - et ayant abrité jusqu'à très récemment - les grands singes D'ailleurs, le nombre de pays où subsistent les populations de grands singes divise encore les scientifiques et dans beaucoup de cas, les zones », Ndjamena $ fi » j A 5 B @ ep | REPUBLIQUE exactes de leur répartition n'est pas bien documentée. Même dans des pays où les grands singes auraient supposément disparu, il n'est souvent guère possible d'avoir des certitudes quant à la date précise de disparition des derniers individus dans la zone. Par ailleurs, si l'espèce a disparu dans un pays sans que la dégradation ou La disparition de l'habitat n'en aient été Les causes et que ce dernier soit frontalier avec une zone encore occupée par une population de ces grands singes, il est fort possible que ces derniers franchissent les frontières et puissent éventuellement recoloniser naturellement en partie cet habitat et donc ce pays. En cas de suppression des facteurs d'extinction locale des grands singes, une réintroduction délibérée est également envisageable et possible dans des zones ad hoc, et ce, en accord avec les directives de réintroduction de l'UICN - Union mondiale pour la conservation de la nature, d'autant qu'il existe des individus captifs, issus du trafic et confisqués au braconniers. De fait, le Carte 16b : Répartion des grands singes en Asie du ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION nombre des pays de l'aire de distribution des grands singes est variable. Actuellement, vingt-trois pays abritent des grands singes et dans cinq autres ils étaient connus pour être présents de mémoire d'hommes (Tableau 16, Carte 16a, Carte 16.b). Les chimpanzés auraient habité Les forêts et zones boisées de 26 pays africains, mais ils ne sont plus présents que dans 21 d'entre eux aujourd'hui. Les deux espèces de gorilles sont présentes dans 10 pays au total tandis que les bonobos sont confinés à un seul pays, La RDC. En Asie du sud-est, les orangs-outans de Bornéo habitent l'île éponyme, partagée entre deux pays, la Malaisie et l'Indonésie, tandis que les orangs-outans de Sumatra sont confinés sur l'île indonésienne de Sumatra. Dans certains pays comme le Rwanda et l'Ouganda, les grands singes se trouvent principalement dans des parcs nationaux et sont à La base d'une industrie touris- tique rentable et strictement réglementée. Par Sud-Est y Z Q 4 AORErRE Kuala Lumpur Singapour SINGAPOUR " ê | “# SUMATRA j Cr #| pe v is PE) Pa, Ex Ÿ, ae | Fat IN 0 LOL | 5S lAïre de répartition Le ig “+ | [1 Orang-outan ; ere | a #2 ; 2: , PS TT, 0 200 400 600 km se. 7 110°E 115 E BRUNEI DARUSSALAN Bandar Seri MALAISIE » Li 124 É x Era “À 115E 319 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION contre, dans d'autres pays tels que l'Indonésie et le Cameroun les grands singes vivant à l'extérieur sont plus nombreux que ceux vivant à l'intérieur des aires protégées, et de ce fait, leur nombre ne cesse de chuter. Dans plusieurs pays, ils ne sont plus qu'à 100-200 individus tandis que pour d'autres il est déjà trop tard. La confirmation des statistiques historiques controversées s'avère difficile et le règlement des problèmes de distribution actuelle fait face au sempiternel problème d'insuffisance de fonds alloués aux études. Voici du reste quelques questions brûülantes n'ayant pas encore trouvé de réponses définitives : M Les chimpanzés ont-ils jamais vécu en Gambie ? Certains vieux chasseurs affirment avoir souvent vu des chimpanzés”“ et d'autres le contraire. M Les chimpanzés résidents du Burkina Faso ont-ils été exterminés ? Certaines informa- tions persistantes font état ne serait-ce que de mouvements saisonniers à travers la frontière de la Côte d'ivoire” tandis que d'autres —— Genre : Espèces: Sous-espèces: Tableau 16 : Pays abritant les grands singes Chimpanzé (Pan) Bonobo Chimpanzé de l'ouest Nigéria-Cameroun du centre de l'est AFRIQUE DE L'OUEST Bénin Eteint Burkina Faso Eteint ? Côte-d'Ivoire x Eteint X Sénégal Sierra Leone Togo Eteint ? AFRIQUE CENTRALE Angola x Cameroun République Centrafricaine Congo XX |X | X République Dém. du Congo Guinée Equatoriale Gabon Nigéria AFRIQUE DE L'EST Burundi Rwanda Soudan Ouganda x |x< République Unie de Tanzanie Zambie | ASIE DU SUD-EST x Eteint Indonésie Malaisie 320 affirment que les chimpanzés résidents y subsistent.® Bance Soumayila, expert en biodiversité de Ouagadougou, est convaincu que les chimpanzés sont encore présents au Burkina Faso à la frontière avec la Côte d'Ivoire, près du Parc National de Camoe. On a signalé la présence de chimpanzés non loin de Bunkpurugu à la frontière entre le Ghana et Le Togo, ce qui suscite un point d'interrogation sur l'extinction des populations de chimpanzés au Togo. Le village concerné est situé à près de 200 km au Gorille (Gorilla) occidental oriental Cross River de plaine de plaine ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION nord du nord-ouest de l'actuelle mention présentée sur la carte contenue dans le profil de pays pour le Ghana, par conséquent le Togo disposerait actuellement de deux populations. Les gorilles occidentaux de plaine se trouvent- ils toujours dans la région du Bas-Fleuve de la RDC ? Les forêts sont contiguës à celles du Congo et de la province de Cabinda en Angola, où les gorilles occidentaux de plaine et Les chimpanzés centraux sont encore présents dans les monts Mayombe. Orang-outan (Pongo) de Bornéo de montagne nord-ouest nord-est central de Sumatra 321 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 322 M Ya-t-il jamais eu présence de chimpanzés à l'état sauvage en Zambie ? Un observateur fiable révèle avoir entendu dans les années 60° des cris de chimpanzés dans les forêts à l'extrême sud des berges du lac Tanganyika dans l'actuelle Zambie, mais cette espèce ne figure habituellement pas dans les ouvrages sur la faune de Zambie. M Les orangs-outans ont-ils jamais vécu à Brunei, sultanat enclavé au nord de la partie Malaise de l'île de Bornéo ? La distribution inégale actuelle des orangs-outangs de Bornéo reflète en partie les pratiques de chasse par les humains, mais y a-t-il des facteurs écologiques qui auraient empêché leur présence dans tout le nord de Bornéo dans Le passé (voir Chapitre 10) ? QUI VA SAUVER LES GRANDS SINGES ? Une lecture de la littérature populaire des 40 dernières années montre que les humains s'attèlent à la conservation des grands singes depuis plusieurs décennies. Les rayons des bibliothèques sont remplis d'ouvrages comportant des récits édifiants et héroïques des primatologues s'évertuant à sauver leurs animaux d'étude ainsi que leurs habitats. Les organisations de conservation ont lancé des appels pour le financement de projets. Les gardiens des parcs mettent leur vie en danger pour protéger les grands singes. Les éducateurs se sont évertués à les mettre en valeur. Pourtant, la zone d'habitat viable se rétrécit tandis que le nombre de grands singes diminue d'année en année. IL s’agit plus d'une négligence collective que la résultante d'efforts concertés pour les éliminer. Si Les grands singes sont aujourd'hui au bord de l'extinction c'est parce que Les habitants des pays développés ne se soucient pas suffisamment des conditions de prélèvement de La matière première dans les forêts tropicales abritant notamment des populations de grands singes. Le bois, le rotin, l'or, le tantale, Le pétrole, l'huile de palme ou encore le caoutchouc font partie des matières premières exploitées, extraites du sous-sol ou cultivées sur de vastes monocultures artificielles, à chaque fois au détriment de la forêt, privant les grands singes entre autres de leur habitat. La dure réalité est que les sommes allouées à la conservation restent modiques et ne font pas le poids face aux énormes pressions économiques des multinationales pour l'exploitation des forêts tropicales. Et Les pays du Nord ne peuvent guère pointer un doigt accusateur sur les pays du Sud -qui tentent de se battre pour sortir de la pauvreté en répondant aux mêmes pressions économiques (ou opportunités selon vos convictions] - tout en ignorant leur propre part de responsabilité. La responsabilité du fort déclin des grands singes ces dernières années est ainsi partagée non seulement par les pays de l'aire de répartition des grands singes mais également par de nombreux pays du Nord. De fait, il serait injuste de demander des efforts pour lutter contre ce déclin aux seuls gouvernements et peuples des Etats de l'aire de distribution des grands singes. Les Nations Unies définissent les ‘pays les moins développés’ comme étant des pays dont Le PIB/habitant est inférieur à 800 USD par an. Seize des 23 pays qui abritent encore des populations de grands singes sauvages en font partie {voir Tableau 13.5). Afin d'initier et de développer une colla- boration entre les-pays concernés par la disparition des grands singes et de leur habitat, Le Projet pour la survie des grands singes (GRASP]) a été initié en 2001 par le Programme des Nations Unies pour l'environnement [PNUE) et rejoint par l'UNESCO, défini comme un partenariat de type Il en 2002 au Sommet Mondial sur le Développement Durable organisé à Johannesburg. Cette nouvelle forme de partenariat regroupe des gouvernements, les organes des Nations Unies, des organisations non gouvernementales (ONG), la société civile et le secteur privé, tous partageant un même but qui, dans ce cas précis, consiste à assurer la survie des grands singes à travers leur aire de distribution naturelle. Le défi du partenariat GRASP consiste à rassembler les diverses activités de conservation, anciennes ou nouvelles, au sein d'une stratégie mondiale cohérente dont le but est de stopper le déclin des populations de grands singes et de mobiliser les fonds nécessaires à l'application de cette stratégie. PLANS NATIONAUX POUR LA SURVIE DES GRANDS SINGES La conservation peut s'entreprendre à divers niveaux aussi importants qu'indispensables, allant des législations internationales jusqu'a l'établissement d'aires protégées, en passant par des initiatives communautaires, des projets menés par des ONG, des activités au sein du secteur privé, en passant évidemment par des actions individuelles. En général, les actions non gouvernementales majeures requièrent Le consentement des autorités nationales concernées. Par conséquent, la responsabilité sur Le plan légal de la protection des grands singes revient en définitive aux gouverne- ments des pays abritant ces espèces. Mais il est évident que les gouvernements ne peuvent promulguer et appliquer des lois qu'avec l'appui des populations qui les élisent. Un tel soutien n'est possible que si les populations comprennent le bien- fondé des lois et La raison sous jacente à La mise en place de ces lois; de même, elles doivent être convaincues que ces lois participent à l'amélioration à moyen et long terme de leurs conditions de vie. Les efforts de mise en application des lois doivent être accompagnés par des programmes d'éducation des populations locales ainsi que par des initiatives de développement durable auprès de ces mêmes populations. Toutes ces activités requièrent des financements et un personnel qualifié qui font malheureusement défaut dans la plupart des pays abritant des populations de grands singes. La conservation durable ressemble à un tabouret à trois pieds, chacun représentant l'un de ces trois aspects, piliers indispensables : La volonté politique, le soutien populaire, et les ressources financières suffisantes sur le long terme. Le GRASP pense que la survie des grands singes est de La responsabilité de l'humanité tout entière et a, par conséquent lancé un appel aux pays du Nord afin qu'ils financent les actions prioritaires budgétisées identifiées dans chaque région. Pour initier Le projet GRASP, Le PNUE (Pro- gramme des Nations Unies pour l'Environnement] a invité les gouvernements des Etats de l'aire de distribution des grands singes à désigner chacun un point focal, à élaborer à partir de Là un plan d'action national en collaboration avec tous les autres acteurs s'intéressant aux grands singes et à leur habitat, puis à le faire adopter en tant que politique gouvernementale. Cette tâche se révèle complexe du fait que Les missions liées aux grands singes et à leur habitat sont du ressort de plusieurs départements ministériels distincts, chargés notamment des forêts, de l'environnement, du tourisme, des parc nationaux, du développement rural, etc. Chaque pays organise cette tâche à sa manière et il faut s'accommoder également des administrations, changeant à chaque nouveau gouvernement. De plus, le GRASP cherche à impliquer les ONG, les scientifiques nationaux et internationaux, les communautés locales vivant dans ou à côté de l habitat des grands singes, ainsi que Le secteur privé ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION notamment la filière du tourisme et des industries extractives. Aider 23 pays à élaborer une politique multisectorielle cohérente visant à la survie des grands singes s'est avéré être un défi de taille, mais les premiers résultats sont encourageants. Certains pays ont aussitôt mis sur pied des comités nationaux en bonne et due forme tandis que d'autres ont adopté une approche moins structurée ; plusieurs ont sollicité Le financement d'ateliers nationaux, et seuls un ou deux pays n'avaient toujours pas réagi au mois de mai 2005. Lorsque les réponses étaient positives et enthousiastes, la structure du plan national de la survie des grands singes s'est mise en place et a aussitôt pris forme, couvrant cinq domaines : il Quelles sont les régions du pays qui abritent Les grands singes et quel est actuellement le mode d'utilisation des terres pratiqué à l'intérieur et autour de leur habitat ? Ceci permet d'identifier les principaux acteurs. il Quelles sont les menaces auxquelles les grands singes font face dans chaque zone, et quelles sont les personnes impliquées ? Les menaces peuvent varier de région en région au sein d'un même pays et elles doivent être identifiées et comprises afin qu'une action à leur encontre soit entreprise. il Quel est l'état des lieux des efforts de conservation, incluant les questions de la législation, de l'application des lois, Les projets des ONG, les traditions locales - tout ce qui permet de mettre les singes et leur habitat à l'abri de la destruction et de La surexploitation ? iv] Si Le déclin des grands singes se poursuit en dépit des activités énumérées ci-dessus (voir ii] - et c'est ce que l'on observe dans la quasi- totalité des lieux où des données ont été collectées -, que reste-t-il alors à faire, de l'avis des meilleurs experts disponibles, pour stopper ce déclin, et qui est le mieux placé pour le faire ? v] Après avoir identifié Les causes du déclin dans chaque zone ainsi que les actions à entre- prendre et Les acteurs concernés, la dernière question reste celle des sources de finance- ment, et de qui peut les apporter. Ces plans doivent être suffisamment concrets et comporter des indicateurs de réussite (ou d'échec) mesurables, mais également assez souples pour 323 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 324 pouvoir s'adapter aux nouvelles contraintes telles que la hausse de prix des produits issus des habitats des primates pouvant causer des scénarios de type ‘ruée vers l'or’ (ex. Le coltan, l'huile de palme), les maladies émergentes (ex. Ebola], La consanguinité au sein des populations nouvellement fragmentées ou réduites et le changement climatique, sans doute la plus grande des contraintes, entraînant des perturbations conséquente sur Les conditions météo- rologiques ainsi que sur les zones de végétation. IL s'avère cependant que, dans de nombreux Etats de l'aire de distribution des grands singes même la réponse à la question {i) n'est connue dans aucun de ses détails. Dans de tels cas, La première recommandation serait alors de trouver des financements pour réaliser des études dans des régions les plus reculées afin de compléter Les lacunes existantes dans les profils des pays en question. Les plans effectifs ne peuvent être élaborés et exécutés que sur la base des connaissances fiables et à jour. Comme les profils l'illustrent, La progression dans la réalisation de l'objectif de stabilisation des populations de singes à des densités naturelles dans des forêts gérées et exploitées de OUVRAGES À CONSULTER facon durable est pour le moins hétérogène. Toutefois le GRASP à tracé, à l'intention de tous les acteurs, un cadre global de travail pour y parvenir. Dans ce partenariat au sein d'une stratégie globale approuvée par tous, chaque partenaire apporte une force et un souffle nouveaux. IL est espéré que GRASP dans son ensemble sera ainsi plus puissant que la somme des parties prises individuellement et, par ailleurs, que chaque partenaire gagnera à faire partie de cet ensemble. Cependant, comme pour toute tâche de longue haleine, on ne pourra juger du succès ou de l'échec du GRASP qu'après plusieurs décennies. L'essentiel en matière de conservation reste La zone d'habitat restante et Le nombre d'animaux qui y vivent, en remplissant la fonction écologique qui leur incombe. Nous espérons vivement que dans les prochaines éditions du présent atlas, les profils de pays montreront que le déclin observé au 20°" siècle aura été stoppé et que des populations viables de tous Les grands singes subsistent pour Le bien de tous. lan Redmond Consultant en chef, GRASP International, Cambridge et Newbury, UK. Bailey, N.D., Eves, H.E., Stefan, À. Stein, J.T., eds (2001) BCTF Collaborative Action Planning Meeting Proceedings. 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Accessed June 17 2005. CHAPITRE 16 Afrique RÉPUBLIQUE D'ANGOLA GEMMA SMITH HISTORIQUE ET ÉCONOMIE La République d'Angola est entourée au sud par la Namibie, à l'est par la Zambie, au nord et au nord- est par la République Démocratique du Congo (RDC) et enfin bordée à l'ouest par l'Océan atlantique. L'Angola dont la superficie est de 1 246 700 km?, avec une côte atlantique longue d'environ 1 670 km, est subdivisé en 18 provinces administratives. L'une d'elles, la province du Cabinda ou Enclave du Cabinda, est située au nord du fleuve Congo et est séparée du reste de l'Angola par près de 30 km du territoire de la RDC. C'est donc la région la plus au nord de l'Angola, entourée de La RDC, du Congo et de l'Océan atlantique. C'est la seule région de l'Angola qui abrite des grands singes. L'histoire de l'Angola est étroitement liée à La longue présence coloniale portugaise. Cette colonisation s'est poursuivie longtemps après que les autres pays européens aient dissout leurs empires dans les années 1940, 1950 et 1960, car le Portugal était dirigé par une coterie militaire ultraconservatrice jusqu'à La ‘révolution des œillets’ de 1974 qui a vu l'avènement de la démocratie. Avant cela, le gouvernement portugais n'aspirait qu'à garder son emprise militaire sur ses possessions qui comprenaient également le Mozambique, La Guinée-Bissau et Le Timor Oriental, plutôt qu'a négocier l'indépendance et le développement national de ses anciennes colonies. Leffondrement soudain de ce système au Portugal a précipité l'indépendance de ces quatre pays et à ce moment, des groupes nationalistes armés, jusque-là soutenus par l'URSS et/ou la Chine, affichant des tendances de gauche, cherchèrent à s'emparer du pouvoir. Dans Le contexte de l'époque, caractérisé par la guerre froide, les Etats-Unis réagirent en incitant leurs alliés à intervenir militairement, à savoir l'Afrique du Sud au Mozambique et en Angola, des factions militaires en Guinée-Bissau et l'Indonésie au Timor Oriental. La guerre civile et Le génocide qui s'ensuivirent dans les quatre pays furent terribles, mais la stabilité finit par revenir. L'Angola se relève donc de plus de trois décennies de guerre, d'abord celle avec Le Portugal, puis une guerre civile qui a opposé l'Union nationale pour l'Indépendance totale de l'Angola (Uniäo Nacional para a Independência Total de Angola, UNITA)] au gouvernement angolais. Ce conflit a perduré en raison de la guerre froide car le gouvernement angolais était soutenu par l'URSS sous Le couvert de Cuba tandis que l'UNITA jouissait de l'appui des Etats-Unis par le biais de l'Afrique du Sud. De grandes sociétés pétrolières étaient également impliquées, ainsi que l'atteste le scandale de l'« Angolagate » en 2000 au cours duquel la presse internationale a dévoilé l'existence de contrats de vente d'armes contre du pétrole et une corruption au sein des entreprises et institutions politiques en France et en Angola." La fin de la guerre froide et l'introduction d'une démocratie inclusive en Afrique du Sud ont changé la donne et la guerre s'est achevée en avril 2002, après la mort du leader charismatique de l'UNITA, Jonas Savimbi.”” Les combats ont cessé dans tout le pays, sauf dans la province du Cabinda.* L'Angola montre aujourd'hui des signes de redressement économique, même si de nombreux problèmes majeurs subsistent concernant les infrastructures et les services publics à travers le pays, incluant des problèmes de fonctionnement des télécommunications, les infrastructures routières, l'éducation et Les services de santé. Les recettes d'exportation du pétrole de l'Angola se situaient entre 3 et 5 milliards USD en 2003, soit AFRIQUE : ANGOLA 325 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Carte 16.1 Répartition des grands singes en Angola Références bibliographiques à la fin de ce chapitre Espèce © Chimpanzé central observé avant 1983 a Tr = Gorille occidental de plaine F >, Aire de répartition estimée Tr Chimpanzé central T7 Gorille occidental de plaine TES REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO O OCEAN ATDEALNMIOMIEN": REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO PE \ \ } OCEAN \ vel ATLANTIOUE PARLES EEE ES Te eee 87 % du PIB. Malgré ces revenus, près de 82 % de la population vit dans une extrême pauvreté. 42 % des enfants angolais âgés de cinq ans ou moins souffrent d'insuffisance pondérale, et un enfant meurt toutes les trois minutes de maladies évitables et de malnutrition (soit 480 enfants par jour] dans un pays où l'espérance de vie ne dépasse pas 44 ans. Pour autant que Les chiffres concernant les revenus de l'Etat soient fiables, il a été constaté un trou de 1,3 à 1,7 milliards USD dans les coffres de l'état.” IL est difficile d'obtenir des estimations récentes concernant la population humaine à cause du conflit qui a tué près d'un demi million de personnes et en a déplacé 4 millions. Depuis Le cessez-le feu en 2002, un grand nombre de réfugiés venant de l'intérieur du pays où des pays voisins’ sont retournés chez eux, notamment dans Les zones rurales. En 2003, la population totale du pays était estimée à 13,5 millions d'habitants, avec un taux de croissance de 3 % par an.“ Le taux d'alphabétisation des adultes était de 42 % en 1998.° L'Angola est le deuxième plus grand produc- teur de pétrole en Afrique sub-saharienne après le Nigéria et Le gros de ses gisements de pétrole brut se trouve au large des eaux peu profondes de la province du Cabinda. Le Cabinda produit plus de la moitié du pétrole de l'Angola et génère presque toutes ses recettes en devises.° Au vu de l'importance des enjeux économiques, on comprend aisément que des tensions politiques persistent dans le Cabinda. Le Front pour la Libération de l'Enclave du Cabinda (FLEC), un groupe séparatiste, réclame une part plus importante des revenus du pétrole pour les populations de la province. Le gouvernement angolais a refusé l'indépendance totale de la province mais, en 2002, il a fait part de sa volonté d'engager des pourparlers avec les groupes séparatistes pour négocier les conditions d'une certaine autonomie. Malgré tout, les opérations militaires observées depuis au Cabinda montrent bien que La paix n'est pas encore acquise et le nombre de civils tués par Les deux parties continuent d'augmenter. '* Le Cabinda compte une population de 300 000 personnes environ, et 20 000 autres - un chiffre certainement à revoir à La hausse aujourd'hui - vivent dans les camps de réfugiés en RDC et au Congo. RÉPARTITION DES GRANDS SINGES Le gorille des plaines de l'ouest (Gorilla gorilla gorilla) et le chimpanzé d'Afrique centrale (Pan troglodytes troglodytes] sont tous Les deux présents au Cabinda, qui représente la lisière sud-ouest de leur aire de répartition. Aucun chiffre définitif n’est disponible bien que des habitants de La région aient affirmé en avoir vu dans la forêt de Maiombe (Mayombe]? où il semblerait que les chimpanzés soient nombreux.” Dans l'hypothèse où les habitats seraient convenables, on estimait en 1998 que la population des chimpanzés pouvait être de 200 à 500 individus au moins dans le Cabinda, et qu'ils pourraient certainement y être plus nom- breux.® Les gorilles y seraient rares depuis les années 70. Le Cabinda est situé dans le Bassin du Congo et c'est la région d'Angola abritant la plus importante biodiversité. La pluviométrie moyenne par an est de 850 mm le long de la côte et de 1300 mm (étalée sur 10 mois au moins) dans l'intérieur du pays. Une mangrove borde le fleuve Congo et ses affluents et la plaine côtière est couverte de vastes superficies de forêts marécageuses permanentes parsemées de lacs. On retrouve à l'intérieur du pays, des forêts qui sont spécifiques au biome Guinée-Congo. Les arbres y sont grands, semi-décidus, formant une canopée à quelques 50 m de hauteur Les genres les plus répandus sont les Gilletiodendron, Librevillea, Julbernadia et Tetraberlinia (tous des Leguminosae - Caesalpinioideae). Le sous-bois est clairsemé et, dans plusieurs parties du Cabinda (surtout au sud), il a été remplacé par des plantations de caféiers en faible densité.°* Les plus forts taux de pluviométrie annuelle s'observent dans la forêt de Maiombe qui abrite Les populations de grands singes du Cabinda et s'étend sur Les 2 000 km” de montagnes du nord- est du pays jusqu'en RDC et au Congo. Cette région représente La limite sud des forêts tropicales humides et de la distribution des grands singes en Afrique de l'ouest." MENACES l'Angola abrite l'une des diversités fauniques les plus abondantes d'Afrique bien que très peu connue. Elle a malheureusement sévèrement été affectée par les conflits, et Le Cabinda n'a pas été épargné. Les études sur le terrain n'ont pu être réalisées du fait des conflits mais les données locales qui ont pu être recueillies ont amené le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) à conclure que la chasse et le braconnage sont répandus, tant pour protéger les cultures, que pour la viande de brousse à des fins AFRIQUE : ANGOLA 327 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 328 de subsistance et commerciales, ou encore pour le trafic d'animaux de compagnie. En novembre 2003, un bébé chimpanzé vivant a été vu à Massamba et Le chasseur affirmait que des mâles et femelles adultes avaient été tués.” La consommation de viande de grands singes n'est pas coutumière au Cabinda mais elle se développe maintenant principalement en raison de la présence des soldats qui constituent un marché tout indiqué et de l'influence de La RDC et du Congo voisins, friands de viande de brousse.” Par ailleurs, la forêt de Maiombe continue de se dégrader à un rythme alarmant, à cause principalement de l'exploitation forestière et du braconnage abusifs, tant pour la subsistance que pour le commerce.” Ces observations suggèrent que les populations des deux espèces de grands singes en Angola sont certainement sur le déclin et que leur zone de répartition se rétrécit. LÉGISLATION ET ACTIONS DE CONSERVATION Accords internationaux L'Angola a ratifié La Convention du Patrimoine mondial de l'UNESCO en 1991 (mais ne compte encore aucun Site inscrit sur la liste du Patrimoine mondial}, la Convention des Nations Unies sur la Lutte contre La Désertification (UNCCD] en 1997, La Convention sur la Biodiversité en 1998 [mais n'a encore présenté aucun rapport national sur la mise en œuvre de cette convention, ou élaboré de stratégie et plan d'action nationaux sur la biodiversité], et la Convention cadre des nations Unies sur Les Changements climatiques ([UNFCCC) en 2000. L'Angola n'est pas Partie à la Convention sur le Commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES), la Convention sur les espèces migratoires (CMS), la Convention relative aux zones humides d'importance internationale (Ramsar] où la Convention africaine sur la conservation de la nature et des ressources naturelles. IL est cependant Partie au Protocole d'entente relatif aux mesures de conservation des tortues marines de la côte atlantique de l'Afrique, au Traité de la Communauté de Développement de l'Afrique australe et au Protocole sur les systèmes des cours d'eau partagés dans la Communauté de Développement de l'Afrique australe. Législation nationale La législation faunique de l'Angola date de 1911, avec la création du Fundo de Caca, un fonds au sein duquel étaient déposés les revenus des licences de chasse.” Les premières réglementations sur la chasse ont été approuvées en 1929 et la création des parcs et réserves nationaux a été publiée dans le Regulamento de 1936. La législation sur la conservation des sols, de La faune et de La flore a continué à se développer et en 1955, elle a été renforcée par le décret N° 40040. Cette législation est à La base des réglementations de la chasse (Regulamento de Cacal, publiées pour la première fois en 1957 et fréquemment modifiées depuis lors. La loi interdisant l'exportation d'animaux vivants, dont les singes et les perroquets, est adoptée au début des années 90.°"° L'article 24 de la constitution angolaise charge l'Etat de la protection de l'environnement. Depuis 1998, la conservation de la biodiversité et La gestion des aires protégées sont régies par la Loi fondamentale de l'Environnement (Lei de Bases do Ambiente, N° 5/98). La responsabilité vis à vis de La biodiversité auparavant liée à l'Institut de Développement des Forêts (IDF) au sein du Ministère de l'Agriculture et du Développement rural échoit alors au Ministère de l'Environnement (à partir de 2000 le Ministère des Pêches et de l'environnement et, depuis 2003, le Ministère des Affaires urbaines et de l'Environnement)."” L'assignation des responsabilités reste toujours obscure. L'Institut de Développement des Forêts demeure globalement toujours en charge du secteur forestier. IL est représenté dans toutes les 18 provinces administratives du pays. La Direction nationale de l'Agriculture et des Forêts (DNAF]) assume elle aussi une partie des responsabilités forestières, surtout en ce qui concerne l'élaboration des politiques et l'orientation de celles-ci. Le gouvernement provincial du Cabinda a Le pouvoir extraordinaire d'interdire Le commerce de la faune ou des produits associés venus du Cabinda à l'intérieur de l'Angola ou au-delà de ses frontières." En dépit de tous ces efforts, il apparaît que les lois relatives à la protection de la faune sont rarement appliquées à l'intérieur ou hors des aires protégées et la chasse illégale, le prélèvement des produits forestiers et l'installation de populations dans les aires protégées sont courantes. La faune menacée et Les produits dérivés, dont les bébés chimpanzés et d'autres primates, les perroquets gris du Gabon, La viande de brousse, l'ivoire, etc. sont vendus au vu et au su de tous dans Les marchés de Luanda et à travers l'ensemble du pays. Les aires protégées L'Angola est doté d'un système ancien d'aires protégées. Le premier parc national, Parque Nacional de Caca de lona (Parc National de lona) fut créé par la Réglementation N° 2421 du 2 octobre 1937. Le décret N° 40040 du 20 janvier 1955 présente la première législation complète sur La conservation de la nature dans le pays. Il porte sur tous les aspects de la conservation et de l'utilisation du gibier et prévoit La création de parcs nationaux, de réserves et de zones de chasse contrôlée. IL institue également un Conseil de La conservation de la nature qui a élaboré la réglementation régissant les parcs nationaux. L'affinement de La Législation sur les aires protégées au cours des dernières années a conduit à la définition de nouvelles catégories d'aires protégées qui comprennent maintenant les parcs nationaux (sites remarquables où l'accès du public est autorisé), Les réserves naturelles intégrales (pour une protection totale], les réserves partielles (pour Le prélèvement sous licence uniquement}, les parcs naturels régionaux (pour la protection de la nature) et Les réserve spéciales (pour La protection d'espèces spécifiques).”? Le parc national est défini dans l'article 13 de la réglementation sur la chasse comme une aire soumise à La direction et au contrôle des autorités publiques, vouée à la protection, La conservation et la propagation de la faune sauvage et de [La végétation indigène, et de plus à la conservation d'ordre esthétique, géologique, préhistorique, archéologique ou de tout autre intérêt scientifique, au bénéfice et pour le plaisir du public. La réserve naturelle intégrale, par contre, est destinée à assurer la protection totale de La faune et de La flore sauvages (Article 14). La chasse, l'abattage ou La capture d'animaux, ou la collecte de plantes à des fins autres que scientifiques ou de gestion ayant obtenu l'autorisation du directeur général, sont interdits dans Les réserves partielles (Article 15). Dans les réserves spéciales (Article 16) l'abattage de certaines espèces est interdit, dans le but de soutenir Leur conservation? Enfin, le Diploma Legislativo 88/72 définit un parc naturel régional comme une « aire réservée à la protection et La conservation de la nature où la chasse, la pêche et La collecte ou La destruction des animaux et plantes sauvages, et les activités industrielles, commerciales ou agricoles sont interdites ou conditionnées.? Huntley et Matos (1994]° ont conclu que la guerre civile presque ininterrompue qu'a connu le pays depuis 1974-1975 a eu un impact considérable sur les aires protégées et les efforts de conservation en Angola, en particulier sur les populations de grands mammifères ; même dans les grandes aires protégées. De nombreuses aires protégées sont privées de gardes ; le braconnage, les incursions humaines, l'agriculture et le prélèvement illégal des grumes et de bois de chauffe ont eu une incidence sur les sites situés près des centres d'habitations humaines. La forêt de Maiombe dans Le Cabinda joue un rôle déterminant dans la conservation des grands singes en Angola, pourtant elle n'est guère protégée par La loi ou dans les faits. La seule aire de conservation désignée est La Réserve forestière de Cacongo, créée en 1930 pour les besoins de la foresterie. * Sa superficie était à l'origine de 650 km’, mais plus de la moitié fut coupée en 1962 et une autre réserve forestière (Alto Maiombe] fut déclassée. Birdlife International? a identifié une zone de 400 km” dans Maiombe comme une IBA {Important Bird Area ou Zone d'importance pour la conservation des oiseaux, ZICO), à 04° 40'S 12° 30'E. Elle est située au niveau de la ligne de partage des eaux des fleuves Loémé et Chiloango, au nord nord-est de Buco-Zau, et abrite le plus grand nombre d'espèces d'Angola confinées dans le biome forestier de La zone Guinée-Congo. L'avifaune de cette zone n'a pratiquement jamais été étudiée, mais sa désignation par la communauté de conservation internationale comme une ZICO ne peut que favoriser sa protection intégrale. L'appui des Nations Unies Le PNUD soutient le gouvernement angolais dans sa recherche de stratégies permettant d'assurer de Tamar Ron AFRIQUE : ANGoLA Le club des Amis de La Nature de Ganda-Cango, Angola, dont les membres s'engagent à ne plus manger de viande de brousse. 329 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 330 manière durable la protection de l'environnement ainsi que la gestion des ressources biologiques naturelles.’ Les principaux projets sont les suivants: M L'élaboration d'une stratégie et d'un plan d'action nationaux sur la biodiversité. Ce projet initié en novembre 2004 et financé par le Fonds pour l'Environnement Mondial (FEM) et le PNUD, vise à déterminer le statut de la biodiversité de l'Angola et à documenter les pressions auxquelles cette biodiversité est exposée afin d'identifier les actions prioritaires pour sa conservation et son utilisation durables. Æ L'amélioration de la planification environnementale et de La conservation de La diversité biologique en Angola (projet ANG/02/2005). Mis en œuvre en 2002-2004 par le PNUD avec l'appui de l'Agence Norvégienne pour la Coopération au Développement (NORAD), ce projet vise à renforcer les capacités nationales à protéger l'environnement et vise aussi à gérer les ressources biologiques naturelles, tout particulièrement en matière de planification, de suivi, d'évaluation et de rapport sur l'état de l'environnement du pays et de la mise en œuvre des conventions environnementales internationales. Sur demande du Ministère des Pêches et de l'Environnement, le NORAD a commencé à travailler sur ce sujet dès 2000. Ce projet avait pour but d'améliorer la qualité de vie à long terme de la population angolaise, par une gestion durable des ressources naturelles stratégiquement planifiée. Ce travail a eu pour résultats majeurs la finalisation du plan d'action environnemental national ; l'élaboration et La mise en œuvre des principales composantes communautaires d'une stratégie nationale de conservation de La diversité biologique ; l'initiation d'une étude globale sur l'état de l'environnement en l'Angola ; la création d'une base de données environnementales ; et enfin l'amélioration des capacités des ONG environnementales à entreprendre des activités efficaces de conservation commu- nautaire, de défense de l'environnement et d'éducation. M Faisant suite au projet PNUD/NORAD, le gouvernement de la province du Cabinda a entrepris de financer la poursuite de ces activités. Des plans sont élaborés pour l'étude et La conservation de la forêt de Maiombe et de sa population de grands singes. initiée par le biais d'un processus législatif au nivaux national et provincial, ce projet prévoit La désignation d'une nouvelle aire protégée et un sanctuaire distinct pour La réhabilitation des animaux orphelins, dont Les chimpanzés et Les gorilles. Elle se base sur l'implication des communautés locales dans la recherche de solutions alternatives aux utilisations non durables actuelles des espèces forestières, ainsi que sur l'éducation et les campagnes de sensibilisation. À La demande du Ministère des Pêches et de l'Environnement, le PNUD a soutenu la coordination d'une initiative visant à former un groupe de travail régional en vue de la protection conjointe de La forêt de Maiombe, de sa faune et de sa flore par les trois pays qui se partagent cette zone (Angola, RDC et Congo). Cette initiative, qui se fonde essentiellement sur la participation des communautés locales, a recu l'agrément des trois gouvernements. Les autres efforts de conservation dans la région de Maiombe portent sur un processus de sensibi- lisation et de consultation des communautés résidentes et, au sein des forces armées, sur la création de clubs des « amis de La nature » (amigos da natureza] dont les membres conviennent de ne pas manger de viande de brousse, sauf dans des situations extrêmes mettant en cause leur survie." L'association des pétroliers du Cabinda, présidée par Chevron Texaco, a institué en 2001 Le Protocole de CABGOC avec le gouvernement angolais et apporte un modeste appui à la région forestière de Maiombe. STRATÉGIES DE CONSERVATION FUTURES La loi environnementale n'est quasiment pas appliquée en Angola, de sorte que la principale priorité en matière de conservation des grands singes est de renforcer Les capacités fondamentales d'application des lois et d'éducation au niveau du gouvernement, des organisations non gouverne- mentales et des communautés dans le Cabinda, mais surtout dans et autour de la forêt de Maiombe. Les efforts doivent être axés sur six secteurs environnementaux préoccupants au plan national, parallèlement aux actions menées dans le Cabinda. ILs’agit de La déforestation, de l'appauvrissement des sols, de l'érosion et de la désertification :’ de la dépendance des ménages pauvres vis-à-vis des sources d'énergie traditionnelles ;" de l'épuisement des stocks de poissons ; de la pollution par les industries pétrolières ; de la destruction de la biodiversité; et enfin du mauvais assainissement de l'environnement. La guerre civile a entraîné l'effondrement du système des aires protégées mis en place avant l'indépendance (couvrant 6,5 % du territoire national) et aujourd'hui des écosystèmes uniques risquent d'être détruits et perdus.” Certes, la situation de guerre a quelque peu favorisé la protection des espèces animales et végétales en raison du dépeuplement des zones rurales, mais les très riches ressources génétiques végétales de l'Angola risquent d'être menacées dans un futur proche, par l'introduction à grande échelle de semences commerciales importées dans le cadre du processus post conflit de réhabilitation agricole.“ En ce qui concerne les grands singes, les actions prioritaires résident dans un recensement précis au sein du Cabinda afin d'identifier les populations potentiellement viables. L'éducation, l'application de La loi, la sensibilisation du public et des moyens de subsistance alternatifs sont les conditions de base à une protection durable de la biodiversité dans le Cabinda. L'application effective de la loi est essentielle pour qu'un terme soit mis à la chasse commerciale qui peut s'avérer plus dévastatrice que la chasse de subsistance dans cette région où la consommation de la viande de grand singe n'est pas ancrée dans la tradition. La chasse de subsistance peut être jugulée par l'effet conjugué du développement de solutions alter- natives et des campagnes de sensibilisation. ILexiste plusieurs priorités immédiates,” dont la poursuite d'une vaste campagne de sensibi- lisation des soldats, de la police, des communautés résidentes, et d'autres acteurs au sein des forêts, afin de s'assurer leur coopération dans La protection de la forêt et de La biodiversité. L'état de délabre- ment socioéconomique des communautés locales montre cependant qu'une campagne d'éducation et de sensibilisation seule ne saurait suffire et qu'elle OUVRAGES À CONSULTER doit nécessairement s'accompagner de mesures visant à encourager et à permettre aux populations locales de parvenir à développer des moyens de subsistance alternatifs et durables. Ces actions s'inscrivent dans la droite ligne des objectifs du gouvernement de la province du Cabinda, outre Les aspects relatifs à la responsabilité sociale, à l'amélioration des relations avec les communautés et à leur visibilité. À partir d'août 2005, La direction de l'agri- culture, des pêches et de l'environnement du Cabinda a employé le conseiller à La biodiversité dont le poste fut initialement pris en charge par le PNUD/NORAD. La direction travaille également avec une organisation non gouvernementale environne- mentale provinciale, Gremio ABC. Les priorités résident dans le recrutement d'une unité de gardes forestiers chargés de faire appliquer La loi (fiscais), principalement parmi les communautés résidentes, le développement de quelques moyens de subsis- tance alternatifs et Le développement d'un sentiment d'appropriation et de responsabilité vis à vis de leur environnement, par ces communautés. Il est impératif de former un premier groupe de gardes forestiers qui pourront alors prendre part à la création de l'unité de mise en application des lois et à La formation des unités suivantes. En 2003, il a été convenu que le budget alloué dans Le cadre du projet PNUD/NORAD pour la formation de gardes fores- tiers pouvait être utilisé pour financer une première formation nationale de gardes par la Southern African Wildlife College dans le Parc National de Kissama. Six étudiants du Cabinda devaient y participer. Enfin, une initiative de conservation trans- frontalière doit être adoptée en vue de la protection de La forêt de Maiombe pour réagir au prélèvement et au trafic illégal transnational de La faune, du bois et de ses produits dérivés. Les trois pays concernés, à savoir l'Angola, le Congo et la RDC, devront y participer. Le PNUD a soumis une proposition visant l'élaboration d'une telle initiative qui a été transmise aux communautés internationales de scientifiques et de donateurs." FAO (2001) Forestry Outlook Studies for Africa (FOSA) - Angola Country Study. FOSA Working Paper - FOSA/WP/02. FAO, Rome. ftp://ftp.fao.org/docrep/fao/003/X6772E/X6772E00.pdf. Accessed May 19 2005. Huntley, B.J., ed. (1994) Botanical Diversity in Southern Africa. National Botanical Institute, Pretoria. IUCN (1992) Angola: Environmental Status Quo Assessment Report - Executive Summary. IUCN Regional Office for Southern Africa, Harare. AFRIQUE : ANGOLA 331 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 332 IUCN (1992) Peace in Angola. /UCN Bulletin 23. Ministry of Fisheries and Environment (2002) Report to the Committee for the Review of the Implementation of the Convention to Combat Desertification. Luanda. http://www.unccd.int/cop/reports/africa/national/2002/angola- eng.pdf. Accessed May 19 2005. SOURCES DE DONNÉES CARTOGRAPHIQUES Carte 16.1 Données sur Les grands singes tirées des sources suivantes: Butynski, T.M. (2001) Africa's great apes. In: Beck, B.B., Stoinski, T.S., Hutchins, M., Maple, TL, Norton, B., Rowan, À, Stevens, E.F.,, Arluke, A., eds, Great Apes and Humans: The Ethics of Coexistence. Smithsonian Institution Press, Washington, DC. pp. 3-56. Avec des données supplémentaires fournies par communication personnelle de Ron, T. (2003). Pour les données sur les aires protégées. voir Comment utiliser les cartes’ REMERCIEMENTS Je tiens à remercier Tamar Ron (UNDP] pour sa contribution à La rédaction du présent profil de pays et pour les informations sur la forêt de Maiombe. AUTEUR Gemma Smith, UNEP World Conservation Monitoring Centre RÉPUBLIQUE DU BURUNDI GEMMA SMITH HISTORIQUE ET ÉCONOMIE Située en Afrique centrale, la République du Burundi est un petit pays au relief abrupt qui s'élève sur la rive est du Lac Tanganyika. Sa superficie est de 25 650 km’, ou 27 834 km’ si on y inclut La partie burundaise du Lac. L'altitude ne descend en dessous de 1 000 m que le long de berges du Lac (773 mJ. Une chaîne de montagnes, la dorsale Congo-Nil, culminant à 2670 m s'étend du nord au sud Le long de La frontière occidentale, formant ainsi les terres les plus hautes du pays. Le relief du pays est formé pour l'essentiel de plateaux et de terrains ondulés. Le Burundi est entouré au nord par le Rwanda, au sud et à l'est par La République Unie de Tanzanie et à l'ouest par la République Démo- cratique du Congo (RDC). La population du Burundi a été estimée en 2004 à 6,2 millions d'habitants,” avec une densité qui atteint 300 personnes au kilomètre carré dans certaines régions." ?" Le taux de croissance démographique est de 1,9% par an. Le pays compte trois principaux groupes ethniques : Les Hutus (plus de 83 %), Les Tutsis (moins de 15 %) et Les Twas (1 %)].'° Près de 52 % des personnes âgées de plus de 15 ans sont alphabétisées.? La situation économique du Burundi a fluctué au cours des dernières années du fait des troubles politiques et des conflits. En 2002, le produit intérieur brut (PIB) était de 719 millions USD et Le revenu national brut par habitant (RNB) de 110 USD. L'agriculture de subsistance à laquelle participe 90 % de la population représente Le pivot de l'économie du pays.*"7! Le café est La principale culture d'exportation du Burundi, alors que les aliments de base sont le manioc, La banane, Le maïs, le sorgho et le haricot. Le bétail abonde et des pressions liées au paturage s'observent dans de nombreux sites, entraînant une érosion des sols dévastatrice dans cette zone sujette à de fortes pluies.” La topographie variée, le sol et le climat favorisent une végétation luxuriante.!' La végétation naturelle est surtout formée d'une mosaïque de forêt sempervirente typique d'Afrique de l'est, de savanes arborées secondaires avec d'abondants Acacia (Leguminosae-Mimosaceae), et de vastes régions de végétation afro-montagneuse vers l'ouest. Le long de la frontière sud-est s'étend une forêt de type Miombo à dominance de Brachystegia et de Julbernadia [tous des Leguminosae- AFRIQUE : BURUNDI Carte 16.2 Répartition des chimpanzés au Burundi Références bibliographiques à la fin de ce chapitre Lac Rwertt RWANDA Lac Cohoha Sud D PN de Kibira Muyinga Ngozi BURUNDI Cankuzo [1 Muramvya = Bujumbura : RTE m À REPUBLIQUE UNIE po) : 4 4 : s c ‘ ï ï _e b f mn : 1 Y 4. “ à DE TANZANIE REPUBLIQUE — RNF de Bururi DEMOCRATIQUE el DU CONGO 45 5: RF de Rumonge — “#1 PP de Mukungu- Espèce Ÿ Rukamabasi Chimpanzé oriental observé en 1996-2003 À Chimpanzé oriental observé après 1983 Chimpanzé oriental observé avant 1983 Chimpanzé oriental disparu localement vers 1940 Gorille oriental de plaine Aire de répartition estimée HT x Chimpanzé oriental Gorille oriental de plaine V 4 PPdeMabanda/ | >. Nyanza-Lake 7 \ ” 333 Caesalpinioideae], avec des petites parcelles de forêts tropicales humides de transition au nord- ouest. La végétation naturelle a été considérable- ment dégradée par le paturage et l'agriculture. Avant les conflits des années 90, les forêts naturelles et plantées du Burundi couvraient une superficie totale de plus de 2000 km’, soit 8% environ du pays.’ En 2000, Le couvert forestier ne s'étendait plus que sur 940 km’, soit 3,7 % de la superficie totale du pays. Les forêts sont soumises à une pression intense due à l'exploitation légale et illégale du bois, accélérant dramatiquement la déforestation.” Le Burundi obtient son indépendance de la Belgique en juillet 1962. Depuis. cette date, des tensions ont toujours existé entre la minorité Tutsie, qui exerçait généralement le pouvoir, et la majorité Hutue ; le Burundi a été Le théâtre d'un des conflits les plus difficiles à résoudre en Afrique. Les premières élections démocratiques ont été organisées en 1993 et les Burundais ont, à cette occasion, porté pour la première fois un Hutu, Melchior Ndadaye, à la tête du pays. Le parlement était également dominé par Le Front Hutu pour la démocratie au Burundi (Frodebu). Quelques mois plus tard, Ndadaye était assassiné, ce qui a ouvert La voie à des années de violence opposant les Tutsis aux Hutus et qui a entraîné la mort de 300 000 personnes. Après 10 ans de conflit, Domitien Ndayizeye, un Hutu, succède en avril 2003 à Pierre Buyoya, un Tutsi, à La tête du Burundi dans Le cadre d'un gouvernement d'union nationale transitoire de trois années. RÉPARTITION DES GRANDS SINGES Le chimpanzé de l'est (Pan troglodytes schwein- furthii) est Le seul grand singe présent au Burundi. On sait très peu de choses sur les chimpanzés du Burundi, mais 300 à 400 individus y vivraient. Des études menées en 1987 ont révélé la présence de deux petites populations : 200 à 250 individus dans le Parc National de Kibira et 30 à 50 individus dans les réserves de Rumonge et de Bururi."*"* En 1992, d'autres estimations, basées sur les études de Trenchard'*, ont été réalisées sur Les populations de la Réserve forestière de Vyanda et les aires protégées de Mabanda/Nyanza-Lake et Mukungu- Rukamabasi (voir Tableau 16.1). La plupart des chimpanzés du Burundi vivent dans le Parc National de Kibira qui s'étend sur 403 km? environ à une altitude de 1 600 à 2 666 m dans le nord-ouest du pays. Ce parc s'étire Le long de La 334 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION chaîne montagneuse de la dorsale Congo-Nil et est contigu à la forêt de Nyungwe au Rwanda, formant un bloc de forêt montagneuse de 1300 km” environ. Les chimpanzés sont présents dans chacun des secteurs majeurs du parc Plusieurs autres espèces de primates y sont également présentes, dont le cercopithèque de l'Hoest, une espèce menacée (Cercopithecus l'hoestil. En ce qui concerne les arbres, les principales essences sont Le Newtonia buchananii, l'Albizia gummifera (des Leguminosae toutes les deux) et l'Entandrophragma excelsum (Meliaceae).” Des plantes herbacées et des arbres recouvrent les sols rocheux jusqu'à 2300 m d'altitude, alors que des bambous poussent entre 1 900 et 2 300 m d'altitude. Certains arbres atteignent 50 m de hauteur. On estime que 16% de la surface du parc est constituée de forêt primaire sempervirente, essentiellement montagneuse.” Depuis la crise de 1993 cependant, d'importants dégâts ont été enregistrés en raison des déprédations incontrôlées perpétrées par Les gangs armés et du fait également des feux de brousse, de l'exploitation illégale du bois, du défrichement à des fins agricoles, du lavage du sable aurifère à la batée, du braconnage, du ramassage des plantes médicinales et de la production de charbon de bois.’ La Réserve naturelle de la forêt de Bururi, d'une superficie de 33 km” se trouve dans le sud- ouest du Burundi, à l'ouest de La ville de Bururi, à une altitude variant entre 1900 et 2307 m. Elle est couverte sur 16 km’ d'une forêt semi-sempervirente et on y enregistre des précipitations annuelles moyennes de 1200 à 2400 mm. Malgré sa petitesse, 93 essences arborées y ont été répertoriées, avec une dominance de Myrianthus (Cecropiaceae] et de Strombosia (Olacaceae). Les genres Newtonia (Leguminosae), Tabernaemontana (Apocynaceae) et d'Entandrophragma sont également répandus." La Réserve forestière de Vyanda se trouve non loin de là et abrite des forêts de type Miombo, une flore zambézienne, une végétation de savane plus aride typique d'Afrique de l'est ainsi que des forêts tropicales humides sempervirentes de plaine, répandues en RDC.’ La Réserve forestière de Rumonge, couvrant 6 km? environ, se trouve, elle aussi, dans l'ouest du Burundi, à 850 m d'altitude. Une forêt uniforme de Brachystegia y prédomine. Les autres espèces de primates présentes dans la réserve sont le babouin olive (Papio anubis] et les vervets (Chlorocebus aethiops]. Les aires protégées de Mabanda/Nyanza-Lake et de Mukungu-Rukamabasi d'une superficie totale de 85 km’ environ, se situent au sud du pays, entre 900 et 1600 m d'altitude. La végétation naturelle couvre près de 37 km’ et est constituée d'une forêt à dominance de Brachystegia, de savane, de savanes arborées, de forêts galeries sub-montagneuses et de savane. La faune de ces aires protégées n'a pas encore été étudiée, mais on y trouve notamment des babouins olives et des oryctéropes (Orycteropus afen° MENACES Les chimpanzés sont vulnérables à la chasse, à l'exploitation forestière, au défrichement de la forêt et on suppose que leur nombre est en déclin, bien qu'on ne sache pas à quel rythme s'effectue ce déclin. La guerre et Les conflits civils ont par ailleurs exacerbé les impacts de la destruction des habitats.“ Les forêts de montagne du Parc National de Kibira ont été converties en terres agricoles et dégradées au cours des années 90” La fragmentation des habitats affecte tout particulière- ment les chimpanzés de Rumonge, Vyanda et Mabanda/Nyanza-Lake, qui doivent se déplacer maintenant d'un petit bloc forestier à un autre. En cours de route, ils entrent en contact étroit avec Les hommes et sont parfois tués.° LÉGISLATION ET ACTIONS DE CONSERVATION Accords internationaux Le Burundi a signé La Convention sur la Diversité Biologique en 1992 ; celle-ci est entrée en vigueur en 1993 et a été ratifiée en 1997. Deux rapports nationaux sur la mise en œuvre de la convention ont été produits, une stratégie et un plan d'action nationaux sur la biodiversité élaborés.!? La Convention des Nations Unies sur la lutte contre La Désertification et La Convention cadre des Nations Unies sur Les Changements climatiques ont toutes les deux été signées et ratifiées (en 1997). Le Burundi a adhéré en 1988 à la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES), et a ratifié La Convention sur les zones humides d'importance internationale (Ramsar]) en 2002. Le Burundi a ratifié La Convention du Patrimoine Mondial de l'UNESCO {le 19 mai 1982] et participe au Programme sur l'Homme et la Biosphère (MAB] de l'UNESCO, même si pour l'heure, il n'a encore désigné aucun site MAB, ni inscrit de zones sur la Liste du Patrimoine Mondial de l'UNESCO. IL n'est pas Partie à La Convention sur les Espèces migratrices (CMS), en dépit de la présence sur son territoire de plusieurs espèces citées par la convention. Parmi les autres traités et accords régionaux sur la biodiversité signés par Le Burundi figure la Convention africaine sur la Conservation de la nature et des ressources naturelles. Législation nationale L'institut National pour l'Environnement et la Conservation de la Nature (INECN), créé en 1980, est chargé de la gestion des parcs nationaux, des réserves naturelles et des monuments naturels. Placé sous La tutelle du Ministère de l'Aménagement du Territoire de l'Environnement et du Tourisme, il est également chargé d'organiser et de mener des évaluations de la biodiversité et des actions de conservation, d'organiser des activités d'éducation publique et de sensibilisation à la conservation, de proposer la création de nouvelles aires protégées, et de s'assurer que les sites touristiques sont utilisés de manière durable.” L'INECN est aussi l'autorité scientifique et de gestion de la CITES pour le Burundi. IL n'existe aucune Loi nationale qui protège spécifiquement Les chimpanzés, même si l'exportation des primates est illégale.“ Puisque Les chimpanzés seraient confinés dans les aires protégées, on présume donc que les populations actuelles sont suffisamment protégées de la chasse par la législation en vigueur sur les aires protégées. La réglementation de 1971 sur la chasse et les mesures de protection de certaines espèces animales compte 12 articles relatifs aux droits de chasse, aux permis spéciaux requis pour la chasse, Tableau 16.1 Populations estimées des chimpanzés au Burundi, 1992 Parc, réserve Végétation AFRIQUE : BURUNDI Superficie (km) Nombre de 8,10 chimpanzés Parc National de Kibira Réserve naturelle de la forêt de Bururi Forêt de montagne 33 30 - 50 Forêt de montagne 403 200 - 250 Réserve forestière de Rumonge Forêt de type Miombo 0-15 Réserve forestière de Vyanda Forêt de type Miombo 50 - 68 Aires protégées de Mabanda/ Nyanza-Lake et de Mukungu-Rukamabasi Forêt galerie 5 - 20 Total 305-403 335 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION L'impact de l'exploitation aurifère à Mabayi, près de La frontière du Rwanda. 336 Geoffroy Citegetse aux méthodes de chasse interdites et à La liste des espèces protégées. Les autres lois nationales relatives à la conservation sont présentées ci- dessous.“ "* M Loi N° 1/06 (1980). Elle prévoit La création de parcs nationaux et de réserves naturelles dans lesquelles la chasse et l'occupation des zones protégées sont interdites, de même que l'exploitation des terres dans un rayon de 1 km autour des frontières des parcs et réserves. M Loi N° 1/02 (1985). Ce Code forestier qui prévoit La création de forêts de protection, de réserves forestières et de zones de reboisement, relève du Service des forêts et vise la protection des sols et La conservation des espèces animales et végétales menacées dans les réserves forestières et Les forêts. Æ Loi N° 10 (2000) Ce Code de l'environnement est la principale législation burundaise qui permet la gestion et la protection de l'environnement comme partie intégrante de La Stratégie nationale de l'Environnement du Burundi. Fort de 163 articles, Le code embrasse les responsabilités administratives, les procédures d'étude d'impact environnemental, la protection et le développement des ressources naturelles dont la biodiversité, l'environnement humain et le patrimoine culturel, La lutte contre toutes les formes de pollution, ainsi que les dispositions relatives aux sanctions. Æ Le Décret N° 100/007 (2000) délimite le Parc National de Kibira, Le Parc National de Rusiki et quatre réserves forestières naturelles (Bururi, Rumonge, Vyanda et Kigwena), et définit leurs objectifs de gestion et le mode de protection et de conservation de la flore à l'intérieur de ces sites. Les aires protégées sont aussi évoquées, mais n'ont pas encore été délimitées.? Les aires protégées Le Burundi est l'un des rares pays africains qui ne s'est pas doté d'un système d'aires protégées pendant l'époque coloniale et il a fallu attendre 1980 pour qu'une législation sur Les zones protégées soit officiellement adoptée. IL existe à l'heure actuelle quatre types de zones protégées nationales au Burundi : Les parcs nationaux, les réserves naturelles, les monuments naturels et les aires protégées." Quatorze zones protégées nationales ont été désignées : les parcs nationaux (deux), les réserves naturelles (sept), Les monuments naturels [un] et les aires protégées (quatre). Toutes ces zones s'étendent sur une superficie totale de 1277 km’, soit 4,6 % du territoire national.® 1? Jusqu'alors le Burundi a désigné une seule zone internationale protégée, un site Ramsar, désigné en 2002 et s'étendant sur 10 km” Le long des berges du Lac Tanganyika. Les projets de conservation En 1992, lINECN a, en collaboration avec l'Institut Jane Goodall (JGI), initié le Projet concernant les chimpanzés de Kibira, auquel la guerre est venue mettre un terme. En 2002, le WWF (Organisation mondiale de protection de l'environnement] a commencé à soutenir les activités au sein du Parc National de Kibira, ayant pour objectif d'éviter le défrichement et la destruction de La zone avec le retour du pays à la paix. Ce travail de collaboration est mené par Le biais du projet écorégional du WWF pour les forêts du Rift Albertine en association avec les autorités des parcs du Burundi et de deux ONG locales : l'Association Burundaise pour la Protection des Oiseaux (ABO)] et l'Organisation pour La Défense de l'Environnement au Burundi (ODEB). Le projet est financé par la fondation MacArthur. IL permet La formation des responsables des parcs dans le but d'améliorer la gestion des ressources naturelles, et vise à responsabiliser et à impliquer les communautés locales dans les activités de conservation, tout en recherchant et en promouvant des sources alternatives de revenus ou de bénéfices? Récemment, l'ABO et d'autres ONG environnementales ainsi que les médias du Burundi ont organisé des campagnes de sensibilisation afin de démontrer aux utilisateurs des forêts, les bénéfices économiques et écologiques qu'elles offrent sur le Long terme. Le projet soutient et renforce les efforts de l'Association d'Encadrement, de Production et de Vulgarisation (AEPV-DUFASHANYE] qui aide les populations locales affectées par la guerre. Pour ce faire, il encourage les activités génératrices de revenus, appuie la foresterie et les petites plantations autour des parcs et sensibilise les populations et les autorités administratives et militaires sur le concept des « Parcs pour la Paix », afin de transformer ce parc en un site qui sera respecté par tous, même en périodes de conflit.’ L'UICN - Union mondiale pour la nature - et Le gouvernement burundais ont finalisé la phase d'orientation du projet « Parcs pour la Paix », qui comprend le Parc National de Kibira au Burundi, Le Parc National des Virunga en RDC et le Parc National des Volcans au Rwanda. L'initiative vise à résoudre les conflits et leurs impacts sur les aires protégées, par le renforcement des partenariats et des concertations à l'échelle nationale et locale, et vise également à fournir des formations et de l'assistance pour les activités de recherche. L'objectif est de réduire les conflits, la menace du braconnage, de l'exploitation forestière, et de l'extraction minière et autres utilisations destructrices des aires protégées. La Wildlife Conservation Society [(WCS) est également active dans la région par le biais de son Programme du Rift Albertine.” Le Burundi ne possède aucun sanctuaire ni centre de réintroduction, particulièrement à cause de la situation politique relativement instable qui, en 1994, a poussé l'Institut Jane Goodall à requérir des gouvernements burundais et kenyan l'autorisation OUVRAGES À CONSULTER de transférer les 20 chimpanzés de son centre de réhabilitation de Bujumbura du Burundi vers le Kenya. Ces orphelins provenaient pour la plupart de la RDC. STRATÉGIES DE CONSERVATION FUTURES Le statut des parcs nationaux et des réserves forestières du Burundi doit impérativement être évalué, au vu surtout de l'isolement croissant des populations de chimpanzés de l'est, sous-espèce devenue particulièrement vulnérable. IL sera peut- être nécessaire d'envisager la création de nouvelles aires protégées. L'amélioration de la gouvernance environnementale est également cruciale. Bien que de nouvelles lois sur l'environnement et sur la biodiversité aient été élaborées, il faudra probablement renforcer les capacités de leur mise en application, de même qu'il sera nécessaire d'effectuer des contrôles stricts sur l'empiètement des activités humaines au sein des aires protégées, sur le braconnage et sur Le prélèvement du bois. Parallèlement à des évaluations plus générales de la biodiversité, il est indispensable de mener des études dans les zones protégées où la présence des chimpanzés a été signalée, afin de déterminer avec certitude si l'espèce est présente et de quelle taille sont Les populations. ILest essentiel de poursuivre la sensibilisation sur l'environnement et sur sa dégradation actuelle. Quelques associations nationales Le font déjà, mais des efforts supplémentaires doivent être entrepris. Les efforts constructifs des ONG internationales (telles que le WWF et WCS] doivent se poursuivre et les actions et leurs impacts doivent faire l'objet d'un suivi. Habonimana, A. (2003) The Magnificent Kibira Park Turned into a Land of Devastation. Submitted to the UN Convention on Desertification. www.unccd.int/publicinfo/localcommunities/burundi-eng.pdf. Accessed September 27 2004. Powzyk, J. (1988) Tracking Wild Chimpanzees in Kibira National Park. Lothrop, Lee and Shepard, New York. SOURCES DE DONNÉES CARTOGRAPHIQUES Carte 16.2 Les données sur Les grands singes sont tirées des sources suivantes: Butynski, T.M. (2001) Africa's great apes. In: Beck, B.B., Stoinski, T.S., Hutchins, M., Maple, T.L., Norton, B., Rowan, À. Stevens, E.F., Arluke, À. eds, Great Apes and Humans: The Ethics of Coexistence. Smithsonian Institution Press, Washington, DC. pp. 3-56. Avec des données supplémentaires fournies par : INECN (1992) Projet Chimpanzés de la Kibira - Jane Goodall Chimpanzees, Conservation and Research Project. Proposal submitted to the Jane Goodall Institute. AFRIQUE : BURUNDI 337 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 338 MINISTERE (2004) Rwanda's National Great Apes Survival Plan 2004-2009. Final draft. Ministry of Lands, Environment, Forestry, Water, and Natural Resources, Republic of Rwanda. Pour Les données sur les aires protégées. voir Comment utiliser les cartes’ REMERCIEMENTS Je tiens à adresser mes sincères remerciements à Geoffroy Citegetse ([ABO), Adrien Habonimana (ABO]), Jean Rushemeza (INECN)] pour leurs contributions à La rédaction du présent chapitre, ainsi qu'au relecteur ayant requis l'anonymat. Merci également à Brigid Barry (Tropical Biology Association] pour son assistance à La rédaction. AUTEUR Gemma Smith, UNEP World Conservation Monitoring Centre RÉPUBLIQUE DU CAMEROUN PATRICE TaAH NGALLA, LERA MILES, ET JULIAN CALDECOTT HISTOIRE ET ÉCONOMIE La République du Cameroun est située en Afrique centrale dans le golfe de Guinée. Elle est bordée à l'ouest par le Nigéria, au nord par Le Tchad, à l'est par la République Centrafricaine (RCA) et au sud par le Congo, le Gabon et la Guinée-Équatoriale. Le Cameroun couvre une superficie d'environ 475 440 km? et comprend un massif forestier au sud du pays, une plaine côtière au sud-ouest, des savanes boisées et humides dans les hauts plateaux à l'ouest et au centre, une plaine marécageuse saisonnière autour du lac Tchad dans son extrémité nord-ouest (à présent quelque peu desséchée] ainsi que la chaîne montagneuse boisée du mont Cameroun dans le sud-ouest . En 2003, la population du Cameroun était estimée à 15,7 millions d'habitants avec un taux d'accroissement annuel d'environ 2 %.° Près de la moitié de cette population est regroupée dans les villes telles que Douala et Yaoundé, avec une concentration des populations rurales au sud et au centre du pays. En 2002, le produit national brut {PNB} était de 560 USD par personne tandis que le produit intérieur brut (PIB) du pays s'élevait à 9,4 milliards USD*® dont 9% issus des produits ligneux."* L'économie est fortement tributaire des exportations de pétrole, de bois et de cacao; les principales industries nationales sont celles de l'exploitation forestière et du textile. L'actuelle République du Cameroun a été fondée en 1961 par la réunification de l'ancien Cameroun sous mandat français et de la partie sud- ouest anglophone qui était alors administrée par La Couronne Britannique (cette région faisait autrefois partie de la grande colonie allemande du Kamerun jusqu'à la défaite allemande à la première guerre mondiale]. Comparativement aux autres pays de cette région, le Cameroun jouit d'une relative stabilité (si l'on excepte le conflit frontalier de La péninsule de Bakassi qui l'oppose au Nigéria depuis 1992] propice au développement constant des infrastructures, de l'agriculture et des industries du pétrole et du bois. RÉPARTITION DES GRANDS SINGES Apercu Le gorille de plaine de l'ouest (Gorilla gorilla gorilla), le gorille de Cross River (G.g. diehli, le chimpanzé d'Afrique centrale (Pan troglodytes troglodytes]|, et le chimpanzé du Nigéria-Cameroun (P.t. vellerosus) sont présents au Cameroun. Cette diversité résulte du caractère biogéographique unique et transitionnel de la région Cross-Sanaga du sud- ouest Cameroun et du sud-est Nigéria. Cette région abrite le chimpanzé du Nigéria-Cameroun et le gorille de Cross River ainsi que d’autres primates à aire de répartition limitée comme Le drill (Mandrillus leucophaeus]. Le gorille de plaine de l'ouest et le chimpanzé d'Afrique centrale sont répandus au sud du fleuve Sanaga (Carte 16.3al]. Le gorille de plaine de l'ouest Selon les plus récentes estimations, 15 000 gorilles de plaine de l'ouest vivent au Cameroun.” Quelque 10 000 d'entre eux habiteraient dans un triangle de zones protégées de part et d'autre des frontières communes du Cameroun (Parc National du lac Lobéké], de la RCA (Parc National de Dzangha- Ndoki] et du Congo (Parc National de Nouabalé- Ndoki] ; les trois parcs nationaux constituent ce qu'on appelle la Trinationale de la Sangha dont la superficie de la zone centrale est d'environ 7 300 km’ et comprend de plus des zones tampon couvrant 21 000 km’.* Ils sont également présents dans le Parc National de Campo-Ma'an dans l'Unité d'aménagement forestière 003, dans le sanctuaire de gorilles de Mengamé, dans la Réserve de faune de Dja (désignée Réserve de biosphère et Site du patrimoine mondial de l'UNESCO), dans la réserve forestière d'Abong-Mbang, dans la Réserve de Deng Deng, dans une petite formation forestière non loin de Naga Eboko, ainsi que dans l'Unité technique opérationnelle qui couvre la majeure partie de La province de l'Est de l'axe Lomié-Batouri jusqu'aux frontières avec Le Congo et La RCA“? Les gorilles seraient rares et auraient même disparu dans la Réserve de faune d'Edéa.“ Une enquête menée en 2002-2003 dans le sanctuaire de gorilles de Mengamé a révélé une plus grande population de grands singes, contrairement à ce que l'on pensait, à savoir 1200 gorilles de plaine de l'ouest et 200 chimpanzés d'Afrique centrale. Leur densité devenait plus importante au fur et à mesure que l'on s'éloignait des villages et des autres habitations. "”* Le gorille de Cross-River Au Cameroun, le gorille de Cross River est confiné dans la réserve forestière de Takamanda, dans la réserve forestière de Mone, dans la forêt commu- nautaire des monts Mbulu ainsi que dans d'autres zones de hauts plateaux forestiers à l'est et au sud de ces réserves forestières,“ ainsi que dans les forêts adjacentes au Nigéria. IL s'agit des populations de gorilles Les plus nordiques et occidentales de la zone de répartition de l'espèce, séparées ensuite par une bande de 200 km de l'aire des gorilles de plaine de l'ouest. Leur aire de répartition au Cameroun et au Nigéria se limite à 200 km dans des zones de forêts fragmentées très isolées s'étalant sur une superficie totale d'au moins 2 500 km”. IL y aurait entre 205-250 gorilles de Cross River adultes et adolescents dont 150 environ vivraient au Cameroun.“ Les scientifiques émettent l'hypothèse que leur population serait plus importante, des recensements complémentaires sont en cours. Pour plus de détails, se reporter au Chapitre 7 du présent ouvrage. Une petite population de gorilles au nord du fleuve Sanaga est également présente dans la forêt d'Ebo (qui a été proposé pour devenir un parc national}, mais ces gorilles s'avèrent menacés de disparition.” Le statut taxonomique de cette population est inconnu ; les dimensions du seul crâne disponible - celui d'un mâle - donnent des résultats ambigus. L'analyse génétique des échantillons fécaux frais ou des poils (bien que leurs niveaux normaux d'ADN ainsi obtenus soient plus faibles) pourra permettre de connaitre le statut taxonomique de ces gorilles d'Ebo.“ Le chimpanzé du Nigéria-Cameroun Le chimpanzé du Nigéria-Cameroun cohabite avec le gorille de Cross River; mais sa répartition s'étend également vers Le sud-ouest du Cameroun. En plus des zones mentionnées ci-dessus, son aire de répartition comprend le Parc National de Korup, le sanctuaire de faune de Banyang Mbo, la réserve forestière des collines Rumpi (également une réserve de faune proposée), La réserve forestière des monts Bakossi (proposée), le Parc National des mont Koupé et mont Manengouba (proposé), et aussi certaines zones au nord de la réserve forestière de Takamanda.““*“ Les données sur les populations sont limitées mais selon un atelier organisé en 2005 à Brazzaville le pays abriterait environ 3380 chimpanzés du Nigéria-Cameroun. Les populations les plus nombreuses se trouveraient à Korup, à Takamanda et à Ebo- Ndokbou. Le chimpanzé d'Afrique centrale Les chimpanzés d'Afrique centrale sont présents au Cameroun dans la même aire de répartition que les gorilles de plaine de l'ouest, à savoir les forêts humides du sud. En 2001, la population totale des chimpanzés du Cameroun était estimée à environ 35 000 individus, ce qui signifierait, si l'on s'en tient aux chiffres énoncés plus haut, que le pays abriterait au moins 30 000 chimpanzés d'Afrique centrale.” Ils sont présents dans les aires protégées telles que le Parc National de Campo Ma'an, le Parc National du lac Lokébé, la réserve de faune de Dja, La réserve de AFRIQUE: CAMEROUN 339 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Carte 16.3ba Répartition des chimpanzés au Cameroun Références bibliographiques à la fin de ce chapitre Espèce Aire de répartition estimée # Chimpanzé central observé en 1996-2003 Tr Chimpanzé central = Lac © Chimpanzé central observé après 1983 ST? Chimpanzé du Nigeria-Cameroun XTchad = Chimpanzé central observé avant 1983 e Chimpanzé central:présence supposée Chimpanzé du Nigeria-Cameroun observé en 1996-2003 Chimpanzé du Nigeria-Cameroun observé après 1983 Chimpanzé du Nigeria-Cameroun observé avant 1983 5 AT A ENT RE a > SL nr TCHAD NIGERIA RF de Rfa de Kimbi MPambe RF de Fungom Forêt communautaire du Mont Kilum-ljim RF de gun Takamanda x RE L : e.) er FA ‘ 6°N RF d'Ejagham Œ , ‘ PN de Korup x RF des Mts Rumpi MONTS BAKOSSI ÿ si REI de Mont Kupé ae POCTAR 7 L'ALT SES È RCE en Der 4N nn 22 à : Se Rfa de DKO \ OO fe GUINEE EQUATORIALE £ Golfe de Guinée k e à e Q ot A . à T'inationale de la 1 Mr TP * = =" Sangha (PN RF des Boucles du Ntem PT A) ÿ — F e SE" CARE \a du Lac Lobéké) et — 1 RC RL ET; ; M ? _ …% 59 Y GUINEE | en ne ÉQUATORIALE SE ONEN ; © e 1 I Ï - À XŸ ŸE 340 faune de Douala-Edéa, Le Parc National et La réserve de faune de Boumba-Bek, le Parc National de Nki, et le sanctuaire à gorilles de Mengamé."”* Leur densité démographique varie selon Le type d'habitat et est particulièrement élevée dans La région de Dja {voir Tableau 16.2]. MENACES La chasse et l'exploitation forestière” constituent Les principales menaces qui pèsent sur les grands singes au Cameroun. En 2000, la moitié de la superficie du Cameroun, soit près de 238 580 km’, était couverte de forêt avec un recul du couvert forestier estimé à 2220 km’ par an.” De vastes étendues de forêts ont disparu suite à la culture itinérante sur brûlis, la création de plantations et Les feux de brousse, ou bien ont été également dégradés suite à la coupe du bois de chauffe et à l'exploitation forestière commerciale sélective. Dans la province du sud, par exemple, l'ensemble des concessions forestières de 1959 à 1999 couvrait 76% de la superficie forestière totale.“* Par ailleurs, des coupes illégales sont pratiquées par certaines sociétés, sur des zones plus larges que Les concessions forestières attribuées. L'exploitation forestière engendre la fragmen- tation des massifs forestiers, facilite l'accès aux chasseurs qui utilisent des pièges (collets) et des armes à feu,“ et fait accroître La demande locale en viande de brousse. Les pistes forestières servent également de circuit de transport de cette viande de brousse jusqu'aux marchés urbains.'* La viande de brousse constitue à la fois une source de revenus pour les chasseurs et une source de protéines animales bon marché pour Les populations urbaines et rurales, dans la mesure où elle est souvent moins chère que la viande de bœuf dans de nombreuses localités.” La chasse et l'empiètement sont des menaces bien connues de nombreuses réserves au Cameroun.“ Certaines données font état d'un grand recul de La population de gorilles de Cross River dû au braconnage.” La forêt de Kilum-ljim dans la province du Nord-ouest du Cameroun a vu ainsi disparaître sa population de chimpanzés entre 1987 et 1998. Dans la réserve de Dja environ 44 gorilles* et plus de 50 chimpanzés” seraient tués chaque année. Cette réserve subit par ailleurs une pression de l'exploitation forestière marquée par une intense activité dans les concessions riveraines de la réserve, bien que, sur un plan purement technique, il s'agisse d'une zone tampon normalement protégée.°’#11 D'autres grandes exploitations dans les zones forestières renforcent également la chasse et le marché local de la viande de brousse. Pendant la construction de l'oléoduc Cameroun-Tchad en 2001- 2003, par exemple, la société pétrolière ESSO a signalé à plusieurs reprises l'achat de la viande de brousse par ses ouvriers, découverte faite dans le cadre des efforts visant à faire respecter les normes environnementales.”? IL résulte de tous ces facteurs une diminution constante des populations de grands singes au Cameroun. LÉGISLATION ET ACTIVITÉS DE CONSERVATION Législation nationale La Loi n° 94/01 de 1994 porte sur la réglementation vis-à-vis des forêts, de la faune et de la pêche, et inclue les gorilles et les chimpanzés comme espèces faisant partie des espèces de La classe À qui sont intégralement protégées et dont La chasse, la capture où le commerce de l'animal ou de parties de l'animal sont totalement interdits. Les aires protégées telles que les parcs nationaux et réserves de faune peuvent être créés à l'initiative de la Direction de la faune et des aires protégées (DFAP) du ministère de l'Environnement et des forêts (MINEF] qui est également chargé de La protection de la biodiversité du pays en général. L'article 7 du « document des normes » prévoit une zone tampon de protection autour de l'aire protégée afin de la mettre à l'abri de la chasse et autres activités qui pourraient dégrader la forêt et sa biodiversité. Par ailleurs, les chasseurs sont astreints au paiement de taxes et à l'obtention de titres de chasse, dans le Tableau 16.2 Densité des populations de chimpanzés d'Afrique centrale au Cameroun Réserve AFRIQUE: CAMEROUN individus sevrés par km’ Réserve de faune de Dja 1,2 (0,81-1,77]"% 0,7 (0,6-0,9) 0,8 (0,6-1,0)<2 Zone extérieure à La partie nord de la réserve de Dja 118 Forêt de mangrove de Dja 0,61 Parc National du Lac Lobeke 0,145 Or Sanctuaire de gorilles de Mengamé 19, 34,35 0,18" Ntibonkeuh 0,64% Parc National de Campo-Ma'an 0,63-0,78* Parc National et réserve de faune de Boumba-Bek, Parc National de Nki 0,3 (0,2-0,4)* 341 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Carte 16.3b Répartition des gorilles au Cameroun Espèce = Gorille de Cross River observé en 1989-2004 Gorille de Cross River : présence supposée »” Gorille occidental de plaine m Espèce de gorille non identifié Aire de répartition estimée + Gorille occidental de plaine NIGERIA Sanctuaire à gorilles de Cross River du Mt Kagwene Rfa de Takamanda SN RF de Mone River RF d'Ejagham PN de Korup RF des Mts Ru PENINSULE de BAKASSI MONT AN CAMEROUN BIOKO Rfa de Douala-Edéa GUINEE EQUATORIALE Golfe de Guinee RF des Boucles du Ntem HE E 1 F GUINÉE" !, # EQUATORIALE ! 5 me = [ 342 Références bibliographiques à la fin de ce chapitre Maroua AT È REPUBLIQUE = _6°N- CENTRAFRICAINE _ ” Trinationale de = là Sangha (PN F du Lac Lobéké) = ER 2°N # but de réduire la chasse anarchique dans les aires protégées.” De nombreuses réserves forestières du pays avaient été créées par l'administration coloniale britannique en vue de protéger les bassins versants, de limiter l'expansion agricole, et de réserver des zones pour l'exploitation forestière future. Ainsi, Le statut de réserve forestière ne met pas automatiquement celle-ci à l'abri des concessions d'exploitation forestière future. En effet, l'article 11 du « document des normes » interdit les activités d'exploitation forestière dans Les réserves ainsi que dans les aires de conservation et les zones tampon, mais ces aires protégées peuvent faire l'objet de déclassement en vue de leur mise en concession forestière. ? La même législation propose six types de titres d'exploitation forestière délivrés par l'administration avec des dispositions spéciales pour les forêts communautaires. *#* Les sociétés qui ne se conforment pas aux exigences de ces titres peuvent être frappées d'amendes et disqualifiées pour l'attribution de tout nouveau titre d'exploitation. Sous la tutelle du ministère de l'Environnement et des forêts, l'Agence nationale d'appui au développement forestier (ANAFOR) est chargée de l'inventaire et l'aménagement des forêts, de la promotion de l'utilisation de diverses essences, de La protection des sols, de La lutte contre la désertification et de la régénération forestière. Les ressources nécessaires à l'application et au suivi de cette Loi n° 94/01 sont, toutefois, très maigres et limitées. Le ministère envisage la mise en place d'un programme de sécurisation des recettes fauniques chargé de collecter les recettes fiscales auprès des opérateurs du secteur de la faune sauvage au même titre que Le programme de sécurisation des recettes forestières dans la filière bois.? Aires protégées Les aires protégées établies en bonne et due forme abritant les populations de grands singes au Cameroun comprennent les parcs nationaux, les réserves forestières et les réserves de faune ci- ap rès -30,40,55,59 MH Chimpanzés du Nigéria-Cameroun et gorilles de Cross River: réserve forestière de Takamanda (le ministère de l'Environnement et des forêts vient de proposer un renforcement de son statut de protection), ” réserve forestière de Mone. M Chimpanzés de la frontière du Nigéria- Cameroun : Parc National de Mbam et Djerem, Parc National de Korup, réserve forestière d'Ejagham, sanctuaire de faune de Banyang Mbo, réserve forestière de Fungom, réserve forestière des collines Rumpi et d'autres. M Chimpanzés d'Afrique centrale et gorilles de plaine de l'ouest: Parc National du lac Lokébé, Parc National de Campo-Ma'an, réserve de faune de Dja/réserve de biosphère, Parc National de Nki, sanctuaire de gorilles de Mengamé, et Parc National et réserve de faune de Boumba-Bek. MH Chimpanzés d'Afrique centrale : réserve de faune de Douala-Edéa. Avec ses 6 236 km” de superficie, la réserve de Dja est La plus vaste de toutes ces aires protégées. Plusieurs réserves sont proches de frontières internationales, ce qui suppose que les conflits frontaliers avec les pays voisins peuvent influencer les résultats des initiatives de conservation. Par exemple, le conflit frontalier entre Le Cameroun et Le Nigéria sur la péninsule de Bakassi qui a entravé la coopération entre les deux pays en ce qui concerne la gestion de plusieurs aires protégées (ex. Parc National de Korup, Parc National de Cross River] dans la région transfrontalière des gorilles de Cross River et des chimpanzés du Nigéria-Cameroun. Assistance internationale Le gouvernement camerounais a bénéficié d'une importante aide de la part de La communauté de conservation internationale tant gouvernementale que non gouvernementale en vue de la protection des grands singes et de La biodiversité de leurs habitats. Cette assistance a pris forme dans les actions ci-après : MH Le projet forestier de Korup au sein et autour du Parc National de Korup a démarré au milieu des années 1980. IL s'inscrivait ainsi parmi Les premiers grands projets intégrés de conservation et de développement financés par le gouvernement britannique en partenariat avec des organisations non gouvernementales (ONG), notamment l'Earthlife Foundation au début, et plus tard le WWF (Fonds mondial pour la nature). De nombreux investissements ont ainsi été réalisés au Parc National de Korup ainsi qu'au Parc National avoisinant de Cross River au Nigéria par l'Agence AFRIQUE: CAMEROUN 343 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Lac Bene, un lac de cratère dans Les monts Bakossi, Cameroun. 344 Bethan Morgan britannique pour Le développement international, la Commission européenne et d'autres organismes. L'ONG israélienne - LAGA [The Last Great Apes) - a été créée au début des années 1990 avec pour objectif d'identifier et de poursuivre les braconniers en justice.” Comme premier résultat sur le terrain un braconnier a écopé d'un emprisonnement en 2001 après avoir été arrêté en train de vendre un bébé chimpanzé.“ Le programme de l'Union Européenne pour la conservation et l'utilisation rationnelle des écosystèmes de l'Afrique centrale (ECOFAC) est actif dans la réserve de Dja.* À titre d'exemple, le GPS (Global Positioning Systems) a été utilisé pour localiser et reporter sur des cartes les pistes, les pièges et les campements des chasseurs à l'intérieur de La réserve.°"° La Wildlife Conservation Society [WCS]) est impliquée au Cameroun depuis 1998. Elle assure l'intégration de la recherche sur le terrain, l'éducation et La sensibilisation ainsi qu'une assistance dans la formation des acteurs impliqués dans les organisations gouvernementales locales. **” Dans la zone frontalière du Cameroun-Nigéria, Le WCS soutient la recherche et la conservation du gorille de Cross River ainsi que les études biologiques menées dans les deux pays. Elle fournit une assistance technique au Parc National de Mbam et Djerem et au sanctuaire de faune de Banyang Mbo sur financement de multiples donateurs dont la DGIS (Direction générale néerlandaise de coopération inter- nationale] et la FEDEC (Fondation pour l'environnement et le développement au Cameroun]. WCS est par ailleurs partenaire de la CAMRAIL (Cameroon Railway Company) dans un programme de lutte contre le transport illicite de La viande de brousse. En 1999, le gouvernement camerounais a annoncé le lancement d'un nouveau fonds fiduciaire en vue de contribuer au financement de la gestion effective des aires protégées auquel le WWF‘ a accordé un don initial de 500 000 USD. Les directions internationales, britannique et américaine du WWF conduisent des projets dans diverses aires protégées tandis que WWF-Cameroun conduit des projets complémentaires de recherche, des politiques et d'éducation. Le CRES (Département de conservation et de recherche sur les espèces menacées de disparition] de la Société zoologique de San Diego mène des études sur les grands mammifères au Cameroun depuis 2000. Par ailleurs, le Cameroun a bénéficié de l'appui du CRES dans le classement de nouvelles aires protégées dans la région de Bakossi, notamment la réserve proposée de faune des monts Bakossi.“ En 2002, l'Institut Jane Goodall (JGI] a donné son accord pour l'établissement d'un programme de conservation communautaire et de recherche sur la faune dans le tout nouveau sanctuaire des gorilles de Mengamé (1150 km’) situé à la frontière entre le Cameroun et Le Gabon.” À l'intérieur et à l'extérieur des aires protégées, l'ONG Global Witness basée au Royaume-Uni travaille avec le ministère de l'Environnement et des forêts, en qualité d'observateur indépendant, en vue de l'amélioration de la gouvernance et la transparence dans le secteur forestier en s'attaquant notamment au problème de l'exploitation forestière illégale. Des accords de collaboration ont été signés entre Le Cameroun et Birdlife International et entre le Cameroun et la World Resources Institute (WRI) basée aux Etats-Unis en vue de la conservation et de la surveillance de la biodiversité et des ressources forestières. Living Earth basé au Royaume-Uni, Bristol Zoo Gardens et Fauna & Flora International (FF) ont appuyé les activités de recherches et d'éducation.“ M Le Bushmeat Project basé aux Etats-Unis œuvre à l'implication des chasseurs dans la protection des forêts et de La faune à l'est du Cameroun.” Le gouvernement du Cameroun a également signé des accords avec les gouvernements des pays voisins: M Le Cameroun et le Nigéria ont signé un accord en vue de la protection du gorille de Cross- River. Un partenariat de collaboration a également été établi entre les départements ministériels techniques d'une part et WCS, FF, GTZ (Agence allemande de développement international) et NCF (Fondation Nigériane de conservation) d'autre part. M Le Cameroun, la RCA, le Congo, Le Tchad, la Guinée Equatoriale et Le Gabon ont signé la Déclaration de Yaoundé (voir Chapitre 14] qui prévoit La création de nouvelles aires de forêts protégées transfrontalières dans le bassin du Congo. M La Conférence des écosystèmes forestiers humides d'Afrique centrale (CEFDHAC] dont la coordination est assurée par l'UICN (Union mondiale pour la nature) a ensuite été désignée pour conduire le processus intergouverne- mental sur la base de la Déclaration de Yaoundé." Cette initiative comprend : l'approbation de la Trinationale de la Sangha‘” que constitue l'actuel réseau d'aires protégées du Cameroun, de la RCA et du Congo couvrant une superficie totale de 7 300 km’. Le Cameroun est représenté dans la Trinationale par le Parc National du lac de Lobéké qui abrite des gorilles de plaine de l'ouest et des chimpanzés d'Afrique centrale ; la création de deux nouveaux parcs nationaux au Cameroun - Campo-Ma'an et Mbam et Djerem - à titre de mesures compen- satoires des impacts du projet de l'oléoduc Tchad-Cameroun sur la biodiversité dans le cadre d'un programme « offsite » de protection de l'environnement. M Autres initiatives transfrontalières auxquelles participe le Cameroun : Initiative des forêts du Patrimoine Mondial de l'Afrique centrale, le Projet du Bassin du Congo et Le Partenariat des Forêts du Bassin du Congo. Les aires proté- gées concernées sont: Dja, Mengamé, et Campo Ma'an.' Formation et recherche Le Cameroun compte diverses institutions de formation et de recherche comme l'École de formation des spécialistes de faune de Garoua, placée sous La tutelle du Ministère de l'Environnement et des Forêts. Elle constitue La plus importante école de ce type de toute l'Afrique francophone.“ Le pays est, par ailleurs, doté de six universités dont l'université de Dschang qui intègre la recherche liée à la conservation des animaux sauvages dans son programme de foresterie. L'Institut de recherche agricole et de développement (IRAD, qui remplace l'ex Institut de recherche zootechnique), placé sous la tutelle du ministère de la Recherche scientifique, est basé à Nkolbisson dans la banlieue de Yaoundé. IL existe par ailleurs des projets de recherche conduits par des expatriés à l'instar de l'enquête sur l'offre et La demande de viande de brousse dans l'aire de répartition du gorille de Cross River menée par la Durrell Wildlife Conservation Trust. L'éducation et La sensibilisation du public font partie des activités de la plupart des projets de conservation et de développement en cours et constituent une préoccupation majeure des ONG nationales. Les populations locales sont encouragées à protéger la biodiversité tant pour la conservation que pour des valeurs symboliques {limportance des grands singes et autres mammifères n'est plus à démontrer dans certaines cérémonies traditionnelles). C'est ainsi que La mise en application de l'interdiction de la chasse traditionnelle en vue de protéger le Mont Koupé, un site sacré, a considérablement réduit la chasse depuis le milieu de l'année 1994.° De même, les chefs de la communauté Ma'an œuvrent actuellement pour mettre fin au braconnage tandis que les communautés locales de l'aire de répartition du gorille de Cross River se sont engagées à protéger les populations de grands singes.” Les principaux projets de sensibilisation sont les suivants: Œ LIDA-Africa (In Defense of Animals-Africa), qui a construit un centre éducatif et lance actuellement une campagne radiophonique nationale ; MH Le Projet des gorilles de Cross River conduit par Le WCS, qui intègre un volet éducatif local consistant à projeter des diaporamas, afficher des posters et distribuer des prospectus promouvant la conservation des gorilles de AFRIQUE: CAMEROUN 345 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Un drill au centre de faune de Limbe. 346 lan Redmond Cross River ainsi que les autres animaux sauvages menacés de disparition ;° B Le réseau du Club des Amis de La Nature, qui est une simple association de groupes scolaires où estudiantins basée généralement dans les écoles et universités ;* M Le Projet Grands Singes qui mène ses activités dans la région de Dja et a pris une part active à la formation dans l'enseignement supérieur mené par des étudiants européens et camerounais dans les domaines de la recherche et de la sensibilisation à La protec- tion des grands singes ; M le Projet Viande de brousse au sud du Cameroun, qui a fourni Le matériel à utiliser dans les écoles et ateliers de formation. Projets de conservation M Le Centre de réhabilitation des chimpanzés de Sanaga-Yong, dirigé par IDA-Africa, a ouvert ses portes en août 1999 dans la province du Centre. Initialement consacré à la réhabili- tation des chimpanzés adultes et non des jeunes orphelins, le centre accueille depuis peu des jeunes chimpanzés. En septembre 2004,“ il disposait de 39 pensionnaires chimpanzés. E Le CWAF (Cameroon Wildlife Aid Fund), en collaboration avec Le Ministère de l'Environne- ment et des Forêts, prend soin des animaux au zoo de Mvog Betsi à Yaoundé. Cette implication a considérablement amélioré Les conditions de vie des animaux de même que la pédagogie au zoo. CWAF travaille également dans le Parc National de la Mefou où le sanctuaire Michael Leo Rion a ouvert ses portes en 2001 grâce à l'appui de la Gorilla Foundation basée aux Etats-Unis. Le sanctuaire s'occupe des ani- maux orphelins victimes de la chasse et assure leur réhabilitation. Les animaux sont ensuite réintroduits dans une zone restreinte. CWAF recoit une assistance du zoo de Bristol au Royaume-Uni. M Le centre de faune de Limbé assure la réhabilitation des grands singes et d'autres espèces issus du trafic. En janvier 2004, le centre abritait 36 chimpanzés (surtout la sous- espèce Nigéria-Cameroun]), 11 gorilles de plaine de l'ouest et un gorille de Cross River. Le centre reçoit une assistance financière de La fondation Arcus.? BH En 2004, l'ONG Pandrillus a organisé le rapatriement au Cameroun de deux gorilles de plaine de l'ouest confisqués au Nigéria ; c'était la première fois que ces pays collaboraient en vue de régler un cas de commerce transfrontalier illégal d'espèce figurant sur la liste de la Convention sur le commerce international des espèces de flore et de faune sauvages en voie de disparition (CITES). STRATÉGIES DE CONSERVATION FUTURES Aires protégées Suite au second atelier international sur la conservation du gorille de Cross River qui s'est tenu en 2003 à Limbé au Cameroun, les gouvernements du Cameroun et du Nigéria ont reconnu la nécessité de la protection de l'habitat du gorille de Cross River.‘'* Comme cela est mentionné dans le profil de pays du Nigéria, cela nécessite La création d'une aire protégée transfrontalière au complexe Takamanda-Okwangwo à travers le reclassement de la réserve forestière de Takamanda. Dans le cadre de l'élaboration du plan d'utilisation des terres de la zone de Takamanda-Mone-Mbulu, Le WCS et Le ministère de l'environnement et des forêts travaillent ensemble à la création d'une aire protégée sur la montagne de Kagwene, dans les forêts de Mbulu et Njikwa. D'autres recom- mandations comprennent l'impérieuse nécessité du renforcement de la protection des populations de gorilles de Cross River ainsi que de l'application de la loi en faveur de toutes les populations de gorilles de Cross River. Le ministère a identifié trois zones prioritaires pour la protection de la forêt serpemvirente de la plaine congolaise de l'extrême sud-est du pays: le Parc National et La réserve de faune de Boumba- Bek, le Parc National du lac Lokébé, et le Parc National de Nki. Une meilleure délimitation des aires protégées existantes permettrait de freiner l'exploitation forestière illégale. À l'issue de l'atelier portant sur le National Great Ape Survival Plan au Cameroun, les forêts de Ebo, de Makombe, de Mbulu de Mbargue, de Koupé et de Bakossi ont été déclarées prioritaires pour la conservation des grands singes.” Des forêts de protection localisées dans La chaîne montagneuse de l'ouest ont également été proposées, notamment dans la dans la région du Mont Cameroun telles que les zones de: Etinde, Mabeta-Moliwe, Mont Kilum (Mont Oku]) et Bakossi. En 2002, Les chefs de Koupé ont voté en faveur du classement de la région du Mont Koupé comme réserve écologique intégrale? Concessions forestières IL a été recommandé d'exiger que les sociétés forestières produisent des plans d'aménagement de leurs concessions intégrant la protection des grands singes, ce qui impliquerait La lutte contre le braconnage et l'application effective de la loi de finances ainsi que l'approvisionnement en sources alternatives de protéines des ouvriers et des communautés locales affectées par l'exploitation forestière. Renforcement des capacités Linstauration d'un comité de gestion a été recommandée pour les gorilles de Cross River, l'institution ainsi que le renforcement de recherche et de conservation dans les départements minis- tériels, les universités et les ONG.* En général, Les réserves et les parcs souffrent d'un manque OUVRAGES À CONSULTER chronique de personnel, d'équipement et d'infra- structure. Seul le Parc National de Korup dispose d'un plan d'aménagement et d'un gardien-chef. Des mesures doivent être prises pour renforcer les capacités du ministère de l'Environnement et des forêts en vue de l'application effective de la législation forestière et, plus particulièrement, des dispositions relatives à La faune sauvage."*“# || à été recommandé, en particulier, de renforcer les effectifs et Les capacités du personnel du ministère chargé de la surveillance de la faune sauvage. '*“ RECHERCHE IL est indispensable de poursuivre et de mieux coordonner les activités de recherche et de surveillance des populations de grands singes et de leur répartition au Cameroun.“ En particulier, il s'agit d'étendre la recherche fondamentale à l'écologie, la répartition et la biologie des populations des gorilles de Cross River. Une étude de La population de gorilles d'Ebo au sud-est du pays est en cours.“ Education et développement communautaire La nécessité d'une vaste campagne d'éducation et de sensibilisation s'impose en vue d'informer les Camerounais sur la situation des grands singes en voie de disparition et de les éduquer sur la législation relative à la protection de la faune sauvage. IL convient également d'organiser des ateliers de formation à l'intention des membres et groupes de diverses communautés sur les questions de conservation et l'utilisation des sources alternatives de protéines comme substituts à la viande de brousse“ La mise au point de nouvelles méthodes génératrices de revenus à adopter par des personnes actuellement engagées dans les activités de chasse doit bénéficier d'un appui particulier.” Bikié, H., Collomb, J-G., Djomo, L., Minnemeyer, S., Ngoufo, R., Nguiffo, S. (2000) An Overview of Logging in Cameroon. Global Forest Watch. http://www.globalforestwatch.org/common/cameroon/english/report.pdf. Accessed June 12 2005. Comiskey, J.A., Sunderland, T.C.H., Sunderland-Groves, J.L., eds (2003) Takamanda: The Biodiversity of an African Rainforest. Smithsonian Institution, Washington, DC. Dupain, J., Guislain, P., Nguenang, G.M., De Vleeschouwer, K., Van Elsacker, L. (2004) High chimpanzee and gorilla densities in a non-protected area on the northern periphery of the Dja Faunal Reserve, Cameroon. Oryx 38 (2): 209-216. Global Witness (2005) Forest Law Enforcement in Cameroon: Third Summary Report of the Independent Observer December 2003-June 2005. http://www.globalwitness.org/reports/show.php/en.00072.html. Accessed June 12 2005. AFRIQUE: CAMEROUN 347 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 348 Gonder, M.K., Oates, J.F. Disotell, T.R., Forstner, M.R., Morales, J.C., Melnick, D.J. (1997) À new West African chimpanzee subspecies? Nature 388: 337. Matthews, A., Matthews, A. (2004) Survey of gorillas (Gorilla gorilla gorilla) and chimpanzees (Pan troglodytes troglodytes] in southwestern Cameroon. Primates 45: 15-24. MINEF (2003) Cameroon Action Plan for the Survival of Great Apes and Endangered Primates. Workshop report, Mfou, Cameroon, March 18-20. Cameroon Ministry of the Environment and Forestry (MINEF]. Sunderland-Groves, J.L., Jaff, B., eds (2004) Developing a Conservation Strategy for the Cross River Gorilla. Proceedings of the 2nd International Workshop and Conference on the Cross River Gorilla. Wildlife Conservation Society. SOURCES DE DONNÉES CARTOGRAPHIQUES Cartes 16.3a et 16.3b: Les données sur les grands singes sont issues des sources ci-dessous: Butynski, T.M. (2001) Africa's great apes. In: Beck, B.B., Stoinski, T.S., Hutchins, M., Maple, T.L., Norton, B., Rowan, À, Stevens, E.F., Arluke, À. eds, Great Apes and Humans: The Ethics of Coexistence. Smithsonian Institution Press, Washington, DC. pp. 3-56. Avec des données supplémentaires fournies par Bergl, R. and Sunderland-Groves, J.L. (2005) et issues des sources suivantes : Dowsett-Lemaire, F., Dowsett, R.J. (2001) A new population of gorillas Gorilla gorilla and other endangered primates in western Cameroon. African Primates 5: 3-7. Halford, T., Ekodeck, H., Sock, B., Dame, M., Auzel, P. (2003) Statut des populations de gorilles (Gorilla gorilla gorilla/ et de chimpanzés [Pan troglodytes troglodytes) dans le Sanctuaire à Gorilles de Mengamé, Province du Sud, Cameroun: densité, distribution, pressions et conservation. MINEF and Jane Goodall Institute, Yaoundé. http://www.janegoodall.net/news/assets/RapportGrandsingesMengamefinal2003.pdf. Accessed August 16 2004. Morgan, B.J. (2004) The gorillas of the Ebo forest, Cameroon. Gorilla Journal 28: 12-14. http://www.berggorilla.de/ english/gjournal/texte/28ebo.html. Accessed November 24 2004. Sunderland-Groves, J.L., Maisels, F., Ekinde, A. (2003) Surveys of the Cross River gorilla and chimpanzee populations in Takamanda Forest Reserve, Cameroon. In: Comiskey, J.A., Sunderland, T.C.H., Sunderland-Groves, J.L., eds, Takamanda: The Biodiversity of an African Rainforest. Smithsonian Institution, Washington, DC. pp. 129-140. http://nationalzoo.si.edu/ConservationAndScience/MAB/researchprojects/appliedconservation/westafrica/ Takamandabook/Chapter_9.pdf. Accessed July 13 2004. Various authors (2003) Draft map for working purposes prepared at GRASP meeting, Cameroon, March 18-20 2003. Pour les données sur Les aires protégées. voir Comment utiliser les cartes’ REMERCIEMENTS Nous adressons nos sincères remerciements à Jean LaGarde Betti (University of Dschang), John Ngong Fonweban {University of Dschang}, Roger Fotso (Wildlife Conservation Society], Elizabeth Gadsby (Pandrillus), Bethan Morgan (Zoological Society of San Diego), John F. Oates (Hunter College, City University of New York}, et Jacqueline Sunderland-Groves (Wildlife Conservation Society] pour leur contribution à l'élaboration de cet article. Nous remercions également Brigid Barry (Tropical Biology Association] pour la relecture. AUTEURS Patrice Taah Ngalla, Limbé Botanical and Zoological Gardens Lera Miles, UNEP World Conservation Monitoring Centre Julian Caldecott, UNEP World Conservation Monitoring Centre AFRIQUE: RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE NIGEL VARTY HISTOIRE ET ÉCONOMIE La République Centrafricaine (RCA), ne possède pas de littoral et couvre 622 984 km à l'intérieur du continent africain. Barthélemy Boganda a conduit Le pays à l'indépendance, mais il a été assassiné en 1959, peu avant la sécession avec la France. En 1960, David Dacko devient alors Le premier président de la RCA indépendante. En 1964, se tiennent des élections dont il est Le seul candidat, représentant le parti unique. La dégradation de l'économie pousse le Colonel Jean-Bédel Bokassa au coup d'état en 1966 et, plus tard, son pouvoir devient quasiment absolu. En 1972, il s'autoproclame président à vie. En 1977, Bokassa est couronné empereur d'un pays renommé Empire de la Centrafrique. L'opposion à son régime fantasque suscite des émeutes et les massacres de 1979, suivis d'un coup d'état soutenu par la France qui ramène Dacko au pouvoir et restaure la république. Alors que le pays se débat pour développer des institutions démocratiques, Les années 80, 90 et jusqu'aux années 2000 sont ponctuées de troubles, d'instabilité sociale, de grèves, de mutineries de l'armée, d'interventions étrangères et de coups d'état. Le chef d'état actuel, François Bozizé accède lui-même au pouvoir à la faveur d'un coup d'état en 2003. La constitution est alors suspendue, les élections générales tenues début 2005 confirment Bozizé à La présidence de la république. La RCA fait partie des pays les moins développés de la planète, avec un indice de dévelop- pement humain qui La met au 169° rang sur 177 pays en 2004,“ et une espérance de vie à La naissance de 40 ans seulement.“ La situation économique s'est détériorée au cours des dernières années en raison des graves troubles politiques conjugués à la violence et aux pillages. En 2002, Le produit intérieur brut (PIB) est de 1,1 milliard USD et le revenu national brut (RNB) par habitant est inférieur à 300 USD.* Les principales sources de revenus du pays sont les ressources minières (surtout Le diamant) dans le sud-ouest, Le centre et Le nord du pays, ainsi que la vente du bois issu principalement de l'exploitation des forêts tropicales humides du sud- ouest du pays. En 2001, la population a été estimée à environ 3,8 millions de personnes,” avec un taux de croissance de 1,6 %.° La population est surtout concentrée dans les villes et dans Les zones rurales du sud et de l'ouest ; Le nord et l'est étant très peu peuplés. Les populations Aka (également appelés Ba'aka et Bayaka) sont près de 20 000 individus en RCA et vivent dans les forêts tropicales et les savanes du sud-ouest. À l'instar des autres peuples des forêts d'Afrique centrale vivant de la chasse et de la cueillette {les Baka du Cameroun et du Gabon, les Twa et Les Mbuti de La République Démocratique du Congo (RDC), appartenant avec les Aka aux populations pygmées d'Afrique), ils sont souvent subordonnés à leurs voisins Bantous. Leurs habitats sont exploités pour le bois, braconnés et occupés par des étrangers, ce qui entraîne une érosion de leurs moyens de subsistance et de leur intégrité culturelle, y compris la perte de leurs aptitudes, techniques et technologiques traditionnelles de chasse. Ces dernières consistent notamment à pousser les animaux tels que les antilopes dans des filets et à chasser à l'aide de lances, d'arcs et de flèches. Selon des estimations datant de 2000, les forêts et savanes boisées comprenant plus de 10 % de canopée s'étendent sur 229 000 km’ soit environ, 32 % de la superficie du pays.” Le climat trop sec qui prévaut dans La majeure partie de La RCA ne permet pas l'existence de forêts tropicales à couvert serré, si ce n'est dans une étroite bande à La lisière sud du pays qui représente environ 8% de la superficie Nicola Hughes Un chimpanzé orphelin joue. 349 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 350 nationale.” Elle est confinée à La pointe sud-ouest, entre Gamboula et La capitale Bangui et La région de Bangassou dans le sud-est.” Les forêts de Bangassou sont fragmentées et dégradées,’ coupées des autres forêts tropicales humides par des terres agricoles qui se concentrent dans le sud, même si elles ne représentent que 3 % du territoire de La RCA." RÉPARTITION DES GRANDS SINGES Le gorille de plaine de l'ouest (Gorilla gorilla gorilla} et les sous-espèces de chimpanzés d'Afrique centrale et de chimpanzés de l'est (Pan troglodytes troglodytes et P.t. schweinfurthii] sont présents en RCA. Le pays se trouve à la lisière nord-est de l'aire de répartition du gorille de plaine de l'ouest et du chimpanzé d'Afrique centrale. Ni les gorilles, ni Les chimpanzés n'ont été recensés à l'échelle nationale, mais La région de Dzanga-Sangha a fait l'objet d'une étude plus approfondie que la plupart des autres sites en RCA.“ Les gorilles sont confinés dans les forêts du sud-ouest. Ils se retrouvent dans les secteurs de Dzanga et de Ndoki du Parc National de Dzanga-Ndoki (1222 km‘), dans la réserve spéciale de forêt dense de Dzanga- Sangha (3 359 km‘) et dans La forêt de Ngotto qui a été classée réserve intégrale en 1996 et devrait être érigée en parc national; la présence de gorilles est également signalée dans les zones environnantes. Le chimpanzé d'Afrique centrale vit également dans les forêts du sud-ouest, mais en moindre densité. Dans Le Parc National de Dzanga-Ndoki, La densité était de 0,16 individus/km? seulement en 1996-1997, et de 0,44 individus/km” dans la forêt classée de Ngotto en 1998-1999. Le chimpanzé d'Afrique centrale a également été signalé dans une zone au nord-ouest? La présence du chimpanzé oriental est signalée dans les forêts du sud-est où aucune véritable étude de l'espèce n'a jamais été entreprise "et, dans Le nord. Le chimpanzé de l'est était auparavant connu dans les régions centrales du pays mais sa répartition actuelle est mal connue et les données récentes de sa répartition sont peu nombreuses. Une population de près de 40 chimpanzés d'une sous-espèce non encore déterminée {vraisemblablement chimpanzés de l'est] a aussi été identifiée dans l'île de Nabolongo. "L'île est située au sud de la forêt de Bangousssou sur le fleuve Mboumou, qui constitue partie de la frontière sud de la RCA avec la RDC. Ils semblent avoir totalement disparu de la forêt de Bangoussou elle-même‘ et La population de chimpanzés de l'île continue d'être chassée par Les Congolais.“ Nombres Sur la base d'une carte de la zone forestière datant de 1985° qui établit que La densité moyenne est de 0,25 individus au kilomètre carré, La population des gorilles a été estimée à 9 000 individus environ sur une superficie totale de 36 000 km°.* D'après le nombre de nids recensés sur 783 km’ de transects dans différents types d'habitats en 1984-1985, recensement lui-même basé sur une carte de la végétation de 1967 tout en intègrant les nouvelles habitations humaines, la population des gorilles se situerait entre 4 806 et 7 830 individus dans les seuls 6 000 km’ de forêts situées à l'extrême sud du pays.“ Ce chiffre est plus encourageant que les estimations de 1980 qui faisaient état de la présence de 500 gorilles en tout et pour tout.” D'après des estimations publiées en 1987, la population nationale de chimpanzés serait de 800- 1 000 individus, toujours sur la base de La superficie de l'habitat convenable.“ Toutefois, dans une étude datant de 2003, la sous-espèce d'Afrique centrale seule est estimée à quelque 800-1 000 individus, ainsi qu'un nombre indéterminé de la sous-espèce de l'est? Dans les deux cas, la disparité des estimations relève davantage d'une amélioration des connaissances que d'un réel accroissement des populations. MENACES 300 km’ de forêts environ (soit 0,1 % de La superficie totale] sont déboisées chaque année en RCA.” Les concessions forestières couvrent 50 à 75% des forêts restantes du pays.* Dans le sud-ouest couvert de forêts tropicales humides, 86 % de ces dernières avaient déjà été attribuées sous forme de concessions d'exploitation en 2000.* En raison des coûts élevés du transport des grumes, l'exploitation forestière en RCA est hautement sélective, mais Les concessions entraînent inévitablement l'ouverture de zones jadis inaccessibles à la chasse et au braconnage. Les gorilles et les chimpanzés sont tous vulnérables à la chasse, à l'exploitation forestière et au déboisement des forêts, ce qui suppose une diminution de leur population même si le taux de disparition n'est pas connu. IL existe peu de preuves permettant de conclure que les gorilles font l'objet d'une chasse systématique en RCA** mais les chimpanzés sont CENTRAFRICAINE ÉPUBLIQUE R AFRIQUE Références bibliographiques à la fin de ce chapitre Centrafricaine Carte 16.4 Répartition des grands singes en République auiejd ap jejuapioo ajloo #71: lenuso gzueduo #71; jequeuo gzueduyo #11: eawi}se uoni}1ed21 2p 811y auie|d 2p [eJU8pI990 [110 ealquepl uou azuediuiyo ap 20eds3 seuwnssid aoussaid :|29u89 azuedWuiy £86L Juene anesqo |enu89 azuedWuiyT £g6L saide saesqo |enuss azueduiyT) £O0Z-966L 2 3M8Sqo |EAUS9 azuedWIU Ob6L Si8A Jualuaje9o] nedsip ejualo azueduiyo seunsoid eouesaid :jejualo gzueduuiy £86L Juene aAesqo |ejuallo gzuedUuIU) £g86L saide aaiasqo |ejualio azueduiyT 23eds3 NYAanOos O9NO1OGVN TER xI84 elPuy.P Nd AT DC CES Va =" Hu O9NOD IG HNOILVHDONAQ HAÔITANdAA eqexeAy,p XIPUON 9p 9184981 ap UOIE)S 1 + @ © PN-eBueZQ ep Nd) \ , eufües el sp ejeuoneunL, À e# ï enoxoHieg_\Z L1 "1 e A CC = © opoôN PhegoT-esseg ap 540. epgy « oJ0g-0yesseA eP INX EN jenuepiseid eg UeloBueg-nBuueg SH] }S-epunoo -OAOUEIN 8P WdS ? Nd a[2ynoy -4nov.p b44 ep 94 8 Nd aVHODL { euPuês-eBuezg ep esuep j910} E] ep SU C1 % : # ’ 351 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 352 une proie bien connue, même si l'intensité de cette chasse n'est pas connue. Le commerce de la viande de brousse est considéré comme la plus grande menace à la conservation de la faune sauvage en RCA, même au cœur du système des zones protégées. Dans les zones forestières, la viande de brousse coûte moins cher qu'un poulet, une chèvre ou même que les chenilles kinin [une importante ressource alimentaire pour les Aka].'* Les armes à feu sont également devenues moins coûteuses au cours des dernières années” mais La plupart des chasseurs locaux utilisent Les filets et Les pièges en collets faits de fil métallique.“ La capture et les blessures causées par les pièges posés pour attraper d'autres animaux constituent probable- ment la menace cynégétique La plus grave qui pèse sur Les grands singes de RCA? Une étude menée dans la réserve spéciale de Dzanga-Sangha a révélé qu'à un instant t, près de 60 personnes utilisent des collets en fil métallique dans un rayon d'environ 1 000 km’ dans la forêt. ?* La chasse à l'aide d'armes à feu, y compris des fusils d'assaut automatiques, est plus courante au nord et à l'est du pays où s'y adonnent des gangs bien organisés de braconniers venus du Soudan.” Les pressions cynégétiques semblaient très prononcées dans la forêt de Ngotto au cours des années 90, surtout à proximité de la ville de Bambio, mais elles seraient quelque peu retombées récemment.* Les Aka et Bofi vivant dans la réserve semblent s'être tournés vers le petit gibier qu'ils chassent de manière traditionnelle à l'aide de filets conçus à cet effet La forêt de Bangassou est soumise à une chasse intensive et si la tendance n'est pas inversée, elle sera bientôt vide.” La chasse est également intense dans l'est et Le sud-est du pays, y compris dans la zone tampon de la réserve de faune de Zemongo. LÉGISLATION ET ACTIONS DE CONSERVATION Législation nationale Le Ministère de l'Environnement, des Eaux et Forêts, de la Chasse et des Pêches est chargé de la conservation de la faune sauvage et de l'utilisation des ressources naturelles en RCA. Ces secteurs sont régis par l'Ordonnance N° 84/045 du 27 juillet 1984 relative à la protection de la faune sauvage et La Loi N° 90/003 du 9 juin 1990 qui se rapporte au Code forestier. La chasse coutumière est autorisée à travers le territoire de La RCA, sauf dans les réserves intégrales et dans Les parcs nationaux.” Les grands singes font partie de la Classe A des animaux intégralement protégés en vertu de l'Ordonnance N° 84/045. Conventions internationales La RCA a ratifié ou adhéré à la Convention sur la Diversité Biologique en 1995, La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES) en 1980, La Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification en 1996, la Convention africaine sur la conservation de La nature et des ressources naturelles en 1969, et La Convention du Patrimoine Mondial en 1980 [dans le cadre de laquelle un site a été inscrit sur la liste du Patri- moine Mondial, à savoir le Parc National du Manovo-Gounda-St Floris]. Le pays a également désigné deux réserves de biosphère dans le cadre du programme de l'UNESCO sur l'Homme et la Biosphère (MAB] dont l'une est la Basse-Lobaye au sein de la forêt de Ngotto. Des mesures préliminaires ont été prises pour ratifier La Conven- tion sur les zones humides d'importance interna- tionale (Ramsar]) mais l'acte final a été retardé à cause de l'instabilité politique au sein du pays. La zone de Mbaéré-Bodingué dans la forêt de Ngotto a été proposée comme premier site national de Ramsar’ La RCA collabore avec le Congo et le Cameroun dans la gestion trilatérale d'une réserve transfrontière connue sous Le nom Trinationale de la Sangha (TNS). Le Parc National de Dzanga-Ndoki est contigu au Parc National du Lac Lobéké au Cameroun et au Parc National de Nouabalé-Ndoki au Congo ; ils couvrent tous les trois une superficie de 7 300 km’ et constituent le centre de l'aire de conservation de La TNS. Au nombre des réalisations, on peut encore citer l'accord tripartite de La TNS signé en décembre 2000 qui a ouvert la voie à l'organisation de patrouilles conjointes de gardes forestiers et à l'échange d'informations qui ont conduit au succès de quelques missions de lutte contre le braconnage. Les zones protégées IL existe trois principales catégories de zones protégées en RCA:”“ réserves naturelles intégrales (un site), parcs nationaux (cinq sites) et réserves de faune (huit sites]. IL existe également une réserve spéciale (la Réserve spéciale de Dzanga-Sangha) et une réserve privée {le Parc présidentiel d'Avakaba]. Si Le système des zones protégées couvre presque 11% du territoire national, seuls 32% d'aires protégées semblent être bien gérés tandis que trois zones ne font l'objet d'aucune forme de gestion.‘ Au nombre de ces dernières figure la réserve de faune de Zemongo où, pense-t-on, le chimpanzé de l'est est toujours présent. Près de 50 zones, couvrant 1% du territoire national ont été classées comme réserves forestières (forêts ‘classées] ; elles sont destinées à l'exploitation durable des produits Ligneux.”“ Très peu d'entre elles sont gérées de manière active ? Le Parc National de Dzanga-Ndoki situé dans l'extrême sud-ouest du pays s'étend sur 1 220 km‘ et est composé des secteurs de Dzanga (495 km] et de Ndoki (725 km‘), reliés à La réserve spéciale de Dzanga-Sangha dont la superficie est de 3 359 km°. Le secteur de Dzanga est relativement plat et il abrite un ensemble disparate de forêts primaires et secondaires, ainsi qu'un sous-bois formé de plantes herbacées.* Certaines parties du parc ont fait l'objet d'une exploitation sélective avant 1982.%* Le climat ici est marqué par une saison sèche qui dure trois mois (de décembre à février) et une grande saison de pluie ponctuée d'une petite sécheresse en juin- juillet. La densité des gorilles relevée dans le parc est de 1,6 individus par kilomètre carré, 10 fois supérieure à celle des chimpanzés” Les forêts qui se trouvent à l'intérieur du parc national sont intégralement protégées, tandis que la chasse traditionnelle et sportive, les aménagements agro- forestiers et l'exploitation forestière commerciale ont été entrepris dans la réserve spéciale. ** Au début des années 90, un plan de partage des recettes du tourisme dans la réserve et Le parc a été élaboré ; il prévoit l'attribution de 40% de ces revenus aux communautés locales et 50% à l'administration de la réserve au titre des salaires, de l'entretien et de la maintenance.” Depuis 2001, La réouverture d'une concession forestière dans la réserve a provoqué une arrivée massive d'étrangers ainsi que la réouverture d'un réseau de routes et pistes dans toute La zone. En conséquence, un regain de la chasse à des fins commerciales a été observé ainsi que la reprise du trafic de l'ivoire aussi bien dans la réserve spéciale que dans Le parc national.” Les gorilles et Les chimpanzés sont également signalés dans la forêt de Ngotto’ dont une partie constituera probablement le Parc National de Mbaéré-Bodingué."” Ngotto qui s'étend sur 10 000 km est La deuxième plus grande forêt dense humide de La RCA après celle de Dzanga-Sangha. C'est une forêt dense semi-décidue présentant de vastes étendues de forêts marécageuses de Raphia AFRIQUE: RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE lan Redmond (Palmae) Le Long des fleuves M'Baéré et Bodingué. Cette zone, située dans la partie nord du massif forestier guinéo-congolais et à La lisière de La savane boisée soudanaise, se démarque par l'extrême diversité des espèces qu'elle abrite, en raison notamment de son emplacement au confluent des trois principales régions biogéographiques de l'Afrique du centre, de l'ouest et de l'est. On y dénombre plus de 115 espèces de mammifères {dont 13 primates] et plus de 320 espèces d'oiseaux dans la forêt de Ngotto'* qui est considérée comme une aire d'importance nationale pour la conservation de quatre espèces de primates au moins." La densité des populations de gorilles serait plus faible à Ngotto (0,30 à 0,40 gorilles sevrés au km”) que dans la région de Dzanga-Sangha, probablement parce que la végétation herbacée y est moins foisonnante.° La situation des chimpanzés est tout à l'opposé. Si l'on s'en tient à ces densités, Le Parc National proposé de Mbaéré-Bodingué (872 km’] compterait 295-350 gorilles sevrés et 380 chimpanzés sevrés. Conservation et projets sur Le terrain Les études sur Le gorille de plaine de l'ouest en RCA ont débuté au milieu des années 80, quand des études approfondies (ex. Fay, 1989”) ont identifié des populations importantes d'animaux dans la forêt de Dzanga-Sangha. Depuis lors, des recherches ont été menées sur les nids, l'alimentation et la recherche de nourriture ainsi que sur l'habitat des gorilles, et aussi sur l'impact des activités anthropiques sur ces derniers (ex. Remis 1997, 2000 **). La plupart de ces activités étaient circonscrites dans trois zones d'étude à l'intérieur du Parc National de Dzanga-Ndoki et elles incluaient des efforts d'habituation des gorilles au tourisme par des équipes comprenant des Centrafricains. Depuis Le début des années 90, Dzanga-Sangha a été un site quasi-permanent de Une exploitation forestière en République Centrafricaine. 353 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 354 recherches sur ces grands singes, en dépit des bouleversements économiques et politiques du pays et de l'instabilité conséquente du secteur touristique naissant. Des activités d'éducation environnementale ont été également entreprises dans la région. Les études sur les gorilles ont offert d'énormes opportunités de développement aux intervenants locaux, nationaux et internationaux.” La recherche sur l'écologie et l'éthologie des chimpanzés a été moins importante en RCA.* Une étude de faisabilité menée en 2000-2001 dans la forêt de Ngotto sur l'habituation des grands singes pour l'écotourisme a établi que la faible densité des populations et l'importance des pressions cynégétiques n'étaient guère propices au succès de l'entreprise! De nombreuses organisations internationales ont appuyé des projets de conservation dans le Parc National de Dzanga-Ndoki et dans la réserve spéciale de Dzanga-Sangha, au rang desquelles le WWF, La Wildlife Conservation Society (WCS), La Banque Mondiale, l'Agence Américaine pour le Développement International (USAID) et l'Agence Allemande pour le Développement International (GTZ). Le WWF appuie la gestion du complexe dans le cadre d'un projet intégré de conservation et de développement. Les activités portent essentiel- lement sur la gestion des zones protégées, le développement rural, Le tourisme, la gestion durable des forêts, l'écologie appliquée et la recherche sociologique. À cet effet, de nouveaux gardes- chasse, guides touristiques et pisteurs ont été recrutés et formés dans le but d'élaborer une stratégie de lutte contre le braconnage dans la région. Il existe deux sites d'habituation des gorilles dans la zone de Dzanga-Sangha : la station de recherche de Mondika et celle de Bai Hokou. La seconde a été instituée dans le cadre d'un programme touristique du WWF et procède aussi au suivi de La santé des gorilles.*“ Jusqu'à son retrait en 2003, la composante RCA du programme de l'Union européenne pour la conservation et l'utilisation rationnelle des écosystèmes forestiers en Afrique centrale (ECOFAC) a apporté son appui à la gestion de La forêt de Ngotto.“ L'un des objectifs de ce programme était la mise en œuvre d'une opération pilote d'exploitation forestière durable sur la base d'un plan de gestion et d'un ensemble de conditions générales d'exploitation édictées par ECOFAC et le gouvernement. Une zone de 872 km’, située dans un triangle de forêt entre Les fleuves Bodingué et M'Baéré et qui abrite des populations de gorilles et de chimpanzés d'Afrique centrale, a été intégralement protégée et une équipe d'écogardes recrutés et formés par Le projet, y patrouille. La forêt de Bangassou qui abrite Le chimpanzé de l'est a bénéficié d'une initiative de conservation communautaire d'un montant de 3,5 millions USD financée par Le Fonds pour l'Environnement mondial (FEM). Pour l'heure, l'application de La loi par les autorités locales n'est pas stricte mais La prochaine phase du projet FEM prévoit le recrutement et le déploiement d'écogardes rémunérés.“ La RCA ne dispose pas de sanctuaire pour les grands singes en captivité.? STRATÉGIES DE CONSERVATION FUTURES IUn'existe pour l'heure aucun plan d'action pour les grands singes en RCA, et ces derniers ne figurent dans aucun plan national de gestion de l'environnement. Toutefois de nombreux auteurs ont formulé des recommandations sur des zones précises abritant des gorilles et des chimpanzés et sur la région d'une manière générale, afin que des actions soient initiées en vue de la conservation des différents grands singes. La RCA aura besoin d'une assistance financière et technique permanente pour assurer la conservation des grands singes et La gestion des zones protégées. IL y a un réel besoin de formation de personnel, de collaboration régionale, d'engage- ment politique et de mise sur pied de mécanismes de financement durable“ Une meilleure connais- sance de la taille des populations de grands singes et de leur répartition en RCA permettrait de mieux planifier La conservation.” Certains auteurs recommandent que les actions de conservation des grands singes en Afrique équatoriale occidentale soient surtout menées dans des aires officiellement protégées, où Les populations des grands singes sont vraisemblablement plus viables sur le long terme, et où des mesures immédiates seront prises pour La mise en application de la loi relative à la lutte contre Le braconnage. Sur le long terme, il sera nécessaire de mener une campagne de formation à l'échelle nationale dans le cadre de la gestion des zones protégées. Le potentiel de conservation des zones protégées en RCA à fait l'objet d'une étude fondée sur divers paramètres dont les menaces liées à l'exploitation forestière, à l'exploitation minière, à la chasse, au pacage, à l'agriculture, à l'installation de villages et La construction de routes, l'importance de la biodiversité, l'intégrité de la zone et l'efficacité de sa gestion. Le Parc National de Dzanga-Ndoki et la réserve spéciale de Dzanga-Sangha ont enregistré les meilleurs scores, ce qui, compte tenu des fortes populations de gorilles qu'ils abritent, en fait des zones prioritaires de poursuite des efforts de conservation et de recherche sur les grands singes.“” Pour augmenter le nombre de zones protégées visées ici, le programme ECOFAC a recommandé que la zone de Mbaéré-Bodingué dans la forêt de Ngotto soit érigée en parc national." ILa également été suggéré que les sociétés d'exploitation forestière ménagent une bande de forêt non perturbée qui reliera cette zone à celle de Dzanga-Ndoki.” Dans le même ordre d'idées, les efforts de conservation et de protection des chimpanzés dans la forêt de Bangassou devraient être intensifiés.” IL est à espérer que Le projet FEM OUVRAGES À CONSULTER AFRIQUE: RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE jouera un rôle déterminant dans La mise en œuvre de ces initiatives. Le renforcement de l'application de La Loi sur la faune sauvage est généralement considéré comme une priorité dans tout Le pays (ex. Blom et al. 2004). ILest aussi recommandé que les sociétés forestières et minières soient contraintes de combattre La chasse, Le transport et la consommation de la viande de brousse au sein de leurs concessions. En attendant, des fonds doivent être mobilisés dans les pays développés pour lutter contre le braconnage et le virus Ebola. Des mesures économiques incitatives, telles que des primes, pourraient ainsi être offertes aux gouvernements de La région dans l'optique de la protection des grands singes, en reliant l'aide et l'allègement de la dette à des indicateurs vérifiables de performance en matière de conservation. Blom, A., Almasi, A., Heitkônig, I.M.A. et al. [2001] A survey of the apes in the Dzanga-Ndoki National Park, Central African Republic: a comparison between the census and survey methods of estimating the gorilla (Gorilla gorilla gorilla) and chimpanzee (Pan troglodytes) nest group density. African Journal of Ecology 39: 98-105. Blom, À., Yamindou, J., Prins, H.H.T. (2004) Status of the protected areas of the Central African Republic. Biological Conservation 118 (4): 479-487. Carroll, R.W. (1988) Relative density, range extension, and conservation potential of the lowland gorilla (Gorilla gorilla gorilla] in the Dzanga-Sangha region of southwestern Central African Republic. Mammalia 52 (3): 309-323. Fay, J.M. (1989) Partial completion of a census of lowland gorilla (Gorilla g. gorilla) in the Central African Republic. Mammalia 53: 203-215. Remis, M.J. (1997) Ranging and grouping patterns of a western lowland gorilla group at Bai Hokou, Central African Republic. American Journal of Primatology 33: 111-133. Remis, M.J. (2000] Preliminary assessment of the impacts of human activities on gorillas Gorilla gorilla gorilla and other wildlife at Dzanga-Sangha Reserve, Central African Republic. Oryx 34 [1]: 56-65. SOURCES DES DONNÉES CARTOGRAPHIQUES Carte 16.4 Les données sur les grands singes sont issues des sources ci-après : Butynski, T.M. (2001) Africa's great apes. In: Beck, B.B., Stoinski, T.S., Hutchins, M., Maple, T.L., Norton, B., Rowan, À. Stevens, EF. Arluke, À. eds, Great Apes and Humans: The Ethics of Coexistence. Smithsonian Institution Press, Washington, DC. pp. 3-56. Les informations complémentaires proviennent des communications personnelles de Maisels, F., (2004) et des sources suivantes : Blom, A., Almasi, À., Heitkônig, l.M.A., Kpanou, J-B., Prins, H.H.T. (2001) A survey of the apes in the Dzanga- Ndoki National Park, Central African Republic: a comparison between the census and survey methods of estimating the gorilla (Gorilla gorilla gorilla) and chimpanzee (Pan troglodytes] nest group density. African Journal of Ecology 39: 98-105. Brugière, D., Sakom, D. (2001] Population density and nesting behaviour of lowland gorillas (Gorilla gorilla gorilla) in the Ngotto Forest, Central African Republic. Journal of Zoology 255: 251-259. Brugière, D., Sakom, D., Gautier-Hion, A. (2005) The conservation significance of the proposed Mbaéré-Bodingué National Park, Central African Republic, with special emphasis on its primate community. Biodiversity and Conservation 14 (2): 505-522. 355 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 356 Pour les informations sur les aires protégées et autres, voir Comment utiliser Les cartes’ REMERCIEMENTS Nous adressons nos sincères remerciements à Allard Blom {WWF-US), David Brugière (SECA-BRLi Consulting Company], Fiona Maisels (Wildlife Conservation Society] et Elisabeth A. Williamson (Université de Stirling) pour leur précieux concours à la rédaction de cet article. AUTEUR Nigel Varty, Centre International de supervision de La conservation du PNUE RÉPUBLIQUE DU CONGO NIGEL VARTY HISTOIRE ET ÉCONOMIE La République du Congo est un pays d'Afrique centrale ayant une superficie de 342 000 km’ et une population estimée à 2,95 millions d'habitants en 2003 avec un taux de croissance de 1,5 %./ Son Produit Intérieur Brut (PIB] en 2002 est de 3 milliards USD environ et son revenu national brut (RNB] de 720 USD par habitant.‘ Le Congo est l'un des principaux producteurs de pétrole d'Afrique ayant d'énormes possibilités de développement offshore. En 2002, Le pétrole (surtout en mer) et le bois étaient Les deux principales sources de devises, alors que l'agriculture représentait 10 % du PIB.’ Plus de la moitié de La population vit dans les villes du sud du pays que sont Brazzaville, Pointe-Noire et Loubomo. Dans les zones rurales du Congo, on compte un peu moins de quatre habitants au kilomètre carré. Le Congo abrite l'un des couverts forestiers Les plus denses du continent africain. En effet, Les forêts s'étendent sur 220 600 km’, soit 64,6 % environ de La superficie du pays, y compris quelques 830 km’ de plantations. En 2003, les cultures continues et les terres arables ne couvraient que près de 0,6 % du territoire national.’ Les principales zones forestières sont les massifs de Mayombe (Maiombe) et de Chaillu dans Le sud ouest du pays (qui sont le prolon- gement au sud du bloc forestier de La Basse Guinée) ainsi que les régions de Sangha et de Likouala au nord (qui font partie du bassin du Congo). Le pays obtient son indépendance de la France en 1960 quand l'ancien Moyen Congo devient la République du Congo. Jusqu'en 1990, Le système politique dominant est basé sur une interprétation du marxisme qui est ensuite abandonnée en faveur d'un gouvernement élu en 1992, plus tourné vers le marché.’ Après l'éclate- ment de la guerre civile en 1997, l'ancien Président marxiste Sassou-Nguesso est élu, mais il s'ensuit une période de troubles civils qui durera jusqu'au début de ce siècle. Des négociations aboutissent finalement à l'élaboration d'un nouveau projet de constitution approuvé par référendum en 2002" qui ouvre la voie à une élection générale remportée par Sassou-Nguesso et permet ultérieurement le retour de la stabilité dans le pays. La plupart des personnes déplacées par la guerre sont revenues, les taux de malnutrition et de mortalité baissent, La liaison ferroviaire entre Brazzaville et Pointe-Noire est rétablie et la situation sécuritaire s'améliore progressivement.” En mars 2003, le principal groupe rebelle signe un nouveau pacte pour La paix avec le gouvernement. Son désarmement et la réinsertion sociale de ses membres ont déjà débuté. RÉPARTITION DES GRANDS SINGES Le gorille de plaine de l'ouest (Gorilla gorilla gorilla} et le chimpanzé d'Afrique centrale {Pan troglodytes troglodytes] sont présents au Congo. Les fleuves Congo et Oubangui forment la lisière est de l'aire de répartition du gorille de plaine de l'ouest et du chimpanzé d'Afrique centrale. Une part significative de la population mondiale de gorilles de plaine de l'ouest vivrait au Congo. Ils peuplent la région du nord"? où Le couvert forestier est dense ainsi que, dans une moindre mesure, les régions centrales du Congo et les zones forestières du sud-ouest du pays. D'après les cartes de l'habitat et les recensements de 1990, la population nationale est estimée à 34 000-44 000 gorilles,”*? même si l'on craint qu'elle n'ait considérablement décliné au début du 21°" siècle. S'ilest vrai que le chiffre de 1990 est plus important que les estimations de 1980 qui s'élevaient à 1 000- 3 000 individus, * l'évolution actuelle de La population est négative‘! Jusqu'à 30 000 de ces gorilles vivent dans le Parc National d'Odzala-Koukoua. La densité la plus élevée de gorilles (11,3/km’) est observée dans les grandes forêts de Marantaceae du parc. En 1994 et 1995, pendant une période de cinq mois, 427 nids ont été identifiés Le long de transects.? Le parc a été agrandi en 2001 pour absorber la réserve de faune adjacente de Lékoli-Pandaka et La réserve de chasse de M'boko. L'aire protégée ainsi formée s'étend sur 13 456 km° et englobe la saline de Maya nord et ses forêts environnantes de Marantaceae, une zone d'étude qui abriterait 500 gorilles.””’ La stabilité sociale, le taux de natalité élevé et l'apparente faiblesse de la mortalité infantile sont des indications de la bonne santé de cette sous- population.” Toutefois, en septembre 2004, on a redouté l'arrivée d'une épidémie dévastatrice d'Ebola dans le parc {voir ci-dessous). De fortes populations de gorilles ont également été signalées dans la vaste zone marécageuse de Likouala au centre-nord du Congo entre les fleuves Oubangui et Sangha, et à l'est et l'ouest du fleuve Likouala aux Herbes. °° Des gorilles sont également présents dans le Parc National de Nouabalé-Ndoki couvrant 4 190 km’ et dans les forêts alentour” Le fleuve Oubangui constituerait l'extrême frontière orientale du territoire de l'espèce, à moins que les populations du sud-ouest de la République Démocratique du Congo (RDC) n'aient pas totalement disparu." De nombreux gorilles étaient aussi jadis signalés dans le Bassin de Kouilou dans le bloc forestier de Mayombe, ? mais ils sont jugés vulnérables en raison de l'exploitation forestière et de La chasse? qui en découle et leur destin dépend du succès de Benoît Goossens/HELP International conservation des aires protégées dans lesquelles ils vivent.” Le chimpanzé d'Afrique centrale est présent au nord et au sud-ouest du Congo, le long de la frontière avec le Gabon, ses populations restent plus faibes et éparses dans la région centrale.‘ En 1991, le nombre de chimpanzés vivant au Congo” était estimé à 3 000-5 000 individus seulement, mais depuis, ces chiffres ont été revus à la hausse en 2003 avec une population estimée de 10 000 chimpanzés.°” La plus forte densité de l'espèce en Afrique centrale a été enregistrée au Parc National d'Odzala-Koukoua (2,2/km’].? Les chimpanzés ne sont pas rares dans les forêts marécageuses de Likouala ; des densités de 0,1-1,3 individus/km? ont été enregistrées dans la réserve communautaire du Lac Télé/Likouala-aux-Herbes.** Une densité de 0,3 chimpanzés /km° a été relevée“ dans la région du fleuve Motaba au nord-est du Congo. La densité au sud-ouest du Congo est inférieure à celle enregistrée dans le Parc National de Nouabalé- Ndoki au nord, mais elle est à peu près similaire à celle de La Guinée-Équatoriale et du Gabon?! MENACES Les populations de gorilles et de chimpanzés du Congo sont toutes menacées par les conflits humains, le développement de l'industrie forestière et les activités cynégétiques qui en découlent. Le virus Ebola représente un péril grave dans la région limitrophe avec le Gabon et une population de gorilles a été décimée à Lossi dans une forêt protégée communautaire, quelques 50 km au sud-ouest du Parc National d'Odzala-Koukoua.“ Les populations à l'intérieur du parc étaient également, en 2004, sous la menace d'une épidémie."? AFRIQUE : Conco La rivière Louvandzi, bordant le site de relâcher des chimpanzés à Conkouati. 357 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Carte 16.5 Répartition des grands singes au Congo Références bibliographiques à la fin de ce chapitre 10°E Espèce Aire de répartition estimée # Chimpanzé central observé en 1996-2005 FT £ Chimpanzé central Chimpanzé central observé en 1983-1995 [2 Chimpanzé oriental © Chimpanzé central observé après 1983 1,12 Gorille occidental de plaine AN > Chimpanzé central observé avant 1983 2 2? Chimpanzé central: présence présumée PAR 7 STARS ae * xT| © Chimpanzé oriental observé après 1983 rx LUE Exc : : : s e la Sangha es > Chimpanzé oriental observé avant 1983 {PN de Nouabalé- | © Espèce de singe non identifiée observée en 1996-2003 AE Gorille occidental de plaine e 3 ê y £ Ë à e f Œ î T tie s he CAMEROUS BaldeMEELI £ he FA PE LT Sens ® BOMASSA Per | Ce : MARAIS de LE d 0] = DES ® TRIAN er LIKOUALA BAR De EM ° , h- HN ge 1e E e 27 1e 5 ( ä se G UINEE ® ; | : : e _EQUATORIALE. 5 GARABINZAM un: ! © £ + ° js TE EN LT CN SEE — = e ‘RFq de Lékoli- ® e 3 . q ëk a Pañdak is 2 ." andaka 8 e = L @ e e LT nat ® < . L s e a e e Sy B e - GABO RE RFq de # © “ 2 {Nyanga Nord ® "e 0] RC du Mont Mavoumbou » ee ÿ ® Q RFq de Mont Fouari [72 , # LD = 2°S 0 e …e Loin = se =. r S S o a &. no DU CONGO , PN de Conkouati- Douli 4s Sanctuaire à chimpanzés HELP Sanctuaire à chimpanzés de Tchimpounga 358 Les effets de La guerre civile Pendant et après la guerre civile, un nombre inconnu de grands singes a été tué et les efforts de conservation entravés en raison de l'effondrement général de la justice et du chaos régnant dans le pays. Le zoo de Brazzaville a été attaqué pour fournir de la viande destinée à nourrir les affamés et il a, depuis, fermé ses portes. En 1997, la Fondation John Aspinall (JAF] et l'Institut Jane Goodall (JGI] ont évacué les gorilles et Les chimpanzés du zoo par avion. Toutefois, les combats se déroulaient surtout dans Le sud du pays, loin des forêts reculées du nord où sont concen- trées Les plus fortes populations de grands singes. La destruction de toutes les infrastructures pendant la guerre a davantage réduit les mouve- ments vers les régions forestières qui étaient plus accessibles avant. Cette situation a, sans nul doute, concouru à la protection de la faune du pays pendant cette période trouble. La chasse En 1992, il a été établi que 40 % des hommes Aka (Ba'Aka ou Bayaka) de la région de Motaba dans Le nord-est du Congo consommaient de la viande de chimpanzé ou de gorille et que la chasse de ces grands singes était courante dans toute La région.” Les chasseurs tuaient environ 0,01 gorille et 0,02 chimpanzé par kilomètre carré par an, soit 5 % et 7 % de leurs populations respectives. Ces chiffres sont supérieurs au taux de remplacement, donc cette chasse est jugée non durable.“ Ces chiffres ne représentent, de plus, que la consommation locale ; le commerce sur les marchés de cette viande n'a pu être quantifié. La chasse, notamment à l'aide d'armes automatiques, est considérée comme un problème de gestion majeur dans la réserve communautaire du Lac Télé/Likouala-aux- Herbes.“ Dans les années 80, Le personnel de l'orphelinat des gorilles de Brazzaville estimait à 400-600 individus Le nombre de gorilles tués chaque année dans Le nord du Congo, même s'il s'agissait probablement d'une sous-estimation.”#* Les nombreux morceaux de gorilles amenés sur les marchés des villes ainsi que les orphelins prove- naient probablement du sud-ouest de Mayombe." La demande en viande de brousse s'est accrue dans les villes du Congo et des pays voisins en raison de l'accroissement des revenus en milieu urbain. Les chiffres sur les marchés de Brazzaville montrent que les carcasses de gorilles et de chimpanzés représentent 2 % du nombre total de carcasses d'animaux et 2,23 % du poids total de viande vendue.‘ Les gorilles et Les chimpanzés sont aussi fréquemment blessés ou mutilés par les pièges et collets posés pour attraper d'autres animaux des forêts tels que l'antilope.“ Les grands singes sont victimes de certaines traditions locales. Ainsi, les Kwélé, Kota, Mboko et Djem, qui sont tous des groupes ethniques du nord du Congo, mangent la viande de gorille dans le cadre du rituel de circoncision des jeunes hommes." Dans d'autres régions du Congo telles qu'à Odzala et à Ndoki, les os et les poils de gorilles et de chimpanzés broyés sont ajoutés à l'eau de bain des bébés pour leur insuffler force et santé.” Par contre, les chimpanzés qui vivent à l'intérieur et autour du Parc National de Conkouati-Douli dans La région de Poole sont protégés par des tabous locaux qui interdisent la consommation de leur viande ; dans la coutume Vili, les chimpanzés sont considérés comme étant la réincarnation des hommes. Toutefois, l'exploitation forestière à des fins commerciales dans le Parc National de Conkouati- Douli et l'immigration massive qui en découle ont dilué toutes ces croyances et ces tabous relatifs à La consommation de viande de chimpanzé. Les maladies La fièvre hémorragique Ebola est maintenant une menace égale à celle que fait peser La chasse sur les grands singes du Congo.‘ Le virus Ebola apparaît de manière sporadique au Congo et au Gabon depuis la fin des années 90 et il continue à se propager. La maladie a déjà fait plus de 140 victimes humaines qui ont dû probablement consommer où être en contact avec de la viande de primates infectés. En fin 2002, une épidémie était signalée au nord du Congo à la frontière avec le Gabon ; dans certaines régions, plus de 90 % des populations de gorilles et de chimpanzés ont été décimés lors de cette seule épidémie. À titre d'exemple, elle semble avoir tué tous Les sujets d'une population d'étude de 143 gorilles sauf sept dans le sanctuaire à gorilles de Lossi. Aucune épidémie n'avait encore été confirmée dans le Parc National d'Odzala-Koukoua voisin, *??“! mais en septembre 2004, une baisse de 80 % des apparitions des gorilles à Lokou Bai dans le parc a fait craindre un déclenchement de l'épidémie. "? Les grands singes du Congo souffrent d'autres maladies dont Le pian, maladie débilitante proche de la syphilis qui a atteint 24 gorilles sur un échantillon de 420.7 AFRIQUE : Conco 359 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Un chimpanzé venant d'être relâché à Conkouati jette un dernier regard. 360 2 ” c\ SJ > Joanna Setchell & Benoît Goossens/HELP International Destruction de l'habitat Selon certaines estimations, 170 km? de forêts étaient défrichés chaque année au Congo entre 1990 et 2000, soit environ 0,1 pour cent de la superficie totale par an.“ Le bois est également exploité de manière sélective dans Les forêts sèches qui sont accessibles. L'exploitation forestière sélective peut améliorer l'habitat pour les gorilles qui peuvent généralement trouver de bonnes ressources alimentaires dans les forêts secon- daires, mais en réalité, la chasse qui est le corollaire de cette exploitation est très défavorable aux gorilles, tués pour leur viande. Certaines forêts du nord sont restées inexploitées jusqu'alors en raison de l'absence d'infrastructure routière, mais la situation a changé et aujourd'hui un grand nombre d'unités d'aménagement des forêts primaires restantes ont été attribuées à des sociétés forestières." Au Congo, les routes construites et entretenues par ces sociétés favorisent la chasse du gibier de brousse en offrant aux chasseurs un meilleur accès aux populations de faune sauvage relativement intouchées, en réduisant le coût du transport de la viande de brousse vers les marchés et, dans de nombreux cas, en constituant un marché local au sein des ouvriers de la société forestière.“ LÉGISLATION ET ACTIONS DE CONSERVATION Législation internationale Le Congo a ratifié ou adhéré à La Convention sur la Diversité Biologique (1993), La Convention sur le Commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES) (1983), La Convention des Nations Unies sur la lutte contre la Désertification (1999), la Convention Africaine sur la Conservation de la Nature et des ressources naturelles (1981) et la Convention du Patrimoine Mondial (1987). Le pays participe égale- ment au Programme de l'UNESCO sur l'Homme et la Biosphère (MAB) dans le cadre duquel deux réserves de biosphère ont été désignées : le Parc National d'Odzala-Koukoua et la zone de Dimonika dans le massif de Mayombe. Législation nationale Les principales lois relatives à la conservation et à l'utilisation de la faune sont la Loi 48/83 qui protège les gorilles et Les chimpanzés," La Loi N° 49/83 du 21 avril 1983 et le Décret N° 85/879 du 6 juillet 1985. La Loi N° 16/2000 du 20 novembre 2000 institue le Code forestier qui vise la gestion durable des écosystèmes forestiers du Congo. Le Ministère de l'Économie, des Forêts et de l'Environnement (MFEE) est chargé de la conservation et de la réglementation concernant l'utilisation de la faune sauvage, y compris la gestion des aires protégées. Le gouvernement congolais a récemment proscrit la production des cartouches de fusil.° Le Congo fait partie du Partenariat pour les Forêts du Bassin du Congo (PFBC]), une initiative internationale qui regroupe des gouvernements, des organisations non gouvernementales (ONG) ainsi que le secteur privé et qui promeut la conservation des forêts du Bassin du Congo tout en encourageant le développement économique et social durable de la région. Les aires protégées IL existe trois principales catégories d'aires protégées au Congo : les parcs nationaux (quatre sites), les réserves de faune {six sites) et les réserves de chasse (quatre sites]. On compte également quatre sanctuaires de faune et plusieurs autres réserves.“ Le réseau d'aires protégées existant couvre près de 11 % du territoire national. Avec Le concours de la Wildlife Conservation Society (WCS), Le gouvernement congolais a récemment initié une évaluation des aires protégées du pays qui met l'accent sur les disparités entre les différents parcs et prévoit de créer un service national des aires protégées et de gestion de La faune sauvage.“ Le gorille de plaine de l'ouest et Le chimpanzé d'Afrique centrale sont présents dans les trois parcs nationaux. Le Parc National de Nouabalé-Ndoki s'étend sur 4 193 km°.* IL comprend près de 2 % de l'ensemble des forêts du Congo. La majeure partie de la zone périphérique à l'ouest et au sud a déjà été exploitée au rythme de 100 arbres/km’ et Le parc est essentiellement entouré de concessions forestières actives.‘ L'impact humain dans le parc et dans la zone tampon de Bomassa est jugé minimal.!! La WCS administre le parc en collaboration avec le MFEE. En 2001, le Parc National d'Odzala-Koukoua a été étendu à la réserve de faune de Lékoli-Pandaka et à La réserve de chasse de M'boko (situées toutes les deux au sud du parc) ainsi qu'à une immense aire forestière au nord, à l'ouest et à l'est, vouée antérieurement à l'exploitation du bois. Le parc s'étend maintenant sur une superficie de 13 456 km? sur la rive nord-ouest du bassin du fleuve Congo, avec des altitudes variant entre 300 et 600 m./“ En l'absence d'influence humaine, la densité de la population des gorilles a tendance à être plus forte lorsque La végétation herbacée abonde, telles que différentes espèces de Marantaceae (voir chapitre 7). La forêt d'Odzala est constituée pour plus de 90% de forêt à Marantaceae à couvert relativement ouvert et à sous-bois dense. La partie nord de la forêt tropicale contient de nombreuses salines et ses clairières (bais marécageux] attirent particulièrement Les grands mammifères, y compris les gorilles. Odzala enregistre les plus fortes densités de gorilles de plaine de l'ouest (5,4/km° en moyenne) et de chimpanzés (2,2/km° en moyenne) en Afrique centrale? Chaque fois que Les gorilles et les éléphants vivent en un même lieu, les pachydermes améliorent l'habitat des gorilles en dispersant les graines, en ouvrant des chemins en forêt et en favorisant la croissance de plantes herbacées.””*? Si l'on excepte la période de 1997 à 1999 pendant laquelle la guerre civile a freiné Les activités de conservation, Le Parc National d'Odzala-Koukoua est administré depuis 1992 avec l'appui du Programme de l'Union Européenne, dénommé Conservation et utilisation rationnelle des écosystèmes forestiers d'Afrique centrale (ECOFAC), qui a contribué de manière significative à la réduction du braconnage. Le Parc National d'Odzala-Koukoua a été érigé en réserve de Biosphère en 1977. Le Parc National de Conkouati-Douli est situé sur La côte atlantique au sud-ouest du Congo et s'étend sur 5 045 km’. La présence des gorilles et des chimpanzés est apparemment courante dans la partie nord du parc. La partie terrestre du parc comprend plusieurs concessions forestières actives et de nombreux villages regroupés dans une ‘zone d'écodéveloppement. IL s'est avéré difficile de juguler la chasse, surtout que La zone de Conkouati alimente largement le marché de viande de brousse de La ville de Pointe-Noire et les populations de mammifères en sont gravement affectées. Le parc a été géré par l'UICN - l'Union mondiale pour la conservation — pendant cinq ans jusqu'en 1999, date à laquelle il a été repris par la WCS qui Le gère maintenant en collaboration avec le MFEE. La réserve communautaire du lac Télé/Likouala-aux-Herbes dans La région marécageuse de Likouala abrite aussi bien des gorilles que des chimpanzés. La WCS s'implique de plus en plus dans la gestion de cette réserve désignée Site Ramsar en 1998 et qui est La propriété des communautés locales. Enfin, le Sanctuaire de gorilles de Lossi est une petite réserve effectivement créée par la communauté locale qui y met en œuvre un projet d'écotourisme. Des activités de recherche y sont également menées. Les initiatives transfrontières Le Congo est l'un des partenaires de La Trinationale de la Sangha (TNS), une aire de conservation transfrontière dans laquelle Les aires protégées du Congo, du Cameroun et de la République Centrafri- caine (RCA) sont gérées de manière conjointe (voir profil de pays de La RCA). La partie centrale de La zone de protection est constituée des Parcs Nationaux de Nouabalé-Ndoki (Congo), du Lac Lobéké (Cameroun) et de Dzanga-Ndoki (RCA) avec une superficie totale d'environ 7 300 km’. Ils abritent tous de larges populations de gorille de plaine de l'ouest et de chimpanzé d'Afrique centrale. En janvier 2004, Le gouvernement du Congo a annoncé la création du Parc National de Bambama- Lékana qui abrite des chimpanzés, dans le cadre d'une aire protégée transfrontière avec le Parc National des plateaux Batéké au Gabon voisin. Le gouvernement prévoit également de relier Le Parc National de Conkouati-Douli au Parc National de Mayumba au Gabon. Dans le même ordre d'idées, il est envisagé la création d'une aire transfrontière à Mayombe qui regrouperait des zones du Congo, d'Angola et de RDC.” Si cette idée est adoptée par les gouver- nements, une vaste aire serait ainsi crée, comprenant des zones intégralement protégées et à exploitation limitée. La portion de forêt située au Congo semble avoir particulièrement souffert de l'exploitation forestière. AFRIQUE : Coco 361 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 362 Projets de conservation sur Le terrain L'écotourisme comprenant l'observation des gorilles est en train d'être développé dans plusieurs sites au Congo, y compris dans le Parc National d'Odzala-Koukoua et Le Parc National de Nouabalé- Ndoki. La WCS est impliquée dans de nombreux projets de conservation au Congo, y compris un projet avec Le MFEE et La Congolaise Industrielle des Bois (CIB) - une société forestière implantée dans la périphérie du Parc National de Nouabalé-Ndoki. Un ensemble de directives cynégétiques proscrivant notamment la chasse des grands singes et d'autres espèces menacées ainsi que l'exportation de la viande provenant de La concession a été adoptée. Par conséquent, la chasse du gibier de brousse à des fins commerciales a régressé et il a été révélé en 1999 que la fréquence de la chasse des gorilles et des chimpanzés avait baissé de près de 90 % en deux ans.” En outre, la compagnie forestière a abandonné une grande zone de sa concession dans laquelle vivent des grands singes peu farouches, sans doute parce qu'ils n'ont eu aucun contact antérieur avec des humains. La Banque mondiale s'est dite très intéressée dans la promotion de ce projet qui servira de modèle pour d'autres concessions en Afrique Centrale."* Par ailleurs, le gouvernement du Congo exige maintenant de la part de toutes les sociétés opérant au nord du pays de financer des écogardes et de prendre en charge la gestion de la faune sauvage au sein de leurs concessions! Des recherches sur la population, l'écologie et les comportements sociaux des gorilles et/ou des chimpanzés ont été menées dans plusieurs sites, en particulier dans Le nord du pays. On peut citer dans ce cas Mbeli Bai, une saline marécageuse s'étendant sur 1,3 km’ et Le Triangle de Goualougo, tous les deux situés dans le Parc National de Nouabalé-Ndoki ;” Le bai de Maya Nord dans le Parc National d'Odzala-Koukoua ;” La zone marécageuse de Likouala ;° et dans le Sanctuaire à gorilles de Lossi, 50 km au sud-ouest du Parc National d'Odzala-Koukoua.” Les sanctuaires IL existe plusieurs sanctuaires pour les grands singes ainsi que des projets de réintroduction au Congo. En 1986, La Fondation John Aspinall (JAF]) ouvre un orphelinat pour gorilles au sein du zoo de Brazzaville. En 1994, Le JAF crée le Sanctuaire de Lesio-Louna (aujourd'hui classé comme réserve) à proximité de la réserve de faune de la Lefini, en partenariat avec Le gouvernement du Congo." La zone avait pour fonction d'être utilisée pour la réhabilitation des gorilles. En 2004, le secteur sud de la réserve de la Lefini est fusionné à la réserve de Lesio-Louna, créant ainsi une aire protégée de 1700 km’. Le projet s'occupe actuellement de 23 gorilles dont 15 réintroduits en milieu sauvage avec succès. Une naissance a été enregistrée dans le groupe réintroduit.” Le Sanctuaire de chimpanzés de Tchimpouga couvrant une superficie de 73 km’, à 50 km au nord de Pointe-Noire, a été ouvert en 1992 et est dirigé par l'Institut Jane Goodall {JGI] ; c'est Le plus grand sanctuaire de ce type en Afrique. Il abrite au moins 115 chimpanzés et enregistre une arrivée croissante de nombreux orphelins. Dans la plupart des cas, Les nouveaux sont de jeunes chimpanzés confisqués par les autorités congolaises à des chasseurs qui essayaient de les vendre. Le centre est aussi impliqué dans des activités de développement communautaire local et des programmes d'éducation environnementale. Une ONG congolaise appelée Habitat Ecologique et Libertés des Primates (HELP) créée en 1991 s'occupe également des jeunes chimpanzés confisqués par les autorités congolaises. Depuis novembre 1996, 36 chimpanzés orphelins ont été relâchés dans les forêts du Parc National de Conkouati-Douli (ancienne réserve de faune de Conkouati-Douli]. Pour veiller au succès de l'opération de réintroduction, une équipe congolaise d'agents de terrain suit quotidiennement les chimpanzés. Sur les 36 animaux relâchés, 26 ont survécu et se sont réadaptés à La vie sauvage.‘ HELP ne recueille plus de nouveaux chimpanzés orphelins et Le relâcher des derniers candidats était prévu en 2003. La surveillance après le relâcher se poursuivra jusqu'en 2013 pour permettre l'évaluation du processus de réintroduction (voir Encadré 4.5). STRATÉGIES DE CONSERVATION FUTURES Une rencontre internationale de primatologues et autres experts en conservation s'est tenue à Brazzaville en mars 2003 sous l'égide du GRASP en vue de débattre des actions de conservation des grands singes au Congo. Un projet de Plan national de survie des grands singes [NGASP)] y fut élaboré.” Les principales recommandations à l'issue de la réunion, données par les différents groupes de travail sont résumées ci-dessous : M Accroître l'efficacité des brigades de sur- veillance et de lutte contre Le braconnage dans les concessions forestières, créer une brigade nationale de lutte contre le braconnage, ainsi que mettre en place un comité interministériel qui aidera à le combattre, et informer de l'existence de la loi sur La conservation de la faune sauvage au sein des corps de l'armée, de la police, des douanes et de la magistrature. M Assurer une surveillance effective des aires protégées, y compris par l'amélioration de l'approvisionnement en équipement, désigner certaines aires protégées comme Sites du Patrimoine Mondial et promouvoir la gestion transfrontière des grands singes. MH Développement d'un système de contrôle des activités illégales touchant aux primates et promouvoir la mise en place d'un réseau national de gestion de l'information environnementale, avec un accent mis sur les grands singes. MH Mise en place d'activités de recherches sur le statut, la répartition et la biologie des grands singes au Congo, y compris La dynamique de leurs populations et les maladies qui les affec- tent, inciter Le développement de la recherche nationale sur les grands singes et la création d'une base de données sur toutes les études scientifiques portant sur les grands singes. M Développement d'une politique nationale du tourisme, et promotion de celui-ci dans tous OUVRAGES À CONSULTER les départements ministériels, mise en place de mesures incitatives pour promouvoir le tourisme local à travers le pays, et conduite d'une étude de faisabilité sur l'écotourisme dans les régions où vivent les grands singes. M Mise en place de sources alternatives de revenus pour les communautés rurales telles que l'agroforesterie, la pisciculture et l'apiculture. M Diffuser les résultats du projet conjoint WCS, CIB et MFEE dans toutes les concessions forestières du Congo. MB Création d'une agence autonome de gestion de la faune sauvage et des aires protégées. B Mise en œuvre d'activités d'éducation et de sensibilisation sur la conservation. Les inquiétudes que suscite la menace du virus Ebola sur Les grands singes du Congo ont aussi été clairement exprimées et des appels ont été lancés pour augmenter les activités de recherche dans le domaine de la vaccination en particulier sur les moyens de vacciner Les hommes et Les primates.“ Un second atelier s'est tenu à Brazzaville en mars 2003 sur le virus Ebola et sur les soins préventifs, grâce à l'appui du MFEE, du Ministère de la santé et des populations et d'ECOFAC. L'atelier a permis de mieux connaître le virus et a jeté les jalons d'une approche stratégique de développement de mesures préventives et de poursuite des recher- ches dans ce domaine. Bermejo, M. (1999) Status and conservation of primates in Odzala National Park, Republic of the Congo. Oryx 33 (4): 323-331. Blake, S., Rogers, E., Fay, J.M., Ngangoué, M., Ebéké, G. (1995) Swamp gorillas in northern Congo. African Journal of Ecology 33 (3): 285-290. Bowen-Jones, E., Pendry, S. (1999) The threat to apes and other animals from the bushmeat trade in Africa, and how this threat could be diminished. Oryx 33 [3]: 233-246. Fay, J.M., Agnagna, M. (1992] Census of gorillas in northern Republic of Congo. American Journal of Primatology 27: 275-284. Kano, T., Asato, R. (1994) Hunting pressure on chimpanzees and gorillas in the Mobata River Area, northeastern Congo. African Study Monographs 15 [3]: 143-162. Leroy, E.M., Rouquet, P., Formenty, P., Souquière, S., Kilbourne, A., Froment, J.M., Bermejo, M. Smit, S., Karesh, W., Swanepoel, R., Zaki, S.R., Rollin, P.E. (2004) Multiple Ebola virus transmission events and rapid decline of central African wildlife. Science 303: 387-390. MFEE (2003) Rapport final de l'atelier sur l'elaboration d'un plan national pour la survie des grandes signes. GRASP: Great Apes Survival Project. Ministère de l'Economie Forestière et de l'Environnement, Republic of Congo. Nishihara, T. (1995) Feeding ecology of western lowland gorillas in the Nouabalé-Ndoki National Park, Congo. Primates 36 (2): 151-168. AFRIQUE : Conco 363 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 364 Walsh, P., Abernethy, K.A., Bermejo, M., et al. (2003) Catastrophic ape decline in western equatorial Africa. Nature 422: 611-614. Wilkie, D., Shaw, E., Rotberg, F., Morelli, G., Auzel, P. (2000) Roads, development, and conservation in the Congo Basin. Conservation Biology 14 [6]: 1614-1622. SOURCES DES DONNÉES CARTOGRAPHIQUES Carte 16.5 Les données sur Les grands singes sont issues des sources ci-après: Butynski, T.M. (2001) Africa's great apes. In: Beck, B.B., Stoinski, T.S., Hutchins, M., Maple, T.L., Norton, B., Rowan, A, Stevens, E.F, Arluke, A., eds, Great Apes and Humans: The Ethics of Coexistence. Smithsonian Institution Press, Washington, DC. pp. 3-56. Les informations supplémentaires proviennent des communications personnelles de Maisels, F. (2004), Poulsen, J. (2005), Ron, T. (2003), Stokes, E. (2003), et des sources suivantes: Goossens, B., Setchell, J. (2003) Home free. BBC Wildlife 21 (2): 30-35. Poulsen, J.R., Clark, C.J. (2004) Densities, distribution, and seasonal movements of gorilla and chimpanzees in swamp forest in northern Congo. International Journal of Primatology 25 (2): 285-306. Various authors (2003) Annotated map prepared by UNEP-WCMC and modified at the meeting of the national GRASP team in Brazzaville, Congo on April 2 2008. Pour les données sur les aires protégées et autres voir Comment utiliser Les cartes. REMERCIEMENTS Je voudrais remercier Amos Courage (Fondation John Aspinall], lan Redmond [Ape Alliance/GRASP), et Emma Stokes {Wildlife Conservation Society] pour Leur précieux concours lors de la rédaction de cet article. AUTEUR Nigel Varty, Centre International de supervision de La conservation du PNUE RÉPUBLIQUE DE CÔTE-D'IVOIRE ILKA HERBINGER, CHRISTOPHE BOESCH, ADAMA TONDOSSAMA, ET EDMUND MCManNUs HISTOIRE ET ÉCONOMIE La République de Côte-d'Ivoire est située en Afrique de l'ouest, entourée à l'ouest par le Liberia et la Guinée, au nord par Le Mali et Le Burkina-Faso, à l'est par le Ghana et au sud par le Golfe de Guinée. Sa superficie est de 318 000 km’. En 2004, sa popu- lation était estimée à 17,3 millions de personnes, pour un taux de croissance de 2,1% par an et principalement concentrée dans la région côtière du sud et Le principal pôle commercial qu'est Abidjan.” En 1960, la Côte-d'Ivoire obtient son indépendance de la France et Félix Houphouët- Boigny devient le Chef de l'Etat et le Président du parti unique au pouvoir. Cette situation prévaut jusqu'en 1990, date de l'avènement du système pluraliste. Lors de la première élection prési- dentielle contestée, Houphouët-Boigny est réélu à La tête de l'Etat et y demeure jusqu'à sa mort en 1993° L'économie de la Côte-d'Ivoire repose essentielle- ment sur l'agriculture et Les services connexes qui emploient près des deux tiers de La population. C'est ‘un des plus grands producteurs et exportateurs mondiaux de café, de fèves de cacao et d'huile de palme, ce qui rend son marché extrêmement sensible aux cours internationaux de ces produits. Ces cours étaient élevés au milieu des années 90, ce qui, allié à d'autres facteurs comme la découverte de ressources pétrolières au large du pays, a favorisé Les variations de La dette extérieure. Le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) a été de 5 % environ au cours de la période 1996-1999. Cette période de relative prospérité a été brutalement interrompue par un coup d'état militaire Le 25 décembre 1999 qui a instauré Carte 16.6 Répartition des chimpanzés en Côte-d'Ivoire AFRIQUE : CÔTE-D'IVOIRE Références bibliographiques à la fin de ce chapitre BURKINA| FASO Tingrela Aire de répartition estimée T7 Chimpanzé occidental PN du #1 Mont Sangbe : 8°Ne RNI & SPM du Mont Nimba® ji - ; 777 ur —__Bouakée a QZuénoula Sakassou Fr (3 : Kossaui D IHOHSSOUKTO Ÿ À A en rÈ FC de Goin-- . lv ’ RL Débé o Paral % | * Gag Fe le fase, dur . \-& > Le. = Q LIBERIA # l LENS PO NES Le 4 + Grand! Ron ” Sassandra FC de Monogaga OCEAN: Espèce ETC y Mbahiakro Ÿg ss Fe gore, En Ve © SAgboville ae se PN de Azagny Chimpanzé occidental observé en 1996-2003 Chimpanzé occidental observé en 1983-1995 Chimpanzé occidental observé après 1983 Chimpanzé occidental observé avant 1983 Chimpanzé occidental: présence présumée Chimpanzé occidental disparu localement vers 1940 PN & SPM de Comoé Bondoukou ES 8°N Tanda L] ee +9 GHANA ia nibilekrou Le 4 un FC de” Bossématié ”, lAdeopé FC Complexe de Songän- Tamin-Mabi-Yaya_6°N 3 Lac. RER Arambe COR TS Lagiine- 4 Eke, a er es Golfe de Guinee ATLANTIQUE 365 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 366 l'instabilité dans le pays, des contre-coups et une guerre civile qui se poursuivit jusqu'en 2003 quand les accords de paix conclus sous les auspices de La Communauté Economique des Etats de l'Afrique de (Ouest (CEDEAO]) et la France commencèrent à porter leurs fruits. Si quelques troubles surviennent encore en 2003, le processus de paix se poursuit et des milliers d'hommes, de troupes francaises et africaines restent sur place pour maintenir l'ordre et faciliter le désarmement, La démobilisation et La réinsertion des combattants. Les contingents ouest africains sont remplacés en 2004 par les forces de maintien de La paix de l'ONU. Toutefois, une flambée de violence en novembre 2004 vient ralentir le processus de paix en cours et pousse l'ONU à imposer un embargo sur les armes à toutes les parties. Entre 2000 et 2004 l'économie a périclité un peu plus chaque année et les perspectives pour l'avenir restent encore sombres. RÉPARTITION DES GRANDS SINGES La Côte-d'Ivoire n'abrite qu'une seule espèce de grand singe à savoir Le chimpanzé d'Afrique de l'ouest (Pan troglodytes verus]. IL a toujours été très répandu à travers le pays, avec une forte concen- tration d'individus dans les zones de forêts tropicales (Carte 16.6). Des études menées en 1986- 1988!! et 1989-1990" ont estimé la population totale à quelque 11 000 à 12 000 chimpanzés, dont plus de la moitié vivent dans des aires protégées, y compris des parcs nationaux et des réserves, le reste vivant dans des forêts classées mal protégées ou des zones non protégées. En 2003, la population de chimpanzés a été estimée à 8 000 -12 000 individus? ce qui, comparé aux données des autres pays, représente une augmentation de 21-36% de la population totale des chimpanzés d'Afrique occidentale. Les sites abritant de facon avérée où très probable d'importantes populations de chimpanzés sont, entre autres, Le Parc National de Taï, La réserve de faune de N'20, Le Parc National du Mont Péko, Le Parc National du Mont Sangbé, la réserve naturelle intégrale du Mont Nimba, le Parc National de Comoé, le Parc National de Marahoué et Les forêts classées de Haute Dodo, Cavally-Goin, Haut Sassandra, Haut Bandama, Bossématié, ainsi que le complexe Songan-Tamin-Mabi-Yaya et la forêt classée de Monogaga.'"* Le nombre élevé de chimpanzés vivant dans ces aires protégées atteste du fait que La majeure partie des forêts du pays - jadis Les plus vastes d'Afrique - ont subi une exploitation intensive et La déforestation est partout manifeste hors du système de ces zones protégées. Selon certaines estimations, le Parc National de Taï abriterait près de 4500 chimpanzés (0,4- 1,7/km’] tandis que 1 500 autres vivraient dans la réserve de faune voisine de N'Zo ainsi que dans les forêts classées de Haute Dodo et Cavally-Goin.®'"" D'après le dernier dénombrement officiel dans le Parc National du Mont Péko (1989-1990), La population totale de chimpanzés comptait 78 individus, * mais un dénombrement ultérieur a fait état d'une population plus importante, de près de 320 chimpanzés.” 400 chimpanzés environ vivraient toujours dans la forêt classée du Haut Sassandra qui est reliée au Parc National du Mont Péko par des corridors forestiers." Le Parc National du Mont Sangbé compterait 55 chimpanzés au moins,“ mais une étude plus récente avance le chiffre de 260 individus." La réserve naturelle intégrale du Mont Nimba à cheval entre La Côte-d'Ivoire, Le Liberia et La Guinée abriterait 59 chimpanzés dans la partie ivoirienne.“ La réserve entière et Les forêts classées contiguës totaliseraient peut-être plus de 300 chimpanzés, et le Parc National de Comoé, une population de près de 470 individus.“ Le Parc National de Marahoué enregistre La plus forte densité de chimpanzés en Côte-d'Ivoire, estimée à 6,4/km° pour une population de 1407 individus (1989-1990). Un rapide recensement effectué en 1998 n'a toutefois, identifié qu'un seul nid et établi quatre contacts auditifs avec les chimpanzés uniquement, confirmant ainsi leur présence mais prouvant également le déclin significatif de leur population.” Quant à La population totale du Haut Bandama, elle est estimée à 300 individus.“ Les forêts classées de Bossématié et le complexe proche de Songan-Tamin-Mabi-Yaya abriteraient sur leur ensemble une population totale de 600 individus! et environ 100 chimpanzés vivraient peut- être encore dans la forêt classée de Monogaga !'" L'avenir des chimpanzés de Côte-d'Ivoire dépendra de la gestion de ces nombreuses populations isolées. MENACES La moitié sud de la Côte-d'Ivoire était initialement recouverte par 160000 km’ environ de forêt tropicale, mais l'immigration humaine et l'expansion des zones agricoles ont entraîné une déforestation à grande échelle. En 1966 déjà, le taux de déforestation annuel était de 5 000 km? environ, ? un chiffre maintenu jusqu'aux années 80. Plus tard, il fut révisé à La baisse pour n'atteindre que 2650 km’? (3,1 %]) par an entre 1990 et 2000. Seuls 71170 km° de forêts en majorité dégradée ont survécu à cette période de déforestation‘ Le nombre de chimpanzés a de fait baissé encore plus vite du fait de cette déforestation galopante, passant de 100 000 individus au début des années 60 à 8 000-12 000 en 2003.° Cependant, outre la perte de leur habitat, les chimpanzés de Côte-d'Ivoire doivent faire face à d'autres menaces tels que la chasse, le commerce de la viande de brousse et les maladies. Les chimpanzés sont chassés pour la consommation de leur chair, pour servir d'ingrédients en médecine traditionnelle mais aussi parce qu'ils ravagent les cultures. La viande de chimpanzé est vendue sur Les marchés urbains mais aussi dans les restaurants des villages.” Cependant, des tabous relatifs à la chasse ou à La consommation des chimpanzés sont encore présents en Côte-d'Ivoire. Les musulmans observent des tabous religieux, l'islam condamnant la consommation des primates. Les interdits traditionnels et culturels découlent presque tous des légendes qui lient Le chimpanzé à l'homme. Elles évoquent des hommes transformés en chimpanzés et des chimpanzés aidant les hommes lors de maladies, d'accidents, de naissances, et en temps de guerre. Les traditions locales pourraient ainsi servir la cause de la conservation des chimpanzés. Les zoonoses telles que la variole du singe et La fièvre Ebola constituent une importante menace pour ces petites populations, à l'instar de maladies transmises aux animaux sauvages par les interactions avec les agriculteurs, avec les chasseurs, avec les chercheurs ou bien encore avec les touristes. En 1994, les chimpanzés du Parc National de Taï ont été affectés par un nouveau sous-type du virus Ebola et 25 % de La population en étude y succomba.* En 1999, une épidémie de maladie respiratoire aiguë emporta encore 25 % de cette population de chimpanzés.” Plus récemment, l'anthrax a tué huit chimpanzés au moins dans le Parc National de Taï et c'est La première fois que l'on apprenait que cette maladie avait touché des primates dans une forêt tropicale humide."" IL a été suggéré que les causes de cette infection étaient liées à La déforestation. Cette dernière ayant favorisé l'ouverture aux abords du parc de routes pour le transport du bétail du Mali au Burkina-Faso, la maladie aurait été transmise aux chimpanzés par Le bétail de passage. AFRIQUE : CôTE-D'IVoiRE lka Herbinger/Wild Chimpanzee Foundation LÉGISLATION ET ACTIONS DE CONSERVATION La Côte-d'Ivoire a signé la Convention sur la Diversité Biologique, La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES), l'Accord International sur Les Bois Tropicaux et La Convention des Nations Unies sur la lutte contre la Désertification. En 1995, Le gouvernement a adopté une stratégie nationale relative aux parcs et réserves et, en 1996, il a élaboré un plan d'action national sur l'environnement dont la mise en œuvre est actuellement en cours. Pour l'heure, les projets de conservation des chimpanzés comprennent, entre autres, le projet écotouristique baptisé Projet autonome pour la conservation du Parc National de Taï qui propose de nombreuses activités, dont la visite guidée d'une communauté de chimpanzés habitués à l'homme dans la partie sud du Parc National de Taï. La Wild Chimpanzee Foundation (WCF) met en œuvre des projets d'éducation environnementale auprès des populations locales vivant aux abords des communautés de chimpanzés de Côte-d'Ivoire, notamment par l'intermédiaire de représentations théâtrales interactives. La WCF produit également un bulletin d'information sur les chimpanzés et organise des projections de films documentaires auprès des populations locales. La WCF assure également la mise en œuvre d'un programme national de surveillance biologique, comprenant l'élaboration de meilleures méthodes d'estimation de la population des chimpanzés en Côte-d'Ivoire ainsi que l'identification des menaces immédiates auxquelles Un chimpanzé dans le Parc National de Taï en Côte-d'Ivoire. 367 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 368 elle est confrontée. Le WWF a apporté une assistance financière aux diverses activités de La WCF. Le Parc National de Taï est également Le site du principal projet de recherche sur Les chimpanzés du pays mené sous la supervision de Christophe Boesch et porte essentiellement sur l'étude des comportements, l'écologie, les facultés cognitives et la génétique des chimpanzés mais également sur La transmission des maladies entre les chimpanzés et les hommes. STRATÉGIES DE CONSERVATION FUTURES Les actions de conservation prioritaires visant les chimpanzés en Côte-d'Ivoire sont les suivantes : M La protection. Élever la réserve de faune de N'Z0 et les forêts classées de Cavally-Goin et Haute Dodo au rang d'aires protégées. Créer autant de corridors forestiers protégés que possible pour relier Les populations isolées de chimpanzés. Plus particulièrement, créer des corridors pour relier les populations de chimpanzés de Cavally-Goin à celle du Parc National de Taï, et les chimpanzés de Côte- d'Ivoire aux populations voisines du Liberia. Protéger et agrandir les deux corridors fores- tiers qui relient Le Parc National du Mont Péko à la forêt classée du Haut Sassandra. Intensifier OUVRAGES À CONSULTER la mise en application des lois relatives à La protection de l'espèce et les efforts de surveillance des chimpanzés sauvages. Les études. Mener des études sur la population actuelle des chimpanzés, l'habitat et la pression de chasse au sein du plus grand bloc forestier de la ceinture qguinéenne qui comprend le Parc National de Taï, la réserve de faune de N'Z0, Cavally-Goin et Haute Dodo. Effectuer à nouveau une étude nationale qui porterait notamment sur le Parc National de Marahoué, le Parc National de Comoé, la réserve du Mont Nimba, le Haut Sassandra et le complexe Songan-Tamin-Mabin-Yaya. Cette action permettra de quantifier Le déclin de La population des chimpanzés. L'éducation. Des campagnes d'éducation et de sensibilisation en milieu rural et urbain ont été proposées, y compris un programme de visites régulières de classes d'enfants dans les aires protégées. Le Parc National de Banco situé au cœur d'Abidjan devrait jouer un rôle essentiel dans ces programmes d'éducation. Le développement de l'écotourisme pourrait également être initié dans des sites prometteurs tels que le Parc National de Taï, Le Parc National du Mont Sangbé ou la forêt classée de Monogaga. Chatelain, C., Gautier, L., Spichiger, R.A. (1996) A recent history of forest fragmentation in southwestern Ivory Coast. Biodiversity and Conservation 51: 37-53. Formenty, P., Boesch, C., Wyers, M., Steiner, C., Donati, F., Dind, F., Walker, F., Le Guenno, B. (1999) Ebola virus outbreak among wild chimpanzees living in a rain forest of Côte d'Ivoire. Journal of Infectious Diseases 179 {Suppl 1]: S120-S126. Herbinger, l., Boesch, C., Rothe, H. 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(2003) Côte d'Ivoire. In: Kormos, R., Boesch, C., Bakarr, MI. Butynski, T.M, eds, West African Chimpanzees: Status Survey and Conservation Action Plan. IUCN/SSC Primate Specialist Group. IUCN, Gland, Switzerland. pp. 99-109. Avec des informations complémentaires tirées de: AFRIQUE : RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO Fischer, F., Gross, M. (1999) Chimpanzees in the Comoé National Park, Côte d'Ivoire. Pan Africa News 6 [2]: 19-20. Hoppe-Dominik, B. (1991) Distribution and status of chimpanzees (Pan troglodytes verus] on the Ivory Coast. Primate Report 31: 45-57. Marchesi, P., Marchesi, N., Fruth, B., Boesch, C. (1995) Census and distribution of chimpanzees in Côte d'Ivoire. Primates 36: 591-607. Pour les informations sur les aires protégées et autres, voir Comment utiliser les cartes’. REMERCIEMENTS Cette étude du pays puise largement dans Le chapitre consacré à la Côte-d'Ivoire du document intitulé West African Chimpanzees : Status Survey and Conservation Action Plan de l'IUCN/SSC Primate Specialist Group. Nous adressons nos sincères remerciements au relecteur Gottfried Hohman {Institut Max Planck d'anthropologie évolutive) et à un autre relecteur qui a requis l'anonymat. AUTEURS Ilka Herbinger, Wild Chimpanzee Foundation Christophe Boesch, Wild Chimpanzee Foundation Adama Tondossama, Parc National de Taï Edmund McManus, Centre International de supervision de La conservation du PNUE RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO NIGEL VARTY HISTOIRE ET ÉCONOMIE La République Démocratique du Congo (RDC, ancien Zaïre) couvre une superficie de 2345 410 km”, ce qui en fait l'un des trois plus grands pays d'Afrique. Elle a obtenu son indépendance de la Belgique en 1960 et après une période d'instabilité politique, le Général Mobutu a accédé à la présidence en 1965 par un coup d'état. IL a dirigé sans partage jusqu'à la fin des années 80 puis des voix ont commencé à s'élever pour décrier la corruption du régime et, l'armée s'est mutinée en 1991 et 1993.* La situation a continué à se détériorer avec le génocide rwandais de 1994 au cours duquel le Président Mobutu a offert asile et soutien aux réfugiés Hutu de l'ancienne armée rwandaise. Les Tutsi vivant dans l'est du pays se sont alors alliés à d'autres groupes armés mécontents et ont lancé en 1996 une attaque contre l'armée zaïroise et le régime de Mobutu. Leur leader, Laurent Kabila, a alors pris Le pouvoir mais, après deux ans, la situation politique à l'est de La RDC s'est elle aussi dégradée et les rebelles congolais, soutenus par le Rwanda et l'Ouganda se sont emparés des principales villes, amenant le Zimbabwe, l'Angola, la Namibie et le Tchad à intervenir. Dès mai 1999, les différentes armées rebelles contrôlaient de vastes parties du territoire au nord et à l'est du pays et commencaient à s'autofinancer (et à financer leurs alliés étrangers) en pillant Les ressources minérales comme le diamant, l'or et Le coltan.*‘’ Le Président Kabila fut assassiné en 2001 et son fils Joseph Kabila lui succéda à la tête de l'Etat et lors de son investiture, il s'engagea à promouvoir la démocratie, les droits de l'homme et la libéralisation économique. Grâce à la diplomatie active de l'Afrique du Sud et des Nations Unies, un accord fut conclu entre le gouvernement et Les principaux groupes armés et, un gouvernement de transition fut mis en place en 2002, en dépit de plusieurs coups d'état manqués et des combats intermittents observés dans l'est du pays. La conservation des grands singes en RDC est intimement liée à cette histoire récente et à la situation économique des 55 millions d'habitants de ce pays, une population dont le taux de croissance 369 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Carte 16.7a Répartition des bonobos et des chimpanzés en RDC Références bibliographiques à la fin de ce chapitre == UN QUE REPUBLIQUE 30€ EAP 6 (TE CENTRAFRICAINNE RNIdABONUE o Oo RF je d'Abumonbazi <-v-# 7" ZC de Gangala-na ol 2e , Bodio Pre ZC de os = : ans - © de CAMEROUN, e° Kinshasa 28 CABINDA ANGOLA ANGOLA Espèce + Bonobo observé en 1996-2004 e Bonobo observé après 1980 © Bonobo observé avant 1980 ? Bonobo:présence présumée Bonobo disparu localement vers 1940 Chimpanzé central observé en 1996-2003 Chimpanzé central observé après 1983 Chimpanzé central observé avant 1983 Chimpanzé central: présence présumée O0 ee x 9 O0…ee Bili- Uere Chimpanzé oriental observé en 1996-2003 Chimpanzé oriental observé après 1983 Chimpanzé oriental observé avant 1983 Chimpanzé oriental: présence présumée Chimpanzé oriental disparu localement vers 1940 Chimpanzé du Nigeria- Cameroun observé en 1996-2003 Chimpanzé du Nigeria- Cameroun observé après 1983 Chimpanzé du Nigeria- Cameroun observé avant 1983 ASE 370 V4] F Lac É 14 Mwert 5°N PN & SPM de Garamba, VA F- À Wr) mn OUGANDA ns 2 QE 1 Al Lac Albert : Var E: FPN& SPMde Virunga Lac Edward CRE PSE Lac Kivi ; ar HÉÆea Z x pre) ; BURUNDI 5 ? 2 HRN des Monts Itombwe (projetée) RN du Mont Kabobo gs er) (projetée) SE REPUBLIQUE UNIE DE TANZANIE MONTS MARUNGU bashi ZAMBIE Aire de répartition estimée fr Bonobo fr Chimpanzé central Fr Chimpanzé oriental fr Chimpanzé du Nigeria-Cameroun [as is! : + Singe de Bili- Bondo annuel serait de 2,9 %, selon les estimations de 2003.° Le gouvernement colonial belge n'a laissé aucune infrastructure ou capital social en RDC, si ce n'est un réseau de transport hérité à l'indépendance reliant stratégiquement Les routes, les fleuves et Les voies ferrées.! Le régime de Mobutu a fait à peine mieux après la frénésie initiale de construction observée en 1966-1974 (grâce essentiellement à des emprunts à l'étranger] et presque toutes les infrastructures ainsi créées ont été plus tard détruites par la négligence, le sous-investissement et la guerre. Le pays est doté d'une extrême richesse en ressources naturelles dont Le cobalt, Le cuivre, l'or, Le diamant, Le zinc, l'uranium, l'étain, l'argent, la houille, le manganèse, Le tungstène, le tantale, le cadmium, le pétrole et des ressources électriques non exploitées et pourtant, en 2002-2003 le produit intérieur brut [PIB] était estimé à 5,7 milliards d'USD, Le revenu national brut (RNB) par habitant était inférieur à 90 USD, soit 0,23 USD par habitant par jour'* et quant à l'indice de Développement Humain, la RDC occupe le 168°" rang sur 177 pays à travers le monde.“ L'agriculture représente 55 % du PIB et l'industrie 11 %.° La RDC abrite plus de La moitié des forêts tropicales denses décidues d'Afrique.” Les forêts s'étendent sur 1 352 070 km’ (soit 59,6 % du territoire national}? ce qui fait de La RDC l'un des deux pays d'Afrique les plus pourvus en forêts en termes de pourcentage. Les terres cultivées et arables ne représentent que 3,5 % de la superficie globale.” Après une revue de l'économie politique de La RDC de 1960 à 2000, les analystes du Fonds Monétaire International ont conclu que l'absence de politique économique, la mauvaise gouvernance et La guerre ont contribué à la dérive économique du pays au cours de ces 40 années, mais que des politiques plus appropriées sont en train d'être mises en place qui vont per- mettre la restauration de La croissance économique! RÉPARTITION DES GRANDS SINGES Les bonobos (Pan paniscus] et Les gorilles de plaine de l'est (Gorilla beringei graueri] sont endémiques à la RDC. On y trouve également les gorilles de montagne (G. beringei beringei] et les chimpanzés de l'est (P. troglodytes schweinfurthii]. On ignore si les gorilles de plaine de l'ouest (G. gorilla gorilla) et les chimpanzés d'Afrique centrale (Pan t. troglodytes]) sont encore présents dans la région du Bas-Fleuve au nord de l'embouchure du fleuve Congo. Les bonobos sont répartis de manière très éparse et irrégulière (voir Carte 16.7a].‘ Selon les AFRIQUE : RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO estimations, ils n'occuperaient pas plus de 118 000 km. La majeure partie des 500 000 km? d'habitat potentiel n'a, toutefois, pas été étudiée, ce qui rend très incertain Le nombre exact de ces primates.“ Le nombre de bonobos estimés au cours des 10 dernières années varie entre 10 000 et plus de 100 000 individus.""*%4%%41 Les bonobos sont signalés dans de nombreux sites. Actuellement, des efforts de conservation et de recherche sont entrepris dans le Parc National de la Salonga et la forêt de Lomako (proposée comme réserve forestière), entre les fleuves Lomami et Lualaba, le long du fleuve Kasai-Sankuru, sur Le site du Projet de recherche de la faune de Lukuru, à Wamba, au Lac Tumba et plus récemment dans la forêt de Kokolopori.!”#2# Les gorilles de plaine de l'est sont présents de manière discontinue à l'est du fleuve Lualaba et à l'ouest du Rift Albertin, et de la rive nord-ouest du Lac Edouard au nord à la rive nord-ouest du Lac Tanganyika au sud. Ils occupaient 15 000 km? environ au début des années 90,” en decà des 21 000 km? estimés en 1959-1960. La plupart des gorilles vivaient dans le Parc National de Kahuzi- Biega dont les 6 000 km’ s'étalent sur un relief de montagnes et de plaines reliées par un corridor forestier. La population du parc a gravement régressé durant le conflit de La fin des années 90. Certaines sources estiment même que seuls quelques milliers de gorilles auraient survécu en 2001 “‘° Les gorilles de montagne sont confinés dans le secteur sud du Parc National des Virunga. IL représente une partie de la population globale des ‘Virunga’ qui est indissociable des gorilles contigus du Parc National Mgahinga en Ouganda et du Parc National des Volcans au Rwanda. Près de 183 gorilles de montagne vivaient en RDC en 2001" - environ la moitié de La population des Virunga. Le Mont Tshiaberimu dans le secteur nord du Parc National des Virunga abrite une petite population de gorilles de plaine de l'est qui a été identifiée comme étant distincte des autres gorilles de plaine de l'est sans toutefois constituer une sous-espèce. L'aire de répartition de la population spécifique de gorilles de montagne de Bwindi, qui est largement confinée dans le Parc National de la forêt Impénétrable de Bwindi en Ouganda, s'étend aussi sur une partie de la RDC. Aussi la RDC abrite les sous-espèces connues de gorilles de l'est. Les chimpanzés de l'est vivent dans les zones forestières du nord et de l'est du fleuve Congo. Ils 371 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Carte 16.7b Répartition des gorilles en RDC REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE = CONGO =°= = Mn ! C] EC CE Kinshasa 17 RRRS Matadi Swa-Kibula ANGOLA Espèce Gorille oriental de plaine # Gorille de montagne #” Gorille occidental de plaine Aire de répartition estimée 117 Gorille de montagne ‘17 Gorille occidental de plaine 372 Références bibliographiques à la fin de ce chapitre SOUDAN Gangala- na PN & SP Bodio HZ M de Garamba ZC de Mondo Missa TSX y Ü — OUGANDA s., Lac her! # a rt 7, PN & SPM 27 de Virunga n_— MONT ;/ TSHIABERIMU — Lac Edward PN & SPM de © Kahuzi- Biega Le BURUNDI RN du Mont Kabobo (projetée) ZAMBIE sont surtout présents dans la réserve forestière de [ituri.* On les rencontre aussi dans les régions orientales le long du Rift Albertine, en partant de la frontière soudanaise au nord à la rive sud du Lac Tanganyika.* ILs sont présents également au nord- ouest près de la frontière avec le Congo.” Dans le Parc National de Kahuzi-Biega””, on estime leur densité à 0,4/km° et dans Le massif d'Itombwe en RDC, 1100 chimpanzés ont été identifiés au total dans une aire d'étude de 1600 km‘ Leur population totale est estimée à 70 000 - 100 000 individus, * bien au-delà des 6200 chimpanzés environ identifiés en 1980.” Toutefois, Les chiffres actuels sont provisoires car peu d'habitats de chimpanzés ont été étudiés en RDC, surtout dans le nord du pays. De plus, l'impact de la guerre civile n'a pas clairement été établi et Les zones qui avaient fait l'objet d'études doivent être revisitées.! Les gorilles de plaine de l'ouest n'existent probablement plus dans leur ancienne aire de répartition à l'extrême ouest de La RDC, au nord du fleuve Congo.” On pense qu'ils auraient disparu avant 1980.” Le chimpanzé central était également présent à l'extrême ouest de La RDC, mais aucune donnée sur son statut actuel ou sa répartition n'est disponible. MENACES Impacts du conflit de 1996-2002 À l'exception du gorille de montagne, Les populations de tous les grands singes de RDC semblent décliner "### Malgré l'absence de données fiables, Le gorille de plaine de l'est semble avoir été gravement touché vers la fin du 20°"* siècle. Enfin, on ne dispose que de peu d'informations sur la situation actuelle des chimpanzés en RDC.” Avant le conflit, l'est du Congo enregistrait parmi les plus fortes densités humaines en Afrique Centrale, avec près de 300 habitants au kilomètre carré dans La province du Kivu.* Le génocide du Rwanda et la guerre civile de 1994 ont entraîné l'arrivée massive de près d'un million de réfugiés du Rwanda et du Burundi.” Environ 860 000 réfugiés se concentraient aux abords du Parc National des Virungas (7900 km’). Quelques 332 000 autres s'étaient rassemblés près du Parc National de Kahuzi-Biega, une aire de 6 000 km initialement destinée à la protection de la population de gorilles de plaine de l'est.” D'importantes portions de forêt ont été défrichées”?”# et la demande accrue en bois de chauffe et aliments a entraîné des incursions dans Les aires protégées. *“ AFRIQUE : RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO La guerre civile a éclaté en RDC en 1996. À La fin de l'année 1999, tous les parcs nationaux étaient au cœur où proches de la zone rebelle. Un grand nombre de gorilles de plaine de l'est des Parcs Nationaux de Kahuzi-Biega et de Maiko ont alors été massacrés par Les combattants et Les réfugiés.‘*?7° Le cours élevé du coltan [colombite et tantale] entre 1998 et 2000 a accentué l'invasion du Parc National de Kahuzi-Biega et de la réserve de faune à Okapis par près de 10 000 et 3 000 personnes respective- ment.“ Une singularité de La RDC est qu'il existe très peu de mines d'exploitation du coltan séden- taires, c'est à dire sur un site sécurisé et contrôlé ; par conséquent le minerai est généralement extrait le long des fleuves à l'aide de pelles.° Des chasseurs professionnels accompagnent ces mineurs et leurs familles. Les chefs de guerre locaux et les dirigeants rebelles vendaient alors vraisemblablement de grandes quantités de coltan pour financer l'achat d'armes destinées aussi bien à La chasse qu'à la guerre.‘ Au milieu des années 90, entre 12 800-21 900 chimpanzés vivaient à l'intérieur des 30 530 km? du Parc National de Maiko, du Parc National de Kahuzi- Biega et de La réserve de faune à Okapis dans l'est de la RDC.” La réserve à Okapis (13 726 km?) abritait une population de 7 500-12 000 chimpanzés.” Bien avant le conflit, La chasse commerciale et l'exploitation minière constituaient déjà un problème en raison de la présence de quatre grands villages à l'intérieur de la réserve.” La viande de brousse consommée dans la réserve à Okapis pendant la guerre incluait au moins celle de trois chimpanzés.” L'impact de la guerre sur la population de chimpanzés n'ayant pu être quantifié, il est impératif qu'une étude soit conduite sur Le terrain afin de faire l'état de La conservation de ces primates. La situation du gorille de plaine de l'est est à peine plus claire. En 1998, leur nombre était estimé à 16900,” mais après la guerre il est difficile de déterminer combien il en reste. Le dénombrement des populations n'a pu être entrepris que sur quelques sites“ (voir état et évolution dans le Chapitre 8] et les biologistes de la conservation répugnent donc à donner des estimations globales. IL ne fait aucun doute que dès 1999, la partie montagneuse (10 %]) du Parc National de Kahuzi- Biega avait perdu 50 % de sa population de gorilles, y compris 88 % de gorilles habitués au tourisme.” Ces derniers, habitués à la présence de l'homme étaient des proies particulièrement faciles. En 2001, les gorilles du parc dont le nombre avait été établi à 373 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 374 15 000 par Le dénombrement de 1995 ont vu celui- ci baisser drastiquement à cause de La chasse pour la viande de brousse‘ Au printemps 2004, les responsables du parc avaient repris Le contrôle de presque tous les secteurs mais estimaient que 100 mines de coltan, de casserite [minerai d'étain) et d'or continuaient d'être exploitées.” À l'exception de quelques familles soumises à une observation régulière, on ignore tout de la situation actuelle des gorilles du parc, ce qui rend impératif La conduite d'études sur Le terrain pour déterminer l'état de leur conservation. Le Parc National de Maiko (10 830 km‘) constitue la limite nord du gorille de plaine de l'est, à l'est de la RDC, avec une population estimée en 1996 à 859 individus, et entre 4000 et 5 000 chimpanzés.” Le site abritait sept groupes de gorilles représentant des populations nord, sud et ouest distinctes, mais cette dernière semble avoir disparu.” Les gorilles sont absents dans de grandes zones du parc qui constituent pourtant des habitats appropriés.” La chasse et l'exploitation minière constituent des menaces mais l'exploitation forestière est peu répandue et la population humaine relativement éparse.”” L'impact de l'extraction du coltan dans ce site est inconnu,“ ce qui rend d'autant plus urgent la conduite d'une étude. La réserve de gorilles de Tanya (700 km?) a été instituée entre les Parc National de Maiko et des Virunga par deux communautés locales, à savoir les Batangi et les Bamate. Elle a été officiellement reconnue par La RDC comme ‘réserve privée’ en 2002, ce qui signifie simplement qu'elle est gérée par la communauté plutôt que par l'administration chargée de la faune. Des études préliminaires révèlent qu'elle abrite entre 225 et 360 gorilles de plaine de l'est.” Les équipes de patrouille protègent La faune sauvage de la réserve de l'exploitation et, une zone tampon de 5 km est protégée de la conversion. La réserve de Tanya a été créée grâce à l'appui du programme de conservation communautaire du Dian Fossey International Fund qui travaille avec d'autres communautés locales sur sept autres projets de réserve dans les alentours. 700 à 1 400 gorilles vivraient à Tanya et dans ces zones adjacentes. Les huit communautés oeuvrent de concert au sein de l'Union des Associations pour la Conservation des Gorilles et le Développement Communautaire à l'est du Congo (UGADEC]) et entendent promouvoir le développement par la conservation plutôt que par [utilisation non durable des ressources naturelles.‘ Les nouvelles réserves sont notamment la réserve de primates de Bakumbule, la réserve de gorilles d'Usala, la réserve forestière de Bakano, la réserve communautaire de Ngira'Yitu et La réserve de gorilles de Punia. En outre, l'initiative locale pour la sauvegarde de La nature (ILSN) est active dans le territoire de Masisi et l'Action communautaire pour la protection de La nature-ltombwe Mwenga (ACPN-IM)] travaille dans La région d'Itombwe.‘ On pense que la forêt d'Itombwe abritait près de 1155 gorilles en 1998“ et qu'à l'époque elle subissait de faibles pressions cynégétiques.” Cette zone forestière comprend deux projets de réserves naturelles [les Monts ltombwe et le Mont Kabobo), une réserve forestière (Maniema] et une réserve de chasse (Luamal). Le taux de destruction des habitats des gorilles de plaine de l'est est probablement le plus élevé de toutes Les sous-espèces de gorilles.“ IL n'occupe plus que 13 % de son aire de répartition géographique, ce qui montre bien l'ampleur de la fragmentation des populations concernées." Les petites populations de Masisi et du Mont Tshiaberimu sont particulièrement vulnérables.® En 1998, on pensait que 16 gorilles vivaient dans les forêts autour du Mont Tshiaberimu!? et 28 dans la région de Masisi.” On a observé des empiètements agricoles notables à la limite du Mont Tshiaberimu pendant la crise des réfugiés.!? Entre 12 et 17 gorilles de montagne des Virunga, soit près de 5 % de La population, ont été tués de manière directe par les activités militaires menées de 1992 à 2000, de même qu'un nombre indéterminé de chimpanzés.” S'il est vrai que la guerre a officiellement cessé, les forêts de La RDC continuent de servir d'abri et de refuge aux forces rebelles, d'où la persistance de la chasse“ Le personnel du parc n'a toujours pas accès à une grande partie des zones de plaine du parc et la situation des gorilles est donc mal connue.“ On pense que la plupart des populations de bonobos sont sorties globalement indemnes de la guerre, mais il est possible que ces populations aient été considérablement affectées dans les zones où La densité humaine est plus significative et l'accès plus aisé.” Dans une partie du secteur nord de la forêt de Lomako par exemple, le dénombrement des nids a révélé une baisse de 75 % de la densité des bonobos :'° Les rapports locaux l'expliquent par les pertes dues à la chasse et La fuite de bonobos vers des lieux moins accessibles. *” La chasse s'est intensifiée à la fin des années 90, à La suite des perturbations dues à l'agriculture locale et à l'accroissement du nombre de chasseurs commerciaux pénétrant dans la zone.” La guerre limitait les échanges commerciaux qui redevien- dront sans nul doute florissant maintenant que le conflit a cessé. Les aires protégées Les moins affectées par La guerre Le Parc National de La Salonga, qui comprend deux parties et s'étend sur 36 560 km’ au total, est La plus grande réserve de forêt humide (et parc national) d'Afrique. IL a été créé en 1970 pour assurer la protection des espèces endémiques dont Le bonobo. C'est l'une des deux uniques aires protégées abritant l'espèce (l'autre étant La réserve de Luo destinée à la recherche scientifique et située à Wamba sur 358 km2).% Aucune exploitation n'a été pour l'instant signalée au Parc National de la Salonga et son emplacement au centre du pays l'a éloigné des ravages des conflits qui l'ont donc moins affecté que d'autres sites en RDC. La réserve scientifique de Mabali (19 km‘), à l'instar de Luo, est un centre de recherche sur le bonobo et jouit de la protection du gouvernement local.‘ Les autres aires protégées qui abritent les grands singes sont, entre autres, la zone de chasse de Bili-Uere (6000 km‘), la réserve de faune de Bososandja (34 km’) et la réserve de chasse de Rubi-Tele (9 080 km‘). Le projet de réserve forestière de Lomako (3 600 km‘) a d'abord été suggéré dans les années 80 par Le WWF -organisation mondiale de protection de l'environnement - et mise de côté par la société forestière Siforzal qui détenait la concession.*” Le processus d'approbation de sa classification nationale a été interrompu par la guerre. Menaces en temps de paix Le relatif éloignement des zones forestières vierges et la quasi absence d'infrastructures de transport n'ont jusqu'ici permis qu'une exploitation réduite et sélective, dans des zones restreintes Le long des fleuves. La majeure partie des forêts de La RDC a ainsi été effectivement protégée. 5 320 km’ de forêt (soit 0,4 % du total] sont défrichés chaque année dans le pays.” IL a été adopté en janvier 2003 un code forestier qui stipule que toutes Les forêts font partie du domaine de l'État qui en définit tes utilisations légitimes. Des mécanismes juridiques et un système de zonage ont ensuite été élaborés. Des voix se sont élevées pour décrier Le fait que Les droits traditionnels des habitants des forêts sur les ressources ne sont pas reconnus et que la société civile avait été peu AFRIQUE : RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE Du CoNGo Martha M. Robbins impliquée dans l'élaboration du code.“ Les taxes sur l'exploitation forestière sont faibles (0,06 USD/ha] et le gouvernement doit accorder des licences aux sociétés forestières sur de vastes superficies pour en tirer des revenus significatifs. La Banque Mondiale prévoit le zonage de 600 000 km’ sous forme de forêt de production." Le prélèvement du bois sera facilité par les nouvelles routes prévues et financées par des promesses de fonds d'un montant de 270 millions d'USD faites en avril 2004” Ce montant correspond à la réhabilitation de 1 080 km de routes sur Les 2 800 km goudronnées du pays ou sur les 5 400 km de routes en terre.” IL est à craindre que la réouverture des routes commerciales entraîne un regain du commerce du gibier en marge du commerce du bois.? Même s'ils ne sont pas universels, les tabous relatifs à la chasse des grands singes existaient dans différentes régions de La RDC. La disparition de ces interdits et le déplacement des populations qui n'avaient pas de tels tabous dans les aires où vivent ces espèces constituent une grave menace. Par exemple, les populations vivant près de Wamba se sont toujours abstenues de chasser le bonobo pour des raisons religieuses.” Pourtant, au milieu des années 80, le bonobo est devenu la cible des chasseurs. Sa viande est évitée dans de nombreuses régions de la RDC mais considérée dans d'autres comme un mets délicat.” Traditionnellement, Les bonobos sont chassés pour leurs prétendues vertus médicinales et/ou magiques et des fétiches faits à partir de bonobos peuvent être trouvés dans certaines régions.”' Toutefois, très peu de personnes vivent à l'intérieur ou autour de l'aire de répartition du bonobo, ce qui réduit d'une manière générale Les pressions de chasse, même si Les bonobos sont très Equipe responsable du recensement des gorilles dans le Parc National des Virunga. 375 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Personnel du Parc National de Kahuzi- Biega avec des crânes d’éléphants et de gorilles. 376 lan Redmond/UNESCO/Born Free Foundation vulnérables aux collets en fil métallique posés pour attraper d'autres espèces. C'est une pratique courante qui se singularise par Le fait qu'un petit nombre d'individus peut poser un très grand nombre de pièges qui restent une menace durant plusieurs années après leur pose, même s'ils sont abandonnés ou perdus par Le chasseur. La consommation de la viande de gorille demeure taboue à l'intérieur et autour de l'aire de répartition du gorille de montagne. La chasse de cette espèce s'est raréfiée au cours des 20 dernières années en raison de la protection et de l'appui engagés des autorités et des groupes de conservation.“ Traditionnellement, les tabous imposés à l'est du Bassin du Congo ont aussi empêché que de nombreux gorilles de plaine de l'est soient tués pour leur chair. Les collets métalliques visant d'autres mammifères, comme les antilopes, représentaient la plus grave menace. En 1998, un individu au moins dans chaque groupe de gorilles apprivoisés de la partie montagneuse du Parc National de Kahuzi-Biega y avait laissé une main.” Comme il a été mentionné plus haut, en 2001, la plupart des gorilles avaient été tués. LÉGISLATION ET ACTIONS DE CONSERVATION Législation nationale Le ministère de l'Environnement, de La Conservation de La Nature et du Tourisme est l'administration chargée de la conservation de la nature. La loi sur La conservation de La nature de 1969 [loi-ordonnance 69/041) définit Les parcs nationaux. La loi sur la chasse de 1982 [loi 82/002] définit Les réserves de faune et Les réserves de chasse et dresse la liste des animaux dont la chasse et le piégeage sont interdits. “* Chose inhabituelle, depuis 1985 les autorités régionales ont le droit d'édicter leurs propres réglementations sur la protection des espèces et de fixer les saisons de chasse, contournant ainsi cette loi. Dans la zone de Dekese (province du Kasai occidental] La chasse au bonobo a été ouverte en 1997, chaque abattage étant sub- ordonné à une autorisation écrite. IL n'y en pas eu et le statut d'espèce protégée leur a été à nouveau conféré après une campagne de l'équipe du projet de recherche sur la faune de Lukuru.**? Conventions internationales La RDC a ratifié ou adhéré à la Convention sur la Diversité Biologique en 1994, à La Convention sur Le commerce International des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES) en 1976, à la Convention sur les Espèces Migratrices (CMS) en 1990, à la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la Désertification (UN Convention to Combat Desertification] en 1997, à La Convention africaine sur la conservation de la nature et les ressources naturelles en 1976 et à la Convention du Patrimoine Mondial (WHC] en 1974. Le pays compte cinq sites du Patrimoine NMndial : Le Parc National de la Garamba, le Parc National de Kahuzi-Biega, le Parc National de la Salonga, la réserve de faune à Okapis et Le Parc National des Virunga. Ils sont tous classés sites du Patrimoine Mondial en péril à cause des pressions anthropiques. La RDC participe également au Programme sur l'Homme et la Biosphère (MAB] de l'UNESCO. Les aires protégées IL existe quatre principales catégories d'aires protégées en RDC : les parcs nationaux (neuf sites), les réserves de chasse (un site], Les réserves forestières (sept sites) et Les réserves de faune (deux sites). IL existe aussi d'autres sites comme les aires vouées à la recherche scientifique ou désignées comme zones de chasse ou réserves naturelles. Le réseau d'aires protégées actuel couvre près de 195426 km? (8% du territoire national]. La gestion des parcs nationaux, des réserves de faune et des réserves de chasse est dévolue à l'Institut Congolais pour la Conservation de La Nature (ICCN] qui administre également la recherche scientifique. Au cours des dernières années, ce sont Les groupes rebelles qui contrôlaient effectivement de nombreuses aires protégées à l'est du pays. Conservation et projets sur Le terrain La plupart des recherches sur les populations, le milieu et les comportements sociaux des grands singes en RDC ont été menées dans l'est et Le Nord du pays. Les sites de recherche sont notamment le Parc National de Kahuzi-Biega,”” Le Parc National de La Salonga,* La réserve de faune à Okapis,? La réserve scientifique de Wamba, la réserve de Luo pour la recherche scientifique“ et Lui Kotal dans la forêt de Lomako.” La recherche a été ralentie pendant la guerre mais s'est quand même poursuivie dans plusieurs sites.’ Plus particulièrement, Le Projet de recherche sur la faune de Lukuru, le Max Planck Institut, le Centre de Recherche pour les Sciences Naturelles en RDC (CRSN)] et La Wildlife Conservation Society (WCS) ont poursuivi leurs activités pendant la guerre. Les chercheurs du CRSN ont continué de travailler sur un projet de recherche sur les gorilles et chimpanzés sympatriques du Parc National de Kahuzi-Biega, en collaboration avec l'Université de Kyoto.””* Les organisations nationales engagées dans la conservation des grands singes sont, entre autres, l'Association des Femmes pour la Conservation et le Développement Durable (AFECOD), la Fondation Pole Pole (POPOF] et Le Programme d'Appui aux Initiatives de Développement Économique du Kivu (PAIDEKI. D'une manière générale, ces organisations concentrent leurs efforts sur les projets communautaires et les moyens de subsistance alternatifs. Au nombre des organisations non gouvernementales internationales actives dans ce domaine, on peut citer Le Programme international de conservation des gorilles (Parc National des Virunga), le WWF (Les Parc National des Virunga et de la Garambal, Le Projet de recherche sur la faune de Lukuru (Parc National de la Salongal, la WCS {Parc National de La Salonga, réserve de faune à Okapis, et La grande réserve forestière de l'Ituri), La Zoological Society du Milwaukee (Parc National de la Salonga] et Le Dian Fossey Gorilla Fund (DFGF) (Mont Tshiaberimu et Centre de conservation des Virunga). Par exemple, le DFGF veut créer une aire de conservation communautaire entre le Parc National de Maiko et celui de Kahuzi-Biega.” Chose inhabituelle, Le Projet de recherche sur la faune de Lukuru a acquis des droits fonciers sur La réserve de faune de Bososandja (qui englobe l'aire de répartition de La communauté des bonobos de Bososandia). En 2004, les activités de conservation et de recherche sur le bonobo - menées et proposées par le Centre de Recherche en Écologie et Foresterie, le Projet de Recherche sur la faune de AFRIQUE : RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE pu CoNco Lukuru, le Max Planck Institut, Vie sauvage, le Comité de Wamba pour la recherche sur Le bonobo, la WCS, et la Zoological Society du Milwaukee - portaient sur le suivi biologique, l'établissement de relations communautaires, le développement économique de microprojets hors du Parc National de La Salonga, l'emploi d'un plus grand nombre de personnes dans la conservation et La recherche, les programmes de sensibilisation, La construction et la réhabilitation des infrastructures, Les inventaires, les relevés topographiques et la cartographie, La formation et l'appui aux patrouilles chargées de lutter contre le braconnage et la recherche.” Les autres objectifs étaient la création d'un centre d'éducation, l'extension des limites des parcs nationaux, l'élaboration des programmes de sensibilisation, La délimitation des frontières des aires protégées, la sensibilisation des concessionnaires des forêts, l'élaboration de plans de gestion des terres, la fourniture du matériel approprié, la formation et l'appui à l'ICCN et La redynamisation du site de conservation de Lomami-Lualaba. Écotourisme Le tourisme lié aux gorilles a drainé 2 800 visiteurs dans le Parc National des Virungas entre 1986 et 1990 et leurs dépenses globales sont évaluées à 250 000 USD. Par ailleurs, Les 2 000 visiteurs enregistrés dans le Parc National de Kahuzi-Biega entre 1988 et 1991 ont généré près de 200 000 USD.” Les recettes de l'écotourisme ont été minimales au cours de la dernière décennie à cause principalement des conflits ; l'abattage par le braconnage de groupes de gorilles habitués à l'homme dans Le Parc National de Kahuzi-Biega est un écueil majeur. Jo Thompson/Lukuru Wildlife Research Project Bonobo sauvage de La communauté de Bososandja. 377 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 378 Sanctuaires et réhabilitation Le sanctuaire Lola ya Bonobo, dirigé par Les Amis des Bonobos du Congo, accueille des bonobos orphelins et est situé à 25 km de Kinshasa. En mai 2004, il comptait 38 bonobos et Le nombre de jeunes qui arrivent au centre n'a cessé d'augmenter depuis la fin de La guerre. Des recherches sont en cours pour trouver un site approprié pour d'éventuelles réintroductions. En novembre 2004, une assemblée de l'ICCN a résolu de créer un sanctuaire dans la région de Goma pour les jeunes gorilles arrachés aux braconniers.* Le Sanctuaire de primates de Lwiro situé non loin du Parc National de Kahuzi-Biega abritaient 13 chimpanzés et un bonobo orphelin en fin 2003. Le sanctuaire est administré par l'ICCN et soutenu par l'Agence Allemande pour le Développement (GTZ), La Born Free Foundation, la Ligue Internationale de Protection des Primates (IPPL], l'Institut Jane Goodall (JGI] et lAlliance PanAfricaine des Sanctuaires (PASA). STRATÉGIES DE CONSERVATION FUTURES La stratégie et Le plan d'action national sur la biodiversité reconnaît l'importance de la conservation des gorilles et des bonobos qui sont au cœur de l'un des projets prioritaires - projet 3 : Plans de protection et de réhabilitation des espèces et des écosystèmes menacés.” En 2002 le GRASP a organisé un atelier à Kinshasa pour débattre des actions de conservation en faveur des grands singes en RDC et un projet de plan d'action fut élaboré à cette occasion.” Les groupes de travail réunis à l'atelier ont formulé les recommandations urgentes ci-après : M Étudier les zones les moins connues pour identifier Les grands singes qui y vivent et leurs territoires, surtout dans la forêt de Mayombe, Bas-Fleuve, qui est contiguë aux forêts de la province Angolaise de Cabinda ; M Réhabiliter Le Parc National de Maïiko laissé à l'abandon qui abrite d'importantes populations de gorilles de plaine de l'est et de chimpanzés ; M Mettre en valeur les parties du Parc National de Kahuzi-Biega qui ne sont toujours pas sous le contrôle des écogardes et assurer un suivi de cette aire pour déterminer Le nombre de grands singes ayant survécu au massacre des chasseurs pour alimenter les ouvriers des mines de coltan ; M Mettre sur pied des initiatives de conservation communautaire afin de créer des emplois dans les zones rurales pauvres qui abritent d'importantes populations de grands singes, comme aux alentours du village de Lomako ; M Renforcer les lois existantes qui protègent les grands singes et intensifier La sensibilisation parmi les agences chargées de l'application des Lois et Les tribunaux ; M Accroître Les ressources des sanctuaires qui accueillent les grands singes orphelins saisis et accroître le potentiel des sanctuaires en matière d'éducation à La conservation. Le plan d'action sur les bonobos fut publié en 1995! et entériné par la Commission de la Sauvegarde des espèces de l'UICN. IL prévoit La conduite d'études régionales en vue d'identifier les populations de bonobos, l'éducation à la conservation à travers la RDC, l'obtention de bénéfices économiques par les projets de conservation dont les populations locales tireront avantage et La mise en application des lois sur la lutte contre le braconnage et la protection de l'habitat. L'atelier international organisé au Japon en 2003 avait pour objectif de capitaliser sur le plan de 1995. Des recommandations y furent formulées au sujet de La conservation du bonobo, relatives notam- ment à des études sur le terrain (à Kokolopori, au Lac Tumba et à Lomako], à la construction des infrastructures de recherche [à Kokolopori, au Lac Tumba et à Lui Kotal), à la finalisation des plans de gestion (de La forêt de Lomako et du Parc National de la Salonga), aux activités de développement commu- nautaire (à Wamba et Lukuru/Bososandja), à l'extension des frontières des réserves [à Lui Kotal] et à La poursuite où au lancement des recherches (à Wamba, Salonga, Lukuru/Bososandja, et Lui Kotal). Des recommandations diverses ont été formulées pour des actions dans des aires protégées précises en vue de la conservation des grands singes. Avant la ruée vers le coltan, il avait été suggéré que les efforts de conservation du gorille de plaine de l'est soient concentrés dans le secteur des plaines du Parc National de Kahuzi-Biega et de la région adjacente de Kasese.” IL était essentiel de maintenir un corridor forestier entre les populations des plaines et des montagnes afin d'assurer un flux génétique entre elles.” Plus récemment, l'accent a été mis sur la gestion des crises et l'évaluation et La limitation des dommages. La forêt d'Itombwe a également été proposée comme centre pour la conservation du gorille de l'est” puisque sa population semble plus AFRIQUE : RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE Du CoNco importante que celle de Kahuzi-Biega qui a subi la des zones à forte concentration de bonobos pour Les perte de nombreux gorilles. ériger, comme le site de conservation de Lomamai- Les priorités en ce qui concerne les bonobos Lualaba, en aires protégées nationales et créer le sont l'acquisition des concessions forestières dans projet de Réserve Forestière de Lomako.'”“° OUVRAGES À CONSULTER Hart, J.A., Hall, J.S. (1996) Status of Eastern Zaire's forest parks and reserves. Conservation Biology 10 (2): 316-324. Hicks, T.H. (2005) The Bondo Mystery Apes, Winter 2004 Field Data. Unpublished report. http:/{www.karlammann. com/bondo-winter2004.html. Accessed June 8 2005. Rainforest Foundation (2004) New Threats to the Forests and Forest Peoples of the Democratic Republic of Congo. Briefing Paper February 2004. The Rainforest Foundation, London. http://www.rainforestfoundationuk.org/files/ RF%20UK%20Briefing#20Paper%20on%20DRC%20February%2004.pdf. Accessed June 2 2004. Redmond, I. (2001) Coltan Boom, Gorilla Bust. Report for the Dian Fossey Gorilla Fund (Europe) and Born Free Foundation. http://www.bornfree.org.uk/coltan. Thompson, J., Hohmann, G., Furuichi, T., eds (2003) Bonobo Workshop: Behaviour, Ecology and Conservation of Wild Bonobos. Inuyama, Japan. UNSC (2002) Final Report of the Panel of Experts on the Illegal Exploitation of Natural Resources and Other Forms of Wealth of the Democratic Republic of the Congo. United Nations Security Council, New York. http://www.natural-resources.org/minerals/CD/docs/other/N0262179.pdf. Accessed June 18 2004. SOURCES DES DONNÉES CARTOGRAPHIQUES Cartes 16.7a et b Les données sur les Grands singes sont issues des sources ci-après: Butynski, T.M. (2001) Africa's great apes. In: Beck, B.B., Stoinski, T.S., Hutchins, M., Maple, T.L., Norton, B., Rowan, À. Stevens, E.F., Arluke, À. eds, Great Apes and Humans: The Ethics of Coexistence. Smithsonian Institution Press, Washington, DC. pp. 3-56. Avec des données complémentaires de communications personnelles de Blake, S. (2005), Furuichi, T. (2003), Lanjouw, A. and Gray, M. (2003), Plumptre, A. (2004), Ron, T. (2003), Stokes, E. (2003), Thompson, J. (2003), et des sources suivantes : Hall, J.S., Saltonstall, K., Inogwabini, B-I., Omari, I. (1998) Distribution, abundance and conservation status of Grauer's gorilla. Oryx 32: 122-130. Hohmann, G., Fruth, B. (2003) Culture in bonobos? Between-species and within-species variation in behaviour. Cultural Anthropology 44 [4]: 563-571. Hohmann, G., Fruth, B. (2003) Lui Kotal - a new site for field research on bonobos in the Salonga National Park. Pan Africa News 10 (2): 25-27. Ilambu, O., Grossman, F., Mbenzo, P. Blake, S. (2005) Monitoring of the Illegal Killing of Elephants in Central African Forests: Elephant and Ape Population Surveys in the Salonga National Park, Democratic Republic of Congo. Report to CITES MIKE and the government of the Democratic Republic of the Congo. Kalpers, J., Williamson, E.A., Robbins, M.M., McNeilage, A., Nzamurambaho, A., Lola, N., Mugiri, G. (2003) Gorillas in the crossfire: population dynamics of the Virunga mountain gorillas over the past three decades. Oryx 37: 326-337. Thompson, J. (2005) Field research at Lukuru, Democratic Republic of Congo. Pan Africa News 10 [2]: 21-22. Wamba Committee for Bonobo Research (2004) Latest News. http://www.pri.kyoto-u.ac.jp/shakai-seitai/shakai/ BONOBOHP/English/News_e.html. Accessed May 1 2005. Pour les données sur les aires protégées. voir Comment utiliser Les cartes’ REMERCIEMENTS J'adresse mes sincères remerciements aux relecteurs Jo Thompson (Projet de recherche sur La faune de Lukuru), Annette Lanjouw (IGCP), et Juichi Yamagiwa (Université de Kyoto] pour leur précieux concours lors de La rédaction de cet article. AUTEUR Nigel Varty, Centre International de supervision de La conservation du PNUE 379 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 380 RÉPUBLIQUE DE GUINÉE-ÉQUATORIALE BRIGID BARRY HISTOIRE ET ÉCONOMIE La république de Guinée-Équatoriale est l'un des plus petits états d'Afrique. Ses deux principales régions sont le Rio Muni en bordure de la Baie de Biafra entre le Cameroun et le Gabon, et l'île de Bioko. Sa superficie totale est de 28 051 km’ avec 26 017 km° pour la seule partie continentale du Rio Muni. Le climat est de type équatorial avec des températures moyennes de 26°C (entre 17 et 34°C). La pluviométrie annuelle moyenne de Rio Muni est inférieure à 4 000 mm, alors qu'au sud à Bioko elle peut atteindre 11 000 mm.'*” Les langues officielles sont l'Espagnol, le Français et le Fang et les principaux groupes ethniques les Fang, Les Bubi, les Annobonese, les Ndowe, Les Kombe et Les Bujebas.”! La Guinée Équatoriale a obtenu son indépen- dance de l'Espagne en 1968 et reste à ce jour Le seul pays hispanophone en Afrique sub-saharienne. Le Président Obiang Nguema Mbasogo est au pouvoir depuis 1979. Sous sa conduite, Le pays a connu de profondes mutations démographiques et écono- miques. La Guinée Équatoriale est Le troisième plus grand producteur de pétrole de l'Afrique subsaharienne après l'Angola et le Nigéria. Le Produit Intérieur Brut (PIB) est de 2,2 milliards d'USD (estimations de 2002), grâce principalement à l'essor du secteur pétrolier et du gaz.‘ Le PIB s'est accru de 71,2 % en 1997, de 45,5 % en 2001 et de près de 15% en 2003, conférant à la Guinée Équatoriale La croissance économique La plus rapide au monde. La croissance démographique est tout aussi exponentielle, La population étant passée de 358 000 personnes en 1991 à 523 051 personnes en 2004. Selon les estimations de 2000, le taux de croissance de la population est de l'ordre de 2,5% par an“ Les infrastructures, la santé, l'assainis- sement et l'éducation restent rudimentaires. Environ 6 4% de La population vit en zone rurale et la majorité des gens travaillent encore dans le secteur agricole.” Les principaux produits vivriers sont le malanga (Xanthosoma spp.], la patate douce, les arachides (cacahuètes), le manioc, la canne à sucre, le maïs, l'ananas, la banane et la banane plantain. 7% Les efforts répétés de développement de l'élevage du bétail et de la volaille se sont tous soldés par des échecs imputables d'une part à la mouche tsé-tsé (vecteur de la trypanosomiase] et d'autre part, au coût bas du poulet congelé importé d'Europe. La pêche demeure aussi relativement peu développée à Rio Muni alors que les chalutiers européens et Nigérians exploitent les eaux.“ Les animaux sauvages de Guinée Équatoriale, dont les grands singes, pâtissent du régime alimentaire local pauvre en protéines, car ils constituent une source de viande pour une population de plus en plus nombreuse. RÉPARTITION DES GRANDS SINGES Le gorille occidental (Gorilla gorilla gorilla) et le chimpanzé central (Pan troglodytes troglodytes] sont présents sur la partie continentale du pays à Rio Muni. Les chiffres actuels sont inconnus. Au début des années 80, Les gorilles étaient estimés à 1 000-2 000 individus et Les chimpanzés à 600-1 500 individus, dont 150 à 500 femelles en âge de se reproduire. Un dénombrement datant de 1989- 1990 a montré que selon les modes de calcul adoptés, l'on pouvait avoir de 990 à 2 450 individus.” Seules quatre études sur la densité des grands singes en Guinée Équatoriale sont connues à ce jour. Jones et Sabater Pi ont passé 18 mois, de 1967 à 1968, à Monte Alén, Abuminzok-Aninzok et Monte Okoro Biko (aujourd'hui Monte Mitra]. Le statut de ces deux espèces était critique à cause des activités humaines. La densité du gorille occidental variait de 0,58 à 0,86/km° dans les groupes stables de deux à 12 individus. Leurs domaines vitaux s'étendaient en moyenne sur 6,75 km? dans les zones ouvertes où ils font leurs nids près du sol dans l'épais sous-bois. Les densités pour le chimpanzé central variaient entre 0,31 et 1,53/km° dans les groupes à fission-fusion de deux à 23 individus. Leurs domaines vitaux s'étendaient sur 15 km’ en moyenne. Ils vivaient généralement dans les strates supérieure des forêts, leurs nids construits dans les cimes de petits arbres entourés par des arbres primaires plus grands. Gonzalez-Kirchner” a étudié le gorille occi- dental à travers Rio Muni pendant 18 mois (de 1989 à 1990]. Les gorilles étaient présents dans des transects de 385 km à 783 km, d'où une densité de gorilles au kilomètre carré de 0,45 dans les zones étudiées. Les densités in situ variaient de 0,12/km° dans le bassin du Rio Campo à 0,71/km° dans la GUINÉE-EQUATORIALE AFRIQUE à la fin de ce chapitre es bibliographiqu S Référence rtition des grands singes en Guinée-Equatoriale Carte 16.8 Répa NO4VFI lunploIHiep oHEnys3,p IPS OUS %. a|[2ineu onñesoy XIOSN 2p S0}|t SO TICPNA HIVINOLIVA OM TANT IN MIN OI SeZN Uipad ep, [enjeu JueuwnuolA] Buoñi CAEN ue|Y elUoN 8PINd e6IN9g L2 | OUOBUOjA] L] L] ONVA3IN I SINON e1egleipeld ep |81njJeu }Ueunuon SE a S Leeg. > \ & * HOZNINV HO ZNANEAVE NN, À UojeueLejJUoN ep nes PE aj|81njeuenesey QPUESELION alleineu Shesey F WATER L 2 euieid ap |[eJU8pI990 8|[109 : lenuso gzueduiyo #7 11; 2awss uol}}1edai 2p 211Y eute|d ap |eJU8pI,90 a|110Q eeunsaid aouasaid :j21ju80 ezuedu4D £ £86L Juene sAIesqo |PHjue9 ezueduIo £g6Lseide aA1eSqo |e1us9 ezuedWIUD € . 3 £00C-966L ue 2AI8Sqo |2jue9 ezuedWIUD h seseds3 NIDOHANVI sa/9qo]3 À 09s109 ap ajeinjeu eAesey 381 . di. 1ApuesNtefeld à $ ep os4 7" ARE MANIONL NET NPH1910. N:T buybig Jo avg 4'IOLINFTILF \F420 LE 4TIFINOLFNAOA HANINO NO4FI FUN OX NNOHANFI ojorg ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Un chasseur avec un mandrill mort, Guinée- Équatoriale. 382 Noëlle Kümpel région montagneuse de Nsork au sud-est du pays. Les densités à Evinayong (0,26/km2] et Niefang (0,59/km2] étaient largement inférieures à celles évaluées dans Les années 60 à Evinayong (0,58/km°2) et Niefang (0,86/km2]. Une étude supplémentaire a révélé l'existence d'une importante population de chimpanzé central dans la zone de Rio Campo au cours de La même période. La présence de gorilles dans les montagnes de Nsork a été confirmée par une étude en 1998 qui a également identifié des nids de chimpanzés dans La même zone.” En 1994, pendant trois mois, Garcia et Mba" ont étudié La répartition et Les densités des populations de grands singes dans le cadre d'une vaste étude sur les primates dans le Parc National de Monte Alén, avant son élargissement en 1997 au Monte Mitra, au sud. Ils ont identifié 208 nids de gorilles. Ces derniers étaient plus nombreux dans les forêts secondaires (5,15 nids au kilomètre carré dans La zone étudiée), en groupes de 3,3 individus en moyenne. La plupart se trouvaient dans les régions de montagne traversées par la route Niefang-Bicurca, et beaucoup moins autour du fleuve Lana situé dans la plaine et au confluent des fleuves Lana et Wele. Les chimpanzés étaient présents dans toutes les zones étudiées et 333 nids ont été identifiés. Îls étaient très nombreux dans la forêt primaire claire (5,35 nids/km dans la zone étudiée), avec une moyenne de 2,3 individus par groupe. L'étude a mis en évidence la pratique de la chasse des grands singes mais a conclu que les primates à l'intérieur du parc n'étaient pas menacés. Ghiurghi et Puit” ont passé quatre mois (de 2003 à 2004) à dénombrer les nids de gorilles et de chimpanzés le long de 68,3 km de transects dans le secteur sud du Parc National de Monte Alén. Les nids des deux espèces réunis présentaient une faible densité, soit 0,82 nids/km ou 24,18 nids/km’. On a observé peu d'indices de présence des gorilles dans les secteurs sud du parc, ce qui peut s'expliquer par l'absence de leurs principales plantes alimentaires (Afromomum et Marantacées). MENACES La chasse du gibier de brousse La chasse du gibier de brousse est la plus grande menace qui pèse sur les grands singes de Rio Muni. Les Fang, qui constituent le plus important groupe ethnique, considèrent la viande comme un élément important de leur alimentation.” La viande et Le poisson frais sont préférés aux surgelés. S'il existe d'autres sources de viande locales (ex. le boeuf importé du Cameroun), la viande de brousse est plus prisée par les Fang et légèrement moins coûteuse.’ Si l'on y ajoute la rareté d'autres sources de viande fraîche, on comprend que la viande de brousse soit autant un élément essentiel de l'alimentation des populations qu'une source de revenus pour une frange significative de La population rurale. À l'exception des villes côtières comme Cogo, tous les villages étudiés à travers Rio Muni sont impliqués dans le piégeage et La chasse du gibier de brousse ? Les régions au nord et au sud du fleuve Wele ont subi des pressions cynégétiques plus extrêmes que d'autres.“ Une étude de 15 mois a identifié 80 habitants de Sendje, un village de 400 âmes situé en bordure du Parc National de Monte Alén, comme des chasseurs actifs (au moyen de fusils ou de pièges) et près de 5 000 pièges ont été découverts à L'intérieur et hors du parc” (voir Encadré 13.4). Lors d'une étude antérieure d’une durée de 16 mois, il était apparu que le village de Sendje avait à Lui seul consommé 11 376 kg de viande de brousse, chiffre qui jugé excessif. “* Bien que croissant, le nombre de chasseurs est actuellement inférieur à celui des trappeurs en raison du prix élevé des fusils et des munitions ainsi que leur rareté en Guinée Équatoriale.? Les grands singes peuvent, de manière généralement collective, éviter les collets à fil métallique, mais il peut arriver que l'un d'eux se blesse et/ou perde un membre. Toutefois, les chasseurs tuent de plus en plus de grands singes pour leur chair et La disponibilité croissante des fusils en fait des proies faciles. Plusieurs sous- groupes Fang croyaient que les grands singes, en particulier les gorilles, étaient cause de stérilité chez les femmes qui en consommaient. Ainsi, La demande restait faible et Le coût du transport de ces corps lourds était supérieur au bénéfice généré. Pourtant, des espèces jadis taboues sont actuellement de plus en plus commercialisées. IL y a une décennie, la viande de brousse était davantage consommée localement?” mais l'amélioration des infrastructures permet la répartition de la viande dans les marchés urbains plus grands. Les deux principaux marchés de viande de brousse de Rio Muni sont situés à Bata : le marché central et le marché Mondoasi. Des tonnes de viande de brousse sont acheminées vers les marchés de Bata chaque année par les commer- cants et les taxis de brousse en provenance de tout le pays et vendues à la vue de tous. Les gardes des forêts domaniales sont certes présents à tous les principaux barrages militaires sur Les deux routes conduisant à Bata, mais rien ou presque n'est fait pour contrôler ou empêcher le commerce de la viande de brousse. Des pots-de-vin sont extorqués aux vendeurs et Les saisies sont rares. Destruction des habitats En 2000, le couvert forestier restant sur toute l'étendue de la Guinée-Équatoriale était évalué à 17 520 km? environ, avec un taux annuel moyen de destruction de 110 km?, soit 0,6 % entre 1990 et 2000. Les données sur la zone des plantations n'étaient pas disponibles. Avant les années 60, de larges parcelles de forêt de Rio Muni ont été détruites ou dégradées par l'agriculture et l'exploitation forestière à des fins commerciales. Par la suite, Les périodes de troubles politiques et sociaux ont provoqué l'abandon des plans d'exploitation forestière commerciale, l'exode des populations et la concentration des populations humaines dans les régions côtières. La stabilité politique sous le régime du Président Obiang a permis l'accroissement de l'exploitation forestière et à partir du milieu des années 80, on a à nouveau relevé un recul de 20 % du couvert forestier. En 1999 seulement, 788 000 m° de bois ont été abattus à Rio Muni à des fins d'exportation. Des AFRIQUE : GUINÉE-ÉQUATORIALE concessions forestières ont été attribuées à travers le pays, y compris de vastes portions d'aires protégées. !"* Plus particulièrement, Les forêts de La région de Micomeseng-Ebebiyin-Mongomo dans le nord-est ont été gravement endommagées. Le commerce des animaux de compagnie Le boom économique a attiré des immigrants non africains dans La région de Rio Muni. Les expatriés achètent régulièrement des animaux sauvages vivants comme animaux de compagnie, surtout les perroquets gris d'Afrique (Psittacus erithacus]. Bien qu'illégal, ce commerce est florissant. Les jeunes grands singes sont considérés comme mignons et certains expatriés pensent qu'en les achetant ils Les empêchent d'être mangés par les populations locales. Les chasseurs tueraient des troupes entières de grands singes pour capturer un orphelin pour le vendre ensuite.” Ils gagnent davantage en vendant un bébé chimpanzé à un expatrié qu'en vendant 20 antilopes (Cephalophus monticola) au marché de la viande de brousse? LÉGISLATION ET ACTIONS DE CONSERVATION La Guinée-Équatoriale est membre de La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES) (1992] et de La Convention sur la Diversité Biologique (1994). C'est l'un des rares pays africains qui n'est pas signataire de La Convention Africaine sur la Conservation de la Nature et des Ressources Naturelles de 1968 ou à La Convention du Patrimoine Mondial. Aucun site n'a été désigné comme réserve de biosphère dans le cadre du programme sur l'Homme et La Biosphère (MAB] de l'UNESCO.“ En 1999, la Guinée-Équatoriale a pris part au Sommet sur les forêts de Yaoundé au Cameroun. Cette rencontre a donné lieu à l'adoption de la Déclaration de Yaoundé sur Les forêts qui engage les participants à créer de nouvelles aires protégées et à élaborer des plans de lutte contre l'exploitation forestière illégale et le braconnage.* En 2000, La Loi sur les aires protégées en Guinée-Équatoriale a été adoptée, ce qui a fait passer leur nombre à 13, sur une superficie totale de 5860 km? (approxima- tivement 20 % du territoire national). Dix se trouvent à Rio Muni: deux parcs nationaux (Los Altos de Nsork, Monte Alén]; cinq réserves naturelles {Estuario del Rio Muni, Rio Campo, Monte Temelon, Punta Llende, Corisco y Elobeyes]) ; une réserve scientifique (Playa Nendyi] ; et deux monuments naturels (Piedra Bere, Piedra Nzas).**” Le Parc 383 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 384 National de Monte Alén s'étend sur une zone de forêt tropicale dense et se trouve être la plus grande et La mieux protégée de ces aires protégées.“ Ayant fait l'objet d'une exploitation forestière sélective, le parc est donc constitué en majeure partie de forêt secondaire. La chasse, l'exploitation forestière et Les activités agricoles sont officiellement interdites à l'intérieur des 2 000 km” du parc mais il est entouré de concessions forestières.” Conservation et projets sur Le terrain La Guinée-Équatoriale est l'une des bénéficiaires du Programme de l'Union Européenne intitulé Conser- vation et Utilisation Rationnelle des Écosystèmes Forestiers d'Afrique Centrale (ECOFAC], lancé en 1992. Le rôle d'ECOFAC est d'appuyer la gestion du Parc National de Monte Alén; il a formé des gardiens, venus des villages situés aux alentours du parc, au contrôle des activités illégales, à La surveillance des espèces porte-drapeau telles que les grands singes et à l'accompagnement des cher- cheurs et des écotouristes qui visitent Le parc. ECOFAC a construit des chambres d'hôtes dans le parc pour encourager la conservation commu- nautaire par Les recettes touristiques." La faiblesse des ressources et le déficit des fonds, ajoutés à l'échec du développement du potentiel touristique du site, font que la chasse et le piégeage se sont poursuivis dans le parc. Toutefois, Les grands singes du parc sont rarement tués de cette façon.” Au plan national, Les questions de conservation sont gérées l'Instituto nacional de Desarrollo Forestal y Gestion del Sistema de Areas Protegidas (INDEFOR), une structure du Ministère des Infra- structures et des Forêts ([Ministerio de Infra- estructuras y Bosques) chargée de la conservation. La plupart des agents de terrain sont des botanistes, ce qui restreint La recherche et les programmes de gestion mis en place en faveur des grands singes et d'autres vertébrés. En 2002, une équipe de la Zoological Society de Londres et de l'Imperial College de Londres a initié un projet sur la durabilité de la chasse de La viande de brousse à Rio Muni, en collaboration avec ECOFAC, INDEFOR et Conservation International. La première phase des travaux s'est focalisée sur les raisons qui poussent les villageois vivant à proximité du Parc National de Monte Alén à chasser, en particulier les raisons socioéconomiques, le choix des proies et les impacts sur la viabilité des populations proies. La demande urbaine et Le rôle des préférences des consommateurs dans la capitale régionale Bata ont aussi été analysés.’ Les autres phases mettront l'accent sur la dépendance à l'égard de la viande de brousse en matière de subsistance et de sécurité alimentaire à Rio Muni et la possible utilisation des zones arables pour la chasse durable du gibier de brousse.” La Durrell Wildlife Conservation Trust à Jersey et l'Unité de Recherche sur la Conservation de la Faune (Wildlife Conservation Research Unit) à Oxford ont mené une autre étude sur la viande de brousse en collaboration avec l'INDEFOR pendant une période de six mois, d'octobre 2003 à mars 2004. Elle faisait suite à une étude sur la consom- mation de la viande de brousse réalisée par John Fa et des collègues dans les années 90. Des entrevues avec les femmes et les chasseurs ainsi que des données sur le marché seront recueillies à travers le pays pour mieux comprendre la demande et la consommation de la viande de brousse d'un point de vue économique et écologique! Sanctuaires, éducation et écotourisme Malgré la présence de chimpanzés orphelins, il n'existe pas de sanctuaires ou de centres de réhabilitation des primates en Guinée-Équatoriale. Une étude menée en début 2004 à Bata a révélé que l'éducation environnementale, y compris sur la conservation, n'est dispensée que dans une seule école sur 60 (dans une institution privée).? L'écotourisme pourrait s'appuyer sur la beauté naturelle de La Guinée-Équatoriale pour générer des revenus en faveur des populations locales. Mal- heureusement, la forte présence militaire dissuade le tourisme international qui reste très faible en dépit des infrastructures présentes à Monte Alén et celles en construction à Bata. Les touristes obtien- nent difficilement les autorisations nécessaires pour voyager à travers le pays et les arrêts à tous les barrages militaires sont pénibles. STRATÉGIES DE CONSERVATION FUTURES Recherche Une étude plus exhaustive des populations de grands singes de Rio Muni devrait être réalisée pour réévaluer les densités et les zones de conservation prioritaire des grands singes. Par le passé, la recherche était intermittente et les informations disponibles sont périmées. Des pistes pour des projets de recherche sont suggérées ci- après : MH Une étude sur l'importance relative des populations de gorilles et de chimpanzés utilisant les nids comme indice de présence. En effet, des différences manifestes dans leur répartition, forêts primaires claires et denses ou forêts secondaires, ont été mis en évidence entre les deux espèces. Des études plus poussées pourraient déterminer si ces différences résultent d'un choix des habitats propre à l'espèce ou sont liées à des pressions cynégétiques antérieures. M Les densités de chimpanzés étaient, apparemment, très élevées à Rio Campo en 1989-1990. Les densités actuelles doivent être évaluées et, si leur importance est confirmée, la zone devrait être classée et placée sous l'administration d'ECOFAC. M Gonzalez-Kirchner” a observé de fortes densités de gorilles dans les montagnes de Nsork. De fortes densités d'éléphants ont également été relevées dans cette zone,” ce qui montre que les impacts de la chasse ont été négligeables, du moins au début des années 90. Une étude approfondie de ce secteur permettrait de l'ériger en aire activement protégée." La chasse D'une manière générale, la chasse devrait être contrôlée à l'intérieur des aires protégées et maintenue à des niveaux acceptables. La chasse étant considérée comme la plus grave menace des populations de grands singes en Guinée Équatoriale, la législation qui l'interdit doit être mise en application, des contrôles stricts et des amendes doivent sanctionner l'abattage, le transport et le commerce des grands singes. L'amélioration de La formation et de La gestion permettrait aux gardes forestiers et aux conservateurs de parc de mieux jouer leur rôle dans cette entreprise. Les organisations de conservation et les agences gouvernementales devraient s'attaquer au problème à la source en collaborant avec les sociétés forestières pour proposer des sources alternatives de protéines aux ouvriers et à leurs familles et pour les dissuader de s'impliquer dans le commerce de la viande de brousse. Cette activité doit son essor à l'absence d'autres sources de protéines en Guinée-Équatoriale. La recherche et Le OUVRAGE À CONSULTER AFRIQUE : GUINÉE-ÉQUATORIALE développement durable de la pêche, de l'élevage et d'autres protéines de substitution devraient faire reculer La demande.‘ Sensibilisation nationale Les études environnementales et l'éducation à la conservation doivent être introduites dans les programmes scolaires nationaux. Tierra Viva (Living Earth}, une organisation non gouvernementale locale, recherche actuellement des fonds afin d'étendre ses activités à Rio Muni et d'assurer la sensibilisation à La conservation dans les zones urbaines et rurales. Il a été proposé que des programmes d'éducation soient diffusés à la radio et à La télévision, notamment sur l'utilisation durable des forêts et de la faune. Les programmes de sensibilisation doivent aussi cibler les communautés grandissantes d'expatriés, qui ne comprennent pas toujours qu'acheter des grands singes orphelins encourage le commerce de la faune sauvage. Les organismes internationaux de conser- vation doivent être au fait de la situation actuelle en matière de conservation en Guinée Équatoriale et revenir dans le pays, ce qui stimulerait l'intérêt des nationaux à l'égard de la sauvegarde des grands singes. La population locale doit toujours être impliquée dans la gestion des aires protégées. Les activités humaines doivent être minimales dans les zones sensibles du parc et les zones tampon autour placées sous aménagement.” La formation et la prise en charge des gardes forestiers du Parc National de Monte Alén devraient reprendre et être étendues à d'autres aires protégées à travers Le pays. Si le gouvernement signe et ratifie la Convention du Patrimoine Mondial, Monte Alén pourrait être proposé comme Site du Patrimoine Mondial de l'UNESCO pour susciter l'intérêt et La fierté nationale à l'égard des aires protégées.” L'exploitation forestière Des mesures doivent être prises pour s'assurer que l'exploitation du bois est compatible avec la conservation de la biodiversité. ILimporte de veiller à la régénération naturelle afin de fixer les cycles d'abattage, les volumes et les modes de prélèvement, et les habitats des zones tampons autour des parcs peuvent être restaurés. Fa, J. (1992) Conservation in Equatorial Guinea. Oryx 26 [2]: 87-102. ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 386 SOURCES DES DONNÉES CARTOGRAPHIQUES Carte 16.8 Les données sur Les grands singes sont issues des sources ci-après: Butynski, T.M. (2001) Africa's great apes. In: Beck, B.B., Stoinski, T.S., Hutchins, M., Maple, T.L., Norton, B., Rowan, À, Stevens, EF. Arluke, À. eds, Great Apes and Humans: The Ethics of Coexistence. Smithsonian Institution Press, Washington, DC. pp. 3-56. Avec des données complémentaires tirées des communications personnelles de Kümpel, N. (2004) et des source suivantes: Garcia, J.E., Mba, J. (1997) Distribution, status and conservation of primates in Monte Alén National Park, Equatorial Guinea. Oryx 31 [1]: 67-76. Ghiurghi, A., Puit, M. (2004) /nventaire des grands et moyens mammifères dans l'extension sud du Parc National de Monte Alén. Rapport Technique. ECOFAC, AGRECO, SECA, CIRAD Fôret. Gonzalez-Kircher, J.P. (1994) Ecologia y Conservacion de los Primates de Guinea Ecuatorial. Ceiba Ediciones, Cantabria. Jones, C., Sabater Pi, J. (1971) Comparative Ecology of Gorilla gorilla (Savage and Wyman]) and Pan troglodÿytes {Blumenbach] in Rio Muni, West Africa. Bibliotheca Primatologica 13: 1-95. Larison, B., Smith, T.B., Girman, D., Stauffer, D., Mila, B., Drewes, R.C., Griswold, C.E., Vindum, J.V., Ubick, D., O'Keefe, K., Nguema, J., Henwood, L. (1999) Biotic Surveys of Bioko and Rio Muni, Equatorial Guinea. Center for Tropical Research, University of California, Los Angeles. Submitted to Biodiversity Support Programme. http://www. ioe.ucla.edu/CTR/reports/CARPET.pdf. Accessed November 25 2004. Pour Les données sur Les aires protégées et d'autres, voir Comment utiliser Les cartes’. REMERCIEMENTS J'adresse mes sincères remerciements à Allard Blom (WWF-US), Noëlle Kümpel (Imperial College London), Matthew Shirley (Université de Floride}, John Fa (Durrell Wildlife Conservation Trust}, et Lise Albrechtsen (Université d'Oxford) pour leur précieux concours lors de la rédaction de cet article, de même qu'à Edmund McManus (UNEP-WCMC] pour la recherche documentaire. AUTEUR Brigid Barry, Tropical Biology Association RÉPUBLIQUE DU GABON AMBROSE KIRUI, LERA MILES, ET JULIAN CALDECOTT HISTOIRE ET ÉCONOMIE taux de déperdition annuel de 100 km? entre 1990 et La République du Gabon est située entre le Bassin 2000.” du Congo et Le Golfe de Guinée et est délimitée au nord par le Cameroun et la Guinée Équatoriale, et au sud et à l'est par Le Congo. Sa superficie totale est de 257 667 km’, plus une surface d'eau supplémentaire de 10000 km’ Le climat est de type équatorial humide avec une température moyenne de 27°C et une pluviométrie annuelle qui varie de 1 400 mm au sud à plus de 3200 mm au nord.*'* En 2000, les forêts couvraient près de 84 % du territoire, avec un En 2004, la population du Gabon est estimée à 1,4 millions environ (dont 150 000 expatriés), avec un taux de croissance annuel de 2,5%“ La langue officielle est le Français et Les principaux groupes eth- niques sont les Fang, les Bapounou, les Nzebi et les Obamba. Le produit intérieur brut (PIB) en 2002 est de 5 milliards, avec un revenu national brut (RNB) par habitant relativement élevé de l'ordre de 3 110 USD, six fois plus que La moyenne en Afrique subsaharienne.** L'’abondance des richesses naturelles, La taille réduite de La population, une aide extérieure considérable et une industrie pétrolière florissante qui représente 50 % du PIB du Gabon expliquent la relative prospérité économique que connaît le pays. La stabilité politique y a certainement également contribué : après l'indépendance de la France en 1960, seuls deux présidents se sont succédés à la tête de l'état, le Président actuel El Hadj Omar Bongo étant au pouvoir depuis 1967. Le système pluraliste et une nouvelle constitution ont été adoptés au début des années 90, des élections locales ont eu lieu en 2002-2003 et une élection présidentielle a eu lieu en 2005. La longévité du régime actuel suscite quelques tensions politiques. Le gouvernement axe son action sur La réduction de la dépendance vis-à-vis de l'industrie pétrolière, dans la mesure où les gisements actuels s'épuiseraient d'ici à 2015. IL prévoit de développer d'autres secteurs d'exploitation des ressources naturelles, comme la foresterie.* RÉPARTITION DES GRANDS SINGES Le Gabon abrite près de 6 000 espèces végétales, 446 espèces d'oiseaux et 190 espèces de mammifères” dont Le gorille occidental des plaines (Gorilla gorilla gorilla) et le chimpanzé d'Afrique Centrale (Pan troglodytes troglodytes]. Dans les années 80-90, Le Gabon aurait abrité environ 40 % des gorilles de La planète (soit peut être 35 000 individus) et environ 64 000 chimpanzés. **? Dans tous les parcs nationaux du Gabon, on trouve au moins une espèce de grand singe (Tableau 16.3). Si les deux espèces sont présentes dans tout Le pays, certains signes inquiétants permettent de penser que les populations des grands singes auraient régressé au cours des dernières années. Le tableau qui se dégage de la Carte 16.9 serait donc surestimé. Certaines populations peuvent etre considérablement réduites dans les zones affectées par la chasse et le virus Ebola au point que leur survie soit menacée. MENACES Les principales menaces qui pèsent sur les populations de grands singes du Gabon sont la chasse illégale à des fins commerciales, la rapide mécanisation de l'exploitation forestière et Le virus Ebola, auxquelles s'ajoutent Les pressions liées à la croissance démographique. Jusqu'au début des années 80, les populations de gorilles et de chimpanzés étaient jugées relativement stables"! mais les études sur les nids menées entre 1983 et 2000 ont montré que ces populations avaient diminué de moitié, à cause surtout de la chasse du gibier et des épidémies de fièvre hémorragique Ebola de 1994 et 1996.* Le Parc National de Minkébé au nord-est du Gabon illustre bien les ravages de cette maladie virale. Avant 1994, La forte fréquence de rencontres des chercheurs avec les gorilles dans la forêt au cours des années 80 et les estimations de 1990 attestaient de la bonne santé des animaux. Mais lors des études ultérieures à 1994, Les gorilles étaient moins visibles en dépit des vastes espaces offrant un habitat parfait et l'absence de perturbations humaines visibles.“ Le nombre moyen de nids par site de nidification est passé de 6 en 1990 à 2 en 1998-2000 et Le nombre de sites ne comptant qu'un nid est passé de 20 % à 60 % au cours de la même période.“ Ce déclin démographique a été attribué à Ebola qui a décimé aussi bien Les gorilles que les chimpanzés. Au départ, Le problème était circonscrit a la forêt de Minkébé et aux parties adjacentes situées du côté du Congo et on espérait que les fleuves entourant la zone constitueraient des barrières naturelles limitant l'infection.“ Mais la propagation de l'épidémie au Congo en 2004 a, montré qu'il n'en était rien. '? Par ailleurs, l'industrie forestière représente le deuxième plus grand secteur d'activité économique au Gabon après le pétrole. L'exploitation forestière était d'abord concentrée dans les régions côtières mais l'avènement du Transgabonais qui traverse le pays d'est en ouest a facilité l'accès aux zones autrefois reculées du centre du Gabon” Les surfaces exploitées ont septuplé entre 1957 (16 000 km‘) et 1999 (110 000 km‘). Les deux tiers des forêts du Gabon ont été exploités pendant cette période‘ par des méthodes sélectives qui ont détruit 5 à 30 % du couvert forestier” L'Okoumé (Aucouma klaineana, Burseraceae) est l'une des essences Les plus répandues au Gabon et il est largement exploité à des fins commerciales, notamment pour la production du contreplaqué."” La plupart des forêts abritant cette essence a été attribuée comme concessions. Certes, le gouvernement a étendu le système d'aires protégées, mais par le passé des concessions forestières ont été attribuées à l'intérieur même des réserves.‘ Toutefois, il semble maintenant déterminé à interdire les activités forestières dans Les parcs nationaux. En 1996, une concession qui avait été attribuée à l'intérieur de la réserve de la Lopé devait être AFRIQUE : GABoN 387 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 388 exploitée mais des voix se sont élevées pour sy opposer, notamment dans le cadre du programme de l'Union Européenne, le projet de Conservation et Utilisation rationnelle des Écosystèmes Forestiers d'Afrique Centrale (ECOFACI), qui soutenait Les activités de conservation à Lopé. En 1997, le gouvernement du Gabon accepta de délimiter la réserve comme une zone totalement protégée et en 2000 il attribua une zone biologiquement moins riche à une société forestière et ajouta à La zone protégée une forêt ancienne plus petite préalablement destinée à l'exploitation.” La Lopé est depuis devenue un parc national. L'exploitation forestière a favorisé l'émergence de deux facteurs aggravants du commerce de la viande de brousse au Gabon. D'abord, les ouvriers consomment beaucoup de viande de brousse. D'après certaines estimations, 1 200 employés d'un chantier d'exploitation forestière près de La Lopé dans le centre du Gabon consommaient jusqu'à 80 tonnes de viande de brousse par an (67 kg par personne par an). Dans ces circonstances, les chasseurs ont une clientèle importante et régulière et passent aisément de la chasse de subsistance à La chasse commerciale. Puis, l'amélioration des infrastructures par les sociétés forestières a amélioré l'accès aux marchés urbains. La consommation de viande de brousse constitue donc une grave menace pour les populations de grands singes du Gabon et Les lois protégeant les deux espèces ne semblent pas pouvoir lutter efficacement car elles sont peu appliquées. De plus, si certaines tribus du sud ouest répugnent à manger la chair des grands singes, celle-ci est considérée comme un mets délicat par d'autres et est très demandée, surtout dans Les villes. Les comportements sociaux des populations de chimpanzés du Gabon sont également affectés par la fragmentation de leurs habitats et la pénétration des hommes dans la forêt. Des recherches menées par White à La Lopé, avant qu'il ne soit classé comme Parc National, ont montré que l'exploitation forestière entraînait des conflits territoriaux entre chimpanzés au cours desquels quatre individus sur cinq pouvaient mourrir. 7? LÉGISLATION ET ACTIONS DE CONSERVATION Législation Le Gabon a ratifié ou adhéré à La Convention sur la Diversité Biologique (1997), la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (1997), la Convention sur les Zones Humides d'importance internationale (Ramsar] (1987) et La Convention sur le Commerce International des Espèces de Faune et de Flore Sauvages Menacées d'Extinction (CITES) (1989), ainsi que l' Accord International des Bois Tropicaux (AIBT]) de 1983 et l'AIBT de 1994. La politique forestière et de La faune du Gabon {1992} affiche la volonté politique d'assurer la planification et La gestion écologique adaptée des ressources fauniques, la promotion des ressources naturelles, et de jouer un rôle moteur dans la conservation de la biodiversité. Les efforts récents visant à assurer la gestion durable des ressources naturelles ont abouti à La création d'un réseau d'aires protégées d'une superficie totale de 40 000 km, à la classification de 80 000 km’ de forêts de production et de 100000 km’ de forêts communautaires rurales’ et à l'adhésion au processus de Brazzaville (Conférence sur les écosystèmes de forêts denses et humides d'Afrique Centrale) et au Plan de convergence du Partenariat des Forêts du Bassin du Congo. Les dispositions institutionnelles et juridiques relatives à la protection et à l'imposition dans les domaines de la gestion des forêts et de La faune ont été révisées. La Loi 1746/PR/MEFCR du Gabon crée un service de gestion de la faune et un service de lutte contre le braconnage. Le Gabon souscrit aux accords sous-régionaux, régionaux et inter- nationaux, y compris au Réseau des Aires Protégées d'Afrique Centrale (RAPAC), à la Déclaration de Brazzaville et à La Déclaration de Yaoundé. L'ancienne loi sur la conservation de 1982 est désormais caduque, ayant été remplacée par un nouveau Code forestier. Les gorilles et les chim- panzés sont maintenant intégralement protégés en vertu de la loi gabonaise, la loi antérieure ne leur offrait depuis 1981 qu'une protection provisoire." Le Ministère des Eaux et Forêts du Gabon est chargé de la gestion des ressources naturelles. Les aires protégées Le Gabon compte aujourd'hui 13 parcs nationaux qui s'étendent sur 11 % du territoire national et tous abritent au moins une espèce de grands singes.” La réserve naturelle de Setté Cama (2000 km abrite aussi des grands singes (NdT: chimpanzés et gorilles). Partenariats internationaux La communauté internationale travaillant pour la conservation et le développement durable soutient un certain nombre de projets en collaboration avec le gouvernement du Gabon. Quelques-uns sont présentés ci-après : ECOFAC conduit plusieurs projets de dévelop- pement de l'écotourisme, y compris un programme d'habituation des gorilles, et soutient la gestion et l'aménagement du Parc National de Lopé depuis 1992." Le WWF - Organisation Mondiale de Protection de l'Environnement - possède un bureau au Gabon dont les objectifs en 2003 étaient d'appuyer le Ministère des Eaux et Forêts, de soutenir la gestion des aires de Minkébé et Gamba et de s'engager dans un nouveau réseau de partenariats UE-WWF sur la foresterie durable. Le WWF s'engage aussi auprès du gouver- nement du Gabon dans des initiatives de protection. Depuis 1997 grâce au financement de l'Agence Néerlandaise de Coopération pour le Développement (DGIS) et l'Agence Américaine pour le Développement Inter- national (USAID), le WWF exécute le projet de conservation de Minkébé aux côtés de son principal partenaire, le Ministère gabonais des Eaux et Forêts. Ils ont classé 5 665,5 km’ de La forêt tropicale humide de Minkébé et en ont fait la zone centrale d'un complexe transfrontière d’aires protégées qui unit le Gabon, Le Congo et le Cameroun.” Le programme intégré de conservation, d'utilisation rationnelle et de développement dans le Complexe d'Aires Protégées de Gamba {les Parcs Nationaux de Loango et Moukalaba Doudou) ont bénéficié de financements des agences américaines et allemandes.” Le centre de recherche à long terme, Station d'Etudes des Gorilles et Chimpanzés (SEGC] dans le Parc National de la Lopé, étudie les divers aspects de l'écologie et de La dynamique de l'écosystème forestier, en parallèle de l'étude des gorilles et des chimpanzés. Le Global Forest Watch travaille avec les organisations locales à La collecte et à la diffusion des informations sur la situation des forêts et les incidences de l'exploitation forestière.” La Wildlife Conservation Society (WCS] est présente au Gabon depuis 1985 et exécute actuellement un important programme dans le pays qui inclut des activités dans tous Les parcs nationaux, l'appui institutionnel au Conseil AFRIQUE : GABoN Tableau 16.3 Les parcs nationaux du Gabon Parc/réserve 18, 25, 26, 27,31 Superficie (km’) % terrestre Grands singes présents Lopé 4 849 Gori es et chimpanzés Minkébé 7 567 Gori es et chimpanzés Pongara 930 Akanda Waka 538 Gorilles (?} et chimpanzés Chimpanzés 1 069 Gori es et chimpanzés Birougou 680 Plateaux Batéké Ivindo (incluant la réserve de Biosphère M'passa - l'passa - réserve de Makokoul Monts de Cristal Mwagne 2 049 Gori es et chimpanzés Chimpanzés (gorilles orphelins) 3 003 119% Gori Gori es et chimpanzés es et chimpanzés 1165 Gorilles et chimpanzés Mayumba 972 Complexe de Gamba° Loango [inclut les anciennes réserves d'Iguela et de Petit Loango) Moukalaba Doudou 5 672 1152 4 496 Wonga Wongué? 5 500 Gori es et chimpanzés Gori Gori Gori es et chimpanzés es et chimpanzés es et chimpanzés Gori es et chimpanzés a Le complexe de Gamba est constitué des Parcs Nationaux de Loango et de Moukalaba Doudou, et inc entre les deux parcs. b Réserve présidentielle ut une matrice de réserve 389 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Carte 16.9 Répartition des grands singes au Gabon Références bibliographiques à la fin de ce chapitre IDE. . 12E Golfe de Gun CAMEROUN ° e E] » e & nr 2°N ° 2N | CIE! Oÿem ® | La . | ATLANTIQUE GUINEE . PN de K Minkébé ? EQUATORIALE e e Béli e \ e eBélinga À Pi PN d'Akanda ANNEES o à EIÈEE Makokou RBde e ® ® LE , os GABON ne Librevilleæ = Makokou . Le e ; ° PN de PNde fe. Mwagne Pongara 5 | 0 e 0 = RH NU 4 | Réserve présidentiel QE 2 | _& SRde ‘- | Wonga-Wongué | PN de rs » | p F Lopé ! Port Gentil. € ,Lambarene e® : L ’ © e Ch Lac Æ e L Ondnere E Kaulomoutou Tr: C« [2 L 2 P e (2 e o L'agarme e d . Nk 0111 AC d'iguela e & C) e . PN de Loango Rise MS ; $ À Birougou ae è Lagun Mouila le Mpassa ; 2:S ee. à À * 2°s 6 D e PN des RFq&SRde __ e € Plateaux Petit Loango Batéké ACh de / e = S ‘ Ngove-Ndogo e PN & AC de 4 CONS | Moukalaba - Dougou Tchibanga . e ° SR & ACh de e Sette Cama ° - : Espèce © Chimpanzé central observé après 1983 N \ Ke e > Chimpanzé central observé avant 1983 (ou PN de Mayumba 4s 0 50 100 150 200 390 Chimpanzé central: présence présumée S Gorille occidental de plaine Aire de répartition estimée #s T7 Chimpanzé central National des Parcs Nationaux (CNPN]) et au Ministère des Eaux et Forêts, le contrôle à l'échelle nationale du commerce de viande de brousse, la planification de nouvelles aires protégées et La minimisation des impacts de l'exploitation forestière. La WCS co-finance Le Centre de recherche à long terme SEGC de la Lopé et y dirige un centre de formation qui est utilisé par l'école des forêts et l'université nationale.” M Linstitut de Recherche en Écologie Tropicale {(IRET) dans la Réserve de Biosphère de Mpassa près de Makokou (100 km‘) a été créé en 1961 et est la plus ancienne station de recherche du pays. IL a récemment été remis à neuf grâce à un financement de l'UE et est équipé pour recevoir des étudiants et des scientifiques. La station de recherche et La réserve de Mpassa, qui se trouvent aujourd'hui dans le nouveau Parc National d'Ivindo, sont une partie intégrante du réseau régional et national de conservation. Les sanctuaires Le Projet de Protection des Gorilles (PPG]) dans Le Parc National des Plateaux Batéké est appuyé par La Fondation John Aspinall (JAF) et vise à relâcher les gorilles orphelins dans le sanctuaire de Mpassa sur les Plateaux Batéké/ IL détient actuellement près de 20 gorilles à cet effet. Le programme Petit Evengué dirigé par Operation Loango possède six gorilles.* La Société d'Exploitation du Parc de la Lékédi (SODEPAL] a également fourni un sanctuaire pour les chimpanzés et gorilles.? STRATÉGIES FUTURES DE CONSERVATION Apercu La création de 13 parcs nationaux en 2002 répondait aux priorités de l'UICN - l'Union Mondiale pour la Nature — pour Le Gabon selon les recommandations de son Programme sur les Forêts Tropicales et de OUVRAGES À CONSULTER son Groupe d'experts des primates. Dorénavant, la principale priorité est le développement des capacités de gestion professionnelle dans tous ces parcs nationaux. Au nombre des autres priorités figurent la mise en application des Lois et l'élaboration d'une stratégie nationale pour l'utilisation des ressources de la faune et de la flore sauvages. Les actions prioritaires visant à freiner le déclin des populations des grands singes au Gabon sont, entre autres, la sensibilisation sur La chasse et ses incidences, une meilleure compréhension et capacité de gestion des aires protégées et du commerce de viande de brousse et La poursuite des études sur les espèces. Commerce et utilisation de La viande de brousse Les capacités des administrations chargées de La faune doivent être renforcées, des sources alternatives de protéines recherchées et Les lois régissant la conduite des sociétés forestières appliquées. Un atelier sur la viande de brousse a été organisé en 2002 par le Ministère des Eaux et Forêts et iLa mis l'accent sur l'éducation, la formation et La sensibilisation du public en général via les campagnes d'information, et du personnel travaillant dans La gestion de la faune.” Les recom- mandations formulées portaient spécifiquement sur l'évaluation des ressources, la création d'un bureau de gestion de la faune, l'emploi des gardes provin- ciaux, l'élaboration d'un plan d'action commun et l'identification des sources de financement. Le virus Ebola L'élaboration d'un plan de lutte efficace contre le virus Ebola est impérative au regard de l'ampleur de la menace qu'elle représente pour les grands singes du Gabon. Ce plan devrait viser l'intensification de la recherche sur les réservoirs et les hôtes de La maladie, y compris leurs écologies, ainsi que sur les vaccins et leurs possibles modes de de mise en application.” Collomb, J.G., Mikissa, J.B., Minnemeyer, S., Mundunga, S., Nzao Nzao, H., Mapaga, J., Mikolo, C., Rabenkogo, N., Akagah, S., Bayani-Ngoye, E., Mofouma, A. (2000) À First Look at Logging in Gabon. Global Forest Watch, World Resources Institute, Washington, DC. http://www.globalforestwatch.org/common/gabon/english/report.pdf. Tutin, C.E.G. (1999) Fragmented living: behavioural ecology of primates in a forest fragment in the Lope Reserve, Gabon. Primates 40 (1): 249-265. Tutin, C.E.G., Fernandez, M. (1983) Gorilla and Chimpanzee census in Gabon. /UCN/SSC Primate Specialist Group Newsletter 3: 22-23. AFRIQUE : GaBonN 391 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 392 SOURCES DES DONNÉES CARTOGRAPHIQUES Carte 16.9 Les données sur les grands singes sont issues des sources ci-après: Butynski, T.M. (2001) Africa's great apes. In: Beck, B.B., Stoinski, T.S., Hutchins, M., Maple, T.L., Norton, B., Rowan, À. Stevens, E.F., Arluke, À. eds, Great Apes and Humans: The Ethics of Coexistence. Smithsonian Institution Press, Washington, DC. pp. 3-56. With additional data by personal communication from Courage, À. (2004) and from the following sources: Barnes, R.F.W., Jansen, K.L. (1987) Forest Elephant Survey, Progress Report 1986-1987. Report for Wildlife Conservation International (NYZS]). Conservation International, New York. Blom, A. Aler, PT., Feistner, A.T.C., Barnes, R.FE.W., Barnes, K.L. (1992) Primates in Gabon: current status and distribution. Oryx 26 (4): 223-234. IUCN Conservation Monitoring Centre (1985] The /UCN Directory of Afrotropical Protected Areas. 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AUTEURS Ambrose Kirui, Centre international de supervision de la conservation du PNUE Lera Miles, Centre international de supervision de la conservation du PNUE Julian Caldecott, Centre international de supervision de la conservation du PNUE RÉPUBLIQUE DU GHANA EDMUND MCMANUS HISTOIRE ET ÉCONOMIE La République du Ghana est située au sud de la côte ouest africaine et est entourée à l'est par Le Togo, au nord par le Burkina Faso et à l'ouest par la Côte- d'Ivoire. Sa superficie est de 239 460 km? et son relief est essentiellement formé de plaines, et d'un plateau dans la région centre-sud du pays. D'une manière générale, son climat est chaud, avec un fort gradient d'humidité. La partie sud-ouest du pays est couverte par plusieurs fragments de forêt humide qui devient plus sèche au fur et à mesure qu'on monte vers le nord. Cette forêt sèche cède le pas à la savane boisée plus au nord dans la région de Brong-Ahafo. Les régions du sud-ouest où se trouvent concentrées la plupart des populations de chimpanzés (Carte 16.10) sont marquées par deux saisons de pluie, de mai à juillet et de septembre à octobre." Le Ghana a une population qui présente une culture variée, estimée en 2003 à près de 20,3 millions d'habitants." C'est dans cette région qu'était jadis implanté le puissant royaume Ashanti qui s'opposa par plusieurs guerres à l'expansion de la colonie britannique de la Gold Coast au cours du 19°" siècle. En 1901, le royaume Ashanti et les territoires protégés du nord furent fondus dans la Gold Coast et le Togoland allemand voisin fut placé sous l'administration de la Gold Coast en 1919. En 1957, La Gold Coast devient le Ghana, Le premier état africain à devenir totalement indépendant du Royaume-Uni. Le premier président du Ghana, Kwame Nkrumah, est Le pionnier du ‘socialisme africain’. La renforcé progressivement ses liens avec le bloc soviétique.” IL a été renversé par un coup d'état militaire en 1966, Le premier d'une série d'autres qui s'est soldé par l'accession au pouvoir du Capitaine d'aviation Jerry Rawlings au début des années 80. Rawlings a pris Le pouvoir par la force et la tête du Conseil national de défense intérimaire, a aboli La constitution, a dissout le parlement et a banni les partis politiques d'opposition. Cette interdiction a été levée au milieu des années 80 et une nouvelle constitution a été élaborée et approuvée par référendum en 1992. Les deux premières élections présidentielles de 1992 et 1996 ont été entérinées par les observateurs internationaux et ont confortés Rawlings à la tête de l'état. IL a perdu le pouvoir en 2000 au terme de ses deux mandats constitutionnels et a été remplacé après des élections par le leader de l'opposition John Kufuor. En 2004, Kufuor a été réélu pour un deuxième mandat de quatre ans. La communauté internationale tient Le Ghana pour un modèle de pluralisme politique et de transition pacifique du pouvoir"? Cependant, l'administration Kufuor hérite d'une économie en déclin et prend des mesures énergiques dont une hausse de plus de 90 % des taxes sur le carburant." En 2001, La remontée des cours de l'or et du cacao a permis au Ghana de stabiliser sa macroéconomie et, en 2002, le pays est inclus par Le Fonds Monétaire International dans l'initiative ‘Pays Pauvres Très Endettés (PPTE) qui lui permet de bénéficier de certaines formes d'allègement de la dette. D'une manière générale, la pauvreté recule mais Le chômage reste élevé et les agriculteurs demeurent vulnérables.” Les politiques économiques et sociales du gouvernement s'inscrivent dans les objectifs de développement internationaux mais le Ghana reste tributaire de l'assistance financière et technique internationale. Environ 57 % du territoire sont voués aux activités agricoles, en particulier aux plantations de cacao et de palmier à huile.! En 2004, l'agriculture de subsistance représentait 35 % du produit intérieur brut (PIB) et employait 60 % de La main-d'œuvre, principalement des petits propriétaires fonciers.’ Quelques 300 000 personnes travaillent comme chasseurs."* Les prélèvements annuels de viande de brousse sont estimés à 385 000 tonnes (soit 18,8 Kg par personne par an) pour un montant de 350 millions d'USD. 60 % de cette viande sont vendus en zone urbaine. ? L'or, Le bois et Le cacao sont les principales sources de commerce extérieur. RÉPARTITION DES GRANDS SINGES Parmi les grands singes, seul le chimpanzé occidental (Pan troglodytes verus) est présent au Ghana. IL est confiné dans le sud-ouest du pays où il semble ne pouvoir être vu que dans quelques blocs de forêt humide semi-décidue et de forêt humide sempervirente. |L peut également être présent dans certaines forêts sèches semi-décidues et humides sempervirentes mais cela n'a pas été confirmé.” Le dénombrement Le plus récent date de 1995 et d'après ses conclusions le Ghana abriterait 1 500 à 2000 chimpanzés.* En 1979, leur nombre était estimé à moins de 200 ;” en 1988, il était de 300-500 chimpanzés.” Cette hausse est le résultat de l'amélioration des connaissances ; le nombre actuel de chimpanzés a certainement baissé depuis. Des études approfondies ont été menées en 1999 et 2001.” Les chimpanzés pourraient encore être présents dans Le Parc National de Bia (78 km‘) et Le Parc National de Nini-Suhien (160 km] mais Les études n'en ont trouvé trace dans aucun des deux sites. La présence des chimpanzés a été confirmée dans la réserve des ressources de Ankasa (343 km’)? la réserve forestière de Draw River (235 km’) et La réserve forestière de Tano-Nimiri (205 km‘). Ils seraient vraisemblablement présents dans les réserves forestières des Krokosua Hills (295 km‘} et de Boi-Tano (128 km’)? Les chimpanzés peuvent avoir disparu dans piusieurs autres zones forestières dont Kakum et Cape Three Points? Aucun chimpanzé n'a été vu dans les réserves forestières de Yoyo River ou Dadieso, même si certains chasseurs affirment qu'il y sont présents? MENACES ILest finalement possible que les chimpanzés soient au bord de l'extinction dans ce pays. La chasse constitue une grave menace pour la faune du Ghana,” et l'on estime que 90 % de La population du Ghana consomme de la viande de brousse quand elle Le peut.* De toutes les aires protégées, c'est surtout le Parc National de Nini-Suhien, le Parc National de Bia et les réserves forestières de Boi- Tano et de Dadieso qui ont subi les pressions cynégétiques les plus importantes“? Les primates constituent une petite -mais non négligeable- AFRIQUE : GHANA 393 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Carte 16.10 Répartition des chimpanzés au Ghana Références bibliographiques à la fin de ce chapitre 4W 2°W 0 BURKINA FASO ; #4 £ Ÿÿ ns gPolgata a, à rs | | 1 54 1 + > Bunkpurugu ® BIENS S Espèce # Chimpanzé occidental observé en 1996-2003 Chimpanzé occidental observé en 1983-1995 Chimpanzé occidental observé après 1983 Chimpanzé occidental observé avant 1983 Chimpanzé occidental: présence supposée Chimpanzé occidental disparu localement vers 1940 Aire de répartition estimée Chimpanzé occidental CÔTE D'IVOIRE + TOGO È | À PN de = Kyabob, Bui où 77 Kyabobo GHANA S PN de Digya Ve PN,RR & RB de Bia / Ho. RF de Krokosua CG Hills 2 #7 ge BARRAGE ui RF de Dadieso F 2 : 2 FAR d'AKOSOMBO L 6N oforidua Ni LA 2? A LS b € = à 4 4 4 = à Es à Accra DER : He» EE Kakum ui Ë À | \AkZ 3 AL ANTIO EN A À L] à Cape Coast RF du Fleuve Yoyo RF de Tano-Nimiri RF de Boi-Tano RE __ PNde L _“Nini- Suhien., RR d'Ankasa > RF du Fleuve Draw . RF du Cape Three Points __ 4'W 2°W 0° 394 fraction des animaux tués et vendus : La chasse est certainement la principale cause de la disparition du colobe bai de Miss Waldron (Procolobus badius waldroni.* Le commerce des animaux de com- pagnie aurait aussi affecté Les populations restantes de chimpanzés au Ghana.“** En outre, le Ghana a perdu la majorité de ses terrains forestiers au cours du 20°"° siècle. En 2000, les forêts restantes étaient estimées à 63 350 km’, avec un taux moyen de perte annuelle de 1 200 km‘ (1,7 %]/ Les forêts ont surtout pâti de la construction des routes, de l'agriculture et de l'exploitation forestière, l'exploitation minière ne devenant véritablement une menace que vers l'année 2000. °°” La demande en terres et en bois a entraîné la dégradation et les incursions dans les aires protégées.” LÉGISLATION ET ACTIONS DE CONSERVATION Lois nationales et aires protégées La Loi sur La Sauvegarde des Animaux Sauvages (Loi 43 de 1961] offrait une protection totale aux chimpanzés et La Réglementation sur la Conservation de la Faune (1971) a davantage renforcé la protection juridique des chimpanzés. La politique faunique et forestière adoptée en 1994 vise La promotion de La gestion durable des forêts.” Les sanctions pour la chasse, l'exploitation forestière illégale et d'autres formes d'infraction ont été accrues en 2002.” Le Parc National de Bia a été classé en 1974 avec une superficie de 306 km” mais celle-ci a été réduite à 78 km’ en 1976, le reste du parc étant transformé en réserve de ressources contenant des concessions forestières.*"* Bia a été érigé en Réserve de Biosphère en 1983.**? Nini-Suhien fut désigné parc national en 1976." La plupart des forêts denses restantes se trouve sur les 18 000 km’ de réserves forestières! qui comprennent les réserves de production dans lesquelles Le prélèvement du bois est autorisé et Les 4 500 km’ de réserves de protection où il ne l'est pas. © Les réserves de protection sont destinées à la sauvegarde des plans d'eau, des zones d'importance en matière de biodiversité et des écosystèmes fragiles.” De plus, Le nouveau système d'aires de biodiversité d'importance mondiale (GSBA) vise à empêcher l'exploitation d'une portion significative des aires des réserves forestières, à mobiliser les ressources nationales et internationales afin de soutenir La conservation de La biodiversité et la recherche de moyens de subsistance alternatifs. Les communautés locales bénéficieront de financements du Fonds pour l'Environnement Mondial (FEM) et en contrepartie elles n'exploiteront pas ces zones. En ce qui concerne les zones de conservation des grands singes, ce plan englobe la réserve forestière de Dadieso qui n'a jamais été exploitée, une partie de la réserve forestière de Yoyo River [le reste a été attribué en concessions forestières en 2001), et des portions des réserves forestières de Draw River et des Krokosua Hills. Les sanctuaires et La réhabilitation Une tentative de réhabilitation de six chimpanzés initiée en 1972 dans le Parc National de Bia s'est soldée par un échec.” Une autre tentative a eu lieu en 1994, mais on pense que les chimpanzés ont été tués par des chasseurs.”? STRATÉGIES FUTURES DE CONSERVATION Dans West African Chimpanzees: Status Survey and Conservation Action Plan les recommandations suivantes ont été formulées pour Le Ghana :? M Priorités globales. Des efforts considérables doivent être faits pour protéger les réserves existantes, pour améliorer la gestion forestière et pour collecter les données écologiques de base. M Recherche et études. Le nombre et la répartition des chimpanzés dans l'aire de conservation d'Ankasa (réserve de ressources d'Ankasa réunie au Parc National adjacent de Nini-Suhien] et dans la réserve forestière des Krokosua Hills doivent être déterminés. Des études complémentaires dans la réserve forestière de Yoyo River, Le Parc National de Bia et la réserve forestière de Dadieso fourniraient probablement des informations suffisantes sur la situation actuelle des chimpanzés au Ghana. Les conclusions de ces études pourraient servir à l'élaboration d'un plan quinquennal de conservation. Tous les habitats des chim- panzés doivent être portés sur des cartes et introduits dans la base de données d'un système d'information géographique (SIG) pour améliorer l'élaboration des plans de gestion des chimpanzés et d'autres animaux sauvages. B Protection. La réserve forestière des Krokosua Hills a été identifiée comme le site Le plus susceptible d'abriter une importante population AFRIQUE : GHANA 395 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 396 de chimpanzés (en raison de la faible densité humaine à l'intérieur et autour de la réserve), qui y seraient beaucoup plus observables que dans toute autre aire dans le pays. Le site devrait immédiatement bénéficier d'un renforcement des capacités sous forme de formation des gardes forestiers et de recrute- ment des chasseurs locaux comme agents. Pour améliorer la surveillance dans les aires protégées, l'accent doit être mis sur La forma- tion des personnels de la direction de La faune dans l'identification des chimpanzés sur le terrain, et Le personnel de la réserve de res- sources d'Ankasa devrait achever sa formation. Mesures de conservation transfrontière. L'aire de répartition des chimpanzés s'étendant sur plusieurs pays en Afrique de l'ouest, il importe que la coopération et Les actions en matière de conservation des chimpanzés soient harmo- nisées et coordonnées. Le gouvernement du Ghana à affirmé que les protocoles de coopération dans la création d'aires protégées transfrontières, y compris le Parc National de Bia, doivent faire l'objet de discussions." OUVRAGES À CONSULTER Grubb, P., Jones, T., Davies, A., Edberg, E., Starin, E., Hill, J. (1998) Mammals of Ghana, Sierra Leone and The Gambia. Trendrine Press, Zennor, UK. Hall, J.B., Swaine, M.D. (1981) Distribution and Ecology of Vascular Plants in a Tropical Rain Forest: Forest Vegetation in Ghana. Dr W. Junk, The Hague. Magnuson, L., Adu Nsiah, M. Kpelle, D. (2003) Ghana. In: Kormos, R., Boesch, C., Bakarr, M.I., Butynski, T.M., eds, West African Chimpanzees: Status Survey and Conservation Action Plan. IUCN/SSC Primate Specialist Group. IUCN, Gland, Switzerland. pp. 111-116. Oates, J.F., Abedi-Lartey, M., McGraw, W.S., Struhsaker, T.T., Whitesides, G.H. (2000) Extinction of a West African red colobus monkey. Conservation Biology 14 (5]: 1526-1532. SOURCES DES DONNÉES CARTOGRAPHIQUES Carte 16.10 Les données sur les chimpanzés sont issues des sources ci-après: Butynski, T.M. (2003) The chimpanzee Pan troglodytes: taxonomy, distribution, abundance, and conservation status. In: Kormos, R., Boesch, C., Bakarr, M.I., Butynski, T.M., eds, West African Chimpanzees: Status Survey and Conservation Action Plan. IUCN/SSC Primate Specialist Group. IUCN, Gland, Switzerland. pp. 5-12. Magnuson, L., Adu-Nsiah, M., Kpelle, D. (2003) Ghana. In: Kormos, R., Boesch, C., Bakarr, M.I., Butynski, T.M., eds, West African Chimpanzees: Status Survey and Conservation Action Plan. IUCN/SSC Primate Specialist Group. IUCN, Gland, Switzerland. pp. 111-116. Pour Les données sur les aires protégées et autres, voir Comment utiliser Les cartes. REMERCIEMENTS La présente étude du pays a largement puisé dans La partie consacrée au Ghana du document IUCN/SSC West African Chimpanzees: Status Survey and Conservation Action Plan.23 Je remercie Lindsay Magnuson (College of the Redwoods] pour son précieux concours lors de la rédaction de cet article. COMPILATEUR Edmund McManus, Centre international de supervision de La conservation du PNUE RÉPUBLIQUE DE GUINÉE MUHAMMAD AKHLAS HISTOIRE ET ÉCONOMIE La République de Guinée est située sur la côte ouest africaine et est entourée au sud par la Sierra Leone et le Libéria, à l'est par La Côte-d'Ivoire et le Mali, au nord par Le Sénégal et la Guinée-Bissau. Elle a une superficie de 245 857 km’. Son climat est chaud et humide mais saisonnier, avec une saison des pluies de juin à novembre et une saison sèche Le reste du temps, où le pays est balayé par l'harmattan sec et poussiéreux qui balaye le Sahara. Le relief de la Guinée est formé d'une plaine côtière, l'intérieur du pays devenant progressivement vallonné puis montagneux. En 2000, le couvert forestier était estimé au total à 69 290 km’, soit 28 % du territoire, dont 17 % (11821 km’) constitués de 162 forêts classées. En 2003, 3,6 % des terres continentales étaient cultivées et 2,4% soumises à la culture continue Le reste des terres est couvert par la savane boisée. La population de la guinée s'élevait à près de 9,25 millions de personnes en 2004, avec un taux de croissance annuel de 2,4 %.° L'économie du pays est basée sur l'agriculture, dont vivent Les habitants des zones rurales, et l'exploitation minière. La Guinée compte plus de 30% des gisements de bauxite {minerai d'aluminium] connus au monde et le secteur minier représente 75 % environ de la valeur des exportations. Le pays a obtenu son indépendance de la France en 1958 pour être ensuite dirigé par un régime militaire sans que des élections se soient tenues jusqu'en 1993, date à laquelle Le chef de ce gouvernement, le Général Lansana Conté est élu président, puis réélu en 1998 et 2005. Les troubles en Sierra Leone et au Libéria au cours de La dernière décennie ont plusieurs fois eu des répercussions en Guinée, mettant en péril La stabilité et provoquant des crises humanitaires. Cette situation a terni la confiance des investisseurs et mis à mal la capacité du pays à se sortir de la pauvreté. Le Fonds Monétaire International (FMI) et La Banque Mondiale ont suspendu leur assistance en 2003, mais l'amélioration de la situation sécuritaire devait entraîner un renforcement des activités écono- miques en 2004. RÉPARTITION DES GRANDS SINGES La Guinée abrite quelques 15 espèces de primates dont un seul grand singe, le chimpanzé occidental (Pan troglodytes verus]. Cette population, relative- ment en bonne santé, représentant 36 à 51 % de chimpanzés occidentaux *" Certains ont ainsi affirmé que le pays serait peut-être un jour le dernier bastion de cette sous espèce,“ mais cela dépendra du sort des forêts du pays, ce d'autant que la déforestation est considérable en Guinée. Les chimpanzés sont répandus en Guinée. Une enquête par questionnaire réalisée au milieu des années 80 a montré leur présence dans 27 à 30 des 34 préfectures que compte le pays.” Une étude publiée en 1998 a confirmé leur présence dans 71 sites, et l'enquête par questionnaire plus approfondie qu'elle comportait a mis en évidence la présence de chimpanzés dans 606 points? Pour ces raisons, la population nationale a été estimée à 8113-29 011 chimpanzés, ce qui est bien supérieur aux 1 420- 6 625 individus établis d'après les études menées au cours des années 80. Selon des estimations antérieures, Le nombre de chimpanzés était inférieur à 125007 et 8000-10 000. Ces chiffres ne découlaient pas d'une étude utilisant des techniques comparables et par conséquent, il est difficile de juger de La stabilité de La population des chimpanzés. IL est établi que de petites populations de chimpanzés vivent dans des zones forestières à travers la Guinée. On peut citer parmi les sites importants la Réserve de Biosphère du Mont Nimba {y compris la forêt de Bossou), la Réserve de Biosphère du Massif de Ziama, le Parc National du Haut Niger et les forêts classées de Diécké, Nialama, Sala, Fello Digué, Balayan-Souroumba, Bakoun et Souti Yanfou.“ La densité de La population peut varier considérablement dans chaque site, comme dans le Parc National du Haut Niger où elle était de 3,5/km° dans les forêts-galeries et de 0,1/km° dans Les savanes boisées. MENACES La déforestation découle de La croissance démogra- phique et du développement agricole et est accrue par la pratique du brûlis en saison sèche.” AFRIQUE : GUINÉE 397 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Références bibliographiques à la fin de ce chapitre Carte 16.11 Répartition des chimpanzés en Guinée leauseploso szueduiyo #7 71; aewhse uoniedai ap 211y 29810 . ObG6L SIA juaWa220] niedsIp eJU8pI,20 aZUedWIUD x hPAas fi ; ep 04 VIX44I7T : ren eesoddns soussaid ‘jejuepiooo azueduuiyO # INX ss ne £86L JueAe 8A12Sqo |eJU8PI220 eZuedWIUT nossog Fi £g6L seide gnesqo jauspisoo szuediuiy) de #.? euuez np S66L-£86L US 2A18SqO [EJU8PI220 szuedWIUD a JSSEN np £007-966L ue 2A8Sqo |EJU8pI290 sZUedWIUD æ IN # 94 S 22eds3 + æ el LE Murce ie 0 ANOAT VHUAIS de 420 + 4 7 + DID NIEUT LI Ce 12 "hi + D HAHIOALA ? 0e) L 5 nojeW 1 s 4109 Ÿ 6BIN ° N% GED NOEL Fe 22 : RE . 6 & N.OL LE g » us CA Bt S (al = 1l8SUId 8P.94 « * UBYUBYHe E 5e njueA alJiueenues = 10 ;hnos ep 94 « | epys + fa Pol oŸ * LE “46 oJSIIL Se] eouIs ep 24 DÉS © | 18BIN 1neH ca æ é JE 4 ", EN l@) Se À à ë | NP aù 8 Nd aawino Joe S : | ‘Equnoinos e, # -ue/{eje. © | A) + ep ae x 53) ? Sæ ‘bgez NOTA . .” E e nn viNOd . . unêys À enBuoL” : À a * "re af + a. ges 6p 94 ” L . 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La partie nord de la Réserve de Biosphère du Mont Nimba a été perturbée par l'exploitation des minerais de fer, et La construction de la voie ferrée et des routes à travers les aires protégées met gravement à mal la conservation.” La chasse affecte également les chimpanzés de Guinée. La chasse commerciale pour la viande est très répandue,” sans être pratiquée par tous.“ Les agriculteurs tuent les chimpanzés qui ravagent leurs cultures, et ces derniers sont généralement chassés en raison des propriétés supposées médicales et magiques de certaines parties de leur corps (par exemple leur sang quérirait l'épilepsie et que leur chair fortifierait les jeunes enfants)? Les orphelins sont vendus comme animaux de compagnie. Dans le passé, de nombreux chim- panzés ont été capturés puis expédiés outre-mer pour la recherche biomédicale." LÉGISLATION ET ACTIONS DE CONSERVATION Législation La Guinée est membre de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES). La Guinée a également ratifié la Convention du Patrimoine Mondial et La Convention sur la Coopé- ration dans la Protection et Le Développement des milieux marin et côtier de La région d'Afrique de l'ouest et du centre (1981). La Guinée a signé mais n'a pas encore ratifié La Convention Africaine sur La Conservation de la Nature et des Ressources Naturelles. ' Les chimpanzés sont ‘intégralement protégés’ en vertu de la loi Guinéenne régissant l'utilisation de la faune, * et ne peuvent être chassés, capturés, détenus ou exportés sans la délivrance d'un permis scientifique par Le gouvernement. IL convient toute- fois d'observer que d'une manière générale, la législation a peu d'impact quand elle n'est pas en phase avec les traditions culturelles et ce n'est que dans certaines régions de la Guinée, telles que celles du Fouta Djallon, que Les populations locales, de par leur tradition, ne chassent pas le chimpanzé."*"* Ces zones particulières sont relativement très peuplées, ce qui permet un équilibre positif entre les populations humaines et de chimpanzés. Les aires protégées ILexiste trois aires protégées en Guinée qui abritent des chimpanzés. Dans le sud-ouest se trouvent deux réserves naturelles strictes : le Mont Nimba (130 km’), érigé en Réserve de Biosphère et en Site du Patrimoine Mondial en 1981, et le Massif du Ziama (1123 km’) désigné Réserve de Biosphère depuis 1980. Au centre de La Guinée se trouve le Parc National du Haut Niger (6000 km‘) qui est une Réserve de Biosphère depuis 2002. La zone centrale du Parc National du Haut Niger, à savoir la forêt de Mafou, représente 10 % de cette surface, le reste étant constitué de zones tampons.” Le Parc National du Haut Niger a recu d'importants financements et sa gestion a été appuyée par l'Union européenne (UE), mais les autres aires protégées souffrent de l'absence de gestion et de ressources. Les sites sacrés Certaines aires en Guinée sont protégées pour des raisons religieuses et La plus connue de ces aires est Bossou. Ce site comprend plusieurs petites collines sacrées situées dans les zones agricoles des petits villages et des champs. Yukimaru Sugiyama et ses collègues de l'Institut de Recherche sur les Primates de l'Université de Kyoto mènent des études sur l'écologie sociale, Le cycle biologique, la démographie et l'utilisation des outils des chimpanzés à Bossou depuis 1976.“ Les chim- panzés de ce site ne sont pas totalement coupés des autres car des visiteurs occasionnels ont été apercus et les individus matures ont disparu. Bossou est l'un des quelques sites où les transferts intercommunautaires de chimpanzés mâles sont manifestes." La population La plus proche se trouve 6 à 10 km plus loin, dans Les monts Nimba et des efforts sont entrepris pour créer un corridor forestier qui relierait ces sites {le projet Corridor Vert)” Éducation et sanctuaires Le Projet de Protection des Chimpanzés (PPC] dirigé par Janis Carter et financé par l'UE en 1995-1999 visait principalement l'implication des populations locales, y compris des chasseurs dans la surveillance des populations de chimpanzés et l'éducation environnementale au niveau des villages, AFRIQUE : GUINÉE 399 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Préparation du terrain pour Le « corridor vert » reliant Bossou au Mont Nimba. 400 surtout dans les zones riveraines des forêts classées de Bakoun et Nialama. Plus tard, Carter a pu poursuivre certaines activités d'éducation et de surveillance à long terme financées par l'Agence Américaine pour le Développement International (USAID] et les Amis des Animaux. Les activités d'éducation menées dans le cadre du PPC et ultérieurement consistaient en la diffusion de diapositives et en la production d'affiches, de brochures et d'autocollants sur la nécessité de conserver et de protéger les chimpanzés, sur La législation actuelle les protégeant et sur les conséquences de l'achat d'un bébé chimpanzé orphelin. Des émissions radio ont également été produites avec la collaboration de Guinée Ecologie, organisation non gouvernementale nationale engagée dans le renforcement des capacités et la sensibilisation. Une brochure intitulée Appel de Détresse a été produite et distribuée à travers la Guinée, surtout dans la préfecture de Pita où toutes les écoles et sous- préfectures ont été visitées, du matériel didactique distribué, des réunions avec les anciens tenues et des diapositives diffusées. En 2004, Appel de Détresse a été révisé et traduit dans diverses langues locales grâce à une subvention de l'organisme américain US Fish and Wildlife Services (USFWS]. L'USAID et Winrock International ont plus tard intégré les composantes éducation et surveillance du PPC dans leur programme de gestion conjointe des forêts." Les chimpanzés sont maintenant suivis par les résidents locaux dans les cinq forêts Tatyana Humle co-gérées de Bakoun, Nialama, Sincery Oursa, Balayan-Souroumba et Souti Yanfou, et des activités similaires d'éducation sont en cours dans ces sites.“ Depuis 1993, des activités d'éducation environnementale coordonnées par l'Institut de Recherche sur les Primates de l'Université de Kyoto sont menées dans la région de Bossou et Nimba. Depuis 2003, des ouvrages de sensibilisation sur Les chimpanzés et l'environnement ont été distribués dans 16 écoles. Des séances d'éducation environnementale ont été organisées dans neuf villages de La zone de La Réserve de Biosphère du Mont Nimba, et les brochures, badges et vidéos ont été plus largement diffusés. Ces activités bénéficient du concours financier de lUSFWS depuis 2003." Dans le Fouta Djallon, la Wild Chimpanzee Fondation [WCF] conduit un programme d'éducation et de sensibilisation en faveur de La conservation des chimpanzés. Les activités d'éducation environnementalé devaient démarrer au début de 2005 et devaient inclure des représentations et la répartition de bulletins d'information. Les chimpanzés orphelins sont pris en charge et réhabilités par le Centre de Conservation pour Chimpanzés (CCC) situé près du village de Somoria dans le Parc National du Haut Niger et soutenu par le projet américain Project Primate. En novembre 2004, Le sanctuaire comptait 37 chimpanzés." STRATÉGIES FUTURES DE CONSERVATION Un atelier sur Le Plan National pour la Survie des Grands Singes (NGASP] s'est tenu en octobre 2004 dans la capitale Conakry. Le NGASP est une émanation d'un atelier antérieur organisé par Conservation International en septembre 2002 et Le Plan d'action subséquent de l'UICN - l'Union Mondiale pour la Nature- du chimpanzé occidental. "? Les actions de conservation prioritaires de La Guinée qui ont été définies sont les suivantes : H Recherche et études. IL est impératif d'avoir des informations détaillées sur la situation actuelle, le nombre, la répartition, les menaces et les mesures de conservation en Guinée, et sur la nature et les possibilités de résolution des conflits entre hommes et chimpanzés liés à l'accès aux ressources naturelles. Des études doivent être menées pour clarifier certains aspects du comportement et de l'écologie sociale des chimpanzés et de leurs populations dans divers habitats ; pour définir des moyens pratiques de relier à nouveau les habitats fragmentés par des corridors forestiers naturels et, pour ce faire, identifier les actions prioritaires. Aires protégées. Les aires prioritaires inclent le Fouta Djallon, les montagnes de Nimba et Le Haut Niger. Des mesures significatives doivent être prises pour améliorer les normes de protection, de planification et de gestion des aires protégées existantes et qui exigent le soutien de la communauté internationale et l'implication du gouvernement et des communautés locales. Paix et sécurité. Les organisations internationales devront probablement être associées à la résolution des questions frontalières et à l'amélioration de La sécurité dans les aires protégées transfrontières. Renforcement des capacités. IL est impératif de renforcer les capacités du personnel chargé de La gestion des aires protégées et de La faune dans la mise en œuvre de la législation nationale et internationale. Education et tourisme. Davantage de programmes d'éducation et de sensibilisation sur la chasse au chimpanzé, la viande de brousse et le commerce des animaux de compagnie doivent être diffusés auprès des communautés. Les cibles visées ici seraient les écoliers et les militaires. Le tourisme lié aux chimpanzés et Le tourisme tourné vers la faune serait possible dans certaines zones, mais cela doit être soigneusement réglementé. Cette forme de tourisme ne peut être promue que si l'étude des populations OUVRAGES À CONSULTER Barnett, A.A., Prangley, M.L. (1997) Mammalogy in the Republic of Guinea: an overview of research from 1946-1996, a Matsuzawa Tetsuro permet de déterminer qu'elles ne souffriraient pas d'être habituées et qu'elles ne courraient pas de risque grave de transmission de maladies. Une attention particulière devrait être accordée au partage des revenus, pour s'assurer que la conservation des chimpanzés et les populations locales en tirent avantage. Enfin, des sanctuaires aux financements sécurisés devraient être créés en vue de la réhabilitation et de l'utilisation à des fins éducatives des chimpanzés orphelins et de ceux arrachés aux braconniers. Développement. Des études d'impact environnemental doivent être réalisées préalablement au lancement de nouvelles activités d'exploitation minière ou forestière dans les habitats des chimpanzés et des directives doivent être élaborées à l'effet de minimiser les impacts. preliminary check-list and a summary of research recommendations for the future. Mammal Review 27 (3): 115-164. Humle, T., Matsuzawa, T. (2001) Behavioural diversity among the wild chimpanzee populations of Bossou and neighbouring areas, Guinea and Côte d'Ivoire, West Africa: a preliminary report. Folia Primatologica 72 (2): 57-68. Kormos, R., Boesch, C., Bakarr, M.I., Butynski, T.M., eds (2003) West African Chimpanzees: Status Survey and Conservation Action Plan. IUCN/SSC Primate Specialist Group. IUCN, Gland, Switzerland. of Guinea. Primates 29: 569-574. Sugiyama, Y., Soumah, A. (1988) Preliminary survey of the distribution and population of chimpanzees in the Republic Yamakoshi, G., Takemoto, H., Matsuzawa, T., Sugiyama, Y. (1999) Research history and conservation status of chimpanzees at Bossou, Guinea. Primate Research 15 (2): 101-114. Niger, Republic of Guinea. Oryx 36 (1): 73-80. Ziegler, S., Nikolaus, G., Hutterer, R. (2002) High mammalian diversity in the newly established National Park of Upper AFRIQUE : GUINÉE Chimpanzés à Bossou utilisant deux pierres : l'une comme marteau, l'autre comme enclume pour ouvrir une noix de palme. 401 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 402 SOURCES DES DONNÉES CARTOGRAPHIQUES Carte 16.11 Les données sur Les chimpanzés sont issues des sources ci-après: Butynski, T.M. (2001) Africa's great apes. In: Beck, B.B., Stoinski, T.S., Hutchins, M., Maple, T.L., Norton, B., Rowan, À. Stevens, EF. Arluke, À. eds, Great Apes and Humans: The Ethics of Coexistence. Smithsonian Institution Press, Washington, DC. pp. 3-56. Butynski, T.M. (2003) The chimpanzee Pan troglodytes: taxonomy, distribution, abundance, and conservation status. In: Kormos, R., Boesch, C., Bakarr, M.., Butynski, T.M., eds, West African Chimpanzees: Status Survey and Conservation Action Plan. IUCN/SSC Primate Specialist Group. IUCN, Gland, Switzerland. pp. 5-12. Kormos, R., Humle, T., Brugière, D., Fleury-Brugière, M-C., Matsuzawa, T., Sugiyama, Y., Carter, J., Diallo, M.S., Sagno, C., Tounkara, E.O. (2003) The Republic of Guinea. In: Kormos, R., Boesch, C., Bakarr, MI. Butynski, T.M., eds, West African Chimpanzees: Status Survey and Conservation Action Plan. IUCN/SSC Primate Specialist Group. IUCN, Gland, Switzerland. pp. 63-76. Pour les données sur les aires protégées. voir Comment utiliser Les cartes’ REMERCIEMENTS Ce profil du pays puise largement dans le chapitre consacré au Ghana du document de l'IUCN/SSC West African Chimpanzees: Status Survey and Conservation Action Plan.” J'adresse mes sincères remerciements aux quatre relecteurs anonymes pour leur précieux concours lors de la rédaction de La présente partie. COMPILATEUR Muhammad Akhlas, University of East Anglia RÉPUBLIQUE DE GUINÉE-BISSAU CLAUDIA SoUSA, SPARTACO GIPPOLITI, ET MUHAMMAD AKHLAS HISTOIRE ET ÉCONOMIE La République de Guinée-Bissau est l'un des plus petits pays de La côte atlantique de l'Afrique de l'ouest, coincé entre le Sénégal au nord et La Guinée au sud et à l'est. Le pays a une superficie de 36 125 km’ et est constitué de petites îles situées au large - l'archipel des Bijagos - séparées du continent par de grandes vasières intertidales. La population de Guinée-Bissau qui compte quelques 20 groupes ethnolinguistiques est estimée à près de 2,4 millions en 2004, avec un taux de croissance annuel de 2 % environ.’ Après avoir obtenu son indépendance du Portugal en 1974, la Guinée-Bissau institua un système monopartiste et une économie centralisée planifiée. Un coup d'état militaire en 1980 a amené à la tête de l'état un régime qui a introduit un nouveau système plus tourné vers le marché et qui a remporté les premières élections du pays organisées en 1994. Mais les coups d'état se multiplièrent pendant les années 80 et 90 et l'un d'eux finit par déclencher une guerre civile en 1998. Les combats intermittents qui opposaient les troupes gouvernementales soutenues par le Sénégal et la junte militaire ont détruit les infrastructures du pays et ruiné l'économie. Le bref retour à La démocratie en 2002-2003 s'est achevé par un autre coup d'état en septembre 2003 qui a vu l'arrivée au pouvoir du gouvernement actuel. Comme d'autres anciennes colonies portu- gaises lâchées dans l'indépendance sans aucune préparation au milieu des années 70 (Angola, Mozambique et Timor oriental), le pays a terriblement souffert et est maintenant très pauvre. IL vit essentiellement de la pêche et de l'agriculture. La production de noix de cajou s'accroît et les devises sont surtout générées par les exportations de poisson et de fruits de mer, ainsi que de petites quantités d'arachide, de palmistes et de bois. Le riz est la principale culture et le premier aliment de base. Les gisements de pétrole situés au large pourraient fournir à terme les recettes si indispensables, mais sont actuellement inexploités.° Soixante pour cent (21 870 km] de La Guinée- Bissau étaient boisés en 2000 essentiellement d'essences forestières naturelles humides à larges feuilles ou semi-sèches. Le pays possède la plus grande zone de mangrove et de plaine côtière d'Afrique. Originellement 11 % du territoire national était constitué de mangrove. RÉPARTITION DES GRANDS SINGES La Guinée-Bissau abrite 11 espèces de primates dont un seul grand singe, le chimpanzé occidental (Pan troglodytes verus])." En raison de l'absence de données, on ne peut dire avec certitude combien de chimpanzés se trouvent en Guinée-Bissau, mais ils sont néanmoins estimés à 600-1 000 individus. /* Jusqu'en 1989, on pensait que les chimpanzés avaient totalement disparu du pays, mais leur présence a été confirmée après un large inventaire faunique mené par la Guinea-Bissau Direcao General das Florestas e Caca (DGFC] et le Centre canadien pour les Études et la Coopération Internationales (CECI), avec l'appui financier de lUICN - l'Union Mondiale pour la Nature.” Des études plus récentes ont signalé leur présence dans la région de Xitole [une région jadis proposée comme parc national au nord du fleuve Corubal), dans le parc naturel de Lagoas de Cufada (un site Ramsar], sur la rive nord du Rio Grande de Buba, dans la réserve de chasse de la forêt de Cantanhez et le bassin de Cacine.**’* L'aire de répartition s'étendrait à travers Le pays jusqu'au sud du fleuve Corubal,’ en particulier dans le secteur de Boé, entre le fleuve Corubal et la frontière Guinéenne, et dans les régions sud-est de Quinara et Tombali.”* MENACES La principale menace semble être La destruction de l'habitat des chimpanzés, surtout les forêts primaires Entre 1990 et 2000, on estime que 220 km’ de forêts étaient détruites chaque année.‘ D'une manière générale, les changements observés en matière d'utilisation des forêts dans Les habitats des chimpanzés sont liés à l'accroissement de la population humaine locale. L'echec d'intégration des problèmes écologiques dans Le plan de développement national apparaît aussi comme un facteur majeur” Les pressions résultent de l'exploitation forestière, des feux de brousse, du défrichement à des fins agricoles, de la culture des fruits et du défrichement des mangroves pour la riziculture. Ces pratiques ont surtout cours dans les AFRIQUE : GUINÉE-BISSAU régions de Tombali et Quinara. La réserve de chasse de La forêt de Cantanhez [région de Tombali] est de plus en plus fragmentée à cause des plantations de banane, de cajou et autres. Par conséquent, les pillages des cultures par les chimpanzés se sont également multipliés. D'une manière générale, les chimpanzés ne sont pas mangés en Guinée-Bissau parce qu'ils sont jugés trop semblables à l'homme. Les jeunes servent parfois d'animaux de compagnie et Les peaux de chimpanzés sont utilisées dans la médecine traditionnelle.‘ En revanche, la capture accidentelle des chimpanzés dans les collets visant d'autres animaux tels que les antilopes et d'autres ongulés constitue une menace.‘ LÉGISLATION ET ACTIONS DE CONSERVATION La Guinée-Bissau a signé la Convention sur la Diversité Biologique (1995), La Convention sur le Commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES) (1990), la Convention de Ramsar (1991) et La Convention sur les Espèces Migratrices (CMS) (1995). Les chimpanzés sont protégés de la chasse par le décret N° 21/1980. En outre, la chasse est interdite dans les réserves de chasse. La Guinée-Bissau poursuit l'élaboration de sa législation sur Les aires protégées.’ L'une de ces aires se trouve sur l'aire de répartition du chimpanzé occidental, à savoir Le parc naturel de Lagoas de Cufada qui a été officiellement classé en 2000 et s'étend sur 890 km’.” Depuis 1990, environ 44 % de ce parc a été reconnu au niveau international comme un site de Ramsar’ La protection traditionnelle accordée aux chimpanzés dans la majeure partie du pays à cause de leur trop grande ressemblance avec l'homme constitue probablement un gage encore plus important de leur survie à court terme.‘ On pense dans La région de Boé qu'ils abritent Les esprits des anciens.” STRATÉGIES FUTURES DE CONSERVATION Apercu Beaucoup reste à faire pour assurer la conservation des chimpanzés en Guinée-Bissau. Trois principales actions doivent être entreprises :* recueillir Les informations de base sur les populations de chimpanzés dans le pays ; réaliser une étude de faisabilité pour la création d'aires protégées dans Le pays et d'une aire protégée transnationale le long de la frontière entre La Guinée-Bissau et La Guinée ; et élaborer une stratégie nationale pour la conservation des chimpanzés. 403 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Références bibliographiques à la fin de ce chapitre Carte16.12 Répartition des chimpanzés en Guinée-Bissau leueploso ezueduuio 4711; 2aWu}se uoliuiedai 3p 211Y easoddns souasaid :|eJU8plo90 szuedWui4D £ £86L jueAe eAI8SqO |eJU8PI00 eZUedWIUD © £g6L Saide aA18Sqo |eJU2pI990 ezuedWIUO + £00Z-9661 US gA8Sqo |eJU8pio00 gZuedWIUD æ 92eds3 HANINO TVOAHNAHS ANOIINETIE NF4920 nn E=mEMNIO lemme 404 Claudia Sousa Recherche et aires protégées La recherche future devrait viser l'élaboration de plans d'action pour la conservation des chimpanzés par des études sur leur écologie, surtout dans les forêts claires, et par l'identification de deux aires protégées appropriées pour deux populations viables au moins : dans la réserve forestière de La forêt de Cantanhez et dans la région de Boé.‘° Le bassin de Tombali, les fleuves Cumbija et Cacine, qui incluent Cantanhez, ont depuis été reconnus comme des zones importantes de grande biodiversité et recommandés pour la protection**’ En 2001, Cantanez était en voie de reclassification.! Participation locale La population croissante de la Guinée-Bissau est largement tributaire des ressources forestières. La conservation biologique est donc directement liée à la croissance économique et au développement. La participation des communautés rurales qui serait assurée par la reconnaissance de leur droit de gérer une partie au moins des ressources naturelles, pourrait bien être le meilleur moyen à terme de concilier La conservation de la faune et Le développe- ment rural. De plus, les programmes d'écotourisme peuvent servir à mettre en exergue l'importance des OUVRAGES À CONSULTER AFRIQUE : GUINÉE-BISSAU Cläudia Sousa primates, tout en dynamisant éventuellement l'économie locale. /* Renforcement des capacités ILest impératif d'instaurer une collaboration à long terme entre les autorités gouvernementales, les agences gouvernementales étrangères et les organisations non gouvernementales afin de soutenir La création d'un réseau national d'aires protégées et de renforcer les capacités nationales pour en assurer une gestion efficace. Education et tourisme Les programmes généraux d'éducation et de sensibilisation, et l'implication des communautés locales dans la conservation des chimpanzés et la gestion de leurs habitats peuvent contribuer grandement à alléger les pressions sur les chimpanzés. IL n'existe actuellement aucun sanctuaire pour les chimpanzés orphelins. La création d'un centre de réhabilitation et son utilisation comme ressource éducationnelle pourrait favoriser le développement futur de La conservation des grands singes en Guinée-Bissau. En attendant, les animaux saisis pourraient être envoyés dans Les sanctuaires des pays voisins. Gippoliti, S., Dell'Omo, G. (1996) Primates of the Cantanhez forest and the Cacine basin, Guinea-Bissau. Oryx 30: 74-80. Jones, S. (1992) Guinea-Bissau. In: Sayer, J.A., Harcourt, C.S., Collins, N.M., eds, The Conservation Atlas of Tropical Forests: Africa. Macmillan, London. pp. 200-205. SOURCES DES DONNÉES CARTOGRAPHIQUES Carte 16.12 Les données sur Les chimpanzés sont issues des sources ci-après: À gauche, mangrove dans Le parc naturel de Lagoas de Cufada, et à droite, défrichement de la forêt à des fins agricoles. 405 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 406 Butynski, T.M. (2003) The chimpanzee Pan troglodytes: taxonomy, distribution, abundance, and conservation status. In: Kormos, R., Boesch, C., Bakarr, MI., Butynski, T.M., eds, West African Chimpanzees: Status Survey and Conservation Action Plan. IUCN/SSC Primate Specialist Group. IUCN, Gland, Switzerland. pp. 5-12. Gippoliti, S., Dell'Omo, G. (2003) Primates of Guinea-Bissau, West Africa: distribution and conservation status. Primate Conservation 19: 73-77. Gippoliti, S., Embalo, D.S., Sousa, C. (2003) Guinea-Bissau. In: Kormos, R., Boesch, C., Bakarr, MI. Butynski, T.M., eds, West African Chimpanzees: Status Survey and Conservation Action Plan. IUCN/SSC Primate Specialist Group. IUCN, Gland, Switzerland. pp. 55-61. Pour les données sur les aires protégées et autres. voir Comment utiliser Les cartes’ REMERCIEMENTS Cette étude du pays puise largement dans le chapitre consacré à La Guinée-Bissau de l'ouvrage IUCN/SSC West African Chimpanzees:Status Survey and Conservation Action Plan. Nous adressons nos sincères remerciements à Brigid Barry {Tropical Biology Association] pour son concours dans la rédaction de ce papier. AUTEURS Cläudia Sousa, Nouvelle Université de Lisbonne Spartaco Gippoliti, unité de Conservation, Pistoia Zoological Garden Muhammad Akhlas, University of East Anglia RÉPUBLIQUE DU LIBÉRIA GEMMA SMITH HISTOIRE ET ÉCONOMIE Situé en Afrique de l'ouest, le Libéria est Le plus vieil état d'Afrique fondé en 1847 par les esclaves libérés d'Amérique (Américano-Libériens). Couvrant une superficie totale de 111 370 km’, il est entouré à l'est par la Côte-d'Ivoire, au nord-ouest par la Sierra Leone, au nord par la Guinée et au sud par l'océan atlantique. La capitale Monrovia située sur la côte est La plus grande ville du Libéria. Le relief du pays englobe des plaines côtières, des terrains vallonnés, des plateaux et des hauts plateaux, et des montagnes dans l'extrême nord”? Les basses terres comprenant une végétation fluviale et côtière, les mangroves, les lagunes et bancs de sable alluviaux s'étirent sur 579 km et pénètrent sur 65 km à l'intérieur des terres. La plupart des terres arables du pays sont situées sur les montagnes après les basses terres. Les plateaux et hauts plateaux (jusqu'à 300 m d'altitude) et les chaînes de montagne (jusqu'à 610 m d'altitude) se trouvent au-delà de cette zone, principalement entre les fleuves Lofa et Saint Paul au nord-ouest du pays. Les régions de montagne, dont le sommet le plus élevé du Libéria, le Mont Wuteve (1 380 m), se trouvent dans le nord du pays, dans les comtés de Nimba et Lofa.” Le couvert forestier du Libéria s'étendrait encore sur 34 810 km’, soit 31,3 % de la superficie totale du pays. C'est La plus vaste portion restante de la forêt tropicale humide de la Haute Guinée. Cependant, l'exploitation forestière légale et illégale gagne rapidement du terrain et selon l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO), entre 1990 et 2000 Le couvert forestier aurait diminué de 7,6 %."° Le projet de réévaluation des forêts du Libéria, initiative conjointe réunissant le gouvernement du Libéria, Fauna et Flora International (FF) et Conservation International (CI), a estimé que Le taux de destruction des forêts entre 1987 et 2001 n'était que de 2,6 %, avec un taux annuel de déperdition de 0,2 %.'° La population du Libéria est constituée en majorité d'indigènes africains, les Américano- libériens et leurs descendants (familièrement appelés Congo’ au Libéria d'après leurs racines géographiques) représentant environ 5% d'une population estimée à 3,3 millions de personnes. Le taux de croissance démographique annuel serait de 1,7 %.° La population vit en grande partie dans les zones urbaines du centre du Libéria. Près de 57,5 % de la population adulte (âgée de plus de 15 ans) est alphabétisée.° Le Libéria a subi des troubles politiques, sociaux et économiques graves et continus depuis le coup d'état militaire de 1980. Depuis lors, on a enregistré une série de conflits qui a duré en tout 14 ans. En effet, le Libéria était relativement calme jusqu'en 1980, date à laquelle Le Sergent-chef Samuel Doe renversa le Président William Tolbert après des émeutes liées au prix de la nourriture. L'arrivée au pouvoir de Doe, qui appartenait au groupe indigène des Krahn, a marqué le départ de la tête de l'état des Américano-Libériens qui domi- naient le pays depuis sa création. IL a également ouvert la voie à une période d'instabilité provoquée par les multiples violations des droits de l'homme qui finissent par causer des tensions entre les Krahn et les autres groupes indigènes tels que les Mandingo, les Gio et les Mano." L'économie s'est alors effondrée et une réelle guerre civile à coloration ethnique a éclaté en 1989. Les dissidents des Forces Patriotiques Nationales du Libéria {NPFL) de Charles Taylor envahirent tout Le pays et une branche du NPFL tua Doe en 1990." Ces événe- ments ont poussé la Communauté Economique Des Etats de l'Afrique de l'Ouest [CEDEAO) à intervenir militairement pour protéger Monrovia. Les dissidents libériens ont lancé des attaques contre le Libéria depuis la Sierra Leone, et en guise de représailles le NPFL a soutenu les rebelles Sierra Léonais. Ceci marqua Le début d'une guerre civile en Sierre Leone qui dura 10 ans (voir Le profil de pays de Sierra Leone). La guerre s'est poursuivie au Libéria jusqu'en 1996, date à laquelle un aix est signé sous l'égide de la CEDEAO, puis conduisant à l'élection de Taylor comme Président. Toutefois, un nouveau conflit a éclaté en 1999 et l'escalade des affrontements s’est poursuivie.5 Sous la forte pression de la CEDEAO et du Groupe international de contact pour le Libéria {comprenant l'Union Européenne, Les Etats-Unis, Le Nigéria, le Maroc, l'ONU, le secrétariat de la CEDEAO et l'Australie], Les principales factions ont fini par signer un accord de paix global en 2003, forçant de fait Taylor à l'exil au Nigéria et instituant un gouvernement d'union nationale de transition. Une mission de L'ONU fut déployée au Libéria en octobre 2003, son effectif atteignant 15 000 casques bleus au milieu de 2004. Les domaines d'application de son mandat sont larges et, outre le maintien de la paix, elle s'occupe de la justice pénale, des droits de l'homme, de la protection des enfants, de l'information publique, ainsi que de l'environnement et des forêts. Ces troubles ont eu des effets dévastateurs sur l'économie du Libéria dans La mesure où Les infra- structures et Le capital social ont été détruits et Les investissements y étaient rares. On dispose de peu de données mais Les estimations les plus récentes (2002) du Fonds Monétaire International (FMI) indiquent un Produit Intérieur Brut (PIB) de 561,8 millions d'USD et un Revenu National Brut (RNB) par habitant de 169,20 USD." L'insuffisance des informations en 2003 ou 2004 n'a pas permis au Programme des Nations Unies pour le Développe- ment (PNUD) de calculer l'Indice de Développement Humain du Libéria, mais il fait certainement partie des pays les plus pauvres au monde avec une espérance de vie de 41,7 ans seulement.” L'aide internationale s'est accrue grâce à La signature de l'accord de paix global." RÉPARTITION DES GRANDS SINGES La première étude nationale sur la faune du Libéria a été entreprise par le WWF - Organisation Mondiale de Protection de L'Environnement - et l'Agence de Développement des Forêts (FDA) du pays.” Douze espèces de primates dont Le chimpanzé occidental (Pan troglodytes verus] vivent au Libéria. Les chimpanzés étaient probablement présents jadis dans toutes les zones forestières du Libéria,” et d'une manière générale, leur présence était signalée dans les forêts du sud-est du Libéria dans les régions de Sapo, Krahn Bassa, Grebo et Barrabo, de même qu'elle a été observée dans les blocs forestiers du nord-ouest et de l'ouest dans les régions de Gola et du haut Lofa, et dans le comté du haut Nimba le long des frontières avec la Côte- d'Ivoire et la Guinée. Des études récentes ont confirmé leur présence dans la réserve naturelle de l'est de Nimba, la forêt nationale de Grebo, la forêt nationale de Krahn-Bassa et le Parc National de Sapo.! Dans les années 70, la population était estimée à 1000-5000 individus. Les études réalisées entre décembre 1989 et mars 1990 ont révélé que la plupart des chimpanzés vivaient dans les zones de forêt haute et les anciennes concessions où l'on pouvait assez souvent trouver des sites avec des débris de noix cassées et entendre leurs cris. MENACES De vastes portions de forêt au nord-ouest et, en particulier au sud-est du pays, subissent de fortes AFRIQUE : LiBéRiA 407 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Références bibliographiques à la fin de ce chapitre éria L iImpanzes au Carte 16.13 Répartition des ch ajAueels HHIOAI:Q ALO) leuephoo szueduilo À [1 b 33 equin ep Nu eewse uol}iedai 2p 211ÿ ÿ eesoddns souasaid :jeJu8pl,90 azueduiy ES6L JueAe gA18SqO |eJU8pI000 ezuedWIUD £86L Saide saissqo |BJU8pI900 ezuedWIUD AANIA9 S66L-E861 ue gA8SQO |EJU8PI,,0 szuedWIUT £00Z-966L ue gA18Sqo |eJU8pI920 gzueduIUT SE En 22eds3 TA ANOIINETIF NFTNIO odsueqoy Juno de ep N9N 408 pressions résultant de l'exploitation forestière et minière?” L'agriculture de subsistance se développe le long des routes et autour des campements des ouvriers dans la forêt. La guerre civile a exacerbé Les menaces qui pèsent sur les chimpanzés, à cause des opérations militaires et du déplacement des populations. Les réfugiés et les personnes déplacées à l'intérieur du pays sont des facteurs déterminants pour la situation d'après-guerre au Libéria." Près d'un million de personnes a été déplacé - soit un tiers environ de la population du pays. La situation est particulièrement grave au nord du Libéria, aux frontières de l'Union de La Mano River.” Au cours de l'été 2003, des combats entre factions ont eu lieu dans cette région, provoquant un autre flot de réfugiés. Des populations de réfugiés sont également présentes à l'est et au sud près des frontières avec la Côte-d'Ivoire. Les chimpanzés sont protégés par la loi au Libéria depuis 1964 mais la chasse au chimpanzé est courante à travers le pays et la chasse commerciale est considérée comme une sérieuse menace.” Le taux de déclin de la population, s'il existe, n'est pas connu. Jusque dans les années 60, Les Mano et Gio de la région du Mont Nimba chassaient des espèces telles que Le chimpanzé pour satisfaire leur mode de vie agricole itinérant.” Lorsque Les opérations minières ont commencé dans cette région, on a assisté à une surexploitation des ressources fauniques locales (dont les chimpanzés) pour nourrir Les mineurs.’ Les communautés locales du sud-est jugeaient les chimpanzés nuisibles pour leurs cultures et les chassaient par conséquent pour leur chair et pour approvisionner le marché des animaux de compagnie. Ces pressions existent toujours en raison des perpétuelles migrations des agriculteurs et travailleurs des industries forestière et minière, ainsi que des personnels militaires et civils vers les zones rurales. La population locale croissante accentue les pressions dues à la chasse de subsistance, à la chasse commerciale et à la demande en animaux de compagnie. La viande de brousse du Libéria est vendue dans la sous-région forestière de la Haute Guinée et peut même atteindre Le marché international. Des études sur ce commerce, financées par des organismes inter- nationaux, ont été menées en 2004 pour étayer les connaissances en la matière. Dans certaines régions du Libéria, La consommation de primates est taboue, surtout parmi les populations musulmanes du nord du pays. Dans l'est de Nimba et parmi certains groupes ethniques et clans du sud-est (comme les Sapo des districts de Pynestown et Kpanyan dans le comté de Sinoe}, La chair du chimpanzé est taboue. Dans le clan Wehdjeh des Sapo (près de La frontière nord du Parc National de Sapo] les chimpanzés sont considérés comme des parents dont ils auraient appris quelques techniques de vie dans la forêt. IL est par conséquent interdit de tuer un chimpanzé."? On apprend toutefois que le long de la frontière entre le Libéria et La Sierra Leone l'espèce est chassée pour certaines parties de son corps qui sont utilisées à des fins médicales et magiques. LÉGISLATION ET ACTIONS DE CONSERVATION Législation Le Libéria est membre de La Convention Africaine sur la Conservation de la Nature et des Ressources Naturelles, à La Convention sur Le Commerce Inter- national des Espèces de Faune et de Flore Sauvages Menacées d'Extinction (CITES), à La Convention sur La Diversité Biologique, à la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la Désertification, à la Convention du Patrimoine Mondial, à La Convention cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques et à La Convention sur les Zones Humi- des d'importance internationale (Ramsar]. Le Libéria a achevé sa Stratégie Nationale sur la Biodiversité et son Plan d'Action en mi-2004 et a soumis son premier rapport national à La Convention des Nations Unies sur la Lutte contre la Désertification. La législation existante et le cadre institu- tionnel relatif devraient permettre La gestion durable des ressources environnementales du Libéria. IL existe une loi de l'Agence de Protection de l'Environnement (APE), une loi sur La Protection et La Gestion de l'Environnement, une loi créant un Réseau d'Aires Forestières Protégées et une politique environnementale nationale. Les forêts libériennes sont gérées par la Forest Developpment Authority qui a attribué des concessions à 30 sociétés sur une superficie totale de 50 000 km2.* La législation du secteur forestier a été évaluée par le projet de Réévaluation des Forêts du Libéria. Si La réglementation en vigueur semble pertinente, son application reste à parfaire. L'Agence de Protection de l'Environnement a été créée par la loi du 26 novembre 2002 et entérinée le 30 avril 2004. La législation de l'APE contient des lois et des directives politiques relatives à la gestion de l'environnement au Libéria. AFRIQUE : LIBÉRIA 409 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 410 Aires protégées Le Parc National de Sapo a été la première et, depuis La mi-2004, la seule aire intégralement protégée du Libéria qui est gérée pour la conservation.” Créé en 1983, il a été Le centre de tous les efforts de conservation du pays. D'une superficie initiale de 1 073 km? puis de 1 650 km? depuis octobre 2003, il comprend des forêts de plaine, y compris des zones marécageuses, et des forêts sèches et riveraines. Le Parc National de Sapo abrite peut-être l'écosystème forestier Le plus intact du Libéria. Il reste relié à plusieurs autres régions forestières au nord, à l'ouest et au sud-est, jusqu'en Côte-d'Ivoire. IL est donc au cœur du plus vaste bloc forestier restant de l'écosystème forestier de Haute Guinée, offrant un habitat à des espèces qui ont besoin de grands espaces, tels les éléphants de forêt. Un programme de suivi de la faune lancé en 2001 a révélé que Le parc abrite une faune parmi les plus riches et les moins perturbées des forêts denses d'Afrique de l'ouest. Les chimpanzés ont fait l'objet de recherches,” mais les études botaniques sont moins avancées : 353 espèces végétales ont été collectées en dix jours en fin 2002 dans la partie ouest du parc, y compris 78 espèces endémiques aux forêts de Haute Guinée et six qui étaient de nouvelles découvertes scientifiques.? La zone est cependant loin d'être sécurisée comme l'atteste Le pillage des infrastructures du parc.‘ L'initiative Darwin du gouvernement britan- nique a accordé une subvention à La FFI pour qu'elle relance la gestion active du parc d'avril 2000 à septembre 2002. Ces fonds ont été complétés par les financements d'autres donateurs dont WWF- Afrique de l'ouest, la Fondation Whitley et Le Zoo de Philadelphie. En 2002, la Banque mondiale et le Fonds pour l'Environnement Mondial (FEM) ont appuyé, via le FFI, l'élaboration d'un programme de gestion à long terme dont Le lancement est prévu en 2005. Le Fonds du Partenariat pour les Écosystèmes Critiques de la CI a fourni des fonds-relais entre La fin de La subvention de Darwin et le début du programme soutenu par le FEM. La Forest Development Authority et La Société de Conservation de la Nature du Libéria [SCNL] ont mené des activités sur Le terrain, sous La forme de dons de matériel de base et d'infrastructures, d'allo- cations, de formation de base, d'élaboration d'un plan opérationnel de 18 mois, de sensibilisation des communautés locales (éducation environnementale, fourniture de puits et de latrines) et de lancement d'un programme de surveillance biologique. La FF bénéficie d'une seconde subvention de la part de l'Initiative Darwin en vue de l'administration des forêts communales autour du Parc National de Sapo en 2004-2006. Cette initiative permet non seulement de garantir Les droits des communautés rurales sur les ressources forestières dont elles sont traditionnellement tributaires pour leur subsistance et des usages commerciaux à petite échelle, mais aussi de créer une zone tampon autour du parc. Projets de conservation Depuis 1997, plusieurs projets de conservation ont été financés et mis en œuvre par FFI et La CI, cette dernière agissant par le biais de son Fonds de Partenariat pour les Écosystèmes Critiques et de son Centre pour la Science de la Biodiversité Appliquée. Ils ont tous Les deux aidé les partenaires libériens à relancer la conservation et la gestion forestière, et à renforcer les capacités de plusieurs organisations libériennes, y compris celles de La Forest Development Authority, de La SCNL, de la Commission Environnementale Nationale du Libéria (NECOLIB) - aujourd'hui l'Agence de Protection de l'Environnement du Libéria, la Fondation « Save My Future » et « Green advocates ». De 2001 à 2004, FFI et CI ont conduit Le projet de la Réévaluation des forêts du Libéria, qui vise à mettre en place les informations, les outils et le cadre politique nécessaires pour une gestion efficace et durable des forêts et de la biodiversité au Libéria. ? IL s'atèle surtout à corriger une distorsion historique qui encourageait d'une part, l'utilisation commerciale des forêts aux dépens de La protection de zones représentatives de la biodiversité du Libéria et d'autre part, la satisfaction des besoins économiques et culturels des Libériens dans les zones rurales. Le projet est conjointement mis en œuvre par trois agences nationales (Forest Develop- ment Authority, lAPE et la direction des statistiques du Ministère de la planification et des affaires économiques), avec l'appui financier de la Commission Européenne et du Fonds du Partenariat pour Les Écosystèmes Critiques de Cl. La réévaluation des Forêts du Libéria avait pour objectifs d'évaluer le couvert forestier, la situation en matière de protection et La gestion des principales zones forestières, en vue d'actualiser Le système d'aires forestières légalement protégées du Libéria. Ces aires peuvent être destinées à la foresterie, à La conservation de La nature, à la recherche ou à des activités humaines à faible impact (zone tampon et de loisirs par exemple). Le projet a procédé à l'analyse des images satellites recueillies depuis le milieu des années 80 jusqu'en 2001 afin de réévaluer l'étendue, les mutations et La qualité du couvert forestier du Libéria, et de former une base de données de type Système d'Information Géographique (SIG) qui s'enrichit et est régulière- ment actualisé par l'introduction d'informations biophysiques et socioéconomiques. La politique forestière du Libéria a été révisée, des recomman- dations pour une amélioration formulées, un nouveau réseau de catégories d'aires protégées approuvé et des études in situ des blocs forestiers importants entreprises pour recueillir des données socioéconomiques et biologiques pertinentes qui serviront à la classification et à La gestion des forêts et de la biodiversité du Libéria à l'avenir. Entre 2003 et 2006 la Wild Chimpanzee Foundation (WCF) a mis en œuvre par le biais du Fonds du Partenariat pour les Écosystèmes Critiques de la CI, un projet d'éducation et de sensibilisation d'un montant de 184 276 USD pour améliorer la protection des chimpanzés sauvages en Afrique de l'ouest. Les activités d'éducation environnementale prévoyaient des représentations théâtrales, la répar- tition de bulletins d'information et Le renforcement des capacités pour susciter l'appui des populations locales. La WCF travaille dans le Parc National de Sapo. La contrepartie libérienne au projet est la Division de la Faune et des parcs nationaux de la Forest Development Authority. De mars à juillet 2004, un groupe dénommé ‘Concerned Environmentalists for the Enhancement of Biodiversity («les environnementalistes préoccupés par la valorisation de la biodiversité »] ont mis en œuvre en collaboration avec le Zoo de Philadelphie et le Bushmeat Crisis Task Force’ un projet d'un montant de 9 838 USD pour étudier le commerce de viande de brousse au Libéria. Des enquêtes ont été réalisées à Monrovia pour obtenir des données sur les volumes et les espèces commercialisées, l'opinion générale et Les facteurs qui affectent l'offre de la viande de brousse dans le marché [tels le prix de l'essence et des munitions). Les possibles débouchés par lesquels la viande de brousse pénètre Les marchés internationaux sont également étudiés. Sanctuaires Aucun sanctuaire au Libéria n'accueille les jeunes chimpanzés orphelins. Vilab Il de la Fondation pour la Recherche sur l'Hépatite est un laboratoire de fabrication des vaccins qui peu à peu socialise et relâche ses anciens chimpanzés de laboratoire dans six flots."*"*1" Quatre-vingt-dix chimpanzés avaient déjà été réhabilités et relâchés, mais tous ou presque ont été abattus ou sont morts de faim pendant la guerre civile. STRATÉGIES FUTURES DE CONSERVATION Actions prioritaires Elles sont Les suivantes : M La conduite d'une évaluation environne- mentale globale par les agences gouvernementales avec l'appui de l'ONU et des organisations non gouvernementales scientifiques ;°° ÆH L'évaluation du secteur forestier du Libéria et de ses impacts sur les populations de chimpanzés ; M La création et la gestion d'un réseau d'aires protégées représentatif de la biodiversité du Libéria et protégeant les plus grandes populations des principales espèces, y compris des chimpanzés ; M La gestion adéquate des aires protégées existantes (Sapo, Nimba) ; B La conduite d'études et d'inventaires de la biodiversité, y compris l'identification des populations de chimpanzés viables ; et B La mise en œuvre d'un programme d'éducation environnementale (sensibilisation du public). Amélioration de La gouvernance environnementale La Forest Development Authority est la principale institution gouvernementale chargée de la gestion environnementale (même si l'accent est mis sur le secteur forestier]. Hélas, elle a été mise à mal par la guerre et ses capacités de mise en œuvre ou d'application des lois ont été détruites. Elle a donc besoin d'être rééquipée et dotée de nouvelles compétences. L'Agence de Protection de l'Environnement a également besoin d'être renforcée et redynamisée. Une fois que cela aura été fait, elle sera alors à même de coordonner, surveiller, superviser et consulter sur toutes les activités liées à La protection de l'environnement et à l'utilisation durable des ressources naturelles.“ AFRIQUE : LIBÉRIA 411 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 412 OUVRAGES À CONSULTER Agoramoorthy, G., Hsu, M.J. [1999] Rehabilitation and release of chimpanzees on a natural island - methods hold promise for other primates as well. Journal of Wildlife Rehabilitation 22 (1): 3-7. FFI (n.d.) Liberia - Conservation in a Post-Conflict Country. http://www.fauna-flora.org/africa/feature_liberial. html. Accessed June 30 2005. UNEP (2004) Desk Study on the Environment in Liberia. United Nations Environment Programme, Geneva. http://postconflict.unep.ch/liberia/Liberia_DS_AGL.pdf. Accessed July 17 2004. SOURCES DES DONNÉES CARTOGRAPHIQUES Carte 16.13 Les données sur Les chimpanzés sont issues des sources ci-après: Butynski, T.M. (2003) The chimpanzee Pan troglodytes: taxonomwy, distribution, abundance, and conservation status. In: Kormos, R., Boesch, C., Bakarr, M.., Butynski, T.M., eds, West African Chimpanzees: Status Survey and Conservation Action Plan. IUCN/SSC Primate Specialist Group. IUCN, Gland, Switzerland. pp. 5-12. Nisbett, R.A., Peal, A.L., Hoyt, R.A., Carter, J. (2003] Liberia. In: Kormos, R., Boesch, C., Bakarr, M.I., Butynski, TM, eds, West African Chimpanzees: Status Survey and Conservation Action Plan. IUCN/SSC Primate Specialist Group. IUCN, Gland, Switzerland. pp. 89-98. Pour les données sur les aires protégées. voir Comment utiliser les cartes’ REMERCIEMENTS Cette étude du pays puise largement dans le chapitre consacré au Libéria du document IUCN/SSC West African Chimpanzees: Status Survey and Conservation Action Plan.” Je remercie Chris Magin (Royal Society pour La protection des oiseaux) et Jamison Suter (Fauna and Flora International) pour leur précieux concours lors de La rédaction de cet article. COMPILATEUR Gemma Smith, UNEP World Conservation Monitoring Centre RÉPUBLIQUE DU MALI CHRIS DUVALL ET GEMMA SMITH HISTOIRE ET ÉCONOMIE La République du Mali est un vaste état sans littoral situé au centre de l'Afrique de l'ouest. Il s'étend sur plus de 1 241 138 km? et est entouré au nord par l'Algérie, à l'est par le Niger, à l'ouest par la Mauritanie, le Sénégal et la Guinée et au sud par La Côte-d'Ivoire et Le Burkina Faso." Le Mali compte huit régions administratives - Gao, Kayes, Kidal, Koulikoro, Mopti, Segou, Sikasso et Tombouctou. Même si sa population estimée à 12 millions’ est relativement faible par rapport à sa superficie, La majorité d'entre elle vit dans le tiers-sud du pays, densément peuplé. Le taux de croissance démographique est de 2,8 % par an. Bien que la population du Mali soit à prédominance musulmane, la culture est diversifiée et il existe plus de 40 groupes ethniques. Les groupes ethniques les plus représentatifs sont les Mande ou Malinké (environ 50 % de la population totale du Mali ; ils englobent les Bambara, les Meninka, les Soninké et d'autres groupes), les Peuls ou Fulani (17 %), les groupes Voltaïiques (12%, dont la majorité est Bobo), les Touareg et les Maures (10 %)] et Les Songhaï (6 Yo). Le Mali a obtenu son indépendance de la France en 1960 sous la présidence de Modibo Kéita. Son gouvernement monopartiste a été renversé en 1968 lors d'un coup d'état militaire du Général Moussa Traoré. En 1991, un soulèvement populaire conduit par Les étudiants dans la capitale Bamako a permis au Lieutenant Colonel Amadou Toumani Touré de renverser le régime de Traoré. Touré a alors mis en place un gouvernement de transition et engagé des réformes démocratiques qui ont conduit aux élections en 1992. Alpha Oumar Konaré de l'Alliance pour La Démocratie est devenu président et a été réélu en 1997. Konaré a mis en œuvre un ensemble de profondes réformes politiques visant à démocratiser et à décentraliser le gouvernement malien et à privatiser certains secteurs de l'économie. Le Mali est maintenant cité comme un modèle de gouvernance pluraliste en Afrique. En 2002, Touré s'est présenté comme un candidat indépendant à l'élection présidentielle et il a remplacé Konaré à La tête de l'état.!' Les politiques nationales de Touré portent pour l'essentiel sur l'économie en pleine relance, sur la jeunesse malienne au chômage et analphabète et sur la lutte contre la corruption. Grâce à la décentralisation la société civile, les organisations non gouver- nementales (ONG) et d'autres intervenants locaux sont de plus en plus impliqués dans Le développe- ment de l'état et de l'économie, la participation des femmes étant un point d'honneur. Le Mali reste l'un des états les plus pauvres au monde. Le Produit Intérieur Brut (PIB) est estimé à 4,3 millions d'USD en 2004, pour un Revenu National Brut (RNB) de 290 USD par habitant.” Certes, la partie nord du pays est un immense désert aride, mais le bassin du Niger, fertile, permet l'agriculture de subsistance et l'élevage qui ont longtemps dominé l'économie. L'industrie et l'extraction de l'or dans le sud-ouest du Mali se sont considérablement développées au cours de la dernière décennie et le coton, l'or et le bétail sont devenus les plus importants produits d'exportation du pays. La variabilité du climat au cours de l'année a une incidence significative sur la production agricole et donc sur le PIB. En 2002, l'aide extérieure représentait près de 14 % du PIB,” et récemment, Le Mali a bénéficié d'un allègement de sa dette, grâce à l'annulation en 2002 de 38 % de sa dette envers la France et de l'allègement de sa dette à hauteur de 765 millions USD par le Fonds Monétaire International (FMI) et La Banque mondiale en 2003. La dette du Mali demeure cependant élevée et limite la capacité du gouvernement à investir dans des secteurs tels que l'éducation, la santé, la conservation des ressources naturelles et le développement des infrastructures. Le relief du Mali est globalement plat et formé de basses terres, l'altitude moyenne étant de 200- 500 m.” L'altitude La plus basse est de 23 m au dessus du niveau de La mer [le fleuve Sénégal] et La plus importante est de 1155 m {l'affleurement rocheux de Hombori Tondo]). Le sud est surtout constitué des plaines alluviales du fleuve Niger, Les quelques terrains vallonnés se trouvant entre les différents affluents du fleuve constituant le seul relief. Toutefois, à l'ouest, au centre et à l'est du Mali, des massifs de grès affleurent, formant un complexe de terrains montagneux où la diversité biologique est relativement importante en raison du large éventail de micro habitats présents dans ce relief varié./**5 Ces régions sont : les Falaises Dogon au centre du Mali ; l'Adrar des lforhas au nord-est dans le Sahara ; et au sud-ouest, Le Plateau Manding, le seul endroit du Mali qui abrite des chimpanzés. L'ouest du Mali, y compris La majeure partie du Plateau Manding, est arrosé par Le fleuve Sénégal et ses principaux affluents - Les fleuves Bafing, Baloyé, Baoulé et Famélé - dont aucun n'a de plaine alluviale au Mali.” Plus des deux tiers du Mali sont arides ou semi-arides, la végétation devenant plus dense du Nord au sud et les précipitations annuelles passant de moins de 100 mm dans Le Sahara à plus de 1 500 mm au sud.* Le pays est divisé en trois zones de végétation naturelle distinctes” La zone saharienne (formée de désert et de semi-désert), La zone sahélienne (dominée par les forêts d'acacias et les arbustes décidus) et La zone forestière Soudano- Guinéenne. Cette dernière couvre près de 131 860 km? du territoire du Mali, soit 10,8 % de la superficie totale." Ces régions boisées qui ont un couvert forestier relativement dense dominé par différentes espèces de Combretaceae et de Leguminosae constituent Le paysage dominant des zones où vivent les chimpanzés. Les forêts denses du Mali sont surtout situées dans le sud-ouest du pays et elles sont constituées de galeries forestières riveraines primaires à dominance de bambous (Oxytenanthera abyssinica, Graminae) et de palmier à raphia (Raphia sp., Palmae).‘ En outre, de petites parcelles de galeries forestières non riveraines recouvrent les pentes escarpées et les bords des falaises du Plateau Malinké. Ces forêts sont dominées par le Gilletiodendron glandulosum (Leguminosae), essence endémique, et de nombreuses autres essences portant des fruits comestibles” Enfin, le sud du Mali est couvert de vastes zones boisées et de végétation herbacées où la densité en arbres est faible et Le sol pauvre. RÉPARTITION DES GRANDS SINGES Le chimpanzé occidental (Pan troglodytes verus] est la seule espèce de grand singe qu'abrite Le Mali ainsi que Sayer l'avait revélé.*#* Sa présence n'est confirmée que dans la partie sud de l'ouest du pays, dans le Plateau Manding près des frontières avec la Guinée et le Sénégal“? Les chimpanzés n'ont pas fait l'objet d'études dans Le sud-ouest du Mali, mais AFRIQUE : Maui 413 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Références bibliographiques à la fin de ce chapitre Carte 16.14 Répartition des chimpanzés au Mali Le | lossems tt N-ct NibpE oyeuIeg L 1 S \Ÿ De 1 nobes: LI S 3 VNVHO AHIOAIG VRITOIN © 2 4109 16 AANINO OSv4 MAD 1FOaNaS MAIN TTFN HINFLRAVIN HAODTY M:9 M8 1 ITTI1VN. nofnoquessofuoy SP 44 NIHSvaira leuapio9o ezueduiyo #71: 0 2ewnse uori}1edai 3p 211y 2asoddns aoussaid :JPJU8pi,90 ezuedui4n Z DE €86L JUPAE 2AI8SQO |PJUSPI990 SZUPdWIUD € { £86L Saide aAISqo |EJU8PI290 sZuedWIUD nl G66L-C86L U8 aAesqo |eJU8pI,90 ezuedWIUD e £00Z-966L US 2M2Sqo [eJU2pI990 eZuedWIUD 229ds3 ep 394n0s, | uesunos ep 4uY form | | | elnoeg-lue» A M0L HANINY PAT. eueredfueg , | epenesey % 2 7 Ÿ. DNS * | (sieoud) EU &u j énbusHo au07 + © SAENIQUES Rae | epasviva see AI TVOAHNAS É. Ni | ne =-L Mict 414 on estime que l'aire de répartition actuelle de l'espèce dans Le pays est de 19440 km2/* Les chimpanzés du Mali constituent les populations naturelles vivant le plus au Nord, soit à 13° 10N environ, comprenant des zones parmi les plus arides de l'aire de répartition totale des chimpanzés pouvant en abriter” Dans un passé récent, les chimpanzés étaient signalés plus au nord qu'à présent.“ Ce recul constaté est probablement dû aux menaces causées par l'homme, en particulier La chasse. Actuellement, il est difficile de déterminer si les chimpanzés du Mali sont isolés de ceux des pays voisins mais d'après des analyses génétiques ce n'était pas Le cas jadis.” Les chimpanzés du Mali habitent Les forêts riveraines et les galeries de forêt, en particulier des parcelles de galeries de forêts non riveraines dans les falaises du Plateau Malinké "7? Les chimpanzés font leur nid et se nourrissent également dans Les régions boisées, loin des points d'eau, du moins saisonnièrement,”*"? et des signes de leur activité [tels que Les restes de nourriture) ont été trouvés dans un grand nombre d'habitats, y compris dans les prairies et Les formations de grès couvertes d'arbustes.* Deux initiatives d'évaluation de la densité des populations de chimpanzés au Mali, basées sur le comptage des nids, ont été mises en œuvre. Pavy a trouvé une densité de 0,25 chimpanzés/km? dans la partie nord du projet de Réserve de biosphère de Bafing, alors que Granier et Martinez enregis- traient une densité de 0,35-0,40 chimpanzés/km° dans trois zones circonscrites près de la frontière de la Guinée, au sud, à l'est et à l'ouest du projet de réserve.” Ces deux estimations sont les plus élevées jamais enregistrées pour des chimpanzés dans des habitats similaires, * et doivent donc être considérées avec prudence et comme les densités limites supérieures possibles pour les chimpanzés au Mali. Si on admet que les chiffres de Granier et Martinez ne s'appliquent qu'aux seules régions dans lesquelles ont été recueilli leurs données, les estimations de Pavy sont plus susceptibles de représenter la moyenne maximale de la densité des populations de chimpanzé à travers le Mali. Ainsi, La population maximale des chimpanzés du Mali, sur La superficie mentionnée plus haut, serait de 4 860 individus, même si le nombre véritable est certainement plus faible étant donné l'irrégularité de La répartition de cette population.” "* Les chimpanzés sont vraisemblablement plus nombreux et largement distribués à l'ouest du fleuve Bafing, au sud du barrage de Manatali,*”° certainement l'une des régions Les moins peuplées d'Afrique de l'ouest au sud du Sahara. Les seules aires protégées du Mali abritant des chimpanzés se trouvent sur la rive ouest du Bafing, à savoir les Parcs Nationaux de Kouroufing et Wongo et le Sanctuaire de chimpanzés [une réserve de faune propre à l'espèce destinée aux populations naturelles) qui constituent tous les deux le projet de Réserve de Biosphère de Bafing.° Presque toutes les recherches sur le chimpanzé au Mali ont été menées dans la zone de Bafing. Une autre aire protégée a été proposée au sud du projet de Réserve de Biosphère de Bafing ; la Réserve transfrontalière Bafing-Falémé constituerait une fusion des efforts de conservation du Mali et de La Guinée dans une aire isolée et à riche biodiversité.” MENACES Les populations de La plupart des grands mammifères au Mali ont considérablement baissé au cours des 50 dernières années”? et les chimpanzés ne font probablement pas exception, même si peu de choses sont connues.‘ Les principales menaces qui pèsent sur Les chimpanzés au Mali sont La chasse et l'expansion agricole, même s'ils semblent relativement moins vulnérables à ces menaces que plusieurs autres populations naturelles. “* Le chimpanzé est rarement chassé au Mali comparé à d'autres espèces de grands mammifères“? mais vue la faible taille de la population dans le pays, la chasse, même minimale, peut constituer un problème relativement grave. Les Maliens chassent géneralement Le chimpanzé à l'aide de fusils pour protéger les fruits des arbres sauvages, bien que les premières cibles ici soient Les babouins et autres singes. Les régions qui abritent les chimpanzés au Mali sont dominées par des religions et croyances qui n'interdisent pas la consommation de la chair du chimpanzé. Certaines personnes consomment la viande de chimpanzé soit comme aliment, soit pour des raisons médicales, mais nombreux sont ceux qui jugent leur ressemblance avec l'homme trop grande pour les manger“? Une autre raison, moins fréquente, est l'approvisionnement des petits marchés urbains en peaux, parties du corps et jeunes chimpanzés. De nombreux citadins Maliens attribuent des vertus médicales ou magiques aux peaux et autres parties du chimpanzé que les populations des zones rurales ne leur reconnaissent pas, tandis que quelques 3 AFRIQUE : Maui 415 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 416 Maliens fortunés et des expatriés européens les considèrent comme des animaux de compagnie. Les chasseurs Maliens en milieu rural connaissent l'existence de ces marchés urbains et beaucoup les approvisionnent dès que l'occasion se présente.“ L'autre menace potentielle viendrait des chasseurs des pays situés au sud, notamment la Guinée où la viande de chimpanzé est plus largement consommée et qui peuvent pousser leurs activités de chasse vers Le nord. La destruction de l'habitat est probablement lune des plus graves menaces à moyen et long terme qui pèse sur la survie des chimpanzés au Mali,’ et elle est imputable à quatre grandes causes: l'agriculture, l'élevage, l'exploitation forestière et minière. Si Les chimpanzés sont plus abondants dans les régions non cultivées telles que les falaises et Les collines escarpées, l'expansion de l'agriculture constitue une menace dans certaines zones,” en particulier à l'est du fleuve Bafing et au sud de la ville de Manantali. L'agriculture itinérante traditionnelle (culture sur brûlis) exige de grandes superficies mais à terme s'avère une approche durable dans les zones à faible peuplement. La croissance démographique et la spécialisation croissante des marchés influencent les pratiques culturales,” et une perte définitive de certaines zones boisés en terres agricoles est de plus en plus fréquente autour des grands campements et Le long des routes utilisables en toute saison.” Depuis environ 1989, Les bergers du nord du Mali pénètrent dans le projet de réserve de Bafing à chaque saison sèche grâce au pont construit sur Le fleuve Bafing au Barrage de Manantali. Ces gardiens de troupeaux abattent des arbres pour donner du fourrage à leurs bêtes au lieu de se contenter de l'herbage. Si Leurs activités n'ont encore fait l'objet d'aucune étude, les populations locales les rendent responsables de la multiplication des feux de brousse, du déclin de la faune, et Les bergers de pénétrer dans les aires et de couper les arbres qu'utilisent Les chimpanzés.‘ L'exploitation forestière artisanale a également réduit les habitats des chimpanzés depuis le remplissage du réservoir de Manantali en 1988. Les pêcheurs le long du réservoir de Manantali {y compris au cœur du projet de réserve] prélèvent illégalement des essences de bois dur pour la fabrication de pirogues, faisant de grandes trouées dans le couvert des forêts riveraines.“ Les opérations d'extraction minière près de Keniéba détruisent la végétation et Le sol des zones d'habitat reconnu ou potentiel des chimpanzés. Elles génèrent aussi des déchets toxiques et non toxiques, et suscitent l'arrivée massive de chercheurs d'emploi.” Enfin, si les propositions relatives à La construction d'une autoroute internationale au sud du projet de réserve de Bafing étaient financées, cette route exacerberait certainement la destruction des habitats dans le futur. La destruction des habitats est une menace beaucoup plus difficile à combattre que la chasse, car elle résulte des activités importantes économiquement que sont l'agriculture, l'élevage des troupeaux, la pêche et l'exploitation minière. LÉGISLATION ET ACTIONS DE CONSERVATION Le Mali a signé et ratifié un certain nombre de conventions et d'accords internationaux sur la biodiversité et la conservation, dont la Convention sur la Diversité Biologique, la Convention sur les zones humides d'importance internationale (Ramsar], la Convention sur les Espèces Migratrices (CMS), La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES), la Convention du Patrimoine Mondial, la Convention des Nations Unies sur la Lutte contre la Désertification, et La Convention cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques. Dans le cadre de ses obligations découlant de l'un ou plusieurs de ces accords, la Direction Nationale de La Conservation de la Nature (DNCN]) a initié plusieurs projets de planification et de gestion dans Le projet de Réserve de Biosphère de Bafing. Les aires protégées sont désignées par la loi N° 86-43/AN-RM relative à la chasse et à la conservation de la faune et de son habitat et par la loi N° 86-42/AN-RM [le code forestier]. Treize aires protégées ont été désignées au Mali, couvrant près de 5 % de La superficie du pays.” Les plus récentes sont les Parcs Nationaux de Kouroufing et Wongo {tous les deux classés en 2001) et le sanctuaire à chimpanzés de Bafing (classé en 2002]. La classification d'une large zone tampon et d'une zone cynégétique (une aire polyvalente destinée à la protection des habitats des régions boisées vidées de leurs ressources fauniques et dont le statut exact n'a pas été déterminé] qui s'ajouteraient aux trois aires classées à été proposée. Ces aires constituent ensemble le projet de Réserve de Biosphère de Bafing, d'une superficie totale de 5215 km? environ. Le plan de gestion de cette réserve a été élaboré en 2000-2001 mais jusqu'alors, les fonds mis à disposition pour sa mise en œuvre sont insignifiants. Initialement classée comme réserve de faune en 1990, le sanctuaire à chimpanzés de Bafing reste peu aménagé. Depuis le début des années 80, la protection des chimpanzés est l'un des objectifs prioritaires des activités de conservation dans l'aire. Comme pour le projet d'aire protégée de Bafing-Falémé, la Direction Nationale de la Conservation de La Nature mène activement des évaluations des ressources naturelles de l'aire et devrait Le classer très prochainement. La gestion de la faune est dévolue au Mali à La Direction Nationale de La Conservation de la Nature, ° créée en 1998 pour reprendre plusieurs des fonctions de l'ancienne Direction Nationale des Eaux et Forêts. Les chimpanzés sont protégés par la Loi N° 95-031 qui régit la gestion de la faune et figurent dans l'annexe 1 de cette loi qui les protège intégralement contre la capture, La destruction de l'habitat et La chasse.‘ Le Ministère de tutelle de la Direction nationale de la Conservation de la Nature peut accorder des dérogations à cette règle dans les cas de la collecte des données scientifiques et de recherche, ou le retrait d'animaux dangereux. D'autres lois Maliennes telles que celle qui régit la gestion forestière (Loi N° 95-004] protègent Les habitats des chimpanzés surtout dans les forêts riveraines et les galeries, même si les dispositions pertinentes de cette loi sont rarement appliquées.” La chasse et La coupe du bois étaient illégales avant la restauration du pouvoir civil en 1992 et après cette date, les lois sur les ressources naturelles ont été modifiées pour Les conformer aux principes démocratiques et de décentralisation du programme de réformes de Konaré.® Les Lois actuelles relatives à La gestion de la faune et des forêts prévoient un contrôle communautaire des ressources, mais on ne sait toujours pas de quelle manière se fera cette dévolution d'autorité. L'État intervient toujours de facon prépondérante dans la prise des décisions relatives à la gestion des ressources naturelles dans l'aire de Bafing, y compris la décision prise en 2001-2002 de déplacer par la force plusieurs petits campements situés au cœur de l'aire protégée. Les populations locales ont eu du mal à accepter cette décision qui pourtant du point de vue de la conservation pourrait permettre de réduire la chasse et La destruction des habitats. Cette décision peut également entraîner un accroissement des activités humaines le long des falaises qui sont surtout situées hors des aires protégées présentement classées et peut-être qu'alors, les chimpanzés en seraient négativement lan Redmond affectés. D'une manière générale, la présence de la Direction Nationale de la Conservation de La Nature n'a jamais été particulièrement marquée dans les zones d'habitat des chimpanzés. De nombreux résidents locaux et migrants venus d'autres régions du Mali chassent activement tout au long de l'année et certains cultivent encore dans les zones défendues. LES TRADITIONS Deux groupes ethniques dominent, à savoir les Maninka et les Fulani dans les régions où sont présents les chimpanzés.* Les Maninka sont aussi présents en grand nombre dans certaines parties de l'aire de répartition des chimpanzés au Sénégal, en Guinée et en Côte d'Ivoire, alors que Les Fulani sont présents dans l'aire de répartition des chimpanzés en Guinée. Les Maninka (ou Malinké}], agriculteurs sédentaires, constituent le plus important groupe ethnique du Plateau Manding. Les Maninka qui vivent en milieu rural sont en majorité indifférents aux chimpanzés, même si les sentiments à leur égard vont de la crainte, au respect ou à l'aversion (parce qu'ils consomment les aliments sauvages prisés par Les humains) à La sympathie (parce qu'ils ressemblent à l'homme). Certains considèrent le chimpanzé comme un animal nuisible qui ravage Les arbres fruitiers et le millet*” tandis que pour de nombreux autres c'est un animal précieux dont la chair quand elle est consommée guérirait La cécité des rivières (onchocercose).® D'après une légende Malinké connue de quelques anciens de la région de Bafing, les chimpanzés représentent l'un des nombreux clans humains. IL y a très longtemps, un puissant sorcier aurait défiguré les membres du clan des chimpanzés et les aurait condamnés à manger des aliments crus et à rester dénudés dans AFRIQUE : Maui Habitat des chimpanzés du projet de Réserve de Biosphère de Bafing. 417 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 418 la brousse parce que les chimpanzés avaient refusé de lui céder un site de campement qu'il convoitait. Cette légende montre que du point de vue culturel les Maninka reconnaissent que les hommes et Les chimpanzés se disputent les ressources naturelles tel que l'ont confirmé certains Maninka‘ et les chercheurs.” "7? À l'intérieur de l'aire de répartition des chimpanzés au Mali, les Fulani (ou Fula, Peul ou Fufuldé) vivent surtout dans la partie sud du Plateau Manding où ils pratiquent l'agriculture sédentaire. Les Fulani au nord du Plateau s'adonnent à l'élevage du bétail et ne pénètrent l'aire de répartition des chimpanzés qu'en saison sèche. D'une manière globale, les attitudes des Fulani et des Maninka à l'égard des chimpanzés sont similaires, bien que Les Fulani du sud-ouest du Mali soient moins susceptibles de manger la viande de chimpanzés." Les citadins Maliens ont souvent des points de vues et des valeurs qui diffèrent de celles de leurs concitoyens ruraux. Tout d'abord, de nombreux citadins ignorent tout des chimpanzés et ne connaissent pas les dénominations Malinké ou Bambara des chimpanzés. Puis, ceux qui en savent quelque chose sont indifférents à leur sort - certains citadins les jugent féroces et très dangereux. De nombreuses personnes se délectent des récits d'attaques ou de prédations perpétrées par diverses espèces sauvages, y compris les chimpanzés, même si peu d'habitants de la ville ont jamais vu un chimpanzé, et moins encore un chimpanzé non captif. Enfin, de nombreux citadins attachent beaucoup d'importance à la peau de chimpanzé dans la fabrication d'amulettes pour les pouvoirs spirituels qu'elle ajouterait à certains prières ou fétiches.* STRATÉGIES FUTURES DE CONSERVATION La conservation des chimpanzés est entravée par le manque de ressources et d'informations sur les meilleurs sites devant bénéficier en priorité de ces efforts. Deux projets de recherche menés en 2003- 2004 peuvent améliorer l'efficacité des actions de conservation futures relatives à la protection des chimpanzés. Les chercheurs travaillant au projet d'Appui à la Gestion Intégrée des Ressources Naturelles (AGIR) ont procédé à l'évaluation de la répartition et de la densité des populations de chimpanzés, ainsi que des menaces qui pèsent sur elles dans plusieurs sites du sud-ouest du Mali en 2003-2004.° Leurs conclusions ont permis d'avoir des données de base qui serviront pour l'évaluation des efforts de conservation futurs et permettront de mieux comprendre l'importance internationale des chimpanzés du Mali. Puis, une évaluation de l'habitat et des menaces causées par l'agriculture de subsistance et La chasse dans l'aire de Bafing a été réalisée en 2003-2004 avec l'appui de la Wildlife Conservation Society (WCS), le Fonds pour la Conservation des Grands Singes, Conservation International (CI) et La Milwaukee Zoological Society.‘ Cette recherche permettra de mettre en lumière les relations écologiques et spatiales entre l'agriculture et Les habitats humains d'une part, et la répartition et le nombre de chimpanzés d'autre part. Dans West African Chimpazees : Status Survey and Conservation Action Plan, Chris Duvall et ses collègues recommandent la mise en oeuvre de plusieurs actions prioritaires pour la conservation des chimpanzés au Mali D'abord, quatre zones focales de conservation des chimpanzés et/ou de recherche complémentaire au Mali ont été identifiées : le projet de Réserve de Biosphère de Bafing, la zone à l'est du fleuve Bafing, les falaises de Tambaoura (au nord de Kéniéba), et Le long du fleuve Falémé à La frontière entre le Mali et Le Sénégal. À l'exception des falaises de Tambaoura, toutes ces aires ont été étudiées depuis La publication du plan d'action. Puis, il a été recommandé que l'assistance financière au projet de réserve de Bafing soit accrue pour améliorer l'efficacité de La gestion. La même recommandation devrait être formulée à l'égard du projet d'aire protégée transfrontalière de Bafing- Falémé. Les ressources naturelles de ces aires doivent être gérées de manière durable comme le prescrit La loi en vigueur qui doit être appliquée avec davantage d'efficacité afin de réduire Le braconnage, l'élévage des troupeaux, l'exploitation forestière et l'agriculture dans les aires protégées. Des efforts concertés doivent être entrepris pour créer et susciter des opportunités de développement alternatives pour les populations habitant ces zones, comme l'a montré l'ONG Association Malienne pour la Conservation de la Faune et de l'Environnement (AMCFE]). Enfin, des efforts doivent être faits pour sensibiliser davantage le public sur l'importance internationale des chimpanzés du Mali et pour conjurer les attitudes négatives à l'égard des chimpanzés. * Les activités d'éducation environne- mentale telles que celles initiées par la Wild Chimpanzee Foundation (WCF) doivent être poursuivies et étendues. OUVRAGES À CONSULTER Duvall, C. (2003) Agriculture and chimpanzee survival in West Africa. In: Kormos, R., Boesch, C., Bakarr, MI, Butynski, T.M., eds, West African Chimpanzees: Status Survey and Conservation Action Plan. IUCN, Gland, Switzerland. pp. 143-145. Duvall, C. (2000] Important habitat for chimpanzees in Mali. African Study Monographs 21 (4]: 173-203. Moore, J. (1985) Chimpanzee survey in Mali, West Africa. Primate Conservation 6: 59-63. Touré, A.S., Maïga, A. (2001) Deuxième rapport du Mali sur la diversité biologique. http://www.biodiv.org/doc/ world/ml/ml-nr-02-frdoc. Accessed November 5 2004. SOURCES DES DONNÉES CARTOGRAPHIQUES Carte 16.14 les données sur les chimpanzés sont issues des sources ci-après et informations complémentaires extraites des communications personnelles de Duvall, C. (2005) : Butynski, T.M. (2003) The chimpanzee Pan troglodytes: taxonomy, distribution, abundance, and conservation status. In: Kormos, R., Boesch, C., Bakarr, M.I., Butynski, T.M., eds, West African Chimpanzees: Status Survey and Conservation Action Plan. IUCN/SSC Primate Specialist Group. IUCN, Gland, Switzerland. pp. 5-12. Duvall, C., Niagaté, B., Pavy, J-M. (2003) Mali. In: Kormos, R., Boesch, C., Bakarr, MI., Butynski, TM., eds, West African Chimpanzees: Status Survey and Conservation Action Plan. IUCN/SSC Primate Specialist Group. IUCN, Gland, Switzerland. pp. 41-50. Pour Les données sur les aires protégées, voir Comment utiliser Les cartes’ REMERCIEMENTS Cette étude du pays puise largement dans le chapitre consacré au Mali du document de l'IUCN/SSC West African Chimpanzees: Status Survey and Conservation Action Plan. Nous adressons nos sincères remerciements à lan Redmond (Ape Alliance/GRASP] pour son précieux concours lors de La rédaction de cet article et à Jen Duvall pour son soutien. AUTEURS Chris Duvall, Université du Wisconsin-Madison Gemma Smith, Centre international de supervision de la conservation du PNUE RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE DU NIGÉRIA EoMuno MCMaNus HISTOIRE ET ÉCONOMIE La République Fédérale du Nigéria est un Etat d'Afrique de l'ouest entouré par Le Bénin, le Niger, Le Tchad et le Cameroun et dont la superficie est de 923 768 km2.‘ C'est Le pays Le plus peuplé d'Afrique, avec une population de 134 millions de personnes Îles estimations varient entre 128 et 137 millions)“ et un taux de croissance démographique annuel de 25% environ Le Nigéria a obtenu son indépendance de la Grande-Bretagne en 1960 sous la forme d'une fédération de trois régions (septentrionale, occidentale et orientale), largement autonomes.* En 1963, le Nigéria devient une République fédérale avec une quatrième région {le Midwest] et se dote d'une nouvelle constitution. En janvier 1966, un groupe de responsables de l'armée de la tribu Ibo renversa le gouvernement et imposa l'état d'urgence. Des émeutes anti-lbo éclatèrent dans Le nord et une riposte des troupes nordistes survint en juillet. Des milliers d'Ibo furent massacrés au nord, et des centaines de milliers fuirent vers leur terre d'origine dans le sud-est où les appels à la sécession se multiplièrent. Le nouveau pouvoir militaire remplaça alors les régions AFRIQUE : NiGÉRIA 419 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 420 par 12 états ce qui eut pour effet d'accroître leur autonomie, mais cette initiative fut rejetée par le gouvernement militaire de la région orientale dirigé par le Colonel Odumegwu Ojukwu qui déclara l'indépendance de la région qui devint un état, la ‘République du Biafra’. Il s'ensuivit une querre civile qui dura jusqu'en 1970, date de la reddition des troupes biafraises. Les années 70, 80 et 90 virent les coups d'état militaires se succéder, avec une alternance de longues périodes de régime militaire et de brefs retours au pouvoir civil. La dernière dictature en date, celle du Général Sani Abacha qui dura de 1993 à 1998, et détruisit toutes les structures démocratiques. Ce régime a été marqué par l'exécution de Ken Saro Wiwa, l'activiste et poète Ogoni et le détournement systématique de toutes les recettes pétrolières. Le Général Abacha aurait à Lui seul détourné 4,3 milliards d'USD.* Le Nigéria est suspendu du Commonwealth de 1995 jusqu'au décès du Général Abacha en 1998. Ses successeurs abrogèrent de nombreux décrets militaires et planifièrent la restauration d'un gouvernement démocratique civil. Des élections locales se sont tenues en décembre 1998, suivies de l'élection présidentielle en février 1999 remportée par l'ancien président, Olusegun Obasanjo. Le Président Obasanjo a hérité d'un pays à l'économie exsangue qui croulait sous une dette extérieure de 28 milliards d'USD. Le développement a toujours été entravé par une corruption endémique que le gouvernement Nigérian s'attelle à enrayer, en même temps qu'il travaille à l'amélio- ration des relations avec le Fonds Monétaire International (FMI), la Banque Mondiale et Le Club de Paris. L'économie a les moyens de se redresser, ce d'autant que le Nigéria est Le premier producteur de pétrole en Afrique au Sud du Sahara avec une production de 2,3 millions de barils par jour° La croissance rapide de La production pétrolière offshore et des investissements dans le secteur du gaz devrait se poursuivre. Le Produit Intérieur Brut (PIB) en 2003 est de 35,1 milliards d'USD,f où 114,8 milliards d'USD ajustés pour la parité du pouvoir d'achat,‘ et un taux de croissance annuel de 3,7 %.° Près de 20 % du PIB provient des ventes du pétrole.‘ Toutefois, Le revenu annuel par habitant du Nigéria est faible, à savoir 314 USD, ou 900 USD ajustés pour la parité du pouvoir d'achat.“ Le Nigéria compte aujourd'hui 36 états, outre la capitale fédérale Abuja. Le climat est équatorial au sud, tropical au centre et aride au nord. Le relief varie des basses terres du sud, aux collines et plateaux du centre (Plateau de Jos), aux montagnes du sud-est (prolongement de la chaîne montagneuse du Cameroun) et enfin aux plaines du nord. Les écosystèmes vont des forêts tropicales humides au sud jusqu'aux mangroves et les forêts de marécages d'eau douce du Delta du Niger, en passant par les arbustes épineux secs au nord-est et les communautés montagneuses du Plateau de Mambilla et les Monts Obudu près de la frontière avec Le Cameroun. Ces forêts marécageuses du Delta du Niger étaient initialement bordées à l'est et à l'ouest par des forêts de plaine qui ont été en majorité remplacées par des terres cultivées. Malheureusement, le secteur agricole, largement destiné à la subsistance, n'a pas suivi la croissance démographique ; autrefois grand exportateur, le Nigéria importe maintenant les produits alimen- taires. Les plus grandes zones de forêts denses humides restent au sud-est, dans l'état de Cross River. Ces forêts sont contiguës à celles du sud- ouest du Cameroun. La partie La plus au nord du pays n'abrite aucun grand singe. Dans les régions occupées par des grands singes, les précipitations annuelles varient entre 1 500 et 4 000 mm, avec une saison sèche qui dure trois à cinq mois de novembre à mars. Près de La moitié de La population Nigériane vit dans l'aire de répartition des chimpanzés dans la partie sud du pays. RÉPARTITION DES GRANDS SINGES En 1982, on croyait les gorilles disparus du Nigéria, ! mais des études récentes ont révélé leur présence. Ces gorilles de Cross River sont signalés dans Le Sanctuaire de faune d'Afi Mountain de la Réserve forestière d'Afi River, dans la forêt communautaire des Mbe Mountains et dans la Division Okwangwo du Parc National de Cross River“ IL existe probablement trois sous-populations distinctes et une quatrième partagée avec le Cameroun. Selon les estimations, Le Nigéria abriterait encore 80 à 100 individus environ.” L'identité de La sous-espèce de chimpanzés vivant au Nigéria n'est pas établie avec certitude. Le séquencçage de l'ADN mitochondrial montre que les populations de chimpanzés de l'est du Nigéria sont apparentées à celles de l'ouest du Cameroun mais leurs liens sont plus distants avec Les populations de la région de Haute Guinée ou des chimpanzés du sud du fleuve Sanaga au Cameroun. Les chimpanzés de NIGÉRIA AFRIQUE UM 00€ woueunpa,p 44 *°?!\ "2 PIIoG up d RS Sea dt 74 eur à la fin de ce chapitre es . As CREER AN DÉS AVR ES CROSS x RE EM a STE à NF490 NAOHA4NVYI à e_* l A vd sn HO e ï HA é (uoisiAIg ueqo) * GS) «euenun .: + Ni RE 18A1H SS019 8P Nd! : RS es _ n HE sis ep 44 LES. 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Des recherches complémentaires doivent donc être entreprises afin de déterminer clairement la sous- espèce des chimpanzés du sud-ouest du Nigéria. Lors d'un atelier tenu à Brazzaville en 2005, La population des chimpanzés du Nigéria a été estimée à 3050 individus. La pius importante population restante est probablement celle du Parc National de Gashaka Gumti et des environs, l'autre importante population étant celle du Parc National de Cross River et ses environs, y compris le Sanctuaire de faune d'Afi Mountain.” L'aire de répartition des chimpanzés est constituée de trois grandes régions. Le sud-ouest du Nigéria et Le Delta du Niger Peu d'études ont été menées à l'ouest du Nigéria et le Long de la bordure orientale du Delta du Niger. Les populations de chimpanzés sont ici très petites, très fragmentées et gravement menacées.* Leur pré- sence a récemment été confirmée dans les forêts du sud-est du Delta du Niger et dans les Réserves forestières d'Omo, Îse, Owo et Okomu. Leur présence est signalée mais non confirmée dans les Oba Hills et les Réserves forestières d'Ala, Indare, Ifon et Ogbese,” et suspectée dans Le Parc National d'Okomu et les Réserves forestières d'Akure-Ofusu, Onishere et Ohusu. Gashaka-Mabilla La plus importante population de chimpanzés se trouve dans le Parc National de Gashaka Gumiti à La frontière orientale, dans les états de Taraba et Adamawa. Il abrite 1 500 chimpanzés. On en trouve également dans les régions voisines, dont Le Plateau de Mambilla (plus particulièrement dans la Réserve forestière de Ngel Nyaki et Les forêts de Leinde Fadali et Akwainzantar] et La vallée du fleuve Donga.” L'état de Cross River 400 chimpanzés vivraient dans La Division Okwangwo du Parc National de Cross River au Nigéria, dans la partie nord de l'état de Cross River. Cette population est contiguëé à celles de La Réserve forestière adjacente de Takamanda au sud-ouest du Cameroun et de La forêt communautaire de Mbe Mountains au Nigéria. La population de Mbe a peut être encore un lien ténu avec celle du Sanctuaire de faune d'Afi Mountain et d'autres zones de la Réserve forestière d'Afi River immédiatement à l'ouest de Mbe, même si La route Ikom-Obudu passe entre Les montagnes de Mbe et la Réserve forestière d'Afi River * Dans le sud de l'état de Cross River, la Division Oban du Parc National de Cross River et les réserves forestières et forêts communautaires alentours sont également importantes pour les populations de chimpanzés qu'elles abritent. MENACES Les principales menaces qui pèsent sur les gorilles et chimpanzés du Nigéria sont la chasse, la dégradation des forêts et La déforestation. En 2000, la superficie de ce qui reste de forêt au Nigéria était estimée à 135 170 km?, avec un taux annuel du recul du couvert forestier de 3 980 km? ou 2,6 %.° Des concessions forestières existent dans presque toutes les réserves forestières du Nigéria, bien qu'elles ne soient pas toutes exploitées. On assiste aussi a beaucoup d'exploitation illégale - en 1987, près de 24 % de la superficie des aires protégées avaient déjà été convertis en terres arables, en plantations et en jachère.” Le développement de l'agriculture, des plantations de palmier à huile et des réseaux routiers a entraîné la dégradation et la fragmentation à grande échelle des habitats des grands singes. La pauvreté accrue et Le fracture grandissant entre Les riches et Les pauvres, couplés à La prise de conscience du mode de vie des riches par les plus modestes, poussent de plus en plus les populations rurales à exploiter les habitats forestiers. Les relations avec les responsables de parcs sont parfois tendues et marquées de ressentiment lorsque des produits forestiers tels que le matériel végétal ou la viande de brousse sont saisis. D'une manière générale, la viande de chim- panzé n'est pas taboue dans la majeure partie du sud du Nigéria, même s'il peut exister des interdits locaux. Les chimpanzés sont moins chassés dans les régions islamiques des parties septentrionales {surtout dans le Parc National de Gashaka Gumti), mais la chasse y est quand même signalée." IL est probable que toutes les populations subissent des pressions cynégétiques même s'il est vrai que cette chasse est davantage accidentelle que planifiée. Les petits sont parfois vendus comme animaux de compagnie et Le prix de ces jeunes peut inciter les chasseurs à viser les femelles ayant des petits. Depuis toujours la chasse représente une menace pour les gorilles de Cross River En 1989, il a été établi que chaque année on en tuait deux fois plus qu'il n’en naissait.? À cette époque, le salaire mensuel moyen était de 150 nairas et une seule carcasse de gorille pouvait rapporter jusqu'à 300 nairas. Près de 15 communautés chassaient dans l'aire de répartition des gorilles et en 1986, l'une d'entre elles aurait à elle seule tué huit gorilles."° Cependant, la chasse au gorille a baissé de nos jours, en raison surtout de l'éducation accrue en matière de conservation au Nigéria, notamment par un projet de la Nigérian Conservation Foundation (NCF]) exécuté à la suite de l'étude de 1989, puis par le programme Okwangwo du WWF- Organisation Mondiale de Protection de l'Environnement, et plus programme conjoint de la Nigérian Conservation Foundation et la Wildlife Conservation Society {(WCS). L'abattage d'un gorille est signalé de temps en temps dans la Division Okwangwo du Parc National de Cross River mais aucun signe manifeste n'est venu indiquer la mort d'un gorille à Afi ou Mbe au cours des cinq dernières années.“ Actuellement, La seule inquiétude est celle que suscitent les plans de construction d'une route à proximité de La Division Oban du Parc National de Cross River. La circulation se trouverait accrue sur la route qui traverse déjà la Division Oban de Calabar à la frontière camerounaise à Ekang, et on parle aussi de réhabiliter La route transfrontalière d'Ikom à Mamfe. récemment un LÉGISLATION ET ACTIONS DE CONSERVATION Législation Le Nigéria a ratifié la Convention Africaine sur la Conservation de la Nature et des Ressources Naturelles en 1968, La Convention sur le Commerce International des Espèces de Faune et de Flore Sauvages Menacées d'Extinction (CITES) en 1973, et la Convention sur la Diversité Biologique en 1996. La Loi sur les espèces menacées d'extinction de 1985 est le cadre juridique à travers lequel les traités internationaux sont appliqués. Toute la faune des parcs nationaux est protégée par La loi, mais ces lois ne sont généralement pas appliquées. La chasse est peu contrôlée dans les réserves forestières mais la classification signifie a minima que le couvert forestier de ces aires doit être préservé. Conservation et projets de recherche De nombreux projets de conservation existent au Nigéria et sont surtout coordonnés par les organisations non gouvernementales locales. Des organisations internationales sont aussi présentes dans le pays, plusieurs activités étant menées près de la frontière avec le Cameroun. Un programme du WWF appuyé par l'Union Européenne était exécuté dans la Division d'Okwangwo du Parc National de Cross River jusqu'en 1998. Le développement rural, l'éducation et des efforts de protection ont été entrepris dans le parc et les montagnes adjacentes de Mbe et un dénombrement de chimpanzés a été financé. Le WWF n'est actuellement pas présent dans cette aire mais Fauna and Flora International (FFI] apporte son assistance à La Commission des Forêts de l'État de Cross River dans la mise en place de meilleures pratiques de gestion à Afi Mountain. Au nord-est un projet d'habituation des chimpanzés et de recherche comportementale est mené dans le Parc National de Gashaka Gumti par des chercheurs AFRIQUE : NiGÉRIA Parc National Gashaka Gumti abritant des chimpanzés, en saison des pluies. 423 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 424 de l'University College de Londres. WCS conduit un programme de recherche sur la biodiversité dans le sud-est du Nigéria, en collaboration avec La Nigérian Conservation Foundation. L'USAID et L'US Fish and Wildlife Service financent la composante recherche et conservation du gorille de Cross River. Trois aires protégées transfrontières ont été proposées pour classification et Le processus est à divers niveaux d'examen. L'une relierait La Division d'Okwangwo du Parc National de Cross River à la Réserve de faune de Takamanda au Cameroun, l'autre Le Parc National de Gashaka Gumti au Parc National Tchabal-Mbabo au Cameroun et la troisième, au sud, réunirait La Division d'Oban du Parc National de Cross River au Parc National de Korup au Cameroun.” "°"? Sanctuaires et réhabilitation Le Centre de Réhabilitation et d'Elevage du Pandrillus Drill offre un sanctuaire aux chimpanzés orphelins mais n'en élève pas.* Les jeunes chimpanzés sont mis en quarantaine et préparés à la vie en forêt dans l'installation urbaine de Calabar, puis transférés dans un enclos de 0,02 km? à Afi Mountain qui participe à l'éducation à la conservation dans la région. Le centre abritait 23 chimpanzés en 2004. IL'est engagé dans des activités générales de conservation dans le sud-est du Nigéria, notamment la création d'aires protégées, la sensibilisation des communautés et l'éducation. STRATÉGIES FUTURES DE CONSERVATION Les actions prioritaires ci-après sont tirées de Oates et al. (2003) pour Les chimpanzés et de Sunderland- Groves et Oates (2003) pour les gorilles. Ces dernières sont Les recommandations formulées lors du second atelier international et La conférence sur La conservation des gorilles de Cross River tenu au Jardin Botanique de Limbé au Cameroun en 2008. Recherche IL convient de poursuivre la recherche sur l'écologie, la répartition et la biologie des populations des gorilles de Cross River. En ce qui concerne les chimpanzés, les actions prioritaires dans l'aire de Gashaka-Mambilla doivent appuyer les activités actuelles de conservation et de recherche dans le Parc National de Gashaka-Gumti au Nigéria. ILa été recommandé que les études soient entreprises pour évaluer la répartition et le nombre de chimpanzés ainsi que la connectivité actuelle ou potentielle entre les forêts et les populations. Des études doivent être menées d'urgence au sud-ouest du Nigéria et au Delta du Niger pour examiner la répartition, le nombre et Les liens géné- tiques des chimpanzés. Les populations les plus viables doivent être protégées de manière efficace et l'une au moins doit être choisie pour La recherche à long terme. Protection Les lois sur les aires protégées et La faune doivent être plus effectives et les capacités institutionnelles pour leur application renforcées. Plus particulière- ment, les mesures de protection et de mise en appli- cation des lois doivent être renforcées pour toutes les populations de gorilles de Cross River. Les initia- tives de sensibilisation du public sur les questions de conservation, y compris Les impacts du commer- ce de la viande de brousse, doivent être multipliées. Trois principales actions sont recommandées au sujet des gorilles : premièrement, la création d'une aire protégée transfrontalière Cameroun- Nigéria pour le complexe Takamanda-0kwangwo, notamment par la reclassification de La Réserve forestière de Takamanda ; deuxièmement, l'élabo- ration de plans d'utiliation des terres pour La grande aire Takamanda-Mone-Mbulu au Cameroun qui incluront un réseau d'aires protégées et de corridors ; et troisièmement, un plan de conser- vation de l'aire Afi-Mbe-Okwangwo au Nigéria, avec une revue de l'état de la gestion des montagnes de Mbe et le maintien de connexions boisées entre Les habitats de gorilles. ILa été recommandé que le statut d'aire proté- gée ou de réserve soit officiellement conféré à tous les habitats de chimpanzés restants au Nigéria, dont, en particulier, Les forêts communautaires de l'état de Bayelsa [le projet de Réserve Forestière d'Edumanom) ; les forêts restantes du Plateau de Mambilla dans l'état de Taraba ; et les montagnes de Mbe dans l'état de cross River. L'aire protégée transfrontière de Takamanda-Okwangwo bénéfi- cierait aussi bien aux chimpanzés qu'aux gorilles. Des comités de gestion du gorille de Cross River doivent être institués au Cameroun et au Nigéria. Les capacités de conservation et de recherche des institutions appropriées au Cameroun et au Nigéria doivent être renforcées, y compris Les administrations publiques, les universités et Les organisations non gouvernementales. Enfin, il est essentiel d'intégrer les besoins des communautés locales dans les stratégies de gestion, y compris lors de La recherche de moyens de subsistance alternatifs. AFRIQUE : RwaNDA OUVRAGES À CONSULTER Gonder, M.K., Oates, J.F., Disotell, T.R., Forstner, M.R., Morales, J.C., Melnick, D.J. (1997) À new West African chimpanzee subspecies? Nature 388: 337. Ite, U.E., Adams, W.M. (1998) Forest conversion, conservation and forestry in Cross River state, Nigeria. Applied Geography 18 (4): 301-314. Oates, J.F., McFarland, K.L., Groves, J.L., Bergl, R.A. Linder, J.M., Disotell, T.R. (2002) The Cross River gorilla: natural history and status of a neglected and critically endangered subspecies. In: Taylor, A.B., Goldsmith, ML., eds, Gorilla Biology: À Multidisciplinary Perspective. Cambridge University Press, Cambridge, UK. pp. 472-497. Osemeobo, G.J. (2001) Is traditional ecological knowledge relevant in environmental conservation in Nigeria? International Journal of Sustainable Development and World Ecology 8 [3]: 203-210. Sommer, V., Adanu, J., Faucher, |., Fowler, A. (2004) Nigerian chimpanzees (Pan troglodytes vellerosus] at Gashaka: two years of habituation efforts. Folia Primatologica 75 (5): 295-316. Sunderland-Groves, J.L., Oates, J. (2003) Protection strategies for Cross River gorillas. Gorilla Journal 27: 12-13. http://www.berggorilla.de/english/gjournal/texte/27crossrhtml. SOURCES DES DONNÉES CARTOGRAPHIQUES Carte 16.15 Les données sur les grands singes sont issues des sources ci-après: Butynski, T.M. (2003) The chimpanzee Pan troglodytes: taxonomy, distribution, abundance, and conservation status. In: Kormos, R., Boesch, C., Bakarr, M. Butynski, TM. eds, West African Chimpanzees: Status Survey and Conservation Action Plan. IUCN/SSC Primate Specialist Group. IUCN, Gland, Switzerland. pp. 5-12. Oates, J., Gadsby, L., Jenkins, P. Gonder, K., Bocian, C., Adeleke, A. (2003) Nigeria. In: Kormos, R., Boesch, C., Bakarr, M. Butynski, T.M., eds, West African Chimpanzees: Status Survey and Conservation Action Plan. IUCN/SSC Primate Specialist Group. IUCN, Gland, Switzerland. pp.123-130. With additional data by personal communication from Bergl, R. (2005) and from the following source: Sunderland-Groves, J.L., Maisels, F., Ekinde, A. [2003] Surveys of the Cross River gorilla and chimpanzee populations in Takamanda Forest Reserve, Cameroon. In: Comiskey, J.A., Sunderland, T.C.H., Sunderland-Groves, JL. eds, Takamanda: The Biodiversity of an African Rainforest. Smithsonian Institution, Washington, DC. pp. 129-140. Pour les données sur les aires protégées. voir Comment utiliser Les cartes’ REMERCIEMENTS Cette étude du pays puise largement dans le chapitre consacré au Nigéria de l'ouvrage IUCN/SSC West African Chimpanzees: Status Survey and Conservation Action Plan, Oates et al. (2002),1et Sunderland-Groves et Oates (2003). Je remercie Richard Bergl (City University de New York], Alexander Harcourt (Université de Californie, Davis), Bethan Morgan COMPILATEUR Edmund McManus, Centre international de supervision de La conservation du PNUE RÉPUBLIQUE DU RWANDA NIGEL VARTY HISTOIRE ET ÉCONOMIE La République du Rwanda est un pays montagneux d'une superficie de 26 338 km£. IL est situé dans les montagnes de la vallée du Rift occidental ou Albertine et est entouré par la République Démocratique du Congo (RDC), l'Ouganda, la République-Unie de Tanzanie et le Burundi. Son climat est tempéré et comprend deux saisons des pluies (de mars à mai et d'octobre à décembre). Les langues officielles sont le Français, l'Anglais et le Kinyarwanda, et la principale religion est le chris- tianisme. Traditionnellement la société rwandaise 425 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Références bibliographiques à la fin de ce chapitre Carte 16.16 Répartition des grands singes au Rwanda eubejuou ep ajloo #71: eulejd ap [ejual10 8109) jejueuo ezueduiyo #71: 2aW1}ss uoli}edas 2p 211y eufejuou 8p a|109 aulejd 8p |eJU8110 a|110T Ob6L SieA JuaWale90] niedsip jejuallo sZuedWIUD x €86L juene sAI8sqo jejuello aZuedWIUD © £86L Saide sAI8sqo jejuallo azuedWIUD © G66L-E86L US 2AISSqO |eJUalIo ezuedWIUD €00-966L US 2A18Sqo |ejuallo azuedWIUD + 239ds3 obunqgiH L] ON] SD Cf! HINVZNVIL 44 4IND HNDÔITHNUdAH ERA Luy GL 06 À ce 0 _ ax * F1 à. ‘© A N F IX a JS 1 vs Î à L / [l 1 i 4 IANAHADA l Ë eng oBuopnwei: Ù À epJy #. ëQ | NAVANVAVP o1oBuoyo 7 ônBUEA9 SAGIANH SANOZ UE | À \ \ NAS £ % Æ £ \ Nr É | \ & É HIAIH OONOHVAYAN £ 2P SAGINNH SANOZ À EM 121b) à . * “eAnqy l Le St = eImynn HAN . F e6ln | ep 44 my À À D'À * ne | \ À | YANVMH ] À  SUB9]ON Huesis = | sepNd £ /2 equnAg" 1Z39nà4 SAOSUEM 8P po £ ep SIVUVA LL IAAISIAVA / Nv910A | # OANISVS ; { IiNOn - À £ O9N09 na | 4 fl a Pl dt D { : NU AT na ÉHAO0ILVHODONAG # \ À S # £ k Ê HnÔITTNMAN Eee É A | 3.0€ ! D F 3.62 se — CE LC 426 est composée de trois groupes : Les Hutu (84 %), Les Tutsi (15 %] et Les Twa (1 %] et historiquement les Tutsi ont toujours été la classe qui détenait le pouvoir. Le Rwanda obtint son indépendance de la Belgique en 1962 et fut subséquemment dirigé par des gouvernements à dominance Hutu."° De 1972 à 1994, le Rwanda est dirigé par un parti unique sous la conduite du Président Juvénal Habyarimana, un Hutu. Après l'effondrement de leur monarchie en 1961, les Tutsis sont écartés du pouvoir et subissent des massacres épisodiques. Nombre d'entre eux fuient le pays et d'autres se rassemblent en Ouganda où ils forment un mouvement armé (l'Armée Patriotique Rwandaise, RPA) pour s'opposer à la domination des Hutus. L'Armée Patriotique Rwandaise pénètre au Rwanda en 1990 mais cette tentative d'invasion est enrayée. Un accord de partage du pouvoir est conclu entre les pays de la région et signé en 1994; mais immédiatement après l'avoir signé le président Habyarimana est assassiné et un vaste programme de génocide des Tutsis et des Hutus modérés commence. Les paysans Hutus, encouragés à tuer par des propagandes à tendance ethnique, soutiennent les extrémistes. Au moins 800 000 personnes sont tuées et plus d'un million de réfugiés fuient le pays.” L'armée patriotique rwandaise occupe la capitale Kigali en juillet 1994, met fin au génocide et forme un gouvernement d'union nationale chargé de mettre en œuvre l'accord de partage du pouvoir antérieur ; la France aussi intervient militairement à ce moment. Les combats continuent néanmoins à l'intérieur et à l'extérieur du Rwanda et en 1999, ils se déplacent en RDC Île Zaïre d'alors). L'Armée Patriotique Rwan- daise y soutient une rébellion qui détruit Les camps de réfugiés et contribue au renversement du Président Mobutu en mai 1997 [voir Le profil de La RDC]. L'une des conséquences est le rapatriement en masse des réfugiés en RDC à La fin de 1996. En août 1998, l'insécurité persistante à la fron- tière ouest du Rwanda pousse cet état, initialement allié à l'Ouganda, à intervenir de nouveau dans l'est de La RDC. Les combats opposent Les forces Congo- laises et leurs alliés Zimbabwéens, Tchadiens, Angolais et Namibiens aux rebelles soutenus par l'Ouganda et Le Rwanda. Quand un accord de cessez- le-feu est finalement conclu en automne 1999, les rebelles contrôlent de larges zones du territoire au nord et à l'est. D'autres combats et négociations surviennent et un accord plus complet est négocié par l'Afrique du Sud en 2002 qui prévoit Le retrait des troupes Rwandaises de la RDC ainsi que le désarmement, la démobilisation et Le rapatriement des exilés Rwandais. Après tous ces événements, la population est estimée à 7,8 millions en 2003, avec un taux de croissance de 1,8 %.° En 2002, Le produit intérieur brut (PIB) est évalué à 1,7 milliards USD et Le revenu national brut (RNB) par habitant à 230 USD seulement.“ Le pays occupe, dans Le monde, le 159% rang sur 177 pays pour l'indice de Développement Humain‘ L'agriculture de subsistance est de loin le plus important secteur au Rwanda et en 2002, elle employait 90 % de la main- d'œuvre et représentait 45 % du PIB.* Près de 42,6 % du territoire sont occupés par les monocultures et les terres arables.® Les forêts naturelles couvrent près de 462 km? (1,8 %] de la superficie du pays selon La FAO, mais la superficie des forêts protégées suggère que ce chiffre est sous-estimé. IL existe par ailleurs 2 610 km? de plantations forestières, surtout d'eucalyptus et de pins.*” Les forêts naturelles du Rwanda se trouvent en majorité dans la région d'afromontagnes (de 1600 m à 4500 m, typiquement à 2000 m d'altitude], et sont caractérisées par la présence de clairières (qu'on pense être La conséquence des perturbations causées par l'homme) et par un sous-étage dense typique des forêts montagneuses” Le pays a enregistré Les taux les plus élevés de destruction des forêts dans La région.® Jusqu'à une date récente, il existait quatre principales forêts montagneuses au Rwanda (Nyungwe, Gishwati, Mukura et les Volcans), toutes confinées à l'ouest du pays. Le Parc National de Nyungwe et Le Parc National adjacent de Kibira au Burundi forment toujours l'un des plus grands blocs subsistant des forêts de basse montagne en Afrique.“ RÉPARTITION DES GRANDS SINGES Le gorille de montagne (Gorilla beringei beringei et le chimpanzé oriental (Pan troglodytes schwein- furthi] sont présents au Rwanda. Les gorilles de montagne vivent dans le Parc National des Volcans au nord du Rwanda. Les gorilles ici font partie de l'unique population des Virunga, qui englobe ceux du Parc National contigu de Mgahinga en Ouganda et du secteur sud du Parc National des Virunga en RDC. Cette population mobile ne peut vraiment pas être impartie par pays, mais elle a été soumise à plusieurs recensements depuis Les années 70 {voir Chapitre 8), ce qui en fait l'une des mieux surveillées de toutes les populations de grands singes. Un AFRIQUE : RwANDA 427 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION L'arrivée massive des réfugiés Rwandais a causé Le déboisement de vastes zones du Parc National des Virunga. 428 dénombrement partiel des gorilles de montagne des Virunga a été réalisé en 2000, suivi par un recensement complet en septembre et octobre 2003. Le recensement était une initiative conjointe du Programme International de Conservation des Gorilles (IGCP], de La Wildlife Conservation Society {WCS), du Dian Fossey Gorilla Fund International (DFGFI] et pour l'Europe (DFGFE] et de Berggorilla & Regenwald Direkthilfe. IL en est résulté une estimation de la population à 380 individus, ce qui représentait un accroissement de 17 % (56 gorilles) par rapport au précédent dénombrement complet réalisé en 1989. Un tiers environ de ces gorilles vivrait au Rwanda.“'° Les chimpanzés orientaux sont confinés au sud-ouest du Rwanda, en particulier dans le Parc National de Nyungwe, bien qu'officiellement ils occupent également d'autres régions forestières à l'ouest.“ Ils sont également signalés dans une petite zone au nord-ouest, la Réserve forestière de Gishwati/ mais s'ils y sont encore présents, leur nombre doit être très faible.” Aucune étude d'envergure nationale n'a été entreprise récem- ment, mais en 1987-1989 on estimait qu'il restait au moins 500 chimpanzés? MENACES SUR LES FORÊTS Le Rwanda a la plus forte densité humaine en Afrique, est typiquement agraire et fait partie des 10 pays les plus pauvres au monde. Ces facteurs se traduisent par une insuffisance aiguë de terres et des ressources et entraînent des pressions sur les habitats naturels. Le défrichage illégal pour l'agriculture de subsistance, la coupe des arbres pour le bois et Le combustible (le bois de chauffe est la principale source d'énergie du pays), les feux {souvent allumés pour la récolte du miel sauvage), La Elizabeth À. Williamson El plantation du cannabis et l'exploitation minière constituent autant de menaces pour les forêts rwandaises.** On estime que, de 1990 à 2000, 150 km? en moyenne, soit 3,9 % de la superficie totale, étaient défrichés chaque année. Ces chiffres englobent les forêts naturelles et plantées, mais les chiffres de l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (La FAO] font état d'une augmentation des surfaces plantées au cours de cette période, ce qui implique que la destruction ne concerne que les forêts naturelles." La forêt de Nyungwe (aujourd'hui Parc National) s'étendait sur 1140 km? en 1960 mais ne couvrait plus que 945 km? en 1996. De même, la forêt de Mukura couvrait 30 km? en 1960 et seulement 16 km? en 1996." Les destructions d'habitats ont été minimales dans le Parc National des Volcans au cours des dernières années,” mais La moitié du parc a été détruite de La fin des années 60 au début des années 70." En 2004, il a été proposé de faire passer une ligne électrique sur pylônes à travers le parc jusqu'à l'antenne radio au sommet du Volcan Karisimbi.#* En 1981, 110 gorilles de montagne vivaient, pense-t-on, dans le Parc National des Volcans, 30 à 40 autres utilisant temporairement ce parc. En 2001, La population était estimée à 129 individus.‘ Ce chiffre cadre avec l'accroissement de La population de gorilles dans les Virunga au cours des 20 dernières années.'* Bien que la situation soit encourageante, la population globale des gorilles de montagne reste très limitée et en péril. On pense que le nombre de chimpanzés a baissé au Rwanda au cours des 50 dernières années, même s'il est difficile de déterminer si cette perception n'est pas le résultat de l'absence d'observateurs sur le terrain. Leur aire de répartition semble avoir considérablement rétréci, les chimpanzés ayant disparu de la région centre- ouest du Rwanda depuis 1940 et n'ayant pas été signalés dans plusieurs autres zones.? S'il est vrai que le commerce de viande de brousse s'est accentué après Le génocide en 1994,7 les gorilles et Les chimpanzés ne sont généralement pas chassés au Rwanda à des fins alimentaires. Le 9 mai 2002 deux gorilles femelles qui allaitaient ont été tuées et un jeune mâle kidnappé du Parc National des Volcans au Rwanda par des braconniers qui espéraient vendre Le petit. Le commerce des bébés gorilles ne se pratique cependant pas et la menace potentielle du braconnage n'est évoquée qu'en raison des prix élevés pratiqués sur le marché.” Le fait que seuls quelques jeunes gorilles aient été pris au cours des dernières années, même pendant les périodes de conflit, atteste le dévouement avec lequel Le personnel du Parc National des Volcans et les organisations non gouvernementales internatio- nales conduisent les patrouilles dans les impor- tantes zones d'habitat des gorilles. La pose de collets à fil métallique visant les ongulés par les populations vivant à proximité du Parc National des Volcans au Rwanda et par les chasseurs professionnels constitue une menace bien plus forte. Deux vétérinaires travaillent à temps plein dans le parc pour veiller à La santé des groupes de gorilles de montagne habitués, et pour enlever les collets des membres des individus blessés. ”* La densité humaine est très forte autour de Nyungwe“ et La pose des collets est une pratique courante, plusieurs milliers étant ramassés chaque année par les gardes de l'Office Rwandais du Tourisme et des Parcs Nationaux (ORTPN]. Ceux qui restent dans les forêts constituent un péril pour les chimpanzés mais le nombre de décès et de blessures est inconnu.” Rien n'indique que des chimpanzés de Nyungwe soient capturés pour le commerce des animaux de compagnie.” L'exploi- tation minière et forestière a cours dans ce parc et les feux de forêt y sont fréquents.” Les gorilles de montagne sont vulnérables aux mêmes maladies que Les hommes.“ Les contacts étroits avec Les groupes de touristes, les chercheurs et les populations locales seraient à l'origine de nombreuses épidémies dans les Virunga, qui ont des impacts similaires à ceux de La chasse.‘ En 1988 par exemple, la rougeole ou un morbillivirus apparenté a tué six femelles gorilles de montagne habituées au contact humain.“ En 1990, une bronchopneumonie a touché 26 des 35 gorilles d'un groupe habitué aux visites des touristes, tuant deux d'entre eux* Lorsque la situation sécuritaire le permet, 70 % des gorilles des Virunga recoivent chaque jour la visite de plus de 70 touristes et autant de guides, porteurs, gardes forestiers et cher- cheurs.* Cette exposition quotidienne continue à un grand nombre de personnes et à leurs maladies est considérée comme une grave menace potentielle.‘ Les groupes de chimpanzés habitués au tourisme et à la recherche sont tout aussi vulnérables “ et ceux du Parc National de Nyungwe pourraient être en danger. La guerre et le génocide au Rwanda ont provoqué une circulation accrue des hommes à travers les Virunga, puis une forte présence Charles Mayhew/Tusk Trust militaire. Les parasites qui infectent les hommes commencent à apparaître chez les gorilles de montagne.“ Entre 1992 et 2000, 12 à 17 gorilles ont été tués par Les armes militaires ou des explosions dans Les Virunga, * ce qui représente entre 4 et 5 % de La population de 1989. Les récents conflits et la réinstallation de plusieurs dizaines de milliers de réfugiés et de déplacés ont également conduit à la destruction et à la dégradation des habitats des grands singes. Par exemple, l'empiètement des terres agricoles sur la Réserve Forestière de Gishwati fut presque total pendant cette période et il n'en reste que quelques petits fragments dégradés.‘ LÉGISLATION ET ACTIONS DE CONSERVATION Le Rwanda a ratifié ou adhéré à La Convention sur La Diversité Biologique en 1996, à La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES) en 1980, à La Convention des Nations Unies sur La Lutte contre la Désertification en 1998, à La Convention Africaine sur La Conservation de la Nature et des Ressources Naturelles en 1979, à La Convention sur les Espèces Migratrices (CMS] en 2005 et à la Convention du Patrimoine Mondial en 2000. Le pays fait également partie du Programme sur l'Homme et la Biosphère (MAB) de l'UNESCO dans le cadre duquel une Réserve de Biosphère de 151 km? a été établie dans le Parc National des Volcans. Les chimpanzés et Les gorilles sont protégés par la loi et leur commerce national et international est restreint.” L'ordonnance 18/6/73, modifiée par La Loi-décret 26/4/1973 et la Loi 34/2000, porte création d'un Office du Tourisme et des Parcs Nationaux et régit La création et Le fonctionnement AFRIQUE : RwANDA Un jeune gorille de montagne. 429 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 430 des aires protégées et des conventions de chasse. Les questions forestières sont régies par la Loi 47/1988 qui détermine la législation de base en matière de conservation et d'utilisation des forêts. La Décision ministérielle 02/88 et l'Arrêté du Premier Ministre 72/03 du 14 octobre 2002 présentent l'organigramme de la Direction des Forêts (DF] qui siège aux cotés de La Direction de l'Environnement (DE) au sein du Ministère des Terres, de l'Environnement, des Forêts, de l'Eau et des Ressources naturelles (MINITERE]. D'une manière générale, ces directions se chargent de l'élaboration des politiques et Les agences ont pour mission de Les mettre en œuvre.” La Direction de l'Environnement est chargée de la conservation de la biodiversité alors que la gestion des réserves forestières est dévolue à la Direction des Forêts. Toutefois, l'Office du Tourisme et des Parcs Nationaux, qui relève du Ministère du Commerce, de l'Industrie, de la Promotion des investissements, du Tourisme et des Coopératives, est chargé de la gestion des parcs nationaux et des questions relatives à l'écotourisme. Les Parcs Nationaux des Volcans et de Nyungwe sont donc administrés par l'Office du Tourisme et des Parcs Nationaux, tandis que les Réserves forestières de Mukura et de Gishwati relèvent de la Direction des Forêts. La ‘Rwanda Environmental Management Authority’ (REMA] a aussi été instituée et elle devrait se charger d'un large éventail de projets environnementaux." Les aires protégées ILexiste quatre catégories d'aires protégées selon la loi Rwandaise: les parcs nationaux, les réserves de chasse, les réserves spéciales et les réserves forestières. On compte aujourd'hui trois parcs nationaux, dont le Parc National des Volcans et Le Parc National de Nyungwe récemment établi, et trois réserves forestières, mais aucune réserve de chasse ni réserve spéciale. Jusqu'en 1997, près de 15 % du territoire étaient constitués des parcs nationaux et des réserves, mais le Parc National d'Akagera a ultérieurement été amputé de 40 % environ de sa superficie initiale pour permettre la réinstallation des réfugiés. Aujourd'hui, l'ensemble des aires protégées couvre près de 8 % du pays.” Le Parc National des Virunga aux frontières du Rwanda, de l'Ouganda et de la RDC actuels a été créé en 1925 en vue de la protection du gorille de montagne et était le premier parc national d'Afrique. La partie Rwandaise, Le Parc National des Volcans, devint distincte en 1929. Sa superficie actuelle est de 160 km2. Plusieurs des centaines espèces qui s'y trouvent sont spécifiques à cette région occidentale du Rift. Care International et le Programme International de Conservation du Gorille (IGCP) travaillent avec les agriculteurs locaux au développement des ressources « à La ferme » afin de réduire les pressions sur Le parc. Une étude réalisée en 1999 sur la forêt de Nyungwe (aujourd'hui Parc National) a relevé que les chimpanzés étaient répandus à travers la réserve, surtout dans le secteur ouest, et La réserve abriterait une population relativement importante et viable, habitant à l'une des altitudes Les plus élevées jamais observées pour cette espèce. ‘ IL reste peut- être entre 100 et 200 chimpanzés dans les 980 km? du parc, mais les estimations les plus récentes datent des années 80“ au cours desquelles la population était estimée à plus de 1 000 individus.” Des chimpanzés seraient encore présents dans le bloc voisin de Cyamudongo, couvrant 6 km?, qui se trouve au sud-ouest de Nyungwe qui a maintenant été incorporé dans le parc.* Le parc a été considérablement perturbé dans le passé par l'extraction minière (surtout de l'or), La construction des routes, l'exploitation sélective des forêts, le reboisement avec des essences exotiques et l'empiètement par des agriculteurs locaux.?* Les chimpanzés étaient aussi jadis présents dans la Réserve Forestière de Gishwati (près de Ruhengeri) où il en restait au moins 13 en 1985,7 mais après la guerre civile il ne restait que 6 km? de cette forêt et ilest douteux que l'espèce y ait survécu. Actions de conservation Le tourisme lié à La faune sauvage, plus particulièrement l'observation des gorilles des Virungas, est considéré comme un important outil de protection des forêts vouées à La conservation au Rwanda. Le tourisme dans le Parc National des Volcans a rapporté au Rwanda 4 à 6 millions d'USD en 1989, sous forme de revenus directs et indirects. Le tourisme à Nyungwe a généré près de 0,5-1 million d'USD en 1990. Les bureaux du Parc National des Volcans ont été pillés et détruits pendant le conflit. Certains membres du personnel ont été tués et d'autres évacués temporairement. On observe maintenant un regain du tourisme, mais les problèmes de sécurité demeurent préoccupants et constituent une entrave majeure. En 2003, les réservations pour la visite des gorilles étaient de l'ordre de 60 %°' tandis que les visiteurs du Parc National des Volcans étaient escortés par des gardes lourdement armés. Les frais d'entrée sont passés en 2004 à 350 USD par touriste par heure de contact avec Les gorilles.* Les recettes sont investies dans la protection du parc et dans des projets de développement locaux.!? L'Office Rwandais du Tourisme et des Parcs Nationaux travaille traditionnellement avec des organisations non gouvernementales pour élaborer un cadre stratégique et des objectifs de conservation communs, et certaines de ces organisations travaillent dans La zone du Parc National des Volcans. La plus en vue est l'IGCP, une initiative conjointe de l'African Wildlife Foundation (AWF), Fauna et Flora International (FF) et le WWF - l'orga- nisation mondiale de protection de l'environnement, actif au Rwanda depuis 1978. L'IGCP a constamment apporté son appui technique et matériel au parc tout au long du conflit pendant Les années 90, y compris des financements spéciaux pour les opérations de base du parc, les salaires et les rations des patrouilles, le matériel et Les fournitures médicales, la réhabilitation des infrastructures et Le déminage. Les autres organismes engagés dans la conservation des gorilles au Rwanda sont notam- ment le Dian Fossey Gorilla Fund International et Dian Fossey Gorille Fund Europe, qui appuient la recherche et la sensibilisation des communautés et qui travaillent dans le Parc National des Volcans, le Centre de recherche de Karisoke et le Centre Vétérinaire des Gorilles de Montagne (MGVCI]. Ensemble, ces groupes apportent une assistance technique et financière d'un montant de près d’un million d'USD par an à l'Office du Tourisme et des Parcs Nationaux pour la gestion, La recherche et les soins vétérinaires dans Le parc et pour les activités de développement local autour du parc.* Le WCS mène, de longue date, un projet sur la conservation de la forêt de Nyungwe (PCFN]) qui fournit une assistance technique et financière de 200 000 USD environ par an à l'Office du Tourisme et des Parcs Nationaux pour la gestion, la recherche, le développement du tourisme, la sensibilisation des populations rurales et La formation des agents du Parc National de Nyungwe. Quatre-vingt-dix gardes ont été formés jusqu'alors dans Le cadre du projet.“ Le projet a ouvert une station de recherche et des infrastructures touristiques à Uwinka dans le secteur nord-ouest de la forêt de Nyungwe dans Les années 80. Ces installations ont été saccagées pendant le génocide mais ont été sauvées de la destruction par l'intervention des troupes militaires lan Redmond/UNESCO françaises au Rwanda.” Depuis lors elles ont été reconstruites et les touristes et chercheurs y reviennent peu à peu. Après la déforestation et La mise en culture d'une portion significative du secteur de Mikeno dans le Parc National des Virungas en RDC en 2004, le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE), le WWF, L'IGCP, l'Union Européenne et la Société de Zoologie de Francfort ont alloué des fonds spéciaux à l'Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN) pour la construction d'un mur de pierres qui contribue à La restauration de l'intégrité des frontières du parc. Er août 2004, plus de 7 km de mur avaient été construits et les travaux se poursuivent avec une main-d'œuvre de 2 000 personnes. Six associations Rwandaises construisent une partie du mur qui est parallèle à la frontière internationale. La construc- tion du mur délimite clairement Le parc et il devrait, avec le temps, être accepté comme le point limite des cultures. Les gorilles de montagne des Virunga ont fait l'objet de nombreuses études. "#%%# Karisoke est le centre de la plupart des recherches entreprises dans le Parc National des Volcans, même si ces recherches sont intermittentes depuis la fin des années 80 en raison des troubles politiques et civils. IUa été institué en 1967 et Dian Fossey a administré le site jusqu'à son assassinat en 1985. En 1997, trois agents médicaux travaillant à Ruhengeri furent assassinés, ce qui provoqua Le départ du personnel expatrié. L'insécurité s'est installée et de nombreuses personnes, y compris plusieurs travailleurs de Karisoke, furent arrêtées et emprisonnées.” Parmi les organisations impliquées dans le recensement des gorilles des Virunga en 2003 figuraient l'IGCP, Les trois responsables des parcs AFRIQUE : RwanDA Les guardes du Parc National des Volcans recoivent leurs nouveaux uniformes. 431 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 432 (l'Office Rwandais du Tourisme et des Parcs Nationaux, l'Uganda Wildlife Authority et lICCN de RDC], l'Institut pour la Conservation des Forêts Tropicales (ITFC] de l'Université de Mbarara en Ouganda, le Dian Fossey Gorilla Fund, le Centre Vétérinaire des Gorilles de Montagne, WCS et Le Max Planck Institute d'anthropologie évolutive. Des équipes de suivi des gorilles et de l'habitat ont été installées dans les parcs des Virungas par l'IGCP et Les responsables des parcs.” Le Rwanda n'abrite aucun sanctuaire de grands singes mais le Centre Vétérinaire des Gorilles de montagne, créé en 1986 près du Parc National des Volcans, prend soin de la santé des gorilles sauvages et a participé à la prise en charge des bébés gorilles saisis par Les autorités en 2002. L'un de ces bébés a été réintroduit dans son groupe d'origine et l'autre élevé en captivité, mais tous deux sont morts. STRATÉGIES FUTURES DE CONSERVATION Lors d'un atelier organisé en juillet 2003, un Plan National de Survie des Grands Singes (NGASP]) énoncçant des projets de conservation potentiels a été élaboré.“ En outre, La Stratégie Nationale sur la Biodiversité et Le Plan d'Action (NBSAP] exigent une meilleure conservation des aires protégées. Au nombre des mesures préconisées figurent l'élaboration et la mise en œuvre de plans d'utilisation des terres et de gestion de chaque aire protégée, la poursuite des recherches dans les aires protégées y compris des inventaires et des études sur l'utilisation durable de la biodiversité incluant le développement de l'écotourisme.* En novembre 2004, le Rwanda est devenu le premier des 23 états abritant les grands singes à adopter officiellement et à diffuser son plan national de sauvegarde des grands singes (NGASP]). Les principales recommandations de ce plan sont présentées ci-après : Pour les gorilles : Œ Protéger et conserver le Parc National des Volcans, du moins dans les limites actuelles du parc, en mettant un frein au braconnage et à d'autres activités illégales ; M Accroître les bénéfices que tirent les communautés locales de la conservation et accroître l'appui local à la conservation ; B Intensifier la sensibilisation sur les questions de conservation aux plans local et politique ; M Poursuivre et intensifier la recherche et la surveillance des gorilles et de Leurs habitats ; M Améliorer la santé des hommes, des gorilles et du bétail; réduire les maladies chez les gorilles en enrayant les zoonoses et en contrôlant les interactions entre les gorilles et le bétail ; et M Accroître les recettes touristiques par l'écotourisme durable. Pour les chimpanzés : Œ Réduire la surface des habitats dégradés et veiller à ce que les habitats ne soient plus détruits ; Œ Promouvoir, mettre en œuvre et appliquer des lois et politiques relatives aux chimpanzés et à leurs habitats ; M Intensifier la sensibilisation et susciter l'intérêt sur l'importance des chimpanzés et de leurs habitats ; Æ Améliorer Les moyens de subsistance communautaire autour des habitats des chimpanzés par la conservation ; ŒH Œuvrer pour une meilleure compréhension de la situation, de l'évolution et de La biologie des chimpanzés ; et M Améliorer la protection et la gestion de Nyungwe et Cyamudongo. L'IGCP est en train d'élaborer un schéma régional pour la conservation des habitats des gorilles et il a été proposé que soit élaboré un plan de développe- ment du tourisme pour le Parc National des Volcans et La région de Ruhengeri. En outre, les respon- sables des parcs des trois pays concernés ont accepté de créer un parc transfrontalier qui s'étendrait sur toute l'aire de répartition des gorilles des Virungas.” IL a aussi été recommandé de poursuivre les recherches sur les possibles effets du stress et de La transmission des maladies par des contacts rapprochés entre Les hommes et les grands singes habitués à La proximité d'observateurs.*“"* De même, des recomndations pour réduire les risques de transmission des maladies de l'homme au grands singes ont été formulées et l'élaboration d'un code de ‘bonnes pratiques’ a été suggérée.*“ ILa également été recommandé de poursuivre une surveillance étroite des gorilles de montagne, d'améliorer les programmes de sensibilisation en matière de conservation et de partage des revenus et de collecter de meilleures informations sur le nombre et La répartition des chimpanzés dans le AFRIQUE : SÉNÉGAL Parc National de Nyungwe.® Un dénombrement de 2004 grâce à un financement de WCS et de des chimpanzés de Nyungwe a été réalisé au début l'Université d'Antioche. OUVRAGES À CONSULTER DoE (2003) National Strategy and Action Plan for the Conservation of Biodiversity in Rwanda. Department of the Environment, Ministry of Lands, Resettlement, and Environment, Kigali, Rwanda. http://www.biodiv.org/doc/ world/rw/rw-nbsap-01-en.pdf. Accessed March 31 2003. Kanyamibwa, S. [1998] Impact of war on conservation: Rwandan environment and wildlife in agony. Biodiversity and Conservation 7: 1399-1406. Monfort, À. [1992] Première liste commentée des mammifères du Rwanda. Journal of African Zoology 106: 141-151. Robbins, MM. Sicotte, P., Stewart, K.J., eds (2001) Mountain Gorillas: Three Decades of Research at Karisoke. Cambridge University Press, Cambridge, UK. SOURCES DES DONNÉES CARTOGRAPHIQUES Carte 16.16 Les données sur Les grands singes sont issues des sources ci-après: Butynski, T.M. (2001] Africa's great apes. In: Beck, B.B., Stoinski, T.S., Hutchins, M., Maple, T.L., Norton, B., Rowan, A, Stevens, E.F. Arluke, À. eds, Great Apes and Humans: The Ethics of Coexistence. Smithsonian Institution Press, Washington, DC. pp. 3-56. With additional data by personal communication from Plumptre, A. (2004) and from the following sources: Kalpers, J., Williamson, E.A., Robbins, M.M., McNeilage, A. Nzamurambaho, A., Lola, N., Mugiri, G. (2003) Gorillas in the crossfire: population dynamics of the Virunga mountain gorillas over the past three decades. Oryx37: 326-337. Lee, P.C., Thornback, J., Bennett, E.L. (1988) Threatened Primates of Africa. The IUCN Red Data Book. IUCN, Gland, Switzerland and Cambridge, UK. MINISTERE (2004) Rwanda's National Great Apes Survival Plan 2004-2009. Final draft. Ministry of Lands, Environment, Forestry, Water, and Natural Resources, Republic of Rwanda. Plumptre, A.J., Masozera, M., Fashing, P.J., McNeilage, A., Ewango, C., Kaplin, B.A., Liengola, |. (2002) Biodiversity surveys of the Nyungwe Forest Reserve in SW. Rwanda. WCS Working Paper 19. http://www.wcs.org/media/ file/workingpaper19.pdf. Pour Les données sur les aires protégées, voir Comment utiliser Les cartes’ REMERCIEMENTS Je remercie Alexander Harcourt (Université de Californie, Davis), Annette Lanjouw (Programme International de Conservation des Gorilles), Andrew Plumptre (Wildlife Conservation Society), Elizabeth A. Williamson (Université de Stirling] et un lecteur anonyme pour leur précieux concours lors de la rédaction de cet article. AUTEUR Nigel Varty, Centre international de supervision de La conservation du PNUE RÉPUBLIQUE DU SÉNÉGAL EoMuno McManus HISTOIRE ET ÉCONOMIE Mali continental. La Gambie pénètre l'axe central du La République du Sénégal est le pays le plus à pays Le long du fleuve Gambie et a formé une brève l'ouest de l'Afrique occidentale, au bord de l'Océan union politique avec Le Sénégal (sous Le nom atlantique, entouré au sud par La Guinée-Bissau etla Sénégambie) de 1982 à 1989.° Le Sénégal lui-même Guinée, au nord par la Mauritanie et à l'est par le obtient son indépendance de la France en 1960, sa 433 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 434 capitale Dakar servant jusque-là de capitale administrative de l'Afrique Occidentale Française. Des gouvernements modérés semi-démocratiques se sont succédés dans les années 60 et 70 et des gouvernements de gauche, également modérés, ont remporté régulièrement les élections au cours des années 80 et 90, jusqu'à la victoire de l'opposition à l'élection présidentielle de 2000 et aux législatives en 2001.” La région de Casamance au sud du Sénégal est le siège d'un mouvement séparatiste armé depuis 1982. Cette région est La plus riche du Sénégal en matière d'agriculture mais à cause du conflit, elle est dépourvue des infrastructures de base et de bonnes connexions avec Le reste du pays. La superficie totale du Sénégal est de 196 190 km2. La pluviosité annuelle varie entre 200 mm dans les régions septentrionales et 1 600 mm au sud, avec une température journalière moyenne de 18 à 35° C. La saison sèche s'étend de novembre à avril/mai et La saison des pluies de mai/juin à octobre." Il existe, du nord au sud, trois principales zones de végétation naturelle, en rapport avec la pluviosité. À l'extrême nord, dans la zone Sahélienne, la végétation est dominée par Les Acacia spp. et Les graminées annuelles. Au centre, dans la zone Soudanienne, les types de végétation vont de la savane boisée aux forêts sèches. À l'extrême sud prévaut La zone Guinéenne dont les forêts sont moins sèches, avec des forêts-galeries Le long des fleuves. Le Sénégal replante chaque année 300 km? de forêt mais de nombreux plants meurent faute de soins.” En 2004, la population du Sénégal était estimée à 10,8 millions de personnes, avec un taux de croissance démographique de 2,6 %.° Le pays compte plusieurs groupes ethniques dont les Wolof (43,3 %), les Poular (23,8 %), Les Sérères (14,7 %), les Diola (3,7 %), les Malinké (3 %)}, les Soninké (1,1 %), et quelques autres (5,4 %)]. La population est à 95 % musulmane.’ S'ilest vrai que de nombreux jeunes ont migré, en quête d'emplois, vers les zones urbaines comme Dakar, la capitale, l'agriculture reste néanmoins la principale activité.” Les principales cultures sont Le maïs, le riz, le millet, la canne à sucre ainsi que l'élevage du bétail, et les principaux produits d'exportation sont le coton et les arachides. L'économie a bénéficié d'une politique macro- économique stable depuis la fin des années 90 mais le produit intérieur brut (PIB) du pays était de 4,9 milliards USD en 2002, soit moins de 470 USD par habitant.” Le Sénégal connaît de nombreux problèmes économiques structurels et affiche de mauvais indicateurs sociaux [important chômage, taux élevé d'analphabétisme, statistiques sanitaires médiocres, surtout en milieu rural). En 2001, le Sénégal a été ramené au rang de pays moins avancé (PMA] par l'ONU et en 2004 il est classé au 157° rang {sur 177 pays) pour l'indice de Développement Humain du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD).? RÉPARTITION DES GRANDS SINGES Le Sénégal n'abrite qu'un seul grand singe, le chimpanzé occidental (Pan troglodÿytes verus]. IL est confiné dans la région administrative de Tambacounda, dans le sud-est du pays. La première étude nationale systématique de la répartition des chimpanzés a été réalisée en 2003-2004 et les conclusions étaient en cours d'analyse en 2004? Les données existantes laissent apparaître qu'environ 10 % des chimpanzés du pays vivraient dans le Parc National de Niokolo-Koba“" Le reste de la population étant réparti au sud et sud-est du parc (Carte 16.17]. Sur Les 10 aires du parc étudiées en 2000-2001, quatre avaient des concentrations rela- tivement fortes de nids chimpanzés : Bandafassi, Fongolembi, Segou et Tomboronkoto.” L'aire du fleuve Diarha est un important refuge en saison sèche pour de nombreuses familles de chimpanzés. Toutes Les populations sont de taille réduite. MENACES S'il est clair que le nombre de chimpanzés au Sénégal a baissé” aucune étude récente n'est disponible. En 1979, la population était estimée à 300,'° mais Les estimations faites dans d'autres pays pendant la même période se sont depuis avérées inférieures aux valeurs réelles. L'estimation La plus récente, publiée dans West African Chimpanzees : Status Survey and Conservation Action Plan, fait état de la présence de 200 à 400 chimpanzés dans la pays.“ Ces chiffres résultent de l'extrapolation de densités relevées dans certains sites précis du Sénégal, d'estimations réalisées à partir des données d'autres pays ayant le même type d'habitat et des réponses aux questionnaires et aux entretiens.""*%® La destruction à grande échelle des habitats, La fragmentation des forêts restantes et la concurrence avec les hommes pour les ressources critiques en eau et en nourriture constituent autant de menaces sur les chimpanzés du Sénégal, de sorte que la stabilité apparente de La population ne peut être considérée comme réelle. : SÉNÉGAL AFRIQUE phiques à la fin de ce chapitre Références bibliogra L énéga Carte 16.17 Répartition des chimpanzés au S e Mitt e HANIN 94 e DR CLCL EEE CES ISSVAVONvg = 7 ce -N093S \ + CRT en e sf ® * OLOHNOHONNOL % e + Jqueofuo4 - HIHISSY 1NON pIoN -o1184 ep E44 HINVLIHNDVIN S leuspis90 ezueduiyo #71: £86L JUBAE 9A18SqO |eJU8PpI990 azuedWuIUT £86L Seide aA1esqo [eJUapio00 ezuedWIYO + €£007-966L U8 A18SqO [EJU8PI920 sZUEdWIUD # 229ds3 Led +=" AVSSIA-AHANINY ISEIPN 1 oz 6. RP H9RE4 e 18qholq sa Le (7 © : eeBno7 ep eu prit] eouewese) -eSSeg 2P Nd HI4NVO uno|es np eyeq ep S4 8 Nd 9) à 18NE 7 27 TA OTINNDE NF 40 0 435 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 436 La dégradation et l'altération des habitats sont probablement Les plus graves des menaces. La plus grande partie de La petite population qu'abrite le pays vit de toute évidence en dehors du réseau d'aires protégées. Les chimpanzés habitent généralement dans de petites zones forestières soumises à des pressions croissantes, dont la destruction des corridors qui relient entre eux les blocs forestiers.‘ Selon les estimations il resterait 62 050 km? de forêt dont la plus grande partie n'est pas utilisable par les chimpanzés.® Le taux de déforestation est de 450 km? environ (0,7 %)] par an.‘ Les chimpanzés et les hommes sont en compétition pour diverses ressources sauvages, notamment le miel et les fruits de La liane Saba senegalensis (Apocynaceae).® De nombreux points d'eau s'assèchent au cours de la saison sèche et dans certaines régions, les chimpanzés et les hommes se disputent l'accès à ceux qui restent. L'islam, religion dominante au Sénégal, interdit la consommation de la viande de chimpanzé ; et Les croyances traditionnelles interdisent aussi de tuer les chimpanzés en raison de leur statut unique parmi Les primates.“ Pour l'heure, la chasse ne semble pas être une menace pour les chimpanzés du Sénégal, bien que les territoires des populations au sud du Parc National de Niokolo-Koba s'étendent au-delà la frontière avec la Guinée où la chasse est plus courante. Depuis 1997, le Projet de réhabilitation des chimpanzés en Gambie a recu cinq rapports relatifs à des bébés chimpanzés captifs au Sénégal. Il a été recommandé d'enquêter davantage sur La cause et l'ampleur du problème.“ LÉGISLATION ET ACTIONS DE CONSERVATION Législation Le Sénégal est partie à La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES), à La Convention sur la Diversité Biologique, à la Convention sur les Espèces Migratrices (CMS), à la Convention du Patrimoine Mondial et à La Conven- tion Africaine sur La Conservation de La Nature et des Ressources Naturelles. Le Code de la Chasse et de la Protection de la Faune offre une protection intégrale aux chimpanzés du pays‘ S'il est théoriquement possible d'obtenir un permis pour la capture de chimpanzés à des fins scientifiques avérées, aucun permis de ce type n'a encore été émis. Les forêts sont protégées par Le Code Fores- tier. Des plans nationaux relatifs à l'environnement ont été élaborés au nombre desquels : Le Plan national d'aménagement du territoire ; Le Plan national d'action pour l'environnement; La Stratégie nationale et le plan d'action pour la Conservation de la Biodiversité ; et Le Plan d'Action National de Lutte contre la Désertification. En 2003, la délivrance de permis d'exploitation des carrières dans les réserves forestières a été suspendue, dans un effort de réduction de la déforestation. Des efforts ont également été initiés pour persuader les sociétés impliquées dans des opérations en cours de se retirer de la zone.” Les aires protégées Les parcs nationaux du Sénégal sont gérés par la Direction des Parcs Nationaux. Le Parc National de Niokolo-Koba, qui est aussi une Réserve de Biosphère et un Site du Patrimoine Mondial, couvre une superficie de 9 130 km£. Il est la seule aire protégée du Sénégal qui abrite des chimpanzés." IL est contigu au Parc National de Badiar en Guinée et des actions ont été initiées en vue de faire de ces deux Réserves de Biosphère une aire protégée transfrontalière Niokolo-Badiar. Les responsables chargés de la gestion de ces deux aires coopèrent déjà dans une certaine mesure sur des questions scientifiques et techniques.” Toutefois, les popula- tions de chimpanzés de ces deux parcs semblent isolées l'une de l'autre.° Le Parc National de Niokolo-Koba est créé en tant que Réserve de chasse en 1926, puis devient une réserve forestière en 1951, une réserve de faune en 1953, et un parc national en 1954. IL est agrandi par des décrets successifs en 1962, 1965, 1968 et 1969. IL s'élève du niveau de La mer au sommet du Mont Assirik à 311 m d'altitude et ses écosystèmes sont formés à 55 % de prairie, à 37 % de terrains boisés, à 5 % de bambous et à 3% de forêts. La végétation varie du type soudanien du sud au type guinéen à dominance de savane, avec une végétation plus luxuriante Le Long des fleuves, ainsi qu'une diversité d'arbres et de buissons variables selon la topographie et Les sols locaux. Les seules personnes vivant dans les forêts sont les gardes forestiers et les travailleurs des campements touristiques. Conservation et projets sur Le terrain Le Programme d'Éducation et de Recensement des Chimpanzés du Sénégal (PERCS) a permis de réaliser des études sur Les chimpanzés en vue d'une meilleure connaissance de leur répartition, de Leur nombre et des menaces qui pèsent sur leurs populations. Des populations clés ont été suivies pendant une année afin d'identifier les modes migratoires et les sites refuges en saison sèche. Des activités d'éducation ont aussi été menées dans les zones critiques et une seconde phase devrait mettre l'accent sur les activités éducatives et Les solutions aux conflits et à la concurrence pour l'eau.” Le PERCS travaille en collaboration avec la Direction des Parcs Nationaux et bénéficie de l'appui financier des Amis des Animaux, une organisation non gouvernementale américaine. Le Parc National de Niokolo-Koba a été l'objet de la seule étude à long terme jamais entreprise au Sénégal sur l'écologie des chimpanzés, les données étant recueillies par McGrew et ses collègues pendant les années 70." En mai 2001, Pruetz installe un site de recherche dans la région de Tomboronkoto afin d'y étudier l'écologie et le comportement des chimpanzés de ‘savane’, à la suite des travaux de McGrew, de Tutin et de leurs collèques sur Le Mont Assirik.”*? La population de Tomboronkoto vit près des hommes et des conflits surviennent parfois au sujet des ressources, en particulier du Saba senegalensis“ Plusieurs groupes de chimpanzés vivent le long du fleuve Diarha dans le district de Salemata et, après les études du PERCS, la zone a été sélectionnée comme le second site de suivi à long terme pour déterminer le nombre de chimpanzés utilisant la zone et identifier leurs parcours migratoires.“ Aucun sanctuaire, ni centre de réhabilitation, ni site de réintroduction de chimpanzés n'est réper- torié au Sénégal. Le zoo de Dakar ne possède que quelques chimpanzés captifs. STRATÉGIES FUTURES DE CONSERVATION Les recommandations ci-après ont été formulées dans West African Chimpanzee : Status Survey and Conservation Action Plan.‘ OUVRAGES À CONSULTER Georges Grepin Compte tenu qu'il ne reste que 200 à 400 chimpanzés au Sénégal, toutes les zones qui abritent où qui peuvent supporter des populations de chimpanzés doivent être considérées comme des sites prioritaires nécessitant une attention particulière. Le Sénégal devrait collaborer avec la Guinée en matière de protection des populations de chimpanzés migrant à travers la frontière Sénégal- Guinée. La législation doit être amendée afin de proscrire la capture et le commerce des chimpanzés à des fins autres que de conservation, ce qui exclut toute raison scientifique. Des solutions durables doivent être trouvées à la concurrence entre les hommes et les chimpanzés au sujet de l'eau et des fruits de Saba senegalensis. Les activités d'éducation doivent se multiplier à travers le Sénégal, en insistant sur l'incidence de la destruction des habitats qui représente une menace à la survie des chimpanzés. L'habituation des chimpanzés pour le tourisme peut avoir un effet extrêmement négatif sur les groupes déjà fragmentés qui existent à travers le pays et, à cet égard, un conseil pluridisciplinaire de scientifiques et de biologistes de la conservation devrait examiner cette question au cas par cas avant d'approuver ces initiatives. McGrew, W.C., Baldwin, P.J., Tutin, C.E.G. (1980) Chimpanzees in a hot, dry and open habitat: Mt Assirik, Senegal, West Africa. Journal of Human Evolution 10: 227-244. Pruetz, J.D., Marchant, L.M., Arno, J., McGrew, W.C. (2002) Survey of savanna chimpanzees (Pan troglodytes verus) in Senegal. American Journal of Primatology 58: 35-43. UNESCO (2002) Biosphere Reserve Information. Senegal: Niokolo-Koba. http://www2.unesco.org/mab/br/brdir/ directory/biores.asp?mode=all&code=SEN+03. Accessed November 17 2004. AFRIQUE : SÉNÉGAL Visite des représentants du gouvernement sur un site de déforestation illégale. 437 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 438 SOURCES DES DONNÉES CARTOGRAPHIQUES Carte 16.17 les données sur les chimpanzés sont issues des sources ci-après: Butynski, T.M. (2003) The chimpanzee Pan troglodytes: taxonomy, distribution, abundance, and conservation status. In: Kormos, R., Boesch, C., Bakarr, MI. Butynski, T.M., eds, West African Chimpanzees: Status Survey and Conservation Action Plan. IUCN/SSC Primate Specialist Group. IUCN, Gland, Switzerland. pp. 5-12. Carter, J., Ndiaye, S., Pruetz, J., McGrew, W.C. (2003] Senegal. In: Kormos, R., Boesch, C., Bakarr, M.I., Butynski, T.M., eds, West African Chimpanzees: Status Survey and Conservation Action Plan. IUCN/SSC Primate Specialist Group. IUCN, Gland, Switzerland. pp. 31-39. Pour Les données sur les aires protégées, voir Comment utiliser Les cartes’ REMERCIEMENTS Cette étude du pays puise largement dans Le chapitre consacré au Sénégal de l'ouvrage de l'IUCN/SSC West African Chimpanzees: Status Survey and Conservation Action Plan. Je remercie Georges Grépin et un relecteur anonyme pour leur précieux concours lors de la rédaction de cet article. COMPILATEUR Edmund McManus, Centre international de supervision de La conservation du PNUE RÉPUBLIQUE DE SIERRA LEONE EDMuND McManus HISTOIRE ET ÉCONOMIE La République de Sierra Leone est située entre la Guinée et Le Libéria. C'est l'un des plus petits états d'Afrique de l'ouest, avec une superficie de 71620 km? et quatre divisions administratives, à savoir les provinces orientale, septentrionale et australe, et la région occidentale. Son relief est formé à l'est de collines boisées, de hauts plateaux et de montagnes et à l'ouest d'une ceinture côtière couverte essentiellement de mangroves. La Sierra Leone a un climat tropical saisonnier, avec une saison des pluies qui dure de mai à décembre et une saison sèche qui va de décembre à avril quand souffle l'harmattan, vent porteur de poussière venu du Sahara. La pluviosité annuelle moyenne varie entre 1 830 mm dans les savanes du nord et 5 230 mm sur la côte, ce qui en fait l'un des endroits Les plus humides d'Afrique de l'ouest. La température varie annuellement entre 21°C et 36°C.° La Sierra Leone a obtenu son indépendance du Royaume-Uni en 1961. La population était estimée à 5,9 millions d'habitants en 2004, avec un taux de croissance de 2,3 %.° En 2002, le produit intérieur brut (PIB) est de 782,9 millions d'USD, et le revenu national brut (RNB) est inférieur à 140 USD par habitant.” L'anglais est La langue officielle (même s'il n'est parlé que par La minorité lettrée] mais Le Krio {créole à base anglaise) est compris par 95% de la population. Les principaux groupes ethniques sont les Temne (plus nombreux au nord) et les Mende {dominants au sud) qui constituent chacun 30 % de La population. L'islam est la religion dominante (60 % de la population] mais de nombreuses minorités suivent des croyances traditionnelles (près de 30 %)] et une certaine forme de christianisme. L'agri- culture joue un rôle moteur dans l'économie avec près des deux tiers de la population en âge de travailler impliqués dans l'agriculture de subsistance.‘ Le diamant, le rutile (anhydride titanique), la bauxite, le cacao, le café et Le poisson constituent les produits d'exportation traditionnels de la Sierra Leone, bien que Le diamant soit devenu sa principale source de revenus. Le commerce des ‘diamants de la guerre a servi au financement des factions armées et de leurs mercenaires pendant la guerre civile qui opposa le gouvernement au Front Révolutionnaire Uni (RUF] de AFRIQUE : SIERRA LEONE Carte 16.18 Répartition des chimpanzés en Sierra Leone Références bibliographiques à la fin de ce chapitre GUINEE Mts Kuru FX & ÿ * Sierra Leone River Estuary . Sanctuaire à chimpanzés de Tacugama LIBERIA RF & RNI de Gola Espèce # Chimpanzé occidental observé en 1996-2003 — Chimpanzé occidental observé en 1980-1995 ® Chimpanzé occidental observé après 1983 © Chimpanzé occidental observé avant 1983 Aire de répartition estimée T4 Chimpanzé occidental 439 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 440 1991 à 2002. Cette guerre civile a provoqué La mort de dizaines de milliers de personnes et Le déplacement de plus de 2 millions d'autres (plus d'un tiers de la population] dont bon nombre sont aujourd'hui réfugiées dans les pays voisins. Grâce à l'appui d'une force de maintien de la paix de l'ONU et aux contributions de la communauté internationale, la démobilisation et le désarmement du Front Révolutionnaire Uni et des combattants des forces de défense civile ont pu être menés à bon terme. Des élections nationales ont lieu en mai 2002 et Le gouvernement poursuit lentement la restauration de son autorité. Le retrait progressif de la mission de maintien de La paix de l'ONU en Sierra Leone en 2004 et La situation sécuritaire au Liberia voisin peuvent compromettre le maintien de La stabilité en Sierra Leone. Les combats entre des groupes rebelles disparates, des « seigneurs de la guerre » et des gangs de jeunes en Guinée, au Libéria et en Sierra Leone ont engendré des insurrections, des violences des rues, des pillages, des trafics d'armes, des conflits ethniques et des la fuite de réfugiés dans les zones frontalières.” Tous ces facteurs entravent gravement le développement économique. Toutefois, en mai 2004, la Sierra Leone a organisé ses premières élections locales en 32 ans, et Le pays continue de se remettre du conflit civil aux niveaux social et économique. Ce conflit a détruit les infrastructures du pays et La Sierra Leone restait dernier (sur 177 pays) du classement de l'Indice de développement humain de l'ONU en 2004. RÉPARTITION DES GRANDS SINGES Le chimpanzé occidental {Pan troglodytes verus] est la seule espèce de grand singe que l'on trouve en Sierra Leone. Le chimpanzé est très répandu mais sa répartition est irrégulière. IL vit dans divers habitats qui incluent les forêts primaires et secondaires les forêts riveraines, forêts-galeries, savanes boisées, ainsi que des forêts exploitées.'? Les chimpanzés vivent dans les forêts humides des basses terres de l'est et du sud, dans la végétation de montagne de Loma et Tingi et dans l'écosystème de savane boisée d'Outamba dans le nord du pays. Toutefois, peu de sites abriteraient des populations viables ou offriraient des habitats appropriés. Les récents conflits ont limité La recherche, de sorte que peu d'informations sur la répartition et le nombre actuels de chimpanzés en Sierra Leone sont disponibles. Au début des années 90, les chimpanzés étaient estimés à près de 2000 individus. * On pense que La population a décliné depuis lors. D'après les études et Les récits, Les chimpanzés étaient présents dans le Parc National d'Outamba-Kilimi, la Réserve Forestière (fermée à la chasse) de La Région Occidentale, le Sanctuaire de Faune de l'île de Tiwai, les Réserves Forestières de Gola, le projet de Parc National du Lac Sonfon, la Réserve Forestière (fermée à La chasse) des Monts Loma, la Réserve Forestière des Kambui Hills et La Réserve Forestière (fermée à La chasse] des Tingi Hills, qui ensemble, représentent une superficie de 2 835 km2.* Une étude réalisée au début des années 80 a établi que 49 à 60 chimpanzés vivaient dans la partie de Kilimi du Parc National d'Outamba-Kilimi, et la présence de chimpanzés dans cette zone a récemment été confirmée.” Un groupe de 27 individus a été observé à Tenkere, Outamba,* La population totale d'Outamba étant estimée à 200- 300 individus.® Le parc pourrait contenir une population de 600 à 700 chimpanzés.” Les trois réserves de Gola (Gola Est, Gola Ouest, et La plus grande, Gola Nord) sont situées dans la province orientale. Elles étaient vouées à l'exploitation du bois dans les années 20, mais aujourd'hui elles abritent l'une des grandes forêts tropicales humides du pays.“ Plus de 80 % de Gola Nord restent inexploités, mais des images satellites ont révélé l'existence d'une route forestière qui va du Liberia à l'intérieur de La réserve. Les images n'ont cependant montré aucun signe d'activité forestière significative, et il est possible qu'avec Le changement de gouvernement, La route ne soit pas utilisée {voir profil du Libéria). Des chimpanzés solitaires ont été plusieurs fois vus dans le Sanctuaire de faune de l'île de Tiwai ; par exemple, 22 individus dans les forêts jeunes et 30 dans les vieilles formations au milieu des années 80. À cette époque, Les observations dans les réserves de Gola étaient minimales et la population était jugée éparse. Dans les années 80, Les Loma Mountains sont proposées comme une zone importante pour les chimpanzés. Les plans de construction d'une infra- structure de recherche biomédicale à cet endroit ont été abandonnés en raison des protestations qu'ils ont suscitées au plan international. Les études ulté- rieures ont confirmé que la chasse et l'agriculture dans cette zone ont pu réduire considérablement La population dont peu de signes d'existence ont été trouvés.° MENACES Tous Les lieux abritant des chimpanzés mentionnés plus haut sont des aires protégées. Hors de ces zones, la population restante se retrouve isolée et décline parce qu'elle n'est pas convenablement protégée de l'abattage des arbres, de La chasse et du commerce des animaux de compagnie. La croissance rapide de La population a eu pour effet l'intensification des pressions sur l'environne- ment. La surexploitation du bois, l'extension des pâturages pour le bétail et l'agriculture sur brülis ont conduit à la déforestation et à l'épuisement du sol. La forêt s'étendrait sur 10 550 km? avec un taux de perte annuelle de 360 km? soit 2,9 %.° Les cultures de rente remplacent les forêts, réduisant par la même occasion les habitats qui convien- draient aux chimpanzés. Dans la province orientale, l'extraction du diamant a eu pour effet de modifier largement le milieu, en particulier par le défrichement des forêts. S'ilest vrai que la tendance générale en Sierra Leone est à la destruction des forêts, on a tout de même observé de petites zones de régénération forestière dans les régions peu habitées pendant La guerre ; les ressources ont été largement exploitées autour des camps des réfugiés internes. D'après Le Darwin-funded Habitat Audit Project, la superficie forestière totale serait inférieure de 5 000 km2 environ à celle trouvée par L'organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO), mais Le taux de destruction forestière entre 1985-1986 et 2000-2003 est presque identique, à savoir 382 km?/an.” L' Habitat Audit Project n'a relevé aucune zone importante de culture de rente et en a conclu que les quelques grandes plantations de Sierra Leone ont été abandonnées depuis de nombreuses années, même si certaines sont en train d'être reprises. Les images satellites des zones d'extraction du diamant révèlent une grande activité. Dans certaines zones du nord, le système de jachère se rompt peu à peu parce que la rotation entre les cultures et La forêt est trop courte pour être durable, alors que Le système semble stable au sud et à l'est. La côte de La péninsule de Freetown vit une fièvre immobilière et la nouvelle route dont la construction en cours ne fera qu'exacerber ce phénomène. La forêt qui couvre les collines qui surplombent les nouvelles constructions disparaît très rapidement. Depuis 300 ans, les chimpanzés sont chassés et piégés en Sierra Leone. La demande en chimpanzés vivants pour la recherche médicale à l'étranger a entraîné une hausse des exportations de chimpanzés dans les années 70. Entre 1973 et 1978, deux exportateurs d'animaux sauvages de Sierra AFRIQUE : SIERRA LEONE Glyn Davies Leone auraient exporté 1 582 chimpanzés vivants vers des pays étrangers,“ en particulier au Japon, aux USA et au Centre de recherche biomédicale sur les primates de Rijswijk aux Pays-Bas. La dernière exportation vers l'Europe a eu lieu en 1984.17 Pendant la récente guerre civile, les aires protégées étaient quasiment à l'abandon, ce qui a ouvert la voie à un braconnage abusif de La viande de brousse.” Le marché de viande de brousse de Kenema dans le sud-est est connu pour vendre de la viande de primates. Toutefois, Les chiffres quant au volume de viande de chimpanzés vendu sont inconnus. Dans les régions où les fusils et les munitions sont trop chers pour les chasseurs, ces derniers recourent aux filets pour piéger les chimpanzés pour leur la chair ou pour les vendre comme animaux de compagnie. Dans certaines zones rurales, Les os des chimpanzés sont utilisés en médecine traditionnelle dans Le but d'accroître la force et la vitalité. LÉGISLATION ET ACTIONS DE CONSERVATION La Sierra Leone est signataire de La Convention sur e commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES), de a Convention sur la Diversité Biologique et de ‘Accord International sur les Bois Tropicaux. Ces conventions devraient être ratifiées incessamment.° La loi nationale protégeant les chimpanzés est la troisième annexe de la Loi sur La Conservation de La Nature de 1972. Les chimpanzés sont classés comme « animaux protégés » et le petit du genre Un chimpanzé venant d'être capturé est transporté vers Le marché de viande de brousse. 441 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 442 Pan est classé comme « spécialement protégé ». La quatrième annexe de la même loi autorise cependant un chasseur à prendre deux chimpanzés par an, ces règlements étaient en cours de révision au moment de la rédaction du présent article. La longue guerre civile et l'insécurité qu'elle a engendrée ont empêché que la communauté internationale de La Conservation s'engage en Sierra Leone. Au nombre des projets antérieurs figuraient des études par Teleki et Baldwin (1981), Hardy (1984), Davies (1987), et Hanson-Alp (1989), mais aucun projet de conservation axé sur les chimpanzés n'est actuellement en cours.” Un des sanctuaires de la Sierra Leone est affilié à l'Alliance PanAfricaine des Sanctuaires (PASAÏ, Le Sanctuaire de Tacugama qui a été créé en réponse à l'utilisation des chimpanzés comme animaux de compagnie dans le pays. En juin 2003, il abritait 62 chimpanzés récupérés.’ En 2004, une infection virale aiguë a tué cinq jeunes chimpanzés du sanctuaire, obligeant La PASA à une intervention vétérinaire d'urgence avec l'appui de la Société de Zoologie de Londres." Le sanctuaire a plus tard bénéficié d'une subvention du gouvernement américain destinée à l'installation d'une barrière électrique autour de ses 15 km? de superficie." STRATÉGIES FUTURES DE CONSERVATION Les recommandations suivantes sont tirées de West African Chimpanzees: Status survey and conservation Action Plan.‘ Recherche Des données de base doivent être recueillies sur des sites prioritaires tels que Les Réserves forestières de Gola, le Parc National d'Outamba-Kilimi, la Réserve forestière des Kuru Hills, l'île de Tiwai, Les montagnes de Loma et la Réserve forestière (fermée à la chasse) de La Région occidentale. Le recensement national de la population de chimpanzés doit également être entrepris, en partie pour vérifier Les informations sur les chimpanzés vus près des habitats humains à travers le pays. OUVRAGES À CONSULTER Protection Le Parc National d'Outamba-Kilimi apparaît comme le bastion de la conservation des chimpanzés en Sierra Leone et il devrait donc être la cible des activités de conservation, notamment celles liées à la lutte contre le braconnage, La promotion du tourisme et la recherche en matière de conser- vation, si possible par des programmes commu- nautaires. Des patrouilles pédestres et motorisées devraient être effectuées périodiquement dans les aires protégées abritant des populations viables de chimpanzés. La Loi sur la conservation des chim- panzés de 1972 devrait être révisée. Éducation Des programmes de sensibilisation devraient être initiés dont l'un ciblerait les personnes vivant dans les parties rurales des aires de répartition des chimpanzés. Les personnes qui fournissent des chimpanzés devraient être une cible de ces initiatives. Le Sanctuaire de chimpanzés de Tucagama devrait recevoir une assistance internationale car il abrite les primates saisis, protège les habitats des chimpanzés sauvages et assure l'éducation environnementale. Renforcement des capacités Le personnel chargé de La Conservation de La Nature devrait être accru et mieux formé. Les capacités des organisations non gouvernementales locales doivent elles aussi être renforcées. Gestion des populations La création et Le maintien de corridors entre les habitats fragmentés qui abritent des populations isolées de chimpanzés seront essentiels à la survie à long terme des chimpanzés de Sierra Leone. Les parcelles de végétation naturelle, Les forêts riveraines et les jachères matures doivent toutes être considérées comme des habitats critiques lors de la désignation des sites pour la conservation des chimpanzés. Alp, R. (1997) “Stepping-sticks” and “seat-sticks”: new types of tools used by wild chimpanzees [Pan troglodytes)] in Sierra Leone. American Journal of Primatology 41 [1]: 45-52. Fimbel, C. (1994) The relative use of abandoned farm clearings and old forest habitats by primates and a forest antelope at Tiwai, Sierra Leone, West Africa. Biological Conservation 70 (3): 277-286. Sept, J.M., Brooks, G.E. (1994) Reports of chimpanzee natural history, including tool use, in 1éth-century and 17th- century Sierra Leone. /nternational Journal of Primatology 15 (6): 867-878. Squire, C.B. (2001) Sierra Leone's Biodiversity and the Civil War. Biodiversity Support Program, Washington, DC. http://www.worldwildlife.org/bsp/publications/africa/176/titlepage.htm. Accessed June 12 2005. SOURCES DES DONNÉES CARTOGRAPHIQUES Carte 16.18 les données sur les chimpanzés sont issues des sources ci-après et des informations complémentaires sont extraites des communications personnelles de Davies, G. (2005) : Butynski, T.M. (2003) The chimpanzee Pan troglodytes: taxonomy, distribution, abundance, and conservation status. In: Kormos, R., Boesch, C., Bakarr, M.., Butynski, T.M., eds, West African Chimpanzees: Status Survey and Conservation Action Plan. IUCN/SSC Primate Specialist Group. IUCN, Gland, Switzerland. pp. 5-12. Grubb, P., Jones, T., Davies, A., Edberg, E., Starin, E., Hill, J. (1998) Mammals of Ghana, Sierra Leone and The Gambia. Trendrine Press, Zennor, UK. Hanson-Alp, R., Bakarr, M.I., Lebbie, A., Bangura, K.I. (2003) Sierra Leone. In: Kormos, R., Boesch, C., Bakarr, MI. Butynski, T.M., eds, West African Chimpanzees: Status Survey and Conservation Action Plan. IUCN/SSC Primate Specialist Group. IUCN, Gland, Switzerland. pp.77-87. Pour Les données sur les aires protégées, voir Comment utiliser les cartes’ REMERCIEMENTS Cette étude du pays puise largement dans le chapitre consacré à la Sierra Leone du document de l'IUCN/SSC West African Chimpanzees: Status Survey and Conservation Action Plan. Je tiens à remercier Glyn Davies (Société de Zoologie de Londres), Hassan Mohamed (Ministère des Terres, de la Planification du pays, des Forêts, et de l'Environnement, Sierra Leone), et Richard Wadsworth (Centre pour l'Ecologie et l'Hydrologie, RU] pour leur précieux concours lors de La rédaction de cet article. COMPILATEUR Edmund McManus, Centre international de supervision de la conservation du PNUE RÉPUBLIQUE DU SOUDAN NIGEL VARTY HISTOIRE ET ÉCONOMIE Le Soudan, avec une superficie de 2 505 813 km?, est le plus vaste pays d'Afrique. IL est arrosé par le Nilet ses affluents et a pour pays limitrophes l'Egypte, La Lybie, Le Tchad, La République Centrafricaine (RCA), la République Démocratique du Congo (RDC), l'Ouganda, le Kenya, l'Ethiopie et l'Erythrée. IL possède 800 km de côtes sur La Mer Rouge le long de sa frontière nord-est, et son relief est essentiellement plat, avec des montagnes à l'est et à l'ouest. Le Soudan obtient son indépendance du pouvoir colonial Anglo-Egyptien au cours d'un processus complexe qui commence par la révolution de 1952 en Egypte et finit par l'autonomie en 1956.° Le premier coup d'état, avec un gouvernement militaire, survient au cours des deux années suivantes et depuis lors, seules deux périodes de régime civil véritable ont eu Lieu en 1965-1696 et en 1986-1989, périodes qui se sont achevées par des coups d'état militaires ; le pays est actuellement dirigé par une dictature militaire. "° Tout au long de son histoire, le sud Soudan a été déchiré par un conflit qui oppose Les forces gouvernementales aux forces rebelles. Un accord de paix a été signé en 1972 mais ses termes ont été peu à peu bafoués tout au long des années 70 et, en 1983, lorsque le gouvernement a imposé la loi islamique (charia] à travers le pays, Les Forces de Résistance du Sud se sont reconstituées et sont devenues l'Armée Populaire de Libération du Soudan (SPLA). Le conflit a causé La mort de près de 2 millions de personnes, des centaines de milliers de réfugiés à l'étranger ou de déplacés à l'intérieur du pays, et une famine généralisée. Ces luttes sont complexes et souvent réduites à tort à un affrontement entre les populations non musul- manes du sud réclamant leur indépendance et Les populations musulmanes du nord désireuses de AFRIQUE : SoupAN 443 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION (AAA maintenir l'intégrité nationale. En fait, les combats mettaient en lice des factions et l'opinion publique était divisée au nord comme au sud. En 2002, la lassitude de la guerre et les pressions inter- nationales ont réussi à enfin réunir Le gouvernement du Soudan, la branche politique de la SPLA, le Mouvement Populaire de Libération du Soudan {SPLM)] autour de la table des négociations. Depuis, des accords ont été conclus sur un grand nombre de questions formant Le cadre politique pour un accord de paix global. La population Soudanaise qui comprend près de 500 groupes ethniques a été estimée à 38,11 millions en 2003, avec un taux de croissance annuel de 2,7 %.° En 2002, Le produit intérieur brut (PIB) est de 13,5 milliards USD par an, soit moins de 360 USD par habitant.“ L'agriculture est Le plus important secteur d'activité au Soudan et elle emploie 80 % de la main-d'œuvre et représente 43 % du PIB.° Le Soudan a un climat tropical au sud et désertique au nord. Les savanes boisées et les forêts s'étendent sur 616 270 km? de la superficie du pays,” bien que cette surface comprenne aussi 6 410 km? de plantations. Près de 68 % des ressources forestières nationales se trouvent dans le sud du pays ravagé par la guerre. Les terres arables ne couvrent que 7,1 % du territoire.‘ La forêt tropicale humide est Limitée à quelques petites zones éparses près des frontières avec la RCA, la RDC et l'Ouganda, formant les forêts les plus septentrionales du Bassin du Congo. Ce sont, entre autres, les petites parcelles de forêt du Plateau d'Aloma et de la région de Yambio; La forêt d'Azza dans le district de Meridi; les forêts de Talanga, Lotti et Laboni au pied des montagnes d'Imatong ; la Vallée de Kinyeti ; et certaines parties du Plateau de Boma.'' Des forêts-galeries denses sont également présentes le long des fleuves et dans les dépressions du sud-est du Soudan. RÉPARTITION DES GRANDS SINGES On trouve au Soudan la sous-espèce orientale du chimpanzé, Pan troglodytes schweinfurthii. Des populations isolées de chimpanzés orientaux survivraient dans Le sud-est du Soudan [à l'ouest du Nil Blanc] et dans les régions forestières frontalières avec la RDC et La RCA telles le Plateau d'Aloma près de Yei/”® Les données les plus récentes (après 1983] ont été recueillies dans la région frontalière proche de la Réserve de Chasse de Bengangai.”? Cette région du Soudan était l'un des bastions des forces sudistes pendant la guerre civile, ce qui ne permettait pas d'y accéder pour des études. Aucun recensement national des chimpanzés ou étude récente de l'espèce n'ont été entrepris au Soudan et Leur situation actuelle est inconnue.*?"# La population de chimpanzés est estimée de 200 à 400 individus.” L'espèce était déjà jugée « gravement menacée d'extinction » au Soudan en 1988. MENACES La première guerre civile au Soudan s'est terminée en 1972 et la situation de paix a permis de mettre en œuvre un certain nombre d'activités relatives à la faune jusqu'en 1983 quand s'est déclenchée une nouvelle guerre civile, plus longue cette fois. Des études des ressources fauniques de certaines régions du sud du Soudan n'ont débuté que récemment dans le cadre des efforts de reconstruction dans l'optique d'une paix durable, mais aucune donnée n'indique l'importance du déclin de la population de chimpanzés. Le braconnage est cependant réputé courant dans les zones où la présence des chimpanzés est signalée et l'aire de répartition de ces derniers aurait considérablement diminué au cours des 50 dernières années. La chasse La chasse du gibier de brousse est considérée comme une grave menace pour la faune dans le sud du Soudan et elle met certainement en péril les chimpanzés restants dans le pays. La chasse s'est considérablement intensifiée pendant la guerre en raison de La prolifération des armes à feu, et la consommation et la vente de la viande de brousse sont aujourd'hui habituelles.“ De nombreux anciens combattants et autres individus possèdent des armes à feu, surtout des AK-47, officiellement pour protéger leur bétail. l'insécurité persistante n'a pas permis de renouveler le bétail et les animaux sauvages sont donc percus comme une source alternative de viande. Le Mouvement de Libération du Peuple Soudanais a essayé de mettre un frein au braconnage des principales espèces et a ordonné à ses soldats de ne pas tuer les espèces menacées d'extinction.” La capture des jeunes chimpanzés pour alimenter le commerce des animaux de compagnie a été reconnue comme une menace au Soudan.” En octobre 2003, les autorités soudanaises ont saisi une cargaison de 10 jeunes chimpanzés dont l'origine est inconnue (qui auraient vraisemblablement été capturés en RDC) à Yambio au sud du Soudan! SOUDAN AFRIQUE Références bibliographiques à la fin de ce chapitre Carte 16.19 Répartition des chimpanzés au Soudan FVFAENFOII0O O9NO)D IG dE HAÔILVHIONAQG dAHX | FN EL e | SINUUIN 8P Nd ; : Fr) ! $ A) & Le 1 a (ESA 22 ne tte, = | Nip NEA s VNOIVA “. : NVALVTId Re eBunzliequ *, ojojue epoÿ ! x ePINd ; \ RL < OISAVA eqng ep Où 3 à À Q elleSuoN ep Où À Y RAT à nn Rp O L LS 2 * E NY4noOSs | N°9 YANFINO 09N09 n4 FAN AIdILVHDONAQ ‘AMI ANIVORIAFAINTO | \ CMOBTARERT AIdOIHIA NFanos en | Te AANHLANA È AGE ui SZ 00 o6t 004 os 0 e N N:+ e a. he _efuebueg Les pou » FES e , À r 5) RC EE EEELE { e + © É ( fe € HNIVOIHAHVAHLNAHUY , RS LE ESS N.9 RARE pen, _ AAÔIT 4N44H # C D x “A | euljeuunN Le S 1 Y epou , Ye RES E* E jeueuo azueduiyo [Tr 2aW}se uoriuiedas 3p 211Y £8GL JueAE eAI8SQO [ejUalo ezUedWIUD © £86L Seide eA18Sqo [ejuello ezuedWIU) € 293eds3 445 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 446 Quatre de ces chimpanzés ont été conduits au Sanctuaire de chimpanzés de Sweetwaters au Kenya qui avait déjà recu quatre individus du Soudan au début de 2003. Si Le Soudan n'était pas le pays d'origine de ces chimpanzés, il est certainement utilisé comme pays de transit vers des marchés illégaux. La destruction des habitats Le couvert forestier du Soudan, estimé à 34 % de La superficie totale du pays au moment de l'indépendance en 1956, serait réduit à 17 % en 2000.“ La surface des forêts défrichées chaque année au Soudan,’ est évaluée à 9 590 km2 ou 1,4 % la superficie totale, bien que certains auteurs avancent des chiffres inférieurs.® Le taux de déforestation dans Les régions du sud qui abritent les chimpanzés n'est pas connu, mais ces zones étaient les bastions de l'Armée Populaire de Libération du Soudan pendant la querre et Les deux parties en conflit défrichaient la forêt autour des grands campements et zones militaires comme mesure défensive. La guerre civile a poussé des millions de personnes à fuir Les zones rurales et a fait de nombreux morts, ce qui a favorisé l'abandon et la régénération des arbustes et forêts de savane dans certaines zones. Les maladies Une épidémie de la fièvre hémorragique Ebola s'est déclarée à Yambio au sud du Soudan en mai-juin 2004. La transmission à partir d'animaux n'était pas en cause dans cette épidémie et rien n'indique que la maladie a affecté les chimpanzés. L'arrêt des hostilités La fin de la guerre civile au sud va probablement se traduire par une déforestation à grande échelle provoquée par le retour des populations qui défricheront les terres pour leurs activités agricoles, couperont les arbres pour le bois servant à la construction de leurs maisons et comme combustible domestique.‘ À cause de l'insécurité de ces quatre dernières décennies, peu d'activités forestières ont pu être menées dans le sud et Les plantations existantes ne pourront sans nul doute pas satisfaire la demande. La chasse au gibier prendra certainement aussi de l'ampleur car les agriculteurs et les réfugiés auront besoin de manger en attendant de récolter les produits de leurs cultures. Les chimpanzés qui survivraient pourraient ainsi se retrouver en danger. LÉGISLATION ET ACTIONS DE CONSERVATION Si des Lois nationales régissant la conservation de la faune ont bien été adoptées, la plupart se réfèrent davantage à la situation dans le nord du pays et ne sont, par conséquent, pas applicables au sud où le gouvernement régional a élaboré sa propre législation. Les chimpanzés sont protégés par La Loi sur La Conservation de la faune et les Parcs de 1975 adoptée par Le gouvernement régional du sud,/ mais en 1986, cette Loi est abrogée (au nord) par l'Ordonnance sur la Conservation de la faune et Les Parcs nationaux. Les réserves forestières et autres aires protégées sont visées par la Loi sur les forêts nationales de 1989 (N° 14 de 1989), qui prévoit la création d'un certain nombre de catégories de réserves forestières, et par la Loi sur Les ressources naturelles renouvelables et Les forêts de 2002. La Wildlife Conservation General Admini- stration (WCGA) est l'agence publique nationale chargée de la conservation et de La gestion de la faune, ainsi que de la création des aires protégées, bien qu'elle n'opère que dans le nord du pays. La gestion des forêts, y compris la création des réserves forestières, relève de La Société Nationale des Forêts du Ministère de l'Agriculture et des Forêts, dont les activités ont été presque exclusive- ment concentrées au nord au cours des dernières années, à cause de la guerre civile. Le Haut Conseil pour l'Environnement et les Ressources Naturelles (HCENR] coordonne les projets et programmes relatifs à l'environnement et a joué un rôle majeur dans l'élaboration de La Stratégie sur La Biodiversité et Le Plan d'Action National. Dans le cadre du processus de paix, les organisations gouvernementales existantes du Mouvement Populaire de Libération du Soudan continueront de superviser des secteurs spécifiques du sud du Soudan, notamment dans les domaines des forêts et de La faune. Cet accord conjoint devrait durer plusieurs années au cours de la période de transition avant que le sud décide de se séparer du nord ou de s'y joindre pour former un état unique. Les accords internationaux Le Soudan a ratifié La Convention sur la Diversité Biologique en 1995, La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES) en 1982, La Convention des Nations Unies sur la Lutte contre la Désertification en 1995, La Convention Africaine sur la Conservation de la Nature et des Ressources Naturelles en 1973, et La Convention du Patrimoine Mondial en 1974. Le pays fait également partie du Programme sur l'Homme et La Biosphère (MAB]) de l'UNESCO dans le cadre duquel deux Réserves de Biosphère {les Parcs Nationaaux de Dinder et de Radom] ont été créées. Les aires protégées IL existe trois catégories d'aires protégées au Soudan : les parcs nationaux (neuf terrestres et deux marins] : Les réserves de chasse (22) ; et les sanctuaires (y compris trois sanctuaires de faune), ainsi que plusieurs autres types d'aires proté- gées.“"* Selon le Ministère de l'Agriculture et des Forêts, les aires protégées du Soudan s'étendraient sur environ 14 % du territoire.” On trouve également de nombreuses réserves forestières au Soudan, surtout dans le sud, mais les données sur bon nombre de ces réserves ne sont pas disponibles parce que perdues où détruites pendant la guerre civile. La plupart des parcs et aires protégées man- quent cruellement de ressources humaines et financières. Les chimpanzés seraient présents dans les Réserves de chasse de Mbarizunga et Bire Kpatuos,/ et dans la Réserve de chasse de Bengangai.”*'*2 On ne dispose d'aucune information récente sur la présence de chimpanzés dans ces sites. En rassemblant les données récentes de leur répartition au Soudan, on peut penser que le chimpanzé oriental est présent dans le Parc National de Lantoto. Au sud du Soudan la longue guerre civile n'a pas permis d'entreprendre des projets de conservation du chimpanzé oriental. De même, il n'y a eu aucun projet de recherche approfondie sur le chimpanzé au cours des 20 dernières années. L'Agence Américaine pour le Développement International (USAID] a soutenu les activités visant à déterminer la situation actuelle des aires protégées, de la faune et de la conservation de la biodiversité au Soudan par le biais de son programme Sudan Transitional Assistance for Rehabilitation (STAR)* et entend développer les capacités institutionnelles pour la conservation et la gestion rationnelle des ressources naturelles. L'USAID a également financé la New Sudan Wildlife Society (une organisation non gouvernementale) dans ses études de reconnaissance dans un certain nombre de parcs nationaux, y compris celui du sud considéré comme l'aire protégée la plus susceptible d'abriter encore des chimpanzés en raison de sa taille et de son isolement. Le Soudan ne possède aucun sanctuaire de grands singes, mais une coalition d'organisations, à savoir Born Free, New Sudan Conservation Society, Kenya Wildlife Service, Sudan Conservation Authority, International Fund for Animal Welfare et le Sanctuaire de chimpanzés de Sweetwaters, participe au sauvetage et à la prise en charge actuelle des chimpanzés orphelins du sud du Soudan. STRATÉGIES FUTURES DE CONSERVATION Le Soudan ne dispose pas d'un plan d'action précis pour la conservation des chimpanzés, bien qu'il existe des recommandations officielles sur les aires qui abriteraient encore des chimpanzés. Si de nombreux Soudanais du sud ainsi que leur gouvernement sont en faveur de la restauration et de la reconstitution des aires protégées,” La plupart des aires protégées sont en réalité ouvertes pour l'établissement de campements, pour des activités agricoles et pour l'élevage du bétail. Etant donné qu'il n'existe que peu de plans d'utilisation des terres, l'étude des régions de faune et l'élaboration de plans de gestion de la faune devraient être prioritaires.“'* Des appels ont été lancés pour que le Mouvement Populaire de Libération du Soudan interdise officiellement et catégoriquement la chasse à l'éléphant, au rhinocéros et au chimpanzé.* Des mesures incitatives ont été proposées pour encourager les groupes armés à rendre leurs armes à feu. IL est également impératif d'élaborer une stratégie de conservation et de gestion durable des forêts et autres zones boisées du pays, en particulier dans les régions forestières de l'extrême sud, et de renforcer les capacités institutionnelles pour la planification et La stratégie relative aux ressources naturelles.‘ Si on considère que le Soudan sort à peine de 30 années de guerre civile et que plusieurs millions de personnes y ont été tuées ou déplacées, et que ses ressources financières sont insignifiantes, il est peu probable que la conservation de la faune puisse figurer au nombre des priorités du gouvernement du nord ou du sud, de sorte que les agences et organisations non gouvernementales étrangères devraient fournir la plus grande partie des financements dans un proche avenir. La principale priorité est de continuer à étudier la situation présente à la faveur du retour de la paix, afin de déterminer l'état des populations animales et d'élaborer un plan des actions prioritaires à engager en vue de leur conservation et gestion, sans pour AFRIQUE : SoupanN 447 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 448 autant perdre de vue les immenses besoins humains dans le pays, en particulier dans le sud. Etant donné l'intérêt de la communauté internationale impliquée dans la conservation des OUVRAGES À CONSULTER chimpanzés, on peut raisonnablement attendre l'appui des donateurs quelle que soit La zone qui abriterait des vestiges de population de ces grands singes. Catterson, T. (2003) Environmental Threats and Opportunities Assessment. USAID Integrated Strategic Plan in the Sudan 2003-2005. USAID/REDSO/NPC and the USAID Sudan Task Force, Washington, DC. http://vww.usaid.gov/ locations/sub-saharan_africa/sudan/sudan_isp_a4.pdf. Accessed June 12 2005. El Moghraby, A.I. (2001) State of the environment in Sudan. In: UNEP EIA Training Resource Manual. UNEP. pp. 27-36. www.unep.ch/etu/publications/11]%2027%20t0%2036.pdf. Accessed June 12 2005. HCENR (2000) The Sudan's National Biodiversity Strategy and Action Plan. Higher Council for Environment and Natural Resources, Ministry of Environment and Tourism, and IUCN with support from UNDP, Khartoum. http://www.biodiv.org/doc/world/sd/sd-nbsap-01-p1-en.pdf to http://www.biodiv.org/doc/world/sd/sd-nbsap-01- p7-en.pdf. Accessed June 12 2005. SOURCES DES DONNÉES CARTOGRAPHIQUES Carte 16.19 les données sur Les chimpanzés sont issues des sources ci-après: Butynski, T.M. (2001) Africa's great apes. In: Beck, B.B., Stoinski, T.S., Hutchins, M. Maple, T.L., Norton, B., Rowan, À. Stevens, EF, Arluke, À. eds, Great Apes and Humans: The Ethics of Coexistence. Smithsonian Institution Press, Washington, DC. pp. 3-56. Pour les données sur les aires protégées, voir Comment utiliser les cartes’ REMERCIEMENTS Je tiens à remercier Thomas Catterson (Consultant international pour USAID Soudan, Gestion des forêts, des ressources naturelles et de l'environnement] pour son précieux concours lors de la rédaction de cet article. AUTEUR Nigel Varty, Centre international de supervision de La conservation du PNUE RÉPUBLIQUE D'OUGANDA NIGEL VARTY HISTOIRE ET ÉCONOMIE La République d'Ouganda s'étend à l'est de l'Afrique, au niveau de l'équateur, notamment entre les berges nord et ouest du Lac Victoria et de la Vallée du Rift. Près de la moitié du Lac Victoria ainsi qu'une bonne partie des Lacs Edouard et Albert se trouvent en Ouganda. Aussi la terre ferme ne représente-t-elle que 85 % environ (199 710 km?) de sa superficie totale qui est de 236040 km2. De vastes terrains marécageux représentent 5 % de la superficie, tandis que les forêts s'étendent sur 41 900 km!2, soit 21 % environ de sa superficie. La végétation est formée de forêts naturelles avec des plantations qui s'étendent sur 430 km2.“ Les principales régions forestières se situent dans l'ouest du pays. L'Ouganda a obtenu son indépendance du Royaume-Uni en 1962, avec à sa tête un premier ministre élu (Milton Obote] qui fut renversé par un coup d'état en 1971.° La nouvelle dictature conduite par Idi Amin a persécuté et expulsé les membres de la communauté asiatique Ougandaise et les intellectuels du pays. La République Unie de Tanzanie a envahi l'Ouganda en 1979 avec le soutien des groupes ougandais en exil. Amin fut renversé et Obote revint au pouvoir suite aux élections de 1980. La validité de ces élections fut remise en cause par l'Armée Nationale de Résistance [NRA] de Yuweri Museveni qui déclencha une guerre civile dont il sorti vainqueur et au terme de laquelle, en 1986, Museveni fut fait président. IL prit La tête d'un pays où 1,5 millions de personnes ont été tuées ou mutilées par la guerre, où 2 millions étaient des réfugiés et où l'économie était en ruine. Des progrès significatifs ont été faits depuis dans la voie de la restauration de La paix et de La reconstruction des infrastructures et des institutions civiles. Museveni a été réélu à la présidence lors des élections de 1996 et 2001. La moitié sud de l'Ouganda est maintenant relativement pacifique, mais d'importantes régions du nord et de l'ouest sont encore déchirées par une violente insurrection.” Le principal groupe rebelle est l'Armée de Résistance du Seigneur (Lord's Resistance Army] qui, en dépit de son vœu déclaré de gouverner le pays selon les Dix Commande- ments, commet des atrocités depuis 1986. Il aurait kidnappé quelque 20 000 enfants au fil des ans, les utilisant comme des combattants pouvant être sacrifiés, et le nombre de personnes déplacées vivant dans les camps de réfugiés du nord est estimé à 1,6 millions environ.” La LRA a souvent bénéficié du soutien du Soudan qui suspectait l'Ouganda de soutenir sa propre rébellion dans le sud (voir aussi profil du Soudan] mais en 1999, Les deux pays ont conclu un accord par lequel ils s'engageaient à ne pas soutenir leurs rebellions respectives. La rupture incessante des cessez-le- feu et Les tentatives avortées de négociation entre le gouvernement et la LRA se traduisent par la poursuite de la guerre. D'après le recensement de 2002, la popu- lation ougandaise était de 24,7 millions, avec un taux de croissance de près de 3 % par an. En 2003, le produit intérieur brut (PIB) est de 6 milliards, soit 270 USD environ par habitant,” plaçant le pays au 146° rang (sur 177 pays) de l'Indice de Développement Humain.‘ Les terres arables représentent 34,1 % du territoire et l'agriculture est Le secteur Le plus important de l'économie car elle emploie plus de 80 % de La main-d'œuvre et représente 43 % du PIB." RÉPARTITION DES GRANDS SINGES Le gorille de montagne (Gorilla beringei beringeï et le chimpanzé oriental (Pan troglodytes schweinfurthi sont présents en Ouganda. Le gorille de montagne est uniquement présent sur deux sites : le Parc National des Gorilles de Mgahinga dans les montagnes des Virunga à l'extrême sud-ouest aux confins du Rwanda et de la RDC, et le Parc National de la Forêt Impénétrable de Bwindi à seulement 25 km du premier. Seuls 12 gorilles de montagne auraient été présents dans Le Parc National des Gorilles de Mgahinga en 1998, mais ils font partie de la population plus large des Virunga. Cette dernière était estimée à 380 individus en 2003, répartis entre le Parc National contigu des Volcans au Rwanda et la section sud du Parc National des Virungas en RDC.” Le Parc National de la Forêt Impénétrable de Bwindi compte 320 gorilles environ. Ainsi, ce parc abrite un peu moins de la moitié de la population mondiale de gorilles de montagne, bien que certains primatologues considèrent les gorilles de Bwindi comme une sous-espèce distincte.” Le chimpanzé oriental est présent dans les forêts et régions boisées de l'ouest de l'Ouganda,‘ et il a été recensé dans 21 blocs forestiers différents depuis 1994.® Les estimations des populations ont été peu à peu revues à la hausse, alors même que les populations déclinaient. En 1979, elles étaient estimées à moins de 3 000 individus dont 750 étaient des femelles.‘ En 1989, on évaluait à 4000 environ Le nombre de chimpanzés en Ouganda.“ Ce chiffre a été ramené à 3300 lors d'une évaluation de la population et de l'habitat des chimpanzés (PHVA) en 1997. Toutefois, la dernière estimation, basée sur des données recueillies entre 1994 et 2002 donne un chiffre de 4 950 environ (entre 4 000 et 5 700).* MENACES Les populations de gorilles de montagne semblent stables (Bwindil! ou en légère augmentation (population des Virunga),' mais des menaces diverses pèsent toujours sur elles et leurs habitats. Le nombre de chimpanzés a baissé de manière drastique au cours des dernières décennies, * probablement à cause de la destruction des habitats. Destruction des habitats 910 km? de forêt seraient défrichés chaque année en Ouganda, ce qui représente 2% de la superficie totale pendant la période de 1990 à 2000.“ Les forêts tropicales couvraient environ 13,7 % de la superficie en 1900 mais elles ne AFRIQUE : OUGANDA 449 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Carte 16.20 Répartition des grands singes en Ouganda Références bibliographiques à la fin de ce chapitre REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE ». À DUCONGO KANYAWARAS Fa KABAROLE SS É A re ha: Kit ie SRE de are Re AN ?. »: F igezi ou l ee PA nn t REPUBLIQUE UNIE a \ 2 DE TANZANIE N à gorilles de Mgahinga RWANDA 450 SOUDAN 4! Sanctuaire à gorilles de l'île de Ngamba Lac Tictoria Espèce æ Chimpanzé oriental observé en 1996-2003 Chimpanzé oriental observé après 1983 Chimpanzé oriental observé avant 1983 Chimpanzé oriental localement disparu vers 1940 Gorille oriental de plaine 8 Gorille de montagne Aire de répartition estimée Tr Chimpanzé oriental Gorille oriental de plaine HT Gorille de montagne s'étendaient plus que sur 3,6% en 2000.° L'exploitation frauduleuse du bois, qui inclue généralement le sciage de long, est répandue dans les réserves forestières ougandaises, surtout pour les essences de valeur telles que les acajous des gebres Xhaya et Entandrophragma.* La préparation du charbon de bois a aussi un impact sur certaines réserves forestières, telles que Kasyoha-Kitomi et Kalinzu. En effet, Le bois de chauffe constitue La principale (90 %] source d'énergie du pays.“ L’empiètement sur les réserves forestières par les communautés agricoles réduit l'habitat des chimpanzés, mais la conversion la plus significative de La forêt à l'agriculture s'observe actuellement hors des réserves forestières, avec la culture à grande échelle du tabac et du cacao dans le district de Hoima, de la canne à sucre et du cacao dans le district de Masindi, et du thé autour des forêts du district de Kabarole. Ceci réduit la communication entre les forêts et les opportunités de déplacement des chimpanzés, empêchant par conséquent le flux génétique. La comparaison des images satellites prises entre le milieu des années 80 et 2000-2001 a révélé que près de 800 km? de forêt abritant des chimpanzés ont été détruits au cours de cette période.“ L'extraction minière, en particulier dans la forêt de Kasyoha-Kitomi, constitue aussi une menace, surtout depuis l'exploitation récente du coltan qui est utilisé dans la fabrication des semi- conducteurs pour les téléphones portables et d’autres accessoires électroniques.” La chasse IL arrive encore que des chasseurs ougandais tuent des gorilles de montagne,” mais la surveillance et les patrouilles régulières ont permis de réduire ces incidents au cours des dernières années. Les Ougandais, pour La plupart, ne consomment pas la chair du chimpanzé. Même si certains signes de chasse ont été relevés dans toutes les forêts étudiées par Plumptre et ses collègues, Le Parc National des Monts Ruwenzori est le seul site où les chimpanzés sont régulièrement chassés pour leur viande.” Toutefois, l'inquiétude grandit à propos des réfugiés de RDC qui n'observent pas les mêmes tabous alimentaires et qui peuvent avoir un impact considérable sur La population restante. En outre, les gorilles et les chimpanzés sont victimes des pièges posés pour d'autres animaux tels que les antilopes et les potamochères. Les mains ou pieds des chimpanzés ou gorilles peuvent être sérieusement mutilés voire perdus, et Les infections qui en résultent peuvent être fatales. Plus de La moitié de La population (neuf adultes) de La forêt de Kalinzu, et jusqu'à 25 % des chimpanzés des forêts de Kibale et Budongo portent des blessures causées par des pièges." Deux décès survenus dans le groupe Sonso de Budongo, habitué au contact humain, auraient été causés par les pièges. Les villageois chassent et tuent les chimpanzés qui ravagent leurs cultures autour des réserves forestières et des parcs nationaux, surtout s'il s'agit de cultures de rente. Des chimpanzés auraient été tués à Bugoma à l'aide de lances et d'arcs et flèches pour avoir pris du cacao, et à Budongo pour avoir pillé des champs de canne à sucre.” On a aussi trouvé dans la réserve forestière de Kalinzu des signes de chasse des chimpanzés dont des parties du corps sont utilisés pour certains rites.” La capture de grands singes encore jeunes, vendus comme animaux de compagnie ou pour Le divertissement est moins courante en Ouganda que dans de nombreux autres pays, mais Les jeunes chimpanzés font l'objet d'un commerce illégal à La frontière à partir de La RDC. Le nombre de chimpanzés saisis s'est récemment accru {trois à quatre par an), peut être à cause du retrait des forces militaires ougandaises de La RDC.* Les maladies De nombreuses maladies dont certaines auraient été transmises par contact direct avec les humains ou leur bétail ont été relevées dans les populations de gorilles et de chimpanzés en Ouganda. Les gorilles habitués du Parc National de la Forêt Impénétrable de Bwindi auraient souffert de gale (Sarcoptes scabiei. Un jeune gorille est mort de la maladie et cinq autres ont été gravement affectés. ”* L'infection proviendrait des humains ou des animaux domestiques vivant à proximité de cette forêt.” Un taux élevé d'infection par Cryptosporidium parvum a aussi été signalé parmi les gorilles de Bwindi.® Le risque de transmission des maladies de l'homme aux grands singes devient plus préoccupant car un nombre croissant de groupes de gorilles et de chimpanzés sont habitués au contact humain pour favoriser Le tourisme en Ouganda, en raison de La demande et des bénéfices financiers.“°° La AFRIQUE : OUGANDA 451 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Un petit marché communal en Ouganda non Loin de La frontière avec La RDC. 452 mise en application des réglementations en vigueur en vue de réduire le risque de transmission des maladies est peu effective. LÉGISLATION ET ACTIONS DE CONSERVATION Loi nationale et internationale L'Ouganda a ratifié ou adhéré à La Convention sur la Diversité Biologique (1993), à La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES) (1991), à La Convention des Nations Unies sur La Lutte contre la Désertification (1997), à La Convention sur les Espèces Migratrices (2000), à la Convention Africaine sur la Conservation de la Nature et des Ressources Naturelles (1977), et à la Convention du Patrimoine Mondial (1987). Deux sites du Patrimoine Mondial ont été désignés, à savoir Le Parc National de la Forêt Impénétrable de Bwindi et le Parc National des Monts Ruwenzori. Le pays participe également au Programme sur l'Homme et la Biosphère (MAB) de l'UNESCO, et Le Parc National Queen Elizabeth a été érigé en Réserve de Biosphère. Les chimpanzés sont protégés par La Loi et Le national et international est t#* Deux textes en commerce réglementé ou restrein particulier portent sur La protection des grands singes en Ouganda : La Loi sur les forêts (1964] et la Loi sur La faune en Ouganda (1996) qui sont respectivement appliquées par la National Forestry Authority (NFA)] [ancien Forest Department] et l'Uganda Wildlife Authority (UWA) du Ministère du Tourisme, du Commerce et de Gordon Miller/IRF l'Industrie. La loi sur la faune ougandaise prévoit la création d'aires de conservation de La nature qui sont de deux types : Les aires de protection de La nature (parcs nationaux et réserves de faune) et les aires de gestion de la nature (sanctuaires de faune et aires de faune communautaires). En 2004, l'Ouganda a été critiqué parce qu'il négociait Le transfert de trois chimpanzés vers le Jardin zoologique de Changsha en Chine sous forme de cadeau de l'Etat.” Une injonction a été prononcée à La demande de l'organisation non gou- vernementale (ONG) Greenwatch, empêchant ainsi le transfert jusqu'à une audition en mai 2004. Les aires protégées L'ensemble des aires protégées d'Ouganda s'étend sur près de 33 000 km2, soit 14 % de la superficie du pays.” IL existe trois principales catégories d'aires protégées en Ouganda: les parcs nationaux (10 sites), Les réserves naturelles (10 sites), et Les réserves forestières (710 sites). Les réserves forestières représentent près de 50 % des aires protégées.” Si La plupart mesurent moins de 10 km?2, sept réserves forestières ‘centrales’ couvrent 2 600 km? environ ; il s'agit des réserves forestières de Budongo, Bugoma, Kalinzu, Kasyoha-Kitomi, Mabira, Maramagambo et Sano Bay.” Certaines réserves forestières comprennent des plantations d'espèces exotiques telles que l'eucalyptus.”? Le Parc National des Gorilles de Mgahinga est Le plus petit parc national d'Ouganda avec une superficie de 34 km? seulement,/? et il abrite une partie de La population des gorilles de montagne des Virunga. Le problème majeur qui entrave les efforts de conservation dans le parc est la destruction et la modification des habitats en raison de l'accroissement de la population humaine. La forêt ouverte qui était jadis l'habitat préféré des gorilles était totalement occupée et cultivée bien avant que Le parc soit classé en 1991. Les occupants ont été expulsés et l'écosystème est en pleine régénération. Sucker, Le garde qui a mis en place les mesures de restauration du parc, a été assassiné en 1994%*#% On relève parmi les menaces la chasse, le paturage du bétail, l'apiculture et le prélèvement des bambous, du miel, de l'eau et du bois de chauffe. '** Le Parc National de La Forêt Impénétrable de Bwindi (321 km?) est Le plus vaste fragment restant de forêt naturelle dans le sud-ouest de l'Ouganda. Le terrain est extrêmement accidenté,” formé de montagnes escarpées et d'étroites vallées, et c'est l'une des quelques larges étendues de forêt d'Afrique de l'est où les forêts denses des terres basses se fondent progressivement de manière progressive dans les forêts de montagne. Autre différence, on observe moins de bambous à Bwindi que dans La région des Virunga.” Bwindi est entouré par l'une des plus fortes densités humaines en Afrique (100-450/km2] et les terres alentour sont cultivées de manière intensive. Le tourisme lié aux gorilles a commencé en avril 1993 et s'avère un très grand succès. Depuis le génocide rwandais, les gorilles de Bwindi sont devenus la principale population de gorilles visitée par les touristes. Le fonds de conservation de la Forêt Impénétrable de Bwindi (Bwindi Impenetrable Forest Trust] et un programme de partage des bénéfices du tourisme avec les communautés locales ont été mis en place afin d'assurer La sur- vie du parc à long terme.” IL y a cependant eu des conflits au sujet des accords de partage des bénéfices. Le Parc National de Kibale (780 km?) est, en Ouganda, la plus vaste aire protégée pour les chimpanzés. IL abrite une population de 1430 à 1530 individus, soit 25% des chimpanzés d'Ouganda.”*” La densité de La population de chimpanzés dans cette aire (2,32/km2] est La plus forte jamais relevée dans toutes les forêts étudiées en Afrique.” Trois communautés de chimpanzés sont habituées à la présence d'observateurs: Kanyawara et Ngogo pour la recherche comportementale, et Kanyanchu pour les activités touristiques (voir Encadré 4.6]. La forêt couvre presque 60 % du parc à laquelle s'ajoutent 9% de forêts dégradées, essentiellement les forêts secondaires du secteur sud, en cours de régénération après un usage agricole. ” Sa classification en Parc National en 1993 a réduit l'exploitation frauduleuse du bois et l'empiètement des terres agricoles sur la forêt, mais le pillage des cultures par les animaux sauvages, dont les chimpanzés, et la pose de collets dans la forêt par les villageois continuent de compliquer les relations entre les responsables du parc et les communautés locales.” Plusieurs enfants sont morts suite à des attaques par des chimpanzés dans la zone écotouristique de Kanyanchu, ce qui n'a pas arrangé les relations entre le parc et les populations locales. Ces attaques ne sont pas le fait de chimpanzés habitués au contact humain.” Gordon Miller/IRF Les chimpanzés sont présents dans plusieurs autres aires protégées en Ouganda, y compris le Parc National de Semliki, Le Parc National des Monts Ruwenzori, les Réserves de faune de Semliki et Kyambura, et 11 réserves forestières au moins.” Certaines de ces zones abriteraient toutes ensemble plus de 80 % (4 058) de la population totale. IL s'agit de La Réserve forestière de Budongo (639 chimpanzés), de la Réserve forestière de Bugoma (628), du Parc National des Monts Ruwenzori (500), du Parc National de Kibale (1429), de la Réserve forestière de Kasyoha-Kitomi (406), de La Réserve forestière de Kalinzu (234) et la forêt de Maramagambo dans le Parc National Queen Elizabeth (222].* Les chimpanzés ont aussi été signalés dans la Réserve forestière du Mont Otzi à la frontière nord qui sépare l'Ouganda et le Soudan.!' Les chimpanzés restants sont présents en petit nombre dans des poches de forêt isolées entre ces plus grands blocs forestiers, en particulier dans les districts de Hoima, Kibale et Masindi.” Nombre de ces communautés de chimpanzés isolées se trouvent en dehors des aires protégées. Recherche et conservation Les recherches sur les chimpanzés en Ouganda datent de 1962 à Budongo,* avec un long programme de recherche dans la forêt de Kibale.*“#% La recherche sur Le gorille de montagne a débuté dans Les années 50.“ Grâce au renforcement de La sécurité en Ouganda dans les années 90 plusieurs autres études ont été initiées dans la Réserve forestière de Budongo, la Réserve de faune de Semliki, le Parc National de la Forêt Impénétrable de Bwindi et La Réserve Forestière de Kalinzu.* Des études comparatives ont été réalisées sur les gorilles de Bwindi et AFRIQUE : OUGANDA Parc National Impénétrable de Bwindi. 453 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Le personnel du Parc National de Kibale. 454 FEU Mgahinga, et sur les différences alimentaires entre Les gorilles et Les chimpanzés du Parc National de la Forêt Impénétrable de Bwindi.“! Comme ailleurs, c'est la forte implication de quelques individus qui a permis le développe- ment de ces sites d'étude à long terme. A cet égard, on citera dans le cas de l'Ouganda Struhsaker, Isabirye-Basuta et Wrangham à Kanyawara, Mitani et Watts à Ngogo, Reynolds à Sonso et Budongo,Hunt à Semliki, Stanford à Bwindi, Hashimoto et Furuichi à Kalinzu. Parmi les institutions nationales de recherche sur la conservation figurent l'Institut de Conservation des Forêts Tropicales, basé à Ruhija, qui fait partie de l'Université des sciences et de la technologie de Mbarara, et la station de Recherche Biologique de l'Université de Makerere à Kanyawara au nord du Parc National de Kibale (MUBFS), qui est La base de quelques- unes des plus longues études de primates sur le terrain jamais entreprises. Outre Les efforts de conservation encouragés par Les chercheurs internationaux, certaines ONG internationales sont engagées dans la conservation des grands singes en Ouganda. L'institut Jane Goodall (JGI] et l'Uganda Wildlife Authority mettent conjointement en œuvre un programme de retrait de pièges dans le Parc National de Kibale et la forêt de Budongo, en collaboration avec le Kibale Chimpanzee Project (KCP]) et le Budongo Forest Project (BFP) respectivement. Ces actions ont eu pour effet secondaire de réduire la dégradation des forêts.” L'UICN - l'Union Mondiale pour la Nature - est également engagée dans plusieurs projets de conservation et de développement autour des principales zones de conservation des chimpanzés, y compris dans le Parc National de Kibale et dans celui de Semliki. Les Instituts Jane Goodall et Wildlife Conservation Society (WCS) ont æœuvré avec l'Uganda Wildlife Authority et Le Forest Department (aujourd'hui National Forest Authority] à l'élaboration d'un plan d'action national sur Les espèces en vue de la conservation des chimpanzés, à la suite de leur collaboration sur l'étude nationale des chimpanzés.” L'Institut Jane Goodall-Ouganda travaille avec les communautés locales à La résolution des conflits hommes-chimpanzés par la collaboration dans les programmes de retrait des pièges, et en proposant des activités alternatives génératrices de revenus et des projets de développement durable. IL facilite aussi les programmes d'éducation environnementale dans les écoles primaires, en particulier dans celles situées à proximité des habitats des chimpanzés et entend adopter la même démarche pour les établissements secondaires et les adultes. L'Institut Jane Goodall met également en place des groupes d'action environnementale « Roots & Shoots » pour les communautés locales. Toujours au titre des projets de conservation et de développement, on peut mentionner les activités du WWF - organisation Mondiale de Protection de l'Environnement - autour du Parc National des Monts Ruwenzori et celles de CARE International autour du Parc National de la Forêt Impénétrable de Bwindi et du Parc National des Gorilles de Mgahinga. Le WWF et WCS soutiennent également l'Institut de Conservation des Forêts Tropicales (ITFC], et le WWF, de concert avec la African Wildlife Foundation (AWF] et Fauna and Flora International (FFI), appuie le Programme International de Conservation du Gorille (IGCP), qui dirige et soutient des projets dans les Parc National des Gorilles de Mgahinga et de la Forêt Impénétrable de Bwindi. Le tourisme Le tourisme tourné vers la nature qui comprend l'observation des gorilles et des chimpanzés a été développé dans plusieurs sites en Ouganda, y compris dans le Parc National de la Forêt Impénétrable de Bwindi (gorilles), le Parc National des Gorilles de Mgahinga (gorilles], Le Parc National de Kibale (chimpanzés), la Réserve forestière de Budongo (chimpanzés), la Réserve de faune de Semliki (chimpanzés), et la Réserve de Faune de Kyambura (chimpanzés). Selon les estimations d'une évaluation économique du tourisme lié aux gorilles fournies par l'IGCP, en 1994-1999 le tourisme auprès des gorilles a généré des bénéfices nets en devises de 7,7 millions d'USD environ, des ventes de 15,4 millions d'USD, des recettes fiscales de 4,77 millions d'USD et il a rapporté 6,93 millions d'USD à l'économie nationale.” L'observation des gorilles dans la Forêt Impénétrable de Bwindi a généré jusqu'à 50 % des revenus du système des parcs d'Ouganda avant l'incident de mars 1999 au cours duquel des rebelles Rwandais venant de RDC tuèrent huit touristes et un garde du parc. Les visites ont repris cependant et l'Uganda Wildlife Authority a habitué un nouveau groupe de gorilles pour le tourisme à Bwindi à partir de juillet 2002. L'Ouganda est considéré comme l'un des pays abritant les meilleurs sites d'observation des chimpanzés dans La nature” et Kibale est particulièrement remarquable à cet égard. La question de l'apport net du tourisme aux primates à leur conservation a tout de même été soulevée ;“* le tourisme centré sur les grands singes peut avoir des effets néfastes sur les animaux eux-mêmes” ainsi que sur leurs habitats.” Par exemple, il conviendrait de déterminer si Le développement d'un vaste réseau de sentiers affecte gravement le sous-étage forestier et améliore l'accès pour les chasseurs. Les recherches visant à évaluer ces impacts sur les gorilles de montagne et sur les chimpanzés sont en cours.*? Cependant, il faut noter que les braconniers éviteront vraisemblable- ment les sentiers utilisés par les touristes, les chercheurs et les gardes, ce qui compenserait tout autre impact négatif de l'ouverture de ces sentiers. nationaux Les sanctuaires L'Uganda Wildlife Education Centre (UWEC] est La structure officielle d'hébergement des animaux saisis en Ouganda; il abrite aussi une communauté de huit chimpanzés ainsi que divers autres animaux. STRATÉGIES FUTURES DE CONSERVATION En 1999, Les Instituts Jane Goodall et La Wildlife Conservation Society ont démarré un programme de quatre ans sur l'évaluation de la situation actuelle des chimpanzés, en collaboration avec L'Uganda Wildlife Authority et le Forest Department.” Le programme se fonde sur une évaluation de la viabilité de La population et de l'habitat réalisée en 1997 par le Groupe d'experts en conservation de l'UICN.? Un Plan d'Action National quinquennal a été élaboré sur la base des conclusions de cette évaluation” et il a été revu par le Ministère du Tourisme, du Commerce et de l'Industrie. L'objectif quinquennal du plan d'action national sur Le chimpanzé” est de : « renforcer La protection des chimpanzés et accroître la viabilité des populations dans les principaux blocs forestiers en instaurant des corridors. » Pour y parvenir, six objectifs ont été fixés : M Réduire la fragmentation et la destruction des principaux habitats de chimpanzés ; M Réduire les conflits entre Les communautés locales et Les chimpanzés ; M Encourager la sensibilisation sur les valeurs des chimpanzés ; MH Réduire le nombre de décès et blessures causés par les hommes ainsi que le commerce des animaux de compagnie ; MB Accroître la responsabilité sociale citoyenne en ce qui concerne les chimpanzés ; M Réduire les risques de transmission des maladies entre les hommes et les chimpanzés ; Plusieurs projets et activités ont été définis pour chaque objectif, notamment : M La mise en place d'un système de suivi qui permet au Forest Department (aujourd'hui National Forest Authority) de déceler rapidement les activités illégales et d'y mettre un terme ; M Lélaboration et le financement de projets d'enlèvement des collets à Bugoma, Budongo et Kasyoha-Kitomi ; M La sensibilisation accrue des agences chargées de l'application des lois (douanes, police, etc.) et des organisations interna- tionales, (ONU, corps diplomatique, compagnies aériennes, Interpol] en AFRIQUE : OUGANDA Tourisme dans Le Parc National de Kibale. 455 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 456 produisant par exemple des affiches et des brochures qui seront distribuées et en s'assurant que les connaissances perti- nentes sont intégrées dans la formation en matière de mise en application de la loi; H La collaboration avec les propriétaires fonciers dans la définition et le maintien des corridors entre habitats (en particulier autour des forêts de Bugoma et Budongo) ; M L'identification des qualités que doit présenter un corridor pour que les chimpanzés l'empruntent librement ; M La conception de ruches résistant aux chimpanzés pour les communautés prati- quant l'apiculture, riveraines des blocs forestiers ; MH L'élaboration et Le financement de projets de conservation, d'éducation et de développe- ment communautaires de concert avec les populations riveraines des forêts de Budongo, Bugoma et Kasyoha-Kitomi ; Æ La mise en œuvre d'une campagne nationale de sensibilisation sur l'environnement, avec un accent sur les grands singes, à l'intention des élèves du primaire et du secondaire et l'intégration de ces questions dans les programmes scolaires nationaux ; M La sensibilisation accrue des sociétés en vue de l'élaboration et de La mise en œuvre de politiques environnementales visant à promouvoir la conservation des chim- panzés ; M Lélaboration d'un programme de suivi sanitaire des chimpanzés ; M Le financement des travaux de rénovation des structures sanitaires publiques mises à la disposition des communautés dans les zones proches des sites touristiques et de recherche ; MH L'évaluation et l'élaboration de directives normalisées en matière de recherche et de OUVRAGES À CONSULTER tourisme liés aux chimpanzés ; M Le financement et l'élaboration d'un projet de définition de directives sanitaires pour les touristes visitant des chimpanzés ; M L'amélioration de l'expérience ougandaise en matière de tourisme aux chimpanzés et l'amélioration de la commercialisation des produits (ex. amélioration des infrastruc- tures, investissement dans l'apprivoisement, amélioration de l'expérience des guides) ; M L'évaluation de l'impact de l'écotourisme sur les chimpanzés, les populations locales et l'environnement. Dans African Primates : Status Survey and Conservation Action Plan” le Groupe d'experts de l'UICN/SSC recommande en outre (entre autres] la surveillance et la protection continues des gorilles des Virungas et de Bwindi, La réalisation d'études en vue de trouver la stratégie et les mesures les plus pertinentes pour le tourisme dans les deux aires et l'amélioration des programmes de sensibilisation. Recherche et éducation Des recherches doivent être entreprises sur les incidences des perturbations dues à l'homme sur les gorilles et les autres animaux sauvages du Parc National de la Forêt Impénétrable de Bwindi. L'attention doit être surtout portée sur les zones touristiques et polyvalentes qui ont été créées à la lisière du parc pour l'apiculture, le prélèvement des produits forestiers non ligneux, etc.” L'élaboration de programmes de conservation-éducation a été identifiée comme une priorité pour les écoles des zones de Biiso, Budongo, Kijunjuba et Pakanyi (sud) autour de la Réserve forestière de Budongo et dans la zone de Mabale autour de la Réserve forestière de Bugoma.” Edroma, E., Rosen, N., Miller, P., eds (1997) Conserving the Chimpanzees of Uganda: Population and Habitat Viability Assessment for Pan troglodytes schweinfurthii. IUCN/SSC Conservation Breeding Specialist Group, Apple Valley, Minnesota. Howard, P.C., Davenport, T.R.B., Kigenyi, F.W., Viskanic, P. Baltzer, M.C., Dickinson, C.J., Lwanga, J., Matthews, R.A, Mupada, E. (2000) Protected area planning in the tropics: Uganda's national system of forest nature reserves. Conservation Biology 14 (3): 858-875. AFRIQUE : TANZANIE McNeilage, A. Plumptre, A.J., Brock-Doyle, A., Weber, À. (2001) Bwindi Impenetrable National Park: gorilla census 1997. Oryx 35 (1): 39-47. Plumptre, A.J., Arnold, M., Nkuuta, D. (2003) Conservation Action Plan for Uganda's Chimpanzees 2003-2008. Wildlife Conservation Society/Jane Goodall Institute. Plumptre, A.J., Cox, D., Mugume, S. (2003) The Status of Chimpanzees in Uganda. Albertine Rift Technical Report Series 2. Wildlife Conservation Society, New York. Reynolds, V. (2005) The Chimpanzees of the Budongo Forest. Oxford University Press, Oxford. Struhsaker, T.T. (1997) Ecology of an African Rain Forest: Logging in Kibale and the Conflict between Conservation and Exploitation. University Press of Florida, Gainesville SOURCES DES DONNÉES CARTOGRAPHIQUES Carte 16.20 Les données sur les grands singes sont issues des sources ci-après: Butynski, T.M. (2001) Africa's great apes. In: Beck, B.B., Stoinski, T.S., Hutchins, M. Maple, TL., Norton, B., Rowan, À. Stevens, E.F., Arluke, À. eds, Great Apes and Humans: The Ethics of Coexistence. Smithsonian Institution Press, Washington, DC. pp. 3-56. With additional data by personal communication from Plumptre, A. (2004) and from the following sources: Kalpers, J., Williamson, E.A., Robbins, M.M., McNeilage, A., Nzamurambaho, A. Lola, N., Mugiri, G. (2003) Gorillas in the crossfire: population dynamics of the Virunga mountain gorillas over the past three decades. Oryx 37: 326-337. Plumptre, A.J., Cox, D., Mugume, S. (2003) The Status of Chimpanzees in Uganda. Albertine Rift Technical Report Series 2. Wildlife Conservation Society, New York. Pour Les données sur les aires protégées, voir Comment utiliser Les cartes’ REMERCIEMENTS Je remercie Maria Arnold (Université Nationale Australienne), Thomas Butynski (Conservation International), Alexander Harcourt (Université de Californie, Davis), Joanna Lambert (Université de l'Oregon], Julia Lloyd (Jane Goodall Institute- Ouganda), Cherie Montgomery-Lianda (Chimpanzee Sanctuary & Wildlife Conservation Trust), Andrew Plumptre (Wildlife Conservation Society), Vernon Reynolds (Projet des forêts de Budongo), Craig Stanford (Université du sud de la Californie), et Richard Wrangham (Université de Harvard) pour leur précieux concours lors de la rédaction de cet article. AUTEUR Nigel Varty, Centre international de supervision de la conservation du PNUE RÉPUBLIQUE UNIE DE TANZANIE JARED BAKUSA ET EDMUND McMaNus HISTOIRE ET ÉCONOMIE La République Unie de Tanzanie est ainsi nommée parce qu'elle résulte de l'union, en 1964, du Tanganyika et de Zanzibar peu après leur indépendance de la tutelle britannique en 1961 et du Royaume-Uni en 1963 respectivement. Située en Afrique de l'est au bord de l'Océan Indien, la Tanzanie a comme pays voisin le Burundi, le Rwanda, l'Ouganda, le Kenya, le Mozambique, le Malawi, la Zambie et La République Démocratique du Congo (RDC). Sa population avoisine Les 36 millions d'habitants avec un taux de croissance annuel de 1,95 %.° Sa superficie est de 886 036 km2 et l'agriculture compte pour moitié dans les 10,1 milliards d'USD du produit intérieur brut (PIB), * soit près de 280 USD par habitant par an.** Elle constitue par ailleurs 85% des exportations et emploie 80 % de la main-d'œuvre. Le relief et Le climat limitent les terres cultivées à seulement 4 % de la superficie du pays. La Tanzanie est l'un des 457 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Chimpanzés dans le Parc National de Gombe. 458 e Jane Goodall Institute [JGI] pays les plus pauvres au monde et en 2004, il était classé au 162°"* rang sur 177 pays sur l'Indice de Développement Humain.” L'exploitation de l'or, du pétrole et du gaz, de même que les réformes macroéconomiques ont permis de soutenir La crois- sance du PIB qui devrait dépasser 5,2 % en 2004.° La Tanzanie est un pays pacifique et stable qui ne connaît que peu de clivages tribaux ou régionaux.” RÉPARTITION DES GRANDS SINGES Seul le chimpanzé oriental (Pan troglodytes schweinfurthi] est naturellement présent en Tanzanie. Les chimpanzés préfèrent généralement les forêts sempervirentes ou semi-décidues que l'on trouve en Tanzanie surtout sur les basses terres et le long des fleuves et des vallées. “"? On Les trouve dans les régions de Kigoma et Rukwa dans la partie occidentale du pays, le long des rives du Lac Tanganyika et, plus loin à l'intérieur du pays, à l'ouest du fleuve Ugalla, y compris dans la Réserve forestière de Tongwe Est"! Une petite population de chimpanzés, probablement de la sous-espèce occidentale (Pt. verus) a été introduite dans l'île couverte de forêt de Rubondo sur le Lac Victoria en 1966-1969. Ces 17 animaux avaient été au départ capturés en Guinée, en Sierra Leone et en Côte-d'Ivoire et gardés en captivité en Europe avant d'être relâchés dans ce qui est maintenant le Parc National de Rubondo (457 km?). On estime que cette population a au moins doublé depuis son introduction.” "?"* MENACES D'une manière générale, les chimpanzés de Tanzanie ont peu à craindre de la chasse car les traditions locales interdisent la consommation des primates. Cependant, au cours des dernières années, de nombreux réfugiés sont arrivés de pays (la RDC par exemple] où la culture n'interdit pas La consommation des primates et les Tanzaniens tuent quelquefois les chimpanzés pour prélever des parties de leurs corps utilisées dans Le cadre de la médecine traditionnelle? Les forêts qui persistent s'étendent sur 388 110 km? dont chaque année 910 km? en moyenne disparaissent (0,2%),° mais ces chiffres pourraient ne pas refléter exactement la gravité des problèmes environne- mentaux locaux, notamment la déforestation, la désertification et la dégradation des sols. Les images satellites de 1991 et 2003 par exemple, montrent que 4% des forêts seraient détruits chaque année autour du Parc National de Gombe” {voir Encadré 13.2]. L'une des raisons de ce phénomène pourrait être Les pressions humaines, puisque le taux de croissance annuel de la population dans la région de Kigoma est passé de 2,8% (recensement de 1978-1988) à 4,8% (recensement de 1988-2003]. IL en résulte que le Parc National de Gombe (35 km] est devenu un îlot forestier quasi isolé alors qu'il formait jadis une petite parcelle d'une zone forestière plus grande. L'agriculture de subsistance dans des zones marginales telles qu'Ugalla est de plus en plus source de destruction de la forêt. En 1979, la population de chimpanzés en Tanzanie était estimée à un peu moins de 2 000 chimpanzés orientaux, dont un peu moins de 480 femelles.” En 2000, Les chiffres étaient globalement les mêmes, c'est-à-dire entre 1 500 et 2 500 individus? mais on présumait un déclin en raison d'importantes destructions de l'habitat Le long des rives du Lac Tanganyika et au nord du fleuve Malagarasi. Plus de 80 % des Réserves forestières de Luiche, Mlele et Mkuti par exemple ont été convertis à l'agriculture ou brûlés en vue de l'obtention du charbon de bois.” Les populations d'Ugalla, de Lwazi"° et du Parc National de Gombe” ont été estimées à un peu moins de 90 individus,” et celles du Parc National des Monts Mahale étaient évaluées à près de 700 individus en 1967." Le nombre exact de chimpanzés dans d'autres régions de la Tanzanie n'est pas connu et on ne saurait dire si La population est restée stable pendant cette période. LÉGISLATION ET ACTIONS DE CONSERVATION Le gouvernement de Tanzanie a signé La Convention sur la Diversité Biologique (ratifiée en 1996), et La Convention des Nations Unies sur la Lutte contre la AFRIQUE : TANZANIE Carte 16.21 Répartition des chimpanzés en République Unie de Tanzanie. Références bibliographiques à la fin de ce chapitre Chimpanzé oriental observé en 1996-2003 Chimpanzé oriental observé après 1983 Chimpanzé oriental observé avant 1983 Chimpanzé oriental disparu localement vers 1940 # Chimpanzé occidental observé en 1996-2003 Aire de répartition estimée fr Chimpanzé oriental PN de Rubondo *: / =. ? ; KENYA LS) 2 PN, SPM &RB 4 . WEUTE) de Serengeti PN de LL] Fe ; £ Kilimanjaro Le Ç end # PN & RG ES REX up CRETE REPUBLIQUE 0 ” T æ ; - 2 “ à Ÿ- k ‘ 3 DEMOCRATIQUE ane D £ Ta RE OUGANDA DU CONGO FA __ RFde. N AE Luazi RETZ BURUNDI REPUBLIQUE UNIE DE TANZANIE REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE ZAMBIE MALAWI 459 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION La vallée de Kansyana dans le Parc National de Mahale à l'ouest de La Tanzanie. Située sur Les berges du lac Tanganyika, elle constitue l'habitat central des chimpanzés de Mahale étudiés depuis 1965. 460 Michael Huffman Désertification (ratifiée en avril 1997]. Les chimpanzés et leurs habitats sont protégés par la Politique forestière nationale (1994), l'Ordonnance sur Les parcs nationaux (1959] et La Politique sur La Nature de Tanzanie (1998). Situé à La bordure nord du Lac Tanganyika, le Gombe a été érigé en réserve de faune en 1943 et en parc national en 1968. Les chimpanzés du Parc National de Gombe ont fait l'objet d'études régulières pendant de nombreuses années et sont bien protégés.” L'Institut Jane Goodall (JGI), fondé en 1977 par Jane Goodall, appuie la recherche comportementale sur les chimpanzés du parc. Dans l'optique d'une meilleure conservation des chimpanzés à l'ouest de La Tanzanie, l'Institut Jane Goodall a créé Le projet de Captage, de Reboisement et d'Education du Lac Tanganyika (TACARE)] qui vise a impliquer les populations riveraines dans la restauration des forêts. IL travaille avec 33 villages et entend promouvoir la préservation de l'habitat des primates, La conservation communautaire, l'éducation et l'engagement des jeunes, l'accroisse- ment du rôle des femmes et La lutte contre le commerce de viande de brousse. Les activités portent, entre autres, sur la plantation des arbres, La prévention de l'érosion des sols et La promotion de La planification familiale ainsi que la sensibilisation au sujet du SIDA. La destruction de l'habitat résultant en partie du prélèvement du bois pour la cuisine, des sources d'énergie alternatives sont donc recherchées dans le cadre du projet TACARE. L'institut Jane Goodall et l'USAID ont récem- ment procédé à l'évaluation du projet TACARE avec une méthode d'évaluation de la réduction des menaces, des données de télédétection et un système d'information géographique (SIG). Ils ont ont ainsi identifié cinq principales menaces aux forêts situées hors du Parc National de Gombe.' IL s'agit de la conversion des forêts à l'agriculture de subsistance, la conversion à des cultures de rente telles celle du palmier à huile, l'exploitation locale des forêts, le prélèvement du bois de chauffe et Le brüûlis. La conclusion de cette évaluation est que, pour réduire ces menaces, il conviendrait d'adopter des approches plus stratégiques de conservation - planification et actions de conservation plus restreintes dans l'espace et dans Le temps sur des parcelles de forêt spécifiques. En conséquence, l'Institut Jane Goodall a adopté le processus et Les outils de planification de la « Conservation plani- fiée » mis au point par The Nature Conservancy (TNC), afin d'optimiser l'efficacité de ses actions de conservation. parc national en 1985. Toshisada Nishida et ses collègues mènent des recherches sur les chimpanzés de Mahale depuis 1965. La Société de Zoologie de Francfort apporte son appui aux activités dans Le Parc National des Monts de Mahale depuis 1985, notamment par le biais du projet de gestion de l'écosystème de Mahale [MEMP)] financé par l'Union Européenne, qui devrait se dérouler de 2003 à 2008. L'objectif du projet est de conserver limportante biodiversité forestière et aquatique de Mahale tout en améliorant les conditions de vie et La sécurité environnementale des communautés riveraines du parc. Pour ce faire, Le projet de Gestion de l'Ecosystème de Mahale s'attelle à développer des activités en phase avec les objectifs de conservation et génératrices de revenus, à renforcer les institutions communautaires pour un développement durable, à améliorer le dialogue entre le parc et les populations, à identifier les actions prioritaires dans la gestion et les menaces sur l'écosystème, à élaborer des plans généraux de gestion du Parc National des Monts Mahale et de l'écosystème tout entier, et à soutenir l'admini- stration du parc, la protection des ressources et l'écotourisme. Les plans généraux de gestion des Parcs Nationaux de Rubondo, de Mahale et de Gombe sont actuellement en cours d'élaboration grâce à une collaboration entre les parcs nationaux de Tanzanie (TANAPA), la Société de Zoologie de Francfort et les Instituts Jane Goodall. Parmi les autres programmes de recherche sur Le terrain figurent celui d'Ugalla qui met l'accent sur l'écologie et La répartition des chimpanzés, et un autre sur l'île de Rubondo pour étudier l'écologie de lîle, l'adaptation sociale et écologique des chim- panzés à leur nouvel habitat et leurs relations avec les autres animaux (indigènes et exotiques) de l'île. Depuis le milieu des années 90, les Instituts Jane Goodall ont aidé à La création de sanctuaires de chimpanzés à travers toute l'Afrique. STRATÉGIES FUTURES DE CONSERVATION La Tanzanie ne connaît pas Les graves problèmes qui motiveraient des actions de conservation dans d'autres pays d'Afrique, à savoir le commerce excessif de la viande de brousse, l'exploitation accélérée et à grande échelle des forêts, la guerre et ses problèmes corollaires de réfugiés et de déplace- ments de populations. Aussi les besoins de la Tanzanie en matière de conservation sont-ils plus ‘tactiques et spécifiques aux sites, notamment la OUVRAGES À CONSULTER nécessité de stabiliser l'utilisation des terres à l'intérieur et autour d'aires protégées précises et d'étendre ou de restaurer ces dernières le cas échéant. Les chimpanzés de Gombe, par exemple, sont menacés car le parc est trop petit pour les supporter tous à long terme, et ce d'autant plus qu'il est maintenant devenu une île forestière entourée de collines pelées.*' De toute évidence, la survie de cette population est liée, non à une simple stabi- lisation, mais à l'accroissement des habitats de chimpanzés au-delà des limites actuelles du parc.‘ Le Parc National de Mahale est également menacé par la dégradation des habitats en dépit de sa taille plus importante. Les chimpanzés de Gombe et de Mahale sont également exposés au péril des maladies qui, pour la plupart, sont susceptibles d'être transmises en raison de la proximité des hommes et de leurs habitations.*?"# Pour résoudre ces problèmes, des programmes à long terme doivent être concus et débattus avec les experts locaux des zones alentour et ils doivent intégrer le double objectif de l'arrêt de la rapide dégradation des terres et des forêts et de l'amélioration des conditions de vie des populations villageoises. Goodall, J. (1990) Through a Window: My Thirty Years with the Chimpanzees of Gombe. Houghton Mifflin Company, Boston. Massawe, E.T. (1992) Assessment of the status of chimpanzee populations in western Tanzania. African Studies Monographs 13 (1): 35-55. Nishida, T., ed. (1990) The Chimpanzees of the Mahale Mountains. University of Tokyo Press, Tokyo. Tutin, C.E.G., White, L.J.T., Mackanga-Missandzou, A. (1997) The use by rain forest mammals of natural forest fragments in an Equatorial African savanna. Conservation Biology 11 [5]: 1190-1203. SOURCES DES DONNÉES CARTOGRAPHIQUES Carte 16.21 les données sur Les chimpanzés sont issues des sources ci-après: Butynski, T.M. (2001) Africa's great apes. In: Beck, B.B., Stoinski, T.S., Hutchins, M., Maple, T.L., Norton, B., Rowan, A., Stevens, E.F, Arluke, A. eds, Great Apes and Humans: The Ethics of Coexistence. Smithsonian Institution Press, Washington, DC. pp. 3-56. Avec des complémentaires tirées des communications personnelles de Idani, G. et Ogawa, H. (2003), Pintea, L. (2004), et des sources suivantes : Moscovice, L.R., Huffman, M.A. (2002) The chimpanzees of Rubondo Island, Kakakuona. Tanzanian Wildlife 27: 56-60. Ogawa, H. (1997] The discovery of chimpanzees in the Lwazi River Area, Tanzania: a new southern distribution limit. Pan Africa News 4 (1). http://mahale.web.infoseek.co.jp/PAN/4_1/4(1]-01.html. Accessed June 12 2005. Schoeninger, M.J., Moore, J., Sept, J.M. (1999) Subsistence strategies of two ‘savanna” chimpanzee populations: the stable isotope evidence. American Journal of Primatology 49 [4]: 297-314. AFRIQUE : TANZANIE 461 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Pour les données sur les aires protégées, voir Comment utiliser les cartes’ REMERCIEMENTS Nous remercions vivement Michael Huffman [Université de Kyoto], Lilian Pintea (The Nature Conservancy), Janette Wallis (Université d'Oklahomal], et Michael Wilson (Centre de recherche de Gombe Stream) pour leur précieux concours lors de la rédaction de cet article. AUTEURS Jared Bakusa, Université de Dar Es Salaam Edmund McManus, Centre international de supervision de La conservation du PNUE 462 CHAPITRE 17 Asie RÉPUBLIQUE D'INDONÉSIE Kim MCConkEY, JULIAN CALDECOTT, ET EDMUND MCMANUS HISTOIRE ET ÉCONOMIE La République d'Indonésie a déclaré son indépendance vis-à-vis des Pays-Bas en 1945 et, après une ‘intervention militaire’ hollandaise, cette indépendance a finalement été reconnue en 1949. L'accord consacrant l'indépendance exclut la Nouvelle-Guinée occidentale (Papouasie/Irian Jaya), qui est restée sous contrôle hollandais jusqu'en 1962, date à laquelle elle fut intégrée à l'Indonésie.“ Au départ, le pays avait une structure fédérale qui fut dissoute en 1950 pour devenir une république unie sous son président fondateur Sukarno. La première élection tenue en 1955 n'a apporté aucun résultat, ce qui a conduit à l'introduction de La loi martiale en 1957 et à une période de démocratie guidée’ à coloration communiste entre 1959 et 1965. Un coup d'état, suivi d'un contrecoup en 1965, ont entraîné la suppression du Parti communiste indonésien (PKI), le massacre de centaines de milliers de ses militants, et l'accession du Président Suharto à la tête du pays. Il a dirigé Le pays de facon autocratique avec l'appui des États-Unis jusqu'à sa chute Lors de la crise financière asiatique de 1997-1998. Depuis lors, les institutions et la société indonésiennes subissent une évolution rapide sous les présidences successives de B.J. Habibie, Abdurrahman Wahid et Megawati Sukarnoputri. À la suite de La première élection présidentielle directe, Susilo Bambang Yudhoyono et Jusuf Kalla ont été investis respectivement comme président et vice-président le 20 octobre 2004. L'Indonésie est composée de près de 17 000 îles qui totalisent une superficie de près de 2 millions de km’. Ces îles comptent 50 000 à 80 000 km de côtes. La superficie des eaux territoriales est de 3 millions de km? qui s'étirent sur 5 100 km, entre l'Asie continentale et l'Australie, reliant l'Océan Indien à l'Océan Pacifique. Bien que l'Indonésie soit généralement considérée comme un pays d'Asie du sud-est, et qu'elle soit en effet un membre fondateur de l'Association des Nations de l'Asie du sud-est (ANASE), la grande majorité du territoire indonésien se trouve dans des zones qui ne sont asiatiques ni du point de vue biogéographique ni du point de vue culturel. Les grands singes sont confinés dans les îles de Sumatra (475 000 km‘) et de Bornéo (740 000 km”, dont 536 000 km’ dans la partie indonésienne de Kalimantan) dans l'ouest de l'Indonésie, qui s'élèvent de La plate-forme continentale asiatique (Sunda) le long de Java (133 000 km]. La population de l'Indonésie était estimée à 235 millions d'habitants en 2003,° avec un taux de croissance annuel de 1,5 %. Ce faible taux de croissance traduit la politique gouvernementale de promotion de la stratégie nationale de planification familiale baptisée dua cukup (« deux c'est assez »). Près des deux tiers des indonésiens vivent sur Java et les îles voisines de Madura et Bali. Ce choix se justifie par leur civilisation qui s'appuie sur l'agriculture irriguée pratiquée sur leurs riches sols volcaniques. Le peuple indonésien se caractérise par une grande diversité culturelle, avec plusieurs centaines de groupes ethnolinguistiques distincts, dont la plupart en Papouasie Occidentale, une partie de l'île possédant la culture est la plus riche au monde. La langue indonésienne est utilisée comme langue officielle dans tout le pays. Elle prend ses origines du malais, une langue austronésienne utilisée pour le commerce et parlée partout dans l'archipel malais (qui comprend la Malaisie et les Philippines). En 1988, près de 10 % du territoire indonésien étaient classés comme terres arables, 7,2 % étant en culture continue.” L'agriculture de subsistance et la pêche sont deux activités importantes pour la ASIE: INDONÉSIE 463 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Références bibliographiques à la fin de ce chapitre ésie Carte 17.1 Répartition des grands singes en Indon RAR TI CRT ITA 4 I S 4 N Bunnd Sunfuez 8P Nd> nefueqges eP Nd ep Na SNLVAaN NYNvNL uededyeg :0 le 8P Nd fo unyuiey Sunjeg ep Nd 404 9P 4S ? Nd NEAVAFS L'NVTTSSAHTA IANQUA ATVAISAT N'IIGNINFI20 N O 4 NI PAPOUASIE- NOUVELLE-GUINEE O3NYOg VALVNNS AISIVIVIN ATHNOIGRITN\ ANIHO 44 XI 4aNYT IANNUA IVFN HO ONF LAIA SANIddI'TIH4 Bumeqyniez -ueieBunf le nepueue7 uefuemepuey ès (es) we UUIEISS UesHIEg 2 SQIPINS P Nd [] a N I Bungeg Bununo 8p Nd (N 98 ob ‘LL ZE) S'T < HR s'r-c'L s'L-0'L 0'L-S'0 I g'o > enuuooul a}ISUSP aun E JUes,id LR) . (auyxnewiue) fueyno-Bueio, sp uoljnqusiq NAIGANI NF490 (Ads) enewuns ep epluny ejeoidoi} 1210} ep euloul}jed unind efIL 14ng SP N ILNvd ONV9vO rs HNDOdVONIS ITFNOIGIUAI INDHO TAN THIN FN LAHTA 1.604 185187 010409 ep Bununo 8p Nd ueyno-Bue1o,p a1ju29 18Sn97 au19]SÂS09 oujuer/Snuld uen} 8P NY wefy yemeles Bununo 8p N4 HGNV'IIVHIL HIAOAHINTI 3.001 464 population locale dans l'ensemble du pays, et plusieurs zones ont été converties en exploitations agricoles, notamment en palmeraies (Elaeis guineensis]. Entre 1967 et 2000, la superficie totale des palmeraies en Indonésie est passée de moins de 2000 km’ à plus de 30 000 km’. L'économie a été pendant longtemps dominée par les industries extractives, Le pétrole, le gaz et Les minéraux solides fournissant la majorité des recettes en devises du pays. L'industrie du bois est également importante, l'exploitation forestière ayant démarré au début des années 60 au Kalimantan. En 1988, des concessions avaient été attribuées sur une superficie totale de près de 434 000 km’, soit Les trois-quarts du couvert forestier indonésien‘ À la suite d'une décision gouvernementale dans les années 70, visant la réduction progressive des exportations de grumes, l'Indonésie n'a exporté que 1,4 million de m° de grumes et 8,2 millions de m° de contre-plaqués en 1991. Le volume total de bois prélevé est passé, lui, de près de 16 millions de m° en 1981 à 26 millions de m° environ en 1987 :” Le prélèvement total annuel envisagé pour 1995-2000 était de plus de 37 millions de m’. Malheureusement, la crise financière asiatique survenue en 1997 et La chute du régime Suharto en 1998 ont sérieusement mis à mal la capacité du gouvernement à réguler l'industrie du bois. La demande de bois en provenance des industries de transformation indonésiennes était estimée en 2002 à 63 millions de m°, alors que Les coupes annuelles autorisées par le gouvernement étaient de 12 millions de m°.“ Cette disparité explique l'exploitation illégale de bois, qui produit 50,7 millions de m° de grumes par an, causant ainsi à l'état des manques à gagner fiscaux de l'ordre de 30 042 milliards de Rupiah au moins (3,18 milliards de dollars]),' et exerçant une énorme pression sur le reste du domaine forestier protégé en Indonésie”. En décembre 2004, un tsunami a détruit Les habitats le long de La côte d'Aceh, tuant des milliers de personnes. Les orangs-outans auraient été très peu touchés, mais la demande en bois pour la reconstruction engendre de nouvelles menaces sur les forêts au nord de Sumatra (cf. Encadré 11.2). RÉPARTITION DES GRANDS SINGES L'Indonésie abrite les deux espèces d'orangs- outans : Pongo abelii au nord de Sumatra et Les trois sous-espèces de Pongo pygmaeus dans le Kalimantan (Bornéo indonésien) : P.p. morio dans la province orientale du Kalimantan, P.p. pygmaeus à l'ouest du Kalimantan et P.p. wurmbii au centre du Kalimantan (cf. carte 17.1]. P. pygmaeus est également présent au Sarawak (Bornéo malaisien), mais 80% de la population, et l'habitat le plus propice, se trouvent dans le secteur indonésien de île.” La répartition des grands singes a connu une baisse concomitante à La réduction de la surface des forêts en Indonésie. Les biologistes de La conservation travaillant sur les orangs-outans utilisent des « blocs d'habitats » comme unité de base pour leur planification, chaque bloc étant une zone d'habitats connectés, séparée de toutes les autres par des barrières normalement infranchissables, tels que les grands fleuves ou de vastes surfaces cultivées. Le bloc d'habitat correspond ainsi à une population distincte, difficilement colonisable par des individus venant d'autres populations. Une fois les blocs d'habitats identifiés, l'élaboration des plans de conservation exige alors une connaissance de la taille de La population et du rythme d'évolution au sein de chacune. À Sumatra, 11 blocs d'habitats (NdT, mise à jour selon com. pers. S.Wich] ont été identifiés, sur près de 9000 km’ au total. En 2003, le nombre d'orangs-outans habitant ces zones était estimé à environ 7 000 individus"? (6 700 en 2007, com. pers. S.Wich] avec trois populations comptant chacune plus de 1 000 individus. Les orangs-outans semblent être localement éteints au sud du Lac Toba, à l'exception de deux petites populations. L'Éco- système Leuser (Encadré 11.2) contient quatre blocs d'habitats : Leuser occidental (2 508 individus), Leuser oriental (1 052 individus), les marécages de Trumon-Singkil (1 500 individus), et les marécages de Tripa (280 individus). La priorité est de relier ces quatre unités afin d'obtenir une population unique de près de 5 340 orangs-outans. Les marécages de Tripa sont déjà très fragmentés et seront difficiles à relier au Leuser occidental, mais il existe toujours un corridor de forêt dégradée entre le Leuser occidental et Les marais de Trumon-Singkil qui est en cours de réhabilitation par le Programme de Développement de Leuser (avec le soutien de la Commission Européenne). En 2002 à l'ouest de Kalimantan, la superficie des habitats disponibles pour P. pygmaeus était estimée à près de 85 000 km’, ‘” divisée en 306 groupes d'habitats et peuplée par 2000 à 2 500 individus seulement.” IL existe une population relativement importante de P.p wurmbii au Kalimantan central, estimée actuellement à plus de 32 000 individus. Elle est implantée dans les aires ASIE: INDONÉSIE 465 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 466 des parcs nationaux de Tanjung Puting, Gunung Palung, Sebangau"”, et les marais de Kapuas-Barito (Mawas}*. Une nouvelle aire d'importance, étudiée pour la première fois en 2003, est Arut-Belantikan aux pieds des Monts Schwaner.”” Elle est couverte par une forêt de diptérocarpes d'une superficie totale de 5600 km’, avec une population de P.p. wurmbii estimée de 6 000 à 6 500 individus. La population principale de P.p. morio à l'est de Kalimantan se trouve dans la zone de Berau {y compris Gunung Gajah), où survivent près de 1 558 orangs-outans.*” IL existe plusieurs petites populations, ce qui ajoute quelque 1 500 individus à la population de cette sous-espèce. MENACES Conformément au processus indonésien d'amé- nagement des terres qui est largement basé sur l'exploitation forestière et l'extension des plantations, les deux espèces d'orangs-outans sont menacées d'extinction à cause surtout de la destruction à grande échelle de leur habitat et de La fragmentation des forêts”, aggravées par la chasse et la persé- cution que subissent ces animaux jugés nuisibles pour l'agriculture. Ces activités se poursuivent, malgré le fait que les orangs-outans sont protégés en Indonésie depuis 1924. Les efforts de conser- vation n'ont pas réussi à ralentir la réduction des habitats des orangs-outans. Près de 55000 km’ d'habitat des orangs-outans de Bornéo ont été perdus entre 1993 et 2002 et une grande partie de La forêt restante est affectée par les activités d'exploi- tation forestière et Les feux de forêt. Le risque de feux de forêt est accru par l'exploitation forestière qui ouvre et morcelle la forêt, provoquant ainsi l'assèchement des zones forestières, normalement humides, qui deviennent alors sujettes aux embrasements. On estime que peu de forêts situées à moins de 1000 m d'altitude survivront jusqu'en 2010, tant à Sumatra qu'à Kalimantan.”* En novembre 2003, un glissement de terrain a provoqué une inondation instantanée dans Le Parc National de Gunung Leuser entraînant la mort de plus de 140 personnes et détruisant un village touristique à Bukit Lawang dans la régence de Langkat. D'autres inondations dans la région ont été attribuées aux activités d'exploitation forestière illégale. Le développement des infrastructures fait également peser des menaces sur l'habitat des orangs-outans, étant donné que la construction des routes a pendant longtemps été considérée comme une des manifestations concrètes des investisse- ments du gouvernement en faveur du dévelop- pement. La campagne pour la construction des routes est puissante, les intérêts de La conservation sont relativement faibles, et des routes ont été construites dans de nombreuses aires protégées à travers le pays. Le projet routier de Ladia Galaska à Sumatra qui, s'il était poursuivi, diviserait en deux lune des plus grandes populations restantes d'orangs-outans dans l'écosystème du Leuser illustre bien ce danger réel. IL ouvrirait également une très vaste nouvelle aire d'exploitation commerciale, légale où non, ce qui explique que ce projet soit soutenu par de puissants groupes de pression au sein du gouvernement local, des opérateurs économiques et les forces armées. Comme ailleurs, les routes offrent un meilleur accès aux populations qui peuvent chasser et aux colons qui défrichent la forêt et peuvent tuer les orangs- outans qui s'attaquent à leurs nouvelles plantations. Les forêts des marécages tourbeux de Kalimantan souffrent également des canaux {voir Encadré 10.3] construits pour faire dégager les grumes issues de l'exploitation illégale, ce qui vide et détruit Les forêts. Par conséquent, les deux espèces d'orangs- outans sont sérieusement menacées en Indonésie, d'où l'impérieuse nécessité d'identifier des lieux où il serait réellement possible de protéger des populations viables et d'y consacrer des investis- sements adéquats. LÉGISLATION ET ACTION DE CONSERVATION Législation nationale La conservation en Indonésie est régie par La Loi n° 5 de 1990 régissant la conservation des ressources vivantes et leurs écosystèmes. Cette loi comporte une liste des espèces [y compris Les orangs-outans] couvertes par la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES) et définit diverses aires protégées sur la base de deux principales catégories : Les réserves sanctuaires {Article 14, sur les réserves naturelles intégrales et les sanctuaires de faune] et les aires de conservation de la nature (Article 29, sur les parcs nationaux, les grands parcs forestiers et Les parcs naturels). La même Loi prévoit ensuite Le zonage (Articles 32 et 34), la désignation des réserves de biosphère {Article 18), la protection des espèces menacées d'extinction et des espèces rares (Articles 20-25) et mentionne les zones tampons attenantes aux aires protégées [Articles 16 et 29). La gestion du système d'aires de conservation et La protection de la faune incombent à la Direction Générale de la Protection des Forêts et La Conservation de La Nature (PHKA) du Ministère des Forêts, en collaboration avec le gouvernement local et La police. La base juridique et institutionnelle pour l'application de La loi sur la conservation n'a jamais été clairement définie en Indonésie, bien qu'il existe plusieurs décisions présidentielles, ministérielles et du gouvernement local (keputusan| qui ont force de loi. En 1995 par exemple, la Loi UU 280/kpts 11/1995 a rendu illégal le relâcher des orangs-outans dans des zones où vivent encore des orangs-outans sauvages (ce qui a entraîné la fermeture du centre de réhabilitation et de relâcher de Bohorok à Sumatra). Les aires protégées En Indonésie, les plans de conservation ont été élaborés en même temps que les plans forestiers et d'utilisation des terres. Le développement de l'industrie du bois s'est fondé sur une classification consensuelle des fonctions de la forêt (Tat Guna Hutan Kesepakatan, TGHK). Le TGHK s'est déve- loppé en 1970-1985, sur la base de discussions entre différentes agences gouvernementales pour l'élaboration des cartes qui montrent l'affectation consensuelle des terres forestières aux différentes catégories d'utilisation permanente. Les cinq prin- cipales catégories et leurs utilisations forestières sont : Œ Réserve naturelle (aucun prélèvement de bois] ; M Forêt de protection (aucun prélèvement de bois) ; M Forêt de production limitée (coupe sélective à petite échelle] ; MH Forêt de production ordinaire (sélection indus- trielle ou coupe rase, selon le type de forêt] ; M Forêt de conversion (pour coupe rase et conversion à d'autres fins]. Ce système de classification n'a pas tenu compte des droits fonciers traditionnels des communautés locales qui n'ont pas été consultées. Le programme de catégorisation a été partiel à cause de l'insuffisance d'informations pour appuyer la planification spatiale et forestière :‘ toutefois, d'autres opérations de cartographie ont été effectuées pour remédier à cette défaillance. L'opération la plus importante à cet égard est celle entreprise par Le Ministère de La Transmigration à La fin des années 80, qui a élaboré des cartes sur l'utilisation des terres et le potentiel de ces dernières sur l'ensemble du pays en dehors de Java et de Bali, en vue d'identifier des endroits propices à recevoir des colonies humaines officielles.” Plus tard, le Ministère des Travaux publics a intégré ces cartes régionales de planification physique pour la transmigration (RePPProT) à celles du TGHK ainsi qu'aux cartes de planification des districts et des provinces. Ces cartes ont alors été mises à jour grâce à des observations de terrain et à de nouvelles images satellites qui ont permis de déterminer l'étendue réelle du couvert forestier, des forêts protégées, des aires de conservation de La nature, des réserves sanctuaires, l'alignement des routes existantes et futures, et d'autres projets de développement. La Loi n° 24 de 1992 prévoit un cadre législatif complet pour le système national de planification spatiale, malgré la persistance des contrastes entre les utilisations planifiées des terres et celles effectives. La planification du système national d'aires protégées en Indonésie s'est faite en même temps que Le TGHK, et par la suite avec Le RePPProT. Dès 1990, l'Indonésie avait déjà classé 303 réserves naturelles terrestres de toutes catégories sur une superficie totale de 160 000 km’ soit 8,2% du territoire et 175 sites ont été proposés comme des réserves * de même type sur 20 000 km. Ces zones ont été choisies pour intégrer des échantillons viables et représentatifs de la plupart des écosystèmes et des populations de la majorité des espèces indigènes.” Plus de 300 000 km ont été désignés à travers le TGHK et le RePPProT comme forêts de protection. Le principal objectif de ces classifications était d'assurer la sauvegarde des installations de captage des eaux et des pentes escarpées. Les efforts de conservation dans les années 90 se fondaient sur un plan d'action national sur la biodiversité? et sur des analyses politiques ASIE: INDONÉSIE Orangs-outans en transit vers leur site de relâcher dans La province de Jambi, Sumatra. 467 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Orangs-outans de Bornéo dans Le Centre de réhabilitation de Wanariset, Indonésie. 468 Rondang Siregar comme l'/ndonesia Country Study on Biological Diversity. ® Ces actions ont bénéficié de l'appui des bailleurs de fonds pour un montant de près de 12 millions d'USD par an. La mise en place d'un système efficace d'aires protégées est donc apparue possible, avec une bonne couverture de la plupart des composantes de la biodiversité indonésienne. La gestion s'est avérée peu efficace dans de nombreuses réserves, ce qui traduit bien La modicité des ressources de la direction de tutelle au sein du Ministère des Forêts, à savoir la Direction Générale de la protection des Forêts et de la Conservation de la Nature (ancien PHPA, aujourd'hui PHKAJ. À l'époque, les dépenses de la PHPA et de ses partenaires s'élevaient en moyenne à près de 75 USD/km? par an pour tout Le système des réserves. \? Ce chiffre peut être comparé aux montants de 300- 500 % plus élevés consentis pour les réserves naturelles en Thaïlande et en Chine, ainsi qu'au minimum de 300-400 USD/km” par an recommandé pour la gestion des parcs nationaux par l'UICN." Les dépenses indonésiennes auraient dû s'élever à 130 millions USD au moins par an en moyenne pour être sur le même palier que celles de la Thaïlande et de la Chine. La crise financière asiatique de 1997 a dérouté tous les efforts d'accroissement des investis- sements. La chute du régime Suharto en 1998, après plus de 30 ans de règne, a sérieusement mis à mal la capacité du gouvernement central à imposer un système ordonné de gestion ou de conservation des forêts dans les îles extérieures comme Sumatra et Kalimantan. l'Indonésie est divisée en provinces, kubupaten (régences ou districts, dirigés chacun par un bupati, régent ou résident) en kecamatan (sous-districts, dirigés chacun par un camat}et en divers types de communautés. Une des conséquences des événements politiques des années 90 fut Le transfert d'autorité du centre vers Les régions, les kabupatens recevant ainsi une plus grande autorité qui leur permet de prendre leurs propres décisions concernant l'utilisation des terres et de la forêt. Cette décision s'est traduite dans plusieurs régions par une augmentation rapide de l'exploitation forestière et du déboisement, tant par des moyens légaux que frauduleux. Le kubupaten est une unité politique trop large pour être responsable devant ses habitants, mais assez petite pour être influencée par les sociétés privées et Les individus riches ou ayant des relations haut placées. Mais, à l'évidence, la population locale est de plus en plus sensible aux questions environnementales, et en réponse à la demande publique, certains kabupatens ont proposé la création de nouvelles aires protégées au gouverne- ment central de Jakarta. Le Parc National de Batang Gadis dans Le nord Sumatra en est l'exemple le plus récent et est La concrétisation d'un vœu, longtemps réprimé, émis depuis 1928 par les chefs traditionnels qui voulaient protéger l'écosystème du Leuser. De même, les populations locales de la région de Keyan Mentarang à l'est de Kalimantan ont pendant des décennies fait pression pour l'obtention d'un parc national, soutenues dans cette démarche par le WWF, organisme mondial de conservation. Cependant, le gouvernement central s'attelait à juguler l'exploitation forestière illégale. En 2004, il a initié un projet de loi qui prévoit la condamnation des individus responsables d'exploi- tation illégale du bois et des pyromanes à une peine minimale de 12 ans d'emprisonnement, ou à La mort dans les cas exceptionnels. En juillet 2004, une superficie de 25 950 km? couverte par les parcs nationaux de Gunung Leuser, Kerinci-Seblat et Bukit Barisan Selatan a été désignée Patrimoine de la Forêt Tropicale du Site du Patrimoine Mondial de Sumatra.” Le Parc National de Gunung Leuser fait partie de l'aire de l'écosystème Leuser et abrite des orangs-outans, alors que le Parc National de Kerinci-Seblat est Le site où ont été aperçus les ‘orang pendek’ {voir Chapitre 1). Projets de conservation Les organisations non gouvernementales (ONG) nationales et internationales avaient du mal à travailler en Indonésie, sous le régime Suharto, parce qu'elles étaient parfois traitées avec suspicion par les militaires au pouvoir à l'époque. Elles bénéficiaient néanmoins d'une certaine protection politique de La part du département ministériel longtemps dirigé par le Ministre d'Etat chargé des Populations et de l'Environnement (KLH), M. Emil Salim. Certaines se sont installées en travaillant prudemment avec le gouvernement central (ex. : WWF-Indonésie), en s'alliant avec les gouverne- ments provinciaux (ex.: l'opération menée par Biruté Galdikas au centre de Kalimantan), ou en formant des alliances aux deux niveaux. La conservation, la recherche et Les activités relatives à la réhabilitation ou la réintroduction par les sanctuaires avaient généralement une base commune pendant cette période, bien qu'elles aient été depuis lors quelque peu différenciées. Ces activités peuvent maintenant globalement être classées comme suit: M Les activités de quarantaine par lesquelles Les orangs-outans préalablement en captivité sont pris en charge, comme ceux du Programme de conservation des orangs-outans de Sumatra (SOCP), La Orangutan Foundation (OFI] Inter- national et OFI UK, et la Borneo Orangutan Survival Foundation (BOSF)] ; M Les activités de réhabilitation et de réintroduction, telles que celles menées à Meratus, Tanjung Puting et Lemandau à Kalimantan, ainsi que dans le Parc National de Bukit Tiga Puluh dans la province de Jambi à Sumatra ; M Les activités de recherche de terrain sur les orangs-outans sauvages, par exemple à Cabang Panti, Tanjung Puting, Kutai, Tuanan ou Mawas dans le Kalimantan ; et Ketambe, Bohorok et Dolok Sibual-Buali à Sumatra ; et M Les projets de conservation des habitats, comme ceux du Leuser Development Programme, et les projets à Mawas, aux Parcs Nationaux de Tanjung Puting et de Gunung Palung. À Sumatra, le SOCP a mis en place un programme de relâcher dans le Parc National de Bukit Tiga Puluh, dans la province de Jambi. IL assure aussi Le gros de l'étude et du suivi de la situation et de La répartition des orangs-outans sauvages de Sumatra. La Division de La Recherche, du Suivi et de l'Information de la Cellule de gestion du Leuser s'occupe des activités de recherche au sein de l'écosystème Leuser. Dans le Kalimantan, l'Orangutan Foundation International et UK financent les patrouilles dans le Parc National de Tanjung Puting, réhabilitent et relâchent des orangs-outans orphelins dans la réserve naturelle de Lamandau, et appuient les recherches en matière de conservation et de reboisement. BOSF réhabilite et relâche des orangs- outans orphelins dans la zone de Balikpapan et dans d'autres zones du Kalimantan, et est impliqué dans des projets de protection dans la zone de Mawas qui représente 5000 km’ de forêts de marécages tourbeux habitées par des orangs-outans. Parmi Les nombreuses ONG partenaires des autres pays qui soutiennent les travaux du BOSF, on peut citer la Balikpapan Orangutan Society-USA (BOS-USAI. L'Orangutan Conservation Forum (OCF] est un groupe d'organisations qui travaillent sur la conservation des orangs-outans par des programmes éducatifs. L'OCF a été initialement planifié au cours d'une rencontre à Palangkaraya, au centre de Kalimantan, en 2002. IL entend servir d'organisme central de communication et de facilitation de l'échange d'informations entre tous les groupes et personnes impliqués dans la conservation des orangs-outans, ainsi que dans l'éducation environnementale. IL jouera également un rôle clé dans l'orientation du Plan national de survie des grands singes (NGASP)] en Indonésie. STRATÉGIES FUTURES DE CONSERVATION De très fortes pressions s'exercent et poussent à la destruction totale des forêts des basses terres à Sumatra et dans le Kalimantan, mettant en péril ASIE: INDONÉSIE Un jeune orang-outan dans le site de quarantaine du Programme de Conservation de l'Orang-outan de Sumatra (SOCP). 469 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 470 l'avenir des espèces habitant ces forêts. L'espoir demeure cependant car Les populations de certaines régions commencent à réclamer des aires protégées et les responsables des gouvernements locaux commencent à en accorder avec l'aval des autorités nationales. La sensibilisation publique sur le sort des orangs-outans s'intensifie rapidement en Indonésie et on note une volonté politique d'agir contre l'exploitation illégale des forêts. L'urgence de l'action varie selon Les unités d'habitat et dépend du rythme actuel de l'exploitation forestière et La taille de la population d'orangs-outans. Certains habitats exigent une action immédiate pour la survie des orangs-outans. Si on peut contrôler la destruction des habitats, alors les actions visant à réduire la fragmentation seront plus pertinentes et pré- cieuses. Certaines des actions prioritaires inscrites dans le Rapport final d'évaluation de la viabilité de la population et des habitats des orangs-outans sont présentées ci-dessous. B Etudes. Des études systématiques doivent être menées sur l'aire de répartition des orangs- outans pour s'assurer que les sites prioritaires sont identifiés et que les protocoles de recherche sont normalisés. Des efforts concertés doivent être entrepris sur le terrain, notamment par des projets cadre pour les deux îles. Plus particulièrement, la recherche à Ketambe dans l'écosystème Leuser devra se poursuivre et s'élargir. La destruction des forêts doit être surveillée et une source de financement durable des recherches in situ sur les orangs-outans doit être trouvée. La parti- cipation des ONG locales doit être encouragée. Œ Protection. Des équipes chargées de la surveillance et de l'application des lois doivent être formées sur les techniques nécessaires pour l'identification et la protection des populations, des ressources clé, des corridors et des habitats essentiels en dehors des aires protégées actuelles. La surveillance par hélicoptère doit être envisagée. La politique de conservation doit être intégrée dans la politique gouvernementale. ŒB Education. La sensibilisation sur la nécessité de la préservation doit être assurée à travers des programmes éducatifs tant dans les établissements scolaires que dans les institu- tions nationales. La couverture par Les médias internationaux de la situation actuelle des populations d'orangs-outans doit être assurée. Actions régionales à Sumatra. Restaurer les liens entre les blocs d'habitats dans l'écosystème Leuser et les zones voisines {c'est-à-dire relier le Leuser Ouest au Leuser Est, et Les blocs d'habitats de Trumon-Singkil à ceux du Leuser Ouest}, et s'assurer que le projet de route de Ladia Galaska ne traverse pas le Parc National de Gurung Leuser. Actions régionales dans Le Kalimantan central. Etendre la frontière nord du Parc National de Tanjung Puting pour inclure la rive nord du fleuve Sekoyner et établir un corridor vers la forêt de l'est. Remblayer les canaux qui ont été creusés dans les marécages tourbeux pour faire naviguer les bois coupés clandestinement dans le bassin de Sebangau. Actions régionales dans le Kalimantan oriental. Désigner des réserves naturelles à Sangkulirang-Mankalihat et Sebuku-Semba- kung. Actions régionales au Kalimantan occidental. Renforcer les capacités dans le Parc National de Gunung Palung. BOSF est encouragé à poursuivre l'élaboration et la réalisation de modèles novateurs en vue de la conservation durable des populations d'orangs-outans de Mawas. Aménagement. Améliorer la qualité des habitats dans les zones dégradées, éventuel- lement par des plantations d'enrichissement. Multiplier les alternatives économiques durables pour les communautés riveraines des habitats critiques d'orangs-outans. Réhabilitation et translocation. La priorité doit être accordée à la conservation des populations sauvages {efforts in situ), au lieu de la prise en charge des orangs-outangs en captivité (efforts de conservation ex situ]. Les centres de réhabilitation devront être agréés et supervisés. La compilation des données doit être améliorée et celles-ci doivent être aisément accessibles. Coordination. Une commission scientifique sur les orangs-outans doit être créée, et Les plans du Forum sur la conservation des orangs-outans mis en oeuvre à l'aide des fonds engagés par les ONG lors de la rencontre de 2002 à Palangkaraya pour lancer le processus. Politique internationale. Le concept des espèces du patrimoine mondial a été entériné ; les gouvernements de l'Indonésie, de la Malaisie, du Sabah et de Sarawak sont comme l'une des premières espèces de ce encouragés à promouvoir les orangs-outans genre au monde. OUVRAGES À CONSULTER Curran, L.M,., Trigg, S., McDonald, A., Astiani, D., Hardiono, Y., Siregar, P., Caniago, |., Kasischke, E. (2004) Lowland forest loss in protected areas of Indonesian Borneo. Science 303: 1000-1003. Jepson, P. Jarvie, J., MacKinnon, K., Monk, K.A. (2001) The end of Indonesia's lowland forests. Science 292: 859-861. Robertson, J.M.Y., van Schaik, C.P. (2001) Causal factors underlying the dramatic dectine of the Sumatran orang-utan. Oryx 35: 26-38. UNESCO (2004) Tropical Rainforest Heritage of Sumatra. World Heritage. http://whc.unesco.org/pg.cfm?cid= 31&id_site=1167. Accessed December 5 2004. van Nieuwstadt, M.G.L., Sheil, D., Kartawinata, K. (2001) The ecological consequences of Logging in the burned forests of East Kalimantan, Indonesia. Conservation Biology 15 (4): 1183-1186. A voir également : Global Forest Watch resources on Indonesian deforestation: http://www.globalforestwatch.org/english/ indonesia/maps.htm. SOURCES DES DONNÉES CARTOGRAPHIQUES Carte 17.1 Les données sur les orang-outans sont issues des sources ci-après et des informations complémentaires proviennent de communications personnelles de Meijaard, E. (2005) et Singleton, l. (2005): Dadi, R.A., Riswan (2004) Orangutan distribution polygons: developed at the Leuser Management Unit as part of the Leuser Development Programme, funded by the European Commission and the government of Indonesia. Leuser Management Unit, Sumatra, Indonesia. Based on technical criteria set by Singleton, |. Main sources of field data: van Schaik, C., Idrusman, Singleton, !., Wich, S. Additional information from Dadi, R., Griffiths, M. Priatna, D., Rijksen, H., Riswan, Robertson, Y., Universities of Bristol and Bogor Expedition to Sumatra (Burton, J., Bloxam, C., Kuswandono, Long, B., McPherson, J], and members of the Leuser Management Unit's Antipoaching Unit. Meijaard, E., Dennis, R., Singleton, |. (2004) Borneo Orangutan PHVA Habitat Units: Composite dataset developed by Meijaard & Dennis (2003) and amended by delegates at the Orangutan PHVA Workshop, Jakarta, January 15-18 2004. Singleton, !., Wich, S., Husson, S., Stephens, S., Utami Atmoko, S., Leighton, M. Rosen, N., Traylor-Holzer, K., Lacy,R., Byers, O., eds (2004) Orangutan Population and Habitat Viability Assessment: Final Report. IUCN/SSC Conservation Breeding Specialist Group, Apple Valley, Minnesota. Voir également tous les remerciements pour les informations sur Sumatra au chapitre 11. Pour Les données sur les aires protégées et autres, voir Comment utiliser Les cartes’. REMERCIEMENTS Nous adressons nos sincères remerciements à Ashley Leiman (Orangutan Foundation] et lan Singleton (Programme de conservation de l'orang-outan à Sumatra] pour leur précieux concours lors de la rédaction de cet article, et à Mike Griffiths (Leuser International Foundation] pour Les informations sur Le l'écosytème Leuser. AUTEURS Kim McConkey, Centre international de supervision de la conservation du PNUE Julian Caldecott, Centre international de supervision de la conservation du PNUE Edmund McManus, Centre international de supervision de la conservation du PNUE ASIE: INDONÉSIE 471 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 472 MALAISIE Kim MCConkEY, JULIAN CALDECOTT, ET EDMUND MCMaANUSs HISTOIRE ET ÉCONOMIE La Malaisie est constituée de La majeure partie de La péninsule malaise (Malaisie occidentale] et des parties nord et nord-ouest de Bornéo [Malaisie orientale), séparées par le sud de La Mer de Chine. Elle a été crée en 1963 suite à La fédération des anciennes colonies britanniques de Malaisie (qui obtient son indépendance du Royaume-Uni en 1957 et qui est de plus en plus connue sous le nom de Péninsule de Malaisie], Sarawak (qui est indépen- dant depuis Les années 1840 sous le Raja James Brooke et ses successeurs, et a été colonisé pendant une très courte durée après la deuxième guerre mondiale}, Bornéo septentrional (rebaptisé Sabah en 1963) et Singapour (qui s'est détaché de la Malaisie en 1965). La constitution fédérale répartit les rôles, les droits et responsabilités entre l'état et les gouvernements fédéraux et, particulièrement, confère à l'état Le contrôle de La plupart des ques- tions liées à l'utilisation des terres et des forêts. La gestion de la faune et des forêts est donc avant tout de La responsabilité des gouvernements étatiques. La Malaisie est un pays à revenu intermédiaire dont l'économie, fondée d'abord sur l'agriculture, la production forestière, Le pétrole et Le gaz, s'est diver- sifiée dans la production de pointe, le tourisme et d'autres services. Le pays a une superficie de près de 328550 km’, avec une population estimée à quelque 23 millions de personnes en 2003 et un taux de croissance de presque 1,9 % par an. La partie occidentale de La péninsule consiste en une série de grandes villes, cités et zones industrielles, alors que l'intérieur et la partie orientale restent largement agraires et couverts de grandes plantations {palmiers à huile principalement) ou de forêts naturelles (ex: Main Range Mountains, Parc National de Taman Negara, et la Réserve de faune de Krau). La Malaisie orientale a une population relativement éparse. Bien que comprenant des zones urbaines (ex : Kota Kinabalu et Sandakan au Sabah ; Kuching, Sibu et Miri au Sarawak), elle se caractérise essentiellement par l'agriculture itinérante gérée par les peuples indigènes Dayak (ex. : Kadazan-Dusun à Sabah, Iban et Bidayuh et plusieurs peuples ‘Orang Ulu' au Sarawak), ou par les grandes plantations récentes de palmiers à huile et autres cultures, ou encore par les forêts naturelles gérées pour la production du bois, outre un certain nombre d'importantes aires protégées. L'économie malaise a enregistré un taux de croissance de 4,9 % en 2003, malgré un premier semestre qui a vu la confiance des investisseurs ébranlée par l'épidémie du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) et par La guerre en Irak. Le Sarawak (120 500 km} est Le plus vaste état de Malaisie et occupe 17 % de l'île de Bornéo. 37 % de sa superficie totale sont constitués de forêts domaniales permanentes, 3,3 % sont classés par la loi comme aires protégées (parcs nationaux, sanctuaires fauniques et réserves naturelles) et 6 % ont été proposés pour la protection.” Le Sarawak est un grand exportateur de bois depuis les années 60, lorsque l'exploitation forestière a commencé dans les forêts tourbeuses de la plaine côtière ; dans les années 70, cette exploitation forestière commence à progresser vers Les hautes terres de l'intérieur qui, vers la fin des années 80, fournissent déjà majoritairement La production de bois. La production totale a augmenté de facon constante, passant de près de 5 millions de m° par an à la fin des années 70 à quelque 14 millions de m° à la fin des années 80. Depuis Le début des années 90, plus de 2 000 km” de forêts sont exploités chaque année au Sarawak. Le Sabah (73 371 km’) occupe 10 % de l'île de Bornéo” et près de La moitié de son territoire reste couverte de forêts naturelles,‘ malgré l'expansion des plantations de palmier à huile et de bois à pâte à papier. Le Sabah oriental était presque entière- ment inhabité jusque vers 1960 ; aujourd'hui seuls 25 % de La superficie sont encore couverts de forêts de plaines qui sont exploitées pour la plupart. Depuis La fin des années 60 jusqu'aux années 90, La gestion des forêts de Sabah a conduit à un recul significatif des réserves de bois de l'Etat!” qui sont à l'heure actuelle pratiquement épuisées. En réaction aux préoccupations et à la prise de conscience croissantes sur les questions environnementales, les autorités de Sabah ont progressivement élaboré des politiques, des plans et des lois visant à promouvoir la survie des ressources biologiques du Sabah, contribuant à l'élaboration d'une approche plus durable de gestion de la forêt et de la biodiversité. Ce processus a été concomitant à l'expansion de l'écotourisme à Sabah, ce qui a permis de comprendre que La faune - notamment les orangs-outans - et Les forêts pouvaient s'avérer MALAISIE ASIE Références bibliographiques à la fin de ce chapitre Carte 17.2 Répartition des grands singes en Malaisie Golides ap ueyno-Buelo] ep 49) S'z < I s'-c1 D s'i-01 I 0-50 [M So > enuuooul aJSU8p aun e Jusseid (auy/xnewue) ueyno-Bueio, ep uolnqu}siq — nndes yeqes uolepuo4 CR SEE unueq e1 9P ep sellen SUOISS8oU09 Suedunje Le IE 9p 9 “nINP 414 1 8P OŸ nee ep ue eBuns sseq np 9 NINP 934 Fi Ve ee) (s neqeuiy ep DE à NdS ? 1Ed yolideg ne où SEE neqexBur] ep 944 Bueyno-Bue1o] SkeBBuog® / SP 49 9Pp 934 PNBUNL NINP 948 ä ; “ VVIVSSIUVA IANADUY S8AE9 UEIN 3.0bL yoBBueuies ep eune] e| ep yo nIIPes ep 44 + neÂng…es ep dA 4 Buejel\ ep VAR EME enu29 yeqn 8P Nd Y : \/ 4TFNOIGIAAIN NRA UN HISANOGNI O1NuOS AUTRE HISIIVIVN ‘Ras JANNU TTENOIGINEI INTHO IQ NIV L AONVTIVEL } NYNAIA Pi 473 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 474 très précieuses si elles étaient utilisées selon des méthodes novatrices et non destructrices. RÉPARTITION DE GRANDS SINGES L'orang-outan du nord-ouest de Bornéo (Pongo pygmaeus pygmaeus] est présent au Sarawak et lorang-outan du nord-est de Bornéo (P.p. morio] au Sabah (voir aussi La carte 17.2). Au Sarawak, on trouve d'importantes popu- lations d'orangs-outans uniquement dans la région intérieure sud-centre, à l'intérieur et autour du Sanctuaire de faune de Lanjak-Entimau à la frontière avec Le Kalimantan occidental en Indonésie (qui a une population contiguë dans Le PN de Betung Kerihun].* De. petites populations d'orangs-outans ont été signalées à Sedilu (deux individus), Sebuyau (plus de 30 individus] et éventuellement dans les poches de forêts marécageuses de La région côtière et à l'embouchure des fleuves Lupar et Seribas. Des individus errants sont apercus occasionnellement aussi loin au nord qu'à Tamabu (Pulung Tau) et Brunei Darussalam. La localisation des populations d'origine de ces orangs-outans errants et donc leur sous-espèce (P. p. pygmaeus ou P.p. morio), au nord de Sarawak et à Brunei Darussalam sont inconnues. L'absence hypothétique des orangs-outans au nord du fleuve Rajang serait une conséquence de la chasse préhistorique ou de l'insuffisance des fruits dont se nourrissent ces populations dans les forêts de diptérocarpes, où une combinaison des deux facteurs. Des ossements d'orangs-outans sont fréquents dans des grottes du Monument Historique National de Niah au nord de Sarawak, ce qui laisse à penser que la chasse existe depuis plusieurs milliers d'années. La chasse moderne, notamment par les peuples Iban qui sont installés en grand nombre au sud de Sarawak, a considérablement réduit Les populations d'orangs-outans ; une grande partie de cette zone a aussi été convertie en une mosaïque de champs de culture itinérante, avec très peu de forêt intacte. Ailleurs, l'exploitation forestière a également eu un effet négatif sur le nombre d'orangs-outans. Au Sabah, la répartition des orangs-outans est irrégulière. Les forêts des terres basses situées à moins de 500 m au dessus du niveau de La mer abritent Le plus grand nombre de nids d'orangs- outans. Les récents recensements aériens et terrestres ont estimé à près de 11 000 individus (95% d'intervalle de confiance : 8 000-18 000) Le nombre d'orangs-outans présents dans 16 populations majeures (c'est-à-dire des populations de plus de 50 individus, leur degré d'isolement véritable les uns des autres étant quasiment inconnu}, principalement à l'est et au centre de Sabah. Dans les parties septentrionale et occidentale de Sabah, on ne trouve actuellement que deux populations importantes (bien que petites et iso- lées), dans Le Parc National de Crocker Range, avec quelques 180 orangs-outans, et dans Le parc et site du Patrimoine Mondial du Mont Kinabalu, avec environ 50 individus. Le Centre de Réhabilitation des Orangs-outans de Sepilok au Sabah oriental compte également près de 150 anciens animaux captifs en cours de réhabilitation. Les principales populations protégées sont, entre autres, celles de La Réserve de faune de Tabin (avec environ 1285 individus), du Sanctuaire de faune de Lower Kinabatangan (1 125 individus),? de La Réserve de faune de Kulamba (730 individus) et de l'aire de conservation de Danum Valley (730 individus). Plus de 60 % des orangs-outans de Sabah vivent hors des aires protégées, dans des forêts de production ayant subi plusieurs cycles d'exploitation et qui sont toujours exploitées pour le bois.' Les deux plus grandes populations d'orangs-outans se trouvent dans des forêts de production exploitées dans les parties orientales de la concession forestière de La Sabah Foundation (Yayasan Sabah) {avec 3 300 à 11 900 individus) et sur la rive nord du Upper Kinabatanga River (presque 2 300 orangs- outans, dont 1 000 dans là Réserve forestière de Deramakot].' En outre, les forêts de Trus Madi, Ulu Sungai Milian et Sepulut réunies abritent peut-être 520 orangs-outans, et Les réserves forestières d'Ulu Tungud, de Lingkabau, Bonggaya, d'Ulu Kalumpang et de Silabukan compteraient au total 500 orangs- outans. L'abondance des orangs-outans dans les forêts de production est directement liée au type d'exploi- tation forestière. Les plus grandes concentrations d'orangs-outans ont été observées dans les forêts qui appliquent des méthodes d'exploitation à impact réduit, ce qui montre que l'exploitation incontrôlée a des impacts négatifs sur La densité des orangs- outans. MENACES L'importance de la chasse à Bornéo pour expliquer la répartition moderne des orangs-outans n'est qu'historique (ou préhistorique], puisque la quasi- totalité des populations survivantes de Sarawak vivent dans des aires protégées sécurisées, et de toute évidence la chasse n'a jamais été significative dans les parties centrale et orientale de Sabah. D'autre menaces plus sérieuses pèsent sur Sabah : elles sont interactives, cumulatives et potentielle- ment dévastatrices pour les orangs-outans. L'un des facteurs est La conversion des forêts en plantations, notamment de palmiers à huile (Elaeis guineensis) et d'arbres pour la pâte à papier, à croissance rapide tels que les Acacia mangium; cette conversion s'opère ou est proposée sur de grandes étendues de terres fertiles à l'est de Sabah. La conversion des forêts a contribué à la perte d'au moins 35 % des habitats d'orangs-outans depuis le milieu des années 80.*° L'exploitation forestière constitue une autre menace aussi sévère, notamment l'exploi- tation répétée des forêts de diptérocarpacées. La troisième menace est représentée par les feux de forêt qui constituent un danger permanent pour les concessions forestières et Les plantations de bois à pâte à papier vu le climat saisonnier de Sabah, sur- tout en cas de sécheresse prolongée dûe à El Niño. Le réseau actuel des aires protégées à Sabah abrite près de 4500 orangs-outans, soit 34% du nombre total survivant dans l'état.! Ces populations sont très fragmentées ; à terme, la plupart d'entre elles sont menacées d'extinction à cause des effets conjugués de la consanguinité, de la sécheresse, des feux, des maladies ou de la chasse localisée. LÉGISLATION ET ACTION DE CONSERVATION Législation Les orangs-outans sont protégés dans la Péninsule de Malaisie par la Loi sur la protection de La faune (1972), au Sabah par la Loi sur La conservation de la faune (1997) et au Sarawak par l'Ordonnance sur la protection de La faune (1998). Leurs habitats peuvent également être protégés de plusieurs manières par les législations forestières. Au Sabah, les parcs sont classés par la Loi sur Les parcs (1984] ; les sanctu- aires de faune sont classés par la Loi sur la conservation de la faune (1997). Au Sarawak, les parcs, les sanctuaires de faune où les réserves sont classés par l'Ordonnance sur la protection de la faune (1998) ou l'Ordonnance sur les parcs nationaux et Les réserves naturelles (1998). Aires protégées Le Sarawak possède deux importantes aires protégées pour la conservation des orangs-outans : le Sanctuaire de faune de Lanjak-Entimau {1 870 km‘) et le Parc National de Batang Ai (250 km’). Les deux sites contiennent une KOCP population totale d'orangs-outans estimée à 1400 individus. La chasse et l'exploitation illégale constituent des problèmes mineurs dans ces zones, susceptibles toutefois de s'aggraver si elles ne sont pas surveillées, notamment à cause de La contiguité de ces aires avec l'Indonésie où l'exploitation illégale est courante. Près de 8% de la superficie des terres de Sabah sont inclus dans le système des parcs nationaux et d'autres catégories de réserves existantes’. Bon nombre des aires protégées par la loi de l'Etat abritent des populations d'orangs- outans de 500 à 1500 individus, et sont donc particulièrement importantes pour la conservation des orangs-outans'”. IL s'agit de La Réserve de faune de Tabin (1 225 km?) ; du Sanctuaire de faune de Lower Kinabatangan (260 km‘), qui jouxte 257 km? de forêt non protégée et aménagée, et de La Réserve de faune de Kulamba (204 km‘). Le Projet de conservation des orangs-outans de Kinabatangan {(KOCP)] a été mis sur pied en 1998 pour sécuriser la population dans la plaine inondable de Kinaba- tangan au Sabah oriental, notamment à l'intérieur et autour du Sanctuaire de faune de Lower Kinaba- tangan [voir Encadré 10.2). Enfin, l'aire de conser- vation de Danum Valley (423 km] est démarquée comme une aire protégée dans la concession forestière de La Sabah Fondation et est officiellement classée comme réserve de forêt de protection de classe 1.! La population d'orangs-outans de Danum Valley est reliée à celles habitant Les concessions de forêts de production plus larges de la Sabah Foundation. Les autres aires protégées contenant des orangs-outans sont le Parc National de Crocker Range (2 400 km’), Le Kinabalu Park (750 km‘) et Le centre de réhabilitation des orangs-outans de Sepilok (43 km‘). ASIE : MALAISIE Un orang-outan de Bornéo dans un Ficus, Kinabatangan. 475 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Une palmeraie en Malaisie. 476 “lan Redmond La plupart des orangs-outans de Sabah ne vivent pas dans les aires protégées officielles. Ils se retrouvent plutôt dans différents types de forêts de production dans la concession orientale de La Sabah Foundation (une aire de plus de 4 000 km‘) ; au nord de L' Upper (Ulu] Kinabatangan River (quelques 2 000 km) ; dans les forêts de Trus Madi, Ulu Sungai Milian et Sapulul (qui couvrent près de 3 300 km’ au total]; et dans les réserves forestières de Ulu Tungud, Lingkabau, Bonggaya, Ulu Kalumpang et Silabukan (couvrant au total 2 621 km‘). Certaines populations des forêts aménagées (Trus Madi et Sabah Foundation] sont considérées comme étant en decà des capacités de leurs habitats, et donc susceptibles de s'accroître dans le futur. D'autres par contre (Kulamba et Lower Kinabatangan]) sont jugées trop importantes pour que l'habitat puisse les supporter à terme et reflètent l'immigration d'individus réfugiés en provenance des aires environnantes où l'habitat a été récemment détruit. "? Sanctuaires et réhabilitation Le Centre de faune de Matang dans le Parc National de Kubah, le Centre de réhabilitation de Semenggoh au Sarawak et le Centre de réhabilitation des orangs-outans de Sepilok au Sabah sont tous impliqués dans la prise en charge et La réhabilitation de jeunes orangs-outans saisis. STRATÉGIES FUTURES DE CONSERVATION Le gouvernement du Sabah a entériné les recommandations d'un Atelier international sur la conservation des orangs-outans tenu à Sabah, en août 2003, y compris celles présentées ci-dessous”. H Gestion forestière. Les forêts du Sabah doivent être gérées pour la conservation des orangs- outans, par la révision des plans d'aménagement actuels et futurs dans le cadre de la stratégie de l'Etat pour la faune élaborée par la Direction de la Faune du Sabah, en renforçant la collaboration entre les responsables de la gestion concernés, et en proposant des directives pratiques aux exploitants forestiers, notamment dans les unités forestières d'aménagement qui abritent plus de 60 % des orangs-outans du Sabah. M Agriculture. Les pratiques agricoles doivent intégrer les besoins des orangs-outans à travers des mesures de protection pertinentes pour l'agriculture à petite échelle, Le contrôle strict de l'aménagement des terres pour les plantations de palmier à huile dans Les régions d'habitation des orangs-outans, y compris l'application de l'Article 38 de La Loi sur La conservation de la faune. Œ Développement touristique. Des politiques visant au renforcement et au développement du tourisme durable et responsable des orangs-outans au Sabah doivent être adoptées en vue de minimiser son impact sur l'environnement et d'améliorer la conservation des populations d'orangs-outans. MH Conservation ex situ. Les activités de conservation ex situ doivent être accrues afin de compléter les mesures de conservation in situ. M Recherche. Les recherches actuelles sur les orangs-outans de Sabah doivent être encouragées et renforcées, notamment à travers des activités menées au niveau des universités, institutions et départements locaux. MH Sensibilisation du public. Les décideurs, les gestionnaires des forêts et de plantations, ainsi que les ouvriers doivent être sensibilisés davantage sur les besoins des orangs-outans et sur le cadre juridique concernant leur protection. Dans le cadre des objectifs globaux ci-dessus, les actions prioritaires ci-après doivent être menées : M Recherche. Des enquêtes approfondies doivent être menées sur Le terrain pour mieux évaluer les impacts de l'exploitation forestière et des activités humaines connexes (ex: l'abattage illégal) sur l'écologie et La survie des orangs- outans dans les forêts non protégées ; pour évaluer le rôle exact de ces habitats dans la conservation des grands singes ; et pour élaborer des stratégies de gestion forestière qui permettent la survie à terme des orangs- outans hors des aires protégées, tout en offrant des opportunités pour l'utilisation durable des ressources naturelles. MH Protection. Des équipes chargées de la surveillance et de l'application des lois doivent être formées. Les populations, les ressources clés, les corridors et les habitats essentiels en dehors des aires protégées actuelles doivent être identifiés et protégés. M Education. La sensibilisation doit être assurée sur la nécessité de la préservation à travers des programmes scolaires, des contacts médiatiques et des conférences destinées au public et au gouvernement. M Aménagement. La qualité des habitats des zones dégradées doit être améliorée par des plantations d'enrichissement. La politique de conservation doit être intégrée dans la politique gouvernementale. M Réhabilitation et translocation. Lors de l'attribution de ressources limitées, la priorité doit être accordée à la conservation des populations sauvages in situ, plutôt qu'à la prise en charge et La réhabilitation des anciens animaux captifs. Les centres de réhabilitation doivent être agréés et supervisés, et les réglementations pertinentes doivent être respectées. Les méthodes de réhabilitation doivent être évaluées et les plus efficaces appliquées. La compilation des données doit être améliorée et celles-ci doivent être aisément accessibles par La communauté de la conservation. Au cours de l'Atelier sur l'Évaluation de La Viabilité des Populations et de l'Habitat tenu en janvier 2004, il a été reconnu que plusieurs populations d'orangs- outans avaient besoin d'une attention particulière et leurs habitats ont été désignés comme « zones à orangs-outans hautement prioritaires ». De plus, des mesures spécifiques aux sites ont été convenues pour la protection des populations d'orangs-outans dans les réserves forestières commerciales (ex.: la Sabah Foundation, le Kinabantanga nord et Trus Madia) où Les priorités sont les suivantes : M le maintien des forêts naturelles dans les sites où sont présentes les plus grandes populations d'orangs-outans ; M [utilisation des systèmes d'exploitation forestière à impact réduit, tels ceux mis en oeuvre dans la Réserve forestière de Deramakot dans la région de l'Upper Kinabatangan ; M la conduite d'études dans les forêts commerciales relatives aux impacts à long terme de l'exploitation forestière sur l'écologie et La survie des orangs-outans ; M Le suivi de l'évolution des populations d'orangs-outans par des observations aériennes régulières de leurs nids ; CL] ‘élaboration et La mise en œuvre des plans de gestion forestière avec la participation de toutes les parties concernées, en mettant ‘accent sur les orangs-outans ; E ‘accroissement de la sensibilisation sur la conservation des orangs-outans à travers des campagnes éducatives menées en collaboration avec les employés, les entrepreneurs, les responsables et toutes les parties concernées. Pour les orangs-outans présents dans les aires protégées (ex: Sanctuaire de faune de Lower Kinabatangan, Réserve de faune de Tabin, Réserve de faune de Kulambal, les priorités sont les suivantes : M intensifier la protection contre l'exploitation illégale des forêts ou toute autre menace sur l'habitat ; M réduire les conflits avec l'agriculture en identifiant des solutions pour la résolution des problèmes posés par certains orangs- outans ; M relier entre elles les aires protégées actuellement isolées par la création de corridors forestiers ; M assurer la surveillance des populations d'orangs-outans à travers des études aériennes et terrestres ; M promouvoir les activités de recherche dans ces aires protégées ; M développer l'écotourisme basé sur les orangs- outans et qui offrirait des opportunités économiques aux communautés locales. ASIE : MALAISIE 477 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 478 UVRAGES À CONSULTER Ancrenaz, M., Gimenez, O., Ambu, L., Ancrenaz, K., Andau, P., Goossens, B., Payne, J., Tuuga, A., Lackman-Ancrenaz, 1. (2005) Aerial surveys give new estimates for orang-utans in Sabah, Malaysia. PloS Biology 3 (1): es. http://dx.doi.org/10.1371/journal.pbio.0030003. Accessed December 8 2004. MacKinnon, J.R. (1971) The orang-utan in Sabah today. À study of a wild population in the Ulu Segama Reserve. Oryx 11:141-191. McMorrow, J., Talip, M.A. (2001) Decline of forest area in Sabah, Malaysia: relationship to state policies, land code and land capability. Global Environmental Change 11: 217-230. Rijksen, H.D., Meïjaard, E. (1999) Our Vanishing Relative: The Status of Wild Orang-utans at the Close ofthe Twentieth Century. Kluwer Academic Publishers, Dordrecht. SOURCES DES DONNÉES CARTOGRAPHIQUES Map 17.2 Les données sur les orangs-outans sont issues des sources suivantes: Ancrenaz, M., Lackman-Ancrenaz, I. (2004) Orang-utan Status in Sabah: Distribution and Population Size. Kinabatangan Orang-utan Conservation Project, Sandakan, Malaysia. Meijaard, E., Dennis, R., Singleton, I. (2004) Borneo Orangutan PHVA Habitat Units: Composite dataset developed by Meijaard & Dennis (2003) and amended by delegates at the Orangutan PHVA Workshop, Jakarta, January 15-18 2004. Singleton, !., Wich, S., Husson, S., Stephens, S., Utami Atmoko, S., Leighton, M., Rosen, N., Traylor-Holzer, K., Lacy, R., Byers, O., eds (2004) Orangutan Population and Habitat Viability Assessment: Final Report. IUCN/SSC Conservation Breeding Specialist Group, Apple Valley, Minnesota. Pour Les données sur les aires protégées et autres, voir Comment utiliser Les cartes’. REMERCIEMENTS Nous adressons nos sincères remerciements à Marc Ancrenaz (Hutan), Melvin Gumal (Wildlife Conservation Society), Geoffrey Davison (National Parks Board, Singapour], et Lee Shan Khee (UNEP-WCMC] pour leur précieux concours lors de la rédaction de cet article. AUTEURS Kim McConkey, Centre international de supervision de la conservation du PNUE Julian Caldecott, Centre international de supervision de La conservation du PNUE Edmund McManus, Centre international de supervision de La conservation du PNUE ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Postface RUSSELL À. MITTERMEIER es grands singes sont, à plus d'un titre, parmi les créatures les plus intéressantes de notre planète. Tout d'abord, ils sont nos parents vivants les plus proches, car la différence sur le plan génétique entre Les chimpanzés et nous n'est que de 1,24 %. Compte tenu de ces liens étroits, les études sur Les populations sauvages de grands singes ouvrent une fenêtre sur l'histoire de notre évolution, et nous aident à mieux appréhender Le fonctionnement de notre esprit, nos mécanismes d'apprentissage et notre mode de vie en société. Bien plus, les grands singes peuvent ouvrir des pistes pour le traitement de certaines maladies humaines, ce d'autant qu'ils partagent Les mêmes maladies avec Les humains sans nécessairement présenter les mêmes symptômes. En outre, les grands singes jouent un rôle écologique clé dans les systèmes des forêts tropicales dans lesquelles ils vivent, agissant comme agents de dissémination des graines dans plusieurs écosystèmes et modifiant souvent l'architecture de la forêt par La construction des nids et leurs activités d'alimentation. IUne fait aucun doute que les grands singes sont aussi parmi les animaux les plus charismatiques et les mieux connus dans Le monde. ILs ont joué des rôles importants dans différentes parties du monde, tant dans les pays où ils vivent que dans d'autres pays qui ont appris à les connaître à travers des livres et des films - de fiction ou scientifiques - et, de plus en plus, à travers les visites touristiques dans les régions souvent éloignées dans lesquelles ils vivent encore. Ils ont été particulièrement importants dans les cultures d'Afrique et d'Asie du sud-est lesquelles foisonnent des contes et légendes qui les comparent aux humains et encouragent leur protection en imposant des interdits sur l'abattage et la consommation des grands singes, ou parfois, les considérant avec une crainte mêlée d'effroi. Leur ressemblance avec Les humains est frappante pour tous ceux qui les observent. Ils font usage d'outils, font preuve d'empathie et certains, comme les chimpanzés, chassent même en groupe, usant de méthodes sans doute similaires à celles que nous employions nous-mêmes aux premières étapes de notre histoire. Les grands singes forment également un groupe beaucoup plus diversifié qu'on ne le pense. Les gens pensent généralement à trois grand singes [les chimpanzés, les gorilles et les orangs- outans), ou peut-être quatre (plus les bonobos) quand ils sont attentifs. Mais des études récentes ont montré qu'il existe au moins six espèces dans trois genres, et pas moins de 13 taxons. Il s'agit de deux espèces et quatre à cinq taxons de gorilles, quatre taxons de chimpanzés, deux espèces et au moins quatre différents types d'orangs-outans, et les bonobos. Ce nombre est susceptible de s'accroître, et plus on pénétrera dans les zones les plus reculées des forêts, plus les études génétiques nous en apprendront sur ces animaux. Malheureusement, plus notre connaissance des grands singes progresse, plus nous constatons leur déclin rapide dans presque toutes Les zones où ils se trouvent. D'après l'Evaluation Mondiale des Mammifères, une initiative internationale visant à l'évaluation de la situation de la conservation de toutes les espèces de mammifères menée sous l'égide de la Commission pour la Survie des Espèces de l'UICN - Union mondiale pour la nature, au moins trois taxons de grands singes sont en Danger critique d'extinction. IL s'agit du gorille de Cross River à la frontière entre le Nigeria et le 479 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 480 Cameroun, du gorille des plaines de l'est en République Démocratique du Congo et des orangs- outans de Sumatra au nord de l'île : tous Les trois figurent sur la récente liste des 25 primates Les plus menacés d'extinction sur la planète. Les évaluations de la Liste Rouge pour toutes les espèces et sous-espèces de grands singes est toujours en cours, mais il ne fait aucun doute qu'ils seront encore classés comme En danger où En danger critique d'extinction dans un avenir proche. En d'autres termes, nos plus proches parents ont de sérieux ennuis. Comme le montre clairement le présent atlas, leurs habitats ont été détruits ou considérablement modifiés dans bon nombre des lieux où ils sont présents, et plusieurs espèces continuent de survivre dans des fragments réduits de faible taille. Ceux qui disposent encore d'un cadre de vie suffisamment large - comme dans la forêt du Congo en Afrique centrale - subissent d'énormes pressions du fait de l'exploitation forestière et du commerce du gibier {pas la chasse de subsistance mais un trafic commercial destiné à alimenter un marché de luxe]. Pire encore, la consommation de La viande de brousse n'est pas seulement préjudiciable aux grands singes, elle constitue également un énorme risque pour la santé humaine, puisque des liens étroits ont été établis entre La consommation de La viande des grands singes et les épidémies d'Ebola parmi Les populations humaines. Alors que faire ? Certaines solutions sont présentées dans le présent atlas. Tout d'abord, il nous faut créer plus d'aires protégées pour les grands singes, plus de parcs et de réserves bien aménagés qui protègent autant de populations restantes que possible. Pour ce faire, nous devons également montrer que ces aires protégées ainsi que les grands singes et Les autres créatures qui y vivent profitent aux populations locales qui partagent le macro environnement. Ceci étant, Les récentes épidémies d'Ebola en Afrique de l'ouest ont démontré que la création d'aires protégées seule ne suffit pas. Nous devons suivre ces populations à La trace, surveiller leur état de santé et leur viabilité de manière continue. Nous devons également prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre un terme au commerce hautement destructif de la viande de brousse, non seulement pour les grands singes eux-mêmes mais pour ces populations qui souffrent beaucoup de la transmission de maladies comme Ebola suite à La consommation de la chair des grands singes. A l'évidence, de nombreux défis se profilent et beaucoup reste à faire, la quête de solutions durables sera très certainement ardue. Néanmoins, nous qui travaillons avec les primates depuis des années sommes persuadés que des solutions existent et que nous devons pouvoir maintenir Les populations viables de tous les grands singes, voire de tous les primates non humains, dans leurs cadres de vie naturels. En effet, l'augmentation rapide du nombre de personnes qui s'intéressent aux grands singes et le nombre croissant de puissantes organisations travaillant sur ces derniers sont favorables à leur avenir. Le présent atlas, qui compile un si grand nombre de données sur les grands singes et les présente de manière si attrayante et accessible, contribue grandement aux efforts en faveur de la conservation des grands singes. J'aimerai adresser mes félicitations à tous ceux qui ont œuvré sans relâche au cours de ces dernières années pour la réussite de ce projet. Russell A. Mittermeier Président, Groupe CSE/UICN d'experts en primates Président de Conservation International ANNEXE : GRASP ET SES PARTENAIRES ANNEXES Projet pour la Survie des Grands Singes GRASP et ses Partenaires e Projet pour la Survie des Grands Singes (GRASP) est un projet novateur et ambitieux du Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE]) et de l'Organisation des Nations Unies pour l'Éducation, la Science et la Culture (UNESCO), qui a pour objectif immédiat de lever la menace de l'extinction imminente qui plane sur les gorilles, les chimpanzés, Les bonobos et les orangs-outans. La mission que s'est assignée GRASP consiste à « stopper le déclin des popu- lations de grands singes en offrant à tous ceux qui peuvent agir l'opportunité de le faire ». Malgré Le dévouement de nombreuses person- nes et organisations, les grands singes sont au bord de l'extinction. En réaction à la crise actuelle, Klaus Toepfer, Directeur Exécutif du PNUE, a lancé le GRASP - une nouvelle approche qui vise à sauver les grands singes et leur habitat. Grâce aux visites techniques de haut niveau, aux projets sur le terrain et aux ateliers sur l'élaboration des politiques de Plan nationaux de survie des grands singes (NGASP] dans les Etats de l'aire de répartition des grands singes en Afrique et en Asie du sud-est, ainsi qu'aux pressions politiques et à La sensibilisation auprès des pays donateurs, le GRASP a su démontrer la pertinence de sa contribution aux efforts de conservation des grands singes. Le GRASP, qui est un partenariat du type Il du Sommet mondial sur Le développement durable, est une alliance dynamique qui regroupe des agences de l'ONU, des gouvernements, des ONG, des fondations et Le secteur privé. En utilisant Les liens étroits établis avec les gouvernements à travers l'ONU, Le GRASP peut faire passer son message au plus haut niveau politique. À ce titre, il est tout désigné pour informer les décideurs politiques, mobiliser les ressources pour une action effective, assurer une efficacité maximale et fournir un cadre de communication en vue d'arrêter le déclin des populations de grands singes. Depuis sa création, les activités menées par Le GRASP ont contribué à la définition des stratégies qu'il pourrait adopter pour résoudre la crise en sa qualité de seule véritable alliance internationale parmi une diversité d'intervenants. Les mécènes du GRASP ont mis à contribution leur expertise et leur réputation pour davantage attirer l'attention de tous sur le sort des grands singes. Les missions techniques dans les Etats de l'aire de répartition ont incité Les gouvernements à réagir face à cette crise. Les ateliers organisés par le GRASP ont aidé les pays de l'aire de répartition des grands singes à élaborer des stratégies de conservation. Les financements accordés par le GRASP aux projets des ONG partenaires ont impliqué les commu- nautés locales et se sont traduits par des succès immédiats sur le terrain. Les conférences intergouvernementales, les réunions avec les principaux partenaires du GRASP et d'autres formes de mise en œuvre des politiques ont consolidé le GRASP et l'ont relié aux mécanismes sur la biodiversité et aux accords multilatéraux pertinents. Les campagnes d'information et de sensibilisation par le biais de médias comme la 481 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 482 télévision et les articles de journaux, les publications, les films documentaires et autres événements connexes ont fait connaître Le GRASP au niveau mondial. Le GRASP vise à : M lever la menace d'extinction immédiate ; M soulever des fonds pour la conservation des grands singes ; M élaborer une stratégie globale pour coordonner les efforts visant à arrêter le déclin des populations de grands singes et assurer la survie à long terme de leur habitat naturel ; M éduquer Les populations locales et encourager les activités communautaires durables ; Œ proposer des activités génératrices de revenus autres que la chasse, l'exploitation forestière et l'extraction minière, comme l'agriculture durable, l'écotourisme, etc. ; M améliorer les infrastructures des aires protégées ; M renforcer les capacités des agences gouvernementales chargées de la faune ; M démontrer la pertinence d'un partenariat global facilité par l'ONU, dans lequel les gouvernements des Etats de l'aire de répartition et Les ONG prennent progressivement les rênes du processus. Les grands singes menacés d'extinction partagent leur habitat avec plusieurs millions de personnes en Afrique de l'ouest, du centre et de l'est et en Asie du sud-est. La majorité de ces personnes vivent en decà du seuil de pauvreté. L'objectif principal du partenariat du GRASP est de relier Le bien-être des hommes et celui des animaux sauvages. Les progrès futurs dépendront énormément de la mobilisation de nouvelles ressources complé- mentaires auprès des pays donateurs, des fondations et du secteur privé, et auprès des mécanismes et programmes nationaux de subvention existants. Pour assurer la conservation à long terme des populations viables de grands singes sauvages et de Leur habitat, la communauté internationale au sens le plus large doit apporter un soutien effectif et cohérent aux efforts actuels des Etats de l'aire de répartition des grands singes. Contact Secrétariat du Projet pour la Survie des Grands - Singes Programme des Nations Unies pour l'Environnement B.P. 30552 Nairobi - Kenya Tél : (254 20) 624163/621234 Fax : (254 20) 623926 E-mail : grasp{aunep.org http://www.unep.org/grasp http://www.unesco.org/mab/grasp LES PARTENAIRES DU GRASP African Wildlife Foundation (AWF]. Créée en 1963, c'est une organisation dont Les activités de conservation visent lAfrique. Les programmes et stratégies de conservation de l'AWF sont fondés sur des principes scientifiques objectifs et élaborés pour la protection de la faune et des milieux sauvages d'Afrique et pour assurer un avenir plus durable aux peuples africains. Depuis sa création, lAWF a protégé des espèces et terres menacées, encouragé Le développement de petites entreprises par les communautés africaines comme moyen d'améliorer leur subsistance, et formé des centaines d'Africains en matière de conservation. LAWF œuvre depuis 27 ans à la protection des gorilles de montagne au Rwanda, en Ouganda, en République Démocratique du Congo et est le co-fondateur et bailleur de fonds de [international Gorilla Programme décrit ci-dessous. http://www.awf.org ANNEXE : GRASP ET SES PARTENAIRES Ape Alliance (ApAL est un cadre de discussion sur des questions relatives aux grands singes. Coalition internationale d'organismes et d'individus oeuvrant pour la conservation et le bien-être des grands singes, elle entreprend des actions collaboratives pour s'attaquer aux problèmes auxquels ils font face, tant en milieu sauvage qu'en captivité, à travers des groupes de travail d'experts. Elle regroupe 70 organismes et des centaines de personnes travaillant tous pour les grands singes. Le site web connecte tous les organismes membres et comprend un tableau d'affichage interactif pour toute personne désireuse de faire quelque chose pour les grands singes. http://www.4apes.com Australian Orangutan Project (AOP] œuvre pour assurer la survie des espèces d'orangs-outans de Sumatra et de Bornéo dans leur milieu naturel, pour la promotion du bien-être de tous les orangs-outans. LAOP mène des campagnes de sensibilisation sur la nécessité de préserver Les populations d'orangs-outans dans leur milieu naturel et pour leur valeur intrinsèque, et mobilise des fonds pour favoriser le bien-être et La conservation des orangs-outans in situ. L'AOP soutient plusieurs organismes de conservation des orangs-outans, et met en oeuvre ses propres projets. C'est une organisation à but non lucratif dont le personnel est constitué de volontaires. Ces travailleurs volontaires ne touchent aucun salaire et la plupart des prestations sont bénévoles. Ainsi, un très grand nombre de dons est directement versé à l'assistance aux orangs-outans et à la protection de leur habitat http://www.orangutan.org.au Balikpapan Orangutan Society-USA (BOS-USA) 5e consacre à la conservation des orangs-outans et de leurs habitats en Malaisie et en Indonésie sur les îles de Sumatra et de Bornéo. BOS-USA mène également des campagnes de sensibilisation sur Le sort des orangs-outans et finance des projets de conservation. http://www.orangutan.com/ Berggorilla & Regenwald Direkthilfe (BRD) 5e concentre sur les gorilles de l'est en apportant son appui aux projets qui contribuent à leur conservation, par exemple en fournissant les équipements nécessaires aux gardes forestiers et aux gestionnaires des parcs. BRD soutient également des projets pour la conservation de certaines populations de gorilles de l'ouest qui sont particulièrement menacées. Il finance en outre des campagnes de sensibilisation du public, des recensements des populations et des études écologiques. http://www.berggorilla.de/ Bonobo Conservation Initiative (BCI). Cet organisme a pour mission de promouvoir La conservation du bonobo et de son habitat, la forêt tropicale de République Démocratique du Congo. BCI utilise une approche multisectorielle qui met l'accent sur l'implication des parties prenantes, répond aux besoins des populations locales, et renforce les capacités des institutions et des ONG congolaises. BCI a transformé plus d'un million d'hectares en réserves communautaires dans le cadre de conventions. || œuvre à la conversion des concessions d'exploitation forestière à la conservation et met en œuvre des projets de développement durable dans l'habitat des bonobos. || mène des études sur l'écologie et sur les bonobos, met en place des programmes d'échange d'informations dans les habitats critiques des bonobos, encourage la participation locale et le leadership en matière de conservation, et promeut la sensibilisation sur les bonobos. BCI soutient également les recherches sur les bonobos et participe à la sensibilisation de l'opinion internationale sur cette espèce de grand singe et son habitat. http://www.bonobo.org/ Born Free Foundation (BFF]. Cette fondation milite pour la protection et la conservation des animaux dans leur milieu naturel et contre le maintien en captivité des animaux sauvages dans les parcs zoologiques, les cirques où comme animaux de compagnie. BFF travaille avec des sanctuaires destinés aux grands singes orphelins en République Démocratique du Congo, au Cameroun et en Ouganda, et a contribué à la création de l'Alliance PanAfricaine des Sanctuaires. Elle apporte son appui aux gardes forestiers qui patrouillent dans le Parc National de Kahuzi-Biega en République Démocratique du Congo et assurent le suivi des gorilles de plaine de l'est. Elle fournit Les principaux membres de l'Equipe d'appui technique du GRASP depuis 2001. http://www.bornfree.org.uk Bristol Zoo Gardens (BZG]. |L soutient les projets de conservation au Royaume Uni et à l'étranger en partenariat avec des organisations gouvernementales et non gouvernementales. IL a travaillé au Cameroun avec Le Ministère de l'Environnement et des Forêts (MINEF] et Living Earth Foundation sur la participation et Le soutien de communautés pour tout ce qui touche aux primates vivant à l'intérieur et autour de La Réserve de Biosphère du Dja, et avec le MINEF et la Cameroon Wildlife Aid Foundation pour la prise en charge des orphelins du commerce de la viande de brousse dans les sanctuaires du parc zoologique de Mvog-betsi et du Parc national de la Mefou, et pour l'élaboration des e Allia 6 2 28; e à australian Le orangutan project 483 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION programmes d'éducation à La conservation à l'intention des établissements scolaires et des visiteurs des sanctuaires. http://www.bristolzoo.org.uk Budongo Crisis Task Force (BCTF]). IL s'agit d'une unité d'intervention qui effectue des recherches sur les chimpanzés,leur conservation, et sur d'autres animaux sauvages de La Réserve forestière de Budongo en Ouganda. Elle mène aussi des études préliminaires sur la forêt elle-même et Les populations riveraines. Elle collabore étroitement avec la Faculté des Forêts et de La Conservation de La Nature de l'Université de Makerere, la Royal Society of Scotland et St Andrews University. http://www.budongo.org Bushmeat Crisis Task Force (BCTF). C'est un consortium d'organisations et d'individus dévoués à La conservation de em OR im a 7 la faune menacée d'extinction par un prélèvement non durable de la viande, en Afrique et dans le monde. Nous aidons les membres à identifier et à mettre en œuvre des solutions efficaces et appropriées à cette « crise de la viande de brousse », par La gestion des informations scientifiques en vue d'appuyer l'éducation et La formation, en s'engageant auprès des principaux décideurs dans Les gouvernements et Le secteur privé, et par la sensibilisation du public. http://www.bushmeat.org Care for the Wild International (CFTWI)]. Cet organisme promeut la conservation et le bien-être des animaux sauvages en péril dans le monde entier. Il dirige un programme d'adoption qui assure la prise en charge des orangs-outans orphelins dans un centre de secours au Kalimantan-centre en Indonésie et finance la protection des habitats et Les initiatives de lutte contre le braconnage pour la sauvegarde des orangs-outans en milieu naturel. http://www.careforthewild.com Conservation International (CI]. Sa mission est de conserver le patrimoine naturel vivant de la terre et La biodiversité mondiale, et de prouver que les sociétés humaines sont capables de vivre harmonieusement avec la nature. Les activités de la CI, à travers ses programmes régionaux et ses financements aux partenaires, contribuent à La protection des grands singes et autres espèces que l'on retrouve dans l'habitat de ces primates http://www.conservation.org ADjan Fosse Dian Fossey Gorilla Fund Europe (DFGFE]. || oeuvre pour sauver les gorilles de l'extinction et pour s'assurer que Les Gorilla Lund populations locales tirent véritablement avantage de leur patrimoine naturel. Basé au Royaume Uni, le fonds gère actuellement plus de 20 projets visant l'intégration de la conservation classique et de la recherche dans le développement économique et l'éducation. http://www.dianfossey.org Dian Fossey Gorilla Fund International (DFGFI] exécute d'importants programmes scientifiques et de conservation des gorilles au Rwanda (Centre de Recherche de Karisoke] et en République Démocratique du Congo [Centre de Recherche de Kabara, Centre de Biologie de Conservation de Taynal]. IL est Le principal partenaire en matière de protection des ï gorilles sur une superficie de 38 700 km’ à l'est du Congo, à travers l'appui des réserves communautaires et des parcs Gorilla Fund nationaux. Le DFGFI fournit son appui à 400 agents, aux patrouilles anti-braconnage ainsi qu'aux programmes de développement éducatif, communautaire, sanitaire et économique. http://www.gorillafund.org Discovery Initiatives (DI) assure La promotion de l'écotourisme, en collaboration avec les partenaires de conservation en vue d'appuyer les actions des projets de conservation locaux en mobilisant La demande et les fonds liés à voyage dans la discoveryinitiatives nature. |l'organise le transport sous haute escorte, de petits groupes de personnes ou les circuits touristiques à destination des habitats de grands singes dans des pays tels que le Rwanda, l'Ouganda, le Congo, le Gabon, le Cameroun, la République Centrafricaine, la Malaisie (Bornéo), et l'Indonésie. http://www.discoveryinitiatives.com # Earthwatch Institute emploie des personnes à travers le monde pour des travaux scientifiques de terrain et l'éducation “& EARTHWATEH $ INSTITUTE dans le cadre de la promotion de la compréhension et des actions pertinentes concernant l'environnement durable. IL a notamment appuyé plusieurs années de travaux de terrain sur les grands singes. http://www.earthwatch.org 484 ANNEXE : GRASP ET SES PARTENAIRES Fauna and Flora International (FFI) oeuvre en vue de la conservation des espèces menacées et des écosystèmes fragiles à travers le monde. En collaboration avec AWF et WWE, FFI conduit le Programme International de Conservation des Gorilles {voir ci-dessous], qui vise à La conservation des gorilles de montagne. http://www.fauna-flora.org Filmmakers for Conservation (FFC] promeut la conservation dans le monde entier à travers la production cinémato- graphique, la diffusion, la distribution des films, et appuie Les organisations de conservation et cinématographiques pour La production des films plus efficaces et plus pertinents en matière de conservation. IL a pour but d'éduquer, d'encourager et d'inspirer de nouvelles audiences afin qu'elles soutiennent et prennent une part active dans les efforts de conservation http://www.filmmakersforconservation.org Great Ape World Heritage Species Project (GAWHSP] oeuvre en vue de garantir le passage d'une déclaration internationale et d'une convention désignant les espèces de grands singes comme espèces du patrimoine mondial. Ce projet a été institué en reconnaissance de La valeur universelle exceptionnelle de chacune de ces espèces, et en réponse aux menaces imminentes sans précédent à leur survie. http://www.4greatapes.com Institute for Tropical Forest Conservation [ITFC] est la principale organisation de recherche et de formation en matière de conservation dans les forêts de montagne du Rift Albertine du sud-ouest de l'Ouganda, en particulier au Parc National de la forêt Impénétrable de Bwindi, au Parc National de Gorilles de Mgahinga et dans la Réserve forestière d'Echuya. L'institut a été fondé en 1991 en tant que structure semi autonome de Mbarara University of Science and Technology. http://www.must.ac.ug/faculties/tropical_forest.htm International Fund for Animal Welfare (IFAW] oeuvre pour le bien-être des animaux sauvages et domestiques à travers le monde, de la lutte contre La cruauté envers les animaux et de La promotion des politiques du bien-être et de la conservation des animaux et des personnes. IFAW travaille de concert avec d'autres organisations partenaires en vue de trouver des solutions pratiques au problème de viande de brousse. http://www.ifaw.org International Gorilla Conservation Programme (IGCP] a pour but d'assurer la conservation des gorilles de montagne et de leur habitat de forêt afromontagne frontalier régional au Rwanda, en Ouganda, et en RDC à travers les activités de recherche et de collaboration transfrontalière. LIGCP regroupe AWF, FFI, et WWF, travaillant en partenariat avec les responsables des aires protégées et d'autres acteurs locaux. http://www.mountaingorillas.org International Ranger Federation (IRF]. LIRF est un réseau international d'associations nationales, étatiques et communautaires œuvrant en vue du renforcement des capacités professionnelles des gardes à travers le monde et de la mise en place d'une tribune pour les acteurs de conservation et des aires protégées à La base. Les membres comprennent les gardes issus des pays de l'aire de distribution des grands singes. http://www.int-ranger.net. Jane Goodall Institute (JGI) a pour mission de renforcer les capacités humaines pour leur permettre d'agir de façon durable et en connaissance de cause en faveur des animaux, des humains et de l'environnement. JGI agit en faveur des soins aux Pimates de La recherche, de la conservation ainsi que pour l'éducation environnementale et humanitaire. http://www.janegoodall.org Kinabatangan Orangutan Conservation Project (KOCP]) à été institué par l'ONG française Hutan en 1998 en collaboration avec Sabah Wildlife Department. IL est basé au village Sukau, non loin du Sanctuaire de faune de Kinabatangan au Sabah, Malaisie (Bornéo). L'objectif principal du projet est La viabilité à long terme des populations d'orangs-outans au Sabah. Le projet emploie actuellement 35 personnes qualifiées et très motivées, originaires de la communauté de Kinabatangan. http://www.boh.com.my/pl/pubdoc/43191 Living Earth Foundation est une organisation non gouvernementale internationale qui favorise le travail en collaboration en vue de trouver des solutions aux problèmes environnementaux. Elle assure l'éducation environnementale et le développement des capacités de concert avec les sociétés, les communautés, et les gouvernements. Elle oeuvre pour la conservation des grands singes et leur habitat dans le cadre de ses programmes en Afrique. http://www.livingearth.org.uk FAUNA & FLORA uternationd THE GREAT APE WORLD HERITAGE SPECIES PROJECT À 7 a:1 International Gorilla Conservation Programme the Jane Goodall Institute ideas into action 485 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Orangutan Foundation (OF) agit pour la conservation des orangs-outans et de Leur habitat de forêt humide et conduit des travaux de recherche à long terme sur l'écologie des orangs-outans et autres espèces animales et végétales de leur habitat. OF entend appuyer les efforts de conservation en Indonésie et en Malaisie, mobiliser des fonds et susciter le Ne han: NO une prise de conscience au RU et dans Le monde entier En Indonésie, OF soutient activement La conservation au sein du Parc National de Tanjung Putting et d'autres aires protégées ou non, habitat critique des orangs-outans. Elle conduit également un programme de réhabilitation des orangs-outans à la vie sauvage http://www.orangutan.org.uk LA SA Pan African Sanctuary Alliance (PASA) est une alliance de18 sanctuaires de primates à travers l'Afrique, qui œuvre #/ LS A pour le regroupement des sanctuaires en vue d'une planification à long terme et d'une meilleure collaboration entre 2 + |4 2 > | [ur É les sanctuaires et les primatologues. PASA organise également des ateliers sur les sujets tels que les soins 2\ F De : ; NE) vétérinaires et Les primates orphelins. http://www.panafricanprimates.org PTT UE => PanEco Foundation for Sustainable Development and Intercultural Exchange & the Sumatran Orangutan Pa N E b) Conservation Programme (PanEco-SOCP] travaille sur tous les aspects de La conservation des orangs-outans de Sumatra. En 1999, PanEco Foundation et la Indonesian government Department of Forest Protection and Nature Conservation (PHKA] ont officiellemnt mis sur pied le Sumatran Orangutan Conservation Programme (SOCP] qui comprend également la Frankfurt Zoological Society et La Indonesian Foundation for a Sustainable Ecosystem [VELI, et OC est basé à Sumatra. Ses activités comprennent la confiscation des orangs-outans captifs détenus illégalement, leur S réintroduction dans la nature, la recherche sur l'écologie et le comportement des orangs-outans, les enquêtes et La surveillance, la sensibilisation publique, et La protection de l'habitat. PanEco oeuvre également dans le cadre de divers autres projets de développement durable et d'éducation environnementale en Suisse et en Indonésie. http://www.paneco.ch; http://www.sumatranorangutan.org Tayna Centre for Conservation Biology (TCCB] oeuvre pour la protection des gorilles et chimpanzés dans la Réserve à Gorilles de Tayna. IL a été institué sous l'égide de l'Union des Associations pour La Conservation des Gorilles et du Développement Communautaire de l'est de La République Démocratique du Congo (UGADEC, et reçoit une assistance du DFGFI. http://www.gorillafund.org/002_site_ind_frmset.html Tusk appuie les activités de conservation de La faune sauvage et de son habitat et promeut Le développement durable des communautés rurales à travers l'Afrique. Tusk fournit son assistance au Chimfunshi Chimpanzee Sanctuary de Zambie ainsi qu'au programme de relâcher des chimpanzés orphelins du Parc National de Conkouati, Congo. Tusk finance également divers projets de conservation et de développement à l'intérieur et autour du Parc National de wWww:-tusktorg Virunga et de Walikale en RDC, en vue de garantir la conservation des gorilles orientaux de plaine et les gorilles de montagne ainsi que leur habitat. http://www.tusk.org. UNEP World Conservation Monitoring Centre (UNEP-WCMC] fournit des produits et des services objectifs, scientifiquement corrects tels que l'évaluation des écosystèmes, l'appui dans Le cadre de La mise en application des UNEP WCMC accords et conventions sur l'environnement, les informations sur la biodiversité régionale et mondiale, La recherche sur les menaces et impacts, et la mise au point de futurs scénarios de développement. UNEP-WCMC a produit Le présent atlas en appui au GRASP http://www.unep-wemc.org VOLCANOES Volcanoes Safaris propose des safaris de vision des gorilles dans les Parcs Nationaux de Mgahinga et Bwindi en À Ouganda et le Parc National des Volcans au Rwanda. Il travaille en étroite collaboration avec Les communautés locales EN. et Les organisations de conservation pour appuyer le développement touristique, développer les capacités du secteur —_—— privé, et venir en aide aux communautés riveraines du Parc National des Volcans et de Nyungwe au Rwanda. http://www.volcanoessafaris.com W Wild Chimpanzee Foundation [WCF] oeuvre en vue de la préservation des dernières populations de chimpanzés et de I ra leur habitat naturel à travers leur aire de distribution en Afrique. WCF concentre ses activités dans divers pays de L SU (Afrique de l'ouest mais quelques-unes ont vu le jour en Afrique Centrale. http://www.wildchimps.org FOUNDATION 486 ANNEXE : GRASP ET SES PARTENAIRES Wildlife Conservation Society (WCS] a pour objectif d'aider à la sauvegarde de la faune et des milieux sauvages par le biais de la science, de la conservation internationale, de l'éducation, et de La gestion du plus vaste réseau des parcs urbains de faune sauvage. WCS a axé ses travaux sur la protection des quatre sous-espèces de gorilles et sur la protection des chimpanzés et orangs-outans dans leurs habitats d'origine. http://www.wcs.org WWE- L'Organisation mondiale de Conservation agit en vue de la conservation des milieux naturels et des processus écologiques dans le monde. WWF est impliqué dans La conservation des grands singes en partie à travers son appui au Programme International de Conservation des Gorilles et son Programme sur les grands singes d'Afrique http://www.panda.org Zoological Society of London (ZSL]) entend réaliser et promouvoir la conservation des animaux et leurs habitats à travers le monde. Son Programme Viande de brousse et Conservation des forêts concernant l'Afrique équatoriale, est axé sur la recherche relative à la viande de brousse en Afrique de l'ouest, et le développement des parcs nationaux au Gabon et en République Démocratique du Congo. http://www.zsl.org CONVENTIONS ENVIRONNEMENTALES La Convention sur la Diversité Biologique (CBD) a pour but d'assurer La conservation et l'utilisation durable de La diversité biologique, et un partage juste et équitable des bénéfices tirés de l'exploitation des ressources génétiques. Le programme de travail dans les aires protégées, qui vise l'établissement des réseaux effectifs d'aires protégées, et son programme élargi de travail sur la diversité biologique forestière, qui vise La promotion de l'exploitation durable des produits forestiers ligneux et non-ligneux ainsi que la stricte application de La législation forestière, sont d'une importance capitale pour la conservation des grands singes. Tous les pays de l'aire de répartition des grands singes font partie de cette convention. http://www.biodiv.org La Convention sur le commerce des espèces de flore et de faune sauvages menacées de disparition (CITES) 3 pour but d'assurer qu'aucune espèce animale ou végétale sauvage ne devienne ou demeure soumise à une exploitation n'assurant pas sa pérennité du fait du commerce international. Tous Les grands singes figurent sur La Liste de l'Annexe | de La CITES. Le commerce des spécimens de ces espèces est interdit sauf dans des cas exceptionnels à des fins non commerciales. http://www.cites.org La Convention sur les espèces migratrices (CMS) a pour objectif de promouvoir la conservation des espèces migratrices terrestres, aquatiques, et aviaires à travers leur aire de distribution. Cette convention concerne la conservation des gorilles de montagne, qui traversent les zones frontalières montagneuses entre l'Ouganda, le Rwanda, et La RDC. http://www.cms.int La Convention sur le Patrimoine Mondial (WHC] se fonde sur le principe que certaines zones de la planète ont une valeur exceptionnelle au plan mondial et doivent par conséquent faire partie du patrimoine commun de l'humanité. Les pays qui ont ratifié cet accord se sont engagés à identifier et sauvegarder ces patrimoines naturels et culturels exceptionnels. Les Etats proposent des sites de leurs territoires qui présenteraient des qualités répondant au patrimoine mondial, et ces sites sont alors inscrits sur la liste du patrimoine mondial s'ils répondent aux critères. http://www.unesco.org/ Nombre de ces sites sont d'une importance capitale pour La survie des grands singes. WILDLIFE “- LIVING CONSERVATION CBD MONDIAL * 487 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION PAYS DONATEURS Ce sont des pays qui offrent des fonds en vue de la conservation des grands singes. LES ÉTATS DE L'AIRE DE RÉPARTITION DES GRANDS SINGES Vingt-et-un pays font partie des Etats de l'aire de distribution des grands singes en Afrique et deux en Asie du sud-est. Angola Guinée-Bissau République Centrafricaine Burundi Guinée-Équatoriale République Démocratique du Cameroun Indonésie Congo Congo Libéria République Unie de Tanzanie Côte d'Ivoire Mali Rwanda Gabon Malaisie Sénégal Ghana Nigéria Sierra Leone Guinée Ouganda Soudan SECTEUR PRIVÉ GRASP reconnaît l'importance du secteur privé et entend encourager l'investissement et La participation de ce secteur dans la conservation des grands singes. 488 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION Table des Matières Remerciements [version originale) 6 Encadré 4.4 - La dispersion des graines par les chimpanzés PRÉFACE James V. Wakibara 76 Kofi A. Annan %l Encadré 4.5 - Réinsertion des chimpanzés orphelins Remerciements [traduction française) 8 Aliette Jamart et Benoît Goosens 78 Utilisation des cartes 9 Encadré 4.6 - Habituation des chimpanzés au tourisme PRESENTATION DES GRANDS SINGES Julia Lloyd et Lilly Ajarova 82 Richard Leakey 11 5 Le bonobo (Pan paniscus) 1 Évolution, dispersion et découverte Carmen Lacambra, Jo Thompson, Takeshi des grands singes Furuichi, Hilde Vervaecke et Jeroen Stevens 90 Martin Jenkins 13 Carte 5.1 : Répartition des bonobos 92 Encadré 1.1 - Traits caractéristiques du primate Encadré 5.1 - Dispersion des graines Martin Jenkins 18 par Les bonobos et pérennisation Encadré 1.2 - Grands singes cryptiques des forêts humides Julian Caldecott 26 Frances White 95 Encadré 5.2 - La communication BIOLOGIE DES GRANDS SINGES chez les bonobos Jane Goodall 31 Susan Savage-Rumbaugh 98 2 L'habitat des grands singes : Les forêts 6 Le gorille : présentation générale tropicales humides de l'Ancien Monde Julian Caldecott et Sarah Ferriss 107 Julian Caldecott et Valerie Kapos 33 Carte 2.1 : L'habitat des grands singes 7 Le gorille occidental (Gorilla gorilla) à Sumatra et Bornéo 34 Sarah Ferriss 115 Carte 2.2 : Habitats des grands singes Carte 7.1 : Répartition des gorilles d'Afrique 38 occidentaux de plaine 116 Encadré 7.1 - Le gorille de Cross River 3 Chimpanzé et bonobo : {Gorilla gorilla diehli présentation générale Jacqueline L. Sunderland, John F. Oates Julian Caldecott 46 et Richard Bergi 119 Encadré 3.1 - Usage du langage humain Encadré 7.2 - Clairière à l'Intérieur de La forêt : par les grands singes en captivité fenêtre ouverte sur Le monde des gorilles Duane Rumbaugh et Bill Fields 50 Richard Parnell 123 Encadré 7.3 - Valeur médicinale potentielle 4 Le chimpanzé (Pan troglodytes) des aliments des gorilles Tim Inskipp 57 Michael À. Huffman et Don Cousins 126 Carte 4.1 : Répartition des chimpanzés 58 Encadré 7.4 - Recensements des gorilles Encadré 4.1 - Les chimpanzés prédateurs Sarah Ferris et Lera Miles 134 Craig Stanford 62 Encadré 4.2 - La vision chez Le chimpanzé 8 Le gorille oriental (Gorilla beringei) Alison Surridge 68 Sarah Ferriss, Martha M. Robbins Encadré 4.3 - Culture des chimpanzés et Elizabeth À. Williamson 141 Andrew Whiten 70 Carte 8.1 : Répartition du gorille oriental 142 489 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 490 Encadré 8.1 - Coexistence des gorilles et des ghimpanzés Juichi Yamagiwa Encadré 8.2 - Infanticide chez Les gorilles Martha M. Robbins Encadré 8.3 - Le comportement vocal des gorilles de montagne Kelly J. Stewart Encadré 8.4 - Tourisme lié au gorille oriental Elizabeth À. Williamson 9 L'orang-outan : présentation générale Julian Caldecott 149 150 154 164 168 10 L'orang-outan de Bornéo (Pongo pygmaeus) Kim McConkey Carte 10.1 : Répartition des orangs-outans de Bornéo Encadré 10.1 - Adaptations des sangliers barbus à la vie dans les forêts à diptérocarpes Julian Caldecott Encadré 10.2 - Adaptation des orangs-outans à la dégradation forestière Marc Ancrenaz, Isabelle Lackman-Ancrenaz et Ahbam Abulani Encadré 10.3 - Les tourbières d'Asie du Sud-Est : habitat des orangs-outans John 0. Rieley, Susan E. Page et Suwido H. Limin 11 L'orang-outan de Sumatra (Pongo abelii) Kim McConkey Carte 11.1 : Répartition des orangs-outans de Sumatra Encadré 11.1 - Culture et socialité chez Les orangs-outans de Sumatra Michelle Merrill Encadré 11.2 - Histoire de l'écosystème Leuser Mike Griffiths 12 Gibbons : les petits hominoïdes David J. Chivers CONSERVATION DES GRANDS SINGES Toshisada Nishida 13 Les défis de La survie des grands singes Lera Miles, Julian Caldecott Encadré 13.1 - Bienheureux les gorilles ? Alexander H. Harcourt 177 178 182 187 192 203 204 210 218 225 237 239 244 Encadré 13.2 - Analyse par satellite des menaces sur les chimpanzés de Gombe Lilian Pintea Encadré 13.3 - Croyances et traditions humaines Julian Caldecott 247 250 Encadré 13.4 - Chasse et commerce de la viande de brousse à Sendje en Guinée Équatoriale Noëlle Kümpel Encadré 13.5 - Ebola et les grands singes en Afrique Centrale William Karesh et Patricia Reed Carte 13.1 : Les conflits historiques qui affectent Les pays abritant Les grands singes en Afrique 14 Les mesures de conservation mises en œuvre Nigel Varty, Sarah Ferriss, Bryan Carroll et Julian Caldecott Encadré 14.1 - Le tourisme lié à l'orang-outan Anne E. Russon et Constance L. Russell Encadré 14.2 - Sendje, chimpanzé orphelin Lise Albrechtsen et Brigid Barry 15 Lecons apprises et perspectives Julian Caldecott 252 255 258 267 290 295 306 Encadré 15.1 - Grands singes, consommateurs et médias Richard Brock OÙ VIVENT LES GRANDS SINGES ET À QUI REVIENT-IL DE LES SAUVER ? lan Redmond Carte 16a : Répartition des grands singes en Afrique Carte 16b : Répartition des grands singes en Asie du Sud-Est 16 Afrique République d'Angola Gemma Smith Carte 16.1 : Répartition des grands singes République du Burundi Gemma Smith Carte 16.2 : Répartition des chimpanzés République du Cameroun Patrice Taah Ngalla, Lera Miles et Julian Caldecott Carte 16.3a : Répartition des chimpanzés Carte 16.3b : Répartition des gorilles 310 318 318 319 325 325 326 332 333 338 340 342 République Centrafricaine Nigel Varty Carte 16.4 : Répartition des grands singes République du Congo Nigel Varty Carte 16.5 : Répartition des grands singes République de Côte-d'Ivoire Ilka Herbinger, Christophe Boesch, Adama Tondossama et Edmund McManus Carte 16.6 : Répartition des chimpanzés République Démocratique du Congo Nigel Varty Carte 16.7a : Répartition des bonobos et des Chimpanzés Carte 16.7b : Répartition des gorilles République de Guinée-Équatoriale Brigid Barry Carte 16.8 : Répartition des grands singes République du Gabon Ambrose Kirui, Lera Miles et Julian Caldecott Carte 16.9 : Répartition des grands singes République du Ghana Edmund McManus Carte 16.10 : Répartition des chimpanzés République de Guinée Muhammad Akhlas Carte 16.11 : Répartition des chimpanzés République de Guinée-Bissau Claudia Sousa, Spartaco Gippoliti et Muhammad Akhlas Carte16.12 : Répartition des chimpanzés République du Libéria Gemma Smith Carte 16.13 : Répartition des chimpanzés République du Mali Chris Duvall et Gemma Smith Carte 16.14 : Répartition des chimpanzés 349 351 356 358 364 365 369 370 372 380 381 386 390 392 394 397 398 402 404 406 408 412 414 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION République Fédérale du Nigéria Edmund McManus Carte 16.15 : Répartition des grands singes République du Rwanda Nigel Varty Carte 16.16 : Répartition des grands singes République du Sénégal Edmund McManus Carte 16.17 : Répartition des chimpanzés République de Sierra Leone Edmund McManus Carte 16.18 : Répartition des chimpanzés République du Soudan Nigel Varty Carte 16.19 : Répartition des chimpanzés République d'Ouganda Nigel Varty Carte 16.20 : Répartition des grands singes République Unie de Tanzanie Jared Bakusa et Edmund McManus Carte 16.21 : Répartition des chimpanzés 17 Asie République d'Indonésie Kim McConkey, Julian Caldecott et Edmund McManus Carte 17.1 : Répartition des grands singes Malaisie Kim McConkey, Julian Caldecott et Edmund McManus Carte 17.2 : Répartition des grands singes POSTFACE Russell A. Mittermeier ANNEXES Projet pour la survie des grands singes GRASP Les partenaires du GRASP 444 448 450 457 459 463 463 464 472 473 479 481 482 491 ATLAS MONDIAL DES GRANDS SINGES ET DE LEUR CONSERVATION 492 Julian Caldecott a une formation en écologie et en primatologie. Il a étudié les gibbons et les macaques dans les forêts de Malaisie et a tra- vaillé dans des projets de gestion de la faune sauvage et de conservation de la biodiversité des tropiques. Il a participé, en particulier, à des programmes de conservation des orangs-outans de Bornéo et de Sumatra, des chimpanzés de l'Ouest et du Nigeria-Cameroun et des gorilles de Cross River. Lera Miles est biologiste au World Conserva- tion Monitoring Centre du PNUE qui analyse les menaces qui pèsent sur la biodiversité depuis un niveau global jusqu’à une échelle locale. Sa spécialité inclut la cartographie des espèces, la modélisation, l'évaluation de leur vulnérabilité et l'établissement de priorités. Design de la jaquette : Jean-Michel Krief Illustrations de la jaquette : Couverture (de gauche à droite) : gorille des montagnes (Go- rilla beringei), Cyril Ruoso; chimpanzé (Pan troglodytes), Jean-Michel Krief; orang-outan de Bornéo (Pongo pygmaeus), Jean-Michel Krief/MNHN; gorille des plaines de l’ouest (Go- rilla gorilla), Cyril Ruoso; bonobo (Pan paniscus), Cyril Ruoso; orang-outan de Sumatra (Pongo abelii), Cyril Ruoso; Parc National de Kibale, Ouganda, Jean-Michel Krief. 2ème, 3ème et 4ème de couverture : Chimpanzé (Pan rroglo- dytes), Jean-Michel Krief. > Plus de 200 photos et près de 50 cartes en couleurs > Des données actualisées sur les 6 espèces de grands singes > Présentation de la situation des grands singes dans les 23 pays de l’aire de répartition Version française préparée sous la direction de : Dr. Sabrina Krief, MNHN Dr. Samy Mankoto Ma Mbaelele, UNESCO en collaboration avec : Dr. Marc Ancrenaz, Dr. Emmanuelle Grundmann, Pr. Claude Marcel Hladik, Dr. Inza Kone, Georgius Koppert, Dr. Florence Levréro Traduction : Pascal Nzodjou Ngeuko, Ministère des Forêts et de la Faune du Cameroun ISBN | 92-3- |) | 5 j (LT |! 04098 n = i WI UNEP WCMC