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Full text of "La navigation aérienne : l'aviation et la direction des aérostats dans les temps anciens et modernes"

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YALE 
MEDICAL LIBRARY 




HISTORICAL 
LIBRARY 



THE GIFT OF 
GEORGE MILTON SMITH 



BIBLIOTHÈQUE 

DES MERVEILLES 

PUBLIÉE SOCS LA DIBECTION 

DE M EDOUARD CHARTON 



LA NAVIGATION AÉRIENNE 



PRINCIPAUX OUVRAGES DE M. G. TISSANDIER 



L'Eau, 5 e édition. 1 vol. in-18 illustré. Hachette et C'\ 

La Houille, V édition. 1 vol. în-lS illustre Hachette et C*\ 

Les Fossiles, 3' édition. 1 vol. in-18 illustré. Hachette et C le . 

La Photographie, 3* édition. 1 vol. in-18 illustré. Hachette et G 1 '. 

Eléments de chimie, 7° édition. A vol. in-18 avec de nombreuses figures 
{En collaboration avec M. PP. Deiiéhain), Hachette et C u . 

Causeries sur la science, 2" édition. 1 vol. in-18 illustré. Hachette et C'°. 

Lee martyrs de la science, 2" édition. 1 vol. in-8", avec 20 vignettes 
par Gilbert. Maurice Dreyfous. 

Les héros du travail, 2 e édition. 1 vol. in-8°, avec 20 vignettes par Gilbert. 
Maurice Dreyfous. 

Les poussières de l'air. 1 vol. in-18 avec figures et planches hors texte. 
Gauthier-Villars. 

Les récréations scientifiques ou l'enseignement par les jeux. 1 vol 
in-8* avec de nombreuses figures et 4 planches hors texte, Ouvrage 
couronné par l'Académie française, A" édition. G. Masson. 

L'océan aérien Études météorologiques I vol. in-8* avec de nombreuses 
gra\ ares. G. Hasson. 

La Nature, lievtie des sciences cl de leurs applications aux arls et à l'in- 
dustrie. Journal hebdomadaire illustre Gaston TtsSANMER, rédacteur en 
chef. 2 vol. grand in-8* par an depuis 1S73. G. Masson 

L'héliogravu-e son histoire et ses procédés Conférence laite au cercle 
de la librairie I broch. în-8". (Epuisé). 

Histoire de la gravure typographique. Confércn '<■ faite an cercle de la 
librairie. 1 broch. in-8°. (Epuisé). 

Histoire de mes ascensions Récit de 50 voyages aériens, précédé de 
simpbs notions sur les ballon-., \* édition, 1 vol. m-S" avec de nom- 
breuses illustrations, par M. Albert Tissandieb. Maurice Dreyfous. 

En baiio.i pendant le siège de Paris Souvenirs d'un aéronaute. 1 vol 
in-8" É. Dentu. 

Deux conférences su* les aérostats et la navigation aérienna. 1 broch 
in-18, S. Molteni. 

Les ballons dirigeables Application de l'électricité à la navigation 
aérienne. I vol. in-18 avec 35 figures et 4 planches hors texte. Gau- 
thier-Villars. 

Observations météorologiques en ballon. 1 vol, in-18 avec figures, Gju- 
thier-Villars. 

Voyages dans les airs I vol. in-18 illustre Hachette et 0*. 
Le grand ballon captif a vapeur de M Henry Gif fard ¥ édition, avec de 
nombreuse- gravures par Aldeiit Tissaxdier. (Épuisé). G. Masson. 



1*2787. — Irapr >rie A Lahure, rue de r'ieurus, 9, à Paris. 




-~1 



L'aérostat dirigeable de MM. les Capitaines Renard et Krebs 
au-dessus de l'usine aéronautique de Chalais-Meudon. 



BIBLIOTHÈQUE DES MERVEILLES 



LA 

NAVIGATION AÉRIENNE 

L'AVIATION 
ET LÀ DIRECTION DES AÉROSTATS 

dans les temps anciens et modernes 



GASTON TISSANDIER 



...L'avenir est à la navigation .icnenne 
et le devoir du présent al de travailler 
à l'avenir. 

Victor. Htjgo [Lettre a Inutcnr 



OUVBAGE ILLUSTRÉ DE 99 VIGNETTES 



PARIS 
LIBRAIRIE HACHETTE ET C 

7 0, BOULEVARD SAINT-GERMAIN. 79 

1886 

Droit- -te br»pri«M .. d« induction c»-»« 






ré? 



PREFACE 



Parmi les nombreux problèmes que l'homme 
s'est proposé de résoudre, il n'en est peut-être 
pas de plus difficile que celui de la navigation 
aérienne. 

Des ailes! Des ailes! a pu dire le poêle dès 
les premiers âges du monde. Oui des ailes, 
pour voler comme l'oiseau, pour parcourir les 
espaces sans rencontrer d'obstacles, pour planer 
dans cet océan sans rivages que nous appelons 
l'atmosphère. Mais la mécanique impuissante n'a 
pas encore su les construire. 

Il a fallu, après des milliers d'années de con- 
ceptions vaines, que les frères Montgolfier aient 
songé à remplir d'air chaud et raréfié, un sac de 
papier de grand volume, et l'art aéronautique a 
été créé. L'hydrogène remplaçant l'air chaud, le 
ballon à gaz a succédé à la Montgolfière. 

L'aérostat a permis à l'explorateur de s'affranchir 
des lois de la pesanteur, de quitter la surface du 



u PRÉFACE 

sol, pour traverser les nuages, visiter le domaine 
des météores et pénétrer dans les hautes régions, 
au delà des limites que l'aigle lui-même n'a 
jamais atteintes. 

On demande au ballon plus encore aujourd'hui. 
Bouée flottante au sein des courants, on exige de 
lui qu'il devienne vaisseau; on veut qu'il obéisse à 
l'action d'un propulseur puissant et léger, et qu'il 
nous conduise, non pas où le vent le mène, mais 
où nous voulons aller. 

Grand problème, dont les conséquences sont 
incalculables. 

La conquête de l'air par les aérostats dirigeables, 
déjà commencée depuis peu, sera continuée dans 
le présent, el achevée dans l'avenir. 

C'est notre conviction profonde. Nous avons 
essayé de la faire partager à nos lecteurs, non 
par des mois, mais par des faits; non par des 
conjectures et des hypothèses, mais par l'exposé 
méthodique des idées émises, des essais proposés, 
des travaux accomplis, et des expériences réa- 
lisées. 

G. T. 

Octobre 18X5 



PREMIERE PARTIE 



LA LOCOMOTION AERIENNE AVANT LES MONTGOLFIER 



... Terras licet, inquit et uudas 

Obstruât; at cœrte cœlum palet : ibimus illac... 

(La terre et les ondes nous sont fermées, 

mais le ciel est ouvert nous irons par te 

chemin.) 

Ovine, Métamorphoses, lib. VIII, fab. iv. 

Peut estre sera inventée herbe moyennant la- 
quelle pourront les humains visiter les sources 
des gresles, les bondes des pluyes et l'officine des 
l'ouhlres. 

IUuelais, Pantagruel, liv. III, cliap li. 



LA LEGENDE DES HOMMES VOLANTS 



Dédale et Icare- — La (lèche d'Aljaris. — La colombe volante d'Ar- 
chytas. — Roger Bacon. — Dante de Pérouse. — Appareil volant 
de Besnier. — Les poètes et les romanciers. — Cyrano de Ber- 
gerac. — Pierre Wilkins. — Rétif de la Bretonne. — M. de la 
Folie. 



Il est certain que dans tous les temps, les 
hommes de hardiesse qui, dès les premiers âges 
du monde, avaient le sentiment de l'exploration, 
le goût des voyages, le désir de parcourir les 
mers et de s'éloigner du rivage sur des barques 
plus ou moins primitives, ont dû se demander s'il 
ne serait pas possible d'imiter l'oiseau et de quitter 
la terre en s'élcvant dans l'atmosphère. Les légen- 
des de l'antiquité abondent en récits de tentatives 
de ce genre. Ovide a retracé notamment les aven- 
tures de Dédale qui, pour fuir la colère de Minos, 
roi de Crète, fabriqua des ailes qui lui permirent 
de se sauver de l'Ile où il était prisonnier avec 
son ïils Icare. Dédale réussit à s'évader, mais Icare 
ayant volé trop liant, la cire qui liait ses ailes se 
foudil au soleil, et il tomba dans la nier. 



4 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

Des histoires analogues se retrouvent dans dos 
temps plus reculés encore Dans le tome I" dos 
Religions de l'Inde', on lit : « Haiiomiiaii monta 
sur le sommet d'une colline et. après avoir pris les 
conseils du sage Jamliaranfa. il s'élança dans les 
airs cl alla tomber dans le Lanka, ainsi <|ii'il l'avait 
espéré. » La Bible rapporte que le prophète Elie fut 
enlevé par un char de l'eu. 

Dans la Salle des dieux, au musée égyptien du 
Louvre, il existe une petite plaque de bronze d'une 




i/o égypfu 



repr 



le vuhint. 



haute antiquité, où l'on voit en relief un homme 
volant les deux ailes étendues (fig. 1). 11 est vrai 
que l'on s'accorde à considérer cette pièce comme 
une composition symbolique plutôt qui; comme la 
représentation d'un appareil d'aviation. 

Abaris, d'après les récits de Diodore de Sicile, 
aurait t'ait le tour de la Terre, assis sur une 
(lèche d'or. L'oracle du temple d'Iliéropolis se serait 
élevé dans les airs. Sous Néron, Simon le Magi- 



1. Religions de l'Inde [Buchon direct.), l. I, p. lti-.'. 



LA LOCOMOTION AÉRIENNE AVANT LES MONTGOLFIER 5 
rien aurait aussi connu lé moyen rie voler dans 
l'espace. Les Capnobates, peuple de l'Asie Mineure, 
dont le nom signifie marcheurs par la fumée, au- 
raient trouvé le moyen de s'élever à l'aide de l'air 
raréfié par le feu. 

Reproduire avec détails des fables de ce genre, 
n'aurait qu'un intérêt purement mythologique. Là 
n'est pas notre but; nous voulons passer en revue 
les expériences qui ont pu être faites, et les idées 
rationnelles qui ont pu être émises au sujet de la 
navigation aérienne avant, les Montgolfier. Sans cher- 
cher des documents dans les traités d'aérostation 
écrits depuis un siècle et qui, la plupart du temps, 
se recopient les uns les autres, je me suis efforcé 
de remonter aux sources originales afin d'offrir au 
lecteur des renseignements inédits, sûrs et précis. 

Le premier document que les historiens spéciaux 
aient signalé au sujet des appareils de vol mécani- 
que, est relatif à la colombe volante d'Archytas 1 . On 
a beaucoup écrit à ce sujet, mais en oubliant trop 
souvent le texte original. Il n'existe, à notre con- 
naissance, aucun autre texte que celui des Nuits 
attiques d'Aulu-Gelle. Or, voici ce qu'Aulu-Gelle a 
écrit, d'après la traduction française de la collection 
Nisard : « Les plus illustres des auteurs grecs, et, 
entre autres, le pbilosoplie Favorinus, qui a re- 
cueilli avec tant de soins les vieux souvenirs, ont 



1. Archytas de Tarente, célèbre phytagoricien, était un mathé- 
maticien profond el un mécanicien habile. Il vivait 401) ans avant 
l'ère chrétienne. On lui doit de grandes inventions, notamment 
celles de la vis, de la poulie et du cerf-volant. 



f> LA NAVIGATION AÉRIENNE 

raconté du Ion le plus affirmatif qu'une colombe de 

bois, faite par Arrhytas à l'aide de la mécanique, 
s'envolait; sans doute elle se soutenait au moyeu 
de l'équilibre, et l'air qu'elle renfermait secrète- 
ment la taisait mouvoir 1 . » 

Voilà tout ce que l'histoire a laissé; celte phrase 
laconique n'autorise en aucune façon les affirma- 
tions qui ont été publiées postérieurement par des 
écrivains trop crédules. Dans plusieurs autres au- 
teurs, Cassiodore, Michel Glyeas, etc., on trouve 
des histoires vagues d'oiseaux artificiels qui volaient 
el qui chantaient. Il semble à peu près certain 
qu'il s'agit de contes imaginaires, bien plutôt que 
de faits réels. 

Il n'en est pas moins vrai que des appareils 
d'aviation mil été expérimentés depuis des temps 
liés reculés. 

Au onzième siècle, Olivier de Malmcsbury, savant 
bénédictin anglais, entreprit de voler en s'élevant du 
haut d'une tour, mais les ailes qu'il avait attachées 
à ses hras et à ses pieds n'ayant pu le porter, 
il se cassa les jambes en tombant, et mourut à Mal- 
sbury en 1000 2 . 

Au douzième siècle, un Sarrasin, qui passa d'abord 
pour magicien, fit, d'après la légende, une tentative 
de vol aérien à Constanlinople, sous le règne d'Em- 
manuel Comnène. Il était monté sur le haut de la 



1. Aulu-Gelle, tiuito attiques, X, 12. 

2. Extrait d'un mémoire sur le vol lu à l'Académie de Lvnn le 
11 mai 177.",. par M.Mongez, chanoine régulier de la Congrégation 

de France. — Essai sur l'art du vol aérien, Paris, 1784 



LA LOCOMOTION AÉRIENNE AVANT LES MONTGOLFIER 7 

tour de l'hippodrome. Il était debout, vêtu d'une, 
robe blanrlic fort longue et fort large, dont les pans, 
retroussés avec de l'osier, lui devaient servir de 
voile pour rerevoir le vent. 11 s'éleva comme un 
oiseau, mais son vol fut aussi infortuné que celui 
d'Icare. Il se brisa les os 1 . 

Au treizième siècle, le moine anglais Roger Bacon 
a affirmé, clans son livre : Dr miràbili potestate artis 
et naturse, que l'homme pourrait un jour voler 
dans l'atmosphère; mais il ne donne aucune indi- 
cation sur un mécanisme quelconque, et il se con- 
tente d'une simple prophétie : 

« On fabriquera des instruments pour voler, au 
moyen desquels l'homme assis fera mouvoir quel- 
que ressort qui mettra en branle des ailes artificielles 
comme celles des oiseaux. » Et rien de plus. Une 
hypothèse exprimée de cette manière, ne permet 
assurément pas de compter Roger Bacon au nombre 
des précurseurs des Montgolfier. 

Au quinzième siècle, Jean Millier, dit Rcqiomon- 
tanus, aurait construit une mouche de métal qui 
se soutenait dans l'air, et un aigle de fer qui serait 
allé au-devant de l'empereur Frédéric IV et aurait 
volé sur un parcours de mille pas aux environs de 
Nuremberg. Ces récits sont peu vraisemblables. 

On a encore souvent parlé de Dante de Pérouse qui , 
au quatorzième siècle, aurait réussi à construire des 
ailes artificielles au moyen desquelles il se serait 
élevé et aurait franchi le lac. Trasimène. 

1. Histoire de Constantinople, par Cousin. 



.S LA NAVIGATION AÉIUENNE 

Ce récit a été mentionné par Henri Paulrau dans * 
son Dictionnaire de physique, en 1789. Je suis 
arrivé à me procurer un livre pins ancien, daté de 
1078, et qui rapporte le même récit. Ce livre est 
intitulé : Athenseum Augustum in qno Perminorum 
scripta publiée expônientur. 11 donne (p. 168) une 
courte biographie de Baptista Dantius Perusinus, 
et il affirme que l'expérience dont nous venons de 
parler a eu lieu; mais on ne trouve aucun délai! 
du mécanisme, ce qui ferait supposer que l'auteur 
reproduit un simple récit légendaire encore inspiré 
de celui d'Icare. 

La tradition rapporte que sous Louis XIV un 
nommé Allard, danseur de corde, annonça qu'il 
ferait une expérience de vol, à Saint-Germain, en 
présence du roi. Il devait partir de la terrasse pour 
descendre dans les bois du Vésinet. L'expérience eut 
lieu, parait-il, mais Allard tomba au pied même de 
la terrasse, cl se blessa grièvement. 

Il fut question en 1078 d'un appareil volant con- 
struit par un nommé Besnier. Les aviateurs ont 
souvent mentionné ce fait; j'ai pu me procurer 
encore le document original où il est signalé. C'est 
le Journal des sçavans du 12 décembre 1078; 
voici in extenso ce qui est dit de l'expérience de 
Besnier avec la reproduction de la figure (fig. 2). 

Extrait d'une lettre escrite a monsieur Toynard sur une 
Machine d'une nouvelle invention pour voler en l'air. 

M. Toinard a eu avis que le P. Besnier serrurier de 
Sablé au pais du Maine a inventé une machine à quatre 



LA LOCOMOTION AERIENNE AVANT LES MONIGOLFIER !» 

aisles pour voler. Quoy qu'il en attende une Figure et 
uue Description plus exacte que celle-cy : l'on a crû 
que parceque ce Journal est le dernier de ceux que 
nous donnerons cette année avec celuy du Catalogue 
de tous les Livres et de la Table des Matières par où 
nous finissons toutes les années, le Public ne serait 
pas fasché d'apprendre par advance une cbose si extra- 
ordinaire. 
A, aisle droite de devant. — B, aisle gauche de der- 




Yig. 2. — Appareil volant de Dernier. Reproduction par l'héliogravure 
de la figure du Journal des sçavans (1C78J. 



rière. — C, aisle gauche de devant. — 0, aisle droite 
de derrière. — E, fïsselle du pied gauche qui l'ait bais- 
ser l'aisle D, lorsque la main gauche fait baisser l'aisle 
C. — F, fïsselle du pied droit qui lait baisser l'aisle 1) 
lorsque la main gauche fait baisser l'aisle C. 

Celte machine consiste en deux basions qui ont à 
chaque bout un châssis oblong de taffetas, lequel 
châasis se plie de haut en bas comme des battants de 
volets brisés. 

Quand on veut vêler, on ajuste ces bastons sur ses 



1" I \ NAVIGATION AÉRIENNE 

espaules, en sorte qu'il y ail deux châssis devant et 
deux derrière. Les châssis de devanl sont remués par 
les mains, et ceux de derrière, par les pieds, en tirant 
une Iisselle qui leur est attachée. 

L'ordre de mouvoir ces sortes d'aisle esl tel, que 
quand la main droite fait baisser l'aisle droite de devanl 
marquée A. le pied gauche fait baisser par le moyen 
de la Iisselle E l'aisle gauche de derrière marquée li. 
Ensuite la main gauche, faisant baisser l'aisle gauche 
de devanl marquée C, le pied droit fait baisser par le 
moyen de la Iisselle l'aisle droite de derrière marquée 
II. et alternativement en diagonale. 

Ce mouvement en diagonale a semblé très bien ima- 
giné, puisque c'est celuy qui esl naturel aux quadru- 
pèdes et aux hommes quand ils marchent ou quand ils 
□.agent; et cela l'ait bien espérer de la réussite de la 
machine, (in trouve néanmoins que, pour la rendre 
d'un plus grand usage, il y manque deux choses. La 
première esl qu'il g faudroit adjouster quelque chose de 
très léger et de grand volume, qui, entant appliqué à 
quelque partie du corps qu'il faudroit choisir pour cela, 
pust contrebalancer dans l'air le poids de l'homme ; et 
la seconde chose à désirer seroit que l'on y ajustât mu 1 
queue, car elle servirait à soutenir et à conduire celuy 
qui volerait; mais l'on trouve bien de la difficulté à 
donner le mouvement et la direction à celle queue, 
après les différentes expériences qui ont esté faites 
autrefois inutilement par plusieurs personnes. 

La première paire d'aisles qui est sortie des mains 
du sieur Besiiier a esté portée à la Ouibré, où un Bala- 
din l'a acheptée et s'en sert fort heureusement. Présen- 
tement, il travaille à une nouvelle paire plus achevée 
que la première. 

Il ne prétend pas néanmoins pouvoir s'élever de terre 
par sa machine, ny se soutenir fort longtemps en l'air, 
à cause du deffaut de la force et de la vitesse qui sont 
nécessaires pour agiter fréquemment et efficacement ces 



LA LOCOMOTION AÉRIENNE AVANT LES MONTGOLFIER 1! 

sortes d'aisles, ou en terme de volerie pour planer. 
Mais il asseure que, parlant d'un lieu médiocrement 

élevé, il passerait aisément i rivière d'une largeur 

considérable, l'ayant déjà fait de plusieurs distances et 
eu différentes hauteurs. 

Il a commencé d'abord par s'élancer de dessus un 
escabeau, ensuite de dessus une table, après, d'une 
fenêtre médiocrement liante, ensuite de celle d'un 
second étage, et enfin d'un grenier d'où il a passé par 
dessus les maisons de son voisinage, et s'exerçant ainsi 
peu à peu, a mis sa machine en Testât où elle est 
aujourd'huy. 

Si cet industrieux ouvrier ne porte celle invention 
jusqu'au point où chacun se forme des idées, ceux qui 
seront assez heureux pour la mettre dans sa dernière 
perfection, luy auront du moins l'obligation d'avoir 
donné une veùe dont les suites pourront peut-être 
devenir aussi prodigieuses que le sont celles des pre- 
miers essais de la navigation. Car quoy que. ce que nous 
avons dit du Dante de Permise, que le Mercure Hollan- 
dois de l'année 1675 rapporte d'un nommé Bérnoin qui 
se cassa le col en volant à Francfort, ce que l'on a vu 
mesme dans Paris, et ce qui est arrive' en plusieurs 
antres endroits, fasse voir le risque et la difficulté qu'il 
y a de réussir dans cette entreprise, il s'en pourrait 
enfin trouver quelqu'un qui serait ou plus industrieux ou 
moins malheureux que ceux qui l'ont tentée jusqu'icy '. 

J'ai souligné les passages qui m'ont paru devoir 
attirer l'attention, soit au point de vue des idées 
théoriques émises, soit au point de vue historique. 
On voit que l'appareil représenté par le dessin du 

\. Journal dessçavans du liindy 12 décembre v.dc.ixxvhi, p. 420 
et suiv. — A Paris, fiiez Jean Cusson, rue S. Jacques à l'image de 
S. Jean Baptiste, 1078. Avec privilège du Roy. 



12 LA NAVIGATION AKItlENNE 

Journal des scavans ne saurai! être construit avec 

quelque chance de donner aucun résultat sérieux : 
le document historique que nous avons reproduit 
est insuffisant pour qu'il soit permis d'affirmer, 
comme on l'a fait, que Besnier ait pu réussir dans 
ses essais de vol aérien. II ne serait pas impossible 
cependant qu'un appareil analogue ait fonctionné 
à la façon d'un parachute, mais alors il ne pouvait 
avoir l'aspect de la figure. 

Si. comme l'affirmait Borelli, aucun homme 
n'avait pu réellement voler au moyen d'ailes artifi- 
cielles, si comme nous le croypns aussi, l'expérience 
des hommes volants n'a jamais réussi, le problème 
du vol artificiel et de l'ascension dans l'atmosphère 
a toujours préoccupé les esprits. Les romanciers, 
dans tous les temps, ont souvent donné à leurs 
personnages imaginaires la faculté de parcouru l'es- 
pace. Parmi les procédés qu'ils ont inventés, il en 
est quelques-uns qui méritent d'être signalés. 

On se rappelle le fameux tapis enchanté et le 
cheval de bronze des Mille et une nuits. On connaît 
aussi les récits de Cyrano de Bergerac et les aven- 
tures de son héros dans le Voyage à la Lune*. 

Voici comment je medonflaiauciel, dit Cyrano. J'avais 
attaché autour de moi quantité de fioles pleines de ru- 
sée, sur lesquelles le soleil dardait ses rayons si vio- 
lemment que la chaleur qui les attirait, comme elle 
fait les plus grosses nuées, m'éleva si haut, qu'enfin je 



1. Les truvres de monsieur de Cyrano Brrrjrrac. ;'i Amsterdam 
2 vol. in-18, 1700. 



LA LOCOMOTION ACK1ENNL AVANT LES MONTGOLFIER 13 

me U'ouvai au-dessus de la moyenne région; mais 
comme colle attraction me faisait monter avec trop de 
rapidité, et qu'au lieu de m'approcher de la lune, 
comme je le prétendais, elle me paraissait plus éloignée 
qu'à mon partement, je cassai plusieurs de mes fioles, 
jusqu'à ce que je sentis que ma pesanteur surmontait 
l'attraction et que je redescendais vers la terre; mon 
opinion ne fut pas fausse, car j'y retombai quelque 
temps après. 

Dans sa relation des Etats du Soleil. Cyrano do 
Bergerac décrit une autre machine qu'il appelle un 
oiseau de bois. Swift dans ses aventures de Gulliver 
a décrit l'île de Laputa, qui plane au moyen de pro- 
cédés électriques. Nous allons voir tout à l'heure 
l'électricité intervenir encore dans d'autres cu- 
rieuses fantaisies aériennes 

Un Anglais, l'évèque Wilkins, écrivain remar- 
quable du dix-huitième siècle, a écrit un ouvrage 
sur les Hommes volants' où il discute sérieusement 
l'histoire et les conditions du vol artificiel. Rétif de 
la Bretonne l'a imité, dans son livre rare et curieux : 
La découverte australe par un homme volant- où 
il publie de charmantes vignettes représentant les 
aventures de son héros Victorin parcourant les 
divers pays au moyen de ses ailes artificielles. 

Un autre livre rare et précieux que je possède 



1. Les hommes volatis ou /es aventures de Pierre Wilkins. 
Traduites de l'anglais et ornées de ligures en taille-douce. 3 vol. 
i il- 1 8 à Londres et à Paris, 1763. 

2. La découverte australe par un /tomme volant ou le dédale 
français. — Nouvelle 1res philosophique. 4 vol. in-18 avec nom- 
breuses vignettes. Leipsick, 1781. 



14 LA .NAVIGATION AÉRIENNE 

aussi (huis mn bibliothèque aéronautique, donne la 
singulière description (l'une machine volante qui 
s'élève au moyen du fluide électrique. Ce livre est 
intitulé Le philosophe sans prétention, il est signé 
M. D. L. F. '. On sait que l'auteur était M. de la Folie, 
de Rouen. 

lue planche fort bien gravée, placée en tête de 
l'ouvrage, représente la machine volante au moment 
où elle s'élève. 

Nous reproduisons à titre de curiosité celle char- 
mante vignette (fig. 5), où l'on voit l'inventeur Scin- 
tilla conduisant son appareil. 

Depuis longtemps, dit Scintilla, dans l'ouvrage de 
M. de la Folie, les hommes oui recherché par quelles 
loix méchaniques ils pourraienl franchir les espaces. 
Je suis flatté de pouvoir vous offrir aujourd'hui la réus- 
site de mes recherches. Le voici, dit-il, en présentant 
un écrit; mais cet écrit ne suffit pas. La théorie quoique 
fort simple, ne serait peut-être pas assez intelligible 
(Lins une matière aussi neuve. Aussi avant d'en veuir 
à l,i démonstration théorique, faisons l'expérience. 
Deux esclaves ont porté mon appareil sur la plate-forme 
de noire lour. Heinlons-nous-v.. .. 

.le marchais avec les autres, .le calculais, je réfléchis- 1 
sais en moi-même que l'écart des leviers puur former 
une résistance suffisante, c'est-à-dire pour embrasser, 
un grand volume d'air, exige-lit une force ou puissance 
considérable 

Quelle l'ut ma surprise lorsque arrivé sur la plaie- 
forme, je vis deux globes de verre de trois pieds de 

1. Le philosophe sans prétention ou l'homme rare, ouvrage phy- 
sique, ehymique, politique et moral, dédié aux savans, par M. D.L. F. 
A Paris, cliez Cluusicr, 1770. 1 vol. id-IS" aveu vignettes. 




~i£. iî. — Machine volante électrique figurée 
dans le Philosophe sans prétention (1775). 



I \ [.OCQMOTION AKKIIINM'. AVANT LES MONTGOLFIER 17 

diamètre montés au-dessus d'un pot i l siège assez cdhr- 
mode; quatre montans de buis couverte de lames de verre 
soutenaient ces doux globes. La pièce inférieure qui 
servait de soutien et de base aii siège, était un plateau 
enduit de camphre et couvert de feuilles d'or. Le tout 
était entouré de fils de métal. Aussitôt que j'eus aperçu 
cette machine électrique de nouvelle forme je devins 

moins incrédule 

Enfin, il n'y eut bientôt pi us aucun doute à former. 
Scintilla dont le corps était aussi alerte que l'imagina- 
tion, monte lestement sur la méchanique, et poussant 
promptement une détente, nous vîmes les doux globes 
tourner avec une rapidité prodigieuse. Messieurs, dit-il, 
vous voyez que pour m'élever en l'air, mon principal 
moyen est d'annuler au-dessus de ma tête la pression 
de l'atmosphère. Observez que la percussion de la lu- 
mière agit actuellement au-dessous de ma méchanique I 
C'est elle qui va m'eulever sans beaucoup d'efforts, et. 
maître du mouvement de mes globes, je descendrai 
ou monterai en telles proportions qu'il me plaira. Vous 
\ovez encore Mais nous ne l'entendions plus. Sa ma- 
chine entourée tout à coup d'un cercle lumineux, s'était 
enlevée avec la plus grande vitesse. Jamais spectacle si 
nouveau et si beau ne s'offrit à nos yeux. Nous le vîmes 
pendant quelque temps rester immobile, puis redescen- 
dre, puis s'élever de nouveau. Enfin nous le perdîmes 
de vue. 

On est vraiment surpris do trouver ce récit dans 
un livre publié avant la découverte des aérostats. 
Ne croirait-on pas lire la description d'une ascen- 
sion en ballon? La machine imaginaire de l'auteur 
du Philosophe sans prétention donne assurément 
à penser, et le choix de l'électricité comme moteur, 
est remarquablement choisi, à une époque oit l'on 

•2 



18 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

ne soupçonnait pas l'existence dos moteurs dynamo- 
électriques. 

N'a-t-on pas on raison do dire : Poète, prophète. 

Bien d'autres auteurs se sont servis de la fiction 
du vol à travers les airs pour faire voyager leurs 
héros. On se souvient que Voltaire a entraîné Micro- 
mégas d'une planète à l'autre, en le niellant à 
cheval sur une comète. 

Après avoir mentionné ces rêves de l'imagina- 
tion, dont quelques-uns peuvent être cités comme 
une sorte d'inspiration et de prévision singulières 
de l'avenir, revenons en arrière dans l'histoire, 
pour étudier la réalité des laits, et rentrer dans le 
domaine des études qui ont été entreprises pour la 
conquête de l'air. 



// 



II 



L AVIATION, DU XV e AU XVIII e SIÈCLE 



Léonard de Vinci. — Étude du vol artificiel. — L'hélicoptère et le 
parachute. — Fauste Veranzio et le parachute de Venise. — Le 
ptérophorê de Paucton. 

Léonard de Vinci, le grand artiste de la Renais- 
sance, a sa place marquée dans l'histoire de l'avia- 
tion. M. Hurean de Villeneuve a résumé dans YAéro- 
naute 1 l'histoire des travaux de cet homme de 
génie, et nous reproduirons ici les faits les plus 
curieux qui se rattachent à ces études, fort intéres- 
santes, puisqu'elles remontent au quinzième siècle. 

Léonard de Vinci avait abordé le problème en sui- 
vant celte même méthode rationnelle qu'on retrouve 
dans tons ses écrits, et qui le distingue de ses contem- 
porains. Avant d'arriver à la construction de ses appa- 
reils d'aviation, il commença par l'observation et l'étude 
du vol des oiseaux. 

Les quelques documents que l'on possède aujourd'hui 
du mémoire de Léonard de Vinci, font regretter la perte 
d'une grande partie de ses travaux. M. le prince Bon- 
eompagnoni a fait rééditer récemment les manuscrits 

1. L' Aét ouaule. 7° année, n" 0, septembre 1874. 



20 LA NAVIGATION AERIENNE 

qui restent du grand artiste italien; mais beaucoup de 
cartons et divers manuscrits laissés à Milan mil été 
éparpillés et n'ont pu être retrouvés. Ces manuscrits 
étaient écrits à l'envers, d'une écriture fine et serrée, 
ce qui en rendait la lecture des plus difficiles et a dû 
contribuer à leur perle On peut voir, dans les planches 
que nous donnons ci-contre, des échantillons de celle 
écriture bizarre que nous n'avons pu déchiffrer. Il est 
probable que celle manière d'écrire, intelligible pour 
l'auteur seul, était un moyen de conserver le secret de 
ses découvertes; niais le penseur, en agissant ainsi, a 
eu le tort de ne pas comprendre que si l'inventeur a 
l'usufruit de ses découvertes, la nue propriété en appar- 
lienl à l'humanité tout entière. 

La partie capitale du manuscrit de Léonard de 
Vinci, est celle qui a Irait aux principes mêmes du 
vol. Léonard établit que l'oiseau, étant plus lourd 
que l'air, s'y soutient et avance en rendant « ce 
fluide plus dense là où il passe que là où il ne 
passe pas ». Il avait donc compris que l'animal 
pour voler doit prendre sou point d'appui sur l'air, 
et l'ensemble de sa théorie se rapproche beau- 
coup des théories modernes s'appuyant sur l'in- 
fluence de la vitesse sur la suspension. 

L'examen des dessins originaux du grand arlisle 
italien est curieux à approfondir. Nous en repro- 
duisons par l'héliogravure une planche complète 
(flg. 4) ; elle permet de suivre la pensée qui a présidé 
à son exécution. Nous laissons M. le docteur Ilu- 
reau de Villeneuve l'interpréter. 

Nous voyons sur le second rang à droite un petit 

personnage assez analogue à un démon ou à un génie. 




Fi*, i- — Fac-similé des dessins de Léonard de Vinci 
sur les ailes artificielles. 



LA LOCOMOTION AÉRIENNE AVANT LES MONTGOLFIEH 25 

car il porte sur la tête une flamme et, à côté de cette 
flamme, une croix latine. Il a les bras terminés par 
des doigts de chauve-souris. La figure n'est pas encore 
terminée que déjà Léonard reconnaît son insuffisance 
et, devinant le peu d'action musculaire des bras, pense 
à employer la force des jambes. Nous voyons donc, un 
peu plus haut, dans la même planche, un homme vi- 
goureux placé sur le ventre, les jambes repliées et s'ap- 
prêtant à lancer un violent coup de pied. Les muscles 
saillants, tracés par un crayon d'anatomiste, décèlent 
le grand peintre dans un dessin jeté sans prétention. 
Dans ce croquis, Léonard n'a pas encore pris de parti 
quant au mode d'attache des ailes, mais dans le dessin 
qui suit, supprimant l'homme dont il ne conserve plus 
que les pieds, l'auteur commence l'étude des détails de 
la construction. Une tige arrondie en forme de bât doit 
être appuyée sur le dos, les bras prenant un point d'ap- 
pui sur les deux côtés. Au sommet du bât, sont deux an- 
neaux fermés, recevant par deux autres anneaux la ra- 
cine des ailes. Ce mode d'articulation fort simple, mais 
qui manque de précision, présente l'avantage de per- 
mettre à l'aile des mouvements limités de rotation au- 
tour de son axe. Le bat se continue en deux tiges repliées 
à une demi-ceinture placée derrière la taille. Sur les 
côtés du bât, se trouvent deux poulies portant des cordes 
à étriers qui, tirées par les pieds, servent à abaisser les 
ailes. Celles-ci sont relevées par deux tiges de bois ac- 
tionnées par les mains. Une queue est fixée à une tige 
placée entre les deux jambes. Mais ici une préoccupa- 
tion semble s'emparer de l'esprit de l'inventeur. Les ailes 
s'appuieront sur l'air pendant rabaissement sans doute; 
mais pendant le relèvement elles détruiront leur action. 
Aussi Léonard cherche un moyen de supprimer cet in- 
convénient. Il donne aux doigts de sa chauve-souris la 
faculté de se plier en dessous sans pouvoir se relever 
au-dessus de l'horizontale. Voyez dans le reste de la 
page les différents systèmes de doigts articulés qu'il 



24 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

désire employer. Le premier ;ï gauche se manœuvre au 

moyen do poulies de renvoi; dans le second, les leviers 
relevés donnent nne action plus énergique. Mais, ce n'est 
pas encore bien, le troisième nous montre un ressort 
fait de deux rotins agissant sur une roulette placée à la 
queue de la phalange. Enfin, dans le bas, il essaie des 
charnières métalliques. 

Après ses études sur le vol, Léonard de Vinci 
a donné une idée de l'hélicoptère, et il a eu le 
mérite d'imaginer le parachute, avec une rare intel- 
ligence. Un savant italien, M. Govi, a résumé ces 
travaux à l'Académie des Sciences dans sa séance 
du 29 août 1881', à propos du petit, propulseur à 
hélice que j'avais installé dans la nacelle du minus- 
cule aérostat électrique de l'Exposition d'électricité. 

Parmi les projets très nombreux et fort variés 
que l'on peut voir dans le Codice Atlantico, rendu 
en 1815 à la Bibliothèque ambroisieune de Milan, 
et dans les volumes restés à Paris et conservés à la 
Bibliothèque de l'Institut, il y a (au volume B de 
la Bibliothèque de l'Institut, feuillet 85, verso) le 
dessin d'une large Indice destinée à tourner autour 
d'un axe vertical (fig. 5), à côté et au-dessous de 
laquelle on peut lire (écrites en italien et à rebours) 
les deux notes suivantes 2 : 

A côté de la figure. — Que le contour extérieur de 

1. Voy. Comptes rendus de l 'Académie des Sciences, tome XCI1I, 
1881, p" 401 et suiv. 

2. Voici le texte italien des deux notes : 

« I r0 . L'estremità di t'uori délia vite sia di lîlo di ferro grosso una 
corda, e dal cerchio al ceutro sia braccia 8. 
» 11". Trovo se questo struinento fatto a vite sarà Lien fatto, cioé 



LA LOCOMOTION AÉMÈÏffiË AVANT LES MONTIiOLKlliK '25 

la vis {hélice) soit en fil de fer de l épaisseur d'une corde, 
et qu'il y ait du bord au centre huit brasses de dis- 
tance. 

Au-dessous de la figure. — Si cet instrument, eu 
forme de vis, est bien l'ait, c'est-à-dire fait en toile de 




Fîg. 5. — Principe de l'hélicoptère, dessin de Léonard de Vinci. 

lin dont on a bouché les pores avec de l'amidon, et 
si on le tourne avec vitesse, je trouve qu'une telle 
vis se fera son écrou dans l'air et qu'elle montera 
eu haut. 

Tu en auras une preuve en faisant mouvoir rapide- 
ment à travers l'air une règle large et mince, car ton 
bras sera forcé de suivre la direction du tranchant de 
cette planchette. 



falto di tela lina stoppata i suoi pori cou amido, e voltato con pres- 
tezza ; clie delta vite si fa la femmina nell' aria, e montera in alto. 
Piglia lo esemplo da una riga largn e sottile e menata con furia in 
Ira T aria; vedrai essere guidato il tuo braccio per la linea del la- 
glio délia detta asse. 

« Sia 1' armatura délia sopradetta tela, di canne lunghe e grosse. 

" Puossene fare uno picciolo modelld di carta, che lo stile suo 
sia di sottile piastra di ferro e torta per fona, e nel tornare in 
libertà tara volgere la vite. » 



On voit donc par li 



26 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

La charpente de ladite toile doil être faite avec de 
lougs et gros roseaux. 

On en peut faire un petil modèle en papier, dont 
l'axe soit une finir de fer mince que l'on tord avec force. 
Quand on laissera cette lame libre, elle fera tourner la 
vis (l'hélice). 

à que, non seulement Léonard 
avait inventé le propulseur 
à hélice, niais qu'il avait 
songé à l'utiliser pour la lo- 
comotion aérienne, et qu'il 
en avait construit de petits 
modèles en papier, mis en 
mouvement par des lames 
minces d'acier tordues, puis 
abandonnées à elles-mêmes. 
En consultant d'ailleurs le 
Saggio délie Opère di Léo- 
nard/ da Vinci, publié à 
Milan en 1872 (1 vol. in- 
fol.), au chapitre intitulé : 
Leonardo lellerato e scien- 
ziato (p. ÎO-'il) et les planches photolithographi- 
ques qui raccompagnent (pi. XVI, n° 1), on peut 
constater que cet homme de génie avait étudié le 
moyen de mesurer l'effort que l'on peut exercer en 
frappant l'air avec des palettes de dimensions déter- 
minées, et qu'il avait inventé le parachute, dont il 
donne le dessin reproduit ci-dessus (fig. 6); il 
décrit l'appareil dans les termes suivants' : 

i. •< Se un uoniu ha un ]iadi(, r lione di pannolino intasato, che sia 




Fig. il. — Principe du para- 
chute, dessin de Léonard 
de Vinci. 



LA LOCOMOTION' AERIENNE AYANT LES MOOTGOLFIER 27 

Si un homme a un pavillon (tente) de toile empesée 
dont chaque l'ace ait 12 brasses de large et qui soit 
haut de 12 brasses, il pourra se jeter de quelque 
grande hauteur que ce soit, sans crainte de danger. 

Les éludes faites par Léonard de Vinci sur les 
appareils d'aviation sont, on le voit, nombreuses 
et remarquables. 

Si les expériences de vol aérien de Léonard de 
Vinci ne semblent pas avoir été exécutées en grand, 
il n'en est peut-être pas de même du parachute, 
dont l'emploi est beaucoup plus sûr. La des- 
cription de Léonard de Vinci a été reproduite pos- 
térieurement, non sans une amélioration notable 
dans le mode de représentation de l'appareil, dans 
un recueil de machines, dû à Fauste Veranzio et 
publié à Venise en 1617. 

La gravure ci-jointe (fig. 1) est la reproduction 
exacte du parachute que l'auteur définit d'autre part 
dans les termes suivants, assurément inspirés de 
ceux de Léonard de Vinci : 

Avecq un voile quarré estendu avec quattre perches 
égalles et ayant attaché quatre cordes aux quattre 
coings, un homme sans danger se pourra jeter du haut 
d'une tour ou de quelque autre lieu éminent; car 
encore que, à l'heure, il n'aye pas de vent, l'effort de 

12 Lraccia per faccia, e alto 12, potrà gittârsi da ogni grande al- 
tezza senza danno di se » (Codice Atlantico, f°572, verso). 

1. In-8° de 356 pages. Pérouse, 1678. 

2. La reproduction de ces dessins avec un bon article à ce sujet 
a été donnée dans l'Aréonaute de septembre 1874, et plus récem- 
ment dans un journal militaire italien, Rivista de arligliera, 1885. 



28 



LA NAVIGATION AERIENNE 



celui qui tombera apportera du vent qui retiendra [a 
voile, de peur qu'il ne tombe violement, mais pelit à 




Kig. 7. — Le parachute de Venise (IGI7), d'après une gravure 
du lernps. 

petit descende. L'homme doncq se doit mesurer avec la 
grandeur de la voile. 



11 est impossible de donner plus nettement le 



LA LOCOMOTION AÉRIENNE AVANT LES MONTGOLFIER '20 

principe du parachute, et l'appareil se trouve si 
clairement expliqué qu'il nous semble difficile que 
l'expérience indiquée successivement par Léonard 
de Vinci et par Fauste Veranzio n'ait pas été essayée. 
On voit qu'elle a pu être laite deux cents ans avant 
celle de Garnerin. 

En 1768, plus d'un siècle après la publication de 
l'ouvrage de Fauste Veranzio, un savant mathéma- 
ticien, Paucton, a esquissé le projet d'un véritable 
hélicoptère, qu'il a désigné sous le nom de ptéro- 
phore*. 

Un homme, dit Paucton, est capable d'une force suffi- 
sante pour vaincre le poids de sou corps. Si donc je 
mets entre les mains de cet homme une machine telle 
que, par son moyeu, il agisse sur l'air avec toute 
la force dont, il est capable et toute l'adresse possible, 
il s'élèvera à l'aide de ce fluide, comme à l'aide de 
l'eau, ou même d'un corps solide. Or, il ne parait pas 
que dans un ptérophore, adapté verticalement à une 
chaise, le tout fait de matière légère et. soigneusement 
exécuté, il ne se trouve rien qui l'empêche d'avoir 
cette propriété dans toute sa perfection. Dans la con- 
struction, on aurait soin que la machine produisit le 
moins de frottement qu'il serait possible; et elle doit 
naturellement en produire peu, n'étant pas du tout 
composée. Le nouveau Dédale, assis commodément sur 
sa chaise, donnerait au ptérophore, par le moyen d'une 
manivelle, telle vitesse circulaire qu'il jugerait à propos. 
Ce seul ptérophore l'enlèverait verticalement; mais 
pour se mouvoir horizontalement, il lui faudrait un 
gouvernail; ce serait un second ptérophore. Lorsqu'il 

1. Théorie de la ris d'Archimide, de laquelle on déduit celle 
des moulins, conçue d'une uouvelle manière. Paris, I7US. 



50 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

voudrait se reposer un peu, des clapets ou soupapes, 
ajustés solidement aux extrémités de secteurs de scia- 
dique, fermeraient d'eux-mêmes les canaux hélices par 
OÙ l'air coule, et feraient, de la hase du pléropliore 
une surface parfaitement pleine qui résisterait an fluide 

et ralentirait considérablement La chute de la machine. 



On voit quePaucton expose nettement un projet 
d'un appareil d'aviation nui par deux hélices, l'une 
destinée à l'ascension, l'autre à la propulsion du 
système. Et cela en 1708! 

Il n'y m rien de nouveau sous le soleil! 



> 



III 



LE PIUKCII'E DES BALLONS 

Le l'ère Francesco Lana et son projet de navire aérien en 1670. — 
Le Brésilien Gusmaô. — Expérience de Lisbonne en 17(10. — 
Le l'ère Galien cl. l'art de voyager dans les airs, en 17Ô0. 

Si le parachute a été indiqué à la fin du quin- 
zième siècle et nettement décrit au commencement 
du dix-septième siècle, nous allons voir que l'idée 
des ballons a été émise vers la fin du dix-septième 
siècle, en 1670, par Lana. On a beaucoup écrit sur 
le célèbre jésuite; mais, ici encore, j'ai voulu me 
reporter au texte original. Après plus de quinze 
années de recherches, je suis arrivé à me procurer 
ce livre rare 1 , où Francesco Lana a écrit le curieux 
chapitre intitulé : Fabricare una navc che camini 
sostenlata sopra l'aria a remi et a vêle; rjnale si 
dimostra poter riuscire nella pratica (Construire 
un navire qui se soutienne dans l'air et se déplace à 
l'aide de rames et de voiles; l'on démontre que ce 
projet est pratiquement réalisable). 

1. Voici le titre exact du livre original : Prodromo ouero sagtjio 
di alcune inventioni n uove premesso ail aile maeslra opéra clie pré- 
para il P. Fiuncesco Lana Bresciano délia compagnia di Giesu, etc. 



.".'2 I.A NAVIGATION AÉRIENNE 

Je vais donner ici la traduction de quelques* 

uns des passages les plus curieux de ce chapitre : 
ils montreront que les idées de Laua étaient excel- 
lentes au point de vue théorique. 

Après avoir rappelé la fable de Dédale et le fait 
de l'expérience de vol de Dante de Pérouse, le savant 
jésuite s'exprime ainsi qu'il suit : 

On n'a jamais cru possible jusqu'ici de construire un 
navire parcourant les airs, comme s'il était soutenu par 
de l'eau, parce qu'on n'a jamais jugé que l'on pourrait 
réaliser une machine plus légère que l'air lui-même : 
condition nécessaire pour obtenir l'effet voulu. M'étant 
toujours ingénié â rechercher les inventions des choses 
les plus difficiles, après de longues éludes sur ce sujet, 
je pense avoir trouvé le moyen de construire une ma- 
chine plus légère eu espèce que l'air, qui, non seule- 
ment grâce à sii légèreté, se soutienne dans l'air; mais 
qui encore puisse emporter avec elle des hommes, ou 
tout autre poids, et je ne crois pas me tromper, car je 
n'avance rien que je ne démontre par des expériences 
certaines, et je me base sur une proposition du onzième 
livre à'Euclide, que tous les mathématiciens admettent 
comme rigoureusement vraie. 

Laua, après ce préambule, entre dans de longues 
dissertations sur des expériences préliminaires 
dont la gravure ci-jointe (fig. 8), reproduite pour la 
première fois de l'original, avec l'exactitude que 
comporte la photographie, montre le dispositif. 



Dedicato alla sacra maesta cesarea del imperatore Leopoldo I. In 
Brescia. mmclxx. — In-4° de 252 pages, avec 70 ligures gravées sui- 
des planches hors texle. 




Fig, 8, — Le navire aérien du Père I.ana (lfiTO). 
Reproduction par l'héliogravure de la figure authentique, 



LA LOCOMOTION AÉRIENNE AVANT LES MONTGOLFIER 35 

L'auteur considère d'abord un vase sphérique de 
cuivre ou de fer-blanc A (n" 111 de la figure), muni 
d'une longue tubulure à robinet BC d'au moins 
47 palmes romaines de longueur. Il remplit le sys- 
tème d'eau, il bouclie l'orifice C et retourne le tout 
au-dessus de l'eau. Ouvrant alors le robinet B 
(n° Y de la ligure), il indique que le vase A se vide 
d'eau, et que le tube restera rempli jusqu'à la 
hauteur de 40 palmes 26 minutes. 

Il s'agit là de l'expérience très bien indiquée du 
baromètre à eau; Lana montre que le vase A se 
trouve vide d'air et que, dans ces conditions, il a 
perdu de son poids. Sans entrer dans toutes les 
démonstrations qu'il fournit à ce sujet, sans parler 
de la méthode qu'il propose d'employer pour faire 
le vide, nous dirons seulement qu'il se trouve 
conduit à imaginer, pour la confection du navire 
aérien qu'il propose, quatre grandes sphères en 
cuivre mince ABCD (n° IV de la figure), dans les- 
quelles on aurait fait le vide. Ces sphères ou ces 
ballons, comme Lana les appelle, seraient plus 
légers que le volume d'air déplacé ; ils s'élève- 
raient, par conséquent, dans l'atmosphère. Lana 
imagine de suspendre à ces ballons une barque où 
se tiendraient les voyageurs, et, tombant dans 
l'erreur que devaient commettre plus tard les pre- 
miers aéronautes qui voulaient diriger les ballons 
avec des voiles, sans se rendre compte que le vent 
n'existe pas pour l'aérostat immergé dans l'air, il 
munit son navire d'une voile de propulsion. 

Assurément le projet de Lana est impraticable; 



50 LA NAVIGATION AERIENNE 

le savant jésuite n'a pas prévu que ses ballons de 
cuivre vides d'air seraient écrasés par la pression 
atmosphérique extérieure; mais il n'en a pas moins 
eu une idée très nette et très remarquable pour son 
époque du principe de la navigation aérienne par les 
ballons plus légers que le volume d'air qu'ils dé- 
placent. Il termine son long chapitre par quelques 
considérations très curieuses : 

Je ne vois pas d'autres difficultés que l'on puisse 
opposer à cette idée, si ce n'est une qui me semble 
plus importante que toutes les autres, et que Dieu 
veuille ne pas permettre que cette invention soit jamais 
appliquée avec succès dans la pratique, afin d'empêcher 
les conséquences qui eu résulteraient pour le gouver- 
nement civil et politique des hommes. En efl'et, qui ne 
voit qu'il n'y a pas d'Etat qui serait assuré contre un 
coup de surprise, car ce navire se dirigerait en droite 
ligne sur une de ses places fortes, et, y atterrissant, 
pourrait y descendre des soldats. 

Le livre du P. Lana eut un grand succès à l'épo- 
que où il fut publié, et le. chapitre du navire aérien 
attira vivement l'attention de ses contemporains, 
comme l'attestent des publications spéciales qui ont 
été laites de ce chapitre en brochures isolées 1 . 

Nous arrivons à présent au dix-huitième siècle et 
à l'époque la plus curieuse incontestablement dans 
l'histoire des antériorités de la découverte des 
aérostats. Nous allons étudier attentivement ce qui 



1, Nous citerons notamment la Noi'e volante, dissertazione ciel 
P. PrancesO Lana da Brescia. In-8" de 28 pages avec une planche. 



LA LOCOMOTIOM AÉRIENNE AVANT LES MONTGOLFIER 37 

a été écrit au sujet d'un célèbre Brésilien, Gusmâo, 
qui a été surnommé à son époque l'homme volant, 
et qui parait avoir exécuté à Lisbonne une expé- 
rience de locomotion aérienne. 

Gusmâo (Bartholomeu-Lourenço de) naquit à 
Santos, au Brésil, alors colonie portugaise, vers 
1665, et mourut après 1724. Il était le frère 
d'Alexandre Gusmâo, célèbre homme d'État bré- 
silien, et après avoir renoncé à l'état eclésiastique 
auquel il s'était d'abord destiné, il se voua à l'étude 
des sciences physiques. 

C'est dans les premières années du dix-huitième 
siècle que Gusmâo conçut le projet de construire 
une machine au moyen de laquelle on pourrait 
voyager au sein de l'air. L'un des membres les plus 
distingués de l'Académie de Lisbonne, Freire de 
Carvalho 1 , qui parait avoir étudié tous les docu- 
ments relatifs à ce fait important, dit que « de l'exa- 
men de divers mémoires, soit imprimés, soit manu- 
scrits, il ressort bien que Gusmâo avait inventé 
une machine à l'aide de laquelle on pouvait se 
transporter dans les airs d'un lieu à un autre ». 
Mais il ajoute aussitôt qu'il est impossible, par ces 
mêmes descriptions, « de se faire une idée exacte 
de la machine elle-même ». 

D'après certains récits du temps, l'auteur aurait 
mis en usage comme moteurs, l'électricité et le 
magnétisme combinés; quelques écrivains ont dit 



1. Francisco Freire de Carvalho, Mémorial da Academia das 
scieiicias de Lisboa, broch. in-i°. Lisbonne. 



38 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

que la machine avait la forme d'un oiseau, criblé 
de lubes à travers lesquels passait l'air. 

Ces descriptions sont inadmissibles. Un artiste 
du dix-huitième siècle a donné de l'appareil de 
Gusmâo un dessin que l'on peut voir au départe- 
ment des estampes de la Bibliothèque nationale el 
que je possède aussi dans ma collection de docu- 
ments aéronautiqués. Ce dessin est, suivant l'ex- 
pression de M. Ferdinand Denis, auquel on doit une 
savante étude sur Gusmâo 1 , « une curiosité inu- 
tile ». 

Cependant, parmi les documents contradictoires 
de l'époque, il en est qui semblent offrir un intérêt 
historique de premier ordre. 

M. Carvalho a pu recueillir un exemplaire im- 
primé de la pétition adressée par Gusmâo au roi de 
Portugal en 1709. On y lit ce qui suil : 

J'ai inventé une machine au moyen de laquelle on 
peut voyager dans l'air bien plus rapidement que sur 
terre ou sur mer; ou pourra aussi l'aire plus de ileux 
cents lieues par jour, transporter des dépêches pour 1rs 
armées et les contrées les j il lis éloignées'. Ou fera sortir 
des places assiégées les personnes que l'on voudra, sans 
que L'ennemi puisse s'y opposer. Grâce à cette machine, 
mi découvrira les régions les plus voisines des pèles. 

Le roi fit répondre à l'inventeur, sous la date du 
17 avril 1709, que si les effets annoncés pouvaient 
se réaliser, il le nommerait en récompense pro- 

1. youvclle biographie gt'nérale. Paris, Firmin Didot, itdcccmx, 
t. XXII. 



LA LOCOMOTION AERIENNE AVANT LES MONTGOLFIER 59 

fesseur de mathématiques à l'Université de Coïmbre, 
avec un traitement annuel de G00000 reis (4245 
francs). 

Il résulte d'une note imprimée en 1774, et dont 
M. Carvalho eite le texte, que les globes employés 
par Gusmâo devaient être mus par la force du gaz 
qu'ils contenaient. Dans un manuscrit du savant 
Ferreira, né à Lisbonne en 16G7 et mort en 1755, 
on lit : 

Gusmâo fit sou expérience le 8 août 1709, dans la 
cour du palais des Indes, devant Sa Majesté et une 
nombreuse et illustre assistance, avec un globe qui 
s'éleva doucement jusqu'à la bailleur de la salle des 
Ambassades, puis descendit de même. Il avait été em- 
porté par de certains matériaux qui brûlaient et aux- 
quels l'inventeur lui-même avait mis le feu. 

Ce texte semblerait indiquer un aérostat à air 
chaud; mais nous allons mallieureusement rencon- 
trer, dans le document que nous mentionnons, des 
contradictions qui empêchent de bien établir la 
vérité. 

Ferreira, après avoir dit que l'expérience se fit 
no palro fia casa da India (dans la cour du palais 
des Indes), termine son récit par ces mots : Esta 
experiencia se fez dentia /la salla (las Audieneias 
(cette expérience se fit dans la salle des Audiences). 
M. Carvalho se tire d'embarras en supposant qu'il 
y eut deux expériences faites, l'une dans la cour, 
l'autre dans la salle. 

Une preuve secondaire de l'expérience de Gusmâo 



M LA NAVIGATION AERIENNE 

résulte de pièces de vers plus Ou moins satiriques 
publiées en 1752 par Thomas Philo Braiidào. L'une 
d'elles est intitulée : « Au père Barlliolomen Lou- 
renço, l'homme volant qui s'est enfui, et cela se com- 
prend, puisqu'on a su qu'il était lié avec le diable. » 

Dans ces vers, on lit des passages analogues à 
celui-ci : « Gusmào s'est élevé dans les airs, il a 
volé avec ses ailes, au regret de bien des familles. 
Pour se faire de bonnes ailes, il a déplumé bien du 
monde'. » 

En résumé, le manuscrit de Ferre ira, parlant 
de l'invention de Gusmâo, semble dénoter un 
ballon à air chaud; les vers de Brandào citent net- 
tement, au contraire, un appareil volant au moyen 
d'ailes. Enfin d'autres récits paraissent faire com- 
prendre que Gusmào se serait élancé de la tourelle 
da casa da India; dans ce cas, il serait admissible 
que l'inventeur ait employé un parachute, au 
moyen duquel il aurait plané au-dessus de la foule. 

il parait certain qu'une mémorable expérience 
aérienne a été faite en 1706 par Gusmào; une tra- 
dition constante en a conservé le souvenir; mais il 
n'est malheureusement pas possible de rien préciser 
de net à l'égard du système employé. Nous nous 
bornerons à ajouter que Gusmào ne renouvela 
jamais son essai. On l'accusa de magie, et il 
craignit sans doute les rigueurs du Saint-Office. Il 
s'occupa de navigation océanique et de construction 

i. N'ous devons à l'obligeance du savant directeur de la biblio- 
thèque Sainte-Geneviève, M. Ferdinand Denis, la communication 
des vers fort peu connus de Brandào. 



LA LOCOMOTION AERIENNE AVANT LES MONTliOLLÏER 41 

navale, jusqu'en 1724, époque où on le voit quitter 
clandestinement le Portugal. 11 vécut quelque temps 
en Espagne et mourut à l'hôpital de Séville. 

Après Gusmào, nous parlerons du livre remar- 
quable du père Galien qui fut publié en 1755 sous 
le titre : l'Art de naviguer dans Vair. Ce petit livre 
très rare, que je suis arrivé à me procurer, comme 
celui de Lana, a été imprimé à Avignon. Il a été 
beaucoup lu et a été réédité deux ans après, 
en 1757*. Le Père Galien formule très clairement 
le principe des aérostats à air rarétié. Il admet 
que des globes remplis d'un air puisé à des régions 
très élevées de l'atmosphère, pourront flotter dans 
l'atmosphère des couches inférieures, mais il ne 
mentionne pas le mode de gonflement. 

Nous voici doue arrivés, dit Galien, au moment de la 
construction de notre vaisseau pour naviguer daus les 
airs et transporter, si uous le voulons, une nombreuse 
armée avec tous les attirails de la guerre et ses provi- 
sions de bouche, jusqu'au milieu de l'Afrique, ou dans 
d'autres pays non moins inconnus. Pour cela, il faut lui 
donner une vaste capacité.... Plus il sera grand, plus 
sa pesanteur en sera absolument plus grande, mais 
aussi elle sera moindre respectivement à son énorme 
grandeur, comme peuvent le comprendre ceux qui ont 
quelque teinture de géométrie et qui savent que, plus 
un corps est grand, moins il a à proportion de super- 
ficie, quoiqu'il en ait absolument davantage.... Nous 
construirons ce vaisseau de bonne et forte toile doublée, 



1. L'Art de naviguer dans les airs. Amusement physique et géo- 
métrique, par le R. P. Jos. (Jalien. Seconde édition, revue et aug- 
mentée. Avignon, 1757. Petit iii-18 de 88 pages. 



42 LA .YWIOAïïo.N AERIENNE 

bien ciré i goudronnée, couvèYté de peau el fortifiée 

de distance en distance de bonnes cordes, ou même de 

câbles dans les endroits qui en auront besoin, soit en 
dedans, soit en dehors, en telle sorte qu'à évaluer la 
pesanteur de tout le corps de ce vaisseau, indépen- 
damment de sa charge, ce soil environ deux quintaux 

par toise carrée La pesanteur de l'air de la région 

sur laquelle nous établissons notre navigation étanl 
supposée à colle de l'eau comme 1 à 1.000, el la toise 
d'eau pesant 15 120 livres, il s'ensuit qu'une loise cube 
de cet air pèsera environ 15 livres el. 2 onces; et celui 
de la région supérieure étant la moitié plus léger, la 
toise cube ne pèsera qu'environ 7 livres !) onces. Ce 
sera cet air qui remplira la capacité du vaisseau; c'est 
pourquoi nous l'appellerons l'air intérieur, qui réelle- 
ment pèsera sur le fond du vaisseau, à raison de 7 li- 
vres !i onces par loise cube; mais l'air de la région 
inférieure lui résistera avec une force double, de sorte 

que celui-ci ne consumera que la moitié de sa force 
pour le contre-balancer, et il lui en restera encore la 
moitié pour contre-balancer et soutenir le vaisseau avec 
toute sa cargaison. 

Nous n'insisterons pas davantage sur les idées du 
P. Galion, qu'il s'est contenté de présenter h titre 
de simples amusements, mais qui n'en sont pas moins 
liés curieuses. Il se trompait d'ailleurs en admet- 
tant que l'air léger des hautes légions pourrait 
être employé à gonfler des aérostats pour de basses 
régions. Cet air, ramené à des niveaux inférieurs, 
se réduirait de volume et prendrait la densité du 
milieu ambiant. 




IV 



LES VOITUItES VOLAKTES 

tes ailes ihi marquis de Bacqueville, en 1742. — La voiture volaille 
du chanoine Desforges, en 1772. — La voilure volante ou vais- 
seau volant rie Blanchard, en 1782. 

Pendant que le P. Galien publiait son ouvrage de. 
l'Art de voyager dans les airs, un expérimentateur 
audacieux, le marquis de Bacqueville, revenait à 
l'élude du vol artificiel : il convient de résumer 
ici l'histoire de ses tentatives, parce qu'elles ont 
inspiré l'invention des voitures volantes, dont je 
vais, un peu plus loin, entretenir le lecteur. 

Le marquis de Bacqueville exécuta sa tentative 
de vol aérien en 1742. 11 mourut en 1760, à l'âge 
de 80 ans, en voulant rentrer à toute force dans 
son hôtel que dévorait un incendie. D'après ces 
deux dates, cet aviateur convaincu avait dépassé 
la soixantaine quand il annonça qu'en partant de 
son domicile situé sur le quai, à Paris, au coin de 
la rue des Saints-Pères, il traverserait la Seine et 
irait descendre dans le jardin des Tuileries. Le jour 
convenu, il y eut une foule considérable, tant sur 
les quais que sur le Pont-Royal. A l'instant qu'il 



44 LA NAVIGATION AERIENNE 

avait indiqué, le marquis de Bacqueville se montra 
avec ses ailes. L'un des côtés de son hôtel se ter- 
minait en terrasse; ce fut de là. d'après les récits 
de l'époque, qu'il s'abandonna à l'air. On prétend 
que son vol débuta bien, et qu'il put s'élancer jus- 
qu'au bord de la Seine; mais, il tomba bientôt 
sur un bateau de blanchisseuses. 11 dut à la gran- 
deur de ses ailes de ne s'y pas tuer: il eut la cuisse 
cassée. 

En 177'2, l'abbé Desl'orges, chanoine de Sainte- 
Croix à Étampes, annonça par la voie des jour- 
naux l'expérience d'une voiture volante. 

Voici la reproduction textuelle de ce qui a élé 
publié sur l'appareil de l'abbé Desforges, dans les 
affiches, annonces et avis divers île 1772 '. 

Du mercredi 21 octobre 1772. 

(in connoit les hommes volans, ou les aventures de 
Pierre Wilkins, traduites de l'anglois, qui parurent il 
va neuf à dix mis en 1 17(301. La lecture de ee roman, dont 
bien des idées sont empruntées de Robinson, a sûre- 
ment réchauffé le goût de quelques Clnmms françois 
pour Part de vider. Toutes l. j s leçons qu'en a données 
Tuccaro dans sou livre, ne valent pas eu effet la 
description du Groundy faite par Wilkins. ni celle du 
vol d'Youwarky sa femme, et des autres Glumins ro- 
laDS. Or comme ce livre nous paraît tout aussi propre à 
exciter l'industrie que l'histoire de Robinson en qui le 
précepteur d'Emile reconnoit cette propriété, nous ne 
doutons pas que l'armement naturel des Glumins de 



1. Quarante-Quatrième feuille hebdomadaire du '21 octobre 1772, 
1 vol. in-4° de la Bibliothèque Mazariiie, portant le n" 18 4%. 



LA LOCOMOTION AÉRIENNE AVANT LES MONTGOLFIER 45 

Grouudvolet ou de Battingdrigg u'ait suggéré l'idée 
de la voiture volante dout nous allons rendre compte. 

On a lu dans les affiches d'Orléans une lettre de 
M. Desforges, chanoine de l'église royale de Sainte- 
Croix d'Etampes, qui dit : « avoir inventé une voiture 
volante, avec laquelle ou pourra s'élever en l'air, voler 
à son gré à droite ou à gauche ou directement sans 
le moindre danger (fors de tomber seulement comme 
il en a fait l'expérience) et faire plus de cent lieues de 
suite sans être fatigué ». 

Il ajoute que : « Quand on aura le vent bon, on 
pourra faire au moins 50 lieues par heure, 24 par 
un temps calme et 10 par un vent contraire. » Il 
propose de s'engager par acte devant notaire de livrer 
une de ces voitures à ceux qui désireront en avoir pour 
la somme de cent mille livres qui seront déposées chez 
le même notaire, il s'oblige d'en faire l'essai lui-même 
en présence de l'acquéreur. Cette curieuse découverte 
n'a pas été plus tôt répandue par les papiers publics, 
qu'un particulier de Lyon, s'adressant directement à 
l'auteur, lui a marqué que les cent mille francs étaient 
prêts et qu'il l'attendoit avec sa voiture. Sur un avis 
si positif, M. Desforges, après avoir mis la dernière 
main à sa machine, se dispose à partir. Il s'y embarque 
et la fait élever de terre, par quatre hommes, à une 
certaine hauteur, pour prendre son vol; mais soit mala- 
dresse de ses aides, soit dérangement de quelque 
ressort, soit défaut de vent, le char volant, au lieu de 
s'élancer en haut, vole à rebours, comme le coursier 
de la Dunciade, et précipite son Hhaéton. Comme ce 
char n'avait pu prendre l'essor, la chute n'a pas été 
périlleuse. M. Desforges en a été quitte, à ce qu'on nous 
a dit, pour quelques contusions, plus heureux que le 
marquis de Bacq, qui voulant voler comme Icare, avec 
des ailes artificielles, mais plus solidement attachées, 
se cassa la cuisse. Le vol est une vraie natation; mais 
le fluide imperceptible, dans lequel l'oiseau rame avec 



46 LA NAVIGATION AERIENNE 

ses ailes (ou ses nageoires à tuyaux) n'a pas à beaucoup 
près la consistance de l'eau, dont toute la surface 
a des points d'appui. 

L'air n'est doue navigable aux volatiles que par la 
vitesse et la légèreté de leurs mouvements; or quels 
ressorts faits de main d'homme pourront jamais les 
égaler? La colombe d'Archytas, colombe mécanique, 
s'élevoit peut-être assez haut, et voloit sans doute, dans 
une durée de temps déterminée, par celle de l'action 
du rouage, ou des autres ressorts, mais comment se 
reniontoit-elle, ou, quel que fût le principe de son mou- 
vement, jusqu'où se soutenoit son vol? C'est ci' qu'on 
nous laisse à deviner. Si dans le vaste océan de l'air, 
comme sur celui qui nous est familier, c'est le vent qui 
doit suppléer aux rames, qu'est-ce qui pourra suppléer 
au vent, dans ces calmes soudains où l'air, sans la 
moindre agitation, fait à peine frémir une feuille. Il 
ne paroit que deux moyens à mettre eu œuvre, pour 
une machine volante, l'air et le l'eu, il faut nécessaire- 
ment employer l'un ou l'autre de ces deux ressorts. 

Tout l'art de l'horlogerie, qui pour calculer le mou- 
vement le plus insensible el pourtant le plus rapide de 
tous (celui du temps comme nous l'appelons) est au- 
jourd'hui porté si loin, ne trouvera jamais de ressorts 
qui puissent représenter ceux-là. Mais si l'on parvenoit 
enfin à faire voler, hommes ou machines, il y aurait 
peut-être autant d'art à les faire abattre à leur gré, et. 
le \ol nous surprendrait encore moins que la descente. 

Du mercredi 28 octobre 1772. 

Suite de la voiture volante. — L'inventeur de celle 
curieuse machine est, dit-on, un homme de quarante- 
neuf ans dont la santé est ruinée par des travaux et. 
des fatigues extraordinaires. C'est pour cela qu'il invi- 
tait les curieux à se presser, et qu'il indiquoit sa 
demeure à Etampes, rue de la Cordonnerie. Voici l'idée 



LA LOCOMOTION AÉRIENNE AVANT LES MONTGOLFIER 4S 

qu'il donne lui-même rlo cette voiture dans une 
réponse qu'il a faite à une dame de province, el qui 
se trouve insérée dans plusieurs papiers publics : 

« Elle est, dit-il, longue de 6 pieds, large de 5 pieds 
8 pouces, profonde de 6 pieds et demi, depuis les pieds 
jusqu'au faite de l'impériale, qui met à couvert de la 
pluie. » 

Elle est apparemment d'osier, puisqu'il y travaillent 
avec un vannier. Il devoit s'envoler avec elle d'Élampes 
à Paris, sans y aborder, de peur d'y être retenu par la 
foule; mais après avoir fait cinq ou six fois le tour des 
Tuileries, du même vol non interrompu, il avoit résolu 
de revenir à Etampes, où dès qu'il serait arrivé, il 
brùleroit la voiture, et n'en feroit point d'autres, qu'il 
n'eût été récompensé de ses peines. La voiture ne doit 
pas être brûlée puisqu'elle n'a pas fait le voyage. 

Monsieur Desforges ajoute : « Si cette voiture étoil 
peinte en verd à l'huile de noix, elle durerait plus de 
quatre-vingts ans, en faisant 500 lieues par jour; ce qui 
seroit le plus sujet à s'user ce seroit les charnières, on 
y prendra garde de temps en temps. Quand on les verra 
à moitiée usées on yen substituera d'autres, mais avant 
d'être usées à moitié, elles pourront servir trois mois de 
suite à faire ebaque jour 500 lieues. (Ces charnières 
font apparemment l'effet des cartilages des Glumms.) 

« Quoique le vent soit très contraire, on pourra voler 
sans beaucoup d'efforts, de même qu'un batelier qui 
rame pour remonter contre la marche d'une ri- 
vière, qui coule très lentement, non contre le cours 
d'un fleuve très rapide. Cette voiture ne coûte presque 
rien, il ne faut rien autre chose pour la construire que 
de l'osier pour 40 sols, et du bois de Marseau pour 
A livres; les journées du vannier sont plus cbères, il n'y 
a de l'ouvrage pour lui que pour 12 jours. Il faudra 
revêtir le dessus des ailes et de l'impériale avec du 
taffetas-cire d'Angleterre; c'est ce qu'il y a de plus 
coûteux. On coudra des plumes aux ailes, sans quoi 



48 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

l'on volerait trop rapidement. Les deux ailes formeront 
une étendue (le terme est envergeûre) de 19 pieds 
et demi, elles s'oient et se remettent quand on veut 
partir. 11 n'y a rien de cloué à la voiture, pas même 
les charnières, qui s'ôlent aussi, quand on veut, et 
néanmoins elle est d'une solidité que rien ne pourra 
briser. Les oiseaux ne peuvent planer que soixante pas 
au plus, mais ma voiture volante planera un demi-quart 
de lieue. Car les oiseaux n'ont que deux ailes pour 
planer; mais moi, outre les deux ailes, j'ai encore 
l'impériale qui m'aidera à planer; elle est longue de 
S pieds, et large de 0. La voiture est si simple, si aisée 
à conduire, qui' les dames et les demoiselles pourront 
toutes s'en servir facilement, et se conduire elles- 
mêmes, et tout vannier pourra en construire une 
pareille en ayant le modèle. On pourra voler, tant 
haut et tant bas qu'on voudra, sans le moindre 
danger. Ceux qui voleront au-dessus de l'atmosphère, 
quoique l'air y soit rare, eu trouveront une dose plus 
que suffisante pour la respiration, parce qu'eu volant, 
ils pressent l'air devant eux. A tous ceux qui voudront 
voler je leur donnerai aussi un préservatif contre la 
trop grande affluence de l'air ; si les Anglois faisoient 
un fréquent usage de ma voiture volante, cela leur 
rafraîchirait les poumons et ils ne mourraient plus 
de consomption. La voilure que je fabrique actuelle- 
ment n'est que pour le conducteur lui seul, je ne ré- 
pons pas pour davantage. Néanmoins je crois fermement 
que je pourrai construire une voiture capable d'enlever 
encore une personne Outre le conducteur. Cette per- 
sonne ne sera pas dans la voiture, de peur de faire 
perdre l'équilibre, mais sous le milieu de la voiture ou 
attachera solidement un siège environné de soutiens 
(vessies ou calebasses peut-être). La personne sera 
assise sur ce siège sans le moindre danger, à cause des 
soutiens qui l'environneront, elle sera précisément au- 
dessous des pieds du conducteur, lequel sera en quel- 



LA LOCOMOTION AERIENNE AVANT LES MONTGOLFIER 49 

que façon comme un aigle qui emporte un petit mou- 
ton avec ses pattes. » (Quelle commodité pour les enlè- 
vements! que d'agneaux, que de moutons même iront 
se précipiter dans les serres des aigles, des milans, des 
vautours !) 

« Enfin la voiture est construite avec tant de légèreté, 
que si l'on tirait deux boulets de canon, pour en arra- 
cher les deux ailes, quand elle sera à 200 pieds de 
hauteur, la voiture dégarnie de ses deux ailes ue tom- 
bera pas, mais elle descendra dix fois plus lentement 
qu'en volant. Il n'y aura donc aucun danger; aussi est- 
ce moi qui aurai le plaisir de voyager le premier 
(après Cyrano de Bergerac et Pierre Wilkins) par les 



Les expériences de la voiture volante de l'abbé 
Desfbrges n'ont pas été renouvelées après son pre- 
mier échec. Ses tentatives donnèrent lieu à une 
amusante pièce de théâtre qui fut jouée à la comédie 
italienne et qui eut pour titre : Le cabriolet volant. 

Plusieurs années avant la découverte des aérostats 
par les frères Montgolfier, Blanchard, qui devait 
plus tard devenir un aéronaute passionné, étudiait 
avec beaucoup de persévérance le problème du vol 
mécanique. Voici la curieuse lettre qu'il publiait 
dans le Journal de Paris, à la date du 28 août 1781 : 

L'avis que j'ai l'honneur de vous faire passer vous 
paraîtra une chimère, mais le fait n'existe pas moins. 

Peu de personnes ignorent que, depuis un certain 
laps de temps, je m'occupe, proche Saint-Germain-en- 
Laye, à construire un vaisseau qui puisse naviguer dans 
l'air. J'ai choisi cet endroit, aussi isolé que superbe, 
afin de tenir la chose cachée, en me garantissant de la 

4 



50 LA NAVIGATION AERIENNE 

vin' des curieux. Mais corttoe une entreprise de ce genre 
ne peut rester longtemps sous le secret; tous les 
environs, et Paris même, en ont été bientôt instruits, 
notamment plusieurs grands seigneurs qui onl bien 
voulu m'honorer de leur présence, e1 qui m'ont promis 
de 1res grandes récompenses en cas de réussite. Mais 
connue depuis environ un mois, des affaires, jointes ;'i 
une maladie, m'ont, empêché de terminer cet ouvrage, 
j'entends tous les jours dire nu public (qui ignore ces 
causes), cet homme entreprenait l'impossible. En effet, 
au premier coup d'œil, la chose parait telle; mais après 
de sages réflexions, on ne sait qu'en décider. 

Depuis plus de douze ans je m'occupe à ce projet, 
j'y trouvais d'abord bien des obstacles; mais, toujours 
convaincu de la possibilité de voler, je n'ai cessé d'y 
travailler, .te suis actuellement à ma sixième opération. 
Il ne me reste plus qu'une seule difficulté, qu'un 
homme plus riche que moi lèverait facilement. 

L'idée d'une voilure vidante me lui suggérée par le 
récit, des lisais de M. de liaipioville; certainement si 
cet amateur, qui était fortuné, eût poussé la chose 
aussi avant que moi, il eut lait un chef-d'œuvre; niais 
malheureusement on se rebute quelquefois aux premiers 
estais, el par là on ensevelit dans l'obscurité les choses 
les plus magnifiques. 

Homme plusieurs personnes s'imaginent que c'est 
l'enthousiasme où je suis de mon projet, qui me fail 
parler, ils m'objectent que la nature de l'homme n'est 
pas de voler, mais bien celle i\e> oiseaux enipliuués. ,1e 
réponds que les plumes ne sont pas nécessaires à 
l'oiseau pour voler, une tenture quelconque suffit. L;i 
mouche, le papillon, la chauve-souris, etc., volent sans 
plumes et avec des ailes en forme d'éventail, d'une 
matière semblable à la corne. Ce n'est donc ni U 
matière ni la forme qui fait voler; mais le volume 
proportionné, et la célérité du mouvement qui doit être 
très mobile. 



rXLOCOMOTION AÉRIENNE AVANT LES MONTGOLFIEK M 

L'on m'objecte encore qu'un homme est trop pesant 
pour pouvoir s'enlever seulement avec des ailes, moins 
encore dans un navire dont le seul nom présente un 
poids énorme. Je réponds que mon navire est d'une très 
grande légèreté; quant à la pesanteur de l'homme, je 
prie que l'on fasse attention à ce que dit M. de Buffon, 
dans son Histoire naturelle, au sujet du condor; cet 
oiseau, quoique d'un poids énorme, enlève facilement 
une génisse de deux ans, pesant au moins cent livres, 
le tout avec des ailes d'environ trente à trente-six 
pieds d'envergure. 

L'ascension de ma machine avec le conducteur 
dépend donc de là force dont l'air sera frappé, en 
raison du poids. 

Yoiei, en abrégé, l'analyse de ma machine que, dans 
quelques jours, j'aurai l'honneur de vous détailler plus 
amplement. 

Sur un pied en forme de croix est posé un petit 
navire de 4 pieds de long sur 2 pieds de large, très 
solide, quoique construit avec de minces baguettes; 
aux deux cotés du vaisseau s'élèvent deux montants 
de 6 à 7 pieds de haut, qui soutiennent 4 ailes de 
chacune 10 pieds de long, lesquelles forment ensemble 
un parasol qui a 20 pieds de diamètre, et conséquem- 
menl plus de 60 pieds de circonférence. Ces 4 ailes 
se meuvent avec une facilité surprenante. La machine, 
quoique très volumineuse, peut facilement se soulever 
par deux hommes. 

Elle est actuellement portée à sa perfection; il ne 
reste plus que la tenture à faire poser, que je désire 
mettre en taffetas, c'est ce que je ferai à ma possibilité; 
et d'après cela on me verra enlever facilement à la 
hauteur qu'il me plaira, parcourir uu chemin immense 
en très peu de temps, descendre OÙ je voudrai, même 
sur l'eau, car mon navire en est susceptible. 

L'on me verra fendre l'air avec plus de vivacité que 
le corbeau, sans qu'il puisse m'intercepter la respiration, 



52 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

étant garanti par un masque aigu, et d'une construc- 
tion singulière. 

La boussole, qui sera sur la poupe de mou vaisseau, 
servira à diriger ma course que rien ne pourra arrêter, 
sinon la violence des vents contraires; mais omne vio- 
lentum non est durabile. 

11 n'y aura donc que les ouragans et la force des vents 
contraires qui pourront m'arrêter dans ma course; car 
un calme parlait me sera tout à l'ait favorable; avan- 
tage que j'aurai sur les vaisseaux, qui ue peuvent non 
plus voyager pendant ce temps, que par un vent con- 
traire. 

L'armée des Grecs, qui brûlait d'aller faire la guérie 
à Priam, roi des Troyens, fut obligée de rester six mois 
de suite au port avec toute la flotte, parce qu'ils avaient 
sans cesse les vents contraires. 

A la vérité, je n'irai pas si vite par un vent contraire, 
mais encore j'irai beaucoup plus vite qu'un vaisseau qui 
a le bon vent. J'espère, messieurs, vous eu donner la 
preuve physique dans peu '. 

J'ai l'honneur d'être, etc. 

Blanchard. 

Le 1" mai 178t>, Blanchard annonça pour deux 
dimanches suivants l'expérience tic son appareil 

ou vaisseau volant. 

Au moyen de son système il s'était éle\é déjà, 
mais ù l'aide d'une corde maintenue par des con- 
trepoids; l'expérience publique fut successivement 
ajournée. 

Les journaux n'en continuaient pas moins à s'en 
entretenir, et tout le inonde parlait du vaisseau vo- 
lant de Blanchard. Les uns en espéraient des résul- 

1 Jvunial de Parti, n" 240, mardi '28 auusl 1781. p. 900. 



LA LOCOMOTION AERIENNE AVANT LES MONTGOLFIER 53 

fais merveilleux, les autres se montraient incrédules 
et parmi ceux-ci. le célèbre de Lalande de l'Acadé- 
mie des sciences; voici les principaux passages d'une 




Fi^. 9. — L;i voiture volante de Blanchard (d'après une gravure 

publiée en juillet 1783 



lettre qu'il a publiée dans le Journal de Pari* à la 
date du "27> mai 17S-2. 



Aux auteur* du journal. 

11 y a si longtemps, Messieurs, que vous parlez de ba- 
teaux volans et de baguettes tournantes 1 , qu'on pourrait 

1. On s'occupait beaucoup à cette époque <le< baguettes divina- 
toires pour la recherche de- sources. 



54 l.\ NAVIGATION AERIENNE 

penser à la fin que vous croyez à toutes ces folies ou 
que les savans qui coopèrenl à votre journal, n'ont rien 
à dire pour écarter des prétentions aussi absurdes. Per- 
mettez donc, Messieurs, qu'à leur défaut, j'occupe linéi- 
ques lignes dans voire journal pour assurer à vos 
lecteurs que si les savans se taisent, ce n'esl que par 
mépris. 

11 esl démontré impossible dans tous les sens qu'un 
homme puisse s'élever ou même se soutenir en l'air : 
M. Coulomb, de l'Académie des sciences, a lu.il y a plus 
d'un an, dans une de nos séances, un mémoire où il 
fait voir par le calcul des forces de l'homme, fixées par 
l'expérience, qu'il faudrait des ailes de douze à quinze 
mille pieds, mues avec une vitesse de trois piedsfpar se- 
conde; il n'y a donc qu'un ignorant qui [misse former 
des tentatives de celle espèce 1 . 

On voit que l'astronome était sévère.... mais 
juste, serons-nous (enté d'ajouter. Quoiqu'il exa- 
gérât singulièrement le diamètre des ailes arti- 
ficielles qu'il faudrait pour enlever un homme 
(15000 pieds!), il est certain que la voiture volante 
de Blanchard n'aurait jamais pu s'élever. J'en 
reproduis l'un des dessins (lig. 9) d'après des gra- 
vures fort rares que je possède. Ces gravures, peintes 
à la main, ont été publiées en juillet 1782 par 
Martinet, qui était au contraire un adepte convaincu 
de l'aviateur. 

L'examen que j'ai fait du vaisseau volant, dit Martinet 
dans le Journal de Paris du 8 juillet 1782, m'ont con- 

1. Blanchard et de Lalànde eurent plus tard des discussions 
animées au sujet des aérostats, el Lalandfi finit par exécuter une 
ascension aérostatique. 



LA LOCOMOTION AERIENNE AVANT LES MONTGOLFIEÇ. 55 

vaincu de sa possibilité el m'ont déterminé à en graver 
le tableau que je publie. La raison qui retarde l'expé j 
rience de ce vaisseau est la lenteur des ouvriers que 




l'auteur de cette ingénieuse mécanique a employés 
jusqu'à présent.... Qui souhaite plus de voler? Celui 
sans doute qui esl sûr du succès de son invention par 
des principes fondés sur des tentatives multipliées qu'il 



50 LA NAVIGATION AÊRIENNT. 

a faites avec succès. Il s'élèvera, il volera cl tout incré- 
dule dira : je ne l'aurais pas cru. 

Martinet, 
Ingénieur ci graveur du 

Cabinet du Roi, rue Si-Jacques, 
prés Si-Benoit. 

Malgré les affirmations le l'éditeur Martinet, le 
public attendit en vain l'expérience publique tant 
de fois annoncée; on ne tarda pas à se moquer de 
l'aviateur, comme l'indique la curieuse gravure 
satirique ci-contre (fig. 10), où des ânes sont « en 
admirant le départ du vaisseau volant ». 

Blanchard ne s'éleva pas et ne vola pas, si ce n'est 
bientôt avec les ballons, dont la première expérience 
eut lieu à Annonay, le 5 juin 1 785. 

L'inventeur du vaisseau volant, s'inclina d'ailleurs 
de bonne grâce devant les merveilleux résultats ob- 
tenus par les Montgolfier, et il devint un de leurs 
plus fervents disciples. 



L HYDROGÈNE ET LA DÉCOUVERTE DES AÉROSTATS 

Cavendish et la découverte tin gaz hydrogène. — Le docteur Black 
et le principe des aérostats. — Les bulles de savon gonflées d'hy- 
drogène de Tibère Cavallo. — Les frères Montgolfier et les bal- 
lons à air chaud. — Le physicien Charles et les ballons à gaz. 

Tour terminer l'étude que nous avons entreprise, 
des antériorités à la découverte des ballons, nous 
citerons quelques faits curieux, relatifs à de véri- 
tables expériences aérostatiques faites en petit, avant 
la construction de la montgolfière d'Annonay. Ces 
expériences sont la conséquence de la découverte 
du gaz hydrogène et de ses propriétés. 

Dès que Cavendish eut constaté que le gaz hydro- 
gène est beaucoup plus léger que l'air, l'idée des 
ballons pouvait naître. Elle naquit, en effet, mais 
sans être mise immédiatement en exécution. 

Il semble probable que le docteur J. Black, 
d'Edimbourg, eut la conception des aérostats, 
comme l'indiquent les passages de la lettre qu'il a 
écrite au docteur Lind, après la découverte des 
frères Montgolfier. 

Il me parut, dit le docteur Black, en 1784, suivre 



58 LA NAVIGATION AERIENNE 

des principes dé M. Cavendish, que, si une vessie suffi- 
samment mince et légère était remplie d'air inflam- 
mable, la vessie et l'air qui y sérail contenu formeraient 

une niasse moins pesante que le même volume d'air at- 
mosphérique el qu'elle s'élèverait dans l"espace. J'en 
parlai à quelques-uns de mes amis et dans mes leçons, 
lorsque j'eus occasion de traiter de l'air inflammable, 
ce qui fut dans l'année 1707 ou l7(iS. 

Le docteur Black ne fit pas l'expérience; mais 
elle fut tentée en 1782 par un Anglais, Tibère 
Cavallo. comme le prouve incontestablement une 
curieuse note présentée, le 20 juin 1782, à la 
Société royale de Londres, et de laquelle nous em- 
pruntons les passages suivants : 

... 11 s'agissait, dit Cavallo, après avoir exposé quelques 
notions sur le gaz inflammable, de construire un vais- 
seau ou nue espèce d'enveloppe qui, remplie d'air in- 
flammable, serait plus légère qu'un volume égal d'air 
commun, et qui conséquemment pourrait monter, de 
même que la fumée, dans l'atmosphère, car on savait 
bien que l'air inflammable est spécifiquement plus lé- 
ger que l'air commun.... J'essayai les vessies les plus 
minces et les plus grandes que je pus me procurer. 
Quelques-unes furent nettoyées avec beaucoup de soin 
en étant toutes les membranes superflues, et les autres 
matières qu'il était possible d'enlever ; mais, malgré 
toutes ces précautions, la plus légère et la plus grande 
des vessies préparées étant pesée, et le calcul nécessaire 
fait, il se trouva que lorsqu'elle serait remplie d'air in- 
flammable, elle serait au moins de dix grains plus pe- 
sante qu'un égal volume d'air commun, et que consé- 
quemment elle descendrait au lieu de monter. Nous 
trouvâmes aussi que quelques vessies qui servent aux 
poissons à nager étaient trop pesantes. Je ne pus jamais 



I.A LOCOMOTION AÉRIENNE AVANT LES MONTGOLFIER 50 

réussir à faire aucune bulle légère et. durable, en souf- 
flant de l'air inflammable dans une solution épaisse de 
gom , les vernis épais ni les peintures à l'huile. Eu- 
liu 1rs bouteilles (Inities) de savon remplies d'air inflam- 
mable furent la seule chose de cette sorte qui s'éleva 
dans l'atmosphère; mais comme elles se détruisent fa- 
cilement et qu'on ne peut les manier, elles ne semblent 
applicables à aucune expérience de physique. 

Tibère Cavallo dans son mémoire donne la 
description complète de l'appareil qu'il emploie 
pour gonfler d'hydrogène les bulles de savon 1 . Il 
prépare le gaz dans une petite fiole de verre, il en 
remplit une vessie munie d'un tube, qu'il plonge 
dans un bassin plein d'eau de savon; il la presse 
entre les mains; les bulles se dégagent, gonflées de 
l'air inflammable; elles s'élèvent dans l'atmosphère. 
Le physicien anglais continue en ces termes : 

Dans les différentes tentatives que je fis pour la réus- 
site de l'expérience dont j'ai déjà parlé, j'employai le 
papier, qui semblait propre pour la construction d'une 
enveloppe, qui, remplie d'air inflammable, serait plus 
légère que l'air commun; d'après cela, je me procurai 
de très beau papier de la Chine, je m'assurai de son 
poids; le calcul nécessaire étant fait, je donnai à celle 
enveloppe une forme cylindrique, terminée par deux 
cônes très courts, et la lis de telle dimension que, venant 
à être remplie d'air inflammable, elle fût plus légère 
qu'un pareil volume d'air commun, d'au moins vingt- 
cinq grains; en conséquence, elle devait s'élever comme 
la fumée dans l'atmosphère. 

1. Histoire el pratique de Vaêrostalion, par M. Tibère Cavallo, 
traduil de l'anglais. Un vol. in-8°, Paris, mdcclxxxvi. 



(SU LA NAVIGATION AÉRIENNE 

Après avoir essayé cette machine de papier en la 
remplissant d'air commun, je mis dans une grande bou- 
(cille de l'acide vitriolique affaibli, et de la limaille de 
fer pour retirer de l'air inflammable qui, à l'instant de 
son dégagement, devait remplir cette enveloppe, qui 
avait communication avec la bouteille par un tube de 
verre, et était suspendue au-dessus de celte bouteille. 
On avait fait sortir l'air commun de la machine de papier 
en la comprimant; mais je fus très étonné de voir que, 
malgré le dégagement rapide de l'air inflammable, elle 
ne se remplissait nullement, et que, d'un autre coté, 
l'air inflammable répandait uni' très forte odeur dans la 
chambre.... L'air inflammable passait à travers les pores 
du papier, comme l'eau au travers d'un crible. 

On voit que jamais expérimentateur n'atteignit de 
plus près le grand but de l'aérostation, Tibère 
Cavallo esl digne d'avoir son nom inscrit parmi 
les précurseurs des Montgolfier, mais il se borna à 
exécuter une simple expérience de laboratoire; il 
ne songea pas à rendre les tissus imperméables 
pour conserver l'hydrogène, il s'arrêta au mo- 
menl mémo où il touchait du doigt la solution du 
problème. 

Il allait appartenir aux frères Montgolfier de 
lancer pour la première fois, à l'air libre, la sphère 
aérostatique, dont ils sont incontestablement les 
inventeurs. Sans rien vouloir leur enlever de la 
gloire qui leur est due, nous espérons avoir montré 
qu'il est intéressant, au point de vue historique, 
d'étudier ce qu'ont pu entreprendre ou proposer 
leurs précurseurs. 

On a souvent donné des récits différents sur 



LA LOCOMOTION AÉIUENNE AVANT LES MOKTGOLFIER til 

l'origine de cette étonnante découverte. Voici com- 
ment M. de Gérando en a fait connaître le premier 
motif dans sa notice biographique sur Joseph de 
Montgolfier, et d'après ce que lui avait dit l'inven- 
teur lui-même. 

Joseph Montgolfier se trouvait à Avignon et c'était 
à l'époque où les armées combinées tentaient le siège 
de Gibraltar. Seul, au coin de sa cheminée, rêvant 
selon sa coutume, il considérait une sorte d'estampe 
qui représentait les travaux du siège; il s'impatientait 
de voir qu'on ne pût atteindre au corps de la place, ni 
par terre, ni par eau. « Mais ne pourrait-on point y 
arriver au travers des airs? la fumée s'élève dans la 
cheminée ; pourquoi n'emmagasinerait-ou pas cette 
fumée de manière à en composer une force dispouible?» 
Son esprit calcule à l'instant le poids d'une surface 
donnée de papier ou de taffetas; construit sans désem- 
parer son petit ballon, et le voit s'élever du plancher, 
à la grande surprise de son hôtesse et avec une joie 
singulière. 11 écrit sur-le-champ à son frère Etienne, 
qui était pour lors à Annonay 1 : « Prépare promptement 
des provisions de taffetas, de cordages, et tu verras une 
des choses les plus étonnantes du monde. » 

C'est le h juin 1785 que Joseph^ct Etienne Mont- 
golfier lancèrent pour la preinièrej'ois à l'air libre 
la sphère aérostatique. C'était un ballon de papier 
gonflé d'air chaud. 11 monta dans l'espace, en pré- 
sence des membres des États du Vivarais et de 
nombreux habitants du pays. — Cette expérience 
eut un retentissement considérable; on comprenait 

1. La lettre existe encore et a été produite à l'Institut à l'occa- 
sion do la nomination do Joseph do Montgolfier. 



61 LA .NAVIGATION AERIENNE 

alors que la première étape était faite dans le che- 
min de lu conquête de l'atmosphère 

Le physicien Charles, et Roberl construisirent à 
Paris le premier ballon à gaz hydrogène; Pilâtre de 
Rozieret le marquis d'Arlandes exécutèrenl la pre- 
mière ascension que les hommes aient jamais faite, 
en quittant le sol. 

Une nouvelle et immense découverte venait d'ac- 
croître la lisie des victoires que le génie de l'homme 
remporte parfois sur la matière inerte. 

La découverte des ballons est une des plus grandes 
conquêtes que l'on doive aux inventeurs. Elle a per- 
mis à l'homme de vaincre les lois de la pesanteur 
qui semblaient l'attacher à jamais à la surface de la 
terre qu'il habite : un jour viendra où elle apportera 
à l'humanité des ressources immenses que nous 
pouvons à peine soupçonner aujourd'hui. 



DEUXIÈME PARTIE 

LAVIATION 

OU LA LOCOMOTION AT MOSPH ÉRIOU E 
PAR LE PLUS LOURD QUE L'AIR 



Pour les ballons, le volume c'est la puissance, 
la surface c'est l'olistaclc. C'est le contraire pour 
l'appareil d'aviation: pour lui, la surface c'est le 
point d'appui, le volume c'est la force qui l'at- 
tire vers le sol. Aussi il est à craindre, à mon 
sens, ipic les appareils d'aviation, autrement dit 
de vol mécanique, ne puissent atteindre d'ici 
longtemps à des dimensions suffisantes pour être 
utiles. ALniossE I'lxald. 



LE VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX 

L'oiseau artificiel de Borelli au dix-septième siècle. — Les études 
de Navier. — Les idées de M. Bell Pettigrew sur l'action de l'aile 
des êtres volants. — Les travaux de M. Marey. — M. Mouillard 
et 51. Goupil. 

La vue des insectes et des oiseaux qui volent 
dans l'air a souvent donné aux mécaniciens l'idée 
d'imiter la nature et de construire des appareils 
volants artificiels, soit en petit, à titre expérimental, 
soit en grand, pour élever un homme et lui donner 
les facultés de se mouvoir au sein de l'atmosphère. 

Nous avons déjà étudié une partie des études ou 
des expériences qui ont pu être faites à ce sujet 
dans les siècles passés; nous examinerons ici le 
problème à un point de vue plus spécialement scien- 
tifique, en passant d'abord en revue les travaux 
méthodiques que l'on doit aux aviateurs et aux 
physiologistes. 

L'étude du vol est déjà ancienne; on trouve une 
description très bien faite d'ailes artificielles dans 
le Molu aninialium de Borelli, datant de 1680, 
c'est-à-dire de plus de deux siècles. Dans ses mé- 

3 



00 LA NAVIGATION AERIENNE 

moires sur le vol considéré au point de vue de; 
l'aéronautique, un savant anglais, M. Bell I'elligrew, 
a fort bien résumé les idées de l'ancien physio- 
logiste et mathématicien italien 1 . 



11 était familiarisé, dit M. Péttigrew, avec les propriété 
du coin appliqué au vol, et connaissait également la 
flexibilité et. l'élasticité des ailes. C'est à lui qu'on doij 
faire remonter la théorie purement mécanique de l'ac- 
tion des ailes. Il a figuré un oiseau avec des ailes arti- 
ficielles dont chacune consiste en une baguette rigide 
en avant, et des plumes flexibles derrière. J'ai cru bon 

de. reproduire la figure 
Borelli à la fois à cause i 
sa grande antiquité et pa ce 
qu'elle éclaircit admirai '■ 
nient son texte 2 . Les aile. 
b c f, et a (tig. 11) sont 
représentées comme frappant 
verticalement en bas g h. 
filles s'accordent remarqua- 
blement avec celles décrites 
par Straus-Durckbeim, ui- 
rard, et tout récemment par 
le professeur Marey. Borelli pense que le vol résulta 
de l'application d'un plan incliné qui bal. l'air, et qui 
fait l'office du coin. En effet, il s'efforce de prouver 
qu'un oiseau s'insinue dans l'air par la vibration 
perpendiculaire de ses ailes, les ailes pendant leur 
action formant un angle dont la base est dirigée vers 
la tète de l'oiseau, le sommet a /' étant dirigé vers la 
queue. 




h 



f 



g. il . — Oiseau figuré 

par Dorulli (1680;. 



1. La locomotion chez les animaux, ou marche, natation et vol, 
par Dell Péttigrew, in-8°. Paris, Germer Baillière. 

2. De motu unimalium. 



L'AVIATION 67 

Borelli explique plus loin comment Un coin étant 
poussé dans un corps, il tend à le séparer en deux 
portions; niais si l'on permet aux. parties du corps 
de réagir sur le coin, elles communiqueront des 
impulsions obliques aux faces du coin, et le feront 
sortir la base la première, en ligne droite. 

Poursuivant cette analogie, Borelli s'efforce de 
faire voir que si l'air agit obliquement sur les ailes, 
le résultat sera un transport horizontal du corps 
de l'oiseau. Si l'aile frappe verticalement vers le 
bas, l'oiseau volera horizontalement en avant. 

Je ne saurais mieux faire d'ailleurs que de citer 
' luellement les passages les plus saillants de 
l'ouvrage de Borelli. 



*b^ 



Si l'air placé sous les ailes est frappé par les parties 
flexibles des ailes, avec un mouvement vertical, les 
voiles et les parties flexibles de l'aile céderont dans une 
direction ascendante et formeront un coin, ayant la 
pointe dirigée vers la queue. Que l'air, donc, frappe les 
ailes par dessous, ou que les ailes frappent l'air par 
dessous, le résultat est le même, les bords postérieurs 
ou flexibles des ailes cèdent dans une direction ascen- 
dante, et en agissant ainsi, poussent l'oiseau dans une 
direction horizontale. 

Quant au second point ou au mouvement transversal 
des oiseaux (c'est-à-dire au vol horizontal), quelques 
auteurs se sont étraugements mépris; ils pensent qu'il 
est semblable à celui des bateaux qui, poussés à l'aide 
de rames, se meuvent horizontalement dans la direction 
de la proue, et en pressant sur l'eau résistant en arrière, 
s'élancent avec un mouvement contraire et sont ainsi 
portés en avant. De la même manière, disent-ils, les 
ailes vibrent vers la queue, avec un mouvement hori- 



G8 LA NAVIGATION AERIENNE 

zontal et frappent également contre l'air non troublé, 
grâce à la résistance duquel elles se meuvent par une 
réflexion de mouvement. Mais c'est contraire au témoi- 
gnage de nos yeux aussi bien qu'à la raison ; car nous 
voyons que les plus grandes espèces d'oiseaux, tels que 
cygnes, oies, etc., ne font jamais en volant vibrer leurs 
ailes vers la queue avec un mouvement horizontal 
comme celui des rames, mais les courbent toujours vers 
le bas, et décrivent ainsi des cercles élevés perpendi- 
culairement à l'horizon. 



Plus d'un siècle s'écoula après Borelli, sans que 
l'étude du vol ait été soumise à des observations 
précises. 

En 1850, Navier a présenté à l'Académie des 
sciences des considérations sur le mécanisme du 
vol chez les oiseaux, et la possibilité d'approprier 
cette l'acuité à l'homme. Je vais m'efforcer de repro- 
duire succinctement les principaux arguments de 
l'auteur. 

La première chose à déterminer, quand on exa- 
mine la manière dont s'opère le vol des oiseaux, est 
la force qu'ils emploient pour faire mouvoir leurs 
ailes. Pour eela, il convient de les considérer, ^lors- 
qu'ils veulent s'élever verticalement ou planer dans 
l'air, sans avancer ni reculer, en résistant seulement 
à l'action de la pesanteur; 2" lorsqu'ils veulent se 
mouvoir horizontalement avec une grande vitesse, 
dans un air calme, ou lutter contre un vent violent. 

Lorsque l'oiseau plane simplement dans l'air, la 
vitesse d'abaissement du centre de l'aile peut être 
estimée, d'après Navier, à environ 7 mètres par 



L'AVIATION 69 

seconde. Le temps de l'élévation de l'aile est à peu 
près double de celui de l'abaissement, et le nombre 
de vibrations ou battements des ailes dans une 
seconde est d'environ 23. La quantité de travail 
que dépense l'oiseau en une seconde est égale à celle 
qui serait nécessaire pour élever son propre poids 
à 8 mètres de hauteur. 

Lorsque l'oiseau peut se mouvoir horizontale- 
ment avec une grande vitesse, comme 15 mètres 
par seconde, l'action de la pesanteur devient alors 
très petite par rapport à la résistance que l'air 
oppose au mouvement du corps, et cette action 
peut être négligée. Par conséquent, le mouvement 
horizontal de l'oiseau exige que la direction du 
battement des ailes soit aussi sensiblement horizon- 
tale. La vitesse d'abaissement de l'aile doit être alors 
trois fois et demie plus grande que la vitesse du 
déplacement de l'oiseau dans cet air tranquille. 

D'après ce qui précède, il est aisé de comparer, 
d'après Navier, la quantité de travail que l'homme 
est capable de produire, avec celle qu'exige le vol. 
L'oiseau qui plane dans l'air dépense dans chaque 
seconde la quantité d'action nécessaire pour élever 
son poids à S mètres de hauteur. Un homme, 
employé, dans les travaux des arts, à tourner 
une manivelle pendant huit heures par jour, est 
regardé comme élevant moyennement, dans une 
seconde, un poids de 6 kilogrammes à 1 mètre de 
hauteur. En supposant que cet homme pèse 70 kilo- 
grammes, cette quantité de travail est capable 
d'élever son propre poids à 86 millimètres de hau- 



70 IV NAVIGATION AÉRIENNE 

tour. Ainsi, toutes proportions gardées, elle n'es! 
pas la 1/92" partie decelle que l'oiseau dépense pour 
se soutenir dans l'air. Si l'homme était le maître de 
dépenser, dans un temps aussi court qu'il le vou- 
drait, la quantité do travail qu'il dépense ordinai- 
rement en huit heures, on trouve, qu'il pourrait 
chaque jour se soutenir dans l'air pendant cinq 
minutes: mais, comme il est fort éloigné d'avoir 
relie faculté, il est évident qu'il ne pourrait se sou- 
tenir que pendant un temps beaucoup moindre, ce 
qui ne serait sans doute qu'une portion très petite 
d'une minute. Ces rapprochements montrent à quel 
point les tentatives faites dans la vue de rendre 
l'homme capable, de vider étaient chimériques. 
« L'idée du vol ne pouvait être réalisée, dit Navier, 
que dans îles êtres poétiques, auxquels on attribuait 
un caractère divin, et par conséquent îles forces 
sans limites et une vigueur inépuisable. » 

Nous ajouterons ici que les calculs de Navier 
n'avaient pour point de départ aucune expérience, 
et qu'il esl souvent facile de les réfuter. Navier, par 
exemple, s'est cru autorisé à admettre que dix-sept. 
hirondelles dépenseraient le travail d'un cheval- 
vapeur!... « Autant vaudrait, dit spirituellement 
M. Bertrand, prouver par le calcul que les oiseaux 
ne peuvent pas voler, ce, qui ne laisserait pas d'être 
compromettant pour les mathématiques. » 

En terminant son rapport, Navier dit cependant 
que la création d'un art de la navigation aérienne 
est subordonnée à la découverte d'un nouveau mo- 
teur dont l'action comporterait un appareil beau- 



L'AVIATION 71 

coup moins posant quo roux qu'on connaît aujour- 
d'hui'. 

Les travaux les plus importants qui ont été publiés 
dans les temps modernes sur l'élude du vol aérien, 
sont dus à M. Pettigrew en Angleterre, et surtout à 
M. le professeur Marey, qui, avec la rigoureuse pré- 
cision de la méthode expérimentale, a déterminé 
les vrais mouvements des ailes des insectes et des 
oiseaux. M. Pettigrew a cru voir dans la courbure de 
l'aile une surface gauche hélicoïdale ; frappé de cette 
coïncidence entre la forme de l'aile et celle de l'hé- 
lice propulsive des navires, il en est arrivé a consi- 
dérer l'aile de l'oiseau comme une vis dont l'air 
serait l'écrou. 

Nous ne croyons pas, a dit avec raison M. Marey, 
devoir réfuter une pareille théorie. Il est trop évident 
que le type alternatif qui appartient à tout mouvement 
musculaire ne saurait se prêter à produire l'action pro- 
pulsive d'une hélice; car en admettant que l'aile pivote 
sur son axe, cette rotation se borne à une fraction de 
tour, puis est suivie d'uue rotation de sens inverse, qui 
clans une hélice, détruirait complètement l'effet pro- 
duit par le mouvement précédent. 

M. Marey a étudié successivement le mécanisme 
du. vol des insectes et des oiseaux. Après avoir 
emplové la méthode graphique à déterminer le 
mouvement des ailes, le savant professeur est 
arrivé à reproduire ce mouvement et à con- 
struire un insecte artificiel. Voici comment l'au- 

1. Bévue des revues, 18r,0. 



72 



LA NAVIGATION AUMONE 



teur décrit lui-même ce remarquable appareil, que 
j'ai vu fonctionner jadis au laboratoire du Collège 
de France. 

Pouf rendre plus saisissable l'action de L'aile de l'in- 
secte et les effets de la résistance de l'air, voici l'appa- 
reil que nous avons construit. Soit, (fig. 12) deux ailes ar- 
tificielles composées d'une nervure rigide prolongée en 




12. 



luseole mécanique <lf M. Marey. 



arrière par un voile flexible fait de baudruche soutenue 
par de fines nervures d'acier; le plan de ces ailes est 
horizontal. Un mécanisme de leviers coudés les élève 
ou les abaisse sans leur imprimer aucun mouvement 
de latéralité. Le mouvement des ailes est commandé 
par un petit tambour de cuivre T dans lequel de l'air 
est foulé ou raréfié alternativement par l'action d'une 
pompe. Les faces circulaires de ce tambour sont formées 
de membranes de caoutchouc articulées aux deux ailes 



L'AVIATION 75 

par des leviers coudés; l'air comprimé ou raréfié dans 
le tambour, imprime à ces membranes flexibles des 
mouvements puissauts et rapides qui se transmettent 
aux deux ailes en même temps. 

Un tube horizontal équilibré par un contrepoids, 
permet à l'appareil de pivoter autour d'un axe central, 
et sert en même temps à conduire l'air de la pompe 
dans le tambour moteur. L'axe est formé d'une sorte de 
gazomètre à mercure qui produit une clôture hermé- 
tique des conduits de l'air, tout en permettant à l'ins- 
trument de tourner librement dans un plan horizontal. 
Ainsi disposé, l'appareil montre le mécanisme par le- 
quel la résistance de l'air combinée avec les mouve- 
ments de l'aile produit la propulsion de l'insecte. 

En effet, si au moyen de la pompe à air ou met en 
mouvement les ailes de l'insecte artificiel, on voit que 
l'appareil prend bientôt une rotation rapide, autour de 
son axe. Le mécanisme de la translation de l'insecte 
est donc éclairé par cette expérience, qui confirme plei- 
nement les théories que nous avons déduites de l'ana- 
lyse optique et graphique des mouvements de l'aile pen- 
dant le vol. 

^tnir que l'appareil qui vient d'être décrit, donne 
nne idée complète du vol de l'insecte, en changeant 
l'inclinaison du plan d'oscillation de ses ailes, ce qui 
peut se faire par des mouvements de l'abdomen qui 
déplacent le centre de gravité, l'insecte peut, suivant 
les nécessités, augmenter sa tendance à voler en 
avant, perdre sa vitesse acquise, ou enfin se jeter de 
côté. Grâce à des modifications accessoires de son 
appareil, M. Marey a pu reproduire artificiellement 
le planement ou vol ascendant. 

Les études du savant professeur sur le vol des 
oiseaux ont été conduites avec la même méthode. 



74 LA NAVIGATION AKHIKNNK 

Par une analyse délicate, M. Marey a déterminé les 

mouvements de l'aile pendant le vol; après avoir 
déduit de ces observations les principes du méca- 
nisme du vol , il a su réaliser comme pour l'insecte 
la reproduction de quelques-uns de ces phénomènes 
au moyen d'appareils artificiels. 

M. Maivv a donné sur la théorie du vol des idées 
qui se rapprochent beaucoup de colles de Borelli. 

Sur ce sujet comme sur tous ceux qui ont beaucoup 
prêté à la discussion, presque tout a élé dit, de sorte 
qu'il ne faut pas s'attendre à voir sortir de nies expé- 
riences une théorie entièrement neuve. C'est dans Bo- 
relli qu'on trouve la première idée juste sur le méca- 
nisme du vol de l'oiseau. L'aile, dil cet auteur, agit sur 
l'air comme un coin. En développant la pensée du 
savant physiologiste de Naples, on dirait aujourd'hui 
1 1 m' l'aile de l'oiseau agit sur l'air ;'i la façon d'un 
plan incliné, pour produire contre celle résistance uni' 
réaction qui pousse le corps de l'animal en haut et en 
avant. Confirmée par Strauss-Durckheim, cette théorie a 
été complétée par Liais, qui signale une double action 
de l'aile : d'abord celle qui, dans In phase d'abaissement 
de eei organe, soulève l'oiseau eu lui imprimant une 
impulsion eu avant; ensuite l'action de l'aile remon- 
tante qui s'oriente ;'i la façon d'un cerf-volant et sou- 
tient le corps de l'oiseau eu attendant le coup d'aile qui 
va suivre. 

On nous a reproché d'aboutir à une théorie dont 
l'origine remonte ;'i plus de deux siècles; nous préfé- 
rons de beaucoup une ancienne vérité à la plus neuve 
des erreurs, aussi nous permettra-t-on de rendre au 
génie de Borelli la justice qui lui est due, en ne récla- 
mant pour nous que le mérite d'avoir fourni la démons- 
tration expérimentale d'une vérité déjà soupçonnée. 



L'AVIATION 75 

M. Marey, considérant, nu point do vue de l'aéro- 
nautique, le problème qu'il a si bien étudié en 
physiologiste, croit qu'il est possible d'imiter le 
mécanisme du vol. Après les appareils d'étude 
expérimentale que le savant professeur a réalisés, 
nous allons voir, dans le chapitre suivant, que 
MM. Alphonse Penaud, Tatin et d'autres expérimen- 
tateurs ont, en effet, été plus loin en construisant 
des petits oiseaux mécaniques qui volent d'eux- 
mêmes à l'air libre. M. Marey ne doute pas que 
l'on puisse dépasser encore ces résultats. « Nous 
avons prouvé, dit-il, que rien n'est impossible dans 
l'analyse des mouvements du vol de l'oiseau; on 
nous accordera sans doute que la mécanique peut 
toujours reproduire un mouvement dont la nature 
est bien définie. » 

Dans ces derniers temps, deux aviateurs, M. Mouil- 
lard et M. Goupil, ne se sont pas montrés moins 
affirmatifs, mais sans avoir pu cependant donner 
aucune preuve de démonstration expérimentale, 
M. Mouillard a exécuté plusieurs essais à l'aide 
d'un appareil de vol qu'il avait construit, mais 
sans réussir à se soulever du sol 1 . 

M. Goupil a étudié les conditions mécaniques du 
vol et il a donné notamment quelques chiffres in- 
téressants à reproduire. 

Un pigeon de 420 grammes dépense 2 kilogrammè- 
tres et demi, pour se soutenir immobile dans l'espace 

1. Vov. L. P. Mouillard. L'empire de l'air, essai d'ornithologie 
appliquée à l'aviation, 1 vol. in-8«. Paris, G. Jlassoh, 1881. 



If, LA NAVIGATION AÉRIENNE 

en air calme; j'ai déterminé ce chiffre de deux façons 
différentes, en voici une troisième. 

Un pigeon de ce poids que j*ai eu occasion d'exa- 
miner fréquemment à mes pieds, que j'ai pesé et 
mesuré, avait l'habitude de voleter à m ,70 environ 
au-dessus du sol, je ne sais pourquoi; ce travail pénible 
lui demandait six coups d'ailes par seconde à l'am- 
plitude de 170 degrés, ce qui, au centre de l'aile, 
équivalait à m ,50 d'arc décrit; dans ce cas, la violence 
du battement est à peu près telle eu relevant l'aile 
qu'en l'abaissant, car la position du corps est à 45°, et 
l'arc décrit par les ailes est dans un plan presque 
horizontal; l'effort moyeu était nécessairement égal au 
poids de l'animal et le chemin parcouru de 12 fois 
m ,o0, soit : (>'" X OM20 = 2 k « n, ,50. Ou peut évaluer à 
8 chevaux par 100 kilog. le travail développé dans ce 
cas pour produire la sustentation totale. La surface me- 
surant m ,09, cette espèce dispose donc de 27 k « m par 
mètre carré, et sa surface d'aile mesurant 0"',0fi, il 
dispose de il) kilogrammètres par mètre carré d'aile. 
Avec cela il est maître de sa voilure et ne redoute ni 
les coups de vent, ni la tempête 1 . 

M. Goupil tire de ses calculs la conclusion sui- 
vante : L'homme par sa seule puissance ne peut 
produire le vol rainé, ni l'ascension directe. Mais 
il peut, avec un appareil bien conditionné, produire 
un planement horizontal à la condition de pouvoir 
se mettre en vitesse. 



1. La locomotion aérienne. Étude par A. Goupil, 1 vol. in- 
Charleville, 1884. 



II 



LES MACHINES VOLANTES ARTIFICIELLES 
OU ORTHOPTÈRES 



Machine volante de Gérard en 1784. — Projet d'homme volant de 
C. F. Meerwein. ■ — Vol artificiel à tire-d'ailes. — L'horloger 
Degen. — Les expériences de 1812. — Machine volante de Kauf- 
mann en 1860. — Un projet d'Edison. — Oiseaux mécaniques de 
Le Bris, d'Alphonse Penaud, du D' Ilureau de Villeneuve, de 
Victor Tatin, etc. 



Les aviateurs désignent sous le nom d'orthoptères 
des appareils de vol mécanique qui ont pour or- 
ganes principaux des surfaces animées de mouve- 
ments à peu près verticaux; ce sont en un mot des 
systèmes à ailes battantes artificielles. On les distin- 
gue des hélicoptères, qui se soutiennent à l'aide 
d'hélices en rotation autour d'un axe, et des aéro- 
planes formées de surfaces plates inclinées d'un 
petit angle sur l'horizon et poussées à l'aide de 
propulseurs. 

En 1785 et en 1784, quand les premières ascen- 
sions aérostatiques surexcitèrent l'esprit public, il 
ne manqua pas d'aviateurs pour proposer différents 
systèmes de machines volantes. — Gérard dès 1784, 



78 LA NAVIGATION AÉH1ENSE 

publia son Essai sur l'art <hi vol aérien 1 , où il donne 
le naïf dessin que nous reproduisons d'une machine 
volante (fig. 13), oubliant de parler des organes 
essentiels de l'appareil : le mécanisme proprement 
dit et le moteur. 

La même année, C. F. Mcerwein, architecte du 
prince de Galles, proposa de construire un grand 
appareil destiné à un homme volant 2 . Cet appareil 
devait èlie formé de deux grandes ailes qu'un 

homme lixé au milieu, à 
l'aide de courroies, au- 
rait fait fonctionner lui- 
même. Nous donnons l'as- 
pecl de l'appareil, vu en 
dessous et de côté par 




iri. — Machine volaille 
de Gérard [178*). 



l'avant (fig. 14), d'après 
la ligure même qu'en a 
publiée l'auteur en 1784. 
Ce que des écrivains 
plus ou moins conipé- 
tents, s'étaient bornés à 
proposer à la fin du siècle dernier, après la décou- 
verte des aérostats, des hommes de hardiesse ont 
voulu parfois le réalisera une époque plus récente. 
Au commencement de ce siècle, le publie se pré 
occupa très vivement de l'aviation par le vol artifi- 
ciel à tire-d'ailes, à la suite de deux entreprises 



"1. Essai sur l'art dit roi aérien, avec figures, 1 vol. in-52. 
Paris, 1784- 

2. L'art de rolcr à la manière des oiseaux, par Charles Meerwcin. 
A Cusle, 1 7 S' 4 . in-8° de 48 pages avec 2 planches hors texte. 



L'AVIATION 70 

qui eurent un 1res grand retentissement: La pre- 
mière est celle d'un nommé Calais qui, eu 1801, 
annonça qu'il s'élèverait dans les airs au moyen 
d'un appareil volant de son invention; l'expérience 
se lit au jardin Marbeuf, à Paris : elle fut malheu- 
reuse et ridicule et nous n'avons rien à en dire. 

La seconde tentative attira l'attention de l'Eu- 
rope entière et produisit une grande émotion. Elle 





Fiff. li. — Projet d'homme volant de C. F. Meerwein (178i). 

eut pour acteur un horloger de Vienne nommé 
Degen, qui commença à faire parler de lui en 
1809. A cette époque tous les journaux annoncè- 
rent que Degen s'était élevé dans les airs, à Vienne, 
au moyen d'une machine de son invention. 

On comprend combien la curiosité publique dut 
être tenue en éveil par cette nouvelle, et on ne 
tarda pas à publier à Paris quelques détails sur le 
système du mécanicien viennois. 

Il était difficile de bien juger l'invention de Degen, 



KO LA NAVIGATION AÉRIENNE 

parce que les détails qu'on en donnait, étaient très 
incomplets. Voici ce qu'on avait lu dans une feuille 
allemande : 

M. Jacques Degen 1 , habile horloger de Vieune, vient 
de s'élever dans l'air comme un oiseau, par un pro- 
cédé de. son invention. 11 s'applique deux ailes artifi- 
cielles faites de petils morceaux de papier, joints en- 
semble avec de la soie la plus fine. En ballant de ces 
ailes, il s'élève avec beaucoup de rapidité, et dans une 
direction soit perpendiculaire, soit oblique, jusqu'à la 
hauteur de cinquante-quatre pieds. Son expérience, qui 
eut lieu devant une société nombreuse, lui valut les 
plus vifs applaudissements. 

Un savant de Lcipsick, M. Zacharie, avait publié 
les gravures que nous reproduisons ci-contre, en 
les réduisant (fig. 15 et 16), et qui ne tardèrent pas 
à être exposées chez tous les marchands d'estampes 
de Paris. 11 avait ajouté quelques pages de texte 
où il faisait des restrictions prudentes. M. Degen 
s'est élevé. Pourquoi oublic-t-on de dire quel jour 
et à quelle heure? La société était nombreuse : pour- 
quoi ne nomme-t-on personne? Quoi qu'il en soit 
de ces réserves, le savant Allemand donne la des- 
cription du mécanisme. Nous allons en reproduire 
les passages les plus saillants. 

Les deux ailes présentent une carcasse probable- 
ment de jonc ou de baleine, à peu près comme celle 



1. Le vrai nom de l'inventeur était Jacob Degen. Depuis on a 

presque toujours écrit Deghen. Nous avons conserve l'orthographe 
primitive du nom. 






L'AVIATION 



81 



d'un parasol, et dont les parties, pour réunir à la 
plus grande ténuité la plus grande raideur, sont 
combinées par en haut, ainsi que par eu bas, par de 




Fig. 15. — Appareil volant île Degen (1812). 

petites cordes, attachées au-dessus et au-dessous 
de l'aile, à une forte baguette qui passe comme 
un axe par le milieu. On voit à chaque aile plu- 
sieurs systèmes de cordes dont l'effet devait être 




Fig. 16. — Appareil de Degen, figuré en plan. 



de donner à chaque parasol beaucoup de solidité. 

Un point important se trouvait caché dans ces 

descriptions, Degen n'en parlait pas : c'est que le 

6 



n LA NAVIGATION AÉRIENNE 

système, avec l'aviateur, devait èlre attaché à un 
petit ballon gonflé de gaz hydrogène. L'inventeur 
avait la prétention, à l'aide de ses ailes, d'entraîner 
l'aérostat qui Le soulevait, et de le diriger dans l'at- 
mosphère. Le projet n'était pas réalisable, l'aérostal 
sphérique destiné à enlever le poids d'un liomine 
offrant déjà un volume et une surface considérables. 

Nous résumerons d'une façon complète l'histoire 
malheureuse des expériences exécutées par Degen m 
Paris en 1812, en reproduisant les articles qui 
ont successivement été publiés ;'i ce sujet dans le 
Journal de Paris. 

Le premier article que l'on va lire est d'autant 
plus intéressant, qu'il a été écrit par Garnerin, le 
célèbre expérimentateur du parachute. 

Extrait m; Journal de Paris no !• juin 1812. 

M. DEGEN 

Volera-t-il? Ne volcra-l-il pas? 

Voila ce qu'on se dit depuis quelques jours, dans les 
places publiques, dans les promenades, dans les salmis 
dorés, dans les boutiques des marchands : volera-t-il, ne 
volera-t-il pas? à quoi servent 1rs journalistes s'ils ne 
parlent jamais qu'après l'événement? à quoi servent-ils 
surtout, si, imitant certain critique de théâtre, ils ne 
nous disent pas même ta vérité après l'événement, et 
s'ils prennent, suivant leur intérêt personnel, les applau- 
dissemens pour des sifflets, et les sifflets pour des ap- 
plaudissemens? 

Moi.j'oserai prendre franchement l'initiative, aurisque 
de faire rire de pitié ces ignorans orgueilleux qui se 



L'AVIATION 83 

disent sceptiques par principe et qui ne le sont que par 
sottise. 

Avant que les hommes aient trouvé une substance 
spécifiquement plus légère que l'air atmosphérique 
prête à les soutenir dans l'espace, on a pu douter du 
succès de semblables tentatives; mais aujourd'hui que 
le gaz inflammable est employé avec tant de facilité 
pour élever les corps, on conçoit qu'une semblable expé- 
rience offre beaucoup de chances de succès. 

11 est certain que plusieurs animaux, sans avoir rien 
de commun avec les oiseaux, du moins quant à l'orga- 
nisation, peuvent s'élever dans les airs et même voler : 
c'est ce que fout les chauves-souris, et quelques espèces 
d'écureuils qui sont des animaux à poils et à mamelles. 
Certains lézards volent d'un arbre à l'autre, des poissons 
même s'élèvent pendant quelques instans dans les airs 
en se servant de leurs nageoires comme les volatiles se 
servent de leurs ailes; nul doute que la mécanique seule 
ne pût parvenir à faire des espèces d'ailes avec lesquelles 
on pourrait quelque tems se soutenir dans les airs et 
même aller d'un lieu à un autre. 

11 ne faut donc pas être surpris que quelques têtes 
ardentes aient tenté l'entreprise. Dans le siècle dernier, 
Bacqueville et Blanchard eurent l'intention de voler ; 
l'un vola aussi bien et presque aussi longtemps que 
l'espèce de lézard connu sous le nom de dragon ; 
l'autre s'occupait depuis longtemps de la construction 
d'un bateau à ailes, que j'ai vu, il y a environ 25 ans, 
chez l'abbé Viennai, au faubourg Saint-Germain. La dé- 
couverte des aérostats par Montgolfier, l'application du 
gaz inflammable à la formation des ballons, le dé- 
tourna de son projet, et Blanchard trouva plus com- 
mode et plus sûr de suspendre sa nacelle à un ballon 
aérostatique. 

11 y a quelques années qu'un M. Pauly construisit ce 
qu'il "appelait un poisson volant, avec lequel on m'a dit 
qu'il obtint des résultats assez heureux et qui faisaient 



84 LA NAVIGATION AERIENNE 

du moins prévoir la possibilité de louvoyer daus les airs : 
je ne parle pas de ce prétendu méeauicien qui se lit 
hisser au haut d'un mât pour retomber de tout son 
poids; les tentatives d'un tel homme n'offrent rien de 
décourageant pour ceux qui ont quelques connais- 
sances réelles. 

Au surplus, de ce que des mécaniciens n'ont pas encore 
réussi complettement dans la construction d'ailes pro- 
pres à les soutenir daus les airs, on ne doit pas con- 
clure que cela est physiquement impossible; lorsqu'un 
projet ne répugne pas absolument à la raison et aux 
lois bien connues delà physique, il faut si; rappeler ces 
beaux vers : 

« Croire tout découvert est une erreur profonde; 
« C'est prendre l'horizon pour les bornes du monde. » 

La belle et audacieuse expérience des parachutes 
prouverait seule qu'on peut se soutenir dans les airs 
par des moyens à peu près semblables à ceux des écu- 
reuils volants, des dragons, etc.; mais j'avoue que ces 
moyens, qui doivent consister dans une ingénieuse com- 
binaison de leviers, me paraissent offrir les plus grandes 
difficultés, et qu'un homme de génie pourra seul 1rs 
trouver. Cependant, aujourd'hui qu'on peut s'aider du 
gaz hydrogène, comme le fait M. Degeu, la possibilité 
de se diriger m'est démontrée. 

M. Degen a-t-il trouvé les moyens mécaniques dont 
la combiuaisou peut faire mouvoir des ailes propres à le 
diriger dans l'espace? c'est ce que nous saurons bientôt, 
car je déclare qu'au moment où j'écris cette note, je 
n'ai encore vu ni SI. Degen, ni son appareil mécanique; 
mais je déclare aussi que quand son expérience n'aurait 
pas tout le succès que sa réputation semble promettre, 
cela ne devrait point ralentir le zèle de ceux qui vou- 
draient tenter une semblable entreprise. 

J'ajouterai que d'après ce qu'on m'a dit des moyens 
ingénieux emplojés par M. Degen, je crois qu'il est 



L'AVIATION 85 

possible de perfectionner ce qu'il a fait, et je suis per- 
suadé que tous les physiciens seront de mon avis. 

Mais, volera-t-il, ne volera-t-il pas? diront encore les 
incrédules. Je pourrais répondre comme ces bonnes gens : 
je vous dirai cela ce soir; mais je réponds franchement : 
je crois qu'il volera; mais, je le répète, s'il ne vole pas 
il ne m'en sera pas moins démontré qu'il est possible 
de se diriger dans les airs. 

Après ce premier article, le public eut quelques 
renseignements plus précis dans une notice spécia- 
lement consacrée au mécanisme de l'inventeur. 



Extrait du Journal de Paris du mercredi 10 juin 1812. 

A côté de la grande affiche de Tivoli, on en avait 
placé hier une seconde que les curieux lisaient avec 
beaucoup d'attention, et qui contient quelques rensei- 
gnemens sur les moyens employés par M. Degen, et sur 
le degré de gloire auquel il aspire comme mécanicien. 
Nous allons transcrire textuellement cette affiche : 

« C'est après avoir fait une étude profonde et réfléchie 
du mécanisme naturel du vol des oiseaux, que M. De- 
gen a imaginé ce qu'il appelle sa machine à voler. 

« Sou travail est absolument calqué sur celui de la 
nature, et ses ailes ont la même forme et la même lé- 
gèreté, proportion gardée, que celles des oiseaux. Il leur 
imprime le même mouvement et en obtient le même 
résultat, enfin il se dirige dans tous les sens, monte et 
descend à volonté et plane dans les airs avec une facilité 
et une vitesse telles qu'il peut faire 14 lieues en une 
heure, lorsqu'il n'est pas trop contrarié par le vent; car 
alors son travail devient plus pénible et il est obligé de 
louvover. Tous ces mouvemens s'exécutent sans aucune 
espèce de danger pour lui ni pour son appareil. Il ar- 
rive à terre aussi lentement qu'il le désire et repart de 



80 LA NAVIGATION AERIENNE 

nouveau pour reprendre une nouvelle direction; il rote 
ou s'arrête à volonté. 

« Ses ailes, car on peut leur donner ce nom, ont 
22 pieds d'envergure et 8 pieds et demi dans leur plus 
grande largeur. Chaque mouvement qu'il leur imprime 
déplace 1Ô0 pieds carrés d'air atmosphérique, el à 
chacun des batterriens il pourrait enlever un poids de 
160 livres, tandis que la force ascensionnelle du ballon 
dont il se serl n'est que de 90 livres environ : ce qui 
donne en faveur de ses ailes quand elles soul en mou- 
vement une différence de 711 livres. Ce mécanicien ol>- 
serve que ce ballon ne lui esl d'aucune utilité pour sa 
direction, mais il est obligé de l'employer comme con- 
trepoids, pour le maintenir en équilibre et le soulager 
en même teins dans sa manœuvre; du reste, il eu est 
parfaitement le maître, et le force à suivre tous ses 
mouvemens. 

« M. Degen, laisse aux Français l'honneur de la dé- 
couverte sublime des ballons ; mais il réclame pour lui 
celle delà direction;'! volonté, que personne n'a eucore 
pu trouver jusqu'à présent. 

« En conséquence, il prie le public qui voudra bien 
l'honorer de sa présence, de ne considérer sou expé- 
rience que sous le seul rapport de la direction, le bal- 
lon n'étant qu'un faible accessoire qui n'entre pour 
rien dans la composition ni dans le mécanisme de la 
machine dont il est l'inventeur. » 

A ces détails, nous ajouterons que chacune de ses 
ailes déployée, et vue eu dessus ou en dessous, a la 
forme de certaines feuilles d'arbres très connus, tels 
que le peuplier et le tremble. 

Ces ailes sont formées de parties séparées destinée! 
à imiter les plumes des oiseaux; ce sont des bandes île 
taffetas montées sur des baguettes de rotang ou jonc 
une foule de cordages bien déliés les font mouvoir au 
moyen de pièces principales. 

Ces ailes sont fixées à une espèce de collier qui fait 



L'AVIATION S7 

partie de l'ensemble de la machine; ainsi, elles sont 
situées un peu au-dessus de ses épaules. Les traverses 
auxquelles aboutissent tous les cordages sont placées en 
avant et en arriére du mécanicien, à la hauteur des 
hanches ou environ : c'est sur ces traverses qu'il pose 
de chaque côté une de ses mains pour imprimer le 
mouvement aux ailes. Les pieds du mécanicien sont 
posés sur une traverse inférieure ; et comme tout cet 
appareil est suspendu au ballon, M. Degen est dans 
une situation verticale; situation que la nature semble 
prescrire à l'homme, tandis que les animaux qui ont 
des ailes, des membranes, ou des peaux pour s'élever 
dans les airs, se tiennent dans une situation horizontale. 
On dit que tout cet appareil mécanique, en apparence 
compliqué mais en effet fort simple, ne pèse par vingt 
livres. 

Le ballon qui sert à favoriser l'ascension a un dia- 
mètre à peu près égal à l'envergure des ailes. 

Nous rendrons compte demain du résultat de cette 
expérience. 

fl On va voir que la première expérience de Degen 
! n'eut qu'un bien piètre succès. 

Extrait du Journal de Paris du vejndredy 12 juin 1812. 

Nos lecteurs auront facilement corrigé deux mots 
dans l'article inséré hier dans le feuilleton sur M. De- 
gen, en substituant avant-hier à hier dans le second et 
le troisième paragraphe et commençant le quatrième 
par le mot hier; en effet, tout le monde sait que c'est 
mardi qu'on a affiché, ainsi que nous l'avons dit, la re- 
mise de l'expérience au lendemain. 

C'est à huit heures un quart, mercredi, que M. De- 
gen est parti de Tivoli. Hier, à quatre heures de l'après- 
midi, nous avons appris qu'il était arrivé sans accident 



88 LA .NAVIGATION AÉUIKN.NE 

après s'être accroché, eo rasant la terre, au mur «lu 

parc de Sceaux, côté du sud, près la roule de Versailles à 
Choisy, et était descendu à Chatenay, où il a été ac- 
cueilli par Mme l'iiiou et M. Grivois, propriétaires. 

On dit que pendant l'expérience de M. Degen, deux 
auteurs du théâtre des Variétés faisaient le plan d'une 
pièce intitulée Vol-aU-vent, destinée à ce théâtre. On ajoute 
que le Vaudeville compte aussi célébrer le départ de 
M. Degen. 

L'inventeur ne perdit pas confiance, et la presse 
continua à lui piêler son concours, pour lui per- 
mettre de reprendre sa revanche. 

Extrait du Journal de Paris du mardi 16 juin IXI'2. 

VARIÉTÉS 
Donnons-lui sa revanche 

Nos pères ont bien mal l'ait de mourir si vile. Pour- 
quoi se sont-ils ImiiI pressés? que de belles choses ils 
auraient \ îles, s'ils avaieul voulu se donner la peine 
d'attendre un instant! Pauvres gens! je les plains, ils 
marchaient : nous volons aujourd'hui. Cette découverte 
aurait dû être l'aile par un français; nous sommes si 
légers ! mais la gloire en était réservée aux Allemands. 
C'est grâce à M. Degen qu'il est reconnu que l'homme 
est un volatile. L'illustre inventeur, fort de sa conscience 
et de ses ailes de 22 pieds d'envergure, s'est élevé ma- 
jestueusement dans les airs, où je crois qu'il serait 
encore, s'il ne s'était souvenu qu'il avait, un petit compte 
à régler avec le caissier de Tivoli. Cependant, il faut 
hien en convenir, M. Degen n'a pas tenu ce qu'il nous 
avait promis; il devait, si j'ai bien lu son affiche, se 
diriger contre le vent; et de fort honnêtes gens prétc.n- 



L'AVIATION 89 

dent que c'est le vent qui a dirigé M. Degen; en vérité, 
ce vent du nord est trop honnête; il a cru, sans doute, 
rendre un service au mécanicien de Vienne en le secon- 
dant de son mieux : ce n'était point là ce qu'on lui 
demandait. De son côté, M. Degen, en homme qui sait 
vivre, n'a point voulu contrarier un hôte aussi obligeant, 
et il a consenti pour cette fois seulement à faire toutes 
ses volontés; mais il ne faut pas que le vent du nord s'y 
habitue, sinon M. Degen partira par un vent du midi, 
et au lieu d'aller de Tivoli à Chatenay, il pourrait bien 
venir de Chatenay à Tivoli, ce qui changerait sa direc- 
tion. 

Quoi qu'il en soit, et malgré toutes les plaisanteries 
qu'on a pu faire sur le vol à tire-d'ailes, il serait souve- 
rainement injuste de juger le mérite d'une invention 
d'après une seule expérience ; M. Degen a perdu la partie, 
donnons-lui sa revanche. Tant de gens marchent ici-bas 
en tâtonnant qu'il est bien permis de tâtonner dans les 
airs. Les premiers essais, d'ailleurs, sont toujours très 
faibles, et je tiens d'un savant très distingué que le pre- 
mier vaisseau qui fut lancé n'était point un vaisseau de 
74. L'important dans les découvertes est de faire un pas, 
le temps se charge du reste. 

L'eussiez-vous jamais deviné? certes, celui qui trouva 
la gravitation n'était pas un sot, au moins je le présume. 
Mais que doit-on penser du savant mécanicien dont le 
génie fait de l'homme un oiseau, et nous apprend à pla- 
ner dans les airs contre vent et marée? Depuis cette ad- 
mirable découverte, il ne faut plus regarder les pieds 
que d'un air de dédain, et comme une de ces super- 
iluités dont on sait bieu se passer au besoin, car lors- 
qu'on peut voler ce n'est que par complaisance que l'on 
consent à marcher. Mais voyez donc toutes ces personnes 
qui s'offrent à votre rencontre : ne leur trouvez-vous 
pas une démarche plus légère, plus vive et plus animée? 
ne diriez-vous pas qu'elles sont prêtes à s'envoler? elles 
effleurent à peine la terre qui n'est plus leur seul élé- 



90 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

ment; il y a dans leur allure, dans leurs mouve us, 

quelque chose d'aérien : n'en soyez pas surpris; 

a Même quand l'oiseau marche, on seul qu'il a des ailes. » 

Chacun va s'empresser de profiter de cette heureuse 
invention. 

Pour en venir à M. Degen, je crois très fermement 
qu'il fera à Paris tout CC qu'il a fait à Vienne, mais je 
l'invite à bien prendre ses mesures. Nous avons ici des 
gens bien prudens, bien avisés, qui regardent toujours' 
d'où le vent souille. 

Le deuxième essai de l'infortuné Degen ne fut pas 
plus heureux que le premier. 

Extrait du Journal de Paris 8 juillet 1812. 

La deiixièn spérience aérostatique de M. Degeu a 

eu lieu hier soir, par un 1res beau temps, devant une. 
grande affluence de curieux: elle n'a pas été moins con- 
trariée que la première; les personnes qui avaient élé 
chargées de remplir le ballon avaient mal préparé et 
employé le gaz, il en esl résulté que le ballon s'est 
chargé dans son intérieur de beaucoup d'eau, et qu'il 
n'a pu s'élever d'abord qu'il 15 pieds de terre. Ilienlnl 
il s'est dégagé d'une grande partie de son lest, et il 
s'est élevé majestueusement dans les airs. Au mouve- 
ment de ses ailes ou eût dit un oiseau colossal; sou 
ballon, dominé par le vent, a suivi la direction du nord- 
est; pendant quelques inslaus il a résisté au courant qui 
l'entraînait, et il a paru stationnaire, mais il a disparu, 
(les différentes circonstances peuvent faire croire qu'avec 
un ballon mieux préparé, il obtiendra plus de succès. 

Les extraits suivants, qui donnent le funeste dé- 
nouement de la troisième expérience de Degen, ter- 



L'AVIATION 91 

mineront l'histoire de ce malheureux homme vo- 
lant. 

Extrait du Journal de Paris du A octobre 1812. 

La troisième expérience de M. Degen aura lieu au 
champ de Mars demain 5 octobre, à 7> heures après-midi, 
si le teins le permet, sinon, le premier beau jour suivant. 
Prix des places : premières 10 francs, deuxièmes 5 francs, 
troisièmes 2 francs. On trouve tous les jours des billets 
chez M. Degen, Avenue du Champ de Mars, numéro 10; 
chez M. Cardinaux, horloger, boulevard Poissonnière, 
numéro 18; chez M. Auger, parfumeur, rue de laMicho- 
dière, numéro 12; et au café delà Rotonde (Palais-Royal). 
Les billets de 2 francs on les aura dans ces 4 endroits à 
1 fr. 50, pour la facilité du public et pour prévenir la 
foule à la caisse ; mais on les payera 2 francs dans les 
bureaux qui seront établis à l'entrée du champ de Mars. 

Extrait du Journal de Paris du 6 octobre 1812. 

M. Degen, qui a été accueilli en France avec indul- 
gence, a prouvé hier qu'il n'était qu'un misérable char- 
latan qui ne cherchait qu'à tromper le public ; ne pouvant 
remplir ses promesses, il a été exposé à l'indignation 
des spectateurs, et l'intervention de la police a été né- 
cessaire pour prévenir les désordres auxquels il avait 
donné lieu. La recette a été saisie et envoyée au bureau 
de bienfaisance, de sorte que M. Degen n'a volé en au- 
cune manière. 

On voit que ce dernier article était d'une sévérité 
extrême. Le malheureux Degen, lors de sa troi- 
sième expérience au champ de Mars, fut roué de 
coups par la foule, et il fut ensuite bafoué, cari- 
caturé et chansonné. L'acteur Brunet le représenta 



92 LA NAVIGATION AÉIUONE 

avec grand succès sous le nom de Vol-au-Vent, 
dans une pièce comique du théâtre des Variétés, 
intitulée : Le Pâtissier d'Âsnières. 

Il paraîtrait cependant, d'après Dupuis Delcourt, 
que Degen était un honnête homme, plein de sincé- 
rité et de bonne foi. Il aurait fait à Vienne quelques 
expériences d'étude, à l'aide de son système d'ailes 
artificielles équilibré par une corde soutenue par des 
contrepoids. 

Voici l'appréciation que nous trouvons sur Degen 
dans les notes inédites de Dupuis Delcourt : 

Eu examinant à distance les travaux de Jacob Degen, 
on en vient à lui rendre plus de justice. M. Degen, dans 
les ascensions publiques qu'il a faites à Paris, non plus 
que dans celles qu'il avait exécutées précédemment 
(1809,1810) à Vienne et à Luxembourg, n'avait point exé- 
cuté le vol à tire-d'ailes qu'il avait annoncé; son expé- 
rience n'était pas complète ; mais il y serait parvenu, je 
n'en doute pas, s'il avait été convenablement encouragé et 
soutenu. Sa machine, très ingénieuse, était imparfaite en- 
core sans doute; n'en est-il pas ainsi de tous les travaux 
humains? Rien ne vient à sa perfection du premier jet. 
Minerve, dit la Faille, sortit un jour tout armée du 
cerveau de Jupiter. Mais Jupiter était un dieu, et nous 
ne sommes que des hommes. 

M. Degen était un habile horloger, fort expert en mé- 
canique 1 . 

La force d'un homme est assurément impuis- 
sante à faire fonctionner des ailes capables de 

1, Collection Tissandier. Manuscrits. 



L'AVIATION 93 

l'enlever dans l'atmosphère. Nombre de physiciens 
ont essayé de recourir à la mécanique pour lui 
emprunter une force motrice suffisante. 

Lors de l'exposition aéronautique qui eut lieu à 
Londres en 1800, on a beaucoup parlé d'une grande 
machine volante à vapeur imaginée par M. Kauf- 




Fig. 17. — Machine volante du Kaufmann (1S60). 



mann. Celte machine que nous représentons ci- 
dessus (fîg. 17) était destinée à pouvoir se mouvoir 
sur terre au moyen de roues, sur l'eau en flottant 
comme un bateau, et dans l'air à l'aide de grandes 
ailes qu'un mécanisme puissant devait metlre en 
mouvement. Un modèle de petite dimension fut 



W LA NAVIGATION AERIENNE 

construit par M. Kaufmnn.n; l'appareil fonctionna 
sur terre et sur l'eau, mais il se trouva absolument 
incapable de s'élever dans l'air au moyen de ses 
ailes. 

Le poids de l'appareil de M. Kaufmann était de 
."175 kilogrammes sous un volume de 7 mètres 
cubes. Il devait avoir pour moteur une machine à 




I iu ls — Appareil volant d'Edison. 



vapeur de 50 chevaux. Il ne fut jamais construit 
en grand et n'aurait assurément pas fonctionné. 

Dans ces derniers temps, les journaux américains 
ont prétendu que leur célèbre inventeur Edison 
s'était préoccupé de construire une machine volante 
de grande dimension. Quelques-uns d'entre eux 
ont même donné l'aspect de la machine que le. 
physicien aurait imaginée. Nous reproduisons ce 
dessin à titre de curiosité (fig. 18), non sans ajouter 
qu'il s'agit probablement d'une fantaisie, due à 
quelque reporter à court de nouvelles. 

Ce qu'il a été jusqu'ici impossible de réaliser en 



L'AVIATION 95 

grand, quelques habiles constructeurs ont pu le 
faire en petit, sous forme d'appareils très légers et 
fonctionnant pendant un temps très court. 

En 1857, Le Bris construisit un petit oiseau 
artificiel dont nous donnons l'aspect (fig. 19), et 
qui, parait-il, permit de réaliser quelques essais 
intéressants. 

L'auteur produisait l'abaissement des ailes au 
moyen de leviers articulés, que des ressorts rele 




Fig. 19. — Oiseau artificiel de Le Bris (1857). 

vaienl avec une grande énergie ; mais le système en dé- 
finitive ne quittait pas le sol pour s'élever dans l'air. 
Nous avons \u que dès 1870, M. Marey a pu 
faire faire un premier pas très remarquable au 
problème du vol artificiel en faisant fonctionner 
des insectes artificiels attelés à un petit manège; 
il restait encore, après ces essais, à gagner les 
deux tiers restants du poids en perfectionnant 
l'action de l'aile, et à faire emporter aux appareils 
leur moteur au lieu de les mettre en mouvement 



96 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

par une force extérieure. C'est ce que réalisi Al- 
phonse Penaud vers la fin de l'année 1871, en em- 
ployant le caoutchouc tordu, comme moteur de 
petits oiseaux artificiels. Nous reproduisons ici une 
partie d'un remarquable mémoire de M. Penaud, 
travail considérable qui a été couronné par l'Aca- 
démie des sciences : 



Au milieu des théories diverses de l'aile que donnaient 
Borelli, Huber, Dubochet, Strauss-Durckeira, Liais, Pet- 
tigrew, Marey, d'Esterno, de Lucy, Artingslall, etc., et 
des mouvements si compliqués qu'ils assignaient à cet 
organe el à chacune de ses plumes, mouvements dont 
La plupart étaient inimitables pour un appareil méca- 
nique, nous nous décidâmes à chercher nous-même par 
le raisonnement seul, appuyé sur les lois de la résis- 
tance de l'air et quelques faits d'observation la plus 
simple, quels étaient les mouvements rigoureusement 
nécessaires de l'aile. Nous trouvâmes 1° une oscilla- 
lion double, abaissement et relèvement, transversale à 
la trajectoire suivie pur le volateur; 2° le changement 
de plan de la rame pendant ce double mouvement; la 
Face inférieure de l'aile regardant en bas et en arrière 
pendant l'abaissement, de façon à soutenir età populser; 
cette même l'ace regardant en bas et en avant pendant 
le relèvement, de façon que l'aile puisse se relever sans 
éprouver de résistance sensible et en coupant l'air par 
sa tranche, taudis que l'oiseau se meut dans les airs. Ces 
mouvements étaient d'ailleurs admis par un grand nom- 
bre d'observateurs, et fort nettement exposés, en parti- 
culier, par Strauss-Durckeim et MM. Liais et Marey. 

Mais, en considérant la difficulté de la construction 
de notre oiseau mécanique, nous dûmes, malgré notre 
désir de faire un appareil simple et facile à comprendre, 
cherchera perfectionner ce jeu un peu sommaire. 11 est 



L'AVIATION 97 

évident d'abord que les différentes parties de l'aile, 
depuis sa racine jusqu'à sou extrémité, soûl loin d'agir 
sur l'air dans les mêmes conditions. La partie interne 
de l'aile, dénuée de vitesse propre, ne saurait produire 
aucun effet populsif à aucune période du battement, 
mais elle est loiu d'être inutile, et l'on comprend que 
pendant la rapide translation de l'oiseau dans l'espace 
elle peut, en présentant sa face inférieure en bas el un 
peu en avant, faire cerf-volant pendant le relèvement 
comme pendant rabaissement, et soutenir ainsi d'une 
façon continue une partie du poids de l'oiseau. La partie 
moyenne de l'aile a un jeu intermédiaire entre celui 
de la partie interne de l'aile et celui de la partie externe 
ou rame. De la sorte, l'aile, pendant son action, est tor- 
due sur elle-même d'une façon continue depuis sa ra- 
cine jusqu'à son extrémité. Le plan de l'aile à sa racine 
varie peu pendant la durée des battements; le plan de 
l'aile médiane se déplace sensiblement, de part et d'antre 
de sa position moyenne; enlin la rame, et surtout sa 
portion extrême, éprouvent des changements de plans 
notables. Ces gauchissements de l'aile se modifient à 
chaque instant du relèvement et de l'abaissement, dans 
le sens que nous avons indiqué; aux extrémités de ses 
oscillations l'aile est à peu près plane. Le jeu de l'aile se 
trouve ainsi intermédiaire entre celui d'un plan incliné 
et celui d'uue branche d'hélice à pas très long et inces- 
samment variable. 

Malgré les différences de leurs théories entre elles 
et avec celle-ci, divers auteurs nous donnaient, tantôt 
l'un, tantôt l'autre, des confirmations de la plupart de 
ces idées. Ainsi la torsion de l'aile avait été déjà très 
bien signalée par Dubochet et M. Pettigrew, qui a lon- 
guement insisté à son égard; il a seulement pris, selon 
nous, le galbe du relèvement pour celui de l'abaisse- 
ment, et vice versa. Ces auteurs ont bien vu comment 
les articulations osseuses, les ligaments de l'aile, l'im- 
brication et l'élasticité des pennes concouraient à cet 

7 



9S LA NAVIGATION AÉRIENNE 

effet. M. d'Ksterno avail expliqué I effet continu de cerf- 
volant de la partie interne de l'aile pendant son abais- 
sement, et son relèvement, et M. Marey avait donné à 
cette partie de l'aile l'épithète heureuse de ci passive » , 
tout en accordant un rôle prépondérant, dans le vol, à 
un changement de plan général de l'aile, dû à la rota- 
tion de l'humérus sur lui-même 

Selon nous, il y a une distinction complète à établir 
entre le vol sur place et le vol avançant ordinaire, et 
l'amplitude des changements de plans de la rame est 
essentiellement fonction de la vitesse de translation du 
volateur. A l'extrémité de l'aile, où se produisent les 
changements de plans les plus considérables, ils attei- 
gnent 90 degrés et plus dans le vol sur place, mais ils 
sont bien moindres dans le vol avançant. D'après nos 
calculs, les portions extrêmes de la surface de la rame 
du corbeau ne sont, en plein vol, inclinées vers l'avant 
pendant l'abaissement que de 7 à 11 degrés au-dessous 
de l'horizon, et de 15 à 20 degrés au-dessus pendant le 
relèvement. Le plan de l'aile à sa racine fait d'ailleurs, 
pendant ce temps, cerf-volant sous un angle de 2 à h 
degrés seulement. 

Il est facile de vérifier la petitesse des inclinaisons de 
l'aile et, par suite, de ses angles d'attaque sur l'air, en 
regardant voler un oiseau qui se meut sur un rayon vi- 
suel horizontal. On ne voit, en effet, alors, à peu près 
que la tranche de ses ailes. 11 est, en somme, inexact 
de dire que l'aile change de plan; à peine pourrait-on 
dire qu'elle change de plans. La vérité est qu'elle passe 
d'une façon continue par une série de gauchissements 
gradués et d'ui e intensité généralement assez faible. 
C'est du reste ainsi que l'avait compris un auteur anglais, 
dont nous avons retrouvé les travaux depuis la construc- 
tion de notre oiseau, et dont la connaissance nous eût 
évité plusieurs recherches. La théorie de sir G. Cayley, 
publiée en 1810, ne diffère de la notre que par un petit 
nombre de points: il pensait que la rame remontante a 



L'AVIATION 

toujours Une action populsive, et il attribuait aux parties 
populsives et cerf-volant de l'aile fies proportions rela- 
tives inverses de celles que nous avons été conduit par 
le calcul à leur attribuer. 

C'est avec ces idées, qui ont été jugées favorablement 
par l'Académie au dernier concours de mathématiques, 
que nous entreprimes, en septembre 1871, L'application 
du caoutchouc tordu au problème de l'oiseau mécanique. 
Les ailes de notre oiseau battent dans un même plan 
par l'intermédiaire de bielles et d'une manivelle. Après 




Fiff. 20. — Oiseau arliliciol d'Alphonse Penaud (1871). 

quelques essais grossiers, nous reconnûmes la néces- 
sité d'avoir, pour cotte transformation de mouvement, 
un mécanisme très solide relativement à son poids, et 
je m'adressai à un habile mécanicien, M. Jobert, pour 
la construction d'un mécanisme d'acier, que mon frère, 
M. E. Penaud, avait imaginé. 



Nous représentons ci-dessus (flg. 20) l'appareil 
qu'Alphonse Penaud est arrivé à construire. Le 
caoutchouc moteur est placé au-dessus de la tige 



100 l.A NAVIGATION AERIENNE 

rigide qui serl de colonne vertébrale à l'appareil. Le 
mécanisme fies battements des ailes est disposé au- 
dessus d'un volant régulateur. A la partie posté- 
rieure est une queue régulatrice formée par une 
longue plume de paon, que l'on peut incliner vers 
le haut, le bas ou par le côté, et que l'on peut aussi 
charger de cire, de façon à amener le centre de 
gravité de tout l'appareil au point convenable. 

Les gauchissements des ailes sont obtenus par la 
mobilité du voile de l'aile et de petits doigts qui le 
supportent autour d'une grande nervure. Un petit 
tenseur en caoutchouc part de l'angle intéro-posté- 
rieur de la surface de l'aile, et vient s'attacher 
d'autre part vers le milieu de la tige centrale de 
l'appareil. 

Cet appareil fut présenté le 20 juin 1872 à la 
Société de navigation aérienne. Quand le caoutchouc 
était bien tendu, on abandonnait le système à lui- 
même, les ailes battaient, et l'oiseau artificiel 
franchissait la salle des séances, de 7 mètres île 
longueur, en s'élevant d'une façon continue par un 
vol accéléré, suivant une rampe de 15 à 20 degrés. 
En espace libre, l'oiseau artificiel d'Alphonse Penaud 
parcourait 12 à 15 mètres et parvenait à 2 mètres 
environ au point le plus haut de sa course. 

MAI. le docteur llureau de Villeneuve, Jobert, 
Gauchot.Crocé-Spinelli, et d'autres expérimentateurs 
exécutèrent des petits appareils du même genre. 
Un peu plus tard la question fut reprise avec une 
grande ardeur par M. Victor Tatin, qui ne construisit 
pas seulement de petits oiseaux à ressorts de caout- 



I/AVUTION 



1(11 



choup, mais qui entreprit de faire fonctionner un 
oiseau artificiel de plus grande dimension, actionné 
par un moteur à air comprimé. 

En 1874, cet habile et ingénieux mécanicien com- 
mença ses études expérimentales sur le vol artificiel 
dans le laboratoire de M. Marey, et il parvint, en 
1876, à réussir dans des conditions particulièrement 
intéressantes, ses premiers essais réalisés en petit. 
Les efforts de M. Tatin ont sans cesse tendu à la 
reproduction du vol de l'oiseau sur des schémas 
plus ou moins compli- 
qués; il a recherché, 
sur de petits appareils 
mis en mouvement par 
un ressort de caout- 
chouc, quellesétaient les 
meilleures formes d'ai- 
les, afin de les adapter 
à un grand appareil 
fonctionnant par l'air 
comprimé. Après plu- 
sieurs essais, il s'est arrêté à l'emploi d'ailes lon- 
gues et étroites. Wenham avait montré qu'une aile 
peut avoir une aussi bonne fonction quand elle 
est étroite que lorsqu'elle est large, et M. Marey 
avait signalé ce fait, que « les oiseaux dont l'ampli- 
tude des battements est faible, ont toujours l'aile 
très longue ». Avec ces ailes étroites et longues 
(fig. 21), M. Tatin a rendu aussi court que possible 
le temps pendant lequel le voile prend la position 
convenable pour agir sur l'air pendant l'abaissée. 




Fig;. 21. — Oiseau mécanique 
do M. Victor Tatin (1S7G). 



102 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

Étant donné ce fait depuis longtemps établi, qu'un 
oiseau vole plus facilement s'il peut appuyer son 
aile sur une grandi' niasse d'air en peu de temps, 
on comprend que la vitesse de translation maxinia 
sera l'allure la plus avantageuse au point de vue 
de la réduction de la dépense de force. L'auteur ne 
pouvant empêcher que ses oiseaux mécaniques dé- 
pensent précisément des forces considérables pour 
obtenir la vitesse utile, a remédié à cet inconvénient 
en portant en avant le centre de gravité. Dès lors 
l'oiseau en plein vol conserve le même équilibre 
que l'oiseau qui plane, et sa vitesse est en quelque 
sorte passive, de nouvelles couches d'air inertes 
venant se placer comme d'elles-mêmes sous ses 
ailes : toute la dépense de force peut alors être uti- 
lisée pour la suspension. C'est ainsi que M. Tatin a 
pu augmenter le poids de ses appareils sans en aug- 
menter la force motrice, et obtenir un parcours 
double. 

Le mouvement que fait l'aile autour d'un axe lon- 
gitudinal, et qui lui permet de présenter toujours 
la face inférieure en avant pendant la relevée, a élé 
obtenu par un organe de l'appareil schématique. 

Cet appareil, vu latéralement et par derrière, se 
compose d'un bâti en bois léger, à l'avant duquel 
sont implantés deux petits supports traversés par 
un arbre coudé et contre-coudé, de façon à former 
deux manivelles en vilebrequin, à 90 degrés l'une 
de l'autre. Cet arbre reçoit un mouvement circu- 
laire d'un ressort de caoutchouc (fig. 22). La mani- 
velle placée sur le plan le plus avancé produit l'élé- 



L'AVIATION III". 

vation et l'abaissée des ailes, qui sont mobiles 
autour d'un axe commun. Ce même axe est forte- 
ment incliné en bas et en arrière par la seconde 
manivelle, lorsque la première passe au point mort 
et que les ailes sont au bas de leur course. 

Mais l'aile ne doit pas seulement changer de place 
dans son ensemble; chaque point de l'aile doit avoir, 
surtout pendant la relevée, une inclinaison d'autant 
plus marquée qu'il est plus voisin de l'extrémité; 
la partie voisine du corps doit seule conserver sen- 
siblement la même obliquité. M. Tatin a pensé que 
c'était par le carpe 
qu'il fallait comman- 
der le mouvement 
de torsion venant, 
s'éteindre graduelle- 
ment près du corps, 
et pour obtenir avec 
toutes ses transi- 
tions, il avait substi- 
tué aux ailes de soie qui se plissent, des ailes 
entièrement construites en plumes très fortes, dis- 
posées de telle façon qu'elles arrivassent à glisser 
un peu l'une sur l'autre pendant les mouvements 
de torsion : la fonction de cette nouvelle voilure 
était parfaite; mais, adaptée au grand oiseau, ces 
ailes ne donnèrent que des résultats médiocres. 
L'auteur a donc dû revenir aux ailes de soie, qu'il 
semble avoir définitivement adoptées. 

Grâce à certaines modifications qu'il a fait subir 
à son grand appareil (léger changement de forme 




Fi;;. 22. — Appareil de M. Victor Talin 
pour l'étude du mouvement des ailes. 



104 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

des ailes, variation de l'amplitude dos battements, 
renouvellement do quelques organes do la machine), 
M. Tatin a pu réaliser un grand progrès : l'oiseau 
;i air comprimé, qui, allolé à un manège, ne soule- 
vait d'abord que les trois quarts de son poids, est 
arrivé à soulever son poids entier. Malheureuse- 
ment ce résultat n'a pu être dépassé'. 

Nous donnerons en terminant quelques-unes des 
conclusions présentées par M. Tatin dans son mé- 
moire : 

Pour que l'oiseau puisse se soulever par ses coups 
d'aile, il faut théoriquement, d'après M. Marey, que le 
moment de la force motrice soit un peu supérieur à 
relui de la résistance de l'air, ce dernier ayant pour 
valeur, sous chaque aile, la moitié du poids de l'oiseau 
multipliée par la dislance qui sépare le centre dépres- 
sion de l'air sur l'aile du centre de l'articulation sca- 
pulo-humérale. Mes expériences montrent que, pour 
les appareils mécaniques, il faut un plus grand excès 
de la force motrice sur la résistance de l'air. Peut-être 
cel écart entre la force théorique et la force pratique- 
ment nécessaire existe-t-il ('gaiement chez l'oiseau, dont 
on n'a pu encore mesurer la dépense de travail pendant 
le vol. 

J'ai essayé de donner la mesure expérimentale du 
travail dépensé par uue machine qui vole. J'insiste 
pour rappeler que de pareilles mesures ne représentent 
pas le minimum de force nécessaire, mais la dépense 
actuellement faite par nos appareils 2 . 



1. Voy. notice de M. le docteur François Franck, publiée dans la 
Nature. 1877, premier semestre, p. 148. 

'2. Combles rendus des travaux du laboratoire du professeur 
Marey, 1 vol. in 8". G. Masson. 1870. 



L'AVIATION 105 

On ne saurait croire combien d'efforts ont été 
tentés, souvent de la part des hommes les plus dis- 
tingués, pour réaliser une machine volante. En 
1845, un mécanicien nommé Duchesnay, avait ex- 
posé dans l'intérieur de la grande salle de l'ancien, 
cloitre de Saint-Jean de Latran, à Paris, un grand 
oiseau mécanique dont les ailes recouvertes de 
plumes avaient plus de dix mètres d'envergure. 
Dupuis Delcourt a vu cette machine, mais il ne l'a 
pas vue fonctionner. 

Marc Seguin, vers 1849, étudia l'aviation avec 




Fi;;. 23. — Oiseau mOcaniquc de Drearey (1879). 

beaucoup de persévérance. Il parvint à se soulever 
du sol au moyen d'ailes battantes qui se trouvaient 
fixées sur un châssis 1 . Mais ce résultat n'offre pas 
une grande importance s'il n'est obtenu que pen- 
dant un temps très court; l'homme en sautant, 
quitte également le sol par le seul effort de ses 
jarrets. 

Depuis les expériences plus heureuses des Penaud 
et des Tatin, on essaya souvent encore de cons- 
truire des appareils de vol mécanique à battements 

1. Mémoire sur l'aviation, par M. Seguin aîne. 1 broch. in-S. 
Extrait du Cosmos, Paris. A. Tremblay, 1860. 



106 LA NAVIGATION AERIENNE 

d'aile. En 1879, M. Brearey, en Angleterre, étudia 
un système de ce genre, que nous représentons 

(iîg. 25). Il s'agissait d'un oiseau à ailes flexibles 
mues par la vapeur. L'appareil dmait être monté 
sur roues, et le centre de gravité était variable 
pour l'ascension ou la descente. (le projet ne fut 
pas réalisé. M, le docteur Sureau de Villeneuve cl 
M. Clément Ader, l'ingénieux inventeur électricien, 
ont également tenté de construire de grands oiseaux 
artificiels. Ces deux aviateurs ont fait cbaeun iso- 
lément les plus louables efforts pour arriver aux 
résultats qu'ils croyaient pouvoir atteindre. 

Ces tentatives ont échoué; on n'a jamais obtenu 
jusqu'ici aucun résultat dans le vol artificiel, dès 
que l'on a abandonné les minuscules appareils à 
ressort de caoutchouc. 



III 



LES HELICOPTERES 



Premier hélicoptère tin Launoy et do Bienvenu on 1784. — Appa- 
reil de Sir George Cayley en 1796. — Le spiralifère et le stro- 
phéor. — Nadar et lo manifeste rie l'aviation. — MM. do Ponton 
d'Amécourt ol do La Landelle. — Babinet. — Hélicoptères 
Penaud, Dandrieux. — Tentative do M. Forlanini. 



L'école du vol aérien peut être divisée en deux 
systèmes différents. On peut essayer de s'élever de 
l'air par le battement d'ailes artificielles; c'est ce 
mode d'action que nous venons d'étudier; on peut 
encore tenter de s'insinuer en avant, à l'aide d'un 
plan incline agissant sur l'air et poussé par un 
moteur. Le plan incliné peut avancer horizontale- 
ment; il constitue alors l'aéroplane que nous exa- 
minerons dans la suite; il peut encore tourner en 
l'orme d'hélice, il constitue dans ce cas l'hélicoptère 
qui fait l'objet de ce chapitre. 

Nous avons vu, dans la première partie de cet 
ouvrage, que ^Léonard de Vinci et Paneton, à des 
époques différentes, avaient eu l'idée des hélico- 
ptères. 

La plus ancienne des petites machines de ce genre 



108 LA NAVIGATION AERIENNE 

qui ni l fonctionné, est colle de MM. Launoy el 



a 



l'A 



ciuoniio (1rs 



et on l'a vue fonctionner long- 



Bienvenu; elle a été présentée 

sciences en 178i, 
temps au Palais-Royal. Les ailes de l'hélice avaient, 
d'après Dupuis Delcourt, 0"'.Ô0 d'envergure. La 
rapidité du mouvement déterminait l'ascension 
du système. L'exécution de celle petite machine 
(fig. 24), dont le moteur consistait en un loi I 
ressort, était due à ses deux auteurs. Launoy, natu- 
raliste, avait fourni les idées rela- 
tives au vol des oiseaux. Bienvenu, 
mécanicien, avait agencé el confec- 
tionné la machine. 

Nous reproduisons ici une cu- 
rieuse lettre que les inventeurs ont 
publiée dans le Journal de Paris à 
la date du 19 avril 1784. Cette 
lettre est accompagnée d'une noie 
du rédacteur, qui a vu fonctionner 

P "'ttade~uX e « le pCtit a PP al ' eiL 
bienvenu (1784). 

Nous ignorons quels sont les moyens 
dont M. Blanchard prétendait se servir pour s'élever en 
l'air sans le secours d'un aérostat, ni ceux qu'il a adoptés 
pour sa direction; nous présumons qu'ila reconnu l'insuf- 
fisance des premiers, puisqu'il y a renoncé; à l'égard du 
second, l'expérience n'ayant pu avoir lieu, on ne peut 
savoir ce qu'il en aurait obtenu. Voulez-vous bien nous 
permettre de prévenir le public, par la voie de votre 
journal, que nous croyons être parvenus à pouvoir élever 
en l'air et diriger dans l'atmosphère une machine par 
les seuls moyens mécaniques sans le secours de la phy- 
sique. 




L'AVIATION 109 

Notre machine en petit nous a parfaitement réussi. 
Cette tentative heureuse nous a déterminés à en exécuter 
uue un peu plus grande qui puisse mettre le public à 
portée déjuger de la réalité de nos moyens. Nous nous 
proposons d'après elle de faire l'expérience en grand et 
de monter nous-mêmes dans le vaisseau. Nous n'avons 
dans ce moment d'autre but que de prendre date, et 
nous attendons de votre goût pour les arts que vous ne 
nous refuserez pas celte faveur. 
Nous avons l'honneur d'être, etc. 
Bienvenu, machiniste-physicien, 
Rue de Rolian, 18. " 

Launoy, naturaliste, 
Rue Plàtrière, au bureau des eaux minérales. 

Note des rédacteurs. — Avant de nous engager à in- 
sérer la lettre de MM. Bienvenu et Launoy, nous avons 
cru devoir nous assurer de l'essai en petit; nous ne 
pouvons dissimuler que nous avons été singulièrement 
frappés de la simplicité du moyen qu'ils ont adopté, 
et nous attestons que cet essai, dans son état d'imperfec- 
tion, s'est échappé plusieurs fois de nos mains et a été 
frapper le plafond. Nous ignorons ce que deviendra ce 
moyen appliqué eu grand. Les auteurs paraissent n'avoir 
aucun doute sur le succès. Avant de prévenir le pu- 
blic sur la machine qu'ils travaillent dans ce moment, 
nous en prendrons nous-mêmes connaissance, et ce 
ne sera qu'après des expériences répétées que nous eu 
ferons mention. 



L'appareil de Launoy et Bienvenu fonctionna 
dans la salle des séances de l'Académie des sciences, 
le 28 avril 1784; il fut l'objet d'un rapport d'une 
commission. Ce rapport existe aux Archives de 
l'Institut, écrit de la main de Legendre. Il est daté 
du 1 LT mai 1784 et signé par les quatre commis- 



110 U NAVIGATION AERIENNE 

saires, Jcaurat, Cousin, général Meusnier et Le- 
gendre. Nous le reproduisons textuellement. 

Nous, Commissaires nommés par l'Académie, avons 
examiné une machine destinée à s'élever clans l'air do 
à s'y mouvoir suivant une direction quelconque, par un 
procédé mécanique et sans aucune impulsion initiale. 

Celte machine, imaginée par MM. Launoy et Bienvenu, 
est une espèce d'arc que l'on bande en faisant faire à 
sa corde quelques révolutions autour de la (lèche qui 
est en même temps l'axe de la machine. La partie supé- 
rieure de cet axe porte deux ailes inclinées en sens 
contraire, et qui se meuvent rapidement, lorsqu'après 
avoir bandé l'arc, on le retient vers son milieu. La 
partie inférieure de la machine est garnie de deux 
ailes semblables qui se meuvent en même temps que 
l'axe et qui tournent en sens contraire des ailes supé- 
rieures. 

L'effet de celte machine est 1res simple. Lorsqu'après 
avoir bandé le ressort et nus l'axe dans la situation où 
l'on veut qu'il se meuve, dans la situation verticale, 
par exemple, on a abandonné la machine à elle-même, 
l'action du ressort fait tourner rapidement les deux 
ailes supérieures dans un sens, et les deux ailes infé- 
rieures en sens contraire; ces ailes étant disposées de 
manière que les percussions horizontales de l'air se 
détruisent et que les percussions verticales conspirent 
à élever la machine. Elle s'élève en effet et retombe 
ensuite par son propre poids. 

Tel a été le succès du petit modèle du poids de 
trois onces, que MM. Launoy et Bienvenu ont soumis 
au jugement de l'Académie. Nous ne doutons pas qu'en 
mettant plus de précision dans l'exécution de celle 
machine, on ne parvienne facilement à en construire 
de plus grandes, et à les élever plus haut et plus 
longtemps; mais les limites en ce genre ne peuvent 



L'AVIATION 



III 



être que liés étroites. Quoi qu'il en suit, ce moyen 
mécanique par lequel un corps semble s'élever de 
soi-même nous a paru simple et ingénieux. 

Les Anglais ont revendiqué en faveur d'un de 
leurs compatriotes, sir George Cayley, l'invention 
de l'hélicoptère. D'après M. J.-B. Pettigrew, George 
Cayley aurait donné en 1796 une démonstration 
pratique de l'efficacité de 
l'hélice appliquée à l'air. 

Son appareil était pres- 
que identique à celui des 
deux constructeurs fran- 
çais que nous venons de 
citer. Nous figurons ce 
système d'après le dessin 
qui en a été publié dans 
le journal de Nicholson 
pour 1809 (fig. 25). Sir 
George Cayley a donné le 
mode de construction de 
cet hélicoptère, nous reproduisons ce passage cu- 
rieux de son travail. 




Fig. 23. — Hélicoptère de sir 
Georges Cayley (1705). 



Comme ce peut être un amusement pour quelques- 
uns de nos lecteurs de voir une machine s'élever en 
l'air par des moyens mécaniques, je vais terminer cette 
communication en décrivant un instrument de celle 
espèce que chacun peut construire en dix minutes 
de travail : a et b sont deux bouchons dans chacun des- 
quels on a planté quatre plumes d'ailes d'un oiseau, de 
manière qu'elles soient légèrement inclinées comme 
les ailes d'un moulin à vent, mais dans des directions 



11 -1 LA NAVIGATION AERIENNE 

opposées pour chaque groupe. Un arbre arrondi est fixé 
dans le bouchon a et se termine en pointe effilée. ,V la 
partie supérieure du bouchon b, l'on fixe un arc de 
baleine avec un petit trou au centre pour laisser passer 
la pointe de l'arbre. Ou joint alors l'arc par des cordes 
égales de chaque côté, à la partie supérieure de l'arbre, 
el la petite machine est complète. On monte le ressort 
en tournant les volants en sens contraire de manière 
que le ressort de l'arc les déroule, leurs bords anté- 
rieurs étant ascendants; on place alors sur une table le 
bouchon auquel est attaché l'arc, et avec le doigt, on 
presse suffisamment fort sur le bouebou supérieur pour 
empêcher le ressort de se détendre; si ou l'abandonne 
subitement, cet instrument s'élèvera jusqu'au pla- 
fond. 



En 1842, d'après M. Pettigrew, M. Philipps éleva 
un modèle beaucoup plus volumineux au moyen de 
palettes tournantes. L'appareil de M. Philipps était 
l'ait entièrement de métal et pesait complet et chargé 
2 livres. Il consistait en un bouilleur ou générateur 
de vapeur et quatre palettes soutenues par buil 
bras. Les palettes étaient inclinées sur l'horizon 
de 20 degrés; à travers les bras s'échappait de la 
vapeur d'après le principe découvert par Héron 
d'Alexandrie. La sortie de la vapeur faisait tourner 
les palettes avec une énergie considérable. Il pa- 
rait, si l'on en croit certains récits du temps, que 
le modèle s'éleva à une très grande hauteur, el 
traversa deux champs avant de toucher terre. La 
force motrice employée était obtenue par la com- 
bustion d'un charbon mêlé de salpêtre. Les pro- 
duits de la combustion se mêlant à l'eau de la 



L'AVIATION Hô 

chaudière sortaient à haute pression de l'extrémité 
des huit bras 1 . 

Les expériences relatées précédemment des hé- 
licoptères de Launoy- Bienvenu et de Cayley ont 
été continuées par les marchands de jouets. On sait 
que depuis de longues années, surtout vers 1855, on 
trouve dans les bazars, sous le nom de spiralifères, 
des petites hélices s'élevant dans l'air sous Faction 
de la rotation obtenue par une tige de bois qui 
tourne quand on déroule violemment une corde- 
lette qu'on y a enroulée au préalable. Au spirali- 
fère on vit se joindre le strophéor, qui avait été 
exécuté déjà précédemment. Le strophéor ne diffère 
de l'hélicoptère que parce qu'il est en métal et 
monte beaucoup plus haut, avec une rapidité beau- 
coup plus considérable. Ci s constructions n'avaient 
pas dépassé le domaine du fabricant de joujoux, 
quand, à la fin de 1865, Nadar lança son fameux 
Manifeste de V automotion aérienne, qui fut accueilli 
par la presse dans tous les pays du monde, et souleva 
un mouvement presque universel en faveur du Plus 
lourd que l'air. Yoici quelques-uns des principaux 
passages de ce manifeste, qui a fait époque dans 
l'histoire de la navigation aérienne : 



*0" 



Ce qui a lue, depuis quatre-vingts ans tout à l'heure 
qu'on la cherche, la direction des ballons, c'est les 
ballons. 

1. Rapport sur la première Exposition de la Société aéronautique 
de la Grande-Bretagne, tenue au Palais de Cristal à Londres en 
juin 1808, yi. 10. — J. Dell Petiigrew. La locomotion chez les mn- 
itiaux. 1 vol. in-S". Germer Bailliùre, 187}. 

8 



114 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

Eu d'autres termes, vouloir lutter contre l'air en étant 
plus léger que l'air, c'est folie. 

A la plume — levior vento, si le physicien laisse 
parler le poète, — à la plume vous aurez beau ajuster 
et adapter tous les systèmes possibles, si ingénieux 
qu'ils soient, d'agrès, palettes, ailes, rémiges, roues, 
gouvernails, voiles et contre-voiles, — vous ne ferez 
jamais que le vent n'emporte pas du coup ensemble, au 
moment de sa fantaisie, plume et agrès. 

Le ballon, qui offre à la prise de l'air un volume de 
601) à 1200 mètres cubes d'un gaz de dix à quinze fois 
plus léger que l'air, le 'ballon est à jamais frappé d'in- 
capacité native de lutte contre le moindre courant, 
quelle que soit l'annexe en force motrice de résistance 
que vous lui dispensiez. 

De par sa constitution et de par le milieu qui le 
porte et le pousse à son gré, il lui est à jamais 
interdit d'être vaisseau : il est né bouée et restera 
bouée. , 

La plus simple démonstration arithmétique suffit 
pour établir irréfragablement, non seulement l'ina- 
nité de l'aérostat contre la pression du veut, mois 
dès lois au point de vue de la navigation aérienne, 
sa oocuité. 

Liant donnés le poids qu'enlève chaque mètre cube 
de gaz et la quotité de mètres cubés par votre ballon 
d'une part et, d'autre part, la force de pression du vent 
dans ses moindres vitesses, établissez la différence — i'l 
concluez. 

11 faut reconnaître enfin que, quelle que soit la forme 
que vous donniez à votre aérostat, sphérique, conique, 
cylindrique ou plane, que vous en fassiez une boule ou 
un poisson, de quelque façon que vous distribuiez sa 
force ascensionnelle en une, deux ou quatre sphères, de 
quelque attirail, je le répète, que vous l'attifiez, vous 
ne pourrez jamais faire que I, je suppose, égale 20, 
— et que les ballons soient vis-à-vis de la navigation 



L'AVIATION 115 

« 

aérienne nuire chose que les bourrelets de l'enfance 1 , 
Pour lutter co.ntre l'air, il faut être spécifiquement 

PLUS LOURD QUE l'aIR. 

De niènie que spécifiquement l'oiseau est plus lourd 
que l'air dans lequel il se meut, ainsi l'homme doit exi- 
ger de l'air son point d'appui. 

Pour commandera l'air, au lieu de lui servir de jouet, 
il faut s'appuyer sur l'air, et non plus servir d'appui à 
l'air. 

En locomotion aérienne comme ailleurs, ou ne s'ap- 
puie que sur ce qui résiste. 

L'air nous fournit amplement cette résistance, l'air 
qui renverse les murailles, déracine les arbres cente- 
naires, et l'ait remonter par le navire les plus impétueux 
courants. 

De par le bon sens des choses, — car les choses ont 
leur bon sens, — de par la législation physique, non 
moins positive que la légalité morale, toute la puissance 
de l'air, irrésistible hier quand nous ne pouvions que 
fuirdevant lui, toute cette puissance s'anéantit devant la 
double loi de la dynamique et de la pondération des 
corps, et, de par cette loi, c'est clans notre main qu'elle 
va passer. . 

C'est au tour de l'air de céder devant l'homme; c'est 
à l'homme d'étreindre et de soumettre cette rébellion 
insolente et anormale qui se rit depuis tant d'années de 
tant de vains efforts. Nous allons à son tour le faire ser- 
vir en esclave, comme l'eau à qui nous imposons le 
navire, connue la terre que nous pressons de la roue. 

Nous n'annonçons point une loi nouvelle cette loi 
était édictée dés 1708, c'est-à-dire quinze ans avant 
l'ascension de la première Montgolfière, quand l'ingé- 
nieur Paneton prédisait à l'hélice son rôle futur dans a 
navigation aérienne. 

1. On verra dans la dernière partie de cet ouvrage qno des ex- 
périences récentes mil dé ntré l'Inanité de ces raisonnements. 



110 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

11 no s'agit que do l'application raisonnùc des phéno- 
mènes connus. 

Et quoique effrayante que soit, on Franco surtout, l'ap- 
parence seule d'uue novalion, il faut bien en prendre son 
parti si, de même que los majorités du lendemain ne 
sont jamais que les minorités de la veille, le paradoxe 
d'hier est la vérité de demain. 

L'automotion aérienne, d'ailleurs, ne sera pas abso- 
lument une nouveauté pour tout le monde.... 

J'arrive à MM. de Ponton d'Ainécourl, inventeur de 
Y Aéronef, et de la Landelle, dont les efforts considé- 
rables, depuis trois années, se sont portés sur la dé- 
monstration pratique du système, à l'obligeance des- 
quels nous devons la communication d'uue série de 
modèles d'hélicoptères s'enlevant automatiquement en 
l'air avec des surcharges graduées. 

Si des obstacles que j'ignore, des difficultés person- 
nelles ont empêché jusqu'ici l'idée de prendre place dans 
la pratique, le moment est venu pour l'éclosion. 

La première nécessité pour l'automotion aérienne est 
donc do se débarrasser d'abord absolument de toulc 
espèce d'aérostat. 

Ce que l'aérostation lui refuse, c'est à la dynamique 
et à la statique qu'elle doit le demander. 

C'est l'hélice — la Sainte Hélice ! comme me disaitun 
jour un mathématicien illustre — qui va nous emporter 
dans l'air; c'est l'hélice, qui entre dans l'air comme la 
vrille outre dans le bois, emportant avec elles, l'une son 
moteur, l'autre son manche. 

Vous connaissez ce joujou qui a nom spiralifère? 

— Quatrepetites palettes, ou, pour dire mieux, spires 
en papier bordé de fil de fer, prennent leur point d'at- 
tache sur un pivot de bois léger. 

Ce pivot est porté par une tige creuse à mouvement 
rotatoire sur un axe immobile qui se tient de la main 
gauche. Une ficelle enroulée autour delà tige et déroulée 
d'un (oui) bref par la main droite lui imprime un mou- 



L'AVIATION 117 

veinent de rotation suffisant pour que l'hélice en minia- 
ture se détache et s'élève à quelques mètres en l'air. — 
d'où elle retombe, sa force de départ dépensée. 

Veuillez supposer maintenant des spires de matière et 
d'étendue suffisantes pour supporter un moteur quel- 
conque, vapeur, éther, air comprimé, etc., que ce mo- 
teur ait la permanence des forces employées dans les 
usages industriels, et, en le réglant à votre gré comme 
le mécanicien fait sa locomotive, vous allez monter, des- 
cendre ou rester immobile dans l'espace, selon le nom- 
bre de tours de roues que vous demanderez par seconde 
à votre machine. 

Mais rien ne vaut, pour arriver àl'intelligence, ce qui 
parle d'abord aux yeux. La démonstration est établie 
d'une manière plus que concluante par les divers mo- 
dèles de MM. de Ponton d'Àmécourt et de la Landelle. 



On voit en définitive que le manifeste de Nadar 
se résumait ainsi : 1° supprimer les ballons, que 
que l'on ne saurait songer à diriger dans l'atmo- 
sphère : 2° créer la navigation aérienne par la con- 
struction d'un grand hélicoptère mécanique. 

Pour trouver le capital nécessaire aux études et 
aux constructions, Nadar construisit le Géant, dont 
on connaît les aventures dramatiques. Quelle que 
fût ensuite l'ardeur dépensée en faveur du Plus 
lourd que l'air, Nadar et ses amis n'arrivèrent à 
aucun résultat pratique. On fit fonctionner de petits 
hélicoptères-jouets dans l'une des séances de la 
nouvelle Société de Navigation aérienne, mais nous 
allons voir un peu plus loin que les tentatives faites 
pour aller au delà ne furent pas couronnées de suc- 
cès, malgré les affirmations de M Babinet dcl'Insli- 



lis LA NAVIGATION AERIENNE 

tut, que l'on peut considérer comme le rlicl' de 
l'École d'alors. 



Voici, disait le savant physicien dans le Constitution- 
nel, ce que dit le public, par lettres, de France, d'Es- 
pagne, d'Angleterre, d'Italie; dans des rencontres au 



milieu des rues ; pa: 



des interpellations de salon; 
par des conseils d'amis, etc. : 
« Parlez-nous de l'art de voici' 
par l'hélice. » 

Mais je n'ai rien h dire de 
nouveau : attendez la construc- 
tion d'un hélicoptère qui, avec 
le zèle de M. Nadar, ne peut 
tarder à se produire. Surtout, 
ne confondez pas son ballon 
géant, qui est réalisé, avec, 
son hélicoptère, qui va être 
réalisée incessamment, Un bal- 
ton monte et. plane clans les 
airs. Un hélicoptère y vole, 
s'y dirige, s'y maîtrise au gré 
du voyageur. Un enfant com- 
mence à se tenir debout; plus 
tard, il marche. De môme le 
on s'élève et l'hélice marche ou plutôt marchera. 




Fi£. 2tî. — Hélicoptère à va- 
peur de M. de Ponton d 'Ame- 
court (1865). 



M. de Ponton d'Amécourt, un des plus fervents 
partisans de l'aviation, qui, ainsi que notre savanL 
et vénérable qmi, M. de la Landelle, s'était occupé 
de l'aviation par l'hélice, bien avant les tentatives 
de Nadar, fit de grands efforts pour réussir. II con- 
struisit, en 1865, un hélicoptère à vapeur qui devait 
enlever son moteur et son générateur. Ce charmant 
petit modèle, qui a figuré à l'Exposition aéronau- 



L'AVIATION 110 

tique de Londres eu 1808, est fort gracieusement 
construit (fig. 26). La chaudière et le bâti sont en 
aluminium et les cylindres en bronze. Le mouvement 
de va-et-vient des pistons est transmis par des en- 
grenages à deux hélices superposées de 264 centi- 
mètres carrés de surface et dont l'une tourne dans 
le sens inverse de l'autre. L'appareil vide qui se 
trouve actuellement au siège de la Société de navi- 
gation aérienne, pèse 2 ks '",770. La chaudière a 
n \08 debauteursur m ,10 de diamètre. La hauteur 
totale du système est de 0"\62. 

Malheureusement le générateur ne peut résister à 
une pression suffisante; quand cet hélicoptère fonc- 
tionne, il parvient à s'alléger notablement, il a une 
certaine force ascensionnelle, mais il n'arrive pas à 
quitter le sol 1 . 

Les journaux illustrés ont, à l'époque du Géant, 
publié un autre projet de grand hélicoptère à vapeur 
(fîg. 27), attribué à M. de la Landelle, mais nul 
essai d'appareil de ce genre ne fut entrepris et 
n'aurait pu être exécuté en raison de l'insuffisance 
des moteurs dont on pouvait disposer. Il y eut beau- 
coup de projets et de mémoires écrits sur le plus 
lourd que l'air par l'hélice 2 ; mais on ne vit paraître 
aucune machine fonctionnant, et la grande agita- 
tion produite par l'initiative de Nadar ne tarda pas 
à être oubliée. 



1. V Aéronaute, 12° année. 1879, p. 35. 

2. Voy. Collection de mémoires sur la Locomotion aérienne sans 
ballons, publiée par le vicomte de Ponton d'Amécourt, G brochures 
in-4°. Paris, Gaulhier-Villars. 1SC4 ù 1807. 



120 



LA NAVIGATION AERIENNE 



On en revint un peu plus tard au premier appa- 
reil de Launoy et Bienvenu. Alphonse Penaud le 
modifia en remplaçant le ressort dont se servait ces 
premiers inventeurs par un fil de caoutchouc 
tordu; cet appareil donna un résultat tellement 
supérieur à ce qu'on avait obtenu qu'il put pres- 
que passer pour une création nouvelle. Voici en 
quels termes Alphonse Penaud a décrit son système. 




liô- 27. — Projet de navire aérien à hélice attribué 
à M. de l.i L;indelle. 



Tous les hélicoptères, pour la plupart coûteux, dé- 
licats, se brisant facilement en retombant, avaient un 
grave défaut : c'est que leur marche, qui ne durait 
qu'un instant, semblait plutôt un saut aérien qu'un 
véritable vol; à peine étaient-ils partis, leurs hélices 
s'arrêtaient, et ils redescendaient. 

Préoccupé, il y a quelques années, de l'insuffisance 
de la démonstration, je fis des recherches sur les moyens 
d'avoir des modèles plus satisfaisants. La force des res- 



L'AVIATION 



121 



sorls solides était seule d'un emploi simple; mais le 
bois, la baleine, l'acier, ne fournissent qu'une force 
minime eu égard à leur poids; le caoutchouc étaitbien 
plus puissant, mais la charpente nécessaire pour résis- 
ter à sa violente tension était nécessairement assez 
lourde. J'eus alors l'idée d'employer l'élasticité de tor- 
sion du caoutchouc, qui donna enfin la solution tant 
cherchée de la construction facile, simple et efficace 
des modèles volants démonstrateurs. 

J'appliquai d'abord le nouveau moteur à l'hélico- 
ptère, et la ligure 28 représente l'appareil que je mon- 
trai en avril 1870 a notre vénérable doyen, M. de la 
Landelle. 11 est extrêmement simple : ce sont tou- 
jours deux hélices 
s u p e r po s é e s t o u r- 
nant en sens con- 
traire: leur distance 
est maintenue par de 
petites tiges, au mi- 
lieu desquelles se 
trouve le caout- 
chouc. 

Pour mettre l'ap- 
pareil en mouve- 
ment, on saisit de la 
inain gauche l'une 
de ces petites tiges, et l'on fait tourner avec la main 
droite l'hélice inférieure dans le sens contraire à celui 
de la rotation utile. Lorsque la lanière de caoutchouc 
est ainsi tordue sur elle-même d'une façon suffisante, 
il ne reste plus qu'à abandonner l'appareil à lui-même; 
ou le voit alors (selon les proportions de ses différentes 
parties) monter comme un trait, à plus de 15 mètres, 
planer obliquement en décrivant de grands cercles, ou 
enfin, après s'être élevé de 7 à 8 mètres, voler presque 
sur place pendant 15 à 20 secondes, et parfois jusqu'à 
2(i secondes. 




Fig. 28. — Hélicoptère à ressort de 
caoutchouc d'AlpIionse Penaud (1870i. 



152 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

Malgré les efforts de Penaud et d'un certain nom- 
bre de chercheurs, il fut impossible de tirer de l'hé- 
licoptère aucun résultai pratique et la petite machine 
fut condamnée à rester jouet. 

Nous donnons (fig. 29) l'aspect d'un de ces héli- 
coptères-jouets basés sur le même principe et cons- 
truits par M. Dan- 
rfnj.i drieux. Sous l'action 
du ressort de caout- 
chouc, l'hélice tourne 
et s'enlève à quelques 
mètres de hauteur 
avec les ailes de pa- 
pillon en papier 
mince dont elle est 
agrémentée. 

Le seul appareil de 
ce genre qui ait laissé 
derrière lui ses de- 
vanciers est celui de 
M. Forlanini, au su- 
jet duquel nous al- 
lons donner quel- 
ques renseignements 
précis. 
Eu 1878, le savant ingénieur italien M. Forlanini. 
ancien officier du génie, construisit un petit modèle 
d'hélicoptère à vapeur dont nous reproduisons 
l'aspect (fig. 50). 

L'appareil comprend deux hélices, mais une 
seule d'entre elles est mise en mouvement par 




h : -_'.' — Hélicoptère-jouet 
«le H. Daudricui. 



L'AVIATION 123 

le moteur à vapeur à deux pistous. Les deux pistons 
sont calés à angles contrariés sur un arbre de 
couche, transmettent le mouvement à un arc 
qui porte l'hélice par l'intermédiaire de deux roues 
d'engrenage. La seconde hélice est fixée sur le 
bâti; elle est destinée, comme dans le premier 
système de Launoy et Bienvenu, à empêcher l'appa- 
reil de tourner sur lui-même. Le manomètre est 
gradué jusqu'à 15 atmosphères. La distribution et 
la défente s'obtiennent pour chaque cylindre au 




moyen de deux bielles calées sur des excentriques 
fixés à l'arbre de couche 1 . 

Le poids total de l'appareil est de 5 kilogrammes 
et demi, la surface totale des hélices est de 2 mètres 
carrés, la force motrice varie de 18 à 25 kilogram- 
mètres. Le moteur proprement dit pèse 1 kilogramme 
et. demi, celui de la petite chaudière sphérique char- 
gée d'eau pèse 1 kilogramme. 

Quand on veut expérimenter l'appareil, on chauffe 

1. L'Aéronaulc, 1879. 



124 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

le petit moteur sphérique représenté à la partie in- 
térieure de notre figure, jusqu'à ce que la pression 
soit suffisante. On retire le système du feu, on ouvre 
le robinet : les hélices se mettent en mouvement. 

L'auteur affirme que lors d'une expérience faite 
devant le professsur Giuseppe Colombo et quelques 
autres spectateurs, l'appareil se serait élevé à 15 mè- 
tres de hauteur, et serait resté 20 secondes en l'air. 

Quel que soit l'intérêt de ce résultat, nous ferons 
observer qu'il est encore loin de donner la solution 
du problème de la navigation aérienne par l'hélice. 

La machine de M. Forlanini n'enlève pas son 
foyer. Elle ne fonctionne que pendant quelques 
secondes ! 

Voilà tout ce qu'a pu donner jusqu'ici l'héli- 
coptère. 



IV 



CERFS-VOLANTS, l'ARACHUTES ET AÉROPLANES 

Archytas de Tarentp et le cerf-volant. — Le parachute de Sébastien 
Lenormand. — Jacques Garnerin. — Cocking-. — Letur. — De 
Groof. — Aéroplanes de Henson et de Stringi'ellow. — Aéroplane 
a air comprimé de Victor Tatin. — De Louvrié. — Du Temple. 

Archytas de Tarente, celui-là à qui l'on a attribué 
la construction d'une colombe mécanique, est l'in- 
venteur du cerf-volant à plan incliné formé d'une 
matière solide, plus dense que l'air et qui se soutient 
dans l'air sous l'influence d'un point d'appui : c'est 
le plus simple des aéroplanes. Le cerf-volant d'Archv- 
tas remonte à 400 ans avant notre ère, et la théorie 
du cerf-volant n'est pas encore faite. Elle a dérouté 
les mathématiciens. « Le cerf-volant, cejouet d'en- 
fant méprisé des savants, disait le grand Euler en 
1 756, peut cependant donner lieu aux réflexions les 
plus profondes. » 

Marey-Monge disait que le cerf-volant obéit à des 
conditions mystérieuses, il s'est livré à de nombreuses 
études sur cet intérressant appareil et il arrivait à 
conclure que la queue du cerf-volant est un organe 
indispensable, et qu'un cerf-volant « chargé d'une 



l'ifi LA NAVIGATION AEIULNNE 

queue qui a la moitié de son poids, monte, deux fois 
plus haut qu'un cerf-volant sans queue ! 

Cependant les cerfs-volants japonais, en forme 
d'oiseau auxailes étendues, fonctionnent admirable- 
ment et ils n'ont pas la moindre queue ! 

Plan incliné dans l'air, le cerf-volant a conduit les 
aviateurs à l'idée de l'aéroplane, plan qui doit être 
poussé dans l'air par un moteur, sous un angle dé- 
terminé. Nous allons arriver à l'aéroplane en par- 
tant du cerf-volant et passant par le parachule. 

Quand les ballons tirent leur apparition dans le 
monde en 1773, on avait depuis longtemps oublié 
les descriptions de Léonard de Vinci et de Veramio 
et le parachute fut découvert une seconde fois. A qui 
revient l'honneur d'avoir construit le premier para- 
chute à la lin du siècle dernier? Il est certain que 
Blanchard dès ses premières ascensions se servit de 
petits parachutes pour lancer des chiens et des ani- 
maux dans l'espace. Son vaisseau volant était muni 
d'un parachute. Il n'est^ pas moins certain que 
Sébastien Lcnormand, peu de mois après l'ascen- 
sion des premiers aérostats, effectua du haut de 
la tour de l'Observatoire de Montpellier une des- 
cente en parachute qui excita vivement l'attention 
publique. Ceci résulte d'une enquête qui a été faite 
à ce sujet, lorsque Garnerin prit un brevet d'in- 
vention pour le système qu'il venait d'expéri- 
menter. 

Voici en quels termes Sébastien Lenormand a re- 
vendiqué lui-même son invention; on va voir que 
son droit, de propriété a été reconnu. 



L'AVIATION 127 

Le 26 décembre 1785 je fis à Mnutpellier, dans l'en- 
clos des ci-devant Cordeliers, ma première expérience 
en m'élançant de dessus un ormeau ébranché, et tenant 
en mes mains deux parasols de trente pouces de rayon, 
disposés de la manière dont je vais l'indiquer. Cet or- 
meau présentait une saillie à la hauteur d'un premier 
étage un peu haut; c'est de dessus cette saillie que 
je me suis laissé tomber. 

Afin de retenir les deux parasols clans une situation 
horizontale sans me fatiguer les bras, je fixai solidement 
les extrémités des deux manches aux deux bouts d'un 
liteau de bois, de cinq pieds de long, je fixai pareille- 
ment les anneaux aux deux bouts d'un autre liteau sem- 
blable et j'attachai à l'extrémité de toutes les baleines des 
ficelles qui correspondaient au bout de chaque manche. 

11 est facile de concevoir que ces ficelles représentent 
deux cônes renversés, placés l'un à côté de l'autre, et 
dont les bases étaient les parasols ouverts. Par cette dis- 
position 'j'empêchais que les parasols ne fussent forcés 
de se reployer eu arrière par la résistance de la colonne 
d'air. Je saisis la tringle inférieure avec les mains et me 
laissai aller : la chute me parut presque insensible 
lorsque je la fis les yeux fermés. Trois jours après, je 
répétai mon expérience, en présence de plusieurs 
témoins, en laissant tomber des animaux et des poids 
du haut de l'Observatoire de Montpellier. 

M. Montgollîer était alors dans cette ville, il en eut 
connaissance et répéta mes expériences à Avignon avec 
M. de Brante, dans le courant de mars 1784, en chan- 
geant quelque chose à mon parachute, dont j'avais com- 
muniqué la construction à M. l'abbé bertholon, alors pro- 
fesseur de physique. 

L'Académie de Lyon avait proposé un prix d'après le 
programme suivant : 

Déterminer le moyen le pins sûr, le plus facile, le 
moins dispendieux et le plus efficace de diriger à volonté 
les globes aérostatiques. 



12X LA NAVIGATION VERIENNE 

J'envoyai un mémoire au concours, ce fui dans les 
premiers jours de d 784, j'y insérai la description démon 
parachute dans la vue de m'assurer la priorité de la 
découverte. 

L'abbé Berlbolon fit imprimer quelque temps après 
un petit ouvrage, sur les avantages que la physique et 
les arts qui en dépendent peuvent retirer des globes 
aérostatiques; et l'on y trouve, page 49 et suivantes, des 
détails sur le parachute et sur les expériences que nous 
finies ensemble. 

Le citoyen Prieur avait inséré dans le tome XXI des 
Annales de chimie une note historique sur l'invention et 
les premiers essais des parachutes, il en attribuait In 
gloire à M. Joseph Montgolfler; je réclamai, et ce savant 
distingué s'empressa d'insérer dans le tome XXXVI, 
page 94, une notice qu'il termine par celle phrase : 
« La justice et l'intérêt de la vérité prescrivaient 
également la publicité que nous donnons à la récla- 
mation du citoyen Leuormand, ainsi qu'aux preuves, 
qui paraissent en effet lui assurer la priorité de date 
pour les premières expériences des parachutes. » Plu- 
sieurs journaux répétèrent ce qu'avait avancé le citoyen 
Prieur. 

Voici, monsieur, l'article relatif à mon parachute, 
que j'extrais mot à mot du mémoire que j'adressai à 
l'Académie de Lyon, et dont j'ai parlé plus haut; j'y joins 
aussi la copie de la planche qui L'accompagnait. 

Description d'un parachute. 

Je fais un cercle de 14 pieds de diamètre avec une 
grosse corde ; j'attache fortement tout autour un cône de 
toile dont la hauteur est de C pieds; je double le cône 
de papier en le collant sur la toile pour le rendre im- 
perméable à l'air; ou mieux, au lieu de toile, du taffetas 
recouvert de gomme élastique. Je mets tout autour du 
cône des petites cordes, qui sont attachées par le bas à 
une petite charpente d'osier, et forment avec celle char- 



L'AVIATION 120 



pente, un cône tronqué renversé. C'est sur cette char- 
pente que je me place. Par ce moyen j'évite les baleines 
du parasol et le manche, qui feraient un poids consi- 
dérable. Je suis sûr de risquer si peu, que j'offre d'en 
faire moi-même l'expérience, après avoir cependant 




4 

Fig. 31. — Premier parachute de Sébastien Lenormand. 



éprouvé le parachute sur divers poids pour être assuré 
de sa solidité. 



Les propriétés du parachute étaient donc très con- 
nues, lorsqu'un élève du physicien Charles, Jacques 
Garnerin, ayant été fait prisonnier de guerre, et se 
trouvant enfermé en Autriche, eut l'idée de s'éva- 
der à l'aide d'un appareil qui lui permettrait de se 
précipiter du haut d'une tour. Il ne réussit pas à 

9 



1Ô0 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

s'échapper par ce procédé, mais quand il eut recou- 
vré la liberté, il résolut de mener à bien l'expérience 
qu'il avait imaginée pendant sa captivité. 

La première tentative d'une descente de ballon 
exécutée en parachute eut lieu le 22 octobre 1707, 
au parc Monceau, en présence d'une foule considé- 
rable, parmi laquelle se trouvait l'astronome La- 
lande. Jacques Garnerin s'éleva sous un parachute 
plié, attaché à un ballon. A 1000 mètres de hau- 
teur, il coupa la corde qui le maintenait sous l'aé- 
rostat, et il s'abandonna dans les airs. Des cris de 
stupeur retentirent, mais on vit le parachute s'ou- 
vrir et osciller au milieu de l'atmosphère. Ce pre- 
mier parachute avait seulement 7 m ,80 de diamèlre. 
La descente fut très rapide, elle se termina par un 
choc violent qu'eut à subir Garnerin dans sa petite 
nacelle, en touchant la terre. L'intrépide expérimen- 
tateur, en fut quitte pour une contusion au pied, 
légère blessure, puisqu'elle ne l'empêcha pus de 
revenir à cheval, vers son point de départ, où il 
fut accueilli par des acclamations. 

Lalande courut à l'Institut pour annoncer à ses 
collègues le succès de cette grande expérience 
d'aviation. 

Le parachute ne subit presque aucune modifi- 
cation après Garnerin. Il fut muni d'une ouverture 
centrale circulaire, destinée à laisser passer l'air à 
sa partie supérieure ; cette ouverture tend à éviter 
les oscillations de la descente, mais elle n'est pas né- 
cessaire, d'après l'avis des spécialistes compétents. 

Après un grand nombre de descentesen parachute, 



L'AVIATION 131 

exécutées par Garnerin et par sa nièce Elisa Garne- 
rin, par Blanchard, par Mme Blanchard, par Louis 
Godard et par Mme Poitevin, on abandonna cet 
appareil; il n'a en réalité aucune utilité aérosta- 
tique, et ne sert qu'à donner une démonstration 
expérimentale intéressante. 

L'appareil de Garnerin n'est-il pas susceptible 
d'être perfectionné? Sa forme est-elle le plus favo- 
rable au but qu'il s'agit d'atteindre? Certains avia- 
teurs pensent que le parachute de Garnerin pourrait 
être avantageusement modifié. En 1816, Cayley, 
dont nous avons déjà parlé précédemment, et qui 
est considéré comme l'un des partisans les plus 
distingués du plus lourd que l'air dans la Grande- 
Bretagne, exprimait l'opinion suivante : Les ma- 
chines de ce genre, qui ont certainement été con- 
struites en vue de procurer une descente équilibrée, 
ont reçu, chose étonnante, la pire des formes qu'on 
puisse imaginer pour atteindre ce but. 

L'inventeur anglais Cocking partageait ces idées, 
mais il eut la témérité de se confier à des surfaces 
de dimensions insuffisantes, disposées à l'inverse 
d'un parachute ordinaire. Son appareil avait la 
forme d'un cône renversé : il devait fonctionner la 
pointe en bas. 

Le 27 septembre 1836, Cocking exécuta son expé- 
rience avec l'aéronaute anglais Green, qui, con- 
vaincu de la justesse des raisonnements de l'inven- 
teur, n'hésita pas à l'enlever attaché à la nacelle de 
son ballon. Il s'élevèrent tous deux du Wauxhall à 
Londres, et montèrent jusqu'à l'altitude de 1200 



13'2 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

mètres. A cette hauteur, Green coupa la corde, qui 
reliait au ballon Cocking et son appareil. Le para- 
chute retourné se précipita dans l'air avec une 
vitesse désordonnée; sa surface mal calculée se 
déforma, et l'on vit avec stupeur le malheureux 
aviateur être précipité vers le sol avec une rapidité 
toujours croissante (fig. 52). Cocking fut broyé par 
le choc, et l'on releva son corps en lambeaux. 

En 1853, un Français, Letur, imagina de munir 
un parachute, de deux grandes ailes analogues à 
celles des coléoptères, et qui lui permettraient de se 
diriger pendant la descente vers un point déterminé 
(fig. 55). II exhiba son appareil à l'Hippodrome de 
Paris à la fin de mai 1855 1 , mais il n'exécuta pas 
son expérience. L'année suivante, le 27 juin 1854, 
Letur fut enlevé à Londres dans le ballon de Wil- 
liam Henry Adam. Celui-ci était accompagné par un 
ami. Le parachute volant de Letur était attaché à 
25 mètres au-dessous de la nacelle de l'aérostat. 
Une catastrophe analogue à celle de Cocking allait 
se produire. En voici le récit d'après le journal 
anglais le Sun : 

La descente en parachute de l'aéronaute français, 
M. Letur, dont l'ascension avait eu lieu à Cremorn-Gar- 
deus, il y a quelques jours, s'est terminée d'une ma- 
nière fatale pour lui. Il paraît que lorsque le liallon 
fut arrivé au-dessus de Tottenham, M. Adam, l'une des 
personnes qui occupaient des places dans la nacelle, 

1. Le Constitutionnel du l" juin 185j donne le récit d'une visite 
faite à l'Hi]i|i(idninie pour voir l'appareil de Letur. par M. le duc (le 
Gènes, accompagné de l'aide de camp de l'Empereur. 





Mort du Cockiuj,', le 26 septembre 1S5G. 



L'AVIATION 



ir.5 



trouvant l'endroit favorable, se prépara à descendre. Il 
coupa deux des cordes qui attachaient le parachute au 
ballon ; mais il s'aperçut que la troisième corde était 
engagée dans l'appareil de la machine. 

Tout prés de la station du chemin de fer de Totten- 
ham, deux employés du chemin de fer s'étaieut d'abord 
saisis de l'ancre attachée au parachute, mais force leur 
fut bientôt de lâcher prise. M. Adam, pour éviter les 
dangers que présentaient des arbres dans le voisinage, 




Appareil do Letur (1854). 



se mit à jeter du lest ; néanmoins, on heurta les 
arbres. 

Le parachute fut ballotté avec une grande violence 
dans les branchages, que l'on entendait craquer de la 
station, à la distance d'un quart de mille. Cependant 
M. Adam parvint à descendre sur le champ, tout près 
de la station de Marshlane. Les ancres du parachute 
étant demeurées attachées à des branches, à peu de 
distance de l'endroit où M. Adam et son ami étaient 
descendus, ceux-ci s'empressèrent de courir au secours 
du malheureux Français, qui n'avait pas voulu quitter 
le parachute et s'y tenait accroché avec force. 

Une foule immense fut bientôt sur le théâtre de 
l'accident, et l'on parvint après beaucoup d'efforts à 



130 LA NAVIGATION AERIENNE 

dégager le malheureux M. Letur, qui, n'ayanl pas 
perdu connaissance, quoique jforteraent brisé par de 
nombreuses contusions, poussait des cris et des gémis- 
sements. On le transporta à la taverne du chemin de fer 
près de la station. M. Barrett, propriétaire, le fit placer 
dans une chambre. On courut chercher un médecin. 
M. le docteur Lieks arriva. 

Ce pauvre M. Letur, qui ne parle pas du tout an- 
glais, ne cessait de répéter: « Mon Dieu! mon Dieu! » 
On le mit dans un lit. Le docteur Lieks examina atten- 
tivement ses blessures. Les contusions extérieures paru- 
rent peu graves, mais le docteur jugea qu'une lésion 
interne d'une nature grave et mortelle devait avoir eu lieu. 

Dans la soirée, plusieurs personnes arrivèrent de 
Cremorn-Gardens, et entre autres M. Franchel, l'ami 
intime du blessé, et qui l'avait engagé à venir en 
Angleterre par spéculation. M. Franchel, très ému cl 
rempli de compassion pour le sort du malheureux, 
déclara qu'il ne le quitterait pas. Cetle assurance parut 
améliorer beaucoup l'étal moral du blessé, qui pensa 
que sa famille pourrait avoir de ses nouvelles par l'in- 
termédiaire de cet ami. 

M. Franchel n'a pas quitté le blessé jusqu'à son 
dernier soupir, qu'il a rendu jeudi dernier, et il avait 
même déclaré qu'il ne quitterait l'hôtel qu'après avoir 
rendu les derniers devoirs à son ami. Jusqu'à sa mort, 
M. Letur a gardé sa pleine connaissance. Il s'est entre- 
tenu avec calme avec M. Franchel, à qui il a exprimé 
ses dernières volontés. Il avait quarante-neuf ans. (In 
dit qu'il laisse sa famille dans l'indigence, à l'aris. 
Sa malheureuse femme esl dans un état de grossesse 
très avancé. 

Parmi les personnes qui ont montré le plus d'inté- 
rêt pour ce malheureux a été M. Simplon, propriétaire 
de Cremorn-Gardens. Le parachute n'a pas été tics 
endommagé. Il reste déposé à la taverne pour être exa- 
miné par le coroner et le jury. 



L'AVIATION 157 

Cette catastrophe causa une vive émotion et 
donna lieu à une enquête du coroner. Nous ex- 
trayons les passages les plus intéressants du procès- 
verbal qui a été publié à cette époque. 

Aujourd'hui, à quatre heures de l'après-midi, M. Ba- 
ker, coroner d'East-Middlesex, . et un jury composé 
d'hommes très recommandables, se sont réunis à l'hôtel 
du Ghemin-de-Fer, pour s'y livrer à une enquête sur la 
mort de M. Letur, aéronaute français, âgé de quarante- 
neuf ans, mort des suites de ses blessures dans une 
descente en parachute. 

Un grand nombre de personnages spéciaux et scien- 
tifiques assistaient à l'enquête, et notamment MM. Green, 
Coxwell, Hampton, aéronautes distingués. M. Adam, 
secrétaire, de M. Simpson, propriétaire de Cremorn- 
Gardens, où avait eu lieu. l'ascension, représentait ce 
dernier. 

M. William Henry Adam, aéronaute à Cremorn-Gar- 
dens, dépose en ces termes : « Le 27 juin, le défunt s'est 
enlevé à Cremorn-Gardens avec son parachute. Il était 
accompagné de M. Adam et d'un ami de ce dernier. La 
nacelle du ballon était à environ 80 pieds au-dessus du 
parachute de M. Letur. Celui-ci, attaché au siège sur 
lequel il était placé, faisait mouvoir, à l'aide de ses 
pieds, deux vastes ailes avec lesquelles il guidait sa 
machine. Ses mains étaient entièrement libres. 

L'ascension se fit très heureusement; en arrivanl à 
Conden-Town, M. Adam songea à descendre. La descente 
étant déjà commencée, M. Adam demanda à M. Spear- 
ham, armateur, qui était avec lui dans la nacelle, 
si le parachute s'était ouvert, ce qui aurait dû 
être fait immédiatement. M. Spca'rham répondit que 
non. 

M. Adam vit alors que le parachute et les cordes 
se trouvaient mêlées. L'humidité du gazon sur lequel 



138 LA NAVIGATION AERIENNE 

le parachute était resté deux heures avant l'ascen- 
sion avait exercé de l'influence sur les cordes toutes 
neuves. 

II fallut songer à descendre, définitivement. C'est 
alors que le parachute se heurta avec violence contre 
les branches des arbres que l'on avait vainement tenté 
d'éviter. De là et par suite des secousses et des commo- 
tions, la mort de M. Lelur. 

Le coroner, après l'interrogatoire des témoins, a 
résumé l'affaire, et le jury, après une courte délibé- 




Fig. 31. — Machine volante (le Groof. 

ration, a rendu un verdict constatant que la morl 
avait été accidentelle. 

En 1872, un Belge, nommée de Groof, voulut réa- 
liser une machine volante jouant à la lois le rôle 
d'ailes battantes et de parachute. Comme Cocking 
et Letur, il entreprit d'expérimenter son système 
de vol planeur, en se séparant d'un aérostat qui 
l'enlèverait à une assez grande hauteur dans l'at- 
mosphère. En 1875, il voulut commencer ses essais 
à Bruxelles, mais il ne réussit pas. Comme jadis 
Degen, il fut roué de coups par la foule et devint 



L'AVIATION 139 

ensuite l'objet des railleries impitoyables de ses 
concitoyens. 

De Groof ne se lassa point; au commencement 
de l'année suivante il fit insérer dans un grand 
nombre de journaux politiques l'annonce suivante, 
que nous reproduisons textuellement : 



DftTTfi * a ' re ^ es ex P«i'iences à Paris ou ailleurs 
1 UUil ondemandepourleinoisdemaiprochain 

UN AËRONAUTE "T BALLON 

pouvant enlever et làclier à une certaine hauteur 
le soussigné et un appareil volateur pesant en- 
semble 125 kilos. — Pour les conditions s'adres- 
ser à M. de Groof, à Bruges (Belgique). 



L'aéronautc demandé, se présenta dans la per- 
sonne de M. Simmons, praticien anglais, et les 
expériences furent préparées à Londres, pour être 
exécutées dans les jardins de Cremorne, comme 
cela avait eu lieu précédemment pour Cocking et 
Letur. Le sort de de Groof fut le môme que celui 
de ses pédécesseurs! 

Nous allons, avant de donner le récit de cette 
catastrophe, faire connaître quel était le système du 
malheureux inventeur. 

L'appareil de Groof se composait de deux ailes 
de 11 mètres et d'une queue de 9 mètres, à l'aide 
desquelles il prétendait descendre lentement dans 
une direction déterminée, quand on le détacherait 
de dessous la nacelle d'un aérostat qui l'aurait 
élevé à une assez grande hauteur (fig. 54). Ce 



140 LA NAVIGATION AERIENNE 

n'était pas le problème du vol complet que cet 
inventeur cherchait à résoudre, mais une sorte 
de vol partiel. 

Une première expérience, exécutée le 29 juin 
lcSTÔ à Cremorne, a réussi, en ce sens que de Groof 
parvint à conserver l'équilibre et à descendre à 
terre sans mésaventure, à peu près dans la direction 
où l'aurait porté un simple parachute. 

Il avait été, dans cette première expérience, lâché 
dans l'air à une hauteur de 500 mètres au-dessus 
du sol. De Groof donna lui-même à l'aéronaute 
Simmons le signal de la séparation. Il déclare 
avoir crié .' « Lâchez! » Il se trouva à terre sans 
accident, la queue de l'appareil ayant été légè- 
rement endommagée. 

Enhardi par ce succès relatif, de Groof voulut 
donner une nouvelle représentation de son exté- 
rieure. Le 5 juillet 1874, il exécuta une ascension 
dans les mêmes circonstances que précédemment, 
se faisant attacher au-dessous de la nacelle du 
ballon de M. Simmons, un des aéronautes ordinaires 
de Cremorne. 

Il parait qu'après être monté à quelques centaines 
de mèlres, le ballon s'est mis à descendre rapide- 
ment, sans doute à cause d'une condensationsubile. 
De Groof, craignant d'être écrasé sous le ballon, prit 
peur et cria à M. Simmons de couper la corde. 11 
n'était plus à ce moment qu'à Ircnte mètres de terre. 

Les ailes n'ayant pu faire parachute, le malheu- 
reux de Groof tomba aussi lourdement qu'une 
pierre. Il avait perdu connaissance en arrivant à 



L'AVIATION 141 

terre, où il reçut un coup terrible sur la nuque, et 
il expira, avant qu'on eût pu le transporter à l'hô- 
pital de Chelsea, où sa femme accourut en même 
temps que son cadavre arrivait. 

Après les applications si malheureuses et si fu- 
nestes qui ont été faites du parachute aux appareils 




Fig. 3'i. — Machine aérienne à vapeur de Hensun. 



de vol aérien, arrivons aux aéroplanes que les avia- 
teurs considèrent actuellement comme le système 
le plus avantageux que l'on puisse préconiser. 

En 1845, MM. ïïenson et Stringfellow, en Angle- 
terre, construisirent successivement de grands ap- 
pareils formés de plans inclinés que deux roues en 
hélice devaient faire progresser au sein de l'air. L'ap- 



142 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

pareil de M. Henson, qui fut présenté sous le nom 
de machine à vapeur aérienne, consistait en un 
chariot adapté à un grand cadre rectangulaire de 
bois et de bambou, couvert de canevas ou de soie 
vernie. Le cadre formant plan incliné, s'étendait de 
chaque côté du chariot, de la même manière que 
les ailes étendues d'un oiseau, mais avec cette dif- 
férence qu'il devait rester immobile (fig. 35). Der- 
rière, se trouvaient deux roues verticales en éven- 
tail, munies de palettes obliques destinées à pousser 
l'appareil. Ces roues jouaient donc le rôle de 
propulseurs. Cet appareil curieux, dont on parla 
beaucoup à l'époque où il fut imaginé, ne fonc- 
tionna jamais convenablement. 

M. Slringfellow étudia de son côté un grand pro- 
jet, dans lequel il avait eu l'idée de superposer en 
trois étages les plans de glissement dans l'at- 
mosphère. Aucune expérience ne fut exécutée. 

Ce que MM. Henson et Stringfellow ne surent réa- 
liser, M. Victor Tatin, dont nous avons déjà parlé 
précédemment, l'exécuta en petit à une époque 
beaucoup plus récente. 

Voici comment l'auteur a décrit lui-même son 
ingénieux aéroplane après avoir résumé quelques 
intéressantes considérations d'ensemble que nous 
reproduisons. 

On désigne sous le nom d'aéroplanes, des appareils 
dont l'invention est assez récente, car le premier projet 
rationnel qu'on en ait publié est dû à Henson, et ne 
remonte qu'à 1842. C'est, du reste, le type qui depuis 
lors a toujours été reproduit. 



L'AVIATION 145 

Le principe de cet appareil consiste à maintenir sur 
l'air un vaste plan auquel des hélices propulsives com- 
muniquent un rapide mouvement de translation. Per- 
sonne, que nous sachions, n'avait obtenu de bons 
résultats au moyen des aéroplanes, avant Penaud, qui 
employa encore le caoutchouc tordu pour mettre en 
mouvement ces petits appareils si étonnants par la 
simplicité de leur mécanisme (fig. 56). Cet ingénieux 
expérimentateur n'a malheureusement réalisé que des 
types d'aéroplanes de petites dimensions. La maladie 
qui devait nous l'enlever, a sans doute entravé ses re- 
cherches. Quelques années avant sa mort, il avait 
cependant publié, avec le concours d'un de nos amis 




Fig. 36. — Aéroplane d'Alphonse Penaud. 

communs, M. P. Gauchot, ingénieur distingué, un projet 
d'aéroplane de grandes dimensions; la mort de Penaud 
dut en empêcher la réalisation. Cette construction eût 
sans doute entraîné d'assez fortes dépenses, mais nous 
croyons qu'elle eût donné la preuve victorieuse de la 
supériorité de l'aéroplane sur tous les appareils que 
nous avons décrits ci-dessus. 

A l'époque où Penaud se rattachait définitivement 
à l'emploi de l'aéroplane comme à la méthode la plus 
capable de donner des résultats pratiques, nous pour- 
suivions encore la création d'appareils basés sur l'imi- 
tation du vol de l'oiseau. Nos yeux s'ouvrirent enfin 
à l'évidence et nous entrâmes dans la voie que, depuis 
lors, nous n'avons plus cessé de suivre. Nous ne lai- 



Ui 



LA NAVIGATION AÉRIENNE 



dames pas à nous applaudir de ce changement, car, dès 
nos premiers essais, les résultats furent très satisfai- 
sants. 

Tn petit aéroplane d'environ m, ,7 rie surface étail re- 
morqué par deux hélices tournant en sens inverse; le 
moteur était une machine à air comprimé, analogue ï 
une petite machine à vapeur dont la chaudière étail 
remplacée par un récipient relativemeat grand et d'une 
capacité de 8 litres; malgré le peu de poids dont nous 
pouvions disposer, nous avons pourtant pu donner à ce 
récipient une solidité suffisante pour qu'il puisse résister, 
à l'épreuve, à plus de 20 atmosphères : dans nos expé- 




Fig. 



Aéroplane ;'i air comprimé de Victor Tatin, expérimenté 
en 1879. 



rienees, la pression n'en a jamais dépassé 7; son poids 
n'était que de 700 grammes. La petite machine dévelop- 
pant une force imotrice d'environ 2 k « m ,(> par seconde, 
pesait ."00 grammes; enfin, le poids total de l'appareil, 
monté sur roulettes était de l k ,750(fig. 37) ; cet ensem- 
ble quittait le sol, à la vitesse de s mètres par seconde, 
quoique les résistances inutiles fussent, presque égales 
à celles ducs à l'ouverture de l'angle formé par les plans 
au-dessus de l'horizon. L'expérience a été laite en 1879 
dans l'établissement militaire de Chalais-Meudon. L'aéro- 
plane, attaché par une cordelette au centre d'un plancher 
circulaire, tournait autour de la juste; il a pu s'enlever 



L'AVIATION 145 

du sol, el passer même une fois au-dessus de la tète 
d'un spectateur. Nous ne pouvons que renouveler ici les 
remerciements que nous avons déjà adressés à MM. lie- 
nard e1 Krebs, pour leur extrême obligeance et l'intérêt 
qu'ils semblaient prendre à nos essais. 

Après ce résultai, nous avions formé le projet d'étudier 
avec cet appareil les avantages ou les inconvénients de 
l'emploi de plans plus ou moins étendus, d'angles plus 
ou moins ouverts, et enfin, de diverses vitesses dans 
chacun de ces cas; mais nos ressources, alors plus 
qu'épuisées par ces longs et coûteux travaux, ne nous 
le permirent pas et, à notre grand regret, nous avons 
dû depuis, nous contenter d'indiquer le programme de 
nos expériences, sans pouvoir le réaliser nous-mèrne. 

L'expérience que nous venons de rapporter corro- 
borait, d'ailleurs, nos prévisions, et nous pensons aujour- 
d'hui pouvoir'tracer les lignes principales dfan aéroplane, 
sans crainte de commettre de grave erreur. Dans un 
aéroplane, comme dans un ballon, la résistance à la 
translation croit comme le carré de la vitesse; la force 
motrice devra donc, ici aussi, croître comme le cube 
de cette vitesse, mais connue, pour un angle donné et 
supposé invariable, la poussée de susterition et la résis- 
tance à la translation seront toujours dans le même 
rapport, le poids disponible augmentera avec le carré 
de la vitesse, de sorte qu'on se trouve sur ce point, plus 
avantagé qu'avec l'emploi des ballons. 

Il faut remarquer, par contre, qu'avec le système 
aéroplane, les grandes constructions ne procureront que 
l'avantage de pouvoir obtenir des moteurs relativement 
plus légers et plus économiques. 

Il est bien évident que les premiers essais qu'on pour- 
rait traiter avec des aéroplanes ne seraient que d'une 
courte durée. Ayons d'abord des vues modestes. Qu'une 
machine aérienne fonctionne seulement une heure, une 
demi-heure même, à la vitesse dune quinzaine de 
mètres parseconde, et le progrès accompli sera immense; 

10 



140 



IA NAVIGATION AERIENNE 



on peut même dire que le problème sera entièrement 
résolu. Après ce premier pas, viendront rapidement 
les perfectionnements qu'indiquera l'expérience; lesmo- 
teurs nouveaux deviendront un but de recherches qui 
ne tarderont pas à être fécondes, et l'humanité se trou- 
vera enfin en possession du plus puissant engin qu'elle 
ait jamais imaginé. 

Beaucoup d'autres systèmes ont été proposés 
par les aviateurs. Michel Loup, en 1852, décrivit 
l'appareil que représente notre gravure (iîg. 38). 

C'était un système 
formé par un plan 
de glissement devant 
s'avancer au moyen 
de quatre ailes tour- 
nantes. L'appareil 
était muni d'un gou- 
vernail et de roues; 
il affectait l'aspect 
d'un oiseau quand 
on le voyait de profil. 
Nous ne devons pas oublier de mentionner le 
nom d'un mathématicien pratique dont les tra- 
vaux étaient fort dignes d'intérêt : de Louvrié. Il 
avait imaginé un système d'aéroplane, dont les 
ailes pouvaient être repliées comme celles de l'oi- 
seau. Son système de cerf-volant parachute, dont 
nous donnons le schéma (fig. 59), fut soumis à 
l'examen de l'Académie des sciences, mais aucune 
expérience ne put avoir lieu. 

Dans cet appareil il devait y avoir une hélice de 




Fig. 38. — Aéroplane de Michel Loup. 
(1852). 



L'AVIATION 147 

propulsion, ou un moteur à mélange détonant 
produisant une réaction sur l'air. 

Parmi les plus fervents disciples de l'aviation 
par les aéroplanes, nous aurons encore à citer les 




Fig. 39. — Aéroscaphe île Louvrié. 

frères du Temple. Dès l'année 1857, M. Félix du 
Temple, alors lieutenant de vaisseau, prit un bre> 
vet d'invention pour un appareil de locomotion 
aérienne imitant le vol des oiseaux. Bientôt aidé de 
son frère, M. Louis du Temple, capitaine de frégate, 




Fif. iO. — Aéroplane monté sur roue de M. (lu Temple (1857). 

I 

auteur d'ouviages de mécanique estimés, il eut 
l'idée de l'aéroplane que nous représentons (fig. 40). 
Cet aéroplane, formé de deux grandes ailes et 
d'une queue, était monté sur roue. A l'avant se 



148 LA NAVIGATION AÉIUENSE 

trouvait une hélice d'aspiration, mise en mouve- 
ment par une machine à vapeur très légère. 
M. Louis du Temple a étudié avec un grand mérite 
les moteurs légers, et tout le monde connaît la chau- 
dière à vapeur qui lui est due. Malgré les efforts 
les plus persévérants, aucun résultat d'expérimen- 
tation pratique de l'aéroplane ne pu I être obtenu. 
En 1858," Jullien. dont nous allons résumer 
plus loin les remarquables expériences d'aérostat 




Fie. 41. 



Aéroplane iJc Thomas Muy (1871). 



allongé, voulut étudier ce que peuvent donner les 
appareils plus lourds que l'air. II présenta à la 
Société d'encouragement pour l'aviation 1 un modèle 
d'aéroplane automoteur ne pesant que 50 grammes 
quoique ayant 1 mètre de longueur. Les propulseurs 
étaient des hélices à deux palettes. Le moteur, une 
simple lanière de caoutchouc analogue à celle 



1. Société d'encouragement pour l'aviation, ou Locomotion aé- 
rienne au moyen d'appareils plu? lourds que l'air. 1 broch- in-8", 
Paris, J. Claye, 1807. 



L'AVIATION U9 

qu'employait Penaud. M. de la Landellc en a donné 
la description : 

L'appareil, qui marchait en ligne droite et horizontale, 
papillonnait durant cinq secondes et parcourait une 
distance de douze mètres. La force dépensée était de 
Tl grammètres par seconde. 

L'inventeur se proposait de construire nn appa- 
reil de plus grande dimension, pesant 200 grammes 
et fonctionnant pendant 20 secondes, mais il ne 
donna pas suite à cette idée. 

Vers la même époque M. Carlingford prit en 
Angleterre et en France un brevet d'invention 
pour un chariot ailé, muni d'une hélice de traction. 
Cet aéroplane singulier élait destiné à être lancé en 
l'air au moyen d'une balançoire à laquelle on 
devait l'avoir préalablement suspendu. La seule 
force de l'homme qui s'y trouvait suspendu devait 
en outre permettre à l'appareil de voler comme 
l'oiseau dans toutes les directions. 

Les projets d'aéroplanes sont innombrables et les 
aviateurs se nomment légion. Mais que de fois leurs 
projets sont absolument chimériques ! Figurons à 
titre de curiosité de ce genre, un projet d'appareil 
proposé par Thomas Moy en 1871 ' (flg. 41). Deux 
plans inclinés seraient animés de mouvement dans 
l'air sous l'influence de grandes roues à hélice. 

1. Nous avons emprunté le dessin de cet aéroplane et de 
quelques-uns de ceux que nous venons de mentionner au Tableau 
d'aviation, dressé par M. E. Dieuaide, un de nos plus zélés histo- 
riens de la navigation aérienne- 



150 LA NAVIGATION AERIENNE 

Il est facile de figurer une machine sur le papier; 
mais l'art de la construire et delà faire fonctionnel' 
est plus difficile. C'est ce qu'oublient trop souvent 
les hommes que leur imagination entraîne loin du 
domaine de la science expérimentale. 

Nous avons décrit les principes de l'aviation, 
nous avons parlé des expériences qui ont été faites. 
On a vu que malgré l'incontestable intérêt des 
études et des constructions exécutées, le pins lourd 
que l'air n'a pas réalisé jusqu'ici la navigation 
aérienne. 

Est-ce à dire que la solution du problème de 
l'aviation n'est pas possible? Nous nous garde- 
rons de prononcer ce mot; mais il nous parait 
certain qu'avec les ressources actuelles de la méca- 
nique contemporaine, le problème ne saurait être 
résolu d'une façon pratique, les moteurs dont on 
dispose, étant beaucoup trop lourds. 



TROISIÈME PARTIE 

LE PROBLÈME DE LA DIRECTION DES BALLONS 



On sent que tous les usages de l'aérostat se 
multiplieront, lorsque cette machine aura été 
perfectionnée, et même qu'ils deviendront d'une 
tout autre conséquence, si on parvient jamais à 
la diriger, comme tout semble en annoncer la 
possibilité. 

[Rapport fait à l'Académie des sciences sur 
la machine aérostatique, par Lavoisier, Condor- 
cet, etc., présenté le 24 décembre 1783. 



PREMIERES EXPERIENCES DE DIRECTION AÉRIENNE 



Le ballon à rames do Blanchard, — Expériences de direction de 
Guyton do Morveau. — Miolan et Janinet. — Le projet du géné- 
ral Meusnier. — Eludes de Brisson. — Le premier ballon 
allongé des frères Robert. — Le Comte d'Artois, aérostat de 
Javel. — L'aéro-montgolfière do l'ilàlre de Rozier. — Masse et 
Testu-Brissv. 



Aussitôt que les frères Montgolfîer eurent lanré 
dans l'espace le premier ballon à air chaud, que 
Pilàtre de Rozier et le marquis d'Arlandes eurent 
exécuté, à la date du 21 novembre 1785, le premier 
voyage aérien, que Charles et Robert, quelques jours 
après, le 1" décembre, se furent élevés du jardin 
des Tuileries dans le premier ballon à gaz hydro- 
gène, on songea à se diriger dans l'atmosphère. Dès 
1785, l'année même de la découverte, les projets 
surgirent, et, en 1784, nous n'allons pas avoir à 
enregistrer moins de cinq tentatives distinctes. 

Blanchard est le premier en date. L'aviateur que 
nous avons vu dans la première partie de ce livre 
expérimenter les ailes de sa voiture volante, devint 
un des plus fervents disciples des frères Montgol- 



154 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

fier ; il songea à appliquer aux ballons son système 
de rames et eonçut. un système de direction très 
élémentaire. C'était un ballon sphérique, à gaz 
hydrogène, dont l'appendice portait un parachute : 

on pouvait manœuvrer dans la nacelle, deux ailes 
ou rames et un gouvernail (fig. 42). 

Ce système ressemblait beaucoup à sa voiture 
volante, dont la curieuse caricature de la première 
Partie représente l'aspect d'ensemble. Blanchard 
avait, comme on le voit, appliqué à la nacelle d'un 
ballon à gaz les ailes et le parachute de son appareil 
d'aviation. C'est avec beaucoup de bon sens qu'il 
rendit hommage à la découverte des frères Montgol- 
iier, et dans une lettre insérée dans le Journal de 
Paris, il convint de bonne grâce, qu'il ne se serait 
jamais élevé dans l'air sans les ballons. 

L'ascension de Blanchard eut lieu au Champ-de- 
Mars le 2 mars 1784; elle fut signalée par un inci- 
dent curieux. Un jeune officier de l'école de Brienue, 
Dupont de Chamtbont, voulut monter de force dans 
la nacelle, et ayant tiré son épée, il blessa l'aéro- 
naute à la main. Blanchard dut laisser ses ailes à 
terre : il n'emporta que son gouvernail et descen- 
dit à Billancourt. Il raconta qu'il avait opéré des 
manœuvres particulières, et qu'il avait réussi à 
marcher contre le vent' en manœuvrant l'appen- 
dice de l'aérostat, mais rien ne justifie ces affir- 
mations : on se moqua de l'aéronaute, et des des- 
sins satiriques furent faits contre lui. Blanchard, 
hàtons-nous de l'ajouter pour sa mémoire, se re- 
leva dignement de cet échec ; il eut l'honneur de 



LE PROBLÈME DE LA DIRECTION DES DALLONS ISS 

traverser pour la première fois le détroit du Pas- 
de-Calais en ballon, avec le D r Jeffries, et il exécuta 
plus de cinquante ascensions qui font de lui un des 
premiers aéronautes français. 
Au moment où ces expériences de Blanchard 




Fig. 42. — Aérostat dirigeable de Blanchard (1789). 



attiraient l'attention publique, un officier du génie 
d'un grand mérite, le général Meusnier 2 , étudiait 

1. Première suite de la description des expériences aérostatiques 
de MM. de Montgo/fier, par M. Faujas de Saint-Fond. Tome se- 
cond, 1 vol. in-8°. Paris, 1784. — Compte rendu par M. Blanchard, 
p. 170. 

2. Quelques écrivains modernes ont écrit Meunier. C'e^l par 



150 U NAVIGATION AERIENNE 

la construction d'un ballon allongé muni d'un 
propulseur, et Brisson, membre de l'Académie des 
sciences, se préparait à exposer nettement les con- 
ditions du problème de la direction des aérostats. 
Nous allons parler, un peu loin, des travaux de 
ces savants, qui ont jeté les premières hases de la 
navigation aérienne, mais nous voulons auparavant 
continuer ici rémunération des essais qui ont été 
entrepris à l'aide des ballons spliériques. 

Le 12 juin 1784 on vit s'élever, à Dijon, l'appareil 
dirigeable construit sous les auspices de (iuyloii de 
Morveau, par les soins de l'Académie de Dijon. Le 
célèbre physicien avait imaginé de fixer àl'équateur 
d'un aérostat sphérique, un cercle de bois, portant 
d'une part, deux grandes tablettes de soie tendue 
sur un cadie rigide, et d'autre part, un gouvernail. 
En outre, deux rames placées entre la proue et le 
gouvernail étaient destinées à battre l'air comme 
les ailes d'un oiseau (fig. i">). Tous ces organes se 
manœuvraient à l'aide de cordes, par les aéronautes 
dans la nacelle. C'est avec ces moyens d'action que 
Guyton de Morveau, de Virly et l'abbé Bertrand essayè- 
rent de se diriger dans les airs ; les expériences furent 
continuées longtemps, avec une grande persévé- 
rance, mais sans aucun succès. L'Académie de Di- 
jon, on doit le reconnaître, ne recula, pour les 
mener à bonne fin, devant aucune dépense 1 . 

erreur. ïïu£, r ues-Alexan<lre-Jo'-p|p|i Meusnier, né dans lf Roussillon 
le 23 septembre 1758. mourut à Poitiers après une magnifique car- 
rière militaire, en 1851. 

1. Description de l'aérostat « l'Académie de Dijnn ». A Dijon. 
I vol. in-8" avec planclies, 1781. 




Fig. -13. — L'aérostat dirigeable l'Académie de Dijon, 
expérimenté par Guyton de Slorveau en l"si, 



LE PROBLEME DE LA. DIRECTION DES BALLONS 159 

Pendant que ces essais s'exécutaient à Dijon, on 
ne parlait à Paris que de la montgolfière dirigeable 
de deux physiciens, l'abbé Miolan et Janinet. Le 
système consistait en un grand écran en forme de 




Fig. 41. — La Montgolfière dirigeable de Miolan et Janinet. 

queue de poisson, que les aéronautes devaient 
actionner dans la nacelle, à la façon d'une 
godille (fig. 44). 

Les infortunés physiciens essayèrent de gonfler 



100 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

leur montgolfière le 11 juillet 1784 1 , ils n'y réus- 
sirentpoint;lafoule envahit l'enceinte de manœuvre, 
brisa tout autour d'elle, pendant que le feu dévo- 
rait le globe aérien. Miolan et Janinet fuient l'objet 
d'une raillerie sans pitié; on les ridiculisa ilans les 
estampes, et je possède dans nia collection aérosta- 
tique quelques curieuses caricatures à ce sujet, 
notamment une gravure qui représente l'abbé Mio- 
lan sous la forme d'un chat, Janinet. sous celle 
d'un âne, triomphalement traînés par des baudets 
et conduits à « l'Académie de Montmartre ». 

De toutes parts on songeait à diriger les ballons, 
et tandis que Miolau et Janinet échouaienl d'une 
façon si pitoyable, les frères Robert allaient expé- 
rimenter le premier aérostat, allongé. 

L'idée de ce mode de navigation appartient, 
comme nous l'avons dit précédemment, au général 
Meusnier, membre de l'Académie dos sciences. Le 
général Meusnier, dans un remarquable mémoire, a 
jeté les bases de la navigation aérienne par les 
aérostats à hélice, et il a eu la première idée du 
ballonnet compensateur qui permet de monteretdc 
descendre sans perdre de gaz et sans jeter de lest. 

Voici le sommaire de ce que contient le travail 
de Meusnier. 

Le savant officier du génie avait imaginé' un 
aérostat à double enveloppe. L'hydrogène est con- 



{. Dans la plupart des traités d'aérostation, la date de cette ten- 
tative est lixée.en juillet 1785, mais les nombreuses gravures el 
caricatures que j'ai dans ma collection portent toules la date du 
11 juillet 1781; c'est cette dernière date que je crois exacte. 



LE PROBLÈME DE LA DIRECTION DES BALLONS 101 

tenu dans le ballon intérieur formé de soie ren- 
due imperméable par un vernis au caoutchouc. 
Cette enveloppe doit être aussi légère qu'il est 
possible, plus grande que le volume du gaz qu'elle 
contient, en sorte qu'elle ne soit jamais complète- 
ment tendue à la partie inférieure. On la nomme 
enveloppe imperméable. La seconde enveloppe, dite 
de force, peut être de toile et d'autant plus épaisse 
que l'aérostat est plus grand; on la fortifie encore 
à l'extérieur par un réseau de cordes. Elle doit être 
imperméable à l'air atmosphérique comprimé. On 
laisse entre les deux enveloppes un assez grand 
espace dont nous allons voir l'usage. 

Un tuyau de môme tissu que l'enveloppe de force 
fait communiquer cette enveloppe avec une pompe 
foulante établie dans la nacelle. On peut, au moyen 
de cette pompe, comprimer l'air entre les deux enve- 
loppes et augmenter ainsi la pesanteur spécifique du 
système. Comme l'enveloppe est disposée pour n'être 
presque pas extensible et comme les cordes dont elle 
est enveloppée extérieurement ne lui permettent 
pas de se déformer, on peut regarder le volume de 
l'aérostat comme à peu près invariable, tandis que 
son poids augmente ou diminue en raison de la 
densité moyenne des deux gaz qu'il contient. Ces 
gaz, séparés l'un de l'autre par l'enveloppe imper- 
méable, sont constamment en équilibre de part et 
d'autre de cette enveloppe, qui, n'étant jamais 
tendue et ne supportant aucun effort, peut être du 
tissu le plus mince et le plus léger. Aussi, lorsque les 
aéronautes sont à une grande hauteur, il leur suffit, 

'il 



1C9 LA NAVIGATION AERIENNE 

pour descendre, de faire agir la pompe foulanle, 
tout le poids de l'air atmosphérique qu'ils intro- 
duisent entre les deux enveloppes, est ajouté à relui 
de l'aérostat, qui ne peut plus rester en équilibre 
que dans une couche plus dense, et par conséquent 
située à des niveaux inférieurs. 

Quand on veut s'élever, il suffit d'ouvrir une 
soupape, et de laisser échapper l'air atmosphérique 
comprimé entre les deux enveloppes. Pour descen- 
dre à nouveau, on rétablit la compression de l'air 
et ainsi de suite indéfiniment. 

L'aérostat du général Meusnier était de forme 
allongée, comme le montre la gravure ci-contre 
(lig. 45), empruntée à son mémoire. Le moteur con- 
sistait en palettes analogues aux ailes d'un moulin 
m vent et fixées à un axe horizontal que les hommes 
d'équipage devaient faire tourner. Meusnier ral- 
culait que ce propulseur à bras d'homme, ne pro- 
curerait qu'une marche assez lente de l'aérostat, à 
peu près une lieue à l'heure, mais, suivant le savant 
officier, le mouvement de translation ne devait 
servir, en le combinant avec le mouvement ascen- 
sionnel, qu'il chercher dans l'atmosphère un courant 
qui portât les aéronautes vers les lieux où ils vou- 
laient se rendre. 11 n'avait pas le projet de les 
conduire à leur destination par la seule action du 
propulseur. 

L'aérostat du général Meusnier était muni d'un 
gouvernail à l'arrière de la nacelle allongée, et d'une 
ancre pour l'atterrissage. 11 devait être d'un grand 
volume, afin d'avoir une force ascensionnelle con- 



LE PROBLÈME DE LA DIRECTION DES BALLONS 103 

sidérable et un équipage nombreux. Le mémoire du 




Fig. 15. — 1 Projet tl'airoslat dirigeable du gc!nijral| Jleusnier (1781). 



général Meusnier est un des plus curieux documents 
de l'histoire de la navigation aérienne à ses débuts. 



104 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

Un autre membre de l'Académie des sciences, 
homme d'un grand mérite et d'une haute érudition, 
Brisson, qui rédigea le 25 décembre 1785, avec Le 
Roy, Tillet, Cadet, Lavoisicr, Bossut, de Condorcet 
et Besmarest, le célèbre Rapport sur la machine 
aérostatique par MM. Mohtgolfier, insista aussi à 
cette époque sur l'importance de la forme allongée, 
à donner aux ballons pour les diriger. 

Le 24 janvier 1784, Brisson lut à l'Académie des 
sciences un mémoire additionnel dont il était le 
seul auteur, sur la direction des aérostats, et il émit 
d'excellentes idées sur ce problème. 

La forme qui me parait la plus convenable à adop- 
ter, dit Brisson, est celle d'un cylindre qui ait peu de 
diamètre cl beaucoup de longueur; par exemple une 
longueur qui égale cinq ou six fois le diamètre; que ce 
cylindre Soit placé de manière que son axe soit hori- 
zontal, et qu'il soit terminé en cône allongé ù celle de 
srs extrémités qui doit se présenter au vent, afin d'é- 
prouver de sa part une moindre résistance. 

Brisson indique que dans ces conditions, il sera 
ndifférent d'appliquer à la machine telle ou telle 
force motrice, pourvu qu'elle soit capable de 
vaincre celle du vent. « Mais où trouverons-nous 
cette force motrice, capable de vaincre celle du vent? 
J'avoue que je commence à en désespérer », ajoute 
le savant académicien. Brisson parle de la force 
humaine actionnant des rames, assurément insuf- 
fisante, et il ne semble pas supposer que, dans 
l'avenir, apparaîtront de nouveaux moteurs qui 



LE PROBLÈME DE LA DIRECTION DE.S BALLONS 163 

pourront changer la face du problème. Il ajoute 
que le j udicieux emploi des courants aériens super- 
posés dans l'atmosphère pourra être souvent utilisé. 

On sait, dit Brisson 1 , et les expériences qu'on a faites 
avec les aérostats ont prouvé qu'il y a dans l'atmo- 
sphère, à différents hauteurs, des courants qui ont des 
directions différentes. M. Meunier (sic), de l'Académie 
des sciences, a donné le moyen simple de se soutenir à 
telle hauteur qu'on voudra, en comprimant plus ou moins 
le gaz renfermé dans l'aérostat. Ce moyen consiste à 
composer l'aérostat d'une double enveloppe : on remplit 
l'enveloppe intérieure de gaz inflammable, et lorsqu'on 
veut comprimer cette masse de gaz, on fait passer, par 
le moyen d'un soufflet à soupape, de l'air atmosphérique 
entre les deux enveloppes, ce qui rend la machine plus 
pesante et l'oblige à descendre. Si l'on veut remonter, 
on permet à cet air de sortir : le gaz reprend alors son 
premier volume et perd l'excès de densité qu'on lui avait 
fait acquérir en le comprimant. Si donc il y a, comme 
nous venons de le dire, à différentes hauteurs, des cou- 
rants qui ont des directions différentes, on pourrait choi- 
sir celui de ces courants qui aurait la direction la plus 
rapprochée de la route qu'on voudrait suivre. De celle 
manière, on arriverait au terme de son voyage par 
des chemins pris successivement à différentes hauteurs 
de l'atmosphère. Par ce moyen on éviterait toute la 
manœuvre nécessaire à la direction : l'aérostat serait 
beaucoup moins chargé et il n'aurait pas besoin d'être 
d'un aussi grand volume pour produire l'effet qu'on 
en attend. Si tous ces moyens sont insuffisants, il fau- 
drait se résoudre à faire comme les marins, attendre 
que le vent soit favorable. 



1. Observations sur les nouvel/es découvertes aérostatique» cl ««/' 
ta probabilité de pouvoir diriger les ballons. 1. broch. in-S°, 1784. 



ICO LA NAVIGATION AÉRIENNE 

On a souvent discute dans ces derniers temps pour 
savoir à qui appartenait, parmi les contemporains, 
la première idée des aérostats allongés; on voit 
qu'elle remonte à l'origine même de la découverte 
des ballons. Nous allons examiner ici le premier 
point que Brisson a si bien exposé dans son mé- 
moire et parler de la première expérience d'aérostal 
allongé qui ait été exécutée. Nous revendons dans 
la suite sur la direction naturelle des aérostats 
par les courants aériens. 

Les frèresRobert construisirent leur ballon allongé 
dans le palais de Saint-Cloud. sous les auspices de 
M. le duc de Chartres, père du futur roi Louis-Phi- 
lippe; cet aérostat de taffetas, enduit de gomme élas- 
tique et de vernis imperméable, avait 52 pieds de 
long sur 52 de diamètre; gonflé d'hydrogène pur, il 
était muni à sa partie intérieure d'une nacelle, ou 
char, comme on disait à cette époque, de l(i pieds 
de long. Ce char était d'un bois très léger, couvert 
d'un taffetas bleu de ciel, soutenu intcricuremeifl 
par un filet. Cinq parasols ou ailes de taffetas bleu 
en forme de raines, devaient servir de propulseurs* 
Une grande rame rectangulaire placée à l'arrière 
jouait le rôle de gouvernail ou de godille (lig. 46). 

Une première ascension fut exécutée le 15juiH 
let 1784; le départ se fit dans le parc de Saint-Cloinl. 
Le duc de Chartres accompagnait lui-même les 
aéronautes, mais, par suite de circonstances peu 
favorables, il ne fut pas possible d'expérimenter les 
appareils de propulsion. 

Une nouvelle expérience eut lieu à Paris, le 




fc'ig. 46. — Le premier aérostat allongé des frères Robert. 
Expérience du lo juillet 17Si. D'après une ancienne gravure.) 



LB PROBLÈME DE LA DIRECTION DES DALLONS 109 

19 septembre 1784, et les aéronautes affirment 
qu'elle eut le succès le plus complet, puisqu'ils 
seraient arrivés à se dévier de 22 degrés de la ligne 
du vent. Le ballon fut rempli en trois heures par 
M. Vallet; après les signaux donnés, il fut conduit à 
onze heures trente minutes à l'estrade construite 
sur le bassin du jardin des Tuileries, en face le châ- 
teau; les cordes furent tenues par le maréchal de 
Richelieu, le maréchal de Biron, le bailli de Suffren 
et le duc de Chaulnes. La machine s'éleva à onze 
heures cinquante minutes, aux acclamations mul- 
tiples d'une foule considérable. Les voyageurs, au 
nombre de trois, les deux frères Robert et Collin 
Ilullin leur beau-frère, disparurent à midi, au delà 
des brumes de l'horizon. Au moment de la descente, 
qui eut lieu à six heures quarante minutes dans 
l'Artois, les voyageurs s'emparèrent des rames, 
qu'ils firent fonctionner de toute leur force. 



le 



Nous rompîmes, disent les frères Robert, l'inerl 
de la machine, et nous parcourûmes une ellipse dont le 
petit diamètre était d'environ 1000 toises. Outre le spec- 
tre (ombre) de notre machine sur le sol, nous avions 
encore pour objet de comparaison les différentes pièces 
de terre, très distinctes les unes des autres, séparées 
par des lignes droites. 

Les expérimentateurs calculèrent qu'ils purent 
obtenir une déviation de 22 degrés de la ligne du 
vent. La descente eut lieu dans des conditions très 
remarquables ; nous laisserons à ce sujet la parole 
aux aéronautes : 



171) LA NAVIGATION AERIENNE 

A quelque distance d'Arras, nous aperçûmes un bois 
assez considérable : nous n'hésitâmes point do le traver- 
ser, quoiqu'il n'y eût presque pins uY jour à terre, et 
en vingt minutes nous fûmes portés d'Arras dans la 
plaine He Beuvry, distante d'un quart de lieue de Bé- 
thune en Artois. Comme nous n'avions pu juger dans 
l'ombre le corps d'un vieux moulin sur lequel nous 
allions porter, nous nous en éloignâmes avec le secours 
de nos rames, et. nous descendîmes au milieu d'une as- 
semblée nombreuse d'habitants; ils ne lurent point ef- 
frayés de voir noire machine, attendu que M. le prince 
de Ghistelles-Richebourg, protecteur el amateur zélé des 
sciences, venait de faire ce jour même une expérience 
dont ils avaient été témoins. Ce prince nous aborda avec, 
le prince son tils; ils nous demandèrent noire nom, et 
nous offrirenl de nous rendre avec noire machine à leur 
château. Nous fîmes tous nos efforts pour conduire notre 
machine dans le pan- du château, à l'aide de tous les 
habitants du canton, qui se prêtèrent à nous obliger, el 
à conserver nos machines avec, un zèle cl une joie qu'il 
est difficile de peindre... M. le prince de Ghistellcs nous 
lit l'honneur de nous accueillir en son château avec une 
bonté donl nous ressentons d'autant mieux le prix, qu'il 
nous est plus impossible de la rendre 1 (fig. il). 

Telle est l'expérience qui fut entreprise vers la lin 
de l'année 1784, à l'aide du premier aérostat allongé 
muni de propulseurs à raines. 

Si l'idée de ce mode de navigation aérienne date 
de l'origine de la découverte îles ballons, on a vu 
que celle d'utiliser les courants aériens n'est pas 
moins ancienne. 

Pendant que les curieuses expériences des frères 

t. Mémoire sur les expériences aérostuli(|ues i'uiles par JIM. Ro- 
bert frères, in-4°. Paris, 17S4. 



LE PROBLÈME DE LA DIRECTION DES BALLONS 171 

Hubert s'accomplissaient, deux expérimentateurs 
persévérants, Alban et Vallet, directeurs d'une 
grande usine de produits chimiques, préparaient, 
dans rétablissement qu'ils dirigeaient à Javcl, la 
confection d'un ballon dont la nacelle était munie 
d'un propulseur formé de quatre grandes ailes, 




h'ïg. M . — Le premier aérostat allongé des frères Robert, devant le châ- 
teau du prince de Ghislelles : expérience du 19 septembre 1784. 
D'après une ancienne gravure.) 



rappelant la roue à aube d'un navire (lig. 48). Ce 
ballon, construit sous les auspices du comte d'Ar- 
tois, avait reçu le nom de celui-ci. D'après les in- 
venteurs, il paraît qu'il se dirigea par un temps 
calme. Voici quelques passages de la description 
qu'Alban et Vallet ont donnée de leur expérience : 



172 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

Ce n'a été que vers la fin d'avril 1785 que nous 
avons eu pendant quelques jours un temps presque 
calme jusqu'au lever du soleil; nous en avons profité. 
Nous avions adapté un moulinet à la proue de la gon- 
dole, et à la poupe une aile, posée verticalement pour 
servir de gouvernail ; le premier objet était de savoir si 
nous parviendrions avec ces machines à déplacer le 
ballon, et à lui imprimer un mouvement qui pût vaincre 
la résistance que sa surface devait éprouver. 

Les ailleurs racontent que dans d'autres expé- 
riences, il ont eu recours à des raines, et qu'ils 
essayèrent notamment ce nouveau système le 5 mai, 
jour de l'Ascension. 

Nous reconnûmes, disent Alban et Vallet, que posées 
perpendiculairement, l'une à droite, l'autre à gauche, 
et mues alternativement, elles nous chassaient eu avant 
plus promptement encore que le moulinet et qu'elles 
nous donnaient la facilité de retourner l'aérostat SUT 
tous les sens à volonté.... Par les moments de calme, 
nous nous sommes promenés dans l'enceinte de notre 
manufacture, et nous en avons fait plusieurs fois le tour 
à volonté. 

Plusieurs voyages aériens furent encore exécutés 
par Alban et Vallet, quelquefois accompagnés du 
comte d'Artois lui-même, le futur roi Charles X; et 
d'après les expérimentateurs quelques tentatives de 
direction furent couronnées de succès. 

Le récit de ces résultats si heureux nous parait 
assurément exagéré. Il est possible que par un 
temps absolument calme, les aéronaules aient ob- 
tenu une direction de leur aérostat, mais on ne 



LE PROBLÈME DE LA DIRECTION DES BALLONS 173 

saurait admettre qu'il y avait là le principe de la 




Fis. *8. —Le Comte d'Artois, aérostat de Javel (17S5). 

navigation aérienne. Si l'on se reporte à cette 
époque des débuts de l'aéronautique, on se rendra 



174 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

compte de l'insuffisance absolue des moyens d'ac- 
tion dont on pouvait disposer. La machine à vapeur 
n'existait pas dans le domaine de la pratique, et 
aucun moteur mécanique ne fonctionnait encore; 
l'hélice, qui est le plus favorable des propulseurs, 
n'était pas encore appliquée, et la force de l'homme 
était la seule à laquelle il fût possible de recourir. 
Le grand problème de la direction des aérostats 
occupait cependant tous les esprits, car on consi- 
dérait alors la solution comme prochaine. Joseph 
Montgolfier étudiait un aérostat à propulseur, il 
voulait lui donner une forme lenticulaire, afin de 
faciliter son passage au milieu de l'air 1 , mais il ne 
mit jamais ce projet à exécution. L'intrépide Pilâtre 
de Rosier s'occupait de construire son aéro-mont- 
golfière, au moyen de laquelle il voulait tenter ce 
passage de la Manche de France en Angleterre, que 
Blanchard avait réussi à exécuter en sens inverse, 
en compagnie du D r Jèffries (janvier 1785). Pilâtre 
voulait monter et desrendre dans l'atmosphère, 
sans perdre de gaz et sans jeter de lest, afin d'aller 
à la recherche de courants aériens favorables. Il 
avait imaginé de placer une montgolfière cylin- 
drique, sous un aérostat de gaz, afin d'augmenter 
ou de diminuer à volonté la force ascensionnelle en 
chauffant ou en laissant refroidir le système. L'idée 
théorique était bonne, mais son exécution était 
difficile et dangereuse : placer le feu sous un ballon 
à gaz combustible, c'est, comme on l'a dit, mettre la 

1. D'après les papiers manuscrits et inédits de la famille de 
Montgollier. Coininiuiicpié par M. Laurent de Montgolfier. 



LE PROBLÈME DE LA DIRECTION DES BALLONS 175 

mèche enflammée sous un baril de poudre. Pilàtre 
de Rosier, accompagné d'un jeune physicien nommé 
Romain, exécuta son expérience dans des conditions 
déplorables, avec un appareil en mauvais état. 
Il avait reçu des fonds du ministre, M. de Calonne, 
pour réaliser son essai, il croyait son honneur en- 
gagé; il partit avec Romain, qui n'avait pas voulu 
l'abandonner. L'aéro-montgolfière, sans qu'on ait 
jamais connu la vraie cause de la catastrophe, fut 
précipitée du haut des airs ; elle tomba sur le rivage, 
où les infortunés aéronautes trouvèrent la mort, 
premiers martyrs de la navigation aérienne. 

De toutes parts on élaborait des projets d'aéro- 
stats dirigeables ; c'est par centaines que l'on pour- 
rait les mentionner. Je me bornerai à en citer un qui 
attira l'attention à cette époque, et que l'on doit 
à un architecte nommé Masse. 

Masse, comme un grand nombre d'autres obser- 
vateurs, était persuadé qu'un propulseur efficace 
pour un aérostat, devait être copié sur le modèle 
de ceux que l'on voit fonctionner dans la nature, 
et qui sont mis en mouvement par les animaux. 
Ce ne furent pas les nageoires du poisson qui lui 
servirent de modèle, mais les doigts palmés du 
cygne. Voici comment l'auteur explique son sys- 
tème, non sans commettre une grave erreur, en 
comparant un oiseau aquatique qui flotte à la sur- 
face de l'eau à un ballon qui est immergé dans 
la masse de l'air. 

Un cygne se trouvant porté par l'eau tel qu'un hallon 



176 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

1 est par l'air, ot qui remonte le couranl d'eau par le 
moyen de ses petites pâlies qu'il reploie ri développa 
quand il veul avancer; M. Masse a cherché à imiter ces 

sortes de pâlies, et y a parfaitement réussi dans un mo- 
dèle de sa machine qu'il a fait faire au quarl de l'exé- 



Fig. iO. — Trajet d'aérostat dirigeable de Masse (1783). 

cution et qui ne pèse que cinquante livres : les pattes 
du modèle sont assez grandes pour en sentir tous les 
effets et la réussite 1 . 

1. de Extrait la légende gra\ée ait Las de la gravure que nous 




I.E PROBLÈME DE LA DIRECTION DES DALLONS 177 

Le ballon avait à peu près la forme allongée de 
celui des frères Robert, il devait avoir 20 mètres de 
long, 10 mètres de diamètre. Outre les propulseurs 
que l'on devait actionner au moyen d'une roue, il y 
avait, à chaque extrémité de la nacelle, deux gouver- 
nails « aussi en forme de pattes ». 

L'aérostat à pattes de cygne ne 
fut jamais construit. 

Les tentatives de Blanchard, des 
frères Robert, d'Alban et de Val- 
let, que l'on pouvait croire alors 
couronnées de succès, déterminè- 
rent les aéronautes , même quand 
ils employaient des ballons sphé- 
riques, à se pourvoir de rames Fi? . œ ._ C oupeion R itu- 
de propulsion qu'ils actionnaient Ji.iaio de la nacelle. 
eux-mêmes. A cette époque, où 
l'on n'avait pas encore étudié d'une façon précise 
les courants superposés dans l'atmosphère, on pou- 
vait s'imaginer, dans certaines circonstances spé- 
ciales, que l'action des rames tendait en effet à 
modifier le sens de translation de l'aérostat, tandis 
que celui-ci était en réalité entraîné par des cou- 
rants aériens superposés ou par un vent dont la 
vitesse augmentait subitement. 

C'est probablement ce qui arriva au docteur 
Potain, qui s'éleva en ballon, de Dublin en Irlande 

reproduisons (fig. 49 et 50). Cette gravure, <iui n'a pas moins de 
0™,4S de hauteur, 'porte la mention suivante : « Se vend a lans, 
chez l'auteur, rue de la Monnoie, la porte cochere en lace de la 
rue Doucher, au tond de la cour. » 

12 



178 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

le 17 juin 1785, dans l'intention de traverser le 
canal Saint-Georges pour descendre en Angleterre. Le 
docteur Potain tenta de traverser ce bras de mer, 
mais il ne réussit pas dans son expérience, contrai- 
rement à ce que l'on a souvent dit, d'après les 
affirmations de Dupuis-Delcourt 1 . Voici, en effet, un 
extrait du récit de l'époque, publié par le docteur 
Potain lui-même' : 

—«"«si- 




Fig. 51. — Ballon à rames de Teslu-Brissy. 

Le ballon prit d'abord la direction du nord-est; niais, 
remontant ensuite un courant d'air supérieur, il chan- 
gea aussitôt et fit marche presque en sens contraire, ce 
qui le fit paraître pendant quelque temps s'avançant à 
pleines voiles vers la nier; mais, s'élevant à une hau- 



1. Nouveau manuel complet d'aérostation, par Dupuis-Delcourt. 
un vol. in-52, avec planches. Paris, librairie llorcl, 1850. 

2. Voy. Relation aérostatique dédiée à la nation irlandaise, par 
e docteur Potain, in-4, Paris, 1824. 



LE PROBLÈME DE I..V DIRECTION DES li\LLONS 17!) 

tour plus considérable, il changea de nouveau de direc- 
tion et prit celle du nord. Il demeura dans cette posi- 
tion pendant plus de trois quarts d'heure, paraissant 
l'aire route au-dessus des contrées de Wikols et de Wor- 
ford, jusqu'à ce qu'enfin il ne fut plus possible à l'œil 
de le suivre. Le docteur Polain dut être extrêmement 
mortifié de se voir frustré de l'espérance qu'il avait 
eue que son ballon se dirigerait vers la mer, ayant tou- 
jours témoigné la plus grande envie qu'il prit cette 
direction pour avoir la gloire de passer le canal et de 
descendre en Angleterre. 

Si le docteur Polain ne traversa pas la mer, il se 
dirigea vers la mer, et suivit ensuite à différentes 
altitudes des routes opposées. Il n'en fallait pas 
plus pour faire dire que les ailes dont la nacelle 
était munie, avaient été efficaces. Mais il n'en l'ut 
rien. Yoici ce que l'expérimentateur eu a dit : 

Mes ailes avaient du rapport avec celles de Blanchard, 
sans être aussi compliquées, et d'une manœuvre plus 
facile; mon moulinet, en le faisant agir, prenait l'air en 
biais, et je tournais sur mon axe. Ces évolutions, faites 
à l'aide du ballon, ont réussi : le gouvernail ne servait 
que d'enjolivement, la direction n'étant point trouvée, 
cependant je l'avais annoncée, et je l'ai tentée sans 
succès. 

On voit d'après ce passage, d'ailleurs un peu con- 
fus, que les appréciations élogieuses qui ont été 
laites des expériences du docteur Potain, ne sont 
pas jusfiées, et que son ascension ne doit attirer 
l'attention que parce qu'il rencontra des courants 
aériens de diiferentes directions. 



1>0 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

A côté du nom de Potain, nous devons placer 
celui du comte Zambeccari, qui exécuta plusieurs 
tentatives de direction aérienne au moyen de raines, 
et à l'aide d'un système ascensionnel analogue à 
celui que Pilâtre de Rozier proposa, et qui consistait 
à joindre une montgolfière à un ballon à gaz. Zam- 
beccari exécuta de remarquables voyages aériens, 
mais il ne réussit en aucune façon dans ses essais 
de direction. 

Un nouveau venu allait bientôt se présenter encore 
sur la scène de l'aéronautique; nous voulons parler 
de Tcstu-Brissy, qui exécuta, à partir de l'année 1786, 
un grand nombre de voyages aériens. Sa nacelle était 
munie de rames d'une forme particulière (fig. 51), à 
l'instar de celle de Blancbard, dont il fut momen- 
tanément un des émules. Il ne tarda pas à inaugurer 
les ascensions équestres, et il s'éleva plusieurs fois 
dans un ballon allongé, au-dessous duquel la nacelle, 
en forme de plateau rectangulaire, soutenait Testu- 
LSrissy, monté sur un cheval. Ces exercices d'aéio- 
station publique devaient être plus lard renouvelés 
par l'aéronaute Poitevin. Ils n'offrent point d'inté- 
rêt pour notre étude de navigation aérienne. 



Il 



LES BALLONS A VOILES 



Conditions de translation d'un aérostat dans l'air. — Il n'y a pas 
de vent on ballon. — Erreur des auteurs de projets de ballons 
à voiles. — Tissandier de la Motbe. — Martyn. — Guyot. — Le 
véritable navigateur aérien. — - La Minerve de Roberlson. — 
Tcrzuolo et le vent factice. 



Quand un ballon, dépourvu de tout propulseur, 
est en équilibre dans l'air et se déplace horizontale- 
ment par rapport à la surface du sol, il se trouve, 
relativement à l'air ambiant au sein duquel il est 
plongé, dans la plus complète immobilité. Il n'a 
aucun mouvement qui lui soit propre; ce n'est pas 
lui qui marche; c'est la masse d'air au milieu 
de laquelle il est immergé et comme enclavé. 
Tout est immobile autour de l'aéronaute quand il 
se trouve aune même altitude; son drapeau n'est 
pas agité, il ne sent pas l'action du vent, quand bien 
même le courant aérien dans lequel il est baigné, 
l'entraînerait avec une grande vitesse. Comme l'a 
dit un praticien expert, des bulles de savon qu'il 
poserait devant lui sur une planchette, y resteraient 
dans un état de repos complet, et la flamme d'une 



182 LA NAVIGATION HÈRIESNE 

bougie n'y vacillerait pas. Le ballon est exactemenl 
dans les mêmes conditions, par rapport au courant 
aérien où il est plongé, qu'une boule de bois qui 
serait lestée dans le courant d'un fleuve; cette boule 
axa me, niais ce n'est pas elle qui marche, c'est l'eau 
dans laquelle elle est plongée. 

On voit donc combien il est illusoire d'admettre 
qui 1 des voiles pourraient avoir la moindre influence 
sur la propulsion d'un aérostat; elles ne seraient 
jamais gonflées, par cette raison qu'il n'y pas de 
vent en ballon. Malgré l'évidence des faits, on ne 
saurait croire combien ont été nombreux les inven- 
teurs qui ont proposé démunir les ballons dévoiles, 
à l'instar des navires, auxquels cependant ils ressem- 
blent si peu dans leur mode de translation. Nous 
avons résolu de l'aire connaître dans ce chapitre 
quelques-unes des propositions qui ont été faites à 
ce sujet, depuis l'origine même de la navigation 
aérienne; nous y joindrons l'histoire de quelques 
autres utopies plus ou moins irréalisables, qui nous 
donneront l'occasion d'indiquer à nos lecteurs les 
écueils de l'imagination, quand elle n'est pas guidée 
par le raisonnement et la pratique. 

Les archives de l'Académie des sciences sont 
encombrées de projets de ballons à voiles, et les 
écrits du temps des Monlgolfier, sont remplis de 
systèmes analogues. 

Nous reproduisons ici, à titre de curiosité, l'un des 
premiers mémoires qui aient été présentés à l'Aca- 
démie des sciences à ce sujet. Par une singulière 
coïncidence, l'auteur, qui élait, comme on va le 



LE PROBLÈME, DE LA DIRECTION DES BALLONS 183 

voir, ancien secrétaire des vaisseaux du roi, portait 
le nom de l'auteur de ce livre. 



Paris, ce 23 janvier 1784. 
Messieurs, 

Les imaginations échauffées par la sublime découverte 
de M. de Montgolfier s'occupent à chercher le moyen de 
la diriger : tout le monde semble comme défié de le 
trouver. 

Voulez-vous bien, Messieurs, que. j'aie l'honneur de 
vous présenter mes idées sur cette découverte, et sur la 
direction à volonté de ce globe aérostatique; ce projet 
conçu depuis quelques jours, mûrement examiné d'après 
les manœuvres dont j'ai acquis la connaissance sur les 
vaisseaux, m 'ayant paru possible, je le soumets à votre 
décision ayant la plus grande confiance, fondée sur la 
vénération que vos sciences vous ont acquise de l'Eu- 
rope dont vous êtes le flambeau. 

J'ai l'honneur d'être avec un profond respect, 
Messieurs, 
Votre très humble et très obéissant serviteur, 

TlSSAXDIER DE LA MoTHE, 

ancien secrétaire des vaisseaux du Roy. 

A Messieurs, 

Messieurs les Académiciens préposés à l'Examen des 
Projets sur le globe aérostatique. 

Le globe aérostatique voguant clans les airs au gré des 
vents comme un vaisseau vogue sur l'eau, et étant à 
son élément ce que le vaisseau est au sien, doit être 
dirigé par les mêmes principes et ce ne peut être que 
par le moyeu de voiles qu'il faudrait ainsi que sur les 
vaisseaux pouvoir diriger à volonté afin de tenir une 
route certaine. 

Six voiles en forme d'étoile de la grandeur du globe 
et dont le mouvement à volonté en parcourrait la cir- 



]>i I.A NAVIGATION AÉRIEKRE 

conférence, horizontalement, suffiraient <]«\jà je pense 
pour le pousser à tous ;iirs du vent. 

Ce mouvement se ferai) autour du globe par le moyen 
d'une baguette de cuivre attachée à un mal ou pivoj 
placé mu centre de la partie supérieure et descendrai) 
eu demi -cercle jusqu'au char ou gallerie peur être à 
portée des navigateurs qui en dirigeraient le mauve? 
meut à la [main; celle baguette sérail ajustée au mât, 
de manière à tournera tous vents, enfin comme une gi- 
rouette aurait la môme facilité de tourner, mais sérail 
retenue en bas dans une parfaite immobilité e) ne de- 
viendrai) mobile que par la main des navigateurs. 

Ce soleil ou étoile serait adapté au milieu de cette 1 » .1 - 
guette et en suivrai) la direction. 

Comme le principe fondamental du globe Montgolfier 
est la légèreté même, les voiles seraient construites de 
la manière la plus légère, encore plus s'il est possible 

qu'un parapluie, et | liaient êlre lendues sur des fils 

de cuivre ou de fer, qui traceraient la! forme de l'étoile j 
d'ailleurs celle combinaison se ferait suivant la grandeur 
et la force du globe; plus il sérail grand, [dus les voiles 
seraient légères à proportion. 

Ce soleil pousserait les voiles également de haut en 
lias, milieu et cotes, et la baguette sur laquelle il serai) 
appuyé, se tiendrai! un lanl soit, peu éloignée du globe, 
ou si cela n'était pas possible, en mettant une toile forte 
sous celle baguette, on pourrait la poser de manière à 
loucher le contour du globe et la toile éviterait un plus 
grand frottement de la part du grand conducteur et en 
dirigeant le mouvement on l'en écarterait. 

lu triangle allongé en forme de queue de poisson 
placé au centre du soleil, ferait les mêmes fonctions 
qu'un gouvernail à bord d'un vaisseau et serait dirigé 
par le même procédé que le grand conducteur le serait 
au haut du globe. 

Ces six voiles pourraient aussi être faites de façon à 
se replier l'une sur l'autre dans une tempête, celles du 



I,E PROBLÈME DE LA DIRECTION DES DALLONS 185 

milieu de chaque côté pourraient être immobiles, et 
ce serait sur elles devant ou derrière que les autres se 
replieraient. 

La pesanteur que ce soleil occasionnerait plus d'un 
côté que de l'autre suivant l'endroit où le globe se trou- 
verait, serait contre-balancée par des poids qu'on mettrait 
dans la galleiïe du côté opposé ou par le passage des 
navigateurs sous le vent, il faudrait cependant que le 
côté où le soleil serait placé fût plus lourd que l'autre, 
c'est du moins ainsi qu'on en use dans l'arrimage d'un 
vaisseau, où l'on met plus de poids sur le derrière que 
sur le devant. 

Le soleil placé, le mouvement du conducteur libre, il 
sera très facile de diriger le globe Montgolfier et de tenir 
une route certaine à tous vents, vent arrière, vent lar- 
gue, virer vent arrière même, vent devant et en général 
se servir du globe comme d'un vaisseau. 

Ce serait donc à l'Académie si après avoir examiné ce 
projet, elle y voit comme moi de la possibilité, à en 
confier l'exécution à quelques habiles mécaniciens, qui 
par leur adresse le simplifieraient, avouant que ayant la 
théorie et n'étant point mécanicien, je n'en pourrai point 
donner d'idées précises suivant les règles de cet art et 
que c'est en qualité de marin que je vous présente ce 
projet, proposant, que si l'exécution s'en ferait, de le di- 
riger suivant les principes reçus sur mer. 

Nous devons ajouter que l'Académie des sciences 
jugea à leur juste valeur les projets analogues de 
ballons à voiles, et les condamna sans hésiter, 
comme on va le voir par l'extrait suivant, que nous 
empruntons aux registres de l'Académie des sciences 
(séance du 17 mars 1784) : 

Les Commissaires nommés par l'Académie pour exa- 
miner un mémoire envoyé par M. Tissandier de la Mothe, 



186 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

ancien secrétaire des vaisseaux du roi, en ont rendu le 
compte suivant. 

Le moyen que M. Tissandier propose pour la direc- 
tion des machines aérostatiques consiste en six voiles 
disposées en manière de rose ou de loile dont la con- 
struction et la manœuvre sont décrits d'une manière 
peu intelligibles. Quoi qu'il eu soit, comme M. Tissandier 
pense que l'action du vent modifiée par ces voiles doit 
porter la machine suivant toutes sortes de directions à 
volonté, les raisons exposées dans le précédent rapport 
contre l'action des voiles en général suffisent pour 
démontrer que celte idée est fausse et que ce mémoire 
ne mérite aucune approbation. 

Au Louvre, le 17 mars 1784. 

Avant le projet de Tissandier de la Mot lie, un 
Anglais nommé Marlyn avait imaginé le système 
que nous reproduisons d'après une très jolie gra- 
vure peinte de l'époque (fig. 52). Cette gravure porte, 
une double légende, en anglais et en français; l'au- 
teur y donne la description de son vaisseau aérien, 
qui comprend : 

Un parachute pour descendre aisément dans le 
cas où le ballon viendrait à crever; une voile prin- 
cipale, une avant-voile, une voile de gouvernail pour 
diriger la machine. 

Une copie de ce dessin, lit-on au bas de la gra- 
vure, a été présentée à S. A. R. le prince de Galles 
en novembre 1785, et une autre à l'Académie des 
sciences de Lyon en février 1781, par Thomas Mar- 
tyn, King street, Covent Garden, à Londres. 

Les journaux de 1784 à 1786 sont remplis de 
projets analogues, et les libraires publiaient aussi 



LE PROBLÈME DE l\ DIRECTION DES BALLONS 187 

un grand nombre de brochures sur l'art de diriger 
les ballons. Les ballons à voiles occupent une large 
place dans ces élucubrations d'inventeurs, qui 




Fig. 52. — Ballon à voiles et à parachute fie Martyn (1783). 
(D'après une gravure de l'époque.) 



n'avaient en aucune façon la pratique de l'art qu'ils 
voulaient perfectionner. 

Un constructeur de petits ballons de baudruche 



188 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

(ils avaient alors un très grand succès de la pari 
des amateurs de physique), fit paraître une bro- 
chure qui eut un certain retentissement, sur la 
manière de diriger les ballons 1 . Guyot (c'est le nom 
de l'auteur) propose de donner à l'aérostat la 
forme ovoïdale que représente une des planches de 



-*-< 




Ballon OTOldal à voile Je Guyot (1781). 



son opucule (fig. 55). Retombant dans l'erreur de 
ceux de ses contemporains qui se figuraient que le 
ballon peut être assimilé à un bateau, il munit la 
nacelle d'une voile et il s'exprime dans les termes 
suivants, dont le lecteur saura rectifier les erreurs : 



1. Essai sur la construction des ballons aérostatiques et sur la 
manière de les diriger, par M. Guyot, 1 vol. in-4" avec planches, 
Carjs, 1784. 



LE PROBLÈME DE LA DIRECTION LIES BALLONS 



189 



H est aisé de voir que suivant, cette forme, l'aérostat 
présentera toujours au veut le côté de l'ovale qui se ter- 
mine en pointe.... A l'extrémité delà galerie, et en de- 




Fig. 54. — Le véritable navigateur aérien. (Reproduction 
d'une gravure peinte de 178t.) 

hors du côté où l'ovale a le plus de. largeur, on établira 
une voile soutenue par une perche ou mât; on attachera 
à l'extrémité de celte voile quatre cordages pour la faire 
mouvoir de côté ou d'autre à volonté. 



1!I0 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

L'auteur ne doute pas du succès de son appareil, 
et on est étonné de tant de naïveté de la part d'un 
physicien. 

One dire du projet suivant (fig. 54), pompeuse- 
ment présenté à la même époque, comme la solu- 
tion complète du problème de la navigation aérienne. 
L'auteur anonyme de ce système extravagant, en 
donne la description dans une gravure peinte que 
nous reproduisons, et qui est publiée sous le titre: 
Le véritable navigateur aérien. 

11 y a cinq ballons, « composés de trois envel- 
loppes », dit la légende explicative; l'intérieure est 
de taffetas, l'autre de toile et. la dernière de peau. 
Ces ballons enlèvent une sorte de navire qui a sept 
pieds de bailleur sur sept pieds de longueur; celle 
nacelle est recouverte de toile et « garnie de 
vitrages ». 

Deux ailes, de GO pieds de longueur, ont une nervure 
qui les ployé pour favoriser l'ascension et qui leur 
donne à volonté une forme concave pur le moyen d'une 
corde qui, étant arrêtée au centre du mal, sert ;'i re- 
dresser les ailes au moment de la cadence. 

L'auteur ajoute au bas de sa gravure l'observa- 
tion suivante, qui donne les propriétés et les avan- 
tages de son appareil volant : 

Ce globe, au moyen d'une mécanique très simple que 
l'auteur a inventée, et qu'un seul homme fait mouvoir 
très aisément, peut être dirigé dans tous les sens et même 
contre le vent. On peut le retenir â la hauteur qu'on 
désire et le faire monter et descendre à volonté sans 
perdre aucun gaz. Ce globe d'une Construction nouvelle 



LE PROBLÈME DE LA DIRECTION DES DALLONS 101 

réunit encore plusieurs autres avantages qu'on recon- 
naîtra facilement à l'inspection et qu'il serait trop long 
de détailler ici. Il se propose d'exécuter son projet si 
l'on veut le faciliter. . 



N'est-ce pas sans doute pour se moquer de ces 
inventeurs déballons à voiles que le célèbre physi- 
cien Robertsôn publia plus tard, en 1805, une 
brochure qui eut un grand succès 1 , et dans laquelle 
il décrivit sous le nom de la Minerve, un immense 
ballon à voile de 50 mètres de diamètre, capable 
d'élever 72 000 kilogrammes et destiné à faire 
voyager dans tous les pays du monde « 60 personnes 
instruites choisies par les académies », pour faire 
des observations scientifiques et des découvertes 
géographiques. 

Nous donnons à la page suivante le dessin de ce 
ballon gigantesque (fig. 55). 11 suffit de le considérer 
pour voir que Robertsôn a voulu se jouer de son 
lecteur, ou plaisanter, comme nous venons de le 
dire, les inventeurs d'aérostats dirigeables. Nous 
donnons d'après lui la description suivante de 
l'appareil : 

En haut de la machine est un coq, symbole de 
la vigilance : « un observateur intérieurement 
placé à l'œil de ce coq, surveille tout ce qui peut 
arriver dans l'hémisphère supérieur du ballon; il 
annonce aussi l'heure à tout l'équipage. » 

1. La Minerve, vaisseau aérien, desliné aux découvertes et pro- 
posé à toutes les Académies de l'Europe pur le physicien Roberlsoni 
2" édition revue et corrigée. 1 broeh. iu-8°, avec 1 planche hors 
texte. Vienne, 1804. Réimprimé a Paris, chez Hoquet, en 1820. 



192 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

Ce ballon enlève un navire qui réunit, dit l'inven- 
teur, toutes les choses nécessaires. Il y a un grand 
magasin aux provisions, une cuisine, un labora* 




Fig. 53. — La Minerve, grand navire aérien de Robcrlson (1X0"). 



toire, une salle de conférences, un salon pour l;i 
musique, un atelier pour la menuiserie, enfin au- 
dessous du navire est « un logement pour quelques 
dames curieuses ». Ce pavillon, ajoute Robertson ( 



LE PROBLÈME DE LA DIRECTION DES BALLONS l'J3 

est éloigné du grand corps de logis, « dans la crainte 

de donner des distractions aux savants voyageurs». 

N'avais-je pas raison de prévenir le lecteur que 




Vif. b">. — Voile île direction d'un ballon gonflée par un ventilateur. 
Projet Terzuolo. 



le projet de Robertson, qu'un certain nombre d'im- 
toriens ont eu le tort de prendre au sérieux, ne 
pouvait èlre accepté que comme une amusante plai- 
santerie? 

Il n'en est pas de même du projet ci-dessus 
fi". 50), qui a élé proposé à une époque beaucoup 

15 



194 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

plus récente en 1855, par M. E.P. Terzuolo.Ilmontre 
jusqu'à quel point peuvent s'égarer les esprits qui 
ne sont point suffisamment initiés aux principes de 
la mécanique et de l'aéronautique. L'auteur île ce 
projet étonnant, n'ignore pas qu'il n'existe point de 
vent en ballon : il propose d'en produire artificiel- 
lement au moyen de ventilateurs placés dans la 
nacelle. M. Terzuolo insuffle de l'air dans des tubes 
évasés qui gonflent la toile, et doivent d'après lui 
« déterminer la marche en avant' ». 

Le baron de Crac, dont les aventures sont célè- 
bres, s'est un jour retiré d'une rivière, où il se 
noyait, par un procédé analogue; il sortit son bras 
de l'eau, et se souleva lui-même par les cheveux ! 

Navigation aérienne que de naïvetés on a com- 
mises en ton nom ! 



1. Direction des ballons. Moyens nouveaux ;ï expérimenter. 
1 broeb. i»-4". Paris, Firmin-Didol frères, lsr>r>. 



III 



LES BALLONS PLAKEURS 

Utilisation du courant d'air vertical produit par la montée ou la 
descente d'un ballon dans l'air. — Projet du baron Scott en 1788 
et de Hénin en 1801. — Pétin. — Prosper Meller. — Projets 
de Dupuis-Delcourt. — Le ballon de cuivre. — Système méca- 
nique du docteur Van llecl;o pour monter e[ descendre sans 
jeter de lest et sans perdre de gaz. — Société générale de navi- 
gation aérienne. — Projets divers. 

Nous avons montré qu'il n'y avait pas de vent en 
ballon; cela est vrai quand l'aéronaute plane à une 
même hauteur au-dessus du niveau de la mer; 
mais quand le voyageur aérien monte ou descend 
dans l'atmosphère, par suite d'une augmentation 
ou d'une diminution de la force ascensionnelle dont 
il dispose, en jetant du lest ou en perdant du gaz, il 
ressent très nettement l'action d'un courant d'air 
vertical de haut en bas ou de bas en haut. 

Ne serait-il pas possible de profiter de cette action 
du vent vertical, obtenu pendant l'ascension ou 
la descente, pour diriger l'aérostat dans un sens 
ou dans un autre? C'est à quoi ont pensé un assez 
grand nombre d'inventeurs qui ont cru devoir ré- 
pondre par l'affirmative. Prenez à la main un écran, 



196 I.\ NAVIGATION AÉRIENNE 

soulevez-le vivement en le tenant horizontalement 
et à plat, vous vous apercevrez que l'air oppose 
une résistance très sensible; recommencez l'expé- 
rience, en inclinant l'écran de manière à ce que sa 
surface forme un angle appréciable avec la ligne 
de l'horizon, vous verrez que l'air, en glissant sur le 
plan incliné, fuit dévier ce plan dans le sens op- 
posé à son inclinaison. Votre bras, si \ous agissez 
violemment, sera entraîné obliquement par le mou- 
vement de l'écran. 

D'après ceprincipe, on s'est trouvé conduit à propo- 
ser de munir l'aérostat de grandes surfaces planes, 
qui. inclinées convenablement, le dirigeraient dans 
un sens ou dans un autre, pendant sa montée 
ou sa descente. On a encore pensé ù se servir du 
ballon lui-même comme d'un plan incliné, en 
donnant au navire aérien la propriété de s'incliner 
au gré du pilote aérien. Si ces méthodes sont effi- 
caces, il suffirait de s'élever et de descendre successi- 
vement, sans perdre de gaz et sans jeter de lest, 
pour que le ballon puisse -en quelque sorte tirer 
des bordées dans le sens de la verticale. 

Telle est l'idée fondamentale qui a servi de base 
à un grand nombre de projets, paraissant rationnels 
au premier examen, et que nous avons réunis sous 
le nom de ballons planeurs. 

Un officier distingué de notre armée, le baron 
Scott, capitaine de dragons, exposa le principe des 
ballons planeurs en 1789 1 . 

I. Aérostat dirigeable à volonté, par M. le baron Scoll A Paris, 
1 7S0. 1 vol. in-8" avec '2 planches. 



LE PROBLÈME DE LA DIRECTION DES BALLONS 197 

Lorsqu'on a décidé, dil le baron Scott, qu'on ne par- 
viendrait jamais^ diriger Les machines aérostatiques, on 
entendait sûrement celles de ces machines avec les- 
quelles on a fait les expériences ascensionnelles : en 
effet elles avaient reçu une forme (celle sphérique) qui 
s'opposait si invinciblement à leur direction que ce 
n'est pas sans raison qu'on avait jugé qu'il serait tou- 
jours impossible de leur adapter des agents qui eussent 
l'excès de puissance indispensable à l'effet qui doit être 
produit, pour procurer la direction. Aussi n'est-ce point 
de semblables machinés dont, j'entends parler, lorsque 
j'en annonce une qui sera dirigée à volonté; mais d'un 
aérostat dont la forme permettra cet excès de puissance 
aux agents dont il sera muni, lequel aura une enveloppe 
constamment imperméable, et assez solide pour résister 
au frottement du courant d'air contre lequel on le fera 
cingl . 

Le baron Scott a donné une description très 
étendue, quoique souvent bien confuse, de son aé- 
rostat dirigeable. 11 insiste longuement sur la néces- 
sité d'abandonner la forme sphérique, et de recou- 
rir à une forme allongée analogue à celle des pois- 
sons (fig. 57). Son navire aérien devait être de très 
grande dimension, formé d'une double enveloppe 
d'une grande solidité et muni de deux poches ou 
sortes de vessies natatoires, où l'on pourrait compri- 
mer et décomprimer de l'air, pour faire monter et 
descendre à volonté le système sans perdre de gaz 
et sans jeter de lest, d'après le principe du général 
Meusnier. Le baron Scott admet qu'en comprimant 
l'air dans la poche d'avant ou d'arrière, on peut 
incliner le navire aérien dans un sens ou dans 
l'autre, et lui donner ce qu'il appelle la position 



198 IA NAVIGATION AÉRIENNE 

ascendante (fîg. 58) ou descendante quand sa 
point;; d'avant est dirigée vers le sol. 

La nacelle devait être suspendue dans une cavité 
spéciale réservée à la partie, inférieure de l'aérostat, 
et cette nacelle pouvait être à volonté exposée à 
l'air libre, ou recouverte île toiles, qui l'enfer- 
maient en quelque sorte dans le corps même du 
ballon-poisson. Un gouvernail était disposé à l'ar- 
rière du navire, qui devait comprendre, en outre, des 
raines de propulsion, pour accroître le mouvement de 




Pig. b7. — Projet de ballon-poisson <I ■ t baron Scott (IIS'J). 
Vue do l'aérostat lorsqu'il ;i ses pavois baissés. 



direction pendant, la montée ou pendant la descente. 

Le baron Scott avait étudié son projet dès l'année 
1788; il publia sou travail en 178'J, à une époque 
où les grands événements de la Révolution française 
allaient détourner les esprits du problème de la 
direction des aérostats. Il se trouva dans l'impossi- 
bilité de donner suite à ses études. 

Au commencement du siècle, en 1801, un autre 
officier de l'armée, F. Ilénin, chef d'escadron dans lu 
même arme que le baron Scott, au 15 e régiment 
de dragons, proposa encore de se servir des courants 



LE PROBLÈME DE LA DIRECTION DES BALLONS M9 

descendants on ascendants, déterminés par la 
montée ou la descente de l'aérostat, pour diriger 
un ballon dans un sens déterminé, à l'aide de voiles 
et d'un grand parachute retourné sous la nacelle. 
Ilénin lut son mémoire le 20 thermidor de l'an X 
à la Société académique des sciences de Paris, 
séante au Louvre : mais son travail très sommaire 
et peu explicite 1 ne mérite guère de fixer l'attention, 
et le dessin qu'il a donné de son système n'offre 
aucun caractère d'intérêt spécial (fig. 59). 




58. — Le môme aérostat dans son inclinaison ascendante. 



Nous ne nous arrêterons point à examiner les sys- 
tèmes analogues qui ont été proposés en grand 
nombre, il nous suffira d'avoir indiqué leur carac- 
tère fondamental par quelques exemples. 

Arrivons au milieu de notre siècle, à une époque 
fort curieuse de l'histoire qui nous occupe. 

En 1849, apparut sur la scène de la navigation 
aérienne un homme qui devait pendant quelques 
années attirer l'attention de l'Europe entière; nous 



1. Mémoire sur la direction des aérostat», jiar Félix Héiiin. A 
Paris, an X. broch. iii-8" avec frontispice. 



200 LA NAVIGATION AKlill.NM; 

voulons parler de Pétin, qui imagina de construire 
un système formé de plusieurs ballons sphériques, 
enlevant une grande charpente, au centre de laquelle 
ou pourrait disposer des plans inclinés, pour diri- 
ger le système dans les mouvements de montée ci do 
descente. Pétin avait déjà proposé plusieurs autres 




.'». — Projet de Hénin (1801). 



procédés, comme l'indique le document inédit que 
nous allons publier, et que nous avons trouvé dans 
les papiers de Dupuis-Delcourt, actuellement en 
notre possession. Dupuis-Delcourt écrivait les lignes 
suivantes en 1850 : 



M. Pétin, qui se révèle aujourd'hui avec tant d'éclat 



LE PROBLÈME DE LA DIRECTION DES DALLONS 201 

au public est un marchand mercier de la rue flam- 
buteau à Paris, il était donc parfaitement inconnu dans 
le inonde savant et dans le monde marchand, car son 
établissement commerciale au franc Picard, est de la 
plus mince apparence. 

Il y a quelques années, M. Pétin commença à s'agiter 
en façon d'aérostation. Comme tout le monde, il voulait 
diriger les ballons. C'esl alors qu'il publia d'abord un, 
puis successivement deux, trois et enfin un quatrième 
projet de navires aériens, différents entre eux, de formes 
et de principes, dans lesquels il a fait figurer tant bien 
que mal tous les projets, toutes les idées ou à peu près 
précédemment émises par les inventeurs si nombreux qui 
ont précédé M. Pétin dans la carrière. Seulement, M. Pé- 
tin n'a pas d'idées (ixes ni parfaitement arrêtées, cardans 
ses différents projets, si dissemblables entre eux, et au- 
jourd'hui même encore que son vaisseau est prêt à mettre 
à la voile, M. Pétin change à tous moments les organes 
les plus essentiels, les plus fondamentaux de son œuvre. 
C'est ainsi, par exemple, que les quatre hélices repré- 
sentées sur la figure du vaisseau aérien, seront proba- 
blement et définitivement remplacées par une hélice 
unique. 

M. Pétin s'est donc successivement adressé au plan 
incliné proposé à l'origine des ballons par Montgollier 
lui-même, et vingt fois depuis mis en pratique, mais 
toujours inutilement ou avec de faibles avantages; aux 
roues à palettes, aux turbines, à l'hélice, à la voile; 
c'est à ce dernier moyen qu'il s'en tiendra dans la pro- 
chaine expérience qu'il nous promet, si nous nous en 
rapportons aux renseignements qui nous ont été fournis 
dans les ateliers mêmes de M. Pétin par M. le capi- 
taine de marine Dupré (?),qui paraît avoir été choisi par 
l'inventeur pour diriger la manœuvre du vaisseau aé- 
rien. 

Pétin a publié, en effet, divers dessins de sou pro- 



202 LA NAVIGATION AERIENNE 

jet; nous reproduisons l'un d'eux, où l'on voit de 
grandes hélices figurer au-dessous des plans incli- 
nés (fig. GO). D'autres dessins mollirent une série 
de plans inclinés au milieu du châssis inférieur, ré- 
lin exposa son système au public, dans ses ateliers 
de la rue Marbœuf; il reçut la visite du Président 
de la République, qui fui le premier souscripteur 
de son système. L'heureux inventeur trouva enfin 
dans Théophile Gautier un apologiste ardent, qui 
contribua à le rendre célèbre, et à attirer l'atten- 
tion du inonde sur ses projets. 

On sera étonné aujourd'hui de voir jusqu'à quel 
point peut s'égarer dans ses appréciations, un écri- 
vain et un poète, quand il traite de questions qui ne 
lui sont point connues. Voici les principaux pas- 
sages du feuilleton que Théophile Gauthier publia 
dans la Presse sur le navire aérien de M. félin : 

Nous avons di! quelques mois, plus liant, de M. Pétin; 
parlons maintenant de son système. Ce n'est plus seu- 
lement un aérostat dans les conditions ordinaires; c'est 
une combinaison grandiose, c'est un véritable navire, 
avec tous ses agrès, qu'on peut voir d'ailleurs, puisqu'il 
est exposé aux regards de tous, aux Champs-Elysées, 
rue Mâchent'. L'espoir de la navigation aérienne esl là. 
Si le succès couronne ses efforts, gloire éternelle à 
M. Pétin ! 

Ce navire suspendu dans les airs par trois énormes 
aérostats reliés entre eux, a 70 mètres (210 pieds) de 
longueur sur 10 mètres (50 pieds) de largeur, 12156 
mètres carrés de superficie, et les aérostats cubent 
4190 mètres de gaz. La force ascensionnelle est égale 
à 15 000 kilogrammes. La grande dimension de cet 
appareil, qui présente quelque chose connue la nef de 



[,E PROBLEME DE LA DIRECTION DES BALLONS 205 

Notre-Dame ou un vaisseau de guerre avec sa mâture, n'a 
rien qui doive étonner. Dans l'air, ce n'est pas la place 
qui manque, et M. Pétin a eu raison d'en user large- 
ment. En augmentant ainsi le poids de son navire, il 
accroît sa force de résistance contre les courants d'air 
horizontaux, et, d'ailleurs, ne sait-on pas que le même 
veut qui l'ait chavirer une nacelle n'émeut seulement 
pas un navire à trois ponts? La proportion gigantesque 
du navire de M. Pétin est donc une garantie, de sécu- 
rité. Le mouvement se fait au moyen d'un centre de gra- 
vité et d'une rupture d'équilibre aux extrémités. Jusqu'à 
présent, on n'avait pas trouvé pour les ballons ce centre 
de gravité et voilà pourquoi foule marche était impos- 
sible. 11 existait pourtant, et le mérite de M. Pétin est 
d'avoir su le trouver. Ce point d'appui, il se l'est pro- 
curé par un moyen d'une simplicité extrême. 11 a établi 
sur le second pont de son navire, dans l'endroit que lais- 
sent libre les ballons, de vastes châssis posés horizonta- 
lement et garnis de toiles à peu prés comme des ailes 
de moulin à vent. Ces châssis se remploient à volonté. 
Les ailerons se ramènent sur les ailes aisément et rapi- 
dement, de manière à offrir plus ou moins de résistance 
dans l'ascension et la descente, selon les mouvements 
qu'on veut produire. Au centre de ce plancher mobile 
sont disposés parallèlement, car la nature procède tou- 
jours ainsi, deux demi-globes fixés sur leurs bords et 
libres de se gonfler dans un sens ou dans l'autre. Lors- 
qu'on monte, l'air s'engouffre dans leur cavité et les 
arrondit par sa pression, qui est immense comme ou 
sait. Les deux demi-sphères décrivent un arc renversé 
du côté de la terre, et retardent cette force d'ascen- 
sion verticale qui opère par éloignement de la circon- 
férence et. dans le sens du rayon. 

Lorsqu'on se rapproche de la terre, les deux globes 
se retournent, prennent l'apparence de coupoles et ra- 
lentissenl la descente. Tout à l'heure le point d'ap- 
pui était au-dessus de l'appareil, maintenant il est au- 



206 LA NAVIGATION AÈRIENSE 

dessous; aussi l'un retient et l'autre soutient. Voilà le 
rentre de gravité, le point d'appui trouvé. Nous allons 
voir comment M. l'étin en lire parti. Les ailes du plan- 
cher horizontal, qui forme le second pool de son navire, 
lorsqu'elles sont étendues également, présentent à l'air 
une résistance uniforme dans le sens ascensionnel ou 
descensionnel ; mais, en repliant les toiles des extrémi- 
tés vers le centre, la résistance devient inégale, l'air 
passe librement, et l'un des côtés se trouve plus chargé 
que l'autre; il y a rupture d'équilibre, la balance re- 
présentée par le plancher horizontal, et dont les cou- 
poles délerminenl le centre de gravité, penche et glisse 
sur le plan incliné formé par l'air sous-jacent; ou bien, 
si le mouvemenl se l'ail en sens inverse, l'appareil re- 
monte en suivant mie ligne diagonale, eu dessous d'un 
plan incliné formé par l'air supérieur. 

Voici donc, el là est toul l'avenir de la navigation, 
la fatale ligne perpendiculaire rompue. Procéder en 
ligne diagonale, c'est avancer, el tout corps lancé sur 
mu' pente reçoil de cette projection le mouvement. 

Jusqu'à présent, M. félin ne s'esl servi que de l'air- 
résislance, dont L'action est verticale, el non de l'air- 
vitesse, dont l'action est horizontale, et qui procède par 
éloignement du rayon dans le sens de la circonférence. 
Un des plus grands obstacles à la direction des ballons 
ce sont les courants d'air qui peuvent faire dévier le 
ballon de sa route. 

Gomme M. Pétin peut, en levanl ou en abaissant la 
proue de son navire, se faire prendre en dessus on ni 
dosons par le courant d'air arrêté dans les ailes, el filer 
en montant OU en descendant, sans surmonter tout à 
fait la force de l'air-vitesse lorsqu'elle est contraire, il 
la rompt et la brise, et diminue son recul à la façon 
d'un vaisseau qui louvoie contre le vent. Mais les dia- 
gonales ascendantes ou descendantes déterminées par la 
rupture d'équilibre, qui suffiraient dans un air Iran- 
quille ou avec un courant favorable, n'auraient pas assez 



LE PROBLÈME DE LA DIRF.CTION DES DALLONS 207 

dp force dans des circonstances moins propices ou quand 
on voudrait obtenir une plus grande rapidité. M. Pétin 
a imaginé d'appliquer à son vaisseau aérien l'hélice in- 
ventée, pour les bateaux à vapeur par Sauvage, ce grand 
génie si longtemps méconnu. Deux hélices mises en 
mouvement par deux turbines posées autour des globes 
parachutes et paramontes se vissent, pour ainsi dire, 
dans l'air, et opèrent des tractions énergiques. Lors- 
qu'on veut virer de bord, on laisse aller une poulie folle ; 
une des hélices suspend sa rotation, et l'aérostat tourne 
sur lui-même ou décrit une courbe; enfin, il devient 
susceptible d'exécuter toutes les manœuvres d'un stea- 
mer. 

Ces hélices peuvent être tournées à la main ou par 
tout autre moyen mécanique, si l'on ne veut pas em- 
ployer les turbines qui ont le mérite d'uliliser une force 
qui ne coûte rien, la force ascendante et. descen- 
dante. 

S'il est permis d'affirmer une chose encore à l'état, 
de projet, l'on n'avance rien que de parfaitement rai- 
sonnable et logique en disant que, dès aujourd'hui, le 
problème de la locomotion aérienne est résolu, ou bien 
toutes les lois physiques sont fausses, et, la statistique 
n'existe pas. 

L'appareil de M. Pétin offre plus de sûreté aux 
voyageurs que tout autre moyen de locomotion; ses 
trois ou quatre ballons crèveraient tous, ce qui est im- 
possible, que les deux coupoles et les ailes rendraient 
sa chute si lente qu'elle serait sans danger, car son 
vaisseau est inchavirablect insubmersible. On tomberait 
dans la mer qu'on ne se noierait pas pour cela. Nous en 
sommes tellement, certain, que nous avons retenu notre 
place pour le premier voyage. 

Quoi qu'il en soit de toutes les opinions sur l'œuvre 
de M. Pétin, encore quelques jours et nous saurons à 
quoi nous en tenir; nous verrons enfin si le grand pro- 
blème de l'aéronautique est trouvé. Tous les plus beaux 



■20S LA NAVIGATION ŒRIENNE 

discours ne valenl pas une seule expérience. A l'œuvù 
donc, monsieur l'élin ' ! 



Quand on se reporte aux journaux du temps, on 
se rend compte de l'émotion que produisit le projet 
de Pétin. Ou ne s'attendait à rien moins qu'à une 
révolution produite par la solution complète du 
grand problème. On en jugera par une notice que 
nous empruntons à l'Argus h ladatedu lï septem- 
bre 1851. Celle notice l'ut reproduite par la plupart 
des journaux du temps. 

Nous aurons dans quelques jours l'essai de navi- 
gation aérienne d'après le système Pétin, qui n'aboutit 
à rien moins qu'à la solution du problème de la direc- 
tion des ballons. 

Nous avons entendu de La bouche même de l'inven- 
teur les explications les plus lucides sur sa curieuse 
découverte. Nous sommes encore sous le charme qui 
captivait son nombreux auditoire, a la suite de cette bril- 
lante description donnée exprofesso. 

Noos avons visité en détail L'appareil gigantesque au 
moyen duquel M. Pétin doil faire sa première expérience. 
I.e vaste emplacement du Champ de Mars a élé choisi 
par L'aéronaute mécanicien pour celle audacieuse ten- 
tative. 11 eût élé difficile de faire un autre choix, cari? 
locomotive aérienne se développe avec toutes ses dépen- 
dances sur cinquante-quatre mètresde longueur, vingt- 
sept mètres de large et trente-six mètres de haut. Le 
point de départ est connu : il esl possible, sous encom- 
bre; mais il est permis de se demander sur quel terrain 
ira se reposer eetle immense machine à l'envergure 
géante. Espérons, toutefois, que M. Pétin a tout prévu 

1. Feuilleton de la Presse du i juillet 1850. 



f.E l'RO LA DiaECTION DES BALLONS 20'J 

et qu'il pourra, selon sa volonté, s'approcher ou s'éloi- 
gner des aspérités de nos villes ou des sommets rabo- 
teux de nos montagnes. La sûreté du nombreux équipage 
qui doit accompagner le premier capitaine de cet étrange 
navire, en dépend. Dans le cas de succès complet, aux 
termes du rapport de M. Reverchon, membre de l'Aca- 
démie nationale, la locomotive aérostatique Pétin pour- 
rait arriver à parcourir quelque chose comme huit cents 
kilomètres à l'heure. Pauvre chemin de fer, qui parcourez 
à peine quarante kilomètres dans le même espace de 
tenlps! l'invention de Pétin menace de vous 7'éduire à 
l'état de tortue. Où allons-nous, grand Dieu! où s'arrê- 
lera-t-on? 

Que vit-on sortir de ces belles promesses? Rien, 
absolument rien. Pétin ne réussit même pas à s'éle- 
ver une seule fois dans les airs avec son grand navire 
aérien. Il savait à peine calculer la force ascension- 
nelle d'un ballon : tant il est vrai que parfois l'opi- 
nion publique s'égare étrangement sur la valeur des 
hommes. 

Après avoir piteusement échoué en France, Pétin 
traversa l'Atlantique; il ne réussit pas mieux aux 
États-Unis, et il revint en France, où il mourut misé- 
rablement. 

Le principe des ballons planeurs ne tarda pas à 
être repris par un mécanicien nommé Prosper Meller, 
qui publia en 1851 divers projets de chemins de fer 
atmosphériques, formés de ballons captifs glissant 
sur des câbles tendus, et proposa de construire un 
grand navire aérien qui utiliserait la résistance de 
l'air pendant la moulée ou la descente, pour obtenir 
la direction. 

14 



210 LA NAVIGATION AERIENNE 

La puissance produite par la différence <li x s résistances 
de l'air sur un aérostat allongé et incliné esl d'autant 
plus précieuse, dit Prosper Meller 1 , qu'elle ae nécessite 
aucun surcroit de poids -. elle s'effectue d'elle-même, 
en augmentant ou en dirigeant la légèreté, de manière 
qu'en réservant toute la l'orée ascensionnelle, elle De 
nuit en rien à l'application de toul autre procédé. 

Dans le projet de Prosper Meller, sou aéroslaL 
allongé, qu'il désignait sous le nom de locomotive 
aérienne, devait avoir de grandes dimensions. 
Connue tous ceux qui se bornent à exposer la 
simple description de leur système, il ne semblait 
se rendre compte en aucune façon des difficultés 
pratiques de construction. Il proposait de construire 
le ballon en tôle île fer. Ne perdant pas de gaz, dit-il, 
« la machine conserverait sa force ascensionnelle; 
les variations a Imospliériques ne feraient pas changer 
son volume, et enfin, l'océan ne serait plus pour 
elle qu'un détroit ». La locomotive aérienne devait 
avoir la l'orme d'un cylindre terminé par deux cônes 
(fig. 01); elle devait être munie d'hélices sur ses 
parois. L'aérostat devait pouvoir s'incliner pour 
obtenir l'effet de direction. 

Les parties supérieures et inférieures de notre loco" 
motive, dit Meller, qui représentent deux vastes [dans 
inclinés, produiront l'avancement horizontal en s'ap» 
payant successivement sur l'air dans l'ascension et dans 
la descente. 

1. Des ae'rosials. Navigation aérienne; chemin de fer aérostati- 
que, aérostats captifs, par Prosper Meller jeune, 1 vol. in-8" avet 
planches. Iiurdeaux, 1851. 



le rnoriLÈME DE la direction des ballo.ns 



211 



Ces projets, conçus par des hommes sans instruc- 
tion scientifique et sans aucune idée pratique tic 
l'aéronautique, n'étaient pas réalisables tels qu'ils 
élaient présentés, sans étude complète et sans plan 
d'ensemble suffisant. L'idée des ballons planeurs 
agissant sans force motrice est tout à fait fausse. 
Quand bien même ils se dirigeraient dans un sens 





Fig, 61. — Locomotive aérienne Mellcr (IKjl). 



ou dans l'autre pendant leurs ascensions succes- 
sives, cette direction serait relative; ils n'en sciaient 
pas moins entraînés avec la masse d'air ambiant 
en mouvement. — Tour que les aérostats planeurs 
fonctionnent avec efficacité, il faut qu'ils soient 
munis de propulseurs mécaniques, actionnés par 
un moteur puissant. L'hélice ne suffit pas à elle 



21-2 I.A NAVIGATION AÉRIENNE 

seule, pour donner l'avancement, il faut la machine 
(lui la lassa agir. C'est ce qu'on oublie trop souvent. 
N'a-t-on pas vu plus haut que Théophile Gautier, 
en parlant des hélices du navire aérien de l'élin. 
disait : « Ces hélices pourraient être tournées à lu 
main. » Voilà assurément une force motrice bien 
puissante! 

Quelques mécaniciens oui proposé de réunir 
dans l'aérostat planeur les deux principes du plut 
léger que l'air et du plus lourd que l'air. Nous (ité- 
rons parmi ceux-là, M. Arsène Olivier, qui propose 
un aérostat allongé, rigide, muni de grandes ailes 
et d'une hélice, cl capable de s'incliner pour le vol 
à plane 1 . Nous mentionnerons aussi le projet récent 
de M. Capazza; l'inventeur veut construire un ballon 
lenticulaire, tour à tour plus léger et plus lourd (pu: 
l'air, et qui nagerait dans l'atmosphère à la façon 
des soles dans l'océan. Projet facile, à dessiner, 
mais difficile à réaliser! Un peu antérieurement, 
M. Duponchel, ingénieur en chef des Ponts cl Chaus- 
sées, a proposé un projet analogue à celui du ballon 
planeur du baron Scott, et dans lequel on obtien- 
drait la montée et la descente en chauffant ou en 
laissant refroidir le gaz du ballon. M. Duponchel, 
peu au courant des constructions acrostatiqueSj 
voulait construire un escalier intérieur dans son 
aérostat pour (pie les aéronautes pussent monter 
à la partie supérieure 8 ! 

1. fiole sur un projet d' aéroslalion dirigeable, par Arsène Oli- 
yjér, 1X81. In-8° de 11 j>;if4es avue planches. 

2. Vny.' liante scientifique'. 



LE PROBLÈME DE LA DIRECTION DES BALLONS 213 

On no saurait se faire une idée îles rêves qui ont 
germé dans le cerveau des inventeurs de ballons 
dirigables. Renou-Grave, en 1844, avait imaginé 
les ballons-chapelets que nous figurons ci-dessous 1 
(fig.62). 

Les plus grands esprits sont parfois tombés dans 
des erreurs analogues. Monge, le grand Mongc, 
avait eu l'idée de réunir ensemble une série de 
ballons spliéi iques qui auraient formé, selon lui, un 
assemblage flexible dans tous les sens ; susceptible 
d'être développé en ligne droite, courbé en arc de 



w^ 




Fig. P>2. — Calions-chapelets de Renou-Grave. 



cercle dans toute sa longueur, ou seulement dans 
une partie; de prendre avec ces courbures ou ces 
formes rectilignes la situation horizontale ou diffé- 
rents degrés d'inclinaison. Ce système de globes 
montant et descendant alternativement avec la 
vitesse que les aéronautes lui auraient imprimée, 
eût imité dans l'air le mouvement du serpent dans 
l'eau! 

A côté des inventeurs des ballons planeurs méca- 

1. Description abrégée du navire aérien, in-S" de 4 pa™es avec 
planche. 



214 U NAVIGATION AÉRIENNE 

niques dont nous vouons de parler, nous placerons 
ceux qui veulent se contenter de chercher à diffé- 
rents niveaux dans l'atmosphère dos vents propices. 

Les projets de monter et descendre dans l'air, au- 
tomatiquement, sans jeter de lest et sans perdre de 
gaz pour aller à la rencontre des courants aériens 
favorables, ont été très nombreux. Nous avons 
signalé la poche à air du général Meusnier; nous 
avons vu qu'à peu près à la même époque, Pilâtre 
de Rozier proposait de joindre un ballon à air chaud 
à un aérostat à gaz, alin d'obtenir à volonté l'ascen- 
sion et la descente en élevant ou en abaissant la 
température du gaz, c'est-à-dire en diminuant ou 
en faisant accroître la densité du système. 

Parmi les aéronautes les plus convaincus de 
l'efficacité de l'utilisation des courants aériens à 
différentes altitudes, nous ne devons pas oublier 
de mentionner le célèbre Dupuis-Delcourt, dont les 
ascensions ont été nombreuses, et dont les travaux 
sont devenus classiques dans l'étude de l'aérosta- 
lion. 

Dès 1824, alors qu'il n'avait que vingt-deux ans, 
il se mit à l'œuvre, et de concert avec, son ami 
Richard, il construisit sa flottille aérostatique; 
c'était un système formé de cinq ballons accouplés : 
un aérostat central, et quatre autres plus petits qui 
l'entouraient. Au-dessous de l'aérostat principal. 
se croisaient deux grandes vergues horizontales 
d'où partaient les cordes d'attache des quatre bal- 
lons destinés à sonder l'atmosphère. Ce système ne 
donna point de bons résultats. 



LE PROBLÈME DE LA DIRECTION DES BALLONS 215 

Après ces essais infructueux, Dupuis-Delcourt 
s'associa à un jeune savant, Marey-Monge, pour 
construire un aérostat cylindro-conique en cuivre 
métallique imperméable. Les deux associés exécu- 
tèrent d'abord, à titre d'essai, un ballon sphé- 
rique en cuivre rouge. Il avait dix mètres de 
diamètre, et d'après les calculs de Marey-Monge, 
sa force ascensionnelle devait être de 540 kilo- 
grammes 1 . Ce ballon, d'un nouveau genre, fut exposé 
au public dans des ateliers de l'impasse du Maine; 
il fut môme gonflé d'hydrogène, mais il ne fonc- 
tionna point et les deux associés ne tardèrent pas 
à se séparer. Dupuis-Delcourt fit les plus grands 
efforts pour continuer son œuvre, mais ses efforts 
furent impuissants. 

Plusieurs années après ces tentatives, un médecin 
belge, le docteur Van Ilecke, eut recours à un 
système purement mécanique, pour monter ou des- 
cendre dans l'atmosphère et aller chercher des cou- 
rants aériens favorables. Dupuis-Delcourt ne tarda 
pas à joindre ses efforts aux siens. Il s'agissait de 
palettes ou d'hélices à mettre en mouvement dans 
la nacelle. M. Babinet exposa ce système dans un 
rapport adressé à l'Académie des sciences en 1847. 

Le docteur Yan Hecke, dit M. Babinet, renonce for- 
mellement à l'idée de prendre un point d'appui sur l'air 
pour se mouvoir en un sens contraire du vent; son sys- 
tème consiste comme celui de Meusnier à chercher à 



I. Éludes sur V aérostation, par Edmond Marey-Monge, 1 vol 
in-8 aver planches. Paris. Bachelier^ 1847. 



216 LA N.WI6AT10.N AÉUIENNE 

différentes hauteurs des courants favorables â la direc- 
tion qu'il veut suivre; mais son procédé diffère de celui 
de Meusnier qui voulail comprimer ou dilater l'air dans 
une capacité intérieure au ballon. La question que s'est 
proposée M. Van Heckc* se réduit donc à trouver un 
moyeu facile de monter et de descendre verticalement 
sans employer, comme on le fait ordinairement, une 
perte de lest ou une perle de gaz, l'une et l'autre évi- 
demment irréparables. M. VanHecke a cherché dans un 
moteur artificiel, une force capable d'élever ou de dépri- 
mer l'aérostat à volonté, et il s'est adressé naturellement 
à l'un de ces moteurs qui, tels que les ailes du moulin 
à vent, l'hélice, les turl unes, etc., transforment sans réac- 
tion latérale, un mouvement rotatoire en mouvement 
rectiligne, suivant l'axe ou réciproquement. Un appa- 
reil analogue, à ailes gauches, a été mis sous les yeux 
de l'Académie, et par sa réaction sur l'air, a produit 
facilement une force ascensionnelle ou deseensionnelle 
de 2 à 7> kilogrammes, ce qui avec, les quatre moteurs 
pareils que M. Van llecke adapta à sa nacelle, constitue- 
rait une force d'environde III à ^kilogrammes. Ajoutons 
que cet effet, loin d'être exagéré, a été obtenu, sans 
grand effort, avec des ailes à peu près carrées, dout la 
dimension était seulement d'un demi-mètre de côté; 
ainsi rien n'empêche d'admettre qu'avec une puissance 
suffisante, on pourrait arriver à se procurer par ce pro- 
cédé, 50, 00 ou même 100 kilogrammes de lest ascen- 
dant ou descendant. 



Dupuis-Delcourt et le docteur Van Ilcckc fondè- 
rent une Société générale de navigation aérienne, 
au capital de deux millions de francs, représentés 
par deux mille actions de mille francs. Cette Société 
fut constituée en Belgique vers la fin de 1840. Les 
deux associés exécutèrent une ascension à Bruxelles 






LE I'HOBLÈME DE LA DIRECTION DES BALLONS 21!) 

le 27 septembre 1847, et attachèrent à leur ballon 
la nacelle que représente notre figure 65. Les pa- 
lettes tournantes contribuèrent, parait-il, à faire 
mouler l'aérostat quand il était bien équilibré dans 
l'air, mais quand bien même le système adopté 
pour monter et descendre à volonté eût été abso- 
lument efficace, il n'y avait point encore là le prin- 
cipe de la direction des ballons, comme nous allons 
le faire, comprendre un peu plus loin. 

Ce qui était expérimenté par Dupuis-Delcourt et 
A ? an Hecke à l'aide de moyens mécaniques, les aéro- 
nautes peuvent le faire avec le lest, à titre expéri- 
mental, pendant une durée limitée. 

La manœuvre a été souvent réalisée avec succès. 
Ce mode de procéder peut se désigner sous le nom 
de direction naturelle des aérostats. 

La direction naturelle par les courants aériens a 
plusieurs fois été obtenue par les voyageurs aériens ; 
elle a été mise en évidence avec netteté lors du 
voyage que M. Jules Duruof et moi, nous avons 
exécuté le 16 août 1868 au-dessus de la mer du 
Nord, dans le voisinage de Calais. A partir de, la 
surface du sol jusqu'à 600 mètres de hauteur, l'air 
se dirigeait du nord-est au sud-ouest. Au-dessus de 
600 mètres, régnait un courant aérien dont la di- 
rection était inverse, du sud-ouest au nord-est. Une 
couche de nuages séparait les deux courants. En 
faisant monter l'aérostat au-dessus des nuages, ou 
en le laisant descendre au-dessous, nous pouvions 
à volonté progresser dans deux directions presque 
opposées. Il nous a été possible de nous aventurer 



220 LA NAVIGATION AKIUEN'SE 

à deux reprises à 27 kilomètres du rivage, pour 

revenir on sens inverse sur terre, ;i|>rès deux voya- 
ges successifs au-dessus île l'Océan 1 . Les courants 
aériens superposés faisaient eu réalité entre eux un 
certain angle qui aurail pu nous permettre de 
gagner les côtes de l'Angleterre, en tirant des bor- 
dées à deux altitudes différentes, comme un bateau 
à voile 

Depuis cette époque, d'autres aéronautes ont 
opéré avec succès la même manœuvre; M. ,1. Du- 
ruof à Cherbourg, M. Jovis à Nice. M. Bunelle à 
Odessa. Llioste sur la Manche, oui réussi à s'avan- 
cer au-dessus de la mer dans la nacelle de leur 
ballon et à revenir à terre sous l'influence d'un 
courant aérien inverse. 

Ce système tout à fait séduisant par la simplicité 
des manœuvres qu'il nécessite, offre un grand incou- 
vénient; c'est qu'il dépend des conditions atmo- 
sphériques auxquelles on ne saurait commandera 
son gré. Or les courants ne soufflent pas toujours 
dans la direction voulue. S'il y a parfois, dans 
l'atmosphère, des courants superposés, il arrive 
plus fréquemment qu'il n'y en a pas, et que l'air se 
déplace dans le. même sens à toutes les altitudes. 
Lors de l'ascension à grande hauteur du Zénith, 
par exemple, la direction suivie par l'aérostat était 
à peu de chose près la même, depuis la surface 
du sol jusqu'à la hauteur de 8000 mètres. 

). Histoire de mes ascensions, par Gaston Tissandier, \ vol. in-K" 
illustré. Paris, Maurice Drevfous. 



IV 



LA PROPULSION MÉCANIQUE DES AEROSTATS 



Nécessité d'une force motrice pour diriger les aérostats. — Pro- 
jet de Carra en 178i. — Le ballon-navire l'Aigle, dr Lenno.v, — 
Le ballon-poisson de Samson, — Jullien. — Ferdinand Lagleize. 
— Camille Vert. — Delamarne. — Smitter. — Projets divers. — 
Un ballon à vis. 



Le problème de la direction des aérostats est très 
simple en principe pour tous ceux qui possèdent 
dos notions mécaniques précises. Il a été très con- 
troversé parce que tout le inonde a voulu s'en mêler, 
surtout les ignorants. Quant aux hommes de science 
qui en ont nié la possibilité, c'est qu'ils n'avaient 
pas la pratique de l'aéronautique, et qu'ils ne con- 
naissaient pas bien les ballons. 

Un de nos plus savants physiciens, M'. Jamin, a 
récemment exposé avec une grande clarté le prin- 
cipe de la direction des aérostats par la propulsion 
mécanique, et comme on pourrait croire que notre 
passion pour la navigation aérienne nous éloigne 
de l'impartialité de jugement qui convient à la 
discussion scientifique, c'est à l'éminent secrétaire 
perpétuel de l'Académie des sciences que nous cou- 



232 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

fierons le soins de plaider ici la cause des aérostats 

dirigeables : 

Si on vi'iil diriger un ballon, il faut une force ; il faut 
le munir d'un moteur capable de l'entraîner, d'un pro- 
pulseur qui puisse au besoin lui faire remonter les 
courants d'air. Quand on veul faire marcher une voilure, 
on v attelle un cheval, un wagon exige une locomotive, 
wn bateau «1rs rameurs travaillanl l'oiseau n'a pas seu- 
lement des ailes, il produit la force musculaire qui 
les anime; de môme, le ballon doit être remorqué 
par une machine faisant du travail. Que celle machine 
soi) un moteur animé, électrique, à vapeur, à gaz, peu 
nous importe en théorie, mais, quelle qu'elle soit, il en 
faul une. Telle esl l'indiscutable nécessité que nous 
devons subir pour diriger un ballon. 

Ce n'esl pas loul d'avoir un moteur, nous devons 
encore chercher comment nous remploierons. C'est ici 
que se place la terrible question du poinl d'appui, de 
l'action et de la réaction. Prenons des exemples; on 
tire un coup de canon : la poudre enflammée produit 
un j^az qui se détend, c'est la force; il chasse le boulet, 

c'est l'action; mais la pièce recule, c'esl la réaction. 

Seulement la pièce prend moins de vitesse que le boulet, 
parce qu'elle est plus lourde. Un animal détend ses 
muscles pour sauter; soyez sûr (pie la Terre recule, mais 
elle est si incomparablement grosse que son recul est 
insensible. On exprime autrement ce phénomène en 
disant que le boulel prend son point d'appui sur la 
pièce, et l'animal qui saule, sur la terre. L'eau fait le 
même office : dans un bateau à roues, les palettes 
chassent l'eau en arrière, mais le navire avance, el s'il 
est à hélice, vous voyez un courant d'eau vivement lancé 
qui recule. Enfin, l'air obéit à la même loi et fait la 
même fonction ; il sert d'appui; el pour conclure ; si 
nous fixons à la nacelle une hélice dont l'axe soit hori- 
zontal et que nous la lassions mouvoir, elle avancera 



LE PROBLÈME DE LA DIRECTION DES BALLONS 22J 

grâce à la pression qu'elle exerce sur l'air postérieur; 
elle entraînera nacelle et ballon, et tout le système de- 
viendra un navire véritable avec cette seule différence 
qu'il sera dans un autre fluide, dans l'air au lieu de 
travailler dans l'eau. Pour compléter la ressemblance, 
il conviendra de lui donner une forme allongée et de le 
munir d'un gouvernail, placé à l'arrière, formé d'une 
toile lisse et tendue qu'on pourra tourner vers la droite 
ou la gauebe, remplissant les mêmes fonctions et obéis- 
sant aux mêmes principes que le gouvernail des vais- 
seaux. 

Cette construction réalisée, le ballon pourra être di- 
rigé comme on le voudra dans une atmosphère en re- 
pos; mais dans un courant d'air il faut y ajouter une 
dernière et essentielle condition. Quand l'air est com- 
plètement immobile, l'aérostat n'a dans toutes les di- 
rections qu'une seule et même vitesse, celle que lui 
donne son moteur et qu'on peut appeler sa vitesse pro- 
pre. Quand l'atmosphère est en mouvement, il en a 
deux : la sienne et celle du courant d'air qui s'y super- 
pose. Si toutes deux sont parallèles et de même sens, 
elles s'ajoutent; mais si on met le cap à l'opposé du 
vent, elles se retranchent, et il peut arriver les trois 
cas suivants : 1° la vitesse propre est supérieure à celle 
du courant : alors le ballon peut marcher contre le 
vent, qu'il dépasse; 2° toutes deux sont égales : dans 
ce cas, elles se détruisent et on reste en place; o" le 
vent est supérieur à la marche du moteur, et on recule. 
La première condition seule permet d'avancer contre le 
vent; et comme ce vent n'est pas chose constante, qu'il 
est, suivant les cas, nul, modéré ou violent, le ballon 
sera dirigeable à certains jours, ne le sera pas dans 
d'autres; dirigeable si le vent est moindre que la \i- 
tesse propre, indirigeable en tout sens, s'il est plus fort ; 
d'autant plus souvent dirigeable que le moteur sera plus 
puissant, la vitesse propre plus grande. La question est 
du ressort de la mécanique : faire un moteur léger et 



224 LA NAVIGATION AERIENNE 

fort. En résumé, la solution du problème exige quatre 
conditions : 1° un moteur j 2° une hélice; o" un gouver- 
nail; i" un venl inférieur à la vitesse propre 1 

Avant d'en arriver à une conclusion aussi nette, 
qui dérive des expériences entreprises par Giffard, 
Dupuy de Lômc, les frères Tissandier et MM. les 
capitaines Renard et Krebs, il a été proposé bien 
des projets, il a été réalisé bien des essais, et nous 
allons, dans ce chapitre, résumer l'histoire de la pro- 
pulsion mécanique des aérostats. 

Elle date de l'origine de la navigation aérienne : 
le général Meusnier, les frères Robert, Alltau et 
Vallet, en avaient la notion exacte, mais il leur man- 
quait la machine qui pût leur fournir la force. 

On a pensé à appliquer des propulseurs de toute 
espèce; à des ballons de toutes les formes. En 17Si, 
un physicien assez célèbre, Carra, présentait, à l'Aca- 
démie des sciences un Mémoire sur la nautique 
aérienne* ; il proposait de munir les aérostats 
sphériques d'ailes tournantes qui n'agiraient que 
dans un sens de rotation, la toile de la palette de 
propulsion se repliant dansle mouvement de retour. 
Le système était muni d'un gouvernail, et un ballon- 
sonde hérissé de pointes métalliques devait recueil- 
lir l'électricité atmosphérique, sans que l'auteur 
expliquât nettement le but qu'il se proposait (fig. 64). 
Ce ballon-sonde devait aussi servir à faire monter 

1. Bévue des Deux Mondes, livraison du 1" janvier 1885. 

2. Essai sur la nautique aérienne, lu à l'Académie royale îles 
sciences de Paris te 14 janvier 1784, par M. Caire. Paris, MM, 
in-8" de 24 pages avec planche-frontispice. 




Fis. <Ji. — Projet de Taira (1781). 



15 



LE PROBLÈME DE LA DIRECTION DES BALLONS 227 

ou descendre l'aérostat, en tirant sur sa corde, ou 
en la laissant filer. On voit que ce projet rentre dans 
la classe de ceux qui ne sont pas pratiquement réa- 
lisables et que nous mentionnons à titre de curio- 
sité historique. 

Pendant de bien longues années, il ne fut plus 
question de la propulsion mécanique des aérostats. 
En 1854, elle attira de nouveau l'attention publi- 
que, avec le comte de Lennox. dont les projets 
eurent alors un retentissement considérable. 

Le système de Lennox était un système mixte, 
tenant à la fois du ballon planeur et du ballon à 
propulseur. Nous laisserons l'inventeur décrire lui- 
même son navire aérien l'Aigle, en reproduisant une 
pièce historique devenue rare : le prospectus de la 
Société pour la navigation aérienne qu'il voulait 
fonder, et la gravure, qui l'accompagne. 

SOCIÉTÉ 

. POUR LA NAVIGATION AÉRIENNE 



Noie sur le premier ballon-navire l'Aigle, commandé par 
M. le comte de Lennox, MM. Guibert, Orsi, Edan et Ph. Lau- 
rent. — M. Ajasson de Graiïdsagne emporte les instruments 
de physique pour faire des expériences correspondantes à 
celles qui seront répétées simultanément à l'Observatoire 
royal, par M. Arago, dans le but de constater plusieurs 
faits importants de physique. 

Premier voyage et manœuvres publiques au champ de Mars, 
le 17 août 1784. 

Ateliers de constructions, Champs-Elysées, vis-à-vis le pont des 
Invalides. 

Ballon-navire de 150 pieds de longueur sur 55 pieds 



228 



l.\ NAVIGATION \KHIENSE 



de diamètre : forme d'un cylindre terminé par deux 
cônes, rempli d'hydrogène. 

2800 mètres cubes de capacité. 

Un filet, et îles échelles de cordes l'enveloppenl en- 
tièrement. A l'intérieur, il v a un second ballon conte- 




- 




Fig. 0j. — ~JLe ballon-navire YAigîc t de Lennox ilSôi). 



nant de l'air, de 200 mètres cubes, qui communique à 
l'extérieur au moyen d'un tuyau. 

Nacelle de 66 pieds de longueur et 50 pouces de lar- 
geur, soutenue par des sangles attachées au filet, à 
18 pouces de distance. 

Vingt rames de ô mètres carrés, construites à palettes 
mobiles pour agir dans différents sens. 

Un long coussin remplissant l'espace contenu entre 
le ballon et la nacelle est soumis à l'action d'une pompe 
foulante et aspirante (fig. 65). 



LE PROBLEME DE LA DIRECTION DES BALLONS 229 

La force ascensionnelle du ballon (6500 livres) sou- 
tiendra la nacelle, les mécanismes, les instruments de 
physique et l'équipage. 

Pour mieux étudier les courants atmosphériques et 
l'atmosphère en général, nous espérons nous élever et 
redescendre en comprimant plus ou moins, à l'aide de 
notre pompe, l'air contenu dans le ballon intérieur et 
dans le coussin de la nacelle. 

Si nous trouvons un courant favorable, nous nous y 
maintiendrons en profitant de toute sa vitesse, qui peut 
dépasser cinquante lieues à l'heure. 

Dans un temps calme ou par un vent ordinaire, nous 
ferons marcher nos rames et nos mécanismes; nous ne 
ferions plus alors que deux ou trois lieues à l'heure. 

Dans les deux cas, nous croyons être maître de la 
direction. 

Nous sommes déjà arrivés à d'importantes modifica- 
tions, que nous proposons d'exécuter en grand d'après 
des modèles construits dans nos ateliers, et dans les- 
quels la force humaine est remplacée par un agent 
beaucoup plus puissant. 

Nous recevrons toujours avec reconnaissance, au nom 
de la science aéronautique, qui se trouve aujourd'hui 
dans des voies de progrès, les conseils et les réflexions 
de tous ceux qui s'y intéressent. 

Le comte de Lennox ne réussit pas à mener à bien 
son projet grandiose. L'essai qu'il essaya d'entre- 
prendre fut déplorable; bien loin de pouvoir enlever 
ses voyageurs, le ballon ne pouvait pas se soutenir 
lui-même. On eut toutes les peines du monde à le 
transporterie 17 août 1834, jour de l'expérience, des 
ateliers de construction où il avait été gonllé, jus- 
qu'au champ de Mars, où il devait s'élever. II ne fut 
pas possible de faire partir le navire aérien l'Aigle; 



230 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

il y eut alors dos cris île fureur de la foule assem- 
blée, on envahit, l'enceinte de manœuvre, et le 
matériel fut mis en pièces. 

Dupuis-Delcourt, qui avail été eu relation avec 
Lennox, le jugeait pour un homme d'honneur 
etdebonnefoi.il se peut; mais il lui manquait une 
instruction aéronautique suffisante et la pratique 
des ballons, sans lequelleon ne saurait entreprendre 
de grandes constructions. M. de Lennox était riche, 
et il consacra sa fortune à ses malheureux essais de 
navigation aérienne. Le principe de son projet était 
rationnel, et la forme qu'il avait donnée à son 
navire aérien, était favorable à la propulsion 
mécanique. 

Depuis Lennox, les projets d'aréostats allongés, 
munis de propulseurs, sont si nombreux qu'il serait 
absolument impossible d'en donner une énuméra- 
tion complète. Citons quelques projets qui ont plus 
spécialement attiré l'attention. 

Vers l'année 1850, MM. Sanson père et fils 
donnèrent une grande publicité à un projet de 
ballon qu'il présentèrent comme la solution du pro- 
blème de la navigation aérienne (fig. 66). Les bro- 
chures qu'ils publièrent en grand nombre, dé- 
notent un médiocre esprit scientifique. Le ballon 
devait être seulement équilibré dans l'air, le 
moyen ascensionnel lui serait donné à l'aide de 
quatre ailes placées aux flancs; le moyen de pro- 
pulsion horizontale, consistait « en quatre roues 
creuses placées par paires, » le moyen de direction 
consistait en un gouvernail « faisant annexe aux 



LE PROBLEME DE LA DIRECTION DES BALLONS 231 




équatoriales. » Enfin MM. Sanson père et fils avaient 



332 LA NAVIGATION kÊRlËNNE 

un moyen secret qu'ils appelaient physico ichtyolo- 
gvqueei qu'ils se gardaient de faire connaître 1 . 

Pendant que le ballon-poisson de Banson figurait 
dans dos brochures, un horloger de granB mérite, 
et très habile ouvrier, Jullien, réalisait à l'Hippo- 
drome de Paris une expérience, laite en petit, d'un 
modèle d'aérostat dirigeable, allongé, qui peut être 
considéré comme le point de départ des tentatives 
modernes. L'aérostat de Jullien avait une forme 
analogue à relie qui a été adoptée par les construc- 
teurs de Ghalais-Meudon (fig. 07). L'inventeur avait 




Fig-. 67. — Aérostat dirigeable de Jullien (1850). 

choisi cette forme à la suite d'essais exécutés au 
moyen de fuseaux de bois dont il avait expérimenté 
les mouvements dans l'eau 2 . Voici dans quels 
termes M. Pierre Bernard a annoncé, dans le journal 
le Siècle, l'expérience à laquelle il a assisté le 
novembre 1850. 

Le fait d'abord! Aujourd'hui novembre un aéro- 
stat d'une forme excessivement simple et toute vivace, a 

navigué dans le vent, contre le vent, selon la fantaisie 



1. Solution du problème île la navigation aérienne. Principes, 
preuves, et moyens, par Samson père et (ils, chez Ledoyen, I'aluis- 
Koyal, 1850, in-S» de lli pages avec ligures. 

2. Les Ballons, par Julien Turgan, 1 vol. in 18 avec ligures. 
Paris. Plan frères. 1851, p. 200. 



LE PROBLÈME DE LA DIRECTION DES BALLONS 233 

de son inventeur, M..., et les indications de notre maître 
à tous : le public. 

D'autre part M. Turgan, qui a écrit un excellent 
petit ouvrage sur l'histoire de la locomotion aé- 
rienne, publiait dans la Presse la notice suivante : 

A trois heures et demie, en présence de MM. Emile 
de Girardin, Louis Perrée, de Fiennes, Bernard, etc., 
M. Jullien a apporté, d'abord dans le manège, puis dans 
l'amphithéâtre de l'Hippodrome, un petit aérostat, long 
de sept mètres, de ferme oblongue, et ayant monté un 
mécanisme bien simple, de son invention, il a aban- 
donné l'appareil qui s'est dirigé rapidement daus le sens 
désigné antérieurement. 

Dans le manège, il n'y avait pas de courant d'air, la 
chose paraissait fort simple; mais une fois dans l'am- 
phithéâtre, notre étonnement fut au comble lorsque 
nous vîmes l'expérience se reproduire, malgré un vent 
sud-ouest fort marqué. L'aérostat se dirigea directement 
contre le vent. Un recommença en divers sens, et tou- 
jours l'expérience réussit. 

On a tant de fois répété qu'il était impossible d'arriver 
à uutcl résultat qu'on se regardait les uns les autres, 
sans vouloir absolument croire au spectacle que l'on 
avait sous les yeux, et qu'il a fallu recommencer plu- 
sieurs fois ces manœuvres pour nous convaincre du fait. 

Les essais de mouvement circulaire ont été tentés, 
mais l'enceinte était trop restreinte, et l'on ne pouvait 
agir que par le gouvernail. Cependant plusieurs de ces 
tentatives ont réussi. C'est, du reste, l'appareil le plus 
simple du monde : — une sorte de poisson cylindre à 
tète, en baudruche, et cerclé par un équateur en bois 
auquel vient s'attacher un tilet supérieur. 

Vers le tiers antérieur de l'appareil se trouvent deux 
petites ailes composées chacune de deux petites palettes 



254 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

formant hélice. Ces palettes ont à peu près la For 

d'une raquette à jouer au volant, deO m , 22 de diamètre, 
longitudinal, suit (>'".-Udo diamètre transversal. Elles 
tournent avec rapidité el produisent ainsi le mouvemenl 
direct. 

Comment tournent ces hélices? Rien n'es! pins sim- 
ple : l'axe « i li î les supporte s'engrène avec nue longue 
tige, ipii va s'engrener elle-même dans un mouvement 
de pendule ou de tourne-broche, suspendu au-dessous 
du ballon à m , 4 environ. 

Le récipient du gaz contrent 1200 décimètres cubes 
d'hydrogène pur. 

L'enveloppe pèse 300 grammes. 

L'armature en bois 358 — 

Le moteur. ... • . . . . 4.">0 — 

Les lils qui servent de cordages, environ. 10 

Total 1100 — 

Un système composé de deux gouvernails, l'un ver- 
tical, l'autre horizontal, termine l'appareil. 

N'anticipons pas sur les conséquences probables de 
cette simple expérience. Constatons seulement qu'au- 
jourd'hui mercredi, G novembre 18î>0, à trois heures et 
demie, une machine aérostatique s'est manifestement 
dirigée contre le vent, mue par un appareil d'une sim- 
plicité extrême. 

Les expériences se sont renouvelées le jeudi 
7 novembre. Le dimanche 10, elles ont moins bien 
réussi par un défaut d'équilibre el un excès de poids 
apporté à l'ensemble de la machine. Le public fut 
sévère pour le pauvre inventeur, qui fut découragé 
dans ses essais. 

Jullien habitait Villejuif : c'était un petit horloger 
de village qui avait toujours été misérable. L'exposi- 



LE PROBLÈME DE LA DIRECTION DES BALLONS 23b 

tion de son remarquable petit ballon, ne lui rapporta 
que fies déceptions; il avait cependant étudié avec 
grand mérite le problème de la navigation aérienne, 
et il peut être cité comme un précurseur d'Henri 
Giiïard, qui assista à ses remarquables expériences, 
et en tira profit pour ses constructions futures. 
Nous tenons le fait de Giffard lui-même. 
C'est en 1852 que le futur inventeur de l'injecteur 




Fi;;. GS. —Projet de Ferdinand Lagleize (1853). 



exécuta ses mémorables essais de navigation 
aérienne; nous les étudierons d'une façon spéciale 
dans un chapitre suivant. Continuons ici rénumé- 
ration des projets et des expériences. 

Mentionnons le projet de Ferdinand Lagleize, 
qui construisit en petit l'aérostat dirigeable repré- 
senté ci-dessus (fig. GS). Quatre ailes adaptées au 
flanc du ballon-poisson, lui imprimaient le mouve- 



238 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

ment 1 . Un gouvernail de propulsion était adapté ;ï 
l'arrière. Ce système a été exposé douze jouis. 
du 3 an 15 septembre 1855, au jardin d'hiver 
des Champs-Elysées, à Paris. 

Plus tard, en 1859, un aéronaute, ouvrier habile, 
constructeur de mérite, Camille Vert, fit fonctionner 
à plusieurs reprises, un navire aérien de son sys- 
tème, qu'il désigna sous le nom de poisson volant. 
Cet aérostat allongé, à hélice, était mû par une petite 




FIg. 69. — Poisson-volant de Camille Vert (1859). 

machine à vapeur (fig. 09); il fonlionna devant le 
public, au palais de l'Industrie, à Paris, et il fut 
expérimenté devant l'empereur. Voici en effet le 
compte rendu de cette séance, tel qu'il a été pu- 
blié dans le Moniteur du 19 novembre 1859. 

Le 27 octobre dernier, une nouvelle machine aé- 
rienne, inventée et exécutée par M. Camille VERT, a élé 
expérimentée dans le palais de l'Industrie, en présence 
de S. M. l'empereur. Cette machine se dirigeant à vo- 
lonté, dans tous les sens et à laquelle est adaptée un 



1. Aérjstal t'eriinand Lcglcize, in-S° de 8 payes avec planche. 



I,E PHOtlLÈME DE LA DlUECTION DES BALLONS 



2Ô7 



système ingénieux de sauvetage des voyageurs, a fonc- 
tionné de la manière la plus satisfaisante. 

L'inventeur de cette curieuse découverte, après avoir 
été complimenté par Sa Majesté, a été autorisé à en faire 
une exposition publique dans le palais de l'Industrie. 




Fig. 70. — Aérostat propulsif de Gontier-Grisy (1862). 

Les belles expériences de Giffard faites en 1852, 
dans son grand ballon allongé à vapeur, avaient 




Echelle au 'Aoo 
Fig. 71. — Projet d'un ballon de cuivre par Cliôradame (lSGo). 

fait naître une multitude de ballons-poissons. En 
outre des expériences en petit, on voyait paraître 
de toutes parts de nouveaux projets. L'aérostat 
propulsif de Gontier-Grisy (fig. 70), dans lequel 



238 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

devait fonctionner un moteur à air comprimé', le 
ballon allongé de Cheradame (1805), qui devait être 
confectionné en cuivre rouge et atteindre des dimen- 
sions énormes 2 (fig. 71), el une infinité d'autres 
systèmes que nous passerons sous silence. 

M. Dclamarne, à celte même époque, a présenté, 
sous le nom d'hélicoptère un système de navire 




L'aérostat l'Espérance de Delamarne (1805). 



aérien, YEsprranrr, qui consistait en un aérostat 
allongé de forme spéciale, muni d'hélices de pro- 
pulsion et d'ascension (fig. 72). 

Le longueur du navire aérien était de 30 mètres, 
son diamètre de 10 m ,80, la capacité de 2000 mètres 



1. Aérostat propu/sifa\cc moteur, rovolvo-coinprimant, par Gon- 
tier Grisy. Paris. E. Lacroix, 1X62. In-8" de ~>'l pages avec planche 

2. La direction des aérostats enfin trouvée, par Léopold Chera- 
dame, Paris, 1865. in-8° de 16 paires avec plans et portraits, 



LE PROBLÈME P.E LA DIBECTION DES BALLON S 27, 

cubes en nombre rond. Le ballon était, séparé en 
deux, parties par une cloison intérieure. — Voici 
d'ailleurs la description qui a été publiée, en 1865, 
du ballon de M. Delamarnc. 

Perpendiculairement à l'axe est une cloison intérieure 
et imperméable qui sépare le ballon en deux parties. 
La soupape est à cheval sur cette cloison et présente 
deux volels, communiquant chacun avec, l'un des com- 
partiments du ballon. Enfin, deux forts rectangles, por- 
tant deux hélices mobiles dans un plan perpendiculaire 
à l'axe, pressent le ballon en flanc, par l'effort de deux 
larges bandes de caoutchouc. Ces hélices ont 2 m ,20 
d'envergure, et portent trois ailettes; elles font plus de 
trois cent soixante tours à la minute. Chaque ailette se 
partage, à son extrémité, en deux parties qui se recour- 
bent de part et d'autre pour retenir le vent. 

L'ensemble de ces appareils pèse 400 kilogrammes, y 
compris le poids d'une voile qui se fixe d'une part au 
ballon, et d'autre part au gouvernail de la nacelle. 
Les mouvements du gouvernail se transmettent ainsi au 
ballon avec l'accroissement de force qu'apporte la 
voile. 

La nacelle pèse 200 kilogrammes avec tous ses acces- 
soires ; elle a 4 m ,50 de large et 7 de long. Sur ses côtés 
sont deux hélices semblables à celles du ballon, mais 
n'ayant que l m ,10 d'envergure; elles doivent aider les 
hélices du ballon. Comme celles-ci, elles font trois cent 
soixante tours à la minute. Chaque hélice déplace 5 mètres 
cubes d'air par tour, en tout 1080 mètres cubes d'air 
par minute. 

Une roue, mue par trois hommes, communique aux 
quatre hélices le mouvement qui leur est transmis par 
des courroies sans fin. Puis, à l'arrière de la nacelle, 
et pour aider à la descente ou à l'ascension, sont deux 
hélices horizontales inoins recourbées à leurs extrémi- 



240 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

lés que les premières. Une roue horizontale, mue pal 1 
un seul homme, les fait agir en temps et lieu. Un gou- 
vernail, enfin, esi placé derrière la nacelle, et un taille- 
veni i'i l,i proue. Ce taille-venl est une sorte de tran- 
chant qui divise l'air et le vent el leur présente deux 
plans inclinés 1 

M. Delamarne insistait sur ce poini que dans son 
système le ballon « ne remorquait pas la nacelle, et 
la nacelle ne remorquait pas le ballon. » Il disait, 
que son système tenait à la fois du plus lourd que 
l'air et du plus léger que l'air 3 . 

Quoi qu'il en soit, l'expérience, annoncée avec 
une assezg rande publicité, eut lieu le 2 juillet 1865, 
dans le voisinage du jardin du Luxembourg. Le 
résultat en fut piteux. L'aérostat l'Espérance, fut 
gonflé, mais l'inventeur n'y adapta aucun des orga- 
nes de propulsion qu'il avait décrits. La nacelle 
seule portait des hélices latérales, un taille-vent et 
gouvernails. 

Voici en quels termes un témoin de l'expérience, 
M. Jouanne, ingénieur des arts et manufactures, en 
deux a décrit le résultat : 

L'aérostat l'Espérance s'est enlevé à six heures du soir 
eu tournant sur lui-même, et tant que nos yeux ont pu 
l'apercevoir, il a continué ses circonvolutions. Il a suivi 
d'ailleurs la direction du vent, qui souillait du nord au 



1. Article communiqué par M. Delamarneà la Science pittoresque, 
7" année, n° 47, du 27 mars 1805. 

2. Nous ferons remarquer que celte propriété dont il a été ques- 
tion déjà dans le chapitre précédent, s'applique à tous lés aérostats ; 
plus légers que l'air quand ils montent ils sont un peu plus lourds 
que l'air quand ils descendent. 



I.E l'JROBLEMS M LA DIRECTION DES DALLONS 



'241 



midi, car il s'est dirigé vers Vincennes, et à huit heures, 
il est descendu près du polygone, sans difficulté 1 . 

En 1857, un professeur de l'Ecole des apprentis 
du port de Cherbourg, Pillet, présenta, sous le nom 




Fi<, r . 75. — Acrodopkore Ue Pillet (1857). 

d'aérodophore, un projet de grand ballon-poisson 
à nageoires latérales (fig. 75). 

En 1866, M. Smitter, qui depuis cette époque a 
fait plusieurs tentatives de direction aérienne, a pro- 
posé de placer l'hélice à l'avant du ballon allongé, 
au moyen d'un châssis extérieur comme le repré- 




Fig. 74. — Aérostat à hélice de Smitter (1866). 

sente notre figure 74, empruntée à un prospectus de 
l'inventeur. Ce projet a été encouragé par M. Henri 
Rochefort. Voici l'article qu'a publié dans le [Soleil 
le célèbre pamphlétaire, à la date du 11 mai 1866 : 



I. La Science pour tous, 15 juillet 1865. 



16 



-lil LÀ NAVIGATION AERIENNE 

Le vice radical des procédés d'aérostation connus 
c'est que, ne pouvant corriger le ballon, qui est trop mas- 
sif, trop susceptible d'allongement ou d'élargissement 
par suite du peu de résistance de l'enveloppe en taffe- 
tas, les aéronautes essayaient de diriger la nacelle, ce 
qui bouleversait toutes les lois de la physique et du lion 
sens, attendu qu'un ballon ne peut pas plus être dirigé 
par sa nacelle qu'un gros navire par le canot qu'il traîne 
après lui. 

Au premier abord, ce problème paraît être l'en- 
fance de sa simplicité; eh bien! de tous les aéronautes 
passés et présents, M. Smitter, simple ouvrier mécani- 
cien, est le seul qui l'ait soulevé. Au lieu d'appliquer à 
la nacelle les voiles et le gouvernail, il reporte toute la 
force motrice et dirigeante sur l'aérostat lui-même, 
qu'il établit au moyen d'une charpente osseuse en fer 
creux, légère el solide, recouverte ensuite de taffetas. 
Le ballon résistant devient ainsi capable de recevoir tous 
les agrès nécessaires à sa direction, comme les hélices, 
le gouvernail et surtout deux palettes qui, en s'ouvrant 
et se fermant aux deux cotés de l'aérostat comme les 
battants d'une table, permettent au voyageur de lutter 
contre la pression atmosphérique et de planer à la hau- 
teur el dans la zone qu'il a lui-même choisies. 

C'est du reste à nous autres, qui ne croyons ni aux 
coups de trompette, ni aux placards sur les murs, mais 
aux faits et aux raisonnements, c'est à nous, dis-je, d'aller 
chercher dans leur obscurité laborieuse les hommes qui 
usent en travail et en sacrifices de toute espèce le temps 
que d'autres dépensent en réclames. Rien n'eût élé 
plus facile à ce chercheur timide que de se mettre dans 
les mains de quelque Barnum qui l'eût compromis, m? 
qui l'eût fait connaître. Il est venu simplement non 
dire : 

« Je puis, je crois, faire faire un grand pas à a 
direction des ballons. J'avais six mille francs d'écono- 
mies, je les ai mis dans la construction d'un aérostat. 



LE l'HOULÈME DE LA DIRECTION DES BALLONS 243 

Aujourd'hui mes économies sont épuisées, et ilrae manque 
une dizaine de mille francs pour tenter une expérience 
décisive. Est-ce que vous croyez que la question n'est 
pas assez importante pour que je fasse appel à une 
souscription publique, après avoir démontré préalable- 
ment en quoi mon système diffère de tous ceux qui ont 
été vainement essayés jusqu'ici? » 

Henri Rociikfort. 



Vaussïu-Chardanne, dont les projets aériens fu- 
rent très nombreux : ballons à hélice, ballons à 




Fig. 75. — Gondole-poisson de Vaussin-Chardanne. 

ailes, ballons allongés, publia aussi différentes bro- 
chures depuis 1858 jusqu'à 1875. Nous citerons 
son projet de gondole-poisson dans lequel les 
hélices de propulsion étaient à peu près au mi- 
lieu du système et de côté, l'aérostat étant séparé; 
en deux parties, avec grand gouvernail à Tanière 
(fig. 75). 

En 1859, M. E. Farcot, ingénieur-mécanicien, 
étudia un grand aérostat dirigeable à vapeur pour 
la navigation atmosphérique. Cet aérostat pisci- 
l'orrne devait-èlre muni de deux hélices de traction 



•244 LA NAVIGATION AERIENNE 

placées à l'avant et lixées sur le ballon lui-même; il 
se trouvait terminé à l'arrière par un gouvernail 1 . 
En 1861, H. Guilliant de Saintes, proposa un aérostat 
cylindrique allongé, muni d'ailes latérales et d'hé- 
lices*. En 1865, J. E. Renucci, capitaine au 2" de 
ligne, examina les conditions de construction d'un 
aérostat à enveloppe de fer, de 100 mètres de dia- 
mètre et devant rester plus d'un an dans l'atmo- 
sphère". 11 Tant avoir entre les mains les documents 
spéciaux qui ont été publiés pour se rendre compté 
de l'abondance des études faites, les unes ration- 
nelles et logiques, comme celle de M. Cordenous* 
en 1875, qui vint à Paris pour soumettre son 
projet d'aérostat allongé à Henri Gitïard et aux 
savants compétents, les autres où L'imagination 
déborde connue dans le projet d'un nommé Fayol, 
qui décrit ainsi qu'il suit son étonnant voyageur 
aérien ' : 

C'est ou animal qui a quarante kilomètres, dix 
lieues de longueur. Il va de Paris à Philadelphie en 
Amérique en six heures de temps, sans s'arrêter. Il 
traverse les airs à deux mille métrés de hauteur.... 
Sept galeries superposées qui s'étendent dans toute sa 
longueur déterminent sa hauteur. Il porte dans son 



i. La Navigation atmosphérique, par E. Farcot. 1 broch. iu-lN 
avec planches. Paris, Librairie nouvelle, 1x59. 

2. Direction des aérostats, système nouveau, par II. Guilbaut, 
de Saintes. 1 broch. in-4 avec planches. Saintes, imp. Lassus. 

3. Exposé d'un système de navigation atmosphérique au moyen 
du ballon à enveloppe métallique, par J. E. Renucci. 1 broch. in-8 
avec planches. Paris, Eugène Lacroix. 

4. Riviste dcgli studi di tocomozione et naulica nell'aria par 
P. Cordenous. I broch. in-S. Paris, Rovigo, IU75. 



LE PROBLÈME IIE LA DIRECTION DES DALLONS '245 

ventre sept mille machines à vapeur, lesquelles 
travaillent toutes à comprimer de l'air dans les oreilles 
qui sont au nombre de deux mille. H y a sept mille 
chauffeurs, un à chaque, machine; ils sont commandés 
par un seul homme placé à la télé de l'animal, entre les 
deux yeux. Cet homme transmet sa volonté par l'élec- 
tricité aux sept mille chauffeurs 1 . 

Le projet de M. Cordenous mérite qu'on s'y 
arrête avec un peu plus d'attention. L'auteur voulait 
construire un aérostat allongé ellipsoïdal, contenant 
un axe rigide central, portant à l'arrière une hélice 
de propulsion. Son projet était d'exécuter d'abord 
une expérience au moyen d'un ballon de faible 
dimension, capable d'enlever un homme. Il avait 
exécuté à cet effet une machine motrice à gaz 
ammoniac, qui sous le poids de 85 kilogrammes 
donnait une force de un demi-cheval 2 . M. Cordenous 
se trompait au sujet de la possibilité de munir un 
aérostat allongé d'un axe rigide transversal, le 
poids de cet axe serait considérable, et son mode 
d'attache nécessiterait encore l'addition d'autres 
pièces rigides, qui alourdiraient le système au 
point qu'il ne pourrait plus s'élever. 

En 1871, un ingénieur italien, M. Micciollo- 
Picasse proposait de construire un aérostat d'alu- 
minium, avec deux hélices de propulsion à l'avant 



1. Le Voyageur aérien, par Fayol, 1 broch. in-8, Paris, typ. 
lîlanpain, 1875. 

2. Navigation aérienne, par M. P. Cordenous, professeur de 
mathématiques au lycée de Rovigo, extrait du journal 1rs Mondes 
du 18 mai lb70. 



2i6 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

et à l'arrière, fixées à la pointe même de l'aérostat 
allongé 1 (fig. 76). 

En 1877. M. Deydier, à Oran, proposait un grand 
aérostat à compartiments, ou enceintes indépen- 
dantes à air raréfié 8 . En 1881, M. Morel donnait 
la description de son ballon-comète, ainsi nommé 
parce qu'il était muni d'une énorme queue qui 
utiliserait les courants aériens". Nous ne parlons 
ici que des aérostats sphériqucs, des aérostats 
allongés pisciformes ou cylindriques, mais on a 



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Fig. 76. — Projet d'aérostat en aluminium de Uicciollo-Picasse (18"lj. 

encore proposé les aérostats en forme d'anneau ou 
de couronne*, en forme de solides plans géomé- 
triques, d'octoaèdres et autres. 

1. Ballon anermaslaliijue dirigeable, en tôle d'aluminium, par 
M. Micciollc-Picasse, Paris. 1871. Broch. in-8°, avec planches. 

2. La Locomotion aérienne, 1 broch. in-8. avec planches, Oran, 
imp- Collet. 

5. La navigation aérienne, mémoire pour servir à l'avancement 
des sciences aérostatiques. Projet de navigation aérienne. Le 
ljallon-coniéle, par E. Morel, 1 broch. in-8, Vesoul. 1881. 

i. Solution d'un grand problème. La navigation aérienne réa- 
lisable par la substitution au ballon sphérique du ballon en cou- 
ronne, système de JIM. A. Treille et A. Mever. 1 broch. in-8, avec 
figures et planche, à Noyon (Oise). 1852. 



LE PROBLÈME DE LA DIRECTION DES BALLONS 247 

On ne saurait croire jusqu'où pourrait nous 




Fig-, 77. — Propulseur de Guillaume (1816;. 

entraîner cette revue des projets de ballons diri- 
geables ; en outre de ceux que je viens de mention- 



248 



LA NAVIGATION AÉRIENNE 



lier, j'en possède encore des centaines dans mes 
cartons et dans ma bibliothèque aérostatique; si les 
formes varient, les systèmes de propulsions sont 
aussi multiples et souvent invraisemblables. Voici 




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Fig. 78. — Aérostat d'Emile Girc (1813). 



le projet d'un nommé Guillaume, dont nous repro- 
duisons l'affiche (fig. 77), et qui en 1816, fit une 
tentative au champ de Mars. Voici l'aérostat d'Emile 
Gire, qui, en 184.", publia le dessin de son singulier 



I.E PROBIJEME HE LA DIRECTION DES BAELOKS 249 

appareil à éolipyle (fig. 78) ; il In proposait comme 
une machine de guerre redoutable 1 . 

Voici l'extraordinaire propulseur proposé en 1860 
par Gontier-Grisy 2 , deux ans avant le système d'aé- 
rostat cylindrique qu'il avait imaginé et dont nous 




-' 



Fig. 79. — Propulseur de Gonlier-Grisy (1800). 



avons parlé un peu plus haut (fig. 79). Il est formé 
de stores fixées à chaque partie recourbée d'une 
tringle! C'est la description qu'en donne l'auteur. 

1. Mémoire sur la direction des aérostats, par Emile Girc, Paris, 
1845. In-8 de 16 pages, avec planches. 

2. Propulseur aérostatique, par Gontier-Grisy, Luxembourg 1860. 
n-8" de 16 pages, avec planches. 



•2.M) LA NAVIGATION AÉRIENNE 

Voici enfin un autre propulseur proposé par 
M.Ziégieren 1SGX 1 : ce! appareil, d'une complication 
inouïe (fig. 80), a été exposé dans le jardin des Tui- 
leries pendant la durée de l'Exposition universelle 
de 1 8 7 H . Pourquoi rechercher ces roues, ces rames, 
ces aubes, quand il est si simple de recourir à une 
Indice actionnée par un moteur puissant et léger? 

Un inventeur nommé Lasssie a été jusqu'à pro- 
poser le ballon à vis, qui en tournant sur son axe 
se visserait dans l'atmosphère (fig. 81)! Voici com- 
ment il décrit ce curieux système. 

Le navire aérien est un cylindre métallique de 
T>2 mètres de diamètre et long de 10 diamètres ou de 
520 mètres. Quatre voilures de 9 mètres de hauteur 
sont soudées par-dessus, en forme de spirales faisant 
un tour et demi sur toute sa longueur; c'est donc une 
grande vis aérienne plus grande que le cylindre ou 
que le navire Lui-même qui lui sert d'axe: en faisant 
un tour et demi sur lui-même, il parcourt !">20 mètres 
de distance pour produire ce mouvement de rota- 
tion, 640 hommes placés au centre du gaz ou centre du 
cylindre, dans le tunnel ou tube métallique de 200 cen- 
timètres de diamètre, marchent cireulairement au corn- 
mandement du sifflet, comme les écureuils qui font 
tourner leurs cages. 

Un autre projet analogue a été publié en 1878, 
par un nommé Desplals, qui proposait de faire 
monter dans l'atmosphère un aérostat sphérique 
dont la surface extérieure élail hélicoïdale. Cet 



1. Propulseur universel pour la direction des acroslnls, Paris. 
in-8" <if 16 pages avec figures. 



LE PROBLÈME DE LA DIRECTION DES DALLONS 253 

aérostat devait tourner sur son axe 1 . Nous citerons 
encore dans un ordre d'idée semblable le ballon 
cylindrique « garni dans sa longueur de voiles 
disposées en hélice » proposé antérieurement, 
en 1835, par un mécanicien nommé Pierre 
Ferrand 2 . 

N'oublions pas, parmi l'énumération que nous 
publions ici, de citer les projets de direction d'aéro- 
stats au moyen d'oiseaux dressés et attelés. Cette 
idée a été émise dès 1785. En 1845, Mme Tessiore, 
née Vitalis, publia à ce sujet une brocbure où elle 
proposait de conduire un ballon allongé par un 




Fig. 81. — Uallun à vis deLassie 



ypaële, grand vautour des Alpes. Une lithographie 
publiée à cette époque représente ce curieux système 



& 



de navigation aérienne. 



La structure des oiseaux de grande espèce, dit 
l'auteur, leur puissance de vol, l'intinct de la con- 
servation, servent à démontrer que l'industrie 
humaine parviendrait promptement à dresser ces 



1. Projet du ballon tournant dirigible (sir) le Demi-Monde, 
par Desplats Michel. En vente à l'Exposition universelle de Paris, 
1878, section République Argentine, in-8 de 16 pages avec photo- 
graphie. 

2. Projet pour la direction de l'aérostat par les oppositions 
utilisées, par Pierre Ferrand. In-8 de 32 pages, avec planches hors 
texte. 



•254 LA NAVIGATION AERIENNE 

rapides coursiers dont quelques-uns ont jusqu'à 
l'I à 15 pieds d'envergure; 

Un observe chez les oiseaux une grande légèreté 
spécifique. Leurs muscles pectoraux, destinés à 
agiter Leurs ailes, ont une force énorme, comparée 
au poids et au volume de leur corps, et la physique 
nous démontre qu'un ballon surnage dans les airs 
sur un fluide. Donc les aérostats, remorqués par 
une puissance aérienne, suivraient, même contre 
le veut, la direction prise par l'oiseau remorqueur, 

Nous ne devons pas omettre de mentionner un 
inventeur qui a eu l'idée de construire un ballon 
aimanté. D'après lui, ce ballon « serait toujours 
attire vers le pôle nord ! » 

Nous pourrions encore parler des ballons à 
pointes redressées tournant sur leur axe, des 
ballons à soufflets propulseurs, des chemins de fer 
aériens, et de mille autres projets plus ou moins 
fantaisistes. 

Si les systèmes de ballons et de propulseurs 
sont nombreux, les moteurs proposés ne le sont 
pas moins : moteurs à ucide carbonique, à mé- 
langes détonants et à poudre. 

Un va voir quelles ont été les ressources de la 
vapeur appliquée aux aérostats. 



QUATRIEME PARTIE 

LES NAVIRES AÉRIENS A HÉLICE 



Il n'est pas possible de dire où s'arrêteront, 
dans l'avenir, l'économie et la rapidité des 
transports aériens. 

Henri Giffard, 

II a fallu bien des siècles pour transformer le 
radeau flottant en un rapide paquebot à hélice; 
mais qu'est-ce qu'un siècle pour Dieu éternel qui 
conduit l'humanité. 

Dui'Uï ris Lômk. 



HEiSUI G1FI AltD ET LE rilEMIEli AÉROSTAT A VAPEUR 



Les débuts d'Henri Giflant. — Construction et expérimentation 
du premier navire aérien à vapeur le 24 septembre 1852. — 
Second aérostat dirigeable à vapeur de 1855. — Essai de 
1856. — La découverte de Vinjecteur. — Les ballons captifs à 
vapeur. — Mort de l'inventeur. 



Henri Giiïard est né à Paris, le 8 janvier 1825; il 
fit ses études au collège Bourbon, et dès son jeune 
âge le génie de la mécanique était déjà développé 
dans son cerveau. Il m'a souvent raconté qu'en 
1859 et 1840, alors qu'il n'avait que quatorze ou 
quinze ans, il trouvait le moyen de s'échapper de 
sa pension pour aller voir passer les premières loco- 
motives du chemin de fer de Paris à Saint-Germain. 
Deux ans après, il entrait comme employé dans les 
ateliers de ce chemin de fer; mais son ambition 
était de conduire lui-même les locomotives. Il y 
réussit, et il eut le plaisir de faire glisser sur les 
rails, aussi vite qu'il le pouvait, les premiers trains 
de chemins de fer français. 

Henri Giffard n'avait que dix-huit ans quand il 
commença à s'occuper de navigation aérienne; fils 

17 



258 U NAVIGATION AERIENNE 

de parents modestes, il n'avait aucune Fortune; sa 
bourse était vide, et son ambition élail grande. 11 se 
lia avec deux jeunes élèves de l'École centrale, David 
et Sciama, et tous trois se mirent à méditer la 
construction d'un navire aérien à vapeur. — Gilfard 
voulut d'abord connaître* l'atmosphère qu'il s'agis- 
sait de vaincre, et il exécuta plusieurs ascensions à 
l'Hippodrome sous les auspices d'Eugène Godard et 
du directeur Arnaud. Il s'adonna avec passion à la 
construction des machines à vapeur légères, et il 
arriva à réaliser une machine de trois chevaux du 
poids de 45 kilogrammes, faisant trois mille tours 
par minute. Après ces études préliminaires, il prit 
en août 1851 un brevet pour l'application de la 
vapeur à la navigation aérienne, où il décrit avec 
beaucoup de science un aérostat allongé, muni 
d'un propulseur à vapeur. 

Que faire, dit le jeune ingénieur, pour réduire an 
minimum la résistance <\\i milieu, ou, en d'autres 
lennes, pour faciliter au plus haut point le passage de 
cette niasse à travers I atmosphère? La réponse se l'ail 
naturellement.... Il faut donner au volume gazeux le 
plus grand allongement possible dans le sens de son 
mouvement, de telle sorte que l'étendue transversale 
qu'il offre et de laquelle dépend en grande partie la 
résistance, soit diminuée dans la même proportion 1 . 

Gilfard calcule le pas de l'hélice, l'effort de pro- 
pulsion, tous les détails de son navire aérien qu'il 

1. Application de la vapeur à la navigation aérienne, par 
M. Henri Gifiard. In-4" do 28 payes avee planche hors lexie. Im- 
primerie de Collet. 18ÔI. 



LES \AY1I1ES AÉK1ENS A HELICE -JJ'J 

présente d'abord sous l'aspect de la ligure ci-dessous 
(lig. 82), reproduite d'après un prospectus public 
à peu près à cette époque. 

David et Sciama, qui avaient quelques ressources 
pécuniaires, prêtèrent à Git'l'ard la somme néces- 
saire pour la construction du premier ballon diri- 
geable. L'expérience devait être exécutée en public, 
à l'Hippodrome ; l'aérostat était disposé pour être 



■ nulle au gaz de l'éclairage. 



Aines bien des déboires, bien des difficultés, et 
plusieurs tentatives avortées, l'expérience eut lieu 




Premier projet <le Henri Gilïaril. 



le 2-4 septembre 18!j2, au milieu de l'admiration 
cl de I'étonnement des spectateurs peu nombreux 
qui étaient présents. Emile de Girardin se trouvait 
parmi ceux-ci ; le grand publiciste comprit l'impor- 
tance de la belle tentative dont il avait été té- 
moin, et il publia dans la Presse datée 26 sep- 
tembre, sous le titre : Le risque et l'invention, un 
article des plus élogieux à l'égard du jeune in- 
génieur. Eu voici un extrait : 



Hier, vendredi 2i septembre, un liomme est parti 
imperturbablement assis sur le tender d'une machine 
à vapeur, élevée par un ballon ayant la forme d'une 



200 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

immense baleine, oavire aérien pourvu d'au mât ser- 
vant de quilk' et d'une voile tenant lieu de gouvernail. 

Ce Fulton do la navigation aérienne se nomme Henri 
Giffard. 

(l'est un jeune ingénieur qu'aucun sacrifice, aucun 
mécompte, aucun péril n'ont pu décourager ni dé- 
tourner de cette entreprise audacieuse, où il n'avait 
pour appui que deux jeunes ingénieurs de ses amis, 
MM. David et Sciania, anciens éléws de l'Ecole centrale. 

11 esi parti (\c l'Hippodrome. C'était un beau et dra- 
matique spectacle que celui de ce soldat de l'idée, 
affrontant, avec l'intrépidité que l'invention commu- 
nique à l'inventeur, le péril, peut-être la mort; car 
à l'heure où j'écris, j'ignore encore si la descente 
a pu s'opérer sans accident el comment elle a pu 
s'opérer 

La indice d'Emile de Girardin était suivie du 
récit de la grande expérience aérostatique, écrit 
par Henri Giffard lui-même. Nous reproduisons 
in extenso cet important document. 

L'appareil aéronautique dont je viens de l'aire l'ex- 
périence, a présenté pour la première l'ois dans l'atmo- 
sphère la réunion d'une machine à vapeur et d'un 
aérostat d'une l'orme nouvelle et convenable pour la 
direction. 

Cet aérostat est allongé et terminé par deux pointes; 
il a 12 mètres de diamètre au milieu, et M mètres de 
lougueur; il contient environ 2500 mètres cubes de gaz; 
il est enveloppé de toutes parts, sauf à la partie infé- 
rieure et aux pointes, d'un filet dont les extrémités ou 
pattes d'oie viennent se réunir à une série de cordes 
fixées à une traverse horizontale en bois, de 20 mètres 
de longueur; cette traverse porte à sou extrémité une 
espèce de voile triangulaire assujettie par un de ses 



LES NAVIRES AÉRIENS A HÉLICE 



261 



côtés à la dernière corde partant du filet, et qui lui 
tient lieu de charnière ou axe de rotation (f\g. 85). 

Cette voile représente le gouvernail et la quille; il 
suffit, au moyeu de deux cordes qui viennent se réunir 
à la machine, de l'incliner de droite à gauche pour 
produire une déviation correspondante à l'appareil et 
changer immédiatement de direction. A défaut de cette 
manœuvre, elle revient aussitôt se placer d'elle-même 
dans l'axe de l'aérostat, et son effet normal consiste alors 




Fig. 8Ti. — Le premier aérostat dirigeable à vapeur 
conduit dans les airs le 21 septembre 1S52. 



à faire l'office de quille ou girouette, c'est-à-dire à 
maintenir l'ensemble du système dans la direction tlu 
vent relatif. 

A 15 mètres au-dessous de la traverse sont suspendus 
la machine à vapeur et tous ses accessoires. 

Elle est posée sur une espèce de brancard en bois, 
ilont les quatre extrémités sont soutenues par des cordes 
fie suspension, et dont le milieu, garni de planches, est 



262 LA NAVIGATION AERIENNE 

destinée supporter les personnes et l'approvisionnement 
d'eau e( de charbon. 

La chaudière e>l verticale et à foyer intérieur sans 
lui ics ; elle esl entourée extérieurement, en partie, d'une 
enveloppe en tôle <|iii. tout en utilisanf mieux la chaleur 
du charbon, permet aux gaz de la combustion de s'écou- 
ler à une plus Lusse température; la cheminée est diri- 
gée de haut en lias, et le tirage s'y opère au moyeu de 
la vapeur qui vient s'y élancer avec force à su sortie du 
cylindre, et qui, en se mélangeant avec la fumée, abaisse 
encore considérablement sa température tout en les pro- 
jetant rapidement dans une direction opposée à celle 
de l'aérostat. 

La combustion du charbon a lieu sur une grille 
complètement entourée d'un cendrier, de sorte qu'en 
définitive il est impossible d'apercevoir extérieurement 
l.i moindre trace de feu. 

Le combustible que j'emploie est du coke de bonne 
qualité. 

La vapeur produite se rend aussitôt dans la ma- 
chine proprement dite ; celle-ci esl à un cylindre vertical 
dans lequel se meut un piston qui, par l'intermédiaire 
d'une liielle, fait tourner l'arbre coudé placé au sommet. 
Celui-ci porte à son extrémité une hélice à ."> patelles de 
5'", iOde diamètre, destinée à prendre le point d'appui 
sur l'air et à faire progresser l'appareil, La vitesse de 
l'hélice est d'environ 110 tours par minute, et la força 
que développe la machine pour la faire tourner esl de 
5 chevaux, ce qui représente la puissance de 25 ou 
.">fl hommes. Le poids du moteur proprement dit, indé- 
pendamment de l'approvisionnement et de ses accessoi- 
res, e^t de 100 kilogrammes pour la chaudière, et de 
58 kilogrammes pour la machine; en tout 159 kilogram- 
mes ou 50 kilogrammes par force de cheval, ou bien 
encore 5 à kilogrammes par force d'homme; de sorte 
que s'il s'agissait de produire le même effet par ce der- 
nier moyen, il faudrait, ce qui serait impossible, enle- 



LES NAVIRES AERIENS A HELICE 263 

ver 25 à 50 hommes représentant un poids moyen de 
1800 kilogrammes, c'est-à-dire un poids douze fois 
plus considérable. De chaque côté de la machine sont 
deux bâches, dont, l'une contient le combustible et 
l'autre l'eau destinée à être refoulée dans la chaudière 
au moyen d'une pompe mue par la tige du piston. Cet 
approvisionnement représente également la quantité de 
lest dont il est indispensable de se munir môme en 
assez grande quantité, pour parer aux fuites du gaz par 
les pores du tissu; de sorte qu'ici la dépense de la ma- 
chine, loiu d'être nuisible, a pour effet très avantageux 
de délester graduellement l'aérostat, sans avoir recours 
aux projections de sable ou à tout autre moyen employé 
habituellement dans les ascensions ordinaires. 

Enfin, l'appareil moteur est monté tout entier sur 
quelques roues mobiles en tous sens, ce qui permet de le 
transporter facilement à terre ; celte disposition pourrait, 
en outre, être utile, dans le cas où la machine viendrait 
loucher le sol avec une certaine vitesse horizontale. 

Si l'aérostat était rempli de gaz hydrogène pur, il 
pourrait enlever en totalité 2800 kilogrammes : ce qui 
lui permettrait d'emporter une machine beaucoup plus 
forte et un certain nombre de personnes. Mais, vu 
les difficultés de toutes espèces de se procurer un 
pareil volume, il est nécessaire d'avoir recours au gaz 
d'éclairage, dont la densité est, comme on sait, très 
supérieure à celle de l'hydrogène. De sorte que la force 
ascensionnelle totale de l'appareil se trouve diminuée 
de 1000 kilogrammes et réduite à 1800 kilogrammes 
environ, distribués comme suit : 

Aérostat avec la soupape .... 320 kil. 

Filet 150 

Traverse, corde de suspension, gouvernail, cordes 

d'amarrage -"00 

Machine et chaudière vide 150 

A reporter TM kil. 



204 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

Reporl 920 kil. 

E.iu et charbon conlenus dans la chaudière au mo- 
ment du départ ... 60 

Châssis de la machine, brancard, planches, roues 

mobiles, bâches à eau et à charbon 420 

Corde traînante Cour arrêter l'appareil en cas d'ac- 
cident . 80 

Poids de la personne conduisant l'appareil 70 

Force ascensionnelle nécessaire du départ 10 

1500 lui. 

11 reste donc à disposer d'un poids de 24S kilogram- 
mes, qu'il est prudent d'affecjer uniquement à l'appro- 
visionnement d'eau, de charbon, et par conséquent de 
lest. Tout ceci posé, le problème à résoudre pouvait 
être envisagé sous deux points de vue principaux, la 
suspension convenable d'une machine à vapeur et de 
son loyer sous un aérostat de forme nouvelle plein» 
de gaz inflammable, Pt la direction proprement dite de 
tout le système dans l'air. 

Sons le premier rapport, il y avait déjà des diffi- 
cultés à vaincre. En effet, jusqu'ici les appareils aéro- 
statiques enlevés dans l'atmosphère s'étaient bornés in- 
variablement à des globes sphériques ou ballons, tenanf 
suspendu par un filet un poids quelconque, soit une 
nacelle ou espèce de panier pouvant contenir une ou 
plusieurs personnes, soit tout autre objet plus ou moins 
lourd ; toutes les expériences tentées en dehors de celte 
primitive et unique disposition avaient eu lieu, ce qui 
est infiniment plus commode et moins dangereux, sur de 
petits modèles tenus captifs par l'expérimentateur; le 
plus souvent elles étaient restées à l'état de projet ou 
de promesse. 

En l'absence de tout fait antérieur suffisamment con- 
cluant et malgré les indications de la théorie, je devais 
encore concevoir certaines craintes sur la stabilité de 
l'appareil ; l'expérience est venue pleinement rassurer 
à cet égard, et prouver que l'emploi d'un aérostat al- 



LES NAVIRES AERIÈSS A HELICE 265 

longé, le seul que l'on puisse espérer diriger conve- 
nablement, était, sous tous les autres rapports, aussi 
avantageux que possible, et que le danger résultant de 
la réunion du feu et d'un gaz inflammable pouvait être 
complètement illusoire. 

Pour le second point, celui de la direction, les ré- 
sultats obtenus ont été ceux-ci : daus un air parfaite- 
ment calme, la vitesse du transport en tous sens est 
de 2 à 3 mètres par seconde; cette vitesse est évidemment 
augmentée ou diminuée, par rapport aux objets fixes, 
de toute la vitesse du vent, s'il y en a, et suivant, qu'on 
marche avec ou contre, absolument comme pour un 
bateau montant ou descendant un courant quelconque; 
dans tous les cas, l'appareil a la faculté de dévier plus 
on moins de la ligne du vent et de former avec celle-ci 
un angle qui dépend de la vitesse de ce dernier. 

Ces résultats sont d'ailleurs conformes à ceux que 
la théorie indique, et je les avais à peu près prévus 
d'avance à l'aide du calcul et des faits analogues rela- 
tifs à la navigation maritime. 

Telles sont les conditions dans lesquelles se trouve 
ce premier appareil; elles sont certainement loin d'être 
aussi favorables que possible ; mais si l'on réfléchit aux 
difficultés de toute nature qui doivent entourer ces 
premières expériences, faites avec des moyens d'exécu- 
tion excessivement restreints et à l'aide de matériaux 
incomplets et imparfaits, on sera convaincu que les 
résultats obtenus, quelque incomplets qu'ils soient, 
encore, doivent conduire dans un avenir prochain à 
quelque cbose de positif et de pratique. Pour cela que 
faut-il? 

Un appareil plus considérable, permettant l'emploi 
d'un moteur relativement beaucoup plus puissant, et 
ayant à sa disposition toutes les ressources pratiques 
accessoires sans lesquelles il lui est impossible de fonc- 
tionner convenablement. 

Je me propose, d'ailleurs, d'aller au-devant de 



266 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

toutes les objections, «^ ■ t faisant connaître les principes 
généraux, théoriques et pratiques, sur lesquels je crois 
que la navigation aérienne par la vapeur doit être 
basée. 

Les diverses explications que je viens de donner, 
nie dispensent d'entrer dans de longs détails sur le 
voyage aérien que j'ai l'ail; je suis parti seul de l'Hippo- 
drome, le 2i, à cinq heures un quart; le vent souillait 
avec une assez grande violence; je n'ai pas songé un seid 
instant a lutter directement contre le vent, la force 

de la machine ne nie l'eût pas permis : cela était prévu 
d'avance et démontré par le calcul; mais j'ai opéré avec 
le plus grand sucrés diverses manœuvres de mouve- 
ment circulaire et de déviation latérale. 

L'action du gouvernail se faisait parfaitement sentir, 
el à peine avais-je lire légèrement une de ses deux 
cordes de manœuvre, que je voyais Immédiatement l'ho- 
rizon tournoyer autour de moi; je suis 111(11111'' à une 
hauteur de 1500 mètres, el j'ai pu m'y maintenir 
horizontalement à l'aide d'un nouvel appareil que j'ai 
imaginé, el qui indique immédiatement le moindre 
mouvement vertical de l'aérostat. 

Cependant la nuit approchant, je ne pouvais rester 
plus longtemps dans l'atmosphère; craignant que l'ap- 
pareil n'arrivai â terre avec uni' certaine vitesse, je 
commençai à étouffer le l'eu avec du sable; j'ouvris Ions 
les robinets de la chaudière : la vapeur s'écoula de 
toutes parts avec, un fracas horrible; j'eus un moment 
la crainte qu'il ne se produisit un phénomène élec- 
trique, et pendant quelques instants je fus enveloppé 
d'un nuage de vapeur qui ne me permettait plus de 
lieu distinguer. J'étais en ce moment à la plus grande 
élévation que j'aie atteinte; le baromètre marquait 
IcSIlO mètres; je m'occupai immédiatement de regagner 
la terre, ce que j'effectuai très heureusement dans la 
commune d'Élancourt, près Trappes, dont les habitants 
m'accueillirent avec le plus grand empressement et 



I.KS NAVIRES AERIENS A HELICE 207 

m'aidèrenl à dégonfler l'aérostat. A dit heures, j'étais 
de retour à Paris. L'appareil a éprouvé à la descente 
guelques avaries insignifiantes qui seront bientôt répa- 
rées, et alors je m'empresserai de renouveler cette 
expérience, soit par moi-même, soit en la confiant à 
l'habileté et à la hardiesse de mes collaborateurs. Je ne 
terminerai pas sans faire savoir que j'ai été puissamment 
secondé dans cette entreprise par MM. David et Sciama, 
ingénieurs civils, anciens élèves de l'École centrale; 
c'est grâce à leur dévouement sans bornes, aux sacrifices 
de toute espèce qu'ils se sont imposés, et à leur con- 
cours intelligent, que j'ai pu exécuter ma première 
expérience. Sans eux, il m'eût été probablement im- 
possible de la mettre à exécution dans un avenir 
prochain. 

.le saisis avec empressement cette occasion de 
leur eu témoigner publiquement toute ma reconnais- 
sance; c'est pour moi un devoir et une vive satisfac- 
tion. 

Henri Giffard. 



Après sa magnifique tentative de 1852, Henri 
Giffard ne pensa qu'à recommencer une nouvelle 
expérience dans des conditions plus favorables 
encore. En 1855, il construit un nouveau ballon 
allongé, qui peut être considéré comme un prodige 
de hardiesse. Cet aérostal n'avait pas moins de 
70 mètres de longueur et 10 mètres seulement de 
diamètre au milieu. Il avait, l'aspect d'un cigare 
à deux pointes. 11 cubait 3200 mètres. Giffard mo- 
difia le système d'attache de la machine à vapeur, 
iixa la traverse de bois à la partie supérieure du 
navire aérien, donl il lui faisait embrasser la 
forme ovoïdale, modifia très heureusement son mo- 



268 I.A NAVIGATION AÉRIENNE 

teur et s'éleva avec un dos aéronautcs qui foui 
niili'' dans ses constructions, M. Gabriel Yon, que 
nous allons retrouver plus tard avec M. Dupuy 
de Lôme. 

Le départ s'effectue de l'usine à gaz de Cour- 
celles, et si M. Giffard ne peut pas encore obtenir 
la direction absolue, il confirme victorieusement 
ses premiers résultats, obtient la déviation latérale 
du navire aérien, et à plusieurs reprises il le fait 
dévier de la direction du vent par les mouvements 
combinés du gouvernail et de l'hélice. 

Au moment du départ, la machine était chauffée 
à toute pression, el les spectateurs présents virent 
avec admiration l'appareil tenir tête an vent pen- 
dant quelques instants. La descente fut périlleuse; 
par suite de l'excès d'allongement, Le ballon ne garda 
pas sa stabilité; une de ses pointes se releva el le 
système eut la tendance à prendre la position verti- 
cale. En touchanl terre, l'aérostat sortit du lilet, 
qui tomba sur la télé des aéronautes. 11 fit une 
seconde ascension et retomba en se séparant en 
deux morceaux qui lurent recueillis à une faible 
distance du lieu de l'atterrissage. 

C'est pendant celle môme année 1855 que Gif- 
fard prit, à la dale du 6 juillet, \\n second brevet 
sur son système de navigation aérienne. Le texte 
de ce brevet, publié dans le Génie industriel de 
MM. Armengaûd frères', est un monument aérosta- 
tique d'un puissant intérêt. L'audacieux ingénieur 

1. J.e Génie industriel, Revue des inventions françaises el 
étrangères. Tome XXIX e . Paris, 1855, page 251. 



LES NAVIRES AEUIENS A HÉLICE 203 

étudie d'une façon très complète les conditions 
de construction d'un aérostat allongé de la forme 
que représente la gravure ci-dessous (fig. 84), dont 
nous donnons la reproduction exacte, et d'un 
volume immense, de 220 000 mètres cubes. La 
longueur totale de ce navire aérien devait être de 
liOO mètres et son diamètre au milieu de 50 mètres. 
Un tel aérostat, dont la construction ne sera peut- 
être pas impossible dans l'avenir, pourrait enlever 




Fig Si. — Projet d'un aérostat ;i vapeur gigantesque 
de 6t;0 mètres de longueur, étudié par Henri Giffard en 185G. 



un moteur de 50 000 kilogrammes, avec un excès 
de force ascensionnelle considérable! pour les voya- 
geurs, le lest et les approvisionnements. Henri 
Giffard démontre par le calcul que la vitesse propre 
de ce navire pourrait atteindre 20 mètres par se- 
conde, et par conséquent dominer presque tous les 
vents. 

Giffard se proposait de construire un aérostat 
semblable, en lui donnant une pointe un peu plus 



270 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

effilée à l'arrière qu'à l'avant. La forme de l'aé- 
rostat devail être maintenue rigide au moyeu 
d'une arête fixée sur le sommet el dans toute sa 
longueur. 



p* 



Cette pièce, dil Giffard, est destinée à résister ù 
l'effort de compression qui résulte de l'inclinaison 
des cordes de suspension; elle peut être ronde, 
pleine, creuse, ou présenter une forme quelconque; 
on peu! aussi, au lieu d'une, en placer deux, éloignées 
l'une de l'autre de quelques degrés; on pourrait enfin 
en placer une ou deux en un point quelconque du 
filet ou de la suspension, el même au-dessous de 
l'aérostat, pourvu qu'on arrive au résultat principal 
de soustraire l'aérostat à tout effort de compression. 
Toute la partie inférieure de l'aérostat est garnie sur 
toute la longueur, ou à peu prés, d'une série de lils 
ou h, miles, mi tissus élastiques et tendus. Celle élasti- 
cité .1 pour liul de maintenir le tissu de l'aérostat 
dans un état continuel de tension, de s'opposer à toute 
rentrée d'air dans l'intérieur, el. par suite à tout 
mélange de gaz el d'air, el de réduire la section 
transversale et, par suite, la résistance de l'air, pro- 
portionnellement an volume de gaz contenu, volume 
qui varie continuellement en raison de la hauteur, 
de la déperdition qui a en lieu précédemment, de la 
température, el du vide primitif qui a pu être laissé 
à dessein au moment, du départ. 



Tout on luisant ces savantes études, le jeune ingé* 
nieur voulait continuer à bien étudier en polit, les 
conditions de stabilité et de fonctionnement dans 
l'air des aérostats allongés. En 1856, il avait con- 
struit le navire aérien que représente la gravure 



LES NAVIRES AERIENS A HELICE 



271 



ci-contre 1 (fig. 85). Ce ballon, de très petit volume, 
était muai d'une hélice que l'aéronaute devait lui- 
même taire fonctionner : il s'agissait simplement 
de faire cerlaines observations expérimentales. On 
essaya de remplir cet aérostat au moyen de gaz 
hydrogène, que préparait alors un chimiste nommé 
M. Gillard en décomposant la vapeur d'eau par le 
charbon, mais le gonflement ne mil être achevé. 




Fig, Ko. — Petit aérostat allouée d'expérimentation 
construit par Henri Gillard en 18arj. 



Toutes ces expériences étaient fort coûteuses; 
Giffard dut les abandonner. Il construisit avec 
Flaud, qui fonda alors l'atelier de mécanique 
devenu depuis longtemps déjà l'un des établisse- 

1. La gravure que nous publions ici pour la première fois, est 
faite d'après l'épure originale de Giffard, actuellement en la 
possession de M. (j. Yon. 



272 LA > A \ 1 1 i A 1 H i > AÉRIENNE 

mcnts industriels les plus importants de Taris, de 
remarquables petites machines à vapeur à grande 
vitesse, qui lui rapportèrent bientôt une centaine de 
mille lianes. Le jeune ingénieur put rembourser 

ce que lui avaient prêté ses amis David et Sciama 
lil eut malheureusement la douleur de les perdre 
successivement l'un et l'autre). Il donna bientôt 
naissance à l'injecteur des machines à vapeur, une 
des plus étonnantes inventions de la mécanique 
moderne, qui devait faire sa fortune. 

Henri Giffard devint plusieurs fois millionnaire, 
mais il ne cessa jamais d'être le travailleur modeste 
et simple qu'on avait pu connaître au début de sa 
carrière. Les ballons restèrent sa préoccupation 
constante et l'objet de ses travaux les plus assidus. 
Il construisit le premier aérostat captif à vapeui', 
lors de l'Exposition universelle de 1867. L'année 
suivante, il fit installer à Londres un second aérostat 
captif qui cubait L2 000 mètres et qui avait néces- 
sité des constructions gigantesques. Ce matériel 
coula plus de 700 000 francs, que M. Henri Giffard 
perdit entièrement, sans proférer une seule plainte. 
L'éminent ingénieur ne regrettait jamais la dépense 
d'une expérience, si coûteuse qu'elle fût, parce que, 
disait-il, on en tirait toujours quelque profit. 

Henri Giffard fut ainsi conduit peu à peu à don- 
ner naissance au grand ballon captif à vapeur de 
1878, véritable monument aérostatique, que l'on 
peut appeler une des merveilles de la mécanique 
moderne. Tout le monde a encore présent à l'esprit 
ce globe de 25 000 mètres cubes, qui enlevait dans 



LES NAYIItES AEISIENS A HELICE '273 

l'espace quarante voyageurs à la Ibis et ouvrit le 
panorama de Paris à plus de trente mille personnes 
pendant la durée de l'Exposition. Tout était nou- 
veau dans cette œuvre colossale, l'aéronautique s'y 
trouvait transformée de toutes pièces : tissu im- 
perméable, préparation en grand de l'hydrogène, 
détails de construction modifiés et perfectionnés, 
Henri Giffard avait tout calculé, tout essayé, tout 
réalisé. Sa puissance de conception était inouïe; il 
pensait à tout et prévoyait tout. C'était un expéri- 
mentateur émérite, un mathématicien éminent, un 
esprit d'une ingéniosité exceptionnelle, un mécani- 
cien hors ligne. 

Les grandes constructions aérostatiques, aux- 
quelles il s'était si vaillamment exercé, devaient 
lui permettre de réaliser le rêve de toute sa vie, de 
reprendre son expérience de 1852, et d'apporter 
enfin au monde la solution définitive du problème 
de la direction des aérostats. Il avait, conçu un pro- 
jet grandiose, celui de la construction d'un aérostat 
de 5000(1 mètres cubes, muni d'un moteur très 
puissant actionné par deux chaudières, l'une à gaz 
du ballon, l'autre ù pétrole, afin que les pertes de 
poids de force ascensionnelle pussent s'équilibrer. 
La vapeur formée par la combustion aurait été 
recueillie à l'état liquide dans un condensateur à 
grande surface de manière à équilibrer les pertes 
d'eau de la chaudière. 

Que de fois mon regretté maître ne m'a-t-il pas 
ilonné dans ses détails la description de ce monitor 
de l'air! Tout était calculé, tout était prêt, jusqu'au 

18 



•274 LA NAVIGATION AERIENNE 

million qui dovaif lui permettre de l'exécuter, et <jue 
l'illustre ingénieur tenait toujours en réserve, dans 
quelques-unes des grandes maisons de banque de 
Paris. D'autres projets germaient encore dans son 
cerveau : voiture à vapeur, locomotive à 1res haute 
pression, bateau à grande vitesse; conceptions puis- 
santes, étudiées avec une persévérance à toute 
épreuve et marquées au sceau du génie. 

L'ingénieur, venons-nous de dire, avait tout prévu. 
Mais au-dessus de la volonté et de la prévoyance 
humaines, il y a les lois fatales de la destinée : les 
plus forts doivent s'y soumetlre. La maladie est 
venue lutter contre les efforts du grand inventeur; 
sa vue s'affaiblit, lui rendant tout travail impossi- 
ble, ce qui le plongea dans une douleur extrême. Il 
y avait un peu de l'athlète dans l'âme de Giffard, 
et l'idée de se trouver réduit à l'impuissance, le 
rendit inconsolable. Il s'enferma, et lui, qui avait 
lanl aimé la lumière, l'indépendance cl l'action, il 
vecul dans la solitude et s'éteignit graduellement, 

jusqu'au moment où, la tête affolée parla douleur, 
il se donna la morl le 15 avril 1882, en respirant 
du chloroforme. 



II 



DIII'UY DE LOME ET L ETUDE DES AEP.0STATS 
A HÉLICE 



Projel d'un aérostal dirigeable pondant le siège de Paris. — 
Navire aérien à hélice de M. Dupuy do Lômo. — Expérience 
du -J. février 1*72. — Bésultats obtenus. — Projel de M. fî a - 
briel Yimi. 



En 1870, après nos premières défaites et la 
chute de l'Empire, Dupuy de Lôme, auquel la con- 
struction des premiers navires cuirassés avait, 
donné une réputation universelle, accepta de faire 
partie du Comité de la défense, et il commença 
pendant le siège de Paris à s'occuper d'aérostalion. 
Il présenta à l'Académie des sciences un projet, 
de ballon dirigeable, pour l'exécution duquel le 
gouvernement de la Défense nationale lui ouvrit 
\m crédit de 40 000 francs (28 octobre 1870). 
M;iis cet aérostat, en raison des difficultés de con- 
struction, ne fut prêt que quelques jours avant 
lu capitulation, et il ne devait être expérimenté 
que deux ans plus tard. M. Dupuy de Lôme a 
exposé en 1872 dans les termes suivants les motifs 
de ce relard : 



-270 LA NAVIGATION AERIENNE 

C'est le 29 octobre 1870, pendant le siège de Paris 
par les armées allemandes, que j'ai été chargé de faire 
exécuter pour le compte de l'Etat un aérostat dirigeable, 
conçu conformément aux vues que j'avais exposées à ce 
sujet à l'Académie des sciences dans les séances des 
10 et 17 du même mois. 

J'ai accepté cette mission, sans me dissimuler les dif- 
ficultés que j'allais rencontrer pour l'exécution de mon 
appareil dans Paris assiégé, avec son industrie désor- 
ganisée. Malgré mes efforts et ceux de mes collabora- 
teurs principaux, M. Zédé, ingénieur de la marine, et 
M. Von. aéronaute, je n'ai pu réussir assez à temps pour 
qu'il put servir pendant le siège. 

Des obstacles insurmontables, tels que l'insurrection 
du 18 mars el le second siège de Paris, suivis d'autres 
incidents, m'ont contraint de retarder encore l'essai de 
mon aérostat. Ce n'est qu'au mois de décembre 1871 
qu'il m'a été possible de le préparer, dans un local 
du Fort-Neuf de Vincennes mis à ma disposition par 
le ministre de la guerre. Une commission, nommée 
par le ministre de l'instruction publique, a été alors 
chargée de constater la remise à l'État de l'appareil, 
et de suivre l'essai que je demandais à en faire le plus 
toi possible. 

.le rappelle que j'ai posé en principe que, pour obtenir 
un aérostat dirigeable, il faut d'abord satisfaire aux deux 
conditions ci-après : 

I" La permanence de la forme du ballon, sans ondu- 
lai ions sensibles de la surface de son enveloppe; 

2" La constitution, pour l'ensemble do l'aérostat, d'un 
axe de moindre résistance dans le sens horizontal, et 
dans une direction sensiblement parallèle à celle de la 
force poussante. 

J'ai satisfait à la condition de permanence de la forme 
au moyen d'un ventilateur porté et manœuvré dans la 
nacelle, el mis en communication par un tuyau eu 
étoffe avec, un ballonnet placé à l'intérieur du ballon à 



LES .NAVIRES AEIUE.NS A HELICE 



m 



sa partie basse. Le volume de ce ballonnet est le dixième 
de celui (lu grand ballon. Celle proportion permet de 
descendre de 86b' mètres de hauteur, en maintenant le 
ballon gonflé malgré l'augmentation correspondante de 
la pression barométrique. 

Ce ballonnet à air est muni d'une soupape «'ouvrant 
île dedans en dehors, et réglée par des ressorts, de telle. 




Fig. 8U. — Épure de l'aérostat à hélice de Dupviy de Lôji 



façon que si l'on venait à souffler mal à propos, ce 
serait l'air insufflé qui s'échapperait du ballonnet 
par cette soupape plutôt que de le gonfler en refoulant 
l'hydrogène plus bas que l'extrémité inférieure des 
pendentifs. Le grand ballon est muni de deux de 
ces pendentifs ouverts à l'air libre et descendant à 
8 mètres au-dessous du plan tangent à la partie basse 
du ballon. 



i!78 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

L'aérostat de Dupuy de Lôme cubait 3400 mètres : 

sa longueur de pointe en pointe était de ."G mètres, 
son diamètre de 14"\8i (fig. 86). Gonflé d'hydro- 
gène pur, il avait une l'orée ascensionnelle considé- 
rable, et pouvait enlever huit hommes de manœuvre 
destinés à faire mouvoir l'hélice de propulsion; 
qui n'avait pas moins de 9 mètres de diamètre. Un 




Kig. 87. — L'aérostat à hélice de Dupuy <lr Lôme, 
expérimenté le i lévrier 187:!. 



gouvernail formé d'une voile triangulaire était 
à l'arrière. 

L'expérience de ce grand navire aérien a été 
exécutée le 2 février 1872, dans le fort de Vin- 
cennes (fig. 87). Elle fut dirigée par M. Dupuy de 
Lôme, accompagné de M. Zédé, officier de marine, 
de M. Yon, et de huit hommes de manœuvre. 
L'aérostat s'éleva assez rapidement. 



LES NAVIRES AERIENS A HELICE 271) 

Dus que l'hélice a été mise en mouvement, l'influence 
du gouvernail s'est immédiatement fait sentir dans le 
sens voulu, ce qui prouvait déjà que l'aérostat avait nue 
vitesse propre par rapport à l'air ambiant. 

L'anémomètre présenté au courant d'air à l'avant de 
la nacelle restait, d'ailleurs immobile, tant que l'hélice 
était stopée, et. tournait dés que l'on faisait fonctionner 
l'hélice motrice; il prouvait donc ainsi que l'aérostat 
avait une vitesse propre sous l'influence de son moteur... 

La stabilité de. la nacelle, due à son nouveau mode 
de suspension, a été parfaite; elle n'éprouvait aucune 
oscillation sous l'action des huit hommes travaillant 
au treuil de l'hélice, et l'on pouvait se porter facile- 
ment plusieurs personnes à la fois à gauche et à droite, 
ou de l'avant à l'arrière, sans qu'on s'aperçoive d'au- 
cun mouvement, pas plus que sur le parquet d'un 
salon. 

Evidemment le centre de gravité se déplaçant, il y 
avait un petit changement de quelques fractions de 
degré dans la verticale de tout le système, ballon et 
nacelle; mais il était impossible d'apercevoir un mou- 
vement relatif de la nacelle par rapport au ballon, ni 
rien d'analogue aux oscillations d'une embarcation 
flottante dont l'équipage se déplace. 

M. Dupuy de Lônie a constaté que le navire 
aérien, sous le jeu de l'hélice, se déviait notable- 
ment de la ligne du vent, et il a pu évaluer la vitesse 
propre du système à 2 m ,80 à la seconde. 

La descente eut lieu très favorablement au delà 
de Mondécourt, à 10 kilomètres un quart dans l'est, 
17 degrés nord de Noyon. 

Il me parait intéressant, ajoute le savant ingénieur, 
de relater ici le fait suivant, sans que j'y attache une 



280 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

importance exagérée; mais il esl cependant de nature 
à corroborer la confiance que m'inspire la méthode 
employée pour mesurer les directions de route et les 
vitesses sur le sol. 

A l''.15', nous avions marqué de notre mieux nuire 
point sur la carte de l'Etat-major; malheureusement, 
je n ai pas réussi à ce moment à retrouver sur la terre 
la cour du Fort-Neuf de Vincennes, déjà trop éloignée 
Quoi qu'il en soit, M. Zédé a tracé sur la carie, à partir 
du nouveau point de départ, les directions el les vi- 
tesses que je lui dictais, et. quand, sur le point d'at- 
terrir, nous nous sommes demandé quel pouvait être le 
village au-dessus duquel nous allions passer, M. Zédé, 
eonlianl dans sa route tracée sur la carie, nous répondit 
que ce devait être Mondécourt, sur les confins du 
département de l'Oise el de l'Aisne. Un instant après, 
les villageois, à qui nous demandions en passant sur 
leur tête quel étail le nom de leur village, nous répé- 
taient eu criant le nom de Mondécourt. 



D'après Dupuy de Lôme, le résultat de cette ex- 
périence peut se résumer ainsi : 

1" Stabilité assurée malgré la forme oblongue, grâce 
au système du lilel de bajancine; 

2° Maintien de la forme au moyen du ballonnet à 
air; 

o" Faculté de maintenir le cap dans une direction 
voulue, quand l'hélice fonctionne, malgré quelques em- 
bardées dues en grande partie à l'inexpérience du li- 
monier; 

\" Vitesse déjà importante imprimée à l'aérostal par 
rapport à l'air ambiant au moyen de l'hélice mue par 
huit hommes, celte vitesse s'étant élevée à 2 m ,82 par 
seconde, ou 10 \ kilomètres pour t!7 .', tours d'hélice par 
minute; 



LES NAVIRES AERIENS A HÉLICE '-'83 

5° Le rapport du la vitesse propre de l'aérostal ail 
produit ilu pas de l'hélice par son nombre de tours est 
de 76 pour 100 ; dans mon exposé des plans de l'aérostat, 
j'avais écrit que ce rapport serait au moins de 74 pour 11)0. 
La résistance totale de l'aérostat, comparée à celle de 
l'hélice, est donc un peu moindre que je ne l'avais 
estimée; 

0° Les huit hommes employés pour obtenir ces 
27 £■ tours par minute développaient, en moyenne, 
un travail dont je n'ai pas la mesure exacte, mais que 
je ne saurais estimer à plus de 00 kilogrammètres, 
surtout en raison du frottement anormal de l'arbre 
de l'hélice dans ses coussinets, dont j'ai parlé précé- 
demment. 

Si l'on parvenait à se mettre bien à l'abri des dangers 
que présente une machine à feu portée par un ballon à 
hydrogène, on ferait facilement une machine de huit 
chevaux de 75 kilogrammètres avec le poids des sept 
hommes, dont on pourrait diminuer le chiffre de l'équi- 
page, en conservant seulement un mécanicien sur les 
huit hommes employés à tourner l'hélice. Le travail 
moteur serait ainsi de 000 kilogrammètres, c'est-à- 
dire dix fois plus grand, et la vitesse de 10 \ kilo- 
mètres à l'heure, obtenue le 2 février, s'élèverait avec 
le même aérostat à 22 kilomètres à l'heure. Le com- 
bustible et l'eau d'alimentation pourraient être prélevés 
sur le lest de consommation. On obtiendrait ainsi un 
appareil capable non seulement de se dévier du lit 
d'un vent d'un angle considérable par des vents ordi- 
naires, mais pouvant même assez souvent faire route 
par rapport à la terre dans toutes les directions qu'il 
faudra suivre. 



Dupuy de Lôme a publié, après son expérience, 
un mémoire volumineux et d'un grand intérêt, où 
il étudie d'une façon magistrale les conditions de 



28j LA NAVIGATION AERIENNE 

fonctionnement ries aérostats allongés munis du 
propulseurs à hélice 1 . 

L'éminent ingénieur, par sn liante situation, sa 
notoriété et son influence, aura rendu de grands 
services à la cause de la navigation aérienne; sa 
parole était plus écoutée que celle des humbles 
pionniers de la science qui, bien avant ses essais, 
avaient aussi la conviction et la foi. 

L'expérience de 1872 ne devait être d'ailleurs 
qu'une tentative préliminaire, et Dupuy de Lomé, 
nous venons de le voir, a indiqué que ses huit 
hommes de manœuvre seraient remplacés par un 
moteur mécanique. 

C'est dans cette voie que M. Gabriel Yon, après 
l'essai de l'aérostat à hélice, voulut s'engager. 
L'habile praticien a publié, en 1880, un remar- 
quable travail, où il propose d'exécuter un aérostat 
à vapeur, dont nous donnons l'aspect d'après 
un modèle construit en petit (fig. 88) 2 . M. Yon 
adopte, pour suspendre la nacelle, un système ana- 
logue à celui de Dupuy de Lôine, il se sert de deux 
lu-lices de propulsion, qu'il place de chaque côté 
de l'aérostat et à son milieu. Ce projet est fort bien 
étudié, et l'auteur serait très capable de le mener 
à bien, s'il avait entre les mains les ressources 
financières nécessaires à une telle entreprise. 

1 Voy. Aérostat à hélice, par M. Dupuy de Lomé. 111-4°, 1872. 
2. Note sur la direction des ae'rostats, par M. !.. Gabriel Yon. 
In-4° avec planches. Paris, Georges Chamerot, 1880. 



III 



LE PREMIER AEROSTAT ÉLECTRIQUE 

Le petit aérostat dirigeable de l'Exposition d'électricité de Paris en 
1881. — Construction d'un navire aérien à propulseur électrique 
par MM. Tissandier frères. — Expérience du 8 octobre 188j. 
— Deuxième expérience du '20 septembre 1884. — Conclusion 

Au commencement do L'année 1881, l'expérience 
du bateau électrique do M. G. Trouve, dans le- 
quel l'ingénieux constructeur employait un petit 
moteur dynamo-électrique actionné par une pile au 
bichromate de potasse de sa construction, me 
donna l'idée d'employer les moteurs électriques à 
la navigation aérienne. Henri Giffard se trouvait 
condamné par une maladie cruelle, il n'était plus 
possible de compter sur ses efforts et sur son 
concours : je résolus d'entreprendre des essais en 
petit à l'aide d'un modèle de dimension restreinte. 
11 n'est pas inutile de rappeler ici les avantages 
au point de vue aérostatique d'un moteur qui 
fonctionne sans feu, et dont le poids reste con- 
stant: ces conditions sont dos plus favorables à 
la propulsion d'un ballon équilibré dans l'air 



,i 



1. Nous renvoyons le lecteur désireux d'avoir de plus amples 



28IÎ I \ NAVIGATION AERIENNE 

J'ai installé à l'Exposition d'électricité, on 1881, 
nu polit ballon allongé, gonflé «l'air, qu'actionnai! 
nn minuscule moteur dynamo-électrique sur la 
bobine duquel était fixée une liélice, par l'intermé- 
diaire d'une transmission à engrenage. Le géné- 
rateur d'électricité était formé par doux petits 
accumulateurs, que mou savant ami Gaston Planté 
avait construits à mon usage. Ce petit ballon, 
attelé à un manège, au milieu de la grande nef du 
palais de l'Industrie, si 1 mettaità tourner sous le jeu 
ilo sou hélice, quand ou mettait le moteur en 
action, cl il atteignait une vitesse de ."> mètres 
environ à la seconde, avec nue force motrice de 
I kilogrammètre (lig. 89).. Le petit aérostal pouvait 
être gonflé d'hydrogène pur; il enlevait alors son 
moteur et son générateur. 

Ces premiers essais étaient encourageants; ils 

me déciilèrent à aller au delà. .Mon frère Albert 
Tissandier joignit alors ses efforts aux miens, cl 
c'est en collaboration, cl à irais communs, <pio 
nous avons construit le premier aérostal électrique 
qui ail enlevé îles voyageurs à l'air libre. 
Voici la description succincte de notre appareil : 
L'aérostat électrique a une forme semblable à 
cette des ballons de M. Gil'l'anl cl de M. Dupuv de 
Lûme; il a 28 mètres de longueur de pointe en 
pointe, et 9 m .20 de diamètre au milieu, il est muni, 
à sa partie inférieure, d'un cône d'appendice ter- 
miné par une soupape automatique. Le tissu esl 

détails .'i ce sujet, ;'i la brochure que nous îiTqns publiée sur les 
Huilons diviqeablcs (GmiUiier-Villars. édileur) 



LES NAVIRES AERIENS A HELICE 



289 



formé de percaline, rendue imperméable par un 
nouveau vernis d'excellente qualité 1 . Le volume du 
ballon est de 1000 mètres cubes. 

La nacelle a la forme d'une cage; elle a été con- 
struite à l'aide de bambous assemblés, consolidés 
par des cordes et des fils de cuivre, recouverts de 
gutta-percha (fig. 90). La partie inférieure de la 
nacelle est formée de traverses en bois de noyer 
qui servent de support à un fond de vannerie d'osier. 



Coupe suivant A 6 




Coupe suivant C D. 



Coupe suivant E.F. 













\ 




/l 












II». r.i 


< 


xA: / 










ï 1 






y^. 90. — Nacelle de l'aérostat électrique de MM. Tissandier frères. 



Les cordes de suspension enveloppent entièrement 
la nacelle; elles sont tressées dans la vannerie infé- 
rieure et ont été préalablement entourées d'une 
gaine de caoutchouc qui, en cas d'accident, les 
préserveraient du contact du liquide acide contenu 
dans la nacelle, pour alimenter les piles. 

Les cordes de suspension sont reliées horizonta- 
lement entre elles par une couronne de cordage, 

1. Ce produit est prépare par M. Arnoul. fabricant de vernis à 

Saint-Ouen-1' Aumône. 

19 



LA NAVIGATION AÉRIENNE 

située à deux mètres au-dessus de la nacelle. 
Les engins d'arrêt pour la descente, guide-rope 
et corde d'ancre, sont attachés à cette couronne, 
qui a en outre pour but de répartir également la 
traction. 

La housse de suspension est formée de rubans 
cousus à des fuseaux longitudinaux qui les main- 
tiennent dans la position géométrique qu'ils doivent 
occuper. Les rubans, ainsi disposés, s'appliquent 
parfaitement sur l'étoffe gonflée et ne forment au- 
cune saillie, comme le feraient les mailles d'un 
filet. 11 est très important de n'avoir point à la 
surface d'un ballon dirigeable de parties saillantes 
qui offrent à l'air une grande résistance. 

La housse de suspension est fivée sur les flancs 
de l'aérostat, à deux brancards latéraux flexibles, 
(jui en épousent complètement la forme, de pointe 
en pointe, en passant par l'équateur. Ces brancards 
sont formés de minces lattes de noyer adaptées à 
des bambous sciés longitudinalement ; ils sont con- 
solidés par des lanières de soie. A la partie infé- 
rieure de la housse, des pattes d'oie se terminent 
par vingt cordes de suspension qui s'attachent par 
groupe de cinq aux quatre angles supérieurs de la 
nacelle. 

Le gouvernail, formé d'une grandi- surface de 
soie non vernie, maintenue à sa partie inférieure 
par un bambou, y est aussi adaptée à l'arrière. 

Le moteur est constitué par une machine 
dynamo de Siemens, construite spécialement, et 
ayant 11110 lone de 100 kilogrammètres sous le 



LES NAVIRES AERIENS A HELICE 291 

poids de 45 kilogrammes. — L'hélice de propul- 
sion est à deux palettes ; elle est attelée à la ma- 
chine par l'intermédiaire d'une transmission à en- 
grenage. Elle-a 2'\80 de diamètre et fait 180 tours 
à la minute. La pile au bichromate de ma construc- 
tion est formée de 24 éléments à grande surface de 
zinc, et à grand débit. 

Voici les poids des différentes parties de ce ma- 
tériel : 



Aérostat, avec ses soupapes. 


170 


kilogrammes 


Housse, avec le gouvernail el 






les cordes de suspension'. 


70 


— 


Brancards flexibles latéraux. 


34 


— 




100 


— 


Moteur, hélice et piles avec 






le liquide pour les faire 






fonctionner pendant 2 h. ou 


280 


— 


Engins d'arrêt (ancre et guide- 






rope . ... 


50 


— 


'Poids du matériel fixe. 


704 


— 


lieux voyageurs avec instru- 






ments. 


150 


■ — 


Poids du lest enlevé. . . 


386 


— 


Poids total. 


1240 k 


ilogrammes 



Depuis la fin de septembre 1882, l'appareil à gaz 
construit dans notre atelier d'Auteuil était prêt à 
fonctionner, l'aérostat était étendu sur le terrain, 
sous une longue tente mobile, afin de pouvoir être 
gonflé immédiatement; la nacelle cl le moteur 
étaient tout arrimés sous un hangar qui les conte- 
nait; mon frère et moi, nous n'attendions plus que 
le beau temps pour exécuter notre expérience. 



2Ô2 I.A NAVIGATION AÉRIENNE 

Dès le samedi 6, une hausse barométrique a été 
signalée : le dimanche 7. le temps s'est mis au beau, 
avec vent faible : nous avons décidé que l'expérience 
aurail lieu le lendemain, lundi S octobre 1885. 

Le gonflement de l'aérostat a commencé à 8 h. 
du malin cl a été continué sans interruption jusqu'à 
2 li. 50 de l'après-midi. Celte opération a été faci- 
litée par des cordes équatoriales qui pendaient à 
droite et à gauche de l'aérostat, et le long des- 
quelles mi descendail les sacs de lest. Le navire 
aérien élanl tout à l'ait gonfle (fig. 01), il a clé pro- 
cédé de suite à l'installation de la nacelle et des 
réservoirs d'ébonite, contenant chacun 50 litres 
de la dissolution acide de bichromate de potasse. 
A 5 h. 20 m., après avoir entassé le lest dans la 
nacelle cl avoir procédé à l'équilibrage, nous nous 
sommes élevés lentement dans l'atmosphère par un 
faible vent E. S. E. 

La force ascensionnelle était, en comptant 10 ki- 
logrammes d'excès de force pour l'ascension, de 
1250 kilogrammes. Le volume du ballon étant de 
1060 mètres, le gaz avail donc une Force ascen- 
sionnelle de 1180 grammes par mètre cube, résul- 
tai qui n'avait jamais été obtenu jusqu'ici dans les 
préparations en grand de l'hydrogène. 

A terre, le vent était presque nul, mais comme 
cela se présente fréquemment, il augmentait de 
vitesse avec l'altitude, et nous avons pu constater 
par la translation de l'aérostat au-dessus du sol 
qu'il atteignait, à 500 mètres de hauteur, une vi- 
tesse de 5 mètres à la seconde. 



LES NAVIRES AÉRIENS A HÉLICE '295 

Mon frère était spécialement occupé à régler If- 
jeu de lest, dans le but de bien maintenir l'aérostat 
à une altitude constante et peu éloignée de la sur- 
face du sol. L'aérostat a très régulièrement plané à 
une hauteur de quatre ou cinq cents mètres au- 
dessus de la terre ; il est resté constamment gonflé, 
et le gaz en excès s'échappait même par la dilata- 
tion, en ouvrant sous sa pression la soupape auto- 
matique inférieure, dont le fonctionnement a été 
très régulier. 

Quelques minutes après le départ, j'ai fait fonc- 
tionner la batterie de piles au bichromate de po- 
tasse, composée de quatre auges à six comparti- 
ments, formant vingt-quatre éléments montés en 
tension. Un commutateur à mercure nous permet 
de faire fonctionner à volonté six, douze, dix-huit 
ou vingt-quatre éléments, et d'obtenir ainsi quatre 
vitesses différentes de l'hélice, variant de soixante 
à cent quatre vingts tours par minute. Avec 12 élé- 
ments en tension, nous avons constaté que la vitesse 
propre de l'aérostat dans l'air, était, insuffisante, 
mais au-dessus du bois de Boulogne, quand nous 
avons fait fonctionner notre moteur à grande vitesse, 
à l'aide des 14 éléments, l'effet produit était 
tout différent. La translation de l'aérostat deve- 
nait subitement appréciable, et nous sentions un 
vent frais produit par notre déplacement horizontal. 
Quand l'aérostat faisait face au vent, alors que sa 
pointe de l'avant était dirigée vers le clocher de 
l'église d'Àuteuil, voisine de notre point de départ, 
il tenait tête au courant aérien et restait immobile, 



290 LA NAVIGATION «ÉRIENNE 

ce que nous pouvions constater eu prenant sur le 
sol des points de repère au-dessous de noire nacelle. 

Après avoir procédé aux expériences que. nous 
venons de décrire, nous avons arrêté le moteur, et 
l'aérostal a passé au-dessus du Mont-Valérien. Une 
fois qu'il eut bien pris l'allure du vent, nous avons 
recommencé à faire tourner l'hélice, en marchant 
celle l'ois dans le sens du courant aérien; la vitesse 
de translation de l'aérostat était accélérée; par l'ac- 
tion du gouvernail nous obtenions facilement alors 
des déviations à gauche et à droite de la ligne du 
venl. Nous avons constaté ce fait en prenant connue 
précédemment des points de repère sur le sol; plu- 
sieurs observateurs l'ont d'ailleurs vérifié, à la sur- 
face «lu sol. 

A i li- 55 ni., nous avons opéré notre descente 
(Luis une grande plaine qui avoisine Croissy-sur- 
Seine; les manœuvres île l'atterrissage ont été exé- 
cutées par mon frère avec un plein succès. Nous 
avons laissé l'aérostal électrique gonflé toute la nuit, 
et le lendemain, il n'avait pas perdu la moindre 
quantité de gaz: il était aussi bien gonflé' que la 
veille. Peintres, photographes ont pu prendre l'as- 
pect de notre navire aérien, au milieu d'une foule 
nombreuse et sympathique, que la nouveauté du 
spectacle avait attirée de toutes parts. 

Nous aurions voulu recommencer le jour même 
une nouvelle ascension; mais le froid de la nuit 
avait déterminé la cristallisation du bichromate de 
potasse dans nos réservoirs d'ébonite,et la pile, qui 
était loin d'être épuisée, se trouvait cependant ainsi 



LES NAVIRES AÉRIENS A HÉLICE 297 

hors d'état de fonctionner. Nous avons fait conduire 
l'aérostat à l'état captif sur le rivage de la Seine près 
du pont de Croissy, et là, à notre grand regret, nous 
avons dû procéder au dégonflement, et perdre en 
quelques instants le gaz que nous avions mis tant 
de soins à préparer. 

Sans entrer dans de plus longs détails au sujet 
de notre retour 1 , nous pouvons conclure de cette 
première expérience : 

Que l'électricité fournit à l'aérostat un moteur 
des plus favorables, et dont le maniement dans la 
nacelle est d'une incomparable facilité; 

Que dans le cas particulier de notre aérostat élec- 
trique, quand notre hélice de 2™, 80 de diamètre 
tournait avec une vitesse de 180 tours à la minute, 
avec un travail effectif de 100 kilograminètres, nous 
arrivions à tenir tête à un vent de 5 mètres environ 
à la seconde et, en descendant le courant, à nous 
dévier de la ligne du vent avec une grande facilité; 

Que le mode de suspension d'une nacelle à un 
aérostat allongé, par des sangles obliques mainte- 
nues au moyen de brancards latéraux flexibles, 
assure une stabilité parfaite au système. 

A la suite de l'ascension que nous avons exécutée 
le 8 octobre 1885, nous avons dû modifier quelques 
parties du matériel et refaire notamment de toutes 



1. Nous dirons ici que notre matériel a pu être ramené à Paris 
sans que rien absolument ait subi la moindre avarie; grâce à un 
mode spécial de fermeture de nos réservoirs d'ébonite, pas une 
goutte de liquide n'a été répandue dans la nacelle, et pas un seul 
charbon mince de la pile n'a été cassé. 



29s I \ NAVIGATION USRIKNKE 

pièces le gouvernail (fig. 92), dont le rôle n'es) pas 

moins important que celui ilu propulseur. 

Nous avons exécuté, le vendredi 2G septembre 
1884, un deuxième essai; il a donné tous les résul- 
tats que nous pouvions attendre d'une construction 
faite exclusivement dans un but d'étude expérimen- 
tale. Notre aérostat, dont la stabilité n'a jamais 
rien laisse à désirer, obéit à présent avec la plus 
grande sensibilité aux mouvements du gouvernail, 
et il nous a permis d'exécuter au-dessus de Paris 
des évolutions nombreuses dans des directions dif- 
férentes. et de remonter même, à plusieurs reprises, 
le courant aérien avec vent debout, comme ont pu 
le constater des milliers de spectateurs. 

L'aérostat a été gonflé avec le grand appareil à 
gaz hydrogène dont nous avons parlé précédem- 
ment. A 4 heures de l'après-midi, il était entiè- 
rement arrimé et prêt à partir. Nous avons essayé 
à terre la machine dynamo-électrique; mon frère et 
moi, nous sommes montés dans la nacelle avec 
nu ancien marin, notre cordier, M. Lecomte, 
qui, avant bien voulu se charger des manœu- 
vres du gouvernail, a pris place à la partie supé- 
rieure de la cage de bambou, sur un petit banc 
de vigie construit spécialement à cet effet. L'as- 
cension a eu lieu à 4 h. 20 m., au milieu des ap- 
plaudissements et des clameurs d'une foule consi- 
dérable réunie dans les environs. Mon frère Albert 
s'était chargé du jeu de lest destiné à maintenir 
l'aérostat au même niveau. M. Lecomte, tenant de 
chaque main les drosses du gouvernail, faisait virer 



LES NAVIRES AÉRIENS A HÉLICE 299 

de bord selon la direction que nous voulions 
prendre; quant à moi, je m'occupais spéciale- 
ment de faire fonctionnel' le moteur et de prendre 
le point. 

A 400 mètres d'altitude, nous avons été entraînés 
par un vent assez vif du N.-O., et aussitôt l'hélice a 
été mise en mouvement, d'abord à petite vitesse; 




Fig. 92. — Aréostat électrique de MM.STissandierfrères avec~son 
nouveau gouvernail. — Expérience du 26 septembre 1884. 



quelques minutes après, tous les éléments de la pile 
montés en tension, ont donné leur maximum de 
débit. Grâce aux dimensions plus volumineuses de 
nos lames de zinc et à l'emploi d'une dissolution 
de bichromate de potasse plus chaude, plus acide 
et plus concentrée, il nous a été donné de disposer 
d'une force motrice effective de 1 cheval et demi 



300 I \ NAVIGATION AÉHIENN'E 

environ, avec une rotation de l'hélice de 100 à 200 
tours à la minute. 

L'aérostat a d'abord suivi presque complètement 
la ligne du vent, puis il a viré de bord sous l'action 
du gouvernail et, décrivant une demi-circonférence, 
il a navigué veut debout. Nous sentions alors un 
air très vif qui souillait avec assez de force et nous 
indiquait que mois luttions contre le courant. En 
prenant des points de repéré sur la verticale, nous 
constations que nous nous rapprochions très lente- 
ment, mais sensiblement, de la direction d'Auleuil, 
ayant une complète stabilité de route. La vitesse du 
vent était environ de 3 mètres à la seconde, et notre 
vitesse propre, un peu supérieure, atteignait à peu 
près 4 mètres à la seconde. Nous avons ainsi re- 
monté le vent au-dessus du quartier de Grenelle 
pendant plus de 10 minutes; ce mouvement d'évo- 
lution nous conduisit jusqu'au-dessus de l'église 
Saint-Lambert. 

Nous avions constaté avant notre ascension, par 
le lancement de petits ballons d'essai, et par l'ob- 
servation des nuages, que les courants aériens supé- 
rieurs étaient trop rapides pour qu'il pût nous 
être permis de revenir au point de départ; il nous 
eût été d'ailleurs de toute impossibilité de descendre 
dans notre terrain très exigu, et tout entouré d'ar- 
bres élevés et de constructions. 

Après notre première évolution, la route fut chan- 
gée et l'avant du ballon tenu vers l'Observatoire; 
on nous vit recommencer dans le quartier du Luxem- 
bourg une manœuvre de louvovage tout à fait sem- 



LES NAVIRES AERIENS A HELICE 301 

blable à celle que nous avions exécutée précédem- 
ment, et l'aérostat, la pointe avant contre le vent, a 
encore navigué quelques minutes à courant con- 
traire pour remonter ensuite d'une façon très appré- 
ciable dans la direction du nord. 

Après avoir séjourné pendant 45 minutes au- 
dessus de Paris, l'hélice a été arrêtée à la hauteur 
du pont de Bercy, et l'aérostat laissé à lui-môme, 
tout en étant maintenu à une altitude à peu près 
constante, a été aussitôt entraîné par un vent assez 
rapide. 11 passa au sud dn bois de Vincennes. A 
partir de cette localité, il nous a été facile de me- 
surer encore une fois, par le chemin parcouru au- 
dessus du sol, notre vitesse de translation, et d'ob- 
tenir ainsi très exactement celle du courant aérien 
lui-même. Cette vitesse n'était pas constante; elle 
variait de 5 mètres à 5 mètres par seconde, et a 
changé fréquemment pendant le cours de notre 
expérience. Arrivés au-dessus de la Varcnne-Saint- 
Maur, à 5 h. 50 minutes, nous avions tout disposé 
pour la descente, devenue nécessaire par l'approche 
de la nuit. Le soleil se couchait au-dessus des bru- 
mes, quand nous remarquâmes que le vent dimi- 
nuait sensiblement de vitesse. Mon frère me fit ob- 
server que puisque notre pile était loin d'être épui- 
sée, nous pourrions profiter de cette accalmie pour 
recommencer de nouvelles évolutions, ne serait-ce 
que pendant quelques minutes. Aussitôt je pris mes 
dispositions pour remettre la machine en mouve- 
ment; nous vîmes alors l'aérostat obéir facilement 
à son action, et remonter avec beaucoup plus de 



302 LA NAVIGATION VERIESNE 

faciliu 1 que précédemment, le courant aérien de- 
venu momentanément presque nul. Si nous avions 
eu encore une heure devant nous, il ne nous aurait 
pas été impossible de revenir vers Paris. 

Cette manœuvre, à notre grand regret, dut être 
arrêtée promptemenl : il ne fallait pas songer à 
relarder plus longtemps la descente. 

L'atterrissage eu! lieu près du bois Servôn, à 
Marolles-en-Brie, canton de Boissy-Saint-Léger (Seine- 
et-Oiseï, à une distance de 25 kilomètres du point 
de départ, après un séjour de "2 heures consécutives 
dans l'atmosphère. 

Le vent de terre étaii assez vif; notre guide-rope 
l'ut incapable de nous arrêter. Il fallu! jeter l'ancre, 
qui ne mordit pas immédiatement, et notre nacelle 
eul à subir l'action de deux légers chocs qui nous 
permirenl d'éprouver la solidité de noire matériel. 
Il n'\ eul absolument rien d'endommagé. 

La nouvelle disposition que nous avons adoptée 
mon frère et moi pour le gouvernail, nous parait 
devoirêtre signalée, comme très favorable à la sta- 
bilité de roule. Cel organe, confectionné en tissu 
de percaline lustrée, est placé à la pointe-arrière 
extrême et il fail sensiblement saillie au delà de 
cette pointe. Il esl divisé en deux parties bien dis- 
tinctes; la moitié de sa surface, environ, esl main- 
tenue rigide et constitue la quille du navire aérien, 
tandis que le gouvernail proprement dit, qui formé 
la suite de cette quille, peut être incliné à droite 
et à gauche et déterminer, quand l'hélice est 
en rotation, un mouvement correspondant do tout 



LES NAVIRES AERIENS A HÉLICE 503 

l'appareil. Le gouvernail ef la quille, tendus par des 
cordelettes, sont montés sur un châssis de bambou, 
relié d'une part aux brancards longitudinaux de 
l'aérostat, et d'autre part à une pièce de bois de 
noyer très solide, fixée au-dessous de l'hélice, à la 
partie inférieure de la nacelle. 

La translation de l'aérostat dans l'air est faci- 
litée par la rigidité de sa surface, et un ballon diri- 
geable doit être toujours bien gonllé. Notre navire 
aérien est muni, à sa partie inférieure, d'une sou- 
pape automatique qui favorise ces conditions. Elle 
est réglée de telle sorte qu'elle augmente sensible- 
ment la pression intérieure, tout en permettant à 
l'excès de gaz formé par la dilatation, de s'échapper 
au dehors. 

L'ascension du 26 septembre 1884 aura donné 
une démonstration expérimentale de la direction 
des aérostats fusiformes symétriques avec hélice à 
l'arrière; et cela, sans qu'il ait été nécessaire de 
rapprocher, dans la construction, les centres de 
traction et de résistance. La disposition que nous 
avons adoptée favorise considérablement la stabilité 
du système, sans exclure la possibilité de confec- 
tionner des aérostats très allongés et de très grande 
dimension, qui pourront seuls assurer l'avenir de 
la locomotion atmosphérique. 

Les expériences et les constructions dont nous 
venons de donner la description, ont été exécutées 
avec des ressources tout à fait insuffisantes, et si 
nous ne les continuons pas, c'est qu'elles dépassent 
absolument la somme d'efforts que peuvent fournir 



304 I.V NAVIGATION AERIENNE 

des expérimentateurs isolés, livrés à eux-mêmes, 

quelles que soient leur énergie el leur volonté. 

Il nous fallait, le jour de nos essais, recourir 
à des hommes de manœuvre inexpérimentés que 
nous devions chercher au hasard au moment voulu, 
la veille de nos expériences, et qui parfois entra- 
vaient nos opérations, au lieu de les faciliter; 
nous passions la nuit sur noire terrain pour être 
prêts à l'aire nos préparatifs vers trois heures du 
malin. Nous n'avions pas de hangar d'abri pour 
remiser l'aérostat ponde; nous ('lions contraints de 
loul faire par nous-mêmes, mon frère s'oceupant 
du gonflement, el moi de la fabrication du gaz. 

Ceux qui se contentent de faire des projets et de 
les esquisser sur le papier, ne se doutent assuré- 
ment pas des efforts qu'il faut réaliser pour les 
mettre à exécution, dans le domaine expérimental. 

Les dépenses que nous avons dû faire de nos 
propres deniers, ont dépassé cinquante mille francs. 
Les subventions que nous avons reçues de quelques 
sociétés savantes et de généreux donateurs, n'ont 
pas atteint le chiffre de quatre mille francs. 

Mais mon frère et moi, nous ne regrettons ni 
notre travail, ni nos fatigues, ni notre argent, si 
nos essais ont pu apporter quelques progrès à la 
navigation aérienne. 



IV 



LES EXPERIENCES DE CHALAIS-MEUDON 



Organisation d'uni' usine aéronautique militaire à Chalais-Meudon. 
— M. le colonel Laussedat, président de la commission «les 
Aérostals. — Construction d'un aérostat dirigeable électrique par 
MM. C. Renard et A. KreJjs. — Expériences de 1884 et de 1885. 



Après la funeste guerre de 1870, dès que Fou 
s'occupa de la réorganisation de noire année, le 
ministre de la guerre nomma une commission 
d'aérostats sous la présidence de M. le colonel 
Laussedat, qui avait pris l'initiative de la création 
d'un service de ballons captifs. M. le colonel Laus- 
sedat s'occupa aussi de la question des aérostals 
dirigeables, et plusieurs projets furent étudiés avec 
le concours de M. le capitaine Renard et de M. le 
capitaine de la Haye. Quelques années plus tard, 
M. le capitaine Renard fut nommé directeur de 
l'usine de Chalais-Meudon, qui avait été orga- 
nisée préalablement, et dans laquelle on avait 
transporté une des nefs de l'Exposition universelle 
de 187.8. M. le capitaine Krebs fut bientôt. adjoint 
au capitaine Renard, et tous deux construisirent 
en collaboration, à la suite de mes premiers essais 

20 



506 LA NAVIGATION AÉRIENN1 

de l'Exposition d'électricité, un aérostat piscîforme 
muni d'une hélice à l'avant. Celle hélice était 
actionnée par une machine dynamo dès puissante 
et une pile électrique aux bichromates alcalins et 
de disposition spéciale. 

Le 1) août 1884, MM. Renard el Krebs accompli- 
rent pour la première fois un voyage aérien à 
courbe fermée, pendant lequel il leur fut possible, 
de revenir à leur point de départ. Voici en quels 
termes ils mil communiqué à l'Académie des scien- 
ces le résultat de cette mémorable expérience dans 
une note qui a été présentée à l'Assemblée par un de 
ses membres les plus éminents, M. Hervé Mangon' : 

Un essai de navigation aérienne, couronné d'un plein 
succès, vienl d'être accompli dans les ateliers militaires 
de Chalais. 

Le 9 août, à 4 heures du soir, un aérostat de forme 
allongée, muni d'une hélice et d'un gouvernail, s'est 
élevé en ascension libre, monté par MM. le capitaine 
du génie Renard, directeur de l'établissement, et le ca- 
pitaine d'infanterie Krebs, son collaborateur depuis six 
ans. après un parcours total de T 1 " 1 ,*!, effectué en 
vingt-trois minutes, le ballon est venu atterrir à son 
point de départ, après avoir exécuté une série de ma- 
nœuvres avec une précision comparable à celle d'un 
navire à hélice évoluant sur l'eau. 

La solution de ce problème, tentée déjà en 1855, 
en employant la vapeur, par M. Henri Giffard 2 , en 1872 
par M. Dupuy de Lôme, qui utilisa la force musculaire 

1. Note présentée à l'Académie îles sciences, le 18 août 18Ki. 

2. Nous rectifierons ici une légère erreur de date. La première 
expérience de M. Henri Giffard dans un aérostat à vapeur à hélice 
,i été exécutée, comme on l'a vu précédemment, on 1NÔ2. 



LliS NAVIKES AEMENS A HÉLICE 507 

des hommes, et enfin l'année dernière par M. Tissandier, 
qui le premier a appliqué l'électricité à la propulsion 
des ballons, n'avait été, jusqu'à ce jour, que très im- 
parfaite, puisque, dans aucun cas, l'aérostat n'était re- 
venu à son point de départ. 

Nous avons été guidés dans nos travaux par les études 
de M. Dupuy de Lôme, relatives à la construction de son 
aérostat de 1870-72, et de plus, nous nous sommes at- 
tachés à remplir les conditions suivantes : 

Stabilité de route obtenue par la forme du ballon et 
la disposition du gouvernail; diminution des résistances 
à la marche par le choix des dimensions; rappro- 
chement des centres de traction et de résistance 
pour diminuer le moment perturbateur de stabilité ver- 
ticale; enfin, obtention d'une vitesse capable de ré- 
sister aux vents régnant les trois quarts du temps dans 
notre pays. 

L'exécution de ce programme et les études qu'il 
comporte ont été faites par nous en collaboration; tou- 
tefois, il importe de faire ressortir la part prise plus 
spécialement par chacun de nous dans certaines par- 
ties de ce travail. 

L'étude de la disposition particulière de la chemise 
de suspension, la détermination du volume du bal- 
lonnet, les dispositions ayant pour but d'assurer la sta- 
bilité longitudinale du ballon, le calcul des dimensions 
à donner aux pièces de la nacelle, et enfin l'invention 
et la construction d'une pile nouvelle, d'une puissance 
et d'une légèreté exceptionnelles, ce qui constitue une 
des parties essentielles du système, sont l'œuvre per- 
sonnelle de M. le capitaine Renard, 

Les divers détails de construction du ballon, son 
mode de réunion avec la chemise, le système de con- 
struction de l'hélice et du gouvernail, l'étude du mo- 
teur électrique calculé d'après une méthode nouvelle 
basée sur des expériences préliminaires, permettant de 
déterminer tous ses éléments pour une force donnée, 



508 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

sonl l'œuvre de M. Krebs.qui, grâce à dos dispositions 
spéciales, est parvenu à établir cet appareil dans les 
conditions de légèreté inusitées. 

Les dimensions principales du ballon sont les sui- 
vantes : longueur, 50 m ,42; diamètre, 8 m ,>i0; volume, 
1864 mètres. 

L'évaluation du travail nécessaire pour imprimer à 
l'aérostat une vitesse donnée a été faite de deux ma- 
nières : 

I» En partant des données pesées par M. Dupuv de Lôme 
el sensiblement vérifiées dans son expérience de fé- 
vrier 1X72; 2° en appliquant la formule admise dans la 
marine pour passer d'un navire connu à un autre de 
formes très pou différentes et en admettant que, dans le 
cas du ballon, les travaux sonl dans le rapport dos 
densités des deux fluides. 

Les quantités indiquées en suivant ces deux méthodes 
concordent à pou près et. ont conduit à admettre, pour 
obtenir une vitesse par seconde de 8 à 9 mètres, un tra- 
vail de traction utile de 5 chevaux de 75 kilogram- 
mètres, ou, en louant compte des rendements de l'hélice 
el de la machine, un travail électrique sensiblement 
double, mesuréaux bornes de la machine. 

La machine motrice a été construite de manière à 
pouvoir développer sur l'arbre 8,5 chevaux, représen- 
tant, pour le courant aux bornes d'entrée, 12 chevaux. 

Elle transmet son mouve ni à l'arbre de l'hélice par 

l'intermédiaire d'un pignon engrenant avec une grande 
roue. 

La pile est divisée en quatre sections pouvant être 
groupées en surface ou en tension de trois manières 
différentes. Son poids, par cheval-heure, mesuré aux 
bornes, est de 19 k *,350. 

Quelques expériences ont été faites pour mesurer la 
traction au point fixe, qui a atteint le chiffre de 60 ki- 
logrammes pour un travail électrique développé de 
s'di kilogrammes et de 46 tours d'hélice par minute 



LES NAVIRES AÉRIENS A HÉLICE 509 

Deux sorties préliminaires dans lesquelles le ballon 
était équilibré et maintenu à une cinquantaine de mètres 
au-dessus du sol ont permis de connaître la puissance 
de giration de l'appareil. Enfin, le 9 août, les poids 
enlevés étaient les suivants (force ascensionnelle totale 
environ 2000 kilogrammes) : 

Ballon et ballonnet ... 5G0 l6 

Chemise et filet. . . ........ = ' 127 

Nacelle complèle. 452 

Gouvernail . 46 

Hélice .... . 41 

Machine 'JH 

Bâti et engrenage . 47 

Arbre moteur . . . . 50, ÔO0 

Pile, appareils et divers 455, ÔUU 

Aéronautes 140 

Lest 214 

Total 2000" 

A 4 heures du soii* par un temps presque calme, 
l'aérostat, laissé libre et possédant une très faible force 
ascensionnelle, s'élevait lentement jusqu'à hauteur des 
plateaux environnants. La machine fut mise en mouve- 
ment, et bientôt, sous son impulsion, l'aérostat accélé- 
rait sa marche, obéissant fidèlement à la moindre indi- 
cation de son gouvernail. 

La route fut d'abord tenue nord-sud, se dirigeant 
sur le plateau de Châtillon et de Verrières; à hauteur 
de la route de Choisy à Versailles, et pour ne pas s'en- 
gager au-dessus des arbres, la direction fut changée et 
l'avant du ballon dirigé sur Versailles. 

Au-dessus de Villacoublay, nous trouvant éloignés 
de Chalais d'environ 4 kilomètres et entièrement satis- 
faits de la manière dont le ballon se comportait en route, 
nous décidions de revenir sur nos pas et de tenter de. 
descendre sur Chalais même, malgré le peu d'espace 
découvert laissé par les arbres. Le ballon exécuta son 



310 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

demi-tour sur la droite avec un angle très faible (en- 
viron 11°) donné au gouvernail. Le diamètre du cercle 
décrit fut d'environ 500 mètres. Le dôme des Invalides, 
pris comme point de direction, laissai! alors Chalais un 
peu à gauche de la route. 

Arrivé à hauteur de ce point, le ballon exécuta, avec 
autant de facilité que précédemment, un changement de 
direction sur sa gauche; el bientôt il venait planer à 
500 mètres au-dessus de son point de départ. La ten- 
dance à descendre que possédail le ballon à ce moment 
lut accusé davantage par une manœuvre de la soupape. 
Pendant ce temps il fallut, à plusieurs reprises, faire 
machine en arrière el en avant, afin de ramener le ballon 
au-dessus du point choisi pour l'atterrissage. A 80 mè- 
tres au-dessus du sol. une corde larguée du ballon fut 
saisie par il s hommes, et l'aérostat fut ramené dans lu 
pi airie même d'où il était parti. 

Chemin parcouru avec la machine, mesuré sur 

lesol - - 7 I "",I)00 

Durée 'le cette période. . . iiô" 

\iie-.M' moyenne à la seconde ' .... 5 m ,5U 
Nombre d'éléments employés. . . . 52 
Force électrique dépensée aux bornes à la ma- 
chine . . 250 k «" 

Rendement probable de la machine . . . 0,70 
Rendement probable de l'hélice. . . 0,70 

Rendement total, environ . . . 1/2 

Travail de traction. .... . .... 12.j ksm 

Résistance approchée du ballon. . .... 22'", 800 

A plusieurs reprises, pendant la marche, le ballon 
eut à subir des oscillations de '2° à 7>" d'amplitude, ana- 
logues au tangage; ces oscillations peuvent être attri- 
buées soit à des irrégularités de forme, soit à des cou- 
rants d'air locaux dans le sens vertical. 

Ce premier essai sera suivi prochainement d'autres 
expériences faites avec la machine au complet, permet- 
tau! d'espérer des résultats encore plus concluants. 



LES NAVIRES AÉUIENS A HÉLICE 311 

Nous ajouterons à cette notice quelques détails 
complémentaires sur l'aérostat électrique de Clia- 
lais-Meudon. 

Le ballon proprement dit est enveloppé d'une 
housse ou chemise de suspension, dans laquelle il 
se trouve parfaitement sanglé de toutes parts, sauf 
à la partie inférieure. L'avant est d'un diamètre 




Fig. 93. — L'aérostat dirigeable électrique de MM. les capitaines 
Renard et Krebs, expérimenté le y août 1884. 



plus considérable que l'arrière, exactement comme 
le représente notre gravure, exécutée d'après nature 
(fig. 93). La nacelle est formée de quatre perches 
rigides de bambous, reliées entre elles par des 
montants transversaux. Elle a environ 55 mètres de 
longueur, et 2 mètres de hauteur au milieu. Trois 



512 l.\ NAVISATION fcÉRiPNE 

petites fenêtres latérales sont réservées vers le 
milieu, afin que les aéronaules puissent voir l'hori- 
zon el distinguer la terre. Celte nacelle; 1res légèYe 
et de forme élégante" est reconverti' de soie île Chine 
tendue sur ses parois. Celle enveloppe a pour but 
de diminuer la résistance «le l'air, el de faciliter le 
passage du système à travers le milieu ambiant. 
L'hélice est à l'avanl de la nacelle; elle est formée 

de deux palettes", el a environ 7 mètres de dil 'lie; 

elle esl laite à l'aide de deux liges de bois reliées 
entre elles par des laites recourbées suivant épure 
géométrique, et recouverte d'un tissu de soie vernie 
parfaitemenl tendu. 

l.a nacelle esl reliée à l'aérostat par une série de 
cordes de suspension 1res légères réunies, entre 
elle- au moyen d'une corde longitudinale qui, atta- 
chée vers le milieu, donne de la rigidité au système. 
Le gouvernail, placé à l'arrière, esl à peu près rec- 
tangulaire, ses deux surlaces en étoffe de soie, bien 
tendues, forment légèrement saillie, en pyramides 
a i faces de très faible bailleur. Le navire aérien 
esl muni de deux tuvaux qui descendent dans la 
nacelle ; l'un de ces tuyaux est destiné à remplir d'air 
le ballonnet compensateur, au moyen d'un ventila- 
teur que l'on l'ait fonctionner dans la nacelle; le 
second tuyau sert probablement à assurer une 
issue à l'excès de gaz produit par la dilatation. A 
l'arrière de la nacelle, deux glandes palettes en 
forme de raines sont fixées horizontalement. L'hé- 
lice est actionnée par une machine dynamo-élec- 
trique, et le générateur d'électricité est une pile 



LES NAVIRES AÉRIENS A HÉLICE 313 

au sujet de laquelle M. le capitaine Renard a 
voulu garder le secret. On nous a assuré qu'elle 
est constituée par une pile au bichromate de po- 
tasse ou de soude, analogue à celle que nous avons 
employée. 
Le '28 octobre 1884, les expérimentateurs renou- 








7> 







2iJ^ 



s Mètres 



'doW 



Fi^ r . 9i. — Cartes des deu* ascensions exécutées par MM. C. Renard 
et Krebs le 28 octobre 1881. 



vêlèrent une nouvelle expérience qui réussit très 
favorablement. Il leur fut donné de faire deux 
ascensions dans la même journée et de revenir deux 
fois au point de départ (fig. 94). 

A la fin de l'année 1884, M. le capitaine Krebs 
fut réintégré dans le corps des sapeurs-pompiers, 



3M LA NAVIGATION AÉRIENNE 

M. le capitaine Renard ne cessa pas, alors, de 
perfectionner le matériel. Il lit construire par 
M. Gramme une nouvelle machine dynamo-élec- 
trique, el modifia quelque peu la batterie. 

C'est le 25 aoûl 1885 que M. le capitaine Renard 
a exécuté, avec le concours de son frère, une nou- 
velle expérience dans Paérostal dirigeable. L'ascen- 
sion a eu lieu vers quatre heures; lèvent était assez 
vif, mais l'aérostal dirigeable, sous le jeu de son 
hélice, n'en a pas moins résisté au courant aérien; 
il a pu accomplir avec plein succès de nombreuses 
manœuvres de direction, sans toutefois revenir à 
Bon poinl de départ. L'atterrissage a eu lieu dans 
l'enclos de la ferme Villacoublay, prés du Petit- 
Bicétre. 

Le ~2'2 septembre 1885, un autre essai donna un 
résultai satisfaisant. L'aérostat dirigeable s'avança 
jusque vers les fortifications de Taris dans le voisi- 
nage du Point-du-Jour, el revint avec la plus grande 
facilité à son point de départ. 

'.•■s expériences, toujours entreprises par temps 
calme, onl été favorisées par le hangar d'abri où le 
navire aérien attend toul gonflé le moment favorable: 
elles n'en constituent pas moins un des plus grands 
résultats de la science moderne. 



L AVENIR DE LA .NAVIGATION AÉRIENNE 



Conclusions à tirer des essais exécutés dans les aérostats allonges 
a liélice. — Avantages des grands ballons. — La question du 
propulseur. — Propulseur à ailes de M. Pompéien Piraud. — 
Propulseur de M. Debayeux. — L'hélice. — L'avenir des navires 
aérien-: a hélice. 



On a vu, par les expériences dont nous avons pré- 
cédemment donné le récit, que des aérostats allongés 
munis d'un propulseur à hélice, ont pu successive- 
ment atteindre des vitesses propres de trois, quatre, 
cinq et six mètres par seconde, et se diriger d'une 
façon complète, pendant une durée limitée et par 
temps calme. 

Le progrès est tout indiqué par ces essais ; il 
faut s'efforcer de construire des moteurs plus lé- 
gers qui, sous le même poids, produiront une force 
plus considérable, et donneront au navire aérien 
une vitesse propre, capable de lui permettre de 
fonctionner par un vent d'une intensité appré- 
ciable. 

Nous ferons remarquer que l'on aura en outre 
tout avantage à construire tic très grands aérostats, 



(Il 



316 LA NAVIGATION AÈlilENNE 

parce que la résistance n'augmente que comme leur 
surface et la force ascensionnelle comme le cube des 
dimensions. 

Les objections qui ont été fuites à la possibilité de 
diriger les aérostats, sont tombées successivement 
devant l'expérience. Le ballon, a-t-on dit, ne peut 
pas trouver de point d'appui dans l'air. Erreur com- 
plète : l'aérostat à liélicc prend son point d'appui 
dans l'air, exactement comme un bateau sous-marin 
à hélice entièrement immergé dans l'eau, le trouve 
dans l'eau : il n'v a de différence que celle qui résulte 
la densité des deux fluides. Tandis que l'hélice du 
bateau esl petite, celle du ballon doit être grande. 
Le ballon, a-t-on dil encore, sera incapable de résis- 
ter à la pression de l'air: il sera écrasé, mis en 
pièces, par son passage à travers le milieu am- 
biant. Erreur complète. Quand l'aérostat a une 
forme allongée, que son étoffe est rigide par la 
tension du gaz, il peut très bien pénétrer avec 
vitesse dans l'air où il se meut; cela sera d'autant 
plus facile à réaliser que les aérostats dirigeables 
seront plus volumineux, cl que leur étoffe sera 
plus solide, fin a rappelé à ce propos que le 
ballon captif de Henri Giffard avait été éventré 
par lèvent; mais cette objection est profondément 
injuste, car ce grand aérostat a fonctionné pendant 
toute une saison, sans aucune avarie; il a résisté à 
terre à de très grands vents, quand il était bien gon- 
flé, et il n'a été déchiré que par une véritable tem- 
pête, qui enlevait les toits, alors qu'on avait négligé 
le soin de le tenir plein. De ce qu'un navire à vapeur 



LES NAVIRES AERIENS A HÉLICE 



517 



est englouti par un cyclone, on n'en conclut pas 
qu'il faut renoncer à la navigation maritime. 

On sera conduit à se demander, pour aller plus 
loin dans la construction des aérostats dirigeables, 
s'il n'y a pas une meilleure forme à leur donner 
que celles qui ont été essayées jusqu'ici. Nous 
croyons que la forme adoptée par les officiers de 
Chalais-Meudon est excellente; mais on pourra 




Fig. 95. — Projet d'un propulseur A ailes de M. Pompéien Piraud. 



arriver par la suite à un allongement du navire 
aérien plus considérable encore. 

Quant au propulseur, il n'y a pas à bésiter à 
adopter l'hélice, qui offre jusqu'ici les meilleures 
conditions de fonctionnement. Dans ces dernières 
années, deux tentatives de construction d'aérostats 
allongés, dont les propulseurs étaient des systèmes 
autres que les hélices, ont été faites, et n'ont pas 
donné de bon résultais. En 1885, M. Pompéien 



- 18 I A NAVIGATION AÉRIENNE 

Piraud se proposa d'expérimenter un ballon fusi- 
forme, qu'uni' machine à vapeur devait taire 
fonctionner ou moyen d'ailes battantes (fig. 95). 
Cette machine ne fut jamais construite, et l'inven- 
teur lit une ascension à Valence, le 14 juillet 1883, 
avec une nacelle ordinaire. Il n'y eut donc pas essai 
de direction. Nous reproduisons l'expérience de 
Valence d'après une photographie instantanée' qui 
montre que l'aérostat réel était loin de ressembler 
au projet ligure dans le travail de M. Pompéien 
Piraud'- (fig. 90). 

Une autre tentative de navigation aérienne a 
été faite récemment par M. Debaycux, qui avait 
d'abord construit un petil aérostat d'expérimen- 
tation. Ce modèle consistait eu un ballon cylin- 
drique, terminé par deux parties hémisphériques. 
1 n moulinet placé à l'avant, faisait appel d'air, 
et déterminait la inarche du système Nous avons 
assisté aux essais, et nous n'avons, nous devons 
l'avouer, jamais compris les théories de l'auteur, 
qui prétendait avoir trouvé un principe nouveau. 

Le moulinet, a dit M. Alfred Chapel, qui s'est 
chargé d'expliquer le système Debaycux, agit de 
trois manières à la fois : 

1" En produisant un vide partiel devant le ballon 
où celui-ci tombe; 2" En aspirant l'air ou le vent, le 

I. Cette photographie nous a été communiquée par un habile 
praticien, SI. Peyrouze. 

i. Navigation aérienne, direction des ballons. Notes sur le bal- 
lon et l'appareil de direction et d'aviation inventé et construit 
par J. C. Pompéien Piraud. 1 broch. in-8", Lyon, 1885. 




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LES VUIltKS AERIENS A HÉLICE 



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moulinet projette cet air aspiré du centre ;'i la cir- 
conférence, de sorte qife le ballon est soustrait à 
la pression du vent. 3° L'air lancé dans le rayonne- 
ment forme bientôt une espèce de chemise à l'aérostat, 
capable de former une barrière assez puissante contre 
les vents obliques (fig. 07). 




Fig. 97. — Schéma iln propulseur de M. Debayeu 



Si l'on admet celle explication, on peut l'appli- 
quer à lout propulseur hélicoïdal, et le moulinet 
Debayeux ne saurait exclure la nécessité d'avoir 
une force motrice puissante pour le faire fonc- 
tionner avec quelque efficacité. 

21 



5S2 LA NAVIGATION AÉRIENNE 

M. Debayeux trouva des capitalistes, parmi les- 
quels nous citerons un représentant d'Edison, el 
M. Frédéric Gower, l'inventeur du système de 
téléphone qui porte son nom, et qui s'est perdu en 
mer pendant le cours d'une ascension exécutée à 
Cherbourg, le 18 juillet 1885. M. Debayeux fit édi- 
fier à Villeneuve-Saint-Georges un grand hangar de 
remisage qui ne coûta pas moins de3Ô000 francs. 
Il construisit un aérostat on baudruche, substance 
très coûteuse et peu avantageuse, de .1000 mètres 
cubes, el le munit du moulinel d'aspiration et d'une 
machine motrice de 5 chevaux; comme le montre 
noire gravure faite d'après une photographie qui 
nous a été communiquée par M. Gower (fig. 08). 
(in essaya d'abord d'expérimenter le système à l'étal 
captif, mais on s'aperçut que l'aérostat manquait 
de stabilité, que la machine ne fonctionnait pas 
bien. Il fallut renoncer à ces essais, qui ont coulé 

plus de 200000 lianes. 

Il n'y a certainement aucun intérêt à abandon- 
ner l'hélice, qui est le meilleur des propulseurs, 
ni a sortir de la voie qui a été tracée par Giffard, 
étudiée par Ihipuy de Lôme, el mise en pratique 
par MM. Tissandier frères el les capitaines Renard 
el Krebs au moyen des moteurs électriques. 

11 n'y a plus qu'à faire encore un pas en avanl 
avec des appareils plus puissants, plus légers el 
des aéroslats plus volumineux. Les moteurs élec- 
triques tels qu'ils existent aujourd'hui, nécessitent 
un générateur d'électricité, une pile primaire ou 
secondaire, dont le poids est malheureusement 



LES NAVIRES AÉRIENS A HÉLICE 525 

encore assez considérable. Ils offrent des avantages 
incontestables, au point de vue de la constance de 
poids, de l'absence du feu et de la facilité de mise 
en marche et d'arrêt, mais il n'est assurément pas 
impossible de recourir aux machines à vapeur 
pour les navires aériens de grande puissance. Le 
danger du feu pourrait être évité, en prenant des 
dispositions spéciales, en isolant le foyer dans un 
treillis de toiles métalliques, par exemple. Quant 
à la diminution de poids résultant de l'évapora- 
lion de l'eau et de la combustion du charbon, elle 
serait réduite à son minimum en employant des 
condenseurs à grande surface qui feraient liquéfier 
la vapeur entraînée. Si l'on recourait au pétrole 
pour alimenter la chaudière, la vapeur d'eau 
fournie par la combustion de l'hydrocarbure, de- 
vrait être également condensée. 

Les moteurs à gaz pourraient être encore étudiés 
très avantageusement au point de vue de la navi- 
gation aérienne; il ne serait pas impossible de 
simplifier leurs organes pour les rendre beaucoup 
moins massifs et moins lourds que ceux dont 
l'industrie fait usage. Les moteurs à acide carbo- 
nique et à air comprimé doivent être aussi consi- 
dérés comme dignes d'être expérimentés dans ce 
but spécial. 

Nous avons la persuasion qu'un avenir immense 
s'ouvre à ia navigation aérienne. Une fois qu'elle 
sera mise en pratique, on verra les perfectionne- 
ments et les progrès se succéder, et les machines 
motrices qu'elle exigera, devenant de plus en plus 



526 I \ NAVIGATION AÊBÎENNE 

légères, on en arrivera peut-être à pouvoir aborder 
résolument la construction d'appareils plus lourds 
que l'air. 

En attendant, les aérostats à hélice seront à 
même de fournir de nouvelles et puissantes res- 
sources à l'activité humaine : engins de guerre 
formidables, ils permettront en outre à l'explo- 
rateur d'aborder par la voie des airs les régions 
inaccessibles comme le pôle Nord; ils donneront 
aux voyageurs le moyen de se transporter d'un 
point à un autre avec une vitesse inouïe, quand 
la vitesse propre du navire aérien s'ajoutera à 
celle d'un vent favorable. 

Mais pour voir s'accomplir une telle révolution 
industrielle, il faut se mettre à l'œuvre; il faut 
ici, comme dans toutes les créations, se rappeler 
que le secret du succès réside dans un mol que 
prononçait Slephenson à la fin de sa vie, et qu'il 
donnait à des ouvriers comme le talisman des 
grandes choses. Ce mot est le suivant : 



o 



httlSÉVÉRAKCK. 



TABLE DES GRAVURES 



Frontispice . . 

1. Bronze égyptien représentant un homme volant. . • 

2. Appareil volant de Besnier. Reproduction par l'héliogra- 

vure de la figure du Journal des sçavans (1678). . 
ô. Machine volante électrique figurée dans le Philosophe 
sans prétention (1775) • • ■ • • 

4. Fac-similé des dessins de Léonard de Vinci suc les 

ailes artificielles . .'" 

5. Principe de l'hélicoptère. Dessin de Léonard de Vinci. 25 
H. Principe du parachute. Dessin de Léonard de Vinci. 26 

7. Le parachute de Venise (1617) d'après nue gravure du 

temps ... 28 

8. Le navire aérien du père Lana (1670). Reproduction par 

l'héliogravure de la gravure authentique 33 

9. La voiture volante de Blanchard (d'après une gravure 

publiée en juillet 1782) 53 

10. Caricature sur la voilure aérienne ou vaisseau volant de 

Blanchard. (D'après une gravure du temps). 55 

11. Oiseau figuré par Borelli. . . - 6o ' 

12. Insecte mécanique de M. Marey. ■ 72 

13. Machine volante de Gérard (1784) ... 78 

14. Projet d'homme-volant de Meerwein (1784). 79 

15. Appareil volant de Degcn (1812). . 81 

16. Appareil de Degen, ligure en plan . 81 

17. Machine volante de Kanfmanu (1860; . 9o 

18. Appareil volant d'Edison. - . - 94 

19. Oiseau artificiel de Le Bris (1857) 

20. Oiseau artificiel d'Alphonse Penaud (1871) J9 



15 



528 TABLE DES GRAVURES 

21. Oiseau mécanique de M. Victor latin 1X76). . . . 101 

22. appareil de M. Victor Tatin pour l'étude du mouvemenl 

desailes. . • • . . • 103 

23. Oiseau mécanique de Brearey (1879) 105 

24. Hélicoptèr««le Launoy et Bienvenu (1784 ... . 10S 

25. Hélicoptèredfe sir George Cayley (1796; . III 
2G. Hélicoptère à vapeur île M. de Ponton d'Ainécourt. . 118 

27. Projet de navire aérien y hélice attribué à M- de La 

Landelle. . .... 120 

28. Hélicoptère à ressort de caoutchouc d'Alphonse Penaud 

(1870). - 1-21 

29. Hélicoptère-jôuel de M. Dandrieux . ... .122 
50. Hélicoptère à vapeur de M. Forlanini (1878) 12r. 

31. Premier parachute de Sébastien Lenormand 1211 

32. Morl de Cocking le 26 septembre 1836. . . . . 133 

33. Appareil de Letur (1854). 155 

54. Machine volante de Groof. ■ • . .... . 138 

35. Machine aérienne à vapeur de lleusou. I il 

36. Aéroplane d'Alphonse Penaud . . . 14" 

37 Aéroplane à air comprimé de Victor Tatin, expérimenté 

en 1879. . ........ 144 

58. Aéroplane de Michel Loup 1852 . 148 

39. Aéroscaphe de Louvrié . . . ...... 117 

(0. Aéroplane monté sur roue de M. du Temple (1857). . 147 

41. Aéroplane de Thomas Moy (1871) ..148 

42. Aérostal dirigeable de Blanchard (1784) 154 

43 L'aérostat dirigeable {'Académie de Dijon, expérimenté 

par Guyton de Morveau en 1784. ... . 157 

il. La montgolfière dirigeable de Miolan etJaninet. ... 159 

45. Projel d'aérostal dirigeable du général Meusnier (1784). 163 

46. Le premier aérostal allongé des frères Robert. Expé- 

rience du 15 juillet 1784. (D'après une ancienne 
gravure). ... .167 

17. Le premier aérostat allongé des frères Robert, devanl le 

château du prince de Ghistelles expérience du 

19 septembre 1784. (D'après une ancienne gravure). 171 

18. Le Comte d Artois, aérostat de Javel (1785) . . 173 

49. Projet d'aérostal dirigeable de Masse 1785) 176 

50. Coupe longitudinale de la nacelle. .... . 177 

51. Ballon à rames do Tesiu-Brissy 178 

52. Ballon à voiles et à parachute de Martyn [1783). (D'après 

imi> gravure de l'époque). ... . . 187 

33. Ballon moulai à voile de Guyot (1784) . . ... 188 

54. Le véritable navigateur aérien. (Reproduction d'une 

gravure peinte de 1784) , . ... 189 

55. l.a Minerve, firand navire aérien de Robert son ilSOô . 192 



TABLE DES GRAVURES 320 

56. Voile de direction d'un ballon gonflée par un ventilateur. 

Projel Terzuolo . . ' . 195 

57. Projet de ballon-poisson du baron Scott (1789). Vue de 

l'aérostat lorsqu'il a ses parois baissés. . . . 198 

58. Le même aérostat dans son inclinaison ascendante. 199 

59. Projet de llénin (1801) , 200 

00. Navire aérien de Pétin (1850) . . . . 205 

61. Locomotive aérienne Meller (1851) ... .211 

02. Ballons-chapelets de Heiiou-Grave (1844). ....... 215 

65. Nacelle de ballon à ailes tournantes du docteur Van 

Hecke, destinée à monter ou à descendre dans l'atmo- 
sphère sans perdre de gaz et sans jeter de lest. . 217 
04. Projet de Carra (1784) . 225 

65. Le ballon-navire l'Aigle de Lennox (1834) 228 

66. Le ballon-poisson de Sansou (1850) 251 

67. Aérostat dirigeable de .lullien (1850). .... 2)2 

68. Projet de Ferdinand Lagleize (1853) 255 

69. Poisson volant de Camille Verl (1850' ... . . . 256 

70. Aérostat propulsif de tîontier-Griss (1802). ... 216 

71. Projet d'un ballon de cuivre par Chéradame (18 f.). . ^57 

72. L'aérostat YEspéi-ance de Delamarne (1805) 238 

73. Aérodophore de Pillet (1857) ... ... 241 

74. Aérostat à hélice de Smitter (1866) . . ... 241 

75. Gondole-poisson de Vaussin-Chardanne . . . ... 245 

76. Projet d'aérostat ou aluminium de Nicciulln-l'icasso( 1871). 241! 

77. Propulseur de Guillaume (1810) . . 247 

78. Aérostat d'Emile Gire (1845) . 248 

79. Propulseur de Gontier-Grisy 249 

80. Propulseur aérostatique de Ziégler (1868). . . ... 251 

81. Ballon à vis de Lassie ..... . 253 

82. Premier projet de Henri Giflai il . . . . . 259 

83. Le premier aérostat dirigeable à vapeur, conduit dans 

les airs le 24 septembre 1852. . . ... . . 201 

84. Projet, d'un aérostat dirigeable à vapeur gigantesque de 

600 mètres de longueur, étudié par Henri Giffard 

en 1856 . 260 

85. Petit aérostat allongé d'expérimentation construit par 

Henri Giffard en 18513. . . . . 271 

80. Épure de l'aérostat à hélice de Dupuy de Lôme. . 277 

87. L'aérostat à hélice de M. Dupuy de Lomé, expérimenté 

le 2 février 1872 . . . . . . 278 

88. Projel d'un aérostat à vapeur à double hélice par 

M. Gabriel Yon 281 

80. Petil aérostat électrique de M. Gaston Tissandier à l'Ex- 
position d'électricité en 1881 287 

90. Nacelle de l'aérostat électrique de MM. Tissandier frères. 289 



350 TABLE DES GRASTIftES 

91. Expérience du premier aérostat électrique de UM. Tis- 
sandier frères dans leur atelier d'Auteuil, le 8 oc- 
tobre 1883 l i."(l 

\)1 Aérostat électrique de JIM- Tissandier frères avec son 
nouveau gouvernail. — Expérience du '20 septembre 
1884. . . .....:,... 299 

93. L'aérostat dirigeable électrique de MM. les capitaines 

Renard et Krebs, expérimenté le 9 août 1884. . . 311 

94. Cartes des deux ascensions exécutées par MM C. Renard 

n Krebs I.' '28 octobre 1884. . . 313 

95. Projel d'un propulseur ;i ailes de M. Pompéien Piraud. 317 
98. Expérience île M. Pompéien Piraud, exécutée .■'< Valence 

le li juillet 188}. (D'après un.' photographie instan- 
tanée . . ... . ... 31!» 

H". Schéma du propulseur de M. Debayeux S'il 

98. Aérostat construit par M. Debayeux. (D'après une pho- 
tographie communiquée par M. F. Gower). ... 5'25 



FIN DL L\ r A II L K DES GRAVURES. 



TABLE DES MATIÈRES 



PREMIERE PARTIE 

LA LOCOMOTION AERIENNE AVANT LES MONTGOLFIER. 

I. La légende des hommes volants. — Dédale el Icare. — La 

Mèche d'Abaris. — La colombe volante d'Archylas. — 
Roger Bacon. — Dante de Pérouse. — Appareil volant 
de Besnier. — Les poètes et les romanciers. — Cyrano 
de Bergerac. — Relit' de la Bretonne. — M. de la Folie. ."> 

II. L'aviation, du xv° au xviii° siècle. — Léonard de Vinci. — 

Étude du vol artificiel. — L'hélicoptère et le para- 
chute. — Fausle Veranzio et le parachute de Venise. — 
Le ptérophore de Paneton. . . . .... 19 

III. Le principe nus ballons. — Le l'ère Francesco Lana el 

son projet de navire aérien en 1070. — Le Brésilien 
Gusinào. — Expérience de Lisbonne en 1709. — Le l'ère 
Galien et l'art de voyager dans les airs, eu 1750 31 

IV. Les toitures volantes. — Les ailes du marquis de Bac- 

ipieville, en 1742. — La voiture volante du chanoine 
Dest'orges, en 1772. — La voilure volaille ou vaisseau 
volant de Blanchard, en 1782. iû 

V. L'iIÏDROGÈSE ET LA DÉCOUVERTE DES AÉROSTATS. Cavendlsll 

el la découverte du gaz hydrogène. — Le docteur Black 
et le principe des aérostats. — Les bulles de savon gon- 
flées d'hydrogène de Tibère Cavallo. — Les frères Mont- 



332 TABLE DES MATIÈRES 

goliier et les ballons à air chaud. — Le physicien 
Charles elles ballons à gaz.. . . 57 



DEUXIEME PARTIE 

L'AVIATION OU LA LOCOMOTION ATMOSPHERIQUE PAR LE PLUS LOURD 
QUE L'AIR. 

I. Le m>i des insectes et des oiseaux. — L'oiseau artificiel 

de Boretli au dix-septième siècle. — Les études de Ra- 
vier. — Les idées de M. Bell Pettigrew sur l'action de 
l'aile des et tes volants — Los travaux de M. Marey. — 
M, Uouillard et M. lioupil.. . . . . . ". . Gi 

II. LtS MACHINES VOLANTES ARTIFICIELLES OU ORTHOPTERES. — Ma- 

chine volante de Gérard en 17.S4. — Projet d'homme 
\cihmi de C. F. Meerwein. — Vol artificiel à tire-d'ailes. 

— L'horloger Dcgen. — Les expériences de 1812. — 
Machin.' volante de Kaufmann eu 1860. — Un projet 
d'Edison. — Oiseaux mécaniques de Le Bris, d'Alphonse 
l'énaud, du D r II ureau de Villeneuve, de Victor Tatïii, etc. 77 

III. Les hélicoptères. — l'reinier hélicoptère de Launoy el de 

Bienvenu en 17X4. — Appareil de Sir George Cayley en 
17!i(i. — Le spiralifère el le strophéor. — Radar el le 
manifeste de l'aviation. — MM. de Ponton d'Amécouri 
el île La Landeile. — Baliinel. — Hélicoptères Penaud. 
Dandrieux. — Tentative de M. Forlaninj .... . 1(17 

IV. Cerfs-volants, parachutes et aéroplanes. — Archytàs de 

Tarenie et le cerf-volant. — Le parachute de Sébastien 
Lenormand. — Jacques Garnerin. — Cocking. — Letur. 

— DeGroof. — Aéroplanes de Henson et Stringfellow. 

— Aéroplane à air comprimé de Victor latin. — De 
Louvrié. — Du Temple. .... . i^s 



TROISIÈME PARTIE. 

LE PROBLÈME DE LA DIRECTION DES BALLONS. 
pRDUÉRLS EXPÉRIENCES DE DIRECTION AÉRIENNE. — Le liallllll 

à rames de Blanchard. — Expériences de direction de 
Guyton de Horveau. — Miolan et Janinet. — Le projet 
du général Meusnier. — Études deBrisson. — Le pre- 
mier liallmi allongé des frères Hubert. — Le Comte 



ÏABLË DES MATIÈRES jô." 

d'Artois, aérostat de Javel. — L'aéro-montgolfière de 
Pilaire de Rnzier. — Masse et Testu-Briss\ ... . 15" 

II. Les dallons a voiles. — Conditions de translation d'un 

aérostat dans l'air. — Il n'y a pas de venl en ballon. 

— Erreur des ailleurs de projets de ballons à voile. — 
Tissandier de la Mollir. — Martyn. — Guyot. — Le 
véritable navigateur aérien. — La Minerve de Roberl- 
son. — Terzuolo el le venl factice. . 181 

III. Les dallons placeurs, — Utilisation *Ut courant d'airver- 

liral produit par la montée ou la descente d'un ballon 
dans l'air. — Projet du baron Scott en 17S8 el de 
llénin en 1801. — Pétin. — Prosper Meller. — Pro- 
jets île Dupuis-Délcourt. — Le ballon de cuivre. — 
Système mécanique du docteur Van Hecke pour mon- 
ter et descendre sans jeter de lest et sans perdre de 
gaz. — Sociélé générale de navigation aérienne. — 
Projets divers . . . 195 

IV. La propulsion mécanique des aérostats. — Nécessité d'une 

force motrice pour diriger les aérostats. — Projet de 
Carra en 1784. — Le ballon-navire l'Aigle, de Lennox. 

— Le ballon-poisson de Samson. — Jullien. — Ferdinand 
Lagleize. — Camille Vert. — Delamarne. — Smitter. — 
Projets divers. — Un ballon à vis . . .... 221 



QUATRIÈME PARTIE 

LES NAVIRES AERIENS A HELICE. 

I. Henri Giffarr et le premier aérostat a vapeur, —r Les dé- 

buts d'Henri Giffard. — Construction et expérimenta- 
tion du premier navire aérien à vapeur le '24 septembre 
1852. — Second aérostat dirigeable à vapeur de 1853, 

— Essai de 185b. — La découverte de Vinjecteur. — 

Les ballons captifs à vapeur — Mort de l'inventeur. . 257 

II. ItUPUV DE LOME ET I.'ÉTUDE DES AÉROSTATS A HÉLICE. l'roji'l 

d'un aérostat dirigeable pendant le siège de Paris. — 
Na\ire aérien à bélice de M. Dupuy de Lomé. — Expé- 
rience du '2 février 1872. — Résultais obtenus. — 
Projet de M. Gabriel Von . , . . 275 

III. Le premier aérostat électrique. — Le petit aérostat diri- 

geable de l'Exposition d'électricité de Paris en 1881. 

— Construction d'un navire aérien à propulseur élec- 
trique par MM. Tissandier frères. — Expérience du 



334 l'AM.K DES MATIÈRES 

8 octobre 188Ô. — Deuxième expérience iln '20 sep- 

lembre ISf-'-i. — Conclusion. 'Xi 

IV. Les expériences de. ciuLAis-MEUDON. — Organisation d'une 
usine aérostatique militaire à Chalais-Meudon. — H. le 
colonel Laussedat, président de la commission des 
aérostats. — Construction d'un aérostat dirigeable 
électrique par M. C. Renard el A Krebs. — Expériences 
de 1884 el de 18N">. , 30:. 

\. l.'wRMn de iv navigation aéihe\>e. — Conclusions à tirer 
des essais exécutés dans les aérostats allongés à hé- 
lice. — Avantages des grands ballons. — La question 
du propulseur. — Propulseur à ailes de M. Pompéien 
Piraud. — Propulseur de M. Debayeux. — L'hélice. 
— L'avenir de la navigation aérienne. . . . 315 

Tauie ijks gravons. . Ti'JT 



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LE 

JOURNAL DE LA JEUNESSE 

NOUVEAU RECUEIL HEBDOMADAIRE 
TRÈS RICHEMENT ILLUSTRÉ 

POUR LES ENFANTS DE ÎO A 15 ANS 

Les quinze premières années (1873-1887), 

formant trente beaux volumes grand in-8°, sont en vente 



Ce nouveau recueil est une des lectures les plus attrayantes que 
l'on puisse mettre entre les mains de la jeunesse. 11 contient des 
nouvelles, des contes, des biographies, des récits d'aventures et 
des voyages, des causeries sur l'histoire naturelle, la géographie, 
les arts et l'industrie, etc., par 

M»" S. BLANDY, COLOMB, GUSTAVE DEMOULIN, EMMA D'ERWIN, 

ZÉNAÏDE FLEURIOT, ANDRÉ GÉRARD, JULIE GOURAUD, MARIE MARÉCHAL 

L. MUSSAT, P. DE NANTEI'IL, OUIDA, DE WITT NÉE GUIZOT, 

MM. A. ASSOLLANT, DE LA BLANCHÈRE, LÉON CAHUN, 

RICHARD CORTAMBERT, ERNEST DAUDET, DILLAYE, LOUIS ÉNAULT, 

J.GIRARD1N, AIMÉ GIRON, AMÉDÉE GUILLEMIN, CH.JOLIET, ALBERT LÉVY, 

ERNEST MENAULT, EUGÈNE MULLER, PAUL PELET, LOUIS ROUSSELET, 

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et est 

ILLUSTRÉ DE 8500 GRAVURES SUR BOIS 

•('après les rlessins de 

É. BAYARD, BEBTALL, BLANCHARD, 

CAIN, CASTELLI, CATENACCI, CRAFTY, C. DELORT, 

FAGUET, FÉRAT, FERDINANDUS, GILBERT, 

GODEFROY DURAND, HUBERT -CLERGET, KAUFFMANN, LIX, A. MARIE 

MESNEL, MOYNET, MYRBACH, A. DE NEUVILLE, PHILIPPOTEAUX, 

POIRSON, PRANISHNIKOFF, RICHNER, RIOU, 

RONJAT, SAHIB, TAYLOR, THÉROND, 

TOFANI, TH. WEBER, E. ZIER. 



CONDITIONS DE VENTE ET D'ABONNEMENT 



LE JOURNAL DE LA JEUNESSE paraît le samedi de 
chaque semaine. Le prix du numéro, comprenant 16 pages 
grand in-8°, est de 40 centimes. 

Les 52 numéros publiés dans une année forment deux 
volumes. 

l'rix de chaque volume, broché, 10 francs; cartonné en 
percaline rouge, tranches dorées, 13 francs. 

Pour les abonnés, le prix de chaque volume du Journal 
de lu Jeunesse est réduit à 5 francs broché. 



PRIX DE L'ABONNEMENT 

POUR PARIS ET LES DÉPARTEMENTS 

Un an (2 volumes) ;» francs 

Six mois (1 volume) lo 

Prix de l'abonnement pour les pajs étrangers qui font partie 
de l'Union générale des postes ; Un an, tt fr. ; six mois, ■■ fr. 

Les uionnements se prennent à partir du 1 er décembre 
et du 1" juin de chaque année. 



- 3 - 



MON JOURNAL 

SIXIÈME ANNÉE 

NODYEAD RECUEIL MENSUEL ILLUSTRÉ 

POUR LES ENFANTS DE 5 A ÎO ANS 

PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION DE 

M me Pauline KERGOMARD et de M. Charles DEFODON 



CONDITIONS DE «ENTE ET D'ABONNEMENT 



Il parait un numéro le 15 de chaque mois depuis le 
15 octobre 1881. 

Prix de l'abonnement : Un an, 1 fr. 80; prix du numéro, 
15 centimes. 

Les six premières années de ce nouveau recueil forment 
six beaux volumes grand in-8°, illustrés de nombreuses 
gravures. La première année est épuisée ; la septième est 
en cours de publication. 

Prix de l'année, brochée, 2 fr. ; cartonnée en percaline 
gaufrée, avec fers spéciaux à froid, 2 fr. 50. 

Prix de l'emboîtage en percaline, pour les abonnés ou les 
acheteurs au numéro, 50 centimes. 



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NOUVELLE COLLECTION ILLUSTRÉE 

POUR LA JEUNESSE ET L'ENFANCE 

l r * SÉRIE, FORMAT IN-8° JÉSUS 
Prix du volume : broché, 7 fr. ; cartonné, tranches dorées, 10 fr. 



About (Ed.) : Le roman d'un brave 
homme. 1 vol. illustre de 52 compo- 
sitions par Adrien Marie 

— L'homme à l'oreille cassée, i vol. 
illustré de 51 compositions par Eug. 
Courboin. 

Cahun (L.) : Les aventures du 
capitaine Magon. 1 vol. illustré de 
72 gravures d'après Philippotcaux. 

— La bannière bleue. 1 vol. illustré 
de 73 gravures d'après Lix. 

Deslys (Charles) : L'héritage de 
Charlemagne. 1 vol. illustré de 
127 gravures d'après Zier. 



Dillaye (Fr.) : Les jeux de la jeu- 
nesse, leur origine, leur histoire, 
avec l'indication des règles qui les 
régissent. 1 vol. illustré de 203gra- 
vures. 

Du Camp (Maxime) : La vertu en 
France, 1 vol. illustré de gravures 

d'après DUKZ, MVHBACH, TOFANI et 

E. Zier. 

Rousselet (l>r>uis) : Nos grandes 
écoles militaires et civiles, 1 vol. 
illustré de gravures d'apiès A. Le- 
MAIST RE , I-'R. liÉGAHEY et 

P. Renoimrd. 



2* SÉRIE, FORMAT IN-8" RAISIN 
Prix du volume : broché, 4 fr.; cartonné, tranches dorées, 6 fr. 

Colomb (M Œ0 ) : Le violoneux de la 
sapinière, 1 vol. avec 85 gravures 
d'après A. Marie. 

— La fille de Carilii. 1 vol. avec 
96 gravures d'après A. Marie. 

Ouvrage couronné par l'Académie 
française. 

— Deux mères. 1 vol. avec 133 gra- 
vures d'après A. Marie. 

— Le bonheur de Françoise, i vol. 
vec 112 gravures d'après A. Marie. 

— Chloris et Jeanneton. 1 vol . avec 
105 gravures d'après Sahib. 

— L'héritière de Vauclain. 1 vol. 
avec 104 grav. d'après C. Delort. 

— Franchise. 1 vol, avec 113 gravures 
d'après C. Delort. 



Assollant (A.i : Montluc le Bouge. 
î vol. avec 107 grav. d'après Sahib. 

— Pendragon. 1 vol. avec 42 gra- 
vures d'après C. Gilbert. 

Auerbaoh : La fille aux pieds nus. 
Nouvelle imitée de l'allemand par 
J. Gourdaull. 1 vol. avec 72 gra- 
vures d'après Vautier. 

Baker (S. W.) : L'enfant du nau- 
frage, traduit de l'anglais par M me 
Fcrnand. 1 vol. avec 10 gravures. 

Blandy (M me S.) : Rouxétou. 1 vol. 
illustré de 112 gravures d'après 
E. Zier. 

Calmn (L.) : Les pilotes d'Ango. 
1 vol. avec 45 gravures d'après 
Sahib. 

— Le* mercenaires. 1 vol. avec 
54 gravure» d'après P. Fritel. 

Chèron de la Bruyère (M"» 6 ) : La 
tante Derbier. 1 vol. illustré de 
50 gravures d'après Myrbach. 



i gra- 



— Feu de paille. 1 vol. avec ! 
vures d'après Tofani. 

— Les étapes de Madeleine, i vol. 
avec 105 gravures d'après Tofani. 



— 5 — 



Colomb (M m «) : Denis le tyran. 
1 vol. avec 115 gravures d'après 
Tofani. 

— Pour lamuse. 1 vol. avec 105 gra- 
vures d'après Tofani. 

— Pour la patrie. 1 vol. avec 112 
gravures d'après E. Zier. 

— Hervé Plémeur. 1 vol. avec 112 
gravures d'après E. Zier. 

— Jean Vinnocent. 1 vol. illustre de 
112 gravures d'après Zier. 

— Danielle. 1 vol. illustré de 112 
gravures d'après Tofani. 

Cortambert (E.) : Voyage pitto- 
resque à travers le monde. 1 vol. 
avec 81 gravures. 

— Mœurs et caractères des peuples 
(Europe, Afrique). 1 vol. avec 69 gr. 

— Mœurs et caractères des peuples 
(Asie, Amérique, Océanie). 1 vol. 
avec 60 gravures. 

Cortambert et Deslys : Le pays 
du soleil. 1 vol. avec 35 gravures. 

Daudet (E.) : Robert Darnetal. 
1 vol. avec 81 grav. d'après Sahib. 

Demoulin (M mo G.) : Les animaux 
étranges. 1 vol. avec 172 gravures. 

— Les gens de bien. 1 vol. avec 
32 gravures d'après Gilbert. 

— Les maisons des bêtes. 1 vol. 
avec 70 gravures. 

Deslys (Ch.) : Courage et dévoue- 
ment. Histoire de trois jeunes filles. 
1 vol. avec 31 gravures d'après Lix 
et Gilbert. 

— L'Ami François, lvol. avec 35 gr. 

— Nos Alpes, avec 39 gravures d'a- 
près J. David. 

— La mère aux chats. 1 vol. avec 
50 gravures d'après H. David. 

Énault (L.) : Le chien du capitaine. 
i vol. avec 43 gravures d'après 
E. Riou. 

Erwin (M me E. d') : Heur et mal- 
heur. 1 vol. avec gravures d'a- 
près H. Castelli. 



Fatb (G.) : Le Paris des enfants 
i vol. avec 60 gravures d'après 
l'auteur. 

Fleurlot (M Uo Z.) : M. Nostradamus. 
1 vol. avec 36 gravures d'après 
A. Marie. 

— La petite duchesse. \ vol. avec 
73 gravures d'après A. Marie. 

— Grandcœur. 1 vol. avec 45 gra- 
vures d'après C. Delort. 

— Raoul Daubry, chef de famille. 
1 vol. avec 32 gravures d'après 
C. Delort. 

— Mandarine, i vol. avec 95 gra- 
vures d'après G. Delort. 

— Cadok. 1 vol. avec 24 gravures 
d'après G. Gilbert. 

— Câline. 1 vol. avec 102 grav. d'a- 
près G. Fraipont. 

— Feu et flamme. 1 vol. avec 80 gra- 
vures d'après Tofani. 

— Le clan des têtes chaudes. 1 vol. 
illustré de 65 gravures d'après 
Myrbach. 

— Au Galadoc. 1 vol. illustré de 
60 gravures d'après Zier. 

Girardln (J.) : Les braves gens. 
1 vol. avec 115 gravures d'après 
E. Bayard. 

Ouvrage couronné par l'Académie 
française. 

— Nous autres. \ vol. avec 182 gra- 
vures d'après E. Bayard. 

— Fausse route. \ vol. avec 55 grav. 
d'après H. Castelli. 

— La toute petite. 1 vol. avec 128 
gravures d'après E. Bayard. 

— L'oncle Placide. 1 vol. avec 139 
gravures d'après A. Marie. 

— Le neveu de l'oncle Placide. 
3 vol. illustrés de 307 gravures 
d'après A. Marie, qui se vendent 
séparément. 

— Le neveu de l'oncle Placide, 

— Grand-père. 1 vol. avec 91 gra- 
vures d'après G. Delort. 

Ouvrage couronné par l'Acadé- 
mie française. 



6 — 



Girardin (J.) : Maman, 1 vol. avec 
112 gravures d'après Tofani. 

— Le roman d'un, cancre. 1 vol. avec 
119 gravures d'après Tofani. 

— Les millions de la tante Zézé. 
\ vol. avec 115 grav. d'après Tofani. 

— La famille Gaudry. 1 vol. avec 

112 gravures d'après Tofani. 

— Histoire d'un Berrichon, 4 vol. 
avec 112 gravures d'après Tofani. 

— Le capitaine Bassinoire. 1 vol. 
illustré de 119 gravures d'après 
Tofani. 

— Second violon. 1 vol. illustré de 

113 gravures d'après Tofani. 

Giron (Aimé) : Les trois rois mages. 
1 vol. illustre* de 60 gravures d'après 
Fraipont et Praoishnlkoff. 

Gouraud (M 110 J.) : Cousine Marie. 
1 vol. avec 36 gravures d'après 
A. Marie. 

Hayea (le DM : Perdus dans les 
glaces, traduit do l'anglais, par 
L. Renard. 1 vol. avec 58 gravures 
d'après Crépon, etc. 

Henty (C.) : Les jeunes francs- 
ttreurs, traduit do l'anglais, par 
M"" Rousseau, 1 vol. avec 20 gra- 
vures d'après Janet-Lange. 

Kingston ( W. ) ■ Une croisière 
autour du monde, traduit de l'an- 
glais Par J. Belin de Launay. 1 vol. 
avec il gravures d'après Riou, 

Nanteuil (M mn P. do): Capitaine. 
1 vol. illustré de 72 gravures 
d'après Mvrbach. 

Paulian (L.): La hotte du chif- 
fonnier. 1 vol. avec 47 gravures 
d'après J. Férat. 

Rousselet (L.) :Le charmeur de ser- 
pnts. 1 vol. avec 68 gravures d'à- 
pria A. Marie. 

— Le fils du connétable. 1 vol. 
avec !I3 gravures d'après Pranis- 
hnikoff. 

— Les deux mousses. 1 vol. avec 
90 gravures d'après Sahib. 



Rousselet (L) : Le tambour du 
Royal- Auvergne. 1 vol. avec 115 
gravures d'après Poirson. 

— La peau du tigre, 1 vol. avec 
102 gravures d'après Bellecroix et 
Tofani. 

Saintine : La nature et ses trois 
règnes, ou la mère Gigogne et ses 
trois filles. 1 vol. avec 171 gravures 
d'après Foulquier et Fagnet. 

— La mythologie du Rhin et les 
contes de la mère-grand. 1 vol. 
avec 160 gravures d'après G. Doré. 

Stanley (H.): La terre de servitude, 

traduit de l'anglais par Levoisin. 

1 vol. avec 21 gravures d'après 

P. Philippoteaux. 
Tissot et Amèro : Aventures de 

trois fugitifs en Sibérie. 1 vol. 

avec 72 gravures d'après Pranish- 

nikoff. 
Tom Brown, scènes de la vie de 

collège en Angleterre. Imité de 

l'anglais par J. Girardin. 1 vol. 

avec 69 grav. d'après G. Durand. 
Witt (M m ° de), née Guizot : Scènes 

historiques. 1" série. 1 vol. avec 

18 gravures d'après E. Bayard. 

— Scènes historiques. 2° série. 1 vol. 
avec 28 gravures d'après A. Marie. 

— Lutin et démon. 1 vol. avec 36 
gravures d'après Pranishnikofl* et 
E. Zier. 

— Normands et Normandes. 1 vol. 
avec 70 gravures d'après E. Zier. 

— Un jardin suspendu, i vol. avec 
39 gravures d'après C. Gilbert. 

— Notre-Dame Guesclin. 1 vol. avec 
70 gravures d'après E. Zier. 

— Une sœur. 1 vol. avac 05 gravures 
d'après E. Bayard. 

— Légendes et récits pour la jeu- 
nesse. 1 vol. avec 18 gravures d'a- 
près Philippoteaux. 

— Un nid. 1 vol. avec 63 gravures 
d'après Ferdinandus. 

— Unpatriote au quatorzième siècle. 
1 vol. illustré de gravures d'après 
E. Zier. 



- 7 — 



BIBLIOTHEQUE DES PETITS ENFANTS 

DE 4= A 8 A3NTS 

FORMAT GRAND IN-16 
CHAQUE VOLUME, BROCHÉ, 2 FR. 25 

CARTONNÉ EN PERCALINE BLEUE, TRANCHES DORÉES, 3 FR. 50 

Ces volumes sont imprimés en gros caractères. 



Cheron de la Bruyère (M me ): Con- 
tes à Pépée. 1 vol. avec 24 gra- 
vures d'après Grivaz. 

— Plaisirs et aventures. 1 vol. avec 
30 gravures d'après Jeanniot. 

— La perruque du grand-père. 1 vol. 
illustré de 30 gravures, d'après 
Tofani. 

— Les enfants de Boisfleuri. 1 vol. 
illustré de 30 gravures d'après 
Semechini. 

Colomb (M me ) : Les infortunes de 

Chouchou. 1 vol. avec 48 gravures 

d'après Riou. 
Desgranges (Guillemette ) : Le 

chemin du collège. 1 vol. illustré 

de 30 gravures d'après Tofani. 
Duporteau (M me j : Petits récits. 

1 vol. avec 28 gravures d'après 

Tofani. 
Erwin (M ma E. d') : Un été à la 

campagne. \ vol. avec 39 gravures 

d'après Sahib. 
Franck (M me E.) : Causeries d'une 

grand'mère. 1 vol. avec 72 gravures 

d'après G. Delort. 
Fresneau(M mB ),née de Ségur: Une 

année du petit Joseph. Imité de 

l'anglais. 1 vol. avec 67 gravures 

d'après Jeanniot. 
Girardin (J.) : Quand j'étais petit 

garçon. 1 vol. avec 52 gravures 

d'après Ferdinandus. 

— Dans notre classe. 1 vol. avec 
26 gravures d'après Jeanniot. 

Le Roy <M m0 F.): L'aventure de 
Petit Paul. \ vol. illustré de 45 gra- 
vures, d'après Ferdinandus. 



Molesworth (M ra ) : Les aventures 
de M. Baby, traduit de l'anglais 
par M me de Witt. 1 vol. avec 12 
gravures d'après W. Crâne. 

Pape-Carpantier (M rao ) : Nou- 
velles histoires et leçons de choses. 
1 vol. avec 42 gravures d'après 
Semechini. 

Surville (André) : Les grandes va- 
cances, i vol. avec 30 gravures 
d'après Semechini. 

— Les amis de Bcrlhc. 1 vol. avec 
30 gravures d'après Ferdinandus, 

— La petite Givonnette. 1 vol. illus- 
tré de 34 gravures d'après Grignv. 

— Fleur des champs. 1 vol. illustré 
de 32 gravures d'après Zicr. 

Witt (M me de), née Guizot : His- 
toire de deux petits frères. 1 vol. 
avec 45 grav. d'après Tofani. 

— Sur la plage. 1 vol. avec 55 gra- 
vures, d'après Ferdinandus. 

— Par monts et par vaux. 1 vol. 
avec 54 grav. d'après Ferdinandus. 

— Vieux amis. 1 vol. avec 60 gra- 
vures d'après Ferdinandus. 

— En pleins champs, 1 vol. avec 
45 gravures d'après Gilbert. 

— Petite. 4 vol. avec '56 gravures 
d'après Tofani. 

— A la montagne. 1 vol. illustré de 
5 gravures d'après Ferdinandus. 

— Deux tout petits. 1vol. illustré de 
32 gravures d'après Ferdinandus. 



8 — 



BIBLIOTHÈQUE ROSE ILLUSTRÉE 

FORMAT IN-16 
CHAQUE VOLUME, BROCHÉ, 2 Ffl. 25 

CARTONNÉ EN PERCALINE ROUGE, TRANCHES DORÉES, 3 FR. 50 



I" SÉRIE, POUR LES ENFANTS DE 4 A 8 ANS 



Anonyme : Chien et chat, traduit 
de l'anglais. 1 vol. avec 45 gra- 
vures d'après E. Bavard. 

— Douze histoires pour les enfants 
de quatre à huit ans, par une mère 
de famille, 1 vol. avec 8 gravures 
d'après Bertall. 

— Les enfants d'aujourd'hui, par le 
mflme auteur, i vol. avec 40 gra- 
vures d'après Bertall. 

Carraud (M mp ) : Historiettes véri- 
tables, pour les enfanta de quatre à 
Iniit ans. I vol. avec 1)4 gravures 
d'après G. Fath. 

Fath (G.) : La sagesse des enfants, 
proverbes. 1 vol. avec 100 gravures 
d'après l'auteur. 

Laroque (M mo ) : Grands et petits. 
1 vol. avec 61 gravures d'après 
Bertall. 

Marcel (M mo J.) : Histoire d'un che- 
val de bois, i vol. avec 20 gravures 
d'après E. Bayard. 



Pape-Carpantler(M mo Histoire 
et leçons de choses pour les en- 
fants. 1 vol. avec 85 gravures 
d'après Berlall. 

Ouvrage couronné par l'Acadé- 
mie française. 

Perrault, MM raoi d'Aulnoy et Le- 
prince de Beaumont : Contes de 
fées, 4 vol. avec 65 gravures 
d'après Bertall et Forcst. 

Porchat (J.) : Contes merveilleux. 
1 vol. avec 21 gravures d'après 
Bertall. 

Schmid (le chanoine) : 190 contes 
pour les enfants, traduit de l'al- 
lemand par André Van Hassell. 
1 vol. avec 29 gravures d'après 
Bertall. 

Ségur (M mo la comtesse de) : Nou- 
veaux contes de fées. 1 vol. avec 
46 gravures d'après Gust.tve Doré 
et H. Didier. 



11° SERIE, POUR LES ENFANTS DE 8 A 14 ANS 



Achard (A.) : Histoire de mes amis. 
1 vol. avec 25 gravures d'après Bel- 
leeroix. 

Alcott (Miss) : Sous les lilas, tra- 
duit de l'anglais par M me S. Lepage. 
4 vol. avec 23 gravures. 



Andersen : Contes choisis, traduits 
du danois par Soldi. 1 vol. avec 
40 gravures d'après Bertall. 

Anonyme : Les fêtes d'enfants, scè- 
nes et dialogues. 1 vol. avec 41 gra- 
vures d'après Foulquier. 



Asaollant (A.). Les aventures mer- 
veilleuses mais authentiques du 
capitaine Corcoran. 2 vol. avec 
50 gravures, d'après A. de Neuville. 

Banau (Th.) : Amour filial. 1 vol. 
avec 41 gravures d'après Ferogio. 

Bawr (M mo de) : Nouveaux contes. 
1 vol. avec 40 gravures d'après 
Bertall. 

Ouvrage couronné par l'Académie 
française. 

Beleze : Jeux des adolescents. 1 vol. 
avec 140 gravures. 

Berquin : Choix de petits drames et 
de contes. 1 vol. avec 36 gravures 
d'après Foulquier, etc. 

Berthet (E.) : L'enfant des bois. 
4 vol. avec 61 gravures. 

Blanchère{De la) : Les aventures 
de la Ramée. 1 vol. avec 36 gra- 
vures d'après E. Forest. 

— Oncle Tobie le pécheur. 1 vol. 
avec 80 gravures d'après Foulquier 
et Mesnel. 

Boiteau (P.) : Légendes recueillies ou 

composées pour les enfants. 1 vol. 

avec 42 gravures d'après Bertall. 
Carpentier (M Uo E. ) : La maison du 

bon Dieu. 1 vol. avec 58 gravures 

d'après Riou. 

— Sauvons-le ! 1 vol. avec 60 gra- 
vures d'après Riou. 

— Le secret du docteur, ou la maison 
fermée. 1 vol. avec 43 gravures 
d'après P. Girardet. 

— La tour du preux. \ vol. avec 
59 gravures d'après Tofani. 

— Pierre le Tors. 1vol. avec 64 gra- 
vures d'après Zier. 

Carraud (M mo Z.): La petite Jeanne, 
ou le devoir. 1 vol. avec 21 gra- 
vures d'après Forest. 

Ouvrage couronné par l'Académie 
française. 



Carraud (M m6 Z.) : Les goûters de la 
grand'mère. 1 vol. avec 18 gra- 
vures d'après E. Bavard. 

— Les métamorphoses d'une goutte 
d'eau . 1 vol. avec 50 gravures 
d'après E. Bayard. 

Castillon (A.) : Lesrécréations phy- 
siques, i vol. avec 36 gravures 
d'après Castelli. 

— Les récréations chimiques, faisant 
suite au précédent. 1 vol. avec 
34 gravures d'après H. Castelli. 

Cazin (M me J.) : Les petits monta- 
gnards. 1 vol. avec 51 gravures 
d'après G. Vuillier. 

— Un drame dans la montagne. 1 vol. 
avec 33 grav. d'après G. Vuillier. 

— Histoire d'un pauvre petit. 1 vol. 
avec 40 gravures d'après Tofani. 

— L'enfant des Alpes. 1 vol. avec 
33 gravures d'après Tofani. 

— Perlette. 1 vol. illustré de 54 gra- 
vures d'après Myrbach. 

— Les saltimbanques. 1 vol. avec 
60 gravures d'après Girardet, 

Ghabreul (M me de) : Jeux et exer- 
cices des jetines filles. 1 vol. avec 
62 gravures d'après Fath, et la 
musique des rondes. 

Colet (M me L.) : Enfances célèbres. 
1 vol.avec57 grav. d'après Foulquier. 

Contes anglais, traduits par M me de 
Witt. 1 vol. avec 43 gravures 
d'après Morin. 

DeslysfCh.) : Grand 'maman. 1 vol. 
avec 29 gravures d'après E. Zier. 

Edgeworth (Miss : Contes de 
l'adolescence, traduits par A. Le 
François. 1 vol. avec 42 gravures 
d'après Morin. 

— Contes de l'enfance, traduits par 
le même, i vol. avec 26 gravures 
d'après Foulquier. 



— 10 



Edgeworth (Miss) : Demain, suivi 
de Monrad le malheureux , contes 
traduits par H. Jousselin. i vol. 
avec 55 gravures d'après Bertall. 

Fath (G.) : Bernard, In gloire de son 
viltagr 1 vol. avec 50 gravures 
d'après M m€ G. F.itli. 

Fénelon : Fables, 1 vol. avec 29 
grav. d'après Forestet E- Bayard. 

Fleuriot (M Ué ) : Le petit chef de 
famille. 1 vol. avec 57 gravures 
d'après H. Caslelli. 

— Plus tard, ou le jeune chef de 
famille, i vol. avec 60 gravures 
d'après E. Bayard. 

— L'enfant gâté. I vol. avec 48 gra- 
vures d'après Ferdinaudus. 

— Tranquille et Tourbillon. 1 vol. 
avec 45 grav. d'après G. Delort. 

— Cadette. 1 vol. avec 52 gravures 
d'après Tofaui. 

— En congé. 1 vol. avec 61 gravures 
d'après Ad. Marie. 

— Digarette. i vol. avec 48 gravures 
d'après Ad. Marie. 

— Rnuche-en-Cœur. i vol. avec 
45 gravures d'après Tofaui. 

— Gildas l'intraitable, i vol. avec 
56 gravures d'après E. Zier. 

— Parisiens et Montagnards . i vol. 
avec 49 gravures d'après II. Zjflr. 

Foô (de) : La vie et les aventures 
de flobinson Crusoé, traduites do 
l'Miglate, 1 vol. avec 40 gravures. 

Fonvielle (W. de) : Néridah. 2 vol. 

avec 45 gravures d\iprès Sahib. 
Fresneau (il M ), née de Ségur : 

Comme les grands! i vol. illustré 

de 40 gravures d'après Ed. ZiElt. 
Genlia (M m8 de) : Contes moraux, 

\ vol. avec 40 gravures d'après 

Foulquier, etc. 

Gérard (A.) : Petite Bose. — 
Grande Jeanne. 1 vol. avec 28 gra- 
vures d'après Gilbert. 



Girardin (.1 ) : La disparition du 
grand Krausc. 1 vol. avec 70 gra- 
vures d'après KaufTnianu. 

Giron (A.j : Ces pauvres petits. 
1 vol. avec 22 gravures d'après 
B. Nouvel. 

Gouraud (M lle J.) : Les enfants de 
la ferme, 1 vol. avec 59 graY. d'après. 
E. Bayard. 

— Le livre de maman. 1 vol. avec 
68 grav. d'après E. Bayard. 

— Cécile, ou la petite sœur, i vol. 
avec 20 grav. d'après Desandrà*. 

— Lettres de deux poupées, i vol. 
avoc 59 gravures d'après Olivier. 

— Le petit colporteur. 1 vol. avec 
27 grav. d'après A. de Neuville. 

— Les mémoires d'un petit garçon. 
i vol. avec 86 gravures d'après 
É. Bayard. 

— Les mémoires d'un caniche. 
i vol. avec 75 gravures d'après 
É. Bayard. 

— L'enfant du guide. 1 vol. avec 
60 gravures d'après É. Bayard. 

— Petite et grande. 1 vol. avec 48 
gravures d'après É. Bayard. 

— Les quatre pièces d'or. 1 vol. 
avec 54 gravures d'après E. Bayard. 

— Les deux enfants de Saint- 
Domingue. i vol. avec 54 gravures 
d'après E. Bayard. 

— La petite maîtresse de maison. 
i vol, avec 37 grav. d'après Marie. 

— Les filles du professeur, i vol. 
avec 36 grav. d'après Kauffmann. 

— La famille tlarcl. 1 vol. avec 

44 gravures d'après Vahiay. 

— Aller et retour, 1 vol. avec 40 
gravures d'après Fcrdinandus. 

— Les petits voisins, i vol. avec 
39 gravures d'après C. Gilbert. 

— Chez grand'mère. 1 vol. avec 98 
gravures d'après Tofani. 

— Le petit bonhomme. 1 vol. avec 

45 grav. d'après A. Ferdïnandus. 



Gouraud (M"° J.) : Le vieux châ- 
teau. 1 vol. avec 28 gravures d'a- 
près E. Zier. 

— Pierrot. 1 vol. avec 31 gravures 
d'après E. Zier. 

— Minette. 1 vol. illustré de 52 gra- 
vures d'après Tofani. 

— Quand je serai grande ! 1 vol. avec 
60 gravures d'après Ferdinandus. 

Grimm (les frères) : Contes choisis, 
traduits par Ferd. Baudry. lvol. avec 
40 gravures d'après Bertall. 

Hauff : La caravane, traduit par 
A. Talon. 1 vol. avec 40 gravures 
d'après Bertall. 

— L'auberge du Spessart, traduit 
par A. Talon. 1 vol. avec 61 gra- 
vures d'après Bertall. 

Hawthorne : Le livre des mer- 
veilles, traduit de l'anglais par 
L. Rabillon 2 vol. avec 40 gra- 
vures d'après Bertall. 

Hébel et Karl Simrock : Contes 
allemands, traduits par M. Martin. 
1 vol. avec 27 grav. d'après Berlall. 

Johnson (R. B.) : Dans l'extrême 
Far West, traduit de l'anglais par 
A. Talandier. 1 vol. avec 20 gra- 
vures d'après A. Marie. 

Marcel (M m8 j.) : L'école buisson- 
nière. 1 vol. avec 20 gravures d'a- 
près A. Marie. 

— Le bon frère. 1 vol. avec 21 gra- 
vures d'après E. Bayard. 

— Les petits vagabonds. 1 vol. avec 
25 gravures d'après É. Bayard. 

— Histoire d'une grand'mère et de 
son petit-fils. 1 vol. avec 36 gra- 
vures d'après C. Delort. 

— Daniel, i vol. avec 45 gravures 
d'après Gilbert. 

— Le frère et la sœur. 1 vol. avec 
45 gravures d'après E. Zier. 

— Un bon gros pataud. 1 vol. avec 
45 gravures d'après Jeanniot. 



Maréchal (M u < M.) : La dette de 
Ben-Alssa. 1 vol. avec 20 gravures 
d'après Bertall. 

— Nos petits camarades. 1 vol. avec 
18 gravures d'après E. Bayard et 
H. Castelli.etc. 

— La maison modèle. 1 vol. avec 

42 gravures d'après Sahib. 
Marmier (X.) : L'arbre de Noël. 

1 vol. avec 68 grav. d'après Bortall. 
Martignat (M 11 " de) : Les vacances 
d'Elisabeth. 1 vol. avec 36 gravures 
d'après Kauffmann. 

— L'oncle Boni. 1 vol. avec 42 gra- 
vures d'après Gilbert. 

— Ginette. 1 vol. avec 50 gravures 
d'après Tofani. 

— Le manoir d'Yolan. 1 vol. avec 
56 gravures d'après Tofani. 

— Le pupille du général. 1 vol. 
avec 40 gravures d'après Tofani. 

— Vhéritière de Maurivèze. 1 vol. 
avec 39 grav. d'après Poirson. 

— Une vaillante enfant. 1 vol. avec 

43 gravures par Tofani. 

— Une petite-nièce d'Amérique, 1 vol. 
avec 43 gravures d'après Tofani. 

— La petite fille du vieux Thémy. 
1 vol. illustré de 42 gravures d'après 
Tofani. 

Mayne-Reid (le capitaine) : Les 
chasseurs de girafes , traduit de 
l'anglais par H. Vattemare. 1 vol. 
avec 10 grav. d'après A. de Neuville. 

— ,4 fond de cale, traduit par M me H. 
Loreau. 1 vol. avec 12 gravures. 

— A la mer! traduit par M m8 H. 
Loreau. 1 vol. avec 12 gravures. 

— Bruin, ou les chasseurs d'ours, 
traduit par A. Letellier. 1 vol. avec 
8 grandes gravures. 

— Les chasseurs de plantes, traduit 
par M mo H. Loreau. 1 vol. avec 
29 gravures. 



— is 



Mayne-Reid île capitaine) : Les exi- 
lés dans la forêt, traduit par M mo H. 
Loreau. 1 vol. avec 12 gravures. 

— L'habitation du désert, traduit par 
A. Le François. 1 vol. avec 24 
gravures. 

— Les grimpeurs de rochers, traduits 
par M mo H. Loreau. 1 vol. avec 
20 gravures. 

— Les peuples étranges, traduits par 
M"" H. Loreau. 1 vol. avec 24 
gravures. 

— Les vacances des jeunes Boërs, 
traduites par M m * H. Loreau. 
1 vol. avec 12 gravures. 

— Les veillées de chasse, traduites 
par H.-B. Révoil. 1 vol. avec 
13 gravures d'après Freeman. 

— La chasse au Léviathan, traduite 
par •'. GiraroUo. 1 vol, avec 51 gra- 
vures d'après A. Ferdinandus et 
Th. Webor. 

—Les naufragés de la Calypso. i vol. 
traduit par K^Gustave Di hoi lin 
et illustré de -^ gravures d'après 

PRANlSHNtKOFF. 

Muller (B.) : Itobinsonnette . 1 vol. 
avec 22 gravures d'apràa Lix. 

Oulda - Le petit comte, i vol. avec 
34 gravures d'après G. Vullier, 
Tofani, etc. 

Peyronny (M mfl de), née d'Isle : 
Deux cœurs dévoués. 1 vol. avec 
53 gravures d'après J. Devaux. 

Pitray (M mo de) : Les enfants des 
Tuileries. 1 vol. avec 29 gravures 
d'après E. Fiayard. 

— Les débuts du gros Philéas. i vol. 
avec 57 grav. d'après H. Castelli. 

— Le château de la Pétaudière. 
1 vol. avec 78 grav. d'après A.Marie. 

— Le (Ils du maquignon. 1 vol. avec 
65 gravures d'après Hiou. 

- Petit monstre et poule mouiller. 
1 vol. avec 66 grav. par E. Girardet. 



Rendu (V.) : Mœurs pittoresques 
des insectes. 1 vol. avec 49 grav. 

Rostoptchine (M me la comtesso) : 
Belle, Sage et Bonne. 1 vol. avec 
39 gravures d'après Ferdinandus. 

Sandras (.M" 18 ) : Mémoires d'un la- 
pin blanc. 1 vol. avec 20 gravures 
d'après E. Bayard. 

Scinnois (M"° la comtesse de): Les 
soirées à la maison, i vol. avec 
42 gravures d'après É. Bayard. 

Ségur(M mt » la comtesse de) : Après 
la pluie, le beau temps, 4 vol. 
avec 128 grav. d'après É. Bayard. 

— Comédies et proverbes. 1 vol. 
avec 60 gravures d'à près É. Bayard. 

— Diloy le chemineau. 1 vol. avec 
90 gravures d'après H. Castelli. 

— François le bossu. 1 vol. avec 
114 gravures d'après É. Bayard. 

— Jean qui grogne et Jean qui rit. 
1 vol. avec 70 grav. d'après Castelli. 

— La fortune de Gaspard. 1 vol. 
avec 52 gravures d'après Gerlicr. 

— La sœur de Gribouille, i vol. 
avec 72 grav. d'après H. Castelli. 

— Pauvre Biaise! 1 vol. avec 65 
gravures d'après H. Castelli. 

— Quel amour d'enfant! 1 vol. avec 
79 gravures d'après E. Bayard. 

— Un bon petit diable. 1 vol. avec 
100 gravures d'après H. Castelli. 

— Le mauvais génie, i vol. a;ec 
90 gravures d'après E. Bayard. 

— L'auberge del'angegardieni 1 vol. 
avec 75 grav. d'après Foulquier. 

— Le général Dourakine. 1 vol. avec 
100 gravures d'après É. Bayard. 

— Les bons enfants. 1 vol. avec 70 
gravures d'après Ferogio. 

— Les deux nigauds, 4 vol. avec 
76 gravures d'après H. Castelli. 

— Les malheurs de Sophie, i vol. 
avec 48 grav. d'après H. Castelli. 



- 13 — 



Ségur (M m8 a comtesse de) : Les 
petites filles modèles. 1 vol. avec 21 
gravures d'après Bertall. 

— Les vacances, 1 vol. avec 36 gra- 
vureB d'après Bertall. 

— Mémoires d'un âne. 1 vol. avec 75 
grav. d'après H. Castelli. 

Stolz (M me de} : La maison roulante . 
1 vol. avec 20 grav. sur bois d'après 
É. Bayard. 

— Letrésor de Nanette. 1 vol. avec 24 
gravures d'après É. Bayard. 

— Blanche et noire, i vol. avec 54 
gravures d'après É. Bayard. 

— Par-dessus la haie. 1 vol. avec 56 
gravures d'après A. Marie. 

— Les poches de mon oncle, i vol. 
avec 20 gravures d'après Bcrtall. 

— Les vacances d'un grand-père. 
1 vol. avec 40 gravures d'après G. 
Del a fosse. 

— Quatorze jours de bonheur. 1 vol. 
avec 45 gravures d'après Bertall. 

— Le vieux de la forêt. 1 vol. avec 
32 gravures d'après Sahib. 

— Le secret de Laurent. 1 vol. avec 
32 gravures d'après Sahib. 

— Les deux reines, i vol", avec 32 
gravures d'après Delort. 

— Les mésaventures deMlle Thérèse. 
1 vol. avec 29 grav. d'après Charles. 

— Les frères de lait. 1 vol. avec 42 
gravures d'après E. Zier. 



Stolz (M™ de): Magali. 1 vol. avec 
36 gravures d'après Tofani. 

— La maison blanche. 1 vol. avec 35 
gravures d'après Tofani. 

— Les deux André, 1 vol. avec 45 
gravures d'après Tofani. 

— Deux tantes. 1 vol. avec 43 gra- 
vures d'après Tofani. 

— Violence et bonté. 1 vol. avec 
36 gravures par Tofani. 

Swift : Voyages de Gulliver, traduits 
et abrégés à l'usage des enfants. 
1 vol. avec 57 gravures d'après 
Delafosse. 

Taulier : Les deux petits Robin- 
sons de la Grande-Chartreuse. 
1 vol. avec 69 gravures d'à près 
É. Bayard et Huberl Clerget. 

Tournier : Les premiers chants, 
poésies à l'usage de la jeunesso, 
1 vol. avec 20 gravures d'après 
Gustave Roux. 

Vimont (Oh.) : Histoire d'un na- 
vire. 1 vol. avec 40 gravures d'après 
Alex. Vimont. 

Witt (M me de), née Guizot : Enfants 
etparents. 1 vol. avec 34 gravures 
d'après A. de Neuville. 

— La petite-fille aux grand'mères. 
1 vol. avec 36 grav. d'après Beau. 

— En quarantaine, 1 vol. avec 48 
gravures d'après Ferdinandus. 



III e SÉRIE, POUR LES ENFANTS ADOLESCENTS 

ET POUVANT FORMER ONE BIBLIOTHÈQUE 



DE POOR LES JEUNES FILLES DE 14 A 18 ANS 



VOYAGES 



Agassiz (M. et M» ) • Voyage au 
Brésil, traduits et abrégés par 
J. Belin de Launay- 1 vol. avec 
16 gravures et 1 carte. 



Aunet (M me d') : Voyage d'une femme 
au Spitzberg. 1 vol. avec 34 gra- 
vures. 

Baines : Voyages dans le sud-ouest 
de l'Afrique, traduits et abrégés par 
i. Belin de Launay. \ vol. avec 22 
gravures et 1 carte. 



14 



Baker: Le lac Albert N'yanza. Nou- 
veau voyage aux sources du Nil, 
abrégé par Belin de Launay. 1 vol. 
avec 16 gravures et 1 carte. 

Baldwin : Du Natal au Zambèzc 
(1801-1865). Récils de chasses, 
abrégés par J. Belin de Launay. 
1vol. avec 24 gravures et i carte. 

Burton (le capitaine) : Voyages à la 
Mecque, aux grands lacs d'Afri- 
que et chfz Us Mormons, abrégés 
par J. Belin de Launay. 1 vol. 
avec 12 gravures et 3 cartes. 

Catlln : La vie chez Ut Indiens, tra- 
duit de l'anglais. vol. avec 25 
gravures. 

Fonvielle (W. de) : Le glaçon du 
Polarts, aventures du capitaine 
Tyson. 1 vol. avec 1U gravures et 
1 cafte. 

Hayee (l) r ) : La mer libre du pôle, 
traduit par F. de La noyé, et abrégé 
par J. Belin de Launay. 1 vol. 
avec 14 gravures et 1 carte. 

Hervé et de Lanoye : Voyages 
dans les glaces du pôle arctique. 
i vol. avec 4U gravures. 

LanoyeiF. de): Le NH et ses sources. 
1 vol. avec 32 gravures etdes cartes. 

— La Sibérie. 1 vol. avec 48 gra- 
vures d'après Lcbreton, etc. 

— Les grandes scènes de la nature. 
i vol. avec 40 gravures. 

— La mer polaire, voyage de l'Krèbe 
et de la Terreur, et expédition à la 
recherche de Franklin. 1 vol. avec 
SU gravures et des cartes. 

— [iamsès le Grand, ou l'Egypte il 
y a trois mille trois cents ans. 1 vol. 
avec 30 gravures d'après Lancelot, 
E. Bayard, etc. 

Livingstone : Explorations dans 
l'Afrique australe , abrégées par 
J. Belin de Launay. 1 vol. avec 
20 gravures et 1 carte. 



Livingstone : Dernier journal 
abrégé par J. Belin de Launay. 
1 vol. avec 10 gravures et 1 carte- 

Mage(L-): Voyage dans le Soudan 
occidental, abrégé par J. Belin 
do Launay. 1 vol. avec 16 gravures 
et 1 carte. 

Mliton et Cheadle : Voyage deV At- 
lantique au Pacillque, traduit et 
abrégé par J. Boiin de Launay. 
1 vol. avec 1G gravures et 2 cartes. 

Mouhot (Ch.) : Voyage dans le 
royaume de Siam, le Cambodge et 
le Laos. 1 vol. avec 28 gravures 
et 1 carte. 

Pal grave (W. G.) : Une année dans 
l'Arabie centrale, traduite et 
abrégée par J. Belin de Launay. 
i vol. avec 12 gravures, 1 portrait 
et 1 carte. 

PfeiMer (M me ): Voyages autour du 
monde, abrégés par J. Belin de 
Launay. 1 vol. avec 16 gravures et 
1 carte. 

Piotrowskl : Souvenirs d'un Sibé- 
rien. 1 vol. avec 10 gravures d'après 
A. Marie. 

Schweinfurth (D r ): Au cœur de 
l'Afrique (18G6-1871). Traduit par 
M "" H. Loreau, et abrégé par 
i. Belin de Launay. 1 vol. avec 
10 gravures et 1 carte. 

Speke : Les sources dît, Nil, édition 
abrégée par J. Belin de Launay. 
1 vol. avec 24 gravures et 3 cartes. 

Stanley : Comment j'ai retrouvé 
Livingstone, traduit par M m » Loreau, 
et abrégé par J. Belin de Launay. 
1 vol. avec 16 gravures et 1 carte. 

Vambèry : Voyages d'un faux der- 
viche dans l'Asie centrale, traduits 
par E D. Forgues, et abrégés 
par J. Belin de Launay. 1 vol. 
avec 18 gravures et une carte. 



Le loyal serviteur : Histoire du 
gentil seigneur de Bayard, revue 
et abrégée, à l'usage de la jeunesse, 
par Alph. Feillet. i vol. avec 36 
gravures d'après P. Sellier. 

Monnier (M ): Pompéi et les Pom- 
péiens. Edition à l'usage de la jeu- 
nesse. 1 vol. avec 25 gravures 
d'après Thérond. 

Plutarque: Vie des Grecs illustres, 
édition abrégée par A. Feillet. 
1 vol. avec 53 gravures d'après 
P. Sellier. 

— Vie des Romains illustres, édition 
abrégée par A. Feillet. 1 vol. avec 
69 gravures d'après P. Sellier. 

Retz (Le cardinal de) : Mémoires 
abrégés par A. Feillet. 1 vol. avec 
35 gravures d'après Gilbert, etc. 

LITTÉRATURE 

Bernardin de Saint-Pierre: Œu- 
vres choisies, 1 vol. avec 12 
gravures d'après E. Bayard. 



Cervantes: Don Quichotte de la 
Manche. 1 vol. avec 64 gravures 
d'après Bertall et Forest. 

Homère: V Iliade et l'Odyssée, tra- 
duites par P. Giguet et abrégées 
par Alph. Feillet. 1 vol. avec 33 
gravures d'après Olivier. 

Le Sage: Aventures de Gil Blas, 
édition destinée à l'adolescence. 
1 vol. avec 50 gravures d'après 
Leroux. 

Mac-Intosch (Miss) : Contes amé- 
ricains, traduits par M me Dionis. 
Si vol. avec 50 gravures d'après 
É. Bayard. 

Maistre (X. de) : Œuvres choisies. 
1 vol. avec 15 gravures d'après 
É. Bayard. 

Molière : Œuvres choisies, abré- 
gées à. l'usage de la jeunesse. 
S vol. avec 22 gravures d'après 
Hillemacher. 

Virgile : Œuvres choisies, traduites 
et abrégées à l'usage de la jeunesse, 
par Th. Barrau. 1 vol. avec 20 
gravures d'après P. Sellier. 






16 



ATLAS MANUEi 

DE GÉOGRAPHIE MODERNE 

Contenant 54 cartes imprimées en coule 
Un volume in-folio relié en demi-chagrin 



ATLAS 

DE 

GÉOGRAPHIE MODE] 

PAR E. CORTAMBERT 
Contenant 66 cartes in-4° imprimée» en c j 

NOUVELLE ÉDITION COMPLÈTEMENT REFONDUE | 

Sous la direction de plusieurs géographes & pnj 

Un volume cartonné en percaline, 12 fl 



NOUVEL ATLAS 



GÉOGRAPHJ 

ANCIENNE, DU MOYEN ÂGE & MODERNE 

PAR E- CORTAMBERT 
Contenant ÎOO cartes in-4° imprimées en coi ' 
NOUVELLE ÉDITION ENTIÈREMENT REFONDUE 

Avec la collaboration d'une Société" de géographes et de 

Un volume cartonné en percaline, 16 fr. 



11C44. — BouriLOTON. — Imp. réunies, A, rue Mignon, 2, Parip —10-87, — 






Accession no. 

912 3 

Author 

T i s sqndie r , G Q-ïtm\ 
La navigation 

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