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Full text of "Eloge de Pierre Bayen"

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^ L O G E 

D E . 

PIERRE BAYEN, 

Memsre de VInstitut national de France} 
de la Socidte de JVLedecine ^ et du Col¬ 
lege de Pharmacie de Paris; Vun des 
- Inspecteurs g'dneraux du Service de 
Sante des ^rmdes de la Republique^, ^ 

Ear le C.®” P a n m £ ir t i e r. 



X-i E monde savant vient de perdre le 
pharmacien le plus instruit, et I’un des 
cliimistes francais les plus d.lstingues : ses 
travaux ont lionore son siecle, en contri- 
buant beaucoup a donner a i’bistoire natu- 
relle et a la cbimie, le nouvel eclat dont 
elles brillent aujourd’hui : les ouvrages 
qu’il nous a laisses sont des modules de 
precision, de clarte et de methode j sa 
vie fut un traite complet de morale, et 
sa mort doit affliger tons les vrais amis des 
sciences et de I’liumanite. 

Pierre Eaten naquit a Chalons, depar- 
tement de la Marne , en lyzS, d’une 
famille honndte , et dans une mediocrite 
A 




E 1, O G E 


de fortune, qui ne dispense point d’em- 
brasser une profession , mais qui permet 
de la choisir. 

Jeune encore , il perdit les auteurs de 
ses jours, et resta sous la surveillance d’une 
Soeur , plus dgee que lui , de douze ans : 
ayant conserve cette soeur, Bateit ne fut 
pas orphelin j elle suivit, avec I’application 
la plus constante, I’education de son fr^re ; 
non-seulement, elle lui apprit elle-meme a 
lire , a ecrire et a compter, mais elle 
developpa et cultiva en lui le germe de 
toutes les vertus dont elle etoit le modele. 
Ce fut a cette ecole que Baten puisa 
I’amouif de Tordr-e et de la justice , I’eco- 
nomie, la teniperance , I’inflexible pro¬ 
bite : ces vertus etoient une sorte de patri- 
moine, une propriete dans safamille j aussi 
iorsqu’aus jours de sa vieillesse , untendre 
souvenir lui retragoit ces saintes obliga¬ 
tions, il se laissoit toujours entrainer a la 
douce impulsion de la reconnoissance la 
plus profonde 5 il goutoit ce plaisir si pur 
et si doux, que n’eprouvent jamais les 
ingrats, celui d’apprecier la valeur d’un 
bienfait. 

Le jeune Batew , sous cette heureuse 


DEPIERE.E BAYEW. 3 

tutelle , avoit atteint Page de neuf ans, et 
sa soeur ne pouvoit conduire plus loin, son 
education ; elle le placa au college de 
Troyes j il y fit, d’une mani^re brillante , 
le cours entier des etudes scliolastiques. 

La'disposition naturelle a la plupart des 
enfans , cette envie de tout voir, de tout 
apprendre, se manifesta de bonne lieure 
chez Bayen avec la plus grande energie : 
d^s quHl eut assez connu ce que renfer- 
nioit Pinterieur de la maison qu’il habitoit, 
il se repandit au-dehors j et, dans les jours 
accordes a la recreation , au lieu de se 
livrer aus amusemens bruyans et futiles , 
ordinaires a ceux de son dge, il alloit 
s’instruire des travaus champ^tres. Ces 
premieres impressions avoient ete si pro- 
fondes , que dans les dernieres annees de 
sa vie , le sentiment n^en etoit pas encore 
eteint. 

Quel spectacle agreable et toucbant que 
celui d’une simple maison champetre , on 
sont reunis Pordre, la paix et Pinnocence ! 
Qu’il est doux de voir fructifier Pouvrage de 
ses mains! Rien n’est comparable a Pavan- 
tage de planter soi-m^me un espalier, un 
verger, un bosquet, de greffer et de tailler 
A 2. 


4 i L O O E 

Tin arbre, de presider aux laboursaux 
semailles , etc., a la moisson, a la cueil- 
lette des fruits et aux vendanges, a tous 
ces details du menage et de la basse-cour, 
du jardinage et des champs. Ici,chaque 
instant du jour , tous les jours de I’annee 
et toutes les annees de la vie deyiennent 
une source intarissable de jouissances, 
toujours deiicieuses pour celui qui sait en 
faire un heureux usage. 

Tandis que Bayet? employoit ainsi les 
heures de ses delassemens k suivre des 
cours-pratiques d’agriculture et de jardi¬ 
nage , on le trouvoit, pendant les jours 
ou la saison ne lui permettoit pas d’aller con- 
templer le spectacle enchanteur de la terre 
yivifiee par des animaux et des produc¬ 
tions de toute espece , on le trouvoit dans 
la cave du vannier , dans le laboratoire du 
fondeur, dans les ateliers du menuisier, du 
charron , du forgeron , du potier de terre , 
du teinturier et du chaudronnier. La con- 
noissance de tous les metiers paroissoit etre 
unbesoin pour lui: c’etoitun acheminement 
k la science des arts vers laquelle un vif 
inter^t I’entrainoit : il vouloit en faire 
I’apprentissage, pour les servir un jour lui- 



BE PIERRE BAYEN. 


5 


meme j et lorsqu’il fut en etat d’en parler 
en maitre avec les ouvriers, ceux-ci, 
ravis de I’entendre , se disoient entre eux: 
Voila un savant qui salt converser avec 
les hommes I c*est unplaisir de lui donner ; 
il rend davantage (i). 

. (i) Bayen avoit etudie tous les arts chimiq^ues , et 
porte , dans cette etude , le genie observateur qui lui 
etoit propre; ce qui I’avoit le plus frappe, c’est cette 
complication de moyens qui, rempUssant les ateliers 
et les laboratoires sans une utilite reelle , augmentent 
iiecessairement les embarras, les depenses, et eloi- 
gnent du veritable but. II avoit concu le projet de 
simplifier ces recettes employees empiriquement par 
la routine , et il a donne souvent, a cet egard, des 
conseils aux artistes qu’il ne visitoit jamais sans les 
eclairer, persuade qu’il etoit facile de diminuer le 
nombre des instrumens dans leurs rapports respectifs , 
et dans leur application commune-a plusieurs arts et 
metiers. Il vouloit qu’on mit entre les mains des ou¬ 
vriers, des macbin.es plus simples et mieux appropriees 
aux usages auxquels on les destine. C’est ainsi que 
beaucoup d’outils employes dans plusieurs arts me- 
caniques ont' ete perfectionnes par I’horlogerie; et 
I’on trouveroit un grand avantage de faire profiter de 
cette amelioration les autres arts qui se servent des 
memes outils , avec leurs anciens defauts. Cette idee 
de simplification et de perfectionnement dans les arts 

- A3 



^ i L O G E 

Parvenu a Page o^i il falloit se clioisir 
une profession et travailler pour fournir 
aux besoins de la vie, Eaten ne fut pas 
long - temps indecis, et il embrassa la 
pliarmacie : le motif principal de son 
clioix fat I’amour des^ sciences. Beaucoup 
d’hommes n’ont-etd conduits-a se deter¬ 
miner pour I’etat qui les a rendus ceiebres, 
que par quelques*uns de ces hasards qui 
se presentent inutilement ala foule , mais 
qu’une volonte supreme semble diriger pOur 
allumer chez piusieurs le flambeau du ge¬ 
nie... La vue d’unhorlDge eyeilla/e^e/zi^z/e 
Vaucan&onyAhs que Tournefort aper^ut des: 
plantes, il se sentit botaniste. Baten avoit 
vu, dans les mains d’un' de ses camarades , 
un couteau sur la lame duquel ce dernier 
avoit grave son nom j cette mer veille, dont it 
avoit voulu s’assurer par ses propres yeux, 
le determina a acbeter chez un apothicaire 
de I’eau-forte. Interroge sur les matieres 
d’ou Ton tirpit cet acide et sur les arts 
qui I’employoient, le pliarmacien yanta 

et metiers , etoit une de celles que Batest se complai- 
soit le plus 4 developper en soeiete; et je ne doute 
pas que beaucoup d’artistes n’en aient ddja fait leur 
profit. ‘ , 


DE PIERRE BAYEK, J 

beaucoup son etat comme ouvrant Ten- 
tree de la chimie, et la chimie comme la 
source feconde d’ou decouloient tous les 
arts. Le jeune Bayen enthousiasme voulut 
etre chimiste ; il fut done place, confor- 
mement a son voeu, cliez Faciot , qui jouis- 
soit a Rheims d’une assez grande reputa¬ 
tion. Ce Faciot etoit un autre Paracelse; 
il en avoit an moins la presomption, la 
fougue , quelques-unes des connoissances 
et les defauts : avide djs tout ce qui lui 
paroissoit rare, merveilleux et extraordi¬ 
naire y Faciot ne cultivoit dans son jardin 
que des plantes exotiques j son cabinet 
etoit rempli de tbute espece de curiosite 5 
on y Yoyoit la peau tannee d’un supplicie 
a c 6 te d’une paire de souliers chiriois y 
une coupe emaillee d’un travail exquis, en 
pendant avec un coco des maldiyes, et 
des pierres lierborisees , symetriquement 
melees a des dessins de Cliiichetel. 

Le caractere du personnage, autant que 
ses collections , attiroient chez lui la foule 
et de la yille et du voisinage; Bayen acquit 
aupres de Faciot , non-seulement la con- 
noissance d’une foule de productions de 
la nature et de Tart, mais encore celle des 

A4 



i i O G E 


8 

hommes de toute trempe j il y vlt quelqties 
vrais savans , un grand notnbre d’ama¬ 
teurs et des legions de charlatans. C’est a 
cette epoque que , par la seule droiture 
de son esprit et par la justesse de son juge- 
ment, il commenca a discerner le m^rite 
reel d’avec celui qui n’est qu’apparent, et 
a ne pas confondre le jongleur ayec le 
sage ; il acquit sur-tout , au plus haut 
degre, I’estime et I’amitie du maitre , qui 
n’etoit jamais mieux inspire qu’en parlant 
de son eleve dontil presageatousles succes.- 
En moins de deux ans , Bayen avoit 
epuise tout ce qu’il pouvoit apprendre 
dans le laboratoire , dans le cabinet et le 
jardin de Faciot. Impatient de paroitre sur 
nn theatre plus digne de son emulation , 
ilvint a Paris en 1749? et fut Televe de 
Charas. Ce nom , justement celebre dans 
les annales de la pharmacie, nous rappelle 
une generation successive de cinq hommes, 
qui toiis ont honore cet art, par leurs taiens 
et leur probite. C’etoit Tofficine ou se 
reunissoient , comme dans un centre 
commun , les formules des medecins de 
toutes les nations. On y connoissoit par- 
faitemedt les differentes manipulations 


3JE PIERRE BAYEN. 9 

nsitees, afin d’offrir les medicamens aux 
etrangers, sous la forme et I’aspect qu’ils 
avoient dans leur pays natal. 

Le besoin d’etre plus directement utile 
aux mallieureux et de, satisfaire en mdme 
temps son penchant pour I’etude , deter- 
min^rent Bayen h accueillir la proposition, 
que lui fit Chamousset de diriger sa phar- 
macie. Chamousset ^ ce veritable ami des 
hommes, trop peu connu d’eux et trop 
pen eelebre, dont la fortune , les lumieres 
et tous les instans fnrent consacres a con¬ 
soler les infortunes, et a soulager leurs 
maux , Chamousset avoit reuni dans sa 
raaison, qu’on auroit pu appeler le temple 
de la hienfaisance, \es secours de toutes 
les parties de Fart de guerir. Bayen 
etablit, dans celle qui lui fut confiee, tant 
d’ordre et d’economie, qu’il eut encore 
Tavantage d’augmenter les ressources de 
Chamousset^ouv les pauvres, et de suivre, 
dans les momens de loisir que lui laissoit 
son emploi, les cours de Rouelle. II ne 
tarda point d’etre admis dans I’intimite 
de cet illustre chimiste. 

Ayantles travaux dCHqffmann , I’histoire 
des eaux minerales n’etoit qu’un tissu de 


mensonges et d’erreurs j on s’en rappor- 
toit aux impressions qu’elles produisoient 
sur les organes, pour prononcer sur leur 
nature j et le peu qu’on savoit de leurs' 
effets, n’etoit que le fruit de quelques obser¬ 
vations isolees. Cependant il n’y a point de 
pays an monde plus riche dans cette partie, 
que la France 5 elle possede une quantite 
prodigieuse d’eaux minerales de toute 
esp^ce : il lui importoit done de\ fixer 
Fopinion sur cette branclie essentielle de 
nos ressources medicales , et de nous ga- 
rantir de I’empirisme. Bayen et Venel y 
son condisciple a I’ecole de Kouelle y re- 
curent I’ordre d’analyser toutes les eaux 
minerales de la France. Les talens et les 
connoissances qu’une aussi lieureuse asso¬ 
ciation developpa pendant cette mission , 
firent regreter de la voir suspendre, lors- 
queBAYEN futnomme, en lydS, pharma- 
cien en chef de Fexpedition de File Minor- 
que', et prouva, pendant cette campagne , 
que , ce n’est pas seulement sous le point 
de vue de Fart de guerir, que Fofficier de 
sante peut etre utile aux armees j le phy-_ 
sicien, le chimiste , le botaniste ne sont 
jamais consultes sans profit. 


D E P I E R K. E B A Y E N. 11 

' On ne tronvoit aux environs du camp 
quedes eaux saumatres, et, dansquelques 
maisons, que desciteriies pen abondantes, 
saffisant a peifie aux besoins de leurs pro- 
prletaires. ^Iclairepar sa sagacite naturelle 
et conduit par le besoin de cliercber et de 
decouvrir , Ba.yen trouye , indique une 
source d’eau vive, capable d’abreuver toute 
I’armee. 

Les ofEciers d’artillerie avoient oublie 
d’apporter du salp^tre, pour les meclies 
destinees aux bombes 5 ils etqient alles 
cliez le general, pour lui faire part de rera- 
barras ou cet oubli les jetoit. Eaten I’ap- 
prend , court au conseil, demande de la 
poudre a canon , promet de fournir dans 
le jour laquantite de salp^tre qu’onvoudra, 
et tient parole : le moyen si'simple de Teii 
extraire , dont on ne pent pas apprecier 
aujourd’huile merite, etoit ignore , et cette 
ignorance alloit retarder les operations du 
siege. 

Apres la campagne de Minorque, Eaten 
passa, avec lem^me titre, a I’armee d’Alle- 
magne , pendant la guerre de sept ans ; et 
ce fut alors que la pharniacie militaire ^ 
qu’il crea, devint I’objet de ses plus cheres 


occupations. Partisan de la discipline, de 
cette conservatrice du bon ordre, Bayen 
ne connut pas de voie plusdirecte d’exciter 
ses collaborateurs a leurs devoirs , qu’en 
remplissant ponctuellement les siens, et en 
suppleantlui-meme aux fonctions, de quel- 
que grade qu’elles fussent, d^s que I’inter^t 
du service le lui indiquoit. Son grand art 
etoit de profiter de toutes les productions 
indigenes : «c Quelle est votre intention , 
demandoit-il aumedecin inecontent de ne 
pas avoir le remede individuel porte dans 
sa formule ? Je vous proposerois de substi- 
tuer telle substance , vous obtiendrez le 
m^me effet, et votre indication sera rem- 
plie».Le malade , le medecin , le pharma- 
macien se louoient egalement de la subs¬ 
titution, et Fart de guerir comptoit une 
ressource de plus (i). 

(i) Quelle lecon pour les medecins qui , a la suite 
des armees, prescrivent une foule de remedes , et met- 
tent au nombre des objets indispensables a leurs pra¬ 
tiques 5 ce qu’il est qu^quefois pbysiquement impos¬ 
sible de se procurer k grands frais ! mais elle s’applique 
plus directement aux officiers de sante charges, dans 
les h6pitaux militaires, de I’execution des prescrip¬ 
tions. L’homme instnlit et fidele a ses devoirs propose 


DE PIERRE BAYEN. l 3 
A la paix de 1763, Bayen vintrecueillir, 
non des pensions et des distinctions, mais 
une recompense plus convenable a ses 
gouts et k son caract^re ; il fut nomme 
pharmacien en clief des camps et armees, 
avec un mediocre traitement, dont il ne 
sollicita jamais I’augmentation : des jouls- 
sances preferables a celles que la fortune 
menage', i’attendoient. Il retronva. Rouelle 
et Venel 5 il fut au milieu de ses amis , au 
nombre desquels nous n’oublierons iii 


la substitution que les circonstances commandent y ou 
a laquelle elles invitent , mais sans I’aveu de celui 
qui a present. Jamais , sous quelque pretexte que ce 
soit, le pharraacien circonspect et eclaire ne se per- 
mettra de substituer une substance a une autre. 

Je ne citerai qu’un seul exemple des ressources de 
Bayen , dans les circonstances les plus difficiles t 
lorsque le commerce etoit entrave de toutes parts , et 
que la consommation exorbitante des drogues avoit 
reduit tons les magasins au denuement le plus absolu , 
I’ipecacuanba manquoit absolument 5 consulte sur le 
parti qu’il falloit prendre pour remplacer un remede 
aussi important en medecine, Bayen indiqua d’as- 
socier I’emetique en petite dose, avec la rbubarbe , et 
le resultat des essais entrepris, sous les yeux du conseil 
de sant4, fut conforme a son attente. 



i L O & S 

Bordeu , dont la philosopliie originale et 
sceptique se rapproclioit si fort de la certi¬ 
tude de la nature j ni Chamousset , que 
Bayen aida plus d’une fois a realiser ses 
reves vertueux, au profit de Thumanite j ni 
Fia , dont le nom rappellera toujours le 
sentiment de la plus utile et de la plus tou- 
chante philantropie j ni Darcet , qui nous 
a fait connoitre tant de pfienom^nes que 
la nature sembloit tenir caches dans le 
foyer des volcans j ni Suhy enfin qui a tant 
contribue au perfectionnement du service 
administratif des hdpitaux militalres. ^ 
Bayen avoitatteintsaquarantieme annee, 
sans avoir encore rien public : un silence 
aussi long devoit necessairement surpren- 
dre ; mais trop superieur a cette impar- 
tience des savans qui precipitent leurs 
productions incompletes , il prit tout le 
temps necessaire pout donner aux siennes 
ce caract^re de maturite et de perfection 
qui leur fera braver la duree des temps ^ 
quelles que soient les revolutions que la 
chimie eprouve j et cependant, retenu par 
une timide modestie, il n’osa jamais pa- 
roitre seul sur le tliMtre des sciences. Il 
sembloit ne solliciter qu’une place pour 



D E P I E R R E EATEN. l 5 
ses travaux dans des recueils, qui ensuite 
lui devoient leur reputation. 

Cette passion ardente pour Tetude doit 
assez naturellement donner I’idee d’un 
homme extremement a vide de gloire. Ce- 
pendant Baten n’etoit domine ni par cette 
ambition, ni par aucune autre; ilcommu- 
niquoit sans peine ses decouvertes et ses 
vuea, an hasard de se lesvoir enleyer j parce 
qu’il desiroit plus qu’elles servissent a 
I’avancement et a la. perfection de la 
science ,.qu’a sa propre gloire. Enfin il de- 
veloppoit ses connoissances , comme le dit 
i’ingenieux Fontenelle , en parlant de 
Cassini , non pour les Staler, mais pour 
£n faire part. 

Digne eleve de Rouelle , de cet homme 
etonnant dont quelques etincelles echap- 
pees et reeueillies daus ses cours ont cree 
plus d’un chimiste et fait plus d’une repu¬ 
tation , Baten , accessible a ceux qui eou- 
roient sa carriere, leur prodigua des idees 
qui, reeueillies avec intelligence, ont jete 
le plus grand eclat sur ceux qui les ont 
adroitement employees. 

Un de ces hommes, qui sont aux sayans 
ce que les frelons sont aux abeilles , ayoit 


E X O O E 


i6 

puise dans une.conversation avec Bayen, 
des idees qu’il eut ensuiterimpudeur de s’ap- 
proprier. Bayen le sut, en rit, et dedaigna 
de crier an larcin, comme tant d’autres en 
pareil cas.Le liidme homme, qui tronvoit 
commode de moissonner sans avoir seme, 
revint piller le champ fecond qu’il etoit 
difficile d’epuiser. B a yen se - pr^te a sa 
manoeuvre , et lui communique tout ce 
qu’il vouloit savoir ; mais a I’instant ou le 
parasyte, content de sonbutin, se confond 
en remercimens etse prepare a le quitter, 
Bayen , avec sa simplicite ordinaire, I’ar- 
r^te :—Vous ne saviez done rien de ce que 
je viens de voiis dire ? —Non, j’avoue que 
je I’ignorois absolument. Dans ce cas, re- 
partit Bayen , j’ai maintenant une grace a 
vous demander, e’est qu’en descendant 
mon escaber, vous ne disiez pas a la 
porte que vous ^tes monte pour me I’ap- 
prendre. 

Enfin Bayen rompit le silence, et on vit 
paroitre son travail sur les eaux minerales 
de Bagneres-de - Luebon, si celebrees par 
les B-omains. II avoit pour les Pyrenees 
une sorte de predilection 5 jamais il ne 
parloit de cette chaine de montagnes sans 
enthousiasrae 5 


30 i: p i E R fi. E A ir E ir. 17 
fentliousiasme 5 avcc quel empressement il 
y retourna en 1765. A cette epoque, la 
chimle analydque etoit encore au berceau, 
et il falloit toute la sagacite de JBayen pour 
penetrer dansles inysteres de cette science; 
il congutla necessite de s’eloignef du sender 
battu, et de suivre une route nouvelle: tout 
fut change, instrumens, appareils et ma- 
niere d’operer. C’est eii employant , par 
oxemple, comme reacdfs les precipites et 
les oxides de mercure (i) ^ qu’il decouvrit la 


( I ) L’examen des oxides de mercure a ete pout 
BayeH I’occasioii d’examiner les remedes auti-vene- 
riens les plus en rogue; il analysa d’abord les dragees 
ou pilules de Keyser , el la recette de cette composi¬ 
tion devenue publique , par I’acquisition qu’en fit le 
Gouvemement quelques annees apres, justifia pleirie* 
ment le jugem'ent qu’il en avoit porte ; savoir , que 
fees dragees n’etoient autre chose que du mercure oxide ^ 
dissous ensuite par le vinaigre y puis mele avec de la 
manne et de la farine , pour leur doilnef la consi 
tance requise. Il putalors se convaincre que la plupart 
de ces remedes taut rantes, etoient deja connus sous 
un autre nom et sou^une forme differente ^ et que tons 
Ceux qui ont public , ou cru publier des riouveautes a 
ce sujet, n’ont rien ajoute a la perfection du larein 
qu’ils faisoient; en sorte que si la sience a gagne ^ 
c’egt toujours du c6te des homm^s qui ont eu le coiit 

B 


l8 i jL O G £ 

propriete fulminante de cejn^tal, propriety 
(ju’pn croyoit appartepir excjusiyement k 

rage de faire 4es recherches pour demasqper le char- 
latanisme et confondre les charlatans; qu’enfin , il 
ne falloit pas croire que la dissolution du mercure par 
le vinaigre f&t une operation moderne, coinme on 
I’avoit annonce, puisque le precede se trouve decrit 
en entier dans le thedtre chimique, imprime a &ras- 
hourg en i 6 i 3 ) a Particle ^enot , qui a yecu pauyre ^ 
et qui est mort a I’hdpital de Bourg, dans la ci-deyant 
Bresse , lorsque Keyset a laisse une fortune enorme. 

Cette fameuse eau des negres , employee avec tant 
de mystere, aToit fixe egalement son attention 5 il 
parvint a reconiioitre pa? I’analyse que , qupique I’eau 
disPilee sur du mercure ne contint point un at6nie de 
ce metal en dissplupon ^ elle n’en operpit pas moins , 
dans beaucoup de circonstances, des effpts compar 
rabies a ceux du mercure , et que ce nMlP.it point 
£ans raison qu’on Badministroit aux enfans daos les 
maladies vermineuses 5 enfin le sirpp mercmiel de 
Belet eut aussi son tour, et Paiialyse qu’il en fit, est 
I’objet de deux dissertations consignees dans Vexposi-, 
tion raisqnnee des differentes metjipdes d’adtninis^ 
trer le mercure d.qns les maladies 'vendriennes , pay 
JDehorne, Quoiqu’elles n’aient pas paru sous .le 9019 
de Bayen , elles ne. lui en appartiennent pas. mpin.s en 
entier ; outre I’ayeu que I’auteur estimable de ce? 
excellent ouvrage en a fait souvent lui-meme j il ne 
eera pasj difficile, en les parcourant , d’y reconnoitre 
le cachet de BaT£;s ; il etoit done de U justice de le$ 




D E E I E B. R E B A Y E N. 

Tor, et que depuis d’autres metaux ont 
p^rtagee 5 c’est ainsi qu’une decouverte', k 
laquelle on ne fait pas d’abord toute Tatten^ 
tion qu’elle merite , ouvre tine carriere 
immense , et devient la source de mille 
autres; ce fut ce phenomdne qui porta le 
premier coup a I’edifice de Staalil, et jeta 
les fondemens de la doctrine nouvelle * 
si savamment developpee par I’immortel 
Lavoisier, qu’un destin barbare a ravi aux 
sciences eplordes , et qui a requ dans eette 
enceinte les premiers honneurs rendus k 
sa meraoire (1). 

lui restituer dans ses opuscules ; non pas qu’elles 
puissent aj outer a la gloire qu’rl s’est acquise, mais 
parce qu’ejles seryent a completer son travail sur les 
oxides de mercure. 

(1) Bepuis lopg-teaipAl^A'yEN. pensoit qu# I’opiiiion 
de Stajihl,, sur la nature des oxides metalliques ^ 
auxquels on dounoit alors le nom de chaux, n’etoit 
pas celle qu’il falloit ^opter ; mais suit que les expe¬ 
riences , d’apres lesquelles, il etoit parti pour peqsqt; 
ainsi, ne lui parussent pas assex concluantes , scvi^ 
qu’U ne trouv^t pas les esprits fiavorabiement disp0.se?. 
pour accueillir les. nouveUes vuea qu’il voni >it pro.pq.- 
s,er, il cmt pnident d’attendre qpe ^ lesultats plus 
positils que- cens. qu’il avoit, ojitenua, vinssent le-ver 
to,u8 ses doutes.j et le rais&ent. a portee de repondre 

B 2 


20 


£ L O » E 


Que ceux qui, pour ^rossir la biblio - 
grapliie medicale, pretendent qu’on pent 



aux objections qu’on ne manqueroit pas de lui faire» 
Son travail sur les oxides de mercure prepares de 
differentes manieres , lui ayant fourni 1’o.ccas.ion qu’il 
cbercboit, il fit voir que loin que les metaux, en 
passant k I’etat d’oxide,' perdissent un de leurs prin-i 
cipes j ils se combinoient au contraire avec une cer- 
taine quantite d’air, et que c’etoit a cette combinaison 
qu’etoit due non seulement I’augnientation de poids 
de ces oxides, mais encore leur couleur et leurs difFe-, 
rentes proprietes. II manquoit, pour rendre cette de-, 
couverte aussi complete qu’elle ppuvpit I’etre, de 
determiner la nature de I’air absorbe par le mercure 
pendant la calcination. Malheureusement, Bayen ne 
s’occupa pas de cet objet : on congoit meme difficile- 
ment comment, apres tous les soins qu’il avoit pris 
pour s’assurer du volume et du poids du fluide aeri- 
forme qu’il avoit retire de ses oxides; comment , 
dis-je , il a pu oubiier de soumettre ce fluide a I’expe- 
rience la plus simple. Une bougie allum^e, plongee 
dans le vase qui contenoit ce meme fluide, lui eut 
bient6t fait connoitre I'a presence‘du gaz oxigene , et, 
de ce seul resultat, il n’auroit pas manque de tirer 
toutes les consequences naturelies quin’ont pas echappe 
a ceux qui depuis ont repete ses precedes. Malgre 
cet oubli, on ne pent s’empecher de regarder le travail 
de Bayem sur les oxides de mercure , comme^tant 
le germe de la plupart des decouve'ftes importantes 
qui ont coi^ribue gi puissamment a etablir les forf- 


D E E I E a R E E A Y E I!?. 

analyser trois pu q^uatre eaux minerales 
par jour, k une grande distance de I'eur 
source, et k la faveur d’un on de deux 
reactifs , viennent apprendre de Bayeir 
combien ce travail est difficile, et se con-: 
vaincre qu’entre des mains habiles tons lea 
moyens d’epreuve sont bons , qu’il n’y a. 
aucun inconvenient de les multiplier ^ 
parce que i’un vient k I’appui de rautre,r 
qu’en un^ nipt > ^analyse des; eaux de Ba.-c 
gn^res- de --Luchon est rouvrage le plus; 
cdmplet qu’on puisse citer en ce genre; le 
pliilosophe , le naturaliste, le chimiste, y. 
puiseront de npuyelles lumi^res , les nnti-; 
quaires eux-m^mes y trouveront des monu-. 
mens pour I’liistoire. Telle est la maniere 
dont ,Bayew; traitoit les objets : il savoifc 
jeter , de yipteret sur les ,mati^res qui en 
piresentplent ie 'moins. _ ’ 

, Persuade, que tout ce que nous connois^- 
sons de mineralise et de lapidifie dans la 
nature , a pris un arrangement conform®, 
aux lois de la cristallisation, et que, loin 
d’etre simpler et liomogenes, eomme on Pa 

demens de la nouvelle doctrine chimique, enseignee- 
aujourd’hui avec tant de succes.dans les ecoles j 
(jui maintenant paroit generalement adoptee. 



pretendu, ces carps etoient combines de 
jnille raanieres difFerentes ; Bayen ima- 
gina, a cette ^poqtie, que la chimie pos- 
sedoit en ce genre des moyens analytiques 
sArs , et que , laissant ses fourneaux trop 
vantes par les nns, trop decries par les 
autres, cette Science pouvoit, sans le con- 
conrs du feu et des autres agens destruc- 
teurs, analyser presque tout le regne mine- 
rail en sorte que , si I’on disoit commune- 
merit , les animaux- vivent, les plantes 
vegetent, on pcurroit dire egalement «les 
mineraux cristallisent »j ce qui exprime- 
roit en un seul mot, leur maniere de 
s’agreger. " 

Pendant donze annees Eaten occupa 
ses loisirs an developpement de cette vue 
simple et Taste | ce ne fut qu’en 1778 qu’il 
se determina a faire paroitre successive- 
naent le rdsultat de ses experiences sur les 
serpentines, les porphyres , les opbites, 
les granits, les jaspes verts et rouges , lea 
scbistes argileux, les jades> les feld-spaths. 
Ges pierres passoient pour resister aux aci- 
des j mais Bayen qui avoit si bien observe 
la marche lente du temps dans les efflores¬ 
cences salines que les eaux de Bagneres- 


DE PIERRE BA TEW. SS 

de-Luchon operent, les for^a bientdt de 
ceder k I’actiori de nos dissolvaiis, et dd 
subir par consequent tout le degre d’aria- 
lyse dont elles so'nt susceptibles ^i). 

L’examen qu’il fit des differens marbfgg 
eonnusj Favdit tellement farfiiliarise'avec 


( 1) Soil moyeh' analytique favori dtoit la vitriblf- 
«ation , denominaiioii deveriiie tres-impropre aujiour- 
d’hui , qife les cMmistes , d’apr^s les principes da 
la nomenclature methodique , remplacent par cell© 
de sulfatisation, II consiste , coranie on sait y k 
reduire en petits fragmens les pierres , a les arroser 
de temps en temps avec de Pacide sulfurique affoibli J 
cbt acide aide par 1’act‘ion de Fair el de l’eauj a 
le teirips (fe se liVfer k sesr affibitds partfieulieres ^ 
de foTriffe'rlfahquitlement des coiiibinaisohs, et de les 
presenter> dans uni ordre regnlie'r . et fadle a saisir f 
de maniei-e-que cbaque substance saline affecte s,a 
figure , sa. pouleur et sa densite-, et que la capsule 
dans laquelle se sont operees la decomposition et les 
combinaisons spontandes , oflre le tableau en minia¬ 
ture de I’iinalys^co'mpl^'te. Plpsieurs de ces eapsulea 
etbient pV^^nfebs* (puelquefbis dans le^ C(^rs pTibliciS) 
"Gom'ifie ia) pre^'ye'^eda Mmplicife et de I’lifiliie dePIk 
method'ei'^j^il jest a regretter qUe , reiiaissant antant 
^’avatitages ^ elle s'oit delaissee aujqurd-hui. On est 
presse de jouir) et souvent cette precipitation est 
eloign^ de la marcTie de la nature queBAYEN aypife. 
SI bien etudiee*. 

B 4 




E Z O O E 


les parties constituantes de ces plerres , 
la seule inspection il jugeoit quelles.etoient 
les veines susceptibles de se decomposer, et 
celles qui resisteroient a la faulx dn temps: 
on se ressouvient encore de la balustrade 
en marbre blanc veine de gris , 4^1 entou- 
roit cette stat ue equestre de la place de la 
Revolution, et qqe la statue de la liberte 
a remplacee i Bayen j en considerant les 
dalles surlesquelies etoit posee cette balus- 
trad.e , quoique pour.vues encore de leur 
poli et de leur durete, assura que dans le 
nombre plusieurs 'seroient bieiitot degra- 
dees i et il designa a De^eux les endroits 
sur lesquels raltera.tion se porteroitd’abprd) 
peude temps apres:, la propli'etie:Commeh9a 
a s’accomplir, et en moins de troi's annees, 
on vit manifesteme'nt que le marbre em¬ 
ploye li’etoit pas ceiui qui devoit etre cboisi 
pour les mbnumeps publics, y / 

Dans ses voyages , ne perdit 

jamais de vue les inter^ts, des arts et du 
COtnrnerce. Lfe geograpbele plus exact ne 
pcmrroit mieux decrire les pays qtf’ii avert 
•parcourus, la nature de leur‘ s6l2^ ' leurs 
productions 'les inoeurs", l^S coutumeS 
(gt Industrie de leurS liabitans', les plantes 



» E P r E B. R E 3J A Y E K".' sS 
iet les animaux qui y vivent , les pois- 
sons qu’on p^cTie sur leurs cotes : il con^ 
moissoit parfaiteinent la topograpliie de 
la France , au point d’etre ein etat de 
distribuer a sa surface toutes les manu¬ 
factures : que de services il a rendus a 
ceux qui se proposoient d’en etablir, en. 
leur indiquant les localites les plus favo- 
rables a Fexploitatibn, aux transports et 
aux debouches (i)! 

■ -(i) Il n’etoit pas quaWe jours daus un pays sans le 
-mieux connoitre que celui qui I’habitaitV Pourquoi 
les tommes qua observent si bien He s&nt-ils pas aussi 
fles plus empresses a cqmmuniquer leurs observations 
q)af la voie ded’imprfession ? pourquoi n’en liaissent-ils 
pas au moins un journal manuscrit que consulteroient 
au bespiri ceux pour qui ces observations deviendrolent 
oui'utiles ou cufieuses ? Si Bayen ebt tenu un pareil 
journal, il seroit sirigulierenient volumineux , ins- 
tructif. et varie- L’article de 1 -ile de Minorque , par 
exeniple, offriroit'la meilleure description qui puisse 
en etre faite ; telle , est ^opinion de ceux; qui Pont. 
entendu parler de eette: ile ; mais ce n’est qu’en tor- 
turant leur'memoire qu’ik se rappellent quelques faits 
in^ressans 5 par: exenjple.: que la scille. etrAe cistus 
ladahiferus .:ct<xtssen.t en abondance -sur s'es c6tqs, 
que les oiguons y sonl^ d^’iine prodigieus'e’j gtosseur j 
que les abeilles. y dieiment un miei pajfume par la 
rose , que les tortues aquatiques et terrestijes-y sont 


s6 E L 6 a 

Autant qu’il etoit possible, tons les ms- 
trametis- qiii sertoieiit k ses Operations ^ 
^toient cOiistrtiits par ses maiils; il excel- 
ioit dans Fart de batir les fonrneaux, et a 
beauGOiip cofltribue a les re'iidfe plus actifs 
dails les laboiatoires , et plus eOonotniqUes 
dans les etabiissemens publics , sUr - tout 
dafrs les- bdpitaux militaireSi II s’etoit fait 

tres-communes , ainsi que l^s 'insecfes j k cause dea 
marais ; que les insulaires, dont les possessions, se 
tfouvent voisines de ces marais,^ les abandonnent et n’y 
tentrent qu’au reWffr de I’automne ; que les animaiiX) 
fexcepte les l.nes,-y soiit plus petits qu’en France'; 
que' les lapins n’y terreut pas ; que les Minorquains j 
grands amSateilrs d’epicerifs et- de salSisons , sont unp 
des belles espeees d’hommesf qu’il y ait en Europe ; 
que' les feinmes y sont belles et fecondesmais' qu’elles 
yieillissent de bonne heure;. que totite cette ife.n’est 
qu’Un rocber de pierre tendre y a peine recbuver't d’une 
petite couched tferre , qui n’est airosee qu’u'ne fois 
I’annee f avant les semailles,* par la pinie d’uh orage 
terrible , mais aiissi necessaite aii pdys qiie le ddbof"- 
demenf du Nil Pest a I’Egypte' ; qu6 pr^s de Mabon 
il existe tine mine de cuivre dont ib avoit jn'g^ Pex^ 
ploitation: facile; qu’il avdit vu b^ir un t/etiiplh 
sur le sol d’un ancien temple ;;mais' sans avoir au^ 
paravant. demoli celui-ci y et que pour fair© cette 
construction , on ne se sBrvoit ni de' ffeuil ni- de 
cabestan j etc. etc. i ^ ; 


» E P I H R R E B A Y E If. 27 

tin appareil chimico - pneumatique tres- 
simple, trds^otnfnode , et k pen de frais, 
ponr mesui’er le flnide etiimbmd dvec les 
mi^taux dans I’etat de minerai 6u d’oxide, 
et il s’en servit tt^s-atantageusefneiit dans 
totites les circGiistaflces 6^1 des gapitalistes 
Yenoient SGumettre k son eXameit les ma-^ 
tikres de lenrs sp&tilations et robjet de 
letirs espefanceSi 

- -II n’avbit pti voir sans adniiratidai dans 
les nsiries, ees belles macbiries qni honofrent 
I’esprit bumaih j mais 6e qtill aimoit snr- 
tOTit, G’dtoit-:cette iridnstrie gfdSsiere qni 
salt y suppleer par de simples inventions 
a peine apergues. Qui croiroit que e’est la 
SimpliGitd nidme de eeS agens qaij ptesqne 
ton]onrs ^ est le’ premier obstacle k lenr 
snccks ? 1 ay®:S^ eni r-@ecasicM de s’en eon- 
vaincre j et ee ne fnt pas sans itne doura- 
geuse perseverance qu’il vint a bout de faire 
adopter , sitr le port des Invalides, sur 
le port Nieolaa et cbez les- maraicbiers 
deS erivirOfis-de Paris , ces macbines inge- 
riieuses et pen cdfOpliquees qtti servent k 
diriger les bacs sur le Rhin , a deebrarger 
les bateaux et a purser de I’eab pour lea 
iardiniers. On ]Ouit de toua ces-avantage^ 



28 E I, 0 G E 

sans soup 9 onner que c’est a Bayen qu’ort 
en est redevable. Amontons ne passoit 
jamais devant un mouiin a vent, sans 
6ter son chapeau pour reiidre liommage 
k I’inventeur j mais cpmb,ien cette recdn- 
noissance est.peu commune I et si quelque 
chose peut justifier I’empressement des 
auteurs a fatiguer les journau'x du recit de 
leurs moindres decouvertes , c’est cette in¬ 
grate insouciance ayec laquelle on en re- 
cueille les bienfaits. N’est-il pas honteuxr 
que nous ignorions le nom du mortel 
precieux qui,a decouvert la greffe , et de; 
celui qui a plante le premier murier en. 
France? ; , ; _ : : : i 

Mais-si' , Ba YEW s’publioit lui-meme , il; 
n’oubiipit jamais de parjen desjautres : la^ 
crainte d’eiilever aux.auteurs les droits, 
que leur dpnnent leurs travaux y lui faispit/ 
retarder: la publicite des srens ; il tira de. 
I’oubli Touvrage 3earir Bey qui, pat; 

la profondeur/de ses meditations , elpit^^ 
parvenu , des 1 e comxnenoenieu.^: du djx*; 
septice., siecle^ a recpmipjt 5 e.,lr’air ponjcau; 
la veritable^ cause de; I’angapputation, dp, 
pesanteur des oxides metalliques; il reverK 
diqua, enfayeur de Grosse^^Xidk§ 


55 E r r E B. A E S A Y E 2^/ 29 

la decouverte de I’^xistence de la potasse 
toute formee dans les vegetaux. Cette es- 
pece de veneration pour la propriete d’au- 
trui, faisoit gouter a Bayen d’autres jouis- 
sances, celles d’indiquer k ceux qui culti- 
vent les sciences les sources originales ou 
il faut puiser I’instruction. 

■ Dans une science, ou tout doit ^tre ap- 
puye sur des faits , Bayen s’etoit impose la 
loi de ne rien avancer de conjecturalj lors- 
qu’il distilloit, parlavoie s^clie, des pier- 
res, les gouttelettes d’eau qui tapissoient le 
liaut de la cornue lui causoient toujours 
de la surprise 5 mais jamais il n’oublioit 
d’en tenir note ni de faire entrer en ligne 
de compte les decliets qu’il eprouvoit. 
Gependant en presentantBAYEisr comme un 
modeie de patience , d’exactitude et de 
precision dans ses travaux , on lui repro- 
cliera peut-etre de n’avoir pas ete aussiheu- 
reux que quelques modernes qui ^ en calcu- 
lant separement le poids d'es produits des 
corps qu’ils analysent, et les reunissant 
ensuite , les trouvent toujours correSpon- 
dans avec celui qu’ils pesoientauparavant; 
mais les effortsde BAYEif n’ont about! qu’a 
lui. en deraojitrerrinipossibilite, a cause de 


3(5 iE I. O G E 

la perte inevitable de ce qui s’^cliapp© 
dans Tatmosph^re, se decompose dans les 
operations analytiques, ou reste dans les 
jnstrumens employes. 

Beauconp d’hommes marquent dans Iq 
mondesavant par le nombre de leurs ecrits, 
qni , certes , ont moins travaille que 
Baten. II n’etoit pas un instant oisif ; il 
faisoit touriier an profit des sciences jus- 
qn’a ses promenades; il alloit passer ses 
soirees cbez Velletier y mort victime hono¬ 
rable de son art, et qui n’a pas craint 
d’abreger sa carriere, pour agrandir cell(? 
des sciences j il conferoit avec son eleve 
et sori ami 5 il reyoyoit le laboratoire de 
KoMelley dont il ne pouvoit s’approehe? 
sans un souvenir attendrissant pour sou 
illustre maitre , et sans se rappeler ces 
conferences instructives avec les Jussieu y 
\es Malsh^rbes , les Tuvgot Jyalbach, 
noms qui seront toujours cfiers aux scienrcea 
et a la philosophie. 

Apres avoir ebncouru, par ses recfier- 
ches, a aliier la chirnie avec les beaux-arts 
pour leur plus grande utility, BAVElf em-> 
ploy a les dernieres annees que les devoirs 
de sa plaqe hji permirent de eonsacrer aus 


D E PIE R E E B A ,Y E N.' 5i 

Ejciences, k son important travail siir I’etain. 
HejiQkel et Margrajf avoient idecouTert 
Texistence dp Tarseiiic dans cp metal, et 
avoient alarmp la societe sur les dangers 
atixquels expospit I’usage dp cptte v^issellp, 
qui etpit pour nps peres un pbjet dp l^xe, 
et composoit une grande partie de leur 
mo^ilipr; le (jonvernernent pffrayp chargea 
le college d.e pltarmaple de pronpncer entre 
les chimistes d’Allemagnp, et la vprite : 
cette compagnie qui, dans tons les temps, 
s’est prnpressee d.e rpppndreanx vnes. d’nti- 
litepubliqup, npmnia trpis dp SPa membjes., 
Hilaire-Martin Kouelle , frerp du fameux, 
profpsspnr Charlard (i) et Batei? j ip ^,rPr 

( i) Get Labile pharmacien j dans le laboratoire 
duquel le conseil de sante a fait composer les divisions 
de pharmacie, necessaires pour le service des armees 
pendant les premieres campagnes de cette guerre me ¬ 
morable , vient|de mourir generalement regrette. Cette 
nouvelle perte du college de pharmacie a ete annoncee 
dans la meme seance publique de la societe de mede-' 
cine de Paris, par le citoyen Sedillot, son secretaire 
general, ayec les expressions cenformes|4 celui qui en- 
4toit I’objet. Pen d’hommes, en effet, etoi.ent plus, 
verses dans la connoissance et le commerce des drogues 
simples, et sur-tout dans les preparations pharmaceu- 
tiques ea grand. Batest avoit pour Charlard les 


52 JE t O G B 

mier de ces trois cooperateurs distingii^§ 
mourut a cette epoque , regrette de toute la 
France; le second eut la modestie de se 
borner a preparer lui-m^me tons les agens 
qui devoient seryir a cette analyse j e£ 
Bayen seul traitala question. D^s que son 
ouvrageparut, toutes les inquietudes s’eva- 
nouirent; et I’etain , qui touclioit a Pins- 
tant d’etre proscrit de nos menages, rentra 
dans tous ses droits. 

On voit dans ce travail, comme dans 
tous ceux qui ont rempli la carriere labo- 
rieuse et honorable de Baten , ce desit 
ardent de concourir aux progres de la 
science , toujours plus puissant chez lui 
que Pamour de la celebrite ; et cependant 
chacun de ses ouyrages a donne lieu a une 

^entimens que lui inspiroient toujours une probite 
severe et I’amour de ses devoirs; aussi I’a-t-il souvent 
designe au Gouvernement sous ce double rapport, 
pour fixer son opinion sur plusleurs points d’utilite 
publique, et toujours il s’est acquitte des missions 
Jionorables qui lui ont ete cpnfiees , avec un desinteres- 
sement et une intelligence dignes des plus grands 
eloges. Je ne puis encore me dispenser de rendre 
ce foible hommage a la memoire d’un collogue qui 
avoit egalement tant de droits a mon estime et a mon 
amilie. ' ' 

decouyerte , 


DE PIERRE BAY EN. 33 
decouverte, gu porte un grand caractere; 
d’utilite. 

Bayen analyse les eaux minerales, de 
Bagneres de-Luchon, et voila un module 
d’analyse pour les siecles a venir ; il exa¬ 
mine les precipites de, mercure, et il de- 
couvre la cause de la fulmination, de 
I’oxidation et de Taugmentation de pesan- 
teur des chaux metalliques ; il rencontre 
dans les-scliistes la terre. magn^ienne en 
abondance , et il propose de la faire servir 
en France a des fabriques de sel d’Epsoni 
ou de Sedlitz que nous tirons de I’etranger, 
et qui nous rendent son tributaire pour 
des sommes considerables ; il jette le coup» 
d’oeil du genie sur les alunieres, et il an- 
nonce que I’alun, tel qu’il y existe a 
besoin du concours de Falkali pour cris« 
talliser j il rappprte d’Allemagne un ecban- 
tillon de mine de fer, il Tessaie, et les cbi- 
mistes comptent unmineralisateur de plrfs , 
le gaz acide carbonique , auquel il recon- 
noit la propriete de faire cristalliser la 
potasse. Il penetre dans la composition 
des differens marbres , et il procure aux 
naturalistes la faculte de les designer, de 
les dasser, conforHiem,ent k leur naturej et 
... C ‘ ■ 



E I. O G E 


34 

donne en m^me temps des legons utiles aux 
architectes charges d’elever desmonumens 
publics. En distillant separement la ser¬ 
pentine ollaire et la manganese dans des 
vaisseaux fermes , il fait de Tacide muria- 
tique et de I’acide nitrique. Enfin , il sou- 
met retain a I’analyse, et le resultat est 
un chef-d’oeuvre de docimasie. 

Dans ces jours de deuil, lorsque la ter- 
reur poursuivoit le savant, le litterateur , 
I’artiste et'Phommevertueux, Eaten brula 
tous ses manuscrits (1). Ilavoit commence 


( 1 ) On a seulement retrouve un assez grand nombre 
de cartes, sur lescjuelles il inscrivoit, dans ses momens 
de loisir, q^uelques fruits de ses meditations.et de ses 
lectures. On jugera de son genre de pbilosophie par 
ies deux suivantes. 

« Pauperis est numerare pecus. Mon pere, qui ne 
savoit pas le latin , traduisoit tres-bien ces quatre 
mots : celui qui sait le noinbre de ses ecus n’est pas 
ricbe, disoit-il souventi II connoissoit le nombre des 
siens, mon brave p^re; et son fils n’est pas a cet egard 
moins savant qu’il n’etoit. ... . 

Toutes les fois que j’ai eu occasion de proceder k 
la composition de la tberiaque , j’ai toujours fait dis- 
soudre I’opium dans le yin d’Espagne , contre la 
coutume ou I’on est, meme a Paris , de pulveriser ceC 
extrait pele-mele avec les autres iiigrediens. Je 



DE PIERRE B AT E N. 35 
an travail sur les argiles et sur I’oxide de 
zinc, et on n’a rien troavd dans ses papiers 
qui y fat relatif, pas m^me son analyse de 
i’eau de neige , dont il s’pcGupoit depuis 
long-temps , et qui deyoit -seryir a I’expHr 
cation de beaucoup de phengm^nes 5 ;ses 
amis lui ont souvent entendu. dire, et moi 
aussiy j-ai trouvd un nouveaif. metal, 

A®snjeti a des obligations noinbreuses,, 
Baten , quoiqu’idoldt.re des, sciences ■, ne 
se permi|; Jamais de consacrer a leur culte 
que ses recreations , en sorte que m^me 
ses deia.ssemens ont ete un'vrai travail5 
heureux le savant qui connoit si bieii la 
valeur des instans ! arrive kuL terme de sa 
carriere , il a la satisfaction de pouvoir 
dire : mes jours ont ete pleins ^ auciine de 
mes occupations n*a ete infructueuse , j’ai 
quelques droits a Vestime et cl la recon-^ 
iioissanc^ des ^ens de bien. 

Les recberches chimiques sur I’etain 
sont le dernier fruit des veilles de Ba^en j 
de nouveaux devoirs ne lui permirent plus 
d’entrer dans son laboratoire il se liyra 
tout entier a I’exercice des fonctions de 

croyois etre un tres - habile hoirime; helas ! c’etoit 
tout bonitement la pratique ^Andromaque. 

C 2 



36 E L O G E 

son emplol, et fut, jusqu’a sa inort, un 
des plus z^les collaborateurs des memoires 
et des instructions nombreuses qui orit 
servi a diriger et% soutenir, au milieu des 
orages revolutionnaires, le service de sante 
des armees', pendant la guerre yictorieuse 
de la liberte. : ^ ! 

II vit approclier sa fin avec le calme d’un 
liomme sans repro'cbe • avaiit ide ferrrier la 
plupiere, il manifest'ades regrets de ii^avoir 
pu payer le tribiit de son travail a Finstitut, 
qui s’est empresse de reparer a son egard 
I’irijuste oubli de I’academie des sciences. 
Ses derhieres paroles ont ete des conseils 
pour les inspecteurs ses collegues : cc Mes 
amis , leur dit-il, j’ai une consolation en 
vous quittant, c’est de vous voir unis 
conime des gens de bien , n’opposer a 
I’intrigue et aux clameurs, qu’un ferme 
attachement avos devoirs ; soy ez ton jours 
impartiaux dans vos cboix, n’oubliez point 
les anciens serviteurs, les peres de famille 5 
tenez leur compte de leur zele, de leurs 
talens et de leurs sacrifices ; n’accordez 
rien a rimportuiiite, encore moins a I’ignO- 
rance ; mais que Fhomme de .merite ne 
soit point reduit ^ vous solliciter. Mes 





to E E l E'^E E E • B a Y E Z*J 

aftiis, dites a nos collaborateurs que je leur 
fus toujours tendrement attache , et que 
mon dernier voeu est pour leur bonheur 5^. 

Toojours content de son sort j Bayei? 
n’etendit jamais ses desirs au-dela de ses 
besoins 5 Tainour de For ne souilla point 
son ame : il porta le desinteressement jus- 
qu’a i’exceS ; mais cel exces est si r^re , si 
honorable ! Cottime Rousseau, Bayen 
etoit re volte del’ideej du mot meme d’un 
present; plus attache aux sciences qu’a 
sa forttine, 11 ne vivoit que pour la patrie, 
etil est mort ln27 pluvidse, dge de yS ans, 
digne des regrets et de la veneration de 
ses concitoyens. : : c 

Apres avoir donndi’aperqu rapide des 
talens et des services qui ont sighald la 
longue et honorable carriere du respec¬ 
table Bayen , qn’il me soit permis de ter¬ 
miner son eloge par quelques traits de sd 
vie qui j faisant connoitrel’homme prive^^ 
ne peuvent qu’aj outer a Festime qu’il 
merite. 

, Bayen n’eut pas d’ennemis , et le calme 
de sa vie ne fut interrompu que quelques 
mois avant de descendre dans la tom be, 
par un pamphlet meprisable 5 et lorsque 
C 3 



38 L O G E 

cet ecrlt vint frapper son oreille de cette 
phrase , Eaten son collkgue ont rendu 
quelques services d la pharmacie , mais 
ce sont de vieilles tetes remplies de& 
prejugds de Vqncien regime: Ecriyez a la 
marge, dit-il avec yiyacite au secretaire, 
« ces vieilles tetes sonttoujours empressees 
de communiq[iier a ceux qui y ont recours 
le fruit de leurs lumi^res et de leurs expe¬ 
riences ; il leur reste deux prejuges qu’ils 
ont herites de leurs parens et dans lesquels 
ils persevereront jusqu’a la mort; Tun, 
d’excuser les sots ; I’autre , de pardonner 
aux medians 55. 

Jamais personne ne fut plus ennemi du 
luxe pour lui-me^ie ^-que BateNj. Sa philo- 
sophie se montroit dans ses discours , dans 
ses actions, d.an§ ses eqrits et dans ses ma- 
nieres; on la remarquoit sur sea meubles, 
sur ses habits , sur sa table et: meme dans 
sa bibliotheque ; cette, simplicite , cette 
mpdestie ji.’aYoijnt rien d’affecte , c’est 
meme ce qui le caracterise le plus ; on 
auroit pu dite de lui , le simple , 

comme on dit, le. modeste Catinat , le 
hon la Fontaine. ; 

Sa memoire etoit prodigieuse, et sa con- 


versation toujours instructive et amusante; 
il savoit beaucoup, parloit bien, quelque- 
fois longuement , parce qu’il n’oublioit 
a ucune cireonstance : sa manidre de narrer 
etoit naive j il peignoit exactement ce qu’il 
vouloit representer. 

A son retour des armees, Bayen vivoit 
a table d’h6te : une foule de jeunes gens 
venoient prendre leur repas chez le m^me 
traiteur, pour avoir le plaisir de I’entendre , 
et la table ou il marquoit^on convert etoit 
bientdt remplie : un jour que la conver¬ 
sation rouloit sur I’liistoire naturelle , un 
amateur demande a Bayen la permission 
de voir sa collection , qu’il supposoit 
fort complette. Quel fat I’etonnement du 
curieux, lorsque Bayen , apresl’avoir con¬ 
duit dans son laboratoire, avee la modestie 
feinte d’un ricbe possesseur^ lui iriontra 
I’interieur du.bas d’une ebeminee garni de 
quelques tablettes sur lesquelles se trou- 
voient rangees des pierres analysees et 
d’autres pretes a I’ltre. Bayeu, qui s’aper- 
qut de la surprise de I’amateur, lui montra 
de sa fen^tre les montagnes de Belleville : 
cc Voila mon cabinet > c’est-la que la nature 



i; L o C E 


4o 

me donne des lemons, c’est 4 a que je vais 
clierclier mes preuves 53. 

cc Vous avez vu nos nouveaux ehe- 
mins , disoit un intendant k Bayen j 
tout le monde les trouve superbes; qu’en 
dites-vous ? « Qu’ils sont trop larges de 
» moitie , repondit Bayen. J’ai maudit, 
55 en les voyant, celui qui les a traces ; il 
35 meriteroit de mourir de faim pour avoir 
5J vole a Tagriculture le terrain qu’il a 
>5 employe de trop 55. L’ingenieur, que 
Bayen ne connoissoit pas, etoit present j il 
ne souffla pas. 

Son esprit etoit vaste , lumineux et 
solide , il avoit etudie les peuples anciens 
et modernes ; on lui presentoit pen de 
questions d’etymologie et de chronologie 
ou de grammaire, dont il ne fournit la solu¬ 
tion, toujours aveccette modestie aimable 
qui semble soumettre au jugement des 
autres , ce qui n’a plus besoin d’etre exa¬ 
mine. Il avoit recueilli un immense depot 
de connoissances variees et d’observations 
precieuses, particuli^rement sur les arts et 
les manufactures. Combien il auroit ete a 
souhaiter qu’un pareil liorame en eut eu 



DE PIERRE B A IT E N”. 4^ 

la surltitendance ! il les aiaroit pprtes au 
plus haut degre de perfection. Puisse ie 
Gouvernement republicain se conyaincre 
que les Frangais ne soutiendrout, que par 
I’empire dea sciences, la superiorite qu’ils 
out aCquise par les armes j et ne jamais 
choisir , poiir les faire fleurir , , que des 
hpmmes aussi eclaires que Eaten , et en- 
flammes poinme lui de cet esprit public , 
qui se deyoue tout entier a la gloire et a 
la prosperite de son pays ! 

La societe de medecine ayoit charge uii 
des meilleurs amis de BATENde jeterijuel- 
ques fleurs sur sa tombe, J’ai rempli , 
comme je I’aipu, cet honorable et penible 
devoir ! O Eaten ! mon maitre , mon 
collogue et mon ami ! quand je t’offre ce 
dernier hommage , une sorte de consola¬ 
tion se m^le a ma juste douleur ; c’est 
qu’au moins j’ai fait connoitre un homme 
inconnu , j’ose le dire , a lui-m^me 5 et, 
qu’en ouyrant le depot de ta confiance et 
de ta pensee, j’ai venge ton genie modeste 
de I’obscurite dont tu te plaisois a I’enve- 
lopper; mais que ce tribut cohte cher a 



^3 E1.0GB DE PIERRE EAYEJT- 

I’amitie , puisque je n’ai pu le payer qti’4 
ton ombre ! (i) 

(i) Le plus beau monument qu’on puisse clever a, 
ia gloire de Bayen , c’est de rassembler ses memoirCd 
epars dans des recueils , et de les publier sous le litre 
modeste A'Opuscules chimiques, litre si conforme 
au caractere de leur auteur. Un pareil devoir ne pou- 
voit etre mieux rempli que par le citoyen Malatret, 
son neveu , jeune bomrae interessant que Bayeit 
aimoit comme son fils, parce qu’il joint toutes les 
qualites solides a toutes les qualites aimables, et sans 
doute parce qu’il retrouvoit en lui les vertus de sa 
famille.