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Full text of "Exploration scientifique de l'Algérie pendant les années 1840, 1841, 1842 : publiée par ordre du gouvernement et avec le concours d'une commission académique"

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Mo. — Mollusques. 1: 


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AS PRE VDS 7 


MCZ LIBRARY 
HARVARD UNIVERSITY 
CAMBRIDGE. MA USA 


INTRODUCTION. 


En acceptant la tâche assez pénible d'aller sur les côtes de l'Algérie, pour 
rassembler et observer les diverses productions de la mer, j'espérais pouvoir 
embrasser un plus vaste champ d'observations. Il est sans doute important pour 
la science d'inscrire dans un catalogue bien fait toutes les productions d'une 
côte aussi étendue que celle de l'ancienne Régence ; un travail tel que celui-là per- 
mettrait de comparer la Faune et la Flore maritimes de cette région à la Faune 
et à la Flore, soit de l'Océan, soit des diverses parties du littoral méditerranéen 
qui déjà ont été explorées. Ces comparaisons, faites avec le soin qu'elles réclament, 
peuvent mettre le naturaliste sur la trace des causes qui déterminent les modifi- 
cations, les variations quelquefois importantes dans les espèces. L'emploi judicieux 
de ce moyen pourrait même apprendre jusqu'à quel point les êtres organisés ont 
la puissance de résister aux causes qui agissent sans cesse sur eux pour les 
modifier. 

Les êtres vivants ne sont pas modifiés par des causes simples, et si la tempé- 
rature est l'une des plus puissantes, si elle est aussi la plus incessante, d'autres 
viennent s'y ajouter et rendre très-complexes les moyens que la nature emploie 
pour faire varier les espèces animales et les espèces végétales. Si une comparaison 
des divers points d'une mer peut aider à résoudre quelques problèmes difficiles 
relatifs à cette question, la comparaison qui s'exerce sur des parties morcelées 
d'un rivage ne peut apprendre l'effet des marées, par exemple, sur la variation 


a. 


IV INTRODUCTION. 


des corps vivants; elle laisse ignorer aussi quelle influence résulte de l'exposition 
des côtes, de la nature du sol, de la constance des vents qui entraînent à leur 
suite des mouvements plus ou moins tumultueux de la mer; enfin nous restons 
dans l'impuissance, lorsqu'il s'agit de mesurer l'action des courants, soit des 
côtes, soit de la pleine mer, sur la distribution géographique des êtres marins. 
On sait déjà que les espèces flottantes sont transportées à de grandes distances; 
mais l'animal, au sortir de l'œuf, peut-il être enlevé de la côte, franchir la haute 
mer et venir se développer dans un lieu où l'espèce n'existait pas encore? ou bien 
la propagation des espèces se fait-elle de proche en proche, dans le rayon sans 
cesse agrandi qu'elles occupent ? Il est vrai que, dans cette hypothèse, on ne peut 
calculer limmensité de temps nécessaire pour répandre de proche en proche les 
espèces dans une mer aussi vaste que la Méditerranée. Comment supputer, en 
effet, sans s'appuyer sur des observations directes, le temps nécessaire à une 
espèce des mers de l'Europe, qui entrerait par le détroit de Gibraltar et vien- 
drait en sortir par ce même point, après sêtre propagée, par le phénomène 
ordinaire de la génération, sur toute l'étendue des rivages ? 

Je n'ai pu aborder ces intéressantes questions, et j'ai dû en abandonner plu- 
sieurs autres touchant à quelques points fondamentaux de l’histoire naturelle, 
et dont la solution pourrait jeter une vive lumière, tant sur la définition de 
l'espèce que sur la distribution des êtres vivants. Cependant il n'existe aucune 
mer plus favorablement disposée que la Méditerranée pour l'étude de ces ques- 
tions; mais il ne suflirait pas de l'explorer par lambeaux détachés; il ne faudrait 
pas non plus avoir trop de confiance dans les observations recueillies, à des 
époques différentes, par des hommes qui n'ont pas eu toujours les mêmes vues 
et qui n'ont pas été guidés par les mêmes principes. Il faut se rappeler que les 
travaux des naturalistes sont entachés de plus ou moins d'imperfections; que tel 
observateur, préoccupé d'opinions qu'il veut établir ou combattre, a borné ses 
recherches à ce point peu important dans l’ensemble de la science; ou que tel 
autre, partant d'un principe mal fondé sur la valeur de l'espèce, par exemple, 
a multiplié ou restreint le nombre des êtres, selon son caprice. Voilà donc des 
travaux que l'on ne saurait concilier et rendre profitables à la solution des ques- 
Uons que je viens de poser. Aussi, pour s'élever à leur hauteur, il faudrait qu'un 
seul observateur entreprit tous les travaux propres à les résoudre; il faudrait qu'il 


fit une profession sincère des principes qui le dirigent; et du moins ses obser- 


INTRODUCTION. v 


vations viendraient éclairer des problèmes importants qui laissent dans la science 
des lacunes si fâcheuses. 

On ne s'imagine pas combien il est à regretter que, dans un temps où les 
sciences naturelles commencent à entrer dans les voies d'une saine philosophie, 
on ne possède pas encore les moyens de définir rigoureusement une espèce. Cette 
définition, vainement tentée par les hommes les plus illustres, n'a pu être donnée 
par eux, justement parce qu'aucun observateur de mérite ne s'est encore dévoué 
à la recherche de tous les éléments qui doivent entrer dans la question. On con- 
cevra que, pour définir une espèce, il faut savoir tout ce qu'elle est, et, pour 
présenter une définition qui s'applique à lun des règnes, il faudrait connaître 
toutes les espèces de ce règne, ou du moins un assez grand nombre, pour être: 
sûr que la généralisation pourra s'appliquer à toutes sans exception. Malheureuse- 

| ment on n'a pas encore étudié un nombre suffisant d'espèces dans toutes les 
variations dont elles sont susceptibles, parce qu'il faut aller sur les lieux où elles 
habitent, les poursuivre partout où elles se présentent, et chercher, autant que 
possible, à apprécier les causes de leurs variations. 

Ainsi que je l'ai déjà énoncé, aucune mer n'est aussi favorablement constituée 
que la Méditerranée pour devenir le champ d'observation où ces intéressants 
problèmes seront résolus. Mais, pour y parvenir, il faudrait comprendre dans un 
même système de recherches un bassin de mer bien circonscrit et cependant 
assez étendu; il faudrait, je pense, non-seulement explorer la côte de l'Afrique 
occidentale, depuis Tanger jusqu'au cap Bon, qui savance vers la Sicile, parce 
que, dans cette étendue, on aurait, vers Oran, la partie la plus méridionale du 
premier bassin méditerranéen; mais encore du cap Bon, atteindre la Sicile, étu- 
dier sa côte Nord, et remonter ensuite le long de la côte Sud-Ouest de ftalie, 
pour aller visiter le golfe de Gênes, qui est la partie la plus septentrionale de cette 
portion de la Méditerranée. Du golfe de Gênes, on continuerait l'exploration sur 
nos côtes de France, sur celles de l'Espagne, et l'on reviendrait ainsi au côté 
opposé du détroit, où il faudrait s'arrêter assez longtemps pour voir les espèces 
océaniques pénétrer dans la Méditerranée, et reconnaître sous quelle variété elles 
se présentent à ce point important de départ. Il serait même utile, pour compléter 
tout ce qui est nécessaire, de pénétrer dans l'Océan , et de continuer ces investi- 
gations au moins jusqu'à Cadix. C'est là, en ellet, qu'il faudrait rassembler les 


collections les plus nombreuses, étudier toutes les productions marines’ avec la 


a 


vI INTRODUCTION. 


plus grande attention, pour établir enfin une comparaison d’après un type auquel 
on viendrait rapporter successivement toutes les modifications que l’on aurait 
observées dans les espèces pendant le long trajet que nous venons de tracer. 
Malheureusement, les premiers éléments de la question, telle que je viens de la 
poser, manquent entièrement à la science; et l'on concevra qu'ils existent dans le 
premier bassin de la Méditerranée, circonscrit par les côtes de l'Afrique, celles de 
la Sicile et de lTtalie, et enfin celles de la France et de l'Espagne. 

On pourrait objecter qu'il est impossible aujourd'hui de distinguer les espèces 
qui ont pénétré de l'Océan dans la Méditerranée, de celles qui ont pu en sortir, 
puisqu'il y en a un certain nombre qui sont communes aux deux mers. Quoique 
cette objection n'ait pas une grande importance au point de vue où je me suis 
placé, cependant elle ne doït pas rester sans réponse, et la géologie nous offre les 
moyens de résoudre cette difficulté. Les terrains tertiaires, connus en Italie, en 
Morée, et même en Algérie, sous le nom de subapennins, nous montrent, à 
l'état fossile, les débris solides des habitants de la Méditerranée, avant que cette 
mer eût ses contours actuels. Parmi ces espèces fossiles on en compte un certain 
nombre qui ont leurs représentants vivants, distribués en partie dans la Méditer- 
ranée, le reste dans l'Océan de l'Inde ou dans les parties chaudes de l'Océan Atlan- 
tique; un plus petit nombre se retrouve dans l'Océan d'Europe. Si l'on compare 
ces espèces fossiles qui ont leurs analogues vivants dans l'Océan européen, on 
remarque que leur nombre est moins considérable que celui des espèces qui sont 
communes aux deux mers : d'où l'on peut conclure avec certitude qu'il est entré 
dans la Méditerranée des espèces océaniques : ce sont celles-là qu'il faut saisir 
au moment où elles franchissent le détroit, et qu'il faut prendre pour terme de 
comparaison. 

En renfermant son exploration dans ce premier bassin, l'observateur trouverait 
les êtres marins dans toutes les positions; il pourrait donc étudier les causes qui 
les font varier. Si ces observations étaient suffisamment multipliées, il pourrait 
formuler les lois de ces variations ; c'est là justement l'un des éléments principaux 
qu'il faudrait mettre hors de contestation pour discuter avec quelque succès lim- 
portante question de l'espèce et sa définition. Le naturaliste aurait vu sous quelle 
forme les espèces océaniques entrent dans la Méditerranée; il pourrait donc 


apprécier avec plus d’exactitude les causes secondaires qui agissent sur elles dans 
qui ag 


cette mer; enfin il les rencontrerait aux Baléares, en Corse, en Sardaigne, en 


INTRODUCTION. vil 


Sicile, et il chercherait à saisir comment se peuplent les côtes de ces îles plus 
ou moins éloignées du continent. 

Quelque vaste que parût cette tâche, je l'aurais acceptée avec enthousiasme, 
et J'y aurais consacré tout le temps de ma vie qui aurait été nécessaire à son 
accomplissement. Pendant longtemps je me suis bercé de l'espoir que je pourrais 
du moins visiter Gibraltar, dont l'exploration me semblait le complément indis- 
pensable de mes observations en Afrique. Le sort a voulu qu'il en fût autrement; 
nous étions sur le sol de l'Algérie; nous avons dû réduire le cadre de nos travaux 
et leur imprimer une autre direction, qui leur enlève sans doute l'attrait des 
questions générales que j'ai énumérées, mais qui leur laisse encore d'assez beaux 


résultats pour qu'ils soient accueillis avec quelque intérêt. 


Pour faire comprendre le plan que j'ai adopté, il est nécessaire de rappeler, 
d'une manière succincte, ce que j'ai fait en Algérie pendant deux années et 
demie de séjour. On saura ainsi quelle part de matériaux j'apporte pour les tra- 
vaux de la Commission, et j'exposerai dans quel ordre et de quelle manière ces 
matériaux ont besoin d’être publiés pour entrer utilement dans le domaine de la 
science. 

En arrivant à Alger, dans les premiers jours de janvier 1840, la guerre était 
partout menaçante, si ce n'est dans les provinces de TEst, où régnait encore une 
profonde tranquillité. Cet état de choses ne me permettait pas une exploration 
des côtes sur tous les points; je me déterminai à partager mon temps entre trois 
stations principales que je fis successivement à Alger, à Oran et à Bône, me 
proposant de relier entre eux ces trois points par des observations sur des lieux 
intermédiaires, si j'en trouvais l’occasion favorable. J'y rassemblai les collections 
les plus complètes, et je mis un tel ordre dans mes recherches, que celles qui 
étaient commencées sur une localité pussent se continuer et se compléter sur les 
autres. Un exemple servira à expliquer cette manière de faire : je recueillis à 
Alger environ quatre cents espèces de mollusques, et plus de deux cents, tant 
animaux rayonnés que zoophytes. Quoique Je fusse aidé par M. Vaillant, 
dessinateur très-habile, je ne pus observer et dessiner que la moitié de ces 
animaux. À Oran, j'ai repris les observations commencées, non-seulement sur les 
espèces communes aux deux localités, mais j'ai également complété ma série 
générale par un grand nombre d'espèces propres aux mers qui baignent les pro- 


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VIII INTRODUCTION. 


vinces de l'Ouest; j'ai agi de même pour Bône et pour Lacalle, et cest ainsi 
que, dans un espace de temps trop court pour des observations étendues, il m'a 
été possible de réaliser des travaux qui, je l'espère, mériteront l'attention des 
naturalistes. 

Dans les provinces de l'Ouest, je pus visiter une partie des côtes, depuis 
l'embouchure de la Tafna et la petite île volcanique de Rachgoun jusqu'à Cher- 
chêl, en m'arrêtant aux îles Habibas, à quelques-uns des points les mieux abrités 
de la côte, entre la Tafna et Oran, en stationnant un mois à Arzeu et en faisant 
un séjour de la même durée à Cherchêél. Je dus la facilité de ces divers dépla- 


cements à la bienveillance de M. l'amiral de Bougainville, qui voulut bien me 


recommander à M. le capitaine d’Assigny, commandant alors la station maritime 
d'Oran. Un petit lougre de l'État, le Colomby, commandé par M. Desprez, homme 


rempli d'aménité et de complaisance, nous transporta, M. Vaïllant et moi, sur les 
divers points où je crus que des recherches pouvaient avoir des résultats utiles 
pour la science. Sur tous ces points, en effet, mes collections s'enrichirent, mes 
observations se multiplièrent et mes cartons s'emplirent de dessins; à Arzeu 
surtout, dont les rives basses et sableuses n'offrirent un grand nombre d'espèces 
que je n'avais pas encore eu l'occasion de rencontrer. Cherchël ne m'offrit pas 
moins de richesses; ‘cette ville, nouvellement conquise, était encore inquiétée 
par les Arabes, et lon ne pouvait s'éloigner de ses murs sans risquer d’être 
attaqué. Aussi, en profitant de la grande richesse du port ancien et de quelques 
petites baies abritées sous les quais de l'antique Césarée, j'ai ajouté à mes col- 
lections un bon nombre d'animaux curieux, que je n'avais point rencontrés 
jusqu'alors. 

Je quittai le littoral de l'Ouest avec regret, quoique j'y eusse fait de bonnes 
récoltes, et que mes observations se fussent accrues d’un nombre assez consi- 
dérable de faits importants pour la science; mais j'avais vu bien des objets inté- 
ressants sur lesquels il m'avait été impossible de m'appesantir; le temps m'avait 
manqué, quoique je n'épargnasse pas ma peine. Une partie de mes journées était 
consacrée à la recherche des objets de collections et d’études; sur moi seul repo- 
saient tous les soins matériels de cette entreprise; il fallait même qu'à défaut 
d'un auxiliaire spécial je consacrasse un temps précieux à des soins manuels; 
le reste de la journée et une partie de mes nuits étaient remplis par l’observa- 
tion et le dessin; car, malgré son aptitude et son zèle, il était impossible à 


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7 


finies — 


INTRODUCTION. IX 


M. Vaillant de représenter tout ce que j'observais d'intéressant et de nouveau 
parmi les objets rassemblés autour de moi. S'il existe des animaux qui, par leur 
petitesse, échappent à nos regards et qui ne peuvent être bien vus qu'à l'aide du 
microscope, il en est d'autres qui, d'un plus grand volume, offrent de si nom- 
breux détails et de si riches couleurs, qu’il est impossible d'en conserver une idée 
exacte par un simple croquis; il faut, de toute nécessité, que la peinture la plus 
parfaite en représente les parties principales; et, pour atteindre ce but, il faut 
quelquefois consacrer plusieurs journées d'un travail assidu, pour la représen- 
tation, imparfaite cependant, d'un animal marin; quand je dis représentation 
imparfaite, j'entends par là un dessin dont l'ensemble est satisfaisant et qui a des 
parties achevées en suffisante étendue pour que plus tard l'animal tout entier 
puisse être représenté dans ses formes et dans ses couleurs. Malgré le désir que 
javais de prolonger mon séjour dans les provinces de l'Ouest, il fallut les quitter; 
car mon temps était compté, et Je voulais assister à la pêche du corail, dont la 
saison s'avançait; je devais aussi terminer par Bône et par Lacalle mes explorations 
scientifiques : c'est là, en effet, que je pouvais recueillir les productions marines 
que fournissent les régions profondes de la mer dans lesquelles les coraïlleurs vont 
jeter leurs filets. 

Dans son vaste contour, la rade de Bône présente une multitude d'accidents 
qui me promettaient d'abondantes récoltes. En effet, depuis le cap de Garde 


jusqu'à l'entrée de la ville, il existe une côte rocheuse, entrecoupée de petites 


plages sableuses; près de la ville, une mer peu profonde, à fond vaseux, et, près 


de l'antique Hippone, l'embouchure de la Seybouse, avec ses eaux saumâtres, 
s'avance jusque près de la ville; enfin une immense plage commence à la rive 
droite de la rivière et se perd dans l'horizon. L'abondance de mes récoltes fut le 
résultat des conditions avantageuses que m'offraient ces parages. Seul désormais 
pour continuer et terminer mes travaux, je fus obligé de consacrer au dessin la 
plus grande partie de mon temps : M. Vaillant, qui jusqu'alors m'avait secondé 
et avait exécuté sous mes yeux un grand nombre de beaux dessins, avait été atta- 
ché à d'autres travaux de la Commission. Je parvins néanmoins à compléter dans 
la province de Bône des travaux presque aussi considérables que ceux que j'avais 
entrepris dans les autres provinces. Cependant je dus regretter plus que jamais 
d'être absolument seul pour l'exploration d'une mer dont la richesse est iné- 
puisable et qui, sur tous ses points, offre au naturaliste des objets d'étude si 


Z001. — Mollusques. 1. b 


4 


4 Lire. — 


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x INTRODUCTION. 


nombreux et si importants, qu'il m'aurait été impossible d'épuiser ses richesses, 
quand même j'aurais été secondé par un aide et par deux dessinateurs habiles. 

1 faut assister à la pêche du corail pour se faire une juste idée des peines et des 
dangers qu’entraîne à sa suite la recherche de cette substance précieuse. Ce sont 
des hommes bien robustes, ceux qui résistent à de telles fatigues, et, quoïqu'elles 
soient incessantes, tous jouissent d’une santé, d’une vigueur qui semblent incom- 
patibles avec la rudesse de leur condition. Armée de sept ou huit hommes d'é- 
quipage, conduite par un patron, maître absolu à son bord, une tartane se dirige 
vers l'un des points de la mer où l'on sait que le corail se rencontre et où le pa- 
tron espère en faire une abondante récolte. Souvent ces lieux se trouvent à d'assez 
grandes distances des côtes; la mer y est profonde, car les pêcheurs expérimentés 
savent que le plus beau corail se pêche entre soixante et quinze et cent vingt 
brasses de profondeur. Un engin de pêche, consistant en une grande croix de 
bois à branches égales, appesanti à son centre par une grosse pierre ou par un 
boulet, est fortement attaché par le milieu à un long câble destiné à le retirer 
des profondeurs où il est lancé; à chacune des branches de cette croix sont 
fixés un grand nombre de fauberts, sorte de filets à grandes mailles, de filins de 
chanvre long, à peine tordus et noués de manière à ressembler à une queue 
de cheval. Arrivé au fond de la mer, ce pesant engin est mis en mouvement de, 
va-et-vient par les hommes de l'équipage; leurs mains calleuses, dont la peau est 
devenue épaisse et dure comme la corne, attestent que cette opération exige de 
la force et de la persévérance. Les mouvements imprimés à l'engin ont pour ré- 
sultat d’étaler les fauberts sur la surface du sol, et leurs filaments s’accrochent à 
toutes les aspérités qu'ils rencontrent; une fois saisis dans les mailles de ce filet, 
les corps sous-marins ne peuvent plus s'en dégager, ils sont arrachés et ramenés 
à bord, au milieu de cet amoncellement de filets qui les retient. C’est ainsi que 
le pêcheur, avec le corail, retire des profondeurs de la mer un grand nombre 
de productions qui ont beaucoup de prix aux yeux du naturaliste. Pour que cette 
pêche soit réellement productive pour le naturaliste, il ne faut pas qu'il y assiste 
dans la tartane du pêcheur, il trouverait là un encombrement et un mouvement 
incompatibles avec la tranquillité qu'exige l'observation; il faudrait qu'après 
avoir assisté à la pêche du corail dans un bâtiment particulier, il pût revenir à 
terre avec les animaux vivants qu'il aurait recueillis, pour les étudier plus tran- 
quillement. 


INTRODUCTION. XI 


Aprés avoir assisté à la pêche du corail pendant plus d’un mois, je rassemblai 
enfin tous les objets que javais recueillis dans les provinces de l'Est, et, bientôt 
après, revenu à Alger, je pus enfin faire partir pour la France tous les maté- 
riaux amassés pendant les deux ans et demi de mon exploration. Il résulte des 
catalogues que j'ai établis, que mes collections contiennent environ cinq cent 
cinquante espèces de mollusques, et plus de mille espèces d'animaux apparte- 
nant à la classe des annélides, à celle des vers, aux animaux rayonnés et aux Z00- 
phytes. Ces collections, destinées aux travaux dont je suis chargé, ne sont pas les 
seules que j'aie rapportées : pendant mon séjour à Oran, j'ai exploré avec soin 
les couches tertiaires, dans lesquelles se trouvent de nombreux poissons fossiles ; 
jen ai rassemblé un grand nombre, actuellement déposé dans les galeries du 
Muséum. 

J'ai profité de toutes les occasions pour joindre à mes collections les animaux 
articulés qui habitent la mer, et j'en ai réuni la suite la plus considérable qui, 
jusqu'à présent, ait été consacrée à nos établissements publics; ces animaux arti- 
culés ont été remis à mon collègue M. Lucas, pour compléter ses travaux sur 
cette matière, et pour entrer ensuite dans les galeries du Muséum. J'ai fait de 
même pour les insectes, dont j'ai abandonné également à M. Lucas des quantités 
assez considérables que j'avais recueillies dans mes courses; enfin, ne négligeant 


aucune occasion d’amasser des matériaux utiles, je fis aussi une collection des 
J 


poissons rares que la pêche me procura, et des reptiles dont je pus me saisir. 
Ces matériaux, parmi lesquels se trouvent des objets très-intéressants, ont été 
remis à M. Duméril, pour enrichir nos collections publiques. 

Les collections spécialement destinées à mes travaux sont de deux sortes. L'une 
se compose d'animaux qui, après avoir élé recueillis vivants, ont été conservés 
dans l'alcool avec tous les soins convenables. Renfermée dans plus de deux mille 
bocaux, cette partie contient au moins quinze cents espèces, représentées par 
quinze à vingt mille individus des diverses classes dont j'ai à traiter : le tiers au 
moins appartient à la classe des mollusques; le reste se distribue entre les 
ascidiens, les annélides, les animaux rayonnés, les vers et les zoophytes. L'autre 
partie consiste en préparations sèches, dans lesquelles se remarquent plus parti- 
culièrement des suites nombreuses de coquilles marines, fluviatiles et terrestres, 
recueillies dans toutes les localités que j'ai visitées. Il s'y trouve également une 


série de zoophytes, tant pierreux que flexibles, et j'ai préparé, par cette méthode 
b. 


XII INTRODUCTION. 


de dessiccation, tous ceux des animaux qui ont assez de parties solides pour ne pas 
perdre entièrement leurs formes et leurs caractères; c’est ainsi que j'ai rassemblé 
de nombreux individus de la classe des échinodermes. Parmi ces objets, il en est 
quelques-uns que je n'ai pu me procurer dans un autre état, et qui deviendront 
ainsi le complément nécessaire des collections conservées dans la liqueur. C'est au 
moyen d'un tel ensemble qu'il me sera permis d'établir la statistique des animaux 
vivants sur les côtes de l'Algérie. 

En présence de matériaux aussi considérables, puisés dans une mer dont la 
plus grande partie baigne des régions de l’Europe où les sciences sont cultivées 
depuis l'antiquité, je me suis demandé quel plan il convenait d'adopter, aussi 
bien pour mes recherches scientifiques pendant l'exploration que pour celles qui 
devaient les suivre et précéder la publication de mes travaux. 

Les productions de la Méditerranée se retrouvent, comme on sait, sur presque 
tous les points de son littoral; les espèces existent partout, en présentant des 
variétés locales. Il en est quelques-unes qui semblent spécialement attachées à 
certains lieux et qui s'ajoutent à la masse commune. Je présumai donc que le 
même phénomène se reproduirait sur les côtes de l'Algérie, et que J'y trouverais 
des espèces déjà connues sur les côtes de France, sur celles d'Italie, dans l'Adria- 
tique, en Sicile, en Corse et en Morée: en cela, mon attente ne fut pas trompée ; 
mais je savais aussi que si un certain nombre des animaux de la Méditerranée 
sont suffisamment connus pour le zoologiste, il y en a encore un bon nombre 
dont les dépouilles solides avaient seules servi à constater les espèces. Je pouvais 
donc considérer comme nouveaux, et inconnus, dans leurs formes et leurs carac- 
tères, la plus grande partie de ces animaux. 

Parmi les mollusques, par exemple, plusieurs sont mentionnés par Aristote et 
par Pline; à la fin du xvi° siècle et au commencement du xvn, Belon, Rondelet, 
Aldrovande, Gesner, et toute cette grande école de naturalistes qui, par leur éru- 
dition, ont appuyé leurs travaux sur ceux des anciens, ont recherché les espèces 
des auteurs grecs et latins, et en ont ajouté de nouvelles, prises, pour le plus 
grand nombre, dans le bassin de la Méditerranée. Plus tard, Linné, qui les reçut 
de la côte de Barbarie, inscrivit ces mêmes espèces dans son immortel Systema 
Vature ; enfin, depuis Linné, un grand nombre de travaux conchyliologiques ont 
été publiés sur les mollusques et les coquilles de la Méditerranée, et déjà près de 
six cents espèces sont inscrites dans les catalogues. Presque toutes ces coquilles 


INTRODUCTION. XIII 


sont décrites avec soin, figurées avec exactitude; mais, le croirait-on ? sur les six 
cents que nous citons, à peine on en compte le quart dont les animaux sont 
connus; C'est à ce point que les espèces les plus vulgaires, celles qui servent à la 
nourriture des habitants des côtes, et qui ont même été mentionnées dans l’anti- 
quité, n'ont jamais été représentées d’une manière fidèle. Comme on le pense, 
Je me suis attaché à la recherche de ces mollusques; ils ont été figurés sous mes 
yeux, avec toute l'exactitude et toute la perfection que l'on doit attendre de la 
science moderne; moi-même j'en ai dessiné un grand nombre, et c'est de cette 
manière que je pourrai appeler l'intérêt des naturalistes sur ces objets des plus 
vulgaires; on sera surpris en voyant les formes variées, les riches couleurs qui 
caractérisent ces animaux ; à l’aide des observations dont ils sont le sujet, j'aurai 
les moyens de vérifier leur nomenclature, d'examiner d’une manière plus précise 
leurs rapports, après avoir modifié les caractères des familles et des genres dans 
lesquels les méthodes les ont rangés. 

Si nous passons de la classe des mollusques à d’autres embranchements du 
règne animal, nous trouvons partout à peu près les mêmes lacunes; cependant, 
il faut l'avouer, elles sont peut-être moins nombreuses; car, depuis quelques 
années, les naturalistes ont porté plus exclusivement leur attention sur les ani- 
maux des classes inférieures, là où l’organisation est la plus simple et conserve 
seulement les premiers éléments de l'animalité. 

Lorsque lon consulte les ouvrages des naturalistes qui ont étudié les zoo- 
phytes, en prenant cette classe dans l'étendue que lui donne Cuvier, on remarque 
avec peine qu'il n'existe encore qu’un très-petit nombre de bonnes figures des 
espèces de la Méditerranée. Cependant on doit à M. Savigny et à M. Milne-Edwards 
d'excellents travaux sur les ascidiens, sur les escares et les flustres; M. Edwards 
a traité spécialement la plupart des genres des polypiers foraminés, dans une 
suite de mémoires dont il a enrichi les Annales des sciences naturelles. Mais, 
après les ouvrages de Baster, de Cavolini, d'Ellis et Solander, et d'Esper, il reste 
encore à entreprendre bien des travaux, avant que l'on ait épuisé tout ce que 
lon doit savoir de l’histoire naturelle de ces animaux. Leur structure anatomique 
est peu connue, non-seulement parce qu'il faut les observer vivants, maïs encore 
s'aider des meiïlleurs microscopes. C'est alors que lon parvient quelquefois à 
dérober les secrets d’une organisation, simple à la vérité, mais dont le méca- 


nisme laisse encore bien des incertitudes. D'ailleurs, pour comparer le peu de 


XIV INTRODUCTION. 


fonctions qui leur restent, avec celles des animaux plus compliqués, ïl faut étu- 
dier les organes dans lesquels ces fonctions elles-mêmes s'exécutent. 

Si la nécessité des travaux anatomiques se fait sentir pour la grande classe des 
zoophytes, elle n'est pas moins évidente dans presque toutes les autres classes 
des animaux invertébrés. Les naturalistes ne doivent pas oublier que la science 
ne possède encore qu'un très-petit nombre d’anatomies complètes d'animaux des 
classes inférieures; on connaît le bel ouvrage de Lyonet sur la chenille du saule; 
M. Strauss, avec une patience et un talent qui font l'admiration de l'Europe 
savante, à fait l'anatomie complète du mélolonthe vulgaire; le même observateur 
a consacré une autre partie de sa vie à une anatomie du type des arachnides, et 
il a même porté ses minutieuses investigations sur la structure intérieure d'un 
mammifère; MM. Audouin et Milne-Edwards ont publié des recherches anato- 
miques sur les crustacés; mais ces naturalistes ne les ont point étendues jusqu'à 
la structure intime de ces animaux. 

Si lon étudie l'histoire des mollusques, on remarque quelques efforts tentés 
pour dévoiler la structure de ces animaux; mais on ne peut rien citer de complet. 
Cependant Poli, savant napolitain, a entrepris l'anatomie des mollusques acé- 
phalés des Deux-Siciles; mais ce zoologiste n'a point pénétré dans la structure 
intime des organes, et il a laissé entier ce vaste champ d'observations. Si nous 
passons aux autres classes, nous remarquons des lacunes semblables. On pourrait 
croire qu'après les admirables travaux de M. Savigny, dans le grand ouvrage 
d'Égypte, il ne reste plus rien à faire sur les annélides et sur les autres animaux 
dont ce savant s'est occupé. Cela est vrai pour tout ce qui touche aux caractères 
extérieurs des animaux; mais le but de M. Savigny n'était pas d'entreprendre 
des anatomies, il voulait exposer des caractères zoologiques; et, dans cette tâche 
difficile, il à atteint ce degré de perfection qui laissera toujours loin des siens les 
autres travaux analogues. Il faut dire qu'aucun zoologiste de nos jours ne s’est 
trouvé dans des circonstances plus favorables, et M. Savigny est resté à la hau- 
teur de la mission dont il s'était chargé. I n'existe peut-être point de travaux 
dont l'éloge le plus impartial et le plus complet puisse se renfermer en deux 
mots: il suffit de dire, en effet, que les observations de M. Savigny sont sans erreur 
et sans omission. 

J'ai rappelé d’une manière succincte l'état de la science, dans le but de faire 
comprendre le plan que j'ai suivi pour l'exécution des travaux dont je suis chargé; 


INTRODUCTION. xV 


en montrant les lacunes qui existent, on jugera plus facilement si je suis parvenu 
à en combler quelques-unes. 

Afin d'aider à la comparaison des diverses productions de la Méditerranée et de 
la rendre plus complète, il faut de toute nécessité dresser un catalogue métho- 
dique de toutes les espèces recueillies sur les côtes de Barbarie; mais un catalogue, 
pour être vraiment utile, ne peut se réduire à une sèche nomenclature classant 
nominativement chaque espèce dans le cadre méthodique où elle doit se trouver. 
Un catalogue ne doit et ne peut être que le canevas dans lequel viennent se placer 
toutes les observations, tous les faits nouveaux concernant chaque espèce en 
particulier. Ce n'est pas assez de faire mention d’un animal, il faut encore en 
appuyer la citation sur les autorités de la science; c'est en consultant ces auto- 
rités que l'on parvient à établir une bonne synonymie pour chaque espèce, et 
cette partie si aride des travaux des naturalistes n'est pas la moins importante 
dans la pratique de la science. En effet, c'est par ce moyen que l’on peut vérifier 
l'exactitude des déterminations spécifiques. La synonymie possède cet autre avan- 
tage, de donner les renseignements les plus précis sur la distribution géographique 
des espèces, et il me suffirait d'un petit nombre d'exemples pour le constater. En 
effet, si, après avoir comparé une espèce de la Méditerranée avec celles qui exis- 
tent dans différentes mers, je la trouve mentionnée dans l'ouvrage d’Adanson sur 
le Sénégal, dans ceux des auteurs anglais qui ont décrit les productions des mers 
d'Angleterre; si je la retrouve enfin dans les ouvrages de Müller ou d’autres z0olo- 
gistes qui ont examiné les animaux des mers du Nord, la seule mention de ces 
divers auteurs dans la synonymie spécifique apprendra d'une manière irrévocable 
que l'espèce en question est répandue, non-seulement dans la Méditerranée, mais 
encore parcourt un vaste espace, depuis le Nord de l'Europe jusqu'au Sénégal. 
On concevra sans peine qu’un animal dont les individus sont ainsi distribués a 
pu facilement pénétrer de l'Océan Atlantique dans la Méditerranée, et réciproque- 
ment. Au reste, je n'ai point à justifier ici l'utilité d'une bonne synonymie scien- 
tifique; cette utilité est consacrée par les travaux de Linné et par ceux des grands 
naturalistes qui ont illustré les temps modernes. 

À mesure que chaque espèce me passera sous les yeux, j y ajouterai toutes les 
observations que j'aurai faites à son sujet. C'est ainsi que se trouveront distribuées 
des recherches d’un grand intérêt, non-seulement sur les mœurs, mais sur la 
ponte et le développement des animaux; quelques questions importantes sur 


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6 0m PR te Pr 


XVI INTRODUCTION. 


l'embryogénie des mollusques seront ainsi développées. Je m'étais proposé d'abord 
de mettre à part mes travaux anatomiques, mais il m'a semblé plus rationnel de les 
intercaler dans le catalogue général, de manière à ce qu'on les trouve à la place 
que doivent occuper dans la méthode les espèces qui ont servi à ces anatomies. 

Je n'ai point pris au hasard les animaux qui ont servi à mes recherches ana- 
tomiques; parmi les mollusques bivalves, il y a cinq types principaux qui ont 
mérité mon attention toute spéciale : le premier appartient à la classe des mollus- 
ques acéphalés dimyaires, à longs siphons; le second dépend de la même classe, 
mais déjà les siphons sont raccourcis, et il s'est opéré des modifications assez 
profondes dans l’organisation; un troisième type est choisi dans cette même classe 
de dimyaires, mais les siphons ont complétement disparu; j'ai choisi le quatrième 
type sur la limite des deux classes des dimyaires et des monomyaires; et enfin 
j'ai pris le cinquième dans la classe des monomyaires. L'anatomie de chacun de 
ces types sera poussée aussi loin que le permettent les moyens possédés aujourd’hui 
par les sciences d'observation. 

Un ordre régulièrement établi me fait passer en revue tous les organes dont 
un animal est composé; j'en décris les formes, les rapports, et, aidé d'excellents 
instruments, je pénètre dans la structure intime de chacun d'eux, je les soumets 
quelquelois à des expériences, de manière à en faire connaître les parties consti- 
tuantes. Il est arrivé qu'un animal ne m'a pas présenté, à un degré convenable 


de développement, certains organes qui, chez d'autres animaux de même classe, 


sont dans un état plus favorable pour l'observation. En arrivant à ceux-là dans 
l'ordre méthodique, je donne sur ces organes mieux développés tous les rensei- 
gnements qui manquaient aux premières recherches. 

J'ai choisi également parmi les mollusques céphalés un certain nombre de types 
pour en présenter les anatomies complètes, et, comme dans la première partie de 
mes travaux, ces anatomies se trouveront dans l'ordre méthodique des espèces qui 
ont servi à leur exécution. Dans les autres parties de mes travaux concernant les 
annélides, les ascidiens, les animaux rayonnés, les vers et les zoophytes, je sui- 
vrai un plan semblable à celui que je viens de tracer, si toutefois le temps ne 
me manque pas pour la réalisation d'un aussi vaste projet; je ne m’abuse pas à 
cet égard, je sais combien il faut de temps et de persévérance pour accomplir des 
recherches hérissées de difficultés, et qui, même pour leur exécution matérielle, 
voient s’entasser des journées les unes sur les autres. Tous les naturalistes en 


INTRODUCTION. XVII 


conviennent, les observations les mieux faites, les descriptions les plus complètes 
ont toujours besoin d’être appuyées sur des dessins de la plus grande perfection, 
dont l'exécution est nécessairement longue, quelle que soit l’habileté des personnes 
que l'on en charge. 

Le désir de connaître les productions de la nature est presque aussi ancien que 


les sociétés humaines ; l'homme a cherché autour de lui les choses utiles pour s'en 


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servir; il a reconnu les choses nuisibles pour les éviter; dans une civilisation 
| plus avancée, du besoin est né l'art d'observer. Cet art, comme tous les autres, a 
suivi les progrès de l'humanité, et il présente des phases diverses, dont l'histoire 
a un grand attrait, soit que l’on envisage les sciences d'observation dans leur en- 
semble, soit même que lon en détache une partie plus ou moins considérable. 
Malgré l'intérêt qui s'attache aux travaux historiques, quand même ils seraient 
restreints à quelques branches des sciences naturelles, j'ai dû m'en abstenir; ils 
ne seraient point ici à leur place. La Méditerranée ne nous offre pas la série com- 
plète des espèces et des genres dans les diverses classes des animaux ; on ne pour- 
rait donc retracer sommairement l’histoire de la science, puisque l’on aurait à 
parler d'objets que le lecteur ne verrait point passer sous ses ÿeux, dans le cours 
de cet ouvrage. Aussi je me propose d'employer avec sobriété les recherches 
historiques, et de m'en aider seulement lorsque j'aurai à controverser les opi- 
| nions qui me sembleront peu conformes à la vérité. Cuvier, dans ses beaux mé- 
moires sur l'anatomie des mollusques, a donné un exemple que je me suis em- 
pressé de suivre ; il a toujours fait précéder ses descriptions anatomiques d'une 
. histoire du genre auquel appartient l'animal anatomisé. De cette manière, en 
| rappelant les travaux de ses prédécesseurs, Cuvier montre les lacunes existantes, 
et le travail qui suit sert à les combler. Dans quelques occasions j'aurai à pré- 
senter de semblables recherches, surtout lorsque de nouveaux genres devront 

- être établis. 

Les côtes de l'Algérie, comme je l'ai déjà dit, sont peuplées des diverses espèces 
| qui vivent sur d'autres points du littoral méditerranéen. Au milieu de ces espèces, 
j'en ai rencontré un petit nombre de nouvelles, et parmi elles j'ai reconnu les 

types de genres nouveaux. Pour faire accepter ces genres et indiquer nettement 
leur place dans la méthode, il faut en discuter les caractères, et c'est ici que 
; l'utilité des recherches historiques se fait le mieux sentir. Les espèces nouvelles 


seront soigneusement décrites, sans négliger celles qui, déjà inscrites dans les 


Zooz. — Mollusques. 1. c 


XVII INTRODUCTION. 


catalogues, sont cependant restées douteuses, faute de renseignements suffisants. 
Nous ne devons pas oublier que l’un des buts de notre exploration en Algérie était 
de rassembler tous les matériaux nécessaires à une Faune de ce pays; cette Faune 
offrira d'autant plus d'intérêt qu'elle sera plus complète, et tous nos efforts ont 
dà tendre sans cesse à ajouter des espèces nouvelles à celles qui étaient déjà con- 
nues. Si nous n’avions été guidé par le désir de faire connaître tous les êtres qui 
habitent le sol de l'Algérie, nos travaux auraient été frappés de stérilité; nous 
aurions manqué à notre mission, en ne satisfaisant pas aux besoins de la science. 

Personne ne l'ignore, toutes les connaissances humaines ont entre elles des 
points de contact plus ou moins multipliés, et l'on peut même dire d'une ma- 
nière générale que les sciences se fécondent rapidement, lorsque l’on vient à y 
découvrir des rapports nouveaux. Les exemples abondent ; c'est ainsi que la zoo- 
logie, en appliquant à l'étude des animaux fossiles ses procédés d'investigation , 
est venue jeter de vives lumières sur la géologie; c'est ainsi, en suivant un autre 
ordre d'idées, que l'on se demande s'il existe une limite nette et tranchée entre 
les animaux et les plantes. Quoique ces questions aient un puissant attrait, je n°y 
toucherai que brièvement, et seulement dans le but d'expliquer certaines parties 
accessoires de mes travaux. 

À l'égard de la zoologie appliquée à la géologie, je ne possède point assez de 
matériaux sur l'Algérie pour établir, d'une manière précise, la distribution des 
fossiles dans les couches qui en composent le sol. Cependant, ayant recueilli, 
dans les terrains récents qui constituent les côtes, le plus grand nombre de fos- 
siles qu'il m'a été possible, j'ai voulu les utiliser en faveur de la géologie, en les 
distribuant dans mon catalogue général, à la place qu'ils doivent occuper dans 
la méthode zoologique; ils se trouveront ainsi à la suite des espèces vivantes, dans 
les genres auxquels ils appartiennent, et j'aurai soin d'indiquer celles des espèces 
qui sont encore représentées par des individus vivants, soit dans la Méditerranée, 
soit dans les mers circonvoisines. De la comparaison des espèces vivantes et fos- 
siles, on pourra tirer quelques inductions sur la période géologique pendant 
laquelle se sont opérés les derniers mouvements du sol qui ont produit les reliefs 
actuels de l'Algérie, et qui ont rétréci le bassin dans lequel la Méditerranée se 
trouve actuellement renfermée. Comme je l'ai dit, pour donner plus d'intérêt à 
cette question , il aurait fallu visiter le détroit de Gibraltar et en étudier les côtes 


sur l'un et sur l’autre continent; on aurait pu retrouver les traces de l’ancienne 


INTRODUCTION. XIX 


rupture qui a violemment séparé l'Espagne de l'Afrique; mais, à cet égard, la 
science ne possède aucun renseignement qui puisse nous donner des notions 
sur un événement de cette importance. 

Depuis Linné, tous les zoologistes ont admis dans le règne animal certaines 
productions marines, que leurs caractères ambigus ont fait placer dans la classe 
des zoophytes. Répandues dans nos collections à l’état sec, ces productions ne 
présentent pas avec évidence les caractères des parties solides des animaux. Pour 
déterminer définitivement le règne dans lequel on doit placer ces corps, il fallait 
les observer vivants et poursuivre leur étude assez longtemps, afin de s'assurer 
s'ils s'accroissent à la manière des végétaux, ou s'ils sont produits par des ani- 
maux d'une extrême petitesse. À peine arrivé à Alger, j'entrepris sur ce sujet les 
recherches les plus minutieuses, et je parvins bientôt à découvrir que tous les 
genres ambigus dont il est question devaient quitter le règne animal pour passer 
dans le domaine de la botanique. En reconnaissant à ces corps les propriétés 
des végétaux marins, il faut dire cependant qu'ils jouissent, à un très-haut 
degré, d’une faculté qui leur est propre : celle d’assimiler une grande quantité 
de matière calcaire et de s’en encroûter, ce qui a déguisé pendant longtemps leur 
véritable nature. Pendant mon séjour à Lacalle, je découvris un fait qui peut 
donner la mesure de l'importance de cette végétation calcarifère sous-marine. En 
effet, je remarquai dans quelques-uns de ces végétaux les plus abondants la 
propriété de s'attacher aux corps sous-marins, et de s'y étaler en croûte peu 
épaisse; en examinant la roche sur laquelle le corail est toujours implanté, Je 
reconnus, à la surface, de larges croûtes de ces végétations, et bientôt je m'aperçus 
que toute la masse de la roche, composée d'un grand nombre de feuillets irré- 
guliers, était entièrement faite par des couches végétales, superposées les unes 
aux autres; Je reconnus parmi les morceaux de roche ramenés des profondeurs 
de la mer, qu'il y en avait quelques-uns d’une épaisseur considérable, ce qui fait 
supposer que cette végétation s'est superposée pendant de longues séries de 
siècles. Il paraît qu'elle revêt les roches solides qui constituent les vastes fonds 
de mer, s'étendant sur une large zone, depuis la côte de Tunis jusqu'à l'extré- 
mité de celle du Maroc, en suivant parallèlement la côte de l'Algérie dans toute 
son étendue. Ce qui paraît très-remarquable, c'est que partout où se pêche le 
corail, on le trouve invariablement attaché à cette couche végétale, dont les irré- 


gularités nombreuses présentent de sûrs abris qui favorisent son accroissement. 


PT 


xx INTRODUCTION. 


Cette végétation sous-marine m'a paru d'autant plus intéressante à étudier que, 


jusqu'à présent, les fastes de la géologie n'offrent pas actuellement sur la terre 


l'exemple d'un fait analogue. Ce que je viens de dire servira à justifier l'ab- 
sence des genres que l'on est habitué à compter parmi les zoophytes de la 
Méditerranée. 

Je termine en me résumant de la manière suivante : j'ai d'abord exposé ce que 
J'aurais voulu faire pour étudier l'un des bassins de la Méditerranée, et quelle est 
l'importance d'un pareil travail; puis j'ai indiqué succinctement l'état actuel de 
la science et les lacunes qu'elle présente, dans les portions qui m'ont été confiées ; 
jai fait connaître ensuite, en peu de mots, les recherches auxquelles je me suis 
livré pour remplir convenablement la mission dont j'ai été chargé; enfin j'ai 
tracé l’ordre dans lequel je compte publier mes travaux : heureux si mes efforts 
peuvent être utiles à la science et répondre à la confiance dont j'ai été honoré par 


le Gouvernement ! 


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HISTOIRE NATURELLE 


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MOLLUSQUES. 


CLASSE PREMIÈRE. 


MOLLUSQUES ACÉPHALES. 


PREMIÈRE FAMILLE. 


LES TUBICOLÉS. 


GENRE PREMIER. 
CLAVAGELLE, Czavacezza. Lamarck. 


Après les nombreux travaux qui, depuis quelques années, ont été entrepris sur le genre 
curieux des clavagelles, nous ne croyions pas qu'il fût possible d'y ajouter quelques obser- 
vations d’un certain intérêt, et nous comptions nous borner à constater, sur les côtes de 
l'Algérie, deux espèces déjà connues dans la Méditerranée. En étudiant les animaux vivants 
de ces deux espèces, nous nous sommes assuré que les naturalistes qui les avaient dé- 
crites avant nous n'avaient pas mentionné quelques particularités, propres à faire distinguer 
très-facilement des animaux qui ont entre eux la plus grande analogie. Lorsque plus tard 
nous examinâmes l'animal, conservé dans la liqueur, nous nous aperçümes que nous 
pourrions ajouter quelques faits intéressants à ceux que M. Owen, le premier, a publiés 
dans un mémoire anatomique sur la clavagelle, qui fait partie du premier volume des 
Transactions de la Société zoologique de Londres. 

On ne connaissait autrefois que des clavagelles fossiles. Elles furent d’abord découvertes 
aux environs de Paris, et décrites par Lamarck, sous le nom de fistulanes. Ce célèbre 


Zoo. — Mollusques. 1. 1 


2 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


naturaliste, qui possédait, comme Linné, le génie des rapports des êtres, après une étude 
plus complète, créa le genre clavagelle, et le plaça dans le voisinage des arrosoirs, à une 
époque où Cuvier et un grand nombre d’autres zoologistes n’admettaient même pas ce 
dernier genre parmi les mollusques. Cependant Lamarck ne connaissait pas ces belles 
clavagelles vaginiformes qui se rapprochent beaucoup plus des arrosoirs que les espèces 
qu'il avait eues en sa possession. Aux espèces de Lamarck, nous en avons ajouté une, 
entièrement nouvelle, appartenant aussi au bassin de Paris, et offrant le premier exemple 
d'un tuyau allongé claviforme, couronné par des épines tubulaires, à la manière des 
arrosoirs; ce tuyau contient à l'intérieur une seule valve libre, tandis que l'autre, plus 
petite, est incrustée dans la paroi et reste immobile. À peu près à la même époque, 
M. Sowerby, dans son (enera, faisait connaître, sous le nom de clavagella aperta, la pre- 
mière espèce vivante que l'on eût vue jusqu'alors; mais l'auteur en laissa ignorer l’origine. 
On savait cependant, à la même époque, qu'il existait des espèces vivantes dans les mers 
de la Sicile; Audouin avait eu deux exemplaires, bien conservés dans l'alcool, mais il ne 
publia jamais le mémoire qu'il avait préparé à leur sujet : le zoologiste français se laissa 
devancer par M. Owen, qui publia, comme nous venons de le dire, un mémoire anatomique 
sur l'animal dont il est question. En même temps et dans le même recueil, M. Broderip 
décrivait et faisait figurer les espèces vivantes alors connues en Angleterre, dont deux au 
moins (clavagella aperta et melitensis) proviennent de la Méditerranée. En 1839, dans un 
mémoire sur une espèce de clavagelle qui vit dans le golfe de Naples, M. Scacchi en ajouta 
une troisième, à laquelle il donna le nom de clavagella balanorum. Enfin M. Cailliaud, 
dans une notice qui fait partie du Magasin de zoologie (1842), a publié une monographie 
des espèces méditerranéennes, dans laquelle il constate les trois que nous venons de 
mentionner, et sur lesquelles il donne des renseignements d’un grand intérêt; il repro- 
duit les observations faites par M. Scacchi, sur la manière dont l'animal procède pour pro- 
duire les tubulures spiniformes au moyen desquelles il complète la poche tubuleuse dans 
laquelle il vit. M. Philippi, aussi bien dans le deuxième volume de son Enumeratio mollus- 
coram Siciliæ que dans les Archives de Wiegmanns (1840), a confirmé les observations de 
M. Scacchi, et a décrit de nouveau les espèces découvertes en Sicile et aux environs de 
Naples. Nous ne devons pas l'oublier, dans les derniers fascicules des planches pour son 
Histoire des animaux invertébrés du royaume de Naples, M. Delle Chiaje a représenté la 
coquille d’un grand individu du clavagella aperta, et son animal vu entier, de manière à 
faire comprendre ses principaux caractères zoologiques. 

L'anatomie de la clavagelle, par M. Owen, nous avait paru d'abord suffisante, et nous 
voulions borner nos recherches à en vérifier l'exactitude; bientôt nous nous aperçûmes 
que quelques particularités d’un certain intérêt avaient échappé au savant anglais; et 
comme ses figures de grandeur naturelle n'ont pas ce degré de précision nécessaire à une 
anatomie plus profonde, nous avons pris la résolution de décrire, avec quelques détails, 
le clavagella melitensis, dont nous n'avons eu malheureusement que deux individus à notre 


disposition. 
Les deux espèces que nous avons fait figurer, autant que nous pouvons le croire 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE CLAVAGELLE. 3 


d’après des descriptions abrégées, appartiennent aux clavagella melitensis et aperta. Comme 
on peut s'en convaincre, d’après les figures 1 et 2 de la planche 1”, ces espèces se distinguent 
éminemment, non-seulement par la couleur, mais aussi par la forme des siphons, les 
seules parties que l’on puisse examiner sur l'animal vivant. M. Scacchi dit, et M. Phihppi 
répète que, dans la clavagelle des balanes, les siphons sont de couleur rouge; M. Cailliaud, 
dans la notice dont nous avons parlé, dit que, dans le clavagella aperta, l'extrémité des 
siphons est d’un rouge écarlate peu intense. Il est donc à croire que l'espèce qui a les 
siphons d’un brun noirâtre appartient au clavagella melitensis; c'est cette dernière que nous 
avons disséquée, et qui est devenue le sujet de nos observations. 


DESCRIPTION. 


ManTEau ET stPnons. — Nous avons détaché l'animal de son enveloppe testacée, en le 
conservant fixé à sa valve libre, et nous l'avons fait représenter grossi et entier, pl. 1, fig. 3. 
Cet animal est ovalaire, assez épais; et, quoique violemment contracté, ses valves, naturel- 
lement bâillantes, laissent entre elles un écartement assez considérable; toutes les parties 
extérieures, non recouvertes par les valves, sont revêtues d’un épiderme assez épais; cet 
épiderme s'étend sur toute la surface du manteau et sur celle des siphons. Ceux-ci consti- 
tuent une masse assez volumineuse, subcylindracée, un peu aplatie latéralement; ils sont 
contractés dans la figure 3, mais la figure 2 les représente dilatés, tels qu'ils sont pendant la 
vie de l'animal; ils sont inégaux; à leur point de jonction se montre une dépression lon- 
gitudinale, devenant plus profonde à mesure que l’on se rapproche de leur extrémité 
libre; vers cette extrémité, ils sont tous deux pourvus d’un premier rang de tentacules 
courts, réguliers, et semblables pour l'un et l’autre siphon. Le siphon branchial a est le plus 
grand; une membrane d’un brun bleuâtre, prolongée au delà des tentacules, se termine 
par un bord libre et dentelé; le siphon anal b est également terminé par une membrane 
mince, et cette membrane est disposée en une espèce de calotte, percée d’une ouverture 
assez petite à son sommet. Lorsque l'animal fait agir ce siphon anal, l'ouverture se con- 
tracte et se ferme complétement, de la même manière qu’une bourse dont on serre les 
cordons. Il en est de même à peu près pour le siphon branchial; mais ordinairement 
l'animal se contente, lors de l'aspiration de l'eau, de rapprocher les dentelures de son 
bord, de manière à s’opposer à l'introduction de corps trop gros ou d’ennemis qui vou- 
draient lattaquer. La figure 1 de la planche 3 représente les siphons contractés, mais 
fendus dans leur longueur; a, a est la section du siphon branchial; on en voit la cavité b, b, 
dont le bord est garni de tentacules contractés. La cloison qui sépare le siphon anal a été 
coupée, et l’on en voit la tranche en c, c; le bord de ce siphon est également garni de 
tentacules contractés, et l'on trouve en dedans la membrane en forme de calotte d, quoi- 
qu’elle ait en partie disparu sous l'effort de la contraction. 

Comme dans tous les autres mollusques acéphalés, l'animal est enveloppé d’un manteau. 
Cet organe est d’une épaisseur remarquable dans toute la portion de son étendue qui n’est 
pas en contact immédiat avec les valves; de même que dans les glycimères et dans les 


13 


l HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


myes, il est fermé en avant et en dessous; on aperçoit cependant une très-petite fente 
placée dans la ligne médiane, vers l'extrémité antérieure, et destinée à laisser passer un 
pied rudimentaire. Les parties du manteau protégées par les valves sont excessivement 
minces (pl. 1, fig. 3, d, e, f), à ce point qu’il semblerait qu’elles manquent, particulière- 
ment du côté gauche. La partie épaisse du manteau remplit le bâillement des valves, et 
elle s’étend depuis l'extrémité antérieure jusqu’à la postérieure, en passant en avant de la 
région ventrale, et vient se confondre d’une manière insensible avec les siphons. Lorsqu'on 
la voit en face (pl. 1, fig. 4), elle se présente sous la forme d’un ovale très-allongé, 
vers l'extrémité antérieure duquel se montre une petite ouverture longitudinale a, en 
forme de boutonnière, et destinée à donner passage au pied. Toute cette surface est 
ridée; elle est circonscrite par un angle dont la saillie se remarque particulièrement à 
l'origme des siphons; ceux-ci, contractés, se voient en b, encore enveloppés de leur 
épiderme. Toute cette portion palléale est composée de fibres musculaires qui viennent 
s'insérer sur les valves, et y laissent une impression oblique partant du muscle adducteur 
antérieur et se dirigeant vers l’extrémité postérieure et inférieure des valves. On voit, dans 
la figure 3, e, q, la tranche de cette partie fibreuse détachée de la coquille; dans l’espace 
triangulaire que laisse cette zone fibreuse vient s'étendre un muscle court et puissant h, 
que lon voit descendre dans les siphons : c’est le rétracteur de ces organes; dans les inter- 
valles amincis du manteau on aperçoit, grâce à sa transparence, une petite portion de 
l'appareil branchial i, ainsi qu'une portion brune Jj> Située vers la région dorsale; c’est la 
partie du foie dans laquelle l'estomac est contenu; enfin, presque toute la région dorsale, 
entre les deux muscles adducteurs des valves, est occupée par une masse gélatineuse et 
diaphane k, dans laquelle est répandu un nombre considérable d'œufs. En arrière de 
l'ovaire, et en avant du muscle adducteur postérieur, on remarque une tache noirâtre | : 
elle indique la région du cœur. 


Muscies ApDucrEURS. — Les muscles adducteurs des valves ne sont point égaux, l’anté- 
rieur m est le plus petit; tous deux ont une tranche circulaire et se trouvent placés lun 
au-dessous de l’autre, dans une ligne longitudinale parallèle au grand axe de l'animal; cette 
ligne appartient à la région dorsale et ne vient pas empiéter sur la région ventrale, comme 
cela arrive souvent dans d’autres mollusques acéphalés. 


ABDOMEN. — Malgré l'inégalité des valves, le mollusque de la clavagelle est parfaitement 
symétrique, et, pour en donner la preuve, au lieu de détacher toute la partie épaisse du 
manteau pour la rejeter en avant, comme l’a fait M. Owen, nous l'avons fendue dans toute sa 
longueur, de manière à atteindre la fente du pied et à rétablir ainsi le manteau en deux 
parties égales, renversées à droite et à gauche, comme cela se voit, pl. 1, fig. 5,a, a, b, b. 
Alors on découvre la masse abdominale c, le pied d, les palpes labiales à, à, et les bran- 
chies f, f, f. La masse abdominale, saillante dans la cavité du manteau, est peu considérable ; 
elle se reconnait à sa couleur violacée; elle est de forme subquadrangulaire, c (pl. 1, fig. 5, 
et pl. 2, fig. 2) aplatie latéralement; son bord libre est anguleux. Bien différente en cela 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE CLAVAGELLE. b] 


de la masse abdominale des acéphalés pourvus d’un grand pied, celle-ci est contenue dans 
une enveloppe mince et transparente qui permet de voir la plus grande partie des organes. 
Une zone étroite, blanchâtre, fibreuse, occupe l'angle de l'abdomen et sert d'appui à un 
pied d, conique cylindracé et tout à fait rudimentaire. Par sa position et par sa forme, 
cet organe a beaucoup d’analogie avec celui des arrosoirs et des glycimères. 


Boucne.— PaLPEs LABIALES. — La bouche (pl. 1, fig. 5, e) est une petite ouverture 
transverse, profondément cachée derrière le pied et appuyée sur la face interne du muscle 
adducteur antérieur; elle est légèrement ridée en dedans, et elle est accompagnée, en 
dessus et en dessous, de lèvres minces, transparentes, assez larges h, continuées de 
chaque côté en une paire de palpes labiales à, 1, libres dans la plus grande partie de leur 
étendue. Ces palpes labiales sont inégales; la paire interne, appartenant à la lèvre infé- 
rieure, est la plus petite. Ces organes sont lisses à leur surface extérieure ; ils le sont 
également dans toutes les parties qui avoisinent la bouche, mais leur surface interne est 
garnie de petits feuillets minces et étroits, écartés, et d’une grande régularité; ils partent 
du bord supérieur et se dirigent obliquement vers le bord inférieur, comme cela se voit 
dans la figure 6 de la planche 1. Un caractère assez remarquable des palpes de cette 
clavagelle, c’est de porter dans le milieu de leur longueur une tache lancéolée d’un 


beau brun. (PI. 2, fig. 2.) 


Brancuies. — Les branchies sont placées de chaque côté du corps, comme dans tous les 
autres mollusques; parvenues au-dessous de la masse abdominale, elles se réunissent et se 
prolongent en arrière dans la cavité du siphon branchial, Ces organes ne présentent pas la 
disposition que l’on connaît dans la plupart des autres lamellibranches. Les deux feuillets 
de chaque côté sont soudés entre eux dans la plus grande partie de leur étendue : ils sont 
inégaux ; l'externe est le plus large, et il déborde l’autre du quart environ de sa largeur; ce 
bord ainsi détaché s'enfonce dans la profondeur de la cavité palléale : la figure 1 de la planche 2 
peut faire comprendre cette disposition. Le manteau a été enlevé du côté droit, la branchie 
du même côté a été fortement inclinée, et même renversée, pour montrer sa face infé- 
rieure a; la partie b, d de la branchie est placée le long de l'abdomen, tandis que la partie 
a, b est au-dessous; une portion du bord libre postérieur d a été soulevée, et l'on voit 
au-dessous le bord du feuillet interne; cette figure démontre ce que nous disions, que le 
feuillet externe est plus large que l'interne et qu'il dépasse celui-ci, à son bord postérieur, 
d'une quantité équivalant environ au quart de sa largeur. Lorsque les feuillets branchiaux, 
après être descendus de chaque côté du corps, sont parvenus au-dessous de l'abdomen, ils 
se réunissent; cette jonction se fait par le bord interne et inférieur des deux feuillets 
internes; cette partie, étant convexe, laisse en dessous un bourrelet qui parcourt toute la 
ligne moyenne des branchies. Les feuillets externes sont soudés aux internes dans presque 
toute la largeur de ceux-ci, mais, comme ils sont plus larges, ils font saillie en dessous, 
de sorte que, de ce côté, la branchie est réellement creusée en gouttière profonde. 

En examinant l'organe branchial du côté antérieur, il semble composé d'un seul 


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6 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


feuillet de chaque côté, mais très-épais; son bord libre participe à cette épaisseur inac- 
coutumée; une ligne déprimée, régnant sur toute la longueur de ce bord, annonce le 
point de jonction des deux feuillets (fig. 5, pl. 1, fig. 2, pl. 2, 7, j) de ce côté; les feuillets 
branchiaux laissent entre eux un angle profond et médian, au sommet duquel la branchie 
du côté droit se joint à celle du côté gauche. Dans les figures que nous venons de citer 
on reconnait facilement que les branchies diminuent graduellement et se terminent en 
pointe, à leur extrémité libre. 

Pour faire mieux comprendre encore la structure de la branchie, l'inégalité de ses 
feuillets et la manière dont 1ls sont soudés entre eux, nous avons fait une section transverse 
vers le milieu de la longueur de la partie libre, et nous avons obtenu la figure à de la 
planche 2. Les deux feuillets internes a, a sont soudés entre eux en D; la surface convexe b 
correspond au bourrelet longitudinal a (fig. 1, pl. 2}. La dépression c, c correspond à la 
ligne de jonction J>J des deux branchies, et cette jonction se continue sur presque toute 
la largeur de la branchie interne; le feuillet externe d, d, beaucoup plus large, se continue 
en dessous, où son bord se contourne un peu en dedans. Cette figure donne une idée 
très-exacte de la forme et des rapports des feuillets branchiaux, et sert ainsi à démontrer 
que, sous l'apparence de deux organes respiratoires, l'animal de la clavagelle en a réelle- 
ment quatre. 

On remarque dans quelques mollusques acéphalés, surtout dans ceux qui sont allongés 
et étroits, une disposition particulière des branchies. Ces organes se prolongent librement 
en arrière, comme dans les tarets, par exemple; et cette partie, tout à fait libre, flotte 
dans la cavité du siphon branchial. Dans la clavagelle, il n’en est pas tout à fait ainsi : les 
feuillets branchiaux sont fixés au manteau dans presque toute leur longueur, de manière 
à laisser au-dessous d’eux un véritable canal à l'extrémité postérieure duquel se trouve l'anus. 
Dans la figure 2 de la planche 2, les branchies sont en place ; c'est pour avoir rompu leur 
adhérence que nous avons pu mettre à découvert l'anus et une partie considérable du système 
nerveux, comme on le voit dans la figure 5 de la planche I et dans la figure 1 de la planche 2. 
La figure 1, planche 3, est particulièrement destinée à montrer comment la branchie est 
adhérente au manteau, et comment elle laisse un canal au-dessous d'elle. Le bord droit €, € 
a été détaché, et il a laissé sur le manteau la trace de son adhérence par la ligne f, f, qui, 
de la base de l’abdomen, descend jusqu’à l'ouverture interne du siphon anal. Du côté gauche, 
la branchie est encore adhérente au manteau; mais, comme elle a été renversée à gauche, 
on peut voir les rides assez régulières et transverses que la contraction a produites dans la 
paroi du canal branchial. Au sommet de ce canal et à la base de la masse abdominale on voit 
saillir un petit mamelon cylindrique, c’est l'anus. On peut comprendre actuellement com- 
ment le canal sous-branchial se continue sans interruption avec le siphon anal, et comment 
les excréments sont rejetés sans pouvoir entrer dans la cavité palléale. La section transverse 
de la branchie (pl. 2, fig. 5) peut encore servir à indiquer les points par lesquels elle est 
adhérente au manteau. Dans cette figure, le bord inférieur est relevé en dedans de la gout- 
uüère inférieure, et c’est par ce bord e, e, que l'adhérence en question a lieu. 

En soumettant à des grossissements convenables des portions de la branchie, on la 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE CLAVAGELLE. 7 


trouve composée de lamelles transverses profondément séparées entre elles ; mais si, pour les 
mieux voir, on fait une section longitudinale, on a la figure 4 de la planche 2; et c’est alors 
que l'on s'aperçoit qu'un seul feuillet profondément plissé sur lui-même constitue chaque 
branchie; par un petit nombre des angles saillants en dedans, les feuillets se soudent entre 
eux et sont maintenus dans leurs rapports; on reconnait en outre la structure éminemment 
lamellaire de chacun des feuillets. Ils sont en effet composés d’un nombre très-considérable 
de lamelles assez larges juxta-posées, dans lesquelles se rendent probablement les dernières 
ramifications des vaisseaux branchiaux. C’est ainsi, par exemple, que sur chacun des plis 
principaux a, a, a (pl. 2, fig. 4; pl. 4, fig. 5), se montrent de fines lamelles qui en suivent 
la direction, et qui s'étendent régulièrement d’un bord à l'autre. Ce sont les grands plis 
qui ont entre eux quelques points d'adhérence et qui laissent des espaces assez grands 
pour recevoir les œufs au moment de la ponte. La figure 5 de la planche 3 montre en b, c 
les deux feuillets détachés et les lames dont ils sont composés, entre lesquelles les œufs 
s'accumulent pour y subir une sorte d’incubation. 


ORGANES DE LA DIGESTION. — Les organes de la digestion, dans la clavagelle, offrent dans 
leur ensemble une composition et un arrangement analogues à ce qui existe dans les 
autres mollusques acéphalés dimyaires. À la bouche, dont nous avons donné la description. 
commence un æsophage a (pl. 3, fig. 2) mince et membraneux, comprimé et non cylin- 
drique, comme on pourrait le supposer d'après la figure de M. Owen. Cet œsophage 
descend perpendiculairement d'avant en arrière, dans une longueur qui équivaut au tiers 
environ de celle de la masse abdominale; il se dilate en un estomac subtrilobé dont les 
parois sont extrêmement minces. Dans la figure 2 de la planche 3, cet organe est représenté 
ouvert, un lambeau assez considérable de son côté droit ayant été enlevé. Le lobe dorsal & 
est plus petit que le ventral c, le postérieur d est intermédiaire entre les deux autres; c’est 
dans celui-ci qu’aboutissent les vaisseaux biliaires, sous forme de cryptes assez grands et 
profonds. Une demi-cloison, en forme d’éperon, sépare le lobe ventral des deux autres. 
Derrière cette cloison et dans la profondeur de la cavité du viscère, on remarque une 
ouverture subcirculaire qui donne entrée à l'intestin; celui-ci se recourbe subiterhent au- 
dessous de l'estomac et vient faire une double circonvolution appliquée contre la paroi de 
l'abdomen, où on la voit par transparence en f (pl. 2, fig. 2). Après ce circuit, l'intestin 
gagne l’angle médian de la masse abdominale f (pl. 3, fig. 2), la suit obliquement, et se 
trouve ainsi dans l'axe longitudinal de l'animal; bientôt il se rend à la région dorsale, 
entre dans le péricarde g et dans le cœur, et en sort derrière le muscle adducteur posté- 
rieur d, d (pl. 2, fig. 3). Après avoir suivi une grande partie de la circonférence du muscle, 
l'intestin vient déboucher en un anus saïllant 9 (pl. 3, fig. 1, et fig. 4; l, pl. 2, fig. 1). 

La plus grande partie des organes de la digestion se déroule dans un foie volumineux , 
composé de lobes petits et serrés; ils donnent naissance à des vaisseaux biliaires qui, se 
réunissant en deux troncs principaux, viennent se rendre à l'estomac, comme nous l'avons 
dit. Le foie, dans les animaux conservés, a une couleur d’un brun verdâtre peu foncé, et de 
plus, il est marbré de taches irrégulières d’un brun noirâtre foncé qui s'enfoncent dans toute 


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8 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


son épaisseur. [1 est composé, comme dans presque tous les autres mollusqus acéphalés, de 
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gros globules formés d’une membrane très-mince, dans laquelle sont renfermés des globules 
plus petits, à demi transparents. Ces globules laissent entre eux de petits espaces dans lesquels 
sont répandus un grand nombre de granules, les uns fixés aux membranes, les autres ayant 
l'apparence huileuse et nageant librement dans le liquide que contiennent les globules. Cette 
| disposition organique du foie est représentée, sous un grossissement de cent cinquante fois, 
avec la plus grande fidélité (pl. 4, fig. 3). Nous devons ajouter que les gros globules ne 
sont pas libres ; ils sont soudés les uns aux autres par les points de contact qu'ils ont entre 
eux, et tout fait présumer qu'ils communiquent ensemble jusqu’au moment où le liquide 
sécrété devient assez abondant pour nécessiter l'existence d’un petit canal biliaire. 


| CmmeuLaTioN. — Nous n'avons pu étudier dans tous leurs détails les organes de la circu- 
lation; nous nous sommes borné à une figure très-exacte du cœur et de ses oreillettes. 
à Comme nous l'avons dit, la région cordiale est indiquée par une tache noirâtre que l’on voit 
immédiatement au-dessus du muscle adducteur postérieur. Lorsque l’on a enlevé l'ovaire 
et un autre organe dont nous aurons encore occasion de parler par la suite, on peut 
ouvrir un large péricarde membraneux dont on voit les lambeaux g, 9, q (pl. 2, fig. 3). 
Au centre de cette cavité, on aperçoit un ventricule subfusiforme c, de chaque côté duquel 
sont fixées, par un pédicule étroit, des oreillettes e, e, tout à fait différentes de la plupart 
de celles des autres lamellibranches. Ces oreillettes, en effet, sont subpyramidales, épaisses, 
charnues, et terminées en avant en un vaisseau assez petit f, f, que l’on voit se rendre 
directement à la partie moyenne de la portion inférieure des feuillets branchiaux b, b. On 
pourrait comparer ces oreillettes à celles des arches ; cependant elles présentent quelques 
| différences notables, puisqu'elles tiennent au ventricule par un pédicule court, et que leur 
partie épaisse et charnue semble partagée en trois lobes par des intersections membraneuses: 
la figure 3 de la planche 2 représente exactement la disposition de ces organes. On voit 
encore en place, en a, une portion du foie et de l'ovaire, au-dessous desquels se trouvent 
l'estomac et une portion de l'intestin; en b, les feuillets branchiaux de chaque côté de la 
| masse abdominale; en c, le ventricule embrassant l'intestin d, et donnant appui aux oreil- 
lettes e, e, par un étranglement étroit et très-court. L'oreillette se termine en f, par le 
vaisseau branchial; ce vaisseau aboutit à la branchie en glissant au-dessous de la bride du 
péricarde, dont on voit des lambeaux g, g, renversés en dessus et sur les côtés. Nous devons 
rappeler que, dans cette figure, l'animal est vu par le dos, comme l'indique du reste la 
| position de l'intestin et du cœur lui-même. 

Il doit y avoir une aorte supérieure et une inférieure, comme dans tous les autres 
mollusque acéphalés, mais, n'ayant pu faire d'injection, leur distribution générale nous a 
échappé. Cependant, laorte supérieure se voit attachée à l'intestin g (pl. 3, fig. 2). Après 
avoir vu l'insertion des oreillettes du côté dorsal de l'animal, nous avons voulu la retrouver 
du côté ventral, et la figure 4 de la planche 3 montre cette insertion. Pour la bien voir, nous 
avons rompu l’adhérence des branchies au-dessous de la masse abdominale; nous avons 
rejeté ces organes à droite et à gauche, ce qui a permis d'exposer le lieu de leur jonction 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE CLAVAGELLE. 9 


avec le corps. Cette jonction a, a, se fait par une commissure dont le bord est occupé par 
le nerf branchial, Ce nerf est soutenu par une membrane qui le lie à la branchie; c'est dans 
cette membrane b, b, que se trouve le vaisseau branchial issu de l'oreillette : on voit que 
ce vaisseau, accompagné du nerf, descend à la surface inférieure de la branchie et la 
parcourt dans toute sa longueur. À partir de ce point, la branchie est adhérente au corps, 
et elle y est attachée par un vaisseau qui remonte jusqu’au sommet, là où elle se termine 
à la base des palpes labiales. Sur ce point, devenu étroit, s’'attachent au corps, par leur 
extrémité, les feuillets branchiaux, dont on peut cependant soulever et écarter les deux 
parties dans le reste de leur longueur (pl. 3, fig. 4,c,c, c). La figure 5 de la planche 3 
représente ces mêmes parties, vues de côté et de profil. La branchie a du côté gauche a 
été détachée jusqu’à l'insertion sur son bord de l'extrémité de l'oreillette b. Le vaisseau 
branchial se continue sur l'extrémité inférieure de la branchie, et il donne naissance aux 
rameaux €, €, €, €, qui s'enfoncent dans les feuillets de la branchie. Un nerf d fort gros 
entre dans l'abdomen en croisant l'extrémité de l'oreillette; 1l est couvert d’une couche 
colorée de brun. Le bord de la branchie e, coloré de même, s'applique sur le trajet du 
nerf, et ce bord contient un vaisseau principal dont la distribution est semblable à celle du 
vaisseau branchial inférieur. En f se voit la commissure dont nous avons déjà parlé, et qui est 
signalée figure 4 de la même planche. 


Ovare. — Le seul organe de la génération que nous ayons observé dans la clavagelle 
consiste en un ovaire considérable, occupant une grande partie de la région dorsale de la- 
nimal. Par un hasard heureux, les individus que nous avons recueillis avaient cet organe très- 
développé et rempli d'œufs à plusieurs degrés de développement, cependant assez avan- 
cés la plupart pour être prêts à passer dans les organes branchiaux, où quelques-uns se 
trouvaient déposés. Déjà nous avions fait des observations sur le développement de l'œuf 
chez des animaux appartenant à divers genres, et nous nous sommes empressé de continuer 
ces recherches sur les ovaires de la clavagelle. Ces organes sont disposés en grappes, mais, 
au lieu d’être retenus entre les muscles transverses du pied, comme dans les mollusques 
ténuipèdes de Lamarck, ces grappes, profondément digitées, forment un amas considérable 
qui non-seulement descend sur toute la hauteur de la région dorsale, mais encore envahit 
les parties latérales de la masse abdominale, comme on peut le voir pl. 2, fig. 2, L. Les 
digitations des grappes sont diversement contournées ; elles sont attachées, à leur base, par 
un pédicule court, à un oviducte très-mince et transparent. Les grappes de l'ovaire situées 
sur les parois de l'abdomen sont aussi les premières qui mürissent; leur enveloppe amincie 
laisse apercevoir les œufs qu’elles contiennent, et c'est vers elles que se dirige le tronc 
principal de loviducte, dont l'issue à l'extérieur se montre sous la forme d’un petit canal, 
(a, pl. 3, fig. 2) situé sur l'angle médian de l'abdomen, justement dans la région où les 
branchies se rapprochent et se soudent entre elles. Nous avons vu ce petit appendice 
encore attaché à la branchie du côté droit, dans laquelle se trouvaient quelques œufs 
récemment pondus: de sorte qu'au sortir de l'oviducte, les œufs trouvent immédiatement 
à se placer entre les feuillets branchiaux, dont les bords libres et colorés, b, b, b, en 


Zoo. — Mollusques. 1. Fr 


10 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


brun sont appliqués sur la paroi de l'abdomen, comme le démontre la branchie c, qui n’a 
point été dérangée. 

Ce qui est remarquable dans l'individu qui a servi à cette figure est la disposition de la 
partie abdominale de l'ovaire. On voit, en elfet, les œufs répandus dans un espace trian- 
gulaire, d, d, dont l'angle le plus aigu aboutit à l’oviducte; et nous avons été surpris de 
trouver les œufs libres et flottants pour la plupart, lorsque, par un accident imprévu, nous 
eûmes fait une faible déchirure à la paroi de l'abdomen. 

Dans toutes les occasions que nous avons pu saisir, nous nous sommes attaché à suivre 
le développement des œufs dans l'ovaire. Chez les mollusques acéphalés que nous avons 
pu observer, déjà bien des faits curieux nous ont été dévoilés, mais peu sont d'un intérêt 
aussi grand que ceux que nous avons découverts dans le clavagella melitensis. Ils paraîtront 
sans doute fort singuliers aux personnes qui se sont occupées d’ovologie en général, et plus 
spécialement de celle des animaux sans vertèbres. Nous-mêmes, en les observant, avons 
compris que, par leur étrangeté, ils pourraient être contestés, et nous avons dû apporter 
à nos observations le soin le plus scrupuleux; au reste, des faits analogues se reproduiront 
dans le cours de cet ouvrage, et c’est seulement alors que nous essayerons d’en présenter 
l'explication. Nous nous bornons actuellement à constater ce que nous avons vu et ce que 
beaucoup d’autres observateurs pourront également voir, en se livrant à des recherches 
semblables aux nôtres et en observant les mêmes animaux recueillis, comme l'ont été les 
nôtres, au mois de mars. 

Nous venons de le dire, les grappes de l'ovaire sont composées de digitations ou de 
cœæcums dans lesquels un grand nombre d'œufs sont rassemblés, Si lon en porte un frag- 
ment sous le microscope, les œufs se présentent sous une forme polygonale; ils sont for- 
més d’une enveloppe extrêmement transparente, dont les contours sont nettement indiqués 
par de petits interstices dans lesquels la matière propre de l'ovaire, d’un blanc jaunâtre, 
est abondamment répandue. Cette matière a été représentée, planche 4, figures 1, 2, sous 
une couleur grisâtre, parce qu'elle a été vue par transparence; mais si on l’examine comme 
corps opaque, elle apparaît sous sa véritable couleur. On aperçoit alors, vers le centre 
de chacun des œufs, un vitellus, supporté par un pédicule assez long, grêle, cylindracé, 
quelquefois un peu étranglé vers sa base; il vient s'attacher à un point de la circonférence 
de l'enveloppe. Nous ne devons pas oublier de dire que l'enveloppe de l'œuf, lorsque l’on 
parvient à le détacher, se présente sous la forme d’un sphéroïde assez régulier. Dans l’ani- 
mal que nous avons disséqué, les œufs sont parvenus à un développement considérable. 
Les figures 1, 2, 4 de la planche 4 sont destinées à faire comprendre leur structure et 
leurs rapports. La figure 1 a été faite sous un grossissement de cinquante diamètres; la 
seconde et la quatrième, sous un grossissement de cent vingt. 


Ces œufs sont composés, comme on le voit, d’une enveloppe transparente, assez grande, 
au centre de laquelle existe un vitellus sphéroïdal, supporté par un pédicule très-étroit et 
cylindrique, et qui vient s’insérer sur un point de la circonférence intérieure de l’enve- 
loppe. Il semblerait que, dans un assez grand nombre d'œufs, le vitellus est seulement 
piriforme et n’a pas de communication avec la paroi de enveloppe; mais c’est une illusion, 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE CLAVAGELLE. 11 


qui vient de ce que le pédicule ne contient souvent rien, et sa transparence est telle qu'il 
pourrait échapper; mais, sous un plus fort grossissement, on retrouve sa continuité, comme 
il y en a un exemple, fig. 2, pl. 3 a. Les œufs sont pressés et rapprochés dans l'enveloppe 
ovarienne qui les contient; néanmoins on aperçoit entre eux des interstices étroits remplis 
| d'une matière granuleuse d’un blanc jaunâtre très-päle, formant quelquefois de petits amas 
irréguliers. Ces lignes et ces amas sont représentés d’une couleur grisätre parce que 
l'ovaire est vu par transparence; si on les observe comme corps opaques, ils paraissent 
avec la couleur qui leur est propre; il en est de même pour le vitellus et son pédicule. 

L'examen microscopique de la matière contenue entre les œufs dans l'ovaire et de celle 
qui est renfermée dans le vitellus et son pédicule conduit à acquérir promptement la 
preuve de son identité; partout où elle se montre, elle est composée, en très-grande partie, 
de granules excessivement petits. Cette identité n’est pas la seule preuve de la communi- 
cation qui existe entre le vitellus et la matière de l'ovaire; cette communication est mani- 
feste par la continuité de la matière que contient le pédicule avec celle des amas auxquels 
il aboutit. Quand on détache les œufs, on voit qu'à l'insertion du pédicule sur l'enveloppe, 
il y a une dépression un peu infundibuliforme, par laquelle on voit la matière pénétrer 
dans le pédicule. Dans la figure 4, a, b, on voit un œuf détaché de la partie de l'ovaire 
la plus voisine de l'oviducte; le pédicule est raccourci, fort gros ; à son insertion sur l’en- 
veloppe, celle-ci offre au dehors une dépression ombilicale, large, au centre de laquelle 
la matière vitelline fait une notable saillie. Un autre œuf, appuyé sur un lambeau de l'en- 
veloppe de l'ovaire, présente exactement la même disposition dans toutes ses parties. On à 
la preuve de la communication directe du vitellus avec la cavité ovarienne par le pédicule, 
en plaçant quelques œufs sous le compresseur; la matière granuleuse contenue dans la 
capsule du vitellus s'échappe en partie au dehors par le pédicule. 

Lorsque l'œuf est sorti de l'ovaire, et qu'il a séjourné pendant quelque temps dans la 
branchie, il a éprouvé des changements notables : le pédicule a disparu, le vitellus est com- 
plétement isolé au milieu du liquide transparent que contient l'enveloppe de l'œuf. Ceux 


| des œufs que j'ai trouvés dans cet état avaient le vitellus un peu plus grand qu'avant d’avoir 


| perdu le pédicule. 


SYSTÈME NERVEUX.— Par sa disposition générale, le sysième nerveux ressemble beaucoup 
à ce qui existe dans les autres mollusques de la même classe, À la base de l'abdomen, un 
peu au-dessus de l'anus, se trouve un large ganglion quadrangulaire » (pl. 1, fig. 5; pl. 2. 
fig. 1; pl. 3, fig. 4, 5). De chacun de ses angles part un tronc nerveux assez gros; deux se 


dirigent vers le côté antérieur de l'animal; les deux autres se portent en arrière. Les deux 
côtés étant parfaitement semblables, ilnous suflira de décrire l'une des branches antérieures 
et l'une des postérieures. La branche antérieure remonte obliquement pour gagner la com- 
missure de la branchie avec le corps a (pl. 3, fig. 4). Arrivée à ce point, elle se divise en 
deux branches: l'une d, s’infléchit sous la branchie, et accompagne l'artère branchiale dans 
toute sa longueur ; l’autre e (pl. 3, fig. 5), se détache pour entrer dans la masse abdominale ; 
elle profite pour cela de l'ouverture par laquelle passe l'oreillette ; elle se dirige en ligne 
2: 


12 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


droite vers le muscle adducteur antérieur. Dans ce trajet, elle est couverte d’une couche 
de matière brune; il s’en détache de très-fins rameaux qui se rendent à estomac, à lin- 
testin, au foie et à l'ovaire. Malgré les nombreux filets qu’elle fournit, la branche prin- 
cipale ne paraît pas diminuer de volume; elle parvient derrière la bouche au-dessous du 
muscle adducteur antérieur, où elle aboutit à un petit ganglion triangulaire qui, au moyen 
d'un nerf de commissure, communique avec le ganglion voisin, auquel se rend la branche 
parallèle à celle-cr. 

De la face postérieure du ganglion postérieur naît une branche médiane q (pl. 2, fig. 1). 
Elle gagne le milieu de la face inférieure de la branchie, après avoir donné naissance à 
un très-petit ganglion, d'où partent quelques filets pour la partie supérieure de l'appareil 
branchial; une branche analogue à celle-ci naît de la partie postérieure du ganglion et 
se rend vers l'anus. 

La branche inférieure e, e, est très-grosse; après un court trajet, elle se divise en deux. 
La branche interne f, f, est la plus grêle; elle rampe en ondulant sur l'extrémité de 
l'abdomen, se contourne pour gagner la région du cœur, où elle se distribue. L'autre h, 4, 
se rend au manteau, dans lequel toutes les branches se distribuent, mais particulièrement 
aux siphons et à la partie antérieure épaisse et fibreuse du manteau. 


CororaTION. — Nous devons ajouter, avant de terminer ce que nous avions à dire de la 
clavagelle, que nous avons trouvé cet animal beaucoup plus coloré que la plupart des autres 
mollusques acéphalés et d’une manière toute spéciale. C’est ainsi, qu'indépendamment de la 
couleur d'un violet obscur, qui est propre à l'extrémité des siphons, nous avons fait remar- 
quer les taches brunes des palpes et des zones de la même couleur placées à la base des 
feuillets branchiaux ; les filets nerveux qui passent à travers la masse abdominale sont 
enduits d'un pigment de la même couleur; les points de contact de la base colorée des 
branchies laissent imprimés sur les côtés de l'abdomen des rubans de la même couleur. 
Nous avons signalé également de petits amas très-irréguliers d'une matière brune, répandus 
dans le foie et dans l'ovaire; cette matière s’amoncelle surtout dans la partie saïllante de la 
masse viscérale autour des intestins, et donne à la masse abdominale cette couleur sombre 
que nous avons déjà fait remarquer. En examinant au microscope ces parties colorées, 
nous avons reconnu qu'elles étaient formées d’un nombre considérable de granules d’un 
brun noir, noyés dans un parenchyme cotonneux d’un brun beaucoup plus clair. 


CONCLUSIONS. 


Il résulte des faits que nous venons d'exposer que les clavagelles doivent conserver les 
rapports mdiqués par Lamarck avec cette admirable sagacité qui se montre partout dans 
les travaux de ce grand naturaliste. En effet, les clavagelles avoisinent les arrosoirs et les 
gastrochènes, et il suffira d’une comparaison succincte pour en donner la preuve. 

Une anatomie, fort incomplète 1l est vrai, a été donnée de l’arrosoir par M. Leuckart, 
dans l'ouvrage de M. Ruppel. Si les figures de l’anatomiste allemand ne permettent pas de 


sms 


CLASSE PREMIÈRE. —- GENRE CLAVAGELLE. 13 


comparer toutes les parties des deux animaux, du moins il est possible de le faire sur les 
organes extérieurs et d'apprécier leurs ressemblances et leurs différences. 

Le manteau, dans les arrosoirs, ressemble beaucoup à celui des clavagelles : deux tubes 
épais réunis en une seule masse charnue; un manteau très-épais et très-musculaire, ayant 
un disque supérieur plus épais que le reste, et que l'on peut comparer à l'espace ovalaire 
antérieur et ventral de la clavagelle; une petite fente, au milieu de ce disque, laisse 
passer un pied rudimentaire qui s'élève au devant de la bouche, au sommet de la masse 
abdominale. Dans les deux genres, les palpes labiales sont étroites, lancéolées, triangu- 
laires; les branchies sont placées de même dans l’un et l’autre animal, et leur partie 
postérieure est beaucoup plus longue. Celle qui est située au-dessous de la masse viscérale 
est soudée au manteau, en laissant au-dessous un canal qui s'étend jusqu'à l'entrée du 
siphon anal. C’est dans ce canal que vient déboucher l'anus, au-dessous de l'abdomen ; cela 
a lieu de la même manière dans les deux genres que nous comparons. 

Lamarck a donc eu parfaitement raison de rapprocher les clavagelles des arrosoirs, et 
cependant ce savant naturaliste ne connaissait les animaux d'aucun de ces genres. Nous 
allons voir que c’est avec non moins de justesse qu'il a également mis en rapport les gastro- 
chènes avec les deux genres en question. 

Nous ne connaissons que deux figures, malheureusement insuffisantes, du gastrochène 
de la Méditerranée: l'une a été publiée par M. Delle Chiaje, à la planche 85 de son ouvrage 
sur les Animaux sans vertébres des mers de Naples, mais cette planche n’a pas encore de 
texte. On doit autre à M. Cailliaud; il la publiée dans le Magasin de zoologie, pour 
l'année 1843. 

I résulte de ces documents que le gastrochène a, comme la clavagelle, un manteau 
assez épais, percé en avant d’une très-petite ouverture, pour le passage d’un pied rudimen- 
taire situé sur la partie antérieure de l'abdomen. En arrière, le manteau se continue en 
deux siphons réunis dans toute leur longueur ; mais ils sont plus nettement indiqués au 
dehors que dans l'arrosoir et la clavagelle. Les autres parties de cet animal curieux sont 
inconnues, et, malheureusement, nous ne pourrons combler cette lacune, n'ayant point 
rencontré l'animal, mais seulement quelques coquilles mortes dans les calcaires qui avoi- 
sinent l'ile de Rachgoun, à l'embouchure de la Tafna. 

Il existe encore un genre qui a plus d’analogie avec les clavagelles qu’on ne le croirait 
d'abord : nous voulons parler du genre glycimère , sur lequel Audouin a publié un mémoire 
dans le XXVIII volume des Annales des sciences naturelles (1833). Nous avons suppléé 
à l'insuffisance des figures, relativement à quelques parties, par l'examen direct de l'animal. 
H semblerait que la glycimère est une clavagelle devenue libre et dépourvue de tube. Les 
valves sont très-bäillantes antérieurement, comme dans les clavagelles ; le manteau est 
plus épais, revêtu d’un épiderme dans l'endroit du bäillement. Il est percé, tout à fait en 
avant, d’une petite ouverture en fente, pour un pied rudimentaire relevé devant la bouche 
et attaché à l'extrémité antérieure de l'abdomen. Les palpes labiales sont triangulaires, se 
continuent en larges lèvres lisses autour de la bouche. La masse abdominale est disposée 
de la même manière que dans les clavagelles; mais les branchies, tout en conservant les 


r Me 


14 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


mêmes dispositions générales, offrent quelques différences : ainsi, dans la portion qui 
s'attache de chaque côté de l'abdomen, les feuillets sont inégaux, lun remontant beaucoup 
plus haut que l'autre; ils sont aussi plus larges en proportion. Les feuillets internes s’at- 
tachent au manteau au-dessous de l'abdomen et viennent embrasser l'ouverture du siphon 
anal; ils complètent un canal sous-branchial à la partie supérieure duquel se trouvent l'anus 
et le ganglion postérieur. 

Nous ne comparerons pas les clavagelles aux tarets; ces genres appartiennent à des 
familles différentes. Cependant il est à remarquer que, dans l'un et l'autre de ces genres, 
l'oviducte a une terminaison à peu près semblable. La conséquence naturelle que lon ait 
à déduire de tout ce qui précède, c’est que le genre clavagelle est réellement intermédiaire 
entre les arrosoirs et les gastrochènes, ce que Lamarck avait lui-même préjugé lorsqu'il ne 
connaissait qu'un petit nombre de coquilles dépendant des deux genres. Ainsi se justifie 
la réforme que nous avons proposée depuis longtemps dans la famille des tubicolés : nous 
la réduisons aux trois genres arrosoir, clavagelle et fistulane. Lamarck y joignait les téré- 
dines, les tarets et les cloisonnaires, qui appartiennent, comme nous le verrons, du moins 
pour le taret, à une autre famille, celle des pholadaires. 

Nous ajoutons ici les trois espèces de clavagelles que nous avons recueillies en Algérie : 
deux sont vivantes, une est fossile. À une synonymie aussi complète qu'il nous a été pos- 
sible de l'établir, nous joignons une description succincte. 


l. CLAVAGELLA MELITENSIS. Broderip. 


Bone, Rachgoun. — PI. 1, fig. 2. 


CI. Animali ovato, griseo-albescente, siphonibus binis coalescentibus posticè terminato; siphonibus 
ad extremitatem ciliatis; ciliis in utroque simplicibus : anali membranà simplici convexà hemiclauso , 
branchiali membranà denticulatà terminato. 

Testà bivalvi, in conceptaculo ovali affixà ; valvis inæqualibus, planiusculis ; cardine simplici ; concepta- 
culo posteriüs in fistulam polygonam simplicem desinente. 


Bronere, Trans. of Zool. Soc. tom. I, pag. 265; pl. 35, fig. 5-8. 
Bucode, Guerrarp, Mém. div. tom. I, pag. 78, pl. 70, fig. 1. 
Puicippr, Enum. moll. sic. tom. Il, pag. 2; pl. 13, fig. 1. 
CaizzrauD, Magas. de zool. 1842. Clavagella, pag. 17, pl. 50, fig. 4. 
Hanzey, Descript. cat. pag. 2, pl. 11, fig. 8. 

Carzow, Conch. nomencl. pag. 2, n° 6. 

Fonses, Report on OEgean invest. pag. 142. 


Nous n’avons presque rien à dire de cette espèce, parce que c'est elle qui nous a servi 
pour les recherches anatomiques qui précèdent; elle se distingue éminemment de ses 
congénères par son animal, dont les siphons sont colorés, à leur extrémité, d’une teinte 
d’un violet noirâtre:; elle se distingue encore par la taille, qui est ordinairement moindre 


RE ES 


a CO dde RS ci 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE CLAVAGELLE. 15 


que celle du clavagella lata ou aperta. Les individus que nous avons recueillis avaient 
pénétré dans cette matière calcaire que déposent les végétaux marins, et qui autrefois 
constituaient certaines espèces du genre nullipore des zoologistes. Comme on aurait pu 
le croire d'après son nom, cette espèce ne se trouve pas seulement à Malte; elle a été 
recueillie par M. Forbes dans l'archipel de la Grèce, mentionnée parmi les espèces de 
Sicile ; enfin, nous l'avons observée sur deux points très-éloignés de la côte septentrionale 
d'Afrique; à Rachgoun comme à Bone, les individus ont été pêchés à trois ou quatre 


. brasses de profondeur. 


Nous ne croyons pas utile de reproduire ici la description complète de la coquille et 
du tube de cette espèce; ces parties sont connues par les travaux des naturalistes men- 
tionnés dans notre synonymie, et surtout par ceux de MM. Broderip et Cailliaud. Nous 
ajouterons seulement que le clavagella melitensis, de même que celle des balanes décrite 
par M. Scacchi, complète la cavité qu’elle habite par des tubes spiniformes remplissant tous 
les interstices que laisse le corps calcaire qui a été creusé par l'animal. Cette propriété est 
très-probablement commune à toutes les clavagelles perforantes. 


2. CLAVAGELLA APERTA. Sowerby. 


Lacalle, Bone, Oran. — PI. 1, fig. 1. 


CI. Animali ovali, albo, siphonibus binis, coalescentibus, posticè terminato; siphonibus ad extremitatem 
ciliatis, roseis : siphone anali ciliis minoribus duobus tribusve majoribus interpositis membranà simplici, 
hemisphæricà, apice perforatà hemiclauso ; siphone branchiali membranâ denticulatà instructo. 

Testà bivalvi, in conceptaculo ovali recondità ; valvis inæqualibus utroque latere hiantibus, concavius- 
culis; cardine simplici subunidentato, ligamento subinterno exili coadunatis : conceptaculo posterius in 
fistulam limbatam producto. 


Clavagellu aperta, Sowergy, Genera, fig. 1. 

Clavagella Sicula, Derre Curase, Anim. sans vert. pl. 83, fig. 19 et 23; pl. 84, fig. 18, 22, 28. 

Clavagella aperta, R&EvE, Conch. syst. tom. I, pag. 35, pl. 18. 

Idem, CarrrrauD, Notice sur les Clav. Mag. de zool. 1842, pag. 16, pl. 49, fig. 1 à 7; pl. 50, fig. 1,2; 
pl. 51, fig. 1 à 4. 

Hanrey, Descript. cat. pag. 2, pl. 9, fig. 21. 

Carzow, Conch. nomencl. pag. 2, n°1. 


Nous avons vu combien il était facile de distinguer cette espèce de la précédente par la 
couleur des siphons. Ici, en effet, ils sont d’un rose pourpré, plus ou moins intense, selon 
les individus. Les tentacules qui sont vers l’extrémité du siphon anal, à la base de la mem- 
brane qui le ferme en grande partie, ne sont point égaux, comme dans l'espèce précédente ; 
deux ou trois plus petits sont intercalés entre les grands. Les siphons sont, en proportion, 
plus épais et plus courts, et la coquille présente les caractères que les auteurs mentionnés 
dans la synonymie ont signalés depuis longtemps. Le seul individu vivant que nous ayons 
trouvé a été recueilli à Lacalle, dans les eaux basses du port des Corailleurs. Les individus 


16 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


de Bone et d'Oran étaient enfoncés dans des masses calcaires, mais ils étaient morts depuis 
longtemps. Ces individus sont tous beaucoup plus petits que ceux provenant de Malte et 
de la Sicile, et dont M. Caïlliaud a donné de bonnes figures. 


3. CLAVAGELLA BACILLARIS. Deshayes. 


C. Tubo subrecto, angusto, posticè vaginis foliaceis sæpè terminato; anticè disco plano, fisso, spinis 
dichotomis coronato; valvà liberà ovato-elongatä, tenuissimà, depressà, margaritaceà, alterà majore; 
cardine edentulo. 


Desuayes, Encyc. méth. vers. tom. IT, pag. 239, n° 2. 

Desuayes, dans Lamarck, Anim. sans vert. 2° éd. tom. VI, p. 25, n° 2. 

Teredo bacillum? Broccenr, Conch. foss. subap. pl. 15, fig. 6. 

Extremitate posticali vaginiferä. Aspergillum maniculatum. Parcippr, Enum. moll. sic. tom. I, pag. à, pl. 1, 
fig. 3; et tom. IT, pag. 3, n° 1. 

Clavagella bacillaris, Parvippr, Moll. sic. pl. 1, fig. 1, a, b. 

Desnayes, dans Cuv. nouv. édit. Moll. pl. 119, fig. 3. 

Sowersy, Conch. man. pl. 2, fig. 45. 


Habite... fossile à Birmadrais, dans la province d'Alger, et près de Palerme, en Sicile. 


Jusqu'au moment où nous trouvâmes cette espèce dans la province d'Alger, nous crûmes 
qu’elle était propre aux terrains tertiaires de la Sicile. Les terrains dans lesquels elle s’est 
trouvée en Algérie ont beaucoup d’analogie, par leur structure et leur position, avec ceux 
des environs de Palerme. On y rencontre des espèces analogues ; seulement, à Palerme, leur 
test est souvent dans un admirable état de conservation, tandis qu'en Algérie il a disparu, 
et la coquille ne présente plus que le moule. Néanmoins, il nous a été facile de reconnaître 
D. l'identité des individus des deux localités; il n’est pas sans intérêt pour la géologie de 
! l'Algérie de retrouver, non loin de la mer, des dépôts fossilifères, contemporains de ceux 
l de la Sicile. 
| Le clavagella bacillaris a été confondu, par quelques auteurs, avec le coronata, qui est 
, fossile dans les terrains parisiens; mais ces deux espèces se distinguent très-facilement, 
lorsque l’on a sous les yeux les mdividus provenant des lieux où ils se rencontrent. 

Nous avons rapporté, dans notre synonymie, l’aspergillum maniculatum de M. Philippi, 
parce que nous avons la conviction que ce naturaliste distingué a pris pour une extrémité 
d’arrosoir celle du clavagella bacillaris; nous en avons la preuve matérielle, et la figure de 
l'individu représenté dans la nouvelle édition du Règne animal de Cuvier donne la preuve 
que dans la clavagelle en question, le tube peut se terminer par une série de manchettes 
comparables à celles de laspergillum vaginiferum. 

On pourrait diviser les clavagelles d’après leur manière de vivre : celles qui pénètrent 
dans la pierre pour y creuser une cavité proportionnée à leur volume, et celles qui, restant 
dans un tube tout à fait libre, s’enfoncent dans le sable et y vivent à la manière des 


SP ne 


arrosoirs. C’est à ce dernier groupe qu'appartient le clavagella bacillaris. 
On s’est souvent demandé quel était le mode d’accroissement des clavagelles ; nous- 


8 Lun 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE CLAVAGELLE. 17 


même avons discuté cette question, encore entourée de quelques obscurités, dans notre 
Traité élémentaire de conchyliologie. N'ayant aucun fait nouveau à apporter pour éclaircir 
cette question, nous renvoyons le lecteur à l'ouvrage que nous venons de citer. Les indi- 
vidus que nous avons recueillis en Algérie ne nous ayant présenté aucun fait nouveau 
propre à faire mieux connaître l’espèce, nous n'avons rien à ajouter à la description que, 
le premier, nous en avons donnée dans l'Encyclopédie méthodique. 


GENRE DEUXIÈME. 


GASTROCHÈNE, Gasrrocaoë Na. Spengler. 


Pendant notre séjour en Algérie, nous avons fait de vains efforts pour nous procurer 


genre intéressant, dans le but de l’observer vivant. Sa rareté sur les côtes 


de ce pays s'explique par l'absence de masses calcaires sous-marines un peu considérables. 


l'animal de ce 


Cependant, près de Bône, des couches d’un beau marbre, viennent se plonger dans la 
mer, où elles sont perforées par des Saxicaves, et surtout par la modiole lithophage; mais, 
soit que la dureté de cette roche ne permette pas aux Gastrochènes de s’y établir, soit que 
cette côte, trop battue par la mer, soit un séjour peu propice à ces animaux, il est certain 
que nous ne les avons pas rencontrés sur ce point, quoiqu'il nous semblât plus que tout 
autre favorable à leur développement. Pendant un court séjour à l'ile Rachgoun, située à 
l'embouchure de la Tafna, la drague, jetée à quelques brasses de profondeur sur la côte 
méridionale, ramena des fragments d’un grès calcaire assez grossier, dans lequel nous 
trouvâmes un petit nombre d'individus du gastrochæna dubia; mais l'animal en était mort 
depuis longtemps. 

Avant la création du genre Gastrochène, par Spengler, célèbre naturaliste danois, le 
petit nombre d'espèces alors connues était distribué dans divers genres par les zoologistes, 
qui avaient eu occasion de les mentionner dans leurs écrits. C’est ainsi que Chemmitz les 
met dans le-genre Pholade de Linné; Dacosta les range dans un genre fort indigeste, 
auquel il applique le nom de chama, tandis que Pennant les introduit dans le genre mya de 
Linné, donnant ainsi une fâcheuse extension à un genre déjà trop étendu. En établissant 
son genre Gastrochène, dans les Mémoires de la société d'histoire naturelle de Copen- 
hague (1793), Spengler fit cesser la confusion qui régnait avant lui; et, néanmoins, il 
s'établit d’autres erreurs que Bruguières surtout propagea. Ce savant, n'ayant pas connu le 
travail de Spengler, créa, dans les tableaux de classification de l'Encyclopédie, un genre 
Fistulane, qui est en réalité un double emploi de celui proposé précédemment par le 
naturaliste danois. Malheureusement pour Bruguières, son genre ne fut pas aussi nette- 
ment caractérisé que celui de Spengler, ce qui fut la source des incertitudes et des erreurs 
qui survinrent par la suite, principalement dans les travaux des naturalistes français. 

Toute coquille bivalve contenue dans un tube calcaire a été comprise par Bruguières dans 
son genre Fistulane. Les vrais Gastrochènes n'étant pas les seules coquilles renfermées 


Zooz. Mollusques. 1. 3 


18 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


dans un tube, puisque les Tarets, la Cloisonnaire, les Clavagelles elles-mêmes sont pour- 
vues de cette partie, il est résulté de caractères trop étendus une confusion fâcheuse entre 
les Gastrochènes et les genres que nous venons de rappeler. Les Tarets, 1l est vrai, ont 
presque toujours leur tube ouvert en avant; cependant quelques espèces le tiennent cons- 
tamment fermé; d’autres ne sont clos qu’au moment où ils sont parvenus à l'état adulte. 
Bruguières a confondu ces Tarets parmi les Fistulanes, et en cela il a été imité par Lamarck. 
Cependant Lamarck, dans son Histoire des animaux sans vertèbres, rétablit le genre des 
Gastrochènes, tout en conservant celui des Fistulanes. À la même époque, Cuvier, dans la 
première édition du Règne animal, donna aussi l'exemple de ce dédoublement inutile d’un 
même genre sous deux noms différents. Conduits par des observations incomplètes, ces 
deux éminents naturalistes étaient persuadés que les Gastrochènes n’ont point de tube, 
tandis que les Fistulanes en ont un. Cette opinion se maintint et se propagea Jusqu'au mo- 
ment où, rassemblant les matériaux pour notre ouvrage sur les fossiles des environs de 
Paris, nous eûmes plus d'une occasion de constater la présence d'un tube dans les Gastro- 
chènes fossiles; et nous ajoutâmes cette observation relative à une espèce qui, selon qu’elle 
a rencontré des sables ou des calcaires, est à la fois Fistulane dans le sable et Gastrochène 
dans le calcaire, si l’on adopte la définition de ces genres tels qu'ils sont institués dans les 
ouvrages de Cuvier et de Lamarck. M. de Blainville, dans son Traité de malacologie, 
rendit toute sa valeur au genre de Spengler, mais conserva néanmoins un genre Fistulane, 
qui, par le fait, devient un double emploi des Tarets, puisqu'il est destiné à réunir celles 
des espèces de ce genre dont le tube est constamment fermé. Ainsi, comme on le voit, le 
genre Fistulane doit, de toute nécessité, disparaître de la méthode, puisque les espèces 
de Lamarck et de Cuvier sont des Gastrochènes et celles de M. de Blainville des Tarets. 
En continuant sur les espèces vivantes les observations que nous avions commencées sur 
les fossiles, nous avons été confirmé dans les opinions que nous venons d'exposer. 

Tout récemment encore M. Cailliaud a publié, dans le Magasin de zoologie, une notice 
sur le gastrochæna dubia, dans laquelle on trouve en surabondance les preuves de lexis- 
tence d’un tube dans ceux de ces animaux qui vivent dans l'intérieur des pierres ou des 
madrépores. Lorsque des observateurs peu attentifs cassent des pierres et des madrépores 
pour recueillir les coquilles perforantes, souvent ils négligent d'examiner les parois inté- 
rieures des cavités habitées par ces coquilles; aussi, pendant longtemps on a ignoré que 
ces parois sont revêtues d’un tube adhérent complété par l'animal, lorsqu'il est parvenu à 
son dernier degré d’accroissement. IL arrive souvent à l'extrémité postérieure de ce tube 
de se prolonger au dehors de la pierre, comme nous l'avons fait remarquer le premier pour 
plusieurs espèces fossiles des environs de Paris. M. Cailliaud, dans sa notice, a constaté ce 
fait intéressant pour l’espèce vivante de la Méditerranée. 

Nous avions perdu l'espoir de donner le moindre détail anatomique sur l'animal du Gas- 
trochène de la Méditerranée; mais M. Cailliaud , qui, dans un voyage à Malte, eut occasion 
d'observer et de recueillir de ces animaux, connaissant nos regrets, eut l'extrême obli- 


seance de mettre à notre disposition quelques individus conservés dans l'alcool. Grâce à 


cette communication, faite dans l'intérêt de la science, nous pourrons ajouter ici quelques 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE GASTROCHÈNE. 19 


renseignements sur l'organisation d’un animal à peu près inconnu; nous disons à peu près 
inconnu, car nous ne pouvons considérer comme suffisantes les figures du même animal 
publiées par M. Delle Chiaje, dans les planches qui accompagnent ses Mémoires sur les 
animaux des mers des Deux-Siciles. L'auteur, en effet, se contente de représenter l'animal 
de grandeur naturelle et sans lui avoir fait subir aucune dissection. 


DESCRIPTION. 


Coquires. — Les coquilles du genre Gastrochène se distinguent avec la plus grande fa- 
cilité; elles se reconnaissent au bâillement considérable du bord inférieur des valves, qui, 
réunies, laissent ouvert le côté inférieur. Les valves sont égales, très-inéquilatérales; les 
crochets, peu saillants, sont, comme dans les moules ou les modioles, placés tout près de 
l'extrémité antérieure. La charnière est parfaitement simple; dans quelques espèces, le 
bord cardinal offre un très-léger renflement au-dessous du crochet; les valves sont réunies 
par un ligament externe, peu épais et peu saillant; il adhère à des nymphes petites, à 
peine apparentes et séparées du bord par un très-petit sillon. Les impressions musculaires 
sont petites : l’antérieure l’est beaucoup plus que l'autre, et on la voit tout près de l’ex- 
trémité antérieure du bord cardinal; la postérieure est subcirculaire, située vers l’extré- 
mité du bord supérieur; au-dessus d’elle on en remarque une autre beaucoup plus petite 
produite par le muscle rétracteur du pied; l'impression palléale suit les bords des valves 
dans toute la longueur de leur bäillement; parvenue à l'extrémité postérieure, elle remonte 
en dedans et en avant, produisant une sinuosité profonde pour l'insertion du muscle ré- 
tracteur des siphons. 


ANIMAL MANTEAU. — L'animal contenu entre les valves du Gastrochène conserve à peu 
près la même forme qu’elles; par conséquent il est cunéiforme, aminci en arrière, plus 
épais en avant, ayant la surface ventrale aplatie, obliquement tronquée d'avant en arrière. 

Lorsque l'animal a été détaché de sa coquille, on le trouve enveloppé d’un manteau 
dont l’étendue peut être partagée en deux parties : l'une, couverte par les valves, est la plus 
mince, l’autre forme en avant et en dessous une surface plane, où à peine convexe, que 
laisse constamment à nu le bâillement de la coquille. Nous avons déjà fait remarquer dans 
la Clavagelle une disposition analogue ; cependant il faut prévenir que la portion ventrale 
du manteau dans le Gastrochène est moins épaisse et moins convexe; son tissu, plus lâche, 
est incontestablement moins fibreux. 

Dans la ligne médiane et ventrale, à peu près vers le tiers antérieur de la longueur, on 
trouve une petite ouverture circulaire au centre d’un petit mamelon (pl. IV 4, fig. 1 et 5 a); 
elle donne passage à un pied très-pett, dont nous ferons bientôt la description. La circon- 
férence de la surface ventrale du manteau est circonscrite par un angle vif, quelquefois 
même saillant, selon l’état de contraction où s’est trouvé l'animal (pl. IV 4, fig. 6, 7 a b). 
La partie du manteau couverte de la coquille en conserve exactement la forme; par sa 
structure elle diffère, en quelques points, de celle des autres mollusques conchifères, elle 


3. 


20 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


se montre presque partout beaucoup plus épaisse; cependant elle s'amincit graduellement, 
des bords vers le dos, et dans la région dorsale elle est mince et transparente comme dans 
tous les autres mollusques. 

Nous verrons plus tard, en décrivant l'animal du Lavignon, que le manteau, si mince 
qu'il soit, est toujours composé de deux membranes adossées : l’une, en contact avec la 
coquille, se continue, en adhérant au dos de l'animal, jusqu’à la ligne dorsale; l'autre, au 
contraire, forme la paroi interne du manteau, se réfléchit sur la masse abdominale et 
sur tous les autres organes saillants dans la cavité palléale. Le point où cette lame interne 
du manteau se réfléchit est ordinairement déterminé par ladhésion des feuillets bran- 
chiaux sur le corps, de sorte que ces organes contractent une adhérence intime sur les 
flancs de l'animal, en suivant une ligne légèrement sinueuse. 


SipHons. — En arrière, le manteau est continué par deux tuyaux charnus fort contractiles, 
soudés entre eux dans toute leur longueur. Dans leur ensemble ils constituent un prolonge- 
ment subcylindrique, un peu déprimé latéralement, plus large à la base qu'au sommet, 
et présentant de chaque côté, à droite et à gauche, une ligne déprimée, annonçant la posi- 
üon de la cloison intérieure qui sépare les deux canaux. Les ouvertures terminales de ces 
siphons ne sont point tout à fait égales; et, d’après les observations de MM. Cailliaud, 
Philippi et Delle Chiaje, elles seraient garnies d’une série de tentacules très-fins et contrac- 
tiles, d’une couleur d’un rouge brun assez foncé. Ces organes disparaissent complétement 
dans les individus conservés dans l'alcool. L'ouverture intérieure de ces siphons présente 
à peu près les mêmes caractères que dans la plupart des autres mollusques acéphalés; 
cependant on remarque, à l'entrée du siphon branchial, un repli membraneux (pl. IV 4, 
fig. be; pl. IV B, fig. 1 dd, fig. 2 c) formant, de chaque côté, une demi-valvule dont 
l'usage ne peut être douteux. L'ouverture du siphon anal se présente sous la forme d'une 
fente longitudinale, étroite (pl. IV 4, fig. 5 f), garnie de chaque côté, ou plutôt sur toute 
sa circonférence, d’une membrane mince, pouvant lui servir de valvule. La cloison qui 
sépare les deux siphons est assez mince, elle remonte dans toute leur longueur et vient se 
terminer à une sorte de bride transverse (f, planche IV B, figure 1). Les siphons sont retirés 
en dedans, au moyen d’un muscle très-aplati, flabelliforme (c, planche IV À, figure 2), dont 
les fibres réunies en faisceaux assez épais constituent une espèce de tendon, à l’origine des 
siphons. Ce muscle contenu entre les deux membranes du manteau s'attache, à l'intérieur 
de la coquille, sur cette ligne sinueuse dont nous avons déjà parlé. 

A l'exception de la partie du bord qui correspond à la charnière, toute la circonférence 
du manteau montre une zone musculaire étroite, composée de petits muscles iransverses, 
très-nombreux, dont l'usage est de faire rentrer les bords du manteau dans l'intérieur des 
valves. Cette zone musculaire est plus étroite dans la portion du bord correspondant au 
bäillement des valves. Il semblerait que la troncature de la coquille a déterminé la moindre 
largeur de la zone musculaire ; et, en effet, quelles que soient les contractions de l'animal, 


la large ouverture de sa coquille ne lui permet jamais de s’abriter complétement dans sa 
cavité. 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE GASTROCHÈNE. 21] 


Le manteau, disions-nous tout à l'heure, a plus d'épaisseur que dans beaucoup d’autres 
mollusques ; c’est principalement en avant et sur les côtés que cela se remarque. On recon- 
nait en même temps à cet organe cette apparence molle et spongieuse qui le caractérise dans 
le genre qui nous occupe. Il faut en porter un fragment sous le microscope pour se faire une 
idée de sa structure; à un grossissement de trois cents fois, on distingue très-nettement une 
sorte de feutre à mailles grandes et irrégulières, formées par l’'entrelacement de fibres très- 
fines, cylindriques, transparentes, d’un diamètre uniforme, ayant environ un 400° de mil- 
limètre. Les mailles dont nous venons de parler sont remplies d’une matière jaunâtre et 
transparente, molle, dans laquelle sont amoncelés en immense quantité des granules exces- 
sivement petits, sphériques, transparents et d’un diamètre moindre encore que celui des 
fibres ; faiblement attachés à la matière qui les retient, un grand nombre de ces granules 
tombent sur le porte-objet, où on les voit animés du mouvement atomistique de Brown. À 
la surface interne du manteau, les granules se rassemblent en petits amas, que l’on distingue 
à un faible grossissement, sous la forme de petites marbrures où de ponctuations blanchä- 
tres et confuses. Enfin, si l’on fait une section transverse du manteau au-dessous de l'ou- 
verture destinée au passage du pied (pl IV B, fig. 5 a), on distingue, près de la surface qui 
touche à la coquille, des canaux creusés dans sa substance même et dans lesquels étaient 
placés, par faisceaux parallèles, les fibres musculaires du rétracteur des siphons. Ce que 
nous venons d'exposer peut s'appliquer à toute la partie épaisse du manteau; car, à me- 
sure que l’on se rapproche du dos, la matière parenchymateuse, chargée de granules, 
diminue d'épaisseur, disparait presque complétement, et les fibres elles-mêmes sont en 
moindre nombre, de sorte que dans cette région le manteau reprend son apparence et sa 
structure habituelles. 

Les particularités que nous venons de signaler dans la structure du manteau du Gastro- 
chène ne sont pas les seules que l’on y rencontre. En effet, une section transverse, faite 
un peu au-dessous de l'ouverture du pied, laisse voir dans le milieu de la surface une 
ligne blanche qui semble résulter de la soudure des deux lobes sur la ligne ventrale 
(pl. IV 4, fig. 6 c); mais cette trace disparait un peu au-dessous, car on n'en trouve plus 
le moindre vestige lorsque la section est faite à quelques millimètres au-dessous. (PI. IV 4, 


fig. 7.) 


ORGANE DE LA MUCOSITÉ. — Il faut ouvrir le manteau, d’arrière en avant, en suivant la 
ligne médiane et ventrale, pour pouvoir en écarter les lobes et apercevoir ce que contient 
sa cavité. On est surpris d’abord de rencontrer attachés à la surface interne, des organes 
que nous n'avons jamais vus dans aucun autre mollusque; ils sont situés sur les parois 
latérales et s'étendent d'avant en arrière, suivant en dedans le contour de la troncature 
des valves (b, ce, d pl. IV 4, fig. 5; pl. IV B, fig. 1 aa, bb, cc; fig. 2 b; fig. 3 a, b, c, d). 
Ils ont l'apparence d’une sorte de boyaux irrégulièrement boursouflés, d'un blanc laiteux, 
étroits à leur extrémité antérieure, s'élargissant en arrière à mesure qu'ils descendent vers 
l'ouverture interne du siphon branchial; parvenus à ce point, ils s’amoindrissent assez 
subitement, traversent la surface interne des muscles rétracteurs des siphons et viennent se 


22 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


terminer à une partie très-plissée de la cavité palléale, située au-dessus et un peu en arrière 
de l'ouverture du siphon anal; pour apercevoir cette terminaison, il faut soulever l’extré- 
mité libre des feuillets branchiaux. Ces organes occupent donc, dans la plus grande partie 
de leur longueur, l'angle que forment entre elles les deux portions principales du manteau, 
comme on peut le voir par les sections transverses de l'animal. (PL IV 4, fig. 6 dd; 
fig. 7 ce.) À le considérer dans son ensemble, il semblerait que l’organe en question a deux 
canaux excréteurs, l’un situé en arrière (d, pl. IV B, fig. 3), au-dessus de l'ouverture du 
siphon anal; l'autre en avant aboutirait derrière les palpes labiales externes, au point où 
elles se soudent au manteau. (PL IV 4, fig. 5 b; pl. IV B, fig. 1 a, g; fig. 3 a.) Cette dispo- 
sition nous a fait examiner avec beaucoup d'attention l'organe dont il s’agit, et nous l'avons 
trouvé formé de deux portions bien distinctes, séparées entre elles par une ligne oblique 
très-nette (pl. IV 4, fig. 5 g; pl. IV B, fig. 1 et 3h): l'une antérieure, jaunûtre, lisse, aplatie, 
et l’autre beaucoup plus épaisse, d’un blanc laiteux, et contenant en grande quantité une 
matière visqueuse, condensée par l'alcool, comme de l’albumine, mais susceptible de se 
gonfler et de se dissoudre dans l’eau, si on l'y fait macérer pendant quelques jours. Dans 
un des mdividus que nous avons disséqués (pl. IV B, fig. 1 et 3), une grande partie de la 
matière muqueuse avait été expulsée: naturellement de l'intérieur de l’organe, et en faisant 
quelques déchirures à son enveloppe, nous avons vu partout où il est en contact avec la 
surface interne du manteau, celui-ci criblé d’un nombre considérable de pores irréguliers 
qui pénètrent dans toute l'épaisseur de son parenchyme. (PL. IV 4, fig. 1 c,c, et fig. 3 c, c.) 
Une coupe transverse de l'animal entier (pl. IV B, fig. 6 et 7) nous a paru indispensable 
pour faire comprendre les rapports de l'organe muqueux avec les bords du manteau, et | 
pour montrer en même temps la profondeur des lacunes qui traversent cet organe et se 


rendent tout près de la surface externe de son bord ventral. (PI. IV À, fig. 6 c, c.) Tout 
nous porte à le croire, d’après ce que nous venons de dire, le manteau contient deux or- 
ganes distincts qui, malgré l'apparence de leur continuité, sont contigus seulement, et, 
selon toutes les probabilités, ne sont point destinés aux mêmes fonctions. Ne voulant point 
encore nous prononcer sur la nature de ces organes, et sentant la nécessité de les désigner 
d’une manière précise dans notre description, nous donnerons à l’antérieur le nom d’or- 
gane jaune, et au postérieur celui d’organe muqueux. 
L'organe jaune est plus lisse, son tissu paraît plus fin et plus serré que celui de l'organe 
muqueux; il recouvre, en dedans du manteau, la petite zone musculaire qui constitue le 
bord de cet organe attaché à la coquille. Nous avons cherché si, en parvenant au point 
où les palpes labiales externes s’attachent au manteau, il n’y aurait pas un canal excréteur 
creusé dans l'épaisseur de l'organe jaune et portant vers la bouche les produits de la sé- 
crélion, mais nous avons été trompé dans notre attente : nous avons trouvé lorgane dont 
nous parlons d’une nature uniforme dans toute son étendue, et, malgré les sections trans- 
verses que nous y avions faites à diverses hauteurs, nous n'avons aperçu aucune trace d’un 
canal nettement circonscrit. Seulement, au centre, nous avons observé un peu plus de 
mollesse et de porosité que vers la circonférence. Toutes ces observations préliminaires 
nous confirment donc dans l'opinion que nous avons manifestée précédemment. 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE GASTROCHÈNE. 23 


Nous avons aperçu, non-seulement par les sections transverses, mais aussi par des sec- 
tons longitudinales, que l'organe jaune pénètre entre les faisceaux musculaires du man- 
teau et s'approche ainsi beaucoup du point de son contact avec les bords des valves. 

Pour nous assurer si la différence extérieure entre l'organe jaune et celui qui lui suc- 
cède se conservait jusque dans la structure intime, nous en avons soumis au microscope 
des fragments détachés à diverses hauteurs, et il nous a semblé retrouver en lui tous les 
caractères d'un organe sécréteur, tel qu'il doit se montrer dans un mollusque acéphalé. Un 
parenchyme transparent, jaunâtre, contient, sous forme de grappes un peu confuses, des 
granules transparents, inégaux, irréguliers, amoncelés de manière à se toucher, laissant 
çà et là des lacunes très-irrégulières. I faut se servir d'un grossissement de quatre cent 
cinquante à cinq cents fois et du compresseur, pour voir bien distinctement la structure 
intime de l'organe en question. Si nous comparons des fragments de matière muqueuse 
prise dans l'organe muqueux, nous les trouvons transparents, presque entièrement dénués 
de granules et présentant, comme les autres mucosités, un lacis irrégulier de sortes de 
filaments, incertains dans leur contour, inégaux dans leur grosseur. 

La première idée que nous suggéra la découverte, et le premier examen des organes 
du manteau du Gastrochène, c'est qu'ils sont destinés à la sécrétion d’une liqueur acide 
devant transsuder à travers le manteau pour faciliter à l'animal la dissolution de la pierre 
dans laquelle il habite; mais en voyant l'extrémité postérieure se plonger derrière les 
branchies, au-dessus de l'ouverture du siphon anal, là où les œufs sont obligés de passer 
et de séjourner avant leur expulsion définitive, nous avons pensé que l'organe muqueux 
du manteau pouvait être comparé à un organe semblable qui existe dans les mollusques 
céphalés, et qui a pour usage de fournir aux œufs une certaine quantité de matière mu- 
queuse nécessaire à leur complet développement. Il serait donc possible que le manteau, 
qui, dans certains mollusques acéphalés, reçoit une partie des ovaires, füt ici destiné à 
sécréter une matière muqueuse qui viendrait s'amonceler dans des réservoirs particuliers, 
et y parviendrait en passant par les canaux et les lacunes que nous avons fait remarquer 
dans le tissu même de l'enveloppe générale de l'animal. Quant à l'organe jaune, nous lui 
attribuons la sécrétion d’une liqueur acide, et nous nous fondons sur des observations 
relatives à la sécrétion du tube, dont le Gastrochène enveloppe une grande partie de la 
cavité qu'il occupe. En cassant des pierres ou des polypiers habités par des Gastrochènes, 
il est facile de s’apercevoir que l'animal, avant d’être parvenu à l’état adulte, a un tube 
déjà assez épais en arrière, tandis qu'en avant il s'amincit graduellement et disparait de 
manière à laisser l'extrémité antérieure de l'animal en contact avec la pierre ou le poly- 
pier; et, ce qui est remarquable, c’est que la longueur de la portion ainsi dénudée est en 
juste proportion avec celle de l'organe jaune du manteau, d’où nous sommes porté à con- 
clure que cet organe est réellement destiné à fournir à une sécrétion spéciale, appelée à 
favoriser l’action de l'animal sur la pierre qu'il perfore. 

Les ovaires s'ouvrent derrière les branchies ou entre leurs feuillets, comme le savent 
aujourd'hui les zoologistes, depuis les travaux de Poli; il en est de même chez les Gastro- 
chènes, mais une fois les œufs müris dans les branchies ils tombent dans la cavité du 


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24 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


manteau qui précède l’ouverture du siphon anal; ils sont promptement expulsés parce qu'ils 
n’ont plus rien à demander à leur mère pour arriver à l'état parfait. Il n'en est pas tout à 
fait ainsi dans le Gastrochène; bientôt nous aurons à revenir sur les organes de la généra- 
tion, et c’est alors que nous exposerons les faits que nous avons observés à ce sujet. Mais 
nous devons ajouter ici, pour terminer ce qui a rapport à la surface interne du manteau , 
que l'on remarque dans la profondeur de sa cavité, immédiatement au-dessus de l'entrée 
du siphon anal, une surface subquadrangulaire (pl. IV B, fig. 3 e) couverte de plis nom- 
breux, communiquant avec l'extrémité de l'organe muqueux. Dans un de nos individus, 
nous avons trouvé ces plis encombrés de matière muqueuse, et Justement cet individu est 
l'un de ceux dont la ponte était commencée au moment où il a été plongé dans l'alcool. 


Tuge caLGaAIRE. — Dans un genre comme celui-ci, le manteau n’est pas seulement 
destiné à la sécrétion de la coquille, il remplit d’autres fonctions, celles de creuser la 
pierre que l'animal habite et de former le tube dans lequel il s’enferme lorsqu'il est par- 
venu à l’âge adulte. Nous n'avons pas à nous occuper ici de la sécrétion de la coquille ; 
nous nous proposons de donner, à ce sujet, tous les développements nécessaires, lorsque 
nous traiterons du Lavignon. Mais nous ne voulons pas laisser échapper l'occasion d'entrer 
dans quelques détails relatifs à la sécrétion du tube et à son mode de formation. 

La formation du tube dans les mollusques conchifères tubicolés n’est pas une chose 
aussi simple qu’on pourrait d'abord se l’imaginer. En effet, on le trouve à tous les âges et 
à des degrés de perfection relatifs aux diverses périodes de la vie; c'est ainsi que dans un 
Arrosoir jeune le tube est aussi complet que dans un individu plus vieux et plus grand. 
Comment l'animal contenu dans une cavité fermée de toutes parts parvient-il à l'agrandir ? 
Comment son extrémité postérieure surtout, ayant une ouverture très-petite dans le jeune 
se, s’est-elle agrandie? Ici l'explication qui conviendrait au Taret ne pourrait être admise, 


8 
car le Taret laisse son tube ouvert jusqu’au moment où il a acquis tout son développement, 


à 


el il peut, par conséquent, ajouter incessamment de nouvelles parties à son enveloppe, 
tandis que les Arrosoirs, les Clavagelles et les Gastrochènes, ceux du moins qui vivent 
enfoncés dans le sable, ont un tube complet, quels que soient leur volume et leur âge. Ceci 
devrait faire supposer dans les animaux de ces genres la propriété de dilater la cavité cal- 
caire qu'ils habitent, à mesure que leur accroissement l'exige, mais une telle supposition 
ne pourrait être accueillie, puisque le tube des animaux dont nous parlons présente des 
stries d’accroissement circulaires, qui semblent annoncer qu'il s’est formé d’arrière en 
avant, à peu près à la manière de celui des Tarets. Comment, cependant, concilier des 
faits qui paraissent se contredire? Nous croyons qu'il faut tenir compte d’une propriété à 
laquelle on n'a point fait assez attention, propriété dont jouissent un très-grand nombre 
de mollusques, celle de dissoudre des parties calcaires devenues inutiles pour eux, et 
d'opérer par ce moyen un transport continuel de la matière dont ils ont besoin pour la 
consolidation et l'agrandissement de toutes les parties solides qui les protégent. Nous pen- 
sons que dans les tubicolés, l'animal, dans une période déterminée de son existence, peut 
dissoudre une partie de son tube pour ajouter à la capacité devenue nécessaire par son 


A 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE GASTROCHENE. 95 


accroissement. La Clavagelle prouve ce que nous avançons; on ne pourrait concevoir autre- 
ment l’accroissement de la valve adhérente au tube; il faut nécessairement que la paroi 
du tube disparaisse là où elle est remplacée par la coquille, Si cette dissolution a lieu pour 
favoriser le développement de la valve adhérente, il faut bien qu’elle se fasse également 
dans toute la partie antérieure du tube dont les épines tubuleuses reçoivent un accroisse- 
ment graduel. Le fait prouvé à l'aide de la Clavagelle, l'est aussi par analogie dans les Arro- 
soirs et ceux des Gastrochènes sécrétant un tube isolé. 

Ce que nous venons d'avancer se trouve justifié par les observations que nous avons 
faites précédemment sur l'animal du Gastrochène de la Méditerranée. Le tube de cette 
espèce, comme nous l'avons dit, reste ouvert à son extrémité antérieure Jusqu'au moment 
où l'animal est parvenu à l’état adulte; cette ouverture correspond à l'organe jaune du man- 
teau dont nous avons donné la description. Si, comme nous le supposons, cet organe esl 
destiné à la sécrétion d’un acide, c’est lui qui, dans les Arrosoirs et les Clavagelles, détrui- 
rait à un instant donné une portion du tube et permettrait l'agrandissement de la cavité 
qu'habite l'animal. Pour admettre l'explication que nous proposons, il faut supposer à l'or- 
gane sécréteur de la liqueur acide une alternative de repos et d'activité, supposition qui 


sganes une 


n'a rien d'insolite, puisque d’autres animaux présentent aussi dans divers org 


périodicité notable dans leur turgescence et leur affaissement. 

Il faudrait actuellement expliquer comment se produit l'élargissement de louverture 
de l'extrémité postérieure du tube des genres de la famille des tubicolés. C’est par cette 
ouverture que passent les siphons de Fanimal; à mesure que ces parties prennent du 
volume , il faut de toute nécessité que le tuyau calcaire qui les reçoit augmente sa capacité. 
L'animal agit alors de deux manières pour obtenir ce résultat : il dissout les parties qui le 
gènent, et en ajoute d’autres qui lui sont devenues nécessaires, de sorte que, dans un 
temps, il raccourcit son tube pour en élargir l'entrée, et cependant y ajoute des portions 
plus où moins considérables, dont les accroissements indiquent bien le mode de formation. 
Ainsi, dans le clavagella bacillaris, par exemple, les invaginations de l'extrémité postérieure 
du tube sont évidemment ajoutées de dedans en dehors et d’avant en arrière, tandis que 
la partie du tube à laquelle ces invaginations sont superposées a un mode d’accroissement 
absolument inverse, c’est-à-dire d’arrière en avant. Ce phénomène se passe exactement de 
même dans le tube des Gastrochènes, et c’est ainsi que peut s'expliquer l'agrandissement de 
l'extrémité postérieure. Le tube résulte en réalité de deux accroissements en sens inverse, 
et qui ont pour point de jonction l'endroit où le diamètre du tube est égal à celui des 
siphons. Nous verrons bientôt que ce mode d’accroissement n’est pas le même pour le 
tube du Taret. 


ABDOMEN. — La masse abdominale est assez volumineuse et très-proéminente dans l'in- 
térieur de la cavité palléale; elle est un peu piriforme, surmontée, en avant et au milieu, 
d'un pied conique terminé en une pointe mousse que l'animal peut allonger assez consi- 
dérablement. (PI. IV 4, fig. 5 g. PL IV B, fig. 1 j; fig. 2 d; fig. 3 i.) Ce pied n’est point aplati 
comme dans les autres conchifères dimyaires, il est attaché à l'abdomen par une large base 


Zoo. — Mollusques. 1. 4 


. . Lt a em" 
a  — — = - 


26 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


fendue en arrière (pl. IV B, fig. 1 j; fig. 2 e), et tout nous porte à croire qu'il est pourvu 
d'un byssus, quoique nous ne l'ayons pas vu dans ceux des individus que nous avons dis- 
séqués; mais M. Philippi annonce d’une manière indubitable avoir trouvé un byssus dans 
le Gastrochène ; quelques particularités du pied, faciles à observer, nous donnent aussi la 
preuve de l'existence de cette partie. En effet, on remarque sur la ligne médiane et à la 
base du pied une sorte de crypte circulaire (k fig. 1, pl. IV B; fig. 2 f), fendu en arrière; 
cette fente se prolonge très-avant dans l'épaisseur de la base du pied et vient aboutir au 
muscle rétracteur postérieur de cet organe. Ce crypte et cette fente ont la plus grande 
ressemblance avec ces parties analogues bien connues dans les moules et dans les autres 
mollusques à byssus, d'où nous tirons cette conséquence que le byssus existe dans le 
Gastrochène, quoique les individus que nous avons vus ne l'eussent pas conservé ; il arrive 
souvent, au reste, de laisser le byssus attaché à la pierre, lorsque l’on veut en détacher 
trop violemment l'animal qui y est suspendu. 

Nous avons observé, dans quelques espèces de Peignes, un fait qui, se répétant ici, pour- 
rait donner l'explication de l'absence du byssus, dans certaines circonstances; le voici: un de 
ces animaux, placé librement et vivant dans un vase rempli d’eau de mer, s'était attaché 
vers le fond, au moyen d'un byssus très-fin; mais le lendemain nous le trouvâämes sus- 
pendu tout près du bord du vase, et, à notre grand étonnement, nous vimes que, pour par- 
venir à cette hauteur, l'animal avait abandonné cinq byssus dans sa route. Enfin, ce même 
individu se détacha de nouveau et resta libre pendant assez longtemps pour recommencer 
ensuite une manœuvre à peu près semblable. Peut-être le Gastrochène agit-il de même et 
chez lui le byssus est-il temporaire ; l'animal doit pouvoir tourner dans la cavité qu'il 
occupe pour porter son pied et son manteau sur les différents points de la paroi de la cavité 
qu'il doit agrandir. Cependant nous ne partageons pas l'opinion de quelques zoologistes 
qui supposent, chez les mollusques perforateurs, des mouvements de rotation multipliés, 
au moyen desquels et à l'aide de leurs coquilles ils agrandissent la cavité qu'ils habitent. 
Nous ne voulons pas ici traiter encore de la question si intéressante de la perforation des 
pierres par certains animaux ; nous la réservons pour une famille, dont tous les genres 
jouissent, à divers degrés, de la propriété perforatrice, et c’est alors que, résumant tout 
ce que la science possède et tout ce que notre propre observation peut y ajouter, nous dis- 
cuterons les diverses opinions, et nous tâcherons d'établir celles que depuis longtemps nous 
défendons. 


Mousczes appucrTeurs. -— Les muscles adducteurs, au moyen desquels l'animal est soli- 
dement fixé à sa coquille et fait mouvoir ses valves, sont extrêmement inégaux ; il y en a 
deux, comme dans les mollusques dimyaires, mais l’antérieur est tellement réduit que 
nous avons d'abord douté de son existence. Il faut le chercher derrière les crochets et 
vers l'extrémité antérieure du bord cardinal (pl. IV À, fig. d), parce qu’en effet, contrairement 
à ce qui existe dans la plupart des autres mollusques, il n’est pas placé immédiatement 
au-dessus de la bouche, mais beaucoup plus en arrière. La plupart des Gastrochènes ont, 


dans la cavité du crochet, une callosité irrégulière qui souvent remonte vers le bord car- 


Se A UT UT 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE GASTROCHÈNE. 27 


dinal pour se confondre avec lui ; cette callosité donne attache au muscle adducteur anté- 
rieur, Le muscle adducteur postérieur est beaucoup plus grand; il est subcirculaire et il 
s'attache solidement aux valves vers leur extrémité postérieure, un peu au-dessous du 
bord dorsal. (PL. IV À, fig. 4 a, a.) Ce muscle s’aplatit un peu dans son milieu, et il en résulte 
qu'étant coupé transversalement, sa tranche prend une forme ovalaire. (PI. IV B, fig. 3 f.) 

Le pied possède des muscles qui lui sont propres; ils sont connus des anatomistes sous 
le nom de rétracteurs. Ordinairement on trouve un rétracteur antérieur et un postérieur. 
Dans le Gastrochène, le muscle rétracteur postérieur seul existe; le muscle antérieur se 
trouverait remplacé par un épaississement fibreux notable de la partie antérieure de l'enve- 
loppe abdominale. Ce muscle rétracteur postérieur, simple dans la plus grande partie de 
son étendue (, fig. 3, pl. IV B), se bifurque en arrière pour venir s'attacher à la coquille, un 
peu au-dessus du muscle adducteur postérieur, laissant dans cette bifurcation un passage 


pour l'anus et l'aorte postérieur. (PI. IV B, fig. 4 a, a, et pl. IV À, fig. 4 b, b.) 


ORGANES DiGEsTirs. — Comme dans tous les autres mollusques acéphalés, on trouve l'ou- 
verture de la bouche à l'extrémité antérieure de la masse abdominale ; seulement elle n’est 
point au-dessous du muscle adducteur antérieur, car, ainsi que nous l'avons vu, ce muscle, 
extrêmement petit, est reporté plus en arrière dans la profondeur des crochets. Le manteau 
ici remplace le muscle et produit, au-dessus de l'ouverture de la bouche, une espèce de 
capuchon qu'il faut fendre dans toute sa longueur pour mettre à découvert cette partie 
importante de l'animal. La bouche consiste en une fente transverse étroite (pl. IV B, fig. 1 L), 
cachée entre deux lèvres membraneuses, égales, simples (pl. IV B, fig. 1 m, n; fig. 2 g, h), se 
continuant à leur extrémité, et, de chaque côté, en une paire de palpes labiales. (PL IV B, 
fig. 1 0,0, p, p; fig. 2 à, à, j, j; fig. 3 à, j.) Ces palpes diffèrent d’une manière notable de celles 
des Clavagelles; elles ne sont point lancéolées, mais subquadrangulaires et obliquement 
tronquées à leur extrémité libre; leur surface interne est chargée de très-fines lamelles, 
mais elles sont plus attachées au manteau et au corps de l'animal que dans la plupart des 
autres mollusques conchifères. La paire extérieure des palpes, en effet, est fixée au manteau 
dans une grande partie de sa surface externe; la paire interne, infléchie sur l'extrémité 
antérieure de la masse abdominale, y est attachée par une portion notable de son bord 
postérieur, de sorte que la portion flottante de ces organes est à peine des deux tiers de 
leur étendue. 

La bouche se continue en arrière en un canal œsophagien, long et étroit, comprimé 
(pl. IV B, fig. 3 k), qui, après avoir parcouru obliquement une portion notable du foie, se 
dilate en un estomac piriforme, situé tout près de la surface dorsale et compris également 
dans l’épaisseur du foie (pl. IV B, fig. 3 l); à la paroi inférieure de l'estomac se voit une 
ouverture pylorique (pl. IV B, fig. 3 m), d’où nait un intestin grêle qui, après s'être dirigé 
sans circonvolution au-dessous de la base du pied, se contourne un grand nombre de fois sur 
lui-même (pl. IV 4, fig. 6 f), se reporte ensuite en arrière, gagne le dos de l'animal au-dessus 
de la cavité stomacale, pour sortir enfin de la masse viscérale vers le milieu de la longueur 
de l'animal. À son issue, l'intestin pénètre à travers le ventricule; de là il descend dans la 


4. 


* Mél + 


28 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


ligne médiane dorsale, se place dans la bifurcation du muscle rétracteur postérieur du 
pied, se contourne sur la surface extérieure du muscle adducteur postérieur des valves 
(pl. IV 4, fig. 4,c, c; pl. IV B, fig. 4, b, b), et, enfin, se plonge dans la cavité du siphon 
anal, où il se termine en un anus flottant et légèrement dilaté à son extrémité. (PI IV B, 
fig. 2 k.) 

Ce système des organes digestifs ne présentant rien de bien particulier, nous ne devons 
pas nous y arrêter davantage. Le foie enveloppe dans presque toutes ses parties; cet or- 
gane n’est point d’une couleur verte, comme dans tous ceux des mollusques que nous avons 
jusqu'à présent disséqués (pl. IV 4, fig. 6 9, g. PL. IV B, fig. 3 m, m, m); peut-être cela est-il 
dû à une longue macération dans l'alcool des animaux dont nous avons disposé, et peut-être 
aussi nous devons attribuer à cette circonstance la compacité et la ténacité que nous avons 
remarquées dans cet organe. Ordinairement le foie des mollusques, plongé dans l'eau, se 
divise en lobes plus ou moins nombreux qu’une simple agitation suffit pour rendre mani- 
festes. Dans le foie du Gastrochène, nous avons trouvé toutes les parties fortement enchai- 
nées les unes aux autres, et il nous a été difficile de suivre quelques-uns des canaux biliaires 
les plus considérables. Ces canaux se dirigent pour le plus grand nombre vers le pylore, où 


ils débouchent en formant un crypte biliaire assez étendu. 


Ovame. — Nous avons trouvé l'ovaire très-développé dans tous les individus que nous 
a communiqués M. Cailhaud. Cet organe, comme nous le verrons par la suite, est ordinai- 
rement contenu tout entier dans cette enveloppe musculaire, épaisse, renfermant tous les 
viscères dans tous ceux des mollusques conchifères, nommés ténuipèdes par Lamarck. Cette 
enveloppe est réduite, dans les Gastrochènes, à une membrane très-mince, composée d’un 
double plan de fibres entre-croisées ; ces fibres partent de la base du pied pour s'étendre 
de là sur toute la surface de la masse abdominale. Ordinairement le muscle rétracteur du 
pied prend son origine de l’enveloppe fibreuse elle-même de l'abdomen ; il contribue à 
l'épaissir et assure sa solidité. Dans le Gastrochène, il n’en est pas ainsi, le muscle rétrac- 
teur du pied est situé au centre de la masse abdominale ; il la traverse d'avant en arrière, 
laissant au-dessous de lui une des parües les plus considérables de l'ovaire. Il résulte de 
cette disposition qu’une portion notable de cet organe semble faire une hernie au dehors, 
et on la reconnait facilement, car elle produit une protubérance considérable au-dessous 
du pied (pl. IV 4, fig. 5, k. PL IV B, fig. 1,p; fig. 2, k; fig. 3, n). L'ovaire, coupé en deux, 
offre une structure spongieuse bien évidente, mais cela est dû à la disposition particulière 
des oviductes qui, sous la forme de canaux irréguliers, parcourent tout l'organe, viennent 
converger à sa base, où ils se terminent en deux petites ouvertures, une de chaque côté, 
et que l’on découvre en arrière au-dessous des feuillets branchiaux. 

Dans un des individus dont nous avons fait la dissection, les œufs contenus dans l'ovaire 
étaient arrivés à leur état de maturité; un certain nombre était amoncelé au-dessous de la 
branchie, dans la cavité qui surmonte l'extrémité intérieure du siphon anal; les autres 
étaient libres dans l'ovaire et en nombre immense; car cet organe ne fut pas plus tôt ouvert 
que l'eau dans laquelle nous l'examinions à été troublée presque instantanément par cette 


CLASSE PREMIÈRE. -- GENRE GASTROCHÈNE. 29 


poussière organique, que nous nous empressâmes de mettre sur l'objectif du microscope, 
Ces œufs, la plupart affaissés, ont à peine un vingtième de millimètre de diamètre; ils ne se 
présentent pas sous la même forme (pl. IV 4, fig. 8); cependant, dans le plus grand nombre, 
elle est subtriangulaire (pl. IV À, fig. 8 a); d’autres affectent une forme subquadrangulaire 
(pl IV 4, fig. 8 6, b); tous ont une enveloppe membraneuse transparente, contenant à l'in- 
térieur un vitellus, dont une extrémité, rapprochée de la paroi, semble avoir été tout ré- 
cemment en communication directe avec la matière granuleuse de lovaire. Plusieurs de 
ceux que nous avons fait figurer présentent encore un petit canal ouvert, au moyen duquel 
la masse vitelline communique au dehors, et ce fait, que nous avons déjà signalé dans les 
Clavagelles, se montre assez clairement dans ceux des œufs encore attachés aux enveloppes 
de l'ovaire. Pour donner une idée de l'énorme développement de cet organe de la généra- 
tion, nous avons fait représenter la section transverse de l'animal qui fait le sujet de nos 
observations (pl. IV 4, fig. 7); l'envahissement de l'ovaire a fait disparaitre presque tous 
les autres organes et il a fini par remplir toute la cavité du manteau. Par cette section, les 
œufs détachés ont abandonné les cavités qui les contenaient, et on peut ainsi juger du 
nombre et de l'étendue des réceptacles ovifères. 


CIRGULATION. — II nous a été difficile de suivre dans leurs détails les organes de la cir- 
culation; leur injection devenait impossible dans des animaux trés-petits et violemment 
contractés par l'alcool. Le ventricule aortique est placé, comme à l'ordinaire, sur la ligne 
médiane et dorsale, à peu près au milieu de la longueur totale de l'animal. (PL IV 4, fig. 4 
d. PL. IV B, fig. 4 c.) Cet organe est pelit, subsphérique, assez épais, et il embrasse l’intestin, 
immédiatement à la sortie de la masse des viscères. De chaque côté de ce ventricule se 
développe une grande oreillette (pl. IV B, fig. À d, d) membraneuse, un peu plus épaisse 
cependant que dans beaucoup d’autres mollusques conchifères. Par son épaississement, elle 
se rapprocherait un peu de celle de la Clavagelle; mais, par sa forme aplatie sublobée, sub- 
quadrangulaire, elle s’en éloigne considérablement. Ces deux parties du centre de la cireu- 
lation sont contenues dans un large péricarde membraneux, creusé entre deux duplicatures 
du manteau. Après avoir glissé sous l'épaisseur du manteau, les oreillettes viennent aboutir 
au bord supérieur du feuillet interne des branchies, et c’est par là que s'établit la commu- 
nication entre elles et les organes de la respiration. Les animaux dont nous nous occupons 
ici sont d’un trop petit volume pour favoriser les recherches, au moyen desquelles on peut 
rendre évidente la communication directe qui existe entre les branchies et le cœur: nous 
avons réservé ces observations pour des animaux où elles sont plus faciles, et dont nous 
avons à notre disposition un assez grand nombre d'individus pour satisfaire à tous les besoins 
d’une dissection délicate et des plus difficiles. De l'extrémité antérieure du ventricule nait 
une aorte que l’on trouve immédiatement au-dessous de l'intestin et qui pénètre dans la 
masse viscérale, en profitant de l'ouverture par laquelle il passe. De l'extrémité postérieure 
de ce même ventricule naît encore un autre vaisseau : l'aorte postérieure, dont les bran- 
ches se distribuent aux siphons, au muscle postérieur et à une partie assez considérable 
du manteau. 


30 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


Un organe ambigu (pl. IV B, fig. 3 o; fig. 4 e, e), constamment en rapport avec les oreil- 
lettes, est situé immédiatement au-dessous du ventricule, s'appuie en partie sur le bord 
postérieur du muscle adducteur des valves, ainsi que sur la surface supérieure du muscle 
rétracteur du pied. Plusieurs zoologistes, et Poli, entre autres, l'ont considéré comme un 
organe de dépuration urinaire; d’autres anatomistes ont supposé qu'ayant des rapports avec 
l'ovaire il était destiné à compléter la fonction de la reproduction. L'étude approfondie 
que nous en avons faite, dans plusieurs mollusques acéphalés, nous a conduit à une autre 
opinion, fondée sur ce fait très-important que l'organe en question est toujours en commu- 
nication avec les oreillettes, d’un côté, et avec le système veineux de Pautre. Ses commu- 
nications avec les branchies nous ont paru non moins évidentes; d’où nous avons conclu que 
l'organe dont il s'agit accomplissait une fonction importante dans l'acte de la circulation. 
Nous ne pouvons développer ici cette opinion qui, pour être soutenue, a besoin de s’ap- 
puyer sur un grand nombre de preuves; aussi nous avons réservé cette question intéres- 
sante, pour la traiter au moment où nous serons arrivé à l'anatomie de mollusques plus 
gros, et chez lesquels cet organe ambigu est en proportion mieux développé que dans le 
Gastrochène. 


Brancuies. — Les organes branchiaux consistent , de chaque côté, en deux grands feuil- 
lets minces et transparents (pl. IV 4, fig. 5 ë, j; fig. 6, 4, g, k, k. PL IV B, fig. 1 q, r; fig. 2 
l, l,m,m), dont l'extrémité antérieure vient s’intercaler entre les palpes labiales, et dont les 
extrémités postérieures réunies se prolongent au-dessous de la masse abdominale et vien- 
nent occuper une partie de la cavité du siphon branchial. Ces feuillets branchiaux sont 
très-différents de ceux des Clavagelles : ils sont profondément détachés entre eux, ils ne 
sont point égaux; le feuillet extérieur est de beaucoup plus étroit que l'interne; ils sont 
minces, membraneux, plissés; et, ainsi que dans les Clavagelles, le feuillet externe se pro- 
longe en arrière , à partir du point de jonction des feuillets entre eux, disposition d'après 
laquelle on pourrait croire à l'existence de trois feuillets branchiaux : deux grands qui se- 
raient redressés de chaque côté de l'animal, et le troisième, postérieur, s'enfonçant vers 
le dos et occupant ainsi la partie la plus profonde de la cavité palléale. Mais il résulte d’un 
examen très-attentif de cette branchie que ce troisième feuillet provient en réalité de la 
prolongation de la paroi extérieure du feuillet branchial externe. Il faut se rappeler, pour 
comprendre cette structure, quelle est l'organisation la plus habituelle des feuillets bran- 
chiaux : ils sont toujours formés de deux parois un peu écartées à la base et se dirigeant 
l'une vers l'autre en formant un coin allongé, dont le bord aigu constitue le bord libre du 
feuillet branchial, Si l'une de ces parois, l'extérieure, est beaucoup plus longue à sa base, 
cette portion excédante représente alors ce troisième petit lobe branchial dont nous parlions 
tout à l'heure. Les parois des feuillets branchiaux sont réunies entre elles par des cloisons 
transverses, régulièrement espacées (pl. IV B, fig. 4 f, ff) et se prolongeant dans toute la hau- 
teur de chaque branchie, de manière à les diviser en canaux dont l'ouverture est quadran- 
gulaire. C'est dans ces canaux que viennent se loger les œufs au sortir de l'ovaire, et où 
ils subissent une incubation branchiale ; mais le Gastrochène paraît faire exception à cette 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE GASTROCHENE. 31 


règle générale ; les œufs restent accumulés derrière la branchie, dans la cavité plissée située 
au-dessus du siphon anal, et dans laquelle aboutissent les canaux des organes muqueux. 
Lorsque, au-dessous de la masse abdominale, les feuillets branchiaux ont été réunis, ils 
contractent avec le pourtour intérieur du siphon anal une adhérence, au moyen de laquelle 
la cavité de ce siphon se trouve complétement isolée de celle du manteau. C’est dans cette 
cavité que se trouve cette portion plissée à laquelle aboutit l'organe muqueux du manteau. 
Aussitôt que l'on a détaché et soulevé cette portion postérieure de la branchie, on trouve. 
en dessous, deux rangées de perforations pénétrant entre les parois des feuillets. Ces per- 
forations sont à la suite de celles que nous avons fait remarquer à la base des branchies, 
dans les portions situées le long du corps, et elles en continuent la série. 

En portant sous le microscope un fragment du feuillet branchial externe , nous l'avons 
trouvé composé de deux plans de vaisseaux dirigés dans deux sens opposés (pl. IV 4, fig. 9). 
c’est-à-dire que les uns sont transverses et les autres longitudinaux; mais il nous a paru 
remarquable de trouver ces deux systèmes de canaux fortement ondulés sur eux-mêmes, 
de manière à former quelquefois des angles très-aigus. Peut-être cette disposition est- 
elle purement accidentelle et due uniquement à la contraction violente des animaux, 
contraction à la suite de laquelle l'organe branchial s'est trouvé fortement plissé. Cepen- 
dant, nous devons le dire, dans bien des occasions nous avons observé des branchies plis- 
sées par la contraction ; mais nous avons toujours vu disparaître ces plissures lorsque nous 
placions l'organe entre deux lames de verre. Quoique nous ayons pris cette précaution pour 
l'observation de la branchie du Gastrochène, nous n'avons pas vu se redresser les deux Sys- 


tèmes vasculaires dont elle est composée. 


 SysrÈme NERVEUX. — Nous avons recherché les principales parties du système nerveux 
et nous les avons trouvées à peu près conformes à ce qu'elles sont dans tous les autres 
mollusques acéphalés dimyaires. En soulevant l'extrémité postérieure des branchies, on 
met à découvert une grande partie de la surface interne du muscle adducteur postérieur 
des valves; vers son bord supérieur se montrent deux petits ganglions jaunätres, rappro- 
chés et accolés par leur bord interne. De ces ganglions partent en arrière deux gros nerfs, 
qui descendent en divergeant et en parcourant toute la surface du muscle. Ces nerfs sont 
aplatis, et lorsqu'ils sont parvenus à l’origine des siphons, ils s’y enfoncent pour s'y distri- 
buer, après avoir donné des branches aux parties postérieures du manteau. Du bord supé- 
rieur des ganglions naissent quatre branches principales : les deux premières se portent à 
la base des branchies et descendent dans la partie postérieure de ces organes; les deux 
autres branches pénètrent dans la masse viscérale, donnent un peut filet cardiaque, s’en- 
foncent dans l'ovaire et dans le foie, en suivant à peu près la direction de l'insertion du 
manteau et de la branchie sur le dos de l'animal; parvenues vers l'extrémité antérieure du 
corps, dans la profondeur des crochets, ces branches aboutissent à deux petits ganglions 
antérieurs, assez rapprochés et communiquant entre eux au moyen d'un filet transverse de 
commissure. Ces ganglions antérieurs fournissent une branche de chaque côté, que l'on 
voit se diriger vers les bords du manteau; d'autres branches, plus petites, se portent à la 


32 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


bouche et aux palpes labiales. Il est à présumer qu'il existe un ganglion propre au pied et 
à la masse viscérale ; mais nous n’avons pu le trouver, n'ayant pu suivre les nerfs qui, des 
ganglions antérieurs, se dirigent vers lui. Comme on le voit, ce système nerveux ne diffère 
en rien d’essentiel de ce qui est déjà connu dans d’autres mollusques, et lon devait s’y 
attendre d'après l'organisation de l'animal dont nous venons de donner la description. 


CONCLUSIONS. 


En terminant notre travail sur le genre Clavagelle, nous avons témoigné le regret de ne 
pouvoir comparer les animaux des trois genres de la famille des tubicolés, le genre Gastro- 
chène nous manquait, et, sans la communication bienveillante de M. Cailliaud, nous n’au- 
rions pu combler enfin cette lacune. Si des imperfections se laissent remarquer dans 
notre travail, nous trouvons notre excuse dans le peu de temps dont nous avons pu dis- 
poser, n'ayant pas voulu laisser échapper l'occasion de faire prendre à nos observations 
leur place dans cet ouvrage ; quelques individus d’un animal fort petit sont quelquefois 
insuffisants, même à l’anatomiste le plus exercé, pour dévoiler tout ce qui est curieux et 
intéressant dans une organisation assez compliquée; on ne doit donc pas s'attendre à trou- 
ver une anatomie complète des Gastrochènes, mais des renseignements à l'aide desquels 
les zoologistes détermineront, d’une manière rigoureuse, les rapports du genre avec ceux 
qui lavoisinent le plus. 

Il nous paraît évident que le Gastrochène a beaucoup plus de rapports avec l'Arrosoir 
qu'avec la Clavagelle ; pour s’en convaincre, 1l suffit de rapprocher nos figures de celles de 
M. Rüppell. I sera facile alors de constater la ressemblance du pied, celle de la forme et 
de la position de la masse abdominale; la bouche elle-même, si elle a des palpes diffé- 
rentes, dans l’Arrosoir ainsi que dans le Gastrochène, est cachée dans les deux genres, non 
par le muscle adducteur antérieur, mais par le manteau, auquel adhère la paire supérieure 
des palpes labiales. Les branchies, par leur structure et leur position dans les Arrosoirs 
et les Gastrochènes, ont plus de ressemblance qu'avec celles des Clavagelles. Il en est de 
même des siphons, quoique chez les Arrosoirs ils soient plus épais et plus complétement 
réunis que dans les Gastrochènes. 

Il nous semble utile d'insister sur ces faits, car ils tendent à faire admettre dans la 
famille des tubicolés deux types bien distincts d'organisation : dans l'un, se trouverait le 
genre Clavagelle seul, et, dans l'autre, les deux genres Arrosoir et Gastrochène. Peut-être 
les différences que nous apercevons ne seraient-elles pas suffisantes pour justifier l’établisse- 
ment de deux familles; mais il serait possible que, de ce point commun de départ, on 
trouvât l'origine de deux embranchements parallèles dans une petite partie de la classifi- 
cation. Pour en donner un exemple, le genre Pétricole serait une suite du type des Gas- 
trochènes, tandis que les Byssomyes et les Saxicaves se rattacheraient au type des Clava- 
gelles. Nous nous abstenons à dessein de poursuivre plus longtemps ces idées ; nous aurons 
plus d’une fois occasion de les développer, à mesure que nous aurons mis sous les yeux 
des naturalistes l'anatomie d’un plus grand nombre de mollusques conchifères. 


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ET AVEC LE CONCOURS D’UNE COMMISSION ACADÉMIQUE 


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HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES 


27e, 


PAR M. DESHAYES 


MEMBRE DE LA COMMISSION SCIENTIFIQUE D'ALGÉRIE 
CHEVALIER DE LA LÉGION D'HONNEUR 


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TROISIÈME LIVRAISON 
CONTENANT 
Taxre : feuilles 5 à 8 
Arras, expl. des pl. : feuilles 4 et 5 


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Library of the Museum 


OF 


COMPARATIVE ZOÜLOGY, | 


AT HARVARD COLLEGE, CAMBRIDGE, MASS. 
Dounded by private subscription, fn 1861, 


IV 


DR. L. DE KONINCKS LIBRARY. 


No. 


MCZ LIBRARY 
HARVARD UNIVERSITY 
CAMBRIDGE. MA USA 


. 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE GASTROCHÉNE. 33 


Il est intéressant pour l'anatomie générale des mollusques et pour leur physiologie d’avoir 
trouvé, dans le manteau du Gastrochène, des organes spéciaux dont on rencontrera peut- 
être les analogues dans d'autres genres plus ou moins rapprochés de celui-ci. Ces organes 
doivent accomplir des fonctions différentes, si l'on en juge d’après leur structure et leur 
position, dans des régions bien distinctes de l'animal. L’un sécrète d’abondantes mucosités 
au moment où s'accomplit la dernière période de l'acte de la génération. Jusqu'ici ce fait 
est unique dans les mollusques conchifères, car, le plus souvent, le dernier développement 
des œufs se fait pendant lincubation branchiale; et nous verrons plus tard, lorsque nous 
en serons venu à l'anatomie des Mactres, qu'il existe chez ces animaux des organes parti- 
culiers qui, ayant des connexions directes avec les branchies, fournissent probablement aux 
œufs tout ce qui est nécessaire à la dernière période de leur accroissement. Nous supposons 
au second organe spécial du Gastrochène des fonctions toutes différentes et plus en rapport 
avec les mœurs de l'animal. Nous attribuons à cet organe une sécrétion acide, au moyen 
de laquelle l'animal peut agrandir la cavité pierreuse dans laquelle il habite. 

L’épaisseur du manteau et sa structure spéciale, dans les trois genres de tubicolés dont 
nous avons parlé jusqu'ici, ne sont point un fait que l’on doit laisser inaperçu; une Organi- 
sation telle que celle-là nous parait commander, chez ces animaux, les mœurs qui les 
caractérisent. Chez eux, l'accroissement s'opère sur deux choses bien distinctes : une 
coquille plus ou moins développée et un tube; il faut que l'animal agisse à la fois sur sa 
coquille, pour augmenter par sa circonférence, et sur son tube, pour ajouter à sa capa- 
cité, en l’allongeant par ses deux extrémités. Or, dans les Arrosoirs ainsi que dans les Clava- 
gelles et les Gastrochènes à tube libre, ce tube est complet à tous les âges : il faut donc, 
pour expliquer son accroissement, supposer à l'animal la faculté de le dissoudre, au moins 
dans celles des parties devenues insuffisantes. La Clavagelle démontre, de la manière la plus 
irrévocable, cette dissolution partielle du tube; la valve incluse ne peut s’accroitre que 
pendant les courts moments de cette dissolution, aussi elle est toujours plus petite que la 
valve libre : ce qui prouve, à notre avis, une différence notable dans la durée des deux 
périodes de la vie de l'animal. 


Rien, dans l'organisation des Gastrochènes, ne vient déranger la classification de ce genre; 
il reste à la suite des Arrosoirs, dans la famille des tubicolés, à laquelle nous avons fait 
subir depuis longtemps une réforme importante, en transportant dans celle des Pholades 
les genres Taret, Cloisonnaire et Térédine : à la vérité, ces genres sont pourvus d’un tube, 


mais ils appartiennent à un autre type d'organisation, comme on en demeurera convaincu, 
lorsque l’on aura étudié avec quelque soim l'organisation du Taret et des Pholades. 

Nous complétons ce qui a rapport au genre Gastrochène en y ajoutant la description de 
la coquille, dont nous avons disséqué l'animal; nous avons cherché à rectifier sa nomen- 
clature, et à rendre plus exacte sa synonymie. 


Zoo1. — Moliusques. 1. 


rer eu 


Le ——— —— 


+ 


N—- 


| 
J 
| 


34 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


1. GASTROCHOŒNA DUBIA. Deshayes. 


G. Vaginà clavatà, ampullaceà, inclusà, posticè attenuatà, intüs bicarinatà; carinis æqualibus oppositis. 
Testà ovato-oblongà, angustà, irregulariter striatà, umbonibus subterminalibus, prominulis. 


Balano minimo, Gixaxni, Op. post. tom. Il, pag. 35, pl. 23, fig. 164. 
Mya dubia, PennanT, Brit. Zool. 1777, tom. IV, pag. 82, pl. 44. 

Chama parva, D'Acosra, Conch. Brit. 1778, pag. 234, n° 58. 

Pholas pusillus, Ovrvi, Adrit. pag. 93, n° 2. 

Pholas pusilla, Port, Test. utr. Sicil. tom. I, pag. 5o, pl. 7, fig. 12, 13. 
Mya dubia, Doxovan, Brit. shells, tom. INT, pl. 108. 

Mya pholadia, MonraGu, Test. Brit. pag. 28, n° 1; et pag. 559. 

Pholas faba, PurrNey, Dors. cat. pag. 27. 

Mya dubia, Dorser, Cat. pag. 27, pl. L, fig. 11. 

Mya dubia, Woon, Univ. Conch. pag. 102, pl. 25, fig. 2, 3. 

Gastrochæna modiolina, Lamarck, Anim. sans vert. tom. V, p. 447, n° 3. 
Mytilus Ambiquus, Dirzwyn, Cat. tom. I, pag. 304, n° 9. 

GastrochϾna pholadia, Turrox, Conch. Brit. pag. 18, pl. 2, fig. 8, 9. 
Gastrochœna modiolina, SowerBy, Genera of shells, fig. 1. 

Mya dubia, ve Gervirze, Catal. des coquilles de la Manche, pag. 11, n° 1. 
Fistulana hians, Desnayxes, Encycl. meth. vers. tom. Il, pag. 141, n° 3. 
Fistulana modiolina , Croucn. Lamarck’s Conch. pag. 6, pl. 2, fig. 12. 
Gastrochæna cuneiformis, Derze Craie, Anim. sans vert. pl. 83, fig. 16, 22. 
Corarp-pes-CnÈres, Cataloque des coquilles du Finistère, pag. 9. 
Gastrochæna modiolina, Boucn. Cnanrreaux, Cataloque des mollusques du Boulonnais, pag. 8, n° 4. 
Gastrochœna cuneifornus, Purcippr, Enum. Moll. Sicil. tom. I, pag. 2. 

Desuayes, dans Lamarck, Anim. sans vert. 2° édit. tom. VI, pag. 49, n° 3. 

Desrrayes, Traité élémentaire de Conch. p. 34, pl. 2, fig. 4, 5. Gastr. dubia. 

Gastrochæna modiolina, CaïzrrauD, Notice sur le genre gastr. Mag. de z0ol. 1843, pag. 2, pl. 69, 70, 71. 
Gastrochæna modiolina , Hanzey, Ind. Test. pag. 10. 

An Gastrochœna cuneiformis ? Forges, Report on OEgean invert. pag. 142. 

Gastrochæna Polü, Parriprt, Enum. Moll. Sicil. tom. IT, pag. 3. 


FOSSILIS. 


Pholas hians, Broccar, Conch. foss. subap. tom. I, pag. 592, pl. 11, fig. 14, a, b. 
Idem, Corresi, Saggio geol. pag. 4o, n° 4. 
Gastrochæna pholadia, S. Woo», Cat. of shells from the crag. Ann. nat. hist. Décembre 1840, pag. 245. 


Habite Rachgoun, toute la Méditerranée, l'Océan d'Europe. 
Fossile en Italie, en Sicile, et dans le crag d'Angleterre. 


Comme notre synonymie le constate, et comme le prouvent aussi les nombreuses obser- 
vations que nous avons faites, cette espèce est répandue dans tout l'Océan européen et se 
trouve sur presque tous les points de la Méditerranée. C’est à Malte particulièrement, dans 
les calcaires tendres, dont la majeure partie de cette île est constituée, que cette espèce 
se rencontre en plus grande abondance. En pénétrant dans les masses calcaires, elle y 


4 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE GASTROCHÈNE. 35 


creuse une poche piriforme revêtue en dedans d’un tube testacé, rétréci en arrière et ter- 
miné par un étranglement un peu prolongé au-dessus de la surface de la pierre. Cette par- 
üe du tube est ovalaire et elle présente en dedans deux crêtes opposées, assez aiguës, de 
sorte que, dans la section transverse, cette portion du tube offre assez exactement la forme 
d'un 8. La coquille contenue dans cette poche est mince, transparente, d’un blanc laiteux 
en dedans, jaunâtre en dehors. Cette coquille est très-inéquilatérale ; ses crochets se termi- 
nent à l'extrémité antérieure; ils sont grands, protubérants et tournés en spirale d'environ 
trois quarts de tour. Le bäillement antérieur est très-grand, il s'étend jusque vers l’extré- 
mité postérieure des valves; la surface extérieure est couverte de stries fines, irrégulières, 
résultant des accroissements. Le ligament est linéaire, extérieur; sa longueur est égale au 
quart de la longueur de toute la coquille. L’impression musculaire antérieure est fort 
petite, placée sur la callosité du bord cardinal; elle se continue avec l'impression palléale, 
dont la ligne n’est point nette comme celle de beaucoup d’autres mollusques; elle est, en 
effet, formée d’un assez grand nombre de petites impressions musculaires isolées. L’im- 
pression musculaire postérieure est grande, subcirculaire, et elle présente un appendice 
étroit qui remonte en avant et qui n’est autre chose que l'impression du muscle rétracteur 
du pied. Le smus palléal est triangulaire et profond; son sommet remonte jusqu'à la moitié 
de la longueur des valves. Les individus fossiles que nous avons sous les yeux ne nous 
offrent aucune différence avec ceux qui vivent actuellement. 
La longueur de cette espèce est de 10 millimètres, et sa largeur de 23. 


SECONDE FAMILLE. 


LES TÉRÉDINITES. — Deshayes. 


GENRE TROISIÈME. 


TARET, Tsereno. Linné. 


HISTOIRE ABRÉGÉE DU TARET. — La plupart des navigateurs ont autrefois accueilli avec 
trop de crédulité l'histoire de mollusques gigantesques, monstres marins surgissant au 
milieu des tempêtes, et se jetant à l’improviste sur les bâtiments en danger. Si l’on en 
voulait croire les récits d'hommes égarés par la crainte, certains de ces animaux, autant 
par leur poids que par leur force, auraient été capables de faire sombrer sous voiles un 
bâtiment de haut bord. Un naturaliste du commencement de ce siècle, qui, par un style 
brillant, une imagination féconde, a joui de quelque renom, Denys de Montfort, a fait de 
vains efforts pour accréditer ces fables en inscrivant dans le Buffon de Sonnini, sous le 


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36 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


nom de kraken, un Poulpe gigantesque dont il emprunte la figure à un ex-voto suspendu 
dans une chapelle du Havre. 

Aujourd'hui les observateurs plus éclairés ne redoutent plus ces dangers imaginaires ; 
leur attention se porte sur un mal beaucoup plus grand, plus réel, quoique moins apparent, 
dont les marins et les ingénieurs cherchent quelquefois en vain à garantir les constructions 
maritimes. L'ennemi redoutable qu'ils cherchent à détruire est un petit mollusque vermi- 
forme, d’une extrême mollesse, mais jouissant de cette singulière propriété de perforer 
en tous sens les bois plongés dans la mer; l'histoire en fait foi, son existence s’est souvent 
révélée dans des circonstances désastreuses. Le Taret, le plus nuisible et le plus destructeur 
des mollusques, est suffisamment signalé par ce que nous venons de dire. 

On sera surpris, sans doute, en apprenant qu'un animal aussi remarquable n'ait point 
trouvé, parmi les naturalistes récents, d’historiens ou d’anatomistes pour en raconter les 
mœurs ou en dévoiler la structure organique. On conviendra, cependant, qu'aucun mol- 
lusque ne méritait, autant que celui-là, d'attirer l'attention des observateurs qui, depuis 
le commencement de ce siècle, ont illustré la zoologie. N'est-ce point, en effet, une mo- 
dification bien singulière que celle d’un mollusque acéphalé, se présentant sous la forme 
d’un ver, armé en avant d’un rudiment testacé pouvant à peine couvrir la trentième partie 
de son corps? N'est-ce pas aussi un spectacle curieux, que de voir un animal d’une extrême 
mollesse, dépourvu de point d'appui, attaquant les bois les plus durs et les creusant de 
galeries profondes dans toutes les directions? Il semble que les naturalistes auraient dû 
rechercher depuis longtemps, dans l'organisation des Tarets, quels sont les agents au moyen 
desquels un être si frêle attaque et détruit des corps si durs, et par là ils eussent rendu 
service à la marine, en indiquant les moyens de se prémunir de cet ennemi redoutable. 
Mais, en cela, ils ont été prévenus par des hommes étrangers à l’histoire naturelle, qui, 
après des tentatives infructueuses, sont enfin parvenus à découvrir les moyens de garantir 
les bois destinés aux constructions navales. Cependant il pourrait se faire que des obser- 
vations continuées avec patience par des naturalistes instruits, sur des Tarets vivants, en 
dévoilant les moyens que les jeunes emploient au sortir de l'œuf pour s'attacher au bois 
et y pénétrer, conduisissent à des procédés très-simples, peu dispendieux et non moins 
efficaces que ceux qui sont actuellement en usage. 

Quoique nous ayons témoigné le regret de ne pas trouver dans les fastes de la science 
un travail un peu complet sur les Tarets, il n'est pas à dire que ce genre de mollusques 
ait été totalement oublié; au contraire, il a été signalé de tout temps, et peut-être est-ce 
lui qu'Aristote a désigné sous le nom de Tenthredo, au neuvième livre de son histoire 
des animaux. S'il reste quelque doute qu’Aristote connût le Taret, il ne peut plus y en 
avoir à l’égard des auteurs latins. En effet, ils le mentionnent au sujet des dégâts qu'il 
produit dans les constructions navales, et c’est de cette manière que l’on acquiert la cer- 
utude que cet animal a été connu de Vitruve, de Pline, d'Ovide et de Théophraste sur- 
tout, dont la courte description ne permet pas le moindre doute. On peut même attribuer 
à ces deux derniers auteurs le nom classique de teredo, appliqué d’une manière certaine 
à Fanimal marin qui attaque et détruit les bois. Chez ces divers auteurs, on ne trouve 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE TARET. 37 


presque autre chose que la citation du Taret; ils gardent un silence absolu sur ses mœurs 
et sur les caractères extérieurs au moyen desquels on pourrait le reconnaître. Aussi, pour 
rencontrer des renseignements plus précis et plus étendus, il faut franchir une longue 
série de siècles, pendant laquelle le Taret, aussi bien que tout ce qui touche à l'histoire 
naturelle, ont été laissés dans le plus profond oubli. 

Au xvr siècle, lorsque se manifesta en Europe et en Italie surtout, ce grand mouvement 
qui tourna les intelligences vers les sciences et les arts, il se trouva des hommes dont la 
vie, pleine d’études et de recherches, s'était passée plutôt au sein de l'antiquité qu'au 
milieu des événements de leur siècle. La profonde érudition qui se montre à chaque page 
de leurs immenses travaux leur a donné les moyens de nous transmettre, dans toute leur 
grandeur, les trésors littéraires dans tous les genres que nous ont légués les anciens. Parmi 
ces hommes illustres, quelques-uns, dirigés par un goût plus spécial, ont eu assez de 
patience et de talent pour dresser l'inventaire de ce que les ouvrages des anciens con- 
üennent en histoire naturelle. 

Comme nous le savons déjà, le Taret a été mentionné très-brièvement et quelquefois 
d'une manière obscure dans les ouvrages des anciens, il n’est donc point étonnant de ren- 
contrer cette brièveté et cette obscurité dans les commentateurs; nous sommes obligé de 
passer sous silence les ouvrages de Belon, de Vottonius, de Rondelet, d'Aldrovande, de 
Gessner, etc. qui, à la vérité, peuvent être utilement consultés pour d’autres animaux, 
mais qui n’ont rien ajouté aux anciens sur le mollusque qui nous occupe. 

Au commencement du siècle dernier, l'attention de l'Europe entière fut appelée sur des 
désastres imminents dont la Hollande se trouva soudainement menacée. Les digues des 
polders, soutenues par de nombreux pilotis, n’offraient plus une suffisante résistance aux 
efforts de la mer; rongés par les Tarets, les pilotis tombaient vermoulus, et c’est alors que 
les magistrats firent un appel à la science, et promirent de grandes récompenses à qui- 
conque trouverait un remède efficace à un mal dont le plus prochain résultat était de faire 
rentrer sous l'empire des mers une vaste étendue de pays, péniblement conquis sur elles. 

Ces dangers imprévus dont la Hollande était menacée firent accréditer en Europe cette 
opinion que le Taret avait été nouvellement transporté des Indes, déposé dans les mers 
de la Hollande, et que de là il s'était propagé dans tout l'Océan européen. Les pénibles 
préoccupations des esprits pouvaient seules faire accueillir cette Opinion, car il fallait 
oublier l'histoire de la Hollande elle-même; en effet, en 1580, Hooft publiait un ouvrage 
dans lequel il se plaignait déjà du ravage des Tarets. Il fallait oublier aussi une lettre publiée 
par un savant anonyme, en 1666, dans le Journal des Savants, dans laquelle on trouve la 
preuve que les Tarets n’ont point cessé leurs dégâts sur les côtes de la Hollande. Les nou- 
veaux faits actuellement acquis à la science réfutent de la manière la plus irrévocable 
l'opinion de la récente invasion du Taret dans les mers de l'Europe ; le premier, nous l'avons 
fait observer, le Taret commun, celui de la Hollande et des ports de France, se trouve 
actuellement à l’état fossile, dans les terrains tertiaires de l'Italie et dans le crag d’Angle- 
terre, terrains dont le dépôt remonte à une époque antérieure à l'existence de l’homme 
sur le continent européen, et pendant laquelle les conditions d'existence des êtres étaient 


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38 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


à très-peu près ce qu'elles sont actuellement. Rien n’a donc pu s'opposer à la présence du 
Taret dans nos mers depuis les temps les plus reculés, et il n’est point surprenant qu'il se 
soit rapidement propagé dans des lieux où tout était favorablement disposé pour cela. 

L'appel fait par les magistrats hollandais, dans les circonstances critiques que nous 
venons de rappeler, ne resta point stérile; de nombreux articles de journaux, des mémoires 
et même quelques ouvrages plus complets et plus étendus furent alors publiés. Pour le 
plus grand nombre, ces écrits sont sans importance aux yeux du naturaliste; leurs auteurs 
cherchent un remède au mal que le Taret produit; mais, étrangers à une science encore 
dans l’enfance, ils ne voient dans ce mollusque qu’un ver blanc armé de mâchoires à l'aide 
desquelles il se creuse des galeries dans le bois, prenant ainsi la coquille pour un appareil 
de mastication; sans parler toutefois d’autres erreurs indignes d’être rectifiées. De toutes 
ces recherches, de tous les ouvrages publiés, nous ne devons pas oublier qu'il en est résulté 
pour la marine de très-grands avantages. L'emploi du goudron, des résines, du vernis, fut 
justement préconisé ; l'usage de revêtir de lames métalliques les bois des pilotis et la carène 
des navires date aussi de cette époque. Nous devons signaler à la reconnaissance de nos 
navigateurs le nom des deux constructeurs anglais qui, les premiers, imaginèrent de dou- 
bler de plomb laminé la surface des vaisseaux, pour les préserver des dégâts du Taret : 
Philips Howard et le major Watson obtinrent du roi et du parlement un privilége de 
plusieurs années pour exploiter leur découverte. 

Comme nous le disions, de tous ces ouvrages, un petit nombre mérite d’être consulté 
par les naturalistes; parmi eux nous mentionnerons les observations de Valisnieri (1715), 
à la suite desquelles il donne quelques détails anatomiques remplis d'erreurs; mais ayant 
découvert que les œufs du Taret s’attachent à la surface des bois plongés dans l’eau, il 
proposa lemploi d’une machine qui devait frotter la surface des pilotis dans le temps du 
frai; mais on conçoit que ce moyen n'a point été adopté. Quelques années après, Deslandes 
donna un mémoire, inséré dans l'Histoire de l'Académie (1720); l'auteur confond évidem- 
ment un annélide avec le Taret véritable, en attribuant à cet être complexe les caractères des 
deux sortes d'animaux. En 1733, parurent, presque en même temps, des recherches intéres- 
santes sur les vers à tuyau, par Rousset, un traité sur le même sujet par Massuet, une pre- 
mière édition de l'ouvrage de Sellius, dont nous parlerons bientôt, et enfin un opuscule 
anonyme qui parut à Nuremberg, chez Peter Monath. En consultant ces divers ouvrages, 
on y remarque çà el là quelques observations intéressantes, mais aucun document utile 
sur l’organisation du Taret, sur ses rapports avec lés autres animaux. 

L'ouvrage de Sellius, qui eut une seconde édition en 1753, mérite une attention plus 
spéciale. Ce savant, plein d’érudition, dut consacrer plusieurs années de sa vie aux recher- 
ches qui lui furent nécessaires pour accumuler les nombreux documents dont il fit usage 
dans son important ouvrage ; malheureusement les sciences naturelles étaient peu avan- 
cées; l’histoire des animaux, des ordres inférieurs surtout, était ignorée; on ne connais- 
sait pas plus la structure anatomique du Taret que celle de tous les autres mollusques. 
H était donc impossible d'établir de comparaison et de déterminer exactement les rap- 
ports de ces animaux dans une méthode naturelle. Il était même impossible d'éviter de 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE TARET. 39 


nombreuses erreurs dans la détermination des organes, et c'est là en effet ce que l’on 
remarque dans l'ouvrage de Sellius, ainsi que dans ceux des auteurs qui, à la même 
époque, ont cherché à décrire le Taret. Pour être juste, il ne faut point imputer à Sellius 
et aux auteurs ses contemporains les fautes que nous trouvons dans leurs écrits, il faut 
les attribuer à limperfection de la science. Rappeler que ces naturalistes prenaient l'ovaire 
pour une viscosité jaunâtre et transparente, le foie pour une viscosité noirâtre, l'intestin 
pour le système vasculaire, etc. suffira sans doute pour nous dispenser de réfuter de sem- 
blables opmions. 

Adanson , dont le nom grandit chaque jour, à mesure que l'on étudie plus profondément 
ses immenses travaux, dès 1737, avait indiqué les rapports naturels des Tarets avec les 
Pholades, dans son Voyage au Sénégal et dans un mémoire spécial publié, en 1759, dans 
le Recueil de l’Académie des sciences. Cette opinion, toute nouvelle, était bien remar- 
quable pour une époque où Linné, ce législateur de l’histoire naturelle, confondait, depuis 
plus de dix ans, les Tarets dans un genre indigeste qu'il nomme dentalium. H faut lire la 
dissertation d'Adanson pour se faire une idée exacte de l'esprit juste et profond de ce savant 
observateur. Après une description complète du tube et de la coquille du Taret, Adanson 
donne aussi une courte description de l'animal; mais, pour ne pas tomber dans les erreurs 
de ses devanciers, et comprenant bien qu'il manque, comme eux, des moyens de deviner 
l'usage des diverses parties intérieures de l’animal, il se borne à saisir les caractères exté- 
rieurs et à les comparer à ceux des genres les plus avoisimants. Adanson a trouvé la plus 
grande ressemblance entre la coquille du Taret et celle de la Pholade; il voit dans le tuyau 
charnu du premier de ces genres une simple modification du manteau des autres acépha- 
lés, ce qui est de la plus grande justesse; les deux tuyaux ou siphons qui terminent le 
manteau, 1l les trouve semblables à ceux des Pholades et de beaucoup d’autres genres : 
observation qui n’est pas moins juste que la précédente. Notre auteur fait remarquer aussi 
la grande ressemblance qui existe entre extrémité antérieure des Pholades et celle des 
Tarets; dès lors il ne faut pas être surpris de la conclusion définitive d’Adanson, par laquelle 
il met en contact les deux genres dont nous venons de parler. 

Lorsque nous traiterons d’une question naturellement soulevée à l’occasion des Tarets, 
celle qui a rapport aux moyens employés par l'animal pour pénétrer dans le bois, nous 
aurons à constater de nouveau toute la supériorité d’Adanson dans Part d'observer. 

Nous avons vu Linné confondant les Tarets dans son genre Dentale, en le désignant tou- 
tefois sous le nom de {ubus vermicularis. Cette confusion subsista dans tous les ouvrages de 
Linné, depuis la première jusqu'à la dixième édition du Systema naluræ ; mais alors, en 
admettant enfin le genre teredo, si nettement défini par Sellius et par Adanson, Linné, 
pour ne pas accepter l'opinion de cet excellent observateur, entraina les Tarets dans la classe 
des vers intestinaux. Ceci paraîtra d’autant plus incompréhensible que Linné connaissait 
l'ouvrage de Sellius. Enfin, dans la douzième édition du Systema naturæ, le célèbre auteur 
de cet ouvrage constitua un quatrième groupe dans les testacés, pour y ranger à la fois Les 
Tarets à côté des Patelles, des Dentales, des Serpules et des Sabelles, se refusant toujours 
d'admettre la judicieuse opinion d'Adanson. 


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A0 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


Nous ne répéterons pas ce que savent tous ceux des naturalistes qui se sont occupés des 
progrès de la science et de son histoire. Les successeurs de Linné, devenus ses admira- 
teurs exclusifs, adoptèrent sans restriction ses méthodes et se refusèrent constamment à Y 
introduire les changements que de nombreuses découvertes rendaient chaque jour plus 
nécessaires. En présence de cette fâcheuse stabilité de presque tous les savants de l'Europe, 
il faut payer un Juste tribut de reconnaissance à un naturaliste français qui, admirateur des 
grands services rendus aux sciences par le vaste génie de Linné, crut mieux honorer la 
mémoire de ce grand homme en conservant l'esprit de ses classifications, mais en cher- 
chant à les perfectionner pour les mettre en harmonie avec les faits nouvellement acquis 
à la science. Si Bruguière a été heureux dans la plupart de ses tentatives de réforme, il l'a 
été beaucoup moins en établissant dans la classe des vers testacés une section des multi- 
valves dans laquelle se trouve le Taret, dans le voisinage des Pholades et des Fistulanes, 
mais aussi dans celui des Oscabrions, des Anatifes, des Anomies, etc. genres qui n’ont pas 
plus de rapport entre eux qu'avec le Taret lui-même. 

En adoptant les divisions générales de Bruguière, Lamarck les modifia dans son premier 
essai de classification des coquilles, publié en 17993; mais cette réforme, timide encore, 
état insuffisante, et Cuvier, qui, dès ses premiers débuts, avait dévoilé la supériorité de 
ses vues, proposa, pour la classe des vers de Linné une réforme radicale, fondée sur l'ap- 
préciation sévère des caractères profonds de l'organisation des êtres. En suivant une route 
ouverte par Adanson depuis plus d'un demi-siècle, Cuvier se rencontra avec lui au sujet 
des Tarets; car dans son tableau élémentaire, publié en 1798, il fait entrer le genre en 
question dans la classe des mollusques acéphalés, et le place à côté des Pholades et des 
Fistulanes. À quelques années de là, Lamarck, dans son système des animaux sans vertèbres, 
mit à profit les vues nouvelles de Cuvier, rejeta définitivement la classification de Bru- 
guière, et partagea les acéphalés conchifères en ceux dont la coquille a les valves égales, 
et en ceux dont les valves sont inégales. À cette époque, Lamarck considérait encore le 
tube des Tarets et des Fistulanes comme le développement exagéré de lune des valves de 
la coquille. De cette opinion résulta pour Lamarck la nécessité d’entrainer les Tarets parmi 
les coquilles inéquivalves, quoique en réalité, dans ce genre, la coquille soit à valves par- 
faitement égales. 

Un naturaliste, dont les travaux méritent presque toujours d’être cités avec éloge, quoi- 
qu'ils soient trop abrégés au gré du lecteur, M. de Roissy, le savant continuateur du traité 
des mollusques, dans le Buffon de Sonnini, rejeta l'opinion de Lamarck au sujet des 
Tarets ; il préféra judicieusement celle d’Adanson et de Cuvier, à laquelle Lamarck enfin 
se rangea aussi lorsque , dans sa philosophie zoologique, il distribua les animaux en familles 
naturelles. Nous n'avons pas à examiner ici la valeur de cette nouvelle classification des 
mollusques, due au célèbre auteur des Animaux sans vertèbres; il nous suffit de constater 
la présence du genre Taret dans la famille des pholadaires, dans ses rapports naturels avec 
les Pholades et les Fistulanes. 

Nous devons terminer ici l'histoire abrégée du genre qui nous occupe, car, à dater de 
l’époque où nous sommes arrivé, nous trouvons chez tous les naturalistes une uniformité 


nr 7 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE TARET. Al 


remarquable dans la classification du Taret. Des variations sans importance ne peuvent 
nous empêcher de conclure que cet assentiment de tous à une même opinion prouve sa 
justesse, et entraîne son adoption définitive lorsqu'elle est appuyée, comme ici, sur de 
bonnes observations. 

Pour résumer cette courte histoire, il est constant que le Taret a été connu et men- 
üonné des anciens. Les dangers dont la Hollande à été menacée ont déterminé un grand 
nombre de personnes à s'occuper de l'histoire naturelle de ce mollusque, à une époque où 
malheureusement la science et l’art d'observer n'étaient point assez avancés : il en est 
résulté une lacune dont la science se ressent encore aujourd'hui; car aucun naturaliste 
récent n'a pris le Taret pour sujet de ses études : il a fallu remonter jusqu'à Adanson, et 
revenir enfin à son opinion pour bien classer le genre dont il s’agit, après lui avoir fait 
parcourir dans les méthodes de nombreux circuits. Nous pouvons donc aflirmer que, si le 
Taret est suffisamment connu pour déterminer ses rapports naturels, et, par conséquent, 
la place qu'il doit occuper dans la méthode, son anatomie est encore ignorée : c’est à 
combler cette lacune que nous avons consacré les recherches dont nous allons exposer les 
résultats. 


PARTIES TESTAGÉES DU TARET. — Rappelons d'abord, en quelques mots, les principaux 
caractères du tube et de la coquille du Taret. Cette courte description nous paraît indis- 
pensable pour faire mieux comprendre l'animal et ses rapports avec ses parties testacées. 

Il est difficile d'obtenir entiers et libres des tubes de Taret pour en faire une étude 
complète. Inclus dans un corps solide et élastique, on tente en vain de les en détacher, 
et, pour les obtenir, il faut choisir quelque circonstance favorable : c'est ainsi que l’on peut 
s'attacher à dégager les vieux individus, contenus dans des bois fragiles et vermoulus, par 
un très-grand nombre de jeunes que l’on sacrifie à la conservation de quelques-uns. Cest 
alors qu’à force de patience, et en enlevant le bois par petites parcelles, on parvient à dé- 
gager des tubes entiers; mais le moyen le plus sûr serait de laisser pourrir le bois assez 
longtemps pour que lon püt dégager sans peine les tubes de Taret, qui y sont contenus. 


LE Tu8e. — Lorsque l'on est parvenu, par un moyen quelconque, à obtenir entière- 
ment libre et complet un tube de Taret, on lui reconnait facilement, malgré ses irrégu- 
larités, une forme conique très-allongée. (PL. V, fig. 1 b, c.) L'extrémité la plus large est 
l'antérieure : elle est naturellement ouverte lorsque l'animal n’est pomt encore parvenu à 
tout son accroissement; elle est fermée par une calotte demi-sphérique lorsqu'il est à l’état 
adulte. (PI. V, fig. 1 e.) Dans le premier cas, la partie antérieure de l'animal se trouve 
encore en contact avec le bois; dans le second, il est complétement isolé dans un tube 
fermé de toutes parts, si ce n'est à son extrémité postérieure. Le tube n’est pas lisse 
et droit, comme dans la plupart des autres genres de la famille des tubicolés ; il est irré- 
gulièrement contourné, souvent boursouflé, et en cela il a quelque ressemblance avec le 
gros intestin des mammifères. Si l’on considère la structure de ce tube, on le trouve plus 
épaus vers son extrémité postérieure; et si l’on examine, sous un grossissement suffisant, 


Zooz. — Mollusques. 1. 6 


12 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


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ses cassures, on s'aperçoit qu'il a une structure plutôt fibreuse que lamellaire. On peut 
déjà se douter de cette structure par la manière dont s'opère la cassure, à laquelle on ne 
trouve pas ces éclats irréguliers des corps calcaires composés de lames superposées. 

L'extrémité postérieure mérite une attention spéciale, à cause de la singularité de sa 
structure. Si l'on prend un tube cassé près de cette extrémité, on s'aperçoit que la cavité 
intérieure éprouve un rétrécissement considérable dans son diamètre, à un point déter- 
miné de sa longueur; au point de ce rétrécissement, au lieu d’une ouverture circulaire, 
on en voit une ovalaire, et, si l’on pénètre dans son intérieur, on voit s'y élever insensi- 
blement, en face lune de l'autre et au milieu des parois les plus larges, deux crêtes 
aiguës s’élargissant peu à peu et se joignant enfin, ce qui donne à l'ouverture, au point de 
leur jonction, la forme d’un 8. Bientôt ces deux crêtes, complétement réunies, déter- 
minent à l’extrémité du tube la présence de deux ouvertures presque égales, au lieu d’une 
seule ovalaire que l’on voit du côté intérieur. (PL. V, fig. 1 c.) Nous devons ajouter que, 
depuis l'entrée de l'ouverture ovalaire jusqu'à l'issue des deux ouvertures rondes à l’exté- 
rieur, la cavité va graduellement en se rétrécissant, et l’on s'aperçoit par là qu'elle est 
destinée à contenir des organes d’une forme conique. 

On pourrait attribuer cette différence remarquable entre l’ouverture ovalaire intérieure 
et le diamètre du tube, à l'accumulation que produit animal de la matière calcaire, pour 
donner à cette partie de son tube plus de solidité. Il n’en est pas tout à fait ainsi, et il 
suffit d'user l'extrémité d'un tube de Taret sur un grès à grains fins, pour voir que toute 
cette partie, épaissie par le dedans, est remplie de cloisons obliques assez régulières des- 
tinées à soutenir au centre le tuyau bifurqué qui commence à l'ouverture ovalaire dont 
nous avons parlé. (PI. V, fig. 1 d.) Ces cloisons s'ajoutent à mesure que l’animal s’accroit; 
ces additions se font par l'intérieur du tube; mais comme les organes qui passent à travers 
les ouvertures terminales s’accroissent aussi, il faut de toute nécessité que les ouvertures 
du jeune âge s’agrandissent, et pour cela il suffit à l'animal de laisser agir le temps et les 
circonstances ambiantes. En effet, nous avons toujours trouvé l'extrémité des vieux Tarets 
corrodée par une sorte de carie, au moyen de laquelle une partie plus ou moins notable 
du tube a disparu, et l'on conçoit que cette dégradation lente agissant sur des canaux 
coniques, doit élargir les ouvertures terminales, de plus en plus, à mesure que le tube se 
raccourci. 

Lorsqu'il est parvenu à l’état adulte, le Taret, comme nous l'avons dit, ferme son tube 
hermétiquement à son extrémité antérieure. Il arrive cependant, et plusieurs fois nous 
avons fait cette remarque, que le tube est partagé par une cloison transverse, située plus 
ou moins haut vers son extrémité antérieure. Cela prouve d'une manière bien évidente 
la possibilité où est l'animal, après avoir sécrété une portion assez considérable de tube, 
de s’amaigrir, de se contracter sur lui-même, de manière à occuper un moindre volume 
et à trouver inutile une portion notable de lhabitation qu'il s'était préparée. Ce phé- 
nomène a lieu probablement après l'acte de la génération, au moment où, l'ovaire étant 
vidé, l'animal a réellement un moindre volume. Nous ne pensons pas que ces cloisons 
doivent persister pendant tout le reste de l'existence des individus qui les ont faites; nous 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE TARET. L3 


supposons à l'animal la propriété de les dissoudre et de continuer son accroissement jus- 
qu'au terme fixé per la nature pour son espèce. 

La coquizze. — Si l'on compare l'étendue de la coquille à celle de l'animal, on peut 
la considérer comme rudimentaire, puisque, en effet, elle ne protége qu'une très-petite 
portion de l'extrémité antérieure du mollusque auquel elle appartient. { PL. V, fig. 1 a; pl. VE, 
fig. 14,2 a, 3 a.) Cette coquille est très-singulière; dans quelques espèces, les valves 
réunies forment un petit anneau étroit; dans d’autres, les valves s’élargissent, et néanmoins 
elles restent extrêmement büllantes à leurs extrémités antérieure et postérieure. On trouve 
entre cette coquille et celle des Pholades, une très-grande analogie; lon conçoit facile- 
ment pourquoi, d’après elles, les zoologistes rapprochent ces deux genres. Ce rappro- 
chement est, d'ailleurs, justifié par la découverte récente de ces espèces de Pholades qui 
attaquent le bois comme le Taret, et qui ont une coquille courte et subglobuleuse. 

Comme dans toutes les autres coquilles bivalves, les valves du Taret ont quatre bords et 
deux surfaces : le bord antérieur est formé de deux parties qui se joignent en formant un 
angle rentrant presque droit (pl. VI, fig. 10, c, d; fig. 4 a, b, c); le bord postérieur est 
un peu oblique, d'arrière en avant, et cette disposition des deux bords réduit le bord 
ventral ou inférieur à un seul point. (PI. VI, fig. 4 d, d; fig. 3 b, b.) Mais ce point est 
épaissi à l’intérieur des valves par une sorte de bouton calcaire, dont la surface extérieure 
est plane (pl. VE, fig. Le, e; fig. 3 c, c); par ce moyen les valves, en se rapprochant, 
trouvent l’une contre l’autre un appui d’une assez grande solidité. Le bord dorsal ou supé- 
rieur est plus allongé; il est partagé en deux portions inégales, dont l’antérieure est la plus 
courte (pl. VE, fig. 2 a, b; fig. À a, f, a, f); au point de jonction de ces deux parties s'élève 
un tubercule irrégulier (pl. VE, fig. 4 f, f), dont le sommet s'appuie sur celui de la valve 
opposée, car dans le Taret il n'existe ni ligament, ni charnière articulée. On conçoit, 
d’après cette disposition, combien les valves sont vacillantes l'une sur l'autre, lorsqu'elles 
ont été séparées de l'animal, puisqu'elles n'ont entre elles de contact que par deux 
points opposés de leur circonférence. Lorsque l’on examine le bord dorsal sous un grossis- 
sement convenable, on y aperçoit des traces évidentes d’une érosion qui en a détruit une 
partie. Cette érosion s'explique par la présence d’appendices particuliers du manteau qui, 
ainsi que dans les Pholades, se renversent sur la surface extérieure de la coquille. 

Dans toutes les coquilles, comme on le sait, les stries d’accroissement suivent le contour 
des valves lorsque ces stries sont dans le sens de l'accroissement; c’est ce qui se montre 
dans le Taret; et, malgré la singularité de sa forme, ces stries sont d'une admirable régula- 
rité ; elles se disposent en plusieurs zones correspondant aux diverses régions de la coquille. 
La première zone est antérieure (pl. VE, fig, 1 a, b, c, e; fig. 2 a, b, c); les stries qui s'y 
montrent sont les plus grosses; elles tombent perpendiculairement de l'angle antérieur 
jusque vers le milieu de la coquille. D'autres stries, beaucoup plus fines, partent de celles-ci, 
sous un angle presque droit et dans une direction oblique, pour gagner le bord ventral. 
Cette deuxième zone (pl. VI, fig. 1 ce, d, e; fig. 2 d, d) s'arrête brusquement dès le milieu 
de la largeur des valves; là s’en montre une troisième (pl. VE, fig. 1 jf, g), étroite, formant 


6. 


>. 


a 
Es = 5», À 


Ll HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


une ceinture sur laquelle s'élèvent, à de plus grandes distances, un petit nombre de stries 
fortement arquées en avant. Au-dessous de cette zone, l'extrémité postérieure de la coquille 
est parfaitement lisse, du moins dans le teredo navalis, dont nous parlons ici. (PI VI, 
fig. 1 k, h; fig. 2 e, e.) Ces stries, qui garnissent tout le côté antérieur des valves, sont 
remarquables non-seulement par leur finesse et leur régularité, mais encore par les den- 
telures excessivement fines dont elles sont hérissées. Plusieurs auteurs leur ont attribué 
une fonction spéciale; car ils ont cru qu’elles servaient à l'animal pour corroder lentement 
le bois; mais jamais ces stries n’ont subi le moindre frottement, cela est bien évident 
pour nous; leur finesse, jointe à leur parfaite conservation, donne une preuve suffisante 
qu'elles n'ont point l'usage qu'on leur attribue. Dans l'opinion d'autres personnes, le 
bord antérieur des valves, aigu et tranchant, aurait pu servir aussi à couper le bois, au 
moins à en détacher des parcelles; mais il suffit de faire attention à la courbure générale 
de la coquille, à ses rapports avec celle de la cavité où elle se trouve, pour s’apercevoir 
à l'instant même que les bords des valves ne peuvent couper le bois, en effet, ils sont 
au-dessous des stries que nous avons mentionnées, et celles-ci devraient être usées avant 
que les bords abrités sous elles pussent opérer le moindre frottement. Il résulte donc des 
observations que nous venons de présenter que la coquille du Taret n’est point un instru- 
ment perforateur, au moyen duquel l'animal pénétrerait mécaniquement dans l'intérieur 
du bois. Il faudrait, pour soutenir l’opinion contraire à la nôtre, supposer au Taret une 
force, au moyen de laquelle il pourrait appuyer fortement sa coquille contre les parois de 
la cavité qu'il doit creuser, et la faire agir ensuite, par des mouvements alternatifs, un 
grand nombre de fois répétés. Nous le verrons bientôt, rien dans la structure de l'animal 
ne pourrait justifier cette hypothèse. 

En examinant la surface interne des valves, on remarque d'abord, dans chacune 
d'elles, une grande apophyse saillante, aplatie, courbée dans sa longueur, et partant de la 
cavité des crochets où elle est attachée par continuité de substance. {PL VI, fig. 4 9, g.) 
Cette apophyse se rencontre aussi dans toutes les Pholades, ce qui ajoute à l’analogie qui 
se montre entre ces deux genres. La plus grande partie de la surface interne est lisse ; 
mais, à l'extrémité postérieure, on trouve, sur une large surface un peu plus épaisse, une 
grande impression musculaire, ovalaire, oblique, subtransverse. (PI. VL, fig. 4 h, h.) Cette 
impression est la seule que l’on remarque dans intérieur des valves; nous verrons bientôt 
qu'il en doit être ainsi, puisque l'animal n’a qu’un seul muscle adducteur. 

Les mouvements des valves du Taret ne doivent pas être aussi rapides que dans la 
plupart des autres mollusques acéphalés, le muscle adducteur ne trouvant pas dans un 
ligament une force en opposition à la sienne. Il faut donc, lorsqu'il a rapproché les valves, 
que le muscle se distende lentement, pour qu'elles s’écartent de nouveau par le seul fait 
de cette distension. 


Les paLETTES. — Indépendamment des parties solides dont nous venons de parler, le 
Taret en porte encore d’autres d’une moindre importance, mais des plus singulières et des 
plus caractéristiques du genre. A l'extrémité postérieure de l'animal, là où les siphons se 


ne — a ne —  — 
CLASSE PREMIÈRE. — GENRE TARET. A5 


bifurquent, il existe un anneau musculaire assez épais (pl. V, fig. à a, a), dans lequel est 
inséré, de chaque côté, un appendice calcaire dont la forme est variable selon les espèces , 
et qui, dans le Teredo navalis, a la forme d’une véritable palette, pouvant se comparer à 
l'instrument dont les blanchisseuses se servent pour battre le linge. (PL V, fig. 4, 5 c, d.) Ces 
palettes sont égales, insérées par leur pédicule dans l'anneau musculaire, et elles ont pour 
usage de fermer l'ouverture postérieure du tube, lorsque l'animal a rentré ses siphons par 


une forte contraction. ÿ'A 


DE L'ANIMAL pu rareT. — Le Taret est, sans contredit, l'animal qui, par sa forme et ses 
caractères extérieurs, s'éloigne le plus des autres mollusques de la même classe. Il se pré- 
sente en effet sous la forme d’un ver mollasse d’un blanc jaunâtre, portant à l'extrémité 
antérieure, qui est la plus grosse, la petite coquille que nous avons décrite. Contrairement 
à ce qui a lieu dans tous les autres mollusques acéphalés bivalves, la plus grande partie du 
Taret se trouve en dehors de sa coquille, et rejetée dans une portion du manteau qui, 
habituellement , est destinée à d’autres fonctions. 

IL suffit de mettre l’un à côté de l’autre un Taret, une Pholade, une Mye, pour s’aper- 
cevoir à l'instant même de l'énorme différence existante entre le premier de ces animaux 
et les deux autres. Ce qui frappe le plus dans cette comparaison, c'est la disproportion 
dans la grandeur relative des coquilles qui, dans les uns, protège tout lanimal, tandis 
que, dans le Taret, elle abrite seulement son extrémité antérieure. Le manteau, comme 
on le comprend, a dû subir le premier des modifications très-profondes. Cependant il n’est 
pas impossible, comme nous le verrons bientôt, de ramener cet organe à la règle générale, 
en expliquant les diverses transformations qu'il a subies. 


LE MANTEAU. — Pour faire comprendre les modifications du manteau du Taret, il nous 
a paru nécessaire de rappeler brièvement les caractères principaux de cet organe dans la 
plupart des mollusques acéphalés, dimyaires et siphonés. Remarquons d'abord ce fait 
essentiel : le manteau revêt la surface interne de la coquille qu'il sécrète; il en a la forme, 
et il enveloppe tout l'animal enfermé entre les valves. Lorsque les bords du manteau sont 
bâäillants dans une partie de leur contour, la coquille le devient elle-même sur le même 
point; car il est rare de rencontrer des exceptions comme celles que nous avons fait re- 
marquer dans les Clavagelles et les Gastrochènes, animaux chez lesquels le manteau vient 
fermer le bâäillement des valves. Dans l’ensemble de sa forme, on peut considérer le man- 
teau des mollusques dont nous parlons comme un véritable sac, plus où moins ouvert en 
avant pour le passage du pied. Cette enveloppe, servant à revêtir les valves et l'animal entier, 
se prolonge en arrière en deux siphons ou canaux charnus plus ou moins longs, plus ou 
moins gros, tantôt désunis dans toute leur longueur, tantôt réunis et soudés en partie ou 
en totalité. Ces prolongements du manteau, destinés à apporter l’eau nécessaire à la nu- 
trition et à rejeter les excréments, sont toujours attachés au manteau, au-dessous du corps 
de l'animal, de sorte qu'ils ne reçoivent aucun organe; si ce n’est dans quelques genres, où 
lon voit l'extrémité des feuillets branchiaux venir flotter dans la cavité du siphon ventral 


A6 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


qui, à cause de cela, a reçu aussi le nom de siphon branchial. Ainsi, règle générale, 
dans tous les mollusques acéphalés siphonifères, toute la masse des viscères est située en 
avant de l'ouverture intérieure des siphons. Que ces organes soient réunis ou désunis, leur 
ouverture intérieure ést séparée par une sorte d’éperon ou de bride transverse, Des muscles 
rétracteurs, plus ou moins considérables, se terminent en un tendon assez épais qui vient 
s'attacher à l’origine des siphons, ordinairement aux extrémités de la bride transverse qui 
en sépare les ouvertures intérieures. 

Voyons maintenant s'il est possible de comparer le manteau du Taret avec celui des 
autres mollusques. Nous appliquerons le nom de manteau dans cet animal, uniquement à 
la partie de cet organe qui revêt l'intérieur de la coquille, tout le reste, pour nous, appar- 
tent aux siphons, et il nous sera assez facile de le démontrer. La portion du manteau 
contenue dans la coquille en conserve exactement la forme et présente des caractères assez 
analogues à ce qui se voit dans les autres mollusques de la même classe. (PL. IX 4, fig. 1, 
et fig. 3 a, a.) Ainsi elle est épaissie sur les bords, elle laisse un large bâäillement en avant, 
correspondant à celui des valves, et elle s'amincit en arrière dans la cavité des crochets, 
exactement de la même manière que dans les Pholades. Nous avons fait remarquer, en dé- 
crivant la coquille, que son bord ventral, très-court, était consolidé par un épaississement 
particulier terminé par une surface plane sur laquelle les deux valves s'appuient. Le man- 
teau présente au bord ventral deux dépressions correspondant exactement aux parties sail- 
lantes de la coquille dont nous venons de parler. Quoique les deux lobes du manteau soient 
réunis le long du bord ventral d’une manière permanente, il suffit néanmoins du plus léger 
examen pour apercevoir la ligne de leur jonction; elle se montre aussi nettement que dans 
ceux des autres mollusques, où les lobes du manteau sont soudés dans une plus ou moins 
grande proportion de leur longueur. 

Nous avons déjà vu par les deux mollusques précédemment décrits que les bords épais- 
sis du manteau contiennent une série de petits muscles particuliers, au moyen desquels 
l'animal fait rentrer les bords du manteau et les fait sortir entre les bords de sa coquille. 
Ces muscles, comme on le sait, viennent s'attacher sur la coquille, et leur insertion y laisse 
une trace linéaire connue sous le nom d'impression palléale. On ne remarque aucun vestige 
de cette impression dans la coquille des Tarets, et cela s'explique, car, quoique les bords 
du manteau soient épaissis, comme nous l'avons dit, ils ne contiennent aucune partie de 
cet appareil musculaire ; aussi il en résulte chez le Taret limmobilité des bords du manteau ; 
il en résulte également ce fait très-remarquable que cet organe n'est point attaché à la 
coquille qu'il sécrète, et c'est déjà là une des anomalies les plus singulières que nous ayons 
à signaler dans la structure de animal qui nous occupe. Mais, en revanche, la coquille 
est, pour ainsi dire, saisie dans des appendices particuliers du manteau; l’un d’eux est une 
prolongation de l'extrémité antérieure; elle est destinée à se renverser en arrière sous la 
forme d'un écusson et à saisir, pour ainsi dire, les valves par leurs bords antérieur et supé- 
rieur pour les consolider dans leurs rapports mutuels. (PI. V, fig. 3 g; pl. VI, fig. 1 4, 
fie. 2 j, fig. 3 d; pl. VIE, fig. 1 et 2 a; pl. VUE, fig. 1 a; pl. IX 4, fig. 1 et 3 b.) Le bord dor- 


sal laisse, en arrière des crochets, un écartement entre les valves ; il est rempli par une 


DE ASE = — < eee ve rene a a 
CLASSE PREMIÈRE. — GENRE TARET. A7 


partie saillante du manteau que l'on reconnait à sa forme demi-cylindrique. (PI. VI, fig. 1 j, 
fig. 2 g; pl. IX 4, fig. 1 et 3 c.) La base de ce cylindre s'épanouit, de chaque côté, 
en une membrane assez épaisse, demi-circulaire; elle embrasse la partie postérieure des 
valves, en s'appuyant sur elle. (PI. VI, fig. 2 k, 4; pl. IX 4, fig. 1 et 3 d.) Ces expansions 
du manteau ont pour usage, sans doute, de consolider les valves dans leurs rapports, mais 
elles ne peuvent suppléer à l'absence de charnière et de ligament, car elles n'ont point 
d'adhérence immédiate avec le test; d’ailleurs elles n’ont, dans leur structure, rien qui 
pourrait donner lieu à cette supposition ; car, pour remplacer le ligament, il faudrait qu’elles 
eussent des appareils musculaires s'attachant à la coquille, mais ces fibres manquent, comme 
nous allons le voir par l'examen plus approfondi de la structure du manteau. 

Les apophyses saillantes dans l'intérieur de la coquille se plongent dans l'épaisseur 
des organes; mais ainsi que toutes les autres parties calcaires, elles sont revêtues par le 
manteau qu'elles ont, pour ainsi dire, poussé devant elles. On voit en effet cet organe 
pénétrer dans les cavités où étaient logées les apophyses en question. (PI. IX 4, fig.1e,é.) 
Lorsque lon a un peu abaissé l'écusson postérieur du manteau, on aperçoit au-dessous de 
lui deux membranes (pl. XI 4, fig. 1 f, f), saillantes, un peu divergentes, et qui sont desti- 
nées à s'interposer entre les valves, le long de leur bord dorsal postérieur. 

La portion du manteau contenue dans l'intérieur de la coquille est d’un blanc jaunâtre, 
elle est transparente, et elle présente, comme nous le disions, un contour épaissi exactement 
semblable à celui de la coquille. Dans cet épaississement, on remarque un organe sécréteur 
certainement destiné à produire l'accroissement de la coquille. Tout le bord antérieur con- 
tent aussi un vaisseau assez considérable, dont on aperçoit les principales ramifications, 
parce qu'elles sont indiquées par des organes particuliers qui, sous forme de granulations 
Jaunes, accompagnent ces vaisseaux dans leurs principales divisions. Deux ou trois troncs 
principaux descendent dans l'intérieur des parois du manteau et y constituent un réseau 
qui devient très-fin, surtout vers le bord postérieur. Les vaisseaux, ainsi que les organes 
dont nous avons parlé, sont contenus entre les deux parois du manteau, et ces parois sont 
rattachées l'une à l'autre par un très-petit nombre de fibres ir régulièrement distribuées et 
formant un réseau à mailles inégales, dans lequel sont dispersés de très-petits organes que 
Jusqu'ici nous n'avons aperçus chez aucun autre mollusque. 

Lorsque l’on porte sous le microscope une portion du manteau et qu'on la soumet à 
un grossissement de 50 diamètres, par exemple, ces organes apparaissent sous la forme de 
granules beaucoup plus gros, à la vérité, que ceux que l’on remarque dans le manteau 
du Lavignon, mais que l'on pourrait croire préparés pour l'épaississement de la coquille. 
Si l’on augmente le grossissement et qu'on le porte jusqu'à quatre ou cinq cents fois, on 
reconnait alors, dans chacun de ces granules, un petit organe glanduleux, jaunâtre, sub- 
sphérique, mamelonné à sa surface. Tous ces petits organes ne sont pas du même volume ; 
nous en avons remarqué quelques-uns qui, plus aplatis et plus étendus, nous ont montré 
leur véritable structure ; chaque mamelon constitue une petite vésicule parfaitement cir- 
conscrite, fixée par la plus grande partie de sa surface aux vésicules environnantes ; nous 
avons observé souvent une structure analogue à celle-ci dans le foie de plusieurs mollusques 


L8 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


acéphalés. Si, dans la plus grande partie de la surface du manteau, ces petits organes 
sont disséminés, en suivant la direction des vaisseaux, quelquefois ils constituent de petits 
amas, dans lesquels sont réunis une vingtaine de globules, et alors ces amas ont l'appa- 
rence de petites glandes; mais nous sommes forcé d'avouer que nous ne pouvons deviner 
quel est l'usage des organes dont nous venons de parler. 

Indépendamment des organes glanduleux en question, on remarque encore à la surface 
du manteau, celle qui touche la face interne de la coquille, un très-grand nombre de fines 
granulations calcaires transparentes, destinées, sans aucun doute, à être déposées à la 
surface interne des valves pour en augmenter sans cesse l'épaisseur. Ainsi, à l'exception 
du petit réseau fibreux disséminé entre les parois du manteau, cet organe ne contient 
aucun faisceau fibreux de quelque importance, et il ne présente non plus aucune trace 
des muscles rétracteurs des siphons, ou même de cet épaississement fibreux qui existe à 
l'extrémité postérieure du manteau de tous les mollusques acéphalés. 

Il ne faut pas croire cependant que la partie du manteau contenue dans la coquille se 
confonde insensiblement avec celle qui suit immédiatement, et qui, selon nous, appartient 
aux siphons. Ces deux parties sont nettement séparées, non-seulement par l'empreinte de 
la coquille, mais encore par un étranglement qui se montre immédiatement au-dessous 
des valves, et qui sert à marquer l’origine des siphons. (PL VI, fig. 3 e, e; fig. 2 à, 1; 
pl. IX 4, fig. g, g.) Indépendamment de ces deux moyens de distinguer avec facilité les 
deux parties du manteau, et de tracer nettement l'origine des siphons, nous aurons bientôt 
l'occasion de signaler les différences qui existent dans leur structure. 


Les sipnons. — Les siphons commencent donc immédiatement en arrière du bord pos- 
térieur de la coquille, et ils se prolongent jusqu’à l'extrémité postérieure de l'animal, où 
ils se bifurquent, comme cela a lieu dans le solen strigillatus, par exemple. On pourrait 
contester l'opinion que nous manifestons ici, et nous objecter que la plus grande partie 
des organes de l'animal du Taret étant contenus dans ce que nous appelons le siphon 
branchial, on pourrait tout aussi bien le considérer comme une continuation de la cavité 
palléale. Il ne faut pas cependant s’en laisser imposer par une vaine apparence; dans tous 
les mollusques acéphalés siphonifères, l'anus, après avoir contourné la surface extérieure 
du muscle adducteur des valves, vient déboucher à l'entrée du siphon anal. Get organe 
indique, d’une manière précise, l’origine de ce siphon. Dans le Taret, l'anus ne se porte 
pas, comme on l’a cru, jusqu'à la bifurcation des siphons ; il se débouche dans un siphon 
anal fort étroit, immédiatement au-dessous du muscle adducteur des valves. Cette dispo- 
sition rentre donc dans la règle générale, et donne la preuve qu'en effet les siphons du 
Taret commencent immédiatement au-dessous du bord postérieur de la coquille ; mais, comme 
on doit le supposer, l'entrée des siphons n’est point disposée comme dans les autres mol- 
lusques ; leur ouverture intérieure n’est point divisée par un éperon, et l'on peut même 
dire qu'ils n'ont entre eux aucune communication directe, On concevra qu'il doit en être 
ainsi chez un animal dont les branchies, aussi bien que tout le reste des organes, sont 
tombés, pour ainsi dire, dans le siphon branchial. 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE TARET. 19 


Les deux siphons sont réunis dans toute leur longueur, si ce n’est à leur extrémité pos- 
térieure, où ils se bifurquent; ils constituent dans leur ensemble un prolongement cylin- 
drique sur les parois duquel il est impossible d'apercevoir la moindre trace extérieure de 
la cloison membraneuse qui les sépare. Le siphon anal est si petit, qu'il échapperait à 
l'observation, si on ne le retrouvait, à différentes hauteurs, à l’aide de sections transverses 
(pl VIE, fig. 5 a), et si on ne le suivait depuis le point où l'anus débouche jusqu’à celui où 
il vient s'ouvrir, à l'extrémité bifurquée des siphons. (PI. VIII, fig. 10,0, d; pl. IX 4, fig. 2 
a, a, a; fig. 6 a, b.) 

Lorsque l’on a soulevé les branchies, on aperçoit une ouverture semi-lunaire, ou plutôt en 
gueule de four (pl. V, fig. 3 v), dans laquelle on peut faire pénétrer une sonde très-fine ; on 
voit alors qu’elle sert d’entrée à un canal étroit remontant le long du dos de l'animal, jusque 
près du bord postérieur de la coquille. Ce canal est le commencement du siphon anal. En effet, 
en l’ouvrant le long du dos, on trouve à son sommet l'anus, qui vient s'y déboucher à peu 
près de la même manière que dans les autres mollusques siphonés. Il faut remarquer 
cependant cette différence, que, dans le Taret, l'anus tombe perpendiculairement dans le 
siphon, et que celui-ci, après une légère dilatation, l'embrasse au sommet d’un véritable 
cul-de-sac. Immédiatement au-dessous de cette dilatation , le siphon anal reprend un plus 
petit diamètre, égal à celui de l'intestin lui-même; d’où il résulte que les produits de la 
digestion, qui se présentent sous la forme de petits tronçons cylindriques, sont contenus 
dans le siphon anal exactement comme dans l'intestin lui-même. (PI. VII, fig. 1 6, c, d; 
pl. IX 4, fig. 2 a, a.) Si la branchie a été dérangée, si ses adhérences naturelles ont été 
brisées, le siphon anal semble interrompu et déboucher dans la cavité du siphon branchial 
par l'ouverture dont nous avons parlé tout à l'heure. Mais la branchie est adhérente sur 
tout le pourtour d’une grande surface ovalaire circonscrite par une double membrane 
saïllante ; ce sont ces membranes sur lesquelles le bord des feuillets branchiaux postérieurs 
contracte une adhérence au moyen de laquelle la cavité du siphon branchial reste complé- 
tement séparée de celle du siphon anal, Cette disposition est tout à fait analogue à ce qui 
existe dans la Clavagelle, animal chez lequel nous avons fait voir la continuation du siphon 
anal à l’aide de l’adhérence de l'extrémité postérieure des feuillets branchiaux. Immédia- 
tement au-dessous de l'extrémité de la branchie, on trouve une autre ouverture semi- 
lunaire (pl. VI, fig. 3 q), semblable à la première, dans laquelle on peut également faire 
passer une petite sonde, que l’on voit se diriger vers l'extrémité des siphons et aboutir 
dans la bifurcation anale de ces organes. Ce canal est donc la continuation postérieure du 
siphon anal, et l'on peut dire que, dans son ensemble, ce siphon est composé de trois 
parties bien distinctes : la première , antérieure, s'étendant depuis l'anus jusqu’à la pre- 
mière ouverture sous-branchiale : la seconde, parcourant toute la longueur de la branchie, 
est complétée par cet organe; la troisième, enfin, commençant à l'extrémité postérieure de 
la branchie et se terminant à la bifurcation anale des siphons. 

Lorsque lon a ouvert le siphon branchial dans toute sa longueur, on trouve sa partie 
antérieure occupée par la masse des organes. Il semblerait que, passé à la filière, chaque 
organe est venu, l'un après l'autre, dans un ordre régulier. On trouve en effet, d'avant en 


Zooz. — Mollusques. r. 7 


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20 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


arrière, le foie, contenant les organes digestifs; l'ovaire, dont l'extrémité antérieure se 
développe sous les parties latérales du foie; et enfin, en arrière de l'ovaire, une longue 
branchie en forme de ruban, se prolongeant très-loin dans l'intérieur de ce siphon 
branchial. Cette branchie, dans presque tous les individus que nous avons disséqués, 
fixée seulement par sa partie antérieure, était flottante dans le reste de son étendue. 
Cependant, au-dessous d'elle et correspondant exactement à ses bords, on observe sur la 
surface intérieure du siphon un espace allongé, circonscerit par un double bord saillant, 
membraneux, que nous comparons à celui qui entoure l'entrée intérieure des siphons des 
autres mollusques, et qui se continue, en les supportant, avec les valvules plus où moins 
grandes qui servent à fermer leur entrée. (PI. VI, fig. 3 f, f.) Nous avons vu dans la Cla- 
vagelle les branchies adhérer, par leur bord postérieur, sur le pourtour fort allongé du 
siphon anal; ce petit repli membraneux que nous signalons dans le Taret doit être consi- 
déré comme la trace de l’adhérence branchiale, comme nous l'avons fait remarquer il y a 
quelques moments. Dans l’espace circonscrit au-dessous des branchies, la surface inté- 
rieure du siphon offre, dans une zone étroite et médiane, un très-grand nombre de stries 
transverses, produites par la présence de petits muscles annulaires qui, perdus dans la 
surface extérieure des siphons, deviennent apparents dans cette zone, par suite d'une 
sorte de dénudation. (PI. VE, fig. 3 q, q.) 

L’extrémité postérieure des siphons se termine, comme nous le disions tout à l'heure, 
par une bifurcation au moyen de laquelle ces deux organes sont nettement séparés. (PLV, 
fig. 4, d b, c.) Cette bifurcation commence à un anneau fibreux, assez épais, sur lequel 
elle s'appuie. (PL V, fig. 4, 5 a; pl. IX 4, fig. à, 6 c, c.) Si l’on fait une section trans- 
verse au-dessus de cet anneau, on voit qu'il est percé de deux ouvertures, dont l’une 
conduit au siphon anal et l’autre correspond au siphon branchial. L'ouverture du siphon 
anal est la plus étroite; mais on peut y faire pénétrer la pointe des ciseaux et ouvrir, dans 
toute sa longueur, cette partie du siphon : on le voit se terminer à la bifurcation qui lui 
correspond par une cavité plus large. (PL. IX 4, fig. 6 b,c.) Ainsi l’origine de cette bifur- 
cation ne peut être confondue avec celle des siphons eux-mêmes, comme on eût été porté 
à le supposer, en prenant la cavité du siphon branchial pour celle du manteau lui-même. 
La comparaison sera juste et admissible, si on l’établit entre la bifurcation du siphon du 
Taret et celle des Solécurtes, par exemple. Dans ce dernier genre, aucun zoologiste n'hésite 
à nommer siphon tout ce prolongement cylindracé fort considérable , dans une partie de 
la longueur duquel les deux siphons sont réunis et confondus, tandis qu'ils se disjoignent, 
se bifurquent vers le sommet, et deviennent ainsi indépendants l'un de l’autre. L’anneau 
musculaire est peut-être produit par une modification des muscles rétracteurs des siphons, 
qui, ne pouvant s’allonger dans toute leur longueur, pour prendre un point d'appui dans 
l'intérieur des valves, sont descendus tout entiers pour se fixer à l'extrémité du tube et 
prêter à la bifurcation des siphons une adhérence plus solide, qui leur permit de se con- 
tracter et de se distendre avec autant de facilité que chez ceux des mollusques dont les 
siphons sont mus par un muscle attaché à l'intérieur des valves. 

La partie bifurquée des siphons est assez courte ; comme elle est constamment en con- 


—— —— nr nn. En, 
CLASSE PREMIÈRE. — GENRE TARET. 5] 


tact avec le liquide ambiant, sa surface extérieure est un peu plus grisâtre, plus coriace, 
et souvent elle est revêtue d’un épiderme dont on ne remarque plus la moindre trace 
sur le reste des siphons. Cette bifurcation est constituée par deux tuyaux charnus, iné- 
gaux, tant pour la longueur que pour le diamètre. (PL. V, fig. 6 a, b.) Le siphon anal 
est le plus long et le plus étroit (pl. V, fig. 6 b); le bord de son ouverture est garni 
d'une série de petits tentacules filiformes, rapprochés (pl. V, fig. 6 c); mais en dehors 
de cette série, on remarque trois autres tentacules, très-grands, digitiformes et légèrement 
infléchis au-dessus du bord de l'ouverture. (PL V, fig. 6 d, e, f.) L'un de ces tentacules 
forme le prolongement de la ligne médiane dorsale; les deux autres sont placés au milieu 
des faces latérales et pourraient servir à diviser l'ouverture en deux parties égales par son 
diamètre transverse. L'ouverture du siphon branchial est ovale-obronde, coupée oblique- 
ment de haut en bas et d’arrière en ayant. (PI. V, fig. 6 b.) Tout le pourtour est garni 
de tentacules, mais ils ont une disposition toute spéciale; ils sont parfaitement symé- 
triques, c'est-à-dire que ceux du côté droit sont absolument semblables à ceux du côté 
gauche; ils diminuent graduellement de hauteur; les plus grands sont sur le bord supé- 
rieur dorsal; les plus petits appartiennent au bord ventral. Les premiers sont divisés en 
petits arbuscules, tandis que les derniers sont simples et subfliformes; le nombre des 
bifurcations des tentacules est variable; elles diminuent graduellement : quatre pour la 
première paire, trois pour la seconde, deux pour la troisième ; tous les autres tentacules 
du bord ventral sont simples. 

L’anneau fibreux, comme nous l'avons dit, donne insertion à des parties singulières 
propres au genre Taret, et dont la forme varie selon les espèces. Ces parties sont paires et 
symétriques, elles sont calcaires et s’insèrent par un pédicule cylindrique sur les côtés de 
la bifurcation des siphons. Lamarck donne le nom de calamules à ces parties solides de 
l'extrémité postérieure du Taret. Dans l'espèce dont nous nous occupons, elles ont une 
forme spéciale; leur examen suffirait à lui seul pour faire reconnaître l'espèce. On peut 
juger, d'après la position des pièces calcaires en question, qu’elles ont pour usage de fer- 
mer l'ouverture du tube, et de mettre ainsi l'animal à l'abri des attaques des ennemis par 
lesquels il est quelquefois dévoré. Dans une belle espèce de Taret des Indes, ces calamules 
ne sont point formées d’une seule pièce; on y trouve une série de palettes, implantées et 
soudées les unes sur les autres; les angles postérieurs dilatés donnent à l’ensemble de la 
ressemblance avec une petite lame de scie dentée de chaque côté. IL y a de vieux individus 
de cette espèce dont les calamules ont jusqu’à huit et dix centimètres de longueur; elles 
sortent par l'extrémité postérieure du tube, et Lamarck, trompé par une fausse apparence, 
a supposé qu'elles étaient destinées à supporter les organes branchiaux, et à les tenir ainsi 
plongés d’une manière plus favorable dans le liquide ambiant. Cette opinion singulière 
prouve, de la manière la plus irrévocable, l'ignorance profonde où étaient les zoologistes, 
il y a à peine vingt-cinq ans, au sujet de l’organisation du Taret. Quoi qu'il en soit, même 
à l'époque où Lamarck écrivait, on pouvait rejeter à priori l'opinion du savant zoologiste, 
en se fondant sur l'analogie des Pholades et des Tarets, si bien démontrée par Adanson. 
H suffisait d'ouvrir le bel ouvrage de Poli, et de voir de quelle manière l'appareil branchial 


4, 


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92 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


est disposé dans les Pholades, pour se faire par analogie une idée approximative de ces 
organes dans le Taret. Il était impossible de croire que, dans deux genres si voisins, il 
existât une différence aussi grande dans la disposition et l’organisation de l'appareil branchial. 

Tous les individus qui ont servi à nos premiers travaux sur le Taret étaient détachés du 
tube; plongés vivants dans un alcool affaibli, toutes leurs parties fibreuses se contractèrent, 
et il nous devint difficile de juger de la forme de l'anneau fibreux des siphons, et surtout 
de deviner le mécanisme à l’aide duquel animal sécrète les palettes calcaires qui lui 
servent à clore l'ouverture postérieure de son tube. Des morceaux de bois, contenant des 
Tarets, et conservés dans la liqueur, nous ont permis de nouvelles observations, et nous 
avons constaté d'abord un fait qui nous paraît important: c’est l'adhérence de l'animal à 
son tube au moyen de l'anneau musculaire de la bifurcation des siphons. Ainsi le Taret est 
lié à son tube d’une manière plus invariable que tous les autres mollusques tubicolés, car 
ceux-c1 peuvent contracter et dilater leurs siphons dans toute leur étendue, les faire ren- 
trer autant que le permet leur contractilité, tandis que dans le Taret, la partie bifurquée 
seule jouit de cette propriété, Le reste de l'animal est condamné à une immobilité presque 
complète. 

Les individus fixés à leur tube nous ont permis aussi de deviner le mode de formation 
des palettes calcaires; elles s’insèrent, comme nous l'avons vu, dans l'épaisseur de lan- 
neau, par leur pédicule; l'anneau a, de chaque côté, et partant de la base de ces pédicules, 
un appendice triangulaire très-extensible et exactement de la forme d’un capuchon, dont 
l'ouverture est du côté interne ; ce capuchon recouvre entièrement la palette, elle la coiffe 
en quelque sorte et lui sert en même temps d'organe sécréteur. Il résulte de la disposi- 
tion de ces parties, que les palettes sont composées de couches concentriques, c’est-à-dire 
que la dernière, qui est la plus grande, contient toutes les autres, comme un vaste en- 
tonnoir pourrait en contenir plusieurs autres disposés en série décroissante pour la taille. 
L’accroissement des palettes, dans celles des espèces où elles s’allongent beaucoup, ne 
doit pas être tout à fait semblable à celui de l'espèce que nous avons observée; il est 
peu probable, en effet, que ces longues calamules du Taret des Indes soient enveloppées 
en entier dans lappendice en capuchon de l’anneau fibreux des siphons. 

Nous avons fait représenter diverses sections des palettes du Taret commun, pour rendre 
faciles à saisir l’analogie qui existe entre elles et celles que lon trouve à l'état fossile, mais 
composées d’entonnoirs implantés les uns dans les autres. 

La structure organique des siphons à, sans contredit, beaucoup d’analogie avec celle du 
manteau contenu dans la coquille. Cette enveloppe est molle, assez épaisse, et l’on y dis- 
tingue une double membrane, dont l’une s'applique sur la paroi interne du tube calcaire, 
tandis que l'autre revêt la surface intérieure, et se réfléchit sur les organes qui y sont 
contenus ; par conséquent, cette membrane agit exactement de la même manière que celle 
de la surface interne du manteau proprement dit; entre ces deux membranes existe une 
sorte de tissu cellulaire formé par un lacis tout à la fois vasculaire et fibreux, dans lequel 
sont répandus en plus ou moins grand nombre des granules inégaux, dont les uns, plus 


5 
gros, sont Jaunâtres, et les autres, infiniment plus petits, transparents, sont plus rappro- 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE TARET. 93 


chés de la surface extérieure des siphons; ils ont absolument l'apparence des granules cal- 
caires qui existent dans le manteau des Myes, des Lutraires, et dont la destination est de 
se déposer en couches minces sur la surface interne de la coquille, pour en augmenter 
l'épaisseur. 

La présence de granules semblables dans la paroi des siphons du Taret explique la sécré- 
üon du tube dont l'animal s'enveloppe. Ce que nous venons de dire s’appliquerait assez 
bien à la structure du manteau contenu dans la coquille; mais nous devons ajouter que 
la surface extérieure des siphons présente un appareil fibreux, composé de faisceaux annu- 
laires fort rapprochés (pl. VI, fe, ou ai pe VIE fig. à a, a; pl. IX 4, fig. 17,1), et 
nous savons déjà que rien de semblable n'existe dans le manteau proprement dit. Il ne 
faut pas se servir d’un grossissement bien considérable pour apercevoir les anneaux fibreux 
qui constituent la surface externe des siphons. Nous n'avons point aperçu de fibres longi- 
tudinales, ce qui tendrait à faire croire, si ce n’est à l’immobilité, du moins à la faible 
contraction dont les siphons sont susceptibles. Dans la portion bifurquée de ces organes , 
la structure fibreuse devient beaucoup plus apparente ; non-seulement il existe des fibres 
annulaires nombreuses et serrées, mais encore des fibres longitudinales qui sont enche- 
vêtrées dans les premières, et il résulte de ce feutrage fibreux des organes solides et 
coriaces, jouissant à un très-haut degré de la contractilité et de l’extensibilité. 


ORGANES DU MOUVEMENT. — Un animal tel que le Taret, plus étroitement enfermé dans 
son tube que les mollusques de la famille précédente, a des mouvements encore plus res- 
treints. L'animal de l'Arrosoir, attaché à son tube par ses rudiments de coquille, peut à 
peine mouvoir son extrémité antérieure, et chez lui les muscles des valves sont devenus 
presque entièrement inutiles, puisqu'ils ne peuvent mouvoir ces parties; mais, en revanche, 
ses longs siphons jouissent d’une grande contractilité, et ils peuvent facilement se porter 
sur tous les points du long tube qui les protège. Dans la Clavagelle, l'animal reste attaché 
à la paroi de son tube, mais déjà une valve de la coquille devenue libre se meut sur celle 
restée fixe, au moyen de deux muscles, ce qui n'empêche pas les siphons de se mouvoir 
comme dans les Arrosoirs. L'animal du Gastrochène devient bien plus libre ; entièrement 
détaché dans son tube, non-seulement il peut mouvoir ses valves et ses siphons, mais en- 
core, à l'aide de son pied, il se donne des mouvements de totalité, soit pour monter et 
descendre dans la cavité de son tube, soit pour se tourner à droite et à gauche. Nous 
soupçonnons que ces mouvements de torsion sont peu considérables, car l'animal a des 
siphons charnus inégaux, qui pénètrent dans des canaux calcaires, dont la grandeur est 
appropriée à celle des organes qu'ils reçoivent. Si l'animal pouvait, en se contractant, faire 
sortir ses siphons charnus des canaux calcaires, il éprouverait beaucoup de peine à re- 
trouver leur place naturelle. Ces dérangements, dans le cas où ils pourraient s’exécuter, 
devraient avoir lieu rapidement, car il ne faut pas oublier les fonctions des siphons; ils 
apportent l’eau nécessaire à la respiration et à la nutrition, et ils chassent celle qui est de- 
venue impropre à ces deux usages ; or, pour que les siphons accomplissent cette double 
fonction, 1l faut qu'ils soient ouverts et dilatés; ils ne peuvent la remplir pendant la con- 


54 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


traction. Nous concluons de ces faits qu'il est fort difficile de concevoir des mouvements de 
rotation chez les animaux du genre Gastrochène, et de les concilier avec les rapports cons- 
tants et nécessaires des siphons charnus avec les cavités calcaires qui les contiennent. 

Quoique très-borné, le mouvement des animaux que nous venons de mentionner est 
encore plus considérable que celui du Taret. Quand on a brisé le tube sans endom- 
mager l'animal, on le voit incapable de se mouvoir, et les contractions qu'il exerce sur 
lui-même, lorsqu'on le touche, sont de peu d’étendue. La bifurcation des siphons est seule 
susceptible d’allongement et de contractions assez considérables, et déjà nous avons vu que 
cette propriété était due à la structure de ces parties. Les mouvements généraux de l'animal 
doivent être excessivement restreints, et nous soupçonnons qu'ils sont impossibles, puisqu'il 
est dépourvu de pied, comme nous le verrons bientôt; son manteau n’a point de muscles, 
et la plus grande partie des siphons a seulement des fibres annulaires et point de fibres 
longitudinales. D'ailleurs, comment concevoir de faciles mouvements chez un animal 
très-souvent contourné et irrégulièrement reployé sur lui-même? Dans de telles conditions, 
on ne concevrait pas davantage les mouvements de rotation que l’on a attribués au Taret, 
pour expliquer la perforation du bois à l’aide de sa coquille et par un moyen tout à fait 
mécanique ; pour rendre admissible cette opinion, il faudrait trouver dans l'animal un 
point d'appui au moyen duquel le frottement de la coquille aurait une action suffisante 
pour user le bois; ce point d'appui n'existe nulle part, et il faut donc chercher une autre 
explication à la propriété dont jouit le Taret de perforer le bois. 

Selon toutes les probabilités, les valves elles-mêmes n’ont que de lents et de faibles 
mouvements ; dépourvues de charnière et de ligament, elles sont retenues par un seul muscle 
adducteur. { PL V, fig. 3 j; pl. VIE, fig. 3, 4 a; pl. IX À, fig. 1 h, fig. 3 e.) Dans l'ensemble, 
ce muscle a une forme ovalaire un peu plus élargie en bas, de sorte que son grand dia- 
mètre transverse ne le partage pas en deux parties égales, il occupe la région dorsale, et, 
comme les valves vont en se rapprochant, la face interne ou ventrale du muscle est plus 
large que celle qui lui est opposée. En détachant le muscle et en l’examinant avec tout le 
soin convenable, on le voit se diviser naturellement en deux faisceaux fibreux bien dis- 
tincts, séparés par un prolongement de l'enveloppe générale. (PL. VIT, fig. 7 a.) Au moindre 
effort les deux faisceaux se séparent (pl. VITE, fig. 6 a, b), d’où l’on serait porté à croire que 
le muscle unique du Taret est composé des deux muscles adducteurs des autres mollusques, 
mais rapprochés et en parti confondus. C'est en réalité un fait d'un grand intérêt, à signa- 
ler à l'attention des naturalistes, que l'absence de lun des muscles adducteurs, lanté- 
rieur, dans un animal qui, pour tout le reste de son organisation, présente tous les carac- 
tères des mollusques acéphalés dimyaires. Il semble contradictoire, d'après les règles de 
la classification, de ranger les Tarets parmi les mollusques dimyaires. Si l'on voulait appli- 
quer le principe dans toute sa rigueur, il faudrait faire, du genre qui nous occupe, un 
ordre à part et l'introduire dans la série des mollusques monomyaires. On conçoit combien 
seraient rompus les rapports naturels, et c’est ici qu'une exception doit être admise, dé- 
terminée par cet autre principe, fondé sur la valeur, le nombre et l'importance des carac- 
téres; en un mot, il s’agit de décider lequel doit l'emporter, pour la classification, ou du 


Æ at 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE TARET. 55 


caractère tiré du nombre des muscles, ou de l'ensemble de tous ceux que présente l'organi- 
sation. Nous n’hésitons pas, et aucun zoologiste n’hésitera, à préférer l'ensemble des carac- 
tères pour conserver les Tarets parmi les acéphalés dimyaires, quoique, par le fait, ils 
soient monomyaires. 

Avant de terminer ce qui à rapport au manteau et à ses appendices postérieurs ou 
siphons, il nous semble convenable de traiter ici d’une question relative aux rapports et à 
l’analogie de ces organes. On s’est souvent demandé si les siphons sont une continuité, une 
dépendance du manteau, ou s'ils constituent des organes distincts. Aujourd'hui les zoolo- 
gistes sont assez généralement d'accord pour considérer les siphons comme des annexes 
du manteau, et cette opinion est fondée sur ce fait que, depuis les mollusques qui ont 
les siphons les plus longs, jusqu’à ceux qui ont de simples perforations destinées à les rem- 
placer, il y a une dégradation insensible, dans laquelle on voit les siphons diminuer peu à 
peu et devenir si courts que leur continuité avec le manteau devient évidente. Néanmoins 
on pourrait conserver des doutes; mais l'animal du Taret semble disposé pour les dissiper 
entièrement; en effet, l’on passe, sans discontinuité, de la cavité palléale proprement dite 
dans celle du siphon branchial, sans rencontrer à cette entrée cet épaississement fibreux 
sur lequel s'insèrent les plans musculaires dont. les parois des siphons sont composées. 
Dans le Taret, il y a continuité de substance, il y a analogie de structure, les deux 
organes jouissent d’une même sécrétion : le manteau, pour la formation de la coquille , 
les siphons, pour la création du tube; la présence d’anneaux fibreux dans les siphons est 
la seule chose qui, dans le genre qni nous occupe, différencie les deux organes que nous 
comparons. Une conséquence résulte pour nous de l'examen des faits auquel nous venons 
de nous livrer : les siphons sont en réalité une dépendance, une continuation du man- 
teau, et les fonctions de ces organes en donnent une preuve de plus, comme nous au- 
rons occasion de le développer dans la suite de cet ouvrage. 


ViscÈREs. — La masse abdominale du Taret a une disposition toute différente de celle des 
autres mollusques. Pour en avoir la preuve , il faut dégager l'animal de sa coquille et fendre le 
manteau, ainsi que la paroi du siphon branchial dans toute leur longueur, les renverser à 
droite et à gauche, et alors on voit la masse organique se présenter sous la forme d’un cône 
très-allongé, dont la base est obliquement tronquée. (PL. V, fig. 2,3 ; pl. VI fig. 3.) Cette tron- 
cature correspond à la place que le pied devrait occuper, s’il existait; elle constitue l'extrémité 
antérieure de l'animal. {PI V, Gg. 2 b, c; fig. 3 b, c; pl. VE fig. 1 L, m; fig. 3 , à; pl. VIL fig.s 
b, c.) Elle est entourée, comme nous le verrons, d’un anneau charnu, foliacé, singulière- 
ment plissé, auquel, selon nous, on doit attribuer des usages importants pendant la vie 
de l'animal. Immédiatement au-dessous, on aperçoit le foie (pl. V, fig. 2 g; fig. 3 l; pl. VI, 
fig. 3 j), contenu dans une enveloppe extrêmement mince, et, à son extrémité postérieure, 
on aperçoit quelques-unes des circonvolutions de l'intestin. Sur les parties latérales du 
foie se montrent, sous la forme d’arbuscules élégants, quelques-uns des lobes de l'ovaire, 
dont la masse principale se prolonge au-dessous de celle du foie et vient se terminer entre 


les feuillets branchiaux. (PL. V, HR 418 Big. 3 n, 0, p; pl. VI, fig. 3 1, L) Cest 


56 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


au-dessous de l'ovaire que la branchie est fixée. Cet organe présente, dans les Tarets, les 
dispositions les plus singulières, et on le voit se prolonger fort loin dans l'intérieur du 
siphon branchial, en se rétrécissant et en prenant l'apparence d’un long ruban plissé. 
(PL V, fig. 1 m; fig. 3 y; pl. VL, fig. 3 m, m.) Il résulte de cette disposition que les princi- 
paux organes sont réellement échelonnés les uns au-dessous des autres, tandis que, dans 
les autres mollusques acéphalés, ces mêmes organes sont réunis et, pour ainsi dire, enche- 
vêtrés les uns dans les autres, sous une enveloppe commune, pour constituer la masse 
abdominale. Le Taret, sous ce rapport, est donc bien différent des animaux de la classe à 
laquelle il appartient. 


Troncarure. — Nous devons insister sur ce fait important : le Taret est dépourvu du 
pied, de l'organe locomoteur ; il faut parcourir toute la série des mollusques acéphalés 
jusqu’à la famille des ostracés, jusqu'au genre Huitre lui-même, pour rencontrer un fait 
semblable; il est bien curieux de retrouver, aux deux extrémités de la classe, des animaux 
aussi différents, et tous deux dépourvus de l'organe du mouvement. L'organe locomoteur 
est quelquefois réduit à de faibles proportions, parce qu'il est presque sans usage chez 
certains mollusques; mais il est tellement constant dans son existence, qu'il se retrouve 
dans des animaux fixés par leur test aux rochers et sans mouvements possibles, tels que 
les Cames, les Étheries , les Spondyles, etc. À la place où devrait être le pied du Taret 
se montre une surface circulaire mince, molle { pl. V, fig. 2, 3 c; pl. VI, fig. 3 k; pl. VI, 
fig.1 b), entourée d’un anneau charnu assez épais, composé de feuillets irréguliers fibreux. 
(PL V, fig. 2, 3 b; pl. VI, fig. 8 à, c; pl. VIE, fig. 1 c, c.) Par la disposition spéciale de cet 
appareil entourant la troncature antérieure, il nous semble qu'il doit agir comme une sorte 
de ventouse, au moyen de laquelle l'animal s'attache sur le bois, dénudé de l'extrémité 
antérieure de la galerie qu'il habite. Le contact longtemps prolongé de cette partie de 
l'animal sur le bois est destiné sans doute à le macérer et à le rendre friable, à l’aide 
d’une sécrétion spéciale, dont le produit imprègne les feuillets de l'anneau charnu et ne 
peut se répandre ou se dissoudre dans l'eau. 

I ne faut jamais perdre de vue la condition d'existence toute spéciale des animaux aqua- 
tiques : s’ils ont des sécrétions capables d'agir sur les corps étrangers, si d’autres sécrétions 
doivent produire des corps solides, il faut, de toute nécessité, pour atteindre leur but, 
qu'elles se fassent d’une tout autre manière que chez les animaux qui vivent à Pair, ou 
alternativement dans l'air et dans l’eau. Pour que la consolidation des parties solides d’un 
animal tel que le Taret puisse s’opérer, il faut la réunion de deux conditions : 1° le contact 
de la surface sécrétante sur celle qui est sécrétée; 2° sécrétion d’un produit qui ne soit pas 
immédiatement dissoluble dans l'eau; c’est pour cette raison que les granules calcaires, 
sécrétés dans le manteau, ne se détachent, pour faire partie de la coquille, qu’au moment 
où ils sont enchainés dans une trame muqueuse très-mince. Si l'animal a une sécrétion 
destinée à agir sur les corps étrangers pour les altérer, les décomposer, il faut aussi, de 
toute nécessité, que l'organe sécréteur se porte au dehors et s'applique exactement sur la 
surface du corps sans qu'il soit possible à l'eau de venir s’interposer ; car, en délayant la 


RE CT CE Pt CT OS IR 2 APP PT 1 ee 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE TARET. 57 


liqueur sécrétée, elle en rendrait l'effet tout à fait nul; c’est pour cette raison que le 
manteau du Gastrochène peut s'appliquer sur la surface pierreuse de la cavité qu'il habite ; 
c’est pour cela que le manteau de la Clavagelle peut se porter, par le bäillement des valves, 
sur les parois de la cavité pierreuse; et, enfin, c’est encore pour satisfaire au même besoin 
que le Taret a une espèce de ventouse, dont une partie foliacée peut recueillir et contenir, 
dans ses replis nombreux, à l'abri du contact de l’eau, une liqueur sécrétée, destinée à 
faciliter la désagrégation des parties du bois. 


ORGANES DE LA DIGESTION. Boucne. — Les organes de la digestion commencent dans le 
Taret par une bouche, dont les principales dispositions sont semblables à ce qui existe dans 
les autres mollusques acéphalés. C’est une ouverture transverse que l’on trouve, avec la 
plus grande facilité, à l'extrémité antérieure et supérieure de lanimal, à peine cachée sous 
le bord antérieur du manteau, dans le fond d’un sillon peu profond qui existe derrière 
le bord supérieur de la troncature de la masse abdominale. (PL. VIE, fig. 1 d.) Cette ouver- 
ture n’est point cachée au-dessous du muscle adducteur antérieur, par cette raison que 
ce muscle n'existe pas, et son absence a dû entraîner à sa suite une différence dans la 
position de la bouche. Elle est beaucoup plus vers le dos que dans beaucoup d’autres 
mollusques. Cette bouche se présente sous la forme d’une fente étroite, transverse ; elle est 
garnie en dessus et en dessous de larges lèvres membraneuses, lisses, blanches (pl. VI, 
fig. 1e, f,) et qui, à leur extrémité latérale, se changent de chaque côté en une paire de 
longues palpes labiales fort étroites (pl V, fig. », 3 d,e; pl. VI, fig. 3n, n; pl. VII, fig. 1 
gg; h, h), se renversant à droite et à gauche de l'animal, en se dirigeant obliquement 
vers le bord ventral. La surface extérieure de ces palpes reste lisse, tandis que leur sur- 
face interne est chargée de gros sillons transverses à peine obliques, largement espacés 
entre eux, ce qui enlève à cette surface cette structure éminemment foliacée, propre à 
ces organes dans les autres mollusques acéphalés dimyaires. 

Nous avons déjà fait remarquer les rapports constants qui existent entre l'extrémité 
antérieure des branchies et la surface interne des palpes labiales. Plus tard, nous aurons 
de fréquentes occasions de multiplier les preuves des rapports dont nous parlons, à me- 
sure que nous examinerons la structure de mollusques appartenant à divers genres. On 


conçoit qu'il en doive être ainsi chez des animaux, dont tous les organes sont rapprochés 


et réunis en une seule masse contenue dans une coquille TN" courte. IL ny 
aurait rien de surprenant si, dans le Taret, les rapports des palpes et des branchies étaient 
complétement rompus, puisqu'il y a une grande distance entre ces parties, distance dé- 
terminée par la longueur du foie ajoutée à celle de l'ovaire. Malgré cette disposition défa- 
vorable, ces rapports existent néanmoins, et on en a la preuve en renversant à droite ou 
à gauche la masse abdominale ; alors, on voit, de chaque côté, remonter de la base de la 
branchie deux petites lèvres étroites, saillantes , très-rapprochées, laissant entre elles un 
espace très-étroit (pl. V, fig. 2 f, f; fig. 3 k, k; pl. VL fig. 3 o, o; pl. IX, fig. 1 a, a); elles 
se dirigent vers la base des palpes labiales, en restant attachées dans toute cette longueur 
à la paroi interne du siphon branchial. Ces petites lèvres sont finement plissées pendant 


Zoo. — Mollusques. 1. 8 


a —S 


28 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


leur trajet, mais nous pensons que ces plissures sont le résultat de la contraction de l’ani- 
mal. La manière dont elles aboutissent entre les deux palpes labiales, exactement comme 
le font les branchies elles-mêmes dans d’autres mollusques, nous autorise à les considérer 
comme une dépendance commune, en quelque sorte, aux organes entre lesquels il existe 
les rapports que nous avons signalés. Ceci donne la preuve, selon nous, de l'importance 
que la nature attache à conserver, entre certains organes, des relations qui, à nos yeux, 
paraissent d'une faible utilité, mais dont la nécessité devient manifeste dans un animal 


comme celui-ci où les organes sont éloignés les uns des autres. 


OEsornace. — De la bouche naît un canal æsophagien descendant obliquement, comme 
s'il voulait atteindre la surface interne du grand muscle des valves. (PI. VIE, fig. 3, 4 b, b.) 
Ce canal est assez grand, médiocrement comprimé; il vient déboucher dans une première 
cavité stomacale, qui présente, dans ses contours, les dispositions les plus extraordinaires 
que nous ayons jamais vues dans les mollusques acéphalés. Sans le secours des belles 
figures qui accompagnent notre travail et sur lesquelles nous appelons toute l'attention 
du lecteur, il nous serait difficile de faire comprendre la structure du premier estomac 
du Taret par une simple description; son insuffisance deviendrait évidente devant la com- 
plication et le nombre des parties qui constituent l'organe dont il s'agit. 


Premier Esromac. — Cette cavité stomacale est composée de deux portions très-distinctes, 
recourbées l'une contre l'autre, à peu près comme le seraient les deux branches très-rap- 
prochées d'un siphon dont la courbure serait en bas (pl. VIT, fig. 3, 4 c, d,e); mais cette 
cavité n’est point simple ; elle est divisée par des cloisons diversement contournées : les 
unes longitudinales, les autres se présentant sous la forme de valvules derrière lesquelles 
sont ménagées des lacunes plus ou moins profondes. Get estomac occupe dans l'animal 
toute l'extrémité antérieure couverte par la coquille : il faut en excepter cependant 
l'épaisseur du muscle et celle d’un organe sécréteur spécial contenu dans la profondeur 
des crochets. 

La partie de l’estomac où aboutit l'œsophage est la plus profonde (pl. VIT, fig. 3, 4 c, 
d); elle descend le long de la surface interne du muscle sur laquelle elle s'appuie, et 
elle occupe ainsi à peu près le centre de l'animal. Parvenue un peu au-dessous du bord 
postérieur du muscle, elle se recourbe d’arrière en avant et de bas en haut pour former 
la seconde branche du siphon. Celle-ci se place devant la première, qu’elle dépasse d’une 
manière notable, car elle monte jusqu’à l'extrémité antérieure de lanimal, et se termine 
en un cul-de-sac arrondi (pl. VIE, fig. 3, 4, f, f) qui se place immédiatement au-dessous 
du disque central de la troncature et de l'anneau foliacé dont nous avons parlé. Si le pied 
existait, il serait probablement implanté sur le disque central, et couvrirait ainsi la paroi 
de l'extrémité supérieure de la cavité stomacale. 

Cette description générale ne peut suflire pour bien comprendre l'organe qui nous 
occupe : il faut le reprendre avec détail et en exposer tous les accidents. L'æsophage tombe 


1 


au sommet de l'estomac à peu près de la même manière qu'un col de bouteille; à son 


Sani 


ee = 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE TARET. 59 


débouché, il est garni d’une petite valvule (pl. VIE, fig. 3, 4 f, g) soutenue, d’un côté, par 
une longue cloison verticale (pl. VIE, fig. 4 ), et, de l'autre, elle s'appuie sur un repli 
saillant de la paroi postérieure (pl. VIE, fig. 3 :); après avoir soutenu la valvule, ce pli se 
continue au sommet de l’estomac et le parcourt dans sa largeur. La cloison longitudinale 
divise en deux compartiments presque égaux la moitié du côté gauche de la première cavité 
stomacale; par son extrémité supérieure elle s'attache en arrière de l'æsophage; par l'in- 
férieure, elle soutient la grande valvule du fond de l'estomac. (PL VIT, fig. 3, 4 j, j.) La 
cloison perpendiculaire en question ne gagne pas le côté droit, et il en résulte que la 
matière alimentaire passe facilement derrière ; elle rencontre une autre cloison parallèle à 
la première, mais plus courte, séparant les deux cavités de l’estomac (pl. VIT, fig. 3, 4 &, k), 
présentant une ouverture par laquelle la matière alimentaire peut pénétrer facilement 
dans la branche ascendante. Une grande valvule, comme nous l'avons dit, sépare la pre- 
mière portion de lestomac de la seconde: elle est située au-dessus de la grande courbure; 
elle s’avance considérablement, et tombe de haut en bas en se courbant un peu. Sa surface 
supérieure sert de plancher à la seconde cavité, et, du côté droit, elle donne naissance, 
en dessous, à un repli aigu. (PL. VIF, fig. 3 Z.) Nous ne devons pas oublier que l'intestin, en 
venant se contourner sur le muscle adducteur des valves, produit une saillie cylindrique 
dans la paroi de l’estomac, ce qui, jusqu'à présent, ne s'est vu dans aucun autre mol- 


lusque. (PI. VIT, fig. 3 m.) 


SECOND ESTOMAC. — Indépendamment des particularités que nous venons de signaler, 
on remarque encore, dans la partie coudée de l'estomac, des dépressions ovalaires, ou 
plutôt de véritables lacunes inégales et disposées autour d’une ouverture qui occupe la 
paroi la plus déclive de l'organe. (PI. VIT, fig. 2 b, b, b, c.) On pourrait soupçonner que les 
lacunes dont nous parlons sont des cryptes biliaires, et que l'ouverture qu’elles entourent 
est celle du pylore, mais il n’en est rien; car, en faisant pénétrer le scalpel dans cette 
ouverture, au lieu d'aboutir à lintestin, on arrive dans une grande poche membraneuse 
presque toujours remplie de matières alimentaires, et que l’on doit, par conséquent, con- 
sidérer comme un second estomac. Il y a incontestablement une grande ressemblance de 
structure entre ce second estomac et celui des autres mollusques acéphalés; néanmoins 
il présente encore des particularités qui ne se remarquent pas chez eux. Presque entière- 
ment noyé dans l'épaisseur du foie, cet estomac a des parois membraneuses très-fines et 
transparentes (pl. VII, fig. 2 d, d, e; pl. IX 4, fig. 3, f, f, g): il se présente sous la forme 
d'une cavité cylindracée située sous le foie, un peu à droite. Après un étranglement, pour 
s’accommoder à l’étroitesse de l’ouverture du premier estomac (pl. VIE, fig. 2 f), celui-ci 
se dilate et descend directement d’avant en arrière, jusque tout près de l'extrémité du 
foie; parvenu à ce point, il se recourbe subitement, remonte d'arrière en avant (pl. IX 4, 
fig. 3 f, g), C'est-à-dire dans une direction opposée; 1l se dilate un peu et se termine en 
un cul-de-sac arrondi, de sorte que, dans son ensemble, ce second estomac ressemble un 
peu à une cornue. La communication entre les deux estomacs n’est pas aussi simple qu'on 
se l’imaginerait. En effet, lorsque l'on a divisé dans leur longueur les parois du second 


8. 


—. = DE 


60 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


estomac, on trouve dans son intérieur une énorme valvule, semblable à un entonnoir ren- 
versé, dont le bec viendrait s'adapter à l'ouverture de communication. (PI. VIE, fig. 2 f, g, k.) 
Les aliments, une fois parvenus dans la seconde poche stomacale, ne peuvent refluer dans 
la première, la valvule y apportant un obstacle invincible. 


Ivresrin. — L’intestin est excessivement long chez un animal d’un aussi petit volume ; 
il est très-grêle et d’un diamètre égal dans toute son étendue; les circonvolutions sont 
nombreuses, et quelques-unes ont un grand développement. Il prend naissance du second 
estomac, au-dessus de la courbure et avant la terminaison du grand cul-de-sac; il se dirige 
immédiatement vers l'extrémité antérieure et du côté gauche, jusqu’à la hauteur du muscle 
adducteur des valves; il se contourne en formant l’anse de panier, et redescend, dans un 
trajet aussi long que celui qu'il vient de parcourir en partie, à travers l'extrémité antérieure 
de l'ovaire, qu'il traverse très-obliquement (pl. IX 4, fig. 2 b, b; pl. VIE, fig. 2 à, à), il se 
place sous le foie et le second estomac, et parvient enfin à extrémité postérieure du foie, 
où il fait en dessous deux circonvolutions assez grandes (pl. VII, fig. 2 j, j, j): il passe 
en dessus sans quitter cette extrémité du foie, s'y développe le plus ordinairement en trois 
circonvolutions subspirales (pl. V, fig. 2 A; fig. 3 m), quelquefois forme quelques grands 
plis (pl. VE, fig. 3 &, k), finit enfin par gagner la face dorsale de l'animal vers la partie 
supérieure du foie, dont il se dégage pour entrer de nouveau dans l'ovaire, gagner la 
face ventrale du muscle des valves, où il se rapproche derrière la bouche de la première 
anse dont nous avons parlé (pl. IX 4, fig. 2 c, c, c); il la suit pendant un court trajet; 
parvenu à la hauteur de l’anneau lamelleux de la troncature, il se contourne, le suit en 
dessous dans une grande partie de son contour, et lorsqu'il est arrivé à la ligne médiane 
dorsale , il passe sur l'extrémité antérieure du muscle, s’introduit dans cette partie saillante 
et demi-cylindrique que nous avons fait remarquer entre le bord postérieur des valves; il 
descend alors un peu au-dessous du bord postérieur du muscle, se dégage du manteau et 
se plonge dans la dilatation supérieure du siphon anal, où il se termine en un anus dont 
l'extrémité est garnie d'un sphincter assez épais. (PI. IX 4, fig. 2 d, d, e.) 

Le second estomac et tout l'intestin sont presque toujours remplis d’une matière d’un 
violet noirâtre, et comme ces organes sont transparents, on les reconnaît avec facilité à 
leur couleur. Nous avons presque toujours trouvé le premier estomac complétement vide, 
tandis que le second contient le plus souvent une bouillie liquide violâtre, évidemment 
composée de matière blanche, semblable à celle que l’on trouve dans d’autres mollusques, 
et de matières noirâtres provenant, sans aucun doute, du bois enlevé à la cavité habitée 
par le Taret. À mesure que l'acte de la digestion s’accomplit, les résidus deviennent de plus 
en plus foncés de couleur, parce que la matière blanche est absorbée, comme plus propre 


à la nutrition. ? 


NurriTion. — Il est évident, d’après les faits que nous venons de rapporter, que le 
Taret absorbe avec la matière alimentaire des particules de bois qu'il a détachées du sommet 
de la cavité qu'il habite ; l’état boueux dans lequel se trouve la matière ligneuse annonce 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE TARET. 61 


qu'elle résulte plutôt d’une décomposition chimique que d’une action mécanique; on en a 
la preuve si l’on porte sous le microscope quelques fragments des excréments; il est im- 
possible d'y retrouver la moindre parcelle de bois encore organisé, quels que soient les 
soins que l’on apporte à l'observation et les grossissements microscopiques que l’on emploie. 
Des faits que nous venons de rapporter, une conséquence en découle : le Taret agirait sur 
le bois chimiquement, et non mécaniquement, comme on l'a si souvent répété. Cette 
conséquence trouve un nouvel appui dans une observation très-précieuse d’Adanson; cet 
illustre naturaliste remarqua qu'aussitôt que le Taret a fermé complétement son tube, et 
qu'il n’a plus de contact avec le bois qu'il a percé, les excréments prennent la couleur 
grisâtre de ceux des autres mollusques, et ils résultent évidemment de l'ingestion par 
l'animal de la vase, du sable et d’autres particules tenues en suspension dans l’eau. Le 
mode de préhension des aliments, chez le Taret, ne doit pas différer de ce qui est connu 
chez les autres mollusques acéphalés. Un courant d’eau est constamment établi dans l'in- 
térieur du siphon branchial ; par l'ouverture postérieure de ce siphon, le liquide est poussé 
pendant le long trajet de cet organe au moyen des mouvements péristaltiques qu’exécutent 
ses fibres annulaires, et parvient jusqu'à la bouche, dont les palpes retiennent toutes les 
particules tenues en suspension; par un mouvement contraire, le liquide redescend pour 
sortir par l'ouverture qui lui a donné entrée, car il ne peut s'échapper entre les valves et 
les bords du manteau, comme cela a lieu chez tous les mollusques à coquille libre. Le 
mécanisme de l'introduction du liquide, qui est destiné à la fois à la respiration et à la 
nutrition, est donc très-différent de ce qu'il est dans les autres mollusques. Les mollusques 
à longs siphons, comme celui-ci, vivent plongés dans le sable, les siphons dirigés en haut; 
ils se sont creusé un trou au moyen du pied, et ils peuvent s’y mouvoir à l’aide de cet or- 
gane ; les siphons sortent du trou, s'ouvrent dans l’eau, et par leur action, déterminent 
un courant continuel dirigé dans la cavité du manteau; lorsque l'eau à agi sur les organes 
de l'animal, et qu'il y a puisé les aliments qu’elle lui apporte, il la repousse par les siphons 
ou par l'ouverture du manteau. Ce mécanisme se comprend chez un animal placé dans les 
conditions que nous venons de rappeler, mais il doit être différent chez le Taret, renfermé 
dans une cavité fermée de toute part, et qui ne communique avec le liquide ambiant que 
par la seule petite ouverture postérieure des siphons. L'irrégularité de animal, ses inflexions 
nombreuses, apporteraient au parcours du liquide un très-grand obstacle, si l’organisation 
des siphons, leurs fibres annulaires, ne donnaient à l'animal le moyen de faire parvenir 
l’eau jusqu’à la bouche, et de lexpulser ensuite par l'ouverture qui lui a donné entrée. 


ORGANES DE LA GÉNÉRATION. — Un grand ovaire est le seul organe de la génération que 
nous ayons rencontré dans le Taret; il est considérable, et il se présente sous une forme 
spéciale que nous ne retrouverons plus chez les autres mollusques. Une partie peu considé- 
rable, assez mince, s'engage sous le foie, auquel elle est faiblement adhérente; elle glisse 
sous lui en s’amincissant à mesure qu’elle s’avance vers l'extrémité antérieure de lanimal 
(pl. VIE, fig. 2 k, k; pl. IX 4, fig. 2 f, f), elle se développe en arbuscules élégants, qui 


viennent embrasser les parties latérales du foie. (PI. V, fig. 2 :; fig. 3 n.) Immédiatement 


62 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


à la suite du foie, l'ovaire se dégage et se présente sous la forme d’un cône allongé, d’un 
blanc jaunâtre, quelquefois d’un jaune assez intense, selon le degré de son développe- 
ment; son extrémité inférieure, très-atténuée, se termine en une pointe très-aiguë, qui 
vient se placer dans le sillon médian des branchies. (PI. V, fig. 2 l; fig. 3 o; pl. VI, fig. 3 p; 
pl. IX, fig. 1 b, c; fig. 2 a, b; pl. IX 4, fig. 4 a, b.) Cette pointe n’est autre chose que 
l'oviducte, qui dépose ainsi d’une manière directe les œufs dans l'organe où ils doivent 
subir une incubation. Rien n'est plus remarquable que cette terminaison de l'ovaire, elle 
ne ressemble en rien à ce qui est connu dans toute la série des mollusques acéphalés : 
dans tous ces animaux, il y a deux oviductes, même dans la Clavagelle, loviducte unique 
que nous y avons fait remarquer est le résultat de la réunion des deux oviductes en un seul 
canal d'émission pour les œufs. Dans tous les autres mollusques, l'ovaire est engagé dans 
la masse commune des viscères, enchaîné avec eux dans les muscles transverses du pied 
et de la masse abdominale. Dans les monomyaires , il se dégage davantage, mais nulle 
part il ne se présente indépendant dans la plus grande partie de sa masse, et surtout ter- 
miné par un seul oviducte central et symétrique. À mesure que nous examinons un nou- 
veau système d'organes dans le Taret, nous avons occasion de faire remarquer les singulières 
anomalies qu'il offre. 

Dégagé en grande partie des organes qui constituent ordinairement la masse abdominale 
des mollusques, l'ovaire est revêtu d’une membrane mince et transparente; elle est la con- 
unuité de la duplicature du manteau qui s'étend sur tous les organes abdominaux et les 
contient. Parvenue vers l'extrémité pointue de l'ovaire, la membrane de l'enveloppe s’épais- 
sit sensiblement, se contourne sur elle-même et se prolonge en arrière de l'ovaire en un 
canal conique très-pointu, libre, dont l'extrémité se place dans le sillon médian qui sépare 
les deux parties de la branchie. La transparence de l'enveloppe permet de voir avec facilité 
que l'ovaire est composé de lobes nombreux, qui sous la loupe sont formés de grappes dont 
les grains sont subpédiculés. 

Si l’on arrache un lambeau de l'ovaire tenant encore à son enveloppe générale et qu'on 
le soumette au microscope (pl. IX, fig. 5), on voit un grand nombre de poches digitiformes 
ou seulement des mamelons arrondis. Toutes ces cavités, nettement circonscrites par une 
membrane très-mince, contiennent en grand nombre des ovules peu développés, irrégu- 
lièrement distribués dans une matière transparente qui semble muqueuse, et dans laquelle 
sont noyés un nombre considérable de granules jaunâtres très-petits. La membrane qui cir- 
conscrit les cavités ovariennes dont nous venons de parler est hérissée en dehors d’un 
très-grand nombre de filaments très-fins, transparents; ils lient entre elles les différentes 
parties de l'ovaire. Ces filaments nous semblent avoir les caractères des fibres musculaires, 
et, s'ils se contractent, ils ne doivent pas être sans utilité dans les fonctions de la génération. 

Les individus de Tarets, recueillis par nous sur les côtes de l'Algérie, avaient tous les 
ovaires développés au même degré, et nous n'avons pu suivre les diverses transformations 
des œufs. D’après la disposition des organes, nous ne conservons aucun doute sur la route 
que les œufs doivent suivre en sortant de l'ovaire; ils sont reçus dans la branchie où ils se 
distribuent en parcourant le canal central qui s’y trouve; après un séjour dont nous ignorons 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE TARET. 63 


la durée, ils sortent par les fentes étroites de la face postérieure de l'organe et tombent 
directement dans le siphon anal, et bientôt après ils sont rejetés au dehors par les contrac- 
üons de ce siphon. 


ORGANES DE LA CIRCULATION. — On chercherait en vain dans l'animal du Taret les organes 
de la circulation, là où ils se montrent dans les autres mollusques. Dans presque tous ces 
animaux, en effet, le cœur correspond, pour la place qu'il occupe, à la charnière de la 
coquille, et cette règle est presque sans exception dans toute la classe des acéphalés di- 
myaires ; lorsque le cœur change de place, la charnière le suit, et c’est ainsi qu'à la simple 
inspection des coquilles on peut savoir exactement la place que doit occuper l'organe 
principal de l’une des fonctions les plus importantes de l'animal. Dans un animal dont la 
coquille est aussi courte que celle du Taret, coquille dans laquelle se trouve à peine de la 
place pour le muscle adducteur des valves et une très-faible partie des organes de la diges- 
tion, nous n’espérions pas y rencontrer encore les organes de la circulation, quand même 
la nature les aurait réduits à un état rudimentaire. Après avoir cherché le cœur dans la 
portion de l'animal recouverte par la coquille, sans lavoir trouvé, nous éprouvâmes une 
grande surprise en le découvrant très-bas, derrière l'ovaire, entrainé un peu au-dessus de 
l’origine de la branchie. La situation du cœur se trouve en quelque sorte impérieusement 
commandée par celle de la branchie, et l'on voit toujours ces deux organes entrainés, l’un 
à la suite de l’autre, dans les déplacements qu'ils éprouvent dans les diverses formes Orga- 
niques qu'affectent les animaux. Si, dans tous les autres mollusques, le cœur occupe un 
point central, c'est parce qu'il se trouve là dans les rapports les plus faciles et les plus 
immédiats avec les organes de la respiration. Dans le Taret, au contraire, animal, pour 
ainsi dire, passé à la filière, tous les organes sont descendus au-dessous les uns des autres, 
et la branchie, rejetée la dernière, a entrainé le cœur avec elle, Mais le fait le plus remar- 
quable dans ce déplacement des organes, c'est que leurs rapports avec l'extrémité anté- 
rieure de l'animal n’ont pas été brisés. En effet, ces rapports sont conservés au moyen 
d’une longue cavité que nous considérons comme le péricarde, et que l’on trouve circons- 
crite le long du dos de l'animal, en arrière par l'insertion de l'extrémité antérieure de la 
branchie, sur les côtés par la soudure des parties latérales de l'ovaire et du foie sur le 
manteau (pl. V, fig. 3 p, q, g); enfin cette cavité remonte en avant Jusqu'au-dessous du 
bord postérieur du muscle adducteur des valves; l’une de ses grandes surfaces est formée 
par la face supérieure de l’ovaire et une petite partie de celle du foie (pl VIT, fig. e,e); 
la surface opposée est complétée par la cloison du siphon anal. (PI. VII, fig. 1 f, f.) Il est 
incontestable que ce péricarde, ayant la forme d’un tuyau allongé et étroit, parcourant 
le dos de l'animal dans une partie notable de sa longueur entre l'ovaire et le siphon anal, 
est le seul exemple connu d’une semblable modification. 

Le cœur est fort différent de ce qu’on le voit dans les autres mollusques acéphalés ; l'or- 
ganisation du Taret est tellement particulière qu’elle nous impose constamment l'obligation 
de rappeler au lecteur ce qui existe chez les autres mollusques, pour établir les différences 
que nous remarquons dans celui-ci. Les anatomies de Poli nous ont fait connaître, si ce 


GA HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


n’est d’une manière complète, l’organisation du ventricule aortique des mollusques acépha- 
lés, du moins la forme générale de cet organe. Le plus souvent, il est fusiforme et il donne 
naissance de chaque côté à une oreillette membraneuse, excessivement mince, d’une forme 
triangulaire et dont l'insertion au ventricule se fait par l'un des angles de ce triangle. Les 
organes dont nous parlons restent parfaitement symétriques chez tous les mollusques, ceux 
du moins où le cœur trouve un point d'appui sur l'intestin; car ceci est encore un point 
essentiel que nous devons noter, c'est qu'il n'existe presque point d'exemple de la séparation 
du cœur et de l'extrémité postérieure de l'intestin. Le Taret présente dans la disposition du 
cœur plusieurs anomalies fort remarquables. Il est complétement mdépendant de l'intestin, 
ce qui prouve que pour satisfaire à des rapports plus importants, la nature sait en aban- 


donner d’autres qui, par leur constance, sembleraient non moins nécessaires ; aussi ce fait qui 


en apparence est d’une faible importance, en acquiert cependant à nos yeux, parce qu'il nous 
dévoile que les rapports du cœur et de l'intestin sont relativement d’une moindre utilité. 

Le cœur n’occupe pas toute l'étendue du long péricarde dont nous avons parlé; on le 
trouve à sa partie inférieure rapproché des feuillets branchiaux; il est constitué par un 
ventricule (pl. V, fig. 3 r), auquel sont attachées deux oreilletes, et ces parties n'ont pas 
la forme qu’elles affectent chez les autres mollusques. Le ventricule est subpiriforme 
(pl. VIE, fig. 1 g; fig. 3 a), comprimé sur ses faces dorsale et ventrale; son extrémité la 
plus large est dirigée en arrière, la plus étroite en avant; c'est à cette extrémité que 
prend naissance une artère aorte, très-mince et assez grosse , remontant, sans donner 
aucune branche, jusqu’à l'extrémité antérieure de l'animal, où elle commence à se rami- 
fier pour se distribuer dans tous les organes. Cette disposition de l'aorte est encore un 
fait unique et sans exemple jusqu'ici, car toujours à peine ce vaisseau est-il sorti du cœur 
qu'il commence à se ramilier et à se distribuer. 

Le ventricule du Taret est ridé transversalement ; il est d’une couleur jaunâtre, et, lors- 
qu'il est contracté, il est séparé de l'aorte par un étranglement. (PI. VII, fig. 1 À; fig. 3 b.) 
De l'extrémité élargie du ventricule naissent deux oreillettes ; elles sont semblables à deux 
cuisses portant un corps triangulaire; ces oreillettes sont blanches, subcylindriques (pl. V, 
fig. 3 s, t; pl. VII, fig. 1 à, j; fig. 2 a, b; fig. 3 c, d; pl. IX, fig. » c, d), un peu fusiformes, 
car elles se rétrécissent au point de leur jonction avec le ventricule. Ces oreillettes se 
rendent directement aux parties latérales des feuillets branchiaux; elles occupent le bord 
extérieur des feuillets externes. (PL. V, fig. 3 u,v.) Lorsque l'on ouvre ces vaisseaux, on 
y aperçoit un très-grand nombre de petites ouvertures, qui permettent au sang de passer 
des lamelles branchiales dans leurs cavités. Le ventricule n’a pas une cavité simple; un 
pilier fibreux assez épais le partage, dans sa longueur, en deux parties égales, et la cloison 
qui résulte de la présence de ce pilier vient tomber entre les ouvertures des deux oreillettes 
(pl. VIT, fig, 2 c, d), et remonte jusqu'à l'entrée de l'aorte supérieure. (PL VII, fig. 5 b.) 

Dans quelques-uns des individus que nous avons disséqués, nous avons trouvé, à l'entrée 
de l'aorte, une singulière valvule que lon peut, à juste titre, comparer à une soupape, 
car elle consiste en un globule charnu, ovoïde, de la base duquel part un filament cylin- 
drique, probablement musculaire, et qui va s'attacher à l'entrée du ventricule sur sa partie 


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EXPLORATION 


SCIENTIFIQUE 


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PENDANT LES ANNÉES 1840, 1841, 1842 


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Vire PAR M. DESHAYES 


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COMPARATIVE ZOÜLOGY, 
AT HARVARD COLLEGE, CAMBRIDGE, MAS. 


Dounvdeù by private subscription, în 1861, 


DR. L. pe KONINCKS LIBRARY. 


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HARVARD UNIVERSITY 
CAMBRIDGE. MA USA 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE TARET. 65 


charnue (pl. VIE, fig. 1 k; fig. 3 e, f); il est évident que cet organe est destiné à empêcher 
le reflux du sang dans la cavité du ventricule aortique; mais jusqu'ici nous n'avons vu 
chez aucun animal une valvule construite de cette manière. Nous devons ajouter que nous 
ne l'avons pas trouvée chez tous les individus que nous avons disséqués, soit que cet organe 
fragile ait été brisé par les contractions de l'animal, soit par le fait des tiraillements que 
la dissection elle-même détermine sur des organes d’une aussi grande délicatesse ; ce qui 
tendrait à nous le faire croire, c’est que, dans quelques individus, au lieu de cette sou- 
pape, nous avons trouvé des débris qui nous annonçaient évidemment son existence. 

Il nous a été impossible de suivre dans ses détails la distribution de l'aorte dans les 
organes principaux du Taret; nous en avons retrouvé quelques branches dans le manteau, 
grâce à de petits organes colorés qui se rangent dans la direction de leurs trajets. Si les vais- 
seaux avaient moins de mollesse, on pourrait distinguer la position des troncs principaux à 
l'aide des sections transverses, dans la surface desquelles ils montreraient leur ouverture 
béante; mais il n'en est pas ainsi; les vaisseaux s’affaissent et disparaissent, à moins qu'ils 
ne soient compris dans l'épaisseur d’un organe spécial pour la couleur et la consistance: 
ainsi, dans le foie, dans l'ovaire, organes colorés, il nous a été impossible d’apercevoir le 
trajet des vaisseaux artériels. Dans les siphons, au contraire, organes blancs, demi-trans- 
parents, les vaisseaux artériels et veineux y deviennent apparents, non-seulement par leur 
plus grande opacité, mais encore parce qu'ils restent ouverts dans les tranches transver- 
sales de l'animal, de sorte qu’en s’aidant d’un certain nombre de ces sections transverses, 
on peut suivre assez facilement le trajet des vaisseaux dans ces organes. 

Nous considérons comme artériels quatre vaisseaux qui descendent dans toute la lon- 
gueur des siphons; ils sont placés d’une manière symétrique : deux appartiennent au côté 
droit, les deux autres au côté gauche de lanimal ; deux appartiennent à la région dorsale ; 
ils accompagnent le siphon anal sur ses parties latérales (pl. VIL, fig. 5 d, d); les deux autres 
sont plus grands; on les voit sur les parties latérales, tout près du point d'insertion des 
organes principaux, foie, ovaire, branchie, sur la surface interne du siphon branchial. 
(PI. VIT, fig. 5 e, e.) En ouvrant le siphon anal, dans la première partie de son trajet, depuis 
l'anus jusqu'à son ouverture sous-branchiale, il semble que ce canal soit fendu naturelle- 
ment dans toute la longueur de sa face ventrale, car on aperçoit une ligne noire, un peu 
ondulée ; mais, si elle paraît de cette couleur, cela est dû à la transparence parfaite des 
parois d’un petit vaisseau médian ; compris dans l'épaisseur de la paroi opaque du siphon, 
ce petit vaisseau ovalaire, dans sa tranche, occupe toute l'épaisseur de la cloison qui sé- 
pare le siphon anal du péricarde. (PI. VIT, fig. 5 f.) Nous ne savons si ce vaisseau est ar- 
tériel ou veineux; nous avons voulu constater son existence ; plus tard, si l'on parvient à 
injecter de grands individus de Tarèt, on saura auquel des deux systèmes vasculaires il 
doit appartenir. 

Les veines du manteau ont un diamètre plus considérable que celui des artères; il y 
en a deux, une de chaque côté du siphon anal, un peu au-dessous de lui et séparées par 
le vaisseau transparent dont nous avons parlé précédemment ; ces veines se trouvent com- 
prises dans l'épaisseur de la cloison qui sépare le péricarde du siphon anal. { PL. VII, fig. à 


Zoo. — Mollusques. 1. 9 


66 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


g, h.) Les sections transverses nous laissent voir ces vaisseaux dans toute la longueur des 


siphons. 


ORGANES DE LA RESPIRATION. — Comme tous les autres systèmes organiques, celui de la 
respiration a subi, dans le Taret, de profondes modifications. Tous les zoologistes savent 
de quelle manière est constitué l’organe respiratoire dans les mollusques acéphalés. Deux 
grandes lamelles, situées symétriquement de chaque côté de la masse abdominale, sont en 
rapport direct avec les oreillettes, dans lesquelles débouchent, au moyen d’artères bran- 
chiales, un nombre considérable de vaisseaux transverses, dont la présence est accusée sur 
la surface des feuillets branchiaux par des stries fines et d’une parfaite régularité. Le sang 
est apporté dans ces branchies par un système veineux considérable. Quelquefois, et par 
exception, au lieu de deux feuillets branchiaux, on n’en trouve qu’un seul, mais plus épais 
et qui semble formé de la réunion des deux feuillets des autres mollusques. Dans le Taret, 
l'organe branchial est constitué des mêmes éléments que dans les autres mollusques, mais 
approprié à la longueur de l'animal et à sa forme vermiculaire; aussi presque toute la 
branchie, au lieu d’être située sur les faces latérales de la masse abdominale, est portée 
tout entière en arrière, et sa base bifurquée est la seule portion de l’organe qui se main- 
tienne en contact avec l'extrémité postérieure de l’ovaire. De plus, la branchie n’est plus 
composée des grands feuillets minces et flexibles dont nous avons parlé précédemment ; 
ces feuillets deviennent excessivement étroits ; ils sont fortement soudés les uns aux autres, 
et un sillon peu profond sépare la paire inférieure de la paire supérieure. (PI. V, fig. 1 m; 
fig: -»ys LAVE, fig. 3 m, m; pl. IX, fig. 1 d, d.) 

On connaît un assez grand nombre de mollusques chez lesquels la branchie dépasse 
l'extrémité postérieure de la masse abdominale, et, dans ce cas, les feuillets d'un côté se 
joignent à ceux de l’autre dans la ligne médiane, et, après cette jonction, se prolongent 
quelquefois, d’une manière notable, dans le siphon branchial, en se plaçant devant l'ouver- 
ture intérieure du siphon anal. Il arrive même qu'une soudure s'établit entre le bord 
postérieur de la branchie et le contour du siphon, de manière à intercepter la communi- 
cation de la cavité du manteau avec celle du siphon anal. Nous avons fait remarquer que 
cette disposition existait dans les Clavagelles ainsi que dans le Gastrochène. Si l'on détache 
cette portion postérieure des feuillets branchiaux, on la voit percée de la manière la plus 
régulière d'ouvertures quadrangulaires, qui continuent la série de celles qui existent le 
long du corps à la base des feuillets branchiaux. Ces ouvertures ont une destination im- 
portante dans l'accomplissement de la génération, car elles donnent passage aux œufs müris 
par l'incubation branchiale. 

Il faut voir actuellement si toutes ces conditions d'organisation existent dans la branchie 
modifiée des Tarets. D'abord, lorsque nous soumettons des parties de cet organe à un gros- 
sissement convenable, nous voyons des stries nombreuses sur toutes les parties de sa sur- 
face. Ces stries très-fines semblent noyées dans l'épaisseur d'un parenchyme ; néanmoins 
elles sont fort apparentes sur les surfaces antérieure et latérale des deux feuillets branchiaux 


réunis. Mais la surface inférieure, celle qui correspond à cette portion flottante de la bran- 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE TARET. 67 


chie des autres mollusques, on y remarque, circonscrites dans un espace étroit, deux zones 
parfaitement semblables, séparées par un bourrelet médian, et ces zones sont occupées par 
des feuillets écartés, dont les intervalles peuvent être comparés aux perforations bran- 
chiales dont nous avons précédemment parlé. 

Pour mettre les zoologistes à même de bien comprendre cette structure de la branchie 
des Tarets, nous en avons fait représenter diverses sections, au moyen desquelles ils seront 
à même d'apprécier l'exactitude de notre description ; ils verront que, par le fait, la bran- 
chie est une très-longue pyramide à quatre faces mégales , creusée de sillons, présentant 
diverses saillies; deux de ces faces sont les plus larges. La première, ventrale, se montre 
aussitôt que l’on a ouvert le siphon branchial; elle est dépassée un peu par la seconde, 
dorsale, qui est cachée et dont la surface fait partie du siphon anal. Les faces latérales 
sont les plus étroites, elles sont semblables ; aussi la coupe transverse de la branchie (pl. VF, 
fig. 5 ; pL.IX, fig. 3), donne une figure quadrangulaire d'une parfaite symétrie, dans laquelle 
on peut considérer les parties saillantes a, b (pl.VL, fig. 5) du même côté, comme représen- 
tant la paire de branchies du côté droit, et les saillies c,d, comme équivalant la paire de bran- 
chies du côté gauche. On pourrait d’ailleurs diviser la pyramide dans toute sa longueur en 
suivant l'axe longitudinal de l'animal, et l'on aurait ainsi deux parties parfaitement symé- 
triques représentant les feuillets de droite et de gauche. Cette séparation est indiquée sur 
la face ventrale par un sillon peu profond, au sommet duquel l'extrémité de l'ovaire se place 
(pLVL 6g.3r, r; fig. 5, e; fig. 6 a, a; pl.IX, fig.1 e, e; fig. 3 a); sur la face dorsale, la partie 
moyenne de la branchie est indiquée par un bourrelet saillant, assez gros, qui résulte de 
la soudure des feuillets branchiaux de chaque côté. (PL VE, fig. 5, fig, 3, b, c.) Ce bourrelet 
existe chez tous ceux des mollusques à branchies prolongées, et nous l'avons fait remarquer 
d'une manière spéciale dans la Clavagelle. Indépendamment du sillon médian qui règne 
dans toute la longueur de la face ventrale de la branchie, on remarque, de chaque côté 
de lui, une partie bombée, saillante, dans l'intérieur de laquelle est creusé un vaisseau 
assez large (pl.VE, fig. 5 9, k; pl. IX, fig. 3 d, e); il y a donc sur cette surface deux grands 
vaisseaux qui la parcourent dans toute sa longueur : ce sont les artères branchiales; car ils 
distribuent dans l'organe respiratoire le sang du corps, rassemblé dans deux troncs princi- 
paux qui traversent l'ovaire. (PLVIT fig. 5 c, c.) Ce ne sont pas là les seuls canaux qui par- 
courent la branchie; il y a encore les deux veines branchiales, elles forment les angles de la 
surface dorsale. (PLV, fig. 5 ü, j; pL.IX, fig. 3 f, g.)C'est par leur surface que la branchie adhère 
au pourtour du siphon anal; par leur largeur et leur convexité , elles s'adaptent dans la petite 
rigole que laissent entre elles les deux petites saillies membraneuses qui circonscrivent l'en- 
trée du siphon. Les vaisseaux en question étant saillants en partie au dehors du bord, il est 
facile d’en observer la structure au microscope et un grossissement de trois cents fois suffit 
pour distinguer dans leur paroi un tissu fibreux composé d’anneaux obliques. (PL. IX B, fig. 2 
a, b.) Dans sa structure, l'aorte est différente; ses parois contiennent à la fois des fibres 
longitudinales , de transverses et même d’obliques, en petit nombre. 

On aperçoit, dans l'intérieur, des veines branchiales et, à l’aide de leur transparence, des 
organes rougeâtres étroits. (PL. IX, fig. 3 k, k; pl. IX B, fig. 2 d, d.) Hs font partie de la paroi 


de 


68 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


inférieure de la veme, etils sont un peu en saillie dans sa cavité. Vers la base de la branchie, 
ces organes n’ont pas de discontinuité, tandis que vers l'extrémité pointue l’organe s’amincit 
et éprouve insensiblement des changements, non dans sa constitution organique, mais dans 
sa forme, car 1l dégénère en petits amas d'abord liés entre eux, ensuite complétement isolés. 
À un faible grossissement, on s'aperçoit que les organes dont nous parlons sont formés d’un 
grand nombre de gros granules égaux, réguliers, que l’on pourrait prendre pour des œufs 
amoncelés dans cette partie de la branchie; mais en les soumettant à un grossissement de 
trois cents fois, on reconnaît que ce ne sont pas des œufs, mais des granules glanduleux 
composés de cellules très-petites agglomérées; ces granules ressemblent beaucoup pour la 
structure à ceux que nous avons signalés dans l’épaisseur du manteau. Il devient évident 
qu'une glande considérable existe dans l’intérieur de la veine branchiale, et il est bien pro- 
bable qu’elle verse immédiatement dans le sang le produit de sa sécrétion. Au reste notre 
opinion n'est point encore complétement assise à ce sujet, car 1l serait possible qu'une 
membrane recouvrit l'organe glanduleux et le séparât de la cavité veineuse; mais il nous 
a été impossible de nous assurer de ce fait. 

Enfin, pour terminer tout ce qui a rapport à la branchie, nous devons ajouter qu’elle est 
percée au centre d’un large canal fermé de toutes parts (pl. VE, fig. 5 £; pl. IX, fig. 3 1; fig. 4 
a, b), et obstrué en partie par une glande blanchâtre , spongieuse, remplie de matière mu- 
queuse. Ce conduit intérieur est probablement destiné à recevoir les œufs au moment de la 
ponte, et ils y trouvent un organe destiné à leur fournir les éléments de leur nutrition et de 


leur accroissement. 


ORGANE ÉNIGMATIQUE. — Lorsque l’on fait une section longitudinale comprenant l’extré- 
mité antérieure de la branchie, et que l'on pénètre par ce moyen dans la cavité du péricarde, 
si l'on a suivi exactement le sillon médian de la branchie, on divise en deux une cavité très- 
petite, parfaitement fermée de toutes parts, régulièrement sphérique (pl.IX, fig. 2 e, f), et con- 
tenant dans son intérieur un globule charnu également sphérique. Cet organe, dont l'usage 
est encore inconnu, découvert pour la première fois par M. Siebold, a reçu le nom de cet 
anatomiste distingué. Ordinairement cet organe énigmatique occupe une place toute diffé- 
rente dans les mollusques acéphalés, car c’est dans le pied, dans la masse fibreuse qui cons- 
titue son tranchant, qu'on le rencontre le plus habituellement. Dans le Taret, cet organe, 
comme on le voit, se trouve dans d’autres rapports. Il est situé au-dessous du cœur, au point 
d'insertion de la branchie et à l'intersection du siphon anal avec le canal sous-branchial, 
destiné à la transmission des œufs. À quel usage cet organe est-il destiné? Nous ne saurions 
le dire, car rien dans le Taret n’est capable de dissiper les incertitudes dont il est entouré. 


ORGANE sPÉGIAL. — Nous avons encore à parler d’un organe spécial situé à l'extrémité an- 
térieure de l'animal et protégé par la coquille, dont il occupe les crochets (pl. IX À, fig. 1 j, 7, 
fig. 3 h), en enveloppant dans son épaisseur les apophyses qui y sont fixées. Cet organe est 
symétrique, d’un blanc grisâtre , et l'on ne peut bien en jager qu'après avoir enlevé le muscle 
adducteur des valves, détaché l'intestin qui rampe sur la surface supérieure du premier 


CLASSE PREMIÈRE - GENRE TARET. 69 


estomac; ainsi dégagé, on voit cet organe coifler, pour ainsi dire, l'extrémité antérieure de 
l'estomac et se prolonger de chaque côté, le long du bord du muscle, en une pointe triangu- 
laire; de cette manière se trouve comblé le vide qui résulte de l'application de l'estomac, 
qui est cylindrique, contre la surface plane du muscle. (PI. IX 4, fig. 2 g, g.) L'organe dont 
nous nous occupons offre tous les caractères d’une glande, sa masse paraît spongieuse; elle 
est cassante, grumeleuse; des fragments portés sous le microscope montrent l'assemblage 
d’un nombre considérable de vésicules irrégulières, inégales, transparentes, agolomérées, 
adhérentes. À voir leur transparence, on les croirait remplies d’une matière muqueuse. Au 
milieu des amas de corpuscules irréguliers sont disséminés d’autres corps arrondis, colorés 
en jaune brunâtre; ils sont tout à fait semblables à ceux qui existent dans les parois du 
manteau et dont nous avons déjà parlé. (PL IX B, fig. 5, 6.) 

Les rapports de la glande avec les parties antérieures de l'animal, surtout avec l'anneau 
foliacé de la troncature, nous donnent le soupçon qu’elle a pour usage de fournir à la sécré- 
tion d’une liqueur propre à amollir le bois et capable de le dissoudre ; car il faut renoncer, 
comme nous lavons déjà dit, à cette opinion qui attribue les érosions du Taret à un moyen 
purement mécanique. Des acides puissants ont la propriété de changer en gomme la partie 
solide du bois; rien ne fait repousser cette idée que le Taret possède un agent chimique spé- 
cial, dissolvant seulement le bois à l’aide d’une macération déterminée par le contact de la 
ventouse; peut-être aussi la sécrétion serait-elle provoquée par des forces électro-chimiques, 
au moment où l'animal entre en contact avec le bois. 


SYSTÈME NERVEUX. — Les filets du système nerveux sont d’une extrême finesse dans le 
Taret, et, malgré le désir de connaître, dans leur ensemble, des organes aussi importants, 
ils nous ont échappé presque partout. Il est toujours assez facile de découvrir les ganglions 
nerveux postérieurs dans les mollusques acéphalés dimyaires, parce que ces ganglions 
reposent sur la surface interne du muscle postérieur des valves; mais dans un animal où 
un seul muscle subsiste, muscle dont la masse est peut-être le résultat de la Jonction des 
deux muscles adducteurs des autres mollusques, nous devions nous attendre à des modi- 
fications importantes ; malheureusement, de ce côté, tous nos efforts ont échoué. Proba- 
blement les ganglions principaux existent dans le voisinage du muscle, peut-être déguisés 
sous du tissu cellulaire ou quelques lambeaux de glandes. En cherchant les filets nerveux 
des palpes labiales, on est conduit aux ganglions antérieurs. Ce moyen nous à encore 
échappé : la finesse du nerf des palpes ne nous a pas permis de le trouver. Dans toute la 
portion antérieure de lanimal, nous avons découvert seulement un petit filet transverse 
bifurqué, situé au passage de l'intestin, derrière l'estomac, lorsqu'il s'enfonce pour gagner 
le dessous de l’anneau foliacé de la troncature (pl. VIIT, fig. 4 a), en touchant presque à 
l’æsophage, derrière la bouche. La figure à laquelle nous venons de renvoyer, faite à la 
chambre claire, indique les rapports de grosseur entre les filets nerveux et les organes, et 
encore la grosseur de celui qui est représenté a été à dessein un peu exagérée, pour le 
faire mieux apercevoir. 

D'autres branches nerveuses se découvrent plus facilement dans les parois intérieures 


70 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


du siphon branchial. Dans la paroi supérieure du péricarde, lorsque l'on a renversé d’un 
côté la masse du foie et de l'ovaire, on aperçoit, de chaque côté, deux filets très-fins : on 
commence à les voir au-dessous du bord du muscle des valves, et ils disparaissent au 
point d'insertion de la branchie, parcourant ainsi toute la longueur du péricarde, Une 
autre branche, se continuant peut-être avec une de celles dont nous venons de parler, se 
montre de chaque côté de la longue ouverture sous-branchiale du siphon anal (pl. IX B, 
fig. 1a,a,b,b), descend jusqu'à la surface interne de l'anneau fibreux des siphons : là 
chaque branche se divise en deux filets {pl IX B, fig. 1 ec, c, d, d); l'un passe au dedans de 
l'anneau, il est destiné au siphon branchial; l’autre passe derrière, et se rend au siphon anal. 

Nous comprenons combien sont imparfaits les documents que nous donnons sur un 
système aussi important que celui-ci. Des observations entreprises sur les animaux vivants 
pourront aider à combler cette lacune de notre travail, et nous appelons sur ce sujet lat- 
tention des naturalistes qui habitent les côtes, où les débris de bois sont abondants et 
presque toujours envahis par de nombreuses familles de Tarets. 


CONCLUSION. 


Aucun animal mollusque ne méritait, autant que le Taret, d'attirer l'attention des zoolo- 
gistes. On devait prévoir, en effet, à la suite du seul examen des formes extérieures, 
combien ce mollusque devait être profondément modifié dans toutes les parties de son 
organisation. Un autre intérêt s’attachait encore à l'histoire de cet animal, car il est le plus 
destructeur, le plus à redouter qui soit connu. 

Nous avons signalé les différences nombreuses qui existent entre le Taret et tous les 
autres mollusques acéphalés ; nos observations tendent à prouver que si le Taret rentre 
dans le plan d'organisation des animaux de la classe dans laquelle il est rangé, il présente 
des modifications importantes, déterminées par sa manière de vivre, et surtout par la 
forme excessivement allongée de toutes ses parties. En examinant chaque système orga- 
nique, nous avons fait apercevoir les notables différences qui s'y montrent, et nous croyons 
utile de les faire ressortir dans l’ordre où nous les avons aperçues. 

Ce que l'on appelle manteau est toujours renfermé dans la coquille, quelle que soit sa 
forme, et, dans le Taret, cette portion de l'enveloppe cutanée est excessivement courte et 
ne peut contenir qu'une très-faible partie des viscères. ; 

Les siphons commencent immédiatement au-dessous de la coquille, constituent la plus 
considérable portion de l'animal, et, contrairement à ce qui à lieu, l'un d'eux, le branchial, 
reçoit dans sa cavité la plus grande partie de la masse viscérale. 

Les ouvertures de ces siphons ne sont point placées lune à côté de l'autre, à l'extré- 
mité postérieure du manteau. Le siphon branchial s'ouvre immédiatement au-dessous de 
la coquille et semble continuer la cavité du manteau proprement dit. L'ouverture du 
siphon anal est énormément longue, et elle est descendue jusqu'au milieu de la longueur 
du siphon branchial : entraînée ainsi hors de sa place habituelle, cette ouverture est pré- 
cédée d'un canal dorsal, remontant très-haut, pour saisir l'extrémité anale de l'intestin. 


CLASSE PREMIÈRE. -_ GENRE TARET. 71 


L'introduction des viscères dans le siphon branchial a déterminé sa dilatation, et elle a 
élé cause, en même temps, de l'extrême petitesse du siphon anal. Gelui-ct1 est complété. 
dans une grande partie de son étendue, par l’adhérence de la branchie au pourtour de la 
grande ouverture médiane. 

A leur extrémité postérieure, les siphons se bifurquent, et la bifurcation s'appuie sur 
un anneau musculaire qui vient se fixer à l'intérieur du tube, à son extrémité postérieure , 
au point où le diamètre se rétrécit pour recevoir les cloisons transverses. 

Nous faisons remarquer spécialement ce fait, qui ne se présente chez aucun autre mol- 
lusque, de l’adhérence de l'extrémité postérieure des siphons au tube calcaire. 

Tous les Tarets, sans exception, défendent l'entrée de leur tube calcaire par deux pièces 
solides, nommées calamules. Nous avons fait voir que ces pièces ont un organe de sécre- 
tion spécial qui les enveloppe de toutes parts, et qui sont une dépendance de l'anneau 
fibreux sur lequel ces calamules sont implantées. 

Tous les mollusques dimyaires ont un pied, ceux-là même qui sont adhérents par 
leur coquille, et pour lesquels cet organe est sans usage. Les monomyaires, la plupart 
adhérents, conservent presque tous l'organe de la locomotion. Le Taret en est compléte- 
ment dépourvu; il est remplacé par une troncature qui peut servir de ventouse. 

Pour ce qui a rapport aux organes du mouvement, voici un mollusque appartenant 
certainement à la classe des dimyaires, et auquel cependant on ne trouve qu'un seul 
muscle adducteur des valves. Ce muscle unique est-il composé des deux muscles réunis, 
ou bien le second muscle serait-il descendu jusqu'à l'extrémité des siphons pour consti- 
tuer l'anneau fibreux dont nous avons parlé ? Cette dernière opinion paraît peu probable. 
car si le muscle postérieur avait subi cette modification, il eût entrainé avec lui, dans son 
déplacement, tous les organes auxquels il sert de point d'appui : lintestin se serait allongé, 
et l'anus serait venu se déboucher à l’entrée de la bifurcation des siphons; mais il n’en 
est rien; l'anus est resté au niveau du muscle des valves, et, dans notre opinion, si lun 
des muscles manque, c’est certainement lantérieur. Dans le Gastrochène, nous avons fait 
remarquer combien ce muscle antérieur était réduit, mais encore il en restait des traces: 
tandis que, dans le Taret, toute trace a disparu. Aussi, dans notre pensée, l'anneau fibreux 
serait produit par la modification des muscles rétracteurs des siphons, descendus jusqu’à la 
partie de ces organes qui, devant s’allonger au dehors, ont besoin de se contracter beaucoup. 

Les organes de la digestion présentent des différences non moins notables avec ce qui 
est connu déjà dans tous les autres mollusques acéphalés. Le Taret a deux estomacs, tous 
deux ayant la forme d’un siphon à branches inégales; mais le premier, divisé par des cloi- 
sons et des valvules, ayant des parois assez solides, est placé trop haut dans l’animal pour 
être engagé dans le foie ; tandis que le second, mince et membraneux, représente l'estomac 
unique des autres mollusques, tant par sa structure que par sa position au milieu de l’or- 
gane sécréteur de la bile. 

Le premier estomac est en grande partie contenu dans la coquille; le second et tout le 
reste des viscères est tombé en quelque sorte dans Fintérieur du siphon branchial. 

Un intestin très-grêle et d'un diamètre uniforme se développe dans le foie en petites cir- 


72 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


convolutions; mais il en a aussi deux très-grandes qui le reportent à l'extrémité antérieure 
de lanimal, et c’est seulement à la seconde qu'il se termine en arrière du muscle; un peu 
au-dessous du niveau de son bord postérieur est un anus pourvu d’un sphincter. 

L'intestin, dans son parcours, ne se rapproche jamais du cœur, et en cela le Taret a subi 
encore une très-profonde modification dans les rapports de ces organes. 

L'ovaire, ordinairement engagé dans la masse commune des viscères, en est ici presque 
entièrement dégagé; mais ce qui mérite, à son sujet, d'attirer particulièrement l’attention 
des naturalistes, c’est sa terminaison en un oviducte unique médian qui se place dans un 
sillon spécial de la branchie. Ici l'issue des œufs ne peut être un moment douteuse et le 
fait que nous venons de signaler appartient uniquement jusqu'ici à l’organisation du Taret. 

Les organes de la respiration du Taret n’ont presque plus de ressemblance avec ceux des 
autres mollusques acéphalés; ils s’attachent au corps par une bifurcation qui embrasse les 
parties latérales de l'extrémité de lovaire; le reste se présente sous la forme d’un long ruban 
assez épais, terminé par une pointe aiguë; les feuillets branchiaux, au nombre de quatre, 
sont simplement indiqués sur les parties latérales de l'organe par des sillons peu profonds. 
Quant à leur structure, les branchies présentent des particularités bien remarquables, car 
un canal central est creusé dans toute leur longueur, et il est tapissé d’un organe muqueux 
pour recevoir les œufs pendant leur incubation. De plus, les grandes veines branchiales 
ont l'une de leurs faces envahie par un organe glanduleux tout à fait spécial et dont l'usage 
nous est inconnu. 

Le cœur n’a plus la moindre ressemblance avec celui des animaux de la même classe. 
Un ventricule, divisé par une cloison, se termine en arrière par deux oreillettes cylindriques, 
se rendant directement sur les parties latérales des feuillets branchiaux. Une aorte excessi- 
vement longue parcourt sans division le dos de l'animal, renfermé ainsi que le cœur dans 
un péricarde d’une forme et d’une longueur dont on n’a point d'exemple. L’aorte elle-même 
est pourvue, à sa naissance, d'une valvule, ou plutôt d’une soupape qui n’a rien d'analogue 
chez tous les autres animaux. 

Un organe énigmatique découvert par Siebold dans le pied des mollusques ne pouvait 
guere se trouver dans celui-ci, où le pied manque totalement; ou bien, si l'on devait le 
rencontrer, c'est dans le voisinage de la place qu'aurait dû occuper lorgane locomoteur. 
Le Taret, sous ce rapport, présente encore une notable exception, car l'organe énigmatique 
en question est situé à l'extrémité de la cloison qui sépare le péricarde du siphon anal, et 
sur laquelle vient s'attacher l'extrémité antérieure de la branchie. 

Il est un autre organe qui nous paraît avoir dans le Taret des fonctions importantes, c'est 
une glande assez considérable occupant la cavité des crochets de la coquille et embrassant 
dans son épaisseur les apophyses calcaires, dont la base est soudée au-dessous du bord pos- 
iérieur des valves. Ces glandes sont en rapport, non-seulement avec la partie supérieure de 
l'estomac, mais encore avec la bouche et surtout avec cet anneau foliacé qui entoure l’ex- 
trémité antérieure de la masse abdominale. Nous voyons dans cette glande et cet anneau 
foliacé les agents au moyen desquels le Taret attaque le bois et Le dissout, à mesure que son 
accroissement l'exige. Nous disons que le bois est dissous, car nous avons prouvé que rien 


CLASSE PREMIÈRE. _- GENRE TARET. 73 


dans le Taret suffisamment étudié ne pouvait justifier cette ancienne opinion, par laquelle 
on cherchait à expliquer la perforation du bois à l'aide de moyens mécaniques. Nous le 
répétons ici, il n’y a rien dans l'organisation du Taret qui lui imprime la force nécessaire 
pour ronger le bois à la manière des larves d'insectes. 

Enfin, le système nerveux, dont malheureusement nous n'avons pu découvrir toutes les 
parties, a subi lui-même des modifications que l'on peut en quelque sorte deviner d’après 
celles des systèmes organiques auxquels il doit se distribuer. 

Le trait le plus général de l’organisation du Taret consiste dans l'allongement considérable 
de tous les organes et leur déplacement dans un ordre régulier. Ils sont échelonnés les uns 
en arrière des autres, et non pelotonnés ou rassemblés en une seule masse viscérale, comme 
dans tous les autres mollusques acéphalés. 

Il semblerait, d’après tout ce qui précède, que nous devrions conclure à la séparation du 
genre Taret de la famille dans laquelle nous l'avons rangé depuis longtemps. Tout en le 
conservant dans les Mollusques dimyaires et en le laissant dans le voisinage des Pholades, 
il devrait constituer à lui seul une famille; et c’est probablement à ce dernier arrangement 
que s’arrêteront les zoologistes; dès lors ce groupe réunira les trois genres Taret, Cloison- 
naire et Térédine. 

Il existe, nous le savons, plusieurs lacunes importantes dans nos recherches anatomiques 
sur le Taret : pour les combler, il aurait fallu que nous fussions placé dans des circonstances 
plus favorables. Le nombre des individus dont nous avons disposé était peu considérable, 
et tous étaient d’un volume trop médiocre pour pouvoir être injectés et y suivre la distri- 
bution du système vasculaire; ils étaient également trop petits pour découvrir le système 
nerveux le plus fin, le plus délié, que nous ayons jamais rencontré chez des animaux mol- 
lusques d’un volume égal. Il faudrait continuer nos travaux anatomiques, soit sur les côtes 
de Hollande où, d’après Sellius, on rencontre quelquefois des individus de plus d’un pied 
de longueur, ou bien, ce qui serait mieux encore, attendre que nos collections s’enri- 
chissent de l'animal de la Cloisonnaire , Taret gigantesque très-commun à Amboyne, d’après 
Rumphius. 


TEREDO NAVALIS. Sellius. 
Oran, Bône, Alger. 


T. Testà minimà, brevi, subsphæricà, anticè posticèque hiantissimä, latere antico striato, postico lævigato; 
striis in medio angulatis, creberrimis, eleganter tenuissimè crenulatis; margine dorsali in medio calloso, 
utroque latere excavato. 


MassueT, Recherches intéressantes sur les vers à tuyau, pl. 1, fig. 1, 2. 

Perer Mowatu, Dissertation sur le Turet de Hollande, pl. 1, pl. 2, fig. 9; pl. 3, fig. 19, 20; pl. 4, 
fig. 2, 5, 6. 

Dentalium, LiNNE, Fauna suecica, 1° édit. pag. 380, n° 1320. 

Teredo navalis, Sezius, Hist. nat. teredinis, pl. L, fig. 1,5; He 2 he 129 068 


Zoo. — Mollusques. 1. 10 


HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


Dentalium, Linné, Museum Ad. Frid. Regis, pag. 94. 

Apanson, Mémoire sur une nouvelle espèce de vers observée au Sénégal. Mémoires de l’Académie, 1759, 
pl. 9, fig. 1, 7? 

Le Taret, Apanson, Voyage au Sénégal, pag. 263, pl. 19, fig. 1. 

Teredo navalis, LINNÉ, Syst. nat. éd. 10, pag. 651, n° 2. 

Gixanxi, Opere post. tom. IT, pi. 2. 

Daviza, Catal. syst. tom.T, pl. 21, fig. H,1, K. 

Teredo navals, LiNNÉ, Syst. nat. édit. 12, pag. 1267. 

Tubulus testaceus, Marrinr, Conch. cab. tom. I, pag. 46, pl. 2, fig. 12 a. 

Teredo, GugrrarD, Mém. sur différentes parties des sciences, tom. III, pag. 119, pl. 69, fig. 4, 5. 

Pholas Teredo, Muzzer, Zool. Danicæ prodr. pag. 251, n° 3034. 

Teredo, »'Acosra, Conch. Brit. pag. 21. 

Pholas teredo, Fasricius, Fauna Groenl. pag. 427, n° 426. 

Favanxe, Conch. pl. 60, fig. B. 

Teredo navalis, Scuroer. Einl. tom. II, pag. 572, n°1. 

Idem, Kammerer, cab. de Rudolstad, pag. 6, pl. 1. 

Idem, KarsTeN, Mus. Leskeanum, tom. I, pag. 308. 

Xilophagus, GRoNovius, zoophyl. vermes. pag. 298. 

Serpula protensa, Guez. pag. 3744, n° 20? 

Teredo navalis, Gex. pag. 3747, n° 1. 

Teredo utriculus, GueL. pag. 3748, n° 2. 

Teredo navalis, PENNANT, Zool. Brit. tom. IV, pag. 147. 

Idem, Orivr, Adriat. pag. 197. 

BruGuière, Encycl. méth. vers. pl. 167, fig. 1 a, D. 

Serpula erecta, Urisses, Travels of Naples, pag. 448. 

Cuvier, Tabl. élémentaire d'histoire naturelle, pag. 432. 

Lamarcx, Mémoires de la société d'histoire naturelle, pag. 90. 

Lamarck, Système des animaux sans vertèbres, pag. 128. 

Doxovaw, Brit. shells, tom. V, pl. 145. 

Moxracu, Test. Brit. pag. 507. 

Roissy, Buf. Moll. tom. VI, pag. 459, pl. 432, fig. 5. 

RENIERI, T'av. di reg. anim. tab. n° 7. 

Dumérir, Table élémentaire d'histoire naturelle, tom. IT, pag. 127. 

Brookes, Într. of Conch. pag. 143. 

ScHumacHER, Essai d’un nouveau système des test. pag. 94. 

Cuvier, Règne animal, pag. 493. 

Teredo navals, Dizzwyn, Cat. tom. Il, pag. 1089, n° 2. 

Teredo utriculus, DizzwyN, loc. cit. n° 3. 

Serpula protensa, Dizzwyx, Cat. tom. IT, pag. 1085, n° 38. 

Teredo navalis, LamaArck, Anim. sans vert. tom. V, pag. 44o, n°1. 

Idem, Burrow, Elem. of Conch. pag. 112, pl. 22, fig. 4. 

Idem, Seuweiccer, Handb. der naturges, pag. 699. 

Turrow, Conch. ins. Brit. pag. 14, pl. 2, fig. 1, 2,3. 

Bowpicu, Élem. of Conch. 2° part. pag. 34, fig. 131. 

De Gervizze, Cataloque des coquillages de la Manche, pag. 55. 

Dezre Cuiase , Mémoire sur les anim. sans vert. tom. IV, pag. 32, pl. 54, fig. 6,7, 12,15. 

BLainvize, Malac. pag. 570, pl. 81, fig. 6. 

PayrauDEAU, Catalogue des mollusques de la Corse, pag. 26, n° 30. 

Risso, Histoire naturelle de Nice, tom. IV, pag. 377. 

Croucx, llustr. introd. to Lamarck’s Conch. pag. 6, pl. 2, fig. 10. 

Woo», Ind. test. pl. 38, fig. 2. 

CorLarD pes CHères, Catalogue des coquilles du Finistère, pag. 9. 


re — ere PTT DS À I QE D Se PA PP NS _—— FA 


CLASSE PREMIÈRE. -- GENRE TARET. 75 


Desnayes, Encycl. méth. vers. tom. III, pag. 1003, n° 1. 

MExxe, Synop. moll. pag. 122. 

SOWERBY, Genera of shells (teredo), fig. 7. 

Puicipri, Enum. moll. Sicil. tom. 1, pag. 2, n° 1. 

Scaccar, Cat. Conchyl. regni Neap. pag. 8. 

Guérin, Iconogr. du règne animal, pl. 33, fig. 2. 

DEsuayes, dans Lamarck, Animaux sans vertèbres, 2° édit. tom. VI, pag. 38, n°1. 
Desnayes, Traité élémentaire de Conch. tom. I, pag. 59. 

Desnayes, dans Cuvier, Règne animal, 3° édit. Moll. pl. 114, fig. 2. 
Hanzey, Descript. cat. pag. 3. 

R&eve, Conch. syst. tom. I, pag. 38, pl. 21. 

Taompson, Report on the Fauna of Ireland, pag. 263. 

Sowergy, Conch. man. pl. 2, fig. 48. 

Gourp , Invert. of Massach. pag. 26. 

Môrrer, Moll. Groenlandiæ, pag. 21. 


FOSSILIS. 


Bron, lial. tert. Geb. pag. 86. 
Broccnr, Conch. foss. subapen. tom. IT, pag. 269. 
Woon , Cat. of shells from the crag. Ann. of nat. hist. Décembre 1840, pag. 245. 


Une espèce aussi connue que le T'eredo navalis n’a pas besoin d’une nouvelle description, 
surtout à la suite des détails nombreux dont il a été le sujet dans le travail qui précède. 
Nous avons pris à tâche de rendre exacte la synonymie et de la compléter. Les recherches 
auxquelles nous nous sommes livré auront du moins le double mérite de donner un 
grand nombre d'indications d'ouvrages dans lesquels le Taret est mentionné, et de faire voir 
{| que cet animal habite les mers d'Europe, de l'Amérique septentrionale, la Méditerranée , et 
qu'il se trouve actuellement à l’état fossile, en Italie, dans les terrains subapennins, et en An- 
gleterre, dans un terrain tertiaire très-curieux, connu sous le nom de crag. L'identité est 
incontestablement établie par l'examen minutieux de toutes les parties solides, la coquille, 
| le tube, les palettes. La constatation de ce fait par Brocchi en ltalie, par M. S. Wood, en 
Angleterre, et par nous-même, détruit pour toujours l'opinion accréditée, pendant le siècle 
dernier, de l'invasion récente de nos mers par le Taret. 

Sur les côtes de l'Algérie , NOUS avons rencontré le Taret dans tous les bois échoués ou re- 
tirés de la mer, après un séjour plus ou moins prolongé. Cela donne la preuve qu'il serait 
imprudent de ne prendre aucune précaution contre les attaques de cet animal dangereux, 
dans le cas où l’on aurait à fonder des constructions sous-marines dans lesquelles Le bois 
entrerait pour une part considérable. 

En visitant la rade d'Alger, nous avons été conduit par un pêcheur fort adroit, entre 
le port et l'embouchure de l'Arache, sur plusieurs points, où subsistent encore, à la 
profondeur de quelques brasses, des débris des vaisseaux de Charles-Quint, enfoncés 
sous le sable; on reconnaît la place de ces débris par la saillie de quelques membrures 
dont nous fimes arracher quelques parties. C’est dans ces débris criblés de trous de Tarets 
que nous trouvâmes tous les individus, sur lesquels nous avons fait notre travail anatomique. 
Un si long espace de temps, de 1541 à nos Jours, n’a pas été nécessaire aux Tarets pour 


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76 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


s'établir et se développer dans le bois; ceux que nous avons recueillis sont les restes des 
générations qui ont contribué peu à peu à détruire toutes les parties du bois hors du sable : 
car nous avons remarqué que les seules portions ménagées étaient plongées dans le sable à 
une profondeur médiocre, mais suffisante pour empêcher le Taret d'y pénétrer. Il faut se 
souvenir de la condition la plus essentielle à la vie du Taret; il faut que l'extrémité bifur- 
quée des siphons puisse s'étendre et s'ouvrir à la surface libre du bois, et la longueur de 
l'animal indique l'épaisseur du bois qu'il peut attemdre, en prenant la surface du sable pour 
point de départ; car le Taret périt aussitôt que le trou de ses siphons est bouché. 

Le Taret, disent quelques naturalistes, s’enfouit dans le bois perpendiculairement, de la 
même manière que les Solens, les Myes, etc. dans le sable, mais cette assertion est erronée: 
en général, le Taret suit de préférence la direction des fibres du bois, lorsqu'il n’éprouve 
aucune gêne pendant son accroissement; presque tous ceux que nous avons recueillis à Al- 
ger étaient dans une position horizontale; mais lorsque ces animaux se trouvent en trop 
grand nombre dans un morceau de bois et qu'ils se font mutuellement obstacle, 1ls se con- 
tournent dans tous les sens, cherchant tous les espaces où l'épaisseur du bois suffit à les 
loger, les jeunes s’ajoutant aux vieux, jusqu’au moment où 1l ne reste plus que de simples 
pellicules ligneuses entre les tubes calcaires. 

On possède quelques observations de Massuet, de Sellius, d’Adanson, sur la rapidité du 
développement du Taret. On a vu en Hollande des pieux rongés en quelques années. Les 
anciens navigateurs rapportent des faits analogues; ils citent le Taret de l'Inde, dont les ra- 
vages sont plus prompts et plus dangereux, puisqu'un séjour de quelques mois dans certains 
parages suffisait, avant le doublage des navires, pour mettre un bâtiment dans un véritable 
danger. 

Nous n’avons pas remarqué sur les côtes de l'Algérie des individus très-grands du Teredo 
navalis; les tubes de vingt à trente centimètres de longueur sont les plus grands que nous 
ayons vus; à Marseille et à Toulon, on en a découvert de beaucoup plus grands, et Sellius cite 
des animaux des mers de Hollande, qui, hors du tube, avaient plus d’un pied de longueur. 


TROISIÈME FAMILLE. 


LES PHOLADAIRES. -__ Lamarck. 


GENRE QUATRIÈME. 


PHOLADE, Pnozas. Linné. 


Nos études anatomiques sur le Taret nous ont inspiré le désir de rechercher dans 
d'autres Mollusques des faits analogues à ceux que nous venons d’exposer. Déjà, dans le cours 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE PHOLADE. 77 


de notre travail, nous avons fait ressortir les différences nombreuses qui se montrent entre 
l'organisation du Taret et celle du plus grand nombre des autres Mollusques; nous avons 
laissé une autre question à examiner, celle de savoir s'il existe des genres dont l’organisa- 
tion est intermédiaire entre celle du Taret et celle du type le plus ordinaire des Mollusques. 
Si nous ne connaissions les genres Arrosoir, Clavagelle et Gastrochène, nous aurions à 
chercher dans leur structure les rapports qu'ils pourraient avoir avec le Taret: mais la 
connaissance que nous avons acquise de ces animaux démontre que leur organisation est 
trop différente de celle du Taret pour servir de terme de comparaison dans les recherches 
que nous voulons entreprendre. Nous verrons bientôt que, pour la même raison, la com- 
paraison ne peut non plus s'établir avec les genres de la famille des Solénacés, et moins en- 
core avec ceux des familles qui suivent. Il ne nous reste donc que les deux genres Cloison- 
naire et Pholade avec lesquels le Taret puisse être comparé. 

Tout ce que l’on sait jusqu'ici de la Cloisonnaire prouve jusqu'à l'évidence que, sous ce 
nom générique, on a classé un Taret gigantesque, jouissant de la propriété de vivre dans 
le sable et non dans le bois, comme les espèces vulgaires. On possède actuellement dans 
une collection de Londres, non-seulement le tube de la Cloisonnaire, mais encore sa co- 
quille; et un amateur distingué, à l'opinion duquel nous ajoutons une entière confiance, 
M. Cuming, nous a assuré avoir trouvé à cette coquille la forme et les caractères de celle 
du Taret. 

Des observations publiées, il y a une quinzaine d'années, par M. Matheron, dans le 
premier volume des Annales des sciences et de l'industrie du Midi de la France, tendent 
à prouver que la Cloisonnaire est, en effet, un Taret gigantesque. Ce naturaliste décrit une 
espèce de Cloisonnaire de la Méditerranée, vivant dans le sable comme celle de l'Inde, 
mais réduite à un moindre volume. D'après la description et les figures de M, Matheron, 
il devient évident que cette Cloisonnaire méditerranéenne a, sans exception, tous les 
caractères des Tarets, et même du T'eredo navalis, dont nous avons donné précédemment 
la description. Il serait possible que des Tarets dégagés d’un bois pourri fussent restés 
vivants dans le sable, et eussent continué à se développer dans des conditions un peu 
différentes de celles qui leur sont habituelles, et c’est ainsi qu'une circonstance fortuite et 
purement individuelle en aurait imposé à l'observateur dont nous avons parlé, et, par la 
suite, aurait accrédité l'opinion de l'existence d’une Cloisonnaire dans la Méditerranée. 
Cette méprise, très-excusable, donne une preuve bien évidente de la ressemblance des 
deux genres dont il est question. Tout concourt à prouver combien 1l serait inutile de com- 
parer la structure du Taret à celle de la Cloisonnaire, puisque la Cloisonnaire elle-même 
west, à bien dire, qu'un grand Taret. Il est donc nécessaire de diriger nos recherches vers 
le genre Pholade; lui seul peut nous montrer les modifications à l’aide desquelles le Taret 
se rattache d’une manière insensible au type des Mollusques acéphalés dimyaires. 

Les Pholades, par leur forme générale, se rapprochent beaucoup des Myes, des Lu- 
traires et même des Solens. Mais pour apercevoir toutes les modifications intéressantes de 
ce genre, il ne faudrait pas se borner à l'anatomie d’un petit nombre d'espèces; il serait 
utile de les examiner toutes, et très-probablement on trouverait de nombreuses et d’évi- 


78 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


dentes transitions entre les deux genres que nous voulons comparer. Rien que par les co- 
quilles, ces transitions se manifestent ; c’est ainsi qu'une Pholade des côtes d'Angleterre à 
des appendices postérieurs à ses valves, et ces appendices semblent le commencement du 
tube du Taret. D’autres espèces, plus courtes, sont largement bâillantes en avant et en 
arrière, et en cela elles ont plus de rapport avec les Tarets que la plupart des autres Pho- 
lades; enfin on connaît des espèces courtes et subglobuleuses pénétrant dans le bois de la 
même manière que le Taret, mais n'ayant pas la propriété de revêtir leurs galeries d’un 
tube calcaire. Ces trois types se rattachent entre eux par un grand nombre de modifica- 
tions, parmi lesquelles nous ne devons pas oublier ces Pholades coniques qui vivent dans 
les bois flottants. Il est bien à présumer que l'examen anatomique de ces diverses espèces 
de Pholades déterminera un plus grand nombre de rapports avec les Tarets. 

Nous aurions voulu, par un travail aussi étendu que celui du Taret, dévoiler toute l'orga- 
nisation des deux espèces de Pholades que nous avons rencontrées sur les côtes de l’Alge- 
rie. Malheureusement les circonstances ne nous ont pas été favorables; il nous a été impos- 
sible de nous procurer de ces animaux vivants; le petit nombre d'individus recueillis par 
nous à Cherchél et à Bône avaient été arrachés du fond, à la suite des tempêtes, et les ani- 
maux étaient morts pour avoir été longtemps roulés par la vague. Nous comptions trouver 
dans l'ouvrage de Poli ou dans celui de M. Delle Chiaje des matériaux qui pussent sup- 
piéer aux nôtres : nous avons été malheureusement trompé dans notre attente, et il nous 
a fallu recourir à l'obligeance de deux amis de la science, dont tous les zoologistes pro- 
nonceni toujours le nom avec reconnaissance. MM. Fleurieau de Bellevue et d'Orbigny père 
nous ont envoyé plusieurs de ces Mollusques, et ces matériaux d'un si grand intérêt pour 
nous, Joints à ce que nous possédions depuis longtemps dans notre propre collection, 
nous ont permis de présenter ici des renseignements intéressants sur un genre important 
par le grand nombre d'espèces qu'il renferme, la diversité de leurs formes et leur distri- 


bution géographique. 


Coquizce. — La coquille des Pholades a infiniment de ressemblance avec celle du Taret. 
Ce sont des espèces globuleuses particulièrement qui offrent les rapports les plus intimes, 
et l'on voit successivement la coquille s’allonger par son extrémité postérieure, changer de 
forme et, par des modifications graduelles, passer insensiblement des formes globuleuses 
aux formes les plus allongées. Malgré toutes ces modifications, des caractères communs 
persistent entre les Tarets et les Pholades. Toutes les Pholades, dans leur jeunesse, sont 
extrêmement bâillantes au côté inférieur; plusieurs restent constamment ouvertes, et leur 
extrémité postérieure laisse toujours un écartement considérable pour le passage des si- 
phons. Il résulte de cette disposition que les valves des Pholades se touchent seulement 
par deux points opposés de leurs bords, ce qui a lieu également dans le Taret. Nous avons vu 
qu'il n'existe aucune trace de charnière dans la coquille de ce dernier genre. Le même 
fait se remarque aussi dans les Pholades, cependant avec une modification très-intéres- 
sante, dont nous aurons à parler bientôt. Le bord dorsal du Taret est partagé en deux parties 
inégales. Lorsque les valves sont jointes, ces portions du bord s’écartent, et l'on voit sur 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE PHOLADE. 79 


elles des traces bien évidentes de dénudation, probablement produites par cette portion 
du manteau qui recouvre ses bords, et à laquelle nous avons donné le nom d’écusson, 
Dans les Pholades, la disposition de ces parties est fort différente. Les crochets des valves 
sont recouverts d'une callosité plus ou moins épaisse, plus ou moins étendue, selon les 
espèces. (PL. IX J, fig. 2, 3 a, a.) Souvent cette callosité est soutenue par des cloisons 
transverses qui laissent entre elles des espaces quadrangulaires plus ou moins nombreux. 
(PL IX Z, fig. 2, 3 b, b.) On voit assez souvent que ces callosités, au point de contact 
des valves, sont en quelque sorte corrodées; et dans la cavité qui résulte de cette érosion, 
on trouve quelquefois un vestige de ligament sans ténacité (pl. IX Z, fig. à c), offrant à 
peine une légère cohésion dans ses parties. 

La surface sur laquelle le ligament s'attache est fort remarquable et mérite d'attirer 
notre attention pour quelques moments. Cette surface suit exactement la courbure des 
callosités, mais elle présente fidèlement toute l'apparence d’un cuilleron d'Anatine ou de 
Lutraire qui, au lieu d’être concave, serait convexe ; qui, au lieu d’être à l’intérieur des 
valves, en serait sorti, en se retournant, pour s'engager dans l'épaisseur du bord cardimal. 
Au reste, les conchyliologues se sont trop habitués à regarder les callosités comme parties 
de la surface extérieure de la coquille, tandis que, par le fait, elles appartiennent en réa- 
lité à la surface interne; la description du manteau et des muscles de l'animal nous aidera 
à trouver la preuve de ce que nous venons de dire. 

En arrière de ces callosités, les valves, à cause de leur grand écartement, sont com- 
plétées, tantôt par un épiderme épais, le plus ordinairement par des pièces calcaires longues 
et étroites qui s’interposent entre elles. Ces pièces postérieures ne sont pas les seules; il 
en existe une grande, large et symétrique, destinée à recouvrir les callosités, et celle-là, 
connue sous le nom d’écusson, est toujours la plus étendue et la plus importante. Il existe 
des Pholades chez lesquelles l’écusson et les parties postérieures sont remplacés par un 
épiderme épais; sous ce rapport, elles se rapprochent plus que d’autres des Tarets. Chez 
d’autres espèces, un écusson mince et petit est la seule pièce accessoire qui se montre ; 
chez d’autres, à l’écusson se Joint une pièce postérieure entre les valves: et enfin, chez un 
certain nombre d'espèces, à ces deux pièces s’en ajoute une troisième, petite, subtrans- 
verse, placée en arrière des callosités et de l’écusson, de manière à servir de moyen de 
Jonction entre l’écusson et la pièce postérieure. Cet appareil subit de nombreuses modifi- 
cations dans la série des espèces, et l’une des plus importantes consiste dans l'agrandisse- 
ment de l’écusson, qui finit par envahir toutes les pièces accessoires et devient quelquefois 
aussi long que toute la coquille elle-même. 

Nous avons insisté sur ces pièces accessoires des Pholades, parce que quelques per- 
sonnes ont pensé retrouver en elles des vestiges, des rudiments du long tube calcaire du 
Taret. Mais pour nous, il est bien évident que, dans les Pholades, le tube a complétement 
disparu. En effet, le tube est une dépendance des siphons et non du manteau proprement 
dit, tandis que dans les Pholades les pièces accessoires appartiennent évidemment au man- 
teau et à celles des parties de cet organe les plus rapprochées de la charnière; elles se 
montrent là où le manteau devient extérieur chez le Taret, c’est-à-dire sur les deux écussons. 


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80 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


Il ne faut pas perdre de vue un fait important, c’est qu'une partie de l'animal des Pho- 


lades est en dehors de la cavité des valves; il semble qu'il s’est opéré à l'extrémité ante-- 


rieure une sorte de rétroversion par laquelle le muscle antérieur, la partie du manteau qui 
lui appartient, ainsi que les portions du test sur lesquelles tout cela s'attache, ont été retour- 
nées sur elles-mêmes et rejetées au dehors. Le résultat le plus curieux de ce déplacement 
de parties et de leurs modifications consiste en ce que le muscle adducteur antérieur des 
valves, au lieu de servir à les rapprocher, a pour usage de suppléer au ligament et de les 
faire ouvrir. Mais nous ne devons pas insister davantage ici, car bientôt nous aurons à 
revenir sur ce sujet intéressant. 

Si nous examinons actuellement la surface intérieure des valves, nous y trouvons une 
impression palléale assez large, ce qui prouve que le manteau de l’animal est pourvu de 
cette zone musculaire au moyen de laquelle ses bords sont contractés. Nous remarquons 
aussi, vers le milieu de la longueur du bord postérieur et supérieur, une Impression mus- 
culaire, ovalaire, de médiocre étendue, à laquelle aboutit l'impression palléale, après avoir 
décrit d’arrière en avant une sinuosité large et profonde. On sait combien varie la sinuosité 
palléale dans les Mollusques siphonés; en général, son étendue est en rapport avec le vo- 
lame et la longueur des siphons. Dans les Pholades, Les siphons étant gros et allongés, leurs 
muscles rétracteurs s’avancent très-haut dans l'intérieur des valves, et le sommet de la cour- 
bure de leur impression étant pris pour point de section transverse des valves, elles seraient 
divisées en deux parties très-inégales, car la sinuosité palléale occuperait les trois cinquièmes 
de leur longueur totale. En suivant, du côté antérieur, l'impression palléale, on la voit 
s’élargir et se contourner le long du bord; mais on n’aperçoit de ce côté, au-dedans des 


valves, aucune trace de Pimpression musculaire antérieure; et ceci se concevra facilement, 


puisque le muscle adducteur est rejeté en dehors et occupe, comme nous le verrons bien- 
tôt, une grande partie de la surface des callosités. Dans les vieux individus de certaines 
espèces, l'impression musculaire antérieure se distingue très-nettement sur les callosités, 
et nous pouvons citer, entre autres, quelques variétés océaniques du Pholas dactylus, le 
Pholas costata, et une espèce assez petite nommée par nous Pholas ligamentina , parce qu’elle 
porte à la charnière un cuilleron demi-saillant pour le ligament rudimentaire. Il existe en- 
core une modification sur laquelle nous croyons utile d'appeler lattention des conchylio- 
logues, car elle sert à démontrer que les pièces postérieures sont en réalité des dépen- 
dances de la coquille, et cette modification montre en même temps comment l'impression 
musculaire antérieure redevient subintérieure, après avoir été externe dans d’autres espèces. 
Les pièces accessoires, dans le plus grand nombre des Pholades, sont simples, en ce sens 
qu'elles ne sont point divisées, soit longitudinalement, soit transversalement. Il en existe 
quelques-unes, dont la pièce principale, l'écusson, est partagée en deux parties égales par 
une section longitudinale, de sorte que chacune d'elles appartient à la valve sur laquelle 
elle s'appuie. Aujourd’hui nous connaissons plusieurs espèces chez lesquelles l’écusson 
n’est pas seul divisé dans sa longueur. Gette division survient dans la longue pièce posté- 
rieure intervalvaire; mais en même temps toutes les pièces accessoires, tout en restant à 
leur place et en conservant leurs caractères, se soudent aux valves par leur bord externe, 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE PHOLADE. 81 


et 1l en résulte, en avant et en arrière des crochets, de grandes concamérations qui cachent 
non-seulement le muscle antérieur, mais encore la partie du manteau qui le recouvre, de 
sorte que ce muscle, dans les espèces en question, redevient intérieur, d'extérieur qu'il 
est dans les autres. Cette disposition si remarquable se montre surtout dans une belle et 
grande espèce des mers de Californie, nommée Pholas californica par Conrad. Les faits que 
nous venons de rapporter donnent la preuve bien évidente que les pièces accessoires des 
Pholades ne peuvent être considérées comme des vestiges du tube des Tarets, mais sont 
bien en réalité des dépendances de la coquille et font partie de son bord dorsal. 

Nous avons encore à nous occuper d’une partie fort intéressante de la coquille des Pho- 
lades. IL s’agit de cet appendice singulier, proéminent, dans l'intérieur des valves, et que 
nous avons déjà fait remarquer dans le Taret. Cet appendice est propre à un petit nombre 
de genres, et son existence chez eux indique suffisamment les rapports naturels qui les 
enchaïînent. Il se rencontre dans les Tarets, les Cloisonnaires, les Térédines et les Pholades. 
Nous avons cherché déjà, dans plus d’une occasion, à nous rendre compte de l'usage de 
l’apophyse calcaire des Pholades, et nous avons examiné si elle avait, dans d’autres Mol- 
lusques, quelque chose de comparable. Avant d'entrer dans la discussion que ceci doit 
amener, rappelons d’abord que l'apophyse des Pholades s'attache dans la profondeur des 
crochets et vient, en se courbant sur elle-même, se projeter dans l'intérieur des valves. 
(PI. IX 7, fig. 5 d; fig. 7 d, d.) Rappelons aussi qu’elle est aplatie sur deux de ses faces, 
dont l'antérieure est quelquefois plane, le plus souvent concave. Enfin il ne faut pas oublier 
qu'elle s’élargit depuis son point d'attache jusqu'à son extrémité libre, et que sa surface 
antérieure offre des stries d’accroissement, comparables à celles qui se remarquent sur les 
cuillerons des Myes et des Lutraires. 

En examinant une série très-étendue des espèces de Pholades, soit vivantes, soit 
fossiles, nous avons observé que, dans plusieurs, l’apophyse intérieure se rapprochait 
beaucoup plus du bord cardinal que d’autres, et en même temps, que ces espèces étaient 
celles dont les crochets avaient le moins de saillie. D’autres observations nous ont conduit 
à comparer la charnière de quelques espèces de Pétricoles à celle des Pholades, pour 
chercher à deviner quelle pouvait être l’origine de lapophyse intérieure. Nous avons 
remarqué dans le Petricola pholadiformis, par exemple, ainsi que dans d’autres espèces 
voisines, l'existence de dents cardinales qui sortent de l'intérieur de la cavité des cro- 
chets, se contournent, sous forme de côtes, sur le bord cardinal, et s'y terminent en 
une dent saillante s’articulant avec celle de la valve opposée. (PL IX H, fig. 8 a, a.) En 
rapprochant ce fait de ce qui existe dans les Pholades, il nous a semblé que l’appendice 
intérieur pouvait être considéré comme une dent cardinale entièrement séparée du bord, 
se prolongeant dans l’intérieur des valves, et embrassant cette partie du manteau qui, 
dans les autres Mollusques, correspond à la charnière. 

Ce que nous venons de dire pourrait trouver des contradicteurs, si on ne pouvait expli- 
quer les anomalies que l’on remarque chez les Pholades et chez les autres genres que 
nous avons mentionnés précédemment. Dans ces genres, en effet, les crochets ne sont 
pas écartés l'un de l'autre, ou simplement rapprochés; on ne les voit pas contournés au 


Zoo1. — Mollusques. 1. 11 


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82 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


dehors, comme dans la plupart des coquilles subeylindracées ; ils sont cachés sous les 
callosités, on les trouve en contact l'un avec l'autre, et fortement rentrés dans linté- 
rieur des valves, lorsque les callosités ont été enlevées. Il semblerait, par cette disposition, 
que les valves d’une coquille, ordinairement aplates, ont été renversées dos à dos et que, 
ramollies ensuite, on les a forcées à se rapprocher vers le bord ventral, tout en laissant en 
contact les crochets et une partie du dos. Dans cette espèce de circonvolution qu'aurait 
subie le Mollusque des Pholades, il en serait résulté, d'abord l'introduction du bord 
cardinal dans l'intérieur des valves, ensuite le contact de leurs crochets par une portion 
de leur surface, par laquelle ils ne se touchent jamais dans les autres Mollusques, et enfin 
le déplacement du muscle antérieur rejeté au dehors, ainsi que la partie du manteau qui 
lui appartient. Dès lors le manteau, conservant sa qualité d'organe sécréteur, a créé la 
pièce accessoire nommée écusson, pièce d’autant plus grande que l'hiatus antérieur des 
valves a lui-même plus d’étendue. Il semblerait que la partie manquant au côté antérieur 
de la coquille se retrouve en équivalent sur le dos de l'animal dans son écusson. Il nous 
suffira, pour prouver ce fait singulier, de rappeler, par exemple, le Pholas clausa, dans 
laquelle le bâäillement des valves est nul; aussi cette espèce manque d’écusson. Dans le 
Pholas candida, le bâillement des valves est peu considérable et l’écusson est étroit; enfin, 
dans le Pholas dactylus, qui a un bäillement antérieur très-large, l’écusson est formé de 
deux pièces qui occupent presque toute la largeur du dos. On pourrait objecter qu'il 
existe un certain nombre de Pholades qui ont un large écusson, et qui cependant ont 
leurs valves entièrement fermées; mais cette objection est sans valeur, car les espèces 
dont il s’agit sont les plus bäillantes de toutes pendant les premières périodes de leur 
existence : elles ont l'habitude de fermer leurs valves lorsqu'elles sont parvenues à l'état 
adulte ou à la vieillesse. L’écusson, chez elles, est donc en raison du large bâillement 
des valves pendant la jeunesse et, par conséquent, il confirme les rapports que nous 
venons d'exposer. 

On comprend jusqu'à un certain point comment la dent cardinale des Pholades a pu 
devenir saillante dans l'intérieur des valves, à la suite des modifications profondes que 
nous venons de signaler à l'extrémité antérieure de la coquille, et comment aussi le 
muscle antérieur transporté au dehors des valves a entrainé avec lui une portion du man- 
ieau dans laquelle sont secrétés quelques vestiges du ligament; mais il a fallu, pour 
favoriser le déplacement du ligament, que le bord cardinal, enroulé sur lui-même, entrât 
dans l'intérieur de la coquille, brisät les contacts habituels qu'il a dans les autres co- 
quilles, et forçât ainsi les valves à se toucher par des points qui ne se rapprochent 
jamais. Pour résumer ce qui précède, on peut dire que, dans les Pholades, les crochets 
des valves sont en dedans et non en contact l’un avec l’autre : c'est ainsi que s'explique 
l'absence ou le déplacement d’un digament rudimentaire. Le bord cardinal est devenu 
intérieur; la dent cardinale est saillante dans l'intérieur des valves; l'impression muscu- 
laire antérieure est portée au dehors, formant des callosités, et ce déplacement entraînant 
à sa suite le bâillement des valves ainsi que la création de l’écusson et des autres pièces 
accessoires. 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE PHOLADE. 83 


Nous avons insisté sur l'examen de ces curieuses modifications des coquilles du genre 
qui nous occupe ; nous n’en trouverons plus d'exemples dans le reste de la série des Mol- 
lusques acéphalés ; seulement de loin en loin quelques modifications partielles d’une 
moindre importance et qui se rattachent à celles-ci, comme pour aider à en donner l’expli- 
cation. Nous allons voir dans l'étude des animaux du peut nombre d'espèces de Pholades 
de la Méditerranée si nous y trouverons la confirmation de ce que nous venons d'aperce- 
voir par l'examen attentif des coquilles. 


ANiIMaAL. — Considéré dans son ensemble, l'animal des Pholades est en forme de mas- 
sue; 1l va en se rétrécissant d'avant en arrière, et, en général, la plupart des coquilles 
affectent une forme semblable. Toute l'extrémité antérieure est contenue dans la coquille ; 
la postérieure, formée par les siphons, ne peut y rentrer qu’en partie, lorsque l'animal se 
contracte. 


ManTEau. — Le manteau est construit chez les Pholades de la même manivbre que chez 
tous les autres Mollusques acéphalés dimyaires. On y remarque un bord épais, fibreux, 
venant s'attacher en dedans de la coquille et laissant cette ligne régulière, connue sous le 
nom d'impression palléale. (PI. IX C, fig. 1 a, a; pl. IX D, Hat a a.) À l'extrémité 
antérieure de l’animal, les bords du manteau restent désunis, suivent exactement le con- 
tour des valves et présentent une grande ouverture ovalaire pour le passage du pied. 
(PL IX D, fig. 1 a, b; fig. 2 b, b;fig.3 a, b;pLiXEF, fig. 1 a, b.) Si l'on détache la par- 
tie antérieure du manteau et si on la renverse en avant, en laissant entière l'ouverture 
dont il est question, on voit que son pourtour intérieur est formé par un double épaissis- 
sement membraneux assez large, terminé en pointe en arrière, destiné probablement 
à s'appliquer sur la masse abdominale et à s'opposer ainsi au passage de l’eau contenue 
dans le manteau par l'extrémité antérieure de l'animal. Ce double bord se remarque par- 
ticulièrement dans le Pholas candida ; il est moins proéminent dans le Pholas dactylus, mais 
il y existe néanmoins. (PI. IX D, fig. 2 b, b; fig. 3 c, d.) Dans la plus grande partie de 
leur étendue, les deux lobes du manteau se soudent dans la ligne médiane et ventrale, 
de manière à renfermer dans un véritable sac la portion la plus considérable des organes. 
Si nous suivons les bords du manteau dans la région dorsale, nous voyons du côté posté- 
rieur leur épaisseur diminuer assez rapidement; mais au lieu de former une crête destinée 
à s’interposer entre les valves, ils s’aplatissent, leurs bords saillants s’écartent et c'est dans 
leur écartement que vient se placer la pièce calcaire allongée et étroite, intervalvaire 
postérieure. 

À l'extrémité antérieure, le manteau subit des modifications bien plus importantes; il se 
renverse en dehors, s'étale largement sur les callosités (pl. IX D, fig. 4 a, b), et dans un 
grand nombre d'espèces, les bords du lambeau qu’il forme, découpés en lanières, à droite, 
à gauche et en arrière, se recourbent en dessous et s’enfoncent dans des lacunes sub- 
quadrangulaires, en plus où moins grand nombre, situées au-dessous des callosités. 


(PL IX D, fig. 5 a, b,c; pl. IX F,fig. ic, c, d, d, e, e.) Déjà Poli, dans son grand ouvrage, 
11. 


84 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


a fait remarquer cette disposition dans le Pholas dactylus, et l'on peut être certain qu'elle 
se représente sans exception dans toutes les espèces dont les callosités sont creusées en 
dessous des lacunes dont nous venons de parler. Dans les espèces que nous mentionnons , 
cette partie du manteau est agrafée en quelque sorte à la coquille, et il serait impossible 
d'arracher les valves sans déchirer violemment tous ces crochets charnus, renversés en des- 
sous et engagés dans les canaux de la callosité. Dans les espèces où ces canaux n'existent 
pas, les bords du manteau restent simples, s'appliquent sur le bord de la callosité, de la 
même manière qu'à l'intérieur des valves. 

En examinant le milieu de la surface extérieure du lambeau palléal antérieur, on y 
remarque deux petits bords saillants qui sont évidemment la trace de la jonction des deux 
lobes du manteau, telle qu'elle a lieu dans d’autres portions de sa circonférence. Il en 
résulte, soit la division en deux parties égales de l’'écusson, soit une ligne longitudinale, 
saillante ou creuse, qui partage celte pièce en deux parties égales. En arrière, une très- 
grande partie de la surface du manteau est envahie de chaque côté par les larges muscles 
rétracteurs des siphons, dont nous aurons à parler bientôt, de sorte que la portion mince et 
membraneuse est en réalité d’une moindre étendue que chez beaucoup d’autres Mollusques. 

La portion mince du manteau est constituée comme dans les autres Mollusques : deux 
membranes excessivement minces s’adossent et sont liées l’une à l’autre par un tissu cellu- 
laire, dans lequel se distribuent des vaisseaux en grand nombre, comme nous le verrons 
bientôt, des filets nerveux très-fins et peu nombreux, et enfin des fibres entrecroisées irré- 
gulièrement, excessivement atténuées. L'une des duplicatures membraneuses est externe ; 
elle s'applique exactement sur toute la surface interne des valves, et elle s'étend depuis le 
bord ventral et fibreux jusqu'à la ligne médiane et dorsale de l'animal. Sur cette ligne, la 
portion qui appartient à une valve rencontre celle de la valve opposée et se confond avec 
elle, Le muscle rétracteur des siphons ne remplace pas la duplicature interne du siphon, 
il linterrompt seulement sur une ligne étroite, qui est celle de son adhérence à la coquille, 
car le muscle dont il est question est placé entre les deux duplicatures du manteau comme 
dans une gaine. Aussi , après avoir revêtu la surface externe du muscle des siphons, la dupli- 
cature externe du manteau vient aboutir à l’origine des siphons et se confond sans inter- 
ruption avec la peau qui les revêt. 

La duplicature interne du manteau accompagne lexterne dans une grande partie de son 
étendue, elle revêt toute la zone tendineuse des bords et elle couvre toute la surface interne 
du muscle des siphons sans subir la moindre interruption; mais, parvenue vers la région 
dorsale de l'animal, elle rencontre la masse des viscères, sur laquelle s’est déjà soudée la 
duplicature externe ; l'interne ne peut glisser sous elle pour l'accompagner jusqu’à la ligne 
dorsale, alors elle se réfléchit sur la masse abdominale et la couvre dans toute son étendue. 
Parvenue à l'origine des siphons, elle descend dans leur cavité pour se terminer au bord des 
ouvertures postérieures, après avoir donné une enveloppe aux tentacules qui garnissent ces 
ouvertures. 

Indépendamment de la branchie qui fait saillie dans la cavité du manteau, on y remarque 
aussi les palpes labiales qui, ainsi que les branchies, ne sont attachées au manteau que par 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE PHOLADE. 85 


le bord supérieur ou dorsal; dans les Pholades, l'adhérence de la palpe labiale externe au 
manteau se fait par une grande partie de sa surface, de manière à ne laisser flotter que 
l'extrémité pointue postérieure. Cette disposition, dont nous trouverons d’autres exemples 
par la suite, prouve, selon nous, que les palpes labiales sont en grande partie des dépen- 
dances du manteau. Nous n’insistons pas actuellement sur cette question, ayant à y revenir 
plus tard d’une manière plus étendue, lorsque nous traiterons du Lavignon. 


SiPHoxs. — Les siphons dans les Pholades sont très-allongés ; ils forment en arrière du 
corps un prolongement cylindracé conique extrêmement extensible, et jouissant d’une con- 
tractilité qui peut les réduire à un volume relativement médiocre, surtout dans quelques 
espèces. (PL. IX C, fig. 1 b, c; pl. IX D, fig. 1 c, d.) Cette propriété permet à ces organes, 
lorsqu'ils sont violemment contractés, de se mettre presque entièrement à l'abri dans la 
cavité de la coquille. Dans le Pholas dactylus, la surface extérieure des siphons est toute 
couverte de petites papilles obtuses coniques, très-rapprochées (pl. IX F, fig. 1 f, f; pl.IX 
C, fig. 2); dans le Pholas candida, la surface est lisse, mais revêtue d’un épiderme d'un. 
gris brunätre. Réunis dans toute leur longueur, les siphons ont leur ouverture terminale 
bien séparée l’une de l’autre; ces ouvertures sont inégales; celle du siphon anal est la plus 
peüte : elle est simple, circulaire, percée au centre d’une membrane convexe et fort mince. 
Le siphon branchial a l'ouverture également circulaire, mais elle est garnie de grands tenta- 
cules, dont les bords sont découpés en arbuscules (pl. IX C, fig. 2, 3); ces tentacules se 
renversent au-dessus de l'ouverture, en formant une sorte de voûte circulaire composée de 
piliers frangés rameux, dans les petits interstices desquels l’eau est obligée de passer comme 
à travers un tamis. Cet appareil tentaculaire, doué d’une grande sensibilité, est destiné à 
repousser tous les corps que l'animal ne veut pas admettre dans son manteau. À la base 
des grands tentacules et sur le bord externe de l'ouverture, il existe un double rang de 
tentacules plus petits, les uns simples, les autres à deux ou trois digitations. Comme nous 
le verrons par la suite, la terminaison de ce siphon ressemble beaucoup à celle des 
Lutraires et de plusieurs autres genres. 

Nous verrons également plus tard comment est disposée l'ouverture intérieure des si- 
phons, dans la plupart des Mollusques. Nous verrons ces ouvertures placées à peu près 
sur le même plan et ordinairement fermées, au moins en partie, par des valvules mem- 
braneuses plus ou moins considérables. Ces ouvertures sont toujours en arrière de la 
masse principale des organes, et, s'il n’en est pas de même dans le Taret, cela vient évi- 
demment du déplacement considérable qu'ont dû subir le plus grand nombre des organes 
pour s'approprier à la forme vermiculaire de l'animal. Dans les Pholades, la disposition 
intérieure des siphons est, en quelque sorte, intermédiaire entre ce qui existe dans 
le Taret et dans les autres Mollusques siphonés. En effet, lorsque lon vient à fendre le 
siphon branchial dans toute sa longueur, en suivant une ligne médiane et ventrale, les 
bords étant écartés à droite et à gauche, on aperçoit une cloison de séparation beaucoup 
plus mince, plus membraneuse que dans la plupart des autres Mollusques siphonés. 


(PL IX C, fig. 1 d, d; pl. IX D, fig. 1 e, e.) Les siphons, comme nous l'avons dit, ont 


EN CS 


86 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


une forme conique; la cloison participe à cette forme et elle est réellement triangulaire ; 
son extrémité antérieure se termine par un bord mince, libre, dont les extrémités, à 
droite et à gauche de l'animal, se prolongent en une membrane flottante que l'on voit re- 
monter très-haut sur les flancs (pl. IX C, fig. 1 e, f); de sorte que la masse abdominale 
se trouve réellement comprise à la base, entre les deux branches de cette bifurcation. L’u- 
sage de ces lamelles n’est point douteux, et il suffit d'examiner un animal bien enter, avec 
quelque soin, pour reconnaître qu’elles donnent adhérence au feuillet externe de la bran- 
chie, et que cette adhérence se continue jusque sur le bord de la cloison, de manière à 
séparer complétement la cavité du siphon anal de celle du siphon branchial, la branchie 
servant de complément à la cloison pour compléter et fermer de toute part le siphon 
anal. 

La surface intérieure du siphon présente quelques particularités dignes d'attention. À 
son extrémité postérieure s'élèvent des plis assez réguliers, qui tous correspondent à la base 
des grands tentacules du siphon branchial. (PL. IX C, fig. 1 g, g.) Ces plis s’effacent insen- 
siblement et sont remplacés par un nombre égal de petites lignes longitudinales, régulière- 
ment espacées , au nombre de six ou huit; mais, vers l'entrée du siphon, une nouvelle ligne 
s'interpose entre les premières. Ces lignes sont coupées transversalement par un nombre 
considérable de stries fines, régulières, mais dues à la contraction de ces parties, car elles 
ne se montrent pas dans les individus dont les siphons sont restés distendus. Enfin, par la 
base, les parties latérales des siphons se prolongent en deux puissants muscles aplatis, dont 
les fibres sont divergentes et qui s’avancent très-haut entre les parois du manteau : ces 
muscles sont les rétracteurs des siphons. (PL. IX C, fig. 1 k; pl. IX D, fig.1 f, f; pl IX E, 
fig. 1a,a; pLIXF, fig. 19,9.) 

Si nous voulons pénétrer actuellement dans la structure des siphons, nous y parviendrons 
au moyen de sections transverses faites à diverses hauteurs; nous remarquerons d’abord 
l'épaisseur considérable de la paroi commune (pl. IX C, fig. 4); nous trouverons cette paroi 
formée d'abord d’une enveloppe extérieure fibreuse et coriace assez épaisse (pl. IX C, fig. À 
a, a), ensuite d’une tunique interne pour chaque siphon, et ce sont ces tuniques qui, en 
s’'adossant, forment la cloison de séparation. (PI. IX C, fig. 4 b, b, c, c.) Cette cloison 
n’est pas tout à fait simple comme dans d’autres Mollusques; si elle s’amincit beaucoup 
vers l'ouverture intérieure des siphons, elle s’épaissit d’une manière notable à son extré- 
mité postérieure ; mais l’épaississement dont il s’agit n’est point uniforme, le milieu reste 
mince, ce sont les côtés qui, se gonflant, deviennent proéminents, et s’amincissent en deux 
crêtes saillantes dans la cavité du siphon anal. (PI. IX C, fig. 4 d, d.) Cette paroi intérieure 
est fibreuse comme l'externe, et moins épaisse qu'elle; entre ces deux plans fibreux, il 
existe un grand nombre de canaux très-aplatis, constitués par des cloisons étroites, rappro- 
chées, rayonnantes, qui vont d’une paroi à l’autre et s’y attachent. (PI. IX C, fig. 4e, e.) 
On ne peut douter que les lamelles en question séparent des canaux, car il suffit d'intro- 
duire dans l'un d'eux la pointe de fins ciseaux, pour pouvoir l'ouvrir dans toute sa lon- 
gueur sans rencontrer d'obstacles. Cependant lorsque l'on a fait une section très-oblique 
des siphons, une section en bec de flûte, et que l'on essaye de détacher les cloisons les 


© 4 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE PHOLADE. 87 


unes des autres, on s'aperçoit qu’elles sont faiblement retenues entre elles par un tissu cel- 
lulaire, lâche et peu résistant. 

En soulevant les cloisons et en les détachant, on en reconnaît plus facilement la 
structure : elles ont à peu près l'épaisseur de la carte à jouer; mais, tout près des deux 
parois interne et externe des siphons, elles sont subitement interrompues dans leur 
épaisseur et dans toute leur longueur, de sorte que chaque lame est, en réalité, com- 
posée de trois parties; des filaments déliés, également distants, passent d’une portion à 
l'autre ; aussi lorsque l’on est parvenu à détacher complétement une cloison (pl. IX C, fig. 5), 
on la voit perforée, sur des lignes presque parallèles, de petites ouvertures subquadrangu- 
laires ; les perforations d’une cloison correspondent à celles de la suivante, et ainsi de suite. 
Par cette disposition, les siphons sont entourés d’un nombre très-considérable de canaux 
circulaires sur deux plans concentriques l’un à l’autre. Les filaments qui joignent entre elles 
les parties d’une même cloison ont beaucoup moins d'épaisseur qu’elle; il en résulte non- 
seulement les canaux circulaires dont nous venons de parler, mais encore des canaux lon- 
gitudinaux parallèles, et assez réguliers; 1l y a donc deux zones bien déterminées et con- 
centriques où il existe, dans l’épaisseur des parois des siphons, un véritable réseau, dont 
toutes les mailles sont en communication, soit transversalement, soit dans le sens longitu- 
dinal. Ayant le projet de reprendre plus tard, et avec plus de détail encore, la structure 
des siphons, lorsque nous traiterons des Lutraires, des Tellines et des Lavignons, nous 
nous abstenons actuellement de détails plus étendus, qui nous conduiraient malgré nous à 
la discussion d’une intéressante question, celle de l'usage des canaux que nous venons de 
décrire; mais pour l’aborder, cette question, il ne nous suffit pas de lexamen des animaux 
d'un seul genre, il faut suivre, dans plusieurs, des modifications importantes ; nous les 
signalerons à mesure qu’elles se présenteront à nos yeux, et c’est seulement lorsque toutes 
auront été étudiées avec le soin qu’elles méritent, que nous aborderons la question que 
nous venons de poser. 


ABDOMEN. — La masse abdominale, dans les Pholades, n’est pas conformée exactement 
de la même manière que celle des autres Mollusques dimyaires. (PI. IX C, fig ms 
pl. IX D, fig. 1 g, ; fig. 2 c, d; fig. 3 e, f.) Elle est fortement tronquée en avant, et se 
prolonge en arrière, en s’atténuant, pour se terminer en une pointe assez aiguë. Par cette 
forme générale, elle se rapproche assez de celle des Tarets; mais elle est de beaucoup 
plus courte, et ne se prolonge pas en arrière dans la cavité du siphon branchial. La tron- 
cature antérieure est dénuée de cet organe annulaire foliacé appartenant spécialement au 
Taret; mais en revanche elle porte un pied peu épais, tronqué, ovalaire, aplati et sem- 
blable en cela au disque sur lequel marchent certains mollusques gastéropodes. (PL IX C, 
fig. 1 j, j; pl. IX D, fig. 1 i; fig. 2 e; fig. 3 q.) Ce pied occupe dans la Pholade la place du 
disque intérieur de la troncature du Taret. Cet organe est nettement circonscrit, sur toute 
sa circonférence , par un léger étranglement qui en détermine la limite, La masse abdomi- 
nale, comme nous le disions, prend une forme conique, et elle s'allonge postérieurement 
en une pointe aiguë, tantôt simple { Pholas dactylus), tantôt élargie par des crêtes latérales 


88 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


membraneuses fort saillantes qui, très-larges au sommet du cône, viennent mourir insen- 
siblement vers le milieu des parois latérales de l'abdomen (Pholas candida). Nous avons 


fait remarquer dans le Taret une disposition toute spéciale de l'extrémité de l'ovaire. Cet 


organe se termine en une pointe aiguë qui vient occuper le sillon médian de la branchie, 
en passant au-dessus d’une ouverture que laisse la bifurcation de l'organe respiratoire. Il 
en est de même dans la Pholade : l'extrémité postérieure de l'abdomen se détache et se 
prolonge en arrière, entre les feuillets branchiaux, pour se terminer en cette pointe garnie 
de membranes latérales, comme dans le Pholas candida. Ainsi que dans tous les autres 
Mollusques, la masse abdominale contient les organes principaux, c’est-à-dire ceux de la 
digestion, de la génération et de la circulation. De chaque côté d'elle remontent, jusqu'à 
la base des palpes, des feuillets branchiaux considérables, qui bientôt se réunissent en 
arrière pour s’allonger dans une portion assez notable du siphon branchial. 


Musczes. — Indépendamment des divers systèmes organiques qui constituent la masse des 
viscères, nous ne devons pas oublier que des muscles considérables s’y rattachent; les uns, 
destinés, comme nous l’avons vu, au mouvement des siphons; les autres ayant pour usage 
de rapprocher les valves lorsque l'animal les a écartées. En parlant des caractères intérieurs 
des coquilles et en recherchant la place du muscle adducteur antérieur, nous avons fait 
voir que l'impression de ce muscle se trouvait en partie sur le bord antérieur et dorsal des 
valves, et que sa masse principale était située sur les callosités qui recouvrent les crochets. 
En effet, l'examen de l’animal et sa dissection donnent la preuve que le muscle antérieur 
occupe les surfaces du test que nous venons de désigner. (PI. IX D, fig. 3h; fig. 4 a, b, c; 
fig. 5 a, b;pl.IX F, fig. 1 h, h.) Ce muscle est constitué exactement de la même manière 
que s'il était placé à l'intérieur des valves; il est composé de faisceaux fibreux transverses ; 
seulement ceux qui sont situés profondément entre les crochets sont réunis par un tissu 
cellulaire lâche et peu solide, ce qui permet de les séparer avec une grande facilité. Nous 
ferons remarquer combien le déplacement du muscle antérieur entraîne avec lui d’ano- 
malies; non-seulement il n’est plus à l'intérieur des valves, mais, au lieu de servir à les 
rapprocher, il remplace le ligament dans ses fonctions. Ses contractions ont pour résultat 
’écartement des valves; il sufhit, pour s’en convaincre, de bien reconnaître la place qu'il 
occupe et de voir qu'il ne peut se contracter, c’est-à-dire raccourcir ses fibres sans rap- 
procher les callosités l'une de l’autre, mouvement qui ne saurait s’exécuter sans que les 
valves s’écartent par leur bord ventral. Ce muscle antérieur est allongé, étroit, aplati du 
haut en bas, et son extrémité antérieure, celle qui adhère sur le bord même des valves, 
est la seule qui recouvre la bouche et la protège. 

Le muscle adducteur postérieur (pl. IX D, fig. 3i,1; pl. IX F, fig. rt, 1; fig. 24,a) 
constitue une masse assez épaisse, ovale, oblongue, aplatie de haut en bas, et située vers le 
milieu du dos de l'animal. L'écartement des valves, dans cette région, a exigé pour le 
muscle une plus grande largeur que dans les autres Mollusques; aussi ses fibres trans- 
verses, pour trouver plus vite la partie solide du test, sont tout près de la surface du man- 
teau-et viennent s’insérer dans le voisinage du bord dorsal postérieur. Ce muscle est petit, 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE PHOLADE. 89 


relativement à la grosseur de l'animal, et, si nous le comparons à celui du Taret, nous le 
trouverons proportionnellement très-réduit. Il est réellement le seul qui soit destiné à rap- 
procher les valves l'une de l’autre ; néanmoins, il serait possible que la zone fibreuse 
antérieure du manteau, par ses contractions, pût aider le muscle adducteur postérieur à 
accomplir ses fonctions. En effet, les deux lobes du manteau sont réunis dans la région 
ventrale antérieure ; l'appareil fibreux y est large, épais et puissant ; il est fortement attaché 
aux valves, et, dans ses contractions, il doit les rapprocher. 


Le pren. — Le pied, comme dans tous les autres Mollusques, est constitué par un ap- 
pareil fibreux, dont les faisceaux sont diversement entrecroisés. Par sa forme aplatie, il 
semble destiné à servir de ventouse et à fixer par ce moyen l'animal aux parois de la 
cavité qu'il habite; il faut donc, pour opérer le mouvement de succion au moyen duquel 
l'animal fait le vide, que l'organe dont il est question soit pourvu de fibres, non-seulement 
longitudinales, mais encore obliques dans plusieurs sens. C’est en effet ce que l’on observe 
lorsque lon vient à faire différentes sections dans l'organe du mouvement. La partie cen- 
trale, un peu plus molle, est formée par un véritable feutre de fibres fines et plus flexibles 
que celles de la circonférence. Le pied des Pholades paraît dépourvu de muscles rétrac- 
teurs propres, semblables à ceux que l’on trouve particulièrement chez les Mollusques 
qui vivent enfoncés dans le sable. Get organe coiffe, pour ainsi dire, lextrémité antérieure 
de la masse abdominale, et ses fibres, en se prolongeant en arrière sur toute la circonfé- 
rence, forment l'enveloppe générale des viscères; cependant il existe en avant une zone 
fibreuse, plus épaisse que celle qui est sur les parties latérales; et, si l’on détache avec pré- 
caution le pied de la masse abdominale, de manière à mettre à nu sa face interne, on voit 
les faisceaux fibreux principaux se diriger, en convergeant, sur les parties latérales de l’ami- 
mal et gagner l'extrémité libre des cuillerons intérieurs des valves. (PL IX E, fig. 2 ë,7.) On 
comprend dès lors comment il se fait que les muscles rétracteurs du pied ne se montrent 
pas surle dos de animal, et que leur impression n'existe pas dans la profondeur des cro- 
chets, puisqu'ils s’attachent sur des parties saillantes de la coquille qui viennent en quelque 
sorte au-devant d'eux. Dans la plupart des Mollusques, il existe deux muscles rétracteurs 
du pied : un antérieur qui vient s'attacher à la coquille, en arrière du muscle adducteur 
antérieur des valves, quelquefois plus en arrière encore, dans la profondeur du crochet 
au-dessous du bord cardinal. Le second muscle rétracteur est le postérieur; il se dirige 
obliquement vers le muscle adducteur postérieur des valves. Dans les Pholades, il n'y à 
qu'un seul muscle rétracteur du pied, et sa position est intermédiaire à celle des deux 
muscles des autres Mollusques. 


ORGANES DIGESTIFS. — Boucne. — La bouche des Pholades est grande; elle est en fente 
transverse profondément cachée entre le pied et lextrémité antérieure du muscle, Ce 
muscle étant en dehors de la coquille, la bouche se trouve entraînée vers le dos de la 
même manière que dans le Taret; elle est pourvue de deux lèvres (pl. IX D, fig. 2 f, g): la 
supérieure est large, l'inférieure paraît aussi large, mais elle est adhérente à la masse abdo- 


Zooz. — Mollusques. 1. 12 


ot me nn db he mé ones D 


ee —  — 


90 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


minale , dans la plus grande partie de sa largeur ; son bord seul est détaché.Ces lèvres se con- 
tinuent, de chaque côté du corps, en une paire de palpes (pl.IX C, fig. 1 #,l; pl.IX D, fig. 1 
j, k; fig. 2 k, i; fig. 3 j) grandes et assez épaisses, en triangle scalène fort allongé; leur 
surface externe est lisse, mais l’interne est couverte de stries, élégantes par leur régularité 
et leur grande finesse. La palpe externe est adhérente au manteau par une partie assez 
considérable de sa surface; son extrémité postérieure et son bord inférieur sont libres, la 
palpe interne est attachée au côté de la masse abdominale par sa base. Les feuillets bran- 
chiaux viennent s’interposer entre les palpes et remontent jusqu’à la commissure des lèvres. 


OEsopnacE, Esromac. — L'œæsophage n’est point un canal court et cylindrique, comme 
l'a représenté Poli. Il est aplati, comprimé; ce sont deux surfaces qui s'appliquent l'une 
contre l’autre et qui se joignent en formant un angle trés-aigu. Cet œsophage est lisse en 
dedans, et il débouche dans un estomac qui ne manque pas d’analogie avec la première 
cavité stomacale des Tarets. Pour faire comprendre avec plus de facilité la description de 
l'organe digestif, nous supposons l'animal couché sur le dos, la bouche en avant, la masse 
abdominale un peu inclinée à droite, sa paroi coupée à gauche pour mettre l'estomac à 
découvert ; celui-ci a été fendu dans toute sa longueur. (PI. IX £, fig. 1 a, a.) L'estomac des 
Pholades est formé de deux cavités qui semblent superposées l’une à l’autre, tant elles sont 
distinctement séparées : la première est subglobuleuse, la seconde est un long cylindre 
creux, un peu contourné dans sa longueur. 

La paroi supérieure de l’estomac donne entrée à l'œsophage ; l'ouverture de ce conduit 
est en fente, transverse, subovalaire et garnie de deux lèvres légèrement saillantes sur 
tout leur pourtour. La lèvre supérieure (pl. IX E, fig. 1 b,b; fig. 3 a, a) est large et elle 
offre un caractère particulier, car elle est pourvue d'un nombre considérable de plis 
longitudinaux égaux, rayonnants, et occupant la plus grande largeur de la lèvre; l'extrême 
bord de cette lèvre reste lisse et parait contenir des fibres transverses, à l’aide desquelles 
l'ouverture œsophagienne peut être fermée. Cette lèvre supérieure se joint à l’inférieure 
par de véritables commissures latérales, que lon peut comparer à celles de la bouche 
humaine. (PL IX E, fig. 1 c, c; fig. 3 b, b.) La lèvre inférieure est assez épaisse, peu sail- 
lante (pl. IX Æ, fig. 1 d; fig. 3 c, c), circonscrite en dessous par un sillon creusé dans la 
paroi stomacale. Quand on compare cette ouverture de l'œsophage à celle de la bouche, 
on est frappé du contraste qu'elle présente : l'une, en effet, comme nous l'avons vu, est 
extrêmement simple ; l'autre, au contraire, est munie de lèvres remplissant les fonctions de 
valvules pour s'opposer au retour des aliments vers la bouche. Immédiatement au-dessous 
de l'ouverture œsophagienne s'élève, un peu obliquement, une crête transverse charnue, 
assez épaisse (pl. IX E, fig. 1 e; fig. 3 d, d), sur laquelle vient se mouler un petit appareil 
cartilagineux, dont nous reparlerons un peu plus tard. Au-dessous de la crête dont 1l a été 
question tout à l'heure, est creusée une cavité assez profonde (pl. IX E, fig. 1 f; fig. 3e, e), 
à côté de laquelle est enfin le grand fond de l'estomac; de sorte que, dans sa forme géné- 
rale, l'estomac proprement dit présente deux lobes inégaux, dont le plus considérable est 
pour le grand fond. 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE PHOLADE. 91 


De chaque côté de l'ouverture de l’œsophage, on remarque un grand crypte biliaire 
qui, dans sa structure, offre des particularités dignes d'intérêt. (PLIX E, fig. 1 g, k; 
fig. 3, g.) Lorsque, en fendant l'estomac et en continuant l’incision jusque dans le foie, 
on ouvre le tronc et les principales branches des canaux biliaires, on trouve dans leur 
intérieur une gouttière creusée entre deux lèvres membraneuses et libres qui, après avoir 
parcouru la paroi inférieure du tronc principal, se divise pour pénétrer dans les pre- 
mières branches, où elle s’abaisse et se confond insensiblement avec les parois. Cette 
gouttière ne s'arrête pas à l'entrée du crypte dans l'estomac; elle se continue sur la paroi, 
contourne la base d’un pilier charnu qui fait partie du pylore (pl. IX E, fig. 3 h), et vient 
se continuer avec la crête qui s'élève dans l'intérieur de l'intestin. Une disposition analogue 
existe pour le second crypte biliaire : par cette disposition une partie de la bile peut passer 
directement dans l'intestin, si l'animal rapproche les bords des gouttières et les change 
ainsi en canaux complets. 

Au milieu de la paroi antérieure de l'estomac, se montre une ouverture médiane, subin- 
fundibuliforme, dont les parois sont simples, assez épaisses : c’est l'ouverture pylorique. 
(PLIX E, fig. 1 à; fig. 3 i.) À droite et au-dessous du pylore, il existe une grande ouver- 
ture circulaire, dont près de la moitié est circonscrite par une crête mince et saillante. 
(PLIX E, fig. 1 et 3 j.) Le plan de cette ouverture n’est pas dans celui des parois de lesto- 
mac. L'ouverture dont il s'agit peut être comparée à ce qui résulterait de la pénétration 
d'un cylindre creux dans une cavité subsphérique , une moitié du cylindre faisant saillie à 
l’intérieur, tandis que l’autre se confondrait avec les parois de la cavité en question. Cette 
grande ouverture circulaire est celle de la seconde cavité de l'estomac; une grande valvule 
en garnit l'entrée et la rétrécit sensiblement; la seconde cavité stomacale est cylindrique 
(pl. IX E, fig. 1 k, l; fig. 2 a, b), dirigée d’arrière en avant et située à peu près dans la 
ligne médiane de la masse abdominale ; elle remonte au-dessous du pied jusqu’à son extré- 
mité antérieure, où elle se termine en cul-de-sac arrondi; au fond de ce cul-de-sac existe 
une petite ouverture qui pénètre dans une petite loge en voûte surbaissée. (PL IX E, 
Big. 1 m; fig. 2 c; fig. 4 a.) 

Dans cette grande cavité appendiculaire de l’estomac, est contenu un organe très-sin- 
gulier, cartilagineux, en partie gélatineux, transparent, lisse et constamment en contact 
avec les parois de la cavité qui le contient. Depuis longtemps l'attention des zoologistes a 
eté appelée sur cet organe par les observations de Poli : on a pu constater sa présence 
dans un assez grand nombre de Mollusques acéphalés ; on a pu déterminer ses rapports 
avec diverses portions de l'estomac; mais, jusqu'ici, son usage est resté inconnu. On ne 
comprend pas, en effet, quel rôle peut jouer, dans l'acte de la digestion, un cartilage 
exactement contenu dans une cavité, à moins qu'on ne lui suppose la fonction de broyer 
et d’atténuer toutes les parties alimentaires contenues dans l'estomac. Nous verrons plus 
tard que lon trouve dans les parois de l’estomac des Mollusques une tunique fibreuse, 
analogue à celle qui existe chez les autres animaux, mais réduite à une épaisseur beau- 
coup moindre. Nous avons remarqué dans la portion de l’estomac des Pholades destinée 
à contenir le cartilage, que ces parois avaient beaucoup plus de solidité, parce qu’elles 


12, 


92 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


contiennent une couche fibreuse beaucoup plus épaisse. Probablement les aliments intro- 
duits dans l'estomac y sont mêlés à la bile, et ce mélange est rendu plus parfait par une 
trituration qui s’opérerait dans la seconde poche stomacale, entre les parois fibreuses 
et le cartilage. Ce serait après avoir subi cette trituration que la matière alimentaire s’in- 


troduirait dans l'intestin pour y être complétement digérée. 


Inresris. — L’intestin dans les Pholades est fort allongé, mois cependant, en propor- 
tion, que dans le Taret; il naît, comme nous l'avons vu, de la paroi antérieure de l'estomac 
et aussitôt il se dirige en avant, en suivant parallèlement la portion cylindrique de l’esto- 
mac. (PI IX E, fig. 1n, n.) Arrivé à l'extrémité antérieure de la masse abdominale, il se 
recourbe pour redescendre à droite, jusque vers l'extrémité postérieure de l'ovaire, dans 
l'épaisseur duquel il est engagé. (PI. IX Æ, fig. 2 d, d.) I remonte une seconde fois en 
avant en s'appuyant sur l'œsophage, fait un petit circuit dans le foie, et enfin redescend 
vers la région dorsale pour sortir de la masse abdominale, où il est saisi par le ventricule 
du cœur (pl. IX F, fig. 2 b), auquel il sert de point d'appui. Cet intestin n’est point d’un 
diamètre uniforme, il est plus large dans ses premières circonvolutions que dans les der- 
nières. Ce qui est remarquable, c'est que, dès son origine, il est pourvu à l'intérieur d’une 

crête membraneuse très-saillante, dont le bord est libre et qui se continue, comme nous 
l'avons vu, avec la gouttière des canaux biliaires; cette crête parait destinée à augmenter 
la surface d'absorption de l'intestin. Les parois de l'intestin sont généralement minces et 
faciles à déchirer; on y reconnait une membrane interne muqueuse, soutenue par une 
membrane fibreuse, extrêmement mince. Nous n’insistons pas dans ce moment davantage 
sur la structure intime de ces organes, parce que plus tard nous y reviendrons en traitant 
du Lavignon, sur lequel nous avons fait un grand nombre d'observations. 

L’extrémité anale de l'intestin se comporte de la même manière que dans les autres 
Mollusques acéphalés dimyaires; au sortir du cœur, 1l se place sur le milieu de la surface 
dorsale du muscle postérieur des valves, se contourne sur son bord et pénètre très-haut 
dans le siphon anal, derrière la branchie, au point où les feuillets de cet organe se joignent 
et se soudent au-dessous de la masse abdominale; l'anus est assez saillant, dilaté plus que 
dans d’autres genres; il est infundibuliforme, et dans son intérieur, attachée à la paroi 
supérieure, se trouve une lame subspirale. (PI. IX C, fig. 1 m.) 


Le rote.—Le foie occupe une place assez considérable dans la masse abdominale (pl. IX £, 
fig. 2 h;pLIXF, fig. 2 c, c; pl IX G, fig. 1,2,a,a,a);il envahit la région dorsale 
de l'animal, où on le reconnaît à sa couleur d’un vert foncé; il pénètre profondément dans 
l'abdomen, enveloppe presque tout l'estomac et une petite portion de l'intestin. Get organe 

4 est composé de follicules biliaires nettement détachées, ce qui lui donne une apparence 
| granuleuse; des lambeaux détachés et flottant dans l’eau ont la forme de petites grappes 
dont les grains sont attachés aux vaisseaux biliaires. Soumise au microscope, cette structure 
se dévoile mieux encore, chaque grain se prolonge en pointe, et, en cela, ressemble plus 
au pepin du raisin qu'au grain lui-même; ce sommet pointu s'attache au vaisseau biliaire , 


gx 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE PHOLADE. 93 | 


et se met en communication avec lui; les vaisseaux biliaires sont chargés et couverts de 
toute part de ces follicules; il faut les en débarrasser en partie, pour voir qu'ils ont 
de nombreuses ramifications, et que les follicules biliaires s'ouvrent dans leur cavité; une j 
pellicule très-mince constitue enveloppe de chaque follicule, et c'est cette enveloppe qui, 
se rétrécissant en forme de goulot, vient s'ouvrir dans les vaisseaux biliaires pour y verser | 
le produit de la sécrétion. En isolant quelques follicules et en les comprimant légèrement 
sous le microscope, l'enveloppe se brise, et il en sort un grand nombre de petits amas de 
matière verte qui affectent la forme globuleuse. Ces globules sont composés de globules 
beaucoup plus petits qui, sous un grossissement de cinq cents diamètres, paraissent avoir un 


“quart de millimètre; répandus sur le porte-objet, ils sont animés du mouvement atomistique 
de Brown. Indépendamment de ces globules excessivement petits, il y en a un moindre 
nombre, d’un volume double à peu près, et dont on retrouve quelques-uns dans les amas 
sphéroïdaux dont nous avons parlé précédemment; la masse principale de ces amas est 


tourne 


composée des plus fins granules. Ces granules se détachent de l’intérieur des follicules, car 


nous en avons trouvé en grande quantité circulant librement dans les vaisseaux biliaires. 


Ovarre.— Lorsque l'ovaire est rempli d'œufs, il est le plus considérable des viscères d’un 


mollusque acéphalé ; dans les Pholades, il forme à lui seul presque toute la masse abdomi- 


ns nd sir tlé, open ns es a) 


ais 


nale. (PL. IX D, fig. 1 g, h; fig. 2 c, d; fig. 3 f.) Non-seulement il occupe toute l'extrémité pos- 
térieure de l'abdomen, mais de plus il remonte sur les côtés; en avant, il embrasse la plus 


grande partie du foie et des organes digestifs; on en retrouve des grappes jusqu'au voisi- 


nage de la base du pied; il remonte le long de l'intestin et l'accompagne dans presque toutes 
ses circonvolutions. Nous avons vu que cet organe, dans le Taret, est terminé par une pointe 
très-aiguë et médiane percée au sommet, pour servir d’oviducte. Nous ne trouvons pas dans 
les Pholades une disposition analogue; l'ovaire, il est vrai, se prolonge en pointe, quelque- 
fois accompagnée de membranes latérales; mais cette pointe n’est pas ouverte, les œufs ne 
peuvent y trouver une issue, et il faut chercher les oviductes comme dans les autres 
Mollusques, de chaque côté de la masse abdominale. Pour les découvrir, il faut écarter 
les feuillets branchiaux, soulever le bord libre du feuillet interne, et c’est au-dessous de 
lui, tout près du point où la masse abdominale se détache pour se prolonger en pointe 
terminale, que l'on trouve un petit mamelon ouvert en arrière (pl. IX C, fig. 1 n) : c’est 
là l'ouverture des ovaires ou l’oviducte. La structure de l'ovaire ne manque pas d’une cer- 
taine analogie avec celle du foie, cet organe étant composé de grappes nombreuses, dont 
les grains sont fixés à des canaux ramifiés, semblables à ceux qui recueillent la sécrétion 
biliaire ; tous ces canaux de l'ovaire se réunissent successivement et finissent par former 
de chaque côté un seul tronc, qui débouche à l’oviducte dont nous venons de parler. 
Selon son développement, l'ovaire se présente avec des caractères bien différents : lors- 
qu'il est vide, peu après la ponte des œufs, il ressemble à un tissu cellulaire assez lâche, 
peu tenace; mais à mesure que, sous l'influence de la fécondation, il se développe, les 
grappes se détachent peu à peu, dessinent plus nettement leurs contours, parce qu'elles 
s’'emplissent d’ovules contenus chacun dans une enveloppe spéciale. Les divers individus de 


SU ne mn c nor mbé 


94 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


Pholades que nous avons disséqués avaient l'ovaire complétement vide, de sorte que nous 
n'avons aucune observation digne d'intérêt à rapporter au sujet de ces organes. Poli, à la 
planche VIIT, fig. 9 de son grand ouvrage, a donné une figure exacte d'une grappe d’ovaire 
du Pholas dactylus, seulement loviducte de cette grappe manque et n’a pas été représenté. 


ORGANES DE LA CIRCULATION. — Les organes de la circulation ont été représentés d’une 
manière imparfaite par Poli, et décrits trop sommairement par ce savant anatomiste; au 
reste, il faut recommencer presque tous les travaux de ce naturaliste, pour ce qui a rap- 
port à la circulation, parce qu'il regardait le système nerveux comme des vaisseaux lactés 
ayant, avec les artères et les veines, de nombreuses connexions. Depuis quelques années, 
de nouvelles idées ont été introduites dans la science, relativement à la circulation dans les 
Mollusques. On a prétendu que ces animaux étaient dépourvus d’un système veineux, que 
le sang, parvenu à l'extrémité des artères, tombait dans les interstices des organes, dans 
des lacunes, en un mot, et que le fluide nourricier, après avoir imbibé les organes et 
pourvu à leur accroissement, était lentement poussé vers les branchies, où il subissait lin- 
fluence du milieu ambiant. Nous avons manqué ici de moyens suffisants pour examiner la 
question; nous n'avions pas assez d'animaux pour en injecter beaucoup, et ceux du genre 
pholade offrent à cet égard des difficultés que l’on ne rencontre pas dans d’autres. Il faut 
se rappeler les grandes apophyses qui font saillie dans l'intérieur des valves ; ces apophyses 
pénètrent dans le corps de l'animal et, comme elles s’élargissent vers leur extrémité libre, 
il est impossible de détacher le Mollusque de sa coquille, sans déchirer plusieurs des or- 
ganes dans lesquels des troncs vasculaires se distribuent; l'injection se perd par les déchi- 
rures el ne pénètre pas dans les vaisseaux; il faut donc pour injecter des Pholades les 
laisser dans leur coquille, et dès lors il devient difhicile de mettre le cœur à découvert et 
d'introduire dans l'aorte le bec d’un appareil à injecter. Nous avons réussi cependant à faire 
pénétrer une liqueur colorée dans les principales ramifications de l'aorte antérieure, ce 
qui nous permettra de faire connaitre, avec quelque détail, ce qui a rapport à cette por- 
tion importante des organes de la circulation. 


Le cour. — Le cœur est situé, comme à l'ordinaire, vers le milieu du dos de l'animal, 
en arrière des crochets des valves (pl. IX, F, fig. à d); il est peu éloigné du point où 
devrait être la charnière : en cela il se rapproche beaucoup plus de la règle générale que le 
Taret. On se souviendra sans doute que, dans ce dernier animal, le cœur est fort loin de la 
coquille, etqu'il n’a plus aucune connexion avec l'intestin, Dans les Pholades, la règle générale 
se rétablit et le ventricule aortique embrasse l'intestin au sortir du corps, exactement de 
la même manière que dans les autres Mollusques acéphalés. Le cœur est peu considérable, 
d'une forme allongée en fuseau et recevant de chaque côté une oreillette triangulaire. 
(PLIX, F, fig. 2 e, e.) L'un des angles du triangle s'abouche au cœur et l'ouverture de 
communication est fermée par des valvules particulières, dont nous donnerons une des- 
cripuon détaillée un peu plus tard, en traitant du Lavignon. Comme ces valvules sont les 
mêmes dans tous les Mollusques, chez lesquels le cœur et les oreillettes conservent la forme 


a 


AGP DT ET D Se CRE 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE PHOLADE. 95 


dont nous venons de parler, il suffira d’une seule description de ces parties pour en faire 
comprendre les fonctions. 

L’aorte antérieure (pl. IX F, fig. 2 f) reste accolée à l'intestin; elle en couvre le diamètre : 
elle pénètre dans l'abdomen par l’ouverture qui donne issue au rectum, et, au moment 
où elle franchit l'enveloppe abdominale, elle jette, à droite et à gauche, une artériole qui 
se distribue au péricarde. (PL. IX F, fig. 2 q, g.) À peine at-elle passé à travers la paroi abdo- 
minale, qu’elle laisse échapper d’abord une branche profonde pour l'ovaire et le grand fond 
de l’estomac, et bientôt après elle se partage en deux autres branches principales : une 
profonde, c’est la plus grosse; la seconde, superficielle, dont nous allons d’abord suivre la 
distribution. Une crête du manteau s'élève entre les valves, à partir du point où elles se 
rapprochent et se touchent. Cette crête se renverse et se continue à la base et au-dessous 
du muscle antérieur, remplissant ainsi les plus petits interstices que les crochets laissent 
entre eux. Lorsqu'un vestige de ligament existe, il est contourné en quelque sorte par cette 
crête palléale, La branche aortique superficielle et dorsale est logée dans la crête dont 
nous venons de parler (pl. IX F, fig. 2 h, k; pl. IX G, fig. 1 b, b) : elle en occupe la base. 
La première branche qu'elle envoie part du côté gauche; elle se bifurque pour envoyer 
une longue artère oblique antérieure, et une autre, plus courte, subtransverse , toutes deux 
se divisant en nombreux rameaux qui descendent dans le foie. (PL. IX F, fig. 2 1; pLIXG, 
fig.1 c.) À droite, et à une faible distance de la première branche, s’en détachent deux autres 
grêles et peu importantes; elles restent dans le manteau. (PI. IX F, fig. 2 j, k; pl. IX G, 
fig. 1 d, e.) Parvenue au point où la crête se renverse au-dessous du muscle, la branche 
aortique antérieure superficielle s'enfonce dans l'épaisseur du muscle, et, avant de sy di- 
viser, elle jette à droite une branche médiocre, transverse, destinée au manteau. Il faut 
que toute cette artère se distribue au muscle et au manteau adjacent, car on voit dans le 
muscle, surtout à la surface, des rameaux très-fins. (PI. IX F, fig. 1 :.) 

La première branche profonde qui, comme nous l'avons dit, s'échappe de l'aorte, a son 
entrée dans l’abdomen, se dirige presque perpendiculairement du haut en bas (pl. IX G, 
fig. 1 f, f; hig. 2 b); elle descend du dos dans l’abdomen, dont elle gagne la partie moyenne 
et ventrale, en s'appliquant au grand fond de lestomac. Une première petite branche anté- 
rieure g s’en détache et se distribue dans la paroi de l'estomac qui avoisine l'entrée de 
lœæsophage. Deux autres petites branches, également antérieures, rampent sur la surface de 
l'estomac k, h. En arrière de ce tronc descendant, se montre un grand rameau qui se dirige 
vers l’extrémité postérieure de l'abdomen, dans l'épaisseur de l'ovaire, et dans la direction 
des oviductes; les branches de ce rameau se dispersent dans les portions de l'ovaire qu'il 
traverse i, &. Une autre petite branche est au-dessous de celle dont nous venons de parler j, 
et c'est après en avoir distribué quelques autres, de très-petites à droite et à gauche, que 
le tronc principal, parvenu près de la paroi inférieure de l’abdomen, se bifurque, envoie 
horizontalement une petite branche en avant k, tandis que l'artère principale, suivant une 
direction opposée, se porte vers la pointe libre de l'ovaire, /, !. Chacune de ces branches 
se divise en rameaux nombreux, destinés uniquement à la partie postérieure de l'ovaire. 

La seconde branche profonde de l'aorte antérieure est bien plus importante que toutes 


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96 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


les autres, car elle se distribue à tous les organes contenus dans la masse abdominale. Nous 
verrons plus tard, lorsque nous décrirons d’autres Mollusques, que cette branche aortique 
fournit aussi des artères aux lèvres, aux palpes et aux parties latérales du manteau. Dans 
l'individu du Pholas dactylus que nous avons injecté, les artères des organes dont nous 
venons de parler n’ont pas été pénétrées, et nous ne savons d'où elles partent. La grande 
artère viscérale n’a pas plus tôt pénétré au centre du foie qu’elle jette à droite une branche 
superficielle transverse assez grosse. (PL IX G, fig. 1 m.) D'abord cette branche donne de 
chaque côté des rameaux peu importants dans l'enveloppe de l'abdomen; elle se bifurque, 
une moitié se porte en avant et dessine un arbuscule branchu sur toute la surface dor- 
sale de l'enveloppe abdominale (pl IX G, fig. 1n,n; pl IX F, fig. 2 L, 1); l'autre moitié 
pénètre dans les lobes supérieurs et dorsaux du foie et s'y déploie aussi sous la forme d’un 
arbuscule élégant, mais à branches plus nombreuses et plus courtes (pl. IX G, fig. 1 0,0); 
enfm une petite branche naït de la bifurcation des deux autres, se dirige en arrière, se 
distribue dans la paroi dorsale de l'abdomen; mais comme cette branche est placée au- 
dessus de l'ouverture du pylore, ses rameaux s’enfoncent et pénètrent jusqu'à l'entrée de 
l'intestin dans l'estomac. (PL. IX G, fig. 1 p.) 

Nous revenons actuellement au tronc principal de l'aorte viscérale : sa direction générale 
est d’abord un peu obliquement de haut en bas et d’arrière en avant. (PL. IX G, fig. 2 e, e.) 
Parvenu vers le centre de la masse abdominale, il se recourbe et se porte en avant, sous 
le pied, jusqu’à la région de l'æsophage. Dans ce trajet, 1l se partage en un nombre consi- 
dérable de branches dont nous allons mentionner successivement les principales, à mesure 
qu'elles naissent du tronc. Avant de se courber pour se porter en avant, l'aorte donne deux 
branches assez considérables qui montent de bas en haut et obliquement, prennent en 
dessous les lobes du foie, auxquels ils fournissent de nombreux rameaux divisés en beaux 
arbuscules. (PL IX G, fig.2 f, g-) De la courbure elle-même naît une troisième artère hépa- 
tique qui remonte dans les lobes du foie, comme les deux précédentes. (PI. IX G, fig. 2 À.) 
A peine courbée, Faorte s'applique sur la paroi du côté droit de la seconde cavité stomacale, 
dans laquelle est contenu l'appareil cartilagineux. Après la courbure, une première branche 
se porte en arrière, à travers l'ovaire, pour gagner une anse intestinale qu’elle accompagne 
{même figure ti); puis une seconde, disposée en arbuscule à branches rayonnantes, sur un 
même plan, dont les rameaux, disposés à peu près comme s'ils étaient dans un mésentère, 
se dirigent vers la grande anse intestinale qui remonte au-dessous du pied et s’y répartissent 
d’une manière assez égale (même figure j). En avant de cette seconde branche, il y en a une 
troisième et une quatrième, disposées de la même manière, dans un plan voisin paral- 
lèle au premier (même figure x, L.); les rameaux de ces branches se rendent dans la seconde 
grande anse de l'intestin qui s’avance, comme la première, au-dessous du pied, et croise 
lœsophage en se rapprochant beaucoup de lui. Après la naissance de la quatrième branche, 
le tronc principal se bifurque en deux branches presque égales : lune qui remonte à tra- 
vers la partie antérieure de l'ovaire et envoie quelques rameaux jusqu'à la paroi du dos, 
l'autre s'infléchit un peu en avant et en bas, et embrasse dans ses nombreux rameaux toute 
l'extrémité antérieure de la grande cavité cylindrique de l'estomac. 


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EXPLORATION | 


SCIENTIFIQUE 


DE L'ALGÉRIE 


PENDANT LES ANNÉES 1840, 1841, 1842 


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PUBLIÉE 


PAR ORDRE DU GOUVERNEMENT 


ET AVEC LE CONCOURS D’UNE COMMISSION ACADÉMIQUE 


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SCIENCES PHYSIQUES 


ZOOLOGIE 


HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES 


PAR M. DESHAYES 


MEMBRE DE LA COMMISSION SCIENTIFIQUE D'ALGÉRIE 
CHEVALIER DE LA LÉGION D'HONNEUR 


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CINQUIÈME LIVRAISON 


CONTENANT 


Texre : feuilles 13 et 14 


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Praxcnes 46, 50, 51, 52, 53 et 56 


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IMPRIMERIE ROYALE 


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Library of the Museum 


OF 


COMPARATIVE ZOÜLOGY, 


AT HARVARD COLLEGE, CAMBRIDGE, MASS. 


Founveu bp private subscription, ( 1861. 


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DR. L. De KONINCKS LIBRARY. 


No. 


MCZ LIBRARY 
HARVARD UNIVERSITY 
CAMBRIDGE. MA USA 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE PHOLADE. 97 


Les parois du manteau, examinées avec attention, présentent aussi de nombreux vais- 
seaux, mais dont l'origine nous est inconnue. Malgré leur finesse, l'injection y aurait pénétré 
s'ils avaient l'aorte antérieure pour point de départ. Les rameaux de l'abdomen remplis 
d'injection étant d’une finesse beaucoup plus grande que celle des vaisseaux du manteau, 
nous avons la conviction que ceux-ci eussent été injectés s'ils eussent dépendu de l'aorte 
antérieure; d’ailleurs nous n'avons aperçu aucun tronc artériel dirigé vers le manteau, d’où 
nous avons conclu que l'aorte postérieure était chargée de répandre le sang dans l’enve- 
loppe générale du Mollusque. Dans la partie mince du manteau, par exemple, dans l'angle 
que laissent le bord épais du manteau et le muscle rétracteur des siphons (pl. IX F, fig.1 &), 
on remarque, à cause de leur transparence, un grand nombre de vaisseaux; les plus gros 
sont à peu près parallèles et semblent partir d'un tronc commun, qui passerait entre le 
sommet du muscle des siphons et le point d’adhérence de la palpe externe. Ces vaisseaux, 
en se rendant au bord épais du manteau, se divisent en nombreux ramuscules qui s'a- 
nastomosent un grand nombre de fois et constituent un réseau vasculaire à mailles très- 
fines. Au côte opposé de l'animal, c’est-à-dire vers le dos, dans l'angle que laissent le muscle 
des siphons, le muscle adducteur des valves et le bord supérieur du manteau (pl. IX F, 
fig. 1 /), on trouve encore un autre exemple de ces vaisseaux propres; ceux-ci partent de 
dessous le bord du muscle des siphons et se distribuent dans le manteau, en remontant 
vers son bord dorsal; ils forment aussi un réseau par leurs fréquentes anastomoses. Aus- 
sitôt que l’on a reconnu la nature vasculaire du manteau dans les deux points que nous 
venons de signaler, il suffit de continuer avec som l'examen du reste de l'organe pour 
s’apercevoir que toute sa partie mince est parcourue partout par une multitude de vaisseaux 
très-fins, anastomosés, et que l'on aperçoit surtout en faisant passer un corps noir sous 
le manteau. 

Nous ne parlerons pas du système veineux général ; il nous a été impossible de l'injecter 
dans les Pholades. Le sang est ramené vers deux trous principaux, qui le recueillent de 
toutes les parties du corps pour le porter dans les organes branchiaux; ces troncs se mon- 
trent au-dessous des branchies, au point où ces organes se réunissent au-dessous de la 
masse abdominale; ils forment cette espèce de commissure dans laquelle sont également 
compris les nerfs branchiaux. Toutes ces parties s’aperçoivent très-bien lorsque l’on a ou- 
vert, dans toute leur longueur, le manteau et le siphon branchial d’une Pholade renversée 
sur le dos, après avoir détaché les branchies du pourtour de l'entrée du siphon anal, et 
après les avoir renversées en avant. La bride qui les retient au corps, et dans le bord de 
laquelle est le nerf branchial, contient aussi de chaque côté la grande veine qui, en péné- 
trant dans la branchie, devient l'artère branchiale, puisqu'elle apporte tout le sang vers 
l'organe où 1l doit être vivifié. La branchie, ainsi renversée, offre en dessous, dans toute la 
longueur de son extrémité libre, quatre séries parfaitement régulières et symétriques de 
trous quadrangulaires, séparés par des cloisons et pénétrant en canaux de la même forme 
dans toute la hauteur de la branchie. Les deux séries de perforations, de chaque côté, 
sont séparées par un petit intervalle peu épais, sur lequel se continue l'artère branchiale. 
(PL IX C, fig. 1 0, 0.) À mesure qu’elle chemine vers l'extrémité de la branchie, elle dis- 


Zoo1. — Mollusques. 1. ba 


98 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


tribue à droite et à gauche des branches régulières presque égales, qui s'appuient sur chaque 
cloison, pour descendre et porter le sang dans un réseau vasculaire très-fin à mailles qua- 
drangulaires, et que l’on peut comparer aux fils croisés d’une toile très-fine. Après avoir 
parcouru toutes les mailles de ce réseau vasculaire, le sang arrive dans les veines bran- 
chiales situées à la base des feuillets internes; ces veines entrent en communication directe 
avec les oreillettes, qui reçoivent le sang revivifié et le transmettent au ventricule pour 


recommencer un nouveau circuit. 


ORGANE DE LA RESPIRATION. — L’organe de la respiration est considérable dans les Pho- 
lades ; il est presque aussi long que tout l’animal, car il commence très-haut, entre les palpes 
labiales, tout près des commissures de la bouche (pl. IX C, fig. à p; pl. IX D, fig. 1 L, l; 
fig. 3 k, k), et il s’allonge de manière à fermer l'ouverture du siphon anal, On se ferait 
une idée fausse de la longueur véritable de cet organe, si l’on en jugeait d’après un animal 
contracté, tel que Poli l'a représenté. Dans ce cas, les siphons, considérablement raccourcis, 
ont forcé la branchie à se plisser sur elle-même, comme le serait un jabot, et, dans cet 
état, elle n'a pas le quart de sa longueur naturelle. La contraction des siphons à toujours 
lieu à la mort de l'animal, et elle n’est guère plus considérable, que cette mort soit natu- 
relle, ou qu'elle soit déterminée par l'immersion subite dans une liqueur alcoolique. 
Pour se faire une juste idée de l'extensibilité et de la contractilité des siphons, dans un 
Mollusque où ils sont aussi considérables que chez les Pholades, il faut conserver vivants, 
pendant plusieurs jours, ces animaux dans des bassins remplis d’eau de mer souvent re- 
nouvelée, alors on voit les siphons devenir trois ou quatre fois plus longs qu'ils ne sont 
pendant leur contraction, et l’on conçoit que, dans un tel allongement, la branchie doit 
complétement se déplisser et acquérir toute l'étendue dont elle est susceptible. Dans un 
animal mort récemment, nous avons pu déplisser la branchie, et la figure que nous en avons 
fait faire montre cet organe dans toute sa longueur; on est convaincu par là qu'il est 
presque aussi long que tout l'animal. {PI IX GC, fig. 1 0, p.) 

Dans l’ensemble de leur forme, on peut comparer les branchies à un Y, dont les branches 
viennent embrasser la masse abdominale, tandis que la üge, résultant de la réunion des 
branches, se prolongerait en arrière dans le siphon branchial et fermerait l'ouverture in- 
térieure du siphon anal. (PI. IX D, fig. 1 /, 1, m.) Chaque branchie est composée de deux 
feuillets égaux réunis par la base; plus étroits en avant et en arrière, leur plus grande 
largeur se montre au point où ceux d’un côté vont se joindre à ceux de l’autre au-dessous 
de la masse abdominale. À prendre un feuillet séparément, on y trouve deux parois laté- 
rales (pl. IX H, fig. 1), entre lesquelles descendent des cloisons plus larges à la base qu'au 
sommet et qui ont la forme d’un long triangle ; ces cloisons nombreuses et régulièrement 
espacées laissent, entre les parois, de véritables canaux, dans lesquels les œufs viennent 
s'amonceler à mesure qu'ils sortent de l'ovaire. La page externe d'un feuillet n’est pas 
jointe à l'interne de son congénère par ses deux parois, mais seulement par la base de la 
paroi interne, et c’est aussi par ce point de jonction que la branchie est adhérente au corps 


(pl. IX H, fig. 1 c); les bords inférieurs des parois externes sont libres; celui du feuillet 


| 
CLASSE PREMIÈRE. — GENRE PHOLADE. 99 
interne (pl. IX H, fig. 1 d), appliqué sur la partie la plus profonde de la masse abdomi- 
nale, couvre l’oviducte et empêche les œufs de tomber dans la cavité du manteau; l’autre 
| est en contact avec le manteau, dans son angle le plus haut vers le dos, et c’est ce bord 
| qui s'attache à cette membrane saillante qui circonscrit l'ouverture du siphon anal et dont 
| nous avons déjà parlé. (PL IX 71, fig. 1 e, e.) Au moyen de cette adhérence continuée de 
| chaque côté du corps, un véritable canal aquifère existe sous la branchie, en communi- 
| cation permanente avec le siphon anal, et cette disposition était nécessaire pour que les 
| œufs, à mesure de leur maturité, pussent tomber dans ce canal sous-branchial, el passer dans 
le siphon anal chargé de les expulser définitivement. Pour rendre plus facile à comprendre 
| 3 ce que nous venons de dire d’une paire de feuillets branchiaux, nous pouvons en comparer 
la coupe transverse à un M majuscule: le premier jambage représente la paroi externe du 
feuillet externe; le second jambage, la paroi interne du même feuillet; une disposition 
semblable pour le feuillet interne, et les deux feuillets se soudent entre eux par les deux 
jambages du milieu, exactement comme dans la lettre qui nous sert de terme de compa- | 
raison. En même temps que les deux feuillets se soudent par la base de leur paroi in- 
terne, ils se fixent au corps, près du dos, et c’est encore dans ce point que se trouve la 
veine et l'artère branchiale, dont l’une se continue avec l’oreillette. (PL IX FH, fig. 1 f, g.) 
Nous avons actuellement à examiner la structure intime de l'organe de la respiration. En 
| soumettant la branchie à un médiocre grossissement, sans lui avoir fait subir aucune pré- 
parauon, on distingue très-nettement, à la surface extérieure de cet organe, un nombre 
considérable de stries très-fines, transverses, allant directement de la base au sommet des 
feuillets et produisant sur ce sommet des crénelures d’une grande régularité. Indépendam- 
ment de ces stries parallèles, on en remarque d'autres longitudinales, formant un angle 
droit avec les premières, mais plus largement espacées (pl. IX J1, fig. 4), de sorte qu'on 
peut comparer la structure apparente de la surface branchiale à une toile, dont la chaîne 
| serait plus espacée que la trame, Si l’on parvient à injecter la branchie sans la remplir 
complétement, on reconnaît alors avec plus de facilité la nature de ses parties consti- 


tuantes, et l’on arrive à ce but d'autant mieux que l’on a dédoublé des portions des feuillets 
branchiaux, pour en mettre ensuite les lambeaux sous le microscope. C’est alors que l'on 
aperçoit les deux parties principales qui entrent dans la composition des feuillets bran- 
chaux; d'abord un réseau de vaisseaux transparents, minces, étroits, ayant à peme — de 
millimètre de diamètre; c'est à ces vaisseaux transparents que se rattachent les stries lon- 
gitudinales dont nous avons parlé précédemment. Ces vaisseaux prennent l'apparence de 
stries, parce qu'ils sont transparents. Il résulte de leur rencontre et de leurs soudures un 
réseau à mailles quadrangulaires et oblongues. Jamais, dans aucun Mollusque, jusqu'ici, 
nous n'avons pu faire pénétrer l'injection jusque dans ce système vasculaire, mais elle par- 
vient toujours avec facilité dans d’autres vaisseaux d’une apparence parenchymateuse et 
qui sont placés entre chacun de ceux dont nous venons de parler. Il semblerait qu'un ca- 
nevas assez gros est destiné à soutenir les vaisseaux eux-mêmes disposés transversalement 
et recevant à chaque maille un étranglement résultant de l'épaisseur des fils dont le cane- 
vas est composé. Pour ne point laisser d'ambiguité relativement au système de circulation 


15. 


100 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


de la branchie, nous devons ajouter que tous les vaisseaux, sans exception, dans lesquels 
l'injection pénètre , sont transverses et s'étendent sans discontinuité du sommet à la base 
des feuillets branchiaux. Lorsque l'on injecte le système artériel d’un Mollusque acéphalé 
dimyaire par l'aorte antérieure ou par le ventricule, on ne réussit jamais à injecter la bran- 
chie; on ne peut faire franchir l'injection aux valvules des oreillettes, et quand même on 
parviendrait à remplir ces derniers organes, leur extrême ténuité ne permet aucun effort 
au moyen duquel on puisse faire passer l'injection jusque dans la branchie. Nous avions 
supposé que ce système vasculaire transparent dont nous venons de parler est un système 
artériel, tandis que le second, pénétré d'injection, appartient au système veineux. S'1l en 
était ainsi, la circulation branchiale se comprendrait avec la plus grande facilité, mais peut- 
être faut-il rejeter encore l'explication que nous venons de donner, jusqu’au moment où 
l'on sera parvenu à injecter ces deux sortes de vaisseaux et à les avoir en présence, dans 
un même organe branchial. Cette question de la circulation branchiale nous a paru d’un 
très-grand intérêt, et d’autres observations viendront s'ajouter successivement à celles que 
nous venons de présenter, à mesure que d’autres animaux nous passeront sous les yeux. 


ORGANES spÉcrAUx. — On observe dans les Pholades et dans plusieurs autres Mollusques 
acéphalés des organes dont l'usage est encore inconnu. De ce nombre, nous pouvons signaler 
spécialement dans les animaux qui nous occupent, une paire d'organes rougeûtres, allon- 
gés, étroits, situés sur le dos, un de chaque côté, et occupant la partie la plus profonde des 
valves en arrière des crochets. (PL. IX D, fig. À d, d.) Ces organes, comme tous ceux com- 
pris dans la masse viscérale, sont couverts par le manteau, qui s’y attache fortement; leur 
bord externe est à la limite de l’adhérence du manteau, sur le dos; au-dessous de ce bord, 
le manteau est libre; au-dessus, son adhérence commence sur le dos. Les organes rougeätres 
ont peu d'épaisseur ; par leur face inférieure, ils sont adhérents au bord dorsal de l’extré- 
mité antérieure des branchies, et même une expansion membraneuse qui en dépend s'inter- 
cale entre les deux feuillets branchiaux, de sorte qu'il est difficile de se soustraire à l’idée 
d'une influence plus où moins directe exercée par ces organes glanduleux, soit sur les 
fonctions de la respiration, soit sur celles de la génération; car 1l ne faut pas oublier que 
les branchies reçoivent et gardent dans leurs alvéoles les produits de la génération pendant 
un temps assez long, et tout porte à croire que ces organes spéciaux sont destinés à une 
fonction importante pendant lincubation. Peut-être aussi cet organe glanduleux des 
Pholades peut-il être comparé à celui que nous avons trouvé dans l’intérieur de la veine 
branchiale du Taret, et nous appuierions cette analogie sur quelques faits qui nous pa- 
raissent concluants; ainsi sous le microscope, iloffre, dans les deux genres, la même struc- 
ture : des granules assez gros, sphéroïdaux, disséminés ou agglomérés, divisés à l’intérieur 
en petites vésicules et fixés dans un parenchyme cellulo-fibreux. L'organe rougeâtre dont 
nous venons de parler se trouve particulièrement dans le Pholas candida ; dans le dactylus 
il subsiste, mais il est d’une couleur blanche, et les granules, un peu plus gros, sont plus 
diffus sur leurs bords. Il serait possible d'attribuer ces différences au développement où 


s'est trouvé l’organe, lorsque les animaux ont été mis dans lalcool, car les deux espèces 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE PHOLADE. 101 


dont nous parlons n’ont point été recueillies pendant la même saison; et l'on sait que, chez 
les Mollusques, certains organes subissent des alternatives d'amaigrissement et de turges- 
cence en rapport avec les saisons. Quoi qu’il en soit, voici une paire de glandes en con- 
nexion avec les branchies, attachées au manteau, entre les duplicatures duquel elles se 
développent; elles sont en contact avec la partie antérieure des branchies et nous igno- 
rons néanmoins quelles sont leurs fonctions. 

Les organes d’un usage inconnu dont nous venons de parler ne sont pas les seuls qui 
existent chez les Pholades. Poli, dans son grand ouvrage sur les Testacés des Deux-Siciles, 
a fait remarquer depuis longtemps l'existence d’un organe spécial, situé vers l'extrémité 
postérieure de la surface interne du muscle rétracteur des siphons. Dans le Pholas dactylus, 
d’après la figure et la description de lanatomiste napolitain, l'organe dont il s'agit serail 
d'une faible étendue; il formerait une sorte de pustule lenticulaire sillonnée en travers. 
Sur des individus de la même espèce et provenant des mêmes mers, nous n’observions 
rien de semblable ; il en était de même dans le Pholas candida, dont le muscle, divisé en 
deux faisceaux fibreux, est complétement dégagé. Cependant dans le Pholas dactylus nous 
trouvions la face interne du muscle des siphons couverte d’une couche assez épaisse d’un 
tissu cellulaire spongieux, élastique, d’un blanc mat; enfin en disséquant un individu de la 
Rochelle, pêché au commencement de l'hiver, nous avons trouvé les organes de Poli dans 
l'état où les a représentés ce savant naturaliste. Nous ne pouvons donc plus douter de leur 
existence; 1l s’agit actuellement d'examiner leur structure et leurs rapports. 

Ainsi que nous le disions, l'organe de Poli est situé sur la surface interne du muscle 
rétracteur des siphons (pl. IX C, fig. 1 k); mais il y occupe une bien plus grande surface 
que celle indiquée par l’'anatomiste italien. Cet organe, en eflet, envahit toute la surface 
du muscle et la rend convexe. Si l’on vient à enlever la surface du manteau qui recouvre 
ces organes, et si l'on continue la dissection jusque dans l’intérieur de la cavité des siphons, 
on met alors à découvert un organe fort considérable, mollasse et d’une apparence coton- 
neuse, vers lequel se dirige le nerf des siphons. Ce nerf, après avoir donné quelques 
branches, descendant perpendiculairement dans les parois des siphons, traverse, dans toute 
sa largeur, l'organe en question, et c’est dans son épaisseur qu'il se partage de nouveau en 
d’autres rameaux, destinés comme les premiers, à l'extrémité postérieure des siphons. 

Nous devons rappeler la structure spéciale des siphons. Des lamelles musculaires rayon- 
nantes vont d’une paroi à l’autre, en laissant entre elles de faibles intervalles, dans lesquels 
il est assez facile de faire pénétrer une injection colorée. En enlevant la tunique intérieure 
des siphons, on s'aperçoit que des canaux assez réguliers existent entre toutes ces lamelles ; 
mais, à mesure que l'on dégage la surface du manteau vers les muscles rétracteurs des 
siphons, on reconnaît que ces canaux se complètent par l'organe spécial dont nous nous 
occupons; et à mesure que cet organe s’épaissit vers le centre du muscle, les canaux dont 
il s'agit sont creusés en entier dans sa substance et finissent par s'y diviser et s’y perdre 
entièrement. Aussi, quand l'injection a pénétré tout l'organe glanduleux des muscles, il en 
est imprégné comme une véritable éponge, et quelque soin que l’on prenne, on ne peut y 
découvrir de vaisseaux limités, comme les ont habituellement ceux des animaux d’un ordre 


102 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


plus élevé. Parvenu vers les bords du muscle, l'organe de Poli s'amincit assez subitement 
et laisse le bord antérieur du muscle, à nu, sous le manteau. Une particularité remarquable, 
c’est que la portion du manteau qui couvre la surface interne de l’organe glanduleux est 
soutenue par un nombre considérable de très-petits muscles, les uns transverses, les 
autres longitudinaux ; ces derniers se continuent par leur extrémité postérieure avec la 
tunique interne des siphons; et, par leur extrémité opposée , ils se réunissent en un certain 
nombre de faisceaux, venant se confondre avec ceux du muscle des siphons, à la partie du 
bord qui s’attache à la coquille. Quant aux muscles transverses, ils forment avec les longitu- 
dinaux une espèce de tissu, à mailles irrégulières et subquadrangulaires, et la plupart vont 
s'attacher sur les bords latéraux du muscle rétracteur des siphons. L’organe de Poli est 
enchâssé en quelque sorte entre deux plans musculaires, dont le plus mince est celui dont 
nous venons de parler. Déjà en s’approchant de l'ouverture intérieure des siphons, les 
lames fibreuses et rayonnantes ont diminué d'épaisseur et, pour se confondre avec le muscle 
rétracteur, elles s'amoindrissent successivement ; l'organe glanduleux, d'abord très-mince à 
l'entrée du siphon, s'implante sur les lames fibreuses pour compléter les canaux qui 
s'ouvrent entre elles, et bientôt il augmente d'épaisseur, à mesure que les lames fibreuses 
s'abaissent et disparaissent dans le muscle. 

Si l'on arrache quelques parcelles de l'organe de Poli, dans le voisinage des lames 
fibreuses, on trouve sous le microscope le parenchyme glanduleux mêlé à un grand nombre 
de fibres diversement entrelacées; mais si l’on prend ces fragments vers le centre, on n’y voit 
presque plus de fibres ; voici ce que nous avons observé à son sujet. 

Nous avons exposé comment l’organe de Poli, étalé à la surface interne du muscle des 
siphons, revêtu d'une couche fibreuse du manteau, descend jusque dans l’intérieur des 
lamelles fibreuses qui constituent les parois des siphons ; nous avons dit aussi que cet or- 
gane avait une apparence cotonneuse, et celte apparence, il la conserve jusque sous les 
plus forts grossissements du microscope (pl. IX G, fig. 3); il se désagrége plus facilement 
dans un sens que dans tout autre, ce qui prouve dans son organisation une disposition 
spéciale. Les fibrilles dont il est composé sont implantées perpendiculairement à la surface 
du muscle, et c'est dans cette direction que leurs faisceaux peuvent se détacher les uns 
des autres avec le plus de facilité. Pour donner une idée plus exacte de la disposition gé- 
nérale de cet organe, nous pourrions le comparer à une portion de toison de laine très- 
fine, dont on peut séparer aisément les parties en suivant la direction naturelle des fils. 
Cette disposition est particulièrement remarquable, lorsque le parenchyme glandulaire est 
soumis à des grossissements de deux à trois cents fois. Indépendamment des fibrilles exces- 
sivement fines suivant une direction commune, mais cependant enchevêtrées les unes dans 
les autres, on remarque encore un réseau à grandes mailles, irrégulièérement anguleuses, 
et dont on ne reconnait l’existence que par l’opacité qu'elles produisent sur les fragments 
transparents. Des granules de diverses grosseurs, d'une transparence cristalline, sont par- 
semées comme des perles dans toutes les parties du parenchyme glanduleux, mais ils sont 
généralement disposés en lignes irrégulières, suivant la direction des fibrilles. Si lon exa- 
mine un faisceau glanduleux dans toute sa longueur, on s'aperçoit, à son extrémité adhé- 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE PHOLADE. 103 


rente au muscle, qu'il est terminé par des faisceaux fibreux, à fibres transparentes, d’une 
extrême finesse, semblables à de petites radicules, destinées à déterminer une adhérence 
solide entre la glande et le muscle sous-jacent. Sous un grossissement de cinq cents fois, 
ces fibres paraissent avoir + de millimètre de diamètre environ; les granules transparents 
dont nous avons parlé, sous le même grossissement, varient entre + et les : d’un milli- 
mètre. 

I serait bien important, pour la physiologie des Mollusques, de connaître l'usage d’un 
organe aussi considérable que celui dont nous venons de parler. Il en est de lui comme 
de plusieurs autres; on ne pourra en deviner les fonctions qu'à la suite d’une série d’ex- 
périences tentées sur les animaux vivants, Si l'organe de Poli est de ceux qui varient dans 
leur développement, selon les saisons, il faudra expérimenter sur lui pendant assez long- 
temps, pour en voir le développement et arriver enfin à en déterminer l'usage. Peut-être 
en est-il de lui comme de l'organe muqueux que nous avons découvert dans le manteau 
des Gastrochènes. Cependant, par ses rapports avec les canaux creusés dans l'épaisseur 
même de la paroi des siphons, il semblerait qu'il ne doit avoir aucune influence sur la 
génération; mais, encore une fois, cette question ne peut être débattue qu’à la suite d’ex- 
périences décisives. 


SYSTÈME NERVEUX. — Par sa disposition générale, le système nerveux des Pholades se 
rapproche beaucoup de celui des autres Mollusques acéphalés dimyaires et siphonés. 
Lorsque l’on a détaché la branchie du pourtour intérieur de l'ouverture du siphon anal, et 
que cet organe a été rejeté en avant, on trouve au-dessous de lui, appuyé vers le bord pos- 
térieur du muscle adducteur postérieur des valves, et immédiatement au-dessus de l'anus, 
un ganglion assez considérable, subquadrangulaire, assez épais (pl. IX 1, fig. 1 a), des 
angles postérieurs duquel naït de chaque côté une grosse branche nerveuse, descendant 
obliquement vers l'entrée des siphons (fig. 1 b, b); elle traverse l'organe de Poli et vient, 
en formant un demi-cercle, se terminer vers la ligne ventrale du siphon branchial, en 
jetant un rameau pour l'extrémité postérieure du manteau. Dans ce trajet, ce tronc ner- 
veux donne naissance à un assez grand nombre de branches descendant en arrière dans 
les siphons, et parvenant sans doute jusque dans les tentacules digités qui en garnissent 
l'ouverture terminale, 

Des angles antérieurs du ganglion postérieur naissent aussi deux branches qui, dirigées 
d'abord du côté antérieur, gagnent le dessous des branchies, au point où elles s’insèrent 
au corps, se recourbent au-dessous d'elles et les parcourent dans toute leur étendue, en 
leur distribuant des rameaux excessivement fins. (PL IX Z, fig. 1 c, c.) Le bord antérieur 
du ganglion principal donne naissance à deux autres branches qui, dans quelques espèces, 
comme le Pholas candida, par exemple, ont pour origine deux petits ganglions spéciaux. 
Ces branches, après avoir parcouru un espace assez court, pénètrent dans la masse abdo- 
minale, un peu au-dessous de l'ouverture des oviductes; elles traversent l'ovaire, se rap- 
prochent de la paroi abdominale, en suivant à peu près la ligne d'insertion des feuillets 
branchiaux; elles passent au-dessous de l'extrémité des apophyses des valves, parviennent 


104 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


directement en arrière de la base des palpes internes de la bouche et elles se terminent 


aux ganglions antérieurs. (PL. IX Z, fig. 1 d, d.) Dans leur trajet, ces branches viscérales 


ne paraissent pas diminuer de grosseur, et cependant elles distribuent aux organes qu’elles 
traversent un petit nombre de filets, mais qui sont d’une extrême ténuité. 

Les ganglions antérieurs sont triangulaires; il faut les chercher de chaque côté de lœso- 
phage, au-dessous de l'insertion des palpes labiales internes. (PI. IX Z, e, e.) L’angle pos- 
térieur reçoit le nerf viscéral dont il vient d’être question; l'angle interne donne naissance 
à un nerf de commissure, qui va transversalement d’un ganglion à l'autre; ce nerf sert à 
compléter le circuit dans lequel la masse viscérale est embrassée. (Fig. 1 /, f.) L’angle 
externe, après avoir donné plusieurs branches aux palpes labiales (fig. 1 g, g), s’avance 
vers le bord du manteau dans lequel se distribuent des branches inférieures et quelques 
autres supérieures, destinées au muscle antérieur et aux parties du manteau qui l'accom- 
pagnent. (Fig. 1 k, &, j-) Enfin, de la surface même du ganglion, naît une branche assez 
grosse, transverse, qui passe sous les commissures de la bouche; elle s'avance sous la 
couche fibreuse, dont l'extrémité antérieure de la masse abdominale est revêtue; elle gagne 
en serpentant la ligne médiane en avant de l’æsophage (fig. 1 k, k); là, elle rencontre un 
assez gros ganglion ovalaire, transverse, appuyé sur l’anse intestinal placé en sautoir, en 
avant de l’æsophage, sur lextrémité antérieure de la masse abdominale. (Fig. 1 L.) Ce 
ganglion donne trois paires de nerfs; les deux premières descendent latéralement d'avant 
en arrière, en suivant la direction de l'intestin; l'autre se glisse dans les muscles du pied 
et s'y distribue. 

Le système nerveux, dans les Pholades, est aussi complet que dans les autres Mol- 
lusques ; il forme deux anneaux inégaux : lun qui embrasse toute la masse abdominale, 
et l'autre, comparable par sa position et son moindre diamètre à celui des Mollusques 
céphalés, embrasse l'œsophage et produit des nerfs pour les viscères et le pied. 


CONCLUSION. 


Les Pholades, ainsi que l'ont pensé quelques zoologistes, sont réellement des animaux 
transitoires entre le Taret et les autres Mollusques acéphalés. Les recherches auxquelles 
nous nous sommes livré, et dont nous venons d'exposer les résultats, le prouvent irré- 
vocablement. 

La coquille des Pholades conserve plusieurs des caractères de celle des Tarets, et déjà 
elle se rapproche, par sa forme générale, de plusieurs autres genres, de quelques Pétricoles, 
par exemple. 

Cette coquille est bâillante, sans charnière articulée, sans ligament bien constitué; elle 
porte à l’intérieur des apophyses courbés et aplatis. Tous ces caractères lui sont communs 
avec les Tarets; mais ces coquilles s’allongent, leur capacité met presque tout l'animal à 
l'abri, et, sur le dos, elles se revêtent de pièces calcaires destinées à les compléter. 

Déjà, dans quelques-unes se montrent des traces d’un ligament , et, en même temps, il 
existe une surface que l'on peut comparer à celle des cuillerons des coquilles à ligament 


en 


CLASSE PREMIÈRE. -— GENRE PHOLADE. 105 


intérieur. Les crochets sont renversés l’un contre l’autre: ils entrent dans l'intérieur de la 
coquille, et la dent cardinale s’en détache sous la forme d’une apophyse recourbée. Une 
callosité plus ou moins large, souvent soutenue par des cloisons, donne insertion au muscle 
antérieur de l'animal. 

L'animal des Pholades, tout en conservant quelques traits de l’organisation spéciale des 
Tarets, rentre, par la disposition générale de ses organes, dans le type commun des Mol- 
lusques acéphalés dimyaires. 

Deux muscles s’attachent aux valves, mais le postérieur seul est destiné à les rapprocher; 
l'antérieur étant rejeté au dehors sur les crochets, il remplace le ligament par ses con- 
tractions. 

Le manteau a beaucoup plus d’étendue; il est pourvu d’un bord fibreux qui manque 
dans les Tarets; et, entre ses deux feuillets, vient s’intercaler un grand muscle rétracteur 
des siphons. Ce muscle, comme nous l'avons vu, manque dans les Tarets, où il est rem- 
placé probablement par l'anneau fibreux et les palettes calcaires qui s’y rattachent. 

Les siphons, dans les Pholades, acquièrent une très-grande longueur, qui permet de Les 
comparer à ceux des Tarets; mais comme ces organes ne sont point ici garantis par un 
tube, 1ls ont une structure fibreuse très-solide ; leur ouverture intérieure offre encore beau- 
coup de ressemblance avec celle des Tarets; celle du siphon anal, par exemple, est très- 
grande, très-oblique, circonscrite par une membrane saillante, sur laquelle s'attache la 
branchie ; mais ici les viscères ne descendent plus dans le siphon branchial; ils sont ras- 
semblés en une masse abdominale considérable. 

La masse viscérale conserve une forme analogue à celle des Tarets. Elle est surmontée 
d'un pied tronqué peu épais, en forme de ventouse; mais elle ne présente plus le moindre 
vestige de cet organe foliacé qui fait le bord de la troncature antérieure du Taret, Le foie, 
les organes de la digestion et un ovaire très-considérable, sont renfermés sous une même 
enveloppe. 

Nous avons vu, dans le Taret, un double estomac, dont le premier a des valvules et des 
compartiments fort compliqués. Dans les Pholades, l'organe de la digestion s’est simplifié, 
puisqu'il consiste en une seule poche composée de deux parties bien distinctes. Dans la 
seconde, remontant jusque sous le pied , est logé un cylindre cartilagineux, qui probable- 
ment existe aussi dans le Taret. Des cryptes biliaires considérables, un pylore simple, un 
intestin fort long à grandes circonvolutions, dans l'intérieur duquel s'élève une crête char- 
nue fort saillante, toutes ces parties enveloppées d'un foie multilobé : tels sont les organes 
de la digestion. 

L’extrémité anale de l'intestin, dans le Taret, n’a aucun rapport avec l'organe de la cireu- 
lation. À cet égard, les Pholades rentrent dans la règle générale, car le rectum sert de 
point d'appui au ventricule aortique. Une autre anomalie du Taret disparaît aussi dans les 
Pholades ; l'anus n’est plus compris dans un tuyau étroit dépendant du siphon anal; il se 
recourbe au-dessous du bord postérieur du muscle, et il vient se dilater au-dessous des 
branchies, à la partie supérieure du siphon anal. 

L’ovaire est énorme dans les Pholades: il envahit, dans son développement, presque 


Zoo. — Mollusques. 1. 14 


D Pie ORITE TC UE 


106 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES 


toute la masse viscérale, et il vient en arrière se prolonger en une pointe libre, tantôt 
simple, tantôt élargie de chaque côté par des membranes saillantes et symétriques ; mais 
cet ovaire n'est plus ouvert au sommet par l'oviducte, comme dans le Taret. Les oviductes 
sont doubles, et ils s'ouvrent de chaque côté de l'animal, vers son extrémité postérieure, 
et au-dessous du bord interne de la branchie. 

La circulation se fait dans les Pholades de la même manière que dans tous les autres 
Mollusques acéphalés, c'est-à-dire par un cœur aortique et deux oreillettes triangulaires 
symétriques. 

L'organe de la respiration conserve de la ressemblance avec celui des Tarets; seule- 
ment la bifurcation des branchies, destinée à embrasser la masse viscérale, a des branches 
beaucoup plus longues, qui remontent jusqu'aux commissures des lèvres, et dès lors se 
trouvent supprimées ces deux petites lèvres si singulières qui, dans le Taret, servent à 
conserver les rapports de la branchie avec la bouche. L’extrémité postérieure de la bran- 
chie, dans les Pholades, acquiert une très-grande longueur, et lon y trouve disposées 
symétriquement sur deux rangées, des ouvertures quadrangulaires destinées à laisser 
tomber les œufs mürs dans la cavité du siphon anal. Il faut ajouter que les feuillets bran- 
chiaux se sont largement développés et que le canal central de la branchie du Taret a 
disparu complétement. 

Des organes spéciaux existent dans la Pholade comme chez le Taret; l'un occupe la 
partie du manteau logée dans la cavité la plus profonde des crochets; par ses rapports 
avec les feuillets branchiaux, peut-être estl destiné à fournir aux œufs une matière né- 
cessaire à leur développement, pendant la durée de l'incubation branchiale. L'autre organe 
spécial, beaucoup plus étendu, occupe toute la surface interne des muscles rétracteurs des 
siphons, et il descend jusque dans l'intérieur de ces organes. Les fonctions de cet organe 
sont encore inconnues. 

Le système nerveux est considérable. Quatre ganglions symétriques, rattachés entre 
eux par des branches spéciales, servent de centre au rayonnement de tous les nerfs. Au 
moyen des ganglions et de leurs nerfs de jonction, deux anneaux inégaux s'établissent : 
l'un embrassant la masse viscérale dans son entier, et l'autre, œsophagien, circonscrit 
l'æsophage et une partie des organes de la digestion. 

Tout ce qui précède nous conduit naturellement à une conclusion définitive. Les Pho- 
lades sont, de tous les Mollusques, ceux qui se rapprochent le plus des Tarets ; mais, en 
estimant la somme des ressemblances et celle des différences, on est conduit, dans l'état 
actuel de la science, à comprendre les deux genres en question dans deux familles dis- 
tinctes, mises dans le contact le plus immédiat. 

Quelques points restent douteux dans l’organisation des Pholades : la circulation dans 
l'aorte postérieure, qu'il nous a été impossible d'injecter; la fonction des deux organes 
spéciaux que nous avons signalés, et au sujet desquels il faudrait tenter une série d’expé- 
riences sur les animaux vivants. 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE PHOLADE. 107 


1. PHOLAS DACTYLUS. Linné. 


Oran, Cherchél, toute la Méditerranée et les mers d'Europe. 


Ph. Testà elongato-cylindraceä, candidà, anticè hiantissimà , rostratä, costulis divaricatis ornatà , anticis 
dentato-muricatis, posticalibus subsquamosis ; scuto tenui, fragili, bipartito, magno, trapezoidali. 


Donax sive dactylus mas. BELON, de aquat. pag. 414. 
Coquille longue, Ronpezer, Hist. des poissons, pag. 16. 
Concha longa Rondeleti, Geswer, de crust. pag. 231. 
Concha vera Plinü, ALDROVANDE, de test. pag. 454. 
Concha longa, ArnrovaNDE, loc. cit. pag. 455, fig. 1, 2, 3. 
Joxsrox, De exœang. pl. 11, fig. 8; pl. 13. 
Bonanni, Rec. part. IT, fig. 25, 26. 

Réaumur, De la prog. des coq. Mém. de l'Acad. 1712, pag. 125, pl. 7, fig. 1, 2. 
Lisrer, Conch. pl. 433, fig. 276. 

Guazriert, Ind. test. pl. 105, fig. À à D. 

Periver, Gazoph. pl. 79, fig. 10, 11. 

DarGENviLe, Conch. pl. 3, fig. K, M. 

Ginannt, Opere post. pl. 31, fig. 184, 185. 

Pranous, De Conch. min. not. pag. 33, n° 3. 

Linné, Syst. nat. ed. 10, pag. 669, n° 10. 

LiNNÉ, Syst. nat. ed. 12, pag. 1110, n° 20. 

Muzzer, Fauna Danica prodr. pag. 251, n° 3031. 
Marvye, Méih. nécess. aux marins, pl. 1, fig. 10. 
PENNANT, Brit. Zool. tom. IV, pl. 39, fig. 10. 

Morray, Fund. testac. pag. 4o, pl. 2, fig. 3. 

D'Acosra, Brit. Conch. pag. 244, pl. 16, fig. 2. 

Borx, Mus. pag. 14, pl. 1, fig. 7. 

Favanne, Conch. pl. 60, fig. À 1. 

Cuemwrrz, Conch. tom. VIIT, pag. 353, pl. 101, fig. 859. 
SGHRÔETER, Étnl. tom. IT, pag. 536, n° 1. 

Hergsr, Ein. tom. 1, pag. 115, pl. 26, fig. 1. 

BarBuT, Genera verm. pl. 1, fig. 11. 

Encycl. méth. pl. 168, fig. 2 à 4. 

KansTEN, Mus. Lesk. tom. 1, pag. 150. 

PorreT, Voyage en Barbarie, 2° part. pag. 11. 

GMErix, LINNÉ, Syst. nat. ed. 13, pag. 3214, n° 1. 
Onivr, Zool. adriat. pag. 93. 

SPENGLER, Soc. d'hist. nat, de Copenhague, tom. Il, pag. 85, n° 1. 
Porr, Test. utr. Sicil. tom. I, pag. 39, pl. 7, 8. 

Urisses, Travels, pag. 512. 

Roissy, Buf. de Sonnini, Moll. tom. VI, pag. 438. 
Dorser, Cat. pag. 27, pl. 3, fig. 2. 

Doxovax, Brit. shells, tom. IV, pl. 118. 

MonraGu, Test. Brit. pag. 20. 

Woon, Universal Conch. pag. 77, pl. 13, fig. 1, 2,3. 
Dirzwyx, Cal. tom. I, pag. 35, n° 1. 

Brookes, {ntrod. of the Conch. pag. 47, pl. 1, fig. 7, 8, q. 


SR Rp SE RE 
108 -_ HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


Turrox, Conch. ins. Brit. pag. 8, n° 5. 

Lamarck, Anim. sans vert. 1° éd. tom. V, pag. 444, n°1. 
Gervizce, Cat. des coq. de la Manche, pag. 9, n° 1. 

Woon, Ind. test. pl. 2, fig. 1. 

Sowerey, Genera of shells, Pholas, fig. 1. 

Coranp-pes-CnÈres, Cat. des test. du Finistère, pag. g, n° 1. 
Desnayes, Encycl. méth. vers, tom. TT, pag. 753, n° 1. 

Boucnarr CnanrerEaux, Cat. des moll. du Boulonnuis, pag. 5, n°1. 
Desnayes, Lamarcx, Anim. sans vert, 2° édit. tom. VI, pag. 43, n° 1. 
Hawcey, Descript. cal. pap. 5. 

Carzow, Conch. nomencl. pag. 3, n° 14. 

Towpson, Report on the Fauna of Ireland, pag. 263. 

SowerBy, Conch. man. pl. 2, fig. 55, 55 a. 


Jusqu'ici on a rapporté au Pholas dactylus de Linné, des coquilles provenant à la fois 
de l'Océan et de la Méditerranée. L'ouvrage de Poli a confirmé les zoologistes dans cette 
opinion, d'une identité parfaite entre les coquilles des deux mers. En comparant, pour le 
travail qui précède, les animaux du Pholas dactylus provenant de la Sicile, à ceux de nos 
côtes de la Manche, nous avons reconnu quelques légères différences, particulièrement dans 
la grandeur relative du pied, dans celle des palpes labiales; mais pour tous les autres carac- 
tères, ils nous ont paru identiques. Ces différences que nous signalons doivent-elles cons- 
tituer des caractères spécifiques, ou bien faut-il les considérer comme de simples variations 
d’une faible importance? Les coquilles offrent aussi quelques nuances; celles de la Sicile, 
par exemple, sont plus allongées; leur bâillement antérieur, en proportion plus étroit, est 
plus petit; les callosités présentent de la ressemblance; néanmoins, dans les individus de 
la Méditerranée, les cloisons qui sont au-dessous ont une moindre élévation, et par consé- 
quent les lambeaux du manteau qui s'introduisent entre elles sont moins épais et géné- 
ralement un peu plus courts. Si ces différences étaient constantes et brusquement tranchées, 
elles sufliraient sans doute pour limiter l'espèce et la détacher du Pholas dactylus de 
l'Océan; mais dans une série d'individus provenant de différents points du littoral de la 
Méditerranée, on retrouve des intermédiaires qui semblent rattacher d’une manière insen- 
sible la variété méditerranéenne à son type océanique. La question relative à l'espèce, 
reste pour nous suspendue, jusqu’au moment où lon aura pu joindre l'examen d’un grand 
nombre d'animaux à celui des coquilles. 

L'animal du Pholas dactylus est d’un blanc mat; ses siphons, ordinairement salis par un 
limon grisätre, sont blancs comme le reste de lanimal, lorsqu'ils en ont été débarrassés. 
Ces siphons sont couverts de courtes papilles que l’on voit s’allonger un peu vers l'extré- 
mité postérieure, et les dernières ont une tendance à se confondre avec les tentacules 
garnissant l'entrée du siphon branchial. 

La coquille, bien connue des conchyliologues, a été figurée et décrite un trop grand 
nombre de fois, pour que nous ayons besoin de la décrire de nouveau. Nous ajouterons 
seulement qu'elle se rencontre particulièrement dans les argiles durcis, où l'animal se 
creuse une loge profonde, ayant l'ouverture rétrécie, et d’où 1l ne peut jamais sortir. 
Nous avons trouvé à Cherchèl, dans une baie voisine du port antique, un fond de mer 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE PHOLADE. 109 


argileux, percé par un grand nombre de trous de Pholades. C’est là que nous avons 
recueilli une variété intéressante, intermédiaire entre celle de l'Océan et celle de la Sicile 
ligurée par Poli. Tous les trous que nous avons fouillés, par un hasard malheureux, ne 
contenaient plus que des coquilles. Les animaux avaient péri depuis longtemps; mais les 
recherches que nous avons faites à cette occasion nous ont donné la preuve que les Pho- 
lades, en se creusant un abri dans l'argile, affectent toutes sortes de positions : les unes, 
s’'enfonçant obliquement, les autres perpendiculairement, la bouche en bas, et d’autres 


| 


enfin dans une direction presque diamétralement opposée à celles-là. 


2. PHOLAS CANDIDA. Linné. 


Bône. Elle se trouve aussi en Sicile, dans l’Adriatique et dans l'Océan européen. 


Ph. Testà elongato-cylindraceä, candidà, tenui, fragili, anticè subhiante, callis apicialibus non septi- 
feris; costulis radiantibus squamulosis, anticis eminentioribus; scuto tenui, simplici, ovato, extremitatibus 
acuminato. 


LiNNÉ, Syst. nat. édit. 10, pag. 669, n° 13. 

Linxé, Mus. Ulric. pag. 469, n° 7. 

Linné, Syst. nat. édit. 12, pag. 1111, n° 23. 

Lisrer, Anim. Angl. pl. 5, fig. 39. 

Lister, Conch. pl. 435, Pholas asper, fig. 278. 

GuazTier:, Ind. test. pl. 105, fig. E. 

Müzzer, Zool. Dan. prodr. pag. 251, n° 3033. 

PENNANT, Brit. Zool. tom. IV, pag. 156, pl. 49, fig. 2 (édit. de 1812). 
D'Acosra, Test. Brit. pag. 246. 

CHemnirz, Conch. cab. tom. VIII, pag. 358, pl. 101, fig. 861, exclus. fig. 862. 
SPENGLER, Mém. de la Soc. d’hist. nat. de Copenhague, tom. II, pag. 90, n° 4. 
KARSTEN, Mus. Lesk. pag. 151. 

ScHRÔETER, Einl. tom. III, pag. 539, n° 4. 

GMeuin, LiNNÉ, Syst. nat. 3215, n° 4. 

Encycl. méth. pl. 168, fig. 11. 

Woop, Univ. conch. pag. 79, pl. 14, fig. 3, 4. 

Moxracu, Brit. shells, pag. 24. 

Doxovan, Brit. shells, tom. IV, pl. 132. 

Marox et Racer, Linn. Trans. tom. VIII, pag. 31. 

Dizzwyn, Cut. tom. I, pag. 36, exclusé varietate. 

Lamarck, Anim. sans vert. (1818), tom. V, pag. 444, n° 3. 

GERvILLE, Cat. des coq. de la Manche, pag. 10, n°2. 

TurTon, Conch. ins. Brit. pag. 10, n° 7. 

Turrow, Conch. Dict. pag. 144, fig. 70. 

Burrow, Élem. of conch. pag. 45, pl. 3, fig. 4. 

Croucx, Lamarck’s Conch. pag. 6, pl. 2, fig. 11. 

DESsHAYES, Encycl. méth. vers, tom. IT, pag. 753, n° 2. 
CoLarp-Des-CnÈres, Cat. des test. du Finistère, pag. Q, n° 2. 

Woon, Jnd. test. pl. 2, fig. 3. 


110 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


Desnayes, Lamarck, Anim. sans vert. 2° édit. tom. VI, pag. 44, n°3. 
Puiviepr, Enum. moll. Sicil. tom. 1, pag. 3, n° 2, exclus. Polu synonymo. 
Dezce Cniase, Anim. sans vert. pl. 65, fig. 9 à 113 Pholas dactyloides. 
Boucuarr CHanTeREAUx, Cat. des moll. du Boulonnais, pag 7, n° 2. 
Parippr, Fauna moll. Sicil. tom. IT, pag. 4, n°2. 

Carcow, Conch. nomencl. pag. 3, n° 5. 

Hawcey, Descript cat. pag. 5. 

Tuowpsox, Report on the Fauna of Ireland, pag. 263. 


Le Pholas candida est une espèce éminemment distincte de toutes ses congénères. Son 
animal est blanc comme celui de l'espèce précédente; mais 1l se termine par des siphons 
plus étroits, plus grêles, plus allongés en proportion. Ces organes sont revêtus d'un épi- 
derme d’un gris brun; ils restent lisses et n'offrent pas de traces de ces papilles nombreuses 
qui caractérisent le Pholas dactylus. Le pied est petit, ovalaire, et nettement circonscrit par 
un bord tranchant et un étranglement qui le sépare de la masse abdominale, au sommet 
de laquelle il est fixé. Un autre caractère bien spécial est celui des membranes qui élar- 
gissent l'extrémité postérieure de la masse abdominale, dans laquelle est contenue la por- 
üon la plus considérable de l'ovaire. 

La coquille est toujours plus petite que celle du Pholas dactylus; elle est allongée, 
cylindracée , mince, fragile, et l’écartement antérieure de ses valves est très-étroit, pour 
un genre surtout où la plupart des espèces ont cet écartement très-large. Les callosités 
qui recouvrent les crochets sont dépourvues de cloisons, et il en résulte que la portion du 
manteau qui s'applique sur elles n'est point découpée en lanières latérales; lécusson est 
simple, formé d’une seule pièce; il est petit, et sa surface est égale à celle des callosités. 

Connue depuis très-longtemps, cette espèce a été décrite un grand nombre de fois, 
ainsi que le témoigne notre synonymie; 1l n'est donc pas nécessaire d’insister davantage sur 
l’énonciation de ses caractères spécifiques. Ses mœurs ne sont pas tout à fait semblables 
à celles du Pholas dactylus; elle choisit, pour s'y enfoncer, des argiles plus molles, et de 
préférence des bois pourris devenus presque pâteux, à la suite de leur long séjour au fond 
des eaux. Les individus que nous avons recueillis aux environs de Bône étaient presque 


tous dans cette dernière condition, et c’est à cette circonstance que nous devons la pos- 


session de quelques individus entiers. 


me cm ARTS EE _ 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE SOLÉMYE. 111 


QUATRIÈME FAMILLE. 


LES SOLÉMYAIRES. — Deshayes. 


GENRE CINQUIÈME. 


SOLÉMYE, Sozemra. Lamarck. 


Nous avons été heureux de trouver quelques valves de Solémye sur les grandes plages 
sableuses des environs de Bône; nous avons ainsi l'occasion de traiter d'un genre très-inté- 
ressant, incomplétement connu; car, à peine peut-on considérer comme suffisantes, pour 
en déterminer les caractères zoologiques, les deux figures actuellement publiées par 
M. Delle Chiaje et M. Philippi. C'est avec un vif intérêt que nous avons entrepris des 
recherches approfondies sur un animal des plus curieux; son organisation, exceptionnelle 
à bien des égards, fait de la Solémye un type très-distinct dans la grande classe des Mol- 
lusques acéphalés. 

L'histoire du genre peut se résumer en peu de mots : la coquille, découverte dans les 
mers de Sicile, a été figurée et décrite, pour la première fois, par Poli, dans son grand 
ouvrage sur les testacés des Deux-Siciles. Quoique cette coquille n’ait aucun des caractères 
des Tellines, cependant l’anatomiste napolitain la range dans ce dernier genre, sous le nom 
de Tellina togata. À la même époque, Bruguière la faisait figurer dans les planches de 
l'Encyclopédie, parmi les Solens, ce qui la mettait dans des rapports évidemment plus 
naturels. Pendant longtemps oubliée, cette coquille fut de nouveau examinée par Lamarck; 
il lui reconnut des caractères tellement distincts de ceux des Tellines et des Solens, qu'il 
se détermina à créer pour elle un genre auquel il a consacré le nom de Solémye. Pour la 
classification de ses genres, Lamarck attachait une grande importance à la position du 
ligament ; trouvant dans les Solémyes un ligament interne ou subintérieur, il les entraîna 
dans sa famille des Mactracés, ce qui le rejeta très-loin de ses rapports les plus naturels. 
Pour être juste, nous devons ajouter que Lamarck n'avait aucune notion sur l'animal de 
son nouveau genre; il pouvait dès lors s’égarer dans l'appréciation exacte de ses caractères 
et de ses rapports, et entrainer dans la même erreur la plupart des auteurs qui lui suc- 
cédèrent. C’est ainsi que M. de Férussac introduit les Solémyes dans sa famille des Myaires. 
M. de Blainville, dans son Traité de Malacologie, avec plus de sagacité, rapproche les Solé- 
myes des Solens ; mais il engage ces deux genres dans une famille trop étendue, puisqu'elle 
contient à la fois la famille des Myaires, une partie de celle des Corbules, celle des Solé- 
nacées, la plus grande partie de celle des Lithophages, et, enfin, presque toute celle des 


112 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


Tubicolés. Cuvier, dans la seconde édition du Règne animal, s’est plus attaché à l'opinion 
de M. de Férussac qu’à toute autre; car on trouve le genre qui nous occupe inscrit parmi 
les sous-genres des Myes. Cependant Cuvier aurait pu profiter d’une figure de l'animal pu- 
bliée par M. Delle Chiaje, dans ses Animaux sans vertèbres de Naples (pl. LXIE, fig. 10, 1 i}: 
il est vrai que cette figure est très-médiocre, et reste insuffisante pour reconnaitre 
tous les caractères du Mollusque; mais, par son moyen, il est possible déjà d’apercevoir 
l'analogie de la Solémye avec le Solen. Pour la première fois, nous avons donné, dans 
l'Encyclopédie méthodique, une description succincte de l'animal de la Solémye, et, quoi- 
qu'il présentät des caractères qu'on ne voit chez aucun autre Mollusque acéphalé, nous 
lui trouvions cependant plus de ressemblance avec les Solens qu'avec tout autre genre, ce 
qui nous détermina à l’introduire dans la famille des Solénacées, opinion dans laquelle 
nous avons persévéré pendant longtemps. De son côté, M. Philippi, dans son Enumeratio 
molluscorum Siciliæ, reproduisait une autre figure du même animal, insuffisante encore, 
quoique bien meilleure que celle de M. Delle Chiaje; cette figure aurait sufhi à M. Philippi 
lui-même pour déterminer les rapports zoologiques du genre; mais ce naturaliste ayant 
adopté la classification de Lamarck, il le laissa dans le voisinage des Mactres, quoiqu'il 
ne présentât aucun des caractères des animaux de cette famille; M. Philippi, cependant, 
mieux que personne, était en état de comparer ces animaux et d'apercevoir l'énorme 
différence qui existe entre eux et celui de la Solémye. Enfin, dans la nouvelle édition du 
Règne animal de Cuvier, nous avons consacré une planche entière à quelques détails ana- 
tomiques, au moyen desquels il est déjà possible de se faire une idée de la singularité de 
cette organisation. 

IL'est facile de reconnaître une coquille du genre Solémye; le petit nombre d'espèces 
connues ont entre elles de si grandes ressemblances, que l'on serait porté à les confondre. 
Ces coquilles sont ovales oblongues, arrondies à leur extrémité antérieure et postérieure; 
elles sont équivalves, très-inéquilatérales, et, contrairement à ce qui se voit dans les So- 
lens, c'est le côté postérieur qui est le plus court. Toute la circonférence de la coquille 
est bäillante, si ce n’est du côté du dos; car la partie testacée n’a point assez d’étendue 
pour couvrir l'animal : une large bordure d’épiderme complète le test, et s’applique sur Le 
bord du manteau. Cet épiderme a un caractère qui lui est propre; celui des Glycimères 
seules pourrait lui être comparé, pour son étendue et sa solidité, mais non pour sa con- 
texture et la manière dont il revêt et consolide toute la coquille. ER effet, il s'étend comme 
une couche vernissée sur toute sa surface; 1l ne s’en détache pas, ainsi que cela arrive fré- 
quemment chez les Glycimères, et il ne laisse pas les crochets dénudés et corrodés, comme 
on le remarque si souvent dans le plus grand nombre des coquilles épidermées. Cet 
épiderme est d'une contexture uniforme ; il est assez mou et flexible pendant la vie de 
l'animal, ou lorsqu'il est plongé dans l'eau ; il devient dur et cassant par la dessiccation, 
et il présente la plupart des caractères de la corne; exposé à la flamme d’une bougie, il 
se tord, se boursoufle et répand exactement l'odeur de la corne brülée ; après la combus- 
tion, si on le chauffe de nouveau, on obtient un résidu assez considérable, blanc, demi- 


transparent, et qui fait une vive effervescence avec les acides. De cette expérience, bien 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE SOLÉMYE. 113 


simple, nous concluons que l'épiderme, dans les Solémyes, a une composition très-analogue 
à celle du ligament. Sous la loupe et le microscope, l’épiderme conserve luniformité de 
sa texture, et 1l faut l’examiner à un grossissement de deux cent cinquante fois et plus, 
pour apercevoir que la surface est couverte de très-fines ponctuations qui, sous lamplifi- 
cation que nous venons d'indiquer, paraissent avoir à peine un dixième de millimètre. 

Nous avons voulu profiter d’un genre où l’épiderme est considérablement développé, 
pour étudier sa composition; nous avions beaucoup de raisons de soupçonner que cette 
enveloppe extérieure de la coquille a une identité presque absolue avec le ligament; en 
effet, en la soumettant aux mêmes épreuves, nous avons eu des résultats semblables. Si 
lon fait macérer des portions d'épiderme dans une dissolution de potasse caustique peu 
concentrée, où simplement dans des chlorures liquides de potasse ou de soude, la matière 
cornée est dissoute, et elle abandonne, flottants dans le liquide , de petits amas de filaments 
calcaires d’une excessive finesse. L'expérience contraire peut être faite; c’est de dissoudre 
le calcaire dans un acide étendu, et la matière cornée reste seule, gonflée, et d’une cou- 
leur moins foncée. 

L'épiderme, dans le genre qui nous occupe, à une disposition spéciale, au moyen de 
laquelle on peut apercevoir son analogie avec le ligament. Lorsque l’on a détaché la coquille 
de l'animal, si on laisse les valves écartées, on voit sur la ligne dorsale que l’écartement 
de la partie calcaire est rempli par une petite zone de l’épiderme, se continuant d’une valve 
à l'autre et descendant de l'extrémité antérieure à la postérieure, en passant au-dessus du 
ligament et se confondant avec lui. (PI. XIX 4, fig. 2 a, a, b, b.) Parvenue à l'extrémité 
postérieure de ce ligament, la couche épidermique se prolonge encore un peu en arrière, 
s’'amincit et se dilate pour s'appliquer exactement au contour de l'extrémité postérieure de 
l'animal. (PI. XIX, fig. 2 a, a.) Si l’on vient à rompre le ligament et à séparer les valves l’une 
de l’autre, on voit dans la cassure une continuité de substances entre le ligament et l’épi- 
derme, et, si l'on vient à plonger dans un alcali ou dans un acide ce ligament revêtu de 
la couche épidermique, la continuité des deux substances se démontre bien mieux encore. 
Il est résulté pour nous des observations que nous venons de rapporter, que le liga- 
ment et l’épiderme ont une composition semblable; seulement, dans le ligament pro- 
prement dit, la matière calcaire est plus abondante, en filaments plus serrés et plus 
réguliers. 

La charnière, dans les Solémyes, est presque terminale, comme nous l’avons dit; seulement 
elle n’est pas à l'extrémité antérieure, comme dans les Solens, mais bien à l'extrémité pos- 
térieure (pl. XIX, fig. 3 a); elle n'offre aucune trace de dents cardinales, et les valves sont 
maintenues dans leurs rapports naturels, non-seulement au moyen d’un ligament intérieur 
ou plutôt subintérieur, inséré sur des nymphes d'une forme particulière, mais encore par 
la zone d’épiderme qui règne dans toute la longueur du bord dorsal. Ces nymphes sont 
rentrées un peu obliquement à l’intérieur ; elles sont faiblement écartées du bord dorsal 
(pl. XIX, fig. 3 b, b), et c’est dans l'angle très-aigu que forment entre elles ces deux par- 
ües du test que le ligament vient s'implanter comme un coin; une expansion du ligament 
qui s'étale à l'extrémité postérieure des valves, à la base des nymphes, montre jusqu'où 


Zoor. — Mollusques. 1. | 15 


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114 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


cet organe descend et de quelle manière 1l s’interpose entre la nymphe et le test lui-même. 
(PI. XIX, fig. 3 c, c.) Au côté opposé, c'est-à-dire sur le bord antérieur de la nymphe, 
oh remarque une petite ligne brunâtre, s'étendant obliquement d’arrière en avant et pro- 
duite par l'extrémité antérieure du ligament, qui se montre ainsi de chaque côté de la 
nymphe, pour en déterminer la limite. (PI. XIX, fig. 3 d, d.) 

La partie calcaire des valves est fort mince; examinée à l'intérieur, elle présente deux 
impressions musculaires inégales, et très-rapprochées du bord dorsal : l’antérieure est 
subcirculaire, un peu ovalaire (pl. XIX, fig. 3 e, e); la postérieure est ovalaire, mais un 
peu prolongée vers son extrémité antérieure. Son grand axe est oblique d’avant en arrière, 
et de haut en bas (pl. XIX, fig. 3 f, f); mais à son extrémité antérieure, située à la base 
de la nymphe du ligament, est placée l'impression du muscle rétracteur postérieur du 
pied. (PL XIX, fig. 3 g, g.) L’impression palléale ne ressemble guère à celle des autres 
Mollusques acéphalés. Elle constitue une assez large zone, qui gagne le bord lui-même 
de la partie testacée, de sorte que la zone musculaire, beaucoup plus large que dans les 
autres Mollusques, a un point d'insertion plus étendu. (PL. XIX, fig. 3 k, h.) Cette impression 
palléale ne vient pas se rattacher à celle du muscle antérieur; elle la laisse en dedans de la 
surface qu’elle circonscrit; mais elle vient se terminer à l'extrémité inférieure de limpres- 
sion du muscle postérieur. 


ANIMAL. — LE MANTEAU. — L'animal contenu dans la coquille dont nous venons de donner 
une description sommaire est lun des plus singuliers Mollusques acéphalés qui nous soient 
connus. Cet animal est enveloppé, comme à l'ordinaire, dans un manteau divisé en deux 
lobes égaux. (PL. XIX, fig. 4 a, a, a, a.) Ces lobes sont soudés entre eux dans les deux 
üers environ de leur étendue (pl. XIX, fig. 1 a, a; fig. 4 b, b; pl. XIX 4, fig. 2 c, c); ils 
se désunissent vers l’extrémité antérieure et laissent une ouverture assez grande pour le 
passage du pied. Les bords de cette ouverture, assez épais, sont garnis, dans toute leur 
longueur, de papilles courtes, coniques, inégales et assez régulièrement espacées entre elles. 
(PI XIX, fig. 16,6, c, ec; fig. 4 c, ce, d, d; Hg. à a, b, b; pl. XIX 4, fig. 2 d, d.) Malgré 
l'élargissement que donne à la coquille son large bord d'épiderme, cependant une zone 
étroite du manteau reste à nu dans la ligne moyenne et ventrale. { PL. XIX, fig. 1 a, a.) Le 
manteau, plus épaissi dans cette portion de son contour, contient des fibres longitudinales 
qui, en se liant aux muscles transverses dont nous allons parler, forcent une portion du man- 
teau à rentrer en dedans et à disparaître, en partie, au-dessous de l’épiderme. Toute cette 
portion du manteau, qui en constitue la circonférence depuis son large point d'attache sur le 
test jusqu’au point où les deux lobes se réunissent, est faiblement épaissie par des muscles 
transverses, disposés en faisceaux nombreux , étroits, étalés les uns à côté des autres (pl. XIX, 
fig. 4 e, e); ils sont rapprochés, mais non parallèles entre eux; ils sont obliquement entre- 
croisés avec une régularité comparable à celle des fils d’un coutil. Une zone étroite et lon- 
gitudinale descend du haut en bas du manteau et partage les muscles transverses en deux 
parties inégales. L'une interne est la plus étroite; elle correspond au bord calcaire des 


valves; l'autre s'appuie sur le large épiderme ; c'est dans cette portion plus épaisse que se 


CLASSE PREMIÈRE. -—- GENRE SOLÉMYE. 115 


porte le nerf palléal antérieur. Nous observons, dans la zone dont il est question, un organe 
sécréteur qui, vu au microscope, sous un grossissement de cent fois, se présente sous l’appa- 
rence d’une trame cellulaire, à compartiments très-petits, subquadrangulaires, transparents, 
dans lépaisseur de laquelle sont disséminés en grand nombre des granules brunâtres très- 
petits, sphéroïdaux, et dont les bords ne sont pas très-nettement circonscrits. Cet organe 
glanduleux du manteau s'enfonce dans les interstices que laissent les petits muscles trans- 
verses et en conserve la forme ; le reste du manteau est fort mince, transparent, facile à 
déchirer ; cette partie de l'organe ne se comporte pas, comme dans les autres Mollusques. 
En effet, la branchie étant adhérente au corps, d’une manière spéciale , comme nous le 
verrons bientôt, son insertion ne gêne point la marche du manteau; ses deux feuillets 
restent réunis, ils gagnent le dos de l'animal, s’'adossent, se réfléchissent en dedans, s’é- 
cartent de nouveau pour former la longue cavité péricardienne ; parvenu sur le dos, le man- 
teau s'attache à la circonférence des muscles adducteurs des valves, revêt la surface interne 
de celui qui est l’antérieur, et passe ensuite sur le pied et sur la masse des organes. 


SIPHON. — Jusqu'ici les Mollusques que nous avons examinés nous ont tous présenté, à 
l'extrémité postérieure du manteau , deux ouvertures prolongées en tuyaux plus où moins 
longs et constituant des organes particuliers ; ils sont destinés à apporter sur la branchie le 
liquide ambiant nécessaire à la respiration, à rejeter au dehors les résidus de la digestion 
et les produits de la génération. Dans la Solémye, ces organes n'existent plus, et ce genre pré- 
sente même , à cet égard, une anomalie des plus remarquables ; car le manteau n'offre qu'une 
seule perforation, destinée à remplir à la fois les fonctions des deux siphons. (PI. XIX, 
fig. 1 d; fig. 2 b; fig. 5 a; pl. XIX 4, fig. 2 e.) Rien d’analogue ne se montre dans toute 
la série des Mollusques acéphalés dimyaires. Nous verrons, par la suite, des Mollusques chez 
lesquels les siphons sont extrêmement raccourcis et presque réduits à de simples perfo- 
rations ; mais, à mesure que ce raccourcissement s'opère, les lobes du manteau se dis- 
joignent et ils se trouvent séparés dans la plus grande partie de leur longueur. Dans d’autres 
Mollusques intermédiaires, entre les dimyaires et les monomyaires, nous trouvons une 
seule ouverture postérieure au manteau; mais cette ouverture ne consiste plus qu’en une 
simple bride destinée à séparer en un canal spécial la cavité dans laquelle l'anus vient se 
déboucher. 

Nous ferons remarquer que, dans les animaux dont il vient d’être question, les lobes du 
manteau sont complétement désunis entre eux, ce qui les distingue éminemment de ceux 
des Mollusques chez lesquels il existe encore deux perforations palléales postérieures. 
Dans la Solémye, non-seulement les lobes du manteau sont réunis dans les deux tiers 
de leur longueur, mais encore il n'existe, comme nous le disions, qu'une seule perfora- 
tion postérieure. Cette perforation est fort singulière ; lorsque l'animal est vivant, elle 
se montre entourée d’un petit bord saillant, et sur ce bord s'élèvent un grand nombre de 
tentacules divers, disposés d’une manière régulière et symétrique. (PI. XIX, fig. 1 d; 
fig. 2 b; fig. 5 a; pl. XIX 4, fig. 2 e.) Les auteurs qui ont donné des figures de l'animal 
de la Solémye n'ont pas représenté cette partie avec fidélité, et nous croyons important 


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116 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


d'en donner une description exacte et une figure suffisamment détaillée; car elle offre des 
caractères propres au genre dont nous nous occupons. 

La zone médiane du manteau, laissée à nu par l’épiderme, s’élargit insensiblement vers 
l'extrémité postérieure de l'animal. (PL. XIX, fig. 1e; fig. 2 a, a, b, b.) À cette extrémité, 
l’'épiderme circonscrit un espace subquadrangulaire en losange, dont le centre et l’extré- 
mité dorsale sont occupés par la perforation palléale. Cette perforation est ovalaire ; son 
bord est relevé, comme nous l’avons dit. Elle est découpée, de chaque côté, en dix ou onze 
tentacules mégaux, cylindracés-coniques , diminuant graduellement de longueur, de bas en 
haut. Ces tentacules sont symétriques pour le nombre, la grosseur et la longueur. (PI. XIX, 
fig. 2 ce, c; fig. 5 b, b; pl. XIX 4, fig. » f.) Indépendamment des tentacules de la perfo- 
ration du manteau, on remarque au-dessus un espace ovalaire (pl. XIX, fig. 2 d; fig. 5 c) 
aussi circonscrit, à droite et à gauche, par un bord saillant sur lequel s'élèvent, de chaque 
côté, cinq à sept tentacules, dont les deux premiers sont d’une longueur considérable, 
puisqu'elle est égale au quart de celle de l'animal lui-même. (PL. XIX, fig. 1 f, f; fig. 2e, e; 
fig. à d, d.) Les tentacules suivants diminuent graduellement de longueur; enfin, dans la 
commissure dorsale de cet espace, et en contact avec le bord de l’épiderme, s'élève un 
tentacule plus épais que tous les autres et d’une médiocre longueur. (PI. XIX, fig. 2 f; 
fig. 5 e.) On croirait, et nous-même y avons été trompé autrefois, que cet appareil de 
tentacules garnit une seconde ouverture palléale ; mais il est certain que cette ouverture 
n'existe pas ; sa place a été préparée sans que la nature en opérât la perforation. Les ten- 
tacules dont nous venons de parler se meuvent non-seulement par des muscles circu- 
laires, tels qu'on les rencontre dans tous ces organes, mais encore par de petits muscles 
longitudinaux que l’on voit remonter assez haut sur la surface interne du pourtour muscu- 
laire du manteau. L'espace dans lequel est circonscrite l'ouverture postérieure du manteau 
est limitée, comme nous l'avons dit, par le bord de l’épiderme. La zone ventrale reste à 
nu; et, en la suivant jusqu'au point où elle s’élargit postérieurement, on y observe une 
ligne transverse un peu courbée, qui est produite par une moindre épaisseur dans la 
portion du manteau où le siphon est percé (pl. XIX, fig. 2 g) ; elle semble résulter de 
l'application de deux épaisseurs cutanées, dont la plus courte serait superficielle, et s’éten- 
drait dans toute la région ventrale ; tandis que l'autre, sous la première, se continuerait 
dans toute la région postérieure, et serait ouverte par le siphon branchio-anal. 

Le genre solémye appartient à la classe des Mollusques dimyaires; aussi les organes 
du mouvement sont disposés chez lui d’une manière très-analogue à ceux que nous avons 
observés chez d’autres Mollusques. Ils se composent, comme à l'ordinaire, de deux muscles 
adducteurs des valves; d’un pied éminemment musculaire, ayant un rétracteur antérieur 
et un postérieur; enfin, on trouve encore dans le même animal un petit nombre de 
muscles propres à certains organes, et particulièrement la zone fibreuse qui entoure le 


manteau et en circonscrit les bords. 


Muscres ApDucTEURs. — Les muscles adducteurs sont assez gros, fort écartés l’un de 
l’autre : ils sont reportés dans la région dorsale de l'animal, à peu près de la même manière 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE SOLÉMYE. 117 


que dans les Solens. Ainsi que nous le verrons bientôt, les muscles des Solens sont fort 
aplatis, et ils laissent sur la coquille des impressions longues et étroites, suivant la direc- 
ton du bord dorsal. Dans le genre qui nous occupe, ces muscles sont plus épais. L’anté- 
rieur est ovalaire; il est situé vers l'extrémité antérieure (pl. XIX, fig. 4 f; fig. SAT 
pl. XIX 4, fig. » g); il laisse en avant de lui à peu près un sixième de la longueur totale 
de l'animal. Tout ce muscle est enveloppé par le manteau; toute sa surface interne est 
lisse; on y remarque seulement la séparation des gros faisceaux fibreux dont il est com- 
posé. Le muscle postérieur est un peu plus petit; sa forme est un peu différente. Ainsi 
que le premier, il touche au bord dorsal de la coquille ; il est. par conséquent placé à peu 
près au niveau de lextrémité postérieure de la charnière. Son bord antérieur est mince, 
il va en s’épaississant rapidement , tandis que son bord postérieur est demi-circulaire et très- 
obtus. (PI. XIX, fig. 4 g; fig. 5 g, g; pl. XIX 4, fig. 2 À; pl. XIX C, fig. 4 a.) Ces muscles 
s’attachent solidement aux valves, et c’est par leur moyen que l'animal peut les rapprocher; 
ils laissent dans l'intérieur du test les impressions que nous avons déjà décrites. 


Le pren. — Le pied est un organe fort important chez ceux des Mollusques qui, ainsi 
que celui-ci, vivent enfoncés dans le sable. Cet organe est allongé, épais, subcylindracé , 
un peu aplati sur les côtés ; de sorte que, dans une section transverse, il présente une 
surface ovalaire. { PI. XIX, fig. 1 g; fig. 4 k.) Ce pied, sous bien des rapports, est fort 
différent de celui des autres Mollusques de la même classe. En effet, s’il est allongé et 
porté en avant, comme dans les Solens, partant du milieu du corps, il est subitement 
tronqué au sommet et divisé longitudinalement, dans le milieu, par un sillon assez 
profond, qui permet aux deux parties latérales du pied de se rapprocher l’une de 
l'autre, comme les lèvres d’une bouche qui se fermerait. (PL. XIX, fig. Aï,i.) Cette 
disposition permet aussi à ces lèvres de se dilater considérablement à la circonférence, 
et, dans ce cas, de présenter la forme d’un disque, sur les bords duquel s'élèvent de 
courtes digitations. (PI. XIX, fig. 1 k; pl. XIX À, fig. 2 5, i.) 

Il faut descendre très-loim dans la série des Mollusques acéphalés pour retrouver une 
forme analogue dans l'organe de la locomotion. La famille des Arcacés est celle dans 
laquelle le pied des Mollusques est fendu dans une partie de sa longueur, et peut se 
dilater de manière à présenter une surface analogue à celle du pied des Mollusques gas- 
téropodes, par exemple. Lorsque l'animal porte son pied en avant, il l'allonge considéra- 
blement hors de sa coquille, et, pendant ce mouvement, il rapproche les lèvres de la 
troncature et leur donne la forme d’un coin un peu obtus. Lorsqu'il contracte son pied et 
le raccourcit, il dilate en même temps les bords de la troncature et les change très-rapi- 
dement en un disque circulaire. Nous verrons bientôt à quel usage sont destinées ces 
contractions et ces dilatations. Lorsque le pied est allongé, sa surface est lisse; s'il est 
contracté, cette surface est profondément ridée transversalement. Ce pied est attaché au 
corps par une base. peu épaisse, aplatie latéralement et terminée, dans le milieu, par un 
angle aigu. (PI. XIX, fig. 4 i; pl. XIX 4, fig. 3 a.) 


Lorsque l’on ouvre le pied longitudinalement, on est surpris de ne rencontrer dans 


118 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


son intérieur qu'une faible partie de la masse des viscères, ce qui laisse à l'organe loco- 
moteur une bien plus grande épaisseur de fibres musculaires. Les faisceaux fibreux princi- 
paux sont longitudinaux : ils sont, pour la plupart, cylindracés, diversement enchevêtrés 
les uns dans les autres (pl. XIX 4, fig. 2 j, j; pl. XIX B, fig. 3 a, a), tout en conservant 
leurs dispositions générales ; mais ils sont rattachés entre eux au moyen de muscles trans- 
verses qui se rendent d'une paroi à l’autre du pied, en passant à diverses hauteurs entre 
les faisceaux principaux. (PI. XIX 4, fig. 2 £, l; pl. XIX B, fig. 3 b, b.) Distribués en petit 
nombre dans la partie la plus épaisse du pied, les muscles transverses deviennent très- 
uombreux vers le centre, et ils finissent par y être assez abondants pour circonscrire une 
cavité irrégulière, dans laquelle est contenu un lobe considérable du foie. Une partie des 
faisceaux musculaires du pied, ceux qui sont situés à la région dorsale, se réunissent en 
un muscle dont l’extrémité se bifurque et qui est le muscle rétracteur antérieur du pied. 
Ce muscle vient s'attacher à la coquille, immédiatement en arrière du muscle adducteur 
antérieur (pl. XIX, fig. 4j; fig. 5 k, h), et il laisse une petite impression subtriangulaire. 
Les faisceaux musculaires des parties latérales du pied et de la région ventrale se réunissent 
aussi en un assez gros muscle cylindracé, descendant obliquement d'avant en arrière, au- 
dessous des branchies et d’un autre organe dont nous aurons à parler bientôt. (PL. XIX 4, 
fig. 2 m,m; pl. XIX C, fig. 4 b,b.) Parvenu vers l'extrémité postérieure de l'animal, ce 
muscle se bifurque en deux parties égales, qui vont s'attacher aux valves, immédiatement 
en avant de l’impression musculaire postérieure. (PI. XIX, fig. 5i,i.) Ce muscle prend 
pour point d'appui la surface du cuilleron au-dessous duquel est engagé le ligament. On 
conçoit que les deux muscles rétracteurs du pied doivent avoir pour usage de faire rentrer 
cet organe dans l'intérieur de la coquille, et de contribuer puissamment à en raccourcir la 
longueur, lorsque l'animal l’a allongé. 

Quant à l'usage du pied lui-même, il est facile de s'en rendre compte, et 1l suffit d’ail- 
leurs de quelques observations sur l’animal vivant, pour voir de quelle manière cet organe 
agit. Lorsque l'animal veut creuser un trou dans le sable d’où on l'a sorti, les manœuvres 
qu'il exécute sont bien simples. L'animal étant placé sur le sable horizontalement, le pied 
s'allonge en se courbant et en s’infléchissant légèrement à droite et à gauche; les lèvres 
de la troncature sont fermées et le tranchant s'enfonce dans le sable qu'il déplace avec 
facilité. Lorsque le pied a été enfoncé aussi avant que possible dans le sable, la troncature 
se dilate, ses bords s’enfoncent horizontalement dans le sable, qui devient ainsi un point 
de résistance assez considérable. Alors l'animal raccourcit son pied, et ce mouvement 
suffit pour le dresser tout entier et l’enfoncer déjà à une petite profondeur dans l'épaisseur 
du sable. En continuant la même manœuvre, l'animal se plonge en quelques moments 
dans le milieu qu'il habite et y reste perpendiculairement, le pied en bas, de manière à 
pouvoir placer le bord de son ouverture postérieure à la surface de son trou. Les moyens 
qu'emploie la Solémye pour creuser son trou sont semblables à ceux du Solen et de quel- 
ques autres Mollusques à pied épais, dont nous aurons à nous occuper plus tard. 

Nous avons déjà parlé des muscles du manteau; ils forment une large zone adhérente 
non-seulement aux bords des valves, mais encore à l'épiderme épais qui les contient; leur 


——— Lu _ = = Eee <= 


SR —- + MR RS 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE SOLÉMYE. 119 


action ne doit pas être tout à fait semblable à celle des mêmes organes chez les autres Mol- 
lusques. Attachés sur une seule ligne étroite, les muscles dont il s’agit retirent en dedans 
de la coquille les bords mobiles du manteau; si ce manteau est garni de tentacules, de pe- 
tits muscles se rendent à ces organes et les contractent au besoin. Dans la Solémye, la 
large adhérence du bord musculaire doit rendre moins étendues ses contractions qui, du 
reste, n'ont pas besoin d’être bien fortes pour faire rentrer au-dessous de l’épiderme une 
faible portion de la zone étroite laissée à nu sur la ligne médiane et ventrale. 


ORGANES DE LA DIGESTION. — La BoucnE. — Les organes digestifs sont excessivement 
réduits dans leur volume et leur étendue ; ils commencent par une ouverture buccale, d’une 
très-médiocre grandeur, placée, comme à l'ordinaire, entre la base du pied et le muscle 
adducteur antérieur des valves, au fond d’un angle profond qui résulte de la rencontre de 
ces deux organes. (PI. XIX B, fig. 3 c; pl. XIX 4, fig. 2 n.) Cette ouverture consiste en 
une fente très-étroite, transverse, linéaire, cachée au fond d'un petit sillon formé par la 
fable saillie de deux très-petites lèvres très-rapprochées, mais extrêmement étroites; ces 
lèvres sont les plus réduites que nous connaissions jusqu'ici parmi les Mollusques acépha- 
lés. Ce qui paraîtra non moins singulier, car cela est une anomalie propre au genre Solé- 
mye, au lieu de se changer de chaque côté en une paire de palpes labiales, les lèvres 
aboutissent à un seul de ces organes, de sorte que cet animal nous offre l'exception unique 
de n'avoir en tout qu'une seule paire de palpes; il en résulte que les lèvres se terminent 
toutes deux sur le bord antérieur de la palpe, bord un peu plus épais et qui reste fendu 
dans la moitié de sa longueur environ. 

La palpe labiale ne conserve pas la forme qu’elle affecte le plus ordinairement dans les autres 
Mollusques dimyaires. Dans presque tous les animaux de cette classe, les palpes sont triangu- 
laires, plus ou moins allongées. Toutes, sans exception jusqu'ici, ont la surface interne char- 
gée de plis réguliers sublamelleux, plus ou moins nombreux. La palpe de la Solémye est 
allongée, étroite, subquadrangulaire, membraneuse, fort mince, toute lisse, libre dans la 
plus grande partie de son étendue, car elle est fixée par l’un de ses plus petits côtés. 
(PL XIX B, fig. » ; pl. XIX, fig. 4 k; pl. XIX 4, fig. 3 b.) Elle tombe un peu obliquement 
de haut en bas et d'avant en arrière, suivant ainsi le bord antérieur de la branchie. 

Il est très-difficile de disséquer les organes de la digestion; on commence à s’en faire 
une idée lorsque lon a coupé exactement l'animal en deux, en suivant un plan médian 
qui passerait de la ligne dorsale à la ventrale. Cette section offre aussi l'avantage d'exposer 
très-clairement la disposition du foie, et la manière dont il est engagé dans le pied mus- 
culeux de lanimal. Un œsophage court et étroit, simple, un peu comprimé, descend obli- 
quement de la bouche à l'estomac (pl. XIX 4, fig. 2 o); celui-ci est extrêmement petit, 
placé presque horizontalement; il commence par une cavité subglobuleuse et se termine 
en entonnoir étroit (pl. XIX B, fig. 3 d, e), pour se continuer insensiblement en un in- 
testin très-grêle qui, parvenu vers le centre du grand diamètre du pied, s’infléchit subite- 
ment en dessous, en formant un angle aigu. (PI. XIX B, fig. 3 f.) L'intestin, une fois dans 
cette direction, ne l’abandonne plus jusqu'au moment où, passant à travers la paroi dorsale 


120 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


de l'abdomen, il se trouve sur la ligne médiane et longitudinale. À son issue , il se trouve 
à la hauteur du ventricule aortique , auquel il donne un point d'appui. (PL. XIX 4, fig. 2 p.) 

Le cœur ayant le ventricule en fuseau, très-allongé, l'intestin en est épaissi pendant une 
partie de son trajet, mais il est dégagé avant de sortir du péricarde. Au moment où il sort 
de cette cavité, il s'enfonce dans le faible écartement que laissent entre eux, à leur extré- 


mité, les deux faisceaux du muscle rétracteur postérieur du pied (pl. XIX 4, fig. 1 a, a, 
| fig. 2 q, q); 11 gagne la surface dorsale du muscle adducteur postérieur des valves, se con- 
tourne sur son bord postérieur, où il se termine en un anus très-mince, transparent, et à 
| peine dilaté. (PL. XIX GC, fig. 4 c.) 

Lorsque, ayant détaché de sa coquille un Mollusque acéphalé, et que, l'ayant placé sur le 
ventre, on examine la surface dorsale, lun des organes qui fixe d’abord l'attention par son 
étendue et sa couleur, c’est le foie. En effet, cet organe, d’un vert plus ou moins foncé , oc- 


cupe une partie notable du dos, et il s'enfonce dans la masse abdominale pour envelopper 
les viscères de la digestion. Dans la Solémye, la portion du foie qui parait au dehors est la 
moins considérable (pl. XIX, fig. 4 L; fig. 5 j,j, k; pl. XIX 4, fig.2r, r; pl. XIX B, fig. 3 
g, g); elle forme un lobe dorsal commençant au-dessous du bord postérieur du muscle 
adducteur antérieur des valves, dépassant la bouche, enveloppant œsophage et l’estomac. 
Le pied est creusé, au centre de sa masse musculaire, d’une cavité irrégulière, subeylin- 
drique; le lobe ventral du foie la remplit à lui seul (pl. XIX 4, fig. 2 s, s; pl. XIX B, 
fig. 3,h, h), et il y est maintenu par un grand nombre de muscles transverses qui le tra- 
versent en se rendant d’une paroi à l’autre du pied. 

Les deux lobes principaux du foie se terminent en pointe, et viennent se rencontrer au- 
dessous de l'estomac, en chevauchant l'un sur l’autre; c’est du sommet de ces lobes que se 
détachent des vaisseaux biliaires allongés , complétement isolés, et qui n’ont plus la moindre 
ressemblance avec ceux des autres Mollusques. En ceci, comme dans toutes les autres par- 
ties, la Solémye présente une exception notable, puisque les vaisseaux biliaires, dans les 
autres Mollusques, enveloppés de toute part de follicules biliaires, ne peuvent se voir qu’en 
les ouvrant ou en détachant de leur surface les follicules qui les cachent. Parvenus près des 
parois de l'estomac, les vaisseaux biliaires aboutissent à de petits renflements membraneux, 


ovalaires, plissés dans leur longueur, et qui eux-mêmes s'abouchent à l'estomac, de chaque 
côté de l'entrée de l’æsophage. Les cryptes biliaires sont extrêmement petits, et ils se di- 
latent dans les petites ampoules dont nous venons de parler. Chaque lobe du foie a un ca- 
nal biliaire, mais lun est plus court que l’autre ; le lobe abdominal est celui qui a le canal le 
plus long. Nous insistons sur ce fait singulier, parce qu'il est unique jusqu'ici dans les Mol- 
lusques acéphalés. 

À l'œil nu, ou sous un faible grossissement, le foie de la Solémye paraît formé d’un tissu 
serré et compacte. Il prend l'apparence spongieuse et l’on y aperçoit un grand nombre de 
vacuoles irrégulières, lorsqu'on le soumet au grossissement de douze à quinze fois. Il n’est 
point lobulé, les follicules ne sont point disposées en grappes sur les ramifications des vais- 
seaux biliaires. Toutes les parties de l’organe sont enchainées les unes aux autres, et, de 
plus, assez solidement attachées aux muscles environnants par des fibrilles qui s’en détachent 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE SOLÉMYE. 121 


pour se répandre dans les diverses parties du foie. Si l’on porte sous le microscope de 
petits lambeaux de l'organe dont nous nous occupons, on lui reconnaît une structure fort 
différente de celle de la plupart des autres Mollusques. En effet, les follicules sont liées et 
presque confondues les unes avec les autres. Leur sommet quelquefois se détache assez 
nettement. C'est avec peine, et en examinant un grand nombre de fragments, que nous 
avons reconnu que les follicules sont ovalaires; mais elles sont liées les unes aux autres par 
toute ou presque toute leur surface. Des granules verdâtres ou jaunâtres, de différentes gros- 
seurs, sont distribués d’une manière assez inégale; souvent ils sont accumulés par place, ce 
qui produit des taches noirâtres irrégulières. Les plus gros granules ne sont pas simples ; ils 
sont composés de plusieurs vésicules agglomérés. Ces granules vésiculeux ne sont pas libres 
dans les follicules biliaires ; ils ÿ sont enchaînés par une trame transparente, chargée elle- 
même de granules plus réguliers, simples, mais assez petits pour se mettre spontanément 
en mouvement moléculaire sur le porte-objet. 


L’ovaire. — En décrivant le Gastrochène, nous avons fait remarquer une particularité 
intéressante dans l'organisation de ce Mollusque; les muscles de l'abdomen, au lieu de s’é- 
panouir sur toute la surface externe de la masse viscérale, pour se réunir ensuite et pour 
former les muscles rétracteurs du pied, s’enfoncent au centre de l'ovaire et vont s'attacher 
directement à la coquille, en laissant au-dessous d'eux, comme une hernie, une portion 
considérable de cet organe. Dans la Solémye, un fait bien plus curieux encore se pré- 
sente; tout l'ovaire, sans exception, est rejeté de la masse abdominale et vient se placer 
au-dessous des branchies, s'étendant depuis la base du pied Jusqu'au muscle adducteur 
postérieur des valves. L'ovaire se trouve donc dans des rapports tout nouveaux et en con- 
tact avec des organes dont il est ordinairement éloigné; en effet, dans tous les autres Mol- 
lusques acéphalés dimyaires, l'ovaire est compris, en totalité, dans la masse commune des 
viscères, sous une enveloppe fibreuse composée de deux plans musculaires, qui viennent 
se confondre sur le bord tranchant du pied. L’ovaire occupe la plus grande partie de ce 
que l’on pourrait nommer, improprement, 1l est vrai, la cavité abdominale. Au moment de 
la turgescence de cet organe , il s'étend de manière à envelopper le foie et une partie des 
organes de la digestion; il se trouve ainsi dans les rapports les plus intimes avec tous les 
autres organes importants ; les mêmes vaisseaux se répandent à la fois dans l'ovaire et les 
autres organes qu'il touche; il en est de même pour les nerfs. L’organe de la génération 
ainsi enfermé, il a fallu que l'animal offrit des ouvertures particulières qui permissent 
aux œufs de s'échapper au dehors; aussi trouve-t-on, de chaque côté de la masse abdo- 
minale, en arrière et en bas, un petit oviducte percé, sous la branchie. 

Rien de semblable n'existe dans la Solémye; nous le répétons, il ne reste aucune portion 
de l'ovaire dans la masse abdominale en contact avec le foie et l'intestin ; l'organe tout en- 
tier est descendu dans l'extrémité postérieure de la cavité du manteau, caché sous les 
branchies et attaché au long muscle rétracteur postérieur du pied. (PL. XIX 4, fig. 2 #, t; 
fig. 3 ce, c; pl. XIXC, fig. 4 d, d, e, e.) Tous les individus de Solémye dont nous avons pu 
disposer, recueillis en même temps et à la même époque, ont l'ovaire dans un état parti- 
Zoor.. — Mollusques. 1. 16 


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122 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


culier de développement; on ne peut y distinguer des grappes d'œufs; une matière homo- 
gène et compacte, d'un blanc jaunâtre, y est enfermée, et elle est divisée obliquement dans 
sa longueur par une crête membraneuse (pl. XIX 4, fig. 2 u, u; fig. 3 d) qui attache la 
branchie au dos de l'animal. L'ovaire est en réalité composé de deux lobes égaux et symé- 
triques; chaque branchie en couvre un; assez épais en avant, ils s'amincissent en feuillets 
très-singulièrement lobulés, comme gaufrés, et se liant les uns aux autres par une base 
commune. (PI. XIX, fig. 5 ?, l; pl. XIX 4, fig. 3 e, e; fig. 4.) Ces lobules diminuent 
d'avant en arrière, et finissent par couvrir d’aspérités toute la surface des deux lobes de 
l'ovaire. Toujours diminuant de volume, mais se multipliant de plus en plus, les lobules 
gagnent aussi la surface interne du muscle adducteur postérieur des valves et la cachent 
sous de nombreuses aspérités. A cette extrémité, l'ovaire conserve encore une assez grande 
épaisseur, moindre cependant que dans le reste de son étendue. 

Quelques soins que nous ayons mis à cette recherche, nous n'avons jamais vu la 
moindre trace d’un oviducte; tout nous porte à croire qu'il n’est point nécessaire chez un 
animal dont l'ovaire est entièrement sorti de la cavité abdominale. Il suffit, en effet, que 
les œufs réncontrent une issue par la moindre déchirure de l'enveloppe de lovaire, pour 
se trouver sous la branchie et y subir une incubation, ou tomber directement dans la 
cavité du siphon. Il pourrait se faire aussi que, l'ovaire étant naturellement placé sous la 
branchie, l’incubation branchiale eût lieu dans l'enveloppe ovarienne, qui, venant à s’ouvrir 
lorsque les œufs seraient parvenus à leur maturité, ceux-ci se répandraient librement dans 
les eaux de la mer. Nous regrettons de n'avoir pas eu l’occasion d'observer les Solémyes 
vivantes, à diverses époques de l’année, pour étudier avec soin les phénomènes de la re- 
production, les modifications que doit subir l'ovaire pendant les diverses métamorphoses 
des œufs, la manière dont ils sont pondus : ce sont là des faits sur lesquels nous sollicitons 
l'attention des naturalistes, qui, habitant sur les bords de la mer, peuvent facilement mul- 
üplier les observations qui nous manquent. 

Ainsi que nous le disions tout à l'heure, l'ovaire se divise en lobules aplatis, lamelli- 
formes, parmi lesquels on en trouve de petits, extrêmement minces; ils s’épaississent, sans 
aucun doute, à mesure que les œufs se développent. Dans les individus que nous avons 
sous les yeux, l'ovaire semble formé d’un parenchyme blanchâtre, compacte, d’une texture 
uniforme. Si l'on porte sous le microscope les lambeaux les plus minces des lobules mem- 
braneux, et qu'on les soumette à un grossissement de soixante fois, on remarque un grand 
nombre de granules bruns répandus dans l'épaisseur d’une matière jaunâtre, diaphane et 
comme granuleuse ; en augmentant successivement les grossissements jusqu'à cinq cents 
fois, on voit le parenchyme formé d’une multitude de filaments qui semblent muqueux, sur 
lesquels sont fixés un grand nombre de granules, d'une parfaite transparence et d’une ex- 
cessive petitesse. Les granules brunâtres, qui paraissaient simples d’abord, se montrent eux- 
mêmes composés d’un nombre assez considérable de vésicules agolomérés; ces granules 


sont probablement destinés à devenir des embryons, lorsque le mouvement générateur 


aura imprimé son impulsion puissante à l'organe de la génération. 
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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE SOLÉMYE. 123 


ORGANES DE La GIRGULATION. — Les organes de la circulation, dans le genre qui nous 
occupe, vont nous offrir des anomalies non moins singulières que celles que nous avons 
signalées dans d’autres parties de l'organisation. En effet, contrairement à ce qui existe 
dans le plus grand nombre des Mollusques acéphalés dimyaires, le cœur et la cavité dans 
laquelle il est contenu ne sont point en rapport avec la charnière. Le cœur occupe la partie 
moyenne de l'animal, dans une cavité longue et conique que laisse derrière lui le muscle 
rétracteur postérieur du pied. (PI. XIX, fig. 5 m; pl. XIX 4, fig. 2 v.) Ce muscle, comme 
nous l'avons vu, descend obliquement de la base du pied et vient s’insérer au-dessus du 
muscle adducteur postérieur des valves, sur la base du cuilleron du ligament. 

La cavité du péricarde est constituée par une membrane mince produite par le man- 
teau, qui, parvenu sur le dos de l'animal, se réfléchit sur lui-même; ces deux duplicatures 
s’adossent et se soudent sur la ligne médiane, sur une faible partie de leur étendue, et 
s’écartent ensuite, de manière à circonscrire un espace assez grand, dans lequel sont ren- 
fermés le ventricule aortique et ses deux oreillettes. (PL. XIX, fig. 6 a, a, b, b.) Le péri- 
carde est circonscrit en avant par le bord postérieur du foie; en dessous et sur les côtés, 
par le muscle rétracteur du pied; enfin, en arrière, il se termine en un canal étroit, infun- 
dibuliforme, au centre duquel passe l'intestin. (PI. XIX 4, fig. 1 b, b, c.) L'enveloppe 
péricardienne accompagne l'intestin jusqu'au moment où, franchissant la bifurcation du 
muscle rétracteur du pied, il vient s’infléchir sur la face postérieure du muscle adducteur 
des valves. 

Le ventricule occupe, comme à l'ordinaire, l'axe dorsal de l'animal. Fixé sur l'intestin, 
cet organe est allongé, fusiforme; épais en avant, il s'amincit insensiblement en arrière, 
de sorte qu'il est difhcile de désigner le point où il abandonne complétement l'intestin 
(pl. XIX 4, fig. » v; fig. 1 d, d); son extrémité antérieure, arrondie et obtuse, se ter- 
mine en une aorte dorsale que l'on voit pénétrer obliquement dans l’intérieur de la masse 
abdominale, en suivant le trajet de lintestin. Ce n’est point au milieu de sa longueur 
qu'aboutissent les oreillettes. La communication de ces organes se fait à la partie anté- 
rieure du ventricule sur ses parties latérales. (PL. XIX À, fig. 1 e; pl. XIX B, fig. 1 a, a.) 
Les oreillettes sont très-différentes de ce qu'elles sont dans le plus grand nombre des 
Mollusques acéphalés; elles sont épaisses, charnues, d’une couleur rougeâtre, et elles af- 
fectent la forme d’une grande pyramide triangulaire. (PL. XIX 4, fig. 1 f, f; pl. XIX B, 
fig. 1 d, b.) La base de la pyramide est dirigée en avant; son sommet est parfaitement libre 
en arrière dans la cavité du péricarde. Ces oreillettes sont suspendues à l’aide d’un liga- 
ment qui s'attache, d'un côté, à la partie postérieure et arrondie de la masse abdominale, 
et, de l’autre, à la base de chacune d'elles. (PI. XIX 4, fig. 1 g.) La veine branchiale pé- 
nètre latéralement par l'angle supérieur et antérieur de la pyramide (pl. XIX 4, fig. 1 2); de 
l'angle antérieur et inférieur part un canal membraneux mince et transparent, assez court, 
qui se dirige horizontalement vers le ventricule; c’est par lui que s'établit la communication 
entre les diverses parties des organes centraux de la circulation. Il nous a été impossible de 
faire pénétrer des injections dans les organes de la circulation; le petit nombre d'animaux 
que nous avons eus à notre disposition, depuis longtemps conservés dans l'alcool, étaient 


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124 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


trop contractés; d’ailleurs leurs vaisseaux ne pouvaient supporter le moindre effort sans 
être déchirés. Cependant nous ne pouvons douter de l'existence d’une aorte postérieure, 
qui, se dégageant du ventricule, au-dessous de l'intestin rectum, ainsi que dans tous les 
autres Mollusques acéphalés, va porter le fluide nourricier dans l'extrémité postérieure de 
l'animal. Après avoir fourni à la nutrition de tous les organes, le sang est recueilli par 
deux troncs veineux considérables, un de chaque côté (pl. XIX 4, fig. 1 i); ils sortent 
obliquement de la masse viscérale vers son extrémité postérieure, un peu latéralement; ces 
troncs veineux traversent l'extrémité antérieure du péricarde et gagnent la surface externe 
et moyenne de lorgane branchial. (PI. XIX, fig. 4 me, m; fig. 6 c, c; pl. XIX 4, fig. 3 f, f; 
pl. XIX B, fig. 1 c, c.) Le sang pénètre dans l'organe de la respiration, et il est recueilli par une 
large veine branchiale qui règne le long de la face inférieure de cet organe; cette veine 
parcourt un trajet semblable à celui de l'artère (pl. XIX À, fig. 3 g, g; pl. XIX, fig. 6 d, d; 
pl. XIX B, fig. 1 d, d); elle se détache de l'extrémité antérieure de la branchie, pénètre 
dans le péricarde par sa face inférieure et antérieure et se porte à l'angle antérieur et in- 
férieur de l'oreillette (pl. XIX 4, fig. 1 »); celle-ci le transmet au cœur aortique pour recom- 


mencer un nouveau circuit. 


Branctes. — Cuvier a donné le nom de lamellibranches aux Mollusques acéphalés, parce 
que, en effet, chez l'immense majorité de ces animaux, les organes branchiaux constituent de 
véritables lames minces, symétriques, presque toujours au nombre de quatre, et situées de 
chaque côté du corps, de manière à être saillantes dans la cavité du manteau; la cavité du 
manteau étant constamment remplie d'une eau sans cesse renouvelée par les contractions de 
l'animal, et à l'aide de ses ouvertures postérieures, l'organe branchial se trouve dans les 
conditions les plus favorables à exercice de ses fonctions. Dans la Solémye, ces conditions 
restent les mêmes, mais l'organe lui-même a subi des modifications tellement considérables 
qu'il n’a plus, dans sa structure, la moindre analogie avec ce qui est connu dans toute la série 
des Mollusques acéphalés. 

Aussitôt que le manteau a été ouvert et ses lobes renversés à droite et à gauche, les 
branchies se montrent, de chaque côté, sous l'apparence d’une plume à barbes larges et 
serrées, et dont l'axe serait représenté par l'artère branchiale. (PL. XIX, fig. 4 n, n.) Ces 
branchies sont allongées, assez larges, ovalaires, placées obliquement d'avant en arrière et 
de haut en bas. Leur surface extérieure est connexe, de manière à s’accommoder à la con- 
cavité du manteau. Les deux côtés de la branchie sont inégaux, en prenant l'artère bran- 
chiale pour le centre de cet organe. C’est le côté postérieur qui est le plus large, et, comme 
en dessous du pied l'ovaire seul occupe la cavité palléale, cette cavité remonte Jusque vers 
le dos de l'animal, et la branchie s'étend de ce côté en toute liberté; aussi, lorsque le man- 
teau a été complétement enlevé et que l'animal est vu du côté du dos, on aperçoit les deux 
branchies se rapprocher singulièrement. (PI. XIX, fig. 5 n,n.) En effet, elles ne sont plus 
séparées que par la mince épaisseur de la partie membraneuse du manteau. (PI. XIX, fig. 6 
e, e.) Si l'on fait prendre à l'animal une position inverse pour le regarder en dessous, on 
voit aussi ces branchies se rapprocher l'une de l'autre sur la ligne ventrale, laissant entre 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE SOLEMYE. 125 


elles un faible intervalle pour le passage de l’eau. Il arrive même qu'étant contracté, l'ani- 
mal fait chevaucher une branchie sur Pautre. (PL XIX, fig. 6 f, f.) On pourrait croire, 
à la premiére vue, que les branchies des Solémyes sont d’une faible épaisseur; mais, en 
les détachant, on s'aperçoit que cette épaisseur est considérable et que leur surface interne 
est concave , largement creusée en gouttière , de manière à pouvoir loger au-dessous d'elles 
le grand ovaire dont nous avons parlé. (PI. XIX À, fig. 3 h, h.) Les bords sont obtus. 
Il résulte de cette description qu'en faisant une section transverse de l’organe branchial, 
on devra lui trouver la forme d’un croissant, et c’est en effet ce qui a lieu. (PI. XIX ; fig. 6 
cc, ff gg.) 

H suffit de toucher la branchie pour s’apercevoir qu’elle est formée d’un nombre très- 
considérable de lamelles transverses, excessivement fines, serrées les unes contre les autres 
et comme empilées sur les deux vaisseaux branchiaux. Que l’on imagine un grand nombre 
de feuillets de papier pressés les uns contre les autres, enfilés sur deux tiges rapprochées 
et parallèles, dont l’une représente l'artère et l’autre la veine branchiale, et l’on se fera une 
idée de la disposition générale de l'organe respiratoire de la Solémye. Que l’on suppose 
maintenant ces feuillets réunis deux à deux par leur circonférence, de manière à former 
une cavité fermée de toutes parts, le sang transmis par l'artère branchiale tombera dans la 
cavité de deux lames soudées, et du côté opposé, la veine branchiale recevra le sang, qui 
sera ainsi forcé de séjourner assez longtemps dans la branchie. Ce qui précède indique la 
manière dont le fluide nourricier se comporte en traversant l'organe qui doit le régénérer. 
Ainsi, dans la branchie des Solémyes, ce n’est plus un tissu éminemment vasculaire qui 
divise le sang à l'infini et le met en contact avec le liquide ambiant, mais ce sont des 
lames minces, soudées deux à deux, dans l'intervalle desquelles le sang s’épanche, pour 
subir le contact de l'oxygène contenu dans l’eau. On conçoit que, pour opérer ce phéno- 
mène de l'oxygénation du sang, il faut que les membranes branchiales soient d’une exces- 
sive minceur, et c'est ce qui a lieu en effet. Ainsi, on n'aperçoit dans leur tissu rien qui 
annonce la présence de vaisseaux respiratoires. Ces membranes sont d’une transparence 
parfaite, et constituées par un parenchyme assez élastique, que l’on voit partout pénétré de 
très-fines granulations, sous les fortes amplifications du microscope. Les lames branchiales 
seraient trop minces pour conserver le parallélisme qui leur est nécessaire ; aussi elles sont 
soutenues par une petite côte cartilagineuse, assez épaisse, qui règne dans toute la longueur 
de leur bord externe. Cette côte, aplatie de chaque côté, semble percée au centre; elle 
est surmontée d'une crête membraneuse, d’une excessive ténuité, dans laquelle les granules 
sont moins nombreux et irrégulièrement dispersés. Sous un grossissement de quatre à cinq 
cents fois, on aperçoit des stries fines et parallèles dans l'épaisseur de la côte; on croirait 
qu'elle contient des fibres musculaires. (PI. XIX C, fig. 2.) Son épaississement conserve 
un contact immédiat entre toutes les lames d’une même branchie. Quant au bord interne, 
il est libre, extrêmement mince, ce qui permet à l’eau d’imbiber complétement l'organe 
branchial. 

L'organisation des vaisseaux branchiaux démontre, avec la plus grande évidence, que 
la fonction de la respiration s'exerce comme nous venons de le dire. En effet, si l’on fait 


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126 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


une section de l'artère ou de la veine, on voit la moitié de la paroi de ces vaisseaux criblée 
d'une multitude de petites ouvertures pénétrant directement dans l'intervalle des lamelles 
branchiales, et, si l'on fait une section longitudinale dans laquelle ces deux vaisseaux se 
trouvent à la fois compris, on suit, avec la plus grande facilité, le trajet du sang, et l'on 
voit comment ce liquide passe d'un vaisseau à l’autre, après s'être épanché entre les lamelles 


branchiales. (PI. XIX B, fig. 4 a, a; pl. XIX C, fig. 1 b,b.) 


SYSTÈME NERVEUX. — On doit s'attendre, après les anomalies que nous avons signalées 
dans l’organisation de la Solémye, à en rencontrer d’autres, non moins considérables, dans 
la disposition du système nerveux. Ce système, comme le savent les zoologistes, représente 
à lui seul tout un animal, puisqu'il enchaîne les fonctions, conserve entre elles l'harmonie 
et les rapports nécessaires à l'entretien de la vie; enfin, c'est par le système nerveux que 
l'animal vit le plus, puisque, indépendamment des fonctions qu'il anime , il met aussi l'être 
vivant en rapport avec les circonstances ambiantes. 

On sait depuis longtemps quelle est la disposition générale du système nerveux dans les 
Mollusques acéphalés dimyaires. Dans son grand ouvrage, Poli, tout en donnant les nerfs 
comme des vaisseaux lactés, en a décrit les principales distributions. Dans un opuscule fort 
esümable, Mangili a découvert un ganglion considérable dans le pied; ce ganglion impor- 
tant avait échappé aux recherches de Poli. Depuis, d’autres travaux ont été ajoutés et ont 
fait connaître des détails intéressants, sans doute, mais d’une moindre importance. Îl ré- 
sulte de tous les faits connus que le système nerveux, dans les acéphalés dimyaires, consiste 
principalement en deux ganglions postérieurs, placés sur le muscle postérieur adducteur 
des valves, en deux autres ganglions antérieurs situés à la base des palpes de la bouche. 
Ces quatre ganglions se joignent non-seulement par des branches de commissure, mais 
encore latéralement, de manière à constituer un anneau très-large et non interrompu, qui 
embrasse l'animal dans toute sa longueur. Un autre anneau, beaucoup plus étroit, est pro- 
duit par le ganglion du pied, se réunissant aux ganglions antérieurs par deux branches 
spéciales. Cet anneau antérieur peut être comparé, Jusqu'à un certain point, avec l'anneau 
œsophagien des Gastéropodes. 

Dans le genre Solémye, on remarque des différences notables dans la disposition du Sys- 
tème nerveux; c'est en vain qu'on chercherait la paire postérieure des ganglions nerveux à 
la surface du muscle adducteur postérieur des valves. Ces ganglions remontent jusqu'à la 
base du pied, un peu au-dessous du point de départ du muscle rétracteur de cet organe 
(pl. XIX C, fig. 4 f); solidement réunis , les ganglions postérieurs en constituent un seul 
subquadrangulaire, un peu transverse, et des angles duquel partent six branches : deux 
antérieures fort grosses; quatre postérieures, plus grêles. Deux de ces dernières descendent 
dans l’épaisseur de l'ovaire (pl. XIX €, fig. 4 qg, 4), où elles distribuent des rameaux, at- 
teignent l'extrémité postérieure de l'animal, passent sur la surface du muscle des valves et 
vont atteindre la partie postérieure du manteau pour se distribuer dans les tentacules qui 
s'élèvent autour de l'ouverture du siphon. Les deux autres branches postérieures s’écartent 


faiblement des premières et gagnent la crête dans laquelle est creusée la veine branchiale, 


ni 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE SOLÉMYE. 127 


pénètrent dans ce vaisseau et descendent avec lui jusqu'à l'extrémité de la branchie en 
distribuant des filets dans cet organe. (PI. XIX C, fig. 4 k, k.) Les deux grosses branches 
antérieures (pl. XIX C, fig. 4 1, i; pl. XIX B, fig. 3 t) se contournent sur la base étroite 
du pied et viennent se joindre à deux gros ganglions antérieurs, situés derrière les lèvres 
de la bouche, noyés en totalité dans le lobe postérieur du foie et à une très-courte dis- 
tance du muscle adducteur antérieur des valves. Dans ce trajet, les nerfs circonserivent les 
muscles rétracteurs antérieurs du pied. C’est au-dessus d’eux et derrière les lèvres de la 
bouche que sont situés les ganglions antérieurs. (PI. XIX B, fig. 3 j, j.) L'anneau viscé- 
ral, dans la Solémye, se trouve donc excessivement petit, si on le compare à celui des 
autres Mollusques acéphalés dimyaires. Les ganglions antérieurs sont très-gros, presque 
sphériques, jaunâtres, mollasses, et réunis entre eux par un nerf de commissure très-court 
et très-gros. On pourrait même considérer ce nerf de commissure comme une paire de 
petits ganglions superposés aux plus gros; les petits ganglions donnent quelques rameaux 
postérieurs aux muscles et aux viscères. De ces ganglions naît, en avant, une paire de 
nerfs destinés au muscle adducteur des valves et à l'extrémité antérieure du manteau. 
(PI. XIX B, fig. 3 X, k.) Une autre branche fort grosse accompagne, pendant quelque 
temps, le nerf viscéral et s’en détache enfin pour se distribuer dans la portion mince du 
manteau, et ensuite dans sa portion épaisse et musculaire. (PI. XIX B, fig. 3 {, L) Le 
second anneau nerveux est formé par deux grosses branches qui s’échappent de la face 
interne des ganglions labiaux; ces branches embrassent la bouche, passent au niveau de 
entrée buccale de l'œsophage et s’avancent dans le pied, en suivant la face antérieure de 
la cavité dans laquelle sont contenus le foie et l'estomac. (PI. XIX B, fig. 3 m.) Parvenues 
un peu en avant de la courbure de l'intestin, ces branches se réunissent à un très-gros 
ganglion jaunâtre, mollasse, aplati latéralement, duquel partent, en rayonnant, de minces 
filets qui vont se distribuer aux principaux viscères et au puissant appareil musculaire du 
pied. (PI. XIX B, fig. 3 n.) Ainsi, dans la Solémye, la distribution des nerfs se fait en 
suivant le même plan que dans les autres Mollusques, mais les anneaux nerveux sont en 
quelque sorte contractés et raccourcis, de manière à se concentrer vers l'extrémité anté- 
rieure de Panimal. Ce qui paraîtra remarquable dans un animal d’un aussi peut volume, 
c'est la grosseur considérable des ganglions et des filets nerveux. Nous avons vu des Mol- 
lusques huit, dix fois plus grands, ayant des nerfs plus petits que dans celui-ci particu- 
lièrement. Un autre fait que nous devons signaler à l'attention des physiologistes, c’est 
l'existence d’un filet nerveux branchial qui, pour se distribuer à la branchie, vient pénétrer 
dans la veine elle-même. Ce fait, dont nous ne connaissons point d’autres exemples jus- 
qu'ici, n'est pas l’un des moins curieux que présente l’organisation de la Solémye. 


CONCLUSION. 


Voici encore un genre dans l’organisation duquel se montrent de nombreuses anomalies, 
ce qui a rendu nécessaire, pour lui seul, l'établissement d'une famille. Quoi qu'on fasse, la 


SR 


128 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


famille et le genre seront difficiles à placer dans une méthode, quand même on rejetterait 
l'arrangement linéaire, qui est le plus habituellement suivi. 

La coquille, allongée, mince, transverse, se rapproche, à certains égards, de celle des 
Solens; par l'épaisseur et la grandeur de son épiderme, elle se rapproche aussi des Gly- 
cimères; mais, si la charnière est inarticulée, comme dans ce dernier genre, elle porte 
un ligament interne, tandis qu'il est externe dans la Glycimère. Ce caractère du ligament 
différencie essentiellement les Solémyes des Solens; mais il existe une plus grande diffé- 
rence relativement à la position de la charnière elle-même. Dans les Solens allongés et 
étroits, la charnière est antérieure ou submédiane; dans la Solémye, elle est à l'extrémité 
postérieure. 

Si l’on voit des Mollusques dont le manteau déborde les valves, il n’en est pas où, par ses 
contractions, cet organe ne puisse rentrer dans l’intérieur de la coquille. Dans la Solémye, 
l'épiderme tient lieu d'une partie du test, et il en résulte impossibilité pour lanimal 
de cacher entièrement les bords de son manteau même sous l’épiderme, quelle que soit 
d’ailleurs l'énergie de ses contractions. Le manteau a encore subi une autre modification : 
sa zone musculaire est devenue extrêmement large et elle vient s'appuyer presque tout 
enüère sur l’épiderme lui-même. 

Ainsi que dans un grand nombre des Mollusques acéphalés, le manteau est ouvert à 
son extrémité antérieure dans le tiers de sa longueur à peu près. Dans ceux des Mollusques 
qui offrent cette disposition, le manteau, à sa partie postérieure, se continue en deux 
siphons, et, jusqu'ici, cela est sans exception. La Solémye n’a qu’une seule ouverture pal- 
léale, à bords très-courts, garnis de tentacules assez longs. Pour le zoologiste, ce caractère 
devra suflire pour le déterminer à faire, du genre qui nous occupe, une famille très-nette- 
ment circonscrite. 

Le pied, organe principal du mouvement, peut être comparé à celui des Solens, tant 
par sa forme que par l'usage auquel il est destiné. Néanmoins nous devons faire remarquer 
que cet organe est fendu à son sommet, de la même manière que dans les Arches, les 
Pétoncles et les Nucules. Cette analogie nous a particulièrement porté à placer les Solé- 
myes dans le voisinage des Solens. Les muscles des valves ne diffèrent pas, d’une manière 
notable, de ceux des autres Mollusques; seulement le postérieur est situé tout près de 
l'extrémité de l'animal, ce qui n'a pas lieu au même degré chez les Mollusques siphonés. 

Si nous pénétrons actuellement plus profondément dans l'organisation de la Solémye, 
nous voyons le pied contenir seulement une faible portion des organes de la digestion. Le 
foie est en partie rejeté sur le dos; et l'ovaire, complétement déplacé, est tout entier en 
dehors de l'enveloppe générale des viscères, caché au-dessous des branchies, dans la cavité 
du manteau. Nous remarquerons aussi l'extrême petitesse de l'ouverture buccale qui, au 
lieu d’avoir une paire de palpes de chaque côté, n’a qu'un seul de ces organes, exception 
unique jusqu'ici parmi les Mollusques acéphalés. La petitesse de l'estomac, la manière 
dont le foie y verse les produits de sa sécrétion, la brièveté et l'exiguité de l'intestin sont 
des faits non moins singuliers que ceux que nous venons de rappeler. 


Nous venons de le dire, l'organe de la génération est tout entier en dehors de la masse 


es ei 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE SOLÉMYE. 129 


viscérale. Caché sous la branchie, plongé tout entier dans la cavité du manteau, il nous a 
paru dépourvu de loviducte que lon rencontre chez tous les autres Mollusques acé- 
phalés. 

Les organes de la circulation nous présentent aussi des différences notables avec ce qui 
est connu jusqu'ici dans les Mollusques dimyaires ; non-seulement le cœur n’est point en 
contact avec la charnière de la coquille, mais encore son ventricule, très-allongé et fusi- 
forme, porte des oreillettes entièrement différentes de ce qu'elles sont chez les lamelli- 
branches proprement dits. Ces oreillettes épaisses, grandes, pyramidales, communiquent 
avec le cœur et la branchie, par la base de la pyramide. 

Jusqu'ici la respiration chez les Mollusques se fait au moyen d'un organe dans lequel 
les canaux sanguins sont excessivement multipliés. Dans la Solémye, la branchie, ayant 
l'apparence d’une plume, porte, sur le milieu de chacune de ses faces, un seul vaisseau, et 
le sang vient s'épancher dans l’interstice très-étroit, que laissent entre elles une multitude 
de lamelles taillées en croissant. Sans doute qu'au point de vue physiologique la fonction 
s'exécute de la même manière, puisque les vaisseaux branchiaux, multipliés à l'infini aussi 
bien que les lames larges et plates de la Solémye, ont pour but de multiplier les contacts 
du sang avec le liquide dans lequel il puise son élément régénérateur, Néanmoins, cette 
disposition, si remarquable, de l'organe branchial de la Solémye, est un fait qui mérite 
d'être signalé à l'attention des naturalistes, puisqu'il est le seul qu'on puisse mentionner. 
Nous ne devons pas oublier non plus que, par une exception rare aussi dans la classe des 
Mollusques, l'animal de la Solémye porte une seule branchie de chaque côté du COTPS. 

Si nous jetons actuellement un rapide coup d'œil sur le système nerveux, nous trouvons 
ses anneaux infiniment plus étroits que dans tous les autres Mollusques de la même classe, 
à ce point que ce système peut être réellement comparé à celui des Gastéropodes. De gros 
ganglions jaunâtres, d’une extrême mollesse, placés derrière la bouche, sont beaucoup 
plus importants que les ganglions postérieurs, ce qui est le contraire chez les autres Mol- 
lusques acéphalés. 

Nous le répétons en terminant, toute l'organisation de la Solémye en fait un animal à 
part, ce qui vient justifier encore la création de la famille des Solémyaires, que nous pro- 
posons ici pour la première fois. 


SOLEMYA MEDITERRANEA. Lamarck. 


Habite la Sicile, la plage de Bône, le Sénégal. 


Testà ovato-angustà , oblongä, transversà , subpellucidà, fragili; epidermide lato-togatà: cardine edentulo, 
nymphis latis, brevibus, basi evanescentibus. 


Mytilus Solen. Urisses, Travels of Naples, app. p. 505, pl 9, fig. 15 a, b. 
Solen. Bruc, Encycl. pl. 225, fig. 4. 
Tellina togata, Poux, Test. Sicil. tom. I, pag. 42, pl. 15, fig. 20. 


Zoo. — Mollusques. 1. 17 


a  — a 


130 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


Mya Mediterranea, Scnwe1ccer, Handb. der Nat. pag. 701. 

Solemya Mediterranea, Lamarck, Anim, sans vert. tom. V, pag. 488. 
Solenimya, Bownicn, Elem. of Conch. 2° part. pag. 8, pl. 21, fig. 17. 
PayrauDeau, Cutal. des Moll. de la Corse, pag. 31, n° 41. 

Derre Caiase, An. senza vert. pl. 62, fig. 10, 11. 

Risso, Hist. nat. tom. IV, pag. 372. 

Crouen, Lamarcx, Conch. pag. 9, pl. 4, fig. 8. 

Solen. Woo», Ind. test. sup. pl. 1, fig. 1. 

Solemya Mediterranea, Desnayes, Encycl. méth. vers. tom. IT, pag. 957. 
Solenimya Mediterranea, Sowersx, Genera of shells, fig. 1, 2. 

Desnayes, Expédit. scient. de Morce, Zool. tom. IT, pag. 84, n° 3. 
Solenomya, MENKE, Synop. Moll. pag. 119. 

Resve, Conch. syst. tom. [, pag. 47, pl. 29, fig. 1, 2. 

Purrippr, Enum. Moll. tom. I, pag. 15, pl. 1, fig. 17; et tom. Il, pag. 12. 
Desnayes, dans LAMARGk, Anim. sans vert. 2° édit. tom. VI, pag. 125, n° 2. 
Desnaves, dans Cuvier, nouv. édit. Moll. pl. 115. 

Sowergy, Conch. man. pl. 2, fig. 68. 


Jusqu'ici on ne connaît que trois espèces vivantes dans le genre Solémye, et pendant 
longtemps on crut qu'il n’en existait point à l'état fossile ; en effet, les terrains les plus récents 
du pourtour de la Méditerranée, et notamment ceux de la Sicile, n’ont jamais offert la 
moindre trace de ce genre; aussi les naturalistes ont dû être surpris de trouver, dans l’ou- 
vrage de M. de Koninck sur les terrains anciens de la Belgique, une espèce de Solémye, 
très-voisime, pour la forme et la grandeur, de celles qui existent actuellement. Les trois es- 
pèces vivantes connues habitent à des distances très-considérables : l'une est des mers d’Amé- 
rique ; la seconde est de la Nouvelle-Hollande, et la troisième, de la Méditerranée; cette der- 
nière se montre aussi sur les côtes du Sénégal. Ces espèces sont parfaitement connues et 
se distinguent avec assez de facilité; cependant celle de la Nouvelle-Hollande a beaucoup de 
ressemblance avec celle de la Méditerranée; mais il suffit de comparer les charnières pour 
les distinguer avec la plus grande facilité; car, dans la Solémye australe, la base de la 
nymphe se prolonge transversalement à l'intérieur des valves et prend la forme d’une côte, 
analogue à celle qui se remarque dans plusieurs espèces de Solens, le Solen radiatus, par 
exemple. Cette disposition ne se montre pas dans l'espèce de la Méditerranée. 

Dans les lieux où la Solémye habite, elle s’y trouve ordinairement en grande abondance; 
elle se plait dans les plages sableuses, à la profondeur de quelques brasses. Pour en obtenir 
l'animal, il faut jeter la drague là où l’on soupçonne qu’elle habite, et, quoique nous 
ayons tenté des recherches dans le but de l'obtenir, nous n’avons pu y réussir, et le 
travail anatomique que nous avons entrepris sur ce genre à été exécuté sur des individus 


recueillis dans les mers de Sicile, et que nous possédions depuis longtemps. 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE SOLEN. 131 


CINQUIÈME FAMILLE. 


LES SOLÉNACÉES. — Lamarck. 


GENRE SIXIÈME. 


SOLEN, Sozsw. Linné. 


Linné a trouvé le genre Solen tout préparé, chez plusieurs naturalistes qui l'ont précédé. 
C’est ainsi que Lister et Gualtieri ont très-nettement séparé les coquilles de ce genre, et 
en ont restreint les limites d’une manière beaucoup plus naturelle que Linné lui-même. 
Ainsi, dans les deux auteurs que nous venons de citer, on voit réunies les seules espèces 
allongées et étroites, à charnière terminale, c’est-à-dire que le genre se trouvait déjà dans 
des limites adoptées depuis par quelques naturalistes de notre époque. Il est vrai de dire 
que chez les prédécesseurs de Linné, les genres n'avaient point été circonscrits dans une 
méthode naturelle, et qu'il faut atiribuer leur séparation, non à l'appréciation de caractères 
fondamentaux, mais à celle de formes extérieures analogues, qui sans doute peuvent 
guider d’une manière favorable dans quelques circonstances, mais qui, souvent aussi, 
peuvent égarer l'observateur superficiel. Linné, en inscrivant le genre Solen dans les 
diverses éditions du Systema nature, ne s’est pas contenté d'y réunir les espèces longues 
et étroites; il y ajoute un grand nombre de coquilles bâillantes, transverses, appartenant en 
plus grand nombre à des genres très-différents des Solens proprement dits. Cette confusion 
de Linné fut augmentée d'abord par ses successeurs; mais à mesure que la science fit des 
progrès, Bruguières, Cuvier, Lamarck, furent successivement obligés de réformer le genre 
linnéen, et à ces réformes encore insuffisantes, M. de Blainville en ajoute quelques autres; 
ce qui ramena le genre Solen à peu près aux limites que lui avaient imposées Lister et 
Gualtieri. Il est arrivé pour ce genre un phénomène que nous avons déjà fait remarquer 
dans l'histoire de quelques autres. On voit un genre naturel, pressenti en quelque sorte 
par les premiers classificateurs, et réduit à de justes limites; puis il s'accroît et il s’encombre 
d'objets qui lui sont étrangers; enfin, après un long circuit de travail et d'étude, il reprend 
à peu près sa première étendue. C’est un bonheur lorsque les efforts des naturalistes réus- 
sissent à créer des genres naturels; ils évitent par là cette sorte d’oscillation qui fait qu'a- 
près avoir trop agrandi les genres et en avoir trop épargné le nombre on en vient à les 
multiplier outre mesure, et à les amoindrir dans leurs caractères. En effet, si Linné a 
produit des genres trop étendus, l'exagération contraire se manifeste souvent, et l’on voit 
des naturalistes pousser beaucoup trop loin l'amour de la division : telle est la plaie 
qui aflige plusieurs parties importantes de l’histoire naturelle: il est si facile de diviser, 

\ 
17. 


132 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


cela demande si peu de temps et d'étude, que l’on se laisse aller facilement sur cette 
pente; et il suffit d’un homme éminent qui s’y abandonne, pour entraîner à sa suite la 
foule des imitateurs; bientôt l'esprit s’habitue à croire que la nature elle-même a posé 
les limites courtes et artificielles que l’on à inscrites dans les méthodes. On finit ainsi par 
chercher avec trop d’empressement les différences, et à ne plus s'occuper assez des res- 
semblances; et cependant, il faut s'en souvenir, c’est en procédant par les analogies que 
l'on parvient à saisir le plan que la nature a suivi dans la création des êtres et dans la 
manifestation des rapports qui les enchainent. 

L'histoire du genre Solen nous suggère ces réflexions, parce qu'il nous offre un exemple 
des vacillations de la science; nous le voyons, en effet, trop réduit avant Linné, ensuite 
trop étendu par Linné et ses imitateurs; réformé et ramené à des limites naturelles par 
Bruguières, Cuvier, Lamarck et M. de Blainville; et, enfin, beaucoup trop divisé par 
M. Schumacher et quelques autres naturalistes. 

Les naturalistes récents ont peu varié dans leurs opinions, relativement à la place que 
les Solens doivent occuper dans la méthode. Comme plusieurs espèces de ce genre vivent 
abondamment dans nos mers, l'animal a été connu assez tôt par Réaumur, Adanson et 
surtout Poli, pour aider les classificateurs, qui, presque tous, ont placé ce genre dans le 
voisinage des Pholades et des Myes, le considérant avec Lamarck comme le type d’une 
famille naturelle. En effet, aussi bien par les coquilles que par les animaux, le groupe qui 
nous occupe se distingue très-nettement de tous ceux qui l’avoisinent. 

Si l’on envisage les caractères extérieurs des animaux, on leur trouve un long pied ver- 
miforme, partant du milieu de la longueur de l'animal, un manteau dont les lobes sont 
réunis, si ce n’esi en avant, Juste pour le passage du pied; ce manteau. se prolongeant en 
arrière en deux siphons peu allongés, assez grèles, réunis dans toute leur longueur et 
ayant leur ouverture terminale garnie de tentacules simples. À cause du grand allongement 
du pied et du lien de son insertion au corps, la bouche n’est plus située à l'extrémité anté- 
rieure, mais bien au milieu; les branchies, fort courtes, ne se prolongent pas dans le siphon. 
Nous ne trouvons dans aucune autre famille des caractères semblables à ceux des Solens ; 
les Pholades, comme nous l'avons vu, ont le pied très-court; les lobes du manteau sont 
réunis, mais leur ouverture pour le pied est autant ventrale qu'antérieure; les siphons sont 
gros, charnus, très-allongés, et leur ouverture est garnie de tentacules digités; la bouche 
est en avant, et les branchies sont très-longues. Le groupe des Solens se trouve donc bien 
isolé du côté des Pholades et des autres genres qui précèdent ; il l'est à peu près autant 
des genres qui suivent, quoique dans les espèces aplaties, telles que le Solen lequmen, 


par exemple, le pied ait déjà un peu d’aplatissement, et se rapproche par là de celui des 
Tellines. 


Coquirre. — La coquille des Solens est particulièrement reconnaissable à son extrême 
longueur et à son étroitesse. Bäillantes aux deux extrémités, les valves réunies affectent la 


forme d’un tuyau subcylindracé. C’est dans le diamètre antéro-postérieur que la coquille 


s'est développée le plus, de sorte qu’en réalité les Solens ont leur coquille très-large et en 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE SOLEN. 133 


même temps très-courte. On peut diviser le genre en deux sections principales, d'après la 
position de la charnière. Dans la première section, sont renfermées toutes les espèces à 
charnière terminale; et dans la seconde, toutes celles dont la charnière est médiane. 

Nous ferons remarquer, avant d'aller plus loin, le peu d'importance de la position de 
la charnière, comme caractère d’une certaine valeur. Nous verrons, en effet, que l'animal 
ne subit aucune modification dans ses formes extérieures; dans l’un et l’autre groupe, le 
pied s'attache toujours au même point du corps, la bouche reste à la même place; rien 
d'important enfin, dans l’animal, ne témoigne qu'il appartient plutôt à une section qu'à 
une autre. Comme ordinairement à la charnière coïncide le cœur, et qu'ici les deux par- 
ties sont indépendantes, il s'ensuit que la charnière perd de sa valeur comme caractère 
générique. Nous allons examiner successivement les caractères des coquilles de l’un et 
l'autre groupe de Solens. 

Les Solens sont des coquilles généralement minces et fragiles; leur surface extérieure 
est lisse, couverte d’un épiderme d’un jaune verdâtre où brunâtre; les crochets en sont 
souvent dénudés; mais il existe sur les bords et même il se prolonge au delà, de manière 
à revêtir une partie des bords du manteau; au côté postérieur de la coquille, l’épiderme se 
prolonge beaucoup plus, car il est assez étendu pour recouvrir la base des siphons et une 
partie de la longueur de ces organes. Dans les espèces à/charnière terminale, la surface 
extérieure de la coquille offre deux régions bien distinctes : toutes deux commencent au 
crochet; elles sont en triangle très-allongé, se joignant base à base, le côté le plus large 
de l’une dirigé en avant, et le côté le plus large de l'autre dirigé en arrière, de manière 
à former, par leur réunion, un long parallélogramme ; la région dorsale et postérieure 
commence par une pointe très-aiguë au crochet, s’élargit régulièrement et finit par occuper 
toute la hauteur du bord postérieur des valves; les accroissements et les zones colorées 
sont perpendiculaires au bord dorsal. La région ventrale antérieure commence aussi au 
crochet, mais elle y est très-large, car elle occupe toute la hauteur du bord antérieur; 
elle s’amoindrit à mesure qu'elle gagne l'extrémité postérieure, et elle finit en un angle 
très-aigu , à l’angle inférieur et postérieur des valves. Les zones colorées et les stries d’ac- 
croissement de cette région sont dans une direction opposée à celles de la première ; 
elles sont horizontales. 

La surface interne est lisse, d’un blanc laiteux; on y remarque une impression palléale, 
parallèle aux bords de la coquille, si ce n’est au postérieur, et circonserivant un long 
parallélogramme. À partir de l'extrémité antérieure de l'impression musculaire antérieure, 
l'impression du manteau descend parallèlement au bord antérieur de la coquille; elle se 
prolonge en un angle assez aigu; elle s’infléchit subitement pour suivre le bord ventral de 
la coquille, mais assez haut en dedans, de manière à laisser un large bord. Parvenue vers 
l'extrémité postérieure, cette impression s’infléchit obliquement en arrière et en bas, puis 
elle rentre sur elle-même pour former la sinuosité postérieure; cette sinuosité se com- 
plète, du côté du dos, par un angle aigu, oblique, semblable à celui du côté opposé. L'im- 
pression se place près du bord dorsal, le suit parallèlement dans un assez court trajet, et 
aboutit à l'impression musculaire postérieure. En avant de cette impression, la ligne pal- 


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134 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


léale se continue en se rapprochant toujours du bord dorsal, rencontre dans son trajet 
les impresssions des muscles rétracteurs du pied qui semblent en être des dilatations, 
parvient enfin à la base de la nymphe du ligament, suit cette base, en laissant en dedans 
toute l'impression musculaire antérieure. 

L’impression musculaire antérieure est longue et étroite; elle commence immédiatement 
au-dessous des dents cardinales, et elle descend parallèlement au bord dorsal jusqu'au ni- 
veau des nymphes du ligament, dans quelques espèces, et assez loin au-dessous de ce 


niveau, dans quelques autres. (PI. XI, fig. 4 et 8 a, a.) Cette impression n’affecte pas la 
même forme dans toutes les espèces; c’est ainsi qu’elle est en parallélogramme dans le 
Solen siliqua, et un peu trapézoïde dans le vagina. L’impression musculaire postérieure est 
située vers le tiers postérieur de la coquille et tout près du bord dorsal; elle est ovalaire. 
plus courte et plus petite que l’antérieure. Dans quelques espèces, l'impression du rétrac- 
teur postérieur du pied touche son extrémité antérieure, et se confond avec elle; dès 
lors cette impression parait beaucoup plus grande qu’elle ne l’est en réalité; dans d'autres 
espèces, le muscle du pied s'attache au test, loin du muscle postérieur; il en résulte 
que l'impression offre une moindre étendue. | 
La charnière est assez simple dans les Solens où cette partie est terminale; elle consiste | 
souvent en une seule dent subconique sur chaque valve, terminée par une surface plane 
qui glisse sur une surface semblable de la valve opposée. (PI. XI, fig. 8 b, b.) Dans d’autres 
espèces, 1l existe deux dents parallèles et très-rapprochées sur la valve gauche, et une seule | 
dent très-comprimée sur la valve droite; elle est destinée à entrer dans l’étroit espace que | 
laissent les dents de la valve gauche. (PI. XI, fig. 4 b, b, c.) De la base des dents cardinales 
part une petite côte saillante qui se soude sur le bord et le suit, en épaississant la nymphe à 
son extrémité antérieure, Cette petite côte, à son extrémité postérieure, se détache, se relève 
et se recourbe en dedans, en forme de crochets, qui sont disposés de telle sorte, que celui de 
la valve droite glisse sous celui de la valve gauche, et vient se croiser avec lui. (PL. XE, fig. 4 d, e.) 
La nymphe, destinée à recevoir le ligament, est longue et épaisse; elle est parallèle 
au bord dorsal; elle en est séparée par un sillon étroit et profond, dans lequel vient s’en- 
foncer la tunique extérieure du ligament. Ainsi que tous les ligaments extérieurs, celui 
des Solens est constitué d’une tunique extérieure très-solide, composée de fibres cornées 
transverses, et d'une couche de substance élastique, semblable, pour sa composition, au 
ligament interne des Mollusques, qui ont cette partie complétement rentrée en dedans 
de la coquille. 
Une seule espèce à charnière médiane habite nos mers : c’est le Solen lequmen. Cette 
coquille est mince, comprimée, bäillante et arrondie à ses extrémités, un peu plus rétrécie 
en avant qu'en arrière; la surface extérieure est couverte d’un épiderme jaunâtre ou ver- 
dâtre, laissant à nu les crochets et le côté postérieur, mais débordant le test calcaire assez 
largement pour cacher une partie des bords du manteau. Les accroissements partant des 
sommets sont concentriques, et la surface de la coquille ne peut se partager en deux - 
régions, comme dans les espèces de la première section. La surface interne est d’un blanc 
laiteux ; elle offre, comme dans les autres Solens, une impression palléale continue; elle 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE SOLEN. 135 


circonscrit une surface d’une médiocre étendue, au centre des valves, laissant en dehors un 
large bord ventral. Nous allons la prendre au moment où elle naït du sommet de l'impression 
musculaire antérieure; elle suit d’abord parallèlement le bord dorsal antérieur; parvenue près 
de l'extrémité antérieure, elle s’infléchit en s’arrondissant, pour suivre le contour du bord 
antérieur; après lavoir parcouru, elle s’infléchit de nouveau pour gagner le bord inférieur 
ou ventral; mais, au lieu de se mettre dans son voisinage à une distance égale à celle 
du bord antérieur, elle rentre en dedans et parcourt la coquille presque au milieu de sa 
surface; arrivée au niveau de l'impression du muscle postérieur, elle se porte oblique- 
ment vers l'angle inférieur près duquel elle s'arrête, pour remonter ensuite jusqu’au niveau 
du bord supérieur de l'impression du muscle; elle se courbe, descend vers elle et la dé- 
passe par une courte digitation oblique qui remonte vers le bord dorsal, de sorte que le 
sinus palléal, dans sa forme, ressemble à un V, obtus au sommet et à branches inégales; 
parvenue près de l'extrémité postérieure du bord dorsal, elle reste parallèle à ce bord, 
elle passe au-dessus du muscle, et, vers l'extrémité de la nymphe, elle se dilate pour se 
rétrécir subitement, puis passer à la base de cette nymphe, et se terminer enfin à une 
petite impression, qui est celle du muscle rétracteur antérieur du pied; cette impression 
étant très-voisine de celle du muscle adducteur antérieur, il en résulte que l'impression 
palléale n’est interrompue, dans son trajet, que par un très-petit intervalle. 

L'impression musculaire antérieure n'est plus à l'extrémité de la coquille, elle est des- 
cendue au niveau de la charnière; elle est très-allongée, subtrigone; son extrémité anté- 
rieure est fort étroite, la postérieure est deux fois plus large; cette impression est très- 
rapprochée du bord dorsal, et elle lui reste parallèle. L'impression postérieure est ovalaire, 
très-rapprochée du bord dorsal; elle contient, dans son contour, l'impression du muscle 
rétracteur postérieur du pied. Le sommet des valves ne fait pas la moindre saillie au- 
dessus du bord dorsal; il est si peu apparent, qu'il faut le chercher, et alors on s'aperçoit 
que les dents cardinales sont implantées sur lui; ces dents sont fragiles et rarement bien 
conservées; elles consistent, sur l’une et l’autre valve, en deux saillies divergentes : la 
première, semblable aux dents du Solen vagina, la seconde ressemble à la dent en crochet 
du Solen ensis; seulement elle est ici plus courte et plus relevée; le crochet de la valve 
droite passe au-dessous de celui de la valve gauche. Ce petit appareil articulaire est appuyé 
sur une petite côte calcaire transverse, qui, assez épaisse à son origine, s’avance dans l’in- 
térieur des valves, les consolide, et vient disparaître vers le milieu de leur longueur, après 
avoir subi une légère inflexion, par l'extrémité du muscle adducteur antérieur des valves. 
La nymphe du ligament est peu épaisse; elle est plus courte que dans les Solens à char- 
nière terminale; elle laisse derrière elle un sillon étroit et peu profond, dans lequel s’at- 
tache solidement la tunique externe du ligament. 


Animaz. — Nous avons à décrire les animaux de quatre espèces de véritables Solens: 
trois appartiennent aux espèces à charnière terminale, la quatrième a la charnière médiane. 
Comme il existe , au moins quant à fa coquille, des différences faciles à saisir, nous divise- 
rons aussi les animaux en deux groupes, pour mieux faire apprécier les analogies et les dif- 


136 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


férences qui existent entre eux. Nous suivrons, pour cette description, l’ordre que nous 


avons adopté pour les autres genres dont nous avons traité jusqu'ici. 


Le maxreau. — Dans le premier groupe des Solens, le manteau conserve, comme 
dans tous les genres d'acéphalés, la forme de la coquille; il présente deux parties absolu- 
ment semblables : l’une est à droite, l’autre est à gauche de l'animal. Dans le genre qui 
nous occupe, les deux lobes du manteau sont plus réunis que dans le plus grand nombre 
des acéphalés dimyaires; c'est la raison pour laquelle Cuvier avait réuni dans une même 
famille, celle des Enfermés, tous les Mollusques acéphalés, qui, par la jonction des lobes 
de leur manteau, semblent avoir le corps enfermé dans un sac à trois petites ouvertures; 
deux pour les siphons, une fort étroite pour le pied. 

Quelques-uns des genres que nous avons précédemment examinés nous ont fat voir 
jusqu'où peut être réduite l'ouverture du manteau destinée à donner passage au pied; la 
Clavagelle, le Gastrochène ont cette ouverture rétrécie jusqu'au diamètre d’un ou deux 
millimètres; elle est plus petite encore dans lArrosoir; elle s'est agrandie dans le Taret 
et la Pholade; mais il est à remarquer que, dans tous ces genres, l'ouverture en question, 
quoique située vers l'extrémité antérieure de l'animal, est cependant comprise dans la ré- 
gion ventrale chez les premiers, et reste oblique de haut en bas et d'avant en arrière chez 
les deux derniers, ce qui la place encore, en grande partie, dans la même région de 
l'animal. Nous voyons, dans la Solémye, une modification qui la rapproche déjà, à cet 
égard, des Solens; le manteau a bien son ouverture antérieure prolongée en dessous, 
mais il est également ouvert en avant, et la désunion de ses lobes se continue un peu 
sur le dos, pour donner plus facilement passage à un gros pied cylindracé et favoriser ses 
divers mouvements. 

Les Solens du premier groupe nous offrent une disposition analogue , mais non sem- 
blable: les lobes du manteau, réunis dans toute leur circonférence, ne présentent plus 
qu'une petite ouverture terminale antérieure, qui, par sa forme et son étendue, corres- 
pond au bäillement antérieur des valves. 

La plupart des Mollusques acéphalés dimyaires ont la circonférence du manteau garnie 
d'un bord épais fibreux, mais étroit, qui disparaît peu à peu sur le dos de l'animal, sur- 
tout vers le point correspondant à la charnière. Les Solens vont nous offrir une exception 
notable, non-seulement parce que les bords épaissis du manteau sont très-larges, mais en- 
core parce que le bord fibreux se continue dans toute la longueur du bord dorsal. Il n’est 
pas étonnant, d’après ce que nous venons d'exposer, que la partie mince et centrale du 
manteau occupe une moindre surface que dans les autres genres. 

Le côté antérieur est Le plus court; il fait un angle droit avec le bord ventral et avec l’ab- 
dominal dans les Solens vagina et siliqua (pl. X, fig. 1, 2); il est courbé en segment de 
cercle dans le Solen ensis. (PI. XI, fig. 1.) Ce bord antérieur contient, dans son épaisseur, 
un muscle plat et large; il s'attache au test par sa tranche, et il laisse cette première par- 
tie de l'impression palléale, que nous avons déjà signalée , à l'intérieur des valves. La partie 
la plus extérieure du bord antérieur vient saillir au dehors de la coquille, sous la forme 


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PENDANT LES ANNÉES 1840, 1841, 1842 


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PUBLIÉE 


PAR ORDRE DU GOUVERNEMENT 


ET AVEC LE CONCOURS D’UNE COMMISSION ACADÉMIQUE 


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PAR M. DESHAYES 


MEMBRE DE LA COMMISSION SCIENTIFIQUE D'ALGÉRIE 
CHEVALIER DE LA LÉGION D'HONNEUR 


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COMPARATIVE ZOOÜLOGY, 


AT HARVARD COLLEGE, CAMBRIDGE, MASS. 


Pounded bp private subscription, fn 1861. 


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HARVARD UNIVERSITY: 
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CLASSE PREMIÈRE, — GENRE SOLEN. 137 


d’un bourrelet épais, arrondi (pl. X, fig. 1, 2 c, c); un tubercule charnu, demi-sphérique, 
s'élève dans la commissure dorsale du manteau et s'oppose à la continuité du bourrelet en 
cet endroit. Au-dessus du tubercule dont nous venons de parler se voit une verrue arron- 
die, du bord antérieur de laquelle sortent deux tentacules contractiles et rétractiles, tout à 
la fois (pl. X, fig. 1, 2 a, a), et qui sont constamment en mouvement pendant la vie de 
l'animal. Si l’on touche ces organes, ils rentrent entièrement, non comme le font les ten- 
tacules des Hélices, mais en se contractant sur eux-mêmes et en rentrant dans la gaine 
qui les contient. Ces singuliers tentacules existent dans le Solen vagina seulement; nous 
ne les avons jamais vus dans les autres espèces, et nous en ignorons l'usage. Lorsque l'a- 
nimal est mort, on les retrouve contractés au fond de la gaîne charnue qui les recèle; ils 
sont très-mollasses. Poli, le premier, a signalé les organes dont nous parlons, à l'attention 
des naturalistes; mais la figure qu'il en a donnée est défectueuse : il les représente comme 
s'ils partaient, en divergeant, d’un pédicule unique, et comme s’ils avaient la forme de pe- 
tites massues. Notre figure, déjà citée, les représente avec la plus grande fidélité. 

Indépendamment des diverses parties que nous venons de décrire, on voit encore le 
manteau se prolonger en avant du bourrelet en une membrane épaisse, disposée en talus, 
et embrassant le pied, comme un véritable collet, avec tant d’exactitude, que l'animal, dans 
tous ses mouvements, peut empêcher les corps étrangers de pénétrer dans le manteau par 
l'ouverture qui donne passage au pied. (PL X, fig. 1, 2 c, c; pl. XI, fig. 1 b.) 

Une large zone fibreuse, au moins aussi large que celle de la Solémye, occupe toute la 
région ventrale; elle remonte fort haut sur les parties latérales de l'animal, de manière à 
s'attacher aux valves, presque au milieu de leur surface intérieure. (PL XVI, fig. 1 a, a.) 
On distingue, à l'extérieur, deux parties à la zone fibreuse ventrale : l'une, plus interne, 
est composée d’un nombre très-considérable de petits muscles transverses, dont quelques- 
uns coupent un peu obliquement les autres. Avant de parvenir au bord des valves, les 
fibres sont cachées sous une zone étroite qui suit le bord des valves, et qui est due à la 
présence de lorgane sécréteur de la coquille. (PL. XV, fig. 1 b, b.) Cette zone est limitée en 
dehors par un bord mince, peu saillant, qui se trouve constamment en contact avec celui de 
la coquille. Sur la ligne médiane et ventrale, sur laquelle s’opère la jonction des deux lobes 
du manteau, il existe un bord membraneux assez saillant: toute la portion de l'animal com- 
prise entre le premier et le second bord, dont nous venons de parler, est couverte par 
l'épiderme. (PI. XVI, fig. 1 b, b.) Les parties que nous venons de décrire d’un côté de 
l'animal, se reproduisant de l'autre, il en résulte que sur la ligne médiane, et médiocre- 
ment séparés, on voit saillir les bords du manteau comme s'ils étaient naturellement dis- 
joints, et cependant ils sont réunis dans toute leur longueur. 

Le Solen ensis offre, dans la longueur du manteau, une courte solution de continuité, 
une véritable petite boutonnière située au milieu de la longueur de animal; elle corres- 
pond à la position de la bouche; elle est garnie en dehors, de chaque côté, d’un rang de 
petits tentacules obtus également espacés; nous en avons compté neuf dans la plupart des 
individus; ils dimmuent de longueur et de grosseur, en avant et en arrière de l'ouverture 
en boutonnière. Au-dessous des tentacules, le manteau est pourvu en dedans de deux 


Zoo. — Mollusques. 1. 18 


138 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


petites lèvres minces qui servent à fermer l'ouverture palléale, à la volonté de l'animal. 
(PL XI, fig. 3 a, b.) Un fait curieux, et qui n’a pas échappé à l'observation de Poli, s’est 
reproduit, sous nos yeux, chez tous les individus du Solen ensis. À mesure que ces animaux 
meurent, avant le moment où ils sont totalement privés de mouvement, les lobes du man- 
teau, depuis l'extrémité antérieure jusqu’à l'ouverture médiane, se séparent spontanément. 
Malgré cette rupture, les bords de cet organe semblent être dans la plus parfaite inté- 
grité, à ce point que le zoologiste qui n'aurait vu que des individus morts de cette espèce 
pourrait croire que les lobes du manteau sont naturellement séparés dans la moitié de 
leur longueur. Nous avons vu ce phénomène se reproduire dans plusieurs autres Mollus- 
ques, ce qui doit mettre en garde l'observateur sur l'étendue de l’ouverture antérieure du 
manteau, étendue qui peut être singulièrement augmentée par cette désunion spontanée 
dont nous venons de parler. 

Parvenue vers l'extrémité postérieure de l'animal, la zone fibreuse ventrale se rétrécit 
pour laisser au muscle rétracteur des siphons une place suflisante à son développement. 
(PI. XVI, fig. 1 d.) Elle se confond avec un anneau fibreux, fort épais, qui sert de base 
aux siphons, et qui limite en arrière la cavité du manteau. (PI. XVI, fig. 1e, e, e.) Si l'on 
cherche sur le dos de l'animal, on retrouve, dans presque toute la longueur de la région 
dorsale, une zone fibreuse, comparable à celle qui règne le long du ventre; seulement elle 
est un peu moins large, surtout lorsqu'elle parvient à la région de la charnière. (PI. XVE, 
fig. 1 j, f.) Chez le Solen ensis, elle disparaît dans cette région, tandis qu’elle persiste dans 
les Solen vagina et siliqua. Un peut bord membraneux (pl. XVI, fig. 1 g, g) s'élève de 
chaque côté de la ligne médiane, et indique la limite des valves, exactement comme dans 
la région ventrale. Sous ce bord, et exactement au milieu de la surface de la zone fibreuse, 
on remarque une bande étroite, d’un blanc opaque ; elle contient, de ce côté, un organe 
de sécrétion pour la coquille, semblable à celui qui existe sur la région ventrale. 

Dans le groupe de Solens que nous examinons, la charnière située à l'extrémité anté- 
rieure n'a aucune connexion avec le cœur, et ceci est encore une des rares exceptions que 
nous aurons à faire remarquer parmi les Mollusques acéphalés dimyaires. La charnière, 
formée par les membranes très-minces qui s’interposent entre les dents cardinales, est 
empreinte ou comme moulée dans l'épaisseur du manteau. Deux petites cavités ayant exac- 
tement la forme des dents cardinales se montrent à l'extrémité antérieure de la ligne dor- 
sale, dans les trois espèces de Solens du premier groupe. Dans le Solen ensis, qui, de plus 
que les deux autres, a deux crochets obliques en arrière des dents cardinales, on trouve, 
attachée au manteau, une membrane fort mince, ayant la forme d’une crête oblique, cou- 
chée presque horizontalement, et embrassant dans un repli qui s'échappe de sa base les 
crochets de chaque valve. Toute la surface du manteau, comme nous l'avons déjà dit, est 
destinée à sécréter les couches intérieures de la coquille, et les membranes qui s'interpo- 
sent dans la charnière ont pour usage d'en créer les dentelures et de les accroître. 

La partie mince du manteau se trouve extrêmement réduite dans le genre Solen, par 
suite de l'élargissement considérable des bords fibreux. Cette partie mince a la forme d’un 


quadrilatère très-allongé , très-rétréci en avant, un peu plus large au milieu et en arrière. 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE SOLEN. 139 


Cette portion du manteau est constituée, comme à l'ordinaire, par deux minces feuillets 
adossés l'un à l'autre, dont l’externe vient joindre celui du côté opposé, sur la ligne mé- 
diane et dorsale de l'animal ; tandis que l'interne, parvenu vers le dos, se réfléchit sur la 
masse abdominale et sur le pied, pour former leur enveloppe cutanée. Très-rapprochées 
dans la partie mince du manteau, ces membranes sont écartées l’une de l’autre, soit par 
l'épaisseur du muscle rétracteur des siphons, soit par celle de la zone fibreuse ventrale, 
et soit enfin par toute l'épaisseur de la masse viscérale. C’est encore le manteau qui, par- 
venu vers la région de la bouche, constitue les lèvres et les palpes labiales, en se reployant 
sur lui-même et en se plissant à la surface interne de ces derniers organes. Âu reste, nous 
n'insistons pas ici sur les diverses modifications que subit le manteau, ayant le projet de 
donner à ce sujet d'étude tout le développement nécessaire, lorsque nous traiterons du 
genre Lavignon. 


Les sipnons.— Ces organes , dans le genre qui nous occupe, ont une forme qui leur 
est propre. Réunis dans toute leur longueur, ils présentent des caractères spécifiques, au 
moyen desquels il est facile de reconnaître immédiatement les espèces qui ont entre elles 
le plus d’analogie. Dans le Solen vagina, les siphons sont assez allongés; ils ont à peu 
près le tiers de la longueur de la coquille. Une ligne déprimée indique leur séparation 
intérieure, et une section transverse fait voir qu'ils sont déprimés latéralement, et qu'ils 
constituent une masse ovalaire, ou plutôt ayant un peu la forme d’un 8. (PL X, fig. 1,3; 
pl. XF, fig. 5, 6, 7.) La dépression latérale ne divise pas leur surface en deux parties 
égales : l'une, plus large, correspond au siphon branchial; l'autre dépend du siphon anal. 
Ces siphons ont une enveloppe charnue, épaisse, dont la base s'appuie et se confond avec 
un anneau fibreux qui termine l'extrémité postérieure du manteau, et qui embrasse une 
partie du muscle rétracteur des siphons. La surface de ces organes est lisse, et l'on y 
remarque, sur un fond d’un blanc jaunâtre transparent, des anneaux transverses, indiqués 
par des séries de ponctuations en forme de virgules, rapprochées deux à deux. Lorsque 
l'animal se contracte, ces lignes transverses deviennent plus apparentes, et, s'il est tour- 
menté ou placé dans des circonstances peu favorables, les siphons se brisent spontanément 
en anneaux qui correspondent aux lignes de ponctuations transverses dont nous venons de 
parler. Cette observation se rapporte au Solen vagina de Linné. (PI. X, fig. 1, 2.) Nous 
ajouterons quelques détails relatifs à une variété de la même espèce, qui, se rencontrant 
assez fréquemment dans la Méditerranée et sur nos côtes de l'Océan, pourrait être prise 
pour une espèce distincte; mais on ne s’en laissera pas imposer lorsque lon saura que 
nous avons été assez heureux pour voir plusieurs intermédiaires qui rattachent cette 
variété au type de l'espèce. Les siphons sont plus grêles, les anneaux qui les constituent 
sont plus nettement marqués; mais ces deux circonstances tiennent peut-être à ce que les 
individus que nous avons eus vivants, ayant été roulés sur la plage, étaient évidemment 
malades , car ils rompaient avec la plus grande facilité les anneaux de leurs siphons. Cepen- 
dant l'individu que nous avons fait figurer (pl. XI, fig. d, 6, 7) a vécu quelques jours; et, 
quoique rompus depuis peu de temps, les siphons étaient cicatrisés, et présentaient même 


18. 


140 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


déjà de petits bourgeons charnus qui probablement, par la suite, auraient fini par s’al- 
longer et prendre la forme de tentacules. (PI. XI, fig. 7 a, a.) 

Dans le type de l'espèce, la ligne de séparation des deux siphons est indiquée non-seu- 
lement par une dépression, mais encore par une série de grosses lignes d'un brun noirâtre 
transverse, entre lesquelles il en existe un très-grand nombre de très-fines, conservant 
entre elles le parallélisme le plus exact. (PL. X, fig. 3.) Dans la variété, la coloration est 
différente; la ligne de séparation est marquée par une série de taches triangulaires d’un 
brun noirâtre plus foncé. Une de ces taches existe à l'intersection de chacun des anneaux 
dont le siphon est composé. (PI. XI, fig. 6 a, a, a.) De chaque côté de cette tache, et 
toujours sur les lignes d'intersection, on remarque des petits points accouplés en forme 
de virgules; mais ils sont séparés, deux à deux, par une tache étroite, allongée , et se 
terminant en pointe en arrière. Ainsi, dans cette variété, la coloration présente des diffé- 
rences notables, ce qui nous a déterminé à en donner une figure exacte. 

L'extrémité postérieure des siphons se termine en deux ouvertures inégales, au bord 
desquelles se relèvent des tentacules, qui, par leur forme, caractérisent parfaitement le 
groupe qui nous occupe. Le siphon branchial est un peu plus prolongé que l’anal; un peu 
avant le bord terminal on voit s'élever six grands tentacules, dont la base est entourée 
d’une ligne large et brunâtre. Ces grands tentacules sont plats ou médiocrement convexes ; 
subitement tronqués au sommet, ils se recourbent au-dessus de louverture du siphon 
branchial, pour s'opposer à l'introduction de corps nuisibles dans l'intérieur du manteau. 
(PL X, fig. 4, 5.) indépendamment de ces tentacules, le bord lui-même est découpé en 
tentacules plus petits, cylindracés, blancs, obtus au sommet, et disposés en un double rang, 
dont l’un se renverse en dehors, tandis que l’autre est constamment incliné au-dessus de 
l'ouverture. (PI. X, fig. 5.) Le siphon anal se termine par une membrane mince et simple, 
formant une ouverture circulaire. C’est à la base de cette membrane que s'élève un rang 
de gros tentacules coniques, au nombre de six ou sept, dont la base est également entourée 
d'une petite zone brune. Cette description des siphons se rapporte au Solen vagina de 
Linné. Dans le Solen ensis, les siphons sont différents, et méritent une description spé- 
ciale, D'abord ces organes sont extrêmement courts, et dépassent peu l'extrémité pos- 
térieure de la coquille (pl. XI, fig. 1, 2); tous deux sont garnis, à leur base, d’une 
rangée de gros tentacules blancs, parmi lesquels quelques-uns sont plus allongés que les 
autres. Séparés par un intervalle assez profond, les siphons portent encore deux tentacules 
plus allongés que tous les autres, dont la base s'appuie dans le fond de cet intervalle. Ils 
ne sont pas compris dans la série dont nous avons parlé. En dedans de la bordure des 
grands tentacules du siphon anal, il en existe une autre rangée de beaucoup plus petits, 
inégaux, serrés, pointus, implantés, comme les premiers, à l'origine d’un anneau mem- 
braneux, assez large, qui prolonge les siphons. (PL. XT, fig. 2 g, g.) Le bord libre de cet 
anneau est simple dans le siphon anal; il se charge d’autres tentacules dans le siphon 
branchial. Les tentacules de ce dernier sont de deux sortes; de fort courts, grêles, coniques, 
se renversant surtout en dehors; les autres, beaucoup plus grands, au nombre de cmgq, 


sont supportés par un pédicule cylindracé, fort court; ils se dilatent et s’aplatissent, en 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE SOLEN. 141 


forme de spatules subitement coudées, au moment où cesse le pédicule. (PI. XI, fig. 2 A, h.) 
Lorsque l'on regarde le siphon branchial perpendiculairement, la surface plane des tenta- 
cules se présente sous la forme d'une petite semelle de soulier à talon étroit. Tous les 
tentacules courbés ne sont pas de la même grandeur; il y en à cinq où six grands; les 
autres, placés dans les intervalles des premiers, au nombre de deux ou trois, sont plus 
petits et inégaux. Tout cet appareil de tentacules est symétrique, cependant il ne l’est pas 
d’une manière absolue ; il peut arriver qu'il y ait, d’un côté ou d’un autre, un tentacule de 
plus où de moins. (PI. XI, fig. 2.) 

La couleur des siphons, dans le Solen ensis, est bien différente de ce qu'elle est dans le 
Solen vagina. Les tentacules formant la rangée inférieure sont d’un blanc laiteux diaphane; les 
anneaux membraneux, d'un blanc jaunâtre en dedans, sont parsemés en dehors d’un très-grand 
nombre de petites taches irrégulières, serrées, d’un rouge brun intense. Cette coloration se 
montre également sur les deux siphons ; mais, dans le siphon branchial, le bord a une tache 
de la même couleur entre chaque tentacule, et à la base des plus grands de ces organes, la 
tache se continue en dedans, marquant ainsi d’une manière nette la limite de ces tentacules. 
Quant à ces organes, ils sont blanchâtres et agréablement teintés de roux à leur extrémité. 

Les muscles rétracteurs des siphons sont très-courts dans les Solens à charnière termi- 
nale; aussi ces animaux ne peuvent faire rentrer complétement les siphons dans leur 
coquille, si ce n’est dans le Solen ensis, chez lequel ces organes sont extrêmement courts. 
Le muscle rétracteur des siphons est triangulaire, il est épais; par sa base il se confond 
avec l'anneau fibreux du manteau, et son sommet, obtus et arrondi, s'avance vers l'inté- 
rieur des valves. (PI. XVI, fig. 1 L, k.) Le bord le plus court est le dorsal; il est oblique 
d'arrière en avant et de haut en bas. (PL. XVI, fig. 1 à, r.) Le bord le plus long est le ven- 
tral (même fig. j, j); il empiète sur la largeur de la zone fibreuse ventrale, pour donner 
plus de largeur à la base du muscle, et lui permettre d’embrasser ainsi tout le grand dia- 
mètre des siphons. Cette description convient aussi au Solen ensis; seulement le muscle 
est encore plus court, et les deux côtés en sont plus égaux. 

Nous allons actuellement examiner le manteau et ses dépendances dans le Solen lequmen, 
la seule espèce que nous ayons à charnière médiane ou submédiane. Le manteau est géné- 
ralement plus mince, les zones musculaires sont moins épaisses; en proportion, elles sont 
aussi larges que dans les espèces du premier groupe. Nous allons prendre le bord du man- 
teau, depuis l'extrémité antérieure de la charnière, le suivre dans toute la circonférence 
de l'animal, et le quitter au point de départ. À la charnière, les bords du manteau sont 
très-rapprochés; ils s'appliquent sur la surface externe du muscle adducteur antérieur des 
valves, en suivent le milieu, s’écartant légèrement en prenant graduellement plus de 
saillie et de largeur. Parvenus au bord antérieur du muscle, les lobes du manteau sont 
séparés, et c’est là que commence, en arrière, l'ouverture antérieure qui donne passage 
au pied. Déjà la partie adhérente du bord, dont nous venons de parler, contient des mus- 
cles transverses, qui s’attachent à la coquille. Ces muscles, disposés sous la forme d’un 
ruban étroit, prennent insensiblement plus de longueur, et ils constituent une zone 
fibreuse, qui se rend à l’extrémité postérieure de l'animal, en suivant la face ventrale. 


142 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


Parvenus en avant, à la hauteur du bord du muscle rétracteur, les lobes du manteau se 
réunissent, et sont joints dans tout le reste de leur longueur. (PI. XVIII 4, fig. 2 a, b.) La 
portion des bords du manteau comprise, depuis la charnière jusqu’à la jonction sur la ligne 
ventrale, présente, du côté dorsal, de très-petits tentacules cylindracés, coniques, qui s’ac- 
croissent graduellement pour diminuer ensuite jusque vers l'extrémité antérieure, qui reste 
nue dans une partie de sa longueur. Sur le côté ventral, les tentacules se montrent de 
nouveau, et s'accroissent rapidement jusque vers la commissure du manteau, où ils dimi- 
nuent et cessent enfin. La zone ventrale est très-large, formée de faisceaux fibreux, exces- 
sivement fins, cachés en partie par.une zone étroite, située près du bord, dans laquelle 
est contenu l'organe sécréteur de la coquille. (PL XVII Aphgas 6e; fig. 3 ab, c; 
fig. 4 a, b, c.) À peu de distance des siphons, la zone ventrale diminue de largeur, et 
vient se confondre avec un anneau fibreux, fort étroit, qui sert d'appui aux siphons. Nous 
retrouvons ensuite la zone fibreuse du bord du manteau le long du dos de l'animal, où 
elle est presque aussi large que du côté du ventre. Cependant cette largeur diminue insen- 
siblement jusque près de la charnière, où la zone disparaît entièrement. Les lobes du 
manteau, réunis dans tout le trajet que nous venons d'indiquer, sont tellement circonscrits 
par un très-petit bord membraneux, que le bord appartenant au côté droit se rapproche 
de celui du côté gauche de l'animal, sur les lignes ventrale et dorsale. 

La portion mince du manteau n’a guère plus d’étendue que dans les Solens du premier 
groupe; elle est d’une extrême finesse, aussi elle se déchire avec la plus grande facilité. 
Sa transparence permet d'apercevoir tous les organes contenus dans la cavité palléale 
(pl. XVIIT 4, fe. 2,3, 4 d, d); elle se comporte, du reste, de la même manière que dans les 
autres Mollusques, en se dédoublant, pour fournir un feuillet interne qui se réfléchit sur 
les organes. Les muscles rétracteurs des siphons sont très-courts. (PI. XVII À, fig. 2 et fig. 3 
e,e.) Ces muscles se cachent en petite partie sous un anneau fibreux, étroit, qui sert de 
point d'appui aux siphons. (PL XVII À, fig. 2 f.) 

Quoique submédiane, la charnière ne correspond pas à la région du cœur; cet organe 
est encore plus en arrière, ce qui prouve que dans le genre Solen la position de la char- 
nière, Indépendante du centre vital principal de l'animal, n’a pas autant d'importance que 
quelques zoologistes ont voulu lui en attribuer. Si la position de la charnière eût eu une va- 
leur zoologique d’une certaine importance, le cœur l'eût suivie dans ses divers déplacements, 
et, dans ce cas, les changements dans sa position auraient nécessité la création de quel- 
ques genres; mais, quand nous voyons les caractères génériques rester les mêmes, quelle 
que soit du reste la position de la charnière, nous sommes autorisé par là à n’attribuer à 
cette partie qu'une valeur secondaire, propre seulement à limiter des groupes d'espèces. 
Les membranes du manteau destinées à la charnière sont peu apparentes dans le Solen 
legumen; la charnière laisse son empreinte dans lépaisseur de l'ovaire, et le manteau en 
suit exactement les anfractuosités diverses. 

Les siphons sont peu allongés; ils sont rougeätres, très-inégaux, et, dans leur contrac- 
tion, ils semblent séparés dans toute leur longueur; mais, lorsque l'animal les distend, on 


voit qu'ils sont réunis dans le tiers au moins de leur étendue. Le siphon branchial, qui 


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’ 


CLASSE PREMIÈRE. _ GENRE SOLEN. 143 


est le plus gros, est subcylindracé; son ouverture terminale est garnie de tentacules, seu- 
lement sur le bord; ces tentacules sont très-fins et paraissent égaux et cylindracés, mais, 
en les examinant sous un grossissement suffisant, on s'aperçoit qu’ils sont exactement con- 
formés comme ceux du Solen ensis, par exemple, c'est-à-dire qu'il y en a un petit nombre 
de plus gros, supportés par un pédicule court, au sommet duquel le tentacule se recourbe 
subitement, s’aplatit en dehors et prend la forme d'une semelle à talon étroit; d’autres 
tentacules plus petits affectent une forme semblable; enfin, il y en a un assez grand 
nombre qui sont cylindracés. (PL. XVII B, fig. 1 a, b,c, d.) Le siphon anal est plus court 
que l’autre, et son diamètre est du tiers à peu près. L'ouverture terminale de ce siphon 
paraît simple, une membrane circulaire trèsmince le termine, et on y remarque en de- 
dans un rang de très-petits tentacules. (PL. XVII B, fig. 1 e, f, g-) Ainsi, entre cette 
espèce et celles du premier groupe, le manteau et ses dépendances offrent les différences 
suivantes : 1° l'ouverture antérieure est plus grande et également ouverte au-dessus et au- 
dessous; 2° cette ouverture est garnie de tentacules dans les régions dorsale et ventrale, 
ce qui n'a pas lieu dans les Solens du premier groupe; 3° les siphons sont plus profondé- 
ment désunis et plus inégaux dans leur diamètre; il y aurait à décider maintenant si ces 
différences sont suffisantes pour l'établissement d’un genre. Pour nous, nous ne le pensons 
pas; nous les considérons comme propres seulement à limiter un groupe d'espèces, caracté- 
risé du reste par la forme extérieure de la coquille. Gette question ne pourra recevoir sa 
solution définitive qu’au moment où lon aura pu comparer à l'animal du Solen lequmen , 
ceux de quelques espèces intermédiaires entre le premier et le second groupe. 


Le pren. — Le pied, dans les Solens, présente une forme toute particulière ; nous avons 
vu, en décrivant le manteau, que, dans cette enveloppe cutanée, était ménagée au côté 
antérieur une petite ouverture elliptique, que l'animal a soin de fermer hermétiquement 
par l'extrémité de son pied, lorsque celui-ci est contracté. C’est donc par l'extrémité anté- 
rieure de la coquille que l'animal fait sortir son organe locomoteur, et il faut à cet organe 
une forme spéciale pour s'adapter à la fois à l'ouverture qui lui donne issue et aux fonc- 
tions qu'il a à remplir. Déjà Réaumur, en 1712, dans les mémoires de l'Académie, a pu- 
blié des observations fort intéressantes sur la forme du pied du Solen et sur les manœuvres 
qu'emploie lanimal pour se mouvoir dans le sable. Nous avons eu plusieurs fois occa- 
sion de vérifier l’exactitude des observations de Réaumur, en plaçant des Solens dans des 
vases de verre à moitié remplis de sable, et contenant assez d’eau de mer pour que lani- 
mal y vécût à son aise. Placé dans ces circonstances, l'animal fait sortir, par l'extrémité 
antérieure de sa coquille, un pied cylindracé conique, qui devient très-pointu à son extré- 
mité, ainsi que Poli l’a très-bien représenté pl. XIT, fig. 13 de son Histoire des testacés 
des Deux-Siciles. Couché horizontalement sur le sable, l'animal courbe l'extrémité de son 
pied, en décrivant un angle droit avec sa coquille; à l'aide de mouvements ondulatoires 
et vermiformes, il en enfonce dans le sable l'extrémité très-aiguë, à une longueur équivalant 
à peu près à la moitié de la coquille elle-même. L'organe étant ainsi dans le plus grand 


1 


allongement possible, l'animal le fait changer de forme à son extrémité; 1l le gonfle en 


mm _—— A 1 ee 2 Tr ter or LS ———_—— 


lAl HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


forme de bouton ovoide et d’un diamètre plus considérable que le reste du pied; il peut 
même, au moyen de contractions violentes, lui donner la forme d'un véritable disque à 
bords tranchants. Par ce changement de forme, l'animal trouve dans le sable un point 
d'appui très-solide, et c’est alors que, contractant son pied et le raccourcissant, il re- 
lève perpendiculairement sa coquille à la surface du sable, et, par ce premier effort, l'y 
fait pénétrer en partie; elle y glisse avec d'autant plus de facilité, que le manteau et lépi- 
derme forment un véritable talus, qui facilite le déplacement du sable comme le ferait ur 
coin. En continuant cette manœuvre, le Solen a bientôt descendu à une certaine profon- 
deur dans ce sable, et lon comprend que, par des mouvements inverses, il parviendra 
facilement à remonter dans le trou cylindrique qu'il se sera creusé. Il suffira, en effet, que 


l'animal gonfle l'extrémité de son pied lorsqu'il est contracté, et qu'après l'avoir appuyé 


contre les parois: de son trou, il en allonge le pédicule; lextrémité du pied présentant 
alors un point fixe, la coquille remontera vers la surface du sable. 

En général, chez tous les Mollusques acéphalés dimyaires et siphonés, le pied a une 
base assez large qui occupe le centre de l'animal; on pourrait, en quelque sorte, le com- 
parer à une espèce de coiffe conique, dont les parois, écartées à la base, embrasse- 
raient les principaux organes de l'animal, dans un tissu épais et fibreux. Cette disposition 
générale se remarque aussi dans les Solens, mais d’une manière plus exagérée, par suite 
de la forme toute spéciale de l'animal, qui, elle-même, a entrainé une forme particu- 
lière à l'organe du mouvement. Lorsque le Solen est mort sans contraction violente, et que 
l'on a ouvert le manteau dans toute la ligne ventrale, on voit que le pied, tout en restant 
cylindracé dans son étendue, vient s'insérer au milieu de la longueur de l'animal. Parvenu 
près du point de son insertion, il se dilate légèrement pour embrasser la partie la plus 
épaisse de la masse viscérale; il est comprimé sur les côtés, et en arrière, sur la ligne mé- 
diane, il se termine en un angle aigu un peu prolongé, en forme de crête, que l’on voit 
s’abaisser insensiblement et disparaitre enfin entre les feuillets branchiaux. 

Lorsque l'on ouvre le pied dans toute sa longueur, on s'aperçoit qu'il est creusé à l’in- 
térieur d’une longue cavité conique, dont les parois sont d'autant plus épaisses, que lon 
s'approche davantage de l'extrémité libre de l'organe. Au contraire, ces parois s’amincis- 
sent surtout à l'insertion du pied sur l'animal, où elles deviennent assez minces latérale- 
ment, parce que les faisceaux fibreux principaux se dirigent en avant et en arrière, pour 
former les muscles rétracteurs du pied, dont nous aurons à parler tout à l'heure. Lorsque 
la cavité du pied a été ouverte et la masse viscérale enlevée ou rejetée en arrière, on aper- 
coit alors, avec assez de facilité, la disposition générale des faisceaux fibreux dont ces 
parois sont composées. Ces faisceaux sont de deux sortes, comme à l'ordinaire : les uns, 
longitudinaux, s'étendent d’une extrémité à l’autre du pied; seulement, lorsqu'ils sont 
parvenus vers l'extrémité libre, tous ces muscles, assez épais, très-nettement distincts les 
uns des autres, se divisent un très-grand nombre de fois, et leurs fibres se mêlent, s’en- 
chevêtrent les unes dans les autres, se croisent dans toutes les directions, pour former 
l'extrémité épaisse du pied, celle enfin qui à besom de prendre des formes si diverses 
pour accomplir les fonctions que la nature lui a assignées. (PL. XIE, fig. 1, 2.) Les mus- 


SRE RE ner FT ermret 
CLASSE PREMIÈRE. — GENRE SOLEN. 145 


cles transverses sont nombreux, assez régulièrement disposés; s'étendant d’une paroi à 
l'autre, ils se mêlent, comme les fils d’une toile, aux muscles longitudinaux, et, selon les 
espèces, ils présentent quelques dispositions particulières. C’est ainsi, par exemple, que, 
dans le Solen ensis, l'ovaire étant détaché de la masse du foie et des intesüns, une cavité 
particulière est préparée dans la longueur du pied pour favoriser l'accroissement de cet 
organe, et cette cavité est nettement séparée de celle qui contient les viscères, par une série 
de muscles transverses établissant une véritable cloison, dans les interstices de laquelle 
l'ovaire développe un grand nombre de lobes. Une disposition assez semblable se montre 
dans le Solen vagina; seulement, comme une partie de l'ovaire accompagne l'intestin et 
l'enveloppe, l'espace spécial qu'il occupe dans le pied est beaucoup plus restreint. Enfin, 
dans le Solen lequmen, où tout l'ovaire accompagne l'intestin, le pied ne présente qu'une 
seule cavité destinée à contenir la masse commune des organes intérieurs. 

Nous avons vu déjà, dans d’autres genres, une disposition analogue à celle que nous 
retrouvons dans les Solens; les viscères ne sont pas libres dans la cavité qui leur est des- 
tinée dans la longueur du pied; il existe des muscles transverses qui, en se rendant d’une 
paroi à l’autre, traversent plusieurs organes, et sont placés de manière à soutenir ceux qui 
ne peuvent être traversés. En effet, des muscles, en plus ou moins grand nombre, passent 
entre les circonvolutions de l'intestin, dans le voisinage de l'estomac, après avoir pénétré 
à travers le foie et l'ovaire, et servent à la fois de point d'appui à tous ces organes. Dans 
les Solens, il existe trois ou quatre de ces muscles viscéraux, et on les aperçoit facilement 
en inclinant à droite ou à gauche la masse des viscères; ils se détachent des parois et pé- 
nètrent dans le foie par des ouvertures qui leur sont ménagées. 

I ne suffit pas de pratiquer une incision longitudinale au pied d'un Solen pour se faire 
une idée exacte de sa structure, il faut encore y faire des sections transverses nombreuses, 
et l’on voit alors la saillie que peuvent acquérir les muscles longitudinaux, et la manière 
dont les muscles transverses se joignent à eux, s'y enchevêtrent, pour constituer la surface 
extérieure toute lisse de l’organe en question. On reconnait, à l’aide des sections trans- 
verses, que les muscles longitudinaux sont de véritables rubans aplatis, posés les uns à 
côté des autres, à peu près comme les feuillets d’un livre, ou plutôt comme les onglets 
d’un atlas, destinés à recevoir des planches ployées en deux. On voit également, à peu près 
vers le centre du pied, deux piliers musculaires assez épais, adossés l'un à l’autre, parfai- 
tement symétriques, el composés de quatre à cinq faisceaux superposés. Ces piliers donnent 
appui à cette série de muscles transverses dont nous avons parlé, au moyen desquels s'éta- 
blit la cloison, entre la cavité viscérale et celle qui contient l'ovaire. (PI. XVIIE B, fig. 4, 5, 6.) 
Si l'on a fait une section oblique des parois du pied, depuis le voisinage de la bouche 
jusqu’à la crête postérieure, en suivant l'insertion des branchies, on voit les faisceaux fibreux 
longitudinaux diminuer considérablement d'épaisseur, et, en même temps, les princi- 
paux d’entre eux se diriger les uns en avant, les autres en arrière. Les faisceaux antérieurs 
proviennent de la face dorsale du pied; les faisceaux postérieurs naissent de la face ven- 
trale; les antérieurs se détachent du pied, passent derrière la bouche, en s’écartant obli- 


quement , et en présentant la forme d'un V dont les branches seraient assez rapprochées. 
Zoo1.— Mollusques. 1. 19 


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146 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


Ces muscles sont les rétracteurs antérieurs du pied; ils se portent en avant, vers le bord 
postérieur du muscle adducteur antérieur des valves, et ils se terminent en une surface 
subcirculaire, qui laisse sur la coquille empreinte que nous avons signalée. Quant 
aux muscles postérieurs , ils sont plus épais; les faisceaux du côté droit se croisent avec 
ceux du côté gauche, et c’est après cet entre-croisement que naissent deux muscles cylin- 
driques, assez épais, divergents, qui, après avoir passé sous la branchie, viennent se ter- 
miner au bord antérieur du muscle adducteur postérieur des valves. Ils présentent aussi, 
à leur extrémité, une section circulaire, qui laisse à l’intérieur des valves une impression 
spéciale. 

D’après ce que nous venons d'exposer, il sera facile de comprendre que les figures don- 
nées par Poli, de l'appareil musculaire du pied, sont défectueuses et même peu compréhen- 
sibles pour celui qui n’a pu observer la nature elle-même. Il semblerait, d’après l’anatomiste 
italien, que les muscles longitudinaux peuvent se détacher, comme de vraies cordelettes, 
tandis qu’en réalité ils sont solidement attachés les uns aux autres, pour constituer la sur- 
face extérieure du pied. Il en est de même pour ce qui est relatif aux muscles rétracteurs 
de l'organe; ils sont représentés comme s’ils étaient isolés du reste de l'appareil fibreux. 

Les muscles adducteurs des valves sont au nombre de deux, comme dans tous les Mol- 
lusques dimyaires. Par l’inspection des coquilles, nous avons déjà fait remarquer la diffé- 
rence qui existe entre le muscle antérieur et le postérieur. Le premier, par son aplatisse- 
ment, conserve une forme spéciale, que l'on ne retrouve guère dans d’autres genres; le 
postérieur est plus cylindrique, et il se rapproche de celui des autres Mollusques de la 
même classe. Dans les espèces des deux groupes dont nous avons à nous occuper, le muscle 
antérieur occupe une place assez considérable dans la région dorsale de l’extrémité anté- 
rieure de l'animal; on le voit, en effet, dans les espèces du premier groupe, descendre 
depuis le bord du manteau jusqu’à une faible distance de l'ouverture de la bouche. (PI. XV, 
fig. 1 4, k; pl. XV, fig. 1 a, a.) Il est un peu plus épais en arrière qu'en avant, et il est 
composé d’un grand nombre de faisceaux fibreux, joints entre eux par un tissu cellulaire 
assez résistant. Par son aplatissement, ce muscle semble faire partie du manteau lui-même ; 
mais cette illusion disparait bientôt par une dissection facile, qui consiste à détacher le 
manteau lui-même, ou plutôt sa duplicature externe de la surface supérieure du muscle. 
On voit alors, par cette dissection, comment le muscle est engagé dans une véritable gaine 
formée par les deux duplicatures palléales, qui se détachent, l'une pour revêtir la surface 
ventrale, et l'autre pour couvrir la surface dorsale du muscle. 

Dans le Solen lequmen, le muscle antérieur descend un peu plus vers le milieu de l'ani- 
mal, et il est encore plus aplati que dans les espèces du premier groupe. (PI. XVIII 4, fig. 2 
g, 9; fig. 3 f, f': Big. 4e, e.) Dans cette espèce, comme dans les autres, le muscle est plus 
mince en avant qu'en arrière. 

Le muscle adducteur postérieur est moins allongé que l’antérieur; il a une forme plus 
ovalaire, et il est situé à l'extrémité opposée de l'animal, vers l'origine des siphons, à peu 
près au niveau du sommet des muscles rétracteurs de ces organes. Cependant il faut dire 
que sa position est variable selon les espèces. C’est ainsi que, dans le Solen lequmen, il est 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE SOLEN. 1A7 
placé très en arrière. (PL. XVII 4, fig. 5 a, a; fig. 2 h; fig. 3 g; pl. XI, fig. 3 a, a.) Pour 


l'apercevoir en dedans du manteau, il faut relever l'extrémité postérieure des branchies, 
par laquelle il est entièrement caché. Dans le Solen vagina, ce muscle est situé un peu plus 
en avant, à la hauteur des muscles rétracteurs du siphon. (PI. XVE, fig. 1 /, [.) Dans le 
Solen ensis, il est situé beaucoup plus haut, vers la région du cœur ; aussi les branchies le 
traversent pour se prolonger jusqu'à l'origme intérieure des siphons. Il est à remarquer 
que, dans cette dernière espèce, le muscle adducteur postérieur est, en proportion, plus 
petit, tandis que l'antérieur est plus grand. 

Avant de terminer ce qui a rapport aux muscles, nous ferons remarquer combien était 
nécessaire l’aplatissement du muscle antérieur dans la disposition générale des diverses 
parties des Solens. Une ouverture très-petite du bord antérieur du manteau donnant seule 
passage à un pied fort gros, il fallait que le muscle ne se trouvät pas sur son passage. 
Dans les Mollusques ovalaires, chez lesquels le manteau est ouvert en dessous, le muscle 
antérieur peut être ovalaire ; ici, au contraire, il doit être aplati et refoulé vers le dos, 
pour laisser au pied tous ses mouvements. 


Oncanes picesTirs. Boucue.— Dans des animaux aussi allongés que les Solens, les organes 
de la digestion ne commencent pas à l'extrémité antérieure, comme on pourrait le croire ; 
ia bouche est située vers le milieu de la longueur, et même un peu en arrière du milieu. 
Dans toutes les espèces, il faut la chercher profondément cachée entre la base du pied et 
la face supérieure du manteau, dans la ligne médiane et dorsale , en arrière du bord pos- 
térieur du muscle rétracteur antérieur des valves. Cette bouche se présente sous la forme 
d'une fente transverse ovalaire, assez grande, à bords simples et mollasses. (PI. XVIII À, 
fig. À h.) Au-dessus et au-dessous de la bouche sont placées des lèvres membraneuses, assez 
épaisses à leur insertion, très-minces et diaphanes sur leurs bords. La lèvre supérieure est 
la plus large des deux; elle tombe devant la bouche comme un véritable voile, et elle est 
assez étendue pour couvrir, en grande partie, la lèvre inférieure. Il arrive même que, dans 
le Solen ensis, par exemple, la lèvre inférieure est réduite à un simple contour à peine sail- 
lant, qui, en se rejoignant à la palpe, simule une lèvre qui n'existe pas, ou qui est soudée 
dans toute sa largeur, au manteau, tandis que dans le Solen vagina les deux lèvres sont 
également détachées. Une semblable disposition existe dans le Solen lequmen. (PL XVI, 
fig. 4 a, b; pl. XVIII À, fig. 4 f, g.) À peine ont-elles gagné les côtés du corps, qu'elles 
s’élargissent rapidement, et se changent, de chaque côté, en une paire de larges palpes 
labiales, en triangle scalène. (PL. XIV, fig. 1 a, a, b, b; pl. XVI, fig. 3 a, b; fig. 4 c, d; 
pl. XVI, fig. 1 a, b; pl. XVII 4, fig. 2 i; fig. 3 h,h,i, 1; fig. 4i, j.) Le côté le plus long 
de ce triangle correspond au bord antérieur des palpes (pl. XVII 4, fig. 4 k, L.); le côté le 
plus court correspond au bord postérieur, qui se dirige obliquement, d'avant en arrière. 
(PL XVIII 4, fig. 4 m, l.) Enfin, le bord moyen entre les deux autres correspond au côté par 
lequel les palpes sont fixées au manteau, dans la région dorsale. (PI. XVIIT 4, fig. 4 k, m.) 
L'angle antérieur se continue avec les lèvres ; l'angle inférieur se prolonge en arrière, et 
enfin l'angle supérieur et postérieur s'amincit en une membrane transparente, qui s'attache 


p9s 


148 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


au manteau, pour la palpe externe, et se fixe au corps, pour la palpe interne. Au point de 
leur soudure au corps, les palpes sont très-rapprochées; mais, vers l'angle supérieur et 
postérieur, elles s’écartent pour permettre à l’extrémité antérieure des branchies de venir 
s’interposer entre elles. Un bord membraneux, étroit dans le Solen vagina, plus large dans 
le Solen ensis, termine les palpes à leur bord antérieur. (PI. XIV, fig. 1 ce, ec, d, d; pl. XVI, 
fig. 3 c,c, f,h,e, e.) Dans le Solen lequmen ce bord n'existe pas; tout le reste de la 
surface interne de ces organes est couverte de plis lamelleux, d’une très-grande finesse 
dans le Solen legumen, un peu plus gros dans le vagina, et plus gros encore dans l’ensis. 
Ces lamelles sont élégantes par leur régularité; elles sont transverses ou obliques en 
arrière, à peine saillantes au point d'insertion des palpes; elles prennent plus d'épaisseur 
et de longueur à mesure qu’elles gagnent le bord libre, vers lequel elles se terminent. 
Dans le Solen ensis, les lames internes offrent une disposition toute spéciale, que nous 
n'avons pas encore eu occasion de rencontrer chez d’autres Mollusques. Elles sont plus sail- 
lantes ; leur base est plus épaisse, et leur bord libre est très-mince et membraneux. À la base 
et sur l’une des faces seulement, s'élèvent de petits plis transverses, qui laissent entre eux de 
petits enfoncements. Cette disposition peut se comparer à celle des lamelles qui s'élèvent 
à la surface de certaines coquilles, la Venus puerpera, le Corbis fimbriata, par exemple. 

Plus nous examinons les palpes labiales, et plus elles acquièrent, à nos yeux, d'impor- 
tance dans les fonctions de la nutrition. Si réduits que soient ces organes, ils existent dans 
tous les Acéphalés; ils ont des connexions avec les branchies, dont l'extrémité s’avance 
pour s’interposer entre eux. Nous trouvons constamment les branchies encombrées de 
particules alimentaires, qui se dirigent sans interruption vers les palpes. Celles-ci sont tou- 
jours encroûtées d'une couche assez épaisse de matières alimentaires qui paraissent avoir 
subi une sorte de préparation, si on la compare à celle qui est entre les feuillets bran- 
chiaux. Ne serait-il pas raisonnable d'attribuer à ces organes la double fonction de goûter 
les aliments, et de les mélanger avec le produit d’une sécrétion semblable à celle de la salive, 
par exemple? Dans les Mollusques céphalés, les glandes salivaires existent avec leurs canaux 
propres; elles sont en dedans de l'animal, de chaque côté de l'œsophage ou de l'estomac. 
Ne pourrait-on pas considérer les palpes des Mollusques acéphalés comme des organes 
salivaires placés à l'extérieur? Ainsi que nous le verrons bientôt, les palpes reçoivent des 
artères fort considérables, qui sans doute sont destinées non-seulement à leur nutrition, 
mais encore à fournir aux besoins d’une abondante sécrétion. 


OEsornaGe.— En franchissant l'ouverture de la bouche, on pénètre dans un large œæso- 
phage, aplati transversalement, et noyé, dès son origine, dans l'épaisseur du foie. (PI. XIT, 
fig. 1 a, a.) Dans le Solen lequmen, la bouche se trouvant à la base du pied, l'æsophage 
pénètre immédiatement dans la masse des viscères, circonscrite elle-même par la base du 
pied. Dans les Solen ensis et vagina, le pied étant plus petit en proportion, et cet organe 
étant moins dilaté à la base, une partie du foie est rejetée sur le dos et étalée dans le 
manteau, entre le péricarde et le bord postérieur du muscle adducteur antérieur des 
valves. (PI. XV, fig. 1 m, m.) Dans ces espèces, la bouche se trouvant au-dessus du pied, 


CLASSE PREMIÈRE. —— GENRE SOLEN. 149 


l’œsophage descend d’abord dans le lobe dorsal du foie, et parvient ensuite à l'estomac, 
qui fait partie de la masse viscérale enfermée par le pied. 


Esrowac. — Dans toutes les espèces de Solens que nous avons disséquées, l'estomac se 
présente, à l'extérieur, sous la forme d’une petite ampoule subsphérique, presque entière- 
ment enveloppée par le foie (pl. XIE, fig. 3 a); et lorsque l'on vient à l'ouvrir, cet organe 
offre des particularités remarquables. L'entrée de l'œsophage est ordinairement simple 
(pl. XIE, fig. 1 e, e); elle se présente sous la forme d’une fente ovalaire, un peu oblique; un 
bord aigu, une sorte d’éperon sépare nettement cette ouverture œsophagienne du reste de 
la surface stomacale; au-dessous se montre, de chaque côté, un grand crypte biliaire, dont 
l'un est séparé de l’autre par un enfoncement en forme subcireulaire. (PI. XIV, fig. 3 a, b.) 
De plus, l'intérieur de la cavité stomacale, dans le Solen vagina, par exemple, est divisé par 
des crêtes molles, irrégulières, entre lesquelles sont creusées des cavités profondes, irré- 
gulières comme elles. (PI. XV, fig. 2 a, a, b, b.) Dans le Solen lequmen, la cavité de l'es- 
tomac est plus simple; on y remarque seulement une crête oblique, peu saillante (pl. XII, 
fig. 1 b), qui divise cette cavité en deux parties à peu près égales. Un long appendice 
s'échappe du grand fond de l'estomac, et semble être le commencement de lintestin ; mais 
on le voit diminuer insensiblement de diamètre, et se terminer en une pointe mousse, 
exactement fermée. (PI. XIT, fig. 1 d, d; pl. XI, fig. 3 b, b.) Ce long appendice stomacal 
remonte très-haut dans la masse viscérale du Solen lequmen, se contourne légèrement à la 
surface de l'ovaire, et parvient à plus de la moitié de la hauteur de cet organe; il est à 
peu près parallèle à la direction de l'œsophage. En cherchant l'appendice en question dans 
le Solen vagina, on le trouve un peu plus court; il est caché par l'intestin, et son extrémité 
fermée remonte jusqu’au sommet de la grande circonvolution de cet organe. Dans le Solen 
ensis, ce cœcum stomacal est encore plus court que dans les autres espèces, mais il a un 
diamètre plus considérable. La masse intestinale, dans cette espèce, ayant mfiniment moins 
de développement dans l'intérieur du pied, lappendice stomacal est reployé sur lui- 
même, et attaché à l'intestin et au foie. 


Ixresrins.-— L'intestin prend naissance à côté de l’appendice dont nous venons de parler; 
il forme avec lui un angle aigu, dont le sommet est appuyé sur l'estomac. (PI. XIIT, fig. 3.) 
L'intestin a une ouverture ordinairement simple et circulaire, comme dans Le Solen lequmen. 
(PL. XII, fig. 1 f.) D'autres fois elle se cache en partie derrière un pilier charnu, destiné à 
donner appui aux crêtes qui existent dans le Solen vagina, par exemple. (PI. XV, fig. 2 c.) 
Cet intestin est plus ou moins développé, selon les espèces. C’est ainsi que ses circonvolu- 
tions sont courtes et très-contournées dans le Solen ensis, beaucoup plus longues dans le Solen 
vagina, et bien plus encore dans le Solen lequmen. Après avoir fendu le pied d’un Solen va- 
gina, du sommet à la base, il faut ouvrir l'ovaire, et c'est à son centre, dans une cavité qui 
leur est ménagée, que l’on trouve les circonvolutions de l'intestin. En quittant l'estomac, il 
se dirige en avant, en se contournant en quelques petites circonvolutions courtes et ser- 
rées. (PI. XIV, fig. 1 f, f; pl. XVIL, fig. 2 a, a.) Parvenu vers le sommet de la cavité qu'il 


occupe, l'intestin, devenu un peu plus grêle, se replie subitement en faisant un angle très- 


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150 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


aigu, et il redescend en ligne presque droite, pour s’enfoncer au-dessous du foie. (PI. XIV, 
fig. 1e, e; pl. XVII, fig. 2 6, b.) Lorsqu'il y est parvenu, il se place, par une pente un peu 
oblique, dans la ligne médiane, descend à la base du pied, près de la crête qui termine 
cet organe ; là il trouve, entre les muscles transverses, une ouverture circulaire, dans 
laquelle il pénètre pour passer sur le dos et franchir la masse abdominale. Une fois sorti de 
la masse viscérale, il est saisi par le ventricule aortique; le rectum passe ensuite sur la face 
dorsale du muscle adducteur postérieur des valves, se courbe sur son bord postérieur, 
entre dans le siphon anal, et se termine en un petit pavillon cylindrique, ouvert, à son 
extrémité, par un anus simple. (PL. XVIT, fig. 1 c.) 

Le Solen legumen a le tube digestif beaucoup plus long que dans les deux espèces dont 
nous venons de parler. Au sortir de l’estomac, il s'élève dans l'ovaire, se développe en une 
grande anse formée d’une partie ascendante et d'une partie descendante. (PI. XII, fig. 3 
ce, c, d, d.) Gelle-ci, après être revenue au niveau de l’estomac, remonte, en se tortillant 
en spirale irrégulière, à la surface de lovaire (pl. XIE, fig. 3 e, e), pour redescendre 
ensuite en formant une demi-spirale, et en croisant l’appendice stomacale, sous la forme 
d'un 8 très-allongé. (PI. XIIT, fig. 3 , f.) Il pénètre dans l'épaisseur de l'ovaire, gagne la 
partie moyenne de l'animal, au-dessous de l’estomac, parvient à la région dorsale, passe à 
travers l'enveloppe commune des viscères, et il n’est pas plutôt sorti qu'il est saisi par le 
ventricule aortique, auquel il sert d'appui (il prend alors le nom de rectum), reste dans la 
ligne moyenne et dorsale de l’animal, franchit la bifurcation du muscle rétracteur posté- 
rieur du pied, et vient s'appuyer sur la face dorsale du muscle adducteur postérieur des 
valves. Le rectum, parvenu au bord de ce muscle, se recourbe sur lui (pl. XVII 4, fig. 5 
b, b, b) pour pénétrer dans la cavité du manteau, derrière les feuillets branchiaux, qui, 
ainsi que nous le verrons bientôt, ferment complétement la cavité du siphon anal. En péné- 
trant dans la cavité de ce siphon, le rectum se prolonge un peu, sous la forme d’un petit 
appendice cylindrique légèrement relevé en avant; un anus simple est l'ouverture terminale 
de cette partie saillante de l'intestin. (PI. XIE, fig. 3 b.) Ainsi que le constate la coupe longi- 
tudinale de l'animal du Solen legumen (pl. XIF, fig.1), l'intestin, dans une grande partie de 
son trajet, est pourvu, dans l’intérieur de sa cavité, d’une crête saïllante, formée par la mem- 
brane muqueuse reployée sur elle-même, probablement dans le but d'augmenter la surface 
du canal intestinal, et de favoriser l'absorption de la partie des aliments déjà propre à l'as- 
similation. Nous avons ouvert une portion de l'intestin, pour montrer combien est considé- 
rable cette duplicature, qui envahit une portion notable de son diamètre. (PI. XIT, fig. 2.) 


Ovarre, — Lorsque l'ovaire. est parvenu à sa maturité, il est le plus considérable des 
organes chez les animaux dont nous nous occupons. Dans son développement, il remplit 
toute la cavité intérieure du pied; et, quand cette cavité est insuflisante, il trouve le moyen 
de se répandre sur les parties latérales de la masse abdominale, et même quelquefois 
jusque dans la portion du manteau qui couvre le muscle adducteur antérieur des valves. 
Pour se faire une juste idée de l'étendue et de l'importance de cet organe, il faut choisir 


des individus chez lesquels il est en pleine maturité. On le voit alors, dans sa turgescence, 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE SOLEN. 151 


envahir tout le pied, en dilater les parois musculaires, descendre sur les parties latérales 
de la masse abdominale, envelopper le foie de toutes parts, et enfin, ne pouvant plus 
être contenu dans la masse viscérale, un lobe considérable se détache, soit sur la face 
ventrale du muscle adducteur antérieur, comme cela se voit dans le Solen lequmen (pl. XIE, 
fig. 1), soit sur la face dorsale du même muscle, ainsi que cela a lieu dans le Solen ensis. 
Quant au Solen vagina, tous les individus que nous avons examinés n’avaient point l'ovaire 
entièrement développé, de sorte que nous ignorons Si, dans cette espèce, l'organe en 
question se prolonge en un lobe dorsal. Nous avons bien des raisons de le croire, le lobe 
dorsal de l'ovaire manque dans ce Solen. Nous avons des individus dont l'ovaire est pour 
le moins aussi avancé que dans certains exemplaires du Solen ensis; et cependant il n'existe 
dans celui-là aucune trace du lobe dorsal de l'ovaire, tandis que dans celui-ci il est déjà 
très-développé. L’enveloppe musculaire du pied étant ouverte avec le soin nécessaire pour 
ne pas blesser les viscères, on trouve presque libre, dans cette cavité, une masse allongée, 
conoïde, entièrement formée par l'ovaire; c'est du moins de cette manière que l'organe 
se présente dans le Solen lequmen. (PL XIE, fig. 1, 2, 3.) Nous avons dit que le pied du 
Solen vagina offrait une cloison fibreuse, transverse, derrière laquelle l'ovaire s'engage, se 
divisant en lobes nombreux, pour se loger avec plus de facilité dans les interstices des 
muscles longitudinaux et transverses. Par cette disposition, l'ovaire se trouve fortement lié 
à l'appareil musculaire du pied, et ne peut en être facilement détaché. Cependant, au 
centre, subsiste une cavité dans laquelle se déroule l'intestin, et c’est en faisant la sec- 
tion de l'ovaire, jusqu’à sa cavité centrale, que l’on voit alors les nombreux lobes arrondis, 
quelquefois mamelonnés, dont il est composé. (PI. XIV, fig. 1 9, g, g; pl. XVII, fig. 2 
e, ce, c.) Ces lobes sont liés entre eux non-seulement par continuité de substances, mais 
encore par de nombreux canaux se dirigeant vers des troncs communs, et qui ne sont autre 
chose que les embranchements divers des oviductes. (PI. XIT, fig. 1 f, f, g, g.) 

En suivant avec attention quelques-uns des canaux que les œufs doivent parcourir, on 
parvient à deux oviductes principaux, placés symétriquement sur les parties latérales de la 
base du pied; et en soulevant les branchies, ou en détachant de sa commissure le feuillet 
interne, on aperçoit au-dessous d'elles un mamelon très-petit, ovalaire, garni d’une petite lèvre 
de chaque côté, percé au centre; c’est là l’oviducte par lequel les œufs passent pour venir s'ac- 
cumuler dans les lacunes des branchies. Get oviducte extérieur n'occupe pas toujours la même 
place dans les différentes espèces; il est un peu plus en arrière dans le Solen legumen et dans 
le Solen vagina, et à peu près au milieu du flanc de la masse viscérale dans le Solen ensis. 

Dans sa masse et ses différentes parties, l'ovaire est partout enveloppé d’une membrane 
mince et transparente, dans laquelle se répand un réseau vasculaire considérable, comme 
nous le verrons bientôt, et qui sert en même temps à contenir les grappes dont l'organe 
est composé; ces grappes ne sont pas toujours très-distinctes à la surface; cependant on les 
aperçoit rapprochées et presque confondues, quand on examine la surface de l'ovaire sous 
un grossissement de cinquante à soixante diamètres. (PI. XIV, fig. 4.) 

Nous avons eu occasion d'observer, dans le Solen lequmen, le phénomène fort remar- 
quable du changement de couleur de lovaire. Avant que les œufs soient en état d'être 


152 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


pondus, l'ovaire reste d’un blanc jaunâtre, tel que nous l’avons fait représenter. (PI. XIII, 
fig. 1,2.) Les œufs, étant complétement mürs, changent de couleur, et donnent à l'ovaire 
une couleur lie de vin très-prononcée. (PI. XII, fig. 1; pl. XIIE, fig. 3.) Dans cet état il est 
plus facile de détacher les grappes ovariennes et d’apercevoir la forme toute particulière des 
œufs, ainsi que la manière dont ils sont enfoncés dans le parenchyme qui les enveloppe. 

Vus sous les diverses amplifications du microscope, les œufs du Solen sont piriformes. 
La pointe qui les termine, plus ou moins allongée, selon le développement individuel, est 
plongée dans la matière parenchymateuse de l'ovaire; et comme cette espèce de bec est 


ouvert, il en résulte une communication directe entre la cavité de l'œuf et celle de l'ovaire. 
dans laquelle il est contenu. (PI. XII, fig. 4, 5.) Quand on écrase sous le compresseur des 
œufs encore contenus dans le parenchyme de lovaire, il est facile de faire regorger la 


matière granuleuse contenue dans l'œuf par son extrémité ouverte, et de s'assurer que 
cette matière ne diffère en quoi que ce soit de celle que contient la cavité de l'ovaire elle- 
même. Lorsque l'œuf s’est détaché spontanément, son extrémité atténuée se ferme com- 
plétement, et dès lors il se trouve dans toutes les conditions convenables pour continuer 
son développement, soit dans la mère, en subissant l’incubation branchiale, soit en dehors 
d'elle, après avoir accompli les premiers temps de son évolution embryonnaire. Dans tous 
les œufs que nous avons examinés, et sans exception, nous avons trouvé, vers le centre, 
une petite tache transparente, circulaire, accompagnée d’une autre tache de la même 
forme, mais d’un brun opaque. Ces taches sont réellement les centres de vitalité, autour 
desquels vient s’agglomérer la substance vitelline de l'œuf, destinée à fournir plus tard les 
éléments des premiers organes qui se développent. Comme on peut le voir, par la figure 1 
de la planche XVIIT, où se trouvent rassemblés des œufs à presque tous les degrés de dé- 
veloppement, la capsule de Purkinge, isolée dans l'ovaire, devient le centre d’un mouve- 
ment vital, au moyen duquel la matière granuleuse s’amoncelle autour d'elle; bientôt 
une enveloppe membraneuse très-mince se forme autour de ce petit amoncellement qui, 
en s’'augmentant, dilate peu à peu cette enveloppe, et finit par lui faire prendre la forme 
que nous avons indiquée, en lui réservant, jusqu’au terme de la fécondation, une ouver- 
ture de communication. L'œuf s’accroit ainsi, jusqu’à son dernier terme, aux dépens de la 
matière propre de l'ovaire et s’en emplit. 

Grâce aux soins empressés d’un ami dévoué de la science, M. Regnaud, de Saint-Servant, 
nous avons été mis à même d'observer vivants plusieurs espèces de Mollusques, et, entre 
autres, des Solens pêchés sur nos côtes de l'Océan. Nous nous sommes empressé de profi- 
ter d’une occasion aussi favorable, pour observer l'ovaire dans les Solens ensis et vagina. 
Nous espérions trouver dans cet organe les preuves de la fécondation, en y découvrant, 
non-seulement les œufs à divers degrés de développement, mais encore les zoospermes. 
Notre attente a été trompée, l'ovaire n’était point assez mür pour y observer les faits dont 
nous voulions constater l'exactitude. Nous avons également cherché dans l’organe spécial 
des crochets si nous y découvririons des animalcules spermatiques, destinés à produire 
plus tard la fécondation des œufs. Nous n’avons pas été plus heureux de ce côté que de 
l'autre, et probablement par la même raison; de sorte que, pour nous, l'organe spécial 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE SOLEN. 153 


que nous venons de mentionner reste encore problématique dans son usage; bientôt nous 

en reparlerons pour en indiquer la position dans l'animal, et ses connexions avec les divers 
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organes qui l'entourent. 


ORGANES DE LA GIRGULATION. — La circulation était à peine connue chez les Mollusques 
acéphalés, 1l y à un petit nombre d'années. Poli, dans son grand ouvrage sur les Mollusques 
de la Sicile, a fait quelques tentatives pour rendre compte du mouvement du liquide nourri- 
cier, et il crut y parvenir en pratiquant des injections au mercure, qui sans doute sont bonnes 
pour les vaisseaux superficiels, mais sont insuffisantes et défectueuses pour les vaisseaux pro- 
fonds, que l'anatomiste est obligé de rechercher par la dissection. On conçoit sans peine 
qu'un liquide aussi lourd que le mercure doit avoir encore d’autres inconvénients , notam- 
ment celui de dilater ou de déchirer les vaisseaux, et de s’épancher irrégulièrement dans les 
üssus. L’impossibilité où l'on est de fixer ce métal coulant est cause que la moindre déchi- 
rure à un vaisseau suffit pour donner issue à l'injection la mieux réussie, et à la faire dispa- 
raître complétement. Il a donc fallu renoncer à l'emploi du mercure et pratiquer des injec- 
tions qui n’eussent aucun des inconvénients de ce liquide; alors les anatomistes, qui, dans 
ces derniers temps, se sont occupés de l’art des injections les plus fines, ont imaginé divers 
procédés, au moyen desquels on parvient plus facilement au but proposé. Les uns préfèrent 
les huiles essentielles, dans lesquelles on tient en suspension des matières colorantes exces- 
sivement atténuées; d’autres choisissent des vernis diversement colorés; enfin, un certain 
nombre d’anatomistes emploient, avec plus d'avantage, des injections doubles avec des disso- 
lutions salines, qui, en se décomposant dans l'intérieur des vaisseaux eux-mêmes, y laissent 
des précipités colorés, qui décèlent à l'instant l'injection partout où elle a pénétré. 

Il est souvent difficile, dans les Mollusques acéphalés, chez lesquels les organes de la cir- 
culation ont si peu de ténacité, de réussir à pousser également bien deux injections dans un 
animal d’un si petit volume. Aussi, après bien des tentatives infructueuses, nous injectons 
presque toujours avec une liqueur colorée par un précipité chimique; il se trouve par là 
dans un état d'atténuation suffisante pour pénétrer dans les vaisseaux du plus petit diamètre. 

Une fois que, par son expérience, l'observateur est parvenu à trouver une matière d’in- 
jection appropriée à l'usage qu'il en veut faire, il a vaincu la moindre des difficultés qu'il 
aura à rencontrer pour réussir dans son entreprise. Il doit s'armer d’une patience à toute 
épreuve, il ne doit jamais se décourager; car, malgré toutes ses précautions, il échouera 
plus souvent qu'il ne réussira. Si l'injection ne suit pas les canaux de la circulation, on 
la voit pénétrer à travers les tissus de l'animal, les remplir avec une régularité trom- 
peuse, à ce point que l'on croirait avoir suivi les voies naturelles du sang, lorsqu'on n’a 
fait que remplir les lacunes qui existent entre les organes. Si la force avec laquelle l’in- 
jection est poussée est un peu trop grande, cela suffit pour rompre quelques vaisseaux 
et donner lieu à un épanchement de matière, dont l'invasion finit par gâter les plus belles 
préparations. Aussi, il est absolument impossible d'espérer d’injecter sur le même animal 
un système vasculaire complet; mais en injectant, avec le plus de précaution possible, un 
grand nombre d'individus de la même espèce, on parvient quelquefois à obtenir chez l'un 

Zoo. — Mollusques. 1. 20 


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154 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


ce qui manque chez les autres; et nous devons ajouter que, malgré la persévérance que 
nous y avons apportée, la longue patience que nous y avons mise, quoique nous ayons 
tenté l'injection sur des centaines d'individus, il nous reste cependant quelques lacunes et 
quelques doutes sur les rapports des deux systèmes vasculaires, au moment où ils doivent 
se joindre et se continuer l’un par l'autre. 

Quelques zoologistes ont pensé qu'il serait utile d'injecter des animaux vivants, et de 
produire ainsi l'injection d’un liquide coloré, au moyen des propres impulsions du cœur. 
Ce procédé, qui a pu l'être utilement employé dans certains animaux, ne peut l’être chez 
les Mollusques acéphalés, puisqu'il est impossible d'atteindre le cœur de ces animaux sans 
briser leur coquille, par conséquent sans déterminer des blessures dans les parties elles- 
mêmes qu'il faudrait le mieux conserver. On pourrait, sans doute, profiter du moment où 
un animal laisse ses valves entre-bâillées, pour interposer un corps étranger, solide, et dé- 
tacher ensuite l'animal vivant de sa coquille afin d'opérer sur lui une injection pendant que 
le cœur est animé de ses mouvements ordinaires ; mais, quelles que soient les précautions 
que l'on prenne, il sera de toute impossibilité de détacher l'animal de sa coquille sans 
lui occasionner de nombreuses blessures. Quelquefois l'animal blessé finit par rompre les 
fibres de ses muscles par la violence de leurs contractions; et, si cet accident n'arrive pas, 
le scalpel le mieux dirigé et le plus acéré coupera toujours les muscles à leur point d'in- 
sertion, et cette section laissera abondamment suinter la matière de l'injection. À la suite 
de tentatives infructueuses, nous nous sommes aperçu de l'impossibilité de réussir les in- 
jections sur les Mollusques acéphalés vivants, et dès lors nous avons dû chercher à conserver 
les animaux morts dans un degré de souplesse suffisant pour rendre l'injection plus facile 
et permettre ensuite une dissection moins difficile que celle que l’on fait sur des animaux 
violemment immergés dans un alcool trop concentré. 

Dans les Solens à charnière terminale, le cœur est placé de manière à partager l'animal 
en deux moitiés presque égales. { PI. XV, fig. 1 n.) Quoique dans le Solen legumen la char- 
nière soit à peu près médiane, cependant le cœur est situé au-dessous d'elle, de sorte qu'il 
laisse en avant les deux tiers de la longueur totale de l'animal. (PL. XVIIT 4, fig. 2 j; fig. 5 c.) 
Cet organe est contenu dans une cavité péricardienne assez grande, plus cachée et plus 
protégée qu’elle ne l’est habituellement chez les autres Mollusques. (PI. XVI, fig. 1 m.) En 
effet, les Solens ont sur le dos la continuation de l'appareil fibreux transverse du manteau; 
et cet appareil, en passant au-dessus du péricarde, s'attache à sa paroi supérieure, la couvre 
et la protége, ce qui n’a pas lieu dans les Mollusques à coquille arrondie, dont le cœur 
correspond à la charnière. Sur ses parties latérales, le péricarde reprend son caractère mem- 
braneux, et l'on voit, avec la plus grande facilité, que la cavité qu'il circonscrit est creu- 
sée dans une duplicature du manteau. Le péricarde ressemble à un sac quadrangulaire à 
demi gonflé et légèrement courbé sur le plat, de manière à ce que ses bords les plus longs 
s’abaissent latéralement au-dessous du niveau de la face inférieure. Lorsque l'on fait une 
coupe transverse de l'animal entier, en partageant en deux, dans sa longueur, la cavité 
du péricarde, il est facile de reconnaître comment le manteau se dédouble pour produire 
cette cavité. Le feuillet interne quitte l’externe au bord du péricarde et il forme la face 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE SOLEN. 155 


inférieure ou le plancher de cette cavité. Le feuillet externe du manteau est alors séparé 
par l'organe rougeâtre dont nous avons déjà parlé, et qui se place comme un véritable coim 
entre les deux feuillets en question; de telle sorte qu’en écartant les feuillets et en divi- 
sant en deux l'organe rouge, on parvient sans difficulté dans la cavité du péricarde, et 
justement au point où les oreillettes viennent s’attacher à la base des branchies. Quant au 
feuillet externe du manteau, il se dédouble à son tour d’un côté, pour former la paroi su- 
périeure du péricarde, et de l’autre, pour couvrir le muscle transverse du manteau; il par- 
vient enfin au bord saillant qui s'applique sur le pourtour de la coquille. En avant, le pé- 
ricarde est borné par la face dorsale de la masse abdominale; en arrière, il est un peu plus 
rétréci, subinfundibuliforme, et il se soude sur le pourtour du rectum: Le cœur et les 
oreillettes sont contenus dans la cavité péricardienne que nous venons de décrire. 

Le ventricule aortique est un organe fusiforme, quelquefois un peu aplati; dans l’ani- 
mal vivant, il est susceptible d’une dilatation assez considérable, et alors il ressemble à 
une petite ampoule subsphérique; lorsqu'il est ainsi dilaté, ses parois sont minces et trans- 
parentes; mais lorsqu'il est contracté, et que l'animal est mort, les parois sont plus épaisses ; 
dans l’une et l'autre circonstance, elles sont d’une grande mollesse et se laissent aisément 
déchirer. Cependant l'organe tout entier est composé de faisceaux fibreux assez épais, for- 
mant à l'intérieur des piliers saillants, irrégulièrement entre-croisés et affectant, pour le 
plus grand nombre, la position longitudinale. Lorsque, plus tard, nous décrirons le Lavi- 
gnon, nous donnerons une description détaillée et exacte du ventricule, chez les Mollus- 
ques acéphalés dimyaires, car cet organe conserve la même organisation chez tous les 
Mollusques de ce groupe. Nous ajouterons cependant que, quand on a ouvert le ventricule, 
et que ses parois ont été étalées, on aperçoit, vers les parties latérales, disposés symétri- 
quement, deux piliers assez gros, entre lesquels se montre l’ouverture des oreillettes. 

En avant, les piliers fibreux du ventricule s'arrêtent brusquement sur l'intestin, au point 
même où il sort de l'abdomen, en laissant dégager au-dessous de lui une aorte antérieure 
dont nous parlerons bientôt; en arrière, les piliers s’allongent davantage sur l'intestin et 
s’écartent en dessous, pour donner naissance à une aorte postérieure d’un diamètre à peu 
près égal à celui de l'aorte antérieure. 

Les oreillettes sont paires et symétriques; elles sont en triangle, à base très-allongée et 
à sommet très-court (pl. XV, fig. 1 0, u, v; pl. XVIIT, fig 3 a, b, c); c’est par le sommet 
que l'oreillette s'ouvre dans le ventricule; et la base, aplatie latéralement, s'attache à la 
branchie, en circonscrivant une ouverture assez considérable dans laquelle les veines bran- 
chiales viennent déboucher, non-seulement par l'angle antérieur et par le postérieur, mais 
encore par la partie moyenne. Les parois de l'oreillette peuvent être comparées à des pel- 
licules très-minces; cependant, en les examinant sous des grossissements suflisants, on re- 
connaît, dans leur épaisseur, des piliers charnus très-fins et irrégulièrement entre-croisés; 
il y a même quelques-uns de ces piliers qui, se détachant entièrement, se rendent, soit 
d'une paroi à l'autre, soit de l'angle ventriculaire vers l'insertion branchiale. Cette organi- 
sation explique les contractions dont l'oreillette est susceptible; mais, à voir la petitesse des 
faisceaux fibreux, on comprend la faiblesse des contractions. 


20. 


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156 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


L’aorte antérieure, ainsi que nous l’avons dit, prend naissance de l'extrémité antérieure 
du ventricule; elle pénètre dans la masse viscérale par l'ouverture qui donne issue à l'intes- 
tin; au moment où elle franchit le péricarde, elle produit de chaque côté une petite 
artère formant un élégant arbuscule, dont les rameaux se distribuent dans le péricarde 
lui-même. (PL. XV, fig. 1 e, e.) Pour mieux faire voir la distribution de l'artère du péri- 
carde, nous avons fait représenter, dans une petite figure à part, la surface interne du pé- 
ricarde, avec son artère supérieure. (PI. XV, fig. 3.) Au sortir du péricarde, l'aorte ante- 
rieure s'avance sur la face supérieure du foie, donne quelques petites artérioles au 
manteau et à ses muscles, puis, avant de s’enfoncer dans la masse des viscères, elle se par- 
tage en trois branches : deux latérales et superficielles pour le foie et l'ovaire. (PI. XV, 
fig. 1 r, s.) La troisième est superficielle aussi; elle se place sur la ligne médiane et dorsale, 
se continue jusqu’au bord antérieur du manteau, et, dans son long trajet, se distribue en 
quelques rameaux, à droite et à gauche, qui se rendent au manteau. Parvenue à l'extrémité 
antérieure du manteau, l'artère palléale envoie une branche assez grosse aux membranes 
de la charnière (pl. XV, fig. 1 u); le tronc se bifurque ensuite, et chaque branche vient 
se courber en crosse, à la surface interne du manteau, à la limite du bord de l'appareil 
fibreux antérieur. 

Après avoir produit les trois branches superficielles dont nous venons de parler, l'aorte 
supérieure s’infléchit en forme de crosse, pour pénétrer dans le centre de la masse des 
viscères. Une première branche s'échappe de la courbure; elle remonte en avant, se rend 
à la bouche et distribue quelques rameaux aux lèvres. (PI. XVII B, fig. 2 r, r.) Après avoir 
donné des branches labiales, ce tronc se divise en deux artères égales qui, elles-mêmes 
se bifurquent dans la commissure des palpes labiales, viennent gagner le milieu de la sur- 
face de ces organes et s’y distribuent en un grand nombre d'artérioles. (PL. XIV, fig. 1; 
pl. XVI, fig. 3, 4.) Le tronc aortique se continue, donne des artères stomacales, d’autres 
œsophagiennes en grand nombre, et enfin se prolonge en deux artères intestinales que 
l’on voit ramper à la surface de cette portion importante des organes digestifs. (PI. XIV, 
fig. 1; pl. XVII, fig. 2.) 

Lorsque l'injection a bien rempli les artères, c’est alors seulement que l’on peut se 
faire une idée de l'immense quantité de vaisseaux qui parcourent les organes d'un Mol- 
lusque; les artérioles pénètrent quelquefois jusque dans les grappes formées par les folli- 
cules du foie, et lorsque l’on ouvre l'estomac, on voit avec étonnement un réseau vasculaire 
considérable se distribuer sur les crêtes saillantes de cet organe, en formant de nombreuses 
anastomoses. Nous renvoyons le lecteur à la figure 2 de la planche XV; cette figure repré- 
sente sous un grossissement assez considérable tout l'œsophage dont les parois ont été 
ouvertes, et un estomac auquel la paroi antérieure a été en partie enlevée. Il est impos- 
sible, on le comprendra, après avoir examiné la figure en question, de décrire minutieu- 
sement chacune des branches, et il serait encore moins facile de donner une idée, au 
moyen de la description, de ladmirable réseau artériel qui couvre la surface interne des 
organes dont nous parlons. Seulement des injections que ces figures représentent il 


résulte pour nous qu'il serait difficile de contester l'existence d’un système veineux, 


CLASSE PREMIÈRE. -_ GENRE SOLEN. 157 


puisque les artérioles se terminent en un réseau anastomosé, dans lequel il est impossible 
de dire quelle est la fin des artères et le commencement des veines. Nous devons rap- QUIL 
peler que, dans les animaux supérieurs , les veines se continuent sans interruption avec les | 


artères, et que c’est à la jonction des deux systèmes qu'existe le réseau d’anastomoses 
qui remplit les différents tissus. 


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Après avoir donné des troncs aux organes digestifs, laorte envoie aussi quelques | 
branches aux ovaires, et ces branches, presque dès leur origine, se distribuent à la sur- 
face interne des lobes de l'ovaire en un réseau très-fin, à mailles anguleuses et présen- | 
tant de très-fréquentes anastomoses ; une artériole un peu plus grosse se montre sur la 
partie la plus saillante des principaux lobes de l'ovaire, et c’est de cette artériole que part 
le réseau en question. (PI. XIV, fig. 1; pl. XVIL, fig. 2.) 

Lorsque l’on fait des injections avec un précipité un peu lourd, tel, par exemple, que 

le rouge de plomb, il arrive quelquefois que la liqueur, étant épanchée à la surface des | 
organes glanduleux, se précipite à la base des lobules et simule un réseau vasculaire. On | 


pourrait s’en laisser imposer, si l’on n'avait la précaution de laver les préparations injec- 


tées, pour les débarrasser de toute la matière colorante extravasée et non contenue dans 
les vaisseaux; au moyen de cette opération on voit disparaître cette apparence de réseaux 
vasculaires, mais aussi on distingue avec plus de netteté les vaisseaux eux-mêmes conte- 


nant l'injection. Pour ne point laisser le moindre doute au sujet des réseaux vasculaires 
que nous avons injectés dans l'ovaire du Solen, nous avons fait représenter ce réseau sous 
un grossissement assez considérable, pour démontrer, de la manière la plus évidente, que 


D Se & == 


ce sont bien des vaisseaux remplis et non une matière colorante épanchée qui aurait 
comblé les intervalles d’un organe mamelonné. Il n’existe, en effet, aucun rapport entre la 
grandeur et la disposition des mailles vasculaires et les contours des grappes de l'ovaire 
placées au-dessous. (PI. XIV, fig. 4.) 

Un fait curieux résulte encore pour nous de l'injection réticulaire de la surface de 
l'ovaire. On ne voit pas, comme dans d’autres organes parenchymateux, les branches arté- 
rielles parvenir à la surface, en passant d’abord par le centre et en se distribuant comme 


des arbuscules. Ici les artères sont superficielles, et elles ne paraissent pas pénétrer pro- 
fondément dans l'épaisseur de l’organe, à moins que ce ne soit par des vaisseaux excessive- 
ment atténués, prenant naissance du réseau vasculaire lui-même. Malgré la finesse de 


Le cum qe. 2 


l'injection et la multiplicité de nos recherches, nous n’avons pas vu les artères entrer 
dans l’intérieur même de l'ovaire ; ce qui dépend sans doute de ce que l'organe, ayant été 
condensé par la macération dans alcool, n'a pas permis à l'injection de passer jusque 
dans les artérioles, qui probablement se distribuent dans son épaisseur. 

Indépendamment de toutes les artères dont nous venons de parler, l'aorte antérieure se 


prolonge enfin en une artère du pied qui, s’engageant derrière la cloison fibreuse dont 
nous avons parlé, se distribue aux muscles et fournit des branches à l'ovaire, lorsque cet 
organe se développe jusque près du sommet de la cavité dont le pied est creusé. 

L’aorte postérieure n’est point aussi facile à injecter que l’antérieure; ses parois, d’une 
extrême finesse, se déchirant avec une grande facilité, laissent épancher l'injection dans 


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158 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


tous les tissus et notamment dans les muscles postérieurs du manteau et dans ceux qui 
servent à mouvoir les valves. Cependant, en agissant avec les plus grandes précautions, en 
laissant, pour ainsi dire, tomber l'injection goutte à goutte, en la suivant enfin à mesure 
qu’elle s’avance, on la voit, dans le Solen vagina, passer par le tronc aortique , tomber dans 
un réservoir sanguin, subquadrangulaire, occupant au-dessous de la branchie une partie 
de la surface interne du muscle adducteur postérieur. Des angles postérieurs de ce réser- 
voir partent deux troncs qui suivent assez exactement le trajet des branches nerveuses. 
qui traversent la surface du muscle postérieur des valves (pl. XVII, fig. 1 e, e, f, f), et 
se continuent jusqu'à l'entrée des siphons. Ces troncs donnent, de chaque côté, une 
branche qui se détache à la hauteur du muscle rétracteur des siphons, en suit le contour 
antérieur, descend à la jonction de la partie mince du manteau avec son bord muscu- 
laire ventral, et s’avance jusque vers l'extrémité antérieure du manteau. (PL. XV, fig. 1 v, 
v, v.) Quoique, dans plusieurs individus, nous ayons vu l'injection suivre le trajet que 
nous venons de décrire, il serait possible cependant qu’elle se füt épanchée et ait gagné la 
partie la plus déclive de l'animal, en se plaçant au point du manteau où les deux duplica- 
tures membraneuses s'écartent pour loger les muscles transverses de la région ventrale. 
Indépendamment des artères postérieures dont nous venons de parler, on parvient quelque- 
fois, mais très-rarement, à injecter quelques petites artérioles, se répandant dans les parois 
du péricarde et dans les muscles transverses dorsaux du manteau. 

Un organe particulier, celui auquel quelques zoologistes attribuent une fonction de 
dépuration, comparable à celle des reins dans les animaux vertébrés, se trouve, dans tous 
les Mollusques dimyaires siphonés, en arrière du cœur, en rapport avec les oreillettes, 
immédiatement au-dessous du rectum et de l'aorte postérieure. Cet organe, dans les Solens, 
est considérable: il affecte une forme toute particulière; sa face antérieure, un peu con- 
vexe, termine en arrière la cavité du péricarde, comme lextrémité de la masse viscérale 
borne cette même cavité en avant. Au moment où l'aorte postérieure entre en contact avec 
l'organe en question, elle envoie, par dessous, une branche de chaque côté, qui vient se 
distribuer en un réseau vasculaire à mailles petites, sur toute la surface comprise dans la 
cavité du péricarde. 

Le système veineux des Solens est très-difhicile à apercevoir. Nous l'avons vainement 
cherché dans l'intérieur de la masse des viscères; il a constamment échappé aux plus 
minutieuses recherches. Cependant, nous le répétons, en présence des faits que nous avons 
signalés au sujet des vaisseaux artériels des principaux organes, nous nous demandons si 
des réseaux vasculaires à mailles complètes, comme ceux que nous avons injectés, ne 
doivent pas se continuer en de véritables veines ayant des parois nettement circonscrites. 
IL est à croire que, dans bien des circonstances, ces parois veineuses, étant d'une extrême 
mollesse, se laissent aisément distendre et déchirer, et l'injection ne peut en indiquer le 
trajet; d’un autre côté, les veines, chez les Mollusques, doivent servir de vaisseaux absor- 
bants, et elles doivent être percées d’un grand nombre d'ouvertures qui s’abouchent direc- 
tement, soit dans les interstices que laissent entre eux les divers organes, soit même dans 
ceux qui sont creusés entre les diverses portions d'un même organe. Dans les fonctions 


te Pair Some sn a hs Es nt DE » = : 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE SOLEN. ‘ 159 


de la nutrition, par exemple, il faut bien que l'aliment, par l'acte de la digestion, se trans- 
forme en un liquide propre à être absorbé et à entrer dans la circulation, destinée à 


porter ensuite, dans tous les organes, les éléments de leur nutrition et de leur sécrétion. 
I faut donc qu’à la surface des intestins il existe un système veineux absorbant, ayant 
q 


pour usage de recueillir le fluide nourricier; mais comment ce fluide se comporte-til 
avant de parvenir dans le système artériel? C'est ce que l'on ignore entièrement. 

Si l’on a injecté le Solen vagina, par exemple, et que l'injection se soit répandue dans 
les tissus, elle a pu gagner, d’une manière irrégulière, les portions minces du manteau et 
s'y épancher de manière à faire croire que les parois de l'organe en question sont desti- 
nées à recevoir le sang dans une très-grande lacune; mais, en examinant les parois du 
manteau, ainsi remplies d’une matière étrangère opaque, on s'aperçoit que l'injection a laissé 
transparent, sans y pénétrer, tout un système vasculaire considérable, à mailles fines et 


serrées, et qui, cependant, vers l'extrémité antérieure de l'animal, est pourvu de troncs 
d'un assez gros diamètre. Ce système vasculaire, qu'il eût été impossible de découvrir 
autrement, nous sommes parvenu à l'injecter en bleu, et c'est en poussant l'injection par 
les troncs principaux, que nous avons fait paraître le système veineux dans quelques-uns 
des organes extérieurs du Solen. C’est au bord postérieur du muscle adducteur antérieur 
qu'il faut chercher les troncs veineux du manteau, dont nous venons de parler; deux prin- 
cipaux parcourent parallèlement toute la surface dorsale du muscle adducteur anté- 
rieur (pl. XVI, fig. 1 /, m); à leur origine, ils donnent naissance, de chaque côté, à une 
grosse branche, dont les rameaux sont extrêmement nombreux et divisés en un élégant 
arbuscule. (PI. XVI, fig. 1 n, n.) Enfin, les autres troncs descendent au-dessous des 
muscles transverses dorsaux du manteau, et leurs branches se distribuent sur toute la sur- 
face mince du manteau en un réseau vasculaire, à mailles fines et serrées. { PL. XVI, 
fig. 1 0, p.) Il faut examiner ce réseau sous un grossissement assez fort pour se faire une 
idée exacte de la distribution des vaisseaux; ce réseau a été représenté sous un grossisse- 
ment convenable. (PI. XVI, fig. 2.) Il est certain que deux veines fort grosses règnent sur tout 
le pourtour du manteau et recueillent le sang qui se distribue à cet organe ; elle sont situées 
en dedans et divisent à peu près en deux parties égales la surface des muscles transverses du 
manteau ; elles descendent jusqu’à l'entrée des siphons, elles se contournent sur le bord 
antérieur et viennent gagner le dos de l'animal, où nous avons déjà signalé les deux troncs 
auxquels elles aboutissent. (PI. XVE, fig. 1m, m.) Une injection naturelle est venue nous dévoiler 
l'existence des veines du pourtour du manteau; cette existence s’est révélée dans un petit 
individu du Solen legumen, chez lequel le sang resté dans les veines les a maintenues gon- 
flées et pleines d’une matière blanche coagulée par l'alcool; de fort petites branches se 
sont trouvées remplies, et il y en a à droite et à gauche des veines, ce qui prouve qu’elles 


recueillent à la fois le sang des parties minces et des parties épaisses du manteau. (PI. XVIII 
À, fig. 3m, m, n.) Du tronc qui passe au-dessous des muscles transverses naissent aussi 
des branches qui se dirigent, les unes à la surface interne du muscle, en avant de la 
bouche (pl. XVI, fig. 3 d, d; fig. 4 f, f); un rameau se porte sur les lèvres et s’y répand 
en un réseau d’une grande élégance (pl. XVIL, fig. 2 d, d); enfin les palpes labiales nous 


160 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


ont montré deux veines, visibles particulièrement sur leur surface interne. Ces vaisseaux 
suivent les bords de ces organes, tandis que les artères injectées dans le même individu 
occupent la région moyenne. Pour ces organes, au moins, il est évident que ces deux 
systèmes vasculaires, en présence et en contact, doivent communiquer entre eux sans inter- 
médiaires; et si l’art d’injecter les animaux mollusques se perfectionne par la suite, tout 
nous porte à croire que l'on finira par remplir d'injection les vaisseaux capillaires, qui 
établissent la communication d'un système à l’autre. (PI. XVI, fig. 3, 4.) 

Il est évident, pour nous, que le système vasculaire dont nous venons de parler est vei- 
neux; car nous avons vu l'injection, après s'être répandue dans un réservoir situé en avant 
de la bouche, parvenir jusqu'aux oreillettes, et de là s’introduire dans l'organe branchial 
Il n’est donc pas douteux que dans les animaux en question, un système veineux considé- 
rable, à vaisseaux nettement circonscrits, existe dans le manteau, dans les lèvres et dans 
les palpes labiales. Si nous mettons ces faits en présence de ceux que lon a cherché ré- 
cemment à faire prévaloir, on s'aperçoit que le manteau n’est point destiné à fournir au 
sang une large lacune, où il peut librement s’extravaser, mais que cet organe contient à la 
fois le double système vasculaire qui se rencontre chez les animaux d'un ordre plus élevé. 
Il faut avouer que jusqu'ici les injections n’ont pu passer des artères aux veines, ou des 
veines aux artères, sans s’épancher dans les tissus ; mais nous devons ajouter que, par la 
patience et la persévérance que nous y avons apportées, nous avons fait pénétrer les injec- 
tions beaucoup plus loin qu'on n'y était parvenu jusqu'alors; et peut-être d’autres efforts, 
en s’ajoutant aux nôtres, donneront enfin la solution définitive de la question qui depuis 
assez longtemps agite les anatomistes et les physiologistes. 


ORGANES DE LA RESPIRATION. — l'organe de la respiration est constitué chez les Solens 
de la même manière que dans le plus grand nombre des autres Lamellibranches, c’est-à- 
dire que ces animaux portent, dans l'extrémité postérieure de la cavité du manteau, deux 
paires de lamelles branchiales, soudées entre elles et attachées à l'animal d’une manière 
spéciale, ainsi que nous allons l’exposer. Ces organes n’occupent pas exactement la même 
place dans le Solen que dans les Mollusques acéphalés, à coquille ovale ou arrondie. Nous 
avons déjà vu, dans les genres dont nous avons traité, el nous verrons encore plus tard, en 
examinant les animaux d’autres genres, comment les branchies commencent entre les palpes 
labiales, s’allongent ou se raccourcissent, selon la position de la bouche. C’est ainsi que 
dans les Pholades, par exemple, la bouche étant à l'extrémité antérieure de lanimal, les 
branchies commencent aussi vers cette extrémité, se prolongent ensuite dans l’intérieur 
des siphons, où elles prennent une longueur fort considérable. Nous voyons dans la Solé- 
mye, la bouche descendre vers le milieu de la longueur de animal; les branchies des- 
cendent aussi plus en arrière, dans la cavité du manteau. Il en est de même chez le Solen, 
et déjà nous avons fait remarquer la position de la bouche au milieu de la longueur de 
l'animal, ce qui a déterminé le partage de la cavité palléale en deux portions inégales : 
l'une, postérieure, dans laquelle la plupart des organes se trouvent en quelque sorte amon- 
celés; l’autre, antérieure, est uniquement destinée à contenir l'organe du mouvement. Il 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE SOLEN. 161 


résulte de cette disposition spéciale, dans le genre qui nous occupe, un raccourcissement 
considérable dans les organes de la respiration. 

Dans les espèces de la première section, les quatre lamelles branchiales sont égales, 
symétriques, soudées entre elles par paires; les deux paires le sont aussi dans la ligne 
médiane; le bord plus épais, par lequel elles sont fixées à l'animal, présente une ligne 
droite ; le bord libre, au contraire, est en une ligne courbe qui se rapproche assez du 
segment d'un grand cercle. On voit, en effet, les feuillets branchiaux commencer par une 
pointe très-aiguë en avant, située entre les palpes labiales; vers le milieu de leur longueur 
(pl XVIIEB, fig. 2 k; pl. XVIE, fig. 1 d), elles s’élargissent peu à peu; elles diminuent en- 
suite graduellement jusqu'à l'extrémité postérieure, moins pointue que l’antérieure. 

Nous avons déjà fait remarquer un phénomène assez singulier qui se passe au moment 
de la mort d’un certain nombre de Mollusques acéphalés. Les bords du manteau, naturel- 
lement réunis pendant la vie de l'animal, se désunissent spontanément au moment où il 
meurt. Cette désunion a lieu également entre l'extrémité postérieure de la branchie et les 
porüons de animal auxquelles elle est naturellement adhérente. C'est par suite de ce 
fait, qui est presque sans exception, que la plupart des zoologistes ont dit que, dans les 
Mollusques acéphalés à siphons, l'extrémité postérieure de la branchie était flottante dans 
le siphon branchial; il n’en est rien cependant; car tous les Mollusques observés vivants 
par nous, nous ont toujours montré la branchie adhérente, de manière à former une véri- 
table cloison destinée à séparer entièrement le siphon anal du branchial. Il en est de même 
chez les Solens. On voit le bord supérieur et externe des feuillets externes s'élargir en une 
membrane étroite, dont le bord s'applique au manteau, directement, dans le Solen vagina 
(pl. XVIE, fig. 1 g, g); mais, dans le Solen ensis, il rencontre, sur le côté de l'animal, une 
petite saillie membraneuse à laquelle il est joint pendant la vie. (PI. XVIII B, fig.1k,k, 1,1.) 
Une autre adhérence parallèle à celle-ci se fait par l'intermédiaire de la saillie de la veine 
branchiale (pl. XVIT, fig. 1 4, h, à, i); de sorte que, par le fait des quatre adhérences au 
moyen desquelles la branchie est attachée à l'animal, sa surface est partagée en trois ca- 
naux : deux latéraux étroits, mais égaux entre eux, et un médian, formant à lui seul toute la 
largeur du siphon anal. Par cette disposition, les organes respiratoires sont solidement 
fixés à l'animal, et cependant les canaux qui sont au-dessous d’eux suffisent pour donner 
issue aux diverses déjections, particulièrement aux œufs, au moment de la ponte. 

Si l’on détache complétement l'appareil branchial, et qu'on le regarde par sa face inférieure, 
on reconnait à cette surface une forme ovalaire très-allongée. { PI. XII, fig. 4.) À l'extrémité 
postérieure, les quatre feuillets sont réunis entre eux, tandis qu'à l'extrémité antérieure ils 
sont séparés par une bifurcation (pl. XII, fig. 4 a, b, c); et c’est dans l'angle qu’elle laisse 
que s’interpose, comme un coin, l’extrémité postérieure de l'abdomen. Toute cette portion 
de la branchie comprise dans la bifurcation est toujours très-solidement attachée au COrps ; 
car c'est par là que les vaisseaux branchiaux entrent et sortent pour satisfaire aux besoins 
de la circulation et de la respiration. C’est également vers ce point que les nerfs branchiaux 
s'infléchissent, pour se distribuer à tout l'organe auquel ils sont destinés. Pour se rendre 
facilement compte de la disposition des branchies par rapport à l’animal , il faut faire des 

Zoor. — Mollusques. 1. 21 


162 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


sections transverses, à différentes hauteurs ; et l'on verra par là de quelle manière cet 
appareil important est attaché, tout en laissant au-dessous de lui de larges canaux accessibles 
au liquide ambiant. (PL. XVII, fig. à a, b, c, d.) Le bord a est soudé au manteau dans 
l’état normal; au point d la branchie est encore adhérente, et tout l’espace compris entre 


ne 


a et d est ouvert; c’est là que se trouve le canal sous-branchial, indépendant du siphon 


——— 


anal. Ce dernier occupe toute la largeur qui existe entre les deux points d’adhérence d, d. 


sir 


La figure 3 de la planche XVIT, représentant une section transverse de la branchie du 


Solen vagina, quoique détachée de l'animal, peut donner une idée de son adhérence. Ces 


eee 


bords a, a sont attachés au manteau; l’espace reste libre, sous la branchie, jusqu’au 
sommet de la veine branchiale b, b; l'intervalle de a à b est destiné au canal sous-branchial, 


tandis que celui entre e et b représente la largeur du siphon anal. Nous insistons sur ces 
particularités, dans le but de détruire la croyance que partagent la plupart des zoologistes, 
sur la manière d’être de la branchie dans les siphons de l'animal. 


La structure de la branchie, chez les Solens, diffère très-peu de ce que nous l'avons vue 
dans les Pholades. Chaque feuillet est composé d’une membrane vasculaire reployée sur 
elle-même au bord libre, et ces deux épaisseurs laissent entre elles un faible intervalle, 
dans lequel se placent des cloisons transverses, rapprochées, régulières, sur lesquelles 
s'appuient les vaisseaux. Les petits intervalles qu’elles laissent entre elles offrent aux œufs 
de petites loges qu'ils viennent remplir au moment de leur incubation branchiale. L'appa- 
reil branchial étant enlevé, et renversé de manière à montrer la surface qui fait partie de 
la cavité du siphon anal, on distingue, à l'instant même, quatre rangées de perforations. 
Elles sont parallèles, presque égales, et chacune d'elles correspond à la base d’un feuillet 
branchial. Ces perforations sont produites par des cloisons membraneuses, qui, montant 
perpendiculairement, de la base au sommet de chaque feuillet, s’interposent entre les 
deux parois des cloisons branchiales; elles sont égales, également distantes, et laissent 
entre elles de véritables canaux, d'une forme conique, ouverts du côté de la base, fermés 
au sommet. Si l’on y fait attention, les bords libres des cloisons ne sont pas égaux et ne sont 
pas sur le mème plan. Les uns, plus longs et plus superficiels (pl. XVIL, fig. 4 a, a, b), 
circonscrivent de véritables arceaux d’une grande régularité; les autres cloisons, plus 
courtes, sont un peu au-dessous des premières, alternent avec elles, et semblent un second 
rang d’arceaux enchevêtrés dans les premiers, de manière à ce que le sommet de leurs 
voûtes corresponde aux piliers de ceux du premier rang. (PI. XVIT, fig. 4 c, d,c, d.) Les 
lamelles les plus grandes donnent appui aux veines branchiales: les plus courtes reçoivent 
les artères. Il a fallu que les troncs vasculaires fussent l'un au-dessus de l'autre , pour per- 
mettre la disposition dont nous venons de parler. (PI. XVII, fig. 3 c, d.) C’est au moyen 
de cette juxtaposition des deux systèmes vasculaires, que le sang, mis en contact avec le 
fluide qui doit le revivifier, parcourt des vaisseaux d’une grande longueur, qui cependant 
occupent, relativement, une moindre place dans l'animal. Si l’on vient à briser les cloisons : 
on peut déplier les feuillets branchiaux , et, sans autre rupture, les ramener à une surface 
assez uniforme dans son épaisseur. 


ES ET = . 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE SOLEN. 163 


La surface externe est chargée de nombreux sillons transverses, dont un plus grand et 
plus profond alterne avec un plus étroit, qui est aussi plus superficiel. Si l’on examine, 
sous un grossissement convenable, cette surface extérieure, on reconnait l'existence d’un 
très-grand nombre de stries très-fines, parallèles entre elles, et suivant la direction des 
sillons; d'autres stries, moins apparentes, coupent celles-là à angle droit, de sorte que, 
sous le microscope, la surface de la branchie présente un véritable réseau à mailles 
très-fines et subquadrangulaires. Les stries transverses, parvenues au sommet, passent 
sans interruption d’un côté à l’autre, et le bord permet de voir la saillie de ce système de 
stries. 

Lorsque l’on est parvenu à injecter les feuillets branchiaux, on s'aperçoit que toutes les 
fines stries dont nous venons de parler sont autant de vaisseaux capillaires, que le sang 
est obligé de parcourir pour passer d’un système vasculaire dans l’autre. Ce qui est curieux 
dans la structure de l'organe respiratoire du Solen vagina, c’est que les parois dont nous 
venons de parler ne sont pas composées d’une seule épaisseur de vaisseaux capillaires, mais 
en ont cinq ou six, ce qui porte à croire que ces canaux intérieurs, signalés tout à l'heure 
dans l'épaisseur des feuillets, sont destinés à porter le liquide ambiant dans toute l'épais- 
seur de l'organe de la respiration, qui s’en trouve ainsi constamment imbibé. 

Le Solen ensis a la branchie moins épaisse; on y distingue, de chaque côté des feuillets, 
un seul rang de vaisseaux capillaires transverses, et les vaisseaux longitudinaux sont moins 
apparents, plus noyés dans l'épaisseur du parenchyme. Le microscope les fait découvrir; 
surtout lorsque l’on a dédoublé un feuillet branchial. 

Dans le Solen lequmen, la branchie est fort différente de ce que nous l'avons vue jus- 
qu'ici, dans les autres espèces du même genre; elle est, en proportion, plus courte et 
plus épaisse. Les deux parties dont elle est composée sont réunies, dans le milieu, par 
une membrane très-mince et transparente; en dessous, l’adhérence se fait aussi sur une 
double ligne de chaque côté. Le bord de la branchie destiné à se souder au manteau est 
large (pl. XIE, fig. 4 d, d; fig. 5 e, e), assez épais; mais son adhérence ne laisse aucune 


trace lorsqu'elle a été rompue. Les veines branchiales déterminent, sur la surface interne 
de la branchie, deux lignes parallèles, légèrement saillantes, sur lesquelles les lamelles 
viennent se terminer. La branchie s'attache encore par ces deux lignes. (PI. XII, fig. 4 
e,e,e; fig. 5 f, f.) L'espace qui les sépare dans le milieu est consacré à clore le siphon 
anal. (PL XL, fig. à g.) Un canal aquifère, étroit, résultant de l'adhérence du bord externe, 
règne, de chaque côté, dans toute la longueur de la branchie. (PL XIF, fig. 5 h, h.) Les 
perforations de la base des feuillets branchiaux sont petites et rapprochées ; les lamelles - 
transverses, qui les limitent, sont assez larges, et on les trouve inégales, mais d’une ma- 
nière moins apparente que dans les autres espèces; elles alternent. Les plus superficielles 


reçoivent les vaisseaux veineux ; sur les autres s'appuient les vaisseaux artériels. 

Nous avons vu, dans les autres espèces de Solens, que les feuillets branchiaux, au 
nombre de quatre, sont suspendus dans la cavité du manteau, et placés à des distances 
à peu près égales. {PL XVIT, fig. 4.) Dans le Solen legumen, cette disposition a subi des 
changements notables; deux lames fort grandes (pl. XIT, fig. à b, b) descendent du 

21. 


164 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


centre de la branchie; elles se reploient sur elles-mêmes pour former le bord libre des deux 
grands feuillets branchiaux, remontent jusqu'à leur point de départ, et, s’accolant à la 
première lame, elles se recourbent de nouveau pour redescendre une seconde fois; mais 
elles s'arrêtent à la moitié de la longueur des premiers, remontent en se soudant à la 
portion qui vient de descendre, et, parvenues au pot de départ, elles se détachent laté- 
ralement et se prolongent en un appendice, dont le sommet se soude au manteau, dans 
l'angle que fait cet organe en s’attachant au corps. (PI. XIT, fig. 5 a,b,c, d, e.) La figure à 
laquelle nous venons de renvoyer prouve, de la manière la plus évidente, que chaque paire 
de branchies est formée d’une seule lame deux fois reployée sur elle-même, et l'on conçoit 
la possibilité de développer cette lame, en détruisant, par la dissection, les adhérences 
qui la retiennent dans la forme qu'affectent les feuillets branchiaux® Cette même figure fait 
également comprendre les espaces vides que laissent sous elle, la branchie, les canaux aqui- 
fères résultant de la double adhérence au manteau, et la cavité du siphon anal produite par 
la soudure des vaisseaux. 

La figure que nous venons de citer, représentant la coupe transverse de la branchie, est 
très-propre à faire comprendre la disposition des feuillets dont cet organe est composé. Les 
stries qui couvrent la surface des branchies sont excessivement fines; on ne peut les aper- 
cevoir qu’à l'aide de fortes loupes; sous le microscope, on en reconnait facilement de trans- 
verses et de longitudinales, qui forment, à la surface, un réseau à mailles très-fines, très- 
petites et quadrangulaires. 

En s’en laissant imposer par les formes extérieures, on pourrait attribuer une valeur 
zoologique assez considérable, aux modifications que nous venons de signaler dans la struc- 
ture de la branchie du Solen lequmen; mais, en la comparant à celle du Solen vagina 
(pl. XVII, fig. 3), et à celle du Solen ensis (pl. XVIIT C, fig. 3), on reconnait que, dans ces 
espèces, l'organe branchial est constitué de la même manière; seulement, dans les deux 
dernières, l’espace qui, dans la cavité palléale, est consacré aux branchies étant plus large, 
les feuillets ont pu s’écarter davantage, et devenir égaux. Dans la première espèce, la 
cavité du manteau étant très-aplatie latéralement, les feuillets branchiaux se sont pour 
ainsi dire étagés, pour s’accommoder à la forme ellipsoïde de la cavité qui les contient; 
on voit avec évidence, dans les deux groupes de Solens, les modifications peu impor- 
tantes d’un même type d'organisation. Ces différences sont-elles suffisantes pour jus- 
üifier la création d’un genre Leguminaria, proposé par M. Schumacher? Notre réponse est 
négative, parce que nous voulons réunir dans un même genre tous les animaux qui ont une 
organisation semblable, et qui trahissent cette ressemblance par celle des caractères exté- 
rieurs. Les espèces de Solens à charnière médiane offrent, en effet, dans l'animal, quel- 
ques modifications qui se montrent aussi sur la coquille ; mais nous devons faire observer 
que nous mettons ici en regard les espèces les plus éloignées des deux groupes; il est cer- 
tain que si nous pouvions combler l'intervalle par des espèces intermédiaires, nous verrions 
les différences qui existent entre ces groupes disparaître sous des modifications insensibles, 
dont chaque degré serait l'équivalent de caractères spécifiques. 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE SOLEN. 165 


ORGANE DÉPURATEUR. -— Depuis que les naturalistes se sont occupés avec quelque soin 
de lorganisation des Mollusques, la découverte de certains organes leur a fait penser 
qu'ils étaient destinés à une sécrétion de dépuration, comparable à celle de l'urine dans les 
animaux supérieurs. La découverte de l'organe dépurateur se fit d'abord par Rédi et 
Swammerdam, sur les Mollusques céphalés; plus tard, Poli le découvrit aussi chez les 
Mollusques acéphalés; mais cet anatomiste ne reconnut pas d'abord ses véritables fonc- 
tions, et il pensa qu’il est destiné à préparer la matière calcaire qui entre dans la compo- 
sition de la coquille. D’autres anatomistes, parmi lesquels nous citerons Bojanus, ne vou- 
lurent pas admettre que les branchies véritables sont des organes de respiration; mais, Les 
prenant pour des annexes de ceux de la génération, ils crurent reconnaître, dans l'organe 
dépurateur, celui de la respiration. Enfin, quelques naturalistes, ayant aperçu les con- 
nexions qui existent constamment entre l'organe dépurateur et les oreillettes, le compa- 
rèrent au cœur veineux des céphalopodes, par exemple, et lui attribuèrent un rôle im- 
portant dans les fonctions de la circulation. Cette dernière opinion nous parut d'autant 
mieux fondée, que, jusqu'ici, l'organe dont nous nous occupons semblait dépourvu de toute 
communication avec l'extérieur; et les anatomistes doutaient avec raison qu'on püt ad- 
mettre parmi les sécréteurs un organe de cette importance, lorsqu'il manque de toute 
communication avec l'extérieur. En effet, il n’existe, chez les animaux, que deux sortes 
de sécrétions : les récrémentielles, fournissant les liquides qui doivent entrer dans l'in- 
dividu et favoriser certaines fonctions; les autres sont excrémentielles; elles doivent éli- 
miner du corps les matières nuisibles; la salive est un exemple des premières sécrétions, 
l'urine est un exemple des secondes. Pour celles-là, il faut de toute nécessité que l'organe 
de sécrétion soit pourvu d’un conduit, par lequel sont rejetées au dehors les matières sé- 
crétées. L'opinion que nous venons de rappeler s'étayait sur un assez grand nombre de 
faits que nous aurons occasion d'exposer, à mesure que d’autres genres nous passeront 
sous les yeux. C’est ainsi que dans les Mactres, par exemple, il existe une communica- 
tion bien évidente entre l'extrémité postérieure de l'oreillette et l'organe dépurateur. Le 
Lavignon nous donnera la preuve que l'organe dépurateur entre en communication avec 
l'intérieur de la masse viscérale. On voit, dans le même genre, l'oreillette développée en 
entonnoir, embrasser, dans son intérieur, une grande partie de la surface de l'organe dé- 
purateur; et, en tenant compte aussi de la structure même de cet organe, il était naturel de 
le considérer comme un cœur veineux, destiné à transmettre le sang veineux dans l'oreil- 
lette chargée de le pousser dans les branchies, avant qu'il püt entrer dans le ventricule. 

Dans une dissertation publiée en 1836, M. Groshans recueillit tous les documents sur 
la sécrétion de l'urine, chez les animaux invertébrés. Dans le chapitre consacré aux Mol- 
lusques, l'auteur rapporte les diverses opmions des naturalistes qui l'ont précédé, et il 
fäit remarquer l'incertitude et la diversité de ces opinions. On comprend, en effet, qu'il 
n'existait dans la science aucun document suffisant pour juger la question d’une manière 
définitive : les uns refusent à l'organe un canal excréteur, les autres l’'admettent. Pour 
ceux-ci, l'organe sécrète la matière de la coquille; pour ceux-là, il sécrète de l'urine. 
M. Bojanus veut que ce soit un organe de respiration. M. Mékel, au contraire, y voit des 


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166 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


glandes imparfaites qui reçoivent le sang veineux; cependant M. Groshans adopte lopi- 
nion qui attribue à l'organe découvert par Poli, dans les acéphalés, une fonction de dé- 
puration. C’est, en ellet, l'opinion que nous partageons aujourd’hui, et nous nous fondons 
sur des observations qui prouvent, de la manière la plus évidente, l'existence d’une com- 
munication directe entre l'organe de dépuration et la cavité du manteau. Nous avons mis 


ce fait hors de doute dans le Solen, animal chez lequel l'organe en question a une impor- 
tance considérable. 

Lorsqu'on a extrait un animal de sa coquille, et qu'on l’a placé sur le ventre pour en 
examiner le dos, on remarque, immédiatement au-dessous du cœur, et de chaque côté, 
une tache violacée, indiquant la position de lorgane dépurateur. Lorsqu'on ouvre les 
oreillettes, après avoir enlevé le plan dorsal du péricarde et des muscles transverses qui 
l'accompagnent, on aperçoit l'extrémité antérieure arrondie de l'organe dont nous nous oc- 
cupons. À le voir de cette manière, il semblerait qu’il n'y en a qu'un seul, occupant toute la 
largeur du dos de l'animal; cependant l'aorte et l'intestin, qui passent au milieu de lui, 
le divisent en deux portions symétriques, et bientôt on acquiert la preuve qu'il est formé 
de deux parties semblables, en pratiquant une section transverse de l'animal, dans laquelle 
l'organe est divisé en deux. (PL. XVIHE, fig. 5.) Il existe probablement une communication 
entre les deux parties de l'organe; car, en poussant l'injection d’un côté, on la fait quel- 
quelois pénétrer de l’autre; mais il serait possible que cela arrivât à la suite de quelques 
déchirures. 

En ouvrant l'organe dépurateur dans toute sa longueur, et en renversant les lambeaux à 
droite et à gauche (pl. XVIIE, fig. 4), on est surpris de trouver les parois couvertes, à l’in- 
térieur, d’une multitude de plis diversement contournés, saillants, lamelleux, spongieux, 
enchevêtrés, pour ainsi dire, les uns dans les autres; ils sont si nombreux et tellement 
irréguliers, qu'il serait impossible d’en donner une idée exacte par une description minu- 
tieuse. Pour cette raison, nous engagerons le lecteur à examiner avec attention les figures 
4 et 5 de la planche XVII; elles représentent fidèlement l'organe dépurateur dans une 
section transverse, et au moyen d'une ouverture longitudinale sur le dos. Indépendamment 
de ces parois plissées, l'organe contient, dans son intérieur, des espèces de piliers sub- 
piriformes, creux à l’intérieur, dont lun est attaché à la paroi supérieure et l’autre à la 
paroi inférieure. Antérieurement ils se terminent en pointe et viennent aboutir vers l’ex- 
trémité antérieure de l'organe, au point où il y a des connexions avec l'oreillette. (PL XVII, 
fig. 4 m, n.) 


Quand on est parvenu à injecter l'aorte postérieure, la liqueur colorée pénètre, comme 


nous l'avons dit, dans l'organe dépurateur, au moyen de deux troncs très-courts, qui se 
divisent ensuite, à la surface antérieure, en un réseau à mailles très-serrées. L’organe ainsi 
injecté étant ouvert, il a pris partout et d'une manière assez uniforme la couleur de l'in- 
Jection; et, en détachant des lambeaux, que lon place sous le microscope, l'on s'aperçoit 
que les surfaces internes sont couvertes d’un réseau vasculaire, à mailles extrêmement ser- 
rées, mais souvent irrégulières. Nous avons dit qu'il existe, dans la cavité de l'organe, 
deux espèces de piliers subpiriformes , ayant la surface extérieure chargée d'innombrables 


A 


ne 


CLASSE PREMIÈRE. -— GENRE SOLEN. 167 


plis. Ces piliers, que l’on pourrait comparer, à quelques égards, à l'oreillette de certains 
Mollusques gastéropodes, sont creux à l'intérieur, et leur surface interne est lisse. C’est 
cette surface qu'il faut mettre sous le microscope, pour apercevoir plus facilement le réseau 
vasculaire, qui existe dans l'épaisseur même du parenchyme. 

Quelques zoologistes ont attribué à l'organe dépurateur de larges communications avec 
le système veineux général; ils ont prétendu que tout le sang, sans exception, devait passer 
à travers ses cavités, avant de rentrer dans le système aortique. Ge fait est pour nous 
indubitablement établi pour un assez grand nombre de genres, et pour les Solens en par- 
ticulier. Afin de trouver la communication existant entre l'organe dépurateur et le système 
veineux, il faut détacher le ventricule aortique, le renverser en arrière, et, dans ce ren- 
versement, entraîner, avec l'intestin, l'extrémité antérieure de l'organe dépurateur. C'est 
en le soulevant avec précaution qu’on le voit attaché par sa face inférieure, au moyen de 
membranes très-minces, au pourtour d’une ouverture oblongue, cachée au-dessous de 
l'intestin. Lorsque cette ouverture a été mise à découvert, on s'aperçoit qu’elle est creusée 
dans la paroi musculaire dorsale de la masse viscérale, paroï qui elle-même devient très- 
mince et très-membraneuse, à l'endroit de la jonction des deux parties. Si l'on fait pénétrer 
la pointe des ciseaux par cette ouverture, et que l'on coupe la paroi abdominale, on par- 
vient ainsi, sans difhculté, jusque dans l’intérieur de la base du pied; mais nous avons 
été surpris, en renversant les lambeaux de la section, de trouver dans le canal de com- 
munication, à une faible hauteur, une valvule circulaire, ayant des lèvres assez grandes 
pour s'opposer au passage du sang, lorsque l'organe dépurateur en est rempli. Le canal de 
communication dont nous parlons est aplati de haut en bas, et les bords libres de la valvule 
sont dirigés du côté de la cavité abdominale; il ne faut qu'un très-faible effort pour 
qu'elle mette un obstacle invincible à lafflux du sang, lorsque l'organe qui doit le rece- 
voir en contient déjà une quantité suffisante. 

L’extrémité postérieure de l'oreillette a des connexions avec l'organe dépurateur, et 
c'est là qu’il faut chercher la communication qui existe entre ces deux organes. Dans le 
Solen siliqua, l'extrémité des deux piliers charnus vient se terminer en pointe aiguë, à l'angle 
antérieur de la cavité de l'organe (pl. XVII, fig. 4 m, n; fig. 3 d, e); et c'est en suivant 
la direction de ces deux piliers, que l’on arrive à la petite ouverture communiquant avec 
l'oreillette. Cette ouverture est ovale, oblongue (pl. XVIIT, fig. 3 / ); elle est garnie, de 
chaque côté, d’un petit pilier un peu plus épais, qui probablement remplit les fonctions 
d'une valvule. Dans le Solen ensis, les piliers piriformes de l'organe dépurateur ont leur 
extrémité antérieure un peu plus obtuse et plus courte; mais c’est toujours en suivant leur 
direction et dans l'angle antérieur, que se trouve la petite ouverture ovalaire établissant 
la communication avec l'oreillette. Ainsi, il est constant pour nous que l'organe dont 
nous nous occupons a des connexions très-intimes avec le système vasculaire, et sert, en 
quelque sorte, de réservoir intermédiaire entre les parties principales des organes de la 
circulation. 

Dans cet état de choses, on comprend assez facilement les fonctions de l'organe dont 
il est question; il semble destiné à jouer le rôle d’un cœur veineux: mais ce rôle n’est 


168 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


pas le seul qu'on doive lui attribuer, puisqu'en effet 1l jouit aussi des propriétés d’un 
organe sécréteur, car il a une communication directe avec l'extérieur. 

La communication dont il s’agit est fort difficile à apercevoir. Pour la découvrir, nous 
avons employé un moyen bien simple, qui consiste à injecter dans la cavité elle-même de 
l'organe une liqueur colorée; et dans les individus qui, étant morts, ont conservé toute leur 
souplesse, on voit quelquefois l'injection sortir de chaque côté de la base du pied, au- 
dessous des branchies, précisément dans les canaux aquifères qui règnent au-dessous de 
la paire externe de ces organes. Une fois que l'on a vu le point par lequel l'injection sort, 
un examen très-attentif, sous les grossissements d’une forte loupe, fait découvrir une très- 
petite ouverture un peu en forme de virgule, garnie, de chaque côté, de petites lèvres 
dont la jonction est si parfaite, que l'ouverture qu’elles protégent échapperait aux regards 
les plus attentifs, si l'on n’exerçait, sur la peau qui lenvironne, de petits tiraillements, au 
moyen desquels on détermine l'écartement des lèvres. (PI. XVIIE B, fig. 2 s.) Déjà nous avons 
indiqué la position des oviductes ; c'est un peu au-dessous d'eux qu’existe l'ouverture de 
communication de l'organe dépurateur. Il est bien facile, au reste, de se convaincre, par 
une dissection directe, que c’est bien là le canal excréteur de l'organe qui nous occupe. 
D'abord on peut y introduire la pointe aiguë des ciseaux, ouvrir le canal , et parvenir ainsi 
dans l’organe sécréteur. On peut encore faire pénétrer, par l'ouverture conservée entière, 
un très-fin stylet à pointe mousse; bientôt on le voit entrer jusque dans la cavité inté- 
rieure de l'organe. C’est encore vers l'extrémité antérieure de l'organe dépurateur que se 
trouve son canal excréteur. (PI. XVII, fig. 4 0.) L'ouverture interne diffère essentiellement 
de celle qui est à l'extérieur; aplatie latéralement, elle est garnie, de chaque côté, d'assez 
larges valvules membraneuses, composées du même tissu spongieux que le reste de l'or- 
gane , et elles ont une forme assez semblable aux valvules sigmoïdes connues dans les ani- 
maux. (PI. XVIII, fig. 3 g.) 

En soumettant à de médiocres grossissements la surface interne de l'organe dépurateur, 
on lui reconnaît cette apparence spongieuse déjà signalée par Poli; mais, en augmentant 
les amplifications, on aperçoit bientôt que cette apparence est due au grand nombre de 
petites anfractuosités creusées dans l'épaisseur du parenchyme de l'organe. Il existe aussi, 
principalement au sommet des plis, des points plus opaques, jaunâtres ou brunätres, iné- 
galement disséminés. Si l’on porte le grossissement jusqu'à deux cent cinquante diamètres, 
on découvre alors les divers éléments qui entrent dans la constitution de l'organe : 1° un tissu 
fibreux, à fibres excessivement fines, cylindriques, transparentes comme des fils du verre le 
plus pur. Ces fibres, entremèlées, forment des mailles irrégulières. Les fibres se redressent 
lorsque l'on déchire l'organe, et on les aperçoit facilement dans les déchirures ou, par 
transparence, dans les parties les plus minces de l'organe. 2° Des vésicules très-petites, trans- 
parentes , à deux ou trois loges , quelquefois à une seule , sont disséminées en grande abon- 
dance dans les mailles fibreuses, et sont retenues par elles; cependant elles s’en échappent 
dans les déchirures, et flottent dans l’eau. 3° Les vésicules sont entremêlées à des granules 
d’une excessive petitesse, transparents comme elles, et disséminés en très-grande abon- 


dance. 4° Les amas jaunâtres sont inégaux, comme nous l'avons dit. et irrégulièrement 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE SOLEN. 169 


disséminés. Sous un fort grossissement, ils paraissent beaucoup plus nombreux, parce que 
l'on découvre que les gros se décomposent quelquefois en plus petits, et l'on aperçoit aussi, 
dans la masse parenchymateuse, un bien plus grand nombre de gros granules jaunâtres, 
qui d'abord avaient échappé. Ces amas, pris isolément, et examinés dans leur structure 
intime, sont formés d’un nombre plus ou moins grand de corpuscules subsphériques, ou 
plutôt de petites vésicules, dans la composition desquelles il en entre de beaucoup plus 
petites. Les corpuscules jaunâtres sont-ils solides? Nous le croyons; car nous les voyons 
rapidement tomber au fond de l’eau. Entre les lames du compresseur, les amas s’aplatis- 
sent; mais les éléments dont ils sont composés, noyés dans un parenchyme assez épais, 
se trouvent à l'abri d'une compression directe. Si l'organe a une couleur spéciale, il le doit 
à la présence et à l'abondance des amas jaunâtres dont nous venons de parler. 

Quand l'organe dépurateur est ouvert dans l'eau, il s’en échappe à l'instant un liquide 
assez épais, contenant à la fois des particules blanches, et d’autres de couleur lie de vin. 
En recueillant le liquide sécrété, pour le soumettre à l'analyse microscopique, on recon- 
naît qu'il contient à la fois des matières muqueuses, concrétées par l'alcool, et des matières 
solides se présentant sous la forme de granules arrondis ou ovoïdes, inégaux, ordinai- 
rement d'un blanc transparent, quelquefois jaunâtre ou violacé. Ces granules se préci- 
pitent sur la lame de verre du porte-objet, tandis que les matières muqueuses, qui en 
retiennent une certaine quantité, restent flottantes dans l’eau. Si l'on prend la précaution 
d'ouvrir d’abord la cavité principale de lorgane et d'en recueillir le contenu, on s'aperçoit 
que cette cavité renferme toutes les mucosités blanches et une petite partie des granules 
solides. Si l'on ouvre ensuite les piliers piriformes, et que lon reçoive sur une lame de 
verre le liquide qu’ils contiennent, ce liquide a une couleur d’un gris rougeâtre, et il 
rassemble une immense quantité de granules solides, les uns jaunâtres , les autres rougeâtres : 
le liquide ne contient presque plus de matière muqueuse. Des granules jaunes, observés 
sous de forts grossissements, sont tout à fait semblables à ceux que nous avons fait remar- 
quer dans l'épaisseur du parenchyme sécréteur de l’organe. Quant aux granules transparents 
ou rougeâtres, ils sont lisses, arrondis ou ovoïdes, et semblent différer des premiers dans 
leur nature; cependant, si on mêle une gouttelette d'acide muriatique à la goutte d’eau qui 
les contient, ils sont dissous avec une grande rapidité, mais sans occasionner la moindre 
effervescence, ce qui prouve qu'ils ne sont point formés de carbonate de chaux, comme 
Poli l'avait supposé. 

Nous n’insisterons pas davantage, en ce moment, sur la nature des granules dont nous 
venons de parler; nous aurons plus tard une occasion plus favorable pour les examiner 
dans leur composition chimique, car ces granules, qui restent à l’état microscopique dans 
la plupart des genres, deviennent très-gros dans le Cytherea chione; et nous profiterons de 
cet animal, pour nous livrer à un examen approfondi de l'une des matières sécrétées par 
l'organe dépurateur. 

Il semble résulter de ce que nous venons d’exposer que l'organe dépurateur doit accom- 
plir une double fonction : celle de sécréteur et celle d’organe de propulsion dans les fonc- 
tions de la circulation. S'il n’accomplit pas cette double fonction, à quoi servent ses com- 

Zoon. — Mollusques. 1. 22 


a = Goes Ce PRET UE s a an nr — Ce 


170 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


munications entre le système veineux général et l'oreillette? À quoi servirait aussi le canal 
excréteur, au moyen duquel les cavités de l’organe communiquent avec l'extérieur? Il faut 
donc que le sang veineux, en séjournant dans les cavités de l'organe qu'il traverse, se dé- 
barrasse de certains matériaux qui deviendraient nuisibles à l'animal, ou qu'il acquière de 
nouvelles propriétés, en se mêlant au produit de la sécrétion. Mais, s'il afflue librement 
vers la cavité de l'organe, comment s’opère la séparation de la matière excrétée au moment 
où elle doit sortir au dehors? Voilà ce qui nous paraït difficile à expliquer. 

Nous avons déjà mentionné un organe particulier, d'une couleur rougeâtre, occupant 
l'angle du manteau dans toute la longueur de l'oreillette; cet organe rougeâtre présente 
dans sa section transverse une forme triangulaire, dont les trois côtés seraient formés 
par des lignes courbes; le plus grand de ces côtés correspond à la surface interne de 
l'oreillette, et il est entièrement compris dans sa cavité. Cette surface, examinée à la loupe, 
présente une foule de porosités, plus ou moins considérables, pénétrant immédiatement 
dans la cavité de l'oreillette; elle ressemble à la surface d’une petite éponge, car elle 
présente aussi une multitude de filaments qui, par leur entre-croisement irrégulier, laissent 
ouvertes les porosités dont nous venons de parler. Si l'on prend des parcelles de cet or- 
gane, et qu'on les soumette à un grossissement de cmquante à soixante fois, on voit qu'il 
est formé d’un parenchyme celluleux, d’une couleur rougeâtre, dans lequel sont noyées 
un grand nombre de vésicules à contour diffus et d’inégale grandeur. Dans ces vésicules 
sont contenus des granules rougeâtres, nombreux, irrégulièrement disséminés. Si l’on 
augmente les grossissements, et que l’on choisisse, pour l'observation , des lambeaux très- 
minces, les vésicules y apparaissent plus nettement circonscrites, et l’on voit que les fibrilles 
du parenchyme laissent entre elles des canaux ouverts qui, probablement, finissent par 
aboutir aux perforations que nous venons de signaler. Dans leur intérieur, les vésicules 
contiennent beaucoup de granules blanchâtres, assez gros, irréguliers, et une quantité non 
moins grande d’autres granules jaunâtres extrêmement petits et disséminés d’une manière 
assez régulière. 

Lorsque l’on connait les organes sécréteurs des Mollusques, on ne peut douter de la 
nature de celui que nous venons de citer; mais ce qui le rend éminemment intéressant, 
c'est la position qu’il occupe dans l'animal. Contenu, comme nous l'avons dit, dans l’inté- 
rieur de l'oreillette, il est probablement destiné à mêler au sang un liquide particulier, 
propre à lui faire acquérir des propriétés dont il ne jouissait pas encore; car le sang qui 
arrive dans les oreillettes a subi toutes les modifications que doivent lui faire éprouver 
les organes de la respiration et de la’ dépuration; par conséquent, les qualités nouvelles 
qu’il doit recevoir de l'organe sécréteur en question, il les transportera avec lui en passant 
dans la circulation artérielle. 


SYSTÈME NERVEUX. — Le système nerveux, dans les Solens, a été plutôt entrevu par 
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Poli que bien connu de lui. La figure qu’il en donne, dans le Solen siliqua, ne se rapporte 
pas exactement à ce que nous avons observé nous-même; et, d’ailleurs, une portion impor- 
tante du système, le ganglion du pied, avait échappé aux investigations du savant anato- 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE SOLEN. 171 


misie napolitain. Depuis Poli, jusqu'à nos jours, un assez grand nombre de zoologistes 
se sont occupés d’études assidues sur le système nerveux des Mollusques en général, 
dans le but d'éclairer l'anatomie et la physiologie comparées. Mais, dans ces recherches, 
le genre Solen a été oublié, si ce n’est par un jeune zoologiste, M. Blanchart, qui, profi- 
tant d’un voyage qu'il fit en Sicile il y a quelques années, entreprit des recherches sérieuses 
sur le système nerveux d’un assez grand nombre de Mollusques acéphalés, et, en particu- 
lier, sur celui du Solen vagina de Linné. M. Blanchart apporta dans ses observations infi- 
niment plus d’exactitude et de précision que Poli, et même que la plupart de ses devanciers ; 
il découvrit ce fait curieux, qu'un petit ganglion existe dans la plupart des branches du 
manteau, au point d'où s'échappent les rameaux qui se répandent dans les muscles. C’est 
ainsi que dans la bordure palléale, M. Blanchart compte dix ou onze ganglions, tandis que, 
dans des recherches précédentes, les autres anatomistes n’en avaient trouvé qu'un ou deux. 
Un autre fait, digne d'intérêt, et dont la découverte est également due à M. Blanchart, 
consiste à avoir vu les branches postérieures, destinées aux muscles rétracteurs des si- 
phons, communiquer entre elles, au moyen de quatre nerfs transverses partant d’un nombre 
égal de petits ganglions. On sait que les nerfs des rétracteurs naissent de la branche 
palléale des ganglions postérieurs; ils descendent de chaque côté de l'animal, presque paral- 
lèlement entre eux, et vont aboutir et se terminer dans le voisinage des ouvertures des 
siphons. C’est dans ce court trajet que M. Blanchart a constaté l'existence de quatre paires 
de ganglions, et de quatre nerfs de commissure se rendant du ganglion de droite à son 
congénère du côté gauche. Les faits que nous venons de rapporter ont sans doute de lin- 
térêt pour l'histoire du Solen vagina, mais ils devront perdre de leur importance aux yeux 
des physiologistes, puisqu'ils manquent de constance et ne se reproduisent plus dans les 
espèces les plus voisines d’un même genre. 

Enfin, M. Blanchart a fait connaître d’une manière très-exacte le ganglion du pied, ainsi 
que les diverses paires de nerfs qui se distribuent à cet organe; il a découvert un nerf 
récurrent sortant du pied, pour rentrer dans la base de la masse abdominale, et venir se 
distribuer à l'ovaire et aux parois musculaires de l'abdomen. 

En présence de ce travail si complet sur Le Solen vagina, nous nous serions abstenu de 
rien ajouter sur le système nerveux du genre Solen en général; mais, en disséquant le Solen 
ensis, et en étudiant son système nerveux, avec l'espoir de le trouver en tout semblable à 
celui du Solen vagina, nous y avons remarqué des différences notables, ce qui nous a en- 
gagé à reproduire une figure complète du système, et à en donner une description, pour 
faire voir aux zoologistes que si, dans l'ensemble, il existe de grandes ressemblances, il y 
a, dans le détail, des différences dont il est utile de tenir compte. 

En comparant les deux parties principales du système nerveux, on reconnait, sans diffi- 
culté, la prédominance de la portion postérieure; cependant, si lon Joint aux ganglions 
labiaux le ganglion du pied, alors les rôles changent, et la portion antérieure du système 
devient la plus importante et la plus considérable. 

La paire postérieure des ganglions est située, comme à l'ordinaire, au-dessus de l'anus, 
au-dessous des branchies, sur la surface interne du muscle adducteur postérieur des valves : 

20: 


172 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


ces ganglions se joignent et se confondent par leur bord interne, et il en résulte un seul 
ganglion quadrilatère un peu moins haut que large. (PI. XVII C, fig. 1 a, a.) Des angles 
antérieurs partent deux paires de nerfs, les viscéraux et les branchiaux (pl. XVIIT C,fig.1e, 
d, f, g); des angles postérieurs naît une seule paire de nerfs, destinée aux muscles et au 
manteau. (PI. XVIII C, fig. 1 À, k.) Nous allons suivre ces derniers dans leurs principales 
divisions, pour revenir ensuite aux paires antérieures. À leur naissance, les nerfs muscu- 
laires postérieurs sont fort gros; ils descendent obliquement sur la surface du muscle, en 
formant entre eux un angle aigu ; parvenus au bord postérieur du muscle, les troncs nerveux 
donnent immédiatement, pour le muscle lui-même, une branche qui remonte en avant, 
sur la surface dorsale, ce qui lui permet de distribuer des filets aux muscles du manteau. 
(PL XVII C, fig. 1 à, à.) Du même point, les troncs nerveux donnent naissance à un filet 
qui descend de chaque côté, dans la paroi supérieure du siphon anal; ces filets n’ont 
point de régularité et de symétrie; celui du côté gauche reste simple à son origine, et ses 
branches s’anastomosent; celui du côté droit se bifurque à sa naissance, et les deux filets 
s’anastomosent fort en arrière, vers l'entrée du siphon anal. { PI. XVIII C, fig. 1 j, j.) 
Après avoir produit les branches dont nous venons de parler, les troncs descendent sur le 
bord des muscles transverses supérieurs du manteau, et, après avoir parcouru la moitié à 
peu près de la longueur du siphon anal, ils quittent leur première direction pour gagner 
le manteau; au moment où ils font ce mouvement, ils laissent échapper une branche muscu- 
laire qui reste dans la direction première des troncs eux-mêmes. (PI. XVIITC, fig. 1 k, k.) Les 
troncs passent obliquement sous la base des branchies et gagnent les parois du manteau, en 
traversant obliquement la surface interne des muscles rétracteurs des siphons. (PI. XVIIT C, 
fig. 1 {, L) Dans ce trajet, ils ne fournissent aucune branche, mais, parvenus dans la partie 
mince du manteau, les troncs donnent naissance, de chaque côté, à un filet très-grêle, qui 
reste pendant quelque temps au point de jonction des deux parties du manteau, puis re- 
monte sur la surface interne des muscles transverses, pour se perdre enfin, en se bifur- 
quant, vers la commissure ventrale du manteau. (PI. XVIIT C, fig. 1 m, m.) Les troncs, déjà 
affaiblis, continuent à descendre en arrière et à se rapprocher de la soudure des deux lobes 
du manteau sur la ligne ventrale ; arrivés à ce point, ils se bifurquent en deux branches iné- 
gales; l'une, plus fine et plus courte, descend dans le siphon branchial; l’autre, plus 
grosse, remonte dans la partie épaisse et musculaire du manteau, se distribuant en filets 
très-minces aux muscles transverses de la région ventrale. Dans l'individu sur lequel nous 
avons étudié le système nerveux, il existe une anomalie qui prouve que les nerfs, dans 
leur distribution, n’observent pas toujours la parfaite symétrie qu'on est dans l'habitude de 
leur attribuer. D'un côté, avant de se bifurquer, le nerf palléal postérieur donne naissance 
à une branche assez grosse et fort longue { pl. XVIII C, fig. 1 0), qui remonte jusqu’à la 
commissure du manteau, tandis que, de l’autre côté, ce filet manque, et se trouve remplacé 
par une bifurcation de la branche ascendante principale, naissant beaucoup plus haut que 
sa congénère, du côté opposé. 

Deux autres paires de nerfs naissent du ganglion postérieur; elles partent des angles 


antérieurs de ce ganglion; la première se recourbe à son origine, gagne immédiatement 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE SOLEN. 173 


la base des feuillets branchiaux, et s'attache au petit intervalle séparant les deux séries de 
perforations qui se voient à la base de ces organes; cette paire de nerfs doit conserver le 
nom de nerfs branchiaux (pl. XVIII C, fig. 1 À, À); enfin, la dernière paire, que produit le 
ganglion postérieur, est celle des nerfs viscéraux ; ils s’'enfoncent au-dessous de la surface 
du manteau, se logent entre la surface ventrale de l’organe dépurateur et l'insertion de 
l'oreillette, et parviennent sur le côté de l'abdomen. À une petite distance des oviductes, 
ils percent les parois abdominales, parcourent la surface du lobe dorsal du foie, et abou- 
üssent enfin aux ganglions labiaux, ne donnant dans tout ce long trajet qu'une seule petite 
branche aux muscles plats qui recouvrent le foie et donnent appui aux lèvres de la bouche. 
(PL XVIII C, fig. 1 e, d.) 

Les ganglions labiaux sont d'une médiocre grosseur; on les trouve avec facilité, un peu 
en avant de l'insertion de la lèvre supérieure de la bouche, s'appuyant ainsi sur la paroi 
de la cavité qui renferme la portion dorsale et palléale des viscères. Ces ganglions, légè- 
rement aplatis, sont triangulaires, écartés entre eux de toute la largeur de la bouche et 
de la partie transverse des lèvres. (PI. XVIII C, fig. 1 b, b.) Un nerf de commissure, assez 
grêle, parcourt transversalement un arc de cercle, au-dessous de la lèvre superieure, et il 
sert à établir une communication entre les deux ganglions labiaux. {PL XVIII C, fig. 1 q.) 
Les branches nerveuses, qui naissent des ganglions labiaux, partent principalement des 
angles; ainsi l'angle postérieur reçoit le nerf viscéral, l’interne donne naissance au nerf de 
commissure, et lantérieur externe produit les nerfs musculaires antérieurs et ceux du 
manteau. Enfin, c’est de la surface interne des mêmes ganglions que partent, en conver- 
geant, les branches qui doivent donner naissance au ganglion du pied. Nous allons suivre 
d'abord la distribution des nerfs musculaires et du manteau, pour revenir ensuite à la 
description des nerfs du pied. 

L’angle antérieur externe des ganglions labiaux produit un tronc nerveux fort gros, 
mais court; car, presque à son origine, il se divise en deux branches principales : l’une 
interne, principalement destinée aux muscles, et l’autre externe, qui se distribue au man- 
teau. (PL. XVIIT C, fig. 1 s, t.) La branche interne, au sortir du ganglion, suit une ligne 
oblique, dans un court trajet, et vient se placer près du bord du muscle adducteur des 
valves et des muscles transverses du manteau. En dedans, il s’en détache une branche 
assez grosse qui s'enfonce immédiatement dans le muscle adducteur des valves. Parvenu 
vers l’appareil musculaire transverse du manteau, ce nerf se bifurque. La branche la moins 
grosse, du côté externe, se rend dans la portion mince du manteau, tandis que l’autre se 
prolonge en ligne droite et passe dans cette portion épaisse du bord antérieur du manteau, 
qui garnit le bord de la coquille et donne passage au pied. Nous revenons actuellement à 
la branche palléale, au moins aussi grosse, à son origine, que le nerf des muscles. A peine 
cette branche est-elle parvenue vers le bord mince du manteau, qu’elle se divise en trois 
rameaux ; un externe, s'infléchissant latéralement et gagnant obliquement le bord ventral 
du manteau, se bifurque, et les rameaux descendent jusque dans le voisinage de la com- 
missure médiane du manteau. (PI. XVIIT C, fig. 1 v.) La branche moyenne est extrêmement 
grêle; elle remonte dans la partie mince du manteau, à son point de jonction avec le bord 


174 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


musculaire ; parvenue à une médiocre hauteur, elle produit un petit ganglion d’où partent 
deux branches également fines ; l’une descendante et l’autre ascendante. Toutes deux sui- 
vent exactement le bord interne des muscles transverses du manteau. (PL. XVIII C, fig. 1, u.) 
La troisième branche, à peu de distance de son origine, se jette dans la partie mince 
du manteau et s’y maintient pendant une grande longueur; elle se bifurque à son extré- 
mité. La branche externe se porte à la surface des muscles transverses du manteau. La 
branche interne se maintient dans la partie mince de cet organe et vient se distribuer, en 
quelques filets, vers l'extrémité inférieure du bord antérieur du manteau. (PI XVIII C, 
fig. 1 1.) 

Les nerfs du pied ou pédieux, comme les nomment quelques anatomistes, prennent 
naissance à la surface interne des ganglions labiaux ; ils se recourbent d’abord en arrière, 
puis, en continuant leur marche, ils se courbent encore pour pénétrer dans l’intérieur du 
pied, sans passer sous la surface interne du manteau; ils traversent la cavité dans laquelle 
sont contenus, à la fois, l'estomac et l'intestin, ainsi que l'ovaire et le foie. Ils s’avancent 
ainsi obliquement jusque près du centre, en s’inclinant cependant davantage vers la sur- 
face dorsale du pied. (PI. XVIII C, fig. 1r, r.) Là ils aboutissent à un ganglion épais, lenti- 
culaire , résultant probablement de la soudure de deux ganglions, comme cela a lieu pour 
le ganglion postérieur. La paire de nerfs dont nous venons de parler, par la jonction aux 
ganglions pédieux, complète le second anneau nerveux dans lequel la masse viscérale est 
particulièrement embrassée. Dans leur trajet, les nerfs en question ne donnent qu'une 
seule petite branche qui se distribue aux lévres et aux palpes. 

Le ganglion pédieux est fort gros, ainsi que nous le disions; aussi il s’en échappe, de 
chaque côté, cinq paires de nerfs, dont les principales (pl. XVII C, fig. 1, y, z) se 
dirigent en avant, s’enfoncent entre les piliers musculaires, et se distribuent à la fois aux 
muscles du pied et à l'ovaire. La paire interne des nerfs issus du ganglion pédieux sont 
des nerfs récurrents, découverts par M. Blanchart dans le Solen vagina. Ces nerfs se 
recourbent sur eux-mêmes, rentrent dans la cavité abdominale, par conséquent se dirigent 
en arrière, au lieu de se porter en avant comme leurs congénères. Îls viennent se placer 
contre les parois musculaires de la base de l'abdomen et se distribuent au foie, à l'ovaire 
et, probablement, aux intestins. (PL. XVIII C, fig. 1 x, æ.) 

Tel est l'ensemble du système nerveux dans le Solen ensis. Sa disposition générale pré- 
sente certainement une très-grande analogie avec celle du Solen vagina. Cependant il 
existe quelques différences qu'il est bon de signaler, pour que l'on n’attribue pas trop d’im- 
portance à certains faits constatés par M. Blanchart. Ainsi, les nerfs musculaires postérieurs 
n'ont pas de symétrie. S'ils ont des ganglions, ils sont en petit nombre et irrégulièrement 
épars. Ces nerfs sont également dépourvus de ces branches transverses de commissure 
existantes dans le Solen vagina. Nous n'avons pas aperçu la moindre trace de ganglions 
dans le nerf viscéral qui réunit les ganglions postérieurs aux ganglions labiaux. Enfin, 
dans les nerfs antérieurs du manteau, nous n'avons pas vu bien nettement la série de 
petits ganglions que M. Blanchart a découverts dans le Solen vagina. 

Pour terminer ce que nous avons à dire du système nerveux des Solens, nous allons 


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ES 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE SOLEN. 175 


entrer dans quelques détails sur celui du Solen legumen qui, à lui seul, constitue, comme 
nous le savons déjà, la seconde section du genre, renfermant les espèces à charnière médiane. 

Les ganglions postérieurs sont joints en un seul, plus gros que les deux ganglions 
labiaux réunis. Il est situé, ainsi que dans les autres espèces, sur le muscle adducteur 
postérieur des valves; il est quadrangulaire (pl. XII, fig. 3 m) et, comme à l'ordinaire, 1l 
donne naissance à trois paires de nerfs : une partant des angles postérieurs, les deux autres 
des angles antérieurs. La paire postérieure est fort grosse (pl. XII, fig.3n,n); elle descend 
obliquement à la surface du muscle pour gagner le pilier membraneux, auquel la branchie 
s'attache pour compléter la cavité du siphon anal; les nerfs restent cachés dans cette plis- 
sure du manteau. Parvenue vers le milieu de la longueur du pilier, une petite branche pal- 
léale se détache (pl. XIE, fig. 3 p, p) et traverse, en ondulant, la surface des muscles rétrac- 
teurs des siphons; d’autres branches qui naissent en dedans des siphons se distribuent sur 
la surface interne de ces organes et pénètrent dans le tissu fibreux dont ils sont composés. 
Des deux paires antérieures de nerfs, l'une est la branchiale; elle se réfléchit au-dessous de 
la branchie et suit l'insertion de l'organe au manteau. La seconde paire antérieure est celle 
des nerfs viscéraux (pl. XII, fig. 3 q, q);: ils se dirigent en avant au-dessous des branchies, 
d’abord posés à la surface de l'organe dépurateur ; parvenus sur les côtés de la masse abdo- 
minale, ils la percent dans le voisinage des oviductes, restent sur les parties latérales de la 
masse viscérale, et gagnent les ganglions labiaux sans distribuer de branches dans leur trajet 
assez long. 

Les ganglions labiaux sont petits, aplatis, triangulaires, plus rapprochés que dans les 
autres espèces de Solens. Par leur angle interne et antérieur, ils communiquent au moyen 
d’un filet de commissure fort mince (pl. XVIIT 4, fig. 4 p, p,q), et, par l'angle antérieur ex- 
terne, ils donnent naissance à une paire de nerfs destinés aux muscles et au manteau. Le 
tronc se place tout près du bord du muscle adducteur des valves (pl. XVII A , fig. 4 r, r); par- 
venu à un peu moins de la moitié de la longueur du muscle, il se divise en deux branches: 
l'une interne, qui continue le tronc dans la même direction, parcourt tout le reste de la lon- 
gueur du muscle, et, parvenue à son bord antérieur, s’infléchit pour se terminer dans la 
portion dorsale du manteau. (PL. XVIII 4, fig. 4 s, s.) La branche externe se porte rapidement 
dans la partie mince du manteau, se partage en plusieurs rameaux dont les uns gagnent 
l'extrémité antérieure du manteau, et les autres se courbent pour suivre le bord ventral du 
même organe. 

De la surface interne des ganglions labiaux, les nerfs pédieux prennent naissance; ils se 
recourbent d'avant en arrière pour s’introduire sous l'enveloppe musculaire de l'abdomen 
et reprennent ensuite une direction opposée, celle d’arrière en avant; ils se glissent au- 
dessous de brides musculaires transverses et aboutissent à un très-gros ganglion abdomi- 
nal , accolé lui-même à la paroi supérieure du pied. (PI. XIII, fig. 2 r, n.) Le ganglion ab- 
dominal est très-gros, lenticulaire, et même un peu dilaté sur les côtés, ce qui le rend 
un peu ovalaire, Quatre paires de nerfs partent de sa circonférence; toutes se distribuent 
aux muscles du pied et envoient quelques rares et faibles rameaux à l'ovaire, et pro- 
bablement à l'intestin. Nous n’avons pas vu de nerfs récurrents ; mais, comme ils sont 


176 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


d'une extrême finesse, il serait possible qu'ils existassent et qu'ils eussent échappé à nos 


recherches. 
Ce que nous venons d'exposer sur le système nerveux du Solen lequmen prouve une 


fois de plus l'analogie des espèces du second groupe avec celles du premier; et nous pou- 


vons le déclarer en terminant l'examen de l’organisation des animaux des Solens, ce genre 
naturel contient deux groupes distincts offrant tous les caractères d’un même type, et quel- 
ques légères modifications, selon le groupe d'espèces que l'on considère. 


CONCLUSION. 


À prendre les Solens dans leur forme extérieure, on doit s'attendre à leur trouver 
des caractères propres; car ils sont, de tous les Mollusques acéphalés, ceux qui ont le plus 
de largeur, et, en proportion, le moins de longueur. Néanmoins, par leur organisation, 
ces animaux se rattachent au type le plus considérable des Mollusques dimyaires à si- 
phons. 

On a dû se demander pourquoi les Solens occupent, dans la classification générale, 
l'une des extrémités de la série. Est-ce là, en effet, la place qui leur convient le mieux 
dans une méthode naturelle? Pour répondre à cette question d’une manière complète et 
satisfaisante, 1l faudrait passer en revue les principes sur lesquels la classification est fon- 
dée, et s'assurer d'abord si les zoologistes ont été bien inspirés, lorsqu'ils ont comparé les 
Ascidiens aux Mollusques acéphalés, dont le manteau est fermé; c'est pour conserver à ces 
deux sortes d'animaux le plus grand nombre de rapports, que les zoologistes ont commencé 
ou terminé la classification des Mollusques acéphalés par ceux de ces animaux qui ont le 
manteau presque fermé. Les Solens, par cette raison, ont dû venir se ranger vers l'une des 
extrémités de la série. D’autres considérations, empruntées uniquement à leur forme exté- 
rieure, devaient également leur assigner la même place. 

En effet, les Solens sont les plus larges et les plus courts des Mollusques acéphalés ; 
les Moules, au contraire, sont des animaux beaucoup plus longs que larges. Entre ces deux 
formes extrêmes, les classificateurs se sont efforcés de ranger toutes les intermédiaires, 
et, par le fait, ils ont eu raison; car, on peut dire, d’une manière générale, que les ca- 
racières zoologiques de cette classe de Mollusques se modifient à mesure que la forme ex- 
térieure change. 

Dans le Solen, la forme extérieure a entraîné à une modification remarquable. Le pied 
ne part pas de l'extrémité antérieure, il s'insère au milieu de la largeur de lanimal; la 
bouche et la masse des viscères se trouvent par là déplacées, sans que la charnière de la 
coquille les suive et se mette en rapport avec la région du cœur. 

Le manteau, organisé comme chez les autres Mollusques de la même classe, se dis- 
tingue cependant par la largeur et la continuité de l'appareil musculaire qui en garnit le 
pourtour, aussi bien du côté du ventre que sur le dos. 

Pour la première fois, quelques espèces de Solens nous offrent le phénomène curieux, 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE SOLEN. 177 


au moment de la mort, de la désunion spontanée des lobes du manteau, solidement réunis 
pendant la vie de ces animaux. 

Les siphons et les tentacules qui les garnissent offrent des caractères spécifiques excellents ; 
ils présentent aussi des caractères propres au genre, ce qui rend l'examen de ces organes 
indispensable pour distinguer avec facilité les espèces les plus voisines. 

Le pied conserve, dans les Solens, une forme qui lui est propre. Détaché du milieu du 
corps, il s’avance en avant, sous une forme cylindrique, et se termine en une troncature 
oblique, peu apparente; mais l'animal sait donner à cette partie de l'organe locomoteur des 
formes variées, selon l'usage qu'il en veut faire. Ce pied, éminemment musculaire, est 
creusé au centre d’une cavité conoïde, à parois épaisses, souvent cloisonnées, dans la- 
quelle est renfermée la plus grande partie des viscères. 

Les muscles adducteurs des valves, et particulièrement celui qui est en avant, se sont 
considérablement aplatis et ont été reportés dans la région dorsale de l'animal, pour laisser 
au pied un entier et libre passage; par les empreintes qu'ils laissent sur la coquille, ces mus- 
cles offrent des caractères spécifiques d’une grande valeur. 

La masse des viscères n’est point entièrement assemblée sous l'enveloppe commune que 
lui fournissent ordinairement les parois du pied, une partie de cette masse viscérale étant 
rejetée en dehors, sur le dos, entre les parois du manteau. 

Dans la masse viscérale sont compris les organes de la digestion, ceux de la génération, 
le centre de ceux de la circulation, et enfin un organe dépurateur et un autre organe sécré- 
teur annexé aux oreillettes. 

Comme à l'ordinaire, les organes de la digestion sont composés d’une bouche transverse 
assez grande; d’un œæsophage aplati et court, aboutissant à un estomac subsphéroïde, garni 
à l'intérieur de diverses crêtes destinées à séparer plusieurs compartiments ; enfin, à l’esto- 
mac vient communiquer un long appendice cœcal, dont l'usage n’est point encore déter- 
miné, L'intestin, d’un diamètre à peu près égal dans toute son étendue, est diversement 
contourné , selon les espèces; il se développe dans l'intérieur de la cavité du pied, vient re- 
gagner l’axe dorsal de l'animal, pour sortir de l'abdomen dans la cavité du péricarde, où il 
est saisi par le ventricule aortique. Âu sortir du péricarde, l'intestin passe au travers de l’or- 
gane dépurateur; il vient s’infléchir sur le bord postérieur du muscle adducteur des valves, 
et se termine en un anus flottant dans la cavité du siphon anal. 

Un foie assez considérable entoure l'estomac, une petite partie de l'intestin, et, dans la 
plupart des espèces, se partage en deux lobes distincts, dont l’un se prolonge entre les 
deux duplicatures du manteau, dans la région dorsale de l'animal. Ce foie est composé, 
comme dans les autres Mollusques, d’un grand nombre de follicules, qui s’attachent à des 
vaisseaux biliaires aboutissant à deux troncs communs, que l’on voit s'ouvrir dans la cavité 
de l'estomac, au-dessous et de chaque côté de l'ouverture œæsophagienne. 

L'ovaire, ainsi que dans les autres Mollusques, constitue un organe très-considérable; il 
finit par envahir toute la cavité du pied; il en dilate les parois; et, dans certaines espèces, 
manquant de place, il se prolonge le long du dos de l'animal, et vient couvrir toute la sur- 
face supérieure du muscle adducteur antérieur des valves. 

Zoo. — Mollusques. 1. 23 


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178 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


Les produits de l'ovaire se sont offerts à nos yeux à divers degrés de développement; ils 
ont confirmé, par leur manière d’être, les observations que nous avons faites dans plusieurs 
autres genres; c’est-à-dire que l'œuf, implanté par une pointe aiguë et ouverte dans la 
substance même de l'ovaire, y puise les matériaux de son accroissement, appelé vers un 
centre vital que représente la vésicule de Purkinge. 

La circulation, chez les Solens, présente des faits importants pour la classe entière des 
Mollusques acéphalés. Un système artériel considérable vient porter le sang dans tous les 
organes, au moyen de vaisseaux qui deviennent, à leur extrémité, d’une extrême finesse, et 
se changent en un réseau à mailles continues, de sorte qu'il est impossible de dire où se 
terminent les artères et où les veines commencent. Cependant, à une certaine limite, les 
veines échappent, et la continuité des deux systèmes peut êre contestée. Nous ignorons s’il 
existe entre eux des lacunes; nous pouvons dire néanmoins que, pour un certain nombre 
d'organes, ces lacunes sont peu probables, puisque les artères et les veines sont en présence 
et à des distances très-courtes. Dans tous les cas, nous avons trouvé le système veineux 
circonscrit dans des vaisseaux continus, dans le manteau, où nous avons découvert une veine 
qui parcourt toute la circonférence des deux lobes. Ge système existe aussi dans les lèvres 
et dans les palpes. 

Les organes de la respiration consistent en quatre feuillets branchiaux liés entre eux, et 
suspendus à la voûte de la partie postérieure de la cavité palléale, Deux veines considé- 
rables apportent le sang du corps aux branchies. Le fluide nourricier est obligé de parcourir 
un système de vaisseaux capillaires fins et serrés, avant de revenir dans les veines bran- 
chiales, qui doivent le ramener au cœur, après avoir subi les modifications qu’entraîne son 
contact avec le liquide ambiant. Quant à leur composition, les branchies sont consti- 
tuées exactement de la même manière que dans les autres Lamellibranches dimyaires si- 
phonés. 

En sortant des branchies pour entrer dans l'oreillette, le sang rencontre un organe tout 
particulier, présentant une cavité assez étendue dans laquelle sont des piliers plissés, d’une 
structure fort remarquable. Cet organe doit agir sur la masse du sang, en lui enlevant des 
principes devenus nuisibles. C’est en cela qu’il mérite le nom d’organe dépurateur; mais, 
par une combinaison dont nous ne connaissons pas d’autres exemples chez les Mollusques, 
cet organe de sécrétion devient une annexe importante de la circulation, puisqu'il commu- 
nique directement avec les oreillettes. Indépendamment de sa communication, dont nous 
venons de parler, cet organe en a une aussi à l'extérieur, située au-dessous des oviductes. 

Un autre organe de sécrétion est enclavé comme un prisme triangulaire entre les parois 
du manteau et la cavité de l'oreillette. Get organe poreux et spongieux communique direc- 
tement avec la cavité de l'oreillette et doit jouer un rôle important, soit en modifiant le 
sang, soit en recevant de lui les matériaux d’une sécrétion. L'usage de cet organe est encore 
! ; 
ignoré. 

Le système nerveux est très-considérable chez les Solens. Quatre ganglions, avec leurs 
branches de commissures, forment deux anneaux complets destinés à embrasser les deux 
parties principales des viscères; c’est de ces ganglions que partent un assez grand nombre 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE SOLEN. 179 


de branches que l'on voit se répandre dans les divers organes. Les ganglions postérieurs, 
réunis entre eux, produisent les nerfs branchiaux, les nerfs viscéraux, et, en arrière, des 
nerfs pour les muscles et le manteau. Les ganglions labiaux, écartés par la largeur de la 
bouche et des lèvres, donnent des nerfs aux muscles antérieurs et au manteau, dans les 
parties de cet organe situées en avant de la bouche. Enfin, un ganglion viscéral, situé au 
centre du pied, laisse échapper quatre à cinq paires de nerfs, qui vont se distribuer à l'ap- 
pareil musculaire considérable constituant l'organe du mouvement. Un fait remarquable 
signalé, pour la première fois à l'attention des naturalistes, par M. Blanchart, démontre 
l'existence, dans quelques espèces, d’un grand nombre de petits ganglions répandus dans 
le trajet des nerfs du manteau, et jusque dans l'intérieur du siphon anal, où s'ajoutent des 
branches de commissures transverses aux ganglions qui s’y trouvent. 

Il est évident, d’après ce que nous venons d'exposer, que le genre Solen est parfaitement 
caractérisé, et qu'il constitue le type d’une organisation spéciale parmi les Mollusques 
acéphalés dimyaires. Nous pouvons ajouter que, dans ce genre et ceux qui l'avoisinent, 
l'organisation y ést à un plus haut degré de perfection; ce qui prouve que la classification 
devrait être renversée, quel que soit, du reste, l’ordre primitif que l'on adopte. 


1. SOLEN vAGINA. Linné. 


Cap Falcon, Mers-el-Kebir, Bône, Alger. Toute la Méditerranée, l'Océan d'Europe. 
Fossile en Italie, en Sicile, en Morée, dans les terrains subapennins. 


s 
S. Testä lineari, rectà ; latere antico recto, truncato, marginato ; margine sulco transverso distincto: 
cardinibus unidentatis, margini antico contiguis; dentibus complanato-rotundatis. 


Linvé, Syst. nat. edit. 10, pag. 672, n° 23. 

Linné, Mus. Ulric. pag. 472, n° 12. 

LinNé, Syst. nat. edit. 12, pag. 1113, n° 304. 

Lister, Conch. pl. 412, fig. 1. 

Boxanwr, Recreat. 2° part. fig. 57? 

Réaumur, Mém. de l'Acad. des Sciences (1712), pl. 6, fig. 1 à 6. 

Guarriert, Ind. test. pl. 95, fig. D. 

Ginanwr, Oper. post. tom. II, pl. 27, fig. 170. 

PENNaNT, Brit. Zool. tom. IV, pl. 46, fig. 21. 

Born, Mus. cæs. pag. 24, et 23, vign. fig. a. 

Cuewxirz, Conch. Cab. tom. VI, pag. 4o, vign. pag. 36, fig. G H, et pl. 4, fig. 28. 
SCHRÔETER, Einl. tom. Il, pag. 623. 

GMELIN, pag. 3223, n° 1, exclusis pluribus synonymis. 

SPENGLER, Mém. de lu Soc. d'hist. nat. de Copenhague, tom. III, pag. 82, n°1. 
Port, Test. des Deux-Sic. tom. I, pl 10, fig. 5, 15, pl. 11, fort 
ExcycLopépie, pl. 222, fig. 1 a, b, c? 

Wiz. Woon, Hinges of Brit. biv. Linnean Trans. tom. VI, pag. 160, pl. 14, fig. 10. 
Donser, Cut. pag. 28, pl. 4, fig. 8. 

MonraGu, Test. Brit. pag. 4o. 


23. 


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180 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


Solen marginatus , Doxovax, Brit. Shells, tom. IV, pl. 110. 

Marron et RackerT, Descr. Cut. Linnean Trans. tom. VII, pag. 42, n° 1. 
Woo, General Conch. pag. 119, pl. 27, fig. 1. 

Dircwyn, Cat. tom. I, pag. 57, n° 1. 

Lamarox, Anim. sans vert. tom. V, pag. 451, n° 1, exclusis varielatibus. 
Turrow, Conch. Dict. pag. 159, n° 3. 

Turrow, Conch. ins. Brit. pag. 79, n° 1. 

ScnweiGcer, Hand. der Nai. pag. 690. 

Gzernviuze, Cat. des Moll. de la Manche, pag. 12, n° 1. 

BLanvice, Malac. pl. 79, fig. 2. 

Brookes, {ntrod. of Conch. pl. 2, fig. 13. 

Sowergy, Gen. of Shells, fig. 2. 

MExxe, Synop. meth. Moll. pag. 120. 

Corarp-pes-CnÈères, Cutaloque des Moll. du Finistère, pag. 10, n° 1. 
Woo, Ind. test. pl. 3, fig. 3. 

Desnayes, Encycl. méth. vers. tom. IT, pag. 959, n° 1. 

Desnayes, Expédit. scient. de More, Zool. pag. 85, n° 6. 

Scaccur, Catal. Conch. reg. Neap. pag. 5, n° 1. 

Desnayes, dans Lamarck, Animaux sans vertèbres, 2° édit. tom. VI, pag. 52, n°3. 
Boucnarr CnanrerEaux, Catal. des Moll. du Boul. pag. 9, n° 5. 

REEvE, Conch. syst. tom. I, pl. 25, fig. 2. 

Desnayes, dans Cuvier, Règne animal, nouv. édit. Moll. pl. 111, fig. 1, 1 a. 
Fcemine, Brit. anim. pag. 458 , n° 561. 

Haxzey, Descr. Cat. pag. 11. 

Taowpsox, Report on the Fauna of Ireland, pag. 263. 

Portez et MicHauD, Galerie des Moll. tom. IT, pag. 262 , n° 3. 

Tuorpe, Brit. marin. Conch. pag. 34. 

Lovex, Ind. Moll. scandin. hab. pag. 49, n° 337. 

Fossilis, Broccur, Conch. foss. subap. tom. Il, pag. 496, n° 5. 

SismonDpA, Synop. meth. anim. inv. ped. foss. pag. 16. 

Pivrppr, Enum. Moll. Sicil. tom. I, pag. 6, n° 1; tom. IT, pag. 5, n° 4. 
Desnayes, Expéd. scient. de Morée, Zool. pag. 85. 


Nous ne reproduisons pas ici la description d'une espèce bien connue de tous les z00- 
logistes. D'ailleurs, les détails dans lesquels nous sommes entré, relativement à l'animal, 
suffisent pour le faire reconnaitre avec la plus grande facilité. La charnière de la coquille, 
caractérisée par Linné et plus tard par Wood, dans son travail sur les charnières des co- 
quilles bivalves de l’Angleterre, donne aussi un moyen facile de distinguer l'espèce, surtout 
si l'on fait attention à la position des dents cardinales par rapport au bord antérieur. Néan- 
moins, Linné et plusieurs autres ont confondu, dans leur synonymie, quelques espèces 
voisines, soit du Sénégal, soit de l'Océan indien; mais, aujourd’hui, sous le nom de Sole 
vagina, on réunit les diverses variétés de l'espèce, qui vit non-seulement dans toute la 
Méditerranée, mais encore dans tout l'Océan européen, et jusque dans les régions septen- 
trionales de la Suède et de la Norwège. 

On rencontre cette espèce, à l'état fossile, dans les terrains tertiaires de l'Italie, de la 
Morée et de la Sicile. La coquille des environs de Paris, que Lamarck considérait comme 
une variété du vagina, en est constamment distincte; il en est de même de l'espèce fossile 
de Bordeaux et de Dax. 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE SOLEN. 181 


Comme nous l'avons dit, les Solens vivent dans le sable, dans lequel ils s’enfoncent avec 
rapidité, au moyen des manœuvres déjà décrites par Réaumur, et que nous-même avons 
plusieurs fois observées. Mais un autre mode de locomotion, qui avait échappé à l'illustre 
observateur que nous venons de citer, est employé par les Solens dans certaines circons- 
tances, surtout lorsque, arrachés à leur demeure ordinaire, ils veulent regagner avec ra- 
pidité un lieu convenable d'habitation. Pour cela, ils exécutent une véritable natation, 
ainsi que nous lavons vu à plusieurs reprises, particulièrement chez le Solen vagina, 
pendant notre séjour à Bône. Le Solen qui veut employer le moyen en question, étant 
dans l'eau sur un sol trop solide pour y pénétrer, emplit d’eau la cavité de son manteau, 
contracte l'extrémité de ses siphons et les ferme exactement; il allonge le pied, et, impri- 
mant à cet organe un mouvement de ressort en détente, il se relève; au même instant, 
il pousse avec violence l’eau contenue dans sa coquille; le liquide en sort avec rapidité par 
l'extrémité antérieure, à travers laquelle passe aussi le pédicule très-rétréci de lorgane 
locomoteur. Cette impulsion, que l'animal reçoit au moyen de l’eau contenue dans son 
manteau, ressemble, à bien des égards, à celle que se donnent les céphalopodes pendant 
la natation; seulement, ici, elle est beaucoup moins puissante et moins continue; car, 
par ce moyen, le Solen, après avoir fait un saut d’un pied ou d’un pied et demi, se laisse 
tomber sur le sol, tâte avec son pied s’il est propre à être habité; s’il est impénétrable, 
l'animal recommence un saut semblable au premier, et il réitère ainsi cette espèce de na- 
tation jusqu’au moment où il a trouvé une couche sableuse assez épaisse pour s'y enfoncer 
et s’y cacher entièrement. 


9, SOLEN SILIQUA. Linné. 


Cap Falcon, Alger, la Sicile, toute la Méditerranée, l'Océan enropéen. 
Fossile dans le crag d'Angleterre et en Sicile. 


S. Testà lineari, rectà, posticè paululüm latiore; latere antico non marginato nec sulcato; cardine ter- 
minali bidentato, in alterà valvulà unidentato. 


Linxé, Syst. nat. ed. 10, pag. 672, n° 24. 

Liné, Fauna suecica, 2° édit. pag. 516,n° 2131. 
Liné, Mus. Ulric. pag. 473, n° 13. 

Linné, Syst. nat. ed. 12, pag. 1113, n° 34. 

BELow, De Aquatilibus, p. 414, fig. 2. 

Roxpezer, le Liv. des poiss. couverts de test dur, pag. 31. 
Lisrer, Anim. Angl. tab. 5, fig. 37. 

Lister, Conch. fig. 413. 

Praxcus, De Conch. min. not. pag. 33, pl. 3, fig. 6. 
Guazrrert, nd. test. pl. 95, fig. C. 

Pennanr, Brit. Zool. tom. IV, pl. 45, fig. 20. 

Born, Mus. cæs. test. pag. 24. 

Cnemnirz, Conch. cab. tom. VI, pag. 44, pl. 4, fig. 27. 


182 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


ScuroëTer, Einl. tom. II, pag. 624. 
Guzzi, Syst. nat. 13° éd. pag. 3223, n° 2. 
D'Acosra, Brit. Conch. pag. 235, pl. 17, fig. 5. 
Muzier, Fauna suec. prodr. pag. 245, n° 2957. 
Kworn, Verg. 6, pl. VIL, fig. 1. 
Ozivi, Zool. adriat. pag. 97, n° 2. 
Pour, Testac. des Deux-Sic. t. 1, pag. 9, pl. 10, fig. 7 à 11 et pl. 11, fig. 12, 18. 
SPENGLER, Mém. de la Soc. d’hist. nat. de Copenhague, tom. IT, pag. 88, n° 4. 
Encyclopédie, pl. 222, fig. 2, a, b, c. 
Wiz. Woop, Hinges of Brit. biv. Linnean Trans. tom. VI, p. 159, pl. 14, fig. 10. 
MowraGu, Test. Brit. pag. 46. 
Doxovan, Brit. Shells, tom. IT, pl. 46. 
Maron et Racxerr, Descr. Cat. Linnean Trans. t. VIII, pag. 43, n° 2. 
Woop, Gener. Conch. p. 118, n° 1, pl. 26, fig. 1, 2. 
Dizzwyn, Cat, tom.T, pag. 58, n° 4. 
Turton, Conch. Dict. pag. 158, n° 1. 
Lamarck, Animaux sans vertèbres, tom. V, pag. 451, n° 4. 
Woo, Ind. test. pl. 3, fig. 1. 
Turrox , Conch. ins. Brit. pag. 80, n° 3. 
Cozaro-pes-Cnères, Cat. des Moll. du Finistère, pag. 10, n° 2. 
Risso, Europe mérid. tom. IV, pag. 374. 
Desnayes, Encycl. méth. vers. tom. ILE, pag. 959, n° 2. 
Mexxe, Syn. meth. Moll. p. 120. 
Desnayes, dans Lamarcx, Anim. sans vert. 2° édit. tom. VI, pag. 55, n° 4. 
‘ Pair, Moll. Sicil. tom. 1, pag. 4, n° 2, tom. Il, pag. 5, n° 2, 
Desxayes dans Cuvier, Reg. anim. nouv. édit. pl. 111, fig. 16, pl. LIL bis, fig. 1 pro animal. 
Boucrarr Cuanrereaux, Cat. des Moll. du Boul. pag. 9, n° 6. 
Scaccnr, Cat. conchyl. regni Neap. pag. 5, n° 2. 
FLemiNG, Brit. anim. pag. 459, n° 563. 
Haxcey, Descript. Cat. pag. 11. 
Porrez et MicnauD, Galerie des Mollusques, t. Il, pag. 264, n° 8. 
Tuompson, Report on the Fauna of Ireland, pag. 263. 
Forges, Report on OEgeun invert. p. 142. 
En. Forges, Maluc. monensis, pag. 55, n° 1. 
MacGiruivray, Moll. anim. of Scotl. pag. 216 et 282, n° 1. 
Descript. and illustr. Cat. of the mus. of the roy. Coll. of surgeons, tom. IF, pag. 141, pl. 19; two figures 
of the animal. 
Tuorpe, Brit. mar. Conch. pag. 35. 
Venant, Catal. degli anim. invert. pag. 13. 
Fossiis, S. Woon. Cat. of Shells from the crag. Ann. nat. hist. Décembre 1840, pag. 245. 
Paxippr, Enum. Moll. Sicil. tom. I, pag. 6; tom. IT, pag. 5. 


Le Solen siliqua est, avec l'espèce précédente, l’une des plus communes de la Médi- 
terranée et même de l'Océan d'Europe; elle l'accompagne presque partout, se trouve sur 
les mêmes plages, et remonte comme elle jusque dans les régions froides de la Norwège 
et de la Suède; elle devient souvent un peu plus grande que le Solen vagina; elle est aussi 
vivement colorée. Son côté antérieur est un peu plus court que le postérieur; il est un peu 
arrondi, et fait un angle à peine ouvert, avec le bord postérieur dorsal. Ce bord ne pré- 
sente aucune trace du bourrelet épais et du sillon extérieur, qui l'accompagnent dans l'espèce 
précédente. Mais ce qui distingue le plus ces deux espèces très-voisines, ce sont les ca- 


SR de 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE SOLEN. 183 


ractères de la charnière, qui porte ici deux denis sur la valve gauche et une seule aplatie 
sur la valve droite. 

L'animal offre lui-même des différences très-considérables, lorsque l’on envisage la res- 
semblance des coquilles. Ainsi, les siphons sont courts, comme dans le Solen ensis; le 
pied est gros et légèrement tronqué au sommet; les palpes labiales sont, en proportion, 
plus longues et plus étroites; et, enfin, les deux lobes du manteau se désunissent sponta- 
nément, jusqu'au milieu de leur longueur, au moment où l'animal cesse de vivre, phéno- 
mène qui n’a jamais lieu dans le Solen vagina. 


3. SOLEN ENSIS. Linné. 


Mers-el-Kebir, cap Falcon, Alger, la Sicile, tout l'Océan européen, les mers 
de l'Amérique septentrionale. Fossile en Italie et en Sicile. 


S. Testà lineari arcuatà, anticè perpendiculariter truncatà, non marginatà nec sulcatà ; cardine margini 
antico contiguo, in alterà valvà unidentato, in alterà bidentato. 


Linxé, Syst. nat. ed. 10, pag. 672, n° 25. 

Linné, Mus. Ulric. pag. 473, n° 14. 

Linné, Syst. nat. ed. 12, pag. 1 AL nn 00: 

Lister, Anim. Angl. append. pl. 2, fig. 9. 

Lister, Conch. pl. A11, fig. 257. 

Darçenvisre, Conch. pl. 27, fig. L. 

Borx. Mus. cæs. test. pag. 24. 

Caemnirz, Conch. tom. VI, pag. 46, pl. 4, fig. 29, 30. 
Scaroïrer, Einl. Conch. 2, p. 626, pl. 7, fig. 6, 7. 

Guerin, Syst. nat. edit. 13, pag. 3224, n° 3. 

Pexnanr, Brit. Zool. tom. IV, pl. 45, fig. 22. 

Encyczorénie, Recueil de pl. tom. VI, pl. 71, fig. 9, in-folio. 
Favanne, Conch. pl. 55, fig. 3. 

D'Acosra, Brit. Conch. pag. 237. 

Pour, Test. des Deux-Sic. tom. I, pl. 11, fig. 14. 

Excyczopépie, pl. 223, fig. 1, 2. 

SrEnGLer, Mém. de la Soc. d’hist. nat. de Copenh. t. IT, pag. 90, n° 5. 
Ozrvr, Zool. adr. pag. 97, n° 3. 

Dovovax, Brit. Shells, t. IT, pl. 50. 

Monracu, Test. Brit. pag. 48. 

Maron et Racrerr, Descr. Cat. Linnean Trans. tom. VIII, pag. 44, n° 4. 
Dorser, Cat. pag. 28, pi. 4, fig. 3. 

Woop, Gener. Conch. pag. 122, n° 6, pl. 28, fig. 1, 2. 

Diruwy, Cat. pag. 59, n° 6. 

Turrow , Conch. Dict. pag. 160, pl. 15, fig. 61. 

Lamwarcx, Anim. sans vert, tom. V, pag. 452, n° 5. 

De Gervize, Catalogue des Mollusques de la Manche, pag. 13, n° 2. 
Desuayes, Encycl. méth. vers. tom. III, pag. 959, n° 5. 


HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


Payraupeau, Mollusques de la Corse, pag. 27, n° 32. 

Menxe, Syn. meth. Moll. pag. 120. 

Woo, Ind. test. pl. 3, fig. 6. 

Sowergy, Conch. man. fig. 60. 

Risso, Europe mérid. tom. IV, pag. 374. 

Corann-nes-Cuëres, Catal. des Moll. du Finist. pag. 10, n° 3. 
Scaccnr, Catal. conch. reg. Neap. pag. 5, n° 3. 

Parippi, Enum. Moll. Sicil. tom. I, pag. 3, tom. IT, pag. 5. 
Desuayes dans LamarGk, Anim. sans vert. 2° édit. tom. VI, pag. 55, n° 5. 
Boucuarr CHanTEREAUx, Cat. des Moll. du Boul. pag. 9, n° 7. 
Gouzp, Invert. of Massach. pag. 28. 

Haxzey, Descr. Cat. pag. 11. 

Tuompson, Report on the Fauna of Ireland, pag. 263. 
FLemnG, Brit. anim. pag. 459, n° 364. 

Ev. Forges, Malac. monensis, pag. 56, n° 2. 

Maccrcrivray, Moll. anim. of Scoil. pag. 216 et 282, n° 2. 
Tuorre, Brit. mar. Conch. pag. 35. 

Porrez et Micnaup, Galerie des Moll. tom. IT, pag. 263. 
Veranr, Catal. degli anim. invert. mar. pag. 13. 

Love, Ind. Moll. Scundin. hab. pag. 49, n° 336. 

Fossihs, Broccur, Conch. subap. tom. IT, pag. 492, n° 2. 
Sismonpa, Syn. meth. ped. foss. pag. 16. 

Puirippr, Enum. Moll. Sicil. tom. I, pag. 6; tom. IT, pag. 5. 


Pendant longtemps on crut que le Solen ensis était propre à l'Océan d'Europe. Depuis 
que les naturalistes américains se sont occupés de la recherche des animaux des mers de 
l'Amérique septentrionale, ils ont retrouvé, vers les régions polaires, un certain nombre 
des espèces d'Europe, parmi lesquelles on cite aujourd’hui le Solen ensis, mentionné par 
M. Gould, dans son excellent ouvrage sur les invertébrés de l’état de Massachusset. Voilà 


donc une espèce qui, depuis les régions chaudes de la Méditerranée, parcourt un espace 


immense de côtes, et elle se trouve fossile dans le troisième étage des terrains tertiaires en 
Italie et en Sicile. 

Le Solen ensis fut le seul connu, pendant longtemps, qui füt courbé dans sa longueur. 
Depuis peu d'années, une seconde espèce a été rapportée du Chili et du Pérou; mais, 
quoique très-voisine de la nôtre, elle s’en distingue par des caractères constants. Indépen- 
damment de ceux qui sont connus de tous les conchyliologues, nous insisterons plus 
particulièrement sur ceux qui résultent de la présence à la charnière de deux dents posté- 
rieures extrêmement longues, se relevant vers le milieu de la longueur des nymphes, et 
se courbant en crochet à leur extrémité libre, de manière à se croiser l'une sur l'autre. 
Des dents semblables, mais déjà un peu moins obliques, et un peu plus rapprochées des 
dents cardinales, se montrent dans le Solen lequmen; leur présence, dans des espèces 
appartenant à deux groupes bien distincts, donnent la preuve de la grande analogie qui 
existe entre elles. Quant à l'animal, nous en avons reconnu les caractères dans les pre- 
mières pages de ce travail sur les Solens. Partout, d’un blanc laiteux diaphane, le pied 
est revêtu d’une couche très-mince, très-finement réticulée par des lignes excessivement 
fines, d’un rouge brun assez intense. Cette couche colorée se détache très-facilement de 


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HARVARD UNIVERSITY. 
CAMBRIDGE. MA USA 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE SOLEN. 185 


l'animal mort. Les siphons sont très-courts et dépassent à peine le bord postérieur de 
la coquille, en quoi cette espèce ressemble plus au Solen siliqua qu’au vagina. 

Les individus de la Méditerranée sont généralement petits, de dix à onze centimètres de 
longueur seulement, tandis que, dans l'Océan, il y a des individus qui acquièrent jusqu'à 
vingt centimètres de longueur. d 


L. SOLEN LEGUMEN. Linné. : (4 


Bône, Alger, la Sicile, toute la Méditerranée. Fossile en Italie. 


S. Testà lineari rectà, tenui, pellucidä, utrinquè rotundatä, subæquilaterà, lateraliter compressà, car- 
dine medio altero bidentato, altero quadridentato; dentibus posterioribus recurvis, uncinatis. L 
| 


Linvé, Syst. nat. edit. 10, pag. 672, n° 26. 
LinNé, Syst. nat. edit. 12, pag. 1114, n° 36. : 1 
Lisrer, Conch. pl. 420, fig. 264. : 
Pranous, de Conch. min. not. pl. 3, fig. 5. | 10 
Guazrieri, Ind. test. pl. 91, fig. À. 
Born, Mus. pag. 25, pl. 2, fig. 1, 2. 

Cuemnirz, Conch. tom. VI, pag. 49, pl. 5, fig. 32 à 34. 

ScnrôeTER, Einl. tom. IT, pag. 627, n° 4. 

Gueuin, Syst. nat. edit. 13, pag. 3224, n° 4. 

Mucrer, Faun. suec. prodr. pag. 245, n° 2958. 

D'Acosra, Brit. Conch. pag. 238. 

KzeiN, Tent. ostrac. pl. 11, fig. 60. 

PEnnanr, Brit. Zool. tom. IV, pl. 46, fig. 24. 

Ozrvi, Zool. adr. pag. g7, n° 4. 

Encyclopédie, pl. 225, fig. 3. 

SPENGLER, Mem. soc. hist. nat. Copenh. tom. IT, pag. 93, n° 7. 

Por, Test. tom. I, pl. 11, fig. 15. 

MoxraGu, Test. Brit. pag. 5o. 

Marron et RackerT, Descr. cat. Linnean Trans. tom. VIIT, pag. 45, n° 6. 
Doxovan, Brit. Shells, tom. IF, pl. 53. 

Dorser, Cat. pag. 29, pl. 4, fig. 4. 

Woop, Gen. conch. pag. 124, n° 8, pl. 28, fig. 4, 5. 

Dirrwyx, Cat. tom. [, pag. 61, n° 9. 

Turrtow, Conch. Dict. pag. 162, n° 8. 

Lamarck, Anim. sans vert. tom. V, pag. 453, n° 1. 

Psammobia lequmen, Turron, Conch. Brit. pag. 90, n° 6. 

ScnwelGGEr, Hand. der Nat. pag. 690. 

Solecurtus lequmen, BLaïnvice, Malac. pl. 80, fig. 1. | 
Woon, Ind. test. pl. 3, fig. 8. | 
Desrrayes, Encycl. méth. Vers. Tom. III, pag. 961, n° 7. 

MEnxe, Syn. méth. Moll. pag. 120. 

Risso, Europe mérid. tom. IV, pag. 374. 

PayrauDeau, Cat. des Moll. de Corse, pag. 27, n° 33. 

Desuayes, dans Lamarcx, Anim. sans vert. 2° édit. tom. VI, pag. 57, n° 11. 
Desnayes, Expéd. de Morée, Zool. tom. IIT, pag. 85, n° 7. 


Zooz. — Mollusques. 1. 


A erer-hprun 
LOTUS LS 


1e dan, 


186 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


Corann-nes-Cuëres, Catal. des Moll. du Finist. pag. 11, n° 5. 
Pmizrppr, Moll. Sic. tom. I, pag. 4, et tom. IT, pag. 5, n° 4. 
Scaccni, Cat. conch. reg. Neap. pag. 5, n° 4. 

FLEMING, Brit. anim. pag. 459, n° 567. 

Porrez et MicnauD, Galerie des Moll. tom. II, pag. 262, n°4. 
Taowpson , Report on the Fauna of Ireland, pag. 263. 
Haxzey, Descr. Cat. pag. 13. 

Tuorre, Brit. mar. Conch. pag. 36. 

Fossilis, SismonpA, Syn. meth. ped. foss. pag. 16. 


Le Solen lequmen est beaucoup moins répandu que les trois espèces précédentes; cepen- 
dant on le trouve aussi dans toutes les parties de la Méditerranée, et sur quelques points 
seulement de l'Océan européen, particulièrement sur les côtes de France et sur celles de 
l'Angleterre. Les naturalistes du Nord, auxquels on doit de précieuses recherches sur les 
faunes des lieux qu'ils habitent, n’ont point cité cette espèce dans leurs catalogues. On la 
trouve fossile dans les terrains tertiaires de l’Astesan et des environs de Parme. 

Il est d'autant plus facile de reconnaître le Solen lequmen, qu'il est le seul, parmi les 
espèces d'Europe, qui ait la charnière située vers le milieu de la longueur du bord supé- 
rieur, La coquille est très-mince, fragile, transparente, comprimée latéralement, bâillante 
à ses extrémités. Le bord antérieur n’est point tronqué, mais arrondi de la mème manière 
que le postérieur. 

Par son animal, cette espèce se distingue non moins nettement des autres. Les siphons, 
un peu plus allongés que dans le Solen ensis, ne le sont pas autant que dans le vagina. 
Ces organes sont séparés l'un de l'autre plus profondément que dans les autres espèces ; 
en cela, ce Solen pourrait servir d’intermédiaire entre le genre auquel il appartient et 
les Solécurtes. Les lobes du manteau sont plus largement ouverts en avant que dans les 
trois autres espèces. Le pied conserve les caractères propres au genre; seulement son ex- 
trémité antérieure est un peu plus tronquée; de sorte que, sous ce rapport, il y a une 
véritable dégradation, depuis le Solen vagina jusqu'à lui. Les individus que nous avons 
recueillis sur les côtes de l'Algérie étaient généralement petits; ceux de la Sicile sont 
plus grands; mais les plus grands de tous proviennent de l’Adriatique et surtout des mers 


de Naples. 


GENRE SEPTIÈME. 
SOLÉCURTE, SozEzcurTus. Blainville. 


Sous le nom de Chama peloris, Rondelet, dans son Histoire des Poissons, a mentionné 
et figuré un mollusque bivalve, que la plupart des zoologistes ont, depuis, rapporté au 
genre Mÿe de Linné. Cette figure de Rondelet, quoique fort médiocre, a été successive- 
ment reproduite dans les ouvrages de Gesner, d'Aldrovande, de Jonston, et de plusieurs 
autres naturalistes de cette époque. Tous lui ont conservé le nom que Rondelet lui con- 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE SOLÉCURTE. 187 


sacre; NOUS n'avons pas à rechercher ici si le nom de Chama peloris, emprunté à Athénée 
et aux anciens, convient à ce Mollusque ou à tout autre; mais il ne sera pas sans intérêt 
de savoir exactement à quel genre appartient le Mollusque représenté par Rondelet. 

Nous devons également signaler dans louvrage de Plancus une figure très-analogue à 
celle de Rondelet, et que l'auteur rapporte à un genre Tellina, qui n’a aucun rapport 
avec celui que, plus tard, Linné introduisit sous le même nom dans sa nomenclature. Les 
| deux figures que nous venons de mentionner offrent des ressemblances évidentes, au 

moyen desquelles on peut facilement constater qu’elles dépendent d'un même genre, et 

quelques différences qui tiennent à ce que chaque auteur à représenté une espèce dis- 

tincte. Si lon vient à comparer ces deux figures avec celles des Lutraires, des Myes ou des 
| Panopées, on reconnait, à l'instant même, qu’elles représentent des animaux très-diffé- 
rents. En eflet, la Mye et la Panopée ont le manteau presque complétement fermé; une 
petite ouverture, réservée en avant, entre les lobes, donne passage à un pied très-petit, 
presque rudimentaire. Les siphons sont réunis dans toute leur longueur, et jamais pro- 
longés en deux siphons séparés. À cet égard, les Lutraires ressemblent parfaitement aux 
Myes, mais elles en diffèrent un peu par la grandeur du pied : cet organe, dans les Lu- 
traires, est allongé, étroit, triangulaire, très-aplati latéralement, et il passe par une fente 
du manteau, un peu plus étendue que celle des Myes. Les caractères que nous venons de 
rappeler ne s'accordent en nulle façon avec ceux des animaux figurés par Rondelet et 
par Plancus. Ceux-ci, en effet, ont le manteau largement ouvert en avant, jusque vers 
le milieu de sa longueur : cette ouverture donne passage à un pied énorme que l'animal 
ne peut jamais faire rentrer entièrement dans sa coquille, quelle que soit la violence de 
ses contractions. En arrière, le manteau se termine par une masse cylindracée, fort grosse, 
dans laquelle les deux siphons sont réunis. Rondelet, dans sa figure, représente à l'extré- 
mité de cette masse commune des siphons, de petits prolongements cylindriques ouverts 
au centre. Pour nous, qui savons avec quelle facilité certains Mollusques brisent sponta- 
nément, par segments transverses, l'extrémité de leurs siphons, nous avons la conviction 
que les deux petits prolongements ne sont autre chose que le premier anneau des siphons 
resté en place après la disjonction de tous les autres. Au reste, la figure de Plancus en 
donne la preuve; car, après avoir été réunis pendant une certaine longueur de leur trajet, 
les siphons se disjoignent et se présentent sous la forme de deux cylindres presque égaux, 
divisés transversalement en anneaux plus ou moins épais. Si l’on vient maintenant à mettre 
les deux figures dont il est question, en présence de celles du Solen strigilatus, données 
par Poli, dans son grand ouvrage sur les testacés des Deux-Siciles, on reconnaît à l'instant 
même l'identité des caractères génériques; seulement il faut tenir compte d’une différence 
assez essentielle : c'est que les figures de Rondelet et de Plancus ont été faites d'après 
des animaux morts ou sortis de Peau, tandis que celles de Poli représentent un animal 
vivant. 

Des observations précédentes nous tirons facilement cette conclusion, que le Chama 
peloris de Rondelet, le T'ellina fasciata bicauda de Plancus, appartiennent au genre Solen 
de Linné, et non aux Myes, aux Panopées ou aux Lutraires. 


| 24, 


188 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


Comme nous l'avons vu, en traitant du genre Solen, Linné y rassemblait toutes les co- 
quilles longues et étroites, bäillantes à leurs extrémités. Ces caractères, beaucoup trop 
larges pour la circonscription d’un genre naturel, ont dû être successivement modifiés à 
mesure que la science a fait des progrès. Si l’on eût voulu y faire attention, les figures des 
trois auteurs que nous venons de mentionner auraient été suffisantes pour séparer des 
Solens proprement dits les espèces qu’elles représentent, afin d'en constituer un genre 
distinct. En s’étayant particulièrement des travaux de Poli, les conchyliologues auraient 
pu depuis longtemps caractériser ce genre aussi bien sur l'animal que sur la coquille. 
Néanmoins tous les auteurs du commencement de ce siècle, Lamarck, Cuvier, de Roissy, etc. 
conservèrent les Mollusques dont il est question, dans le genre Solen. Nous ne parlerons 
pas des conchyliologues de l'Allemagne et de l'Angleterre : attachés à la lettre du Systema 
nature, ils n’ont introduit que très-tard, dans leurs classifications, les améliorations propo- 
sées par Bruguière et les naturalistes français. Cependant, en 1822, M. Turton, dans ses 
Coquilles bivalves de l'Angleterre, s'aperçut que ce groupe des Solens, représenté par 
le Strigilatus, ne pouvait rester au milieu d'eux sans troubler l'harmonie de ce genre 
paturel; aussi il préféra transporter cette espèce et quelques autres analogues dans le genre 
Psammobie, où elle lui paraissait être dans des rapports plus convenables. Cette opinion 
ne pouvait supporter un examen approfondi; la comparaison des coquilles seules aurait 
suffi pour démontrer que le Solen strigilatus est très-éloigné des Psammobies par ses 
caractères; mais les animaux des deux genres, décrits et figurés par Poli, ne devaient pas 
permettre ce rapprochement. Abandonné de tous les naturalistes, c’est avec étonnement 
que nous l'avons retrouvé, jusqu’en 1842, dans l'Histoire des animaux de la Grande-Bre- 
tagne, par Fleming. 

En 1825, M. de Blainville, dans son Traité de malacologie, proposa le genre Solécurte 
pour réunir autour du Solen strigilalus toutes les espèces analogues, et qui ne pouvaient 
rester ni dans les Solens ni dans les Psammobies. Caractérisé d’une manière précise, le 
genre Solécurte a été adopté par tous les conchyliologues et introduit dans la famille des 
Solénacés à côté des Solens, avec lesquels il a, en effet, d’assez grandes ressemblances. 
Cuvier, dans sa méthode, a cherché, autant qu'il a dépendu de lui, à conserver à l'ar- 
rangement des animaux l'esprit des admirables méthodes de Linné. Il voulait de grands 
genres pour les sous-diviser et faciliter ainsi le groupement des espèces. Il n’est donc point 
étonnant que, dans sa seconde édition du Règne animal, il n'ait point introduit le genre 
Solécurte de M. de Blainville. Le célèbre zoologiste dont nous parlons considérait les 
Sanguinolaires, les Psammobies et les Psammotées comme des sous-genres des Solens, 
laissant à ces derniers à peu près toute l’étendue que leur avait donnée Linné. L’observa- 
üon a démontré qu'il était nécessaire de restreindre l'étendue des genres beaucoup plus 
que ne le faisait Cuvier. La division en sous-genres qu'il avait introduite dans la nomen- 
clature avait de graves inconvénients, surtout à une époque où la science était, pour 
ainsi dire, dans un état transitoire, et trop imparfaite encore pour savoir si, en effet, 
cette sorte de division était admissible, à le prendre au point de vue philosophique de 
la méthode. Il est certain qu'aucun des animaux mentionnés par Cuvier, comme sous- 


\ 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE SOLÉCURTE. 189 


genre des Solens, ne dépendent de ce type de Mollusques; tous se rapprochent des Tel- 
lines, comme l'avait pressenti Lamarck, et Cuvier en aurait pu trouver la preuve dans 
l'ouvrage de Poli. 

Presque tous les conchyliologues, en admettant le genre Solécurte, l'ont réduit aux 
seules espèces qui ont la coquille couverte de ces singulières stries obliques caractéris- 
tiques du Solen strigilatus. Cependant il existe des espèces qui, manquant de ces stries, 
conservent tous les autres caractères des Solécurtes; et pour nous, nous n’hésitons pas à 
les ranger dans ce genre. Notre opinion se fonde non-seulement sur ce que les caractères 
essentiels des coquilles sont identiques, mais encore sur ce fait, que les animaux eux-mêmes 
ne diffèrent pas dans leurs caractères génériques. La figure de Plancus en donne la preuve; 
en effet, cette figure représente le Solen coarctatus avec son animal, et cet animal, comme 
nous l'avons déjà dit, a la plus grande ressemblance avec celui du Solen strigilatus. Nous 
sommes donc autorisé à introduire parmi les Solécurtes toutes les espèces semblables au 
coarctatus, c'est-à-dire, dénuées de stries obliques. 

Nous aurions eu le désir d'entreprendre, pour le genre Solécurte, un travail anato- 
mique comparable à celui que nous avons fait sur les Solens : les matériaux nous ont 
manqué. Un seul individu du Solecurtus candidus, pèché dans la rade d'Alger, nous a permis 
d’en faire une bonne figure sur le vivant, mais nous met dans l'impossibilité d'entreprendre 
une anatomie qui, pour être utile à la science, devrait ajouter tout ce qui manque au tra- 
vail de Poli. Notre figure reste imparfaite à certains égards, car, malgré tous nos soins, 
l'animal avait déjà rompu spontanément les derniers anneaux de ses siphons, sur lesquels 
sont implantés les tentacules terminaux de ces organes. Poli, à la vérité, représente ces 
parties dans le Solen strigilatus; mais déjà, dans plus d'une occasion, nous nous sommes 
aperçu du peu de confiance que, sous ce rapport, méritent les figures du zoologiste 
napolitain. 

Poli n’avait pas même entrevu la valeur des caractères que présentent les tentacules des 
siphons, et il ne pouvaït se douter du parti qu'il est possible d’en tirer pour la classification ; 
aussi l’on remarque dans son ouvrage, qu'une même forme est systématiquement donnée 
aux tentacules terminaux des siphons, dans presque tous les genres, ce qui est loin d’être 
l'expression de la vérité, comme nous le verrons par la suite. Selon toutes les probabilités, 
le Solen strigilatus ne porte pas, à l'extrémité de ses siphons, des tentacules simples et sur 
un seul rang, tels que Poli les représente; mais ces organes affectent deux formes, 
comme ceux des Solens : les uns coniques et placés à l'extérieur, les autres tronqués ou 
spatuliformes, recourbés au-dessus de l'ouverture du siphon branchial. 

L'individu de Solécurte recueilli dans la rade d'Alger appartient à une espèce dont 
la coquille, connue depuis longtemps, était confondue, à titre de variété blanche, avec le 
Solecurtus strigilatus. Renieri, le premier, distingua cette espèce dans son Tableau des ani- 
maux des mers de Naples. À dater de cette époque, elle a été inscrite dans presqne tous 
les catalogues; son animal, jusqu'ici, n'a point été décrit et figuré, et il méritait que cet 
oubli cessät; car il prouve combien sont distinctes, par leurs animaux, les espèces les plus 


voisines. 


PE Ze. D + oo 


190 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


La coquiee. — Les coquilles du genre Solécurte se distinguent avec facilité. Toutes 
sont minces, fragiles, ovales, oblongues, transverses, subéquilatérales, arrondies et très- 
} bäillantes à leurs extrémités. Dans la plupart des espèces, les valves ressemblent à de véri- 
tables gouttières, et lon pourrait les comparer, dans leur forme, à celle des tuiles creuses 
qui servent à couvrir les toitures. Néanmoins les valves ne se touchent que par deux points 
opposés de leur circonférence , du côté du dos, à la charnière, et dans une faible longueur 
du bord ventral, en regard du bord cardinal; par cette disposition, les bâillements des 
valves se prolongent en fentes, de plus en plus étroites, du côté du dos et de celui du ventre, 
jusqu'aux points où les valves se touchent. Les coquilles des Solécurtes ont, comme on le 
voit, quant à leur forme, de lanalogie avec celles des Solémyes ; elles en ont aussi, mais 
d'une manière moins directe, avec celles du genre Glycimère. 

La surface extérieure des coquilles du genre Solécurte est ornée, dans le plus grand 
nombre des espèces, de stries particulières qui ne suivent ni la direction rayonnante 
des stries longitudinales, ni la direction des stries transverses des accroissements; elles 
sont obliques, onduleuses, fines, profondément gravées dans l'épaisseur du test; elles 
ne sont pas également distantes et ne sont point construites comme les stries ordinaires; 
elles semblent imbriquées ; les surfaces qu’elles laissent entre elles paraissent passer les 
unes au-dessous des autres, ainsi que le font les ardoises sur une toiture. Les stries 


partent du bord dorsal postérieur, et viennent descendre obliquement jusqu'au bord in- 
férieur ou ventral. Dans quelques espèces, les côtés de la coquille restent lisses; dans 
d’autres, le côté antérieur seul est dénué de stries; dans d’autres enfin, les stries sont di- 
vergentes à peu près comme celles du Lucina divaricata. Nous devons ajouter qu'un petit 
nombre d'espèces n’ont point les stries obliques dont nous venons de parler; et néanmoins 
elles doivent rester dans le genre, parce qu’elles en conservent tous les autres caractères, 
bien plus essentiels que ceux de la disposition des stries. 

Un épiderme fort large revêt une partie assez considérable de la surface des valves, et 
même il déborde toute la circonférence, pour couvrir une portion notable de l'animal. Les 
crochets et le centre des valves en sont dénudés, dans les individus vivants les plus frais. 
L'épiderme persiste vers les bords; mais cette substance est loin de présenter la solidité 
qu'elle possède dans les Solémyes, les Glycimères et quelques autres genres; néanmoins il 
a les mêmes usages; en avant, et surtout en arrière du ligament, il passe d’une valve à 
l'autre, et contribue à clore les intervalles en fente que les valves laissent entre elles. Poli 
a bien fait: voir cette disposition dans la figure qu'il a donnée du Solen strigilatus. En avant, 
en arrière et le long du bord ventral, l'épiderme se détache de la coquille en un large 
bord, qui s'applique sur la partie du manteau non contenue dans la cavité des valves. 

Les bords sont minces et tranchants; ils sont simples; cependant le long du bord ven- 
tral, on remarque, au moyen de la loupe, de petites entailles obliques qui correspondent 
aux stries de la surface extérieure; le bord dorsal lui-même reste mince dans une grande 
parte de son étendue; il s'épaissit seulement au milieu, pour donner plus de solidité à 
la charnière. 


La charnière est simple dans les Solécurtes; elle ressemble beaucoup à celle des Solens, 


CLASSE PREMIÈRE. -- GENRE SOLÉCURTE. 191 


et c’est pour cette raison que, depuis Linné jusqu'a M. de Blainville, tous les conchylio- 
logues ont confondu les deux genres. Il est rare de trouver bien conservée la charnière chez 
les individus des Solécurtes recueillis dans nos collections. Des dents saillantes et minces 


ml mm ieneemenn 


se cassent avec facilité lorsque les valves, mal assujetties, exercent l’une sur l’autre le 
moindre mouvement de torsion. Deux dents imégales s'élèvent à la charnière de chaque 
valve; elles sont divergentes. La plus grosse et la plus saillante est l’antérieure; elle naît 
du côté interne du bord cardinal, se recourbe en crochet du dedans au dehors, en affec- 


 — 


tant cette forme que nous avons déjà fait remarquer dans une pétricole, en traitant de la 


are 


charnière des Pholades. La dent postérieure est plus petite, comprimée, plus courte, et 
elle se dirige très-obliquement d’avant en arrière, laissant entre elle et la première une 
fossette étroite, en forme d’échancrure, dans laquelle est reçue la grande dent de la valve 
opposée. Dans le Solecurtus coarctatus, la dent postérieure de la valve droite est presque 
égale à l’antérieure ; mais, sur la valve gauche, elle est très-petite et lamelliforme. Une 


oh mm 


nymphe grosse et épaisse naît en arrière des dents cardinales, et se prolonge sur le bord 


Es 


dorsal qu'elle épaissit. Convexes et polies du côté interne des valves, les nymphes en 
dehors sont creusées à la base d’un sillon profond et étroit, dans lequel s'attache très- 
solidement un ligament extérieur, épais, solide, noirâtre, qui sert à maintenir les valves 


dans leurs rapports naturels; par son élasticité, il est en antagonisme constant avec les 
muscles adducteurs des valves. 


À leur surface interne, les valves sont lisses, et leur concavité correspond exactement 
à la courbure convexe de la surface extérieure; cette concordance provient du peu d'épais- 
seur du test. Sur cette surface, on distingue avec facilité les diverses impressions que 
lanimal y a laissées et qui traduisent au dehors une partie de son organisation. Rien ce- 
pendant sur la coquille n'indique l'existence du pied si gros dont l'animal est pourvu ; 
mais on peut deviner qu'il est terminé en arrière par de grands siphons, puisque l'on 
retrouve dans les valves l'impression du muscle rétracteur de ces organes. Les impressions 
musculaires sont assez grandes, fort écartées, et toutes deux sont situées dans la région 
dorsale de la coquille, sur une ligne parallèle au bord cardinal. L'impression musculaire 
antérieure est la plus grande; elle est ovalaire, quelquefois subbilobée à son bord infé- 
rieur, comme dans le Solecurtus candidus, ou trilobée, comme dans le strigilatus. L'impres- 
sion du muscle rétracteur antérieur du pied se confond avec elle par une partie de son 
bord antérieur; mais, dans le reste de son contour, ce muscle est parfaitement distinct. 
L’impression du muscle adducteur postérieur est plus petite, elle est plus régulièrement 
ovalaire ; cependant elle offre aussi un angle vers son bord supérieur, produit par lim- 
pression du muscle rétracteur postérieur du pied. 

Le manteau laisse une impression fort différente de celle que nous avons vue dans les 
Solens. Elle part obliquement de l'extrémité antérieure de l'impression musculaire anté- 
rieure; elle se recourbe non parallèlement au bord antérieur, mais elle gagne rapidement 

; l'intérieur, en laissant entre elle et le bord de la coquille un large espace. Parvenue à la 
région ventrale, elle descend en arrière, en se rapprochant peu à peu du bord, de sorte 
que son extrémité postérieure en est très-voisine. Arrivée à ce point, elle se recourbe sur 


| 


pese 


192 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


elle-même et monte dans l’intérieur des valves, où elle forme une grande sinuosité presque 
symétrique, dont l’axe est parallèle aux bords dorsal et ventral. Après s'être courbée à une 
distance peu considérable de l'impression musculaire antérieure, elle redescend pour ga- 
gner obliquement l'extrémité antérieure et inférieure du muscle postérieur des valves. 
Dans toutes les espèces, l'impression palléale ne remonte pas aussi haut ; elle est telle que 
nous venons de le dire, à l'exception de petites modifications indiquant des caractères 
spécifiques, dans les Solecurtus strigilatus, candidus, etc. Dans ces espèces, son sommet 
dépasse toujours la charnière; mais dans d’autres, tels que le Solecurtus Sanctæ Marthæ de 
Chemnitz, le sommet de l'impression palléale ne dépasse pas la charnière; enfin, elle 
reste un peu au-dessous d'elle dans le Solecurtus constrictus. Pour rattacher cette dernière 
espèce au genre, il ne faut donc pas la considérer isolément; il faut, au contraire, suivre 
jusqu'à elle toutes les modifications des caractères génériques. 


AximaL. — On retrouve dans l'animal des Solécurtes quelques traits de ressemblance 
avec celui des Solens. Le manteau, fermé en arrière, est ouvert en avant, à peu près de la 
même manière que dans le Solen lequmen ; seulement, dans les Solécurtes, cette ouverture 
est en proportion beaucoup plus grande. Le pied se dirige en avant, ainsi que dans les 
Solens; mais cet organe beaucoup plus gros, un peu plus épais vers le sommet, n’est pas 
prolongé en un long pédicule cylindrique ; néanmoins il vient, ainsi que dans les Solens, 
embrasser dans sa base la masse abdominale, située à peu près au milieu de la longueur 
de l'animal. Les palpes labiales sont en proportion plus petites chez les Solécurtes ; les 
branchies, au contraire, tout en conservant une disposition analogue à celle du Solen le- 
gumen, prennent beaucoup plus de longueur et s'étendent jusque près de la bifurcation 
des siphons. | 

Le Solécurte que nous avons observé vivant appartient au Solen candidus de Renieri ; 
il se distingue très-facilement de toutes les autres espèces, non-seulement par sa coquille 
blanche, mais encore par son animal. Si les couleurs sont souvent très-variables dans 
les coquilles, elles le sont beaucoup moins dans les animaux; ainsi le Solecurtus strigi- 
latus est d’un rouge foncé, tirant sur la couleur lie de vin; le manteau, sur un fond jau- 
nâtre, est orné de belles marbrures de la même couleur. Le Solecurtus candidus est d’une 
couleur très-différente ; il est uniformément d’un beau jaune orangé, ou plutôt il conserve 
la nuance plus pâle de la pulpe de l’abricot; la base du pied est blanchâtre, mais ces deux 
couleurs se fondent dans des nuances insensibles. 


LE MANTEAU. — Dans la plupart des genres soumis jusqu'ici à notre examen, nous avons 
vu le manteau, plus grand que la coquille, la déborder sur presque toute sa circonférence. 
Ces parties extérieures sont couvertes de l'épiderme, qui les protége plus imparfaitement 


que la coquille elle-même ; aussi, lorsque l'animal se contracte, il peut faire rentrer dans 
la cavité de son test le pied, le manteau, et souvent aussi les siphons. L'animal des Solé- 
curtes, ayant le pied et les siphons très-volumineux, a eu besoin d’une cavité palléale plus 
considérable, et il en est résulté un élargissement notable du bord ventral de cet organe. 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE SOLÉCURTE. 193 


Le manteau, chez les Solécurtes, est constitué à peu près de la même manière que 
dans les autres Mollusques. Il présente un bord épais et fibreux, placé à la circonférence, 
et suivant le contour de la coquille; une partie mince et centrale, circonscrite par le bord 
dont nous venons de parler, dans la double épaisseur de laquelle se développe un très- 
grand muscle rétracteur des siphons. Ces parties que nous venons de mentionner sont 
constituées exactement de la même manière que dans tous les Mollusques acéphalés; nous 
n'avons donc rien à ajouter ici à ce que nous en avons dit ailleurs. Nous remarquerons seu- 
lement que le bord épais, adhérent et musculaire du manteau, est dépassé dans presque 
toute la circonférence par un bord libre, qui déborde la coquille et participe à la co- 
loration des parties externes de l'animal. Ce bord est tantôt simple, comme dans le Sole- 
curtus strigilatus, tantôt garni d'un rang de tentacules, comme dans le Solecurtus candidus. 
Nous avons vu qu'il existe dans les Solens proprement dits une membrane épaisse qui 
garnit l'ouverture antérieure, embrasse le pied, et, ainsi qu'une véritable soupape, s'oppose 
à l'introduction des corps étrangers dans le manteau, en s'appliquant exactement sur le pé- 
dicule du pied. On retrouve dans les Solécurtes une disposition à peu près semblable, 
mais dans des proportions beaucoup plus considérables. En effet, l'ouverture antérieure 
du manteau étant plus large et plus oblique, pour admettre un pied très-gros il à fallu 
une membrane longue et large pour s'adapter exactement à tous les changements de formes 
qui s’opèrent dans l'organe du mouvement. (PL X, fig. 6,c, c.) Aussi, nous voyons le bord 
palléal mentionné s'étendre dans toute l'étendue de l'ouverture antérieure et embrasser 
le pied, comme dans une sorte de collerette. Cette membrane, formée de deux par- 
tes, constitue en avant une véritable commissure , beaucoup plus large que dans les So- 
lens, et qui se prolonge dans toute la longueur de la région ventrale. Deux petits muscles 
croisés en X consolident la commissure palléale et viennent s'attacher à la coquille, aux 
points qui correspondent aux deux rayons blancs du Solen strigilatus, par exemple. En 
arrière, cette large commissure se termine en une espèce de cul-de-sac qui se prolonge 
ensuite dans la masse commune des siphons. 

Nous avons remarqué, dans tous les individus que nous avons examinés jusqu'ici, un 
épaississement plus considérable dans la partie mince du manteau; elle est opaque et 
semble remplie d'un tissu feutré, très-facile à déchirer. 

Les siphons, comme nous l'avons déjà dit, sont très-considérables dans le genre qui nous 
occupe ; ils continuent, en arrière, le manteau, et leur base n’est point appuyée, comme 
dans les Solens, sur un anneau fibreux solidement attaché à la coquille; nous avons vu précé- 
demment plusieurs sortes de Mollusques acéphalés chez lesquels les siphons sont très-gros, 
les Pholades, par exemple; et nous avons fait remarquer qu'alors la cavité de ces organes 
reçoit une partie assez considérable des branchies, mais soudées dans toute leur longueur ; 
les deux ouvertures qui les terminent accusent seules l'existence de deux tuyaux charnus 
réunis sous une enveloppe commune. Les siphons des Solécurtes différent d’une manière 
bien nette de ceux de tous les autres genres; une première partie, très-grosse, cylindra- 
cée, prolonge l’extrémité postérieure de l'animal ; les deux siphons y sont réunis sous une 
même enveloppe (pl. X, fig. 6 e); le sommet se bifurque, les deux siphons se détachent 

Zooz.— Mollusques. 1. 25 


sr ere 


194 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


l'un de l’autre dans le reste de leur longueur, et prennent la forme de deux petits cylindres 
inégaux implantés au sommet du plus gros (pl. X, fig. 6 f, g.); le siphon branchial est un 
peu plus gros et plus allongé que l’anal; tous deux sont composés d’un grand nombre 
d’anneaux plus ou moins larges, que l'animal peut détacher les uns des autres spontané- 
ment, quelquefois jusqu'au dernier, surtout s'il est placé subitement dans des conditions 
qui lui sont défavorables. 

Lorsque le siphon branchial est ouvert, on trouve, comme à l'ordinaire, sa cavité 
beaucoup plus large que celle du siphon anal. Une grande ouverture intérieure se voit 
au-dessous de la branchie; elle s'étend dans presque toute la longueur des siphons, comme 
si la cloison qui sépare ces organes avait été enlevée. Cette ouverture commence à l'origine 
même des siphons, à peu près au niveau du bord postérieur du muscle adducteur posté- 
rieur des valves; ses bords écartés se rapprochent un peu, et restent parallèles jusque près 
de l'extrémité, où ils se courbent l’un vers l’autre, se rapprochent et se confondent : c’est 
alors seulement que s'établit, vers l'extrémité de leur masse commune, la cloison intérieure 
qui sépare les siphons. Cette ouverture peut être comparée, dans sa forme générale, à 
celle des longues fenêtres en ogives des monuments gothiques. Dans les animaux vivants, 
elle n’est point ouverte; garnie, dans tout son pourtour, de bords saillants assez épais, 
elle est complétement fermée par la branchie, dont les feuillets externes ont des bords 
qui se soudent à ceux de l'ouverture. Lorsque l'animal meurt, surtout en se contractant 
violemment, la branchie se détache spontanément de l'ouverture interne du siphon anal, 
et l'on pourrait croire alors à la libre communication de ce siphon avec le branchial ; mais 
cette communication n'existe réellement pas pendant la vie de l'animal. 

Les muscles des valves sont assez gros, l’antérieur est ovale, oblong, aplati, à peu près 
comme celui du Solen lequmen. Le muscle postérieur est plus petit, plus épais ; tous deux 
sont reportés dans la région dorsale de l'animal. 


Le prb. — Le pied est, dans les Solécurtes, d’une grosseur vraiment énorme. Cet organe 
est tellement disproportionné, que l'animal peut à peine en faire rentrer la dixième partie 
dans sa coquille, quelle que soit la violence de ses contractions. Nous ne connaissons jus- 
qu'ici aucun Mollusque dont l'organe locomoteur soit comparable, pour le volume, à celui 
des Solécurtes. Cet organe ressemble à une grosse langue arrondie en avant, comprimée 
de chaque côté, et terminée en arrière en un très-gros pédicule, dans lequel sont em- 
brassés les principaux viscères. Une ligne légèrement saillante, un véritable raphé, existe 
sur toute la circonférence du pied, et semblerait la trace de l’accolement des deux moitiés 
semblables dont l'organe est composé. Vers la masse abdominale, cette ligne se change en 
une crête plus ou moins aiguë, qui vient se terminer, avec la masse abdominale elle-même, 
entre les feuillets branchiaux. 


L’organe puissant dont nous venons de parler est susceptible de mouvements très-divers. 


Destiné à creuser le sable, il a des mouvements vermiformes pendant lesquels 1l s'allonge, 
se rétrécit ou se divise en plusieurs lobes. (PI. X, fig. 8 a, b,e, d, e.) Par ces mouvements, 
l'animal déplace rapidement le sable; et lorsqu'il y a pénétré assez profondément, il 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE SOLÉCURTE. 195 


élargit l'extrémité de son pied et en raccourcit le pédicule; par ce mouvement plusieurs 
fois réitéré, il fait plonger sa coquille dans le trou qu'il s’est creusé; alors en peu d’instants 
l'animal tout entier disparait. Quelquefois, lorsqu'il veut faire un effort plus considé- 
rable, au lieu de gonfler son pied à son extrémité, il Le recourbe latéralement et l’enfonce 
horizontalement dans le sable, comme un véritable crochet, On le voit, la manœuvre que 
pratique le Solécurte pour s’enfoncer dans le sable est tout à fait semblable à celle des 
Solens , et, nous pouvons le dire, sans exception, de tous les Mollusques acéphalés, vi- 
vant comme ceux-ci sur les plages sableuses ou boueuses. 

Quoique, à l'œil nu, la couleur du pied paraisse uniforme, si on examine la surface de 
cet organe sous des grossissements suflisants, on voit que la matière colorante forme un 
réseau extrèmement fin, à mailles irrégulières, mais conservant un caractère particulier dans 
chacune des espèces. Ainsi, dans le strigilatus, ce sont des mailles très-petites, subcircu- 
laires, mégales; tandis que dans le candidus les mailles sont circonscrites par une double 
ligne; elles sont, au reste, ovalaires, souvent courbées dans leur longueur, ce qui leur 
donne une tout autre apparence que dans la première espèce. 

On se ferait une fausse idée de la structure de lorgane locomoteur des Solécurtes, si 
l'on donnait trop de confiance à l'exactitude des figures de Poli; il semblerait, d'après 
cet anatomiste, que le nombre des muscles longitudinaux l'emporte de beaucoup sur 
celui des muscles transverses; mais on peut dire que ces muscles ont une égale impor- 
tance par leur nombre et leur volume. Les muscles longitudinaux sont nombreux, serrés ; 
ils se présentent sous la forme de petites cordes onduleuses, divisées, ou plutôt soli- 
dement anastomosées entre elles. Les fibres dont elles sont composées se divisent vers la 
surface extérieure de l'organe, et, se mêlant avec celles des muscles transverses, consti- 
tuent un tissu fibreux fort épais, qui, pour sa structure, peut être comparé à un feutre. 
Lorsque l'on fend le pied par l'un de ses angles, et que l’on tire les deux lambeaux en sens 
opposé, on voit que les deux parois sont maintenues à la distance qu'elles ont, au moyen 
d'un très-grand nombre de muscles transverses, rapprochés, serrés, formant plusieurs 
séries, entre lesquelles il existe un grand nombre de cavités communiquant entre elles, et 
destinées à contenir l'ovaire, lorsque cet organe se développe. Ces muscles transverses 
laissent au centre du pied une grande cavité, dans laquelle est contenue une partie de 
l'intestin. Enfin, vers la base du pied, ces parois s’écartent de toutes parts; elles s'amin- 
cissent, particulièrement sur les flancs, pour donner place à la masse viscérale; mais, 
malgré la présence des viscères, les deux parois n’en sont pas moins rattachées l’une à 
l'autre, au moyen de nombreux muscles transverses qui passent entre les circonvolutions 
de l'intestin, les lobes du foie, en dessus et en dessous de l'estomac, de manière à soutenir 
solidement ces divers organes. Les faisceaux fibreux longitudinaux principaux se dirigent 
en dessus et en dessous de la base de l'organe locomoteur, et viennent former, de chaque 
côté, deux puissants muscles rétracteurs du pied. Les muscles antérieurs vont, en diver- 
geant, passer sous les lèvres de la bouche, et l'œsophage est compris dans l'espace trian- 
gulaire qu'ils laissent entre eux. Ces muscles sont fort courts, et ils viennent s'attacher à 


la coquille, à côté et au-dessous du muscle adducteur antérieur des valves. Les muscles 
95. 


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196 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


rétracteurs postérieurs du pied ne sont pas moins gros que les antérieurs; leurs faisceaux 
fibreux, après avoir été réunis sur la ligne médiane, se séparent en forme de V, et c’est 
dans leur bifurcation que se place une partie de l'organe dépurateur, ainsi que le rectum. 
Ces muscles rétracteurs postérieurs du pied ont leur insertion sur la coquille, vers l'angle 
antérieur et supérieur du muscle adducteur postérieur des valves. 


LA BoucRE. — En écartant le pied du muscle adducteur antérieur des valves, on aperçoit, 
au fond de l'angle que font ces deux organes, une petite ouverture transverse : c’est celle de 
la bouche. Deux lèvres assez courtes la garnissent en dessous et en dessus, sans la cacher, 
comme dans la plupart des Solens. Ces lèvres simples s’élargissent insensiblement sur les 
côtés, et se changent bientôt en une paire de palpes labiales. Ces organes sont, en propor- 
tion, plus petits que dans les Solens. La surface interne de ces palpes est chargée, comme à 
l'ordinaire, de lamelles saillantes, transverses, très-régulières, mais qui ne s’avancent pas 
jusque dans les commissures. La palpe externe s'attache au manteau par une membrane 
large et simple; la palpe interne est fixée à la masse abdominale, au moyen d’une mem- 
brane semblable à la première. Ces membranes laissent entre elles un espace assez large, 
dans lequel s'avance l'extrémité antérieure des feuillets branchiaux. 


OEsoPHAGE , ESTOMAC. — La circonférence interne de la bouche est assez finement plis- 
sée, et même quelquefois crénelée. C’est au-dessous d'elle que commence un œsophage 
large , aplati du haut en bas, très-anguleux de chaque côté, offrant dans sa longueur, et 
principalement du côté de la bouche, un grand nombre de petits plis. On voit, aux villo- 
sités dont ces plis sont garnis, qu'ils appartiennent à une membrane muqueuse. L’œæso- 
phage est court ; il descend obliquement, d'avant en arrière et de haut en bas: il aboutit 
bientôt à un estomac assez gros, subsphérique, entièrement noyé dans l’épaisseur du foie. 
L'ouverture cardiaque est simple, séparée du reste de la cavité stomacale par un très-gros 
bourrelet charnu, transverse, coudé à son extrémité gauche, et au-dessous duquel s'ouvre, 
de chaque côté du cardia, un grand crypte biliaire. Ces cryptes ne sont point disséminés sur 
toutes les parois de l'estomac, ainsi que l'a cru Poli; il y en a deux seulement, et en les 
ouvrant, on y trouve, en grand nombre, les ouvertures des vaisseaux biliaires qui y 
aboutissent. Les parois de l'estomac sont très-minces. Une crête peu saillante, oblique, 
subtransverse, se contournant vers l'entrée de l'intestin, partage la cavité stomacale en 
deux parties presque égales : l'une antérieure, s'étendant au côté droit de l'organe; l’autre 
postérieure, comprenant une portion du côté gauche. 


INTESTIN. — L’'intestin prend naissance dans la cavité postérieure, au delà de la crête 
oblique dont nous venons de parler. Il commence par une portion fort grosse, cylindracée, 
que l’on voit se diriger, sans former d’anfractuosités, vers l’intérieur du pied, où elle s’é- 
lève fortement; elle est fermée en cul-de-sac prolongé en un petit cœcum projeté sur le 
côté. Dans cette première portion est reçu un stylet cristallin, subcartilagineux, dont 
l'extrémité antérieure, bifurquée, s'attache solidement au bourrelet situé au-dessous de 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE SOLÉCURTE. 197 


l'æsophage. Lorsque le stylet a été enlevé, on aperçoit, sur un côté de l'intestin où il est 
logé, une rainure assez profonde qui aboutit à l'estomac, en produisant une échan- 
crure à l'ouverture pylorique; à cette échancrure se rend la crête que nous avons fait re- 
marquer dans l'intérieur de l'estomac, et qui, elle-même, en partant des cryptes biliaires, 
semble destinée à conduire immédiatement dans l'intestin les produits de la sécrétion du 
foie. Au-dessous du petit cœcum terminal de cette première portion de l'intestin, l'intes- 
tin grêle commence; il descend d’abord d'avant en arrière, en s'attachant solidement à la 
gaine du stylet cartilagineux. À peine arrivé à la masse du foie, l'intestin se tortille en 
nombreuses circonvolutions formant plusieurs spirales irrégulières et plusieurs anses obli- 
ques, dont la dernière se dirige vers le dos, se place dans la ligne médiane, perce, en 
arrière, la paroi abdominale, et pénètre dans la cavité du péricarde. Après avoir donné 
appui au cœur, l'intestin passe dans la bifurcation des muscles rétracteurs du pied, se 
place au milieu du muscle adducteur postérieur des valves, se recourbe sur son bord pour 
entrer à la partie supérieure du siphon anal. L’anus est très-différent de celui des Solens. 
On le trouve au milieu d'un pavillon très-aplati, dont le bord dilaté rentre sur lui-même, 
après avoir formé plusieurs grandes ondulations. 


Le Foie. — Le foie est un organe assez volumineux; il embrasse, dans son épaisseur, 
la plus grande partie de l'æsophage, tout l'estomac et une portion de l'intestin. Sa masse 
verdâtre est très-molle, et, pour peu qu'on la tiraille, elle se partage assez facilement en un 
assez grand nombre de lobes réunis entre eux, non-seulement par des vaisseaux, mais 
encore par un tissu cellulaire lâche et transparent; il est parcouru par un grand nombre 
de vaisseaux biliaires qu'on ne peut facilement apercevoir qu’en les ouvrant. Depuis leur 
entrée dans les cryptes biliaires, ils sont constamment recouverts par un très-grand 
nombre de follicules hépatiques s’attachant à leurs parois et s'y ouvrant directement. Ces 
follicules, vues sous un grossissement de cinquante à soixante diamètres, se présentent 
sous la forme de petites grappes, dont les grains sont difficiles à bien distinguer, parce 
qu'ils semblent noyés dans un parenchyme commun. Chez les individus qui ont subi une 
longue mactration dans l'alcool, le foie présente aussi un grand nombre de granules blan- 
châtres, irrégulièrement disséminés, et qui paraissent formés de matières graisseuses. 


Ovaire. — En ouvrant un organe aussi musculeux que le pied du Solécurte, et en 
voyant la plus grande partie de la cavité intérieure de cet organe remplie par la masse des 
viscères, on se demande comment l'ovaire, ordinairement si volumineux, peut encore 
avoir une place suffisante dans l’intérieur de l'organe locomoteur; il en trouve une cepen- 
dant, car il s'y développe entièrement, grâce à l’extensibilité des muscles et du tissu 
fibreux de l'enveloppe générale du pied. Nous avons fait remarquer, dans la structure du 
pied, un grand nombre de muscles transverses se rendant directement de la paroi gauche 
à la droite; ces muscles laissent entre eux de nombreux espaces vides, qui souvent se 
suivent et prennent alors l'apparence de canaux, séparés par des cloisons musculaires. 
Tous ces espaces se remplissent de l'ovaire, à mesure qu'il augmente de volume. Quand 


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198 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


l'organe de la reproduction est parvenu à tout son développement, alors le pied est dans 
un état de turgescence considérable, et il rentre dans son état normal lorsque la ponte est 
achevée. 

L’ovaire est réellement formé de deux parties semblables, correspondant à chaque moitié 
du pied, en supposant cet organe divisé de haut en bas, ou longitudinalement et non 
transversalement. Deux oviductes très-ramifiés, un de chaque côté, se répandent dans tous 
les lobules de l'ovaire, et un rameau spécial est destiné à chacune des capsules ovifères, 
dans lesquelles s’accroissent et se développent un nombre assez considérable d'œufs. Par- 
venus à leur maturité, les œufs s'engagent les uns après les autres dans le canal étroit que 
leur présente l’oviducte de la capsule dans laquelle ils sont renfermés; et bientôt ils tom- 
bent dans des branches plus grosses; ces branches descendent, sous la forme d’un arbus- 
cule, du sommet à la base du pied. C'est, en effet, à la base de cet organe que se rendent 
les troncs des oviductes; ils se réunissent en un seul de chaque côté, qui glisse oblique- 
ment le long des parois latérales de l’abdomen, et ils aboutissent à une petite ouverture 
extérieure, en forme de fente oblique, située au-dessous de la branchie, cachée sous un 
feuillet membraneux dépendant de l'organe de la respiration. 

Dans son organisation intime, l'ovaire des Solécurtes ne diffère en rien d’essentiel de 
celui des Solens; avant sa maturité entière, il est d'un blanc laiteux, et l'on y trouve, à 
l'aide du microscope, un nombre immense d'œufs à divers degrés de développement; ils 
sont ovoides, ou plutôt en forme de pepin de raisin, dont le bec ouvert est plongé dans 
le parenchyme granuleux de l'ovaire. La vésicule de Purkinge est bien apparente, dès l'o- 
rigine des œufs; lorsqu'ils sont près de leur maturité, un point plus opaque se montre 
dans son voisinage; ce point s'accroît rapidement; il enveloppe et cache, en partie, la vési- 
cule; il devient ovale; sa circonférence se dessine très-nettement, et c’est alors que le vi- 
tellus est constitué. Il est contenu au centre d’une matière plus transparente, ayant un 
volume plus considérable, et renfermée elle-même dans une enveloppe commune trans- 
parente, mais alors ayant le bec complétement fermé. Une fois parvenu à cet état, l'œuf 
est assez mür pour être pondu. 

Dès que l'ovaire est débarrassé des produits de la génération, il est réduit à une trame 
organique fort mince, qui ressemble à un tissu cellulaire peu solide; si l’on examine ce 
üssu au microscope, on le trouve composé d’un feutre de fibres très-fines, à mailles assez 
lâches; ces fibres, assez difficiles à bien voir lorsque l'ovaire est rempli, se montrent avec 
une grande netteté aussitôt qu'il se vide. Lorsque lon à vu cette trame fibreuse se ré- 
pandre dans toutes les parties de l'ovaire, on comprend comment peut s’opérer l'évacua- 
tion des œufs, au moyen d’une compression uniforme que l'animal peut exercer dans toute 
l'épaisseur de l'organe. 


ORGANES DE LA CIRCULATION. — Îl était impossible qu'un seul individu de Solécurte 
püût suffire à des recherches anatomiques complètes. L’anatomiste ne peut atteindre les 
organes digestifs et de la génération qu'en endommageant et en sacrifiant ceux de la 
circulation, et s'il voulait suivre ceux-ci d'abord, il se trouverait entrainé à ne conserver 


nm 


CLASSE PREMIÈRE. __ GENRE SOLÉCURTE. 199 


dans leur intégrité aucun des organes à travers lesquels les vaisseaux passent pour se dis- 
tribuer plus loin. Obligé de choisir, et assuré que les organes de la circulation offrent 
moins de variations intéressantes que ceux de la digestion et de la génération, nous avons 
préféré laisser dans la description des premiers quelques lacunes, et compléter celle des 
seconds. 

Le cœur est situé un peu au-dessous de la charnière, comme cela a lieu dans le Solen 
lequmen ; 11 est contenu dans un très-grand péricarde membraneux, un peu consolidé, du 
côté du dos, par la terminaison de la zone dorsale des muscles transverses du manteau ; 
cette zone, en venant aboutir à la charnière, passe au-dessus du péricarde et s'attache 
à la paroi supérieure; la cavité dans laquelle le cœur est contenu a la forme quadrilatère 
d’un oreiller, dont les côtés seraient presque égaux. Le côté antérieur, assez épais, est 
formé par une portion de la paroi abdominale postérieure ; le côté postérieur est formé 
par le bord antérieur, arrondi et obtus, de l'organe dépurateur ; les côtés de droite et de 
gauche sont plus amincis; ils se confondent avec la portion mince du manteau et descendent 
sur les parties latérales du dos. L'organe rougeâtre que nous avons vu dans les Solens, 
enchässé comme un prisme triangulaire, au point de jonction du péricarde de l'oreillette 
et du manteau, occupe ici une autre place, ce qui modifie la jonction du péricarde avec 
le manteau. 

Le ventricule aortique est très-gros dans les Solécurtes; il est arrondi, subsphérique, 
un peu aplati de haut en bas, sensiblement aminci à sa circonférence. Pendant la vie 
de l'animal, il est susceptible d’une dilatation considérable ; alors ses parois sont minces 
et diaphanes. À la suite de la mort, le ventricule se contracte , les parois s'épaississent, 
sans acquérir une grande solidité, quoiqu’elles soient entièrement composées de piliers 
fibreux assez épais, diversement entrelacés. De l'extrémité antérieure du ventricule naît 
une aorte antérieure qui se cache au-dessous de l'intestin, et pénètre dans la cavité 
abdominale par l'ouverture donnant passage à l'intestin lui-même; n'étant point injectée, 
elle devient très-difficile à suivre dans sa distribution ; en l'ouvrant avec des ciseaux, on 
voit dans sa paroi intérieure la perforation des branches, qui se distribuent aux lèvres, à 
la bouche et aux palpes; le tronc s'enfonce dans la masse viscérale, en formant une cour- 
bure en crosse, d’où partent un assez grand nombre de branches et de rameaux pour le 
foie, l'intestin, l'estomac, l'œsophage, et enfin pour l'ovaire. Avant de pénétrer dans le 
centre du pied, l'aorte antérieure donne naissance à une branche dorsale superficielle, dont 
les rameaux se distribuent aux lobes du foie les plus rapprochés, au muscle adducteur 
antérieur de la coquille, dans la partie du manteau qui recouvre le dos et qui forme la 
commissure dorsale correspondante au bäillement de la coquille. L’aorte postérieure se 
détache du ventricule et accompagne l'intestin dans son trajet à travers le péricarde ; elle 
donne des branches pour l'organe dépurateur au moment où elle entre en contact avec 
lui; mais ses parois, devenues excessivement minces, se confondent avec les organes en- 
vironnants et le tissu cellulaire qui l'enveloppe; il devient alors impossible de la suivre ; 
cependant elle doit communiquer avec deux vaisseaux considérables qui parcourent les 


siphons dans toute leur longueur. 


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200 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


Les oreillettes sont, comme à l'ordinaire, paires et symétriques, d’une forme triangu- 
laire ; elles sont moins larges et plus courtes que dans les Solens; les côtés du triangle ne 
sont point égaux, l’antérieur est le plus court, le postérieur est un peu plus allongé, mais 
le plus long est celui de la base. Par le sommet, l'oreillette s'attache au ventricule, non à 
la circonférence, mais sur la face inférieure; l'extrémité, par laquelle adhérence de l’o- 
reillette s'opère, a une section ovalaire qui embrasse, dans son contour, l'ouverture du 
ventricule. Celle-ci se présente sous la forme d’une fente longitudinale, garnie de chaque 
côté d'une valvule, en forme de lèvre saillante, taillée en segment de cercle, et dont le 
bord convexe est saillant dans l'intérieur de l'oreillette. Une section longitudinale, faite vers 
la base, démontre que les parois de l'oreillette sont rapprochées et circonscrivent un 
ellipsoide très-allongé et trés-aplati. Les parois sont un peu plus épaisses que dans beau- 
coup d'autres Mollusques acéphalés; elles sont blanches, diaphanes, lisses en dehors; en 
dedans, se détachent en saillie un grand nombre de petits piliers musculaires diversement 
entre-croisés ; 1l ÿ en a un certain nombre d’entiérement détachés, si ce n’est à leurs extré- 
mités, se rendant d’une paroi à l’autre, en prenant des directions plus ou moins obliques. 
Par son extrémité antérieure, l'oreillette entre en communication directe avec l'organe rou- 
geâtre des crochets; par son angle postérieur, elle adhère à l'organe dépurateur, et par sa 
base, elle s'attache à la branchie et communique avec elle au moyen d’une ouverture assez 
grande, ovale, oblongue. 


ORGANES DE LA RESPIRATION. — Les branchies, dans leur forme et leur disposition géné- 
rale, diffèrent de celles des Solens d’une manière notable. En proportion du reste de 
l'animal, elles sont d’un volume beaucoup plus considérable. La cavité du manteau, chez 
les animaux de ce dernier genre, ne présente, en arrière, qu'un espace fort réduit pour 
y loger les branchies, et ces organes ne peuvent se prolonger au delà, dans les Solen 
ensis et siliqua, puisque les siphons sont excessivement courts; ils ne sauraient s'étendre 
davantage dans les Solen vagina et lequmen, parce que les siphons, quoique plus longs, 
sont beaucoup trop étroits. Ici, au contraire, la cavité des siphons, et surtout du siphon 
branchial, s’élargit et s'allonge pour loger la plus grande partie de l'organe de la respira- 
ton. La partie de la cavité du manteau destinée à l'appareil branchial et correspondante à 


celle des Solens est bien plus courte encore dans les Solécurtes, parce qu'elle est, presque 


dans sa totalité, occupée par la base de l'énorme pied dont nous avons parlé, base d'autant 
plus considérable elle-même qu'elle doit renfermer une masse viscérale importante. Aussi, 
la portion de l’organe respiratoire contenue dans le manteau est beaucoup moins longue que 
la portion renfermée dans le siphon branchial. 

Dans sa forme générale, la branchie pourrait être comparée à un YŸ, dont les deux 
branches, fort courtes, seraient supportées par une tige d’une longueur disproportionnée. 
Le siphon branchial reçoit cette tige dans toute sa longueur, tandis que les branches de 
la bifurcation viennent se placer de chaque côté de la base du pied, et cette portion seule 
de la branchie est contenue dans la cavité du manteau. Ces quatre feuillets branchiaux 
sont réunis entre eux, par la base, dans toute la partie de l'organe renfermée dans le 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE SOLÉCURTE. 201 


siphon. À partir de la bifurcation, deux feuillets se placent de chaque côté de l'animal, et 
remontent entre les palpes labiales, jusque vers l'ouverture de la bouche. A cette extré- 
mité antérieure, les feuillets branchiaux ne sont pas parfaitement égaux; l’externe s’arrête 
près de la base de la palpe externe, au-dessous de son bord postérieur, tandis que le 
feuillet interne se continue entre les palpes, où il se termine en pointe aiguë, à l'origine 
des lèvres. Cette inégalité des feuillets branchiaux, que nous venons de signaler, n’est point 
un fait indifférent. Nous avons fait remarquer, dans l'histoire du Solen, comment un or- 
gane spécial, rougeâtre, ayant la forme d’un prisme triangulaire, se trouvait intercalé dans 
l'épaisseur du manteau, de manière à conserver des connexions avec l'oreillette et avec la 
branchie. Par suite de extrême allongement de l’animal en question, l'organe rougeâtre 
a pris une direction longitudinale, parallèle à la ligne dorsale. L'animal des Solécurtes, 
beaucoup plus ramassé, beaucoup plus court, conserve bien les organes dont nous venons 
de parler; mais ils ne sont plus à la même place; ils sont devenus presque transverses ; ils 
forment, sur le dos de l'animal, une espèce de chevron, dont l’angle est très-ouvert. 
L’extrémité externe de ce chevron s’élargit entre les deux duplicatures du manteau, aboutit 
au bord postérieur de la palpe externe, et se met en rapport avec l'extrémité antérieure du 
feuillet externe de la branchie, qui s'arrête au même point, comme nous l'avons dit tout à 
l'heure. Il ne faudrait donc pas rechercher, à la même place et dans les mêmes connexions, 
des organes semblables dans les deux genres que nous comparons. 

Les feuillets branchiaux des Solécurtes ne s’attachent pas au corps d’une manière aussi 
simple que dans les Solens, par exemple. Nous avons fait remarquer dans la Clavagelle 
l'existence d’un petit prolongement membraneux, qui suit le bord interne du feuillet in- 
terne de la branchie; en s'appliquant exactement sur la base du pied, il empêche les 
déjections ou les œufs de passer du siphon anal dans le branchial. Cette membrane nous 
paraît plus particulièrement destinée à retenir les œufs, et à les forcer à entrer dans les 
lacunes branchiales, parce qu'en effet elle recouvre l’oviducte, et c'est au-dessous d’elle 
que commence cette série régulière de perforations qui existent à la base de l'organe de 
la respiration. Dans les Solécurtes, la membrane en question est beaucoup plus large que 
dans aucun des genres examinés par nous jusqu'ici. Elle commence par une pointe fort 
aiguë, à l'extrémité antérieure du feuillet interne ; elle s’élargit graduellement, en descen- 
dant en arrière; et enfin, parvenue à la bifurcation des feuillets branchiaux, c’est-à-dire 
à la base du pied, elle passe d’une branchie à l'autre, formant une grande et large com- 
missure, embrassant toute la base de la masse viscérale, et remplissant une très-grande 
partie de l'angle que forment les deux paires de branchies dans leur écartement. C’est au 
moyen de cette membrane que les deux paires de branchies se joignent dans le siphon 
branchial. Cette jonction ne s'opère pas brusquement, la membrane de commissure se 
rétrécissant insensiblement en arrière, et disparaissant à peu près vers le milieu de la 
branchie. Le feuillet branchial externe, très-rapproché de son congénère dans la portion 
contenue dans le siphon, s’en écarte, à partir de la bifurcation. Une membrane mince 


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et transparente s’élargit insensiblement, et sert à joindre les deux feuillets dans cette 


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portion de leur longueur. Grâce à sa transparence, on aperçoit au-dessous d’elle le nerf 
Zoor. — Mollusques. 1. 26 


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202 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


branchial qui y est attaché. Le bord externe de la branchie externe se prolonge un peu en 
s’'amincissant; c’est lui qui s'attache au manteau, et se soude ensuite au bord membraneux 
qui circonscrit la grande ouverture, au moyen de laquelle les deux siphons communiquent 
lorsque l'appareil branchial en a été détaché. 

En soulevant le bord membraneux de la branchie interne, on aperçoit au-dessous de 
lui une série parfaitement régulière de perforations quadrangulaires, séparées entre elles 
par de fmes cloisons membraneuses. En faisant de même sur le petit bord mince de la 
branchie externe, on observe également, à la base de ce feuillet, une série de perforations 
un peu plus étroites que les premières, mais, comme elles, séparées par de fines cloi- 
sons. On les voit se continuer en quatre séries parallèles sur la surface inférieure des 
feuillets branchiaux réunis; cependant ces cloisons, dans la partie de la branchie contenue 
dans le siphon, sont plus nombreuses, plus rapprochées, et les perforations qu’elles lais- 
sent entre elles sont plus étroites. 

La surface extérieure des branchies est profondément découpée par des sillons trans- 
verses, d’une grande régularité; en cela l'organe de la respiration des Solécurtes diffère 
encore de celui des Solens. Les sillons dont nous venons de parler sont profonds, de 
sorte que la surface de la branchie est, en réalité, couverte de lamelles transverses, très- 
régulières et fort étroites. Examinées sous un grossissement suflisant, on y découvre un 
petit nombre de stries dirigées dans le même sens. Ces stries accusent l'existence d’un 
système de vaisseaux capillaires extrêmement nombreux, dont l'assemblage constitue la 
surface de la branchie tout entière. 

En opérant diverses sections, soit longitudinales, soit transverses, sur la branchie , on 
découvre le trajet des vaisseaux principaux. Les grands vaisseaux, ceux qui parcourent la 
branchie d'un bout à l’autre, sont disposés exactement comme dans les Solens; des sec- 
tions transverses le prouvent d’une manière évidente. La section longitudinale d’un feuillet 
laisse apercevoir très-nettement un vaisseau assez gros dans l'épaisseur de la paroi interne, 
exactement dans le milieu de l'intervalle qui sépare les cloisons membraneuses. Ces vais- 
seaux sont artériels: les veines sont moins apparentes. En tiraillant les cloisons dans la 
tranche de la section, on les aperçoit à l'endroit où la cloison se soude à la paroi interne de 
la branchie; de sorte que le sang, après avoir parcouru les artères, redescend par des 
veines parallèles, pour gagner les grands troncs vasculaires situés, comme nous l'avons 


dit, à la base de l’organe de la respiration. 


ORGANE DÉPURATEUR. — Il est bien différent de celui des Solens, il n’est pas moins con- 
sidérable , et il occupe, dans l'animal, une position semblable ; il ne se distingue pas par 
sa couleur violacée, il reste blanchâtre. Enveloppée par une membrane mince et transpa- 
rente, sa surface extérieure est faiblement lobée; les lobes, légèrement onduleux, pour- 
raient se comparer à ceux du cerveau. Cet organe s'étend depuis l'extrémité postérieure 
du péricarde jusqu’au muscle adducteur postérieur des valves. IL est posé sur les muscles 
rétracteurs postérieurs du pied, remplissant ainsi un espace triangulaire assez considérable, 
laissé dans la région dorsale par les divers organes que nous venons de citer. L’organe 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE SOLÉCURTE. 203 


dépurateur n’est point divisé en deux aussi nettement que dans les Solens ; l'intestin creuse 
un assez large sillon sur sa face supérieure où dorsale; mais en dessous il conserve beau- 
coup plus d'épaisseur. Si on le coupe transversalement, on le trouve composé de deux 
parties semblables, rapprochées et soudées dans la ligne médiane; dans l'intérieur est 
creusée une cavité médiocre, très-anfractueuse , et qui, par son peu d’étendue, ne paraît 
point en proportion avec la grosseur de l'organe; cela provient de l'épaisseur considérable 
des parois, ainsi que de la présence d’un pilier intérieur, subvermiforme, ondulé dans sa 
longueur. La surface intérieure n’est point lisse; composée d’un parenchyme d’une appa- 
rence spongieuse, elle présente des canaux divers communiquant entre eux, des mamelons 
obtus, et des anfractuosités profondes. En suivant le pilier vermiforme, on le voit se 
diriger vers l'angle antérieur de l'organe, au point où existe son contact avec l'extrémité 
de l'oreillette. C’est à cette extrémité que doit se trouver l'ouverture de communication 
entre les deux organes; mais nous n’avons pu l’apercevoir, probablement à cause de l'ex- 
trême contraction des oreillettes. En soulevant l'organe, on voit qu'il est adhérent à la 
masse des viscères, de la même manière que dans les Solens; il est donc à présumer qu'il 
existe, de ce côté, un canal de communication entre lui et la cavité viscérale. Enfin, en 
cherchant à la base de la masse abdominale, au-dessous de l'oviducte, on aperçoit un très- 
petit mamelon fendu obliquement; c’est là l'ouverture du canal excréteur de l'organe 
dépurateur. 

Comme nous le disions tout à l'heure, les parois de l'organe dépurateur sont très- 
épaisses, faciles à déchirer, et si l’on en porte des lambeaux sous le microscope, on les 
trouve composés d'un parenchyme vésiculaire entremélé d’un grand nombre de fibres 
constituant une véritable trame, dans les mailles de laquelle est contenu le tissu vésicu- 
laire. Les vésicules se distinguent assez difficilement ; il faut avoir un lambeau très- 
mince de l'organe et le placer entre deux plaques de verre, pour les apercevoir; elles 
sont d’une forme très-allongée, ovoïde, attachées les unes aux autres et agglomérées 
de manière à laisser entre elles de petits canaux tortueux. Leur surface est très-nette- 
ment circonscrite par une enveloppe destinée à renfermer à l'intérieur une matière jau- 
nâtre, irrégulièrement chargée d’un nombre considérable de granules grisâtres exces- 
sivement petits. Sous un grossissement de trois cents diamètres à peu près, et en faisant 
monter et descendre la lunette du microscope, il semble que les vésicules principales 
sont elles-mêmes remplies d’autres vésicules beaucoup plus petites, dont la surface serait 
indiquée par la disposition des granules grisätres qui s'y trouveraient attachés. Nous n’a- 
vons rien trouvé, dans l'épaisseur de l'organe, qui ressemblât à ces granules solides qui 
existent en si grande abondance dans l'organe dépurateur des Solens. Nous n'avons pas 
retrouvé non plus cette autre espèce de granules jaunâtres, disséminés en grande abon- 
dance, dans l'épaisseur de l'organe, chez les animaux du même genre; de sorte que, 
dans deux genres très-voisins et appartenant à la même famille, des différences notables 
se manifestent dans la composition d’un même organe. Ceci a lieu de surprendre, sans 
doute; néanmoins il faut se souvenir que les Mollusques sont des animaux éminemment 
variables, et que leurs organes ont des apparences diverses, selon qu'on les examine dans 

26. 


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204 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


des saisons différentes. Au moment de la génération, par exemple, les organes sont dans 
un état de turgescence considérable; le manteau lui-même, ordinairement mince et trans- 
parent, se charge d’une matière lactescente, il devient plus épais; en un mot, l'animal pa- 
raît plus gras et plus rempli de matières nutritives qu’à toute autre époque de son existence. 

Nous trouvons dans les Solécurtes l’organe rougeâtre que nous avons signalé dans les 
Solens; mais 1l n'occupe plus la même place, comme nous l'avons déjà dit en parlant de 
l'organe de la respiration; au lieu d’être longitudinal, il devient transverse; il part des cro- 
chets et s’avance un peu obliquement sur les côtés, en s’allongeant entre les deux mem- 
branes du manteau. Par cette extrémité un peu élargie, l'organe en question se met en 
contact avec la branchie externe, comme nous l'avons déjà dit, et, un peu plus bas, avec 
l'angle antérieur de l'oreillette. L’organe rougeâtre est peu épais; il s’'amincit sur les bords. 
Examiné dans sa composition, il ne diffère en rien d’essentiel de celui des Solens; le mi- 


croscope y découvre les mêmes éléments. 


SYSTÈME NERVEUX. — Le système nerveux des Solécurtes est fort différent de celui des 
Solens. Celui du Solen lequmen est en quelque sorte intermédiaire, de façon qu'il s’établi- 
rait une espèce de dégradation, depuis les Solens de la première section jusqu'aux Solé- 
curtes. Le système nerveux est essentiellement composé de quatre ganglions déjà connus, 
se joignant à l'aide de nerfs de commissures et formant deux anneaux inégaux, dans les- 
quels la masse viscérale est embrassée dans ses deux parties principales. 

Le ganglion postérieur est placé sur la surface interne du muscle adducteur postérieur 
des valves; il est noyé dans un tissu cellulaire assez serré, et il faut enlever avec précau- 
tion la surface cutanée pour l’apercevoir. Son volume est médiocre, oblong, subquadran- 
gulaire, il est évidemment formé de deux ganglions soudés entre eux sur la ligne moyenne. 
L'angle postérieur donne naissance à un seul nerf se distribuant aux siphons et aux par- 
ties postérieures du manteau. De l'angle antérieur partent deux branches nerveuses : la 
première s'infléchit sur elle-même à sa naissance, gagne le dessous de la branchie, et bien- 
tôt s'attache à l'artère branchiale, pour se distribuer régulièrement dans tout l'organe 
de la respiration. La seconde branche se dirige obliquement en avant, cachée d’abord par 
la partie adhérente du feuillet interne de la branchie; elle perce la paroï abdominale, non 
loin de l’oviducte, reste accolée à l’intérieur de cette paroi, et vient gagner le ganglion la- 
bial, sans laisser échapper de branches dans ce trajet assez long. Les ganglions labiaux 
sont assez gros, profondément cachés au-dessous de la commissure des lèvres; leur écar- 
tement est considérable, d'où résulte l'allongement de la branche de commissure qui 
sert à les réunir. Ces ganglions donnent naissance à l'angle externe, aux nerfs des palpes 
et des lèvres, à ceux du muscle rétracteur antérieur des valves; et enfin il en part des 
branches palléales qui parcourent une partie de la circonférence de cette enveloppe géné- 
rale de l'animal. Le système nerveux, dans les Solécurtes, est beaucoup plus simple que 
celui des Solens, quoiqu'il conserve une disposition générale semblable. Le ganglion du 
pied est fort gros; il est situé vers la région dorsale de cet organe; deux nerfs viscéraux, 
partant des ganglions labiaux, y aboutissent. Il est enclavé entre des muscles transverses, 


- à 


CLASSE PREMIÈRE. -- GENRE SOLÉCURTE. 205 


et les trois paires de nerfs qui s’échappent de sa circonférence vont se distribuer dans le 
puissant appareil musculaire qui constitue l'organe locomoteur. 


CONCLUSION. 


Tous les faits que nous venons de rapporter suffisent à justifier la création du genre So- 
lécurte et son introduction dans la famille des Solénacés de Lamarck. Il existe de notables 
différences entre ce genre et ceux qui l’avoisinent. 

La coquille ovalaire est largement bäillante à ses deux extrémités; les valves ne se tou- 
chent que par deux points opposés de leur circonférence : à la charnière, et vers le milieu 
de la région ventrale. Cette coquille se distingue encore par la charnière, par les impres- 
sions musculaires et surtout par l'impression palléale, la grandeur et la profondeur du 
sinus de cette impression. 

Dans l'animal, nous voyons un manteau, dont le bord dépasse le test beaucoup plus que 
dans les Solens. Une large commissure ventrale, soutenue par deux muscles croisés, aug- 
mente considérablement la cavité intérieure du manteau. Une large fente antérieure, gar- 
nie en dedans d’une membrane assez épaisse et flottante, donne passage à un pied très- 
volumineux. En arrière, l'enveloppe commune se prolonge en une masse cylindrique 
considérable, bifurquée à son extrémité, et réunissant, dans la plus grande partie de leur 
longueur, les deux conduits au moyen desquels l’animal établit des courants du liquide 
ambiant dans la cavité de son manteau. Les siphons, inégaux aussi bien dans leur diamètre 
que dans leur longueur, sont isolés l’un de l'autre, à partir de la bifurcation. Dans cette 
partie de leur étendue, ils jouissent de la singulière propriété de se disloquer, pour ainsi 
dire, en anneaux transverses. 

Le pied, très-robuste, en forme de langue épaisse, envahit, par sa base, presque toute 
la cavité de la coquille; il est d’ailleurs trop gros pour pouvoir jamais s’abriter dans l’inté- 
rieur du test. Composé d’un nombre considérable de faisceaux fibreux, transverses et lon- 
gitudinaux, il offre aux viscères une cavité centrale, dans laquelle ils sont abrités derrière 
des parois musculaires épaisses. 

Une bouche transverse, à lèvres courtes et assez épaisses, terminées sur les côtés par 
des palpes triangulaires allongées, assez étroites, lamelleuses à leur surface interne ; cette 
bouche, disons-nous, commence les organes digestifs ; il en part un œsophage aplati, assez 
large, aboutissant obliquement à un estomac membraneux d’une forme subsphérique, dont 
la paroi interne est divisée obliquement en deux compartiments inégaux par une crête 
charnue. Deux cryptes biliaires très-considérables se montrent de chaque côté de l’ouver- 
ture intérieure de l’œsophage. Un bourrelet épais, subtransverse, situé entre les cryptes 
biliaires et au-dessous du cardia, donne insertion à un stylet cartilagineux logé dans la 
première portion de l'intestin, terminé en arrière par un petit appendice cœcal. L’intestin 
grêle, après un grand nombre de circonvolutions, vient percer la paroi dorsale de l’'abdo- 
men, pour entrer dans le péricarde et donner appui au cœur; il passe au-dessus du muscle 


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206 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


postérieur, s’infléchit en dedans, et se termine en un anus entouré de membranes en 
forme de pavillon. 

Un foie considérable occupe une place importante à la base du pied; il enveloppe l’es- 
tomac, une partie de l'œsophage et de l'intestin. 

L'ovaire, dans son développement, envahit toutes les cavités intérieures du pied que 
laissent les muscles transverses et longitudinaux. Deux grands oviductes, ramifiés de la 
même manière que des vaisseaux artériels ou veineux, recueillent les œufs lorsqu'ils sont 
parvenus à leur maturité, et les conduisent en dehors par deux ouvertures percées à la base 
de l'abdomen, au-dessous des branchies. 

Les œufs, dans leur accroissement, pendant leur séjour dans loviducte, se comportent 
de la même manière que dans les autres genres ; seulement notre Solécurte nous a pré- 
senté des œufs plus mürs, isolés, complétement fermés et contenant un vitellus complet , 
dans lequel est renfermé la vésicule de Purkinge. 

Les organes de la circulation, dans ce que nous en avons vu, ne différent pas d’une 
manière essentielle de ce qu’ils sont dans les Solens; le ventricule aortique est un peu 
plus gros, les oreillettes sont plus courtes et plus épaisses. 

Les branchies prennent une longueur considérable; elles s'allongent dans presque toute 
l'étendue du siphon branchial, et elles servent de cloison pour fermer une grande ouver- 
ture pratiquée entre les deux siphons. En avant, placés de chaque côté du corps, les feuillets 
branchiaux sont séparés ; en arrière, ils se réunissent ; égaux en hauteur, ils le sont aussi 
dans leur longueur, si ce n’est à l'extrémité antérieure, où le feuillet interne s’avance seul 
entre les palpes labiales. 

Un organe dépurateur, placé en arrière du péricarde, s'appuie sur les muscles rétrac- 
teurs postérieurs du pied; ses parois épaisses ne laissent à l'intérieur qu'une médiocre 
cavité, divisée par des canaux et plissée profondément. D'un tissu vésiculaire , l'organe en 
question ne présente pas les granules solides qui se montrent dans beaucoup d’autres Mol- 
lusques ; un canal excréteur, qui s'ouvre au-dessous de l’oviducte, rejette au dehors les 
produits de la sécrétion. 

L'organe rouge n’est plus placé longitudinalement, comme dans les Solens: il est situé 
en travers du dos, et c'est par son extrémité qu'il se met en contact avec le feuillet externe 
de la branchie, avec l'extrémité de l'oreillette et du péricarde. 

Le système nerveux, composé de quatre ganglions réunis en deux anneaux par des 
branches de commissure, par sa distribution générale, se rapproche beaucoup plus de 
celui des Pholades et des Myes que de celui des Solens. 

Tout ce que nous venons d'exposer prouve combien le genre Solécurte s'appuie sur 
de bons caractères; ils se montrent aussi bien dans les formes extérieures que dans la 
profondeur de l'organisation; il faut donc admettre ce genre dans les méthodes, et néan- 


moins le laisser dans la famille des Solénacés, parce qu'il a avec les Solens plus de res- 
semblance qu'avec aucun autre. 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE SOLÉCURTE. 207 


1. SOLECURTUS STRIGILATUS. Blainville. 


Mers-el-Kebir, la Sicile, les mers de Naples, toute la Méditerranée, l'Océan 
d'Europe; fossile en Italie. 


S. Testà ovato-transversà, subæquilaterà, roseà, albo biradiatà, utroque latere hiante, rotundatà ; striis 
obliquis undulatis in latere postico strigilatà; cardine bidentato, dentibus prominulis arcuatis. 


Linné, Syst. nat. éd. 10, pag. 673, n° 20. 
Linné, Mus. Ulric. pag. 475, n° 17. 
Lanxé, Syst. nat. éd. 12, pag. 1115, n° 39. 
Chama peloris, RoNverer, Test. pag. 14. 
AzDrOvANDE, De exang. lib. III, pag. 471. 
Jonston, De test. pl. 14, fig. 1, pl. 13. 
Gesxer, Aquat. fig. 135. 
Boxaxxr, Recreat. part. 2, fig. 77. 
Lister, Conch. pl. 416, fig. 260. 
Guazriert, Index test. pl. 91, fig. C. 
Le golar, Anaxsow, Seneg. pl. 19, fig. 2. 
Kvorr, Vergn. tom. VI, pl. 5, fig. 4. 
Murray, F'undam. test. amœn. Acad. tom. VIIT, pag. 147, pl. 1, fig. Te 
Born. Mus, pag. 26. 
Cuemnitz, Conch. tom. VI, pag. 57, pl. 6, fig. 41, 42. 
SCHRÔETER, Einl. tom. Il, pag. 629. 
Guerin, Syst. nat. éd. 13, pag. 3225, n° 7, exclus varietate. 
SPENGLER, Mém. soc. hist. nat. Copenh. tom. I, pag. 100, n° 16. 
Favanne, Conch. pl. 49, fig. D. I. 
Encyclopédie, pl. 224, fig. 8. 
Ozivr, Zool. adr. pag. CYR RE 
Por, Test. tom. I, pl. 12, 13. 
Woop, Gen. conch. pag. 127, n° 12, pl. 30, fig. 1. 
Drcwyw, Cat. fig. 1, pl. 64, n° 17. 
Turron, Conch. Dict. pag. 161, n° 7, pl. 13, fig. 53. 
Lamarcr, Anim. sans vert. 1. V, pag. 455, n° 18. 
An eadem spec.? Gervize, Catal. des Moll. de la Manche, pag. 13, n° 4. 
Psammobia strigilata, Turron, Conch. Brit. pag. 97, n° 14. Fiqura exclusa. 
Solecurtus strigilatus, BLaiNvirze , Malac. pl. 79, fig. 4. 
Desnayes, Encycl. méth. vers. tom. LIT, p. 962, n° 10. 
Mexxe, Syn. meth. Moll. pag. 120. 
Psammobia strigilata, Risso, Europe mérid. tom. IV, pag. 375. 
. Desnayes dans Lamarcx, Anim. sans vert. 2° édit. tom. VI, pl. 60, n° 18. 
Woop, Ind. test. pl. 5, fig. 12. 
PayrauDeau, Catal. des Moll. de Corse, pag. 28, n° 34. 
Scaccnr, Cat. conch. regni Neap. pag. 5, n° 5. 
Solen strigilatus, Puirippr, Enum. Moll. Sicil. tom. I, pag. 5. 


Solecurtus sirigilatus, Puiviper, loc. cit. tom. IT, pag. 5. 

Desnaves, Éæpéd. scient. de Morée, Zool. pag. 86, n° 8. 

Rezve, Conch. syst. tom. 1, pag. 44, pl. 27, fig. 4. 

Desnayes dans Cuvier, Règne anim. nouv. édit. Moll. pl. 111, fig. 2. 


HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


Solen strigilatus, Hanrey, Descr. Cat. pag. 14. 

Portez et Micnaup, Galerie des Moll. tom. II, pag. 263, n° 6. 

Ed. Forges, Malac. monensis, pag. 36, n° 3. 

Solecurtus strigilatus, Ed. For8es, Report on OEg. invert. pag. 142. 
Tuowpsow, Report on the Fauna of Ireland, pag. 263. 

Venant, Catal. degli anim. invert. mar. pag. 13. 

Fossilis, Bron, tal. Tert. Gibilde, pag. 88, n° 475 ? 

Solecurius strigilatus, SismoNpa, Syn. meth. ped. foss. pag. 16. 


Espèce très-connue des conchyliologues, et dont nous ne reproduirons pas ici la des- 
cripüion. Son animal, marbré d’un rouge vineux intense, a été figuré et décrit par Poli ; sa 
coquille, figurée depuis très-longtemps, est répandue dans toutes les collections, et elle 
est facilement reconnaissable à sa couleur rosée, interrompue, dans le milieu des valves, 
par deux rayons blancs, obliques, qui aboutissent sur le bord des valves, aux points où 
s'insèrent les muscles croisés de la commissure ventrale du manteau. 

Adanson a donné le nom de Golar à une coquille du Sénégal que Linné et tous les 
auteurs qui lui ont succédé ont rapprochée, dans la synonymie, du Solecurtus strigilatus ; 
cependant elle diffère des individus des mers d'Europe par quelques légères différences, 
que l’on observe particulièrement dans l'impression du manteau; la charnière est aussi un 
peu plus en avant. Il faudrait savoir si ces nuances suffisent pour caractériser une espèce 
distincte, ou si elles accusent seulement une variété. Nous manquons malheureusement de 
matériaux nécessaires pour juger cette question, c’est-à-dire la comparaison des animaux 
ou une série de coquilles recueillies sur différents points de la côte, depuis le détroit de 
Gibraltar jusqu’au Sénégal. Les observations que nous réclamons ne sont pas sans intérêt 
pour décider si le Solecurtus strigilatus est à l’état fossile dans certaines couches tertiaires, 
ou si c'est une autre espèce que l’on y trouve. On ignore encore sur quels caractères 
précis est fondée la distinction de la coquille du Solecurtus strigilatus. Dans tous les cas, les 
individus fossiles des terrains tertiaires de l'Italie et de la Sicile sont identiquement sem- 
blables à ceux qui vivent actuellement dans la Méditerranée et dans l'Océan d'Europe. 


2. SOLECURTUS CANDIDUS. Renieri. 


Bône, Alger, toute la Méditerranée, les côtes de France et d'Angleterre ; 
fossile en Italie et en Sicile. 


S. Testà ovato-oblongäà, albà, utroque latere hiante, subæquilaterà, striis obliquis, posticè divaricatis 
subradiantibus strigilatà ; cardine bidentato, dentibus inæqualibus, compressis, integris, arcuatis. 


Solen strigilatus, var. Cnemnrrz, Conch. cab. tom. VI, pl. 6, fig. 4. 
Psammobia strigilata, Turron, Conch. ins. Brit. pag. 97, n° 14. 
Desnayes, Expéd. scient. de Morée, Zool. pag. 85, n°4. 

Solen strigilatus, var. minor, MENKE, Syn. meth. Moll. pag. 120. 
Solen strigilatus, var. Paicrprr, Enum. Moll, Sicil. tom. f, pag. D. 


Caen) à de 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE SOLÉCURTE. 209 


Solecurtus candidus, Purzxprt, loc. cit. tom. Il, pag. 5. 

Solen strigilatus, var. Alba, Scacenr, Cat. conch. regni Neapol. pag. 5, n° 5. 
Psammobia strigilata, FLEemiNG , Brit. anim. pag. 439, n° 498. 

Solen candidus, HanLey, Descr. Cat. pag. 15. 

Solen strigilatus, var. candida, En. Forses, Malac. monensis, pag. 56. 
Taorre, Brit. mar. Conch. pag. 38. 

Fossilis, Brocconi, Conch. foss. subap. tom. Il, pag. 497, n° 4. 

Solen strigilatus, var. BRON, Ital. tert. Gebilde, pag. 88. 


Espèce très-distincte de la précédente, avec laquelle cependant un grand nombre de 
conchyliologues la confondent ; par sa couleur, l'animal est très-différent de celui du Sole- 
curtus strigilatus; ce dernier est marbré d’un rouge foncé vineux ; celui-ci, comme nous 
l'avons vu, est d’une couleur uniforme, d’un beau jaune orangé. 

La coquille du Solecurtus candidus reste, en proportion, toujours plus petite que celle 
du strigilatus; elle est constamment blanche; sa surface extérieure, si ce n'est vers les 
crochets, est revêtue d’un épiderme d’un brun grisâtre, qui dépasse le test pour recou- 
vrir la partie extérieure des bords du manteau ; les stries divergentes et obliques ne sont 
point disposées exactement de la même manière que dans le strigilatus; sur une ligne 
oblique, partant des crochets et se rendant vers le milieu du bord postérieur, les stries 
sont courbées en forme de V très-ouvert: une branche, la plus courte, remonte vers le 
bord dorsal; l'autre descend obliquement vers le bord ventral; les stries antérieures 
sont plus rapprochées; elles s'arrêtent brusquement et laissent le côté antérieur entière- 
ment lisse. 

La charnière n’est pas au milieu du bord dorsal; elle est portée un peu en avant; deux 
dents cardinales s'élèvent au-dessous du crochet; ces dents, rarement conservées, sont 
inégales sur la valve droite; la plus courte est en avant ;'sur la gauche le contraire a lieu; 
elles sont entières, obtuses au sommet, courbées dans leur longueur ; aplaties, elles sont 
beaucoup plus larges dans un sens que dans l’autre. Une nymphe peu allongée porte, à 
l'extérieur des valves, un ligament noir assez épais, s'amincissant en arrière pour se conti- 
nuer insensiblement avec lépiderme. 

À l'intérieur, les valves sont d’un blanc laiteux ; au côté antérieur, l'impression palléale 
rentre fortement en dedans ; la sinuosité postérieure est grande et profonde ; elle dépasse 
la charnière et s'approche à une petite distance de l'impression musculaire antérieure. 

Cette espèce est plus rare que la première; elle habite les sables, à douze ou quinze 
brasses de profondeur : aussi il est très-rare qu'elle soit rejetée à la côte, parce que, à cette 
profondeur, la mer est toujours tranquille. 


Zoo1. — Mollusques. 1. 27 


210 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


3. SOLECURTUS COARCTATUS. Gmelin. 


Harchgoun, Bône, Arzew, toute la Méditerranée, l'Océan d'Europe; fossile à Douéra 
(province d'Alger), en Italie, en Sicile, à Perpignan, dans le 3° étage tertiaire. 


S. Testà ovato-transversà, albà, lævigatà, subæquilaterà, utroque latere hiante, in medio arcuatà, cons- 
trictà; cardine bidentato ; dentibus subæqualibus, compressis, arcuatis, apice integris; sinu pallii breviore 
obliquo, in medio dilatato. 


Tellina fasciata, bicauda, PLancus, de Conch. nun. not. pag. 104, pl. 11, fig. L. Cum animal. 
Chama Solen, D'Acosra, Brit. Conch. pag. 238. 

Solen angustior constrictus, CHEMNiTz, Conch. tom. VI, pag. 62, pl. 6, fig. 45. 
Solen anatinus, ScHRôETER, Flus. Conch. pl. 9, fig. 17, pag. 185. 
ScnrôeTErR, Einl. tom. IT, pag. 635. Solen n° 3. 

Solen coarctatus, GMELIN, pag. 3227, n° 16. 

Solen marginatus, SPENGLER, Mém. soc. hist. nat. Copenh. tom. TT, pag. 105, n° 21. 
Solen antiquatus, PENNANT, Brit. Zool. tom. IV, pag. 574, pl. 49 , fig. 4. 
Idem, Doxovax, Brit. Shells, pl. 114, fig. 4. 

Solen antiquatus, MonxraGu, Test. Brit. pag. 52. 

Marox et Racxerr, Linnean Trans. tom. VIIT, pag. 46, n° 7. 

Woon, Gen. Conch. pag. 125, n° 10, pl. 29, fig. 3. 

Dizzwyn, Cat. tom. I, pag. 14, n° 16. Syn. plur. exclus. 

Solen antiquatus, Turrow , Conch. Dict. pag. 162, n° 0. 

Solen antiquatus, LAmARGk, Anim. sans vert. tom. V, pag. 454, n° 15. 

Solen coarctatus, Lamarck, loc. cit. pag. 455, n° 17: 

Psammobia antiquata, Turtow, Conch. Brit. pag. 91, n°8. 

Woo, Ind. test, pl. 3, fig. 10. 

Desunayes, Encycl. méth. vers. t. III, pag. 961, n° 9. 

Desuayes, Exæpéd. scient. de Morée, Zool. pag. 85, n° 5. 

Parciprt, Enum. moll. Sic. tom. I, pag. 6, et tom. IT, pag. 5, n° 5. 
Desayes, dans Lawarck, 2° édit. Anim. sans vert. tom. VI, pag. 59; ne 
MExxe, Syn. méth. Moll. pag. 120. 

Solen courctatus, Scaccn1, Cat. conch. regni. Neap. pag. 5, n° 6. 

FLemiING, Brit. anim. pag. 460, n° 568. 

Solen coarctatus, Ed. FoRBESs, Report on OËg. invert. pag. 142. 

Solen antiquatus, TnomPson, Report on the Fauna of Ireland, pag. 263. 
Hanzey, Descr. Cat. pag. 14. 

Solen coarctatus, Torre, Brit. mar, Conch. pag. 36. 

Loven, Ind. Moll. Scandin. hab. pag. Ag, n° 338. 

Fossilis, Broccur, Conch. foss. subap. tom. IT, pag. 497, n° 3. 

Solen coarctatus, BRoNN, tal. tert. Gebilde, pag. 88, n° 476? 

Sismonpa, Syn. meth. ped. foss. pag. 16. 


Espèce assez commune dans lOcéan d'Europe et qui paraitrait appartenir à un autre 
genre que les précédentes, parce qu’elle manque des stries obliques qui les caractérisent. 
Cependant, si la figure de Plancus mérite la confiance des conchyliologues, quoique dé- 
fectueuse à certains égards, elle nous donne la preuve que lespèce dont il est question 


mn EE à 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE SOLÉCURTE. 211 


doit se ranger dans le genre Solécurte. L'animal figuré présente, en effet, les caractères 
des Solécurtes, et, quoique nous n’ayons pas eu occasion de le voir, nous considérons la 
figure de Plancus comme suffisamment fidèle pour décider du genre auquel appartient 
l'espèce. Plusieurs conchyliologues auraient la tendance à n’admettre dans le genre Solé- 
curte que les seules espèces ornées de stries onduleuses, obliques ou divergentes; mais 
cette opinion ne pourrait se soutenir en présence de la figure de Plancus, puisqu'elle 
montre l'animal d’un Solécurte dans une coquille ovalaire dénuée de stries : provenant 
de la Méditerranée, elle ne peut dépendre que du Solen coarctatus. Cet animal a le pied 
fort gros, semblable à celui du Solecurtus candidus: il ne peut rentrer dans la coquille. 
Comme le dit Plancus, les deux siphons sont réunis à leur base dans une partie de leur 
longueur et désunis dans le reste de leur étendue. Dans cette dernière portion, ces or- 
ganes jouissent de la propriété de se désagréger spontanément en rondelles ou en segments 
de cylindre, ce qui a lieu aussi dans toutes les autres espèces connues de Solécurtes. 
Nous sommes donc autorisé, d’après les documents dont nous nous servons, à faire ren- 
trer le Solen coarctatus parmi les Solécurtes. 

Cette espèce est ovale, oblongue , transverse , un peu inéquilatérale , le côté antérieur 
étant le plus court; les valves sont très-bâillantes à leurs extrémités, moins cependant que 
dans les deux autres espèces. Le bord dorsal est convexe, le ventral est concave , et l'on 
remarque, sur le milieu des valves, une zone oblique dans laquelle le test rentre sur lui- 
même ; cette zone aboutit au bord ventral et annonce la présence d’un muscle croisé du 
manteau, comme dans les autres Solécurtes. La surface extérieure n'offre que des stries 
transverses, irrégulières d’accroissement. Cette surface est couverte d’une couche épider- 
mique, fort large, dont les crochets seuls sont dénudés. Si l’on examine cet épiderme vers 
le côté postérieur, on y remarque de petits plis qui coupent obliquement les stries trans- 
verses, comme le font les stries des autres Solécurtes. 

La charnière est semblable à celle des Solécurtes: elle se compose de deux dents car- 
dinales, rapprochées, presque égales, entières, comprimées, courbées dans leur longueur ; 
la dent postérieure de la valve gauche est plus courte et moins épaisse que l'autre. 

Le Solecurtus coarctatus se distingue encore par son impression palléale. Le long du 
bord antérieur et du bord ventral, elle est très-rentrée à l'intérieur, ainsi que dans les 
autres espèces. À son extrémité postérieure, elle se rapproche du bord insensiblement. 
Sa sinuosité remonte obliquement dans l’intérieur jusqu’au niveau de la charnière, se re- 
courbe et se renfle vers le dos, en descendant vers l'impression du muscle postérieur, ce 
qui lui donne un peu plus de largeur au milieu qu'à ses extrémités. 

La plaine de Bône entre la ville et l'antique Hippône est très-basse et à peine élevée au- 
dessus du niveau de la mer. Cette plaine, autrefois marécageuse, a été desséchée par les 
soins des officiers d'artillerie, au moyen de canaux qui se rendent à la mer. Les travaux 
que ces canaux ont exigés ont fait connaître la constitution du sol. Des couches de sable 
et d'argile ont été découvertes, et elles se sont trouvées remplies de coquilles fossiles, dont 
les espèces sont identiques avec celles qui vivent encore sur les plages les plus voisines. 


Parmi ces espèces, nous avons recueilli des valves du Solecurtus coarctatus. 
27. 


a... 


212 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


SIXIÈME FAMILLE. 


LES MYAIRES.—Lamarck. 


GENRE HUITIÈME. 


CORBULE, Corguza. Lamarck. 


La famille des Myaires, à laquelle appartient le genre dont nous allons nous occuper, 
a subi des changements assez notables, depuis que Lamarck l'a introduite dans la classifi- 
cation méthodique des Mollusques. Nous devons rappeler ici que cette heureuse innovation 
de distribuer les animaux par familles naturelles appartient à Lamarck; ce célèbre zoolo- 
giste en fit le premier essai, dès 1809, dans sa Philosophie zoologique. À cette époque, 
la famille des Myaires renfermait trois genres : Mye, Panopée, Anatine. Quelques années 
plus tard, en 1819, Lamarck lui-même, dans l’Extrait du cours, réduisait à deux genres, 
Mye et Anatine, sa famille des Myaires. Le genre Panopée, portant à la charnière un hi- 
gament extérieur, fut transporté dans la famille des Solénacées; enfin, dans son Histoire 
des animaux sans vertèbres, Lamarck conserva sa famille des Myaires de l'Extrait du cours; 
seulement il en donna les caractères avec plus de développement. 

Si nous recherchons actuellement dans les ouvrages de Cuvier de quelle manière sont 
placés les genres de la famille des Myaires, nous les trouverons à la tête d’un groupe 
très-étendu, dans lequel sont réunis une vingtaine de genres. Le genre Mye lui-même 
reçoit sept sous-genres, parmi lesquels nous voyons les Anatines, les Lutraires et, ce qui 
devra surprendre, la Solémye, ainsi que deux genres à ligament extérieur: Panopée et Gly- 
cimère. Cuvier, il faut le dire, n'était pas descendu jusqu’à l'étude des nombreux détails 
à l’aide desquels les caractères des coquilles, bien compris, suppléent, jusqu’à un certain 
point, à ceux des animaux; aussi les grands groupes de sa méthode ne reproduisent que 
quelques faits généraux de l'organisation. Pour en citer un exemple, nous ne sortirons pas 
du sujet qui nous occupe : la famille des Enfermés, dans laquelle sont compris les Myes 
et les Anatines, est fondée sur ce seul caractère d’un manteau, à ouverture antérieure très- 
petite, prolongé en arrière en deux siphons réunis ou disjoints. Aujourd’hui la science ne 
peut se contenter de familles aussi étendues ; on conçoit la possibilité de rencontrer, chez 
des animaux qui offrent ces caractères généraux, des modifications non moins importantes 
dans l’organisation. Déjà Poli l'avait démontré par les faits, dans son ouvrage sur les Tes- 
tacés des Deux-Siciles, et toutes les observations faites depuis cette époque tendent à 
prouver que les petits groupes sont infiniment plus naturels que les grands. 

M. de Blainville, en publiant son traité de Malacologie (1825), à l'exemple de Cuvier, 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE CORBULE. 213 


préféra la distribution des Mollusques acéphalés par grandes familles. Celle des Pyloridés 
correspond assez exactement à celle des Enfermés de Cuvier, et elle en a, par conséquent, 
les avantages et les défauts; elle rassemble vingt genres distribués en deux groupes, d’après 
la position du ligament, ce qui est toujours préférable à la confusion laissée par Cuvier à 
ce sujet. Les Myes et les Anatines font partie du premier groupe, à côté des Thracies, des 
Pandores, etc. 

Nous croyons peu utile de mentionner les opinions de plusieurs naturalistes qui se sont 
conformés, les uns à la méthode de Cuvier, les autres à celle de Lamarck, en y apportant 
de légères où d'insignifiantes modifications. La plupart des conchyliologues, entrainés sans 
doute par l'exemple de Cuvier, ont une tendance à rapprocher les Lutraires des Myes et à 
les entrainer dans une même famille; cependant, ainsi que nous le verrons bientôt, les 
Lutraires se rattachent aux Mactres par des nuances graduées dans les caractères; l'un de 
ces genres doit suivre l'autre dans la méthode; il faut donc renoncer à les introduire tous 
deux dans la famille des Myaires. 

Dans ses Tableaux systématiques des Mollusques, M. de Férussac se servit des méthodes 
de Cuvier et de Lamarck pour les modifier l’une par l'autre, cherchant ainsi à faire prévaloir 
une classification mixte qui n’a peut-être aucun des avantages de celles d’où elle découle. 
M. de Férussac adopta la famille des Myaires avec quatre genres, et 11 la plaça la première 
dans les Enfermés de Cuvier, qui devinrent un ordre, au lieu de rester une famille. Les 
quatre genres des Myaires de M. de Férussac sont les suivants : Lutraire, Anatine, Mye, 
Solémye. IL suffit aujourd'hui de nommer ces genres pour constater le peu de rapports 
qu'ils ont entre eux; cependant ce sont eux que l'on retrouve dans la famille des Myacées 
de M. Menke, auxquels il ajoute les genres Thracie et Pholadomye. 

Déjà dans nos articles du Dictionnaire classique d'histoire naturelle, et surtout dans 
ceux de l'Encyclopédie méthodique, nous avions fait pressentir la nécessité d'apporter de 
grands changements dans quelques-unes des familles de Lamarck, et notamment dans celle 
qui nous occupe. La découverte de l'osselet de la charnière des Anatines et de plusieurs 
autres genres voisins, nous fit comprendre qu'il devenait indispensable de réunir ces dif- 
férents genres en une famille, à laquelle nous consacrämes le nom d'Ostéodesmes. A la 
même époque, nous fimes remarquer l'analogie qui existe entre les Myes et les Corbules. 
Dans une longue série des espèces des deux genres, on voit s'établir une transition gra- 
duée, de sorte qu'il devient quelquefois embarrassant de décider de leur limite. Nous avons 
done été conduit à conserver la famille des Myaires, mais à substituer le genre Corbule 
à celui des Anatines. Un troisième genre est venu naturellement se placer dans cette fa- 
mille. M. Gray lui a donné le nom de Neœra; il l'a démembré du genre Corbule lui-même 
pour un petit nombre d'espèces qui portent à la charnière un petit osselet caduc. Nous 
verrons bientôt, en traitant de la famille des Ostéodesmes, quelle valeur nous attachons à 
la présence d’un osselet cardinal, et l’on comprendra que le caractère qu'il fournit n’est 
pas tellement absolu qu'il doive entrainer dans un même groupe toutes les coquilles qui 
le présentent. 

Jusqu'ici aucune véritable Mye n’a été observée sur les côtes de l'Algérie; nous y men- 


214 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


üonnons seulement les Corbules et les Neœra: nous aurons donc à nous occuper de ces 
deux genres, qui font partie de la famille des Myaires. 

On doit à Bruguières la création du genre Corbule, dans les planches de l'Encyclopédie 
méthodique; mais comme ce naturaliste n’a rien écrit sur ce genre, nous ne pouvons juger 
de la place qu'il lui aurait assignée dans la méthode que par celle qu'il occupe dans les 
planches que nous venons de citer. Bruguières rapproche les Corbules des Myes, et il est 
à regretter que cette opinion n'ait pas prévalu; les auteurs méthodistes eussent évité des 
tâtonnements, des variations relatives aux rapports naturels des Corbules avec les autres 
Mollusques de la même classe. 

Avant Bruguières, quelques espèces de Corbules étaient connues; Walker a figuré, sous 
le nom de Cardium striatum, l'espèce la plus commune des mers d'Europe; Chemnitz, dans 
son Conchylien cabinet, en a représenté une grande espèce, sans pouvoir la rapporter à un 
genre déjà connu; Olivi, Zoologia adriatica, range la même espèce que Walker parmi les 
Tellines, pour se rapprocher sans doute de l'opinion de Limné, qui comprenait la Pan- 
dore dans ce même genre. 

En 1799, Lamarck publiait son premier essai d’une classification des coquilles, dans les 
mémoires de la Société d'histoire naturelle de Paris. La science alors ne possédait qu'un 
petit nombre de principes déduits du peu d'observations acquises par les travaux des na- 
turalistes. Linné s'était contenté de grands groupes, dans la classification des animaux, et 
trois divisions lui avaient paru suffisantes pour l'arrangement des coquilles. Cette grande 
simplicité de la méthode séduisit les naturalistes, qui éprouvérent ensuite beaucoup de 
peine à l’abandonner. À mesure que les faits s'accumulèrent, ils firent sentir la justesse de 


cet adage, «Il faut diviser pour régner»; aussi la première méthode de Lamarck, tout 


en présentant un plus grand nombre de genres, se ressentit naturellement de l'imperfec- 
tion où se trouvait la science au moment de sa publication. Il partage toutes les co- 
quilles bivalves en deux classes, selon qu’elles sont irrégulières ou régulières. À la fin de 
la section des coquilles régulières sont rassemblés les genres à valves inégales, et c’est là 
que se rencontrent les Corbules et les Pandores, entre les Peignes et les Térébratules. Le 
grand ouvrage de Poli était publié depuis huit ans, mais tout nous porte à croire qu'il 
n'était pomt connu en France, puisque aucun de nos zoologistes qui écrivirent à cette 
époque ne le mentionnèrent. On doit le regretter, car on ne peut douter de l'influence 
qu'il eût exercée sur la classification des Mollusques acéphalés. Puisque Lamarck com- 
prenait si bien les rapports qui rattachent l’un à l’autre les genres Corbule et Pandore, il 
les aurait classés bien différemment, s'il eût su, par l'ouvrage de Poli, que les Pandores 
se rapprochent des Solens et. des Myes; et peut-être aurait-il devancé de vingt ans la mé- 
thode à laquelle il a fini par s'arrêter. Bientôt après ce premier essai de classification, La- 
marck publia, en 1801, son Système des animaux sans vertèbres, ouvrage dans lequel 
l'arrangement des Mollusques a subi peu de changements importants. Les Corbules se 
trouvent toujours rejetées loin de leurs rapports naturels, vers la fin de la longue série des 
coquilles méquivalves. 

Dans les premiers travaux de Cuvier, Tableau élémentaire du règne animal, Leçons d'ana- 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE CORBULE. 215 


lomie comparée, ouvrages dans lesquels la classification des Mollusques est présentée dans 
son ensemble, le genre dont nous nous occupons est entièrement oublié. 

Malgré son étude approfondie des Coquilles, Lamarck, comme on le voit, n'avait pas 
cherché à se rendre compte de l'opinion de Bruguières. Cette opinion, qui consiste à rap- 
procher les Corbules des Myes, était fondée, pour le savant auteur des vers de l'Ency- 
clopédie, sur la présence de deux impressions musculaires dans les valves des deux genres, 
IL faut remonter jusqu’en 1809, et recourir à la classification de la philosophie zoologique 
pour trouver l'appréciation, imparfaite cependant, de la valeur des caractères que fournit 
le nombre des impressions musculaires. Les Corbules ayant deux muscles, et étant inéqui- 
valves ainsi que les Pandores, Lamarck les introduisit dans la famille des Camacées, à 
côté des Cames, des Dicérates et des Éthéries, se contentant, en 1812, dans l'Extrait du 
cours, de diviser cette famille en deux sections : l’une pour les coquilles irrégulières et 
fixées, l’autre pour les coquilles libres et régulières. Un naturaliste d’une grande sagacité 
avait devancé Lamarck dans l'opinion que nous venons d'exposer. De Roissy, le continua- 
teur des Mollusques du Buffon, de Sonnini, dès 1805, rapprocha les Corbules des Cames ; 
et, guidé sans doute par l'ouvrage de Poli, il fit remonter les Pandores jusque près des 
Solens. Mais, il faut l'avouer, personne , en France, ne comprit aussi bien les véritables affi- 
nités des Corbules qu'un naturaliste anglais, Montagu, qui, sans hésiter, transporta les espèces 
de ce genre au milieu des Myes. L’opmion que ce savant observateur publia en 1803, dans 
la première partie de ses Testacés de la Grande-Bretagne, fut invariablement adoptée par 
tous les conchyliologues anglais, Pennant, Turton, Wood, Dillwyn, etc. jusqu'au moment 
où Brookes, en 1815, dans son Introduction à l'étude de la conchyliologie, établit la con- 
cordance des genres de Lamarck avec ceux de Linné : il fit voir que les Corbules se démem- 
braient des Tellines de Linné, en les rattachant à la Pandore, inscrite sous le nom de 
Tellina inæquivalvis. 

S1 Cuvier, dans ses premiers écrits, laissa la méthode des Mollusques imparfaite, sous le 
rapport du nombre des genres qu'il y admettait, il eut du moins le mérite de la fonder sur des 
principes mébranlables, en tenant compte non-seulement de la coquille, mais aussi et surtout 
des caractères des animaux qui les construisent. Dès ses premiers travaux, il osa ce qu'aucun 
zoologiste n'avait entrepris : il démembra, détruisit plusieurs groupes de Linné, rapprocha 
les Mollusques nus de ceux qui ont une coquille, et jeta les fondements de l’admirable 
méthode qui régit la science et qui est appelée à la gouverner toujours, parce qu’elle est 
fondée sur l'essence même des choses, sur ce qui fait qu'un animal est dans les conditions 
que la nature a voulu qu'il subit. De son étude des Mollusques, Cuvier fait ressortir ce 
grand fait : les uns ont une tête armée d'organes puissants de locomotion, voilà les Cépha- 
lopodes ; les autres ont une tête simple, ils marchent sur le ventre, voilà les Gastéropodes; 
enfin, il en est qui n’ont point de tête, ce sont les Acéphalés; ils rassemblent tous ceux 
de ces animaux qui portent une coquille bivalve. C’est ainsi que, sous l'influence du génie de 
Cuvier, disparaît à Jamais ce mélange de Mollusques et de Zoophytes, qui gâtait la méthode 
de Linné. C’est aussi sous la même influence qu'il a fallu abandonner la division en uni- 
valves, bivalves et multivalves, dont Linné s'était servi pour débrouiller le chaos où la 


216 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


science était plongée avant lui. Mais revenons aux Corbules dont cette digression nous 
éloigne. La première édition du Règne animal parut en 1817. Dans cet ouvrage, qui eut 
une si grande et si utile influence dans l'étude de la zoologie, les Corbules furent entrainées 
loin de la place que leur avaient assignée le plus grand nombre des conchyliologues ; elles 
sont comprises, à l’état de genre, dans la famille des Cardiacées, entre les Vénus et les 
Mactres. Il est facile de l'apercevoir, Cuvier, dans l’arrangement de ce genre, ne connais- 
sait pas son animal, et il ne sut pas en deviner les caractères d’après ceux de la coquille ; 
aussi l'opinion qu'il adopte n’a guère trouvé de sectateurs parmi les personnes qui font des 
coquilles une étude plus minutieuse. 

Les travaux de Lamarck durent se ressentir de ceux de Cuvier, comme dans ceux de 
Cuvier on voit se refléter souvent l'esprit profond de Lamarck. Deux aussi grands zoolo- 
gistes ne pouvaient vivre en même temps sans que leurs opinions se modifiassent mutuel- 
lement et, sans doute, indépendamment de leur volonté. Pendant l'impression du Règne 
animal, Lamarck publiait les premières parties de son Histoire des animaux sans vertèbres ; 
le cinquième volume, dans lequel commence l'histoire naturelle des Mollusques, parut 
en 1818. On y trouve, pour la première fois, une petite famille sous le nom de Corbu- 
lées, dans laquelle Lamarck réunit les deux genres Corbule et Pandore; nous verrons 
bientôt pourquoi cette famille n’a point été adoptée. D'abord, les genres en question n'ont 
point, entre eux, autant de rapports que leurs coquilles semblent l'indiquer; ensuite La- 
marck place cette famille à la suite de celle des Mactracées. Les Corbules sont trop loin des 
Myes et hors de place, dans le voisinage des Amphidesmes, d’un côté, et des Lithophages 
de l’autre; néanmoins Lamarck abandonne complétement ses premières opinions concer- 
nant les Corbules, il ne les laisse plus dans la famille des Camacées; elles reprennent un 
rang meilleur dans la méthode. 

La classification de Linné prévalut très-tard en Angleterre, comme nous l'avons vu. 
Turton, l’un des premiers, appliqua les genres de Lamarck aux coquilles bivalves de ce 
pays, dans son ouvrage sur cette matière, qui parut en 1822. L'auteur adopte l’arrange- 
ment des genres en une seule série, sans les grouper en famille; il s’est eflorcé, on le 
voit, de conserver aux genres les rapports les plus naturels. À la suite des Myes viennent 
les genres Lyonsia et Sphenia, puis les Corbules et les Pandores. Nous le remarquerons, le 
conchyliologue anglais rapproche les Corbules des Myes, beaucoup plus que Lamarck; il 
interpose le genre Lyonsia, qui appartient à notre famille des Ostéodesmes et qui ne peut 
rester à la place qu'il occupe, et le genre Sphenia, que l'on doit faire rentrer parmi les 
Corbules, puisqu'il en offre les caractères essentiels. Ainsi, en Ôtant les deux genres en 
question, les Corbules se trouveraient à côté des Myes. 

La famille des Conchacées, instituée par M. de Blainville, dans son Traité de Malaco- 
logie, rassemble un très-grand nombre de genres, divisés en trois sections; dans la troi- 
sième sont réunies les coquilles dites irrégulières. Dans l'arrangement général des genres, 


M. de Blainville n’attache aucune importance à la position du ligament. À la suite des Vé- 
nérupes, des Coralliophages et des Clotho, qui ont le ligament extérieur, se rangent les 
Corbules, les Sphènes, dont le ligament est intérieur, et enfin les Ongulines, qui ont le 


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HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES 


PAR M. DESHAYES 


MEMBRE DE LA COMMISSION SCIENTIFIQUE D'ALGÉRIE 
CHEVALIER DE LA LÉGION D'HONNEUR 


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COMPARATIVE ZOÜLOGY, 


AT HARVARD- COLLEGE, CAMBRIDGE, MASS. 


Dounded bp private subscription, in 1861. 


DR. L. DE KONINCKS LIBRARY. 


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HARVARD UNIVERSITY. 
CAMBRIDGE. MA USA 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE CORBULE. 217 


ligament externe. Les Myes et les Pandores font partie de la famille des Pyloridées , non 
moins considérable que celle des Conchacées. 

Nous ne poursuivrons pas davantage l’histoire des nombreux changements que les Cor- 
bules ont eus à supporter en passant par les diverses méthodes ; les naturalistes que nous 
pourrions actuellement citer, et ils sont en grand nombre, dans les écrits desquels le genre 
qui nous occupe à été mentionné, ont eu une opinion conforme à l’une de celles que nous 
venons d'exposer, ou seulement rapprochée de l'une d’elles. Nous ajouterons que, ainsi 
que dans d’autres grands genres, il existe plusieurs espèces de Corbules qui vivent dans 
les eaux douces ou dans les eaux saumâtres. M. Sowerby, dans son Manuel de conchylio- 
logie, en à fait un genre particulier sous le nom de Potamomya; mais, dans notre opinion, 
ce genre ne doit pas être adopté; en sera-t-il de même pour le genre Lentidium de Cris- 
tofori? établi pour une petite espèce aplatie de la Méditerranée, dont nous aurons à nous 
occuper dans quelques moments, il a été récemment reproduit par M. Nyst sous le nom 
de Corbulomye. 

Dans un genre où l’on compte aujourd'hui cent trente-huit espèces, tant vivantes que 
fossiles, il existe un grand nombre de modifications dans les caractères les moins impor- 
tants. Les caractères d’une plus grande valeur sont eux-mêmes variables à un certain degré, de 
sorte que, si l’on se bornait à considérer un petit nombre d'espèces, on pourrait consti- 
tuer avec elles plusieurs genres, tandis que, si on en rassemble un grand nombre, on voit 
les modifications s’enchaïner les unes aux autres par une foule de nuances graduées, et 
c’est alors que l’on reconnait l'impossibilité de diviser en plusieurs le genre naturel des 
Corbules. Il en est de ce genre comme des Lucines, des Bucardes, des Mulettes, etc. chez 
lesquelles il ne reste qu'un très-petit nombre de caractères peu variables, qui permettent 
à un œil exercé de distinguer le genre avec facilité. Si nous avions à traiter ici, d'une 
manière générale, du genre Corbule, nous exposerions avec quelques détails les modilica- 
tions que l'on observe dans ce groupe curieux; mais la Méditerranée est pauvre en espèces. 
Les terrains tertiaires de l'Algérie n’en offrent eux-mêmes qu'un petit nombre, et ces es- 
pèces sont insuffisantes pour donner une idée des changements que subissent les caractères, 
dans la série générale. Nous devrons donc nous borner à rappeler les caractères généraux, 
tels qu’ils se présentent dans les espèces que nous avons à mentionner dans cet ouvrage. 


La Coquize. — Les coquilles du genre Corbule se distinguent avec facilité de celles 
des autres genres connus. Quelques-unes sont d’un médiocre volume ; pour le plus grand 
nombre, elles sont fort petites; elles sont transverses, plus larges en avant qu’en arrière ; 
de ce côté elles se terminent par un angle ou ont une tendance à se prolonger en bec. 
Toutes sont inéquivalves, subéquilatérales, généralement gonflées, subcordiformes, à cro- 
chets assez grands, saillants, inégaux et fort rapprochés. Sans exception, elles sont lisses à 
l'extérieur ou striées transversalement ; chez un certain nombre, la valve droite, qui est la 
plus grande, est seule striée ou sillonnée; l’autre reste lisse. Toutes les Corbules sont géné- 
ralement épaisses, solides; la cavité des valves est petite, en proportion du volume de la 
coquille. 

Zoor. — Mollusques. 1. 28 


rer 


218 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


La charnière est simple; elle se rapproche de celle des Myes. Au-dessous du crochet, 
un peu en arrière, s'élève perpendiculairement, sur le bord cardinal de la valve gauche, une 
dent épaisse, subtriangulaire, creusée, sur la face supérieure, d’une gouttière assez pro- 
fonde, qui partage cette surface en deux parties inégales; l’antérieure est la plus étroite, 
et, dans quelques espèces, le Corbula sulcata par exemple, elle disparaît presque en entier. 
En avant de cette grande dent saillante est creusée une fossette triangulaire plus ou moins 
grande, selon les espèces. Sur la valve droite, le bord cardinal présente, au-dessous du 
crochet, une grande et profonde échancrure taillée carrément; en avant s'élève une dent 
conique, triangulaire, recourbée en crochet. En rapprochant les valves, on voit la grande 
dent perpendiculaire de la valve gauche entrer dans l’échancrure de la valve droite, et la 
dent conique de cette dernière se loge dans la fossette de la valve opposée. Le ligament, 
situé à l’intérieur, s'attache dans la rigole de la dent de la valve gauche et dans le fond 
de l’échancrure de la droite. Si l'on veut comparer la charnière des Myes à celle-ci, on lui 
trouvera beaucoup d’analogie ; elle deviendra d'autant plus évidente que l’on aura sous les 
yeux un plus grand nombre d'espèces de Corbules. Toutes les Corbules ne sont pas bom- 
bées et convexes; on en trouve parmi les vivantes quelques-unes d'aplaties, dont on pour- 
rait faire un petit groupe distinct. Néanmoins, en Joignant aux vivantes les espèces fos- 
siles, il s'établit des nuances insensibles entre les deux groupes, et l'on reconnait bientôt 
qu'ils se rattachent l’un à l’autre, sans qu'il soit possible, d’après les coquilles seules, de 
saisir entre eux des caractères génériques. C'est surtout par les espèces fossiles que les deux 
groupes se rattachent entre eux; l’une d'elles, Corbula complanata Sow. étant fort aplatie, mé- 
rite notre attention à cause des modifications qu’elle nous offre. La charnière n’est pas tout à 
fait semblable à celle des espèces bombées. L'échancrure de la valve droite est plus profonde ; 
souvent elle entame le bord cardinal jusqu’à la pointe du crochet. La dent conique de la 
même valve est en proportion plus courte; mais elle est profondément détachée du bord du 
côté antérieur, ce qui rapproche, à quelques égards, cette dent de celle des Pandores. 
Quant à la valve gauche, la dent perpendiculaire est plus courte, plus large à la base; le 
sillon qui divise sa face supérieure est étroit, profond; aussi le ligament ne s'attache pas; 
seulement, dans sa profondeur, il occupe aussi une partie de la surface de la dent. 

Les impressions musculaires sont fort écartées. Si l'on partage la cavité des valves en 
deux moitiés égales par une ligne transverse, les impressions musculaires appartiendront 
à la moitié dorsale. L’impression musculaire antérieure est ovale; elle se dirige dans le 
sens longitudinal de la coquille; dans les espèces aplaties, elle est oblique. L'impression 
musculaire postérieure est parfaitement circulaire dans les deux groupes d'espèces; elle est 
très-voisine de l'extrémité des valves, et elle empiète en partie sur la largeur de l'angle 
ou du bec postérieur. 

L'impression palléale est particulièrement caractérisée dans les Corbules par sa position. 
Elle est très-rentrée en dedans des valves, ce qui leur laisse intérieurement un très-large 
bord. Ce bord n’a point une égale largeur dans les deux valves, ainsi que cela a lieu dans 
les coquilles équivalves ; il est plus étroit dans la valve la plus petite. Cette impression du 
manteau quitte l'extrémité mférieure du muscle antérieur; elle s'arrondit parallèlement au 


CLASSE PREMIERE. — GENRE CORBULE. 219 


bord inférieur ou ventral de la coquille et, parvenue au tiers à peu près de la longueur 
totale de ce bord, elle fait un angle plus ou moins obtus selon les espèces, et elle se 
dirige vers le milieu de l'impression musculaire postérieure, où elle aboutit, en s’infléchis- 
sant à peine en dedans. Cette impression reste fort éloignée de l'extrémité postérieure des 
valves, et l’on concoit que, dans le grand espace qu’elle laisse, le manteau doit avoir un 
large bord musculaire dans lequel est noyé, pour ainsi dire, le muscle rétracteur des siphons. 

Indépendamment des impressions dont nous venons de parler, la coquille des Corbules 
en présente encore deux autres fort petites. L'une est située à l'extrémité supérieure où 
dorsale de impression musculaire antérieure ; elle constitue l'angle de cette impression et 
se prolonge un peu sur le bord cardinal; elle est due à l'insertion dans ce point du muscle 
rétracteur antérieur du pied. L'autre occupe une position analogue à la première, par rap- 
port à l'impression musculaire postérieure; elle est produite par le muscle rétracteur pos- 
térieur du pied. 

Les bords des valves sont entiers, simples, tranchants ou légèrement arrondis. Les Cor- 
bules étant des coquilles transverses, les bords antérieurs et postérieurs sont très-courts ; 
les plus longs sont ceux du dos et du ventre. Les valves sont parfaitement closes; elles ne 
sont point bäillantes à divers degrés comme dans les Myes. Cependant l'extrémité posté- 
rieure laisse ouverte une petite fente par laquelle l'animal peut recevoir de l’eau dans la 
coquille. Presque toutes les espèces de Corbules sont revêtues, à l'extérieur, d’une couche 
épidermique plus ou moins épaisse. Cet épiderme s'amincit et disparait sur les crochets : 
il s'épaissit au bord ventral, déborde un peu la coquille, surtout la valve gauche, ou, par 
sa largeur, il semble suppléer à la moindre étendue du test. Cet épiderme est tantôt lisse, 
tantôt écailleux. 


ANIMAL. — Nous avons observé l'animal des deux espèces de Corbules qui vivent dans la 
Méditerranée, et ils nous ont offert des différences si considérables, que nous avons été 
sur le point d'admettre, pour l’une d'elles, Corbula mediterranea, le genre Lentidium de Cris- 
tofori. Peut-être que d’autres conchyliologues se hâteront d'inscrire ce genre dans la mé- 
thode, d’après les caractères de l'animal que nous faisons connaître pour la première fois. 
Pour nous, nous y mettons plus de réserve. Dans les grands genres, les animaux comme 
leurs coquilles peuvent varier. Les Lucines, les Vénus, Les Tellines, etc. nous en offriront des 
exemples ; et avant de nous décider à séparer en genre le groupe des Corbules aplaties, 
nous pensons qu'il sera convenable d'attendre la connaissance d'animaux d’autres espèces in- 
termédiaires. Agir autrement, ce serait s’exposer à faire encore ce qui ne se répète que trop 
en zoologie, c’est-à-dire établir des genres avec les deux extrémités d’une série, avant 
d'être certain que des jalons intermédiaires ne viendront pas rattacher ces deux points ex- 
trèêmes. Si les coquilles étaient moins variables dans le genre qui nous occupe, on pour- 
rait s'attendre aussi à moins de variabilité dans les animaux; les unes entraînent les autres. 
Cependant, pour un genre comme celui-ci, il faut, avant de le démembrer, apprécier bien 
exactement la valeur des caractères; et, pour le faire avec sécurité, sans compromettre les 
intérêts de la science, il convient d'agir sur plus de deux espèces, lorsqu'il y en a au moins 

28. 


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220 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


cinquante de vivantes, connues et inscrites dans les catalogues. D'après notre opinion, il 
vaut mieux s'abstenir et attendre. Nous serons donc forcé, pour éviter la confusion, de 
décrire alternativement les mêmes parties dans les deux espèces, lorsqu'elles offriront des 
différences. 

Dès qu’on a détaché de sa coquille l'animal des deux espèces de Corbules, on s'aperçoit 
sur-le-champ qu'il n’a pas cette parfaite symétrie qui caractérise un Mollusque à coquille 
équivalve. Le côté droit est plus bombé que le gauche, et l'un des lobes du manteau est 
un peu plus court que l’autre ; le pied lui-même ne se trouve plus dans la ligne médiane de 
l'animal, et il est un peu rejeté à gauche, tandis que la masse des viscères se porte dans 
la valve droite, et entraine de ce côté les organes digestifs presque en entier. 


LE ManrTEau. — Cet organe est composé, comme à l'ordinaire, de deux parties très- 
distinctes : l’une formant au pourtour de chaque lobe une zone épaisse, contenant un très- 
grand nombre de petits faisceaux fibreux ; l’autre centrale, mince, membraneuse, destinée 
à revêtir la surface interne des valves. Les bords épais du manteau s’attachent à la coquille 
et y laissent l'impression palléale dont nous avons déjà parlé. Pendant la vie, les bords 
viennent saillir au dehors des valves et dépassent l’épiderme; une frange profondément 
festonnée termine l'extrême bord et s'étend à toute la circonférence du manteau, si ce n’est 
sur le bord dorsal, où elle manque entièrement. Vers les extrémités du manteau, les den- 
telures du bord frangé sont simples; mais au milieu, dans toute la longueur du bord ven- 
trail, ces dentelures sont découpées au sommet en deux outrois lobes obtus. (PI. XXI, fig. 3.) 
À voir saillir-hors de la coquille les bords du manteau dans toute la circonférence, on pour- 
rait croire à la disjonction de ses lobes dans l'étendue du bord ventral ; il n’en est rien. Une 
commissure assez large, située en dedans des bords saillants et en partie cachée par eux, 
ferme la cavité palléale dans les trois quarts de son étendue, dans le Corbula mediterranea; 
dans le tiers environ, dans le Corbula striata. I] reste, en avant et en dessous, une ouver- 
ture médiocre pour le passage du pied. En dedans, les bords sont garnis d’un épaississe- 
ment en bourrelet arrondi, et qui pour son usage peut être comparé au bord antérieur du 
manteau des Solens, destiné à embrasser le pédicule du pied. Nous devons ajouter que 
les franges du manteau sont un peu plus courtes et à lobes moins gros dans le Corbula striata 
que dans le mediterranea. 


Les sipnoxs. — Le manteau se prolonge en arrière en deux siphons très-courts dans 
l'une et l'autre espèce; cependant ils sont plus courts encore dans le Corbula striata que 
dans l’autre, et moins nettement séparés au sommet. Déjà dans ces organes commencent à se 
montrer les différences qui distinguent profondément les espèces dont nous nous occupons. 

Les siphons du Corbala striata font à peine saillie hors de la coquille, pendant leur plus 
grand allongement : on voit qu'ils sont réunis jusqu’au sommet, où ils s’épanouissent en 
une surface presque plane, percée de deux ouvertures inégales (pl. XX, fig. 6 a, b), séparées 
par une bride transverse (même fig. c), et présentant à peu près la forme d’un huit de 
chiffre. La surface commune des deux siphons ressemble beaucoup à celle qui termine 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE CORBULE. 221 


ceux des Myes; elle est circonscrite par un rang de tentacules cylindracés inégaux, parmi 
lesquels, surtout au siphon branchial, on en remarque un certain nombre de bifurqués 
à la base. (PL. XX, fig. 6 d, d, e, e.) Ceux qui sont au-dessus de la cloison de séparation 
des deux siphons sont plus grands; il y en a même quelques-uns d'implantés sur le bord 
de cette cloison, et ceux-ci s’allongent au dehors considérablement. Pendant la vie de l’a- 
nimal, les tentacules affectent des positions diverses ; six où huit des plus longs, et disposés 
assez symétriquement, se renversent au dehors et se tiennent obliquement; de plus courts, 
résultant de la bifurcation des autres, se renversent tout à fait, et enfin le plus grand nombre 
se penche au-dessus des ouvertures béantes des siphons, et leurs sommets se rapprochent 
au point de se toucher; de sorte qu'il serait impossible à un corps d'un très-petit volume 
de s'introduire dans la cavité palléale, sans que l'animal en soit averti. Le petit nombre d’in- 
dividus vivants que nous avons vus ne nous ont pas offert exactement la même coloration ; 
chez les uns, le pourtour, les tentacules et la cloison transverse étaient d’un rose très-päle, 
tirant sur le jaunâtre ; chez les autres, toutes ces parties étaient d’un rose pourpré très- 
vif; mais cette couleur a promptement disparu, après la mort de l'animal, à la suite de 
quelques jours d'immersion dans l'alcool. À la limite de la portion exertile des siphons 
se trouve une zone d’un brun plus ou moins intense, et qui se dessine sous une forme 
ovalaire, disjointe au-dessus et au-dessous, lorsque l’on regarde les siphons de face. (PI. XX, 
fig. 6 ff) 

Les siphons du Corbula mediterranea n’ont pas la moindre ressemblance avec ceux du 
striata, et c'est en cela que les deux espèces se distinguent profondément par leurs ca- 
ractères extérieurs. D'abord ces organes sont susceptibles d’une plus grande extension; 
réunis à la base, ils sont séparés au sommet dans la moitié de leur longueur et le siphon 
branchial est très-différent de l’anal. (PL XXI, fig. 1 c, d, et fig. 2.) Dans leur plus grande 
extension, l'animal les écarte et les maintient sous un angle très-ouvert, que lon pourrait 
facilement mesurer, en faisant passer une ligne par l'axe de chacun d’eux. Ces organes 
sont mégaux en diamètre et en longueur; le branchial est le plus gros, mais l’anal est le 
plus long. 

Le siphon branchial se présente sous la forme d’un cylindre court où d’un cône à base 
peu large ; le sommet, tronqué près de la base, offre une grande ouverture dont les bords 
supportent douze grands tentacules digités; ils se recourbent et forment au-dessus d'elle 
une véritable coupole élégante. (PL XXI, fig. 2 d, d.) Tous les tentacules ne sont pas de 
la même longueur; il y en a six de plus grands; de plus courts alternent avec eux. Ces 
tentacules sont blancs; le sommet des digitations est teint d’un jaune orangé pâle ; une pe- 
tite zone de la même couleur parcourt le bord du siphon lui-même et se montre dans 
l'intervalle de chacun des tentacules. Vers la base du siphon branchial s'élèvent sept à huit 
tentacules obtus qui forment une espèce de crête, suivant la ligne médiane et ventrale. 

Le siphon anal est un peu plus étroit que le branchial; il est plus conique; son ouver- 
ture terminale est d’un moindre diamètre; les bords en sont simples. Quelquefois Panimal 
les plisse régulièrement et le bord est alors faiblement festonné. {PL XXI, fig. 1 c; fig. 2 
e, f.) En dessus et en dessous, dans la ligne médiane qui partagerait le siphon en deux 


222 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


moitiés égales, s'élève une rangée de tentacules obtus, rapprochés, semblables à ceux du 
siphon branchial, mais dont l'usage nous est inconnu. (PI. XXI, fig. 2 g, g.) Les organes 
que nous venons de décrire sont d'un blanc transparent, teints de jaune fauve, principale- 
ment au côté supérieur du branchial et au côté inférieur de l’anal, ainsi que dans le sillon 
peu profond qui résulte de leur jonction. 

Depuis que Lamarck a fait comprendre combien l'étude minutieuse des coquilles appor- 
tait d’utiles secours au classificateur, on a généralisé, d’une manière peut-être trop absolue, 
des observations relatives à la présence ou à l'absence du sinus postérieur de l'impression 
palléale, dans l'intérieur des coquilles bivalves. Il est reconnu aujourd’hui en principe que 
la coquille, dont l'impression palléale est simple, est habitée par un animal dépourvu de 
siphons, et chez lequel les lobes du manteau sont désunis dans toute leur longueur, comme 
dans les Mulettes et les Cardites. On est également certain que, dans la coquille où se voit 
un sinus palléal, habite un animal à siphons; car, ainsi que nous l’avons vu, le sinus pal- 
léal est dû à la présence du muscle rétracteur de ces siphons. La seconde proposition que 
nous venons de rappeler est incontestablement vraie; à la première, il faut, au contraire, 
admettre un grand nombre d’exceptions, comme nous le verrons en traitant de différents 
genres. Les Corbules nous offrent le premier exemple de l'exception dont il s’agit; elles 
ont le manteau terminé par des siphons courts, à la vérité, mais dépourvus des muscles ré- 
tracteurs propres à ces organes. Seulement le bord fibreux du manteau, à l'extrémité posté- 
rieure, est plus large et plus épais, et il supplée par là aux muscles rétracteurs des siphons. 


Muscces. — Les muscles adducteurs des valves ont une forme et une position sem- 
blables, dans les deux espèces que nous avons sous les yeux. Le muscle antérieur est ova- 
laire dans la coupe transverse. Il est placé longitudinalement; son extrémité supérieure est 
pointue, tandis que son bord inférieur est large et obtus. (PI. XX, fig. 7 k; fig. 8 f; fig. 9 
e, ce; pl. XXI, fig. 6, 7 n, n.) Le muscle postérieur est circulaire et se trouve à l'extrémité 
de Panimal. (PL XX, fig. 7 i; fig. 8 g; fig. 9 d; pl. XXI, fig. 6, 7 0, 0.) Si, par leur forme, 
les muscles adducteurs se ressemblent dans les deux espèces , ils différent par leur gran- 
deur proportionnelle ; ils sont beaucoup plus grands dans le Corbula striata que dans le 
mediterranea. Cette différence dans la grandeur des muscles en a entraîné quelques autres 
dans la disposition de la fente antérieure du manteau. En effet, elle est beaucoup plus an- 
térieure dans le Corbula mediterranea, tandis que, dans le striata, elle est ventrale, parce 
que le muscle occupe toute la largeur du côté antérieur et a forcé l'ouverture palléale à se 
porter plus en arrière. Il résulte aussi du plus grand volume du muscle postérieur une 
moindre largeur dans les siphons, puisque ce muscle occupe une partie de la place qui, 
dans l'autre espèce, est consacrée à ces organes. 


Le piep. — Dans les Corbules, cet organe est proportionnellement beaucoup plus grand 
que celui des Myes. Il est cependant plus épais que dans ceux des Mollusques nommés 
énuipèdes par Lamarck, tels que les Donaces, les Tellines, etc. Il a la forme d’une petite 
langue triangulaire (pl. XX, fig. 1 a; fig. 7 l; fig. 8 p:; pl. XXI, fig. 6, 7 p, p); …l est 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE CORBULE. 223 


court, tranchant au bord ventral, épais et convexe au bord dorsal. L'animal le fait rare- 
ment sortir de sa coquille: on le voit cependant l'incliner vers le sol pour le tâter. S'il 
rencontre un corps dur, il le rentre et reste longtemps immobile; si, au contraire, il 
trouve du sable ou de la vase, il imprime alors à son pied des mouvements vermiculaires, au 
moyen desquels il pénètre dans le sol. Lorsqu'il y est enfoncé de toute sa longueur, le pied 
se gonfle au sommet, trouve ainsi un point d'appui ‘dans les corps environnants, puis rac- 
courcissant son pédicule, l'animal relève sa coquille dans une position verticale, de sorte 
qu'avec deux ou trois opérations semblables, il s’est enfoncé et entièrement caché dans 
l'épaisseur du sable. Ce que nous venons de dire s'applique particulièrement au Corbula 
mediterranea, qui plusieurs fois a répété cette manœuvre sous nos yeux. Le Corbula striata, 
pris vivant dans les sables vaseux, est resté immobile; cependant tout nous porte à croire 
que cette espèce a les mêmes mœurs que la première, car elle a un pied qui, quoique moins 
gros, est construit pour remplir les mêmes fonctions. 


ORGANES DE LA DIGESTION. — Malgré la petitesse des animaux des deux espèces de Cor- 
bules qui habitent la Méditerranée, nous avons pu disséquer les organes de la digestion 
d'une manière assez complète pour les décrire, mais non pas assez nettement pour en faire 
faire des figures. Cependant, ayant fait une section longitudinale du Corbula mediterranea , 
dans laquelle lœsophage et l'estomac ont été coupés par la moitié, nous l'avons fait repré- 
senter, parce qu'elle montre la place qu'occupent, dans la masse viscérale, les parties prin- 
cipales des organes digestifs. 


LA Boucur. Elle est située, comme à l'ordinaire, au-dessous du muscle rétracteur 


antérieur, au fond de l'angle profond que celui-ci fait avec le bord dorsal du pied. Elle se 
présente sous la forme d’une fente transverse (pl. XX, fig. 8 k; pl. XXI, fig. 6 4) en partie 
cachée par deux lèvres assez étroites et courtes. (PL. XX, fig. 8 x, j: pl. XXI, fig. 6 q,r.) 
C'est à ces généralités, qui pourraient s'appliquer à un grand nombre de Mollusques, que se 
borne la ressemblance présentée par la bouche, dans les deux Corbules qui font le sujet de 
notre étude. En effet, dans le Corbula striata, la bouche est beaucoup plus petite que dans 
l'autre espèce. La lèvre supérieure est assez large; elle présente un repli membraneux qui 
se renverse au-dessous d'elle en formant une petite poche. La lèvre inférieure est plus 
étroite ; toutes deux se prolongent bientôt, de chaque côté, en une paire de palpes la- 
biales, longues, étroites et chargées de fines lamelles transverses à leur surface interne. 
(PL XX, fig. 7 j, k; fig. 8 k, L.) Dans le Corbula mediterranea, la bouche est plus grande ; 
les lèvres qui l'accompagnent sont plus épaisses, plus longues et plus étroites. La lèvre su- 
périeure est simple ; elle est dépourvue du repli membraneux qui existe dans l’autre es- 
pèce. Les palpes auxquelles les lèvres aboutissent sont quatre ou cinq fois plus grandes que 
celles du Corbula striata. Ces organes sont triangulaires, mais en triangle inéquilatéral. Le 
côté le plus court s'attache au corps vers le dos; ils se dirigent obliquement de haut en bas 
et d'avant en arrière. Épais et consistants, ces organes sont lisses en dehors; leur surface 
interne est couverte de grosses stries transverses. L'un des feuillets branchiaux, l'interne, 


224 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


remonte dans l’une et l’autre espèce jusque dans le voismage de la bouche, et son extre- 
mité s’interpose entre les palpes labiales. 


OEsornace. — Au bord interne de la bouche commence un canal étroit qui pourrait à 
peine admettre une très-fine épingle. Il se recourbe un peu vers la région dorsale ; il par- 
court un long trajet, à travers la masse du foie, et parvient à l'extrémité de l'estomac, dans 
lequel il débouche. Get æsophage membraneux est beaucoup plus long dans les Corbules 
que dans la plupart des autres Mollusques, et il offre une plus grande longueur dans le 
Corbula mediterranea que dans le striata. L'ouverture cardiaque est simple, transverse 
comme la bouche ; deux lèvres, à peine saillantes, sont situées au-dessus et au-dessous de 
cette ouverture interne de l'œsophage. (PL. XXI, fig. 7 r, s.) 


Esromac. — Cet organe est situé vers le dos, dans la région de la masse viscérale qui 
avoisine la charnière. Cette place qu'il occupe est plus en arrière que dans beaucoup 
d’autres Mollusques, ce qui a rendu nécessaire la courbure et l'allongement de l'œsophage. 
Dans son ensemble, l'estomac est d’une forme ovale-oblongue dans le Corbula mediter- 
ranea, plus globuleuse dans le Corbula striata. Chez des animaux aussi petits, 1l est très- 
difficile d'isoler cet organe du foie qui l'enveloppe ; il faut donc l'ouvrir pour juger plus 
facilement de sa forme. Par ce moyen, on reconnaît la position des cryptes biliaires ; il y 
en a deux principaux : l’un au-dessus, l'autre au-dessous de l'ouverture intérieure de l’æso- 
phage. La paroi stomacale n'offre pas une surface lisse; elle est bosselée et divisée en deux 
par un sillon oblique. C’est vers l'extrémité postérieure de la paroi inférieure, dans la ligne 
médiane, que se trouve l'ouverture pylorique; elle est grande, subcirculaire, simple dans le 
Corbula mediterranea; un bourrelet assez épais la rétrécit dans le Corbula striata. Les parois 
de l'estomac sont excessivement minces ; elles sont consolidées dans les parties anguleuses 
par des zones plus épaisses, semblables à celles que nous ferons voir dans le Lavignon. 


(PI. XXE, fig. 7 4.) 


Inresrin. — Les intestins ne se comportent pas de la même manière dans nos deux 
espèces de Corbules. Dans le mediterranea, la première portion du tube digestif est grosse 
et rectiligne; elle se dirige obliquement, d'avant en arrière et de haut en bas, en suivant 
parallèlement le bord postérieur de la masse abdominale. Par sa forme, sa grandeur et sa 
direction, tout nous porte à croire que cette portion de l'intestin servait de gaîne à un 
stilet corné; nous n’en avons cependant aperçu aucune trace, ce qui ne prouve pas qu'il 
n’a pas existé pendant la vie de l'animal. Nous avons reconnu à plusieurs reprises que ce 
singulier appendice des organes de la digestion se dissolvait, à la suite d'une immersion 
prolongée de animal dans l'alcool. L'’extrémité de la portion droite de l'intestin se rap- 
proche du bord inférieur de la masse abdominale; elle se rétrécit sensiblement, se re- 
courbe, et l'intestin grêle remonte en avant, se tortillant en circonvolutions nombreuses, 
irrégulières, en partie logées dans l'ovaire, en partie dans le foie. L’anse terminale gagne le 
côté droit de l'estomac, ainsi que la ligne dorsale, vers la région de la charnière, et franchit 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE CORBULE. 295 


la paroi abdominale pour entrer dans le péricarde. Le cœur saisit et enveloppe le rectum 
qui, bientôt isolé, parvient à la surface supérieure du muscle adducteur postérieur des 
valves, pour s’introduire dans la cavité du siphon anal, où l'anus se présente sous la forme 
d'un petit mamelon percé au centre. 

Les différences que présente le Corbula striata, dans le développement du tube intesti- 
nal, consistent en ce que, au sortir de lestomac, l'intestin, moins gros, ne paraît pas avoir 
été destiné à recevoir, dans sa première partie, un stilet cristallin; il se courbe en circon- 
volutions qui se développent du côté droit, là où la masse abdominale fait une saillie con- 
sidérable pour remplir la cavité profonde de la grande valve de la coquille. Le rectum se 
comporte de même et se termine au bord du muscle postérieur des valves en un petit ma- 
melon ovale, percé transversalement au-dessus de la commissure interne et supérieure du 
siphon anal. 

Le foie est volumineux; il occupe toute la partie antérieure de la masse abdominale ; il 
enveloppe l'œsophage et presque tout l'estomac. La portion droite de l'intestin s’avance au 
centre de l'ovaire, mais la plus grande partie des circonvolutions de l'intestin grèle se 
déroule dans le foie. Cet organe n'offre rien de particulier dans les animaux qui nous 
occupent. D'une couleur verte, foncée, il est devenu blanchâtre, par suite de la macération 
dans l'alcool. Dépourvu d’une enveloppe spéciale, le foie est un organe très-mou, facile à 
déchirer et à diviser en lobes; si on le coupe, 1l est rempli de canaux irréguliers qui 
séparent les lobes principaux. Des canaux biliaires le parcourent sous la forme d’un arbus- 
cule à rameaux nombreux, partant de deux troncs principaux s’abouchant à l'estomac, ainsi 
que nous l'avons dit précédemment. En déchirant un petit lambeau du foie, sous le micros- 
cope, à un faible grossissement, on le voit composé de nombreux follicules globuleux, 
semblables à de petites vésicules attachées aux vaisseaux biliaires. Son organisation est donc 
semblable à celle du même organe, dans les genres que nous avons décrits précédemment. 


ORGANES DE LA GÉNÉRATION. — L'ovaire n'est pas moins considérable que le foie; il oc- 
cupe toute la partie postérieure de la masse abdominale, et, quand il a acquis tout son dé- 
veloppement, il gagne la base du pied et en dilate les parois. Cet organe est d’un blanc lai- 
teux ; il est grenu, sans enveloppe spéciale; il est en contact immédiat avec le foie, dont il 
se sépare avec facilité, mais il est très-adhérent aux organes qui le traversent. Ses grappes, 
ses vésicules s’attachent solidement aux intestins; elles se lient entre elles, non-seulement 
par les oviductes et les vaisseaux qui les parcourent, maïs aussi par un tissu cellulaire 
peu solide, destiné à circonscrire les diverses petites lacunes qui séparent les lobes et 
les grappes. En détachant des lambeaux de lovaire, pour les examiner au moyen de fortes 
loupes, on parvient quelquefois à reconnaître l’oviducte sous la forme d’un vaisseau bran- 
chu, dont les plus petits rameaux aboutissent à de petites ampoules ovifères et s’y ouvrent. 
Les oviductes peuvent être comparés à un système vasculaire; 1l en existe un de chaque 
côté, dont le tronc principal descend le long de la paroi abdominale, et l’un et l'autre se 
rendent au point d’où se détachent les muscles rétracteurs postérieurs du pied, au fond du 
sillon qui sépare la masse viscérale des branchies. En renversant les feuillets branchiaux, et 


Zoo. — Mollusques. 1. 29 


1 


226 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


en en soulevant le bord interne, on aperçoit, de chaque côté, une très-petite ouverture, à 
laquelle aboutissent les troncs des oviductes. 

Les individus du Corbula mediterranea avaient l'ovaire rempli d'œufs déjà très-avancés 
dans leur développement. Nous nous empressämes d’en soumettre des lambeaux au micros- 
cope, et nous pümes constater une fois de plus le mode d’accroissement des œufs, avant 
leur sortie de l'ovaire. Nous avons observé un fragment d’une ampoule ovifère sous un 
grossissement de deux cent cinquante diamètres (pl. XXI, fig. 8), et nous avons vu chaque 


embryon renfermé dans une enveloppe ovalaire, terminée en un bec ouvert, plongé dans ‘ 


le parenchyme de l'ovaire. Les embryons sont composés d’une matière jaunâtre, granu- 
leuse, qui, vue par transparence au microscope, prend une couleur grisâtre. Une petite 
vésicule transparente, vésicule de Purkinge, existe vers Le centre de tous les embryons; dans 
le plus grand nombre elle est divisée en deux ou trois vésicules plus petites; la région cen- 
trale qu’elle occupe est plus transparente que le reste. 


ORGANES DE LA CIRCULATION. — Nous ne pourrons entrer dans de longs détails au sujet 
de ce système d'organes. Des animaux aussi petits que nos espèces de Corbules auraient 
exigé des préparations microscopiques longues et difhciles, pour parvenir à les injecter, et 
il est à croire que de tous ces soins il n’en serait résulté aucune découverte intéressante. 
Les systèmes vasculaires doivent se distribuer dans les Corbules de la même manière que 
chez beaucoup d’autres animaux qui, ayant plus de grosseur, nous ont permis des re- 
cherches plus faciles. 

Le cœur est situé dans la région dorsale qui correspond à la charnière; il est renfermé 
dans un péricarde peu étendu, membraneux, mais plus caché que dans la plupart des genres 
que nous avons examinés jusqu'ici. Ce péricarde est une cavité subovalaire, dont la partie 
supérieure est garantie par les membranes qui s'interposent entre les dents de la charnière 
et par celles qui sécrètent le ligament; sur les côtés, les branchies remontent assez haut 
pour soutenir ses parois; en avant, il est limité par l'extrémité postérieure de la masse des 
viscères, et en arrière, par l'organe dépurateur. Le ventricule et les oreillettes sont contenus 
dans la cavité que nous venons de décrire; ils sont, en quelque sorte, suspendus sur l'intes- 
tin qui traverse cette cavité à peu près dans son axe longitudinal. Le ventricule aortique est 
d’une forme ovalaire, renflé dans le milieu; il s’atténue à ses extrémités pour se terminer 
en avant en une aorte antérieure, et en arrière, en une aorte postérieure. (PI. XX, fig. 9 q.) 
Dans d'aussi petits animaux que ceux-ci, mollasses et difficiles à saisir, il nous a été impos- 
sible de suivre la distribution des vaisseaux principaux; cependant il est permis d’en juger 
par analogie, et l’on verra, dans la suite de cet ouvrage , que dans la classe des animaux 
qui nous occupent, les systèmes vasculaires se distribuent d’une manière assez uniforme. 

Les oreillettes sont petites et triangulaires. Ainsi que nous l'avons déjà vu chez d’autres 
Mollusques, elles s’attachent au ventricule par l'angle le plus court, et l'ouverture qu’elles cir- 
conscrivent est fermée par une double valvule, dont nous donnerons la description détaillée, 
lorsque nous traiterons du genre Lavignon. La base du triangle circonscrit un espace ova- 
laire assez large, d’où il résulte que l’on pourrait comparer la cavité des oreillettes à un 


ES PE 


SD RE Es nm  — 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE CORBULE. 297 


entonnoir fort court, à contour ellipsoïde au lieu d’être circulaire. (PI. XX, fig. 9%, L.) Dans 
les deux espèces de Corbules que nous examinons, les organes principaux de la circulation 
ne nous offrent point de différences considérables; il n’en est pas de même des organes 
de la respiration, ce qui nous forcera de faire leur description pour chacune des espèces. 


ORGANES DE LA RESPIRATION. — Les branchies du Corbula mediterranea sont très-ime- 
gales ; elles sont étroites, larges au milieu, très-rétrécies aux extrémités. Le feuillet interne 
est de beaucoup plus long que l’externe ; il s’avance entre les palpes buccales et il descend 
jusqu'à l'entrée du siphon branchial. Ce feuillet s'applique sur la masse abdominale, et il 
la dépasse en arrière pour se joindre au feuillet du côté opposé, et compléter, par ce moyen, 
la cloison qui sert à séparer la cavité des deux siphons (pl. XXI, fig. 6 u); le feuillet ex- 
terne s’écarte de son congénère et se termine en avant et beaucoup plus tôt que lui, car 
il s'arrête à peu près à la hauteur de la charnière, pour se mettre en contact avec l’organe 
spécial logé dans la profondeur des crochets. C'est ce feuillet, dont le bord postérieur, re- 
montant très-haut dans la cavité du manteau, encaisse en quelque sorte la cavité du péri- 
carde et consolide ses parois latérales. (PI. XXT, fig. 6 v.) Sur les feuillets branchiaux, et 
à l'aide de grossissements assez puissants, on remarque une multitude de stries très-fines, 
transverses, qu'il est impossible d’apercevoir à l'œil nu, et que l’on commence à entre- 
voir seulement, sous un grossissement de huit ou dix diamètres. 

Les branchies du Corbula striata nous offrent des caractères très-différents; leurs feuillets 
sont aussi très-inégaux, mais ils sont aplatis et excessivement larges. Le feuillet interne 
reste plus grand; il est quadrangulaire et placé sur l'animal de manière à ce que l'un des 
angles soit en avant et s’avance entre les palpes de la bouche. L’angle opposé est postérieur 
et atteint le siphon branchial; le troisième est obtus, il s’engage dans la profondeur du 
manteau et correspond à la région cardinale; le quatrième, enfin, partage le bord ventral de 
la branchie en deux portions presque égales. (PL XX, fig. 7 m, n, 0; fig. 8 n.) Si l'on re- 
tranche à peu près la moitié antérieure du feuillet interne, on a le feuillet externe; mais, 
pour avoir sa forme exacte, il faut aussi supprimer l'angle ventral du feuillet interne. Dans 
les individus que nous avons examinés, ce second feuillet branchial nous a offert un pli par- 
ticulier, qui peut-être est dû à la contraction, au moment où l'animal a été précipité dans 
l'alcool. Cependant, comme nous l'avons retrouvé le même dans plusieurs exemplaires, il 
serait possible qu'il dépendit d’une disposition spéciale. (PL XX, fig. 7 0, p; fig. 8 o, 0.) Les 
feuillets branchiaux du Corbula striata sont très-minces; toute leur surface est chargée de 
stries très-fines, transverses, un peu obliques, qui accusent la présence d’un nombre consi- 
dérable de vaisseaux. Si, en effet, on transporte sous l'objectif du microscope un lambeau de 
ces organes, On y distingue des vaisseaux longitudinaux d’une parfaite régularité, à parois 
transparentes , et des vaisseaux transverses beaucoup plus éloignés, d’un plus petit diamètre, 
et qui habituellement disparaissent dans l'épaisseur du parenchyme de la branchie; mais 
une courte macération de l’organe les rend aussi apparents que les autres. 


ORGANE DÉPURATEUR. — En arrière du cœur, caché latéralement par le bord supérieur des 
29. 


RE = a = 2 RS re 


228 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


branchies, il existe un organe spongieux fort petit : c’est celui que nous avons déjà dési- 
gné, chez d’autres Mollusques, sous le nom d’organe dépurateur. Dans les Corbules, il 
ressemble à un amas de tissu cellulaire, à mailles lâches, dans lesquelles quelques parties 
parenchymateuses auraient été déposées. Il existe également un autre organe glanduleux; 
il est situé dans la cavité des crochets de la coquille ; il occupe par conséquent le point 
culminant de la région dorsale. Une faible partie s'engage entre les parois du manteau; le 
reste plonge entre les branchies et l'oreillette, et se met en communication directe avec 
ces divers organes, comme on peut le reconnaître facilement, en faisant une section trans- 
verse de l'animal entier, s'étendant du cœur au milieu du bord ventral. 


SYSTÈME NERVEUX. — Nous n'avons aperçu que deux parties de ce système important : le 
ganglion postérieur (pl. XX, fig. 8 r.), situé à la base de la masse abdominale, à la surface interne 
du muscle adducteur postérieur des valves. Ce ganglion, assez gros, est évidemment com- 
posé de deux ganglions soudés dans la ligne médiane par leur bord interne ; il a une forme 
subquadrangulaire, plus large en avant qu'en arrière. Des angles antérieurs partent deux 
paires de nerfs, les viscéraux et les branchiaux; des angles postérieurs naissent les nerfs 
des siphons, et de l'extrémité postérieure du manteau on les voit descendre, en divergeant, 
à la surface du muscle et se bifurquer symétriquement vers son bord. (PI. XX, fig. 8 5, s.) 
La branche externe se distribue au pourtour intérieur des siphons, dans la valvule qui les 
sépare, tandis que la branche mterne, se recourbant sur Le bord du muscle, va se distribuer 
au manteau; une petite branche médiane s'échappe de la commissure postérieure des deux 
ganglions et se rend directement à l'anus. (PI. XX, fig. 8 1.) 

Nous avons également vu les ganglions labiaux ; ils sont cachés au-dessous des palpes 
externes et de la lèvre supérieure; une branche transverse, passant au-dessus de la bouche, 
les réunit ; ils donnent naissance, en avant, à un nerf que l’on voit de chaque côté à la 
surface du muscle adducteur antérieur des valves; il se bifurque en avant, la branche ex- 
terne entre dans le bord épais du manteau, l’interne gagne le dos de lanimal et se porte 
dans la portion dorsale du manteau. (PI. XX, fig. 8 u, u.) Quoique nous n’ayons pas vu le 
ganglion du pied, nous ne doutons pas de son existence; car, dans la classe des Mollus- 
ques qui nous occupent, ce ganglion existe toujours, et, par analogie, nous devons croire 
à sa présence dans les Corbules. 


CONCLUSION. 


Un fait important s'offre à nos yeux pour la première fois, annoncé, mais vaguement et 
sans preuves suffisantes; lorsque l’on a voulu amoindrir l'importance des caractères des 
coquilles, on a répété que dans des coquilles semblables se voyaient des animaux diffé- 
rents; or ce qui était demeuré dans l'incertitude , le voilà clairement établi par l'exemple 
des deux espèces de Corbules dont nous venons d'examiner les coquilles et les animaux. 

Les Coquilles offrent des ressemblances si nombreuses, qu'il est impossible de les déta- 
cher du même groupe sans briser les affinités les plus naturelles. 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE CORBULE. 229 


Les deux espèces sont inéquivalves, et, chez toutes deux, la grande valve est du côté droit. 

Les impressions musculaires sont également écartées et occupent la même position; 
elles ont une forme semblable, seulement elles sont plus petites dans la coquille la plus 
aplatie. 

L’impression palléale offre les mêmes caractères; sans sinuosité postérieure, elle semble 
indiquer l'absence des siphons, quoique ces organes existent. 

La charnière, dans les deux espèces, nous offre les mêmes caractères essentiels ; une 
grande dent relevée en crochet sur la valve droite, et en arrière une fossette, ou plutôt 
une échancrure au fond de laquelle s'attache le ligament; sur la valve gauche, en avant une 
fossette triangulaire, pour recevoir la dent de la valve droite, et en arrière une dent sail- 
lante perpendiculaire ou oblique, à la surface de laquelle se fixe le ligament. Dans l'espèce 
aplatie, la dent antérieure de la valve droite se détache davantage du bord cardinal; elle est 
plus courte et moins courbée en crochet; la fossette est en fente plus étroite, des modi- 
fications concordantes se montrent dans la charnière de la valve gauche. En présence des 
nombreuses modifications que nous offre le type des Corbules, il était impossible de soup- 
çonner que des coquilles aussi semblables fussent habitées par des animaux aussi différents ; 
en effet, chez eux la somme des différences est beaucoup plus considérable que celle des 
ressemblances. 

Le manteau est constitué de même dans les deux espèces ; les lobes sont réunis dans la 
plus grande partie de leur circonférence; l'ouverture ménagée pour le pied est d’égale 
grandeur, mais plus antérieure dans l'espèce aplatie, plus ventrale dans l’autre; ce qui 
provient de la différence dans la grandeur des muscles antérieurs de la coquille. 

Les muscles, comme nous le disions, sont semblables quant à la forme et à la position; 
mais ils sont de moitié plus petits dans l'espèce aplatie: 

Le pied et la masse abdominale se ressemblent; cependant, l'organe locomoteur est, en 
proportion, plus gros et plus épais dans l'espèce plate que dans la bombée. 

Le péricarde, le cœur, les oreillettes, occupent la même place dans les deux animaux, 
et présentent la plus grande ressemblance. Nous ignorons si le système artériel offrirait 
des différences dans sa distribution. 

Voilà les ressemblances que nous observons dans les deux animaux soumis à notre 
examen; voici les différences qu'ils nous présentent : 

Les siphons sont extrêmement différents dans les deux espèces : dans l’une, ils sont plus 
allongés, inégaux; dans l'autre, ils sont excessivement courts et présentent entre eux fort 
peu de différences. Malgré cette inégalité , l'impression palléale reste la même dans les deux 
espèces. Le Corbula mediterranea a le siphon branchial garni de nombreux tentacules di- 
gités, arborescents, qui n'existent pas dans le striata. Le siphon anal de la première espèce 
est séparé plus profondément de son congénère; 1l est conique, et ses bords sont simples. 
La seconde espèce, au contraire, a ce même organe garni de tentacules semblables à ceux 
du siphon branchial, et les deux siphons, tout à fait égaux, viennent s'ouvrir sur une sur- 
face plane et ovalaire, et sont séparés par une bride subintérieure. 

Si des parties que lon voit à l'extérieur de lanimal vivant nous passons à l'examen 


TS Se eme er ns tt 7 RDS LES EE Éd LES A jé Pere É is je sais Te ST —— —— 


230 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


des organes contenus dans la cavité du manteau, nous trouvons, entre les deux espèces, 
des différences qui ne sont pas moins remarquables. 

Les palpes labiales, très-grandes dans le Corbula mediterranea, sont proportionnellement 
très-petites dans le striata. 

Les branchies nous offrent quelques différences, non-seulement dans leur grandeur et 
leur disposition respective, mais encore dans leur structure apparente. L'espèce aplatie a 
ces organes inégaux, mais étroits et parallèles; l'espèce globuleuse les a en larges feuillets, 
dont l’un occupe presque toute l’étendue de la cavité palléale; l’autre est plus court, mais 
il n’est guère moins large que le premier. Dans l'espèce plate, les branchies sont lisses, et 
il faut un fort grossissement pour en apercevoir la structure vasculaire; dans l’autre espèce, 
elles sont striées, et on leur reconnait plus aisément la structure vasculaire qui caractérise 
ces organes. 

En pénétrant dans l'intérieur de nos deux animaux, on voit, chez le Corbula striata, un 
œsophage plus court, un estomac plus globuleux, un intestin plus promptement tortillé 
sur lui-même. Quant au rectum, invariablement placé de même chez tous les Mollusques 
dimyaires , il ne présente aucune différence, même dans sa terminaison anale , qui aboutit, 
comme à l’ordinaire, au bord arrondi du muscle adducteur postérieur des valves. 

Quant au système nerveux, nous savons déjà qu'il a une constance remarquable dans la 
disposition de ses parties principales; aussi, à l'exception du volume des ganglions, nous 
’apercevons point de notables différences entre les deux espèces qui nous occupent. 


Il ne suflit pas de montrer ici les ressemblances et les différences qui se manifestent 
entre les deux espèces qui nous occupent, il faut encore indiquer les rapports que ces 
espèces peuvent avoir avec d'autres Mollusques déjà connus. Le Corbula mediterranea se rap- 
proche extrêmement, par tous ses caractères, du genre Mésodesme, dont nous aurons 
à nous occuper bientôt. Il s’en rapproche surtout par la ressemblance qui existe chez ces 
animaux dans le siphon branchial, dans l’ouverture du manteau, dans la position et même la 
forme du pied. 

Le Corbula striata se rapprocherait davantage du genre Mye, comme nous l'avons déjà 
pressenti. Dans les Myes, les siphons réunis sont très-longs, mais tous deux viennent s’ou- 
vrir sur une surface terminale, ovalaire, plane, garnie de tentacules semblables, cylindracés 
et simples pour lun et l’autre siphon; de sorte qu'il suffit de raccourcir, autant qu'ils peuvent 
l'être, les siphons des Myes, pour avoir ceux du Corbula striata. Quant aux autres caractères, 
les deux genres que nous comparons restent parfaitement distincts; car chez les Myes, le 
pied se maintient toujours plus petit, et l'ouverture palléale qui lui donne passage est 
d’une moindre étendue, en proportion, que dans le Corbula striata. 

Il semblerait, d’après toutes les différences que nous venons de signaler, que nous de- 
vrions conclure à la séparation définitive du genre Lentidium de celui des Corbules. Nous 
aurions opéré cette disjonction sans la moindre hésitation, si nous avions pu examiner plus 
d’une espèce de chacun de ces groupes; lorsque nous voyons tant de modifications qui rap- 
prochent les Corbules aplaties des Globuleuses, il nous faut plus d’une preuve qu’en réalité 
elles constituent deux genres bien distincts, pour nous déterminer à en opérer la séparation. 


CLASSE PREMIÈRE. —— GENRE CORBULE. 251 


D'autres observateurs, plus heureux, décideront avec facilité une question dont nous avons 
P ; 
posé les prémices. 


1. CORBULA STRIATA. F léming. 


Alger, Bône, Mers-el-Kebir, cap Lindelès, Rachgoun; toute la Méditerranée, 
l'Océan d'Europe; fossile en Algérie, à Douéra; dans les terrains tertiaires 
subapennins ; en Sicile, en Italie, à Perpignan et dans le crag d'Angleterre. 


C.Testà ovato-trigonà, globosä , posticè subangulatà , albâ vel roseo-purpureà sub epidermide fuscescente ; 
valvà dextrà transversim striatà ; sinistrà lævigatà, aliquantisper longitudinaliter costellatà ; umbonibus 
magnis, altero gibbosiore. 


Ginanxt, Oper. post. tom. IT, pag. 31, pl. 20, fig. 142. 

Cardium striatum, Waïxer, Test. min. rar. pl. 3, fig. 85 (1784). 

Tellina gibba, Oxivi, Zool. adriat. pag. 101 (1 792). 

Encyclopédie méth. pl. 230, fig. 4. 

Mya inæquivalis, MonraGu, Test. Brit. pag. 38, Suppl. pl. 26, fig. 7 (1803). 
Idem, Maron et RackerT, Linn. Trans. tom. VIII, pag. 4o, pl. 1, fig. 6. 
Idem, Turrox, Brit. Fauna, pag. 147. 

Idem, Woon, Univ. Conch. pag. 113. 

Idem, Penxanr, Brit. Zool. 2° édit. (1812), tom. IV, pag. 166. 

Idem, Dizzwyn, Cat. tom. I, pag. 55, n° 36. 

Idem, Turron, Conch. Dict. pag. 107. 

Corbula nucleus, Lamarcxk, Anim. sans vert. tom. V, pag. 496, n° 6 (1818). 
Idem, Turron, Conch. ins. Brit. pag. 39, pl. 3, fig. 8, 9, 10. 

Mya inœquivalois, Gervize, Cat. des Moll. de la Manche, pag. 12. 

Corbula nucleus, Sowxrey, Genera of shells, fig. 1. 

Mya inæquivalvis, Woop, Ind. test. pl. 3, fig. 4o. 

Corbula nucleus, Payraupeau, Cat. des Moll. de la Corse, pag. 32, n° 44. 
Idem, Mexre, Syn. meth. Moll. pag. 118. 

Idem, Desuayes, Encyclopédie méth. tom. II, pag. 8, n° 2. 

Idem, Corrarp-nes-Cnères , Catal. des Moll. du Finistère, pag. 15, n° 1. 
Idem, Desnayes, Expéd. scient. de Morée, Zool. pag. 86, n° 10. 

Idem, Destraves dans Lamarck, Anim. sans vert. 2° édit. tom. VI, pag. 139, n° 6. 
Idem, Pursippr, Enum. Moll. Sicil. tom. I, pag. 16, n° 1; tom. I, pag. 12. 
Corbula gibba, Scaccur, Cat. Conch. reg. Neap. pag. 6. 

Idem, Boucuart Cuanrereaux, Cat. des Moll. du Boulonnais, pag. 15. 

Idem, Reeve, Conch. syst. tom. I, fig. 54, pl. 36, fig. 1. 

Corbula striata, FLEemING, Brit. anim. 2° édit. pag. 425. 

Idem, Taompson, Rep. on the Fauna of Ireland, pag. 263. 

Corbula nucleus, Hanrey, Desc. Cat. pag. 46. 

Idem, Rxëve, Conch. icon. pl. 2, fig. 10. 

Idem, Ed. Forges, Report on Ægean invert. pag. 143. 

Corbula inæquivalvis, Maccrzivray, Moll. anim. of Scotland, pag. 221 et 303. 
Corbula nucleus, Torre, Brit. mar. Conch. pag. 56. 

Corbula gibba, Love, nd. Moll. scandin. hab. pag. 49, n° 330. 

Corbula nucleus, Vera, Cat. degli anim. invert. del qolfo di Genova e Nizza, pag. 15. 
Fossilis, Tellina gibba, Broccur, Conch. foss. subap. tom. IT, pag. 517, n° 15. 


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HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


An eadem species? Corbula volhynica, ErcnwazD, Zool. spec. tom. IV, pag. 281, pl. 5, fig. 5. 
Idem, Pusceu, Polens paleont. pag. 80, n° 1, pl. 8, fig. 8 a, b. 

Corbula nucleus, Bron\, ltal. tert. Gebilde, pag. go. 

Idem, SismonDa, Syn. meth. an. invert. ped. foss. pag. 16. 

Corbula qibba, id. loc. cit. 

Corbula striata, S. Woo», Cat. of shells from the crag, Annal. nat. hist. 1840, pag. 246, n° 1. 


Le Corbula striata est une espèce connue depuis longtemps; elle est abondamment ré- 
pandue dans toutes les mers de l'Europe. Elle se rencontre depuis les mers du Nord jusque 
dans les parties les plus chaudes de la Méditerranée, et il est bien à présumer qu'elle 
habite aussi sur les côtes africaines que baigne l'Océan Atlantique; elle se montre à l’état 
fossile dans les terrains tertiaires récents de la Sicile, de la Morée, de l'Italie. Elle existe 
aussi dans le même état aux environs de Perpignan, et M. S. Wood la signalée dans le 
crag d'Angleterre. 

Cette Corbule, inscrite d’abord par Walker sous le nom de Cardium striatum, a reçu plus 
tard d'Olivi le nom de Tellina qibba, et ce nom a été conservé par la plupart des natu- 
ralistes italiens. Peu d'années après, Montagu, dans ses Testacés de la Grande-Bretagne, en 
l'introduisant parmi les Myes, lui imposa le nom de Mya inæquivalvis. IL est à présumer 
que Lamarck ne connut pas la plupart des noms sous lesquels l'espèce était déjà mentionnée, 
et 1l l'inscrivit dans les Animaux sans vertèbres, sous la dénomination de Corbula nucleus. En 
adoptant le principe d'après lequel l'espèce conserve son premier nom, il est évident que 
celle-ci doit reprendre celui de Corbula striata, et toutes les autres dénominations doivent 
être désormais abandonnées. 

On distingue aisément cette espèce de ses congénères ; elle est petite, très-globuleuse, 
à valves fort inégales, et très-dissemblables, quant aux caractères extérieurs. La valve droite, 
qui est la plus grande, est élégamment striée transversalement. Les stries sont fines, con- 
vexes, assez régulières; elles vont progressivement en s’élargissant, depuis le sommet, qui 
est presque lisse, jusqu'au bord antérieur ou ventral. La valve gauche est beaucoup plus 


aplatie que l'autre ; sa surface est lisse, et dans la plupart des individus, on y remarque 


un petit nombre de petites côtes longitudinales, semblables à de petits plis, qui quelque- 
fois se bifurquent ou se divisent. Sous un épiderme d’un brun plus ou moins intense, selon 
les individus, le test est d’un blanc jaunâtre ou grisâtre; il est quelquefois orné sur la valve 
droite d’un ou deux rayons d’une couleur rose assez fraîche. La couleur intérieure est assez 
variable. Les individus de la Manche et des côtes d'Angleterre sont ordinairement d’un 
blanc jaunâtre ou légèrement teintés de rougeâtre; ceux de la Méditerranée sont générale- 
ment colorés d’une manière plus intense, la surface intérieure étant teintée d’une belle 
nuance d'un rouge brun peu foncé, qui disparait insensiblement vers l'extrémité posté- 
rieure de la coquille. Nous avons de la Corse une variété dont la couleur est encore plus 
foncée que celle que nous avons fait figurer et qui provient des côtes de l'Algérie. 

La charnière de cette espèce est épaisse et solide. La grande dent de la valve droite, 
fortement recourbée en crochet, s'enfonce dans une cavité correspondante de la valve 
gauche, cavité qui elle-même est courbée dans sa longueur, pour s'adapter à la dent saillante 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE CORBULE. 233 


qu'elle reçoit. La dent perpendiculaire de la valve gauche a la surface supérieure creusée 
d'une gouitière assez profonde, dans laquelle le ligament vient se fixer avec solidité. 
Quand on regarde en dedans la fente de la valve droite, on y voit au fond une cicatrice 
d’une forme triangulaire, sur laquelle le ligament s'attache avec autant de solidité que 
sur la valve gauche. 

L’épiderme est épais vers les bords des valves, et surtout sur ceux de la valve gauche, et 
même il la déborde assez considérablement ; de sorte que, pendant la vie de l'animal, cette 
bordure épidermique, en s'appliquant sur le manteau, augmente la cavité des valves et tend 
à les égaliser. 

Nous n'avons pas pu observer les mœurs de cette espèce, quoique nous l’ayons eue vi- 
vante sous les yeux; l'animal a péri trop promptement. À Bône comme à Alger, le petit 
nombre d'individus que nous avons recueillis habitaient, à une profondeur de quelques 
brasses, sur un fond vaseux. 


2. CORBULA MEDITERRANEA. Costa. 


Bône, la Sicile, Naples; fossile en Sicile. 


C. Testà minutà, compressâ, ovato-oblongä, flavescente, croceo vel spadiceo aliquandè triradiatà : 
umbonibus parvis oppositis. 


Tellina parthenopea, Derre Cniase, ex ide Scaceur et Pairrppi. 
Scaccur, Cat. Conch. reg. Neap. pag. 6. 

Cosra, Cat. pag. 26, n° 23. 

Puicrppr, Moll. Sic. tom. I, pag. 17, pl. 1, fig. 18; tom. Il, pag. 12. 
R&Eve, Conch. nomenclator, pag. 9, n° 22. 

HanLey, Înd. testac. pag. 47. 

Fossilis, Parriprr, Enum. Moll. Sic. tom. IL, pag. 13, n° 5. 


Cette petite espèce n'est point répandue avec autant d’abondance que celle que nous ve- 
nons de décrire. Elle est parüculièrement propre à la Méditerranée. Nous ne la voyons 
mentionnée dans aucun des catalogues où sont inscrites avec soin les espèces de l'Océan 
d'Europe. M. Philippi la mentionne à l'état fossile dans les terrains les plus récents des en- 
virons de Palerme. Pour nous, nous ne l'avons pas rencontrée dans les terrains analogues 
qui forment des zones plus ou moins étendues, le long des côtes de l'Algérie. 

Nous avons déjà signalé les caractères distinctifs de cette petite espèce. Elle est apla- 
te; ses valves sont lisses, revêtues d’un épiderme très-mince et transparent ; elles sont 
ovalaires, obliquement tronquées à l'extrémité postérieure ; un angle obtus, descendant 
obliquement des crochets, vient aboutir à l'angle postérieur et inférieur des valves, 
en limitant d'une manière trés-nette le côté postérieur de la coquille. Les crochets sont 
petits, pointus, peu saillants, très-rapprochés, lorsque les valves sont réunies. La couleur 
est variable; il y a des individus d’un blanc jaunâtre uniforme, tel que celui que nous 

Zoo. — Mollusques. 1. 30 


mm rer 


234 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


avons fait figurer. Dans le plus grand nombre, il existe trois rayons divergents d’un brun 
rougeâtre peu foncé. Ces rayons sont plus ou moins larges, selon les individus, et souvent 
ils se répétent en dedans des valves, sur un fond d’un beau blanc. 

La charnière est infiniment moins forte que dans les autres Corbules. Ainsi que nous 
l'avons déjà fait remarquer, la dent cardinale de la valve droite s’avance un peu plus en de- 
dans, et son côté supérieur est profondément détaché du bord cardinal. La fente destinée 
à recevoir le ligament est en proportion plus profonde, car il arrive souvent qu'elle entame 
le crochet. La dent perpendiculaire de la valve gauche est implantée un peu obliquement 
sur le bord cardinal, et elle présente à sa face supérieure un sillon fort étroit, dans lequel 
s'attache le ligament. 

Nous avons eu, pendant notre séjour à Bône, quelques individus vivants de cette petite 
espèce; 1ls avaient été rejetés sur la côte, à la suite d’une tempête. Ayant placé ces Corbules 
dans un vase rempli d’eau de mer, et au fond duquel nous avions mis une petite couche de 
sable, nous les avons vues s’enfoncer avec rapidité, en employant les mêmes moyens que nous 
avons déjà décrits chez la plupart des genres que nous avons examinés. Aussitôt que l'animal 
est caché, 1l se tient tranquille pendant assez longtemps, et enfin on le voit faire saillir ses 
siphons et les épanouir pour les faire fonctionner. Ces organes se contractent fréquemment ; 
l'animal les ferme et les ouvre, soit simultanément, soit l’un après l’autre. Il contracte 
quelquefois le siphon branchial avec rapidité, et laisse distendre ensuite les élégants tenta- 
cules qui le garnissent, avec une sorte d'impétuosité, comme s'il repoussait quelque objet 
nuisible. 

Nous avons déjà dit que l’animal de cette Corbule se rapprochait de celui des Méso- 
desmes par plusieurs de ses caractères. Il est bien à présumer qu'il aura plus d’analogie 
encore avec celui du genre Eruilia de Turton, et il est bien à désirer que les zoologistes 
nous le fassent connaître, pour s'assurer jusqu’à quel point les affinités naturelles s’établis- 
sent entre deux types dont les coquilles ont entre elles beaucoup d’analogie. 


, 


3. CORBULA PHYSOIDES. Deshayes, pl. XXIL, fig. 4, 5, 6. 


Bône. 


C. Testà ovato-oblongà, inæquilaterà, inflatà, tenui, fragili, pellucidà, tenuè, transversim irregulariter 


striatà, dorso obtusè angulatà. 


Nous rapportons cette espèce au genre Corbule, et peut-être ne lui appartient-elle pas. 
Cependant, comme nous ne pouvons juger de son genre que d’après sa charnière, il nous 
est impossible de la placer ailleurs, à moins de créer pour elle un genre nouveau, ce qui ne 
serait pas justifié par tous ses caractères. Il faut l'avouer, cette coquille fragile et transpa- 
rente, n’a point du tout les caractères extérieurs des autres Corbules. Oblongue , inéquila- 
térale, elle est mince, bombée, et ressemble à une petite ampoule vitrée. Ses crochets sont 


a — D CEEdS à sc EC ser à nsotoais ar Re on a 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE CORBULE. 235 


peu saillants; il en part, du côté postérieur, un angle oblique s’adoucissant insensiblement 
à mesure qu'il descend vers l'angle postérieur ét inférieur des valves. Sa surface extérieure 
semble lisse; mais, vue sous un grossissement suffisant, on y aperçoit un nombre assez 
considérable de stries transverses et irrégulières d’accroissement. Dans sa forme générale, 
cette coquille est ovoïde, son côté antérieur étant plus étroit que le postérieur. On la 
prendrait d’abord pour une Cypricarde; mais, en examinant sa charnière, on reconnait 
qu'elle doit appartenir au type des Corbules. En effet, on trouve sur la valve droite une 
dent conique, obtuse au sommet et courbée en crochet. En arrière est creusée une fos- 
sette large et superficielle, dans laquelle le ligament s'attache : cette fossette représente 
l'échancrure des autres Corbules. Sur la valve gauche, presque aussi concave que la droite, 
s'élève, sur le bord cardinal, un angle saïllant, dentiforme, qui fait le côté antérieur de 
la fossette, destinée à recevoir la dent cardinale de la valve opposée. Cette fossette est pro- 
fonde, en grande partie ouverte en dehors; sa forme est triangulaire. Une lame saillante, 
aplatie et triangulaire s'élève du bord cardinal, immédiatement en arrière de la fossette ; 
sur cette lame s’attache le ligament, et elle vient se placer, comme la dent des Myes, dans 
la large dépression de la valve droite. On voit, par la disposition de cette charnière, que 
l'espèce que nous décrivons se rapproche beaucoup du genre Sphenia de Turton, et cons- 
titue une nouvelle modification dans le type très-variable des Corbules. 

La surface interne des valves est lisse et brillante; aussi il est très-difficile d'apercevoir 
les impressions des muscles et du manteau. Cependant, en imprimant plusieurs inclinai- 
sons à la coquille exposée à une vive lumière, on finit par reconnaître la forme et la dispo- 
sition des impressions musculaires et de celles du manteau. Le muscle antérieur est petit, 
ovalaire , situé sur le côté antérieur et vers la région dorsale. L'impression postérieure est 
plus grande, subcirculaire, et son angle supérieur et postérieur forme une espèce d’appen- 
dice détaché. Il est à présumer que cet angle est produit par l'insertion du muscle rétrac- 
teur postérieur du pied. L’impression palléale est simple, et comparable en cela à celle des 
Corbules ; elle est située presque au milieu de la surface interne des valves, ce qui annonce 
chez l'animal un bord musculaire très-large à la circonférence du manteau. Cette impres- 
sion prend naissance de l'extrémité inférieure du muscle antérieur; elle descend en sui- 
vant parallèlement les bords de la coquille, et, parvenue vers l'extrémité postérieure, elle 
remonte un peu, pour gagner l'angle inférieur et postérieur de l'impression musculaire. 

Nous n'avons jamais trouvé que deux valves de cette singulière coquille; lune à Oran, 
sur la grande plage sableuse de Mers-el-Kebir, et l’autre sur la plage des Caroubiers, dans 
le voismage de Bône. Nous avons reconnu avec facilité que ces valves, quoique très-diffé- 
rentes pour leur grandeur, appartiennent à une même espèce. Par un hasard heureux, 
nous avons pu donner les caractères complets de la charnière; car la valve d'Oran est la 
droite, et celle de Bone la valve gauche. 

Cette espèce est d’un petit volume : la plus grande valve a onze millimètres de large et 


sept de long. 


236 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


h. CorBULA VITREA. Deshayes, pl. XXIL, fig. 7 à 11. 


Bône, la Sicile. 


C. Testà rotundato-trigonà , inflatà, tenui, pellucidà extüs tenuissimè granulosä, albo lutescente submar- 
garitaceà posticè subangulatà ; umbonibus prominulis inæqualibus. 


Jusqu'ici nous n'avons vu que deux individus de cette intéressante espèce. L'un a été 
recueilli dans les mers de Sicile et nous appartient ; l’autre a été trouvé, aux environs de 
Bône, par M. Jeangérard; nous lavons vu dans la collection de cet amateur plein de zèle, 
lors de notre passage à Toulon. 

Ainsi que la précédente, cette espèce n'appartient peut-être pas au genre Corbule; et 
cependant, d’après les caractères de la coquille, il est impossible de la placer actuellement 
dans un autre groupe; il faudrait observer l'animal pour constater s'il offre des différences 
génériques avec celui du Corbula striata, par exemple. Au premier abord, on prendrait 
cette coquille pour une mactre; elle est en effet ovale-subtrigone, blanche, lisse, lorsqu'on 
l'examine à l'œil nu; mais si l’on soumet sa surface à un grossissement suffisant, on la 
voit chargée d’une multitude de ponctuations que lon peut comparer à celles qui existent 
à la surface des Anatines. Vers les bords, une petite écaille épidermique s'élève de cha- 
cune des ponctuations; et c'est de là que provient la couleur jaunâtre qui teint cette partie 
du test. Les valves sont inégales et équilatérales; les crochets sont grands, protubérants, 
subcordiformes , légèrement infléchis du côté antérieur. Ce côté est arrondi, le postérieur 
est subtronqué et limité par un angle assez aigu, descendant obliquement du côté posté- 
rieur du crochet. L'inégalité des valves n’est pas aussi considérable que dans la plupart 
des autres Corbules; c'est la valve droite qui est la plus grande, et l'on s'aperçoit de cette 
différence de grandeur en voyant la coquille de profil, lorsque ces valves sont réunies. 

La surface intérieure des valves est lisse et brillante; elle présente des reflets nacrés 
comparables à ‘ceux des Périplomes et des Anatines, mais un peu moins intenses. La char- 
nière est peu épaisse; néanmoins elle ressemble beaucoup à celle des autres Corbules. En 
effet, on remarque, immédiatement au-dessous du crochet de la valve droite, une dent 
conique, obtuse au sommet, et relevée perpendiculairement sur le bord; en arrière de 
cette dent, se trouve un plan étroit, oblique, s’infléchissant en dedans, et sur lequel se 
voit la cicatrice oblongue résultant de l'insertion du ligament. La valve gauche montre, 
au-dessous du crochet, une fossette triangulaire destinée à recevoir la dent cardinale de 
la valve opposée. En arrière de cette fossette, s'élève, un peu obliquement, une courte 
lamelle oblique, sur laquelle est creusé un petit cuilleron destiné à donner insertion au 
ligament ; alors, à l'exception de cette dent ligamentifère, la charnière de cette coquille 
ressemble considérablement à celle des Corbules proprement dites. Sous ce rapport, elle 
se rapproche aussi du genre Sphenia de Turton; et si, par la suite, lorsque l’on connaîtra 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE NEOERA. 237 


l'animal de cette espèce, on est obligé de la séparer des Corbules, il est à présumer qu'il 
faudra mettre à sa suite notre Corbula physoides. Les impressions musculaires sont assez 
difficiles à apercevoir; il faut faire miroiter la lumière à la surface interne des valves, pour 
en connaître la forme et la disposition. L'impression musculaire antérieure est ovalaire et 
très-rapprochée de l'extrémité antérieure des valves; elle se trouve par là aussi éloignée 
de la charnière que l'impression postérieure. Cette dernière est subcirculaire et également 
rapprochée de l'extrémité postérieure des valves. L’impression palléale est simple ; elle 
part de l'extrémité inférieure du muscle antérieur, s’infléchit bientôt, suit parallèlement 
le bord rentrant des valves, en laissant un large espace, et vient aboutir à l'impression 
musculaire postérieure , après s'être infléchie légèrement, à peu près comme dans le Corbula 
striala. 
Cette petite coquille, mince et fragile, a neuf millimètres de long et dix de large. 


GENRE NEUVIÈME. 


NEOERA. Nrora. Gray. 


Les diverses coquilles du genre dont nous allons nous occuper étaient confondues, pour 
la plupart, parmi les Corbules. Un savant, auquel la science est redevable de très-bons 
travaux sur presque toutes les branches de la zoologie, M. Gray, a proposé le genre Neœra 
dans l'édition anglaise du règne animal de Cuvier, publiée par Griffith. Fondé sur des carac- 
tères d’une valeur incontestable, ce genre a été généralement adopté et classé dans la mé- 
thode, au voisinage des Corbules. 

Jusqu'ici l'animal des Neœra est resté inconnu, et malheureusement nous n’aurons pas 
à l'ajouter à ceux que nous décrivons dans cet ouvrage. Nous l'avons vainement cherché 
dans toutes les occasions où nous avons cru pouvoir le rencontrer, et si nous mentionnons 
ce genre, c’est pour en avoir trouvé quelques valves roulées sur la plage de Bône. Olivi, 
le premier, dans son excellent ouvrage sur la zoologie de l’Adriatique, a fait connaître une 
espèce, sous le nom de T'ellina cuspidata. Peu de temps après, Spengler, dans les Mémoires 
de l'académie de Stockholm, a décrit et figuré la même espèce, en lui imposant le nom de 
Mya rostrata. Chemnitz, Dillwyn, Wood, conservérent à l'espèce cette même dénomina- 
tion, que Lamarck changea. En introduisant cette coquille dans son genre Anatine , il lui 
donna le nom d’Anatina longirostris. M. Risso, qui probablement ne s'était pas rendu compte 
des caractères du genre Érycine de Lamarck, tomba dans une grande erreur en plaçant 
parmi les Érycines le Tellina cuspidata d'Olvi. 

Parmi les espèces fossiles qui nous furent communiquées par les collaborateurs de la 
commission scientifique de Morée, et principalement par M. Virlet, nous trouvâmes une 
très-Jolie petite espèce que nous fimes représenter, et que nous introduisimes dans le 
genre Corbule, sous le nom de Corbula costellata. Depuis, M. Edouard Forbes, dans un 


238 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


voyage dans l’Archipel, retrouva vivante cette jolie espèce, en faisant draguer à la profon- 
deur de 70 à 80 brasses ; et cet excellent observateur s’assura que cette espèce n'apparte- 
nait pas aux Corbules, mais présentait tous les caractères des Neœra de M. Gray. 

On avait bien reconnu dans les deux espèces que nous venons de mentionner la plupart 
des caractères distinctifs des Corbules. M. Gray, en observant la charnière bien entière d’in- 
dividus vivants, découvrit un petit osselet caduc attaché au ligament, et comparable à 
celui des Thracies, des Périplomes et des autres genres de notre famille des Ostéodesmes. 
Ce caractère important décida M. Gray à proposer son nouveau genre, qu'il plaça parmi 
les Ostéodesmes. Nous ne partageons pas cette opinion du savant Anglais. Ainsi que nous 
le verrons bientôt, tous les genres des Ostéodesmes ont un simple cuilleron à la charnière 
et point de dents articulées, tandis que, dans les véritables Neœra, la charnière est réelle- 
ment articulée. 

Les Neœra sont généralement de petites coquilles, plus minces et plus fragiles que les 
Corbules; les valves sont inégales, et c'est la valve gauche qui est la plus profonde. Cependant 
la différence de grandeur n’est pas, à beaucoup près, aussi considérable que dans les Cor- 
bules. La coquille renflée, subcordiforme, se prolonge en arrière en un bec étroit, terminé 
par une petite ouverture ovalaire pour le passage des siphons; ce bec est, en général, plus 
prolongé que dans toutes les Corbules. Immédiatement au-dessous des crochets, on re- 
marque, sur chaque valve, un petit cuilleron incliné obliquement en dedans. Lorsque les 
valves sont réunies, ces cuillerons, au lieu de se rapprocher, comme dans les Lutraires, par 
exemple, s’écartent l’un de l'autre, en formant un angle presque droit. Un osselet cylin- 
drique, courbé en arc de cercle, vient s'interposer entre les deux cuillerons, s'y attache 
par un petit ligament, à chacune de ses extémités, et embrasse le bord cardinal dans un 
demi-anneau osseux. Si la charnière restait à ce degré de simplicité, le genre Neœra de- 
vrait, en effet, faire partie de la famille des Ostéodesmes ; mais en arrière des cuillerons, on 
voit s'élever, sur le bord cardinal de la valve droite, une dent assez épaisse, large, recourbée 
sur elle-même, séparée du bord par une gouttière peu profonde. Cette dent embrasse le 
bord cardinal de la valve opposée et le maintient dans sa position normale. Cette disposi- 
üon se présente dans le Neœæra cuspidata; mais dans le costellata, la charnière est plus com- 
pliquée. En effet, sur la valve gauche s'élève du bord cardinal une dent semblable à celle 
de la valve droite. Ces dents sont plus étroites et elles viennent se croiser au-dessus du 
bord cardinal. Nous ajouterons que, sur le bord cardinal de la valve gauche, un peu au- 
dessus du cuilleron, est une échancrure triangulaire , comparable à celle des Corbules. On 
retrouve donc, dans cette charnière, des parties analogues à celles des Corbules, ce qui nous 
a déterminé à placer le genre Neœra dans la famille des Myaires, à la suite des Corbules. 
Les impressions musculaires sont écartées, l'antérieure est située vers l'extrémité, tout près 
du bord antérieur de la coquille ; elle est la plus grande; sa forme est obronde ; la posté- 
rieure est située à l'origine du bec de la coquille ; elle est ovale, subtrigone, et on la voit 
immédiatement au-dessous des dents de la charnière. Cette impression est consolidée par 
une petite côte assez épaisse partant de l’intérieur du crochet et venant en circonscrire 
le bord interne. Cette côte pourrait être comparée à celle qui se montre dans certains 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE NEOEPA. 239 


Solens, tels que le Solen radiatus par exemple. L'impression palléale ressemble beaucoup à 
celle des Corbules: elle part de l'extrémité inférieure et interne de l'impression muscu- 
laire antérieure; elle se rapproche du bord des valves, et, parvenue à l'origine du bec qui 
les termine, elle rentre un peu sur elle-même en formant une sinuosité large et superfi- 
cielle; elle vient rejoindre l'impression musculaire postérieure, vers l'extrémité de la petite 
côte qui la limite en dedans. 

Si quelques espèces de Neœra ressemblent aux Corbules parce qu’elles ont des stries trans- 
verses, les autres s’en distinguent éminemment par les côtes rayonnantes dont leur surface 
est ornée. Indépendamment des deux espèces que nous venons de citer, M. Forbes en in- 
dique deux autres, dans son catalogue des Mollusques de la mer Égée. Il est à présumer 
que les quatre espèces méditerranéennes vivent aussi sur les côtes de l'Algérie ; mais il faut 
suivre les exemples du savant explorateur anglais et les rechercher dans les régions pro- 
fondes où elles habitent. 


NEOERA CUSPIDATA. Hinds. 


N. Testà ovato-oblongà, albà vel roseo tinctà, membranaceà, fragili, transversim irregulariter striatà ; 
latere antico tumido, obtuso, postico longè rostrato; dente cochleiformi minuto, obliquo, profundo ; 
ossiculo semicirculari ad extremitatem ligamenti adnato. 


Tellina cuspidata, Orivr, Zool. adriat. pag. 101, pl. 4, fig. 3 {1 792). 

Mya rostrala, SPENGLER , Mém. de la Soc. d'hist. nat. de Copenhague, tom. IT, pag. 42, n° 16, pl. 2, 
fig. 16. (1793). 

Mya rostrata, Cneuxrrz, Conch. tom. IL, pag. 195, et vign. pag. 189, fig. G D, copiées de SPENGLER, 
(799). 

Idem, Woon, Gener. conch. Pag. 97. n° 12. * 

Idem, Divzwyx, Cat. tom. I, pag. 46, n° 9. 

Idem, Woop, Ind. test. pPl2% he 12, 

Analina longirostris, Lamarcrk, Anim. sans vert. tom. V, pag. 463, n° 4. 

Corbula rostrata, Desnayes dans Lamarck, 2° édit. Anim. sans vert. tom. VI, pag. 78, n° 4. 

Idem, Haxzey, Descr, cat. pag. 46. 

Erycina cuspidata, Risso, Europe mérid. tom. IV, pag. 386. 

Corbula cuspidata, Pnirippr, Enum. Moil. Sic. tom. Lip. roma, pl L fig. 19; tom. Il, D, 12010, 

Neœra cuspidata, Hixps, Proc. Zool. soc. (1843), pag. 76. 

Reeve, Conch. nomencl. PAS ner. 

Neœra rostrata, Lovex, Ind. Moll. Scand. habit. pag. 47, n° 325. 

Neœra cuspidata, Forges, Rep. on the Ægean invert. pag. 143. 

Fossilis, Tellina cuspidata, Broccur, Conch. foss. subap. tom. II, pag. 515, n° 13. 

Corbula cuspidata, BRON, Ltal. tert, Gebilde, pag. 91, n° 494. 

Idem, SismoxpA, Syn. meth. an. inv. ped. Joss. pag. 16. 


Pour avoir négligé les indications de Spengler et de Chemnitz, quelques naturalistes ont 
divisé la synonymie de cette espèce, et en ont transporté la plus grande partie au Neæra 
chinensis de Gray, qui vit dans les mers de la Chine. Il ne faut pas oublier, en ellet, 
que la coquille de Spengler est de la mer de Norwége, de Bergen, et que Chemnitz s’est 


240 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


contenté de copier les figures du naturaliste danois. La description et la figure de Spen- 
gler prouvent que l'espèce peut acquérir un plus grand volume qu'on ne le croit ordinai- 
rement, et nous sommes confirmé dans cette opinion par l'examen que nous avons fait, 
il y a quelques années, d'un très-grand individu de la Sicile, presque aussi grand que celui 
figuré par Spengler. 

Cette coquille est ovale, transverse, enflée et arrondie en avant, terminée en arrière par 
un long bec cylindracé, lorsque les valves sont réunies. Les crochets sont grands, très- 
obliques, presque égaux; la surface extérieure est finement striée en travers; les stries sont 
nombreuses, rapprochées, obtuses et peu régulières ; au côté postérieur des crochets s'élève 
un angle obtus, qui bientôt s’élargit pour embrasser toute la largeur du bec; le test est 
mince et fragile, translucide, tantôt d’un blanc jaunâtre, tantôt d’un blanc rose, pâle et 
pourpré. Le plus grand individu que nous possédions à 13 millimètres de long et 25 de 
large; celui de Spengler a un volume double. 


SEPTIÈME FAMILLE. 


LES PANDORES.— Deshayes. 


GENRE DIXIÈME. 


PANDORE. Pawpora. Bruguière. 


En tenant compte des diverses observations consignées dans les ouvrages à l'égard du 
genre Pandore, il était difficile de le placer dans la méthode autrement que l'ont fait la 
plupart de nos classificateurs modernes. Nous-même, entrainé par des opinions déjà éta- 
blies, nous nous y sommes en partie conformé ; mais aujourd’hui que nous avons observé 
l'animal vivant et que nous en avons fait une anatomie des deux espèces les plus communes 
des mers d'Europe, nous avons dû modifier notre opinion en présence des faits nouveaux 
que l'observation nous a révélés. Nous avons donc été conduit à proposer une famille 
particulière pour deux petits genres, qui ont entre eux la plus grande analogie; le premier 
est celui des Pandores, dont nous allons nous occuper; le second a été fondé par M. Gray, 
sous le nom de Myadora; ces Myadores diffèrent des Pandores en ce qu'elles ont à la 
charnière un petit osselet isolé dans l'épaisseur du ligament. Malgré ce caractère, qui sem- 
blerait devoir entrainer les Myadores dans notre famille des Ostéodesmes, nous pensons 
qu'elles doivent rester à côté des Pandores, auxquelles elles se joignent par toutes les 
affinités naturelles. Nous avons déjà eu un fait analogue dans la famille des Corbulés. Le 
senre Neæra est une Corbule à osselet cardinal, comme les Myadores sont des Pandores 


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ZOOLOGIE 


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HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES 


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PAR M. DESHAYES 


MEMBRE DE LA COMMISSION SCIENTIFIQUE D'ALGÉRIE 
CHEVALIER DE LA LÉGION D'HONNEUR 


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HARVARD UNIVERSITY. 
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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE PANDORE. 241 


portant à la charnière un osselet semblable. Nous verrons par la suite un fait analogue , 
dans une famille très-différente; et cependant quelques zoologistes, trop préoccupés du 
caractère singulier d’un osselet intercalé dans la charnière, n’ont pas hésité à introduire 
dans notre famille des Ostéodesmes, tous ces genres, qui évidemment ne lui appartiennent 
pas. On comprend, en effet, qu'un osselet détaché à la charnière peut exister dans des 
coquilles produites par des animaux très-différents. 

L'espèce de Pandore qui vit dans la Méditerranée et l'Océan d'Europe a été connue 
de Linné et mentionnée par lui, dans la 10° édition du Systema nature, sous le nom de 
Solen inæquivalvis. On la retrouve dans la 1 2° édition du même ouvrage, parmi les Tellines, 
et portant le nom de Tellina inæquivalvis. Pennant, en 1777, la retira des Tellines et la 
rangea parmi les Myes, se fondant sans doute sur la position du ligament, pour opérer ce 
changement favorable à la classification. Chemnitz, Schroëter, Gmelin, adoptèrent l'opinion 
de Linné et laissérent ainsi la Pandore parmi les Tellines. Bruguières, en préparant ses 
travaux pour l'Encyclopédie , fut le premier qui, par des observations plus précises, s'aper- 
cut de la nécessité d'établir un genre nouveau pour le Tellina inæquivalvis, de Linné, et 
il le proposa sous le nom de Pandore, qui, par la suite, a été universellement adopté. 

À peu près six années avant Bruguières, Poli, dans ses Testacés des Deux-Siciles, don- 
nait, pour la première fois, la description et la figure de l'animal de la Pandore. Tout en 
laissant ce Mollusque parmi les Tellines, dans le cours de son ouvrage , il l'en retire ce- 
pendant dans sa classification générale , et il le met dans son premier genre nommé Hypo- 
gea, dans lequel sont rassemblés les Pholades, les Solens, les Pandores et une Saxicave. 
Poli rapproche tous ces animaux, en se servant d’un caractère assez important, celui de la 
longueur et de la réunion des siphons. Ainsi, tous les Mollusques à siphons réunis, plus ou 
moins longs, ayant au manteau une petite ouverture antérieure pour le passage du pied, 
sont rassemblés dans le genre Hypogea. On voit par ces caractères que plus tard Cuvier 
s'en est également servi pour fonder sa famille des Enfermés , et que plus tard encore ils 
ont été également employés par M. de Blainville pour l'établissement de la famille des 
Pyloridées. 

On doit regretter que Lamarck n'ait point connu l'ouvrage de Poli, et n’ait pu faire 
profiter la science des nombreuses observations dont il est rempli. Certainement, en pré- 
sence des faits constatés dans l'ouvrage du savant napolitain, quoique défectueux à certains 
égards, il est étonnant de trouver le genre Pandore, par exemple, entre les Peignes et les 
Térébratules, dans la première classification de Lamarck. Notre grand naturaliste, à cette 
époque, venait d'abandonner ses beaux travaux sur la botanique, pour se consacrer désor- 
mais à la partie la plus difficile de la zoologie, celle qui traite de tous les animaux d’une 
organisation inférieure , animaux les plus nombreux et les plus diversifiés de la création. 
Lamarck alors classait les coquilles et ne connaissait presque aucun des animaux qui les 
habitent, et par une conséquence toute naturelle, il se laissait exclusivement guider par 
les caractères extérieurs qui, il faut en convenir, ont une moindre valeur. Dans son Sys- 
tème des animaux sans vertèbres, publié quelques années plus tard, Lamarck n'apporta 
aucun changement dans son opinion; tandis que M. de Roissy, en 1805, dans la partie 


2001. — Mollusques. 1. 31 


242 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


des Mollusques qui font suite au Buffon de Sonnini, inspiré par les observations de Poli, 
transporta les Pandores dans le voisinage des Solens. Get exemple ne fut point suivi par 
Lamarck, toujours frappé de ce caractère peu important de l'inégalité des valves; mais 
s’apercevant, enfin, que les Corbules et les Pandores ont deux impressions musculaires, il 
transporte ces deux genres dans la famille des Camacées, proposée pour la première fois, 
en 1809, dans la Philosophie zoologique. En 1818, dans son Histoire des animaux sans 
vertèbres, Lamarck finit par se ranger à l'opinion de Poli, de Roissy et de Cuvier, et 1l 
rapproche les Pandores des Corbules, pour en faire la petite famille des Corbulées, placée, 
comme nous l'avons vu, à la suite de celle des Mactracées. 

Pendant que, parmi les zoologistes français, le genre Pandore était en quelque sorte 
ballotté dans la classification, les naturalistes anglais, invariablement attachés à la méthode 
de Linné, maintenaient, dans leurs ouvrages, les Pandores parmi les Tellines. Quelques- 
uns de leurs classificateurs, plus hardis, Brookes, Turton et Crouch, firent connaître la 
méthode de Lamarck, dans des ouvrages spécialement consacrés à cela, et bientôt elle 
s'introduisit, avec celle de Cuvier, dans tous les ouvrages qui se publièrent depuis 1820 
environ. À dater de cette époque, dans tous les travaux qui ont trait à la conchyliologie, 
et que l’on doit aux savants anglais, le genre qui nous occupe a été compris, soit dans la 
famille des Corbulées, soit dans celle des Enfermés, selon que les auteurs ont préféré l’une 
ou l’autre méthode de nos grands zoologistes. Aujourd’hui, nous fondant sur des obser- 
vations précises, nous venons proposer une légère modification aux opinions reçues, en 
établissant pour les Pandores et les Myadores une petite famille particulière, servant en 
quelque sorte de transition entre celle des Myaires et celle des Ostéodesmes. 


Coque. — Ainsi que les Corbules, les Pandores sont des coquilles méquivalves. Dans 
les Corbules, les deux valves sont convexes; dans les Pandores, l’une d’elles est aplatie et 
même quelquefois concave. La grande valve, chez les Pandores, n’est point du côté droit, 
comme dans les Corbules; elle est à gauche, par conséquent on pourrait dire que, sous ce 
rapport, les Pandores sont des Corbules sénestres ; et cette différence n’est pas la seule qui 
se manifeste. Toutes les Pandores sont très-aplaties, méquilatérales, ayant le côté antérieur 
obtus et le postérieur plus ou moins prolongé en bec étroit. Ce bec est bâillant lorsque 
les valves sont réunies. C'est par là que passent les siphons, et l’on voit par l’étroitesse de 
la fente, que ces organes doivent être d’un fort petit volume. Un pli irrégulier, que l’on 
peut comparer à celui des Tellines, descend obliquement du côté postérieur des crochets, 
et vient gagner l'angle inférieur et postérieur de la coquille; il limite ainsi d’une manière 
très-nette la région dorsale postérieure, comprenant postérieurement l’hiatus des siphons. 

Les crochets ne font aucune saillie sur le bord cardinal; ils sont comprimés, petits, 
rapprochés, quelquefois échancrés par le ligament, dans les vieux individus. La surface 
extérieure des valves est lisse, ou seulement chargée de stries d’accroissement; les bords 
sont minces, simples, tranchants, et se joignent très-exactement sur tout le pourtour des 
valves, si ce n’est dans la largeur du bec terminal postérieur. Lorsque lon regarde une 
Pandore par son côté dorsal, on voit que toute la partie comprise entre le crochet et 


A Se ep re 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE PANDORE. 243 


l'extrémité postérieure présente dans la valve gauche une dépression, tandis que dans la 
valve droite un bord saillant et perpendiculaire, semblable à la gorge d'une boîte, vient 
remplir la dépression de la valve opposée. Par cette disposition, la Pandore a le long du 
côté dorsal postérieur un corselet oblique, très-lancéolé, et dont la surface est plane. La 
Jonction des valves s'opère, non sur le milieu de ce corselet, ainsi que dans les coquilles 
symétriques, mais en suivant une ligne courbe qui empiète sur la valve gauche. 

Toutes les Pandores sont nacrées à l’intérieur; leur charnière est très-simple; elle con- 
siste, sur la valve droite, en une dent comprimée, partant du sommet, se relevant vers l’in- 
térieur, et se présentant sous la forme d’une lame triangulaire fixée par un de ses bords 
tranchants. À côté de cette lame existe une petite cicatrice formant avec elle un angle 
d'environ 45 degrés, partant aussi du sommet, et destinée à donner insertion à un ligament 
intérieur, comprimé latéralement. Sur la valve gauche se trouvent, au-dessous du crochet, 
deux petits enfoncements obliques et divergents, tous deux superficiels ; l’antérieur reçoit 
la dent cardinale de la valve droite; le postérieur donne attache au ligament. Une petite 
expansion du ligament s'attache, dans un court espace, au bord dorsal. 

Les impressions musculaires sont rapprochées à l’intérieur des valves; toutes deux sont 
dans la région dorsale, se rapprochent de la charnière beaucoup plus que dans les Cor- 
bules et que dans le plus grand nombre des autres genres des Mollusques acéphalés. L’an- 
térieure est semi-lunaire ou sub-arrondie; la postérieure est circulaire; on n’aperçoit près 
d’elle aucune trace des muscles rétracteurs du pied. 

L'impression palléale est peu visible; il faut la chercher très-avant dans l’intérieur des 
valves, vers la partie moyenne de leur surface ; elle ne forme pas une ligne continue 
comme dans les autres coquilles bivalves ; mais elle résulte d’une série de petites impres- 
sions isolées les unes des autres, rapprochées et alignées de manière à produire une ligne 
courbe, qui s'étend de l'extrémité inférieure de l’impression musculaire antérieure, au mi- 
lieu de l’impression postérieure, sans former la moindre sinuosité, laissant ainsi vers les 
bords la plus grande partie de la surface des valves. 


ANIMAL-MANTEAU. — Nous avons fait remarquer l'extrême aplatissement des coquilles du 
genre Pandore. L'animal se ressent de cette dépression; il est très-mince, tranchant au bord 
ventral, un peu plus obtus au bord dorsal. Lorsqu'il a été enlevé de la coquille, on le 
trouve enveloppé d’un manteau extrêmement mince et transparent, dont la circonférence 
plus épaisse est soudée dans presque tout le pourtour de l'animal. Les lobes du manteau 
sont un peu inégaux; celui qui correspond à la valve gauche est un peu plus grand que ce- 
lui de la valve droite. Une ouverture fort petite, occupant à peine le quart de la longueur 
du bord ventral, est destinée à donner passage au pied. La zone fibreuse n’est point dis- 
posée chez les Pandores de la même manière que dans les Mollusques que nous avons 
examinés jusqu'ici. On se rappellera sans doute qu’un grand nombre de faisceaux fibreux, 
réunis et confondus, souvent superposés, épaississent le bord du manteau dans toute la 
partie de cet organe qui doit exécuter des mouvements. L’épaisseur et le nombre des fais- 
ceaux fibreux produisent sur la coquille une impression continue, ordinairement linéaire, 

3 8 


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24% HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


quelquefois plus élargie. Dans les Pandores, les faisceaux fibreux sont écartés les uns des 
autres; quelques-uns convergent vers un même point et produisent une petite impression 
détachée de celles qui l'avoisinent. En s’approchant du bord, ces petits muscles, rayonnants 
en éventail, s’entrecroisent et constituent un bord plus épais, dans lequel on distingue un 
organe blanchâtre et granuleux, destiné à la sécrétion de la coquille et de son épiderme. 
(PI. XXII, fig. 5e, c, c; pl. XXIV, fig. 3 d, d.) Les muscles transverses du manteau, dont 
nous venons de parler, sont en proportion plus allongés que dans tous les autres genres 
connus. En arrière surtout, dans la région des siphons, où devrait se trouver le muscle 
rétracteur de ces organes, les muscles du manteau sont plus allongés, et l’on conçoit qu'ils 
peuvent suppléer aux muscles propres des siphons, et aider à mouvoir des parties qui 
sont peu saillantes au dehors. On voit par là qu'il faut chercher leurs impressions très- 
avant dans l’intérieur des valves, où on les remarque, en effet, formant une ligne courbe 
entre les deux impressions musculaires. La portion mince du manteau est d’une faible 
étendue; mais elle est assez transparente pour laisser apercevoir facilement tous les or- 
ganes de l’animal contenus dans la cavité palléale. Cette portion est constituée, comme à 
l'ordinaire, de deux feuillets séparables, dont l’interne se reploie sur la masse abdomi- 
nale, et les autres organes saillants dans l'intérieur du manteau; tandis que lautre, se 
continuant sur la masse viscérale, gagne la ligne dorsale pour se confondre avec le feuillet 


semblable du côté opposé. 


SIPHONS. — On aurait pu croire, par l'examen de la coquille, que les siphons n'existent 
pas dans les Pandores. On ne trouve, en effet, aucune trace de l'impression que laisse le 
muscle rétracteur de ces organes; et d’après les principes admis, on aurait dû reporter les 
Pandores parmi ceux des Mollusques dont le manteau est fendu dans toute la longueur, 
comme les Cardites, les Arches, etc. Mais depuis longtemps Poli avait donné sur l'animal 
qui nous occupe de précieux renseignements, insuffisants sans doute pour la connaissance 
exacte de son organisation, mais pouvant donner déjà d’utiles indications pour la clas- 
sification. On voit, en effet, parmi les figures de Poli, l'animal de la Pandore terminé en 
arrière par deux siphons courts, et les lobes de son manteau sont réunis Jusque vers l’ex- 
trémité antérieure. Ces caractères, au moyen desquels le savant italien a rapproché les 
Pandores des Solens, des Pholades, des Saxicaves, etc. sont ceux sur lesquels se sont 
appuyés de Roissy, Cuvier, et enfin Lamarck, pour classer le genre là où on le trouve 
dans les méthodes de ces zoologistes. 

IL est à présumer que le zoologiste napolitain n’a pas vu vivant l'animal dont nous nous 
occupons 1c1; 1l aurait sans cela donné une figure plus fidèle des parties exertiles du 
manteau, dans lesquelles on observe des caractères d’une grande valeur pour distinguer le 
genre. Poli a représenté ces parties pourvues de longs tentacules coniques, formant une 
seule série à la circonférence de la base des siphons. Nous allons voir que cette disposi- 
tion n'existe pas. 

Par le bec postérieur et très-étroit de la coquille, l'animal fait saillir deux siphons ex- 
trêmement courts, grêles; réunis à la base, ils sont séparés au sommet par un intervalle 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE PANDORE. 245 


assez profond. Comme à l'ordinaire, le siphon branchial est plus gros que l'anal. Tous 
deux ont à peu près la même longueur, mais ils présentent des caractères bien diffé- 
rents. À la circonférence extérieure, le siphon branchial se prolonge en une membrane 
épaisse, lisse, ondulée par de grands plis membraneux, que l'on peut comparer à ceux 
d’une bourse de quêteuse. Ces grands plis sont au nombre de six (4, à, à, pl. XXII, fig. 3), 
et entre chacun d’eux il en existe un plus petit. Lorsque l'animal contracte son siphon, tous 
ces plis s’entrecroisent, se pressent, et le siphon est fermé de la manière la plus exacte. 
Lorsqu'il ouvre, les plis restent écartés, comme le représente la figure citée. Mais il ar- 
rive quelquefois à l'animal de renverser en dehors les bords de son siphon, qui alors se 
présente sous la forme d’une petite rosace, ne manquant pas d'élégance par la symétrie 
de ses plis. À la base extérieure du bord plissé dont nous venons de parler, s'élève un 
rang de courts tentacules obtus, coniques, au sommet; ils naissent d’un bord festonné en 
talus, au-dessus duquel les parois du siphon s’épaississent subitement. Toutes les parties 
dont nous venons de parler sont d’un jaune orangé très-pâle. 

Le siphon anal se termine aussi par un pourtour membraneux; mais ce pourtour est 
simple et lon peut le comparer à un cône court, largement tronqué vers sa base. Cette 
membrane mince et flexible est d'un blanc jaunâtre transparent; elle est ornée d’un grand 
nombre de ponctuations d’un brun rose purpurin, disposées en faisceaux longitudinaux. A 
la base de la circonférence membraneuse s'élève un rang de tentacules d’un blanc jau- 
nâtre et transparent; ils sont coniques et obtus au sommet; un plan incliné, festonné 
sur son bord postérieur, montre que la paroi de ce siphon s’épaissit subitement comme 
celle de l'autre. Lorsque lon examine l'intervalle qui règne entre les deux siphons, on y 
remarque un petit sillon accompagné, de chaque côté, d’une petite lèvre; ce sillon, dont 
l'usage nous est mconnu, pourrait être comparé à celui qui existe chez les Aplysies, entre 
les organes de la génération. 

Dès que les siphons sont réunis, ils constituent une petite masse aplatie de chaque côté, 
dont la surface extérieure, d’un jaune assez intense, est couverte de marbrures d’un beau 
brun, laissant des petits compartiments généralement quadrangulaires. Lorsqu'on ouvre le 
manteau et que l’on renverse son extrémité postérieure, on voit distinctement les ouver- 
tures intérieures des siphons séparées entre elles par une cloison transverse peu épaisse ; 
et si l’on vient à fendre ces organes eux-mêmes dans toute leur longueur, on trouve toute 
leur surface interne chargée de ponctuations blanches d’un blanc mat et opaque, circons- 
crites par la couleur d’un blanc grisâtre et transparent du parenchyme, ainsi que par des 
ponctuations ou des linéoles d’un brun foncé. (PI. XXII, fig. 4 q.) 


MASSE VISCÉRALE. — La charnière s'avance vers l’intérieur des valves: elle ne s'appuie 
pas sur un bord cardinal tel qu'il existe dans le plus grand nombre des coquilles; le bord 
cardinal, ordinairement saillant, laisse au-dessous de lui les cavités des crochets dans les- 
quelles s’enfoncent le manteau et les organes qui font partie de la masse des viscères. Les 
valves étant rapprochées et maintenues dans leurs rapports naturels, un feuillet très-mince 
du manteau se glisse entre elles le long du bord supérieur ou cardinal; il est destiné à sécré- 


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A FE à 2 2 AP METRE 


2h46 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


ter cette portion de la circonférence des valves; c’est de ce feuillet que se détachent divers 
appendices dont les uns enveloppent le ligament et le sécrètent, et dont les autres s’inter- 
posent entre les dents de la charnière, en conservent les formes et sont destinés à produire 
et à augmenter avec l’âge les diverses saillies qu’elle présente. Cette disposition générale chez 
les Mollusques bivalves offre une modification curieuse dans la Pandore, en ce que non-seu- 
lement les crochets n'ont aucune cavité, mais encore en ce que la masse viscérale est elle- 
même profondément échancrée sur le dos, pour recevoir la charnière; le manteau se pro- 
longe de chaque côté de cette échancrure en un appendice triangulaire, dont le postérieur 
enveloppe le ligament et l’antérieur reçoit dans son épaisseur la dent cardinale. En arrière 
de la charnière, on chercherait vainement sur la ligne médiane la crête saillante du man- 
teau destinée à s’interposer entre les valves; elle s'incline à gauche pour suivre l’inflexion 
de la valve droite, dont le bord saillant s'adapte à une concavité du bord de la valve 
gauche. 

La masse viscérale est peu considérable; elle est remarquable surtout par son peu 
d'épaisseur. Le pied en constitue la partie principale, et néanmoins cet organe laisse en 
dehors de ses parois une portion notable du foie et de l'ovaire. En avant, la masse viscé- 
rale se rattache au muscle adducteur antérieur des valves ; en arrière, elle est plus écar- 
tée du muscle adducteur postérieur, parce qu’elle en est séparée par le cœur et l'organe 
dépurateur. 


Le pren. — Le pied est mince; il se présente sous une forme lancéolée lorsque l'animal 
le fait sortir spontanément. (PL. XXII, fig. 1 a, fig. 4 a, fig. 5 à.) En arrière, il s'arrondit 
en une sorte de talon; aussi, dans sa forme générale, il a quelque ressemblance avec le 
profil d’un pied humain. (PL XXII, fig. 2 a, b.) L'animal se sert de ce pied pour s’enfon- 
cer dans le sable, en employant les moyens que nous avons déjà décrits dans les genres 
précédents. Un organe locomoteur d’une apparence aussi faible suffit à la Pandore pour 
s’'enfoncer rapidement dans le sable vaseux, où elle se cache pour y vivre. Elle ne se 
creuse pas une demeure très-profonde. | 

Plusieurs fois, pendant notre séjour à Bône, nous avons observé vivant le petit Mol- 
lusque qui nous occupe. En jetant la drague dans le voismage du port, vers le lieu de 
l'ancrage de la station d'été, nous avons recueilli quelques mdividus qui furent placés dans 
un vase rempli d’eau de mer, au fond duquel nous avions déposé une couche de sable 
vaseux, et nous avons pu étudier commodément pendant plusieurs jours les mœurs de la 
Pandore. Pour s'enfoncer dans le sable, elle agit avec son pied de la même manière que 
les autres Mollusques qui vivent comme elle; une fois cachée dans son trou, la Pandore y 
reste assez longtemps immobile; elle remonte ensuite doucement et montre au dehors 
l'extrémité postérieure de la coquille; bientôt après les siphons en sortent, s’allongent et 
se mettent à fonctionner sans interruption. 

Le pied produit les mouvements divers dont il est susceptible, à l’aide d’un système 
musculaire considérable et assez compliqué : à la base de cet organe est creusée une cavité 
d'une médiocre étendue, remplie par une portion des viscères; les parois, amincies en 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE PANDORE. 2A7 


arrière, sont soutenues par de nombreux muscles transverses qui soutiennent les organes 
intérieurs; mais vers son extrémité, le pied est entièrement composé de fibres musculaires 
entrelacées , enchevêtrées les unes dans les autres et dans plusieurs sens, ce qui explique 
la diversité des mouvements dont cet organe est susceptible. Indépendamment du tissu 
fibreux dont le pied est composé, il possède aussi des muscles rétracteurs destinés à le 
porter en avant ou en arrière, ou à le faire rentrer en entier dans la cavité du manteau. 
I y a deux muscles rétracteurs antérieurs, il y en a deux postérieurs : les antérieurs 
naissent du bord antérieur du pied, ils s’élargissent de chaque côté de cet organe, S'épais- 
sissent en un tendon assez grêle; celui d’un côté, en s’écartant de son congénère , laisse 
un espace triangulaire dans lequel passe l'œsophage; parvenu au muscle adducteur anté- 
rieur, le tendon pénètre obliquement dans son épaisseur, et ses fibres s'attachent à la 
coquille sans laisser la moindre trace d’une impression spéciale. (PI. XXII, fig. à j.) Le 
muscle rétracteur postérieur nait du bord postérieur du pied; élargi sur les parois abdo- 
minales, il se condense de chaque côté en un petit tendon qui descend obliquement; d’a- 
bord confondus à l'extrémité de l'abdomen, ils se séparent et laissent ainsi un espace 
triangulaire pour le passage du rectum; parvenus au muscle adducteur postérieur des 
valves, ils s’y enfoncent en deux faisceaux pour s'attacher à la coquille. (PI. XXHIE, fig. 5 
k; pl. XXV, fig. 2 k L.) Cette disposition singulière des muscles du pied explique l'absence 
totale de leurs impressions spéciales sur la coquille. 

Les muscles adducteurs des valves sont d’un médiocre volume, ils sont cylindriques et 
ils occupent la région dorsale de Panimal. (PL. XXHIE, fig. 4 c d, fig. 5 !m; pl. XXIV, fig. 3 
J 9.) Le muscle antérieur est un peu plus petit que le postérieur. Ces muscles sont enfer- 
més dans une gaine produite par le manteau; lorsque la duplicature intérieure de cet or- 
gane se réfléchit en dedans, il enveloppe les muscles et les isole de toutes les autres par- 
ties de l’animal. Lorsqu'on coupe transversalement les muscles adducteurs des valves, on 
voit qu'ils sont composés d’un nombre assez considérable de faisceaux fibreux dont les 
principaux sont séparés par des intervalles assez larges. Tous ces faisceaux sont Joints en 
un seul muscle, non-seulement par les vaisseaux qui circulent entre eux, mais encore par 
un tissu cellulaire peu solide qui permet la séparation des faisceaux fibreux avec la plus 
grande facilité. 


ORGANES DE LA DIGESTION. — Après avoir ouvert la cavité du manteau, il faut abaisser 
le pied et relever le muscle adducteur antérieur des valves pour apercevoir la bouche. 
Cette ouverture est fort petite, elle occupe l'angle profond que forment entre eux le pied 
et le muscle; elle est ovale-transverse, simple, accompagnée en dessus et en dessous d’une 
petite lèvre étroite, très-courte, membraneuse, se terminant de chaque côté en une paire 
de palpes labiales. Les palpes sont allongées, triangulaires, lancéolées ; leur extrémité pos- 
térieure est libre, à peu près dans la moitié de leur longueur. Par leur moitié antérieure, 
elles sont soudées sur les parties latérales du corps entre le manteau et la base du pied; 
leur bord libre, qui est le ventral, est le plus allongé; leur surface extérieure est lisse ; 
l'interne, au contraire, est couverte de lamelles transverses, obliques, que l’on aperçoit au 


248 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


moyen de la transparence de la membrane extérieure de ces organes. (PI. XXII, fig. 4 
h; fig. 5 o; pl. XXV, fig. 2 a, b.) 


De la bouche, dont le pourtour intérieur est à peine épaissi, on pénètre dans un æso- 


phage étroit, allongé, légèrement recourbé sur lui-même et un peu aplati dans sa longueur. 


(PI. XXIV, fig. 3 £.) Cet œsophage suit à peu près parallèlement le bord dorsal antérieur 


de l'animal, depuis le muscle jusqu’à la hauteur de la charnière, où il rencontre l'estomac. 
Cette première partie du canal alimentaire est mince, membraneuse et entièrement plongée 
dans l'épaisseur du foie. 

L’estomac a une forme toute particulière : il est comprimé latéralement, et cela se com- 
prend, si l'on se rappelle l'extrême aplatissement de l'animal. Il est d’une forme triangu- 
laire, comme le démontre la section longitudinale du Mollusque. (PI. XXIV, fig. 3 L.) Le 
triangle est presque équilatéral. L’angle antérieur, dirigé vers l’œsophage, s'ouvre pour le 
recevoir ; l'angle supérieur, ou dorsal, est complétement fermé, tandis que l'inférieur est 
ouvert et donne entrée à l'intestin. L'ouverture cardiaque est simple; un peu au-dessous 
d'elle on aperçoit deux ouvertures fort rapprochées, d'une médiocre étendue ; ce sont les 


cryptes biliaires : c’est par là que la bile est versée dans l'estomac pendant l'acte de la di- 
gestion. L'ouverture pylorique n’est pas moins simple que celle de l'æsophage. 

La portion duodénale de l'intestin est un peu infundibuliforme. (PI. XXIV, fig. 3 m.) 
On la voit descendre obliquement, d'avant en arrière et de haut en bas, jusque dans 
l'ovaire, et se terminer brusquement en un coude obtus, à la suite duquel l'intestin prend 
une direction absolument opposée, c’est-à-dire qu’il se projette d’arrière en avant, dans 
l'axe longitudinal de l'animal. (PI. XXIV, fig. 3 n.) Parvenu au niveau de l'angle inférieur 
de l'estomac, l'intestin fait un nouveau coude presque aussi brusque que le premier, pour 
redescendre d'avant en arrière jusque près du bord tranchant du pied. Parvenu à ce point, 
il se tortille en courtes et nombreuses circonvolutions, au moyen desquelles il s’avance 
transversalement jusque vers la portion dorsale de l'ovaire. (PI. XXIV, fig. 3 o.) Il s'enfonce 
alors pour se rapprocher de la paroi gauche du pied ; il revient ensuite au centre de l’ani- 
mal, prend alors un diamètre un peu plus considérable, traverse obliquement l'ovaire et 
vient enfin percer la paroi abdominale sur le dos, pour pénétrer ensuite dans la cavité du | 
péricarde. (PI. XXIV, fig. 3 p.) C’est alors qu'il sert de point d'appui au ventricule aortique ; 
il descend ensuite au-dessous du manteau, passe au-dessus de l'organe dépurateur, gagne 
la surface dorsale du muscle postérieur des valves, et se termine enfin par une dilatation 
sensible à la partie supérieure du siphon anal. (PI. XXII, fig. 4 n; pl. XXIV, fig. 3 r.) Un 
anneau sphinctéroïde entoure l'anus et produit au dehors un petit bourrelet peu épais. 
(PI. XXI, fig. 4 o; pl. XXIV, fig. 35.) 


Le foie occupe une place considérable dans la masse viscérale. D'une forme irrégulière, 


cet organe semble plus compacte et d’un tissu plus serré que dans la plupart des autres 
Mollusques. Il est d’un vert brun foncé dans l'animal vivant, et c’est lui qui produit une 
tache obscure que la transparence de la coquille permet d’apercevoir. La macération dans 
l'alcool détruit assez vite cette coloration naturelle, et alors l'organe dont nous nous occu- 
pons prend une couleur d’un jaune brunâtre bistré. Sa surface extérieure est couverte de 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE PANDORE. 249 


grandes marbrures blanchâtres. (PI. XXII, fig. 4 l; fig. 5 p.) Il ne se divise point en lobes 
comme chez beaucoup d’autres Mollusques; cependant, lorsqu'on observe des fragments 
au microscope, on reconnaît en lui la structure particulière à cet organe, c’est-à-dire qu’on 
le trouve composé de nombreuses grappes de très-petits follicules biliaires arrondis atta- 
chés à des canaux dont les embranchements sont nombreux, et qui tous finissent par 
aboutir à deux troncs principaux, tous deux se terminant aux cryptes biliaires dont nous 
avons parlé. Ainsi que nous le disions tout à l'heure, le foie occupe une place considérable 
dans la masse viscérale de la Pandore. La section longitudinale de l'animal peut donner une 
itrès-bonne idée de sa structure et de sa forme. On le voit, en effet, s'étendre depuis la face 
postérieure du muscle adducteur antérieur jusqu'à la base du pied, ne laissant pour l'ovaire 
que le tiers à peu près de toute la masse des viscères. (PL. XXIV, fig. 3 #, t.) Dans toute la 
partie du foie qui correspond au bord dorsal de l’animal et à la région de la charnière, on 
trouve une rangée irrégulière de taches blanchâtres, dues à la présence d'organes particu- 
liers, dont nous aurons à nous occuper bientôt. 


Ovarre. — L'ovaire, organe femelle de la génération, est considérable chez les Pandores ; 
il fait partie de la masse viscérale, et il occupe un espace subtriangulaire situé entre le bord 
dorsal postérieur, la cavité du péricarde, l'organe dépurateur, et enfin les muscles rétrac- 
teurs postérieurs du pied. (PL XXI, fig. 4 j; fig. 5 r; pl. XXIV, fig. 3 v; fig. 6 g.) Cet 
organe est d’un blanc jaunâtre. Par un hasard favorable, tous les individus que nous avons 
disséqués avaient l'ovaire rempli d'œufs presque mürs et, dans un individu particulière 
ment, un certain nombre de ces œufs se trouvaient déjà amoncelés dans les branchies. Nous 
avons reconnu, dans l'ovaire de la Pandore, une composition analogue à celle du même 
organe chez la plupart des autres Mollusques. Il est en effet composé de nombreuses 
grappes ovariennes enchainées les unes aux autres, et que l’on parvient quelquefois à déta- 
cher. Les oviductes, extrêmement ramijfiés, se terminent par des ampoules membra- 
neuses remplies d'œufs, assez gros pour être aperçus à l'œil nu. 

Si l’on observe, au microscope, des vésicules ovariennes encore remplies d'œufs, on 
reconnait avec facilité une disposition tout à fait semblable à celle que nous avons déjà 
signalée dans la plupart des genres que nous avons décrits jusqu'ici. L’œuf est porté par 
un pédicule court, cylindrique, ouvert dans la masse commune de l’ovaire et communi- 
quant avec elle. (PI. XXIV, fig. 2 b, b.) Une petite vésicule transparente se voit dans tous 
ces œufs : c'est elle qui a reçu le nom de l’anatomiste Purkinge qui, le premier, l’a décou- 
verte. Lorsque l'ovaire est moins avancé, en arrachant une partie de son enveloppe exté- 
rieure, un certain nombre d'œufs restent attachés à sa surface interne, et on les voit alors 
à divers degrés de développement présentant toujours une forme piriforme. L’extrémité 
étroite des œufs est implantée dans la masse de l'ovaire, leur communication directe 
avec elle devient évidente, car les granules contenus dans l'œuf sont semblables à ceux 
qui se trouvent dans le voisinage de sa soudure. (PL. XXV, fig. 5 6.) À mesure que les 
œufs se détachent des grappes et descendent dans les oviductes, ils subissent dans leur 
forme un changement assez notable; pour se détacher et devenir libres, leur pointe se 
Zoo. — Mollusques. 1. #2 


250 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


ferme, mais elle reste encore assez longue. Peu à peu, en prenant plus de volume, la 
pointe de l'œuf diminue de longueur, devient plus obtuse, et enfin elle a disparu presque 
complétement au moment où il va sortir de l'ovaire pour subir l'incubation sous-branchiale. 
Parvenus à ce terme de leur existence, les œufs sont parfaitement sphériques; on les voit 
alors formés d'un vitellus très-gros, nettement circonscrit par une humeur limpide, for- 
mant une couche peu épaisse, contenue dans une enveloppe très-mince, d'une transpa- 
rence parfaite. Les oviductes sont au nombre de deux. Pour les apercevoir, il faut placer 
l'animal sur le dos, après lui avoir ouvert le manteau et lui avoir renversé fortement les 
feuillets branchiaux à droite et à gauche. Alors on aperçoit de chaque côté, à la base du 
pied, entre la branchie et le muscle rétracteur, une très-petite ouverture en boutonnière, 
oblique, cachée par la branchie elle-même, dans les cavités de laquelle les œufs peuvent 
tomber directement. 


ORGANE MÂLE DE LA GÉNÉRATION. — Des organes particuliers assez nombreux font une 
sorte de bordure à la masse viscérale et au foie en particulier, le long du bord dorsal, de- 
puis le muscle adducteur antérieur jusqu’à l'ovaire, en suivant les anfractuosités occasion- 
nées par la charnière. (PI. XXIV, fig. 3 u, u.) Ces organes se distinguent très-nettement par 
leur couleur et leur contexture : ils se présentent sous la forme de petits amas d’un blanc 
Jaunâtre, irréguliers, cylindracés ou arrondis, plus rarement aplatis et allongés. Ces organes 
sont rapprochés, mais isolés les uns des autres, et ils ne semblent avoir entre eux de com- 
munication que par l'intermédiaire du tissu parenchymateux dans lequel ils sont englobés. 
Sous un grossissement de cinquante fois, les portions détachées de ces organes semblent 
spongieuses; ils ont l'apparence d'une mucosité concrétée dans laquelle un nombre im- 
mense de granulations transparentes est amoncelé. En coupant des tranches très-minces de 
l'un de ces organes, ou en choisissant un lambeau arraché, pour le soumettre à un gros- 
sissement de deux cent cinquante diamètres, la mucosité devient d’une transparence par- 
faite, ainsi que les nombreux granules qu’elle contient; mais dans les portions les plus 
minces, on reconnaît que les sranules se prolongent en une queue courte et très-pointue, 
et cette forme est celle des animalcules spermatiques ; d’où nous concluons naturellement 
que les organes dont il s’agit sont de véritables testicules, et que dans la Pandore les deux 
organes de la génération sont nettement séparés. Au reste, ces organes mäles occupent la 
place qui est affectée ordinairement à l'organe des crochets, lequel, comme nous l'avons 
vu, joue un rôle évident dans l'acte de la génération. (PI. XXIV, fig. 4, b.) 


ORGANES DE LA CIRCULATION. — Le péricarde est une cavité membraneuse très-petite, si- 
tuée à peu près au milieu de la longueur du dos de l'animal, assez loin de la charnière, 
et présentant en cela une nouvelle exception à la règle générale. Il faut chercher la cavité 
du péricarde en arrière de la masse viscérale, de l'ovaire surtout. (PL XXIIT, fig. 4 n; 
fig. 5 t.) Elle occupe un petit espace triangulaire situé entre le bord postérieur de l'ovaire 
et le bord antérieur de l'organe dépurateur. Du côté du dos, elle est garantie par la por- 
tion du manteau qui s’interpose entre les valves. Sur les côtés, elle est fermée par le man- 


om mm 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE PANDORE. 251 


teau lui-même qui, après avoir contracté une adhérence solide au point où s'attache la 
branchie, réfléchit sa duplicature interne sur les organes contenus dans le manteau, tandis 
que la duplicature externe se continue sur les flancs de l'animal pour gagner le dos; c’est 
de cette manière que le manteau limite de toutes parts la cavité dans laquelle le cœur est 
contenu. Cette cavité est traversée par le rectum; elle contient un ventricule aortique, très- 
singulier par sa forme et sa position. En effet, au lieu d’embrasser l'intestin, en prenant 
une forme subglobuleuse, le cœur est pour ainsi dire suspendu au-dessous de lui, au 
moyen d'un anneau fibreux d’une épaisseur si peu considérable, que l’on a de la peine à 
le distinguer du tube intestinal. (PI. XXIV, fig. 6 c.) Ce singulier ventricule s'éloigne donc, 
par sa forme et sa position, de celui des Mollusques que nous avons examinés jusqu'ici. 
Son sommet, obtus et renflé, est dirigé en bas et en arrière, et c'est près de lui que nais- 
sent et s’attachent les oreillettes. Il ne sera pas inutile de faire remarquer combien cette 
disposition de l'organe principal de la circulation s’harmonise avec l'extrême aplatissement 
de l'animal. Par suite de cet aplatissement, tous les organes sont, pour ainsi dire, poussés 
en bas. Les branchies sont beaucoup moins haut vers le dos, le foie et l'ovaire, plus larges, 
descendent davantage dans la région ventrale. Il fallait donc que le cœur descendit lui- 
même et s'avançât vers les organes avec lesquels il a les plus importantes connexions, tout 
en gardant cependant une position telle, que les vaisseaux principaux conservassent à peu 
près leurs rapports habituels. 

Les oreillettes sont paires et symétriques; elles sont minces, aplaties, triangulaires, obli- 
quement implantées vers le sommet du ventricule ; elles se contournent par leur côté plat, 
s’élargissent, deviennent parallèles aux flancs de l'animal, et vont enfin gagner la base de 
la branchie, dans la portion de cet organe qui se trouve dans la région précordiale. 

Les artères naissant du ventricule ne restent point au-dessus de l'intestin; elles sont au- 
dessous de lui, accolées d’abord à sa paroi ; l'aorte antérieure s’en dégage après avoir pé- 
nétré dans l'abdomen; la postérieure l'accompagne plus longtemps. N'ayant pu parvenir à 
injecter d'aussi petits animaux, contractés d’ailleurs par un long séjour dans l'alcool, il 
nous a été impossible de poursuivre la distribution des vaisseaux ; mais il est bien à pré- 
sumer qu'elle ne diffère pas d’une manière notable de celle qui se rencontre chez les Mol- 
lusques de la même classe. Les sections diverses que nous avons faites de l'animal entier 
nous ont fait apercevoir les ouvertures béantes de plusieurs branches artérielles répandues 
dans le foie; mais nous n’avons rien pu découvrir sur la distribution de l'aorte posté- 
rieure. 


Braxcnies. — À l'exception de la Solémye, chez laquelle une seule branchie existe de 
chaque côté, nous avons trouvé une paire de feuillets branchiaux parfaitement symétriques 
chez tous les autres Mollusques. Par son organisation spéciale, la Solémye présente un 
grand nombre de faits qui lui sont propres ; les branchies elles-mêmes de cet animal n’ont 
presque rien conservé, dans leur forme et leur structure, de ce qui caractérise le plus ha- 
bituellement l'organe respiratoire des Mollusques acéphalés; chez la Pandore, l'organe con- 
serve sa forme, sa position et sa structure habituelles, mais il n’est plus composé que 

22. 


| 252 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


d'un seul feuillet de chaque côté. Il est vrai que ce feuillet unique est plus épais; néan- 

moins, il n’est pas formé, comme chez les Lucines, de deux feuillets reployés et soudés 

Ë l'un à l’autre. Voici donc un genre de Mollusques acéphalés offrant un exemple incontes- 

table de la disparition complète de l’un des feuillets branchiaux. Cette suppression n’en- 

traîne avec elle aucune modification apparente dans la nature de l'organe respiratoire. La 
portion qui reste serait ce qu'elle est si l'animal avait les quatre feuillets branchiaux. 

Lorsqu'on a enlevé le manteau d’une Pandore, renversé la palpe labiale externe, on voit 

la branchie s’avancer entre ces derniers organes et se terminer en pointe aiguë. Cette pointe 

aboutit juste au point où cessent les bords libres et où commence l’adhérence du bord 


dorsal des palpes. C'est vers le milieu de la hauteur des parois du pied que se montre la 
connexion des organes dont nous venons de parler. Les branchies s’élargissent ensuite ra- 
pidement; leur bord interne, d’abord simple, s'appuie le long de la masse abdominale et 
s’y attache solidement. Parvenu à la hauteur du péricarde, le bord externe de la branchie 


nappe 


s'élargit d'un appendice membraneux particulier, qui semble constituer le commencement 
d'un second feuillet branchial. Parvenus à l'extrémité du muscle rétracteur postérieur du 
pied, les deux feuillets branchiaux s'appuient sur le muscle postérieur des valves. Un peu 
plus en arrière, ils se touchent et se réunissent entre eux par leur bord interne. C’est à 
partir de ce point qu'ils servent à compléter la cavité du siphon anal, et contribuent à la 
séparer du siphon branchial; car la soudure de la branchie que nous avons vue s’opérer dans 
toute la longueur de la masse viscérale se continue par le contact de l'organe avec le man- 
teau; mais, 1l faut le dire, cette adhérence est moins solide que la première ; elle se con- 
serve sur l'animal vivant, mais elle se détruit spontanément aussitôt que l'animal meurt. 
Lorsqu'on détache la branchie dans sa totalité, elle se présente sous la forme d’un Y à 
branches rapprochées, dans l'angle desquelles vient se placer la masse abdominale. (PL XXV, 
fig. 1.) 

En observant sous un grossissement de huit ou dix fois la surface extérieure des bran- 
chies, on reconnaît avec plus de facilité leur structure éminemment vasculaire. On voit cette 
surface chargée de petites côtes longitudinales, un peu obliques, régulières, égales, venant 
aboutir sur le bord libre où elles produisent un feston d’une grande régularité. Dans les 
interstices de ces côtes, on aperçoit des vaisseaux transverses qui font saillie en dedans, et 
qui, en effet, produisent à la surface interne des demi-cloisons destinées à recevoir et à 
soutenir les œufs pendant l’incubation sous-branchiale. (PI. XXV, fig. 4.) 

Chaque feuillet branchial est composé, comme à l'ordinaire, de deux plans vasculaires 
réunis entre eux, d'abord le long du bord libre, et ensuite, de la base au sommet, par des 
cloisons membraneuses plus ou moins larges. Cette structure existe chez la Pandore, et il 
suit d’en relever l'extrémité libre pour voir les nombreuses cloisons dont il s’agit. (PL. XXV, 
fig. 1 à, 1,1, 1.) Elles sont très-régulières, assez larges vers la base, mais beaucoup plus 


rapprochées entre elles, et laissant des lacunes plus étroites que dans les feuillets bran- 
chiaux de beaucoup d’autres Mollusques. Vers ce sommet, les cloisons disparaissent presque 
entièrement, et les deux parois branchiales se rapprochent, se soudent, ce qui contribue 
à rendre plus saillantes les côtes qui existent à la surface. (PI. XXV, fig. 3.) Lorsque l’on 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE PANDORE. 253 


parvient à détacher l’une de l'autre les parois d’un même feuillet branchial, en rompant les 
cloisons, on voit alors comment les vaisseaux transverses, très-saillants en dedans, for- 
ment des supports capables de soutenir les œufs qui viennent s’y loger. Cette dissection fait 
voir aussi que les vaisseaux transverses principaux sont adossés l'un à l’autre, et n’ont entre 


eux de communication que par le sommet du feuillet branchial sur lequel ils sont pour 


ainsi dire à cheval. 

Les deux parois d’un même feuillet branchial ne sont point d’une égale largeur; la paroi 
interne est plus courte que l'externe; cette dernière se prolonge en dehors par un petit 
feuillet membraneux dont la structure est semblable à celle de la paroi dont il fait le pro- 
longement ; ce petit feuillet a lui-même un petit appendice moins épais encore (PI. XXV, 
fig. 4 j), qui n’a aucune adhérence avec le manteau. On retrouve encore une structure vas- 
culaire dans cette pellicule étroite; les vaisseaux sont longitudinaux et transverses. 

Nous avons eu déjà l’occasion de montrer comment s’établissent les canaux aquifères 
sous les feuillets branchiaux. Par la manière dont ces organes s’attachent au corps de l’ani- 
mal et au manteau, il règne dans toute leur longueur un canal étroit communiquant avec 
le siphon anal, et dans lequel les œufs parvenus à leur maturité tombent pour être rejetés 
au dehors. Dans la Pandore, le canal aquifère sous-branchial existe; adhérente par son bord 
externe, au point où passent les vaisseaux branchiaux principaux, la branchie l’est égale- 
ment par son bord interne; seulement l’adhérence de ce côté cesse lorsque l’animal meurt. 
Il résulte néanmoins de ce double contact un canal qui a juste la largeur de chaque 
branchie à sa base; le canal sous-branchial se prolonge jusqu'à l'extrémité antérieure, et 
il vient s'ouvrir dans le siphon anal au-dessous du muscle adducteur postérieur des valves, 
au moment où les deux feuillets branchiaux réunis servent de cloison de séparation entre 
les deux siphons. 

Il faut faire sur la branchie diverses sections transverses et longitudinales, les examiner 
sous des grossissements variés pour s'assurer de la marche du liquide nourricier dans lin- 
térieur de l'organe respiratoire. Une section longitudinale montre à la base des feuillets 
branchiaux deux vaisseaux principaux placés l’un au-dessus de l’autre et parcourant le bord 
externe dans toute sa longueur : l’un de ces vaisseaux est artériel et l’autre veineux. (PI. XXV, 
fig. 4 i, k.) 

Les deux grands vaisseaux branchiaux sont situés justement au point où a lieu ladhé- 
rence de la branchie au corps et au manteau; lun d'eux est à l’origine du petit feuillet 
appendiculaire; le second à la naissance du prolongement membraneux du petit feuillet. 
Du premier de ces vaisseaux, qui est l'artère branchiale, s'élèvent un grand nombre de bran- 
ches égales qui, remontant jusqu’au sommet, se recourbent pour redescendre parallèle- 
ment et viennent se terminer à la veine. Outre ces vaisseaux longitudinaux, il y en a de 
transverses non moins réguliers, mais plus saillants au dedans qu’au dehors. 

Une section transverse fait connaître la disposition des vaisseaux longitudinaux; ils ont 
une section ovalaire qui occupe toute l'épaisseur de la paroi; ils sont comprimés latéralement, 
ce qui donne à leur section transverse la forme d’une fente allongée ovalaire. (PI. XXV, 
fig. 3, d, d, d.) Le sang est donc forcé de circuler en couches très-minces dans des vais- 


254 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


seaux plats noyés dans un parenchyme imprégné de toutes parts du liquide ambiant. Les 
petits appendices latéraux qui, ainsi que nous l'avons vu, continuent le bord externe des 
branchies, sont eux-mêmes remplis d’un nombre considérable de petits vaisseaux qui 
s’abouchent également aux artères et aux veines branchiales. 


ORGANE DÉPURATEUR. — Tous les Mollusques acéphalés dimyaires possèdent l'organe sin- 
gulier auquel la plupart des anatomistes attribuent la sécrétion urinaire. Chez la Pandore, 
cet organe existe, et on le trouve à la place qu’il occupe habituellement en arrière de la 
masse abdominale, s'appuyant d’un côté sur le muscle rétracteur postérieur du pied; en 
arrière, 1l embrasse le quart à peu près de la circonférence du muscle postérieur des 
valves; son bord antérieur est concave pour recevoir la convexité de l'ovaire; enfin, son 
bord supérieur ou dorsal est droit, il est creusé d’une gouttière longitudinale dans laquelle 
repose une portion du rectum. (PI. XXV, fig. 2 o; pl. XXIV, fig. 3 æ; pl. XXII, fig. 4 L.) 
Dans sa forme générale, l'organe dont il est question est quadrangulaire. Sous une enve- 
loppe commune, il contient deux cavités semblables et symétriques, séparées entre elles 
par une cloison longitudinale assez épaisse, dans laquelle nous n'avons aperçu aucune 
ouverture. Lorsque l’on enlève l’une des parois latérales, on trouve une foule de lamelles 
parenchymateuses laissant entre elles des espaces étroits et profonds. De ces lames naît 
un pilier lisse assez épais, courbé dans sa longueur, fusiforme, et dont l'extrémité anté- 
rieure très-atténuée va plonger dans l'angle inférieur et antérieur de l'organe. Le pilier du 
côté droit converge vers celui du côté gauche, et ils sont séparés par la cloison, devenue 
trés-mince en cet endroit. En détachant l'organe dépurateur du muscle adducteur des 
valves et en le renversant en avant, on le trouve attaché à la masse abdominale , et il existe 
une libre communication entre cette cavité et l'organe lui-même; car cette adhérence est 
produite par un canal de communication qui semble s'ouvrir au sommet des piliers inté- 
rieurs. Îl est à présumer que la communication que nous avons signalée entre l'organe dépu- 
rateur et l'oreillette existe aussi chez lepetit Mollusque de la Pandore, mais nous n'avons 
pu la découvrir. Le canal d’excrétion nous a également échappé à cause de son extrême 
pettesse : il est probablement situé au-dessous de la branchie, à côté ou au-dessus des 
oviductes. 

Un organe singulier a été découvert dans le pied d’un certain nombre de Mollusques 
acéphalés, et quelques anatomistes lui ont attribué une fonction auditive. Cet organe est 
composé d’une enveloppe charnue, compacte, plus solide que les muscles qui l'environnent, 
au centre de laquelle existe une cavité sphérique, peu étendue, dans laquelle on trouve 
presque toujours un petit globule charnu, sphéroïdal. Quelques observateurs ont affirmé 
avoir vu un nerf spécial se détacher du ganglion abdominal et se rendre directement à 
l'organe qui nous occupe. Un organe analogue existe non-seulement dans les acéphalés, 
mais aussi dans les Gastéropodes, et M. Edwards l’a observé dans la Firole et la Cari- 
naire. Chez ces animaux, dont la transparence est parfaite, il était facile d'observer l'or- 
gane pendant la vie de l'animal, et M. Edwards a fait à ce sujet une découverte pleine 
d'intérêt. En effet, la surface interne de la cavité de l'organe nommé auditif chez ces 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE PANDORE. 255 


Mollusques, est tapissée de cils vibratiles constamment en mouvement, mais ces cils n’ont 
pas la forme qui leur est habituelle; ils ressemblent à de petites palettes membraneuses 
dont les mouvements réguliers ressemblent un peu à ceux des organes rotatoires des ani- 
maux rotifères; au moyen de ce mouvement continuel, le globule charnu est constam- 
ment agité dans l'intérieur de la cavité entièrement fermée qui le contient. Il serait 
curieux d'observer si un phénomène semblable se passe dans l'organe que l’on croit auditif 
chez les Mollusques acéphalés. Les Pandores en offriraient peut-être une occasion favo- 
rable; car chez elles l'organe dont il s’agit est très-gros et très-développé ; seulement il est 
opaque, même pendant la vie de animal, et il faudrait nécessairement l'ouvrir avec adresse 
sur un animal vivant, pour s'assurer si la surface intérieure est tapissée de cils vibratiles 
semblables à ceux des Carinaires. Lorsque l'animal de la Pandore est mort, on aperçoit 
vers la base du pied, à peu près au point où se fixerait un byssus, si ce byssus existait, 
un point plus opaque, d’un blanc jaunätre, ovale et assez épais pour forcer les parois 
du pied à s’écarter légèrement. En détachant l'une de l’autre les parois musculaires , or- 
gane auditif reste attaché à l'une d’elles et sa surface est irrégulière, cotonneuse, se trou- 
vant engagée au milieu de fibres entrecroisées auxquelles elle est solidement fixée. Nous 


‘avons fait plusieurs fois la section de l'organe auditif, et nous n'avons pas vu s'échapper 


de son intérieur un globule charnu ; peut-être a-t-il été dissous à la suite de l'immersion 
plus ou moins prolongée des animaux dans l'alcool. La cavité intérieure nous a fait voir 
une surface irrégulièrement ridée et des points enfoncés, distribués principalement vers 


la paroi inférieure. (PI. XXIV, fig. 1; fig. 3 i.) 


SvsTÈME NERVEUX. — Le système nerveux ne diffère pas d’une manière notable de celui 
des Mollusques de la même classe que celui-ci. En rompant l’adhérence naturelle des 
deux feuillets branchiaux au-dessous du muscle rétracteur du pied, on met à découvert 
la surface ventrale du muscle adducteur postérieur des valves, sur laquelle on aperçoit un 
ganglion d'un petit volume, subquadrangulaire, évidemment formé de la réunion de deux 
ganglions semblables. Comme à l'ordinaire, de lextrémité postérieure de ce ganglion 
s'échappent quatre branches à peu près égales en volume. Les deux premières se rendent 
aux branchies, où elles se distribuent; les deux autres se continuent en divergeant sur la 
face du muscle, gagnent le manteau, descendent dans les siphons et se distribuent en ra- 
meaux assez nombreux dans les parties que nous venons de mentionner. De l'extrémité 
antérieure des ganglions postérieurs naissent les nerfs abdominaux qui, à leur naissance, 
pénètrent dans la cavité abdominale, en suivent les parois, s’en détachent ensuite pour 
pénétrer dans le foie et viennent se terminer, au-dessus de la bouche, aux ganglions anté- 
rieurs. Dans ce trajet assez long, les nerfs abdominaux ne fournissent aucune branche aux 
organes qu'ils traversent ; il nous a du moins été impossible d'en découvrir la moindre trace. 
Les ganglions antérieurs sont petits; ils sont plus rapprochés que dans beaucoup d’autres 
genres, et cela tient évidemment à l'aplatissement général de l'animal entier. Il suffit de 
détacher la lèvre supérieure pour les apercevoir, ainsi que le nerf de commissure qui sert 
à les mettre en communication. De leur angle antérieur et externe se détache une pre- 


256 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


mièére branche palléale, se dirigeant obliquement, à travers la portion mince, vers le 
bord ventral du manteau. Une autre branche se continue à la surface du muscle anté- 
rieur, Parvenue à la commissure antérieure du manteau, elle se recourbe et s’infléchit dans 
la portion de ce bord la plus épaisse et qui contient l'organe sécréteur de la coquille. 
Nous n'avons pu suivre cette branche nerveuse à travers le tissu musculaire qu'elle par- 
court, mais il est à présumer qu’elle se continue dans toute la partie du manteau entr'ou- 
verte pour le passage du pied. De la surface antérieure des ganglions labiaux naît, de 
chaque côté, une branche nerveuse se dirigeant obliquement d'avant en arrière, en pas- 
sant dans la bifurcation des muscles rétracteurs antérieurs du pied. À une assez courte 
‘distance de leur origine, ces branches rencontrent un gros ganglion abdominal, ovale- 
oblong, qui occupe la région de l’abdomen couverte par les palpes labiales. Ce ganglion, 
d'une consistance molle, est caché dans les muscles assez épais qui constituent dans cet 
endroit les parois de l'abdomen. Trois paires de nerfs s’échappent de ce ganglion; les 
deux premières se dirigent en avant, vers la pointe du pied; la troisième paire se rend en 
arrière, dans les viscères contenus dans l'abdomen. 


CONCLUSION. 


Les observations que nous venons de présenter sur le genre pandore nous semblent 
prouver d'une manière bien évidente qu'il doit constituer une famille distincte dans le 
grand ensemble des Mollusques acéphalés. 

En effet, la coquille inéquivalve a sa plus grande valve du côté gauche, c'est-à-dire à 
l'opposé de celles des Corbules et de la plupart des autres genres qui offrent le même ca- 
ractère. Cette coquille est nacrée. Ses impressions musculaires sont rapprochées, et l'im- 
pression palléale, fortement rentrée en dedans, occupe une région où elle n’existe pas 
habituellement ; enfin l'impression palléale reste simple, quoique l'animal se termine en 
arrière par des siphons. 

L'animal est très-aplati. Une échancrure profonde sur le dos reçoit la charnière saillante 
en dedans de la coquille. La masse viscérale, assez considérable, est fortement comprimée, 
ce qui reporte la plupart des organes plus en bas dans la région ventrale. 

Le manteau est constitué comme chez les autres Mollusques ; cependant la portion mince 
ei transparente est très-réduite, à cause de l'élargissement considérable du bord muscu- 
laire; mais ce bord n’est pas constitué par un grand nombre de faisceaux fibreux parallèles. 
Les fibres musculaires, en moindre nombre, sont disséminées par petits faisceaux écartés 
et rayonnants vers la circonférence du manteau. L'ouverture du pied est petite, car elle 
occupe à peine le tiers de la longueur totale. 

Les siphons sont bien différents de ce que nous les avons vus dans les Corbules et dans 
tous les autres genres que nous avons examinés. Très-courts, grêles, séparés seulement au 
sommet; lun est simple, c’est l’anal; l'autre est fermé par des plis larges et profonds, et 
tous deux sont garnis, à la base, de courts tentacules. Ainsi ces organes différent dans 
leurs caractères de ceux des genres COnnus. 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE PANDORE. 257 


Le pied est petit, mince, lancéolé, et ses mouvements se font au moyen de muscles 
rétracteurs qui ne laissent sur la coquille aucune empreinte, parce qu'ils viennent se con- 
fondre avec les muscles adducteurs des valves, dans lesquels ils pénètrent. 

Les organes de la digestion sont constitués de même que dans les Mollusques du même 
ordre. Une bouche munie d’une paire de palpes de chaque côté; un long œsophage ; un 
estomac triangulaire, comprimé latéralement ; un intestin grêle fort long, se développant 
en grandes courbures, passe à travers le péricarde et vient se terminer dans le siphon 
anal, après s'être appuyé sur le bord supérieur du muscle adducteur postérieur des valves. 
Tels sont, dans leur ensemble, les organes de la digestion, auxquels il faut ajouter un 
foie considérable, aplati, compacte, et dont toutes les parties sont enchaïinées les unes 
aux autres et non divisées en lobes, ainsi que dans beaucoup d’autres Mollusques. 

Quant aux organes de la génération, ils sont ici nettement séparés, puisque l’on trouve 
à la fois un ovaire considérable et des organes mâles, situés dans la région dorsale et rem- 
plis de zoospermes. 

Les organes de la circulation nous offrent aussi une modification remarquable. Le ven- 
tricule ovale oblong est suspendu au-dessous de l'intestin, dans la cavité du péricarde ; Les 
oreillettes s'avancent ainsi vers les branchies, qui, par la compression de l'animal, re- 
montent beaucoup moins haut qu'à l'ordinaire, vers le dos et dans la région du cœur. 

Un des caractères de la Pandore les plus éminemment distinctifs de tous les Mollusques 
qui l’avoisinent, c’est qu'elle n’a, de chaque côté, qu'un seul feuillet branchial. Ce feuillet, 
du reste, dans son organisation, est tout à fait semblable à ceux des Solens ou des autres 
Lamellibranches. 

Un organe dépurateur assez considérable occupe en arrière du cœur un espace quadran- 
gulaire, entre les muscles propres du pied et celui des valves. Cet organe, divisé en deux 
cavités égales par une cloison médiane, a une communication directe avec l'abdomen et 
probablement aussi avec les oreillettes, quoique nous n’ayons pu nous en assurer à cause 
de la petitesse de l'animal soumis à nos observations. 


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Nous avons constaté l'existence de l'organe auquel quelques physiologistes attribuent la 
fonction de l'audition. Quoiqu'il soit impossible jusqu'ici de’constater, d’une manière di- 
recte, qu'en effet cet organe est destiné à la perception du son, nous ne pouvons dire quel 
est son usage; mais il est toujours bon de le signaler, dans un animal que l’on rencontre 
assez communément sur nos côtes et qu'il est assez facile d'observer vivant. 

Le système nerveux ne nous offre rien d’intéressant et de particulier dans sa distribu- 


us 


el copié saint 
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tion; il est conforme à ce que nous l'avons déjà vu dans beaucoup d’autres Mollusques. 


en 


I nous parait évident qu'un animal, dont les siphons ont des caractères propres, qui 
n'a qu'une seule branchie, dont le cœur a une forme particulière, doit constituer une fa- 


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mille à part, puisque les animaux qui l'avoisinent le plus présentent, dans les organes 


a 


que nous venons de citer, des différences très-considérables. Nous renvoyons à ce que 


nous avons dit des Corbules, et nous allons voir dans les genres suivants, des animaux voisins 
et cependant bien différents de celui de la Pandore. 


2001. — Mollusques. 1, 


258 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


1. PANDORA INÆQUIVALVIS. (Rostrata. Lamarck.) 


. ._ Oran, Bône, la Sicile, l'Océan d'Europe; fossile en Sicile 
et dans le crag d'Angleterre. 


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P. Testà ovato-oblongà, transversä, inæquilaterà, albâ, lævigatä, anticè obtusà, posticè rostratä, obtu- 
sissimè bi-angulatà; dente cardinali unico in valvä dextrâ, parvo, retuso, cum foveolà adjectà; in valvä 
sinistrà, foveolis duabus. 


Solen inæquivalvis, LiNNÉ, Syst. nat. éd. 10, pag. 673. 

Tellina inæquivalvis, LiNNé, Syst. nat. éd. 12, pag. 1118. 

Idem, Cnemnirz, Conch. cab. tom. VI, pag. 115, pl. 11, fig. 106, a, b, c. 

Mya inœquivalvis, PENNANT, Brit. zool. tom. IV, pag. 166. 

Born, Mus. pag. 35. 

Tellina inæquivalvis, SeurôeTer, Einl. tom. II, pag. 652, n° 13. 

SPENGLER, Beschäptig. natur. Frunde in Berlin, tom. I, pag. 313, pl. 7. 

Tellina inæquivaluis, Guezin, Syst. nat. éd. 13, pag. 3233, excl. plur. synonym, 
Pandora, Brucuières, Encycl. meth. pl. 250, fig. 1. 

Tellina (hypogæa) inæquivalvis, Pour, Test. des Deux-Siciles, tom. 1, pag. 39, pl. 15, fig. 5,6, 7,9. 
Pandora, Lamarcx, Mém. de la Soc. d'hist. nat. de Paris, tom. I, pag. 88. 
Pandora margaritacea, LAMmarck, Syst. des anim. sans vert. pag. 156. 

Tellina inæquivalvis, Maron et Racxerr, Linn. Trans. t. VIII, pag. 5o, n°3. 
Pandora, Roissy, Burron, Moll. tom. VI, pag. h19. 

Tellina inæquivalvis, Donovax, Brit. shells, tom. II, pl. 41, fig. 1. 

Idem, Mowracu, Test. Brit. pag. 75, n° 18. 

Idem, Woon, General Conch. pag. 201, pl. 47, Hn2 344 

Idem, Dizzwyn, Cat.tom. I, pag. 86, n° 32. 

Trus inæquivalvis, OKex, Lehrb. der Naturg. tom. I, pag. 230, pl. 8. 

Pandora, Guvier, Règne anim. 1° édit. tom. II, pag. 49o. 

Pandora margaritacea, ScHuMAGHER, Essai d’une nouvelle classif. des test. pag. 114, pl. 4, fig. 2. 
Pandora rostrata, LAmarck, Anim. sans vert. tom. V, pag. 498, n° 1. 


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Tellina inæquivaluis, Turrow, Conch. Dict. pag. 172, n° 14, exclus. montaq. synon. 
Pandora margaritacea, Turrow, Conch. ins. Brit. pag. 4o, pl. 8, fig. 11 à 14. 
Bowpicn, Elem. of Conch. pag. 18, fig. 58. 

SowErBy, Genera of shells, n°2, Pandora, fig. 1, 2,3. 

Mya inæquivalvis, ScaweiGGer, Handb. der Naturges, pag. 700. 

Tellina inæquivalvis, Gervire, Cat. des coq. de lu Manche, pag. 17. 

Pandora rostrata, Brainviire, Malac. pag. 363, pl. 78, fig. 5. 

Idem, Payraupeau, Cat. des Moll. de Corse, pag. 33, n° 46. 

Russo, Hist. nat. de l'Europe mérid. tom. IV, pag. 373. 

Croucu, Introd. to Lamarcx, Conch. pag. 9, pl. 5, fig. 2. 

Tellina inæquivalvis, Woo» , Ind. test, pl. 5, fig. 97. 

Pandora rostrata, Sowersx, Spec. Conch. pag. 2, fig. 7, 8, 9. 
Cozarp-Dpes-Cnères, Catal. des test. du Finistère, pag. 15. 

MENkE , Synop. moll. pag. 120. 

Cuvier, Règne anim. 2° édit. tom. III, pag. 156. 

Desnayes, Encycl. méthod. vers. tom. IT, pag. 697, n° 1. 

Scaccut, Cat. Conch. regni Neap. pag. 6. 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE PANDORE. 259 


Desnayes, dans LamArck, Anim. sans vert. 2° éd. tom. VI, pag. 145. 

Hanzey, Deseript. cat. tom. I, pag. 48. 

Forges, Report on the Æqean invert. pag. 143. 

Desuayes, dans CuviEr, Règne anim. nouv. édit. Moll. pl. 110, fig. 3. 

Venant, Catal. degli anim. invert. pag. 13. 

Fossilis, S. Woon, Cutal. des coq. Joss. du crag, Ann. of nat. hist. décembre 1840, pag. 247. 


Il serait peut-être convenable de restituer à cette espèce son nom linnéen, et de l'ins- 
crire désormais dans les catalogues, sous le nom de Pandora inæquivalvis. Cependant cette 
restitution souffre quelque difficulté, parce que toutes les Pandores, sans exception, sont 
inéquivalves, et que celle-ci, la première connue, se trouverait désignée par l’un des carac- 
tères génériques. Néanmoins le respect qui s'attache aux dénominations spécifiques de 
Linné doit engager les zoologistes à ne pas s'arrêter à un petit défaut de nomenclature, 
pour conserver l’un des noms inscrits dans le Systema nature. 

Lorsque cette espèce était la seule connue dans son genre, elle était reconnue avec 
facilité, et une nouvelle description eüt été inutile. Actuellement qu'il y a près d’elle plu- 
sieurs espèces voisines, nous devons la décrire pour éviter toute confusion avec ses con- 
génères. Elle est ovale oblongue, très-inéquilatérale. Si l’on divise son grand diamètre en 
trois parties égales, les crochets occuperont la limite du tiers antérieur; le bord antérieur 
est arrondi, demi-circulaire; le bord inférieur ventral présente une courbe qui se rapproche 
de la ligne droite, et qui, parvenue vers l'extrémité postérieure, remonte assez brusque- 
ment vers le bec terminal de la coquille. Le bord dorsal est concave ; le bord postérieur 
est très-court, en forme de bec, et ce bec est limité par une légère inflexion que l’on re- 
trouve dans les deux valves, et que l'on peut comparer à celle des Tellines. Le sommet de la 
coquille forme un angle extrêmement ouvert, dont l’un des côtés très-court, convexe, se 
dirige en avant, tandis que l’autre, beaucoup plus long et concave, se dirige en arrière. 
Les valves, d’un blanc jaunâtre, grisâtres en dehors, sont revêtues, vers les bords, d’un épi- 
derme grisâtre. En dedans, elles sont brillantes et nacrées, et, malgré leur peu d'épaisseur, 
elles jouissent d’une assez grande solidité. Les impressions musculaires sont petites, l’an- 
térieure sub-semi-lunaire, la postérieure est circulaire; l’une et l'autre sont fort rapprochées 
de la charnière; la postérieure surtout laisse derrière elle près du tiers de la coquille. Une 
impression palléale, composée de dix à douze points d'impression musculaire, forme, à l'in- 
térieur des valves, une courbe courte et assez régulière s'étendant d’une impression mus- 
culaire à l'autre. La charnière est peu épaisse ; le bord cardinal de la valve gauche prend 
avec l'âge un peu de largeur; il se termine brusquement au-dessous du sommet en une 
échancrure dans laquelle est reçue la dent saillante qui se trouve sur la valve droite. En 
arrière de l’échancrure se montre une petite cicatrice oblongue, étroite, se dirigeant dans 
l'intérieur de la valve. La valve droite est plane ; la dent cardinale est courte, implantée 
par l’un de ses bords étroits ; elle se dirige vers le bord ventral de la coquille. À côté et en 
arrière de cette dent, il existe aussi la cicatrice pour l'insertion du ligament. 

L'animal de cette espèce se distingue non-seulement par sa forme, mais encore par quel- 
ques caractères qui lui sont propres. C'est ainsi, par exemple, que ses branchies sont pro- 

33. 


260 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


portionnellement plus larges. La portion postérieure de ces organes servant de cloison entre 
les siphons est beaucoup plus courte ;les palpes labiales sont plus longues et plus étroites; 
enfin les siphons présentent une coloration jaunâtre avec des marbrures moins nombreuses 
et moins serrées que dans l’espèce dont nous allons nous occuper. 

Ce Mollusque est beaucoup plus rare dans la Méditerranée que dans l'Océan ; aussi, pour 
bien assurer la synonymie de l’espèce, il faut étudier attentivement les descriptions des 
auteurs, pour ne point laisser introduire de confusion dans cette partie importante et 


nécessaire de la science. 


2. PANDORA OBLONGA. Sowerby. 


Bône, la Sicile. 


P. Testà transversà, elongatà, subsemilunari, tenui, pellucidà, fragili, margine superiore rectiusculo, 
umbonibus minimis vix perspicuis; latere antico arcuato, supernè subangulato; latere postico rostrato, 
inflexo ; valvà sinistrà profundäâ, dexträ concaviusculà; dente cardinali brevissimo. 


SowerBy, Spec. Conch. fig. 10, pag. 2. 

Puizrppr, Moll. Sic. tom. IT, pag. 13, pl. 13, fig. 11. 

Brookes, Introd. to the Conch. pag. 57, pl. 2, fig. 18? 

Pandora rostrata, Puiripri, Arch. de Wiegmann, 1839, 2° part. pl. 4, fig. 5? 
Desnayes, dans LamaRck, Anim. sans vert. 2° édit. tom. VI, pag. 145, n°8. 

An eadem? Pandora rostrata, Pairiprt, Enum. Moll. Sicil. tom. I, pag. 18, pl. 1, fig. 12. 


On distingue cette espèce avec facilité; elle est transverse, étroite: son bord supérieur 
ou dorsal est droit, tandis que les bords antérieur, inférieur et postérieur, se joignent 
en une seule courbe parabolique, de sorte qu'en réalité la coquille a une forme semi- 
lunaire; et, si l'on vient à poser deux individus égaux en les rapprochant par le bord 
dorsal, ils présentent, dans leur ensemble, une figure ellipsoïde fort régulière. Le bord 
postérieur se prolonge un peu en bec, plus large en proportion que dans l'espèce précé- 
dente. La surface extérieure est d’un blanc jaunâtre ; elle est recouverte d’un épiderme 
excessivement mince, qui persiste particulièrement vers les bords des valves. Dans les 
grands et les vieux individus la valve gauche devient très-concave, et tout nous porte à 
croire que M. Philippi, trompé par l'apparence, aura pris l'un de ces individus pour le 
Pandora flexuosa de Sowerby, espèce qui, jusqu'ici, ne s’est rencontrée que dans la mer 
Rouge. La valve supérieure est plane, légèrement concave; l’une et l’autre sont d’une belle 
nacre argentée en dedans. Les impressions musculaires sont petites, et la postérieure 


lusse derrière elle près de la moitié de la coquille. L'impression palléale est excessivement 
courte; elle forme une petite courbure qui s'étend d’une impression musculaire à l’autre. 
La charnière est plus antérieure que dans l'espèce précédente; elle est à peu près un 
quart de la longueur du grand diamètre. Le bord antérieur est élargi, aplati, et se termine 
brusquement à la hauteur du crochet, en une échancrure, en arrière de laquelle existe la 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE LYONSIE. 261 


cicatrice du ligament qui s'enfonce obliquement dans la profondeur de la valve. La dent 
cardinale de la valve droite est très-courte, fort aplatie, un peu dilatée vers son sommet. 

L'animal qui habite cette coquille se distingue par sa forme plus étroite, par ses palpes 
labiales plus courtes et en proportion plus larges que celles de l'espèce précédente. La 
différence dans les impressions musculaires postérieures annonce, chez la Pandore oblongue, 
que les muscles rétracteurs postérieurs du pied sont beaucoup plus courts, et que la 
portion postérieure du manteau est beaucoup plus allongée. De cette disposition résulte 
pour la branchie ce caractère essentiel, de se prolonger plus en arrière, entre les deux 
siphons. Les siphons eux-mêmes, en proportion plus larges, se distinguent par une colo- 
ration d’un jaune plus vif et par une marbrure brune, très-serrée et plus intense. Il est très- 
rare que cette espèce parvienne à une taille aussi grande que la précédente, et quand 
même elle y arriverait, elle se reconnaîtrait encore avec facilité, sa forme générale ne chan- 
geant pas avec l’âge. 


HUITIÈME FAMILLE. 


LES OSTÉODESMES. — Deshayes. 


GENRE ONZIÈME. 


LYONSIE, Lronsra. Turton. 


Üne observation très-intéressante fut publiée, en 1822, par M. Turton, dans son Histoire 
des coquilles bivalves de l'Angleterre. Ce conchyliologue distingué reconnut, à la charnière 
du Mya Norwegica des auteurs, un osselet quadrangulaire entièrement détaché de la coquille 
et fixé dans l'épaisseur du ligament. La singularité de ce fait détermina M. Turton à créer 
un genre particulier pour la coquille qui le présente; il consacra à ce genre nouveau 
le nom d'un ami des sciences naturelles, M. Lyons. En 1824, avant que l'ouvrage de 
M. Turton nous fût connu, nous faisions la découverte de faits analogues sur plusieurs des 
Anatines de Lamarck et sur le genre Périplome de Schumacher. Conduit par un ensemble 
assez considérable de faits, nous proposâmes la création d’une famille nouvelle sous le nom 
d'Ostéodesmes, pour rassembler toutes les coquilles chez lesquelles la charnière porte un 
osselet caduc, en divisant cette famille en genres d’après la forme et la position de l’osselet. 
La plupart des conchyliologues ont senti l'utilité de notre nouvelle famille, et elle a été 
admise dans les méthodes les plus récentes. 

Depuis, de nouvelles observations ont été ajoutées aux nôtres, et elles ont eu le mérite 
de nous faire juger plus exactement de la valeur des caractères de la famille et des genres 
qu’elle renferme. En effet, nous avons déjà vu à la suite des Corbules un genre Neæra, 


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262 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


chez lequel la charnière porte un osselet en demi-anneau; mais cette coquille, conservant 
la plupart des caractères des Corbules, nous avons compris qu'il fallait laisser les genres 
en question dans les rapports les plus intimes, et ne pas entrainer l’un d'eux dans la famille 
des Ostéodesmes, malgré la présence d’un osselet à la charnière. Il en est de même pour 
le genre Myadore, quand on le compare à celui des Pandores. Il est évident que, malgré 
son osselet cardimal, le genre que nous venons de citer doit rester lié aux Pandores dans 
la méthode naturelle. Nous pourrions encore rappeler un autre genre nommé Cleidotherus 
par M. Stutchbury, dans la charnière duquel on remarque également un osselet détaché. Ce 
genre a toute l'apparence d’une Came. La coquille est attachée aux corps sous-marins; il faut 
l'ouvrir et en examiner la charnière pour s’apercevoir qu’elle diffère des autres Cames. La 
présence de l’osselet cardinal dans cette coquille a déterminé plusieurs zoologistes anglais 
à l'introduire aussi dans la famille des Ostéodesmes. Nous sommes loin de partager cette 
Opinion, mais nous concevons la possibilité de retrouver cet osselet cardinal dans divers 
types des Mollusques acéphalés. Par conséquent, la valeur du caractère change et perd à 
nos yeux une grande partie de ce qu'il avait d’absolu. Il ne suffit donc pas qu’une coquille 
ait un osselet caduc à la charnière pour faire partie de notre famille des Ostéodesmes; il 
faut encore qu’elle présente des analogies dans l’ensemble de tous les autres caractères. 
Aussi nous n’admetions que six genres dans la famille qui nous occupe; encore il yena 
un, celui des Myochama, que nous y laissons avec doute. Les genres dont il s’agit sont les 
suivants : Lyonsia, Ostéodesma, Periploma, Anatina, Thracia; enfin, et provisoirement , 
Myochama. 

Dans les genres que nous venons de citer, toutes les coquilles sont inéquivalves, minces, 
pour le plus grand nombre nacrées à l’intérieur; elles sont régulières, transverses, plus 
ou moins inéquilatérales. Toutes ont une charnière portant le ligament en dedans sur un 
cuilleron plus ou moins saillant, quelquefois allongé le long du bord dorsal. À cette char- 
nière se trouve annexé ur osselet aplati et quadrangulaire, dans les genres Lyonsia et 
Ostéodesma ; triangulaire et enfoncé derrière le cuilleron, dans le Periploma; tricuspide 
dans les Anatines; et enfin en demi-anneau, dans les Thracies, lorsqu'il existe. 

Dans la famille des Ostéodesmes se manifeste un phénomène curieux relatif au liga- 
ment; on le voit pour ainsi dire sortir de dedans en dehors, particulièrement dans les Thra- 
cies, chez lesquelles le cuilleron s’'amoindrit insensiblement; et à mesure qu'il diminue, 
un ligament extérieur, d’abord très-petit, s'accroît en proportion. À ces caractères généraux 
nous pourrions en ajouter quelques autres tirés des impressions musculaires et de l'im- 
pression palléale. Mais il y en a de plus importants que fournissent les animaux, et sur les- 
quels nous aurons occasion de revenir plus tard. 

Des six genres compris actuellement dans la famille des Ostéodesmes, deux seulement 
habitent la Méditerranée : ce sont les Lyonsies et les Thracies. Nous avons été assez heureux 


pour recueillir un individu d'une espèce de chacun de ces genres, ce qui nous a permis 


d'en présenter ici une anatomie, si ce n’est complète, du moins assez avancée pour mettre 
à mème les zoologistes de juger de la valeur, des caractères, des genres et de la famille elle- 


même. 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE LYONSIE. 263 


Comme nous venons de le rappeler, Turton établit le genre Lyonsia pour le Mya Norwe- 
gica de Chemnitz. Quelques années plus tard, nous comprenions cette coquille, ainsi que 
plusieurs autres espèces, dans notre genre Ostéodesme ; mais les espèces auxquelles nous 
avions d’abord associé celle du zoologiste anglais nous ayant offert des caractères génériques 
qui les distinguent suffisamment, nous avons cru utile de maintenir tout à la fois dans la 
méthode les genres Lyonsie et Ostéodesme. Nous n'avons pas ici à discuter les motifs de la 
conservation de ces deux genres; en effet, le genre Lyonsie, tel qu'il a été défini, se trou- 
vant seul sur les côtes de l'Algérie, nous n’avons pas à déterminer ses rapports avec un 
genre dont les espèces vivent dans les mers de l'Amérique méridionale. 

La coquille qui sert de type au genre Lyonsie était connue depuis longtemps. Chemnitz 
la figure dans son grand ouvrage sous le nom de Mya Norwegica. I est à présumer que cette 
même espèce n'a pas échappé aux observations de Müller, et ce serait elle qu'il aurait ims- 
crite sous le nom de Mya nitida, dans le Prodrome de la zoologie danoise. Malheureuse- 
ment dans cet ouvrage, des indications insuffisantes ne permettent pas toujours de recon- 
naître les espèces que son savant auteur se proposait de décrire d’une manière plus complète 
dans le grand travail qu'une mort prématurée la empêché d'achever. Fabricius, com- 
patriote et contemporain de Müller, en conservant à l'espèce de Chemnitz le nom de nitida, 
ne laisse presque plus de doute sur l'identité des deux espèces. Cependant de l'incertitude 
subsiste encore parmi les conchyliologues, parce qu'il y a dans la phrase de Müller quel- 
ques mots qui ne semblent pas convenir au Mya Norwegica. Il en résulte, pour les natu- 
ralistes, la nécessité de conserver dans les catalogues l'espèce incertaine de Müller et celle 
de Chemnitz, beaucoup mieux connue. 

Lorsqu’en 1 811 Montagu publia l'un de ses derniers mémoires, dans les Transactions de 
la Société linnéenne de Londres, il décrivit et figura, sous la dénomination de Mya striata, 
une jeune coquille à laquelle on a reconnu plus tard l'identité la plus parfaite avec le Mya 
Norwegica. Montagu, trompé sans doute par la petitesse de son individu, l'aura pris pour 
une espèce distincte. Cette erreur une fois reconnue, le nom spécifique de Montagu doit 
disparaitre de la nomenclature. 

Nous avons donné depuis longtemps la preuve de l’utilité d’une réforme fondamentale 
du genre Amphidesme de Lamarck. Un examen attentif de toutes les espèces réunies sous 
ce nom générique ne laisse aucun doute à cet égard, et nous pouvons dire aujourd’hui 
que sur les seize espèces mentionnées par le célèbre auteur des Animaux sans vertèbres, 
il en reste à peine une ou deux auxquelles le nom générique convienne. En exerçant la 
critique avec toute la sévérité qu’exige quelquefois une bonne nomenclature, il serait peut- 
être préférable de faire disparaître complétement un genre aussi peu naturel, pour en distri- 
buer ensuite les espèces selon leurs affinités. Mais, par un consentement tacite, le plus 
grand nombre des conchyliologues sont pour ainsi dire convenus de consacrer le nom d’Am- 
phidesme à un genre aujourd’hui assez nombreux, qui a pour type la première espèce de 
Lamarck, l’Amphidesma variegata. C’est dans cette espèce d'incertæ sedis, que Lamarck ins- 
crivit, sous le nom d'Amphidesme corbuloide, le Mya Norwegica de Chemnitz, pour lequel 
le genre Lyonsie a été institué, ainsi que nous venons de le voir. Dans la seconde édition 


EE — 


264 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


de l'Histoire des animaux sans vertèbres, nous avons signalé à l'attention des conchyliologues 


LES 


cette espèce intéressante, que nous comprenions alors dans notre genre Ostéodesme. 


Déjà à l'époque où M. de Blainville préparait les matériaux de son article Malacologie 


Et E 


du Dictionnaire des sciences naturelles, article qui, augmenté, a pris ensuite le titre de 


ET 


Manuel de malacologie, nous avions fait nos observations sur l’osselet de la charnière des 


Anatines de Lamarck, et nous les avions communiquées au savant naturaliste dont nous ve- 
nons de rappeler l’un des ouvrages importants. Les opinions de M. de Blainville à l'égard 


des Anatines et des genres circonvoisins se modifient d’après les nôtres, comme nous le 
prouvent les additions au Manuel de malacologie, publiées avec les derniers fascicules de 
planches. Malheureusement M. de Blainville ne rendit pas nos idées très-exactement, et il 
en résulta quelque confusion entre les genres Thracie, Anatine, Périplome et Ostéodesme, 
dont la définition n’a pas conservé la valeur que nous lui avions d’abord donnée. Aussi 
nous saisimes l'occasion de l'article Thracie du Dictionnaire d'histoire naturelle, pour limi- 
ter, d’une manière convenable, plusieurs des genres de notre famille des Ostéodesmes. Plu- 
sieurs articles de l'Encyclopédie méthodique furent également consacrés à ces divers genres; 
mais dans l'espoir, toujours déçu, de publier un mémoire spécial sur cette matière, nous 
avons omis plusieurs articles dans les ouvrages que nous venons de mentionner. Il ne 
faut donc pas s'étonner si M. Sowerby, dans son Genera, s’est contenté de transporter 
parmi les Anatines lAmphidesme corbuloide de Lamarck. Il faut croire que, vers 1832, 
M. Sowerby n'avait point encore apprécié à sa juste valeur le genre Lyonsie de Turton ; 
il aurait dû être, ce nous semble, l’un des premiers à le faire valoir en l’introduisant dans 
un ouvrage élémentaire comme le sien; du moins M. Sowerby eut le mérite de restituer 
à l'espèce son premier nom, qui semblait depuis longtemps oublié par les conchylio- 
logues français. 

En 1833, M. Scacchi retrouvait dans les mers de Naples une coquille très-analogue à 
celle de Chemnitz, et appartenant certainement au même genre. M. Scacchi l’a décrite, dans 
ses observations zoologiques, sous le nom de Tellina corruscans, la rapportant à un genre 
dont elle n’a aucun des caractères. Dans le même temps, M. Delle Chiaje, qui publiait des 
planches pour la suite de ses Mémoires des animaux sans vertèbres des mers de Naples, 
donna une figure médiocre de la coquille de M. Scacchi, et la conserva parmi les Tellines. 
Quelques années plus tard, M. Scacchi reconnut enfin à son Tellina corruscans des carac- 
tères particuliers; et, comme il ne connaissait point alors les travaux de Turton et les nôtres 
sur cette matière, il proposa un genre Pandorina, qui se trouve pour la première fois dans 
le Catalogue des coquilles des mers de Naples, publié en 1836. 

Pendant son premier séjour en Sicile, M. Philippi recueillit, aux environs de Palerme, 
à l’état fossile, la coquille nommée Tellina corruscans par M. Scacchi. N'ayant pu en étudier 
les caractères intérieurs et la jugeant d’après sa forme, M. Philippi la rangea avec doute dans 
le genre Pandore. Dans son second voyage, ce naturaliste, éclairé par de nouvelles observations, 
adopta d'abord le genre Pandorina et publia, en 1839, à son sujet, quelques observations 
intéressantes dans les Archives de Wiegmann. M. Philippi fit connaitre l'animal, mais d’une 
manière malheureusement trop incomplète; il le représente en effet à peine grossi, ren- 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE LYONSIE. 265 


fermé dans sa coquille, sortant un pied étroit et fort pointu, et montrant en arrière deux 
siphons courts, séparés jusqu’à la base, à peu près comme dans les Pandores; l'exiguité de 
la figure ne permet pas de saisir les détails de ces parties caractéristiques des Mollusques 
acéphalés. Les observations de M. Philippi, reproduites dans les Annales d'histoire natu- 
relle publiées à Londres, devinrent le sujet de quelques critiques de la part de M. Gray. 
Ce savant, d’une érudition approfondie, fit remarquer l’imperfection de la synonymie de 
M. Philippi, et en présenta une qui nous parait beaucoup plus complète; seulement nous 
ferons à son sujet une observation. M. Gray semble n'avoir aucun doute sur l'identité du 
Mya nitida de Müller, et du Norwegica de Chemnitz. D'un autre côté, il regarde le Pando- 
rina corruscans comme identique avec le Lyonsia Norwegica, ce qui nous fait croire que 
M. Gray a eu sous les yeux tous les matériaux nécessaires pour juger de cette identité. Pour 
nous, nous ne la croyons pas encore prouvée, d'abord, parce que les coquilles nous offrent 
des différences constantes, et ensuite, parce qu'il faudrait comparer également les animaux 
des deux types pour s'assurer si, en réalité, ils constituent une ou deux espèces. 

Quoique les travaux dont nous venons de rappeler les parties principales aient dû éclairer 
suffisamment les naturalistes, nous voyons cependant de l'incertitude régner parmi eux. 
M. Reeve, par exemple, en 1841, maintient le Lyonsia Norwegica parmi les Anatines de 
Lamarck; M. Moller, dans un opuscule, du reste très-utile, adopte encore le genre Pando- 
rina, Mais pour une coquille qui peut-être n’en dépend pas. M. Hanley, dans la première 
partie de son Descriptive catalogue, adopte notre genre Ostéodesme et laisse quelques es- 
pèces parmi les Anatines; enfin, M. Sowerby, dans son Manuel de conchyliologie, adopta 
le genre Lyonsie; et, en cela, il fut imité par M. Thompson et M. Forbes, le premier dans ses 
travaux sur la Faune d'Irlande, et le second, dans son ouvrage important sur la distribution 
des animaux dans la mer Égée. 

Pour ne point laisser de lacune dans l’histoire abrégée du genre Lyonsie, nous devons 
faire connaître la part qu'ont prise les conchyliologues américains aux travaux de leurs 
collègues d'Europe. M. Conrad, en 1817, découvrit et décrivit, sous le nom de Mya hya- 
lina, une espèce de Lyonsie particulière aux mers de l'Amérique septentrionale; plus 
tard, le même naturaliste la reproduisit dans son Histoire des coquilles marines de l’'Amé- 
rique, et il adopta pour elle le genre Lyonsie de Turton. Enfin, M. Couthouy eut occa- 
sion de mentionner la même coquille dans le Journal d'histoire naturelle de Boston, et il 
préféra notre genre Ostéodesme, exemple qui fut suivi par M. Gould, dans son excellent 
ouvrage sur les Invertébrés du Massachusetts. 

Dans la courte histoire du genre Lyonsie, nous avons omis à dessein de mentionner 
quelques auteurs, dans les ouvrages desquels se trouvent décrites plusieurs espèces attri- 
buées à ce genre. C'est ainsi, par exemple, que M. Gray, dans le premier numéro de son 
Spicilegia zoologica, publié en 1825, fait connaître une coquille à la charnière de laquelle 
se trouve un osselet en plaque quadrangulaire et que l'auteur rapporte aux Lyonsies, après 
l'avoir rangée parmi les Anatines. M. Sowerby, en 1834, a fait connaître d’autres espèces 
analogues à celle de M. Gray, sous le nom de Lyonsie, dans les Proceedings de la société 


zoologique de Londres. Enfin, M. Hanley a rassemblé ces diverses espèces dans le genre 
Zoor.— Mollusques. 1. 34 


re 


266 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


Ostéodesme, en y comprenant également les véritables Lyonsies. Ces espèces présentent 
d’autres caractères que le Mya Norwegica. Nacrées à l’intérieur, elles sont irrégulières, très- 
inéquilatérales, et leur impression palléale diffère, d'une manière notable, de celle des 
Lyonsies. C'est à ce petit groupe parfaitement distinct que nous réservons actuellement 
le nom générique d'Ostéodesme, et de cette manière se trouvent à la fois dans la méthode 
deux genres qui d'abord n’en formaient qu'un seul. Cette réforme une fois acceptée, le genre 
Lyonsie se définit d'une manière beaucoup plus nette, et les coquilles qu'il renferme se 
distinguent par des caractères constants. 


Coquir.ze. — Toutes les Lyonsies sont oblongues-transverses, inéquivalves, inéquilate- 
rales. C’est la valve gauche qui est la plus grande, ainsi que dans les Pandores; mais 
l'inégalité n’est point aussi sensible que dans ce dernier genre, les deux valves étant bom- 
bées, convexes, presque égales, lorsqu'on regarde la coquille du côté du dos; l'inégalité 
des valves se montre surtout le long du bord ventral. La coquille étant transverse, les deux 
bords les plus longs sont le dorsal et le ventral; ces bords sont à peu près parallèles, et 
ils se réunissent en avant par un bord arrondi, demi-circulaire et en arrière par un bord 
plus court, droit, l'extrémité postérieure se prolongeant en un bec, dans la largeur duquel 
les valves sont bäillantes. Dans le reste de la circonférence, les valves sont closes, si ce 
n’est vers l'extrémité antérieure, où il existe quelquefois un petit intervalle correspondant 
au passage du pied. Si lon examine la ligne de jonction des deux valves le long du bord 
dorsal, on voit que cette ligne n'est point droite et qu'elle a une double inflexion peu pro- 
noncée; on s'aperçoit aussi que les crochets sont peu saillants, presque égaux, très-rap- 
prochés et à peine inclinés du côté antérieur vers une lunule étroite, lancéolée, limitée 
par un petit bord obtus, qui se voit particulièrement sur la valve gauche. Un pli irrégu- 
lier, descendant obliquement du bord postérieur des crochets, vient aboutir à l’extrémité 
postérieure du bord ventral et il circonserit le bec postérieur de la coquille. 

Toutes les espèces sont d'un blanc jaunâtre ou grisâtre ; elles sont revêtues, surtout vers 
les bords, d'un épiderme d'un blanc jaunâtre, quelquefois brunâtre, qui déborde parucu- 
lièrement la valve la plus courte. Toute la surface de ces coquilles est ornée de stries longi- 
tudinales très-fines, serrées, qui, partant des crochets, aboutissent en rayonnant sur les 
bords. Ces stries ne sont point creusées dans l'épaisseur du test; elles sont légèrement sail- 
lantes, subécailleuses au sommet et souvent onduleuses dans leur trajet. Indépendamment 
de ces stries, la surface extérieure du test offre des granulations disposées en lignes longitu- 
dinales ; on compte sept à huit de ces lignes entre chaque strie. Vues sous un grossissement 
suffisant, les granulations apparaissent sous la forme de petites protubérances demi-sphé- 
riques qui semblent égales ; mais, en les soumettant à un grossissement microscopique, on 
reconnaît qu'elles sont inépales ; elles conservent cependant une parfaite régularité. Nous 
avons profité de la transparence parfaite du test des jeunes individus pour faire cette obser- 
vation et pour reconnaître en même temps la structure intime de la coquille; nous avons 
découvert que le test est réellement composé de petits compartiments irréguliers, polygo- 
naux, séparés entre eux par des lignes obscures; on pourrait comparer leur assemblage à 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE LYONSIE. 267 


une mosaique irrégulière. Les granulations sont engagées au milieu de ces compartiments ; 
elles sont d’une substance homogène et ont la transparence du verre. 

Lorsqu'on ouvre la coquille, la surface interne montre une nacre d’un blanc argenté, 
brillante comme celle des Pandores. Si, au lieu de rompre la charnière pour ouvrir les 
valves, on a soin d’amollir le ligament par une macération peu prolongée dans l’eau, on 
peut alors étudier avec facilité la structure de la singulière charnière qui est lun des ca- 
ractères essentiels du genre. On voit en effet, au-dessous des crochets, une plaque calcaire, 
quadrangulaire, oblongue, dont une moitié appartient à la valve gauche, tandis que l’autre 
dépend de la valve opposée. Cet osselet s'appuie, par ses bords les plus allongés, sur un 
petit cuilleron qui s'incline obliquement en arrière et en dedans de chaque valve. Si l'os- 
selet est détaché et les valves remises dans leur position normale, les cuillerons présentent 
la forme d’un V assez largement ouvert en arrière. Le ligament s'attache non-seulement 
du cuilleron au bord correspondant de l'osselet, mais encore à la face intérieure de celui- 
ci, ce qui ajoute à la solidité de la charnière. Le bord cardinal, dans le reste de son éten- 
due, est simple et sans aucune trace de charnière articulée. 

Afin de voir les impressions musculaires, il faut faire miroiter une vive lumière sur la 
surface brillante des valves; et comme ces impressions sont un peu plus mates, on peut 
en reconnaître la forme. Toutes deux sont situées dans la région dorsale de la coquille, et 
une ligne transverse qui couperait la coquille en deux ne les atteindrait pas; elles sont peu 
éloignées de la charnière, et l’une et l’autre se trouvent à peu près à la même distance ; 
l'antérieure est allongée, ovale, plus étroite en arrière qu’en avant. Ce qui lui donne cette 
forme, c’est qu’elle se confond à son extrémité dorsale avec l'impression du muscle rétrac- 
teur antérieur du pied; l'impression postérieure est très-rapprochée du bord dorsal; elle 
est subcirculaire, L’impression palléale est très-courte ; elle est formée d’une ligne continue, 
située presque autant en dedans des valves que celle des Pandores; elle commence à l’extré- 
mité inférieure du muscle antérieur, se courbe médiocrement pour suivre parallèlement le 
bord ventral, et, parvenue à la hauteur de l'impression du muscle postérieur, elle s’infléchit 
en formant un angle presque droit, et se contourne en une très-faible sinuosité pour se termi- 
ner au muscle postérieur, laissant en arrière près du tiers de la surface interne des valves. 


AximaL. — Manteau. — L'animal contenu dans la coquille que nous venons de décrire 
est allongé, ovalaire ; il est d’un blanc jaunâtre, enveloppé d’un manteau dont les parois 
minces et transparentes sont bordées, sur toute la circonférence, d’un appareil musculaire à 
fibres longitudinales; attachées à la coquille, ces fibres sont destinées à faire mouvoir les 
bords du manteau, à les faire saillir hors de la coquille et à les contracter dans l’intérieur 
des valves. La portion mince du manteau est d’une finesse remarquable, transparente; elle 
couvre une partie assez notable de la surface externe du Mollusque. Cependant elle n’est pas 
aussi étendue que dans beaucoup d’autres genres, parce que les muscles de la circonférence 
occupent une zone presque aussi large que dans la Pandore. On peut encore se faire une 
juste idée de l'étendue de la zone musculaire en voyant la position de l'impression palléale 
dans la coquille, et la largeur de l'espace qui existe entre elle et les bords des valves. 

34. 


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268 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


Les lobes du manteau paraissent égaux ; ils sont Joints dans presque toute leur circon- 
férence ; ils laissent ouverte en avant une petite fente pour le passage du pied. (PI. XXV 4, 
fig. 1 b, b.) Dans la longueur de cette fente, le manteau a une double lèvre festonnée à 
son bord libre, et l'extrémité de chaque feston se prolonge encore en un petit tentacule 
digitiforme. (PI. XXV À, fig. 1 c, c.) La fente palléale dont nous parlons commence à l’ex- 
trémité du muscle antérieur, et elle a à peine un huitième de la longueur totale du bord 
ventral. En arrière, le manteau est pourvu d’un anneau fibreux, épais et large, formant une 
espèce de cul-de-sac, au fond duquel commencent les siphons. Cet anneau musculaire rem- 
place les muscles rétracteurs des siphons; il est composé de faisceaux fibreux longitudi- 
naux et d’autres transverses, situés principalement à l’origine des siphons. (PI. XXV 4, 
fig. 1 e.) 

Un mamelon aplati, obtus, assez épais, donne insertion aux siphons. (PI. XXV 4, fig. 
1 f.) Ceux-ci, réunis jusque près du sommet, sont très-courts pendant la contraction, et 
s’allongent médiocrement comme ceux des Pandores lorsque l'animal les fait fonctionner. 
(PI. XXV 4, fig. 1 g, h.) À la base de ces organes s'élève un seul rang de gros tentacules 
cylindracés, teintés de jaunâtre. (Même figure 1, i.) Le siphon branchial est dépourvu des 
plis si remarquables qui s’observent dans celui de la Pandore. Ces organes présentent donc 
déjà des caractères particuliers qui les différencient de ceux des genres les plus avoisinants. 
Dans toute la ligne dorsale le manteau est pourvu d’un petit appareil musculaire, à fibres 
transverses, qui vient disparaître vers la région du cœur. La portion antérieure passe sur 
le muscle adducteur antérieur et partage en deux la surface dorsale; la portion postérieure 
cache le rectum, passe aussi sur le milieu du muscle postérieur et vient se terminer non 
loin du péricarde. La portion mince, détachée de la masse des viscères jusque dans la ré- 
gion dorsale, laisse à la cavité du manteau une étendue inusitée, qui permet aux branchies 
de se développer largement. 


Musczes. — La masse viscérale est peu considérable, elle occupe réellement peu de 
place dans la cavité des valves ; cependant on retrouve chez cet animal les mêmes organes 
que dans les autres Mollusques acéphalés dimyaires. Les muscles des valves sont peu con- 
sidérables; lantérieur est ovalaire, aplati, et, en cela, il ne manque pas d’analogie avec 
celui des Solens ; il est légèrement courbé dans sa longueur, et c'est au-dessous de lui que 
se trouve l'ouverture buccale. (PI. XXV 4, fig. 2 l; pl. XXV B, fig. 1 b; fig. 2 À.) Le muscle 
postérieur est cylindracé; dans l'animal contracté , il est très-voisin de l'extrémité posté- 
rieure, et nous avons vu, en parlant de la coquille, qu'il est situé très-haut vers la char- 
nière, ce qui prouve que l'extrémité postérieure du manteau jouit d’une grande contrac- 


ühté. (PL XXV 4, fig. 1 k; fig. 2 m.) 


Le Pen. — Le pied est allongé, étroit, très-pointu, triangulaire, légèrement comprimé 
de chaque côté; très-musculeux à son extrémité antérieure, ses parois s’amincissent et ses 
muscles servent d'enveloppe à la partie la plus considérable des viscères. (PI. XXV 4, fig. 1 l; 
pl. XXV B, fig. 2 d, e.) Deux muscles principaux servent à mouvoir cet organe ; dans l’un 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE LYONSIE. 269 


se réunissent toutes les fibres du dos du pied. Ce muscle s’avance jusque vers l'æsophage, et 
là il se bifurque en deux portions égales pour aller s'attacher aux valves, en arrière du muscle 
adducteur antérieur. Un autre muscle, propre au pied, forme le bord ventral de la masse 
viscérale; il se dirige obliquement d'avant en arrière et de bas en haut. Lorsqu'il est par- 
venu un peu en avant du muscle adducteur postérieur, il se bifurque aussi en deux par- 
ties égales, et vient se fixer à la coquille en avant de ce muscle. Indépendamment des 
muscles dont nous venons de parler, le pied est encore consolidé par de nombreux muscles 
transverses qui s'étendent d’une paroi à l’autre et servent d’appui aux principaux organes, à 
travers lesquels ils passent. 

Nous avons été très-surpris de trouver attaché à la base du pied un fort gros byssus, 
composé d’un grand nombre de filaments rudes et cornés sortant d’un pédicule cylin- 
dracé qui, lui-même, est inséré dans une sorte de caroncule formé d'un bourrelet charnu. 
(PI. XXV 4, fig. 1m, n; pl. XXV B, fig. 2 f, g.) En examinant le pied, nous avons vu, du 
sommet à la base, une fente semblable à celle qui se remarque dans le pied des moules et 
des autres Mollusques byssifères. Il serait curieux de constater si le byssus existe aussi dans 
d’autres genres de la famille des Ostéodesmes ; mais, quand même il n’existerait pas, ce ne 
serait pas une raison pour détacher les Lyonsies de ce groupe naturel, et constituer avec 
elles une famille distincte. Nous ferons remarquer en passant qu'il ne faut pas attacher une 
trop grande valeur à la présence ou à l'absence d’un byssus dans la classe des Mollusques 
acéphalés dimyaires, cet organe ne conservant chez ces animaux aucune constance abso- 
lue : c’est ainsi qu'il existe dans certaines Saxicaves et manque dans quelques autres. Nous 
en avons encore retrouvé des traces dans des Vénus, et dans d’autres elles ont disparu; ce- 
pendant l’organisation des animaux des genres mentionnés n’a subi aucune modification 
apparente. 


ORGANES DIGESTIFS. — Les organes digestifs commencent par une bouche transverse 
assez grande, située comme à l’ordinaire dans le fond de l'angle que forment entre eux le 
pied et le muscle adducteur antérieur. Cette bouche est garnie en dessus et en dessous 
d'une lèvre membraneuse assez large; elle se termine, de chaque côté, en une paire de 
palpes labiales allongées et étroites, se dirigeant obliquement de haut en bas et d’avant en 
arrière. Ces palpes sont sublancéolées, désunies et attachées au corps par leur côté le plus 
court, qui est celui par lequel elles se confondent avec les lèvres. Ces palpes sont assez 
épaisses ; leur surface interne est chargée de gros plis membraneux transverses et d'une 
parfaite régularité. La transparence de la membrane extérieure permet de voir au dehors 
les plis dont la surface interne est couverte. (PL. XXV 4, fig. 1 p, q; pl. XXV B, fig. 1 c, 
fig. 2 j, k, L.) 

Un œsophage peu allongé, cylindracé, assez large, descend directement de la bouche à 
travers la masse du foie et vient s'ouvrir dans un estomac en forme d’ampoule et à parois 
très-minces. (PI. XXV B, fig. 1 d.) Cet organe, plongé en partie dans le foie, en partie dans 
l'ovaire, est tellement soudé à ce qui l’environne qu'il nous a été impossible de le débar- 
rasser, et il a fallu enlever une partie de ses parois pour reconnaître sa forme et voir en 


270 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


même temps d'où part l'intestin et où aboutissent les vaisseaux biliaires. Ceux-ci viennent 
se rendre à deux cryptes fort éloignés : l'un est situé dans le voisinage de l'ouverture œso- 
phagienne, l’autre est placé non loin de l'ouverture pylorique. L’intestin se détache de la 
paroi supérieure de l'estomac. (PI. XXV B, fig. 1 f.) Grèle d'abord, il fait plusieurs circon- 
volutions irrégulières dans l'intérieur de l'ovaire ; il pénètre dans le foie, et là 1l se dilate 
en un gros intestin irrégulièrement boursoufle. (PL XXV B, fig. 1 h.) Il remonte oblique- 
ment, en suivant à peu près la direction du bord ventral du pied. Parvenu à la hauteur de 
la bouche, il se dirige vers la région dorsale, se rapproche de l’æsophage, le croise et vient 
redescendre obliquement le long du dos, pour sortir de la masse viscérale à l'endroit où se 
trouve le péricarde. (PI. XXV 4, fig. 2 o.) À son issue le cœur s’y attache; il sort enfin du 
péricarde, s'appuie sur l'organe dépurateur, sur la surface supérieure du muscle adduc- 
teur, se contourne à la circonférence de ce muscle et vient pénétrer dans le siphon anal, 
où il se termine en un anus flottant. (PI. XXV 4, fig. 2 y, pl. XXV B, fig. 2 g.) Jusqu'ici 
nous avons trouvé le tube intestinal des Mollusques acéphalés d'un diamètre à peu près 
égal dans toute sa longueur; dans les Lyonsia, il existe une exception remarquable, puisqu'à 
la suite d’un intestin grêle se dilate un gros intestin qui, après un trajet peu considérable, 
se rétrécit de nouveau pour ne plus subir d’autres changements. Le foie est, dans l’animal 
qui nous occupe, un organe assez considérable. Il envahit la région moyenne et antérieure 
de la masse abdominale, enveloppant l’œsophage, la moitié de l'estomac et une partie de 
l'intestin. Il est divisé en lobes nombreux; ses parties paraissent compactes et homogènes. 
Les lobes, formés de l'assemblage d’un nombre considérable de follicules biliaires, con- 
tiennent les vaisseaux excréteurs de la bile, divisés en rameaux nombreux d’une grande 
finesse. On les découvre par des sections nettes dans le parenchyme du foie. Les vaisseaux 
des lobes aboutissent successivement à deux troncs principaux qui se dirigent vers l'estomac, 
où ils s'ouvrent par les points que nous avons déjà indiqués. 


Ovare.— Nous n'avons pas aperçu, chez les Lyonsies, les organes particuliers qui existent 
chez la pandore et que nous avons reconnus pour être les organes mâles de la génération. 
Si ces organes eussent existé, ils auraient été d'autant plus apparents que l’animal avait 
l'ovaire très-développé, dans un état de turgescence considérable. IL est donc à présumer 
que ces deux sortes d'organes sont confondus, comme cela a lieu si souvent chez les Mol- 
lusques acéphalés. L’ovaire occupe une place considérable dans la masse viscérale ; il rem- 
plit toute la région dorsale, depuis l'extrémité supérieure du muscle adducteur antérieur 
jusqu'à la région du cœur, ne laissant au foie que la partie antérieure de labdomen. 
(PL XXV 4, fig. 2 n; pl. XXV B, fig. 1 j, j.) En ouvrant l'ovaire, nous l'avons trouvé rem- 
pli d'une immense quantité d'œufs attachés à des replis membraneux par de très-longs 
pédicules. Nous retrouvons donc dans cet organe une disposition analogue à celle des 
autres genres; mais comme ici les œufs sont très-gros et les pédicules très-longs, on peut 
facilement constater le mode d’accroissement de ces œufs et la manière dont ils s’attachent 
au parenchyme de l'ovaire. 


Des lambeaux arrachés à l'organe de la génération, soumis à un grossissement de cin- 


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CLASSE PREMIÈRE. - GENRE LYONSIE. 271 


quante diamètres, montrent les œufs à divers degrés de développement. (PI. XXV B, fig. 4.) 
Les plus avancés sont piriformes, terminés par une très-longue queue, dont l'extrémité 
dilatée vient se perdre insensiblement dans l'épaisseur de l'ovaire. L'enveloppe des œufs 
est une membrane mince et transparente occupée par une masse vitelline d’un blanc jau- 
nâtre, contenant au centre la vésicule de Purkinge. À la circonférence existe une couche 
plus transparente, mais qui n’est pas réellement limitée. En augmentant le grossissement 
microscopique jusqu’à deux cent cinquante diamètres, on observe alors dans les membranes de 
l'ovaire des œufs à tous les degrés de développement ; quelques-uns, très-petits, restent encore 
à l’état d’ovule. { PI. XXV B, fig. 3 b, b.) Une très-petite vésicule occupe le centre d’une am- 
poule transparente contenant une petite quantité d’une liqueur homogène, sans nulle 
trace de granules. À un degré plus avancé, les ampoules deviennent plus saillantes, la vési- 
cule de Purkinge est plus grosse ; elle a gagné aussi de la transparence, et l'on commence 
à apercevoir, dans l'intérieur, des granules disséminés. À mesure que cette ampoule s’ac- 
croit, elle devient piriforme, et la forme extérieure se modifie successivement, jusqu'au 
point de prendre celle que nous avons d’abord décrite. À mesure que ce développement 
a lieu, l'œuf se remplit de plus en plus de granules qui sont tout à fait semblables à ceux 
qui sont disséminés dans l'intérieur de l'ovaire. En plaçant un lambeau de l'ovaire entre les 
lames d’un compresseur, et en faisant agir l'instrument avec précaution, on fait sortir de 
intérieur de l'œuf une partie des granules qu’il contient, et ils se répandent par l’ouver- 
ture naturelle qui est ménagée à travers le long col servant de pédicule à la masse prin- 
cipale de l'œuf, (PL. XXV B, fig. 3.) 

Ici constatons une fois de plus ce mode d’accroissement des œufs dans la masse ova- 
rienne , accroissement si différent de ce qui existe chez les animaux vertébrés. L’ovaire 
paraît constitué chez l'animal du Lyonsie d'une manière particulière. Nous n'avons pas 
trouvé de capsule membraneuse contenant un grand nombre d'œufs, mais des membranes 
diversement contournées, et se terminant presque toujours par un pédicule plus épais, 
ce qui donne à ces membranes de la ressemblance avec des entonnoirs qui seraient atta- 
chés par le bec; au reste, n'ayant eu à notre disposition qu'un seul individu pour en faire 
l'anatomie, il nous a été difficile de reconnaître bien exactement, dans son ensemble, la 
structure de l'organe de la génération. Cet organe communique au dehors au moyen d’une 
petite ouverture en forme de boutonnière située de chaque côté au-dessous de la base 
des branchies, à la partie le plus reculée de la masse viscérale , là où elle se Joint à l'organe 
dépurateur. 


ORGANES DE LA CIRCULATION. — N'ayant pu injecter le seul individu de Lyonsia dont nous 
avons disposé, nous n'avons pu suivre le trajet du liquide nourricier à travers les organes ; 
nous ne parlerons donc que du cœur et de ses oreillettes, en indiquant sa forme et sa po- 
sition. Le cœur est situé au milieu de la région dorsale; il correspond exactement à la 
charnière de la coquille; le péricarde qui le renferme est une cavité membraneuse d’une 
médiocre étendue. En avant, elle est limitée par l'extrémité postérieure de la masse abdo- 
minale , en arrière par l'organe dépurateur, et, sur les côtés, elle est protégée par les feuillets 


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272 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


supérieurs de la branchie qui remontent très-haut dans la région dorsale. En dessus, elle 
est formée par la duplicature externe du manteau, devenue assez épaisse dans cet endroit, 
pour qu’elle renferme l’organe sécréteur du ligament. Si l’on faisait une coupe longitu- 
dinale de l'animal, de manière à partager en deux moitiés égales le péricarde, on verrait 
que cette cavité est presque cubique. 

Le ventricule aortique est allongé, fusiforme ; ses parois sont peu épaisses et elles viennent 
se perdre, pour ainsi dire, en avant et en arrière sur l'intestin auquel elles s’attachent. 
(PI. XXV 4, fig. 2, p.) De l'extrémité antérieure de ce ventricule on voit naître une 
aorte antérieure entrant immédiatement dans la masse commune des viscères; de l’extre- 
mité opposée nait aussi une aorte, se dirigeant en arrière et se plaçant entre l'intestin et la 
surface dorsale de l'organe dépurateur. Si nous avions été assez heureux pour recueillir 
plusieurs exemplaires de la Lyonsie de la Méditerranée, nous aurions probablement réussi 
à en injecter quelques-uns, et nous aurions fait connaître le trajet des principaux vaisseaux. 
Nous abandonnons à d’autres observateurs le soin de combler cette lacune , que nous laissons 
à regret dans l'histoire d'un genre aussi curieux que celui-ci. 


ORGANES DE LA RESPIRATION. — Les organes branchiaux sont très-considérables ; ils s’é- 
tendent sur toutes les parties latérales de l'animal, depuis la base des palpes labiales jusqu'à 
l'ouverture des siphons. Il semble, au premier aspect, qu'il n'existe, de chaque côté, qu'un 
seul feuillet branchial. Lorsque, après avoir désuni les lobes du manteau, on examine l’animal 
couché sur le dos, on voit saillir, dans la cavité palléale, un seul feuillet branchial de chaque 
côté. Au-dessous du pied, le feuillet d’un côté se Joint à celui du côté opposé, et tous deux 
réunis ils se continuent ainsi jusqu’à leur extrémité postérieure. Si on place l'animal sur un 
côté et qu'on le dépouille entièrement de lun des lobes du manteau, on reconnait alors 
l'existence d’un second feuillet branchial, mais qui, au lieu d’être couché à côté du premier, 
est, au contraire, renversé vers le dos et remonte ainsi jusque dans la profondeur de la cavité 
palléale. (PL XXV 4, fig. 1, v, v.) Pour faire bien comprendre la disposition de ce feuillet 
par rapport au premier, nous rappellerons que, dans l'état ordinaire de ces organes, chez 
le plus grand nombre des Mollusques, les deux feuillets sont placés lun sur l’autre, 
comme ceux d'un livre fermé, tandis qu'ici ils sont comme les feuillets d'un livre ouvert ; 
seulement ce sont des feuillets inégaux, dont le plus grand descend dans la cavité palléale, 
tandis que le plus petit remonte dans la région dorsale. La séparation des deux feuillets 
se montre au dehors par une ligne déprimée, un véritable sillon, qui descend obliquement 
de haut en bas et d'avant en arrière. Cette inégalité de largeur n'est pas la seule; le feuillet 
le plus étroit est également le plus court, le premier est plus large en avant, très-atténué 
en arriére ; le contraire a lieu pour le second. (PI, XXV 4, fig. 1, u, u, v, v.) 

Si l'on renverse en dehors le grand feuillet branchial, on peut juger alors de son épais- 
seur, et lon voit aussi comment il s'attache sur les parties latérales du corps en suivant 
exactement le trajet de la ligne de séparation des deux feuillets entre eux. Composé de deux 
parois adossées, le grand feuillet a son bord interne libre (pl. XXV B, fig. 2 m, m), c'est 
par la paroi externe que se produit l’adhérence. Sous le bord libre se montrent les cloisons 


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PENDANT LES ANNÉES 1840, 1841, 1842 


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PUBLIÉE 


PAR ORDRE DU GOUVERNEMENT 


ET AVEC LE CONCOURS D’UNE COMMISSION ACADÉMIQUE 


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SCIENCES PHYSIQUES 


ZOOLOGIE 


HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES 


PAR M. DESHAYES 


MEMBRE DE LA COMMISSION SCIENTIFIQUE D'ALGÉRIE 
CHEVALIER DE LA LÉGION D'HONNEUR 


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QUATORZIÈME LIVRAISON 


CONTENANT 


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COMPARATIVE ZOÜLOGY, 


AT HARVARD COLLEGE, CAMBRIDGE, MAS. 


Hounvded by private subscription, fn 1861. 


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CLASSE PREMIÈRE, — GENRE LYONSIE. 273 


branchiales nombreuses au moyen desquelles les parois se rattachent l'une à l'autre, et qui 
constituent de véritables canaux dans lesquels les œufs doivent séjourner pendant un temps 
assez long. (PL. XXV, B, fig. 2 n, n.) Le second feuillet branchial n’est pas constitué exac- 
tement comme son congénère; il n’a pas les deux parois, et, à cause de cela, on pourrait le 
considérer comme un demi-feuillet. Cependant, à la base de ce demi-feuillet, il existe aussi 
une rangée de perforations, là où aboutissent les sillons de la surface interne; mais elles sont 
infiniment plus petites que celles du grand feuillet, et on les aperçoit, au reste, dans cette 
portion de la branchie qui, dépassant la masse abdominale, sert à compléter le siphon anal. 
(PL XXV, 4, fig. 2 t,u,v, x.) Pour bien juger de la position et des rapports des petits 
feuillets branchiaux, il faut placer l'animal sur le ventre et les renverser à droite et à gauche 
jusqu'à leur point d'insertion. 

Comme nous l'avons dit, le bord interne du grand feuillet branchial est détaché du corps; 
pendant la vie, il était probablement fixé sur les parties latérales de l'abdomen; mais 
il est certain qu'en arrière il est soudé à une petite saillie membraneuse du manteau, 
qui accompagne la masse abdominale, s'étend sur le muscle adducteur postérieur jusqu'à 
l'entrée du siphon anal. (PL XXV, 4, fig. 2 p, p.) Au moyen de cette adhérence, ce 
siphon se trouve entièrement séparé de la cavité palléale; de cette manière aussi les 
œufs pondus ne peuvent pénétrer dans la cavité palléale, mais ils sont obligés de circuler 
dans le canal sous-branchial ou de tomber dans le siphon anal pour être expulsés au de- 
hors. Comme on pourrait le croire, les grands vaisseaux branchiaux ne sont pas à la sépara- 
tion des deux feuillets, là où ils se soudent aux parties latérales de l'animal : ces vaisseaux 
sont plus en dedans, et on les voit, accompagnés du nerf branchial, formant une crête sur 
le bord interne du grand feuillet branchial. | 

La surface externe des branchies est découpée par des sillons étroits et profonds. Pour 
bien comprendre l’état de cette surface, il faut la considérer comme très-finement plissée ; 
de sorte que si l’on parvenait à la détacher et à la déplisser, elle présenterait une surface 
au moins double d’étendue. Les plis dont il s’agit ne contiennent pas seulement un vaisseau 
branchial ; toute la surface est couverte de stries très-fines dont chacune résulte de la pré- 
sence d’un vaisseau. Le sommet des feuillets branchiaux est partagé par un sillon assez pro- 


fond, en deux lèvres élégamment crénelées; il indique le point de jonction des deux parois. 
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Le petit feuillet offre une structure peu différente de celle du plus grand; seulement, n'ayant 
qu'une seule paroi, les stries des deux côtés ne sont pas semblables; les externes ressemblent 
parfaitement à celles du grand feuillet, celles du dessous sont moins saillantes, elles sont 
convexes et d’une parfaite régularité. Indépendamment des stries longitudinales, on en 
aperçoit de transverses dans la profondeur des plis ; elles sont produites par des vaisseaux 
qui, s'anastomosant avec les longitudinaux, constituent un réseau branchial à mailles qua- 
drangulaires plus hautes que larges. 


ORGANE DÉPURATEUR. — Dans le genre qui nous occupe, l’organe dépurateur est considé- 
rable, il est à la même place que chez les autres acéphalés dimyaires; on le trouve donc 
dans la région dorsale, en arrière du péricarde, dans un espace subpyramidal compris entre 

Zoo. — Mollusques. 1. à 35 


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274 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


les muscles rétracteurs postérieurs du pied, le muscle adducteur postérieur des valves, et 
enfin, borné du côté du dos, par l'anus et la zone fibreuse du manteau. La pointe de la 
pyramide est ainsi dirigée en avant, tandis que la base, légèrement concave, s'appuie sur la 
surface du muscle adducteur. (PI. XXV 4, fig. 2 z, z.) Lorsqu'on a soulevé l'extrémité flot- 
tante des branchies, et que la surface interne du siphon anal est mise à découvert, on 
retrouve de ce côté la face ventrale de l’organe dépurateur; on y voit les nerfs branchiaux 
qui s'y appuient. (PL XXV B, fig. 2 p, p.) La surface de l'organe paraît toute granuleuse 
quoique parfaitement lisse; cela vient de ce qu'un grand nombre de granulations blanchâtres 
sont noyées dans l'épaisseur d’un parenchyme mollasse. Divisé en dedans en deux cavités 
égales et symétriques par une cloison longitudinale , l'organe dépurateur offre, de chaque 
côté, une grande cavité à parois assez minces, couvertes d'un grand nombre de sinuosités 
irrégulières, ainsi qu'un pilier oblique se dirigeant vers l'extrémité antérieure, son extré- 
mité venant s’appuyer en s'infléchissant, sur la cloison. Au point de contact de l'organe avec 
la partie supérieure de la masse viscérale, il existe une ouverture communiquant avec la cavité 
abdominale. Il nous a été impossible d’apercevoir l'ouverture extérieure au moyen de laquelle 
l'organe dépurateur se décharge au dehors des produits de sa sécrétion. Nous aurions tenté 
des efforts pour la découvrir, si nous avions disposé de quelques individus pour les sou- 
mettre à des recherches anatomiques; mais l'existence de ce canal, constaté chez les Solens 
et plusieurs autres genres, nous autorise à croire qu'il ne manque pas dans l'animal du 
Lyonsia. 


SysTÈME NERVEUX. — Nous avons pu étudier la plus grande partie du système nerveux, 
et ce système nous à apparu dans le même plan que celui des autres Mollusques du même 
ordre. En effet, lorsqu'on a détaché l’un de l’autre les feuillets branchiaux, on voit au-dessous 
d'eux, appuyé sur la surface interne du muscle postérieur des valves, un gros ganglion 
quadrangulaire, dans lequel on n’aperçoit aucune trace de soudure. Des angles postérieurs 
partent, en divergeant, deux grosses branches qui, parvenues à la hauteur de l'anus, se 
bifurquent en deux rameaux ; l'un s’infléchit sur le muscle, donne quelques filets à Panus, 
et remonte pour se distribuer dans la région supérieure et dorsale du manteau, après avoir 
produit un filet assez gros pour le muscle adducteur lui-même ; l'autre branche se porte 
dans l'épaisseur des parois des siphons. Un filet plus gros se dirige vers la région ventrale 
du manteau. (PI. XXV B, fig. 2 æ, y, z.) De l'angle antérieur du ganglion naissent deux paires 
de nerfs, pour ainsi dire superposés. Le nerf branchial, après avoir remonté jusqu'au point 
où commence l’'adhérence des branchies, s'infléchit subitement au-dessous d’elles et ac- 
compagne les vaisseaux branchiaux jusqu'à l'extrémité postérieure de l'organe de la respi- 
ration. (PI. XXV B, fig. 2 «, a.) 

Les nerfs viscéraux, parvenus à la limite de l'organe dépurateur, au point où cet organe 
entre en communication avec l'abdomen, passent sous les parois abdominales, suivent à 
peu près la direction de l'insertion des branchies, et viennent se terminer aux ganglions 
antérieurs que l’on trouve immédiatement au-dessous de la lèvre supérieure. Les ganglions 
labiaux sont assez gros ; un nerf de commissure les réunit par leur angle interne. De l'angle 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE LYONSIE. 275 


externe s’échappent plusieurs branches; l'une, plus petite, se rendant aux lèvres et aux 
palpes; l’autre, très-grêle, se jetant obliquement dans la portion mince du manteau et se 
dirigeant vers la commissure inférieure de l'ouverture du pied. Enfin, une troisième branche 
se porte en avant, s'attache à la surface interne du muscle adducteur antérieur, donne à 
ce muscle un rameau nerveux particulier; et, parvenue à la commissure antérieure du man- 
teau, un rameau s'échappe en arrière, tandis que la branche principale, se plaçant sur 
le muscle transverse du bord palléal, descend en arrière, où elle disparaît insensiblement. 
(PL XXV B, fig. 2 8, 8.) 

Les ganglions labiaux, par leur face interne, donnent naissance, de chaque côté, à un 
gros nerf abdominal qui se dirige obliquement d'avant en arrière, et de haut en bas, dans 
l'intérieur du pied. Ces deux nerfs, d’abord écartés à leur origine, convergent l'un vers 
l'autre pour se terminer à un gros ganglion pédieux, noyé dans l'épaisseur du foie, dans 
le triangle formé par l'œsophage, lestomac et le grand anse intestinal. Ce ganglion est 
arrondi, jaunâtre, très-mollasse. De sa circonférence nous avons vu s'échapper trois paires 
de nerfs d’une grande mollesse, et que nous n'avons pu suivre dans leur distribution. 


(PL XXV, B, fig. 1 5.) 


CONCLUSION. 


Ce que nous venons de rapporter du genre Lyonsia justifie complétement la création 
de ce genre, et nous verrons bientôt, par son analogie avec l’animal des Thracies, qu'il était 
| nécessaire de fonder, pour ce genre et ceux que nous avons déjà mentionnés, une famille 
| particulière. 


| La coquille se distingue facilement de celle de tous les genres connus. Inéquivalve, comme 
les Corbules et les Pandores, elle n’a point de charnière articulée. Dans les Corbules, la 
| valve droite est la plus grande; dans le Lyonsia, c’est la valve gauche; le test des Corbules 
| est toujours épais, solide, non nacré; celui des Lyonsia est, au contraire, mince, fragile et 
toujours nacré; par conséquent la comparaison des coquilles seules rend très-facile la dis- 
tinction des deux genres. Quant aux Pandores, elles sont minces et nacrées comme les Lyon- 
sia, mais on les reconnait à leur valve droïte tout à fait plate et même concave, tandis que 
cette même valve est toujours bombée et convexe dans les Lyonsia. Indépendamment de 
tous ces moyens de distinction qui existent entre ces genres, il en est un plus important 
que tous les autres et qui réside dans la structure toute spéciale de la charnière. Deux 
cuillerons divergents, appliqués le long du bord postérieur, donnent insertion à un ligament 
large, dans l'épaisseur duquel se développe un osselet aplati, triangulaire. 

L'impression palléale, ainsi que celle des muscles, se rapproche un peu de ce que lon 
voit dans les Pandores. Néanmoins ces impressions conservent des caractères particuliers 
que l'on ne retrouve dans aucune autre famille. 

Quant à l'animal, il se distingue profondément de celui de tous les genres connus. Les 
lobes de son manteau, soudés dans presque toute leur circonférence, laissent en avant une 

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276 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


fente très-courte, bilabiée et festonnée pour le passage du pied. Les siphons très-courts 
réunis à la base, détachés au sommet, sont dépourvus de valvules à l'intérieur; leur bord 
terminal est simple, mais à leur base s'élève un seul rang de gros tentacules cylindracés 
restant uniformément les mêmes pour les deux siphons. 

Le pied allongé, pointu, porte un byssus attaché à une sorte de caroncule, situé à la base 
de l'organe de la locomotion. 

La présence du byssus indique, chez les Lyonsia, des mœurs différentes de celles des 
Pandores et même des autres genres de la famille des Ostéodesmes. Cet animal ne vit pas 
dans le sable et on doit le trouver attaché aux corps solides plongés à une faible profon- 
deur sous les eaux de la mer. 

Cet animal se distingue encore par la grandeur et la disposition des palpes labiales. Ces 
parties sont plus inclinées de haut en bas que dans la plupart des autres Mollusques ; elles 
tombent, pour ainsi dire, en accompagnant le bord antérieur des feuillets branchiaux. 


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Dans leur ensemble, les organes digestifs présentent un fait remarquable. L’intestin, or- 


 
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dinairement d’un égal diamètre dans tout son trajet, offre ici les deux conditions qui se 
remarquent dans les animaux d'un ordre supérieur. Il peut, en effet, se diviser en deux por- 
tions distinctes : la première, pour l'intestin grêle, et la seconde, plus courte, pour un gros 
intestin boursouflé. 

L'ovaire nous a présenté la même constitution que chez les autres Mollusques. Cepen- 
dant les œufs, à l’état embryogénique, sont attachés aux membranes de l'ovaire par un 
pédicule extrêmement long, et leur volume, un peu plus considérable, permet de les aper- 
cevoir à l'œil nu, Les œufs détachés sortent sous les feuillets branchiaux au moyen d’un 


So. 


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oviducte de chaque côté percé au-dessous des branchies sur les parties latérales les plus 
profondes de la masse abdominale. 

L'organe central de la circulation, le cœur, est dans la région de l’animal qui correspond 
à la charnière, Le ventricule fusiforme est attaché à l'intestin et il reçoit, de chaque côté, 
une oreillette triangulaire et membraneuse. 

L'organe de la respiration est l'un de ceux qui caractérisent le mieux le genre Lyonsia 
en particulier et tous les genres connus jusqu'ici dépendants de la famille des Ostéodesmes. 
Des deux feuillets branchiaux très-inégaux, le plus grand fait saillie dans la cavité palléale; 
le plus petit remonte vers le dos dans une direction opposée. Ils sont placés sur les flancs 
de l'animal comme les feuillets d’un livre ouvert et profondément séparés par un sillon 
qui coïncide au point où les organes s’attachent au corps; en arrière, les branchies s'u- 
nissent et se prolongent pour fermer et compléter le siphon anal. 

Le système nerveux, dans sa distribution générale, présente la plus grande analogie avec 
celui des autres Mollusques du même ordre. Les nerfs postérieurs restent plus longtemps 
sans se diviser, et la portion ascendante des nerfs branchiaux est, en proportion, plus longue 
que dans ceux des Mollusques que nous avons décrits jusqu'ici. 

Si, d’après les faits actuellement connus, nous cherchons à établir les rapports du genre 
Lyonsia, nous verrons que c’est des Pandores qu'il se rapproche le plus, non-seulement par 
la forme du pied, la brièveté des siphons, mais encore par la forme et la grandeur des 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE LYONSIE. 277 


grands feuillets branchiaux, puisque, chez la Pandore, nous n'avons trouvé qu'une seule paire 
de ces organes, et les premiers rudiments du second feuillet, si bien développé dans les 
Lyonsia. Par conséquent, dans la méthode, la famille des Ostéodesmes doit suivre celle des 
Pandores; en tête de cette famille doit se trouver le Lyonsia, parce qu'il a plus d'analogie 
avec les Pandores que les Anatines et les Thracies. 


LYonsrA corRUSCANS. Deshayes. 


Oran, la Sicile, la mer de Naples; fossile dans les terrains tertiaires 


de la Sicile. 


L. Testà transversim oblongà, tenui, pellucidäà, albà, anticè rotundatà, radiatim striatà; striis elevatis 
undulatis: umbonibus tumidioribus, lunulà lanceolatà, angustissimä angulo obtuso circumscriptä. 


Tellina corruscans, Scaccui, Observat. zoolog. pag. 14. 
Pandorina corruscans, Scaccur, Cat. conch. reg. Neap. pag. 6. 
Tellina corrascans, Decze Cuiase, Anim. sans vert. pl. 96, fig. 10. 


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TRS 


Pandorina corruscans, Pairippr, Arch. für naturg. wiegm. 1839, pag. 122. 
Idem, Parier, Ann. nat. histor. n° 25, pag. 294. 


aie 


Osteodesma corruscans, Pirippt, Enum. moll. Sicil. tom. Il, pag. 15. 
Fossrzis Pandora? Æquivalvis, Paiciprr, Enum. moll. Sicil. tom. I, pag. 18. 


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Nous conservons cette espèce sans avoir la conviction entière qu'elle est parfaitement 
distincte du Lyonsia norwegica; rare dans les collections, nous n'avons pu en examiner un 
nombre suffisant d'individus pour distinguer nettement les deux espèces ou pour les réunir 
en une seule. La comparaison des animaux facilitera la solution de cette difficulté que nous 
éprouvons, et, si des observateurs plus heureux que nous démontrent l'identité des deux 
espèces, il sera bien facile de réunir leurs synonymies. 

Les différences que nous avons remarquées entre le Lyonsia corruscans et le norwegica ne 
sont pas considérables; cette coquille est transverse, oblongue, presque équilatérale ; elle 
est étroite et se rapproche de la forme cylindroïde. Le norwegica est, en proportion, plus 
large et moins bombé ; l'extrémité antérieure est arrondie, l'extrémité postérieure est tron- 
quée perpendiculairement au grand axe; les crochets sont enflés, mais peu saillants au-dessus 
du bord dorsal; ils s'inclinent à peine en avant, ils se touchent et sont à peine inégaux; 
une lunule très-étroite occupe le côté antérieur du bord dorsal; elle est circonscrite par 
un angle obtus, et elle ne reçoit aucune strie. Lorsque la coquille n’a pas perdu son épi- 
derme, sa surface est couverte de fines stries saïllantes qui, à peine visibles sur les crochets, 
deviennent très-apparentes vers les bords des valves: ces stries sont très-étroites, subécail- 
leuses et souvent deviennent onduleuses en approchant des bords. L'épiderme est très-mince, 
souvent d’un blanc jaunâtre, quelquefois plus brunâtre, surtout vers les bords; en arrière des 
crochets, il passe d’une valve à l’autre et remplace, en quelque sorte, le ligament extérieur, ” 
sans cependant en remplir les fonctions. 


278 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


C'est à Mers-el-Kebir, près d'Oran, en draguant sous les murs du fort, que nous avons 
trouvé un seul individu de Lyonsia ; il était attaché par son byssus à un fragment de poterie 
depuis longtemps submergé, car il était couvert de serpules et de polypiers; le fond est ro- 
cailleux, sans sable, formé de débris mobiles et a huit ou dix brasses de profondeur. Malgré les 
soins que nous avons pris pour faire vivre cet animal , il n’a exécuté aucun mouvement; il 
est resté contracté. Quoique nous eussions le soin de renouveler l'eau très-souvent, en très- 
peu de temps elle prenait une teinte noirâtre, comme si on y eût jeté une petite quantité 
d'encre de la Chine. L'alcool dans lequel nous conservâmes notre Lyonsia acquit aussi cette 
même couleur qui, ayant imprégné l'animal, lui a donné une nuance qu'il n'avait pas; car 
au moment où nous le retirämes de la drague, la couleur générale de la coquille, très- 
transparente, ne nous permit pas de douter que l'animal était blanc ou d’un blanc jpauntre. 

La Synonymie, c'est là un de ses avantages, retrace fidèlement l'histoire des espèces, 
lorsqu'elle est complète; pour celle-ci, elle est peu considérable. M. Scacchi découvrit l'espèce 
dans les mers de Naples, et, trompé par le pli qui circonscrit le côté postérieur, pli assez 
semblable à celui des Tellines, il la rangea d’abord dans le genre que nous venons de citer. 
Bientôt après, M. Delle Chiaje, qui publiait des planches pour la continuation de ses Mé- 
moires sur les animaux sans vertèbres des mers de Naples, figura l'espèce, également sous 
le nom de Telline. Dans son voyage en Sicile, M. Philippi découvrit la même coquille à l'état 
fossile, il la figura et la décrivit dans le premier volume de son ouvrage, et l'introduisit avec 
doute dans le genre Pandore. La même année 1836, M. Scacchi, n'ayant pas connaissance 
de nos travaux publiés sur les coquilles du genre, proposa son genre Pandorina qui, d’abord 
adopté par M. Philippi, fut ensuite abandonné de lui, et lespèce fut comprise dans notre 
genre Ostéodesme. Ce que nous avons dit précédemment prouve que la Pandorina corrus- 
cans, Scacchi, Osteodesma corruscans, Philippi, est une véritable Lyonsia, et peut-être même 
une variété du Lyonsia norwegica. 


GENRE DOUZIÈME. 
THRACIE, Taracra. Leach. 


Entre le genre Lyonsia et celui-ci, il y en a plusieurs autres qui devraient s’intercaler, 
et au moyen desquels on comprendrait plus facilement les rapports naturels qui existent 
entre eux; mais ces genres, ne se trouvant point dans la Méditerranée, ne peuvent être com- 
pris dans notre travail; il nous suffira de les rappeler pour faire voir comment se rattache 
à eux le genre Thracie, qui doit être placé à la fin de la famille des Ostéodesmes. 

Les Anatines, ainsi que nous l'avons observé le premier, ont, pour la plupart, un osselet 
tricuspide, attaché au côté antérieur des cuillerons de la charnière; et comme la coquille 
est très-mince , les cuillerons eux-mêmes sont soutenus par une lame saïllante, en arc-bou- 
tant, s’avançant obliquement dans l'intérieur des valves; mais un des caractères les plus 
particuliers de ce genre consiste en une fente naturelle qui existe dans toute l'épaisseur 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE THRACIE. 279 


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du test, depuis les crochets jusque vers le point où se terminent les arcs-boutants. Cette 
fente est soutenue par un épiderme fort mince, passant d’un bord à l'autre. Nous avions 
supposé, d'abord, que cette fissure résultait du contact des deux branches supérieures de 
l'osselet cardinal; mais, depuis, des observations plus précises nous ont permis de nous 
assurer que la fente en question résultait de la présence d’une petite expansion postérieure 
du ligament. Comme il y a une solution de continuité complète, en profitant de l’élasticité 
du test, il est possible de faire jouer l'un sur l’autre les deux bords de la fente. 

Le genre Périplôme est une modification singulière de celui des Anatines ; sa coquille 
étant plus épaisse el plus solide, les cuillerons y ont trouvé un point d'appui suffisant, et 
l'arc-boutant s’est presque entièrement effacé. Le côté postérieur étant subitement tronqué, 


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les crochets des valves se trouvant ainsi transportés en arrière, il en est résulté pour la | 
charnière une disposition spéciale. En s’avançant d’arrière en avant, le cuilleron à laissé 
entre lui et le bord cardinal, un intervalle profond, triangulaire, dans lequel un osselet, 
également triangulaire et cunéiforme, est venu s'interposer, s’attachant au ligament par une 
partie notable de sa surface. Au sommet des valves, on retrouve encore une trace de la 
fente naturelle que nous avons signalée dans les Anatines. C’est à la suite de ce genre 
Périplôme que les Thracies doivent se ranger dans la famille des Ostéodesmes. 

Les coquilles du genre Thracie ont été connues fort anciennement. Petiver, en 1664, 
en figure une espèce des mers d'Angleterre, dans son ouvrage connu sous le titre de Gazo- 
phillacium. Un siècle plus tard, Pennant en représentait aussi une espèce des mêmes mers 
dans sa Zoologie britannique, et il la place parmi les Tellines. Quelques années plus tard, 
Poli en découvrait une espèce très-distincte dans les mers de Naples. Il lui imposa le nom 
de Tellina papyracea, lorsque, en 1791, il la décrivit et la fit représenter dans son grand 
ouvrage; mais pendant longtemps cette découverte de Poli fut oubliée, car cette même 
espèce, retrouvée depuis, a reçu plusieurs autres noms. 

Donovan n'accepta pas l'opinion de Pennant et de Poli, il aima mieux introduire dans 
le genre Mye les coquilles que l'on rapportait à tort aux Tellines. Celles-ci sont, en elfet, 
des coquilles aplaties, à valves égales ou presque égales, et portant toujours le ligament à 
l'extérieur, tandis que les coquilles dont nous nous occupons, par leur forme extérieure, 
l'inégalité de leurs valves, et surtout par la position du ligament, se rapprochent davantage des 
Myes de Linné, ilne faut pas oublier que parmi les espèces linnéennes figure le Mya lutraria, 
dans laquelle les cuillerons se projettent horizontalement dans l’intérieur des valves. Tous les 
auteurs anglais qui ont traité des Mollusques, soit d’une manière spéciale, soit d’une manière | 
générale, ont, sans exception, admis les Thracies dans le genre Mya de Linné ; si l’on consulte 
les ouvrages de Montagu, ceux de Matton et Rackett, la deuxième édition de l'ouvrage de | 
Pennant, la Conchyliologie universelle de Wood et le Catalogue de Dillwynn, on acquerra | 
la preuve de ce que nous avançons. En 1819, M. Turton admettait encore ces coquilles | 
parmi les Myes, ainsi qu'on le voit dans son Dictionnaire de conchyliologie. En 1825, M. de 
Gerville, dans son Catalogue des coquilles de la Manche, et même, en 1828, M. Wood, 
dans son /ndex testaceologicus, conservérent aux coquilles qui nous occupent le nom de 
Mya, quoique depuis longtemps elles eussent été mieux placées dans la méthode. En effet, | 

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280 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


dès 1818, Lamarck, dans le tome V de son Histoire des animaux sans vertèbres, trans- 
portait l'une des espèces principales parmi les Anatines; mais il est vrai de dire qu'une 
espèce plus petite était confondue par lui dans son genre indigeste des Amphidesmes. 
M. Turton profita le premier, en Angleterre, des lumières que le célèbre zoologiste français 
avait répandues sur la conchyliologie. En 1822, dans l'excellent ouvrage qu’il publia sur les 
coquilles bivalves de l'Angleterre, il rapporta au genre Anatine toutes les Thracies, dont 
cinq espèces étaient déjà constatées dans les mers d'Europe. Il faut ajouter que dans ce 
genre Anatine, Turton laisse subsister quelque confusion, en ÿ introduisant deux espèces 
étrangères aux Thracies. 

Leach qui, dès 1814, s'était fait connaître par de bons travaux sur la zoologie, avait 
préparé un ouvrage considérable sur les Mollusques et les coquilles de la Grande-Bretagne. 
Cet ouvrage, dont nous avons vu autrefois quelques planches très-bien gravées, entre les 
mains de M. de Blainville, n’a jamais été publié. Quelques exemplaires, échappés des mains 
de l’auteur avant sa mort, sont d’une telle rareté qu'il est impossible de les considérer 
comme une véritable publication; aussi il faut regarder comme non avenue toute la nomen- 
clature que l'auteur y avait préparée. C’est pour l'ntroduire dans cet ouvrage, nous le sup- 
posons du moins, que Leach a créé son genre Thracie, dont la conservation nous est due. 

En 1824, lorsque nous cherchions à réformer le genre Anatine de Lamarck, nous vimes, 
dans la collection de M. Brongniart, une coquille que Lamarck comprenait dans ses Ana- 
tines (Anatina myalis). Elle était étiquetée de la main de Leach et portait le nom de Thra- 
cia myalis. Cet examen nous conduisit à adopter le genre du zoologiste anglais, et bientôt 
après, dans le Dictionnaire classique, nous en fimes figurer une espèce que nous commu- 
niquâmes à M. de Blainville, ce qui détermina ce savant à adopter, comme nous, le genre 
Thracie. Dans son Traité de malacologie, M. de Blainville introduit une fâcheuse confusion 
dans la plupart des genres de notre famille des Ostéodesmes; il donne d’abord comme type 
des Anatines de Lamarck, l’Anatina myalis, qui est une véritable Thracie; puis il présente une 
espèce voisine comme exemple du genre Thracie, sous le nom de Thracia pubescens, car 
le Mya pubescens de Montagu est la même espèce que le Mya declivis de Dorset et de 
Matton et Rackett. M. de Blainville, dans les dernières additions et corrections du Traité 
de malacologie, page 659, en parlant des Anatines, dit de supprimer la division À, conte- 
nant l'Anatina myalis, parce qu’elle sert de type au genre Ostéodesme ; cela prouve que 
M. de Blainville avait mal compris les indications que nous lui avions données, notre genre 
Ostéodesme ayant été établi pour le Mya solemyalis de Lamarck, auquel nous ajoutions 
alors le Mya norwegica des auteurs. Il résulte de cette erreur que M. de Blainville caracte- 
rise notre genre Ostéodesme d’après l'animal et d’après une coquille du genre Thracie. A 
cette espèce, introduite à tort dans nos Ostéodesmes, M. de Blainville en joint une autre, 
l'Anatina trapezoidalis de Lamarck, pour laquelle Schumacher a proposé son genre Péri- 
plôme, que déjà nous avions adopté à cette époque. 

Aïnsi il est bien certain que, tout en conservant le genre Thracie, M. de Blainville 


le reproduit sous le nom d'Ostéodesme, en confondant avec lui le Périplôme de Schu- 
macher. 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE THRACIE. 281 


Dans nos articles du Dictionnaire classique et dans ceux de l'Encyclopédie, nous avons 
rendu au genre qui nous occupe ses principaux caractères. Ainsi, dès 1832, le genre 
Thracie était assez nettement déterminé pour être introduit dans la méthode et y prendre 
sa place naturelle. À dater de cette époque, presque tous les conchyliologues l’adoptèrent. 
Cependant quelques-uns, tels que Cantraine, Lyell, Scacchi, Philippi, laissérent subsister 
quelque confusion entre ce genre et celui des Anatines. Tout récemment encore, M.Thorpe, 


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dans son petit ouvrage sur les Coquilles marines d'Angleterre, laissa des Thracies parmi les 
Anatines, tandis que M. Delle Chiaje, dans les planches préparées pour la suite de ses 
Mémoires sur les invertébrés des mers de Naples, a reproduit l'espèce de Poli, en lui con- 
servant le nom de Telline. 

Tout ce que nous venons de dire au sujet des Thracies se rapporte seulement aux es- 
pèces vivantes; cependant il en existe de fossiles non-seulement dans les terrains tertiaires, 
mais encore dans les crétacés et ceux du Jura. Les naturalistes qui ont mentionné les es- 
pèces des terrains anciens n’en ont pas toujours connu les caractères. C’est ainsi que 
M. Roëmer, par exemple, dans son excellent ouvrage sur les terrains oolitiques de l'Alle- 
magne, a confondu les Thracies avec les T'ellines. M. Goldfuss , dans son grand ouvrage sur 
les pétrilications de l'Allemagne, en met une partie dans les Tellines et rapporte d’autres 
espèces aux Sanguinolaires. Enfin , M. Agassiz, qui a fait d'excellents travaux sur les poissons 
fossiles, ayant entrepris, après une étude approfondie, un ouvrage sur un certain nombre de 
genres qu'il attribue à la famille des Myes, proposa un genre Corimya, dans lequel nous 
remarquons aussi quelques espèces de véritables Thracies. 

Nous ne pouvons terminer cette histoire sans mentionner une note récemment publiée 
par M. Récluz, dans la Revue zoologique, par la société cuviérienne. Dans cette note, 
M. Récluz revendique, en faveur de M. Fleuriau de Bellevue, l'honneur de la création du 
genre bien longtemps avant que Leach eût pensé à le créer à son tour. Voici sur quoi 
l'opinion de M. Récluz se fonde. M. Fleuriau de Bellevue, en 1803, a publié un très-bon 
mémoire sur quelques nouveaux genres de Mollusques et de vers lithophages. Dans ce 
mémoire se trouve un genre Rupicole, dont les caractères, malheureusement exposés avec 
trop de brièveté, s'accordent cependant avec ceux des Thracies, sans qu’il soit possible 
d'acquérir la certitude, d’après le mémoire seul, qu’en effet les Rupicoles et les Thracies 
appartiennent à un même genre. M. Fleuriau de Bellevue avait envoyé à Lamarck une coquille 
de son genre Rupicole. Ce dernier l'avait d’abord adopté dans la classification générale qui 
fait partie de l’Extrait du cours; mais, plus tard, renonçant à ce genre, 1l reporta l'espèce 


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parmi les Anatines, sans lui conserver sa première dénomination spécifique imposée par 
. Fleuriau de Bellevue. 
M. F1 de Bell 


Pour reconnaître l'identité des caractères génériques entre les Rupicoles et les Thracies, 


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il fallait donc recourir à la collection de Lamarck, qui malheureusement n’était visible pour 
personne lorsque nous restaurâmes le genre Thracie. Ainsi, en 1824, avant nos recherches 
sur cette matière, le genre Rupicole de M. FI. de Bellevue était tout aussi incertain que le 


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genre Thracie de Leach; mais par nos soins, ce dernier a repris l'antériorité, uniquement 
parce que la collection de M. Brongniart nous a été ouverte, tandis que celle de Lamarck 


Zoo. — Mollusques. 1. 36 à 


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282 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


n'était vue de personne, à cause de la fatale infirmité qui a frappé, dans les derniers temps 
de sa vie, l'illustre auteur des Animaux sans vertèbres. Peut-être n’y a-t-1l pas dans les fastes 
de la science un second exemple de deux genres établis à deux époques différentes, mais 
dont le plus récent, adopté de tout le monde, aura pris droit de priorité, et aura dû sa con- 
servation définitive à des circonstances aussi fortuites que celles que nous venons de rappeler. 


Coquizze.— On reconnaît avec facilité les coquilles du genre Thracie à l'aide de l’ensemble 
de leurs caractères et plus spécialement au moyen de ceux de la charnière. Ce sont des coquilles 
oblongues, transverses , ovalaires, subéquilatérales et toujours inéquivalves; mais les valves 
ne sont point inégales de la même manière que dans les Pandores; dans celles-ci, c’est la valve 
gauche qui est la plus profonde, dans celles-là, c'est la droite. En cela, les Thracies se rappro- 
chent donc des Corbules. Le côté antérieur est arrondi, très-obtus; le postérieur est large, 
tronqué perpendiculairement dans toute sa longueur; les valves sont légèrement béantes, le 
bord ventral est médiocrement courbé dans sa longueur, et cette courbure se continue insen- 
siblement avec celle du bord antérieur; à l'extrémité postérieure, au contraire, elle se ter- 
mine brusquement en un angle presque droit et toujours un peu arrondi. Le bord supé- 
rieur et dorsal est interrompu dans le milieu par la saillie des crochets; ceux-ci sont assez 
grands, protubérants, très-rapprochés, et ils paraissent inclinés plutôt du côté postérieur que 
de l’antérieur ; ils ne sont point égaux dans les deux valves, la gauche, qui est la plus petite, 
ayant naturellement le crochet moins proéminent que la valve opposée. Il arrive dans pres- 
que toutes les espèces, un fait assez singulier, paraissant résulter du contact immédiat des 
crochets entre eux. En effet, l’extrème sommet de la valve droite est comme rongé et cor- 
rodé, d’où résulte une échancrure profonde, une véritable entaille qui se montre en avant 
de la charnière et dans laquelle est reçu le crochet de la valve gauche. En arrière des cro- 
chets s'élève un angle obtus qui descend obliquement de haut en bas et d'avant en arrière, 
et vient se terminer à l'angle inférieur et postérieur des valves. Cet angle, comparable jus- 
qu'à un certain point, au pli des T'ellines, n’en a pas l'irrégularité. Indépendamment de ce 
pli principal, il existe encore dans certaines espèces, telles que le Thracia convexa, par 
exemple, une légère dépression qui coïncide à la largeur de l'impression musculaire pos- 
térieure. Nous insistons sur ce dernier caractère, parce qu'il se présente de la manière la 
plus évidente sur le moule des espèces des terrains jurassiques. 

La charnière des Thracies nous offre, comme nous l'avons déjà dit, divers états dans 
lesquels on voit distinctement le ligament passer de l'intérieur à l'extérieur. Les modifica- 
tions que l’on peut étudier. facilement dans ce genre démontrent, jusqu'à la dernière évi- 
dence, que le cuilleron ligamentifere des coquilles à ligament intérieur doit être considéré 
comme une nymphe rentrée et continuant à porter un ligament interne, dans certains genres, 
externe dans d’autres, et présentant du reste tous les degrés intermédiaires , soit à les con- 
sidérer dans la série générique, soit à les prendre, comme 1c1, dans un petit nombre d’es- 
pèces appartenant à un même genre. Nous connaissons des Thracies chez lesquêlles le cuille- 
ron est saillant et presque autant détaché du bord cardinal que dans les Anatines. Dans 
d’autres espèces, la portion du cuilleron qui touche au bord postérieur s’est déjà élargie, 


# 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE THRACIE. 283 


et de ce côté, le bord est limité par un petit sillon dans lequel s'enfonce un petit ligament 
externe. Dans le plus grand nombre des espèces, le cuilleron, moins saillant à l’intérieur, 
s'allonge davantage sur le bord cardinal; alors le ligament externe devient plus grand, plus 
solide, justement parce que l'interne a perdu une partie de son étendue. C’est ainsi que la 
charnière se présente dans le Thracia pubescens, par exemple. Le Thracia papyracea (Tellina 
papyracea, Poli) a le cuilleron encore plus étroit, et son bord interne commence déjà à se 
relever, à la manitre des nymphes des coquilles à ligament extérieur. Enfin, dans notre 
Thracia corbuloides, dernier terme des modifications que nous signalons, le cuilleron se sé- 
pare à peine du bord postérieur; il est redressé presque perpendiculairement, et il pré- 
sente, par conséquent, la plus grande analogie avec la nymphe des Saxicaves et autres 
genres à ligament extérieur. Aussi, dans cette dernière espèce de Thracie que nous venons 
de citer, les caractères du ligament sont presque entièrement semblables à ceux d’un liga- 
ment externe. 

Lorsque nous avons annoncé l’existence d’un petit osselet demi-annulaire, attaché à la 
charnière des Thracies, plusieurs personnes ont contesté l'exactitude de notre observation, 
et cela s'explique ; car si l'osselet en question existe toujours chez un certain nombre d’es- 
pèces il ne se montre jamais chez d’autres. M. Scacchi, observateur distingué, fait remar- 
quer que l'osselet cardinal ne se voit que chez les petites espèces, et peut-être, ajoute-t-l, 
chez les jeunes individus des grandes. Il serait curieux de voir ces observations continuées 
par un naturaliste aussi distingué que M. Scacchi, et de savoir si, en effet, comme nous 
le supposons, l’osselet est un caractère spécifique et permanent dans certaines espèces, 
ou si cette pièce testacée est seulement transitoire et propre à une certaine période de 
l'existence des animaux chez lesquels elle se trouve. Peut-être aussi l’osselet dont il est 
question est permanent dans quelques espèces et transitoire dans d’autres; mais il faut 
poursuivre avec attention des observations concluantes à ce sujet pour savoir, en définitive, 
quelle valeur on doit attribuer à l'osselet cardinal des Thracies. Lorsque l’osselet existe, il 
laisse à l'intérieur du test des traces non équivoques de sa présence; en examinant la 
cavité des crochets, on voit partir, de l'extrémité antérieure des cuillerons, une impres- 
sion qui, d'abord très-étroite à son point de départ, s’élargit en massue vers son extré- 
mité opposée. Cette impression se dirige obliquement de haut en bas et d’avant en arrière, 
en suivant à peu près la direction de l'angle postérieur des valves. Nous la trouvons dans le 
Thracia papyracea, dans une autre espèce très-voisine des mers du Brésil, mais nous n’en 
apercevons aucune trace dans le Thracia pubescens et dans le Thracia convexa, de sorte 
que par là nous pouvons reconnaître celles des espèces chez lesquelles l’osselet existe, quand 
même cette pièce aurait été détruite. 

Les impressions musculaires sont inégales et très-dissemblables ; l'impression antérieure 
est allongée, étroite, obtuse inférieurement, beaucoup plus étroite à son extrémité supé- 
rieure; on la voit se courber le long du bord antérieur et s’avancer jusque près de la 
limite inférieure de ce bord, vers le point où il se confond avec le bord ventral. Cette im- 
pression se trouve ainsi très-éloignée de la charnière et beaucoup plus dans la région ven- 


trale que dans les Mollusques que nous avons examinés jusqu'ici. L'impression musculaire 
36. 


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RS Tome = operenans BP D TE SC 


284 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


postérieure est fort petite, subcirculaire , très-superficielle, et on la voit non loin de l’ex- 
trémité supérieure et postérieure des valves, tout près du bord dorsal. La partie de son 
pourtour la plus voisine du bord dorsal se prolonge en un angle obtus; cet angle est pro- 
duit par la présence sur ce point de l'impression du muscle rétracteur postérieur du pied. 
Quant au muscle rétracteur antérieur, il prolonge la portion supérieure et la plus étroite 
de l'impression antérieure. Le manteau laisse à l’intérieur des valves l'impression de son 
muscle circulaire et celle des muscles rétracteurs des siphons. L’impression palléale com- 
mence à l'extrémité imférieure du muscle antérieur; elle se place à une petite distance du 
bord ventral, le suit parallèlement, et, parvenue vers l'angle postérieur des valves, elle 
rentre sur elle-même et produit une impression plus ou moins concave, selon les espèces. 
Mais, en général, elle est large et ne remonte pas haut dans l'intérieur des valves ; elle 
finit au bord inférieur de l'impression musculaire postérieure. 

A l'intérieur, les valves ne sont point nacrées; elles sont lisses, d’un blanc mat. A l'exté- 
rieur, ces coquilles sont couvertes de très-fines granulations, comparables à celles des Ana- 
tines, mais, en général, beaucoup plus serrées; elles sont fort grosses dans les Thracia 
myalis et Convexa; elles sont, au contraire, extrêmement fines dans le Papyracea et les 
autres espèces voisines. À l'extérieur, presque toutes les Thracies sont d’un blanc jaunâtre ; 
vers les bords elles sont revêtues d’un épiderme brunâtre qui parait caduc, car on n’en 
retrouve plus la moindre trace vers les crochets. 

Toutes les espèces de Thracies ne paraissent pas avoir les mêmes mœurs : les unes, 
telles que le Pubescens, s’'enfoncent dans le sable, à la manière des Myes, des Lutraires et 
de tous les autres Mollusques acéphalés libres et siphonés; d’autres préfèrent les lieux 
vaseux, telles que le Convexa, qui , aux environs de Toulon, habite un fond argileux. Quelques 
observateurs assurent que cette même espèce est perforante, et que c'est de là que pro- 
viennent les nombreuses irrégularités que l’on remarque dans sa coquille. M. Turton dit 
également qu'elle se rencontre en abondance sur certains points des côtes de l'Angle- 
terre, et qu'elle a l'habitude de s’enfoncer dans des roches tendres et calcaires. C’est à 
l'aide du pied et au moyen des manœuvres que nous avons déjà plusieurs fois décrites, 
que les Thracies s’enfoncent dans le sable pour s’y abriter. 

Ana. — Manreau. — Les coquilles du genre Thracie étant très-minces, l'animal en 
conserve exactement les formes; il est ovalaire transverse, plus ou moins épais selon les 
espèces. Rien dans ses formes extérieures ne pourrait le caractériser, à moins qu'étant ob- 
servé vivant, il fit sortir les siphons plus ou moins allongés qui le terminent du côté pos- 
térieur. Cependant, si on place l'animal sur le ventre, on s'aperçoit de l'inégalité des lobes 
du manteau correspondant à celle des valves. 

Le manteau est constitué exactement de la même manière que dans tous les autres 
Mollusques acéphalés; il ressemble plus particulièrement à celui des Lyonsies et des Ana- 
tines. Il est par conséquent formé de deux lobes à peu près égaux, qui viennent se souder 
l'un à l’autre, en arrière et dans toute la longueur de leur bord ventral. A l'extrémité an- 
térieure , les lobes se séparent et laissent ouverte une fente très-courte, pour le passage du 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE THRACIE. 285 


pied; cette fente a à peine un sixième de la longueur totale. Indépendamment d’une lèvre 
extérieure, qui est la continuation du bord du manteau, cette ouverture est garnie en de- 
dans d’un petit bourrelet obtus, assez épais, qui en favorise la clôture très-exacte. Il suffit 
pour cela que les deux bourrelets se rencontrent, ainsi que cela doit avoir lieu lorsque 
l'animal ferme sa coquille. Les commissures de l'ouverture palléale sont consolidées au 
moyen d'une membrane assez large, qui s'étend d’un côté à l’autre (pl. XXIT, fig. 2 6, b; 
lg. 3 c); ce qui permet à cette ouverture de prendre au besoin une forme ovalaire. 

La portion mince du manteau présente une très-grande surface. Cette étendue imusitée 
dépend de la disposition de l'organe respirateur qui, remontant très-haut dans la région 
dorsale, force le manteau à se détacher de la masse viscérale, et à laisser ainsi les flancs 
de lanimal presque entièrement en dedans de la cavité palléale. Les bords de cet 
organe sont pourvus d’un muscle circulaire, épais, à fibres courtes, longitudinales, abou- 
tissant à une même ligne tracée sur la coquille ; ce muscle, comme on le sait, est destiné 
à mouvoir les parties exertiles du manteau, et à maintenir constamment en rapport avec 
les bords de la coquille, l'organe sécréteur qu'il contient. Les appendices dorsaux destinés 
à la sécrétion de la charnière sont d’une simplicité qui les met en rapport avec celle de la 
charnière elle-même. On observe dans la région cardinale une petite dépression corres- 
pondante aux cuillerons, et en avant, une petite gaîne demi-cylindrique, contenant l’os- 
selet, dans celles des espèces où cette pièce existe. 


Les srpnonxs. — En arrière, dans toute la hauteur du bord postérieur, le manteau est 
fermé par une sorte de cloison transverse, à laquelle aboutissent de chaque côté les 
muscles rétracteurs des siphons. En dehors de cette cloison, les lobes se prolongent à 
droite et à gauche, en une sorte d'appendice membraneux, formant une cavité assez pro- 
fonde, dans laquelle les siphons contractés peuvent se cacher entièrement. (PI. XXIF, 
fig. 3 q, q; pl. XXII 4; fig. 1 g, fig. 3 b, b; fig. 4 à, 1.) Les siphons ont des caractères diffé- 
rents, selon les espèces. Séparés entre eux jusqu'à la base, ils sont inégaux, le ventral 
restant toujours le plus gros et le plus allongé. Dans la figure donnée par M. Kiener, de 
l'animal du T'hracia corbuloides, les siphons à demi contractés sont cylindracés, subitement 
tronqués au sommet, et le bord interne de l'ouverture terminale est garni d’une série de 
courts tentacules coniques. Ces tentacules existent dans le siphon anal, mais il parait que 
l'ouverture du siphon branchial reste simple. 

M. Delle Chiaje a représenté, sous le nom de Tellina papyracea, l'une des espèces de 
Thracie de la Méditerranée; d’après cette figure, lanimal vivant aurait des siphons très- 
allongés et fort inégaux. L’anal, long des deux tiers de la coquille environ, a son ouverture 
garnie d’un petit nombre de tentacules courts et coniques; le siphon branchial acquiert 
plus de deux fois la longueur de l’anal, et son ouverture reste simple. Ces deux organes 
ne sont point cylindriques ou coniques, comme dans les autres Mollusques siphonés; ils 
sont claviformes, c'est-à-dire que leur diamètre, très-petit à leur origine, s'accroît jusqu’à 
leur extrémité et devient au moins deux fois plus grand. Cette forme de siphon est 
sans exemple jusqu'ici, et si elle existait dans toutes les espèces du genre Thracie, elle 


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286 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


serait assurément très-propre à caractériser le genre, ce qui justifierait une fois de plus 
notre opinion sur l'importance des siphons pour déterminer la limite des genres. Dans 
les Thracies, comme dans les Lyonsies, les siphons sont désunis de la base au sommet; 
mais il y a un genre voism, celui des Anatines, dans lequel, d'après M. Müittre, les si- 
phons sont réunis dans toute leur longueur. Néanmoins cet animal des Anatines reste 
semblable dans ses autres parties à celui des Lyonsies et des Thracies. Dans ce fait im- 
portant, on trouverait la preuve qu'il ne faut point attacher une valeur absolue aux carac- 
tères empruntés à la réunion ou à la séparation des siphons. Si ces organes ont pris 
plus de constance dans certaines familles, s'ils peuvent aider à les caractériser, il n’en 
est pas de même dans celle qui nous occupe. En effet, les Anatines, les Lyonsies et les 
Thracies ont le manteau, le pied, la bouche, les branchies, semblables. La différence 
entre ces genres réside principalement dans la réunion ou la désunion des siphons, et 
maintenant il faut se demander si ce caractère de moindre valeur devra l'emporter sur 
tous les autres, lorsqu'il s’agit de déterminer les rapports naturels des genres et l'étendue 
des familles. Tous les zoologistes seront d'accord en cela que les rapports doivent être fon- 
dés sur l’ensemble de l’organisation, et non sur un caractère unique, susceptible de va- 
riations à certains degrés. L’observateur à qui l’on doit la connaissance sommaire de 
l'animal de lAnatine conclut à un arrangement différent; il voudrait que ce genre fit 
parue de la famille des Myaires ; il se fonde justement sur la jonction des siphons sous 
une même enveloppe cylindracée ; il trouve aussi, dans la forme du pied, une analogie avec 
celui des Myes; mais il faut se souvenir que l'organe de la locomotion chez les animaux 
dont il s’agit est toujours en rapport avec l'étendue de la fente antérieure du manteau, et 
que ce caractère peut se reproduire dans plusieurs familles naturelles. Ainsi les Panopées, 
les Glycimères ne sont pas des Myes, et cependant chez ces animaux le pied est très- 
petit, et il trouve son issue dans une petite fente antérieure du manteau. Il faut donc 
chercher dans les autres parties de l'animal les caractères propres à en déterminer les 
rapports naturels, et nous les trouvons d’abord dans les branchies. Dans les Myes, ces 
organes sont au nombre de quatre, deux de chaque côté, également saillants dans la cavité 
du manteau ; dans les Anatines, ainsi que dans tous les autres genres de notre famille des 
Ostéodesmes, deux de ces organes tombent dans la cavité palléale; les deux autres remontent 
vers le dos, et ne s'appliquent jamais sur les deux premiers. Pour nous, les Anatines, mal- 
gré la réunion de leurs siphons, doivent rester dans la famille des Ostéodesmes, et cela, 
parce qu'elles s’éloignent des Myes par les caractères les plus importants de leur orga- 
nisation. 

Nous avons observé les animaux de deux espèces de Thracie, et nous avons trouvé dans 
le manteau une ouverture que nous n'avons pas rencontrée chez les autres Mollusques. Cette 
ouverture est fort petite, et elle pourrait échapper, surtout en la recherchant sur un animal 
contracté; elle existe un peu au-dessous des siphons, à l'angle du manteau produit par la 
réunion de ses deux lobes avec la cloison transverse qui sert de support aux siphons. (PI. XXII, 
fig. 2 i.) Cette ouverture se ferme et se dilate par le moyen d’un anneau fibreux sphyncté- 
roïde. Tout en contractant ses siphons, l'animal, au moyen de cette ouverture, peut encore 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE THRACIE. 287 


faire entrer de l’eau dans la cavité du manteau, et continuer à recevoir ainsi, en quantité 


suffisante, le liquide nécessaire à l'entretien de sa vie. 

L'ouverture intérieure des siphons est simple; on la voit facilement en renversant en 
arrière le lambeau postérieur du manteau. Un bourrelet assez épais (pl. XX, fig. 2 j) sépare 
les deux ouvertures des siphons; de plus, le siphon anal est pourvu, à droite et à gauche , d'une 
grande valvule triangulaire, à bord libre. (PL XXII, fig. 1 c; fig. 2 f, f.) En voyant la dis- 
position de ces valvules, lon comprend facilement que l'animal peut fermer complétement 
l'ouverture du siphon anal, en les appliquant l’une sur l’autre, au-devant de cette ouverture. 

Les siphons sont mis en mouvement, non-seulement par les muscles qui entrent dans 
leur structure intime, mais encore par deux muscles propres qui s'attachent à la coquille. 
Ces muscles rétracteurs sont enchâssés entre les deux membranes du manteau; ils sont 
généralement courts, à fibres rayonnantes, solidement fixés au test par une de leurs extré- 
mités, et par l’autre formant, avec les muscles propres des siphons, un tissu fibreux très- 
solide, semblable à un feutre à cause de l’entrelacement et de la finesse des fibres dont il est 


composé. (PI. XXII, fig. 1 d; fig. 2 e, e; fig. 3 g; pl. XXV C, fig. à f; fig. 2 €, c; fig. 4 d.) 


Musczes. — Les muscles adducteurs des valves sont très-petits, relativement au volume 
de l’animal entier. Le muscle antérieur est aplati, un peu courbé sur lui-mème ; il est allongé, 
oblong, obtus à ses extrémités, et placé de manière à être compris, en grande partie, dans 
la région dorsale de l'animal. Cependant son extrémité antérieure descend assez bas vers la 
région ventrale. { PI. XXII, fig. 1 J; fig. 2 k; fig. 3 h; pl. XXV C, fig. 1 h; fig. 2 g; fig. 3 
c; fig. 4 j.) Le muscle postérieur est ovale ou subcirculaire; placé tout à fait en arrière, 
il est à peine débordé par le manteau. (PI. XXI, fig. 1 g; fig. 2 l; fig. 3 L. pl. XXV C, 
fig. 11; fig. 3 d; fig. AK.) 


MASSE VISCÉRALE.— PIED.— La masse viscérale est peu considérable; cette disproportion de 
volume apparait d'autant plus qu’elle se montre chez un animal dont la coquille est ventrue, 
et qui offre une cavité fort grande; à peine si l’animal contracté occupe la moitié de la cavité 
palléale ; la masse des viscères, relevée dans la région dorsale, est entièrement cachée par les 
organes de la respiration. En avant, un pied petit, triangulaire, comprimé, semblable à une 
petite langue, prolonge la masse viscérale : l'animal le fait passer à travers la fente antérieure 
du manteau. {PL XXII, fig. 1 À; fig. 2 p; pl. XXV C, fig. 1 j; fig. 2 ; fig. 4 z.) Cet organe, 
éminemment fibreux à sa pointe, est creusé à la base d’une grande cavité à parois assez 
minces, dans laquelle sont logés l’ovaire, le foie et une partie des organes de la digestion. 
Les parois musculaires du pied servent d’enveloppe aux viscères, et cette enveloppe est 
consolidée, les viscères eux-mêmes sont soutenus, au moyen d’un petit nombre de muscles 
transverses, qui s'étendent d’une paroi à l'autre, et s’y fixent solidement. Ces muscles sont 
particulièrement distribués autour de l'estomac et des intestins, pour affermir les organes 
et en empêcher le déplacement. Les parois latérales de la masse abdominale sont minces; 
elles s'épaississent, au contraire, sur les bords antérieurs et postérieurs. Cet épaississement 
est dû au passage des muscles propres du pied, à la présence de ses muscles rétracteurs. 


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288 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


Dans les Thracies, ces muscles ont exactement la forme qu'ils affectent dans les autres 
genres des Mollusques acephalés dimyaires; après leur bifurcation, ils viennent se fixer à 
la coquille, en dedans des muscles adducteurs des valves. Dans leur bifurcation se place 
en avant l'æsophage, en arrière l'anus. Nous devons ajouter que le muscle postérieur 
(pl. XXV C, fig. 4 L, l) est trés-grêle, et vient se terminer en une très-petite surface, qui 


laisse à peine une impression sur le test. 


ORGANES DE LA DIGESTION. —La bouche: est placée au-dessous du muscle adducteur anté- 
rieur des valves, dans l'angle profond que produit la jonction de ce muscle au pied et à 
la masse abdominale. Cette bouche, fort petite, se montre sous la forme d’une fente ova- 
laire, transverse, au milieu d’une surface plane assez étendue , que les lèvres peuvent recou- 
vrir en totalité. (PI. XXII, fig. 2 we; pl. XXV C, fig. 2 j.) Deux lèvres transverses, larges, 
assez épaisses, lune au-dessus, l'autre au-dessous de la bouche, se continuent de chaque 
côté du ventre en une paire de palpes labiales, longues, étroites, lancéolées et libres, dans 
la plus grande partie de leur étendue. (PI. XXIL, fig. 1 à, j; fig. 2 n, n, 0, 0; pl. XXV C, 
fig.14,l; fig. 2 h,h,i,i.) Ces palpes, en effet, sont fixées par le plus petit de leur côté, 
celui par lequel elles se rattachent aux lèvres. Les palpes labiales sont égales; l'animal les 
tient dans une direction presque horizontale lorsqu'il est placé sur son bord ventral; épaisses 
et charnues, elles sont lisses en dehors; leurs faces internes sont chargées de plis membra- 
neux très-fins et très-réguliers. À 

L'entrée de la bouche est légèrement rétrécie par des plis qui semblent résulter de la 
contraction d’un muscle circulaire qui embrasserait l’'œsophage à son origine. L’œsophage 
est allongé, très-long; il est étroit, membraneux, descend en suivant parallèlement le bord 
dorsal, et en se courbant légèrement dans son trajet. (PL. XXV C, fig. 4 n.) Ce canal n’est 
point cylindrique, il est aplati de chaque côté; aussi la section transverse présente la forme 
d’une ellipse très-allongée; il aboutit, par une ouverture simple, à un estomac d'une mé- 
diocre étendue. 

La poche stomacale, dans son ensemble, a une forme sphéroïdale. La surface est de- 
coupée en lobes correspondant à des anfractuosités plus ou moins profondes, dont la 
surface interne est creusée. Lorsque l’on ouvre l'estomac en deux parties égales, en diri- 
geant la section dans l'axe longitudinal de l'animal, on trouve la surface interne de cet 
organe divisée en plusieurs compartiments par des crêtes saillantes, dirigées la plupart 
d'avant en arrière; l'une d’elles surtout, plus proéminente que les autres, se place comme 
une sorte de valvule au-devant de louverture pylorique. (PL XXV C, fig. 4 q, r,s, t.) 
Non loin de l'entrée de l'œsophage, et dans le voisinage de l’origine des crêtes dont nous 
venons de parler, on remarque deux ouvertures inégales donnant entrée aux canaux bi- 
liaires et servant à l'écoulement de la bile dans l’intérieur de la cavité stomacale. L’ouver- 

ture pylorique se trouve à la face inférieure et ventrale de l'estomac. (PI. XXV C, fig. 4 u.) 
L'intestin est grêle, et il se tortille immédiatement dans la région ventrale en un grand 
nombre de circonvolutions courtes et rapprochées, au moyen desquelles il se dirige d'ar- 
rière en avant. (PL. XXV C, fig. 4, v, x.) Parvenu au-dessous de la bouche, il gagne le dos 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE THRACIE. 289 


et passe en sautoir autour de l'estomac, derrière lequel il descend obliquement pour gagner 
la région du cœur, et pour sortir enfin de la masse viscérale, en traversant le péricarde, et 


en se plaçant à la surface supérieure du muscle adducteur postérieur des valves. (PI. XXV 
C, fig. 4 y, e,Ë6, 0.) Parvenu à ce point de son trajet, le tube intestinal se recourbe sur le 
muscle, pénètre dans le siphon anal, où il se termine en un petit mamelon percé au centre 
par l'anus. (PI. XXII, fig. 2 r; pl. XXV C, fig. 4 +.) 

Le foie occupe une place assez considérable dans la masse viscérale, il se distingue du 
reste des viscères par sa couleur verte; mais cette couleur s’efface rapidement chez les 
individus conservés dans l'alcool. Il s'étend depuis l'extrémité postérieure du muscle adduc- 
teur antérieur des valves jusqu’à la région précordiale, enveloppant dans son épaisseur 
la totalité de lœsophage, l'estomac et seulement une très-faible portion du tube intesti- 
nal. (PI. XXV C, fig. 4 y, y.) Dans sa composition organique, le foie est semblable à ce que 
nous l'avons trouvé dans les autres Mollusques soumis jusqu'ici à notre investigation. 
Seulement ses éléments, plus intimement unis, se détachent difficilement les uns des autres, 
ce qui donne à l'organe entier une apparence d'unité et de compacité qu'il ne présente pas 
ordinairement; des fragments préparés et vus sous les grossissements divers du microscope 
nous ont offert des amas de follicules biliaires très-serrés, subglobuleux , attachés à des vais- 
seaux biliaires, dans lesquels ils s'ouvrent pour y verser le produit de la sécrétion. 


Ovame.— Les individus de Thracie que nous avons eus à notre disposition avaient 
l'ovaire complétement vidé, et c'est probablement à cela qu'est due la petitesse relative de 
la masse abdominale chez ces individus. En raison de cette circonstance fâcheuse, nous 
n'avons pu faire d'observations sur la structure de l'ovaire et de ses produits, et nous devons 
nous borner ici à constater que l’organe de la génération occupe chez les Thracies la même 
place que dans les autres Mollusques de la même famille. Nous avons déjà fait remarquer COm- 
ment l'ovaire, en se développant, propage ses ramifications dans les intervalles des muscles 
Jongitudinaux et transverses du pied; nous reviendrons encore sur les phénomènes de l’ac- 
croissement de cet organe lorsque nous traiterons de l'anatomie du Lavignon ; seulement nous 
nous contenterons ici de constater un fait, que la vacuité complète de l'ovaire nous a rendu 
facile à observer. Lorsque l'organe de la génération est plein de la matière lactescente qui 
doit servir à la formation des œufs, l'observateur distingue avec difficulté le tissu fibreux 
qui se trouve alors disséminé dans toute la masse, tandis que, l'ovaire étant vide, les fibres 
se condensent en quelque sorte et deviennent par là beaucoup plus apparentes; c’est 
alors seulement que l’on peut comprendre, étant disposées dans toutes les directions, qu’elles 
sont aussi en nombre assez considérable pour favoriser l'expulsion des œufs, à mesure que 
ceux-ci, müris, se détachent dans l’intérieur des capsules ovariennes. Les oviductes, au 
nombre de deux, un de chaque côté, viennent s'ouvrir à la base de la masse abdominale, 


au-dessous des branchies. (PL. XXI, fig. 2 y.) 


CrmcuLarTion. — Les organes de la circulation ont leur centre vers le milieu de la région 
dorsale, le cœur, dans les animaux qui nous occupent, se trouvant en rapport avec la char- 
Zoor.— Mollusques, 1, 37 


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290 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


nière de la coquille. Cet organe est contenu dans un péricarde peu considérable, entièrement 
formé par les duplicatures du manteau. Cette cavité a une forme ovale subquadrangulaire; 
elle est bornée, en avant, par l'extrémité postérieure de la masse viscérale; en arrière, par 
l'organe dépurateur ; et sur les côtés, parle manteau qui, après s'être réfléchi sur la surface 
de l'animal, vient gagner la région dorsale et fournir les petits appendices qui servent à 
la formation de la charnière, ainsi qu’à la sécrétion du ligament. 

Le cœur, contenu dans la cavité du péricarde, est d’un médiocre volume; il est fusiforme, 
ovalaire, il embrasse le canal digestif dans tout son pourtour (pl. XXIT, fig. 3 m; pl. XXV C, 
fig. 3 À; fig. 4, z), et il se continue en avant et en arrière en une aorte peu volumineuse, 
dont l'une, l'antérieure, pénètre immédiatement dans la masse viscérale, tandis que l’autre 
se porte en arrière, en suivant la direction de l'intestin rectum; les oreillettes sont petites, 
triangulaires (pl. XXIF, fig. 3 r, r; pl XXV C, fig. 3 1, ti); elles s’attachent au ventricule 
par la pointe la plus aiguë du triangle; elles se dirigent obliquement, d’arrière en avant, et 
elles s'ouvrent dans un canal servant de communication entre elles et les branchies. Nous 
avons été dans l'impossibilité d’injecter un animal du genre Thracie; violemment contrac- 
tés par leur immersion dans l'alcool, les tissus, devenus cassants, ont laissé épancher de 
toutes parts la liqueur colorée dont nous voulions remplir le système vasculaire. Nous 
avons reconnu la position de quelques-uns des troncs principaux de l'aorte antérieure, mais 
cela nous à paru insuffisant pour donner une idée de l’ensemble de la circulation arté- 
rielle. À peine l'aorte at-elle franchi la paroi abdominale, qu’elle donne une branche dor- 
sale superficielle, dont les rameaux se distribuent probablement de la même manière que 
dans les autres Mollusques acéphalés dimyaires. Ce tronc aortique se dirige vers le centre 
de la masse viscérale et nous n'avons pu suivre la distribution de ses branches. 


ORGANES DE LA RESPIRATION. — Les branchies dans les Thracies sont exactement semblables 
à celles des Lyonsies et des Anatines; elles sont formées de quatre feuillets juxtaposés : 
les deux premiers sont abdominaux et descendent dans la cavité du manteau (pl. XXII, 
fig. à &, k; fig. 2 t, t; pl. XXV C, fig. 1 n, n; fig. 2 n, n); les deux autres se relèvent 
dans la région dorsale, et leur bord supérieur se rapproche à ce point, qu'il ne reste plus 
entre eux que la largeur du rectum. (PI. XXIF, fig. 1 me, m; fig. 2 v, v; fig. 3 k, k; pl. XXV C, 
fig. 1 0, 0; fig. 2 p, p; fig. 3 q, g.) Une ligne déprimée descendant obliquement, d'avant 
en arrière et de haut en bas, marque la séparation des deux branchies et mdique en même 
temps le point par lequel elles sont adhérentes sur les flancs de lanimal. (PI XXIF, 
fig. 1 !, L; pl. XXV C, p, p.) L'examen minutieux de cet organe nous a prouvé que dans 
leur structure intime ils ne différent en rien de ceux des Lyonsies; en conséquence, nous 
renvoyons le lecteur à ce que nous en avons dit en traitant de ce dernier genre. 

ORGANE DÉPURATEUR. — L’organe dépurateur est assez considérable dans les Thracies; 
il a la même apparence extérieure que celui des Lyonsies, c’est-à-dire que sa surface 
extérieure et ventrale parait chagrinée, quoique en réalité elle soit parfaitement lisse. 


(PI. XXII, fig. z, z; pl. XXV C, fig. 2 u, u.) Cet organe est placé en arrière du péricarde, 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE THRACIE. 291 


il se prolonge jusqu'au muscle adducteur des valves; il s'appuie sur les muscles rétracteurs 
postérieurs du pied et il embrasse, dans toute sa longueur, la portion du rectum qui s'étend 
depuis le péricarde jusqu’au muscle des valves. Si l'on fait une section transverse sur cet 
organe, on reconnait alors avec facilité qu’il est creusé en dedans de deux cavités symé- 
triques, dont les parois très-épaisses sont criblées de canaux tortueux; on en voit parti- 
culièrement les ouvertures, lorsqu'on a détaché le lambeau de l'organe qui, sur le dos, 
enveloppe une partie du rectum. (PI. XXII, fig. 3 p.) L'organe de la dépuration à une 
communication ménagée avec la cavité abdominale, au point de son adhérence avec les 
muscles rétracteurs postérieurs du pied. Un canal excréteur doit exister au-dessous de la 
branchie dans le voisinage de loviducte, mais il nous a été impossible de l'apercevoir. 


SYSTÈME NERVEUX. — Le système nerveux, semblable à celui des Lyonsies, l’est par consé- 
quent, à celui des autres Mollusques acéphalés dimyaires et siphonés. Lorsqu'on a placé l’ani- 
mal sur le dos, que l’on a séparé les lobes du manteau, que les branchies ont été soulevées et 
renversées à droite et à gauche, on voit alors le ganglion postérieur appuyé sur l'extrémité 
la plus mince de l'organe dépurateur, qui cache une partie de la surface du muscle rétrac- 
teur postérieur des valves. (PL. XXIT, fig. 2; pl. XXV C, fig. 2 q.) Ce ganglion quadrangulaire 
ne porte aucune trace de division; et, en cela, il diffère sensiblement de celui de beaucoup 
d’autres genres, chez lesquels il semble composé de deux ganglions réunis sur la ligne mé- 
diane. Des angles postérieurs partent, en divergeant, deux branches nerveuses, qui vont se 
distribuer aux parties postérieures de l'animal, c’est-à-dire, aux siphons et à leurs muscles 
rétracteurs, au manteau et au muscle de sa circonférence. (PI. XXIE, fig. 2 #4, 4; pl. XXV C, 
fig. 2 r, r.) L’angle antérieur donne naissance à deux paires de nerfs; la première remonte 
au-dessous de l'extrémité des branchies, et, parvenue au point où ces organes commencent à 
se fixer au corps, cette paire de nerfs s'attache à une crête servant de limite entre le feuillet ven- 
tral et le dorsal, et descend le long de cette crête jusqu’à l'extrémité de la branchie. (PI. XXIT, 
fig. 2,2, 2; pl. XXV C, fig. 2 5, s.) L'autre paire de nerfs pénètre presque immédiatement 
à travers l'organe dépurateur (pl. XXIF, fig. 2 8), se place contre le muscle rétracteur 
postérieur du pied et pénètre ainsi dans la masse abdominale qu'elle parcourt dans toute 
son étendue, pour aboutir aux ganglions labiaux. Ces ganglions, au nombre de deux, sont 
cachés par la lèvre supérieure, et ils sont en communication, au moyen d’un filet de com- 
missure, que l’on trouve facilement en renversant la lèvre en bas et en la détachant de son 
adhérence au muscle adducteur antérieur des valves. Les ganglions labiaux sont fort petits, 
subtriangulaires; en avant, ils donnent naissance à une paire de nerfs qui parcourt la surface 
interne du muscle adducteur antérieur des valves (pl. XXIE, fig. 2 5, 5; pl. XXV C, fig. 2 t, t), 
produit une branche pour ces muscles et parvient au manteau, dans le muscle circulaire 
duquel elle se distribue en ramifications peu nombreuses. Les ganglions labiaux donnent 
aussi des filets qui se répandent dans les palpes et dans les lèvres. Enfin, de leur surface 
interne, naît une paire de nerfs viscéraux qui descend de chaque côté de l’æsophage, passe 
dans la fourchette du muscle rétracteur antérieur du pied et va se terminer à un ganglion 
viscéral d’un médiocre volume, situé vers le bord supérieur du pied. Ce système nerveux, 

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292 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


comme on le voit, reste conforme à ce que nous avons déja vu, non-seulement dans les 
Lyonsies, mais encore dans le plus grand nombre des genres dont nous avons exposé 


jusqu'ici l’organisation. 
CONCLUSION. 


Par leurs caractères, les coquilles du genre Thracie se distinguent nettement de tous les 
genres connus. Minces et fragiles, elles ne sont point nacrées à l’intérieur, les valves sont 
inégales. La valve droite est la plus grande ; en cela, les Thracies se rapprochent des Cor- 
bules. Leur charnière les met dans le voisinage des Anatines; car, dans plusieurs espèces, 
et peut-être dans le jeune âge de toutes, cette charnière porte en avant un petit osselet 


cylindracé, courbé en demi-anneau. Le ligament, fixé sur des cuillerons saillants à l'inté- 


rieur, se montre aussi à l’extérieur; et, sous ce rapport, les Thracies, dans la série des 
espèces, offrent le passage du ligament, du dedans en dehors, par l’amoindrissement des 
cuillerons, qui finissent par se changer en de véritables nymphes, un peu plus saillantes 
qu’elles ne le sont habituellement. 


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L'animal, dans son ensemble, conserve tous les caractères importants qui distinguent les 
autres genres de notre famille des Ostéodesmes. 

Le manteau, constitué comme dans tous les autres Mollusques acéphalés dimyaires, à 
une cavité plus profonde pour recevoir, jusque dans la région dorsale, un portion très-im- 
portante de l'organe respiratoire. 

Deux siphons prolongent en arrière la partie postérieure du manteau. Ces organes subcla- 
viformes, fort inégaux, sont disjoints dans toute leur longueur. Le siphon anal seul a son 
ouverture garnie d'un petit nombre de tentacules. Une troisième ouverture palléale, mais 
simple et sans saillie, existe au-dessous des siphons, et s’ouvre dans la portion du manteau 
correspondant à l'angle inférieur et postérieur de la coquille. Cette ouverture nous appa- 
raît, pour la première fois, chez les Mollusques acéphalés, et comme caractère zoologique, 
il s'ajoute à tous ceux qui font reconnaître le genre Thracie. 

Les deux lobes du manteau, soudés dans presque toute la circonférence, se détachent en 
avant, et laissent une petite fente pour le passage du pied. On peut donc affirmer que, 
dans le genre qui nous occupe, le manteau est percé de quatre ouvertures. 

Les muscles adducteurs des valves sont très-écartés, l'antérieur est ovale aplati, le posté- 
rieur est subcirculaire et très-rapproché du bord dorsal. 

La masse viscérale est peu considérable, en proportion de la grandeur de la cavité de 
la coquille ; elle porte en avant un organe locomoteur d’un médiocre volume, aplati laté- 
ralement et en forme de langue triangulaire. 

Essentiellement musculaire, le pied est creusé à sa base d'une cavité à parois assez 
minces, musculaires aussi, dans laquelle sont compris les principaux viscères. Le pied se 
meut au moyen de muscles rétracteurs : un antérieur assez épais, un postérieur beaucoup 
plus mince. Tous deux se bifurquent en deux faisceaux égaux, pour s'attacher à la coquille. 

La bouche est en fente transverse, située entre la base du pied et le muscle antérieur. 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE THRACIE. 293 


Les lèvres et les palpes dont elle est garnie ressemblent beaucoup à celles des Lyonsies et 
des Anatines. Les palpes sont étroites, lancéolées et libres dans presque tout leur contour. 

Un œsophage assez long, étroit, commence à la bouche et se termine à un estomac 
sphéroïdal, divisé en plusieurs poches par des crêtes saillantes à l'intérieur. 

Le tube intestinal est assez allongé ; au sortir de l'estomac, il se contourne en un grand 
nombre de circonvolutions, au moyen desquelles il se porte d'arrière en avant pour se 
recourber en sautoir autour de l’estomac, gagner la région dorsale, traverser le péricarde , 
et enfin aboutir dans le siphon anal, après s'être recourbé sur la surface supérieure du 
muscle adducteur postérieur des valves. 

Le foie, d'un volume assez considérable, enveloppe l'œsophage, l'estomac et une por- 
üon notable de l'intestin. Dans son organisation intime, il est semblable à celui des Mol- 
lusques que nous avons déjà examinés, et il verse le produit de sa sécrétion dans l'estomac, 
au moyen de deux cryptes biliaires. 

Les ovaires, peu considérables dans les individus que nous avons disséqués, étaient com- 
plétement vides, et nous ont offert un exemple de la structure fibreuse de leur enveloppe. 
Les oviductes viennent s'ouvrir à une fente étroite que l’on trouve au-dessous de la branchie, 
de chaque côté de la crête que forme en arrière le muscle rétracteur postérieur du pied. 

Les organes de la circulation ne diffèrent en rien d’essentiel de ceux des genres du 
même groupe. Un ventricule aortique symétrique, fusiforme, embrasse l'intestin, et reçoit, 
de chaque côté, une petite oreillette triangulaire, aplatie. Ces organes sont contenus dans 
un péricarde d’une médiocre étendue, formé d’une duplicature du manteau. L’aorte anté- 
rieure entre dans la masse des viscères ; une aorte postérieure est destinée à se distribuer 
aux parties postérieures de l’animal. 

Les organes branchiaux sont tout à fait semblables à ceux des Lyonsies et des Anatines; 
ils sont constitués par quatre feuiliets : deux descendent dans la cavité du manteau; les 
deux autres remontent dans la région dorsale. Tous deux sont nettement séparés au dehors 
par un sillon assez profond qui suit la ligne d’adhérence de ces organes. 

Un organe dépurateur, d’un aspect semblable à celui des Lyonsies, occupe un espace 
assez étendu, circonscrit par le péricarde, le muscle postérieur des valves et le muscle 
rétracteur du pied. À parois épaisses, cet organe, creusé de deux cavités, est également 
divisé par un grand nombre de canaux irréguliers, au moyen desquels l'étendue des sur- 
faces de sécrétion est considérablement augmentée. 

Le système nerveux est semblable à celui des Lyonsies et de la plupart des autres mol- 
Jusques acéphalés dimyaires ; il est composé de quatre ganglions communiquant les uns 
avec les autres, au moyen de nerfs récurrents. Le ganglion branchial ou postérieur est le 
plus gros; on le voit à la surface du muscle adducteur postérieur des valves. Trois paires 
de nerfs en partent. La première se distribue aux siphons et aux muscles postérieurs du 
manteau ; la seconde est branchiale; la troisième traverse la masse viscérale pour se 
rendre aux ganglions antérieurs. Ceux-ci, petits, cachés sous la lèvre supérieure, donnent 
naissance à une paire de nerfs antérieurs destinés au muscle adducteur antérieur et au 
manteau. Quelques petits nerfs prennent naissance au même ganglion, et se rendent aux 


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294 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


lèvres et aux palpes. Enfin, deux nerfs plus considérables rentrent dans la masse viscérale 
et se terminent à un ganglion pédieux, d’un médiocre volume, de la circonférence duquel 
s’échappent en divergeant trois paires de branches nerveuses qui se distribuent aux organes 
de la digestion, de la génération et aux muscles du pied. 

Quoique dans les Thracies les siphons soient complétement isolés, on doit, néanmoins, 
rapprocher ce genre des Anatines, chez lesquelles les siphons sont réunis dans toute leur 
longueur. Le caractère emprunté à la ‘jonction et à la disjonction des siphons, ne doit pas 
avoir ici une valeur absolue et faire rejeter dans des familles différentes deux genres, dont 
les rapports mutuels s’établissent d’après l’ensemble de leur organisation. 


1. THRACIA CONVEXA. Deshayes. 


Oran, la Sicile, Toulon, les mers d'Angleterre et du Nord ; 
fossile en Sicile et en Angleterre. 


Th. Testà ovato-transversä, inflatà, grise, inæquivalvi, inæquilaterà, posticè bisinuatà ; umbonibus 
magnis, dextro emarginato; valvulis hiantibus utroque latere. 


Mya declivis, Donovan, Brit. Shells, pl. 82. 

Mya conveæa, Woon, Gener. Conch. pag. 92, n° 3, pl. 18, fig. 1. 

Mya dechivis, Var. Dizzwyn, Cal. tom. I, pag. 43, n° 4. 

Mya conveæa, Turrow, Conch. Dict. pag. 100. 

Anatina conveæa , TurTow, Conch. Brit. pag. 44. 

Thracia corbuloides, Desnayes, Dict. class. d’hist. nat. tom. XVI, Atlas, 6° iv. pl. 14, fig. 4. 
Thracia corbuloides, De BzaiNvizze, Malac. pag. 565, pl. 76, fig. 7. 

Mya conveæa, Woon, Index testac. pag. 10, n° 3, pl. 2, fig. 3. 

Thracia corbuloides, Desnayes, Encycl. méth. vers, tom. Ill, pag. 1039, n° 4. 
Krexer, Species des coquilles, pl. 2, fig. 1. 

Desuayes, dans Lamarck, Anim. sans vert. 2° édit. tom. VI, pag. 83, n° 1. 
Purcrepr, Enum. Moll. Sicil. tom. IT, pag. 16. 

Amphidesma convexzum, FreminG, Brit. anim. 9° édit. pag. 431. 

Hanzey, Descript. Catal. pag. 22. 

Haxcey, dans Woop, Ind. test. suppl. pl. 9, fig. 20. 

Carzow, Univ. Cal. pag. 8. 

Sowergy, Conchol. Manual. fig. 93. 

Thraciu corbuloidea , Scaccnr, Cat. conch. reg. Neap. pag. 6. 

Thracia convexa, Tnompsox, Rep. on the Fauna of Ireland, pag. 263. 
Lovex, Index Moll. Scandin. pag. 46, n° 320. 

Fossilis, S. W. Woon, Cat. foss. crag. Nat. Hist. magas. Décembre 1840, pag. 245, n° 2. 
Pricrppr, Enum. Moll. Sicil. tom. IT, pag. 18, n° 5. 


Lorsque nous avons décrit cette espèce sous le nom de Thracia corbuloides, nous 
n'avions pas reconnu son identité avec le Mya convexa de Wood, qui habite sur les côtes 
de l’Angleterre ; depuis, nous avons pu comparer des individus provenant des deux mers; 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE THRACIE. 295 


et en reconnaissant qu'ils appartiennent à une même espèce, nous avons dû abandonner 
notre nom spécifique et adopter celui qui avait été proposé longtemps avant nous. 

Il était assez difficile de rétablir une bonne synonymie à cette espèce, non-seulement 
parce qu'elle est variable dans ses formes, mais encore parce que les figures ne représentent 
pas ceux des caractères qui sont le plus distinctifs et qui sont à l'intérieur des valves. Mention- 
née et décrite un assez grand nombre de fois, cette coquille se distingue assez facilement 
de toutes ses congénères. Elle est ovalaire, presque équilatérale, mais le côté postérieur 
est toujours plus allongé que l’antérieur. Les valves sont bombées, et, comme elles sont 
minces, leur cavité intérieure est profonde. Le côté antérieur est obtus, presque demi- 
circulaire ; le côté postérieur, plus étroit, est tronqué perpendiculairement à l'axe transverse. 
Lorsque les valves sont rapprochées, elles laissent en avant un petit bâillement en fente 
étroite; mais, en arrière, il est plus large et il existe sur toute la hauteur de la troncature. 
De ce côté postérieur, on remarque une double sinuosité qui produit sur le bord des valves 
une inflexion irrégulière assez comparable à celle des Tellines. Les crochets sont grands et 
protubérants. Celui de la valve gauche est entier, tandis que celui de la valve droite est 
toujours échancré pour recevoir la saillie en crochet du côté opposé. La surface intérieure 
est blanche, brillante ; on remarque, tout près du bord antérieur, une impression muscu- 
laire, assez étroite, qui descend jusque près du bord ventral. En arrière, tout près du 
bord dorsal et non loin du bord postérieur, on trouve l'impression musculaire postérieure; 
elle est subcirculaire, un peu prolongée en avant, parce qu’elle se confond avec l'impression 
du muscle rétracteur du pied. L’impression palléale part de l'extrémité du muscle anté- 
rieur, se place au bord ventral de la coquille, et, parvenue vers l’extrémité postérieure, elle 
s’infléchit en dedans pour faire une sinuosité large et peu profonde. A l'extérieur, cette co- 
quille est grisâtre, et, si on l’observe sous un faible grossissement, on s'aperçoit qu'elle est 
toute couverte de ponctuations très-serrées qui la rendent rugueuse sous les doigts. Nous 
avons constaté depuis longtemps que cette coquille a son analogue fossile dans les terrains 
récents de la Sicile. Dans son premier volume sur les Mollusques de la Sicile, M. Philippi 
avait d'abord contesté ce fait; mais plus tard il en reconnut la vérité, lorsque huit années 
après 1l publia le second volume de son Enumeratio Molluscorum Sicilie. 


9. THRACIA PAPYRACEA. Scacchi. 


Oran, Bône, tout l'Océan d'Europe; fossile en Sicile. 


Th. Testà ovato-oblongà, transversà, subæquilaterà, posticè uni-angulatà, albâ, tenuissimè punctatis- 
simà, valvulis vix hyantibus; sinu pallii angustiori, profundo. 


Tellina papyracea, Porr, Test. utr. Sicil. tom. [, pag. 43, pl. 15, fig. 14, 18. 
Amplhidesma phaseolina, Lamarox, Anim. sans vert. tom. V, pag. 492, n° 11. 
Periploma Myalis? Corarn-nes-Cnères, Catal. des Moll. du Finistère, pag. 12, n°1. 
Thracia phaseolina, KieNEr, Spec. des cog. pl. 2, fig. 4. 

Purippi, Enum. Moll. Sicil. tom. 1, pag. 19, pl. 1, fig. 7. 


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296 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


Reeve, Conch. Syst. tom. I, pag. 53, pl. 35, fig. 1. 
Thracia declivis, Hancey dans Woop, Ind. Test. suppl. pag. 4, pl. 10, fig. 35. 1 
Hanzey, Descript. Cat. pag. 22. | 
Carzow, Conch. nomencl. pag. 8. 

Forges, Report on OËgean invert. pag. 145. 

Thracia papyracea, Scaccur, Cat. conch. reg. Neap. pag. 6. 

Thracia phaseolina, Lovex, Index Moll. Scandin. pag. 46. 

Fossilis, Paicrprr, Enum. Moll. Sicil. tom. I, pag. 19; tom. IT, pag. 17, n°3. 


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On doit à Poli la découverte de cette espèce; elle est figurée et décrite dans l'ouvrage 
de ce savant anatomiste, sous le nom de Tellina papyracea. Lamarck, l'ayant reçue des 
côtes de la Manche, lui donna un nom nouveau en la comprenant dans son genre Amphi- 
desme, sous le nom d’Amphidesma phaseolina. M. Kiener, dans son Species général des co- 
quilles, reconnut, à l'espèce de Lamarck, les caractères du genre Thracie, et en donna 
une bonne figure en lui conservant le nom de Thracia phaseolina. Presque tous les auteurs 
ont suivi l'exemple de M. Kiener, à l'exception toutefois de M. Scacchi, qui, dans son Cata- 
logue des Mollusques de Naples, restitue à l'espèce son premier nom, qu'elle n'aurait jamais 
dû perdre. Ainsi que la précédente, elle estcommune aux deux mers; elle reste constamment 
d'un petit volume, et c’est chez elle que nous avons observé, pour la première fois, l’os- | 
selet en demi-anneau attaché à la charnière. Les personnes qui ne virent que de grandes es- 
pèces, chez lesquelles l'osselet manque toujours, crurent que nous avions pris un Périplôme | | 
pour une Thracie, et prétendirent que dans ce dernier genre l’osselet n'existe Jamais. be 
M. Scacchi, dans l'opuscule que nous venons de citer, a consigné quelques observations 
qui tendent à prouver que losselet cardinal des Thracies appartient exclusivement au jeune 
âge des espèces, et qu'il disparaît plus tard. Peut-être cet osselet appartient-il à quelques || 
espèces toujours plus petites, tandis qu'il manquerait constamment chez les grandes. 

La Thracie papyracée est une coquille d’un petit volume; elle est ovale-oblongue, trans- 
verse, aplatie. Ses valves sont beaucoup moins profondes que dans l'espèce précédente; 
elles sont blanches et paraissent lisses; mais si on les examine sous un grossissement 
suffisant, leur surface est couverte d’un grand nombre de ponctuations très-saillantes et | 
excessivement serrées. Le côté postérieur est un peu plus court que l’antérieur. À son ex- 
trémité, il est tronqué perpendiculairement, et il est limité par un angle obtus, descendant | 
obliquement des crochets, pour se rendre, en s’'amoindrissant, à l'angle inférieur et posté- 
rieur des valves. Le côté antérieur est ellipsoïde. Le bord ventral est droit et parallèle au 
bord dorsal. Les crochets sont peu saillants; ils sont petits, rapprochés, et ils semblent 
inclinés du côté postérieur. À l’intérieur, les valves sont d’un blanc laiteux; elles sont lisses 
et brillantes. On trouve, le long du bord antérieur, une impression musculaire, ovalaire, 
étroite. L’impression musculaire postérieure est fort petite; elle est située tout près de l'angle 
inférieur postérieur des valves. L’impression du manteau, après avoir suivi le bord ventral, 


parvenue vers l'angle inférieur et postérieur des valves, s’infléchit en dedans et remonte 
presque au niveau de la charnière. Par ce caractère, l'espèce se distingue très-nettement 
de toutes les autres, chez lesquelles léchancrure est plus large et moins profonde. 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE THRACIE. 297 


Ainsi que le Thracia convexa, celle-ci se rencontre à l'état fossile dans les terrains ter- 
tiaires des environs de Palerme. 


9. T'HRACIA BREVIS. Deshayes. 
Oran. PL 81, fig. 4, 5, 6. 


Th. Testà minimä, ovato-rotundatà, griseä, transversim irregulariter rugosà, densè puncticulatà, anticè 
rotundatà, posticè hiante, truncatà; sinu pallii lato. 


An Thracia fabula? Puicrepr, Enum. Moll. Sicil. tom. If, pag. 19, n° 5. 


M. Philippi, dans le deuxième volume de son Enumeratio Mollusc. Sicil. a signalé une 
pete espèce de Thracie qui paraît avoir beaucoup d’analogie avec celle-ci; mais malheu- 
reusement une description trop courte et une figure de grandeur naturelle très-incorrecte 
ne nous permettent pas de reconnaître si l'espèce que nous allons décrire est la même que 
celle des côtes de Sicile. 

Nous avons rencontré une seule valve de cette espèce curieuse, c’est la droite. Elle est 
fort petite, ovale-oblongue , presque équilatérale; le côté antérieur est un peu plus court 
que le postérieur. Celui-ci est tonqué perpendiculairement à l'axe transverse ; mais, comme 
l'angle inférieur et postérieur est très-obtus, cette troncature est très-peu apparente; le 
côté antérieur est arrondi en demi-cercle, ilse confond insensiblement avec le bord ven- 
tral, qui lui-même est courbé dans sa longueur. Le bord dorsal est plus court que le 
ventral ; il est légèrement courbé; le crochet est à peine saillant ; cette valve est générale- 
ment aplatie; sa surface extérieure, d’un gris jaunâtre, présente de grosses rides transverses 
irrégulières, produites par des accroissements. Si l'on examine cette surface sous un gros- 
sissement suffisant, on la trouve couverte d’un grand nombre de petits tubercules arrondis, 
très-serrés, assez comparables à ceux du Thracia convexa. En dedans, le test est d’un blanc 
sale; la charnière de la seule valve que nous possédons présente un cuilleron presque hori- 
zontal, qui s’avance dans l’intérieur de la valve beaucoup plus que dans les deux autres 
espèces de Thracie que nous venons de mentionner. Sur le cuilleron existe une surface 
triangulaire pour le ligament, circonscrite du côté dorsal par un petit sillon, dans lequel 
s'insère le ligament externe ; du côté opposé, le bord du cuilleron saillant à angle vif se 
bifurque dans une partie de sa longueur, ce qui produit une petite cavité existante, peut- 
être aussi sur le cuilleron de la valve opposée. L’impression musculaire antérieure est 
allongée, étroite et fort rapprochée du bord antérieur. L'impression musculaire postérieure 
est très-petite, ovale-oblongue ; elle a son grand diamètre placé longitudinalement, L'im- 
pression palléale accompagne le bord ventral; arrivée vers l'extrémité postérieure de ce 
bord, elle s’infléchit médiocrement en dedans, avant d'atteindre le muscle postérieur, et 
produit une sinuosité large et peu profonde. 

Geite petite coquille, fort rare à ce qu’il paraît, a neuf millimètres de large et huit de 
long. | 


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298 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


NEUVIÈME FAMILLE. 


LES MACTRACÉES. — Lamarck. 


GENRE TREIZIÈME. 


LUTRAIRE. Lurrarra. Lamarck. 


La famille des Mactracées a été instituée depuis longtemps par Lamarck, dans la classi- 
fication proposée en 1809 dans la Philosophie zoologique. Cinq genres rassemblés dans cette 
famille semblent avoir de analogie, à ne considérer que les caractères des coquilles. Ce- 
pendant un examen plus approfondi aurait pu faire découvrir entre ces genres des diffé- 
rences assez grandes pour les ranger dans d’autres groupes. Aujourd’hui les conchyliolo- 
gues, mieux éclairés sur la valeur des caractères des coquilles, séparent, sans difficultés, 
les genres que Lamarck réunissait, et il nous suffira de les citer pour justifier cette opi- 
nion. Ces genres sont disposés dans l’ordre suivant : Érycine, Onguline, Crassatelle, Lu- 
traire, Mactre. | 

Nous aurons bientôt à décrire l'animal du genre Érycine et la moindre comparaison 
démontrera de combien il diffère des Mactres et des Lutraires. La coquille seule pouvait 
faire préjuger cette différence, puisqu'elle n’offre aucune trace d’inflexion à l'impression 
palléale, inflexion qui existe toujours dans les Lutraires et les Mactres. 

Lamarck à mal apprécié les caractères des Ongulines dans toute la série de ses travaux. 
Ï crut voir, à la charnière de cette coquille, deux ligaments; mais il n'yena qu'un, et ce 
ligament ressemble en tout à celui d’un groupe assez considérable de Lucines. En effet, les 
impressions des muscles et du manteau ne diffèrent en rien de celles des Lucines, ce qui 
depuis longtemps nous a fait dire qu'il fallait, non-seulement retirer les Ongulines de la 
famille des Mactracées, mais même supprimer totalement le genre en le réunissant aux 
Lucines. 

Nous ne savons encore où devra se placer le genre Crassatelle. L'animal n’est point 
connu, et la coquille offre des caractères différents de ceux des deux genres précédents et 
de ceux qui suivent. Néanmoins il ne peut être très-éloigné des Mactres ou des Mésodesmes:; 
mais ayant plus de rapport avec ce dernier genre, nous l’entrainerons à sa suite dans un 
petit groupe particulier. 

Les deux derniers genres Lutraire et Mactre ont entre eux les plus grands rapports; 
ils doivent constituer les types principaux de la famille des Mactracées. Il faudra y joindre 
cependant un genre propre à l'Amérique , et que M. Gray a nommé Gnathodon. 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE LUTRAIRE. 299 


En 1812,en publiant l'Extrait du cours, Lamarck n’apporta aucun changement à la famille 
des Mactracées; mais il la modifia en 1818, dans le cinquième volume de son Histoire des 


animaux sans vertèbres; il l'augmenta des deux genres Solémye et Amphidesme, et distribua 


les sept genres en deux groupes principaux. Dans le premier, le ligament est uniquement 
intérieur ; dans le second, le ligament est double. Le premier groupe est lui-même sous- 
divisé, selon que la coquille est bäillante ou complétement fermée. La première section 
contient les genres Lutraire et Mactre ; la seconde, les Crassatelles et les Érycines. Enfin 
le second groupe, celui dont les coquilles ont deux ligaments, selon l'opinion de Lamarck, 
réunit Lrois genres : Onguline, Solémye et Amphidesme. 

Nous connaissons actuellement les Solémyes, qui doivent se rapprocher des Solens; nous 
avons indiqué les rapports naturels des Ongulines; 1l nous reste à dire quelques mots des 
Amphidesmes. Nous devons prévenir d’abord que ce genre, tel qu'il est dans l'ouvrage de 
Lamarck, est des plus artificiels. Nous y avons déjà trouvé la Lyonsie, une Thracie; et sur 
les seize espèces que l’on ÿ compte, il à fallu un certain artifice pour en conserver une 
comme type du genre qui, ainsi modifié, a conservé le nom d'Amphidesme. 

Lamarck ayant fondé la famille des Mactracées sur les caractères empruntés aux coquilles 
seules, on pouvait, à juste titre, la considérer comme à peu près artificielle. Cuvier, qui a 
fondé la classification des Mollusques sur d’autres principes, puisés de préférence dans les 
caractères des animaux, suivant en cela l'exemple de Poli, Cuvier, disons-nous, rejeta les 
familles de Lamarck, et construisit de grands groupes, principalement d'après l'ouverture 
du manteau et les caractères extérieurs des siphons. Il résulta de là une distribution très- 
différente des genres dont nous venons de parler. Cuvier, nous devons le dire, ne les ad- 
met pas tous. Les seuls que lon trouve dans la première édition du Règne animal sont 
les Mactres et les Lutraires, et encore ces deux genres, malgré leur analogie, appartien- 
nent à deux familles différentes. Les Mactres dépendent de la famille des Cardiacées, et la 
terminent à la suite des Vénus et des Corbules. Les Lutraires sont considérées comme le 
premier sous-genre des Myes, et commencent la famille des Enfermés. Les faits que nous 
allons exposer démontreront que Cuvier, dans l'arrangement des deux genres qui nous 
occupent, s’est laissé diriger par des caractères d’une faible valeur. Plus tard notre 
grand zoologiste ne reconnut pas leur insuflisance ; et en 1830, dans la seconde édi- 
üon du Règne animal, tout en adoptant quelques-uns des genres de la famille des Mactra- 
cées de Lamarck, il conserva aux Mactres et aux Lutraires les rapports que nous venons de 
rappeler. 

Dans l'espoir de concilier les diverses méthodes publiées jusqu’à lui, Férussac conserva 
les groupes de Cuvier ; il en fit des ordres dans lesquels il introduisit, en les modifiant, 
la plupart des familles de Lamarck. La famille des Mactracées est la septième de l’ordre 
des Cardiacées. Elle contient cinq genres qui, même à l'égard des caractères des coquilles, 
ont peu de rapports entre eux : ce sont les Érycines, les Mactres, les Ligules, comprenant 
une partie des Amphidesmes de Lamarck; les Lavignons, genre de Cuvier, proposé pour 
la Chama piperata des anciens naturalistes, et l’'Onguline , mais avec doute. Le genre Lu- 
traire commence la famille des Myaires, qui, elle-même, est la première de l'ordre des 

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300 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


Enfermés. Férussac conserve les rapports généraux, et diffère de Cuvier par des détails d’une 
moindre importance. 

M. de Blainville, dans sa méthode, admet, pour la partie des Mollusques dont nous 
avons à nous occuper, un arrangement peu différent de celui de Cuvier. Les Mactres, pla- | 
cées entre les Cyprines et les Érycines, font partie de l'immense famille des Conchacés, 
tandis que les Lutraires, sous le nom de Lutricoles, sont entrainées loin de là dans la fa- 
mille des Pyloridés. Ces deux familles, dans leur ensemble, se rapprochent beaucoup de 
celles nommées Cardiacées et Enfermées par Cuvier. Comme on le voit, le savant auteur 
du Traité de Malacologie s’est laissé guider par des principes analogues à ceux que Poli et 
Cuvier ont mis en pratique dans leurs ouvrages. 

Lorsqu'en 1830 nous publiâmes la suite du Dictionnaire des vers de l'Encyclopédie 
méthodique, nous cherchions à concilier deux faits qui semblent se repousser, et dont l’un 
aurait pu être contesté dans sa valeur, si nous avions eu, alors comme aujourd'hui, les 
moyens d'en vérifier l'exactitude. D'un côté nous voyions, de la manière la plus évidente, 
s'établir une transition insensible entre les Mactres et les Lutraires, et il nous semblait 
impossible de déterminer la limite nette et tranchée des deux genres. D'un autre côté, 
nous étions obligé d'admettre avec Poli, Guvier et M. de Blainville, l’analogie qui existe, 
plus en apparence qu’en réalité, entre les animaux des Mactres et celui du Cytherea chione. 


Nous apercevions cette contradiction choquante d’un animal ayant des rapports avec un 
groupe, tandis que sa coquille en a de non moins certains avec un autre. Nous avons été 
entrainé par là à considérer les Mactres comme un genre transitoire, formant un embran- 
chement latéral entre le type des Vénus et celui des Myes, et néanmoins, dans l’ordre li- 
néaire, nous préférions rapprocher les Mactres des Lutraires, et comprendre ces deux 
genres dans la famille des Mactracées. Aujourd'hui s’effacent les difficultés que nous 
éprouvions alors. Nous avons eu vivants les animaux des Mactres et des Lutraires, nous 
avons fait l'anatomie des uns et des autres, nous avons reconnu entre eux beaucoup plus 
d’analogie qu'on ne l'avait cru autrelois, et nous nous sommes aperçu que Poli et ceux 
des zoologistes qui se sont appuyés sur son opinion se sont laissé surprendre par des rap- 
ports plus apparents que réels. Ainsi les Lutraires et les Mactres constituent en réalité un 
groupe naturel, auquel il faut joindre le genre Gnathodon, comme nous venons de le dire. 

M. Gray, dans un article très-court, mais qui témoigne de l'attention toute spéciale que 
ce savant zoologiste à mis à l'examen des coquilles de la famille des Mactracées, a proposé 
de diviser les Mactres en plusieurs genres, et, ainsi que nous, d'en rapprocher les Lu- 
traires et les Gnathodons, pour constituer la famille des Mactracées. M. Gray voit, comme 
nous, une transition insensible entre les Mactres et les Lutraires; mais comme il ne se place 
pas au même point de vue que nous pour déterminer la valeur des genres, il en propose 
plusieurs qui marquent les degrés qu’il aperçoit entre les deux types principaux. Pour 
nous, les mêmes faits nous conduiraient plutôt à proposer la réunion des Lutraires et des 
Mactres. 

Nous n'avons pas à nous occuper des travaux de ceux des naturalistes qui ont admis 
sans examen l'opinion de Lamarck ou celle de Cuvier, en y introduisant des modifications 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE LUTRAIRE. 301 


quelquefois prématurées, en ce sens que l'on a rapproché des Mactres des genres incom- 
plétement connus. Il fallait, en effet, pour fonder définitivement la famille des Mactracées, 
que l’organisation des animaux des genres füt plus approfondie, ce qui permettrait de re- 
connaitre enfin les caractères communs qui les réunissent. 

Les animaux du genre Lutraire sont répandus en abondance dans les mers de l'Europe 
et dans la Méditerranée ; ils occupent de préférence les régions peu profondes qui avoisi- 
nent l'embouchure des eaux douces; aussi ces animaux n’ont point échappé à l'observation 
des anciens naturalistes. Rondelet mentionne les deux espèces de nos mers sous les noms 
de Chama glycimeris et de Chama longa. Les figures qu'il en donne, quoique grossières, 
sont cependant reconnaissables ; elles ont été successivement recopiées par Gessner, Aldro- 
vande, Johnston, etc. D’autres auteurs ont aussi donné des figures de ces espèces, en les 
confondant avec des coquilles très-différentes. Dans ce long espace de plus de deux cents 
années, qui sépare Rondelet de Linné, on trouve quelques rares tentatives de classification 
pour les coquilles, mais elles sont peu fécondes en heureux résultats. Lister est certaine- 
ment l'observateur qui a le mieux saisi les caractères d’un certain nombre de genres, et il en 
est quelques-uns qui n’ont dû subir aucun changement. Pour les Lutraires, Lister les laissa 
parmi les Cames, genre indéterminé par son étendue et la diversité des objets qu'il renferme. 

Une des coquilles de Rondelet se reconnaît facilement parmi les espèces du genre Mya, 
dans la dixième édition du Systema nature. Elle se retrouve à la même place dans le Fauna 
suecica et dans le Museum Ulricæ. De nouvelles études firent apercevoir à Linné des carac- 
ières qui le déterminèrent à faire entrer parmi les Mactres la coquille dont il est question, et 
en cela, il fit preuve de cette sagacité qui est le cachet des travaux du grand naturaliste. 
Linné a oublié la seconde espèce de Rondelet. Chemnitz répara cette omission; mais ne 
reconnaissant pas sans doute l'identité des caractères des deux coquilles, il mit celle de 
Linné parmi les Mactres, à l’exemple du maître, et l'autre fut placée parmi les Myes, 
sous le nom de Mya oblonga. Presque tous les auteurs qui suivirent, Schrôeter, Gmélin, 
et même le judicieux Spengler, tombèrent dans la même faute. Bruguière ne connut 
qu'une seule espèce ; il la rangea parmi les Mactres, à l'exemple de ses prédécesseurs. 

En étudiant plus profondément les Coquilles qu'on ne l'avait fait avant lui, Lamarck dé- 
couvrit parmi celles qui étaient le mieux connues, un assez grand nombre de genres nou- 
veaux qu'il nomma, et dont il exposa les caractères d’une manière nette et précise, dès 
1799, dans le premier travail qu'il publia sur la matière. Parmi ces genres, on remarque 
celui des Lutraires, dont le type est le Mactra Latraria de Linné. Depuis ce moment, La- 
marck à maintenu le genre Lutraire dans tous ses travaux sur la conchyliologie. Nous avons 
vu précédemment comment il a conçu ses rapports avec les genres les plus avoisinants. En 
France, le nouveau genre était généralement adopté. En Angleterre, on rapprocha l’une de 
l'autre les deux espèces, mais on les conserva dans le genre Mactre. Cet arrangement per- 
sista longtemps; on le retrouve, jusqu’en 1828, dans l’Index leslaceologicus de Wood; ce- 
pendant il est quelques exceptions qu’il est juste de signaler. En 1815, Brookes, dans son 
introduction à l'Étude de la conchyliologie, admet les Lutraires parmi les genres dé- 
membrés des Mactres de Linné. Turton, en 1822, adopta les genres de Lamarck dans son 


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302 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


Histoire des coquilles bivalves d'Angleterre, et il rapprocha les’ Lutraires des Mactres. 
Sowerby, dans son Genera of shells, suivit l'exemple de Turton; mais ce naturaliste, recevant 
trop légèrement l'opinion de quelques géologues, consacra une fächeuse confusion, qui 
régna longtemps, en admettant dans son Mineral Conchyliology, comme Lutraires fossiles, 
des coquilles qui n’ont aucun des caractères de ce genre. 

À l'exception d’un petit nombre d'auteurs que nous venons de mentionner, tous les 
conchyliologues ont admis le genre Lutraire, et presque tous ont compris que, dans la mé- 
thode naturelle, il devait prendre rang à côté des Mactres. Cette opinion, professée par 
Lamarck, a trouvé quelques contradicteurs. Cuvier, Férussac, M. de Blainville, ont trouvé 
aux Mactres plus de rapports avec les Vénus, et aux Lutraires plus d’analogie avec les Myes, 
ce qui les a conduits à mettre ces deux genres dans deux familles distinctes. Aujourd'hui 
l'opinion défendue par ces zoologistes est abandonnée. Les conchyliologues ont compris 
que les Mactres et les Lutraires ne doivent pas être séparées, et que l'opinion de Lamarck 
doit prévaloir. 

Jusqu'au moment où Lamarck a publié le cinquième volume de l'Histoire des animaux 
sans vertèbres, on ignorait la composition exacte du genre Lutraire; on y trouve onze es- 
pèces vivantes et une fossile. Nous allons rapidement les examiner, pour nous assurer si 
toutes dépendent, en effet, du genre où elles sont rassemblées. Cet examen nous sera 
utile pour porter un jugement plus éclairé sur la manière dont les auteurs ont compris le 
genre qui nous occupe. 

Les trois premières espèces de Lamarck sont incontestablement de véritables Lutraires ; 
elles constituent un premier groupe, caractérisé par la forme oblongue et transversale de 
la coquille. Dans le second groupe, réunissant des coquilles orbiculaires ou subtrigones, 
se montrent plusieurs espèces étrangères aux Lutraires. Ainsi les Lutraria compressa et pi- 
perata doivent constituer un genre très-distinct, désigné par Cuvier sous le nom de Lavi- 
gnons, mais antérieurement indiqué par d'Acosia sous le nom de Trigonella, que nous 
avons adopté. Les animaux de ces coquilles différent extrêmement de celui des Lutraires, 
comme nous le verrons par la suite. La Lutraire tellinoïde n’est ni une Lutraire ni une Tri- 
gonelle, c'est une véritable Telline à corselet enfoncé. Cette coquille, figurée dans le re- 
cueil de M. B. Delessert, ne peut plus être le sujet du moindre doute. Nous n'avons aucun 
renseignement sur la Lutraria candida ; les quatre dernières espèces sont de véritables Lu- 
traires, mais de celles qui sont minces et papyracées. Ce qui précède prouve évidemment 
que le genre Lutraire a besoin d’être réformé pour devenir naturel; et cette réforme, que 
nous indiquons dans les espèces de Lamarck, devra se réaliser aussi dans celles des con- 
chyliologues qui ont suivi l'exemple de notre grand naturaliste, et ont admis parmi les Lu- 
traires le Chama piperata. À ce sujet, nous pouvons faire remarquer un fait curieux dans 
le catalogue des Mollusques de la Corse, et qui se reproduit ailleurs : toutes les coquilles 
inscrites sous le nom de Lutraires appartenant au genre Trigonella, ce nom générique 
doit être substitué à la place de celui que nous venons de mentionner. 

Nous verrons bientôt que la réforme du genre Lutraire a été jugée nécessaire depuis 
longtemps. Déjà, en 1817, Cuvier, se fondant sur la longueur et la disjonction des siphons 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE LUTRAIRE. 303 


dans le Chama piperata, avait proposé pour lui un sous-genre des Mactres, sous le nom de 
Lavignon. À la même époque, Schumacher, dans son Essai d’une classification des co- 
quilles, publié aussi en 1817, proposait pour la même espèce un genre Scrobicularia ; et 
enfin, en 1822, M. Turton, dans son Histoire des Coquilles bivalves de la Grande-Bre- 
tagne, instituait un genre Listera pour la même coquille. Tous ces auteurs avaient oublié 
que d’Acosta, en 1778, avait proposé un genre Trigonella, dans lequel il rapportait à la 
fois quelques Mactres et le Chama piperata. Les Mactres, restituées à leur véritable genre, 1l 
restait le Chama piperata, que l'on peut ainsi considérer comme type du genre Trigonelle, 
Malgré les indications si précises que nous venons de rappeler, et qui étaient suffisantes 
pour faire adopter ce genre sous un des quatre noms qu'il a reçus, un assez grand nombre 
de conchyliologues conservèrent le genre Lutraire tel que Lamarck l'avait fait, poussés, soit 
par l'habitude, soit par le respect qu'inspirent généralement les opinions d’un aussi grand 
observateur. Cette espèce de neutralité de la part d’un certain nombre de bons observa- 
teurs provient sans doute de l'impossibilité où lon se trouvait de constater la différence 
qui existe entre les animaux des Lutraires et les Lavignons ou Trigonelles. En eflet, les 
animaux de ces deux genres, quoique très-abondants dans tout l'Océan d'Europe et la Mé- 
diterranée, n’ont jamais été décrits et figurés. M. Quoy, le premier, en 1839, dans le 
Magasin de zoologie, a publié une description sommaire de l'animal du Lavignon de Cu- 
vier, en l'accompagnant de figures, au moyen desquelles on peut reconnaître une partie des 
caractères de ce genre. Mais au sujet de l'animal des véritables Lutraires, nous ne trou- 
vons nulle part le moindre renseignement, car nous ne pouvons accepter les caractères 
donnés par M. de Blainville à son genre Lutricole comme suflisants. Ces caractères, par 
leur étendue, pourraient s'appliquer, et ils s'appliquent en effet à plusieurs genres, ce qui 
témoigne de leur insuflisance. Pour nous, un genre ne peut être bon qu’autant que toutes 
les espèces qu'il contient sont jointes par des caractères identiques, empruntés aux formes 
extérieures; et il est impossible qu'un genre soit naturel lorsqu'il rassemble des espèces à 
siphons réunis et à siphons disjoints. Il peut arriver, comme nous venons d’en avoir un 
exemple dans la famille des Ostéodesmes, que des genres voisins différent par la jonction 
ou par la disjonction des siphons ; mais il nous paraît certain, jusqu'ici, que les espèces 
d'un genre bien fait ont toutes les mêmes caractères extérieurs. 


Coquizce. — En adoptant la réforme du genre Lutraire telle que nous l'avons proposée, 
il n'y reste plus que des coquilles transverses, ovales-oblongues, inéquilatérales, équivalves, 
bäillantes à leurs extrémités, presque toujours lisses; quelques-unes présentant des stries ou 
des côtes longitudinales; quelques autres ayant des côtes transverses. Si quelques espèces 
sont épaisses et solides, il y en a d’autres qui sont minces et papyracées; dans toutes, 
les bords sont simples et entiers. Dans le plus grand nombre, le côté antérieur est le plus 
court. Il y en a quelques-unes chez lesquelles c’est le côté postérieur. Ces diverses formes, 
que nous venons de mentionner rapidement, se réunissent en un genre naturel, au moyen 
des caractères plus constants et plus importants que présentent la charnière et les impres- 
sions intérieures de la coquille. 


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304 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


Toutes les espèces de Lutraires connues jusqu'ici ont la surface externe recouverte d’un 
épiderme qui est grisâtre, jaunâtre ou blanchâtre. Quelquefois il est lisse et couvre toute 
la surface; d’autres fois il est rugueux ou écailleux. Dans les espèces minces et blanches, 
l'épiderme est moins apparent; il y perd sa couleur et une partie de son épaisseur : dans 
toutes les espèces, cependant, il déborde les valves pour recouvrir une portion assez no- 
table des bords du manteau. En arrière des crochets et le long du bord dorsal, l’épiderme 
passe d’une valve à l’autre, et cache le manteau, qui devrait paraître dans le bâillement na- 
turel de la coquille. Il en est de même du côté antérieur. Les crochets sont peu saillants, 
pointus et presque opposés; ils sont peu inclinés vers le côté antérieur. Sur ce côté ne se 
dessine point de lunulé nettement circonscrite, ainsi que dans beaucoup d’autres genres. 
Du côté postérieur, le corselet n’est pas non plus limité. Ces parties se confondent avec le 
reste de la surface par des contours arrondis; cependant immédiatement en arrière des 
crochets, on remarque, le long du bord et à l'extérieur, un petit sillon qui sépare une 
petite nymphe, sur laquelle s'attache un petit ligament externe rudimentaire. 

Dans les Lutraires, les côtés antérieur et postérieur sont régulièrement courbés, arron- 
dis, d’une égale largeur, dans le plus grand nombre des espèces; quelques-unes sont plus 
rétrécies du côté postérieur ; quelques autres offrent une forme inverse; mais ces excep- 
tions sont au nombre de trois ou quatre seulement. Le bord ventral est presque parallèle 
au bord dorsal; et comme les valves sont fort bâillantes, elles ne se touchent que par la 
charnière et dans la longueur du bord ventral. Il y a même des espèces, le Lutraria oblonga 
(Solenoides de Lamarck), par exemple, dont les valves ne se touchent que par deux points de 
leur circonférence. 

Au-dessous des crochets, le bord cardinal s’élargit et présente un cuilleron oblique, di- 
rigé d'avant en arrière, quelquefois transverse, et dans lequel vient se fixer solidement un 
puissant ligament intérieur. Le bord mterne de ce cuilleron fait saillie dans l’intérieur des 
valves, et rend ainsi très-large le milieu du bord cardinal. En avant de ce cuilleron et au 
moment où 1l prend naissance, s'élève perpendiculairement sur le bord une dent cardinale 
comprimée et offrant la forme d’un V. Nous retrouvons une dent semblable chez les Mac- 
tres : elle est plus ouverte. Cette dent cardinale se remarque sur l’une et l’autre valve; seu- 
lement celle de la valve droite, destinée à recevoir celle de la valve gauche, forme un 
angle plus ouvert dans ses deux parties. Dans le Lutraria oblonga, par exemple, on ne trouve 
à la charnière aucune trace de dents latérales, tandis que dans l'espèce suivante, Lutraria 
elliptica, on aperçoit de chaque côté des petits plis assez saillants, qui sont les premiers ru- 
diments des dents latérales des Mactres. Ces rudiments deviennent plus évidents dans le 
Lutraria ensis de MM. Quoy et Gaimard, quoique pour l'extérieur cette espèce paraisse 
bien différente de l’elliptica. Mais si nous passons au Lutraria rugosa, nous voyons se dé- 
velopper les dents latérales au moins autant que dans certaines Mactres. Aussi nous nous 
demandons pourquoi cette coquille a été maintenue dans les Lutraires. Il est à croire que 
les conchyliologues se sont laissé guider à son sujet par la forme extérieure qui, en effet, 
rappelle celle des autres Lutraires. En étudiant avec soin la charnière des seize Lutraires 
vivantes qui nous sont connues, on retrouve à presque tous les degrés ces dents latérales ; 


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SCIENTIFIQUE 


DE L'ALGÉRIE 


PENDANT LES ANNÉES 1840, 1841, 1842 


PUBLIÉE 


PAR ORDRE DU GOUVERNEMENT 


ET AVEC LE CONCOURS D’UNE COMMISSION ACADÉMIQUE 


SCIENCES PHYSIQUES 


ZOOLOGIE 


HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES 


PAR M. DESHAYES 


MEMBRE DE LA COMMISSION SCIENTIFIQUE D'ALGÉRIE 


CHEVALIER DE LA LÉGION D'HONNEUR 


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QUINZIÈME LIVRAISON 
CONTENANT 


| Texre : feuilles 39 à 43 


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PARIS 
IMPRIMERIE ROYALE 


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Founvev by private subscrfption, fn 1861. 


DR. L. pe KONINCKS LIBRARY. 


M. 700. 


MCZ LIBRARY 
HARVARD UNIVERSITY 
CAMBRIDGE. MA USA 


COMPARATIVE ZOÜLOGY, 


1450 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE LUTRAIRE. 305 


on les voit pour ainsi dire sortir du bord cardinal, s’accroître insensiblement, et parvenir à un 
degré de développement presque égal à celui des Mactres. Ce phénomène se confirme lors- 
qu'on ajoute les espèces fossiles aux vivantes, pour augmenter la série des modifications. 

Les impressions musculaires sont grandes, mais écartées. L’antérieure, généralement 
ovalaire, plus ou moins étroite, selon les espèces, descend ordinairement vers la région 
ventrale. Elle occupe une partie notable de la hauteur du bord antérieur. L'impression 
du muscle adducteur postérieur est obronde ; elle est située non loin du bord supérieur, et 
à peu près à égale distance entre la charnière et le bord postérieur. L’impression palléale 
offre des caractères constants ; elle prend son point de départ à l'extrémité inférieure du 
muscle antérieur ; elle se place parallèlement au bord ventral, en laissant entre elle et le 
bord des valves un espace fort large pour le muscle circulaire du manteau. Parvenue vers 
l'extrémité postérieure des valves, l'impression palléale rentre sur elle-même et produit un 
sinus profond qui s’avance jusqu'à la hauteur de la charnière, dans le plus grand nombre 
des espèces. Parvenue au sommet de cette courbure, l'impression palléale se recourbe en 
arrière et se porte obliquement vers l'impression musculaire postérieure, au milieu de la 
circonférence de laquelle elle aboutit. L’axe de la sinuosité palléale n’est point parallèle au 
grand axe de la coquille ; il forme avec lui un angle aigu, ce qui semble indiquer, chez 
ces animaux, une position oblique dans les siphons. Si ces organes suivent la direction 
qu'indiquent leurs muscles rétracteurs , ils doivent se diriger d’avant en arrière et de bas 
en haut. On observe encore, dans le voisinage des grandes impressions musculaires, deux 
impressions beaucoup plus petites, produites par les muscles rétracteurs du pied. La pre- 
mière occupe l'angle interne et supérieur de l'impression du muscle antérieur ; souvent elle 
se cache en partie sous l'extrémité antérieure du bord cardinal. La seconde se confond 
davantage avec l'impression musculaire postérieure. Néanmoins on remarque à celle-ci un 
angle peu prononcé au point de son pourtour, qui correspond à l'extrémité postérieure du 
bord cardinal. Cet angle est occupé par le muscle rétracteur postérieur du pied. 

Si les caractères que nous venons d'exposer avaient été suffisamment étudiés, on n'aurait 
pas vu sintroduire dans le genre Lutraire un assez grand nombre de coquilles fossiles 
des terrains secondaires, et qui n’ont pas même la forme générale des Lutraires vivantes. 
On a vu, en effet, les paléontologistes inscrire, dans le genre qui nous occupe, un grand 
nombre d'espèces dont le moule seul était connu. Ces personnes ne se rendirent pas 
compte des caractères que toute Lutraire doit empreindre sur son moule intérieur. C’est 
ainsi, par exemple, que les cuillerons épais et saillants laissent dans le moule une impres- 
sion profonde, que l’on ne retrouve jamais sur les fossiles des terrains secondaires dont nous 
venons de parler. Lorsqu’enfin on s’est aperçu que les fossiles dont il s’agit dépendent du 
genre Pholadomye, il en est résulté ce fait, qui n’est pas sans importance : c’est qu'aucune 
des véritables Lutraires ne dépasse les terrains tertiaires pour s’enfoncer dans les secon- 
daires. Par conséquent, il est aujourd’hui certain que toutes les espèces inscrites dans les 
catalogues de fossiles, et désignées comme dépendantes des terrains secondaires, ne sont 
pas des Lutraires et doivent être distribuées dans d’autres genres. 

Nous avons recueilli sur les côtes de Algérie trois espèces de Lutraires connues depuis 

Zoor. — Mollusques. 1. 39 


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306 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


longtemps. Deux sont répandues dans tout l'Océan d'Europe; la troisième, que l’on a crue 
autrefois originaire des mers de l'Inde, paraît propre à la Méditerranée. Quoique nous 
ayons trouvé fréquemment des valves détachées de cette troisième espèce, sur les plages qui 
avoisinent l'embouchure de la Seïbouse, il nous a été impossible d’en observer l’animal. 
C'est en vain que nous avons dragué dans les régions où nous espérions le rencontrer ; 
l'animal de cette espèce nous a constamment échappé, et nos regrets sont d'autant plus 
vifs, que, la coquille présentant des caractères transitoires vers les Mactres, nous espérions 
en observer de semblables chez l'animal, ce qui nous eût permis de juger si, en effet, malgré 
les modifications de la charnière, ces espèces de Lutraires diffèrent des Mactres plus ou 
moins profondément. Les autres espèces n’ont pas été moins difficiles à atteindre que celle 
dont nous venons de parler. La Méditerranée, ayant des marées insensibles, n'offre pas 
autant de facilité que l'Océan pour la recherche des animaux de son littoral. Ceux que la 
drague ne ramène pas, il faut attendre que le hasard les jette sur la côte à la suite des 
gros temps. C’est ainsi que nous avons recueilli un petit nombre d'individus des Lutraria 
oblonga et elliptica, et que nous avons pu en observer les animaux vivants. Les matériaux 
que nous avons réunis auraient été très-insuffisants pour faire une anatomie un peu com- 
plète des animaux d'un genre aussi intéressant que celui des Lutraires. M. Regnaud de 
Saint-Servan, amateur plein de zèle, a bien voulu rechercher pour nous les deux espèces 
de Lutraires vivantes de nos côtes de l'Océan, et le soin qu'il a mis à nous les envoyer 
nous à permis d'avoir ces animaux vivants pendant plusieurs jours. Nous avons donc pu 


constater les différences spécifiques, et compléter les observations nécessaires sur leur 
organisation. 


Axtmaz. — Toute la portion de l'animal des Lutraires contenue dans la coquille peut y 
trouver un abri, mais les gros siphons, qui le prolongent en arrière, ne sauraient être reçus 
dans la cavité des valves, quelle que soit la violence des contractions de cet organe. Comme 
le plus grand nombre des Mollusques acéphalés, celui-ci est apathique. Placé dans l'eau, il 
sort lentement son pied pour tâter la nature du sol; sil le trouve résistant, l'animal rentre 
pour longtemps dans limmobilité; s’il rencontre du sable, aussitôt 1l fait des efforts pour 
y pénétrer, et il y réussit, mais lentement et péniblement, en employant les moyens que 
nous avons plusieurs fois décrits. Un pied petit et disproportionné relativement à la grosseur 
de l’animal et de sa coquille ne lui permet pas de vaincre les obstacles avec autant de 
promptitude que d’autres Mollusques à pied plus robuste. Cependant, lorsque le sable est 
peu cohérent, ou lorsqu'il est mêlé à une grande quantité de limon peu condensé, l'animal 
réussit plus vite à se creuser une nouvelle demeure. 

Lorsque les siphons sont contractés, ils ont à peine la longueur de la moitié de la co- 
quille, mais, l'animal étant placé dans des circonstances favorables, on voit ces organes se 
dilater et s'accroître à la fois en diamètre et en longueur, et, lorsqu'ils sont parvenus à 
l'entier développement qu'ils peuvent acquérir, ils ont une fois et demie la longueur de la 
coquille. Pendant la vie de l'animal, on remarque aussi qu'il tient ses valves très-écartées, 
de manière à permettre aux bords du manteau de saillir au dehors, et alors ils trouvent un 


nn ere ge 


Puces 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE LUTRAIRE. 307 


abri sous une large zone d’épiderme, qui supplée ainsi à l’insuflisance du test. L'ouver- 
ture qui donne passage au pied est fort petite; elle occupe à peine le tiers ou le quart de 
la longueur du bord ventral. (PL XXXIV, fig. 1 b, c, d; pl. XXXV, fig. 1 d, e; pl. XXXVII, 
fig. 3.) Mais, en mourant, l'animal présente un phénomène identique à celui que nous avons 
fait remarquer dans le Solen ensis ; les lobes du manteau se disjoignent spontanément, el 
alors leur ouverture devient plus grande qu’elle ne l’est en réalité pendant la vie, ce qui 
pourrait tromper les observateurs, qui croiraient trouver dans cette grande ouverture du 
manteau un caractère propre au genre. On voit, par les exemples que nous avons cités 
jusqu'ici, qu'il est indispensable d'examiner vivants certains animaux, pour en reconnaître 
avec certitude les caractères distinctifs. 


LE MANTEAU. — L'animal d’une Lutraire, retiré de sa coquille, ressemble un peu à une 
petite massue, dont le manche serait représenté par les siphons. Le corps, renfermé entre 
les valves, a une forme allongée ovalaire, comprimée latéralement. Le manteau est grand, 
composé de deux lobes égaux réunis dans toute la circonférence de l'animal, si ce n’est à l’ex- 
trémité antérieure, où subsiste une petite ouverture pour le passage du pied. (PL. XXXIV et 
XXXV, fig. 1, 2.) Dans son ensemble, le manteau ressemble donc à une véritable poche, 
au milieu de laquelle la masse viscérale se trouve enfermée. 

Le manteau est constitué absolument de la même manière que celui des autres Mollusques 
acéphalés, c’est-à-dire que son centre est membraneux, très-mince, tandis qu’à la circon- 
férence il est bordé par un muscle orbiculaire épais, qui, s’attachant solidement à la co- 
quille, y laisse l'impression palléale dont nous avons parlé. Si, à l'aide de ciseaux bien 
tranchants, on détache un lambeau très-étroit du manteau, et que lon observe la tranche 
de ce lambeau sous des grossissements divers, on reconnaît avec facilité que la portion 
membraneuse de l'enveloppe générale est formée de deux membranes adossées et mainte- 
nues en rapport par un üssu fibreux, à mailles irrégulières et très-larges, ainsi que par des 
vaisseaux nombreux qui parcourent le manteau entre ses deux parois. Quant au muscle 
circulaire du manteau, il est composé d’un nombre considérable de faisceaux fibreux paral- 
lèles disposés sur deux plans, accolés l'un à l’autre et se réunissant de la manière la 
plus intime vers le bord libre de l'organe. Nous reviendrons plus tard, en traitant du La- 
vignon sur cette structure particulière du muscle circulaire du manteau chez les Mollusques 
dimyaires. En s'appuyant sur le muscle adducteur antérieur, ce bord fibreux du manteau 
diminue de largeur, et c’est ainsi réduit qu'il gagne la région dorsale, le long de laquelle 
il s'atténue msensiblement et se termine en pointe vers la région de la charnière. (PI. XXXWV, 
fig. 2 b, c.) Cette zone musculaire ne se comporte pas de même à l'extrémité postérieure 
de l’animal; elle se confond, en partie, à la base des siphons, dans ce tissu fibreux inextri- 
cable qui résulte de la jonction du muscle rétracteur des siphons au tissu fibreux de l’enve- 
loppe extérieure de ces organes ; néanmoins on peut suivre le muscle orbiculaire traversant 
la base des siphons pour se rendre vers le dos. (PL. XXXIV, fig. 2 a, a; pl. XXXV, fig. 2 
a, a.) Bientôt le muscle du manteau gagne la région dorsale, et couvre une partie considé- 
rable de la face supérieure du muscle adducteur postérieur des valves; il s'étale sur le dos, 

30. 


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308 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. x 


diminue insensiblement jusqu'à la région de la charnière, où il se termine en pointe. 
(PL XXXV, fig. 2 €, c, d.) Sur le bord dorsal, le muscle palléal forme en réalité deux 
triangles, dont les sommets sont très-rapprochés et opposés, et dont la base s'appuie sur 
les muscles adducteurs des valves. (PI. XXXV, fig. 3 b,b, c, f, f.) Ces triangles sont eux- 
mêmes partagés en deux moitiés égales par une double lèvre saillante, qui les parcourt de 
la base au sommet. Ce rebord charnu correspond au pourtour des valves, et se continue, 
de chaque côté, sur toute la circonférence du manteau, puisqu'il constitue le bord du man- 
teau lui-même. Dans la région dorsale, la lèvre du côté droit se rapproche beaucoup de 
celle du côté gauche, et il ne reste plus entre elles qu'un faible sillon qui les sépare. Blanches 
et opaques, ces lèvres sont remplies d’un parenchyme, au milieu duquel sont disséminés, 
en grand nombre, des granules glanduleux probablement destinés à la sécrétion des muco- 
sités, tandis que, dans la portion la plus superficielle, qui constitue la surface de la lèvre, 
existe l’organe sécréteur du test et de l’épiderme. (PI. XXXIV, fig. 1, f, f; pl. XXXV, fig. 3, 
d,g; 9.) 

Vers le milieu de la longueur du dos de l'animal, on remarque un enfoncement ova- 
laire, dans lequel sont recus les cuillerons de la coquille; cette cavité est un peu en avant 
du cœur. Au-dessus d'elles s’avancent, à l'opposite l’une de l’autre, des crêtes membraneuses 
qui ne sont pas sans importance, puisqu'elles sont destinées à la sécrétion des parties solides 
de la charnière. Ces crêtes sont la continuation des lëvres dorsales dont nous venons de 
parler; l’une vient d’arrière en avant, s'arrête vers le milieu de la cavité dorsale; elle est 
subitement tronquée : elle rencontre en effet le bord postérieur des cuillerons; deux lam- 
beaux membraneux naissent de cette troncature: l’un, supérieur, se glisse en arrière du liga- 
ment entre les cuillerons; l'inférieur, plus allongé et concave, s'adapte au contour du ligament 
à son bord ventral. On devine, par lesrapports de ces lambeaux du manteau, qu'ils sont des- 
tinés à la sécrétion du ligament. L'autre crête cardinale s’avance d’avant en arrière et vient 
se terminer très-près de la première; mais elle est plus épaisse, un peu plus large, et si on 
la fait flotter dans l'eau, on lui voit prendre toutes les formes des dents de la charnière, 
comme si celles-ci eussent été moulées dans la membrane molle et charnue. Les parties, 
qui sont en relief dans la charnière sont en creux dans la membrane, et réciproquement. 
H n’est donc pas un seul point de la charnière qui ne soit complétement revêtu d’une 
expansion du manteau. Le petit intervalle qui existe entre les dents des valves lorsqu'elles 
sont dans leurs rapports naturels est occupé par ces lambeaux membraneux dont nous 
venons de parler et dans lesquels on retrouve un organe propre à la sécrétion de la ma- 
üère calcaire qui entre dans la formation et l'accroissement de la charnitre. 

Nous avons signalé, dans les Thracies, une ouverture spéciale du manteau située en ar- 
rière, au-dessous de l’origine du siphon ventral, dans l'angle inférieur de cette espèce de 
cloison dans laquelle s'ouvrent les siphons; cette ouverture ne s'était pas encore montrée à 
nous depuis les premiers genres jusqu’à celui que nous venons de rappeler; nous en retrou- 
vons une semblable et à la même place dans les animaux des deux espèces de Lutraires 
que nous avons des côtes de l'Algérie; mais, comme dans les Lutraires la cloison terminale 
est plus épaisse et surtout dans son angle inféro-postérieur, l'ouverture dont il s'agit y est 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE LUTRAIRE. 309 


percée obliquement d’avant en arrière, et un peu de haut en bas; elle est moins large que celle 
des Thracies, et l'animal doit l'ouvrir et la fermer avec facilité, puisqu'elle est percée dans 
la portion la plus épaisse et la plus fibreuse du manteau. Lorsque, à la mort de l'animal, les 
lobes du manteau se disjoignent, c’est à l'ouverture en question que la disjonction s'arrête. 

Les lobes du manteau étant soudés entre eux dans la plus grande partie de leur étendue 


et partout recouverts, soit par la coquille, soit par un épiderme assez épais, ils sont dé- 
pourvus de ces franges, de ces tentacules qui se montrent dans un grand nombre de 
genres. Cependant la Lutraire elliptique, dans une faible portion de l'ouverture antérieure 
du manteau, présente, sur les bords de cet organe, un petit nombre de tentacules courts 
et coniques, dont les plus grands sont vers la commissure antérieure de cette ouverture. 


(PI. XXXV, fig. 3 c.) 


SIPHONS. — Parmi les Mollusques acéphalés siphonifères, on n’en connaît qu'un petit 
nombre chez lesquels les siphons soient proportionnellement plus considérables que ceux 
des Lutraires. Dans tous ces animaux à siphons très-gros, la coquille est toujours très-bâil- 
lante du côté postérieur, et l'on conçoit que ce bäillement doit être en proportion du dia- 
mètre des organes auxquels il donne passage, ainsi que cela se voit dans les Glycimères, 
les Panopées, les Myes, etc. Les Lutraires, quoique un peu moins bâillantes, ont cependant 
les siphons très-gros ; par leur base, ces organes occupent toute la hauteur du côté posté- 
rieur de la coquille; ils sont réunis dans toute leur longueur et ils se présentent sous une 
forme cylindroïde un peu comprimée de chaque côté, et dont le diamètre diminue sensi- 
blement de la base au sommet. Ce sommet est obtus lorsqu'il est contracté, et au contraire 
dilaté et percé de deux ouvertures inégales quand l'animal lépanouit. Lorsque l'animal 
laisse prendre aux siphons toute l'extension dont ils sont susceptibles, ils s’allongent à ce 
point de devenir une fois et demie aussi longs que la coquille et, ce qui est remarquable, 
à mesure qu'ils s’accroissent en longueur, leur diamètre s’augmente en proportion. C’est 
ainsi que nous avons eu sous les yeux un individu vivant du Lutraria elliptica, dont la co- 
quille avait dix centimètres de long; les siphons en avaient quinze, trois centimètres de 
diamètre à la base et deux et demi près du sommet. Un individu du Lutraria oblonga ob- 
servé vivant nous a offert des proportions à peu près semblables (pl. XXXVII, fig. 3); les 
siphons, dans cette espèce, restent cependant un peu plus courts en proportion. Une couche 
épidermique fort épaisse couvre la surface entière des siphons (PI. XXXIV, fig. 1 »; pl. XXXV, 
fig. 1 g); cet épiderme, fortement attaché à la coquille, se continue avec celui qui revêt 
le bord ventral des lobes du manteau, ainsi qu'avec le lambeau qui, en passant d’une valve 
à l’autre, ferme l'intervalle qui existe entre elles le long du dos. L’épiderme des siphons 
est grisätre ou jaunâtre ; quoique épais et tenace, il est assez transparent pour laisser voir 
la couleur des parties sous-jacentes; il a l'apparence d’une membrane gélatineuse, flexible, 
mollasse, extensible à un faible degré, non susceptible de contractions, car il se ride irré- 
gulièrement lorsque l'animal contracte ses siphons. Cet épiderme n'est pas lié très-solide- 
ment aux organes qu'il renferme, Si on le fend et qu’on cherche à le détacher, il semble 
fixé, comme le serait une mucosité épaisse à la surface d’une membrane muqueuse. Assez 


310 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


souvent la surface extérieure est maculée par de la vase ou du sable fin, qui s’y sont atta- 
chés assez solidement pour que le lavage ne puisse rendre à l’épiderme sa transparence 
habituelle. 

En faisant mourir une Lutraire dans l'eau douce et en l'y laissant macérer peu de temps, 
le phénomène de l'endosmose se produit sur l’épiderme des siphons. On le voit se gonfler 
considérablement, prendre l'apparence d’un cylindre de gelée transparente, au centre du- 
quel semblent noyés les siphons eux-mêmes. Soumise au microscope, cette matière trans- 
parente contient, disséminés en grand nombre, des granules ovalaires d’une transparence 
parfaite ; ils tombent facilement sur le porte-objet et ils ont environ un cent-cinquantième 
de millimètre de diamètre. Dans cette matière transparente, on observe aussi une sorte de 
trame muqueuse irrégulière, composée surtout de paquets filamenteux longitudinaux. Nous 
avons essayé de faire macérer une Lutraire morte dans l’eau de mer, et le phénomène de 
l'endosmose ne s'est pas effectué; l’épiderme s’est bien ramolli à la suite de quelques jours 
d'immersion, mais ne s’est pas gonflé en une masse gélatineuse, telle qu’elle s'est produite 
dans l’eau douce. 

Lorsque l’on a dépouillé les siphons de l’épiderme qui les enveloppe, on aperçoit faci- 
lement de chaque côté une ligne déprimée qui indique le point de leur soudure. Peu ap- 
parente à la base, cette ligne le devient beaucoup plus vers le sommet et on la voit aboutir 
au point où chaque ouverture s’isole l'une de l'autre. La ligne déprimée ne partage pas la 
surface des siphons en deux moitiés égales; le siphon anal est plus étroit et un peu plus 
court. Indépendamment de ces lignes latérales, on en observe encore deux autres situées 
à la limite du grand diamètre des siphons; ces lignes ressemblent à un véritable raphé 
parcourant toute la longueur des siphons ; il semble qu’elles soient le résultat de l’accolement 
de deux moitiés semblables, dont les siphons auraient été formés. Ces lignes sont médio- 
crement saillantes ; elles ne sont pas simples, mais composées de deux lèvres très-étroites et 
très-rapprochées; si l’on cherche leur origine à la base des siphons, on voit chaque lèvre 
se continuer avec le lobe du manteau correspondant, de sorte que la division en deux moi- 
üés égales de l'animal se montre jusque dans des organes qui, ordinairement, n’en offrent 
plus la moindre trace. (PI. XXXV, fig. 3 h; pl. XXXVIL, fig. 1 a, b.) Du rapprochement des 
deux petites lèvres dont nous parlons, il résulte un petit canal qui parcourt en dessus et en 
dessous toute la longueur des siphons, aboutissant à leur ouverture terminale, et, dans le 
Lutraria oblonga, il se montre même dans l'intervalle qui sépare l'ouverture du siphon anal 
de celle du branchial. (PI. XXXVIL, fig. 2 g.) Nous ignorons entièrement à quel usage ces 
petits canaux sont destinés; en les comparant dans les deux espèces que nous avons sous les 
yeux, ils sont plus saillants, plus apparents dans le Latraria elliptica que dans l’oblonga; mais 
chez cette dernière, dans le trajet qui sépare l’un et l'autre siphon à leur sommet, le canal 
en question devient large et profond, les lèvres qui l’accompagnent étant larges et épaisses. 

Les ouvertures des siphons sont inégales; la branchiale est la plus grande, toutes deux se 
terminent par un bord, mince lorsque l'animal le dilate, et beaucoup plus épais pendant la 
contraction. Sur ses bords s'élèvent des tentacules différents pour l’une et l’autre ouverture 
et différents aussi dans chacune des espèces, tout en conservant cependant les caractères 


ed 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE LUTRAIRE. 311 


propres au genre. Nous serons donc obligé, pour mieux faire saisir les différences dont il 
est question, de décrire avec quelque soin, dans l’une et l’autre espèce, les parties qui 
nous occupent. 

Le Lutraria elliptica présente, à l'ouverture du siphon branchial, une série de grands 
tentacules au nombre de huit (pl. XXXVIF, fig. 1 c, c, c, d); ils sont assez également espacés, 
larges et épais à la base; ils se confondent par là avec le bord d’où ils naissent; plus épais au 
centre , ils semblent soutenus par un axe saillant qui se continue en dedans du siphon en un 
pilier charnu et fibreux assez semblable à ceux que nous avons fait remarquer dans les Pho- 
lades; seulement ils sont plus courts et moins saillants. L’extrémité opposée se termine en 
pointe ; la face interne est rendue légèrement convexe par l'axe longitudinal qui la traverse; 
la face externe est toujours concave. Des bords latéraux de ces grands tentacules naissent, de 
chaque côté, quatre ou cinq digitations, simples, coniques, assez allongées et Le plus ordi- 
nairement renversées en dehors. Les grands tentacules dont nous venons de parler sont distri- 
bués sur le pourtour de l'ouverture d’une manière assez symétrique. Si l'on fait tomber une 
ligne perpendiculaire qui partage les siphons en deux moitiés latérales, quatre grands tenta- 
cules sont à droite, les quatre autres sont à gauche; ils sont séparés entre eux par des inter- 
valles égaux. Il y en a deux cependant plus rapprochés entre eux que les autres, ce sont ceux 
qui s'élèvent au bord supérieur, là où s'opère la jonction des deux siphons. (PL XXXVII, 
fig. 1 d, d.) Dans chacun des intervalles des grands tentacules s’en élèvent deux plus petits 
s'appuyant sur le bord par un pédicule étroit; ils sont découpés de chaque côté en trois ou 
quatre digitations, le sommet étant formé d’une digitation impaire un peu plus longue que 
les autres. (PI. XXXVIT, fig. 1 e, e, e.) Au-dessous de ce rang de tentacules si remarquables, 
le bord du siphon est creusé d’une sorte de petite gorge, se continuant sur toute la circonfé- 
rence et sur les bords de laquelle s'élève un rang de tentacules très-fins, cylindracés et obtus 
au sommet. (PL. XXXVIE, fig. 1 f.) Lorsque l’animal contracte ces parties, ce double rang de 
fins tentacules disparaît. Tous ces tentacules digités, considérablement contractés, perdent 
plus de la moitié de leur longueur, et leurs digitations sont réduites aux proportions de gros 
tubercules. (PI. XXXIV, fig. 5.) On aurait donc une idée bien imparfaite de tout ce système 
de tentacules placés au sommet du siphon branchial si on ne l’observait sur des animaux 
vivants, favorablement placés pour dilater toutes leurs parties extérieures. 

Le siphon anal est bien différent de celui que nous venons de décrire; plus étroit, il est 
orand nombre de 


8 
genres et particulièrement aux Mactres. À la circonférence externe, il est garni d’une rangée 


également plus court; son bord présente un caractère commun à un assez 


de tentacules très-fins, cylindracés , obtus au sommet et très-serrés les uns contre les autres. 
(PI XXXIV, fig. 5 À; pl. XXXVI, fig. 1 g.) Il arrive parfois que le nombre de ces tentacules 
étant trop grand, ils se pressent et alternent sur deux rangées. De la circonférence interne 
s'élève un bord membraneux très-mince, dont la largeur dépasse un peu la hauteur des ten- 
tacules. Ce bord membraneux, dans son ensemble, a l'apparence d’une calotte demi-sphérique 
dont on aurait enlevé le sommet pour y ouvrir une ouverture circulaire. Cette membrane 
est susceptible de dilatations et de contractions telles, qu'elle peut, à elle seule, fermer 
presque entièrement l'ouverture du siphon anal, ou l'ouvrir dans presque tout son diamètre. 


312 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


Dans l'espèce qui nous occupe (Lutraria elliptica), la coloration des siphons offre des 
variations assez notables. Dans un individu de la Méditerranée, ces organes, d'un jaune 
pâle à la base, présentaient, à partir du milieu, un assez grand nombre de taches subqua- 
drangulaires, rapprochées, d’un brun rougeätre passant au rouge pourpré. Vers le som- 
met, qui est toujours d'un blanc laiteux, ces taches diminuent rapidement de grandeur; 
elles sont d’une couleur beaucoup moins intense. Quelques taches pâles viennent marbrer 
les tentacules des deux siphons. (PI. XXXV, fig. 1 g, g.) Dans d’autres individus et no- 
tamment chez ceux de l'Océan, les taches sont partout plus serrées; elles deviennent plus 
irrégulières surtout vers l'extrémité des siphons et beaucoup plus nombreuses sur les ten- 
tacules qui terminent ces organes. (PI. XXXVII, fig. 1.) 

Il n’est pas sans importance d'observer vivants les Mollusques, si l'on veut se servir utile- 
ment des précieux caractères spécifiques que présente leur coloration; car à peine sont-ils 
morts et plongés dans une liqueur conservatrice, quelle qu'elle soit, que leurs couleurs | 
disparaissent, incomplétement d’abord, et en totalité, dans un espace de temps assez court. 
Ainsi les animaux qui, dans la nature, se distinguent au premier coup d’æil, peuvent se 
confondre avec facilité dans nos collections, parce qu'ils ont à peu près les mêmes formes 
extérieures et finissent par être tous également décolorés. | 

Nous allons examiner actuellement les parties que nous venons de décrire, dans notre 
seconde espèce de Lutraire (Lutraria oblonga). Dans celle-ci, nous savons déjà que les 
siphons sont un peu plus comprimés latéralement et, en proportion, plus larges, plus 
épais et plus courts. [ls présentent encore une particularité qui les distingue facilement de 
ceux de l’autre espèce. Lorsque l'animal les dilate, ils sont plus écartés au sommet; et, ce 
qui est particulier, c’est que, au lieu de rester parallèles comme dans le Lutraria elliptica, 
ils font entre eux un angle presque droit, que l’on peut facilement mesurer en faisant | 
passer une ligne par l'axe de chacun d'eux. (PL. XXXVIT, fig. 2.) Le siphon branchial pré- 
sente à son extrémité une ouverture ovale-obronde, dont le bord est assez épais et sur 
lequel s'élèvent symétriquement neuf grands tentacules à base assez large et très-pointus au 


sommet. Ces tentacules sont convexes sur leur face interne, tandis que leur face externe | 
est creusée en goutlière; les bords sont découpés en digitations étroites et grêles, dont | 
l'une, plus longue et plus grosse, occupe le sommet. Ces grands tentacules sont, en pro- 
portion, plus courts et plus larges que dans la première espèce ; ils laissent entre eux 
des intervalles à peu près égaux, d’où naissent des tentacules beaucoup plus petits, égale- 
ment digités sur les bords, mais beaucoup plus irréguliers que les premiers. Au-dessous 
de ce rang de tentacules, la surface du siphon commence, et l’on ne remarque ni la gorge 
ni le double rang de fins tentacules qui caractérisent si bien la première espèce de Lutraires. 
Le siphon anal, d’un diamètre plus petit, est également un peu plus court que le ventral. 
Sur son bord s'élèvent un très-grand nombre de tentacules très-fins, et la membrane en 
demi-calotte, qui prolonge ce bord, est plus étroite et, par conséquent, moins apparente 
que dans l'autre espèce. (PL. XXXVIT, fig. 2 c, d.) 
La coloration des siphons, dans le Lutraria oblonga, est fort différente de ce que nous 
l'avons vue dans le Lutraria elliptica. Ces organes sont blancs à leur origine; ils prennent 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE LUTRAIRE. 313 


bientôt une couleur purpurine, dont l'intensité s'accroît lentement, et qui, vers le sommet, 
finit assez souvent par une teinte d’un rouge pourpré très-intense. (PL XXXIV, fig. 1 k, 
1, j-) Nous avons vu des individus chez lesquels la couleur des siphons passait assez subi- 
tement du rouge pourpré au violet le plus intense, couleur qui se montre non-seulement au 
dehors, mais encore en dedans des deux siphons, et imprègne les tentacules eux-mêmes 
dans une partie de leur épaisseur. (PI. XXXVIF, fig. 2, 3.) 

Les siphons s'ouvrent en dedans du manteau, non à la manière des Pholades, par deux 
ouvertures inégales et obliques, mais plutôt à la manière des Solens, par deux ouvertures 
parallèles, percées en arrière dans la cloison du manteau. Lorsque l’on ouvre le manteau, 
une seule de ces ouvertures devient immédiatement apparente : c’est celle du siphon 
branchial; l'autre est cachée par l'extrémité des feuillets branchiaux qui viennent, comme 
à l'ordinaire, servir de cloisons pour séparer le siphon anal de la cavité commune du man- 
teau. L'ouverture du siphon branchial paraît simple; mais, en examimant plus attentive- 
ment les lobes du manteau, on voit s'élever, de chaque côté, vers la base des muscles 
rétracteurs, un repli membraneux, longitudinal, allongé, replié sur lui-même et servant 
de valvule latérale pour conduire l'eau plus sûrement vers le conduit qui lui donne issue. 
(PL. XXXIV, fig. 3 à, à.) Nous avons déjà vu que, dans la plupart des Mollusques sipho- 
nifères, le manteau possède, à l'intérieur, un petit repli au sommet duquel vient s'attacher 
un bord particulier de la branchie; c'est au moyen de la soudure de ces deux organes 
que le siphon anal est complété, en avant, par une portion assez considérable de la bran- 
chie. Pendant que l'animal est vivant, l’adhérence du manteau et de la branchie se main- 
tient; mais, lorsque la mort survient, cette adhérence se réduit à une juxtaposition qui 
est facilement détruite. Il faut alors soulever l'extrémité, devenue libre, des feuillets 
branchiaux, pour découvrir l’ouverture intérieure du siphon anal. Cette ouverture est 
séparée de sa congénère par une cloison transverse, assez épaisse (pl. XXXI, fig. 4 f), sur- 
montée d’une valvule membraneuse, dont le bord libre s'incline au devant de l'ouverture 
du siphon branchial. Le bord libre est coupé en demi-cercle, parce que les extrémités 
d'insertion de cette valvule se prolongent, de chaque côté, pour gagner le pli palléal dont 
nous venons de parler, et pour se continuer avec lui, (PI. XXXI, fig. 4 j.) 

Le pli du manteau, auquel s'attache la branchie, ayant, dans les Lutraires, une forme 
particulière, nous croyons de quelque intérêt d'en donner une description un peu détaillée. 
Lorsque nous traiterons de l'organe de la respiration, nous retrouverons, au-dessous de lui, 
les canaux aquifères, dont nous avons eu occasion de parler en traitant des genres précé- 
dents. Ces canaux sont produits, comme nous le savons déjà, par la soudure du bord interne 
des branchies, à un pli saillant du manteau, qui existe ordinairement le long de la base 
de la masse viscérale, et qui, ordinairement aussi, se termine, en mourant, vers l'entrée 
du siphon anal; mais, dans les Lutraires, au lieu de diminuer en descendant en arrière, 
ce pli prend, au contraire, beaucoup de largeur au moment où il arrive vers le milieu de 
la surface du muscle adducteur postérieur des valves; cet élargissement continue jusqu'en 
avant de l'ouverture du siphon anal, où le pli d'un côté, rencontrant celui du côté opposé, 
se confond avec lui, et de leur réunion résulte une sorte de petit capuchon membra- 


Zooz. — Mollusques. 1. 40 


= EE EP Ep Pme 7 ve D 


314 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


neux, sur le bord antérieur duquel la branchie s'attache, tandis que le bord postérieur 
se soude au pourtour interne du siphon anal. (PI. XXXIV, fig. 4 à, i, 1.) C’est ainsi que se 
présente ce pli membraneux lorsque l'animal est mort ou contracté ; mais, lorsqu'il est 
vivant, au moment où les siphons s’allongent, la cavité en capuchon doit s’effacer, et le 
pli membraneux, placé comme une cloison, supplée probablement à la branchie, trop 
courte pour fermer seule l'entrée du siphon anal. 

En traitant des Pholades, nous avons déjà donné des renseignements sur la structure 
des siphons. Nous profiterons du développement peu commun de ces organes, dans les Lu- 
traires, pour confirmer ce que nous en avons dit et compléter les connaissances relatives 
à leur organisation. 

Les siphons sont des organes éminemment musculaires; leurs parois épaisses ont deux 
surfaces : l’une, extérieure, revêtue d’une gaine épidermique; l'autre, interne, est séparée 
de la première par toute l'épaisseur du tissu musculaire. D'une structure particulière, le 
tissu fibreux n’est point un feutre, comme celui que nous avons déjà fait remarquer dans 
divers organes des Mollusques ; il est essentiellement composé de lames longitudinales, posées 
de champ l'une à côté de l'autre, comme le seraient les feuillets d’un livre. (PL. XXXVIIT, 
fig. 2 a, b, c.) Ces lames, isolées les unes des autres, ne s'étendent pas d’une paroi à 
l'autre ; il y en a deux plans inscrits lun dans l’autre, exactement comme le seraient deux 
doigts de gant engaînés l'un sur l'autre. Ces plans musculaires sont séparés entre eux, 
non-seulement par une membrane fibreuse, mais encore par un plan continu de vaisseaux 
aquifères, produit par des fibres très-fines, entre-croisées assez régulièrement et constituant 
un véritable réseau à mailles quadrangulaires. En absorbant le liquide ambiant, l'animal 
peut le faire pénétrer dans ce système de canaux aquifères, et c’est ainsi qu'il parvient 
à distendre, dans tous les sens, les organes dont nous nous occupons. 

Lorsqu'on a fendu lun des siphons dans toute sa longueur, en üraillant sur la section, 
on découvre facilement les deux rangées de vaisseaux aquifères qui séparent les deux 
plans de muscles longitudinaux. On reconnait avec facilité que les pores qui résultent 
de la section des vaisseaux sont quadrangulaires et qu'ils communiquent entre eux dans 
toute la circonférence des siphons. Si l’on vient à rompre les fibres transverses qui cons- 
tituent les parois de ces pores, on voit, à l'instant même, qu'il existe également des canaux 
longitudinaux, en nombre non moins considérable, qui ne sont séparés des transverses que 
par l'épaisseur des fibres très-fines que l’on vient de couper. Mais si, au lieu de continuer 
ce mode de dissection, on tire avec assez de force pour détacher l’un de l’autre les deux 
plans musculaires (pl. XXXVIIE, fig. 2 a, b), on observe alors qu'ils sont séparés entre eux 
par une membrane fibreuse transverse, fort mince et parfaitement continue (pl. XXXVII, 
fig. 2 d, d), de sorte qu’en réalité notre comparaison de deux doigts de gant superposés 
est parfaitement exacte. En effet, à chacun des deux plans de muscles longitudinaux , 
appartient un plan de vaisseaux aquifères, et chaque système est séparé l'un de l’autre par 
cette membrane, cette sorte de cloison fibreuse dont nous venons de parler. Cette mem- 
brane de séparation a deux usages : d’un côté, elle donne attache à ce tissu poreux que 
produisent les canaux aquifères; de l’autre, elle donne insertion aux lames musculaires 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE LUTRAIRE. 315 


qui constituent les plans fibreux. Ces lames sont donc fixées par chacun de leurs bords, et 
elles laissent entre elles, complétement ouverts, des canaux aplatis, qui paraissent avoir 
entre eux des communications, probablement à l'aide des canaux aquifères. La disposition 
des diverses parties dont nous venons de parler se reconnait aussi au moyen d’une 
section transverse, section ayant l'avantage de montrer la variation dans l'épaisseur des 
parois, l'inégalité du diamètre des siphons, et enfin la position de la cloison de sépa- 
ration des siphons, formée par l'adossement de leur paroi interne. Dans l'angle qui résulte 
de l'adossement des deux siphons (pl. XXXV, fig. 4 f,f), on trouve l'ouverture d’un vaisseau 
considérable, qui parcourt, de chaque côté, toute la longueur de ces organes : il sert à 
y distribuer le liquide nourricier. Lorsque lon injecte par l’un de ces vaisseaux, on voit 
la liqueur colorée pénétrer, non-seulement dans des vaisseaux propres, qui se distribuent 
aux muscles, mais encore dans des canaux aquifères et jusque dans les interstices des 
lames musculaires. Il semblerait, d’après cela, que la circulation se fait autrement dans les 
siphons que dans les autres organes du même animal, et que là pourrait s’opérer le mé- 
lange, avec le liquide ambiant, du sang lui-même; mais nous croyons qu'il n’en est pas 
ainsi, et nous verrons plus tard sur quelles observations se fonde notre opinion. 

L’enveloppe externe est assez épaisse, et elle se distingue parce qu'elle est constituée 
d’une manière singulière. Si on en détache des lambeaux et qu’on les tiraille de manière à 
les élargir et à en distendre les divers éléments, on la voit constituée par des fibres très- 
fines, fortement entrelacées dans toutes les directions, de manière à former un tissu à la fois 
solide et contractile. Gette paroi extérieure est séparée du plan musculaire par un plan de 
pores aquifères semblable à celui que nous avons déjà décrit. La paroi interne est beaucoup 
plus mince, et elle paraît formée de deux plans fibreux simplement entre-croisés. 

Un grand muscle rétracteur particulier existe de chaque côté de l'animal, noyé dans les 
parois du manteau, s’attachant à la coquille par son bord antérieur et venant se confondre, 
par son extrémité postérieure, avec les siphons. (PI. XXXIV, fig. 2 d.) Ce muscle rétracteur est 
large et épais ; ses fibres rayonnantes se condensent pour embrasser, de chaque côté, l'origine 
des siphons, etse confondre avec leurs parois. En dédoublant ces parois, comme nous le disions 
tout à l'heure, on parvient jusqu'au muscle rétracteur lui-même, et l’on s'aperçoit que les 
faisceaux fibreux dont il est composé ne se dédoublent pas en plusieurs plans superposés, 
comme ceux des siphons; mais on reconnaît distinctement, dans la partie la plus épaisse du 
muscle, des lames fibreuses placées de champ, l’une à côté de l’autre, et que l’on voit se con- 
tinuer sans interruption avec les lames musculaires dont les parois des siphons sont composées. 

Ce que nous venons de dire de la siructure des siphons rend assez faciles à déterminer 
les divers usages de ces organes. Le plus essentiel est, sans contredit, celui de transmettre 
le liquide ambiant dans la cavité du manteau, et de favoriser son expulsion, lorsque l’ani- 
mal s’en est servi pour recueillir les éléments de sa nutrition et entretenir les fonctions de 
la respiration. Le siphon anal, comme on le sait, complétement séparé de son congénère, 
est plus spécialement consacré aux fonctions excrémentitielles, tant de la nutrition que de 
la génération. Il s’en faut bien qu'il s’établisse entre ces deux siphons des courants 
aqueux, tels que ceux que Poli s’est imaginés, puisqu'il n'existe aucune communication 

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316 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


entre la cavité du manteau et celle du siphon anal. Nous avons vu souvent les siphons fonc- 
tionner pendant la vie des Mollusques, et nous avons toujours observé un mouvement d’as- 
piration et d'expiration, au moyen duquel le liquide est entrainé dans le siphon branchial, 
par deux mouvements opposés. Le même mouvement s’exécute aussi dans le siphon anal ; 
mais il est moins actif et l'animal peut le suspendre plus longtemps. Ces mouvements sont 
nécessaires pour baigner constamment la branchie dans toutes ses parties, aussi bien celles 
contenues dans le manteau, sous la forme de feuillets, que celles qui cachent les canaux 
aquifères sous-branchiaux et dans lesquels sont percées les cloisons ovifères. 

D'après ce que nous avons fréquemment observé, il est certain pour nous qu'il ne 
suffit pas à l'animal de distendre les muscles qui entrent dans la composition de ses 
siphons pour les allonger et en augmenter le diamètre; il faut qu'il soit aidé dans cette 
opération par l'introduction d’une quantité d’eau appropriée, et qui doit être absorbée 
par un point quelconque de la surface des organes qui nous occupent, mais que nous 
n'avons pu jusqu'ici découvrir. Lorsque les siphons d’un animal sont ainsi gorgés d’eau, 
ils sont flasques, peu résistants, et il arrive souvent qu'ils mettent assez de lenteur à se 
contracter, parce que l'eau qu'ils contiennent entre leurs parois doit s’écouler par des ou- 
vertures fort petites. Dans les Lutraires, par exemple, l'eau contenue dans les siphons 
nous à paru sortir particulièrement du pore postérieur du manteau ou de son voisinage. 
Lorsque nous avions un individu de Lutraire dont les siphons étaient bien distendus, 
nous le sortions de l’eau subitement, en le tenant perpendiculairement, les siphons en bas; 
l'animal, en se contractant, faisait sortir l'eau qu'il contenait, d’abord par l'ouverture anté- 
rieure du manteau, ensuite par le pore postérieur du même organe; mais, comme cette 
petite ouverture pénètre dans la cavité palléale, nous n’avons pas la preuve qu’elle ait com- 
munication directe avec les siphons. Il se pourrait, et cela est plus probable, que les pores 
aquifères s’ouvrissent dans la cavité du manteau, sans doute au pourtour des ouvertures 
internes des siphons. Nous avons tenté des injections colorées, dans le but de découvrir l'ou- 
verture des pores aquifères en question ; mais nous n'avons pas réussi, parce que Les tissus, 
dans un animal mort, s’imprègnent partout de la matière colorante, et qu’il suffit d’un effort 
mal ménagé pour faire sortir la liqueur sur un grand nombre de points d’une surface 
membraneuse aussi facile à déchirer que celle du manteau. Il semblerait aussi, par 
l'étendue de la circulation qui s'établit dans ces organes, qu'ils pourraient suppléer, jusqu'à 
un certain point, ceux de la respiration, puisqu'un système vasculaire considérable se 
trouve plongé dans des organes gorgés d'eau. 

Dans les Lutraires, la masse abdominale est en proportion peu considérable; elle est 
allongée, et elle vient occuper toute la région dorsale du manteau, bornée, en avant et en 
arrière, par les muscles adducteurs des valves, élargie en avant, mais très-amincie par un 


pied triangulaire et linguiforme qui la continue. (PI. XXXIV, fig. 2, 3, 4 m, m.) 


Le Pren. — Le pied est réellement peut pour un animal d’un aussi gros volume 
que celui des Lutraires. Pendant que lanimal est vivant, on le voit quelquefois faire 
sortir, par la fente antérieure du manteau, son organe locomoteur, qui se présente 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE LUTRAIRE. 317 


sous la forme d’une langue étroite, triangulaire, comprimée latéralement, pointue au 
sommet, et coudée à la base, à peu près comme nous l'avons vu dans les Pandores, et 
comme nous le verrons encore dans les Mactres, etc. (PL. XXXIV, fig. 1 L, fig. 2,3, 4m; 
pl. XXXV, fig. 1 f, fig. 2 L, fig. 3 p, p; pl. XXXVIT, fig. 3 f, f.) Par sa forme générale, le pied 
des Lutraires diffère essentiellement de celui des Panopées et des Myes. Dans ce dernier 
genre, surtout, le pied, réduit à un mamelon situé à l’extrémité antérieure de l'abdomen, 
affecte une forme cylindrique lorsqu'il sort du manteau, et en cela il ressemble à celui 
des Glycimères et de quelques autres genres. Aïnsi, dans deux genres qui paraissent telle- 
ment voisins, que CGuvier fait de l’un un sous-genre de l’autre, l'organe locomoteur est 14 
très-différent; rudimentaire et cylindracé dans les Myes, il est comprimé, linguiforme | 
dans les Lutraires. Sans avoir pénétré dans l’organisation des animaux que nous comparons, 


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nous trouvons donc, dans leurs formes extérieures, des caractères au moyen desquels il est 
facile de les distinguer en deux genres. Dans sa partie non exertile, le pied s’élargit ; ses parois 
s'écartent et, dans la cavité qui en résulte, viennent se loger les principaux viscères, c’est-à- 
dire ceux de la digestion et de la génération. Son bord antérieur est obtus ; il est épaissi par 
les muscles rétracteurs antérieurs. Le bord postérieur est tranchant; mais, à son extrémité 
supérieure et postérieure, il s’épaissit aussi par le passage du muscle rétracteur de ce côté. 

Si nous examinons la structure de l'organe du mouvement, nous le trouvons constitué de 
la même manière que dans les Mollusques que nous avons examinés jusqu'ici. 

En opérant une section longitudinale du pied, on reconnaît avec facilité sa structure. 
Deux plans musculaires, l'un à droite, l'autre à gauche, constituent les parois abdominales; 
elles s’épaississent sensiblement à la base du pied, se rapprochent et enfin se confondent 
sur le bord tranchant et à la pointe de l’organe locomoteur. La cavité centrale se prolonge 
cependant vers le milieu du pied, et c’est par cette cavité que passe l'artère principale qui 
vient se distribuer aux parties dont il est question. Si l’on veut disséquer avec quelque 
suite les divers éléments musculaires dont le pied est composé, on trouve dans chaque 
paroi deux épaisseurs de fibres superposées et croisées dans leur direction. Vers l’extré- 
mité libre du pied, tous les muscles se divisent en fibres très-fines qui s’entrelacent d’un 
côté à l’autre, se portent dans toutes les directions, et forment un tissu feutré donnant à 
la fois beaucoup de solidité à l'organe du mouvement, et propres à lui imprimer tous les 
mouvements dont l'animal peut avoir besoin. De ce tissu naissent des faisceaux fibreux 
principaux, dont les uns, situés en avant, deviennent épais, se bifurquent au-dessous de la 
bouche, et chacune des branches de la bifurcation va s'attacher à la coquille en arrière du 


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muscle adducteur antérieur des valves; d’autres faisceaux musculaires, un peu moins con- 
sidérables, se dirigent obliquement en arrière, forment le bord tranchant et postérieur de 
la masse abdominale, et bientôt se réunissent en un muscle puissant bifurqué à son extré- 
mité, dont l'insertion se voit en avant du muscle adducteur postérieur des valves. Ces 
deux muscles principaux dont nous venons de parler et qui servent puissamment au mouve- 
ment du pied sont les muscles rétracteurs de cet organe. 

Le pied contient encore un très-grand nombre de muscles transverses qui se rendent 
d'une paroi à l’autre, en passant surtout entre les circonvolutions de l'intestin auquel ils 


318 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


forment une sorte de gaine. En laissant ces muscles en place et en enlevant tous les organes 
de la digestion, on peut en suivre la forme et les contours par les muscles implantés le 
long de leur trajet; une section longitudinale est surtout très-propre à faire comprendre la 
position des muscles dont nous parlons. Poli, probablement à cause de leur forme, a donné 
à ces muscles le nom de funiculaires. 


MuscLes DES VALVES. — Les muscles adducteurs des valves sont assez considérables; ils 
occupent, l’un et l’autre, la région dorsale de l'animal ; ils sont fort écartés et à peu près à 
égale distance du cœur. Le muscle antérieur est subsemilunaire , il est épais; le muscle pos- 
térieur est subcylindrique. Tous deux sont contenus dans une sorte de gaine produite par 
le manteau, et qui, s’attachant à la coquille avec le muscle lui-même, ne présente aucune 
solution de continuité. Lorsqu'on vient à injecter, si les vaisseaux propres aux muscles se 
rompent, l'injection s’épanche dans l'enveloppe musculaire et pénètre facilement entre les 
faisceaux fibreux. Nous ne parlons pas actuellement de la structure intime des muscles chez 
les Mollusques acéphalés; en traitant du Lavignon, nous rapporterons sur cette organisation 
intime des observations multipliées, propres à éclairer diverses questions oubliées ou incom- 
plétement traitées par les naturalistes. 


ORGANES DE LA DIGESTION. — Il faut chercher la bouche des Lutraires à la place qu’elle 
occupe dans tous les autres Mollusques du même ordre, c’est-à-dire, au-dessous du muscle 
adducteur antérieur, au fond de l'angle que produit ce muscle avec la base du pied. L’ou- 
verture de la bouche est ovale-transverse ; elle est d’une médiocre étendue, légèrement 
plissée à son pourtour intérieur; elle est pourvue de deux lèvres, lune supérieure et l'autre 
inférieure, exactement comme dans tous les Mollusques que nous avons décrits Jusqu'ici. 
(PL XXXUIT, fig. 1 à; pl. XXXIV, fig. 3 m; pl. XXXIV, fig. 3, 4 n.) Les lèvres sont mem- 
braneuses, assez larges pour se rejoindre en avant et cacher complétement l’ouverture de 
la bouche. La lèvre inférieure, un peu plus courte que l’autre, s'applique exactement sur 
le bord antérieur du pied, et elle est un peu moins longue que la supérieure; toutes deux se 
continuent latéralement en une paire de palpes très-longues, en triangle très-allongé et sont 
terminées à leur extrémité libre en une pointe très-aiguë. Ces palpes membraneuses et peu 
épaisses sont adhérentes au manteau et aux parties latérales du corps par leur côté le plus 
court; elles sont flottantes dans le reste de leur étendue, lisses à l'extérieur: leur surface 
interne est chargée d’un grand nombre de lamelles transverses, peu épaisses, nombreuses 
et rapprochées, mais celles-ci disparaissent dans le voisinage de la bouche, et laissent ainsi 
tout à fait nu tout l’espace qui coïncide à leur commissure. Le bord antérieur des palpes reste 
lisse et les lames ne l’atteignent pas. Il en est de même du bord postérieur; la portion lisse 
de ce bord est plus large que celle du bord antérieur, de sorte que la portion plissée des 
palpes se trouve encadrée par des bords parfaitement lisses. 

L'œsophage est un canal assez large, aplati et non cylindrique, comme on le suppose 
habituellement. IL est comprimé de haut en bas; aussi ses parois se touchent et sa section 
transverse représente une fente presque linéaire, dirigée de droite à gauche; ses parois 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE LUTRAIRE. 319 


membraneuses sont noyées dans l’épaisseur du foie et, après un court trajet oblique d'avant 
en arriére et de bas en haut, elles aboutissent à l'estomac. La surface interne de l'æsophage 
est lisse dans la plus grande partie de sa longueur. Vers le milieu, on y aperçoit deux gros 
plis transverses qui se bornent à la largeur de la paroi inférieure. La difficulté que l'on 
éprouve à effacer ces plis, en tirant l'œsophage dans sa longueur, nous fait croire qu'ils ne 
résultent pas de la contraction de cet organe. L'ouverture stomacale de læsophage est 
percée à la partie supérieure et antérieure de l'estomac; ovale-transverse, elle a la forme 
de la bouche; un bord à peine saillant la circonscrit. Elle est entourée d’un espace aplati 
ovalaire , sur lequel se dessinent de très-fins plis onduleux, quelquefois bifides, blancs, 
et rayonnants autour de l'ouverture qu'ils accompagnent. A la limite de cette surface s'élève 
un bord assez épais, découpé en franges, sur lesquelles adhèrent de nombreuses papilles 
pédiculées. La portion de ce bord, correspondant à la face inférieure ou ventrale de l’es- 
tomac, est la plus saillante et la plus épaisse; l'autre moitié du même bord est adhérente à 
la face d’une grande cloison saillante dans l’estomac, et les papilles qui le garnissent sont 
plus petites et moins nombreuses. (PI, XXXVI, fig. 2 d, e, f.) 

L'estomac paraît petit pour un animal aussi volumineux que celui de la Lutraire. Cepen- 
dant, lorsqu'on l'a ouvert, on voit que sa surface est plus étendue qu'on ne l'aurait supposé à 
cause des crêtes qui s'élèvent à l'intérieur, et surtout à cause du grand cœcum stomacal qui le 
prolonge en avant et en bas. A l'extérieur, l'estomac est d’une forme ovale-subglobuleuse, dont 
le grand axe est dirigé obliquement de bas en haut et d’arrière en avant. Par cette position, 
il se rapproche beaucoup du dos de animal, et, en eflet, il n’est séparé de la surface du dos 
que par une très-pelite épaisseur du foie. La surface extérieure de l'estomac, noyée de tous 
les côtés dans le foie, est difficilement débarrassée de cet organe, qui y adhère fortement. 
Une fois dégagé, 1l se montre, formé de plusieurs boursouflements inégaux. À l'intérieur 
ces boursouflements coïncident à des poches séparées par des crêtes plus ou moins saillantes. 

La cavité de l'estomac n’est pas simple, elle est divisée en deux compartiments inégaux 
par une grande cloison transverse, assez comparable à l’une des valvules sigmoides de l'aorte 
des mammifères; elle commence à la droite de l'estomac par un petit pilier charnu; elle 
passe derrière l'ouverture de l’œsophage, s'élargit considérablement, et vient se terminer à 
gauche en un pilier épais. En arrière de cette grande cloison est un vaste cul-de-sac à 
parois minces et simples. En avant de cette même cloison, la surface de l'estomac est beau- 
coup plus compliquée; car c’est là que s'ouvrent les cryptes biliaires, et que se relèvent 
plusieurs plis qui doivent avoir des usages importants dans Pacte de la digestion. A gauche 
de lestomac, et dans sa partie la plus relevée, tout près de l'ouverture de læsophage, 
et dans un enfoncement particulier, s'ouvre un très-grand crypte biliaire, divisé en deux 
ouvertures presque égales par un éperon membraneux et peu saillant. À droite de l’æso- 
phage, et presque au-dessous de son ouverture, existe un second crypte biliaire de moitié 
moins grand que le premier, quelques vaisseaux biliaires qui en dépendent viennent s'ouvrir 
jusque près de la cloison stomacale; et, comme leur ouverture se voit facilement, 1l 
semblerait qu’elles constituent plusieurs autres cryptes biliaires de ce côté, tandis qu'en 
réalité il n’y en a qu'un seul. Une petite crête transverse, courbe et peu saillante, va d’un 


320 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


crypte à l'autre. Une autre crête, beaucoup plus épaisse, sort du crypte du côté droit, et 
se dirige vers l'entrée de l'intestin, dans l’intérieur duquel elle se continue. De l'extrémité 
du pilier du côté droit de la grande cloison stomacale, naît un pli saillant, qui se dirige 
obliquement vers une grande ouverture circulaire, et il laisse sur elle, en passant, une 
échancrure peu profonde, au milieu de laquelle il gagne le grand cœcum de l'estomac. 

En partageant longitudinalement l'estomac en deux moitiés égales, la section diviserait 
aussi le grand cœcum stomacal en deux parties semblables. Cette cavité cylindrique a son 
ouverture en arrière de celle de l'intestin. L'animal étant sur le ventre, l'ouverture en question 
occupe l'extrémité postérieure et inférieure la plus déclive de l'estomac; elle est circulaire, 
et donne entrée à une cavité cylindrique du diamètre de trois millimètres environ, qui 
se dirige un peu obliquement vers l'angle postérieur et inférieur de la masse abdominale. 
Le cœcum stomacal se termine près de la surface cutanée devenue très-molle dans cet 
endroit. La membrane interne, lisse dans presque toute l'étendue de la cavité cœcale, se 
plisse longitudinalement à son extrémité fermée. Nous avons trouvé, dans la cavité dont 
nous nous occupons, des vestiges d’un stilet cristallin, tel que celui qui existe chez les 
Pholades et d’autres genres. 

L'intestin naît de la paroi antérieure et inférieure de l'estomac, du côté droit et à côté 
du cœcum stomacal. L'ouverture pylorique est subcirculaire, rétrécie par un bourrelet 
membraneux; elle présente, dans la portion latérale de son circuit, une échancrure assez 
grande, par laquelle pénètre la crête du crypte biliaire dont nous avons parlé. Le tube 
intestinal se porte d'abord en bas et en arrière, et presque immédiatement il se tortille en 
nombreuses circonvolutions très-serrées, à la suite desquelles il en fait quatre autres plus 
simples et beaucoup plus étendues. La dernière de ces circonvolutions se continue au-des- 
sous du cœcum; et, après s'être contournée en plusieurs ondulations, elle vient percer la 
paroi abdominale dans la région du péricarde. L’intestin traverse la cavité péricardienne, 
où il est saisi par le cœur; il en sort pour s'appuyer sur le muscle postérieur des valves, à la 
surface duquel il se contourne et entre enfin dans le siphon anal; là il se termine en un 
anus garni d’un bourrelet sphinctéroïde. Comme on le voit, l'intestin a un très-vrand déve- 
loppement chez les Lutraires. D'un diamètre à peu près égal dans tout son trajet, il est par- 
couru dans une partie notable de son étendue par une crête très-saillante, dont nous avons 
vu le commencement aux cryptes biliaires eux-mêmes. Il faut une dissection longue et 
patiente pour dégager les organes digestifs de tout ce qui les enveloppe. Le foie et l'ovaire 
sont très-adhérents à leur surface; il faut, pour ainsi dire, les en arracher grain à grain. 

Le foie est un organe considérable chez les Lutraires comme dans tous les autres Mol- 
lusques acéphalés dimyaires. Il occupe une grande place dans la cavité abdominale, et déjà 
on l'aperçoit dans la région dorsale , lorsque l'animal a été détaché de sa coquille et placé 
sur le ventre; mais pour juger d’une manière plus exacte de son étendue et de ses rapports, 
il faut prendre une Lutraire et la diviser longitudinalement en deux moitiés égales. On 
voit alors que le foie s'étend depuis le bord postérieur du muscle adducteur antérieur des 
valves, jusqu'à la région du cœur, et s’avance à peu de distance de la base du pied, em- 
brassant dans son épaisseur l'æœsophage, l'estomac et une partie peu considérable du tube 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE LUTRAIRE. 321 


intestinal. Le parenchyme du foie est creusé d’un grand nombre de canaux biliaires, divisés 
dans l’épaisseur de l'organe comme un arbuscule dont les rameaux seraient extrêmement 
multipliés. Ils aboutissent à deux troncs principaux, larges, qui, étant ouverts, ont leurs 
parois criblées de trous qui résultent de l'abouchement des branches et de leurs rameaux. 
Si l’on parvient à isoler un de ces rameaux, on le trouve enveloppé et entièrement caché 
par une multitude de petites ampoules allongées, subelaviformes, et s’ouvrant dans l'inté- 
rieur du canal biliaire par l'extrémité étroite qui s'y trouve attachée. Il faut examiner les 
portions du foie à des grossissements microscopiques divers pour voir distinctement cette 
disposition des parties intimes de l'organe sécréteur de la bile. La crête que nous avons 
signalée dans l'intérieur de l'estomac, et qui s'étend d’un crypte biliaire à l’autre, com- 
mence très-avant dans l’intérieur des canaux biliaires eux-mêmes, de sorte qu'à mesure 
que la bile est sécrétée, elle est distribuée en partie dans l'estomac, et en partie dans l'in- 
testin, dirigée vers ce dernier par un repli saillant dont nous avons parlé précédemment. 


ORGANES DE LA GÉNÉRATION. — L’ovaire est le seul organe de la génération que nous ayons 
reconnu dans les Lutraires. Il est considérable, car il occupe la plus grande partie de la 
cavité abdominale. Il s’infiltre, pour ainsi dire, entre les faisceaux musculaires du pied ; 
aussi, au moment de sa turgescence, il envahit presque totalement la masse abdominale 
et même la base de l'organe locomoteur. Nous jugeons de ce développement, non pour 
l'avoir observé sur les individus de Lutraire que nous avons eus à notre disposition, mais 
pour avoir retrouvé des traces de l'ovaire dans presque tous les interstices des muscles de 
la masse abdominale et du pied. Ayant vu dans d’autres genres de quels développements 
l'ovaire est susceptible, nous jugeons, par analogie, de celui qu'il doit prendre chez les Lu- 
traires. Les individus que nous avons disséqués ont l'ovaire à peu près vide et, néanmoins, 
il occupe, à côté du foie, un espace plus étendu que ce dernier; il s'étend dans tout le côté 
postérieur de l'abdomen, renfermant, dans son épaisseur, non-seulement le grand cœcum de 
l'estomac, mais encore presque toutes les circonvolutions de l'intestin. {PL XXXIIT, fig. 1 0, 0.) 

Dans sa composition, l'ovaire se rapproche de ce que nous avons déjà vu dans d’autres 
Mollusques. Sur des oviductes rameux viennent s'ouvrir un grand nombre de poches ovi- 
fères, dans les parois desquelles on reconnaît un tissu fibreux d’une extrême finesse, et 
dont nous avons déjà parlé plusieurs fois. Toutes les branches de l’oviducte se réunissent 
de chaque côté à un tronc principal qui vient s'ouvrir à la base de l'abdomen, au-dessous 
des branchies, à la jonction de l'organe dépurateur, avec les parois abdominales. On pour- 
rait dire, d’après la symétrie des canaux ovifères et des oviductes eux-mêmes, qu'il existe 
deux ovaires, un de chaque côté, mais dont les branches viendraient se mélanger les unes 
aux autres dans la cavité abdominale. Nous n’avons pu constater ici la manière de s’accroître 
des œufs ; ils étaient trop peu avancés dans leur développement pour reconnaître le pédicule 
au moyen duquel ils s’attachent au parenchyme de l'ovaire ; nous avons vu seulement dans 
les membranes ovariennes un grand nombre d'ovules disséminés, entourés d’une matière 
demi-transparente, entièrement composée d’un nombre immense de granules d’une ex- 
trême petitesse. 

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322 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


ORGANES DE LA CIRGULATION. — Le cœur et la cavité péricardienne qui le renferme sont 
situés un peu en arrière de la dépression du dos, dans laquelle sont logés les cuillerons 
de la charnière. Le péricarde est grand, subpiriforme, élargi en avant, très-rétréci en 
arrière ; il est formé par le manteau qui, en se reployant sur lui-même, revêt la surface 
de la cavité destinée à contenir l'organe principal de la circulation. Ainsi que nous l'avons 
vu, le rectum traverse, dans toute sa longueur, le péricarde, en conservant la direction de 
l'axe longitudinal de l'animal. (PI. XXXV, fig. 3 t, u.) L’intestin rencontre en arrière l’or- 
gane dépurateur, dont la face supérieure constitue une portion notable du plancher du 
péricarde. C’est de ce côté que l'intestin sort, que les parois du péricarde se rapprochent et 
prennent la forme d’un entonnoir par le bec duquel l'intestin serait saisi exactement. Un 
ventricule aortique, assez épais et fusiforme lorsqu'il est contracté (pl. XXXV, fig. 3 q), 
ayant la forme d'une ampoule à parois minces, pendant la vie de l'animal, embrasse le tube 
intestinal. Nous avons vu cet organe se contracter, et réellement ses contractions sont loin 
de ressembler à celles du cœur des animaux vertébrés. La diastole se fait lentement; la 
systole semble manquer d'énergie et s’opère avec non moins de lenteur. La contraction se 
fait à la fois sur toutes les parties du ventricule ; lorsqu'elle est achevée, il reste assez long- 
temps sans se mouvoir; la diastole recommence, et neuf ou dix pulsations s’exécutent dans 
l'espace d’une minute. Nous supposons que l'animal, placé dans les circonstances les plus 
favorables, doit avoir une circulation plus active. On ne peut observer les battements du 
cœur sans détacher animal de sa coquille, opération pendant laquelle il est impossible de 
ne point le blesser ; voilà un animal, habitué à se sentir protégé par un test solide, que l’on 
blesse, qui est mis à nu, et dont les fonctions doivent être troublées profondément. On 
ne peut donc affirmer que les pulsations du cœur sont aussi lentes pendant la santé qu'à 
la suite des blessures reçues par l'animal. 

Les oreillettes contractées sont triangulaires, aplaties et occupent une très-petite place 
dans le péricarde. (PI. XXXV, fig. 3 r, s.) Malgré la minceur extrême de leurs parois, les 
oreillettes sont susceptibles d’une dilatation considérable, à ce point qu’elles remplissent 
quelquefois entièrement le péricarde. Les dilatations très-étendues de ces organes annoncent 
une propriété particulière à la fibre musculaire qui entre dans leur composition; car, dans 
les autres organes fibreux des mêmes animaux, on ne leur trouve pas une aussi grande 
extensibilité. 

De son extrémité antérieure, le ventricule aortique donne naissance à un gros tronc 
artériel qui, se plaçant au-dessus de l'intestin, pénètre bientôt dans la cavité abdominale 
par l'ouverture qui donne passage à l'intestin lui-même (pl. XXXV, fig. 1 r); mais, avant 
de franchir la paroi abdominale, l'aorte fournit deux petites artères pour l'extrémité anté- 
rieure du péricarde, Quelques branches naissent un peu plus loin; elles se distribuent aux 
membranes de la charnière ainsi qu'à la portion dorsale du manteau. (PI. XXXV, fig. 3 v; 
pl. XXXVIIL, fig. 3 e.) Aussitôt qu'elle à franchi la paroi abdominale, l'aorte se relève 
vers la surface du dos, se place immédiatement sous le manteau, un peu à gauche, et elle 
s'avance jusqu'à la limite antérieure du foie. Dans ce trajet, elle distribue un assez grand 
nombre de rameaux ; quelques-uns, d’un très-petit calibre, s'élèvent perpendiculairement ; 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE LUTRAIRE. 323 


le premier s’épanouit en un élégant arbuscule, dans le lambeau du manteau qui s'engage 
entre les dents cardinales; le second se divise dans la crête membraneuse qui s'nterpose 
entre les valves, dans le voisinage de la charnière; enfin, en avant de ces rameaux, deux 
autres s'élèvent aussi, et leurs branches nombreuses viennent ramper dans la portion dorsale 
et antérieure du muscle circulaire du manteau. Les branches que, dans le même trajet, l'aorte 
produit du côté droit, sont assez nombreuses; les premières, très-petites, se distribuent à la 
surface, dans une portion du manteau correspondant à l’enfoncement que produit le bord 
cardinal ; en avant de ces premières branches, on en voit une plus grosse : elle rampe sous 
le manteau, fait un circuit à droite, se trouve à la base de cette partie saillante de l'animal 
qui est reçue dans la cavité des crochets, remonte d’avant en arrière, et se termine en 
nombreux rameaux qui se perdent dans l'organe spécial des crochets. (PL. XXXV, fig. 3 x.) Un 
peu plus loin, et toujours à droite, un tronc plus considérable et très-court sort de l'aorte, un 
peu avant qu'elle ne se plonge dans la masse abdominale; ce tronc superficiel se partage 
immédiatement en deux branches : la première, superficielle, se bifurque et rampe sous la 
crête du manteau (pl. XXXV, fig. 3 d), à laquelle elle donne de nombreux rameaux. Cette 
branche s'étend jusqu’à la commissure antérieure du manteau, et peut-être est-elle destinée 
à parcourir une partie considérable de la circonférence de cet organe. La seconde branche 
du tronc dont nous nous occupons s'applique à la surface du foie, en faisant un angle droit 


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| avec l'aorte, distribue quelques rameaux superficiels et s'enfonce dans l'organe sécréteur de 

la bile. (PL. XXXV, fig. 3 z.) Si, maintenant, nous cherchons les artères du côté gauche, 

nous en trouverons deux ayant leur origine l’une près de l’autre, ou seulement une seule 

dont le tronc, très-court, se bifurque; la première branche (pl. XXXV, fig. 3 v) se rend à 
| l'organe du crochet; la seconde, superficielle, se dirige d’arrière en avant, sous le manteau, 
auquel elle distribue une partie de ses rameaux; les autres descendent dans le foie. Un petit 
nombre d’artères sortent encore du côté gauche de l'aorte ; il y en a deux plus grosses que 
les autres qui se portent à gauche en faisant un angle droit avec le tronc principal; elles 
fournissent au foie presque tous leurs rameaux. 

À peine l'aorte at-elle commencé à se courber, pour se plonger vers le centre de la masse 
viscérale, qu’elle projette en avant un tronc considérable qui, passant dans la bifurcation du 
muscle rétracteur antérieur du pied, se dirige vers le milieu de la surface ventrale du muscle 
adducteur des valves; elle s'appuie sur ce muscle, immédiatement au-dessus de la bouche ; 


elle est alors plongée dans ce tissu cellulaire lâche et mollasse qui entoure les ganglions 
buccaux et leur branche de commissure. Depuis sa sortie de l'aorte jusqu'au point où nous 

| l'avons conduite, l'artère buccale, car c’est ainsi qu'elle doit être nommée puisqu'elle est à 

| particulièrement destinée à la bouche et à ses annexes, l'artère buccale, disons-nous, ré- 

pand un grand nombre de branches dans le tissu cellulaire qu'elle traverse, et il en résulte 

un véritable lacis artériel qui enveloppe de toutes parts les ganglions nerveux. C’est aussi 

| de l'artère labiale que naissent des artères palléales, dont l'existence nous a été dévoilée 

| particulièrement chez le Lutraria elliptica : un individu mort récemment ayant été Imjecté 

avec un soin minutieux, nous vimes avec surprise un arbuscule artériel se développer dans 

la partie mince du manteau, là où, avant cela, il eût été impossible de deviner l'existence 


A1. 


324 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 
de ces vaisseaux (pl. XXXV, fig. 3 y}, fig. 4, n; pl XXXIIT, fig. 1 é); nous en avons fait 


souvent l'épreuve en recherchant vainement des indices de ces vaisseaux, quoique nous con- 
nussions d'avance leur existence, et, nous devons l’avouer, jamais nous n’avons pu en décou- 
vrir la moindre trace. On pourrait supposer que les parois de ces vaisseaux, étant rapprochées 
et ajoutées à l'épaisseur de celles du manteau, devraient se trahir par un peu plus d’opacité ; 
mais il n’en est rien et ils restent invisibles jusqu’au moment où une liqueur colorée les pénètre. 
Ce fait ne laisse pas que d’avoir une grande importance, car il prouve, de la manière la plus 
évidente, que la circulation dans le manteau ne se fait pas au moyen d’un vaste épanchement, 
comme l'ont supposé quelques zoologistes. Des artères spéciales existent dans le manteau ; un 
système veineux considérable y est développé et si, entre ces deux ordres de vaisseaux, 1l 
existe une lacune, elle doit être très-courte. L'artère palléale, dont nous venons de parler 
(pl. XXXV, fig. 3 y y; fig. 4 n), n’est pas la seule que nous ayons découverte : une seconde, 
moins importante, a été injectée; elle descend de chaque côté de l'animal. (PI. XXXV, 
fig. 3 z; fig. À o.) 

Nous avons la conviction que, si quelque jour on parvient à faire vivre des Mollusques 
acéphalés dans de l'eau colorée, si on les nourrit avec des matières qui donnent au sang 
une couleur particulière, on verra le manteau couvert de réseaux vasculaires artériels et 
veineux. Dans des membranes aussi fines, aussi minces que celles du manteau, et dans la 
composition desquelles il entre une quantité assez considérable de fibres contractiles, il ne 
faut pas s'étonner si les vaisseaux ne reçoivent pas habituellement les injections ; il ne faut 
quelquefois qu'une particule de sang coagulé pour s'opposer à l'injection de vaisseaux d’un 
très-petit diamètre. 

Parvenue à la surface du muscle adducteur antérieur, l'artère buccale se bifurque; ses 
deux branches principales entourent la bouche; en atteignant à droite et à gauche, à l'ori- 
gine des palpes, chaque branche se divise à son tour en deux, ce qui produit en tout 
quatre branches, qui se distribuent immédiatement aux quatre palpes. (PL. XXXIIT, fig. 1 v.) 
C’est encore l'artère buccale qui envoie des branches à la surface du muscle adducteur 
antérieur, et même une plus grosse qui pénètre dans son épaisseur un peu au-dessus de 
la bouche. 

En arrivant près de l'extrémité du foie, l'aorte se courbe assez subitement pour s’enfon- 
cer dans le centre de la masse abdominale. Elle rencontre les parois de l’estomac, s’y 
attache, et se glisse ainsi entre lui et la masse commune du foie et des intestins. Pendant 
ce trajet, elle s'infléchit d’arrière en avant et de droite à gauche, se rapprochant de la paroi 
abdominale du côté gauche; parvenue à ce point, elle se recourbe de nouveau, remonte 
jusqu'au centre du pied, et se place dans la cavité centrale de cet organe. 

À peine l'aorte est-elle en contact avec l'estomac, qu’elle lui envoie plusieurs branches 
se dirigeant vers le pylore, et répandant, à la surface de l'organe principal de la digestion, 
un très-beau réseau vasculaire. (PI. XXXVI, fig. 2 e, e.) Parmi ces branches stomacales, 
une, plus longue, remonte le long de l’œsophage, le parcourt dans sa longueur, et y jette 
de très-nombreux rameaux : c’est l'artère œsophagienne ; elle se voit surtout en dedans, 


lorsque l’æsophage a été ouvert dans toute sa longueur. (PI. XXXVI, fig. 2 d, d.) Plus 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE LUTRAIRE. 325 


loin, un tronc assez considérable, et fort court à son origine, se partage en deux branches; 
l'une d’elles est destinée à la face ventrale de l'estomac, tandis que l'autre, se détachant, 
remonte vers le pylore, et, parvenue entre le duodenum et le grand cœcum de l'estomac, 
elle se divise en deux rameaux inégaux : le plus gros s'attache au cœcum, et ses branches 
nombreuses se divisent à sa surface (pl. XXXVI, fig. 2 g, g); le second accompagne la 
première partie de l'intestin et le couvre de nombreux ramuscules. À une petite distance 
de la seconde artère stomacale, l'aorte donne naissance à plusieurs troncs assez gros qui 
remontent dans lépaisseur du foie; ce sont les artères hépatiques. Leur nombre est va- 
riable, mais, dans leur ensemble, elles répandent toujours la même quantité de sang à 
l'organe dans lequel elles se distribuent. Si l’on parvient à détacher le foie des artères, 
on voit que celles-ci se ramifient très-rapidement, et fournissent enfin une très-grande 
quantité de vaisseaux d’un très-petit diamètre, qui, pour le plus grand nombre, s’attachent 
aux vaisseaux biliaires eux-mêmes, après avoir serpenté pendant un trajet assez long entre 
les lobules dont le foie est composé. Les artères hépatiques ne se bornent pas à fournir 
des branches au foie; les rameaux qui parviennent à la limite de l'organe se jettent par- 
ticulièrement dans l'ovaire et s'y continuent; d’autres rencontrent le tube intestinal et lui 
donnent des branches plus ou moins considérables. Néanmoins, en avant des artères hé- 
patiques, l'aorte produit encore une artère assez grosse, plus particulièrement destinée 
à l'ovaire et à la portion de l'intestin qui se déroule dans l'épaisseur de cet organe. 
(PI XXXIIT, fig. 1 y; pl. XXXVIL, fig. 1.) Cette branche ovarienne est presque aussi 
grosse que le tronc aortique lui-même, à ce point que l’on croirait l'aorte bifurquée en 
deux troncs égaux. Cependant, nous considérons comme la continuation de l'aorte l’ar- 
tère dont il nous reste à parler, et qui se distribue à l'extrémité du pied. Cette artère 
(pl. XXXIIE, fig. 1 z, z) se place, ainsi que nous l'avons dit, dans la cavité centrale du 
pied, cavité dans laquelle on remarque avec facilité l’arrangement des piliers musculaires 
qui entrent dans la composition de l'organe du mouvement. L’artère en question distribue 
ses branches en petit nombre, à droite et à gauche, aux muscles du pied; elle s'amoindrit 
successivement, et, après plusieurs courbures, ses derniers rameaux se perdent dans 
l'extrémité aiguë du pied. 

L’aorte postérieure nous est moins connue dans ses détails; elle est beaucoup plus diffi- 
aile à injecter; elle paraît fermée du côté du cœur par une valvule qui interdit une commu- 
nication facile avec le ventricule aortique. Attachée au-dessous de l'intestin, sa cavité reste 
aplatie, et n’est pas susceptible de se dilater sous la forme cylindrique, comme le fait l'aorte 
antérieure. Nos tentatives multipliées pour injecter ce vaisseau ont presque toujours échoué; 
néanmoins nous sommes parvenu, au moyen d’un assez grand nombre d'individus, à constater 
son trajet et à reconnaitre une certaine quantité des branches qu’elle produit. D'abord elle 
donne naissance à une petite artère qui remonte sur la ligne médiane et qui se distribue 
à la paroi supérieure du péricarde. Un peu en arrière se montrent les artères propres à 
l'organe dépurateur. Parvenue dans le voisinage du muscle adducteur antérieur, l'aorte 
postérieure envoie une branche assez grosse vers ce muscle, et ses rameaux assez gros enve- 
loppent le ganglion abdominal et pénètrent dans le tissu cellulaire qui l’environne. Il sem- 


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326 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


blerait que l'aorte postérieure, arrivée au muscle des valves, dût s'ouvrir dans une espèce 
de poche que l'injection remplit habituellement et de laquelle partiraient des vaisseaux 
assez gros, dont l'un, le plus considérable, s’aboucherait à ce vaisseau triangulaire qui 
règne dans toute la longueur des siphons; tandis que l’autre, un peu moins gros, parvenu 
sur les parties latérales, en contournant l’origine des siphons, perce la base du muscle 
rétracteur des siphons, se place à la surface externe de ce muscle, et s'y développe en un 
arbuscule élégant. (PL. XXXV, fig. 2 k; pl. XXXIIT, fig. 2.) 

Les siphons sont des organes éminemment vasculaires; deux gros vaisseaux, parfaitement 
semblables et symétriques, les parcourent dans toute leur longueur. Si l’on fait une section 
transverse des siphons, les vaisseaux en question ont une forme triangulaire; lorsqu'on les 
ouvre longitudinalement, on remarque, dans les deux angles opposés, une multitude de 
perforations, dont les unes semblent pénétrer immédiatement dans les interstices des 
muscles, tandis que d’autres, en moindre nombre, donnent naissance à de véritables vais- 
seaux, qui rampent entre les deux plans musculaires dont nous avons parlé. Ces vaisseaux 
sont tous transverses, un peu onduleux, et ne produisent qu'un petit nombre de branches, 
dont les dernières atteignent la demi-circonférence des siphons, de sorte que le système 
vasculaire, du côté gauche par exemple, n’empiète pas sur celui du côté droit. Peut-être 
les vaisseaux dont nous parlons sont-ils plus nombreux que nous ne le supposons; car, pour 
les découvrir, il faut détacher l’un de l’autre deux plans musculaires très-solidement unis, et 
dans cette dissection difficile beaucoup de vaisseaux sont rompus et dilacérés. (PI. XXXVIIT, 
fig. 2 ee, ff.) 

Nous avons voulu profiter de ces vaisseaux considérables qui parcourent les siphons pour y 
pousser des injections et étudier la marche du liquide coloré, afin de reconnaître de quelle 
manière 1l pénètre dans les tissus. Nous l'avons vu se faire jour entre les plans musculaires; 
entrer dans ce système poreux que nous croyons appartenir à des vaisseaux aquifères; et 
gagner, de proche en proche, jusqu’au manteau; en pénétrer le tissu transparent, et s’in- 
filtrer également dans son muscle orbiculaire; enfin, en continuant l'injection, l'animal tout 
entier a pris la couleur du liquide injecté, ce qui nous a prouvé que, dans les Mollusques, 
aussi bien que dans les animaux d’un ordre supérieur, le tissu cellulaire est partout per- 
méable, et se laisse pénétrer dans toutes ses parties. Cette propriété du tissu cellulaire est 
bien connue des anatomistes; ils savent qu’au moyen de linsufllation on peut gonfler un 
animal tout entier, et introduire l'air dans tous ceux des organes dont les éléments sont 
réunis par le tissu cellulaire. 

Nous sommes loin de nous abuser sur la valeur du fait que nous venons de rapporter. 
De ce que les liquides colorés s’infiltrent à travers tous les tissus, nous ne considérons 
pas que ce soit là la marche normale du sang; car, dans les tissus mêmes où nous re- 
marquons des épanchements, nous trouvons aussi des vaisseaux à parois complètes, se 
distribuant comme les vaisseaux ont l'habitude de le fre. Nous avons vu se répéter, dans 
quelques-unes de nos Lutraires, le fait intéressant que nous avons observé dans les Solens, 
c'est-à-dire que les lobes du manteau étant infiltrés du liquide injecté, c’est seulement 
alors qu'un système veineux considérable s’est laissé voir par transparence; et, certaine- 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE LUTRAIRE. 327 . | 


ment, ce système vasculaire aurait échappé à nos investigations sans l'accident fortuit que 
nous venons de rappeler. 


Une valvule existe entre l'ouverture intérieure des deux siphons; elle est particulière- 
ment destinée au siphon branchiüal, et, ordinairement, dans nos injections, nous l'avons vue 
se remplir de matière colorante, sans qu'il fût possible de distinguer dans son tissu la 
moindre trace de vaisseaux. Dans un individu plus heureusement injecté, nous avons 
trouvé cette valvule admirablement remplie de vaisseaux; comme elle nous a présenté, pour 
la première fois, un réseau vasculaire d’une apparence spéciale, nous en avons fait une 
figure exacte sous deux grossissements différents. (PL XXXI, fig. 4, 5.) Des rameaux s’a- 
vancent de la base vers le sommet; parallèles, ils ont de fréquentes anastomoses, et des 
rameaux très-déliés aboutissent au bord libre et flottant de la valvule; là, ils rencontrent un 
autre vaisseau qui accompagne le bord; il est destiné à recueillir le sang qui a circulé dans 
les vaisseaux parallèles. Il nous paraît évident que les deux systèmes vasculaires se trouvent 
là en présence, et communiquent directement entre eux. Ce fait important, nous le devons 
au hasard et au grand nombre d'injections que nous avons pratiquées, ce qui confirme les 
observations que nous avons consignées en traitant de la circulation chez les Solens. 

Cette particularité n’est pas la seule que nous ayons à mentionner dans les Lutraires. | 
L'injection, poussée avec ménagement dans les grands vaisseaux des siphons, nous a fait 
voir, à l'intérieur de ces organes, des taches qui, à l'œil nu, semblaient dues à une simple 
infiltration; mais, vues sous un grossissement suffisant, elles étaient produites par un lacis 
vasculaire serré et composé de mailles anastomosées. Cette disposition se fait surtout re- : 
marquer sur les parois de la cloison servant de séparation aux siphons. Nous avons donc 
porté notre attention plus spécialement sur cette paroi, et nous y avons découvert un grand 
nombre de vaisseaux subtransverses, parallèles, venant s'aboucher dans le grand vaisseau 
longitudinal des siphons. Dans un tissu dont toutes les parties sont fortement liées les unes 
aux autres, il est absolument impossible de disséquer un système vasculaire dont les parois 
sont solidement enchainées à tout ce qui les environne. Aussi nous avons suppléé à ces dis- 
sections au moyen de nombreuses sections transverses et longitudinales, par lesquelles 


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nous avons pu suivre des vaisseaux qui semblent creusés dans l'épaisseur du parenchyme, | 
et, par cela seul, dénués de parois propres. | 
L’organe dépurateur recoit, comme nous l'avons vu, deux artères de l'aorte postérieure; 
dans une de nos Lutraires, ces vaisseaux ayant été en grande partie injectés, nous avons 
vu la surface de l'organe en question se couvrir d’un réseau vasculaire considérable, à 
mailles petites et serrées, formées par de très-fréquentes anastomoses. (PL. XXXVI, fig. 3 
h, j.) Toute la surface n’a pas été également injectée; la cavité de l’organe dépurateur n’a 
offert qu'un seul gros vaisseau, dans les branches duquel linjection n’a pu pénétrer; sans 
cela, on le voit par celle qui a été remplie, cette partie de l'organe eüt été également cou- 
verte d’un réseau vasculaire semblable au premier. (PI. XXXVI, fig. 3 7, k.) Lorsque nous 
* examinerons la structure de l'organe en question, nous entrerons dans d’autres détails sur 
la distribution des vaisseaux. 


Nous aurons malheureusement peu de détails à donner sur le système veineux ; 


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328 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


il échappe, presque partout, à nos recherches. Voici ce que nous en avons observé. En 
injectant l'oreillette, ce qui est quelquefois très-difficile, à cause de l'extrême ténuité de 
ses parois, il arrive que la liqueur colorée passe entre les deux parois du manteau et rem- 
plit une large zone, qui s'étend depuis le point d'attache des palpes et le muscle adduc- 
teur antérieur jusque vers le muscle adducteur postérieur. Abandonnée à elle-même, la 
liqueur colorée s’infiltre peu à peu dans toute l’étendue de la portion mince du manteau, 
et pénètre entre les faisceaux musculaires, soit du muscle rétracteur des siphons, soit 
du muscle orbiculaire du manteau. Du côté du dos, l'injection s'arrête à une ligne un peu 
onduleuse, qui s'accorde exactement au point où le manteau, adhéré au dos de l'animal, 
se dédouble, sa membrane interne se réfléchissant en dedans pour revêtir la masse abdo- 
minale. Si, après les premières heures, l'injection ne dépasse pas la limite que nous 
venons d'indiquer, plus tard, cependant, elle gagne le dos, et ne laisse plus intacts que la 
surface du foie, les organes des crochets, une portion du péricarde et, en arrière, le 
rectum et le muscle du manteau qui le recouvre. Cette infiltration lente gagne aussi les 
muscles des valves, commence par dessiner au dehors la courbure des faisceaux fibreux, 
et, peu à peu, tout est confondu dans une teinte uniforme. 

Lorsque les parois minces du manteau sont remplies d’une matière colorée, que linjec- 
tion y a fait pénétrer, alors on distingue nettement, par sa transparence, un système vas- 
culaire considérable qui, étant clos et imperméable à l’épanchement, ne s’est pas rempli. 
Ce système vasculaire, très-différent de l’artériel dont nous avons parlé (PI. XXXII, fig. 3), 
nous parait le véritable système veineux du manteau, communiquant probablement avec les 
oreillettes au moyen de veines circulaires attachées à la circonférence, telles que celles que 
nous avons signalées dans les Solens. Nous avons souvent cherché, sur le tube intestinal, 
les veines qui devraient s’y trouver, pour recueillir d’abord le sang qu'apportent de nom- 
breuses artères et remplir la fonction de vaisseaux absorbants. Jusqu'ici nos efforts sont 
restés infructueux, et si réellement le système veineux manque dans l'abdomen, il faudrait 
donc comprendre que les sucs nourriciers produits par la digestion passeraient par endos- 
mose dans la cavité abdominale pour fournir immédiatement les éléments de la nutrition et 
des sécrétions; mais cette explication devient difficile à admettre, en présence d’un système 
artériel très-considérable et qui paraît suffisant à l'entretien de toutes les fonctions. Si le 
système veineux manque, que devient le sang artériel ? IL faut donc qu'il suinte dans la 
cavité abdominale et qu’il se mélange dans les interstices des organes avec les produits de 
l'assimilation digestive. Ce mélange serait porté vers les organes de la respiration, pour 
rentrer ensuite dans un nouveau circuit circulatoire. Mais, si chez les Solens, par exemple, 
nous avons trouvé des veines sur les lèvres, sur les palpes; si chez les huîtres nous en 
trouvons dans l'ovaire et dans le foie, pourquoi ne les admettrait-on pas également dans 
les Lutraires, quoiqu’elles aient échappé jusqu’à présent à nos minutieuses recherches ? 


ORGANES DE LA RESPIRATION. — En écartant les lobes du manteau, on voit saillir, de 
chaque côté du corps, deux grands feuillets branchiaux, qui s'étendent depuis le voisinage 


de la bouche jusqu’à l'entrée des siphons. (PI. XXXIV, fig. 3 p, q, r, s; fig. 4 s, s, t.) Ces 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE LUTRAIRE. 329 


feuillets branchiaux sont inégaux aussi bien en longueur qu'en largeur. Les feuillets 
internes sont les plus longs et les plus larges ; ils commencent très-haut, dans le voisinage 
de la bouche, par une extrémité rétrécie, mais obtuse, qui s’avance jusqu’à la transforma- 
tion des lèvres en palpes. Cette extrémité semble s’enfoncer dans une dépression située 
au-dessous d’un épaississement transverse, situé à la limite de la lèvre inférieure et des 
palpes internes. Nous observons la même disposition dans les deux espèces de Lutraires. 
(PL XXXIV, fig. 4,s.) Le commencement de la branchie interne est lisse. Pendant une cer- 
taine longueur, il demeure de la même largeur; mais, parvenu au bord postérieur des 
palpes, il s’élargit insensiblement, jusque vers les deux tiers de la largeur du pied; les 
bords deviennent enfin parallèles, pendant près de la moitié de la longueur totale. À une 
faible distance de l'extrémité postérieure, le feuillet interne s’atténue insensiblement et se 
termine en une pointe aiguë. Immédiatement au-dessous du bord postérieur du pied, le 
feuillet interne du côté droit se soude à celui du côté gauche, dans la ligne médiane 
de l'animal, en laissant ouverte une fente semi-lunaire qui entoure le bord postérieur du 
pied, et au moyen de laquelle s'établit une communication entre la cavité du siphon anal 
et celle du manteau. La soudure des deux feuillets internes est très-solide ; elle se main- 
üent après la mort de l'animal, ce qui n’a pas toujours lieu, comme nous avons déjà eu 
occasion de le faire remarquer. 

La branchie externe est plus courte que la première : elle commence par une pointe 
très-aiguë, qui s’avance jusqu'au bord postérieur des palpes, s’interposant entre les bords 
membraneux de ces organes; elle s'accroît insensiblement en longueur, pendant le premier 
quart de son trajet ; puis elle conserve une largeur uniforme, Jusque vers son extrémité pos- 
térieure, où elle se termine en pointe, comme sa congénère. (PI. XXXIV, fig. 4,5, s.) Les 
feuillets externes de l'organe respiratoire sont toujours plus étroits que les internes, en faisant 
abstraction du petit appendice dont nous allons parler. Nous avons fait remarquer, dans la 
Pandore, que le bord supérieur de la branchie externe se continue, devient saillant et 
prolonge au dehors la surface externe du feuillet branchial externe. Un fait analogue se 
présente chez les Lutraires, et, dans ce genre, ce large bord, en s’attachant aux parois du 
manteau, sert à compléter et à élargir le canal aquifère sous-branchial. L'examen d’un 
individu, chez lequel aucune de ces parties n’a été dérangée, démontrera facilement les 
connexions des organes dont il est question. Cette démonstration ne laissera plus le 
moindre doute, si l’on fait une section transverse de l'animal entier, un peu en avant du 
cœur, On voit alors comment sont constitués les canaux sous-branchiaux, et quelle part 
y prend le bord prolongé du feuillet branchial externe. (PL XXXVIIT, fig. 1, k, k&, 0, 0.) 

Toute la surface des feuillets branchiaux est couverte, au dehors, d’un grand nombre de 
petites côtes accouplées deux à deux, et séparées par des sillons alternativement plus 
larges et plus profonds. (PI XXXVI, fig. c, d.) En aboutissant sur les bords libres des 
feuillets branchiaux, ces côtes s’abaissent insensiblement et disparaissent sur le bord libre. 
Celui-ci, entièrement lisse, aplati, un peu renversé à droite et à gauche, est partagé en 
deux lèvres égales par une ligne déprimée, trace évidente de la jonction des deux parois de 
chaque feuillet. 

Zoo. — Mollusques. 1. 42 


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330 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


D'après ce que nous venons d'exposer, on peut se faire une idée assez juste des formes 
et des caractères extérieurs de l'organe branchial. Pour en compléter la description, il nous 
reste à examiner la surface inférieure, celle qui est cachée dans le siphon branchial et qui 
complète sa paroi inférieure ou ventrale. Immédiatement au-dessous du bord postérieur 
de la masse abdominale, les branchies se réunissent dans la ligne médiane, portion un peu 
plus longue que celle qui, remontant de chaque côté du corps, est séparée par toute 
l'épaisseur de la masse abdominale. La surface inférieure des branchies est plane, trian- 
gulaire et parfaitement symétrique. Il faut y distinguer une portion médiane ainsi que des 
appendices latéraux et membraneux. La portion médiane forme un triangle étroit, dont les 
deux plus longs côtés sont circonscrits par un bourrelet saillant (pl. XXXI, fig. 1 a, a), 
formé à la fois par le nerf branchial et par les vaisseaux principaux qui transmettent le sang 
aux oreillettes. Tout ce triangle est divisé en un grand nombre de lamelles transverses, qui 
s'étendent régulièrement d’un côté à l’autre. Ces lames ne sont point également espacées : 
très-rapprochées au sommet du triangle, elles s’éloignent graduellement vers la base, de 
sorte que, sur une quarantaine de lames, les vingt premières occupent le tiers de la lon- 
gueur totale, et les vingt suivantes les deux autres tiers. (PI. XXXI, fig. 1 a, b.) Au-dessous 
des lames transverses dont il vient d’être question, et dans la ligne moyenne du triangle, 
on remarque une cloison longitudinale, qui le partage en deux parties égales et sem- 
blables. Cette ligne résulte de la soudure des deux paires de branchies; elle sert de sépa- 
ration aux deux séries de perforations sous-branchiales dont nous allons parler. (PI. XXXI, 
fig. 1.) Si l'on veut séparer l'une de l’autre les parois d’un même feuillet branchial, on est 
dans l'obligation de couper les cloisons internes qui les rattachent; et, dans cette section, 
on voit que les cloisons dont il s'agit se continuent avec les lamelles transverses inscrites 
dans le triangle sous-branchial, de sorte que chaque lamelle est réellement la base de deux 
cloisons étroites : l'une, qui s'enfonce entre les parois du feuillet interne du côté droit ; 
l'autre, qui pénètre entre celles du feuillet du côté gauche. De cette disposition résultent 
ces longs canaux qui parcourent la branchie dans toute sa hauteur, et correspondent aux 
côtes qui sont à la surface; les cloisons intérieures coïncident aux sillons qui séparent les 
côtes. Ceci fera comprendre pourquoi une section longitudinale des branchies se présente 
sous la forme d’une chainette dont les anneaux ont assez de régularité. 

En soulevant l'extrémité des branchies, et en la renversant, on ne peut détacher une 
portion notable de cet organe, comprise entre le bord de la masse abdominale et la termi- 
naison postérieure. En effet, plus de la moitié du trajet est fortement soudée à l'animal, à 
l'aide de deux piliers qui naissent immédiatement en avant du ganglion postérieur. Ces 
piliers reçoivent en arrière les nerfs pulmonaires; mais ils se continuent en avant, de 
manière à constituer un canal complet de la largeur de la base du triangle sous-branchial ; 
ils forment ainsi un conduit aquifère qui, remontant jusqu'au muscle rétracteur du pied, 
aboutit à la fente semi-lunaire qui sépare la branchie du bord postérieur de la masse abdo- 
minale. Parvenu à ce point, qui est celui où les feuillets de chaque côté se réunissent, le 
canal ventral se bifurque, les lamelles transverses se divisent également, et vont continuer 
leur série sous les feuillets internes jusqu’à leur sommet. 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE LUTRAIRE. 331 


Nous avons vu naître du sommet postérieur des branchies, des bords membraneux fort 
larges , qui ne sont autre chose que le prolongement de la paroi externe du feuillet branchial 
externe. Ce bord membraneux est lui-même triangulaire (pl. XXXI, fig. 1 c, c, c); par son bord 
interne plus épais, il se continue avec la branchie. Le bord externe très-aminci s'attache 
à ce repli du manteau dont nous avons déjà parlé. En dessus, c’est-à-dire à la surface qui se 
montre dans la cavité palléale, le bord membraneux se continue sans solution de conti- 
nuité avec la branchie, et il en montre toute la structure. En dessous, il est très-diffé- 
rent; il est parcouru par des lamelles transverses en aussi grand nombre que celles du 
triangle médian; elles présentent exactement la même disposition pour leur éloignement 
gradué. Très-saillantes le long du bord interne, auquel elles se soudent, les lames dimi- 
nuent insensiblement de hauteur, et disparaissent vers le bord externe de la membrane. 
Les lames dont il est question, semblables à celles du centre, s’enfoncent entre les parois 
des feuillets branchiaux externes, et, pénétrant jusqu’au sommet, y constituent des cloisons 
semblables à celles des feuillets internes. Nous avons vu comment les bords membraneux, 
attachés au manteau, laissent au-dessous d’eux des canaux aquifères, qui, passant sous les 
feuillets externes, remontent en avant jusque près de leur origine. 

Cette description des formes et des accidents extérieurs des organes branchiaux était 
indispensable pour faire comprendre facilement ce que nous avons à dire de leur structure. 

Ayant réussi à injecter presque complétement des branchies dans nos deux espèces de 
Lutraires, nous en avons profité pour exposer tout ce que nous avons observé sur la 
structure de ces organes. Deux grands vaisseaux parallèles entre eux, placés l’un au-dessus 
de l’autre, sont situés entre chaque paire de feuillets branchiaux, et règnent dans toute 
leur longueur. On en suit facilement le trajet en les ouvrant; mais on en reconnaît mieux les 
rapports par une section transverse de la branchie. (PI. XXXI, fig. 1 c, d, c, d.) L'un de 
ces vaisseaux, l'inférieur (même fig. c, c), reçoit le sang du corps, et le distribue dans la 
branchie ; l'autre, le supérieur (même figure d, d), reçoit le sang régénéré par l'acte de 
la respiration, et le porte à l'oreillette, d’où il passe dans le ventricule. Le tronc vasculaire 
inférieur est la veine branchiale; on comprend, par la place qu'il occupe, qu'il doit distri- 
buer à droite et à gauche, dans chaque feuillet branchial, un grand nombre de vaisseaux; 
c'est en effet ce qui a lieu. On voit ces vaisseaux naître de chaque côté du tronc, à des 
distances presque égales, pénétrer jusqu’à la surface interne , en s'appuyant sur les cloisons, 
ou simplement en s’attachant à cette surface interne elle-même. (PI. XXXI, fig. 2 f, f, f; 
fig. 3 f, g, f, g.) Ces vaisseaux principaux parcourent toute la hauteur des feuillets; ils 
restent parallèles entre eux, et sont en nombre très-considérable ; car il ÿ en a un pour 
chaque paire des petites côtes de la surface extérieure. Dans un individu de petite taille du 
Lutraria elliptica, nous comptons quarante-quatre de ces petites côtes accouplées, ce qui 
porterait à plus de quatre-vingts le nombre total des vaisseaux latéraux que produit chaque 
veine branchiale, C’est au moyen d'aussi nombreux troncs que prend naissance un réseau 
vasculaire des plus considérables, tapissant toute la surface interne des feuillets branchiaux; 
ilest formé par une multitude de vaisseaux d’un moindre calibre, transverses et s’anasto- 
mosant d’un tronc à ses voisins, avec une parfaite régularité. La troisième figure de la 

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332 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


pl. XXXI, donne une idée fidèle de ce plan vasculaire qui tapisse la paroi interne des 
feuillets branchiaux. Sous un plus fort grossissement, la figure quatrième de la même 
planche montre comment les vaisseaux transverses s’abouchent aux troncs principaux. Il y a 
ceci de remarquable dans la branchie des Lutraires et de beaucoup d’autres Mollusques 
acéphalés, que le sang veineux est reçu dans un système vasculaire disposé de manière à ra- 
lentir son mouvement, non-seulement parce qu'il passe successivement par des troncs dont la 
somme des diamètres s’accroit dans une proportion considérable, mais encore parce que les 
vaisseaux les plus nombreux, destinés à recevoir la quantité la plus considérable de liquide, 
sont à angle droit avec les troncs, ce qui est loin de favoriser la rapidité de la circulation. 

Un second plan vasculaire se montre à la surface externe des feuillets branchiaux, maisles 
vaisseaux dont celui-ci est composé sont dans une direction opposée à celle des premiers, 
c'est-à-dire qu'ils parcourent toute la hauteur des feuillets branchiaux. Ces vaisseaux, d'une 
extrême finesse, envahissent toute la surface, à ce point que, si on les remplit d’une liqueur 
colorée, l'organe tout entier prend une couleur intense et il semble plutôt imbibé qu’in- 
jecté. La surface des branchies est couverte, comme nous l'avons dit, de petites côtes 
parallèles accouplées deux à deux. Dans la grandeur naturelle, ces doubles côtes ont à peine 
un millimètre de largeur; les intervalles qui les séparent ont une largeur un peu plus 
grande. Sur chacune des demi-côtes on compte une vingtaine environ des vaisseaux exté- 
rieurs, et ces vaisseaux qui, sous un faible grossissement, semblent d’une grande régula- 
rité (pl. XXXI, fig. 2, 3), ont en effet un diamètre assez variable, comme on peut s’en 
assurer au moyen du microscope. (PI. XXXVI, fig. 4.) 

En détachant un lambeau transverse de la branchie injectée et en présentant la tranche 
de ce lambeau à un grossissement suffisant, on voit que tous les vaisseaux extérieurs sont 
saillants et produisent sur la base de la tranche des dentelures régulières (pl. XXXIT, 
fig. 2), dans chacune desquelles on remarque une perforation étroite, sublancéolée; elle 
résulte de la présence d’un vaisseau dont elle indique la forme. On peut donc affirmer que 
ce système vasculaire extérieur offre des ramifications non moins nombreuses que celles 
de la surface interne, et déjà on peut s’en rendre compte par l'inspection des figures que 
nous avons fait faire de ces deux systèmes. 

Nous avions cru d’abord à l'isolement des deux plans vasculaires dont nous venons de 
parler, partant de cette supposition que le sang arrivant par la veine branchiale parcourait 
d'abord ceux des vaisseaux qui appartiennent plus spécialement à ce système, et que, par- 
venu au sommet des feuillets branchiaux, il gagnait la surface extérieure et passait ainsi 
dans le système artériel dont nous avons déjà indiqué les deux troncs principaux; mais 
l'expérience prouve qu'il n’en est pas ainsi. Toutes les injections que nous avons faites de 
la branchie, quel que soit du reste le vaisseau que nous ayons choisi, ont rempli simul- 
tanément les deux plans vasculaires, ce dont nous nous sommes assuré plus d’une fois, en 
suivant les progrès de l'injection sous un grossissement sufhisant, comme cela se voit par- 
ticuliérement dans la figure 3 de la planche XXXI. Ce que nous disons ici est prouvé sura- 
bondamment par les injections partielles qui se réalisent quelquefois chez certains indi- 
vidus. L’injection ne pénétrant que dans un petit nombre de vaisseaux , ils sont néanmoins 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE LUTRAIRE. 333 


tous remplis aussi parfaitement que si lon avait opéré simultanément sur l'un et l’autre 


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ordre de vaisseaux. Puisque les deux plans vasculaires communiquent entre eux, et cela 
de la manière la plus immédiate, il faut bien que l'un serve au transport du sang à travers 
l'organe respiratoire, tandis que l’autre, dans un mouvement inverse, le recueille et le 
transmet au cœur pour un nouveau circuit. 

Les grandes artères branchiales sont situées au-dessus des veines, et ce sont elles qui 
produisent ces bourrelets assez épais, au moyen desquels est circonscrit le triangle de la 
face inférieure des branchies. Ces gros vaisseaux reçoivent de chaque côté un très-grand 


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nombre de branches, et il suffit de les ouvrir pour en apercevoir à droite et à gauche les 


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embouchures disposées avec régularité et symétrie. Ces branches latérales s'appuient sur 
les cloisons inter-branchiales et parallèles entre elles; elles parcourent toute la hauteur 
des feuillets branchiaux, en conservant un diamètre à peu près égal dans toute leur éten- 


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due. C’est au moyen de ces branches latérales que le sang qui a circulé dans la branchie 
est recueilli pour être dirigé vers le cœur; il faut donc qu’elles aient des communications 
directes et nombreuses avec les vaisseaux qui constituent ces deux plans dont nous avons 
parlé; et, en effet, une injection suffit pour le démontrer, les plus petits vaisseaux bran- 
chiaux se remplissant de liquide coloré lorsqu'on le pousse par l'artère aussi bien que 
lorsqu'il est introduit par la veine. 
Les faits que nous venons d'exposer sont loin d’être conformes à ceux que Poli a publiés 
: dans son grand ouvrage. L’anatomiste napolitain n’admettait dans l'organe branchial qu’un 
très-petit nombre de vaisseaux parallèles simples, dans toute leur longueur, et divisés en 
deux ou trois branches à leur sommet. Avec ce système vasculaire plutôt imaginé que vu, 
il était difficile, impossible même, de se rendre compte du phénomène de la circulation 
à travers l'organe le plus important , puisqu'il est destiné à revivifier le liquide nourricier 
en le mettant dans les contacts les plus multipliés avec l’oxygène contenu dans l’eau. Dans 
l'hypothèse de Poli, il faudrait admettre qu'il n'existe pas de véritable circulation dans 
l'organe branchial, mais seulement une sorte de fluctuation. Il suffit d'examiner le système 
circulatoire tel que cet auteur l’a donné, soit dans la Pholade (pl. VIT, fig. 8), soit dans 
les Unio (pl. IX, fig. 12), soit dans les Solécurtes (pl. XIIT, fig. 5), etc. pour être parfai- 
tement convaincu de l'impossibilité d’une véritable circulation branchiale. En admettant les 
faits tels que les a exposés l’anatomiste napolitain, une branchie aussi longue que celle des 
Pholades, par exemple, recevrait dans chaque feuillet soixante et dix à quatre-vingts vais- 
seaux; et ces vaisseaux étant très-gros, fort écartés, seraient très-peu propres à remplir la 
fonction à laquelle ils sont destinés, tandis que, par le fait, le nombre des vaisseaux bran- 
chiaux est immensément plus considérable; on pourrait le décupler et on serait loin encore 
de la réalité. Un calcul bien simple suffira pour donner une idée du nombre et de la finesse 
des vaisseaux branchiaux. Sur un feuillet interne long de quarante-cinq millimètres et 
appartenant à un individu de taille médiocre du Latraria elliptica, nous comptons quarante 
doubles côtes; cinquante vaisseaux en moyenne occupent la surface de cette double côte. 
Dans les interstices qui les séparent, on compte dix-huit à vingt autres vaisseaux; ainsi la 
surface externe de la moitié d’un feuillet branchial serait couverte d’environ trois mille 


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331 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


vaisseaux longitudinaux. La surface interne de ce même feuillet contient un nombre non 
moins considérable de vaisseaux transverses, ce qui porterait à environ six mille le nombre 
des vaisseaux contenus dans une seule paroï d’un feuillet branchial. Or, chaque feuillet a 
deux parois, et l'animal possède quatre de ces feuillets, ce qui porte à huit fois six mille 
ou quarante-huit mille environ le nombre des canaux ouverts dans l'organe branchial, pour 
le passage du sang dans un organe long de quarante-cinq millimètres et large de quinze. 
On comprend alors qu'à l'aide d'une aussi grande division le sang peut acquérir des qua- 
lités nouvelles, en multipliant son contact avec les agents extérieurs. 

Les surfaces de circulation sont encore augmentées dans l'organe branchial, au moyen 
de ces larges bords membraneux qui continuent la paroi externe des feuillets branchiaux 
extérieurs. Dans ce bord membraneux se rendent des vaisseaux nombreux semblables à 
ceux qui existent dans le reste de la branchie. Les vaisseaux principaux accompagnent les 
lamelles sous-branchiales et parviennent dans toute la longueur du bord membraneux, en 


passant par le bord libre de chacune des cloisons. (PI. XXXVI, fig. 3,e,e.) 


ORGANE DÉPURATEUR. — L’organe dépurateur est considérable chez les Lutraires; sa cou- 
leur d'un brun foncé en fait reconnaître facilement la position, en arrière de l'animal, entre 
le péricarde, la face supérieure du muscle rétracteur postérieur du pied et le bord anté- 
rieur du muscle adducteur postérieur des valves. Le dos de la Lutraire dans cette partie 
étant assez large, la forme de l'organe dépurateur s’en est ressentie; elle est plus large que 
haute; épaissi en arrière, aminci en avant, l’organe en question est cunéiforme; son côté 
postérieur, celui qui s'appuie sur le muscle des valves est épais et il va constamment en 
s’amincissant jusqu'à son extrémité antérieure, quise termine vers le milieu de la longueur du 
péricarde et que l’on aperçoit lorsque le cœur a été enlevé. L’organe dépurateur est divisé par 
le milieu en deux lobes égaux, indiqués par une légère dépression dans laquelle se place 
le rectum , au sortir du péricarde. A cette dépression coïncide, à l’intérieur, une cloison per- 
pendiculaire par laquelle il est divisé en deux cavités égales et symétriques. (PI, XXXVIIT, 
fig. 1,e.) Par la place qu'il occupe, l'organe dépurateur peut être vu non-seulement sur 
les parties latérales de l'animal, mais encore en dessous, lorsque les branchies ont été 
détachées; et même sur les parties latérales de la masse abdominale, lorsqu'on soulève le 
large bord externe du feuillet branchial. Examiné sur tous ses points, l'organe dépurateur 
parait formé d’une substance homogène d’un brun rougeâtre parfaitement lisse. Mais si 
lon vient à l'ouvrir, il offre une structure remarquable qui se rapproche de celle du même 
organe chez le Solen. 

Contenu dans une enveloppe spéciale du manteau, l'organe dépurateur embrasse dans son 
ensemble presque toute la circonférence du muscle rétracteur postérieur du pied. (PI. XXXVIIT, 
fig. 1,ù,i.) Malgré la légère modification qui en résulte, on peut dire que l’organe dépurateur 
est d’une forme quadrangulaire, comme le prouve la section transverse; on peut donc à juste 
raison le comparer à une pyramide quadrangulaire dont le sommet tranchant aurait la 
même largeur que la base. Par conséquent, on reconnaitra à l’organe quatre surfaces réu- 
nies entre elles par des angles presque droits. Une de ces faces est dorsale, c’est sur elle 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE LUTRAIRE. 335 


que s'appuie l'intestin; l'autre surface est ventrale. Le ganglion supérieur s'y repose; elle 
est profondément creusée pour recevoir le muscle du pied et le cacher en grande partie. 
Enfin il y a deux faces latérales triangulaires correspondant aux flancs de l'animal. La paroi 
supérieure est très-mince; lisse en dehors, elle est à peine ondulée en dedans. Les parois 
latérales s’épaississent assez subitement; elles sont découpées en anfractuosités irrégulières , 
moins contournées que celles des autres parois; elles sont longues, un peu obliques et ter- 
minées par des nervures assez épaisses. La paroi inférieure est moins épaisse que les laté- 
rales; les anfractuosités y sont moins nombreuses et rattachées les unes aux autres par 
des nervures. (PI. XXXVIIE, fig. 1, f, f:) Du milieu de cette surface s'élève une cloison 
verticale et longitudinale, qui va gagner le milieu de la surface supérieure ou dorsale pour 
s’y souder. Cette cloison, fort mince dans le milieu, s’épaissit à sa base, et elle est con- 
solidée par un gros pilier oblique qui s'avance de chaque côté, d’arrière en avant, et qui 
vient se terminer en une pointe assez aiguë vers les deux tiers de la longueur de la cavité 
intérieure de l'organe. Ces piliers, nous les avons déjà fait remarquer chez les Solens; ils 
sont coniques, légèrement couchés l’un vers l'autre, et leur surface est couverte d’innom- 
brables plis. (PI. XXXVIIE, fig. 1, d, d.) 

Lorsqu'on soulève l'organe dépurateur d’arrière en avant, comme si l’on voulait le déta- 
cher du muscle rétracteur du pied, on reconnait l'existence d’un canal membraneux, à parois 
très-minces, qui se dirige en avant, et pénètre dans la cavité abdominale en se glissant dans 
l'intervalle que laissent entre eux les nombreux faisceaux fibreux dont la réunion constitue le 
muscle rétracteur postérieur du pied. (PI. XXXVIIL, fig. 1, 4.) Il existe même une valvule 
membraneuse dans l'intérieur de ce conduit; par sa position on en devine lusage. Le con- 
duit dont il s’agit n’est point cylindrique, il est un peu en losange, ainsi que le prouve 
la section transverse de l’organe. 

Nous avons démontré chez le Solen l'existence d’un canal excréteur percé dans la paroi 
abdominale de l'organe dépurateur, et situé sous la branchie, un peu en arrière des ovi- 
ductes. Nous trouvons une disposition à peu près semblable dans les Lutraires, ce qui 
prouve une fois de plus que l’organe en question présente les mêmes caractères dans des 
animaux appartenant à des familles bien distinctes, voisines cependant par l’ensemble de 
leur organisation. 

Un organe de sécrétion aussi considérable que celui-ci devait recevoir et reçoit, en effet, 
un nombre considérable de vaisseaux. Si l’on parvient à injecter l'aorte postérieure, ce qui 
est quelquefois très-difficile, on voit alors les diverses surfaces de l'organe dépurateur se 
couvrir d’un réseau vasculaire très-riche, dont les rameaux communiquent entre eux par 
une multitude d’anastomoses. Lorsqu'on ouvre l'organe ainsi mjecté, la couleur de son 
tissu est tellement changé qu'il faut un examen attentif, et sous des grossissements sufli- 
sants, pour reconnaître que ce changement n’est pas dû à une simple imbibition des tissus, 
mais à une véritable imjection. Sous un grossissement de douze à quinze diamètres, l'in- 
jection parait nette, continue, et elle suit les contours très-variés des parties saillantes des 
anfractuosités, comme si un vaisseau était creusé vers le bord saillant de chacun des replis ; 
mais, à mesure qu'on augmente le grossissement, la netteté des contours disparait et l'on 


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336 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


voit bien que le sang doit parcourir des canaux ouverts; mais il est probable que, dans 
l'épaisseur même du tissu, ces canaux ne sont pas circonscrits. Il est certain, néanmoins, 
qu'une quantité considérable de sang passe à travers l'organe dépurateur et on conçoit, 
jusqu'à un certain point, comment quelques naturalistes ont pu le considérer comme or- 
gane de la respiration. Il est certain que si ces mêmes naturalistes avaient mieux étudié 
la structure de la branchie elle-même, ils n'auraient jamais cherché ailleurs l'organe mo- 
dificateur du liquide nourricier. 

Lorsqu'on ouvre l'organe dépurateur, il en sort un liquide assez épais, trouble, d’un 
brun rougeätre, à peu près semblable à la couleur de l'organe lui-même. Si l’on reçoit ce 
liquide dans une petite quantité d’eau, troublée d'abord, elle reprend promptement sa 
limpidité, ce qui est dû à la précipitation rapide des matières contenues dans la liqueur sé- 
crétée. En laissant tomber une goutte de ce liquide sur une lame de verre, on est surpris de 
découvrir, à laide du microscope, une quantité considérable de corpuscules transparents, 
jaunâtres, homogènes, très-diversiformes, tout à fait lisses à leur surface, mais ayant presque 
tous une espèce de noyau irrégulier. Parmi ces corpuscules, les uns sont simples, les autres 
sont composés de plusieurs parties réunies. Parmi ceux qui sont simples, les uns sont dépri- 
més, suboirculaires ; les autres, un peu plus gros, semblent cubiques, mais en cube dont 
les arêtes et les angles auraient été arrondis ; d’autres s'allongent sous la forme cylindroïde ; 
on en voit en forme de navette ; ils ressemblent assez à des naviculaires. Enfin, nous en 
remarquons d’allongés, de cylindroïdes, creusés dans le milieu, ce qui leur donne la plus 
parfaite ressemblance avec le tourniquet dont se servent les chirurgiens pour exercer la 
compression à l'aide d’une ligature. Ces éléments simples se combinent ensuite deux à deux 
ou trois à trois pour former les corpuscules composés, parmi lesquels il y en a de compléte- 
ment cruciformes. (PI. XXXVIIE, fig. 2.) Indépendamment de ces corpuscules solides, qui se 
précipitent sur le porte-objet, il y en a d’autres infiniment plus pelits, véritables atomes 
animés du mouvement spontané découvert par Brown. Enfin, dans ce même liquide nagent 
quelques mucosités concrétées, et l’on s’aperçoitque, si l’on pouvait soustraire au liquide les 
éléments dont nous venons de parler, il deviendrait d’une parfaite limpidité. Si l’on ajoute au 
liquide une gouttelette d’acide hydrochlorique, on voit les corpuscules se dissoudre rapi- 
dement sans produire d’effervescence et sans que le liquide soit altéré dans sa transparence. 
Il serait curieux de recueillir une assez grande quantité de cette matière pour en faire une 
analyse complète, et savoir enfin quelle est la nature de la sécrétion de l'organe dépurateur 
chez les Mollusques. Il n’est pas inutile de rappeler ici l'opinion de Poli au sujet de l’or- 
gane dépurateur. Cet anatomiste pensait qu'il est destiné à préparer la matière calcaire qui 
doit entrer dans la composition de la coquille; mais cette Opinion ne peut soutenir au- 
jourd'hui le moindre examen; car, s'il en était ainsi, à quoi servirait le canal excréteur 
qui jette au dehors, dans le siphon anal, les produits de la sécrétion ? D’ailleurs, le man- 
teau est spécialement chargé des accroissements de la coquille et contient, dans ses diverses 
parties, des organes propres à la sécrétion des matières calcaires. 

Lorsqu'on touche des parties détachées de l'organe dépurateur, on lui trouve une con- 
sistance mollasse et spongieuse ; les éléments dont il est constitué sont faciles à déchirer : 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE LUTRAIRE. 337 


ils sont d’une faible consistance: et si l'on place des parcelles assez minces pour qu’elles 
deviennent transparentes sur le porte-objet du microscope, on distingue, sous un grossis- 
sement de soixante diamètres, un tissu qui semble gélatineux, tout parsemé de granulations. 
Mais, si l'on porte le grossissement jusqu'à deux cent cinquante ou trois cents diamètres, 
on distingue dans le tissu organique une foule de vésicules oblongues, diversement 
entrelacées et comme feutrées, se terminant, pour le plus grand nombre, en un granule 
transparent, soutenu par un pédicule filiforme. Le tissu dont nous parlons est contenu dans 
une enveloppe très-mince que l’on distingue nettement, lorsque le hasard met sous les yeux 
un pli non déchiré de la surface interne de l'organe. 

Il existe, chez les Lutraires, un organe particulier, d’un brun vineux et qui nous paraît 
tout à fait analogue à celui qui, chez les Solens, forme une zone rougeâtre le long du dos 
et s'interpose, comme un coin, entre les branchies et l'oreillette. Dans les Lutraires, cet or- 
gane occupe la partie proéminente de l'animal, celle qui s'enfonce dans la profondeur des 
crochets de la coquille. Cet organe, d’une forme triangulaire, occupe toute l'épaisseur du 
crochet; il se prolonge ensuite entre les deux membranes du manteau, se rétrécissant en 
pointe, et disparaît bientôt. Nous allons étudier les connexions de cet organe et nous ver- 
rons ensuite si sa structure ressemble à celle de l'organe des Solens. 

L'organe rougeâtre semble posé sur la partie saillante du dos de l'animal comme une 
sorte de chaperon; il se dirige obliquement d’arrière en avant (pl XXXVUHE, fig. 3, 9; 9); 
par la base il s'appuie en partie sur le manteau, entre les parois duquel il se prolonge laté- 
ralement, en partie sur le bord dorsal des feuillets branchiaux, recouvrant l'artère bran- 
chiale dans une petite portion de son trajet; par l'extrémité postérieure de sa base, ilentre 
en contact avec la pointe antérieure de l'oreillette, de sorte que, en fendant celle-ci Jusqu'à 
son entrée dans l'artère branchiale, une partie de l'organe rougeâtre apparait sur sa paroi. 
Du côté antérieur, il se met en contact immédiat avec la portion de l'ovaire qui se déve- 
loppe sur le dos et cache une partie notable du foie. Nous avons voulu nous rendre compte 
des rapports qui semblent lier ces organes d’une manière intime, et, pour cela, nous avons 
fait des tranches très-minces comprenant, dans leur largeur, une partie des deux organes ; 
nous avons examiné ces tranches à différents grossissements microscopiques; voici ce que 
nous avons observé : l'organe rougeâtre est composé de vésicules irrégulières dont la plupart 
affectent une forme ovoïde ou subglobuleuse, enchaïnées entre elles par un parenchyme 
dans lequel sont répandus, en grande quantité, des granules rougeâtres, transparents et 
homogènes. (PI. XXXVIIL, fig. 4, 5.) Les vésicules se terminent par un étranglement, et 
c'est par là qu'elles communiquent entre elles, de manière à former un réseau grossier, 
irrégulier, branchu; disposition que l’on aperçoit surtout lorsqu'au lieu d'examiner une 
tranche d’une épaisseur régulière on soumet au microscope un fragment arraché au centre 
de l'organe. Les vésicules sont grosses, et, au moyen d’un grossissement de cent diamètres : 
on voit quelles sont remplies de granules rouges, irréculièrement disséminés, granules 
assez semblables à de la brique pilée. On remarque aussi d’autres granules plus gros, irrégu- 
lièrement mamelonnés, et qui semblent composés de petites vésicules transparentes et 


agglomérées. (PL. XXXVIIL, fig. 6.) 


Zoo. — Mollusques. 1. 43 


338 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


Au contact de l'ovaire et de l'organe rougeätre on reconnaît entre eux une séparation 
assez nette; cependant on retrouve dans les vésicules ovariennes, ainsi que dans le pa- 
renchyme granuleux qui les remplit, un grand nombre de granules vésiculeux, rougeâtres, 
absolument semblables à ceux qui remplissent les vésicules de l'organe spécial des crochets. 
Il nous parait, par le mélange d’un des éléments les plus importants de l'organe rougeâtre 
dans l’intérieur de l'ovaire, que cet organe doit exercer une influence considérable sur les 
fonctions de la génération. Quelle est cette influence? nous l'ignorons. Il faudrait continuer 
des expériences sur les animaux vivants pendant un temps assez long, pour savoir quelle 


fonction accomplit l'organe dont il vient d'être question. 


SYSTÈME NERVEUX. — Le système nerveux des Lutraires ressemble beaucoup à celui des 
Pholades ; il ne s'éloigne pas du plan général suivi par la nature dans les Mollusques acé- 
phalés dimyaires. Cependant, par quelques particularités dignes d'intérêt, il mérite de 
prendre place dans l'histoire anatomique des Mollusques dont il s’agit. 

Un ganglion d’un médiocre volume, formé de deux ganglions fusiformes, réunis sur la 
ligne médiane, mais profondément séparés, se montre au-dessous de la branchie, sur la 
surface ventrale du muscle adducteur postérieur, au point où elle est en partie recouverte 
par le bord de l'organe dépurateur. (PL. XXXVIIE, fig. 4 a.) Nous avons dit qu’au-dessous 
de la branchie se trouvait un canal aquifère central soutenu de chaque côté par un pilier 
charnu assez épais; la base de ces piliers, en s'appuyant sur l'organe dépurateur, cache 
une petite partie du ganglion postérieur, et leur bord libre reçoit et soutient le nerf bran- 
chial qui, bientôt, se recourbe pour se porter dans les bourrelets sous-branchiaux dont la 
saillie est due au passage des artères. (PL. XXXVIIE, fig. 4 b, b.) Des angles inférieurs du 
ganglion naissent deux gros nerfs qui descendent, en divergeant, à la surface du muscle. 
(PL XXXVIIT, fig. 4 ce, c.) Une branche très-courte s'enfonce dans le muscle lui-même, 
tandis que l'autre, à l'entrée des siphons, contourne leur ouverture intérieure, distribue 
quatre à cinq branches de chaque côté, qui, descendant dans les parois des siphons, et se 
divisant en de nombreux rameaux, se perdent dans les muscles longitudinaux dont sont 
composées les parois de ces organes. (PI. XXXVIIT, fig. 4 d, d.) Le tronc nerveux qui a 
produit les nerfs des siphons, réduit à un petit diamètre, remonte dans la partie épaisse 
de la circonférence du manteau et s'y perd avant d’avoir pu atteindre la commissure infé- 
rieure de l'ouverture du pied. 

Des angles antérieurs du ganglion postérieur, et à côté des nerfs branchiaux, naissent 
les nerfs abdominaux. (PI. XXXVIIT, fig. 4 e, e.) Pour pénétrer dans l'intérieur de la cavité 
abdominale, ces nerfs s’attachent au muscle rétracteur postérieur du pied ; ils sont cachés 
par l'organe dépurateur, passent tout près de l'ouverture des oviductes, se rapprochent des 
parois abdominales; enfoncés dans l'épaisseur de l'ovaire et du foie, ils parviennent, de 
chaque côté de la bouche, où ils rencontrent les ganglions antérieurs. Ceux-ci sont très- 
rapprochés ; ils sont d’un moindre volume que les postérieurs (pl. XXXVIIL, fig. 4 f, f); 
une branche assez grosse les réunit transversalement au-dessus de la bouche, à l'origine 
de l'œsophage. (PL XXXVIII, fig. 4 g.) Des nerfs divers prennent naissance de ces ganglions ; 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE LUTRAIRE. 339 


les plus gros sont antérieurs. Ils s'attachent à la surface du muscle adducteur antérieur des 
valves (pl. XXXVIIL, fig. 4 À, k), donnent une branche assez grosse à l'intérieur des muscles, 
et, parvenus à la commissure antérieure du manteau, s’enfoncent au milieu du muscle or- 
biculaire et descendent jusqu’au-dessous de la commissure postérieure. Lorsqu'on cherche 
les ganglions labiaux en arrière du muscle antérieur des valves, on distingue avec assez de 
facilité quelques petits filets dorsaux qui se jettent dans le muscle dorsal du manteau; mais 
ce qui est particulier, c’est qu'il existe chez les Lutraires un nerf impair qui naît du gan- 
glion labial droit. Il est fort gros; il descend au-dessus du muscle palléal et vient gagner 
la région de la charnière, où il se distribue aux diverses membranes qui la constituent. 
(PI XXXVII, fig. 4 à, 2.) Nous n'avons vu, jusqu'ici, aucun exemple de ce nerf impair, et 
son existence nous a paru d'autant plus surprenante que Le système nerveux, étant habituel- 
lement d'une parfaite symétrie, fait ici exception à cette loi générale, car nous n'avons 


trouvé du côté gauche aucun nerf qui pût être considéré comme l'équivalent de celui-ci. 


En détachant la lèvre supérieure de la bouche, on met à découvert les ganglions labiaux 
d'une manière plus commode pour apercevoir les minces filets qui se rendent aux palpes 
et aux lèvres. On voit aussi l’origine des branches abdominales qui donnent naissance aux 
filets œsophagiens avant de pénétrer dans la masse abdominale ; pour gagner le ganglion 
pédieux, le nerf viscéral passe dans la bifurcation du muscle rétracteur antérieur du pied, 
se place de chaque côté de l'œsophage, s'en détache bientôt pour descendre obliquement 
d'avant en arrière jusqu'au centre du pied, où il rencontre un ganglion d’un médiocre vo- 
lume composé de deux ganglions réunis. (PL XXXVIIT, fig. 4 j, j.) Ge ganglion jaunâtre et 
mollasse (pl. XXXVIIT, fig. 4 4, E) produit trois paires de nerfs dont la plus grosse descend 
en arrière dans l'ovaire et à travers les muscles transverses de l'abdomen; une paire anté- 
rieure se dirige à travers les muscles vers la pointe libre du pied ; enfin, la troisième paire, 
située entre les deux premières, se distribue au muscle qui forme le bord tranchant du pied. 


CONCLUSION. 


Si les coquilles du genre Lutraire se distinguent facilement de tous les genres précédents, 
on éprouve plus de difficulté à les séparer des Mactres, avec lesquelles elles se fondent, 
par une série non interrompue de modifications, dans les caractères empruntés à la forme 
générale et à la charnière. Cependant les Lutraires se reconnaissent à leur forme transversale 
oblongue; les Mactres, au contraire, sont plus généralement triangulaires. Sans doute qu'il 
ne faut pas attribuer une trop grande valeur à ces caractères extérieurs, qui néanmoins en 
acquièrent quelquefois lorsqu'ils coïncident à des modifications appréciables dans l’organi- 
sation des animaux. Les détails que nous allons présenter bientôt sur l'animal des Mactres 
mettront les zoologistes en état d'apprécier la valeur de certaines modifications dans les 
formes extérieures des coquilles. 

La charnière des Lutraires est ordinairement plus simple que celle des Mactres : elle est 


composée d’un cuilleron horizontal plus ou moins saillant, recevant un ligament interne; . 


43. 


ER ee S — — —— ——— 


340 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


en avant de ce cuilleron s'élève perpendiculairement, sur l’une et l’autre valve, une dent 
en forme de V, dont l’une, plus petite, est reçue dans l’autre. Quoique l'on ait l'habitude 
de caractériser le genre par l'absence des dents latérales, il n’y a peut-être qu’une ou deux 
espèces où, en effet, ces dents manquent; chez les autres, on en reconnaît facilement les 
premiers rudiments; et, dans une série peu nombreuse d'espèces, ces rudiments s’accrois- 
sent insensiblement et finissent par prendre un développement presque aussi considérable 
que dans les Mactres. 

Les impressions musculaires fort écartées appartiennent toutes deux à la région dorsale; 
l'impression palléale est toujours profondément sinueuse en arrière; elle s’avance, soit 
horizontalement, soit un peu obliquement, mais dans le sens inverse de ce qu'elle est 
habituellement. Pour juger de la direction de la sinuosité palléale, on fait passer une ligne 
horizontale par l’axe transverse de la coquille: on s'aperçoit alors que, chez presque toutes 
les Lutraires, l'impression du muscle rétracteur des siphons est dirigée obliquement, du 
haut en bas et d’arrière en avant. 

L'animal conserve la forme générale de la coquille; son corps, assez épais, est enveloppé 
d’un manteau mince, limité à sa circonférence par un muscle orbiculaire ; les deux lobes 
de ce manteau, parfaitement égaux, sont soudés dans presque toute leur circonférence. 
Ils laissent en avant une ouverture médiocre pour le passage du pied; mais, par un phé- 
nomène singulier que nous avons déjà observé chez les Solens, les lobes du manteau se 
disjoignent spontanément, dans toute la longueur du bord ventral, au moment de la mort 
de l'animal. 

L'animal laisse une partie des bords de son manteau en dehors de la coquille, et sur 
cette surface extérieure s'applique une large zone épidermique qui, sur le bord dorsal, 
franchit tout l’espace qui sépare les deux valves. 

En arrière, l'animal est prolongé par deux très-gros siphons réunis dans toute leur lon- 
gueur, à parois épaisses, à la fois musculaires et vasculaires; ils se terminent en arrière 
par deux ouvertures inégales, couronnées l’une et l'autre par des tentacules différents. Les 
tentacules du siphon branchial sont peu nombreux, digités latéralement et semblables à de 
petits arbuscules; ils offrent des caractères particuliers dans chacune des espèces; les ten- 
tacules du siphon anal sont beaucoup plus multipliés : ils restent simples et cylindriques, 
et ils sont fixés en dehors d’une demi-calotte membraneuse percée au centre, et qui termine 
le siphon dont il s’agit. 

En dedans, les ouvertures des siphons sont simples; une cloison épaisse et transverse 
les sépare. Sur cette cloison est implantée une valvule membraneuse, mais trop courte pour 
fermer le siphon branchial au-dessus duquel elle se penche. L'ouverture du siphon anal 
est complétement séparée de la cavité palléale, non-seulement par la branchie qui s’inter- 
pose, mais encore par un pli membraneux du manteau, très-saillant, qui s’avance au-devant 
d'elle pour s’y attacher solidement. 

Les organes de la digestion diffèrent peu de ceux des Mollusques déjà connus. Ils com- 
mencent par une bouche transverse, située entre la base du pied et le muscle antérieur 
des valves; elle est garnie d’une paire de lèvres assez larges, simples, membraneuses, se 


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— — GE oo — — “ 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE LUTRAIRE. 341 


prolongeant de chaque côté en une paire de palpes labiales triangulaires, fort longues, fort 
étroites, libres dans la plus grande partie de leur étendue, fixées aux lèvres et au manteau 
par le côté le plus court du triangle. 

Un œsophage membraneux assez large descend obliquement à travers le foie, se dilate 
bientôt en un grand estomac, ovale-subglobuleux , partagé par des crêtes charnues, dont 
l'une, très-grande, sépare la cavité stomacale en deux compartiments inégaux., Un grand 
appendice cœcal accroît encore la cavité de l'estomac. Le cœcum est rempli par ce singulier 
stylet cartilagineux que lon trouve dans un grand nombre de Mollusques, et dont l'usage 
est inconnu. Un intestin grêle très-considérable se déroule en nombreuses circonvolutions, 
les unes petites et serrées, les autres plus grandes et plus espacées, dont la dernière par- 
court obliquement la masse abdominale vers son bord postérieur, remonte dans la région 
dorsale, se place dans l'axe pour pénétrer à travers la cavité du péricarde, la traverser, se 
cacher au-dessous du muscle postérieur du manteau, et enfin se courber autour du muscle 
postérieur des valves, pour se terminer à la partie supérieure du siphon anal. 

Une partie considérable des organes de la digestion est enveloppée des lobes d’un foie 
volumineux, dans le parenchyme duquel sont contenus un grand nombre de vaisseaux 
biliaires, qui tous se rendent à deux troncs principaux se débouchant au-dessous et de chaque 
côté de l'ouverture stomacale de l'œsophage, 

L'ovaire est considérable; 1l s'étend dans toute la cavité abdominale, enveloppe la portion 
du tube intestinal que le foie ne recouvre pas; il infiltre ses grappes entre les muscles 
longitudinaux et transverses du pied, et quelques-uns de ses lobes s’avancent jusque sur 
le dos et cachent une partie du foie et de l’estomac. Cet organe, composé de vésicules 
ovifères, est pourvu d’un grand nombre de canaux, qui tous se rendent à un tronc principal 
que l’on trouve de chaque côté de l'abdomen, et qui s’ouvre par un oviducte, au-dessous 
du feuillet externe de la branchie, dans le canal aquifère régnant au-dessous de cet 
organe. 

Les organes de la digestion et de la génération sont enveloppés de toutes parts par des 
parois musculaires épaisses et solides, formées de deux plans musculaires croisés et super- 
posés. Des muscles transverses nombreux vont d’une paroi à l’autre; ils servent à la fois à 
soutenir les organes abdominaux et à rattacher l’une à l’autre des parois qui auraient une 
tendance continuelle à s’écarter. Les muscles des parois se condensent en avant, passent 
d’un côté à l’autre dans diverses directions, et donnent naissance à l'organe principal du 
mouvement. 

Le pied chez-les Lutraires est petit; il est comprimé, triangulaire, et, en cela, il res- 
semble à celui des Mactres et non à celui des Myes. 

Les organes de la circulation ne diffèrent pas d’une manière bien essentielle de ce que 
nous les avons vus dans les genres précédents. 

Un cœur aortique, fusiforme, est contenu dans un péricarde allongé, infandibuliforme 
en arrière. Il est situé en arrière de la charnière. Deux oreillettes triangulaires, membra- 
neuses, comprimées, parfaitement symétriques, s'ouvrent de chaque côté du ventricule par 
le sommet le plus surbaissé du triangle. Une aorte antérieure considérable se distribue au 


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342 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


péricarde, au manteau, à tous les organes de la digestion, ainsi qu'à ceux de la génération. 

Nous insistons particulièrement sur le fait de l'existence d’une artère spéciale qui se dis- 
tribue dans la partie mince du manteau. La présence de cette artère tend à faire rejeter 
l'opinion que l'on s'était faite de la circulation dans le manteau des Mollusques acéphalés. 

L'aorte postérieure, après avoir fourni des branches à l'organe dépurateur, s'enfonce en 
arrière et se divise en deux troncs principaux qui, après s'être contournés sur le pourtour 
des ouvertures des siphons, s’enfoncent dans les parois de ces organes pour y distribuer un 
nombre considérable de vaisseaux. Mais, avant de franchir ce pourtour, chaque tronc donne 
naissance à une branche considérable que l’on voit s'épanouir en un élégant arbuscule, à la 
surface externe des muscles rétracteurs des siphons. La présence de ces artères spéciales 
annonce, dé la manière la plus évidente, que la circulation n’est point entièrement lacu- 
naire dans les organes où de pareils vaisseaux se montrent. 

Les organes branchiaux sont considérables chez les Lutraires. Ils consistent en une paire 
de grands feuillets semblables et symétriques, situés de chaque côté du corps. Ils com- 
mencent tout près de la bouche entre les palpes labiales. Au-dessous du bord postérieur 
de la masse abdominale, les deux paires de feuillets se réunissent, et c’est ainsi accouplés 
qu'ils se prolongent en arrière et ferment complétement la cavité du siphon anal. 

Des injections heureuses nous ont dévoilé le phénomène de la circulation dans les or- 
ganes de la respiration. Deux troncs principaux sont placés à la base de chaque paire de 
feuillets. L'un de ces troncs est artériel, l’autre est veineux; tous deux se divisent en branches 
nombreuses qui descendent le long des parois internes des feuillets branchiaux, et ce sont 
ces branches qui donnent naissance à cet admirable réseau formé de vaisseaux transverses 
et longitudinaux, dont on peut compter un nombre immense, si on le compare au peu d’é- 
tendue de l'organe pris dans son ensemble. C'est après s'être divisé dans ces innombrables 
canaux que le sang revient vers les oreillettes, au moyen desquelles il passe dans le ventri- 
cule pour faire un nouveau circuit. 

Un organe dépurateur assez considérable existe chez les Lutraires, comme dans tous les 
Mollusques du même ordre. Placé en arrière du péricarde, entre l'anus et le muscle ré- 
tracteur du pied, il s'appuie en arrière sur la surface du muscle postérieur des valves. Sa 
structure ne diffère pas sensiblement de ce que nous l'avons vue dans d’autres genres ; il est 
divisé en deux cavités semblables, par une cloison longitudinale et perpendiculaire. En des- 
sous, il s'ouvre par un canal spécial dans la cavité abdominale, et chacune de ces cavités 
possède un canal excréteur, que l'on trouve, de chaque côté du corps, au-dessus de lovi- 
ducte, s’'ouvrant, par conséquent, dans le canal aquifère du feuillet branchial externe. Le 
liquide sécrèté est brunâtre, très-trouble, ce qui est dû à la présence d'une quantité consi- 
dérable de corpuscules solides, transparents et très-variés dans leurs formes. 

Un organe spécial rougeâtre se montre à la partie la plus proéminente de la région dor- 
sale de l'animal. Cet organe se loge dans la partie la plus profonde des crochets de la 
coquille. Il est en contact, d’un côté, avec la branchie et l'extrémité antérieure de loreil- 
lette; d'un autre, avec les lobes dorsaux de l'ovaire. Il est dépourvu de canaux excréteurs, 
et les granules rougeätres qu'il renferme peuvent se répandre dans l'ovaire, d’où l’on peut 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE LUTRAIRE. 343 


conclure qu'il exerce une influence considérable dans les fonctions de la reproduction. 

Le système nerveux est développé chez les Lutraires de la même manière que dans les 
autres genres que nous connaissons déjà. Il consiste en quatre ganglions principaux : lun 
postérieur, situé au-dessous de la branchie; un autre abdominal, compris dans la masse 
des viscères, et enfin deux labiaux. Ces ganglions communiquent entre eux au moyen de 
nerfs spéciaux, complétant deux cercles inégaux. La distribution des branches étant con- 
forme à ce que nous avons déjà exposé précédemment, nous signalerons à l'attention des 
zoologistes le fait exceptionnel que nous a offert le systéme nerveux des Lutraires. Un nerf 
impair se détache du ganglion labial du côté droit, se dirige en arrière au-dessous du 
muscle antérieur et supérieur du manteau, et se rend aux membranes destinées à la sé- 
crétion du ligament et des parties solides de la charnière. 

Les animaux des Lutraires une fois connus, il est facile d'en déterminer les rapports. 
Il est évident que, si lon voulait établir une classification par embranchement, les Lutraires 
devraient se rapprocher des Solens pour ne pas interrompre la série des Mollusques ayant 
les branchies ouvertes, tels que ceux de la famille des Ostéodesmes, par exemple; ou bien, 
ce qui serait préférable, il faudrait faire pour tous les animaux qui ont ce caractère un 
embranchement collatéral marchant parallèlement avec celui dont les branchies sont à l’état 
normal. De cette manière, on aurait des genres équivalents dans les deux rameaux, sans 
qu'on füt obligé de rompre lun ou l'autre, pour l'intercalation des familles et des genres 
dans une série linéaire. 


1. LUTRARIA OBLONGA. Turton. 


Bône, la Sicile, Marseille, Océan d'Europe; fossile en Sicile et en Italie. 


L. Testà oblongà, transversà, squalidè albà, epidermide griseo vestità, transversim rugosà, inæquila- 
terà, utroque latere hiante, postico longiore, superné concavo. 


Chama longa, RoxpeLeT, Hist. des poissons, pag. 15. 

Chama longa, Gesxer, Nomencl. aquat. pag. 231. 

Concha longa, Arvrovanne, De Testaceis, pag. 453. 

Idem, Jonsron, Hist. nat. de exang. pl. 11. 

Guarrier, Ind. test. pl. 90, fig. À 2. 

Ruwpaius aus. pl. 45, fig. N? 

Chama magna, D'Acosra, Conch. Brit. pag. 230, pl. 17, fig. 4. 

Mya oblonga, Cnemnirz, Conch. tom. VI, pl. 2, fig. 12. 

Mya, Sonrôerer, Einl. in die Conch. tom. IT, pag. 615, n°3. 

Mya oblonga, Gueuin, Syst. nat. ed. 13, p. 3221, n° 10. 

Mactra hians, Doxovax, Brit. shells, tom. IV, pl. 140. 

Idem, Woon, Charn. des coq. bivalves. Linn. Trans. tom. VI, pag. 104, pl. 16, fig. 5 b. 
Lutraria solenoides, Lamarox, Syst. des anim. sans vert. pag. 120. 

Mactra hians, Monragu, Testac. Brit. pag. 101, n° 0. 

Idem, Marox et RackerTT, Linnean Trans. tom. VIIT, pag. 74, n° 2. 

Lutraria solenoides, px Roissy, dans Burron de Sonuini, Moll. tom. VI, pag. 354. 


HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


Mactra hians, Dizzwyn, Cat. tom. I, pag. 146, n° 38. 

Latraria solenoides, Lamarcx, Anim. sans vert. tom. V, pag. 468, n° 1. 
Mactra hians, Turrow, Conch. Dict. pag. 85, n° 14, fig. 41. 

Latraria oblonga, Turton, Conch. Brit. pag. 64, n° 1, pl 5, fig. 6. 
Lutricola solenoïdes, Buainvize, Malac. pag. 566, pl. 77, fig. 3. 
Mactra hians, Gervizre, Cat. des coq. de la Manche, pag. 22, n° 10. 
Lutraria solenoides, SowerByx, Genera of shells, n° 24, fig. 1. 

Idem, Rasso, Hist. nat. de l'Europe mérid. tom. IV, pag. 371. 

Mactra hians, Woo», Ind. testac. pl. 6, fig. 37. 

Lutraria solenoides, CozaRD-Des-Cnères, Cat. des test. du Finistère, pag. 13, n° 1. 
Reeve, Conch. syst. pl. A1, fig. 1. 

Desnayes, Encycl. méth. Vers, tom. IT, pag. 387, n° 1. 

Menxe, Synop. meth. Moll. pag. 110. 

Boucnart CHaNTEREAUx, Cat. des moll. du Boul. pag. 11, n° 10. 
Desnayes dans Lamarcx, Anim. sans vert. 2° édit. tom. VI, pag. 90, n° 1. 
Lutraria hians, TaompsoN, Report on the Fauna of Ireland, pag. 263. 
Haxzev, Descript. Catal. pag. 26, n° 1. 

ANTON, Verzeichniss der Conch. pag. 3, n° 87. 

Parcippr, Moll. Sic. tom. II, pag. 7. 

Lutraria hians, FLeminG, Brit. anim. 2° éd. pag. 465. 

Taorre, Brit. mar. Conch. pag. 44, n° 1. 

Fossilis, Mactra oblonga, Broccent, Conch. foss. subap. tom. IT, pag. 536 ? 
Brown, Jtal. tert. Gebirge, pag. 88? 

Dusarnin, Mém. géolog. sur la Touraine, pag. 45, n° 2? 

Purciprr, Enum. Moll. Sicil. tom. IT, pag. 7. 

SISMONDA, Synops. meth. ped. foss. pag. 16. 


Ainsi que le témoigne notre synonymie, cette espèce, connue des anciens naturalistes, 
a reçu plusieurs noms spécifiques, parmi lesquels le plus ancien doit être choisi. Nous ne 
parlerons pas des dénominations antérieures à l'immortelle nomenclature de Linné ; elles 
n'ont aucune valeur. Linné n’ayant pas mentionné cette espèce, il faut chercher son nom 
dans l’ordre chronologique, dans les ouvrages de ses successeurs. Nous trouvons, pour la 
première fois, l'espèce qui nous occupe figurée et décrite en 1782, dans le tome VI du 
grand ouvrage de Chemnitz, sous le nom de Mya oblonga. Adopté par Gmelin, ce nom ne 
fut point admis par Donovan, qui, en entraînant l'espèce dans le genre Mactre, lui imposa 
la dénomination de Mactra hians. Tous les conchyliologues anglais suivirent l'exemple de 
Donovan. Lamarck, embarrassé sans doute en présence d’une nomenclature incorrecte, au 
lieu de remonter au nom le plus ancien, crut trancher la difficulté en proposant un nom 
nouveau, celui de Lutraria solenoides; mais on concevra l'impossibilité d'admettre un sem- 
blable précédent. M. Turton fut le premier, dans son Histoire des bivalves de la Grande- 
Bretagne, qui revint au premier nom spécifique. La justice exige que ce nom soit 
actuellement maintenu dans une bonne nomenclature. 

Cette espèce, très-commune dans tout l'Océan d'Europe, se rencontre aussi dans les 
régions plus chaudes des îles du Cap Vert et même du Sénégal. Elle habite particulière- 
ment vers l'embouchure des fleuves et des rivières. Les personnes qui ignorent cette par- 
ticularité la chercheraient vainement ailleurs. Elle est trop connue pour mériter, de notre 


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PENDANT LES ANNÉES 1840, 1841, 1842 


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PAR ORDRE DU GOUVERNEMENT 


ET AVEC LE CONCOURS D’UNE COMMISSION ACADÉMIQUE 


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SCIENCES PHYSIQUES 


ZOOLOGIE 


HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES 


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PAR M. DESHAYES 


MEMBRE DE LA COMMISSION SCIENTIFIQUE D'ALGÉRIE 
CHEVALIER DE LA LÉGION D'HONNEUR 


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SÉIZIÈME LIVRAISON 


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Prancnne 9, 13, 16, 67 à, 102 et 104 


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AT HARVARD COLLEGE, CAMBRIDGE, MASS. 
Jouuded by private subscription, fn 1861. 


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COMPARATIVE ZOÜLOGY, 


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HARVARD UNIVERSITY 
CAMBRIDGE. MA USA 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE LUTRAIRE. 345 


part, une description détaillée ; il nous suffira de rappeler ses principaux caractères. On 
la reconnait, parmi ses congénères, à sa forme générale, courbée à la façon du Solen cul- 
tellus : ovale-oblongue, elle est transverse, inéquilatérale ; le côté postérieur est le plus 
long, et son bord postérieur est concave ; le bord antérieur est court, arrondi, moins 
cependant que le postérieur ; le bord inférieur est régulièrement arqué dans toute sa lon- 
gueur, et il n’est point parallèle au bord supérieur. Les valves, fort épaisses et très-solides, 
sont très-bäillantes, car elles ne se touchent que par deux points de leur circonférence ; 
elles sont médiocrement bombées, et leur surface, d’un blanc jaunâtre ou grisâtre, est 
recouverte d’un épiderme gris-noirâtre, écailleux, peu épais, qui, presque toujours, 
manque sur les crochets. La surface externe est irréguliérement striée et rugueuse par 
des accroissements. Les crochets sont peu protubérants, pointus et opposés; ils s’inclinent 
en avant. Le corselet est allongé, lancéolé et présente une surface presque plane. Il n'existe 
aucune trace de lunule. L'impression musculaire antérieure est semi-lunaire , la postérieure 
est subcirculaire, A l'extrémité inférieure de l'impression antérieure commence l'impression 
palléale ; parallèle au bord ventral, elle est remontée très-haut, vers l'intérieur des valves. 
Parvenue en arrière, elle se recourbe pour se diriger en avant; mais, dans la première 
partie de son trajet, elle se confond avec la ligne du bord ventral. Parvenue à la hauteur 
de la charnière, elle se recourbe et se dirige obliquement vers le milieu de la circonfé- 
rence de l'impression du muscle postérieur. La dent en forme de V de la valve gauche 
est très-comprimée et presque entièrement remplie de matière calcaire. À côté d’elle et 
sur le bord du cuilleron, s'élève une dent fort mince et oblique, qu'il est rare de con- 
server entière, à cause de son peu d'épaisseur. La dent en V de la valve droite est plus 
large et plus ouverte ; elle est accompagnée, en avant, d’une petite dent mince et étroite, 
relevée en crochet, qui est peut-être un rudiment de la dent latérale des Mactres. Si 
la Lutraire oblongue se distingue facilement de ses congénères, par les caractères de 
sa coquille, l'animal offre aussi des particularités qui ne permettent pas de la confondre 
avec aucune autre, Ses palpes, d’un blanc laiteux, sont pointillées de violet; ses siphons, 
fort allongés et fort gros, sont rougeâtres ou violacés, et les ouvertures qui les terminent 
ne restent pas parallèles, mais se placent sous un angle presque droit, lune par rapport à 
l'autre. Les tentacules du siphon branchial sont courts et violacés; ils sont digités, mais à 
digitation plus courte et plus pointue que dans la seconde espèce. Enfin, les deux siphons 
semblent conserver, à l'extérieur, une communication directe, au moyen d’une rigole, 
profondément creusée de un à l'autre, dans la longueur de la courte bifurcation qui les 
sépare. 


Zoor. — Mollusques. 1. 


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346 


HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


9. LUTRARIA ELLIPTICA. Lamarck. 


Cap Lindeles, Rachgoun, Bône; la Sicile, Adriatique, l'Océan d'Europe; 


fossile en Sicile, en Italie, en Morée et dans le crag d'Angleterre. 


L. Testà ovato-oblongà, transversä, subcompressà, lævigatà, tenuè striatà, albà sub epidermide griseo, 


utrinque hiante, subæquilaterà, extremitatibus rotundatis. 


Chama glycimeris, Ronpezer, Hist. des poissons, pag. 7. 

Chama glycimeris, Gesxer, Nomencl. aquat. pag. 230. 

Chama glycimeris, ALDROVANDE, De testaceis, pag. 472. 

Idem, Jounsron, Histor. nat. de exang. aquat. pl. 14. 

Mya lutraria, LiNNÉ, Syst. nat. ed. 10, pag. 670, n° 18. 

Idem, Linné, Mus. Ulric. pag. 470, n° 0. 

Idem, Linné, Fauna suecica, 2° édit. pag. 516, n° 2128. 

Idem, Scurôsrer, Einl. tom. IIT, pag. 79, n° 8. 

Lister, Hist. an. Angl. pl. 4, fig. 10. 

Lister, Conch. pl. 415, fig. 259. 

Boxaxni, Recr. 2, fig. 19. 

Mactra lutraria, Cuemnirz, Conch. 6, p. 239, pl. 24, fig. 240, 241. 
Pennanr, Zool. Brit. 4, pl. 52, fig. 44. 

Mya, Groxovius, Zoophyl. fase. 3, pag. 260, n° 1089. 

Mactra lutraria, Herssr. Natur. Abbild. Wurm, pag. 137, n° 8. 

Idem, Gueux, Syst. nat. ed. 13, pag. 3259, n° 14. 

Mactra, Bruauiëre, Encycl. méth. Vers, pl. 258, fig. 3. 

Mactra lutraria, SrexGLer, Mém. de la Soc. d’hist. nat. de Copenhague, tom. V, 2° part. pag.125, n° 32. 
Mactra lutraria, Donovan, Brit. shells, tom. I, pl. 58. 

Idem, Woon, Obs. on the hinges of Brit. Test. Linn. Trans. tom. VI, pag. 163, pl. 46, fig. 3, 4. 
Mactra lutraria, MonraGu, Test. Brit. pag. 99, n° 8. 

Idem, Marron et RacxerT, Linn. Trans. tom. VIII, pag. 73, n° 11. 
Rorssy, Buff. Conch. tom. VI, pag. 355, n° 2. 

Brook, Introd. of Conch. pag. 62, pl. 2, fig. 20. 

Mactra lutraria, Dizzwsx, Cat. tom. I, pag. 146, n° 37. 

Lutraria elliptica, Lamarck, Anim. sans vert. tom. V, pag. 468 , n° 1. 
Mactra lutraria, Turrow, Conch. dict. pag. 84, n° 138. 

ScnweiGGER, Handb. der Naturg. pag. 702. 

Turzon, Conch. Brit. pag. 65, n° 2. 

Mactra lutraria, Gervizre, Cat. des coq. de la Manche, pag. 22, n° 9. 
Lautraria elliptica, Croucn, Introd. Lamarcr, Conch. pag. 8, pl. 4, fig. 2. 
Mactra lutraria, Woo, Ind. testac. pl. 6, fig. 36. 

Luitraria elliptica, CorarD-pes-Cnères, Cat. des Test. du Finistère, pag. 13, n° 2. 
Desnayes, Encycl. méth. Vers, tom. Il, pag. 387, n° 2. 

MENKE, Synop. Moll. pag. 119. 

Desnayes, Tableaux compar. dans Lyell. geol. tom. IL; app. 2. 
Boucnart CuanrEerEAux, Cat. des Moll. du Boulonnais, pag. 11, n° 11. 
Desnayes dans Lamarok, Anim. sans vert. 2° éd. tom. VI, pag. 90, n° 2. 
Parriprr, Enum. Moll. Sicil. tom. I, pag. 9, n° 1. 

Lutraria vulgaris, Tuompson, Report on the F'auna of Ireland, pag. 263. 
Hanzey, Descript. Cat. pag. 26, n° 2. 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE LUTRAIRE. 347 


Lutraria vulgaris, FLEMING, British Anim. 2° éd. pag. 464. 
Tuorre, Brit. mar. Conch. pag. 45, n° 2. 

Macciscivray, Moll. Anim. of Scotland, pag. 218, n° 1; pag. 291. 
Pririprr, Enum. Moll. Sicil. tom. Il, pag. 7. 

Forges, Malacologia Monensis, pag. 55. 

Fossilis, Scixra, De corpor. mar. Lapid. pl. 17, fig. 1. 

Broccnt, Conch. foss. subap. tom. Il, pag. 536. 

Browx, Ltal. Tert. Gebirge, pag. 89. 

Parppr, Enum. Moll. Sicil. tom. I, pag. 9; tom. IT, pag. 7. 
SISMONDA, Synop. meth. pedem. foss. pag. 17. 

Desxayes, Expéd. scient. de Morée, Zool. pag. 87, n° 15. 

S. Woo», Cat. of shells from the crag. Ann. nat. hist. Décembre 1840, pag 246, n°1. 
Morris, Cat. of Brit. foss. pag. 90. 


Le Lutraria elliptica a conservé son nom spécifique, que lui a imposé Lamarck, au mo- 
ment où il détacha le genre Lutraire des Mactres de Linné. Non moins connue que la pré- 
cédente, cette espèce l'a été des anciens naturalistes, et la nouvelle synonymie que nous 
venons d'inscrire prouve que Belon et Rondelet l'ont mentionnée, ainsi qu'un grand nombre 
d'auteurs; elle se distingue très-facilement de l'espèce précédente par la forme générale, 
mais il n’est pas aussi facile de la séparer de quelques espèces ayant une forme analogue, 
et qui proviennent de diverses mers. 

Elle a été mentionnée par Brocchi, et on en retrouve une figure dans un ouvrage plus 
ancien, celui de Scilla, dans lequel l'auteur à fait voir, pour la première fois, l’analogie 
incontestable qui existe entre les espèces fossiles des terrains tertiaires d'Italie et celles qui 
vivent encore aujourd’hui. Quand on compare les individus fossiles aux vivants, on observe 
quelques légères différences qui résident particulièrement dans la sinuosité de l'impression 
palléale. Si cette comparaison se fait entre des individus de l'Océan et de la Méditerranée, 
la différence paraît assez considérable. Si, au contraire, on compare des individus de la 
Méditerranée aux fossiles, la différence est déjà moindre; et, enfin, si la comparaison s’éta- 
blit entre ces individus fossiles et ceux qui vivent au Sénégal, toutes les différences ont 
disparu. Il resterait à décider si ces diverses nuances, dont nous venons de parler, doivent 
constituer des espèces, ou si ce sont de simples variétés d’un type commun, répandues sur 
une vaste étendue, et dont l'existence remonterait à l'époque où se commençait la forma- 
tion des terrains subapennins. Pour nous, nous n’hésitons pas à considérer les trois nuances 
dont nous venons de parler comme de simples variétés; mais il serait bien intéressant de 
comparer l'animal du Sénégal à celui de la Méditerranée et de l'Océan. 

Le Lutraria elliptica est une coquille grande, assez mince, ovalaire. Sa surface exté- 
rieure, presque lisse, est partout recouverte d’un épiderme d’un gris brunâtre, au-dessous 
duquel le test est d’un blanc laiteux. Quelques stries transverses, fines, irrégulières, résul- 
tent des accroissements; elles se montrent particulièrement sur le côté antérieur. Le bord 
dorsal et le bord ventral sont parallèles; le côté antérieur, qui est le plus court, est ar- 
rondi, mais il s'infléchit obliquement vers le bord ventral. Les crochets sont peu proémi- 
nents; ils sont pointus, rapprochés, opposés et à peine infléchis en avant. On n’aperçoit 
aucune trace de lunule et de corselet. Les dents cardinales, en forme de V, sont, l’une et 

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318 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


l’autre, très-ouvertes, et celle de la valve gauche n’est point remplie. On remarque, en avant 
et en arrière de la charnière, un petit pli saillant, oblique, première trace des dents laté- 
rales. L’impression musculaire antérieure est allongée, étroite; la postérieure est subcir- 
culaire, un peu aplatie à son côté antérieur. L’impression palléale prend naissance de 
l'extrémité inférieure du muscle antérieur des valves; elle suit le bord ventral parallèle- 
ment, et, parvenue vers son extrémité postérieure, elle rentre sur elle-même, en se déta- 
chant complétement de la ligne ventrale. Parvenue à la hauteur de la charnière, elle se 
courbe et se dirige en arrière pour gagner l'impression musculaire postérieure, à laquelle 
elle aboutit comme une tangente sur un cercle. 

L'animal se distingue avec la plus grande facilité. Les palpes, longues et étroites, sont 
pointillées d’un rouge violacé. La partie antérieure du manteau, qui s'attache au muscle 
adducteur antérieur des valves, est nuancée du plus beau rose. Les siphons, réunis jus- 
qu’au sommet, sont d’un blanc jaunâtre à la base, d’un orangé pâle au sommet, sur lequel 
se dessinent, en plus où moins grand nombre, selon les individus, des taches d’un beau 
violet pourpré. Les tentacules du siphon branchial sont grands, profondément digités, d’un 
blanc laiteux, demi-transparent; ils sont ornés de nombreuses taches violettes, d’une nuance 
plus faible et plus agréable que celles des siphons. Le siphon anal est terminé par une 
membrane en demi-calotte, largement percée au sommet; au point où cette membrane 
s'attache au pourtour du siphon, naissent de nombreux tentacules très-petits, cylindriques, 
et obtus au sommet. 


9. LUTRARIA RUGOSA. Lamarck. 


Bône, Alger; fossile en Italie et en Morée. 


L. Testà ovato-transversà, inæquilaterà, turgidulà, albido-flavescente, utroque latere hiante, postico 
longiore; costulis longitudinalibus elevatis, radiantibus, transversas minüs elevatas decussantibus: latere 
postico nudo; cardine dentibus lateralibus, brevibus instructo. 


Mactra rugosa, SPENGLER, Soc. d’hist. nat. de Copenh. tom. V, 2° part. pag. 118, n° 24. 
Mactra rugosa, GMELIN, pag. 3261, n° 23. 

Cuemnirz, Conch. 6, p. 236, pl. 24, fig. 236. 

Encycl. pag. 254, fig. 2 a, b. 

Mactra rugosa, Dirzwyx, Cat. tom. [, pag. 145, n° 34. 

Desnayes, Encycl. méth. Vers, tom. II, pag. 387, n° 3. 

Lamarcx, Anim. sans vert. tom. V, pag. 469, n° 3. 

Bowpieu, Elem. of Conch. 2° part. pag. 7, fig. 14. 

Luiricola rugosa, Braivire, Malac. pag. 566. 

Mactra rugosa, Woop, Ind. testac. pl. 6, fig. 33. 

Lutraria rugosa, Desnayes, Encycl. méth. Vers, tom. IT, pag. 387, n° 3. 
Menxe, Synop. Moll. pag. 110. 

Desnayes, Tubleaux compar. dans Lyell. geol. tom. IT; app. pag. 2. 
Idem, dans Lamarck, Anim. sans vert. tom. VI, pag. 91, n° 3. 

Hanzey, Descript. catal. pag. 26, n° 3. 


CLASSE PREMIÈRE, — GENRE LUTRAIRE. 349 


Fossilis, Sismonna , Synop. meth. pedem. foss. pag. 152 
Desnaxes, Expéd. scient. de Morée, Zoo. pag. 88, n° 15. 
Dusarnix, Mém. géolog. sur la Touraine, pag. 45, n°1? 


En inscrivant cette espèce dans son Histoire des animaux sans vertèbres, Lamarck dit 
qu'elle est commune dans l'Océan d'Europe. Il est vrai cependant que jusqu'ici elle est 
restée rare dans les collections; elle n’a été mentionnée dans aucun des catalogues qui ont 
pour objet de faire connaître les espèces de nos mers; elle ne se remarque dans aucun des 
catalogues d'Angleterre; elle est également omise dans ceux de la Suède et de la Norwège. 
Les catalogues de France ne la mentionnent pas davantage, et Jusqu'ici elle ne se trouve 
dans aucun des nombreux ouvrages publiés sur les productions de la Méditerranée, On 
pouvait donc supposer, d’après cela, que Lamarck avait commis une erreur au sujet de lha- 
bitation de l'espèce, et la plupart des conchyliologues la supposaient originaire des mers 
de l'Inde. Nous même avons été longtemps dans cette croyance. Cependant, nous pouvons 
l’affirmer actuellement, le Lutraria rugosa habite la Méditerranée, sur les côtes de l'Algérie, 
particulièrement à Bône, vers l'embouchure de la Seïbouse. Son analogue fossile se trouve 
assez fréquemment aux environs d’Asti, dans les sables jaunes de la formation tertiaire 
subapennine. | 

Le Lutraria rugosa est l'espèce qui se distingue avec le plus de facilité : ovale-oblongue, 
inéquilatérale, obtuse et arrondie à ses extrémités, elle est moins bäillante que les deux 
précédentes espèces; elle est plus renflée que la plupart des Lutraires; d’un fauve grisâtre 
en dehors, elle est blanche en dedans: les crochets sont médiocres, lisses au sommet; à 
une faible distance naissent un grand nombre de petites côtes longitudinales, étroites, peu 
écartées, quelquefois trés-rapprochées, mais qui, dans leur disposition générale, sont très- 
variables. Ces côtes longitudinales croisent à angle droit des stries transverses moins régu- 
lières et moins apparentes. Le côté antérieur, ainsi que le postérieur, est dépourvu de 
côtes et de stries : ils sont minces et lisses. Le bord cardinal est épais et solide, le cuille- 
ron est grand, profond, subtriangulaire, trés-proéminent à l'intérieur; la dent, en forme 
de V, est très-comprimée et presque entièrement remplie. En avant, s'élève un rudiment 
assez considérable de la dent latérale antérieure. Du côté postérieur, la dent latérale est 
beaucoup plus grosse, et ressemble déjà à celle de quelques Mactres. Les impressions 
musculaires sont fort grandes; l’antérieure, ovale, semi-lunaire, descend dans toute la 
hauteur du côté antérieur; la postérieure est circulaire et très-rapprochée du bord dorsal; 
l'impression palléale est plus rapprochée du bord ventral de la coquille que dans les deux 
autres espèces, elle s’avance très en arrière, et, parvenue au niveau du bord postérieur de 
l'impression musculaire, elle commence seulement à s'infléchir en dedans; elle remonte 
obliquement et s'arrête en arrière de la charnière. Le test de cette espèce est épais et 
solide. Les individus fossiles sont, en général, plus grands que les vivants. 


350 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


GENRE QUATORZIÈME. 
MACTRE. Macrra. Linné. 


De tous les genres créés par Linné, dans la classe des vers testacés, celui-ci est l’un des 
plus naturels et le seul, peut-être, auquel il eût été bon de n’apporter aucun changement. 
Ce nom de Mactre, choisi par Linné pour l'appliquer à un genre bien déterminé, avait 
été diversement employé avant lui par quelques auteurs de conchyliologie. Cette dénomi- 
nation s'appliquait mdistinctement à des coquilles triangulaires, rappelant, par leur forme 
générale, celle d'un fer de hache. Il y eut même des auteurs, tels que Klein, par exemple, 
qui y rapportaient des Arches et des Pétoncles. Il fallut donc qu'en empruntant aux natu- 
ralistes, ses prédécesseurs, cette dénomination générique trop vague, Linné la restreignit, 
et c'est ce qu'il fit, comme nous le verrons bientôt. 

Quelques-unes des espèces de véritables Mactres habitent nos mers d'Europe, où elles 
sont d’une abondance extrême. L'une d’elles n’a point échappé à Rondelet, qui en a donné 
une figure assez reconnaissable, sous le nom de Vétade, dans son Histoire des poissons. 
Cette figure, reproduite, mais souvent d’une manière imparfaite, dans les ouvrages de 
Gesner, d'Aldrovande, de Johnston, etc. ne mérite guère d’être citée dans une synonymie 
correcte. Lister, dans son Traité des animaux d'Angleterre, ainsi que dans son grand 
ouvrage de conchyliologie, a rendu une figure plus exacte de la Vétade de Rondelet; il à 
ajouté celle d’une espèce plus commune encore, connue sous le nom vulgaire de Lisor. 
Bonanni, dans deux de ses ouvrages; Réaumur, dans son Mémoire, plem d'intérêt, sur la 
formation des coquilles, publié, en 1710, dans les Mémoires de l'Académie ; Gualtieri, 
Ginnani, auxquels on peut joindre Rumphius et Petiver, ont donné des renseignements 
plus ou moins utiles sur les coquilles du genre Mactre, en ont fait connaitre des espèces 
par des figures dont la plupart se ressentent des imperfections de l’art du dessin, tel qu'il 
s'appliquait alors à l'étude de l'histoire naturelle. Nous arrivons enfin à l'ouvrage d’Adan- 
son, publié en 177, c’est-à-dire à l’époque où Linné préparait la dixième édition du 
Systema nature. 

Pour le plus grand nombre, les genres d'Adanson sont fondés sur une habile observation 
des caractères zoologiques des Mollusques. Personne ignore à quel haut degré Adanson 
portait l'art de la méthode, et combien, sous ce rapport, ses ouvrages sont supérieurs à 
son siècle. Pour les coquilles bivalves, ce grand naturaliste ne poussa pas les divisions aussi 
lom qu'il eût été nécessaire pour satisfaire à tous les caractères des animaux de cette 
classe. Sous le nom de Chama, il constitua un genre très-étendu, dans lequel il rassembla 
un grand nombre de types, que M. de Blainville réunit dans sa famille des Conchacés. 
C’est dans le genre Chama que se trouvent, à côté de Vénus, de Cythérée, de Lucine, etc. 
deux espèces de véritable Mactre. 

La dixième édition du Systema naturæ parut, comme nous venons de le dire, une année 
après l'ouvrage d’Adanson. Le genre Mactre ne s’y trouve pas encore, et le peu d'espèces 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE MACTRE. 85 


que Linné connaissait sont comprises dans le genre Cardium. Ce genre Mactre n'existe ni 
dans le Museum Ulricæ, ni dans la onzième édition du Systema, ni dans la deuxième édition 
du Fauna suecica. Il est inscrit, pour la première fois, dans la douzième édition du Systema 
naturæ, publié en 1757. 

Caractérisé rigoureusement, le genre Mactre de Linné ne contient qu’une seule espèce 
contestable, et encore, avant de la rejeter, faudrait-il être convaincu qu’elle doit constituer 
un genre distinct, ainsi que l'a proposé Lamarck : l'espèce dont il s’agit (Mactra lutraria) est 
devenue le type du genre Lutraire. Peut-être serait-il plus convenable de revenir à la 
classification des espèces proposée par Spengler. Ge judicieux naturaliste partage les Mac- 
tres en deux sections ; la première, pour les espèces oblongues, contiendrait les Lutraires 
de Lamarck ; la seconde pour les espèces triangulaires, renfermerait les Mactres du même 
auteur. Les successeurs de Linné s’'empressèrent d'adopter le genre Mactre ; mais tous 
n’en ont pas respecté la simplicité. Quelques-uns, et particulièrement Gmelin, dans la 
treizième édition du Systema naturæ, ont introduit, dans le genre qui nous occupe, des 
coquilles qui n’en offrent pas les caractères. Cet exemple fut suivi même par Bruguière, 
qui, dans les planches de l'Encyclopédie, confond avec elles les Crassatelles. Mais bientôt 
toute confusion dut cesser en présence du beau travail de Poli, dans lequel il représenta 
l'animal vivant de la plus grande espèce de Mactre des mers d'Europe, et en donna une 
anatomie, si ce n’est complète, du moins suffisante pour déterminer la place que le genre 
doit occuper dans la méthode. 

Nous trouvons, dans l'ouvrage de d’Acosta, sur les coquilles de la Grande-Bretagne, 
un genre Trigonella, dans lequel, à quelques Mactres, est joint le Chama piperata des 
anciens conchyliologues. Humphrey, Museum calonnianum, a suivi l'exemple de d’Acosta, et 
a préféré le nom générique de ce naturaliste pour un genre semblable au sien, contenant 
à la fois des Mactres et des Lavignons. Poli, qui, pour l’arrangement des Testacés des 
Deux-Siciles, créa une nomenclature spéciale, tout en conservant celle de Linné, imposa 
le nom de Callista aux Mollusques des Mactres, et celui de Callistoderme aux coquilles du 
même genre. Ces exceptions à la nomenclature de Linné sont les seules que nous ayons à 
signaler. Depuis la publication de l'ouvrage de Poli, Spengler, en 1802, donna dans les 
Mémoires de la Société d'histoire naturelle de Copenhague, une monographie très-bien 
faite des Mactres. Dans cet écrit, le savant naturaliste conserve au genre de Linné toute 
son étendue; seulement, ainsi que nous le disions, il partage les espèces en deux groupes, 
d’après leurs formes. Malgré cet exemple, presque tous les naturalistes adoptèrent le 
changement proposé par Lamarck, c’est-à-dire la séparation des Lutraires. Cependant 
cette réforme ne parut pas suffisante à un zoologiste anglais, à qui la science est redevable 
de travaux importants et d’un mérite incontestable. M. Gray, dans un article très-court, se 
servit de quelques caractères peu importants, selon nous, empruntés à la disposition du 
ligament, pour diviser les Mactres en plusieurs genres, que nous avons déjà eu occasion 
de mentionner en traitant des Lutraires. Mais jusqu'ici peu de zoologistes ont adopté 
ces nouvelles divisions, qui ne pourraient avoir quelque valeur qu'autant qu’elles s’ap- 
puieraient sur des caractères tirés des animaux. Or, il n’est rien dans le Mactra Spengleri, 


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352 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


par exemple, qui fasse supposer un animal différent du Mactra lactea ou d’autres espèces 
analogues. Nous ne pouvons donc admettre, dans l'état actuel de nos connaissances, les 
nouveaux genres proposés par M. Gray. 

Si tous les naturalistes se sont trouvés d’accord pour adopter le genre Mactre, ils n’ont 
pas tous eu la même pensée pour en déterminer les rapports dans la méthode, Linné, 
d’abord, en confondit les espèces parmi les Cardium, et rapprocha naturellement les 
Mactres de ce dernier genre ; son opinion prévalut longtemps. C’est aux travaux de Poli 
que l’on doit un changement notable dans l'opinion des naturalistes classificateurs. Poli 
rapprocha les Mactres du Cytherea chione, parce que l'un et l’autre animal se prolongent 
en arrière en deux siphons réunis. Cuvier, M. de Blainville, se fondant aussi sur ce carac- 
tère, ont entraîné les Mactres dans le voisinage des Vénus, quoiqu’elles eussent le liga- 
ment intérieur, tandis que les Vénus le portent à l'extérieur. Lamarck attacha, avec juste 
raison, plus d'importance à la position du ligament; et, comme il s'aperçut des rapports 
intimes qui rattachent les Lutraires aux Mactres, il ne voulut pas séparer ces deux genres 
et les entraîna tous deux assez loin des Vénus, dans sa famille des Mactractes. Depuis les 
travaux de Cuvier et de Lamarck, les opinions se trouvèrent partagées, et 1l était difficile 
de se décider en faveur de l'une d'elles, parce que l'animal des Lutraires était complé- 
tement inconnu, et qu'on ignorait, par conséquent, si les rapports indiqués par les coquilles 
se trouveraient exacts à l'égard des animaux. Il sera facile actuellement aux zoologistes de 
choisir entre les deux opinions que nous venons de rapporter ; ils trouveront dans cet 
ouvrage les éléments d’une comparaison assez complète; ils verront si, comme l'a cru 
Poli, les Mactres sont plus voisines des Cythérées que des Lutraires. 

La Méditerranée ne contient qu'un petit nombre de Mactres ; toutes appartiennent au 
type le mieux caractérisé de ce genre; on n’en trouve aucune qui soit transitoire avec les 
Lutraires. Les Mactres habitent plus spécialement les mers de l'Amérique, et l’une d’elles, 
plus intéressante que beaucoup d’autres parce qu'elle a plusieurs des caractères des Lu- 
traires, vit dans les mers du Brésil. Quoique nous possédions l'animal, nous ne pourrons 
le décrire en détail; mais il nous servira quelquefois de terme de comparaison pour voir 

-si, en réalité, il existe un passage insensible entre les Mactres et les Lutraires. 

Les Mactres fossiles sont moins nombreuses que les vivantes ; elles sont répandues dans 
tous les terrains tertiaires connus ; quelques-unes ont été mentionnées, soit dans les ter- 
rains crélacés, soit même dans les terrains secondaires plus anciens; mais rien, jusqu'ici, 
n'est propre à justifier à nos yeux la présence des Mactres dans les terrains plus anciens que 
les tertiaires ; et si quelques paléontologistes se sont crus autorisés à les mentionner, cela pro- 
vient de ce qu'ils ont assimilé à ce genre des moules de coquilles triangulaires, sur lesquels 
on ne trouve aucune trace des caractères les plus essentiels des Mactres. Dans la série des 
moules factices qu'a publiés M. Agassis, on reconnaît celui des Mactres, non-seulement à 
sa forme générale, mais encore à l'empreinte de la charnière. Les lames cardinales, comme 
nous le verrons bientôt, ont une saillie médiane produite par la proéminence du cuil- 
leron, qui laisse dans le moule une empreinte plus ou moins profonde entre les cro- 
chets. La dent cardinale se reconnaît, dans son empreinte, par sa forme spéciale. Enfin, 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE MACTRE. 353 


les dents latérales laissent toujours sur le moule des traces de leur présence, ce qui peut 
aider à déterminer le genre d'une espèce dont le moule seulement est connu. IL existe aussi 
des dents latérales dans plusieurs autres genres, et ce caractère seul aurait peu de valeur ; 
il faut donc, pour classer parmi les Mactres les moules d’espèces fossiles, que ces moules 
portent les empreintes des parties principales de la charnière, et particulièrement de la 
dent cardinale. 

Les terrains tertiaires de l'Algérie nous ont offert une seule espèce fossile de Mactre ; 
c’est le Mactra triangula de Brocchi, qui vit encore aujourd’hui dans la Méditerranée. 


Coquizze. — Les Mactres sont des coquilles généralement minces; elles acquièrent quel- 
quefois une taille assez considérable; presque toutes sont lisses; quelques-unes offrent des 
côtes transverses que l’on voit se répéter exactement à l’intérieur des valves, par suite de la 
faible épaisseur du test; aucune jusqu'ici n’est pourvue de stries ou de côtes longitudinales. 
Leur forme est triangulaire pour le plus grand nombre; dans une série considérable d’es- 
pèces, on voit cette forme subir des modifications insensibles, devenir plus oblongue, plus 
ovalaire et arriver enfin à la forme allongée et transverse des Lutraires. Presque toutes les 
espèces sont subéquilatérales ; la lunule et le corselet sont presque égaux et presque tou- 
jours nettement circonscrits ; la surface extérieure est revêtue d’un épiderme plus ou moins 
épais, caduc sur les crochets, mais toujours apparent sur le bord des valves, qu'il dépasse 
d'une manière assez notable pour cacher la partie exertile du manteau. En arrière, cet épi- 
derme passe d’une valve à l'autre, et, se prolongeant en une gaine digitiforme, il revêt les 
siphons dans toute leur étendue, exactement comme dans les Lutraires. Les valves toujours 
égales sont mieux fermées que dans la plupart des Lutraires; cependant elles sont bäil- 
lantes en avant et en arrière. Les bords sont toujours simples, minces et tranchants; la co- 
quille étant triangulaire, le bord antérieur descend obliquement d’arrière en avant et vient 
aboutir à un angle obtus, qui résulte de sa jonction avec le bord ventral; le bord postérieur 
suit une direction diamétralement opposée ; il naît des crochets et descend obliquement 
d'avant en arrière, où il se termine aussi en un angle obtus, lorsqu'il se confond avec le 
bord ventral; ce dernier est régulièrement courbé, à peu près comme le tranchant d’une 
hache, et il est à présumer que c’est cette forme générale qui a déterminé Linné à préférer 
pour le genre le nom de Mactra, dont la signification est bien connue. Les crochets peu 
saillants, inclinés en avant, occupent le sommet du triangle. 

La surface interne est généralement blanche et peu colorée, jamais nacrée; on y observe, 
comme toujours, deux impressions musculaires et une palléale. Les impressions muscu- 
laires sont assez grandes, à peu près à égale distance de la charnière; toutes deux sont 
comprises dans la région supérieure de la coquille; elles sont presque égales, ovalaires 
ou obrondes. De l'extrémité inférieure de l'impression musculaire antérieure, il part une 
impression palléale qui se place parallèlement au bord ventral, l'accompagne dans les deux 
tiers de sa longueur, s’infléchit ensuite obliquement, remonte plus ou moins haut dans 
l'intérieur des valves, et se recourbe pour aboutir au milieu de la circonférence du muscle 
adducteur postérieur. La sinuosité palléale postérieure est généralement étroite, et dirigée, 

Zoo. — Moilusques. r. 45 


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—_—_—_—— EE 


351 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


tantôt horizontalement, tantôt obliquement, de haut en bas et d'avant en arriére. Deux 
petites impressions étroites viennent se confondre à l'extrémité supérieure des grandes 
impressions musculaires: elles sont dues aux muscles rétracteurs du pied. 


CHarniëre. — La charnière est fort compliquée dans les Mactres ; elle est supportée par un 
bord cardinal assez large, sur lequel s'élèvent des dents cardinales et des dents latérales. Le 
milieu est creusé par une cavité triangulaire, un peu oblique et destinée à recevoir un liga- 
ment intérieur. (PL. XXX, fig. 3, a.) Toutes ces parties que nous venons de mentionner sont 
variables à des degrés divers, selon les espèces. Les dents cardinales sont situées du côté 
antérieur, immédiatement au-dessous du crochet; elles affectent une forme particulière que 
l'on ne rencontre que dans ce genre et celui des Lutraires. Elles sont, en effet, en forme de 
V, celle de la valve gauche étant un peu plus grande pour recevoir la dent de la valve opposée 
(PI. XXX, fig. 3, b.) Quelquefois cette dent manque complétement, comme dans le Mactra 
gigantea, par exemple, et cette coquille reste cependant parmi les Mactres, parce que, à 
l'exception de la dent cardinale, elle conserve tous les autres caractères du genre. Dans 
d’autres espèces , telles que le Mactra striatella de Lamarck, la dent cardinale se montre à 
l’état rudimentaire. Il arrive même que l'un de ses côtés se confond avec le commencement 
de la dent latérale antérieure. Dans le Mactra elongata de MM. Quoy et Gaimard, les dents 
cardinales ont subi une compression considérable, ce qui les fait ressembler à celles de 
quelques Lutraires. C’est principalement dans les coquilles dont le test s’épaissit avec l’âge que 
se montrent les modifications, dont nous venons de parler. Celles qui sont minces ont la dent 
cardinale plus lamelleuse et d'une grosseur plus constante. La fossette du ligament peut être 
comparée à celle des Lutraires: car, dans le plus grand nombre des espèces, le bord de ce 
cuilleron est saillant dans l’intérieur des valves, ce qui donne au ligament une plus grande 
surface pour s'attacher. Dans quelques espèces, telles que le Wactra helvacea, par exemple, 
le cuilleron ne dépasse pas le bord cardinal, mais alors celui-ci devient large et très-proé- 
minent au-dessus de la cavité des crochets. La fossette du ligament est toujours triangu- 
laire, un peu oblique d'avant en arrière; le sommet s'enfonce jusque vers la pointe des 
crochets; et, dans quelques espèces, il est possible d'en suivre la cavité jusqu’à son com- 
mencement. Dans le Mactra Spengleri, le cuilleron, au lieu de s’avancer horizontalement 
sur le bord cardinal, s'enfonce obliquement jusqu’au sommet des crochets, et, dans toute 
sa longueur, il reste ouvert, de manière à se montrer à l'extérieur, au moyen d’une fente 
également triangulaire. Si, par un artifice, on venait à rompre la lame calcaire, peu épaisse, 
qui recouvre dans les autres Mactres une partie du sommet du cuilleron, on obtiendrait 
une disposition analogue à celle du Mactra Spengleri, ce qui prouve le peu d'utilité du 
genre que M. Gray a voulu établir pour cette espèce. Le ligament, implanté dans les cuil- 
lerons, est épais, très-solide, et il remplit très-exactement les cavités qui le reçoivent. Les 
dents latérales sont constantes chez les Mactres, seulement elles varient dans leur lon- 
gueur; dans quelques espèces même, elles sont presque rudimentaires, et, en cela, elles 
ressemblent à celles des Lutraires. Dans le plus grand nombre de ces coquilles, les dents 


latérales sont grandes, aplaties, lamelliformes , simples sur la valve gauche, doubles sur la 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE MACTRE. 399 


valve droite. Presque toujours ces dents latérales sont lisses; chez quelques espèces, telles 
que le Mactra solida, par exemple, elles sont striées perpendiculairement. Ces dents 
occupent une parte notable des bords antérieur et postérieur de la coquille. (PI. XXX, À, 
fig. 3,c, d.) 

Nous avons déjà fait remarquer que, dans les Lutraires, le ligament est absolument in- 
terne. Il l’est également chez la plupart des Mactres; il en existe cependant quelques-unes 
où 1l y a des rudiments d’un ligament extérieur. Dans celles-là, Mactra gigantea, par exemple, 
se montre en même temps un petit bourrelet sur lequel ce ligament s'attache, et que l'on 
peut considérer comme une nymphe à l’état rudimentaire. 

Lorsque nous traiterons du genre Lavignon, nous exposerons nos observations sur la 
nature du ligament. Chez ceux des Mollusques qui ont le ligament externe, cet organe est 
composé de deux parties bien distinctes : l’une extérieure, très-solide, convexe, fibreuse ; 
l'autre intérieure, d’une structure différente, très-élastique, et destinée plus particulière- 
ment à favoriser le mouvement des valves l’une sur l’autre. Dans les Mactres à deux liga- 
ments, les deux parties que nous venons de mentionner semblent détachées l'une de l’autre. 
La portion élastique entre dans le cuilleron et en occupe toute la cavité. La portion fibreuse 
s'arrête au dehors sur un rudiment de nymphe, ce qui démontre jusqu'à l'évidence lin- 
dépendance des deux parties constituantes du ligament extérieur. Il y a des genres chez 
lesquels cette indépendance se manifeste d’une manière non moins évidente; celui des 
Amphidesmes, par exemple, chez lequel la portion élastique occupe une longue fossette, 
décurrente le long du bord postérieur, tandis que la portion fibreuse, mieux développée 
que dans les Mactres, est attachée sur des nymphes bien distinctes. Nous avons donc rai- 
son en disant que l’on peut assimiler la cavité ligamentifère des coquilles à ligament im- 
terne, à une portion considérable de la nymphe des coquilles à ligament extérieur. Nous 
verrons à ce sujet une modification très-intéressante dans les Lucines, genre comparable, 
sous ce rapport, à celui des Thracies, puisque l’on y voit aussi le ligament passer du de- 
dans au dehors, dans une série peu nombreuse d'espèces. 

Le genre Mactre contient aujourd'hui un grand nombre d'espèces vivantes; les catalogues 
en mentionnent plus de soixante espèces, distribuées dans presque toutes les mers, ce genre 
ayant la propriété de s'étendre depuis Les régions polaires jusque dans les mers les plus 
chaudes. 


ANIMaL. — L'animal des Mactres conserve la forme de la coquille ; il est, par conséquent, 
triangulaire dans le plus grand nombre des espèces; il est épais, bombé, subcordiforme, 
exactement comme la coquille d’où il sort. La masse viscérale, d’un médiocre volume, est 
enveloppé d'un manteau qui la déborde de toutes parts. Car ce manteau, destiné à revêtir 
l'intérieur des valves, conserve la même étendue qu’elles, et même les déborde dans une 
grande partie de leur circonférence, pendant les moments où cet organe est dans sa plus 
grande extension. Pour donner une idée plus complète de la forme générale des Mactres, 
nous ajouterons que l’animal se prolonge en arrière en deux siphons réunis, comprimés 
latéralement et égaux en longueur. 


A5. 


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356 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


Manteau. — Le manteau chez les Mactres est constitué exactement comme chez tous les 

autres Mollusques acéphalés dimyaires. On y remarque une portion centrale, mince et mem- 
braneuse (pl. XXVII, fig. 1,0, c; fig. 2, b, b), ainsi qu'une région externe formant la 
circonférence et constituée par un large muscle à fibres parallèles, solidement attachées au 
test, le long de cette ligne connue sous le nom d'impression palléale. (PI. XXVIL, fig. 1 et, 
a, a.) Les lobes du manteau, parfaitement égaux, sont naturellement désunis dans toute 
la longueur du bord ventral. Cette règle souffre cependant quelques exceptions. Dans le 
 Mactra triangula, par exemple, la commissure postérieure a lieu vers les deux tiers de la 
longueur du bord. Il en est de même chez le Mactra solida, et cette commissure partage 
le bord ventral en deux moitiés presque égales, dans le Mactra brasiliana, espèce dont la 
coquille est transitoire, comme nous l'avons vu, entre les Lutraires et les Mactres. 

Dans le plus grand nombre des espèces que nous avons examinées, nous avons trouvé 
sur le bord du manteau une double rangée de petits tentacules coniques dont l’une se ren- 
verse en dehors, tandis que l'autre, dont les tentacules sont plus grands, se croisent en 
avant comme les doigts des deux mains. (PI. XXVE, fig. 7, b, b.) C'est à travers les faibles 
interstices que laissent entre eux ces tentacules, que l’eau est obligée de passer pour péné- 
trer dans la cavité du manteau. La commissure antérieure se fait en avant du muscle adduc- 
teur antérieur des valves. Les tentacules du manteau s’amoindrissent insensiblement et 
disparaissent en arrière, dans la région dorsale de l'animal. Un phénomène analogue se 
montre à la commissure postérieure; les tentacules diminuent rapidement et bientôt ils 
sont remplacés, dans toute la longueur du siphon ventral, par une double lèvre légèrement 
ondulée, et qui indique la ligne par laquelle les siphons, étant divisés en deux, forment 
deux moiliés parfaitement symétriques. (PI. XXVI, fig. 7.) Une petite rigole est creusée 
entre les lèvres en question; elle aboutit au bord libre du siphon et se montre ensuite sous 
la forme d'une espèce de rainure, dans le faible intervalle qui sépare les siphons à leur 
sommet. Nous ignorons l'usage de ces lèvres et du canal qu’elles circonscrivent. Il existe 
d’autres espèces chez lesquelles les tentacules du manteau manquent. C’est aimsi que le 
Mactra brasiliana en est dépourvu. Il est à présumer que cela se présentera de même dans 
d’autres espèces, à mesure que l’on aura occasion de les observer vivantes. Une petite caron- 
cule se montre dans les Mactres, à l’origine de la commissure postérieure du manteau, au 
point où commencent les siphons, là où se trouve la troisième ouverture que nous avons 
fait remarquer, dans le manteau, chez les Thracies et chez les Lutraires. (PI. XXVIE, fig. 1,0.) 

En examinant la surface interne des bords musculaires du manteau, on trouve en arrière 
deux plis saillants, inégaux, longitudinaux, suivant parallèlement le bord ventral et abou- 
üssant vers l'entrée du siphon branchial. Le plus grand de ces replis est le plus externe; 
l'autre est situé en dedans, à une distance peu considérable. (PL. XXVI, fig. 9, d, f.) Lorsque 
l'animal est vivant, les lobes du manteau rapprochés dans l’état normal, ces deux plis se joi- 
gnent et ils semblent limiter une espèce de canal qui conduit directement l’eau à l’ouver- 
ture du siphon branchial. Pour bien comprendre le jeu de ces replis membraneux, il faut se 
rappeler qu'ils existent sur l’un et l’autre lobe du manteau, et qu’ils deviennent assez proémi- 
nents pour se toucher par leur bord libre, lorsque l'animal rapproche les valves de sa coquille, 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE MACTRE. 397 


sans cependant la fermer complétement. Il semblerait que ces sortes de valvules ont été dis- 
posées pour favoriser les courants du liquide ambiant dans l’intérieur de la cavité palléale. 

Nous avons souvent observé vivantes les deux espèces les plus communes de Mactres de 
la Méditerranée; nous leur avons vu recevoir l’eau dans leur manteau et l'en expulser. 
Dans cette opération, les valves se rapprochent, au moment de l'expulsion, par le siphon 
branchial; et, comme l'ouverture de ce siphon est en partie recouverte par une large val- 
vule, il est à croire que les deux replis du manteau, dont nous parlons, dirigent le liquide 
à expulser vers la partie découverte de l'ouverture du siphon branchial. Lorsque l'animal 
est contracté, les plis membraneux se réduisent de largeur et deviennent extrêmement 
onduleux. 

IL arrive dans les Mactres ce que nous avons déjà fait remarquer chez presque tous les 
autres Mollusques dont nous avons traité jusqu'ici. Le muscle orbiculaire du manteau, 
après avoir régné, d’une commissure à l’autre, dans toute la longueur du bord ventral, vient 
aboutir à la circonférence des muscles adducteurs des valves, les contourne en se rétré- 
cissant, et gagne la région dorsale de l'animal. Dans celles des Mactres que nous con- 
naissons, le muscle orbiculaire ne s’avance pas très-loin dans la région dorsale; il vient 
mourir en pointe vers les membranes destinées à la charnière, et laisse ainsi dénudée toute 
la partie centrale de la masse viscérale. En avant, le muscle orbiculaire s'arrête au bord 
postérieur du muscle adducteur antérieur des valves; en arrière, il se prolonge au delà du 
muscle, recouvre l'anus et s'arrête à la hauteur de la dent latérale postérieure. 

Les membranes de la charnière commencent au delà des limites que nous venons d’in- 
diquer au muscle orbiculaire du manteau. Ces membranes, on le comprendra facilement, 
sont plus compliquées chez les Mactres que dans la plupart des autres genres, ce qui tient 
aux parties solides qu’elles doivent revêtir et sécréter. Du côté antérieur, on trouve d’abord 
une membrane assez épaisse, dans laquelle sont creusées, à droite et à gauche, des cavités 
destinées à recevoir les dents latérales. Un repli considérable, correspondant à la valve 
droite, s'enfonce dans la cavité qui sépare les deux dents latérales de ce côté; une dispo- 
sition analogue se montre en arrière. Au milieu et correspondant à la région du cœur, il 
existe un écusson ovalaire assez épais, médiocrement concave ; cet écusson correspond au 
ligament et au cuilleron qui le supporte. Enfin, en avant, s'élève un petit paquet membra- 
neux, dans lequel on reconnaît facilement l'impression des deux dents cardinales. 


SIPHONS. — Les siphons, chez les Mactres, offrent, comme dans tous les autres genres, 
des caractères spécifiques excellents ; ils ressemblent beaucoup à ceux des Lutraires, cependant 
ils sont en proportion moins gros et moins longs. Il y a des espèces chez lesquelles ces or- 
ganes acquièrent un volume plus considérable qu’on ne pense. Si l’on en croyait l'ouvrage 
de Poli, les siphons des Mactres auraient à peine le tiers de la longueur de la coquille. 
D'après nos propres observations, répétées un grand nombre de fois, ces organes acquièrent 
souvent le double de cette longueur, et, dans le Mactra brasiliana, l'allongement est égal à 
la longueur de la coquille elle-même, ce qui arrive aussi quelquefois dans le Mactra trian- 
gala. (PI. XXVT, fig. 1, 4.) Ainsi, sous ce rapport, il n'y aurait pas entre les Mactres et 


+ ——- 


358 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


les Lutraires une différence aussi considérable qu’on l'aurait cru, en s'appuyant sur les seuls 
travaux du naturaliste napolitain. 

Les Vénus et les Cythérées, animaux chez lesquels lépiderme est peu considérable, la 
surface extérieure des siphons est dépourvue de la gaine épidermique existant chez les 
Lutraires et que nous retrouvons chez toutes les Mactres. À ce sujet, l'ouvrage de Poli a ôté 
aux naturalistes un moyen précieux de rapprocher ces Mollusques d’après leurs caractères 
extérieurs. Cette gaine des siphons des Mactres est plus ou moins apparente; dans le Mactra 
stullorum et corallina, l'épiderme étant presque toujours transparent, il s'étend sur les siphons 
en une couche gélatimeuse, jaunâtre, que l'on voit se gonfler et s'épaissir, lorsque, après la 
mort, on vient immerger l'animal dans l'eau douce. Dans d’autres espèces chez lesquelles 
l'épiderme est coloré, telles que le Mactra helvacea, ainsi que le triangula, les siphons sont 
revêtus d’une enveloppe épidermique, jaunâtre et grisâtre, profondément plissée lorsque 
ces organes sont contractés , mais devenant lisse lorsqu'ils sont distendus. 

Inégaux dans leur diamètre , les siphons des Mactres sont à peu près égaux dans leur 
longueur; réunis entre eux, ils constituent une masse allongée, subconique, comprimée 
de chaque côté, de sorte que leur section transverse présente une forme régulièrement 
ovalaire, ayant, par conséquent, deux grands côtés et deux petits. Sur les grands côtés, 
on remarque, dans toute leur longueur, une dépression qui indique le point de jonction 
des deux siphons entre eux. (PL XXVI, fig. 1, 4; pl. XXVIL, fig. 1, e, f.) Le sommet est 
tronqué et présente une ouverture circulaire, garnie de divers tentacules dont le nombre 
et la forme varient selon les espèces. Les tentacules des siphons ne sont pas simples et uni- 
formes, comme le font croire les figures de Poli. C’est ainsi que, dans le Mactra stultorum, 
par exemple, le siphon branchial est pourvu, dans toute sa circonférence, d’un grand nombre 
de tentacules ; tous sont simples, mais mégaux. Les uns, trés-grands, au nombre de huit 
ou dix seulement, se renversent au-dessus de l'ouverture, et, sans être parfaitement symé- 
triques, ressemblent assez bien aux rayons d’un cercle. D’autres, un peu plus courts que 
ceux-ci, sont distribués entre eux à des distances égales et se projettent également au- 
dessus de l'ouverture du siphon. Enfin, entre chacun de ces tentacules principaux, trois, 
beaucoup plus petits, s'élèvent du bord et se renversent au dehors. Lorsque l'animal con- 
tracte son siphon branchial, au moment où il expire l'eau contenue dans le manteau, le 
bord du siphon se contracte vivement, comme s'il était garni d’un sphincter musculaire ; 
et l’on voit les tentacules se rapprocher, former une espèce de bouquet, comme s'ils étaient 
placés sur les bords d’une bourse dont on aurait tiré subitement les cordons. Dans le WMactra 
triangula, les grands tentacules sont plus nombreux; ils sont allongés, coniques, se recour- 
bent en crochets au-dessus de l'ouverture terminale, et il n'existe entre eux d'espace que 
pour un seul petit tentacule qui se renverse au dehors. (PI. XXVI, fig. 4, 5.) Dans cette 
espèce, un tentacule unique, plus gros et plus court, occupe l'extrémité de la ligne bila- 
bite, que nous avons fait remarquer le long de la surface inférieure du siphon branchial. A 


1 


l'opposé de ce tentacule, à la partie de la circonférence correspondante au point de jonc- 


tion des deux siphons, s'élève un gros tentacule aplatr, bifurqué, que nous ne retrouvons 
dans aucune autre espèce. (PL. XXVI, fig. 4, f.) Dans le Mactra helvacea, nous trouvons un 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE MACTRE. 359 


système de tentacules qui se rapproche beaucoup de celui du Lutraria oblonga. En effet, 
les plus gros de ces organes, sans être digités aussi profondément que dans la Lutraire en 
question, sont mamelonnés de chaque côté, et leur surface externe est creusée longitudi- 
nalement d’une cannelure peu profonde, exactement comme dans tous ceux des Mollusques 
dont les tentacules terminaux sont digités. Nous espérions trouver une disposition analogue 
chez le Mactra brasiliana, mais nous avons été décu dans notre espoir, ce qui prouve que, 
dans les transitions des caractères spécifiques, toutes les dégradations ne se réalisent pas 
sur quelques espèces, mais sur un certain nombre; et c'est de cette manière que l'on peut 
se rendre compte du phénomène remarquable dont nous parlons. Nous le répétons, s’il 
arrive que, dans certains groupes, les caractères des siphons ont une valeur presque ab- 
solue, il y en a d’autres où ils varient de manière à ne leur laisser qu'une valeur très- 
secondaire ; il est important que le naturaliste ne s’y laisse pas tromper. Mais, pour cela, 
il faut que les faits soient assez nombreux pour qu'il puisse les apprécier. 

Le siphon anal est fort différent de son congénère; toujours d’un diamètre plus petit, il se 
termine par un bord membraneux, plus saillant que les tentacules qui l'environnent; ce bord 
se présentant presque toujours sous la forme d’une calotte demi-ovoïde ou demi-sphérique, 
percée, au sommet, d’une ouverture circulaire. (PI. XXVI, fig. 6.) Cette membrane n’a été 
représentée par Poli dans aucune des espèces qu'il a observées, et cependant elle existe 
dans toutes sans exception , tandis que nous n’en avons aperçu aucune trace dans le Cytherea 
chione, que l’on a toujours eu tort de comparer aux Mactres. Cette membrane est mince et 
transparente chez toutes les espèces; dans le Mactra stuliorum, il s'élève à sa base une ran- 
gée de longs tentacules, grèles et pointus, que nous avons vus constamment agités. (PI. XXVI, 
fig. 6, b.) Dans le Mactra corallina, ces parties offrent une disposition semblable; mais, 
dans le triangula, les tentacules sont en proportion plus gros, et l'animal les tient ordi- 
nairement roidis. (PL XXVI, fig. 4, d, d.) Dans cette dernière espèce, nous retrouvons un 
caractère qui aurait paru particulier aux Lutraires. Il existe, en effet, au-dessous du bord 
des siphons et des tentacules dont ils sont garnis, une rangée de tentacules très-fins qui 
embrassent sans interruption la circonférence des deux siphons. (PL XXVI, fig. 4, b, b.) 
Quant à la coloration des organes que nous venons de décrire, elle est peu intense chez 
les espèces que nous avons eues vivantes sous les yeux; elle est d’un blanc grisätre et uni- 
forme chez le Mactra stultorum. C’est, au reste, la couleur de tout l'animal; elle est d’un 
blanc jaunâtre chez le Mactra corallina; elle est d'un jaune un peu plus intense dans le 
triangula ; et, dans cette dernière, une zone d’un jaune orangé se montre vers le bord du 
siphon branchial. La couleur des siphons du WMactra helvacea rappelle celle du Latraria 
oblonga, mais très-affaiblie. 

Les siphons sont mus par des muscles spéciaux que nous avons eu soin de faire con- 
naître dans tous les animaux, chez lesquels ils se sont offerts. Dans les Mactres, ces muscles 
sont variables dans leur forme, selon les espèces. IL est facile, au reste, de s’en rendre 
compte par l'examen d'une nombreuse série des espèces de coquilles, car ces muscles 
laissent à l'intérieur des valves une impression qui en représente très-fidèlement la forme; 
il y en a qui sont allongés et étroits ; d’autres sont courts et également étroits. Mais chez 


360 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


les espèces dont nous avons à nous occuper, ces muscles sont larges et courts. Ils sont 
aplatis, minces vers leur circonférence, beaucoup plus épais à la base, au moment où ils se 
confondent avec les siphons. (PI. XXVE, fig. 9, c, c; pl. XXVIH, fig. 1, k.) Ils sont com- 
posés de plusieurs plans fibreux à fibres inégales, superposés les uns aux autres, et ils 
viennent se confondre dans les parois musculaires des siphons avec les muscles longitudi- 
naux dont nous avons fait connaître la disposition en parlant des Lutraires. Nous avons 
retrouvé chez les Mactres une organisation semblable dans les organes dont nous nous 
occupons; seulement, comme ils sont plus petits que dans les Lutraires, cette organisation 
se voit plus difficilement. 

L'ouverture intérieure des siphons ressemble beaucoup à celle des Lutraires; occupant 
l'extrémité postérieure de l'animal, elles sont séparées par une cloison transverse assez 
épaisse, obtuse, vers laquelle semblent aboutir, de chaque côté, les muscles rétracteurs 
des siphons. (PL. XXVI, fig. 9, k, 1; pl. XXVII, fig. 1, x, z.) L'ouverture du siphon bran- 
chial est la plus grande ; elle est ovalaire et presque entièrement recouverte par une grande 
valvule membraneuse dont le bord libre, très-mince, est concave. L'ouverture du siphon anal 
est entièrement cachée par l'extrémité de l'organe branchial. (PI. XXVII, fig. 1, y.) Cette 
ouverture, un peu plus petite, est environnée par des plis membraneux du manteau, plus 
ou moins saillants selon les espèces, mais tout à fait comparables à ceux que nous avons 
fait remarquer dans les Lutraires. (PI. XXVII, fig. 1, v.) À ces plis saillants s'attache l’ex- 
trémité de la branchie, et, de cette manière, la cavité du siphon anal est complétement 
séparée de celle du manteau. Lorsque la branchie a été détachée, ou seulement son extré- 
mité renversée en avant, il semble que chaque siphon est pourvu d'une valvule semblable ; 
car, dans cet état, les membranes appartenant au siphon anal représentent exactement la 
valvule du siphon branchial. 

La masse abdominale, chez les Mactres, paraît plus considérable, en proportion, que 
celle des Lutraires. Cela provient en partie de ce que, chez ces Mollusques, les viscères 
sont plus rapprochés à cause de la forme plus raccourcie de la coquille. Il faut dire aussi 
que, dans certaines espèces, le pied est réellement plus grand et remplit une portion con- 
sidérable de la cavité du manteau. 


LE pen. — Le pied se présente sous des formes diverses. Poli l’a représenté triangu- 
laire, dans les trois espèces qu'il a mentionnées. Mais cet organe n'affecte pas toujours cette 


forme. Dans le Mactra triangula, par exemple, il est allongé, étroit, très-pointu; il ressemble 
beaucoup à celui du Lutraria elliptica. (PL. XXVI, fig. 1, a.) Dans le Mactra stultorum, Yor- 
gane du mouvement est subtronqué au sommet, ce qui a lieu également dans le Mactra 
corallina. Ces formes changent surtout, lorsque l'animal veut creuser le sable pour s'y 
enfoncer. Mais, si ces espèces portent au dehors l'organe locomoteur sans chercher à s’en 
servir, il offre la forme que nous venons d'indiquer. Après la mort, lorsque ces animaux 
ont été conservés dans l'alcool, le pied garde, à son extrémité et de chaque côté, une 
carène peu saillante, indice de la troncature terminale. (PL XXVIT, fig. 1,r; fig. 2,5.) On 
sait à quel usage est destiné l'organe du mouvement chez les Mollusques qui vivent, comme 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE MACTRE. 361 


ceux-c1, dans le sable ou dans la vase des rivages. Il parvient à creuser un trou, à l’aide de 
mouvements vermiformes et du gonflement de l'extrémité; ce renflement, en déterminant 
un point de résistance, permet un mouvement de traction dans lequel animal et sa coquille 
sont entraînés. Lorsque l’animal ne trouve pas une résistance suffisante, en gonflant l’extré- 
mité du pied dans le trou qu'il a creusé, il le recourbe à droite ou à gauche, formant ainsi 
une espèce de crochet, et alors le poids du sable, ainsi que le gonflement du pied, con- 
courent à offrir à l'animal un point d'appui plus solide. 

Les détails nombreux dans lesquels nous sommes entré au sujet de la structure du pied, 
lorsque nous avons traité des genres précédents, nous dispensent de donner minutieuse- 
ment la description de la structure de cet organe chez les Mactres. Il nous suffira de rap- 
peler qu'il est composé de deux parois musculaires fort solides, consolidées par de nombreux 
muscles transverses qui s'étendent d’une paroi à l’autre, en passant à travers l'ovaire et le 
foie, et en offrant de nombreux appuis à l'estomac et à l'intestin. Vers l'extrémité libre du 
pied, les muscles transverses, devenus beaucoup plus courts, prennent souvent des direc- 
tions obliques et vont se confondre dans ce tissu fibreux, comparable à un feutre qui forme 
l'extrémité de l'organe locomoteur. Le bord antérieur et le postérieur conservent une épais- 
seur plus considérable que les parois, parce que c’est là que sont situés les muscles prin- 
cipaux, au moyen desquels l'animal fait sortir le pied de la cavité de ses valves ou l'y fait 
rentrer. 


MuüscLes DES VALVES. —— Les muscles adducteurs sont considérables chez les Mactres. 
L’antérieur est ovale-subsemi-lunaire dans sa coupe transverse; il occupe l'angle antérieur 
de la coquille, et il est contenu dans une gaîne formée par le manteau, qui l'enveloppe de 
toutes parts. Ce muscle paraît plus isolé que le postérieur; à son point d'attache, il est en- 
touré de la portion mince du manteau, et, en arrière, les bords musculaires de cet organe 
viennent s'appuyer sur lui; par l’extrémité supérieure de sa face ventrale, il entre en con- 
tact avec la bouche et prête un appui à la lèvre supérieure. (PI. XXVII, fig. 1 l; fig. 2 c, d.) 

Le muscle adducteur postérieur est plus petit, subcylindrique : il occupe l’autre extré- 
mité de l'animal; par conséquent ces muscles principaux chez les Mactres sont très-éloignés. 
Comme son congénère, ce muscle est contenu dans une gaine du manteau parfaitement 
fermée. Il nous est arrivé de détacher complétement les faisceaux fibreux et de laisser 
intacte la gaine qui les renfermait : alors elle présente la forme d’un cylindre membraneux 
ouvert à ses deux extrémités. On conçoit qu'il en doit être ainsi, puisque, les fibres mus- 
culaires s’attachant au test, leur extrémité ne peut rencontrer aucun intermédiaire. Le 
muscle postérieur est plus engagé dans les viscères que l’antérieur ; il donne appui à la 
branchie, à l'organe dépurateur, à l'anus, et sur lui vient s'appuyer l’un des ganglions 
principaux du système nerveux. (PI. XXVIT, fig. 1 m; fig. 2 g, g.) 


ORGANES DE LA DIGESTION. — La bouche, chez les Mactres, est, en proportion, plus 
petite que dans les Lutraires. Pour voir cette ouverture avec plus de facilité, il faut déta- 
cher l'animal de sa coquile, le poser sur le dos, renverser les lobes de son manteau et 

Zoo1. — Mollusques. 1. 46 


nee 


362 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


abaisser en avant le muscle adducteur antérieur des valves. La bouche se voit alors au 
centre d’un espace assez étroit, limité en dessus et en dessous par des lèvres membra- 
neuses, et se rétrécissant sur les côtés, pour se continuer dans la commissure des palpes 
labiales. (PL XXVIL, fig. 4 d, e.) L'espace dont le centre est occupé par la bouche est situé 
entre la base du pied, le bord supérieur de la face ventrale du muscle adducteur anté- 
rieur. Cette bouche est transverse, ovalaire ; son entrée est légèrement ridée, comme si un 
muscle circulaire pouvait en contracter la circonférence. Les lèvres sont inégales, la supé- 
rieure étant un peu moins large que l’inférieure; une et l’autre sont lisses, mais elles le sont 
dans une étendue différente, selon les espèces : ainsi, dans le Mactra corallina, par exemple, 
les plis annonçant le commencement des palpes labiales ne laissent aux lèvres que très-peu de 
longueur ; elles deviennent plus étendues dans le Mactra stultorum, et, plus encore, dans 
les Mactra solida et helvacea. À cet égard, ces dernières espèces se rapprochent beaucoup 
de ce qui existe chez les Lutraires. La lèvre inférieure, appliquée sur le bord convexe de 
la base du pied, conserve une courbure semblable et se continue naturellement avec les 
palpes internes, appliquées, comme nous allons le voir, sur les parties latérales du corps. 

Les palpes buccales sont très-grandes chez les Mactres, surtout chez les individus que nous 
avons observés vivants, ou qui, étant morts, avaient conservé leur souplesse. Les palpes la- 
biales sont très-allongées, triangulaires et fixées par le côté le plus court de ce triangle. 
(PL XXVII, fig. 1 n, 0, p.) Les palpes internes s’attachent sur les parties latérales du corps, 
au moyen d’une membrane très-mince, sur laquelle un petit rebord en relief trace un es- 
pace subovalaire, entièrement lisse. (PI. XXX À, fig. 1 c,e.) Les deux palpes externes sont 
fixées, par la base, à la portion mince du manteau, et elles ont aussi cet espace lisse que 
nous venons de faire remarquer dans les premières. Le bord antérieur de ces organes est 
très-mince, membraneux et très-lisse (pl. XXVIE, fig. À) : c'est ce bord qui se continue avec 
les lèvres. Le bord postérieur est également membraneux, mais il est plus court et plus large 
à la base. (PI. XXX 4, fig. 1 d.) C’est entre ces deux bords que s'élèvent, à la surface interne 
des palpes labiales, les plis nombreux dont elles sont chargées. Ces plis, par leur régula- 
rité, ne manquent pas d'élégance ; ils sont transverses et obliques; ils ne sont pas sem- 
blables dans toutes les espèces : dans le Mactra corallina, par exemple, ils sont si nombreux 
et si serrés que l’on a de la peine à les apercevoir à l'œil nu. Déjà ils sont moins nombreux 
dans le Mactra stuliorum, et ils sont encore plus gros et plus espacés, soit dans le Mactra so- 
lida, soit dans le Mactra helvacea. Dans ces deux dernières espèces, les palpes deviennent plus 
étroites que les premières, et en cela elles se rapprochent beaucoup de celles des Lutraires. 

À la bouche commence un œsophage étroit et d’une médiocre longueur; ce canal n’est 
point cylindrique. Si on en fait une section transverse, on reconnaît qu'il reste ovalaire 
dans tout son trajet, et qu'il est comprimé non latéralement, comme on pourrait le croire, 
mais de haut en bas, comme la bouche elle-même. Membraneux et cependant d’un tissu 
fibreux, l’'œsophage se dirige d'avant en arrière, et obliquement de bas en haut; c’est- 


à-dire que l'animal étant placé le pied en avant, sur le bord ventral de ses valves, l'ouver- 
ture de la bouche est en réalité plus bas que celle du cardia. (PL. XXX 4, fig. 5 f.) 
L'ouverture stomacale de l’œsophage est ovalaire ; mais elle n’est pas aussi simple que 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE MACTRE. 363 


dans beaucoup de Mollusques que nous avons décrits jusqu'ici. En effet, elle est percée 
vers le centre, d’un espace ovalaire occupant la région supérieure de l'estomac, et bordée, 
sur toute sa circonférence, d’une zone épaisse, hérissée de nombreuses papilles pédiculées 
et qui, sous un très-petit volume, ont une forme comparable à celle des champignons. 
(PL XXX 4, fig. 6 k, i.) Nous avons fait remarquer, dans les Lutraires, une disposition 
comparable à celle-ci. La zone chargée de papilles dont il s’agit ne se montre pas, au même 
degré de développement, dans toutes les espèces de Mactres : c’est ainsi, par exemple, que, 
dans le Mactra corallina, les mamelons pédiculés sont moins nombreux et plus irrégulière- 
ment disséminés. 

L’estomac est plus ou moins grand, selon les espèces; sa cavité est d’une médiocre 
étendue, et sa forme générale est ovale, subglobuleuse. Cet organe occupe la partie anté- 
rieure de la région dorsale. Presque lisse en dehors, il est divisé, à l’intérieur, par des 
crêtes où des bourrelets. L'une de ces crêtes est fort considérable ; elle divise en deux 
cavités presque égales toute la partie supérieure de l’estomac, et vient tomber, comme une 
sorte de voile, au-devant de l'ouverture de l'œsophage. (PL. XXX 4, fig. 6 g.) Le bord de 
cette cloison n’est pas également mince ; il s'épaissit sensiblement au moment où il s'attache 
à la paroi du côté gauche de l'estomac. Sur cet épaississement vient s'attacher un petit ap- 
pareil cartilagineux, formant le commencement du stilet cristallin, que nous avons trouvé 
dans un grand appendice cœcal qui lui est destiné. Au-dessous et de chaque côté de l’ouver- 
ture de l'œsophage, cachés par la cloison que nous venons de citer, on trouve deux grands 
cryptes biliaires, dont l’un a son ouverture munie d’un bourrelet valvulaire, taillé en crois- 
sant. (PL. XXX 4, fig. 6 j, £, m.) Au-dessous de ces cryptes, deux autres ouvertures se 
montrent : lune, grande, circulaire, conduit à un grand appendice cœcal qui part de lex- 
trémité inférieure et postérieure de l'estomac (pl. XXX 4, fig. 5 i); l'autre, ovalaire, est 
celle de l'intestin; elle paraît échancrée, parce qu’elle reçoit un bourrelet qui sort du crypte 
biliaire du même côté, bourrelet au-dessous duquel se trouve creusée une petite rigole. 

L'appendice cœcal est très-allongé ; il s'étend obliquement depuis l'estomac jusqu'à la 
courbure du bord postérieur du pied. D'un diamètre égal dans toute sa longueur, il se 
termine en un cul-de-sac arrondi. Si on ouvre cette cavité, on la trouve revêtue, à l'inté- 
rieur, d’une couche très-mince, subcartilagineuse, offrant plus de résistance qu'aux autres 
points de la surface interne de l’estomac ou de l'intestin. L'ouverture pylorique est située du 
côté droit de l'estomac, à une petite distance de celle du cœcum stomacal. Près de cette ou- 
verture s'élèvent deux gros piliers charnus , qui, formant entre eux un angle presque droit, 


_ s’abaissent et se perdent insensiblement dans les parois de l'estomac. (PI. XXX 4, fig. 5 q, h.) 


Le tube intestinal est fort allongé chez les Mactres. Les circonvolutions varient selon les 
espèces, et nous ne croyons pas nécessaire de donner minutieusement la description des 
trois espèces que nous avons recueillies sur les côtes de l'Aloérie ; nous nous contenterons 
d'exposer ce que nous avons observé dans le Mactra stultorum. En quittant l'estomac, le 
tube intestinal remonte vers le bord antérieur du pied ; parvenu au-dessous du muscle 
rétracteur antérieur de cet organe, il retourne en arrière et en bas, se contourne ensuite 
en une spirale oblique, du sommet de laquelle s'échappe une grande anse intestinale, que 

46. 


— ms © 


364 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


lon voit descendre d'avant en arrière et de bas en haut, traversant diagonalement le 
grand cœcum stomacal, à la paroi duquel il s'appuie du côté droit. L’intestin s'enfonce 
vers le centre de la masse abdominale, remonte de nouveau d’arrière en avant, et, par- 
venu derrière la cloison qui sépare l'abdomen du péricarde, il la suit et se recourbe subi- 
tement en crochet, pour la traverser à sa partie moyenne et supérieure. (PI. XXX 4, fig. 5 
k, k, L, L) Il pénètre ainsi dans la cavité du péricarde; après l'avoir parcourue dans sa lon- 
gueur, l'intestin en sort, s'appuie sur l'organe dépurateur, se glisse au-dessous de la por- 
tion dorsale du muscle orbiculaire du manteau, s’infléchit sur la surface dorsale du muscle 
adducteur postérieur des valves, et enfin se termine en un anus court et à peine flottant, 
à la partie supérieure du siphon anal. (PI. XXVII, fig. 3 a, j, j.) Dans tout ce long trajet, 
le tube intestinal conserve un diamètre uniforme. Il est simple à l’intérieur, si ce n’est vers 
son extrémité anale, où il est pourvu d’un repli saillant de sa membrane muqueuse. 

Un procédé très-simple nous donne une grande facilité pour juger de l'importance du 
foie, de son étendue et de ses rapports ; ce procédé consiste à pratiquer une section longi- 
tudinale de l'animal, dans laquelle la masse abdominale et le pied sont partagés en deux 
moitiés égales. Cette section faite sur les Mactres fait voir que, chez elles, l'organe biliaire 
a les mêmes rapports et la même étendue que chez les Lutraires. Il s'étend depuis l’extré- 
mité postérieure et supérieure du muscle antérieur des valves Jusqu'au péricarde, et 1l 
descend dans la cavité abdominale, de manière à envelopper entièrement l'estomac et une 
petite portion de l'intestin. (PL. XXX 4, fig. 5.) La structure de cet organe est semblable 
à ce que nous avons vu dans les Lutraires. Il est creusé de cryptes biliaires, sur la paroi 
desquelles s'ouvrent un grand nombre des vaisseaux hépatiques, et sur cette paroi s'élèvent 
des crêtes charnues qui passent dans l'estomac, et se rendent aux ouvertures de l'intestin et du 
grand appendice cœcal. (PI. XXX 4, fig. 6 !, [, n.) 

On parvient, avec assez de facilité, à dégager de petits lobules du foie, dans lesquels les 
follicules se détachent et montrent leur forme. Soumis à un grossissement microscopique, 
ces lambeaux du foie présentent un grand nombre de vésicules oblongues, oviformes, pro- 
longées d’un côté en un col étroit, plus ou moins allongé, qui s'implante sur un vaisseau 
biliaire et communique directement avec lui. Cette structure de l'organe biliaire est donc 
conforme à ce que nous l’avons trouvée dans les autres Mollusques acéphalés. (PI. XXVIIT, 


fig. 4.) 


Ovare. — Les organes de la génération, chez les Mactres, sont absolument semblables 
à ceux des Lutraires. Un ovaire énorme, en envahissant, dans son développement, une 
très-grande partie de la masse abdominale, s'infiltre, pour ainsi dire, entre les muscles 
transverses du pied, se propage vers le dos, et finit par recouvrir la plus grande partie du 
foie. Cet ovaire est creusé de nombreux oviductes qui, se rendant à un tronc commun, 
aboutissent, de chaque côté du corps, à une ouverture située au-dessous de la branchie, 
près de la base du pied, à la jonction de l'abdomen avec le muscle rétracteur. (PI. XXX 4, 
fig. 4 k.) Tous les individus de Mactres que nous avons recueillis avaient un ovaire complé- 
tement vide. Il nous a été impossible de faire sur ces animaux des observations sur le 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE MACTRE. 365 


: ; à ; 
mode d’accroissement des œufs; et, par un hasard singulier, nous avons trouvé, chez 
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d’autres espèces provenant d’autres mers, l'ovaire aussi désempli que dans nos individus 


d'Algérie. 

ORGANES DE LA CIRGULATION. — Nous n’aurons presque rien à ajouter à ce que nous 
avons dit de la circulation chez les Lutraires, pour faire connaître cette fonction dans les 
Mactres. Le cœur, placé en arrière des crochets, correspond à l’origine de la dent latérale 
postérieure (pl. XXVII, fig. 3 À); il est contenu dans un péricarde d’une médiocre étendue 
et dont les parois sont formées aux dépens du manteau. Le ventricule est fusiforme ; il 
est susceptible d’une dilatation considérable pendant la vie. Il est alors mince et dia- 
phane, à ce point qu’on le distingue difficilement des parois du péricarde. Il se prolonge 
en avant et en arrière en une aorte d’un assez fort calibre. La surface extérieure du ven- 
tricule aortique est lisse; elle est formée d’une enveloppe membraneuse, mince et peu 
solide, sur laquelle s'attachent, à l’intérieur, les nombreux piliers charnus destinés aux 
contractions de l'organe principal de la circulation. Le cœur, comme on le sait, enveloppe 
le tube intestinal au moment où celui-ci traverse le péricarde. Pour voir l’intérieur de cet 
organe , il faut le fendre longitudinalement, en étaler les parois, pour en faire sortir le 
tube intestinal. On trouve alors, à sa surface interne, quatre gros piliers fibreux princi- 
paux, desquels partent, dans différentes directions, des faisceaux d’un moindre volume, 
qui s’entre-croisent, tapissent toute la paroi interne, en laissant entre elles des lacunes 
plus ou moins profondes. Deux des piliers principaux opposés présentent, entre leurs 
fibres, une fente courte et étroite, au moyen de laquelle la cavité de oreillette commu 
nique avec celle du cœur. Cette ouverture est garnie, à l'extérieur surtout, de deux petits 
bourrelets membraneux qui remplissent les fonctions de valvules. Ces piliers fibreux dont 
nous venons de parler se divisent, en avant et en arrière, à l’origine des aortes, en fais- 
ceaux fibreux de plus en plus fins qui finissent par disparaître insensiblement et par se 
confondre dans les parois des artères. (PI. XXVIIT, fig. 24a,b,c,d.) 

L'aorte antérieure franchit les parois de l'abdomen par l'ouverture qui donne passage à 
lintestin. Au moment où elle entre dans cette cavité, elle fournit plusieurs branches au 
péricarde et aux membranes de la charnière. Elle se prolonge en avant, placée au-dessus 
du manteau et à la surface du foie. De sa face supérieure naisssent quelques artérioles, 
qui se répandent en rameaux nombreux dans la crête dorsale du manteau et dans la por- 
tion sous-jacente du muscle orbiculaire de cet organe. Quelques-unes de ces artères pro- 
pagent leurs branches jusqu’à l'extrémité antérieure, au-dessus du muscle adducteur 
antérieur des valves. À droite et à gauche naissent, de l'aorte, des branches assez impor- 
tantes, dont les unes envoient leurs troncs principaux dans l’épaisseur du foie, tandis que 
d’autres, rampant à la surface de cet organe, fournissent des artérioles à la partie du 
manteau qui recouvre le dos de lanimal. L’aorte, parvenue vers le bord postérieur du 
muscle adducteur antérieur, se plonge dans la cavité viscérale; mais, au moment de se 
courber, une grosse branche se détache et se dirige vers la partie moyenne du muscle, 
au-dessous de la lèvre supérieure de la bouche. Cette branche est l'artère buccale. Sa dis- 


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366 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


tribution est tout à fait comparable à celle des Lutraires ; il y a cette différence, cepen- 
dant, que, malgré nos soins, le nombre considérable d'injections que nous avons tentées, 
nous n'avons jamais réussi à rendre apparentes des artères palléales semblables à celles 
des Lutraires. Quant au reste de l'aorte, nous n’apercevons pas, dans sa distribution 
des différences assez importantes avec celle des Lutraires pour mériter une description 
spéciale. 

Nous sommes parvenu à injecter, d’une manière plus complète, l'aorte postérieure. 
Dans tous les individus de nos Mactres, cette aorte, placée au-dessous du rectum, produit 
d'abord une artère péricardienne supérieure ; un peu plus loin, plusieurs branches d'un 
petit calibre naissent sur ses parties latérales et se répandent en nombreux rameaux dans 
la crête postérieure du manteau, ainsi que dans le muscle orbiculaire de cet organe. Un 
fait curieux, c’est que, de cette même aorte postérieure, naissent, à la hauteur de l’organe 
dépurateur, des artères palléales descendant à droite et à gauche sur les flancs de Panimal. 
Il nous a été impossible, malheureusement, d'obtenir une injection complète de ces artères 
du manteau; du moins nous avons constaté la position du tronc et de quelques-unes des 
branches de ces artères. L’aorte postérieure, parvenue à la surface du muscle adducteur 
postérieur, échappe à nos recherches ; car, malgré toute notre persévérance, nous voyons 
toujours la liqueur colorée des injections se répandre dans les tissus de l’extrémité posté- 
rieure de lanimal. Cependant ce vaisseau doit exister, et nous en avons la preuve dans 
la découverte que nous avons faite des branches considérables qu'il envoie dans la partie 
mince du manteau. Ces branches, nous les avons vues dans trois espèces de Mactres, le 
corallina, le stultorum et l'helvacea. Dans les deux premières, la grande artère palléale se 
dégage, dans la partie mince du manteau, du sommet de sa valvule interne, qui se rend 
vers l'ouverture du siphon branchial. Cette artère marche d’arrière en avant, distribuant 
ses branches à droite et à gauche, dans toute la partie du limbe qui avoisine le muscle 
orbiculaire. Dans le Mactra helvacea, les artères palléales sont très-considérables. Dans 
cette espèce, les valvules palléales restent parallèles et fixées sur la partie épaisse du man- 
teau. Les artères naissent vers l'extrémité antérieure de la valvule interne, qui est la plus 
petite ; le tronc se dégage de l’intérieur du muscle orbiculaire, et immédiatement à sa 
sortie, il se partage en deux branches : l’une, antérieure, se jette vers la portion antérieure 
du manteau et se développe en un arbuscule des plus élégants ; l’autre branche se dirige 
perpendiculairement et ses rameaux se distribuent aux parties moyennes du manteau. 

Quelque soin que l'on mette à examiner la partie mince du manteau des Mollusques 
acéphalés, il est de toute impossibilité d'y découvrir la moindre trace d’un système artériel. 
Ces vaisseaux, d’une transparence aussi grande que celle de l'organe lui-même, ne peuvent 
s'apercevoir, quel que soit le mode d’investigation que l’on emploie, et jamais nous n’au- 
rions fait la découverte d’un système vasculaire aussi important, si le hasard ne nous eût 
servi. Pour étudier le système nerveux, nous avions fixé le manteau d’un Mactra coral- 
lina sur un corps noir, afin de distinguer plus nettement les filets les plus petits. Sur le 
manteau, nous aperçûmes la trace d’un vaisseau dans lequel se trouvaient condensées 
quelques portions de sang. Malgré la petitesse du calibre de ce vaisseau, ayant à peine un 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE MACTRE. 367 


cinquième de millimètre de diamètre, nous sommes parvenu à l’injecter et à faire apparaître 
à nos yeux étonnés une belle artère palléale occupant toute la longueur de la portion mince 
du manteau. Guidé par ce premier succès, nous avons recherché cette artère dans d’autres 
individus, et, sans l’apercevoir, mais connaissant son point de départ, nous sommes éga- 
lement parvenu à la remplir dans le Mactra stulioram. Nous avons rencontré des difficultés 
plus grandes pour le Mactra helvacea; Yartère ayant son tronc dissimulé sous la partie 
épaisse du manteau, il nous était impossible de rien apercevoir dans sa portion mince; et 
il nous a fallu pousser au hasard l'injection partout où nous croyions trouver des vaisseaux, 
avant d'atteindre une branche artérielle ; enfin, l'injection se montra dans un petit rameau, 
dans lequel nous parvinmes à faire pénétrer la liqueur colorée, et, de proche en proche, 
nous découvrimes les diverses branches, le tronc lui-même et l'artère palléale des 
Mactres. Tous les vaisseaux en question sont d'une ténuité telle que nous ne sommes 
pas surpris qu'ils aient échappé jusqu'ici à l'investigation des naturalistes. Leur découverte 
n'est pas sans importance, puisque, dans un organe aussi membraneux, on retrouve, en 
présence l'un de l'autre, les deux systèmes vasculaires. Dès lors il devient très-probable 
que la grande lacune qu'ont admise quelques naturalistes, justement dans le Mactra hel- 
vacea, est le résultat d'un épanchement fortuit entre les deux duplicatures du manteau. 

Nous avons trouvé, dans le manteau des Mactres, un système veineux comparable à 
celui des Lutraires. Ce système est facile à injecter, soit par les oreillettes, soit par la 
veine palléale placée au centre du muscle orbiculaire du manteau. L'injection, poussée 
par cette dernière veine, se répand avec rapidité dans la partie mince du manteau, et on 
voit les veines former un nombre considérable de mailles à cause de leurs nombreuses 
anastomoses ; mais l'injection ne persiste pas longtemps, soit à cause des nombreuses 
communications que les veines ont entre elles, soit que ces vaisseaux, ayant des parois 
très-minces, laissent échapper naturellement les liqueurs que l'on y pousse. Nous avons 
quelquefois réussi à rendre ce système veineux plus longtemps permanent, en y insufflant 
de l'air, mais ce moyen a le désavantage de dilater les veines trop subitement et de les 
rompre avec une grande facilité. Nous n'avons pu apercevoir d'autres parties du système 
veineux des Mactres, mais ce que nous en avons vu chez les Solens nous fait croire qu'il 
en existe autant dans le genre qui nous occupe. On conçoit sans peine que l'extrême 
ténuité du système veineux dans le manteau a favorisé la croyance d’une grande lacune 
existant dans cet organe et destinée à remplacer à la fois les deux systèmes vasculaires dont 
nous venons d'exposer les principales distributions. 

Les oreillettes conservent, dans les Mactres, la forme qu’elles affectent chez les autres 
Mollusques acéphalés dimyaires; elles sont triangulaires, comprimées. Le triangle est 
presque équilatéral ; par sa base, il se soude au bord supérieur de la branchie. (PI. XXVIT, 
fig. 3 ü, i; pl. XXVIIT, fig. 1 d.) Le sommet, fort aigu, s'attache à la partie latérale du ven- 
tricule et embrasse, dans son intérieur, une double valvule qui garnit cette ouverture de 
communications. On pourrait comparer l'oreillette, dans son ensemble, à un entonnoir à 
bec court, que lon aurait comprimé à ce point de rendre son ouverture allongée et ova- 


laire, au lieu de circulaire qu’elle était. (PI. XXIX, fig. 1 g, g; fig. 2 n, n.) Ce bord, en 


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368 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


s’attachant sur les branchies, circonscrit une ouverture assez grande, divisée par quelques 
brides, et au moyen de laquelle le sang, régénéré dans l'organe respiratoire, passe dans 
l'oreillette, qui le transmet au ventricule. (PI. XXIX, fig. 2 0.) Les parois de l'oreillette 
sont excessivement minces. En les observant sous un grossissement suffisant, on y recon- 
naît un tissu fibreux formé de faisceaux extrêmement atténués, diversement entre-croisés et 
légèrement saillants à la surface interne. (PI. XXX, fig. g, g.) Vers les angles, quelques- 
uns de ces piliers, un peu plus gros, se détachent, s'isolent, et se rendent, dans divers 


sens, d'une paroi à l’autre. (PL. XXVIIL, fig. 1, 3 d, d.) 


Brancmies. — Les organes de la respiration, dans les Lutraires, nous ont offert, à 
l'extérieur, ce caractère particulier, d’être couverts de nombreux plis transverses. Chez les 
Macires, ces organes ont généralement un autre aspect ; cependant le Mactra brasiliana 
présente encore quelques vestiges de ces plis, et il est à présumer que d’autres espèces les 
ont également. Dans celles dont nous avons à nous occuper, les branchies sont parfaite- 
ment lisses; elles sont, comme à l'ordinaire, composées de deux feuillets de chaque côté; 
et ces feuillets, ainsi que dans les Lutraires, sont inégaux en longueur et en largeur. 
(PI. XXVIT, fig. 1 5, t, u.) Les feuillets internes sont les plus longs et les plus larges ; ils 
commencent en avant, tout près de la bouche, par une extrémité obtuse s'avançant entre 
les palpes labiales jusque près de l'origine des lèvres. Le feuillet externe commence, au- 
dessous des palpes labiales, par une pointe aiguë qui se cache dans la région dorsale, sur 
le bord supérieur du feuillet branchial interne. Soudées l'une à l’autre, ces deux bran- 
chies descendent le long du corps, fixées à l'abdomen et au manteau, et arrivent ainsi au 
bord postérieur du pied : là, les feuillets du côté droit rencontrent ceux du côté gauche ; 
ils se soudent entre eux sur la ligne moyenne et descendent encore en arrière, de ma- 
nière à ce que le tiers de leur longueur totale est située au-dessous du bord postérieur 
du pied. (PI. XXIX, fig. 1, 2.) Les feuillets branchiaux, un peu avant leur extrémité pos- 
térieure, diminuent de largeur, et bientôt ils se terminent, assez brusquement, par une 
extrémité pointue. 

Indépendamment de ces grands feuillets dont nous venons de parler, le bord externe 
du feuillet externe se prolonge et constitue une sorte d’appendice que l'on pourrait com- 
parer à un troisième feuillet branchial, plus étroit que les deux autres, mais qui, au lieu 
de tomber dans la cavité du manteau, remonterait vers la région dorsale. (PL. XXVIE, fig. 3 
b, b; pl. XXIX, fig. 2 b, b.) 

La surface extérieure des organes branchiaux des Mactra stultorum et corallina est entiè- 
rement lisse. Il faut armer l'œil de grossissements assez puissants pour apercevoir les stries 
extrêmement fines que détermine, à cette surface, la présence des vaissseaux branchiaux. 
En cela, ces branchies sont assez différentes de celles des Lutraires, chez lesquelles le 
réseau vasculaire se découvre plus facilement. Si l’on détache complétement les branchies, 
en amenant avec elles le cœur et les oreillettes, il est alors facile de les renverser, de voir 
leur surface inférieure, et de se rendre compte des rapports qu’elles conservent avec 
les organes environnants. (PI. XXIX, fig. 2.) Cette surface inférieure est très-étroite. En 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE MACTRE. 369 


renversant le bord externe, on distingue les cloisons régulières qui pénètrent dans l'inté- 
rieur des feuillets branchiaux et servent d'appui aux masses d'œufs qui s’y logent au 
moment de la ponte. Il y a deux rangées de ces cloisons pour chaque paire de feuillets 
branchiaux, et ces quatre rangées se continuent sur l'extrémité des branchies destinées à 
clore le siphon anal. Cependant, au premier abord, on pourrait croire qu’il n'existe que 
trois rangées de perforations sur la face supérieure de l'extrémité de l'organe branchial : 
deux latérales, pour les feuillets externes, une ventrale, pour les feuillets internes ; mais 
on reconnaît l'existence de deux rangées de cloisons dissimulées par un petit nombre de 
grandes cloisons qui, passant au-dessus de la soudure des feuillets internes, laissent aper- 
cevoir les deux rangs de cloisons sur un plan beaucoup plus profond. (PI. XXIX, fig. 4 
ff; g.) Vers le tiers antérieur de leur longueur, les feuillets internes s’abouchent aux 
oreillettes; ils communiquent avec elles au moyen d’une grande ouverture ovalaire, sur le 
pourtour de laquelle l'oreillette se soude sans discontinuité. (PL. XXIX, fig. 1 d, d; fig. 2 
n, 0.) En avant, la branchie est en connexion avec un organe blanc, spongieux, qui occupe 
la cavité des crochets de la coquille. (PL. XXIX, fig. 2 f, f.) Au-dessous de l'oreillette, la 
partie moyenne des branchies s’appuie le long du bord, sur l'organe dépurateur (pl. XXIX, 
fig. 2 q, h, i), et nous verrons bientôt quel rapport il existe entre ces divers organes. Enfin, 
l'extrémité postérieure, qui flotte ordinairement dans la cavité du manteau, s'attache à 
un pourtour membraneux, saillant, qui s'élève à la circonférence de l'ouverture interne 
du siphon anal. 

La structure de l'organe respirateur n’est pas entièrement semblable à ce que nous l'avons 
vue chez les Lutraires. Chaque feuillet est, comme toujours, composé de deux parois. Ces 
parois ne sont pas entièrement parallèles; on peut les comparer, dans leur forme générale, 
à la ame d’un couteau, dont le dos serait assez épais; le tranchant de la lame représente 
le bord libre du feuillet branchial. Ces deux parois sont rattachées entre elles au moyen 
des cloisons dont nous avons déjà parlé. Ges cloisons détachées, ou vues dans une section 
transverse, ont la forme d’un triangle allongé, dont la base serait très-étroite. Ces lames 
sont simples, assez régulièrement espacées, et la plupart présentent, à leur point d’inser- 
tion , un vaisseau assez gros qui les parcourt dans toute leur hauteur. (PI. XXX, fig. 2 a, a.) 

Les parois des feuillets branchiaux sont assez épaisses. On distingue facilement deux 
plans vasculaires, tous deux transverses. Le plan extérieur est composé de vaisseaux exces- 
sivement fins, cylindracés, parallèles entre eux et se terminant, sur le bord libre, en petites 
crénelures extrêmement fines. (PI. XXX, fig. 2 b, b.) Le plan interne est formé de vaisseaux 
aplatis, semblables à des fentes, lorsqu'on les a coupés transversalement; ils constituent 
la couche la plus épaisse des parois branchiales ; ils sont séparés par des cloisons charnues, 
fort étroites, et d’une assez grande régularité. (PL XXX, fig. 2 c, c.) D'autres vaisseaux 
existent encore dans l'épaisseur des parois branchiales; ce sont des vaisseaux longitudi- 
naux, qui forment un plan entre les deux premiers et les croisent à angle droit. Ces vais- 
seaux sont non moins fins que ceux de la surface , mais ils sont moins rapprochés, de sorte 
que les mailles qu'ils forment sont quadrangulaires, mais allongées. (PI. XXX, fig. 4.) Une 
structure analogue se montre dans le bord appendiculaire du feuillet externe des bran- 


Zoo. — Mollusques. 1. 47 


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370 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


chies. Dans ce bord, il n'existe plus qu'une seule épaisseur. Les vaisseaux aplatis manquent 
complétement, et dès lors il devient facile d'étudier la structure des vaisseaux artériels. 
(PI. XXIX, fig. 3.) 

On se ferait difficilement une idée du nombre considérable de canaux creusés dans les 
branchies d’un Mollusque, si lon n'avait le moyen de les compter; les branchies des 
Mactres, à cet égard, offrent plus de facilités que d’autres, à cause de leur surface lisse; 
au moyen d’un micromètre, on peut compter très-facilement combien il y a de vaisseaux 
compris dans la largeur d’un millimètre : nous en comptons vingt et un à vingt-deux. Comme 
ces vaisseaux sont égaux dans toute l'étendue des branchies, en mesurant celles-ci avec 
exactitude, on peut donc savoir combien de vaisseaux existent à la surface de chacun des 
feuillets. Or, dans les individus de moyenne taille du Mactra corallina, par exemple, les 
branchies ont vingt-quatre à vingt-cinq millimètres de longueur; leurs parois externes se- 
raient donc couvertes d'environ onze cents vaisseaux, et comme chaque paroi contient 
deux plans de ces vaisseaux, chaque feuillet contiendrait plus de deux mille canaux, sans 
compter les vaisseaux longitudinaux, qui sont un peu moins nombreux. On peut donc esti- 
mer à dix ou douze mille le nombre de vaisseaux que contiennent les branchies d’une 
Macire de médiocre volume. À mesure que l'animal s’accroit, ces vaisseaux restant tou- 
jours du même diamètre, la branchie, s’allongeant, peut contenir une quantité de vaisseaux 
beaucoup plus considérable, et nous estimons que dans les grands individus de Mactra 
helvacea, ce nombre peut s'élever au moins à trente-six mille. Nous croyons à peine néces- 
saire d'ajouter que le sang circule dans les organes de la respiration à l’aide de deux grands 
vaisseaux artériels qui le reçoivent du corps, et de deux grandes veines qui le portent aux 
oreillettes, lorsqu'il a subi l’influence de la respiration. 


ORGANE DÉPURATEUR. — L’organe dépurateur occupe la place où nous l'avons déjà vu dans 
la plupart des genres dont nous avons traité, c’est-à-dire qu'il est situé en arrière du cœur, au- 
dessous du rectum, s'appuyant sur les muscles rétracteurs du pied, et gagnant une petite 
partie de la surface ventrale du muscle adducteur postérieur des valves. Il a la forme quadran- 
gulaire d’un prisme allongé. Sa surface supérieure dorsale est presque plane; elle est légère- 
ment déprimée au milieu; le rectum s'appuie dans cette dépression, Sa face inférieure est 
moins régulière; elle se renverse à droite et à gauche sur le muscle rétracteur du pied, le 
cache à son origine ; mais il s’en dégage lorsqu'il se bifurque, pour s'attacher à l'intérieur 
des valves. Les faces latérales sont aplaties et, dans toute leur longueur, elles donnent inser- 
tion aux branchies. L’organe dont il s’agit est d’un blanc jaunâtre dans presque toutes les 
espèces de Mactres que nous avons disséquées. À l'extérieur il est lisse, quoiqu'il semble irré- 
gulièrement ponctué; cette apparence de ponctuation est due à la structure intime de l'organe. 

En pratiquant des sections transverses et longitudinales sur l'organe dépurateur, on voit 
qu'il est creusé de deux cavités principales, séparées longitudinalement par une cloison 
médiane, membraneuse et très-fine, soutenue par deux piliers longitudinaux, qui s’ap- 
puient sur le plancher inférieur de l'organe. Les parois supérieures et latérales sont 
épaisses, mollasses, et toute leur surface est couverte de nombreux plis entre lesquels sont 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE MACTRE. 371 


creusées des lacunes irrégulières; au fond des lacunes, les plis principaux se divisent en 
nervures plus petites. On ne peut mieux comparer l'intérieur de cet organe qu'à celui du 
ventricule, en tenant compte cependant des différences résultant de l'appropriation à des 
fonctions aussi distinctes. Les piliers dont nous venons de parler sont parallèles, étroits 
et cylindracés; leur extrémité antérieure, pointue, vient se terminer au point où l'oreil- 
lette contracte une adhérence avec l'extrémité antérieure de l'organe dépurateur. Vers l'ex- 
trémité postérieure de ces piliers, on trouve entre eux une ouverture étroite, communi- 
quant avec un canal sous-jacent, qui se rend entre les deux faisceaux fibreux du muscle 
rétracteur postérieur du pied, et pénètre par la dans la cavité commune des viscères. 

Nous avons déjà fait remarquer, en traitant des Solens, que l'oreillette et l'organe dépu- 
rateur ont entre eux une communication plus où moins apparente. Nous nous sommes 
attaché à découvrir cette communication dans les Mactres, et nous croyons y être parvenu. 
Il est bien remarquable de voir l'angle postérieur de l'oreillette s'attacher constamment à 
l'extrémité antérieure de l'organe dépurateur, et en embrasser une étendue plus ou moins 
considérable. Dans les Mactres, les deux organes dont il s’agit se touchent par une faible 
étendue de leur surface, et c’est dans l'accolement de deux angles assez aigus que se 
trouve la communication des deux organes. Pour bien lapercevoir, il faut faire deux 
préparations ; dans l'une, on ouvre l'organe dépurateur (pl. XXX, fig. 8), et, à son angle 
supérieur, on remarque une ouverture subtriangulaire dans laquelle on peut faire pénétrer 
un très-fin stylet, qui passe sans difficulté jusque dans l'angle de l'oreillette. (PL XXX , 
fig. 8 d, e, f.) En détachant le cœur avec l'organe dépurateur, et en conservant l'oreillette 
et la portion de branchie qui y correspond, dans leur intégrité, on remarque, vers l'extré- 
mité antérieure de l'organe dépurateur, le conduit dont nous venons d'indiquer l'existence, 
recouvert d’une membrane très-mince et se dirigeant vers l'angle de l'oreillette. (PI. XXVIIF, 
fig. 1 j, k, L) Enfin, en coupant transversalement le cœur, l'oreillette et les feuillets 
branchiaux, et en écartant les parois de l'oreillette, de manière à voir son angle postérieur 
par sa face interne, on retrouve dans cet angle l'ouverture de communication avec l'organe 
dépurateur. (PI. XXVII, fig. 3 f.) 

Nous avons déjà signalé l'existence d'un canal excréteur destiné à rejeter au dehors la 
matière sécrétée par l'organe dépurateur, et devenue inutile dans l’organisation. Ce con- 
duit est très-court; il y en a un de chaque côté de l'animal, et il est percé à travers les pa- 
rois de l'organe, de manière à s'ouvrir un peu au-dessus de l’oviducte et au-dessous du 
bord membraneux du feuillet externe de la branchie. 

Il nous reste maintenant à parler d’un organe blanchâtre situé sur le dos de l'animal et 
occupant les parties minces et saillantes qui se logent dans la profondeur des crochets. Cet 
organe a une forme conique, à base oblique; il est blanchâtre, mollasse ; 1l parait spon- 
gieux, surlout si on l’examine sous des grossissements peu considérables. Nous avons vu 
que chez les Mactres la branchie remonte très-haut vers le dos; il n’est donc point éton- 
nant que l'organe en question se metle en rapport avec elle. En effet, il s'attache surtout 
au feuillet externe par la partie la plus profonde de sa base. Nous avons fait remarquer 


une disposition à peu près semblable chez les Lutraires. Mais ici ce n’est pas un simple 
47. 


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372 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


contact qui s'opère entre ces deux organes, des brides nombreuses s'étendent de l’un à 
l’autre , sur une surface assez considérable. Au moyen de ces brides, le bord membraneux 
lui-même du feuillet branchial externe est retenu dans ses rapports avec l'organe des cro- 
chets. (PL. XXX, fig. 3, 7.) 

En arrachant quelques lambeaux de l'organe mentionné, et en le soumettant à diverses 
observations microscopiques, on reconnaît en lui un parenchyme granuleux, traversé dans 
tous les sens par des fibriles transparentes. Si l’on parvient à détacher un lambeau de lor- 
gane des crochets, et que l’on puisse en faire flotter les éléments dans une goutte d'eau, 
de manière à les isoler, on trouve que la matière granuleuse dont l'organe est en grande 
partie composé est contenue dans de grandes poches cylindracées et attachées les unes 
aux autres, sous forme de grappes irrégulières, à peu près comme cela a lieu pour les 
follicules du foie. La membrane qui sert d'enveloppe à ces poches est d’une ténuité exces- 
sive; avec un grossissement de cinq cents diamètres, on ne peut pas en distinguer les élé- 
ments. Les matériaux contenus dans ces cavités membraneuses consistent en granules de 
diverses espèces, dont les plus nombreux se présentent avec une enveloppe transparente, 
dans laquelle sont renfermées deux ou trois ponctuations plus opaques. À côté de ces gra- 
nules existent des matériaux plus irréguliers résultant de l'accumulation d’une matière 
transparente, englobant une grande quantité des globules plus opaques contenus dans les 
petites capsules arrondies que nous venons de mentionner, Nous répéterons ici ce que nous 
avons déjà dit plusieurs fois; 1l est indispensable d'observer l'organe des crochets sur des 
animaux vivants, si l’on veut connaître exactement le rôle qu'il joue dans les fonctions. Il est 
à présumer qu'il se rattache à celles de la génération, mais il faudrait voir quelles sont les 
modifications que les saisons apportent dans la nature des matériaux qui constituent cet 
organe. 


SYSTÈME NERVEUX. — Plusieurs zoologistes ont donné des renseignements sur le système 
nerveux des Mactres. Poli, le premier, a indiqué la position du ganglion postérieur dans le 
Mactra helvacea, mais il n’a pas poursuivi bien loin ses recherches; il se contente d'indiquer 
les nerfs des siphons, ceux des branchies et l'origine des nerfs viscéraux. Beaucoup plus 
récemment, en 1834, M. Garner a publié des recherches fort étendues sur le SYS- 
tème nerveux des Mollusques ; le Mactra stultorum lui a servi comme exemple chez les 
Mollusques acéphalés dimyaires, dont le manteau est ouvert dans la plus grande partie 
de sa circonférence. Le travail de M. Garner a été publié dans le tome XVII des Transac- 
tions de la Société linnéenne de Londres. Exécuté consciencieusement, ce travail est en- 
core le plus complet qui existe; il peut servir de base à l'anatomie comparée du système 
nerveux dans le grand embranchement des Mollusques. Il est nécessaire d'exposer briève- 
ment ce que M. Garner a vu du système nerveux dans l'animal des Mactres, pour constater 
les faits nouveaux que d’autres zoologistes ont ajoutés depuis à ses importantes recherches. 
L'anatomiste anglais montre le ganglion postérieur, dans lequel on ne voit aucune trace de 
division. Ce ganglion donne naissance latéralement aux nerfs branchiaux; en arrière, aux 
nerfs des siphons, produisant dans leur trajet une branche au muscle postérieur des valves, 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE MACTRE. 373 


et plus loin, une autre pour le manteau. Entre ces deux nerfs principaux, le ganglion pos- 
térieur en produit deux autres, plus fins, descendant parallèlement vers l'anus. En avant, 
le ganglion postérieur fournit les deux nerfs viscéraux qui, traversant la masse abdominale, 
aboutissent aux ganglions labiaux. Ces ganglions sont assez gros, circulaires, très-rapprochés; 
aussi la branche de commissure qui les réunit est grosse et très-courte; de la partie externe 
de la circonférence de ces ganglions, M. Garner fait sortir trois nerfs : l’un pour les palpes, 
les deux autres pour le manteau; en avant, il s’en échappe un quatrième, qui s'applique à la 
surface du muscle adducteur antérieur des valves et lui fournit une branche. Enfin, du 
bord inférieur naissent les nerfs abdominaux, descendant obliquement dans l'intérieur du 
pied, et s’y terminant au ganglion pédieux. Celui-ci laisse échapper de sa circonférence trois 
paires de nerfs que M. Garner n’a pas suivis dans toute leur longueur. 

Depuis les travaux de M. Garner, d’autres anatomistes se sont occupés du système ner- 
veux chez les Mollusques, mais rien n’a été fait spécialement sur le genre Mactre, si ce n’est 
récemment par M. Blanchard, dans un Mémoire inséré dans les Annales des sciences natu- 
relles {juin 1845). Placé dans des circonstances favorables, ce naturaliste a découvert, dans 
le système nerveux, des parties échappées à ses devanciers; et, en cela, il a complété le tra- 
vail de M. Garner, pour ce qui a rapport aux Mollusques acéphalés. M. Blanchard montre, 
dans les Mactres et les Solens, plusieurs ganglions jusqu'alors mconnus des anatomistes ; ainsi 
les nerfs des siphons ont entre eux deux communications, au moyen de branches transverses 
naissant de petits ganglions développés dans le trajet du nerf principal. A l'extrémité du nerf 
des siphons, M. Blanchard a trouvé un troisième petit ganglion, d’où naît un nerf du manteau, 
qui s’introduit dans l'épaisseur du muscle orbiculaire. Un peu avant d'abandonner la surface 
du muscle adducteur postérieur des valves, les nerfs des siphons produisent, du côté in- 
terne, deux petites branches très-grèles, qui descendent au-dessous de l’ouverture du si- 
phon anal. Parvenues à ce point, elles se renflent en un petit ganglion, et un nerf transverse 
va du ganglion du côté droit à celui du côté gauche. Les mêmes nerfs continuent à descendre 
en arrière et au-dessous du premier ganglion. M. Blanchard en découvre deux autres, de 
sorte que, dans les Mactres, et c'est du Mactra helvacea qu'il s’agit, l'animal serait pourvu 
à son extrémité postérieure de sept paires de très-petits ganglions, parmi lesquels trois 
seraient pourvus de nerfs de communication. Nous devons rendre une entière justice à 
l'exactitude des faits observés par M. Blanchard : ce zoologiste aura complété le travail 
imparfait de M. Garner. Mais nous allons voir ici, comme dans les Solens, que les gan- 
glions accessoires découverts par M. Blanchard n'ont pas ce caractère de permanence 
qui permet de leur attribuer une grande importance. Nous avons étudié le système ner- 
veux sur deux espèces de Mactres, le Corallina et le Stultorum. Il conserve la plus grande 
ressemblance dans ces deux animaux, et cependant il nous a offert quelques caractères au 
moyen desquels les deux espèces pourraient être distinguées, s’il existait des difficultés. 
Ceci nous rappelle l'opinion d’un conchyliologue qui , après un long séjour en Sicile, publia 
un ouvrage assez considérable sur les Mollusques des mers de Naples , ouvrage dans lequel 
il propose de réunir, à titre de variétés, les deux espèces que nous venons de mentionner. 
Si l'on éprouve quelque peine à distinguer les variétés extrêmes dans les coquilles, les ani- 


. 
| 
1 


37! HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


maux présentent cette différence remarquable que dans un, le Mactra corallina, le ganglion 
postérieur est divisé (pl. XXVE, fig. 9 n, n), tandis que dans le Mactra stultorum il n'offre 
aucune trace de cette division, ainsi que M. Garner l'avait dit. Pour le reste de la distri- 
bution du système nerveux, ces deux animaux se ressemblent assez pour que nous croyions 
suffisant d’en décrire un seul. Nous devons dire d’abord que nous n'avons point aperçu les 
deux petits nerfs parallèles se dirigeant vers l'anus, et que M. Garner a représentés. Il est 
à présumer que cet habile anatomiste aura été trompé et aura pris pour des filets nerveux 
deux petits plis du manteau qui existent assez souvent au-dessous du ganglion postérieur. 

Trois paires de nerfs partent du ganglion postérieur ; nous allons en suivre successive- 
ment le trajet. La première naît sur le côté du ganglion, se recourbe dès son origine et 
s'attache aux organes de la respiration : c'est le nerf branchial. (PL. XXVE, fig. 9, p, p.) La 
seconde paire prend naissance du bord postérieur du ganglion; elle se dirige obliquement 
à la surface du muscle adducteur postérieur des valves, en formant avec sa congénère un 
angle presque droit. (PL XXVI, fig. 9, q, q.) Près du bord du muscle, le tronc nerveux 
laisse échapper, de son côté imterne, une petite branche qui se recourbe, se plonge dans la 
profondeur au-dessous du muscle, et remonte dans la partie dorsale du muscle orbicu- 
laire du manteau. (PI. XXVI, fig. 9.) Sur le bord même du muscle adducteur, le tronc ner- 
veux se partage en deux branches presque égales, la branche interne est un peu plus grosse 
que l’externe. (PI. XXVI, fig. 9,5, 5.) Elle passe au-dessous de la valvule des siphons, 
contourne l'ouverture intérieure de ces organes , et donne successivement des branches qui 
s'enfoncent dans les parois des siphons et se distribuent particulièrement à leurs muscles. 
Aussi l'on voit ce tronc diminuer rapidement de volume; il se trouve réduit à plus de moitié 
lorsqu'il parvient à l'entrée du siphon’ branchial ; dans le reste de son trajet, il laisse échapper 
quatre à cinq filets se dirigeant en dedans du siphon; le dernier d’entre eux rejoint son con- 
génère et constitue l'un des filets de commissure signalés par M. Blanchard. Les deux nerfs 
dont nous venons de parler sont ceux sur le trajet desquels M. Blanchard a découvert les 
petits ganglions accessoires dont nous avons parlé; ils existent dans le Mactra helvacea, 
mais nous n'avons pu en apercevoir la moindre trace dans les deux espèces dont nous nous 
occupons. Ce fait ne manque pas d'importance; il est propre à faire apprécier la valeur de 
ces petits ganglions dans l’organisation des Mollusques acéphalés. Leur peu de constance 
démontre évidemment que ce caractère n'a même pas une valeur générique. Parvenue à 
l'extrémité inférieure de l'ouverture du siphon branchial, le nerf interne continue à se 
courber en dedans et, par ses deux extrémités qui se rejoignent sur la ligne médiane, se 
forme la seconde commissure que nous avons remarquée dans ces nerfs. 

La branche externe n’est pas moins importante que la première; elle traverse oblique- 
ment la base du muscle rétracteur des siphons, et, parvenue vers le bord antérieur de ce 
muscle, elle se partage en plusieurs rameaux; nous les suivrons en allant de dedans en de- 
hors. Le premier est le plus gros; il est évidemment la continuation du tronc; il se recourbe 
d'abord en dedans; il aboutit vers l'extrémité de la valvule palléale; parvenu à ce point, 
il se recourbe subitement, en s'introduisant dans l'épaisseur du muscle orbiculaire, sur le 


bord interne duquel il reste constamment; il accompagne ce bord dans toute sa longueur, 


CLASSE PREMIÈRE. -- GENRE MACTRE. 375 


et bientôt il rencontre, pour se confondre avec lui, un nerf provenant du ganglion labial, 
de sorte que, dans les Mactres, un nerf circulaire existe dans le bord du manteau, et cons- 
ütue un grand circuit par lequel les deux centres nerveux principaux sont mis en commu- 
nication. Le filet nerveux du manteau est très-fin, et nous comprenons qu'il ait échappé 
jusqu'ici aux recherches des anatomistes. Pour le découvrir, il faut l’observer sur l'animal 
maigri, dont on applique le manteau sur un corps noir, pour en faire ressortir les moindres 
particularités. Le second filet est très-mince ; il gagne presque immédiatement la valvule 
palléale, dans l'angle qu’elle parcourt entre ce muscle rétracteur des siphons et l’orbiculaire 
du manteau. Cette petite branche nerveuse se disperse en quelques filets dont le principal 
porte à son extrémité un très-petit ganglion, de la circonférence duquel s’échappent de 
très-petites branches; en se croisant avec les premières, elles forment un petit plexus. Le 
ganglion dont nous parlons se voit très-bien dans le Mactra helvacea. Enfin une troisième 
branche, assez volumineuse , se dirige vers la partie épaisse du manteau, où elle se perd 
entre ses faisceaux fibreux. 

La troisième paire de nerfs qui naît du ganglion postérieur passe immédiatement au- 
dessous de la branchie, se pose à la surface de l'organe dépurateur, et bientôt pénètre dans 
la cavité abdominale, en s'appuyant d'abord à ses parois, puis en les quittant pour tra- 
verser le foie et aboutir aux ganglions antérieurs. (PI. XXVI, fig. 9 o, o.) 

Les ganglions buccaux sont assez gros; ils sont plus rapprochés que chez la plupart des 
autres acéphalés ; c’est ainsi que, dans le Mactra corallina, par exemple, ils sont tellement 
rapprochés que l’on distingue à peine la branche de commissure qui les unit; ils sont un 
peu plus écartés dans le Mactra staltorum et un peu plus encore dans le Mactra helvacea ; 
cachés par la lèvre supérieure, il suffit de la détacher pour les mettre à découvert et voir 
immédiatement les filets qui en partent. Ceux-ci sont au nombre de cinq pour chaque 
ganglion. Le premier est antérieur. Dès son origine, il se partage en deux branches iné- 
gales: l'une, interne, s’introduit immédiatement dans le muscle adducteur antérieur, où bien- 
tôt elle disparaît entre les faisceaux fibreux ; l'autre, externe, parcourt obliquement la surface 
interne du muscle adducteur antérieur des valves, et elle se divise en deux, avant d'atteindre 
le bord antérieur de ce muscle. La branche interne se continue sur le dos de l’animal dans 
la portion du muscle orbiculaire qui se montre de ce côté ; la branche externe, parvenue sur 
le bord du muscle au point où le manteau le touche, se recourbe en avant, et gagne obli- 
quement le muscle orbiculaire, en restant assez longtemps dans la portion mince du man- 
teau. C’est cette branche qui, en se confondant avec celle du nerf palléal postérieur, cons- 
titue le nerf circulaire du manteau. La seconde paire est extrêmement fine; elle s'échappe 
du bord antérieur du ganglion et se plonge dans la lèvre supérieure. La troisième paire naït 
de l'angle externe du ganglion; elle contourne le muscle rétracteur antérieur du pied, 
passe sous la paroi abdominale : c'est le nerf viscéral dont nous avons vu l’origine au 
ganglion postérieur. La quatrième paire est fort grêle ; elle a son origine à l'angle externe 
du ganglion; elle reste d'abord parallèle à la précédente, bientôt s'en détache pour se 
porter aux lèvres et surtout aux palpes; nous l'avons vue dans la palpe interne du Mactra 
helvacea serpenter à la surface interne de cet organe et se distribuer en rameaux extrême- 


376 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


ment fins. La cinquième paire a son origine au bord inférieur et interne du ganglion, tout 
près de la branche de commissure. Ces nerfs passent dans la bifurcation du muscle ré- 
tracteur antérieur du pied, se placent de chaque côté de l’œsophage, pénètrent dans la 
cavité viscérale, et, parvenant en avant de l'estomac et de la masse que produit le tube 
intestinal, ils aboutissent à un gros ganglion pédieux que l’on découvre avec quelque diffi- 
culté entre les muscles abdominaux. Ce ganglion pédieux est assez gros, jaunâtre, mollasse. 
De sa circonférence naissent trois paires de nerfs, dont la distribution est semblable à celle 
des Lutraires et de la plupart des autres genres d’acéphalés. (PL. XXX 4, fig. 5 e.) 

Nous avons montré, dans les Lutraires, un nerf impair se rendant des ganglions anté- 
rieurs à la région de la charnière et du cœur. Ce nerf naît du ganglion du côté droit, 
gagne le dos, se met entre la surface du foie et le manteau, et, parvenu aux membranes 
cardinales, il se divise et disparait. Ce nerf existe aussi dans les Mactres, et c’est dans le 
Mactra helvacea qu'il se montre avec le plus d’évidence. Néanmoins nous le trouvons aussi 
dans les Mactra corallina ei stultorum: 1l descend dans le manteau, aboutit aux membranes 
cardinales, et se termine à un petit élargissement ganglionnaire d’où partent des filets dont 
la ténuité est telle qu'il devient impossible de les suivre au delà de leur origine. 

Le système nerveux des Mactres est donc en réalité plus compliqué que n'auraient pu 
le faire supposer les travaux des anatomistes; par nos observations, nous faisons connaître 
des parties très-importantes de ce système; ainsi le nerf circulaire du manteau est pour 
nous bien évident; il en est de même du petit plexus placé à l'angle du muscle rétracteur 
des siphons et orbiculaire du manteau. Enfin nons ajoutons la connaissance de ce nerf 
dorsal si remarquable, dont l'existence n’avait pas été soupçonnée jusqu'ici. 


CONCLUSION. 


Les faits que nous avons exposés nous conduisent à des conséquences d’un assez grand 
intérêt, tant pour la classification que pour la détermination des rapports mutuels des 
deux genres Lutraire et Mactre. Si nous considérons les Mactres comme un type géné- 
rique, nous pouvons dire actuellement que les Lutraires en sont une modification, et nous 
en trouvons la preuve aussi bien dans l’étude des coquilles que dans celle des animaux. 

Les Mactres sont le plus ordinairement des coquilles triangulaires plus ou moins bom- 
bées, chargées d’un épiderme, à bords simples et n'ayant jamais à leur surface de côtes 
longitudinales ou rayonnantes. Presque toutes sont lisses ; quelques-unes ont des côtes trans- 
verses. Bâillantes pour la plupart, les unes le sont en avant et en arrière, comme les Lu- 
trares, les autres en arrière seulement. La forme que nous venons d'indiquer n’est point 
constante; elle se modifie en devenant de plus en plus transverse, et c’est ainsi que s’é- 
tablissent des transitions insensibles entre les Mactres et les Lutraires. 


La charnière des Mactres se compose d’un cuilleron triangulaire, recevant un ligament In- 


terne; d’un rudiment de nymphes, resté sur le bord postérieur, pour un ligament externe très- 
réduit. En avant de ce cuilleron existe une dent cardinale en forme de V, et enfin, en avant 
et en arrière, une dent latérale comprimée, tantôt simple, tantôt striée. Toutes ces parties 


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EXPLORATION. 


SCIENTIFIQUE 


DE L'ALGÉRIE 


PENDANT LES ANNÉES 1840, 1841, 1842 


PUBLIÉE 


PAR ORDRE DU GOUVERNEMENT 


ET AVEC LE CONCOURS D'UNE COMMISSION ACADÉMIQUE 


SCIENCES PHYSIQUES 


ZOOLOGIE 


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HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES 


PAR M. DESHAYES 


MEMBRE DE LA COMMISSION SCIENTIFIQUE D'ALGÉRIE 
CHEVALIER DE LA LÉGION D'HONNEUR 


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DIX-SEPTIÈME LIVRAISON 
| CONTENANT 
Texte : feuilles 48 à 51 
Arcas, expl. des pl.: feuil. 22 et 23 | 
| Puancnes 9, 47, 18, 77, 89 et 92 


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COMPARATIVE ZOÜLOGY, 


AT HARVARD COLLEGE, CAMBRIDGE, MAS. 


Jounded by private subscription, in 1861. 


DR. L. ve KONINCKS LIBRARY. 


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CAMBRIDGE. MA USA 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE MACTRE. 377 


subissent aussi des modifications. Ce ligament plus ou moins puissant occupe sur le bord 
cardinal une étendue proportionnée; la dent cardinale manque quelquefois, puis on la voit 
apparaître par des rudiments peu considérables; et, dans une série d’un petit nombre d’es- 
pèces, on lui voit prendre tout le développement dont elle est susceptible. Souvent les deux 
parties dont elle est composée sont très-ouvertes, quelquefois très-rapprochées; elles forment 
entre elles un angle très-aigu, et alors cette forme se rapproche de celle des Lutraires. Les 
dents latérales, grandes, très-saillantes, comprimées , lamelliformes, se réduisent peu à peu 
de volume, s’épaississent, s'amoindrissent et deviennent presque nulles dans certaines es- 
pèces dont la forme générale, triangulaire , rappelle celle des autres Mactres; mais il en 
est d’autres qui, en devenant ovalaires, ont des dents latérales plus effacées, qui déjà se 
rapprochent de celles des Lutraires ; et enfin, dans quelques espèces de ce dernier genre, 
les dents latérales disparaissent complétement. 

Si nous examinons actuellement les impressions des muscles et du manteau, nous ver- 
rons s'établir, entre les Mactres et les Lutraires, des modifications comparables à celles 
que nous venons de signaler. Les impressions musculaires ovales, subsemi-lunaires, souvent 
subcirculaires, occupent, dans l’intérieur de la coquille, une position analogue à celle des 
Lutraires. Les différences que lon y remarque proviennent de la variabilité dans les 
formes. Quant à l'impression palléale, sa sinuosité postérieure, plus profonde dans la plu- 
part des Lutraires, l’est déjà un peu moins dans quelques-unes d’entre elles. Dans les 
Mactres, cette impression subit deux sortes de modifications. D'un côté, elle se raccourcit, 
tout en restant large; d’un autre, elle se raccourcit et se rétrécit à la fois, et ceci se 
remarque surtout chez les espèces dont l'angle postérieur est aigu. 

Ce qui précède prouve, de la manière la plus invincible, les relations nombreuses qui 
lient les Lutraires aux Mactres; et, d’après l'examen seul de la coquille, nous pourrions 
conclure , avec Linné, Spengler et d’autres naturalistes, que ces deux genres n’en doivent 
constituer qu'un seul. 

Ce phénomène de transition insensible, entre les coquilles dont nous venons de parler, 
se montre non moins manifestement entre les animaux qui les habitent. 

Si, dans la plupart des Mactres, le manteau est ouvert dans la plus grande partie de la 
longueur du bord ventral, nous en connaissons quelques-unes chez lesquelles les lobes de 
cet organe sont soudés en arrière. Ce caractère ne pourrait donc pas servir à distinguer 


nettement les deux genres, puisqu'ils se rencontrent aussi bien dans les espèces trianou- 
5 PRG P 8 


laires que dans les oblongues. 

Les siphons, dans l’un et l’autre genre, nous offrent des caractères semblables. Réunis 
entre eux dans toute leur longueur, ils sont revêtus d’une couche épidermique, plus ou 
moins considérable, selon leur étendue. Si, dans la plus grande partie des Mactres, les ten- 
tacules qui terminent les siphons sont simples, il en existe quelques-unes chez lesquelles 
les tentacules ont une tendance à se diviser en digitations. Ces espèces établissent donc un 
véritable passage entre les Lutraires et les Mactres, et ce caractère échappe encore, dans le 
cas où l’on aurait voulu s’en servir pour la séparation des genres. 

Il est curieux de s'assurer sur des animaux dont les siphons ont un développement consi- 

Zoo. — Mollusques. 1. A8 


378 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


dérable, s'ils ont une structure semblable; et nous avons reconnu chez les Mactres, mais 
dans des proportions amoindries, une organisation semblable à celle des Lutraires. 

L'ouverture intérieure des siphons, chez les Mactres, est exactement semblable à celle 
des Lutraires. Le manteau produit autour du siphon anal cette membrane particulière qui, 
en se joignant aux branchies, ferme complétement la cavité de ce siphon. Au-dessus du 
siphon branchial, s’infléchit une valvule, large et membraneuse, ayant exactement la forme 
de celle des Lutraires. 

Les muscles adducteurs des valves, situés dans la région dorsale, variables dans leurs 
formes, comme dans tous les grands genres, conservent leurs rapports avec les autres par- 
ties de l'animal. 

Dans la plupart des Mactres que nous avons observées, la bouche est plus petite que 
celle des Lutraires; il y en a d’autres cependant chez lesquelles l'ouverture buccale est plus 
grande, et ce caractère n'offre rien de particulier pour déterminer la valeur des genres. 

Les palpes labiales offrent exactement les mêmes parties dans les Mactres et les Lu- 
traires. Si, dans ce dernier genre, ces organes sont très-allongés, il y a des Mactres chez 
lesquelles ils acquièrent les mêmes proportions; cependant nous devons ajouter que, dans 
le plus grand nombre des espèces, ces organes sont plus courts et plus larges à la base. 

Nous avons remarqué une disposition particulière des organes de la digestion dans cha- 
cune des espèces, quoique ces organes conservent des caractères généraux, au moyen des- 
quels il est permis de reconnaître les genres auxquels ils appartiennent. Ces caractères 
généraux, nous les retrouvons dans les Mactres et les Lutraires. C’est ainsi que l'estomac 
offre les mêmes cloisons. L'ouverture de l'œsophage est percée dans un espace circonscrit 
par une zone chargée de papilles. Le grand cœcum stomacal nait du même point de lesto- 
mac, se projette dans la même direction et présente, à l'intérieur, les mêmes accidents. 
Les cryptes biliaires occupent la même place ; des crêtes en sortent pour se rendre vers 
l'ouverture pylorique et s'introduire dans le tube intestinal. Comme nous le disions, les 
circonvolutions de l'intestin n’ont pas la même disposition dans toutes les espèces; mais, 
chez toutes, l'extrémité postérieure du canal digestif suit Ja route que nous avons reconnue 
pour tous les Mollusques du même ordre. 

Le foie des Mactres occupe la même place, et il a la même structure et la même étendue 
que celui des Lutraires. 

L'ovaire est situé, comme à l'ordinaire, dans la masse abdominale : il enveloppe toutes 
les parties des organes de la digestion qui restent en dehors du foie, et souvent il recouvre 
presque toute la surface de ce dernier organe. Des oviductes nombreux, branchus, abou- 
tissent, de chaque côté du corps, à une ouverture située près du bord postérieur de l’ab- 
domen, au-dessous du feuillet branchial externe. 

Les organes dont nous venons de parler, c'est-à-dire ceux de la digestion et de la 
génération, sont compris dans une cavité que laissent les parois abdominales dans leur 
écartement. Ces parois, éminemment musculaires, sont maintenues à la même distance, 
au moyen de muscles transverses nombreux, et dont l’arrangement est le même dans les 


deux genres qui nous occupent. 


CLASSE PREMIÈRE. _- GENRE MACTRE. 379 


Le pied des Mactres est, en proportion, plus grand que celui des Lutraires ; cependant 
il y a des espèces chez lesquelles cet organe est petit, lancéolé, tandis que, chez d'autres, 
il est large, linguiforme, à peu près comme nous le trouvons dans les Vénus et d’autres 
genres. 

Les organes de la circulation présentent, dans leur ensemble, la plus grande ressem- 
blance avec ceux des Lutraires. Dans l'un et l’autre genre, nous retrouvons des artères 
palléales, mais avec des points de départ différents, et nos observations sur les Mactres 
prouvent que, dans celles-ci, il y a, à ce sujet, des variations importantes. 

Les organes de la respiration nous offriraient des différences plus constantes entre les 
Macires et les Lutraires, non par leur organisation intime, qui est partout semblable, mais 
dans l’apparence extérieure, les Lutraires ayant ces organes plissés, tandis qu'ils sont lisses 
chez la plupart des Mactres ; cependant, pour cet organe, il s'établit une série de modifi- 
cations au moyen desquelles on passe insensiblement d’un genre à l’autre. Ce caractère, 
en apparence d’une grande valeur, n’en a pourtant point assez pour distinguer les deux 
genres dont nous parlons. 

Le système nerveux, chez les Mactres, est plus considérable qu'on ne l'aurait pensé, 
d’après les travaux récemment publiés. Si nous n'avons pas constaté un nerf circulaire du 
manteau dans les Lutraires, il est à croire qu'il existe ; car nous trouvons, dans ce genre 
et les Mactres, les branches qui sont destinées à se souder et à compléter le grand circuit 
nerveux. Tous les ganglions principaux sont disposés de même dans les Lutraires et dans 
les Mactres ; les branches qu'ils fournissent sont en même nombre et se distribuent aux 
mêmes organes. Mais si cette ressemblance se montre entre des animaux de différents 
genres, à plus forte raison doit-elle exister entre ceux qui, comme ceux-ci, ont la plus 
grande analogie. Enfin, nous retrouvons dans les Mactres ce nerf dorsal impair que nous 
avons signalé dans les Lutraires. 


Si maintenant nous faisons la somme des ressemblances et des différences qui se mon- 


trent entre les Lutraires et les Mactres, il est évident que le nombre des ressemblances 
l'emporte beaucoup; nous pouvons même affirmer que les différences proviennent, sans 
aucun doute, du trop petit nombre d'animaux observés aujourd’hui, et que ces différences 
tendront à s’effacer à mesure que la science acquerra de nouveaux perfectionnements. 


1. MaAcTRA srucrorum. Linné. 


Cap Falcon, Oran, les îles Habibas, Arzew, Bône, Alger, Lacalle, Cherchél; toute 
la Méditerranée, tout l'Océan européen; fossile en Italie, en Sicile et dans le 
crag d'Angleterre. 


M. testà ovatotrigonà, lævi, subdiaphanà, pallidè fulvà; radiis albidis absoletis; facie internà albido- 
purpurescente. 


Lasrer, Conch. pl. 264, fig. 100. 
Guazrien, Ind. pl. 71, fig. 6. 


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CHR a A 


380 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


Cardium stultorum, LiNNÉ, Syst. nat. ed. 10, pag. 681, n° 80. 

Mactra stultorum, LinNé, Syst. nat. ed. 12, pag. 1126, n° 99. 

Borx. Mus. pag. 50, vignette. 

GMELIN, pag. 3258, n° 11. 

Trigonella radiata, Dacosra, Brit. conch. pl. 12, fig. 3. 

Tellina radiata, PeNNaNT, Brit. zool. tom. IV, pag. 87, pl. 49, fig. 30. 

ScarôeTer, Einl. tom. IIT, pag. 77, n° 6. 

Favanne, Conch. pl. 48, fig. M, 1? 

Cuemnirz, Conch. 6, pl. 23, fig. 224, 225. 

Pozr, Test. tom. I, pl. 18, fig. 10, 12. 

Uysses, Travels of Naples, App. pag. 482, n° 126. 

Encycl. pl. 256, fig. 3. 

Ozivr, Zool. adriat. pag. 105, n° 2. 

SrENGLER, Description des coquilles du genre Muctre, Mémoires de la Société d'histoire naturelle de Co- 
penhaque, tom. V, 2° partie, pag. 105, n° 11. 

Cuvier, Tabl. élém. du règne animal, pag. 427. 

Lamarok, Syst des anim. sans vert. pag. 121. 

MowrTaGu, Test. Brit. pag. 94. 

Dowovan, Brit. Shells, tom. III, pl. 106. 

Maron et Racxerr, Linn. Trans. tom. VIII, pag. 69. 

Dorser, Cut. pag. 32, pl. 8, fig. 3. 

Brook, {nt. of conch. pl. 2, fig. 21. 

Roissy, Baff. moll. 6, pag. 352, pl. 65, fig. 5. 

Dinzwy, Cat. tom. I, pag. 138, n° 18. 

Lamarcx, Anim. sans vert. 1° édit. pag. 474, n° 7. 

De Gervizze, Cat. des coq. de la Manche, pag. 20, n° 2. 

BLanvize, Malac. pl. 73, fig. 5. 

Woop, Ind. test. pl. 6, fig. 18. 

PayÿRauDEAU, Cut. pag. 29, n° 37. 

Desnayes, Encycl. méth. Vers, tom. II, pag 396, n° 7. 

Idem, Expéd. scient. de Morée, Moll. pag. 88, n° 18. 

Corarp-pes-Cnères, Cat. des testac. du Finistère, pag. 14, n° 2. 

Pairiprr, Moll. Sic. tom. IT, pag. 10. Exclus varietate B. 

Scaccur, Cat. Moll. reg. Neap. pag. 6. 

Desnayes dans Lamarcx, Anim. sans vert. 2° édit. tom. VI, pag. 99, n° 7. 

Boucnarr CHANTEREAUX, Cut. des moll. du Boul. pag. 13, n°14. 

Hanzey, nd. testac. tom. I, pag. 29. 

Carzow, Nomencl. conch. pag. 14, n° 50. 

Junior, an Mactra cuneata, Gnemnirz, Conch. cab. tom. VI, pag. 221, pl. 22, fig. 215? 

Fossiis, Broccur, Conch. foss. subap. tom. Il, pag. 535, n° 2. 

Woop, Cat. of shells foss. from the cragq. Ann. and Magaz. of nat. hist. Décembre 1840, pag. 246, n° 4. 

SismMonDA , Synop. meth. anim. invert. ped. foss. pag. 17. 


Spengler, Gmelin, Schrôeter, Lamarck et plusieurs autres naturalistes ont confondu avec 
celle-ci la Mactre lisor d'Adanson. Le premier, nous avons fait remarquer les différences 
qui existent entre ces espèces, en insistant sur la nécessité de leur séparation. En effet, la 
coquille du Sénégal est toujours plus transverse et plus épaisse que celle de Océan 
d'Europe, et, de plus, la lunule et le corselet sont striés élégamment, tandis que dans le 
Mactra stultorum ces parties restent lisses. M. Philippi, dans son Enumeratio Molluscorum 
Siciliæ, confond, à titre de variété, avec lespèce qui nous occupe, le Wactra lactea de 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE MACTRE. 381 


Lamarck. Cette erreur n’est point rectifiée par l’auteur dans le second volume du même 
ouvrage, publié huit ans après le premier. Cependant les coquilles, aussi bien que les 
animaux, offrent des différences constantes. Cette confusion provient sans doute de ce 
qu'il n'existe pas encore une bonne figure de cette espèce. 

Il est curieux de suivre les modifications que subit le Mactra staltorum en descendant du 
Nord vers le Midi. Les variétés sont nombreuses, et elles offrent un phénomène qu'il est 
bon de signaler à l'attention des zoologistes. Dans les régions septentrionales, celte espèce 
est ovalaire et aplatie; déjà, dans la Manche, elle est devenue un peu plus triangulaire et 
plus bombée, et l'on voit cetie forme de plus en plus prédominante, à mesure que l'on 
approche du Midi de l'Europe. Dans la Méditerranée, le Mactra stultorum est devenu 
trigone enflé, bien plus vivement coloré que dans le Nord. Sur les côtes de l'Algérie, et 
surtout à Oran, qui est plus au Midi que tout autre point du littoral, cette espèce a une 
coloration qui la rapproche de celle du Sénégal. Tout en restant trigone elle a une tendance 
à s'élargir, et même à prendre quelques plis irréguliers sur la lunule et le corselet. Après 
être entrée dans la Méditerranée, par le détroit, cette espèce en sort probablement par le 
côté opposé, et se continue sur les rivages océaniques de l'Afrique septentrionale. Malheu- 
reusement les observations n’ont pas été poussées plus loin, et nous ignorons si l’espèce 
continue à se modifier en avançant vers les régions tropicales. Peut-être vient-elle se lier 
aussi insensiblement avec l'espèce du Sénégal que le font les variétés du Nord avec celles 
du Midi de l'Europe et de la Méditerranée. 

La science aurait plus à gagner, pour la philosophie, à l'étude complète de quelques Mol- 
lusques, suivis dans toutes leurs modifications, qu'à la découverte d’un nombre plus ou 
moins considérable d'espèces, car la conséquence de l'étude dont nous parlons serait de 
poser enfin les éléments de la définition de l'espèce dans la classe des Mollusques. L’ab- 
sence de cette définition met obstacle à la solution de questions d’un haut intérêt, qui 
touchent à l'histoire de la terre et à la distribution de la vie à sa surface. Il faudrait, en 
un mot, bien définir l'espèce vivante, pour pouvoir définir, à son tour, l'espèce fossile. 

L'animal a son manteau d’un violet très-pâle; cet organe est transparent; ses bords dé- 
passent la coquille, de chaque côté, de plus de trois millimètres. Les siphons sont à peu 
près de la même couleur, souvent ils sont plus pâles. L’extrémité des siphons, garnie de 
tentacules inégaux qui sont d’un jaunâtre pâle, est tachetée de brun rougeâtre vers la base. 
Ces taches, au nombre de deux sur les grands tentacules, sont d’une forme lancéolée; le 
bord membraneux du siphon anal présente, sur sa partie moyenne, une tache singulière , 
jaune orangée. Cette membrane, très-flexible, est ornée de huit linéoles jaunâtres, symé- 
triques, s'étendant jusque près du bord. Cet animal vit dans le sable des rivages, à une pro- 
fondeur médiocre. Il préfère, à ce qu'il paraît, les plages en pente douce, où il s'enfonce au 
moyen des mouvements de son pied, se creusant un trou peu profond, de manière à ce que 


ses siphons viennent affleurer la surface du sable. 


2 cr img À 


HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


9. MACTRA CORALLINA. Linneé. 


Habite avec la précédente toute la Méditerranée. 
M. testâ ovato-trigonà, subturgidà, tenui, pellucidà , albà; fasciis lacteis; striis transversis tenuissimis. 


La Vétade, Ronnerer, Hist. des poiss. pag. 23, chap. xxvnr. 

Lister, Conch. pl. 263, fig. 99. 

Cardium corallinum, Linné, Syst. nat. ed. 10, pag. 680, n° 75, excel. syn. plur. 

An. Guazriert, Test. pl. 71, fig. B? 

Mactra corallina, LiNNÉ, Syst. nat. ed. 12, pag. 1125, n° 98. 

Mactra lactea, Cnemnirz, Conch. cab. tom. VI, pag. 224, pl. 22, fig. 220, 221. 

ScurÔôETER, Einl. tom. IIT, pag. 76, n° 5. 

SPENGLER, Descr. des coq. du genre Mactre, Mém. de la Soc. d’hist. nat. de Copenhague, tom. V, 2° part. 
p2g- 109, n° 10. 

Uzxsses, Travels of Naples, App. pag. 482, n° 125. 

Ozivr, Zool. udriat. pag. 105, n° 1. 

Diczwyn, Cat. tom. 1, pag. 137, n° 14. 

Mactra lactea, Lamarck, Anim. sans vert. tom. V, pag. 477; n° 19. 

Idem, PayrauDeau, Cutal. des moll. de Corse, pag. 30, n° 39. 

Mactra salida, PayraAuDEAU, loc. cit. n° 4o. 

Idem, Corarp-pes-Caëres, Catal. des test. du Finistère, pag- 14, n°3. 

Mactra lactea, Desnayes, Expéd. scient. de Morée, Moll. pag. 89, n° 19. 

Mactira corallina, Scaccur, Cat. Moll. reg. Neap. pag 6. 

Mactra stultorum , var. B. Paruprr, Enum. Moll. Sicil. tom. [, pag. 10. 

Mactra inflata, pars Puivrppr, idem, pag. 11, n° 3. 

Woon, Ind. test. pl. 6, fig. 14. 

Mactra lactea, DEsnayes dans Lamarcx, Anim. sans vert. 2° édit. tom. VI, pag. 103, n° 19. 

Idem, Haxzey, Ind. test. pag. 31. 

Idem, Garrow, Nomencl. conch. pag. 14, n° 25. 


Nous rendons à cette espèce son nom linnéen, que Chemnitz, Poli et Lamarck ont eu 
le tort de lui faire perdre. Le Mactra lactea a été décrit et figuré, pour la première fois, 
par Chemnitz; mais, la croyant de Tranquebar, il n’a pas reconnu en elle l'espèce de 
Linné, qui est de la Méditerranée. Poli a appliqué le nom de Chemnitz à l'espèce médi- 
terranéenne. Trop confiant dans la détermination de Poli, Lamarck a conservé le nom de 
lactea, mais en lappliquant à une espèce que Poli n’a point figurée; or cette espèce de 
Lamarck, et de plusieurs autres conchyliologues, est justement le Wactra corallina de 
Linné. Quand même il serait prouvé que le Mactra lactea de Chemnitz est identique- 
ment la même espèce que le corallina, c’est cette dernière espèce qui devrait subsister, à 
cause de la priorité de son nom. Il était donc indispensable de ne pas laisser subsister plus 
longtemps la confusion que nous venons de signaler dans la nomenclature. 

En examimant avec quelque soin la courte phrase caractéristique et la synonymie qui 
l'accompagne, on voit que, sous le nom de Cardium corallinum, Linné a inscrit une véri- 
table Mactre. Elle est triangulaire, arrondie, blanche, diaphane, très-obtuse en avant et 
en arrière, et fasciée de blanc lacté plus opaque. Ces caractères, qui sont ceux donnés, 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE MACTRE. 383 


par Linné, conviennent parfaitement à la Mactre blanche de la Méditerranée. Quant à la 
synonymie, elle est composée de quatre citations : la première renvoie à la figure d3 de la 
Ile partie de Bonanni. C’est par suite d’une erreur que cette figure est mentionnée, car 
elle ne représente pas une Mactre ; aussi Linné a lui-même modifié cette faute dans la 
douzième édition du Systema, et il donne la figure 52 du même ouvrage : elle montre une 
coquille d’une forme et d’une taille analogues à celle de l'espèce; mais cette figure appar- 
tiendrait plutôt au Lavignon qu’à toute autre espèce. La seconde citation renvoie à la 
Vétade de Rondelet, dans laquelle, malgré l’imperfection du dessin, on reconnaît la 
Mactre blanche de la Méditerranée. La figure de Gualtieri est fort douteuse; la courte des- 
cription se rapporte mieux à l'espèce, et ce quile confirme, c’est qu'il renvoie à la Vétade 
de Rondelet. La figure citée de Plancus ne peut donner une juste idée de l'espèce, puis- 
qu’elle représente une véritable Telline, commune dans la Méditerranée. Il est certain 
que, sans description, la synonymie serait insuffisante pour faire reconnaitre l'espèce, 
mais la description et l'indication du lieu d'habitation nous donnent la certitude que le 
Mactra corallina est bien l'espèce que la plupart des conchyliologues nomment Mactra 
lactea. Le Mactra corallina de Chemnitz est bien probablement l'espèce de la Méditerranée ; 
néanmoins la figure de cel auteur, imparfaite sous plus d'un rapport, peut laisser des 
doutes à l'observateur. Nous éprouvons moïns d’embarras pour le Mactra lactea du même 
auteur ; nous ne voyons aucune différence avec le corallina de Linné, lorsqu'il a acquis la 
plus grande taille. 

Il nous a été très-facile de rectifier l'erreur dans laquelle est tombé M. Payraudeau, les 
types de ses espèces ayant été déposés dans la collection du Muséum. Nous avons reconnu, 
dans le Mactra solida de cet auteur, de jeunes individus du Mactra corallina. Jusqu'ici 
nous n'avons jamais acquis la certitude que le Mactra solida habite la Méditerranée ; cepen- 
dant M. Philippi le cite dans son catalogue, mais il n’a pas été trouvé par lui. 

Le Mactra corallina est une coquille ovale, subtrigone, lisse, ou à peine striée irrégu- 
lièrement par les accroissements; elle est renflée, à crochets assez protubérants, lisses et 
brillants, médiocrement inclinés vers le côté antérieur. Le côté antérieur est limité par un 
angle obtus, qui circonscrit une lunule très-grande, ovale, lancéolée, descendant jusqu’à 
l'angle antérieur et inférieur. Au centre de la lunule, les valves se relèvent comme si elles 
avaient été pincées entre les doigts. Le corselet est limité de la même manière que la 
lunule ; mais il reste obtus et non saillant au centre. Les angles antérieurs et postérieurs 
sont arrondis et très-obtus. Le pourtour des valves, la lunule et le corselet surtout, sont 
revêtus d’un épiderme mince et d’un blond jaunâtre. Lorsqu'elle est jeune, cette coquille 
est fort mince, transparente; elle s’épaissit en vieillissant, devient plus opaque ; elle reste 
cependant toujours diaphane. Il y a des individus qui offrent des zones transverses, alterna- 
tives, opaques et plus transparentes. Les individus les plus gros deviennent très-bombés et 
se rapprochent extrêmement du Mactra lactea de Chemnitz, à ce point que nous nous 
sommes demandé s’il ne faudrait pas confondre les deux espèces en une seule; mais, 
pour opérer cette fusion, il serait indispensable d’avoir à la fois sous les yeux la coquille 
de Chemnitz, qui vient de Tranquebar, et celle de la Méditerranée, de les comparer minu- 


38/4 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


tieusement dans tous leurs caractères, et enfin de s'assurer s'il existe entre elles des 
différences spécifiques. 

La charnière est mince ; le bord cardinal est étroit. Sur la valve droite on trouve, au- 
dessous du crochet, une dent en V, dont les deux branches sont presque à angle droit. La 
branche qui borde la cavité du ligament est irès-mince et fragile; elle tombe sur une 
ligne presque perpendiculaire. La seconde branche suit le bord supérieur, en obliquant 
un peu en dedans. La fossette du ligament est immédiatement en arrière de la dent en V; 
elle ne fait point saillie sur le bord cardimal. Comme dans les Lutraires, elle est creusée 
obliquement dans un espace triangulaire, compris entre la dent cardinale et la dent laté- 
rale postérieure. Cette cavité est étroite, en triangle allongé, dont le sommet s'enfonce 
sous le bord. Les dents latérales antérieures et postérieures sont formées de deux lames 
inégales très-minces, presque parallèles, un peu divergentes : elles commencent, près de 
la charnière, par deux petits plis qui s'élèvent assez rapidement. Les lames extérieures 
sont toujours moins élevées et moins longues que les internes. Celles-ci s’abaissent obli- 
quement, et leur base vient mourir un peu au-dessus des impressions musculaires. La 
charnière de la valve gauche est plus simple ; la dent en V est plus étroite, de manière à 
s'engager dans celle de la valve opposée. Les dents latérales consistent en deux lames fort 
minces, très-saillantes, faiblement recourbées sur le plat et destinées à entrer entre les lames 
de la valve opposée. Les impressions musculaires sont médiocres; l'antérieure est ovalaire, 
un peu rétrécie en haut; la postérieure est plus arrondie. L’impression palléale est paral- 
lèle au bord inférieur des valves; elle en est fort rapprochée. Son inflexion postérieure est 
courte, à bords parallèles ; elle s’avance horizontalement jusque vers le tiers de sa longueur. 

Cette espèce n’est guère moins commune que le Mactra stultoram ; elle vit avec elle , et 
il est fort rare de rencontrer l’une sans l’autre. Elle est constamment d’un blanc laiteux. 
Elle offre quelques variétés : deux surtout se distinguent facilement; la première est ova- 
laire et transverse ; la seconde est trigone et presque aussi haute que large. L'animal est 
blanc, transparent. Ses siphons, dans leur plus grand allongement, n’atteignent jamais à 
la longueur de la coquille. 

L'animal a la plus grande analogie avec celui du Mactra stultorum ; 1 se distingue cepen- 
dant d’une manière constante, ce que nous pouvons affirmer, à la suite de la comparaison 
d'un grand nombre d'individus vivants des deux espèces. Dans le Mactra corallina, les 
siphons sont toujours plus courts ; ils sont teintés de jaune orangé, et les tentacules qui 
garnissent l’extrémité de ces organes sont plus nombreux; presque tous sont marqués 
d'une linéole noirâtre ; les bords du manteau sont d’un blanc laiteux et transparent; enfin, 
les tentacules qui garnissent le pourtour du manteau sont plus nombreux, plus courts et 
plus larges à la base. Ces différences, qui sembleraient d’une faible importance, en 
acquièrent cependant par leur constance, et, joints à ceux de la coquille, ils permettent 
de distinguer, avec la plus grande facilité, deux espèces que quelques zoologistes ont cru 
devoir réunir. 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE MACTRE. 


3. MACTRA TRIANGULA. Renieri. 


Cap Lindeles, cap Falcon, Bône, Alger, Cherchél; fossile à Douéra. 


M. testà parvà, trigonà, latere utroque obtusissimè carinatà, nitidà, lævi, lacteà ; areà lunuläque sulcatis, 
dentibus lateralibus perpendiculariter striatis. 


Mactra lactea, Porx, Test. tom. I, pl. 18, fig. 13, 14. 

Purriprr, Moll. Sic. tom. I, pag. 11, n° 5, et tom. IT, pag. 10, n°5. 
Desrayes, Eæxpéd. scient. de Morée, Moll. pag. 88, n° 17. 

Fossilis, Broccur, Conch. foss. subap. tom. Il, pag. 535, n° 1; pl. 13, fig. 7. 
Purcippi, Enum. loc. cit. t. 1, pag. 12, n° 8. 

Sismonpa, Syn. meth. anim. invert. pedem. foss. pag. 17. 


Il est bien évident, ainsi que M. Philippi l'a reconnu, que le Mactra triangula de Re- 
nieri a été figuré par Poli, sous le nom de Mactra lactea. Si les conchyliologues n’ont pas 
plus tôt reconnu l'erreur, cela provient sans doute de ce que Poli à fait représenter l’es- 
pèce sous un grossissement qui la rapproche du volume habituel du Mactra lactea de 
Chemnitz et de Lamarck. Cette confusion, de la part du naturaliste napolitain, en a en- 
traîné d’autres par la suite dans la synonymie du Mactra lactea, et il est actuellement facile 
d'y apporter remède. Le Mactra triangula est une coquille qui reste toujours d’un petit 
volume. Ainsi que son nom l'indique, elle est triangulaire, presque équilatérale ; les cro- 
chets occupent le sommet d’un triangle, dont le bord ventral est la base. Le bord antérieur 
est un peu plus court que le postérieur. La coquille est médiocrement bombée, subeunéi- 
forme ; les crochets, lisses et peu saillants, sont médiocrement inclinés du côté antérieur. 
La lunule, ainsi que le corselet, est aplatie, ovalaire et nettement circonscrite par un 
angle obtus et fort net. Ces deux parties importantes de la coquille sont élégamment striées. 
La surface extérieure porte également des stries un peu plus profondes du côté antérieur 
que du postérieur. Ces stries s'interrompent de ce côté, qui reste parfaitement lisse. A l'in- 
térieur, les valves sont lisses et polies; la charnière est supportée par une lame cardinale, 
courte et étroite. Sur la valve droite se trouve une grande dent en V, dont la partie anté- 
rieure est beaucoup plus grande que l'autre. En arrière de cette dent, existe la fossette du 
ligament, étroite et assez profonde, mais dont le bord produit une légère saillie sur le 
milieu de la lame cardinale. Sur la valve gauche, la dent en V est un peu plus petite, et 
l'on voit son extrémité antérieure s’abaisser comme pour joindre l'extrémité postérieure de 
la dent latérale. Les dents latérales sont courtes, assez épaisses et striées perpendiculai- 
rement de chaque côté. Les impressions musculaires sont grandes en proportion de la 
coquille; elles sont semi-lunaires, fort écartées. L’impression palléale, après avoir suivi le 
bord ventral, s'infléchit en arrière et prend la forme d'une sinuosité étroite, dont le som- 
met se place presque au niveau du cuilleron de la charnière. 


Zoor.. — Mollusques. 1. 29 


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386 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


Toute cette coquille est d’un blanc laiteux, dont la continuité est souvent interrompue 
par un petit nombre de zones transverses, d’un blanc transparent et bleuâtre. Un épiderme 
caduc, très-mince, grisâtre, garnit le bord des valves, et s'étend jusque sur les parties 
extérieures du manteau; il persiste sur le côté postérieur de la coquille, qui devient ainsi 
brunâtre ou jaunâtre. Nous avons souvent comparé des individus vivants avec d’autres fos- 
siles provenant de l'Italie, de la Sicile, de la Morée, et nous n'avons remarqué aucune 
différence, si ce n’est qu'en général les mdividus fossiles sont un peu plus grands. 


DIXIÈME FAMILLE. 


MÉSODESMIDES. — Gray. 


GENRE QUINZIÈME. 


MÉSODESME, Mesopesma. — Deshayes. 


Les coquilles pour lesquelles nous avons créé le genre Mésodesme ont été confondues 
d’abord avec les Myes par Chemnitz, Spengler et quelques autres naturalistes. Bruguière, 
dans l'Encyclopédie méthodique, en introduisit quelques-unes parmi les Mactres, exemple 
que suivit également Poli pour l'espèce de la Méditerranée. Le naturaliste napolitain le fit, 
ilest vrai, en exprimant un doute, car il savait, puisqu'il en donne la figure, que animal 
de cette coquille a les siphons disjoints dans toute leur longueur, et 1l n'ignorait pas qu'ils 
sont réunis dans les Mactres, comme nous l'avons vu. En 1803, Montagu mentionna l’es- 
pèce de Poli; ce naturaliste venait de la découvrir sur les côtes de la Grande-Bretagne. Il 
est à présumer que cet auteur, ordinairement exact et scrupuleux, n'aura pas fait attention 
à la charnière, et, trop confiant dans la forme extérieure, il introduisit l'espèce dans le genre 
des Donaces, quoiqu'elle n'en eût aucun des caractères. Presque tous les auteurs anglais 
conservèrent, dans le genre Donace, cette espèce, qui ne lui appartient pas, et, contre leur 
habitude, ils abandonnèrent l'opinion de Gmelin qui, dans la treizième édition du Systema 
naturæ, avait compris l'espèce qui nous occupe au nombre des Tellines. Au reste, à ce sujet, 
Gmelin avait accepté l'opinion de Schrôeter qui, dans son Essai d’une classification des co- 
quilles de Einné, avait indiqué l'espèce d’après une figure assez exacte de Lister. D’autres 
auteurs, tels que Dillwyn, Turton, Wood, après avoir admis une espèce dans le genre 
Donace, en rangeaient d’autres parmi les Mactres. 

À l'égard du groupe de Mollusques qui nous occupe, Lamarck n’a pas moins laissé de 
confusion dans la méthode que ses devanciers. L'espèce des mers d'Europe, confondue avec 


ET RE a S 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE MÉSODESME. 387 


des coquilles de divers genres, devint l’occasion d'un genre Donacilla, inscrit dans les ta- 
bleaux méthodiques, publiés en 1812, dans l'Extrait du cours. À cette époque, Lamarck ne 
donna aucune définition de ce nouveau genre; seulement on sut par tradition qu'il renfer- 
mait le Donax plebeia, de Montagu. Quelques années plus tard, Lamarck renonça à ce genre 
Donacille et le remplaca par celui auquel il imposa le nom d’Amphidesme. Ainsi , il est bien 
établi pour nous que le genre Amphidesme est l'équivalent du genre Donacille, depuis lors 
abandonné, et, pour s'en convaincre, il suffit de rappeler ce que Lamarck lui-même dit à 
ce sujet dans les observations relatives au genre Amphidesme : « Depuis assez longtemps, 
«dit notre savant naturaliste, j'avais établi ce genre (Amphidesme) dans mes cours, sous 
«le nom de Donacille (Extrait du cours, p. 107), parce que l'espèce que je connus d’abord 
“avait l'aspect d’une Donace. » {Lamarck, Anim. sans vert. t. V, p. 4go.) Nous rappe- 
lons les paroles mêmes de Lamarck pour que l'on sache bien que le genre Donacille n'avait 
plus aucune valeur. Ce n’était plus qu'un nom abandonné par son auteur, auquel il n’était 
plus possible de rattacher aucun genre quelconque. Ce qui prouve, au reste, que Lamarck 
n'avait pas d’abord considéré le genre Donacille comme un type, dans lequel le Donax ple- 
beia aurait occupé la première place, c'est qu'il range cette espèce dans son nouveau genre 
Amphidesme, et, de plus, c’est qu'il confond les espèces les plus voisines de celle-ci, soit 
parmi les Mactres, soit parmi les Crassatelles; 1l devient donc par là de la plus grande 
évidence que le genre Donacille ne peut être l'équivalent de notre genre Mésodesme, car 
Lamarck n’en a pas reconnu les caractères distinctifs. Quand même nous aurions voulu 
conserver le nom de Donacille au genre que nous nous proposions d'établir, nous ne l’au- 
rions pas pu sans entrainer une confusion fâcheuse dans la nomenclature , puisqu'en effet à 
ce nom de Donacille se rattachait, de l'aveu de Lamarck lui-même, l'idée d’un genre cons- 
titué, comme celui qui porte actuellement le nom d'Amphidesme. Or, notre genre Mé- 
sodesme, destiné à réunir des coquilles distribuées dans trois des genres de Lamarck, ne 
devait pas plus porter le nom de Donacille que celui de Mactre ou de Crassatelle. Si, en 
réformant le genre indigeste des Amphidesmes de Lamarck, les conchyliologues avaient 
consenti à prendre pour type l’Amphidesma donacilla, il aurait fallu tellement modifier le 
genre en question qu'il n'aurait plus répondu aux caractères les plus essentiels que La- 
marck lui imposa. Il fallait donc, de toute nécessité, en réunissant en un genre des coquilles 
dont les caractères étaient méconnus, lui donner un nom nouveau, car il n’en existait aucun 
dans l’ancienne nomenclature qui püût lui être appliqué sans inconvénient. Au reste, si un 
nom approprié se fût trouvé dans les ouvrages de Lamarck, le genre aurait été constitué, 
ce qui eût rendu le nôtre parfaitement inutile. 

Dans l’histoire de la conchyliologie, on trouve peu d'exemples d’un genre aussi nettement 
caractérisé que celui des Mésodesmes et dont les espèces aient été aussi smgulièrement ballot- 
tées dans des genres très-différents entre eux. Nous voyons Chemnitz le premier placer une 
espèce dans les Myes, une autre dans les Mactres. Get exemple est suivi par Schrôeter qui, 
de plus, en confond une parmi les Tellines. Gmelin admet sans difficulté l'arrangement de 
Schrôeter et y ajoute la confusion d’une mauvaise synonymie. Poli et Bruguière se con- 
tentent de réunir ces coquilles aux Mactres, tandis que, à la même époque, Spengler en 

A9. 


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388 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


mentionnait une parmi les Myes. Au commencement de ce siècle, Montagu fait passer l'es- 
pèce des mers d'Europe dans le genre Donax, opinion successivement adoptée par Matton 
et Rackett, par l’auteur de la seconde édition de Pennant, par Dorset, Dillwyn, Wood et 
même, jusqu’en 1842, par M. Fléming. Il aurait suffi au premier de ces auteurs ou à l'un 
d'eux d'ouvrir le Donax plebeia pour s’apercevoir que cette coquille n’a point les caractères 
du genre où Montagu l’a entraînée. Lamarck, comme nous l'avons vu , a compris deux de ces 
coquilles dans le genre Amphidesme, destiné à remplacer un genre Donacille; mais La- 
marck n’entraîine pas dans le genre Amphidesme toutes les espèces qu'il connaît; lune 
d'elles se trouve parmi les Mactres, quatre ou cinq autres parmi les Crassatelles. Déjà 
Dillwyn avait mis quelques espèces parmi les Mactres, ce que firent également Schweigger, 
Audoum et l’auteur du supplément de lIndex testaceologicus de Wood. La plupart des 
personnes qui publièrent les catalogues des espèces de l'Europe introduisirent parmi les 
Amphidesmes l'espèce commune dans nos mers, suivant en cela l'opinion de l’auteur 
des Animaux sans vertèbres. Parmi ces naturalistes nous pouvons citer MM. Payraudeau, 
Colard-des-Chères et Maravigna. Dans ses Mollusques de Naples, M. Scacchi, qui avait re- 
connu des coquilles analogues parmi les Crassatelles de Lamarck, demande avec doute si 
l'on ne doit pas comprendre dans ce genre le Donax plebeia des auteurs anglais. 

Les opinions que nous venons de rapporter ne sont pas les seules qui méritent d’être 
mentionnées. Nous voyons, en effet, dans le Genera of Shells, de M. Sowerby, le genre 
Érycine représenté par des coquilles qui appartiennent, sans le moindre doute, aux Amphi- 
desmes de Lamarck ou à ses Crassatelles. L'une d'elles est le Donax plebeia de Montagu. 
M. Sowerby donne ainsi la preuve qu'il n’a pas exactement reconnu les caractères du genre 
Érycine de Lamarck, puisqu'il prend pour elles des coquilles qui lui sont tout à fait étran- 
gères. Il était très-facile de réfuter l'opinion du zoologiste anglais qui, du reste, ne ren- 
contra d'autre imitateur que M. Sowerby le jeune qui, en 1842, dans son Manuel de con- 
chyliologie, reproduit encore lAmphidesme donacille comme le type du genre Érycine. 

À l'exception de quelques-uns, tous les ouvrages que nous venons de citer sont anté- 
rieurs à 1830, époque à laquelle nous proposâmes le genre Mésodesme, dans le second 
volume de l'Encyclopédie méthodique. Ce genre a eu pour but de rassembler, sous des carac- 
tères communs et parfaitement identiques, des coquilles qui avaient été distribuées, ainsi 
que nous venons de le rapporter. Elles avaient précédemment appartenu aux huit genres 
suivants, Mya, Mactra, Tellina, Donax, Donacilla, Crassatella, Amphidesma, Erycina; une 
fois rassemblées sous nos yeux, elles nous offrirent des caractères d’une telle identité qu'il 
était impossible de ne pas reconnaitre en elles un très-bon genre, très-différent de tous 
ceux dans lesquels les espèces avaient été dispersées ; aussi, à dater de cette époque, ceux 
des conchyliologues qui eurent connaissance de notre genre Mésodesme s'empressérent de 
l'adopter. Nous citerons particulièrement MM. Quoy et Gaimard qui, au retour de leur se- 
cond voyage de circumnavigation, nous communiquèrent avec une grande bienveillance 
l'animal de l'une des espèces qu'ils avaient recueillies dans les mers australes. Cette com- 
munication nous à permis de confirmer, par les caractères de l'animal, la valeur de ceux 
présentés par ces coquilles. Nous n’avons pu alors donner, de cet animal, une description 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE MÉSODESME. 389 


détaillée, mais nous pümes cependant apercevoir les différences qu'il offre avec les ani- 
maux des genres déjà connus. 

M. Philippi, dans le premier volume de son Enumeratio Molluscorum Siciliæ, n'ayant pas 
eu connaissance de notre travail sur le genre Mésodesme, tenta de reconstruire le genre 
Donacille de Lamarck, lui donnant pour type l'Amphidesma donacilla de ce naturaliste. 
Mais, depuis, il a abandonné ce genre Donacille, et il a adopté notre genre Mésodesme 
dans le second volume de l'ouvrage que nous venons de citer. Par un procédé très-étrange, 
M. d'Orbigny, dans le troisième volume des terrains crétacés de sa Paléontologie française, 
à l'occasion du genre Mésodesme, nous prête des opinions diamétralement opposées à celles 
que nous professons depuis longtemps. M. d'Orbigny pousse lassurance jusqu’à citer la 
page de la nouvelle édition des Animaux sans vertèbres de Lamarck, dans laquelle il pré- 
tend que nous considérons l’ancien genre Donacille de Lamarck comme équivalent de 
notre genre Mésodesme. « On pourrait se demander alors, dit M. d'Orbigny, pourquoi 
«M. Deshayes n’a pas conservé le genre Donacille, au lieu de lui donner un nom nouveau. 
« Suivant les lois d'équité que je me suis imposées, je crois devoir revenir au nom de Do- 
«nacille, donné d’abord par Lamarck. » On voit, par ce peu de mots, que l’auteur a voulu 
traiter d’une matière qui lui est parfaitement étrangère, car, pour peu qu'il se füt donné la 
peine de lire la page de l'ouvrage à laquelle il renvoie, il aurait vu que, loin de trouver 
semblables le genre Donacille et nos Mésodesmes, nous déclarons, de la manière la plus 
positive, que ces genres diffèrent autant que les Mactres, les Crassatelles, les Amphidesmes, 
dans lesquels nous avons puisé les premiers éléments de notre nouveau genre. On voit, au 
reste, à la manière dont M. d'Orbigny a parlé du genre Donaaille, qu'il en connait fort 
peu l'animal, quoiqu'il ait cherché à en présenter les caracteres. On pourrait même sup- 
poser qu'il ne connaît guère mieux les coquilles, puisqu'il les déclare inéquivalves, tandis 
qu’en réalité il n’en est pas une seule qui le soit. Ce qui prouverait la justesse de notre 
assertion, c’est qu'il ajoute que le ligament est interne et externe, que ce ligament externe 
est court, puis, qu'il pénètre en dedans et se loge dans un large cuilleron saillant. Or, dans 
tous les Mésodesmes, il n'existe qu'un seul ligament, qui est interne, et ce ligament est 
toujours logé dans un cuilleron étroit et profond, ce qui est bien différent de ce que 
M. d'Orbigny en dit. Il est donc à croire que les espèces inscrites sous le nom de Dona- 
cilles, dans la Paléontologie française, n'appartiennent point à notre genre Mésodesme. 

I ne nous suffisait pas de créer un nouveau genre, il fallait encore rechercher ses rap- 
ports les plus naturels dans la méthode. À voir l’ensemble de ses caractères, ce genre nous 
a paru intermédiaire entre les Mactres et les Crassatelles, formant un chaînon propre à rat- 
tacher deux genres qui, bien que placés dans la même famille par Lamarck, offrent cepen- 
dant, dans leur ensemble, des différences considérables. Les Mactres et les Crassatelles ont le 
ligament intérieur, voilà la raison pour laquelle Lamarck les place parmi ses Mactracées; les 
Mactres sont des coquilles généralement minces, ayant toujours des dents latérales, tandis 
que les Crassatelles sont épaisses, et toujours dépourvues de dents latérales. Les Mactres 
sont plus ou moins bâillantes; les Crassatelles, au contraire, sont parfaitement fermées. 
Mais il y a des caractères d’une plus grande valeur, qui semblent éloigner les Crassatelles 


390 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


de la famille des Mactracées. Dans les Mactres, en effet, l'impression palléale est toujours 
sinueuse du côté postérieur; elle est simple et entière chez les Crassatelles. Il est, dès lors, 
évident que l'animal des Mactres est prolongé en arrière par des siphons; il parait certain, 
au contraire, que, chez les Crassatelles, les siphons manquent ou sont très-courts. 

Nous apercevions, dans l'ensemble des caractères de notre genre Mésodesme, des nuances 
insensibles entre les genres que nous venons de comparer, et c'était pour nous un motif de 
l'introduire entre eux dans la famille des Mactracées. Nous trouvions, en effet, dans les 
Mésodesmes, des coquilles plus épaisses que celles des Mactres, mais conservant une char- 
nière analogue à celle de ce dernier genre. Elles ont un cuilleron médian, des dents laté- 
rales, mais elles ne gardent aucune trace de la dent cardinale en V caractéristique des Mactres. 
Nous trouvions, dans nos Mésodesmes, des coquilles parfaitement closes comme les Cras- 
satelles, et, sous le rapport de l'impression palléale , les Mésodesmes nous offraient cette 
particularité d’une diminution insensible et graduée de la sinuosité postérieure, qui dispa- 
rait dans quelques espèces. Tous ces caractères transitoires, écrits d’une manière si nette 
sur les Mésodesmes, étaient pour nous un excellent moyen de les rapprocher des Crassa- 
telles. Mais, pour établir définitivement les rapports entre les genres, il faut observer les 
animaux qui, souvent, présentant des caractères inattendus, viennent déranger les rappro- 
chements que l’on avait conçus d’après les coquilles seules; et ceci nous est arrivé au sujet 
des Mésodesmes, lorsque nous eûmes observé l'animal vivant de l’espèce qui habite les 
mers de l'Europe. 

Il faut se le rappeler, chez les Mactres, le manteau se prolonge en arrière, en deux si- 
phons réunis dans toute leur longueur. Dans les Mésodesmes, ces organes sont compléte- 
ment disjoints, et ce caractère lui seul suflit pour séparer profondément les deux genres; 
ils doivent appartenir à deux familles différentes, ainsi que M. Gray l’a senti lorsque, 
en 1840, il a proposé la famille des Mésodesmides dans son Synopsis du Musée britan- 
nique. Les observations que nous avons faites sur l'organisation du Mésodesme donacille 
nous ont donné la preuve de l'utilité de la famille proposée par M. Gray, et nous l’adop- 
tons ici pour la première fois. 

Dans l’ordre naturel, la famille des Mésodesmides ne devrait pas se trouver à la suite de 
celle des Mactracées. On peut dire, pour la caractériser en quelques mots, que les Mol- 
lusques qu’elle renferme sont des Donaces à ligament intérieur; il faudrait donc, pour bien 
comprendre les rapports naturels de cette famille, que les genres fussent arrangés sur des 
embranchements marchant parallèlement entre eux, de manière à pouvoir placer à la même 
hauteur, au même niveau, d’un côté les Donaces, et de l’autre les Mésodesmes. L’arrange- 
ment qu'il est possible de réaliser dans un tableau méthodique devient impossible quand 
il faut exposer dans un ouvrage une série de familles et de genres. 

Jusqu'ici nous ne connaissons aucune espèce de Mésodesme à l’état fossile dans les ter- 
rains tertiaires. M. d'Orbigny en mentionne deux dans les terrains crétacés, mais nous 
avons bien des raisons de croire que ces espèces n'appartiennent pas au genre en question. 
D'abord, M. d'Orbigny en a jugé d’après des moules, et, déjà pour lune des espèces, Me- 
sodesma compressa, elle n’est certainement pas du genre dans lequel elle est placée; car 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE MÉSODESME. 391 


dans tous les Mésodesmes la charnière est épaisse et puissante; elle est fortement accusée 
sur le moule, comme on peut le voir dans les moules artificiels de M. Agassiz. Or, sur celui 
figuré par M. d'Orbigny, le bord cardinal ne présente aucune trace de cette forte charnière; 
les impressions des muscles et du manteau, si nettement accusés dans les Mésodesmes vi- 
vants, ainsi que dans le moule artificiel, ne se montrent pas dans l'espèce de M. d'Orbi- 
gny. Quant à la seconde espèce, elle est plus bombée qu'aucune de celles que l’on connaît: 
ses crochets sont trop infléchis pour laisser la place des cuillerons, et nous n’apercevons, 
sur le côté antérieur, aucune trace de la dent latérale. Au reste, dans le genre qui nous 
occupe, le côté postérieur est toujours le plus court; c'est le contraire dans le Donacilla 
Coulon: de M. d'Orbigny. Nous sommes donc autorisé à déclarer que, dans notre persua- 
sion, aucune espèce de Mésodesme ne s’est encore rencontrée à l’état fossile. 


se 


Coquizze. — La forme dominante, dans les coquilles du genre Mésodesme, est la triangu- 
laire ; en cela, elle ressemble à celle des Donaces, à ce point que l’on pourrait confondre ces 


deux genres, si l’on s’en rapportait uniquement à ce caractère de la forme extérieure. Tous 
les Mésodesmes sont transverses, et si, dans le plus grand nombre, le côté postérieur est su- 
bitement tronqué, il en est quelques espèces chez lesquelles ce côté s’allonge, la troncature 
disparait insensiblement, et la coquille devient à peu près équilatérale. La forme générale, 
insensiblement modifiée, est devenue régulièrement ovalaire, de trigone que nous Favons 


vue d'abord. Tous les Mésodesmes, sans exception, sont équivalves, inéquilatérales ; le côté 
postérieur étant toujours plus court que l’'antérieur. La surface extérieure est généralement 


lisse; elle est revêtue d’un épiderme corné, luisant, assez solide; il dépasse peu le bord 
des valves, mais, le long du bord dorsal, en avant et en arrière des crochets, il passe d’une 


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valve à l’autre, et contribue ainsi à les clore parfaitement de ce côté. L’épiderme, implanté 


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le long du bord dorsal, s’épaissit quelquelois avec l'âge, à ce point de simuler un ligament 


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externe fort allongé; mais il est impossible de se méprendre sur la nature de ce faux liga- 


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ment, puisqu'il se montre indistinctement de chaque côté de la charnière. Dans les coquilles, 


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telles que les Amphidesmes, par exemple, chez lesquelles existe, en réalité, un double 
ligament, le ligament externe est toujours situé du côté postérieur, implanté sur des nym- 
phes plus ou moins apparentes. Nous trouvons la preuve de l'absence du ligament extérieur 


chez les Mésodesmes, non-seulement parce que l’épiderme qui le simule se prolonge, comme 
nous l'avons vu, en avant et en arrière, mais encore par l'absence de nymphes, ou de cal- 
losités propres à recevoir un véritable ligament. 

Aucune espèce de Mésodesmes, actuellement connue, ne nous a offert de côtes longi- 
tudinales. Quelques-unes seulement ont des stries transverses; toutes les autres sont lisses; 
presque toutes les espèces connues sont blanchâtres, grisätres ou légèrement transparentes 
comme de la corne. Une seule, celle de l'Océan d'Europe, est ornée de couleurs vives 
et variées. Les bords des valves sont simples, minces et tranchants; ils s'épaississent 
assez subitement vers l'intérieur; ils se joignent exactement dans toute la circonférence; 
ils ne présentent jamais ces fines dentelures que lon rencontre dans presque toutes les 
Donaces. Les crochets sont généralement médiocres et peu saillants; placés en arrière 


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392 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


dans le plus grand nombre des espèces, ils sont opposés, rapprochés, et à peine inclinés 
en avant. Le côté postérieur est toujours le plus court dans toutes les espèces, sans excep- 
tion, mais, dans celles qui ont une forme triangulaire, ce côté se raccourcit considéra- 
blement, et, dans l’une d’elles, il fait un angle droit avec l'axe transverse de la coquille. 
Les Mésodesmes ne nous offrent ni lunule, ni corselet nettement circonscrits. La surface 
interne est lisse, blanche, et l'on aperçoit, très-nettement empreintes, les impressions des 
muscles et du manteau. 

Les impressions musculaires sont assez grandes, presque égales, toutes deux, situées 
dans la région dorsale de la coquille, à peu près à égale distance de la charnière (pl. XXXIX, 
fig. 3 a, b); dans les espèces triangulaires, la postérieure se rapproche plus du point 
cardinal que dans les espèces ovales-oblongues. L’impression antérieure est ovalaire, sub- 
trigone ; elle est située de manière à diviser, à peu près en deux parties égales, la longueur 
du bord dorsal antérieur. Très-rapprochée du bord, son extrémité supérieure se prolonge 
au-dessous de lui, et cette prolongation est due à la présence, sur ce point, de l'impres- 
sion du muscle rétracteur antérieur du pied. L’impression postérieure est ovale ou subcir- 
culaire ; elle est située au-dessous et à l'extrémité du bord cardinal. Dans les espèces trian- 
gulaires, elle descend un peu plus dans la région ventrale que dans les espèces ovalaires. 
Ces impressions sont creusées profondément dans le test; en cela elles ressemblent à celles 
de la plupart des Crassatelles; impression palléale elle-même, habituellement superficielle, 
laisse une empreinte profonde, qui se découpe très-nettement sur la surface interne des 
valves. Il est des espèces chez lesquelles on reconnait la différence d'organisation des deux 
parties du manteau. Tout ce qui est en dedans de l'impression, correspondant par consé- 
quent à la portion mince de l'organe, est d'une couleur un peu différente de celle des 
bords et des impressions musculaires. On retrouve donc ici, d’une manière bien évidente, 
la preuve que le manteau, en exerçant ses fonctions d'organe sécréteur de la coquille, les 


accomplit un peu différemment sur les deux parties avec lesquelles il est en contact. L'im- 


pression palléale s'éloigne du bord des valves et se porte à l’intérieur; au côté antérieur 
elle s’infléchit en dedans, et elle laisse une partie du bord beaucoup plus large que dans le 
reste de son étendue; elle descend obliquement de haut en bas, et d'avant en arrière, pour 
gagner le bord ventral, après avoir quitté l'extrémité inférieure de l'impression musculaire 
antérieure. Cette disposition se manifeste particulièrement dans les espèces les plus trian- 
gulaires, dans le Mesodesma donacia par exemple. Dans les espèces ovalaires, l'impression 
reste plus exactement parallèle au bord ventral. Parvenue vers le niveau de l'impression 
musculaire postérieure, impression du manteau rentre sur elle-même et forme une sinuo- 
sité postérieure, variable selon les espèces, mais généralement petite, étroite, assez souvent 
subtriangulaire. C’est dans le Mesodesma donacia que la sinuosité palléale est la plus grande; 
elle est presque nulle dans le Mésodesme trigone, ainsi que dans lAustralis. Mais nous 
avons deux espèces ovalaires à test plus mince, et chez lesquelles la sinuosité palléale , très- 
étroite, s'avance, en suivant l'axe transverse, jusqu'au niveau de la charnière. 

La charnière, tout en conservant de l’analogie avec celle des Mactres et des Crassatelles, 
en diffère suffisamment pour caractériser le genre Mésodesme. Cette charnière se compose, 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE MÉSODESME. 393 


immédiatement au-dessous du crochet, d’un cuilleron étroit et profond, dont le bord est 


plus où moins saillant dans l'intérieur des valves. Sur ce cuilleron s'implante un ligament 
intérieur, étroit et épais. En avant s'élève sur chaque valve une dent cardinale plus ou 
moins épaisse selon les espèces, simple, oblique, quelquefois légèrement bifide à son 
extrémité. Il est des espèces chez lesquelles cette dent cardinale est réduite à l'état rudi- 
mentaire, Dans toutes celles que nous connaissons, nous en retrouvons au moins les traces; 
il y en a même chez lesquelles nous observons aussi le rudiment d’une dent cardinale 
postérieure, saillante le long du bord postérieur du cuilleron. Indépendamment de ces 
dents cardinales, il s'élève, de chaque côté de la charnière, une dent latérale, épaisse et 
solide, tantôt très-courte et simple, comme dans le Mésodesme austral, tantôt plus allon- 
gée et finement striée, comme dans le Mesodesma Jauresii de M. Joannis. Ces dernières 
espèces sont celles qui se rapprochent le plus des Mactres, tout en conservant cependant 
les caractères essentiels des Mésodesmes. 

Les Mésodesmes sont des coquilles d’un médiocre volume ; quelques-unes cependant 
deviennent assez grandes et acquièrent une épaisseur qui les rapproche des Crassatelles. 
Ce sont des coquilles littorales; elles peuplent en abondance les plages sableuses, où elles 
s’'enfoncent à une faible profondeur, en se servant pour cela d'un très-long pied lingui- 
forme qui, sortant par lextrémité antérieure de la coquille, creuse facilement le sable au 
moyen d’un mouvement vermiculaire très-rapide. Nous avons fréquemment trouvé l'espèce 
de la Méditerranée sur une petite plage peu éloignée de la station d'hiver, au-dessous du 
Fort-Génois, à quelque distance de Bône. Ce petit Mollusque habite particulièrement la ré- 
gion de la plage battue par la lame, mais qui, dans les temps calmes, est susceptible de 
rester à sec pendant plusieurs jours. Néanmoins ce Mésodesme, plongé dans un sable humide, 
ne change pas de place; on peut ainsi marcher, sans s’en douter, sur des milliers d’indi- 
vidus. Au reste, ce Mollusque ne se creuse pas une demeure bien profonde. On le trouve 
à quelques centimètres de la surface, et, en jetant du sable sur un tamis ou sur un filet 
à fines mailles, il est possible de recueillir un grand nombre d'individus. L'animal ne se 
montre jamais pendant l’ardeur du soleil; mais, si le ciel est couvert, on en voit fréquem- 
ment pousser leurs siphons à travers le sable et les épanouir à sa surface. Ayant eu des indi- 
vidus vivants sous les yeux pendant plusieurs jours, nous avons pu nous assurer que c'est 
surtout pendant la nuit que se meuvent le plus les Mésodesmes de la Méditerranée ; ils 
changent souvent de place ; pour cela, ils sortent de leurs trous et se laissent emporter 
par le flot, qui les entraîne à une petite distance ; là ils s'arrêtent et se creusent assez rapide- 
ment une nouvelle demeure pour ne pouvoir plus être entraînés par le flot qui succède à 
celui qui les a mis en mouvement. Quelquefois, au lieu de descendre sur la pente de la 
plage, ils y remontent, poussés par le flot qui s'avance. La facilité que ces animaux ont de 
remuer le sable leur permet de se creuser des galeries obliques et de reparaitre à la sur- 
face, assez loin du point où ils s'étaient enfoncés. 


ANIMAL. — L'animal des Mésodesmes conserve assez exactement la forme générale de la 
coquille. Il présente cependant quelques différences dans sa grandeur et dans son épais- 
Zoo. — Mollusques. 1. 50 

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394 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


seur, à cause du grand épaississement du test. Cet animal, par conséquent , est cunéiforme, 
aplati, parfaitement symétrique et contenu dans un manteau à lobes égaux, soudés, entre 
eux, dans la plus grande partie de leur circonférence, et prolongés, en arrière, en deux 
siphons d’une égale longueur, mais disjoints jusqu’à la base. Dans l'animal vivant, le man- 
teau sort de la coquille en avant et forme deux espèces d'oreillettes qui s'appliquent sur les 
parois du pied, lorsque l’animal porte en dehors l'organe du mouvement. En arrière, le 
manteau présente aussi un bord exertile qui s'applique, de chaque côté, à la base des 
siphons. (PI. XXXIX, fig. 5 d.) 

Le manteau des Mésodesmes est semblable à celui des Mollusques que nous connaissons 
déjà. Les lobes, parfaitement égaux et symétriques, sont réunis dans la plus grande partie 
de leur longueur. Ils laissent en avant une ouverture médiocre, du tiers environ de la demi- 
circonférence, à travers laquelle le pied peut passer facilement. (PI. XL, fig. 2 b, d.) D'un 
côté, cette ouverture est bornée par le muscle adducteur antérieur des valves, de l'autre, 
par une commissure qui s'établit à la jonction des deux lobes du manteau. La portion mince 
du manteau occupe la plus grande partie de la surface de cet organe; elle est d’une telle 
transparence qu’elle n’oppose aucun obstacle pour reconnaître la forme des organes qu’elle 
contient ; elle se détache très-haut du dos de l'animal et elle devient libre, après avoir 
contracté une adhérence solide au pourtour des muscles des valves. 

Le muscle circulaire du manteau est large, mais peu épais. Sa largeur s'accroît en avant, 
ce qui détermine la sinuosité que nous avons fait remarquer dans la trace de son adhé- 
rence à la coquille. (PI. XXXIX, fig. 11 a, a.) Ce muscle orbiculaire se comporte dans les 
Mésodesmes comme dans les autres Mollusques acéphalés dimyaires réguliers. Après avoir 
occupé toute la région ventrale du manteau, il vient s'appuyer, en avant et en arrière, à la 
circonférence des muscles adducteurs des valves, et c’est alors que, réduit de largeur, il 
s’avance sur le dos jusque vers la région de la charnière, où il se termine en pointe. Les 
lobes du manteau ne sont pas terminés à la circonférence par un bord unique ; chaque 
lobe a un double bord : un externe, qui s’applique exactement sur le bord de la coquille et 
reste caché sous l’épiderme; l’autre, interne, séparé du premier par un sillon aigu et assez 
profond. Ces bords sont simples et dépourvus de tentacules dans toute leur circonférence. 
C'est à la base du bord externe que s'attache la cloison transverse et étroite servant à 
Jomdre un lobe du manteau à son congénère. Notre Mésodesme présente, au sujet de la 
réunion des lobes du manteau, un fait assez curieux ; la commissure antérieure, au moment 
de sa bifurcation, se prolonge, dans toute l'étendue de l'ouverture antérieure, en un plimem- 
braneux qui en suit le contour. (PI. XL, fig. 2 b, b.) Indépendamment de ce pli saillant, 
l'ouverture palléale est pourvue d’un bourrelet plus épais, arrondi, placé très-près du bord 
libre du manteau et suivant exactement son contour. (PL XL, fig. 2 c, c.) Lorsqu'on a brisé 
la commissure du manteau, on remarque à l’intérieur de cet organe une longue valvule 
membraneuse qui s'appuie à la surface interne du muscle orbiculaire et s'étend depuis la 
commissure antérieure du manteau jusqu’à l'entrée du siphon branchial, (PI. XL, fig. 2 e, e.) 
Nous avons vu, dans les Mactres, deux valvules semblables et parallèles entre elles. Dans le 
genre que nous citons, les lobes du manteau étant désunis jusque vers l'entrée des siphons, 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE MÉSODESME. 395 


les deux valvules étaient nécessaires pour constituer un canal propre à diriger un courant 
aqueux vers le siphon branchial. Mais ici, les lobes du manteau étant réunis, une seule 
valvule de chaque côté était suffisante pour former le canal en question. Cette longue valvule 
membraneuse (pl. XLI, fig. 1 e,e; fig. 2 e) vient aboutir en arrière, au sommet de la 
cloison qui sépare l'ouverture interne des deux siphons. 


SIPHONS. — Les siphons des Mésodesmes vont nous offrir, comme dans les autres genres 


que nous avons déjà examinés, des caractères génériques précieux, caractères que l’on re- 
trouvera, sans aucun doute, dans les autres espèces du même genre, à mesure qu’elles 
seront étudiées sur le vivant. Comme nous l'avons vu, ces organes sont séparés dans toute 
leur longueur; ils se réunissent au manteau et viennent s'ouvrir dans une cloison qui réunit 
postérieurement les deux lobes de cet organe. Pendant la vie de l'animal, les siphons ne 
restent point parallèles ; le branchial semble continuer l'axe transverse, tandis que l’anal se 


recourbe fortement en arrière et en haut, formant, avec son congénère, un angle presque 
droit et courbant son extrémité en crochet plus ou moins ouvert, qui porte vers la région 
dorsale de la coquille ouverture dont il est percé à son sommet, (PI. XXXIX, fig. 1,2, 5,6.) 


Les siphons sont cylindriques, presque égaux en diamètre et en longueur. Cependant le 
siphon anal est un peu moins long et un peu plus étroit que le branchial ; leur ouverture 


terminale est également garnie de tentacules, mais ces tentacules sont différents dans l’un 


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et dans l’autre. Rien n’est plus élégant que ceux qui garnissent le siphon branchial ; ils sont 


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parfaitement symétriques ; il y en a huit de grands, également espacés, et huit de plus petits, 
situés dans l'intervalle des grands. Tous les tentacules sont coniques et profondément dé- 


coupés en longues digitations sur leur bord. Leur surface externe est creusée en gouttière; 


la surface interne est convexe, demi-cylindrique, et cette portion épaisse se prolonge en 13 
dedans du siphon sous forme de petite côte que l'on voit disparaitre insensiblement. (PI. XL, 
fig. 1 i, j.) Les tentacules se relèvent au-dessus de louverture du siphon et ressemblent à 
une véritable coupole d’une forme très-régulière. Les digitations, en s'étendant à droite et 
à gauche, laissent entre elles de très-petits espaces, à travers lesquels le liquide ambiant 
est obligé de passer pour pénétrer dans la cavité du manteau. (PI. XXXIX, fig. 10.) 
La terminaison du siphon anal est très-différente ; l'ouverture en est ovalaire; les bords, 
coupés en demi-cercle, se rapprochent latéralement, comme les lèvres d’une bouche, et 
non à la manière d’un sphincter, comme cela a lieu dans le siphon branchial. Aussi, pour 
se fermer, le siphon branchial ne diminue pas le diamètre de son ouverture, mais il rap- 
proche simplement lune de l'autre la lèvre du côté droit de celle du côté gauche. Cepen- 
dant, quand la contraction est violente, l’animal peut rapetisser considérablement l’ou- 
verture du siphon anal, qui alors se présente sous la forme d’une fente transverse. 
(PL XXXIX, fig. 9.) Au pourtour intérieur s'élève un bourrelet d’une médiocre épaisseur, . 
et sur ce bourrelet s’implantent, de chaque côté, douze tentacules cylindracés, courts, 
obtus au sommet, et inégaux. Ceux qui sont vers les commissures sont les plus petits; on 


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les voit s’accroitre graduellement jusqu’au milieu des lèvres. (PL. XXXIX, fig. 7, 8.) 
Les organes dont nous venons de parler ont une coloration peu variable, d’un blanc 
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396 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


laiteux légèrement teinté de jaune; ils sont demi-transparents; le siphon branchial seul 
présente sur le bord, dans l'intervalle des tentacules, une tache d’un beau jaune orangé 
plus où moins foncé selon les individus. Chez les individus les plus colorés, ces taches 
s'étendent un peu en dehors du siphon, et garnissent toute la circonférence de son ouver- 
ture. Nous avons observé quelques individus chez lesquels l'extrémité des digitations des 
tentacules était légèrement nuancée de jaune orangé. 

L'ouverture intérieure des siphons est simple, dégarnie de valvules. Cependant, au pour- 
tour de celle du siphon anal, s'élève un pli membraneux, assez large, auquel s'attache 
l'extrémité postérieure de la branchie. Ce pli membraneux, produit par le manteau, plus 
saillant, d'abord, lorsqu'il traverse le muscle adducteur postérieur des valves, s’élargit subi- 
tement sur le pourtour du siphon anal, et il peut ainsi s’avancer au-devant d’une branchie 
courte en arrière. (PL XL, fig. 1 r, r, m.) Une cloison peu épaisse et transverse sépare le 
siphon anal de son congénère. (PI. XL, fig. 1 #; pl. XLI, fig. 1, i. } C'est vers cette cloison 
que se concentrent les faisceaux fibreux d’un petit muscle rétracteur des siphons, qui se 
détache de chaque côté, et s’avance médiocrement dans la portion mince du manteau. 
(PL XL, fig. 1 À, k; pl. XXXIX, fig. 11 à; pl. XLIT, fig. 1 f.) 

Lorsqu'on détache un animal de sa coquille, et qu’on le fait flotter dans l'eau, on peut 
étudier alors les membranes considérables et diversement contournées, qui s'élèvent dans 
toute la longueur du dos. Ces membranes sont destinées à s’introduire entre les dents de la 
charnière ; aussi elles en représentent exactement tous les contours. Les membranes du 
côté antérieur sont séparées des postérieures par une profonde échancrure médiane, dans 
laquelle pénètrent le cuilleron et le ligament; en avant et en arrière, on reconnait très- 
facilement la place que doivent occuper les dents latérales. (PI. XXXIX, fig. 11 d, d; 
pl. XL, fig. 2 j, k, L.) 


MASSE ABDOMINALE. — La masse abdominale est peu considérable; elle occupe la région 
moyenne et antérieure de la coquille, très-comprimée de chaque côté; elle est enveloppée 
dans des parois fibreuses, qui, en s'allongeant en avant, donnent naissance à l'organe du 
mouvement. (PI. XLI, fig. 2 b.) 

Le pied est fort grand, triangulaire, linguiforme; il passe par l'extrémité antérieure de 
la coquille, et s’allonge quelquefois au point de l'égaler en longueur. Il est très-comprimé 
de chaque côté; son bord ventral tranchant, son bord dorsal un peu plus épais, donnent à 
l'organe du mouvement les dispositions les plus convenables à l'accomplissement de ses 
fonctions. On comprend, en effet, avec quelle facilité doit pénétrer dans le sable une lame 
charnue, très-mince, susceptible des mouvements les plus divers. (PI. XXXIX, fig. 1, 2 
b, b; fig. 6.) Le pied contracté a un peu plus d'épaisseur, et il présente une forme trian- 
gulaire; dans cet état, il est contenu tout entier dans la coquille. (PI. XXXIX, fig. 11 7; 
pl. XLI, fig. 1,2 a, a.) Éminemment fibreux, l'organe du mouvement est formé de mus- 
cles nombreux, très-petits, enchevêtrés les uns dans les autres, et présentant des direc- 
tions très-diverses. Les faisceaux fibreux du côté antérieur se réunissent en un muscle 
bifurqué qui va s'attacher à la coquille, en arrière et en haut du muscle adducteur anté- 


CLASSE PREMIÈRE. -- GENRE MÉSODESME. 397 


rieur des valves. En arrière, un muscle semblable prend naissance de la base du pied; 
mais il est beaucoup plus long que l'antérieur, et il vient s’insérer à la coquille, à l’extré- 
mité supérieure du muscle adducteur postérieur des valves. (PI. XL, fig. 2 n, q.) 

Les muscles adducteurs des valves sont d’un médiocre volume dans notre petite Méso- 
desme de la Méditerranée. Si l’on détache l'animal frais de sa coquille, ces muscles ne se 
distinguent par aucune coloration spéciale; mais, si l'animal a été macéré plus ou moins 
longtemps dans l'alcool, les muscles des valves ont acquis une coloration d’un brun jau- 
nâtre assez foncé, qui les rend très-apparents à la surface plus pâle de lanimal. Le muscle 
antérieur est allongé, étroit, subpiriforme ; il est légèrement courbé dans sa longueur. 
Son extrémité antérieure et inférieure est large et obtuse, la supérieure postérieure est 
étroite et pointue. Ce muscle est formé d’un assez grand nombre de faisceaux nettement 
séparés par des cloisons celluleuses, au nombre de cinq ou six; Mais, indépendamment de 
cette structure, il présente une autre particularité assez remarquable : la partie externe et 
supérieure des faisceaux musculaires est d'un brun plus foncé que le reste, et cette por- 
tion d’une autre couleur, nettement circonscrite, paraît avoir une organisation différente. 
Nous verrons un phénomène analogue dans une autre série de Mollusques acéphalés, dans 
ceux nommés Monomyaires, parce que les valves ne présentent qu'une seule impression 
musculaire subcentrale. (PI. XXXIX, fig. 11 e; pl. XL, fig. 2 g; fig. 3 d.) Le muscle 
postérieur a une section tout à fait circulaire; il est cylindrique, assez gros, et il occupe 
l'extrémité supérieure et postérieure de l'animal. Composé, comme son congénère, d’un 
grand nombre de faisceaux musculaires, il n’en a point d’une couleur différente, ce qui 
nous fait croire à une plus grande uniformité dans la constitution organique de ses fibres. 
L'un et l’autre de ces muscles sont entourés de toutes parts d’une gaïîne membraneuse, 
produite par le manteau, et n’admettant aucune communication avec le dehors, si ce n’est 
par l'intermédiaire des nerfs et des vaisseaux. Les muscles adducteurs sont tous deux 
contenus dans la région dorsale de l'animal, c'est-à-dire qu’en tirant une ligne qui le par- 
tagerait transversalement en deux moitiés égales, les muscles appartiendraient à la moitié 
supérieure ou dorsale. 


ORGANES DIGESTIFS. — Le système digestif, dans les Mésodesmes, va nous offrir quelques 
particularités dignes d'intérêt. La bouche est située, comme à l'ordinaire, dans l'angle pro- 
fond résultant de la jonction du muscle adducteur antérieur des valves avec la base du pied. 
Cette bouche occupe un petit espace, au milieu d’une surface plane, que lui prête l’ex- 
trémité du muscle adducteur. Ovale- transverse, cette bouche est d’une médiocre étendue: 
elle est garnie d’une lèvre supérieure et d’une imférieure, toutes deux membraneuses, assez 
courtes. La supérieure est un peu plus large que l’autre, et elle présente ce fait singulier 
d’avoir son bord renversé en dedans, et de présenter, dans son épaisseur, une petite poche 
peu profonde, simulant une seconde bouche. Cette ouverture étant transverse, arquée en 
croissant, est située à une petite distance de la bouche véritable. La lèvre inférieure s’ap- 
plique sur le dos du pied; elle est étroite, et se continue promptement avec la palpe 


labiale interne. (PI. XLI, fig. 2 e, f.) 


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398 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


Les palpes labiales ont des caractères dont nous n'avons pas encore vu d'exemple; elles 
sont petites, subtriangulaires; les palpes externes sont entièrement soudées au manteau ; 
elles ne peuvent s’en détacher. Elles sont formées d’une douzaine de plis membraneux 
très-minces, parallèles, légèrement onduleux, et que l’on voit disparaitre insensiblement 
dans l'épaisseur du manteau. (PI. XLI, fig. 2 g, g.) Le bord antérieur de ces organes est 
droit, et vient se mettre en continuité avec la lèvre supérieure. Les palpes internes 
sont plus petites que les externes; elles sont ovales, triangulaires, attachées aux parois de 
l'abdomen, et libres seulement dans une petite portion de leur étendue. (PL. XLI, fig. 2 
h, h.) Ordinairement les surfaces internes des palpes labiales sont dans le contact le plus 
immédiat; mais, dans notre Mésodesme, la branchie s’interpose dans toute leur largeur, 
et à peine si une petite portion de leurs bords peut se toucher. Il nous paraît de quelque 
utilité d'insister sur cette particularité remarquable de la palpe externe, entièrement con- 
fondue avec le manteau. Cela nous servira à donner la démonstration que les palpes labiales 
les mieux détachées sont produites par une expansion du manteau, dont une surface se 
plisse pour constituer les feuillets membraneux qui parcourent la surface interne de ces 
organes. Le problème parait compliqué dans un grand nombre de Mollusques; ici il se 
simplifie, et il suffit d’une section du manteau comprenant la palpe externe, pour faire 
voir que les plis de la surface interne se continuent , sans interruption, avec la duplicature 
interne du manteau lui-même. 

Un œsophage assez large commence à la bouche et se dirige obliquement vers l'estomac; 
ce canal est assez large, comprimé du haut en bas, membraneux et simple, il traverse une 
partie considérable du foie et vient s'ouvrir à l'extrémité antérieure d’un estomac assez 
grand et subtriangulaire. L'ouverture cardiaque de l’œsophage est ovalaire, et elle est ca- 
chée en partie derrière un pilier fibreux, transverse, gros et cylindroïde, tenant la place 
de la grande cloison supérieure que nous avons fait remarquer dans l'estomac des Lutraires 
et des Mactres. L'ouverture stomacale de cette première partie du tube digestif n’est pas 
simple ; ovale-transverse, elle est munie de lèvres épaisses, découpées en mamelons assez 
gros, chargés de papilles, et formant ainsi un bourrelet ovalaire autour de l'ouverture sto- 
macale de l'œsophage. 

I est très-difficile de dégager l'estomac du foie qui l'enveloppe et qui s'attache à ses pa- 
rois. Pour juger de sa forme, il faut faire sur l'animal entier une section longitudinale qui 
le partage en deux moitiés égales. Une section transverse n’est pas moins utile pour donner 
une idée de lépaisseur de l'organe en question. On comprendra alors que dans un animal 
aussi aplati que celui dont nous nous occupons, l'estomac ne peut être un organe globuleux; 
il est comprimé latéralement comme celui des Pandores, et sa forme générale est triangu- 
laire. Mais ce qui lui donne un caractère particulier, c’est qu'il est creusé, en arrière, de 
deux culs-de-sac profonds : l'un, correspondant à la région dorsale de l'animal, s'avance dans 
la direction de la dent latérale antérieure; l’autre est situé au-dessous d’une grande ouver- 
ture circulaire, donnant entrée à un grand cæcum stomacal. (PI. XL, fig. 2, 3.) Les parois 
de l’estomac sont lisses et présentent peu d’anfractuosités. Cependant, au-dessus de l’æso- 
phage, on en remarque quelques-unes produites par les cryptes biliaires, qui viennent 


rs 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE MÉSODESME. 399 


s'ouvrir à l'extrémité antérieure de l'estomac. Ces cryptes, assez larges et profonds, s’en- 
foncent dans l'épaisseur du foie, et, si on les ouvre, on trouve leurs parois criblées de 
perforations, résultant de l'abouchement des nombreux vaisseaux biliaires qui s'y rendent. 

À la partie supérieure et inférieure de l'estomac se montre une grande ouverture ovale, 
subcirculaire, circonscrite presque partout par un bord tranchant et saillant. (PL. LX, fig. 2 
!; fig. 3 L.) Cette ouverture est celle du grand cœcum stomacal. En supposant l'animal placé 
sur le ventre, le cœcum de l'estomac descend perpendiculairement de haut en bas, et il se 
dirige vers l'angle postérieur du pied. Parvenu à une faible distance de la paroi de l’or- 
gane locomoteur, il se termine par une extrémité obtuse, dont le diamètre est beaucoup 
moindre que celui de l'ouverture ; aussi, dans son ensemble, le cœcum stomacal n’est point 
cylindrique, mais conoïde. Si on l’ouvre dans sa longueur, on lui trouve une surface lisse 
et brillante, plus résistante que celle de l'estomac, et qui semble revêtue d’une couche gé- 
latineuse très-mince. Cette portion considérable de l’estomac occupe le côté gauche de la 
masse abdominale, tandis que l'intestin se développe principalement dans le côté droit. 
Cette disposition est cause que, dans une section médiane de l'animal, on laisse l’intestin 
enter, et l’on divise le cœcum stomacal en deux lambeaux inégaux, justement parce qu'il 
n'est pas symétrique. Les parois du cæcum stomacal ne sont pas d’une épaisseur uniforme ; 
le côté droit est mince et membraneux ; le gauche est plus épais, et on y remarque un sillon 
assez profond qui s’avance jusque vers le bord de l'ouverture, y produit une échancrure 
étroite, et est accompagné d’un petit bourrelet; ce bourrelet parcourt les parois de l’esto- 
mac jusqu’à l'entrée des cryptes biliaires. (PL XL, fig. 2 t; fig. 3 L.) 

Le tube intestinal prend naissance à la paroi gauche de l'estomac, un peu au-dessus de 
l'ouverture du cæœcum. L'ouverture pylorique, infundibuliforme, est entourée d’un pilier 
charnu assez épais, devant remplir l'office de sphincter. (PI. XL, fig. 3 1.) L'intestin se 
porte en se courbant vers le bord libre du pied, et, parvenu vers l'extrémité du cœcum sto- 
macal, se courbe de nouveau en arrière et en bas et se rapproche du bord postérieur de 
l'organe du mouvement. Dans ce trajet, il a tracé un peu plus d’un demi-cercle; parvenu 
à ce point, 1l commence quelques circonvolutions d’une très-petite étendue, et arrive ainsi 
derrière la cloison de l'abdomen qui correspond au péricarde; il s'avance près de l’angle 
supérieur de cette cloison, il la traverse, passe à travers le péricarde, s'appuie sur la 
face supérieure de l'organe dépurateur, se glisse entre le muscle du manteau et le muscle 
adducteur des valves, et enfin pénètre à la parte supérieure et la plus reculée du siphon 
anal, où 1 se termine en un anus très-court. Le tube intestinal n’a pas le même diamètre 
dans tout son trajet. Gros au sortir de l'estomac, son diamètre diminue insensiblement 
Jusqu'au moment où commencent les circonvolutions. 

Le foie est d’un vert très-intense, lorsque l'animal est frais, mais s’il a été plongé pendant 
un terups assez court dans l'alcool, cet organe perd sa couleur, et il devient d’un jaune fauve, 
légèrement verdâtre. Très-volumineux, le foie est quadrangulaire , un peu trapézoïde, ce 
dont il est facile de juger par la section longitudinale de l'animal. (PL XL, fig. 2 u,v; 
fig. 3 j.k.) Le grand diamètre de l'organe est antéro-postérieur; un de ses angles , l'anté- 
rieur, correspond à la bouche; l'autre, en arrière, s'étend jusqu'à la région du cœur; le troi- 


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400 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


sième, ventral, gagne le sommet du cœcum stomacal; enfin, le quatrième, dorsal, aboutit 
à la région cardinale. L’œsophage, l'estomac, son appendice cœcal et presque tout le tube 
intestinal sont enveloppés par le foie. La grande étendue de cet organe et la brièveté de 
l'intestin annoncent chez le Mésodesme une digestion très-active, ce qui est nécessaire, on 
le comprend, pour satisfaire à la sécrétion d’une coquille aussi épaisse pour un animal d’un 
très-petit volume. 

Nous n'avons presque rien à dire de la structure intime du foie. Les observations que 
nous avons rapportées, en traitant des genres précédents, peuvent s'appliquer à l'animal qui 
nous occupe; en effet, l'organe biliaire de notre Mésodesme est composé d’un nombre 
considérable de très-grands follicules, assez grands pour être vus à l'œil nu. Implantés sur 
les vaisseaux biliaires dans lesquels ils s'ouvrent, les follicules ont la forme de petites vé- 
sicules, allongées, cylindroïdes, obtuses à leur extrémité libre et se terminant en un bec 
effilé qui s'ouvre dans le vaisseau biliaire. 


ORGANES DE LA GÉNÉRATION. — Nous n’aurons presque rien à dire non plus des organes 
de la génération. Nos Mésodesmes ayant été recueillis dans un moment où la ponte était 
accomplie, les ovaires étaient, si ce n’est vides, du moins à peine remplis; nous y observons 
une matière blanche formée de granulations excessivement fines, uniformes et transparentes, 
lorsque la matière de l'ovaire a été réduite à une très-faible épaisseur, au moyen du com- 
presseur. L'organe mâle est probablement confondu avec l'ovaire, car nous y avons observé 
un grand nombre de spermatozoïdes. Ces animalcules ont besoin d'un très-fort grossis- 
sement pour être vus; animés d’un mouvement lent et onduleux, ils ont en avant un 
renflement ovoïde, aplati, transparent, terminé en arrière par un appendice caudal très- 
grêle et fort court. 


ORGANES DE LA GIRGULATION. — Les organes de la circulation nous sont peu connus dans 
leurs détails. Le cœur, situé dans la région cardinale de l'animal est enveloppé d'un péri- 
carde situé au-dessous des grandes membranes destinées à la sécrétion du ligament et de 
la charnière. Dans son ensemble, la cavité du péricarde est imfundibuliforme (pl. XLI, 
fig. 3), plus large en avant qu’en arrière; sur sa paroi supérieure, comme nous le disions, 
reposent les membranes du centre de la charnière; ses parois latérales sont consolidées par 
les feuillets branchiaux, qui se relèvent jusque dans la région dorsale. La surface inférieure 
s'appuie en grande partie sur l'organe dépurateur; elle se relève obliquement en avant, et, 
dans cette partie oblique, elle est formée par la paroi abdominale. 

Le cœur occupe le centre de la cavité dont nous venons de parler. Cet organe, parfaite- 
ment symétrique, est formé d’un ventricule et de deux oreillettes. Le ventricule est fusiforme 
(pl. XLE, fig. 38 5; pl. XLIT, fig. 1 g; pl. XE, fig. 4 a), ilest lisse, très-gros et il reçoit de chaque 
côté le sommet d’une oreillette triangulaire, aplatie, membraneuse, que lon voit se diriger 
obliquement, du haut en bas, vers les organes de la respiration. (PL. XLI, fig. 37, j; pl. XLI, 
fig. 1 f, f; pl. XL, fig. 4 c, c.) Tout cet appareil principal de la circulation présente exac- 


tement la même structure et la même disposition que dans la plupart des Mollusques que 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE MÉSODESME. AO01 


nous avons décrits précédemment. L’extrémité antérieure du ventricule se prolonge en une 
aorte d’un petit volume, qu'il nous a été impossible d’injecter avec succès. Ce que nous en 
avons vu nous fait croire que la disposition générale de ce vaisseau se rapproche beaucoup 
de ce que nous l'avons vu dans les Mactres, les Lutraires et plusieurs autres genres analogues. 
Nous n'avons pas suivi davantage l'aorte postérieure et nous n'avons aperçu , dans le manteau, 
aucune trace d’un système vasculaire quelconque. Nous nous trouvions dans une position 
semblable à l'égard des Mactres, lorsque nous fimes la découverte du magnifique réseau 
vasculaire, artériel et veineux, qui couvre toutes les parties de cet organe membraneux. 


ORGANES DE LA RESPIRATION. — Les organes de la respiration présentent une disposition 
parüculière dans le genre qui nous occupe. Il existe, comme à l'ordinaire, deux feuillets 
branchiaux de chaque côté, mais ils sont très-mégaux ; l'interne, le plus grand, commence 
par une pointe obtuse qui s’allonge entre les palpes labiales, jusqu'au voisinage de lou- 
verture buccale. (PI. XXXIX, fig. 11 l; pl. XLI, fig. 1 n; fig. 2 &.) Ce feuillet branchial 
s'élargit assez vite, cache une grande partie de l'animal et du pied, s'attache très-haut sur 
les parties latérales du corps; parvenu au bord postérieur du pied, il rencontre le feuillet 
du côté opposé, s'attache à lui solidement ; ils descendent en commun en avant du siphon 
anal jusqu’à l'entrée du siphon branchial. Les feuillets externes sont de moitié plus courts 
que leurs congénères. [ls commencent en avant à une ligne perpendiculaire, s'étendant de- 
puis la région cardinale jusqu'au bord ventral. (PL XXXIX, fig. 11 m; pl. XLI, fig. 1 o; 
pl. XLIT, fig. 1 b, b.) Dès son origine, cette branchie se trouve aussi large que l'interne; 
mais ce qui est très-remarquable, c’est qu'au lieu de s'insérer sur les parties latérales du 
corps, elle s'attache obliquement sur la branchie interne, en laissant en arrière un grand 
appendice triangulaire qui remonte librement dans la partie la plus haute de la cavité 
palléale. (PL XLI, fig. 3 2, À; pl. XL, fig. 1 c; pl. XL, fig. 1e, e.) En examinant cette 
branchie superficiellement , on pourrait croire qu’elle est composée de trois feuillets inée- 
gaux; mais une observation plus attentive fait voir que le grand appendice des feuillets 
externes correspond à ceux que nous avons fait remarquer dans un assez grand nombre de 
genres et particulièrement dans les Mactres et les Pandores; seulement ici 1l est différent 
par sa position et son étendue. Dans les Mactres, en eflet, cet appendice règne dans toute 
la longueur du bord externe du feuillet branchial externe. Ici le feuillet externe, au lieu 
d’être parallèle à son congénère, prend une position oblique, et c’est le long de cette in- 
sertion oblique que se détache le large bord dont nous venons de parler. Il résulte de ce 
que nous venons de rapporter que l'organe branchial a subi des modifications plus appa- 
rentes que profondes; et ce qui le prouve, c’est que nous retrouvons toutes les parlies qui 
les constituent, dans les autres genres de Mollusques. 

Dans l'animal vivant, l'extrémité postérieure des branchies est solidement soudée au pour- 
tour du siphon anal, au moyen d’un petit bord membraneux que nous avons fait connaître 
dans presque tous les Mollusques acéphalés, dont nous nous sommes déjà occupé. Dans le 
Mésodesme, les membranes en question sont assez saillantes , au moment où elles traversent 
le muscle adducteur postérieur des valves. Mais, au-dessous de ce muscle et surtout sur la 


Zooz.— Mollusques. 1. LE 


L02 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


cloison qui sépare les deux siphons, ces membranes s’élargissent et ressemblent à une grande 
valvule, lorsque la branchie en est détachée. (PI. XL, fig. 1 m, n.) L'animal mort, la 
branchie se sépare spontanément de la membrane qui la retient en la relevant; en dessus, 
on aperçoit, à sa face inférieure, les quatre rangées de perforations qui se retrouvent dans 
tous les appareils branchiaux complets. (PL. XL, fig. 1 c.) En suivant le dessous des 
branchies, on retrouve, pour chacun des feuillets, cette double série des cloisons desti- 
nées, comme nous le savons déjà, à recevoir les œufs au moment de leur incubation bran- 
chiale. Les perforations sous-branchiales présentent, entre elles, de grandes différences, 
selon qu'elles appartiennent aux feuillets internes ou aux feuillets externes de la branchie. 
Ces derniers étant minces et très-aplatis, leur bord supérieur se trouve très-étroit, et les 
cloisons elles-mêmes participent à l'aplatissement général de l'organe, car elles finissent 
bientôt par disparaitre, et laisser en contact immédiat les deux parois du feuillet branchial. 
Alors une section transverse fait voir que les deux parois se soudent l’une à l’autre, de dis- 
tance en distance, en laissant ouverts de longs canaux où les œufs s'accumulent. (PI. XLV, 
fig. 3 e, e, f, f.) Au-dessous du feuillet branchial externe, nous trouvons un canal aqui- 
fère très-large, mais très-aplati, formé par la soudure de son long appendice à la partie 
dorsale du manteau, près du point où il se soude à la surface du corps. Pour apercevoir 
les perforations qui sont à la base du feuillet branchial externe, il faut renverser en dehors 
le long bord membraneux, et alors les perforations apparaissent au point où ce bord se 
continue avec la surface externe du feuillet branchial externe. 

Il existe également un canal aquifère sous le feuillet branchial interne ; pour l’apercevoir 
il faut renverser la branchie en dehors, en tenant l'animal suspendu par le pied. Cette 
branchie étant fixée trés-haut vers le dos de l'animal, et la ligne de son insertion étant 
smueuse, 1l en résulte que l’on éprouve quelque peine à observer son bord supérieur. Pour 
bien voir celui-ci, il faut même détacher la branchie du corps, et c’est alors que l’on constate 
que ce feuillet interne a une épaisseur triple au moins de l'externe. Les cloisons sous- 
branchiales sont larges, également espacées, et la série que l'on voit sur les parties laté- 
rales du corps se continue, dans la même proportion, sur l'extrémité libre des organes 
branchiaux. (PI. XL, fig. 4 g, g; pl. XLII, fig. 2 c, c.) 

Si nous examinons actuellement la structure de l'organe de la respiration, nous Jui trou- 
vons la plus grande analogie avec celle des Mactres, des Lutraires, des Pandores, etc. 
Lorsque l'animal n’est pas contracté, la surface de la branchie est lisse; dans la contrac- 
tion, la branchie est assez régulièrement plissée, surtout à son extrémité postérieure. Les 
plis n’ont pas la même direction dans les deux feuillets : ils sont transverses dans le feuillet 
interne, et obliques dans l'externe. (PI. XLI, fig. 1 n, 0.) 

Chaque feuillet branchial, comme nous le savons déjà, est formé de deux parois ratta- 
chées l’une à l'autre par les cloisons sous-branchiales, et chaque paroi est elle-même com- 
posée de deux plans vasculaires, noyés dans un parenchyme jaunâtre et granuleux. On a 
quelque peine à apercevoir le système vasculaire des branchies, lorsque l'organe est frais 
et n’a subi aucune altération; mais si on le laisse macérer pendant un temps assez court, 


toute la matière parenchymateuse se détache, et alors on a sous les yeux un réseau vascu- 


CLASSE PREMIÈRE. —_ GENRE MÉSODESME. 103 | 


laire, à mailles très-petites, d’une transparence parfaite et d’une admirable netteté. Les | 
vaisseaux longitudinaux sont d’une extrême finesse , très-rapprochés entre eux, et paral- | 
lèles ; ils communiquent entre eux par le moyen de vaisseaux transverses, qui s’abouchent al 
à leurs parois latérales à des distances régulières. Par cette disposition, ce double système 
vasculaire établit dans chaque paroi branchiale des mailles quadrangulaires, plus longues 
que larges, et d’une parfaite régularité. (PL. XLE, fig. 4, 5.) LE 

En étudiant l'organe branchial sur l'animal vivant, on s'aperçoit qu'il est couvert d’une 
immense quantité de cils vibratiles, disposés en lignes longitudinales aussi nombreuses | 
que les vaisseaux eux-mêmes, et correspondant à chacun d’eux. Aussi, en portant sous le 
microscope des lambeaux vivants de l'organe branchial, on voit souvent des fragments de 
cet organe animés de mouvements rapides et divers, comparables à ceux des infusoirs. 
Lorsque l'animal est mort depuis peu de temps, on parvient quelquefois à détacher de la 
surface branchiale les filaments qui portent les cils vibratiles. Ces filaments sont d’une trans- 
parence parfaite; aussi, en les examinant sous un grossissement microscopique de trois à 
quatre cents diamètres, les cils vibratiles dont ils sont couverts apparaissent seulement sur 
les bords , sous la forme de stries transverses, d'une parfaite régularité. {PL XLIT, fig. 6.) 


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Re ss 2. 


Dans un individu qui a servi à nos observations, nous avons trouvé les crêtes portant les 
cils vibratiles parfaitement en place dans une partie de la branchie, et prêts à se détacher 
spontanément dans une autre. Il nous est devenu plus facile, au moyen de cette préparation 
naturelle, de nous assurer que les filaments vibratilifères sont placés à la surface des vais- 


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seaux eux-mêmes. {PL XLII, fig. 5.) 


rt nr pre PUR die. 


La présence de cils vibratiles à la surface des branchies n’est point un fait nouveau dans 
la science; aussitôt que les zoologistes en ont eu connaissance, ils ont facilement compris 
l'usage de ces organes, destinés particulièrement à favoriser le déplacement du liquide 
ambiant, à la surface de l'organe de la respiration. Mais cette fonction n’est pas la seule 
que les cils vibratiles remplissent; nous avons fait, à ce sujet, plusieurs observations sur nos 
Mésodesmes vivantes, et nous avons vu que les cils vibratiles concouraient à retenir dans les 
plis branchiaux, et à diriger en avant, vers les palpes labiales, tous les aliments apportés 
dans l'intérieur du manteau par le courant d’eau continuel que le siphon branchial y 
détermine. Nos observations sur les cils vibratiles ont également cet intérêt particulier, 
que nous avons constaté que ces organes sont disposés par lignes longitudinales, et non 
irréguliérement disséminés à la surface. 

Le parenchyme contenu dans lépaisseur des parois branchiales a souvent la propriété 
de se détacher en filaments cylindroïdes, dont la largeur est exactement égale à linter- 
valle de deux vaisseaux longitudinaux. (PI. XLI, fig. 4.) Si lon met un fragment de la 
branchie entre deux lames de verre, avant que le parenchyme soit enlevé, et qu’on sou- 
mette cette préparation à un grossissement de trois cents diamètres, on reconnaît dans le 
parenchyme une matière jaunâtre, transparente, qui semble gélatineuse, et qui paraît cons- 
tituée de grumeaux irréguliers, dont les plus distincts sont appliqués le long des parois de 
ces deux vaisseaux. (PL. XLT, fig. 5.) Une membrane très-mince, transparente comme du 
cristal, sert à la fois à lier les vaisseaux longitudinaux entre eux, et à fournir un point 


51. 


AO HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


d'appui à la portion de parenchyme que nous avons vue se détacher en filaments cylin- 
droïdes, et qui fait partie de la surface externe des feuillets branchiaux. 

Il n’est pas nécessaire que nous reproduisions ici les phénomènes de la circulation 
dans l'organe branchial. Les faits que nous avons rapportés, au sujet de cette fonction, en 
traitant des genres précédents, nous permettent de ne pas insister davantage sur un animal 
que nous n'avons pu injecter à cause de sa petitesse. 


ORGANE DÉPURATEUR. — L’organe dépurateur est peu considérable chez les Mésodesmes. 
D'un blanc jaunâtre ou rougeâtre, il se distingue assez difficilement des organes qui l'envi- 
ronnent. Situé en arrière du péricarde, il est soutenu par les muscles rétracteurs posté- 
rieurs du pied; il enveloppe la plus grande partie de leur surface, immédiatement à leur 
sortie de la masse abdominale. Cet organe a la forme d’un parallélipipède; sa face supé- 
rieure ou dorsale est légèrement creusée en gouttière, pour s'adapter à la courbure du 
rectum et de l'aorte postérieure ; sa face ventrale, plus arrondie, est un peu oblique, parce 
qu’elle suit la direction du muscle. Les faces latérales sont aplaties et cachées par le long 
appendice branchial qui remonte dans la région dorsale jusque près du rectum. 

L'organe dépurateur paraît spongieux; il est mollasse, facile à déchirer, et, ainsi que 
dans les autres Mollusques que nous connaissons actuellement, il est partagé, à l’intérieur, 
en deux cavités égales et symétriques, au moyen d’une cloison membraneuse , très-fine et 
longitudinale. Cette cloison n’est pas simple : elle se dédouble, vers son insertion, sur les 
muscles du pied, et c’est dans l’intervalle de ces deux feuillets qu’existe un canal membra- 
neux, très-étroit, qui se dirige vers l'abdomen, et y pénètre, en suivant un sillon médian, 
creusé dans l'épaisseur du muscle rétracteur du pied. Le canal dont il est question vient 
aboutir, dans l’abdomen , à une cavité assez considérable, creusée entre les muscles du pied. 
Les parois de l'organe dépurateur ne sont point également épaisses; très-minces dans leur 
contact avec le muscle du pied, elles s’épaississent sur les côtés, pour redevenir un peu 
moins épaisses du côté du dos. Ces parois, vues à l'intérieur, sont découpées en un grand 
nombre de piliers charnus. Ils s'appuient sur la paroi interne, qui revêt la surface du muscle, 
et forment des brides nombreuses rattachant une paroi à l’autre. Les piliers laissent entre 
eux des lacunes profondes , et, par leur division rapide, ils produisent, dans l'épaisseur 
des parois, un tissu aréolaire, à mailles très -petites et très-serrées. Ces mailles, à parois 
mollasses et fines, sont constituées par un parenchyme qui semble composé de vésicules 
allongées, enchevêtrées les unes dans les autres. 

L'oreillette et l’organe dépurateur ont, entre eux, des rapports que nous leur avons 
trouvés dans les Mactres et la plupart des autres genres traités par nous. L’angle postérieur 
de l'oreillette vient s'attacher à l’angle antérieur de l'organe dépurateur; c'est par là, ainsi 
que nous l'avons vu, que s'établit une communication directe entre deux organes qui sem- 
blent avoir des fonctions trop différentes pour se trouver en communication. Nous ne pou- 
vons affirmer que, dans le Mésodesme, la communication avec l'oreillette se fait de la même 
manière que dans les Mactres. Nous le supposons d'après l’analogie, la petitesse de l’animal 
rendant très-difficile la dissection d'organes d’une extrême délicatesse et presque insaisissables. 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE MÉSODESME. 405 


SYSTÈME NERVEUX. — Le système nerveux est assez considérable chez les Mésodesmes. 
H consiste, ainsi que chez tous les autres Mollusques du même ordre, en quatre ganglions 
principaux, rattachés entre eux par des nerfs de communication, qui établissent trois cir- 
cuits nerveux complets. Le ganglion postérieur ou branchial est assez gros, situé à la sur- 
face interne du muscle adducteur des valves, immédiatement au-dessous du bord de l’or- 
gane dépurateur. (PI. XL, fig. 1 q; fig. 2 a.) Contenu dans une enveloppe membraneuse , 
le ganglion parait simple et quadrangulaire. Si l’on déchire cette enveloppe, il est, en réa- 
lité, composé de deux ganglions oblongs, soudés par leur bord interne. D'une couleur 
jaunâtre , il contient une pulpe nerveuse, molle, bien plus facile à déchirer que les nerfs 
eux-mêmes. Le ganglion branchial ou postérieur donne naissance à trois paires de nerfs : 
la première, branchiale, se recourbe au-dessous de la branchie, et s'attache immédiate- 
ment aux crêtes saillantes qui séparent les perforations des feuillets internes des externes 
(pl. XL, fig. 1 c); la seconde paire est destinée aux siphons; elle descend obliquement sur 
la surface du muscle des valves, et, parvenue à l’origine du siphon anal, elle s'attache à 
la surface du muscle rétracteur du siphon, pour gagner la commissure postérieure du 
manteau, près de laquelle la branche principale remonte dans l'épaisseur du muscle circu- 
laire de cet organe. Mais, avant d'arriver à ce point, le tronc nerveux à donné naissance à 
plusieurs branches : la première se dégage presque au niveau de la cloison qui sépare l’ou- 
verture des siphons; elle descend dans la paroï du siphon anal; une autre se détache, en 
formant avec le tronc un angle très-aigu, parcourt la surface interne du muscle rétracteur 
des siphons, et se rend au muscle orbiculaire du manteau. Pendant son trajet sur le pour- 
tour du siphon branchial, le tronc, déjà affaibli, fournit plusieurs filets, qui descendent 
dans les parois de ce siphon branchial. La troisième paire de nerfs, produite par le gan- 
glion postérieur, part de l'angle supérieur de ces ganglions. Ces nerfs passent au-dessous 
de l'organe dépurateur, pénètrent dans la cavité abdominale, dont ils suivent les parois, et 
parviennent, sans produire de branches, jusqu'aux ganglions labiaux. 

Les ganglions antérieurs ou labiaux sont d’un médiocre volume. Ils sont sublenticulaires, 
très-rapprochés; aussi, la branche de commissure qui les réunit est courte et assez volu- 
mineuse. Nous avons reconnu trois filets principaux sortant de ces ganglions. Le premier, 
très-court, pénètre dans l'épaisseur du muscle adducteur antérieur des valves: le second se 
place à la surface interne de ce muscle, la parcourt obliquement, et, aussitôt qu'il est par- 
venu au point où la partie mince du manteau est en contact avec le muscle, il se jette 
obliquement vers le muscle orbiculaire, en prenant une direction inverse à celle de la pre- 
mière partie de son trajet. Elle se porte ainsi, d'avant en arrière; elle se cache dans l’épais- 
seur du muscle orbiculaire, et gagne la branche palléale, partie du ganglion postérieur. 
Ce nerf palléal, semblable à celui des Mactres, se voit presque au-dessous de la longue 
valvule du manteau, dont nous avons parlé précédemment. Avant de gagner la circonfe- 
rence du manteau, le tronc nerveux dont nous parlons produit deux branches princi- 
pales, dont la première se renverse en arrière pour gagner la partie du bord palléal qui 
est du côté du dos, tandis que la seconde se distribue dans l'intervalle qui existe entre 
le tronc lui-même et la branche dont il vient d’être question. Le troisième filet est 


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106 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


d'une extrême ténuité; on en voit l'origine seulement se dirigeant vers les palpes; mais 
les branches en sont si tenues qu'il est impossible de les suivre dans les organes où elles 
se distribuent. 

Nous avons voulu nous assurer si nous trouverions dans notre Mésodesme la branche 
dorsale impaire que nous avons découverte dans les Lutraires et dans les Mactres. Cette 
branche existe en effet; elle part du bord postérieur du ganglion du côté droit, reste sous 
le manteau, à la base des membranes de la charnière, quelquefois cachée dans une partie 
de son trajet par une couche très-mince du parenchyme du foie. Près de son origine, le 
nerf impair donne une petite branche qu'il est impossible de suivre, et qui parait se diri- 
ger vers le muscle rétracteur antérieur du pied. Le tronc lui-même gagne le centre des 
membranes cardinales; il est impossible de le suivre plus loin. 

Du centre des ganglions labiaux naissent deux gros nerfs, convergeant l’un vers l’autre 
pour passer entre l’æsophage et l'extrémité du muscle rétracteur antérieur du pied; ils 
s'introduisent dans la cavité abdominale, et, parvenus vers la base du pied, ils rencontrent, 
au milieu des muscles, un ganglion abdominal, d'un assez fort volume, des bords duquel 


partent, en rayonnant, trois paires de filets nerveux. 


Le système nerveux présente, comme on le voit, trois circuits qui aboutissent aux 
mêmes ganglions, mais ils sont compris les uns dans les autres. Cependant, il y a cela de 
remarquable que les ganglions antérieurs reçoivent un circuit de plus que les postérieurs, ce 
qui, aux yeux du physiologiste, doit leur faire acquérir plus d'importance que les ganglions 
postérieurs. Le premier circuit s'étend directement des ganglions antérieurs aux postérieurs, 
par l'intermédiaire des nerfs viscéraux. Un second circuit, plus étendu, s'établit entre les 
mêmes ganglions, au moyen des nerfs circulaires du manteau. Enfin, le troisième circuit 
appartient exclusivement aux ganglions intérieurs; il est le plus petit des trois, car il est 
formé par les nerfs abdominaux. 


CONCLUSION. 


En comparant les Mésodesmes avec les genres qui les avoisinent le plus, nous sommes 
obligé de leur reconnaitre un certain nombre de caractères génériques particuliers; ils ont 
besoin d’être mis en rapport succinctement, pour que nous puissions ensuite déterminer 
plus rigoureusement la place du genre dans la méthode naturelle. 

I est évident d’abord que, par les coquilles, le genre Mésodesme a de lanalogie avec 
les Mactres, quoiqu'il soit toujours facile de distinguer les espèces des deux genres. En 
effet, dans les Mésodesmes il y à un cuilleron au centre de la charnière, ainsi que dans 
les Mactres; il y a aussi une dent cardinale, mais différente de celle des Mactres par la 
forme. Enfin, il y a des dents latérales aussi, comme dans les Mactres, mais plus épaisses, 
et offrant d’autres modifications. 

Si nous comparons, dans les deux genres, les impressions musculaires et celles du 
manteau, nous trouvons encore des ressemblances et des différences. C’est ainsi que lim- 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE MÉSODESME. h07 


pression musculaire antérieure est plus allongée et plus étroite que celle des Mactres, tan- 
dis que l'impression postérieure reste à peu près semblable. 

Relativement à l'impression palléale, celle des Mésodesmes est plus rentrée à linté- 
rieur que celle des Mactres, et son inflexion postérieure est, en général, plus étroite et 
plus courte. 

Si nous considérons les formes extérieures dans leur ensemble, nous trouvons aux Mé- 
sodesmes plus d’analogie avec les Donaces qu'avec les Mactres. Ces dernières ont le test 
mince, et généralement renflé subcordiforme ; les Mésodesmes, au contraire, ont leur co- 
quille plate et cunéiforme, le côté antérieur étant presque toujours beaucoup plus long 
que le postérieur. Les Mactres ont un épiderme mince, fragile, souvent gris et terreux; les 
Mésodesmes ont cet épiderme plus court et subcorné. 

Il existe un petit genre créé par M. Turton, sous le nom de Eruilia, pour une petite 
coquille des côtes d'Angleterre, et que l'on trouve quelquefois aussi sur celles de la France. 
Par leur épaisseur, leur forme générale, les coquilles du genre Eruilia ressemblent beau- 
coup à celles des Mésodesmes. Mais, si l'on compare la charnière des deux genres, on 
reconnait aux Ervilies presque tous les caractères du Corbula mediterranea, avec cette diffé- 
rence, cependant, que, dans l’une, les valves sont inégales, et dans l'autre, elles sont égales 
comme dans les Mésodesmes. Il est à présumer que les Ervilies viendront plus tard se ran- 
ger dans le voisinage des Mésodesmes, et augmenteront ainsi la famille des Mésodesmides 
de M. Gray. Mais, pour opérer ce rapprochement, il faudrait que lanimal des Ervilies fût 
connu; malheureusement la science ne possède aucun renseignement à son sujet. 

L'animal des Mésodesmes constitue un type bien particulier, qui le distingue de tous 
ceux qui sont connus. Le manteau est ouvert à son extrémité antérieure, fermé dans presque 
toute la longueur du bord ventral; il contient, en dedans, deux longues valvules; il yena 
deux dans les Mactres. Sous ce rapport, les Mésodesmes auraient plus d’analogie avec les 
Corbules qu'avec tous les autres genres qui nous sont connus. 

Les siphons sont très-différents de ceux des Mactres, et ils se rapprochent beaucoup 
plus de ceux du Corbula mediterranea. Cependant ils conservent des différences dans la 
profondeur de leur séparation, et surtout dans le siphon anal qui, chez les Mésodesmes, 
a des caractères que nous n'avons rencontrés chez aucun autre Mollusque. Il n’en est 
pas de même du siphon branchial garni de tentacules branchus, analogues à ceux que 
nous avons observés dans un grand nombre de genres, et que nous retrouverons encore 
dans plusieurs de ceux que nous avons encore à étudier. 

L'organe locomoteur est fort différent de celui des Mactres, tant par sa position que 
par sa forme. Il est dirigé tout à fait en avant, comme celui des Donaces ou comme 
celui des Corbules; mais il est, en proportion, plus grand et plus aplati. 

L'un des caractères les plus particuliers des Mésodesmes réside dans la forme et les 
rapports des palpes labiales. En effet, nous trouvons la paire externe de ces organes sOu- 
dée au manteau, confondue avec lui, si ce n'est par le bord antérieur, qui se détache pour 
se continuer avec la lèvre supérieure. Rien de semblable ne se présente ni chez les Corbules, 
m chez les Mactres, et ce caractère propre aux Mésodesmes serait suffisant pour distinguer 


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108 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


ce genre, en l’absence de tout autre. La palpe interne, très-petite, reste presque entière- 
ment séparée de sa congénère par l’interposition de l'extrémité antérieure du feuillet bran- 
chial interne. 

La lèvre supérieure présente elle-même un fait assez singulier, son bord, renversé en 
avant, circonscrit une petite poche, peu profonde, dont louverture ressemble à celle de 
la bouche. 

Il faudrait étudier les organes digestifs de plusieurs Mésodesmes pour pouvoirles comparer 
utilement , et dans l’ensemble de leurs modifications, avec ceux des autres genres connus. 

L'œsophage est plus long que dans les Mactres, et si son ouverture stomacale est entourée 
de lèvres mamelonnées et couvertes de papilles, ces lèvres sont immédiatement sur le bord 
de l’ouverture et ne circonscrivent pas un grand espace, comme dans les Mactres et les 
Lutraires. L’estomac, pourvu d’un cæcum conoïde, se distingue encore par les deux poches 
assez profondes qui le prolongent en arrière et en haut. 

Le tube intestinal n’a point un diamètre égal. Plus gros à son origine , il diminue gra- 
duellement pendant le premier tiers de son étendue. Ces circonvolutions sont très-simples, 
car elles consistent en un cercle presque complet pour toute la portion contenue dans la 
masse abdominale. Il se termine en arrière par un anus très-court. 

Les organes de la génération consistent en un ovaire qui envahit une grande partie de 
la masse abdominale, et dans lequel sont creusés des canaux rameux qui tous aboutissent 
à deux troncs principaux, dont l'ouverture extérieure se trouve vers le bord postérieur du 
pied, au-dessous des feuillets branchiaux. 

Les organes de la circulation n’offrent rien qui les différencie profondément de ceux des 
genres déjà connus. Le cœur et son péricarde sont portés en arrière et sont en rapport avec 
le centre de la charnière de la coquille. 

Les organes de la respiration nous offrent une combinaison qui ne se représente au 
même degré dans aucun autre Mollusque acéphalé. Dans le Corbula nucleus nous avons déjà 
observé des feuillets branchiaux très-inégaux, l’externe de moitié plus court que linterne, 
à peu près comme dans notre Mésodesme. Mais dans cette dernière il existe ce long ap- 
pendice des feuillets externes, qui ne se montrent pas dans les Corbules. 

La diversité d'organisation que présente l'organe dépurateur ne permet pas de chercher 


là des caractères génériques bien tranchés. On en trouvera cependant par la suite, lorsque 


l'anatomie des espèces sera plus avancée qu'aujourd'hui. 

L'organe des crochets ne paraît pas exister dans les Mésodesmes. Ce genre serait donc 
du petit nombre de ceux qui jouissent du singulier privilége d’avoir les organes des deux 
sexes confondus en un seul. 

Le système nerveux est construit sur le plan général qui se remarque dans tous les Mol- 
lusques acéphalés dimyaires. Cependant il nous a offert cette différence, déjà signalée dans 
les Lutraires et les Mactres, d’un nerf dorsal impair, descendant à la région de la char- 
mière et du cœur. 

Il résulte de tout ce qui nous est connu au sujet des Mésodesmes que ce genre est ac- 
tuellement fondé sur les caractères les plus solides. Pour comprendre ses rapports, il ne 


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HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES 


PAR M. DESHAYES 


MEMBRE DE LA COMMISSION SCIENTIFIQUE D'ALGÉRIE 
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DR. L. De KONINCKS LIBRARY. 


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À CLASSE PREMIÈRE. - GENRE MÉSODESME. 109 


ra | faut pas le conserver dans la série principale; il doit, en effet, constituer un petit embran- 
chement latéral, placé à la hauteur des Mactres en partant des Corbules pour se diriger 
vers les Donaces. 


M£sop£sMA DONACILLA. Deshayes. 


Arzeu, Bône, Lacalle. 


M. Testà ovato-trigonà, transversà, posteriüs breviore, obtusà, lævigatà, crassà , albo-fulvo-griseo-varie- 
gatà, subradiatà, intüs albà vel griseo maculatà. 


Lisrer, Conch. pl. 389, fig. 228. 

Tellina, Semrôerer, Einl. tom. II, pag. 12, n° 35. 

Tellina variegata, Var. y, Gueux, Syst. nat. ed. 13, pag. 3237, n° A5. 

Mactra cornea, Pour, Test. des Deux-Siciles , tom. I, pag. 73, pl. 19, fig. 8-11. 
An Mya donacina, SrENGLER, Mém. de la Soc. d’hist. nat. de Copenhague, tom. IT, pag. 4o. 
Donax plebeia, MonraGu, Test. Brit. pag. 107, pl 5, fig. 2. 

Idem, Marox et RackerT, Linn. Trans. tom. VIIT, pag. 76. 

Idem, PexNanT, Brit. Zool. 2° éd. (1812) tom. IV, pag. 199, n° 4. 

Idem, Dorser, Catal. pag. 38, pl. 5, fig. 13. 

Idem, PuzrNey in DorserT, Cut. pag. 32. 

Idem, Dixzwyn, Cat. tom. 1, pag. 152, n° 9. 

Amphidesma donacilla, Lamarcx, Anim. sans vert. tom. V, pag. 490, n° 2. 
Idem, Turrow, Conch. Dict. pag. 42, n° 4. 

@ | Idem, Türtow, Brit. Fauna, pag. 156. 

Idem, Turron, Conch. Ins. Brit. pag. 126, n° 4. 

Donax plebeia, De Genvirce, Cat. des coq. de la Manche, pag. 23, n° 4. 

Erycina plebeia, Sowersy, Gen. Shells, n° 10, fig. 3. 

À mphidesma donacilla, PayrauDeau, Cat. des Moll. de Corse, pag. 31, n° 42. 
Donax plebeia, Woo», Ind. Testac. pl. 6, fig. 9. 

Amphidesma donacilla, CorarD-es-Cnères, Catal. des test. du Finistère, pag. 15. 
Mesodesma donacilla, Desnayes, Encycl. méth. Vers, tom. Il, pag. 444, n° 5. 
Idem, Desuayes, Expéd. scient. de Morée, Zool. pag, 90, n° 22. 

Idem, Desnayes dans Lamarcx, Anim. sans vert. 2° édit. tom. VI, pag. 126, n° 2; pag. 133, n° 6. 
Crassatella ? cornea , Scacenr, Cat. conch. reqn. Neapol. pag. 6. 

Donacilla Lamerckü, Privrppr, Enum. Moll. Sicil. tom. [, pag. 37. 

Amphidesma donacilla, MaraviGNA, Mém. pour servir à l'hist. nat. de la Sicile, pag. 75. 
Erycina plebeia, Sowersy jun. Conch. man. fig. 86. 

Regve, Conch. syst. tom. {, pag. 65, pl. 45, fig. 5. 

Mesodesma donacilla, HanreY, Descript. cal. pag. 39. 

Idem, Forges, Report on the Æqean invert. pag. 144. 

Tnonre, Brit. mar. Conch. pag. 53. 

Carzow, Conch. nomenclat. pag. 16. 

È Donax plebeiu, FrEeMiNG, Brit. anim. 2° édit. pag. 434. 

| Mesodesma donacilla, Prixrppr, Moll. Sic. tom. Il, pag. 20. 


| Cette petite et agréable espèce, répandue dans la Méditerranée et l'Océan d'Europe, a été 
connue de Lister et figurée par lui dans son grand ouvrage. Dans son indigeste compilation 


Z001. — Mollusques. 1. 52 


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10 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


pour la treizième édition du Systema nature, Gmelin a repris cette figure de Lister et l’a 
rapportée, à titre de variété, à son Tellina variegata, réunissant ainsi, sous un même titre 
spécifique, des coquilles appartenant à des genres différents. Schrôeter, il faut le dire, 
avait préparé l'erreur de Gmelin, en introduisant dans les Tellines la figure de Lister. Poli, 
ayant observé l'espèce vivante dans les mers de la Sicile, la fit connaître, dans son grand 
ouvrage, sous le nom de Mactra cornea, quoiqu'il reconnût à l'animal des caractères dif- 
férents de ceux des Mactres. En 1803, Montagu, en décrivant de nouveau l'espèce, la con- 
fondit parmi les Donaces, et son exemple fut suivi par Maton et Rackett, par l'auteur de 
la seconde édition de la Zoologie britannique de Pennant, par Dorset, par Dillwyn, par 
Turton, dans son Dictionnaire conchyliologique ; par Gerville, par Wood, et enfin, jusqu'en 
1842, par M. Fléming, dans sa seconde édition des Animaux de l'Angleterre. Lamarck en 
fit d’abord une Donacille et, quelques années plus tard, un Amphidesme. Cette dernière 
opinion prévalut et fut adoptée par MM. Payraudeau, Colard-des-Chères, Maravigna, etc. 
M. Sowerby, dans son Genera of Shells, et, un peu plus tard, son fils, dans le Conchological 
manual, firent une Erycine de l'espèce qui nous occupe. Enfin, en 1830, dans l'Ency- 
clopédie méthodique, nous mîmes un terme à toutes ces incertitudes, en créant le genre 
Mésodesme et en introduisant l'espèce européenne sous Le nom de Mésodesme donacille. Il 
eût été plus juste de lui restituer le nom de Cornea, imposé pour la première fois par Pol, 
et, si nous n'avons pas admis ce nom, nous avons été déterminé par le désir de conserver 
la tradition du genre Donacille de Lamarck. Nous avons vu M. Philippi, dans le premier 
volume de son ÆEnumeratio Molluscoram Siciliæ, chercher à rétablir le genre aboli par 
Lamarck lui-mème et, quelques années plus tard, adopter notre genre Mésodesme pour y 
placer l'espèce méditerranéenne. 

Le Mésodesme donacille se reconnait parfaitement parmi ses congénères, car 1l est le 
seul qui possède une coloration variée. Toutes les autres espèces, ainsi que nous l'avons vu, 
sont blanches ou jaunâtres. Cette coquille est ovale-oblongue, transverse, obtuse à ses ex- 
trémités; son côté postérieur est court, subtronqué, ce qui donne à la coquille beaucoup 
de ressemblance avec une Donace. Elle est médiocrement bombée, subcunéiforme, parfai- 
tement lisse et brillante, recouverte d'un épiderme qui apparaît particulièrement vers les 
bords. Cet épiderme corné est semblable à une couche vernissée, tant il est brillant. Les 
crochets sont petits, peu saillants, très-rapprochés et opposés. Les bords sont simples, 
entiers; le test est épais, solide; à l’intérieur, sa couleur est variable , selon les variétés de 
la coloration extérieure; le plus souvent, il est grisâtre ; la charnière est forte et solide; la 
dent cardinale de la valve droite est en pyramide triangulaire, grosse et épaisse; la dent 
latérale postérieure est courte ; l'antérieure est beaucoup plus allongée. 

Les variétés de coloration sont très-nombreuses dans cette espèce. Dans une série, la 
coloration reste uniforme ; dans une seconde série apparaissent des rayons divergents, de 
couleur plus ou moins foncée; enfin il existe une troisième série présentant des coquilles 
diversement maculées sur Les deux séries principales de variétés que nous venons d'indiquer. 

Dans les variétés dont les couleurs sont uniformes, on passe du blanc le plus pur à un 
gris foncé, presque noir, par de très-nombreuses nuances : 


20220 


CLASSE PREMIERE. — GENRE MÉSODESME. 


1° Blanc pur; 

2" Jaune très-pâle ; 

3° Fauve foncé: 

4° Gris enfumé très-pâle : 

5° Gris plus foncé; 

6° Gris noirûtre. 

Dans toutes ces variétés, on trouve des individus qui sont ornés, sur le milieu des valves, 
de deux rayons noirs, plus ou moins larges, ce qui constitue un nombre égal de variétés. Il 
faut cependant en ajouter quelques autres; c’est ainsi qu'il existe une variété fauve, ornée 
de trois où quatre rayons d’un fauve plus intense; il existe aussi une variété grise, ornée de 
trois ou quatre rayons d'un gris plus foncé. 

On trouve fréquemment des individus chez lesquels les deux rayons médians sont réunis 
en une teinte uniforme qui détermine une large zone sur le milieu de la coquille; cette 
variélé se représente encore non-seulement dans les couleurs uniformes, mais même chez 
les individus diversement maculés. 

Le dernier groupe de variétés réunit tous Îes individus qui, ayant pour fond une couleur 
uniforme, sont diversement vergelés de couleurs plus ou moins foncées. Ces variétés sont 
nombreuses, et l’on voit souvent la couleur du fond disparaitre insensiblement sous l’ex- 
tension que prend la couleur propre à la variété. On peut résumer en quelques mots toutes 
les observations que nous venons de présenter relativement à la coloration de l'espèce. On 
la voit passer du blanc pur au gris presque noir, par tous les intermédiaires de coloration, 
passant au jaune , au fauve et au gris de toutes les nuances. 

Nous insistons sur les variétés nombreuses de cette espèce, parce qu'elles nous four- 
nissent, dans la série des coquilles bivalves, un exemple de la loi régulière, d'après la- 
quelle s'opèrent les variations dans les Mollusques céphalés. 

Cette loi identique, dans l’une et l’autre classe, se généralise de la manière la plus simple, 
car elle consiste en ce que les couleurs les plus pâles sont successivement envahies et rem- 
placées par des couleurs plus foncées, qui d’abord apparaissent comme un simple accident. 

L'espèce qui nous occupe reste petite; les grands individus ont treize millimètres de long 
et vingt-trois de large. 


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} 412 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 
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ONZIÈME FAMILLE. 


LES AMPHIDESMIDES. — Latreille. 


GENRE SEIZIÈME. 


SYNDOSMYE. Srvposur4. Recluz. 


Nous avons fait remarquer, dans plus d’une occasion, combien était défectueux le genre 
Amphidesme de Lamarck. Déjà nous en avons retiré une espèce, l'Amphidesma corbuloides, 
pour la placer dans le genre Lyonsia, de Turton. Comme nous l'avons fait voir précédem- 
ment, une seconde espèce, l’Amphidesma phaseolina, dépend du genre Thracie de Leach. 
I y a deux autres Amphidesmes auxquelles nous avons reconnu tous les caractères de notre 
genre Mésodesme, et l'une d’elles est le Mesodesma donacilla, que nous venons de décrire 
dans le genre précédent. Mais ces quatre espèces, appartenant à trois genres bien distincts, 
ne sont pas les seules qui doivent sortir des Amphidesmes de Lamarck; nous avons encore 
signalé dans ce genre ûne Érycine et une Lucine, dont nous aurons à nous occuper par la 
suite. 

Après avoir subi des réformes aussi considérables, le genre Amphidesme se trouvait 
réduit à un très-petit nombre d'espèces, parmi lesquelles se trouvaient à la fois les Amphi- 
desma variegata, prismatica, Boysü, ete. M. G. B. Sowerby, dans son Genera of Shells, a pro- 
posé le premier de conserver le nom d'Amphidesme à ce petit groupe, dont Les éléments 
sont réunis, en effet, par plusieurs caractères communs, et entre autres celui du double 
ligament, qui a valu au genre le nom que Lamarck lui a imposé. Tel que le savant anglais 
Va considéré, le genre Amphidesme s’est trouvé encore trop étendu, d’après les excellentes 
observations de M. Recluz. On voit, en effet, parmi les espèces rassemblées par M. Sowerby, 
deux sortes de coquilles bien distinctes : les unes, telles que l’'Amphidesma variegata, assez 
épaisses, suborbiculaires; les autres (Amphidesma Boysii, prismatica, etc.), beaucoup plus 
petites, très-minces, transparentes et subtransverses. En examinant comparativement ces 
deux groupes de coquilles, M. Recluz a reconnu entre eux des caractères constamment dif- 
férents, d'où 1l a été conduit à proposer un genre nouveau, sous le nom de Syndosmye, et 
ce genre est le sixième sorti des Amphidesmes de Lamarck. 

Il résulte donc, de cette dernière réforme de M. Recluz, que le genre Amphidesme doit 
avoir pour type la première espèce de Lamarck, l’Amphidesma variegata, tandis que les 
Syndosmyes réunissent les Amphidesma Boysii, prismatica, etc. 


Avant M. Recluz, un certain nombre d’espèces de son nouveau genre étaient connues et 


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CLASSE PREMIÈRE. — GENRE SYNDOSMYE. 113 


citées dans les catalogues des conchyliologistes. Celle qui a été mentionnée la première a éte 
inscrite par Müller dans son Prodrome de la faune danoise, sous la dénomination de Mya ni- 
tida. Caractérisée d’une manière très-incomplète, cette espèce a été le sujet de plus d’une 
erreur de la part des zoologistes qui, d’après la courte phrase de Müller, croyaient avoir 
des raisons suffisantes pour l’entraîner dans des genres différents. Oton Fabricius avait déjà 
produit quelques renseignements utiles, mais encore insuffisants. Toute incertitude à cet 
égard doit actuellement cesser, grâce à M. Lovèn, savant danois, d’un très-grand mérite, 
qui a trouvé le moyen d’accumuler un nombre considérable d'observations précieuses, dans 
un opuscule de quelques pages (Index Molluscorum Scandinavie habitantium). Ce savant obser- 
vateur rapporte le Mya nitida de Müller au genre Syndosmye de M. Recluz, en y ajoutant 
une description qui justifie son opinion. Quant aux autres espèces, elles proviennent 
toutes des mers d'Europe; il faut donc les rechercher dans les ouvrages de ceux des na- 
turalistes qui se sont occupés des productions de ces mers. Nous en trouvons une décrite 
pour la première fois, par Wood, parmi les Mactres, dans le tome VI des Transactions de 
la Société linnéenne de Londres. En 1800, Laskey et Montagu font connaitre d’autres es- 
pèces que le premier de ces auteurs attribue au genre Mye, et le second au genre Mactre; 
quelques années plus tard, Montagu s’aperçut que ces petites coquilles ne pouvaient rester 
dans les Mactres. Aussi, dans le supplément à son ouvrage sur les Testacés britanniques, 
publié en 1807, il établit un genre Ligule, dans lequel, malheureusement, il rassemble des 
coquilles de genres fort différents, ce que M. Recluz a démontré de la manière la plus 
claire, dans un très-bon mémoire qu'il a publié, en 1843, dans la Revue zoologique. Nous 
voyons, en effet, réunies, sous le nom de Ligule, des coquilles dépendantes de cinq genres, 
et parmi elles se trouvent les trois espèces que M. Recluz attribue à son genre Syndosmye; 
il était donc impossible, comme l'auraient voulu quelques zoologistes, de conserver le nom 
de Ligule à Fun quelconque des cinq genres rassemblés sous ce nom, à moins de vouloir 
tomber dans une confusion fâcheuse pour la nomenclature. Le genre Ligule ne fut donc 
adopté que d’un petit nombre de personnes, après lui avoir fait subir des réformes telles 
que le genre de ce nom coïncide à peu près à celui de M. Recluz. 

Les petites coquilles qui nous occupent ont, à l'extérieur, la forme et l'apparence de 
Tellines; il faut en étudier avec soin la charnière pour les distinguer de ce dernier genre. 
M. PRenieri s’en laissa imposer par l'apparence, et rangea au nombre des Tellines une es- 
pèce du golfe Adriatique ; en cela il fut imité par Brocchi, et, beaucoup plus tard, par 
M. Scacchi. Bientôt les auteurs de Catalogues ayant trouvé quelques espèces, sous le nom 
de Mya, quelques autres, sous le nom de Mactra, dispersèrent des coquilles très-analogues 
dans les deux genres que nous venons de nommer; c’est ce que l'on remarque dans Wood, 
dans Dillwyn, et, jusqu'en 1819, dans le Dictionnaire conchyliologique de Turton. La- 
marck, comme nous l'avons vu, avait placé les mêmes espèces dans son genre Amphidesme ; 
dès lors un grand nombre de conchyliologues suivirent cet exemple. Il faut en excepter 
M. Bronn, dans son Catalogue des fossiles de l'Italie, qui met l'espèce de Brocchi et de 
Renieri parmi les Érycines, ce que fait aussi M. Philippi dans son Enumeratio Molluscorum 


Siciliæ. 


Al HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


On a su par Lamarck que M. Leach avait eu l'intention d'établir un genre Abra, dans 
lequel il se proposait de réunir plusieurs coquilles minces, ayant un ligament interne ; mais 
ce genre lui-même renferme des espèces de genres différents; 1l était donc impossible de 
le conserver, à moins que d'en changer la valeur. M. Risso est le seul naturaliste qui lait 
adopté dans son Histoire naturelle des productions de l'Europe méridionale, mais il est 
douteux qu'il en ait bien compris les caractères. puisqu'il en fait un groupe qui corres- 
pond au genre Lavignon de Cuvier. 

Il résulte de ce que nous venons d'exposer, que les coquilles dont M. Recluz a fait son 
genre Syndosmye ont été successivement ballottées dansles six genres suivants : Abra, Leach; 
Mactra, Wood, Montagu, Gerville, Turton, Dillwyn, etc. Mya, Müller, Wood, Dillwyn, 
Turton; Ligula, Montagu, Brown, Forbes; T'ellina , Renieri, Brocchi, Scacchi ; Amphidesma 
Lamarck, Turton, Risso, etc. 

Tel qu'il a été constitué, le genre Syndosmye se distingue, avec assez de facilité, de tous 
ceux qui l’avoisinent. Ce sont de petites coquilles minces, blanches, transparentes, ovales, 
transverses, équivalves, presque toutes inéquilatérales, ayant le côté postérieur court et 
pourvu d’un pli oblique, comparable à celui des Tellines, quoiqu'il soit moins apparent. 
Toutes ces coquilles sont lisses, fragiles et revêtues, vers les bords, d'un épiderme d’un 
jaune très-pâle, qui déborde le pourtour des valves. 

Les bords sont minces et tranchants: l’antérieur est toujours arrondi, le postérieur l'est 
moins, quelquefois il se termine en un angle plus ou moins aigu; les valves sont légère- 
ment bâillantes, en avant et en arrière. Le bord ventral est régulièrement arqué; le dorsal 
est divisé en deux portions inégales par la saillie des crochets. La portion antérieure, qui 
est ordinairement la plus longue, s'incline obliquement en avant; la postérieure s'incline 
davantage, en formant, avec la première, un angle plus ou moins ouvert. Les crochets sont 
petits, opposés, à peine inclinés; on n’aperçoit aucune trace de lunule ou de corselet. 

La surface interne est blanche comme l’extérieure; quelquefois elle a des reflets sub- 
nacrés, mais le test lui-même ne contient point de nacre proprement dite, comme les Lyon- 
sies et quelques autres genres. C’est par la charnière particulièrement que l'on distingue 
avec facilité les coquilles du genre Syndosmye. Dans presque toutes les espèces, immédia- 
tement au-dessous du crochet de la valve droite, s'élèvent deux petites dents cardinales, 
parallèles, appartenant au côté antérieur ; quelquefois il n’en existe qu'une seule. Sur la 
valve opposée, une seule petite dent cardinale se montre; elle est destinée à s'interposer 
entre les dents de la valve droite. Un cuilleron commence au même point du bord car- 
dinal , il se dirige en arrière, s'attache au bord postérieur et ne fait qu’une faible saillie 
dans l'intérieur des valves; en cela, il diffère de celui des Anatines, des Lutraires et des 
Mactres. Ce cuilleron, destiné à recevoir un ligament interne, est plus ou moins étroit, 
selon les espèces. Son bord supérieur ou dorsal s’épaissit en une nymphe courte, derrière 
laquelle vient s'attacher un ligament extérieur très-petit. Il est donc vrai que, dans les 
Syndosmyes ainsi que dans les Amphidesmes, il y a réellement deux ligaments, tandis 
que dans nos Mésodesmes on n'aperçoit que l'apparence d’un ligament externe, produit 
par l’épaississement de l’épiderme. Enfin, en avant et en arrière, toutes les espèces de Syn- 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE SYNDOSMYE. L15 


dosmyes présentent une dent latérale plus ou moins saillante, tantôt sur chaque valve et 
tantôt sur une seule. 

Les impressions musculaires sont fort petites, très-écartées entre elles ; elles appartien- 
nent toutes deux à la région dorsale de la coquille. L’antérieure est ovale-obronde; elle se 
prolonge en haut et en arrière au moyen d’une autre petite impression triangulaire, qui 
est celle du muscle rétracteur antérieur du pied. L’impression postérieure est arrondie, 
subcirculaire. L’impression du muscle rétracteur du pied s’en détache, sous la forme d’un 
triangle aigu, dont le sommet se prolonge au-dessous du bord cardinal, sous la forme d’une 
ligne étroite. 

L'impression palléale va nous offrir un caractère générique précieux, surtout si nous la 
comparons à celle des Amphidesmes et des Lavignons. Dans les Amphidesmes , l’impres- 
sion palléale, après être partie du milieu du bord antérieur et inférieur du muscle, se 
contourne parallèlement au bord de la coquille, et parvient vers l'extrémité postérieure , 
où elle s'arrête à peu près au niveau de l'extrémité du cuilleron. A ce point, elle s’infléchit 
en dedans, en prenant une direction oblique, de bas en haut et d’arrière en avant, s’avance 
dans l’intérieur des valves à une faible distance du muscle antérieur, s'arrondit, se recourbe 
ensuite en ellipsoïde et vient aboutir en ligne tangentielle au bord inférieur de l'impres- 
sion musculaire postérieure. L’inflexion palléale a donc une direction qui lui est propre 
dans les Amphidesmes, et une forme qu'on ne retrouve plus exactement la même dans les 
autres genres du même groupe. Le sinus postérieur, d’une forme ovalaire, a un axe qui 
fait un angle très-ouvert avec l'axe transverse de la coquille. 

Dans les Lavignons, la disposition de l'impression palléale est fort différente ; la sinuosité 
se dilate à ce point que son bord ventral vient toucher et se confondre avec l'impression 
parallèle au bord inférieur. Ce caractère se montre aussi dans les Syndosmyes, mais la si- 
nuosité est moins dilatée dans le milieu, ce qui servirait à distmguer les deux genres, à 
défaut des autres caractères que nous avons déjà mentionnés. Au reste, dans les Syndos- 
myes , l'impression palléale a un plus grand développement que dans les Amphidesmes; 
elle part de l'extrémité inférieure de l'impression palléale antérieure ; elle se place tout près 
du bord ventral et l’accompagne, dans toute sa longueur, jusqu'au niveau du bord interne 
du muscle postérieur des valves. Là, elle se recourbe sur elle-même, et cette portion re- 
courbée s'attache et semble se confondre avec la moitié postérieure de l'impression qui 
accompagne le bord ventral. Parvenue vers le milieu de son trajet, seulement alors elle s’en 
détache en produisant un angle très-aigu , et c’est ainsi qu’elle s’avance jusque dans le voi- 
sinage du muscle adducteur antérieur; elle se recourbe, remonte en arrière entre les deux 
muscles, se dilate vers la cavité du crochet et redescend ensuite obliquement pour gagner 
le bord antérieur de l'impression musculaire postérieure. Dans les Amphidesmes, la si- 
nuosité palléale est, en réalité, ovalaire; elle est un peu dilatée dans le milieu, d’où il 
résulte que la largeur de l'entrée de ce sinus est peu différente de la longueur de son dia- 
mètre transverse. Dans les Syndosmyes , au contraire, le diamètre de la plus grande lar- 
geur du sinus palléal est au moins trois fois plus grand que la largeur de l'entrée de ce 
sinus. 


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16 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


Tout ce que nous venons d'exposer des caractères des coquilles du genre Syndosmye 
prouve, de la manière la plus évidente, que ce genre méritait d'être distingué et qu'il doit 
rester dans la méthode. Il n’est pas moins évident que ses rapports s'établissent facilement 
d’un côté avec les Amphidesmes, dont il diffère par les impressions des muscles et du man- 
teau, et de l'autre, avec les Lavignons ou Trigonelles, avec lesquels il a plus de ressem- 
blance que de différence. Ces rapports, aussi naturels qu'évidents, nous font admettre dans 
la famille des Amphidesmides de Latreille, et dans l'ordre suivant, les genres Amphidesme, 
Syndosmye et Lavignon. De ces trois genres, les deux derniers seulement sont connus dans 
la Méditerranée, et malheureusement nous n'avons pu découvrir l'animal des Syndosmyes. 

Nous avons trouvé, près d'Oran, la coquille d'une seule espèce, de sorte que dans un 
groupe aussi intéressant que celui-ci, nous ne pourrons décrire que l'animal d'un seul 
genre, celui du Lavignon. Cependant, nous ne devons pas oublier que M. Bouchart Chan- 
tereaux, dans son excellent Catalogue des Mollusques du Boulonnais, a mentionné l'ani- 
mal d’une petite espèce de Syndosmyes de l'Océan, mais malheureusement il le décrit d’une 
manière trop brève. Cependant nous connaissons, par cet observateur consciencieux, plu- 
sieurs caractères importants de cel animal, au moyen desquels nous pouvons le rapprocher 
des Lavignons. C'est ainsi, par exemple, que son manteau est ouvert dans les sept huitièmes 
de sa longueur; épaissi sur ses bords, il est garni de trois rangs de très-petites papilles 
blanchätres; Les siphons sont longs, séparés entre eux et diaphanes; les feuillets branchiaux 
sont égaux, très-pelits, triangulaires, prenant naissance au tiers postérieur de la base du 
pied; ils sont réunis postérieurement avec ceux du côté opposé. M. Bouchart Chantereaux 
laisse ignorer si ces feuillets branchiaux ont la disposition que nous avons fait remarquer dans 
les Lyonsies et les Thracies, et que nous retrouverons encore dans les Lavignons. Les palpes 
labiales, d’après M. Bouchart, sont presque aussi grandes que les branchies, caractère qui 
se rencontre aussi dans les Lavignons. La bouche est très-grande et le pied sécuriforme est 
légèrement granuleux à son extrémité. Quant à ce dernier caractère, nous ne l'avons jamais 
observé dans les Lavignons, ni dans aucun autre Mollusque acéphalé. M. Bouchart qui a 
conservé dans l'eau de mer l'animal vivant d’une Syndosmye, l'a vu ramper sur les parois 
d'un bocal, probablement en appuyant le plat du pied contre cette paroi, comme nous l'avons 
vu faire aux Érycines et aux Poronies. 

Ce que M. Bouchart Chantereaux nous apprend de l'animal des Syndosmyes nous con- 
firme dans les observations au moyen desquelles nous pouvons savoir, par l'inspection des 
coquilles, si, dans certains genres, l'animal a les siphons réunis ou disjoints. Nous n'attri- 
buons pas à ces observations plus de valeur qu’elles n’en méritent; nous savons qu'elles 
souffrent des exceptions assez nombreuses, et cependant, d’après ce que nous connaissons 
des Tellines et des Lavignons, nous aurions pu annoncer d'avance que, chez les Syndosmyes, 
les siphons doivent être inégaux et désunis dans toute leur longueur. 

Jusqu'ici le genre Syndosmye est peu considérable en espèces. Dans le Mémoire que 
nous avons cité de lui, M. Recluz en décrit huit de vivantes et une neuvième incertaine, 
empruntée à l'Iustration conchyliologique de M. Brown; à ces huit espèces, il faut joindre 
les deux décrites par M. Lovèn; l'une d’elles est le Mya nitida, de Müller, comme nous 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE SYNDOSMYE. h17 


l'avons vu. Ce qui est remarquable, c’est que toutes ces espèces, sans exception , sont propres 
aux mers de l'Europe, ce qui est dû probablement à des recherches plus assidues, entre- 
prises par les naturalistes qui habitent ce continent. 

M. Recluz n’a mentionné qu'une seule espèce qui eût son analogue fossile, c'est celle 
qui habite les côtes de l'Algérie; il existe cependant d’autres espèces dont les analogues 
fossiles sont connus. M. S. Wood en inscrit deux autres, les Syndosmya alba et prismatica, 
qui, vivant sur les côtes d'Angleterre, sont fossiles dans le crag du même pays. La liste des 


espèces fossiles ne se borne pas aux trois espèces que nous venons de citer; nous en con- 
naissons sept autres, ce qui porte à un nombre égal les espèces vivantes et fossiles du 


genre Syndosmye. 


SYNDOSMYA APELINA. Recluz. 


Oran; fossile en Sicile et en Italie. 1 


J. Testä ovato-oblongà, inæquilaterà, convexo-depressà , exalbidà, tenui, pellucidà, Iævissimè transver- 
sim striatâ, nitidà; posticè breviore angustatà, flexuosà, angulatà; anticè subrotundä ; margine supero 4 
obliquè subrecto; foveis cardinalibus triangularibus; dentibus lateralibus brevioribus, perfectè triangula- || 
ribus, tenuioribus, remotis, æquidistantibus; apicibus parvulis, inflexis. } 


Tellina apelina, Rentert, Cat. de l'Adr. ( 
Tellina (erycina), Broccutr, Conch. foss. subap. tom. IT, pag. 514, pl. 12, fig. 8. fl 
Amphidesma Boysü, Rasso, Hist. nat. Eur. merid. pag. 369. 

Erycina Renieri, Bronx, Ltal. tert. Gebirge, pag. 90. | 
Eadem, Paisippi, Enum. Moll. Sicil. tom. I, pag. 12, pl. 1, fig. 6. t 
Reczuz, Mag. zoolog. (1843), pag. 364. 


Nous avons trouvé quelques valves de cette coquille sur la petite plage sableuse qui est 
au-dessous de la mosquée, près d'Oran. Elle a beaucoup de rapports avec le Tellina pellu- 
cida par sa couleur et sa forme générale. On la distingue facilement par sa charnière, Elle 
est ovale, transverse, subéquilatérale, Son côté antérieur est large, arrondi, plus long que L: 
le postérieur; ce dernier est oblique, terminé en un angle obtus, auquel vient aboutir un ne 
pli postérieur à peine marqué. Les valves, d’un blanc laiteux, sont ornées, en dehors, de 
stries très-fmes, transverses, peu régulières, très-serrées, résultant des accroissements; les 
crochets sont très-petits, à peine saillants au-dessus du bord cardinal. La lame cardinale 
est étroite, élargie dans le milieu par un petit cuilleron, très-oblique en arrière, triangu- 
laire, en avant duquel se trouvent, sur la valve droite, deux très-petites dents cardinales, 
dont l'interne, moins élevée que l'autre, se confond, en partie, avec le bord du cuilleron. 
Sur la valve gauche il n’existe qu'une seule dent cardinale. Les dents latérales sont très- 
petites, triangulaires, très-rapprochées des cardinales; elles ne se montrent que sur la 


valve droite. L’impression musculaire antérieure est subréniforme; la postérieure est ovale 
subcirculaire. La sinuosité palléale est très-grande, elle est subtriangulaire; elle ne se dé- 


Zoor. — Mollusques. r. 53 


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ornements _ RE ira ORNE 
118 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


tache du bord ventral que vers l'impression musculaire; elle se dilate dans le milieu, et 
forme un angle obtus au-dessous de la charnière; enfin elle se rétrécit vers l'extrémité des 
valves. 

Cette petite espèce a onze millimètres de hauteur et quinze de large. Elle vit non-seule- 
ment sur les côtes de l'Algérie, mais elle se montre aussi sur plusieurs autres points du lit- 
toral méditerranéen; elle est en Sicile, à Naples, à Toulon, etc. et son analogue fossile est 
cité, par Brocchi et M. Philippi, dans les terrains tertiaires de la Sicile et de l'Italie. 


GENRE DIX-SEPTIÈME. 


LAVIGNON. Trercowezza. D'Acosta. 


Nous sommes arrivé au moment d'entreprendre la grande monographie anatomique 
dont nous avons préparé les matériaux depuis assez longtemps dans les planches, déjà pu- 
bliées, de cet ouvrage. Quelques personnes ont témoigné de la surprise de voir occuper 
tant d'espace, dans un ouvrage comme celui-ci, à l'étude d'un seul animal. Ces personnes 
ne se sont point rendu compte du but que je m'étais proposé, et il ne sera pas sans utilité 
de donner quelques explications à ce sujet. 

Aussitôt que l’on s’est introduit un peu profondément dans les fastes de la zoologie, on 
y trouve un nombre immense de documents épars, au moyen desquels la philosophie de 
la science peut déjà, en grande partie, se constituer, mais on ne rencontre presque rien de 
complet dans une partie quelconque de ce vaste embranchement des connaissances hu- 
maines. Il semblerait, cependant, qu'après tant de travaux des anatomistes il devrait exister 
un nombre suffisant d'observations, et qu'il suflirait de les réunir et de les classer pour se 
donner une idée satisfaisante de l'organisation des principaux types du règne animal. Cepen- 
dant, à mesure que l’on descend dans l'étude approfondie des faits de détail nécessaires à 
la connaissance exacte de la structure intime des êtres, on se trouve arrêté fréquemment 
par des lacunes considérables. C’est ainsi, par exemple, qu'aucun anatomiste ne s’est attaché 
à dévoiler l'organisation entière d’un mammifére, d’un poisson, d’un reptile; et si nous 
passons dans la classe des invertébrés, nous trouverons à peu près la même absence de 
travaux complets. Nous ne voulons pas dire par là que toute la science anatomique soit à 
faire, nous répétons, au contraire, qu’elle possède une foule de documents précieux; mais, 
en les rassemblant, et en les distribuant à chacun des animaux qu'ils ont pour objet, on 
ne peut y trouver tous les faits nécessaires pour constituer la physiologie, et, par consé- 
quent, pour comprendre le jeu des organes et le mécanisme de la vie. Si l’histoire des 
animaux articulés s’est trouvée plus avancée que celle de plusieurs autres classes des ani- 
maux sans vertèbres, cela tient particulièrement aux admirables travaux de Savigny dans 
la commission d'Égypte, auxquels sont venus s'ajouter, plus tard, ceux de M. Strauss et de 
M. Edwards. 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE LAVIGNON. A19 


Nous avons cru, pendant longtemps, trouver dans le grand ouvrage de Poli, et dans les 
beaux Mémoires de Cuvier, des travaux sur les Mollusques, comparables à ceux que nous 
venons de citer sur les Articulés; mais nous avons été déçu dans notre espoir, non pour les 
Mémoires de Cuvier, que nous avons toujours admirés, et qui sont des modèles dans leur 
genre; mais notre admiration pour l'ouvrage de Poli a duré jusqu’au moment où, ayant 
pu observer un grand nombre des Mollusques qu'il a eus sous les yeux, nous avons com- 
paré la nature avec l'ouvrage lui-même, et apprécié ainsi combien il laissait à faire. Pour 
l'époque où il parut, l'ouvrage de Poli est fort remarquable sans doute; mais il est indubi- 
table que son auteur, en adoptant d’autres méthodes de travail, aurait pu pousser plus avant 
la science qu'il s'était chargé d'éclairer par ses observations. 

Poli nous représente vivants un certain nombre d’espèces de Mollusques acéphalés, mais 
malheureusement leurs caractères zoologiques les plus précieux lui échappent très-souvent ; 
les zoologistes se trouvent, par conséquent, dans l'impuissance d'en tenir compte pour la 
classification, première lacune extrêmement fâcheuse. Nous avons fait remarquer, dans plus 
d'une occasion, combien elle avait été funeste aux progrès de la science; les caractères 
empruntés aux siphons et aux tentacules qui les terminent sont importants pour la clas- 
sification; il est très-rare que Poli ait représenté ou décrit ces organes avec assez d’exacti- 
tude pour les faire servir au but que nous indiquons. De l'étude de son ouvrage il était 
résulté une opinion très-différente de la nôtre, car les zoologistes s'étaient persuadés que 
les siphons, chez tous les Mollusques acéphalés, sont terminés par des tentacules simples, 
tels que Poli les représente. 

Si, quittant les caractères extérieurs, nous voulons suivre l’anatomiste napolitain jusque 
dans les détails de l'organisation des Mollusques, nous observons d’abord qu’il s’est trop 
rarement servi des moyens d'investigation que de savants physiciens avaient mis, depuis 
bien des années, dans les mains des naturalistes. Ainsi, la structure intime des organes et 
leur constitution sont restées des problèmes insolubles dans l'esprit de Poli; aussi il lui a 
été impossible, dans bien des occasions, de déterminer l'usage des organes à la surface des- 
quels il s'était arrêté. Un autre défaut, non moins important que ceux que nous venons de 
rappeler, se montre dans la méthode mise en pratique pour la représentation et la distri- 
bution des divers systèmes organiques. Poli représente bien un animal entier, avec son 
manteau ouvert; il montre par conséquent , avec assez de fidélité, la forme et la position 
des parties extérieures d’un Mollusque; mais il est très-rare que, dans l'anatomie qu'il en- 
treprend, il laisse les organes dans une position qui permette d’en comprendre les con- 
nexions et les rapports. Il se plaît à représenter un système d'organes complétement isolés ; 
ainsi le système digestif hors du foie, de l'ovaire et de tous les autres organes qui l’en- 
veloppent. Îl en est de même pour les organes de la circulation; aussi il est fort difficile, 
d'après l'ouvrage de l'anatomiste dont nous parlons, de s'expliquer les phénomènes de la 
circulation. Il est également impossible de se rendre compte de ceux de la respiration, 
puisque Poli ne représente qu’un très-petit nombre de vaisseaux, se rendant à des organes 
qui doivent être et qui sont, en réalité, un tissu vasculaire très-considérable. 

On doit à Poli la découverte d’un organe spécial, situé en arrière du cœur: il reconnut 

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420 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


bien qu'il est destiné à une sécrétion, mais il crut que cette sécrétion était celle de la 
coquille. Poli, une fois engagé dans cette erreur, ne chercha pas à compléter sa découverte 
par un examen approfondi de l’organe en question, et de cette imperfection il résulta un 
conflit d'opinions, jusqu’au moment où M. de Blainville émit la juste pensée que l'organe 
de Poli est destiné à remplacer le rein chez les Mollusques. Le système nerveux ne fut point 
inconnu à Poli; mais, l'ayant pris pour un système de vaisseaux lactés, il n'en suivit pas 
toutes les parties avec la persévérance nécessaire; or on conçoit, d’après cette opinion, 
combien chez lui la physiologie des Mollusques devait être imparfaite, puisqu'il supposait 
ces animaux entièrement dépourvus de nerfs. 

L'examen rapide auquel nous venons de nous livrer prouve combien la science anato- 
mique des Mollusques est imparfaite dans l'ouvrage de Poli, et, il faut le répéter, cet ouvrage 
est le seul qui existât sur toute la grande série des Mollusques acéphalés. Cuvier et d’autres 
zoologistes avaient apporté quelques perfectionnements à cette science par de précieuses 
observations; néanmoins un observateur attentif pouvait se dire que presque tout restait à 
faire dans cette portion importante de Fhistoire des animaux. 

Nous avons saisi le scalpel et le microscope, dans l'espoir de perfectionner et de com- 
plèter l'ouvrage de Poli, mais nous avons bientôt reconnu l’impossibilité de réaliser ce 
projet; car, à mesure que nous avancions dans un champ que nous croyions presque 
épuisé, nous avons fait chaque jour des découvertes trop nombreuses pour qu'elles pussent 
s'encadrer dans le cercle étroit tracé par Poli; d’ailleurs, il y avait trop à détruire et trop 
à reconstruire dans le monument élevé par ce savant, pour oser y toucher. Nous avons 
donc cherché à exposer, le mieux possible, le résultat de nos recherches, et c’est ainsi que 
l'histoire et l'anatomie des Mollusques acéphalés recueillis par nous en Algérie ont pris 
plus d'extension que nous ne l’avions d’abord projeté. 

N'ayant plus à nous préoccuper des travaux du savant italien, nous avons dû modifier 
le plan de notre travail et profiter, dans l'intérêt de la science, des ressources mises à notre 
disposition. Nous avons voulu d'abord faire connaître, autant qu'il a été en nous, un Mol- 
lusque dans toutes ses parties, en poussant son étude aussi loin que nous l'ont permis une 
assiduité et une patience à toute épreuve, l'emploi de très-bons instruments et le secours 
d'un habile et consciencieux dessinateur. Nous avons successivement passé en revue tous 
les systèmes d'organes; après en avoir fait connaître les rapports, nous les avons analysés 
à l'aide du microscope, et, n'ayant voulu rien laisser ignorer de ce que nous avons dé- 
couvert, nous avons été entrainé à consacrer un grand nombre de planches pour exposer 
tout ce qui nous a paru digne de lintérêt des anatomistes. 

De tous les Mollusques acéphalés recueillis par nous en Algérie, celui-ci, connu sous 
le nom de Lavignon, a particulièrement excité notre intérêt, par les caractères remarquables 
qu'il nous a offerts. C’est sur lui que nous avons commencé nos premières recherches 
anatomiques , et, à mesure que d’autres animaux sont venus à notre connaissance, nous 
avons reconnu en lui, aussi bien qu'en un autre Lamellibranche, un type convenable aux 
travaux que nous nous proposions de poursuivre. Appartenant à la classe des acéphalés 
dimyaires, le Lavignon possède tous les organes que l'on connait déjà chez les animaux de 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE LAVIGNON. h21 


cette classe. Prolongé en arrière par de longs siphons, nous espérions découvrir la struc- 
ture de ces organes, manquant chez un certain nombre d’autres Mollusques acéphalés. La 
petitesse du volume de l'animal est le seul obstacle sérieux que nous eussions rencontré ; 
mais, aidé de loupes et de microscopes, nous avons pu agir aussi bien que sur un animal 
plus gros, et d’ailleurs le volume importait peu pour un certam nombre de recherches 
organogéniques que nous nous proposions d'entreprendre. Un autre motif accessoire qui 
nous à entrainé à prendre le Lavignon pour objet de nos investigations, c’est l'abondance 
des individus que nous en avons recueillis sur les plages avoisinant la ville de Bône, et 
situées non loin de l'embouchure de la Seïbouse. La plus grande partie de nos dissections 
ont été entreprises sur des animaux frais et récemment préparés. Nous avions pris un soin 
particulier des individus que nous avions recueillis en Algérie ; après les avoir fait périr 
dans l’eau douce, où ils se sont distendus, nous les avons fait macérer avec précaution 
dans des liqueurs successivement un peu plus alcoolisées, et dans lesquelles nous avions 
fait dissoudre préalablement de petites doses de sulfate de zinc et de sel marin. Nos Lavi- 
gnons, grâce à ces précautions, se sont trouvés en très-bon état; mais quoique le nombre 
des individus fût considérable, nous düûmes en sacrifier beaucoup dans des préparations 
qui n'eurent pas toujours la netteté nécessaire pour être reproduites par le dessin. Pour 
compléter nos travaux, nous nous adressämes à l'obligeance d'un savant distingué, qui, 
toute sa vie, a donné des preuves d’un grand zèle pour la science à laquelle il est resté dé- 
voué, Jusque dans les moments où il aurait pu légitimement en être détourné par les fonc- 
tions élevées qu'il a remplies, avec tant de distinction, dans l'administration de son pays. 
Sur notre demande, M. Fleuriau de Bellevue, aidé de M. Dorbigny, le père, s’empressa 
de nous envoyer vivants une quantité considérable de Lavignons, que l'on pêche aux 
environs de La Rochelle. Ces animaux, accompagnés d'une quantité d’eau de mer sufhisante, 
nous parvinrent encore pleins de vie, et nous eûmes le plaisir de vérifier, à Paris, l’exacti- 
tude des premières observations que nous avions faites sur eux en Algérie. 

Le but que nous nous sommes proposé, en entreprenant une grande monographie ana- 
tomique d'un Mollusque acéphalé, a été d'essayer, pour cette classe d'animaux, ce que 
M. Strauss avait réalisé pour celle des insectes, et Savigny pour celle des Crustacés. Nous 
n'avons pas la prétention d’avoir aussi bien réussi que ces deux savants zoologistes. IL s'en 
faut de beaucoup d’ailleurs que les Mollusques soient d’une dissection aussi facile que celle 
des animaux articulés, et il nous a fallu une patience à toute épreuve pour surmonter les 
obstacles nombreux que nous avons rencontrés. Chez les animaux articulés, tous les organes 
sont isolés; les muscles eux-mêmes, attachés à des parties solides, sont nettement circons- 
crits, et on en reconnait facilement les usages. Que l’on ouvre la carapace d’un crustacé, 
que l'on coupe un de ses membres, et à l'instant même on reconnait avec une grande 
facilité les appareils musculaires qui font mouvoir l'animal et ses divers organes. Quant 
aux viscères, ils ne sont liés entre eux que par leurs rapports nécessaires, et ainsi que par 
les systèmes vasculaire et nerveux servant de lien commun à tous ; aussi il suffit de dissé- 
quer dans l’eau un crustacé ou un insecte, pour isoler tous ses organes et les reconnaître 
aisément. Il n’en est pas de même des Mollusques; toutes les parties, chez eux, sont sus- 


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422 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


ceptibles de contractions; leur enveloppe générale, tous les organes qui se montrent au 
dehors, la peau elle-même, contiennent, en grande quantité, des fibres musculaires diver- 
sement enchevêtrées, et c’est au milieu d’un tissu souvent inextricable de muscles que sont 
plongés les divers systèmes d'organes. L’anatomiste est donc obligé, pour découvrir ces 
organes, d'en poursuivre la dissection à travers ces tissus fibreux, que l'animal contracte 
avec violence, s’il est encore vivant, ou qu’il a fortement contractés avant de cesser de vivre. 
Les animaux articulés sont presque tous dépourvus de tissu cellulaire et de ces abondantes 
mucosités qui s'échappent de toutes les parties des Mollusques. Pour parvenir à bien voir 
tous les systèmes d'organes d’un Mollusque acéphalé, il faut donc d'abord se débarrasser 
de ces deux obstacles considérables : la contractilité de l'animal vivant, les mucosités abon- 
dantes qui s’échappent de son corps. Le premier obstacle est vaincu avec facilité; le second 
demande plus de soins et de précautions. Tous les anatomistes savent qu’en plongeant un 
animal mollusque dans une liqueur fortement alcoolisée , on condense immédiatement les 
mucosités et on les rend insolubles dans l’eau; mais, employé sans précaution, ce procédé 
a le grave inconvénient de faire contracter l'animal et de le réduire à un moindre volume, 
par suite d’un phénomène d’endosmose qui s'opère même sur les individus morts depuis 
assez longtemps. L'eau contenue dans le Mollusque s'échappe dans l'alcool, et n’est pas 
remplacée par une quantité équivalente , de sorte qu’en réalité l'animal semble se dessécher 
en perdant les liquides qui lui sont propres; et, durant cette opération, il est impossible 
d'empêcher la contraction lente des muscles, qui se rapprochent et se condensent à mesure 
que s’échappent les liqueurs qui remplissaient leurs interstices. C'est ainsi que nous avons 
vu se racornir les Mollusques les mieux préparés, et le seul moyen qui nous ait réussi 
dans la plupart des circonstances a été de les plonger d’abord dans des liqueurs très- 
légèrement salées. Quoi qu'il en soit, la dissection des Mollusques est l'une des opérations 
les plus difhciles et celle qui exige, de la part de l’anatomiste, le plus de patience et de 


persévérance. 


Le Lavignon, habitant en grande abondance non-seulement la Méditerranée, mais encore 
l'Océan européen et l'Océan atlantique jusqu'au Sénégal, a été connu de nos anciens natu- 
ralistes ; Belon est le premier qui ait mentionné, en 1553, dans son ouvrage sur les pois- 
sons; il en donne une description assez détaillée et une figure médiocre, sous le nom de 
Chama piperata. Ce nom rappelle le goût poivré particulier à ce Mollusque, dont le peuple 
se nourrit quelquefois. Gessner et Aldrovande, dans leurs compilations, ont mentionné 
le Chama piperata de Belon, et n’ont rien ajouté aux renseignements donnés par le père 
des naturalistes français. Rondelet cite également ce Chama piperata, du moms cela nous 
parait probable, d’après quelques passages de son histoire des poissons. Le savant auteur 
du Synopsis conchyliorum et de tant d’autres ouvrages remarquables, pour l'époque où ils 
furent publiés, Lister, donna de bonnes figures du Chama piperata de Belon, non-seulement 
dans le Synopsis que nous venons de citer, mais encore dans son Traité des animaux de la 
Grande-Bretagne. Il semblerait que dans ces deux ouvrages il ait considéré ce Mollusque 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE LAVIGNON. 193 


comme appartenant à deux espèces; car dans l'un il le nomme Concha lenuis, et dans 
l'autre, Pectunculus latus. La figure que publia Bonanni est moins reconnaissable que celle 
de Lister; aussi l'ouvrage du naturaliste romain n’ajoute rien à la connaissance de l'espèce. 
Nous pouvons porter un jugement semblable sur l'ouvrage de Petiver, publié de 1702 à 
1719, et dans lequel on trouve aussi une très-médiocre figure du Chama piperata. 

Réaumur à marqué son époque dans l'histoire de la zoologie, par l’art admirable avec 
lequel il sut observer les mœurs des animaux. Quoique ses travaux sur les insectes soient 
les plus cités, nous n'avons oublié, dans aucune occasion, ceux que ce savantillustre a publiés 
sur différents animaux marins. On a de lui quelques mémoires qui ont eu pour objet des 
Mollusques; et, parmi eux, nous trouvons, dans le Recueil de l'Académie des sciences, 
un mémoire très-important sur les mouvements progressifs de divers animaux marins, et 
notamment de Mollusques acéphalés; le Lavignon y occupe une place assez considérable, 
et, dès 1710, nous trouvons sur cet animal de précieux renseignements, non-seulement 
sur sa manière de vivre, mais encore sur la forme de ses parties externes. Dans une figure, 
malheureusement peu correcte, Réaumur représente un Lavignon ayant les lobes du man- 
teau assez écartés pour laisser voir les palpes labiales, le pied, les branchies, ainsi que les 
siphons grèles et très-allongés qui prolongent le manteau du côté postérieur. À l’aide de ce 
travail de Réaumur, on aurait pu reconnaitre les caractères génériques des Lavignons et 
éviter, dès l’origine de nos classifications modernes, de les confondre , soit avec les Mactres, 
soit avec les Lutraires. 

Longtemps après la publication du Mémoire de Réaumur, Adanson observait au Sénégal 
le Chama piperata de Belon. On doit regretter que ce savant naturaliste, chez lequel était 
développé, au plus haut degré, Pesprit de la classification, n'ait point observé l'animal et se 
soit contenté de donner une courte description de la coquille, en l’inscrivant sous le nom de 
Calcinelle, dans son genre peu naturel de la Came. Dans une courte addition qui termine son 
ouvrage, Adanson fait remarquer que les Tellines semblent se joindre aux autres Cames, 
c'est-à-dire aux Vénus, par l'intermédiaire de la Calcinelle, mais peut-être eût-il modifié 
cette opinion s'il avait eu sous les yeux l'animal du Lavignon , et qu'il l'eût comparé à celui 
des genres dont il parle. 

Poiret, dans son voyage en Barbarie, trouva, comme nous, aux environs de Bône, le 
Chama piperata, mais il ne dit rien de son animal, qu'il n’eut point occasion d'observer. A 
la même époque, Chemnitz recevait la même espèce des côtes de l'Espagne, et la figurait 
dans son grand ouvrage, sous le nom de WMya hispanica; en la découvrant dans les mers 
d'Angleterre, Pennant, en 1777, inscrivaitle Chama piperata sous le nom de Venus borealis, 
dans son Histoire des animaux d'Angleterre, tandis que D’Acosta, dans sa Conchyliologie 
britannique, la réunissait aux Mactres des côtes d'Angleterre, et proposait pour cette réu- 
nion de coquilles un genre Trigonella. Sans ce mélange, les auteurs plus modernes n'au- 
raient pas hésité à réintégrer dans la science le genre Trigonella de D’Acosta, et ce n’est 
peut-être pas un obstacle pour qu'il soit maintenu dans la méthode. Bien des naturalistes 
ont l'habitude de rejeter définitivement des genres composés, comme celui-ci, de deux 
sortes d'objets qui peuvent et doivent constituer des groupes différents. Sur cinq espèces 


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A2 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


de Trigonella, quatre sont des Mactres de Linné ; la cinquième est le Chama piperata. Si 
ce Chama piperata eût constitué un genre, à l'époque où D’Acosta a écrit, sans aucun doute, 
le genre Trigonella devrait disparaitre complétement; mais nous pensons que, à l'exemple 
des réformes introduites dans les genres de Linné, celui-ci peut être maintenu; dès lors 
les noms qui ont été successivement proposés pour lui devront être relégués dans la Syno- 
nymie générique. Pour appuyer notre opinion à ce sujet, il nous suflira de rappeler ce qui 
s’est passé à l'égard du genre Mya, de Linné, par exemple, de son genre Chama et même 
de son genre Ostræa, et de plusieurs autres que nous nous abstiendrons de mention- 
ner, parce qu'ils sont bien connus des zoologistes. Dans le genre Mya, sur sept espèces, 
les deux premières seulement ont conservé le nom linnéen ; dans le genre Chama, où 
lon compte quatorze espèces, aux quatre dernières seulement a été réservé le nom 
générique de Came; enfin, tous les naturalistes savent que Linné comprenait parmi ses 
huîtres le grand genre Peigne, les Limes, les Marteaux, les Pernes, et que, sur trente et 
une espèces inscrites, quatre ou cinq sont de véritables huîtres, pour lesquelles le genre 
Ostræa a été maintenu. Ce que nous venons de rapporter n'aurait pas eu lieu, si, dans les 
changements que lon a fait subir aux genres linnéens, on avait suivi la règle la plus gé- 
néralement observée par les zoologistes modernes. Lorsqu'un genre a besoin d’être divisé, 
le nom qu'il a reçu doit être réservé à celle des sections qui renferment le plus d’es- 
pèces; mais, comme on le conçoit, cette règle doit souffrir des exceptions, et il paraîtra 
vaturel que le nom du genre soit maintenu pour celles des espèces qui offrent le mieux 
les caractères génériques proposés par l’auteur. Bien que les caractères du genre Trigonella 
se rapportent mieux aux Mactres, rien n'empêche cependant de prendre tout au moins 
ce nom pour l'appliquer au Chama piperata, en précisant davantage les caractères qui dis- 
tinguent ce genre. 

Schrôeter et Gmelin ont entrainé parmi les Mactres la Calcinelle d’Adanson, mais Gmelin, 
après lui avoir donné deux noms dans le genre Mactre, la met aussi sous un troisième 
nom parmi les Myes, et enfin la reproduit deux fois encore parmi les Vénus; de sorte que 
la seule espèce connue à cette époque se retrouve dans Gmelin, sous cinq noms et dans 
trois genres. 

Spengler, auquel la science conchylhologique est redevable d'observations si judicieuses, 
a compris la Calcinelle parmi les Myes, à peu près à l’époque où Olivi, qui l’observait dans 
l’Adriatique, croyait être le premier à l'inscrire dans les catalogues. Olivi n’appréciait pas, 


à leur juste valeur, les caractères de la coquille en question, et il eut tort de la ranger au 


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nombre des Solens; mais il rachète cette erreur par des observations fort utiles sur la ma- 
nière de vivre de l'animal, observations qui s'accordent exactement avec celles de Réaumur, 
de sorte que, si l'on eût suffisamment apprécié les observations d’Olivi et de Réaumur, on 
aurait eu le moyen de caractériser le genre Trigonella, de le séparer des Lutraires et d'in- 
diquer ses rapports naturels; mais ces travaux furent oubliés, et nous voyons que les auteurs 
anglais firent passer le Chama piperata des Tellines dans les Myes ou dans les Mactres, 
tandis qu’en France on l’admet, avec Lamarck, parmi les Lutraires. 


Nous voici parvenu à l’époque où deux zoologistes se sont spécialement occupés des 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE LAVIGNON. 495 


Lavignons. Les ouvrages de ces zoologistes parurent en 1817: lun par Cuvier, c’est la 
première édition du Règne animal; l'autre par Schumacher, c’est son ouvrage intitulé : 
Essai d'un nouveau système des vers testacés. Soit que Cuvier ait emprunté à Réaumur ou à 
Olivi leurs observations, soit qu'il ait eu occasion d'observer vivant l'animal de la Calci- 
nelle, il a jugé de ses différences avec les Mactres et les Lutraires, et en conséquence il 
proposa un sous-genre des Mactres, sous le nom de Lavignon. Il caractérise assez exacte- 
ment la coquille, et il ajoute que les tubes de l'animal sont fort longs, et séparés jusqu'à 
la base comme dans les Tellines. L'espèce type du sous-genre de Cuvier est le Chama 
piperata; mais dans les notes, ce savant a le tort de jomdre à celle-là trois autres espèces qui 
ne sont pas du même genre : ce sont les Mactra papyracea et complanata , ainsi que le Mya 
nicobarica de Chemniiz. Les deux premières appartiennent à ce groupe de Mactres qui font 
le passage aux Lutraires; la troisième constitue un genre particulier, auquel M. Sowerby a 
donné le nom d’Anatinelle. 

On pourrait reprocher au genre Scrobicularia de M. Schumacher de contenir à la fois 
deux coquilles très-différentes : lune le Tellina angulata, qui, en réalité, est une véritable 
Telline, et l’autre le Chama piperala. L'auteur, il est vrai, expose les caractères génériques 
de la coquille d’une manière plus nette que Cuvier; et, si l’on avait à choisir entre deux 
noms qui ont paru à la même époque, il faudrait cependant préférer celui de Cuvier, puisque 
notre grand zoologiste a ajouté au genre un caractère essentiel de l'animal, ce que per- 
sonne n'avait fait avant lui. L'ouvrage de Dillwyn parut aussi en 1817; mais, cet auteur 
ayant adopté le système linnéen dans toute sa pureté, c’est parmi les Mactres que l’on 
trouve le genre qui fait le sujet de nos observations. 

En 1818, Lamarck publiait le tome V de son Histoire naturelle des animaux sans ver- 
tèbres. On trouve le genre Lutraire divisé en deux sections : la première, pour des coquilles 
transversalement oblongues; la seconde, pour des coquilles orbiculaires ou subtrigones. 
C’est dans cette seconde section que sont rangées, sous deux noms spécifiques, les princi- 
pales variétés du Chama piperata. Ainsi, quoique Cuvier et Schumacher aient précédem- 
ment proposé chacun un genre pour cette coquille, Lamarck la maintient parmi les 
Lutraires; mais il faut dire qu'à cette époque on ignorait complétement la forme et les 
caractères des animaux des Lutraires de la première section; il était donc permis de supposer 
que toutes les Lutraires de Lamarck, sans exception, avaient de longs siphons, séparés 
dans toute leur longueur, et semblables à ceux des Tellines. Cependant une étude-appro- 
fondie des caractères intérieurs des coquilles aurait pu faire soupçonner des différences 
assez considérables entre les Lavignons et les Lutraires proprement dites. Non-seulement 
les Lavignons ne portent pas à leur charnière la dent, en forme de V, des Mactres et des 
Lutraires, mais ils présentent, dans la forme de l'impression palléale, des différences assez 
considérables; dans les Lutraires proprement dites, aussi bien que dans les Myes, la sinuo- 
sité postérieure de limpression palléale est transversalement oblongue ; dans les Lavi- 
gnons, au contraire, elle est dilatée dans le milieu; elle forme un angle qui remonte sous 
les crochets de la même manière que dans la plupart des Tellines. De ces différences 
on pouvait conclure que, dans les vraies Lutraires, les siphons sont réunis, comme 


Zooz. — Mollusques. 1. 54 


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426 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


dans les Mactres, et que, dans les Lavignons, ils sont séparés dans toute leur longueur. 

On pourrait croire que l'histoire du genre doit se terminer ici; il semble que les natu- 
ralistes ont pu choisir entre les différents groupes qui ont été successivement proposés. 
La seule espèce jusqu'à présent connue pouvait être également placée dans quatre genres, 
selon que l'un d'eux paraissait préférable : Trigonella, Lavignon, Scrobicularia, et enfin 
Lutraire; mais un cinquième genre parut encore nécessaire à M. Turton, qui le proposa 
en 1822, sous le nom de Listera, dans son Histoire naturelle des coquilles bivalves de 
l'Angleterre. Avant cela, Schweigoer et Férussac avaient adopté le genre Lavignon de 
Cuvier, tandis que M. de Blainville proposait encore un genre Lutricole, dans son Traité 
de malacologie. Ce genre Lutricole est une reproduction assez exacte des Lutraires de 
Lamarck. M. de Blainville y fait entrer à la fois le genre Ligule de Leach, les Lavignons 
de Cuvier, et les Lutraires proprement dites ; par conséquent, ce genre Lutricole n’est 
point admissible, puisqu'il ne présente aucune différence avec le genre créé longtemps 
avant par Lamarck. Depuis cette époque, les naturalistes ont flotté entre le genre Listera, 
comme M. Menke , et le genre Scrobicularia, comme M. Philippi, etc. 

Nous ne pouvons terminer l’histoire des Lavignons, sans mentionner une notice, très- 

-courte à la vérité, qui a été publiée par M. Quoy, dans le Magasin de zoologie de 1839. 
M. Quoy, dans cette notice, donne une description succincte de l'animal, il l'accompagne 
d'une figure de grandeur naturelle; mais il est évident que cet animal n’a pas été vu vivant : 
il est contracté, ses siphons sont considérablement rétractés, et ils n’offrent pas la forme 
que l'animal leur donne pendant sa vie. L’explication de cette planche laisse dans l’incer- 
titude beaucoup de points importants de la structure de l'animal ; mais, si imparfaite que 
soit cette figure, elle peut encore servir de renseignement ; peut-être pourrait-on dire 
qu'elle est moins exacte que celle de Réaumur, et qu'elle n'ajoute rien aux excellentes 
observations publiées plus de cent vingt ans avant celles de M. Quoy. 

Cette histoire du Chama ptperata de Belon conduit à plusieurs conséquences; elle dé- 
montre évidemment que l'on a pressenti, depuis assez longtemps, que cette coquille devait 
constituer un genre particulier, et on a la preuve que l'animal n’était point suffisamment 
connu pour le caractériser définitivement, puisque, à l'exception de Réaumur, de Baster, 
d'Olivi et de Cuvier, aucun des auteurs méthodiques ne l’a mentionné. Comme nous l'avons 
vu, le Chama piperata a été rangé successivement : 1° dans les Cames, par Adanson; 2° dans 
les Mactres, par Poiret, Gmelin, Dorset , Montagu, Dillwyn, de Gerville et Wood; 3° sous 
le nom de Wya, par Chemnitz, Gmelin et Spengler; 4° sous celui de Tellina, par Ginnani, 
Baster et Donovan; 5° sous celui de Vénus par Pennant et Gmelin; 6° enfin, D'Acosta l’a 
comprise dans son genre Trigonella , Olivi parmi les Solens ; 7° Cuvier, dans son genre Lavi- 
gnon ; 8° Schumacher, dans son genre Scrobicularia; 9° Lamarck, dans son genre Lutraire ; 
10° M. de Blainville dans un genre Lutricole, tandis que M. Turton a proposé, pour la 
même espèce, son genre Listera. Il serait difficile sans doute de trouver une autre espèce de 
Mollusques qui présentât, dans son histoire, d'aussi nombreux changements que celle-ci en 
a éprouvés. Des quatre genres spécialement destinés au Chama piperata, un seul doit pré- 
valoir, et celui-là est naturellement désigné par la date de l'ouvrage où il est consigné, Il 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE LAVIGNON. 127 


est évident que le genre Trigonella de D’Acosta doit être préféré, si l’on admet, avec nous, 
la possibilité de le réformer; si le nom de D’Acosta est rejeté, nous pensons que celui de 
Lavignon, consacré déjà par les observations de Réaumur et par son introduction dans la 
méthode par Cuvier, devra prévaloir sur le genre Scrobicularia, qui, bien que publié la 
même année, n’est point caractérisé d’une manière aussi complète. Quant au genre Listera, 
il est hors de cause, puisque son auteur ne l’a produit que cinq ans après la publication 
des ouvrages de Cuvier et de Schumacher. 

Nous n'avons plus qu'un mot à ajouter pour terminer l’histoire du genre Lavignon. 
Comme on a pu le remarquer, nous avons constamment parlé d’une seule espèce; en 
effet, jusqu'en 1826 elle était la seule connue. C’est à cette époque que M. Payrau- 
deau , dans son Catalogue des Mollusques de Corse, ajouta une seconde espèce, sous le 
nom de Lutraria Cottardi. Depuis lintéressante découverte de M. Payraudeau, le genre 
est resté composé des deux espèces que nous avons mentionnées, et c'est de la première 
que nous allons donner l'anatomie. 

L'histoire que nous venons de tracer du genre Lavignon nous apprend que quatre 
zoologistes seulement ont parlé de l'animal; ce sont Réaumur, Baster, Olivi et M. Quoy ; 
nous pourrions ajouter Cuvier, mais nous avons vu que ce savant, en proposant son sous- 
genre Lavignon, en appuie admission sur un seul caractère de l'animal : la longueur des 
siphons et leur disjonction totale. Nous avons déjà dit que ces divers travaux laissaient 
presque tout à désirer au zoologiste aussi bien qu’à l'anatomiste. En effet, Réaumur, préoc- 
cupé de la manière de se mouvoir de l'animal qu'il avait sous les yeux, s’est peu attaché à 
détailler ses caractères; il est le premier qui ait parlé de l'extrême longueur des siphons 
et de la séparation de ces organes dans toute leur longueur; 1l est également le premier 
qui ait reconnu leur usage. Après avoir examiné un grand nombre de Mollusques, vivant 
comme celui-ci dans le sable et dans la vase, Réaumur fut aussi le premier qui indiqua le 
mouvement du liquide ambiant dans l'intérieur de l'animal, à l’aide des siphons qui le ter- 
minent. Réaumur s’attacha à donner la description du pied, et il décrivit minutieusement les 
manœuvres à l’aide desquelles l'animal parvient à s’enfoncer dans le sable ou dans la vase, 
en se servant de son pied comme d’une espèce de coin pour y pénétrer, et en le recourbant 
ensuite sur l’un des côtés, pour obtenir un point de résistance sous la masse de sable qu'il 
vient de remuer. Quant aux organes intérieurs, Réaumur n’en fait aucune mention, si ce 
n'est des bords du manteau, dont il a vu les cils courts et obtus, et les muscles adducteurs 
qui servent à fixer l'animal à sa coquille. 

Baster n'a presque rien ajouté aux observations de Réaumur. Après avoir parlé du pied 
et des siphons, et après avoir représenté l'animal vivant, il enlève l’une des valves, renverse 
le manteau pour montrer l'intérieur de lanimal; mais cette figure est très-défectueuse; on 
y reconnait cependant le pied et les siphons contractés, et deux petites parties que Baster 
nomme appendices, qui ne sont autre chose que les palpes labiales contractées et roulées 
sur elles-mêmes. 

Comme ses prédécesseurs, Olivi, en observant l'animal vivant, a été frappé de la lon- 
gueur de ses siphons, mais il ne nous apprend rien sur les autres caractères de l'animal, Il 

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128 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


n’en est pas de même de M. Quoy. Ce zoologiste, déjà connu par les grands travaux qu'il 
a publiés sur les Mollusques, dans la partie zoologique du voyage de l’Astrolabe, ayant déjà 
une longue habitude de l'observation, ne pouvait laisser inapercçus les organes principaux 
d'un Mollusque dont il donne la figure. On doit regretter cependant que ce naturaliste 
n'ait point observé le Lavignon vivant, ce qui a contribué à laisser beaucoup d’'imperfection 
dans sa figure et une malheureuse briéveté dans sa description. M. Quoy constate la lon- 
gueur des siphons, leur séparation, ainsi que les courts tentacules qui garnissent les bords 
du manteau; il parle également de la forme du pied, et il se trouve d'accord avec Réaumur 
et Olivi ; il ajoute une description très-succincte de la branchie, dont les deux feuillets sont 
inégaux et, d'après lui, accostés l’un à l’autre, sans qu'on puisse deviner ce que l’auteur a 
voulu dire par là, puisque, en réalité, les feuillets branchiaux ont moins de contact l’un avec 
l'autre que dans la plupart des autres genres. D'après M. Quoy, les branchies seraient plus 
petites que les palpes labiales, ce qui, pour nous, n’est point parfaitement exact; car nous 
avons toujours trouvé ces palpes en proportion plus petites, dans tous les individus que 
nous avons observés. Enfin, M. Quoy fait voir la bouche placée entre les quatre palpes 
Jlabiales, mais 1l ne dit rien de la structure de ces organes , qui accompagnent constamment 
la bouche. Dans l'explication des figures, M. Quoy indique la place du cœur, celle du foie, 
celle du rectum, se contournant sur le milieu du muscle adducteur postérieur des valves. 
Les figures de ce naturaliste, de grandeur naturelle, ne peuvent suppléer à la brièveté de 
son texte, et nous le répétons, nous éprouvons du regret que M. Quoy, qui s’est acquis des 
droits à la reconnaissance des amis de la science, n'ait pas poussé plus loin ses inves- 
tigations. 

Avant de commencer la description anatomique du Lavignon, nous devons déclarer 
qu'après avoir observé l'animal vivant, et en avoir donné une figure exacte pour la forme 
et la couleur, nous en avons conservé le plus grand nombre possible; et ce sont ces indi- 
vidus qui, dans un très-bon état de conservation, ont servi à nos recherches anatomiques ; 
nous pensons que ces observations anatomiques seront cependant bien accueillies des zoolo- 
gistes, malgré les préventions que l’on a cherché à soulever récemment contre des travaux 
analogues à celui-ci. Plusieurs zoologistes ne cessent de répéter que l’on ne doit accorder 
d'autorité qu’à celles des recherches anatomiques entreprises sur le vivant. Il est certain que, 
pour les animaux d’un ordre inférieur, cela est toujours préférable. Cependant, pour les 
Mollusques particulièrement, il faut se rappeler que, si on veut les disséquer vivants, ils se 
contractent et se déforment autant sous le scalpel que lorsqu'on les plonge dans une liqueur 
conservatrice convenablement préparée. Pour être juste, il faut ajouter que la liqueur 
fait subir à la longue une altération chimique à certains organes, surtout à ceux qui con- 
tiennent des matières albumineuses qui, étant détachées de ces organes, sont précipitées 
dans leurs tissus. Mais une fois que l’on s'est rendu compte de ce phénomène et que l’on 
a mesuré sa faible importance, on ne peut ôter toute leur valeur aux anatomies entre- 
prises sur des animaux bien conservés. Au reste, la question semble jugée, puisque des 
zoologistes aussi haut placés dans la science que Cuvier et Savigny ont exécuté presque 
tous leurs travaux sur des animaux conservés dans l'alcool. On concevra, en effet, que rien 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE LAVIGNON. h29 


d’essentiel n’est changé dans ces animaux; ils sont contractés, mais les rapports des organes 
restent les mêmes, et leur organisation intime peut encore se dévoiler même dans les 


observations les plus minutieuses du microscope. 


Aximaz. — Lorsque l’on a retiré de son habitation un Lavignon vivant et qu'on le place 
à plat dans un vase rempli d’eau de mer, on voit l'animal, dont les siphons sont courts et 
contractés, les allonger peu à peu et les maintenir constamment sous un angle déterminé. 
Ces siphons ne sont point égaux dans leur contraction, ils restent inégaux dans leur exten- 
sion. Ce qui donne à ces organes un intérêt particulier, c'est qu'ils sont susceptibles de s'al- 
longer d’une manière vraiment extraordinaire. Dans leur contraction, la longueur du siphon 
branchial dépasse à peine le diamètre antéro-postérieur de la coquille ; le siphon anal est 
de moitié plus court, et, dans cet état, ils sont écartés sous un angle droit; il faut un temps 
assez notable à l'animal pour donner à ses siphons toute leur extension. Plusieurs individus, 
recueillis vers cinq heures de l'après-midi, n'étaient point encore entièrement développés 
le lendemain matin; enfin, dans leur plus grande extension, le siphon branchial acquiert 
près de six fois la largeur de la coquille, tandis que le siphon anal prend deux fois cette 
même largeur. (PL XLIV, fig. 1 b, b, ©, c.) À mesure que ces organes s'allongent, leur 
diamètre s'accroît aussi et l’on se demande comment des fibres musculaires peuvent jouir 
d'une extensibilité aussi considérable, Arrivé à ce degré d'extension, l'animal agite lente- 
ment ses siphons, particulièrement le branchial, et leur imprime un mouvement vermicu- 
laire. Mais, quels que soient ces mouvements, ils se maintiennent toujours sous un angle 
droit. Ces siphons sont d’un jaune safrané extrêmement pâle; ils deviennent excessivement 
minces et transparents; ils sont cylindracés, paraissent lisses à l'œil nu, un peu plus rétrécis 
à leur extrémité libre; leur ouverture paraît simple, mais, Si On examine avec un grossisse- 
ment suffisant, on reconnait que l'ouverture du siphon anal est sensiblement comprimée de 
chaque côté, de manière à ce qu'elle se présente sous la forme d’un 8 , un peu ouvert dans 
le milieu; les bords très-minces sont garnis d'une seule série de cils excessivement petits 
(pl. XLIV, fig. 4); l'ouverture du siphon branchial est régulièrement divisée en six lobes 
obtus et larges; ces lobes correspondent à des plis longitudinaux, et, quand l'animal ferme 
cette ouverture, ces lobes se rapprochent comme les bords d’une bourse. En examinant 
ces organes SOUS un faible grossissement microscopique, on voit qu'ils sont composés de 
fibres musculaires parallèles, mais on aperçoit de plus dans le siphon branchial des stries 
excessivement fines, longitudinales, et qui ne sont point interrompues par des stries trans- 
verses, comme cela s’observe dans les siphons des Tellines et d’autres genres. Nous devons 
ajouter que le bord très-aminci de l'ouverture du siphon branchial ne présente Jamais la 
moindre trace de cils. (PL XLIV, fig. 5.) 

Souvent l'animal cherche à reconnaître les corps qui l'environnent, en faisant sortir son 
pied par le côté antérieur de la coquille dont les valves sont entre-bâillées. Cet organe, 
comme dans tous les Mollusques aplatis, se présente sous la forme d’une petite langue 
d’un blanc transparent , triangulaire , pointue au sommet (pl. XLIV, fig. 1 a) et animée de 
mouvements vermiformes plus ou moins rapides, pendant lesquels il s'applique sur les 


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L30 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


parois du vase dans lequel l'animal est contenu. Il arrive quelquefois que, après de vaines 
tentatives pour trouver un sol sableux, l'animal renverse son pied au-dessous de la coquille et 
la fait basculer rapidement au moyen d’une contraction violente qui le fait changer de place. 
Quelquefois le Lavignon fait sortir, en dehors des bords de la coquille, une très-petite portion 
du bord cilié de son manteau; il faut examiner à la loupe cette partie de l'animal, pour 
distinguer les papilles courtes et espacées, obtuses et coniques, qui garnissent tout le bord 
libre du manteau, depuis sa commissure inférieure jusqu'au delà du muscle adducteur an- 
térieur (pl. XLIV, fig. 6); cette partie de l'animal est blanche et d’un jaune excessivement pâle. 
Si, au lieu de placer le Lavignon dans un vase plat, on le plonge dans un vase de verre pro- 
fond, dont on a rempli une partie de sable vaseux, alors on peut observer de quelle manière 
il s’y prend pour s’enfoncer assez rapidement dans le sable; placé à plat sur l'une des valves, 
il fait sortir son pied et, à l’aide d’un mouvement vermiforme, et en lui donnant un angle 
presque droit par rapport à la coquille, il l'enfonce dans le sable, en l’allongeant beaucoup plus 


qu'il ne le fait ordinairement. Arrivé à ce point, tantôt il gonfle l'extrémité du pied, laisse 


tomber sur ce gonflement le sable qu'il a mis en mouvement, se sert de ce sable. comme d’un 
point d'appui, et, contractant son pied, il redresse sa coquille presque perpendiculairement ; 
quelquefois, au lieu de cette manœuvre, il en fait une autre, surtout si le Lavignon est 
sur un fond vaseux dont la résistance est moins grande et ne lui offre pas un point d'appui 
suffisant ; au lieu de gonfler l'extrémité du pied, l'animal la recourbe sous un angle presque 
droit, et c’est alors seulement que, par la contraction, il redresse sa coquille. Une fois dans 
cette position, il continue la même manœuvre, qui est assez rapide pour qu'il disparaisse en 
quelques minutes. Une fois qu'il est parvenu à se cacher, il laisse l'extrémité de ses siphons 
un peu au-dessus du niveau du sol, en les tenant écartés, et il leur donne peu à peu toute 
lextension dont ces organes sont susceptibles. C'est ainsi que vivent les Lavignons, en nombre 
très-considérable, dans les parties du littoral où un sable fin, en partie calcaire, se trouve 
mêlé à la vase qu'entraine avec elle la rivière qui se jette dans la rade de Bône. 

Lorsque l’on enlève une valve de la coquille, il faut en détacher les muscles adducteurs 
qui fixent l'animal ; pour y parvenir, on glisse entre les valves et sous le manteau une 
lame mince et tranchante, et alors on a sous les yeux l'animal fortement contracté par suite 
de la blessure qu'on lui a faite; on voit alors que la masse des organes est enveloppée par 
une pellicule mince et transparente, épaissie sur ses bords, et qui n’est autre que le man- 
teau. Ce manteau laisse apercevoir le pied contracté, les palpes labiales et les branchies qui 
sont, par paire, de chaque côté du Corps; on aperçoit aussi un muscle en éventail, dont la 
portion étroite vient s’insérer sur les parties latérales des siphons, à l'endroit où ils s'ouvrent 
dans la cavité du manteau. (PL XLIV, fig. 3.) Nous ne pousserons pas plus loin cet aperçu 
général, puisque nous allons donner la description anatomique de tous les systèmes d’or- 
ganes dans l’ordre que nous avons suivi pour l'exposition des genres qui précèdent. 


ENVELOPPE GÉNÉRALE (MANTEAU, COQUILLE). — Dans tous les Mollusques acéphalés, on 
donne le nom de manteau à l'enveloppe charnue qui recouvre l'animal en entier, s'applique 
dans l'intérieur des valves et en conserve la forme. On peut considérer la coquille comme 


CLASSE PREMIÈRE. — GENRE LAVIGNON. A31 


une dépendance de cette enveloppe charnue, puisque, en effet, elle en est un produit sé- 
crété ; le ligament lui-même qui sert à lier les valves à la charnière peut être également con- 
sidéré comme une dépendance du manteau. S'il existe des Mollusques acéphalés dont le 
manteau n'a point d’appendice dans sa circonférence , il en est un grand nombre d’autres 
chez lesquels on remarque des prolongements plus où moins considérables, dépendant de 
l'extrémité postérieure du manteau, et qui se présentent sous la forme de deux tuyaux plus 
ou moins allongés, quelquefois soudés en une seule masse, d’autres fois séparés entre eux, 
soit en totalité, soit dans une partie plus ou moins considérable de leur longueur. Adanson 
donnait le nom de trachées à ces tuyaux postérieurs; les zoologistes sont convenus de leur 
conserver le nom de siphons. Nous avons donc à examiner dans l'enveloppe générale non- 
seulement sa portion mince, mais encore ses bords épais et musculeux, ainsi que les siphons 
qui la terminent du côté postérieur. 

Le manteau , dans les Lavignons, se présente toujours sous les apparences d’une mem- 
brane mince et très-transparente. Si on l’examine avec une plus grande attention, on y 
remarque, même à l'œil nu, un grand nombre de ponctuations blanchâtres, qui donnent 
à toute la portion membraneuse une teinte légèrement laiteuse. Il semblerait que cet organe 
si mince ne dût être formé que d’un seul feuillet; mais, pour peu que lon étudie ses di- 
verses parties, on s'aperçoit bientôt qu’il se compose de deux membranes adossées l'une à 
l'autre. Dans la plus grande partie de son étendue, le manteau est plutôt appliqué sur 
la surface interne du test; il y est attaché à ceux des points où les muscles s’insèrent. 
C'est ainsi que le bord musculaire de ce manteau laisse sur la coquille une impression 
qui en suit le bord , et cette impression indique le point où le manteau s'attache lui-même 
sur le test. En partant de ce point, on le voit s’avancer vers le bord supérieur de l'animal; 
il rencontre le grand muscle en éventail rétracteur des siphons, et là ses deux feuillets se 
détachent pour former à ce muscle une large gaine dans laquelle il exerce tous ses mou- 
vements. Une fois ce muscle franchi, les deux feuillets du manteau se rapprochent et se 
joignent à laide d’un tissu cellulaire et vasculaire, qui permet de séparer les feuillets, en 
s'y prenant avec quelque adresse. Parvenu vers le dos de l'animal, au point où les bran- 
chies et les palpes labiales s’insèrent sur le corps, le feuillet supérieur continue sa marche, 
gagne la ligne dorsale de l’animal , où il rencontre, pour s'y souder d’une manière intime, 
le feuillet qui, de l’autre côté, a suivi la même marche. Le feuillet interne contracte une 
adhérence solide avec les diverses parties du corps qu'il touche, se reploie sur les divers 
organes extérieurs , et forme une enveloppe complète, dans laquelle sont comprises : la sur- 
face interne des muscles adducteurs , la surface du pied, les palpes labiales, les branchies ; 
et enfin il pénètre dans l'intérieur des siphons, pour les revêtir, dans toute leur longueur. 
Aünsi, c’est le feuillet extérieur qui couvre le foie, forme le péricarde, enveloppe l'intestin 
et les principaux vaisseaux ; le feuillet interne revêt tout ce qui se montre dans la cavité 
palléale. Les anatomistes comprendront très-bien la disposition du manteau, si nous com- 
parons sa manière d’être à celle du péritoine dans les animaux vertébrés. 

Le manteau reste mince dans la portion de sa circonférence qui correspond à la char- 
nière ; mais là il se contourne en lamelles minces, que l’on voit s'appliquer dans les inters- 


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132 HISTOIRE NATURELLE DES MOLLUSQUES. 


tices de la charnière de la coquille, et s’interposer entre les dents cardinales: il devient 
même un organe de sécrétion pour le ligament. Quels que soient les contours que l'on ob- 
serve sur la charnière, le manteau les reproduit avec la plus grande fidélité, et on voit 
qu'il est destiné à sécréter cette partie importante du test. (PI. LI, fig. 2, 3.) Immédiate- 
ment en avant et en arrière de la charnière , les deux portions réunies du manteau forment 
une crête sur la ligne médiane et dorsale de l'animal, et, avec cette crête, commence l’é- 
paississement musculaire de la circonférence de l’organe que nous décrivons. Cet épaissis- 
sement, peu considérable d’abord, s’accroit jusqu’à l'insertion des muscles adducteurs des 
valves, et se continue régulièrement dans le reste de la circonférence, sans éprouver de 
changement par la présence des siphons. Cette partie épaisse du manteau est presque entiè- 
rement musculaire, elle contient aussi un organe de sécrétion, au moyen duquel se fait 
l'accroissement de la coquille. Deux plans de petits muscles constituent cette portion épaisse 
du manteau; du côté interne, les fibres se fixent à la coquille, où elles laissent, parallèle- 
ment au bord, une impression étroite, à laquelle est consacré le nom d'impression palléale. 
Les fibres musculaires de chaque plan se dirigent vers le bord libre du manteau, se jJoi- 
gnent, et se réunissent de la manière la plus intime; des faisceaux fibreux, très-nombreux, 
presque tous parallèles, souvent divisés vers leur extrémité, constituent cette portion épaisse 
des bords du manteau (PI. XLVI, fig. 4); et c’est à leur surface interne que se montre un 
bord sallant et renflé, faiblement dentelé, et dont nous avons déjà parlé; c’est ce bord 
que l'animal vivant fait sortir sur le pourtour de ses valves. Enfin, nous ferons remarquer 
encore, à la base de la portion épaisse du manteau, et du côté interne, un petit bourrelet 
qui se continue dans toute la longueur du bord inférieur (pl. XLV, fig. 4), et au-dessous 
duquel on trouve le nerf de la commissure palléale. Les deux lobes du manteau ne sont 
point désunis dans toute leur circonférence; la grande ouverture, destinée au passage du 
pied, commence au bord inférieur du muscle adducteur antérieur, et se termine tout près 
de l'extrémité postérieure, à l'endroit où commencent les siphons. La jonction des deux 
lobes du manteau s'opère non-seulement par la soudure des bords, mais encore par deux 
peuts muscles se dirigeant obliquement d’une valve à l’autre, et s'entre-croisant, en forme 
d'X, à l'endroit même de la commissure. (PI. XLVI, fig. 1 q.) 

Lorsque l'animal se contracte, il peut faire rentrer une partie assez notable de ses 
siphons dans l’intérieur des valves; cette contraction semble entraîner une forte portion 
du bord postérieur du manteau; mais il n’en est rien : elle met seulement en évidence la 
structure de cet organe, formée de deux feuillets; c'est seulement le feuillet interne qui est 
déplacé, et qui laisse en arrière une cavité assez profonde, communiquant seulement à 
l'extérieur de l'animal, et n'ayant aucune issue avec la cavité palléale elle-même. Plus le 


muscle rétracteur des siphons est contracté, plus il est raccourci, et plus s’allonge la cavité 
qui reçoit les siphons. En effet, dans la contraction du muscle, le feuillet interne glisse 
sur l’externe, qui reste en place, fixé qu'il est au bord de la coquille, par l'insertion du 
muscle orbiculaire. (PL. XLIV, fig. 3 d, e, f; fig. 7 2.) 

Tous les 4oologistes savent que la portion interne de la coquille est sécrétée par la 
surface membraneuse du manteau; mais, Jusqu'ici, ils ont négligé l'étude spéciale de cet 


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