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Full text of "Abregé de la theorie chymique : tiré des propres ecrits de M. Boerhaave"

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Boston  Médical 
Library 


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BOOKFUND  OF 

FRANC  D.  INGRAHAM 

M.D.,  HARVARD  1925 

FOUNDER,  DEPARTMENT 

OF  NEUROSURGERY 

CHILDREN'S  HOSPITAL 

1929-1964 

NEUROSURGEON 

PETER  BENT  BRIGHAM 

HOSPITAL  1948-1964 


ê 


<i 


ABRÉGÉ 

D  E    LA 

THÉORIE 

CHYMIQUE, 


Traduction  des  Ouvrages  de  Ai.  Boerbaavây 
par  M.  de  U  Mûrie,  Docteur  en  Médecine. 

APhorifmes  de  M.Berman  Boerhaave, 
fur  h  Connoi/Tance  ôc  h  Cure  des 
Maladies,  in- 12,   1739.  3.   i. 

Traité  de  la  Mariére  Médicale  pour  fervir 
à  la  compofîtion  des  R-emédes  indiqués 
dans  les  Aphorifmes ,  par  le  même, au- 
quel on  a  ajouté  ks  Opérations  Chy- 
miques  da  même  Auteur ,  /«-12.  1759. 

2.  1.   10.  ù 

Inftitutions  de  Médecine  du  même ,  traduit 
en  François  par  M.  delaMétrie,  2.  vol. 
tn-Tz.  1740.  5.   1. 

Traité  de  la  Petite  Vérole  avec  la  manière 
préfente  de  la  guérir  ,  par  le  même  , 
tn-u.  1,  L  4.  C 

-  àts  Maladies  Vénériennes  5  par  M. 

de  la  Métrie  >  in*  1 2.  broché ,  1 7 3  9. 1 . 1. 

io,f. 

La  Théorie  Chymique  de  fa  Terre,  fuivant 
ks  Principes  de  M.  Boerhaave  *  auquel 
on  a  joint  le  Traité  du  Vertige  *  avec 
une  Lettre  à  M.  Aftmc  fur  ks  Maladies 
Vénériennes,  par  le  même,  in- 1  2.  bro- 
ché, 2.  1. 

Le  Commentaire  fur  les  Institutions  de  Mé- 
decine, rire  des  propres  Ecrits  de  M. 
Boerhaave,  in-iz.  fous  prefïc. 


tU  ccavi 

ABRÉGÉ 

DELA 

T  H  E  O  R  I  E 

C  H  Y  M  I  Q  U  E- 

Tiré  des  propres  Ecrits  de  M.  B  o  e  r  h  a  a  v  e. 
Par  M.  DE  LA  METRIE. 

Anqnel  on  a  joint  le  Traité  du  Vertige  ,  par 
le  même. 


A    PARIS,    RUE   S.    JACQUES, 

Chez  Lambert   &    Durand,  Libraires., 
à  S.  Landry ,  à  la  Sageiïè  &  au  Griffon. 


M    D  C   C   X   L   I.  , 
Avft  Aççmb&tim  S5  Privilège  an  lUi» 


APPROBATION. 

J'Ai  lu  par  l'ordre  de  Monfeigneur  le 
Chancelier  Y  Abrégé  de  U  Théorie  Chi- 
mique ,  félon  les  Principes  de  M.  Boerbaa- 
ve.  Cet  Ouvrage  ne  pouvant  être  que  très- 
utile  au  Public  y  j'eftime  qu'on  doit  en 
permettre  rimpreiiion.  A  Paris,  ce  9  Juin 

CASAMAJOR 


PRIVILEGE  DU  ROY. 

LOUIS  pat  la  grâce  de  Dieu  Roi  de  Fran- 
ce &  de  Navarre  ,  à  nos  amez  &  féaux 
Confeillers,  les  Gens  tenans  nos  Cours  de  Par- 
lement ,  Maîtres  des  Requêtes  ordinaires  de  no- 
tre BôteL,  Grand  Confeîl ,  Prévôt  de  Paris , 
Baiilifs  ,  fénéchaux  ,  leurs  Lieutenans  Civils 
&  autres  nos  juiliciers  qu'il  appartiendra  , 
Salut  Notre  bien  aimé  le  Sieur  De  ia  Met- 
îrie  Nous  ayant  fait  remontrer  qu'il  fouhaite- 
roit  faire  imprimer  &  donner  au  Public  un  Ou- 
vrage qui  a  pour  titre  :  les  (Êuvres  au  Sieur 
Boerhaave  .  traduites  par  ledit  Sieur  de  la  Mettriez 
s'il  nous  plaifoit  de  lui  accorder  nos  Lettres  de 
Privilèges  fur  ce  nécefiaire^orrrant  pour  cet  effet 
de  te  faire  imprimer  en  bon  papier  &  beaux  cara- 
ôeres,fuivant  la  feuille  imprimée  &  attachée  pour 
modèle  fous  le  contre-  feel  des  Préfentes.  A  ces 
caafes  voulant  traiter  favorablement  ledit  Sieur 
Expofant,  Nous  lui  avons  permis  &  permettons 
par  ces  Préfentes,de  faire  imprimer  le<UtOu?rag? 


cy-defltis  fpécïfié  ,  en  un  ou  pludeurs  volumes  , 
conjointement  ou  féparémcnt ,  &  autant  de  fois 
que  bon  lui  fcmblera ,  &  de  le  faire  vendre  & 
débiter  par  tout  notre  Royaume  pendant  le  terns 
de  neuf  années  confecutives,à  compter  du  jour  de 
la  datte  defdites  Préfentes  î  faifons  défenfes  a 
toutes  fortes  de  perfonnes  de  quelque  qualité 
&  condition  qu'elles  foîent  d'en  introduire 
d'impreffion  étrangère  dans  aucun  lieu  de  notre 
obeiifance  comme  aufïï  à  tous  Libraires,  Impri- 
meurs &  autres  d'imprimer,  faire  imprimer, 
vendre ,  faire  vendre ,  débiter  ni  contrefaire 
ledit  Ouvrage  ci-delfus  expofé  en  tout  ni  en 
partie ,  ni  d'en  faire  aucuns  extraits  tous  quel- 
que prétexte  que  ce  foit  ,  d'augmentation  , 
correction  ,  changement  de  tifre  ou  autre- 
ment ,  fans  la  permifTion  exprefle  &  par  écrie 
dudit  Expofant  ou  de  ceux  qui  auront  droit  kie 
lui ,  à  peine  de  eonnfcation  des  exemplaires  con- 
trefaits y  de  trois  mil  livres  d'amende  contre 
chacun  des  contrevenans ,  dont  un  tiers  à  Nous 
un  tiers  à  l'Hôtel-Dieu  de  Paris  |  l'autre  tiers 
audit  Expofant ,  &  de  tous  dépens*  dommages 
&  intérêts  ;  A  la  charge  que  ces  Présentes  fe- 
ront enregistrées  tout  au  long  far  îe  Kegiftre^  de 
la  Communauté  des  Imprimeurs  &  Libraires 
de  Paris  ,  dans  trois  mots  de  la  datte  d'elles  : 
Que  f  imprellton  de  cet  Ouvrage  fera  faite  dans 
nofre  Royaume  &  non  ailleurs  ;  en  bon  papier 
&  beaux  earaâeres  ,  conformément  aux  Re- 
glemens  de  la  Librairie  ,  &  notamment  à  ceki 
du  dix  Avril  17ZJ.  &  qu'avant  que  de  l'expo~~ 
1er  en  vente  ,  le  Manufcrit  ou  Imprimé  qui 
aura  fervi  de  copie  à  Timpreffion  dudit  Ouvra- 
ge ,  fera  remis  dans  le  même  état  ou  l'Appro- 
bation y  aura  été  donnée  >  es  mains  de  notre 
très- cher  &  féal  Chevaiier  le  Sr.  Dagueflea»^ 


Chanceficf  de  France  ,  Commandeur  de  ftos 
Ordres  ;  &  qu'il  en  fera  enfuite  remis  deux 
Exemplaires  dans  notre  Bibliothèque  publi- 
que ,  un  dans  celle  de  notre  Château  du  Louvre  , 
&  un  dans  celle  de  notre  très-cher  &  féal  Che- 
valier le  Sieur  Daguefïeau  Chancelier  de  Fran- 
ce ,  Commandeur  de  nos  Ordres  ,  le  tout  à 
peine  de  nullité  des  Préfentes  :  Du  contenu 
chfquelles  vous  mandons  &  enjoignons  de  faire 
jouir  l'Expofant  ou  fès  ayant  caufe  pleinement 
&  paifîblement  ,  fans  foufFrir  qu'il  leur  foie 
fait  aucun  trouble  ou  empêchement.  Voulons 
que  la  copie  defdites  Préfentes  y  qui  fera  im- 
primée tout  au  long  au  commencement  ou  à  la 
fin  dudit  Ouvrage  i  foit  tenue  pour  duement 
fîgnifîée  ,  &  qu'aux  copies  collationnées  par 
l'un  de  nosamez  &  féaux  Secrétaires,  foi  foit 
ajoutée  comme  à  l'original.  Commandons  au 
premier  notre  Huiffier  ou  Sergent ,  de  faire 
pour  l'exécution  d'icellcs  tous  aétes  requis  Se 
néceflaires  ,  fans  demander  autre  permiflion  , 
&  nonobftant  clameur  de  Haro  ,  Charte  Nor- 
mande &  Lettres  à  ce  contraires  ;  Car  tel  eft 
notre  plaillr.  Donné  à  Paris  le  feiziéme  jour 
de  Juillet  ,  l'an  de  grâce  mil  fept  cens  trente- 
huit  ,  &  de  notre  règne  le  vingt-quatrième. 
Par  le  Roy  en  fon  Confeil. 

S  A I  N  S  O  N. 

"kegiflré  fur     le     Regijlre     X.    de    la     Chambre 

Royale  0  Syndicale  des  Libraires  £)  Imprimeurs 
de  Paris  ,  Jtf.  6  9.  foi.  6  o  conformément  an 
Règlement  de  17 z\.  q tu  fait  défenfe  ,  Article  JV, 
à  toutes  perfonnes  de  quelque  qualité  quelles  foienî 
autres  que  les  Libraires  Î5  Imprimeurs  de  vendre 
débiter  £2  faire    afficher   aucuns   Livres  peur   les 


vendre  en  leurs  notfif  ,  fait  qiÇils  s'en  difent  les 
Auteurs  ou  autrement  ;  &  à  la  charge  de  fournir 
k  ladite  Chambre  Royale  Î5  Syndicale  des  Li- 
braires $5  lmpritneurs  de  Paris  les  huit  Exem- 
plâtres  prefcrits  par  /' article  CVIII  du  même  Rè- 
glement. A  Paris  le  17  Juillet  173  g,. 

Langlois,  Syndic. 

Mefîieurs  Huart  Se  Buiassok  ont 
droit  de  jouir  du  préfent  Privilège  fuivant  l'ac- 
cord fait  entre  nous,  Delamettrie. 


ABRÉGÉ 


Illlg» 

i0m!0&Ë< 

ABREGE 


D   E 


LA  THEORIE 

CHYMYQUE. 

A  Chymie  efl  un  art 
qui  enfeigne  à  faire 
certaines  opérations 
phyfique,  par  le  moyen 
defquelles  les  corps  fenfibles ,  ou 
capables  d'être  rendus  tels  ,  re- 
çoivent dans  des  vafes  ,  &  par 
le  fecours  d'inftrumens  propres  à 
cela  ,  des  changemens  qui  peu» 
vent ,  félon  l'intention  qu'on  fe 

A 


2,  Théorie 

propofe  pour  l'ufage  de  differens 
arts  ,  produire  des  effets  (ingu- 
liers ,  &  en  faire  connoître  les 
çaufes. 


DES  TROIS  REGNES 

LEs  corps  fur  lefquels  travail** 
lent  les  Chymiftes ,  font  les 
mhierâux,les  végétaux  ?  &  les  ani- 
maux qui  forment  ce  qu'on  nom- 
me les  trois  règnes  de  la  Çhy- 
mie. 

Les  minéraux  font  des  corps 
naturels?formés  dans  le  fein  ou  fur 
la  fuperficie  de  la  terre  ,  lefquels 
font  d'une  fabrique  fi  fimple  , 
qu'il  n'a  pas  été  poifible  jqfqu'ici , 
pas  même  avec  le  fecours  des 
meilleurs  mkrofeopes  ,  d'y  aper- 
cevoir aucune  différence  entre 
les  vaifleaux  ,  &  les  chofes  conr 
tenues  dans  ces  vaifleaux  ,  m* 


Chtmiqub.  5 

forte  qu'on  trouve  dans  toutes 
les  parties  de  chacun  de  ces 
corps ,  une  parfaite  reffemblance 
avec  le  tout  dont  elles  font  partie, 
quoiqu'on  fçache  néanmoins  cer- 
tainement qu'il  y  a  dans  plufieurs 
de  ces  corps  un  concours  de  par- 
ties fluides  ,  &  de  parties  fo- 
ndes. 

Parmi  les  fofïiles  ou  minéraux 
on  donne  le  premier  rang  aux 
métaux ,  qui  font  des  corps  durs  , 
pefans ,  coulans  au  feu  ,  fe  dur- 
ciflans  au  froid  ,  &  obéiffanc  au 
marteau. 

Les  Anciens  comptoient  fept 
fortes  de  métaux ,  qu'ils  appel- 
èrent du  nom  des  fept  planettesJ 
Le  lieu  où  naît  le  vif  argent  ou  le 
mercure  ,  fon  poids ,  fa  fimplici- 
té ,  &  la  facilité  dont  il  s'amal- 
game ou  fe  joint  avec  les  au- 
tres métaux  >  ces  attributs  le  fi- 
rent ranger  dans  cette  clafTe  , 

Aij 


4  Théorie 

mais  comme  il  n'a  ni  la  dure- 
té ,  ni  la  du&ilité  ,  ni  la  fixicé  des 
Métaux  ,  on  n'en  compte  plus 
que  fix ,  l'Or ,  l'Argent ,  le  Cui- 
vre ,  l'Etain ,  leFer ,  &  le  Plomb. 

De  tous  les  corps  l'Or  eft  le 
plus  péfant ,  &  puis  par  ordre 
le  Mercure  ,  le  Plomb ,  l'Argent , 
le  Cuivre,  le  Fer  ,  &  l'Etain.  Ce 
n'eft  que  par  la  péfanteur  qu'un 
corps  peut  avoir  le  plus  d'affini- 
té avec  les  Métaux  :  mais  le  Mé- 
tal le  plus  léger  a  deux  fois  plus 
de  poids  que  le  corps  le  plus  pé- 
fant non  Métallique. 

Après  les  Métaux  viennent 
les  Sels  ,  qui  font  des  Sucs  con- 
crets ,  dont  chaque  particule  a 
le  même  goût  Se  la  même  natu- 
re que  le  tout.  Tels  font  le  Sel 
Marin ,  le  Sel  Gemme  ?  le  Sel  des 
Fontaines  falées  ,  leNkre,  le  Bo- 
rax ,  le  Sel  Armoniac  naturel  , 
(un  ,  les  Sels  Acides  qui  fe 


ChYmique.  5 

trouvent  dans  les  Mines. 

Les  Soufres  font  encore  des 
fofliles,  qui  le  durciffen tau  froid, 
fe  pulvérifent  aifément,  coulent 
à  une  chaleur  modérée ,  comme 
de  la  cire  fondue,  &  s'enflam- 
ment enfin  fous  la  forme  d'un 
feu  violet  ,  dont  les  vapeurs  vo- 
latiles font  très  -  nuifibles  aux 
poumons. 

Enfin  les  pierres  font  des  Mi- 
néraux durs  qui n'obéiffent  point 
au  marteau  ,  qui  font  fragiles  , 
fixes  au  feu  ,  ne  fe  diffolvent 
point  dans  Peau  ,  &  ne  fe  fon- 
dent pas  aifément  par  quelque 
feu  que  ce  foit.  Ces  corps  font 
plus  ou  moins  opaques  ,  ou  tranf- 
parens ,  &  dans  cette  c/a/Te  oft 
peut  ranger  toutes  fortes  de  Crif- 
raux ,  de  Diamans  ,  de  Pierres 
précieufes ,  Sec. 

On  appelle  demi  métaux ,  tous 
les  foiTiks  dans  la  compofition 

Aiij 


6  Théorie 

dcfquels  entre  une  matière  vrai- 
ment métallique  ,  liée  avec  quel- 
qu'autre  de  différente  nature , 
comme  fels ,  foufres;  Se  tels  font, 
par  exemple  ?  le  cinnabre  na- 
turel ,  &  les  vitriols. 

L'autre  règne  fournis  à  la  Chy- 
ïïûe  eft  le  végétal  ,  qui  renfer- 
me ces  corps  communément  ap- 
pelles du  nom  de  plantes. 

La  plante  eft  un  corps  hydrau- 
lique contenant  en  plufieurs  vaif- 
feaux  des  humeurs  différentes  9 
&  ayant  une  partie  externe  par 
laquelle  il  adhère  à  un  autre  corps, 
dont  il  tire  par  cette  partie  mê- 
me la  matière  de  fa  nourriture 
&  de  Ton  accroiflement.  C'eft  la 
racine  qui  a  dans  chaque  petit 
point  de  fa  fuperflcie  une  infini- 
té de  petites  bouches  ouvertes  , 
par  lesquelles  l'eau,  les  efprits, 
les  huiles,  les  Tels  de  la  terre 
mêlés  enfemble ,  montent  fous  la 


Chymiqu*.  7 

forme  de  fucs  aqueux  ,  délayés 
le  long  de  chaque  tuyau  de  la 
plante  ,  &  fe  diftribuent  dans 
toute  fon  étendue.  La  ftruâure 
de  la  plante  ,  le  feu  de  la  terre 
&du  ciel ,  l'élafticité  ,  Jesviciflî- 
tudes  de  L'air  ,  du  jour  ,  de  la 
nuit ,  des  faifons ,  toutes  ces  cho- 
ies à  force  de  mouvoir  &  d'agi- 
ter ,  comme  il  arrive  fur  tout  au 
Printems ,  les  fucs  de  la  terre  en- 
core cruds,  les  travaillent ,  les  di- 
gèrent ,  les  changent  en  la  pro- 
pre fubftance  des  végétaux  ,  qui 
par  ce  moyen  les  empîoyent  avec 
un  fuccès  merveilleux  au  déve* 
loppcnient  de  leurs  branches  ,  de 
leurs  feuilles,  de  leurs  fleurs,  de 
leurs  fruits  ,  &  en  un  mot  de 
toutes  leurs  parties,  qui  croifTent, 
fe  nourriffenc  9  &  réparent  leurs 
pertes  par  la  même  méchanique, 
que  norre  corps. 

La  clalTe  des  animaux  fuccé- 
A  iiij 


8  Théorie 

de  à  celle  des  végétaux.  On  don* 
ne  le  nom  d'animal  à  tout  corps 
hydraulique  jouiffant  de    la  vie 
au  moyen  d'un  mouvement  affi- 
du  &  réglé  d'humeurs  qui  pafienc 
ipar  des  vaiffeaux  ,   &  ayant  en 
foi  des  conduits  femblables  aux 
racines  des  plantes  ,  par  lefquels 
il  tire  la  matière  qui  le  nourrit  -, 
ïe  fait  croître  &  répare  fes  per- 
tes. Ces  conduits  font  les  veines 
ladtées  9  &  autres  veines  abfor- 
bantes.    Les  corps  animés  font 
compofés  comme  les  plantes, d'ef- 
prits  ,  d'eau ,  de  fels ,  d'huile  8c 
de  terre  qui  fait  toujours  la  bafe 
de   l'édifice.  L'examen  Chymi- 
que  (a)  de  l'os  en  donne  une  preu- 
ve évidente.  On  tire  d'un  os  ré- 
cent de  i'eau  9  du  fel  ?  de  l'huile,, 
&:  de  la  terre.   Conclurede- là 

(a)  Qiienny  Oeconom.  anim.  pag.  64.  6f, 
66.  Ce  Chirurgien  ne  brille  ici  que  d'une  lu- 
mière empnmrée. 


C  H  Y  M  I    Q  U  B.  9 

que  toutes  font  fa  matière  pro- 
pre ,  ce  feroit  fe  tromper ,  car 
fi  Ton  prend  un  os  dans  un  Ci- 
metière ,  où  il  aura  été  long-tems 
enterré  ,  enfuite  expofé  à  l'air  , 
&  plufieurs  fois  mouillé  par  la 
pluie  9  ou  par  la  rofée ,  &  plufieurs 
fois  deffeché ,  on  n'en  tirera  plus 
ni  fel ,  ni  huile  ordinaire  ,  quoi- 
que cet  os  foit  encore  entier  8c 
parfait.  Il  peut  même  être  brun- 
ie &  confurné  ,  fans  que  les  par- 
ticules qui  le  compofent  ,  quit- 
tent le  même  ordre  ou  la  même 
place  qu'elles  ont  naturellement 
les  unes  près  des  autres ,  enforte 
que  les  cendres  de  cet  os  ,  en 
repréf enteront  encore  le  volume 
&  la  figure.  D'où  lyon  comprend 
affez  quelle  part  a  la  terre  dans 
la  compofition  de  cet  os  9  puif- 
que  ces  cendres  qui  le  répréfen- 
tent  encore  après  la  combuftion  9 
ne  font  ici  que  de  la  terre  même. 


îo  Tëêoéïe 

Par  Pembrafement  donc  cet  o3 
a  été  fufceptible ,  &  par  l'odeur 
qu'il  répand  en  brûlant ,  il  n'eft 
pas  difficile  d'y  reconnaître  un 
principe  huileux  que  le  feu  dé* 
tache,  &  qui  étoit  fi  fermement 
attaché  aux  particules  reftées  en 
cendre  ,  qu'il  n'y  a  qu'un  feu  ou- 
vert qui  fait  capable  de  le  dé- 
funir.  Car  fi  on  enfermoic  cet 
os  dans  un  vafe  ,  pour  l'expofer 
à  un  grand  feu ,  ce  principe  hui- 
leux tiendroit  contre  la  plus  vive 
chaleur  fans  fe  détacher.  L'os, 
&  pareillement  toutes  autres  par- 
ties foiides,  peuvent ,  ainfi  enfer- 
mées ,  fe  changer  en  charbon  * 
mais  elles  ne  fe  réduiront  point 
en  cendres.  II  faut  un  feu  ouvert 
à  qui  Pair  puiffe  donner  le  degré 
d'aâivité  fuffifant  pour  arracher 
êc  enlever  cette  huile  tenace. 
Les  cendres  qui  reftent  de  cet 
os,  bien  examinées  9  ne  fe  trou>* 


Chymique.  Ï3 

vent  plus  être  qu'une  terre  pureP 
qui  étoit  fi  bien  la  fubftance  pro- 
pre de  l'os ,  qu'à  la  liaifon  près  » 
elle  repréfente  encore  ,  comme 
il  a  été  dit ,  après  l'embrafement  9 
l'os  fous  le  même  volume.  Une 
plante  qu'on  aura  fait  bouillir, 
du  bois  flotté  ?  ne  fourniffent  plus 
pareillement  de  fel ,  ni  d'autres 
principes,  que  la  terre  *,  8c  cette 
même  huile  qui  fert  feulement  à 
la  joindre ,  &  qui  eft  en  effet  à 
fon  égard  une  cole  fi  forte  ,  que 
la  chaleur  de  l'eau  bouillante  ne 
peut  détruire  le  tiflu  extrêmement 
fin  de  la  feuille  9  ou  de  la  fleur  la 
plus  tendre  &  la  plus  délicate* 
Après  cela  doit-on  être  furpris 
de  voir  que  les  fièvres  les  plus 
ardentes  ne  brûlent  pas  les  petits 
vaifieaux  de  notre  corps  ,  puis- 
que leur  chaleur  n'égale  pas  la 
moitié  de  celle  qui  fait  bouillir 
1* eau»  Telle  efl  donc  la  nature  de 


îi  Théorie 

toutes  les  parties  folides  qui  cortl- 
pofent  les  fibres ,  les  vaiffeaux  / 
les  membranes ,  les  nerfs ,  les  ten- 
dons ,  les  mufcles ,  les  cartilages, 
les  os,  tant  de  notre  corps,  que  de 
celui  des  animaux  ,  tous  les  éle- 
mens  primitifs  des  végétaux  font 
auffi  terreflres  ,  une  efpece  de 
ciment  aqueux  en  fait  la  liaifon. 
Mais  ce  qu'il  y  a  de  bien  admira- 
ble fur  tout  dans  les  corps  ani- 
més ,  c'eft  qu'il  eft  confiant  par 
des  obfervations  très-exaâes  , 
qu'à  l'exception  d'une  particule 
d'une  petitefle  immenfê  ,1a  maf- 
fe  du  plus  énorme  géant  n'effc 
formé  que  d'humeurs  très-fubti- 
les  devenues  enfin  folides  ,  com- 
me cette  première  particule  ,  & 
cela  ,  fuivant  les  mêmes  loix  , 
qui  d'un  feul  gland  ,  font  un 
chêne  énorme. 

Il  eft  de  fait  que  tous  les  chan- 
gements que  la  Chymie  peut  pro- 


C  H  Y    M   I  Q  U  E,  IJ 

duire  dans  tous  les  corps  donc 
nous  avons  parlé  9  ne  s'opèrent 
que  par  le  feul  mouvement  ;  que 
ce  mouvement  n'a  d'autre  fin  que 
de  joindre  ou   féparer  ,  c'eft-à- 
dire  ,  ou  de    joindre  enlemble 
plufieurs  chofes  fimples  ,  en  forte 
qu'elles  faffent  un  compofé,  ou 
de  divifer   un  compofé  en   plu» 
fieurs  chofes  fimples  ,  pour  mieux 
connoître  la  nature  des  parties 
qui  le  compofent.  C'eft  ce  qu'on 
nomme  AnalyfeChymique.  Mais 
pour  ne  point  donner  à  l'art  plus 
d'étendue  qu'il  n'en  mérite  ,  il 
faut  fçavoir  que    tout  ce  qu'on 
obtient  par  cette  analyfe  îVexif- 
coit  pas  toujours  auparavant  dans 
les  corps  analyfés,  L'aâion    du 
feu  change  l'eflence  des  chofes  9 
&  en  enfante  de  nouvelles. 

Voyons  maintenant  quels  font 
les  divers  agens  qu'empîoyent  les 
^hymiftes  pour  leurs  opérations. 


*4'  Théorie 

ce  font  le  Feu  ,  l'Air  ,  l'Eau  ,  la 
Terre  ,  les  Menftrues  ou  diffol- 
vans ,  &  enfin  les  Inftrumens  Chy- 
miques.  Examinons  donc  d'a- 
bord la  nature  du  Feu  ,  &  fai- 
sons en  peu  (le  mors  l'hiftoire 
de  ce  terrible  Elément. 


D  U     F  E  U. 

L'A&ion  du  Feu  eft  fi  éten- 
due ,  &  fes  effets  font  fi 
merveilleux  ,  qu'autrefois  le  plus 
fage  des  Nations  le  regardoit 
comme  un  Dieu  ,  8c  i'adoroit. 

Certains  Chymiftes  confidé- 
rant  fa  puiflance  foupçonnoient 
cjue  c'etoit  un  Etre  incréé  ,  & 
ks  plus  Illuftres  d^entr'eux  ,  com- 
me s'ils  euffent  appris  de  lui  tout 
ce  qu'ils  fçavoient ,  fe  diioicnt 
Phiiofophes  par  le  Feu.  Voilà  le 
titre  dont  ils  étoient  le  plus  fiât- 


C  H  Y  M  ï  Q  U  E.  1  y 

Ces.  Si  le  Feu  eft  un  Elément  (i 
admirable  ,  c'eft  parce  qu'il  eft 
la  caufe  de  tout  les  Phénomènes 
qui  paroiffent  à  nos  Sens ,  tan- 
dis qu'aucun  de  nos  Sens  ne 
peut  alors  l'appercevoir ,  &  que 
par  une  fubtilité  incompréhenfi- 
ble  ?  il  élude  fi  bien  les  recher- 
ches eurieufes  du  Phyficien  le 
plus  pénétrant ,  qu'on  l'a  pris  plus 
communément  pour  un  efprit  que 
pour  un  corps  :  C'eft  pour  cela 
qu'en  étudiant  fa  nature ,  on  doit 
prendre  garde  de  tomber  dans 
l'erreur.  Il  faut  donc  rejetter 
toute  fpéculation  enfantée  par 
l'efpric  feul ,  &  n'admettre  au- 
cun Syftême  fondé  fqr  l'imagi- 
nation. En  effet  fi  l'on  fe  trom- 
pe fur  le  vrai  cara&ere  du  Feu, 
cette  erreur  fe  répand  dans  tou* 
te  la  Phyfique. 

Tous    ceux   qui  veulent    fça* 
Voir   ce  que  c'eft  que  le  Feu  , 


h  6  Théorie 

doivent  fuivre  l'Analyfe  des  Géo- 
mètres ,  qui  cherchant  une  cho- 
fe  inconnue  ,  ne  confiderent  que 
les  propriétés  données ,  ou  celles 
qui  font  déjà  démontrées.  Si 
cette  précaution  eft  neceffaire  , 
c'eft  principalement  ici  ,  parce 
que  les  parties  du  Feu  fe  répan- 
dent par  tout ,  fe  diftribuent  in- 
différemment dans  tous  les  #f- 
paces  &  dans  tous  les  corps;  & 
qu'ainfi  il  eft  très-difficile  de  dif- 
tinguer  l'a£tion  propre  du  Feu 
des  autres  caufes  qui  concourent 
avec  lui  à  produire  les  effets  na- 
turels que  nous  voyons. 

Une  autre  difficulté ,  c'eft  la 
petiteffe  immenfe  des  parties 
dont  le  Feu  eft  compofé.  Ce  qui 
a  fait  naître  tant  d'erreurs  & 
d'abfurdités ,  non  feulement  dans 
la  Chymie  &  la  Phyfique  ,  mais 
dans  la  Médecine  même.  Je  par- 
te des  Fiâions  qui  ont  paru  fur 

la 


CmymiquI  i  7 

la  chaleur  innée  ,  fur  l'humide 
radicale  9  &c.  Suppofons  donc 
que  ie  Feu  nous  eft  tout  à  fait 
inconnu ,  Se  cherchons  un  figne 
donc  la  préiVnce  nous  manifefte 
clairement  celle  du  feu.  Or  tou- 
tes les  fois  que  les  effets  du  Feu 
font  fenlibles  ,  tous  les  hommes 
les  reconnoiffent  pour  les  indi- 
ces de  la  préfence  de  cet  Ele- 
xnent.  Il  eft  donc  néceffaire  de 
les  examiner  s  pour  trouver  celui 
que  nous  cherchons. 

Tout  le  monde  fçait  que  les 
principaux  effets  du  Feu  ,  font 
la  chaleur  ,  la  lumière  ,  la  cou- 
leur ,  la  rarefaâion ,  l'embrafe- 
ment ,  i'ébullition,lafufion  ,&c. 
La  chaleur  eft  une  fenfation 
qu'on  a  toutes  les  fois  que  le  Feu 
occafionne  quelque  changement 
dans  les  organes  du  fentiment. 
L'idée  claire  que  j'ai  de  cette 
fenfation  ne  m'apprend  rien  tou- 

B 


iS  The  or  i  e 

chant  ce  qui  la  produit  ,  ni  fur 
le  rapport  qu'il  y  a  entr'elle ,  &c 
la  façon  particulière  dont  le  Feu. 
meut  les  efprits  dans  les  nerfs. 
Sent-on  d'ailleurs  la  chaleur  à  la- 
quelle on  eft  accoutumé  ,  &  ne 
prend-on  pas  toujours  pour  froid 
une  chaleur  inférieure  à  celle  qui 
eft  ordinaire  ou.  naturelle  ?  Quoi- 
que la  chaleur  foit  indmémenc 
unie-  avec  le  Feu  ,  elle  ne  ferc 
xionc  pas  plus  à  découvrir  fa  na* 
ture  ,  qu'à  mefurer  fes  dégrés. 

Voyons  fi  la  lumière  peut  ici 
nous  éclairer  »  à  l'aide  (  a,  )  de 
»  verres  Se  de  miroirs  farts  ex~ 
5>  près  ,  oa  ramafTe  beaucoup  de 
&  ce  Feu  ,  avec  lequel  la  Lune 
y>  nous  éclaire  pendant  la  nuit  ^ 
n  fans  que  ce  Feuraffembléfoup- 
»  niffe  rien  autre  chofe  qu'une 
y>  lumière  dont  on  peut  à  peine 
*  foutenir  l'éclat.  Nulle  chaleur  ^ 

(*)    Quefnai  pag.  iz± 


Ch  ymi  que  19 

*>  nulle  raréfaâion  ,  nul  embra- 
»  fement  ,  nulle  autre  impref- 
»  fion  fenfibie  ne  fe  remarquent 
j>  dans  les  corps  qui  lui  font  ex- 
»  pôles.  D'autrefois  ce  Feu  fe 
3>  fait  fentir  par  une  chaleur  (î 
»  grande  dans  plufieurs  corps  , 
«  qu'il  nous  brûleroit  jufqu'aux 
»  os,  &  cela  fans  donner  aucune 
»  lumière.  »  Que  de  Feu  fans  lu- 
mière !  Que  de  lumière  fans  Feu. 

Pour  la  couleur  du  Feu  ,  com- 
me elle  n'eft  que  la  réflexion 
des  rayons  de  lumière  ,  ou  la  lu- 
mière même  ,  il  eft  évident  qu'el- 
le ne  peut  fervir  à  nous  indi- 
quer la  préfence  du  Feu. 

La  raréfaûion  feule  peut  ici 
nous  guider.  Comme  il  n'eft 
point  de  corps  que  le  Feu  ne  di- 
late ,  il  paroît  que  cette  expan- 
fioncft  Punique  &:  le  vrai  ligne 
du  Feu  ?  toujours  8z  par  tout  le 
même,  il  en  eft  irréparable -9 er$ 

B'4 


ao  Théorie 

nous  aiïurant  de  la  préfence  de 
cet  Elément 9  il  nous  fert  àme- 
furer  fes  dégrés  ,  8c  conféquem- 
ment  à  découvrir  fa  nature  Se 
fes  propriétés. 

Il  eft  donc  fort  important  de 
bien  connoître  cet  effet  indivi- 
duel du  Feu,  Tant  que  le  Feu 
pénétre  un  corps ,  8c  s'augmen- 
te au  dedans  de  la  fubfëance  de 
ce  corps,  chaque  partie  s'éloi- 
gne continuellement  du  centre 
de  fa  petite  malle  ,  ainfi  que  de 
la  maffe  toute  entière  ,  8c  par- 
conféquent  fe  raréfie  ,  fe  dilate  r 
ou  occupe  de  plus  grands  efpa- 
ces.  Mais  auffi-tôt  que  le  Fm 
commence  à  fe  retirer  du  corps 
qu?il  penétroit  ,  les  arômes  de  ce 
corps  fuivent  le  panchant  natu- 
rel qu'ils  ont  pour  fe  rappro- 
cher &  s'unir  enfemble  ^  comme 
on  l'obferve  dans  les  métaux 
fondus  y:  Bc  forment  un  tout  dont 


Chymïque  21 

la  folidiré  elt  proportionnée  à  la 
privation  du  Feu  ou  à  la  Hiefure 
du  Froid.  Le  Froid  ne  confifte 
donc  que  dans  l'abfencedu  Feu  , 
d'où  rélulce  un  mouvement  in- 
terne ,  manifeftement  contraire 
à  celui  que  iya£tion  du  Feu  pro- 
duit. 

Le  Feu  raréfie  tous  les  corps  y 
on  n'en  peut  douter  ?  folides  ou 
fluides,  dur*  &  mois,  légers  ou* 
péfans  ?  tous  font  fournis  à  cet- 
te loix  confiante  &  néceffaire. 
Mais  iî  efl  auiïi  certain  qu'ils  ne 
le  dilatent  pas  tous  également. 
Les  fluides  fe  raréfient  bien  plus 
que  les  folides  au  même  degré  de 
Feu  3  &  cela  proportionnellement 
à  leur  fluidité  ou  à  leur  légère- 
té ,  8c  les  folides  fe  dilatent  plus 
ou  moins  denfes  ou  compa&s.  Ou- 
tre cette  denftté  ,  il  y  a  encore 
une  autre  caufe  qui  influe  fur  l'ex- 


22  Théorie 

panfion  que  le  Feu  procure ,  c'efé 
la  difficulté  plus  ou  moins  gran- 
de avec  laquelle  certains  corps 
le  liquéfient.  Les  verres  par  exen> 
pie  ,  qui  ne  fe  fondent  pas  tous 
auffi  vice  au  même  Feu  ne  fe  ra- 
réfient pas  également  par  la  mê- 
me chaleur.  Voilà  la  cauie  de  l'i- 
négalité des  Thermomètres  ,  qui 
font  compofés  de  diverfes  efpe- 
ces  de  verre. 

Il  fuit  de  ce  que  nous  avons 
dit  ci-devant ,  que  les  corps  s'a- 
grandiffent  fuivant  toutes  leurs» 
dimenilons  fous  un  climat  chaud  9 
fe  refferrent  9  ou  occupent  moins 
d'elpace  dans  un  pays  froid.  La 
même  variété  paroi  t  fenfiblement 
dans  un  enême  pays;  car  com- 
me la  chaleur  eft  différente  félon- 
ies diverfes  faifans  de  l'année  ,. 
les  corps  doivent  différemment 
fe  contracter  ou  fe  dilater.  C'eft 
ce    qu'il  efl  néceffaire  de  bled 


Chymiqub.  2$ 

confîdérer  ,  pour  rendre  raifon 
de  l'inégalité  qu'on  obferve  dans 
les  Horloges  en  différens  climats  , 
en  diverlcs  faifons  ,  ou  en  diffë* 
rens  lieux. 

J'ai  dit  ci-devant  que  lesflui* 
des  fe  dilatent  par  le  Feu  pro- 
portionnellement à  leur  légèreté  :: 
je  vais  entrer  dans  quelque  dé- 
tail à  ce  fujet. 

De  tous  les  corps  ,  l'Air  eft 
celui  que  le  Feu  dilate  le  plus; 
Il  eft  démontré  que  la  chaleur 
de  l'eau  bouillante  le  raréfie  d'un 
îiers  de  fa  maffe.  L'efprit  de  virt 
fe  raréfie  de  la  vingtième  par- 
tie de  fon  volume  ,  par  la  cha- 
leur naturelle  d'un  homme  fain 
&  robufle  ,  qui  eft  d'environ  90 
ou  92  dégrés.  La  chaleur  de  l'eau 
bouillante  le  dilate '*.  C'eft  à  quoi 
fon  doit  faire  attention  ,  lorf- 
qu'onyeut  conferver  des  liqueur^ 
j récieufes.   Il  faut   échauffer  lea 


24  Théorie 

vaifleaux  &  ics  liqueurs ,  ou  ne  pas 
remplir  exactement  les  vaifleaux  f 
car  la  chaleur  venant  à  s'augmen- 
ter fait  occuper  plus  d'efpaceaux 
liqueurs  qui  montent  néceiTaire- 
ment ,  s'élèvent  ,  s'échappent  au 
travers  des  pores  du  bouchon  9 
font  fauter  le  bouchon  ,  Se  rom- 
pent même  aufli  quelquefois  les 
vaifleaux. 

Après  PAIcohol,  l'Huile  y£- 
thérée  de  Térébenthine  fe  dilate 
le  plus  au  moindre  Feu.  L'eau 
a  bien  plus  de  peine  à  fe  raré- 
fier. Il  faut  56  dégrés  de  cha- 
leur pour  qu'elle  commence  à  fe 
dilater  fenfibîement ,  &212  pour 
la  faire  bouillir  :  mais  dès  que  Té- 
bullition  commence  ?  on  a  beau 
mettre  du  Feu  au  tour  du  vafe  9 
&  l'animer  à  force  de  foufBets  T 
le  Feu  le  plus  vif  &  le  plus  ar- 
dent peut  bien  rendre  Fébulli- 
tion  plus  confidérable  ,  mais  il 
n'augmentera 


Chymique.  2Ç 
n'augmentera  jamais  la  chaleur 
de  l'eau  bouillante ,  à  moins  que 
fa  furface  ne  foit  plus  preffée 
par  le  poids  de  l'Atmofphere. 
En  effet  les  molécules  d'eau  étant 
alors  plus  comprimées  ou  plus  ref- 
ferrées,  il  faut  plus  de  Feu  pour 
les  faire  s'écarter  les  uns  des  au- 
tres ,  ou ,  ce  qui  revient  au  mê- 
me ,  pour  les  faire  bouillir.  Cet- 
te expérience  efl  fenfible  dans 
la  machine  pneumatique.  On  j 
met  un  verre  plein  d'eau  chaude  , 
à  mefure  qu'on  en  tire  l'air  , 
Peau  qui  ne  bouilioit  point  com- 
mence à  bouillir  ,  &  l'ébullition 
ceffe  auffi  -  tôt  :  qu'on  fait  ren- 
trer l'air  au  dedans  du  vaiffeau. 
D'où  il  fuit  que  l'ébullition  des 
liqueurs  efl  d'autant  plus  facile 
&  plus  confidérable  que  non  feu- 
lement elles  font  plus  légères  , 
compofées  de  parties  moins  ad- 
hérentes entre  elles ,  qu'elles  ont 

G 


i6  Theorï  e 

plus  d'affinité  avec  la  nature  du 
Feu  ;  mais  encore  qu'elles  font 
moins  preffées  par  1  Atmofphe* 
re. 

Pour  le  Mercure  ,  le  Ther- 
momètre de  Fahrenheit  fait  voir 
à  l'œil  qu'il  fe  raréfie  aifément. 
Plongez-le  dans  l'eau  chaude  , 
vous  verrez  ce  fofïîle  monter  con- 
tinuellement ,  jufqu'à  ce  qu'elle 
commence  à  bouillir.  Cet  infini- 
ment eft  donc  néceflaire  pour 
connoîrre  .les  dégrés  de  Feu  re- 
quis dans  certaines  opérations 
chymiques ,  Se  utiles  dans  la  pra- 
tique de  la  Médecine  ,  pour  ju~ 
ger  précifément  de  combien  de 
dégrés  la  chaleur  des  fièvres  ex- 
cède celle  qui  eft  falutaire  à 
l'homme. 

Il  ieroit  inutile  d'entrer  dans 
un  plus  grand  détail  au  fujet  de 
la  dilatation  des  corps.  Il  eft  conk 
tant  qu'il  n'en  eft  aucun  dont  le 


C  H  Y  M  t  Q  U  !.  If 

volume  ne  s'augmente  par  l'ac- 
tion du  Feu  ,  &  que  dans  la 
nature  entière  ,  il  n'y  a  que  le 
Feu  feul  qui  ait  cette  vertu.  Par- 
-conféquent  toutes  les  fois  qu'on 
pourra  tirer  d'un  corps  une  ma- 
tière qui  puifle  raréfier  un  corps, 
on  fera  en  droit  de  conclure 
que  cette  matière  eft  vraiement 
tiu  Feu. 

Cela  pofé ,  je  dis  que  le  Feu 
cft  toujours  préfent  dans  tous  les 
corps  ,  dans  tous  les  lieux ,  <& 
dans  tous  les  efpaces.  Deux  la- 
mes de  fer  très-froides  appliquées 
Tune  fur  l'autre  ,  Se  fortement 
preffées  par  un  poids  mis  fur  la 
lame  fupérieure  ,  s'échauffent  par 
cette  feule  compreffion.  Otez 
ce  poids ,  vous  aurez  beau  agi- 
ter ces  deux  lames  avec  le  plus 
de  force  qu'il  vous  fera  poili- 
blc,  vous  ne  produirés  jamais  tant 
de  chaleur  ,  que  fi  la  lame  fupé- 

Cij 


28  Théorie 

rieure  écoic  en  même  tems  com- 
primée. D'où  il  fuie  que  la  feu- 
le preffion  échauffe  les  corps,  c'eft- 
à-dire  ,  met  en  mouvement  les 
parties  ignées  qui  étoient  affez 
tranquilesau  dedans  de  ces  corps. 
Je  dis  parties  ignées ,  car  le  Feu 
ainfi  créé  s'infinue  dans  tous  les 
corps  même  les  plus  denfes ,  les 
échauffe  ,  les  dilate  ,  les  brûle  % 
les  fond  ,  reluit ,  brille  ,  éclaire , 
&  produit  abfolument  les  mêmes 
effets  que  le  Feu  connu.  D'ail- 
leurs il  naît  fans  le  fecours  d'au- 
cun Feu  prééxtflant  avant  lui  , 
&  il  dure  fans  le  fecours  d'au- 
cun aliment.  Donc  du  Feu  vé- 
ritable que  la  preffion  a  fait  for- 
tir  des  corps  où  il  fe  tenoit  ca- 
ché. 

Si  l'on  peut  créer  du  Feu  par 
la  comprefFion  ,  il  fuit  évidem- 
ment que  le  frotement ,  &  à  plus 
forte  raifon  le  frotement  joint  à 


Gh  YMIQUÈ.  29 

là  comprefïion  ,  peut*  exciter 
beaucoup  de  chaleur.  Voici  en 
peu  de  mots  les  Icix.  Phyfiques  du 
frotement. 

Plus  les  corps  font  folides  , 
denfes ,  eompa&s  ,  durs  ,    roides 
&  pefans  ,  plus  il  eft  aifé    d'en 
faire  fortir  du  Feu  par  le  fro te- 
rrien t.  Ainfi   quoique   le   plomb 
foit  plus  péfant  que  le  fer  ,    il 
eft  bien  plus  difficile  d'en  tirer 
du  Feu  ,  parce  qu'il  eft  corrapo- 
fé  de  parties  moins   roides   ou 
plus  flexibles;  mais  fi  deux  corps 
étoient  compofés  de  parties  éga- 
lement élaftiques ,  le  plus  péfant 
âuroit   le  plus  de   vertu  en    ce 
cas. 

Plus  les  corps  font  lâches  , 
moins  on  en  tire  de  Feu  par 
le  frotement.  On  connoît  par  là 
pourquoi  ceux  qui  ont  les  fibres 
lâches  font  d'un  tempérament 
froid  ,  &  pourquoi  la  chaleur  du 

Ciij 


5©  Theo'r  if 

tempérament  eft  proportionnée 
à  la  force  ou  à  l'élafticité  des  fi- 
bres. L'un  &  l'autre  dépendent 
uniquement  du  frotement  réci- 
proque plus  ou  moins  violent 
des  folides  &:  des  fluides. 

Lorfqu'il  y  a  deux  corps  mous 
entre  deux  corps  durs ,  on  a  bien 
de  la  peine  à  en  tirer  du  Feu 
par  le  frotemeat  >  jufqu'a  ce  que 
le  corps  mou  ,  fait  détruit  ou 
confumé.  D^ux  lames  de  fer  trem- 
pées dans  de  l'huile, , ne  fournif- 
lent  guéres  de  chaleur  ,  avec 
quelque  violence  qu'oa  les  agi- 
te ,  jufqu'à  ce  que  l'huile  s'étant 
ëiffipée  ,.  leurs  furfaces  £e  tou«* 
chent  immédiatement. 

C'eft"  pourquoi  on  a  la  précau- 
tion de  froter  d'huile  les  eflieux 
des  roues,  de  peur  qu'étant  trop 
fecs  ,  ils  ne  prennent  Feu  *,  éc 
dans  la  trop  grande  rigidité  des 
vaiffeaux  .  on  fait  avec  fuccès 


C  fî  Y  M  I  Q   U    E,  51 

un  ufage  tant  externe  qu'inter- 
ne d'huiles  douces  &  récentes 
qui  donnent  plus  de  foupleffe  êc 
de  jeu  aux  fibres,  dont  les  vail- 
féaux  font  compofées. 

Plus  on  frote  deux  corps  avec 
force  &  avec  vîtcfle  ,  plus  il  en 
fort  de  Feu.  Toutes  chofes  éga- 
les ,  plus  le  froid  eft  grand ,  plus 
le  frotement  eft  efficace. 

Les  corps  rares  donnent  moins 
de  Feu  par  le  frotement  que  les 
corps  denfes  j,  ils  s'échauffent  plus 
promptement  ;  mais  ils  confer- 
vent  moins  Iong-tems  la  chaleur 
qu'ils  ont  reçue  par  quelque  cau- 
fe  que  ce  loi  t. 

Les  corps  les  moins  propres  à 
produire  de  la  chaleur  par  le  fro- 
tement ,  font  ceux  qui  font  fi 
poreux  ,  que  l'air  ,  les  efprits  9 
les  huiles  ,  Peau,  &c.  peuvent 
traverfer  librement  leurs    pores, 

La    prefîion    réciproque   des 

C  iiij 


32         Théorie 
parties  qui    compofent   les  flui- 
des ,  au  dedans  d'elles-mêmes  , 
fur  elles-mêmes  ,  &  contre   les 
parois  des  vaiffeaux  où  ils  font 
contenus  ,  fait  naître  beaucoup 
de  chaleur  ,  &  cela  proportion- 
nellement à  l'élafticité   des  flui- 
des.   A'mCi  comme  l'eau  eft  la 
plus  légère  &  la  moins  élaftique 
de  nos  humeurs  ?  plus  notre  fang 
eft  aqueux  ,  plus  il  eft  dépour- 
vu dereffort,&  conféquemment 
moins  il  s'échauffe  par  la  circu- 
lation. Au  contraire  plus  le  fang 
eft  denfe  ,  plusfes  parties fe  meu- 
vent avec  force  en  tous  fens  au 
dedans  des  vaiffeaux.  Voilà  une 
féconde  raifon  de   tempéramens 
chauds  &  froids ,  du  danger  du 
frotement    dans  les  uns ,  &   de 
l'utilité  de  ce  remède  mécanique 
dans  les  autres. 

Puifque    les   fluides    s'échauf- 
fent d'autant  plus  par  le  frote- 


C  H    Y   M   1   Q  U  E.  55 

ment  qu'ils  ont  plus  de  reffort , 
il  fuit  que  l'agitation  des  par- 
ties de  l'air  entr'elles  doit  en 
augmenter  la  chaleur  ,  &  qu'ain- 
lî  il  n'eft  pas  furprenant  qu'on 
voie  de  grands  vents  ou  de  vio- 
lentes tempêtes  avec  un  air  chaud, 
&  de  la  gelée  fans  aucun  vent. 
Je  fçai  que  le  plus  doux  zéphir 
paroît  froid  ?  quand  on  eft  échauf- 
fé; &:  c'efl  pour  des  raifons,  que 
je  ne  puis  me  difpenfer  de  dire 
ici ,  à  caufe  de  leur  utilité.  La 
chaleur  naturelle  de  l'homme  eft  à 
peu  près  de  92  dégrés ,  comme  je 
l'ai  dit  ci-devant.  Il  eft  certain 
que  perfonne  ne  peut  vivre  dans 
un  air  auïïi  chaud.  Nous  avons 
donc  toujours  plus  de  chaleur 
que  l'air  qui  nous  environne  % 
ainfi  les  vêtemens  qui  nous  cou- 
vrent ,  s'échauffent  plus  que  s'ils 
étoient  expofés  de  toutes  parts  à 
l'air  ,  &   nous  échauffons    né* 


54  Théorie 
ceffairement  l'air  contigu  à  no* 
tre  corps-:  parconféquent ,  fi  fërir 
qui  environne  le  corps  de  l'hom- 
me ,  efl  abfolument  en  repos  , 
l'Atmofphere  de  l'homme  fera 
plus  chaude  que  celle  de  l'air. 
Mais  s'il  s'eleve  du  vent  ,  il  dif- 
fipe  bientôt  la  chaleur  que  no- 
tre corps  avoit  communiqué  à 
nos  habits ,  qui  ,  expofés  à  un 
froid  toujours  nouveau ,  le  com- 
muniquent à  notre  corps.  Êteft 
comme  fi  on  prenoit  fans  ceffe 
de  nouveaux  vêtemens  froids  * 
ainfi  quoique  le  vent  ne  produi- 
fe  point  de  froid  abfolu  y  com- 
me le  Thermomètre  nous  Rap- 
prend 9  il  nous  rafra&hit  pre- 
mièrement les  poumons  &  la: 
peau^  il  affeâe  nos  nerfs  exté- 
rieurs 9  nos  membranes  >  &  par- 
ticulièrement celles  du  nez ,  d'ok 
nai  fient  tant  de  catharres  :  plus 
si  refle  long-tems  appliqué  à  b 


C  H   Y   M    I   Q   U    E.  ff 

furface  de  notre  corps,  plus  il 
difïipe  de  notre  chaleur  &  fe 
glifle  aiiément  dans  nos  vaif- 
ieaux  Se  dans  toutes  les  parties 
internes  de  notre  corps.  On  peut 
juger  par  là  de  l'imprudence  de 
ceux  qui  s'expofent  au  vent  ou 
à  Pair  froid  ,  lorfqu'ils  font  en 
fueur  principalement  s'ils  s'y  re- 
pofent  après  avoir  long-tems  cou- 
ru. Delà  viennent  fouvenx  des 
Afthmes  qui  ne  finiffeni  qu'a- 
vec la  vie  ,  des  angines  y  des 
pleureftes  ,des  peripneumonies  9 
des  rhumatifmes  9  h  goutte ,  <&c. 
Je  reviens  aux  loix  du  frotementa 
Si  le  frotemeni  des  fluides 
entr'eux  feuls  produit  de  la  cha- 
leur ,  à  plus  forte  raifon  le  mê- 
me effet  réfuîtera-t-il  de  l'avion 
d'un  fluide  contre  un  corps  fo~ 
Hde.  Aufïi  voyons^nous  qu'un 
boule/  de  canon  ,  qui  parcours 
éqo.  pieds   d'air  dans  l'efpace 


36  T   H    E   O   R   î  « 

d'une  féconde  ,  brûle  les  lieux  où 
il  frappe  ,  quoique  dans  tout  fon 
chemin   il  ait    été  expofé  à  un 
froid  toujours  nouveau.  Certaine- 
ment fon    extrême   chaleur  ne 
peut  venir  du  feu  mis  à  la  pou- 
dre :  il  y  féjourne  trop  peu  de 
tems?  pour  qu'il  puifles'y  enflam- 
mer de  la  forte.  Elle  ne   vient 
donc  que   de  la  violence  &  de 
la  vîteffe  extrême  avec  laquelle 
ce  globe  a  été  frotté  dans  l'air. 
Il  fuit  de  cette  dernière  loi  que 
la  chaleur  de  notre  corps  doit 
s'accroître   proportionnellement 
à  l'aftion  des  fluides  fur  les  fo- 
lides  ,  &  à  la  réaâion  des  fpli- 
des  fur  les  fluides.  Voilà  en  effet 
la  caufe    immédiate  des  fièvres 
ardentes  ,  &  des  plus  grandes 
inflammations. 

Concluons  que  le  feu  ne  fe 
manifefte  jamais  d'une  façon  fen- 
fible  quand  les  efpaces ,  les  lieux. 


Chymique.        97 
ou  les  corps  qu'il   pénétre  ,  font 
en  repos  y  parce  que  relie  efl  la 
fubtilité  de  fa  nature  qu'il  traver- 
fe  tout  librement.  Cependant  il 
eft  toujours  préfent  par  tout  ,  il 
habite  les  lieux  mêmes  où  l'on 
croit  trouver  fon  contraire  ;  quoi- 
que l'eau  ne  fe  change  en  glace 
que  dans  la  faifon  la  plus  froide, 
ce  prétendu  froid  veut  dire  plus 
de  30  degrés  de  chaleur  ou  de 
feu  :  on  le  trouve  dans  les  fouter* 
rains  les  plus  profonds  ,  comme 
fur  .les  plus  hautes  montagnes  : 
dans  les  lieux  humides  ,  comme 
dans  des  lieux  fecs  ;  dans  tous 
les  corps ,    dans  tous    les  efpa- 
ces  ,  dans  le  vuide  même.  En  ef- 
fet  l'expérience    nous    apprend 
que  les  corps  s'y  échauffent  par 
le  frottement ,  8c  comment  cela  î 
fi  ce  n'efl:  par  la  forte  preffion 
des  parties  des  corps  9  jointes  à 


}8  Théorie 
leurs  vibrations  ,  lcfquelles  con- 
fident en  ce  que  toute  leur  fub- 
fiance  fe  dilate ,  fe  contracte  ,  fc 
bande  &  fe  débande  fucccflî- 
vement.  On  conçoit  aifément 
que  le  feu  renfermé  dans  la  fub- 
ïlance  des  corps  eft  agité  forte- 
ment &  avec  viteffe  par  le  trem- 
blement de  leurs  fibres.  Or  com- 
me fon  propre  reflbrt  fe  force 
de  réagir  fur  les  Ëlernens  mêmes 
qui  le  preffent  &  l'agitent ,  il  eft 
vraifemblable  que  c'eft  de  ce 
mouvement  réciproque  des  par- 
ticules folides  des  corps  fur  fe 
feu  ?  &  du  feu  fur  ces  mêmes  mo- 
lécules ,  que  naît  la  grande  cha- 
leur qui  eft  excitée  ou  créée  par 
tê  frottement.  Mais  quand  je  dis 
que  le  feu  eft  ainfi  créé  ,  j'entens 
feulement  que  le  frottement  des 
corps  entr'eux  meut  davantage 
le  feu  qui  eft  renfermé  au  dedans 
de  leur  iubftance ,  &  que  ce  me- 


C  h  y  m  i  q  y  e.  19 
me  mouvement  en  ratnaffe  d'au- 
tant plus  dans  un  même  endroit, 
qu'il  eft  plus  coniidérable  ou  plus 
violent.  De  cette  manière  les 
lieux  voifins  peuvent  perdre  au- 
tant d'atomes  ignés  ,  qu'il  en 
eft  plus  attiré  dans  celui-ci.  Car 
pourquoi  le  feu  ,  qui  eft  le  plus 
ïubtil  de  tous  les  Elemens  ,  ne 
pourroit  -  il  changer  de  place 
comme  les  autres  fluides  ?  Cela 
pofé,  auffi-tot  que  d'un  efpace 
où  il  étoit  difperfé  9  il  fera  réuni* 
dans  un  lieu  plus  étroit,  fa  quan- 
tité ,  &  fes  effets  nous  le  rendront 
aufli  fenfible  ,  que  s'il  venoit  d'ê-» 
tre  aduellement  créé.  Si  donc 
le  feu  tantôt  paroît  à  nos  fens  j 
Se  tantôt  eft  invifible  l  il  faut 
s'en  prendre  à  fon  mouvement  f 
a  (on  repos  ,  à  fa  colle&ion  ,  à 
fa  difpenfion  9  %.  à  fes  diverfes 
dire£tions  ;  voilà  en  effet  la  caufe 
de  tous  les  effets  que  le  feu  pn> 


4-o  Théorie 

duit.  Enfin  pour  fe  convaincre 
que  le  feu  ne  fe  montre  gueres 
ious  l'apparence  de  feu  ,fans  l'ac- 
tion de  quelques  corps  folides  , 
il  fuffit  de  faire  attention  aune 
chofe  fûre ,  qui  eft  que  la  cha- 
leur efl  d'aufant  plus  grande  , 
qu'on  approche  plus  du  centre 
de  la  terre  ,  Sz  qu'elle  diminue 
à  mefure  qu'on  s'en  éloigne  -,  com- 
me on  le  voit  par  la  neige  ,  qu'on 
trouve  au  milieu  de  l'été  ,  furie 
•fommetdes  plus  hautes  monta- 
gnes ,  Se  par  le  froid  piquant , 
qui  s'y  fait  fentir  malgré  le  poids 
de  l'Atmosphère  ,  qui  y  eft  en- 
core allez  confidérable  ,  à  caufe 
du  peu  d'éloignemenc  ,  où  l'on 
eft  de  notre  globe.  Que  n'eft- 
il  poffible  de  faire  des  obfer- 
vations  plus  haut  ?  on  compren- 
droit  qu'en  approchant  du  So* 
leil  ,  la  chaleur  diminue  ,  &  le 
mouvement  fe  ralentit  tellement 

que 


C    H    Y    M    1    Q   U    E  4Î 

que  les  corps  fort  élevés  fèmblcnc 
jouir    d'un  repos  abiolu.  Voyez 
les  mêmes   arbres   plantés  de  iû 
même  femence ,  de  la  même  Mon- 
tagne ,  &  expofés  au  mêm£  af- 
petï  du  foleil  ,    ceux   qui   lont 
au  pied  de  la  montagne  ,  croiffent 
bien  plus  que  ceux  qu'on  a  plan- 
tés fur  le  fommet.  Voila   le  fon- 
dement fur    lequel   les   anciens 
Alchymifles  ont  dit  qu'il  règne 
un  repos  abfolu  ,  un  filence  ex- 
trême dans  le  feu  pur  ;  que  Dieu 
l'habite  ;   que  de  là  il  lance  des 
feux  pour  animer  les  corps ,   les 
mouvoir  ,  &  leur  faire  exécuter 
fes  ordres  ,  félon  le  libre  arbitre 
de  cette  divinité  qui  peut  tout. 
Les  plus  anciens  Hébreux  &  les 
Auteurs  facrés  fe   font  auflî  ex- 
primés de  la  même  manière. 

Loin  donc  que  le  feu  foie  le 
produit  d'aucune  caufe  dans  la 
nature  ,  il  en  eft   l'agent  univers 

'  D 


42  T   H    E*  O    R    î    E. 

fel  ,  &  c'eft  par  lui  que  tous  les 
effets  s'y  produifent.  Ses  parties 
pénétrent  tout  ,  vivifient  tout  , 
font  prefcntes  par  tout  ,  l'hom- 
me  ne  vit  que  par  le  feu  -,  la    li- 
quidité des  fluides  ,1a  végétation, 
des  plantes ,..  la  vie  des  animaux ,.. 
la    corruption  ,,  la  génération  , 
tout  dépend  de  cet  élément.  En, 
un  mot  le  feu  eft  Famé  Se  la  vie 
de  toute  la  nature  ^  &  comme- 
la  nature  eft.   aâive  par   tout  ^ 
le  feu  fe  trouve  par  tout  ,  dans. 
I*air  ,  dans  l'eau  ,..  dans  les  dif- 
ferens  mixtes  ,   dans- tes  entrail- 
les de  la  terre.  Mais  quoiqu'il  foie, 
ainfi  répandu  dans  tous  lescorps^, 
il  s'y  trouve  dans  un  état  cachée 
Se  fans  s'y  faire  appercevoir  pat 
les  qualités  fenfibles  qui  le  mani- 
fefteat.  Pour  qu'il  puiife  paroitre 
fous  les  qualités  qui  le  font  dis- 
cerner à  nos  fens  ,  il  faut,  que  fa. 
marche  gaifible  dam,  l'inierftica 


C   H   Y   M    î    Q   U   E.  4} 

des  rnixres  ,  foit  interrompue 
par  quelque  caufe  qui  l'excite. 
Alors  fa  violence  excitée  annonce 
d'une  manière  fenfible  fa  préfen- 
ce,  non  que  le  feu  ,  je  le  répète  , 
foit  produit  ,  ou  que  les  parties 
qui  n'ëtoient  point  feu  deviennent 
telles  ;  mais  parce  que  le  feu  , 
qui  paifible  auparavant  ?fuivoit 
un  cours  tranquille  dans  les  corps, 
eft  interrompu  ^  retardé,  irrité, 
ce  qui  développe  toute  fon  ac- 
tivité. 

Selon  les  Cartéïïens  ,  le  feu  eft 
une  matière  groffiere  ,  vivement 
agitée  par  une  matière  fubtile  xjui 
n'eft  affujettie  à  aucune  étendue  , 
ni  forme  particulière  qui  eft  au- 
comraire  toujours  dans  la  néeef^ 
fité  de  varier  à  cet  égard-  Cette 
matière  fubtile  feule  n'eft  point 
feu  ,  1&  matière  grofllere  feule 
ne  l'eft  point  non  plus.  L'une  Se 
Fâutre  doivent  £e  combiner.  En- 

D-  ij 


44  Théorie 

core  faut-il  pour  rendre  ce  fets 
lumineux  ,  le  concours  d'une 
troifiéme  forte  de  matière  ,  (  c'eft 
la  matière  globuleufe  )  pour  pro- 
duire les  réflexions  &  Refradions 
de  la  lumière.  Mais  laiffons  ces 
chimères. 

Le  feu  cft  feu  ,  comme  tout 
autre  corps  eft  tel  corps  9  par  la 
forme  fpécifîque  de  fes  particu- 
les 5  &  puifque  c'eft  un  élément 
comme  les  autres  ,  fa  forme  doit 
être  d'une  grande  (implicite*,  fes 
arômes  doivent  être  parfaitement 
folides  ,  extrêmement  polis  P 
les  plus  fubtils  i  Se  les  plus  mo- 
biles de  l'Univers.  Tout  ce  que 
le  feu  vulgaire  a  d'apparent  n'eft 
que  paffager  par  rapport  au  feu 
élémentaire  ;  en  forte  que ,  quoi- 
que cette  idée  du  feu  ne  nous 
3e  reprefente  point  par  aucun 
des  attributs  qui  le  rendent  fen- 
fible  g  elle  ne    s'accorde  eepea- 


C   H  Y  M    I  Q    U   E,  4Ç 

dant  pas  moins  avec  tous  les  ef- 
fets qui  le  caraâérifent.  Us  vien- 
nent cous  en  effet  d'une  feule 
&  même  matière  ,  qui  eft  dans 
Pinaâion  Se  ne  les  produit 
point  ,  tant  qu'on  la  larffe  tran- 
quille dans  les  corps  ou  les  ef- 
paces  qu'elle  habite.  Mais  de 
combien  de  manières  ne  peut  el- 
le pas  être  mife  en  œuvre.  Les 
vibrations  non-feulement  ,  mais 
le  Soleil  ,  les  verres  &  miroirs 
ardens  ,  tout  excite  ,  tout  raf- 
femble  ce  feu.  Le  reffort  des  par- 
ties du  corps  combuftible  ,  leur 
facilité  à  s'enflammer  ^l'élafticité 
de  l'air  environnant  ,  8c  en- 
fermé dans  ce  corps  5  voilà  au- 
tant de  caufes  de  l'incendie  ou 
de  l'embrafement  ,  qui  ne  vient 
que  de  la  continuation  &  de  l'ac- 
tivité de  celles  qui  ne  font  fim- 
pîement  qu'échaufer:  Selon  que 
i?air  eft  plus  ou  moins  ouvert  9 


46  T   K     E    O    R    I    S 

agité  9  félon  que  les  corps  fane 
plus  au  moins  durs  ,  &:  élafliques  p 
ils  font  donc  plus  ou  moins  vite  ou. 
fortement  brûlés.  Eft-il  n-éceffai- 
re  de  faire  ici  mention  de  la 
ver  ta  du  Soleil.  Ne  furfit-il  pas 
qu'il  s'aproche  ou  s'éloigne  de 
nous  pour  augmenter  ou  dimi- 
nuer le  feu  ou  la  chaleur  y  que 
les  parties  gpoffieres  &  ces  ef- 
peces  de  miroirs  nébuleux  con- 
tenus dans  l'air  ,  ne  peuvent 
encore  qu'animer  en  renée  haffant 
ou  refrangiflant  les  rayons.  Quel 
moyen  plus  puiflant  pour  rafiem- 
bler  beaucoup  de  feu  que  ces 
miroirs  ardens.  Il  en  eft  qui  fon- 
dent &  vitrifient  les  métaux  dans 
un  inftant.  Enfin  les  corps  froids 
s'échauffent  en  ie  communiquant 
à  des  corps  chauds  ^&:cela  moins 
fuivant  la  chaleur  de  ceux-ci ,  que 
k  nature  de  ceux-là  \  car,  par 
exemple  9  la  pierre  brûle  au  fiaieii 


C  H  Y   m  r  Q  u  e,        47 
^ui  tiédit  à  peine  l'eau. 

Je  ne  fiiiirois  pas  ,  (i  je  vou- 
lois  fuivre  Monfieur  Boerhaave 
dans  tout  ce  qu'bl  dit  du  feu  v  il 
rapporte  généralement  toutes  les 
expériences  qui  ont  été  faites  P 
tant  par  rapport  à  la  raréfaction  „ 
à  la  chaleur  ,  à  la  flamme  ^au& 
rayons  ,  que  par  rapport  aux 
choies  qui  fervent  d'aliment  au. 
feu  \  l'expofé  qu'il  donne  là-def- 
iîis  peut  être  regardé  comme  une 
hiftoire  naturelle  du  feu.  C'eft 
non-feulement  une  bonne  intro- 
duction pour  ceux  qui  commen- 
cent à  étudier  ces  matières  ,  mais 
un  mémoire  excellent  y  &  qui 
n'efl:  que  trop  complet  ,  pour 
d'habiles  Phyficiens  v  car ,  com- 
me le  ftiîe  eft  fort  diffus  ».  l'ou- 
vrage a  une  étendue  énorme» 
Voyez  Moniteur  Quefnay  dans 
Ion  traité  de  Fœconomk  Ani- 
maJe  depuis  la  page  n.  jufqu^a 


48  Théorie 
3  3  .Tout  ce  qu'il  nous  donne  fou- 
vent  comme  de  lui  eft  tiré  mot 
pour  mot  de  Monfieur  Boer- 
haave  ,  comme  les  connoîffeurs 
peuvent  en  juger  ,  s'ils  daignenr 
faire  la  comparaifon  d'un  Phyfi- 
cien  de  faint  Corne  avec  ce 
grand  Philofophe. 


xli 


DE     L'  A  I  R. 

E  feu  tire  toute  fa  force 
de  PAir  c'efl  pourquoi  nous 
examinerons  ici  la  nature  de 
cet  agent.  Sa  première  proprié- 
té eft  fa  fluidité  ,  qui  eft  telle 
que  le  froid  le  plus  violent ,  la 
plus  forte  compreflion  ,  les  pîus 
puiffans  coagulans  ,  &c.  ne  peu- 
vent l'altérer  *,  &  il  paroît  qu'il 
a  en  propre  la  caufe  de  cette 
fluidité  ,  puifqu'il  eft  compofé 
de  parties  extrêmement  fines  Se 

déliées,, 


C   H    Y   M    I    Q  V   E.  49 

déliées  ,  qu'on  ne  peut  aperce- 
voir même  avec  les  meilleurs  mi- 
crofeopes ,  Se  qui  font  en  même 
tems  fi  lubriques  ou  gliffantes  , 
que  la  moindre  force  fuffit  pour 
les  écarter  les  unes  des  autres  9 
&  les  divifer  en  tous  fens. 

La  féconde  propriété  de  l'Air 
eft  fa  péfanteur  ,  qui  confifte 
dans  la  tendance  de  toutes  fes 
parties  vers  le  centre  de  la  ter- 
re. C'eft  une  vérité  qui  a  été  fi 
bien  démontrée  par  Toricelli  p 
Pafcal ,  Boyle  ,  &  Mariotte ,  qu'il 
n'efl  aujourd'hui  rien  de  plus 
certain  efi  Phyfique.  On  fçaït 
auflî  que  cette  péfanteur  de  l'At- 
mosphère varie  fans  ceffe  ,  8& 
que  ces  viciffitudes  continuelles 
font  caufées  par  les  divers  mé- 
téores &  les  différens  afpeéts  des 
Planettes.  Il  fuffit  de  jetter  un 
coup  d'œil  fur  les  tables  Météo- 
rologiques de  Nicolas  Kruquius , 

E 


yo  T  H  E.O  R  I  E 

pour  en  apercevoir  coures  les  eau- 
les,  L'Air  comprime  la  furface 
de  la  terre  ,  &  les  corps  qui  y 
font  fitués  ,  d'autant  plus  qu'ils 
font  plus  près  du  centre.  Cette 
preffion  eft  encore,  plus  ou  moins 
forte,  félon  que  lepoidsde  l'Air 
augmente  ou  diminue  ,  comme 
on  le  voit  au  Baromètre.  Ce 
qu'il  y  a  ici  de  fort  furprenant 
en  apparence  ,  c'eft  que ,  quoi- 
qu'une colonne  d'Air ,  pefe  au- 
tant que  peferoit  une  colonne 
d'eau  de  pareille  groffeur  ,  qui 
auroit  yi  pieds  &  \  de  hauteur, 
on  ne  fent  cependant*  point  fa 
pefanteur.  Pourquoi  l  c'eft  que 
cet  élément ,  entant  que  péfant 
&  fluide  à  la  fois  ,  preffe  égaler 
rnent  les  corps  de  tous  côtés  / 
latéralement,  horifontalement  , 
verticalement ,  fupérieurernent  , 
inferieurement,  obliquement.  De 
ce  principe  dépend  l'explication 


Chymiqitk.  CI 
d'une  infirmé  de  petites  expé- 
riences aiTez  curieufes  ,  que  h 
multitude  des  chofes  qui  iepré- 
fentent  ne  nie  permet  pas  d'é- 
crire. Mais  avant  que  de  perdre 
de  vue  cette  propriété  ,  il  n'efl: 
pas  hors  de  propos  de  confidé- 
rer  combien  elle  devient  quel- 
quefois prodigieufe  ;  un  homme 
en  fouflant  un  petit  tuyau  qui 
•s'abouche  avec  trois  ou  quatre 
veflîes  chargées  d'un  poids  de 
plus  de  ioo  livres  ,  peut  par 
ion  feul  foufle  ,  gonfler  ces  vef- 
lîes ,  jufqu'à  enlever  le  poids  qui 
les  charge.  Un  autre  en  tenant 
la  glotte  long-tems  fermée  ,  peut 
fans  foufrir ,  porter  fur  la  poitri- 
ne des  poids  énormes,  par  la  force 
de  l'Air  interne  qu'il  retient, com- 
me on  l'a  vu.  La  péfanteur  de 
l'Air  donne  donc  la  raifon  de 
quantité  d'effets  furprenans  qu'on 
îie   pourroit  expliquer  fans  elle. 

Eij 


Ç2  Théorie 

La  }<>.  propriété  de  l' Air  efl 
fon  reffbrc  ,  qui  confifle  en  ce 
qu'il  occupe  d'autant  moins  d'ei* 
pace  ,  qu'il  efl  plus  comprimé  , 
8z  qu'il  fe  rétablit  à  mefure  que 
la  prefïion  cefle  ,  depuis  quelque 
tems  qu'il  foit  comprimé.  Ce  qu'il 
y  a  ici  d'étonnant ,  c'efl  que  cha- 
que portion  d'Air  agit  autant  par 
ion  élaflicité  ,  que  tout  l'Air  ex- 
terne ;  ce  qui  fe  démontre  clai- 
rement par  une  expérience  de 
Boyle.  Prenez  un  Baromètre 
dont  le  mercure  foit  élevé  à  cer- 
taine hauteur,  que  vous  remar- 
querez attentivement.  Plongez- 
le  par  fa  -partie  inférieure  dans 
un  vafe  cylindrique  rempli  de 
Mercure  ,  8c  tellement  conftruit 
qu'on  puiffe  à  fon  gré  au  moyen 
d'un  Syphon  ôter  toute  commu- 
nication de  PAtmofphere/ave'ç 
le  peu  d'air  qui  efl  dans  ce  va- 
fo  Alors  comme  l'Air  externe 


Chymique.         £j 
n'agit  plus  fur  3'interne ,  il  efl  évi- 
dent que  celui-ci  feul  peut  prêt* 
fer  la  furface  du  Mercure  con- 
tenu dans  le  Baromètre.  Or  dans 
cette  expérience  le  Mercure  ref- 
te  à  la  même  hauteur  qu'il  avoit 
pendant  qu'il étoit  cornprimépâr 
toutei'Atmofphere.  Cette  petite 
portion  d'air  interne  peut  donc 
fou  tenir  par  fon  reffort  un  auflï 
grand  poids  que   tout  l'air  ex- 
terne. Chauffez  enfuite  le  Baro- 
mètre, vous  verrez  le  vif  argent 
monter  de   plus    en  plus ,  pro- 
portionellement  à  l'expanfion  de 
l'Air   enfermé.    Les    Chymiftes 
doivent   bien    faire  attention  à 
cette   admirable    propriété    de 
l'Air*,  car  comme  la  plupart  des 
opérations  Chymiques  fe  font  fur 
le  feu  dans  des  vaiffeaux  fermés  r 
quels   effets  terribles  ce  reffort 
de  l'Air  ne  peut-il  pas  fouvenc 
produire.    De   tous  les  corps  9 

E  iij 


54  Théorie 

l'Air  eft  celui  que  le  feu  dilate 
le  plus  ,  &  fa  raréfaâion  eft  en 
raifon  de .  fa  denfité.  De  deux 
portions  d'Air  ,  la  plus  conden- 
sée fe  dilatera  le  plus  au  même 
degré  de  chaleur  ,  la  moins  pref- 
fée  aura  moins  d'expanfion  ,  8c 
conféquemment  d'élafticité.  Tel- 
le eft  Pénorme  rarefcibilké  de 
FAir ,  que  l'Air  le  plus  rare  eft 
au  plus  denfe  ,  comme  l'eft  i .  à 
y20ooo.  félon  Boyle  :  le  plus 
grand  froid  né  peut  altérer  ce 
prodigieux  reffort  de  l'Air,  non 
plus  que  les  plus  violentes  cha- 
leurs. Les  extenfions  qui  arri- 
vent dans  les  premières  voies 
par  celles  de  l'Air  qui  y  eft  en- 
fermé ,  font-elles  donc  furpre- 
nantes^Ceci  fuffit  pour  faire  juger 
quelle  peut  être  l'étendue  >  &  la 
force  du  reffort  de  l'A  ir,&  qu'une 
petite  portion  d'Air  peut  par 
cette     vertu     produire      d'auffi 


Chymique.  çj 

grands  effets  qu'une  grande  quan- 
tité. Mais  qu'une  quantité  d'Air 
un  peu  confidérable  fe  trouve 
divilée  &  emprifonnée  par  pe- 
tites portions  -,  c'cfl  alors  que  ie 
reffort  ie  multiplie  extraordinai- 
rement ,  comme  on  le  voit  dans 
des  corps  embrafés  ,  &  furtcut 
dans  les  fels  qui  pétillent,  parce 
que  le  feu  venant  à  bander  l'ékf- 
ticité  de  l'Air,  cet  Elément  rompt 
avec  bruit  les  petits  liens  qui 
î'enchaînoient. 

De  ce  qu'on  vient  de  dire  , 
on  peut  déduire  les  effets  de 
l'Air  fur  les  foffiîes.  L'Air  efl 
fluide  ,  péfant  ,  élaftique  \  iJ  fe 
condenfe  proportionnellement 
aux  poids  qui  le  compriment  9 
il  a  d'autant  plus  de  force  ou 
de  reffort  qu'il  efl  plus  conden- 
fé  ,  &  enfuite  plus  raréfié  ,  il  s'in- 
finue  dans  tous  les  corps  ?  Se  jus- 
qu'au centre  de  la  terre.  Or  qui 

Eiiij 


56  Théorie 

peut  dire  jufqu'à  quel  degré  l'Air 
eft  condenfé  dans  ces  lieux  pro- 
fonds, Se  enfuire  raréfié  par  le 
feu,  que  le  frottement  de  tous 
les  corps ,  &:  des  parties  de  l'Air 
même  y  produit.  Cet  Elément 
doit  donc  par  fon  aâion  raf- 
fembler  les  parties  ioiides  ho- 
mogènes,  féparer  les  héceroge- 
nes ,  ou  celles  qui  ne  font  point 
faites  pour  s'ailbrrir  avec  les  au- 
tres ,  rendre  ainfi  les  foffiles  plus 
durs,  plus  compa£ts,  8z  les  créer 
en  quelque  forte.  Voilà  peut- 
être  la  raifon  pour  laquelle  on 
ne  trouve  des  minéraux  que  vers 
le  centre  de  la  terre. 

Une  qualité  de  l'Air  qui ,  pour 
être  connue  de  tout  le  monde, 
n'en  eft  pas  moins  difficile  à 
comprendre  ,  c'eft  fon  abfolue 
néceffké  pour  la  vie.  Mettez  un 
oifeau  dans  la  machine  pneuma- 
tique ,  à  mefure  que  vous  en  ti- 


C  H  Y  M  î  Q  U  E.  57 

ferez  l'Air,  vous  le  verrez  fuf- 
foquer,  &  rendre prefque  les  der- 
niers foupirs  ,  faites-y  rentrer 
l'Air  ,  le  petit  animal  reprendra 
des  forces  en  refpirant.  Mettez  un 
poiffon  vivant  dans  l'eau  donc 
vous  aurez  auparavant  tiré  Y  Air,  il 
expirera  en  peu  de  tenis.  Met- 
tez-en _  un  autre  dans  un  vafe 
plein  d'eau  ,  fi  éxaûement  bou- 
ché ,  que  l'Air  contenu  dans  cet- 
te eau  ne  puiffe  fe  renouveller  , 
vous  le  verrez  mourir  après  \ 
d'heure  de  langueur.  Les  infec- 
tes ne  peuvent  faire  éclore  leurs 
foetus  dans  le  vuide  ,  lafemence 
des  plantes  y  meurt  ,  elles  n'y 
peuvent  végéter  ,  les  animaux  n'y 
peuvent  vivre  r  le  feu  s'y  éteint, 
comme  on  le  voit ,  en  pompant 
l'Air  de  la  machine  pneumati- 
que ,  dans  laquelle  on  a  mis  un 
charbon  ardent  \  tout  en  \m  mo- 
ment périt   fans,  le  fecours  de 


ç8  Théorie 
l'Air ,  il  femble  que  ce  foir  un 
aliment  qui  nous  nourrit  ,  nous 
conferve  ,  fert  à  réparer  nos  per- 
tes ,  ainfi  que  les  autres  alimens, 
s'identifie  ,  8c  s'incorpore  avec 
nous.  C'eft  fait  de  nous  ,  s'il 
vient  à  nous  manquer.  Tout  le 
monde  connoit  ces  vérités  :  mais 
quelle  eft  cette  propriété  de  l'Air 
plus  admirable  encore  que  fingu- 
liere ,  fans  laquelle  on  ne  peut  vi- 
vre ?  Quelle  eft  fa  nature,  la  caufe, 
fon  a£tion  >  Eft-ce  par  l'Air  pure- 
ment élaftique  que  tout  refpire  ? 
Et  s?iî  eft  vrai  ,  comme  on  n'en 

Î>eut  douter,  que  la  refpiration, 
a  végétation  ,  l'embrafement , 
&c.  ne  peuvent  avoir  lieu  dans 
l'air  même  s'il  eft  enfermé.  C'eft 
qu'alors  cet  air  fixe  &  immobile 
reftant  toujours  également  appli- 
qué contre  la  furface  des  corps , 
les  prive  de  ce  branle ,  de  ces  on- 
dulations ,  ou  de  ces  vibrations 


C    H    Y   M    1    Q.   U    E.  J9 

néceffaires  pour  entretenir  leur 
mouvement  propre,  ou  continuel- 
lement bandé  contre  ces  corps 
s'y  oppofe  entièrement  ?  C'eft 
une  conféquence  qui  me  paroît 
bien  déduite  de  l'expérience  de 
Boyle  ,  que  j'ai  ci-devant  rap- 
portée. 

Comme  il  eft  difficile  de  fe 
feire  une  jufte  idée  de  ce  qu'on, 
entend  par  l'air  élaftique,à  moins 
que  de  connoître  auparavant 
tous  les  corps  étrangers  qui  na- 
gent dans  fon  immenficé,  nous 
allons  légèrement  les  parcourir. 
L'Air  eft  toujours  plein  de  feu, 
plus  ou  moins  ,  comme  nous  l'a- 
vons vu  dans  le  Chapitre  pré- 
cédent*, les  Thermomètres  le  dé- 
montrent à  Pœil  dans  tous  les 
tems&  dans  tous  les  Pays.  L'Air 
eft  auffi  toujours  rempli  d'eau, 
de  cette  eau  qui  s'exhale  par  la 
voie  de  Pinfenfible  tranfpiration, 


6o  Théorie 
tant  de  nos  corps  ,  que  de  ceax 
des  animaux  ,  &  même  des  végé- 
taux ,  comme  plufieurs  habiles 
Phyficiens  l'ont  affez  prouvé  5  de 
cette  eau  que  le  Soleil  &  les  autres 
feux  font  fans  cefle  s'évaporer. 
Suivant  des  calculs  plus  d'une 
fois  vérifiés  ,  il  en  tombe  dans 
l'eipace  d'une  année  30. pou- 
ces de  haut  fur  la  furface  de  tou- 
te la  terre  ,  &  dans  le  même  ef- 
pace  de  tems  cette  eau  fe  diffipe. 
Que  d'eau  dans  l'air  !  Comme 
elle  va  s'appliquer  à  tous  les  corps 
qu'elle  rencontre  ,  il  n'eft  pas 
difficile  de  l'appercevoir  d'une 
façon  auffi  fenfible  qu'agréable. 
Expofez  à  l'air  en  Eté  dans  un 
jour  chaud  &  fec  ,  un  morceau 
de  glace  récemment  tiré  d'une 
glacière  ,  il  paroîtra  fur  le  champ 
obfcurci  -,  prenez-le  y  il  fumera 
entre  la  glace  &  la  furfaee  de  la 
main  \  ce   qui   prouve  ,  dk  ML 


Chymique  6i 
Boerhaave  ,  que  les  particules 
d'eau  qui étoient  invifibles,  parce 
qu'elles  étoienc  également  difper- 
iées  dans  l'atmofphere  ,  s'étant 
rapprochées  &  réunies  plus  étroi- 
tement par  le  froid  de  la  glace , 
doivent  fenfiblement  fe  manife« 
fier.  Mais  s'il  m'eft  permis  de  dire 
ici  librement  mon  avis ,  n'efl-il 
pas  évident  que  cette  fumée  efl 
en  partie  formée  par  les  molécu- 
les d'eau  qui  s'élèvent  de  la  gla- 
ce'à  mefure  qu'il  la  fond  &:  la  ré- 
foud  en  vapeurs.  L'expérience 
qui  fuit  me  paroîr  plus  concluan- 
te. Mettez  de  l'eau  durant  l'Eté 
dans  un  vaifleau  de  verre  fore 
fec  en  dehors  ,  la  furface  exter- 
ne de  ce  vafe  demeurera  tou- 
jours lèche.  Diflblvez  dans  cet- 
te eau  une  partie  de  fel  armo- 
niac  très-fec  &  pulvérifé  ,  en  pre- 
nant biengard_e  que  la  partie  extei> 
ne  du  même  vaiffeau  ne  contrac- 


62  Théorie 

te  quelque  humidité  :  toute  cette 
même  iurface  fera  promptemenc 
couverte  d'une  roiée  aqueufe  , 
qui  devient  peu  à  peu  fi  abon- 
dante j  qu'elle  diftiile  des  gout- 
tes d'eau  fort  fenfibles.  Or  on 
ne  s'avifera  pas  de  dire  que  ces 
gouttes  ayent  tranfpiré  au  tra- 
vers des  pores  du  vale  ,  puifque 
le  froid  de  ce  ici  a  du  les  reffer- 
rer,  &  que  d'ailleurs  l'eau  nepé- 
nérre  point  le  verre ,  ce  quifuf- 
fit  ici.  Voici  donc  la  vraie  irai- 
ion  de  ce  Phénomène.  Tout  com- 
me l'haleine  qui  eft  impercepti- 
ble l'Eté  ,  paroît  vifiblement  du- 
rant l'Hiver ,  de  même  le  froid 
du  fel  armoniac  raffemble  fous 
la  forme  de  rofée  ou  de  petits 
nuages  l'eau  que  la  chaleur  avoir 
extrêmement  divifée.  Toutes  ces 
choies  &  une  infinité  d'autres 
prouvent  clairement  qu'il  y  a  tou- 
jours de  l'eau  dans  l'air;  vérité 


C    H    Y    M    I    Q    U    E  6} 

que  la  machine  pneumatique  a 
mile  en  tout  fon  jour  ;  &  plus 
on  raréfie  l'air ,  plus  le  verre  s'obf- 
curcic  intérieurement ,  parce  qu'a- 
lors les  molécules  d'eau  le  déta- 
chent de  l'air  pour  s'attacher  au 
verre  ;  d'où  il  fuit  que  plus  l'air 
eft  chaud  ,.  raréfié ,  moins  il  con- 
tient d'eau  ,  Se  par  conféquenc 
moins  il  efl  péfant.  Expofez  des 
lels  à  l'air  ,  ils  s'y  fondent  ,  Se 
devienenttrès-péfans,  parce  qu'ils 
abforbent  fon   humidité  :  autre 

f>reuve  de  l'eau  contenue  dans 
'air.  Plus  cette  eau  eft  élevée  8c 
dilperfée  en  de  grands  efpaces  , 
plus  elle  eft  imperceptible.  Auf- 
fi  l'air  eft-il  alors  fec  Se  ferein  , 
il  ne  paroi t  humide  que  lorfque 
cette  même  eau  dont  les  mole* 
cules  étoient  fort  écartées  les 
unes  des  autres  defeend  Se  fe  raf- 
femble  fenfiblement  dans  notre 
Atmofphere. 


64        Théorie 

Outre  le  feu  &  l'eau ,  Pair  eft 
plein  de  rofée.  C'cft  un  compo- 
ié  d'eau' ,  &  de  bien  d'autres 
corps  gras  ,  falins ,  huileux,  fpi- 
ritueux  ,  que  le  foleil  attire  de 
la  furface  de  la  terre  &  des  plan- 
tes. Tant  que  ces  exhalaifons  font 
agitées  &  éparfes  çà  &  là  dans 
l'air,  on  ne  les  voir  point  :  mais 
vers  les  trois  heures  de  l'après 
midi ,  l'air  venant  à  fe  refroidir 
à  cauie  de  l'éloignemcnt  du  So- 
leil ,  Se  la  terre  confervant  fa 
chaleur  bien  plus  long-tems  que 
Pair  ,  on  voit  ces  vapeurs  s'éle- 
ver fenfiblement ,  &  couvrir  bien- 
tôt toute  la  furface  de  la  terre  , 
jufqu'à  ce  que  le  Soleil  revienne 
les  diflîper  par  fon  retour.  Ces 
vapeurs  font  différentes  félon  les 
lieux  d'où  elles  s'évaporent,  C'efl- 
pourquoi  on  trouve  tant  de  con- 
tradiction parmi  les  Chymiftes 
qui  ont  fait  PAnalife  de  ces  ma- 
tières, C'eft 


C   H   Y    M    1    Q    U    E.  65 

C?eft  encore  l'Eau  prefque 
feule  qui  forme  les  nues.  Ses  Ele- 
mens  difperfés  dans  la  haute  ré- 
gion de  l'air ,  venant  à  fe  réunir 
en  defcendant  dans  des  lieux 
plus  étroits  ,  prennent  la  forme 
d'eau  fenfible  ,  dont  l'amas  for- 
me les  nues.  Toutes  ces  fortes 
de  pluyes  ,  les  fontaines  ?  les  ri- 
vières, les  fleuves  ^les  ruiffeaux,. 
les  torrens  ,  toutes  les  eaux  de 
h  terre  y  viennent  de  celles  de 
l'air  ?  comme  celles  de  l'air  y 
viennent  de  celles  de  la  terre. 
C'eit  dans  l'air  que  fe  forment 
la  neige  ?  la  grêle  ,  la  foudre  , 
1-e  tonnerre  ?  les  éclaires  dont 
l'explication  nous  meneroit  trop 
loin.  Il  s'y  élevé  des  efprits  effen- 
îiels  ,  fermentes  des  végétaux  , 
&  ceux  qu'enfante  l'a&ion  du 
feu-  Les  huiles  ,  les  fels,  la  terre 
même  s'exaltent  5  les  plantes  n'ont 
aucune  partie   qui  ne  foit    eia- 

F 


66  Théorie 
portée  dans  cet  Elément.  Il  en 
cft  ainfi  des  efprirs  des  animaux  , 
de  leurs  excrèmens,de  toutes  leurs 
parties  que  la  chaleur  diflipe  en- 
fin ,  des  œuts  féconds  de  toute 
efpece ,  des  fofïiles  ,  des  foufres , 
des  métaux.  Il  n'eft  point  en  un 
mot  de  corps  dans  toute  la  nature, 
qui  ne  s'évapore  dans  lair^c'eft  un 
vrai  cah,os;il  s'y  trouve  juiqu'à  des 
portions  des  animaux  les  plus 
pefans.  Les  cadavres  même  des 
hommes  foit  qu'on  les  brûle  , 
foit  qu'on  les  laiffe  fe  corrompre 
à  l'air ,  foit  qu'on  les  enfevelifïe  , 
toutes  leurs  parties  fans  excep- 
ter les  os  mêmes  ,  fe  perdent 
dans  cette  affembîée  univerfele-,& 
fi  l'air  contient  les  Elemens  mê- 
mes de  nos  corps  ,  eft-il  furpre- 
nant  qu'il  contribue  en  quelque 
forte  à  nous  nourrir  ,  &  à  repa- 
rer nos  pertes. 

On  conçoit  à  préfent  ce  qui 


C    H    Y    M    I    Q'U   é;         67 

conftitue  cette  partie  élaftique 
de  l'air  ,  ou  l'air  proprement 
dit  :  c'eft  l'air  dégagé  de  tous 
les  corps  hétérogènes  qu'il  ren- 
ferme ,  &dont  il  eftle  véhicule. 
Voila  l'air  qui  pénétre  dans  tou- 
tes les  liqueurs  ,  &  qu'on  en  fait 
fortir  ea  forme  de  bulles  ,  par 
lebullition  ,  ou  en  diminuant  le 
poids  de  l'atmofphére  dans  la 
machine  pneumatique.  Et  c'eft 
celui  que  la  gelée  fait  fora*  de 
l'eau  ,  tel  efl  celui  que  no.usref- 
pirons ,  &  qui  ne  contribue  pas 
peu  à  entretenir  la  circulation.  Il  fe 
diffoùt  en  fes  derniers  Elemens 
pour  pouvoir  s'infmuer  dans  les 
cellules  des  liqueurs  qui  fontvui- 
des  d'air  :  mais  il  ne  peut  pé- 
nétrer dans  les  fluides  qui  en  font 
tout-à  -fait  remplis  ,  ou  faoulés. 
ce  qu'il  y  a  d'étonnant  ?  c'eft  qu'il 
y  a  plus  d'air  dans  l'eau  ,  que 
d5eau  même  ,  comme  on  le  fait 

Fij 


68  T'HEORl    E 

par  des  expériences  qui  ne  peu- 
vent tremper.  Mais  tant  que  cet 
air  eft  renfermé  entre  chaque  Elé- 
ment aqueux  ,.,  iJ  n'eft  point  pro- 
prement air  :  il  n'y  agit  point, 
comme  hors  des  liqueurs  ;  c'eft 
que  les  atomes  de  l'air  difperfésy 
feu!  à  feul  ,  ne  font  point  é!af- 
tiques..  Chaque  Elément  d'air 
it'ar  en  foi  aucun  reffort  -,  il  faut 
pour  cela  la  réunion  de  plufieurs 
Elément.  D?où  il  faut  conclure  que 
Fair  contenu  dans-nos  humeurs,  y 
étant  divifé  en  fes  dernières  mo- 
lécules rn'y  exerce  point  d'ofeiU 
îktions  ,  comme  Borelli  Sz  plu- 
sieurs autres  grands  hommes  fe 
fe  font  imaginé ,  qu'il  eft.  peut- 
lire  la  caufe  de'  la  putréfaction 
de  notre  fang  ,.&  que  la  plus  for- 
te chaleur;  naturelle  n'eft  pas  fuf- 
ifonre  pour  faire  fortir  l'air  ren- 
fermé- dans  les  petits  vuides  de 
wa&  feaneurs..  Aacrement.il feroic 


C   H   Y  M   I    Q   U    E.  6$ 

impofïible  de  vivre.  Sans  la  cor- 
refpondance  d^e  Fait  extérieur  „ 
point  donc  de  vraïe  putréfa&ion, 
point  de  vra-ye  fermentation  y 
nos  humeurs  fe  confervent  ère 
effet  fans  fe  corrompre  dans  la, 
machina  du  vuide.  Il  faut  ce- 
pendant favoir  que  c'eft  le  feir. 
qui  metlairen  jeu  dans  les  mou- 
vemens  fpontanes  de  fermenta- 
tion &  de  putréfa£Hon  ,.  comme 
c'eftpar  le  raoyer*  de  Peau  que 
Pair  opère  dans  les  fucs  5  les  chan- 
gemens  qui  leur  arrivent  dans 
les  mouvemens  fpontanes  *  du? 
moins  de  putréfa£tian.  5.  effet  qui 
ne  commence  9  que  lorfque  is 
terre  8c  le  fel  commencent  eux- 
mêmes  à  fe  défunir  par  la  fingu- 
Hère  infmuation  de  i'eau  ,  qui  va 
ici  plus  loin  r  que  le  feu  dans 
l'embrafement  Ceux  qui  ne  ion  c 
point  en  état  de  lire  Monfieuï 
Boerhaave,. peuvent  lire  fon-Corn* 


jo         Théorie 
pilateur  que   j'ai  déjà  nommé  , 
page  33  juiqu'à  58. 

Si  1  air  eft  un  cahos  rempli  de 
corpufcule  de  toutes  efpeces ,  on 
peut  dire  que  tous  les  corps  font 
remplis  d'air  ;  on  en  tire  beau- 
coup principalement  du  vinai- 
gre,  des  yeux  decreviffe,  de  la 
craye  ,  de  l'huile  de  tartre  par 
défaillance  mêlée  avec  le  vinai- 
gre ,  ou  l'huile  de  vitriol  ,  de 
l'efprit  de  nitre  mêlé  avec  un 
ou  deux  grains  de  fer  ,  ou  avec 
de  l'huile  diftiiée  de  chenevi  \ 
enfin  il  fort  de  l'air  de  tous  les 
corps  ,  tant  par  le  feu  &  la  fer- 
mentation ,  que  par  la  putréfac- 
tion ,  la  diftillatiorr&c.  L'air  en 
un  mot  fe  trouve  par  tout,  comme 
tout  fe  trouve  confondu  avec  lui  ; 
mais  on  peut  dire  qu'il  n'eîl  que 
l'inftrument  univerfel  de  la  na- 
ture ,  le  feu  eft  le  feul  principe 
a£U£  ,  le  véritable  agent.  L'air 
n'eft     qu'un    de   ces    matéraux 


C    H    Y   M    I    Q   U    E.  71 

qu'il  mec  en  œuvre  pour  brûler, 
corrompre  ,  féparer,  détacher  , 
difperfer ,  rapprocher,  appliquer, 
comprimer,  contenir ,  voiturer, 
&  rendre  à  la.  terre  les  débris  des 
corps  qu'il  a  décompofé,  8c  donc 
la  terre  &  les  plantes  ont  beioin 
pour  s'entretenir  Se  fe  reprodui- 
re. C'eft  donc  par  l'.entremife  du 
feu  qu'eil  établi  ce  commerce  in- 
time &:  éternel  qu'il  y  a  entre 
Pair  Se  la  terre  ,  celle-ci  rece- 
vant tout  ce  qui  tombe  de  l'air  , 
&  celui-là  recevant  tout  ce  qui 
tombe  de  la  terre.  Ceux  qui  pour 
mieux  entendre  ces  matières  veu- 
lent plus  de  détail  doivent  aller 
à  la  fource.  Monfieur  Boerhaave 
n'en  épargne  aucun,  Se  quoique 
M.  Quefnay  paile  pour  l'avoir 
mis  en  pièce  ,  tout  ce  qu'il 
a  pris  de  ce  célèbre  Médecin  fur 
ce  fuiet  ,  n'eft  certainement 
pas  capable  de  dédommager  de 
ce  qu'il  n'a  pu  prendre. 


72  T  H    E  G  R    î  E 


DE    L'  E  A  U. 

IL  efl  très-difficile  de  connoî- 
cre  la  nature  de  l'Eau  ,.  parce 
qu'on  peut  à  peine  la  tirer  de 
tous  les  corps  qu'elle  pénétre  ,  Se 
en  féparer  tous  ceux  dont  elle  efl: 
remplie.  Tous  les  corps  fur  les- 
quels la  Chymie  opère  ,  font 
pleins  d^eauy  &  elle  eft'tellemenc 
adhérente  à  Fait  9  dans  lequel' 
fe  font  toutes  les  opérations 
ehymiques  ?  qu'on  ne  peut  ja- 
mais l'en  féparer.  Des  cornes  de 
cerf  gardées  pendant  50.  ans  y 
Se  dures  comme  du  fer  ,  donnent 
tin  efprk  duquel  on  tire  non- 
feulement  de  i'huile  Se  du  fel  y 
mais  beaucoup  d'eau.  Il  en  fort 
de  la  brique  ,  de  la  pierre ,  &  dit 
caillou  -,  difons  plus  :  L'Eau  efl 
en  quelque  forte  la  glue  qui  fert 


Chtmiqu  e.  75 
â  unir  8c  conglutiner  les  parti- 
cules terreftres  &  folides  ,  qui 
compofent  les  rochers  &  les 
montagnes.  Quant  à  l'Eau  qui 
nage  dans  l'air  ,  nous  l'avons 
affez  démontrée  dans  le  Chapi- 
tre précédent ,  auquel  nous  ren- 
voyons. 

Puifque  Pair  eft  toujours  plus 
ou  moins  rempli  d'eau  ,  &  que 
tous  les  corps  font  entourés  Se 
même  remplis  d'air  ,  il  eft  im- 
poflible  d'opérer  dans  l'air ,  fur 
des  corps  abfoîument  fecs9  quel- 
que effort  qu'on  fafle  pour  les 
deflecher  entièrement.  J'ajoute 
que  (i  on  a  bien  de  la  peine  à 
feparer  l'Eau  ,  je  ne  dis  pas  de 
l'air  ,  mais  de  tous  les  corps  qui 
en  font  imbibés  ,  il  eft  encore 
plus  difficile  de  féparer  de  l'Eau 
toutes  les  parties  hétérogènes 
qu'elle  contient  ,  telles  font  le 
Feu  ,  l'Air  \  tout  ce  qui  eft  mêlé 

G 


74  Théorie 

avec  Pair  ,  &  cous  les  corps  eafe 
qui  peuvent  fe  diflbudre  dans 
l'eau  ;  à  raefure  qu'elle  les  ren- 
contre dans  les  entrailles  de  la 
terre. 

L'Eau  efl:  une  liqueur  très- 
fluide,  fans  odeur,  fans  goûr^ 
fans  couleur  ,  tranfparenre  ,  8c 
qui  à  un  certain  degré  de  froid 
ie  change  en  glace.  Cette  défi- 
nition ëiftingue  l'Eau  de  tout 
autre  liquide  ,  mais  iî  n'eft  p^s 
moins  difficile  d'en  découvrir  les 
propriétés ,  parce  qu'on  n'efl:  ja- 
mais  fur  d'avoir  de  l'eau  pure , 
êc  qu'au  contraire  elle  fe  trouve 
toujours  unie  à  d'autres  corps 
d'une  façon  prefque  inféparabie- 
Notre  ilkiftre  Compatriote  9  M. 
de  Maupertuis  9  parle  d'une  grof- 
fe  fource  de  l'eau  la  plus  •  pure , 
qui  fort  d'un  fable  très-fin  ,  3e 
qui  conferve  fa  liquidité  pen- 
dant les  plus  grands  froids  de 


C  H  Y    M    I    Q  C  *.        7'Ç 

ï'hiver ,  lorfque  la  mer  du  fond 
du  Golfe,  &  cous  les  fleuves  font 
auffi  durs  que  le  marbre.  Cette 
fource  fe  trouve  au  pied  d'une 
montagne  de  ILaponie  ,  nommée 
JCittis^  auprès  du  village  de  Pel~ 
lo.  Mais  les  petites  particules 
de  ce  fable,5  quoique  très-fin  ,9 
différent  €n  grandeur  &  en  figu- 
re ,  &  ne  peuvent  le  répondre 
fi  exa&ement  qu'elles  ne  laiffent 
entr'elles  de  petits  vuides  ,  pat 
lefquels  l'Eau  fe  filtre  ,  fans  fe 
purifier  tout -à -fait.  Hérodote 
parle  d'eaux  encore  plus  pures  9 
fur  lefquelies  rien  ne  flottoit* 
aii  le  bois  *  ni  des  corps  plus 
légers  ,6c  qui  faifoient  vivre  fé- 
lon lui  ,  les  Ethiopiens  qui  £n 
^ufoient  î20.  ans  ,    quelquefois 

Î Jus. Ce  qui  ne  paffe  pour  fabu- 
eux  que  dans  lefprit  de  quel* 
<jue$  demi-Sçavans ,  ou  de  ceux 
*jtfi  ?  peu  verfés  dans  Miiftoire  na~ 

Gij 


76  T  H   E    O  R  î   E 

turelle  ,  ne  font  point  en  état  de 
comprendre  tout  ce  que  peut  la 
nature.  L'obfervation  de  cet 
ancien  Naturalifte  n'eft>elle  pas 
analogiquement  confirmée  par 
celle  du  fçavanc  Moderne. 

La  première  propriété  de  l'Eau 
efi  fon  poids  propre  ou  fpéci- 
fique  9  mais  comment  s'en  affu- 
rer  ?  l'Eau  contient  des  corps 
plus  légers ,  &  plus  pefans  qu'el- 
le même  ;  tout  ce  qui  participe 
de  la  nature  des  efprits  ferment 
rés  ,  rend  l'Eau  plus  légère  , 
ceux  qui  s'élèvent  des  végétaux 
ou  des  Animaux  putréfiés  dans 
l'air  ,  fe  mêlent  avçc  l'Eau  qui 
nage  dans  cet  Elément  ,  &  ren- 
dent les  eaux  plus  péfantes.  Il 
en  eft  ainfi  des  matières  falines, 
favoneufes  ,  vitrioliques  ,  qui  fe 
mêlent  dans  l'air  avec  l'Eau ,  & 
augmentent  fon  poids  naturel  , 
fan$  les  entrailles  de  la  terre  f 


Chymique.  77 
differens  corps  fc  mêlent  encore 
avec  l'Eau  ,  il  n'eft  donc  pas 
Surprenant  que  la  péianteur  des 
Eaux  varie  tantfuivant  les  lieux, 
&  que  l'Eau  pure  foit  Ci  rare. 

Je  paffe  ici  fousfilence  le  poids 
relatif  de  l'Eau  aux  autres  corps , 
parcequeBoyle  en  a  parfaitement 
traité  dans  fa  Médecine  HydroJla~ 
tique.  Une  feule  chofe  fort  eflen- 
rielle  qu'on  ne  doit  jamais  ou* 
blier  en  faifant  mention  des  poids 
relatifs  des  corps,  c'efl  qu'il  faut 
toujours  avoir  foin  de  dire  le 
degré  de  chaleur  inhérente  aux 
corps,  dans  le  tems  qu'on  les 
peloit  :  car  l'expanfion  que  la 
chaleur  produit ,  cft  proportion- 
nelle au  poids  des  corps  qu'elle 
dilate  :  or  comme  la  dilatation 
de  l'Eau -cft  parconfequentpro- 
digieufe  ,  eu  égard  à  celle  d'un 
corps  métallique  *,  il  fuit  que  fi 
on  examine  leur  diverfe  péfan- 

Giij 


78  T  H    E   O    R   I   E 

teur  en  différeras  tems,  ou  a  dfc 
vers degrés  de  chaleur,  on  n'au- 
ra que  des  obfervations  mal  fai- 
tes. Règle  générale  fort  connue  9 
l'Eau  la  plus  pefante  eft  la  plus 
îïiauvaife  ,  la  plus  légère  eft  la 
meilleure.  Aufîi  eft  -  elle  fort  re- 
commandé par  Hippocrate  pour 
la  cure  des  maladies  ,,  dans  fou 
traité  de  aère  9  aquis  &  loris  ,ce 
qu'il  y  a  de  finguiier  c'eft  que 
l'Eau  ia>  plus  légère  ,.  naturelle 
ou  diftilléè  ,  pourvu  que  fa  lé- 
gèreté ne  foit  point  artificielle 
oucoatraâée  parle  mêlange;d'ef- 
prits  fermentes  ,.çft  toujours  plus 
pefante  que  tous  nos  vins  &  tou- 
tes nos  bïerres. 

La  féconde  propriété  de  l'Eau, 
&  qui  lui  eft  commune  avec  les  au- 
tres liqueurs  *  eft  fa  fluidité  qui^ 
eft  fort  confiderable,car  toutes  les, 
parties  s'écartent  ou  s'éloignent 
les  unes  des  autres  par  le  moin- 


CHÎ  MIQUE.         79 

dre  mouvement  ou  la  plus  fci- 
ble  chaleur  ,  d'autant  plus  qu'el- 
les font  plus  pures  ,  ou  moins 
adhérentes.  Delà  on  conçoit  la 
raifon  pouf  laquelle  Peau  faîée 
s'évapore  moins  que  l'Eau  douce, 
&  ce  qui  a  été  trempé  dans  la 
mer  fe  feehe  plus  difficilement 
que  ce  qui  n'a  été  mouillé  que 
d'Eau  douce.  Le  fel  &  le  bitume 
delà  mer  donnent  beaucoup  de 
ténacité  à  la  cohéfion  defeséle— 
mens. 

Mais  fi  telle  efl  la  mobilité  des 
molécules  aqueufes  ,  que  la  plus 
petite  force  ou  la  moindre  cha- 
leur fuffife  pour  la  divifer  &  la 
refoudre  en  fes  derniers  princi- 
pes ,  eft-il  étonnant  que  le  Soleil 
&  les  vents  difïipent  &  empor. 
tent  des  volumes  d'eau  auffi  con- 
fiderables  :  «fe  delà  ne  conçoit- 
on  pas  leur  Heureux  ufage  ,  en 
ce  qu'ils  mobilifent   l'Eau  ,  Se 

G  iiij 


80  Théorie 

l'empêchent    de  croupir  &   de 
s'épaiffir. 

Eft-il  néceffaire  d'indiquer  la 
caufe  de    cette   grande  fluidité 
de  l'Eau  ?  Il  eft  évident  qu'elle 
dépend  du  feu  feul ,  puifqu'à  un 
certain  degré  de  chaleur ,  l'Eau 
fe  convertit  en  un  corps  dur  , 
êz  qu'un  feul  degré   de  chaleur 
de  plus  ,  lui  rend  fur  le  champ 
toute  fa  liquidité.  C'eft  le  tiers 
du  plus   grand  chaud  que  la  na- 
ture produife ,  qui  forme  &  con- 
ferve  la  glace  5  l'Eau  n'eft  ,  Se 
ne  demeure    Eau   qu'aux  deux 
autres  tiers.    Chofe  furprenante 
fans  doute ,  mais  ce  qui  le  paroiE 
encore  bien  plus  9  c'eft  qu'au  33. 
ou  au  34  degré  de  chaleur  ,  l'Eau 
eft  auffi  fluide  ,  qu'à  un  feu  beau- 
coup plus  vifjComme  on  le  voit  par 
la  célèbre  expérience  de  Monficur 
Newton,  Il  mit  une  pendule  dans 
de  Peau  très-chaude,,  8c  une  autre 


C  H   Y   M   I    Q    U   E.  £f 

f>endule  dans  de  l'Eau  très-froide, 
eurs  balanciers  trouvèrent  d'é- 
gales refiftances  du  moins  autant 
qu'il  fut  poffible  de  s'en  aperce- 
voir. Car,  abfolument  parlant  ? 
l'Eau  étant  d'autanc plus  raréfiée, 
qu'elle  eft  plus  chaude  ,  fes  par- 
ties doivent  être  plus  foiblemene 
unies ,  &:  conféquemment  obéir 
davantage  au  mouvement  des 
corps.  Mais  cette  diminution  de 
refiflance  eft  peu 'feniible  ,  parce 
que  l'Eau  bouillante  n'occupe 
que  ~  plus  d'efpace  ,  8z  qu'en 
même  tems  le  corps  du  pendule 
fe  gonfle  relativement  à  fa 
maffe. 

Or  de  ce  que  le  plus  grand 
feu  ne  peut  divifer  l'Eau  ,  plus 
qu'une  chaleur  de  3  5.  degrés  9 
il  fuit  que  fes  parties  élémen- 
taires font  extrêmement  petites  r 
&  peut-être  plus  que  lesclemens 
élaftiques  de  l'air.  L'Eau  tranfu- 


&2  T  H  E   O  &   I    E 

de  en  effet  par  des  bois,  par  des- 
cuirs  ,  &  par  bien  d'autre  corps 
où  l'air  véritable  ne  peut  s'inft- 
nuer  r  ce  qui  prouve  que  fi  l'Eau 
n'eft  pas  à  beaucoup  près  fi  pé- 
nétrante que  le  feu,  ellel'eftdu 
moins  plus  que  l'air,  /avoue  que 
la  pénétrabilité  des  corps  dépend 
plus  de  la  figure  que  de  la  noaffe 
de  leurs  molécules  v  en  effet  ui* 
grain  d'or   fphérique  paffe    par 
êe  très   petits  efpaces  qu'il    ne 
peut  enfiier  r  lbrfqu?dn  lur don- 
ne une  autre  figure.  Cela  pofé  , 
de  ce  que  l'Eau   paffe  où    l'air 
ne  peut  s'infinuer,il  ne  s'enfuit  pas 
que  les  élemens  de  l'un    foienc 
plus  grêles  ou  plus  fins  queceux. 
de  l'autre  ^auffi  ce  qui  me  le  per- 
fuadè  principalement ,;  c'ëft  que 
les  particules  de   l'air  trouvent 
place  entre  celles  de  l'Eau  ,  Se 
que  cependant  l'Eau,  à  force  d'ê* 
tre  comprimée ,  n'en  eft  pas  plus* 
condenfable~- 


G  H  Y  M  î   QUI.  85; 

La  pénétrabilité  de  l'Eau  a 
des  bornes  qu'il  faut  affigner  ;  ce 
font  les  métaux  y.  les  pierres  vi- 
les ou  précieufes  ,  les  cailloux  9 
le  verre  ,  la  porcelaine  ,  cer- 
tains bois  durs  r  pefans  ,  den* 
fes ,  refineux ,  le  foùfre  ,Ja  terre 
à  potier  ,  les  cimens  ordinaires  r 
8z  plufieurs  autres  corps  que 
l'Eau  ne  peut  pénétrer  ,  quot 
qu'on  ta  comprime;  euquJork 
la  raréfie  autans  qu'il  effipofli- 
ble.  Oeffc  ce  que  prouvent  les, 
vafes  qui  fervent  à  nos  diftila- 
rions  :  l'expérience  d'un  Mathé- 
maticien nommé  Chriffophe  Cla- 
rius  ,.  qui  mit  de  l'Eau-  dans  une 
phiole  fcellée  hermétiquement , 
laquelle  écoit  î  20*  ans^  après  dans 
le  même  crac  qu'il  Pavoit  laif- 
fée  :  c'eft  ce  que  prouvent  l'Eo* 
lipile  qui  malgré1  la  violence  du 
feu  ne  IaitTe  échaper  l'eau  que 
gar  fon  orifice,  la  machine  de 


84  T   H    E    O   R    I    É 

Papin  ,  8c  enfin  différentes  ma- 
chines hydrauliques ,  qui  toutes 
montrent  à  l'œil  ,  que  quelques 
efforts  qu'on  faffe  pour  compri- 
mer l'Eau  &  la  faire  bouillir  ? 
on  ne  peut  la  forcer  au  travers 
des  pores  des  vaifleaux  affez  foli- 
des  ,  pour  ne  pas  la  laiffer  cou- 
ler naturellement  Ceci  foit  die 
contre  M.  Stahl  8c  Bêcher  qui 
ont  prétendu  ,  l'un  que  l'eau  en 
fe  f  ubtilifant  par  quantité  de  difti- 
iations  tranfpiroit  au  travers  de 
la  fubftance  même  des  vaiffeaux 
de  verre  ;  8c  l'autre  ,  qu'elle  deve- 
noir  très  corroiîve  par  les  mêmes 
caufes.  Si  donc  on  lit  que  l'Eau 
paffe  au  travers  de  globes  caves 
Se  fphériques  faits  de  quelque  mé- 
tal ,  8c  mis  fous  de  forts  preiToirs  7 
Je  feul  changement  de  figure  qui 
refulte  d'une  violente  compref- 
fion  explique  ce  phénomène.  Car 
la  Sphère  qui  de  toutes  lesfîgu- 


C  H  Y  M  I  Q  U  E  8  Ç 

ces  a  le  plus  de  capacité  ,  a  for- 
ce d'être  pouffée  fur  une  liqueur 
qui  n'efl    pas    comprefîîble  ,  ne 
peut  fe  changer  en  une  autre  fi- 
gure qui  contient  toujours  moins 
quelle  qu'elle  fok  ,  fans  que  les 
parties   métalliques  qui   la  for- 
cent foient  plus  écartées  ,  plus 
minces  :  d'ailleurs  l'eau  déformais 
furabondante  doit  tirailler  Se  dif- 
jiendre  de  plus  en  plus  les  lames 
élaftiques  du  métal  déjà  atténuées 
par  le  changement  de  figure  9  Se 
par  conféquent  peut  enfin  être 
forcée  d'enfiler  Içs  paflages  qu'on 
lui  fait  par  ce  moyen.  Mais  qu'on 
donne  aux  lames  métalliques  le 
tems  de  refermer  leur  pores  ou- 
yerts  ,  l'eau  ne  pourra  plus  s'é- 
chapper 9  d'où   je  conclus  que 
la  corppr^ffion  n'ajoute  rien  à  fa 
pénétrabilité  ,  Se  que  cette  expé?» 
pence  #e  détruit  point  ce  qui 


S6  T   H    E   O   R    I    E 

a  été  avancé  ci-devant. 

Le  froid  feul  peut  augmenter 
î'éxilité  des  particules  'de  l'eau; 
.mais  ce  pouvoir  ne  s'étend  que 
jufqu'au  32.  degré,,  car  au-def- 
fous  de  ce  degré  l'eau  n'eft  plus 
»eau  :,  &  comment  ohferver  la 
contraction  des  Elémens  de  la 
glace  ,  puifque  l'air  y  forme  des 
bulles  qui  ladilatent  plus ,  que  le 
froid  ne  la  refferre  l  Quoiqu'il  en 
fort  ,  puifque  la  {eule  abfence 
du  feu  rend  les  Elémens  de  l'eau 
plus  petits  4  cela  fuffit  pour  ren- 
dre raifon  du  paradoxe  qu'avan- 
cent les  ouvriers  qui  employ  ent 
les  ciments  pour  retenir  l'eau. 
Ils  affurent  tous  que  plus  Peau  eft 
froide,  &  plus  ils  ont  de  peine 
à  empêcher  quelle  ne  perce  les 
murs.  Ce  qui  vient  de  ce  que  le 
froid  condenfe  plus  les  parties 
de  l'eau ,  que  les  pierres  ,  dont 
chaque  pore  eu  conféquemmenc 


C    H  Y  M   1  Q  U    E.  87 

irnoins  rétréci ,  que  chaque  mo- 
lécule aqueuCe.  Ainfi  l'eau  extrê- 
mement froide  paffe  où  l'eau 
chaude  ri'auroit  point  d'encrée., 
Ç'eft  donc  la  dilatation  des  par- 
ties de  l'caq  par  la  chaleur ,  qui 
les  empêche  de  s'infinuer  avec 
:la  même  facilité  qu'elles  feraient^ 
fi  elles  occupoien témoins  déplace^ 
CecieftcontxjeropmiGn  commu- 
ne. 

Les  particules  de  Peau  ne  font 
point  autant  de  petites  anguil- 
les foup|es  Se  Mantes  9  commis 
Defcarces  fe  l'eft  imaginé  ;  elles 
font  m  contraire  au(H  roides^ 
auflE  inflexibles  ,  Se  auffi  dures 
.que  le  diamant  9  ce  qui  paroît 
fort  s'accorder  avec  les  effets  fur- 
jprenams  qu'elle  produit  9  lors- 
qu'elle dilate  les  pores  du  bois  s 
puifque  les  Tailleurs  de  meules 
■de  moulins  n'ont  pas  de  meilleur 
moyen  pour  féparer  une  meule 
4'avec  le  roc  9  .après  l'avoir  tail* 


88  Théorie 
lée ,  que  d'enfoncer  des  chevil- 
les de  bois  dans  des  trous  ho- 
rizontaux qu'ils  font  entre  la 
meule  &  le  roc  ,  puis  de  mouil- 
ler ces  chevilles.  Car  alors  l'hu- 
midité qui  les  pénétre  les  fait 
enfler  de  manière  ,  qu'en  peu  de 
tems  la  meule  fe  trouve  féparée. 
On  pourroit  encore  citer  ici 
l'exemple  de  la  corde  mouillée 
qui  élevé  des  poids  extraordi- 
naires ,  qu'elle  ne  pourroit  éle- 
ver étant  iéchc. 

i  L'air  a  du  reflbrt ,  mais  Peau 
n'en  a  point  ,  elle  n'eft  aucune- 
ment fufceptible  de  comprefïion, 
comme  on  peut  aifément  le  dé- 
duire de  ce  qui  a  été  dit  ci-de- 
vant ,  &  de  quantité  d'autres  ex- 
périences dont  les  Livres  des 
Phyfkiens  font  remplis.  L'air 
qui  fe  glifle  dans  les  vaiffeaux  , 
l'air  forcé  parla  chaleur,  ou  par 
la  diminution  du  poids  de  l'at- 
,  mofpherc 


C  H  Y    M    I  Q  U  E.  89 

ttiofphere ,  de  forcir  dès  infter- 
ftices  de  l'eau;  enfin  l'élargiffe- 
ment  des  pores  des  corps.dont  j'ai 
déjà  indiqué  les  caufes  ,  produi- 
fent  fouvenc  des  effets  qu'on  at- 
tribue mal-à-propos  à  l'eau.  Rem- 
pliffez  parfaitement  d'eau  une 
iphere  d'or,  vous  ne  pourrez 
jamais  la  comprimer  *,  mettez- 
en  dans  un  globe  d'étain  ,  à  for- 
ce de  le  preffer ,  l'eau  jaillira  par 
l'orifice  ,  &  peut  s'élancer  de  la 
longueur  de  trois  pieds.  Mais  ja- 
mais ce  fluide  ,  quelque  compri- 
mé qu'il  foit  9  ne  donnera  au- 
cune marque  d'élafticité ,  jamais 
il  ne  fortira  au  travers  de  la  lub- 
ftance  des  corps  qui  le  retien- 
nent naturellement. 

Quelques  dures  &  inflexibles 
que  foient  les  particules  infen- 
.fibles  de  Peau,  elles  ne  bleflent 
ni  les  yeux  ,  ni  le  nez, ni  aucun 
autre  organe  ,  quand  elles  y  font 

H 


ço  Théorie 

appliquées  ,,.&  Ton  ne  trouve  pas 
même  de  plus  grand  adouciflanc: 
que  l'eau  ,;  quand  eile  eft  tiède; 
Audi-  Hippocrare.  la^  recomman- 
de-t-il  en  fomentation  pour  cal- 
mer les  plus  viy es  douleurs.  L'eau 
en  effet-  ne  caufa  aucune  irrita- 
tion aux  parties  les  plus  fenfibles, , 
enflammées, 9,  bleffées  ,,  ulcérées. 
C'eft  la  plus  douce  de  toutes  nos 
humeurs  ,,  fans  excepter  l'huile* 
elle  eft  amie  des  nerfs  les  plus 
lïuds  j  elle,  délaye  5  &  corrige  en, 
même  tems  toutes  les  matières, 
acres  5  acides ,  &  acrimonieufes, 
qui  circulent  dans  nos  vaiffeaux* 
Ceftï  donc  un  vrai  anodin  ,  8c: 
un  vrai  parégorique, 

I^eaueft  non-feulement  dou- 
ait1, mais  fimple  ;fes  parties  font 
toujours  inaltérables  ,  toujours 
le&mêmes^  quanti  leur  maffe  ?.; 
,,  leur  denfité  ,  leur 
?7&c.  on  voit  aifex  qu'il  s'a*- 


C   H   Y    M    I   Q   U    E.  91 

git  ici  de  Peau  pure  ,  abftra£Hon 
faite  de  toutes  fes  parties  hété- 
rogènes. 

Si  nous  confidérons  mainte- 
nant l'eau  comme  menflrue ,  nous 
trouverons  qu'elle  a  la  propriété 
de  diffoudre  prefque  tous  les 
corps  ;  c'eft-à*dire  que  l'eau  en 
s'infinuant  dans  leur  fubflance 
les  délaye ,  en  fait  une  liqueur 
fluide  ,  dans  laquelle  le  corps 
folide  une  fois  diflbus  ,  eft  fi  éga- 
lement diftribué ,  qu'il  s'en  trou- 
ve rpropor tion  gardée ,  une  par- 
tie dans  chaque  partie  d'eau.  Or 
les  corps  fur  lefquels  l'eau  peut 
agir  de  cette  manière  ,  font  les 
minéraux  (impies  ,.&  compofés, 
folides  ou  liquides  ,  comme  le 
fel  gemme ,  le  fel  marin  ,  le  bo- 
rax, le  nitre  ,  le  fel  armoniac,  . 
l'huile  d'alun  ,  de  foufre,  de  vi- 
triol,  Pefprit  de  nitre  ,  l'efpric 
de  fel  marin,  le  verd  de  gris. 

Hij 


Ç2  Théorie 
La  même  folutîon  arrive  aux  feîs 
des  animaux  &  des  végéraux  , 
tant  naturels  ,  que  factices ,  au 
tartre  même,  à  l'alcohol  ,  aux 
huiles  fermentées  ,  aux  favoris 
naturels  ou  artificiels  ,  à  l'air 
même  (  en  ce  qu'il  fe  divife  en 
autant:  d'élemens  tju^l  y  a  de  pe- 
tites ceîki!  es  dans  les  liqueurs  qu'il 
habite)  aux  matières  terreftres9 
&c.  Il  eft  vrai  que  lés  fels  con- 
tenus dans  l'eau  peuvent  fouvenr 
produire  les  folutions  qu'on  at- 
tribue à  l'eau  même ,  &  que  d'ail- 
leurs tous  les  fels  volatils  dont  effc 
rempli  l'air  des  laboratoires  où 
l'on  fait  h  plupart  de  ces  expé- 
riences ,  peuvent-  entre?  pour 
beaucoup  dans  la  production  des 
effets  furprenans qu'on  nous  van- 
te. En  effet ,  il  eft  certain  que 
î'eau  ne  dïflbat  point  la  terre 
pure ,  îe  verre  ,  les  pierres  pré- 
cieufes*  les  métaux  ;  les  rc-che3^ 


C    H  YMI   QUE.  9| 

&c.  8c  par  conséquent  ce  n'eft 
point  un  diiïblvant  univerfel. 

Il  e(t  à  préfcnt  facile  de  con- 
cevoir que  l'eau  doit  s'inlinuer 
fort  aifément  dans  les  pores  des 
corps ,  tanc  par  fa  lubricité  ,  8c 
la  pefanreur  ,  que  par  fa  vertu 
diflblvante,  &  la  nature  ferme 
&  inaltérable  de  fes  élémens.  Il 
n'eli  donc  pas  étonnant  qu'elle 
en  augmente  le  poids  9  en  mê- 
me tems  qu'elle  en  dilate  la  maffe, 
C'eft  pourquoi  les  fels  ,  les  fouf- 
fres,  les  matières    terreftres  ,  les 
parties  foiides  des  animaux  ,  les 
huiles  9  l'alcohoJ  même,font  rem- 
plis d'eau  ,  qui  s'unit  avec  ces 
corps  d'une  façoa  prefque  i-nfé- 
para-bte  ï  mais  s'il  vous  faut  des 
preuves  plus  fortes  pour  croire 
que  les  corps  les  plus  péfans,&: 
les  plus    durs  doivent    la    cohé- 
fion  de  leurs  parties  à  l'eau  feu- 
le  >  qui  eil  à  leur  égard  \àx\q  cote 


9^  The  or  i  e 

&  un  ciment  dont  rien  ne  peut 
égaler  la  force,  &  qtfen  liant 
enfemble  les  particules  de  cer- 
tains corps  mois  ,  elle  en  fait 
des  corps  durs  ,  jettez  les  yeux 
fur  la  terre  à  potier  ,  qui  par  le 
mélange  de  l'eau  r8t  par  la  coc- 
tion  contraâe  une  dureté  rem- 
blaie, à  celle  des  pierres  les  plus 
folides  v  voyez  la  pouffiere  qui 
vole  dans  les  grands  chemins  ^ 
8z  qui  incommode  fi  fort  les 
voiageurs  ,  elle  ne  peut  for- 
mer un  corps  folide  ,  tant  que 
là  même  aridité  fubfifte  :  qu'il 
tombe  enfuite  de  la- pluie  pen^ 
dant  quelque  tems,  la  terre  de- 
vient grafle  ,.  &■  comme  une  pâ- 
te liante,  qu'on  peut.enfukadur- 
cir  extrêmement  par  le  feu.  Si 
vous  voulez  faire  un  bon  ciment  9 
il  ne  fuffit  pas  de  jetter  du  fa* 
ble  dans  de  la  chaux  ,  il  faut  en- 
core, les  unir  fortement  par   le 


€  h  t  mi  que;      9  y 
mélange  de  l'eau.  Les  ongles  5les 
cornes ,  lesdents  ,  les  os ,  doivent 
leur  fermeté,  à  l'eau;  &rien  nele 
démontre  mieux  ,  que  ce  qui  ar- 
rive ,  lorsqu'on  jette  dans  Peaiii 
un   os  calcine  à  blancheur  ,  fe 
encore  entier.  L'eau  fe  précipi- 
te alors*  avec   bruit  &  fiflementr 
dans  tous  les,  intervalles  de  cet 
os  ,  &  lui  rend;  par  la;  cohéfiori; 
qu'elle  procure  à  toutes  les  par- 
ties qui  le  compolent,  le  même: 
poids   6c  la*  même   dureté  qu'ils 
avoir     auparavant»      Gependantr 
Phuile,  les' baumes  ,Ja*coiopho- 
ne  ,..la  réfine  9  non  plus  que  tous 
lès- corps- fôlides,  dont  la;  furfa- 
ce   efl  enduite  de  quelque  ma* 
tiere  oléagineufé ,.  ne  fe  marient 
point- avec  Peau*  D'où  l'on  com- 
prend fans   peine  que.  les  poif- 
ibns  auraient  été:  bientôt  diflbus  ; 
parle  feu]  Elément  qui  km,  efti 
deftiné  ?j;fans   ces  écailles,  onc- 


9&  T  H    E   O   R    I   K 

tueufcs  donc  la  nature  a  pris  foin 
de  les  revêtir. 

L'eau  nourrie  tous  les  corps  -, 
Se  à  examiner  cette  merveille 
avec  toutes  les  circanftances  qui 
l'accompagnent  ,  on  s'imagine- 
roit  à  la  première  vue  que 
ces  corps  ne  peuvent  être  que 
de  l'eau  même  -,  cependant  tout 
bien  péfé ,  l'eau  n'efl  point  la  ma^ 
tiere  des  mixtes,  elle  en  lie  feu- 
lement les  parties.  Il  eft  vrai  que 
il  on  place  un  oignon  de  fleurs 
à  l'entrée  d'une  phioie  pleine 
d'eau  ,  dont  l'embouchure  foir 
a  fiez  large  pour  embrafferla  ba- 
fe  de  cet  oignon  ,  &  qura  me- 
fure  que  l'eau  diminue  ,  on  h 
répare  ,  en  y.  jettam  quelques 
goures  d'eau  nouvelle  ,  l'oignon 
pouffera  des  racines,  &  produi- 
ra des  feuilles  ,  des  fleurs  ,  comme 
s'il  étoit  en  pleine  terre  ,  Se  ce- 
la au  plus  fort  même  de  l'hyver- , 

pourvu 


C   H   Y    M    I   Q   U   E.  97 

pourvu  que  ce  foit  dans  une 
chambre  clofe  ,  &  où  il  ne  gèle 
pas,  ce  qui  revient  à  la  fameufe 
expérience  du  faule  de  Vanhel- 
monr.  Mais  comme  nous  avons 
vu  qu'il  n'y  a  point  d'eau  qui  ne 
foit  mêlé  de  particules  hétéro- 
gènes ,  il  fuit  que  c'eft  moins 
l'eau  ,  à  proprement  parler  ,  que 
le  mélange  qu'elle  renferme  ,  qui 
entre  dans  la  compofition ,  &  fait 
la  nourriture  &  l'accroiffement 
detousles  végétaux. 

En  effet  ,  fi  l'on  veut  pafler 
en  revue  les  différentes  efpeces 
d'eau  ,  l'eau  de  pluie  eft  en  quel- 
que forte  la  leflive  de  l'Atmof- 
phere  ;  elle  contient  tous  les  ato- 
mes des  corps  qui  voltigent  dans 
l'air ,  Se  qui  y  font  attirés  tant 
par  le  feu  du  Soleil ,  que  par  le 
feu  fou.terain  ,  le  feu  des  cuifines, 
des  artifans,  Se  des  Chymiftes. 
Cette  eau  eft  donc  différente  9 

I 


§§         Théorie 
félon  la  caufc  qui  l'a  élevée  ,  fé- 
lon le  lieu   d'où  elle  a  été  atti- 
rée ,  félon  la  faifon  ,  lés  météo- 
res 9  le  tonnere ,  les  vents  ,  la  fé- 
chereffe  ,  l'humidité ,  la  chaleur  , 
le  froid  &c.  L'eau  de  pluie  dans 
un  tems  très-chaud  fe  corrompe 
facilement  *,  mais  elle  ne  s'aigrit 
jamais.  Les  Navigateurs  qui  font 
fouvent  forcés  de  boire  de  mau* 
vaife  eau  ,  pour  la  rendre  bon* 
né  ,  doivent  la    faire   bouillir  , 
la  laiffer  quelque  tems  en  repos, 
afin  qu'elle  fe  purifie ,  &  y  ver* 
fer   enfuite   quelque  goûte  d'ef* 
prit  acide  9  qui  empêche  effec- 
tivement Peau  de  devenir  ver* 
mineufe  ,  Se  par  conféquent  eft 
un  préfervatif  fort  utile ,  princi- 
palement fous  l'Equateur ,  8c  en* 
tre  les  Tropiques. 

Quoique  l'eau  de  pluie  foit 
remplie  d'une  infinité  de  petits 
>nimaiçtil-es  qu'on  y  découvre  $ 


C    H    Y    M    I    Q    U    E.  95 

la  faveur  de  bons  microfcopës  , 
pour  ne  rien  dire  de  fes  autres 
corps  étranges,  c'efl:  cependant  la 
plus  légère  de  toutes  les  eaux  que 
nous  connoifibns,  excepté  l'eau 
de  neige.  L'eau  de  fontaine  ne 
vient  que  de  la  pluie  ;  fi  donc 
elle  eft  plus  pure ,  ce  n'eft  qu'au- 
tant qu'elle  s'eft  purifiée  dans  les 
entrailles  de  la  terre.  C'efl  par 
conféquent  de  la  diverfe  fitua- 
tion  des  fontaines  que  dépend 
h  différente  légèreté  de  leurs 
eaux  ?  &  comme  elles  partici- 
pent de  la  nature  des  corps  qui 
le  mêlent  avec  elles  ,  delà  vient 
<jue  les  unes  font  nuifibles ,  en- 
venimées ,  &  les  autres  falutai- 
res  &  médicinales.  Pour  juger 
de  la  qualité  des  eaux  quelles 
qu'elles  foient  ?  il  faut  donc  les 
examiner  dans  leurs  fources  mê- 
mes ,  8c  faire  en  même  tems  at- 
sentîoA  à  là  nature  des  foffiles 

ïij 


ioo       Théorie 
qui  y  dominent. 

Ce  que  je  viens  de  dire  des 
fontaines  peut  s'appliquer  aux 
fleuves  ,  Se  aux  rivières  ,  qui  ont 
la  même  origine ,  fans  avoir  la 
même  vertu.  La  raifon  de  cela  , 
c'eft  que  ces  eaux  qui  font  tou- 
jours expofées  au  grand  air  ,  re- 
çoivent les  exhalaiions  qui  tom- 
bent principalement  durant  h 
nuit ,  les  corps  que  le  vent  tranf- 
porte ,  tout  ce  que  les  poiffons  , 
les  animaux  ,  les  amphybies  9 
les  hommes  y  dépofent  eft  ce  qui 
rend  l'eau  de  rivière  un  peu  plus 
péfante  que  l'eau  de  fontaine» 
Je  ne  parle  point  de  l'eau  des 
canaux  ?  des  lacs ,  des  étangs ,  8c 
de  toutes  les  eaux  qui  croupif- 
fent  ;  j'ai  fait  voir  dans  mes  let- 
tres fur  la  ianté  qu'il  faut  éviter 
jufqu'à  leur  voifmage. 

En  général  l'eau  fert  de  véhi- 
cules à  tous  nos  alimens   ,  c'eft 


C  U  Y  M   I  Q   U   E.         101 

elle  qui  porte  dans  les  plus  petits 
vaiffeaux  de  notre  corps  les  par- 
ties folides  qui  doivent  réparer 
nos  pertes,  8c  c'eft  ainfi  qu'elle 
contribue  à  nourrir  les  hommes 
&  les  animaux  ,  comme  je  l'ai 
dit  des  plantes  ,  &  comme  on 
le  voit  avec  plaifir  dans  la  fta- 
tique  des  végétaux  de  M.  Ha- 
ies; mais  s'il  eft  vrai  que  les  plan- 
tes doivent  à  l'eau  leur  éxiften- 
ce  &  leur  accroiffemcnt  ,  il  ne 
Peft  pas  moins  que  les  métaux 
mêmes  ne  parviendroient  point 
à  leur  perfeâion  fans  fon  fe- 
cours  ,  comme  on  le  voit  dans 
les  Œuvres  du  fameux  Agricola. 
Sans  elle  la  terre  feroit  ftérile  , 
les  couleurs  ,  les  odeurs,  les  goûts 
feroient  autant  de  pîaifirs  per- 
dus pour  nous  :  elle  aide  la  ver- 
tu de  médicammens  ,  PefFervef- 
cence  ,  la  fermentation  ,  la  pu- 
tréfaction ,  la  précipitation  ,  la 

I  iij 


ïoa  Théorie 

diffolution  ,  la  fublimatior*  ,  I? 
eonnoiffance  des  dégrés  de  char 
leur  ,  tout  s'apprend  ,  fe  fait ,  Se 
s'explique  par  le  concours  mer- 
veilleux des  effets  de  l'eau.  On 
diroit  que  la  Phyfique  8c  la  Chy- 
mie  lui  doivent  leur  nahTanee  8c 
leurs  progrès. 

N'oublions  pas  un  fait  très-re- 
marquable, 8c  qui  n'eft  pas  fans 
fruit  dans  la  pratique  de  la  Mé- 
decine y  c'efl:  que  Tenu  eft  d'au- 
tant plus  adîve  ou  pénétrante  , 
qu'elle  eft  divifée  dans  un  plus 
grand  nombre  de  molécules 
iubtiles.  C'efl  pourquoi  Peau 
chaude  ou  tiède  eft  préférée 
à  l'eau  froide  dans  les  fièvres  r 
parce  que  d'ailleurs  en  buvant 
de  l'eau  froide  dans  un  état  brû- 
lant, ce  feroit  s'expofer  au  dan- 
gereux contrafte  du  froid  &  du 
chaud.  Par  la  même  raifon  l'eau 
en  vapeurs  efl: plus  dilTal vante, 


C  H  Y  M  T  QÙ  É.  IOJ 

qu'en  fubftance;   mais  principa- 
lement fi  elle  eft  chargée  de  fels  , 
ce  qui  n'eft  aucunement  contn> 
diâoire  avec  ce  que  nous  avons 
dit  ,  que  Peau  chaude  ne  petit 
paffer  par  où  paffe  l'eau   froide 
De   toutes   les  propriétés    de 
l'eau  ci-devant  expliquées  ,  nous 
concluerons   que  l'eau    çonfide? 
rée  en  elle  même  eft  une  efpec.ç 
de  verre  qui  fe   fond  r  loifqu'il 
éprouve  une  chaleu^  de  3}   de* 
grés  ,  &  qui  recouvre  fa  premier 
re  dureté ,  lorfque  la  chaleur  di- 
minue ?  ou   defcend  au  deffous 
de  ce  nombre  de  degrés;  dure- 
té qui  fait  de    l'eau  r  un  corps 
éîaftique  ,  fragile  ,  tranfparent  , 
dont  on  peut  faire  des  lentilles 
pour  des  microfeopes ,  ou  dont 
on  peut  fe   fervir  en    place    de 
verres  brûlans.  La  glace  eft  donc 
l'état    naturel  de  l'eau.  Mais   ce 
qu'il  y  a  de  plus  étonnant  en  ap^ 

I  iiij 


104        Théorie 
parencc  dans  la  métamorphofe  de 
Peau  en  corps  folide ,  c'eft  que 
la  glace   eft  plus  légère  ,  &  oc- 
cupe plus  d'eipace  que  le  même 
volume  d'eau  ,  avant  que  d'être 
ainfi  changé.  Or  quelle  eft  la  rat- 
ion de  ce  Phénomène ,  qui  pour 
être  commun  f  n'eft  pas  moins 
fmgulier  $  la  voici  ,  à  peu  près 
telle  que  M.  Mariotte  la  donne. 
Plus  la  glace  eft  forte ,  plus  l'air 
y  eft   comprimé  ou   condenfé  9 
plus  il  eft  condenfé  ,  plus  le  frô- 
lement des  parties  d'air  qui  com- 
pofent  les  bulles  ,  entr'elles ,  & 
contre  la  glace  ,  eft  confidérable  9 
la    chaleur   eft  l'effet  du  frote- 
inent ,  la  raréfaûion  eft  celui  de 
la  chaleur  ,  les  bulles  d'air  em- 
prifonnées  dans  le  fein  de  la  gla- 
ce doivent  donc  fe  raréfier.  Voi- 
là ce  qui    leur    donne   tant    de 
force  8c  de  reffort ,  qu'elles  écar- 
tent 9  gonflent  «  tuméfient ,  &  di* 


C  H  Y  M  I    Q  U  E.  10-jf 

latent  ainfi  Peau  glacée  ,  bien 
plus  que  le  froid  ne  l'avoit  ref- 
ierré  pour  la  convertir  en  gla- 
ce. 

Enfin  l'eau  eft-elle  convertible 
en  terre?  c'eft  ce  que  nous  ver- 
rons  dans  le  chapitre  fuivant  ; 
mais  en  attendant ,  M.  Quefnay 
me  permettra  de  remarquer  qu'il 
ne  dit  pas  un  feul  mot  fur  l'eau 
qu'il  n'ait  copié  dans  Je  même 
ouvrage  dont  je  donne  la  doc- 
trine. Auffi  un  plaifant  s'eft  -  il 
avifé  de  mettre  au  Frontifpifce 
du  livre  de  ce  Chirurgien  9  pour 
devife  9 

■MutttâtQ  lumine  fut  gens. 


DE    LA    TERRE, 

LEs  Chimifles  &   les  Philo- 
fophes  ont   donné  le  nom 
de   terre  ,  aux  principes  ^    o& 


*o6  Théorie 
aux élémens, qui  fervent  debâZe 
aux  corps  compofés  ?  &  qui  les 
rendent  très  propres  à  faire  les 
opérations  de  la  nature  &del'Art, 
Mars  plus  on  examine  le  fens  ? 
ou  l'idée  proprement  attachée 
au  mot  Terre  ,  plus  on  efl 
convaincu  qu'il  faut  entendre  par 
là  un  corps  minerai ,  fimple  ,  dury 
fixe  au  feu  ,  qui  ne  coule  point 
au  feu  ,  &  que  Peau  ,  l'alkohol  y 
l'huile  ,  Pair  ,  ne  peuvent  d if- 
foudre. 

.  Qui  peut  refufer  l'idée  de  corps 
à  la  Terre  ?  Elle  efl  étendue 
fuivant  trois  dimenfions  ,  elle 
efl  tout-à-fait  impénétrable  ,  8c 
enfin  efl  cara£lérifée  par  des  figu- 
res &  un  poids  qui  lui  apartien- 
nent  en  propre.  Il  paroifîbit  plus 
douteux  fi  l'on  devoit  mettre  la 
Terre  au  rang  des  foflrles.  Mais 
fi  l'on  fe  rappelle  ce  qui  a  été  die 
cy-devaat  des  trois   règnes  na~ 


C  H  Y  M  I  Q  U  E.  107 
turels  ,  on  conviendra  qu'il  n'y 
a  point  à  balancer  là-deflus.  En 
effet  la  Terre  fe  trouve  mêlée  à 
prefque  tous  les  minéraux  con- 
nus ,  plus  ou  moins  à  la  vérité  9 
mais  toujours  en  partie.  S'il  eft 
difficile  de  la  démontrer  dans 
les  métaux  ,  il  eft  aifé  de  la  trou- 
ver dans  les  autres  fofïiles  ;  elle 
s'y  rencontre  même  en  fi  grande 
quantité  ,  qu'il  faut  bien  du  tra- 
vail pour  J'en  féparer  toute.  Tel- 
le eft  auffi  fa  péfanteur  ,  qu'elle 
l'emporte  fur  l'eau  ,  les  huiles  9 
Se  les  efprirs  des  plantes  &  des 
animaux  ,  Se  c'eft  pour  cette 
raifon  qu'elle  s'infmue  par  tout 
fi  profondement  dans  les  entrail- 
les delà  Terre  ,  où  elle  fe  trouve 
conftamment. 

Je  dis  plus  :  La  Terre  pure 
ne  paroit  jamais  mêlée  d'aucun 
autre  élément  ;  toutes  chofesqui 
$ous  apprennent    que  la  Terre 


toS  Théorie 
mérite  d'être  placée  dans  la  clafife 
des  fofïiles.  Mais  fi  la  Terre  eft 
une  matière  minérale  ,  quelle 
eft  fa  (implicite  ?  Quel  corps  pa- 
roit  plus  fimple  dans  toute  la  na- 
ture ,  même  parmi  les  métaux  l 
D'ailleurs  lorfqu  on  l'a  bien  fepa- 
réedes  autres  corps,  alors ,  quoi- 
que fort  tenue, elle  paroit avoir 
aiTez  de  dureté  &  de  confiftance  *, 
&  tant  qu'elle  ne  fe  dérobe  point 
à  nos  fens  ,  elle  paroit  fragile, 
car  on  la  broyé  aifément  ,  &  on 
la  réduit  par  ce  moyen  en  pou- 
dre extrêmement  fubtile  *,  ce  qui 
la  diftingue  fort  des  vrais  mé- 
taux &  des  pierres  précieufes. 
Mais  rien  ne  la  différencie  mieux, 
que  fa  fixité  dans  le  plus  grand 
feu  ,  qui  ne  peut  l'altérer  ,  ni  la 
faire  couler  ,  fi  elle  eft  feule. 

L'eau  de  pluie  diftillée  avec 
foin ,  laiffe  au  fond  unfédiment , 
qui  ,mis  à  part ,  bien  deffeché  , 


C   H   Y    M    î   Q.U   E:      I09 

êc  enfuite  expoié  au  feu  ,  pour 
être  parfaitement  brûlé  ,  donne 
enfin  des  cendres  qu'il  fuffit 
de  laver ,  jufqu'à  exa&e  Répara- 
tion de  tout  le  fel  qui  y  adhère, 
pour  les  convertir  dans  une  terre 
fine  &  pure  ,  qu'on  appelle  terre 
Vierge.  Or  d'où  vient  cette  ma- 
tière ?  De  Pair  même  par  lequel 
cette  eau  a  pafie  ,  &  non  d'au- 
cun changement  que  la  diftila- 
tion  ait  procuré  à  cette  eau. 
Car  ,  comme  nous  l'avons  vu  ci- 
devant  ,  l'air  quoique  tranquille, 
eft  contenu  dans  un  lieu  fermé  , 
&  rempli  d'unf  prodigieufe  quan- 
tité de  poufliere  ,  qui  paroit 
fenfiblemenr  ,  lorfqu'on  regarde 
obliquement  les  rayons  de  lu* 
miere  dans  une  Chambre  obf- 
cure  ,  ou  lorfqu'on  y  étend  quel- 
que drap  noir  *,  car  1  étoffe  eft 
bien-tôt  couverte  de  la  poudre 
de  l'air  ,  laquelle  n'eft  donc  ea 


sio  Théorie 
grande  partie  ,  qu'une  Terre  très 
atténuée  par  une  infinité  decau- 
fes  ,  &  à  force  d'être  agitée,  de- 
venue propre  à  voltiger  dans  l'air, 
fur-tout  quand  il  fait  du  vent.  El- 
le fe  mêle  étroitement  non-feu- 
Jement  à  l'eau  de  pluie  ,  mais  à 
la  rofée  ,  à  la  neige  ,  à  la  grê- 
le,  à  la  gelée  &e.  La  terre ,  il  eft 
vray  ,  ioutient  fans  s'échaper 
êc  fans  aucune  altération  le  feu 
le  plus  violent;  mais  cette  immu- 
tabilité n'eft  point  une  preuve 
contre  cette  origine.  Car  autre 
chofe  eft  pour  les  corps  ,  d'être 
en  repos  dans  un  feu  qui  leur  eft 
également  appliqué  de  toutes 
parts ,  quoique  très  violent  *,  au-, 
tre  chofe  eft  d'être  emporté  , 
par  le  mouvement  inégal  de  l'air; 
fans  vent,  Qu'une  poudre  très 
fine  foit  dans  un  creufer  ,  prefi- 
fée  par  le  même  feu  de  tous  cô- 
tés 7  inférieurement  9  fupérieurc- 


C  H  Y  M  I  QUE.  tir 
ment  en  enbas,  par  les  côtés, dans 
le  centre,n'eft-elle  pas  en  quelque 
forte  eroupiflame  dans  un  fluide 
homogene,&:conféquemment  en 
repos.  Mais  fi  quelqu'un  foufle  au* 
dedans  du  creufet  fur  cette  pou- 
dre ,  il  l'en  fera  fortir.  Les  me* 
mes  vens  qui  font  marcher  les 
nues  ,  qui  agitent  ,  élèvent  , 
pouffent  les  flots  de  la  Mer  >  font 
voler  dans  l'Egypte  Se  dans  la 
Lfbie  ,  une  fi  grande  quantité 
de  fable  9  que  toute  F  Armée  de 
Cambyfe  en  fut  couverte,  Qui 
croiroit  qu'une  matière  fi  vola- 
tile ,  fut  fixe  au  feu  l  Les  plus 
fines  lames  d'or,  ou  d'autres  mér 
eaux  ,  fupportent  long-tems  fans 
nul  changement, toute  la  puiffan- 
ce  du  creufer  le  plus  ardent5tandis 
que  le  moindre  vent  ou  foufle 
d'haleine  ,  les  emporte  au  loin, 
dans  Pair, 

&es  corps  tout-à-faîç  terrefirés, 


1 1-2>  Théorie 
cane  qu'ils  font  feuls  ,  &  non  mê- 
Jés  à  d'autres  ,  demeurent  pref- 
que  toujours  fixes  &  immuables 
au  feu,aulieu  que  (ce  qu'il  faut 
bien  confiderer  )  tel  mélangé  que 
ce  foit  9  les  rend  fi  mobiles  ,  que 
le  moindre  feu  les  voiatilife.  Rien 
n'eft  plus  fixe  au  feu  ,  que-  l'or 
pur.  Mais  fi  on  le  mêle  avec  le  ré- 
gule d'Antimoine^  qu'on  le  broyé 
long^tems  ,  enfuite  doucement 
avec  de  bon  mercure  fubiimé-j 
alors  il  aura  tellement  changé  , 
qu'une  médiocre  chateur  le  tera 
s'exalter.  La  Terre  pure,  feule,fe- 
parée  de  tout  autre  principe  , 
demeure  inaltérable  fur  le  plus 
grand  feu.  Qu'on  mêle  d'autre 
corps  avec  elle  ,  on  la  voit  le 
difperfer  à  l'infini.  Les  feux  do- 
meltiques  en  font  la  preuve.  En 
effet  la  fumée  du  Bois  qu'on  brû- 
le ,  s'élève  au  haut  de  la  chemi- 
née 9  &  y  porte  une  fuie  noire  , 

laquelle 


C   ta    Y    M'  l'Q  U    B.       H'j 

laquelle  chimiquement  exami- 
née donne  une  Terre  abondan- 
te que  l'huile  8c  le  fel  mêlés  avec 
elle  ont  fi  fort  exaltée.  Mais  qu'on 
expofe  cette  Terre  pure  8c  (im- 
pie au  plus  grand  feu  ,  on  la  trou- 
vera conflamment  fixe. 

Il  efl  donc  maintenant  facile 
de  comprendre  ,  comment  on 
peut  avoir  la  Terre  la  plus  pure  ; 
c'eft  par  la  diftillation  de  Peau  la 
plus  pure.  Cependant  les  fèces 
ainfi  produites  contiendront  en 
elles-mêmes  tout  ce  qui  voloit 
dans  l'air  avec  cette  Terre  ,  & 
ce  qui  en  même  tems  n'étoit  pas 
affez  léger  ,  pour  pouvoir  s'éle- 
ver au  degré  de  chaleur ,  né- 
ceffaire  pour  diftiller  l'eau. 

Les  Végétaux  brûlés  k  un  feu 
ouvert  ^donnent  des  cendres  blan- 
ches 5  fixes  ,  tenues  ,  que  le  moin- 
dre mouvement  9  refout  en  pou4- 
dres  très  fubtiles  ,  volatiles  ,  8c 
que  le  vent  jette  au  loin  ça  8c  là* 

K 


H4  Théorie 

Parmi  toutes  les  plantes  connues  T 
il  n'y  en  a  pas  une  feule  x  qui 
par  l'uftion  ne  foumiffe  ces  cen- 
dres :  qu'on  les  lave  avec  de  l'eau 
de  pluie  très  pure  ,  on  en  tirera 
tout  le  fel  mêlé  avec  elles  ,  & 
comme  le  feu  en  avoit  déjà  au- 
paravant confumé  toute  l'huile  &r 
le  fel  volatil  ,  Peau  ne  le  trou- 
vera enfin  chargé  que  de  la  Terre 
feule.  Or  fi  l'on  mêle  cette  eau  r 
qui  n'eft  plus  aucunement  falée 
avec  de  l'eau  pure  ,..  qu'on  la  re- 
mue fouvent  T  de  ces  deux  eaux 
il  en  | efultera  une  liqueur  trou- 
ble %  qu'on-  verfe  cette  liqueur 
dans  un  autre  vafe  très  net  ,  &c 
toujours  de  nouvelle  eau  pure 
£ur  le  Réfidu  ;  qu'on  continue 
ainfi*  jufqu  a  ce  que  toute  la  een* 
cire  qui  rend  cette  eau.  trouble 
Soit  parfaitement  lavée  &  feparee 
de  toutes  parties  pefantes  r  (com- 
me feble^gravier^petites  pierres  # 


Chymique.  115 
petits  cailloux  ,  parcelle  de  ver- 
re ,  Se  autres  corps  folides  )  qui 
ne  peuvent  fe  délayer  dans  l'eau. 
Qu'on  laifle  enfuke  toute  cette 
eau  trouble  en  repos  dans  un  feu! 
vafe  9  jufqu'à  ce  que  toutes  les 
cendres  viennent  au  fond. Qu'on 
verfeenfuite  doucement  l'eau  qui 
fumage  ,  fans  toucher  au  fédi- 
rnent.  Si  cette  féparation  du  fel 
adhérent  à  la  Terre  ,  a  été  bien 
faite  ,  la  Terre  qui  refle  pourra 
être  deffechée  au  feu ,  &  on  aura 
par  ce  moyen  les  vrais  élemens 
terreftres  tirés  des  plantes  par  la 
Chymie.  Cette  Terre  n'a  aucune 
odeur  ,  ni  aucun  goût  ,  fa  cou- 
leur eft  blanche  ,  fa  confiftance 
eft  molie  ,  8c  à  peine  fonore  , 
quand  elle  vient  à  frapper  d'au- 
tres corps  y  l'air  ,  l'eau ,  le  feu  , 
l'alcohol  ,  l'huile  peuvent  à  peine 
la  diffoudre.La  preuve  qu'elle  eft 

Kii 


n6  Théorie 
fixe  au  feu,  lorfqu'elle  eft  feule  r 
c'eft  qu'alors  elle  eft  invitrifiable. 
Mêlée  avec  de  l'eau, comme  la  fari- 
ne,on  en  peut  faire  une  efpcce  de 
pâte  liante  ,  &  de  cette  pâte  un 
vafe  qui  peut  fupporter  un  feu 
très  violent  ,  qui  ne  fe  vitrifie  à 
aucun  degré  de  nos  feux  ordinai- 
res ,  mais  leur  refifte  parfaite- 
ment, &  ne  laifle  échaper  aucune 
métal  fondu.  Telle  eft  la  terre 
dont  les  Orfèvres  font  les  vafes 
qui  leur  fervent  à  examiner  la  na- 
ture des  métaux  ,  &  à  connoîrre 
la  quantité  d'or  ou  d'argent  qui 
fe  trouve  mêlée  avec  les  autres 
minéraux.  Tous  les  corps  étran- 
gers ,  fe  diffipenc  par  Faction 
du  feu  dans  ces  creufets  ,  mais 
For  &  l'argent  fondus  ne  sécha- 
pent  jamais  ,  on  les  trouve  ra- 
maffés  en  petits  globes. 

On  tire  auffi  une  Terre  tout- 
à-fait  femblable  de  cette  partie 


C  H  Y  M  ï  Q  U  E.  117 

des  végétaux  que  le  feu  fait  s'é- 
lever fous  la  forme  de  flammes  , 
d'étincelles  ,  de  fumée  ,  d£  fuie, 
8c  il  n'importe  quel  végétal  on 
employé  ,  récent  ,  ou  vieux  , 
acre  9  ou  doux  , ,  il  en  refaite* 
le  même  effet  ;  car  cette  fumée 
qui  monte  au  haut  de  la  cheminée 
y  forme  une  fuie  qufil  eft  aifé  de 
ramaffer  ,.  &:  qui  expofée  à  l'ac- 
tion d'un  feu  violent  fume  9.  prend 
feu  f  s'enflamme  ,  &  enfin  fe  re~ 
i^wi  en  cendres  blanches  ,  qui 
bten  lavées  81  dégagées  de  route 
matière  ialine,  s'il  enrefte?laiffe 
une  terre  dant  toutes  les  pro- 
priétés font  Ci  femblables  à  la 
précédente  ,  qu'on  ne  peut  l'en 
éloigner  par  aucun  ligne.  D'où 
l'on  voit  combien  la  terre  mêlée 
à  d'autres  corps  volatils  v  p^ut- 
elle-même  ,  à  force  d'être  agitée 
par  un  feu  violent  ,  devenir  vo- 
Mtiie  f.  s'élever  ^  s'évaporer  da&s 


n8r        Théorie 
Pair  ,  &fe  confondre  avec  lui  ; 
&    par  coniequent    cette  fumée 
noire  qui  s 'élevé  des    végétaux 
qu'on  brûle  ,  n'eft  en  partie  que 
leur  terre  devenue  volatile ,  qui 
monte  en  forme  de   nuées.  En- 
fin lorfqu'on  diftiie  de  la  fuie  par 
une  cornue  de  verre  ,  fuivantles 
divers  degrés  de  ku  ,  &lesdifc 
ferens    rems  de  la  diftillation  , 
on  en  tire  du  phlegme  ,  des  ef- 
prits  ,  un  fei  volatil  ,  un  fel  qui 
ne  peut  s'élever  que  par  la  puii- 
fance  du  plus  grand  feu,  &  diver- 
fes  huiles  :  i!  refte  au  fond  un  fé- 
diment   noir  qui ,  bïuîé"  à  un  feu 
ouvert  ?  donne  des  cendres  lef- 
quelles  bien  lavées  &  purifiées  de 
toute   matière  faîine   ,  donnent 
précifément  la  même  terre  qu'on 
avoir  par  les  expériences  précé- 
dentes. Un  feu  violent  peut  donc 
élever  ,  &  agiter  la  terre  même 
avec  Peau-,,  l'huile  ,  le  fel  ,&on 


C  H  Y  I  I  Q  u  !,        ri^ 
voit  qu'elle  eft  tout  à  fait  de  mê- 
me nature  que  celle  quireftedans 
les  cendres  fixes  des  plantes  après 
la  combuftion.  Ce  qui  r  quoique 
fort  furprcnant  &  incroyable  à 
la  première  vue  ,  eft  cependant 
démontré  vrai  ,&:  nous  fait  ccn~ 
noitre  la  nature  de  la  terre.  De- 
venue volatile  par  la  combuftion,. 
tant  dans  la  fuie  ,   que  dans    la 
fumée  qui  la  précède    ,    féparée 
tant  par  la   diftillation  que   par 
î'uftion  de  toutes  les  autres  par- 
ties   aqueufes  y  huileutes  9   fali- 
nes  f  en  un  mot  feule  &  pure  ,  el- 
le  fera  toujours  auffi   fixe  ,  que 
celle  qui  fe  trouve  dans  les  cendres 
fixes  après  la  combuftion  du  mê- 
me végétal.  Par  coaféquerr-t  tant 
que  la    terre  eft  feule  &  bien  fé- 
parée des  autres   Elerrperrs  ,  elle: 
eft  toujours  fixe  au  feu  ;  mais  lors- 
qu'elle fe  trouve    intimement  mê- 
lée aux  huiles  &;  aux  fels  ,.   ce 


no  Théorie 
mélange  la  rend  alors  aifement 
volatile.  Jugez  maintenant  com- 
bien l'air  eit  rempli  de  vraie  ma- 
tière terreftre  ,  fur-tour  dans  les 
lieux  où  l'on  brûle  tous  les  jours 
des  végétaux. 

De  plus  qu'on  rnette  quelque 
plante  que  ce  ioic  ,  telle  que  la 
nature  la  donne ,  dans  des  cor- 
nues de  verre  bien  nettes,  qu'on 
les  cxpofe  à  un  feu  prudemment 
ménagé  ,  &  peu-à-peu  augmenté 
jufqu'au  dernier  degré  *,  qu'on 
reçoive  dans  le  récipient  tout 
ce  qu'un  tel  feu  poura  y  détermi- 
ner, on  verra  la  plante  ,.  dont  on 
fe  fert ,  partagée  en  deux  parties 
différentes  ,.  dont  l'une  élevée  par 
la  vertu  du  feu  coule  dans  le  ré- 
cipient ,  tandis  que  l'autre  qui- 
demeure  au  fond  de  la  cornue 
foutient  toute  la  violence  du  feu 
fans  s'élever  y  &  demeure  fous  la? 
forme  d'un  charbon  noir  tresse, 

comme 


C  H  Y  M  I  QUI  ïaï 

comme  Vanhelmonc  l'a  écrie  , 
êc  cette  vérité  a  été  confirmée 
par  l'expérience  de  Hook,  Les 
Chymifles  difent  ordinairement 
que  Peau  ,  les  elprits  ,  les  hui- 
les ,  les  fels  volatils  montent  9 
comme  parties  volatiles  ,  fous 
une  forme  liquide  dans  le  réci- 
pient; mais  que  la  terre  Se  le  fel 
fixe  demeurent  au  fond  avec  un. 
peu  d'huile  fixe,  Voyons  ce  qu'il 
y  a  de  vrai  en  cela.  La  premiè- 
re partie  qui  efl  volatile  contient 
plufieurs  principes ,  fçavpir  Peau  9 
les  efprits  ,  un  fel  acide ,  un  fel 
alkali ,  différentes  huiles  9  toutes 
choies  9  qui  mêlées  enftmble  & 
bien  unies,  fourniffent  une  ma- 
tière prefque  entièrement  fem- 
blable  à  la  fumée  9  Se  à.  la,  fuie 
qui  en  efl:  formée.  La  feule  dif* 
férence  qui  fefait  ici  remarquer  , 
ç*eft  que  quand  ces  chofes  s'éle* 


lia        Théorie 
vent  à  un  feu  ouvert ,   elles  s'é- 
lèvent en  plus  grande  quantité, 
que  quand  la   même  matière  eft 
agitée    par  le  feu  dans  des  vafes 
fermés.  Ainfi  la  même   quantité 
de  la  même  matière  végétale  don- 
ne beaucoup  moins  de  cendres 
à  un  feu  ouvert  ,  qu'autrement  9 
&  en  effet  il  refte  une  plus  gran- 
de quantité  de  charbons  &    de 
cendres  dans  le  fond  du  vafe  où 
Pon  diftille  ,  par  l'action  du  feu 
qu'on   met  deflbus.  Mais  fi  Pon 
prend  derechef  toute  la  matiè- 
re qui  a  pafle  dans  le  récipient , 
&  qu'on  la  diftille  une  féconde 
fois  ,  il  reliera  toujours  au  fond 
une  matière  abfolument  feche  , 
un  charbon  noir  &  fixe  ,  que  le 
plus  grand  feu  ne  pourra  volati- 
lifer:  il  en  fortira    toujours  à  la 
vérité  quelque  fumée  ;  mais  il  ref- 
rera  toujours  un    charbon  donc 
la  noirceur  ne  pourra  qu'augmen- 


Chymique      125 
ter.  Après  avoir  en  vain  tenté  de 
diffiper  &  d'anéantir   ce   char- 
bon ,  tirez-le  ,  vous  le  trouverez 
léger  &  fongueux  >  expofez-le  à 
l'a£tion  d'un  feu  ouvert ,  le  grand 
air  le  fera  s'enflammer,  toure  fa 
noirceur  fe  diffipera  ,  &  il   ne 
reftera  plus  qu'une  terre  blanche  , 
<jui  bien  lavée  &  purifiée  de  tou- 
te matière  faline ,  donnera  cette 
terre  vierge  dont  nous  avons  par- 
lé. D'où  il  eft  évident  que  cette 
terre  monte  avec  l'eau  ,  le  fel  , 
les  efprits  ,  l'huile ,  dans  la  diftil- 
lationmême  des  végétaux.  Main- 
tenant qu'on  prenne  l'huile  qui 
a  été  ainfi  préparée  ,  &  qu'on   la 
diftille  de  nouveau  à  un  feu  fuc~ 
ceffivement   augmenté    jufqu'au 
plus  haut  degré  ,  on  aura  par  ce 
moyen    une  huile  plus  pure,  8c 
beaucoup  plus  pénétrante  que  la 
première  ;  c'eft  ainfi  qu'à  force 
de  cohobations,  on  peut  faire 

Lij 


124  Théorie' 
une  huile  auiïi  fubrile  que  I'alco- 
hol*,  mais  à  chaque  diftillation  , 
une  grande  partie  de  cette  huile 
s'évapore  ,  ainfi  que  cet  efprit 
reâeur  qui  en  fait  l'odeur ,  &  le 
goût ,  &  d'ailleurs  il  refte  toujours 
au  fond  du  vafe  un  charbon  noir 
qui  ne  peut  jamais  fe  volatilifer, 
êc  ne  donne  aucun  fel  ;  fi  on  le 
brûle  à  un  feu  ouvert  ,  il  fe  re- 
ioud  en  cendres  blanches  ,  8z 
en  une  .affez  grande  quantité  de 
terre  ,  toujours  de  même  nature  , 
8z  cela  fans  feu  *,  car  chaque  dif- 
tillacion donnant  de  la  terre  , 
prefque  toute  l'huile  fe  convertit 
ainfi  en  terre  pure  &  fimple  , 
comme  l'illuftre  Boyle  le  dit  dans 
fon  traité  de  la  mutabilité  des 
principes. 

Il  eft  donc  certain  que  toutes 
les  parties  des  végétaux  donnent 
la  même  terre ,  ians  que  les  lens 
y  puiffent  découvrir  aucune  dif* 


C   H  Y  M    I   Q    Û    E.  I2J 

féfence.  On  fçaic  encore  que 
toute  cette  terre ,  pourvu  qu'elle 
foit  abfolument  pure ,  eft  telle- 
ment fixe  au  feu  ,  que  fa  plus 
grande  violence  n'y  caufe  pref* 
que  aucun  changement  ,  tan- 
dis que  mêlée  à  d'autres  parties 
volatiles  ,  elle  fe  volatilife  el- 
le-même par  l'a£tion  du  feu  ,  tant 
ouvert  que  fermé.  Nous  voyons 
de  plus  que  les  plantes  n'ont  au- 
cune partie  volatile  quifaffeéva- 
porer  plus  de  terre  &  plus  faci- 
lement  que  l'huile.  Mais  parmi  les 
diverfes  efpeces  d'huiles  qu'on 
tire  naturellement  ou  par  l'art 
des  végétaux,  il  n'en  eft  point 
qui  élevé  avec  foi  plus  de  terre 
dans  la  diftillation  ,  que  cette 
dernière  huile  épaiffe  ,  comme  la 
poix  ,  que  la  plus  grande  activi- 
té du  feu  peut  enfin  feule  arra- 
cher. C'eft  donc  le  mélange  des 
parties  cerreftres  qui  rend  leshui- 

Liij 


12.6  Th  eorib 
les  plus  péfantes  &  plus  tenaces;. 
&  ce  qui  confirme  cette  vérité  9 
c'eft  que  la  terre  en  étant  ôtée 
par  la  diftillation  ,  ces  huiles  de- 
viennent auffi-tôt  très-fines  ,  lé- 
gères ,  &  volatiles. 

Mais  pour  mieux  connoître  la 
merveilleufe  origine  de  la  terre 
pure  ,  confidérons  attentivement 
cette  féconde  partie  des  cendres 
que  donnent  les  végétaux  brû- 
lés ,  je  veux  dire  ce  fel  Alkali 
fixe  qui  a  été  détaché  de  la  terre 
en  la  lavant.  Qui  croiroit  qu'il 
contient  de  la  terre  >  Car  lorf- 
qu'il  fe  fond  dans  l'eau  ,  &  paffe 
fous  la  forme  d'une  leflive  pure 
par  des  filtres  très-épais  ,  il  laifle 
fa  terre  indiffoute.  Mais  qu'on 
laiffe  long-tems  cette  leflive  en 
repos  afin  que  fon  fédiment  fe 
précipite  ,  alors  elle  fera  claire 
&  limpide  ,  comme  de  l'eau  ;  iî 
on  la  filtre  &  refiltre ,  alors  elle 


CH   YMIQUE.'       127 

fera  fi  pure ,  qu'à  la  faveur  des 
plus  excellens  microfcopes  ,  on 
n'y  pourra  entrevoir  aucune  ap- 
parence de  matière  terreftre  ,  & 
ii  on  la  conferve  plufieurs  années 
dans  un  vafe  parfaitement   fer- 
mé, elle  ne  dépofera  aucune  ter- 
re. Qu'on  mette  cette  liqueur  fi 
pure  dans  unvafenet,dans  un  lieu 
tranquille    Se    non   poudreux  , 
qu'on  lui  donne  fur  le  feu  la  con- 
fiftance  d'une  huile  épaiffe,  qu'on 
mette  enfuite  cette  liqueur  dans 
un  vafe  de  fer  ,  pour  la  changer 
en  fel  fec  ?  en  la  remuant  douce- 
ment avec  la  fpatule  ,  on  aura  un 
fel  alkali  fixe  très-pur  ;  qu'on  en- 
ferme ce  fel  dans  un  bon  creu- 
fet  bien  couvert ,  &  expofé  au 
plus  violent  feu ,  jufqu'à  ce  qu'il 
vienne  en  fufion  ;  qu'on  le  verfe 
enfuite  dans  un  mortier  de  cui- 
vre chaud  ,  &  qu'à  force  de  le 
remuer  avec  une  fpatule  chaude, 

L  iiij 


saS  -  Théorie 
on  le  reduife  en  poudre  alkali- 
ne  9  fixe  ,  faline  \  qu'on  l'expofe 
auffi-tôc  à  l'air  dans  un  large  ver- 
re ,  en  un  endroit  où  il  n'y  aie 
poinr  de  poufliere  ,  tout  le  fel 
fe  fondra  fur  le  champ  ,  Se  de- 
viendra très-fluide  ;  au  fond  il 
fe  trouvera  une  poudre  blanche 
terreftre  9  qui  bien  lavée  &  fépa- 
rée  de  tout  fel  adhérent ,  n'eft 
qu'une  terre  pure  ,  femblable  à 
celle  que  les  cendres  avoient  don- 
née auparavant.  Qu'on  feche  une 
féconde  fois  cette  huile  par  dé- 
faillance ,  après  l'avoir  calciné  , 
qu'on  l'expofe  à  Pair  ,  &  qu'on 
l'y  laiffe  fondre ,  on  aura  encore 
une  huile  par  défaillance  ,  &  tou- 
jours de  la  terre  pour  réiîdu  ,  8c 
fi ,  malgré  l'ennui  qui  accompa- 
gne ces  opérations  y  on  veut  bien 
les  répéter ,  la  plus  grande  par- 
tie du  fel  alkali  fe  convertira  en- 
fin en  terre  pure  &  (impie.  Cet^ 


CHYMIQUë         !1£ 

te  terre  avoit  été  unie  par  la  com* 
buftion  à  l'autre  principe  ,  &  cet- 
te union  formoit  le  fei  alkali  * 
niais  le  principe  falin  s'en  étant 
féparé  par  toutes  les  calcinations 
&  folutions  ,  ia  terre  eft  reftée 
feule.  Si  cependant  on  ramaffe 
éxaâement  toute  cette  terre  9 
qu'on  "la  pefe  enfuite  ,  elle  pefe- 
ra  bien  moins  que  le  fel  ne  pe- 
foit  auparavant  ;  d'où  il  fuit  qu'- 
une grande  partie  du  fel  eft  de- 
venue volatile  &  s'eft  évaporée. 
Si  on  refléchit  fur  cette  expérien- 
ce qui  réuffit  toujours  de  la  même 
manière ,  on  doit  conclure  que 
cette  terre  éxiftoit  auparavant 
dans  le  fel  alkali  fixe ,  duquel  on 
l'a  tiré  :  mais  qu'elle  y  étoit  fî 
cachée,  qu'elle  s'eft  laiffée  tout-à- 
fait  diffoudre  dans  l'eau  5  ce  qui 
répugne  autrement  à  la  nature  de 
la  terre.  On  voit  en  même  tems 
que  la  terre  la  plus  pure  unie  à 


130  Theor  i  b 
un  autre  principe  fe  diflbud  ai- 
fément  dans  l'eau ,  &  non  ,  quand 
elle  eft  feule  ?  à  moins  qu'on  n'i- 
maginât peut-être  que  le  fel  mê- 
me qui  n'étoit  point  terreftre  au- 
paravant ,  à  force  de  calcina- 
tions  &  de  folutions  a  été  chan- 
gé &  vraiment  transformé  de 
non  terre  en  terre  ;  mais  cette 
opinion  ne  paroît  fondée  ni  fur 
la  raifon  ,  ni  fur  l'expérience  ; 
elle  répugne  au  contraire  aux  loix 
de  la  nature  ,  qui  dans  les  mê- 
mes chofes ,  agit  toujours  d'une 
façon  uniforme  ;  en  effet  aucun 
Elément  n'a  jamais  paffé  pour 
prévaloir  fur  l'autre  ;  mais  ils  ob- 
fervent  toujours  la  même  propor- 
tion entr'eux. 

Quant  à  la  première  opinion  , 
qui  eft  que  la  terre  unie  à  d'au- 
tres principes  falins  devient  pro- 
pre à  fe  fondre  dans  l'eau  en  une 
liqueur  qui    ne 'paroît   aucune- 


Chymique.  131 
mène  terreftre ,  c'eft  ce  que  la 
Chymie  nous  enfeigne  par  tour. 
Dans  le  verre  n'eft-ce  pas  la  ter- 
re unie  au  fel  alkali  ,  qui  for- 
me une  concrétion  tranfparenre  9 
laquelle  cependant,  comme  Van- 
helmont  nous  l'apprend  ,  le  re- 
foud  de  nouveau  en  alkali  &  en 
terre  ?  Tous  les  métaux  unis  cha- 
qu'un  à  l'acide  particulier  qui 
les  diflbud  ne  paroiffent-ils  pas 
dans  l'eau  fous  la  forme  d'un  fel 
tranfparent  ,  &  ne  peut-on  pas 
delà  les  retirer  entiers  ,  opaques  9 
&  fans  aucun  changement. 

Que  dirai- je  de  la  craie,  des 
pierres  ,  des  écailles  ,  &  de  tant 
d'autres  chofes  qui  par  l'union 
d'un  fel  fe  réfolvent  en  fels  très- 
purs  ,  quoiqu  on  puiffe  les  réfou- 
dre encore  de  diverfes  manières 
en  leurs  liqueurs  dilïbl vantes,  & 
convertir  enfuite  ces  liqueurs  en 
terre.  C'eft  ce  que  la  précipita- 


ïji  Théorie 
tion  Ghymique  montre  à  décou^ 
vert.  Il  eft  donc  Gonflant  par 
les  expériences  rapportées  i0.- 
que  les  iels  alkalis  fixes  ,  ordinai- 
res ,  tirés  des  végétaux  ?  vien- 
nent en  affez  grande  partie  d'une 
vraie  terre  fimple  élémentaire  ^ 
qui  entre  dans  leur  formation. 
a0.  Que  cette  terre  eft  telle- 
ment cachée  ,  mêlée  ,  diffoute 
dans  ces  fels  ,  qu'elle  ne  s'y  ma- 
nifefte  par  aucun  (igné  ,  Se  la 
preuve  en  eft  qu'elle  fe  réfout 
dans  Peau  ,  &  à  l'air  humide, 
dans  une  liqueur  très-claire  <fe 
très-fimple.  50.  Que  cette  terre 
des  végétaux  ,  ne  peut  être  at- 
ténuée jufqu  a  ce  point ,  que  par 
le  plus  grand  feu  ,  lequel  unit 
en  même  tems  ,  au  feu  ouvert 
feul ,  cette  terre  très-attenuée  y 
mais  de  la  façon  la  plus  intime , 
avec  cet  autre  principe  .  iaun, 
alcali  P  afin  que  de  ces  deux  pria* 


C   H   Y   M   I    Q  U    E.         ï  3  J 

cipes  bien  joints  naiffe  Pakali 
qui  eft  une  vraie  produdion  du 
feu.  En  effet  ,  un  charbon  de 
bois  verd  expofé  au  plus  grand 
feu  fermé  pendant  plufieurs  heu- 
res, demeure  toujours  char:on 
noir,  fans  donner  de  fel  alkalî 
fixe,  au  lieu  qu'à  un  feu  ouverc 
il  fe  pulvérife  bien-tôt  v&  don- 
ne un  fel  fixe  dans  fes  cendres; 
preuve  certaine  ,  que  ce. fel  n'e- 
xiftoit  point  auparavant  dans  les 
végétaux  ,  &  qu'il  n'a  été  créé , 
que  lorfque  le  feu  a  joint  la 
terre  à  cette  autre  partie  qui 
concourt  à  le  former  à  l'air  ou- 
vert ,  &  non  dans  un  vafe  fermé  : 
Et  il  eft  encore  très-évident  que 
ce  n;eft  qu'à  Pair  ouvert ,  &:  par 
la  feule  force  du  feu  qu'efl  pro- 
duit ce  fel  alkali  fixe  ;  parce 
qu'effeâivement  quelque  végétal 
que  ce  foie ,  brûlé  dans  un  vafe 
fermé  ou    à  l'air  ouvert  jufqu'à 


î}4  Théorie 
être  converti  en  charbon  très- 
noir  ,  fans  rien  de  plus ,  ne  don- 
ne aucun  fel  alicali  ,  lorfqu'on 
broyé  ou  pulvérife  ce  charbon 
noir  ,  &  qu'on  le  mec  à  cuire 
dans  l'eau  :  mais  fi  ce  charbon, 
ou  la  poudre  dans  laquelle  on 
l'aura  réduit  ,  eft  convertie  à  un 
feu  ouvert  en  cendres  blanches, 
ces  cendres  bouillies  dans  l'eau 
donneront  un  vrai  fel  alicali  fixe. 
Donc  c'eft  la  terre  des  végétaux 
très-atténuée  par  l'extrême  acti- 
vité d'un  feu  ouvert ,  qui ,  unie 
intimement  à  une  autre  par- 
tie ,  l'huile  étant  confumée  ,  pro- 
duit Talkali  fixe  ;  Se  le  fel  n'a 
certainement  point  d'autre  ori- 
gine. 40. Donc  les  fels  alkalis  fixes 
ne  font  point  des  corps  fimples, 
mais  compofés  de  deux  principes 
très-différens  ,  intimement  unis. 
5°.  Il  eft  encore  très- probable 
que  ç'eft  la  combuftion  des  vé- 


Chymique        ï  3  ç 
végétaux  qui  combine  cette  ter- 
re atténuée  avec  le  fel  naturel 
des  plantes  ,  qui  exifte   fous  la 
forme  d'un  mélange  favonneux 
fait  d'huile  &  de  fel  ;  mais  qu'en- 
fuire  elle  confume  la  principale 
partie  de  l'huile  ,  &  qu'alors  ce 
fel  ,  cette  terre ,  &  l'huile  de- 
venue noire  &  plus  tenace ,  pren- 
nent la  forme  d'un  charbon  noir, 
dans  lequel  la  partie  faline   eft 
tellement   couverte    fous    cette 
huile  &  cette  terre  ,  que  le  fel 
de  ce  charbon  ne  paroît  pas  fo- 
luble  dans  l'eau  ,  mais  demeure 
à  couvert  de  fon  aftion  ,  jufqu'à 
ce  qu'un  plus  grand  feu  8c  plus 
long-tems  appliqué  ait  confume 
l'huile  qui  lioit  enfemble  la  terre 
&  le  fel.  Alors  enfin  cette  par- 
tie faline  qui  étoit   auparavant 
volatile  par  elle  même ,  paroît  ik 
fixer ,  &  s'unir  avec  cette  der- 
nière terre  fubtile  ,  abfolument 


136         Théorie 
délivrée  de  fon  huile  ;  en  forte 
que  le  fel  même  alkali  fixe  ,  à 
force  d'être  expofé  à  Faction  d'un 
feu  violent,  devient  enfin  vola- 
til ,  &  périt  dans  le  feu  ,  lui ,  qui 
mêlé  en  certaine  portion  à  des 
cendres ,  ou  à  la  terre  ,  fe  con- 
vertit en  verre  ,  qui  refte  très- 
long-tems  affe-z  fixe  au  feu.  6°. 
De-là  il  fuit  qu'il  n'y  a  dans  les 
végétaux    aucun   fel    fimple  qui 
foit  fixe  par  lui-même  ,  mais  qu'il 
doit  toute  fa  fixité  à  cette  terre 
avec  laquelle  le  feu  a  formé  ce 
fel.  Car  fi  on  laifle  des  végétaux 
fe  deiïécher  à  l'air ,  &  s'humec- 
ter tour-à-tour  pendant  un  long 
efface  de  tems  9  ou  fe  putréfier 
tout-à-fait ,  on  a  beau  les,  brûler 
enfuite  3  "leurs-  cendres  ne  con- 
tiennent aucun  fel  alkali  fixe.  70. 
De-là  encore  ces  feis  akalis  fixes 
créés ,  de  la  manière  qu'on  vient 
de  dire ,  fe  réfolvent ,  par  l'arti- 
fice 


C   H    Y   M  I  Q  U    E.  ,     I37 

fice  dont  on  a  fait  mention,  il  n'y 
a  qu'un  moment ,  dans  les  deux 
principes  dont  la  vertu  du  feu 
n'avoit  fait  auparavant  quïinieul 
corps  ,  fçavoir  dans  un  fel  im- 
perceptible pur  ,  fimple  ,  volatil, 
&:  dans  une  terre  fixe ,  pure  , 
très-fubtile;  8°.  Par  conféquent 
il  efl  plus  vraifemblable  que  ces 
fels  viennent  ainfi  de  cette  terre 
unie  au  fel ,  que  de  l'eau  intime- 
ment mêlée  à  la  terre  ;  car  de 
quelque  manière  que  la  Chymie 
unifie  l'eau  à  la  terre  pure  ,  il  n'a 
jamais  paru  en  réfulter  un  fel  al- 
kali  fixe,  malgré  l'a&ion  du  feu 
le  plus  vif.  90.  Ainfi  cette  terre 
eft  toujours  par  tout  en  grande 
quantité  ,  on  en  tire  de  l'eau  , 
des  efprits ,  du  fel  volatil  j  du  fel 
fixe  ,  &  des  huiles ,  en  forte  que 
tous  ces  corps  une  fois  dégagés 
de  leurs  liens  terreftres,  font  tel- 
lement atténués  ,  deviennent  fi 

M 


138  Théorie 
mobiles  ,  8c  fi  volatils,  qu'on  ne 
peut  les  appercevoir,  &  que  ne 
pouvant  plus  être  retenus  dans  un 
vafe ,  ils  s'évaporent  dans  l'air  > 
&  retournent  ainfi  dans  leur  an- 
cien cahos. 

Il  n'y  a  que  la  terre ,  qui  étant 
feule,  ne  s'évapore  point  ?  tant 
elle  eft  folide  :  ce  n'eft  donc 
pas  fans  fondement  que  les  plus 
anciens  Chymiftes  ont  avancé 
que  ce  font  les  huiles  ou  le  fou- 
fre  qui  empêchent  les  efprits  de 
fe  diffiper  \  mais  que  la  terre  feu- 
le peut  brifer  le  foufre  &  les  fels^ 
&  qu'ainfi  la  rerre  feule  eft  vrai- 
ment fixe.  Telle  eft  la  nature  de 
la  terre  qui  fe  trouve  dans  laclaf- 
fe  des  végétaux  y  qui  en  eft  la 
bafe  &  l'élément  immuable. 

Examinons  donc  maintenant 
la  nature  de  la  terre  que  nous 
offre  le  régne  animal. On  a  obfer- 
vé  dans  tous  les  rems  que  les  ani- 


C    H    YMt    QUE,         IJ9 

maux  de  toute  efpece,  ceux  qui 
volent  dans  l'air,  qui  nagent  dans 
les  eaux, qui  habitent  les  entrailles 
dela-terre  ,  expofésàun  air  tiède 
&  humide ,  fe  putréfient  aufïi-tôt 
après  la  mort  à  une  chaleur  moins 
considérable  qu'elle  ne  fe  trouve 
dans  un  homme  fain  ;  &  tel  eft 
ce  changement ,  que  leurs  corps 
fe  réfolvent  en  entier  en  une  ma- 
tière putréfiée  très  fétide  ,  qui  fe 
répand  de  loin  dans  l'air  ,  en 
forte  qu'il  n'en  relie  qu'une  pe- 
tite partie  ferme  &  folide.  L'E- 
léphant, la  Baleine,  le  Chameau, 
le  Dromadaire, le  Cheval,  l'Hom- 
me ,  tous  les  corps  fe  confument 
bien-tôt  tout-à-fait ,  il  n'en  relie 
que  les  os.  L'eau  ,  les  efprits  , 
les  huiles  ,  les  fels  ,  fe  diffipent, 
&  ne  laiffent  qu'un  peu  de  ma- 
tière terreftre  ,  tout-à-fait  fem- 
blable  à  la  terre  vierge  que  don- 
nent la  pluie  Se  les  végétaux. 

M  ij 


140       Théorie 

Mais  fans  tant  difcourir  ?  il 
n'y  a  qu'à  jetcer  les  yeux  fur  les 
Cimetières  publics  des  grandes 
Villes  ;  tous  les  cadavres  qui  y 
font  enfevelis  fe  réfolvent  en  un 
peu  de  terre ,  qui  élève  à  peine 
celle  du  lieu.  Toutes  les  parties 
tant  fluides  que  folides  dont  tous 
les  animaux  font  formés  fe  vola- 
tilifent  toutes  ?  leur  feule  terre 
refle  fixe ,  8c  n'efl  point  empor- 
tée dans  Pair  avec  les  autres  par- 
ties r  elle  paroît  fous  la  forme 
d'os  véritables  r  ou  d'un  peu  de 
cendres  qu'emporte  le  moindre 
fouffle. 

Si  nous  examinons  encore  la 
terre  que  donne  le  régne  animal,, 
nous  en  trouverons  jufques  dans 
leurs  humeurs  T  c'ell-à-dife  dans 
celles  qui  fe  dépouillent  de  leur 
nature  étrangère  ,  Se  fe  conver- 
îiffent  en  celle  de  l'animal  parti- 
culier dans  lequel  on  les  trouve 


C  H   Y  M  I    QUE.  T4T 

par    les  fondions  naturelles  du 
corps.    Si   donc   on  les  expofe 
dans  les  vaifïeaux    exactement 
joints  &  fermés  à  l'aâion  du  feu-, 
ils  donneront  d'abord  à  212.  dé* 
grés  de  chaleur  une  prodigieufe 
quantité  d'eau  ,.  qu'on  ne  fe  fe- 
roit  point  imaginé  trouver  dans 
ces  humeurs.  En  continuant  ce 
même   degré  de  chaleur  ,  l'eau 
qu'on  tire  paroît  femhlable  dans 
k  plus  grand  nombre  de  fes  qua- 
lités à  celle  qu'on  tire  des  végé- 
taux. 

On  y  découvre  en  eïet  une 
odeur  fubtile  ,  fétide  &  défagréa- 
Me,  Expofez  le  réfidu  de  ces  hu«* 
m^urs  à  un  feu  plus  violent ,  toute 
l'eau  s'en  évapore  à  la  chaleur  de 
l'eau  bouillante",  &  alors  il  refte 
une  maffe  féche  &  en  quelque 
forte  un  peu  brûlée  ,  d'où  l'on 
tire  une  liqueur  légère  ,  jaune  9 
moins  volatile  que  cette  première 


142       Théorie 
eau  ,    c'eft  refpric  de   ces  hu- 
meurs. Il  eft  fétide  &  même  fi 
falé  ,  qu'il  entre  en  effervefcen- 
ce  avec  les  acides.  „ 

Après  avoir  éxaâement  ramaf- 
fé  tout  cet  efprit ,  qu'on  le  diftil- 
le  une  féconde  fois  ,  on  aura  un 
fédiment  qui ,  bien  brûlé  &  bien 
lavé  ,  donnera  la  même  terre 
fixe,  de  forte  qu'elle  monte  avec 
cette  humeur ,  &  peut  en  être 
tirée.  Si  enfuite  on  force  enco- 
re le  feu  fur  cette  maffe  d'hu- 
meurs dont  cet  efprit  a  été  tiré 
au  degré  de  feu  néceffaire  ,  on 
aura  une  affez  grande  quantité 
d'huile  animale  ,  qui  étant  dif- 
tillée  une  féconde  fois  laiffe  au 
fond  beaucoup  de  terre  fixe,com- 
me  on  Ta  dit ,  en  parlant  des  hui- 
les diftillées  des  végétaux  ;  &  fi 
l'on  réitère  encore  la  diftillation, 
ces  mêmes  huiles  fe  convertiffcnt 
auflî  en  terre ,  en  forte  que  c'eft 


Chymïque.  145 
de  la  terre  qu'elles  empruntent 
pareillement  leur  épaifleur  ,  leur 
ténacité  Se  leur  fixité.  Pour  le 
fel  volatil  des  animaux  f  qu'on 
en  tire  en  partie  avec  leurs  hui- 
les y  Se  qui  fort  feul  enfuite,  le 
premier  qui  fort  contient  tou- 
jours beaucoup  d'huile  9  Se  cette 
huile  qui  lui  eft  affez  étroite- 
ment liée  y  le  retient  Se  le  fixe. 
En  effet  auflî-tat  qu'on  a  éxaâe- 
ment  iéparé  toute  l'huile  de  ion 
fel ,  il  devient  tout-à-fait  volatil, 
Se  en  réitérant  la  diftillation  y  il 
ne  laiffe  rien  de  féculent  ;  mais 
fi  on  le  fublime  à  un  feu  doux  9 
il  laiffe  une  eau  douce  dans  le 
fond»  Car  quelque  fec  que  ce  fel 
paroiffe^l'eau  y  adhère  tellement 
qu'elle  fe  manifefie  toujours  au 
fond  du  vafe  à  une  douce  fubli- 
mation  ;  Se  il  n^eft  aucun  moyen 
de  féparer  toute  l'eâu  de  ce  fel  °9 
ainfi  toute  la  fixité  qu'on  trouve 


144  Théorie 
toujours  dans  les  fels  naturels  des 
animaux  ,  ne  vient  uniquement: 
que  de  l'huile  ;  8c  cette  huile  ne 
doit  elle-même  fa  fixité  qu'à  la 
terre  qui  y  adhère  ,  c'eft  donc 
cette  même  terre  qui  enchaîne 
le  fel  des  animaux  ,  lequelautre- 
nient  deviendroit  volatil.  Après 
les  premières  huiles  ,  il  fort  à 
force  de  feu  une  huile  noire  7 
épaiffe  8c  tenace  comme  la  poix, 
venteufe  ,  qui,  à  force  de  fe  gon- 
fler, remplit  tout  le  col  delà  cor- 
nue ,  8c  coule  ainfi  dans  le  réci- 
pient fous  la  forme  de  poix  tu* 
méfiée  ,  8c  eft  plus  pefante  que 
toute  la  liqueur  que  ce  végétal 
avoit  auparavant  donnée  par  la 
diftillation.  Qu'on  diflille de  nou- 
veau cette  dernière  huile  ,  il  réi- 
téra dans  la  cornue  beaucoup  de 
terre  ,  quelque  feu  qu'on  faiTe» 
Ces  deux  principes  font  donc 
tellement  liés ,  qu'on  peut  dire 

que 


Chtmique,  145 
que  cette  huile  n'eft  en  grande 
partie  qu'une  terre  pure.  On  fçaic 
de-là  que  le  feu  agiffant  fur  les 
huiles  mêlées  à  la  terre  ,  rend 
en  quelque  force  la  terre  même 
volatile  ;  &  puifque  ces  huiles  ne 
peuvent  s'évaporer  qu'à  la  faveur 
du  plus  grand  feu ,  il  eft  évident 
que  toutes  leurs  propriétés  dé* 
pendent  principalement  de  la 
terre.  C'eft  d'elle  en  effet  que 
vient  leur  fixité  ,  leur  ténacité, 
leur  poids  ,  tous  attributs  qu'on 
peut  ,  pour  arnfi  dire  ,  féparcr 
avec  la  terre.  La  terre  eft  donc 
mêlée  inséparablement  avec  tou- 
tes les  huiles  animales ,  ce  qui  les 
empêche  d'être  volatiles  \  car 
comme  les  huiles  par  leur  mêlan* 
ge  rendent  la  terre  volatile  au 
feu  ,  de  même  au  contraire  la  ter- 
re mêlée  aux  huiles,  les  empêche 
d'êrre  toujours  trop  faciles  à 
§#exaker    au  moindre  feu  ,  & 

N 


146  Theoriï 
comme  l'huile  retient  &  enchaî* 
ne  les  efprits  ,  les  plus  mobiles, 
de  même  la  terre  fixe  en  quelque 
forte  les  huiles.  Enfin  fi  on  laiffe 
long-tems  expofé  au  feu  le  plus 
ardent  ce  dernier  fédiment  , 
fixe  ,  très-noir ,  qui  refte  au  fond 
du  vafe  après  Pentiere  diffipation 
de  l'huile ,  il  en  fort  des  fumées 
bleues  ,  épaifles  avec  des  cor- 
pufcules  étincelans  ,  qui  reçus 
dans  de  Peau  froide  pure  5  fe 
condenfent  ,  tombent  fous  l'eau 
par  leur  poids  ,  s'y  raffemblent 
en  petites  maiTes  ,  8c  forment 
un  phofphore  qu'on  peut  appel- 
1er  folide  5  comme  le  premier  , 
qui  eft  errant  en  forme  de  fumée, 
liquide.  Ge  corps  expofé  à  l'air 
prend  feu  ,  fe  confume  fous  la 
forme  d'une  flamme  brillante , 
êc  s'évapore  en  laiflant  une  odeur 
fétide.  L'eau  qui  le  contenoit  eft 
?rès-açid@  ?  épaiiTe  9  parce  qp'vU 


C   H   Y    M    I    Q  U   b:       Ï47 

ïe  contient  toujours  quelques  fé- 
culences  terreftres.  Ce  merveil- 
leux corps  appartient  au  régne 
des  animaux  ou  des  Végétaux: 
Eft-ce  une  produâion  naturelle 
du  feu  ,  ou  de  toutes  ces  chofes 
enfemble  ?  Certes  il  efl:  parfaite- 
ment  ardent  ;  plufieurs  années 
ne  fuffifent  pas  pour  le  difîbu* 
dre  dans  Peau ,  à  moins  qu'on  ne 
la  chauffe  m9  car  alors  il  s'y  fond 
comme  la  cire.  Sa  nature  cft  donc 
plus  huileufe  ,  que  faline  ,  ou 
terreftre  *,  car  il  ne  contient  au- 
cune terre  ,  il  ne  reffemble  ce- 
pendant à  aucune  huile  ,  ni  ma- 
tière   huileufe   connue    jufqu'à 
préfent. 

Qu'on  examine  en  dernier  lieu 
le  réfidu  des  dernières  fèces ,  on 
le  trouvera  encore  noir  :  mais  ff 
on  le  tire  doucement  de  fon  vait 
(eau ,  pour  le  brûler  à  un  feu  ou- 
vert «  il  devient  blanc ,  tejrret* 


Î4$         T   H    B    O    R    I    B 

tre  ,  çoniervant  toujours  fon  an» 
ciennc  forme.  Cette  hifloire  de$ 
animaux  &  des  végétaux  faite  à 
l'occafion  de  connoître  la  natu^ 
re  de  la  terre  prouve  la  grande 
affinité  de  ces  deux  differens 
corps  9  dont  h  nature  s'accorde 
&  paroît  la  même  eflentiellement 
dans  la  plupart  des  çhofes.  Il  n'efl: 
donc  pas  étonnant  que  les  ani- 
maux foient  fouvent  faits  oq 
compofés  de  purs  végétaux  t 
moyennant  deux  acceflbirs  né* 
ceffaires  pour  faire  cette  méta- 
rnorphofe ,  Peau  &  la  faculté  cocs 
trice  des  fibres  animales  \  c'eft 
jpn  effet  une  vérité  par  tout  fi 
confiante  ,  qu'on  peut  dire  que 
les  corps  des  animaux  ne  font 
prefque  que  des  végétaux  chan? 
gés.  S'il  y  a  quelque  différence 
à  obferver ,  c'eft  par  rapport  aux 
fels  des  deux  genres  ;  car  dans 
m  grand  nombre  de  végétaux  % 


C  ri  y  m  t  ç>  tf  é.  149 
les  fcls  qui  leur  font  propres 
font  acides  5  ou  aufteres  ,  dans 
la  plupart ,  ceux  qu'on  prépare 
par  le  feu ,  font  fixes.  Or  on  a 
beau  brûler  quelque  animal  que 
ce  foit ,  on  n'en  tirera  point  de 
fel  fixe  >  alkaii  ,  non  plus  que 
d'acide  ,  ou  d'acerbe  $  de  nos 
humeurs  naturelles ,  non  crues , 
mais  bien  conditionnées  ,  quoi* 
qu'il  y  ait  des  plantes  >  comme 
le  cochlearia  ,  la  moutarde  ,  qui 
ont  un  fel  femblable  au  Volatil 
âkalin  des  animaux.  Pour  la  ter* 
re  ,  ou  les  huiles,  entant  qu'elles 
font  fort  terreflres  ,  c'eft  ce  mê- 
me mélange  qui  fait  la  principa- 
le diverfitéde  la  fixité  du  fel  ani- 
mal ou  végétal  *  d'où  il  fuit  que 
la  terre  abonde  moins  dans  les 
huiles  Si  les  fels  des  animaux, 
&  qu'elle  y  efl  moins  étroite- 
ment unie,  que  dans  les  végé- 
taux. 

Niij 


tjô         T  H    B   O   R   I   « 

Conterons  maintenant  la  pu- 
tréfa£Uon  des  végétaux  ,  &  les 
changemens    qu'elle  y  produit. 
La  terre  fe  fépare  des  matières 
huileufes   &  falines  ;  c'efl  pour- 
quoi les  plantes  qui  ,   avant   la 
putréfa£tion  donnoient  par  l'uf- 
tion  beaucoup  de  fel  fixe  alKali; 
n'en   donnent   plus  aucunement 
après  ,  mais  fourniflent  tout  leur 
fel  volatil ,  comme  les  animaux. 
Rien  ne  fépare  donc  mieux  la 
terre  élémentaire  ,  que  la  putré- 
faction ,   qui  fépare  ,    divife  les 
Elémens  les  uns  des  autres,  dé- 
truit l'ancienne  forme ,  &  rend 
prefque  tous  femblables  les   elé- 
mens des  animaux  Se  des  végé- 
taux. Cette   même  putréfa£tion 
rend  donc  les  corps  des  animaux 
Se  des  végétaux   très -propres  à 
fournir  tant  dans  l'air  ,  que  dans 
l'eau  &  la  terre  ,  une  nouvelle 
matière  capable   de  nourrir  de 


CHYMJQVi         ÎÇi 

nouveaux  végétaux  ,  &  par  eux, 
d'autres  animaux.  Toutes  les, ma- 
tières putréfiées  font  donc  très- 
propres  à  féconder  la  terre;  Se 
par  conféquent  tous  les  animaux 
qui  ont  été  ,  font,  ou  feront  , 
donneront  toujours  parla  putré- 
fadion  de  nouveaux  principes 
qui ,  fuivant  les  loix  de  la  natu- 
re, pourront  donner  une  nou- 
velle fécondité  à  la  terre  qui  les 
a  produits. 

Ne  croyez  pas  que  la  fermen- 
tation faffe  le  même  effet  que  la 
putréfaâion.  Elle. a  beau  mettre 
en  mouvement  les  végétaux  ,  les 
élemens  terreftres  ne  fe  déta- 
chent pas  pour  cela  des  fels  Se 
des  huiles ,  &  par  conféquent  les 
végétaux  ne  deviennent  point  fi 
femblables  aux  animaux.  Il  n'y  a 
que  l'acidité  des  fels  qui  l'égui- 
fe  ,  mais  au  refle  elle  ne  touche 
point  aux  fels  fixes  produits  par 

N  iiij 


î  y  2  Thïouë 
la  combuftion  ,  comme  on  le  voit 
dans  le  tartre.  Il  eft  vrai  qu'elle 
convertit  Une  des  huiles  végéta- 
les en  alcohol  volatil  -,  mais  elle 
ne  peut  ainfi  changer  tout  l'hui- 
leux de  la  plante. 

On  doit  maintenant  connoître 
la  nature  de  cette  terre  élémen- 
taire ,  qui  concourt  ,  comme 
un  vrai  principe,  à  compofer  les 
animaux  &  les  végétaux.  Elle  eft 
fi  peu  différente  dans  ces  deux 
genres  ,  qu'on  diroit  qu'elle  eft 
parfaitement  la  même.  Auflî  fait- 
on  d'aufli  bonnes  coupelles  à  i'u- 
fage  des  Orfèvres  ,  de  la  cendre 
des  végétaux  ,  que  de  celle  des 
animaux  ;  &  pourvu  que  cette 
cendre  foit  une  terre  parfaite- 
ment pure,  il  n'importe  qu'on  fe 
ferve  de  poiffons  ,  d'oifeaux , 
de  quadrupèdes  ,  de  leurs  os  ,  de 
leurs  ongles ,  de  leurs  chairs  ,  de 
leurs  humeurs.  C'eft  donc  la  ter- 


C  H  *  M  t  Q  t  t.      tj) 

te  qui  fait  jouir  a  plante  &  l'a- 
nimai  des  mêmes  avanïâges  ,  qui 
leur  donne  une  ftru&ure  fiable 
&  terme ,  eh  lorte  que  c  eft  la 
baie  des  autres  élemens  ,  lefquels 
lui  iont  tous  unis  ,  Se  lui  doivent 
leur  forme  foiide  ;  car  la  terre 
étant  ôtée ,  il  ne  refte  plus  qu'une 
maffe  informe  ,  ou  tous  les  autres 
Elemens  dégagés  de  leur  chaîne, 
deviennent  volatils,  c'eft  la  ter- 
re qui   non  feulement    retient  , 
affocie,  &  arrange  les  autres  prin- 
cipes ,  mais  leur  donne  cette  du- 
reté qui  les  rend  capables  de  ré- 
fifter  à  l'air  ,  à  l'eau  ,  au  foleïl  , 
&  à  certain  degrés  du  feu  même. 
Mais  fi  l'huiie  &  l'eau  font  liées 
par  la  terre  ,  les  Elemens  terref- 
tres ,  ne  peuvent  faire  corps  fans 
eau  ou  fans  huile ,  deux  élemens 
qui  à  leur  tour  font  le  ciment  de 
la  terre. 

Des  animaux  brûlés  dans  les 


ÏJ4  Théorie 
flammes,  jufqu'à  une  entière  con* 
fomption  ,  ne  laiffent  que  des 
cendres  blanches  >  qui  ne  font 
qu'une  terre  pure  ,  iemblable  à 
la  précédente. 

Il  eft  tems  d'examiner  la  terre 
dans  les  folides.  Prenons  d'abord 
desfels  naturels,  comme  le  nitre, 
le  fel  gemme ,  celui  des  fontai- 
nes ,  ou  de  la  mer  i  les  plus  purs 
qu'on  pourra  trouver.  Après  les 
avoir  diffbus  dans  de  l'eau  très- 
pure  j  qu'on  les  laifle  très-long- 
tems  en  digeftion  ?  on  trouvera 
au  fond  du  vafe  une  terre  dépo- 
tée par  les  fels ,  &  infolubîe  dans 
l'eau.  Qu'on  faffc  évaporer  la  li- 
queur jufqu'à  pellicule  ,  &  qu'on 
la  mette  enfuite  repofer  dans 
Un  lieu  froid  ,  on  aura  des  crif- 
taux  de  fel.  Séparez  la  liqueur 
qui  refte  fluide  ,  8c  non  changée 
en  fel ,  faites  -  la  encore  évaporer 
jufqu'à  pellicule  ,  vous  aurez  en- 


Ch  ymiquë;  iyç 
fuite  de  nouveaux  criftaux  ,  mais 
moins  beaux.  Enfin  après  la  der- 
nière criftallifation  ,  il  refte  une 
liqueur  graffe  ,  faline  ,  qui  don- 
ne un  peu  de  terre,  &  qui  après 
avoir  été  fort  defféchée  au  feu  , 
fe  fond  de  nouveau  promptement 
à  l'air  ,  Se  eft  d'une  âcreté  fore 
âpre.  Et  comme  chaque  opéra- 
tion donne  un  peu  de  terre  „ 
il  n'y  a  qu'à  mettre  à  part  tous 
les  divers  produits  ,  on  verra 
que  les  fels  foflîles  en  donnent 
une  quantité  atTez  confidérable. 
Enfin  à  force  de  criftallifation  , 
Se  de  folution  ,  tout  le  fel  de- 
venu volatil  &  imperceptible  , 
fe  diflipe  dans  l'air ,  il  n'en  relie 
que  la  terre  pure. 

On  trouve  auffi  de  la  terre 
dans  les  fels  minéraux  par  la 
diftillation.  Prenez  les  mêmes 
dont  il  a  été  ci-devant  mention, 
réduifez-les  en  poudre  féche  , 


î  ç<5      T  H  è  o  r  î  i 
mêlez-les  avec  le  triple  d'argiîé 
bien  féche  *  de  bol  ,  de  brique 
broyée  ,  ou  de  terre  pure  ,  ex- 
pofcz-les  au  feu  le  plus  vif ,  le 
tout  fe  fépare  en  une  partie   li- 
quide acide  .  volatile  ,  corrofive, 
éc  en  une  partie  fixe  ,    qui   de-* 
meure  au  fond  du  vafé  dans  là 
terre  qui  a  été    mêlée*    Si   par 
la  coâion  dans  l'eau   on  fépare 
cette    partie  fixe  de  la  terre  , 
qu'on  la  filtre ,  qu'on  la  purifie, 
qu'on  la   criflalife  ,  on  en  tire 
un   fel  allez  femblable   à  celui 
qui  avoir  d'abord  été  employé 
pour  cette  diftillation ,  fi  ce  n'eft 
que  mêlé  avec  le  nitre  ,  il  s'al- 
kalife  en  quelque  forte.  Ce  fel 
ainfî  produit ,  criftallifé  de  nou- 
veau ,  diffous  ,  épaiffi  ,  donne 
encore  beaucoup  de  terre  fem- 
blable à  celle  qu'on  avoit  fépa- 
rée  de  ce  premier  fel.  Quant  à 
la  liqueur  acide,  produit  de  ce 


C    H    YMIQUÏ.         If7 

fel  par  la  diftillation ,  diftillée 
de  rechef ,  elle  laiffe  au  fond  du 
vafe  des  fèces  jaunçs  qu'il  fuffit 
4e  défécher  pour  y  trouver  de 
nouvelle    terre.    Âinfi  ces  fels 
acides    ainfi  préparés  ,   exaête* 
ment  dépouillés  de  toute  leur 
terre  ,  font  fi  volatils  ,  fi  enne- 
mis de  toute  fixité  ,  &  de  tout 
repos  ,  qu'ils  s'éyaporçnt  en  fu- 
mée ,  &  en  fumée  fi  mobile  9 
qu'on  nç  peut  les  retenir  dans 
les  vafes  ,  elles  s'enfuient  aux 
moindres    approches  de  l'air, 
comme  on  l'obferve  dans  Peau 
fortç  ,  d^ns  l'efprit   de  nitre  , 
dans  Tefprit  de  Tel  de  glauber  9 
dans  Pefprit  de  fel  marin  ,  pen- 
dant que  fe  fait  la  diftillation  * 
car  lp    fel  acide  eft  fi  volatil , 
que    fans  Pimpulfion    d'aucune 
çaufe  externe  9  il  s'évapore  de 
|ui  même  en  fumées  blanches  ou 
yquge§?  H  ne  feroft  donc  pp 


158      Théorie 
abfurdc  de  penfer  que  tous  !es 
fels    acides    dont    nous    avons 
parlé  ,  ne  font  point  d'eux-mê- 
mes tranquilles   dans  notre  air  , 
niais  qu'ils   doivent  leur  repos 
ou  leur  fixité  à  la  terre   qui  efl 
fixe  ,  êc  lie  la  volatilité  naturel- 
le ,  laquelle  par  conféquent  re- 
naît ,  dès  que  fes  chaînes  font 
brifées.  Les  fels  (impies  acides 
&  akalis  feraient  donc  toujours 
volatils  ,  s'ils   étoient  parfaite- 
ment purs ,   c'eft  leur  mariage 
avec  la  terre  qui  les  fixe. 

Les  matières  fulphureufes  tant 
liquides  que  folides  contiennent 
fans  doute,  auffi  des  principes 
terreftres.  Mais  les  métaux  en 
contiennent-ils?  Les  Chymiftes 
croyoient  autrefois  que  les  mé- 
taux étoient  compofés  de  vif-ar- 
gent feul  ,  &d'un  autre  principe 
qui  lui  donnoit  une  fermeté  conf- 
iante 3  &la  facilité  de  céder  fous 


C    H   Y   M   I    Q.  U    E.        IJ9 

Je  marteau  Se  l'enclume  *,  que  tels 
étoient  les  principes  de  l'or  &de 
l'argent.  Les  Modernes  faifant 
mention  de  l'analyfe  8c  de  la 
compofition  des  métaux ,  ne  par- 
lent que  de  phlogiftique  &  de 
terre  vitrifiable ,  qui ,  félon  eux, 
fert  à  former  les  métaux.  Mais  , 
M.  Bperhaave  qui  a  beaucoup 
travaillé  fur  ces  matières ,  n'eft 
point  du  même  avis.  A  peine 
çonvient-il  qu'il  s'en  trouve  dans 
le  mercure ,  regardant  la  poudre 
qui  s'en  fépare  comme  trop  ri-? 
che  en  vertus  médicinales ,  pour 
être  une  terre  fimpie.  Ufaut  por- 
ter le  même  jugement  de  tou$ 
Jes  autres  métaux ,  tels  que  l'or , 
l'argent ,  &c.  A  quelque  épreuve 
que  notre  Auteur  les  ait  mis,  il 
p'a  jamais  pu  en  tirer  une  vrgiç 
terre, 

FIN* 


TRAITE 

D  U 

VERTIGE. 

AVEC 

LA   DESCRIPTION  D'UNE 

Catalepfie  Hjfierique  &  une  Lettre  k  M. 
Aftruc ,  dans  laquelle  m  répond  à  la  Cri- 
tique qu'il  a  faite  d'une  Dijfertatim  de 
i  Auteur  fur  les  Maladies  Fénériemes* 


0 


A 

MONSIEUR 

HERM  AN 

BOERHAAVR 


M 


onsjevr; 


zAprès  queMonfîeurtîunauld 
meut  appris  UftruEture  du  corps 
de  f  Homme ,  je  paffai  en  HoJIatù 
de ^uniquement pour  voir  çt) ]  pour 
intendre  celui  qu'on  regardoit  k 

Ôij 


Paris  comme  l'oracle  de  la  Méde- 
cine Moderne,  Vous  fîtes  un  ac- 
cueil gracieux  au  Di/ciple  de  vo- 
tre Illu(ire  Ami  y  vous  vous  êtes 
toujours  fait  unplaifîr  de  rèjou- 
dre  mes  difficultés  de  bouche  ou 
par  écrit  -y  en  un  mot  y  MON- 
SIEVR>fîfaifait  quelques  pro- 
grès dans  ce  grand  Art  dont  vous 
êtes  le  réformateur  y  cefiprinci- 
paiement  a  vous  que  je  les  dois  j 
puifque  ceft  dans  vosfçavantes 
Leçons  &  dans  vos  divins  Ou- 
vrages que  f  ai  puifé cette  Théo- 
rie qui  a  répandu  fur  la  Médeci- 
ne une  clarté  que  deux  mille  ans 
di  études  {g)  d'expériences   na- 
voient  pu  lui  procurer  ;  Théorie 
lumineufe ,  qui  feule  fuffîr  oit  a& 
moins  expérimenté  0-  le  feroit 


marcher  apas/urs  dans  lapratL 
que  $  tandis  que  fans  elle  le  Pra- 
ticien le  plus  conjommè  eJlpre/L 
que  toujours  réduit  au  tâtonne- 
ment &  a  la  divination.  Permet- 
tez donc ,  MONSIEVR  ,  que  ce 
petit  Ouvrage  jouife  du  droit 
quil  a  de  paraître  fous  vos  auf- 
pices ,  (êfr  recevez  ce  témoignage 
publique  de  mafincére  reconnoif- 
fancef$  de  ma,  profonde  vénér ac- 
tion. 

fai  V honneur  d'être  , 

MONSIEVR, 


Votre  très-humble  &  uh^ 
ebéiffànc  Serviceur, 
PE   LA   MeTTRIEo 


AVERTISSEMENT. 

CE  Traité  du  Vertige  riefi  point  une  tra- 
duction de  la  Di(fertation  Latine  en 
forme  de  Lettre  fur  le  mêmefujetquejefis 
imprimer  Van  pajje.  Cefi  un  Ouvrage  beau- 
coup pins  étendu  &  plus  à  la  portée  non» 
feulement  des  jeunes  Etudians  en  Médecine , 
mais  des  gens  du  monde  qui  ont  quelque 
teinture  de  Phjfique.  fy  ai  joint  ,  1°.  La 
Defcription  d'une  Catalepfie  Hjflerique  , 
Maladie  extraordinaire  fur  laquelle  ilferoit 
à  fouhaiter  que  quelque  habile  Médecin  voû- 
tât bien  nous  communiquer fe s  lumières  \xQ * 
Une  Lettre  à  Monfieur  Afiruc  ,  dans  la- 
quelle •>  fans  m  écarter  du  refpetl  qui  efl  dh 
à  cet  illufire  Auteur  ,  je  réponds  a  la  Cri* 
tique  quil  a  faite  de  ma  Differtation  fur 
les  Maladies  Vénériennes.  On  me  pardon- 
nera  fi  je  place  ici  un  Ouvrage  qui  a  fi 
jeu  de  rapport  avec  les  deux  autres  *,  je  ri  ai 
prit  trouver  autrement  le  moyen  de  me  jujlfr. 
fier  aux  jeux  du  Public, 


TRAITE 

D  U 

VERTIGE. 

Ë  Vertige  eft  accompa- 
gné d'un  fi  grand  nom- 
bre de  phénomènes  8c 
de  phénomènes  fi  diffé- 
rensr  qu'il  feroit  impof- 
fible  de  les  renfermer  tous  dans 
une  fimple  définition.  Ainfi  pour 
donner  une  idée  plus  claire  de  ce 
mal ,  il  efl  à  propos  de  commen- 
cer par  en  décrire  les  fymptômes  9 
&  par  en  faire  une  hiiloire  exacte 
&  générale. 


i68        TRAITÉ 

CHAPITRE     I. 

Defcription  des  Symptômes  du 
Vertige. 

LEs  corps  externes  qui  font  na- 
turellement en  repos  paroiffent 
fe  mouvoir  en  rond ,  tomber  de  haut 
en  bas ,  ou  monter  de  bas  en  haut. 

On  croit  tomber  du  Ciel  fur  la 
Terre  ou  dans  la  Mer  ,  s'élever  de- 
là )ufqu*aux  nues,  tourner  comme 
un  tourbillon  dans  Pair,  &  être  en- 
fuite  précipité  avec  tout  l'Univers  , 
dans  les  plus  profonds  abîmes.  Je 
pafle  ici  fous  ftlence  une  infinité 
d'autresûmaginations  fauffes  dont  le 
détail  feroit  inutile. 

Les  uns  voyent  deux  objets  au 
lieu  d'un  ,  les  autres  des  couleurs 
plus  ou  moins  vives.  Voilà  les  prin- 
cipales illufîons  de  la  vue  dans  le 
Vertige  ;  voici  celles  de  l'ouie. 

On  croit  entendre  tantôt  des  fif- 

flemeiis 


DU  VERTIGE.    169 

fiemens  horribles  ,  cels  que  ceux  des 
ferpens,  tantôt  le  bruit  des  flots  de 
la  mer  ,  du  vent  qui  enfle  les  voiles , 
delà  pluye  ou  de  la  grêle  qui  tom- 
be ,  le  murmure  d'un  ruiffeau ,  le 
fon  d'une  flûte, Parmonie d'un  con- 
cert -,  Se  mille  autres  faux  bruits. 

Outre  le  dérangement  delà  vue 
&  de  l'ouie  ,  les  fondions  (a)  des 
autres  fans  ne  font  pas  moins  inter- 
rompues? l'odorat  eft  émouflé  dans 
les  uns  ,  le  goût  ou  le  ta£t  altéré 
dans  les  autres. 

Les  mufclesfe  relâchent ,  les  ge- 
noux &tous  les  membres  tremblent 
à  la  fois  \  la  frayeur  eft  alors  fi  gran- 
de, qu'elle  faifit  le  Guerrier  le  plus 
intrépide  &  le  Philofophe  le  plus 
inébranlable  ;  le  cœur  ferefferre,Ies 
forces  fe  difïipent  de  plus  en  plus  5 
on  eft  abatu  ,  confterné&détruic 
en  fi  peu  de  tems ,  qu'un  grand  Chi- 
mifte  (b)  s'eft  imaginé  qu?il  y  avok 

[  a  ]  Frofp.  Alpin,  de       |  [  b  ]  Joan.  Eapt.  HeU 

Jbied.Mcsh.p.  5*7,  j      mpnt.  de  LitUia5, 

P 

m 


i7o  TRAITÉ 
un  venin  fingulier  dans  le  Vertige, 
En  même  tems  qu'on  tombe  ,  on 
a  des  maux  de  cœur ,  on  vomit ,  on 
fe  traîne  à  terre ,  on  fe  méconnoîc 
foi-même  &  les  plus  proches. 

On  voit  les  paupières  s'élever  à 
certains  cris  &  le  baifler  auflî-tôt. 
Ce  mouvement  efl  à  peine  fenfible 
qu'il  s'évanouit.  On  eft  auffi  quel* 
quefois  agité  par  des  convulfions , 
&  des  ttanfports  violensson  refpire, 
avec  une  difficulté  extrême,  on  fuë, 
on  dort  la  bouche  remplie  d'écume, 
$c  on  fe  réveille  enfuite  comme  un 
homme  fain  qui  auroir  eu  le  fom- 
mçil  le  plus  tranquille.  Ces  derniers 
fymptgmes   appartiennent  propre- 
ment à  i'Epileplîe&  à  l'Apoplexie; 
mais   comrne  le  Vertige  dégénère 
Êrès-fouvent  en  ces  Maladies  ,  j'ai 
cru  qu'il  me  feroit  permis  de  les  ran- 
ger s  à  l'exemple  d'Aretée  ,  (a)  au 
nombre  ciè  eeux  qui  cara&érifenç 
plus  fpççialeinçqt  ce  mal  finguliçf , 


DU  VERTIGE.       171 

Voilà  en  peu  de  mots  l'hiftoirc 
générale  des  principaux  fymptômes 
du  Vertige  ,  Se  fes  métamorphofes 
les  plus  familières.  Elle  efl:  fondée 
fur  ma  propre  obfervation  &  fur  la 
leâure  des  Auteurs  anciens ,  &  prin- 
cipalement de  l'élégant  Aretée  qui 
a  le  mieux  décrit  les  phénomènes 
qui  manifeflent  ce  genre  de  mal. 
Effayons  à  préfent  d'en  rendre  rai- 
fon  luivant  la  Théorie  Etiologique 
du  fubtil  Bellini.  Cet  Auteur  efl:  le 
feul  qui  nous  ait  donné  une  idée  clai- 
re de  la  manière  dont  le  Vertige  fe 
fait. 


CHAPITRE    IL 

Explication  des  Symptômes  du> 
Vertige. 

AVANT  que  d'expliquer  les 
fymptômes  du  Vertige  ,  il  efl: 
I  aéceffaire  de  pofer  quelques  princi- 


î7l         TRAIT  É 
pcs  d'Optique  ,  pour  répandre  plus 
de  clarté  fur  tout  cet  Ouvrage. 
•    Il  n'y  a  que  les  rayons  qui  paflTenc 
par  la  pupille  qui  fervent  à  la  vifion  ; 
mais  comme  il   fe  croifent  ou   fe 
rompent  dans  ce  paflage   étroit  , 
ceux  qui  viennent  d'enhaut  Se  du 
côté  gauche  ,  vont  fe  réunir  en  bas 
êz  au  côté -droit  ;  ceux  qui  viennent 
d'en  bas  &'  du  côté  droit  vont  de 
même  s  unir  en  haut  &  au  côté  gau- 
che. Ainfi'la  partie  fupérieure  d'un 
objet  doit  fe  peindre  dans  le  bas, 
l'inférieure  dans  le  haut  \  le  côté 
gauche  au  côté  droit  ,  &  le  droit 
au  gauche  de  la  rétine.  Par  confé- 
quent  les  objets  font  renvêrfés  au 
fond  de  l'œil  -,   comme  la  célèbre 
expérience  de  Defcartes  le  prouve 
fenfiblernent.  Cependant  les  objets 
ne  nous  paroiffent  point  renverléss 
quoique   leur  image  le  ioit    tffec- 
tf$èrw§8|   au  fond  de  l'œil.  Nous 
rapportons  les  parties  des  objets  le* 
loa  la  même  ligne  par  laquelle  nous 


DU  VERTIGE.  ï7) 
avons  reçu  leurs  rayons.  C'cft  pour1 
quoi  nous  -attribuons  au  haut  l'im- 
preflion  faite  au  bas,  au  côté  droit 
celle  qui  Te  fait  au  côté  gauche  & 
njïcc  verfâ.  Oeil  ainli  qu'un  Aveu- 
gle qui  tient  à  Ta  main  droite  un 
bâton  [  tâtonne  les  objets  qui  font 
à  gauche  ,  &  les  rapporte  de  ce  cô- 
té -  là  par  l'imprcfTion  qu'ils  font 
dans. la  main  droite  par  le  moyen 
du  baron. 

Si  la  peinture  ou  l'image  de  l'ob- 
jet s'avance  du  côté  droit,  l'objet 
doit  donc  paroïtre  fc  mouvoir  à 
gauche  ;  fi  elle  pafTe  à  gauche  ,  il 
pafTe  à  droite  ;  fi  elle  monte  •  il  def- 
cend  ,  ou  s'élève  \  fi  elle  le  baille;  en 
un  mot  l'objet  femble  jouer  avec 
fon  image  &  l'image  avec  fon  ob- 
jet. Or,  comme  tous  ces  change- 
rhens  ne  font  fenfibles  au-dehors, 
qu'autant  qu'ils  le  font  au-dedans 
de  l'œil  ,  on  ne  doit  anpcrccvoir  le 
mouvement  des  corps  ?  qu'autant 
•qu'ils  fe  peignent  fur  la  rétine  .dans 

Pu] 


ï74        TRAITÉ 

un  foyer  différent  de  celui  dans  le- 
quel ils  étoienc  repréfentés  un  mo- 
ment avant  que  d'être  mus.  Ainfi 
tant  qu'ils  continuent  de  fe  mou- 
voir ,  leur  image  fe  promené  fur  la 
rétine,  &  change  fans  ceffe  de  pla- 
ce. Par  conféquent  l'objet  ne  doit 
paroître  tranquille ,  que  lorfque  fon 
image  l'eft  elle-même  abfolument  : 
car  fi  elle  fe  dérange  ou  change  de 
lieu  ,  par  exemple  ,  en  ligne  droite, 
on  dira  avec  raifon  que  l'objet  fuit 
cette  même  détermination  \  Ci  elle 
s'en  écarte  ,  il  s'en  écarte  auffi  ,  il 
l'imite  &  fuit  toujours  les  lignes 
qu'il  trace  fur  la  rétine. 

Puifqu'on  juge  toujours  du  mou- 
vement des  corps  par  celui  de  leur 
image  ,  pour  qu'un  corps  paroiffefe 
mouvoir  ?  il  n'efl  pas  néceflaire  qu'il 
fe  meuve  réellement,  ilfuffitquefon 
image  feule  foit  mue  pendant  qu'il 
eft  en  repos  ;  d'où  il  fuit  que  le  mou- 
vement apparent  d'un  objet  tranquil- 
le dépend  du  feul  mouvement  de  fon 


DU  VERTIGE.       i?5 

image.  Or  l'œil  n'a  qu'à  le  mouvoir» 
de  façon  qu'il  foit  détourné  de  fa  po" 
firion  naturelle,  il  efl  évident  que  la 
peinture  de  l'objet  en  repos  fera  dé- 
rangée par  ce  feul  mouvement.  Un 
corps  tranquille  doit  donc  paroître 
fe  mouvoir  ,  toutes  les  fois  que  l'œil 
eft  dérangé.  Ainfi  fi  l'œil  fe  meut  de 
droite  à  gauche  ,  les  rayons  qui  fe 
plioient  du  côré  gauche  revenant 
plus  à  droite  doivent  peindre  l'objet 
de  ce  dernier  côté. 

Ce  dérangement  de  l'œil  donne 
non -feulement  la  raifon  du  mouve- 
ment apparent  des  corps  tranquilles, 
mais  de  leur  multiplication.  Quand 
on  prefle  un  des  yeux  avec  le  doigt , 
pour  peu  qu'il  s'écarte  de  fa  pofmon 
dans  l'Orbite,on  voit  deux  objets  au 
lieu  d'un  -,  l'un  des  deux  fuit  l'état  de 
l'œil  qu'on  prefle  ?  &  paroît  plus  ou 
moins  élevé  ,  félon  que  cet  œil  l'eft 
lui-même  plus  ou  moins.  Mais  lors- 
qu'on celte  de  le  comprimer  ,  les 
fauffes apparences  fe  diflipen$  à  nie* 

P  ïiij 


i75  T  RAITÉ 
f  ure  qu'on  lui  rend  fa  première  fitua» 
tion  ;  on  voit  l'objet  chimérique  fc 
perdre  ou  fc  confondre  dans  le  vé- 
ritable ,  que  l'autre  œil  qui  eft  tran- 
quille distingue  toujours  fort  bien. 
C'eft  un  petit  jeu  d'Optique ,  auquel 
tout  le  monde  peut  prendre  plaifir  , 
ou  en  laiffant  ouvert  l'œil  qui  n'eft 
point  dérangé  ,  tandis  qu'en  même 
tems  on  prefïe  l'autre  avec  le  doigt , 
comme  je  l'ai  dit, ou  en  fermant  l'œil 
qui  n'eft  point  dérangé  :  ce  qui  prou- 
ve que  quand  l'axe  de  la  vûërçgarde 
deux  points  différens,  on  voit  dou- 
ble ,  c'eft  à-dire,  on  voit  le  même 
objet  en  deux  endroits.  Au  contrai- 
re quand  cet  axe  eft  dans  fon  état 
naturel,  on  ne  voit  qu'un  objet, quoi- 
qu'on ait  deux  yeux,  foit  que  ces 
deux  images  aillent  fe  peindre  dans 
l'endroit  où  les  nerfs  optiques  s'unif- 
fent  avant  que  de  paffer  par  les  trous 
ronds  ,  foit  qu'on  rapporte  à  la  mê- 
me place  les  deux  images  peintes  fur 
la  rétine. 


DU  VERTIGE.       177 

J'ai  fait  voir  ci-devant  qu'un  corps 
en  repos  doit  paroître  le  mouvoir, 
pour  peu  que  l'œil  foit  écarté  de  fa 
pofition  ,  parce  que  ce  dérangement 
entraîne  néceffai  renient  celui  de  la 
rétine,  &  que  conféquemment  l'i- 
magechange  de  place  fur  cette  tuni- 
que médullaire.  Je  fuis  donc  en  droit 
de  conclure  que  toutes  les  fois  que 
la  rétine  fera  dérangée  parquelque 
caufe  que  ce  foit ,  on  fera  pris  d'un 
Vertige?puifque  tout  le  monde  s'ac- 
corde à  dire  qtse  ce  genre  de  mal 
confifte  proprement  en  ce  que  les 
corps  qui  font  naturellement  tran- 
quilles paroiffent  mus  ou  agités.  Ne 
perdons  pas  de  vue  ce  principe ,  il 
n'en  eft  point  de  plus  lumineux  ni 
de  plus  fertile  en  conféquence. 

Tous  les  Anatomiftes  convien- 
nent que  la  rétine  n'efi  autre  cho- 
fe  que  i'exparifion  de  la  moelle  du 
nerf  optique.  Ainfi  toutes  les  fois 
que  ce  nerf  fera  dérangé,  la  rétine 
le  fera  auffi  néceffairement,  Se  par 


178  /       TRAITÉ 

conféqucnt  on  aura  le  Vertige. 

Pour  comprendre  plus  clairement 
cette  vérité  ,  confidérons  avec  Bel- 
lini  (a)  les  fibres  optiques  comme 
pîufieurs  lignes  à  égale  diftance  les 
unes  desautres  qui  le  terminent  tou- 
jours à  la  convexitéde  la  rétine.  Cela 
pofé  ,  lorfqu'un  rayon  vifuel  vient 
japper  une  de  ces  lignes  ,  il  forme 
avec  elle  un  certain  angle  quele  dé- 
rangement de  cette  ligne  détruit  ou 
change  fur  le  champ.  Je  fuppofe 
qu'un  autre  rayon  vifuel  forme  avec 
cette  même  ligne  ,  avant  qu'elle  fe 
foitécarféedes  autres  lignes  ,unan* 
g'e  égala  celui  que  fon  dérangement 
a  produit, il  eu  évident  que  ce  fé- 
cond rayon  ne  tombe  pas  furie  pre- 
mier ,  &  par  conséquent  part  d'un  au- 
tre point  de  l'objet.  Il  eft  indifférent, 
félon  ce  que  nous  avons  dit  ci-de- 
vant, que  l'objet  foit  mû, tandis  que 
le  nerf  optique  eft  en  repos,  ou  que 
ce  nerffoit  en  mouvement,  pendant 

[*  ].Belli«i?pag,  J7<?.  5?7« 


DU  VERTIGE.       179 

que  l'objet  eft  tranquille.  Donc  com- 
me le  fécond  rayon  qui  frappe  la  li- 
gn e  ou  la  fibre  qui  eft  fuppoféeà  égale 
diftancedes autres  fibres, repréfente 
néceiTairement  l'objet  mû  à  caufe 
du  fcul  changement  d'angle ,  le  pre- 
mier rayon  doit  auffr  faire  voir  l'ob- 
jet en  mouvement ,  parce  que  la  fi- 
bre dérangée,  ou  qui  n'eft  plus  éga- 
lement éloignée  des  autres  fibres  , 
change  néceiTairement  l'angle  que 
ce  même  premier  rayon  avoit  d'a- 
bord formé  avec  elle. 

On  doit  inférer  de  ce  raifonne- 
ment  que  les  fibres  optiques  venant 
à  fe  déranger  ,  les  angles  que  les 
rayons  de  lumière  avoient  formés 
avec  elles  fe  changent  néceffaire- 
ment ,  &  comme  l'image  de  l'objet 
eft  aufïî  dérangée  par-là  ,  il  fuit  que 
le  Vertige,  ou  ce  qui  revient  au  mê- 
me ,  le  mouvement  apparent  d'un 
corps  tranquille  dépend  du  plus  pe- 
tit dérangement  des  fibres  de  la  ré- 
tine ou  du  nerf  optique. 


*8o        TRAITE 

Mais  d'où  viennent  ces  divers 
changements  d'angles^De  la  diverfité 
des  vibrations  de  ces  mêmes  fibres , 
qui  vient  delà  diftribution  inégale 
du  fuc  nerveux ,  laquelle  inégalité 
du  cours  desefprits  peut  venir  d'une 
infinité  de  caufes  différentes. 

Pour  avoir  une  idéeclaire  de  ces 
vibrations  i  il  faut  faire  attention  à 
une  chofe  que  tout  le  monde  fçait , 
qui  eft  que  fi  on  éloigne  de  l'œil  un 
corps  qu'on  vient  de  voir,  de  forte1 
qu'il  ne  puifle  plus  fe  peindre  fur  la 
rétine  ,  on  lé  voit ,  les  yeux  ouverts 
ou  fermés ,  comme  s'il  ésoit  encore 
préfcnt.La  raifon  décela,  c'eftque 
les  rayons  de  lumierevenânt  à  tom- 
ber fur  la  rétine  ,  y  excitent  des  on- 
dulations qui  fe  propagent  le  long 
des  nerfs  optiques  jui'ques  dans  le 
Senforium  commune.  On  doit  donc 
Continuer  de  voir  un  objet  abfent 
)ufqu'àce  queîa  rétine  ne  t rémoufle 
plus ,  ou  que  les  vibrations  de  fes  fi* 
bresneceflent  \  mais  lorfque l'objet 


DU  VERTIGE.       181 

ayant  di  {'paru  depuis  un  certain  tems, 
cette  tunique  jouit  d'un  repos  abiolu 
Sz  parfait,  il  faut  en  quelque  forte  rç- 
veiiler  ion  image  pour  le  voir;  c'eft 
ce  que  fait  l'imagination  en  faifan.t 
couler  unecertaine  quantité  d'efprits 
dans  les  fibres  optiques,  &  en  créant 
fucceffivement  par  ce  moyen  les 
mêmes  ondes  que  l'objet  avoitfak 
naître  par  fa  préfence  ;  ainfi  pour 
qu'un  corps.-  tranquille  paroiffe  fe 
mouvoir  ,  il  n'y  a  qu'à  fe  repréfen- 
ter  les  mêmes  mouvemens  ou  à 
peu  près  femblables  à  ceux  qu'on  a 
vu  \  Se  il  n'importe  que  ce  corps  foit 
prêtent  ou  abient,que  les  yeux  foienc 
fermés  ou  ouverts  ?  c'eftpar  les  effets 
de  l'imagination  que  ce  corps  doiç 
paroître  agité  d'une  façon  aufli  évi- 
dente que  s'il  J'écoit  réellement  ou 
À  parte  /?',  comme  parlent  les  Phi- 
lofophesde  l'Ecole,  Voilà  les  diffé- 
rentes caufes  immédiates  du  Vertige, 
i  °,  Il  efl  aifé  de  concevoir  à  pré- 
fent  pourquoi  les  corps  qui  font  na* 


i8z         TRAITE 

turellemcnt  en  repos  paroiffent  fe 
mouvoir  en  rond  dans  le  Vertige: 
ç'eft  que  leur  image  eft  mue  circu- 
lairement  fur  la  rétine.  Si  elle  monte 
de  bas  en  haut,  l'objet  paroîtra  tom- 
ber de  haut  en  bas  ,  fi  au  contraire 
elle  defeend ,  il  paroîtra  s'élever,&c, 
comme  je  l'ai  expliqué  ci  devant. 

2°.  L'imagination  ne  fe  borne  pas 
àreprçfenterdescorps  qui  font  tran- 
quilles5agités  en  mille  fens  differens, 
elle  peut  auffi  nous  repréfenter  nous- 
mêmes  à  nous-mêmes  montans  au 
Cieljtournans  comme  un  tourbillon 
dans  TAtmofphereau  moindre  vent, 
précipités  dans  de  profonds  abîmes 
comme  il  arrive  dans  les  rêves.  La 
caufe  immédiate  des  fonges  terribles 
aufquels  on  eft  fu  jet  dans  le  Vertige , 
efl:  donc  l'imagination  ;  &  l'on  peut 
dire  en  général  que  ce  mal  n'efl 
qu'une  imagination  fauffe, reconnue 
pour  telle  par  Wfk)  jugement.  En 

[  a  3  Sennçrr.  Inft,  Med .  Lïb,  ^  Part,  h  Se#»  x.  Cap, 


DU  VERTIGE.     185 

effet  la  réflexion  ne  tarde  pas  à  diiTi- 
per  ,  je  ne  dis  pas  ces  illufions  ,  mais 
les  vaines  frayeurs  qu'elles  ont  pu 
produire.  Ce  qui  diftingue  le  Verti- 
ge'du  délire  &  des  autres  maladies 
du  cerveau ,  dans  lefquelles  la  rai- 
fon  même  efl  livrée  aux  erreurs  de 
rimagination,parce  qu'alors  les  mê- 
mes idées  que  la  préfence  de  tel  ob- 
jet ayoit  fait  naître  fe  réveillent  avec 
force  &  vivacité  ,  par  le  moyen  des 
efprits  qui  le  frayent  les  mêmes  tra- 
ces, &  produifent  par-là,  la  même 
difpofition  méchaniquedans  le  cer- 
veau ,  de  forte  que  l'ame  voit  clai* 
rement  l'image  de  çemêrne  objet , 
&  quoiqu'il  foit  abfenr,  on  efl:  (î  for* 
tement  convaincu  qu'il  eft  préfenc  9 
que  rien  n?en  peutdiffuader.  D'où  il 
iuit  que  Duret  (a)  établit  avec raifon 
le  fiége  du  Vertige  dans  la  partie 
fantaftique  du  cerveau ,  ç'eft-à-dîre  9 
celle  qui  imagine  ce  qu'on  ne  voie 
point,  ou  qui  repréfente  à  l'efprit  ¥fe 


i«4        TRAITÉ 

mage  des  corps  abfcns.  En  effet, il  eft 
certain  qu'elle  eft  toujours  affrétée, 
du  moins  en  dernier  lieu,  &  qu'il 
n'y  auroit  point  de  Vertige  ,  fi  elle 
ne  I'etoit  pas. 

3°.  Pourquoi  voit-on  deux  objets 
au  lieu  d'un  ?  Parce  que  l'axe  de  la 
vifion  fe  tournant  vers  deux  points 
différens ,  le  même  objet  fe  peint  en 
deux  endroits  différens  de  la  rétine. 
Ce  qui  arrive  toutes  les  fois  qu'il  n'y 
a  qu'un  œil  intérieurement  compri- 
mé, car  alors  on  doit  être  fujetàla 
même  illufion  que  fi  on  le  déran- 
geoit  avec  Je  doigt  ;  or  comme  les 
humeurs  des  deux  yeux  ne  font  pas 
toujours  également  raréfiées, les  vaii- 
feaux  d'un  çeil  fe  gonflent  quelque- 
fois plus  que  ceux  de  l'autre  ,  &  par 
coniéquent  la  rétine  étant  inégale- 
ment agitée  ,  l'axe  de  la  vue  peut  fe 
déranger  ;  mais  fi  la  fituation  des 
deux  yeux  eft  dérangée,  on  doit  par 
îa  mêmeraifon  voir  deux  objets  mus 
au  lieu  d'un  qui  jpft  en  repos.  Voilà 

la 


DU    VERTIGE.      i8y 

la  caufe  de  la  multiplication  des  ob- 
jets dans  le  Vertige ,  elle  eft  tou- 
jours proportionelle  aux  foyers  dans 
lefquels  les  rayons  vifuels  vonc  fe 
réunir. 

On  peut  rendre  raifon  de  la  va- 
riété admirable  des  couleurs  qui  pa- 
roiflent  dans  le  vertige,  &donr"Bel- 
lini  ne  fait  aucune  mention. En  effet, 
quoique  la  vue  dépende  de  Pimpref- 
fion  des  rayons  de  lumière  fur  la  ré- 
tine, onfçait  qu'elle  peut  fe  faire, 
&  fe  faitfariseuXjtouteslesfoisque 
les  fibres  de  cette  tunique  reçoivent 
par  quelque  caufe  que  ce  foit  des 
ondulations  femblables  à  celles  que 
ces  mêmes  rayons  produiroient. 
C'eft  ,  à  mon  avis  ,  le  plus  ou  le 
moins  de  promptitude  (a)  dans  ces 
vibrations ,  ou  dans  les  fecôuffes  des 
efprits,  qui  fait  voir  les  différentes 
couleurs,  le  blanc,  le  jaune,  le  rou- 

(œ)  Mem.de   l'Acap»      /      branche. 
R.  des  Sciences  iiçy.  Newton.  Opt,  Tcra. 

Reflex    fur  la  Lu  m.  &  2*   Livïe  3 


les  Coul,  parlée,  MaU 


Q 


186  TRAITÉ 

ge  ,  le  bleu  ,  &  plufieurs  autres  nuan- 
ces qui  refultent  du  mélange  des 
couleurs  primitives ,  &  font  quelque- 
fois fi  bien  variées  ,  qu'elles  repré- 
fententl'Arc-en-Ciel ,  comme  Are- 
tée  (*)l'a  remarqué  dans  l'Epilep- 
fie  ,  qui  ne  diffère  du  Vertige  que  du 
plus  au  moins.  On  peut  par-là  ren- 
dre raifon  des  lueurs  plus  ou  moins 
vives,  quiparoiffentàforcedetouf- 
fer  ou  de  vomir,  lorfqu'on  reçoit  un 
coup  fur  l'œil ,  ou  qu'on  le  preffe 
avec  le  doigt  dans  l'obscurité,  dans 
l'affeâion  Hyflerique  &  Hy  ppoeon- 
driaque,  à  ceux  qui  tombent  en  foi- 
blefle  ,  aux  pendus  avant  que  de 
mourir,  félon  le  fait  atteflé  par  le 
Chancelier  Bacon (b)  dans  Ion  Hifi 
toire  dé  U  vie  &  de  la  mort ,  &  enfin 
aux  peftiferés  qui  un  moment  avant 
que  d'être  pris  du  Vertige  ,  voyent 
quelquefois  d'auffi  belles  couleurs 
dans  tous  les  objets  qu'à  travers  un 

(  a  )  Arcfaeus.Cappad.      /      Iam.  Hift-  Vît.  &  Mort. 
J3g.  ï.  zs  I      Araft,  173*  Vol.  J.pag. 

i*)F.  Basode  Vw*«     '      171 


DU  VERTIGE  187 
Prifme,  comme  l'illuftre  Boyle  (a) 
nous  l'apprend.  Ce  qui  prouve  qu'il 
n'eft  pas  neceffaire  d'avoir  le  Ver- 
tige pour  donner  lieu  à  ces  appari- 
tions ,  qui  font  toujours  d'autant  plus 
confiderables ,  qu'on  eft  plus  dange- 
reusement affe£ié. 

Les  illufions  de  l'oiiie  ne  font  pas 
fi  difficiles  à  expliquer  que  celles  de 
la  vue.  Les  petics  rameaux  que  les 
carotides  fourniflent  au  dedans  de 
l'oreille  étant  gonflées  par  la  plé- 
thore ou  par  lararefa&ion  du  fang9 
agiflent  fur  cet  organe  ,  comme 
nous  dirons  dans  la  fuite  que  ceux 
de  l'Uvée  &  de  la  Choroïde  agiflent: 
fur  la  rétine  pendant  l'yvreffe.  Atnfi 
la  portion  molle  du  nerf  auditif  qui 
fe  répand  dans  le  labyrinthe  eft  pref- 
fée  ,  les  petics  mufcles  d'Euftachi  , 
de  Caflerius  &  de  Duverney  fe  con~ 
îra&ent  inégalement ,  les  pecits  offe- 
lets,  leurs  membranes,  les  canaux 
demi-circulaires  où  fe  forme  le  fon, 

(a)  B»,  Boyle  j  Tom9  h  4c  Co'ssîfrus .  plg.  £„7?$<, 


188        TRAITÉ 

enfin  tout  l'organe  de  l'oiiic  s'ébranle 
ou  fe  dérange  par  la  pulfation  trop 
vive  des  artères.  Or  on  entend  des 
fons  plus  ou  moins  graves  ou  aigus , 
félon  que  l'ébranlement  de  la  lame 
fpirale  ,  &  des  canaux  demi-circu- 
laires eft  plus  ou  moins  lâche ,  ferré , 
ou  tendu,  ou  félon  ladiverfité  des 
vibrations  que  cet  organe  immédiat 
reçoit  de  l'aâion  desfolides,  fans  le 
fecours  de  l'air  externe  s  &  il  n'im- 
porte que  cet  ébranlement  fe  faffe 
du  côté  du  cerveau  ou  de  l'oreille, 
il  en  refulte  toujours  la  même  fenfa- 
tiori,  comme  on  l'obferve  dans  la 
commotion  du  cerveau ,  le  délire  , 
la  phrénefie ,  &c.  on  peut  par-là  ren- 
dre raifon  des  tintemens,  desbour- 
donnemens,  des  fifflemens ,  des 
murmures ,  &  des  autres  faux  bruits 
qu'on  entend  dans  le  Vertige.  Si  ce 
fon  interne  eft  femblable  au  bruit 
de  la  pluye  ou  de  la  grêle ,  on  croira 
entendre  tomber  l'un  ou  l'autre  de 
ces  météores  9  s'il  imite  la  déclama- 


DU  VERTIGE.       i%9 

tiond'unÀâeur  tragique,  on  s'ima- 
ginera entendre  une  tragédie  qu'on 
applaudira  peut-être  comme  celui 
dont  parle  Horace,  (a) 

»  Qui  fe  credebat  miros  audire 
»  tragœdos 

»  in  vacuo  laetus  fefïbr  plaufor- 
»  que  theatro. 

S'il  produit  la  douce  harmonie 
qui  naît  de  l'accord  de  divers  inftru- 
mens ,  on  fera  enchanté  du  plaifir 
d'être  au  concert ,  s'il  imite  l'ofcil- 
lation  d'une  pendule,  on  s'imagi- 
nera qu'on  en  a  une  attachée  à  !a  tê- 
te ,  comme  cette  Dame  de  Picardie 
donc  Monfieur  Duvérney  fait  men- 
tion dans  fon  Traité  (b)  de  l'Organe 
dei'oûie.  Pour  confirmer  cette  théo- 
rie ,  n'oublions  pas  un  fait  que  ce 
célèbre  Atanomifêe  ajoute  au  même 
endroit,  qui  eft  que  le  battement 
d'oreille  de  cette  Dame  s'accordoit 
toujours  avec  celui  du  cœur  ,  ce 

(a)  Epîft.    z.  a4  Jul.     I  (*)  p,  \6&.  161, 

JFlot.  V.  130,  I  9 


i9o  TRAITÉ 

qui  détruit  le  fylTerne  de  ceux  qui 
atribuent  ces  faux  bruits  à  des  vents , 
des  fumées  ou  à  d'autres  vapeurs  qui 
agitent  l'air  implanté  dans  l'oreille. 
Pour  ce  qui  regarde  les  maladies 
dans  lefquelles  le  Vertige  dégénère , 
je  n'ai  garde  de  me  laiffer  entraîner 
au  penchant  que  j'auroisde  les  ex- 
pliquer; la  digreffion  qu'il  me  fau- 
droit  faire  pour  fuivrecesmétamor- 
phofes ,  m'écarterok  trop  de  mon 
lu  jet 

CHAPITRE     III 

Divijton  du  Vertige. 

IL  faut  diflinguer  à  prefent  les 
différentes  efpeces  du  Vertige , 
pour  éviter  la  confufion.  i°.  Il  eft 
Jimple  ou  ténébreux  :  dans  le  pre- 
mier ,  les  objets  qui  font  tranquilles 
paroiffent  feulement  fe  mouvoir  en 
aifferens  fens ,  mais  dans  le  fécond 


DU    VERTIGE.     191 

les  efprits  ne  pouvant  plus  fe  diftri- 
bucr  dans  Pœil ,  la  vifion  ne  fe  faic 
point.  20.  II  eft  naturel ,  c'eit-à-dire 
produit ,  par  une  caufe  externe  na- 
turelle fans  aucun  dérangement  de 
l'œconomie  animale  ;  on  non  natu- 
rel ,  je  yeux  dire  provenant  decaufes 
tant  externes  qu'internes  non  natu- 
relles ou  morbifiques.  50.  Celui-ci 
fe  divife  en  fympathrque  qui  vient 
de  quelque  dérangement  des  vifee- 
res,  &  en  idiopathique  qui  vienc 
immédiatement  d'un  vice  du  cer- 
veau. 4e7.  Enfin  le  Vertige  doit  être 
encore  divife,  en  fymptomatique  , 
qui  n'eft  que  le  fymptôme  d'une 
maladie  principale  9  Se  en  critique 
qui  en  annonce  la  fin  bonne  ou 
mauvaife. 

Je  n'entreprens  point  de  traiter 
du  Vertige  critique.  Un  Volume 
fuffirok  à  peine  ,  pour  approfondir 
cette  matière  ,  pour  décrire  Se  ex- 
pliquer les  differens  cas  dans  lefquels 
il  fè  rencontre  y  Se  toutes  les  crifes 


ip*  TRAITÉ 

qu'il  annonce  ;  tantôt  il  faut  s'atten- 
dre à  une  criie  dangereufe,  au  dé- 
lire ,  à  l'Apoplexie ,  &c.  tantôt  à  une 
crife  faiutaire,  foit  par  l'hémorrha- 
gie  ou  le  vomiffement  :  Si  l'on  voit  , 
par  exemple  ,  dans  plufieurs  mala- 
diesaigiks,  le  Vertige paroîtreavec 
un  tintement  d'oreilles  9  une  pefen- 
teur  de  tête  infuportable  ,  princi* 
paiement  au  haut  du  nez  ,  tous  les 
affiliants  effraies  défefperent  de  la 
vie  du  malade  ;  mais  vous  ,  Méde- 
cin ,  homme  de  jugement  raffurez- 
les,  8t  ne  cragnezrien,  lefangqui 
va  couler  des  narines  lui  fauvera  la 
vie.  Rien  n'étonna  plus  les  Méde- 
cins de  Rome  que  de  voir  un  mala- 
de faigner  copieufement  du  nez , 
comme  Galien  l'avoit  prédit,  feu- 
lement parce  que  ce  malade  s'étoic 
levé  de  peur  d'être  mordu  d'un  fef- 
pent  de  feu  ,  qu'il  croyoit  voir  dans 
ion  lit.  En  effet  rien  ne  fait  plus 
d'honneur  ,  principaîemet  à  un  jeu- 
ne Médecin,  que  ces  fortes  de  pé- 

diâions. 


DU    VERTIGE.     199 

dirions.  Allez  à  la  fource  ,  lifez 
Hyppocrate,  Arecée,Galien,  Duret, 
Proipcr  Alpin ,  &c.  noms  à  jamais 
recommandables  dans  le  grand  Arc 
de  la  Médecine  ,  vous  verrez  avec 
quelle    exaâitude    fcrupuleufe  ils 
nous  font  distinguer  les  différentes 
çrifes  que  la  nature  prépare  fous  la 
forme  du  Vertige.  Je  fuis  furpris  que 
Rivière  &  plufieurs  autres  célèbres 
Praticiens  modernes  qui  ont  dû  cent 
fois   remarquer  dans  la  pratique, 
combien  il  eft  dangereux  de  me- 
connoîtrele  Vertige  critique,  ayent 
omis  des  diftinétions  auffi  effen- 
tielles,    La   moindre  faute  en  ce 
genre  coûte  tous  les  jours  la  vie 
à  des  millions   d'hommes  que  la 
nature  feule  gueriroit   peut-être. 
Ç'eft  donc   à   nous  de   la  fuivre 
comme  à  la  pifte  ,  &  de  prendre 
garde  de  la  troubler ,  quand  elle  mé- 
dite quelque  évacuation  critique. 
C'eft  ce  que  les  anciens  Auteurs 
que  je  viens  de  citer  nous  rècox* 

R 


i94  TRAITÉ 

mandent  expreflement  en  cent  en- 
droits ,  pour  nous  apprendre  à  ne 
point  nous  tromper  dans  notre  pro- 
gnoflic. 

CHAPITRE     IV. 

Çau/ès  externes  naturelles  du 
Vertige, 

*AY  dit  ci-devatit  que  ce  déran* 
gement  de  la  rétine  qui  forme 
effentiellement  le  Vertige ,  ne  fup* 
pofe  pas  toujours  quelque  change* 
ment  dans  ftçconpmie  animale;  en 
effet  la  moindre  çaiife  extçrne  na* 
turellefuffit  pour  lç  produirç.  Un 
charbon  de  feu ,  une  rouç  ,  un  fo^ 
leil  artificiel  tourné  rapidement  ça 
rond ,  un  toupin  qu'on  foiiette  à 
coups  redoublés  ,  un  torrent  impé- 
tueux ,  un  tourbillon  d'eau ,  de  grêle 
ou  de  neige  que  le  vent  fait  voltiger 
par  petiçs  pelotons  dans  Tair,  Iq 


j 


DU     VERTIGE.    i9ç 

mouvement  d'un  vaiffeau  fur  une 
mer  agitée,  le  devant  d'un  carotte 
dans  un  chemin  raboteux  ,  le  bruit 
des  trompettes ,  du  canon  ,  du  ton- 
nerre (a) ,  un  violent  tremblement 
de  terre  (£),  la  viie  d'un  précipice, 
d'une  baie  de  paume  que  les  joueurs 
fe  ren  voy  ent  long- tems  a  veç  adreffe, 
d'un  grand  nombre  de  fufées  qui  fe 
croifent  fous  la  forme  d'une  infinité 
d'arcs  ou  de  cercle  ,  dans  l'Atmof- 
pherc.en  un  mot  tout  corps  qui 
tourne  en  rond  peut  faire  naître  le 
Vertige, 

Pourquoi  apperçoit-on  un  cercle 
de  feu  à  force  de  regarder  fixement 
un  tifon  qu'on  tourne  rapidement 
en  rond  ?  Les  impreffions  faites  fur 
la  rétine  durent  quelque  tems ,  celle 
que  ce  tifon  fait  d'un  côté  ,  dure 
jufqu'à  ce  qu'il  y  foit  revenu.  Ainfî 
tous  les  points  de  la  circonférence 
qu'il  décrit  vont  fe  peindre  les  uns 

(a)  Foreftus,  VoI«  l.    I         (b)   Baglivi  de  motu 
I/iy.  i  Q  pag.  +S9*  '     terrse  Romano  ,  pag.  $  \ o, 

Rij 


ï96  TRAITÉ 

après  les  autres  fur  la  récine  ,  où  ils 
tracent  une  ligne  circulaire  rouge  , 
qui  donne  avec  l'idée  d'un  cercle 
de  feu  ,  celle  de  rotation  8c  le  Ver- 
tige ;  tant  il  y  a ,  pour  ainfi  dire , 
de  firapathie  entre  les  idées  ,  &  les 
mouvemens  corporels ,  que  l'un  eft 
réciproquement  une  fuite  neceffaire 
de  l'autre.  Mais  on  n'a  qu'à  fermer 
les  yeux  ,  &  les  ouvrir  eniuite  pour 
être  auffi-tôt  délivré  de  ce  Vertige, 
Ce  qui  prouve  qu'il  ne  vient  d'aucun 
vice  des  vaifleaux  Se  des  liqueurs  de 
l'œil  s  mais  de  la  feule  aftion  du  tifon 
Cur  la  rétine. 

Voyons  pourquoi  il  prend  un  Ver- 
ti.ge  lorfqu'on  regarde  en  bas  dun 
!î eu  fort  élevé,  Envoicilaraifon.  La 
pçur  qu'on  a  de  tomber  fait  que  l'i- 
magination repréfente  les  objets  tels 
qu'Us  ont  paru  toutes  les  fois  qu'on 
$  tombé  ?  c'eft-à-dire  tournans  en 
rond  5  comme  je  l'expliquerai  dans 
un  moment.  Or  comme  en  même 
rçpisks  corps  tranquilles  fur  Jefquels- 


DU  VERTIGE.     197 
on  jette  les  yeux  fe  peignent  fur  la. 
tétine ,  donc  les  fibres  tremouffent 
fortement  toutes  enfemble  à  l'image 
ou  à  l'idée  de  la  rotation  des  objets 
que  la  peur  fait  naître  3  il  fuit  que 
c'eft  la  même  chofe  que  il  l'œil  écoit 
en  mouvement ,  ou  que  fi  les  corpâ 
extérieurs  tournoient  pendant  qu'il 
feroit  en  repos  *9  par  conséquent  on 
doit  alorsêtreprisd'un  Vertige  d'au- 
tant plus  violent  ?  qu'on  jette  les  yeux 
fur  une  plaine  immenfe  d'un  lieu 
plus  élevé.  Il  me  fouvientque  je  fus 
faifi  d'une  frayeur  fi  grande  fur  la 
Tour  d'Anvers  j  que  j'eus  bien  de  la 
peine  à  me  perfuader  que  je  ne  tour- 
nois pas  en  rond.  Il  faut  alors  bien 
de  la  force  d'efprit  pour  fe  foutenir, 
fur  tout  fi  l'on  regarda  fixement  l'en- 
droit oiY  l'on  s'appuie,  car  comme 
il  paroît  néceffairement  s'enfuir  ,  on 
tombe  malgré  foi  en  voulant  l'ar- 
rêter. 

Voulez  vous  une  preuve  plus  feiv 
fible  des  effets  de  la  crainte  ?  Jettez 

R  ii} 


198         TRAITÉ 

les  yeux  fur  ce  matelot  qui  monte 
au  haut  des  mâts  dans  le  fort  de  la 
tempête.  Comme  il  fe  renverfe  fur 
une  échelle   de   corde  vacillante  ! 
Combien  de  tems  il  s'y  tient  par  les 
pieds  pour  l'utilité  de  la  manœuvre , 
fans  être  puni  de  fa  témérité  !  pen- 
dant qu'un  honnête  paflager  eu  fu- 
jet  à  des  maux  de  cœur  &  à  des 
Vertiges  d'autant  plus  violens  qu'il 
imagine  plus  de  péril.  Tant  il  efl 
vrai  que  rien  n'excite  le  Vertige  plus 
fouvent  que  la  crainte!  C'eft  pour- 
quoi Mahomet  (a) ,  pour  cacher  l'E- 
pilepfiedont  ilétoit  attaqué,  l'attri- 
buoit  à  l'apparition  de  l'Ange  Ga- 
briel ,  à  la  vue  duquel ,  difoit-il ,  il 
étoit  faifi  d'une  fi  grande  frayeur, 
qu'il  lui  prenoit  un  Vertige  téné- 
breux qui  le  faifoit  tomber. 

On  peut  déduire  de  ces  effets  de 
la  crainte  plufieurs  vérités  affez  im- 
portantes. Il  n'eft  pas  indiffèrent 
principalement  aux  femmes  &  aux 

(a)Baylc  Di&ion.  ï  Tait.  4  e  Mahom. 


DU    VERTIGE.    199 

cnfans  qui  font  d  un  tempérament 
timide  ou  craintif,  démarcher  dans 
un  chemin  haut  &  étroit ,  ou  dans 
un  lieu  bas  &  large, dans  un  che- 
min droit  ou  dans  un  labyrinthe  (  a  ) 
dans  une  ailée  folitaire ,  ou  parmi 
une  grande  multitude  de  perfonnes. 
En  un  mot ,  une  trop  grande  variété 
d'objets  trouble  la  vue ,  comme  l'é- 
prouvent ceux  qui  courent  la  pofte 
à  cheval  ou  en  chaife ,  ou  ceux  qui 
font  dans  un  vaifleau  qui  fend  Tonde 
à  pleines  voiles  :  le  rivage  femble 
fuir  ,  parce  que  fon  image  qui  fe 
meut  fuccefïivement  au  fond  de  Tœil 
produit  la  même  fenfation  que  s'il 
étoit  en  mouvement. 

Qu'il  me  foit  permis  de  mettre  au 
nombre  des  caufes  naturelles  du  Ver- 
tige la  circumgiration  du  corps  ;  tout 
le  monde  fçait  qu'il  prend  un  Ver- 
tige à  force  de  tourner  ou  de  dan  fer 
en  rond.  Mais  quelle  en  eft  la  raifon  > 
La  voici.  Il  eft  évident  félon  ce  que 

[a]  Atttéc  ,  pag,  ti»,  îaa 

ÎLiiij 


ityë  TRAITÉ 

f  ai  dit  ci-devant ,  que  pendant  que 
notre  corps  décrit  un  cercle  autour 
de  lui-même  ,  tous  les  objets  ex- 
térieurs ,  quoiqu'abfolument  tran- 
quilles ,  doivent  paroître  tourner  en 
rond ,  &  même  paroître  continuer 
ce  mouvement  quelque  tems  après 
qu'on  a  fermé  les  yeux  ,  &  qu'on  ne 
tourne  plus  ;  c'eft-à-dire  jufqu'à  ce 
que  les  vibrations  de  la  rétine  ne 
viennent  à  cefîer  ,  &  que  cette  tu- 
nique ne  foit  abfolument  en  repos. 
Cette  impreffion  dure  à  proportion 
de  la  vîteffe  &  du  tems  qu'on  a 
tourné  en  rond  :  d'ailleurs  le  corps 
ayant  un  mouvement  progrefïif  tout 
au  tour  de  la  circonférence  du  cer- 
cle dont  le  milieu  du  pied  eft  le 
centre ,  le  tronc  doit  être  baloté 
d'une  cuifie  à  l'autre ,  de  celle  qui 
eft  en  mouvement  à  celle  qui  eft  en 
repos  Se  qui  doit  le  foutenir  ,  jufqu'à 
ce  que  l'autre  cuiffe  qui  eft  élevée 
pour  marcher  n'ait  trouvé  f on  point 
d'appuy  fur  la  terre.  D'où  jç  conclus 


DU  VERTIGE.  201 
que  les  mufcles  venant  à  fe  con- 
tra&er  violemment,  doivent jetter 
le  tronc  avec  tant  d'impetuofité  fur 
la  cuifle  qui  ne  marche  point ,  &  qui 
n'eft  que  très-foiblement  appuyée  , 
qu'elle  ne  fera  plus  capable  de  le 

Eorter.  Ainfi  l'équilibre  fe  rompt  $ 
1  centre  de  gravité  fe  détruit  &  par 
conféquent  on  doit  enfin  tomber. 
Nouvelle  caufe  du  Vertige  -,  car 
comme  en  tombant  la  tête  Se  les 
yeux  font  circulairement  agités ,  les 
objets  externes  doivent  paroîtrefui- 
vre  cette  même  détermination  ,  par- 
ce que  leur  image  trace  neceffai- 
rement  un  cercle  fur  la  rétine, 
comme  il  arrive  lorfqu'on  regarde 
un  miroir  {a)  qu'on  tourne  rapi- 
dement en  rond.  Voilai  peu  près  là 
manière  dontBellini  ra  if  on  ne  fur 
cette  chute ,  qui  eft  bien  différente 
de  celle  à  laquelle  on  eft  fi  fujet  en 
regardant  la  terre  d'un  lieu  très-éle- 
vé.On  peut  concevoiràpréfent  pour- 

[<*]  Etmulcrdç  Vcrtigine,  T.  i  p.  3<*. 


i02  TRAITÉ 
quoi  les  gens  y  vres  ont  tant  de  peine 
à  fe  foutenir,  pourquoi  un  cheval 
qui  tourne  une  meule  de  moulin  les 
yeux  ouverts  eft  bien-tôt  pris  d'un 
Vertige  ténébreux  qui  le  fait  tom- 
ber ,  &c. 

CHAPITRE     V. 

Des  cau/es  externes  non  naturel* 
les  ou  morbifiques  du  Vertige* 

APRE'S  avoir  expliqué  les  prin- 
cipales eaufes  naturelles  du 
Vertige ,  je  dois  faire  mention  des 
eaufes  non  naturelles  ou  morbifiques 
de  ce  mal  i  c'eft4-dfre  celles  qui 
occafionrient  quelque  changement 
fenfible  dans  l'œconomie  animale. 
Eîfeâ  font  externes  ou  internes.  Je 
vais  commencer  par  déveloper  les 
premières.  Il  eft  certain  qu'une  (im- 
pie commotion  du  cerveau  caufe  un 
Vertige  ténébreux ,  &  que  fi  elle  eft 


DU    VERTIGE,  aoj 

plus  violente,  la  Léthargie ,  l'Apo- 
plexie &  même  la  mort  fubite  peu- 
vent s'enfuivre ,  comme  on  l'a  vu. 
Mais  quelle  en  eft  la  raifon?  La  voi- 
ci. Pour  qu'on  la  comprenne  plus  fa- 
cilement, il  eft  important  de  prou- 
ver d'abord  que  le  cerveau  remplie 
exaâement  le  crâne. 

L'Anatomie  nous  apprend  que  les 
artères  du  cerveau  n'ont  point  de 
tunique  mufculeufe,  &  qu'elles  fonc 
toujours  comme  dans  un  bain  de  va- 
peurs qui  doit  beaucoup  relâcher  le 
tifïu  de  leurs  fibres. Cependant  il  eft 
indubitable  qu'elles  s'ouvrent  bien 
plus  rarement  que  celles  du  nez  9 
quoique  celles-ci  foient  munies  de 
membranes  élaftiques  que  l'aâiont 
de  l'air  externe  auquel  elles  fonc 
fans  ceffe  expofées  t  rend  encore  plus 
fortes  &  plus  folides  s  quelle  eft  la 
raifon  de  ce  phénomène  aufli  fur- 
prenant  que  commun  ?  C'eft  que  les 
artères  du  cerveau  réfiftent  par  tout 
également  au  cours  des  fluides ,  $c 


ao4        TRAITÉ 

n'ont  point  par  conféquenr  d'en- 
droit foible  par  lequel  le  fang  puiffe 
s'échaper  hors  de  leur  cavité,  au  lieu 
que  celles  du  nez  étant  inégalement 
appuyées,  comme  l'Anatomie  nous, 
l'apprend  ,  il  n'eft  pas  furprenanc 
qu'elles  cèdent  au  moindre  effort  de 
la  pléthore ,  Se  qu'ainfi  les  hemor*. 
rhagies  des  narines  foyent  infini- 
ment plus  fréquentes  que  les  Apo- 
plexies de  fang  extravafé.  Les  ar-, 
teres  du  cerveau  font  donc  foute- 
nuës  par  fa  fubflance  molle  ,  avec 
autant  d'égalité  Se  de  force  que  fi 
elles  étoient  couchées  fur  le  crâne 
même.  Cela  ppfé  le  fang  a  beau 
monter  abondamment  &  avec  vio- 
lence à  la  tête ,  les  veines  font  for- 
cées de  le  reprendre  proportionel- 
lementà  fa  quantité  (à  moins  que le 
cerveau  ne  foit  violemment  ébranlé , 
comme  je  le  dirai  dans  la  fuite  ,  ôur 
que  le  diamètre  des  veines  ne  foit 
naturellement  trop  petit  ou  rétréci 
par  quelques  excroiffances,  comme, 


DÛ    VERTIGE,     aa5 

on  l'a  obfcrvé  dans  certaines  mi- 
graines incurables  )  je  défie  ceux 
qui  admettent  du  vuide  dans  le  cer- 
veau d'expliquer  ce  phénomène,  f 

Le  crâne  étant  donc  exa£tement 
rempli ,  je  dis  qu'il  ne  peut  être 
frapé,  fans  communiquer  au  cer- 
veau une  portion  du  mouvement 
qu'il  a  reçu  ,  laquelle  portion  fera 
toujours  proportionne  non  feule** 
ment  à  la  violence  du  coup  ,  mais 
à  la  refiftance  du  crâne.  Je  m'expli- 
que par  deux  comparaisons  familie* 
res.  Je  regarde  le  cerveau  dans  le 
çrane  comme  un  homme  qui  eft 
dans  un  bateau ,  &  qui  n'a  qu'un 
mouvement  commun  avec  lui.  Or 
fi  ce  bateau  vient  à  heurter  contre 
un  rocher ,  par  exemple  9  il  s'arrête 
tout  à  coup  9  à  caufe  de  la  grande 
refiftance  qu'il  oppofe  à  ce  rocher  9 
&  cette  même  refiftance  fait  qu'il 
communique  à  cet  homme  qui  eft 
fdedansunefî  grande  partie  du  mou- 
vement qu'il  a  reçu. ?  qu'il  J'ébranle  $ 


ic6         TRAITÉ 
lui  fait  perdre  lequilibre  &  le  fait 
tomber.  Monfieur  de  la  Faye  rap- 
porte une  autre  expérience  qui  rend 
la  chofe  encore  plus  facile  à  enten- 
dre. On  prend  par  un  bout  une  plan- 
che mince ,  on  en  heurte  fortement 
la  furface  plate  contre  quelque  corps 
dur  ,  fi  elle  ne  refifte  point  au  choc , 
c'efl>à-dire  fi  elle  caffe  ,  la  main  n'eft 
point  du  tout  ébranlée ,  parce  que 
le   mouvement  que  cette  planche 
avoit  reçu  s'eft  perdu  en  même  tems 
qu'elle  s'efl:  rompue;  mais  fi  elle  ne 
caffe  point ,  le  mouvement  fe  pro- 
page le  long  de  chaque  fibre  de  la 
planche  ,  quelquefois  avec  tant  de 
violence  qu'on  fent  à  la  main  un 
ébranlement  douloureux.  Il  fuffit  de 
faire  l'application  de  ces  deux  com- 
paraifons  poyr  concevoir  la  raifon 
pour  laquelle  les  fraâures  les  plus 
confiderables  font  fouvent  moins 
dangereufes  que  de  fimples  ébranle* 
mens  du  cerveau. 

Voyons  à  préfcnt  en  quoi  con- 


s 


DU    VERTIGE.     207 

fiflent  ces  ébranlemçns.  Le  cerveau, 
comme  tout  le  monde  fçait ,  eft  une 
malTe  très -molle  çompofée  d'une 
infinité  de  petits  vaifleaux  fanguins 
dont  les  tuniques  font  extrêmement 
minces ,  &  de  fibrilles  nerveufçs  me- 
dullaires,d'une  fi  grande  délicatefle, 
qu'un  million  de  cçs  fibrilles  n'éga- 
le peut-être  pas  l'épaifleur  de  la  cen- 
tième partie  du  cheveu  le  plus  fin  : 
or ,  quand  à  l'oçcafion  d'une  chute 
ou  d'un  coup  fur  la  tête ,  cette  fubf- 
tançe  vient  à  recevoir  une  certai- 
ne portipn  de  mouvement ,  elle  s'é- 
branle néceffairement ,  <§£  par  con- 
séquent les  nerfs  optiques  font  aufli 
ébranlez  en  même  cems,  C'çft  ainfi 
qu'une  fimple  commotion  fait  naître 
le  Vertige.  Mais  fi  la  commotipn  eft 
affez  violente  pour  produire  quelque 
affaiflement  dans  les  fibres  du  cer- 
veau ,  les  nerfs  optiques  feront  com- 
prime^ à  leur  origine  ,les  efpritsne 
pourront  plus  fe  diftribuçr  dans  l'oeil, 
#infi  la  vifion  nç  fera  ppinç  9  ou  9 


ao8  TRAITÉ 

ce  qui  revient  au  même ,  on  aura 
un  Vertige  ténébreux.  Je  dis  plus  ; 
fi  le  mouvement  fe  perpétue  avec 
force  jufqu'au  cervelet  ,  fes  fibres 
feront  facilement  ébranlées  ,  tirail- 
lées ,  diiîenduës  ;  elles  fe  relâche- 
ront exceffivement ,  &  faute  de  ref- 
fort  devenues  paralitiques ,  elles  s'af- 

•  faifferont  les  unes  fur  les  autres.  D'où 

:  il  fuit  ,  que  les  efprits  vitaux  étant 
interceptés  dès  leur  origine  ,1a  mort 
fubite  s'enfuivra  néceffairement. 
Il  eft  à  propos  de  remarquer  ici 

-  qu'il  n'eft  pas  neceffaire  que  la  tê- 
te ait  été  ,  je  ne  dis  pas  endom* 
triagée  ou  blefiee  de  quelque  ma- 
nière que  ee  foit ,  mais  aucunement 
frapée  ,  pour  produire  le  Verti- 
ge ,  êc  d'autres  accidens  bien  plus 
fâcheux.  Un  coup  ,  ou  une  chute 
fur  toute  aurre  partie  du  corps ,  fur 
les  feffes  9  par  exemple ,  peut ,  par  la 
violente  feçouffe  des  folides  &  dès 
liquides  9  tranlmettre  jufqu'au  ceb 

.  veau  affe£  de  mouvement  reper- 

çuffif 


DU     VERTIGE.  ao9 

Cufïïf  pour  y  caufer  des  ébranlement 
funeftes  ,  comme  nous  l'avons  re- 
marqué depuis  peu  dans  une  Dame 
de  Saint  Malo.  Enfin  (i  la  commo- 
tion eft  extraordinairement  vioierç- 
te, les  liqueurs  doivent  circuler  dans 
les  vaifleaux  du  cerveau  avec  tant 
de  rapidité  ,  qu'elles  peuvent  aifç- 
ment  forcer  des  barrières  :aufiï  min- 
ces que  le  font  leurs;  tuniques ,  ^ 
elles  fe  rompent  quelquefois  dans 
une  partie  oppofée  à  celle  qui  a  re- 
çu le  coup.  C'eft  ainfi  que  le  fang 
s'épanche  dans  le  cerveau  ,  foit  p^r 
une  efpece  de  contre-coup  ,  foit  par 
un  coup  (impie  fuf  la  tête  ou  fur 
.  toute  autre  partie ,  fans  q«e  le  crâne 
paroiffe  quelquefois  endommagé.; 
fource  de  calamités  .  aufquelles  gfi 
ne  peut  remédier  qu'engrenant  up 
parti  extrême  ?  comme  je  le  fer^i 
voir  à  iafin  de  ce  Ch&pitrq.     . 

Le  moindre  effet  que  le  plus  pf- 

tit.  épanchement  produire yeft  fans 

.doute  k  V«çige,  Nouî^.vons yu,g|- 


iio        TRAITÉ 

devant  que  le  cerveau  remplit  exac- 
tement le  crâne ,  il  ne  fçauroit  donc 
contenir  une   feule  goutte  de   li- 
queur de  plus ,  qu'il  ne  foit  nécéf- 
fairement  prefle  ou  comprimé  *,  & 
comme  fa  iubftance  eft  très-molle, 
il  ne  peut  l'être  dans  un  endroit  fans 
l'être  dans  plufieurs.  Or  ,  pour  peu 
que  les  nerfs  optiques  fouffrent  de 
cette  preflîon  ,  le  cours  des  efprits 
qui  fervent  à  la  vifion  étant  déran- 
gé ,  les  fibres  de  la  rétine  le  feront 
auffi  ,  &  par  conféquent  on  fera  fu- 
jet  au  Vertige.  La  même  chofe  ar- 
rivera fi  les  carotides  font  compri- 
mées :  car  leur  diamètre  étant  ne- 
çeflairement  rétréci  par  ce  moyen , 
|1  fuit  qu'elles  doivent  refifter  davan- 
tage au  cours  des  liquides  :  Mais 
comme  la  force  du  cœur  s'augmen- 
te à  proportion  de  la  refiftance  des 
artères  (  les  fièvres  le  prouvent  )  le 
fang  venant  enfuite  à  être  pouffé 
avec  plus  d'impetuofité  à  la  tête ,  di- 
late &  gonfle  ces  carotides.  Ceux 


DU    VERTIGE.     211 

qui  connoiflent  la  fituation  de  ces 
artères  auprès  des  nerfs  optiques,  la 
longueur  &  la  liberté  de  ces  nerfs  en 
cet  endroit ,  peuvent  juger  de  la  fa- 
cilité avec  laquelle  elles  agifTent  fur 
eux ,  les  dérangent ,  Se  conféquem- 
ment  font  naître  le  Vertige.   Si  la 
preflion  fe  fait  à  l'origine  des  nerfs  % 
l'Jiomme  du  monde  qui  a  le  plus 
d'efprit  devient  imbécile  j  &  jecroi 
que  pour  rendre  raifon  des  différen- 
tes altérations  de  l'efprit  qu'on  voit 
tous  les  jours  arriver  après  certaines 
chutes ,  il  n'eft  pas  même  neceffai- 
re  de  fuppofer  aucune  liqueur  épan- 
chée au  dedans  du  crâne ,  il  luffic 
de  concevoir  que  dans  le  moment 
d'une  violente  commotion  f  les  ef- 
prits  trop  agités  ayent  pu  fe  frayer 
de  nouvelles  routes ,  &  troubler ain^ 
fi  les  organes  de  l'intelligence  ou 
que  quelques  fibres  du  cerveau  ayent 
été  plus  ébranlées  que  les  autres  y  Se 
n'aient  pu  reprendre  leur  première 
fituation  &  leur  reflbrt  naturel  ;.  car 


il*     .    TR  AIT  É 

on  ne  doit  pas  douter  que  cette  pe- 
tite parai) lie  ,  donnant  lieu  à  quel- 
que dérangement  dans  la  diflnbur 
tion  deseiprits ,.  n'entraîne  neceffai-. 
tement  celui  de  l'tiprit  -,  tant  ij  y  a 
d'analogie  ,  &  pour  ainfi  dire,  de 
fympathie  entre  J'efprit  8c  ce  fluide, 
iubtil  qui  circule  dans  tous  les  pe- 
tits filament  nerveux  ,  qu'il  paroît 
par  toutes  fortes  d'obfervations  su-? 
res  que  l'un  dépend  pr.efque  effen- 
tiellement ,  non  feulement  de  la  cir- 
culation ,  mais  de  la  quantité  &  de 
la  qua'ité  de  l'autre  *,  quoiqu'il  faille 
avouer  que  les  propriétés  de  La  ma-? 
tiere  nous  font  trop  inconnues  poux 
qu'on  puiffe  jamais  appercevoir  au-r 
cun  rapport,  entre  les  traces  des  et 
prits  &.le&  idées  qui. en  refultent.  ■ 
Il  n'eft  pas'neceffaire  que  le  cer- 
veau foit  immédiatement  compri- 
mé pour  créer  le  Vertige,  la  feule 
preflion  médiate  de  la  fubfrance 
peut  occafionner  le  même  dérange- 
ment dans  le  nerf  optique* .  On  a  y*j 


DU    VERTIGE.    «3 

à  Paris  un    Pauvre  qui  demandoit 
l'aumône  dans  une  portion  de  ion 
crâne.  Pour  peu  qu'on  pofât  légère- 
ment la  main  fur  l'appareil  qui  cou- 
vroit  fa  dure-rpere,  il  voyoit  d'a- 
bord des  étincelles  de  feu  ;  l'ap- 
puyoît-on  un   peu  plus  ?  il  lui  pre- 
noit  un  Vertige,  &  enfin  envie  de 
dormir.  On  a  fait  les  mêmes  obfer- 
vations  en  comprimant  le  cerveau 
d'un- chien  &  d'un  verolé  qui  a  voit 
perdu  une  partie  de  foncrane^.  Tout 
le  mond^  fçait  comment  les  Bou- 
chers tuent  les  bœufs -,  c'eft  en  leur 
donnant ,  pour  ainfi  dire ,  d\in  feul 
coup  un  Vertige  ténébreux  qui  les 
fait     quelquefois    tomber    roides 
morts  j  quoique  leur  crâne  fe  ronv 
ce  par  la  violence  du   coup,  oa 
ne  trouve  ordinairement  aucune  li- 
queur extravafée  fur  la  fubftance  du 
cerveau.  Ce  fait :  .que  j'ai  eu  la  çu- 
xiofité  de  vérifier  plus  d'une  fois  , 
confirme  ce  que  j'ai  dit  ci-devant, 
;<^ue  moins  k  çr^ne'  refifte  >  mokis 


ai4        TRAITÉ 

les  effets  de  ia  commotion  font  à 
craindre. 

Une  fimple  contufion  ou  une  lé- 
gère bleflure  à  la  tête ,  le  trépan  in- 
prudemment  fait ,  la  moindre  frac- 
ture (a) ,  l'enfoncement  du  crâne  , 
en  un  mot  tout  ce  qui  change  la  fi- 
gure du  crâne  &  conféquemmenc 
l'égale  expansion  du  cerveau  peut 
caufer  au  moins  le  Vertige.  C'eft 
pourquoi  Hyppocrate  {b)  le  regar- 
doit  cfemme  un  des  plus  funeftes 
fymptômes  des  playes  de  la  tête. 

Comme  renfoncement  du  crâne 
cft  un  malheur  qui  n'arrive  que  trop 
fôuvent  aux  enfans ,  principalement 
par  l'imprudence  des  accoucheufes 
ou  des  nourrices  ,  il  faut  fçavoir 
comment  y  remédier.  En  ce  cas  je 
ferois  d'avis  d'appliquer  une  emplâ- 
tre fort  tenace  fur  la  portion  d'os 
enfoncée  ,  &  dix  ou  douze  heures 
après  on  doit  la  tirer  doucement  & 

t  a  J  Cœfàr  Magai.  T,     I       [  b  ]  De  vuther.  capït» 
a,  pag.  ni,  u$.  1    V.  Bo«has?«  A$h<  aé?» 


DÛ    VERTIGE.  215 

perpendiculairement  par  le  moyen 
d'un  gros  fil  fort  attaché  au  milieu. 
Pour  rendre  cette  élévation  plus  fa- 
cile, il  faut  que  le  malade  retienne 
long  tems  fon  haleine.  La  raiion  de 
cela  eft  que ,  tant  que  le  poumon 
eft  dans  l'ina&ion  ,  le  fang  n'y  peut 
circuler  librement.  Ainfi  il  doit  s'ac- 
cumuler dans  le  ventricule  droit, 
dans  la  veine  cave ,  dans  les  jugulai- 
res, &c.  comme  on  le  voit  par  të 
gonflement  de  ces  veines  &  la  rou- 
geur extraordinaire  du  vifage.  Par 
conféquent  ne  pouvant  revenir  du 
cerveau ,  il  gonfle  neceffairemenr  les 
carotides ,  ainfi  que  les  membranes 
&  la  fubftance  même  du  cerveau  qui 
par  ce  moyen  eft  en  état  d'élever 
un  peu  la  portion  d'os  enfoncée. 
Voilà  Iavraye  raifon  de  ce  phéno- 
mène qu'un  Chirurgien  (a)  mauvais 
Phyfiologïcien  ,  comme  ils  le  font 
prefque  tous  ,  attribue  fans  fonde- 

I  a  1  G  uengeor  ,  Traité  des  opérations  (k  Ckisui&& 
T.  3  d«  l'O^eiatroj*  du  Tiefa». 


2i6       TRAITÉ 

mène  à  la  predion  du  diaphragme 
fur  l'aorte  :  car  M.  Senac  a  démon- 
tré dans  un  Mémoire  (  a  )  qu'il  a  don- 
né fur  le  diaphragme ,  que  cette  pref- 
fion  eft  (i  légère  ,  qu'elle  n'y  entre 
prefque  pour  rien. 

En  voilà  affez  pour  donner  une 
idée  claire  des  caufes  externes  non 
naurelles  du  Vertige.  Mais  avaiK 
que  de  paffer  aux  caufes  internes  de 
ce  mal ,  qu'il  me  foit  permis  de  faire 
une  reflexion  fort  importante  qui 
peut  ici  trouver  fa  place. 

Je  fuppofe  qu'un  homme  eft  at- 
taqué d'Apoplexie  immediatemenc 
après  une  chute  fur  ja  tête  ou  fur 
toute  autre  partie  du  corps ,  fans  que 
le  crâne  paroiffe  aucunement  en- 
dommagé. Sur  cela  pn  doit  croire 
que  la  commotion  du  cerveau  a  été 
fi  violente  que  fes  fibres  fe  font  afr 
faiffées  les  unes  fur  les  autres  ,  & 
qu'ainfi  fes  vaiffeaux  étant  compri- 
més par  cet  afFaiffement,Ie  fang  crou- 

frfJMeak,  de  l'Acad.  •%,&$•  Sciences.  i?29.>  <   ï 


DU    VERTIGE.  217 

pic  dans  leur  cavité,  ou  ,  qui  pis 
eft ,  on  peut  craindre  qu'il  ne  f  e  loic 
fait  quelque  épanchement.  Pour  re- 
médier à  cet  affaiffement,  il  nes'a^ 
gît  fans  douce  que  de  défemplir  les 
vaiiTeaux  du  cerveau  :  car  par  là  les 
artères  reprenant  leur  reflbrt  natu- 
rel ,  font  en  état  de  pouffer  dans  les 
veines  le  fang  qui  croupit  dans  leur 
cavité ,  &  les  fibres  fe  relevant  peu 
à  peu  /occupent  bien-tôt  le  vuide 
que  leur  relâchement  excefïif  avoic 
formé  au  dedans  du  crâne.  Or  pour 
défemplir   immédiatement  le  cer- 
veau,  il  n'efl  point  de  faignée  plus 
efficace  que  la  jugulaire ,  comme 
Monfieur  Freind  l'a  démontré  Ana- 
tomiquement.  Mais  il  eft  bon  de 
préluder    auparavant  par  deux  ou 
trois  faignéescopieufes  faites  au  bras 
de  quatre  heures  en  quatre  heures  ; 
autrement  il  fe  feroit  tout  à  coup 
un  (i  grand  vuide  dans  le  cerveau, 
qu'il  en  feroit,  pour  ainfi  dire,étorçné 
&  ftupefeit  9  &  pourroit  par-là  fouf- 

T 


ai»       TRAITÉ 

frir  quelque  atteinte  dangereufe. 

S'il  n'y  a  que  croupiffement  de 
fang,  il  eft  fort  rare  de  voir  deux 
jours  s'écouler,  fans  que  la  connoif- 
jfance  revienne  au  malade ,  pourvu 
qu'il  foit  bien  traité  ;  car  à  mefure 
que  les  fibres  reprennent  leur  rçffort, 
Je  fang  recommence  fa  circulation 
ordinaire  ,  &  fournit  de  nouveaux 
efprits.  Ainfi  lorfqu'on  voit  le  même 
rnal  continuer  ou  augmenter  trois 
ou  quatre  jours  après  la  chute ,  il  y 
a  touç  lieu  de  croire  qu'il  y  a  du  fang 
extravaféqui  comprime  la  fubftance 
du  cerveau.  On  fatisferoit  donc  à 
cette  indication  en  atténuant  les  hu^ 
meurs  épanchées ,  &  en  les  rendant 
affez  fluides  pour  les  faire  rentrer 
dans  la  mafle  du  fang  par  les  tuyaux 
abforbans.  Il  eft  fans  doute  très-dif* 
ficile  ,  mais  non  pas  impoffible  de 
rëiiffir  dans  ce  grand  projet.  On  doit 
joindre  aux  faignées  fréquentes  & 
copieufes,  dont  je  viens  de  parler , 
despurgatioas  &  des  lavemens  corn- 


DU  VERTIGE.    219 

pofcs  dé  tout  ce  qui  peut  difibudre 
le  fang  coagulé.  Les  Tamarinds ,  la 
Crème  de  Tartre  ,  le  Jalap  ,  la  Scauv- 
rnonée  ,  le  Nitre ,  le  Sel  Ammoniac  , 
le  Sucre,  le  Miel ,  &c.  conviennent 
en  ce  cas  ;  la  boiffon  doit  être  faite , 
non  des  vulnéraires  de  Suiffe  en  de- 
co£tion  (  car  quoiqu'on  les  employé 
ordinairement  pour  diffoudre  le 
fang  grumelé ,  on  n'en:  sûr  par  aucu- 
ne expérience  que  ces  remèdes  ayent: 
cette  vertu  )  mais  des  cinq  racines 
apèritives,  des  plantes  &  des  bois 
fudorifiques  aufquels  il  eft  bon  de 
mêler  beaucoup  de  jus  de  citron. 
On  ne  négligera  pas  de  mettre  fur 
l'oreille  des  fomentations  d'herbes 
acres ,  ou  des  cataplâraes  d 'oignons- 
cuits  fous  la  cendre.  Depuis  que 
Valfalva  ,  Santorini  Se  plusieurs  au- 
tres Célèbres  Anatomiftes  ont  dé- 
montré la  communication  de  l'oreil- 
le avec  le  cerveau,  je  ne  doute  point 
qu'il  n'y  puiffe  continuellement 
pénétrer  par  ce  moyea  des  vapeurs 

Tij 


220        TRAITÉ 

afll'Z  fubciles  pour  atténuer  les  Ii- 
queursquiy  iontépanchées.  Ondoie 
auffi  injefter  de  l'eau  chaude  par  les 
narines  pour  dilater  les  rameaux  des 
carotides  qui  s'y  diflribuent ,  &  les 
rendre  par-là  plus  capables  d'abfor- 
ber  les  humeurs  quand  elles  font  atté- 
nuées. On  peut  auffi  mettre  dans  le 
nez  des  feuilles  de  Betoine  ou  de 
Tabac  ,  pour  faire  éternuer ,  &  faire 
prendrç  un  léger  vomitif.  Tous  ces 
rnouvemens ,  bien  loin  d'être  à  crain? 
çlre  quand  les  yaiffeaux  font  vuides , 
aident  alors  la  refçrbtion  d'une  fa-? 
çon.  mervcilleufe, 

Si  malgré  cette  méthode  les  fym- 
ptp  r»es  augmentent  de  plus  en  plus 
loyez  sûr  que  les  humeurs  épanchées 
font  fi  épaiffes  &  (î  coagulées  qu'il 
jrcft  point  de  remède  connu  dans 
toutç  la  nature  qui  puiffe  les  diffou- 
dre.Quei  parti  prendre  dans  une  auf- 
fi déplorable  extrémité  i  Après  avoir 
effaïé  en  vain  tous  les  moyens  donc 
04  k  ffrç  prdinaireinçat  jpqur  d&» 


DU  VERTIGE.     221 

couvrir  fi  le  crâne  eft  bleffé,  on  doit 
appliquer  fur  le  crâne  découvert  une 
emplâtre  compofée  des  remèdes  les 
plus  attirans  :  par  cette  méthode  on 
aperçoit  quelquefois  avant  1-efpace 
de  24.  heures  une  tumeur  noirâtre 
qui  manifefle  l'endroit  afifefléc^par 
conféquent  la  necefiité  d'y  faire  l'o- 
pération du  trépan.  Mais  ii  après  ce 
tems  il  neparoit  ni  tumeur  ni  con* 
tufion  ,  ni  enfoncement  ,  ni  en  un 
mot  aucun  figne  extérieur  de  fang 
extravafé  ,  faut-il  tenter  l'opération 
à  tout  hafard  ,  fans  fçavoir  où  ap- 
pliquer la  couronne  du  trépan  ?  Cet- 
te queftion  n'eft  pas  difficile  à  ré«* 
foudre  >  dans  cette  hypothefe  il  eft 
certain  que  le  malade  va  perir  fans 
l'opération ,  à  la  vérité  il  n'eft  pas 
sûr  que  le  malade  en  revienne  par 
l'opération  \  mais  aufïi  fï  on  la  fait , 
il  eft  incertain  qu'il  meure.  Il  fiuc 
donclafoire.  Maisoù?  i°.  dans  l'en- 
droit où  le  malade  a  porté  la  main  , 
fi  on  Pa  remarque  ,  car  ces  mouve- 

T  iij 


a22        TRAITÉ 

mens  fpontanés  font  fouvent  de  su- 
res indications.  20.  Il  le  trouve  quel- 
quefois un  côté  paralitique  pendant 
que  l'autre  eft  en  convuilion  :  alors 
comme  le  fang  ne  peut  être  épan- 
ché que  du  côté  paralitique  ,  il  fe- 
roit  inutile  de  le  chercher  ailleurs , 
&  par  conféquent  on  ne  doit  opérer 
que  de  ce  (eul  côté  ;  &  on  doit  à 
mon  avis  y  réitérer  l'opération  9 
&  le  cribler ,  pour  ainû  dire  ,  de 
trépans  ,  jufqu'à  ce  qu'on  trouve 
l'humeur  extravaiéc,  30.  Sicecas^ 
qui  eft  en  effet  très-rare,  n'a  pas  lieu , 
îî  faut  appliquer  le  trépan  aux  deux 
côtés  oppofés  du  crâne.  Si  le  pre- 
mier trépan  eft  inutile,  le  fécond 
peut  réùfïir  ,  comme  on  la  vu  dans 
un  SoMat  qui,  ayant  été  en  vain  tré- 
pané du  côté  droit ,  le  fut  une  fé- 
conde fois  au  côté  gauche,  où  l'on 
trouva  heureufement  beaucoup  de 
fang  grumelé  fur  la  furfacc  convexe 
de  la  dure-mere  ,  8c  par  là  ce  Sol- 
dat fut  guéri,  Cette  hiftoire  que  je 


DU     VERTIGE.  113 

tiens  de  M.  Boerhaave ,  dont  la  bon- 
ne foy  ne  peur  être  fufpeâe  ,  con* 
firme  l'utilité  de  la  Doctrine  que  ce 
grand  Homme  nous  enieigne  dans 
les  divins  Aphorifmes.  Jjrgentibus 
fimtomatibus  ,  dit- il  A  ph.  286.  lient 
nullus  locus  lœfu>s  certo  invenir  i  queat  9 
tamen  trepanum  applicandum  &  ab 
-unâ  &  ab  altéra  parte  cranit* 

Pardonnez-  moi  cette  digreffion 
en  faveur  de  fon  utilité.  Je  reviens 
aux  caufes  internes  ïdiopathiques 
du  Vertige. 

$9i  Xi  :&  >?£  ïï{  ï%  &  ï?4  $£  -ïïi  &  >%  &4  ïïééi  -2K  }% 

5m<  fat  •  f»  */*<  a«  î£$  b'J.  5$  Îjîs  •  \àS  *,3&  &8  }té  i»3  5â3  •  5*4  y& 

CHAPITRE   VL 

Des  caufes  internes  idiopatbL 
que  s  du  Vertige 

DE  toutes  les  caufes  internes 
Idtopathiqucs  du  Vertige  ,  il 
-n'en  eft  gueres  de  plus  fréquente  que 
-la  raréfaction  des  liqueurs.  Pour  en 
bien  connoître  les  effets  ,  il  n'y  a 

Tiiij 


124        TRAITÉ 

qu'à  le  rappcller  ceux  de  l'ivrefle5 
tels  que  Beliini  (a  )  les  a  expliqués. 
Le  vin  efl  une  liqueur  fermente'e 
remplie  d'Alcohol  ;  quand  même  le 
cœur  ne  feroit  pas  monter  cet  ef- 
prit  à  la  rêce ,  il  efl:  d'une  nature 
trop  volatil  pour  ne  pas  s'y  é!evcr. 
Le  vin  doit  donc  raréfier  le  fang  Se 
principalement  celui  des  artères  pro- 
portionellement  à  fa  quantité  ,  &  à 
la  fpirituofité.  Or  quel  eft  l'effet  de 
la  rarefaûion  des  liqueurs  C'cft 
d'augmenter  leur  mouvement ,  de 
diflendre ,  dilater ,  ou  pouffer  au  de- 
hors les  parois  des  vaiflfeaux  dans 
iefqucls  elles  font  contenues ,  &  d'a- 
gir ainfi  fur  les  parties  voifines.  Ju- 
gez donc  du  dérangement  que  le 
gonflement  des  carotides  &  des  ar- 
tères de  l'Uvée  &  de  la  Choroïde 
doit  produire  dans  les  nerfs  optiques 
&  la  rétine.  Comme  cette  membra- 
ne médullaire  eft  alors  neceïïaire- 
ment  preflee ,  lefuc  nerveux  s'y  dif- 

£*}  Beliini,  pag    583,  si4« 


DU    VERTIGE.    225 

tmbuant  inégalement ,  change  les 
ondulations  de  fes  fibres ,  &  par  con- 
féquent  les  dérange.  Les  objets  en 
repos  doivent  donc  paroître  fe  mou- 
voir, &  l'on  doit  voir  deux  objets 
au  lieu  d'un  ,  pour  peu  que  l'axe  de  là 
vue  regarde  deux  points  différens. 
Ce  qui  arrivera  ,  lorfqu'il  n'y  au* 
ra  qu'un  œil  intérieurement  preffé  , 
comme  je  l'ai  dit*  Or  comme  il  ne 
s'élève  pas  toujours  la  même  quan- 
tité d'Àlcohol  dans  chaque  œil  à 
mefure  qu'on  boit, les  vaifleaux  d'un 
œil  fe  gonflent  quelquefois  plus  que 
ceux  de  l'autre  ,  &  par  conféquenc 
il  n'y  a  que  la  pofition  d'un  œil  dé- 
rangée. Mais  fî  les  deux  axes  font 
changés ,  on  doit  voir  deux  objets 
mus  au  lieu  d'un  qui  eft  en  repos. 
Voilà  la  caufe  de  la  multiplication 
des  objets  dans  Pyvreffe  ,  comme 
dans  le  Vertige.  Si  les  artères  qui 
rampent  fur  la  furface  des  nerfs  op- 
tiques &  de  la  rétine  font  tellement 
remplies  de  fang  raréfié  *  que  la  ca« 


116         TRAITÉ 

vite  des  fibres  optiques  (bit  entière-* 
ment  abolie  Se  détruite  ,  la  vifion 
ne  fe  fera  poinr  ,  faute  d'efprits.  En- 
fin l'on  tombera  y  vre  mort  pour  des 
raifons  qu'il  en:  aile  de  déduire  de 
ce  qui  a  été  dit  fur  la  rotation  du 
corps.  Ce  qu'il  y  a  d'admirable ,  c'eft 
que  le  fomrncil  ayant  fait  s'exhaler 
tout  le  fuperfiu  de  l'-efprit  qui  gon- 
fioir  les  vaifleaux  ,  les  loiides  &  les 
liquides  reprennent  ieur  jufle  équi- 
libre, &  pourvu  que  i'eftomac  n'en- 
tre pour  rien  dans  ces  Vertiges  cra- 
pulaires  9  ils  s'évanouiffent  bientôt 
avec  tous  leurs  fymptômes. 

Une  trop  grande  application  au 
jeu  ou  à  l'étude ,  un  amour  violent 
8c  malheureux  ,  une  certaine  quan- 
tité de  tabac  pris  en  poudre  ou  en 
fumée ,  la  colère  ,  la  fureur  ?  un  coup 
de  Soleil ,  une  chaleur  exceflive ,  la 
petite  vérole ,  fur-tout  celle  qui  doit 
être  confluente,  félon  l'obfervation 
de  Sydenham,  la  ciguë  aquatique  (a) 

Ç  A  )  Wepfetus  de  Cicutâ  aquatici». 


DU    VERTIGE.    127 

&  quantité  d'autres  venins  qui  raré- 
fient le  fang ,  produifent  le  Vertige. 
Si  la  rarefaâion  du  fang  fait  naî- 
tre le  Vertige,  la  pléthore  (a)  doit 
aufli  le  produire  ,  parce  que  la  réti- 
ne efl:  dérangée  par  le  gonflement 
de  les  artères  &'  des  carotides.  La. 
même  choie  doit  arriver  à  plus  for- 
te raifon  dans  les  ophtalmies  chro- 
niques. DepuisqueRidiey&Ruifch 
nous  ont  appris  que  la  rétine  étoic 
parlemée  de  quantité  de  vaifleaux 
ianguins  ,  on  conçoit  qu'elle  doit 
s'enflammer  auiîi  facilement  que  le 
blanc  de  l'œil.  L'artère  qui  eft  au 
milieu  de  cette  tunique  fe  dilate  mê- 
me quelquefois  juiqu'au  point  d'ab- 
forberprefque  tous  les  rayons.  C'eft 
pourquoi  on  éprouve  alors  précifé- 
ment  ce  qui  arriveroit ,  (1  le  nerf  op- 
tique perçoit  l'œil  directement  dans 
fon  milieu  ,  la  vifion  ne  fe  fait  que 
très-confufément  ,  on  aperçoit  de 
petits  points  noirs  ,  des  mouches- 

(4)  fxeid    Eramenalog.  pag.  ij, 


ai8  TRAITÉ 
voler  ,  des  nuages  monte*5  &  clef- 
cendre,  des  phantômes  tourner  dans 
Pair  &  mille  autres  chimères  qui  fe 
préfentent  durant  le  jour  avec  tant 
de  douleur  qu'on  eft  contraint  de 
refter  toujours  dans  l'obfcurité. 

Il  en  eft  aînfi  de  l'inflammation  des 
membranes  du  cerveau  ou  de  fa  fub- 
ftance  cendrée*,  comme  il  fe  forme 
alors  desaneuvrifmes  dans  les  artè- 
res St  des  varices  dans  les  veines 
de  cette  fubftance,il  eft  facile  de 
trouver  l'origine  de  ces  Vertiges  fi- 
xes &  violens  dont  les  Phrenetiques 
font  attaquez. 

Là  Leucophlegmatîe  ,  la  Létar-* 
gîe ,  l'Apoplexie ,  les  migraines  (  a  ) 
Violentes  &  invétérées ,  le  Scorbut  * 
k  Vérole  ,  la  Catalepfie  ,  en  un 
nlot  toute  humeur  aqueufe  ,  fereu- 
fe  ,  acre,  pituiteufe  ,acrimonieufe  i 
épaiffe ,  vifqueufe ,  lente.,  froide  ou 
chaude  fait  naître  le  Vertige  &  fes 
plus  fâcheux  lymptômes,  pour  peu 

[>J  Am.  pag.  %^  17-  z%,  nr  »«6    1J7.  nï. 


DU    VERTIGE.     *2$ 

que  la  iubftance  du  cerveau  ioit 
prefice  médiatement  ou  imméd  ate- 
ment ,  ou  que  fes  nerfs  foienc  irri- 
tés. 11  eft  aifé  d'en  déduire  les  rai- 
fons  des  principes  que  j'ai  établis 
dans  le  Chapitre  des  caufes  exter* 
nés  non  naturelles  du  Vertige. 

Pourquoi ,  par  exemple ,  ceux  qui 
ont  des  migraines  violentes  &  invé- 
térées font-ils  fujets  au  Vertige  £ 
Les  petits  vaificau^c  fanguins  qui  s'é- 
lèvent de  la  dure-mere  entre  les 
dents  des  futures  du  crâne ,  étanE 
gonflés  de  fang  ,  on  fent  une  dou- 
leur qui  vient  de  ce  que  les  dents 
offeufes  ne  pouvant  céder ,  les  fi* 
bres  ncrveules  de  ces  vaiifeaux  font 
extrêmement  tiraillées &diftenduës? 
La  douleur  iemble  circuler  iuivanc 
les  lieux  où  fe  fait  ce  gonflement. 
Or ,  fi  l'engorgement  des  petits  vaif- 
feauxfe  communique  à  d'autres  plus 
confiderablcs ,  &  enfin  aux  caroti- 
des ,.  il  eft  évident  que  les  nerfs  op? 
{;qu£$  peuyent  êtrç  çiçrangez. 


%^o        TRAITÉ 

Pourquoi    les    Scorbutiques  fa) 
les  Véroles  Se  les  Cataleptiques  font- 
ils  quelquefois  attaqués  de  ce  mal  ? 
Le  fang  des  Scorbutiques  eft  acre 
&  diffous  ;  leurs  vaifleaux  ,  à  force 
d'être  rongés  par  cette  âcreré  ,  de- 
viennent fort  lâches,  comme  il  pa- 
roîc  par  leurs  gencives  dont  le  fang 
fore  pour  peu  qu'on  les  preffe.  Ju- 
gez donc  par  la  ftruclure  des  vaif- 
feauxdu  cerveau  qui  n'ont  point  de 
membrane  élaftique  &  qui  font  toû-* 
jours  dans  un  bain  de  vapeurs  ?  com- 
me je  l'ai  déjà  dit ,  jugez  ,  dis-je  , 
delà  facilité  avec  laquelle  la  partie 
la  plus  fluide  du  fang  doit  s^échaper 
hors  de  leur  cavité  ,  &   par  confé- 
quent  prefler  la  fubftance  du  cer- 
veau. D'ailleurs,  pour  ne  rien  dire 
ici  de  la  foibîefle  des  efprits   des 
Scorbutiques  ,  qui  pour  cette  feule 
raifon  fon t  fi  fu j ets  au  Vertige ,  com- 
me je  l'expliquerai  dans  la  îuite ,  l'a- 
crimonie de  ces  mêmes  efprits  eft 

l  a  J  W'illhie  Vsnigine  scoifcuticâ,  Ti  i .p,i53 .  if  4. 


DU  VERTIGE.       251 

fi  grande  qu'elle  peut  déranger  les 
nerfs  optiques  à  force  de  les  irriter* 

Quant  aux  Véroîez,  fans  parler 
des  tumeurs  contre  nature  qui  fé 
forment  dans  leur  cerveau  &  peu- 
vent y  retarder  le  cours  du  fang ,  fa 
feule  épaiffeur  fait  qu'il  s'arrête  Se  y 
féjourne  long-tems.  Ainfi  ne  pou- 
vant refluer  aifément  par  les  veines, 
il  coule  en  plus  grande  abondance 
par  les  artères  collatérales  des  yeux 
8c  des  oreilles.  Voilà  l'origine  des 
Vertiges f/*)  ,  des tintemens&  delà 
lurdité  aufquels  les  Vérole^  font 
quelquefois  fujets. 

Dans  I3.  Catalepfie  les  artères  & 
les  veines  du  cerveau  font  farcies 
de  fang  fort  épais ,  comme  on  le 
voit  par  la  diiïe£Hon.  Il  n'en1  donc 
pas  lurprenant  que  le  gonflement 
des  carotides  8c  des  vaiiîeaux  de 
l'œil  donne  lieu  au  Vertige  téné*» 
breux  dont  les  Cataleptiques  font 
ordinairement  attaqués ,  un  moment 

l  a  ]  Aftrus  de  Moibis  Yeneseis ,  pag»  3  »  7? 


*3*  TRAITÉ 

avant  que  de  tomber  dans  leur  ao 
ces ,  comme  je  l'ai  remarqué  dans 
une  jeune  Fille  Cataleptique  dont 
pn  trouvera  i'hifloire  à  la  fin  de  ce 
Traité. 

àmmmmmmmmmmmmm$mm 

CHAPITRE     VIL 

Des  Evacuations  ordinaires  ou 
périodiques  fupprimées. 

ON  doit  mettre  au  nombre  des 
caufes  idiopathiques  du  Ver*- 
tige  toute  évacuation  ordinaire  ou 
périodique  fupprimée  par  quelque 
caufe  que  ce  foit ,  fans  qu'on  lui  en 
^it  fubftitué  de  nouvelle  *?  car  la  plé- 
thore s'enfuit  néc.eflairement.  Jugez 
fdonc  des  effets  qu'une  continence 
trop léyere doit  produire,  principal- 
ement dans  ceux  qui  font  d'un  tem- 
péramment  vigoureux  &  qui  fe  font 
fait  une  douce  habitude  des  plaifirs 
cle  l'Arnour.  Il  n'eft  pas  néçeiîaire 

de 


DU  VERTIGE.       253 

de  rappeller  ici  les  préceptes  de 
Gelfe  8c  deLommius.  Il eft  évident 
que  le  coït  trop  rare  peur  exciter 
des  maux  aufïi  funeftes  que  le  coït 
trop  fréquent  ;  fi  l'un  épuife  nos  el- 
prits ,  l'autre  nous  appauvrit ,  pour 
ainfi  dire ,  de  leurs  richeffes.  Plus  la 
femence  féjourne  dans  les  vélicu- 
les  feminales ,  plus  elle  s'y  échauffe, 
s'y  divife  &  s'y  atténue;  ainfi  les  par- 
ties devenues  volatiles  par  la  cha- 
leur ,  doivent  enfin  être  abforbéc*s 
danslamafledufang  de  laquelle  la 
nature  nelesavoit  pas  féparées  pour 
qu'elles  y  rentraient  toutes.  La  rai- 
fon  de  cela,  c'eft  qu'auflî-tôt  que 
ces- véficules  font  remplies ,  la  feule 
vue  ou  la  feule  converfation  d  une 
jolie  femme  attire  la  matière  au 
bout  du  gland,  &  l'on  eft  ordinaire- 
ment fujet  à  des  fréquentes  pollu- 
tions no&urnes*,  d'où  il  fuir  qu'une 
trop  grande  quantité  de  fpermenuir 
à  nos  humeurs  par  l'extrême  raréfac- 
tion qu'elle  y  caufe ,  &  produit  aiàli 

V 


2?4        TRAITÉ 

ces  Vapeurs  ,  ces  Vertiges  &  ces 
H  émorrhagies  des  narines  qu'on  re- 
marque fi  iouvent  dans  la  plupart 
des  jeunes  gens  8c  des  vierges  plé- 
thoriques. 

La  fupprefliondesHémorrhoïdes 
n'eft  pas  moins  dangereufe  ;  lorfque 
Ja  nature  a  coutume  de  fe  déchar- 
ger de  fon  fuperfiu  par  cette  voye  , 
il  ne  faut  pas  tout  à  coup  ni  tout-à- 
fait  la  lui  interdire.  C'cft  pourquoi 
Hyppocrate  {a  )  avoit  toujours  loin 
d'entretenir  l'écoulement  libre  d'u- 
ne Hémorroïde  ,  pendant  qu'il  ar- 
rêtoit  les  autres  par  des  remèdes 
aftringens  ;  précaution  d'autant  plus 
TiécefTaire  qu'il  aveit  à  traiter  des 
hommes  auffi  fujets  à  ce  flux  ,  que 
nos  femmes  le  font  à  leurs  régies. 
•  A  quelles  triftes  extrêmkcz  ne 
£au~  -il  donc  pas  s'attendre  quand  les 
régies  viennent  tout  à  coup  à  être 
iupprmées  à  quelque  âge  que  ce  foit, 
eu  ne  paxoiffent  point  dans  une  fille 


DU  VERTIGE.  ^    135 

qui  n'a  point  encore  connu  d'hom- 
me ?  Des  vaiffeaux  qui  ne  font  &  ne 
doivent  point  être  naturellement  ou- 
verts ,  cèdent  à  i'aâicn  de  la  plé- 
thore &  fouvent  par  force,  les  régies 
leur  lortent  par  les  doigts ,  par  les 
narines,  par  les  pores  de  la  tête,par 
le  poumon  ,  &c.  prefque  tous  nos 
Auteurs  font  remplis  de  ces  exem- 
ples terribles.  Ou  il  elles  Séjournent 
long- rems  dans  les  vaiffeaux  ,  (a  ) 
elles  s'y  corrompent ,  infcûent  tou- 
te la  mafïe  du  iang  ,  les  nerfs  &  les 
elprits ,  &  produisent  ainfi  en  peu 
de  tems  le  Vertige,  l'affedion  Hy- 
ftérique,  la  -Cataiepfie,  &c. 

Il  faut  appliquer  la  même  doflrine 
au  crachement  de  farig,au  piffemenc 
defang,  aux  Hémorrhagies  des  na- 
rines, aux  lueurs,  aux  fleurs  blan- 
ches ,  aux  vieilles  Mules  ,  aux  ul- 
cères trop  tôt  deiTecHés  T  aux  rhu- 
mes du  cerveau  improprement  dits  ^ 
àla  pituite  ,  à  la  faîive  ,  à  l'urine ,  à 

!"]■  V.  Q,uefji;iy  ,  occonom.  animal. 

Vij 


îj6        TRAITÉ 

la  gale  ,  à  la  teigne  ,  &  enfin  à  tou- 
tes fortes  d'humeurs  dont  le  cours 
ordinaire  eft  interrompu. 

CHAPITRE  VIII. 

t>*j  évacuations  trop  abondantes. 

RIEN  ne  prouve  mieux  qu'une 
maladie  peut  venir  de  différen- 
tes caufes  tout-à-fait  contraires  que 
de  voir  le  même  effet ,  je  veux  dire  , 
le  Vertige  produit  par  une  évacua- 
tion fupprimée ,  Sz  par  une  autre  trop 
abondante.  On  concevra  cette  vé- 
rité pour  peu  qu'on  fafle  attention  à 
la  ftruâure  des  artères  vertébrales. 
Elles  ne  confervent  leur  tunique 
mufculeufe  que  jufqu'à  leur  entrée 
d  ans  le  crâne  :*ainfi  elles  ne  doivent 
fe  contracter  proportionellcment  au 
lang  qu'elles  contiennent  que  juf- 
qu'à  cet  endroit,  &  par  conféquent , 
lors  même  qu'elles  deviennent  pref- 


DU  VERTIGE.       iî7 

que  Vuides ,  on  peut  dire  qu'elles  ne 
font  pas  moins  pleines  qu'aupara- 
vanr ,  eu  feulement  égard  au  contai 
de  leurs  parois, Mais  ces  artères  ayant 
une  fois  pénétré  dans  le  cerveau  , 
fe  dépouille  de  leur  tunique  forte 
&  élaftique ,  comme  )e  l'ai  déjà  dit. 
Ainfi  elles  doivent  néceflairenient 
s'affaifler ,  à  mefùre  qu'elles  fe  dé- 
fempliffent  ou  qu'il  s'évacue  plus  de 
liquide.  Mais  à  mefure  qu'il  vient  de 
nouveau  fang  dans  les  mêmes  artè- 
res ,  ainfi  que  dans  les  carotides , 
elles  fe  relèvent  êc  s'affaiffent  en- 
core le  moment  fuivant  qu'il  efl 
repris  par  les  veines  ;  ce  trémouffe- 
ment  eft  fans  doute  aflez  confi- 
dérable  pour  déranger  les  nerfs  op- 
tiques. En  efFet,cornme  ils  ont  d'ail- 
leurs d'autant  plus  perdu  de  leur  li- 
quide que  l'évacuation  efl:  plusabon- 
dante  ,  il  fuie  qu'ils  fontflafques,lâ- 
ches ,  épuifés  d'efprits ,  8z  par  con- 
fequent  qu'ils  doivent  céder  avec 
une  facilité  extrême  à  la  pulfation 


%)%        TRAITÉ 
des  carotides  qui  doit  être  afiez  con* 
fidérable  pour  des  raifons  que  j'ai 
dites  ci-devant. 

Suivant  ce  rationnement  il  eft  fa- 
cile de  réioudre  ces  questions.   i°. 
Pourquoi  les  Hydropiques  font-ils 
fujets  au  Vertige  ôc  aux  défaillan- 
ces après  qu'on  leur  a  tiré  d'un  feul 
coup  par  la  ponâion  toutes  les  eaux 
du  bas  ventre  ?  Les  vaifleaux  déli- 
vrés de  la  preflion  des  eaux  repren- 
nent leur  diamètre  naturel.  Ainfi  le 
fan  g  trouvant  plus  de  liberté  à  cir- 
culer ,  quitte  tout  à  coup  la  tête  Se 
fc  précipite  vers  les  parties  inférieur 
res  ;  ce  qui  doit  faire  le  même  effet 
que  les  évacuations  dont  j'ai  parlé  9 
&  produit  la  défaillance  ,   comme 
Mqnfieur  Sénac  l'explique  dans- le 
Mémoire  (a)  que  j'ai  cité.  2°.  Pour- 
quoi eft-o-n  quelquefois  attaqué  du 
Vertige  le  lendemain  du  jour  qu'on 
a  trop  bu,  quoiqu'on  ait  allez  dor- 
mi &  que  l'eliomac  n'y  entre  pour 

-  t'JPag*  H?. 


DU  VERTIGE.    259 

rien  *.  Parce  que  la  matière  crapulai- 
re étant  évacuée  parles  urines  ,  par 
les  feiles  &c.  il  le  fait  dans  les  vaif- 
feaux  un  vuide  qui  dérange  les  nerfs 
optiqueSjComme  je  viens  de  l'expli- 
quer ?  &  fait  même  quelquefois  trem- 
bler les  mains.  3°.  Quelles  font  les 
fuites  du  coït  trop  fréquent?  Il  caufe 
le  Vertige  avec  de  violentes  dou- 
leurs, d'eftomac  par  l'épuifemenr; 
d'efprits  où  il  nous  réduit ,  Se  par 
le  tiraillement  exceflif  des  fibres  de 
.ce  vifeere. 

Il  eft  aifé  de  concevoir  à  préfen£ 
pourquoi  L'abftinenee  exceiïive,  une 
trop  long  méditation ,  l'exercice  im- 
modéré,, le  flux  menftrud  trop  co- 
pieux  ,  les  vomiffemens  „  les  diiTen- 
teries ,  les  Hémorrhagics  des  nari- 
nes,les  Hémorrhoïde^  ;  pourquoi  en 
un  mot  toute  évacuation  trop  abon- 
dante peut  exciter  le  Yenig^. 


24°         TRAITÉ 

CHAPITRE    IX. 
*])e  Ufoiblejfe  des  efprits. 

LA  foibiefle  des  efprirs  occa- 
fionne  les  mêmes  accidens  que 
leur  difette,  mais  bien  plus  fréquem- 
ment. C'eft  la  caufe  de  cette  difpo- 
fïtlon  Vertigineufe  qu'on  obfervs 
dans  les  uns  plutôt  que  dans  les  au- 
tres 9  laquelle  dépend ,  à  mon  avis , 
de  la  lenteur  de  la  circulation.  Voici 
ma  preuve.  Si  l'homme  eft  devenu 
mille  fois  plus  robufte  qu?il  n'étok 
autrefois,  il  eft  probable  que  ces 
vaifleaux  étoient  mille  fois  plus  foi- 
fcîes  ,  St  fon  fang  mille  fois  plus 
fluide.  On  ne  peut  nier  cette  pro- 
portion. Or  qui  eft-ce  qui  a  donné 
tant  de  forces  &  de  r  effort  aux  fibres, 
tant  d'épaiffeur  ou  deconfifïance  au 
fang  du  fœtus  devenu  homme ,  fi  ce 
aJeft  la  circulation  ?  Et  comment 

cela  2 


DU  VERTIGE.      z4i 

cela  ?  Si  ce  n'eft  en  faifanc  que  les 
Elémens  folides  &  liquides  Te  tou- 
chent par  plus  de  points.  Ainfi.  la  cir- 
culation entretient  l'union  des  Elé- 
mens,&  la  rend  d'autant  plus  étroite 
&  plus  forte  qu'elle  fe  fait  avec  plus 
de  vélocité.  D'où  il  fuit  quefi  elle 
eft  trop  lente,  non-feulement  les  fi- 
bres feront  trop  lâches  Se  trop  foi- 
bles  ,  mais  le  fang  fera  trop  fluide  8z 
tropdiffousy  par  conféquent  la  lym- 
phe ,  le  ferum  ,  le  fuc  nerveux  ou  les 
efprits  participeront  de  ce  même 
vice    :   car  toutes  les   liqueurs  du 
corps  font  formées  de  la  même  ma-> 
tiere  8c  par  les  mêmes  loix  ,  &  il  y 
a  fans  doute  la   même  différence 
analogique  entrç  les  efprits  d'une 
femme  Hyftérique  &eeux  d'un  Pay- 
fan  robufte  ,  qu'entre  le  fang  ou  la 
lymphe  de  l'un  &  de  l'autre.  Voilà 
la  nature  des  efprits  dont  Aretée  (4) 
fait  mention,  8c  ce  que  j'entends  par 
difpofitionVertigineufe.  C'ed  cette 

x 


242^  TRAITÉ 
extrême  fluidité  des  eiprits  qui  les 
rend  fi  foibles  &  fi  mobiles,  qu'ils 
cèdent  à  la  moindre  imprefiion ,  Se 
tournent ,  pour  ainfi  dire ,  avec  un 
cercle.  On  peut  expliquer  par -là 
pourquoi  ceux  qui  font  d'un  ten> 
pérament  timide  &  craintif,  pour- 
quoi les  enfans  &  les  femmes, &  pria? 
cipalementlesHyftériques,pourquoi 
les  Scorbutiques ,  &  fur  tout  les  Epi* 
kptiques  font  (ifujetsau  Vertige. 

CHAPITRE  X. 

H}e  h  cure  du  Vertige pléthoru 
que. 

.  Â  YANT  que  de  palier  aux  eau* 
X~jL  fcs  lymphatiques  du  Vertige,il 
feroit  à  propos  d'ajouter  la  cure  de 
fes  caui-sidiopathiquesà  la  théorie 
qui  a  précédé.  Mais  comme  en  les 
traitant  toutes  les  unes  après  les  au- 
tres ,  il  faudroit  fp .  jçttçr  dans  un  dé* 


DU  VERTIGE.  243 
tail  d'une  infinité  de  maladies  qui 
font  différences  du  Vertige  &  qui 
par  conféquent  m'écarteroient  trop 
de  mon  principal  objet ,  je  me  con- 
tenterai de  traiter  les  Vertiges  idio- 
pathiques  les  plus  fréquens  ,  je  veux 
dire  ceux  qui  viennent  de  la  plétho- 
re &  de  la  foibleffe  des  efprits. 

Lorfqu'il  eft  certain  qu'un  hom- 
me e(l  pléthorique  ,  comme  il  eft  à 
craindre  que  les  vaifleaux  ne  fe  rom- 
pent à  force  d'être  dilatés  par  la  trop 
grande  prefïion  des  liqueurs  ,  il  eft 
évident  que  la  faignée  eft  indiquée. 
C'eft  pourquoi  Hyppocrate  (a)  fai- 
foit  beaucoup faigner les  Athlètes, 
Se  Vanhelmont  même  ennemi  dé- 
claré de  cette  doctrine  l'approuve  (b) 
çn  ce  cas. 

Il  eft  bon  d'avertir  ici  que  je  ne 
prefcrisla  faignée  en  général ,  qu'en 
fuppofant  la  pléthore  générale  ;  car 
fi  elle  n'eft  que  dans  les  artères  , 

[>]  AphorH   ?.  I  pic.  4.  Numéro  if. 

f>]DeFeWibas,  Ca»        \ 


244        TRAITÉ 

comme  il  arrive  le  plus  fouvent , 
les  veines  font  alors  prelque  vuides, 
Pourquoi  donc  les  ouvrir?  Ne  iuffi^ 
rôit-il  pas  en  ce  cas  de  diffîper  la 
raréfaction  des  liqueurs  artérielles 
en  excitant  les  Hémorrhoïdes  &  les 
Hémorrhagies  des  narines  ?  En  efFec 
les  artères  reprennant  par-là  leur  ret. 
fort  naturel  feroient  en  état  de  pouf* 
1er  dans  les  veines  le  fuperflu  du 
lang  qui  les  fuffoque.  Mais  voici 
d 'autres moyens  plus  fimples  Se  pref- 
quVaffi  efficaces  que  la  Phyfique 
nous  découvre. 

Il  efl  démontré  qu'un  fluide  quj 
coule  d'un  petit  canal  élaftiquedans 
un  large  vaifleau  qui  n'a  point  de 
refïbrt  ,  y  croupit  en  quelque  forte  , 
fant  il  s'y  meut  lentement.  Si  donc 
]i$  diamètre  de  toutes  les  veines  pri- 
(4$  enfemblc  devient  trois  fois  plus 
coniidérable  que  celui  des  artères, 
i!  fuit  ?  toutes  chofes  égales,  que  les 
deux  liersde  la  niaffedu  fangpour^ 
îo.u.çtre  contenu  dansleç  yeinçs 


DU  VERTIGE.       i4ï 

Or  jufqu'à  quel  degré  ne  pourroic- 
on  pas  augmenter  leur  capacité  ? 
L'eau  pénétre  dans  leur  cavité  par 
toutes  forces  de  voyes^relâche  leurs 
fibres ,  affoiblit  leur  tiflu  &  par  con- 
léquent  les  dilate  d'autant  plus  qu'el- 
le cil:  abondante  &  qu'elle  y  féjour- 
ne  p!us  long-tems  ,  comme  on  !e 
remarque  dans  lesHydropiques  dont 
les  veines  font  très  -  larges  parce 
qu'elles  font  prodigieufement  gon- 
flées d'eau, pendant  queleursartéres 
font  petites,  fechcs&  arides  ;  voi- 
là en  paffant  la  caufe  de  leur  foif 
continuelle. 

On  doit  inférer  de  ce  raifoniie- 
ment  que  la  boiffon  ordinaire  dans 
le  Vertige  pléthorique  doit  être  de 
Peau  &  par  conféquenr  que  les  Bains 
font  fort  falutaires,  par  cette  feule 
raifon  qui  eft  que  les  veines  fe  dc- 
femplifîent  en  faveur  des  artères ' ,  & 
■qu'ainfi  la  circulation  fe  fait  plus  li- 
brement. Je  dis  par  cette  feule  raifon, 
afin  de  faire  remarquer  que  l'eau 

Xiij 


a46        TRAITÉ 

ne  rend  point  par  elle-même  le  fang 
plus  difîbus  ,  comme  on  le  voir  par 
les  expériences  de  Ruifch  &  de 
Bocrhaave  &  parle  fang  des  Bu- 
veurs d'eau  qui  n'eft  jamais  fluide  , 
qu'à  caufe  de  la  foiblefle  de  la  cir- 
culation qui  vient  elle-même ,  com- 
me nous  l'avons  dit,du  relâchement 
des  fibres  que  l'eau  procure, 

La  nourriture  doit  être  très-légè- 
re*, il  faut  étouffer  ,  s'il  eft  poffible, 
les  fortes  paffions  &  chaifer  les  idées 
amoureufes  ,  qui  caufent  trop  de 
mouvement  dans  la  machine.  Le 
fommeil  trop  long  eft  fort  nuifible 
principalement  le  jour  8a  après  le  re- 
pas ;,  mais  en  quelque  tems  qu'on  fc 
couchera  tête  doit  toujours  être  fort 
éievée.  Enfin  on  doit  éviterla  lumiè- 
re ,  le  bruit;  &c.  Se  tout  ce  qui  peut 
augmenter  la  rarefa£Hon  du  fang. 

Quant  aux  médicamens  antiplé- 
thoriques,!es  principaux  font  le  Mi- 
tre,le  Tartre  fans  préparation,  l'eau 
deSureau,de  Cerifes?de  Grofeilles^ 


DU  VERTIGE.      247 

&c.  Toutes  les  plantes  qui  augmen- 
tent la  circulation  du  fang?telies  que 
le  Romarin  ,  le  Thinje  Serpolet  , 
la  Marjolaine  &  autres  fort  célèbres 
dans  la  cure  du  Vertige  font  très- 
dangereufesdans  le  Vertige  plétho- 
rique ,  Se  ne  conviennent  peut-être 
que  dans  celui  qui  vient  de  la  foi- 
blefle  des  fibres  &  des  efprits.  L'e- 
xercice même  qui  efl  fi  falutaire  dans 
ce  dernier  cas ,  comme  nous  le  ver- 
rons dans  la  fuite ,  efl  nuifible  dans 
le  Vertige  pléthorique  ,    quand  la 
pléthore  eft  parvenue  à  fon  dernier 
période.  Tant  il  eft  vrai  qu'il -y  a  une 
infinité  de  maladies  comprifes  fous 
un  même  nom  ,  qu'un  remède  qui 
eft  falutaire  dans  un  cas ,  eft  nuifible 
dans  un  autre,  parconféquenc  qu'il 
n'eft  point  de  fpécifiqueuniverfel  & 
qu'en  un  mot  un  bon  Médecin  doit 
être  efeiave  de  la  circonftance  Se  fui- 
vre  toujours  la  marche  delà  nature. 
Qu'il  faut  en  effet  de  prudence  \  de 
■lagacité&dedoârine  dans  une  pro- 

Xiiij 


248         TRAITÉ 
fefïîon  qui  traite  de  la  vie  des  hom- 
mes ,  &  dans  laquelle  la  moindre  fau- 
te eft  de  la  dernière  conféquence! 

Il  ne  fuffit  pas  de  guérir  la  plé- 
thore a&uelle ,  il  faut  prendre  garde 
qu'elle  fe  régénère,  C'eft  ce  qu'on 
n'a  point  à  craindre  dans  ceux  qui 
ont  la  bile  &  l'urine  acres  ;  car  il  eft 
impoffible  qu'ils  deviennent  gras ,  à 
moins  qu'on  ne  puiffe  corriger  la 
grande  âcreté  de  ces  humeurs.  Mais 
îorfqu'elles font  naturellement  affez 
douces,on  acquiert  en  peu  de  tems 
non-feulement  beaucoup  d'embon- 
point ,  mais  la  pléthore  fe  reproduit 
facilement  ,  comme  on  l'obferve 
dans  les  jeunes  gens  robuftes  qui  font 
plus  de  fang  qu'il  ne  leur  en  faut 
pour  croître,  &  qui  pour  cette  rat- 
ion font  fi  fujets  au  faignement  de 
nez  ,  au  Vertige  &  à  différentes  ap- 
paritions qui  fe  préfentent  lorfque 
le  fang  eft  prêt  à  couler ,  &  qui  fe 
diffilpent  aufïî-tôt  après  cette  éva- 
cuation, fiellen'eft  pas  trop  abon- 


DU  VERTIGE.      249 

cUnte.  Pour  obvier  à  la  récidive  du 
Vertige  pléthorique  ,  après  l'ufage 
des  remèdes  que  je  viens  d'indiquer, 
jeconfeille  celui  des  plantes  ameres 
Se  acres  telles  que  l'Abfinthe,  le 
chardon  bénit,  la  petite  Centau- 
rée,le  Marrhube  blanc ,  la  racine  de 
Gentiane,  &c. 

CHAPITRE   XL 

Cure  du  Vertige  qui  vient  de  U 
faible jfe  des  efprits* 

LE  fuc  nerveux  n'eft  Ci  mobile 
ni  Ci  aifé  à  mettre  en  déroute 
que  parce  que  le  fangeft  trop  fluide 
ou  trop  diflbus  ;  le  fang  n'efl  trop 
fluide  &  trop  diflbus  que  parce  que 
les  fibres  font  trop  foibles  ou  trop 
lâches:  enfin  les  fibres  ne  font  Ci  dé- 
biles que  parce  que  les  liqueurs  ne 
circulent  pas  avecaflezde  vitefle: 
toutes  ces  chofes  ont  été  clairement 


■ayo  TRAITÉ 
prouvées  ci-devant:  toutes  les  cau- 
fes  qui  augmenteront  la  circulation 
du  fang, fatisferont  donc  ici  à  l'indi- 
cation thérapeutique  ;  lefrotemenc, 
par  exemple  ?  peut furpaffer  laâion 
des  folides  les  mieux  conditionnés, 
il  fait  palier  plus  vite  le  fang  des  ar- 
tères dans  les  veine$j&  des  veines  au 
cœur  :  le  cœur  fe  contra&ant  plus 
fréquemment ,  la  même  quantité  de 
fang  eft  plus  fouvent  pouflee  dans  les 
artères  -,  8c  par  conféquent  le  fro- 
tement  augmente  la  circulation  y 
comme  il  paroît  par  le  pouls  qui  re- 
double de  viteffe,  tandis  qu'on  fe 
fait  froter  ;  l'aâion  des  fluides  fur 
les  folides  eft  donc  plus  fréquente  , 
&  par  conféquent  les  folides  doivent 
réagir  plus  fouvent  fur  les  fluides. 
Or  cette  réaâion  n'eft  autre  chofe 
que  laproximationdesélémens  qui 
compofent  les  fibres ,  le  contad  plus 
f  rré  ,  plus  intime  des  fibres  qui  en- 
tent dans  la  compofition  des  vaif- 
ieaux  ;  d'où  ii  fuit  queîefrocement 


DU  VERTIGE.       aji 

rend  les  fibres  plusfolides ,  plus  for- 
tes &  plus  élaftiques.  Or  plus  les  vaif- 
feaux  acquièrent  d'élafticité,  plus  ils 
font  en  état  de  comprimer  les  fluides 
qui  circulent  dans  leur  cavité  ,  &  il 
cil  certain  que  c'eft  de  cette  preffion 
que  dépend  la  confiftance  du  fang  & 
celle  des  efprits.  Puifque  la  force  de 
la  circulation  rend  le  ciffu  des  fibres 
fi  compafl ,  on  demande  pourquoi 
les  entàns  dans  lefquels  le  fang  cir- 
cule fi  promptement  ont  les  fibres  fi 
foibles  &  fi  lâches  :  je  répondsà  cet- 
te objedtion  qu'il  faut  distinguer  la 
circulation  qui  n'efttjue  propre  ou 
rapide, d'avec  celle  qui  eft  rapide  Se 
forte.  A  la  vérité  le  fang  circule  avec 
beaucoup  de  vitefle  dans  les  enfans; 
mais  comme  il  eft  fort  aqueux  ,  il 
ne  frappe  que  bien  foiblement  les 
parois  des  vaiffeaux  ,  dont  il  élude, 
pourainfi  dire,  la  réaâion;  au  lieu 
que  dans  un  âge  plus  avancé  ,  les  li- 
quides feconvercifiant  prefque  tous 
en  fang  rouge, vont  attaquer  les  vaif- 


252  TRAITÉ 
féaux  avec  plus  de  force,&  les  provo- 
quent ainfi  à  un  combat  plus  vif 
éc  plus  ardent.  D'où  Ton  e(l  en  droit 
de  conclure  que  les  enfans  doivent 
avoir  les  fibres  foibles  >  quoique  leur 
fang  circule  promptement  ,  8c  que 
la  confiftance  des  humeurs  dépend 
de  la  force  avec  laquelle  les  fluides 
8c  les  folides  agiffent  les  uns  fur  les 
autres. 

L'équitation  eft  auffi  un  des 
moyens  les  plus  efficaces  pour  re- 
médier au  genre  du  Vertige  dont  il 
s'agit.  Je  n'ai  prefque  rien  à  ajouter 
à  l'éloge  que  Sydenham  en  a  fait.  Je 
remarquerai  feulement  que  comme 
l'air  agit  en  raifon  de  fa  viteffe  *  il 
n'eft  rien  de  plus  falutaire  que  de 
galoper  contre  le  vent.  Les  vahTeaux 
extérieurs  du.  corps  &  ceux  du  pou- 
mon fe  rafermiffent  par-là  en  peu  de 
tems  d'une  façon  fort  fenlible.  Les 
Dames  qui  ne  font  point  dans  Pha- 
bitude  d'aller  à  cheval  i  peuvent  fe 
faire  porter  en  chaife  ou  en  carroffe. 


DU  VERTIGE.  ayj 
Le  mouvement  d'un  VaifTeau  fur  la 
Mer  produit  à-peu-près  les  mêmes 
effets*  En  un  mot  tous  les  différens 
genres  d'exercice  augmente  la 
tranfpiration,  comme  on  le  voit  par 
l'appétit  qu'ils  augmentent ,  &  les 
felles  qu'ils  diminuent. Ce  qui  prou- 
ve qu'il  sjeft  plus  féparéde  chyle  des 
alimens  9  Se  que  conféquemmenr  les 
folides  ont  acquis  plus  de  reiTort.  On 
conçoit  à  prêtent  pourquoi  les  An- 
ciens regardoient  le  frotement  & 
Pexercice  comme  la  bafe  de  leur 
thérapeutique  dans  les  maux  qui  pn> 
viennent  de  pure  débilité  ?  tels  que 
la  Phtifie,  le  Rachitis,  &x.  Ceux  qui 
feront  curieux  de  connoître  les  dif- 
ferens genres  d'exercice  qui  étoient 
autrefois  en  ufage  à  Rome  9  peuvent 
UreCelfe  pag.  23. 

Tous  les  remèdes  qui  rendent  le 
cours  des  liqueurs  plus  rapide  font 
donc  ialutaires  en  ce  cas,  pourvu 
qu'en  même  tçms  ils  ne  relâchent 
pas  lps  £b?cfe  ?  tels  que  lç  Thé  ou  k 


a  54         TRAIT  É 
Caffé  :  car  quoique  ces  liqueurs  dif- 
fipent  quelquefois  tout  à  coup  de  pe- 
tits nuages  de  vapeurs  ,  il  s'en  forme 
dans  la  fuite  de  bien  plus  confidé- 
rables ,  comme  on  le  remarque  en 
Hollande  où  les  femmes  font  en  gé- 
néral plus  fujettesà  ces  maladies  que 
les  Françoifes  ,  parce  qu'elles  boi- 
vent fans  ceffe  du  Thé  &  du  CafFé , 
&  font  dans  un  climat  plus  humide. 
Outre  ces  préceptes, en  voici  d'au- 
tres plus  importans  qu'ils  ne  le  pa* 
roiffent.  Il  vaut  mieux  demeurer  au 
fécond, troifiéme  ou  quatrième  étage 
qu'au  premier  ;  plus  le  lieu  ou  le  pays 
qu  on  habite  eft  humide ,  plus  il  faut 
profiter  de  cet  avis.    Les  vapeurs 
groflieres  qui  s'élèvent  de  terre  juf- 
qu'àune  certaine  diftance  relâchent 
les  fibres.  Lorfqu'on  demeure  ji  rez- 
de-chauffée  ,  le  lit  où  l'on  couche 
doit  être  un  peu  élevé ,  félon  l'ufage 
ordinaire  des  Hollandoisqui   font 
obligés  de  fe  fervir  d'une  petite 
échelle  pour  y  monter,  Sans  cette 


DU  VERTIGE.       2yj 
fage  précaution  ils  feroieiK  conti- 
nuellement comme  clans  un  bain  de 
vapeurs.  La  chambre  où  l'on  cou- 
che doit  être  boifée  fans  verni  5  le 
bois  fecabforbe  l'humidité  de  l'air 
qui  voltige  fur  la  furface  huiîeufe  de 
la  peinture  ?  comme  on  le  voit  par 
les  feis  qui  fe  fondent  auprès  des  mu- 
railles peintes.  C'eft  une  remarque 
que  les  Chimiftes  Se  les  Apotiquaires 
ont  faite   il  y  a  long-tems.  Les  cou- 
vertures du  lit  doivent  être  chauffées 
tous  les  foirs  Se  le  lit  baffiné.  La  cha- 
leur diiïîpe  les  parties  aqueuies  qui 
font  entre  les  élémens  fibreux  ,  Se 
par  conféquent  rend  les  vaiiïcaiiX 
plus  folides.  C'eft  dans  ce  fens  qu'on 
dit  que  les  fièvres  ardentes  deffe<- 
chent  Se  brûlent.  Cette  précaution 
eft   principalement  néceffaire   aux 
R  achitiques.  On  doit  toujours  avoir 
le  corps  un  peu  ferré  :  (a)  plus  le  dia- 
mètre des  vaifTeaux  fe  rétrécit ,  plus 
la  chaleur  s'augmente  ,  parce  que  la 

la] Boerhaavc ds  Fibrâ *kbili  &  lasâ ,  Aph,  zg .  3, 


256         TRAITÉ 

force  du  cœur  eft  toujours  propor* 
tionnelleàla  réfiftancedes  artères. 
Voilà  en  même-tems  la  raifon  pour 
laquelle  la  gl^ce  rend  les  mains  fi 
chaudes.  On  ne  devroit  aufTi  porter 
en  ce  cas  que  des  chemifes  de  fla- 
nelle fine  lèches  &  toujours  chauffées 
avant  qu'on  les  prenne.  La  toile  ne 
convient  qu'à  ceux  qui  tranfpirent 
trop  ,  &  il  efl  démontré  qu'on  tranf- 
pire  trop  peu  dans  ces  maladies.  Il 
fait  que  l'air  eft  d'autan  tplus  falutaire 
qu'il  efl  plusfec.  Enfin  pendant  tout 
le  tems  de  la  cure  on  doit  fuir  tous 
les  objets  qui  tournent  en  rond  & 
qui  caufent  le  Vertige.  Ce  n'eft  que 
lorfqu'onefttout-à- fait  rétabli, qu'on 
doit  peu  à  peu  s'y  accoutumer ,  jet- 
ter  les  yeux  fur  tous  les  coros  mus 
circulairement ,  regarder  de  haut  en 
bas  ,  marcher  hardiment  dans  des 
chemins  étroits ,  aller  fur  la  mer,  ga- 
loper à  cheval  en  mille  iens  difië- 
rens  ,  &c.  je  ne  doute  point  qu'en 
ebfervant  exactement  ces  préceptes 

on 


DU  VERTIGE.      257 

On  ne  guérifle  parfaitement  la  plu- 
part des  Vertiges  &  des  vapeurs  qui 
viennent  de  la  débilité  des  fibres  8c 
des  efprits.  Tant  il  eft  vrai  que  la 
Médecine  n'eft  autre  chofe  que  le 
jugement  éclairé  par  la  Phyfique. 

Si  vous  trouvez  ces  principes  fon- 
dés fur  de  juftes  idées  de  l'économie 
animale  ,  voici  le  régime  de  vivre 
qu'il  faut  fuivre  en  conféquence.  1  °. 
Pendant  tout  le  tems  de  la  cure  ,  je 
confeilîe  l'ufage  du  lait  ,  s'il  tîe  s'ai- 
grit point  dans  l'eftomach.  Le  meil- 
leur lait  eft  celui  d^ne  femme  faine 
qui  ne  croît  plus,  qui  fait  de  l'exer- 
cice, qui  fe  nourrit  de  bons  alimens. 
Il  faut  boire  le  lait  tout  chaud  for- 
tant  des  mammelles,ou  téter  la  nour- 
rice auffi-tôt  après  fa  dernière  dïgef- 
tion  ;  après  le  lait  de  femme  dont  la 
nature  eft  la  plus  analogue  à  la  nô- 
tre, parce  qu'il  contient  le  plus  d'é- 
lémens  terreftresou  fibreux, le  meil- 
leur eft  celui  d'ânefle  ,  enfuite  celui 
de  Chèvre  &  celui  de  Vache.  Quel- 

Y 


a58         TRAITÉ 

que  le  lait  qu'on  prenne  on  ne  doit 
point  le  faire  chauffer:  l'aciion  du 
feu  change  ou  aîtére  la  bonne  qua- 
licé  en  faiiant  évaporer  les  particu- 
les lubtiles  &  nourricières. 

2°.  Les  œufs  frais  fortant  du  corps 
de  la  poule  iont  ici  d'un  grand  fe- 
cours.  Selon  les  obfervationsdu  cé- 
lèbre Malphigi  (a)  le  blanc  d'œuf 
frais  forme  dans  l'efpace  de  vingt  & 
un  jours  le  corps  entier  d'un  poulet 
par  la  chaleur  naturelle  de  la  poule 
qui  couve  l'œuf.  La  chaleur  de 
l'homme  eft  femblabie  â  celle  de  la 
poule  v  le  Thermomètre  de  Fahren- 
heit en  fait  foi.  Il  doit  donc  fe  chan- 
ger dans  le  corps  de  l'homme  en 
parties  très-folides.  D'ailleurs  les  ex- 
périences chimiques  que  Monfîeur 
Boerhaave  (h)  a  faites  fnr  la  lym- 
phequi  eft  lamatieredela  nutrition^ 
démontrent  clairement  la  parfaite 

PT'C.»  I  r>e  ovo  ïncubaro  |  [  b  1  Elément.  Chiïru 
êc  de  formatione  çulli  in      ;     T.  a.  in  Animalia* 


DU  VERTIGE.  259 
analogie  de  ces  deux  iubftances.  Le 
blanc  d'œufeft  donc  une  excellente 
nourriture  dans  la  débilité  des  fibres 
&  des  efprits ,  principalement  ii  on 
le  délaye  encore  chaud  dans  de  l'eau 
&  du  lait  fans  l'approcher  du  feu. 

30.  Les  bouillons  de  viande  font 
aufîî  d'un  bon  ufage  ;  l'animai  donc 
on  prend  la  chair  pour  les  faire , 
doit  être  jeune ,  fain  ,  &  doit  avoir 
fait  de  l'exercice.  Après  avoir  entiè- 
rement dégraiffé  la  viande,  on  la 
coupe  par  petits  morceaux  ,  &  on 
la  fait  cuire  dans  la  machine  de  Pa- 
pin  ou  dans  toute  autre  femblab.ie  , 
afin  que  le  fuc  de  la  viande  le  piuf 
fubtil&  lepiusnourriflant  ne  fe  dijV 
fipe  point. 

40.  On  ne  doit  fe  fervir  que  dé 
pain  qui  a  bien  fermenté  Se  qui  ef| 
bien  cuit  ,  p;)rce  qu'il  perd  par- là  fa 
vilcofi'té  qui  relâche  les  fibres  &  le 
rend  indigefte.  On  peut  le  préparer 
de.bien  des  façons,  en  pan£e,  en  rô- 
ties avec  du vin,en gelée,  eh- crème  * 
&c.  Y  il 


260        TRAITÉ 

5°.  La  boiflbn  doit  être  de  la  Bicr- 
re  ,  que  les  Hollandois  nommenr 
Brunfwkoudu  Vin;  Peau  la  plus 
légère  eft  toujours  plus  pefante  que 
le  vin, parce  qu'elle  contient  plus  de 
parties  Hétérogènes  :  elle  doit  donc 
relâcher  ou  affoiblir  les  fibres ,  8c 
ainfi  tous  lesalimens  aqueux  &  gras 
font  contraires  au  mal  dont  il  s'agit. 
Au  contraire  l'efprit  qui  eft  contenu 
dans  le  vin  donne  de  lafoliditéaux 
vaiffeaux  jufqu'au  point  de  les  ra- 
cornir enfin,  comme  on  le  remar- 
que dans  les  cadavres  de  ceux  qui 
ont  bû  beaucoup  de  liqueurs  fortes 
&  fpiritueufes.  Cette  boiffon  doit 
donc  être  prife  modérément.  Il  faut 
imiter  la  nature  qui  a  percé  les  pa- 
pilles des  mamelles  de  très-petits 
trous  afin  que  les  enfans  ne  puflent 
pas  téter  à  la  fois  une  trop  grande 
quantité  de  lait.  Mais  pour  que  le 
vin  faffe  plus  d'effet  dans  l'eftomach , 
&nepaffe  pas  fi  vite  dans  les  fécon- 
des voyeSj  il  faut  en  faire  des  rôties 


DU  VERTIGE      261 

avec  de  la  canelle  &  un  peu  de  lu- 
cre. J'ai  guéris  des  femmes  très-dé- 
licates,Hyftériques&  Vertigineufes 
par  l'ufage  prudent  de  ce  Cardiaque 
qui  feroic  bien  plus  recherché  9  sTil 
étoit  moins  commun. 

Pour  ce  qui  regarde  les  remèdes 
Pharmaceutiques  9  il  n'en  efl  point 
fans  doute  de  plus  efficace  en  ce 
cas  que  la  Limaille  d'Acier*,  on  n'en 
preferit  I'ufage  qu'après  avoir  bien 
préparé  les  premières  voyes  ;  les  ex- 
périences Chimiques  de  M.  Boer- 
haave  me  font  croire  avec  raifon 
que  fon  Souffre  Métallique  fe  diffouc 
8c  s'abforbe  par  l'acide,  dont  le  ven- 
tricule des  perfonnes  foibles  efl  né- 
ceflairement  rempli ,  &  qu'il  y  pro- 
duit un  efprit  fort  chaud  qui  n;efl 
du  tout  point  acide.  Tout  le  monde 
fçait  que  le  Mars  contient  encore 
4in  autre  principe  qui  efl  le  plusaf- 
tringent&:  le  plus  confondant  de 
tous  les  corps.  Toutes  les  fois  qu'une 
fille  affligée  des  pâles  eoulcuts  éa 


262        TRAITÉ 

nie  ,  fon  pouis  devient  élevé  &  plus 
prompt,  les  parties  extérieures  de 
ion  corps  s'échauffent ,  ion  Vifage 
prend  une  couleur  vive  &  vermeille, 
d'où  il  fuit  que  les  vaifleaux  ont  ac- 
quis par  ce  remède  plus  d'élafticité  , 
8z  les  fluides  plus  de  confidence. 
C'eft  ainfi  que  le  Mars  donne  aux 
viiceres  la  force  de  changer  le  chyle 
en  fang  rouge  ,  fur-tout  fi  en  ufanc 
de  ce  grand  remède,  on  fait  tous  les 
jours  un  peu  d'exercice.  Car  j'ai  fou- 
vent  remarqué  que  ians  cela  ce  mê- 
me mal  le  régénéroit  peu  de  tems 
après  avoir  diiparu.  Les  Vapeurs  & 
les'*Vertigesqui  viennent  de  la  pure 
débilité  des  fibres  fe  diffîpent  par  l'u* 
fagedu  même  remède.  Mais  il  faut 
des  mains  prudentes  pour  l'admini- 
ftrer  9  Se  bien  connoître  le  tempéra- 
ment de  ceux  à  qui  on  l'ordonne. 

Ceux  qui  aiment  les  formules  tou- 
tes faites  en  trouveront  ici  plufieurs 
dont  je  me  fuis  fer vi  avec  fuccès. 

ft.  D'Opiate  de  Romarin,  une 
once. 


DU  VERTIGE.       z6} 

De  Cachou  à  la  Violette,  deux 
dragrocs. 

De  Maftic  ,  une  demie  dragme. 

De  Gelée  de  Coings  ,  une  once. 

Mêlez  le  tout  avec  S.  Q.  deSyrop 
de  Myrte  \  la  doze  de  cette  Opiate 
eft  une  demie  dragme  ou  une  drag- 
me de  trois  heures  en  trois  heures. 

m.  D'Ecorces  de  TamarilCj 

De  Canelle , 

De  Quinquina , 

De  Fleurs  de  petite  Centaurée, 
parties  égales,  une  demie  once. 

De  Pierre  Hématite,  une  demie 
dragme. 

De  Limaille  d' A  derXixdra^mes* 

De  Sauge , 

De  Stécas  Arabique,  parties  éga- 
les, une  once. 

De  Vin  d'Efpagne^ieux  peintes 
&  demie. 

LaiiTez  le  tout  en  cfigefficHi  pen- 
dant deux  ou  trois  iours, vous- aurez 
du  Vin  fort  agréable  au  goût  Se  ex- 
cellent dans  l'Hydropifie, le  Verti- 


264         TRAIT  Ê 

ge  ,  les  Vapeurs  &  les  Pâles  Cou- 
leurs. La  doze  de  ce  Vin  eft  trois 
Verres  par  jour. 

Ou  enfin , 

Prenez  des  feuilles  de  Lavande, 
De  Romarin , 
De  Marjolaine, 
De  Sauge  , 

De  Stécas  Arabique ,  Sic.  par- 
ties égales ,  une  demie  poignée. 

Il  faut  que  ces  feuilles  foienttrès- 
féches  avant  que  de  les  pulvérifer  , 
on  fume  de  cette  poudre  comme*. 
duTabac,&on  faitpaffer  la  fumee 
par  le  nezjcette fumée  qui  eft  agréa- 
ble à  l'odorat  fortifie  la  membrane 
pttukaire  de  Schneider  Se  le  pou- 
mon :  ainfi  elle  convient  non-feulo 
ment  dans  le  relâchement  des  fi- 
bres ,  mais  dans  les  rhumes  du  cer- 
veau improprement  dis  qui  caufent 
eux-mêmes  quelquefois  le  Vertige  , 
comme  il  eft  aiféde  le  concevoir. 

Voilà  un  afïez  grand  nombre  de 
formules  ;  il  eft  aifé  d'en  faire  81  de 

les 


DU    VERTIGE.     265 

les  varier  à  l'infini ,  quand  on  con- 
noît  parfaitement  les  caufes&  lesfî- 
gnes  des  Maladies  ,  quand  on  fçait 
dévoiler  les  diverfes  formes  fous  lef- 
quellcs  elles  fcmblcnt  le  cacher, dé- 
bouiller  leurs  complications  &  in- 
terpréter ,  pour  ainfidire  ,  le  langa- 
ge équivoque  de  la  nature.  Sans  cela 
il  cft  impoffible  d'être  heureux  dans 
la  pratique.    L'expérience  même  la 
plus  confommée  n'eft  qu'une  routi- 
ne incertaine ,  pour  ne  rien  dire  de 
p!us,quand  elle  n'eft  pas  dirigée  par 
les  lumières  de  la  Phyfique,  par  une 
étendue  de  génie  capable  de  com- 
biner plufieurs  fymptômes,  de  rat 
fembler  fous  un  feul  point  de  vue 
une  foule  d'idées  à  la  fois ,  &  en  un 
mot  par  cet  efprit  de  difcuiïion  qui 
eftla  clef  de  toutes  les  Sciences, 


»7<5         TRAITÉ 

CHAPITRE  XII. 

O^j  eaufes /ympathiques  du  Ver- 
tige. 

JE  vais  entrer  dans  le  détail  des 
çaufesfympathiques  du  Vertige, 

1°,  Loriqù'il  y  a  iong-tems  qu'on 
0  mangé  9  le  pilore  §(ï  flâfque  &  re- 
lâché, par  conféquent  S'il  y  adeç 
vers  dans  les  inteftins  ,  ils  n'auront 
pas  de  peine  à  monter  dans  l'efto? 
ina^.  Voilà  une  caufe  fréquente 
des  convulfions  ,  du  Vertige  &  de 
rSpilepfîe  des  enfans.  Âinïï  lorfque 
ces  mm%  paroiffent  après  une  trop 
kmgue  abftinence,  ou  lorfqti'on  a 
lieu  de  foupçonncr  des  vers?ondoic 
§rftptayer  dés  Aftcàelmintiques  ou 
4^  forts  purgatifs. 

%°.  I^abiïe  monte  auffi  dans  l'efto- 
mac  après  des  jeûnes  trop  rigou^ 
reuK  ,'elleyeft  continuellement ex* 


DU  VERTIGE.      %6j 

tiède  dans  fon  paffage  ,  il  n'eftdonc 
pas  furprenaat  qu'après  avoir  féjour- 
né  quelque  tems  dans  un  vifeerc 
aufli  chaud  &auflî  proche  du  cœur, 
elle  s'y  brûle  ,  comme  parle  Durer  f 
(*}■  s'y  f  utrefie ,  s'y  alçalife  ;  ce  qui 
produit  des  exhalaifons  corrompues 
qui  irritent  les  nerfs  de  Peftomac , 
Se  par  conféquent  ceux  du  cerveau 
qui  leur  font  continus.  En  ce  cas  H 
faut  avoir  recours  à  TOximel ,  à  la 
crème  de  Tartre ,  au  Sel  Polycrefte, 
au  Tartre  vitriolé ,  aux  Tamarins  , 
&c.  vomitif,  purgatif,  tout  doit  être 
antifeptique,il  faut,  pour  ainfi  dire, 
baigner  le  corps  dansde  l'acide. 

j°.  La  colère  &  la  fureur  produi- 
fent  les  mêmes  effets,  ces  paflions 
agiffent  avec  violence  fur  les  con- 
duits bilaires  qui  s'ouvrent  dans  le 
duodénum,  Ainft  la  bile  doit  mon- 
ter ^dans  le  ventricule  &  s'y  corrom* 
pre.  Ce  qui  prouve  qu'Homère  , 
Hippocrate,&ç.n'avoient  pas  rai? 

0]  Oucct,  in  coaco  Hipjpoccat. 

2'j 


z6$        TRAITÉ 

ion  de  regarder  la  bile  comme4  la 
Tource  de  ces  paffions. 

4°.  Voici  une  nouvelle  fource  de 
calamités.  Pour  peu  qu'il  fe  trouve 
d'acide  dans  l'eftomac  ,  Je  laie  s'y 
coagule.  La  partie  coagulée  ne  pou- 
vant parler  par  le  pilote  ,  féjourne 
dans  la  cavité  de  ce  vifeere  &  s'y 
aigrir.  La  même  chofe  arrive ,  à  me* 
furc  qu'on  prend.de  nouveau  laie.  Il 
n'y  a  que  ù  férofité  qui  s'échappe 
dans  les  fécondes  voyes,  la  partie 
caleufe  s'unit  à  celle  qui  y  efl  reftéc 
8z  s'aigrit  encore.  Ainfi  l'eftomac 
fe  trouve  enfin  farci  de  fromage  ai- 
gre, Voilà  une  nouvelle  cauie  des 
coavuifionsVertigineufes  &  Epilep* 
çiquesdes  enfens."* 

...  parcourons  les  autres  çaufes  fy  n> 
pathiqiies.qui  ont  leur  fiége  dans 
l/elioniac.  Loffqu'on  a  trop  mangé, 
fcs  principaux  va i fléaux  font  acca- 
blés par  le  poids  des  alimens,  par 
coniçquenc  .ils  perdent  beaucoup 
de  leur  diametrç,  Or  cela  ne  peiiç 


D*U  VERTIGE.  299 
arriver  que  le  cours  du  fangn'y  ioic 
interrompu;  ainfi  il  n'y  a  que  les 
rameaux  qui  rampent  autour  de  ies 
orifices  dans  lefquels  la  circulation 
foit  libre.  Tous  le  fan  g  &  tous  les; 
efprits  qui  étoient  auparavant  diftri- 
bucs  par  tout  ce  viicere  ,  doivent 
donc  ie  porter  avec  impétuofité  vers 
ces  deux  ouvertures  ,  ce  qui  fait 
qu'elles  fe  contractent  avec  violence 
&fe  ferment  fpafmodiquemënt.  Que 
devient  alors  la  matière  dont  le  ven> 
tricule  eft  furchargé  ?  elle  s'échauffe, 
fe  rarefie,&fe  putréfie.  Il  fort  de  fou 
feindes  vapeurs  putrides  qui  irritent 
les  nerfs  du  ventricule,  oufe  portent 
au  cerveau  par  la  circulation.  D'ail- 
leurs ceuxqui  connoifient  lâfituation 
de  l'Aorte, ne  peuvent  douter  qu'elle 
ne  perde  de  fon  diamètre  par  la  pref- 
fion  de  ce  vifcere  ,  d'où  il  fuit  qu'il 
monte  d'autant  plus  defangà  la  tête 
qu'il  cuva  moins  aux  parties  inférieu- 
res; ce  qui  forme  un  Vertige  plétho- 
rique.auquel  les  gens  de  lettres  font 
Z  iij 


aTO        TRAITÉ 

principalement  fujets  parce  qu'ils 
écrivent  ou  s'appliquent  à  l'étude 
auffi-tôt  qu'ils  font  forcis  de  table. 

Les  effets  de  la  crapule  fontfcm* 
blables  à  ceux  delà  gourmandife. 
Le  ventricule  étant  dilaté  au-de-là 
de  fes  forces  naturelles  ,  le  pilore  fe 
bouche  fi  exactement ,  qu'il  nelaiffe 
pas  paffer  une  feule  goutte  de  li- 
queurs dans  les  inteftins.  Voila  la 
caufe de  mille  maux  dangereux.  Le 
Vertige  Se  l'Apoplexie  ne  paroifTcnt 
que  comme  les  avant-coureurs  d'une 
mort  certaine.  Ce  que  je  dis  ne  re- 
garde pas  feulement  l'excès  du  vin, 
mais  l'excès  du  cidre,  delà  bierre, 
du  petit  lait  ,  de  l'eau  commune 
froide  ou  chaude  ,  du  thé,  du  caffé, 
des  eaux  minérales  ,  &c.  une  trop 
grande  quantité  de  liquide  quel  qu'il 
foit  excite  des  Vertiges  crapulaires 
plus  dangereux  que  ceux  qui  vien- 
nent de  l'yvreflfe  ;  car  ceux-ci  dif- 
paroiflent  auffi-tôt  que  tout  l'efprit 
du  vin  fuperflu  s'eft  exhalé,  &  que 


£>U  VERTIGE,      171 

par  conféquent  les  folides  &  les  li- 
quides ont  repris  leur  jufle  équilibre. 
Ceft  pourquoi  le  fommeil  fcul  diffi* 
pe  toutes  les  illufions  de  l'yvreffe, 
à  moins  qu'il  n'ait  refté  de  mauvai* 
fes  humeurs  dans  l'eftomae* 

Uneépingle,une  aiguille ^un  mof* 
ceau  de  verre  *  ou  de  criital  ,  ud 
noyau  ,  une  petite  pierre  3  des  gruh 
meaux  de  fang  :  en  un  mot  toute 
matière  qui  bouche  le  pilore  9  peut 
caufer  le  Vertige  &  fes  plus  cruels 
fymptomes,  Vanhelmont  (a)  racon- 
te l'hifloire  de  fon  coq  qui  couroit 
de  côté  dans  fa  cour ,  tomboitfou- 
venr  en  arrière,  ne ferele voit  que 
pour«aller  donner  contre  une  porte 
<les  coups  violens  de  fa  crête  &  d© 
fon  front,  &  mourut ainfi  dans  uri 
accès  terrible  de  Vertige.  On  Vmm 
vrif ,  Se  l'on  ne  trouva.d'autfe  caufe 
d'une  mort  fi  extraordinaire  qu'un; 
petit  cailloux  qui  bouchoit  exaite* 
ment  lepilore.  Cet  Auteur  raconte 


171         TRAITÉ 

pluficurs  aunes  faits  qui  confirment 
celui-ci.  Ruifch  fait  mention  d'une 
jeune  fille  qui  mourut  après  avoir 
avaliéune  aiguille  qui  s'arrêta  au  pi- 
lore.  Prelquc  tous  les  Livres  font 
remplis  de  pareils  faits. 

Je  n'ai  garde  de  pafler  fous  filence 
la  raréfaâion  de  l'air  dans  le  ven- 
tricule. J'entens  non-feulement  l'air 
que  nous  refpirons,  mais  celui  qui 
ell  contenu  dans  les  alimens  >  8c  qui 
en  fort  par  la  chaleur  des  parties  où 
ils  féjournent.  Cette  raréfaction  eft 
quelquefois  fi  confidérable  ,  qu'elle 
caule  de  violens  Vertiges  auiquels 
les  Vieillards  font  principalement 
fujets  ,  parce  qu'ils  font  remplis  de 
vents  ;  en  ce  cas  il  fuffit  de  relâcher 
les  parties  contra&ées  ,  ou  d  élargir 
leur  diamètre  par  des  remèdes  hui- 
leux Se  aqueux.  Le  canal  étant  ou- 
vert depuis  la  bouche  jufqu  a  l'anus, 
vents, pets, rots,  borborygmes  ,  tout 
l'air  raréfié  s'echape  par  l'une  ou  l'au- 
tre extrémité.  G'eft  pourquoi  je  fe- 


DU  VERTIGE.  17? 
rois  allez  de  l'avis  de  Vanhelmonc 
qui  a  plus  de  foi  dans  cette  dilatation 
des  conduits  que  dans  tous  les  pré- 
tendus carminatifs. 

Voici  une  belle  obfervationd'A- 
retée.  (^)Lorfqu'un  abcès  du  foye 
vient  à  s'ouvrir  ,  on  elï  lujet  au  Ver- 
tige 8c  à  les  plus  cruels  fymptôrnes. 
C'efl:  ici  qu'il  faut  beaucoup  de  ju- 
gement &  de  pénétration  pour  dé- 
couvrir la  cautedes  triftes  cataftro- 
phes  qui  furvienoent.  Si  on  les  at- 
tribue à  quelque  caufe  idiopathique, 
on  ordonnera  des  iaignées  qui  feront 
périr  le  Malade,tandis  qu'il  ne  s'agit 
que  de  purger  entièrement  cette  vo- 
mique.  Car  on  a  beau  faire  ,  aucun 
fy mptôme  ne  fe  diffipe  que  lorfqu'on 
en  a  fait  fortir  tout  le  pus  qu'elle 
contient.  Ce  qu'on  dit  du  foye  peut 
s'appliquer  à  tout  autre  vifeere.  Ju- 
gez combien  cette  oblervation  efl 
utile  dans  la  pratique.  Liiez  l'ancien 
Auteur  que  je  viens  de  citer  9  c'efl 

(<*  )  Aret.pag,  127.  \z%> 


274         TRAITÉ 
le  plus  parfait  Ecrivain  ,  &  î'Gbfeî* 
vateur  le  plus  exa£t  qu'on  ait  vu  de- 
puis Hyppocrate. 

La  Péripneumonie  n'eft  jamais 
plus  dangereufe,  quelorfqu'eile  efi: 
accompagnée  du  Vertige.  Mais  ce 
fymptôme  ne  vient  certainement  pas 
des  vapeurs  qui  s*élevent  du  pou- 
mon au  cerveau ,  comme  on  fe  l'i- 
maginoit  avant  Harvée.  Depuis  que 
cet  illuftrc  Auteur  a  découvert  la 
circulation ,  on  ne  peut  douter  que 
l'inflammation  des  artères  capillaires 
du  poumon  n'empêche  une  partie 
dufangde  parler  dans  le  ventricule 
gauche  ,  ainfi  il  doit  s'accumuler 
dans  le  ventricule  droit,dans  laveine 
cave,  dans  les  jugulaires,  Se  par  con* 
féquent  dans  le  cerveau  \  de  forte 
qu'enfin  les  carotides  &  les  artères 
de  l'œil  venant  à  fe  gonfler  ,  les  Pé- 
ripneumoniques  font  faifis  du  Ver- 
tige le  plus  violent.  On  peut  être 
pris  du  Vertige  pour  la  même  rai- 
fcn  en  faifant  de  grands  effortspour 


D  U' VERTIGE-      ±7* 

porter  des  poids  confidérables'jcar  la 
grande  quantité  d'air  qu'on  retient 
alors  dans  le  poumon  empêche  l'ac- 
tion de  ce  viicere,&  comprime  l'ar- 
tère pulmonaire.  Ainfi  le  fang  n'y 
pouvant  circuler  qu'avec  peine  9 
s'amafle  dans  le  cerveau ,  comme  je 
viens  de  le  dire.  Voilà  en  paffant  une 
des  caufes  de  la  colique  néphrétique 
ou  de  l'inflammation  des  reins  -,  car 
le  fang  qui  s'étoit  accumulé  dans  le 
poumon  pendant  tout  le  tems  de 
l'infpiration  ,  eft  pouflee  après  l'ex- 
piration avec  tant  de 'force  dans  le 
ventricule  gauche  ,  &  dans  l'Aorte 
qu'il  fe  fait  paffage  dans  les  petits 
vaiffeauxdes  reins  ,  les  dilate  &les 
enflamme  d'autant  plus  qu'ils  luire- 
fiftent  moins.  Il  eft  aifé  de  conce- 
voir à  préfent  pourquoi  on  peut  être 
pris  du  Vertige  à  force  de  courir  , 
de  retenir  fon  haleine  ,  d'éternuer  , 
d'avoir  le  col  ou  la  tête  ferrée. 
La  maladie  nommée  Choiera  9  (a) 

ta  J  Asetatusj^.  14* 


a76         T  R  A  I  TÉ        , 

l'affeflion  Hyflérique&:  Hypochon- 
driaquc, de  violentes  palpitations  U) 
du  cœur  ,  du  fang  grumulé(^)  dans 
l'eftomac  ,    le    rhume  du  cerveau 
improprement  dit ,  un  Polype, !?Hy-. 
dropilie  Afcite,  la  Gfoflefle,  l'ufage 
de  l'Opium  (  c  )  de  petits  vers  ca- 
chés dans  les  replis  delà  membrane 
pîtuitaire  de  Schneider  ,   certains 
vents ,  (d)  certaines  fai  forts ,  la  Ci- 
guë aquatique,  la  moindre  particule 
de  venin ,  un  ulcère  (  e  )  dans  les  in- 
teilins  :  voilà  les  principales  càufcs 
du  Vertige  Symphatique.  En  un  mot 
pour  faire  une  petite  récapitulation 
de  tout  ce  qui  a  été  dit  ci-devant  ;  ii 
faut  conclure  que  tout  ce  qui  affai- 
blit ,épuife,  trouble  ou  fixe  les  ef- 
prits  \  que  tout  ce  qui  irrite  ou  corn* 
prime  médiatement  ou  immédiate- 
ment les  nerfs  ou  la  fubftance  du  cer- 
veau ,  8z  enfin  que  tout  ce  qui  empê- 
che le  fang  de  circuler  par  les  parties 

!>]  Aret.  p.  i6.j>]p  »?•]     [«*]   Hîppocrat.  Scft.  î. 
[  c  ]  Monon   ce  febtîfoïxsl'Àpir-  >'•  i?>  *?. 
fft  jjenece  a  jp   3&,  |     [c]  Àiessus,  p*  éi. 


DU    VERTIGE.     277 

infcrieures3peut  cauier  le  Vertige.  Il 
cft  à  propos  de  remarquer  que  de 
deux  Ver  tiges, il  y  en  a  un. qui  vient 
de  quelque  dérangement  del'efto.- 
mac.  Vanhelmont  (a)  a  fait  de 
grands  efforts  pour  prouver  cette  vé- 
rité qui  étoit  connue  de  prefque  tous 
les  Médecins  qui  l'ont  précédé. 

Voilà  l'hifloire  générale  d'un  mal 
très-fréquent  &  peu  connu  ;  tous  les 
Auteurs  qui  en  ont  écrit  font  à  peine 
digne  d'être  lus,  excepté  l'élégant 
Aretée  &  le  fubtil  Bellini  qui  m'ont 
fervi  de  guides:  encore  ,  j'ofe  ledi*- 
re,  ni  l'un  ni  l'autre  n'en  a  traité 
âflez  au  long  ni  avec  affez  de  mé- 
thode. Si  les  jeunes  étudians  en  Mé- 
decine retirent  quelque  fruit  de  ce 
petit  Ouvrage  ,  je  croirai  avoir  bien 
profité  de  l'heureux  loifir  dont  un 
jeuneMédecin  jouit  iong-tems  avant 
que  la  pratique  le  détourne  tout-4* 
fait  de  Fétude  de  fa  profeflion, 

f  <*]  Vanh'elm.  Pyhrtis  Reffor.  N,  24, 

FIN.    • 


a78      CATALEPSIE 

DESCRIPTION 

D'UNE  CATALEPSIE 

HYSTERIQUE. 

HELEINE  Renault  de  Saint 
Malo  âgée  de  17.  ans  ,  & 
Olive  fa  fceur  aînée  furent  atta* 
<juées, l'une  le  1 1  8c  l'autre  le  1  5.  du 
mois  de  Mars  dernier ,  d'une  affec- 
tion Hyftérique  caufée  par  la  fup- 
preffion  de  leurs  régies.  L'aînée  n'en 
eue  que  cinq  ou  fix  accçs  çonfécu- 
tifs&  fut  bien-tôt  radicalement  gué- 
rie 7  grâce  aux  Emménaguoges  & 
aux  Hyftériques  que  je  lui  fis  pren- 
dre ,  &  qui  lui  rendirent  fes  menf- 
truës  :  la  cadette  ne  fut  pas  fi  heu- 
reufe  ,  les  remèdes  qui  rétablirent  fa 
fœur  ne  firent  qu'irriter  fon  mal. 
Après  dix  oudouge  accès  qui  nefu» 


HYSTERIQUE.     279 
rent  qu'Hyftériques,ellc  tomba  dans 
une  véritable  Se  parfaite  Catalepfie  , 
fymptômes  de  vapeurs  ,  métamor* 
phofe  nouvelle  ,  dont  aucun  Au- 
teur,que  je  fçache,n?a  fait  mention, 
"Les  doigtsjes  phalanges  des  doigts, 
Je  poignet,  l'avant-bras  ,  le  bras, les 
y  eux, la  tête,  toutreftoit  immobile  , 
dans  la  fituation  où  Ton  s'avifoitde 
la  mettre;  en  un  mot  ce  fpeâacle 
étoitfi  effrayant,  que  la  Meredela 
Malade  fut  prife  d'un  violent  accès 
Hyftérique  la  première  fois  qu'ellç 
vit  fa  fille  en  cet  état.  Outre  ces ac* 
ciderçs  communs  aux  Cataleptiques, 
l'odorat  de  celle-ci  avoit  un  fenti- 
ment  exquisjquelqu'odeur  fpiritueu* 
fe  un  peu  forte  qu'on  approchât  à 
î  ou  2  pouces  de  la  narine  droite, 
elle  fe  jettoit  du  côté  gauche ,  fi  on 
Tapprochoit  de  l'autre  narine,  elle 
fe  retpurnoit  avec  force  du  côté 
droit  :  fi  l'on  ôtoit  la  main  avec  la- 
quelle elle  reçoit  fortement:  (on  XiïZp 
elle  y  portait  l'autre  avec  une  vuene 


280       CATALEPSIE 

incroyablejîl'onôtoit  encore  celle-- 
ci, la  première  qui  croit  rcflée  iuf? 
pendue  ne  fernbloit  l'être  que  pour 
défendre  plus  promptement  cet  or- 
gane ennemi  déclaré  de  toutes  for- 
tes d'odeurs  fortes  ?  &    principale- 
ment de  l'efprit  volatil  de  Sel  Am- 
moniac qu'elle  fentoit  à  plus  de  dix 
pieds  dediftance  de  fon  lit.  Lorf- 
qu'on  l'approchoit  d'elle  un  peu  plus 
près ,  elle  fe  couvroit  le  vilage  de 
Ion  drap  ou  fe  cachoit  fous  la  cou- 
verture par  je  ne  lçai  quel  inflinct 
qu  perception  qui  la  fervoit  fans  le 
confentem'ent  de  fa  volonté  :  on  n'a? 
yoit  même  qu'à  prononcer   le  nom 
de  cet  efprit ,  la  voilà  fur  fés  gardes, 
comme  ces  fous  que  certains  mots 
mettent  fur  leur  folie.  Enfin  fi  l'on 
venoit  armé  d'une  plume  trempée 
dans  cet  elprit  pour  violenter  ion 
nez  &  la    faire  ainii  revenir  -,  elle 
peuffoît  des  cris  affreux  ,  fans  les 
entendre:,  iî  lui  prenoitdes  convul- 
fions  violentes, des  tr^nfports  de  co- 
lère 


HYSTERIQUE.  281 
1ère  &  de  rage  ,  trois  hommes  ne 
pouvoienc  alors  la  renir  ,  elie  qui 
avant  l'accès  avoit  à  peine  la  force 
de  parler.  Ce  qui  prouve  évidem- 
ment que  quoique  les  efprits  vola- 
tils diffipenc  pour  l'ordinaire  la  Ca- 
talepfie  préfente  7  ils  font  toujours 
nuifibles  dans  les  maladies  des  nerfs 
par  la  grande  irritation  qu'ils  leur 
caufent  ;&par  conféquenc  lorfqa'ua 
Médecin  aura  à  traiter  une  Catalep- 
fie  Hyftérique  comme  celle-ci  ?  il 
ne  doit  point  fe  fervir  d'efprit  auffi 
violent  pour  diffiper  le  Paroxifme 
aâuel.  J'ai  remarqué  que  la  fumée 
d'une  carte  allumée  fa  if  oit  le  même 
effet  fans  aucun  danger. 

Notre  malade  eut  pendant  Pef- 
pace  de  deux  mois  plus  de  vingt  ac- 
cès de  cette  Cataiepfie  que  j'appelle 
Hyftçrique  ,  parce  qtr'en  effet  elle 
fuccédoit  toujours  à  l'affeciion  Hyf- 
terique  :  à>nrtefure  que  ion  oppref-. 
ftondiminuoit?.fesyeuyi  paroiffoient 
plus  fixes  s  M  en  même  îcîtls  qu'elle 

A  a 


282     CATALEPSIE 

ceffoit,  il  lui  prenoit  ordinairement 
un  petit  Vertige  ténébreux  qui  la 
faifoit  doucement  tomber  fur  fon 
oreiller.  Quelquefois  cependant  fa 
Catalepfie  étoit  accompagnée  de  fa 
fuffocation  utérine  à  laquelle  on 
voïoit  fouvent  fuccéder  d  e  violentes 
convulfions  t  &  un  délire  bien  plus 
fpirituel  que  l'état  fain.  Il  arrivoic 
aufli  de  tems  en  tems  qu'elle  revoit 
durant  fon  accès  de  Catalepfie  T  il 
étoit  alors  affez  plàifant  de  voir  cette 
jeune  fille  aflife  dans  fon  lit ,  le  tronc 
immobile ,  la  tête  panehée , lesyeux 
tournés  de  tous  les  cotés  qu'on  s'a- 
vifoit  de  les  tourner  y  les  bras  fléchie 
&  fufpendus,  foûrire  agréablement 
avant  que  de  parler  r  comme  une 
ftatue  à  refforts  fufceptible  de  toutes 
fortes  de  mouvemens.  Après  cha- 
que accès ,  elle  jouiffoit  cPune  Apu- 
rexie  femblable  à  celle  des  fièvres 
intermittentes  ,.  &  fe  portoit  fî  bien* 
qu'elle  fe  flàttott  toujours  de  ne  plus 
retombe?  £  cependant  b  moindre 


HYSTERIQUE.    183 

frayeur,  une  mauvaiie  nouvelle,  le 
plus  petit  fujet  de  mélancolie  ou  de 
colère ,Ja  moindre  odeur  puante  & 
Hyfterique,  telle  que  celle  du  Gai- 
toreum  ou  de  la  Rhue ,  reveilloient 
ce  genre  de  mal ,  8c  même  en  acce- 
leroienc  le  Paroxifme. 

Après  tous  ces  accès  de  Catalep- 
fie  Hyfterique  ,  la  malade  eut  pen- 
dant près  de  deux  (a)  mois  un  heu* 
reux  intervalle  que  le  lait  de  chèvre, 
l'air  de  la  campagne ,.  &  principale^ 
ment  l'exercice  ,  lui  procurèrent. 
Mais  elle  fut  à  peine  de  retour  à  1# 
Ville  que  la  Catalepfie  reparut  r  fans 
être  comme  auparavant  précédée  do 
Faffe&ion  Hyfterique  ,  mais  avec 
d'autres  fingularités  remarquables. 
Elle  commençok  Toujours  par  tom- 
ber en  foibleffe ,  Se  quelquefois  en* 
fyncope.  Lorfque  dans  cet  état  om 
s'avifoit  de  la  picquer  pour  la  faire 
revenir  ,ou  de  lui  faire  fentir  que!- 
qu'odeur  puante  .  elle  devenoir  Ça** 

(*}  fnïn  &  JuiU«s, 


284     CATALEPSIE 

raleptique  \  mais  pour  l'ordinaire  de 
la  moitié  du  corps  feulement.  On 
l'a  vue  auffi  tomber  d'elle  -  même 
dans  cette  demie  Catalepfie  qui 
étoit  plus  ou  moins  parfaite.  Enfin 
ce  mal  qui  change  de  face,  comme 
un  Protée  9  prit  une  nouvelle  face 
bien  plus  dangereufe  que  les  précé- 
dentes, je  parie  de  l'Apoplexie.  Le 
premier  accès  dura  trois  jours  en- 
tiers avec  des  convulfions  fi  violen- 
tes de  la  machoir?  inférieure  9  qu'on 
ne  voyoit  point  les  dents  de  cette 
mâchoire ,  &  que  par  conséquent  on 
ne  pouvoit  rien  lui  faire  avaler  \  elle 
n'a  eu  depuis  le  mois  d'Août  que 
deux  légères  attaques  de  cette  Apo- 
plexie Cataleptique. 

Voilà  Phiftoire  delà  maladie d'He- 
leine  Renault  ;  je  n'avance  rien  qui 
ne  foit  exactement  vrai ,  8c  que  la 
plupart  des  Médecins  de  Saint  Malo 
n'ayent  vu.  Ceux  qui  ieront  curieux 
de  connoître  les  différentes  caufes 
Phyfiques  de  la  Catalepfie  propre- 


HYSTERIQUE.  285 

mène  dite,  peuvent confuker  Bel- 
lini.  Oeft  à  mon  avis  celui  qui  les 
a  le  mieux  expliquées.  Pour  la  Ca- 
talcpiie  Hyflerique  dont  il  s'agit,  je 
ne  connois  point  d'auteur  qui  l'ait 
décrire.  Toutes  les  Hiftoi.ires  de  Ca- 
talepfie  qu'on  trouve  à  la  fuite  de  la 
differtation  de  Dionis  fur  la  mort 
^^//^nereffemblentpoinràcellecî , 
comme  011  en  peut  juger.  On  trouve 
auffi  dans  plusieurs  Auteurs  l'expli- 
cation des  eau  les  Se  des  effets  de 
l'affeâion  Hyfterique ,  qu'il  fuffit  de 
coudre  avec  celle  que  Bellini  a  faite 
de  la  Cataîepfie  ,  pour  comprendre 
ce  qu'il  y  a  de  plus  merveilleux  en. 
apparence  dans  ce  récit»  Aurefte.ee 
merveilleux  n'eft  que  pour  ceux  qui 
ignorent  jufqu'à  quel  degré  peut  al- 
ler le  dérangement  de  notre  machi- 
ne v  car  ceux  qui  font  éclairés  des  lu- 
mières de  la  phyfique  penferont  tout 
autrement  ,  perfuadés  que  tous  les 
mouvernens  du  corps  humain  qui 
paroiffent  le  plus  tenir  du  prodige, 


z%6  CATALEPSIE 

ne  fe  font  que  par  des  loix  pure- 
ment naturelles  ,  quoiqu'il  taille 
avouer  que  les  plus  habiles  font  fans- 
doute  fort  éloignés  de  la  parfaite 
connoiffanee  de  ces  loix. 

Sans  me  répandre  en  de  vains  rai- 
fonnemens  qui  me  meneroient  trop 
loin  ,  je  me  contenterai  donc  de 
marquer  ici  ce  que  j'ai  obfervé  dans 
la  cure  de  ce  genre  de  mal.  t°.  On* 
a  employé  inutilement  tous  les  re- 
mèdes capables  de  faire  revenir  les 
règles  de  la  malade.  2°.  Tous  les  An- 
tifpaf modiques  fétides  recomman- 
dés par  tous  les  Médecins  dans  la 
cure  des  vapeurs  y  nous  ont  toujours 
paru  fort  nuifibles.  }°.  Oiia  tiré  en^ 
viron  quinze  ou  feize  livres  de  iang; 
dans  le  cours  de  la  maladie ,  tant  dt* 
bras  Se  du  pied ,  que  de  la  gorge 
&  du  nez.  40.  Tous  les  remèdes 
aqueux  ont  eu  des  effets  faiuraires. 
5e  Le  Syrop  de  Karabé  Narcotique 
donné  à  propos  ,  a  fouvent  calmé 
prefque  tout  à  coup  l'Erethifme  des^ 


HYSTERIQUE.  i&7 

nerfs  &  l'Ataxie  des  efprits.  6°.  La 
malade  a  eu  pendant  deux  mois , 
depuis  Ion  premier  accès  ,  une  ef- 
pece  de  diarrhée  entretenue  par  de 
légers  Purgatifs  ,  à  laquelle  elle  at- 
tribue fa  guerifon  \  en  effet  je  ne 
doute  pas  que  cette  évacuation  ®fy 
entre  pour  beaucoup  ,  &  on  peur  r 
ce  me  femble  ,  en  inférer  que  les 
purgatifs  ,.&  principalement  les  Hy- 
dragogues  conviennent  dans  ces 
fortes  de  maladies,  70.  On  a  toujours 
mis  en  ufage  un  régime  de  vivre 
fort  hume£tant. 

Voilà  en  peu  de  mots  la  méthode 
Thérapeutique  qu'on  a  fuivie.  La 
malade  paroit  jouir  d'une  famé  par- 
faite,, quoique  fes  règles  ne  foyenir 
point  encore  revenues.  C'efl:  pour- 
quoi on  met  aâuellement  en  œuvre 
tous  les  moyens  capables  de  les  ra- 
peller  y  afin  que  la  curatioa  foit  ra* 
dkale. 


188      RÉPONSE 

%%  i°%  %i  )%  :  m  «S  «S  ;  85  tf4  ^j  £3  SI  «  fà  ^  %&  : £g 

rr* ...  »-ti T**.-..«-y> -r-»..,,^ ^^.yy . ^...^-rt -^. ^-y ff*»~.«^   J2^£$ 

LETTRE 

A    MONSIEUR 

ASTRUC. 


GNSIEUR 


? 


LA  critique  que  vous  avez  ES 
de  ma  differtation  fur  les  Ma- 
ladies Venériennesya  fans  doute  de- 
*y\  formé  contre  moi  des  préjugés 
qu'il  m'eft  important  de  détruire. 
C'eft  dans  cette  idée  que  j'entre- 
prens  de  me.juftifier. 

i°  Vous  dites  (a)  que  Monfieur 
Boerhaave  n'établit  pas  toujours  le 

(*}  De  Motbis  Venesi» , -^.  5  s*» 

fiege 


A  M.  ASTRUC,  289 
fiége  du  venin  vénérien  dans  la 
graifTe  ,  &  que  vous  n'avez  rien  1$ 
dans  toute  la  Préface  de  l'Apliro- 
difiacus  qui  foit  en  faveur  de  cet» 
ce  conclufion  ,  que  je  tire  dans 
la  troiiîeme  page  de  mon  difeours 
préliminaire  ;  il  ne  faut  cependant 
qu'un  peu  d'attention  pour  en  con- 
venir, La  defeription  exa&e  que 
Monfieur  Boerhaave  (  a  )  fait  &  qu'il 
dit  être  obligé  de  faire  du  Pannicule 
adipeux  pour  expliquer  fon  fyfteme 
fur  la  Vérole  ,  la  membrane  cellu- 
laire de  Ruifch  qui  environne  les 
glandes  de  Couper  ,  les  Proflates  , 
ïes  Veiïcules  feminales ,  &c.  &  qui 
ielon  lui  [b  ) ,  fert  de  fiége  aux  diffé- 
rentes efpeces  de  Gonorrhées  ,  les 
fignes  qu'il  donne  (  c  )  pour  faire 
connoître  fi  le  venin  cft  répandu 
dans  toutes  les  cellules  adipeufes  , 
enfin  la  cure  qu  il  fait  (d)  confifter  à 
évacuer  jufqu'à  la  dernière  goûte 

C»)  Aph.  Pratf  p.  6,  (c)Pag     17.18. 

(b)-pag    U.  '*.  f         [dJPag.     i.     9. 

B.b 


290        RÉPONSE 

d'huile  infeftée  ,  tout  manifçflc  qu'il 
prétend  que  le  mal  vénérien  na  point 
d'autre  fiége  que  la  graifle.  Telle  eft 
fon  opinion  :  elle  iaute  aux  yeux 
prefqueà  chaque  page.  Auffj,  quoi- 
qu'elle loir  peu  conforme  à  la  vôtre  f 
il  paroit  que  vous  n'avez  pu  longr 
tems  vous  la  diflîmuler.  Les  propres 
prrolesde  Monfieur  Boerhaave  que 
vous  ra portez  (a  ) ,  &  les  efforts  que 
vous  faites  pour  les  réfuter  vous 
trahifTent  malgré  vous ,  8c  font  aper? 
cevoiren  même  tems  uuc  contre 
di&iou  affez  fiiguliere.  Car  pour* 
quoi  difputçr  contre  un  fait  qu'ot* 
nie? 

a0  Je  ne  fçai  pourquoi  vous 
croyez  {h)  que  j'attribue  h  pre- 
mière origine  de  la  Vérole  ai|  com- 
merce impur  d'une  Courtifane  de 
Valence  avec  un  Lépreux.  Ilfalloit 
que  vous  eutîiez  l'efprit  bien  occupé 
de  l'opinion  de  J.  Manard  pour  me 
la  denner  gratis;  car  j'en  fuis  éloignç 

lï)  3*   M*.  I        tb3  Pî»g.  S6+* 


3 


A  M.  ASTRUC.  291 
tetoCçlo.  Je  ne  raconte  ce  fait  (a) 
ue  pour  faire  mention  des  progrès 
e  la  contagion  Vénérienne.  Ei> 
effet ,  il  s'agit  d'une  fille  de  joye  qui 
donnaJayeroleàun  lépreux.  Elle 
l'avoit  donc  ,  çopme  M.  Freind  le 
penfe  (b  )  :  la  conféquence  eft  claire , 
&  il  n'y  a  aucune  contradi&ion  avec 
ce  que  je  dis  (c)  :  j'en  fais  juges 
jousmes  lefteurs  ;  je  fuis  perfuadé 
.qu'ils  conviendront  auffi  que  vous 
p'ètes  pas  plus  fondé  à  inférer  (d) 
que  je  rejette  tpuslçs  caïmans,  les 
raftaichiff^ns  ,  les  Anodyns  dans  la 
cure  de  la  Gonorrhée,&  que  je  pré- 
fère le  Turbith  minerai,  Je  n'en  dis 
pas  uti  feul  mot  en  ce  cas  ;  fi  je  le* 
confeilîp ,  c'efl  feulenient  lorfqu'il  fç 
forme  des  Veruçs  Vénériennes  dans 
l'Urerhre.  Voilà  trois  points  effen? 
tiels  dans  lefquels  j'ai  eu  le  malheur 
de  n'être  point  entendu.  Ce  qui  me 

[  a  ]  DilT.  fut  les  Mal.  |  [c  3  Pag.  ?+.  35.  j<f. 

Vencp.  Pag    39.  ,  [  d  ]  M.  Aft'ruc  tire  cet- 

f  b  "J  Hift    de  la  Med,  tecouféq.  des  p.  6p,  sj. 

Tom.  3  pag.  ipg.  )  54.  de  ma  DiflTcrt.    " 

B  b  i  j 


29X        RÉPONSE 

confole  ,  Monfieur,  c'eft  que  ceux 
qui  m'ont  lu  avec  plus  d'attention  , 
me  rendent  plus  de  juftice. 

Je  paffe  aux  raiforinemens  que 
vous  faites  (  a  )  fur  la  vertu  du  Mer» 
cure.  Vous  accordez  qu'il  guérit  ra- 
dicalement la  Vérole  lorfqu'elle  in* 
feâe  d^es  lieux  où  fe  trouvent  des  ar- 
tères dans  lefquelles  la  circulation  fe 
fait  avec  affez  de  viteffe .  Or  ,  dites* 
vous  ?  il  n'y  a  aucune  partie  vivante 
clans  tout  le  corps  où  l'on  ne  trouve 
de  telles  artères  :  donc  le  Mercure  efl 
toujours  efficace  dans  h  cure  de  la 
YcTQÎe.  Permettez-îTioi ,  Monfieur, 
de  Vous  faire  confiderer  la  membra* 
ne  cellulaire  de  la  verge.  Les  hu* 
meurs  y  circulent-elles  affez  vite  , 
pour  que  le  vif-argent  gueriffe  les 
Gonorrhées  qui  y  ont  leur  fiége  ? 
Non  fans  doute.  Vous  en  convenez 
vous-même  (  h  ).  La  rooëllç  des  os  qui 
rfi  filtrée  par  les  vaiffeaux  du  periofc 
te  n'efl-elle  pas  en  quelque  forte  hors 

(a)  P.g?  HS    1+tf-         |         (b)  Pag.  145,  N.4. 


A  M.  ASTRUC  193 
lie  la  circulation  ,  dès  qu'elle  eft  une 
fois  dépoiéedans  leurs  cavicés  ou  en- 
tre leurs  larmes  î  LereiTort  des  vaii- 
feaux  ,  des  petits  offelttsdu  nez  eft- 
il  affez  fort  pouf  reioudre  le  Vif- 
argent  en  fes  Atomes  >  Or  9  félon 
vous -même  ,  cela  eft  abfolumenc 
neceffaire  pour  qu'il  puiffe  divifer 
à  fon  tour  les  liqueurs  infcâées  9 
Se  les  rendre  affez  fluides  pour  pou- 
voir être  évacuées.  Par  confequenc 
fi  le  vomer  ,  par  exemple  ?  a  une 
lame  cariée  ,  ce  foffile  ne  pourra  la 
détacher  des  autres  lames  voifines 
vivantes.  Il  ne  iuffii  donc  pas  qu'il 
agiffepar  fa  feule  pelanteur.  Si  le  vi- 
rus eft  dans  des  lieux  fi  éloignés  du 
cœur  que  fon  a£lion  s'y  fafïeà  peine 
fentir ,  il  bravera  ,  pour  ainfi  dire ,  le 
Mercure  avec  toute  fa  vertu. 

Le  Gayac  en  décoâion  eft  fans 
doute  bien  plus  efficace  ;  comme  il 
paroît  par  la  propre  expérience  de 
Hutten,  &  les  observations  de  Mon- 
fieur  Boerhaave  *,  c'eft  une  vérité 

Bbiij 


i94       RÉPONSE 

que  vous  n'avez  pu  éluder  qu'en  les 
confondant  (a  )  enfemble  avec  plus 
d'adreffe  que  de  bonne  foi  pour  don- 
ner lieu  à  une  conjeâure  qui  pafoîc 
peu  fondée. 

Pour  ce  qui  regarde  les  friûionS 
mcrcurielles ,  vous  prétendez  ( b  ) , 
Monfieur  ,  qu'on  peut  déterminer 
exaftement  la  quantité  de  Mercure 
qui  entre  dans  les  vaiffeaux ,  en  con- 
fiderant  i  °.  La  grandeur  ou  l'éten- 
due de  la  partie  qu'on  frote.  1.  La 
finefle  >  la  propreté  ou  la  chaleur  de 
la  peau.  j°.  La  quantité  de  Mercure 
mêlé  avec  l'onguent.  40.  La  pureté  , 
la  mobilité  de  ce  foffile.  50.  La  for- 
ce du  frotement ,  le  tems  qu'il  dure , 
&c.  Les  conditions  de  la  peau  ,  fé- 
lon vous  ,  font  donc  en  raifon  com- 
pofée  de  l'étendue ,  de  la  propreté 
&  de  la  chaleur  de  la  partie  frotée  : 
celles  du  Mercure  font  aufli  en  rai- 
fon compofée  de  fa  quantité ,  de  fa 
mobilité ,  de  fon  mouvement ,  &c. 

C*3  *»g.  143.  ►  [bjPag.  n*. 


A  M.  A  S  T  R  Ù  C.    295 

C'eftainfi  ,  ajoutez- vous,qu'on  peuc 
juger  de  la  quantité  de  Vif-argenc 
qui  entre  dans  le  fang  par  les  fric- 
tions ,  en  faifant  attention  à  la  rai- 
fon  compoféedes  deux  raifonscom- 
pofées.  Penfez-vous  donc  ,  Mon- 
iteur ,  que  ce  froteur  dont  vous  ne 
dirigez  pas  la  main  5  puilTe  obferver 
des  combinaifons  qu'il  n'entend  pas» 
&  que  le  plus  fçavant  Géomètre  ne 
pourroit  fuivre  exactement  *  Vous- 
même  qui  les  avez  faites  Ci  ingenieu- 
fement  ,  vous  vanteriez  -  vous  de 
pouvoir  fûrement  prédire  par-là  qu'il 
en  refulteroit  une  ialivation  qui  ne 
feroit  ni  trop  ni  trop  peu  abondan- 
te :  la  différente  combinaifon  de  ces 
conditions  ne  produit-elle  pas  fou* 
vent  plus  d'effet  avec   une   petite 
qu'avec  une  grande  quantitéde  Mer- 
cure? Quand  même  on  feroit   fiir 
qu'il  y  auroit  115000.  pores  dans 
un   petit  efpace  de    la  peau  qu'un 
grain  de  fable  pourroit  couvrir  , 
comme  fe  l'eft  imaginé  celui  qui  a 

Bbiiij 


*9<5      RÉPONSE 

vu  la  caufe  des  Fièvres  au  travers 
d'un  microfcope  ,  il  faudroit  encore 
fçavoir,  i°.  Combien  il  y  auroit  de 
ces  petits  efpaces  dans  toute  l'éten- 
duëdela  partiequ'onfrote.20.  Mul- 
riplier  les  pores  connus  dans  tel  ef- 
pace  par  le  nombre  des  autres  efpa- 
ces enfin  découvert ,  pour  connoî- 
tre  le  nombre  infini  de  pores  de  la 
partie  frotée.  50.  Il  faudroit  fçavoir 
combien  il  entre  d'Atomes  mercu- 
riels  par  chaque  pore  3  ou  de  Mer- 
cure par  tous  les  pores  enfembie. 
Mais  comme  le  Mercure  entre  par 
les  porcs  de  la  peau ,  proportionel- 
ïement  à  leur  diamètre  ,  il  fuît  que 
votre  régie  efl  incertaine.  Il  faut 
convenir  que  vous  ne  la  donnez  pas 
pour  géométriquement  fûre.  Auf- 
fi  9  fi  j'y  trouve  à  redire ,  fouvenez- 
vous ,  je  vous  prie ,  que  vous  m'avez 
reproché  plufieurs  fautes  d'impref- 
fion  très-fenfibîes.  C'eft  une  petite 
vengeance  pardonnable. 

Enfin  ,  Monfieur  ,  vous  préten- 


A  M.  A  S  T  R  U  C  297 
dez  qu'on  peut  guérir  la  Vérole 
fans  la  falivation.  C'eft  un  fait,  dites* 
Vous ,  d'expérience  fouvent  réitérée. 
Mais  par  malheur  combien  de  célè- 
bres Praticiens,  tels  que  Sydenham, 
Freind  ,  Boerahave  ,  &c.  difent  le 
contraire  !  »  Les  Médecins  de  Mont- 
»pellier,dh  Monfieur  Fréind,(a)<?#* 
»  beau  vanter  leurs  onguents  &  toutes 
i>  leur  s  préparations  mercurielles  ,  lorft 
»  que  ces  remèdes  ne  font  du  tout  point 
»  ou  ne  font  point  a([ez>faliver  ,  la  cure 
»  du  mal  nefl  que  palliée.  Nous  avons 
»  fouvent  pratiqué  leur  méthode  5  mais 
»  nous  n'avons  jamais  eu  lieu  d'en  être 
vfatis faits.  »  Rien  ne  fait  plus  de  tort 
à  la  Médecine  que  cette  contradic- 
tion des  plus  grands  Médecins ,  en 
ce  cas,  comme  en  bien  d'autres.  Ce 
qu'il  y  a  de  certain ,  c'eft  que  le  Vif- 
argent  ,  par  quelque  voye  qu'il  entre 
dans  le  corps, produit  naturellement 
la  falivation.  Donc  fi  on  détermine 
l'effet  de  ce  remède  par  les  felles  9 

fa]  Hift.  de  la  Med.  Tom.  3,  pag.  273, 


%9*  RÉPONSE 
on  s'oppofe ,  pour  ainfi  dire ,  à  l'in* 
tention  de  la  nature  &  du  remedé 
qui  femblent  affeâer  de  concert 
d'évacuer  les  humeurs  veroliques  pat 
la  bouche.  D'où  il  fuit  que  cette  der- 
nière méthode  n'efl  point  généra- 
lement bonne  ;  &  qu'ainfi  on  ne  doit 
s'en  fervif  qu'en  certains  cas  parti* 
culier. 

Voilà ,  Monfieur ,  ce  que  f  ai  cru 
devoir  vous  répondre  pour  me  jus- 
tifier aux  yeux  du  public.  Au  refte 
j'ai  lu  votre  Livre  avec  beaucoup 
de  pîaifir.  C'eft  l'ouvrage  le  plus 
complet  que  nous  ayons  en  ce  genre^ 
&  il  n'efl:  fans  doute  rien  déplus  cu- 
rieux que  l'hiftoire  que  vous  faites 
de  l'origine  &  des  progrès  du  mal 
Vénérien.  Je  fuis  cependant  fâché 
que  malgré  l'envie  que  vous  aviez 
de  ne  vous  difïïmuler  aucun  des  ar- 
guments qu'on  peut  faire  contre  no- 
tre opinion,  vous  ayez  oublié  ceux 
qu'on  tire  ordinairement  du  XV. 
chapitre  du  Levitique,  &  n'ayez  pas 


AM.AST  RUC  199 
refuté  plus  au  long  le  fyfteme  plau- 
fîblë  du  fçavant  P.  Calmet.  Comme 
fes  deux  Differtations  fur  la  Lèpre 
des  Juifs ,  Se  fur  la  maladie  de  Job 
font  inférées  dans  fes  Commentaires 
fur  la  Bible  que  peu  de  gens  font  en 
état  d'avoir ,  on  eût  été  charmé  d'en 
trouver  Tanalyfe  critique  dans  votre 
excellent  ouvrage.  Cette  difeution 
eût  été  plus  utile  que  tous  les  Statuts 
de  laReine  Jeanne  dont  le  quatrième 
article  fitffifoit.  Il  eût  été  d'ailleurs 
âffez  plaifant  de  voir  une  foule  de 
Théologiens  mettre  tout  en  œuvre 
pour  prouver  que  Job  avoit  la  Vé- 
role, pendant  que  Bayle&  des  Mé- 
decins tels  que  Bartolin  &  vous 
prétendent  que  ce  feroit  faire  injure 
à  ce  Saint  Homme  que  de  lui  don- 
ner une  incommodité  auilî  honteufe, 
&  qu'on  devroit  parrefpeft  couvrir 
fon  niai  d'un  Voile  plus  honnête  ou 
n'en  point  parler.  Au  refte  ,  Mon- 
fieur ,  comme  vous  faites  voir  clai- 
rement l'énorme  différence  qu'il  y  a 


300  REPONSE 
entre  la  Lèpre  des  Arabes  ou  des 
Grecs  &  la  Vérole ,  il  eft  aile  de  fixer 
ion  jugement  fur  la  Lèpre  des  Juifs. 
Mais  je  ne  penfe  pas  que  cette  dif- 
férence vienne  en  partie  de  ce  que 
la  Lèpre  n'eft  ordinairement  poinE 
contagieufe  ,  comme  vous  le  di- 
tes (aJ;  la  description  que  Féleganç 
Aretée  fait  de  l'Elephantiafis  ,  & 
principalement  les  Loix  feveres  de 
Moïfe ,  me  perfuadent  le  contraire. 
Pour  ce  qui  regarde  la  fameufe  St 
inutile  queftion  de  l'origine  de  la 
Vérole ,  vous  l'avez  fans  doute  déci- 
dée &  aprofondie  dans  les  i  oo.  pages 
in  40.  que  vous  lui  avez  confacrées» 
11  faut  nécessairement  conclure 
de  tous  les  faits  que  vous  rapportez, 
qu'elle  n'a  commencé  à  paroitrc  en 
Europe  qu'au  fiégede  Napîes.  C'efl 
un  fait  que  vous  avez  rendu  plus 
clair  que  le  jour ,  &  il  n'eft  rien  de 
plus  judicieux  que  la  reflexion  que 
vous  faites  après  M.  le  Clerc  (b)  t 

(  a  ]  P.  x  i ,  (  b  )  Hift.  de  la  Mcd»  de  le  Clerc. 


AM.ASTRUC.  joi 
qui  eil  que  quand  même  il  eue  été 
poffible  que  les  anciens  Médecins 
qui  ont  décrit  les  moindres  mala- 
dies avec  une  e#a£titude  fi  ferupu- 
leufe ,  euflent  négligé  de  faire  men- 
tion du  mal  Vénérien,  du  moins  les 
Poètes  ne  l'auroient  pas  oublié.  Un 
fond  auffi  inépuifable  de  latyre  &  de 
raillerie  pour  nos  Poètes  modernes* 
eût-il  échapé  à  un  Bocace  ,  à  un 
Pétrone ,  à  un  Juvenal  ?  &c. 
J'ai  l'honneur  d?être  , 


MGNSIEU  K9 


x .  .    . 

Votre  très-humble 
&  très  obéiffant 
Serviteur, 
pp  Ia  Mettiiîe, 


TABLE 

De  ee    qui  eft  contenu   dans  le 
Traité  de  la  Théorie  Chymique. 

DEs  trois  lignes  y  page  % 
Du  Feu^  14 

De  l'Air^  48 

pe  fEaUy  72, 

pe  U  Terre  )  ioj 


Fin  de  la  Table  de  1^  Thçprie  Chymique* 


TABLE 

pe  ce  qui  eft  contenu  dans  le 
Traité  du  Vemge- 

GH  A  P.  I.  Defcription  des 
Symptômes   du  Vertige  > 

\èi 

C  H.  II.  Explication  des  Symp* 

tomes  du,  Vertige >  iy% 

G  H.  III.  D'vyifion  du  Ver  tige  y 

190 

C  H.  I V.  Caufes  externes  na- 
turelles 4%  Vertige  9        ^^ 

ÇH.  V.  De$  caufes  externes 
non  naturelles  du  Vçrtige  , 

ï'ûi 

CH.  VI.  Des  caufes  internes: 

idiopathiques  du  Vfrtige^n  3 


TABLE. 

C  H.  VU.  Des  évacuations  or^ 
dinaires  ou  périodiques  fupm 

primées ,  z  j  % 

CH-   VIII.    Des  évacuations 

trop  abondantes ,  2.36 

CH.  IX,  De  la  foiblejfe  des 

efprits ,  249 

C  H.  X;  De  h  cure  du  Vertige 

pléthorique  ■'  242 

C  H.  X I.  Cure  du  Vertige  q  ui 

fuient  de  la  foiblejfe  des  ef 

prit  s  y  249 

CH.  XII.  Des  caufes  (ympa- 

thiques  du  Vertige  '         z66 
Defcription  d'uneCatalepfîe  Hyf 

tériquey  278 

%éponfe  a  Monfeur  Aflruc,  288 

F     I     N. 


COUNTWAY   LIBRARY   OF  MEDICINE 

QD 
30 
E63 


VA. 


1&