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1$. UKVÏ
-
Boston Médical
Library
7i
BOOKFUND OF
FRANC D. INGRAHAM
M.D., HARVARD 1925
FOUNDER, DEPARTMENT
OF NEUROSURGERY
CHILDREN'S HOSPITAL
1929-1964
NEUROSURGEON
PETER BENT BRIGHAM
HOSPITAL 1948-1964
ê
<i
ABRÉGÉ
D E LA
THÉORIE
CHYMIQUE,
Traduction des Ouvrages de Ai. Boerbaavây
par M. de U Mûrie, Docteur en Médecine.
APhorifmes de M.Berman Boerhaave,
fur h Connoi/Tance ôc h Cure des
Maladies, in- 12, 1739. 3. i.
Traité de la Mariére Médicale pour fervir
à la compofîtion des R-emédes indiqués
dans les Aphorifmes , par le même, au-
quel on a ajouté ks Opérations Chy-
miques da même Auteur , /«-12. 1759.
2. 1. 10. ù
Inftitutions de Médecine du même , traduit
en François par M. delaMétrie, 2. vol.
tn-Tz. 1740. 5. 1.
Traité de la Petite Vérole avec la manière
préfente de la guérir , par le même ,
tn-u. 1, L 4. C
- àts Maladies Vénériennes 5 par M.
de la Métrie > in* 1 2. broché , 1 7 3 9. 1 . 1.
io,f.
La Théorie Chymique de fa Terre, fuivant
ks Principes de M. Boerhaave * auquel
on a joint le Traité du Vertige * avec
une Lettre à M. Aftmc fur ks Maladies
Vénériennes, par le même, in- 1 2. bro-
ché, 2. 1.
Le Commentaire fur les Institutions de Mé-
decine, rire des propres Ecrits de M.
Boerhaave, in-iz. fous prefïc.
tU ccavi
ABRÉGÉ
DELA
T H E O R I E
C H Y M I Q U E-
Tiré des propres Ecrits de M. B o e r h a a v e.
Par M. DE LA METRIE.
Anqnel on a joint le Traité du Vertige , par
le même.
A PARIS, RUE S. JACQUES,
Chez Lambert & Durand, Libraires.,
à S. Landry , à la Sageiïè & au Griffon.
M D C C X L I. ,
Avft Aççmb&tim S5 Privilège an lUi»
APPROBATION.
J'Ai lu par l'ordre de Monfeigneur le
Chancelier Y Abrégé de U Théorie Chi-
mique , félon les Principes de M. Boerbaa-
ve. Cet Ouvrage ne pouvant être que très-
utile au Public y j'eftime qu'on doit en
permettre rimpreiiion. A Paris, ce 9 Juin
CASAMAJOR
PRIVILEGE DU ROY.
LOUIS pat la grâce de Dieu Roi de Fran-
ce & de Navarre , à nos amez & féaux
Confeillers, les Gens tenans nos Cours de Par-
lement , Maîtres des Requêtes ordinaires de no-
tre BôteL, Grand Confeîl , Prévôt de Paris ,
Baiilifs , fénéchaux , leurs Lieutenans Civils
& autres nos juiliciers qu'il appartiendra ,
Salut Notre bien aimé le Sieur De ia Met-
îrie Nous ayant fait remontrer qu'il fouhaite-
roit faire imprimer & donner au Public un Ou-
vrage qui a pour titre : les (Êuvres au Sieur
Boerhaave . traduites par ledit Sieur de la Mettriez
s'il nous plaifoit de lui accorder nos Lettres de
Privilèges fur ce nécefiaire^orrrant pour cet effet
de te faire imprimer en bon papier & beaux cara-
ôeres,fuivant la feuille imprimée & attachée pour
modèle fous le contre- feel des Préfentes. A ces
caafes voulant traiter favorablement ledit Sieur
Expofant, Nous lui avons permis & permettons
par ces Préfentes,de faire imprimer le<UtOu?rag?
cy-defltis fpécïfié , en un ou pludeurs volumes ,
conjointement ou féparémcnt , & autant de fois
que bon lui fcmblera , & de le faire vendre &
débiter par tout notre Royaume pendant le terns
de neuf années confecutives,à compter du jour de
la datte defdites Préfentes î faifons défenfes a
toutes fortes de perfonnes de quelque qualité
& condition qu'elles foîent d'en introduire
d'impreffion étrangère dans aucun lieu de notre
obeiifance comme aufïï à tous Libraires, Impri-
meurs & autres d'imprimer, faire imprimer,
vendre , faire vendre , débiter ni contrefaire
ledit Ouvrage ci-delfus expofé en tout ni en
partie , ni d'en faire aucuns extraits tous quel-
que prétexte que ce foit , d'augmentation ,
correction , changement de tifre ou autre-
ment , fans la permifTion exprefle & par écrie
dudit Expofant ou de ceux qui auront droit kie
lui , à peine de eonnfcation des exemplaires con-
trefaits y de trois mil livres d'amende contre
chacun des contrevenans , dont un tiers à Nous
un tiers à l'Hôtel-Dieu de Paris | l'autre tiers
audit Expofant , & de tous dépens* dommages
& intérêts ; A la charge que ces Présentes fe-
ront enregistrées tout au long far îe Kegiftre^ de
la Communauté des Imprimeurs & Libraires
de Paris , dans trois mots de la datte d'elles :
Que f imprellton de cet Ouvrage fera faite dans
nofre Royaume & non ailleurs ; en bon papier
& beaux earaâeres , conformément aux Re-
glemens de la Librairie , & notamment à ceki
du dix Avril 17ZJ. & qu'avant que de l'expo~~
1er en vente , le Manufcrit ou Imprimé qui
aura fervi de copie à Timpreffion dudit Ouvra-
ge , fera remis dans le même état ou l'Appro-
bation y aura été donnée > es mains de notre
très- cher & féal Chevaiier le Sr. Dagueflea»^
Chanceficf de France , Commandeur de ftos
Ordres ; & qu'il en fera enfuite remis deux
Exemplaires dans notre Bibliothèque publi-
que , un dans celle de notre Château du Louvre ,
& un dans celle de notre très-cher & féal Che-
valier le Sieur Daguefïeau Chancelier de Fran-
ce , Commandeur de nos Ordres , le tout à
peine de nullité des Préfentes : Du contenu
chfquelles vous mandons & enjoignons de faire
jouir l'Expofant ou fès ayant caufe pleinement
& paifîblement , fans foufFrir qu'il leur foie
fait aucun trouble ou empêchement. Voulons
que la copie defdites Préfentes y qui fera im-
primée tout au long au commencement ou à la
fin dudit Ouvrage i foit tenue pour duement
fîgnifîée , & qu'aux copies collationnées par
l'un de nosamez & féaux Secrétaires, foi foit
ajoutée comme à l'original. Commandons au
premier notre Huiffier ou Sergent , de faire
pour l'exécution d'icellcs tous aétes requis Se
néceflaires , fans demander autre permiflion ,
& nonobftant clameur de Haro , Charte Nor-
mande & Lettres à ce contraires ; Car tel eft
notre plaillr. Donné à Paris le feiziéme jour
de Juillet , l'an de grâce mil fept cens trente-
huit , & de notre règne le vingt-quatrième.
Par le Roy en fon Confeil.
S A I N S O N.
"kegiflré fur le Regijlre X. de la Chambre
Royale 0 Syndicale des Libraires £) Imprimeurs
de Paris , Jtf. 6 9. foi. 6 o conformément an
Règlement de 17 z\. q tu fait défenfe , Article JV,
à toutes perfonnes de quelque qualité quelles foienî
autres que les Libraires Î5 Imprimeurs de vendre
débiter £2 faire afficher aucuns Livres peur les
vendre en leurs notfif , fait qiÇils s'en difent les
Auteurs ou autrement ; & à la charge de fournir
k ladite Chambre Royale Î5 Syndicale des Li-
braires $5 lmpritneurs de Paris les huit Exem-
plâtres prefcrits par /' article CVIII du même Rè-
glement. A Paris le 17 Juillet 173 g,.
Langlois, Syndic.
Mefîieurs Huart Se Buiassok ont
droit de jouir du préfent Privilège fuivant l'ac-
cord fait entre nous, Delamettrie.
ABRÉGÉ
Illlg»
i0m!0&Ë<
ABREGE
D E
LA THEORIE
CHYMYQUE.
A Chymie efl un art
qui enfeigne à faire
certaines opérations
phyfique, par le moyen
defquelles les corps fenfibles , ou
capables d'être rendus tels , re-
çoivent dans des vafes , & par
le fecours d'inftrumens propres à
cela , des changemens qui peu»
vent , félon l'intention qu'on fe
A
2, Théorie
propofe pour l'ufage de differens
arts , produire des effets (ingu-
liers , & en faire connoître les
çaufes.
DES TROIS REGNES
LEs corps fur lefquels travail**
lent les Chymiftes , font les
mhierâux,les végétaux ? & les ani-
maux qui forment ce qu'on nom-
me les trois règnes de la Çhy-
mie.
Les minéraux font des corps
naturels?formés dans le fein ou fur
la fuperficie de la terre , lefquels
font d'une fabrique fi fimple ,
qu'il n'a pas été poifible jqfqu'ici ,
pas même avec le fecours des
meilleurs mkrofeopes , d'y aper-
cevoir aucune différence entre
les vaifleaux , & les chofes conr
tenues dans ces vaifleaux , m*
Chtmiqub. 5
forte qu'on trouve dans toutes
les parties de chacun de ces
corps , une parfaite reffemblance
avec le tout dont elles font partie,
quoiqu'on fçache néanmoins cer-
tainement qu'il y a dans plufieurs
de ces corps un concours de par-
ties fluides , & de parties fo-
ndes.
Parmi les fofïiles ou minéraux
on donne le premier rang aux
métaux , qui font des corps durs ,
pefans , coulans au feu , fe dur-
ciflans au froid , & obéiffanc au
marteau.
Les Anciens comptoient fept
fortes de métaux , qu'ils appel-
èrent du nom des fept planettesJ
Le lieu où naît le vif argent ou le
mercure , fon poids , fa fimplici-
té , & la facilité dont il s'amal-
game ou fe joint avec les au-
tres métaux > ces attributs le fi-
rent ranger dans cette clafTe ,
Aij
4 Théorie
mais comme il n'a ni la dure-
té , ni la du&ilité , ni la fixicé des
Métaux , on n'en compte plus
que fix , l'Or , l'Argent , le Cui-
vre , l'Etain , leFer , & le Plomb.
De tous les corps l'Or eft le
plus péfant , & puis par ordre
le Mercure , le Plomb , l'Argent ,
le Cuivre, le Fer , & l'Etain. Ce
n'eft que par la péfanteur qu'un
corps peut avoir le plus d'affini-
té avec les Métaux : mais le Mé-
tal le plus léger a deux fois plus
de poids que le corps le plus pé-
fant non Métallique.
Après les Métaux viennent
les Sels , qui font des Sucs con-
crets , dont chaque particule a
le même goût Se la même natu-
re que le tout. Tels font le Sel
Marin , le Sel Gemme ? le Sel des
Fontaines falées , leNkre, le Bo-
rax , le Sel Armoniac naturel ,
(un , les Sels Acides qui fe
ChYmique. 5
trouvent dans les Mines.
Les Soufres font encore des
fofliles, qui le durciffen tau froid,
fe pulvérifent aifément, coulent
à une chaleur modérée , comme
de la cire fondue, & s'enflam-
ment enfin fous la forme d'un
feu violet , dont les vapeurs vo-
latiles font très - nuifibles aux
poumons.
Enfin les pierres font des Mi-
néraux durs qui n'obéiffent point
au marteau , qui font fragiles ,
fixes au feu , ne fe diffolvent
point dans Peau , & ne fe fon-
dent pas aifément par quelque
feu que ce foit. Ces corps font
plus ou moins opaques , ou tranf-
parens , & dans cette c/a/Te oft
peut ranger toutes fortes de Crif-
raux , de Diamans , de Pierres
précieufes , Sec.
On appelle demi métaux , tous
les foiTiks dans la compofition
Aiij
6 Théorie
dcfquels entre une matière vrai-
ment métallique , liée avec quel-
qu'autre de différente nature ,
comme fels , foufres; Se tels font,
par exemple ? le cinnabre na-
turel , & les vitriols.
L'autre règne fournis à la Chy-
ïïûe eft le végétal , qui renfer-
me ces corps communément ap-
pelles du nom de plantes.
La plante eft un corps hydrau-
lique contenant en plufieurs vaif-
feaux des humeurs différentes 9
& ayant une partie externe par
laquelle il adhère à un autre corps,
dont il tire par cette partie mê-
me la matière de fa nourriture
& de Ton accroiflement. C'eft la
racine qui a dans chaque petit
point de fa fuperflcie une infini-
té de petites bouches ouvertes ,
par lesquelles l'eau, les efprits,
les huiles, les Tels de la terre
mêlés enfemble , montent fous la
Chymiqu*. 7
forme de fucs aqueux , délayés
le long de chaque tuyau de la
plante , & fe diftribuent dans
toute fon étendue. La ftruâure
de la plante , le feu de la terre
&du ciel , l'élafticité , Jesviciflî-
tudes de L'air , du jour , de la
nuit , des faifons , toutes ces cho-
ies à force de mouvoir & d'agi-
ter , comme il arrive fur tout au
Printems , les fucs de la terre en-
core cruds, les travaillent , les di-
gèrent , les changent en la pro-
pre fubftance des végétaux , qui
par ce moyen les empîoyent avec
un fuccès merveilleux au déve*
loppcnient de leurs branches , de
leurs feuilles, de leurs fleurs, de
leurs fruits , & en un mot de
toutes leurs parties, qui croifTent,
fe nourriffenc 9 & réparent leurs
pertes par la même méchanique,
que norre corps.
La clalTe des animaux fuccé-
A iiij
8 Théorie
de à celle des végétaux. On don*
ne le nom d'animal à tout corps
hydraulique jouiffant de la vie
au moyen d'un mouvement affi-
du & réglé d'humeurs qui pafienc
ipar des vaiffeaux , & ayant en
foi des conduits femblables aux
racines des plantes , par lefquels
il tire la matière qui le nourrit -,
ïe fait croître & répare fes per-
tes. Ces conduits font les veines
ladtées 9 & autres veines abfor-
bantes. Les corps animés font
compofés comme les plantes, d'ef-
prits , d'eau , de fels , d'huile 8c
de terre qui fait toujours la bafe
de l'édifice. L'examen Chymi-
que (a) de l'os en donne une preu-
ve évidente. On tire d'un os ré-
cent de i'eau 9 du fel ? de l'huile,,
&: de la terre. Conclurede- là
(a) Qiienny Oeconom. anim. pag. 64. 6f,
66. Ce Chirurgien ne brille ici que d'une lu-
mière empnmrée.
C H Y M I Q U B. 9
que toutes font fa matière pro-
pre , ce feroit fe tromper , car
fi Ton prend un os dans un Ci-
metière , où il aura été long-tems
enterré , enfuite expofé à l'air ,
& plufieurs fois mouillé par la
pluie 9 ou par la rofée , & plufieurs
fois deffeché , on n'en tirera plus
ni fel , ni huile ordinaire , quoi-
que cet os foit encore entier 8c
parfait. Il peut même être brun-
ie & confurné , fans que les par-
ticules qui le compofent , quit-
tent le même ordre ou la même
place qu'elles ont naturellement
les unes près des autres , enforte
que les cendres de cet os , en
repréf enteront encore le volume
& la figure. D'où lyon comprend
affez quelle part a la terre dans
la compofition de cet os 9 puif-
que ces cendres qui le répréfen-
tent encore après la combuftion 9
ne font ici que de la terre même.
îo Tëêoéïe
Par Pembrafement donc cet o3
a été fufceptible , & par l'odeur
qu'il répand en brûlant , il n'eft
pas difficile d'y reconnaître un
principe huileux que le feu dé*
tache, & qui étoit fi fermement
attaché aux particules reftées en
cendre , qu'il n'y a qu'un feu ou-
vert qui fait capable de le dé-
funir. Car fi on enfermoic cet
os dans un vafe , pour l'expofer
à un grand feu , ce principe hui-
leux tiendroit contre la plus vive
chaleur fans fe détacher. L'os,
& pareillement toutes autres par-
ties foiides, peuvent , ainfi enfer-
mées , fe changer en charbon *
mais elles ne fe réduiront point
en cendres. II faut un feu ouvert
à qui Pair puiffe donner le degré
d'aâivité fuffifant pour arracher
êc enlever cette huile tenace.
Les cendres qui reftent de cet
os, bien examinées 9 ne fe trou>*
Chymique. Ï3
vent plus être qu'une terre pureP
qui étoit fi bien la fubftance pro-
pre de l'os , qu'à la liaifon près »
elle repréfente encore , comme
il a été dit , après l'embrafement 9
l'os fous le même volume. Une
plante qu'on aura fait bouillir,
du bois flotté ? ne fourniffent plus
pareillement de fel , ni d'autres
principes, que la terre *, 8c cette
même huile qui fert feulement à
la joindre , & qui eft en effet à
fon égard une cole fi forte , que
la chaleur de l'eau bouillante ne
peut détruire le tiflu extrêmement
fin de la feuille 9 ou de la fleur la
plus tendre & la plus délicate*
Après cela doit-on être furpris
de voir que les fièvres les plus
ardentes ne brûlent pas les petits
vaifieaux de notre corps , puis-
que leur chaleur n'égale pas la
moitié de celle qui fait bouillir
1* eau» Telle efl donc la nature de
îi Théorie
toutes les parties folides qui cortl-
pofent les fibres , les vaiffeaux /
les membranes , les nerfs , les ten-
dons , les mufcles , les cartilages,
les os, tant de notre corps, que de
celui des animaux , tous les éle-
mens primitifs des végétaux font
auffi terreflres , une efpece de
ciment aqueux en fait la liaifon.
Mais ce qu'il y a de bien admira-
ble fur tout dans les corps ani-
més , c'eft qu'il eft confiant par
des obfervations très-exaâes ,
qu'à l'exception d'une particule
d'une petitefle immenfê ,1a maf-
fe du plus énorme géant n'effc
formé que d'humeurs très-fubti-
les devenues enfin folides , com-
me cette première particule , &
cela , fuivant les mêmes loix ,
qui d'un feul gland , font un
chêne énorme.
Il eft de fait que tous les chan-
gements que la Chymie peut pro-
C H Y M I Q U E, IJ
duire dans tous les corps donc
nous avons parlé 9 ne s'opèrent
que par le feul mouvement ; que
ce mouvement n'a d'autre fin que
de joindre ou féparer , c'eft-à-
dire , ou de joindre enlemble
plufieurs chofes fimples , en forte
qu'elles faffent un compofé, ou
de divifer un compofé en plu»
fieurs chofes fimples , pour mieux
connoître la nature des parties
qui le compofent. C'eft ce qu'on
nomme AnalyfeChymique. Mais
pour ne point donner à l'art plus
d'étendue qu'il n'en mérite , il
faut fçavoir que tout ce qu'on
obtient par cette analyfe îVexif-
coit pas toujours auparavant dans
les corps analyfés, L'aâion du
feu change l'eflence des chofes 9
& en enfante de nouvelles.
Voyons maintenant quels font
les divers agens qu'empîoyent les
^hymiftes pour leurs opérations.
*4' Théorie
ce font le Feu , l'Air , l'Eau , la
Terre , les Menftrues ou diffol-
vans , & enfin les Inftrumens Chy-
miques. Examinons donc d'a-
bord la nature du Feu , & fai-
sons en peu (le mors l'hiftoire
de ce terrible Elément.
D U F E U.
L'A&ion du Feu eft fi éten-
due , & fes effets font fi
merveilleux , qu'autrefois le plus
fage des Nations le regardoit
comme un Dieu , 8c i'adoroit.
Certains Chymiftes confidé-
rant fa puiflance foupçonnoient
cjue c'etoit un Etre incréé , &
ks plus Illuftres d^entr'eux , com-
me s'ils euffent appris de lui tout
ce qu'ils fçavoient , fe diioicnt
Phiiofophes par le Feu. Voilà le
titre dont ils étoient le plus fiât-
C H Y M ï Q U E. 1 y
Ces. Si le Feu eft un Elément (i
admirable , c'eft parce qu'il eft
la caufe de tout les Phénomènes
qui paroiffent à nos Sens , tan-
dis qu'aucun de nos Sens ne
peut alors l'appercevoir , & que
par une fubtilité incompréhenfi-
ble ? il élude fi bien les recher-
ches eurieufes du Phyficien le
plus pénétrant , qu'on l'a pris plus
communément pour un efprit que
pour un corps : C'eft pour cela
qu'en étudiant fa nature , on doit
prendre garde de tomber dans
l'erreur. Il faut donc rejetter
toute fpéculation enfantée par
l'efpric feul , & n'admettre au-
cun Syftême fondé fqr l'imagi-
nation. En effet fi l'on fe trom-
pe fur le vrai cara&ere du Feu,
cette erreur fe répand dans tou*
te la Phyfique.
Tous ceux qui veulent fça*
Voir ce que c'eft que le Feu ,
h 6 Théorie
doivent fuivre l'Analyfe des Géo-
mètres , qui cherchant une cho-
fe inconnue , ne confiderent que
les propriétés données , ou celles
qui font déjà démontrées. Si
cette précaution eft neceffaire ,
c'eft principalement ici , parce
que les parties du Feu fe répan-
dent par tout , fe diftribuent in-
différemment dans tous les #f-
paces & dans tous les corps; &
qu'ainfi il eft très-difficile de dif-
tinguer l'a£tion propre du Feu
des autres caufes qui concourent
avec lui à produire les effets na-
turels que nous voyons.
Une autre difficulté , c'eft la
petiteffe immenfe des parties
dont le Feu eft compofé. Ce qui
a fait naître tant d'erreurs &
d'abfurdités , non feulement dans
la Chymie & la Phyfique , mais
dans la Médecine même. Je par-
te des Fiâions qui ont paru fur
la
CmymiquI i 7
la chaleur innée , fur l'humide
radicale 9 &c. Suppofons donc
que ie Feu nous eft tout à fait
inconnu , Se cherchons un figne
donc la préiVnce nous manifefte
clairement celle du feu. Or tou-
tes les fois que les effets du Feu
font fenlibles , tous les hommes
les reconnoiffent pour les indi-
ces de la préfence de cet Ele-
xnent. Il eft donc néceffaire de
les examiner s pour trouver celui
que nous cherchons.
Tout le monde fçait que les
principaux effets du Feu , font
la chaleur , la lumière , la cou-
leur , la rarefaâion , l'embrafe-
ment , i'ébullition,lafufion ,&c.
La chaleur eft une fenfation
qu'on a toutes les fois que le Feu
occafionne quelque changement
dans les organes du fentiment.
L'idée claire que j'ai de cette
fenfation ne m'apprend rien tou-
B
iS The or i e
chant ce qui la produit , ni fur
le rapport qu'il y a entr'elle , &c
la façon particulière dont le Feu.
meut les efprits dans les nerfs.
Sent-on d'ailleurs la chaleur à la-
quelle on eft accoutumé , & ne
prend-on pas toujours pour froid
une chaleur inférieure à celle qui
eft ordinaire ou. naturelle ? Quoi-
que la chaleur foit indmémenc
unie- avec le Feu , elle ne ferc
xionc pas plus à découvrir fa na*
ture , qu'à mefurer fes dégrés.
Voyons fi la lumière peut ici
nous éclairer » à l'aide ( a, ) de
» verres Se de miroirs farts ex~
5> près , oa ramafTe beaucoup de
& ce Feu , avec lequel la Lune
y> nous éclaire pendant la nuit ^
n fans que ce Feuraffembléfoup-
» niffe rien autre chofe qu'une
y> lumière dont on peut à peine
* foutenir l'éclat. Nulle chaleur ^
(*) Quefnai pag. iz±
Ch ymi que 19
*> nulle raréfaâion , nul embra-
» fement , nulle autre impref-
» fion fenfibie ne fe remarquent
j> dans les corps qui lui font ex-
» pôles. D'autrefois ce Feu fe
3> fait fentir par une chaleur (î
» grande dans plufieurs corps ,
« qu'il nous brûleroit jufqu'aux
» os, & cela fans donner aucune
» lumière. » Que de Feu fans lu-
mière ! Que de lumière fans Feu.
Pour la couleur du Feu , com-
me elle n'eft que la réflexion
des rayons de lumière , ou la lu-
mière même , il eft évident qu'el-
le ne peut fervir à nous indi-
quer la préfence du Feu.
La raréfaûion feule peut ici
nous guider. Comme il n'eft
point de corps que le Feu ne di-
late , il paroît que cette expan-
fioncft Punique &: le vrai ligne
du Feu ? toujours 8z par tout le
même, il en eft irréparable -9 er$
B'4
ao Théorie
nous aiïurant de la préfence de
cet Elément 9 il nous fert àme-
furer fes dégrés , 8c conféquem-
ment à découvrir fa nature Se
fes propriétés.
Il eft donc fort important de
bien connoître cet effet indivi-
duel du Feu, Tant que le Feu
pénétre un corps , 8c s'augmen-
te au dedans de la fubfëance de
ce corps, chaque partie s'éloi-
gne continuellement du centre
de fa petite malle , ainfi que de
la maffe toute entière , 8c par-
conféquent fe raréfie , fe dilate r
ou occupe de plus grands efpa-
ces. Mais auffi-tôt que le Fm
commence à fe retirer du corps
qu?il penétroit , les arômes de ce
corps fuivent le panchant natu-
rel qu'ils ont pour fe rappro-
cher & s'unir enfemble ^ comme
on l'obferve dans les métaux
fondus y: Bc forment un tout dont
Chymïque 21
la folidiré elt proportionnée à la
privation du Feu ou à la Hiefure
du Froid. Le Froid ne confifte
donc que dans l'abfencedu Feu ,
d'où rélulce un mouvement in-
terne , manifeftement contraire
à celui que iya£tion du Feu pro-
duit.
Le Feu raréfie tous les corps y
on n'en peut douter ? folides ou
fluides, dur* & mois, légers ou*
péfans ? tous font fournis à cet-
te loix confiante & néceffaire.
Mais iî efl auiïi certain qu'ils ne
le dilatent pas tous également.
Les fluides fe raréfient bien plus
que les folides au même degré de
Feu 3 & cela proportionnellement
à leur fluidité ou à leur légère-
té , 8c les folides fe dilatent plus
ou moins denfes ou compa&s. Ou-
tre cette denftté , il y a encore
une autre caufe qui influe fur l'ex-
22 Théorie
panfion que le Feu procure , c'efé
la difficulté plus ou moins gran-
de avec laquelle certains corps
le liquéfient. Les verres par exen>
pie , qui ne fe fondent pas tous
auffi vice au même Feu ne fe ra-
réfient pas également par la mê-
me chaleur. Voilà la cauie de l'i-
négalité des Thermomètres , qui
font compofés de diverfes efpe-
ces de verre.
Il fuit de ce que nous avons
dit ci-devant , que les corps s'a-
grandiffent fuivant toutes leurs»
dimenilons fous un climat chaud 9
fe refferrent 9 ou occupent moins
d'elpace dans un pays froid. La
même variété paroi t fenfiblement
dans un enême pays; car com-
me la chaleur eft différente félon-
ies diverfes faifans de l'année ,.
les corps doivent différemment
fe contracter ou fe dilater. C'eft
ce qu'il efl néceffaire de bled
Chymiqub. 2$
confîdérer , pour rendre raifon
de l'inégalité qu'on obferve dans
les Horloges en différens climats ,
en diverlcs faifons , ou en diffë*
rens lieux.
J'ai dit ci-devant que lesflui*
des fe dilatent par le Feu pro-
portionnellement à leur légèreté ::
je vais entrer dans quelque dé-
tail à ce fujet.
De tous les corps , l'Air eft
celui que le Feu dilate le plus;
Il eft démontré que la chaleur
de l'eau bouillante le raréfie d'un
îiers de fa maffe. L'efprit de virt
fe raréfie de la vingtième par-
tie de fon volume , par la cha-
leur naturelle d'un homme fain
& robufle , qui eft d'environ 90
ou 92 dégrés. La chaleur de l'eau
bouillante le dilate '*. C'eft à quoi
fon doit faire attention , lorf-
qu'onyeut conferver des liqueur^
j récieufes. Il faut échauffer lea
24 Théorie
vaifleaux & ics liqueurs , ou ne pas
remplir exactement les vaifleaux f
car la chaleur venant à s'augmen-
ter fait occuper plus d'efpaceaux
liqueurs qui montent néceiTaire-
ment , s'élèvent , s'échappent au
travers des pores du bouchon 9
font fauter le bouchon , Se rom-
pent même aufli quelquefois les
vaifleaux.
Après PAIcohol, l'Huile y£-
thérée de Térébenthine fe dilate
le plus au moindre Feu. L'eau
a bien plus de peine à fe raré-
fier. Il faut 56 dégrés de cha-
leur pour qu'elle commence à fe
dilater fenfibîement , &212 pour
la faire bouillir : mais dès que Té-
bullition commence ? on a beau
mettre du Feu au tour du vafe 9
& l'animer à force de foufBets T
le Feu le plus vif & le plus ar-
dent peut bien rendre Fébulli-
tion plus confidérable , mais il
n'augmentera
Chymique. 2Ç
n'augmentera jamais la chaleur
de l'eau bouillante , à moins que
fa furface ne foit plus preffée
par le poids de l'Atmofphere.
En effet les molécules d'eau étant
alors plus comprimées ou plus ref-
ferrées, il faut plus de Feu pour
les faire s'écarter les uns des au-
tres , ou , ce qui revient au mê-
me , pour les faire bouillir. Cet-
te expérience efl fenfible dans
la machine pneumatique. On j
met un verre plein d'eau chaude ,
à mefure qu'on en tire l'air ,
Peau qui ne bouilioit point com-
mence à bouillir , & l'ébullition
ceffe auffi - tôt : qu'on fait ren-
trer l'air au dedans du vaiffeau.
D'où il fuit que l'ébullition des
liqueurs efl d'autant plus facile
& plus confidérable que non feu-
lement elles font plus légères ,
compofées de parties moins ad-
hérentes entre elles , qu'elles ont
G
i6 Theorï e
plus d'affinité avec la nature du
Feu ; mais encore qu'elles font
moins preffées par 1 Atmofphe*
re.
Pour le Mercure , le Ther-
momètre de Fahrenheit fait voir
à l'œil qu'il fe raréfie aifément.
Plongez-le dans l'eau chaude ,
vous verrez ce fofïîle monter con-
tinuellement , jufqu'à ce qu'elle
commence à bouillir. Cet infini-
ment eft donc néceflaire pour
connoîrre .les dégrés de Feu re-
quis dans certaines opérations
chymiques , Se utiles dans la pra-
tique de la Médecine , pour ju~
ger précifément de combien de
dégrés la chaleur des fièvres ex-
cède celle qui eft falutaire à
l'homme.
Il ieroit inutile d'entrer dans
un plus grand détail au fujet de
la dilatation des corps. Il eft conk
tant qu'il n'en eft aucun dont le
C H Y M t Q U !. If
volume ne s'augmente par l'ac-
tion du Feu , & que dans la
nature entière , il n'y a que le
Feu feul qui ait cette vertu. Par-
-conféquent toutes les fois qu'on
pourra tirer d'un corps une ma-
tière qui puifle raréfier un corps,
on fera en droit de conclure
que cette matière eft vraiement
tiu Feu.
Cela pofé , je dis que le Feu
cft toujours préfent dans tous les
corps , dans tous les lieux , <&
dans tous les efpaces. Deux la-
mes de fer très-froides appliquées
Tune fur l'autre , Se fortement
preffées par un poids mis fur la
lame fupérieure , s'échauffent par
cette feule compreffion. Otez
ce poids , vous aurez beau agi-
ter ces deux lames avec le plus
de force qu'il vous fera poili-
blc, vous ne produirés jamais tant
de chaleur , que fi la lame fupé-
Cij
28 Théorie
rieure écoic en même tems com-
primée. D'où il fuie que la feu-
le preffion échauffe les corps, c'eft-
à-dire , met en mouvement les
parties ignées qui étoient affez
tranquilesau dedans de ces corps.
Je dis parties ignées , car le Feu
ainfi créé s'infinue dans tous les
corps même les plus denfes , les
échauffe , les dilate , les brûle %
les fond , reluit , brille , éclaire ,
& produit abfolument les mêmes
effets que le Feu connu. D'ail-
leurs il naît fans le fecours d'au-
cun Feu prééxtflant avant lui ,
& il dure fans le fecours d'au-
cun aliment. Donc du Feu vé-
ritable que la preffion a fait for-
tir des corps où il fe tenoit ca-
ché.
Si l'on peut créer du Feu par
la comprefFion , il fuit évidem-
ment que le frotement , & à plus
forte raifon le frotement joint à
Gh YMIQUÈ. 29
là comprefïion , peut* exciter
beaucoup de chaleur. Voici en
peu de mots les Icix. Phyfiques du
frotement.
Plus les corps font folides ,
denfes , eompa&s , durs , roides
& pefans , plus il eft aifé d'en
faire fortir du Feu par le fro te-
rrien t. Ainfi quoique le plomb
foit plus péfant que le fer , il
eft bien plus difficile d'en tirer
du Feu , parce qu'il eft corrapo-
fé de parties moins roides ou
plus flexibles; mais fi deux corps
étoient compofés de parties éga-
lement élaftiques , le plus péfant
âuroit le plus de vertu en ce
cas.
Plus les corps font lâches ,
moins on en tire de Feu par
le frotement. On connoît par là
pourquoi ceux qui ont les fibres
lâches font d'un tempérament
froid , & pourquoi la chaleur du
Ciij
5© Theo'r if
tempérament eft proportionnée
à la force ou à l'élafticité des fi-
bres. L'un & l'autre dépendent
uniquement du frotement réci-
proque plus ou moins violent
des folides &: des fluides.
Lorfqu'il y a deux corps mous
entre deux corps durs , on a bien
de la peine à en tirer du Feu
par le frotemeat > jufqu'a ce que
le corps mou , fait détruit ou
confumé. D^ux lames de fer trem-
pées dans de l'huile, , ne fournif-
lent guéres de chaleur , avec
quelque violence qu'oa les agi-
te , jufqu'à ce que l'huile s'étant
ëiffipée ,. leurs furfaces £e tou«*
chent immédiatement.
C'eft" pourquoi on a la précau-
tion de froter d'huile les eflieux
des roues, de peur qu'étant trop
fecs , ils ne prennent Feu *, éc
dans la trop grande rigidité des
vaiffeaux . on fait avec fuccès
C fî Y M I Q U E, 51
un ufage tant externe qu'inter-
ne d'huiles douces & récentes
qui donnent plus de foupleffe êc
de jeu aux fibres, dont les vail-
féaux font compofées.
Plus on frote deux corps avec
force & avec vîtcfle , plus il en
fort de Feu. Toutes chofes éga-
les , plus le froid eft grand , plus
le frotement eft efficace.
Les corps rares donnent moins
de Feu par le frotement que les
corps denfes j, ils s'échauffent plus
promptement ; mais ils confer-
vent moins Iong-tems la chaleur
qu'ils ont reçue par quelque cau-
fe que ce loi t.
Les corps les moins propres à
produire de la chaleur par le fro-
tement , font ceux qui font fi
poreux , que l'air , les efprits 9
les huiles , Peau, &c. peuvent
traverfer librement leurs pores,
La prefîion réciproque des
C iiij
32 Théorie
parties qui compofent les flui-
des , au dedans d'elles-mêmes ,
fur elles-mêmes , & contre les
parois des vaiffeaux où ils font
contenus , fait naître beaucoup
de chaleur , & cela proportion-
nellement à l'élafticité des flui-
des. A'mCi comme l'eau eft la
plus légère & la moins élaftique
de nos humeurs ? plus notre fang
eft aqueux , plus il eft dépour-
vu dereffort,& conféquemment
moins il s'échauffe par la circu-
lation. Au contraire plus le fang
eft denfe , plusfes parties fe meu-
vent avec force en tous fens au
dedans des vaiffeaux. Voilà une
féconde raifon de tempéramens
chauds & froids , du danger du
frotement dans les uns , & de
l'utilité de ce remède mécanique
dans les autres.
Puifque les fluides s'échauf-
fent d'autant plus par le frote-
C H Y M 1 Q U E. 55
ment qu'ils ont plus de reffort ,
il fuit que l'agitation des par-
ties de l'air entr'elles doit en
augmenter la chaleur , & qu'ain-
lî il n'eft pas furprenant qu'on
voie de grands vents ou de vio-
lentes tempêtes avec un air chaud,
& de la gelée fans aucun vent.
Je fçai que le plus doux zéphir
paroît froid ? quand on eft échauf-
fé; &: c'efl pour des raifons, que
je ne puis me difpenfer de dire
ici , à caufe de leur utilité. La
chaleur naturelle de l'homme eft à
peu près de 92 dégrés , comme je
l'ai dit ci-devant. Il eft certain
que perfonne ne peut vivre dans
un air auïïi chaud. Nous avons
donc toujours plus de chaleur
que l'air qui nous environne %
ainfi les vêtemens qui nous cou-
vrent , s'échauffent plus que s'ils
étoient expofés de toutes parts à
l'air , & nous échauffons né*
54 Théorie
ceffairement l'air contigu à no*
tre corps-: parconféquent , fi fërir
qui environne le corps de l'hom-
me , efl abfolument en repos ,
l'Atmofphere de l'homme fera
plus chaude que celle de l'air.
Mais s'il s'eleve du vent , il dif-
fipe bientôt la chaleur que no-
tre corps avoit communiqué à
nos habits , qui , expofés à un
froid toujours nouveau , le com-
muniquent à notre corps. Êteft
comme fi on prenoit fans ceffe
de nouveaux vêtemens froids *
ainfi quoique le vent ne produi-
fe point de froid abfolu y com-
me le Thermomètre nous Rap-
prend 9 il nous rafra&hit pre-
mièrement les poumons & la:
peau^ il affeâe nos nerfs exté-
rieurs 9 nos membranes > & par-
ticulièrement celles du nez , d'ok
nai fient tant de catharres : plus
si refle long-tems appliqué à b
C H Y M I Q U E. ff
furface de notre corps, plus il
difïipe de notre chaleur & fe
glifle aiiément dans nos vaif-
ieaux Se dans toutes les parties
internes de notre corps. On peut
juger par là de l'imprudence de
ceux qui s'expofent au vent ou
à Pair froid , lorfqu'ils font en
fueur principalement s'ils s'y re-
pofent après avoir long-tems cou-
ru. Delà viennent fouvenx des
Afthmes qui ne finiffeni qu'a-
vec la vie , des angines y des
pleureftes ,des peripneumonies 9
des rhumatifmes 9 h goutte , <&c.
Je reviens aux loix du frotementa
Si le frotemeni des fluides
entr'eux feuls produit de la cha-
leur , à plus forte raifon le mê-
me effet réfuîtera-t-il de l'avion
d'un fluide contre un corps fo~
Hde. Aufïi voyons^nous qu'un
boule/ de canon , qui parcours
éqo. pieds d'air dans l'efpace
36 T H E O R î «
d'une féconde , brûle les lieux où
il frappe , quoique dans tout fon
chemin il ait été expofé à un
froid toujours nouveau. Certaine-
ment fon extrême chaleur ne
peut venir du feu mis à la pou-
dre : il y féjourne trop peu de
tems? pour qu'il puifles'y enflam-
mer de la forte. Elle ne vient
donc que de la violence & de
la vîteffe extrême avec laquelle
ce globe a été frotté dans l'air.
Il fuit de cette dernière loi que
la chaleur de notre corps doit
s'accroître proportionnellement
à l'aftion des fluides fur les fo-
lides , & à la réaâion des fpli-
des fur les fluides. Voilà en effet
la caufe immédiate des fièvres
ardentes , & des plus grandes
inflammations.
Concluons que le feu ne fe
manifefte jamais d'une façon fen-
fible quand les efpaces , les lieux.
Chymique. 97
ou les corps qu'il pénétre , font
en repos y parce que relie efl la
fubtilité de fa nature qu'il traver-
fe tout librement. Cependant il
eft toujours préfent par tout , il
habite les lieux mêmes où l'on
croit trouver fon contraire ; quoi-
que l'eau ne fe change en glace
que dans la faifon la plus froide,
ce prétendu froid veut dire plus
de 30 degrés de chaleur ou de
feu : on le trouve dans les fouter*
rains les plus profonds , comme
fur .les plus hautes montagnes :
dans les lieux humides , comme
dans des lieux fecs ; dans tous
les corps , dans tous les efpa-
ces , dans le vuide même. En ef-
fet l'expérience nous apprend
que les corps s'y échauffent par
le frottement , 8c comment cela î
fi ce n'efl: par la forte preffion
des parties des corps 9 jointes à
}8 Théorie
leurs vibrations , lcfquelles con-
fident en ce que toute leur fub-
fiance fe dilate , fe contracte , fc
bande & fe débande fucccflî-
vement. On conçoit aifément
que le feu renfermé dans la fub-
ïlance des corps eft agité forte-
ment & avec viteffe par le trem-
blement de leurs fibres. Or com-
me fon propre reflbrt fe force
de réagir fur les Ëlernens mêmes
qui le preffent & l'agitent , il eft
vraifemblable que c'eft de ce
mouvement réciproque des par-
ticules folides des corps fur fe
feu ? & du feu fur ces mêmes mo-
lécules , que naît la grande cha-
leur qui eft excitée ou créée par
tê frottement. Mais quand je dis
que le feu eft ainfi créé , j'entens
feulement que le frottement des
corps entr'eux meut davantage
le feu qui eft renfermé au dedans
de leur iubftance , & que ce me-
C h y m i q y e. 19
me mouvement en ratnaffe d'au-
tant plus dans un même endroit,
qu'il eft plus coniidérable ou plus
violent. De cette manière les
lieux voifins peuvent perdre au-
tant d'atomes ignés , qu'il en
eft plus attiré dans celui-ci. Car
pourquoi le feu , qui eft le plus
ïubtil de tous les Elemens , ne
pourroit - il changer de place
comme les autres fluides ? Cela
pofé, auffi-tot que d'un efpace
où il étoit difperfé 9 il fera réuni*
dans un lieu plus étroit, fa quan-
tité , & fes effets nous le rendront
aufli fenfible , que s'il venoit d'ê-»
tre aduellement créé. Si donc
le feu tantôt paroît à nos fens j
Se tantôt eft invifible l il faut
s'en prendre à fon mouvement f
a (on repos , à fa colle&ion , à
fa difpenfion 9 %. à fes diverfes
dire£tions ; voilà en effet la caufe
de tous les effets que le feu pn>
4-o Théorie
duit. Enfin pour fe convaincre
que le feu ne fe montre gueres
ious l'apparence de feu ,fans l'ac-
tion de quelques corps folides ,
il fuffit de faire attention aune
chofe fûre , qui eft que la cha-
leur efl d'aufant plus grande ,
qu'on approche plus du centre
de la terre , Sz qu'elle diminue
à mefure qu'on s'en éloigne -, com-
me on le voit par la neige , qu'on
trouve au milieu de l'été , furie
•fommetdes plus hautes monta-
gnes , Se par le froid piquant ,
qui s'y fait fentir malgré le poids
de l'Atmosphère , qui y eft en-
core allez confidérable , à caufe
du peu d'éloignemenc , où l'on
eft de notre globe. Que n'eft-
il poffible de faire des obfer-
vations plus haut ? on compren-
droit qu'en approchant du So*
leil , la chaleur diminue , & le
mouvement fe ralentit tellement
que
C H Y M 1 Q U E 4Î
que les corps fort élevés fèmblcnc
jouir d'un repos abiolu. Voyez
les mêmes arbres plantés de iû
même femence , de la même Mon-
tagne , & expofés au mêm£ af-
petï du foleil , ceux qui lont
au pied de la montagne , croiffent
bien plus que ceux qu'on a plan-
tés fur le fommet. Voila le fon-
dement fur lequel les anciens
Alchymifles ont dit qu'il règne
un repos abfolu , un filence ex-
trême dans le feu pur ; que Dieu
l'habite ; que de là il lance des
feux pour animer les corps , les
mouvoir , & leur faire exécuter
fes ordres , félon le libre arbitre
de cette divinité qui peut tout.
Les plus anciens Hébreux & les
Auteurs facrés fe font auflî ex-
primés de la même manière.
Loin donc que le feu foie le
produit d'aucune caufe dans la
nature , il en eft l'agent univers
' D
42 T H E* O R î E.
fel , & c'eft par lui que tous les
effets s'y produifent. Ses parties
pénétrent tout , vivifient tout ,
font prefcntes par tout , l'hom-
me ne vit que par le feu -, la li-
quidité des fluides ,1a végétation,
des plantes ,.. la vie des animaux ,..
la corruption ,, la génération ,
tout dépend de cet élément. En,
un mot le feu eft Famé Se la vie
de toute la nature ^ & comme-
la nature eft. aâive par tout ^
le feu fe trouve par tout , dans.
I*air , dans l'eau ,.. dans les dif-
ferens mixtes , dans- tes entrail-
les de la terre. Mais quoiqu'il foie,
ainfi répandu dans tous lescorps^,
il s'y trouve dans un état cachée
Se fans s'y faire appercevoir pat
les qualités fenfibles qui le mani-
fefteat. Pour qu'il puiife paroitre
fous les qualités qui le font dis-
cerner à nos fens , il faut, que fa.
marche gaifible dam, l'inierftica
C H Y M î Q U E. 4}
des rnixres , foit interrompue
par quelque caufe qui l'excite.
Alors fa violence excitée annonce
d'une manière fenfible fa préfen-
ce, non que le feu , je le répète ,
foit produit , ou que les parties
qui n'ëtoient point feu deviennent
telles ; mais parce que le feu ,
qui paifible auparavant ?fuivoit
un cours tranquille dans les corps,
eft interrompu ^ retardé, irrité,
ce qui développe toute fon ac-
tivité.
Selon les Cartéïïens , le feu eft
une matière groffiere , vivement
agitée par une matière fubtile xjui
n'eft affujettie à aucune étendue ,
ni forme particulière qui eft au-
comraire toujours dans la néeef^
fité de varier à cet égard- Cette
matière fubtile feule n'eft point
feu , 1& matière grofllere feule
ne l'eft point non plus. L'une Se
Fâutre doivent £e combiner. En-
D- ij
44 Théorie
core faut-il pour rendre ce fets
lumineux , le concours d'une
troifiéme forte de matière , ( c'eft
la matière globuleufe ) pour pro-
duire les réflexions & Refradions
de la lumière. Mais laiffons ces
chimères.
Le feu cft feu , comme tout
autre corps eft tel corps 9 par la
forme fpécifîque de fes particu-
les 5 & puifque c'eft un élément
comme les autres , fa forme doit
être d'une grande (implicite*, fes
arômes doivent être parfaitement
folides , extrêmement polis P
les plus fubtils i Se les plus mo-
biles de l'Univers. Tout ce que
le feu vulgaire a d'apparent n'eft
que paffager par rapport au feu
élémentaire ; en forte que , quoi-
que cette idée du feu ne nous
3e reprefente point par aucun
des attributs qui le rendent fen-
fible g elle ne s'accorde eepea-
C H Y M I Q U E, 4Ç
dant pas moins avec tous les ef-
fets qui le caraâérifent. Us vien-
nent cous en effet d'une feule
& même matière , qui eft dans
Pinaâion Se ne les produit
point , tant qu'on la larffe tran-
quille dans les corps ou les ef-
paces qu'elle habite. Mais de
combien de manières ne peut el-
le pas être mife en œuvre. Les
vibrations non-feulement , mais
le Soleil , les verres & miroirs
ardens , tout excite , tout raf-
femble ce feu. Le reffort des par-
ties du corps combuftible , leur
facilité à s'enflammer ^l'élafticité
de l'air environnant , 8c en-
fermé dans ce corps 5 voilà au-
tant de caufes de l'incendie ou
de l'embrafement , qui ne vient
que de la continuation & de l'ac-
tivité de celles qui ne font fim-
pîement qu'échaufer: Selon que
i?air eft plus ou moins ouvert 9
46 T K E O R I S
agité 9 félon que les corps fane
plus au moins durs , &: élafliques p
ils font donc plus ou moins vite ou.
fortement brûlés. Eft-il n-éceffai-
re de faire ici mention de la
ver ta du Soleil. Ne furfit-il pas
qu'il s'aproche ou s'éloigne de
nous pour augmenter ou dimi-
nuer le feu ou la chaleur y que
les parties gpoffieres & ces ef-
peces de miroirs nébuleux con-
tenus dans l'air , ne peuvent
encore qu'animer en renée haffant
ou refrangiflant les rayons. Quel
moyen plus puiflant pour rafiem-
bler beaucoup de feu que ces
miroirs ardens. Il en eft qui fon-
dent & vitrifient les métaux dans
un inftant. Enfin les corps froids
s'échauffent en ie communiquant
à des corps chauds ^&:cela moins
fuivant la chaleur de ceux-ci , que
k nature de ceux-là \ car, par
exemple 9 la pierre brûle au fiaieii
C H Y m r Q u e, 47
^ui tiédit à peine l'eau.
Je ne fiiiirois pas , (i je vou-
lois fuivre Monfieur Boerhaave
dans tout ce qu'bl dit du feu v il
rapporte généralement toutes les
expériences qui ont été faites P
tant par rapport à la raréfaction „
à la chaleur , à la flamme ^au&
rayons , que par rapport aux
choies qui fervent d'aliment au.
feu \ l'expofé qu'il donne là-def-
iîis peut être regardé comme une
hiftoire naturelle du feu. C'eft
non-feulement une bonne intro-
duction pour ceux qui commen-
cent à étudier ces matières , mais
un mémoire excellent y & qui
n'efl: que trop complet , pour
d'habiles Phyficiens v car , com-
me le ftiîe eft fort diffus ». l'ou-
vrage a une étendue énorme»
Voyez Moniteur Quefnay dans
Ion traité de Fœconomk Ani-
maJe depuis la page n. jufqu^a
48 Théorie
3 3 .Tout ce qu'il nous donne fou-
vent comme de lui eft tiré mot
pour mot de Monfieur Boer-
haave , comme les connoîffeurs
peuvent en juger , s'ils daignenr
faire la comparaifon d'un Phyfi-
cien de faint Corne avec ce
grand Philofophe.
xli
DE L' A I R.
E feu tire toute fa force
de PAir c'efl pourquoi nous
examinerons ici la nature de
cet agent. Sa première proprié-
té eft fa fluidité , qui eft telle
que le froid le plus violent , la
plus forte compreflion , les pîus
puiffans coagulans , &c. ne peu-
vent l'altérer *, & il paroît qu'il
a en propre la caufe de cette
fluidité , puifqu'il eft compofé
de parties extrêmement fines Se
déliées,,
C H Y M I Q V E. 49
déliées , qu'on ne peut aperce-
voir même avec les meilleurs mi-
crofeopes , Se qui font en même
tems fi lubriques ou gliffantes ,
que la moindre force fuffit pour
les écarter les unes des autres 9
& les divifer en tous fens.
La féconde propriété de l'Air
eft fa péfanteur , qui confifte
dans la tendance de toutes fes
parties vers le centre de la ter-
re. C'eft une vérité qui a été fi
bien démontrée par Toricelli p
Pafcal , Boyle , & Mariotte , qu'il
n'efl aujourd'hui rien de plus
certain efi Phyfique. On fçaït
auflî que cette péfanteur de l'At-
mosphère varie fans ceffe , 8&
que ces viciffitudes continuelles
font caufées par les divers mé-
téores & les différens afpeéts des
Planettes. Il fuffit de jetter un
coup d'œil fur les tables Météo-
rologiques de Nicolas Kruquius ,
E
yo T H E.O R I E
pour en apercevoir coures les eau-
les, L'Air comprime la furface
de la terre , & les corps qui y
font fitués , d'autant plus qu'ils
font plus près du centre. Cette
preffion eft encore, plus ou moins
forte, félon que lepoidsde l'Air
augmente ou diminue , comme
on le voit au Baromètre. Ce
qu'il y a ici de fort furprenant
en apparence , c'eft que , quoi-
qu'une colonne d'Air , pefe au-
tant que peferoit une colonne
d'eau de pareille groffeur , qui
auroit yi pieds & \ de hauteur,
on ne fent cependant* point fa
pefanteur. Pourquoi l c'eft que
cet élément , entant que péfant
& fluide à la fois , preffe égaler
rnent les corps de tous côtés /
latéralement, horifontalement ,
verticalement , fupérieurernent ,
inferieurement, obliquement. De
ce principe dépend l'explication
Chymiqitk. CI
d'une infirmé de petites expé-
riences aiTez curieufes , que h
multitude des chofes qui iepré-
fentent ne nie permet pas d'é-
crire. Mais avant que de perdre
de vue cette propriété , il n'efl:
pas hors de propos de confidé-
rer combien elle devient quel-
quefois prodigieufe ; un homme
en fouflant un petit tuyau qui
•s'abouche avec trois ou quatre
veflîes chargées d'un poids de
plus de ioo livres , peut par
ion feul foufle , gonfler ces vef-
lîes , jufqu'à enlever le poids qui
les charge. Un autre en tenant
la glotte long-tems fermée , peut
fans foufrir , porter fur la poitri-
ne des poids énormes, par la force
de l'Air interne qu'il retient, com-
me on l'a vu. La péfanteur de
l'Air donne donc la raifon de
quantité d'effets furprenans qu'on
îie pourroit expliquer fans elle.
Eij
Ç2 Théorie
La }<>. propriété de l' Air efl
fon reffbrc , qui confifle en ce
qu'il occupe d'autant moins d'ei*
pace , qu'il efl plus comprimé ,
8z qu'il fe rétablit à mefure que
la prefïion cefle , depuis quelque
tems qu'il foit comprimé. Ce qu'il
y a ici d'étonnant , c'efl que cha-
que portion d'Air agit autant par
ion élaflicité , que tout l'Air ex-
terne ; ce qui fe démontre clai-
rement par une expérience de
Boyle. Prenez un Baromètre
dont le mercure foit élevé à cer-
taine hauteur, que vous remar-
querez attentivement. Plongez-
le par fa -partie inférieure dans
un vafe cylindrique rempli de
Mercure , 8c tellement conftruit
qu'on puiffe à fon gré au moyen
d'un Syphon ôter toute commu-
nication de PAtmofphere/ave'ç
le peu d'air qui efl dans ce va-
fo Alors comme l'Air externe
Chymique. £j
n'agit plus fur 3'interne , il efl évi-
dent que celui-ci feul peut prêt*
fer la furface du Mercure con-
tenu dans le Baromètre. Or dans
cette expérience le Mercure ref-
te à la même hauteur qu'il avoit
pendant qu'il étoit cornprimépâr
toutei'Atmofphere. Cette petite
portion d'air interne peut donc
fou tenir par fon reffort un auflï
grand poids que tout l'air ex-
terne. Chauffez enfuite le Baro-
mètre, vous verrez le vif argent
monter de plus en plus , pro-
portionellement à l'expanfion de
l'Air enfermé. Les Chymiftes
doivent bien faire attention à
cette admirable propriété de
l'Air*, car comme la plupart des
opérations Chymiques fe font fur
le feu dans des vaiffeaux fermés r
quels effets terribles ce reffort
de l'Air ne peut-il pas fouvenc
produire. De tous les corps 9
E iij
54 Théorie
l'Air eft celui que le feu dilate
le plus , & fa raréfaâion eft en
raifon de . fa denfité. De deux
portions d'Air , la plus conden-
sée fe dilatera le plus au même
degré de chaleur , la moins pref-
fée aura moins d'expanfion , 8c
conféquemment d'élafticité. Tel-
le eft Pénorme rarefcibilké de
FAir , que l'Air le plus rare eft
au plus denfe , comme l'eft i . à
y20ooo. félon Boyle : le plus
grand froid né peut altérer ce
prodigieux reffort de l'Air, non
plus que les plus violentes cha-
leurs. Les extenfions qui arri-
vent dans les premières voies
par celles de l'Air qui y eft en-
fermé , font-elles donc furpre-
nantes^Ceci fuffit pour faire juger
quelle peut être l'étendue > & la
force du reffort de l'A ir,& qu'une
petite portion d'Air peut par
cette vertu produire d'auffi
Chymique. çj
grands effets qu'une grande quan-
tité. Mais qu'une quantité d'Air
un peu confidérable fe trouve
divilée & emprifonnée par pe-
tites portions -, c'cfl alors que ie
reffort ie multiplie extraordinai-
rement , comme on le voit dans
des corps embrafés , & furtcut
dans les fels qui pétillent, parce
que le feu venant à bander l'ékf-
ticité de l'Air, cet Elément rompt
avec bruit les petits liens qui
î'enchaînoient.
De ce qu'on vient de dire ,
on peut déduire les effets de
l'Air fur les foffiîes. L'Air efl
fluide , péfant , élaftique \ iJ fe
condenfe proportionnellement
aux poids qui le compriment 9
il a d'autant plus de force ou
de reffort qu'il efl plus conden-
fé , & enfuite plus raréfié , il s'in-
finue dans tous les corps ? Se jus-
qu'au centre de la terre. Or qui
Eiiij
56 Théorie
peut dire jufqu'à quel degré l'Air
eft condenfé dans ces lieux pro-
fonds, Se enfuire raréfié par le
feu, que le frottement de tous
les corps , &: des parties de l'Air
même y produit. Cet Elément
doit donc par fon aâion raf-
fembler les parties ioiides ho-
mogènes, féparer les héceroge-
nes , ou celles qui ne font point
faites pour s'ailbrrir avec les au-
tres , rendre ainfi les foffiles plus
durs, plus compa£ts, 8z les créer
en quelque forte. Voilà peut-
être la raifon pour laquelle on
ne trouve des minéraux que vers
le centre de la terre.
Une qualité de l'Air qui , pour
être connue de tout le monde,
n'en eft pas moins difficile à
comprendre , c'eft fon abfolue
néceffké pour la vie. Mettez un
oifeau dans la machine pneuma-
tique , à mefure que vous en ti-
C H Y M î Q U E. 57
ferez l'Air, vous le verrez fuf-
foquer, & rendre prefque les der-
niers foupirs , faites-y rentrer
l'Air , le petit animal reprendra
des forces en refpirant. Mettez un
poiffon vivant dans l'eau donc
vous aurez auparavant tiré Y Air, il
expirera en peu de tenis. Met-
tez-en _ un autre dans un vafe
plein d'eau , fi éxaûement bou-
ché , que l'Air contenu dans cet-
te eau ne puiffe fe renouveller ,
vous le verrez mourir après \
d'heure de langueur. Les infec-
tes ne peuvent faire éclore leurs
foetus dans le vuide , lafemence
des plantes y meurt , elles n'y
peuvent végéter , les animaux n'y
peuvent vivre r le feu s'y éteint,
comme on le voit , en pompant
l'Air de la machine pneumati-
que , dans laquelle on a mis un
charbon ardent \ tout en \m mo-
ment périt fans, le fecours de
ç8 Théorie
l'Air , il femble que ce foir un
aliment qui nous nourrit , nous
conferve , fert à réparer nos per-
tes , ainfi que les autres alimens,
s'identifie , 8c s'incorpore avec
nous. C'eft fait de nous , s'il
vient à nous manquer. Tout le
monde connoit ces vérités : mais
quelle eft cette propriété de l'Air
plus admirable encore que fingu-
liere , fans laquelle on ne peut vi-
vre ? Quelle eft fa nature, la caufe,
fon a£tion > Eft-ce par l'Air pure-
ment élaftique que tout refpire ?
Et s?iî eft vrai , comme on n'en
Î>eut douter, que la refpiration,
a végétation , l'embrafement ,
&c. ne peuvent avoir lieu dans
l'air même s'il eft enfermé. C'eft
qu'alors cet air fixe & immobile
reftant toujours également appli-
qué contre la furface des corps ,
les prive de ce branle , de ces on-
dulations , ou de ces vibrations
C H Y M 1 Q. U E. J9
néceffaires pour entretenir leur
mouvement propre, ou continuel-
lement bandé contre ces corps
s'y oppofe entièrement ? C'eft
une conféquence qui me paroît
bien déduite de l'expérience de
Boyle , que j'ai ci-devant rap-
portée.
Comme il eft difficile de fe
feire une jufte idée de ce qu'on,
entend par l'air élaftique,à moins
que de connoître auparavant
tous les corps étrangers qui na-
gent dans fon immenficé, nous
allons légèrement les parcourir.
L'Air eft toujours plein de feu,
plus ou moins , comme nous l'a-
vons vu dans le Chapitre pré-
cédent*, les Thermomètres le dé-
montrent à Pœil dans tous les
tems& dans tous les Pays. L'Air
eft auffi toujours rempli d'eau,
de cette eau qui s'exhale par la
voie de Pinfenfible tranfpiration,
6o Théorie
tant de nos corps , que de ceax
des animaux , & même des végé-
taux , comme plufieurs habiles
Phyficiens l'ont affez prouvé 5 de
cette eau que le Soleil & les autres
feux font fans cefle s'évaporer.
Suivant des calculs plus d'une
fois vérifiés , il en tombe dans
l'eipace d'une année 30. pou-
ces de haut fur la furface de tou-
te la terre , & dans le même ef-
pace de tems cette eau fe diffipe.
Que d'eau dans l'air ! Comme
elle va s'appliquer à tous les corps
qu'elle rencontre , il n'eft pas
difficile de l'appercevoir d'une
façon auffi fenfible qu'agréable.
Expofez à l'air en Eté dans un
jour chaud & fec , un morceau
de glace récemment tiré d'une
glacière , il paroîtra fur le champ
obfcurci -, prenez-le y il fumera
entre la glace & la furfaee de la
main \ ce qui prouve , dk ML
Chymique 6i
Boerhaave , que les particules
d'eau qui étoient invifibles, parce
qu'elles étoienc également difper-
iées dans l'atmofphere , s'étant
rapprochées & réunies plus étroi-
tement par le froid de la glace ,
doivent fenfiblement fe manife«
fier. Mais s'il m'eft permis de dire
ici librement mon avis , n'efl-il
pas évident que cette fumée efl
en partie formée par les molécu-
les d'eau qui s'élèvent de la gla-
ce'à mefure qu'il la fond &: la ré-
foud en vapeurs. L'expérience
qui fuit me paroîr plus concluan-
te. Mettez de l'eau durant l'Eté
dans un vaifleau de verre fore
fec en dehors , la furface exter-
ne de ce vafe demeurera tou-
jours lèche. Diflblvez dans cet-
te eau une partie de fel armo-
niac très-fec & pulvérifé , en pre-
nant biengard_e que la partie extei>
ne du même vaiffeau ne contrac-
62 Théorie
te quelque humidité : toute cette
même iurface fera promptemenc
couverte d'une roiée aqueufe ,
qui devient peu à peu fi abon-
dante j qu'elle diftiile des gout-
tes d'eau fort fenfibles. Or on
ne s'avifera pas de dire que ces
gouttes ayent tranfpiré au tra-
vers des pores du vale , puifque
le froid de ce ici a du les reffer-
rer, & que d'ailleurs l'eau nepé-
nérre point le verre , ce quifuf-
fit ici. Voici donc la vraie irai-
ion de ce Phénomène. Tout com-
me l'haleine qui eft impercepti-
ble l'Eté , paroît vifiblement du-
rant l'Hiver , de même le froid
du fel armoniac raffemble fous
la forme de rofée ou de petits
nuages l'eau que la chaleur avoir
extrêmement divifée. Toutes ces
choies & une infinité d'autres
prouvent clairement qu'il y a tou-
jours de l'eau dans l'air; vérité
C H Y M I Q U E 6}
que la machine pneumatique a
mile en tout fon jour ; & plus
on raréfie l'air , plus le verre s'obf-
curcic intérieurement , parce qu'a-
lors les molécules d'eau le déta-
chent de l'air pour s'attacher au
verre ; d'où il fuit que plus l'air
eft chaud ,. raréfié , moins il con-
tient d'eau , Se par conféquenc
moins il efl péfant. Expofez des
lels à l'air , ils s'y fondent , Se
devienenttrès-péfans, parce qu'ils
abforbent fon humidité : autre
f>reuve de l'eau contenue dans
'air. Plus cette eau eft élevée 8c
dilperfée en de grands efpaces ,
plus elle eft imperceptible. Auf-
fi l'air eft-il alors fec Se ferein ,
il ne paroi t humide que lorfque
cette même eau dont les mole*
cules étoient fort écartées les
unes des autres defeend Se fe raf-
femble fenfiblement dans notre
Atmofphere.
64 Théorie
Outre le feu & l'eau , Pair eft
plein de rofée. C'cft un compo-
ié d'eau' , & de bien d'autres
corps gras , falins , huileux, fpi-
ritueux , que le foleil attire de
la furface de la terre & des plan-
tes. Tant que ces exhalaifons font
agitées & éparfes çà & là dans
l'air, on ne les voir point : mais
vers les trois heures de l'après
midi , l'air venant à fe refroidir
à cauie de l'éloignemcnt du So-
leil , Se la terre confervant fa
chaleur bien plus long-tems que
Pair , on voit ces vapeurs s'éle-
ver fenfiblement , & couvrir bien-
tôt toute la furface de la terre ,
jufqu'à ce que le Soleil revienne
les diflîper par fon retour. Ces
vapeurs font différentes félon les
lieux d'où elles s'évaporent, C'efl-
pourquoi on trouve tant de con-
tradiction parmi les Chymiftes
qui ont fait PAnalife de ces ma-
tières, C'eft
C H Y M 1 Q U E. 65
C?eft encore l'Eau prefque
feule qui forme les nues. Ses Ele-
mens difperfés dans la haute ré-
gion de l'air , venant à fe réunir
en defcendant dans des lieux
plus étroits , prennent la forme
d'eau fenfible , dont l'amas for-
me les nues. Toutes ces fortes
de pluyes , les fontaines ? les ri-
vières, les fleuves ^les ruiffeaux,.
les torrens , toutes les eaux de
h terre y viennent de celles de
l'air ? comme celles de l'air y
viennent de celles de la terre.
C'eit dans l'air que fe forment
la neige ? la grêle , la foudre ,
1-e tonnerre ? les éclaires dont
l'explication nous meneroit trop
loin. Il s'y élevé des efprits effen-
îiels , fermentes des végétaux ,
& ceux qu'enfante l'a&ion du
feu- Les huiles , les fels, la terre
même s'exaltent 5 les plantes n'ont
aucune partie qui ne foit eia-
F
66 Théorie
portée dans cet Elément. Il en
cft ainfi des efprirs des animaux ,
de leurs excrèmens,de toutes leurs
parties que la chaleur diflipe en-
fin , des œuts féconds de toute
efpece , des fofïiles , des foufres ,
des métaux. Il n'eft point en un
mot de corps dans toute la nature,
qui ne s'évapore dans lair^c'eft un
vrai cah,os;il s'y trouve juiqu'à des
portions des animaux les plus
pefans. Les cadavres même des
hommes foit qu'on les brûle ,
foit qu'on les laiffe fe corrompre
à l'air , foit qu'on les enfevelifïe ,
toutes leurs parties fans excep-
ter les os mêmes , fe perdent
dans cette affembîée univerfele-,&
fi l'air contient les Elemens mê-
mes de nos corps , eft-il furpre-
nant qu'il contribue en quelque
forte à nous nourrir , & à repa-
rer nos pertes.
On conçoit à préfent ce qui
C H Y M I Q'U é; 67
conftitue cette partie élaftique
de l'air , ou l'air proprement
dit : c'eft l'air dégagé de tous
les corps hétérogènes qu'il ren-
ferme , &dont il eftle véhicule.
Voila l'air qui pénétre dans tou-
tes les liqueurs , & qu'on en fait
fortir ea forme de bulles , par
lebullition , ou en diminuant le
poids de l'atmofphére dans la
machine pneumatique. Et c'eft
celui que la gelée fait fora* de
l'eau , tel efl celui que no.usref-
pirons , & qui ne contribue pas
peu à entretenir la circulation. Il fe
diffoùt en fes derniers Elemens
pour pouvoir s'infmuer dans les
cellules des liqueurs qui fontvui-
des d'air : mais il ne peut pé-
nétrer dans les fluides qui en font
tout-à -fait remplis , ou faoulés.
ce qu'il y a d'étonnant ? c'eft qu'il
y a plus d'air dans l'eau , que
d5eau même , comme on le fait
Fij
68 T'HEORl E
par des expériences qui ne peu-
vent tremper. Mais tant que cet
air eft renfermé entre chaque Elé-
ment aqueux ,., iJ n'eft point pro-
prement air : il n'y agit point,
comme hors des liqueurs ; c'eft
que les atomes de l'air difperfésy
feu! à feul , ne font point é!af-
tiques.. Chaque Elément d'air
it'ar en foi aucun reffort -, il faut
pour cela la réunion de plufieurs
Elément. D?où il faut conclure que
Fair contenu dans-nos humeurs, y
étant divifé en fes dernières mo-
lécules rn'y exerce point d'ofeiU
îktions , comme Borelli Sz plu-
sieurs autres grands hommes fe
fe font imaginé , qu'il eft. peut-
lire la caufe de' la putréfaction
de notre fang ,.& que la plus for-
te chaleur; naturelle n'eft pas fuf-
ifonre pour faire fortir l'air ren-
fermé- dans les petits vuides de
wa& feaneurs.. Aacrement.il feroic
C H Y M I Q U E. 6$
impofïible de vivre. Sans la cor-
refpondance d^e Fait extérieur „
point donc de vraïe putréfa&ion,
point de vra-ye fermentation y
nos humeurs fe confervent ère
effet fans fe corrompre dans la,
machina du vuide. Il faut ce-
pendant favoir que c'eft le feir.
qui metlairen jeu dans les mou-
vemens fpontanes de fermenta-
tion & de putréfa£Hon ,. comme
c'eftpar le raoyer* de Peau que
Pair opère dans les fucs 5 les chan-
gemens qui leur arrivent dans
les mouvemens fpontanes * du?
moins de putréfa£tian. 5. effet qui
ne commence 9 que lorfque is
terre 8c le fel commencent eux-
mêmes à fe défunir par la fingu-
Hère infmuation de i'eau , qui va
ici plus loin r que le feu dans
l'embrafement Ceux qui ne ion c
point en état de lire Monfieuï
Boerhaave,. peuvent lire fon-Corn*
jo Théorie
pilateur que j'ai déjà nommé ,
page 33 juiqu'à 58.
Si 1 air eft un cahos rempli de
corpufcule de toutes efpeces , on
peut dire que tous les corps font
remplis d'air ; on en tire beau-
coup principalement du vinai-
gre, des yeux decreviffe, de la
craye , de l'huile de tartre par
défaillance mêlée avec le vinai-
gre , ou l'huile de vitriol , de
l'efprit de nitre mêlé avec un
ou deux grains de fer , ou avec
de l'huile diftiiée de chenevi \
enfin il fort de l'air de tous les
corps , tant par le feu & la fer-
mentation , que par la putréfac-
tion , la diftillatiorr&c. L'air en
un mot fe trouve par tout, comme
tout fe trouve confondu avec lui ;
mais on peut dire qu'il n'eîl que
l'inftrument univerfel de la na-
ture , le feu eft le feul principe
a£U£ , le véritable agent. L'air
n'eft qu'un de ces matéraux
C H Y M I Q U E. 71
qu'il mec en œuvre pour brûler,
corrompre , féparer, détacher ,
difperfer , rapprocher, appliquer,
comprimer, contenir , voiturer,
& rendre à la. terre les débris des
corps qu'il a décompofé, 8c donc
la terre & les plantes ont beioin
pour s'entretenir Se fe reprodui-
re. C'eft donc par l'.entremife du
feu qu'eil établi ce commerce in-
time &: éternel qu'il y a entre
Pair Se la terre , celle-ci rece-
vant tout ce qui tombe de l'air ,
& celui-là recevant tout ce qui
tombe de la terre. Ceux qui pour
mieux entendre ces matières veu-
lent plus de détail doivent aller
à la fource. Monfieur Boerhaave
n'en épargne aucun, Se quoique
M. Quefnay paile pour l'avoir
mis en pièce , tout ce qu'il
a pris de ce célèbre Médecin fur
ce fuiet , n'eft certainement
pas capable de dédommager de
ce qu'il n'a pu prendre.
72 T H E G R î E
DE L' E A U.
IL efl très-difficile de connoî-
cre la nature de l'Eau ,. parce
qu'on peut à peine la tirer de
tous les corps qu'elle pénétre , Se
en féparer tous ceux dont elle efl:
remplie. Tous les corps fur les-
quels la Chymie opère , font
pleins d^eauy & elle eft'tellemenc
adhérente à Fait 9 dans lequel'
fe font toutes les opérations
ehymiques ? qu'on ne peut ja-
mais l'en féparer. Des cornes de
cerf gardées pendant 50. ans y
Se dures comme du fer , donnent
tin efprk duquel on tire non-
feulement de i'huile Se du fel y
mais beaucoup d'eau. Il en fort
de la brique , de la pierre , & dit
caillou -, difons plus : L'Eau efl
en quelque forte la glue qui fert
Chtmiqu e. 75
â unir 8c conglutiner les parti-
cules terreftres & folides , qui
compofent les rochers & les
montagnes. Quant à l'Eau qui
nage dans l'air , nous l'avons
affez démontrée dans le Chapi-
tre précédent , auquel nous ren-
voyons.
Puifque Pair eft toujours plus
ou moins rempli d'eau , & que
tous les corps font entourés Se
même remplis d'air , il eft im-
poflible d'opérer dans l'air , fur
des corps abfoîument fecs9 quel-
que effort qu'on fafle pour les
deflecher entièrement. J'ajoute
que (i on a bien de la peine à
feparer l'Eau , je ne dis pas de
l'air , mais de tous les corps qui
en font imbibés , il eft encore
plus difficile de féparer de l'Eau
toutes les parties hétérogènes
qu'elle contient , telles font le
Feu , l'Air \ tout ce qui eft mêlé
G
74 Théorie
avec Pair , & cous les corps eafe
qui peuvent fe diflbudre dans
l'eau ; à raefure qu'elle les ren-
contre dans les entrailles de la
terre.
L'Eau efl: une liqueur très-
fluide, fans odeur, fans goûr^
fans couleur , tranfparenre , 8c
qui à un certain degré de froid
ie change en glace. Cette défi-
nition ëiftingue l'Eau de tout
autre liquide , mais iî n'eft p^s
moins difficile d'en découvrir les
propriétés , parce qu'on n'efl: ja-
mais fur d'avoir de l'eau pure ,
êc qu'au contraire elle fe trouve
toujours unie à d'autres corps
d'une façon prefque inféparabie-
Notre ilkiftre Compatriote 9 M.
de Maupertuis 9 parle d'une grof-
fe fource de l'eau la plus • pure ,
qui fort d'un fable très-fin , 3e
qui conferve fa liquidité pen-
dant les plus grands froids de
C H Y M I Q C *. 7'Ç
ï'hiver , lorfque la mer du fond
du Golfe, & cous les fleuves font
auffi durs que le marbre. Cette
fource fe trouve au pied d'une
montagne de ILaponie , nommée
JCittis^ auprès du village de Pel~
lo. Mais les petites particules
de ce fable,5 quoique très-fin ,9
différent €n grandeur & en figu-
re , & ne peuvent le répondre
fi exa&ement qu'elles ne laiffent
entr'elles de petits vuides , pat
lefquels l'Eau fe filtre , fans fe
purifier tout -à -fait. Hérodote
parle d'eaux encore plus pures 9
fur lefquelies rien ne flottoit*
aii le bois * ni des corps plus
légers ,6c qui faifoient vivre fé-
lon lui , les Ethiopiens qui £n
^ufoient î20. ans , quelquefois
Î Jus. Ce qui ne paffe pour fabu-
eux que dans lefprit de quel*
<jue$ demi-Sçavans , ou de ceux
*jtfi ? peu verfés dans Miiftoire na~
Gij
76 T H E O R î E
turelle , ne font point en état de
comprendre tout ce que peut la
nature. L'obfervation de cet
ancien Naturalifte n'eft>elle pas
analogiquement confirmée par
celle du fçavanc Moderne.
La première propriété de l'Eau
efi fon poids propre ou fpéci-
fique 9 mais comment s'en affu-
rer ? l'Eau contient des corps
plus légers , & plus pefans qu'el-
le même ; tout ce qui participe
de la nature des efprits ferment
rés , rend l'Eau plus légère ,
ceux qui s'élèvent des végétaux
ou des Animaux putréfiés dans
l'air , fe mêlent avçc l'Eau qui
nage dans cet Elément , & ren-
dent les eaux plus péfantes. Il
en eft ainfi des matières falines,
favoneufes , vitrioliques , qui fe
mêlent dans l'air avec l'Eau , &
augmentent fon poids naturel ,
fan$ les entrailles de la terre f
Chymique. 77
differens corps fc mêlent encore
avec l'Eau , il n'eft donc pas
Surprenant que la péianteur des
Eaux varie tantfuivant les lieux,
& que l'Eau pure foit Ci rare.
Je paffe ici fousfilence le poids
relatif de l'Eau aux autres corps ,
parcequeBoyle en a parfaitement
traité dans fa Médecine HydroJla~
tique. Une feule chofe fort eflen-
rielle qu'on ne doit jamais ou*
blier en faifant mention des poids
relatifs des corps, c'efl qu'il faut
toujours avoir foin de dire le
degré de chaleur inhérente aux
corps, dans le tems qu'on les
peloit : car l'expanfion que la
chaleur produit , cft proportion-
nelle au poids des corps qu'elle
dilate : or comme la dilatation
de l'Eau -cft parconfequentpro-
digieufe , eu égard à celle d'un
corps métallique *, il fuit que fi
on examine leur diverfe péfan-
Giij
78 T H E O R I E
teur en différeras tems, ou a dfc
vers degrés de chaleur, on n'au-
ra que des obfervations mal fai-
tes. Règle générale fort connue 9
l'Eau la plus pefante eft la plus
îïiauvaife , la plus légère eft la
meilleure. Aufîi eft - elle fort re-
commandé par Hippocrate pour
la cure des maladies ,, dans fou
traité de aère 9 aquis & loris ,ce
qu'il y a de finguiier c'eft que
l'Eau ia> plus légère ,. naturelle
ou diftilléè , pourvu que fa lé-
gèreté ne foit point artificielle
oucoatraâée parle mêlange;d'ef-
prits fermentes ,.çft toujours plus
pefante que tous nos vins & tou-
tes nos bïerres.
La féconde propriété de l'Eau,
& qui lui eft commune avec les au-
tres liqueurs * eft fa fluidité qui^
eft fort confiderable,car toutes les,
parties s'écartent ou s'éloignent
les unes des autres par le moin-
CHÎ MIQUE. 79
dre mouvement ou la plus fci-
ble chaleur , d'autant plus qu'el-
les font plus pures , ou moins
adhérentes. Delà on conçoit la
raifon pouf laquelle Peau faîée
s'évapore moins que l'Eau douce,
& ce qui a été trempé dans la
mer fe feehe plus difficilement
que ce qui n'a été mouillé que
d'Eau douce. Le fel & le bitume
delà mer donnent beaucoup de
ténacité à la cohéfion defeséle—
mens.
Mais fi telle efl la mobilité des
molécules aqueufes , que la plus
petite force ou la moindre cha-
leur fuffife pour la divifer & la
refoudre en fes derniers princi-
pes , eft-il étonnant que le Soleil
& les vents difïipent & empor.
tent des volumes d'eau auffi con-
fiderables : «fe delà ne conçoit-
on pas leur Heureux ufage , en
ce qu'ils mobilifent l'Eau , Se
G iiij
80 Théorie
l'empêchent de croupir & de
s'épaiffir.
Eft-il néceffaire d'indiquer la
caufe de cette grande fluidité
de l'Eau ? Il eft évident qu'elle
dépend du feu feul , puifqu'à un
certain degré de chaleur , l'Eau
fe convertit en un corps dur ,
êz qu'un feul degré de chaleur
de plus , lui rend fur le champ
toute fa liquidité. C'eft le tiers
du plus grand chaud que la na-
ture produife , qui forme & con-
ferve la glace 5 l'Eau n'eft , Se
ne demeure Eau qu'aux deux
autres tiers. Chofe furprenante
fans doute , mais ce qui le paroiE
encore bien plus 9 c'eft qu'au 33.
ou au 34 degré de chaleur , l'Eau
eft auffi fluide , qu'à un feu beau-
coup plus vifjComme on le voit par
la célèbre expérience de Monficur
Newton, Il mit une pendule dans
de Peau très-chaude,, 8c une autre
C H Y M I Q U E. £f
f>endule dans de l'Eau très-froide,
eurs balanciers trouvèrent d'é-
gales refiftances du moins autant
qu'il fut poffible de s'en aperce-
voir. Car, abfolument parlant ?
l'Eau étant d'autanc plus raréfiée,
qu'elle eft plus chaude , fes par-
ties doivent être plus foiblemene
unies , &: conféquemment obéir
davantage au mouvement des
corps. Mais cette diminution de
refiflance eft peu 'feniible , parce
que l'Eau bouillante n'occupe
que ~ plus d'efpace , 8z qu'en
même tems le corps du pendule
fe gonfle relativement à fa
maffe.
Or de ce que le plus grand
feu ne peut divifer l'Eau , plus
qu'une chaleur de 3 5. degrés 9
il fuit que fes parties élémen-
taires font extrêmement petites r
& peut-être plus que lesclemens
élaftiques de l'air. L'Eau tranfu-
&2 T H E O & I E
de en effet par des bois, par des-
cuirs , & par bien d'autre corps
où l'air véritable ne peut s'inft-
nuer r ce qui prouve que fi l'Eau
n'eft pas à beaucoup près fi pé-
nétrante que le feu, ellel'eftdu
moins plus que l'air, /avoue que
la pénétrabilité des corps dépend
plus de la figure que de la noaffe
de leurs molécules v en effet ui*
grain d'or fphérique paffe par
êe très petits efpaces qu'il ne
peut enfiier r lbrfqu?dn lur don-
ne une autre figure. Cela pofé ,
de ce que l'Eau paffe où l'air
ne peut s'infinuer,il ne s'enfuit pas
que les élemens de l'un foienc
plus grêles ou plus fins queceux.
de l'autre ^auffi ce qui me le per-
fuadè principalement ,; c'ëft que
les particules de l'air trouvent
place entre celles de l'Eau , Se
que cependant l'Eau, à force d'ê*
tre comprimée , n'en eft pas plus*
condenfable~-
G H Y M î QUI. 85;
La pénétrabilité de l'Eau a
des bornes qu'il faut affigner ; ce
font les métaux y. les pierres vi-
les ou précieufes , les cailloux 9
le verre , la porcelaine , cer-
tains bois durs r pefans , den*
fes , refineux , le foùfre ,Ja terre
à potier , les cimens ordinaires r
8z plufieurs autres corps que
l'Eau ne peut pénétrer , quot
qu'on ta comprime; euquJork
la raréfie autans qu'il effipofli-
ble. Oeffc ce que prouvent les,
vafes qui fervent à nos diftila-
rions : l'expérience d'un Mathé-
maticien nommé Chriffophe Cla-
rius ,. qui mit de l'Eau- dans une
phiole fcellée hermétiquement ,
laquelle écoit î 20* ans^ après dans
le même crac qu'il Pavoit laif-
fée : c'eft ce que prouvent l'Eo*
lipile qui malgré1 la violence du
feu ne IaitTe échaper l'eau que
gar fon orifice, la machine de
84 T H E O R I É
Papin , 8c enfin différentes ma-
chines hydrauliques , qui toutes
montrent à l'œil , que quelques
efforts qu'on faffe pour compri-
mer l'Eau & la faire bouillir ?
on ne peut la forcer au travers
des pores des vaifleaux affez foli-
des , pour ne pas la laiffer cou-
ler naturellement Ceci foit die
contre M. Stahl 8c Bêcher qui
ont prétendu , l'un que l'eau en
fe f ubtilifant par quantité de difti-
iations tranfpiroit au travers de
la fubftance même des vaiffeaux
de verre ; 8c l'autre , qu'elle deve-
noir très corroiîve par les mêmes
caufes. Si donc on lit que l'Eau
paffe au travers de globes caves
Se fphériques faits de quelque mé-
tal , 8c mis fous de forts preiToirs 7
Je feul changement de figure qui
refulte d'une violente compref-
fion explique ce phénomène. Car
la Sphère qui de toutes lesfîgu-
C H Y M I Q U E 8 Ç
ces a le plus de capacité , a for-
ce d'être pouffée fur une liqueur
qui n'efl pas comprefîîble , ne
peut fe changer en une autre fi-
gure qui contient toujours moins
quelle qu'elle fok , fans que les
parties métalliques qui la for-
cent foient plus écartées , plus
minces : d'ailleurs l'eau déformais
furabondante doit tirailler Se dif-
jiendre de plus en plus les lames
élaftiques du métal déjà atténuées
par le changement de figure 9 Se
par conféquent peut enfin être
forcée d'enfiler Içs paflages qu'on
lui fait par ce moyen. Mais qu'on
donne aux lames métalliques le
tems de refermer leur pores ou-
yerts , l'eau ne pourra plus s'é-
chapper 9 d'où je conclus que
la corppr^ffion n'ajoute rien à fa
pénétrabilité , Se que cette expé?»
pence #e détruit point ce qui
S6 T H E O R I E
a été avancé ci-devant.
Le froid feul peut augmenter
î'éxilité des particules 'de l'eau;
.mais ce pouvoir ne s'étend que
jufqu'au 32. degré,, car au-def-
fous de ce degré l'eau n'eft plus
»eau :, & comment ohferver la
contraction des Elémens de la
glace , puifque l'air y forme des
bulles qui ladilatent plus , que le
froid ne la refferre l Quoiqu'il en
fort , puifque la {eule abfence
du feu rend les Elémens de l'eau
plus petits 4 cela fuffit pour ren-
dre raifon du paradoxe qu'avan-
cent les ouvriers qui employ ent
les ciments pour retenir l'eau.
Ils affurent tous que plus Peau eft
froide, & plus ils ont de peine
à empêcher quelle ne perce les
murs. Ce qui vient de ce que le
froid condenfe plus les parties
de l'eau , que les pierres , dont
chaque pore eu conféquemmenc
C H Y M 1 Q U E. 87
irnoins rétréci , que chaque mo-
lécule aqueuCe. Ainfi l'eau extrê-
mement froide paffe où l'eau
chaude ri'auroit point d'encrée.,
Ç'eft donc la dilatation des par-
ties de l'caq par la chaleur , qui
les empêche de s'infinuer avec
:la même facilité qu'elles feraient^
fi elles occupoien témoins déplace^
CecieftcontxjeropmiGn commu-
ne.
Les particules de Peau ne font
point autant de petites anguil-
les foup|es Se Mantes 9 commis
Defcarces fe l'eft imaginé ; elles
font m contraire au(H roides^
auflE inflexibles , Se auffi dures
.que le diamant 9 ce qui paroît
fort s'accorder avec les effets fur-
jprenams qu'elle produit 9 lors-
qu'elle dilate les pores du bois s
puifque les Tailleurs de meules
■de moulins n'ont pas de meilleur
moyen pour féparer une meule
4'avec le roc 9 .après l'avoir tail*
88 Théorie
lée , que d'enfoncer des chevil-
les de bois dans des trous ho-
rizontaux qu'ils font entre la
meule & le roc , puis de mouil-
ler ces chevilles. Car alors l'hu-
midité qui les pénétre les fait
enfler de manière , qu'en peu de
tems la meule fe trouve féparée.
On pourroit encore citer ici
l'exemple de la corde mouillée
qui élevé des poids extraordi-
naires , qu'elle ne pourroit éle-
ver étant iéchc.
i L'air a du reflbrt , mais Peau
n'en a point , elle n'eft aucune-
ment fufceptible de comprefïion,
comme on peut aifément le dé-
duire de ce qui a été dit ci-de-
vant , & de quantité d'autres ex-
périences dont les Livres des
Phyfkiens font remplis. L'air
qui fe glifle dans les vaiffeaux ,
l'air forcé parla chaleur, ou par
la diminution du poids de l'at-
, mofpherc
C H Y M I Q U E. 89
ttiofphere , de forcir dès infter-
ftices de l'eau; enfin l'élargiffe-
ment des pores des corps.dont j'ai
déjà indiqué les caufes , produi-
fent fouvenc des effets qu'on at-
tribue mal-à-propos à l'eau. Rem-
pliffez parfaitement d'eau une
iphere d'or, vous ne pourrez
jamais la comprimer *, mettez-
en dans un globe d'étain , à for-
ce de le preffer , l'eau jaillira par
l'orifice , & peut s'élancer de la
longueur de trois pieds. Mais ja-
mais ce fluide , quelque compri-
mé qu'il foit 9 ne donnera au-
cune marque d'élafticité , jamais
il ne fortira au travers de la lub-
ftance des corps qui le retien-
nent naturellement.
Quelques dures & inflexibles
que foient les particules infen-
.fibles de Peau, elles ne bleflent
ni les yeux , ni le nez, ni aucun
autre organe , quand elles y font
H
ço Théorie
appliquées ,,.& Ton ne trouve pas
même de plus grand adouciflanc:
que l'eau ,; quand eile eft tiède;
Audi- Hippocrare. la^ recomman-
de-t-il en fomentation pour cal-
mer les plus viy es douleurs. L'eau
en effet- ne caufa aucune irrita-
tion aux parties les plus fenfibles, ,
enflammées, 9, bleffées ,, ulcérées.
C'eft la plus douce de toutes nos
humeurs ,, fans excepter l'huile*
elle eft amie des nerfs les plus
lïuds j elle, délaye 5 & corrige en,
même tems toutes les matières,
acres 5 acides , & acrimonieufes,
qui circulent dans nos vaiffeaux*
Ceftï donc un vrai anodin , 8c:
un vrai parégorique,
I^eaueft non-feulement dou-
ait1, mais fimple ;fes parties font
toujours inaltérables , toujours
le&mêmes^ quanti leur maffe ?.;
,, leur denfité , leur
?7&c. on voit aifex qu'il s'a*-
C H Y M I Q U E. 91
git ici de Peau pure , abftra£Hon
faite de toutes fes parties hété-
rogènes.
Si nous confidérons mainte-
nant l'eau comme menflrue , nous
trouverons qu'elle a la propriété
de diffoudre prefque tous les
corps ; c'eft-à*dire que l'eau en
s'infinuant dans leur fubflance
les délaye , en fait une liqueur
fluide , dans laquelle le corps
folide une fois diflbus , eft fi éga-
lement diftribué , qu'il s'en trou-
ve rpropor tion gardée , une par-
tie dans chaque partie d'eau. Or
les corps fur lefquels l'eau peut
agir de cette manière , font les
minéraux (impies ,.& compofés,
folides ou liquides , comme le
fel gemme , le fel marin , le bo-
rax, le nitre , le fel armoniac, .
l'huile d'alun , de foufre, de vi-
triol, Pefprit de nitre , l'efpric
de fel marin, le verd de gris.
Hij
Ç2 Théorie
La même folutîon arrive aux feîs
des animaux & des végéraux ,
tant naturels , que factices , au
tartre même, à l'alcohol , aux
huiles fermentées , aux favoris
naturels ou artificiels , à l'air
même ( en ce qu'il fe divife en
autant: d'élemens tju^l y a de pe-
tites ceîki! es dans les liqueurs qu'il
habite) aux matières terreftres9
&c. Il eft vrai que lés fels con-
tenus dans l'eau peuvent fouvenr
produire les folutions qu'on at-
tribue à l'eau même , & que d'ail-
leurs tous les fels volatils dont effc
rempli l'air des laboratoires où
l'on fait h plupart de ces expé-
riences , peuvent- entre? pour
beaucoup dans la production des
effets furprenans qu'on nous van-
te. En effet , il eft certain que
î'eau ne dïflbat point la terre
pure , îe verre , les pierres pré-
cieufes* les métaux ; les rc-che3^
C H YMI QUE. 9|
&c. 8c par conséquent ce n'eft
point un diiïblvant univerfel.
Il e(t à préfcnt facile de con-
cevoir que l'eau doit s'inlinuer
fort aifément dans les pores des
corps , tanc par fa lubricité , 8c
la pefanreur , que par fa vertu
diflblvante, & la nature ferme
& inaltérable de fes élémens. Il
n'eli donc pas étonnant qu'elle
en augmente le poids 9 en mê-
me tems qu'elle en dilate la maffe,
C'eft pourquoi les fels , les fouf-
fres, les matières terreftres , les
parties foiides des animaux , les
huiles 9 l'alcohoJ même,font rem-
plis d'eau , qui s'unit avec ces
corps d'une façoa prefque i-nfé-
para-bte ï mais s'il vous faut des
preuves plus fortes pour croire
que les corps les plus péfans,&:
les plus durs doivent la cohé-
fion de leurs parties à l'eau feu-
le > qui eil à leur égard \àx\q cote
9^ The or i e
& un ciment dont rien ne peut
égaler la force, & qtfen liant
enfemble les particules de cer-
tains corps mois , elle en fait
des corps durs , jettez les yeux
fur la terre à potier , qui par le
mélange de l'eau r8t par la coc-
tion contraâe une dureté rem-
blaie, à celle des pierres les plus
folides v voyez la pouffiere qui
vole dans les grands chemins ^
8z qui incommode fi fort les
voiageurs , elle ne peut for-
mer un corps folide , tant que
là même aridité fubfifte : qu'il
tombe enfuite de la- pluie pen^
dant quelque tems, la terre de-
vient grafle ,. &■ comme une pâ-
te liante, qu'on peut.enfukadur-
cir extrêmement par le feu. Si
vous voulez faire un bon ciment 9
il ne fuffit pas de jetter du fa*
ble dans de la chaux , il faut en-
core, les unir fortement par le
€ h t mi que; 9 y
mélange de l'eau. Les ongles 5les
cornes , lesdents , les os , doivent
leur fermeté, à l'eau; &rien nele
démontre mieux , que ce qui ar-
rive , lorsqu'on jette dans Peaiii
un os calcine à blancheur , fe
encore entier. L'eau fe précipi-
te alors* avec bruit & fiflementr
dans tous les, intervalles de cet
os , & lui rend; par la; cohéfiori;
qu'elle procure à toutes les par-
ties qui le compolent, le même:
poids 6c la* même dureté qu'ils
avoir auparavant» Gependantr
Phuile, les' baumes ,Ja*coiopho-
ne ,..la réfine 9 non plus que tous
lès- corps- fôlides, dont la; furfa-
ce efl enduite de quelque ma*
tiere oléagineufé ,. ne fe marient
point- avec Peau* D'où l'on com-
prend fans peine que. les poif-
ibns auraient été: bientôt diflbus ;
parle feu] Elément qui km, efti
deftiné ?j;fans ces écailles, onc-
9& T H E O R I K
tueufcs donc la nature a pris foin
de les revêtir.
L'eau nourrie tous les corps -,
Se à examiner cette merveille
avec toutes les circanftances qui
l'accompagnent , on s'imagine-
roit à la première vue que
ces corps ne peuvent être que
de l'eau même -, cependant tout
bien péfé , l'eau n'efl point la ma^
tiere des mixtes, elle en lie feu-
lement les parties. Il eft vrai que
il on place un oignon de fleurs
à l'entrée d'une phioie pleine
d'eau , dont l'embouchure foir
a fiez large pour embrafferla ba-
fe de cet oignon , & qura me-
fure que l'eau diminue , on h
répare , en y. jettam quelques
goures d'eau nouvelle , l'oignon
pouffera des racines, & produi-
ra des feuilles , des fleurs , comme
s'il étoit en pleine terre , Se ce-
la au plus fort même de l'hyver- ,
pourvu
C H Y M I Q U E. 97
pourvu que ce foit dans une
chambre clofe , & où il ne gèle
pas, ce qui revient à la fameufe
expérience du faule de Vanhel-
monr. Mais comme nous avons
vu qu'il n'y a point d'eau qui ne
foit mêlé de particules hétéro-
gènes , il fuit que c'eft moins
l'eau , à proprement parler , que
le mélange qu'elle renferme , qui
entre dans la compofition , & fait
la nourriture & l'accroiffement
detousles végétaux.
En effet , fi l'on veut pafler
en revue les différentes efpeces
d'eau , l'eau de pluie eft en quel-
que forte la leflive de l'Atmof-
phere ; elle contient tous les ato-
mes des corps qui voltigent dans
l'air , Se qui y font attirés tant
par le feu du Soleil , que par le
feu fou.terain , le feu des cuifines,
des artifans, Se des Chymiftes.
Cette eau eft donc différente 9
I
§§ Théorie
félon la caufc qui l'a élevée , fé-
lon le lieu d'où elle a été atti-
rée , félon la faifon , lés météo-
res 9 le tonnere , les vents , la fé-
chereffe , l'humidité , la chaleur ,
le froid &c. L'eau de pluie dans
un tems très-chaud fe corrompe
facilement *, mais elle ne s'aigrit
jamais. Les Navigateurs qui font
fouvent forcés de boire de mau*
vaife eau , pour la rendre bon*
né , doivent la faire bouillir ,
la laiffer quelque tems en repos,
afin qu'elle fe purifie , & y ver*
fer enfuite quelque goûte d'ef*
prit acide 9 qui empêche effec-
tivement Peau de devenir ver*
mineufe , Se par conféquent eft
un préfervatif fort utile , princi-
palement fous l'Equateur , 8c en*
tre les Tropiques.
Quoique l'eau de pluie foit
remplie d'une infinité de petits
>nimaiçtil-es qu'on y découvre $
C H Y M I Q U E. 95
la faveur de bons microfcopës ,
pour ne rien dire de fes autres
corps étranges, c'efl: cependant la
plus légère de toutes les eaux que
nous connoifibns, excepté l'eau
de neige. L'eau de fontaine ne
vient que de la pluie ; fi donc
elle eft plus pure , ce n'eft qu'au-
tant qu'elle s'eft purifiée dans les
entrailles de la terre. C'efl par
conféquent de la diverfe fitua-
tion des fontaines que dépend
h différente légèreté de leurs
eaux ? & comme elles partici-
pent de la nature des corps qui
le mêlent avec elles , delà vient
<jue les unes font nuifibles , en-
venimées , & les autres falutai-
res & médicinales. Pour juger
de la qualité des eaux quelles
qu'elles foient ? il faut donc les
examiner dans leurs fources mê-
mes , 8c faire en même tems at-
sentîoA à là nature des foffiles
ïij
ioo Théorie
qui y dominent.
Ce que je viens de dire des
fontaines peut s'appliquer aux
fleuves , Se aux rivières , qui ont
la même origine , fans avoir la
même vertu. La raifon de cela ,
c'eft que ces eaux qui font tou-
jours expofées au grand air , re-
çoivent les exhalaiions qui tom-
bent principalement durant h
nuit , les corps que le vent tranf-
porte , tout ce que les poiffons ,
les animaux , les amphybies 9
les hommes y dépofent eft ce qui
rend l'eau de rivière un peu plus
péfante que l'eau de fontaine»
Je ne parle point de l'eau des
canaux ? des lacs , des étangs , 8c
de toutes les eaux qui croupif-
fent ; j'ai fait voir dans mes let-
tres fur la ianté qu'il faut éviter
jufqu'à leur voifmage.
En général l'eau fert de véhi-
cules à tous nos alimens , c'eft
C U Y M I Q U E. 101
elle qui porte dans les plus petits
vaiffeaux de notre corps les par-
ties folides qui doivent réparer
nos pertes, 8c c'eft ainfi qu'elle
contribue à nourrir les hommes
& les animaux , comme je l'ai
dit des plantes , & comme on
le voit avec plaifir dans la fta-
tique des végétaux de M. Ha-
ies; mais s'il eft vrai que les plan-
tes doivent à l'eau leur éxiften-
ce & leur accroiffemcnt , il ne
Peft pas moins que les métaux
mêmes ne parviendroient point
à leur perfeâion fans fon fe-
cours , comme on le voit dans
les Œuvres du fameux Agricola.
Sans elle la terre feroit ftérile ,
les couleurs , les odeurs, les goûts
feroient autant de pîaifirs per-
dus pour nous : elle aide la ver-
tu de médicammens , PefFervef-
cence , la fermentation , la pu-
tréfaction , la précipitation , la
I iij
ïoa Théorie
diffolution , la fublimatior* , I?
eonnoiffance des dégrés de char
leur , tout s'apprend , fe fait , Se
s'explique par le concours mer-
veilleux des effets de l'eau. On
diroit que la Phyfique 8c la Chy-
mie lui doivent leur nahTanee 8c
leurs progrès.
N'oublions pas un fait très-re-
marquable, 8c qui n'eft pas fans
fruit dans la pratique de la Mé-
decine y c'efl: que Tenu eft d'au-
tant plus adîve ou pénétrante ,
qu'elle eft divifée dans un plus
grand nombre de molécules
iubtiles. C'efl pourquoi Peau
chaude ou tiède eft préférée
à l'eau froide dans les fièvres r
parce que d'ailleurs en buvant
de l'eau froide dans un état brû-
lant, ce feroit s'expofer au dan-
gereux contrafte du froid & du
chaud. Par la même raifon l'eau
en vapeurs efl: plus dilTal vante,
C H Y M T QÙ É. IOJ
qu'en fubftance; mais principa-
lement fi elle eft chargée de fels ,
ce qui n'eft aucunement contn>
diâoire avec ce que nous avons
dit , que Peau chaude ne petit
paffer par où paffe l'eau froide
De toutes les propriétés de
l'eau ci-devant expliquées , nous
concluerons que l'eau çonfide?
rée en elle même eft une efpec.ç
de verre qui fe fond r loifqu'il
éprouve une chaleu^ de 3} de*
grés , & qui recouvre fa premier
re dureté , lorfque la chaleur di-
minue ? ou defcend au deffous
de ce nombre de degrés; dure-
té qui fait de l'eau r un corps
éîaftique , fragile , tranfparent ,
dont on peut faire des lentilles
pour des microfeopes , ou dont
on peut fe fervir en place de
verres brûlans. La glace eft donc
l'état naturel de l'eau. Mais ce
qu'il y a de plus étonnant en ap^
I iiij
104 Théorie
parencc dans la métamorphofe de
Peau en corps folide , c'eft que
la glace eft plus légère , & oc-
cupe plus d'eipace que le même
volume d'eau , avant que d'être
ainfi changé. Or quelle eft la rat-
ion de ce Phénomène , qui pour
être commun f n'eft pas moins
fmgulier $ la voici , à peu près
telle que M. Mariotte la donne.
Plus la glace eft forte , plus l'air
y eft comprimé ou condenfé 9
plus il eft condenfé , plus le frô-
lement des parties d'air qui com-
pofent les bulles , entr'elles , &
contre la glace , eft confidérable 9
la chaleur eft l'effet du frote-
inent , la raréfaûion eft celui de
la chaleur , les bulles d'air em-
prifonnées dans le fein de la gla-
ce doivent donc fe raréfier. Voi-
là ce qui leur donne tant de
force 8c de reffort , qu'elles écar-
tent 9 gonflent « tuméfient , & di*
C H Y M I Q U E. 10-jf
latent ainfi Peau glacée , bien
plus que le froid ne l'avoit ref-
ierré pour la convertir en gla-
ce.
Enfin l'eau eft-elle convertible
en terre? c'eft ce que nous ver-
rons dans le chapitre fuivant ;
mais en attendant , M. Quefnay
me permettra de remarquer qu'il
ne dit pas un feul mot fur l'eau
qu'il n'ait copié dans Je même
ouvrage dont je donne la doc-
trine. Auffi un plaifant s'eft - il
avifé de mettre au Frontifpifce
du livre de ce Chirurgien 9 pour
devife 9
■MutttâtQ lumine fut gens.
DE LA TERRE,
LEs Chimifles & les Philo-
fophes ont donné le nom
de terre , aux principes ^ o&
*o6 Théorie
aux élémens, qui fervent debâZe
aux corps compofés ? & qui les
rendent très propres à faire les
opérations de la nature &del'Art,
Mars plus on examine le fens ?
ou l'idée proprement attachée
au mot Terre , plus on efl
convaincu qu'il faut entendre par
là un corps minerai , fimple , dury
fixe au feu , qui ne coule point
au feu , & que Peau , l'alkohol y
l'huile , Pair , ne peuvent d if-
foudre.
. Qui peut refufer l'idée de corps
à la Terre ? Elle efl étendue
fuivant trois dimenfions , elle
efl tout-à-fait impénétrable , 8c
enfin efl cara£lérifée par des figu-
res & un poids qui lui apartien-
nent en propre. Il paroifîbit plus
douteux fi l'on devoit mettre la
Terre au rang des foflrles. Mais
fi l'on fe rappelle ce qui a été die
cy-devaat des trois règnes na~
C H Y M I Q U E. 107
turels , on conviendra qu'il n'y
a point à balancer là-deflus. En
effet la Terre fe trouve mêlée à
prefque tous les minéraux con-
nus , plus ou moins à la vérité 9
mais toujours en partie. S'il eft
difficile de la démontrer dans
les métaux , il eft aifé de la trou-
ver dans les autres fofïiles ; elle
s'y rencontre même en fi grande
quantité , qu'il faut bien du tra-
vail pour J'en féparer toute. Tel-
le eft auffi fa péfanteur , qu'elle
l'emporte fur l'eau , les huiles 9
Se les efprirs des plantes & des
animaux , Se c'eft pour cette
raifon qu'elle s'infmue par tout
fi profondement dans les entrail-
les delà Terre , où elle fe trouve
conftamment.
Je dis plus : La Terre pure
ne paroit jamais mêlée d'aucun
autre élément ; toutes chofesqui
$ous apprennent que la Terre
toS Théorie
mérite d'être placée dans la clafife
des fofïiles. Mais fi la Terre eft
une matière minérale , quelle
eft fa (implicite ? Quel corps pa-
roit plus fimple dans toute la na-
ture , même parmi les métaux l
D'ailleurs lorfqu on l'a bien fepa-
réedes autres corps, alors , quoi-
que fort tenue, elle paroit avoir
aiTez de dureté & de confiftance *,
& tant qu'elle ne fe dérobe point
à nos fens , elle paroit fragile,
car on la broyé aifément , & on
la réduit par ce moyen en pou-
dre extrêmement fubtile *, ce qui
la diftingue fort des vrais mé-
taux & des pierres précieufes.
Mais rien ne la différencie mieux,
que fa fixité dans le plus grand
feu , qui ne peut l'altérer , ni la
faire couler , fi elle eft feule.
L'eau de pluie diftillée avec
foin , laiffe au fond unfédiment ,
qui ,mis à part , bien deffeché ,
C H Y M î Q.U E: I09
êc enfuite expoié au feu , pour
être parfaitement brûlé , donne
enfin des cendres qu'il fuffit
de laver , jufqu'à exa&e Répara-
tion de tout le fel qui y adhère,
pour les convertir dans une terre
fine & pure , qu'on appelle terre
Vierge. Or d'où vient cette ma-
tière ? De Pair même par lequel
cette eau a pafie , & non d'au-
cun changement que la diftila-
tion ait procuré à cette eau.
Car , comme nous l'avons vu ci-
devant , l'air quoique tranquille,
eft contenu dans un lieu fermé ,
& rempli d'unf prodigieufe quan-
tité de poufliere , qui paroit
fenfiblemenr , lorfqu'on regarde
obliquement les rayons de lu*
miere dans une Chambre obf-
cure , ou lorfqu'on y étend quel-
que drap noir *, car 1 étoffe eft
bien-tôt couverte de la poudre
de l'air , laquelle n'eft donc ea
sio Théorie
grande partie , qu'une Terre très
atténuée par une infinité decau-
fes , & à force d'être agitée, de-
venue propre à voltiger dans l'air,
fur-tout quand il fait du vent. El-
le fe mêle étroitement non-feu-
Jement à l'eau de pluie , mais à
la rofée , à la neige , à la grê-
le, à la gelée &e. La terre , il eft
vray , ioutient fans s'échaper
êc fans aucune altération le feu
le plus violent; mais cette immu-
tabilité n'eft point une preuve
contre cette origine. Car autre
chofe eft pour les corps , d'être
en repos dans un feu qui leur eft
également appliqué de toutes
parts , quoique très violent *, au-,
tre chofe eft d'être emporté ,
par le mouvement inégal de l'air;
fans vent, Qu'une poudre très
fine foit dans un creufer , prefi-
fée par le même feu de tous cô-
tés 7 inférieurement 9 fupérieurc-
C H Y M I QUE. tir
ment en enbas, par les côtés, dans
le centre,n'eft-elle pas en quelque
forte eroupiflame dans un fluide
homogene,&:conféquemment en
repos. Mais fi quelqu'un foufle au*
dedans du creufet fur cette pou-
dre , il l'en fera fortir. Les me*
mes vens qui font marcher les
nues , qui agitent , élèvent ,
pouffent les flots de la Mer > font
voler dans l'Egypte Se dans la
Lfbie , une fi grande quantité
de fable 9 que toute F Armée de
Cambyfe en fut couverte, Qui
croiroit qu'une matière fi vola-
tile , fut fixe au feu l Les plus
fines lames d'or, ou d'autres mér
eaux , fupportent long-tems fans
nul changement, toute la puiffan-
ce du creufer le plus ardent5tandis
que le moindre vent ou foufle
d'haleine , les emporte au loin,
dans Pair,
&es corps tout-à-faîç terrefirés,
1 1-2> Théorie
cane qu'ils font feuls , & non mê-
Jés à d'autres , demeurent pref-
que toujours fixes & immuables
au feu,aulieu que (ce qu'il faut
bien confiderer ) tel mélangé que
ce foit 9 les rend fi mobiles , que
le moindre feu les voiatilife. Rien
n'eft plus fixe au feu , que- l'or
pur. Mais fi on le mêle avec le ré-
gule d'Antimoine^ qu'on le broyé
long^tems , enfuite doucement
avec de bon mercure fubiimé-j
alors il aura tellement changé ,
qu'une médiocre chateur le tera
s'exalter. La Terre pure, feule,fe-
parée de tout autre principe ,
demeure inaltérable fur le plus
grand feu. Qu'on mêle d'autre
corps avec elle , on la voit le
difperfer à l'infini. Les feux do-
meltiques en font la preuve. En
effet la fumée du Bois qu'on brû-
le , s'élève au haut de la chemi-
née 9 & y porte une fuie noire ,
laquelle
C ta Y M' l'Q U B. H'j
laquelle chimiquement exami-
née donne une Terre abondan-
te que l'huile 8c le fel mêlés avec
elle ont fi fort exaltée. Mais qu'on
expofe cette Terre pure 8c (im-
pie au plus grand feu , on la trou-
vera conflamment fixe.
Il efl donc maintenant facile
de comprendre , comment on
peut avoir la Terre la plus pure ;
c'eft par la diftillation de Peau la
plus pure. Cependant les fèces
ainfi produites contiendront en
elles-mêmes tout ce qui voloit
dans l'air avec cette Terre , &
ce qui en même tems n'étoit pas
affez léger , pour pouvoir s'éle-
ver au degré de chaleur , né-
ceffaire pour diftiller l'eau.
Les Végétaux brûlés k un feu
ouvert ^donnent des cendres blan-
ches 5 fixes , tenues , que le moin-
dre mouvement 9 refout en pou4-
dres très fubtiles , volatiles , 8c
que le vent jette au loin ça 8c là*
K
H4 Théorie
Parmi toutes les plantes connues T
il n'y en a pas une feule x qui
par l'uftion ne foumiffe ces cen-
dres : qu'on les lave avec de l'eau
de pluie très pure , on en tirera
tout le fel mêlé avec elles , &
comme le feu en avoit déjà au-
paravant confumé toute l'huile &r
le fel volatil , Peau ne le trou-
vera enfin chargé que de la Terre
feule. Or fi l'on mêle cette eau r
qui n'eft plus aucunement falée
avec de l'eau pure ,.. qu'on la re-
mue fouvent T de ces deux eaux
il en | efultera une liqueur trou-
ble % qu'on- verfe cette liqueur
dans un autre vafe très net , &c
toujours de nouvelle eau pure
£ur le Réfidu ; qu'on continue
ainfi* jufqu a ce que toute la een*
cire qui rend cette eau. trouble
Soit parfaitement lavée & feparee
de toutes parties pefantes r (com-
me feble^gravier^petites pierres #
Chymique. 115
petits cailloux , parcelle de ver-
re , Se autres corps folides ) qui
ne peuvent fe délayer dans l'eau.
Qu'on laifle enfuke toute cette
eau trouble en repos dans un feu!
vafe 9 jufqu'à ce que toutes les
cendres viennent au fond. Qu'on
verfeenfuite doucement l'eau qui
fumage , fans toucher au fédi-
rnent. Si cette féparation du fel
adhérent à la Terre , a été bien
faite , la Terre qui refle pourra
être deffechée au feu , & on aura
par ce moyen les vrais élemens
terreftres tirés des plantes par la
Chymie. Cette Terre n'a aucune
odeur , ni aucun goût , fa cou-
leur eft blanche , fa confiftance
eft molie , 8c à peine fonore ,
quand elle vient à frapper d'au-
tres corps y l'air , l'eau , le feu ,
l'alcohol , l'huile peuvent à peine
la diffoudre.La preuve qu'elle eft
Kii
n6 Théorie
fixe au feu, lorfqu'elle eft feule r
c'eft qu'alors elle eft invitrifiable.
Mêlée avec de l'eau, comme la fari-
ne,on en peut faire une efpcce de
pâte liante , & de cette pâte un
vafe qui peut fupporter un feu
très violent , qui ne fe vitrifie à
aucun degré de nos feux ordinai-
res , mais leur refifte parfaite-
ment, & ne laifle échaper aucune
métal fondu. Telle eft la terre
dont les Orfèvres font les vafes
qui leur fervent à examiner la na-
ture des métaux , & à connoîrre
la quantité d'or ou d'argent qui
fe trouve mêlée avec les autres
minéraux. Tous les corps étran-
gers , fe diffipenc par Faction
du feu dans ces creufets , mais
For & l'argent fondus ne sécha-
pent jamais , on les trouve ra-
maffés en petits globes.
On tire auffi une Terre tout-
à-fait femblable de cette partie
C H Y M ï Q U E. 117
des végétaux que le feu fait s'é-
lever fous la forme de flammes ,
d'étincelles , de fumée , d£ fuie,
8c il n'importe quel végétal on
employé , récent , ou vieux ,
acre 9 ou doux , , il en refaite*
le même effet ; car cette fumée
qui monte au haut de la cheminée
y forme une fuie qufil eft aifé de
ramaffer ,. &: qui expofée à l'ac-
tion d'un feu violent fume 9. prend
feu f s'enflamme , & enfin fe re~
i^wi en cendres blanches , qui
bten lavées 81 dégagées de route
matière ialine, s'il enrefte?laiffe
une terre dant toutes les pro-
priétés font Ci femblables à la
précédente , qu'on ne peut l'en
éloigner par aucun ligne. D'où
l'on voit combien la terre mêlée
à d'autres corps volatils v p^ut-
elle-même , à force d'être agitée
par un feu violent , devenir vo-
Mtiie f. s'élever ^ s'évaporer da&s
n8r Théorie
Pair , &fe confondre avec lui ;
& par coniequent cette fumée
noire qui s 'élevé des végétaux
qu'on brûle , n'eft en partie que
leur terre devenue volatile , qui
monte en forme de nuées. En-
fin lorfqu'on diftiie de la fuie par
une cornue de verre , fuivantles
divers degrés de ku , &lesdifc
ferens rems de la diftillation ,
on en tire du phlegme , des ef-
prits , un fei volatil , un fel qui
ne peut s'élever que par la puii-
fance du plus grand feu, & diver-
fes huiles : i! refte au fond un fé-
diment noir qui , bïuîé" à un feu
ouvert ? donne des cendres lef-
quelles bien lavées & purifiées de
toute matière faîine , donnent
précifément la même terre qu'on
avoir par les expériences précé-
dentes. Un feu violent peut donc
élever , & agiter la terre même
avec Peau-,, l'huile , le fel ,&on
C H Y I I Q u !, ri^
voit qu'elle eft tout à fait de mê-
me nature que celle quireftedans
les cendres fixes des plantes après
la combuftion. Ce qui r quoique
fort furprcnant & incroyable à
la première vue , eft cependant
démontré vrai ,&: nous fait ccn~
noitre la nature de la terre. De-
venue volatile par la combuftion,.
tant dans la fuie , que dans la
fumée qui la précède , féparée
tant par la diftillation que par
î'uftion de toutes les autres par-
ties aqueufes y huileutes 9 fali-
nes f en un mot feule & pure , el-
le fera toujours auffi fixe , que
celle qui fe trouve dans les cendres
fixes après la combuftion du mê-
me végétal. Par coaféquerr-t tant
que la terre eft feule & bien fé-
parée des autres Elerrperrs , elle:
eft toujours fixe au feu ; mais lors-
qu'elle fe trouve intimement mê-
lée aux huiles &; aux fels ,. ce
no Théorie
mélange la rend alors aifement
volatile. Jugez maintenant com-
bien l'air eit rempli de vraie ma-
tière terreftre , fur-tour dans les
lieux où l'on brûle tous les jours
des végétaux.
De plus qu'on rnette quelque
plante que ce ioic , telle que la
nature la donne , dans des cor-
nues de verre bien nettes, qu'on
les cxpofe à un feu prudemment
ménagé , & peu-à-peu augmenté
jufqu'au dernier degré *, qu'on
reçoive dans le récipient tout
ce qu'un tel feu poura y détermi-
ner, on verra la plante ,. dont on
fe fert , partagée en deux parties
différentes ,. dont l'une élevée par
la vertu du feu coule dans le ré-
cipient , tandis que l'autre qui-
demeure au fond de la cornue
foutient toute la violence du feu
fans s'élever y & demeure fous la?
forme d'un charbon noir tresse,
comme
C H Y M I QUI ïaï
comme Vanhelmonc l'a écrie ,
êc cette vérité a été confirmée
par l'expérience de Hook, Les
Chymifles difent ordinairement
que Peau , les elprits , les hui-
les , les fels volatils montent 9
comme parties volatiles , fous
une forme liquide dans le réci-
pient; mais que la terre Se le fel
fixe demeurent au fond avec un.
peu d'huile fixe, Voyons ce qu'il
y a de vrai en cela. La premiè-
re partie qui efl volatile contient
plufieurs principes , fçavpir Peau 9
les efprits , un fel acide , un fel
alkali , différentes huiles 9 toutes
choies 9 qui mêlées enftmble &
bien unies, fourniffent une ma-
tière prefque entièrement fem-
blable à la fumée 9 Se à. la, fuie
qui en efl: formée. La feule dif*
férence qui fefait ici remarquer ,
ç*eft que quand ces chofes s'éle*
lia Théorie
vent à un feu ouvert , elles s'é-
lèvent en plus grande quantité,
que quand la même matière eft
agitée par le feu dans des vafes
fermés. Ainfi la même quantité
de la même matière végétale don-
ne beaucoup moins de cendres
à un feu ouvert , qu'autrement 9
& en effet il refte une plus gran-
de quantité de charbons & de
cendres dans le fond du vafe où
Pon diftille , par l'action du feu
qu'on met deflbus. Mais fi Pon
prend derechef toute la matiè-
re qui a pafle dans le récipient ,
& qu'on la diftille une féconde
fois , il reliera toujours au fond
une matière abfolument feche ,
un charbon noir & fixe , que le
plus grand feu ne pourra volati-
lifer: il en fortira toujours à la
vérité quelque fumée ; mais il ref-
rera toujours un charbon donc
la noirceur ne pourra qu'augmen-
Chymique 125
ter. Après avoir en vain tenté de
diffiper & d'anéantir ce char-
bon , tirez-le , vous le trouverez
léger & fongueux > expofez-le à
l'a£tion d'un feu ouvert , le grand
air le fera s'enflammer, toure fa
noirceur fe diffipera , & il ne
reftera plus qu'une terre blanche ,
<jui bien lavée & purifiée de tou-
te matière faline , donnera cette
terre vierge dont nous avons par-
lé. D'où il eft évident que cette
terre monte avec l'eau , le fel ,
les efprits , l'huile , dans la diftil-
lationmême des végétaux. Main-
tenant qu'on prenne l'huile qui
a été ainfi préparée , & qu'on la
diftille de nouveau à un feu fuc~
ceffivement augmenté jufqu'au
plus haut degré , on aura par ce
moyen une huile plus pure, 8c
beaucoup plus pénétrante que la
première ; c'eft ainfi qu'à force
de cohobations, on peut faire
Lij
124 Théorie'
une huile auiïi fubrile que I'alco-
hol*, mais à chaque diftillation ,
une grande partie de cette huile
s'évapore , ainfi que cet efprit
reâeur qui en fait l'odeur , & le
goût , & d'ailleurs il refte toujours
au fond du vafe un charbon noir
qui ne peut jamais fe volatilifer,
êc ne donne aucun fel ; fi on le
brûle à un feu ouvert , il fe re-
ioud en cendres blanches , 8z
en une .affez grande quantité de
terre , toujours de même nature ,
8z cela fans feu *, car chaque dif-
tillacion donnant de la terre ,
prefque toute l'huile fe convertit
ainfi en terre pure & fimple ,
comme l'illuftre Boyle le dit dans
fon traité de la mutabilité des
principes.
Il eft donc certain que toutes
les parties des végétaux donnent
la même terre , ians que les lens
y puiffent découvrir aucune dif*
C H Y M I Q Û E. I2J
féfence. On fçaic encore que
toute cette terre , pourvu qu'elle
foit abfolument pure , eft telle-
ment fixe au feu , que fa plus
grande violence n'y caufe pref*
que aucun changement , tan-
dis que mêlée à d'autres parties
volatiles , elle fe volatilife el-
le-même par l'a£tion du feu , tant
ouvert que fermé. Nous voyons
de plus que les plantes n'ont au-
cune partie volatile quifaffeéva-
porer plus de terre & plus faci-
lement que l'huile. Mais parmi les
diverfes efpeces d'huiles qu'on
tire naturellement ou par l'art
des végétaux, il n'en eft point
qui élevé avec foi plus de terre
dans la diftillation , que cette
dernière huile épaiffe , comme la
poix , que la plus grande activi-
té du feu peut enfin feule arra-
cher. C'eft donc le mélange des
parties cerreftres qui rend leshui-
Liij
12.6 Th eorib
les plus péfantes & plus tenaces;.
& ce qui confirme cette vérité 9
c'eft que la terre en étant ôtée
par la diftillation , ces huiles de-
viennent auffi-tôt très-fines , lé-
gères , & volatiles.
Mais pour mieux connoître la
merveilleufe origine de la terre
pure , confidérons attentivement
cette féconde partie des cendres
que donnent les végétaux brû-
lés , je veux dire ce fel Alkali
fixe qui a été détaché de la terre
en la lavant. Qui croiroit qu'il
contient de la terre > Car lorf-
qu'il fe fond dans l'eau , & paffe
fous la forme d'une leflive pure
par des filtres très-épais , il laifle
fa terre indiffoute. Mais qu'on
laiffe long-tems cette leflive en
repos afin que fon fédiment fe
précipite , alors elle fera claire
& limpide , comme de l'eau ; iî
on la filtre & refiltre , alors elle
CH YMIQUE.' 127
fera fi pure , qu'à la faveur des
plus excellens microfcopes , on
n'y pourra entrevoir aucune ap-
parence de matière terreftre , &
ii on la conferve plufieurs années
dans un vafe parfaitement fer-
mé, elle ne dépofera aucune ter-
re. Qu'on mette cette liqueur fi
pure dans unvafenet,dans un lieu
tranquille Se non poudreux ,
qu'on lui donne fur le feu la con-
fiftance d'une huile épaiffe, qu'on
mette enfuite cette liqueur dans
un vafe de fer , pour la changer
en fel fec ? en la remuant douce-
ment avec la fpatule , on aura un
fel alkali fixe très-pur ; qu'on en-
ferme ce fel dans un bon creu-
fet bien couvert , & expofé au
plus violent feu , jufqu'à ce qu'il
vienne en fufion ; qu'on le verfe
enfuite dans un mortier de cui-
vre chaud , & qu'à force de le
remuer avec une fpatule chaude,
L iiij
saS - Théorie
on le reduife en poudre alkali-
ne 9 fixe , faline \ qu'on l'expofe
auffi-tôc à l'air dans un large ver-
re , en un endroit où il n'y aie
poinr de poufliere , tout le fel
fe fondra fur le champ , Se de-
viendra très-fluide ; au fond il
fe trouvera une poudre blanche
terreftre 9 qui bien lavée & fépa-
rée de tout fel adhérent , n'eft
qu'une terre pure , femblable à
celle que les cendres avoient don-
née auparavant. Qu'on feche une
féconde fois cette huile par dé-
faillance , après l'avoir calciné ,
qu'on l'expofe à Pair , & qu'on
l'y laiffe fondre , on aura encore
une huile par défaillance , & tou-
jours de la terre pour réiîdu , 8c
fi , malgré l'ennui qui accompa-
gne ces opérations y on veut bien
les répéter , la plus grande par-
tie du fel alkali fe convertira en-
fin en terre pure & (impie. Cet^
CHYMIQUë !1£
te terre avoit été unie par la com*
buftion à l'autre principe , & cet-
te union formoit le fei alkali *
niais le principe falin s'en étant
féparé par toutes les calcinations
& folutions , ia terre eft reftée
feule. Si cependant on ramaffe
éxaâement toute cette terre 9
qu'on "la pefe enfuite , elle pefe-
ra bien moins que le fel ne pe-
foit auparavant ; d'où il fuit qu'-
une grande partie du fel eft de-
venue volatile & s'eft évaporée.
Si on refléchit fur cette expérien-
ce qui réuffit toujours de la même
manière , on doit conclure que
cette terre éxiftoit auparavant
dans le fel alkali fixe , duquel on
l'a tiré : mais qu'elle y étoit fî
cachée, qu'elle s'eft laiffée tout-à-
fait diffoudre dans l'eau 5 ce qui
répugne autrement à la nature de
la terre. On voit en même tems
que la terre la plus pure unie à
130 Theor i b
un autre principe fe diflbud ai-
fément dans l'eau , & non , quand
elle eft feule ? à moins qu'on n'i-
maginât peut-être que le fel mê-
me qui n'étoit point terreftre au-
paravant , à force de calcina-
tions & de folutions a été chan-
gé & vraiment transformé de
non terre en terre ; mais cette
opinion ne paroît fondée ni fur
la raifon , ni fur l'expérience ;
elle répugne au contraire aux loix
de la nature , qui dans les mê-
mes chofes , agit toujours d'une
façon uniforme ; en effet aucun
Elément n'a jamais paffé pour
prévaloir fur l'autre ; mais ils ob-
fervent toujours la même propor-
tion entr'eux.
Quant à la première opinion ,
qui eft que la terre unie à d'au-
tres principes falins devient pro-
pre à fe fondre dans l'eau en une
liqueur qui ne 'paroît aucune-
Chymique. 131
mène terreftre , c'eft ce que la
Chymie nous enfeigne par tour.
Dans le verre n'eft-ce pas la ter-
re unie au fel alkali , qui for-
me une concrétion tranfparenre 9
laquelle cependant, comme Van-
helmont nous l'apprend , le re-
foud de nouveau en alkali & en
terre ? Tous les métaux unis cha-
qu'un à l'acide particulier qui
les diflbud ne paroiffent-ils pas
dans l'eau fous la forme d'un fel
tranfparent , & ne peut-on pas
delà les retirer entiers , opaques 9
& fans aucun changement.
Que dirai- je de la craie, des
pierres , des écailles , & de tant
d'autres chofes qui par l'union
d'un fel fe réfolvent en fels très-
purs , quoiqu on puiffe les réfou-
dre encore de diverfes manières
en leurs liqueurs dilïbl vantes, &
convertir enfuite ces liqueurs en
terre. C'eft ce que la précipita-
ïji Théorie
tion Ghymique montre à décou^
vert. Il eft donc Gonflant par
les expériences rapportées i0.-
que les iels alkalis fixes , ordinai-
res , tirés des végétaux ? vien-
nent en affez grande partie d'une
vraie terre fimple élémentaire ^
qui entre dans leur formation.
a0. Que cette terre eft telle-
ment cachée , mêlée , diffoute
dans ces fels , qu'elle ne s'y ma-
nifefte par aucun (igné , Se la
preuve en eft qu'elle fe réfout
dans Peau , & à l'air humide,
dans une liqueur très-claire <fe
très-fimple. 50. Que cette terre
des végétaux , ne peut être at-
ténuée jufqu a ce point , que par
le plus grand feu , lequel unit
en même tems , au feu ouvert
feul , cette terre très-attenuée y
mais de la façon la plus intime ,
avec cet autre principe . iaun,
alcali P afin que de ces deux pria*
C H Y M I Q U E. ï 3 J
cipes bien joints naiffe Pakali
qui eft une vraie produdion du
feu. En effet , un charbon de
bois verd expofé au plus grand
feu fermé pendant plufieurs heu-
res, demeure toujours char:on
noir, fans donner de fel alkalî
fixe, au lieu qu'à un feu ouverc
il fe pulvérife bien-tôt v& don-
ne un fel fixe dans fes cendres;
preuve certaine , que ce. fel n'e-
xiftoit point auparavant dans les
végétaux , & qu'il n'a été créé ,
que lorfque le feu a joint la
terre à cette autre partie qui
concourt à le former à l'air ou-
vert , & non dans un vafe fermé :
Et il eft encore très-évident que
ce n;eft qu'à Pair ouvert , &: par
la feule force du feu qu'efl pro-
duit ce fel alkali fixe ; parce
qu'effeâivement quelque végétal
que ce foie , brûlé dans un vafe
fermé ou à l'air ouvert jufqu'à
î}4 Théorie
être converti en charbon très-
noir , fans rien de plus , ne don-
ne aucun fel alicali , lorfqu'on
broyé ou pulvérife ce charbon
noir , & qu'on le mec à cuire
dans l'eau : mais fi ce charbon,
ou la poudre dans laquelle on
l'aura réduit , eft convertie à un
feu ouvert en cendres blanches,
ces cendres bouillies dans l'eau
donneront un vrai fel alicali fixe.
Donc c'eft la terre des végétaux
très-atténuée par l'extrême acti-
vité d'un feu ouvert , qui , unie
intimement à une autre par-
tie , l'huile étant confumée , pro-
duit Talkali fixe ; Se le fel n'a
certainement point d'autre ori-
gine. 40. Donc les fels alkalis fixes
ne font point des corps fimples,
mais compofés de deux principes
très-différens , intimement unis.
5°. Il eft encore très- probable
que ç'eft la combuftion des vé-
Chymique ï 3 ç
végétaux qui combine cette ter-
re atténuée avec le fel naturel
des plantes , qui exifte fous la
forme d'un mélange favonneux
fait d'huile & de fel ; mais qu'en-
fuire elle confume la principale
partie de l'huile , & qu'alors ce
fel , cette terre , & l'huile de-
venue noire & plus tenace , pren-
nent la forme d'un charbon noir,
dans lequel la partie faline eft
tellement couverte fous cette
huile & cette terre , que le fel
de ce charbon ne paroît pas fo-
luble dans l'eau , mais demeure
à couvert de fon aftion , jufqu'à
ce qu'un plus grand feu 8c plus
long-tems appliqué ait confume
l'huile qui lioit enfemble la terre
& le fel. Alors enfin cette par-
tie faline qui étoit auparavant
volatile par elle même , paroît ik
fixer , & s'unir avec cette der-
nière terre fubtile , abfolument
136 Théorie
délivrée de fon huile ; en forte
que le fel même alkali fixe , à
force d'être expofé à Faction d'un
feu violent, devient enfin vola-
til , & périt dans le feu , lui , qui
mêlé en certaine portion à des
cendres , ou à la terre , fe con-
vertit en verre , qui refte très-
long-tems affe-z fixe au feu. 6°.
De-là il fuit qu'il n'y a dans les
végétaux aucun fel fimple qui
foit fixe par lui-même , mais qu'il
doit toute fa fixité à cette terre
avec laquelle le feu a formé ce
fel. Car fi on laifle des végétaux
fe deiïécher à l'air , & s'humec-
ter tour-à-tour pendant un long
efface de tems 9 ou fe putréfier
tout-à-fait , on a beau les, brûler
enfuite 3 "leurs- cendres ne con-
tiennent aucun fel alkali fixe. 70.
De-là encore ces feis akalis fixes
créés , de la manière qu'on vient
de dire , fe réfolvent , par l'arti-
fice
C H Y M I Q U E. , I37
fice dont on a fait mention, il n'y
a qu'un moment , dans les deux
principes dont la vertu du feu
n'avoit fait auparavant quïinieul
corps , fçavoir dans un fel im-
perceptible pur , fimple , volatil,
&: dans une terre fixe , pure ,
très-fubtile; 8°. Par conféquent
il efl plus vraifemblable que ces
fels viennent ainfi de cette terre
unie au fel , que de l'eau intime-
ment mêlée à la terre ; car de
quelque manière que la Chymie
unifie l'eau à la terre pure , il n'a
jamais paru en réfulter un fel al-
kali fixe, malgré l'a&ion du feu
le plus vif. 90. Ainfi cette terre
eft toujours par tout en grande
quantité , on en tire de l'eau ,
des efprits , du fel volatil j du fel
fixe , & des huiles , en forte que
tous ces corps une fois dégagés
de leurs liens terreftres, font tel-
lement atténués , deviennent fi
M
138 Théorie
mobiles , 8c fi volatils, qu'on ne
peut les appercevoir, & que ne
pouvant plus être retenus dans un
vafe , ils s'évaporent dans l'air >
& retournent ainfi dans leur an-
cien cahos.
Il n'y a que la terre , qui étant
feule, ne s'évapore point ? tant
elle eft folide : ce n'eft donc
pas fans fondement que les plus
anciens Chymiftes ont avancé
que ce font les huiles ou le fou-
fre qui empêchent les efprits de
fe diffiper \ mais que la terre feu-
le peut brifer le foufre & les fels^
& qu'ainfi la rerre feule eft vrai-
ment fixe. Telle eft la nature de
la terre qui fe trouve dans laclaf-
fe des végétaux y qui en eft la
bafe & l'élément immuable.
Examinons donc maintenant
la nature de la terre que nous
offre le régne animal. On a obfer-
vé dans tous les rems que les ani-
C H YMt QUE, IJ9
maux de toute efpece, ceux qui
volent dans l'air, qui nagent dans
les eaux, qui habitent les entrailles
dela-terre , expofésàun air tiède
& humide , fe putréfient aufïi-tôt
après la mort à une chaleur moins
considérable qu'elle ne fe trouve
dans un homme fain ; & tel eft
ce changement , que leurs corps
fe réfolvent en entier en une ma-
tière putréfiée très fétide , qui fe
répand de loin dans l'air , en
forte qu'il n'en relie qu'une pe-
tite partie ferme & folide. L'E-
léphant, la Baleine, le Chameau,
le Dromadaire, le Cheval, l'Hom-
me , tous les corps fe confument
bien-tôt tout-à-fait , il n'en relie
que les os. L'eau , les efprits ,
les huiles , les fels , fe diffipent,
& ne laiffent qu'un peu de ma-
tière terreftre , tout-à-fait fem-
blable à la terre vierge que don-
nent la pluie Se les végétaux.
M ij
140 Théorie
Mais fans tant difcourir ? il
n'y a qu'à jetcer les yeux fur les
Cimetières publics des grandes
Villes ; tous les cadavres qui y
font enfevelis fe réfolvent en un
peu de terre , qui élève à peine
celle du lieu. Toutes les parties
tant fluides que folides dont tous
les animaux font formés fe vola-
tilifent toutes ? leur feule terre
refle fixe , 8c n'efl point empor-
tée dans Pair avec les autres par-
ties r elle paroît fous la forme
d'os véritables r ou d'un peu de
cendres qu'emporte le moindre
fouffle.
Si nous examinons encore la
terre que donne le régne animal,,
nous en trouverons jufques dans
leurs humeurs T c'ell-à-dife dans
celles qui fe dépouillent de leur
nature étrangère , Se fe conver-
îiffent en celle de l'animal parti-
culier dans lequel on les trouve
C H Y M I QUE. T4T
par les fondions naturelles du
corps. Si donc on les expofe
dans les vaifïeaux exactement
joints & fermés à l'aâion du feu-,
ils donneront d'abord à 212. dé*
grés de chaleur une prodigieufe
quantité d'eau ,. qu'on ne fe fe-
roit point imaginé trouver dans
ces humeurs. En continuant ce
même degré de chaleur , l'eau
qu'on tire paroît femhlable dans
k plus grand nombre de fes qua-
lités à celle qu'on tire des végé-
taux.
On y découvre en eïet une
odeur fubtile , fétide & défagréa-
Me, Expofez le réfidu de ces hu«*
m^urs à un feu plus violent , toute
l'eau s'en évapore à la chaleur de
l'eau bouillante", & alors il refte
une maffe féche & en quelque
forte un peu brûlée , d'où l'on
tire une liqueur légère , jaune 9
moins volatile que cette première
142 Théorie
eau , c'eft refpric de ces hu-
meurs. Il eft fétide & même fi
falé , qu'il entre en effervefcen-
ce avec les acides. „
Après avoir éxaâement ramaf-
fé tout cet efprit , qu'on le diftil-
le une féconde fois , on aura un
fédiment qui , bien brûlé & bien
lavé , donnera la même terre
fixe, de forte qu'elle monte avec
cette humeur , & peut en être
tirée. Si enfuite on force enco-
re le feu fur cette maffe d'hu-
meurs dont cet efprit a été tiré
au degré de feu néceffaire , on
aura une affez grande quantité
d'huile animale , qui étant dif-
tillée une féconde fois laiffe au
fond beaucoup de terre fixe,com-
me on Ta dit , en parlant des hui-
les diftillées des végétaux ; & fi
l'on réitère encore la diftillation,
ces mêmes huiles fe convertiffcnt
auflî en terre , en forte que c'eft
Chymïque. 145
de la terre qu'elles empruntent
pareillement leur épaifleur , leur
ténacité Se leur fixité. Pour le
fel volatil des animaux f qu'on
en tire en partie avec leurs hui-
les y Se qui fort feul enfuite, le
premier qui fort contient tou-
jours beaucoup d'huile 9 Se cette
huile qui lui eft affez étroite-
ment liée y le retient Se le fixe.
En effet auflî-tat qu'on a éxaâe-
ment iéparé toute l'huile de ion
fel , il devient tout-à-fait volatil,
Se en réitérant la diftillation y il
ne laiffe rien de féculent ; mais
fi on le fublime à un feu doux 9
il laiffe une eau douce dans le
fond» Car quelque fec que ce fel
paroiffe^l'eau y adhère tellement
qu'elle fe manifefie toujours au
fond du vafe à une douce fubli-
mation ; Se il n^eft aucun moyen
de féparer toute l'eâu de ce fel °9
ainfi toute la fixité qu'on trouve
144 Théorie
toujours dans les fels naturels des
animaux , ne vient uniquement:
que de l'huile ; 8c cette huile ne
doit elle-même fa fixité qu'à la
terre qui y adhère , c'eft donc
cette même terre qui enchaîne
le fel des animaux , lequelautre-
nient deviendroit volatil. Après
les premières huiles , il fort à
force de feu une huile noire 7
épaiffe 8c tenace comme la poix,
venteufe , qui, à force de fe gon-
fler, remplit tout le col delà cor-
nue , 8c coule ainfi dans le réci-
pient fous la forme de poix tu*
méfiée , 8c eft plus pefante que
toute la liqueur que ce végétal
avoit auparavant donnée par la
diftillation. Qu'on diflille de nou-
veau cette dernière huile , il réi-
téra dans la cornue beaucoup de
terre , quelque feu qu'on faiTe»
Ces deux principes font donc
tellement liés , qu'on peut dire
que
Chtmique, 145
que cette huile n'eft en grande
partie qu'une terre pure. On fçaic
de-là que le feu agiffant fur les
huiles mêlées à la terre , rend
en quelque force la terre même
volatile ; & puifque ces huiles ne
peuvent s'évaporer qu'à la faveur
du plus grand feu , il eft évident
que toutes leurs propriétés dé*
pendent principalement de la
terre. C'eft d'elle en effet que
vient leur fixité , leur ténacité,
leur poids , tous attributs qu'on
peut , pour arnfi dire , féparcr
avec la terre. La terre eft donc
mêlée inséparablement avec tou-
tes les huiles animales , ce qui les
empêche d'être volatiles \ car
comme les huiles par leur mêlan*
ge rendent la terre volatile au
feu , de même au contraire la ter-
re mêlée aux huiles, les empêche
d'êrre toujours trop faciles à
§#exaker au moindre feu , &
N
146 Theoriï
comme l'huile retient & enchaî*
ne les efprits , les plus mobiles,
de même la terre fixe en quelque
forte les huiles. Enfin fi on laiffe
long-tems expofé au feu le plus
ardent ce dernier fédiment ,
fixe , très-noir , qui refte au fond
du vafe après Pentiere diffipation
de l'huile , il en fort des fumées
bleues , épaifles avec des cor-
pufcules étincelans , qui reçus
dans de Peau froide pure 5 fe
condenfent , tombent fous l'eau
par leur poids , s'y raffemblent
en petites maiTes , 8c forment
un phofphore qu'on peut appel-
1er folide 5 comme le premier ,
qui eft errant en forme de fumée,
liquide. Ge corps expofé à l'air
prend feu , fe confume fous la
forme d'une flamme brillante ,
êc s'évapore en laiflant une odeur
fétide. L'eau qui le contenoit eft
?rès-açid@ ? épaiiTe 9 parce qp'vU
C H Y M I Q U b: Ï47
ïe contient toujours quelques fé-
culences terreftres. Ce merveil-
leux corps appartient au régne
des animaux ou des Végétaux:
Eft-ce une produâion naturelle
du feu , ou de toutes ces chofes
enfemble ? Certes il efl: parfaite-
ment ardent ; plufieurs années
ne fuffifent pas pour le difîbu*
dre dans Peau , à moins qu'on ne
la chauffe m9 car alors il s'y fond
comme la cire. Sa nature cft donc
plus huileufe , que faline , ou
terreftre *, car il ne contient au-
cune terre , il ne reffemble ce-
pendant à aucune huile , ni ma-
tière huileufe connue jufqu'à
préfent.
Qu'on examine en dernier lieu
le réfidu des dernières fèces , on
le trouvera encore noir : mais ff
on le tire doucement de fon vait
(eau , pour le brûler à un feu ou-
vert « il devient blanc , tejrret*
Î4$ T H B O R I B
tre , çoniervant toujours fon an»
ciennc forme. Cette hifloire de$
animaux & des végétaux faite à
l'occafion de connoître la natu^
re de la terre prouve la grande
affinité de ces deux differens
corps 9 dont h nature s'accorde
& paroît la même eflentiellement
dans la plupart des çhofes. Il n'efl:
donc pas étonnant que les ani-
maux foient fouvent faits oq
compofés de purs végétaux t
moyennant deux acceflbirs né*
ceffaires pour faire cette méta-
rnorphofe , Peau & la faculté cocs
trice des fibres animales \ c'eft
jpn effet une vérité par tout fi
confiante , qu'on peut dire que
les corps des animaux ne font
prefque que des végétaux chan?
gés. S'il y a quelque différence
à obferver , c'eft par rapport aux
fels des deux genres ; car dans
m grand nombre de végétaux %
C ri y m t ç> tf é. 149
les fcls qui leur font propres
font acides 5 ou aufteres , dans
la plupart , ceux qu'on prépare
par le feu , font fixes. Or on a
beau brûler quelque animal que
ce foit , on n'en tirera point de
fel fixe > alkaii , non plus que
d'acide , ou d'acerbe $ de nos
humeurs naturelles , non crues ,
mais bien conditionnées , quoi*
qu'il y ait des plantes > comme
le cochlearia , la moutarde , qui
ont un fel femblable au Volatil
âkalin des animaux. Pour la ter*
re , ou les huiles, entant qu'elles
font fort terreflres , c'eft ce mê-
me mélange qui fait la principa-
le diverfitéde la fixité du fel ani-
mal ou végétal * d'où il fuit que
la terre abonde moins dans les
huiles Si les fels des animaux,
& qu'elle y efl moins étroite-
ment unie, que dans les végé-
taux.
Niij
tjô T H B O R I «
Conterons maintenant la pu-
tréfa£Uon des végétaux , & les
changemens qu'elle y produit.
La terre fe fépare des matières
huileufes & falines ; c'efl pour-
quoi les plantes qui , avant la
putréfa£tion donnoient par l'uf-
tion beaucoup de fel fixe alKali;
n'en donnent plus aucunement
après , mais fourniflent tout leur
fel volatil , comme les animaux.
Rien ne fépare donc mieux la
terre élémentaire , que la putré-
faction , qui fépare , divife les
Elémens les uns des autres, dé-
truit l'ancienne forme , & rend
prefque tous femblables les elé-
mens des animaux Se des végé-
taux. Cette même putréfa£tion
rend donc les corps des animaux
Se des végétaux très -propres à
fournir tant dans l'air , que dans
l'eau & la terre , une nouvelle
matière capable de nourrir de
CHYMJQVi ÎÇi
nouveaux végétaux , & par eux,
d'autres animaux. Toutes les, ma-
tières putréfiées font donc très-
propres à féconder la terre; Se
par conféquent tous les animaux
qui ont été , font, ou feront ,
donneront toujours parla putré-
fadion de nouveaux principes
qui , fuivant les loix de la natu-
re, pourront donner une nou-
velle fécondité à la terre qui les
a produits.
Ne croyez pas que la fermen-
tation faffe le même effet que la
putréfaâion. Elle. a beau mettre
en mouvement les végétaux , les
élemens terreftres ne fe déta-
chent pas pour cela des fels Se
des huiles , & par conféquent les
végétaux ne deviennent point fi
femblables aux animaux. Il n'y a
que l'acidité des fels qui l'égui-
fe , mais au refle elle ne touche
point aux fels fixes produits par
N iiij
î y 2 Thïouë
la combuftion , comme on le voit
dans le tartre. Il eft vrai qu'elle
convertit Une des huiles végéta-
les en alcohol volatil -, mais elle
ne peut ainfi changer tout l'hui-
leux de la plante.
On doit maintenant connoître
la nature de cette terre élémen-
taire , qui concourt , comme
un vrai principe, à compofer les
animaux & les végétaux. Elle eft
fi peu différente dans ces deux
genres , qu'on diroit qu'elle eft
parfaitement la même. Auflî fait-
on d'aufli bonnes coupelles à i'u-
fage des Orfèvres , de la cendre
des végétaux , que de celle des
animaux ; & pourvu que cette
cendre foit une terre parfaite-
ment pure, il n'importe qu'on fe
ferve de poiffons , d'oifeaux ,
de quadrupèdes , de leurs os , de
leurs ongles , de leurs chairs , de
leurs humeurs. C'eft donc la ter-
C H * M t Q t t. tj)
te qui fait jouir a plante & l'a-
nimai des mêmes avanïâges , qui
leur donne une ftru&ure fiable
& terme , eh lorte que c eft la
baie des autres élemens , lefquels
lui iont tous unis , Se lui doivent
leur forme foiide ; car la terre
étant ôtée , il ne refte plus qu'une
maffe informe , ou tous les autres
Elemens dégagés de leur chaîne,
deviennent volatils, c'eft la ter-
re qui non feulement retient ,
affocie, & arrange les autres prin-
cipes , mais leur donne cette du-
reté qui les rend capables de ré-
fifter à l'air , à l'eau , au foleïl ,
& à certain degrés du feu même.
Mais fi l'huiie & l'eau font liées
par la terre , les Elemens terref-
tres , ne peuvent faire corps fans
eau ou fans huile , deux élemens
qui à leur tour font le ciment de
la terre.
Des animaux brûlés dans les
ÏJ4 Théorie
flammes, jufqu'à une entière con*
fomption , ne laiffent que des
cendres blanches > qui ne font
qu'une terre pure , iemblable à
la précédente.
Il eft tems d'examiner la terre
dans les folides. Prenons d'abord
desfels naturels, comme le nitre,
le fel gemme , celui des fontai-
nes , ou de la mer i les plus purs
qu'on pourra trouver. Après les
avoir diffbus dans de l'eau très-
pure j qu'on les laifle très-long-
tems en digeftion ? on trouvera
au fond du vafe une terre dépo-
tée par les fels , & infolubîe dans
l'eau. Qu'on faffc évaporer la li-
queur jufqu'à pellicule , & qu'on
la mette enfuite repofer dans
Un lieu froid , on aura des crif-
taux de fel. Séparez la liqueur
qui refte fluide , 8c non changée
en fel , faites - la encore évaporer
jufqu'à pellicule , vous aurez en-
Ch ymiquë; iyç
fuite de nouveaux criftaux , mais
moins beaux. Enfin après la der-
nière criftallifation , il refte une
liqueur graffe , faline , qui don-
ne un peu de terre, & qui après
avoir été fort defféchée au feu ,
fe fond de nouveau promptement
à l'air , Se eft d'une âcreté fore
âpre. Et comme chaque opéra-
tion donne un peu de terre „
il n'y a qu'à mettre à part tous
les divers produits , on verra
que les fels foflîles en donnent
une quantité atTez confidérable.
Enfin à force de criftallifation ,
Se de folution , tout le fel de-
venu volatil & imperceptible ,
fe diflipe dans l'air , il n'en relie
que la terre pure.
On trouve auffi de la terre
dans les fels minéraux par la
diftillation. Prenez les mêmes
dont il a été ci-devant mention,
réduifez-les en poudre féche ,
î ç<5 T H è o r î i
mêlez-les avec le triple d'argiîé
bien féche * de bol , de brique
broyée , ou de terre pure , ex-
pofcz-les au feu le plus vif , le
tout fe fépare en une partie li-
quide acide . volatile , corrofive,
éc en une partie fixe , qui de-*
meure au fond du vafé dans là
terre qui a été mêlée* Si par
la coâion dans l'eau on fépare
cette partie fixe de la terre ,
qu'on la filtre , qu'on la purifie,
qu'on la criflalife , on en tire
un fel allez femblable à celui
qui avoir d'abord été employé
pour cette diftillation , fi ce n'eft
que mêlé avec le nitre , il s'al-
kalife en quelque forte. Ce fel
ainfî produit , criftallifé de nou-
veau , diffous , épaiffi , donne
encore beaucoup de terre fem-
blable à celle qu'on avoit fépa-
rée de ce premier fel. Quant à
la liqueur acide, produit de ce
C H YMIQUÏ. If7
fel par la diftillation , diftillée
de rechef , elle laiffe au fond du
vafe des fèces jaunçs qu'il fuffit
4e défécher pour y trouver de
nouvelle terre. Âinfi ces fels
acides ainfi préparés , exaête*
ment dépouillés de toute leur
terre , font fi volatils , fi enne-
mis de toute fixité , & de tout
repos , qu'ils s'éyaporçnt en fu-
mée , & en fumée fi mobile 9
qu'on nç peut les retenir dans
les vafes , elles s'enfuient aux
moindres approches de l'air,
comme on l'obferve dans Peau
fortç , d^ns l'efprit de nitre ,
dans Tefprit de Tel de glauber 9
dans Pefprit de fel marin , pen-
dant que fe fait la diftillation *
car lp fel acide eft fi volatil ,
que fans Pimpulfion d'aucune
çaufe externe 9 il s'évapore de
|ui même en fumées blanches ou
yquge§? H ne feroft donc pp
158 Théorie
abfurdc de penfer que tous !es
fels acides dont nous avons
parlé , ne font point d'eux-mê-
mes tranquilles dans notre air ,
niais qu'ils doivent leur repos
ou leur fixité à la terre qui efl
fixe , êc lie la volatilité naturel-
le , laquelle par conféquent re-
naît , dès que fes chaînes font
brifées. Les fels (impies acides
& akalis feraient donc toujours
volatils , s'ils étoient parfaite-
ment purs , c'eft leur mariage
avec la terre qui les fixe.
Les matières fulphureufes tant
liquides que folides contiennent
fans doute, auffi des principes
terreftres. Mais les métaux en
contiennent-ils? Les Chymiftes
croyoient autrefois que les mé-
taux étoient compofés de vif-ar-
gent feul , &d'un autre principe
qui lui donnoit une fermeté conf-
iante 3 &la facilité de céder fous
C H Y M I Q. U E. IJ9
Je marteau Se l'enclume *, que tels
étoient les principes de l'or &de
l'argent. Les Modernes faifant
mention de l'analyfe 8c de la
compofition des métaux , ne par-
lent que de phlogiftique & de
terre vitrifiable , qui , félon eux,
fert à former les métaux. Mais ,
M. Bperhaave qui a beaucoup
travaillé fur ces matières , n'eft
point du même avis. A peine
çonvient-il qu'il s'en trouve dans
le mercure , regardant la poudre
qui s'en fépare comme trop ri-?
che en vertus médicinales , pour
être une terre fimpie. Ufaut por-
ter le même jugement de tou$
Jes autres métaux , tels que l'or ,
l'argent , &c. A quelque épreuve
que notre Auteur les ait mis, il
p'a jamais pu en tirer une vrgiç
terre,
FIN*
TRAITE
D U
VERTIGE.
AVEC
LA DESCRIPTION D'UNE
Catalepfie Hjfierique & une Lettre k M.
Aftruc , dans laquelle m répond à la Cri-
tique qu'il a faite d'une Dijfertatim de
i Auteur fur les Maladies Fénériemes*
0
A
MONSIEUR
HERM AN
BOERHAAVR
M
onsjevr;
zAprès queMonfîeurtîunauld
meut appris UftruEture du corps
de f Homme , je paffai en HoJIatù
de ^uniquement pour voir çt) ] pour
intendre celui qu'on regardoit k
Ôij
Paris comme l'oracle de la Méde-
cine Moderne, Vous fîtes un ac-
cueil gracieux au Di/ciple de vo-
tre Illu(ire Ami y vous vous êtes
toujours fait unplaifîr de rèjou-
dre mes difficultés de bouche ou
par écrit -y en un mot y MON-
SIEVR>fîfaifait quelques pro-
grès dans ce grand Art dont vous
êtes le réformateur y cefiprinci-
paiement a vous que je les dois j
puifque ceft dans vosfçavantes
Leçons & dans vos divins Ou-
vrages que f ai puifé cette Théo-
rie qui a répandu fur la Médeci-
ne une clarté que deux mille ans
di études {g) d'expériences na-
voient pu lui procurer ; Théorie
lumineufe , qui feule fuffîr oit a&
moins expérimenté 0- le feroit
marcher apas/urs dans lapratL
que $ tandis que fans elle le Pra-
ticien le plus conjommè eJlpre/L
que toujours réduit au tâtonne-
ment & a la divination. Permet-
tez donc , MONSIEVR , que ce
petit Ouvrage jouife du droit
quil a de paraître fous vos auf-
pices , (êfr recevez ce témoignage
publique de mafincére reconnoif-
fancef$ de ma, profonde vénér ac-
tion.
fai V honneur d'être ,
MONSIEVR,
Votre très-humble & uh^
ebéiffànc Serviceur,
PE LA MeTTRIEo
AVERTISSEMENT.
CE Traité du Vertige riefi point une tra-
duction de la Di(fertation Latine en
forme de Lettre fur le mêmefujetquejefis
imprimer Van pajje. Cefi un Ouvrage beau-
coup pins étendu & plus à la portée non»
feulement des jeunes Etudians en Médecine ,
mais des gens du monde qui ont quelque
teinture de Phjfique. fy ai joint , 1°. La
Defcription d'une Catalepfie Hjflerique ,
Maladie extraordinaire fur laquelle ilferoit
à fouhaiter que quelque habile Médecin voû-
tât bien nous communiquer fe s lumières \xQ *
Une Lettre à Monfieur Afiruc , dans la-
quelle •> fans m écarter du refpetl qui efl dh
à cet illufire Auteur , je réponds a la Cri*
tique quil a faite de ma Differtation fur
les Maladies Vénériennes. On me pardon-
nera fi je place ici un Ouvrage qui a fi
jeu de rapport avec les deux autres *, je ri ai
prit trouver autrement le moyen de me jujlfr.
fier aux jeux du Public,
TRAITE
D U
VERTIGE.
Ë Vertige eft accompa-
gné d'un fi grand nom-
bre de phénomènes 8c
de phénomènes fi diffé-
rensr qu'il feroit impof-
fible de les renfermer tous dans
une fimple définition. Ainfi pour
donner une idée plus claire de ce
mal , il efl à propos de commen-
cer par en décrire les fymptômes 9
& par en faire une hiiloire exacte
& générale.
i68 TRAITÉ
CHAPITRE I.
Defcription des Symptômes du
Vertige.
LEs corps externes qui font na-
turellement en repos paroiffent
fe mouvoir en rond , tomber de haut
en bas , ou monter de bas en haut.
On croit tomber du Ciel fur la
Terre ou dans la Mer , s'élever de-
là )ufqu*aux nues, tourner comme
un tourbillon dans Pair, & être en-
fuite précipité avec tout l'Univers ,
dans les plus profonds abîmes. Je
pafle ici fous ftlence une infinité
d'autresûmaginations fauffes dont le
détail feroit inutile.
Les uns voyent deux objets au
lieu d'un , les autres des couleurs
plus ou moins vives. Voilà les prin-
cipales illufîons de la vue dans le
Vertige ; voici celles de l'ouie.
On croit entendre tantôt des fif-
flemeiis
DU VERTIGE. 169
fiemens horribles , cels que ceux des
ferpens, tantôt le bruit des flots de
la mer , du vent qui enfle les voiles ,
delà pluye ou de la grêle qui tom-
be , le murmure d'un ruiffeau , le
fon d'une flûte, Parmonie d'un con-
cert -, Se mille autres faux bruits.
Outre le dérangement delà vue
& de l'ouie , les fondions (a) des
autres fans ne font pas moins inter-
rompues? l'odorat eft émouflé dans
les uns , le goût ou le ta£t altéré
dans les autres.
Les mufclesfe relâchent , les ge-
noux &tous les membres tremblent
à la fois \ la frayeur eft alors fi gran-
de, qu'elle faifit le Guerrier le plus
intrépide & le Philofophe le plus
inébranlable ; le cœur ferefferre,Ies
forces fe difïipent de plus en plus 5
on eft abatu , confterné&détruic
en fi peu de tems , qu'un grand Chi-
mifte (b) s'eft imaginé qu?il y avok
[ a ] Frofp. Alpin, de | [ b ] Joan. Eapt. HeU
Jbied.Mcsh.p. 5*7, j mpnt. de LitUia5,
P
m
i7o TRAITÉ
un venin fingulier dans le Vertige,
En même tems qu'on tombe , on
a des maux de cœur , on vomit , on
fe traîne à terre , on fe méconnoîc
foi-même & les plus proches.
On voit les paupières s'élever à
certains cris & le baifler auflî-tôt.
Ce mouvement efl à peine fenfible
qu'il s'évanouit. On eft auffi quel*
quefois agité par des convulfions ,
& des ttanfports violensson refpire,
avec une difficulté extrême, on fuë,
on dort la bouche remplie d'écume,
$c on fe réveille enfuite comme un
homme fain qui auroir eu le fom-
mçil le plus tranquille. Ces derniers
fymptgmes appartiennent propre-
ment à i'Epileplîe& à l'Apoplexie;
mais comrne le Vertige dégénère
Êrès-fouvent en ces Maladies , j'ai
cru qu'il me feroit permis de les ran-
ger s à l'exemple d'Aretée , (a) au
nombre ciè eeux qui cara&érifenç
plus fpççialeinçqt ce mal finguliçf ,
DU VERTIGE. 171
Voilà en peu de mots l'hiftoirc
générale des principaux fymptômes
du Vertige , Se fes métamorphofes
les plus familières. Elle efl: fondée
fur ma propre obfervation & fur la
leâure des Auteurs anciens , & prin-
cipalement de l'élégant Aretée qui
a le mieux décrit les phénomènes
qui manifeflent ce genre de mal.
Effayons à préfent d'en rendre rai-
fon luivant la Théorie Etiologique
du fubtil Bellini. Cet Auteur efl: le
feul qui nous ait donné une idée clai-
re de la manière dont le Vertige fe
fait.
CHAPITRE IL
Explication des Symptômes du>
Vertige.
AVANT que d'expliquer les
fymptômes du Vertige , il efl:
I aéceffaire de pofer quelques princi-
î7l TRAIT É
pcs d'Optique , pour répandre plus
de clarté fur tout cet Ouvrage.
• Il n'y a que les rayons qui paflTenc
par la pupille qui fervent à la vifion ;
mais comme il fe croifent ou fe
rompent dans ce paflage étroit ,
ceux qui viennent d'enhaut Se du
côté gauche , vont fe réunir en bas
êz au côté -droit ; ceux qui viennent
d'en bas &' du côté droit vont de
même s unir en haut & au côté gau-
che. Ainfi'la partie fupérieure d'un
objet doit fe peindre dans le bas,
l'inférieure dans le haut \ le côté
gauche au côté droit , & le droit
au gauche de la rétine. Par confé-
quent les objets font renvêrfés au
fond de l'œil -, comme la célèbre
expérience de Defcartes le prouve
fenfiblernent. Cependant les objets
ne nous paroiffent point renverléss
quoique leur image le ioit tffec-
tf$èrw§8| au fond de l'œil. Nous
rapportons les parties des objets le*
loa la même ligne par laquelle nous
DU VERTIGE. ï7)
avons reçu leurs rayons. C'cft pour1
quoi nous -attribuons au haut l'im-
preflion faite au bas, au côté droit
celle qui Te fait au côté gauche &
njïcc verfâ. Oeil ainli qu'un Aveu-
gle qui tient à Ta main droite un
bâton [ tâtonne les objets qui font
à gauche , & les rapporte de ce cô-
té - là par l'imprcfTion qu'ils font
dans. la main droite par le moyen
du baron.
Si la peinture ou l'image de l'ob-
jet s'avance du côté droit, l'objet
doit donc paroïtre fc mouvoir à
gauche ; fi elle pafTe à gauche , il
pafTe à droite ; fi elle monte • il def-
cend , ou s'élève \ fi elle le baille; en
un mot l'objet femble jouer avec
fon image & l'image avec fon ob-
jet. Or, comme tous ces change-
rhens ne font fenfibles au-dehors,
qu'autant qu'ils le font au-dedans
de l'œil , on ne doit anpcrccvoir le
mouvement des corps ? qu'autant
•qu'ils fe peignent fur la rétine .dans
Pu]
ï74 TRAITÉ
un foyer différent de celui dans le-
quel ils étoienc repréfentés un mo-
ment avant que d'être mus. Ainfi
tant qu'ils continuent de fe mou-
voir , leur image fe promené fur la
rétine, & change fans ceffe de pla-
ce. Par conféquent l'objet ne doit
paroître tranquille , que lorfque fon
image l'eft elle-même abfolument :
car fi elle fe dérange ou change de
lieu , par exemple , en ligne droite,
on dira avec raifon que l'objet fuit
cette même détermination \ Ci elle
s'en écarte , il s'en écarte auffi , il
l'imite & fuit toujours les lignes
qu'il trace fur la rétine.
Puifqu'on juge toujours du mou-
vement des corps par celui de leur
image , pour qu'un corps paroiffefe
mouvoir ? il n'efl pas néceflaire qu'il
fe meuve réellement, ilfuffitquefon
image feule foit mue pendant qu'il
eft en repos ; d'où il fuit que le mou-
vement apparent d'un objet tranquil-
le dépend du feul mouvement de fon
DU VERTIGE. i?5
image. Or l'œil n'a qu'à le mouvoir»
de façon qu'il foit détourné de fa po"
firion naturelle, il efl évident que la
peinture de l'objet en repos fera dé-
rangée par ce feul mouvement. Un
corps tranquille doit donc paroître
fe mouvoir , toutes les fois que l'œil
eft dérangé. Ainfi fi l'œil fe meut de
droite à gauche , les rayons qui fe
plioient du côré gauche revenant
plus à droite doivent peindre l'objet
de ce dernier côté.
Ce dérangement de l'œil donne
non -feulement la raifon du mouve-
ment apparent des corps tranquilles,
mais de leur multiplication. Quand
on prefle un des yeux avec le doigt ,
pour peu qu'il s'écarte de fa pofmon
dans l'Orbite,on voit deux objets au
lieu d'un -, l'un des deux fuit l'état de
l'œil qu'on prefle ? & paroît plus ou
moins élevé , félon que cet œil l'eft
lui-même plus ou moins. Mais lors-
qu'on celte de le comprimer , les
fauffes apparences fe diflipen$ à nie*
P ïiij
i75 T RAITÉ
f ure qu'on lui rend fa première fitua»
tion ; on voit l'objet chimérique fc
perdre ou fc confondre dans le vé-
ritable , que l'autre œil qui eft tran-
quille distingue toujours fort bien.
C'eft un petit jeu d'Optique , auquel
tout le monde peut prendre plaifir ,
ou en laiffant ouvert l'œil qui n'eft
point dérangé , tandis qu'en même
tems on prefïe l'autre avec le doigt ,
comme je l'ai dit, ou en fermant l'œil
qui n'eft point dérangé : ce qui prou-
ve que quand l'axe de la vûërçgarde
deux points différens, on voit dou-
ble , c'eft à-dire, on voit le même
objet en deux endroits. Au contrai-
re quand cet axe eft dans fon état
naturel, on ne voit qu'un objet, quoi-
qu'on ait deux yeux, foit que ces
deux images aillent fe peindre dans
l'endroit où les nerfs optiques s'unif-
fent avant que de paffer par les trous
ronds , foit qu'on rapporte à la mê-
me place les deux images peintes fur
la rétine.
DU VERTIGE. 177
J'ai fait voir ci-devant qu'un corps
en repos doit paroître le mouvoir,
pour peu que l'œil foit écarté de fa
pofition , parce que ce dérangement
entraîne néceffai renient celui de la
rétine, & que conféquemment l'i-
magechange de place fur cette tuni-
que médullaire. Je fuis donc en droit
de conclure que toutes les fois que
la rétine fera dérangée parquelque
caufe que ce foit , on fera pris d'un
Vertige?puifque tout le monde s'ac-
corde à dire qtse ce genre de mal
confifte proprement en ce que les
corps qui font naturellement tran-
quilles paroiffent mus ou agités. Ne
perdons pas de vue ce principe , il
n'en eft point de plus lumineux ni
de plus fertile en conféquence.
Tous les Anatomiftes convien-
nent que la rétine n'efi autre cho-
fe que i'exparifion de la moelle du
nerf optique. Ainfi toutes les fois
que ce nerf fera dérangé, la rétine
le fera auffi néceffairement, Se par
178 / TRAITÉ
conféqucnt on aura le Vertige.
Pour comprendre plus clairement
cette vérité , confidérons avec Bel-
lini (a) les fibres optiques comme
pîufieurs lignes à égale diftance les
unes desautres qui le terminent tou-
jours à la convexitéde la rétine. Cela
pofé , lorfqu'un rayon vifuel vient
japper une de ces lignes , il forme
avec elle un certain angle quele dé-
rangement de cette ligne détruit ou
change fur le champ. Je fuppofe
qu'un autre rayon vifuel forme avec
cette même ligne , avant qu'elle fe
foitécarféedes autres lignes ,unan*
g'e égala celui que fon dérangement
a produit, il eu évident que ce fé-
cond rayon ne tombe pas furie pre-
mier , & par conséquent part d'un au-
tre point de l'objet. Il eft indifférent,
félon ce que nous avons dit ci-de-
vant, que l'objet foit mû, tandis que
le nerf optique eft en repos, ou que
ce nerffoit en mouvement, pendant
[* ].Belli«i?pag, J7<?. 5?7«
DU VERTIGE. 179
que l'objet eft tranquille. Donc com-
me le fécond rayon qui frappe la li-
gn e ou la fibre qui eft fuppoféeà égale
diftancedes autres fibres, repréfente
néceiTairement l'objet mû à caufe
du fcul changement d'angle , le pre-
mier rayon doit auffr faire voir l'ob-
jet en mouvement , parce que la fi-
bre dérangée, ou qui n'eft plus éga-
lement éloignée des autres fibres ,
change néceiTairement l'angle que
ce même premier rayon avoit d'a-
bord formé avec elle.
On doit inférer de ce raifonne-
ment que les fibres optiques venant
à fe déranger , les angles que les
rayons de lumière avoient formés
avec elles fe changent néceffaire-
ment , & comme l'image de l'objet
eft aufïî dérangée par-là , il fuit que
le Vertige, ou ce qui revient au mê-
me , le mouvement apparent d'un
corps tranquille dépend du plus pe-
tit dérangement des fibres de la ré-
tine ou du nerf optique.
*8o TRAITE
Mais d'où viennent ces divers
changements d'angles^De la diverfité
des vibrations de ces mêmes fibres ,
qui vient delà diftribution inégale
du fuc nerveux , laquelle inégalité
du cours desefprits peut venir d'une
infinité de caufes différentes.
Pour avoir une idéeclaire de ces
vibrations i il faut faire attention à
une chofe que tout le monde fçait ,
qui eft que fi on éloigne de l'œil un
corps qu'on vient de voir, de forte1
qu'il ne puifle plus fe peindre fur la
rétine , on lé voit , les yeux ouverts
ou fermés , comme s'il ésoit encore
préfcnt.La raifon décela, c'eftque
les rayons de lumierevenânt à tom-
ber fur la rétine , y excitent des on-
dulations qui fe propagent le long
des nerfs optiques jui'ques dans le
Senforium commune. On doit donc
Continuer de voir un objet abfent
)ufqu'àce queîa rétine ne t rémoufle
plus , ou que les vibrations de fes fi*
bresneceflent \ mais lorfque l'objet
DU VERTIGE. 181
ayant di {'paru depuis un certain tems,
cette tunique jouit d'un repos abiolu
Sz parfait, il faut en quelque forte rç-
veiiler ion image pour le voir; c'eft
ce que fait l'imagination en faifan.t
couler unecertaine quantité d'efprits
dans les fibres optiques, & en créant
fucceffivement par ce moyen les
mêmes ondes que l'objet avoitfak
naître par fa préfence ; ainfi pour
qu'un corps.- tranquille paroiffe fe
mouvoir , il n'y a qu'à fe repréfen-
ter les mêmes mouvemens ou à
peu près femblables à ceux qu'on a
vu \ Se il n'importe que ce corps foit
prêtent ou abient,que les yeux foienc
fermés ou ouverts ? c'eftpar les effets
de l'imagination que ce corps doiç
paroître agité d'une façon aufli évi-
dente que s'il J'écoit réellement ou
À parte /?', comme parlent les Phi-
lofophesde l'Ecole, Voilà les diffé-
rentes caufes immédiates du Vertige,
i °, Il efl aifé de concevoir à pré-
fent pourquoi les corps qui font na*
i8z TRAITE
turellemcnt en repos paroiffent fe
mouvoir en rond dans le Vertige:
ç'eft que leur image eft mue circu-
lairement fur la rétine. Si elle monte
de bas en haut, l'objet paroîtra tom-
ber de haut en bas , fi au contraire
elle defeend , il paroîtra s'élever,&c,
comme je l'ai expliqué ci devant.
2°. L'imagination ne fe borne pas
àreprçfenterdescorps qui font tran-
quilles5agités en mille fens differens,
elle peut auffi nous repréfenter nous-
mêmes à nous-mêmes montans au
Cieljtournans comme un tourbillon
dans TAtmofphereau moindre vent,
précipités dans de profonds abîmes
comme il arrive dans les rêves. La
caufe immédiate des fonges terribles
aufquels on eft fu jet dans le Vertige ,
efl: donc l'imagination ; & l'on peut
dire en général que ce mal n'efl
qu'une imagination fauffe, reconnue
pour telle par Wfk) jugement. En
[ a 3 Sennçrr. Inft, Med . Lïb, ^ Part, h Se#» x. Cap,
DU VERTIGE. 185
effet la réflexion ne tarde pas à diiTi-
per , je ne dis pas ces illufions , mais
les vaines frayeurs qu'elles ont pu
produire. Ce qui diftingue le Verti-
ge'du délire & des autres maladies
du cerveau , dans lefquelles la rai-
fon même efl livrée aux erreurs de
rimagination,parce qu'alors les mê-
mes idées que la préfence de tel ob-
jet ayoit fait naître fe réveillent avec
force & vivacité , par le moyen des
efprits qui le frayent les mêmes tra-
ces, & produifent par-là, la même
difpofition méchaniquedans le cer-
veau , de forte que l'ame voit clai*
rement l'image de çemêrne objet ,
& quoiqu'il foit abfenr, on efl: (î for*
tement convaincu qu'il eft préfenc 9
que rien n?en peutdiffuader. D'où il
iuit que Duret (a) établit avec raifon
le fiége du Vertige dans la partie
fantaftique du cerveau , ç'eft-à-dîre 9
celle qui imagine ce qu'on ne voie
point, ou qui repréfente à l'efprit ¥fe
i«4 TRAITÉ
mage des corps abfcns. En effet, il eft
certain qu'elle eft toujours affrétée,
du moins en dernier lieu, & qu'il
n'y auroit point de Vertige , fi elle
ne I'etoit pas.
3°. Pourquoi voit-on deux objets
au lieu d'un ? Parce que l'axe de la
vifion fe tournant vers deux points
différens , le même objet fe peint en
deux endroits différens de la rétine.
Ce qui arrive toutes les fois qu'il n'y
a qu'un œil intérieurement compri-
mé, car alors on doit être fujetàla
même illufion que fi on le déran-
geoit avec Je doigt ; or comme les
humeurs des deux yeux ne font pas
toujours également raréfiées, les vaii-
feaux d'un çeil fe gonflent quelque-
fois plus que ceux de l'autre , & par
coniéquent la rétine étant inégale-
ment agitée , l'axe de la vue peut fe
déranger ; mais fi la fituation des
deux yeux eft dérangée, on doit par
îa mêmeraifon voir deux objets mus
au lieu d'un qui jpft en repos. Voilà
la
DU VERTIGE. i8y
la caufe de la multiplication des ob-
jets dans le Vertige , elle eft tou-
jours proportionelle aux foyers dans
lefquels les rayons vifuels vonc fe
réunir.
On peut rendre raifon de la va-
riété admirable des couleurs qui pa-
roiflent dans le vertige, &donr"Bel-
lini ne fait aucune mention. En effet,
quoique la vue dépende de Pimpref-
fion des rayons de lumière fur la ré-
tine, onfçait qu'elle peut fe faire,
& fe faitfariseuXjtouteslesfoisque
les fibres de cette tunique reçoivent
par quelque caufe que ce foit des
ondulations femblables à celles que
ces mêmes rayons produiroient.
C'eft , à mon avis , le plus ou le
moins de promptitude (a) dans ces
vibrations , ou dans les fecôuffes des
efprits, qui fait voir les différentes
couleurs, le blanc, le jaune, le rou-
(œ) Mem.de l'Acap» / branche.
R. des Sciences iiçy. Newton. Opt, Tcra.
Reflex fur la Lu m. & 2* Livïe 3
les Coul, parlée, MaU
Q
186 TRAITÉ
ge , le bleu , & plufieurs autres nuan-
ces qui refultent du mélange des
couleurs primitives , & font quelque-
fois fi bien variées , qu'elles repré-
fententl'Arc-en-Ciel , comme Are-
tée (*)l'a remarqué dans l'Epilep-
fie , qui ne diffère du Vertige que du
plus au moins. On peut par-là ren-
dre raifon des lueurs plus ou moins
vives, quiparoiffentàforcedetouf-
fer ou de vomir, lorfqu'on reçoit un
coup fur l'œil , ou qu'on le preffe
avec le doigt dans l'obscurité, dans
l'affeâion Hyflerique & Hy ppoeon-
driaque, à ceux qui tombent en foi-
blefle , aux pendus avant que de
mourir, félon le fait atteflé par le
Chancelier Bacon (b) dans Ion Hifi
toire dé U vie & de la mort , & enfin
aux peftiferés qui un moment avant
que d'être pris du Vertige , voyent
quelquefois d'auffi belles couleurs
dans tous les objets qu'à travers un
( a ) Arcfaeus.Cappad. / Iam. Hift- Vît. & Mort.
J3g. ï. zs I Araft, 173* Vol. J.pag.
i*)F. Basode Vw*« ' 171
DU VERTIGE 187
Prifme, comme l'illuftre Boyle (a)
nous l'apprend. Ce qui prouve qu'il
n'eft pas neceffaire d'avoir le Ver-
tige pour donner lieu à ces appari-
tions , qui font toujours d'autant plus
confiderables , qu'on eft plus dange-
reusement affe£ié.
Les illufions de l'oiiie ne font pas
fi difficiles à expliquer que celles de
la vue. Les petics rameaux que les
carotides fourniflent au dedans de
l'oreille étant gonflées par la plé-
thore ou par lararefa&ion du fang9
agiflent fur cet organe , comme
nous dirons dans la fuite que ceux
de l'Uvée & de la Choroïde agiflent:
fur la rétine pendant l'yvreffe. Atnfi
la portion molle du nerf auditif qui
fe répand dans le labyrinthe eft pref-
fée , les petics mufcles d'Euftachi ,
de Caflerius & de Duverney fe con~
îra&ent inégalement , les pecits offe-
lets, leurs membranes, les canaux
demi-circulaires où fe forme le fon,
(a) B», Boyle j Tom9 h 4c Co'ssîfrus . plg. £„7?$<,
188 TRAITÉ
enfin tout l'organe de l'oiiic s'ébranle
ou fe dérange par la pulfation trop
vive des artères. Or on entend des
fons plus ou moins graves ou aigus ,
félon que l'ébranlement de la lame
fpirale , & des canaux demi-circu-
laires eft plus ou moins lâche , ferré ,
ou tendu, ou félon ladiverfité des
vibrations que cet organe immédiat
reçoit de l'aâion desfolides, fans le
fecours de l'air externe s & il n'im-
porte que cet ébranlement fe faffe
du côté du cerveau ou de l'oreille,
il en refulte toujours la même fenfa-
tiori, comme on l'obferve dans la
commotion du cerveau , le délire ,
la phrénefie , &c. on peut par-là ren-
dre raifon des tintemens, desbour-
donnemens, des fifflemens , des
murmures , & des autres faux bruits
qu'on entend dans le Vertige. Si ce
fon interne eft femblable au bruit
de la pluye ou de la grêle , on croira
entendre tomber l'un ou l'autre de
ces météores 9 s'il imite la déclama-
DU VERTIGE. i%9
tiond'unÀâeur tragique, on s'ima-
ginera entendre une tragédie qu'on
applaudira peut-être comme celui
dont parle Horace, (a)
» Qui fe credebat miros audire
» tragœdos
» in vacuo laetus fefïbr plaufor-
» que theatro.
S'il produit la douce harmonie
qui naît de l'accord de divers inftru-
mens , on fera enchanté du plaifir
d'être au concert , s'il imite l'ofcil-
lation d'une pendule, on s'imagi-
nera qu'on en a une attachée à !a tê-
te , comme cette Dame de Picardie
donc Monfieur Duvérney fait men-
tion dans fon Traité (b) de l'Organe
dei'oûie. Pour confirmer cette théo-
rie , n'oublions pas un fait que ce
célèbre Atanomifêe ajoute au même
endroit, qui eft que le battement
d'oreille de cette Dame s'accordoit
toujours avec celui du cœur , ce
(a) Epîft. z. a4 Jul. I (*) p, \6&. 161,
JFlot. V. 130, I 9
i9o TRAITÉ
qui détruit le fylTerne de ceux qui
atribuent ces faux bruits à des vents ,
des fumées ou à d'autres vapeurs qui
agitent l'air implanté dans l'oreille.
Pour ce qui regarde les maladies
dans lefquelles le Vertige dégénère ,
je n'ai garde de me laiffer entraîner
au penchant que j'auroisde les ex-
pliquer; la digreffion qu'il me fau-
droit faire pour fuivrecesmétamor-
phofes , m'écarterok trop de mon
lu jet
CHAPITRE III
Divijton du Vertige.
IL faut diflinguer à prefent les
différentes efpeces du Vertige ,
pour éviter la confufion. i°. Il eft
Jimple ou ténébreux : dans le pre-
mier , les objets qui font tranquilles
paroiffent feulement fe mouvoir en
aifferens fens , mais dans le fécond
DU VERTIGE. 191
les efprits ne pouvant plus fe diftri-
bucr dans Pœil , la vifion ne fe faic
point. 20. II eft naturel , c'eit-à-dire
produit , par une caufe externe na-
turelle fans aucun dérangement de
l'œconomie animale ; on non natu-
rel , je yeux dire provenant decaufes
tant externes qu'internes non natu-
relles ou morbifiques. 50. Celui-ci
fe divife en fympathrque qui vient
de quelque dérangement des vifee-
res, & en idiopathique qui vienc
immédiatement d'un vice du cer-
veau. 4e7. Enfin le Vertige doit être
encore divife, en fymptomatique ,
qui n'eft que le fymptôme d'une
maladie principale 9 Se en critique
qui en annonce la fin bonne ou
mauvaife.
Je n'entreprens point de traiter
du Vertige critique. Un Volume
fuffirok à peine , pour approfondir
cette matière , pour décrire Se ex-
pliquer les differens cas dans lefquels
il fè rencontre y Se toutes les crifes
ip* TRAITÉ
qu'il annonce ; tantôt il faut s'atten-
dre à une criie dangereufe, au dé-
lire , à l'Apoplexie , &c. tantôt à une
crife faiutaire, foit par l'hémorrha-
gie ou le vomiffement : Si l'on voit ,
par exemple , dans plufieurs mala-
diesaigiks, le Vertige paroîtreavec
un tintement d'oreilles 9 une pefen-
teur de tête infuportable , princi*
paiement au haut du nez , tous les
affiliants effraies défefperent de la
vie du malade ; mais vous , Méde-
cin , homme de jugement raffurez-
les, 8t ne cragnezrien, lefangqui
va couler des narines lui fauvera la
vie. Rien n'étonna plus les Méde-
cins de Rome que de voir un mala-
de faigner copieufement du nez ,
comme Galien l'avoit prédit, feu-
lement parce que ce malade s'étoic
levé de peur d'être mordu d'un fef-
pent de feu , qu'il croyoit voir dans
ion lit. En effet rien ne fait plus
d'honneur , principaîemet à un jeu-
ne Médecin, que ces fortes de pé-
diâions.
DU VERTIGE. 199
dirions. Allez à la fource , lifez
Hyppocrate, Arecée,Galien, Duret,
Proipcr Alpin , &c. noms à jamais
recommandables dans le grand Arc
de la Médecine , vous verrez avec
quelle exaâitude fcrupuleufe ils
nous font distinguer les différentes
çrifes que la nature prépare fous la
forme du Vertige. Je fuis furpris que
Rivière & plufieurs autres célèbres
Praticiens modernes qui ont dû cent
fois remarquer dans la pratique,
combien il eft dangereux de me-
connoîtrele Vertige critique, ayent
omis des diftinétions auffi effen-
tielles, La moindre faute en ce
genre coûte tous les jours la vie
à des millions d'hommes que la
nature feule gueriroit peut-être.
Ç'eft donc à nous de la fuivre
comme à la pifte , & de prendre
garde de la troubler , quand elle mé-
dite quelque évacuation critique.
C'eft ce que les anciens Auteurs
que je viens de citer nous rècox*
R
i94 TRAITÉ
mandent expreflement en cent en-
droits , pour nous apprendre à ne
point nous tromper dans notre pro-
gnoflic.
CHAPITRE IV.
Çau/ès externes naturelles du
Vertige,
*AY dit ci-devatit que ce déran*
gement de la rétine qui forme
effentiellement le Vertige , ne fup*
pofe pas toujours quelque change*
ment dans ftçconpmie animale; en
effet la moindre çaiife extçrne na*
turellefuffit pour lç produirç. Un
charbon de feu , une rouç , un fo^
leil artificiel tourné rapidement ça
rond , un toupin qu'on foiiette à
coups redoublés , un torrent impé-
tueux , un tourbillon d'eau , de grêle
ou de neige que le vent fait voltiger
par petiçs pelotons dans Tair, Iq
j
DU VERTIGE. i9ç
mouvement d'un vaiffeau fur une
mer agitée, le devant d'un carotte
dans un chemin raboteux , le bruit
des trompettes , du canon , du ton-
nerre (a) , un violent tremblement
de terre (£), la viie d'un précipice,
d'une baie de paume que les joueurs
fe ren voy ent long- tems a veç adreffe,
d'un grand nombre de fufées qui fe
croifent fous la forme d'une infinité
d'arcs ou de cercle , dans l'Atmof-
pherc.en un mot tout corps qui
tourne en rond peut faire naître le
Vertige,
Pourquoi apperçoit-on un cercle
de feu à force de regarder fixement
un tifon qu'on tourne rapidement
en rond ? Les impreffions faites fur
la rétine durent quelque tems , celle
que ce tifon fait d'un côté , dure
jufqu'à ce qu'il y foit revenu. Ainfî
tous les points de la circonférence
qu'il décrit vont fe peindre les uns
(a) Foreftus, VoI« l. I (b) Baglivi de motu
I/iy. i Q pag. +S9* ' terrse Romano , pag. $ \ o,
Rij
ï96 TRAITÉ
après les autres fur la récine , où ils
tracent une ligne circulaire rouge ,
qui donne avec l'idée d'un cercle
de feu , celle de rotation 8c le Ver-
tige ; tant il y a , pour ainfi dire ,
de firapathie entre les idées , & les
mouvemens corporels , que l'un eft
réciproquement une fuite neceffaire
de l'autre. Mais on n'a qu'à fermer
les yeux , & les ouvrir eniuite pour
être auffi-tôt délivré de ce Vertige,
Ce qui prouve qu'il ne vient d'aucun
vice des vaifleaux Se des liqueurs de
l'œil s mais de la feule aftion du tifon
Cur la rétine.
Voyons pourquoi il prend un Ver-
ti.ge lorfqu'on regarde en bas dun
!î eu fort élevé, Envoicilaraifon. La
pçur qu'on a de tomber fait que l'i-
magination repréfente les objets tels
qu'Us ont paru toutes les fois qu'on
$ tombé ? c'eft-à-dire tournans en
rond 5 comme je l'expliquerai dans
un moment. Or comme en même
rçpisks corps tranquilles fur Jefquels-
DU VERTIGE. 197
on jette les yeux fe peignent fur la.
tétine , donc les fibres tremouffent
fortement toutes enfemble à l'image
ou à l'idée de la rotation des objets
que la peur fait naître 3 il fuit que
c'eft la même chofe que il l'œil écoit
en mouvement , ou que fi les corpâ
extérieurs tournoient pendant qu'il
feroit en repos *9 par conséquent on
doit alorsêtreprisd'un Vertige d'au-
tant plus violent ? qu'on jette les yeux
fur une plaine immenfe d'un lieu
plus élevé. Il me fouvientque je fus
faifi d'une frayeur fi grande fur la
Tour d'Anvers j que j'eus bien de la
peine à me perfuader que je ne tour-
nois pas en rond. Il faut alors bien
de la force d'efprit pour fe foutenir,
fur tout fi l'on regarda fixement l'en-
droit oiY l'on s'appuie, car comme
il paroît néceffairement s'enfuir , on
tombe malgré foi en voulant l'ar-
rêter.
Voulez vous une preuve plus feiv
fible des effets de la crainte ? Jettez
R ii}
198 TRAITÉ
les yeux fur ce matelot qui monte
au haut des mâts dans le fort de la
tempête. Comme il fe renverfe fur
une échelle de corde vacillante !
Combien de tems il s'y tient par les
pieds pour l'utilité de la manœuvre ,
fans être puni de fa témérité ! pen-
dant qu'un honnête paflager eu fu-
jet à des maux de cœur & à des
Vertiges d'autant plus violens qu'il
imagine plus de péril. Tant il efl
vrai que rien n'excite le Vertige plus
fouvent que la crainte! C'eft pour-
quoi Mahomet (a) , pour cacher l'E-
pilepfiedont ilétoit attaqué, l'attri-
buoit à l'apparition de l'Ange Ga-
briel , à la vue duquel , difoit-il , il
étoit faifi d'une fi grande frayeur,
qu'il lui prenoit un Vertige téné-
breux qui le faifoit tomber.
On peut déduire de ces effets de
la crainte plufieurs vérités affez im-
portantes. Il n'eft pas indiffèrent
principalement aux femmes & aux
(a)Baylc Di&ion. ï Tait. 4 e Mahom.
DU VERTIGE. 199
cnfans qui font d un tempérament
timide ou craintif, démarcher dans
un chemin haut & étroit , ou dans
un lieu bas & large, dans un che-
min droit ou dans un labyrinthe ( a )
dans une ailée folitaire , ou parmi
une grande multitude de perfonnes.
En un mot , une trop grande variété
d'objets trouble la vue , comme l'é-
prouvent ceux qui courent la pofte
à cheval ou en chaife , ou ceux qui
font dans un vaifleau qui fend Tonde
à pleines voiles : le rivage femble
fuir , parce que fon image qui fe
meut fuccefïivement au fond de Tœil
produit la même fenfation que s'il
étoit en mouvement.
Qu'il me foit permis de mettre au
nombre des caufes naturelles du Ver-
tige la circumgiration du corps ; tout
le monde fçait qu'il prend un Ver-
tige à force de tourner ou de dan fer
en rond. Mais quelle en eft la raifon >
La voici. Il eft évident félon ce que
[a] Atttéc , pag, ti», îaa
ÎLiiij
ityë TRAITÉ
f ai dit ci-devant , que pendant que
notre corps décrit un cercle autour
de lui-même , tous les objets ex-
térieurs , quoiqu'abfolument tran-
quilles , doivent paroître tourner en
rond , & même paroître continuer
ce mouvement quelque tems après
qu'on a fermé les yeux , & qu'on ne
tourne plus ; c'eft-à-dire jufqu'à ce
que les vibrations de la rétine ne
viennent à cefîer , & que cette tu-
nique ne foit abfolument en repos.
Cette impreffion dure à proportion
de la vîteffe & du tems qu'on a
tourné en rond : d'ailleurs le corps
ayant un mouvement progrefïif tout
au tour de la circonférence du cer-
cle dont le milieu du pied eft le
centre , le tronc doit être baloté
d'une cuifie à l'autre , de celle qui
eft en mouvement à celle qui eft en
repos Se qui doit le foutenir , jufqu'à
ce que l'autre cuiffe qui eft élevée
pour marcher n'ait trouvé f on point
d'appuy fur la terre. D'où jç conclus
DU VERTIGE. 201
que les mufcles venant à fe con-
tra&er violemment, doivent jetter
le tronc avec tant d'impetuofité fur
la cuifle qui ne marche point , & qui
n'eft que très-foiblement appuyée ,
qu'elle ne fera plus capable de le
Eorter. Ainfi l'équilibre fe rompt $
1 centre de gravité fe détruit & par
conféquent on doit enfin tomber.
Nouvelle caufe du Vertige -, car
comme en tombant la tête Se les
yeux font circulairement agités , les
objets externes doivent paroîtrefui-
vre cette même détermination , par-
ce que leur image trace neceffai-
rement un cercle fur la rétine,
comme il arrive lorfqu'on regarde
un miroir {a) qu'on tourne rapi-
dement en rond. Voilai peu près là
manière dontBellini ra if on ne fur
cette chute , qui eft bien différente
de celle à laquelle on eft fi fujet en
regardant la terre d'un lieu très-éle-
vé.On peut concevoiràpréfent pour-
[<*] Etmulcrdç Vcrtigine, T. i p. 3<*.
i02 TRAITÉ
quoi les gens y vres ont tant de peine
à fe foutenir, pourquoi un cheval
qui tourne une meule de moulin les
yeux ouverts eft bien-tôt pris d'un
Vertige ténébreux qui le fait tom-
ber , &c.
CHAPITRE V.
Des cau/es externes non naturel*
les ou morbifiques du Vertige*
APRE'S avoir expliqué les prin-
cipales eaufes naturelles du
Vertige , je dois faire mention des
eaufes non naturelles ou morbifiques
de ce mal i c'eft4-dfre celles qui
occafionrient quelque changement
fenfible dans l'œconomie animale.
Eîfeâ font externes ou internes. Je
vais commencer par déveloper les
premières. Il eft certain qu'une (im-
pie commotion du cerveau caufe un
Vertige ténébreux , & que fi elle eft
DU VERTIGE, aoj
plus violente, la Léthargie , l'Apo-
plexie & même la mort fubite peu-
vent s'enfuivre , comme on l'a vu.
Mais quelle en eft la raifon? La voi-
ci. Pour qu'on la comprenne plus fa-
cilement, il eft important de prou-
ver d'abord que le cerveau remplie
exaâement le crâne.
L'Anatomie nous apprend que les
artères du cerveau n'ont point de
tunique mufculeufe, & qu'elles fonc
toujours comme dans un bain de va-
peurs qui doit beaucoup relâcher le
tifïu de leurs fibres. Cependant il eft
indubitable qu'elles s'ouvrent bien
plus rarement que celles du nez 9
quoique celles-ci foient munies de
membranes élaftiques que l'aâiont
de l'air externe auquel elles fonc
fans ceffe expofées t rend encore plus
fortes & plus folides s quelle eft la
raifon de ce phénomène aufli fur-
prenant que commun ? C'eft que les
artères du cerveau réfiftent par tout
également au cours des fluides , $c
ao4 TRAITÉ
n'ont point par conféquenr d'en-
droit foible par lequel le fang puiffe
s'échaper hors de leur cavité, au lieu
que celles du nez étant inégalement
appuyées, comme l'Anatomie nous,
l'apprend , il n'eft pas furprenanc
qu'elles cèdent au moindre effort de
la pléthore , Se qu'ainfi les hemor*.
rhagies des narines foyent infini-
ment plus fréquentes que les Apo-
plexies de fang extravafé. Les ar-,
teres du cerveau font donc foute-
nuës par fa fubflance molle , avec
autant d'égalité Se de force que fi
elles étoient couchées fur le crâne
même. Cela ppfé le fang a beau
monter abondamment & avec vio-
lence à la tête , les veines font for-
cées de le reprendre proportionel-
lementà fa quantité (à moins que le
cerveau ne foit violemment ébranlé ,
comme je le dirai dans la fuite , ôur
que le diamètre des veines ne foit
naturellement trop petit ou rétréci
par quelques excroiffances, comme,
DÛ VERTIGE, aa5
on l'a obfcrvé dans certaines mi-
graines incurables ) je défie ceux
qui admettent du vuide dans le cer-
veau d'expliquer ce phénomène, f
Le crâne étant donc exa£tement
rempli , je dis qu'il ne peut être
frapé, fans communiquer au cer-
veau une portion du mouvement
qu'il a reçu , laquelle portion fera
toujours proportionne non feule**
ment à la violence du coup , mais
à la refiftance du crâne. Je m'expli-
que par deux comparaisons familie*
res. Je regarde le cerveau dans le
çrane comme un homme qui eft
dans un bateau , & qui n'a qu'un
mouvement commun avec lui. Or
fi ce bateau vient à heurter contre
un rocher , par exemple 9 il s'arrête
tout à coup 9 à caufe de la grande
refiftance qu'il oppofe à ce rocher 9
& cette même refiftance fait qu'il
communique à cet homme qui eft
fdedansunefî grande partie du mou-
vement qu'il a reçu. ? qu'il J'ébranle $
ic6 TRAITÉ
lui fait perdre lequilibre & le fait
tomber. Monfieur de la Faye rap-
porte une autre expérience qui rend
la chofe encore plus facile à enten-
dre. On prend par un bout une plan-
che mince , on en heurte fortement
la furface plate contre quelque corps
dur , fi elle ne refifte point au choc ,
c'efl>à-dire fi elle caffe , la main n'eft
point du tout ébranlée , parce que
le mouvement que cette planche
avoit reçu s'eft perdu en même tems
qu'elle s'efl: rompue; mais fi elle ne
caffe point , le mouvement fe pro-
page le long de chaque fibre de la
planche , quelquefois avec tant de
violence qu'on fent à la main un
ébranlement douloureux. Il fuffit de
faire l'application de ces deux com-
paraifons poyr concevoir la raifon
pour laquelle les fraâures les plus
confiderables font fouvent moins
dangereufes que de fimples ébranle*
mens du cerveau.
Voyons à préfcnt en quoi con-
s
DU VERTIGE. 207
fiflent ces ébranlemçns. Le cerveau,
comme tout le monde fçait , eft une
malTe très -molle çompofée d'une
infinité de petits vaifleaux fanguins
dont les tuniques font extrêmement
minces , & de fibrilles nerveufçs me-
dullaires,d'une fi grande délicatefle,
qu'un million de cçs fibrilles n'éga-
le peut-être pas l'épaifleur de la cen-
tième partie du cheveu le plus fin :
or , quand à l'oçcafion d'une chute
ou d'un coup fur la tête , cette fubf-
tançe vient à recevoir une certai-
ne portipn de mouvement , elle s'é-
branle néceffairement , <§£ par con-
séquent les nerfs optiques font aufli
ébranlez en même cems, C'çft ainfi
qu'une fimple commotion fait naître
le Vertige. Mais fi la commotipn eft
affez violente pour produire quelque
affaiflement dans les fibres du cer-
veau , les nerfs optiques feront com-
prime^ à leur origine ,les efpritsne
pourront plus fe diftribuçr dans l'oeil,
#infi la vifion nç fera ppinç 9 ou 9
ao8 TRAITÉ
ce qui revient au même , on aura
un Vertige ténébreux. Je dis plus ;
fi le mouvement fe perpétue avec
force jufqu'au cervelet , fes fibres
feront facilement ébranlées , tirail-
lées , diiîenduës ; elles fe relâche-
ront exceffivement , & faute de ref-
fort devenues paralitiques , elles s'af-
• faifferont les unes fur les autres. D'où
: il fuit , que les efprits vitaux étant
interceptés dès leur origine ,1a mort
fubite s'enfuivra néceffairement.
Il eft à propos de remarquer ici
- qu'il n'eft pas neceffaire que la tê-
te ait été , je ne dis pas endom*
triagée ou blefiee de quelque ma-
nière que ee foit , mais aucunement
frapée , pour produire le Verti-
ge , êc d'autres accidens bien plus
fâcheux. Un coup , ou une chute
fur toute aurre partie du corps , fur
les feffes 9 par exemple , peut , par la
violente feçouffe des folides & dès
liquides 9 tranlmettre jufqu'au ceb
. veau affe£ de mouvement reper-
çuffif
DU VERTIGE. ao9
Cufïïf pour y caufer des ébranlement
funeftes , comme nous l'avons re-
marqué depuis peu dans une Dame
de Saint Malo. Enfin (i la commo-
tion eft extraordinairement vioierç-
te, les liqueurs doivent circuler dans
les vaifleaux du cerveau avec tant
de rapidité , qu'elles peuvent aifç-
ment forcer des barrières :aufiï min-
ces que le font leurs; tuniques , ^
elles fe rompent quelquefois dans
une partie oppofée à celle qui a re-
çu le coup. C'eft ainfi que le fang
s'épanche dans le cerveau , foit p^r
une efpece de contre-coup , foit par
un coup (impie fuf la tête ou fur
. toute autre partie , fans q«e le crâne
paroiffe quelquefois endommagé.;
fource de calamités . aufquelles gfi
ne peut remédier qu'engrenant up
parti extrême ? comme je le fer^i
voir à iafin de ce Ch&pitrq. .
Le moindre effet que le plus pf-
tit. épanchement produire yeft fans
.doute k V«çige, Nouî^.vons yu,g|-
iio TRAITÉ
devant que le cerveau remplit exac-
tement le crâne , il ne fçauroit donc
contenir une feule goutte de li-
queur de plus , qu'il ne foit nécéf-
fairement prefle ou comprimé *, &
comme fa iubftance eft très-molle,
il ne peut l'être dans un endroit fans
l'être dans plufieurs. Or , pour peu
que les nerfs optiques fouffrent de
cette preflîon , le cours des efprits
qui fervent à la vifion étant déran-
gé , les fibres de la rétine le feront
auffi , & par conféquent on fera fu-
jet au Vertige. La même chofe ar-
rivera fi les carotides font compri-
mées : car leur diamètre étant ne-
çeflairement rétréci par ce moyen ,
|1 fuit qu'elles doivent refifter davan-
tage au cours des liquides : Mais
comme la force du cœur s'augmen-
te à proportion de la refiftance des
artères ( les fièvres le prouvent ) le
fang venant enfuite à être pouffé
avec plus d'impetuofité à la tête , di-
late & gonfle ces carotides. Ceux
DU VERTIGE. 211
qui connoiflent la fituation de ces
artères auprès des nerfs optiques, la
longueur & la liberté de ces nerfs en
cet endroit , peuvent juger de la fa-
cilité avec laquelle elles agifTent fur
eux , les dérangent , Se conféquem-
ment font naître le Vertige. Si la
preflion fe fait à l'origine des nerfs %
l'Jiomme du monde qui a le plus
d'efprit devient imbécile j & jecroi
que pour rendre raifon des différen-
tes altérations de l'efprit qu'on voit
tous les jours arriver après certaines
chutes , il n'eft pas même neceffai-
re de fuppofer aucune liqueur épan-
chée au dedans du crâne , il luffic
de concevoir que dans le moment
d'une violente commotion f les ef-
prits trop agités ayent pu fe frayer
de nouvelles routes , & troubler ain^
fi les organes de l'intelligence ou
que quelques fibres du cerveau ayent
été plus ébranlées que les autres y Se
n'aient pu reprendre leur première
fituation & leur reflbrt naturel ;. car
il* . TR AIT É
on ne doit pas douter que cette pe-
tite parai) lie , donnant lieu à quel-
que dérangement dans la diflnbur
tion deseiprits ,. n'entraîne neceffai-.
tement celui de l'tiprit -, tant ij y a
d'analogie , & pour ainfi dire, de
fympathie entre J'efprit 8c ce fluide,
iubtil qui circule dans tous les pe-
tits filament nerveux , qu'il paroît
par toutes fortes d'obfervations su-?
res que l'un dépend pr.efque effen-
tiellement , non feulement de la cir-
culation , mais de la quantité & de
la qua'ité de l'autre *, quoiqu'il faille
avouer que les propriétés de La ma-?
tiere nous font trop inconnues poux
qu'on puiffe jamais appercevoir au-r
cun rapport, entre les traces des et
prits &.le& idées qui. en refultent. ■
Il n'eft pas'neceffaire que le cer-
veau foit immédiatement compri-
mé pour créer le Vertige, la feule
preflion médiate de la fubfrance
peut occafionner le même dérange-
ment dans le nerf optique* . On a y*j
DU VERTIGE. «3
à Paris un Pauvre qui demandoit
l'aumône dans une portion de ion
crâne. Pour peu qu'on pofât légère-
ment la main fur l'appareil qui cou-
vroit fa dure-rpere, il voyoit d'a-
bord des étincelles de feu ; l'ap-
puyoît-on un peu plus ? il lui pre-
noit un Vertige, & enfin envie de
dormir. On a fait les mêmes obfer-
vations en comprimant le cerveau
d'un- chien & d'un verolé qui a voit
perdu une partie de foncrane^. Tout
le mond^ fçait comment les Bou-
chers tuent les bœufs -, c'eft en leur
donnant , pour ainfi dire , d\in feul
coup un Vertige ténébreux qui les
fait quelquefois tomber roides
morts j quoique leur crâne fe ronv
ce par la violence du coup, oa
ne trouve ordinairement aucune li-
queur extravafée fur la fubftance du
cerveau. Ce fait : .que j'ai eu la çu-
xiofité de vérifier plus d'une fois ,
confirme ce que j'ai dit ci-devant,
;<^ue moins k çr^ne' refifte > mokis
ai4 TRAITÉ
les effets de ia commotion font à
craindre.
Une fimple contufion ou une lé-
gère bleflure à la tête , le trépan in-
prudemment fait , la moindre frac-
ture (a) , l'enfoncement du crâne ,
en un mot tout ce qui change la fi-
gure du crâne & conféquemmenc
l'égale expansion du cerveau peut
caufer au moins le Vertige. C'eft
pourquoi Hyppocrate {b) le regar-
doit cfemme un des plus funeftes
fymptômes des playes de la tête.
Comme renfoncement du crâne
cft un malheur qui n'arrive que trop
fôuvent aux enfans , principalement
par l'imprudence des accoucheufes
ou des nourrices , il faut fçavoir
comment y remédier. En ce cas je
ferois d'avis d'appliquer une emplâ-
tre fort tenace fur la portion d'os
enfoncée , & dix ou douze heures
après on doit la tirer doucement &
t a J Cœfàr Magai. T, I [ b ] De vuther. capït»
a, pag. ni, u$. 1 V. Bo«has?« A$h< aé?»
DÛ VERTIGE. 215
perpendiculairement par le moyen
d'un gros fil fort attaché au milieu.
Pour rendre cette élévation plus fa-
cile, il faut que le malade retienne
long tems fon haleine. La raiion de
cela eft que , tant que le poumon
eft dans l'ina&ion , le fang n'y peut
circuler librement. Ainfi il doit s'ac-
cumuler dans le ventricule droit,
dans la veine cave , dans les jugulai-
res, &c. comme on le voit par të
gonflement de ces veines & la rou-
geur extraordinaire du vifage. Par
conféquent ne pouvant revenir du
cerveau , il gonfle neceffairemenr les
carotides , ainfi que les membranes
& la fubftance même du cerveau qui
par ce moyen eft en état d'élever
un peu la portion d'os enfoncée.
Voilà Iavraye raifon de ce phéno-
mène qu'un Chirurgien (a) mauvais
Phyfiologïcien , comme ils le font
prefque tous , attribue fans fonde-
I a 1 G uengeor , Traité des opérations (k Ckisui&&
T. 3 d« l'O^eiatroj* du Tiefa».
2i6 TRAITÉ
mène à la predion du diaphragme
fur l'aorte : car M. Senac a démon-
tré dans un Mémoire ( a ) qu'il a don-
né fur le diaphragme , que cette pref-
fion eft (i légère , qu'elle n'y entre
prefque pour rien.
En voilà affez pour donner une
idée claire des caufes externes non
naurelles du Vertige. Mais avaiK
que de paffer aux caufes internes de
ce mal , qu'il me foit permis de faire
une reflexion fort importante qui
peut ici trouver fa place.
Je fuppofe qu'un homme eft at-
taqué d'Apoplexie immediatemenc
après une chute fur ja tête ou fur
toute autre partie du corps , fans que
le crâne paroiffe aucunement en-
dommagé. Sur cela pn doit croire
que la commotion du cerveau a été
fi violente que fes fibres fe font afr
faiffées les unes fur les autres , &
qu'ainfi fes vaiffeaux étant compri-
més par cet afFaiffement,Ie fang crou-
frfJMeak, de l'Acad. •%,&$• Sciences. i?29.> < ï
DU VERTIGE. 217
pic dans leur cavité, ou , qui pis
eft , on peut craindre qu'il ne f e loic
fait quelque épanchement. Pour re-
médier à cet affaiffement, il nes'a^
gît fans douce que de défemplir les
vaiiTeaux du cerveau : car par là les
artères reprenant leur reflbrt natu-
rel , font en état de pouffer dans les
veines le fang qui croupit dans leur
cavité , & les fibres fe relevant peu
à peu /occupent bien-tôt le vuide
que leur relâchement excefïif avoic
formé au dedans du crâne. Or pour
défemplir immédiatement le cer-
veau, il n'efl point de faignée plus
efficace que la jugulaire , comme
Monfieur Freind l'a démontré Ana-
tomiquement. Mais il eft bon de
préluder auparavant par deux ou
trois faignéescopieufes faites au bras
de quatre heures en quatre heures ;
autrement il fe feroit tout à coup
un (i grand vuide dans le cerveau,
qu'il en feroit, pour ainfi dire,étorçné
& ftupefeit 9 & pourroit par-là fouf-
T
ai» TRAITÉ
frir quelque atteinte dangereufe.
S'il n'y a que croupiffement de
fang, il eft fort rare de voir deux
jours s'écouler, fans que la connoif-
jfance revienne au malade , pourvu
qu'il foit bien traité ; car à mefure
que les fibres reprennent leur rçffort,
Je fang recommence fa circulation
ordinaire , & fournit de nouveaux
efprits. Ainfi lorfqu'on voit le même
rnal continuer ou augmenter trois
ou quatre jours après la chute , il y
a touç lieu de croire qu'il y a du fang
extravaféqui comprime la fubftance
du cerveau. On fatisferoit donc à
cette indication en atténuant les hu^
meurs épanchées , & en les rendant
affez fluides pour les faire rentrer
dans la mafle du fang par les tuyaux
abforbans. Il eft fans doute très-dif*
ficile , mais non pas impoffible de
rëiiffir dans ce grand projet. On doit
joindre aux faignées fréquentes &
copieufes, dont je viens de parler ,
despurgatioas & des lavemens corn-
DU VERTIGE. 219
pofcs dé tout ce qui peut difibudre
le fang coagulé. Les Tamarinds , la
Crème de Tartre , le Jalap , la Scauv-
rnonée , le Nitre , le Sel Ammoniac ,
le Sucre, le Miel , &c. conviennent
en ce cas ; la boiffon doit être faite ,
non des vulnéraires de Suiffe en de-
co£tion ( car quoiqu'on les employé
ordinairement pour diffoudre le
fang grumelé , on n'en: sûr par aucu-
ne expérience que ces remèdes ayent:
cette vertu ) mais des cinq racines
apèritives, des plantes & des bois
fudorifiques aufquels il eft bon de
mêler beaucoup de jus de citron.
On ne négligera pas de mettre fur
l'oreille des fomentations d'herbes
acres , ou des cataplâraes d 'oignons-
cuits fous la cendre. Depuis que
Valfalva , Santorini Se plusieurs au-
tres Célèbres Anatomiftes ont dé-
montré la communication de l'oreil-
le avec le cerveau, je ne doute point
qu'il n'y puiffe continuellement
pénétrer par ce moyea des vapeurs
Tij
220 TRAITÉ
afll'Z fubciles pour atténuer les Ii-
queursquiy iontépanchées. Ondoie
auffi injefter de l'eau chaude par les
narines pour dilater les rameaux des
carotides qui s'y diflribuent , & les
rendre par-là plus capables d'abfor-
ber les humeurs quand elles font atté-
nuées. On peut auffi mettre dans le
nez des feuilles de Betoine ou de
Tabac , pour faire éternuer , & faire
prendrç un léger vomitif. Tous ces
rnouvemens , bien loin d'être à crain?
çlre quand les yaiffeaux font vuides ,
aident alors la refçrbtion d'une fa-?
çon. mervcilleufe,
Si malgré cette méthode les fym-
ptp r»es augmentent de plus en plus
loyez sûr que les humeurs épanchées
font fi épaiffes & (î coagulées qu'il
jrcft point de remède connu dans
toutç la nature qui puiffe les diffou-
dre.Quei parti prendre dans une auf-
fi déplorable extrémité i Après avoir
effaïé en vain tous les moyens donc
04 k ffrç prdinaireinçat jpqur d&»
DU VERTIGE. 221
couvrir fi le crâne eft bleffé, on doit
appliquer fur le crâne découvert une
emplâtre compofée des remèdes les
plus attirans : par cette méthode on
aperçoit quelquefois avant 1-efpace
de 24. heures une tumeur noirâtre
qui manifefle l'endroit afifefléc^par
conféquent la necefiité d'y faire l'o-
pération du trépan. Mais ii après ce
tems il neparoit ni tumeur ni con*
tufion , ni enfoncement , ni en un
mot aucun figne extérieur de fang
extravafé , faut-il tenter l'opération
à tout hafard , fans fçavoir où ap-
pliquer la couronne du trépan ? Cet-
te queftion n'eft pas difficile à ré«*
foudre > dans cette hypothefe il eft
certain que le malade va perir fans
l'opération , à la vérité il n'eft pas
sûr que le malade en revienne par
l'opération \ mais aufïi fï on la fait ,
il eft incertain qu'il meure. Il fiuc
donclafoire. Maisoù? i°. dans l'en-
droit où le malade a porté la main ,
fi on Pa remarque , car ces mouve-
T iij
a22 TRAITÉ
mens fpontanés font fouvent de su-
res indications. 20. Il le trouve quel-
quefois un côté paralitique pendant
que l'autre eft en convuilion : alors
comme le fang ne peut être épan-
ché que du côté paralitique , il fe-
roit inutile de le chercher ailleurs ,
& par conféquent on ne doit opérer
que de ce (eul côté ; & on doit à
mon avis y réitérer l'opération 9
& le cribler , pour ainû dire , de
trépans , jufqu'à ce qu'on trouve
l'humeur extravaiéc, 30. Sicecas^
qui eft en effet très-rare, n'a pas lieu ,
îî faut appliquer le trépan aux deux
côtés oppofés du crâne. Si le pre-
mier trépan eft inutile, le fécond
peut réùfïir , comme on la vu dans
un SoMat qui, ayant été en vain tré-
pané du côté droit , le fut une fé-
conde fois au côté gauche, où l'on
trouva heureufement beaucoup de
fang grumelé fur la furfacc convexe
de la dure-mere , 8c par là ce Sol-
dat fut guéri, Cette hiftoire que je
DU VERTIGE. 113
tiens de M. Boerhaave , dont la bon-
ne foy ne peur être fufpeâe , con*
firme l'utilité de la Doctrine que ce
grand Homme nous enieigne dans
les divins Aphorifmes. Jjrgentibus
fimtomatibus , dit- il A ph. 286. lient
nullus locus lœfu>s certo invenir i queat 9
tamen trepanum applicandum & ab
-unâ & ab altéra parte cranit*
Pardonnez- moi cette digreffion
en faveur de fon utilité. Je reviens
aux caufes internes ïdiopathiques
du Vertige.
$9i Xi :& >?£ ïï{ ï% & ï?4 $£ -ïïi & >% &4 ïïééi -2K }%
5m< fat • f» */*< a« î£$ b'J. 5$ Îjîs • \àS *,3& &8 }té i»3 5â3 • 5*4 y&
CHAPITRE VL
Des caufes internes idiopatbL
que s du Vertige
DE toutes les caufes internes
Idtopathiqucs du Vertige , il
-n'en eft gueres de plus fréquente que
-la raréfaction des liqueurs. Pour en
bien connoître les effets , il n'y a
Tiiij
124 TRAITÉ
qu'à le rappcller ceux de l'ivrefle5
tels que Beliini (a ) les a expliqués.
Le vin efl une liqueur fermente'e
remplie d'Alcohol ; quand même le
cœur ne feroit pas monter cet ef-
prit à la rêce , il efl: d'une nature
trop volatil pour ne pas s'y é!evcr.
Le vin doit donc raréfier le fang Se
principalement celui des artères pro-
portionellement à fa quantité , & à
la fpirituofité. Or quel eft l'effet de
la rarefaûion des liqueurs C'cft
d'augmenter leur mouvement , de
diflendre , dilater , ou pouffer au de-
hors les parois des vaiflfeaux dans
iefqucls elles font contenues , & d'a-
gir ainfi fur les parties voifines. Ju-
gez donc du dérangement que le
gonflement des carotides & des ar-
tères de l'Uvée & de la Choroïde
doit produire dans les nerfs optiques
& la rétine. Comme cette membra-
ne médullaire eft alors neceïïaire-
ment preflee , lefuc nerveux s'y dif-
£*} Beliini, pag 583, si4«
DU VERTIGE. 225
tmbuant inégalement , change les
ondulations de fes fibres , & par con-
féquent les dérange. Les objets en
repos doivent donc paroître fe mou-
voir, & l'on doit voir deux objets
au lieu d'un , pour peu que l'axe de là
vue regarde deux points différens.
Ce qui arrivera , lorfqu'il n'y au*
ra qu'un œil intérieurement preffé ,
comme je l'ai dit* Or comme il ne
s'élève pas toujours la même quan-
tité d'Àlcohol dans chaque œil à
mefure qu'on boit, les vaifleaux d'un
œil fe gonflent quelquefois plus que
ceux de l'autre , & par conféquenc
il n'y a que la pofition d'un œil dé-
rangée. Mais fî les deux axes font
changés , on doit voir deux objets
mus au lieu d'un qui eft en repos.
Voilà la caufe de la multiplication
des objets dans Pyvreffe , comme
dans le Vertige. Si les artères qui
rampent fur la furface des nerfs op-
tiques & de la rétine font tellement
remplies de fang raréfié * que la ca«
116 TRAITÉ
vite des fibres optiques (bit entière-*
ment abolie Se détruite , la vifion
ne fe fera poinr , faute d'efprits. En-
fin l'on tombera y vre mort pour des
raifons qu'il en: aile de déduire de
ce qui a été dit fur la rotation du
corps. Ce qu'il y a d'admirable , c'eft
que le fomrncil ayant fait s'exhaler
tout le fuperfiu de l'-efprit qui gon-
fioir les vaifleaux , les loiides & les
liquides reprennent ieur jufle équi-
libre, & pourvu que i'eftomac n'en-
tre pour rien dans ces Vertiges cra-
pulaires 9 ils s'évanouiffent bientôt
avec tous leurs fymptômes.
Une trop grande application au
jeu ou à l'étude , un amour violent
8c malheureux , une certaine quan-
tité de tabac pris en poudre ou en
fumée , la colère , la fureur ? un coup
de Soleil , une chaleur exceflive , la
petite vérole , fur-tout celle qui doit
être confluente, félon l'obfervation
de Sydenham, la ciguë aquatique (a)
Ç A ) Wepfetus de Cicutâ aquatici».
DU VERTIGE. 127
& quantité d'autres venins qui raré-
fient le fang , produifent le Vertige.
Si la rarefaâion du fang fait naî-
tre le Vertige, la pléthore (a) doit
aufli le produire , parce que la réti-
ne efl: dérangée par le gonflement
de les artères &' des carotides. La.
même choie doit arriver à plus for-
te raifon dans les ophtalmies chro-
niques. DepuisqueRidiey&Ruifch
nous ont appris que la rétine étoic
parlemée de quantité de vaifleaux
ianguins , on conçoit qu'elle doit
s'enflammer auiîi facilement que le
blanc de l'œil. L'artère qui eft au
milieu de cette tunique fe dilate mê-
me quelquefois juiqu'au point d'ab-
forberprefque tous les rayons. C'eft
pourquoi on éprouve alors précifé-
ment ce qui arriveroit , (1 le nerf op-
tique perçoit l'œil directement dans
fon milieu , la vifion ne fe fait que
très-confufément , on aperçoit de
petits points noirs , des mouches-
(4) fxeid Eramenalog. pag. ij,
ai8 TRAITÉ
voler , des nuages monte*5 & clef-
cendre, des phantômes tourner dans
Pair & mille autres chimères qui fe
préfentent durant le jour avec tant
de douleur qu'on eft contraint de
refter toujours dans l'obfcurité.
Il en eft aînfi de l'inflammation des
membranes du cerveau ou de fa fub-
ftance cendrée*, comme il fe forme
alors desaneuvrifmes dans les artè-
res St des varices dans les veines
de cette fubftance,il eft facile de
trouver l'origine de ces Vertiges fi-
xes & violens dont les Phrenetiques
font attaquez.
Là Leucophlegmatîe , la Létar-*
gîe , l'Apoplexie , les migraines ( a )
Violentes & invétérées , le Scorbut *
k Vérole , la Catalepfie , en un
nlot toute humeur aqueufe , fereu-
fe , acre, pituiteufe ,acrimonieufe i
épaiffe , vifqueufe , lente., froide ou
chaude fait naître le Vertige & fes
plus fâcheux lymptômes, pour peu
[>J Am. pag. %^ 17- z%, nr »«6 1J7. nï.
DU VERTIGE. *2$
que la iubftance du cerveau ioit
prefice médiatement ou imméd ate-
ment , ou que fes nerfs foienc irri-
tés. 11 eft aifé d'en déduire les rai-
fons des principes que j'ai établis
dans le Chapitre des caufes exter*
nés non naturelles du Vertige.
Pourquoi , par exemple , ceux qui
ont des migraines violentes & invé-
térées font-ils fujets au Vertige £
Les petits vaificau^c fanguins qui s'é-
lèvent de la dure-mere entre les
dents des futures du crâne , étanE
gonflés de fang , on fent une dou-
leur qui vient de ce que les dents
offeufes ne pouvant céder , les fi*
bres ncrveules de ces vaiifeaux font
extrêmement tiraillées &diftenduës?
La douleur iemble circuler iuivanc
les lieux où fe fait ce gonflement.
Or , fi l'engorgement des petits vaif-
feauxfe communique à d'autres plus
confiderablcs , & enfin aux caroti-
des ,. il eft évident que les nerfs op?
{;qu£$ peuyent êtrç çiçrangez.
%^o TRAITÉ
Pourquoi les Scorbutiques fa)
les Véroles Se les Cataleptiques font-
ils quelquefois attaqués de ce mal ?
Le fang des Scorbutiques eft acre
& diffous ; leurs vaifleaux , à force
d'être rongés par cette âcreré , de-
viennent fort lâches, comme il pa-
roîc par leurs gencives dont le fang
fore pour peu qu'on les preffe. Ju-
gez donc par la ftruclure des vaif-
feauxdu cerveau qui n'ont point de
membrane élaftique & qui font toû-*
jours dans un bain de vapeurs ? com-
me je l'ai déjà dit , jugez , dis-je ,
delà facilité avec laquelle la partie
la plus fluide du fang doit s^échaper
hors de leur cavité , & par confé-
quent prefler la fubftance du cer-
veau. D'ailleurs, pour ne rien dire
ici de la foibîefle des efprits des
Scorbutiques , qui pour cette feule
raifon fon t fi fu j ets au Vertige , com-
me je l'expliquerai dans la îuite , l'a-
crimonie de ces mêmes efprits eft
l a J W'illhie Vsnigine scoifcuticâ, Ti i .p,i53 . if 4.
DU VERTIGE. 251
fi grande qu'elle peut déranger les
nerfs optiques à force de les irriter*
Quant aux Véroîez, fans parler
des tumeurs contre nature qui fé
forment dans leur cerveau & peu-
vent y retarder le cours du fang , fa
feule épaiffeur fait qu'il s'arrête Se y
féjourne long-tems. Ainfi ne pou-
vant refluer aifément par les veines,
il coule en plus grande abondance
par les artères collatérales des yeux
8c des oreilles. Voilà l'origine des
Vertiges f/*) , des tintemens& delà
lurdité aufquels les Vérole^ font
quelquefois fujets.
Dans I3. Catalepfie les artères &
les veines du cerveau font farcies
de fang fort épais , comme on le
voit par la diiïe£Hon. Il n'en1 donc
pas lurprenant que le gonflement
des carotides 8c des vaiiîeaux de
l'œil donne lieu au Vertige téné*»
breux dont les Cataleptiques font
ordinairement attaqués , un moment
l a ] Aftrus de Moibis Yeneseis , pag» 3 » 7?
*3* TRAITÉ
avant que de tomber dans leur ao
ces , comme je l'ai remarqué dans
une jeune Fille Cataleptique dont
pn trouvera i'hifloire à la fin de ce
Traité.
àmmmmmmmmmmmmm$mm
CHAPITRE VIL
Des Evacuations ordinaires ou
périodiques fupprimées.
ON doit mettre au nombre des
caufes idiopathiques du Ver*-
tige toute évacuation ordinaire ou
périodique fupprimée par quelque
caufe que ce foit , fans qu'on lui en
^it fubftitué de nouvelle *? car la plé-
thore s'enfuit néc.eflairement. Jugez
fdonc des effets qu'une continence
trop léyere doit produire, principal-
ement dans ceux qui font d'un tem-
péramment vigoureux & qui fe font
fait une douce habitude des plaifirs
cle l'Arnour. Il n'eft pas néçeiîaire
de
DU VERTIGE. 253
de rappeller ici les préceptes de
Gelfe 8c deLommius. Il eft évident
que le coït trop rare peur exciter
des maux aufïi funeftes que le coït
trop fréquent ; fi l'un épuife nos el-
prits , l'autre nous appauvrit , pour
ainfi dire , de leurs richeffes. Plus la
femence féjourne dans les vélicu-
les feminales , plus elle s'y échauffe,
s'y divife & s'y atténue; ainfi les par-
ties devenues volatiles par la cha-
leur , doivent enfin être abforbéc*s
danslamafledufang de laquelle la
nature nelesavoit pas féparées pour
qu'elles y rentraient toutes. La rai-
fon de cela, c'eft qu'auflî-tôt que
ces- véficules font remplies , la feule
vue ou la feule converfation d une
jolie femme attire la matière au
bout du gland, & l'on eft ordinaire-
ment fujet à des fréquentes pollu-
tions no&urnes*, d'où il fuir qu'une
trop grande quantité de fpermenuir
à nos humeurs par l'extrême raréfac-
tion qu'elle y caufe , & produit aiàli
V
2?4 TRAITÉ
ces Vapeurs , ces Vertiges & ces
H émorrhagies des narines qu'on re-
marque fi iouvent dans la plupart
des jeunes gens 8c des vierges plé-
thoriques.
La fupprefliondesHémorrhoïdes
n'eft pas moins dangereufe ; lorfque
Ja nature a coutume de fe déchar-
ger de fon fuperfiu par cette voye ,
il ne faut pas tout à coup ni tout-à-
fait la lui interdire. C'cft pourquoi
Hyppocrate {a ) avoit toujours loin
d'entretenir l'écoulement libre d'u-
ne Hémorroïde , pendant qu'il ar-
rêtoit les autres par des remèdes
aftringens ; précaution d'autant plus
TiécefTaire qu'il aveit à traiter des
hommes auffi fujets à ce flux , que
nos femmes le font à leurs régies.
• A quelles triftes extrêmkcz ne
£au~ -il donc pas s'attendre quand les
régies viennent tout à coup à être
iupprmées à quelque âge que ce foit,
eu ne paxoiffent point dans une fille
DU VERTIGE. ^ 135
qui n'a point encore connu d'hom-
me ? Des vaiffeaux qui ne font & ne
doivent point être naturellement ou-
verts , cèdent à i'aâicn de la plé-
thore & fouvent par force, les régies
leur lortent par les doigts , par les
narines, par les pores de la tête,par
le poumon , &c. prefque tous nos
Auteurs font remplis de ces exem-
ples terribles. Ou il elles Séjournent
long- rems dans les vaiffeaux , (a )
elles s'y corrompent , infcûent tou-
te la mafïe du iang , les nerfs & les
elprits , & produisent ainfi en peu
de tems le Vertige, l'affedion Hy-
ftérique, la -Cataiepfie, &c.
Il faut appliquer la même doflrine
au crachement de farig,au piffemenc
defang, aux Hémorrhagies des na-
rines, aux lueurs, aux fleurs blan-
ches , aux vieilles Mules , aux ul-
cères trop tôt deiTecHés T aux rhu-
mes du cerveau improprement dits ^
àla pituite , à la faîive , à l'urine , à
!"]■ V. Q,uefji;iy , occonom. animal.
Vij
îj6 TRAITÉ
la gale , à la teigne , & enfin à tou-
tes fortes d'humeurs dont le cours
ordinaire eft interrompu.
CHAPITRE VIII.
t>*j évacuations trop abondantes.
RIEN ne prouve mieux qu'une
maladie peut venir de différen-
tes caufes tout-à-fait contraires que
de voir le même effet , je veux dire ,
le Vertige produit par une évacua-
tion fupprimée , Sz par une autre trop
abondante. On concevra cette vé-
rité pour peu qu'on fafle attention à
la ftruâure des artères vertébrales.
Elles ne confervent leur tunique
mufculeufe que jufqu'à leur entrée
d ans le crâne :*ainfi elles ne doivent
fe contracter proportionellcment au
lang qu'elles contiennent que juf-
qu'à cet endroit, & par conféquent ,
lors même qu'elles deviennent pref-
DU VERTIGE. iî7
que Vuides , on peut dire qu'elles ne
font pas moins pleines qu'aupara-
vanr , eu feulement égard au contai
de leurs parois, Mais ces artères ayant
une fois pénétré dans le cerveau ,
fe dépouille de leur tunique forte
& élaftique , comme )e l'ai déjà dit.
Ainfi elles doivent néceflairenient
s'affaifler , à mefùre qu'elles fe dé-
fempliffent ou qu'il s'évacue plus de
liquide. Mais à mefure qu'il vient de
nouveau fang dans les mêmes artè-
res , ainfi que dans les carotides ,
elles fe relèvent êc s'affaiffent en-
core le moment fuivant qu'il efl
repris par les veines ; ce trémouffe-
ment eft fans doute aflez confi-
dérable pour déranger les nerfs op-
tiques. En efFet,cornme ils ont d'ail-
leurs d'autant plus perdu de leur li-
quide que l'évacuation efl: plusabon-
dante , il fuie qu'ils fontflafques,lâ-
ches , épuifés d'efprits , 8z par con-
fequent qu'ils doivent céder avec
une facilité extrême à la pulfation
%)% TRAITÉ
des carotides qui doit être afiez con*
fidérable pour des raifons que j'ai
dites ci-devant.
Suivant ce rationnement il eft fa-
cile de réioudre ces questions. i°.
Pourquoi les Hydropiques font-ils
fujets au Vertige ôc aux défaillan-
ces après qu'on leur a tiré d'un feul
coup par la ponâion toutes les eaux
du bas ventre ? Les vaifleaux déli-
vrés de la preflion des eaux repren-
nent leur diamètre naturel. Ainfi le
fan g trouvant plus de liberté à cir-
culer , quitte tout à coup la tête Se
fc précipite vers les parties inférieur
res ; ce qui doit faire le même effet
que les évacuations dont j'ai parlé 9
& produit la défaillance , comme
Mqnfieur Sénac l'explique dans- le
Mémoire (a) que j'ai cité. 2°. Pour-
quoi eft-o-n quelquefois attaqué du
Vertige le lendemain du jour qu'on
a trop bu, quoiqu'on ait allez dor-
mi & que l'eliomac n'y entre pour
- t'JPag* H?.
DU VERTIGE. 259
rien *. Parce que la matière crapulai-
re étant évacuée parles urines , par
les feiles &c. il le fait dans les vaif-
feaux un vuide qui dérange les nerfs
optiqueSjComme je viens de l'expli-
quer ? & fait même quelquefois trem-
bler les mains. 3°. Quelles font les
fuites du coït trop fréquent? Il caufe
le Vertige avec de violentes dou-
leurs, d'eftomac par l'épuifemenr;
d'efprits où il nous réduit , Se par
le tiraillement exceflif des fibres de
.ce vifeere.
Il eft aifé de concevoir à préfen£
pourquoi L'abftinenee exceiïive, une
trop long méditation , l'exercice im-
modéré,, le flux menftrud trop co-
pieux , les vomiffemens „ les diiTen-
teries , les Hémorrhagics des nari-
nes,les Hémorrhoïde^ ; pourquoi en
un mot toute évacuation trop abon-
dante peut exciter le Yenig^.
24° TRAITÉ
CHAPITRE IX.
*])e Ufoiblejfe des efprits.
LA foibiefle des efprirs occa-
fionne les mêmes accidens que
leur difette, mais bien plus fréquem-
ment. C'eft la caufe de cette difpo-
fïtlon Vertigineufe qu'on obfervs
dans les uns plutôt que dans les au-
tres 9 laquelle dépend , à mon avis ,
de la lenteur de la circulation. Voici
ma preuve. Si l'homme eft devenu
mille fois plus robufte qu?il n'étok
autrefois, il eft probable que ces
vaifleaux étoient mille fois plus foi-
fcîes , St fon fang mille fois plus
fluide. On ne peut nier cette pro-
portion. Or qui eft-ce qui a donné
tant de forces & de r effort aux fibres,
tant d'épaiffeur ou deconfifïance au
fang du fœtus devenu homme , fi ce
aJeft la circulation ? Et comment
cela 2
DU VERTIGE. z4i
cela ? Si ce n'eft en faifanc que les
Elémens folides & liquides Te tou-
chent par plus de points. Ainfi. la cir-
culation entretient l'union des Elé-
mens,& la rend d'autant plus étroite
& plus forte qu'elle fe fait avec plus
de vélocité. D'où il fuit quefi elle
eft trop lente, non-feulement les fi-
bres feront trop lâches Se trop foi-
bles , mais le fang fera trop fluide 8z
tropdiffousy par conféquent la lym-
phe , le ferum , le fuc nerveux ou les
efprits participeront de ce même
vice : car toutes les liqueurs du
corps font formées de la même ma->
tiere 8c par les mêmes loix , & il y
a fans doute la même différence
analogique entrç les efprits d'une
femme Hyftérique &eeux d'un Pay-
fan robufte , qu'entre le fang ou la
lymphe de l'un & de l'autre. Voilà
la nature des efprits dont Aretée (4)
fait mention, 8c ce que j'entends par
difpofitionVertigineufe. C'ed cette
x
242^ TRAITÉ
extrême fluidité des eiprits qui les
rend fi foibles & fi mobiles, qu'ils
cèdent à la moindre imprefiion , Se
tournent , pour ainfi dire , avec un
cercle. On peut expliquer par -là
pourquoi ceux qui font d'un ten>
pérament timide & craintif, pour-
quoi les enfans & les femmes, & pria?
cipalementlesHyftériques,pourquoi
les Scorbutiques , & fur tout les Epi*
kptiques font (ifujetsau Vertige.
CHAPITRE X.
H}e h cure du Vertige pléthoru
que.
. Â YANT que de palier aux eau*
X~jL fcs lymphatiques du Vertige,il
feroit à propos d'ajouter la cure de
fes caui-sidiopathiquesà la théorie
qui a précédé. Mais comme en les
traitant toutes les unes après les au-
tres , il faudroit fp . jçttçr dans un dé*
DU VERTIGE. 243
tail d'une infinité de maladies qui
font différences du Vertige & qui
par conféquent m'écarteroient trop
de mon principal objet , je me con-
tenterai de traiter les Vertiges idio-
pathiques les plus fréquens , je veux
dire ceux qui viennent de la plétho-
re & de la foibleffe des efprits.
Lorfqu'il eft certain qu'un hom-
me e(l pléthorique , comme il eft à
craindre que les vaifleaux ne fe rom-
pent à force d'être dilatés par la trop
grande prefïion des liqueurs , il eft
évident que la faignée eft indiquée.
C'eft pourquoi Hyppocrate (a) fai-
foit beaucoup faigner les Athlètes,
Se Vanhelmont même ennemi dé-
claré de cette doctrine l'approuve (b)
çn ce cas.
Il eft bon d'avertir ici que je ne
prefcrisla faignée en général , qu'en
fuppofant la pléthore générale ; car
fi elle n'eft que dans les artères ,
[>] AphorH ?. I pic. 4. Numéro if.
f>]DeFeWibas, Ca» \
244 TRAITÉ
comme il arrive le plus fouvent ,
les veines font alors prelque vuides,
Pourquoi donc les ouvrir? Ne iuffi^
rôit-il pas en ce cas de diffîper la
raréfaction des liqueurs artérielles
en excitant les Hémorrhoïdes & les
Hémorrhagies des narines ? En efFec
les artères reprennant par-là leur ret.
fort naturel feroient en état de pouf*
1er dans les veines le fuperflu du
lang qui les fuffoque. Mais voici
d 'autres moyens plus fimples Se pref-
quVaffi efficaces que la Phyfique
nous découvre.
Il efl démontré qu'un fluide quj
coule d'un petit canal élaftiquedans
un large vaifleau qui n'a point de
refïbrt , y croupit en quelque forte ,
fant il s'y meut lentement. Si donc
]i$ diamètre de toutes les veines pri-
(4$ enfemblc devient trois fois plus
coniidérable que celui des artères,
i! fuit ? toutes chofes égales, que les
deux liersde la niaffedu fangpour^
îo.u.çtre contenu dansleç yeinçs
DU VERTIGE. i4ï
Or jufqu'à quel degré ne pourroic-
on pas augmenter leur capacité ?
L'eau pénétre dans leur cavité par
toutes forces de voyes^relâche leurs
fibres , affoiblit leur tiflu & par con-
léquent les dilate d'autant plus qu'el-
le cil: abondante & qu'elle y féjour-
ne p!us long-tems , comme on !e
remarque dans lesHydropiques dont
les veines font très - larges parce
qu'elles font prodigieufement gon-
flées d'eau, pendant queleursartéres
font petites, fechcs& arides ; voi-
là en paffant la caufe de leur foif
continuelle.
On doit inférer de ce raifoniie-
ment que la boiffon ordinaire dans
le Vertige pléthorique doit être de
Peau & par conféquenr que les Bains
font fort falutaires, par cette feule
raifon qui eft que les veines fe dc-
femplifîent en faveur des artères ' , &
■qu'ainfi la circulation fe fait plus li-
brement. Je dis par cette feule raifon,
afin de faire remarquer que l'eau
Xiij
a46 TRAITÉ
ne rend point par elle-même le fang
plus difîbus , comme on le voir par
les expériences de Ruifch & de
Bocrhaave & parle fang des Bu-
veurs d'eau qui n'eft jamais fluide ,
qu'à caufe de la foiblefle de la cir-
culation qui vient elle-même , com-
me nous l'avons dit,du relâchement
des fibres que l'eau procure,
La nourriture doit être très-légè-
re*, il faut étouffer , s'il eft poffible,
les fortes paffions & chaifer les idées
amoureufes , qui caufent trop de
mouvement dans la machine. Le
fommeil trop long eft fort nuifible
principalement le jour 8a après le re-
pas ;, mais en quelque tems qu'on fc
couchera tête doit toujours être fort
éievée. Enfin on doit éviterla lumiè-
re , le bruit; &c. Se tout ce qui peut
augmenter la rarefa£Hon du fang.
Quant aux médicamens antiplé-
thoriques,!es principaux font le Mi-
tre,le Tartre fans préparation, l'eau
deSureau,de Cerifes?de Grofeilles^
DU VERTIGE. 247
&c. Toutes les plantes qui augmen-
tent la circulation du fang?telies que
le Romarin , le Thinje Serpolet ,
la Marjolaine & autres fort célèbres
dans la cure du Vertige font très-
dangereufesdans le Vertige plétho-
rique , Se ne conviennent peut-être
que dans celui qui vient de la foi-
blefle des fibres & des efprits. L'e-
xercice même qui efl fi falutaire dans
ce dernier cas , comme nous le ver-
rons dans la fuite , efl nuifible dans
le Vertige pléthorique , quand la
pléthore eft parvenue à fon dernier
période. Tant il eft vrai qu'il -y a une
infinité de maladies comprifes fous
un même nom , qu'un remède qui
eft falutaire dans un cas , eft nuifible
dans un autre, parconféquenc qu'il
n'eft point de fpécifiqueuniverfel &
qu'en un mot un bon Médecin doit
être efeiave de la circonftance Se fui-
vre toujours la marche delà nature.
Qu'il faut en effet de prudence \ de
■lagacité&dedoârine dans une pro-
Xiiij
248 TRAITÉ
fefïîon qui traite de la vie des hom-
mes , & dans laquelle la moindre fau-
te eft de la dernière conféquence!
Il ne fuffit pas de guérir la plé-
thore a&uelle , il faut prendre garde
qu'elle fe régénère, C'eft ce qu'on
n'a point à craindre dans ceux qui
ont la bile & l'urine acres ; car il eft
impoffible qu'ils deviennent gras , à
moins qu'on ne puiffe corriger la
grande âcreté de ces humeurs. Mais
îorfqu'elles font naturellement affez
douces,on acquiert en peu de tems
non-feulement beaucoup d'embon-
point , mais la pléthore fe reproduit
facilement , comme on l'obferve
dans les jeunes gens robuftes qui font
plus de fang qu'il ne leur en faut
pour croître, & qui pour cette rat-
ion font fi fujets au faignement de
nez , au Vertige & à différentes ap-
paritions qui fe préfentent lorfque
le fang eft prêt à couler , & qui fe
diffilpent aufïî-tôt après cette éva-
cuation, fiellen'eft pas trop abon-
DU VERTIGE. 249
cUnte. Pour obvier à la récidive du
Vertige pléthorique , après l'ufage
des remèdes que je viens d'indiquer,
jeconfeille celui des plantes ameres
Se acres telles que l'Abfinthe, le
chardon bénit, la petite Centau-
rée,le Marrhube blanc , la racine de
Gentiane, &c.
CHAPITRE XL
Cure du Vertige qui vient de U
faible jfe des efprits*
LE fuc nerveux n'eft Ci mobile
ni Ci aifé à mettre en déroute
que parce que le fangeft trop fluide
ou trop diflbus ; le fang n'efl trop
fluide & trop diflbus que parce que
les fibres font trop foibles ou trop
lâches: enfin les fibres ne font Ci dé-
biles que parce que les liqueurs ne
circulent pas avecaflezde vitefle:
toutes ces chofes ont été clairement
■ayo TRAITÉ
prouvées ci-devant: toutes les cau-
fes qui augmenteront la circulation
du fang, fatisferont donc ici à l'indi-
cation thérapeutique ; lefrotemenc,
par exemple ? peut furpaffer laâion
des folides les mieux conditionnés,
il fait palier plus vite le fang des ar-
tères dans les veine$j& des veines au
cœur : le cœur fe contra&ant plus
fréquemment , la même quantité de
fang eft plus fouvent pouflee dans les
artères -, 8c par conféquent le fro-
tement augmente la circulation y
comme il paroît par le pouls qui re-
double de viteffe, tandis qu'on fe
fait froter ; l'aâion des fluides fur
les folides eft donc plus fréquente ,
& par conféquent les folides doivent
réagir plus fouvent fur les fluides.
Or cette réaâion n'eft autre chofe
que laproximationdesélémens qui
compofent les fibres , le contad plus
f rré , plus intime des fibres qui en-
tent dans la compofition des vaif-
ieaux ; d'où ii fuit queîefrocement
DU VERTIGE. aji
rend les fibres plusfolides , plus for-
tes & plus élaftiques. Or plus les vaif-
feaux acquièrent d'élafticité, plus ils
font en état de comprimer les fluides
qui circulent dans leur cavité , & il
cil certain que c'eft de cette preffion
que dépend la confiftance du fang &
celle des efprits. Puifque la force de
la circulation rend le ciffu des fibres
fi compafl , on demande pourquoi
les entàns dans lefquels le fang cir-
cule fi promptement ont les fibres fi
foibles & fi lâches : je répondsà cet-
te objedtion qu'il faut distinguer la
circulation qui n'efttjue propre ou
rapide, d'avec celle qui eft rapide Se
forte. A la vérité le fang circule avec
beaucoup de vitefle dans les enfans;
mais comme il eft fort aqueux , il
ne frappe que bien foiblement les
parois des vaiffeaux , dont il élude,
pourainfi dire, la réaâion; au lieu
que dans un âge plus avancé , les li-
quides feconvercifiant prefque tous
en fang rouge, vont attaquer les vaif-
252 TRAITÉ
féaux avec plus de force,& les provo-
quent ainfi à un combat plus vif
éc plus ardent. D'où Ton e(l en droit
de conclure que les enfans doivent
avoir les fibres foibles > quoique leur
fang circule promptement , 8c que
la confiftance des humeurs dépend
de la force avec laquelle les fluides
8c les folides agiffent les uns fur les
autres.
L'équitation eft auffi un des
moyens les plus efficaces pour re-
médier au genre du Vertige dont il
s'agit. Je n'ai prefque rien à ajouter
à l'éloge que Sydenham en a fait. Je
remarquerai feulement que comme
l'air agit en raifon de fa viteffe * il
n'eft rien de plus falutaire que de
galoper contre le vent. Les vahTeaux
extérieurs du. corps & ceux du pou-
mon fe rafermiffent par-là en peu de
tems d'une façon fort fenlible. Les
Dames qui ne font point dans Pha-
bitude d'aller à cheval i peuvent fe
faire porter en chaife ou en carroffe.
DU VERTIGE. ayj
Le mouvement d'un VaifTeau fur la
Mer produit à-peu-près les mêmes
effets* En un mot tous les différens
genres d'exercice augmente la
tranfpiration, comme on le voit par
l'appétit qu'ils augmentent , & les
felles qu'ils diminuent. Ce qui prou-
ve qu'il sjeft plus féparéde chyle des
alimens 9 Se que conféquemmenr les
folides ont acquis plus de reiTort. On
conçoit à prêtent pourquoi les An-
ciens regardoient le frotement &
Pexercice comme la bafe de leur
thérapeutique dans les maux qui pn>
viennent de pure débilité ? tels que
la Phtifie, le Rachitis, &x. Ceux qui
feront curieux de connoître les dif-
ferens genres d'exercice qui étoient
autrefois en ufage à Rome 9 peuvent
UreCelfe pag. 23.
Tous les remèdes qui rendent le
cours des liqueurs plus rapide font
donc ialutaires en ce cas, pourvu
qu'en même tçms ils ne relâchent
pas lps £b?cfe ? tels que lç Thé ou k
a 54 TRAIT É
Caffé : car quoique ces liqueurs dif-
fipent quelquefois tout à coup de pe-
tits nuages de vapeurs , il s'en forme
dans la fuite de bien plus confidé-
rables , comme on le remarque en
Hollande où les femmes font en gé-
néral plus fujettesà ces maladies que
les Françoifes , parce qu'elles boi-
vent fans ceffe du Thé & du CafFé ,
& font dans un climat plus humide.
Outre ces préceptes, en voici d'au-
tres plus importans qu'ils ne le pa*
roiffent. Il vaut mieux demeurer au
fécond, troifiéme ou quatrième étage
qu'au premier ; plus le lieu ou le pays
qu on habite eft humide , plus il faut
profiter de cet avis. Les vapeurs
groflieres qui s'élèvent de terre juf-
qu'àune certaine diftance relâchent
les fibres. Lorfqu'on demeure ji rez-
de-chauffée , le lit où l'on couche
doit être un peu élevé , félon l'ufage
ordinaire des Hollandoisqui font
obligés de fe fervir d'une petite
échelle pour y monter, Sans cette
DU VERTIGE. 2yj
fage précaution ils feroieiK conti-
nuellement comme clans un bain de
vapeurs. La chambre où l'on cou-
che doit être boifée fans verni 5 le
bois fecabforbe l'humidité de l'air
qui voltige fur la furface huiîeufe de
la peinture ? comme on le voit par
les feis qui fe fondent auprès des mu-
railles peintes. C'eft une remarque
que les Chimiftes Se les Apotiquaires
ont faite il y a long-tems. Les cou-
vertures du lit doivent être chauffées
tous les foirs Se le lit baffiné. La cha-
leur diiïîpe les parties aqueuies qui
font entre les élémens fibreux , Se
par conféquent rend les vaiiïcaiiX
plus folides. C'eft dans ce fens qu'on
dit que les fièvres ardentes deffe<-
chent Se brûlent. Cette précaution
eft principalement néceffaire aux
R achitiques. On doit toujours avoir
le corps un peu ferré : (a) plus le dia-
mètre des vaifTeaux fe rétrécit , plus
la chaleur s'augmente , parce que la
la] Boerhaavc ds Fibrâ *kbili & lasâ , Aph, zg . 3,
256 TRAITÉ
force du cœur eft toujours propor*
tionnelleàla réfiftancedes artères.
Voilà en même-tems la raifon pour
laquelle la gl^ce rend les mains fi
chaudes. On ne devroit aufTi porter
en ce cas que des chemifes de fla-
nelle fine lèches & toujours chauffées
avant qu'on les prenne. La toile ne
convient qu'à ceux qui tranfpirent
trop , & il efl démontré qu'on tranf-
pire trop peu dans ces maladies. Il
fait que l'air eft d'autan tplus falutaire
qu'il efl plusfec. Enfin pendant tout
le tems de la cure on doit fuir tous
les objets qui tournent en rond &
qui caufent le Vertige. Ce n'eft que
lorfqu'onefttout-à- fait rétabli, qu'on
doit peu à peu s'y accoutumer , jet-
ter les yeux fur tous les coros mus
circulairement , regarder de haut en
bas , marcher hardiment dans des
chemins étroits , aller fur la mer, ga-
loper à cheval en mille iens difië-
rens , &c. je ne doute point qu'en
ebfervant exactement ces préceptes
on
DU VERTIGE. 257
On ne guérifle parfaitement la plu-
part des Vertiges & des vapeurs qui
viennent de la débilité des fibres 8c
des efprits. Tant il eft vrai que la
Médecine n'eft autre chofe que le
jugement éclairé par la Phyfique.
Si vous trouvez ces principes fon-
dés fur de juftes idées de l'économie
animale , voici le régime de vivre
qu'il faut fuivre en conféquence. 1 °.
Pendant tout le tems de la cure , je
confeilîe l'ufage du lait , s'il tîe s'ai-
grit point dans l'eftomach. Le meil-
leur lait eft celui d^ne femme faine
qui ne croît plus, qui fait de l'exer-
cice, qui fe nourrit de bons alimens.
Il faut boire le lait tout chaud for-
tant des mammelles,ou téter la nour-
rice auffi-tôt après fa dernière dïgef-
tion ; après le lait de femme dont la
nature eft la plus analogue à la nô-
tre, parce qu'il contient le plus d'é-
lémens terreftresou fibreux, le meil-
leur eft celui d'ânefle , enfuite celui
de Chèvre & celui de Vache. Quel-
Y
a58 TRAITÉ
que le lait qu'on prenne on ne doit
point le faire chauffer: l'aciion du
feu change ou aîtére la bonne qua-
licé en faiiant évaporer les particu-
les lubtiles & nourricières.
2°. Les œufs frais fortant du corps
de la poule iont ici d'un grand fe-
cours. Selon les obfervationsdu cé-
lèbre Malphigi (a) le blanc d'œuf
frais forme dans l'efpace de vingt &
un jours le corps entier d'un poulet
par la chaleur naturelle de la poule
qui couve l'œuf. La chaleur de
l'homme eft femblabie â celle de la
poule v le Thermomètre de Fahren-
heit en fait foi. Il doit donc fe chan-
ger dans le corps de l'homme en
parties très-folides. D'ailleurs les ex-
périences chimiques que Monfîeur
Boerhaave (h) a faites fnr la lym-
phequi eft lamatieredela nutrition^
démontrent clairement la parfaite
PT'C.» I r>e ovo ïncubaro | [ b 1 Elément. Chiïru
êc de formatione çulli in ; T. a. in Animalia*
DU VERTIGE. 259
analogie de ces deux iubftances. Le
blanc d'œufeft donc une excellente
nourriture dans la débilité des fibres
& des efprits , principalement ii on
le délaye encore chaud dans de l'eau
& du lait fans l'approcher du feu.
30. Les bouillons de viande font
aufîî d'un bon ufage ; l'animai donc
on prend la chair pour les faire ,
doit être jeune , fain , & doit avoir
fait de l'exercice. Après avoir entiè-
rement dégraiffé la viande, on la
coupe par petits morceaux , & on
la fait cuire dans la machine de Pa-
pin ou dans toute autre femblab.ie ,
afin que le fuc de la viande le piuf
fubtil& lepiusnourriflant ne fe dijV
fipe point.
40. On ne doit fe fervir que dé
pain qui a bien fermenté Se qui ef|
bien cuit , p;)rce qu'il perd par- là fa
vilcofi'té qui relâche les fibres & le
rend indigefte. On peut le préparer
de.bien des façons, en pan£e, en rô-
ties avec du vin,en gelée, eh- crème *
&c. Y il
260 TRAITÉ
5°. La boiflbn doit être de la Bicr-
re , que les Hollandois nommenr
Brunfwkoudu Vin; Peau la plus
légère eft toujours plus pefante que
le vin, parce qu'elle contient plus de
parties Hétérogènes : elle doit donc
relâcher ou affoiblir les fibres , 8c
ainfi tous lesalimens aqueux & gras
font contraires au mal dont il s'agit.
Au contraire l'efprit qui eft contenu
dans le vin donne de lafoliditéaux
vaiffeaux jufqu'au point de les ra-
cornir enfin, comme on le remar-
que dans les cadavres de ceux qui
ont bû beaucoup de liqueurs fortes
& fpiritueufes. Cette boiffon doit
donc être prife modérément. Il faut
imiter la nature qui a percé les pa-
pilles des mamelles de très-petits
trous afin que les enfans ne puflent
pas téter à la fois une trop grande
quantité de lait. Mais pour que le
vin faffe plus d'effet dans l'eftomach ,
&nepaffe pas fi vite dans les fécon-
des voyeSj il faut en faire des rôties
DU VERTIGE 261
avec de la canelle & un peu de lu-
cre. J'ai guéris des femmes très-dé-
licates,Hyftériques& Vertigineufes
par l'ufage prudent de ce Cardiaque
qui feroic bien plus recherché 9 sTil
étoit moins commun.
Pour ce qui regarde les remèdes
Pharmaceutiques 9 il n'en efl point
fans doute de plus efficace en ce
cas que la Limaille d'Acier*, on n'en
preferit I'ufage qu'après avoir bien
préparé les premières voyes ; les ex-
périences Chimiques de M. Boer-
haave me font croire avec raifon
que fon Souffre Métallique fe diffouc
8c s'abforbe par l'acide, dont le ven-
tricule des perfonnes foibles efl né-
ceflairement rempli , & qu'il y pro-
duit un efprit fort chaud qui n;efl
du tout point acide. Tout le monde
fçait que le Mars contient encore
4in autre principe qui efl le plusaf-
tringent&: le plus confondant de
tous les corps. Toutes les fois qu'une
fille affligée des pâles eoulcuts éa
262 TRAITÉ
nie , fon pouis devient élevé & plus
prompt, les parties extérieures de
ion corps s'échauffent , ion Vifage
prend une couleur vive & vermeille,
d'où il fuit que les vaifleaux ont ac-
quis par ce remède plus d'élafticité ,
8z les fluides plus de confidence.
C'eft ainfi que le Mars donne aux
viiceres la force de changer le chyle
en fang rouge , fur-tout fi en ufanc
de ce grand remède, on fait tous les
jours un peu d'exercice. Car j'ai fou-
vent remarqué que ians cela ce mê-
me mal le régénéroit peu de tems
après avoir diiparu. Les Vapeurs &
les'*Vertigesqui viennent de la pure
débilité des fibres fe diffîpent par l'u*
fagedu même remède. Mais il faut
des mains prudentes pour l'admini-
ftrer 9 Se bien connoître le tempéra-
ment de ceux à qui on l'ordonne.
Ceux qui aiment les formules tou-
tes faites en trouveront ici plufieurs
dont je me fuis fer vi avec fuccès.
ft. D'Opiate de Romarin, une
once.
DU VERTIGE. z6}
De Cachou à la Violette, deux
dragrocs.
De Maftic , une demie dragme.
De Gelée de Coings , une once.
Mêlez le tout avec S. Q. deSyrop
de Myrte \ la doze de cette Opiate
eft une demie dragme ou une drag-
me de trois heures en trois heures.
m. D'Ecorces de TamarilCj
De Canelle ,
De Quinquina ,
De Fleurs de petite Centaurée,
parties égales, une demie once.
De Pierre Hématite, une demie
dragme.
De Limaille d' A derXixdra^mes*
De Sauge ,
De Stécas Arabique, parties éga-
les, une once.
De Vin d'Efpagne^ieux peintes
& demie.
LaiiTez le tout en cfigefficHi pen-
dant deux ou trois iours, vous- aurez
du Vin fort agréable au goût Se ex-
cellent dans l'Hydropifie, le Verti-
264 TRAIT Ê
ge , les Vapeurs & les Pâles Cou-
leurs. La doze de ce Vin eft trois
Verres par jour.
Ou enfin ,
Prenez des feuilles de Lavande,
De Romarin ,
De Marjolaine,
De Sauge ,
De Stécas Arabique , Sic. par-
ties égales , une demie poignée.
Il faut que ces feuilles foienttrès-
féches avant que de les pulvérifer ,
on fume de cette poudre comme*.
duTabac,&on faitpaffer la fumee
par le nezjcette fumée qui eft agréa-
ble à l'odorat fortifie la membrane
pttukaire de Schneider Se le pou-
mon : ainfi elle convient non-feulo
ment dans le relâchement des fi-
bres , mais dans les rhumes du cer-
veau improprement dis qui caufent
eux-mêmes quelquefois le Vertige ,
comme il eft aiféde le concevoir.
Voilà un afïez grand nombre de
formules ; il eft aifé d'en faire 81 de
les
DU VERTIGE. 265
les varier à l'infini , quand on con-
noît parfaitement les caufes& lesfî-
gnes des Maladies , quand on fçait
dévoiler les diverfes formes fous lef-
quellcs elles fcmblcnt le cacher, dé-
bouiller leurs complications & in-
terpréter , pour ainfidire , le langa-
ge équivoque de la nature. Sans cela
il cft impoffible d'être heureux dans
la pratique. L'expérience même la
plus confommée n'eft qu'une routi-
ne incertaine , pour ne rien dire de
p!us,quand elle n'eft pas dirigée par
les lumières de la Phyfique, par une
étendue de génie capable de com-
biner plufieurs fymptômes, de rat
fembler fous un feul point de vue
une foule d'idées à la fois , & en un
mot par cet efprit de difcuiïion qui
eftla clef de toutes les Sciences,
»7<5 TRAITÉ
CHAPITRE XII.
O^j eaufes /ympathiques du Ver-
tige.
JE vais entrer dans le détail des
çaufesfympathiques du Vertige,
1°, Loriqù'il y a iong-tems qu'on
0 mangé 9 le pilore §(ï flâfque & re-
lâché, par conféquent S'il y adeç
vers dans les inteftins , ils n'auront
pas de peine à monter dans l'efto?
ina^. Voilà une caufe fréquente
des convulfions , du Vertige & de
rSpilepfîe des enfans. Âinïï lorfque
ces mm% paroiffent après une trop
kmgue abftinence, ou lorfqti'on a
lieu de foupçonncr des vers?ondoic
§rftptayer dés Aftcàelmintiques ou
4^ forts purgatifs.
%°. I^abiïe monte auffi dans l'efto-
mac après des jeûnes trop rigou^
reuK ,'elleyeft continuellement ex*
DU VERTIGE. %6j
tiède dans fon paffage , il n'eftdonc
pas furprenaat qu'après avoir féjour-
né quelque tems dans un vifeerc
aufli chaud &auflî proche du cœur,
elle s'y brûle , comme parle Durer f
(*}■ s'y f utrefie , s'y alçalife ; ce qui
produit des exhalaifons corrompues
qui irritent les nerfs de Peftomac ,
Se par conféquent ceux du cerveau
qui leur font continus. En ce cas H
faut avoir recours à TOximel , à la
crème de Tartre , au Sel Polycrefte,
au Tartre vitriolé , aux Tamarins ,
&c. vomitif, purgatif, tout doit être
antifeptique,il faut, pour ainfi dire,
baigner le corps dansde l'acide.
j°. La colère & la fureur produi-
fent les mêmes effets, ces paflions
agiffent avec violence fur les con-
duits bilaires qui s'ouvrent dans le
duodénum, Ainft la bile doit mon-
ter ^dans le ventricule & s'y corrom*
pre. Ce qui prouve qu'Homère ,
Hippocrate,&ç.n'avoient pas rai?
0] Oucct, in coaco Hipjpoccat.
2'j
z6$ TRAITÉ
ion de regarder la bile comme4 la
Tource de ces paffions.
4°. Voici une nouvelle fource de
calamités. Pour peu qu'il fe trouve
d'acide dans l'eftomac , Je laie s'y
coagule. La partie coagulée ne pou-
vant parler par le pilote , féjourne
dans la cavité de ce vifeere & s'y
aigrir. La même chofe arrive , à me*
furc qu'on prend.de nouveau laie. Il
n'y a que ù férofité qui s'échappe
dans les fécondes voyes, la partie
caleufe s'unit à celle qui y efl reftéc
8z s'aigrit encore. Ainfi l'eftomac
fe trouve enfin farci de fromage ai-
gre, Voilà une nouvelle cauie des
coavuifionsVertigineufes & Epilep*
çiquesdes enfens."*
... parcourons les autres çaufes fy n>
pathiqiies.qui ont leur fiége dans
l/elioniac. Loffqu'on a trop mangé,
fcs principaux va i fléaux font acca-
blés par le poids des alimens, par
coniçquenc .ils perdent beaucoup
de leur diametrç, Or cela ne peiiç
D*U VERTIGE. 299
arriver que le cours du fangn'y ioic
interrompu; ainfi il n'y a que les
rameaux qui rampent autour de ies
orifices dans lefquels la circulation
foit libre. Tous le fan g & tous les;
efprits qui étoient auparavant diftri-
bucs par tout ce viicere , doivent
donc ie porter avec impétuofité vers
ces deux ouvertures , ce qui fait
qu'elles fe contractent avec violence
&fe ferment fpafmodiquemënt. Que
devient alors la matière dont le ven>
tricule eft furchargé ? elle s'échauffe,
fe rarefie,&fe putréfie. Il fort de fou
feindes vapeurs putrides qui irritent
les nerfs du ventricule, oufe portent
au cerveau par la circulation. D'ail-
leurs ceuxqui connoifient lâfituation
de l'Aorte, ne peuvent douter qu'elle
ne perde de fon diamètre par la pref-
fion de ce vifcere , d'où il fuit qu'il
monte d'autant plus defangà la tête
qu'il cuva moins aux parties inférieu-
res; ce qui forme un Vertige plétho-
rique.auquel les gens de lettres font
Z iij
aTO TRAITÉ
principalement fujets parce qu'ils
écrivent ou s'appliquent à l'étude
auffi-tôt qu'ils font forcis de table.
Les effets de la crapule fontfcm*
blables à ceux delà gourmandife.
Le ventricule étant dilaté au-de-là
de fes forces naturelles , le pilore fe
bouche fi exactement , qu'il nelaiffe
pas paffer une feule goutte de li-
queurs dans les inteftins. Voila la
caufe de mille maux dangereux. Le
Vertige Se l'Apoplexie ne paroifTcnt
que comme les avant-coureurs d'une
mort certaine. Ce que je dis ne re-
garde pas feulement l'excès du vin,
mais l'excès du cidre, delà bierre,
du petit lait , de l'eau commune
froide ou chaude , du thé, du caffé,
des eaux minérales , &c. une trop
grande quantité de liquide quel qu'il
foit excite des Vertiges crapulaires
plus dangereux que ceux qui vien-
nent de l'yvreflfe ; car ceux-ci dif-
paroiflent auffi-tôt que tout l'efprit
du vin fuperflu s'eft exhalé, & que
£>U VERTIGE, 171
par conféquent les folides & les li-
quides ont repris leur jufle équilibre.
Ceft pourquoi le fommeil fcul diffi*
pe toutes les illufions de l'yvreffe,
à moins qu'il n'ait refté de mauvai*
fes humeurs dans l'eftomae*
Uneépingle,une aiguille ^un mof*
ceau de verre * ou de criital , ud
noyau , une petite pierre 3 des gruh
meaux de fang : en un mot toute
matière qui bouche le pilore 9 peut
caufer le Vertige & fes plus cruels
fymptomes, Vanhelmont (a) racon-
te l'hifloire de fon coq qui couroit
de côté dans fa cour , tomboitfou-
venr en arrière, ne ferele voit que
pour«aller donner contre une porte
<les coups violens de fa crête & d©
fon front, & mourut ainfi dans uri
accès terrible de Vertige. On Vmm
vrif , Se l'on ne trouva.d'autfe caufe
d'une mort fi extraordinaire qu'un;
petit cailloux qui bouchoit exaite*
ment lepilore. Cet Auteur raconte
171 TRAITÉ
pluficurs aunes faits qui confirment
celui-ci. Ruifch fait mention d'une
jeune fille qui mourut après avoir
avaliéune aiguille qui s'arrêta au pi-
lore. Prelquc tous les Livres font
remplis de pareils faits.
Je n'ai garde de pafler fous filence
la raréfaâion de l'air dans le ven-
tricule. J'entens non-feulement l'air
que nous refpirons, mais celui qui
ell contenu dans les alimens > 8c qui
en fort par la chaleur des parties où
ils féjournent. Cette raréfaction eft
quelquefois fi confidérable , qu'elle
caule de violens Vertiges auiquels
les Vieillards font principalement
fujets , parce qu'ils font remplis de
vents ; en ce cas il fuffit de relâcher
les parties contra&ées , ou d élargir
leur diamètre par des remèdes hui-
leux Se aqueux. Le canal étant ou-
vert depuis la bouche jufqu a l'anus,
vents, pets, rots, borborygmes , tout
l'air raréfié s'echape par l'une ou l'au-
tre extrémité. G'eft pourquoi je fe-
DU VERTIGE. 17?
rois allez de l'avis de Vanhelmonc
qui a plus de foi dans cette dilatation
des conduits que dans tous les pré-
tendus carminatifs.
Voici une belle obfervationd'A-
retée. (^)Lorfqu'un abcès du foye
vient à s'ouvrir , on elï lujet au Ver-
tige 8c à les plus cruels fymptôrnes.
C'efl: ici qu'il faut beaucoup de ju-
gement & de pénétration pour dé-
couvrir la cautedes triftes cataftro-
phes qui furvienoent. Si on les at-
tribue à quelque caufe idiopathique,
on ordonnera des iaignées qui feront
périr le Malade,tandis qu'il ne s'agit
que de purger entièrement cette vo-
mique. Car on a beau faire , aucun
fy mptôme ne fe diffipe que lorfqu'on
en a fait fortir tout le pus qu'elle
contient. Ce qu'on dit du foye peut
s'appliquer à tout autre vifeere. Ju-
gez combien cette oblervation efl
utile dans la pratique. Liiez l'ancien
Auteur que je viens de citer 9 c'efl
(<* ) Aret.pag, 127. \z%>
274 TRAITÉ
le plus parfait Ecrivain , & î'Gbfeî*
vateur le plus exa£t qu'on ait vu de-
puis Hyppocrate.
La Péripneumonie n'eft jamais
plus dangereufe, quelorfqu'eile efi:
accompagnée du Vertige. Mais ce
fymptôme ne vient certainement pas
des vapeurs qui s*élevent du pou-
mon au cerveau , comme on fe l'i-
maginoit avant Harvée. Depuis que
cet illuftrc Auteur a découvert la
circulation , on ne peut douter que
l'inflammation des artères capillaires
du poumon n'empêche une partie
dufangde parler dans le ventricule
gauche , ainfi il doit s'accumuler
dans le ventricule droit,dans laveine
cave, dans les jugulaires, Se par con*
féquent dans le cerveau \ de forte
qu'enfin les carotides & les artères
de l'œil venant à fe gonfler , les Pé-
ripneumoniques font faifis du Ver-
tige le plus violent. On peut être
pris du Vertige pour la même rai-
fcn en faifant de grands effortspour
D U' VERTIGE- ±7*
porter des poids confidérables'jcar la
grande quantité d'air qu'on retient
alors dans le poumon empêche l'ac-
tion de ce viicere,& comprime l'ar-
tère pulmonaire. Ainfi le fang n'y
pouvant circuler qu'avec peine 9
s'amafle dans le cerveau , comme je
viens de le dire. Voilà en paffant une
des caufes de la colique néphrétique
ou de l'inflammation des reins -, car
le fang qui s'étoit accumulé dans le
poumon pendant tout le tems de
l'infpiration , eft pouflee après l'ex-
piration avec tant de 'force dans le
ventricule gauche , & dans l'Aorte
qu'il fe fait paffage dans les petits
vaiffeauxdes reins , les dilate &les
enflamme d'autant plus qu'ils luire-
fiftent moins. Il eft aifé de conce-
voir à préfent pourquoi on peut être
pris du Vertige à force de courir ,
de retenir fon haleine , d'éternuer ,
d'avoir le col ou la tête ferrée.
La maladie nommée Choiera 9 (a)
ta J Asetatusj^. 14*
a76 T R A I TÉ ,
l'affeflion Hyflérique&: Hypochon-
driaquc, de violentes palpitations U)
du cœur , du fang grumulé(^) dans
l'eftomac , le rhume du cerveau
improprement dit , un Polype, !?Hy-.
dropilie Afcite, la Gfoflefle, l'ufage
de l'Opium ( c ) de petits vers ca-
chés dans les replis delà membrane
pîtuitaire de Schneider , certains
vents , (d) certaines fai forts , la Ci-
guë aquatique, la moindre particule
de venin , un ulcère ( e ) dans les in-
teilins : voilà les principales càufcs
du Vertige Symphatique. En un mot
pour faire une petite récapitulation
de tout ce qui a été dit ci-devant ; ii
faut conclure que tout ce qui affai-
blit ,épuife, trouble ou fixe les ef-
prits \ que tout ce qui irrite ou corn*
prime médiatement ou immédiate-
ment les nerfs ou la fubftance du cer-
veau , 8z enfin que tout ce qui empê-
che le fang de circuler par les parties
!>] Aret. p. i6.j>]p »?•] [«*] Hîppocrat. Scft. î.
[ c ] Monon ce febtîfoïxsl'Àpir- >'• i?> *?.
fft jjenece a jp 3&, | [c] Àiessus, p* éi.
DU VERTIGE. 277
infcrieures3peut cauier le Vertige. Il
cft à propos de remarquer que de
deux Ver tiges, il y en a un. qui vient
de quelque dérangement del'efto.-
mac. Vanhelmont (a) a fait de
grands efforts pour prouver cette vé-
rité qui étoit connue de prefque tous
les Médecins qui l'ont précédé.
Voilà l'hifloire générale d'un mal
très-fréquent & peu connu ; tous les
Auteurs qui en ont écrit font à peine
digne d'être lus, excepté l'élégant
Aretée & le fubtil Bellini qui m'ont
fervi de guides: encore , j'ofe ledi*-
re, ni l'un ni l'autre n'en a traité
âflez au long ni avec affez de mé-
thode. Si les jeunes étudians en Mé-
decine retirent quelque fruit de ce
petit Ouvrage , je croirai avoir bien
profité de l'heureux loifir dont un
jeuneMédecin jouit iong-tems avant
que la pratique le détourne tout-4*
fait de Fétude de fa profeflion,
f <*] Vanh'elm. Pyhrtis Reffor. N, 24,
FIN. •
a78 CATALEPSIE
DESCRIPTION
D'UNE CATALEPSIE
HYSTERIQUE.
HELEINE Renault de Saint
Malo âgée de 17. ans , &
Olive fa fceur aînée furent atta*
<juées, l'une le 1 1 8c l'autre le 1 5. du
mois de Mars dernier , d'une affec-
tion Hyftérique caufée par la fup-
preffion de leurs régies. L'aînée n'en
eue que cinq ou fix accçs çonfécu-
tifs& fut bien-tôt radicalement gué-
rie 7 grâce aux Emménaguoges &
aux Hyftériques que je lui fis pren-
dre , & qui lui rendirent fes menf-
truës : la cadette ne fut pas fi heu-
reufe , les remèdes qui rétablirent fa
fœur ne firent qu'irriter fon mal.
Après dix oudouge accès qui nefu»
HYSTERIQUE. 279
rent qu'Hyftériques,ellc tomba dans
une véritable Se parfaite Catalepfie ,
fymptômes de vapeurs , métamor*
phofe nouvelle , dont aucun Au-
teur,que je fçache,n?a fait mention,
"Les doigtsjes phalanges des doigts,
Je poignet, l'avant-bras , le bras, les
y eux, la tête, toutreftoit immobile ,
dans la fituation où Ton s'avifoitde
la mettre; en un mot ce fpeâacle
étoitfi effrayant, que la Meredela
Malade fut prife d'un violent accès
Hyftérique la première fois qu'ellç
vit fa fille en cet état. Outre ces ac*
ciderçs communs aux Cataleptiques,
l'odorat de celle-ci avoit un fenti-
ment exquisjquelqu'odeur fpiritueu*
fe un peu forte qu'on approchât à
î ou 2 pouces de la narine droite,
elle fe jettoit du côté gauche , fi on
Tapprochoit de l'autre narine, elle
fe retpurnoit avec force du côté
droit : fi l'on ôtoit la main avec la-
quelle elle reçoit fortement: (on XiïZp
elle y portait l'autre avec une vuene
280 CATALEPSIE
incroyablejîl'onôtoit encore celle--
ci, la première qui croit rcflée iuf?
pendue ne fernbloit l'être que pour
défendre plus promptement cet or-
gane ennemi déclaré de toutes for-
tes d'odeurs fortes ? & principale-
ment de l'efprit volatil de Sel Am-
moniac qu'elle fentoit à plus de dix
pieds dediftance de fon lit. Lorf-
qu'on l'approchoit d'elle un peu plus
près , elle fe couvroit le vilage de
Ion drap ou fe cachoit fous la cou-
verture par je ne lçai quel inflinct
qu perception qui la fervoit fans le
confentem'ent de fa volonté : on n'a?
yoit même qu'à prononcer le nom
de cet efprit , la voilà fur fés gardes,
comme ces fous que certains mots
mettent fur leur folie. Enfin fi l'on
venoit armé d'une plume trempée
dans cet elprit pour violenter ion
nez & la faire ainii revenir -, elle
peuffoît des cris affreux , fans les
entendre:, iî lui prenoitdes convul-
fions violentes, des tr^nfports de co-
lère
HYSTERIQUE. 281
1ère & de rage , trois hommes ne
pouvoienc alors la renir , elie qui
avant l'accès avoit à peine la force
de parler. Ce qui prouve évidem-
ment que quoique les efprits vola-
tils diffipenc pour l'ordinaire la Ca-
talepfie préfente 7 ils font toujours
nuifibles dans les maladies des nerfs
par la grande irritation qu'ils leur
caufent ;&par conféquenc lorfqa'ua
Médecin aura à traiter une Catalep-
fie Hyftérique comme celle-ci ? il
ne doit point fe fervir d'efprit auffi
violent pour diffiper le Paroxifme
aâuel. J'ai remarqué que la fumée
d'une carte allumée fa if oit le même
effet fans aucun danger.
Notre malade eut pendant Pef-
pace de deux mois plus de vingt ac-
cès de cette Cataiepfie que j'appelle
Hyftçrique , parce qtr'en effet elle
fuccédoit toujours à l'affeciion Hyf-
terique : à>nrtefure que ion oppref-.
ftondiminuoit?.fesyeuyi paroiffoient
plus fixes s M en même îcîtls qu'elle
A a
282 CATALEPSIE
ceffoit, il lui prenoit ordinairement
un petit Vertige ténébreux qui la
faifoit doucement tomber fur fon
oreiller. Quelquefois cependant fa
Catalepfie étoit accompagnée de fa
fuffocation utérine à laquelle on
voïoit fouvent fuccéder d e violentes
convulfions t & un délire bien plus
fpirituel que l'état fain. Il arrivoic
aufli de tems en tems qu'elle revoit
durant fon accès de Catalepfie T il
étoit alors affez plàifant de voir cette
jeune fille aflife dans fon lit , le tronc
immobile , la tête panehée , lesyeux
tournés de tous les cotés qu'on s'a-
vifoit de les tourner y les bras fléchie
& fufpendus, foûrire agréablement
avant que de parler r comme une
ftatue à refforts fufceptible de toutes
fortes de mouvemens. Après cha-
que accès , elle jouiffoit cPune Apu-
rexie femblable à celle des fièvres
intermittentes ,. & fe portoit fî bien*
qu'elle fe flàttott toujours de ne plus
retombe? £ cependant b moindre
HYSTERIQUE. 183
frayeur, une mauvaiie nouvelle, le
plus petit fujet de mélancolie ou de
colère ,Ja moindre odeur puante &
Hyfterique, telle que celle du Gai-
toreum ou de la Rhue , reveilloient
ce genre de mal , 8c même en acce-
leroienc le Paroxifme.
Après tous ces accès de Catalep-
fie Hyfterique , la malade eut pen-
dant près de deux (a) mois un heu*
reux intervalle que le lait de chèvre,
l'air de la campagne ,. & principale^
ment l'exercice , lui procurèrent.
Mais elle fut à peine de retour à 1#
Ville que la Catalepfie reparut r fans
être comme auparavant précédée do
Faffe&ion Hyfterique , mais avec
d'autres fingularités remarquables.
Elle commençok Toujours par tom-
ber en foibleffe , Se quelquefois en*
fyncope. Lorfque dans cet état om
s'avifoit de la picquer pour la faire
revenir ,ou de lui faire fentir que!-
qu'odeur puante . elle devenoir Ça**
(*} fnïn & JuiU«s,
284 CATALEPSIE
raleptique \ mais pour l'ordinaire de
la moitié du corps feulement. On
l'a vue auffi tomber d'elle - même
dans cette demie Catalepfie qui
étoit plus ou moins parfaite. Enfin
ce mal qui change de face, comme
un Protée 9 prit une nouvelle face
bien plus dangereufe que les précé-
dentes, je parie de l'Apoplexie. Le
premier accès dura trois jours en-
tiers avec des convulfions fi violen-
tes de la machoir? inférieure 9 qu'on
ne voyoit point les dents de cette
mâchoire , & que par conséquent on
ne pouvoit rien lui faire avaler \ elle
n'a eu depuis le mois d'Août que
deux légères attaques de cette Apo-
plexie Cataleptique.
Voilà Phiftoire delà maladie d'He-
leine Renault ; je n'avance rien qui
ne foit exactement vrai , 8c que la
plupart des Médecins de Saint Malo
n'ayent vu. Ceux qui ieront curieux
de connoître les différentes caufes
Phyfiques de la Catalepfie propre-
HYSTERIQUE. 285
mène dite, peuvent confuker Bel-
lini. Oeft à mon avis celui qui les
a le mieux expliquées. Pour la Ca-
talcpiie Hyflerique dont il s'agit, je
ne connois point d'auteur qui l'ait
décrire. Toutes les Hiftoi.ires de Ca-
talepfie qu'on trouve à la fuite de la
differtation de Dionis fur la mort
^^//^nereffemblentpoinràcellecî ,
comme 011 en peut juger. On trouve
auffi dans plusieurs Auteurs l'expli-
cation des eau les Se des effets de
l'affeâion Hyfterique , qu'il fuffit de
coudre avec celle que Bellini a faite
de la Cataîepfie , pour comprendre
ce qu'il y a de plus merveilleux en.
apparence dans ce récit» Aurefte.ee
merveilleux n'eft que pour ceux qui
ignorent jufqu'à quel degré peut al-
ler le dérangement de notre machi-
ne v car ceux qui font éclairés des lu-
mières de la phyfique penferont tout
autrement , perfuadés que tous les
mouvernens du corps humain qui
paroiffent le plus tenir du prodige,
z%6 CATALEPSIE
ne fe font que par des loix pure-
ment naturelles , quoiqu'il taille
avouer que les plus habiles font fans-
doute fort éloignés de la parfaite
connoiffanee de ces loix.
Sans me répandre en de vains rai-
fonnemens qui me meneroient trop
loin , je me contenterai donc de
marquer ici ce que j'ai obfervé dans
la cure de ce genre de mal. t°. On*
a employé inutilement tous les re-
mèdes capables de faire revenir les
règles de la malade. 2°. Tous les An-
tifpaf modiques fétides recomman-
dés par tous les Médecins dans la
cure des vapeurs y nous ont toujours
paru fort nuifibles. }°. Oiia tiré en^
viron quinze ou feize livres de iang;
dans le cours de la maladie , tant dt*
bras Se du pied , que de la gorge
& du nez. 40. Tous les remèdes
aqueux ont eu des effets faiuraires.
5e Le Syrop de Karabé Narcotique
donné à propos , a fouvent calmé
prefque tout à coup l'Erethifme des^
HYSTERIQUE. i&7
nerfs & l'Ataxie des efprits. 6°. La
malade a eu pendant deux mois ,
depuis Ion premier accès , une ef-
pece de diarrhée entretenue par de
légers Purgatifs , à laquelle elle at-
tribue fa guerifon \ en effet je ne
doute pas que cette évacuation ®fy
entre pour beaucoup , & on peur r
ce me femble , en inférer que les
purgatifs ,.& principalement les Hy-
dragogues conviennent dans ces
fortes de maladies, 70. On a toujours
mis en ufage un régime de vivre
fort hume£tant.
Voilà en peu de mots la méthode
Thérapeutique qu'on a fuivie. La
malade paroit jouir d'une famé par-
faite,, quoique fes règles ne foyenir
point encore revenues. C'efl: pour-
quoi on met aâuellement en œuvre
tous les moyens capables de les ra-
peller y afin que la curatioa foit ra*
dkale.
188 RÉPONSE
%% i°% %i )% : m «S «S ; 85 tf4 ^j £3 SI « fà ^ %& : £g
rr* ... »-ti T**.-..«-y> -r-»..,,^ ^^.yy . ^...^-rt -^. ^-y ff*»~.«^ J2^£$
LETTRE
A MONSIEUR
ASTRUC.
GNSIEUR
?
LA critique que vous avez ES
de ma differtation fur les Ma-
ladies Venériennesya fans doute de-
*y\ formé contre moi des préjugés
qu'il m'eft important de détruire.
C'eft dans cette idée que j'entre-
prens de me.juftifier.
i° Vous dites (a) que Monfieur
Boerhaave n'établit pas toujours le
(*} De Motbis Venesi» , -^. 5 s*»
fiege
A M. ASTRUC, 289
fiége du venin vénérien dans la
graifTe , & que vous n'avez rien 1$
dans toute la Préface de l'Apliro-
difiacus qui foit en faveur de cet»
ce conclufion , que je tire dans
la troiiîeme page de mon difeours
préliminaire ; il ne faut cependant
qu'un peu d'attention pour en con-
venir, La defeription exa&e que
Monfieur Boerhaave ( a ) fait & qu'il
dit être obligé de faire du Pannicule
adipeux pour expliquer fon fyfteme
fur la Vérole , la membrane cellu-
laire de Ruifch qui environne les
glandes de Couper , les Proflates ,
ïes Veiïcules feminales , &c. & qui
ielon lui [b ) , fert de fiége aux diffé-
rentes efpeces de Gonorrhées , les
fignes qu'il donne ( c ) pour faire
connoître fi le venin cft répandu
dans toutes les cellules adipeufes ,
enfin la cure qu il fait (d) confifter à
évacuer jufqu'à la dernière goûte
C») Aph. Pratf p. 6, (c)Pag 17.18.
(b)-pag U. '*. f [dJPag. i. 9.
B.b
290 RÉPONSE
d'huile infeftée , tout manifçflc qu'il
prétend que le mal vénérien na point
d'autre fiége que la graifle. Telle eft
fon opinion : elle iaute aux yeux
prefqueà chaque page. Auffj, quoi-
qu'elle loir peu conforme à la vôtre f
il paroit que vous n'avez pu longr
tems vous la diflîmuler. Les propres
prrolesde Monfieur Boerhaave que
vous ra portez (a ) , & les efforts que
vous faites pour les réfuter vous
trahifTent malgré vous , 8c font aper?
cevoiren même tems uuc contre
di&iou affez fiiguliere. Car pour*
quoi difputçr contre un fait qu'ot*
nie?
a0 Je ne fçai pourquoi vous
croyez {h) que j'attribue h pre-
mière origine de la Vérole ai| com-
merce impur d'une Courtifane de
Valence avec un Lépreux. Ilfalloit
que vous eutîiez l'efprit bien occupé
de l'opinion de J. Manard pour me
la denner gratis; car j'en fuis éloignç
lï) 3* M*. I tb3 Pî»g. S6+*
3
A M. ASTRUC. 291
tetoCçlo. Je ne raconte ce fait (a)
ue pour faire mention des progrès
e la contagion Vénérienne. Ei>
effet , il s'agit d'une fille de joye qui
donnaJayeroleàun lépreux. Elle
l'avoit donc , çopme M. Freind le
penfe (b ) : la conféquence eft claire ,
& il n'y a aucune contradi&ion avec
ce que je dis (c) : j'en fais juges
jousmes lefteurs ; je fuis perfuadé
.qu'ils conviendront auffi que vous
p'ètes pas plus fondé à inférer (d)
que je rejette tpuslçs caïmans, les
raftaichiff^ns , les Anodyns dans la
cure de la Gonorrhée,& que je pré-
fère le Turbith minerai, Je n'en dis
pas uti feul mot en ce cas ; fi je le*
confeilîp , c'efl feulenient lorfqu'il fç
forme des Veruçs Vénériennes dans
l'Urerhre. Voilà trois points effen?
tiels dans lefquels j'ai eu le malheur
de n'être point entendu. Ce qui me
[ a ] DilT. fut les Mal. | [c 3 Pag. ?+. 35. j<f.
Vencp. Pag 39. , [ d ] M. Aft'ruc tire cet-
f b "J Hift de la Med, tecouféq. des p. 6p, sj.
Tom. 3 pag. ipg. ) 54. de ma DiflTcrt. "
B b i j
29X RÉPONSE
confole , Monfieur, c'eft que ceux
qui m'ont lu avec plus d'attention ,
me rendent plus de juftice.
Je paffe aux raiforinemens que
vous faites ( a ) fur la vertu du Mer»
cure. Vous accordez qu'il guérit ra-
dicalement la Vérole lorfqu'elle in*
feâe d^es lieux où fe trouvent des ar-
tères dans lefquelles la circulation fe
fait avec affez de viteffe . Or , dites*
vous ? il n'y a aucune partie vivante
clans tout le corps où l'on ne trouve
de telles artères : donc le Mercure efl
toujours efficace dans h cure de la
YcTQÎe. Permettez-îTioi , Monfieur,
de Vous faire confiderer la membra*
ne cellulaire de la verge. Les hu*
meurs y circulent-elles affez vite ,
pour que le vif-argent gueriffe les
Gonorrhées qui y ont leur fiége ?
Non fans doute. Vous en convenez
vous-même ( h ). La rooëllç des os qui
rfi filtrée par les vaiffeaux du periofc
te n'efl-elle pas en quelque forte hors
(a) P.g? HS 1+tf- | (b) Pag. 145, N.4.
A M. ASTRUC 193
lie la circulation , dès qu'elle eft une
fois dépoiéedans leurs cavicés ou en-
tre leurs larmes î LereiTort des vaii-
feaux , des petits offelttsdu nez eft-
il affez fort pouf reioudre le Vif-
argent en fes Atomes > Or 9 félon
vous -même , cela eft abfolumenc
neceffaire pour qu'il puiffe divifer
à fon tour les liqueurs infcâées 9
Se les rendre affez fluides pour pou-
voir être évacuées. Par confequenc
fi le vomer , par exemple ? a une
lame cariée , ce foffile ne pourra la
détacher des autres lames voifines
vivantes. Il ne iuffii donc pas qu'il
agiffepar fa feule pelanteur. Si le vi-
rus eft dans des lieux fi éloignés du
cœur que fon a£lion s'y fafïeà peine
fentir , il bravera , pour ainfi dire , le
Mercure avec toute fa vertu.
Le Gayac en décoâion eft fans
doute bien plus efficace ; comme il
paroît par la propre expérience de
Hutten, & les observations de Mon-
fieur Boerhaave *, c'eft une vérité
Bbiij
i94 RÉPONSE
que vous n'avez pu éluder qu'en les
confondant (a ) enfemble avec plus
d'adreffe que de bonne foi pour don-
ner lieu à une conjeâure qui pafoîc
peu fondée.
Pour ce qui regarde les friûionS
mcrcurielles , vous prétendez ( b ) ,
Monfieur , qu'on peut déterminer
exaftement la quantité de Mercure
qui entre dans les vaiffeaux , en con-
fiderant i °. La grandeur ou l'éten-
due de la partie qu'on frote. 1. La
finefle > la propreté ou la chaleur de
la peau. j°. La quantité de Mercure
mêlé avec l'onguent. 40. La pureté ,
la mobilité de ce foffile. 50. La for-
ce du frotement , le tems qu'il dure ,
&c. Les conditions de la peau , fé-
lon vous , font donc en raifon com-
pofée de l'étendue , de la propreté
& de la chaleur de la partie frotée :
celles du Mercure font aufli en rai-
fon compofée de fa quantité , de fa
mobilité , de fon mouvement , &c.
C*3 *»g. 143. ► [bjPag. n*.
A M. A S T R Ù C. 295
C'eftainfi , ajoutez- vous,qu'on peuc
juger de la quantité de Vif-argenc
qui entre dans le fang par les fric-
tions , en faifant attention à la rai-
fon compoféedes deux raifonscom-
pofées. Penfez-vous donc , Mon-
iteur , que ce froteur dont vous ne
dirigez pas la main 5 puilTe obferver
des combinaifons qu'il n'entend pas»
& que le plus fçavant Géomètre ne
pourroit fuivre exactement * Vous-
même qui les avez faites Ci ingenieu-
fement , vous vanteriez - vous de
pouvoir fûrement prédire par-là qu'il
en refulteroit une ialivation qui ne
feroit ni trop ni trop peu abondan-
te : la différente combinaifon de ces
conditions ne produit-elle pas fou*
vent plus d'effet avec une petite
qu'avec une grande quantitéde Mer-
cure? Quand même on feroit fiir
qu'il y auroit 115000. pores dans
un petit efpace de la peau qu'un
grain de fable pourroit couvrir ,
comme fe l'eft imaginé celui qui a
Bbiiij
*9<5 RÉPONSE
vu la caufe des Fièvres au travers
d'un microfcope , il faudroit encore
fçavoir, i°. Combien il y auroit de
ces petits efpaces dans toute l'éten-
duëdela partiequ'onfrote.20. Mul-
riplier les pores connus dans tel ef-
pace par le nombre des autres efpa-
ces enfin découvert , pour connoî-
tre le nombre infini de pores de la
partie frotée. 50. Il faudroit fçavoir
combien il entre d'Atomes mercu-
riels par chaque pore 3 ou de Mer-
cure par tous les pores enfembie.
Mais comme le Mercure entre par
les porcs de la peau , proportionel-
ïement à leur diamètre , il fuît que
votre régie efl incertaine. Il faut
convenir que vous ne la donnez pas
pour géométriquement fûre. Auf-
fi 9 fi j'y trouve à redire , fouvenez-
vous , je vous prie , que vous m'avez
reproché plufieurs fautes d'impref-
fion très-fenfibîes. C'eft une petite
vengeance pardonnable.
Enfin , Monfieur , vous préten-
A M. A S T R U C 297
dez qu'on peut guérir la Vérole
fans la falivation. C'eft un fait, dites*
Vous , d'expérience fouvent réitérée.
Mais par malheur combien de célè-
bres Praticiens, tels que Sydenham,
Freind , Boerahave , &c. difent le
contraire ! » Les Médecins de Mont-
»pellier,dh Monfieur Fréind,(a)<?#*
» beau vanter leurs onguents & toutes
i> leur s préparations mercurielles , lorft
» que ces remèdes ne font du tout point
» ou ne font point a([ez>faliver , la cure
» du mal nefl que palliée. Nous avons
» fouvent pratiqué leur méthode 5 mais
» nous n'avons jamais eu lieu d'en être
vfatis faits. » Rien ne fait plus de tort
à la Médecine que cette contradic-
tion des plus grands Médecins , en
ce cas, comme en bien d'autres. Ce
qu'il y a de certain , c'eft que le Vif-
argent , par quelque voye qu'il entre
dans le corps, produit naturellement
la falivation. Donc fi on détermine
l'effet de ce remède par les felles 9
fa] Hift. de la Med. Tom. 3, pag. 273,
%9* RÉPONSE
on s'oppofe , pour ainfi dire , à l'in*
tention de la nature & du remedé
qui femblent affeâer de concert
d'évacuer les humeurs veroliques pat
la bouche. D'où il fuit que cette der-
nière méthode n'efl point généra-
lement bonne ; & qu'ainfi on ne doit
s'en fervif qu'en certains cas parti*
culier.
Voilà , Monfieur , ce que f ai cru
devoir vous répondre pour me jus-
tifier aux yeux du public. Au refte
j'ai lu votre Livre avec beaucoup
de pîaifir. C'eft l'ouvrage le plus
complet que nous ayons en ce genre^
& il n'efl: fans doute rien déplus cu-
rieux que l'hiftoire que vous faites
de l'origine & des progrès du mal
Vénérien. Je fuis cependant fâché
que malgré l'envie que vous aviez
de ne vous difïïmuler aucun des ar-
guments qu'on peut faire contre no-
tre opinion, vous ayez oublié ceux
qu'on tire ordinairement du XV.
chapitre du Levitique, & n'ayez pas
AM.AST RUC 199
refuté plus au long le fyfteme plau-
fîblë du fçavant P. Calmet. Comme
fes deux Differtations fur la Lèpre
des Juifs , Se fur la maladie de Job
font inférées dans fes Commentaires
fur la Bible que peu de gens font en
état d'avoir , on eût été charmé d'en
trouver Tanalyfe critique dans votre
excellent ouvrage. Cette difeution
eût été plus utile que tous les Statuts
de laReine Jeanne dont le quatrième
article fitffifoit. Il eût été d'ailleurs
âffez plaifant de voir une foule de
Théologiens mettre tout en œuvre
pour prouver que Job avoit la Vé-
role, pendant que Bayle& des Mé-
decins tels que Bartolin & vous
prétendent que ce feroit faire injure
à ce Saint Homme que de lui don-
ner une incommodité auilî honteufe,
& qu'on devroit parrefpeft couvrir
fon niai d'un Voile plus honnête ou
n'en point parler. Au refte , Mon-
fieur , comme vous faites voir clai-
rement l'énorme différence qu'il y a
300 REPONSE
entre la Lèpre des Arabes ou des
Grecs & la Vérole , il eft aile de fixer
ion jugement fur la Lèpre des Juifs.
Mais je ne penfe pas que cette dif-
férence vienne en partie de ce que
la Lèpre n'eft ordinairement poinE
contagieufe , comme vous le di-
tes (aJ; la description que Féleganç
Aretée fait de l'Elephantiafis , &
principalement les Loix feveres de
Moïfe , me perfuadent le contraire.
Pour ce qui regarde la fameufe St
inutile queftion de l'origine de la
Vérole , vous l'avez fans doute déci-
dée & aprofondie dans les i oo. pages
in 40. que vous lui avez confacrées»
11 faut nécessairement conclure
de tous les faits que vous rapportez,
qu'elle n'a commencé à paroitrc en
Europe qu'au fiégede Napîes. C'efl
un fait que vous avez rendu plus
clair que le jour , & il n'eft rien de
plus judicieux que la reflexion que
vous faites après M. le Clerc (b) t
( a ] P. x i , ( b ) Hift. de la Mcd» de le Clerc.
AM.ASTRUC. joi
qui eil que quand même il eue été
poffible que les anciens Médecins
qui ont décrit les moindres mala-
dies avec une e#a£titude fi ferupu-
leufe , euflent négligé de faire men-
tion du mal Vénérien, du moins les
Poètes ne l'auroient pas oublié. Un
fond auffi inépuifable de latyre & de
raillerie pour nos Poètes modernes*
eût-il échapé à un Bocace , à un
Pétrone , à un Juvenal ? &c.
J'ai l'honneur d?être ,
MGNSIEU K9
x . . .
Votre très-humble
& très obéiffant
Serviteur,
pp Ia Mettiiîe,
TABLE
De ee qui eft contenu dans le
Traité de la Théorie Chymique.
DEs trois lignes y page %
Du Feu^ 14
De l'Air^ 48
pe fEaUy 72,
pe U Terre ) ioj
Fin de la Table de 1^ Thçprie Chymique*
TABLE
pe ce qui eft contenu dans le
Traité du Vemge-
GH A P. I. Defcription des
Symptômes du Vertige >
\èi
C H. II. Explication des Symp*
tomes du, Vertige > iy%
G H. III. D'vyifion du Ver tige y
190
C H. I V. Caufes externes na-
turelles 4% Vertige 9 ^^
ÇH. V. De$ caufes externes
non naturelles du Vçrtige ,
ï'ûi
CH. VI. Des caufes internes:
idiopathiques du Vfrtige^n 3
TABLE.
C H. VU. Des évacuations or^
dinaires ou périodiques fupm
primées , z j %
CH- VIII. Des évacuations
trop abondantes , 2.36
CH. IX, De la foiblejfe des
efprits , 249
C H. X; De h cure du Vertige
pléthorique ■' 242
C H. X I. Cure du Vertige q ui
fuient de la foiblejfe des ef
prit s y 249
CH. XII. Des caufes (ympa-
thiques du Vertige ' z66
Defcription d'uneCatalepfîe Hyf
tériquey 278
%éponfe a Monfeur Aflruc, 288
F I N.
COUNTWAY LIBRARY OF MEDICINE
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30
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VA.
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