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in 2010 with funding from
University of Ottawa
http://www.archive.org/details/agricultureexp00sarc
AGRICULTURE
EXPÉRIMENTALE
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AGRICULTURE /
EXPÉRIMENTALE,
À lufage des Agriculteurs, Fermiers €
ZLaboureurs ;
Par M SARCEY DE SUTIERES,
Ancien Gentilbomme fervant du Roi,
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YVERDON,
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DR SQU TL E RES:
Ancien Gentilhomme fervant du Roi.
A M THIERY
Doëteur de VA faculté de Médecine
de Paris, €? Médecin confultant
du Roi,
Sur plufeurs objets d'Agriculture, & prin.
cipalement fur la caufe la plus fréquen..
te des maladies des beftiaux. :
Ous avez défiré, Monfieur, que
je donnaffe au public les obferva-
tions que l'expérience ES mon goût pour
PAgriculture mont fournies fur cet art.
a iÿ
UE LETTRE
fi néceffaire. Vous me cities un beaw
palage de Celfe. * Pous croyez que l'A-
griculture €3 la médecine fe doivent pre
ter des fesours mutuels pour la conferva-
tion © Paugmentation de notre efpèce.
Je me Juis rendu à vos follicitations,
Monfieur, € je vais publier le refultat
des faits que mont fournis plus de vingt
annees d'experience, Permettez que je vous
donne ici une idée générale de mon Ov.
orage ; cela Juffra pour vous prouver
que je n'ai négligé aucune des queftions
importantes que vous m'avez faites fur
les maladies des befiiaux , fur celles des
* Ut alimenta fanis corporibus Agriculture , fic
fnitatem ægris Medicina promittit. À. Cormel.
Celfus, in Praefat. Lib. 1, de Medecina.
CETTRE Vi;
bles, € fur tous les moyens de faire
profbérer l'Agricukure.
Je commence par les maladies épide.
miques des beffiaux. Je fais voir qu'en
général ils n'en font affigés , que parce
gu'on les conduit fouvent dans des patu-
rages fur lefquels les influences de l'air ,
les vapeurs € les exhalaifons de la ter-
re ont dépofe une forte de venin vifible, qui
a plus ou moins de malignité relative-
ment aux faifons, aux climats € aux
circonfiances des lieux €S des tems.
Les pres artificiels, tels que la luxer-
ne, le fainfoin, le trefle, font plus fuf
ceptibles que les autres de l'impreflion de ce
venin; parce que leurs feuilles plus lar-
ges, plus épailles & plus dures que cel-
les des prés naturels, le confervent plus
& 17
vü) REIT TRE
longiems: »Conféqueinment il y a to
jours des inconvéniens à. envoyer les
befiaux pâturer dans ces fortes de près,
férctout depuis la fin de Septembre juf=
qu'à la fin de Mars: faifons où Les
brouillar ds, les influences de l'air €ÿ les
vapeurs de la terre font plus fréquens
€ plus dangereux que dans autres
tems. Je démontre l'inutilité. de ces mê-
nes pres artificiels, €ÿ combien ils font
préjudiciables dans plufieurs provinces de
ce Royaume, €3 encore plus dans le nord.
© Vous trouverez dans mon ouvrage,
Monfieur ‘les moyens que j'ai employes
pour préferver dans tous les tems mes bef
taux de toutes ces maladies, Joit par
es alimers que je leur aifait donner,
&3 que mont procurès d'abondantes ré
LήTTRE. ix
coltes, Joit par Pattention que j'ai tou.
jours eue de ne pas les laiffer commun.
quer avec les beffiaux malades de mes
voifins. Vous penfes comme moi, Mon.
fieur, que la chair infeülée de ces ani-
maux € les mauvais grains font la
caufe d'un grand nombre de maladies
malheureufement fi communes dans nos
campagnes :. auf en verrez.vous des
preuves convaincantes dans mon ouvrage,
- J'ai fait auffi quelques découvertes
fur les engrais que l’on peut fubftituer
aux fumiers, jindique les moyens de
les appliquer à chaque nature de terre,
ES de quelle maniere j'ai fait labourer ,
femer € arranger: ces mêmes terres; ce
qui ma toujours produit des récoltes
plus abondantes qu'à tous les habitans du
x LETTRE.
mème pays, quoique mes terres foient
inferteures aux leurs. Je parle des moyens
que j'ai employes pour garantir le bled
dé la briine, €S empecher l'yvraie €
€ awfres mauvaifes graines dÿ faire
des produétiors.
Je prouve que quelque mauvailes que
foient nos terres, même celles de tout
lé Royaume, on peut, en y employant
les engrais convenables, les cultiver tou-
tes, €S récolter, comme dans la Fran.
ce, la Brie €3 plufieurs autres Provin-
ces: façon qui m'a toujours procuré une
double récolte.
Je crois avoir démontre une methode
Jüre pour mettre une récolte à labri des
rigueurs des différentes faifons.
On verra ce que j'ai fait pour garder
LETTRE Xj
des bleds pendant quatre à cinq années,
Jans prefque aucun frais, € (ans en
altérer la qualité", ni lx bonté; de forte
qu'ils peuvent apres cette efpate de‘temns
fervir à la femence comme ceix dune
aouvelle récolte. J'indique les moyens que
ÿai employés pour rendre fains €$ ame-
Borer tant les prés bas que les prés hauts,
fans avoir befoin dy mettre ni ju-
mie , NL EMQYAiS AUÉYeS Que Ceux que
la nature procure à ces fortes de pres.
Jannionce tout ce que j'ai fait faire
pour les différens défrichemens, fans en
brüler , deffécher , ni altérer les fucs €? les
fels € les produits multiplies que j'en ai ti-
rés pendant plufieurs années ; fans avoir
befoin d'aucuns engrais : defrichemens que
J'ai fait faire prefque fans art €ÿ fans
xi LETTRE
frais. Pous y verrez quels font les en.
grais que j'ai employés dans mon pota-
ger, € qui mont produit beaucoup de
toutes fortes de legumes, €ÿ meilleurs
que les fumiers les plus abondans € les
plus excellens n’en pourroient procurer.
Enfin je publie tous les moyens dont je
me Juis fervi, pour faire perdre Les
Sources €. moulières qui fe trouvent
quelquefois dans les terres, ainfi que.
pour détruire toutes les vermines qui
nangent une grande partie des récoltes,
€ celles dont les granges fout ordinaire
sent infectées , comme les rats, fouris,
saulois , charanfons.
J'ai l'honneur detre, €ÿc:
AGRICULTURE
._.EXPERIMENTALE.
N a beaucoup écrit, on écrit
encore tous les jours; & tant
que la mode en durera, on ne cefle-
ra fans doute d'écrire fur Agriculture.
Mais pour qui toutes ces théories fa-
vantes, & cés fyftèmes de cultivation
fe multiplient-ils continuellement? Eft-
ce pour le lboureur? Il à fà routine
qu'il fuit fans jamais s’en écarter. Il
ne lit point de livres: ou fi par ba-
zard il jette les yeux fur quelques-uns,
14 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE.
fouvent il ne les entend pes, ou très-
peu. Eft-ce pour l'amateur, ou pouf
celui qui voudra faire valoir fes ter-
res par lui-même? Quelqu’intelligence
qu’on ait, fi l'on n’eft un peu labou-
reur, Ceft-à-dire, fi l'on n’a point pris
fur les lieux des idées juftes du labou-
rage, on couit rifque de mal appli-
quer ce qu’on aura lu, ou de tout
gâter en cherchant à rafiner.
Pour moi, abandonnant aux fpécu-
latifs le foin de prefcrire du fond de
leur cabinet de nouvelles loix au la-
boureur, & quelquefois même à la na-
ture, je ne renfermerai dans cet ou-
yrage que les obfervations que plus de
vingt ans de pratique & d’expérience
m'ont procuré. Je n’y rapporterai que
AGRICULTURE EXPB'RIMENTALE. :$
des faits dont je fuis témoin depuis
1742, que mon goût pour FAgricul-
ture m'a fait reprendre Foçcupation
primitive & naturelle de lhonume, c’elt-
adire, depuis que je fuis devenu la-
boureur ; j'ai fait valoir & j'ai: conduit
une des fermes de la terre de Ville-pa-
rifis, qui eft à moitié chemin de Ja
route de Paris à Meaux. Je me fuis en-
fuite chargé de la terre de Belle-Fon-
taine , fituée vis-à-vis de Montereau
Faut-Yonne, à deux lieuës de Moret
en Gâtinois; & je la gouverne depuis
1759. Ainli j'ai commencé par m'inf
truire en opérant moi-même avant de
vouloir inftruire les autres. Tels font
les titres que jai pour écrire fur la
feule pratique d’un art, fur lequel tout
16 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE.
le monde aujourd’hui veut faire des li-
vres. Mon ouvrage eft donc autant l’hif-
toire de mes travaux que le réfultat
de mes fuccès.
#3
(D ES
MALADIES DES BESTIAUX. 1%
someone il
COR PT RE 'Æ
Des maladies des befliaux. Caufes des
épidémies € contagions.
Es beltiaux étant la bafe & les prin-
cipaux inftrumens de l'Agriculture,
j'ai cru devoir fixer d’abord l'attention de
mes lecteurs fur cet objet intéreffant, &
les occuper de leur confervation.
Il ne faut pas chercher bien loin la cau-
fe des maladies contagieufes , qui font de-
puis plufieurs années tant de ravages par-
mi les beftiaux. Klles ne proviennent cer-
tainement que des mauvaifes pâtures, des
prairies artificielles, &c. dans lefquelles on
les conduit, fans examiner auparavant s’il
wy à aucune rouille fur la luzerne, le
fainfoin, le tréfle, & fur les autres herba-
ges. Cette forte de rouille me Mataré PI U<
49 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE.
duite, foit par de mauvaifes vapeurs &
exhalaifons de la terre, foït par les vents
mal-fains que les paylans nomment roux-
vents, {oit par les brouillards & lair in-
feté qui pañlent fur certaines contrées. Il
n'arrive que trop fouvent que les vaches
qui fortent de ces pâturages, fe trouvent
comme empoifonnées de cette rouille. Les
unes enflent bientôt & créèvent; d’autres
n’ont que la bouche & la langue malades:
enfin il y en a qui ont toute la tète dou-
loureule au bout de quatre ou cinq heu-
res, & le mal devient quelquefois incura-
ble.
Les moutons d'autre part attrappent la
clavelée ou le claveau. Quelques-uns de-
viennent enflés, & périflent aufli-tôt. D’au-
tres font attaqués par la tête: & le mal
que les bergers appellent coxp-de fang , leur
donne des étourdiffemens dont ils meu-
* MALADIES DES BESTIAUX. 19
rent quelques jours apres. Ceux qui fup-
portent le mieux le mal, font précifément
les plus dangereux, parce qu’ils le com.
muniquent aux autres. De-là cette conta-
gion qui fe répand dans tout un pays,
qui s'étend de proche en proche, & qui
infecte fouvent des provinces entières, &
mème tout le royaume.
Il y a encore une autre maladie qui n’eft
que trop commune aux moutons: c’eft
la pourriture. Quoique fcette maladie ne
fe communique que peu fouvent, néan-
moins un troupeau en périt prefqu’en en-
tier. On a la douleur de voir cet effet fu.
nefte cinq ou fix mois après qu’on la
conduit dans des pâturages dont les pro-
duétions ne font occafionnées que par la.
bondance des pluies, c’eftà-dire, les her-
bes qui pouflent dans les mois de Septem.
bre & d'O&tobre; & voici ce qui y dou-
B 2
92 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE.
ve occafion. Les fermiers du Gätinois &
de bien d’autres provinces font prefque
tous faucher leurs avoines & les autres
grains de Mars. Malgré l'attention de ce-
lui qu'on emploie pour cette opération,
il en fait tomber au moins la femence par
la fecoufle que fa faulx donne à la tige.
Pendant douze ou quinze jours que les
grains reftent en javelle fur la terre, lher-
be & le grain qui eft tombé pouffent; l'un
& l'autre s’entrelaflent dans les javelles,
de forte qu’on ne peut les arracher qu’en
forcant le rateau. On en fait encore au
moins égrainer la femence. Voilà donc à
peu-près fix hbichets * par arpent d’avoi-
ne répandus fur la terre. Les pluies tom-
RÉ
K Le bichet eft une mefure qui pefe environ
40 livres. Il faut fix bichets pour faire le fep-
tier de Paris.
MALADIES DES BESTIAUX. 27
bent enfuite. Comme la terre n’eft point
Jabourée, &æqu’elle n’a prefque plus de fe-
ve, les produ“tions qu’elle donne ne ti-
rent de nourriture que de l’eau. Pour épar-
gner les fourages fecs, on y fait aller les
troupeaux de très-bonne heure. Ces ani-
maux qui trouvent cette production teri-
dre & délicate, en mangent , mème avec
excès. Comme ce n’eft prefque que de
Peau , ils fe pourriffent in{enfiblement. Des
que le printemps commence, la terre de-
vient en féve. Elle produit de nouvelles
herbes qui renferment toute la force dont
elles font fufceptibles. A peine en ont-ils
mangé quelques jours, que n’en pouvant
point foutenir les fucs & les fels, ils dé-
périflent peu à peu, & le troupeau de-
vient à rien. J'ai vu plufieurs fois cet ac-
Cident , mais furtout en 1762. Un fer
mier de mon canton a perdu tout fon trou-
B 3
22 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE.
peau pour l'avoir fait conduire dans des
pâturages d’où l’on avoit noyellement en-
levé les avoines. S'il avoit eu l’attention
de faire donner du fourage fec à {es mou-
tous avant de les envoyer dans ces champs,
il n’auroit perdu que les plus vieux, les
plus foibles, & ceux qui étoient les plus
mal-fains. Mais il les auroït tous confervés
en ne les y laiflant point aller.
Que ce foient les mauvaifes exhalaïfons
de la terre, les brouillards, la bruine,
les tems humides, & les autres influen-
ces de l’air qui corrompent les pâturages,
je m'en fuis bien des fois pleinement con-
vaincu, fur-tout vers la fin de Février de
année dernière. Comme j'étois occupé
dans les champs à faire travailler des ou-
vriers dans deux jours différens, je re-
marquai le matin une vapeur en forme de
brouillard qui s’élevoit fur 25 ou 30 ar-
MALADIES DES BESTIAUX. 23
pents de nos prés, & de ceux de Flagy à
trois ou quatre pieds de terre. Cette va-
peur ne fut pas long-tems fans difparoi-
tre & Le dépofer. J'allai dans endroit où
je l'avois remarquée : jy arrachai plufieurs
feuilles d'herbe, fur lefquelles je trouvai
la rouille blanche dont je viens de parler.
Je portai mes pas plus loin fur un champ
où je n’avois point appercu le brouillard.
Je n’y trouvai pas la moindre rouille. Or
la preuve que cette rouille, en infectant
les pâturages, caufe les maladies des bef
tiaux , c’eft que les fermiers & laboureurs
des villages voifins ont actuellement une
partie de leurs beftiaux malades, & qu'il
leur en meurt beaucoup tous les ans, tan-
dis que les miens font dans le meilleur
état.
Les prés bas qui font négligés & dans
lefquels on ne fait ni faignées ni fofés pour
B 4
24 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE.
faire écouler les eaux qui croupiflent, font
évidemment plus fujets que les autres ter-
reins à ces fortes d’exhalaïifons. D'ailleurs
le mauvais état où ils font, à caufe de la
moufle qui épuife la fubftance du fol, où
qui en arrête la végetation;s ne leur per-
met pas de poufler autre chofe que de
mauvaifes herbes, dont le fuc étant cor-
rompu dans fon principe, infecte à la lon-
gue les beftiaux qui s’en nourriffent.
Ainf tant que les laboureurs & les fer-
miers du Gätinoïs & des autres provin-
ces négligeront la partie effentielle des pà-
turages, ils auront toujours des mortali-
tés ou des contagions dont fe reflentiront
leurs voifins. Aufli ai-je expérimenté de-
puis 1742, qu'en s’abftenant, fur-tout
depuis la fin de Septembre jufqu'au mois
d'Avril, d'envoyer les vaches & les mou-
tons paitre dans les tems de brouillard &
MALADIES DES BESTIAUX. 25
de rouille, on les préfervoit de toutes {or-
tes de maladies peftilentielles. On peut
pendant ces fix mois les nourrir de fou
rages fecs, comme de paille de forment,
ou de gros méteil pour les troupeaux; &
pour les vaches de fourage d'avoine, de
paille de petit méteil & de feigle, de paille
au van, & de paille d'orge. En les gou-
vernant de cette manière, & mème en doni-
mant le matin à la fin de l'automne &
pendant l’hiver aux beftiaux un peu de
ces différens fourages avant que de les en-
voyer aux champs , les jours qu’on peut
le faire fans courir aucun rifque, non-feu-
lement on les garantira de beaucoup de
maladies, mais ils feront encore plus gras,
& la chair en fera meilleure: car les pà-
turages dans ces deux faïfons font tou-
jours détrempés d’une humidité très-mal-
26 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE.
faine qui les pourrit, & qui, fi elle n’eft
pas toujours mortelle aux beftiaux, leur
eft du moins très-nuifible.
L’herbe des champs & les prés hauts
font moins dangereux. Il ne faut pour les
fecher qu’un rayon de foleil; parce que
les feuilles des herbes n'étant pas fi lar-
ges ni fi épaifles que celles de la luzerne,
du fainfoin, &c. retiennent moins l’hu-
midité & la rouille. Au furplus il y a des
pays plus fujets les uns que les autres à
toutes ces fortes d’influences. L'Italie mè-
me n’en eft pas exempte; & certains can-
tons qui avoifinent la mer, en font prin-
cipalement affectés. Aufli m’a-t-on afluré
que les habitans y perdent beaucoup de
bétail dans les mois de Septembre & de
Novembre ; ce qui n’arriveroit jamais, fi
lon n’envoyoit les beltiaux aux champs
que par un beau foleil, une petite gèlée ,
MALADIES DES BESTIAUX. 27
ou après une forte pluie, capables de 1e-
cher, d'enlever, ou de laver la rouille dé-
pofée fur les herbes, & après leur avoir
donné des fourages fecs des granges.
Quand il court de ces maladies qui font
apportées fouvent par des beftiaux étran-
gers qu'on amène dans les foires pour les
vendre, il faut foigneufement éviter que
les autres ayent quelque communication
avec eux, jufqu’à ce que l’on fe foit aflu-
ré de leur fanté. Voila le moyen de les
prelerver fürement de toutes maladies con- :
tagieufes. C’elt une expcrience que j'ai fai-
te depuis 1742, jufqu’en 17$1; tems où
j'ai fait valoir par moi-mème une partie
de la terre de Ville-parifis. Dans une de
ces années il furvint une maladie fi con-
tagieule fur les vaches, & d’un effet fi ra-
pide , que lorfqu’un fermier avoit une
feule de ces vaches malade, en eüût-il eu
28 AGRICULTURE EXPE'RIMENTALE.
cent, 4 les perdoit toutes, fans qu'aucune
pûüt échapper. J'ai vu pareil accident arri-
ver à notre fermière de Grefly près de
Claie. Cette fermière avoit trente vaches.
Elle s’avifa dans ce tems d’acheter fix gé-
nifies. Nous lui confeillâmes, M. le Prieur
de Grefly & moi, de tenir ces fix gémif-
fes {éparées de es autres vaches. Elle nous
répondit qu’elle les avoit achetées d’un
homme qui avoit de bons certificats, qui
portoient que la maladie contagieufe n’étoit
point dans {on pays. Nous eumes beau
lui repréfenter que ces génifles pouvoient
lavoir contracté par la feule communica-
tion avec celles qu’elles avoient trouvées
en chemin pour venir en foire, ou pour
avoir pâturé dans des endroits ou d’autres
vaches ou génifles attaquées de la mala-
die contagieufe avoient été paître. Elle s’ob£
tina à les faire mettre dans la même éta-
MALADIES DES BESTIAUX. 29
ble que fes autres vaches. Ce que nous
craignions pour ces beftiaux, ne tarda
point à fe manifefter. Cette fermière , ainfi
que bien d’autres, perdit & fes génifles
& fes vaches. Mais ce qui fait voir que
ce n’eft que par la communication de ces
fix génifles qu’elle voulut, malgré nos avis
mettre avec {es vaches, qu’elles périrent
toutes , c’eft que M. le Prieur de Grefly
qui faifoit valoir fon bénéfice, & qui avoit
huit on dix vaches logées à la diftance de
plus de 20 toiles de celles de la fermiè-
re, n'en perdit pas une. Il avoit {oin de
ne les laïfler fortir que dans fa bafle-cour ;
ainfi que dans {on jardin, & dans celui
d'un de fes voifins où il y avoit un peu
de pâturage. On ne les y laïfoit même
que très-peu de tems, & feulement pour
prendre l'air & boire. Elles étoient enfui-
te renfermées dans leurs étables, où elles
30 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE.
trouvoient leurs auges garnies des nourri-
tures que j'ai indiquées plus haut. Au moyen
de ces precautions M. le Prieur conferva
toutes {es vaches.
Pendant que ce que je viens de dire fe
pafloit à Grefly, Ville-parifis où je refidois
n’étoit pas exempt de la maladie des va-
ches, & beaucoup d’habitans & fermiers
en perdoient. Jen avois une quinzaine
tant au château que j'occupois, qu'a la
ferme que je faifois valoir. J'obfervai de
point en point tout ce que je viens de
dire. Je leur fis donner pendant plus de
deux mois des différentes pailles de la gran-
ge, & cependant on ne les menoïit point
ailleurs que dans le parc, tant pour les
faire boire & leur faire prendre l'air, que
pour pâturer dans les dix arpens de pré
dont il eft compofe. Par cette conduite
MALADIES DES BESTIAUX. 31
je ne perdis aucune vache; elles étoient
au contraire dans le meilleur état.
Jai à Belle-Fontaine 25. vaches, 8. che-
vaux, & beaucoup de poules qui n’ont
eu aucune des maladies épidémiques dont
prefque tout le pays s’eft plus ou moins
reflenti. Je ne repéterai point ce que j'ai
dit fur la manière de gouverner les ani.
maux pour les conferver toujours fains;
mais je puis apporter en preuve & produi-
re ici mon expérience. La principale at-
tention que je recommande, après le foin
de leur nourriture telle que je la leur don-
ne moi-mème toujours avec fuccès fuivant
les circonftances , c’eft d’émpècher qu'ils
n'ayent aucune communication au moins
pendant un certain tems avec d’autres ani.
maux de leur efpèce. On évitera par cet.
te précaution, non feulement le danger
de là çontagion pour les beftiaux, mais
32 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE.
encore bien des maladies qui courent par-
mi les hommes dans certains cantons, &
quelquefois dans les petites villes. Qu’ar-
rivet-il en effet des maladies que contrac-
tent les animaux? C’elt que beaucoup de
fermiers & habitans de la campagne fe
voyant à la veille de les perdre, cherchent
à les vendre à vil prix pour en tirer au
moins quelque chofe. L’avidité du gain
porte les bouchers de village à acheter
ces animaux infectés : ils les tuent, ven-
dent à grand marche les plus mauvais en-
droits aux habitans du lieu, & portent le
refte dans les marchés des petites villes
voifines. Je laiffle à juger le défordre qu'u-
ne pareille nourriture peut caufer dans le
corps humain. Il eft aifé de fe convain-
cre de la vérité de mon obfervation, en
examinant ce qui {e pafñle pendant le cours
de
MALADIES DES BESTIAUX. 33
de ces maladies dans les villages & les
marchés. On verra que l’on ÿ trouvé
quelquefois de la viande à moïns de deux
fols la livre. Ce n’elt point qu’il n’y en
ait auff de très-bonne: mais comme cet-
te dernière coute $. fols, les pauvres gens
courent à celle qui n’eft pas fi chère, &
par économie s’en empoifonnent. De-là
naïiflent plufieurs de ces maladies que l’on
appelle épidémiques, parce qu’elles font
générales, & qu’elles attaquent tous les
habitans d’une contrée qui ont mangé de
la même viande, ou d’une vache infectée
que le boücher aura quelquefois achetée
dans le lieu mème.
Il en eft de mème du pain que mangent
ks pauvres payfans. Les boulangers par
le mème efprit d'intérêt, au lieu d’acheter
le bon grain au pris qu'il vaut, achèteng
ordinairement le plus mauvais bled, &
(®
;
34 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE.
mème celui qui eft chaufouré. () Com-
me ils ont ces fortes de bled à très - bon
compte, ils s'inquiètent peu du mauvais
effet qu’ils peuvent produire. Ils en font
du pain qu’ils vendent à un liard ou deux
de moins par livre que celui des marchés.
Le pauvre achete ce pain préférablement
au bon, & par cette mauvaile nourriture
contracte des maladies mortelles que lon
peut appeller épidémiques, parce qu’elles
font communes à tous ceux qui ont vécu
de ja mème manière. En doit-on être
furpris ? puifqu’il eft certain qu’elles n’ont
d'autre {ource que la qualité dépravée du
grain, dont par une malheureufe écono-
mie on a voulu {e fervir.
_(#) On appelle bled chaufouré, du bled qui
s’eft èchauffé, foit ‘parce qu'il y a eu des ger-
bes entaflées trop humides, foit parce que ces
mêmes gerbes contenoient de mauvaifes herbes
qui n’étoient pas affez feches quand on les à mi-
fes dans les granges.
MALADIES DES BESTIAUX. 3$
Plufeurs fermiers ne font point aflez
attentifs à préferver leur monde, fur-tout
pendant la moiflon, de cet accident. Com.
munément ils gardent du bled gâté, dont
ils font ufage dans le tems de leur récolté.
S'ils ont quelques beftiaux qui fe pourtif-
fent, ils les font manger à leurs gens. Quel
avatantage retirent-ils de cette impruden-
ce? C’eft que tous leurs domeftiques tom.
bent malades. Leur récolte en fouffre con.
fidérablement, & dépérit en partie; parce
qu’alors on ne peut plus trouver d’autres
ouvriers, vu que tous les gens de la cam-
pagne font occupés à faire la moiflon chez
d’autres perfonnes. Aufli me contentai-je
de répondre à un fermier qui me difoit à
Ville-parifis que j'étois heureux de n’avoir
aucun domeftique malade, qu’il le feroit
autant que moi quand il le voudroit bien
fincérement; qu’il n’avoit qu'à me point
GET
36 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE.
acheter de vaches malades ou pourries pour
$. liv. mais donner de bon pain & de bout-
ne viande à fes domeftiques , & qu’alors
ils fupporteroient en bonne fanté les fati-
gues de la moiïflon.
Le remède à ce mal feroït d’empècher
de vendre les mauvailes viandes & les mau-
vais grains. Mais que faire, me dira-t-on,
de ces derniers ? Qu’en faire ? En engraif
fer des cochons, ou de la volaille, après
Pavoir fait cuire dans l’eau , pour lui ôter
par la cuiflon une partie de fa mauvaife
qualité. On trouvera dans cet ouvrage
des moyens fürs pour n’avoir pas de ces
grains pernicieux, & pour en garder de
bons, {ans frais, pendant dix années, fi
on Île juge à propos.
Je reviens aux befliaux. Si l'ont veut
qu’un troupeau fe porte bien, que la laine
& la chaïîré en foient également bonnes, it
MALADIES DES BESTIAUX. 39
faut auffi avoir grand foin de ne pas lé.
touffer dans une bergerie, & de ne le laif
er dans fon fumier que le moins que l’on
peut; car c’eft par ce défaut d'attention
que la chaire & la laine des moutons con-
tractent ‘une mauvaile qualité. Pourvu
qüe ces animaux foient bien à couvert dans
les mauvais tems & dans les faifons plu-
vieufes, ils n’en font que mieux de pren-
dre Pair le plus qu'il eft poffible. Quand
il y a une forte rofée, ou du brouillard
& de la pluie, il faut néceflairement les
enfourer (*) avec de la gerbée. Il eft bon
mème de leur en donner tous les jours
un peu depuis le mois de Novembre qu'ils
quittent le parc, avant de les envoyer
RD EESMRRE OD EE MOD DONS SRE 2 CREER ee
(> C'eft-è dire, donner pour nourriture des
pailles de froment ou gros méteil. ’
C 3
48 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE.
aux champs. Outre qu'ils s’en portent
beaucoup mieux, la paille qu'ils ont fo-
ragée , leur fert de litière; & l'on ne peut
leur en trop donner dans les deux faifons
d'Automne & d'Hiver.
On m'a fait une objection fur la caufe
générale que jattribue aux maladies des
beftiaux. Si c’étoit . dit-on , les mau-
vaifes influences de l'air, & les exhalaïfons
mal- faines des terreins dont le venin fe
dépofe fur l'herbe des prés tant naturels
qu'artificiels, qui produifent ces maladies,
ne devroient-elles pas être aufli nuifibles,
auff préjudiciables à l’homme ? Cela peut
fans doute arriver , mais le cas eft fort
rare. 1°. Parce que les exhalaïfons ter-
reftres ne s'élèvent ordinairement que dans
des terreins marécageux, ainfi que dans
les prés hauts & artificiels; & que ces
terreins font encore ceux qui attirent ou
MALADIES DES BESTIAUX. 39
fur qui fe fixent les plus mauvaifes in-
fluences de l'air. 2°. Parce que la terre
où { trouvent les fourages dont j'ai parlé,
n'étant jamais ni labourée, ni remuée ; ce
qu’elle contient de vapeurs, de {el, & de
fucs différens, ne pouvant en fortir qu’a-
vec peine, les exhalaïfons font plus fortes,
& les influences de l'air attirées par les
{els & les vapeurs du fol, s’y dépofent
plus aifément ; au lieu qu’une terre qui eft
labourée & remuée, s’exhale & s’évapore
plus aifément, fur-tout par l’action du {o-
leil qui pompe plus facilement toutes les
évaporations. Au furplus les hommes ne
mangent point de ces herbes où eft dépofe
ce venin, quoiqu'on ne puifle pas nier ab.
folument, que les maladies ne foient plus
fréquentes dans le pays où l’humidité {0
journe plus long-tems.
C 4
4o ÂAGRICULTURE EXPE'RIMENTALE.
Quant à la contagion provenante des
fourages infectés par ces fortes d’exhalai-
fons , elle s'étend quelquefois jufqu'aux
chevaux qui fe communiquent entre eux-
mêmes jufqu’aux plus fimples maladies.
En 1764. au mois de Février j'achetai
dèux chevaux à Chéroy. L'un d’eux avoit
ce qu’on appelle en termes du pays
poujole, efpèce de rhume qui rend les che:
vaux aufli malades que nous le fommes
ordinairement de cette incommodité; car
ils touffent & jettent de tèms en tems par
les narrines, comme une perfonne qui à
un rhume de cerveau. Quelques jours
après fix autres chevaux de ma ferme eu-
rent tous la mème maladie. Heureufement
elle n’eft pas dangereufe, quañd on afoin
de ménager fes chevaux, & de ne pas les
excéder de travail. Comme alors ils font
dégoûtés, quand ils ne mangent pas bien
* MALADIES DES BESTIAUX. 41
leur avoine, ilfaut leur donner un peu
de bled, & les mettre à l’eau blanche; ce
qu’on fait en jettant dans ce qu’ils doivent :
boire deux poignées de farine de feigle.
On ne doit leur donner, pendant qu'ils
font dans cet état, ni foin, ni luzerne,
mais feulement de la gerbée, & des me-
nus de froment ou gros méteil. Cette fa-
con fimple de les alimenter m'a toujours
réuffi, & je me garderai bien d'en em-
ployer d’autres, fur-tout de les faire fai-
gner fuivant lavis très - hazardé des Au-
teurs modernes.
Il eft beaucoup de fourages fecs qui cau-
ent aufli une infinité de maladies fort {e-
rieufes aux beftiaux & aux chevaux d’une
ferme. La paille de froment par exemple,
celle de méteil , lorfqu’elles proviennent
d'une récolte pourrie & infectée de bruïne,
«de bled teint, rouillé ou niellé. L’on {
42 AGRICULTURE EXPERIMENTALE.
défendra de ces inconveniens, fi l’on don-
ne à propos aux terres les labours nécel-
faires, les engrais convenables, & la {e-
mence mile en chaux, comme je Pindi-
querai plus bas. Par ces précautions la
tige des bleds étant plus forte, fera ca-
pable de réfifter aux vapeurs, aux exha-
jaifons de la terre & aux brouillards. La
récolte de 1764. fervira de preuve à ce
que J'avance. Dans tout le Gâtinois il a
paru des vapeurs, des exhalaifons, des
brouillards , depuis le 3. Juin jufqu'au 7-
du mème mois. Ils n’ont communément
duré que trois heures, c’eft-à-dire, depuis
$. heures du matin jufqu’a 8. Quels ra-
vages n’ont-ils pas faits ? Ils ont gâté,
pourri & perdu une aflez grande partie
de la récolte. Pourquoi? C’eft que les
terres n'ont point eu les labours qu’elles
27e à 5: » g. # fl
exigcoient, ou qu'ils n'ont pas ete apple
MALADIES DES BESTIAUX, 43
qués dans les faifons convenables. C’eft
qu'on leur a réfufe les engrais propres à
leur nature, ou qu'on n’a point chaulé
eu enchaufé leur femence , de maniere
qu’elle donnât des productions qui fuflent
en état de réfifter aux vapeurs & exhalai-
{ons de la terre, & aux influences mal-
faines de lair. L'expérience a déja dé.
montré ce que je viens de dire. Javois
65. arpents de bled. J'avois pris les: pré-
cautions que je viens d'indiquer : auffi
n’ont-ils été attaqués ni de nielle, ni de
teinture, ni de bruine. On n'ya pas
mème vu de faux bleds ni d’yvraie, ni
d’autres mauvailes graines , pendant que
les terres de mes voifins en étoient toutes
remplies : ce qui prouve clairement que
ma façon de mettre le bled en chaux eft
æapable {eule de le préferver de toutes for.
tes de maladies, d'empêcher les mauvai-
44 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE.
fes graines d'y croître, & de leur donner
affez de force pour réfifter aux exhalai-
fons & vapeurs de la terre & aux mauvai-
fes influences de l'air. Ceux qui ont en-
chaulé leur femence comme moi, en ont
retiré les mêmes avantages. Il en réfulte
encore un bénéfice confidérable. C’eft que
mes récoltes font toujours plus abondantes
que celles des autres, foit en grain, foit
en fourage, tant pour la qualité du grain
qui eft toujours fupérieure à celle de mes
voifins, que par la quantité de gerbes.
Jen fais fortir un & quelques -fois deux
boiffaux de bled de plus par douzaine de
gerbes. Or file bled qui eft la plus ro-
bufte des plantes eft fujet à tant d’incon-
véniens , peut-on être furpris que l’herbe
_des prés artificiels les éprouve fi fouvent ?
Ses feuilles font épaiñles & larges ; elles
recoivent par conféquent plus de vapeurs,
& MALADIES DES BESTIAUX. 4S
& les gardent plus long-tems que les prés
ordinaires. D'ailleurs les vapeurs qui for-
tent d’une terre qui n’a point été culti-
vée, {ont bien plus fortes que celles qui
s’exhalent d’un {ol qui a reçu trois ou
quatre labours. Quel effet ne feront-el-
les donc point fur les beftiaux, fi on les
y mène pâturer avant qu’elles ayent dif
paru? Mais pourquoi ces exhalaifons in-
fluent elles plutôt fur un terrein que {ur
un autre, qui eft quelquefois à côté? La
raifon en eft fimple. C’eft qu’elles ne {or«
tent très-ouvent que par canton , & à
proportion que les endroits font plus ou
moins humides , ou que le {ol renferme
une plus grande quantité de fels & de
fucs. Mais, me dirat:on, fi ce font les
exhalaifons de la terre, ou les influences
de Vair qui gâtent le bled, les épis étant
les mêmes dans toute la pièce, comment
46 ÂAGRICULTURE EXPE RIMENTALE.
fe peut-il faire que dans le mème épi de
bled il y ait des grains qui foient corrom-
pus par les bruines où par la rouille, &
qu'il y en ait de teints, tandis que d’au-
tres ne font attaqués d’aucun de ces acci-
dens ? Le voici. Lorfque cette vapeur de
la terre s'élève à trois ou quatre pieds de
hauteur en forme de brouillard, le vent
la chañle à proportion de fa force. Elie
s'applique fur la partie de l’épi qu’elle ren-
contre d’abord, & les deux côtés n’en
recoivent que tres-peu; & le derriere n’en
a point du tout. Il ne doit donc pas pa-
roître étonnant que les grains qui en ont
été frappés en plein f{oient totalement
pourris, de facon qu’ils ne donnent qu’u-
ne poufhère noire qui infecte: les deux
côtés de l’épi qui n’en ont recu que très-
peu, parce qu’elle a pañlé obliquement,
ne {ont que teints de noir ou rouillés: &
ST ur
L'ur se Élus
MALADIES DES BESTIAUX. 47
le derrière fur lequel elle ne s’eft point
‘du tout repofée, ne doit point avoir la
moindre teinture, mais être dans fon état
naturel. Ce qui acheve de démontrer que
le mélange de bons & de mauvais grains
dans le mème épi n’a point d’autre caufe
que celle que je viens d’afligner, c’eft que
le bled qui eft prefque renverfé par terre.
eft toujours prefqu’entierement attaqué des
maladies dont il s’agit; parce qu’étant à
Pabri du vent, il a recu de tous les cô-
tés la vapeur & les exhalaifons. Seroit-il
auff aifé d'expliquer pourquoi une pièce
de bled eft quelquefois plus chargée que
celle qui eft auprès , quoiqu’elle {oit de la
mème nature ? Sûrement. C’eft que cette
pièce n’a point été labourée ni femée dans
le mème tems que l'autre; c’eft qu’on lui
a donné un labour de moins, où qu’on
Va fumée plus tard: le bled en eft moins
43 AGRICULTURE EXPERIMENTALE.
fort, & ne peut pas réfifter aux exhalai-
{ons de la terre, ou aux malignes influen.
ces de l'air. Voulez-vous donc les en pré-
ferver pour toujours? Suivez ma méthode
pour les labours & les engrais ;' mettez-y
de la femence chaulée, comme je lindi-
querai bien-tôt, & vous ne courrez plus
aucun rifque. Vous ferez plus: vous la
mettrez à l'abri des différentes faifons, com-
me je le ferai voir plus en détail dans le
chapitre fuivant. Je deémontrerai égale.
ment les moyens qu’on doit employer pour
améliorer les prés hauts & les prés bas;
de façon que le fourage qui en provient
ou les pâturages qu’on y fait faire, ne
nuifent en aucune façon aux animaux que
lon y mene paître.
C’eft donc par mes récoltes bien faines,
& en empèchant la communication de mes
… be.
MALADIES DES BESTIAUX. 49
beltiaux avec ceux de mes voifins dans le
rems des maladies épidémiques , que je les
ai garantis de tout accident depuis 1742,
que j'ai commence à faire valoir par moi-
méme. D'où je conclus qu’il eft bien plus
eflentiel de prendre ces précautions que de
chercher des remèdes que l’on ne peut ja.
mais déterminer avec fuccès que quand on
connoît la nature & l’efpèce de maladie ,
qui communément eft différente , parce
qu’elle n’elt pas toujours occafionnée par la
même caufe ; par conféquent qu'il vaut
beaucoup mieux indiquer le moyen de s’en
préferver , que de mettre {on efpérance
dans des remèdes très-incertains.
Mais que faire, me dira-t-on, des débris
de cette récolte pourrie, infectée par les
maladies de bruïine, de nielle, & de beau-
coup d’autres e{pèces , puifqu’en en faÿfant
du pain, ils peuvent caufer aux hommes
D
40 AGRICULTURE EXPE'RIMENTALE.
des maladies épidémiques ; & qu’en en don-
nant la paille aux animaux, ils produiront
fur eux le mème effet? Il faut mettre ces
bleds en chaux de la manière que je Pin-
diquerai. Jettés fur la terre, ils produiront
une récolte très-belle, très-faine, & tres-
abondante , pour peu qu’on aït pañable-
ment labouré le fol, & qu’on lait pourvu
d'engrais qui lui foient analogues.
À l'égard des pailles , ne vous en fervez
que pour faire de la litière aux chevaux &
aux vaches. Ces animaux étant ordinaire-
ment liés dans leurs écuries ou étables, ne
pourront y toucher; ayant d’ailleurs de
meilleurs alimens , ils ne chercheront pa
à manger ceux qui feront infectés.
Jen appelle encore à l'expérience que
jen ai faite tant à Ville-parifis qu'à Belle.
fontaine. Quand j'ai commencé à faire va.
leir dans ces deux endroits les bleds que les
MALADIES DES BESTIAUX. st
fermiers m’avoient laïflés, étoient attaqués
de toutes fortes de maladies, & pleins de
mauvailes graines. Avec ma facon de mettre
le grain en chaux, & fans jamais changer de
femence, je l'ai très-bien purifié, & jai
récolté les années fuivantes de plus beau
bled, en plus grande quantité, & meilleur
que celui de mes voifins. On en a toujours
été furpris depuis 1759 ; mais j’efpère qu’on
le fera encore beaucoup plus l’année pro-
Chaine , parce que j'aurai plufieurs corps
de ferme compofés de différentes natures de
terres, & dont le labour fera de cinq char-
rues. C’eft fur une quantité de cette efpèce
qu’il faut faire les expériences d’agriculture,
& non fur des petites portions, qu'il eft
très-aifé de rendre fertiles, fans connoître
tout ce qu'il faut pour rendre toute forte
de fol propre à toutes les productions.
Jaurai cent dix arpens de bled à récolter
D 2
$2 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE.
au mois de Juillet prochain fur toutes fortes
de natures de terre : j'aflure d’avance que
mes bleds n'auront aucune des maladies
de bruïine, bled teint & rouillé; & je {uis
très-certain que ceux qui n'auront pas mis
leur bled en chaux comme moi, en auront
plus ou moins, fuivant que les exhalai-
fons , les vapeurs de la terre, & les in-
fuences de Pair feront plus ou moins
fortes.
KAKKKKKÉ
LENGRAIS. 52
C'H'A PI TRESLT
Des engrais. |
L y a plufeurs efpèces d'engrais. La
plüpart font aflez connus , & on ne péche
communément que dans la manière de les
appliquer. J'en indiquerai une capable de
procurer tous les avantages poflibles.
Fuiers des baffes-cours.
Les fumiers des bafles-cours {ont l’enz
grais qu'on emploie ordinairement pour
améliorer les terres ; &ils produifent tou:
jours un très-bon effet, lorfqu’on ne les
met que dans celles qui les éxigent; car
toute forte. de fumiers ne conviennent pas,
à toutes les terres. Le fumier de bergerie ;
par exemple ;, le crotin de pigeon, font,
bien mieux fur les terres lateufes, humi.
D 3
54 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE.
des, froides & argilleufes, que dans tout
autre fol. Les fumiers de vaches & de che-
vaux conviennent aux chaudes, & à celles
où il fe trouve des cailloux ou de la marne,
du crayon ou du fable. Tous les funriers
de bafles-cours, comme ceux de chevaux,
de vaches, de moutons , de porcs, &c.
mèlés enfemble font un très-bon effet dans
toutes les terres, comme celles à blanc li-
mon, terres franches , lateufes, noires, &
terres fortes. J'en ai mème fait mettre dans
des terres chaudes, cafles , glutineufes ;
dans celles où il y avoit de l’argille & de
laglaife. Ces différens fumiers accompagnés
quelquefois de marne ou de gazons y ont
produit des effets merveilleux. Mais ce à
quoi il faut être tres-attentif, c’eft de les
y appliquer dans les faifons convenables ,
de n’en mettre que la quantité qui y eft
mécefläire, de la répandre également par-
«
ExGRAISs ‘;
tout, & de la faire enterrer au premier ou
au fecond labour au plus tard. Par ces me-
fures, tous ces engrais ne feront qu'un
corps avec la terre; & quelque diverfité de
faifons qu'il arrive, ils lui feront toujours
donner d’abondantes productions. Ils ne
produiroient au contraire qu’un très-mau- :
vais effet, fi on attendoit à les enterrer
avec où peu de tems avant la femence ;
car comme ces fumiers ne font prefqu’en-
core que de la paille qui a fervi de litiere
aux chevaux & aux vaches, fans être con-
fommés , ils fe trouvent rafflemblés dans
eertains endroiîts. La charrue les entraîne
avec la femence, & empèche que la terre
en foit par-tout également fournie. Ils rem-
plifent d’ailleurs le champ de mauvaifes
herbes qui font périr le peu de bled qui
poufe dans les terres ainfi apprètées. Les
crotins de brebis , de pigeons & de poulles
D 4
$6 AGRICULTURE EXPE'RIMENTALE.
font analogues à quelques terres ; mais pour
qu’ils donnent la qualité dont elles ont be-
foin, il ne faut les y répandre qu’apres le
dernier labour. On y fait enfuite femer le
bled. On enterre les uns & les autres avec
la herfe, afin qu'ils ne faflent plus qu'un
mème corps avec la terre. Ils la réchauf
fent; & les fels & les fucs qué ces crotins
procurent à la {emence , la font germer
plutôt, poufer plus vite, & lui donnent
la force de réfifter à l’'Hiver le plus rigou-
reux. Aufli les fermiers qui attendent le
mois de Mars ou d'Avril pour jetter fur la
terre cet engrais , font-ils très-mal; car des
que le foleil devient aflez fort pour OCCa-
fionner le hâle & la fécherefle, ces crotins
brülent la plante des bleds. D'ailleurs il
rélulte un autre inconvénient , lorfque ces
engrais, ainfi que tous les autres, ne font
point répandus également par-tout : car
ENGRAIS. LS
certains endroits de la terre en ayant plus
qu'ils n’en éxigent , ne donnent qu’une
grande paille de bled veule qui ne préfente
que de petits épis , & qui ne vient pas
mème toujours en maturité ; parce que le
bled verfe, fe pourrit, & devient lui-mè-
me en fumier.
Les autres engrais capables de remplacer
avec avantage les fumiers de bafles-cours ,
font le parc, les marnes de différentes efpèces
de diverfes terres neuves, les gazons des che-
mins & des friches, & la manière de mettre
le bled en chaux, ou comme l’on dit dans
certaines Provinces, de le chauler ou de l’en-
chauffer avant de le faire femer. Je les préfère
aux premiers, non-feulement parce qu'ils
font graîner davantage les bleds, mais encore
parce qu'ils lui donnent une qualité bien
fupérieure, qu'ils en fortifient la paille,
& qu’ils la rendent meilleure & plus nour-
$3 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE.
rifante. C’eft une expérience annuelle que
Jai depuis 1742. jufqu’à préfent, fur un
corps de Ferme, d’abord de deux, & en-
fuite de trois charrues , & compofé de plu-
fieurs pièces de terre de différente nature.
Le difcernement avec lequel j'ai fait appli
quer ces divers engrais, m'a toujours fait
parfaitement réuflir. Je vais le faire con-
noître ; afin que ceux qui voudront s’y con-
former , puiflent en retirer les mèmes avan-
tages. Comme la manière dont je fais met-
tre le bled en chaux, lui procure un en-
grais très-confidérable, je commence par
lindiquer au Lecteur.
ÂManière de mettre le bled en chaux.
Jar d’abord un tonneau defoncé ou un
cuvier capable de tenir à peu-près un muid
d’eau. Après l’en avoir fait remplir, je fais
jetter dedans environ un boifléau de crotes
MANIERE DE CHAULER LE BLED. $9
de moutons , une pareille quantité de celle
de pigeons & de poulles, un boifleau de
bouze de vaches, autant de fiente de che-
vaux, & environ un boifleau de cendres
de genièvre, ou de genèt, ou de chène.
Si l’on pouvoit mème former cette cendre
dont je viens de parler de ces trois plantes,
elle n’en feroit que meilleure. Je fais en-
fuite fi bien remuer tous ces ingrédiens
avec un bâton, une fourche, où tout autre
inftrument , qu’enfin ils ne font plus qu’un
même corps. On repéte cette opération :
pendant cinq ou fix jours. Ces différens
fumiers fermentent dans cet intervalle com-
me du vin qui eft dans la cuve. Ce tems
expiré , ce mélange fe calme, & fe con-
vertit en une graïfle qui produit les effets
dont je parlerai plus bas. Lorfque je veux
chauler ou enchaufler la femence, je fais
mettre cette eau ainfi engraiflée dans une
6o AGRICULTURE EXPE RIMENTALE.
chaudière de fer , ou dans un chaudron
dans lequel je jette une poignée de genèt
que l’on trouve dans les bois. Quand il a
bouilli avec la liqueur cinq ou fix minutes ,
on le retire en le laiffant un peu égoutter
au-deSus de la chaudière ; & après y avoir
fait éteindre la quantité de chaux nécef
faire, & l'avoir bien remuce avec un bâton,
je fais renverfer tout ce qui eft dans la chau-
dière fur le tas de bled que je veux femer :
aufli-tôt deux perfonnes remuent avec des
pelles le grain trois ou quatre fois. Si tout
le tas eft bien mouillé, on ne doit plus y
rien ajouter. Il n’en feroit pas de mème
s'il reftoit des grains fecs, & qui ne fuffent
point empreints de la liqueur : il faudroit
en prendre dans le tonneau pour y fup-
pléer. Ce bled ainfi chaulé , je le fais femer
des le lendemain, fi je le juge à propos ;
mais fi je differe plus longitems, & qu'ily
MANIERE DE CHAULER LE BLED. 61
ait quelque humidité , j'ai foin qu’on le
remue tous les jours. Par cette attention
je le garde douze ou quinze jours fans qu’il
fe gâte. L’engrais que le bled mis en chaux
de cette façon porte avec lui, le rend d’au-
tant plus propre à fructifier, que quand
une terre n’auroit recu que la moitié de
{on engrais ordinaire, ou qu’on n’y auroit
mis que la plus mauvaife femence , elle
produira davantage & de plus beau bled &
de meilleure qualité, que celle qui auroit
eu tous les engrais néceffaires , mais qui
n’auroit reçu dans fon fein que du bled en-
chauñlé de toute autre manière. Quand
même on y mettroit un boifleau de femen-
ce, & mème plus, de moins , par arpent,
cette terre fera toujours plus couverte que
les autres , lorfque les bleds feront levés.
Ma femence ainfi apprètée eft préfervée
dans les années {eches d’être mangée par
62 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE,
les mulots, fouris, & autres vermines , qui
ne dévaftent que trop fouvent celles des
autres. Il en réfulte encore un autre avan-
tage. C’eft que les bleds germant trois ou
quatre jours avant ceux qui n’ont pas recu
cet engrais, & pouflant enfuite plus vite,
en font plutôt mûrs, & moins expoiés par
conféquent à être gâtés par les pluies qui
tombent communément vers la fin de la
moiflon. Je les garantis toujours, dans
toutes les terres , des maladies de bruïne,
de bled teint de nieille, & de tous les au-
tres accidens funeftes caufés par les brouil-
lards, les vapeurs de la terre, & les mau-
vaifes influences de l’air. Auf n’ai-je ja-
mais ni bled bruiné, ni teint, ni rouillé,
ni ce qu’on appelle niellé. Les mauvaifes
graines mèmes, telles que l’yvraie & le
faux bled, n’y paroïflent jamais. Je pour.
rois apporter en preuve de ce que j'avance
MANIERE DE CHAULER LE BLED. 63
toutes les récoltes que j'ai faites depuis
1742; mais je me borne à celle de 1764.
Tous mes voifins avoient des pièces de
bled dont plus de la moitié étoit gâtée ,
tandis que je n’en avois pas un {eul épi
dans plus de 6$ arpens. Quiconque ne
voudroit pas m’en croire fur ma parole ,
pourroit fe convaincre en venant voir ceux
qui font dans mes granges de Bellefontai.
ne. Il demeure donc conftant que ma facon
de chauler la fernence lui procure des fels
& des fucs qui la purifient & lui donnent
la meilleure qualité. Chacun peut en faire
ufage, puifqu’elle n’eft compofée que des
matières que tout le monde peut fort aie.
ment {e procurer. Mais avant de finir cet
article , je crois devoir avertir qu’autrefois
Jajoutois environ deux livres de fel de
nitre aux ingrédiens dont je compofe l’eau
de mon chaulage : je les ai retranchées de.
64 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE.
puis trois ans, fans que mes récoltes en
ayent été altérées en la moindre chof,
parce que mes terres {ont d’ailleurs pour-
vues de tous les engrais convenables ; ce
qui eft bien eflentiel. |
Toutes lotions, leffives & lavages de
bied ne peuvent qu'être nuifibles à la {e-
mence. Le bled ne peut point être trem-
pé dans aucune efpèce d’eau, fans qu’elle
lui ôte toute la bonne qualité qu’il pour-
roit avoir pour une prompte production.
D'ailleurs du bled ainfi lavé & détrempé
ne fera jamais totalement exempt des ma-
ladies dont j'ai parlé.
Plufieurs perfonnes me demanderont
fans doute comment il fe peut faire que
la maniere de mettre le bled en chaux em-
pêche qu'il foit atteint de la bruïne, de
la rouille & de la nielle ? Je ne puis leur
répondre que par une comparaïfon, Il
eft
MANIERE DE CHAULER LE BLED. 6$
eft certain qu’une nourrice qui alaite un
enfant, lui communique les bonnes ou
mauvailes qualités qu’elle renferme en elle.
mème. Si elle eft faine, & qu’elle ne
prenne que de bonnes nourritures, fon
nourriflon ne {era fujet à aucune des ma-
ladies qui attaquent ceux qui fucent un
lait vicié par quelque maladie. Il en eft
de mème de l terre: elle eft la nourrice
du grain. Si les engrais qui lui fervent
d’alimens font analogues à ce qu’elle doit
produire , ils y feront pañler une féve qui
les fera fructifier avec abondance, & qui
lui donneront une qualité propre à la met-
tre à l’abri de toute forte de maladies. Les
pailles qui {ont comme les membres du
bled, feront , pour ainfi dire, bien orga-
nifées ; elles auront plus de fucs & de
nerf; elles feront bien meilleures pour la
E
66 AGRICULTURE EXPERIMENTALE.
nourriture des animaux. N'ayant aucune
partie plus foible que l'autre, aucune ma-
ladie ne pourra les affecter dans aucun en-
droit: on ne trouvera donc plus, en {ui-
vant ma méthode de fumer les terres &
de chauler le bled, des épis à moitié gâtés.
Ils feront tous également fains, parce que
k nourriture que je donne à la paille, lui
proeure une conititution qui la met en
état de rélifter aux rigueurs de toutes les
faifons.
L'étude du laboureur doit donc être
principalement de veiller à ce que fes dif.
férentes terres {oient pourvues d’engrais
analogues aux productions qu'il veut en
retirer , que le bled {oit bien purifié & for-
fé, par le chaulage, afin qu’il foit en
état de recevoir une fve vigoureufe qui
le mette à l'abri des vapeurs ou exhalai-
{ons pernicieufes qui peuvent {ortir de l&
PA RC 67
terre qui le nourrit, & des malignes in-
fluences de l'air dont il eft environné, &
qui font toujours plus ou moins fortes,
felon que les faïlons de PAutomne ou de
l’'Hiver, du Printems ou de l'Eté, font
plus ou moins feches, ou plus ou moins
humides.
FA RC.
Je ne trouve point d’engrais qui puifle
aller de pair avec le parc. On peut le
jetter fur toutes les terres, de quelque na-
ture qu’elles foient. Il n’eft queftion que
d'etre attentif à à ne l'y appliquer que dans
le tems. qui Jeu. convient, Vous. y reuf-
firez toujours , fi dans les terres franches,
à blanc ere litules, (*) froides &
3
CF) Il y a trois fortes de terres lateufes. Les
premières ne font appellées lateufes que parce
En
68 MGRICULTURE EXPE RIMENTALE,
autres terres fortes, vous y mettez le pare
avant d'y femer le bled. Il n’en {eroit
pas de mème, fi vous fuiviez cet ufage
pour ls terres noires, creufes, veules ,
meubles & légères. Il faut, pour en tirer
tout l'avantage poflible, ne les faire par
quer qu'après qu'elles font enfemencées.
Vous leur donnerez du corps par cette
attention & de la confiftence. Votre bled
fera moins expofé à verfer: fi vous agi£
fiez autrement, la paille en_feroit fans
qu après u une. gro pluie elles Re ee: f fort,
que l’on peut y marcher à pied fec: Les fecon-
des font lateufes & humides. Elles font ainf
nommées, parce qu’elles fe battent auîli. Et
les troifièmes font nommées lateufes, froides &
humides, parce qu’elles fe battent de même;
mais ces deux dernières confervent les eaux plus
Jongtems, ce qui eft caufe que- Pon doit les
faire labourer en planche un -peu plus bombées
que les premières, avec des fang-fues qui les
traverfent pour en faire écouler les eaux.
PARC. 69
nerf & fans force. Elle ne pourroit par
conféquent fe foutenir, quand il furvien-
droit des mauvais tems.
Dans les terres chaudes de toutes natu-
res n’appliquez le parc qu'après la récolte
du bled, c’eft-à-dire, fur le chaume ; mais
ayez grand foin de le faire enterrer fur le
champ. Après l’'Hiver le parc aura jetté
tout fon feu, & fera changé en graifle ;
de forte qu’en lui faifant encore donner
un labour en Février ou en Mars, il vous
procurera une abondante récolte d'avoine,
d'orge, de bled de Mars, ou de tout au-
tre menu grain: & quand ces terres feront
en jJachères, fi vous les fumez à moitié
de ce qu’elles devroient l'être dans toute
autre circonftance , vous recueillerez beau-
coup de très-bon bled l’année fuivante. Ïl
en réfultera encore un plus grand avan-
E 3
#o AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE.
tage. Car comme les terres dont il eft ici
queftion, font pour l'ordinaire remplies
de toutes fortes de mauvaifes racines ou‘
graines, telles que la bouglande, le mil-
lereau, la rougeole, les chailliés, les char-
dons de toute efpèce, &c. le parc, appli-
qué comme je viens de le dire , fera périr
& détruira toutes les graines & racines de
ces plantes fi nuifibles au bled. Il don-
nera de plus à ce dernier de la qualité,
il en fortifiera la tige, & la rendra plus
‘en état de fupporter les différentes ri-
gueurs des faïfons. J'en continuerai l'an.
née prochaine l'expérience {ur plufieurs
corps de ferme d'environ cinq charrues,
où il fe trouve des terres de toutes fortes
de natures: & l’on verra que cet engrais
peut fe multiplier veaucoup plus qu’on
ne le croit communément; parce que je
démontrerai par des faits, que l’on peut
MARNES. 74
parquer dans prefque toutes les faifons,
pourvu qu'on ait foin de faire rentrer le
troupeau dans la bergerie, ou fous un
hangard quand le temps eft humide, quand
il neige, ou quand les brouillards font
trop épais ou trop fréquens. On {ent bien
que les petites gelées ne font point com-
prifes dans cette exception; car l’on peut
faire parquer alors: le troupeau s’en por-
tera beaucoup mieux, & les laines & les
chaires en feront meilleures.
M ARNES.
Les marnes de toute efpèce peuvent
s'appliquer à toutes fortes de terreins, de
quelque nature qu’ils foient. J'en excepte
feulement ceux qui font chauds par eux-
mèmes , & qui portent déja dans leur fein
de la marne, des cailloux, du crayon ou
E 4
#2 AGRICULTURE EXPE'RIMENTALE.
du fable. Mais une chofe à laquelle il faut
être très-attentif, c’eft de ne mettre dans
les terres à qui cet engrais convient, que
la quantité qu'éxige leur degré d'humidité.
La marne franche qui eft en partie verte
& grafle, eft bonne dans les terres for-
tes, lateufes, glutineufes, cafles, glaifeu-
fes & argilleufes. Elle rechauffe le ter-
rein , elle l’ameublit, elle donne de la qua-
lité au grain & le multiplie; elle rend la
paille plus forte, & d’une nourriture plus
agréable aux animaux. Les autres mar-
nes font plus ou moins bonnes ; mais el-
les ont toutes la propriété d’exciter la vé-
gétation, de faire grainer le bled, & de
Jui donner de la qualité.
On peut conclure de ce que je viens de
dire , que les décombres des maifons ,
telles que la chaux , le plâtre & autres
efpèces , font très - bien dans les terres ar-
VESCES. 73
gilleufes & imbibées d’eau. Ces fortes d’en.
grais les deffèchent, & les empêchent de
produire de mauvaifes plantes, telles fur-
tout qu’une efpèce de marguerite, appel-
lée chailliés, qui a une fi mauvaife odeur
qu’elle infete les granges & la paille des
récoltes.
Nc S CAE à
Il eft un autre engrais qu’on peut aïfe-
ment fe procurer. Il confifte à femer en
vefce la quantité d’arpens deterre que l’on
veut mettre en bled. Des qu’elle eft pouf.
fée en herbe à une certaine hauteur, on
la fait enterrer avec la charrue. Cet en-
grais donnera au moins une abondante
récolte en bled, & autant en Mars. Ce.
pendant comme il eft un peu difpendieux,
je ne le confeille que dans le cas où lon
74 AGRICULTURE EXPE'RIMENTALE.
ne pourroit pas s’en procurer d’autres à
moins de frais. J'en dis autant des ga-
doues, récurages d’abreuvoirs, de fofles,
d’étangs, de marais, & de tous les fu-
miers artificiels, fur-tout dont les uns ne
font communément que de très-mauvais
engrais , & les autres ne peuvent être que
momentanés. En effet, à quoi bon avoir
recours aux artificiels, puifque ceux que
jindique, & que tous les fermiers ont
chez eux, font plus que fuffifans , lor£
qu’on fait les appliquer à propos à chaque
efpèce de terre pour les en pourvoir tou-
tes, & qu'ils font d’une nature excellente,
tant pour procurer une récolte faine &
abondante, que pour la rendre fupérieure
en qualité foit en grain, foit en paille &
fourage? Au refte, j'ai expérimenté moi
mème qu’en cultivant mes terres, comme
je le décrirai plus bas, & en leur procu-
VESCES. nn
fant les engrais tels que je les détaille ici,
elles me procurent des pailles & des fou-
rages pour engraifler par {ol d’une charrue
quinze ou dix-huit arpens de plus qu’on
a coûtume de faire. Je vais plus loin, &
je ne fais aucune difficulté d'avancer que»
quand même je me trouverois dans un
pays où les différens engrais dont il eft ici
queftion, manqueroïent abfolument , je
maurois pas encore befoin de recourir à
l'artifice pour nen procurer; parce que le
parc, le fumier des bafles-cours employés
à propos, & accompagnés de ma facon
de faire labourer & de chauler la femen-
ce, me donneroient feuls les plus belles
récoltes. D’où je conclus que les prairies
artificielles font par-tout au moins inutiles,
pour ne rien dire de plus.
76 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE.
TERRES NEUVES.
.
On peut encore tirer un bon parti des
terres neuves. J'appelle ainfi les terres
que l’on peut prendre dans celles qui font
franches, à blanc limon, latteules, graf
fes enfin dans toute forte de bon fond.
Pour y parvenir, on fera d’abord enfoncer
dans le premier labour la charrue de deux
ou trois pouces feulement plus qu'a lor-
dinaire, pour faire remonter {ur Yancien
{ol celui qui eft au- deflous. Cette terre
neuve étant bien mélée par les trois la-
bours fuivans avec celle qui commencoit
à s’épuifer , donnera des productions de la
meilleure qualité. Cependant, avant de
commencer cette opération, il faut s’aflu-
rer s’il ni auroïît point par-deflous la terre
qu'on à coûtume de labourer des veines
de terre rouge, du crayon ou du tuf; par-
TERRES NEUVES. 77
ce que, fi on ramenoit par-deflus ce
mauvais {0l, on gâteroïit l’ancien pour
long-tems. (Comme les bons fonds d'ail.
leurs font rarement par-tout égaux, il eft
à propos, avant de faire enfoncer la char.
rue, de fonder avec une bècffe ou tout
autre outil , dans plufieurs endroits la piè.
ce que l’on veut améliorer de cette façon.
Dans fix cents arpens ou environ que je
fais valoir, il n’y en a guère que qua-
rante qui foient fufceptibles de cet expé-
dient; mais il s’en trouve d’autres où je
puis former l’engrais complet, c'eft-à-dire,
où je fais enlever un pied de terre plus
ou moins de ces bons fonds pour la tranfs
porter fur des terres pleines de cailloux ,
de fable, de crayon ou de marne. Poux
éviter la dépenfe, je la fais charrier de
proche en proche, de façon qu’un bon
cheval fuffit pour trainer le tombereau,
78 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE.
En agiflant ainfi, je me donne en mème
tems un double engrais. Le premier, par-
ce qu’en elevant un pied de terre de cet
excellent fond , il devient naturellement
une terre neuve qui peut rapporter {ept à
huit récoltes de fuite fans avoir befoin
d'autre engrais. Le fecond , parce que
cette bonne terre que je fais porter dans
un mauvais {ol , le rend bon pour tor-
jours » & procure au moins trois récoltes,
fans qu'il {oit befoin de le fumer. Auff
plufieurs de mes terres que jai ainfi arran-
gées, & qui ne rapportoient autrefois que
de mauvais feigle, donnent -elles aujour-
d'hui de très-bon méteil.
La terre, le gazon que je fais enlever
des chemins, des friches, & des autres
endroits où il s’en trouve, produifent en-
core un très-bon effet dans les champs où
Ten RE ss NEUVES 7
il y a du caillou, du fable, du crayon &
de la marne. Le mème tombereau qui
tranfporte ces terres ou ces gazons dans
les terres que je veux améliorer, charrient
dans les chemins les cailloux que on y
ramafñle : par ce moyen on rend la terre
caillouteufe , & les chemins plus pratiqua-
bles. Au refte je ne confeille ces trans-
ports de terre neuve, de gazons, &c. que
dans le tems de gelée ou très ec. Outre
que Von fait plus de voyages alors, &
avec moins de chevaux & de peines, c’eft
qu'il net pas poffble de labourer , ni de
faire d’autres ouvrages d'Agriculture,
Non-feulement tous ces différens engrais
procurent aux terres des {els & des fucs
qui les fécondent, ils fervent de plus à
ameublir le fol. Pour en convaincte tous
les cultivateurs, je vais leur décrire ce que
82 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE.
j'ai fait pour rendre meubles les terres for-
tes , glaifeufles, cafles, glutineufes, &c.
Ils favent tous par expérience que ces for-
tes de terres font très-diffciles à labourer,
parce qu’elles tiennent à la charrue, &
qu’elles s’enlèvent par quartiers. Aufli en
aije trouvé une quantité en friche à Bel-
le- fontaine. Pour faciliter la culture de
celles qui étoient les plus cafles & les plus
fournies de glaifes, j'y ai fait mettre des
_marnes, des gazons, & différents fumiers
des bañles-cours. Dès qu’ils ont été bien
mèlés par deux labours avec le fol, le
troifième s’eft fait fans peine; & après
leur avoir fait donner le quatrieme pour
femer, la terre étoit fi ameublie, que les
dents de la herfe y entroient tout entières.
Par le moyen de ces trois engrais cette
terre a été fournie de fels & de fucs fuf
ffans ,
FE
TERRES NEUVES. 8x
fans, au moins pour trois xécoltes de
fite, fans en exiger d'autre. D'ailleurs
elle en fera pour toujours de meilleure na.
ture, plus facile à cultiver ; & deux che-
vaux, fans {e fatiguer , fouffiront pour la
labourer , tandis qu'auparavant trois pou-
voient à peine en venir à bout. Le char-
retier ou valet de charrue en fera auf
beaucoup plus à fon aife: il ne fera plus
contraint de fe cramponner, pour ainfi
dire, fur la charrue pour la retenir, ou
d'en ôter continuellement tout ce qui s’y
attachoit. Dans certaines terres glailes,
la marne & les différens fumiers des baf-
_ fes-cours fufñfent pour produire les mè-
mes effets; & dans les grafles, les fortes,
la marne feule les y opére.
82 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE.
CH A PTARE NE
Des Labours ES de la femence.
€ gg rom que foit cette par-
tie de la cultivation, on ne s’y ap-
plique pas avec aflez de foin dans la pl.
part des provinees du royaume. On y fuit
prefque partout les anciennes routines ,
ans examiner fi elles conviennent ou non
àux terres que l’on veut faire valoir. I
n’eft cependant qu’une façon de s’y pren-
dre dans tous les pays de la France, pour
en tirer tous les avantages poffbles. J'en
ai parcouru prefque toutes les provinces ;
& après en avoir bien examiné les diffé-
rentes terres”, j'en ai trouvé beaucoup
qui £ refembloient par leur nature, &
dont le {ol étoit le mème: d’où jai con-
clu qu’on pouvoit par-tout les Jabourer de
45%
NN LABOURS ET SEMENCES. ! 83
ja même manière. Nous voyons cepen-
dant tout le contraire. Dans le Gâtinois,
par exemple, les fermiers font indiftin-
étement labourer toutes leurs terres en fil-
ions, & enterrer la femence avec la char-
rue. On fuit le mème ufage dans une gran-
de partie de la Brie. Dans certains can-
ons de la France on les met en planche;
& dans la Picardie & dans une autre par-
tie du Royaume on les laboure à plat, avec
une charrue à tourne-oreille, c’eft-à-dire,
qu’elles font également unies par toute la
pièce. Mais quels inconvéniens ne réfui-
tent-ils pas de faire labourer de diverfes
manières , non-feulement les terres de mè-
me nature, mais encore celles d’une na-
ture différente? D'abord la coûtume de
mettre les terres en fillons eft très-préju-
diciable à la récolte. En effet les raies qui
terminent les fillons des côtés, & qui font
F 2
&4 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE.
perdre un fixième du terrein, n’ont point
de femence; parce que la charrue la re-
jette à droite & à gauche, fans la difper-
fer également. Quand d’ailleurs il s’y en
trouveroit, elle ne viendroïit que très-dif
ficilement en maturité, foit parce que les
raies étant très-profondes elle y eft trop
enterrée, foit parce que les eaux des pluies,
-y féjournant trop long-tems pendant lPhi-
ver, la pourriffent & l’empéchent de pouf
fer. Qu’arrive-til encore d’un autre côté ?
C’elt que pour l'ordinaire les raies de ces
fillons {ont tellement remplies de mauvai-
{es herbes ou de mauvaifes plantes, qu’el-
les étouflent très -fouvent le bled à droite
& à gauche; de forte qu'il n’y a prefque
de récolte à faire que fur le haut des fil-
lons. Les inconvéniens fe multiplient , fi
on feme ces fortes de terres à la charrue 5
parce que, pour enterrer la femence , el-
* TABOURS ET SEMENCES. 8ç
le ne doit prendre de terre que ce qu'il
en faut pour la couvrir : on ne donne
par conféquent alors tout au plus qu'un
demi-labour. Comment le’ deflous pour:
roit-il fufifamment s’ameublir ? De-l vient
que la racine du bled y trouvant trop de
réfiffance, ne s'étend & ne sépatte pas
aflez pour produire un épi parfait, & les
eaux des pluies ne pouvant y pénétrer qu’a
la —ongué, ‘reltent trop long-tems, foit
fur Ja füperficie , 1oït entre deux terres.
D'ailleurs la charrue, en renverlant la ter-
se fur la femence, ne la:couvre Jamais
toutentière, parce qu’elle tombe aflez fou:
Véñit en motte, & toujours fort inégas
Aement:"Il y en a donc beaucoup de per-
du.’ Auf faut-il au moins-un bichet de
grain de ‘plus pour la femence d'un ar.
péntsquefi on femoit,. comme, jg le mar.
aueraisdans la fuite. Ce eft pas tout. U
F 3
86 AGRICULTURE EXPE RIMÉNTALE.
y a communément beaucoup d'herbes dans
les bleds femés à la charrue: on ne peut
donc pas les enlever quand on le juge a
propos. Il faut laiffer farier ces herbes quel.
quefois pendant fept à huit ‘jours. Des
pluies furviennent dans cet intervalle, &
le grain germe. Nous en avons un exem-
ple bien récent dans la récolte de l’année
derniere. Cet accident eft arrivé à beau-
coup de bleds dans le Gâtinois & ailleurs.
Les miens ne l'ont jamais éprouvé depuis
1742. & Pourquoi? Parce qu’ils font fans
herbes, toujours mûrs avant ceux des au-
tres; & que quand le tems n’eft pas dé.
cidé au beau, je les fais enlever à mefure
qu’on les fcie. En 1764. tous mes bleds
étoient entrés dans mes granges le 31 du
mois de Juillet; tandis que mes voifins
en avoient encore en javelle, &mème fur
pied le 22 du mois fuivant. Quelles fu-
, LABOURS ET SEMENCES. . S7
| de ;
rent les fuites de cette lenteur à faire ra-
mafñler leurs bleds ? Les plus funeftes. Ceux
qui étoient encore fur pied, ont été en
partie égrainés ; parce que la pluie ayant
fait renfler le grain, la maille s’eft ou-
verte, & au premier vent ce grain eft
tombé par terre. D'un autre côté ceux
qui étoient en javelle, ont été en partie
germés. Voilà donc une récolte prefque
perdue. Les pailles & les fourages en ont
6.6 gâtés; parce que les laboureurs { font
aheurtés à fuivre les anciens ufages, &
qu'ils ont pas été aflez vigilans. Tant
il eft vrai que l'activité ft prefque l'ame
de lAgricuiture. |
Au refte , comme ces fillons font étroits
& fort hauts, & les deux dermieres raies
de chaque côté avant celles qui féparent
ces fillons prefque droites, la terre fe trou-
ve tellement en pente, qu’étant ameublie,
F 4
88 AGRICULTURE EXPE'RIMENTALE.
par la gelée, elle retombe prefque d'elle:
mème dans les grandés faiés qui féparent
jes fillons. Ce qui ne peut artivér, fins
que le peu de bled qui e trouve dans les
deux dernières raies qui achèvent de f6r-
mer le filon, étant dans la mème pente,
ne foit déchauflé. Manquant alors de nour-
rituré, il ne poufle pas, ou très-peu. Sur-
vient-il d’un autre côte de fortes pluies ?
Les fillons étant extrèmement bombés &
étroits, ces pluies entraînent dans les gran |
des raiés tous les {els & les fucs des en-
grais qui ont été mis dans les terres ainfi
labourées; & pour peu que le fol foit en
pente, & que les raies, comme il eft af
fez ordinaire, fuivent cette pente, ils font
rapidement entrainés dans les terres qui
font plus bañles; parce que les raies tien-
nent lieu d'autant de fangfues qui ne fer-
vent qu'a énerver & déchaufer le {ol, en
ÉABOURS ET SEMENÇCÉS. 89
“le privant de ce qu’il a de plus le befoin
pour nourrir là fémence qu’on lt a con-
_fiée. Enfin quand on enterre la femence
avec la charrue, of eft obligé, pour com-
“mencet le filon, d'élever le plus qu'on
peut les deux premières raies, & de les
appliquer Pune contre Pautre: on rejette,
en agiffant ainfi, la plus grande partie de
là femence fur lendos des fillons. De-hR
vient que cetté partie eft fouvent plus gar-
nie qu’elle ne dévroit l'être; & les au-
tres raies allant toujours en defcendant ,
celles qui font dans le bas n’en ont pâs
ufifamment. Inconvénient que l'on évi-
tera toujours en fémant lés bleds à la her-
£e, furtout quand la terre eft bien amieu-
blie par de bons labouts égaux, & par
des engrais convenäbles à fa nature. On
verra toujours par expérience que des tet-
res labourées en planches plus ou moins
30 AGRICULTURE EXPF’RIMENTALE.
bombées, fuivant que le terrein eft {ec
ou humide & femé à la herfe, non-feu-
lement feront garanties de tous les acci-
dens, maïs encore qu’il n’y aura aucunes
lacunes, la femence étant par-tout égale-
ment répandue & mieux rangée, que fi
on s'étoit fervi de femoirs à bras, de
charrues à trémille, ou de tout autre inf.
trument, qui d’ailleurs augmentent la dé-
penfe plus du double, fans compter que
ny ayant rien de particulier dans ma mé-
thode, les fermiers n’en font point effa-
rouchés, puifqu’on n’y fait ufage que de
la charrue & de la herfe. Ainfi il eft très-
facile de faire valoir toutes les terres du
Royaume, fans rouleau ni brife-mottes,
la herfe pouvant mieux faire les opéra-
tions qu’on leur attribue, mais qui ne font
jamais nécefaires, quand on a donné de
bons labours à fes terres, & qu’on les a
LABOURS ET SEMENCES. : 9H
fournies d’engrais qui leur font analogues.
Au refte, quand il s’y trouveroit quelques
mottes , le terrein étant bien ameubli, la
charrue & la herfe feroient plus que fufh.
fantes pour les réduire en pouffière.
Les terres franches à blanc limon, les
terres lateufes de toute efpèce, les terres
fortes, noires , chaudes & courtes, que
Von laboure indiftinétement en fillons dans
le Gâtinois, font toutes labourées à plat
dans la Picardie. Aufli ai-je eu, il n’y a
pas long-tems , la douleur de voir dans les
granges de cette dernière Province toutes
les gerbes remplies d’herbes , & les pailles
noires qui fentoient le relent. Comment
en auroit-il pu être autrement ? Dans les
Hivers de 1763. & 1764. les eaux ont fait
unitrop long f{éjour dans ces terres, faute
d'écoulement ; & elles n’ont pu filtrer dans
d’autres, parce que leur {ol étoit trop dur,
92 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE.
atténdu que pour femer on n’avoit em-
ployé que la charrue pour enterrer la {e-
mence ; ce qui n’avoit donné qu’un demi-
labour au fol. On a beau tirer des! raies
dans ces fortes de terreins labourés à plat 3:
J'ai fait voit à M. Pannellier Seigneur dAn-
nel entre Compiégne & Noyon, qui fait.
valoir fa Terre , & qui mérite par les {oins
qu'il {e donne pour ÿ réuffir, d’être mis
au nombre des vrais amateurs :de l'Agri-
culture, qu'après la plüie confidérable du
13 Odobre deirtier ik y avoit des ravines
& des fliques d’eau dans beaucoup de {es
terres qui étoient enfémencées. Il ne na
point été difficile de Ii faire comprendre:
que lés raies tirées aveé la ehatrue iétoient
d'aucune utilité, puifque les eaux reltoient
äans les pièces. Les terres lateufes d’ailleurs
étoient fi battues , qu'on pouvoit y mar-
cher d’un pied auf fec ;ique’ fi on avoit
LABOURS ET SEMENCES. : 93
pafñlé par un chemin bien ferré. Dans les
terres lateufes, froides & humides, & les
terres noires meubles , les eaux y reftoient
entre deux terres ; en {orte qu’en comptant
d'y marcher quatre jours après la pluie du
13 Octobre, on y enfoncoit d’un bon de.
mi-pied. Quant aux terres de la mème
efpèce qui fe trouvoient fur des pentes,
& qui étoient labourées de la même facon,
les eaux n’étant retenues ni par les fillons,
ni par les raies des planches , ni écoulées
par les fangfues , les ont déchauflées , y ont
fait des ravines , & entrainé les fumiers ,
ainfi qu’une partie des femences , dans les
prés qui étoient au bas. Eft-il {urprenant,
après ce défaftre , de voir les champs rem-
plis d’herbes , de mauvailes graines , & les
récoltes gâtées , les granges par conféquent
infectées de la mauvaife odeur des foura-
ges? Le Laboureur qui ne fait Le plus fou.
94 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE.
vent que fuivre {à routine, en attribue la
caufe au tems & àla faïlon; maïs le véri-
table amateur dit: Il faut que je n’aye pas
opéré avec aflez d’attention ; car l’Agricul-
re eft une étude, & non un fecret impé-
nétrable. Ainfi raifonna M. Pannellier ; &
jacquiefcai fans peine à ce qu’il me dit,
puïifque ce n’eft que par létude, les
obfervations , les expériences réitérées,
& la pratique , que j'ai acquis les con”
noiflances qui lui paroiflent fi utiles & fi
néceflaires.
Mais comment faire, me demandera-
t-on peut-être, pour empêcher qu’on ne
fuive plus les anciennes routines de l’Agri-
culture? Comment faire ? Je viens de le
dire. Renvoyer à l'expérience tous les La-
-boureurs. Elle leur apprendra 1°. que toutes
dortes de terres doivent être labourées en
planches. Le fermier y gagnera au moins
LABOURS ET SEMENCES. 95
un cinquième de terrein : car s’il le labou-
roit en fillons , les grandes raies n’auroient
aucune femence. Si au contraire il failoit
donner {es labours à plat, fon terrein étant
uni par-tout ne peut que refter tel qu’il eft
naturellement. Il n’en eft pas ainfi de ma
façon de faire labourer. Chaque planche
étant bombée, en procure une augmenta-
tion confidérable : car par le mefurage que
j'en ai fait faire dernièrement, j'ai trouvé
que je gagnois huit à dix arpens fur cent
que je mets en bled. 2°. Que la charrue &
la herfe fufhfent feules pour les rendre fer-
tiles. 3°. Qu'il faut au moins donner qua-
tre bons labours également foncés à toutes
les terres dans le tems convenable, avant
de les femer à la herfe : 4°. qu'il faut faire
le premier labour à celles qui doivent être
miles en jachères , le plus qu’on le peut
pendant l’Hiver , & y faire charrier & en.
96 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE.
terrer dans cette faifon tous les fumiers.
dont elles peuvent avoir befoin. Il réfultera
de cette pratique plufieurs avantages con-
fidérables. D’abord le {ol étant ouvert re-
cevra bien plus aifément les fels & la graifle
que les influences de Pair, les brouillards,
les tems gras de l’Hiver & la neige fur-tout
y dépofent toujours , felon cet axiomé ,
Nix que cadit , opimat s#erram. Elle pro-
duit encore d’autres effets. Jointe à la gè-
lée, elle fait périr les mauvaifes herbes &
les D ar , & la charrue pénétre enfuité
plus aifément la terre; parce que rien ne
lameublit mieux que de la labourer & de
la fumer dans cette faifon. Quant au {e-
cond labour , il eft très-important de le
faire avant les grandes chaleurs ; parce que
le tems de hâle & le foleil ardent en enle-
veroient les fels & les fucs. Qui eft-ce qui
ignore qu'ils en déffèchent & pompent juf
qu'aux
LABOURS ET SEMENCES. 97
qu'aux eaux qui s’y trouvent. Ne labou-
rez donc dans cette faifon rigoureufe que
quand de mauvaifes herbes, plantes, ou
racines ont pouffé dans votre champ; car
il féroit trop dangereux de les laiffer mon.
ter à un certain point, puifqu’elles ne peu.
vent le faire qu'aux dépens des fels & des
fucs qui doivent nourrir le bled; & que
d’ailleurs fi elles montoient en graine, elles
Pen rempliroïient totalement. Néanmoins
lorfqw’on eft contraint de labourer dans
cette faïifon, autant qu’on le peut , il faut
profiter des tems couverts & fombres. Le
beau tems, le hâle, le foleil qui leur fuc-
cède , déffècheront les mauvaifes herbes
que la charrue aura déterrées & renverfces ,
& les feront périr.
Le troifième labour , pour les terres def
tinées à mettre en froment , doit être com-
mencé à la fin d’Août, ou au commence.
G
98 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE.
ment de Septembre ; car pour celles qui
doivent être enfemencées en feigle , il faut
les préparer pour les faire femer le 1,
ou le 20 du mois de Septembre. On doit
alors leur donner le quatrième labour auf
profond que les précédens. À mefure que
la charrue retourne la terre, on en fait
la femaille que l’on enterre à la herfe, après
en avoir chaulé ou enchauflé la femence ,
comme je lai marqué au commencement
du Chapitre précédent. Il eft certain qu’en
fuivant ma méthode, la femence fe répan-
dra par-tout plus exactement , & qu'elle
fournira le champ , de facon qu’on n'y.
appercevra aucune lacune. Ce qui n'arrive
pas toujours avec des femoirs à bras, ja
charrue à tremille, ou avec toute autre
machine à laquelle on voudroit donner
cours. Bien entendu que celui qui femera ,
obferve attentivement de proportionner la
EP Ge £
LaBoURs ET SEMENCESs. 9%
quantité de femence qu’il convient de don-
“er à chaque nature de terre; c’eft-a-dire,
que plus uneterre {era bonne, forte, fran.
“che, &c. plus il lui faudra de femence ; plus
elle fera légère, médiocre, ou mauvaife,
moins il faudra lui en diftribuer. Par cet
article, comme fur bien d’autres, je me
trouverai en contradiction avec un Auteur
moderne qui vient d'annoncer au Labou-
reur , que plus une terre eft bonne & forte,
moins il lui faut de femence : plus elle eft
légère, médiocre ou mauvaile, plus elle
en a befoin. Peut-on , avec tant d'années
d'expérience que l’on dit avoir, enfeigner
des principes auf faux fur l'Agriculture ?
Vérité conftante dont j'ai acquis la preuve
par une infinité d'expériences. Il eft d’au-
tant plus avantageux de s'attacher à mes
principes, qu’ils font fondès fur une pra-
tique réitérée de plus de vingt années, &
Ft G 2
100 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE.
qu’ils n’occafionneront aucuns frais extra.
ordinaires. Car encore un coup avec la
charrue & la herfe feulement je me pro-
curerai toujours une récolte plus belle &
plus abondante, que ceux qui font des dé.
penfes pour fe fournir de tous les inftru-
mens que l’on invente journellement , fous
le prétexte fpécieux de contribuer à la per.
fection de l'Agriculture. Cependant j'ai des
terres de toutes les efpèces. Dans les unes
on trouve du fable , du crayon , de la
marne ; dans les autres des cailloux , un
peu d’argille & de la glaife. Celles-ci font
chaudes, courtes , cafles , & glutineufes :
celles-là font fortes, lateufes , bonnes, hu-
mides & froides. J'en ai de meubles, de
noires, de franches, & mème quelques ar-
pens en blanc limon. Toutes ces {ortes de
terres, en leur faifant donner quatre la.
bours d’égale profondeur, relativement à
LABOURS ET SEMENCES. IOI
leur différente qualité, en planche un peu
bombée , felon que le terrein eft plus ou
moins humide, ne gardent jamais l’eau.
Aufli n’y ena-t-il point eu ni en 1763.,
ni en 1764. quelqu’humides qu’ayent été
les Hivers de ces deux années. Il eft vrai
que dans celles qui étoient les plus humi-
des, j'en ai fait écouler les eaux par des
fangfues dans des foflés où elles ne pouvoient
nuire:ce qui fait qu’il n’y a pas un brin d’her-
be dans mes gerbes de larécolte de l’année
dernière ; & quelque gelée qu’il eût pu venir,
elle n’auroit jamais endommagé mes bleds.
Il n’en eût pas été de mème de ceux de
mes voifins qui font reftés en grande par-
tie ‘dans l’eau pendant un tems confidéra-
ble, quoique dans des terreins bien moins
bas que les miens, la gelée les auroit af
furément coupés en grande partie par la
racine. Si les terres que j'ai vues en Pi
G 3
102 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE.
cardie avoient été labourées en planche &
femées à la herfe avec la femence chaulée
ou enchauflée , comme je l'ai dit plus haut,
& que les plus humides euflent été tra-
verfées par des fangfues de mème que cel:
les qui fe trouvoient dans les pentes, la
grande pluie du 13. Octobre dernier n’y
auroit point fait de degât, foïît en les battant
trop, {oit en furnagéant fur la fuperficie ;
foit en reftant entre deux terres, {oit en-
fn en degradant celles qui étoient en
pente. Ces dernieres doivent toujours ètre
labourées. en travers, & jamais en fuivant
la pente; afin que les eaux qui tombent,
puiflent s’écouler dans les raies de chaque
planche,, & delà {e décharger dans les
fangfues que lon multiplie à proportion
du befoin que peut en avoit le terrein qui
doit étre enfemencé, en les dirigeant tou-
jours vers l'endroit où l’on yeut qu'elles
+ LABOURS ET SEMENCES. 103
conduifent les eaux, fans caufer aucun
“dommage. J'ai conftamment fuivi cette
marche avec fuccès, comme je le ferai
“voir, lorfque je parlerai des moulières.
L'on a dû remarquer que par ma facon de
cultiver, de fumer la terre, & de mettre
la femence en chaux, je garantis mes bleds
«des ravages de la glace, des mauvaifes
herbes & graines. Je fais plus. Je le
-mets encore à l'abri des fécherefles les plus
Srandes & des vents impétueux. En effet
mes bleds ne {ouffrant en: aucune facon
spendant, l’'Hiver, quelque rigoureux qu’il
.puifle être, :doivent être beaux & forts au
Printems:, Aufli fuis-je obligé quelque-
«fois .d'enyfaire.ôter-en partie les -fanes, ou
sde les faite manger par:les beftiaux. Des
sbleds. de cette efpèce , :& même de moins
#orts,, ne; peuvent .être;saltérés par aucune
“cherefe ; parce que la-terre en étant par
| G 4
LE
104 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE.
< 2
faitement couverte , elle conferve d'autant
plus facilement fon humide, qu’il s’y re-
nouvelle tous les jours par le fecours ou
des vapeurs qui fortent de fon ein, ou
de la rofée qui tombe aflez réguliérement
tant le foir que le matin. Effet dont ne
peut {e reflentir un champ qui n’eft pas
bien couvert par ce qu’il a produit pen-
dant l’'Hiver. Les miens en éprouvent en-
core d’autres. Tout le monce fait quel
dommage c’eft pour un Fermier que {es
bleds foient verfés. Pour peu que les pluies
continuent , ils pourriflent ou ils germent.
De-à vient que les pailles en {ont noires.
- gâtées, & ont {ouvent une fi mauvaïfe
odeur , qu’elles ne peuvent {ervir qu’à fai.
re de la litière. D'ailleurs le grain ne
mürit que très-difficilement ; fouvent mè.
me il n'en vient pas-2 ce point, & il y
en à beaucoup moins que dans une récol.
.LABOURS ET SEMENCES. 10$
__ tetqui refte toujours droite. Pour fe pré-
_ferver de ce funefte revers, le laboureur
-doit voir par la nature de la terre quels
_-engrais il convient de lui appliquer, pour
donner de la force & du nerf à la paille.
Les marnes, le parc, les différentes terres
| neuves & la facon dont je fais chauler ou
_enchauflet ma femence, m'ont jufqu’à pré-
ent, tant à Ville-parifis, qu’à Belle - fon-
taine, empêché d’avoir des bleds vertés ,
‘quoiqu’ils fufleut toujours plus grands &
plus garnis que ceux de mes voifins. Il
‘eft vrai que les ouragans & les tempêtes
des deux dernières années en ont fait pliér
beaucoup: mais dès le lendemain ils {e
font trouvés relevés, & fe font foutenus
enfuite comme s’ils n’avoient éprouvé au.
eune fecoufle. Ce qui achève de démon-
trer que les engrais ont contribué à les ré-
tablir dans leur premier état, c’elt que
106 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE.
ceux qui n'avoient eu que des fumiers de
bafles-cours, {ont reftés par terre. Les
récoltes dont les terres & la femence font
apprètées , comme je l’enfeigne, {ont donc
a l'abri de toutes les rigueurs des diffé.
rentes faïons, je veux dire de la pluie,
de la gelée, de la fecherefle, & des vents
les plus confidérables. Voyons mainte.
nant quels {ont les labours, & comment
on doit les donner pour difpofer les ter-
res à recevoir les avoines, les bleds de
Mars, & les autres menus grains. Voici
ce que j'ai conftamment fait, & qui ma
toujours procuré jufqu’à préfent la récolte
la plus abondante. Je fais donner les la-
bours aux terres à mettre en Mars fitôt
que les bleds font enfemencés, afin qu’el.
les puiflent avoir recu un labour avant,
ou tout aûù plütard pendant le commen.
cement de-lHiver. -Sile tems eft favora. ”
LABOURS ET SEMENCES. 107
ble, je fais donner le fecond labour le 10.
où le 1 s. de Février. On jette tout de
fuite la femence pour profiter des avanta-
ges du Proverbe qui porte que /es avoines
de Février rempliffent le grenier. En effet,
jai toujours expérimenté depuis 1742.,
que je n'ai jamais eu d’avoines plus grai-
nées, de meilleure qualité, & plus abon-
dantes -en bon fourage que celles qui
avoient été femées dans ce mois. Et s’il
nveft arrivé d’en avoir quelquefois plufieurs
arpens de gelées, jen ai toujours été bien
dédommagé ; car le troifième:labour - que
J'ai fait donner alors, joint au petit engrais
que le grain gelé avoit procuré à la terre,
y ont fi bien fait, que ces arpens n’ont
\
toujours donné douze à quinze -bichets
plus que ceux dont la femence n’avoit
point été altérée par la gelée, Ainfi par
le moyen d’un labour eftimé 4. liv. & de
108 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE.
trois bichets d'avoine que j'ai fait ajouter,
& que j'évalue à 3. liv. jai retiré le mon-
tant de 12. à 15. liv. Il demeure donc
pour conftant que je n'ai rien perdu en
faifant de nouveau femer mes terres. Au
refte l’accident de la gelée n’eft pas annuel ;
car il ne m'eft arrivé que deux fois depuis
cinq ans que je fais valoir à Belle-fontaine.
Je ne borne cependant pas mes foins
à ce que je viens de décrire. Dès que
ges avoines font hautes de quatre à cinq
pouces, je les fais toutes herfer par un
tems un peu {ec de deux ou trois dents,
{lon que la difpofition du fol léxige, ou
qu’il y à trop de plante. (Cette opération
en enlève le {uperflu , arrache les mau-
vaifes herbes, donne une facon à la terre,
Pameublit, & lui procure une efpèce de
binement; en forte que , s’il furvientune
pluie, la plante fe relève; fe perche, &
LABOURS ET SEMENCES. 109
pouffle des franches bien plus belles, que
celles qui n’ont point eu cette façon. Je
la fais aufli donner quelquefois par un
tems fec dans le Printems à mes bleds qui
ont été les derniers femés; parce que les
rigueurs de l’'Hiver les ont empêchés de
fe fortifier. Outre les avantages dont je
viens de faire la peinture , je garnis leur
pied de terre, en forte qu’on les voit
poufler à vue d'œil, &. très-fouvent ils
deviennent auffi beaux que les premiers
femés. Ordinairement même, quand ils
ne font pas bien forts, je fais pañler def.
fus au mois d’Avril la herfe à l'envers, ce
que l’on appelle, en terme de laboureur,
faire poudrer les bleds. Par cette façon
on égrafe les petites mottes que l’Hiver
a formées, ce qui renchaufle le pied & la
racine des bleds. Que l’on ne cherche
donc plus de nouveaux inftruments pour
Y10 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE.
eur donner au Printems de nouveaux la-
bours, puifqu’on peut faire beaucoup plus
avantageufement avec la charrue & la herfe
feules toutes les operations de l’Agricultu-
re. En eflet, en ne faifant ufage que de
la dernière en 1764, j'ai fauvé toute ma
récolte de Mars, tandis que les {écherefles
ont prefque fait périr une bonne partie de
celle des autres. Pendant que les pluies
étoient fufpendues, j'ai fait deux fois her-
fer mes avoines pour defceller le fol, a.
meublir, & donner du jeu 2 la plante , qui
feroient prefque toutes péries fans cette
précaution, tant la terre étoit endurcie &
maftiquée. Les pluies font tombées aprés
ces deux facons, & mes avoines ont pouf-
fe avec tant de célérité, & font devenues
fi fortes, mème dans les plus mauvailes
terres, que les gens du pays & les étran-
gers qui {ont .venus chez moi, en ont.
LaBouURs ET SEMENCES If
ête dans le plus grand étonnement. Je
prends encore d’autres mefures pour re-
cueillir tous les fruits des {oins que je me
fuis donnés. Au lieu de faire faucher
mes avoines, je les fais toutes {cier. J'e-
vite par ce moyen les pertes qu’oc-
cafionne le fauchage , qui font plus
grandes qu’on ne le penfe communément.
Je fais par expérience qu’en les faifant
faucher , on perd d’abord au moins la {e-
mence. D'un autre côté, comme on ne
peut pas les retourner pour les faire javel-
ler également par-tout, une aflez grande
partie tombe avec la paille quand on les
vanne. De plus étant collées par terre,
depuis qu’on les fauche jufqu’à ce qu’on
les ramañle, elles germent quelquefois, &
l'herbe dans cet intervalle, ou lavoine
mème qui eft tombée venant à poufler,
elles s’entrelaflent dans les ondains: on
112 AGRICULTURE EXPERIMENTALE,
eft par conféquent obligé de forcer le ra-
teau pour les en arracher; ce que l’on ne
peut faire, fans qu’il en tombe encore au.
moins une femence, & toujours la plus
belle & la plus mûre. Pour moi, fans
qu'il m'en coûte beaucoup plus, je me
fuis toujours mis , non-feulement à labri
de toutes ces pertes, mais jai donné en-
core à mes avoines une qualité fi fupé-
rieure à celle des autres, que je les vends
toujours au marehé de montereau trois
ou quatre fols par bichet plus que les au-
tres. Tels {ont les avantages que l’on re-
tire de ma facon de labourer les terres,
de les fumer, de mettre en chaux la 1e.
mence, & de faire la récolte. Quiconque
voudra s’y conformer, tirera un très-bon
parti de fes terres, mème les plus mauvai.
fes, foit pour l'abondance des pailles, foit
pour la quantité & la qualité des grains,
foit
Moyens DE CONSER. LES BLEDS. 113
foit pour la fanté des hommes & des ani-
maux domeftiques.
+ ID
—
GHAPITRE IV.
Moyens de conferver fans rifques ES fans
frais les bleds pendant plufieurs an-
nées.
Ans m'arrèter à combattre les diffé-
& rens fyftèmes que l’on a propoles
jufqu’à préfent fur la néceflité de confer-
ver pendant long-tems les bleds fains &
faufs, je me contenterai d'indiquer un
moyen für pour y réuflir. Je le préfente
avec d'autant plus de confiance, qu'il
… n'éxige aucuns frais, & que j'en ai fait
l'expérience avec fuccès.
Il eft fort fimple. Le voici. Quand le
bled eft battu, on le laifle dans fa paille,
H
114 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE.
c’eft-à-dire, dans la paille au vent. A me-
fure qu’on le bat, on le met decôté, {oit
dans un coin de la grange, foït danstout
autre endroit un peu fec; & dès qu'on a
rentré dans la grange des gerbes de bled
de la nouvellerécolte, autant qu'il en faut
pour former trois lits, & les avoir bien
entaflées, on fait jetter deflus le bled qu’on
a gardé dans fa menue paille, environ
lépaifleur de deux où trois pouces. Cette
opération faite, on forme de nouveau deux
lits de gerbes, {ur lefquelles on répand la
mème quantité de bled dans fa menue pait-
le , & l’on continue de la forte à propor-
tion de la quantité qu’on veut en garder.
Ce grain ainfi mèlé avec la nouvelle ré-
colte s'y façonne, fue de nouveau, fe ré-
génère, pour ainfi dire, dans le tas, y
acquiert une qualité qu'il n’avoit Pre
& jamais 1l ne s’y gâtera, pourvu que R
MOYENS DE CONSER. LES BLEDS. 11
nt. dt nt Dati
nouvelle récolte {oit faine & bien feche,
Ce bled, quoique gardé pendant cinq ou
fix ans, peut fervir de femence, comme
je l'ai expérimenté en 1746. Il eft d'ail.
leurs plus en füreté dans cet endroit que
dans tout autre; car il n’eft pas poffble
que les rats, les fouris, ou les autres ver-
“ mines puiflent y entrer, tant il eft ferré
| “dans le tas, foit par fa pefanteur natu-
… elle, foit par celle des gerbes dont on le
| couvre. L'air même n'y peut pénétrer. Il
n'y a donc qu’à gagner à cette facon de
conferver le bled, puifqu’elle le bonifie;
& je ne puis mieux comparer le grain
ainfi gardé, qu’au bon vin vieux, qui eft
d'autant plus excellent qu’il a plus d’an-
nées. Auff le bled de fix ans {era-t-il tou-
jours meilleur que celui de la nouvelle ré-
_çolte, & même de deux ou trois ans.
En faifant vanner le bled, fur-tout avec,
H 2
316 ÂGRICULTURE EXPE RIMENTALE.
le moulin dont on fe fert en Picardie,
on peut encore le conferver dans le gre-
nier fain & fauf pendant deux ou trois
ans, pourvu que la récolte en aït été bien
faine & feche. On ne peut trop recom-
mander lufage de cet inftrument. IL fait
tout à la fois quatre opérations par le feui
fecours d’un jeune homme de douze à
quinze ans. Il jette environ 18 pouces
derrière lui la menue paille; la pouffière
& les mauvaïifes graines tombent à travers
un grillage de fer fur lequel le bled fe fa-
conne: dans le deflous du moulin font
les balles, ou comme l’on dit ailleurs les
ottons; & le bled bien nettoyé & bien
purifié tombe dans le devant. Il eft, {e-
lon moi, la plus utile & la plus necef
faire machine qu’on ait jamais inventée
pour lavantage de l’Agriculture. Elle eft
bien moins fatiguante que le van. Elle
CE Re
+
LM
MOYENS DE CONSER. LES BLEDS. 117
épargne les mains d'œuvre, & met le bled
d’une feule opération dans l’état où il doit
être à quelque ufage qu’on le deftine. Les
deux moyens que je viens de propofer
pour garder fans aucuns frais des bleds
pendant plufieurs années, ne fuffiront-ils
pas, fans en employer d’autres, prefque
toujours difpendieux, quelquefois mème
peu fùrs ?
_ On trouve ce moulin à Paris chez un
Menuifier rue des Prouvaires. Le prix mo-
dique qu’il coute, donne à tout les fer-
miers la facilité de { le procurer. Celui
_ qui les vend, en à fait qui font auffi très-
utiles pour vanner les avoines. En en fai-
fant ufage, il n’y refte ni poufñière, n.
mauvaifes graines qui font fi pernicieufes
aux chevaux.
| L
IIS AGRICULTURE EXPE RIMENTALE,
CHAPITRE W
Moyens d'ameliorer les prés bas € les
prés hauts.
Ls font aflez fimples & en petit nom-
“% bre pour lesiprés hauts. Le princi-
pal eft de ne pas les fumer. Ces fortes de
{ols ont affez de fels & de fucs pour n’a-
voir befoin d'aucun engrais. Qui ne fait
pas qu’en les faifant labourer pour x {-
mer du grain, ils rapportent fept ou huit
récoltes de fuite fans en éxiger aucuns?
Je l'ai plufieurs fois éprouvé depuis 1742.
Preuve bien évidente que les prés hauts
fe fufffent à eux-mèmes pour leurs pro-
duéctions. Suppofé néanmoins que la récol-….
te füt plus abondante en conféquence du
fumier qu'on y auroit mis, on n’en te-
à ‘
nt Te pd TE À
ce
rue ne Ge
MOYENS D'AMELIORER LES PRES, 119
tireroit pas de plus grands avantages ;
“parce que cet engrais donnant un fort mau-
* vais goût à l'herbe qu’elle conferve pen-
dant deux ou trois années, Îles animaux
ny veulent pas toucher, & en foulent
aux pieds les trois quarts; ou s'ils en
mangent, plufieurs en font malades, quand
* engrais que lon a employé eft d’une mau-
vaife nature: tels que le font , par exem-
ple, ceux de gadoue, de balayeure de
cuifine, & autres femblables. Il eft vrai
que quelquefois ces engrais font périr la
moufñle qui, en empéchant les productions
de bonnes herbes, n’en occafionnent que
de mauvaïñes. Mais il y a un moyen plus
für pour la détruire, fans aucun incon-
vénient. C’eit d'y bien faire pañler pen-
idant l’hiver, dans les tems fur-tout qui
font couverts de neige, une herfe à dents
de fer, jufqu'à ce que toute la moufñle foit
H 4
120 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE.
arrachée. Par cette opération, non-feu-
lement vous l’enleverez tout entière, mais
vous la mélerez encore avec la terre que
les taupes ont ramenée fur le fol, avec
la neige, & avec tous les excrémens des
beftiaux qui y auront auparavant pâturé.
Ce mèlange formera un engrais bien plus
analogue à la nature de vos prés, & vous
ne craindrez pas d'en éprouver aucune
mauvaife fuite. Après les gelées, & quand
lherbe commencera à poufler, vous ferez
pañler plufieurs herfes à l’envers fur ce {ol.
Vous ameublirez par ce moyen tous les
engrais, & vous rechauflerez le pied de
l'herbe. Non-feulement elle en produira
beaucoup plus, mais elle fera encore d’une
meilleure qualité ; & vous rendrez par là
utile à vos près ce qui leur auroit éte
nuifible, fi vous l'eufliez laiflé dans l’état
où il étoit auparavant. Néanmoins fi vos
ben —
Moyens D’AME LIORER LES PRES, 121
prés hauts éxigeoient abfolument quel.
qu'autre engrais, vous fe pourriez pas
leur en donner de meilleur que le parc:
il détruira toutes les mauvaifes herbes,
les racines, la moufle, & tout ce qui
pourroit nuire aux bonnes produétions ;
& s’il eft appliqué à propos, il n’en fera
faire que de très-faines & très-abondantes :
avantage que ne procureront jamais dans
cette partie tous les fumiers de bañes-cours
& les autres engrais.
On peut arranger de même les prés bas
& les marais qui font trop humides. Ils.
ne donnent ordinairement que de lherbe
aigre & rouillée ; parce que les eaux y crou-
piflent & s’y corrompent. La rouille s’y
attache mème quelquefois fi fortement ,
qu'on ne peut l'en détacher en la faifant
faner pour en faire du foin. Aufli les che-
vaux ne veulent - ils point en manger la
122 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE.
plûpart du tems ; & fi les vaches s’en nour-
tiflent , elle les brûle, ou elle les pourrit
avec le tems. Il arrive mème aflez ordinai-
rement que plus elles en mangent, plus
ciles veulent en manger; parce que cette
forte de nourriture leur pañle auffi facile-
ment qu'un remède. Comme elle ne 1e
journe pas dans le corps, ces animaux ne
donnent prefque point de lait, maigriflent
infenfiblement, & dépeériflent à vue d'œil.
Elle eft aufli nuifible aux autres beftiaux-
Pour prévenir ces effets funeftes , faites au-
tour & à travers de vos prés bas & marais
des fofés aflez grands pour en épuiler les
eaux. La terre que vous en retirerez , pour-
ra non-feulement étre jettée & répandue
ur les prairies mèmes, mais encore ètre
traniportée fur les terres propres à ètre
miles en labours, & qui n’en {ont point
oïignées. Elle leur fera beaucoup plus de
CE NI Tr, ce Le
MOYENS D'AME’LIORER LES PRES. 123
bien, & les Fo: pour plus de tems que
tous les fumiers de quelque efpèce qu’ils
puiflent ètre. Ces opérations faites > On
pourra les herfer de la manière que je Pat
enfeignée en parlant des prés hauts. L’herbe
a changé de nature dans les prés bas où
Jai pris cette précaution, & depuis trois
ans elle y eft plus abondante & meilleure.
. Les voitures y pafñlent, comme par-tout
ailleurs , tandis qu'auparavant elles ne pou-
voient y entrer fans que les roues y enfon-
caflent jufqu'au moyeu. Aufli étoit-on
obligé d'en tranfporter à bras une bonne
partie des productions. Les beltiaux y vont
auf{h plus aifément, & y trouvent une nour-
riture plus bienfaifante.
Ce n’eft donc point à former des prai-
ries artificielles, en général fi nuifibles aux
beftiaux, qu’il faut s'occuper, mais à ren-
dre fertiles celles qui fubfiftent déja Je
124 AGRICULTURE EXPERIMENTALE.
conviendrai volontiers que, l’Auteur de Ja
Nature n’a pas créé inutilement la luzerne,
le tréfle, &c. mais cela ne doit pas empé-
cher d’avoir attention de me mettre ces
fortes de graines que dans les pays où les
vapeurs & les exhalaïfons de la terre & les
influences de l’air ne font point aflez fortes
pour les rendre nuïifibles aux animaux ,
& dans les terres où elles viennent avec
plaifir. Quelqu'un ignore-t-il que la luzerne
de Provence eft plus eftimée que celle des
autres climats ? Au refte, il eft aflez inu-
tile de mettre, dans quelque contrée que
ce foit, en prairies artificielles, des terres
propres à rapporter du bled & du bon fou-
rage; puifqu’en mettant en bon état les
prairies naturelles , elles font plus que fuf.
ffantes pour pourvoir à la nourriture des
beftiaux , & que d’ailleurs on peut faire
valoir dans toute forte de pays tel corps
MOYENS D’AME’LIORER LES PRES. 124
de Ferme que l’on voudra , fans aucune
prairie artificielle. Les animaux étant alors
plus fainement nourris s’en porteront beau«
coup mieux.
DRAP IT RELSVE
Comsment on peut faire , prefque fans
frais, les défrichemens.
Ous les défrichemens, de quelque
nature qu’ils foient, ne doivent être
faits qu'avec la charrue dans les mois d'Otto.
bre, de Novembre, de Décembre, ou de
_ Janvier. Etant retournés dans cette faifon,
le gazon fe pourrit pendant l’'Hiver; & la
terre, en s’ameubliffant, devient propre à
bien enterrer la femence qu'on y jettera
dans le mois de Février ou de Mars , felon
le tems qu’il fait dans l’un ou l’autre de
ces deux mois : car s'il eft beau dans le
126 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE!
premier , on ne doit point héfiter d’enfe-
_ mencer les défrichemens. Pleins de {els &
de fucs que la neige, les brouillards , les
vapeurs de la terre, & les influences de
Pair y ont dépolés , ils font bien plus pro-
pres à la production , que fi on les eût faits
pendant l'Eté ; parce qu’alors les fucs & les
fels qu’ils auroient renfermés fe feroient
évaporés , ou auroient été defléchés & brü-
lés par la grande chaleur & les ardeurs du
foleil. Il eft aifé de juger par ces effets fu-
neftes, combien la méthode de ceux qui
enfeignent qu’il faut brüler le gazon , doit
être pernicieufe ; & combien il eft eflen-
tiel de ne la pas laïfler accréditer. Tout ce
que l’on peut donc faire dans cette faifon ,
c’eft de mettre les défrichemens qu’on doit
faire, en état de recevoir la charrue à la
fin de PAutomne, ou au commencement
& pendant l’Hiver : je veux dire qu’il fau
tÆCDEÆErFRICHEMENS: 127
Le
en faire arracher toutes les racines, & ôter
tous les obftacles qui pourroient arrèter Ja
chartue, Cette opération {e fait ou au pro-
fit de celui qu’on emploie , & alors on ne
lui donne point d’autre falaire; ou au pro.
fit du propriétaire. Si on prend ce dernier
parti, quoiqu’alors on paye l’ouvrier, on
y gagne quelquefois par la quantité de ra-
cines & de bois qu’on en retire. Il eft vrai
qu'il fe trouve des défrichemens où il en
coûte beaucoup plus, parce qu’il {e ren-
contre des roches ou pierres, dont on ne
peut retirer aucun avantage ; mais l’on en
eft bien dédommagé par les récoltes réité-
rées qu'ils procurent.
Après la première récolte de ces défri.
chemens, qui eft toujours aflez bonne, Je
les fais labourer dans la mème faifon que
la première fois ; parce qu’indépendamment
des avantages dont j'ai déja parlé, le gazon
123 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE.
qui eft pourri , de même que les petites
racines qui font reftées dans cette terre,
forment un engrais qui procure trois ou
quatre récoltes de fui dans les terres mé-
diocres : dans les bonnes & les mauvais
prés que l’on défriche, fix, fept ou huit,
fuivant la nature du {ol, fans avoir befoin
d'aucun amandement.
La première {emence qu’on doit mettre
dans les défrichemens , eft celle d’avoine.
C’eft la feule qui vienne plus facilement
dans les terres que l’on commence à mettre
en culture ; & ce grain fe plait même dans
la friche. Car pour y femer du bled, il
faut attendre que la terre n’ait plus les {els
&les fucs néceflaires pour {a production.
Autrement les bons terreins n'étant pas
fuffifamment ufes par les menus grains,
les bleds venant à verfer , la pailleen feroit
gâtée, peut-être mème pourtie, & les épis
”
très-peu
CS
DEFRICHEMENS 129
très-peu garnis de grains. D'ailleurs le foi
wétant pas encore bien ameubli, cette
plante qui ne fe plait pas dans les défriche-
mens, n'y feroit fa production que très.
difficilement. fai fait défricher de mauvais
prés : j'en ai déja tiré cinq récoltes de fuite
d'avoine. Je compte encore en faire deux ;
& après la feptième, y faire donner fur le
champ un labour , le fecond en Septem.
bre, & le troifième en Octobre , pour les
enfemencer en bled froment. Ce feront donc
huit récoltes de fuite que j'en aurai tirées
fans y avoir mis aucun engrais, & j'efpère
encore en avoir l’année fuivante, après
deux bons labours d'Hiver, une abondan-
te récolte d’avoine , qui fera la neuvième.
“Quelqu'un me dira fins doute: Pour-
quoi ne faites-vous donner qu’un labour
À ces terres nouvellement défrichées pen-
dant ces fept premières récoltes, & cela
I
130 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE.
toujours pendant l'Hiver. Il eft aifé de
fatisfaire ceux qui n’en fentent pas la rai-
fon. Ceft pour en ménager les {els &
les fucs ; parce que rien dans cette faïfon
ne peut les altérer. C’eft encore le mème
motif qui m'engage à ne les faire enfon-
cer que peu à peu; parce qu’en ramenant
fur ce fol dans les deux ou trois premières
années un peu de terre neuve, j'ai une
récolte plus abondante en paille & en grain.
Ceux-là fe trompent donc bien groffière-
ment qui prétendent qu'il faut renvoyer
les défrichemens à un autre tems, & at-
tendre que les autres terres foient dans
toute leur valeur ; car rien n’eft plus avan-
/ . 1 .
tageux pour exécuter la derniere opération,
que de faire défricher. Les fourages abon-
dans qu’on en retirera, feront très-utiles
pour fumer les autres terres qui feront en
jachère, J'ofe donc affurer que tout doit
DE’ FRICHEMENS. 131
porter à y travailler fans relâche. Le Gou-
vernement en {ent bien la néceflité depuis
quelque tems puifqu’il {econde la bonne
volonté de ceux qui ont le courage de les
entreprendre. On raïifonne encore aflez
mal, lorfqu’on dit qu’il faut enfoncer les
terres d’un pied ou de neuf pouces. (Car
outre qu'on n’y réufliroit pas, mème à
force de tirage dans prefque toute forte
de fol, ceux fur lefquels lPopération pour
roit s’exécuter, pourroient bien ne pas
procurer une feule bonne récolte.
Les défrichemens qui font enclavés dans
les terres qui {ont en culture, font encore
plus néceflaires : car il fervent de retraite
à toutes fortes de vermines, qui mangent
& dévorent dans certaines années toutes
les récoltes des terres qui les avoifinent :
tels font les mulots, les fouris, & les grQs
132 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE.
vers qui produifent les hannetons. On y
trouve mème, en les faifant défricher,
jufqu’à des nids de lézards & de couleu-
vres. Le feul moyen de détruire tous ces
infectes , eft de mettre les terres en va-
leur.
Voici comment je m'y fuis pris pour
cultiver celles qui étoient en friche, à cau-
fe des roches dont elles étoient remplies.
Jen ai fait enlever les moins grofles. Jai
fait enterrer les autres en les faifant tom-
ber dans de grands trous ou foflés que je
faifois creufer auprès, je les ai fait enfuite
couvrir de terre, de mème que celles qui
n’étoient que {ur la fuperficie du {ol ; afin
de pouvoir labourer par-tout, fans que la
charrue fût arrêtée ou brifée. J'ai rétiré
un double avantage de cette opération
1°. Jai rendu toute ma terre labourable-
2°, En la faifant creufer, j'ai trouvé de
LA
DE FRICHEMENS. 133
très-bonne marne que l’on tiroit :f€ment ,
puïlqu’elle n’étoit qu’à un pied en terre :
Jen ai fait tranfporter {ur le mème {ol où
je l’avois trouvée, & qui en avoit befoin,
de mème que dans d’autres terres qui en
- étoient proche; & élles m'ont procuré en
1764. des récoltes plus belles & plus
abondantes que celles où je n’avois fait
mettre que des fumiers de bafle - cour.
Quant à celles ou les pierres n’étoient pas
plus grofles à peu près que des moëllons,
& deémoindre grofleur, je me fuis bor-
né à les faire voiturer dans les chemins,
en faifans ramener dans ces mèmes terres
de la marne, du gazon, ou de la terre
neuve: » Je n’ai plus été expofe à voir mes
charrues brifées : mes chevaux & mes char-
retiers en ont beaucoup moins de mal, &
elles n’ont plus étouffé ni brulé la plante
du grain, comme elles auroïent fait, lor£
13
324 AGRICULTURE EXPE'RIMENTALE,
au’elles auroient été échauffées par l’ardeur
du foleil.
On sy prend autrement pour rendre
fertiles les terres incultes qui font aupres
des bois. Il eft également intérefant &
pour les terres, & pour les bois, qu'ils
loient {éparés par de bons foflés profonds;
à pied droit le plus qu’on le peut. D’abord
la terre ou la marne qu’on en retire, peut
fervir d'engrais, en la faifant répandre fur
le fol; & les racines du bois & les ron-
ces ne pouvant plus s'étendre daud cette
terre , elles n’en épuifent plus ni les fucs,
ni les fels ; & l'ombre du bois étant plus
éloignée, ne peut plus nuire à la récolte.
On empêche de plus par cette précaution
les vermines d'aller manger le bled; & fi
on ne fe garantit pas tout-à-fait des lapins,
il eft très-certain qu’on diminue beaucoup
le dégàt qu’ils iroient y faire. D'un autre
DEFRICHEMENS. 13$
côté le bois ayant plus d'air, en profite
beaucoup mieux , & les beftiaux ne peu:
vent plus s’y glifler pour le dégrader.
Ces fortes de foffes font auffi très-utiles
le long des chemins & voiries, fur - tout
lorfqu'ils font fréquentés par les beftiaux
que l’on méné aux foires: Jen ai fait
l'expérience dans la terre de Belle-fontaine:
Outre que j'ai rendu ces chemins plus pra-
tiquables, c’eft que j'ai encore garanti les
grains des ravages des beftiaux que l’on
eonduit à la foire de Flagi. Jai empèché
la récolte d’être renverfée par les aux qui
tomboient, dans les tems d’orages, des
montagnes & buttes dont mes terres font
environnées. J'ai détourne les fources qui
en fubmergeoient une partie; & en met-
tant les chemins dans leur largeur nécef-
faire, Jai gagné plufieurs arpens de terre
qui m’étoient auparavant que des friches,
1 4
36 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE.
& d'aucun rapport. C’eft donc à tort
qu’un Auteur moderne s'élève indiftinéte-
ment contre les foflés: car s'ils peuvent
être inutiles dans quelques circonftances »
ils font tres-avantageux dans bien d’au-
tres. Je ne dis rien ici des terres qu’on
ne peut cultiver à caufe des moulieres
qui les inondent; je me referve à en par-
ler , lorfque je traiterai cette matiere en
particulier dans le Chapitre fuivant.
NZ
Ca)
Des SOURCES ET:MOULIERES. 137
CHAPITRE VIL
Des Sources €ÿ Moulières.
L paroît aflez inutile de chercher à fai-
re connoître combien il eft effentiel
de faire perdre les fources & moulières ,
qui fe trouvent dans des terres propres à
ètre mifsen culture. Qui eft-ce qui ne
fait pas que les grains qui font dans des
terres où l’eau féjourne trop pendant l'Hi-
ver, font expofés où a pourrir, ou à être
coupés par la racine, lorfqu’il furvient de
fortes gelées; La terre ne produit, apres
ces accidens, que de mauvaifes herbes ou
plantes qui y gâtent & corrompent dans
les granges, la plüûpart du tems, le peu
de bled ou d’autres grains qu’on a recueil-
lis. Il eft donc de la dernière conféquen-
ce de ne rien négliger pour faire perdre
138 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE.
les eaux dans toutes les terres deftinées à
ètre miles en labours. J'ai déja fait entre-
voir qu'il n’y a aucune nature de terre
qui ne foit fufceptible de cette opération;
& on y reuflira toujours, foit en les la-
bourant, comme je l'ai dit plus haut, en
planches plus ou moins bombées, & en
leur faïfant donner quatre bons labours
d’égale profondeur. En y femant endui-
te les grains à la here, après y avoir
mis les engrais convenables , &. avoir
bien ameubli le fol, les aux s’y fiL
treront toujours aïfement ; {ur tout , fi
lon a foin, quand elles font trop abon-
dantes, d'y faire des fangfues qui traver.
{ent les planches.
Les moulieres ne font occafionnées que
parce que le {ol de deflous eft fort pefant,
cafle, glutineux, ou glaifeux. [L'eau ne
pouvant y pénétrer refte fur la fuperficie
Des Sources ET MOULIERES. 139
ou entre deux terres. On lui facilitera
fûrement le pañlage, fi on commence à
faire conduire dans ces fortes de fols deux
ou trois tomberaux de marne de plus que
dans les autres terres. Il faut enfuite y
faire voiturer du gazon ou des terres neu-
ves, dés endroits un peu fablonneux , &
différens fumiers mèlés de bañle-cour. Ces
trois engrais avec les quatre labours que
Yai fait donner à ces terres, les ont tel-
lement ameublies , que deux chevaux ne
fatiguent plus à y tirer la charrue, que
s'ils étoient dans les terres franches, tan-
dis qu'auparavant trois fufffoient à peine.
En retournant cette terre, la charrue en
enlevoit des parties qui pelvient jufqu’à
$0. ou 60. liv. & elle s’en remplifloit de
façon , que le charrètier étoit continuelle.
ment obligé de la recurer. Aufli quoique
140 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE. .
Hiver ait été fort humide en 1764. ny
cftil pas refté une feule goutte d’eau.
Je n’ai rien à ajouter à ce que jai dit.
ailleurs des fources que j'ai détournées par
le moyen des foflés que j'ai fait creufer ,
& que jai fait conduire tant par es fang-
fues, que par de petits foffés, foit dans
mon potager, foit dans d’autres endroits :
ainfi je me contenterai d'indiquer les
moyens dont je me fuis fervi pour faire
perdre dans la terre mème les différentes
fources qui en inondoient des portions. Je
me fuis d’abord attaché à decouvrir d’où
venoient ces fortes de fources; & après
n'etre bien affuré de l'endroit où elles com-
mencoient, j'ai fait faire des fangfues un
peu larges jufqu’au champ où il y avoit de
ja terre meuble, & remuée par les taupes.
Voyant que l'eau sy perdoit à mefure
-Des SourCEs ET MOULIERES. 1:41
qu’elle y arrivoit, j'ai fait faire dans cette
pièce un petit puifart.- Je lai fait remplir |
jufqu’à un pied au-deflous du {ol , de pier-
res qu'on avoit ramañlées dans le champ
mème. Jen ai aufh fait mettre dans la
fangfue un peu large, qui y conduifoit l’eau
depuis la fource. J'ai fait enfuite couvrir
de terre & le puifart & la fangfue. Je n'ai
ceflé depuis 1760. de faire labourer par
deflus tous ces endroits, & jamais il n’a
paru depuis fur la terre une feule goutte
d’eau. Quand les fources avoifinent les en-
droits où l’eau peut ètre néceflaire , alors
le puifart devient inutile. On {e contente
de faire un petit foflé depuis la fource juf
qu’au lieu où on veut la faire écouler. On
remplit le fofé de pierres que l’on couvre
enfuite de terre , {ur laquelle on fait pañler
Ja charrue. Par ces mefures je n’ai plus
aucune friche occafionnée par les fources
142 AGRICULTURE EXPE'RIMENTALE.
ou les moulières, & je fais labourer en
planches par-tout où il y en avoit, comme
dans les terres qui ont toujours été en
valeur.
Quant à celles qui étoient incultes, par-
ce que le fol en étoit brûlant, trop rempli
de crayon, de marne, -de fable , ou de
cailloux , je n’ai employé, pour les rendre
propres à la production, que de bonnes
terres lateufes , d’autres froides & humides \
& des gazons que j'ai fait prendre dans des
champs où il fe trouvoit , quelquefois trois ,
quatre , & même cinq pieds de profondeur
de cetteterre, ou dans les chemins. Fy ai
auffi fait voiturer de bonne terre noire , &
des recurages de foffés, en ne faifant ces
| _ranfports que de proche en proche : jai
fait perdre les moulières qui y étoient , en
y mettant du gazon’ & différens fumiers;
& après les avoir fait labourer en planches
/
SOURCES ET MOULIERES. 143
un peu bombées, j'y ai pratiqué quelques
fangfues. Ces fortes de terreins ne font
guère fujets aux moulières que pendant
l'Hiver ; mais on les épuifera toujours par
les moyens que je viens d'indiquer.
277 a
af
144 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE.
CHAPITRE VHL
des Potagers. |
N s’imagine aflez ordinairement que
pour rendre les potagers fertiles, il
faut leur donner beaucoup d’eau, & leur
procurer une grande quantité de fumier.
C’eft une erreur, car les {ols des jardins
font à peu-près femblables à ceux des ter-
res propres à être labourées, c’eft-à-dire ,
bons, médiocres ou mauvais: ce qui eft
occafionné par l'embarras où lon fe trou-
ve fouvent de ne pouvoir choifir la na-
ture de la terre que l’on voudroit mettre
en potager, attendu qu’on eft obligé de
prendre celle qui eft la plus commode &
la plus à portée du Château ou de la mai-
{on qu'on veut habiter, comme on a fait
au
POTAGERS. 14$
au Château de Belle-Fontaine. Le jardin
de cette terre ne contient guères que deux
arpens. Quand j'en ai pris poñleflion en
1759, plus de la moitié étoit un fol caffe
glutineux & plein de glaife. Auf cite
partie étoit-elle alors en friche. Je l'ai ar«
rangée de la même facon que les terres
_ labourables qui étoient de la mème natu-
re, à l'exception de la marne que je nai
point fait entrer dans les engrais que jy
ai mis. Je me fuis contenté d’y faire tran£
porter pendant la gelée, ou dans d’autres
tems qu'on ne pouvoit pas faire d’autres
travaux, du bon gazon un peu fablon-
neux , de la terre neuve noire qui étoit
fous les fumiers de bafle-cour, de la ter-
re lateufe, froide & humide, avec du fu-
mier bien confommé. Par le moyen de ces
différents engrais, le fol du jardin s’eft
Le
146 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE.
trouvé fi ameubli, ‘que les pois, les fe-
ves, & les autres légumes font venus en
abondance, y ont beaucoup grainé, &
ont eu un bien meilleur goût que tous
ceux qui ne venoient auparavant dans la
partie qui étoit cultivée, qu’a force de fu-
mier & d’eau. On comprendroit difficile-
ment, fans l'expérience, comoien ces dif-
férens engrais empèchent la terre de fe fe.
cher ; ce qui eft bien eflentiel, dans les en-
droits où l’eau eft rare en été. Que je
connois de jardins dont le terrein eft rem-
pli de gravier, de cailloux & de fable!
Ceux qui les poffèdent, font des dépenles
confiderables pour y conduire des eaux &
des fumiers de toute efpèce. Les mains
d'œuvre y {ont multipliées à l'excès pour
arrofer. Mais que réfulte-t-il de ces arro-
femens trop fréquens? Une perte prefque
POTAGERS. x4»
totale de ces fumiers; car Veau pañan:
au travers de ces fols, comme dans une
fontaine fablée, quelquefois même avec
plus de précipitation, en entraînent dans
les fonds tous les {els & tous les fucs.
Tout devient alors infructueux pour le
propriétaire, & l'argent immenfe qu’il a
dépenté, & les travaux & les peines du
jardinier. Au lieu qu'il fe feroit épargné
les frais & la peine, s’il avoit fait tranf
porter dans {on potager des terres neu.
ves, du gazon, & un peu de fumier ana
logue à la terre qu’il vouloit mettre en
état de produire.
Jen fais de même, proportion gardée,
pour les arbres fruitiers. Quand je veux
en planter contre quelque mur, je fais
faire une tranchée & bien défoncer le ter-
rein, je la remplis enfuite des mèmes en-
K 2
148 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE.
grais, après quoi on y met les arbres. Les
pèchers que jai fait planter de la forte,
ont plus profité en deux ans, que ceux
qui avoient été mis en terre fix ans au-
paravant dans le mème {ol, maïs fans avoir
pris les mèmes précautions que je viens
d'indiquer. On retirera les mèmes avan-
tages, fi on plante de la mêmie facon les
pommiers & les poiriers, & les autres
arbres à fruit dans les plattes-bandes du
jardin. Les fruits en feront bien meilleurs,
& en plus grande quantité, que fi on ny
mettoit que des fumiers de bañle-cour,
qui ne fervent fouvent qu’à brüler le {ol
qu’on enfemence ou qu’on plante, fuivant
les différentes natures de la terre. On doit
auffi mettre un peu de marne dans de
bons fonds , comme dans les terres for-
tes. franches, à blanc limon, noires,
MOT A GENS 149
meubles, lateules , froides & humides. Car
en vain diroit-on que la marne faifant,
pour ainfi dire, produire la terre malgré
elle, elle épuife en peu d’années tous les
fels & tous les fucs qu’elle renferme, ou
les defleche, de facon qu’on ne peut plus
tien en tirer. J'ai l’expérience du contrai-
re depuis 1740. J'en ai fait marner juf.
qu'à deux fois qui rapportent conftam-
ment de très-bonnes récoltes; & je fuis
certain qu’elles ne diminueront jamais, par-
ce que jaurai foin d’en entretenir les {els
& les fucs par les différens fumiers des
bafles-cours, par les différentes terres neu-
ves que Jai déja défignées, ou par tout
autre engrais analogue. Au relte, il pa-
roit que ceux qui font le raïfonnement
que je combats, ne favent pas qu'il y a
diverfes fortes de marnes. Les unes {ont
K 3
tso AGRICULTURE EXPERIMENTALE.
très-crafles , les autres le font moins, &
d’autres qui font fi feches, qu’elles n’ont
que les fels néceffaires pour exciter ou pro-
voquer la végétation de la terre. Ces der-
nières néanmoins mélées avec différens
fumiers de bafle-cour, & des autres en-
grais dont j'ai parlé, donneront de très-
bonnes productions , foit en légumes,
foit en fruits, foit en grains. Ces différen-
tes productions feront même plus de gar-
de, que celles que l’on aura recueillies dans
d’autres terres qui n’auront pas été pré-
parées comme je l’enfeigne. D’où vient
cela? C’eft qu’elles auront une meilleure
qualité; j'excepte cependant de ces engrais
les fumiers des bergeries, les crotins de
pigeon, & le parc; parce qu’ils opèrent,
à peu dé chofe près, les mèmes effets que
la marne.
POTAGERS. 15I
Ï y à un autre moyen de faire du fu.
mier, qui convient encore beaucoup mieux
. aux potagers & aux vignes, que tous les
fumiers de bafles-cours, qui ne brûlera
jamais comme ces derniers le font quel-
quefois, ni les plantes, ni les fruits. Hi
confifte à faire un lit de bonne terre de
quatre à cinq pouces d’épaifleur , long &
large d'environ deux toifes plus ou moins.
On fait deflus un lit de fumiers différents
de trois à quatre pouces de hauteur. On
continue de mème jufqu’a ce que le tas
Loit élevé à quatre ou cinq pieds. On ar-
rofe enfuite cette terre & ce fumier avec
de l’eau de mares, ou de celle que lon
prend dans d’autres endroits où il s’en
trouve qui y croupiflent, jufqu'a ce qu'ils
ne faffent plus qu’un feul corps enter!
& qu’on puifle le couper avec la beche
KE ..4
7
T$2 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE.
Tranfportés apres cela dans un potager
ou dans des vignes, ils produiront tou-
jours beaucoup plus d'effet que tous les
fumiers des bafles-cours; & lengrais en
durera bien plus long-tems. Aufl ai-je vû
des vignerons qui avoient ainfi fumé leurs
vignes, avoir une pleine vendange, tan-
dis que les autres, au milieu defquels ils
fe trouvoient, n’avoient qu’une demi-an-
née tout au plus.
KKKKKEEX
d'aimdtiiils
GRANGES. 153
a
.
D'FAPETERME
Des précautions qw'on doit prendre pour
mettre en furete les grains dus les
£LTANgeS.
6 point eu jufqu’à préfent oc-
cafion de parler de ce que l’on doit
faire pour garantir dans les granges les
grains qu’on y renferme, des différentes
vermines qui les y dévorent annuellement ,
je crois devoir indiquer ici les moyens dont
Jai fait ufage pour y réuflir. Ils font des
plus naturels , quand les granges font {oli-
dement bâties , & d’une matière un peu
plus dure que celle qu’on emploie aflez or-
dinairement en Picardie. Quel eft en effet
ja caufe du dégât qu’y font les rats, les
fouris , & les charanfons ? Il n’y en a point
154 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE.
d’autres , la plüpart du tems', que la négli-
gence du Fermier ou du Propriétaire. En-
trés dans leur grange, qu'y voyez-vous ?
Une infnité de trous dans Paire , dans les
travées , & dans les murs, qui font autant
de forts inacceflibles dans lefquels fe reti-
rent toutes ces vermines pour {e mettre à
Pabri des pourfuites qu’on pourroit en
faire. Lorfque je fuis entré dans la Ferme
de Belle- fontaine, j'ai trouvé les granges
dans ce trifte état. Les rats & les fouris y
avoient formé des efpèces de terriers, dans
lefquels ils faifoient leurs petits. Ils en {or-
toient par bande pour aller dévorer la ré-
colte, &y tranfporter leurs provifions. Je
fuis enfin venu à bout de les détruire, &
voici de la manière que je m’y fuis pris.
Jai fait enlever de l'aire & de toutes les
travées au moins un pied de terre, que
Von a conduite dans les jachères. À peine
GRANGES. 155
pourroit-on croire combien nous avons
fait périr de rats, de fouris , de charanfons
dans cette opération. Les mèmes tombe-
reaux qui tranfportoient les terres dans les
champs , en rapportoient des pierres & des
cailloux pour remplir les creux qu’on avoit
faits dans la grange. Après les avoir fait
bien arranger à plat, on a jetté deflus de
la chaux mélée avec du fable. Cet efpèce
de maftic a lié enfemble les pierres & les
cailloux. On a bouché enfuite bien f{oi-
gneufement avec la compofition tous les
trous des murs. J'y fais depuis ce tems
bien entafler mes récoltes fans la moindre
perte, tandis qu'elle avoit été très-conf-
dérable pour le Fermier en 1758: car il y
avoit dans les fouterrains que les vermines
avoient formés , plus de quarante bichets
de bled qu’elles avoient mangés , & au
moins plein un tombereau de charanfons,
156 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE.
que j'ai fait brûler. Tous les fourages de la
grange étoient infectés par l’ordure de tou-
tes ces vermines.
Pour faire périr les charanfons à Ville-
parifis , J'ai fait enduire de chaux vive les
murs, les travées, & l’aire de la grange,
& j'en fuis venu à bout. Quand il =’y en
a point une trop grande abondance , il
n’eft queltion que de bien nettoyer la gran-
ge : couper après cela quelques gerbes de
bled de la récolte qu’on eft fur le point de
commencer , & les étendre le long des
murs. Dès le lendemain tous les charan-
ons y feront raflemblés. On prend pour-
lors un drap fur lequel on fecoue chaque
serbe. Tous les charanfons tombent deffus.
L'on porte le drap dans la cour où les pou-
les mangent cette vermine avec avidité. On
place enfuite ces gerbes dans la grange
conme la premiere fois. Vous n’aurez pas
GRANGES. 157
réitéré cette opération quatre à cinq fois,
qu'il ny aura plus de charanfons. On croît
aflez communément que cet infecte fait
plus de bien que de mal, quand on entafle
le bled trop humide, qu’elle lempèche d’y
germer ; qu'il eft mème plus aïfe à battre.
je n’ai jamais fait cette expérience, parce
que dans aucun tems je ne me fuis mis dans
le cas de faire une récolte qui pût germer
dans la grange ; ce qui eft de très-grande
conféquence : car il eft très-certain que du
bled germé & chaufouré ne peut que nuire
à la fanté de ceux qui mangent le pain
qu’on en fait, & que les pailles qui fen-
tent le relant , caufent des maladies aux
animaux qu’on en nourrit.
Pour bien entafler les avoines dans les
granges , il faut les délier, & les étendre
également fur le tas. On les garantit par
158 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE.
cette façon de les arranger , des vermines
qui ne peuvent y pénétrer. Le grain y
acquiert une qualité qu’il ne peut avoir
quand on le laifle en gerbe, & il entre dans
une feule travée ce qui en rempliroit deux ;
car les gerbes n’ayant point aflez de lon-
gueur pour pouvoir les joindre aufli exa-
ctement que le bled, il {e trouve dans tous
les rangs des vuides dans lefquels fe gliflent
les rats, les fouris qui y font un dégât con-
fidérable.
De tout ceci il réfulte qu'il. ne faut que
de l'attention pour bien cultiver les terres ,
en connoître la nature , les engrais qui leur
font propres, & les faïfons pour les tra-
vailler à propos. On retirera de ces con-
noiffances de très-grands avantages. Les
fermiers , qui la plüpart du tems {e ruinent
dans les terres dont ils fe chargent, s’y
GRANGES. 159
enrichiront indubitablement. Animés par
Pefpoir d’un gain qui ne pourra leur echap-
per , ils fe porteront avec plus d’ardeur au
travail qu'ils auront foin de multiplier à
proportion qu'ils verront que les peines
qu'ils fe donneront , ne feront pas tout-à-
fait ftériles.
Après tout ce que l’on vient de voir,
comment pouvoit - on aflurer l’année der-
nière que tout étoit dit. fur Agriculture,
& qu’il falloit fe méfier de ce que devoient
avancer les Auteurs qui donneroient dans
la fuite leurs productions fur cette matiere ?
Pour moi, je penle qu'il vaut beaucoup
mieux fe méfier de ces Auteurs qui s’an-
noncent avec tant d'années d’expérience ,
& qui n’apportent en preuve de ce qu’ils
débitent, que les expériences des autres,
ou qui les veulent critiquer avant d’avoir
166 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE.
lü les Ouvrages qu’ils doivent donner fur
l'Agriculture.
Quoique par ma Lettre du ro Avril
1764, je n’aie point annoncé l’article fui-
vant, je crois devoir le placer ici à caufe
de Putilité qu'on en retirera pour lAgri-
culture.
de
DE LA MAIN D'OEUVRE. 161
Re
CHA PTTRE
De la main d'œuvre.
IEX de plus néceffaire ; fur-tout pen-
dant la moiflon ; que la main d’œu-
vré. Si on ne multiplie, pour ainfi dire,
alors les bras, rarement les ouvrages font
conduits à leur perfection. Les récoltes
font {ouvent perdues en partie ou dépérif
ent; & les terres qu'on doit difpofer pour
recevoir la femence, font négligées. Très-
fouvent mème les vignes en fouffrent. IL
{eroit néanmoins aifé d'éviter ces inconvé.
Mens ; car au lieu d'occuper tant de mon-
dela garde ou à la levée des dimes & des
champarts qui font fi onéreux au public,
il faudroit donner en argent ou en grains
aux gros Décimateurs & aux Seigneurs,
à peu Jprès la valeur de ce qui doit leur
L
162 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE.
revenir, tous frais faits. Dans cette hypo-
thèfe combien de perfonnes ne pourroient-
elles pas ètre employées plus utilement ?-
Car dans une Cure à peu-près de 1200 iv.
où le Curé a la dime, il lui faut trois cal-
vaniers , un charretier, une charette , &
deux chevaux. Il faut au Seigneur ou Fer-
mier un homme qui aille marquer les ger-
bes qu'il veut avoir. Voilà donc au moins
cinq perfonnes qui travailleroient au bien
général, s'ils n'’étoient pas à celui de deux
particuliers. |
Les gros Décimateurs au refte & les Sei-
gneurs gagneroient à cet arrangement , puif-
qu'ils n’auroient plus à craindre aucune
intempérie de l'air , & qu’ils éviteroient
les embarras & la groffe dépenfe que leur
donne ordinairement le tems de la moïflon.
Le Laboureur y trouveroit auf {on comp-
te; car fans faire aucuns frais de plus, ils
DE LA MAIN D'OEUVRE. 162
profiteroient de la dépenfe que les Seigneurs
& les gros Décimateurs font obligés de
faire pour recueillir ce qu’ils ont droit de
percevoir. D’un autre côté le fermier ne
craignant plus de voir dans fon champ’des
étrangers avides de ce qu’il y a de meilleur ,
& de ce qu’il a eu tant de peine à faire
produire, {e livreroit au travail avec plus
d'ardeur & de zèle, & feroit difpenté de
payer une perfonne pour veiller à ce qu’on
ne lui enlève rien au-delà de ce qu'il
doit.
FIN.
Approbation du Cenfeur Royal.
Y’Ai là per ordre de Monfeigneur le Vice-Chan-
Ÿ celier un Manufcrit intitulé , Agriculture expé=
rimentale , par M. Sarcey Defuticres , @ÿc. & il
m'a paru que fon deflein de chercher plutôt à
perfectionner les anciennes pratiques qu’à en in-
venter de nouvelles, étoit rempli de la manière
Ja plus fatisfaifante, & étoit celui dont or pouvoit
{e promettre le plus d'utilité. À Paris c; 26 Fé-
vrier 1765.
ROUSSELET.
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