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Full text of "Alauda"

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Série IIL 8e année, Ne2 Avril-Juin 1936 


ALAUDA 


Revue trimestrielle d’Ornithologie 


publiée par Paul PARIS, Professeur de Zoologie 
à la Faculté des Sciences de Dijon 


Rédacteur : Henri JOUARD 
Bulletin de la 


Société d’Études Ornithologiques 
Secrétaires : Henri HEIM DE BALSAC et André BLOT 





——————————— 
André Blot, éditeur, 12 avenue de la Grande-Armée, Paris 


Source : MNHN. Paris 


ALAUDA 


Revue trimestrielle d’Ornithologie 


COMITÉ DE PATRONAGE 


MM. Buræau, Professeur honoraire à l'École de Médecine de Nantes ; 
Caurzen, Membre de l'Institut, Professeur à la Sorbonne ; Cuénor, 
Membre de l'Institut, Professeur à la Faculté des Sciences de Nancy ; 
Dusosca, Professeur à la Sorbonne ; Jocxaup, Professeur à la Sorbonne ; 
Lewoux, Directeur du Muséum National d'Histoire Naturelle ; Picarp, 
Professeur à la Sorbonne ; Raraup, Professeur à la Sorbonne: SEURAT, 
Professeur à la Faculté des Sciences d'Alger ; Torsenr, Professeur 
honoraire à la Faculté des Sciences de Dijon. 


COMITÉ DE SOUTIEN 


Le constitueront tous ceux qui, appréciant les efforts du Comité de Rédac- 
tion et tenant à le soutenir moralement et matériellement, verseront, en guise 
d'abonnement, une somme d'au moins 100 francs. 

Le nom des membres du Comité de soutien sera donné, pour autant qu'ils 
ne s’y opposent pas, dans le dernier fascicule de l’année, avec l'indication 
du montant de leur versement, 


ABONNEMENTS 


France et Colonies : 60 francs. 
Etranger : 75 francs (60 + 15 francs de frais de port supplémentaires) 
Prix du présent numéro : 20 francs 
Le montant des abonnements, qui sont dus au 1er janvier, doit être 
adressé à 
M. Henri JOUARD 


45, rue Lamartine, Dijon (Côte-d'Or) 
Compte de chèques postaux : Dijon 298-21 


AVIS DIVERS 


Toutes publications pour compte rendu ou en échange d'A lauda doivent être 
adressées, impersonnellement, à M. le Rédacteur d’Alauda, Faculté des 
Sciences, 51, rue Monge, Dijon (Côte-d'Or). 

Tous manuscrits, demandes de renseignements, etc., doivent être adres- 
sés à M. Henri Jouanro, Rédacteur, 45, rue Lamartine, Dijon (Côte-d'Or). 

La Rédaction d'Alauda reste libre d'accepter, d'amender (par ex. quant 
à la nomenclature en vigueur) ou de refuser les manuscrits qui lui seront 
proposés. Elle pourra de même ajourner à son gré leur publication. 

Elle serait reconnaissante aux auteurs de présenter des manuscrits tapés 
à la machine, n’utilisant qu’un côté de la page et sans additions ni rature. 

Faute aux auteurs de demander à faire eux-mêmes la correction de leurs 
épreuves (pour laquelle il leur sera accordé un délai max. de 8 jours), cette 
correction sera faite épso facto par les soins de la Rédaction sans qu'aucune 
réclamation y relative puisse ensuite être faite par ces auteurs, 





Alauda ne publiant que des articles signés, les auteurs conserveront la 
responsabilité entière des opinions qu'ils auront émises. 

La reproduction, sans indication de source, ni de nom d'auteur, des 
articles contenus dans Alauda est interdite. 


Voir, page 3 de la couverture, les indications concernant la 
Société d'Études Ornithologiques 


Source - MNHN. Paris 


Supplément à Alauda (avril-juin 1936). 





La 
Société d’Études Ornithologiques 
vient de publier: 


INVENTAIRE 
DES OISEAUX 
DE FRANCE 


par Noël MAYAUD 


AVEC LA COLLABORATION 
d’Henri HEIM DE BALSAC et Henri JOUARD 


Un volume in-8° de 220 pages 

Expédié franco France et colonie 
autres pays, 46 fr. 

S’adresser à M. André BLor, secrétaire adjoint de la E 0; 
12, avenue de la Grande-Armée, Paris (7 { lui envoyer le mon- 
tant par versement à son compte postal 1146-60, ou par mandat 
Ou par chèque sur Paris. 





DRM REN ES SA de 40 fr. 
Belgique, Luxembourg, 43 fr. ; 






Nota. — Jusqu'au 1% novembre 1936, les membres de la Société 
d'Etudes Ornithologiques bénéficieront d'une remise de 25 %. Les 
prix ci-dessus sont donc, Pour eux et jusqu’à la date indiquée. di- 
minués de 10 fr. (30 fr., 33 fr., 36 fr.). 


Source : MNHN. Paris 


BIOGÉOGRAPHIE 
DES 
MAMMIFÈRES er pes OISEAUX 
DE L'AFRIQUE DU NORD 


par Henri HEIM DE BALSAC, Docteur ès Sciences 


Un fort volume de 446 pages avec 52 figures dans le texte, 
7 planches et 16 cartes hors texte, 125 fr. (Remise aux abon- 
nés du Bulletin biologique de France et de Belgique 25 *,). 

Laboratoire d'Évolution des Etres organisés, 105, boulevard 
Raspail, Paris. 


LES RAPACES D'EUROPE 


LEUR RÉGIME, LEURS RELATIONS AVEC L'AGRICULTURE 
ET LA CHASSE 
par Paul MADON 
Un volume in-8° de 296 pages, chez l'auteur, 5, avenue 
Vauban, Toulon (Var), contre envoi préalable d’un mandat- 
carte de 30 fr. pour la France, 35 fr. pour l'étranger, frais 
d'envoi et de recommandation compris. 

















Henri Heim de Balsac 
LA NOTION D'ESPÈCE ET DE SOUS-ESPÈCE 
DANS SES RAPPORTS AVEC LA BIOGÉOGRAPHIE 
(tiré à part d’Alauda), franco 5 fr. 
S'adresser à M. André BLor, secrétaire adjoint de la S. E. O., 
12, avenue de la Grande- Armée, Paris (179). Paiement en timbres- 
poste où par chèque postal, Paris 1146-60. 





Comte de Bonnet de Paillerets 





ADDITIONS ET CORRECTIONS A LA RÉGENTE BIBLIOGRAPHIE 
DES FAUNES ORNITHOLOGIQUES DES RÉGIONS FRANÇAISES 

DE MARCE 

Nous avons fait tirer à part un certain nombre d'exemplaires de 

cet article paru dans Alauda 1936, n° 1. Nous le tenons à la dispo- 

sition de ceux de nos collègues qui, possesseurs du travail de 

M. Legendre, voudraient y joindre ce qui, d'ores et déjà, vient le 

compléter; franco 5 fr. 

S'adresser à M. André Bio, 12, avenue de la Grande-Armée, 

Paris (17°), voir ci-dessus. 
















Source : MNHN. Paris 


ALAUDA 


Série III, 8e année. No2 Avril-Juin 1936. 








SOCIÉTÉ D’ÉTUDES ORNITHOLOGIQUES 


Séance du 2 mai 1936. 


Présidence du D' Rocnon-DrvrexEaun. 


S'étaient excusés de ne pouvoir assister à la séance : MM. Co- 
GNEAU, Monmacn, MouirLarp, professeur RasauD, baron DE 
Sancy. 





Invité : capitaine Voisin. 


Le secrétaire général donne lecture d’une communication de 
M. Jean Morsacu sur la présence, observée pour la première fois 
dans le Grand-Duché de Luxembourg, du Grimpereau familier 
Certhia familiaris (CT. Alauda, 1936, n° 1, pp. 116-118). 


M. Herm DE Barsac signale que le Pigeon colombin Columba 
aenas parait accroître son effectif à Paris. Depuis quelque temps, 
trois ou quatre de ces oiseaux viennent régulièrement dans la cour 
de l'immeuble qu'habite notre collègue. Le professeur Picarp en 
voit depuis plusieurs années aux alentours de son laboratoire, 
105, boulevard Raspail. Depuis deux ans notre secrétaire-adjoint 
M. André BLor en voit un couple dans sa cour. Précédemment, le 
Dr Rocnon-DuviGneauD en avait signalé au pare Monceau, où il 
y en a cette année encore (Cf. Alauda, 1934, n° 3, pp. 401-402). 





M. Heim DE Bazsac rapporte ensuite une observation qu'il a 
faite lors d’un récent séjour en Lorraine. Les Merles d’eau Cinclus 
cinclus, qui sont communs à Buré d'Orval (Meurthe-et-Moselle), se 
tiennent d'ordinaire aux abords des ruisseaux.Or, cette année, et pour 
la première fois, notre secrétaire général a pu les observer sur l'étang. 
Et ce changement de milieu a déterminé un changement complet de 


10 


Source : MNHN. Paris 


146 ALAUDA, Vu. — 2. 1956. 





comportement, Ces oiseaux, en effet, au lieu de se tenir sur les 
bords de l'étang, puis d’entrer dans l’eau en marchant sur le fond, 
restaient sur l'eau, en surface, nageant, plongeant, remontant, 
exactement à la manière des Grèbes castagneux Podiceps ruficollis. 
Cette intéressante observation, qui soulève plusieurs problèmes bio- 
logiques, sera relatée en détail, et commentée, dans un prochain 
numéro d’'Alauda. 


Enfin, notre secrétaire général donne lecture des nouvelles obser- 
vations de Becs-croisés faites par plusieurs de nos collègues. 


Séance du 6 juin 1936. 


Présidence de M. le Professeur RaBauD. 


Le secrétaire général donne lecture d’une importante étude de 
M. Georges Démenrierr sur les Oies des moissons Anser fabalis, 
que nous publions plus loin (pp. 169-193). 





Séance du 4 juillet 1936. 


Présidence du D' Rocnon-DuvIGNEAUD. 





S’étaient excusés de ne pouvoir assister à la séance : AM. J. DE 
Cuavieny, Mouizzann, Professeur RaBauD, TROUCHE ; capitaine 
6). 

Le secrétaire général présente une épreuve de l'Inventaire des 
Oiseaux de France, établi par Noël Mayau, avec la collaboration 
d'Henri Hem pe Bazsac et d'Henri Jouar», et indique les prin- 
cipales caractér & ouvrage, que la Société d'Etudes 
Ornithologiques va publier très prochainement. On trouvera plus 
loin (pp. 258-260) un premier aperçu de cet important volume, qui 
sera, avant longtemps, entre les mains de tous les ornithologistes de 
France, de Belgique, de Luxembourg, de Suisse, et de maint autre 


pays ! 


Voisin (invit 








tiques de © 








4. Peu de temps après cette séance, un prospectus détaillé a été envoyé à tous les 
merabres de la S, E. O. et à tous les abonnés d'Alauda. Et l'/nventaire des Oiseaux 
île France a été mis en vente,et envoyé aux souscripteurs, dans le courant du mois 
d'août, Rappelons, pour ceux que ce prospectus n'aurait pas touchés, que l'/nventaire 
es Oiseaux de France forme un volume de 220 pages, dont le prix est de 40 fr. 
(franco France, colonies, Belgique et Luxembourg 4 fr. autres pays 46 fr). Jus 
lovembre 1936, les membres de la S. E. O. bénéficieront sur ce prix d'une 








qu'au 1 


Source : MNHN. Paris 


SOGIÊTÉ D’ÉTUDES ORNITHOLOGIQUES 147 





Le secrétaire général donne ensuite lecture d’une étude de notre 
rédacteur Henri JouarD, — retenu à Dijon et, de ce fait, empêché 
de la présenter lui-même, — sur la question des Aigles criards. On 
la lira plus loin sous le titre : Qu'en est-il des Aigles « criards » de 
Franc 





Puis M. Seypoux fait part de la découverte qu'il a faite ce 
printemps, en forêt de Fontainebleau, de la Fauvette pitchou Syl- 
via undata, et présente une ponte, deux nids et un spécimen de 
jeune. La trouvaille de notre collègue, qui fera l’objet d’une note 
détaillée dans un prochain numéro d'Alauda, étend vers l'Est l'aire 
de distribution, jusqu’à présent connue, du Pitchou. (L'Orléanais, 
d'après les observations du marquis ne TRrisrAn, était considéré 
comme sa limite orientale.) 


M. Heim ne Bazsac rapporte enfin le récit d'une visite aux 
colonies d’Aigrettes garzettes Egretta garzetta et de Hérons cra- 
biers Ardeola ralloides qu'il a eu l'occasion de faire récemment 
en Camargue. 

Le secrétaire-adjoint : 


André BLor. 


La thèse d'Henri Heim de Balsac. 


Nous sommes heureux d'annoncer aux lecteurs d'Alauda et aux 
membres de la Société d'Etudes Ornithologiques que notre ami Henri 
Heim DE Barsac a été reçu docteur ès sciences à la Sorbonne, le 
23 mars 1936. 

La thèse principale d'Henri Herm ne BaLsac était cette Biogéo- 
graphie des Mammifères et des Oiseaux de l'Afrique du Nord dont 
M. le Professeur Seurar a dit, dans la bibliographie de notre der- 
nier numéro (cf. Alauda, 1936, n° 1, pp. 130-132), l'intérêt et la 
valeur. Les deux autres thèses avaient pour sujet les Zracoïdes jos- 
siles de l'Afrique du Nord et les Reptiles de l'Afrique du Nord. 

C’est avec une aisance souveraine qu’elles ont été soutenues, tou- 
tes trois, par le naturaliste de premier ordre qu'est notre secrétaire 


remise de 25 % ; le prix est done pour eux, et jusqu'à la date indiquée, diminué de 
10 fr. (30 fr,, 33 fr,, 36 fr.), S'adresser à M. André Buor,secrétaire adjoint de la S.E. ©. 
12, avenue de la Grande-Armée, Paris, 17° et lui envoyer le montant par versement à 
son compte postal 1146-60, ou par mandat ou par chèque sur Paris. 


Source : MNHN. Paris 


148 ALAUDA. vit, — 2. 1936. 





général. Et les membres du jury — MM. les Professeurs RABAUD, 
JozEauD et Picarp — tinrent à souligner la portée peu commune 
de la thèse de notre ami en déclarant que, s'ils accordaient à Henri 
Heim DE BaLsac la mention très honorable, c'est qu'ils ne dispo- 
saient pas d’une mention plus expressive encore pour qualifier le 
travail présenté et la façon magistrale dont il avait été exposé. 


Paul Paris ; André BLor ; Henri JouaRD. 


Avis et remerciements. 


Avant de remettre la charge de la trésorerie de notre Revue et de: 
notre Société à M. H. Jouanr», le Dr E. Béraur a tenu à nous mani- 
fester d’une façon concrète la vive sympathie qu'il leur témoigne. 
Il a done donné à Alauda, pour être mises à la disposition des mem- 
bres de la Société d'Etudes Ornithologiques, une collection de la 
revue belge Le Gerfaut (1911-1933) et une collection de la revue 
anglaise British Birds (1907-1933). 

Ces collections ont été entreposées au Laboratoire de Biologie 
expérimentale de la Sorbonne, avec les autres périodiques et vo- 
lumes de notre bibliothèque. 


Source : MNHN. Paris 


SUR L'OSTÉOLOGIE ÉLÉMENTAIRE 
DU GRAND CORMORAN PHALACROCORAX 
CARBO SUBCORMORANUS 
ET SUR SON CURIEUX CRANE 


par le Dr Marcel Baupouix, 


Ancien Président de la section d'Anthropologie de l'A. F. A. S. 


Le Cormoran est un Palmipède grand-voilier qu’on rencontre 
assez souvent sur les côtes de France, l'hiver, de la Gironde à la 
mer du Nord. C’est du Phalacrocorax carbo subcormoranus que nous 
voulons parler ?. 





1. Bien que M. le D' Bauvouix n'ait pas fait allusion, dans son article, à divers 
travaux étrangers relatifs à l'ostéologie des Cormorans publiés ces dernières années, 
nous avons tenu à lui donner l'hospitalité d'A/auda, Ses propres recherches présen_ 
tent en effet, par elles-mêmes, un caractère fort original. On pourra, d'ailleurs, les 
soumettre, par la suite, à toutes comparaisons utiles avec celles des autres auteu 
Citons notamment celles de Gaow et de SrResEMANN : 

. 19 « Ilest remarquable de constater chez Carbo cormoranus et C. graculus (mais 
Seulement chez ces deux espèces) l'existence d'un os triangulaire et pyramidal dirigé 
en arrière et réuni par un ligament à l'occ, superius ; c'est un os sésamoïde qui 
n'appartient pas au crâne et qui augmente la surface d'insertion des muscles qui 
commandent les mouvements de la tête » (x Æigenthümlich ist dem Carbo cormo- 
ranus und C. graculus, aber auch nur diesen beiden, ein an dem Occ. superius 
durch Bandmasse verbundenen, dreieckig pyramidenfôrmiger, nach hinten gerich- 
teter Knochen, welcher die Ansatzfläche der den Kopf bewegenden Muskeln 02, 
vergrüssert : er ist ein Sehnenknochen und gehürt nicht zum Schädel », M. Gavow 
et E. Seexka, Vôgel, 1, p. 19 et pl. VII, fig. 5). 

20 « Chez Phalacrocorax, qui doit posséder des muscles adducteurs du bec parti- 
culièrement puissants pour maintenir des Poissons robustes, le muscle adductor 
mandibulae externus s'étend jusqu'à la région occipitale. Pour augmenter la 
surface d'insertion de ce muscle, il s’est formé un os sésamoïde allongé en forme de 
bâton qui s'applique sans articulation sur le supraoccipital et dont l'extrémité libre se 
dirige en arrière » (« Bei Phalacrocorax, der zum Festhalten muskulüser Fische 
besinders kräftiger Schliessmuskeln des Schnabels bedarf, ist die Ursprungstelle 
des Musculus addvctor mandibulae externus sogar aus Hintenhaupt verlagert. Zur 
Vergrôsserung der sich dort tretenden Ansatzflûche hat sich freibeweglich an das 
Supraoccipitale anlegt und seine freie Spitze kaudalewärts richtet », Srresemanx, 
in KuxexrauL, Aves, pp. 81-82). 

La divergence d'interprétation de Ganow et de Srresemanx souligne l'intérêt de 
l'étude du D' Bauvou. — N. D, L, R.: H. H, ve B. 

2. Phalacrocorax graculus desmaresti vient aussi en France. 

L'oiseau qui nous a servi pour cette étude de l'os spécial ici décrit est aujourd'hui 























Source : MNHN. Paris 


150 ALAUDA, VII. — 2. 1936. 





C'est un oiseau assez mystérieux par ses allures inaccoutumées, 
le port de sa tête, ete, Type de l'oiseau marin !, ce volatile, aux 
pattes largement palmées, perche, en effet, sinon souvent sur les 
arbres, du moins sur les clochers et les hauts édifices comme sur les 
rochers. Et on se demande comment, avec de telles palmures aux 
doigts, il peut se tenir en équilibre sur une tige horizontale ou sur 
un cordon de fer ou sur un sommet aigu, à de très fortes hauteurs. 

Son anatomie, en tout cas, quoiqu’elle n'explique pas toutes ces 
eurieuses habitudes, mérite qu'on s'y intéresse, car elle présente 
des particularités qu'on ne rencontre que chez ce seul genre ani- 





mal, comme on va le voir. 


I. — Le crâne. 


Le crâne du Cormoran, surtout au niveau de l'os occipital, est 
éritablement quelque chose d'insolite. 

Pour nous faire mieux comprendre et pour mieux faire saisir 
son aspect spécial, nous allons le décrire, en le comparant, point 
par point, avee celui d'un autre oiseau marin, grand voilier lui 
aussi, le Fou de Bassan, au crâne presque deux fois plus grand ! 











Les crêtes. — Le crâne du Fou, à la face externe de l’occipital, 
ressemble aux crânes ordinaires des Vertébrés moyens (grands 
oiseaux, petits Mammifères). 





conservé dans une boîte en ciment ad hoc, pourvue d'un vitrage hermétique en vitrex, 
après formolisation intense (20 %), et exposée en plein air au musée de Croix-de-Vie, 
au milieu de nombreux autres oiseaux de passage, capturés au Havre-de-Vie (Vendée). 
Il a conservé son plumage de jeune et ne peut être confondu avec un adulte, ou 
avec un individu d'une autre espèce, point intéressant à souligner ici, 

IL fut tué le 6 décembre 1933 par un chasseur dans les marais salants de Croix-de- 
Vie. Il était bagué, et la bague portait le n° 118.345. L'Institut de baguage nous 
avisa qu'il s'agissait d'un individu bagué à Lekkerkek, province du Sud de la Hol- 
fande, le 25 mai 1933, em duvet. Observation qui démontre de façon péremptoire 
que le Cormoran peut émigrer à l'âge de moins de dix mois. 

Le second oiseau, qui a fourni le squelette complet d'étude, est un autre Cormoran 
baqué, Capturé en duvet le 21 juillet 1932, à Lekkerkek également, il fut bagué le 
même jour sous le n° 118.242. Pris mourant (de par le mazout) à Saint-Gilles-sur- 
Vie au début de février 1933, il fut formolisé, mais mis en terre seulement le 26 mars 
1933, au pied d'un vieil arbre, pour préparer son squelette, Déterré le 22 août 1933, 
cet oiseau nous a fourni un squelette admirablement conservé, qui nous a permis 
de constater que toutes les épiphyses osseuses étaient soudées et, par conséquent, 
que tous les os étaient adultes, quoique le volatile fût encore en plumage de jeune, 
comme le précédent, 

Ces deux Cormorans ont servi de base à notre communication, faite à l'Académie 
des Sciences, le 22 janvier 1934 sur l'âge où les oiseaux peuvent émigrer. 

1. Marcel Bauvoui. Les arbres carnivores du parc botanique de Croix-de-Vie. 
Préparation de squelettes d'oiseatix. Physiologie expérimentale, « Progrès médical », 
Paris, 1933, 16 septembre, n° 37. Tiré à part. 














Source : MNHN. Paris 


M: BAUDOUIN SUR L'OSTÉOLOGIE DU CORMORAN 151 





a) Il présente une crête verticale saillante, suite des deux arètes 
latérales, correspondant aux pariétaux et descendant jusqu’à la 
partie supérieure du trou occipital, assez large. Cette crête est croi- 
sée en son milieu par une autre crête transversale. Leur croisement, 
en saillie plus étalée, forme la protubérance occipitale externe, dont 
la surface chez le Fou n’est pas pointue, mais émoussée et aplatie, 
comme usée en petits losanges, de 6 mm. de côté, par le roulement 
de la peau du crâne sur cette partie de l'os. 

b) Au contraire, chez le Cormoran, qui possède bien les deux 
crêtes, mais dans des conditions très différentes, la protubérance 
occipitale externe est en pointe, sinon aiguë ; mais elle est réduite 
à un petit losange de 2 mm. de côté, non usé, rugueux plutôt. 


Condyle occipital. — Le condyle occipital, chez le Cormoran, est 
cylindrique et petit (diamètre 3 mm.) ; chez le Fou, il est allongé 
transversalement, comme étalé (7 x 5 mm.). La différence est réelle, 





Fig. 1. — Radiographie d'une tête de Grand Uormoran. Vue de la 
face inférieure (radiographie positive ordinaire : les noirs représentent 
les os. On ne voit pas l'os rétrooccipital). 











Dimensions. — Voici les dimensions comparées des deux crânes. 
Dimensions Cormoran Fou 
Long. max. ant, post. Bec — trou occipital. 120 180 
A. Face et crâne : 

Diam. trans. max. (Cavité glénoïde)...... 30 53 
HAN RAT NA 24 32 

B. Os fronto-pariétal : 
Long... 42 57 
Tania 30 51 
MEN, 16 30 
Rétro-oculaire 20 30 





Source : MNHN. Paris 


152 ALAUDA. vin. — 2. 1936. 








Dimensions Cormoran Fou 

Os nasal (Bec) : Longueur 67 105 
Large. | MEX- 16 23 
AD TR AR nex 6 4 

C. Cavités : 

Trou occipital : Haut. ......................... 5 it 
TO OR PRE aude 8 9 

Cavité orbitaire : Long........................... 21 30 
HAE ne eme tetes 16 20 


Il ÿ aurait bien des réflexions à faire sur ces mesures ! D abord 
la longueur du bec, un tiers plus grand chez le Fou, en rapport avec 
les dimensions des nasaux : les différences du trou occipital, la 
longueur du front, les différences des cavités orhitaires, plus éta- 
lées chez le Fou, ete, etc. 


Caractères du trou occipital. — Retenons simplement que, chez 
ces deux oiseaux, les trous occipitaux sont disposés en sens inverse, 
au point de vue dimensions. Ainsi, chez le Cormoran, le trou est 





Fig. 2. — Radiographie d'une tête de Cormoran, vue de profil : 
face latérale gauche (radiographie en négatif, d'après le procédé du 
D: Bouland, de Paris). — Les os apparaissent en blanc. La traînée 
blanchâtre de la nuque indique l'os rétrooccipital. 


étalé horizontalement, tandis que, chez le Fou, le grand axe est 
vertical. On peut d’ailleurs se demander pourquoi il en est ainsi, 
car il est peu probable que cela tienne au mode d'alimentation et 
à la nature de la flexion du crâne sur la colonne vertébrale au 


Source : MNHN. Paris 


M. BAUDOUIN SUR L'OSTÉOLOGIE DU CONMOIAN 153 





moment de la déglutition. En tous cas, il y a là une disposition 

- curieuse, qui doit être ancestrale. Mais, où les choses se corsent, 
c'est au niveau de l'écaille de l’occipital au-dessous de la protu- 
bérance externe. 


Crête horizontale (annexe) spéciale. — Là, au beau milieu de l'os, 
on voit une petite crête transversale, qui coupe la verticale en son 
milieu et qui vient des cavités glénoïdes du temporal. 


Le tubercule du Cormoran (condyle supérieur). — Et, au point 
de croisement, il y a le fameux tubercule spécial occipital du Cor- 
moran, qui simule un second condyle du type occipital placé au- 
dessus du classique et en haut du trou occipital. Ce condyle est 
constitué par un bouton saillant à surface arrondie et polie, cou- 
vert de cartilage à l’état frais, qui sert à l'articulation du célèbre 
osselet rétro-occipital du Cormoran. 

Ce condyle, bien rond, a 3 mm. de diamètre et fait une saillie 
d’au moins 2 mm. Il est unique en son genre. 

Ce qui est curieux et à noter, c’est la crête supplémentaire qui, 
chez le Cormoran comme chez le Fou, part des cavités glénoïdes, 
mais va s’anastomer, chez le Fou, au milieu de la crête transver- 
sale supérieure, tandis que, chez le Cormoran, elle se recourbe tout 
de suite en bas, sans atteindre cette crête principale, pour rejoindre 
le condyle rétro-oceipital. 

Il en résulte que, chez le Cormoran, il y a, en arrière de l'occipi- 
bal, une gouttière transversale complète qui, chez le Fou, n'existe 
que sous la forme d’un triangle, au-dessus des cavités glénoïdes, 
à la partie externe. D’autre part, la face supérieure des pariétau 
frontaux, chez le Cormoran, est extrêmement lisse et on dirait 
qu’elle a été polie par le glissement de la peau. Chez le Fou, au 
contraire, les pariétaux et les frontaux sont rugueux et d'aspect 
fibreux, comme une tige d’arbre, sans aucune analogie avec le 
caractère précédent. En somme, le Cormoran présente deux con- 
dyles occipitaux, l'un au-dessus, l'autre au-dessous du trou occipi- 
tal. 

Il en résulte qu'il n'a pas encore acquis tout le bénéfice qu'ont 
les oiseaux de n’en posséder qu'un seul, ce qui leur permet de tour- 
ner la tête de 1800, au lieu de 900 seulement. Mais ce deuxième 
condyle est plutôt gênant, car il empêche ces oiseaux, qui ont deux 
condyles, en sens inverse des Mammifères, de tourner leur tête, 
en ne leur présentant aueun avantage. 





Source : MNHN. Paris 


154 ALAUDA, vil, — 2. 1936. 





Certes, ces deux condyles sont placés en sens inverse de ceux de 
l'Homme, sur un même axe de giration (fig. 1), mais cela ne facilite 
en rien les choses, puisque los rétro-occipital est fixé fermement 
au milieu des muscles de la nuque ou même d’une façon peu solide. 





Me. 


Fic. 3. — Même radiographie, positive. 





Quoi qu'il en soit, c'est peut-être à cette conformation anato- 
mique que les Cormorans doivent la rigidité et le port particulier 
de la tête, qui reste immobile, souvent, au lieu de se déplacer cons- 
tamment. Ce fait m'avait frappé quand j'observais le couple de 
Cormorans qui percha jadis, si longtemps, sur le clocher de Croix- 
de-Vie ; mais je n'en pouvais alors soupçonner la cause. 


IT. — L'osselet rétro-occipital. 


L'osselet rétro-occipital du Cormoran est une fine aiguille os- 
seuse de 23 mm. de longueur, qui se termine en pointe très aiguë. 

Vu de profil, sa base, large de 3 mm. à peine, s'articule avec le 
tubercule spécial ou supérieur du pourtour du trou occipital, par 
une petite cavité glénoïde encapuchonnant le condyle propre du 
Cormoran. À simple vue le poids ne doit pas dépasser 1 à 2 gr., car 
la minceur de cette tige semble extrême. 





Radiograph 
miner in & 


— Pour bien comprendre cet osselet, il faut l’exa- 
tu, plongé dans les muscles de la nuque, sur la peau et au- 
dessus de la colonne vertébrale, sur une tête intacte de Cormoran, 
à l’aide d'une radiographie latérale et d’une vue de profil. 








Source : MNHN. Paris 


N. BAUDOUIN SUR L'OSTÉOLOGIE DU CORMORAN 155 





On l’aperçoit très nettement alors, sous la forme d’un filet noirâtre, 
à travers la masse grise des muscles, sur les épreuves positives 
ordinaires. 











Fi. 4 schématique de cette radiographie, montrant les 
deux con rieurs de l'occipital, — C. S. : condyle spéci 
condyle des oiseaux ; Cr. S. et Cr, 1. : les deux crêtes occipi- 
A. B. : os rétrooccipital ; M : muscles de la nuque ; B P : bosse 
pariétale ; O : orbite ; P T O É : protubérance occipitale externe. 











Sur les négatifs, au contraire, on le voit encore mieux, sous 
forme d’une lame peu haute, longue traînée blanche, filiforme ! 

Il court au-dessus des premières vertèbres cervicales, d'avant 
en arrière, à environ 5 mm. de distance du trou occipital jusqu'au 
milieu de la 3 vertèbre. Il est ainsi logé sous la peau de la nuque, 
exactement dans le plan médian. 











5.— Tête de Grand Cormoran disséquée, montrant l'os rétro- 
occipital, disséqué, mais encore inclus et articulé au niveau du con- 
dyle occipital (les muscles ont été simplement écartés ; vue latérale 
gauche). 





Source : MNHN. Paris 


156 ALAUDA. VII, — 2, 1936 








Dissection. — On le trouve à la dissection, en s’efforcant de ne 
pas le sectionner au bistouri en disséquant les muscles d'avant 


en arrière de chaque côté de la ligne médiane. 








Pour disséquer ce petit os, je le repérai d’abord par palpation, 
en appuyant la pulpe de l'index sur le sommet de l'occipital. Je 
le reconnus nettement sous la peau sous forme d’une ligne de résis- 
tance osseuse descendant vers le cou. Il en résulte qu'avec un 
examen soigneux de la tête, on peut facilement reconnaitre sa 
présence. Je fis alors exactement au-dessus de lui sur la ligne mé- 
diane une incision longitudinale au bistouri de 6 à 7 cm. Je dissé- 
quai avec soin les deux lèvres de la plaie en y comprenant les tissus 
musculair: et j'aperçus alors l'osselet, exactement au milieu, 
mobile entre les muscles s'insérant sur lui. Je le libérai de chaque 
côté de ces insertions, et, passant la lame du bistouri au-dessous 
de lui, et à le luxer sans le désarticuler, de 
facon que, sortant du milieu de l'incision, je puisse le placer ver- 
ticalement et le voir sur ses diverses faces. 











j'arrivai à le dégage 








Fic. 6. — Mème tête de 
gauche, On voit los r 
le condyle occipital spécial . 






Anatomie. — C'est en réalité un os long de 25 mm. à trois faces 
concaves : une inférieure, s'appuyant sur les muscles de la nuque, 
et deux latérales ; l’arête supérieure est directement sous la peau 
et c'est elle qu'on sent à la palpation. 

La radiographie, bien entendu, ne donne que l’aspect d'une 
des faces latérales, vue surtout près de l’arête supérieure. 

Le sommet, libre en arrière, n’a que 2 mm. de diamètre ; à leurs 
bases, les trois faces mesurent, au-dessus de la petite cavité glé- 


Source : MNHN. Paris 


M. BAUDOUIN SUR L'OSTÉOLOGIE DU CORMORAN 157 





noïde d’articulation, à peine 6 mm. de large ; les trois lames os- 
seuses qui le forment sont transparentes et ne sont épaisses que 
de Î mm. 

L'os ne commence à diminuer notablement de largeur qu'à 
40 mm. de sa base ; alors il n’a plus que 4 mm. de large ; et de là 
à son sommet il va se continuant en une pointe aiguë. La hauteur 
n'est que de 4 mm. à la base !. Cette forme, à l'aspect d'un poi- 
gnard à trois lames, de coupe triangulaire en étoile, est très facile à 
reconnaître. Pour quiconque a disséqué une fois cet os, la recon- 
naissance est aisée, car il ne ressemble à aucun autre chez les Oi- 
seaux. 


Articulation occipitale. — L'articulation de l'os rétro-occipital 
avec le condyle supérieur de l’occipital est, on l’a vu, une enar- 
throse avec cavité glénoïde classique, à grand axe transversal 
(6 mm.). 

La jonction des éléments osseux est opérée par une capsule 
Jibreuse en calotte ou manchon, que j'ai bien vue et disséquée. 
Elle est en tissu mince et fragile ; on n'aurait qu'à tirer dessus en 
la tordant pour la déchirer et la désarticuler ! Elle s’insère d'une 
part tout autour du condyle, et, d’autre part, autour de la base de la 
glénoïde. 

Bien entendu ses fibres se continuent et s'imbriquent avec le 
périoste, très facile à isoler, de l'os rétro-occipital. 

Ce sont tous ces caractères anatomiques, précis et indiscutables, 
qui font de cet appendice une véritable apophyse épineuse, arti- 
culée | 


Musculature. — Dans les deux gouttières latérales, constituées 
par deux angles dièdres, et recouvertes par le périoste, s’insérent 
de petits faisceaux musculaires très allongés fixés au tissu con- 
jonctif. Ces fibres proviennent de muscles qui recouvrent l’occi- 
pital. 

Dans la gouttière inférieure plus plate, il y avait surtout une 
petite quantité de tissu conjonctif très peu dense ressemblant à 
celles qui entourent les bourses séreuses. Il serait très possible qu'il 
y ait eu autrefois l’une de ces formations, réduites à sa plus simple 
expression désormais. 





4. Je n'ai pas pu peser cet osselet, n'ayant pas voulu le séparer de la tête con 
servée ; mais il ne peut peser que 1 à 2 gr. 





Source : MNHN. Paris 


158 ALAUDA, VII. — 2, 1936. 





Evidemment autrefois, chez une autre espèce, ancêtre lointain 
du Cormoran, ce minuscule appareil musculaire devait agir sur 
l'os, en le redressant et en dirigeant en l'air sa pointe libre et aiguë. 
On est par suite amené à penser qu'il à pu y avoir là, dans la série 
des aïeux de l'Oiseau, et peut-être en descendant jusqu'aux Oiseaux 
reptiles, une sorte de crête à aïgrelte de plumes, d'un genre très par- 
ticulier, 

En présence d’un tel état anatomique encore à l'heure présente, 
toutes les hypothèses de travail sont permises. 








ture de l'os. — II résulte de cette description, en effet, que cet 
osselet ne peut être que l’apophyse épineuse persistante, et très peu 
épaisse, d’une vertèbre disparue, dont le corps est constitué par le 
condyle occipital spécial de l'occipital, isolé de ce vestige d'apo- 
physe 1, 

En effet, sur ces apophyses, la face inférieure de l'os est concave, 
même chez l'Homme, pour recevoir l’arête supérieure de l'apophyse 
sous-jacente des colonnes vertébrales, surtout chez les Bipèdes ou 
Semi-Bipèdes, comme les grands Oiseaux. 

Et les faces latérales sont aussi concaves pour étaler les insertions 
musculaires et les rendre plus fortes. 

Quand cet apophyse devient libre, comme chez le Cormoran, tout 
en maintenant ses relations avec le condyle d’origine vertébrale, 
il est bien évident que la physiologie de cet os change du tout au 
tout. 

Ici, en somme, ce crâne à un occipital à deux condyles, qui 
semblent s'appuyer, en sens inverse du type normal, sur deux 
colonnes vertébrales, parallèles et distantes de 5 mm. dans le plan 
médian du corps. Mais ce n’est là qu'une apparence, car en réalité 
cette apophyse épineuse ne peut servir à rien qu'à gêner beaucoup 
les mouvements de flexion en avant et surtout en arrière de la tête 
sur l’axe et à limiter dans une certaine mesure les mouvements de 
latéralité. Le crâne ne peut s'appuyer sur elle, comme sur l'atlas 
et l'axis, parce que sa pointe est libre au milieu des masses muscu- 
laires de la nuque. Il est indiscutable que cet os rétro-occipital est 








1. Il existe un petit os, double, qui ressemble un peu au réfro-occipital. C'est un 
os des ailes (phalangette modifiée), qui a 30 mm. de long, au lieu de 25 mm. ! De 
plus, les faces de cet os triangulaire n'atteignent pas, à la base, 6 mm. elles ne 
dépassent pas 4 mm, de haut où de large Les lames osseuses sont plus épaisses et 
moins creisées. L'analogie n'est que superficielle, surtout quand on examine avec 
soin la constitution des faces. 





Source : MNHN. Paris 


M. BAUDOUIN SUR L'OSTÉOLOGIE DU CORMORAN 159 





très particulier et qu’il n’a absolument rien à voir avec un os sésa- 
moïde. D'ailleurs les deux petits muscles spéciaux qui l’encadrent 
le démontrent. Il ne peut représenter qu'une disposition atavique 
inconnue qui devait constituer l’ossature d’une sorte d’aigrette, 
mue par les muscles cités et que devait porter redressée en hau- 
teur l’ancêtre de cet oiseau. 

On voit qu’une telle hypothèse nous fait remonter haut dans 
la série des oiseaux fossiles et dans le temps... En tous cas, c’est 
bien d’une apophyse épineuse qu'il s’agit ici ; mais libérée et articulée 
sur l'arrière de l’occipital. 

*# k * 

L'apophyse épineuse de la première vertèbre occipitale de l'Hom- 
me doit correspondre à l'osselet de Kerkringe, qui se trouve à l'arrière 
du trou occipital. L'écaille de l’occipitale et la protubérance occi- 
pitale externe correspondent à la 3€ vertèbre occipitale, et la pro- 
tubérance à son apophyse épineuse. 

Dans ces conditions le condyle postérieur et supérieur du Cor- 
moran et son os représentent l’apophyse épineuse de la 2e ver- 
tèbre occipitale. C’est du moins la conclusion à laquelle aujour- 
d’hui nous conduit cette étude. 


Historique. — À propos de cet os du Cormoran, on lit dans le Dic- 
tionnaire d'OrrIGNyY (Cormoran, t. IV, p. 244) : « M. CHAVANNES 
a confirmé un fait assez obscurément énoncé par Volcher Correr 
et Trepmann, c'est que le Cormoran porte, dans la partie corres- 
pondant à la protubérance occipitale externe, un o$ triangulaire 
et mobile, mû par deux museles particuliers et ne faisant pas partie 
de l’occipital. D’un autre côté, le trou occipital est percé dans la 
partie supérieure de l’occiput, disposition qui facilite les efforts 
de cet oiseau pour avaler une proie souvent d’une grosseur extra- 
ordinaire. » 

La note très précieuse du Dictionnaire de p'ORBIGNY nous à 
fait rechercher les mémoires cités. Malheureusement, nous n'avons 
pas pu les retrouver et par suite nous expliquer les erreurs de 
CHAVANNES, qui sont étonnantes s’il a disséqué des têtes de Cor- 
moran ! 

Il n’en est pas moins vrai que ces auteurs ont très bien fait de 
citer cet os rétro-occipital inconnu avant eux, car, si nous n'avions 
pas lu par hasard l’article de GÉrArD dudit Dictionnaire, nous 


Source : MNHN. Paris 


160 ALAUDA. Vill, — 2, 1936. 





n'aurions jamais songé à radiographier une tête de Cormoran et à 
examiner ensuite avec soin les crânes préparés par nous, sans rien 
savoir de tout cela (1933), au niveau même de l’occipital. 


Signification de cet os. — Cet osselet, étant donné la présence 
d'un condyle d'articulation sur l'occipital, ne peut être qu'un 
vestige atavique d’une disposition ancestrale très éloignée. Pour 
le comprendre, il faut supposer que ledit condyle représente un 
second condyle occipital et que, par suite, l'occipital doit être 
triple, c’est-à-dire être composé de trois vertèbres, ou mieux, 
comme on dit aujourd’hui, de trois somites superposés, l'un énfé- 
rieur ou cervical, l'autre supérieur, le troisième pariétal, qui furent 
autrefois séparés, non pas au niveau de la protubérance occipitale 
externe, mais au-dessous d'elle, à environ 3 mm. au-dessus du 
condyle spécial. 





Là, jadis, il a done dû y avoir un 2° trou occipital (trou supérieur) 





FiG, 7. — Dessin schématique reproduisant l'os rétrooccipital . 
1. Vue de dos de l'os (bord supérieur À B S). S, sommet pointa 

A B, cavité glénoïde ; A! B,, vue de face de cette cavité ; 

a coupe pratiquée en € D, au m 
Vue de la coupe, pratiquée en € 
E”. bord supérieur ; M' M”, les deux goutt 


ceaux musculaires, 

















D. de l'os, gran 
ù s'insèrent les fa 





que rien n'indique désormais chez les autres animaux, tandis que 
chez le Cormoran il y à un condyle particulier et une crête tranversale 


correspondant à la ligne de fusion de deux des trois somites en ques- 
tion. 


Dans ces conditions, l'osselet rétro-occipital ne peut évidemment 
être que Papophyse épineuse du corps de la 2€ vertèbre occipitale 


Source : MNHN. Paris 


M. BAUDOUIN SUR L'OSTÉOLOGIE DU CORMORAN 161 





disparue, dont le condyle représente tout au moins le corps lui- 
même. 


Conséquence. — Dans ces conditions on comprend désormais 
le lieu de prédilection des méningocèles occipitales, congénitales 
et ordinaires, dont le trou osseux se trouve souvent à égale distance 
de la protubérance externe et des condyles occipitaux des Hommes 
et des Mammifères. La hernie cérébrale se fait alors à l'union des 
deux anciens somites inférieurs, au lieu de moindre résistance, 
indiqué par le condyle du Cormoran. 

Et nous expliquons désormais de la sorte l'anomalie occipitale 
que nous avons autrefois découverte dans lé dolmen d'Assignan 
(Hérault), anomalie consistant en un orifice simulant un trou de 
trépanation crânienne guérie, au niveau du lambda. Cependant, 
dans ce cas, le trou ne correspondait pas au milieu de l’occipital, 
mais à son sommet, c'est-à-dire au-dessus du 2 somite indiqué. 


Théorie vertébrale du crâne. — Le professeur Sarrey, le grand 
anatomiste humain, est l’un de ceux qui ont le plus clairement 
exposé la question des vertèbres crâniennes 2. 11 a décrit la ver- 
tèbre postérieure où occipitale du crâne pièce à pièce, et, bien en- 
tendu, il a attribué l'apophyse épineuse de cette vertèbre, non à la 
protubérance occipitale externe seule, mais à la crête externe (ce 
qui était une grosse erreur). — 11 a précisé en disant : « L'apophyse 
épineuse est très bien représentée par la crête et la protubérance 
en se continuant avec les deux lames, elle forme l'écaille de l’occi- 
pital. » — Autre erreur ?. 

Le crâne et l'os rétro-occipital du Cormoran sont venus prouver 
qu'il y avait en réalité trois vertèbres occipitales : une inférieure, 
une moyenne ; et une supérieure ; soudées non pas au niveau de 
la protubérance occipitale externe, mais à mi-distance entre elle 
et le trou occipital et le lambda. Dès lors, ce n’est plus à l'opinion 
d'origine de Gœrue et d'OKkey qu'il faut se rapporter, ni même 
à celle de l’anatomiste Carus, affirmant qu'il fallait dédoubler 





1: Sur un crâne la protubérance occipitale externe est peu marquée et la crête 
transversale correspondante peu saillante. Cela tient sans doute au très jeune âge de 
l'oiseau, qui semble moins vieux que celui du crâne que nous avons décrit (n° 1). 

2. Le célèbre anatomiste OKey a raconté que c'était à la vue d'un crâne de Biche 
qu'il avait eu l'intuition de la théorie des vertèbres craniennes, Nous avons, nous 
aussi, sous les yeux, au moment où nous rédigeons cette notice, un crâne de vieux 
Cerf. Il wy pas un mot à retrancher au texte d'Oxrv, malgré les cent ans écoulés 


11 


Source : MNHN. Paris 


162 ALAUDA, vu. — 2. 1936. 





toutes les vertèbres et qu'il en existait six en somme, dont deux 
pour l'occipital. — En réalité l'occiput correspond à trois ver- 
tèbres. À tort Carus croyait done qu'une occipitale, l'inférieure, 
était la principale, et la supérieure, la secondaire. En réalité toutes. 
les trois ont même origine et même signification. Le Cormoran 
le démontre de façon formelle. 

En ces matières, il ne faut pas exagérer, et ne pas s’emballer, 
comme Srix, qui a fait sortir le professeur Sappey de ses gonds. 
(Cf., t I, p. 329) 

Mais le cas du Cormoran prouve qu'il faut s’incliner devant les 
faits : le 2 condyle occipital et l'os rétro-occipital ! Il ne servirait 
à rien, d'autre part, de s’obstiner à ne pas vouloir les expliquer, 
sous prétexte qu'on tombe dans l'hypothèse... de travail où non. 
In medio stat virtus, en l'espèce ; c’est notre devise et nous nous y 
tiendrons. 


III. — Prineipaux os. 


La place nous manque pour décrire tous les os du Cormoran. 
Nous nous bornerons ici à parler des os des ailes, en raison des 
migrations importantes de cet oiseau, qui arrive parfois très jeune 
sur les côtes de Vendée (6 à 8 mois), comme nous avons pu le véri- 
fier, et qui, cependant, à cet âge, a déjà toutes ses épiphyses soudées, 
comme nous l'avons récemment constaté dans les deux cas corres- 
pondant aux oiseaux disséqués. 

Au point de vue de l'anatomie osseuse, le Cormoran, quoiqu’en 
plumage de jeune, est vraiment adulte à l'automne qui suit sa nais- 
sance ; et c’est ce qui lui permet d’effectuer sa première migration 
dès l’âge de 6 à 8 mois, comme je l'ai prouvé dans une note récente. 

On va voir, en effet, que, dès ce moment, il possède, par ses 








4. Pour a critiqué vertement la théorie des vertèbres craniennes. Il a certaine- 
ment exagéré. Nous venons de le démontrer. 

Tesrur (1, p. 170) a répété les erreurs de Sarrey. Pour lui aussi, il n'y a qu'une 
seule vertèbre occipirale, et l'apophyse épineuse est aussi la crête et la protubérance 
externe, Îlest vrai que cet anatomiste n'est pas très convaincu de la valeur de la 
théorie de Gasrnr-Oxrv. Mais peu importe ici 

Auseur ayant découvert, da s l'apophyse basilaire, deux pièces osseuses ayant 
chacune la valeur d'un corps (1883), cela doit ouvrir les yeux des réfractaires. La 
3e pièce, qui a dû exister, s'est atrophiée et a complètement disparu, 

SamneiNe à montré que, chez l'Homme, il y a parfois, dans la région de la crête 
occipitale externe, un ou plusieurs /ro"s vasculaires, Il est très probable que ces trous 
corresnondent à la partie qui, chez l'embryon et chez les animaux, a correspondu aux 
espaces intervertébraux des trois vertèbres occipitales. C'est un point à vérifier, bien 
entendu. 











Source : MNHN. Paris 


M. BAUDOUIN SUR L'OSTÉOLOGIE DU CORMORAN 163 





puissantes ailes et ses pattes si fortement palmées, des os admira- 
blement constitués, solides, et capables de supporter les efforts les 
plus considérables nécessités par ses voyages de 1.000 km. 

Ailes : 


49 Humérus. — Voici les caractéristiques de l’humérus du Cor- 
moran : 


Poids : 9 gr. 50. 








Dimensions : Longueur max. ..................... 150 
Ext. sup. Transversal . 23 

Dimensions : (Palette) Epaisseur ... 14 
Centre  Transversal . 9 

Diamètres : Ant. post. ... 8 
Ext. inf. Transversal .. 16 

Ant, post ».N.200 1 


Le capuchon est bien circulaire et non subdivisé. La tête articu- 
laire est ovale et transversale. Derrière, la gouttière transversale 
est très marquée et limite ce capuchon. La tête est assez longue, au 
moins 35 mm. Le corps de l'os est à peine aplati (9 X 8). 

Le trou nourricier est à 70 mm. du haut de la tête. 

La trochlée présente une épitrochlée détachée et rejetée en avant. 

La cavité olécrânienne, peu marquée, est oblique à 45°. 

L'épicondyle, remonté, est séparé par une dépression du condyle. 

Il y a une ébauche, nette, d'apophyse susépicondylienne à 5 mm. 
au-dessus du condyle. 

Par contre, pas trace d’apophyse susépitrochléenne | 

Deux gouttières verticales sur la base de l'extrémité inférieure, 
derrière condyle et trochlée. 

Grosse trochlée avec bec externe, crochu, très vigoureux. 

Les os des ailes sont les plus beaux et les plus typiques, car l'aile 
atteint 0,310 en général dans sa totalité. 

L'humérus droit de ce Cormoran pèse un peu plus de 9 gr. 

L'épiphyse inférieure est d’ailleurs plus large à gauche de 1 mm. 
(45 et 16). 

Il est vrai que l'épiphyse supérieure est plus large à droite de 
4 mm. (24 contre 23) également. Il en résulte que l'extrémité cubi- 
tale est à peu près la moitié de l’extrémité scapulaire. Cependant 
cet oiseau devait être plutôt gaucher ! 

Chez le Fou de Bassan, l'os pèse 18 gr., exactement le double ! 


Source : MNHN. Paris 


164 ALAUDA. VIN. — 2, 1936. 





Dans mon exemplaire le droit était plus lourd que le gauche. Lon- 
gueur 220 mm., au lieu de 150. 


2° Cubitus. — Très peu courbe, presque rectiligne. Extrémité 
supérieure la plus large ; épiphyses bien soudées. 


Longueur max... 
Larg épiph. sup. 
Epaisseur épiph. sup. 

IC RER. s ARMES 


0,160 (Fou de Bassan, 0,190) 
0,012 
0,007 
6 gr. (Fou de Bassan, 9 gr. 50) 








Os aplati en haut, arrondi en bas. 


3 Radius. — Os arrondi très grêle, avec extrémité inférieure 
la plus large. Epiphyses soudées. 





LOnPUEUT mas nu 0,157 (Fou de Bassan, 0,185) 
Larg. épyph. inf. . 0,008 

Epaisseur . 0,004 

Poids... 3 gr. (Fou de Bassan, 4 gr.) 





Longueur des os (bras et avant-bras) : 0,150 + 0,160 — 0,310 
chez le Cormoran ; 0,220 + 0,190 — 0,410 chez le Fou. 

On remarquera la presque égalité de longueur entre le bras et 
l’avant-bras chez le Cormoran, tandis que, chez le Fou de Bassan, 
la différence est de plus de 30 mm. Les indices : avant-bras sont 
done assez différents. Leur valeur est la suivante : bras et avant- 


50 
310 MO 

Le Cormoran, qui a un radius très long (157 mm.) par rapport 
à l’humérus (222 mm.), présente sur la face postérieure de cet os 
neuf boutons 1 peu saillants (3 mm.), nets, mais très allongés, de 
5 mm. de long sur 1 mm. de large, à peine, espacés de 10 mm. Ces 
boutons, extrêmement minces et très allongés, différent totale- 
ment de ceux du Héron et des cupulettes du Paon. En réalité, ‘ls 
représentent une sorte d'arête interrompue et une sorte de ligne 
âpre par les insertions musculaires, isolées et spéciales des difé- 
rentes plumes de l'aile (grandes rémiges). 


3f 220 
bras : — 48,00 ; et —— — 53,00. 


OS coccygien où coceyr. — En réalité, ce petit os du Cormoran 





1. L'étude de ces boutons chez les oiseaux est extrêmement curieuse ; mais elle n’a 
jamais été faite, nous semble-t-il, 


Source : MNHN. Paris 


M. BAUDOUIN SUR L'OSTÉOLOGIE DU GORMORAN 165 





est un os plat, de forme triangulaire, assez long, à base supérieure 
et pointe inférieure. Sa base rectiligne, mais un peu concave, et 
oblique, présente, presque en son milieu, une cavité glénoïde, allon- 
gée transversalement (4 x 3 mm.), qui s'articule avec la vertèbre 
lombaire précédente. Elle présente une pointe supérieure qui pro- 
longe la ligne des apophyses en arrière. En forme de lame de cou- 
teau, la partie mince est en bas et le dos du couteau, épais, en haut. 
Ayant l'aspect d'un triangle à côtés inégaux très aplatis, ni isocèle 
ni équilatéral, cette pièce ne pèse que 0 gr. 70! Voici ses dimen- 
SIOnS : 





a. base oblique de haut en bas et d'avant en arrière 15 mm. 
b. bord supérieur, épais (5 mm.) 35 mm. 
c. bord inférieur, mince ({ mm.) 28 mm. 





Si on compare ce coccyx du Cormoran avec celui du Fou de 
Bassan, on constate que ce dernier est beaucoup plus gros, plus 
long, moins étalé, et que leur forme diffère. Le coccyx du Fou n’a 
pas l'air d’un couteau, mais d’une pointe aiguë à ailettes, constituée 
par les deux apophyses transversales de la vertèbre coccygienne. 
On dirait une « pointe de flèche» en métal ! Et si nous disons ici un 
mot de cet os, peu intéressant, c’est que nous avons vu certains 
naturalistes le prendre pour l'os rétro-occipital. Et c’est pour éviter 
une telle confusion que nous en avons donné ici une courte descrip- 
tion, qui nous à paru nécessaire. 

Nous aurions pu continuer cette note par l'étude des autres os 
du squelette, pour montrer qu'ils étaient bien adultes ; mais nous 
croyons inutile de le faire ici pour ne pas allonger ce travail, des- 
tiné surtout à mettre en relief les caractères réellement exception- 
nels de l’os occipital des Cormorans. 


CONCLUSION 


Nous pensons que notre description aura, en tous cas, suffi pour 
faire comprendre et apprécier la haute portée de l'anatomie philo- 
sophique, comme on disait il y a cinquante ans, et l'intérêt de cette 
partie du squelette de cet oiseau. 

Certes, à l'heure présente, on attribue moins d'importance à ces 
considérations transcendantes ; mais il n’en est pas moins vrai 
qu’au point de vue du transformisme et de l'anatomie comparée 


Source : MNHN. Paris 


166 ALAUDA. Vin. — 2 1936. 





nos constatations ont une valeur qui nous a paru très digne d’être 
bien soulignée, à la fin de ce rapide exposé des faits. 


* 
FA TX 


A mon avis, les conclusions qui dérivent de cette étude pure- 
ment anatomique de l'os du Cormoran et des considérations d'ana- 
tomie comparée qui en découlent, ont une très grande importance 
au point de vue de l'anatomie générale et philosophique et de l’em- 
bryologie. 


Cette étude prouve, en effet : 


19 que l'occipital des Mammifères, des Oiseaux et de l'Homme 
se compose en réalité de trois vertèbres crâniennes, et non pas d’une 
seule (GœrnE) ou de deux (Carus) ; 

2° que les limites intermédiaires correspondent pour l’inférieure 
au condyle supplémentaire du Cormoran, dont les vestiges seront 
à rechercher cher les Mammifères et surtout chez les grands Rep- 
tiles ; pour la moyenne, à la protubérance occipitale externe, qui 
n'est qu'un troisième condyle d'oiseau, atrophié ; 

3° que tous les trous intérmédiaires ont disparu ; 

4° qu'il ne reste qu'un ou deux vestiges des apophyses épineuses 
de ces vertèbres (os de KERKRINGE) ; 

59 enfin, que l'os du Cormoran est la preuve la plus forte qu'on 
puisse donner de la théorie vertébrale du crâne, malgré toutes les 
critiques qui ont été dirigées contre cette vue géniale de l'esprit 
humain, représenté par l'illustre GœTue. 





De telles déductions doivent nous rendre extrêmement fiers 
de ce que peut faire encore l'anatomie comparée, qui n'a pas dit 
son dernier mot. 

+ x 


L'os crânien du Cormoran chez l'Homme et les grands Singes. 


Le hasard d’une lecture récente nous a permis de retrouver dans 
l'espèce humaine une réapparition par anomalie, une résurgence 
atavique, si on peut dire, de l'os crânien du Cormoran. 

Ce sont les deux faits de crêtes occipitales externes apophysaires, 
découvertes par notre regretté collègue, le professeur LEDONBLE, 


Source : MNHN. Paris 


M. BAUDOUIN SUR L'OSTÉOLOGIE DU CORMORAN 167 





de Tours, dès 1895 et 1903, et qu'il a publiés en 1903 (A. F. A.S., 
Congrès d'Angers, 1903, IT, pp. 874-876, 2 fig.). 
Mais, dans ces cas, l’apophyse épineuse de la vertèbre occipitale 


Cormoran Homme 


Paroi occipilale 







correspondante s’est soudée à l'os principal et est devenue une 
crête, au lieu de rester un os bien isolé, allongé comme chez le Cor- 
moran, et articulé avec l'occipital à sa face externe. 







Fee 1 
bn ne 
a 





Crète verticale mediane 


Source : MNHN. Paris 


168 ALAUDA. VII, — 2, 1936. 





LenonsLe appelle suroccipital cette apophyse épineuse (neuré- 
pine). Ce terme est mauvais et complique les choses. 

La question qui se pose dans ces conditions est celle-ci : « Le 
suroccipital se développe par deux points d'ossification ; la neuré- 
pine par un seul, chez l'Homme ! » 

Mais cet argument n’a aucune valeur en réalité contre la théorie 
vertébrale du crâne, parce que LEDoNBLE a confondu neurépine 
avec suroccipital. 
























---- -Occipital 
CV) 
NO Mg G 
Sur-occi 1 . il 
| "Jon Crête 
d (TILL LANL verticale 
mediane 


at Go Re 
D Eseprt 


Je me demande si l'énorme crête occipitale des crânes des grands 
Singes, en présence des anomalies humaines ci-dessus, ne renferme 
pas dans son intérieur le germe, l'épine intra-aponévrotique, 
allongée, de l'os du Cormoran, à l'état atavique, persistant malgré 
tout. 

Cette épine dans les tissus mous de la nuque a peut-être été la 
cause d’une irritation, un peu pathologique, au moins au début, 
puis continuée, des tissus conjonctifs péri-occipitaux, 

Une telle irritation, très prolongée dans le temps, aurait pu cer- 
tainement jadis provoquer l'apparition du tissu osseux nécessaire 
à la formation de cette longue crête verticale, bien connue, chez le 
Gorille, en particulier. 

En tous cas, à notre avis, il n°y a aucun doute à avoir. Les deux 
faits de LEDONBLE sont bien des faits de retour atavique, par la 
crête des grands Singes, de l'os du Cormoran, ici soudé au crâne, 
et non resté libre et articulé à l’occipital, comme chez l'oiseau. 


Croix-de-Vie (Vendée). 


Source : MNHN. Paris 


ESSAI DE REVISION DES FORMES DE L'’OIE 
DES MOISSONS ANSER FABALIS LATHAM 


par Georges DÉMENTIEFF. 


« Die individuelle Variabilität ist stets noch 
grôsser, als man sie maximal bewartet. » 


B. Rexscu, Kurze Anweïsung für Zool.-systemat. 
Studien, 1934, p. 110. 


I. — Etat actuel de la question. 


Le groupe des Oies des moissons présente des difficultés très 
sérieuses au point de vue systématique. La diversité des opi- 
nions chez les différents auteurs qui ont abordé ce sujet (Har- 
TERT, TUGARINOV, OarEs, comte SALVADORI, BUTURLIN, ALpné- 
RAKI et autres) est très grande et leurs points de vue paraissent 
inconciliables. Les deux opinions extrèmes sont celles de Harrenr 
et de Tu&ariNov, d’une part, d’ALPHÉRAKt et BururLIN d'autre 
part. 

Le premier admet l'existence de deux espèces : fabalis et brachy- 
rhynchus, et d'une forme de position systématique incertaine, 
neglectus. TUGARINOY admet deux espèces seulement : fabalis (y 
compris neglectus) et brachyrhynchus. Le dernier arrangement des 
formes proposé par BururriN comprend quatre espèces distinctes : 
brachyrhynchus, neglectus, fabalis, et serrirostris, dont les deux 
premières monotypiques et les deux autres se divisant en sept 
races géographiques. Les points de vue du monographiste du groupe, 
ALPHÉRAKI, coïncident avec ceux de BuTuRLIN (et vice versa). 

Les notions concernant la division subspécifique et la distri- 
bution géographique de ce groupe sont aussi incomplètes que con- 
fuses. 

Par exemple, les places de nidification d’Anser neglectus restent 


Source : MNHN. Paris 


170 ALAUDA, VII, — 2. 1936. 





jusqu’à présent introuvables. Quant aux autres formes, les don- 
nées sur leur distribution géographique sont souvent inexactes 
ou fondées sur des oui-dire ou des suppositions. Les auteurs ad- 
mettent parfois sans hésitation la présence en période de nidi- 
fication de deux formes d'une même espèce dans plusieurs localités 
de la Sibérie septentrionale et de l'Europe N.-E. (p. ex., on peuple 
la Nouvelle Zemble de trois races d'Anser fabalis !). 

La question reste jusqu’à présent tellement embrouillée dans ses 
points les plus essentiels que le seul moyen d’essayer de la résoudre 
d'une manière plus ou moins satisfaisante et objective est, nous 
paraît-il, d'appliquer le principe géographique de la manière la plus 
rigoureuse. 

Pour suivre cette méthode, l'étude doit être fondée principale- 
ment sur l'investigation et la comparaison de séries appartenant 
aux populations des Oiseaux pris en saison de nidification. C'est 
le seul moyen d'éviter les résultats fâcheux de l'application trop 
étroite du ceritérium purement morphologique qui, semble-t-il, 
a fâcheusement influé sur les déductions de plusieurs ornitholo- 
gistes ayant écrit sur le sujet. 





II. — Matériel. 


L'auteur a pris pour base de son étude les principales collections 
conservées en Russie, celle de l'Institut zoologique de l’Académie 
des Sciences de Léaingrad, celle du Musée zoologique de l'Univer- 
sité de Moscou, et quelques autres moins considérables, par exemple 
celle du Muséum Darwinianum de Moscou. Le nombre d’exem- 
plaires examinés est de 225 de l'Institut zoologique académique, 
130 du Musée de l'Université de Moscou, près de 100 exemplaires 
des autres collections, en tout plus de 400 spécimens. 

Les déductions suivantes sont fondées sur l'analyse de ce maté- 
mel et principalement sur la comparaison des Oiseaux pris pendant 
la saison de nidification. Voici la provenance de ces derniers : 
Spitzherg, Laponie, région de la mer Blanche (y compris la pres- 
qu'ile Kanin), ile Kolguev, Nouvelle Zemble, région de la basse Ob, 
Yamal, presqu'ile de Gyda, Yénissei, Taïmyr, Léna, Yana, Indighirka 
et Kolyma, presqu'île de Tchakche et bassin del’Anadyr dans la 
zone des toundras ; les populations nicheuses des parties boisées de 
la Sibérie sont représentées par des spécimens provenant des terri- 


Source : MNHN. Paris 


M. DÉMENTIEFF SUR L'OIE DES MOISSONS 44 





toires situés entre Khatanga, Moniéro, Vilini et l'Altaï à l'Ouest, 
le Kamtchatka et la Mongolie à l'Est. Les Oiseaux de passage pro- 
viennent de différentes parties de l’Europe (surtout orientale), de la 
Sibérie, de la Mongolie, de la Chine, du Japon et du Turkestan. 

Notre matériel couvre ainsi tout le territoire habité par les Oies 
des moissons. Il n’est peut-être pas très nombreux, mais l’auteur 
se permet de noter qu'il a épuisé les ressources des priacipales 
collections d'Anser fabalis existant pour le moment et qu'il a eu 
à sa disposition les collections qui servirent de base à ses prédé- 
cesseurs russes. 

L'étude de la collection académique fut facilitée par le concours 
amical du Dr B. SreGmans ; le matériel du Muséum Darwinianum 
fut mis à notre disposition par le Prof. A. Kours. Nous leur expri- 
mons ici notre reconnaissance. 


III. — Limites naturelles de l'espèce Anser fabalis. 


L'analyse de la variabilité géographique et individuelle dans le 
groupe compris par les auteurs russes sous la désignation sub- 
générique de Melanonyx démontre que les relations entre les diffé- 
rentes formes de ce groupe, même celles qui sont considérées par la 
plupart des ornithologistes comme des espèces particulières, sont 
très étroites. 

La séparation spécifique d’Anser brachyrhynchus ne nous parait 
nullement justifiée par sa position naturelle parmi les Oies des 
moissons. Le vicariat géographique dans ce cas est absolument, 
évident. Brachyrhynchus occupe 1a partie occidentale de l'aire de 
distribution du groupe (Groënland oriental, Islande, Spitzberg, 
peut-être l'archipel de François-Joseph). Sa présence exclut la 
nidification des autres formes d'Oie des moissons. D’un autre côté, 
l'aire d'habitat de brachyrhynchus se rattache immédiatement à 
celle de fabalis sensu stricto et complète naturellement l'aire de 
distribution du groupe entier. Au contraire, si nous traitons bra- 
chyrhynchus en qualité d'espèce distincte de fabalis, l'absence de 
cette dernière dans la partie occidentale de la zone arctique et 
boréale du paléarctique devient peu compréhensible au point de vue 
zoogéographique. 

L'analyse des caractères morphologiques (y compris la colora- 
tion) d'A. brachyrhynchus est aussi en faveur de la réunion de cette 


Source : MNHN. Paris 


172 ALAUDA, vit. — 2, 1936. 





forme au même complexe que fabalis. Les variations de dimensions 
(longueur d’aile, surtout celle du bec) consistent, chez les Oies des 
moissons, dans une augmentation de l'Ouest à l'Est. Sous ce rap- 
port À. rachyrhynchus est un membre naturel du groupe ; c'est la 
forme la plus occidentale et respectivement aux dimensions les 
plus faibles. La forme du bec (épaisseur et courbure de la mandi- 
buls inférieure) varie chez les Oies des moissons dans le même sens 
que les dimeasions : les formes occidentales ont le bec assez court 
et faible, à mandibule inférieure droite ou presque droite; À. bru- 
chyrhynchus, avec son bec court, à mandibule inférieure droite, 
occupe une place très naturelle parmi les formes d'A. fabalis 1. 

La différence principale de coloration de l'Oie à bec court et des 
Oies des moissons est celle-ci : chez la première les grandes couver- 
tures alaires sont grises, chez les secondes, brunes. Mais cette règle 
n’est pas sans exception. La coloration grise ou grisâtre des grandes 
couvertures alaires se rencontre, en tant que de variation indivi- 
duelle, assez souvent chez À. fabalis. Dans les collections étudiées 
une coloration des couvertures alaires très semblable à celle de bra- 
chyrhynehus se trouve chez des exemplaires pris en saison de nidi- 
fication dans toutes les parties de l’aire de distribution de l'espèce, 
chez des Oiseaux adultes de Nouvelle-Zemble, basse Ob, baie de 
l'Yénisséi, Moniéro, affluent du Khatanga, Taymyr, Léna, Ala- 
zéia, Kolyma, Anadyr et, plus au Sud, dans les régions de Vilini 
Altaï (lac Felezkæ), Sayan (11. Kizir). Des exemplaires semblables 
se rencontrent aussi parmi les Oiseaux de passage dans les différentes 
parties de la Russie d'Europe et même en Asie orientale (Sakhaline, 
Japon, Chine (Fou-Tchéou), Quant aux jeunes dans leur premier 
plumage, la coloration claire (grise, grisâtre ou gris-brunâtre) des 
grandes couvertures claires se rencontre chez eux très souvent : 
c'est plutôt une règle qu'une exception (constatée chez les spéci- 
mens de l'ile Kolguev, de la presqu'ile Gyda, du bassin du bas 
Yénisséi, du fl. Vilini, du fl. Kolyma et des monts Sayan). D'un 
autre côté la teinte grise des couvertures alaires chez brachyrkynchus 
est assez variable et atteint parfois le ton brunâtre (femelle 24-25, 
VI, 1899 Hornsund, Spitzherg; mâle 19, VI, 1900 Isfiorder, 
Spitzberg). Il apparaît ainsi que la coloration grise des couvertures 


1. Parmi les À. /. fabalis se rencontrent, quoique bien rarement, des spécimens 
dont le bec a les dimensions de celui de £rachyrhynchus : un adulte tué le 21 avril 
1935 au lac Telezkoe, Altaï, a le bec long de 48 mm. 


Source : MNHN. Paris 





NS 173 





M. DÉMENTIEFF SUR L'OIE DES MOl 





alaires est non seulement l'indice caractéristique de brachyrhynchus, 
mais aussi de fabalis sensu stricto en livrée juvénile. Au surplus, 
cette coloration apparaît comme variation individuelle chez toutes 
les formes d'A. fabalis. C’est donc un élément variable dans l'espèce 
A. fabalis. 

Il nous reste à analyser la question de la coloration rose du bec 
(plus précisément de la bande du bec et des pieds) chez brachyrhyn- 
chus. Cette différence de coloration paraissait avoir une impor- 
tance capitale à beaucoup d'auteurs qui étudiérent le problème 
et justifiait à leurs yeux non seulement la séparation spécifique de 
brachyrkynchus, mais aussi celle d'autres formes (neglectus, carnei- 
rostris, anadyrensis). Cette importance fut probablement exagérée. 
La coloration des parties nues chez les Oies en général paraît être, en 
effet, un caractère très variable. Les Oies des moissons ne forment 
pas d'exception sous ce rapport. 

Il faut avant tout remarquer que le Prof. E. LônnserG, dans un 
remarquable travail (Some Remarks on the Systematic Status of the 
Yellow-legged Herring-Gulls, The Ibis, 1933, pp. 47-50), a prouvé 
avec évidence que la coloration jaune des parties nues chez Larus 
argentatus est causée par la présence d’une matière caroténoïde 
(et précisément du xanthophylle). La différence entre la coloration 
rouge et jaune dans ce cas n’est pas qualitative, mais purement 
quantitative ! (l'augmentation de la quantité de xanthophylle 
cause l'apparition de la couleur jaune). Ces variations de couleur, 
d'après les données du Prof. LônNserG, peuvent apparaître chez 
le même individu. Les causes précises de ces variations restent à 
établir, Elles se rattachent peut-être aux fonctions des organes géni- 
taux (comme, p. ex., la coloration jaune du bec qui apparaît en 
saison nuptiale chez différents Passereaux), ou peuvent être cau- 
sées par l'absorption d'une certaine nourriture ?, ou enfin être 
expliquées par des différences d'âge ou de saison. Comme exemple 
d'une variation d'âge analogue on peut mentionner le cas du chan- 
gement de coloration de la cire et des pieds chez plusieurs formes 








1. Ce point de vue trouve un certain appui dans le fait que chez les Oies des mois- 
sons préparées en peaux la colcration de la bande du bec devient, pour la plupart, 
jaune, même chez les exemplaires qui avaient ces parties roses ou rosâtres pendant 
la vie, D'autre part, chez les spécimens conservés en alcool, la différence entre la colo- 
ration rose et jaune se conserve pendant de longues années. 

2. V. sur ce sujet un autre travail du Prof, Lônnnerc,, An Experiment to transfer 
a Colour Substance to the Fat Fissues of a living Bird, Arkiv für Zoologie, Bd 24- 
B, D 8, pp. 1-2. 1932. 


Source : MNHN. Paris 


174 ALAUDA. vil. — 2. 1936. 





de Faucons (bleuâtres chez les jeunes, jaunes chez les adultes). 
Il se peut même que des changements considérables de tempéra- 
ture produisent l'afflux du sang aux parties périphériques des 
Oiseaux et que cela en change la coloration (peut-être le froid, 
en dilatant les vaisseaux, contribue-t-il ainsi au passage de la colo-, 
ration jaune au rosâtre ou au rose). 

Après ces considérations générales, remarquons que la coloration 
rose des pieds chez brachyrhynchus n’est probablement pas abso- 
lument, constante. Du moins Sir Payne Gazzwoy (Letters to Young 
Shooters, III, 1896, p. 69) assure-t-il avoir tué en Angleterre des 
Oies à bec court ayant les pieds orangés. 

Chez les Oies des moissons sensu stricto la coloration rose des 
parties nues n’est pas rare. Premièrement, chez les jeunes : chez 
une grande quantité de jeunes Oies chez lesquelles la pigmentation 
du bec n'est pas encore bien localisée, le bec est d’une couleur plus 
ou moins rosâtre (p. ex., chez les exemplaires pris en août 1902 dans 
l'ile Kolguev). La coloration rose ou rosâtre de la bande du bec 
se trouve chez plusieurs spécimens adultes appartenant aux formes 
connues pour avoir cette partie jaune ; ces spécimens sont parfois 
pris côte-à-côte avec des spécimens à bande du bec jaune. La 
bande du bec rose se trouve, par exemple, chez les deux Oies 
des moissons prises en 1902 à Olekminsk ; chez l'Oie prise au pas- 
sage le 2.1V. 1906 dans le district de Belebei, du Gouvernement 
d'Ufa (l'oiseau est à considérer comme type de carneirostris) ; 
chez plusieurs exemplaires pris à Yamal (ic été 1908 »; © 11. VI. 
1908, 3 3.VL.1908, tous pris par l’expédition de B. M. Jrrkov ; 
le dernier spécimen était apparié avec la femelle à bande du bec 
orangé; enfin, chez le 4, 30.V.1935) 1 Chez plusieurs autres 
exemplaires adultes la coloration de la bande du bec est intermé- 
diaire entre le rose et l’orangé (chez deux oiseaux adultes 28. VIT. 
1902, île Kolguev ; chez un autre de la basse Kolyma daté du 3. VII. 
1905 ; chez la femelle prise le 26.V.1908 à Yamal, tous conservés 
au Musée zoologique de l'Université de Moscou). Enfin, la colora- 
tion rosâtre a été notée assez souvent dans la littérature (v. la 
bibliographie placée à la fin de cet article ; v. aussi von HeuGLix, 
Frevor-Barrye, BiLxewiren, ete.). 


1. Tous les spécimens mentionnés, excepté le dernier, se trouvent au Musée Zoolo- 
gique de l'Université de Moscou; le dernier fait partie de la collection académique de 
Léningrad. 


Source : MNHN. Paris 


M. DÉMENTIEFF SUR L'OIE DES MOISSONS 175 





11 nous paraît ainsi que l'Oie à bec court Anser brachyrhynchus 
ne peut nullement être considérée comme une espèce distincte, 
mais qu’elle est tout simplement une forme occidentale d'A. 
fabalis 2. 

Les considérations et les f'aits concernant la valeur taxonomique 
de la coloration de la bande du bec et des pieds chez les Oies des 
moissons que nous venons d'exposer ont de l'importance pour la 
solution d’un autre problème, celui d’Anser neglectus. La principale 
différence entre cette prétendue espèce et les autres Oies des mois- 
sons est, comme on sait, la coloration rouge constante de la bande 
du bec et des pieds. Les autres caractères indiqués par les auteurs 
(forme du bec, ete.) ne paraissent pas réellement distinguer neglectus 
des autres formes de fabalis. La forme du bec chez neglectus res- 
semble beaucoup à celle qui se rencontre souvent chez les Oies des 
moissons dans la Sibérie occidentale, en Nouvelle-Zemble, etc. : 
leur bec est assez long, mais pas haut, la mandibule inférieure est 
sans courbe marquante. Il semble ainsi que, du point de vue mor- 
phologique, il n'existe aucune raison sérieuse de prendre neglectus 
pour une espèce distincte de fabalis. 

La distribution géographique de neglectus reste énigmatique. 
Les places de nidification certaines de cette forme sont inconnues. 
Les indications de sa présence dans plusieurs localités septen- 
trionales où on supposait qu'elle nichait (p. ex. dans l’île de Kol- 
guev) sont fondées sur les communications de personnes ayant vu 
où obtenu dans lesdites localités des Oies des moissons à bande du 
bec et à pieds rouges. Cela, comme nous avons essayé de le dé- 
montrer, ne décide encore rien, puisque les exemplaires en question 
n'existent pas dans les collections et puisque cette coloration est au 
fond un élément de variabilité dans le groupe. Le seul exemplaire 
de provenance nordique pareil à la série typique de neglectus et 
existant dans les collections est un sujet, dont le sexe ne fut pas 
déterminé, rapporté par Nosizov de la Nouvelle-Zemble (ce spé- 
cimen se trouve au Musée zoologique de l'Université de Moscou). 
L'exemplaire n’est pas daté. Ajoutons que la Nouvelle-Zemble 
est habitée par la race nominale 4. f. fabalis, que le matériel des 
collections russes d'A. fabalis couvre tout le Nord de l'Europe et de 





4. Cette opinion fut émise ily a longtemps par H. Sessons (British Birds, 111, 
p.498 : mais n'a puint trouvé d'accueil favorable dans la littérature, sauf quelques ex 
ceptions peu nombreuses. Parmi celles-ci il faut noter CzerneL et tout récemment le 
D°E, Naëv. 


Source : MNHN. Paris 


176 ALAUDA, VII. — 2. 1956. 





l'Asie. Ce qui rend l'existence d’une aire d'habitat de neglectus en 
qualité de forme de fabalis (c'est-à-dire isolée des autres races) 
peu probable, même invraisemblable. 

Le territoire où passe neglectus peut servir du point de départ 
pour tâcher de trouver la patrie de cette Oie. 11 coïncide avec celui 
des populations d'Anser fabalis qui habitent l'Europe N.-E. et 
l'Asie N.-0. Les Oies des moissons nichant dans les régions cen- 
trales et orientales de la Sibérie paraissent au passage et hivernent 
dans les parties orientales de l'Asie (par la Transbaïcalie, les bas- 
sins de l'Amour et de l'Oussouri, le Japon, la Chine). La forme 
du bec des Oies orientales est d’ailleurs bien différente de celle de 
neglectus. Il est d'autre part à noter qu'Anser neglectus passe par les 
mêmes localités où se rencontrent dans la même saison les repré- 
sentants d'A. /. fabalis ayant la configuration du bec très sem- 
blable à celle de neglectus. Cela rend la nidification commune de 
ces deux Oies dans les mêmes localités très probable (la présence 
de neglectus en Nouvelle-Zemble est en faveur de cette supposi- 
tion). Neglectus ne doit donc pas être considérée comme une race 
géographique d’A. fabalis, puisque son isolement géographique 
des autres formes de cette espèce n'existe point selon toute évi- 
dence. 

Nous avons déjà remarqué que les caractères morphologiques 
d'A. neglectus ne sont pas en faveur de sa position systémati- 
que comme espèce particulière. Le Prof, A. Konrs qui occupa 
plusieurs années le poste du directeur du Jardin zoologique de 
Moscou m'a communiqué des faits qui permettent de supposer 
l'absence d’aversion sexuelle entre fabalis s. str. et neglectus. Une 
femelle de type neglectus, prise sur les bords de la mer Caspienne 
en saison froide en 1911 et qui vécut ensuite prèsde 20 ans au Jardin 
zoologique, fut appariée avec un mâle de fabalis typique. L'union 
fut léconde ; il en naquit 6 petits done 2 atteignirent la maturité. 
L'un avait la coloration du bec comme chez neglectus et l'autre 
l'avait comme fabalis. Le critérium physiologique est done à l'appui 
de la réunion, en une seule espèce, de neglectus et de fabalis. 

Comme nous venons de le montrer, les exemplaires neglectus 
proviennent probablement des parties occidentales de l'aire 
d'habitat de fabalis, proches de la région occupée par brachyrhyn- 
chus. C'est ainsi que les Oies neglectus pourraient jusqu'à un cer- 
tain point être considérées comme des variations d'A. fabalis 
fabalis vers À. f. brachyrhynchus. 








Source : MNHN. Paris 


M. DÉMENTIEFF SUR L'OIE DES MOISSONS 177 





Nous croyons donc qu’en restant strictement sur le terrain des 
faits on peut attribuer aux Oies neglectus le rang de variation indi- 
viduelle d'A. j. fabalis. I reste à établir si cette variété est localisée 
ou si elle est plus ou moins répandue par toute la région habitée 
par la forme typique de la race nominale. 

Les autres divisions spécifiques du groupe des Oies des mois- 
sons sont fondées surtout sur l'appréciation insuffisante de la 
variabilité individuelle et géographique chez ces oiseaux ou sur un 
matériel incomplet. Nous allons reprendre cette question dans le 
chapitre suivant, qui contiendra l'analyse des variations indivi- 
duelles et géographiques d’A. fabalis. 

Le groupe des Oies des moissons ne comprend ainsi qu’une seule 
espèce, Anser fabalis LATHAM. 


IV. — Variabilité géographique et individuelle 
chez Anser fabalis. 


La variabilité individuelle chez les Oies des moissons est très 
développée. Certains territoires sont habités par des populations 
d'A. fabalis où les variations individuelles atteignent leur maxi- 
mum, d’autres abritent des populations homogènes. Les caractères 
des formes continentales varient en transgression continue. Les 
types extrêmes sont bien différenciés, mais ils sont réunis par 
toute une échelle de types intermédiaires. Même parmi les popu- 
lations homogènes apparaissent parfois, en qualité de variations 
individuelles, des spécimens pareils aux représentants d'une autre 
race géographique (parallélisme de la variabilité géographique 
et individuelle). 

La variabilité des dimensions se traduit dans les changements 
que subit la taille des oiseaux (index : longueur d’aile), d’une part, 
et dans les variations de la longueur et de la forme du bec, d'autre 
part. 

Le tableau qui suit est fondé principalement sur des oiseaux 
pris dans la saison et sur les places de nidification. Elle contient 
l'indication de la provenance de l'exemplaire en question, les me- 
sures de la longueur du bec et de la hauteur de la mandibule infé- 
rieure. La longueur est mesurée à partir de la limite frontale du 
plumage ; la hauteur équivaut à la partie visible de la mandibule 
inférieure du bec fermé. Toutes les mesures sont prises en milli- 
mètres. 

12 


Source : MNHN. Paris 


178 ALAUDA. vil. — 2. 1936. 





Tous les cas où les mesures sont prises sur des oiseaux de passage 
sont expressément indiqués. Les exemplaires dont les mesures 
figurent dans le tableau sont tous adultes. 





Nombre 
et sexe 


Hauteur de la mandibule Longueur 


Longueur du bec inferieure de l'aile 





Europe orientale, Sibérie occidentale et centrale (fabalis). 


Russie N.-O. (Laponie, presqu'île de Kanin, île de Kolguev) : 





248 72,48 1459, 465 
299 6, 7.6 1440 
9? 6.8, 7.5, 8,8, 8, 8.2, 8.6 |— 





NouveLLe-ZENB 











4 SA |61,65, 67.2, 67.5 te 3420 
899 15,195, 56, 57,67; 6.2, 6.5, 6.5, 7 460 
57.5, 60 
10? |50, 55, 55.4, 6, 6.2, 6.5, 6.7, 7, 7.2, 7.2.1 454, 458 
575, nl 64.5, 68 7.5, 8, 8.5 | 


Sisérie N.-O. (Oh, Taz, Gyda) : 
6 8 157.5, 57.5, 58.2, 59, 62,1 5.5, 6, 6.8, 7.2, 8 











64.1 
299 1525, GT En 445 
1? 64 6.6 430 
PRESQU'ILE D'YAMAL : 
1788 | 51,55, 55. 58.5, 59, 7,7, 74, 7.2, 8, 8, 8, 8, 8,404, 435, 438, 440, 
: de 62, 62.5, 8, 81, 8.2, 8.5, 8.5, 9, 9,[452, 
, 64.5, 65, 66.5 9.5 























10 $Q 53.5, 55, 56, 56, 56 403, 422, 495, 
56.5, 57.5, 60 ; 433, 44O 
1? 7.5 1445 
Yénisséi : 
:68 8.5, 8.5, 8.7, 11 475, 482 
299 8 428, 458 
175 8 — 


Source : MNHN. Paris 


M. DÉMENTIEFF 


SUR L'OIE DES MOISSONS 


179 





TAYMYR : 
3599 
2? 


55, 57, 57 
57, 62.5 


Fabolis nicheurs : 


#46 
279% 
24? 


51-67 
52.5 - 60 
50 - 69.5 


Sibérie N. 


DezrTa DE LA LÉNA: 


364 
299 


61, 64.5, 65 


61, 64.5 


Yana, InpicniRka, KoLyMa : 


1188 


799 


4? 


59.2, 60, 60, 62, 62.5, 
62.5, 63.5, 63.6, 64.5, 65.5 
67.5, 67.5, 68, 68, 70.5, 
71.5 


58.5, 59, 61, 62.6, 63.5, 
64.5, 66 
57.2, 58, 61, 65 


PRESQU'ILE DE TOHUKRTOHÉ : 


5? 


ANADYR : 
‘dd 


499 
3? 


61, 65, 65, 69.5, 79 


65.5, 66, 67, 68.5, 71 


62, 64, 67 


Serrirostris nicheurs : 


288 


1399 
42? 





59.2 - 71,5 
58.5-66 
57.2-74 


7.5,8 
| 8,9 


188-9.5 (14) 


NES 


6-9 
E. (serrirostris). 


9, 9.5, 9.5 
9, 9.5 | 


8.5, 9, 9.5, 10, 10.2, 10.2, 
10.4, 10.5, 10.6, 10.7, 11, 
41, 41, 414, 112, 42,5, 
12.5 


8.1, 8.5, 9.1, 9.4, 9.5, 10, 
11.3 


8.5, 9, 9.6, 10.2 


9.5, 9.5, 9.8, 10, 11 


8, 10.6, 11, 11 


9.7, 14.2, 11.5 


8-125 
8.1-11.3 
85-415 








420, 428, 428 


433, 443 


404 - 482 
402 - 460 
430 - 458 


456, 465 


450, 452 


422, 445, 446,448, 
452, 462, 462, 465, 
477, 480, 484, 485, 


495, 502, 502 


422, 423, 426, 434, 


438, 445 


438, 445, 450, 457 


455, 458, 460, 500, 
510 


440, 450, 454, 480, 


502, 524 


440, 460, 482, 491 


445, 471, 510 


422 - 524 
422 - 491 
433 - 510 


Source : MNHN. Paris 


180 ALAUDA. VI. — 2. 1936. 





Oiseaux de passage (serrirostris). 








SARHALINE : 
19 (68 10 193 
12 |715 É 522 

Guine (Fou Sa-reueu) : 

19 1625 7(?) 475 
2?  |57,62 | 8, 9.8 449 








Exemplaires de serrirostris déterminés comme mentalis ? 
par les différents auteurs (Alpheraki, Buturlin, Menzbier). 


Suimosa, Honpo, 12.1.1904 : 

19 |% 19.2 1486 
Inkow, Manpcuourie, 27.1X.1901 : 

41? 68 ut 1500 
AnaDvr, 1.VI.1905 : 

19 JA 1? 1450 
Poxuopskor, Kozvmc, 3.VIL.1905 : 

189 |A jui ja85 


Zone boisée (rarca) de la Sibérie orientale (middendorfii — sibiricus). 


Auraï, SAvAN, Pays D'OURIANKE, COURS SUP. ET MOYEN DE LA LÉNA (Yakoutsk, 
Olekma), Vuinr, Nunia Tuneurka, KuaranGa, Monréro, Monrs Wen 
KHOYANSK, ADYTCHA AFFL. DE LA YANA, TRANSBAÏCALIE, KnaNGaï : 


644 16%, 70, 71.5, 76.5, 77, 80] 7.6, 8.5, 8.6, 9, 9.6, 10.5/440, 445, 463, 532 
533, 558 











499 |66,73.5, 74,79 8.2, 8.9, 9, 9.8 494, 502, 505 


10? 65, 69, 70, 70.5, 71, 72.5,| 6.8, 8, 8.2, 8.5, 8.5, 8.5,1448, 150, 485, 49% 
74, 76, 76.5, 76.5 9, 9, 9.8 512 


Kawremarka (mai, septembre, octobre) : 











2 84 | 66,81 7, 9.5 168, 528 

199 l755 8.6 52% 
Middendorfii nicheurs : 

844 |64-81 71-405 440 - 558 

599 |66-79 8.2-9.8 494 - 524 

107 |65-76.5 68-9.8 448-512 


Source : MNHN. Paris 


M. DÉMENTIEFF SUR L'OIE DES MOISSONS 


181 





Oiseaux de passage (middendorfii). 


SIBÉRIE oRIENTALE (Transbaïcalie, mer d’Okhotsk, région d’Oussouri, îles du 


Commandeur) : 
188 |66.5, 67, 68, 70.5, 75,76.5, 
80.5 
399 |63.2, 69.2 
19 |ss 


Oiseaux de passage 


7, 8, 8.2, 8.2, 8.3, 9, 9.5 
7, 7.8 


9.2 


Esrnone Smozensk, Twez, Moscou, Kosrow, Kounsk : 


séé 


4 


54, 54.5, 58, 59, 63 


99 |51.8, 54, 57, 57 


7.2, 8, 8, 8,9 


6.5, 6.5, 7.3, 8 


468, 470, 478, 484, 
493, 498, 530 


465, 467, 475 


5441 


en Russie d'Europe (fabalis). 


433, 440,443, 448, 
452 


400, 406, 412, 420, 
457 


Oiseaux de passage au Turkestan (CoLr. SEvERTzZOW ET Russow). 





TomimkenT, 28.11 : 
1801725 
ASS |62, 63.5, 66.2, 67.2 
49 60.5 
12  |685 


7.5 
6.5, 7, 7, 7.2 


6.7 





6.5 


Oiseaux de type neglectus. 


Disrr. Bezesri, Gouv. »'Oura, 2%.1X.1891 (Type) : 


18 157 

Isipem, 22.1X.1891 (paratype) : 
19 156.5 

Isinem (série topotypique) : 
28 157.5, 63 
29 |55,55.5, 57.2, 57.5 
A | 555 





15.5 


15.5 


5.5, 5.6 
5.5, 6, 6.5, 7 
6.4 


492 


468, 476, 482, 520 





1465 


1460 


474, 485 


430, 438, 460, 465 
465 


4. Les chiffres se rapportent à une partie seulement des exemplaires étudiés. 
2. Indiqué par erreur par AzrméRaxt, comme type d'A. middendorfii SEV. 
{au Musée académique de Léningrad). 

3. Au Musée de l'Académie de Léningrad. 


Source : MNHN. Paris 


182 ALAUDA. vil. — 2. 1936. 





NoUVELLE-ZEMBLE : 
1% 154 16,5 1410 
Spécimen-type carneirostris 
Disrr. Beveser, Gouv. pOura, 2.1V.1906, A. P. Torsroï : 
17 156 18 101 
Oies à bec court brachyrhynchus. 


Spitzsere, Tenre DE FRANÇOIS-JOSEPR, ALLEMAGNE, ANG. GOUVERNEMENT DE 


Nowcoro : 
6 |45,47, 47.5, 48, 48.2, 50 | 4.2, 5, 5, 5.5, 6.5 1406, 425, 440, 450, 
459, 468 
299 |44, 47.5 4.8, 5 410, 443 
au 4 5 425 


Il résulte de ce tableau que les dimensions générales atteignent 
le maximum chez les Oies de la Sibérie orientale, le minimum chez 
celles des parties occidentales (Spitzherg, ete.). Entre les extrêmes 
existe toute une échelle de populations intermédiaires. 

La variabilité individuelle est, comme nous l’avons indiqué plus 
haut, très considérable. Même dans le N.-E. de la Sibérie on ren- 
contre des spécimens dont les dimensions générales le cèdent à celles 
des spécimens occidentaux. L’amplitude des variations de la lon- 
gueur d’aile apparaît bien, par exemple dans les chiffres ayant 
rapport aux mâles adultes de Kolyma : l'aile varie de 422 à 502 mm. 
Le poids chez les Oies de la région de la basse Kolyma, pris par 
M. Bururuin, est chez les mâles adultes (en livres russes) 11, 9 1/2 
9, 8 1/2, 8 1/2, 8, 8, 8, 7 1/2, et 6; chez les femelles adultes 8 2/3, 
6 3/4, 6 3/4, 6 3/4 ; chez les jeunes pris en août 8, 7 3/4, 7 1/2, 7 1/2, 
7,6 1/2, 6 1/2, 5 1/2 ; chez le jeune pris en septembre 8 3/4. 

La longueur du bec la plus considérable est propre aux oiseaux 
de la Sibérie orientale et diminue vers l'Ouest. Dans la même direc- 
tion la forme du bec et surtout de la mandibule inférieure change. 
Le bec chez les oiseaux du Spitzherg (brachyrhynchus) est court et 
leur mandibule inférieure est droite. Dans le N.-E. de l'Europe 
(Kanin, Nouvelle-Zemble) et dans la Sibérie occidentale jusqu'à 
l'Yénisséi, on rencontre des oiseaux à forme de bec variable : 


1. Au Musée de l’Université de Moscou. 


Source : MNHN. Paris 


M. DÉMENTIEFF SUR L'OIB DES MOISSONS 183 





chez les uns, le bec est court et assez épais, chez les autres, long !. 
Chez le type à bec épais se montre plus ou moins clairement la 
tendance vers le développement de la courbure à la partie proxi- 
male de la mandibule inférieure. Les Oies décrites comme neglectus 
appartiennent toutes au type ayant le bec faible ; les dimensions 
du bec ne dépassent pas les limites des variations chez A. fabalis 
de la Nouvelle-Zemble ou de la Sibérie N.-0. Dans la Sibérie orien- 
tale les dimensions du bec sont plus considérables qu’à l'Occident, 
mais la forme du bec varie entre deux types. Chez les oiseaux de la 
région des toundras (Kolyma, presqu’ile de Tchuktché, Anadyr) le 
bec atteint le maximum de longueur et d'épaisseur ainsi que le maxi- 
mum de courbure de la mandibule inférieure (les spécimens ayant 
les plus fortes proportions du bec furent décrits comme mentalis). 
Chez les Oies de la zone de la Taiga les dimensions du bec sont aussi 
considérables et atteignent même le maximum dans le groupe, 
mais la mandibule inférieure est plus’ ou moins droite ; le bec de 
ces oiseaux ressemble ainsi à celui du type « long » de leurs congé- 
nères de la Sibérie occidentale, mais toutes les proportions sont plus 
fortes. La forme du bec chez les différentes populations des Oies 
des moissons de la Sibérie orientale est plus constante que dans la 
Sibérie occidentale. Toutefois sur le territoire oceupé par des oi- 
seaux à bec épais et à mandibule inférieure courbée (zone des 
toundras) on rencontre parfois des individus dont le bec ressemble 
à celui des oiseaux de la Taïga (p. ex., deux mâles de la région du 
delta de la Léna, pris le 10. VIL.1914 et le 28.V1.1927, longueur 
du bee 77 et 87 (sic), hauteur de la mandibule inférieure 8,5 et 
7,8 mm.). De quatre exemplaires de la région d’Alazeia, bassin 
d’Indighirka, conservés au Musée de Moscou, deux (mâle et fe- 
melle) ne diffèrent pas de ceux des toundras de la Sibérie orien- 
tale ; mais les deux autres (aussi un mâle et une femelle) ont les 
caractères des oiseaux de la Taïga. Dans la zone de la Taïga aux 
environs de Yakoutsk et dans le district de Turukhausk le 12. VI. 
1896 et le 11. VI.1908 deux Oies ne différant pas de celles des toun- 
dras ont été prises ; un troisième exemplaire pareil fut pris près de 
Yakoutsk le 14.V.1927 (tous au Musée zoologique de l'Académie). 


1. L'existence de ces deux types morphologiques, auxquels se rapportent parfois des 
oiscaux appariés et qui se rencontrent côte à côte dans toute la Russie septentrionale 
et la Sibérie N.-O, (Kanin, Nouvelle-Zemble, Yamal), a donné lieu aux opinions 
émises sur l'existence de deux espèces d'Oies des moissons dans ces régions. 


Source : MNHN. Paris 


184 





ALAUDA. Vi — 2, 1936. 
FiG. 1. — Anser fabalis middendorfii, Olekma 1907. 
Fi. 2. — Anser fabalis fabalis nicheur, Yamal, Sibérie N. O., 
été 1908. 
Fi6. 3-4. — Anser fabalis fabalis G et Q, appartenant à la même 





paire, 18 juin 1908, Yamal (les fig. 2-4 démontrent la variabilité de la 
forme du bec chez les Oies des moissons de la Sibérie occidentale). 





Fic. 5. — Anser fabalis serrirostris $, embouchure de la Kolyma, 
3 septembre 1905. 


Fic. 6. — Anser fabalis serrirostris Q, i 





, 10 septembre 1905. 


Fic. 7. — Anser fabalis fabalis, sexe ?, adulte, lac Teleskoe, Altaï, 


21 mars 1935 (oiseau de passage, variation vers Anser fabalis Prachy 
rynchus). 





Source : MNHN. Paris 


M: DÉMENTIEFF SUR L'OIE DES MOISSONS 185 








Source : MNHN. Paris 


186 ALAUDA. vin. — 2. 1936 





Pour les variations de la coloration du bec et des pieds nous 
renvoyons à la partie précédente de cet article. Il suflit de 
noter ici que la forme la plus occidentale paraït avoir la bande du 
bec toujours rose ; que chez les autres formes la coloration jaune 
de la bande du bec prévaut (au moins chez les adultes); que le type 
de variation décrit comme neglectus paraît être localisé aux parties 
occidentales du continent eurasiatique (et aux iles qui le bordent 
au Nord) ; que la coloration rosâtre du bec et des pieds se rencontre 
chez les oiseaux des différentes parties de l'aire de distribution du 
groupe (en qualité de variations individuelles, d'âge ou de saison P). 
Enfin, il est à noter que les populations occidentales de fabalis 
(la forme brachyrhynchus exceptée) se distinguent par la fréquence 
de la coloration jaune du bec et des plumes blanchâtres vers la 
base du bee (quoique des oiseaux semblables se rencontrent aussi 
dans la Sibérie N.-E., p. ex. dans la région de Kolyma, quoique 
rarement). 

Le dimorphisme sexuel se traduit surtout dans les dimensions 
plus fortes chez les mâles, plus faibles chez les femelles. Les varia- 
tions d'âge se traduisent peut-être dans les dimensions ; les oiseaux 
en premier plumage se distinguent par la coloration grise ou gri- 
sâtre des grandes couvertures alaires (au moins chez la plupart 
d’entre eux), par des couleurs faibles et peu différenciées, par la 
coloration moins nette des parties inférieures. 

Les adultes varient considérablement quant à leur coloration. 
Les Oies des parties N.-O. de l’aire de distribution du groupe bra- 
chyrhynchus se caractérisent par le ton général clair el gris des 
parties supérieures du corps, surtout par le gris des grandes cou- 
vertures alaires. Chez les autres populations la coloration plus ou 
moins analogue se rencontre parfois en qualité de variation indivi- 
duelle. Le ton général de la coloration des parties supérieures est 
d’ailleurs très variable, du grisâtre au brun-foncé ; la largeur des 
bords clairs des plumes subit des variations corrélatives. Enfin, 
même chez les adultes, la distribution et les teintes des couleurs 
des parties inférieures du corps sont aussi sujettes à des variations : 
chez certains spécimens la coloration du ventre et de la poitrine est 
d'un blanc pur, chez d’autres elle est lavée de grisâtre, etc. Il 
semble que le développement du blanc des parties ventrales se 
rencontre surtout chez les Oies de la zone de la Taïga de la Sibérie 
orientale. 

Pour résumer cette partie de notre étude, nous pouvons dire 








Source : MNHN. Paris 


M. DÉMENTIEFF SUR L'OIE DES MOISSONS 187 





que parmi les Oies des moissons on distingue quatre types mor- 
phologiques localisés, ou quatre types de variation géographique. 
Ce sont : 


À. — Taille faible. Bec court, à mandibule inférieure droite. 
Bande du bec et pieds roses. Coloration claire, grandes couvertures 
alaires, chez les adultes, d’un gris plus ou moins pur. 


B. — Taille plus forte. Bec plus long et plus fort, de forme et de 
dimension variables, tantôt plus ou moins court et épais, à cou- 
bure plus ou moins évidente de la mandibule inférieure, tantôt 
long et svelte, à mandibule inférieure droite. Bande du bec et 
pieds ordinairement orangés ou jaunes, parfois roses. Couvertures 
alaires, chez les adultes, ordinairement brunes ou brunâtres (rare- 
ment grises ou grisâtres). 


C. — Taille encore plus forte (en moyenne). Bec fort, long et 
épais, avec courbure de la mandibule inférieure. Coloration comme 
chez le précédent. 


D. — Taille comme chez le précédent. Bec fort et long, mais 
mandibule inférieure droite. Coloration comme chez le précédent. 

Ainsi compris, tous les types de variation ont des aires de distri- 
bution nettement délimitées 1. 


V. — Quelques notes de nomenclature. 


Malgré la synonymie abondante, les noms à appliquer aux formes 
réelles des Oies des moissons que nous venons de caractériser sont 
faciles à choisir. Le nom brachyrkynchus revient évidemment aux 
Oies des moissons à bec court habitant l'Islande, le Spitzherg 
et le Groënland oriental ; celui de fabalis à la forme occidentale de 
la zone des toundras ; celui de serrirostris à celle de la Sibérie N.-E. 

À la forme de la zone boisée de la Sibérie orientale on donne ordi- 
nairement le nom de sibiricus, qui fut proposé en 1904 par Arpne- 
RAKI dans sa monographie Gusi Rossii. Selon l’idée d'ALpnEeRAKt 
le nom de sibiricus devait remplacer celui de middendorfii Severr- 
Zow, sous lequel les Oies en question étaient connues auparavant 
ALPHERAKI motivait ce changement par deux causes : les oiseaux 


1. Un point de variabilité géographique d'A. fabalis reste obscur : quelle forme 
habite la zone de Taïga de la Sibérie Occidentale ? Il semble que ce soit la race no- 
minale, mais dans les collections les spécimens nicheurs manquent absolument. 


Source : MNHN. Paris 


188 ALAUDA. Vut, — 2. 1936. 





de la collection de SEVERTZOW, pris au passage dans le Turkestan 
et identifiés par Severrzow avec son middendorfii, étaient diffé- 
rents de ceux de la Sibérie orientale ; les notes qui accompagnaient 
le texte sur À. middendorfii étaient en partie inexactes. Ces re- 
marques d'ALPHERAKI ne résolvent pas la question de la validité 
du nom widdendorfii. Severrzow, en effet, en établissant son 
middendorfii, dit expressément qu'il s’agit ici de la création d’un 
nouveau nom et non pas de la description d’une forme nouvelle. 
Le nom middendorfii, dit SEVERTZOW, se rapporte à l'oiseau que 
Mipnennorrr nommait Anser grandis parce que Anser grandis 
GMELIN est un oiseau différent des Oies des moissons. Cette re- 
marque de SevErTzow est absolument correcte, Quant à la descrip- 
tion d'Anser grandis chez Minnenporrr (Sibirische Reise, IT, 1851, 
p. 225), elle ne donne lieu à aucune confusion. MInbENDORFF dit 
qu'il a vu ces oiseaux à Boganida (Taymyr) et qu'il n’en à capturé 
qu'un seul exemplaire le 25 avril sur les côtes de la mer d'Okhotsk 
(Oudskoï Ostrog), dont l'aile avait 460 mm. et le bec 76 mm. de 
longueur. Cette dimension du bee, ainsi que la figure donnée par 
Minpennorrr (0. C., pl. XX, fig. {), permet d'identifier l'oiseau 
en question comme appartenant à la forme de la Taïga de la Sibérie 
orientale. L. v. Scurenck (/eisen und Forschungen im Amur- 
Lande, p. 462) qui a vu l’exemplaire de Minpenborrr (qui parait 
ne plus exister dans la collection académique) établit son identité 
avec l'Oie prise le 4.V.1855 à Nikolaewsk sur l'Amour. Ce dernier 
oiseau fut étudié par moi dans les collections de l’Institut zoolo- 
gique de l'Académie des Sciences. C’est un mâle qui a le bec long 
de 75 mm., avec la mandibule inférieure droite et haute de 82 mm., 
l'aile de 493 mm., en somme, un sibiricus typique. Puisque SEVERT- 
zow dit clairement et précisément qu'il donne le nom middendorfii 
aux Oies des moissons que MippeNporFr nommait grandis, il 
paraît évident que le nom proposé par SEVERTZOW se rapporte à la 
forme de la Taïga qu'ALpnéRAKI a renommée sibiricus sans aucune 
nécessité. 

ALPréRaKI avait peut-être raison de dire que SEVERTZOW se 
trompait en identifiant les oiseaux de passage en Turkestan avec 
middendorfii. Ce sont plutôt des fabalis de la Sibérie occidentale, 
quoiqu’un exemplaire, le mâle, pris à Tehimkent le 28.11 (qu'Ar- 
PHÉRAKI sans raison sérieuse prenait pour le spécimen-type de 
middendorfüi), ait le bec long et que les deux autres spécimens 
aient l'aile tellement longue (v. le tableau des mesures) qu'ils 











Source : MNHN. Paris 


M. DÉMENTIEFF SUR L'OIE DES MOISSONS 189 





peuvent peut-être être pris pour des intermédiaires entre les Oies 
de la Sibérie occidentale et ceux de la zone de la Taïga de la Sibérie 
orientale. Mais enfin même si SEVERTZOW a commis une erreur 
dans l'identification des Oies mentionnées, le nom middendorjii ne 
perd pas sa validité 1. C’est done ce nom qui revient de droit à la 
forme habitant les parties bordées de la Sibérie orientale (sibiricus). 
Pour éviter dorénavant les confusions il serait peut-être bon de 
fixer comme spécimen-type le mâle mentionné, collecté par v. 
SCHRENGK, comparé par ce dernier et trouvé identique à l’exem- 
plaire sur lequel furent fondées la description et la figure d'A. gran- 
dis chez MIDDENDORFF. 


VI. — Catalogue et distribution géographique 
des formes d’Anser fabalis. 


1. Anser fabalis brachyrhynehus BaïLLon. 


Anser brachyrynchus Baturox. Mémoires Soc. d'Abbeville, 1833, p. 74, Abbe- 
ville, Somme. 


Caractéristiques. — Type A : Dimensions des adultes (d’après les 
spécimens mesurés par moi) (en mm.) : aile 406-468 ( 4 4) et 410-443 
(9) ; longueur du bec 45-50 ( & 4) et 44-47,5 ( 9 ©) ; hauteur de la 
mandibule inférieure 4,2-6,5 ( 4 4) et 4,3-5 ( 9 9). 


Distribution géographique. — Groënland oriental, Islande, 
Spitzherg. La présence en Islande fut jusqu’à ces derniers temps 
discutée, mais c'est encore Procror (The Ibis 1864, p. 132), qui 
mentionne la nidification de cette Oie en Islande. L'oiseau fut 
retrouvé en 1929 par CONGREVE et Free (The Ibis 1930, p. 204- 
218) ; v. aussi TIMMERMANN, Journ. f. Ornithologie, 1933, p. 3 
330). 

Pour les limites de l'U. R.S.S. nous disposons des dates sui- 
vantes : Un mâle fut pris sur l'ile de Hoocker, dans l'archipel de 
François-Joseph, le 30.V.1914 par l'expédition du lieutenant 





4. D'autant plus qu'Acrnerakt. qui critique Severrzow pour l'inexactitude de ses 
données sur A. middendorfii. commet lui-même des erreurs inexplicables en indiquant 
par exemple que la distribution de sibiricus comprend le N -E. de la Sibérie et pre- 
cisément la presqu'ile de Tehutché, ete. Il est en général regrettable que l'application 
d'un critér um exclusivement morphologique à l'analyse des formes ait rendu le grand 
travail d’ALpnerart sur les Oies presque inutilisable quant aux données sur les formes 
d'A. fabals. 





Source : MNHN. Paris 


490 ALAUDA, vil. — 2. 1936. 





Sepow ; la nidification sporadique de l'Oie à bec court dans cet 
archipel reste ainsi probable. Dans la collection du Musée zoologi- 
que de l'Académie des Sciences de Léningrad se trouve un mâle 
adulte tiré le 8.1V.1912 à Arkatskoë, dans la vallée du fleuve 
Lowat, dans l’ancien Gouvernement de Nowgorod (le fait fut men- 
tionné par V. L. Brancui, Annuaire du Musée zoologique de l'A- 
cadémie des Sciences, XVII, 1912, p. XXXIX). A. Tu. v. Min- 
DENDORFF (Sibirische Reise, I1,1851, p. 227) communiqua qu'un 
exemplaire fut pris aux environs de Saint-Pétersbourg, mais cette 
identification peut être erronée, comme aussi les données de Tu. 
PLESKE, qui supposait la nidification de cette Oïe dans la pres- 
qu'ile de Kola. Les autres données sur la présence d’A. /. bra- 
chyrhynchus au passage dans l'Europe orientale sont tout à fait 
douteuses. 

Les lieux de passage et d'hivernage normal de cette forme se 
trouvent en Europe occidentale, Angleterre, Pays-Bas, rarement 
plus à l'Est. E. Stuart Baker (Fauna of British India, Birds, VI, 
1929, p. 403) note que l'Oie à bec court fut prise une fois à Assam 
(Sarrma Valley). 





2. Anser fabalis fabalis Larnam. 


Anser fabalis Larnan Gener. Synops.. Suppl., 1, 1787, p. 
tagne ; Anser carneirostris Buruniix, Psovaïa i ruzheinaïa Okhota 1901, fé 
avril, p. 28, « Nouvelle-Zemble » ; Anser neglectus Suseuxis, Bulletin British 
Ornithol. Club, V, 1895, p. VI, de passage au district Belebei, gouver- 
nement d'Ufa ; Anser serrirostris rossieus Burunu, in Buturlin i Dementiev 
«Polnyi Opredelitel ptits »,S.S. S. R, II, 1935, p.89 pe d'ad.. Belu- 
chia Guba, Samal, 2-VI-1908, Zhitkov leg., au musée de l'Université de Mos- 
cou). 

























Caractéristiques. — Type B : Dimensions des adultes (en mm.) : 
aile 404-482 ( 4 8), 402-460 ( © ©) ; longueur du bec 51-67 (S 9), 
51,8-60 ( 2 ©), 50-69,5 (sexe ?) ; hauteur de la mandibule inférieure 
5,5-9,5 (4 4, une fois 11 1), 5,5-8,5 (9 ©). 





Distribution géographique. — Parties boréales (toundras et 
parties septentrionales de la zone boisée) de l'Europe orientale et 
de l'Asie occidentale, à l'Est jusqu'à Taymyr et le bassin de Kha- 
tanga, à l'Ouest jusqu'à la Scandinavie. Vers le Sud cette forme 
se rencontre en Scandinavie même jusqu'à 630 1. N., dans le bas- 


sin de l'Yépisséi au moins jusqu'à 6401, N. Les limites méridionales 


Source : MNHN. Paris 


M. DÉMENTIEFF SUR L'OIE DES MOISSONS 191 





dans la Russie N.-E. restent à préciser. Cette Oie se rencontre aux 
îles de Kolguev et de Nouvelle-Zemble. 

Au passage cette forme se rencontre en Europe occidentale 
jusqu'à l'Angleterre et les régions méditerranéennes, en Russie 
d'Europe jusqu’à la Crimée et la Transcaucasie, en Iran (Perse), 
Turkestan. 

Les spécimens de la phase »eglectus furent rencontrés en dehors 
de la saison de nidification en Allemagne, en Italie, en Albanie, 
en Dalmatie, plusieurs fois en Iran (Seïstan), au Turkestan et 
même aux Indes. 


3. Anser fabalis serrirostris Swinnoœ. 


Anser segélum var. Serrirostris Swixno, Proceed. Zoolog. Society of Lon- 
don 1871, p. 417, Ningpo, Chine (type au Musée Britannique) ; Swinno note à 
propos de cet oiseau (The Ibis, 1867, p. 392-393) que la bande de son bec était 
rouge, € pinkish-red ». Anser mentalis Oares, Manual of Game Birds of India, 
I, 1899, p. 77, Yokohama ; Melanonyx segetum anadyrensis Burns, Nacha 
Okhota, 1908, novembre, p. 26, Anady 
qués trois oiseaux, En 1935 M. Bururrin dans « Polnyi Opredelitel ptits » vol, IT, 
p. 91, nomme comme type le S, Il-VI-1902, Nowomarünski ; le cotype 47.VI, 
1902, Nowomarün: Anadyr, Sovormxow leg., est conservé au Musée Zoolo- 
gique de l'Univ 6 de Moscou); Anser oalesi Rickerr, Bulletin I: Ornith, 











Club, XL, 1901, p.46, Toochow, Fokien? Anser fabalis curtus Lôxvoene. Fauna 
och Flora, 1923, p. 277, Shansi. 
Caractéristiques. — Type C : Dimensions des adultes (en mm.) : 


aile 422-524 ( 4 4), 422-491 ( 9) ; longueur du bec 59,2-71,5 ( 4 4), 
58,5-66 (© ©); hauteur de la mandibule inférieure 8-12,5 (4), 
8,1-11-3 (99). 


Distribution géographique. — Zone arctique de la Sibérie N.-E., 
entre le cours inférieur de la Léna et la presqu'île de Tehuktché 
et le bassin d'Anadyr. (Au Sud, dans la zone boisée, remplacée 
par la forme suivante). 

Au passage, dans les parties orientales de la Sibérie, bassin de la 
Léna, Transbaïcalie, bassins de l'Amour et de l'Oussouri, îles de 
Commandeur et Sakhaline, Japon, Mongolie. En hiver en Chine. 


4. Anser fabalis middendorfii Severrzow. 


Anser middendorfi Sevenrzow. Vertikalnoë i gorizontalnoë Rasprostranenie 
turkestanskikh Zhivotnykh, 1872 (1873), p. 149. Sibérie Orientale (pour locus 
classieus il faudrait prendre Oudskoï Ostrog où fut prise au passage l'Oie ayant 





Source : MNHN. Paris 


192 ALAUDA, Vu. — 2. 1936. 





servi pour la description de cette forme chez Minoexonrr). Anser arvensis 
sibiricus Aurenat, Gusi Rassü, 1994, p. 9 et 98, nomen novum pour le précé- 
dent, errore. 


Caractéristiques. — Type D : Dimensions des adultes (en mm.) : 
aile 440-558 (4 4), 465-524 ( © ©) ; longueur du bec 64-81 (4 6), 
63,2-79 ( © 9), même 83 (sex) ; hauteur de la mandibule inférieure 
7-10,5 (4 4), 7-9,8 ( £ 9), même 6,8 (sexe ?). 


Distribution géographique. — Zone boisée de la Sibérie orientale 
entre Moniéro et Khatanga (les parties N. du bassin de ce fleuve 
exceptées), Vilini et Altai à l'Ouest et au Nord-Ouest, à l'Est 
jusqu'aux parties boisées du bassin de la Yana et Kamtchatka. 
La limite septentrionale de la distribution en Yacoutie reste à éta- 
blir, Au Sud jusqu'à l'Altaï S., Sayan, Alatau-Kuznezki, Mongolie, 
peut-être même le lac Zaissan. 

Passage en Sibérie orientale, en Transbaïcolie, Daourie, Mongo- 
lie, par les bassins de l'Amour et de l'Oussouri, en Chine, au Japon, 
une fois à Burma (E. Sruarr BAKER, ouvr. cit., p. 4051. 


VII. — Bibliographie. 


Cette liste n’a aucune prétention à donner la bibliographie com- 
plète de la question et ne contient que les travaux qui paraissent 
à l’auteur les plus importants. 








Hanrenr. — Die Vügel d. Paläark 
Tucannov. — Les Oiseaux de l'U. 
et les Harles, 1932, pp. 61-64 (en russe). 
Aurnenax (S. N.). — Gusi Rossü, 1904 (publié aussi en anglais sous le titre : 
The Geese of Europe and Asia). 
Sarvavont (T.). — Catalogue of Birds in the Bri 
). — Dikie Gusi Rossüskoï Imperii (Li 
), Psowaïa i Ruzheinaïa Okhota, 1901, F 
p- 1-47 (en russe). 
— Gusi-gumenniki(Les Oies des moissons), Nacha. Okhota, 1908, novembre, 
p. 21-28 (en russe). 
—  Ucbersicht der Saatgansrassen. Aguila, XXXVITI-XLI, 1931-1931 (1935), 
p- 219-226 
— Die Kennzeichen der Saatgansrassen, £. c., p. 211-218. 
.). — Ucber die neuere systematische Einteilung der Saatgänse, £. €. 
p- 220-246. 
Burunu (S. A.). — In Burunux et Demexriev « Polnyi Opredelitel ptits » S. 
S.S. R., vol. IT, 1935, p. 86-91 (en russe). 







schen Fauna, II, 1912-1 p. 1283 
Canards, les Oies, les € 


















h Museum, 
Ji 





XVII, 1895. 
auvages de la 
1, supplément, 























Source : MNHN. Paris 


M. DÉMENTIEFF SUR L'OIE DES MOISSONS 193 








MANX (B.). — Annuaire du Musée Zoologique de l'Académie des Sciences 
de l'U. RS. S., t XXIX, 1928 (1929), p. 132-133 (aperçu des formes 
sibériennes). 

Naustanx (I. F.). — Naturgeschichte d. Vôgel Mitteleuropas, t. IX, 1902, 

p. 321-359. 

Bnenm (Ch. L.). — Der vollstandige Vogelfang, 1855, p. 366-377. 

—  Handbuch der Naturgeschiehte aller Vogel Deutsehlands, 1831, p. 837- 

843. 








La polémique soulevée à propos du livre d'ALPnénakt se trouve 
dans les articles suivants : 
Ones, Journ. Bomb. Soc. Nat. Hist,, 1906, 1907 ; Arpmenakt, t. C, 1907 ‘. 


Buronux, L. e., 1908 ; Sazvavori, The Ibis, 1905 ; Aurmenarr, The Ibis, 1906 ; 
Oares, The Field, 1906, ete. 








Sur la question de la coloration de la bande du bec et des pieds, 
sur la forme du bec et sur le problème neglectus : 


an, Ornith. Monatsberichte, 1935, p. 27-28 (distribution) ; H. Th. 
6, Report on the Scient. Results of the Norweg. Exped. to Nowaja 
Zemlya, 1921, n° 11, p. 14 (prise d’un oiseau du type negleetus le 16 VI dans 
la baie Beluchia) : J. Berry, The oceurence of an unusual Goose of the type 
Anser neglectus in Scotland, The Ibis, 1934, p. 80-85 : J. x, Ornith. Mo- 
natsberichte, 1930, p. 172-174 ; Aguila, 1929-1930, p. 54-68, £. 1931-1934, 
p. 193-210 ; Journ. f. Ornithol., Harterts Festschrift, 1929, p. 282-291 (discus- 
sion de la question neglectus ; passage en Europe occidentale) ; Srnésemanx, 
Ornith. Monatsberichte, 1922, p. 107-109 ; 4. c., 1929, p.35 ; t. C, 1930, p 9; 
1934, p. 22 (passage en Europe occidentale) ; E. Stuart Baxen, Fauna of 
India, Birds, VI, 1929, p. 403 (hivernage aux Indes) ; Szaray, Compa- 
rative Osteologie der Brustschulter Apparate von Anser fabalis und 
neglectus ; Aquila 1902, p. 12 ss ; V. p. Bmxx, The Ibis, 1930, p 55 559 ; 
H. Gnore, Ornith. Monatsberichte, 1930, p. 79 et 174-166 (passage) ; Zanun, 
Messager Ornithologique, 1910 ; Iswestia Turkest. Otdela Russk. Gcogr, 
Obchtestwa, XVI, 1923 (passage au Turkestan) ; Znrrxov, Ann. d. Mus. Zool. 
Acad. Sci., XVIL, 1912, p. 311-369 (coloration du bec et des pieds ; discussion 
ale de la question ; article d'une importance de premier ordre) ; DanLov, 
Zapiski Zabaïkalskogo Otdela Obchtestwa Kraewedenia, I, 1930, p. 57-83, 3 pl. 
(remarques très importantes sur la rencontre d'oiseaux à bande du bec rouge 
et rougeâtre chez serrirostris et middendorfii passant en Transbaïcalie) ; V. Ma- 
Darasz, Ann. Mus. Nat. Hung., VII, 1909, p. 304 ; de Beaux, Ornith. Monats- 
ber., 1909, p. 85-87 ; Ocizvie-Gnanr, Bull. Brit, Orn. Club, XIX, 1907, p. 57 
(variations de la couleur et de la forme du bec) ; Susckin, Ptitsy Ufimskoï 
Gubernii, 1897, p. 69-78 (description détaillée). 














4e 


















Travail du Musée zoologique 
de l'Université de Moscou. 
Manuscrit reçu à Alauda le 20 janvier 1936. 


13 


Source : MNHN. Paris 


DE L'APPAUVRISSEMENT DES FAUNES 


par Paul Manow. 


Mes conclusions sur le rôle économique des Rapaces ! m'ont été 
reprochées, bien que j'eusse été moins sévère pour eux que la Con- 
vention internationale. J'estime que l'esthétique est, à cet égard, 
une considération d'autant plus secondaire que les principaux 
intéressés ne sont nullement disposés à lui sacrifier gibier, volailles, 
troupeaux, et que, comme je l'ai remarqué ailleurs, les conseilleurs 
ne sont pas les payeurs. 

La démocratisation de la chasse et le perfectionnement des 
armes à feu condamnent d’ailleurs les Rapaces et je crains bien 
qu'ils ne disparaissent de l'Europe occidentale avant la fin du 
siècle ; on leur fait une guerre acharnée par tous les moyens dans 
les chasses gardées, non seulement chez nous, mais plus encore, 
peut-être, dans les grands domaines de l'Europe centrale, la plu- 
part des propriétaires et des gardes étant à leur égard d’une igno- 
rance presque incurable, généralement en proportion directe avec 
leurs prétentions. L'organisation d’un service spécial cynégétique 
m'avait donné quelque espoir ; il a été dissipé par la constatation 
que de très nombreuses sociétés de chasse accordent ouvertement, 
par leurs statuts, souvent publiés par les journaux locaux, des 
primes pour la destruction de tout Rapace diurne où nocturne sur 
la simple présentation de la mandibule supérieure, primes souvent 
payées par les secrétaires de mairie, et cela dans une région où la 
Bondrée niche encore et où les derniers Circaëtes sont attirés par la 
pullulation des Vipères ! 

J'avais désiré faire précéder mon étude par un tableau permettant 
la détermination des espèces ; mon ami regretté LAVAUDEN, à qui 


4. Les Rapaces d'Europe, leur régime, leurs relations avec l'agriculture et la 
chasse, Toulon 1933. Chez l'auteur, 5 avenue Vauban, Toulon (Var), 30 fr. Pour la 
France, 35 fr. ; pour l'étranger, franco de port. 


Source : MNHN. Paris 





M. MADON SUR L'APPAUVRIS 





MENT DES FAUNES 195 





je m'étais adressé, me répondit qu'il s’en était occupé, mais que la 
multiplicité des livrées ne lui avait pas encore permis d'arriver à un 
résultat satisfaisant. Les meilleurs tableaux des auteurs, de 
Fario par exemple, sont trop compliqués et insuffisamment répan- 
dus. IT faudrait du reste les accompagner de silhouettes au vol 
comme on en a donné beaucoup en Allemagne pendant ces dernières 
années. On pourrait alors faire appel aux huttiers au Grand-Due, 
aux propriétaires de chasses gardées, et aux chasseurs conscien- 
cieux, pour la conservation des espèces les plus utiles. 

Quatre sont particulièrement recommandables : les deux Hiboux, 
la Bondrée et le Circaëte. 

Les deux premiers sont facilement reconnaissables. 

On me permettra de rappeler pour les autres, de même que pour 
la Crécerelle, quelques caractères indépendants des variations de 
plumage. 

La Bondrée Pernis apivorus se distingue facilement par ses 
lorums emplumés, ses tarses réticulés sur toute la partie nue, la pré- 
sence de 2 à 4 seutelles seulement sur le doigt médian, contre ordi- 
nairement 4 ou 5 chez les Buses, le Balbuzard, les Aigles, 8 à 12 chez 
les Milans et le Pygargue, 14 à 18 chez les Busards, 14 à 16 et acci- 
dentellement 24 chez les Faucons, 18 à 20 chez l'Autour, 24 à 28 
chez l'Epervier. S'il est malheureusement trop tard quand on peut 
l'examiner à l'aise, on peut déjà la distinguer au vol, parmi les 
Oiseaux de taille analogue, des Milans qui ont la queue fourchue, 
des Buses par ses ailes plus longues et moins élargies, comme par 
ses évolutions gracieuses !. Dans l'aire, presque toujours ample- 
ment garnie de verdure, l'œuf parfois porte sur un fond d’un roux 
pâle de larges taches sanglantes, plus prononcées que dans ceux des 
Faucons et des Pygargues. 

Par sa taille le Circaëte Circaetus gallicus ne pourrait être con- 
fondu qu'avec l'Aigle eriard, l’Aigle de Bonelli, le Balbuzard, la 
Buse, l'Archibuse. Les Aigles et l'Archibuse en diffèrent par leurs 
tarses bien plus emplumés ; il a la tête plus forte que celle de la 
Buse, les yeux très ouverts, les tarses presque entièrement réti- 
culés au lieu d’être écussonnés en avant et en arriére. Il se distingue 





1, Certains auteurs lui attribuent un vol très lourd ; mes observations sont en 
complet désaccord ; j'ai eu notamment l'occasion de suivre les évolutions d'un couple 
pendant plusieurs semaines ; après s'être gorgées de couvain de Guêpes. vers 11 heures, 
elles s'élevaient rapidement en spirale, presque hors de vue, et dessinaient alors des 
courbes élégantes avec des cris de satisfaction, sans aucune préoccupation de chasse. 


Source : MNHN. Paris 


196 ALAUDA, Vuit. — 2. 1936. 





du Milan royal par sa queue carrée, ses formes plus lourdes, ses 
tarses bien plus allongés. Le Balbuzard, plus petit, en diffère par 
la granulation spéciale de ses doigts, ses tarses très raccourcis, ses 
ailes pointues. Au vol, il est encore plus massif que la Buse. L'œuf 
est d'un blanc azuré sans taches, ce que l'on retrouve souvent chez 
le Pygargue, les Busards et les Asturiens ; mais il est presque tout, 
jours unique et d’ailleurs bien plus gros que chez les Busards et les 
Asturiens. Le premier duvet du poussin est d'un blanc pur, avec 
la cire et les pieds d’un gris plombé. 

La Crécerelle Falco tinnunculus, en dehors de son plumage, se 
distingue de l'Epervier par le nombre bien moindre des seutelles 
du médian, par ses tarses et ses doigts bien plus courts, par sa 
mandibule supérieure dentée. Au vol, son aile est plus longue et 
plus étroite et elle se livre à des évolutions spéciales. Le premier 
duvet des poussins est blanc jaunâtre, le second gris fauve, tandis 
qu'ils sont respectivement blanc rosé et cendré chez le Faucon 
hobereau, l'un et l’autre blanes chez l'Epervier. 

La Chevêche Athene noctua, que nous pouvons avoir à ménager, 
est bien connue de tous ; le Scops Ous scops et le Faucon kobez 
Falco vespertinus, très faciles à reconnaitre. 


Bien d'autres Oiseaux sont menacés. W. RornseniLn avait 
déjà donné, au Congrès de Londres de 1905, une liste de 139 espèces 
complètement disparues et de 98 en voie d'extinction, liste néces- 
sairement incomplète puisque la distinction était très insuflisante 
pendant la majeure partie des cinq siécles qu'il envisageait. Sur 
les 237, il attribuait la destruction de 82 à l'action directe de 
l'homme, de 38 à celle des animaux introduits par lui, de 46 à des 
causes naturelles, de 38 à la combinaison des deux premières causes, 
de 11 par les deux dernières, de 3 à celle de la première et de la 
troisième, de 19 aux trois réunies. Le mal s’est considérablement 
accru depuis, malgré la suppression des massacres pour modes ; il se 
précipite de plus en plus et avec sur nous des répercussions plus 
étendues qu'on ne le suppose. 

Il en est de même pour les grands Mammifères. Pendant ma 
jeunesse les Loups étaient encore communs en Provence, beaucoup 
descendant des Alpes à la suite des grands troupeaux transhu- 
mants: lors de mon premier séjour en Algérie j'ai entendu les 
derniers Lions, chassé couramment la Panthère. On a, ces dernières 
années, à peu près achevé, sous divers prétextes, la destruction des 














Source : MNHN. Paris 


M. MADON SUR L'APPAUVRISSEMENT DES FAUNES 197 





Castors du Rhône. Les Eléphants, les Girafes, les Rhinocéros, les 
grands Félins, même l’Hippopotame, si commun autrefois, sont en 
voie de disparition malgré les restrictions apportées à leur chasse 
dans les colonies anglaises et dans quelques-unes des nôtres ?. 
Les énormes bandes de Bisons ont été systématiquement et hy- 
pocritement détruites en Amérique pour atteindre les Indiens 
dont ces animaux constituaient la principale ressource ?. Les 
grands Cétacés et les Amphibies ne laisseront bientôt qu’un souve- 
nir malgré l'intérêt que nous aurions à les ménager ?. 

Malheureusement le mal est sans remède, les gouvernements 
éphémères ne vivant qu'au jour le jour sans $ inquiéter de l'avenir. 
Certes, la conservation de certaines espèces n’est pas compatible 
avec l'expansion de l’homme et il serait difficile de les maintenir 
dans de grandes réserves ; mais nous devons tâcher de prolonger 
l'agonie de celles qui nous sont utiles. Nous marchons rapidement 
vers l'ère des Moineaux, des Corvidés et des Rats ; mais n’épuisons- 
nous pas les réserves de houille et de pétrole accumulées pendant 
des milliers de siècles ? 


4. DesacorGur a vu à la fois 100 Hippopotames, plus de 600 Eléphants, 3 ou 
400 Cynhyènes, 4 à 50 Conaggas ; Livixasrowe, des centaines de Zèbres et de Buffles 
et des passages de plus de 40 000 Euchores cités par bien d'autres (Gaupy, Les an- 
cètres de nos animaux, 1888, p. 90). En 1888, Ewarr S, Grocan disait : « Sur le 
Pangwe, à 70 milles environ au N.-W de Meisla la quantité de gibier est incroyable... 
J'ai vu plus de 40.000 têtes, surtout Blue Wildebesst, sur le même point, et, pendant 
notre séjour de cinq mois, nous tuâmes dix-sept Lions et primes vivants cinq jeunes... 
Dans les marais du Nil, à Bohr, « le nombre des Eléphants était prodigieux, de sorte 
qu'ils génaient beaucoup notre marche, refusant de quitter la piste. des Hippopo- 
tames sur toutes les rives ». (T#rough Africa from the Cape to Cairo, Smith. Inst, 
1890). 

2. 11 faut lire le lamentable exposé de ce massacre par W. T. Houay dans Smith 
Inst. Museum, 1887, pp. 367 à 548, avec 22 planches. 

3. Voir W. N. Dai, On the Preservation of the Marine Animats of the NW. 
Coast, dans Smith Inst., 1901, pp. 683-688. 11 vise dix espèces d'Amphibies et la Loutre 
marine. Les mesures de protection étant mal observées, il ajoute : « Il faut s'attendre 
à la disparition, peut-être plus prochaine qu'on ne le croit, de tous les grands Mam- 
mifères et des Oiseaux les plus remarquables. » ! 

















Source : MNHN. Paris 


QU'EN EST-IL DES « AIGLES CRIARDS » 
DE FRANCE ? 


par Henri Jouarp. 


La question des « Aigles criards» a déjà fait couler tant d'encre 
que j'hésiterais à y ajouter la mienne si les nouvelles relations du 
D: Rocnox-Duvi up sur la présence estivale, dans les gorges 
du Tarn et les Pyrénées, d’un Aigle de taille et coloration semblables 
à celles d'Aguila clanga [1, a, et b, pp. 507-508]: ne la remettaient 
en quelque sorte à l’ordre du jour 2. Essayons done de « faire le 
point », je veux dire d'exposer ce qui semble désormais acquis, 
et d'attirer l'attention des ornithologistes bien placés pour en 
connaître sur ce qui demeure matière à investigations : 

Mais, avant d'étudier les principaux documents (?) français 
et étrangers sur les rencontres, les récoltes, et, surtout, la nidifi- 
cation (!) de « l'Aigle criard » en France, voyons : 10 ce que sont 
exactement les Aigles criards, tant au point de vue de leurs carac- 
tères spécifiques, aujourd'hui bien reconnus®,que de leurs habitats 
et déplacements normaux ; 2° ce que l’on sait sûrement de leurs 
apparitions dans les pays qui nous entourent. 











1. Voir ên fine la bibliographie des auteurs et ouvrages successivement cités, en 
recherchant la correspondance des chiffres romains entre crochets du texte et des 
chifires romains de cette bibliographie. 

2. On aurait pu espérer qu'après les errements dont fourmille notre ancienne « li 
rature », l'article sur les Aigles criards que G, Eroc publia en 1913 [11] marquerait, 
pour les pays de langue française, un premier pas vers la lumière. Il n'en fut rien. 
Pour commencer à y voir clair, nous dûmes attenire jusqu'à ce qu'en 1921 le cheva- 
lier van Havre [IIL, 4] et en 1925 Lavauoex et Heu pe Batsac [IV] prissent la 
plume 

3. Bien qu'à ma connaissance il m'existe encore aucune clef de détermination pei- 
nement satisfaisante les concernant. 














Source : MNHN. Paris 


M. JOUARD SUR LES « AIGLES CRIARDS » DE FRANCE 


199 





I. — Les DEUX AIGLES CRIARDS. 


Aquila elanga 1 


Bec plus haut et plus fort (culmen 
32,5-39 mm.) ; tarses plus longs (11- 
12 em.) et plutôt plus grêles ; 7° ré- 
mige (dernière primaire |) à barbes ex- 
ternes en général fortement échan- 


Aquila pomarina pomarina ? 


Bec moins haut et moins fort (cul- 
men 28-32 mm.) ; tarses moins longs 
(8-9,5 em.) et plutôt plus robustes ; 
7e rémige à barbes externes frès faible- 
ment échancrées, et inférieure de plus 


crées, et inférieure d’au plus 6 em. à la 
rémige la plus longue ? ; aile de 49 à 
56 cm. 

Première livrée juvénile : sus-cau- 
dales blanc-jaunâtre, reste des faces 
supérieures brun-noir à reflets euivrés, 
chaque plume avec, de part et d'autre 
de sa baguette, une tache médiane 
plus claire qui, mince à la tête et à la 
nuque (où elle peut même manquer), 
S’élargit considérablement au dos et 
aux couvertures alaires: menton et 
gorge d’un brun-noir unicolore, reste 
des faces inférieures varié, selon le 
même mode que les faces supérieures, 
de brun foncé et de brun jaunâtre 4. 
Vieux Oiseaux : brun-noir foncé, un 
peu plus clairs à la tête et au cou, les 
sus-eaudales plus pâles et parfois plus | 


de 6 cm. à la rémige la plus longue ; 
aile de 46 à 53 cm. 





Première livrée juvénile : faces su 
périeures d’un brun foncé à légers re- 
flets pourpres, dans l’ensemble un peu 
plus claires que celles des jeunes 
Aquila clanga, avec généralement une 
tache roussâtre à la nuque, et plus ou 
moins de larmes oblongues de même 
nuance ; faces inférieures brunes plus 
ou moins striées de roux5.— Vieux Oi- 
seaux : d'un brun ferreux presque uni- 
colore. 








4 Le terme d'Aguila naevia doit être particulièrement banni de notre terminologi 





Car l'Aguila naevia des auteurs n'a sûrement rien a voir avec le Falco naevius de 
Gueux (lequel s'applique à un jeune Autour Accipiter gentilis), et le nom même 
d'Aguila naevia a été employé à tort et à travers pour désigner tantôt l'un;tantôt l'autre 
des Aigles criards [cf, Harrerr, V,p. 1104. synonymie]. Le nom français correspondant 
d'Aigle tacheté est pareillement à rejeter : en tant qu'il a été l'objet des même confu- 
sions. Restent à notre disposition, en application de la loi de priorité qui s'impose en 
matière de nomenclature latine, et comme suite aux délibérations du « Comité 
Boumer » [VI,p. 20]: Aguila clanga Pauuas 1811, Aigle criard (proprement dit), ou 
Grand Aigle criard; Aguila pomarina pomarina Buenm 1831, Aigle pomarin, ou 
Petit Aigle criard. 

2. La nomenclature trinominale est ici de rigueur, car il existe, chez l'Espèce 
Aquila pomarina, une Race géographique assez différenciée de celle qui nous occupe : 
Ia Race Aquila pomarina hastata (Lssow) 1834, qui habite l'Inde. 

3. Voir illustration, par exemple dans Paris [ VII, p. 219]. 

4. On connaît une variété (soi-disant € phase ») d'un jaunâtre-roux clair (ailes 
exceptées) qui rappelle la variété dite « dorée » de l'Aigle royal Aguila chrysaetos. 
Cest 1Oiseau que Naumanx considérait comme une Espèce distincte et nommait 
Aquila fulvescens Gray VIN, vol, v, pl. 47] 

5. Ici encore une variété pâle, soi-disant « dorée ». 








Source : MNHN. Paris 


200 


ALAUDA. VI 


— 2. 1936. 





ou moins marquées de blane, parfois 
une large tache blanche aux épaules 1: 

Nicheuse dans la région de l'Amour, 
la Chine, la Sibérie méridionale, le 
Turkestan, l'Inde, et, vers l'Ouest, 
jusqu’à la Macédoine, la Hongrie, la 
Galicie, la Pologne, la Livonie, excep- 
tionnellement la Silésie et la Prusse — 
où elle fréquente les régions ouvertes, 
bien arrosées, les prairies humides, les 


Nicheuse dans les Balkans, l’Autri- 
che, la Hongrie, la Pologne, les pays 
baltes, le Nord et l'Est de l'Allemagne 
— où elle fréquente des biotopes com- 
parables à ceux d’Agquila clanga — 
l’Espèce va hiverner du Sud dela Rou- 
manie et de l’Asie mineure au Soudan 
et au Kenya. 


boisements proches des fleuves et des 
lacs —, l’Espèce va hiverner dans la 
Chine méridionale, l'Inde, et l'Afrique 
Nord-orientale, un certain nombre 
d'individus prenant toutefois une di- 
rection plus Sud-Ouest qui les amène 
jusque dans l’Europe occidentale. 





(Pour distinguer d'emblée les deux Aigles criards des autres 
Espèces du Genre Aguila, comme aussi des Espèces du Genre 
voisin {ieraaëtus, le seul examen des narines sujfit : chez Aquila 
clanga comme chez Aquila pomarina, elles sont rondes, ou sub- 
arrondies, alors que, chez leurs cousins, elles sont allongées et 
subverticales !) 


IL. — BELGIQUE : SUISSE : IrALIE. 


A) Belgique : 


D'après VAN Havre [III, b), pp. 227-229] : 


Aquila clanga : Aucun cas de nidification, mais Oiseau de passage 
occasionnel, plusieurs spécimens (juv. !) en collection. 

Aquila pomarina : Oiseau de passage accidentel ; très probable- 
ment deux captures. 





1. La mue des Aigles se fait d'une façon lente et quasi-continue (tous les mois de 
l'année), et, si l'on fait abstraction des jeunes qui portent leur livrée juvénile 
« Simple +, on n'en peut jamais trouver qui aient toutes leurs plumes fraiches, Ce 
n'est qu'au bout de plusieurs années qu'un plumage adulte, qui désormais ne va- 
riera plus, ou plus guère, est acquis, et l'on trouve tous les intermédiaires entre cette 
livrée et la livrée juvénile. 





Source : MNHN. Paris 


M. JOUARD SUR LES « AIGLES CRIARDS » DE FRANCE 201 





B) Suisse : 
D'après Fario et Sruner [IX, pp. 77-80] : 


Sous l'appellation d'Aquila nævia BrissoN, ces auteurs présen- 
tent un « Aigle criard » comme s'il s'agissait, en fait, d'Aquila p. 
pomarina, et le donnent pour passer assez irrégulièrement en Suisse. 
Ils rapportent, au conditionnel, un soi-disant cas de nidification 
dans ce pays (région de Lucerne, d’après SrAurreR), mais admet- 
tent sans hésitation les dires de Barzzy [X, pp. 96-101] concernant 
sa nidification en Savoie. Sous le nom d'Aquila clanga ParLAS 
enfin, ils traitent d’ « apparition accidentelle très rare en Suisse » 
(trois spécimens de collection), un Aïgle criard qui, d’après sa 
distribution, est bien, lui, le véritable Aquila clanga. 

Aucun doute : les deux Espèces n’ont, le plus souvent, pas été 
distinguées 1. 





D'après Fario [XI, pp. 82-99] : 


D'une lecture attentive des dix-sept pages que Faro a consacrées 
aux Aguila nævia et Aquila clanga, il ressort sans conteste que cet 
auteur, malgré la peine qu'il s’est donnée, n’a réussi qu'à obscur- 
cir davantage ce qui, déjà, était obscur ? ; et que : 

19 ce qu'il appelle Aguila clanga, d'après PALLAS mal interprété, 
n’a rien à voir avec les deux Aigles criards mais correspond à un 
tout autre type d'Aigle, Aguila nipalensis (sous sa race orientalis 
Caganis 1854, fâcheusement pour le bon sens la plus occidentale 
des deux !), de structure différente, de plus grande taille, et de 
coloration tout autre : sa tête d'Aquila clanga (p. 84) avec narines 
subverticales très allongées suffirait à le prouver si les noms fran- 
çais « Aigle oriental », et surtout allemand « Steppenadler », qu'il 
lui attribue ne venaient encore en témoigner ; 








1. La chose est courante dans le Catalogue des Oiseaux de la Suisse, quand il 

de formes voisines. Pour la raison bien simple qu'aucun esprit critique n'a pr 

sidé À son élaboration et qu'on y a recueilli péle-mêle les « identifications » des rares 

ornithologistes et celies de nombreux chasseurs ou observateurs occasionnels les plus 

étrangers aux sciences exactes. Toujours la quantité primant la qualité, — loi des 

démocraties C'est le cas de répéter que les renseignements ne valent que par celui 
les donne. 

2 Ce n'est pas là, malheureusement, le seul cas où les efforts de Fario n'ont porté 
que des fruits amers ! Qu'on se rappelle, par exemple, les trop nombreuses pages qu'il 
a consacrées aux deux « Mésanges grises » Parus palustris et Parus atricapillus et 
aux deux Grimpereaux Certhia brachydactyla et Certhia familiaris | 








Source : MNHN. Paris 


202 © ALAUDA. vit. — 2. 4936, 





29 si les deux formes a) et à) qu'il groupe sous ie titre d'Aquila 
nævia GMETIN ont bien trait aux Aigles criards, sa « forme petite » 
ressortit plus souvent au véritable Aquila clanga que ne fait sa 
« forme grande » ; 

30 la plupart des spécimens suisses étudiés sont, à en juger par 
leur plumage, à rapporter à Aquila clanga, mais certains autres 
correspondent si exactement, de ce même point de vue, à Aguila 
P. pomarina (par exemple le spécimen de la collection Sraurrer des 
pp. 91 et 92, et le spécimen de la collection Farro des pp. 92-93) 
qu'il m'apparaît inévitable de considérer qu'Aguila p. pomarina 
s’est montré en Suisse. 

Nidification : Tout en retenant les données de Bai et celle 
de Sraurren déjà citées dans le Catalogue examiné ci-dessus, 
Fario en ajoute une autre : « La citation la plus certaine d’une 
nichée de cet Aigle en Suisse est celle du Dr Fiscier-Sicwanrr, de 
Zofingue, qui m’a écrit qu'il possédait deux œufs de Nævia recueil- 
lis le 21 mai 1891, à Hühtragen, entre Bülach, Backenbülach et 
Niederglatt, dans le canton de Zurich » (p. 95). 

Enfin, faisant d'Aguila nipalensis l'authentique Aquila clanga 
de Parras, Fario se devait de rapporter à «Aguila nævia» 
(— Aquila clanga surtout, et Aquila p. pomarina un peu, done !) 
les trois spécimens qu'il avait, quelque temps auparavant, dans le 
Catalogue, accepté de faire figarer sous la rubrique Aquila clanga. 
Ce à quoi il ne manque pas, après examen de ces spécimens 1! 


L'après Corrr [XII a), pp. 34-35] : 


Aquila clanga Parras, dit en français Aigle tacheté, est donné 
pour rare, hôte d'été, de passage, hôte d'hiver. 

Aquila p. pomarina Breun, dit en français Aigle criard, est 
donné pour rare, de passage, hôte d'hiver. 


D'après Corri [XI b), p. 4] : 


Aquila clanga figure parmi la liste des Oiseaux qui, précédem- 
ment admis comme nicheurs, ne doivent en réalité pas être consi- 
dérés comme tels, faute de preuves. 


4. Voir aussi, même auteur et même ouvrage, pp. 1713-1714, une note : Aguila 
nævia, clangoïdes (Aigle criard), qui rapporte, d'après Fiscuer-Sicwarr, la capture 
en Suisse de quatre Grands Aigles criards (le Schelladier des Allemands — Aguila 
clanga). 


Source : MNHN. Paris 


M. JOUARD SUR LES « AIGLES CRIARDS » DE FRANCE 203 





C) Italie : 
D'après ARRIGONT DEGLI Ont [XIIT, pp. 401-403] : 


Aquila clanga PALLAS (dit en français Aigle eriard) : De double 
passage irrégulier, en Italie, moins rare en livrée de jeune qu’en 
livrée adulte. « La notizie sulla sua nidificazione nella Valle Padana, 
Toscana et Liguria meritano ulteriori conferme » ajoute celui qui 
fut, pendant tant d'années, la gloire de l'ornithologie d’outre- 
Monts. 

Aguila pomarina pomarina BRESN (dit en français Aigle tacheté) : 
De passage accidentel, mais tout de même certain (près de vingt 
exemplaires récoltés, surtout en octobre, en Italie). 


III, — FRANCE. 


A 


Que disent sur les Aigles criards les trois seuls ouvrages français 
d'ornithologie générale (quant à la France et quant à‘l'Europe) 
dignes d’être consultés ? 


DecLanp et Gerse [XIV, pp. 26-30] citent les deux Espèces, 
sous noms Aquila nævia Aigle tacheté et Aquila elanga Aigle criard, 
mais non sans faire diverses erreurs. Il apparaît en effet, d’après 
les termes mêmes de ces auteurs, que la « Femelle adulte tuée en 
automne » et la « Femelle non adulte également tuée en automne » 
qu'ils décrivent à leur paragraphe Aquila nævia sont à rapporter 
à Aquila clanga ; que leurs « mêle et femelle vieux » d’ « Aquila 
clanga » ont été des Aquila pomarina ; que leur tableau des 
«Caractères essentiels » et « Caractères accessoires » des deux espèces 
comportent plusieurs inversions. Précisons que DeëLann et GERRE 
rapportent à leur « Aquila nævia » les renseignements biologiques 
qu'ils empruntèrent à Baïzzy (voir plus loin)... 


Orpne-Gazriarn (XV, pp. 29-42] cite les deux Espèces, sous 
noms Aquila nævia Briss., Orn., 1, p. 425 (1760), et Aquila mela- 
naetos Savieny, Egypte, p. 25, p. 12, f. 1 (1810) d’après M. TH; 
Gurney 1, — avec, pour chacune d'elles, une abondante synony- 


1. Le nom Falco Melanaëtus semble avoir été appliqué par Linné (Syst. N., Ed. X, 
1, p. 88) à l’Aigle impérial. Ou alors à un Aigle royal ? La diagnose étant dou- 
teuse, le nom n'a pu être retenu, 


Source : MNHN. Paris 


204 ALAUDA, VII, — 2, 1936, 





mie de laquelle il ressort (comme il ressort des descriptions dont 
elles sont l'objet !) que la première est A. P. pomarina et la seconde 
À. clanga. Mais c’est, cette fois, à clanga (« melanartos » | 1) que sont 
rapportées les références de nidification en France (BarLLy pour 
la Savoie, Lacroix pour les Pyrénées, ete. — voir plus loin….). 


Paris [VII, p. 240] cite les deux Espèces, sous noms Aguila 
clanga PazLas Aigle criard et Aquila pomerana (sie !) Brruu 
Aigle tacheté, Aigle de Poméranie, et, tout en déclarant fort à pro- 
pos la première « de passage irrégulier et rare » et la seconde « en 
général erratique et accidentelle », rapporte à cette dernière les cas 
de nidification soi-disant constatés (« Donné comme quelquefois 
sédentaire dans les régions montagneuses et boisées de l'Est et du 
Sud de la France »). 

Mais remontons, par delà ces auteurs et leurs ouvrages, aux 
sources mêmes où ils puisèrent. Ces sources, si nous éliminons 
les données qui ne méritent aucune espèce de créance par les con- 
fusions évidentes qu'elles révèlent 1, peuvent, je crois, être rame- 
nées sans dommage à quatre. 


B 


Nous trouvons dans Baizix [X, pp. 96-101], sous titre Aigle 
criard où Plaintif (Aguila Planga) (sic !), et avec l'indication des 
«noms vulgaires » « Petit Aigle noir : dans quelques lieux de la 
Maurienne, surtout à Bessans : Aigle de Prusse », une description 
de plumages correspondant tantôt davantage à Aguila clanga 
(taches blanchâtres des juv.), tantôt davantage à Aguila p. poma- 
rina (brun-ferrugineux des adultes). L'Oiseau, qui, rare en Savoie, 
y arriverait fin mars pour en repartir en septembre — non sans y 
passer également, venant d’ailleurs, sur la fin de l'été (généralement 
par petites bandes) — y rechercherait un biotope qui cadre assez 
bien avec celui de son aire de distribution normale (voir ci-dessus). 
Mais le plus intéressant, c'est le récit, par Barcr y, de l'observation 
qu'il poursuivit, trois années consécutives, d’une aire, apparem- 
ment du même couple, placée sur un buisson de Buis croissant 








1. Ainsi les déclarations de 'Hanoxvise 1895, de Macauv D'Aunresson 1897 et de 
Rapor 1898, d'après lesquelles Aguila nævia niche ou à niché dans les forêts de la 
Reine et de Rangival (Meuse), du Grand Cheneau (Meurthe) — où il serait même 
sédentaire ! —, au bois des Essarts entre Noyelle et Favières (Somme), dans la forêt 
de Laucosme (Indre) [rappelées par Eroc, I, p. 90, et van Havas, III D, p. 228]. 





Source : MNHN. Paris 


M. JOUARD SUR LES & AIGLES CRIARDS ) DE FRANCE 205 





entre les fentes d'un rocher (rochers de Mont-Basin, au pied 
de Nivolet)' Tout ce qui a trait à l'aire elle-même, à la taille 
et à la coloration des œufs, aux poussins, correspond assez bien à ce 
que nous savons de la nidification d'Aguila p. pomarina (ef. Heix- 
roru, XVI, pp. 25-26), mais il y a désaccord entre les dires de 
Bay selon quoi l' « Aigle criard » construirait son aire « dans une 
crevasse de rocher ou sur les branches des plus épais buissons qui 
eroissent entre les fentes, très rarement sur les arbres, même les 
plus élevés » et élèverait deux jeunes, et les données des auteurs 
qui, ayant observé maintes fois Aqguila p. pomarina sur ses terri- 
toires allemands et polonais, sont d'accord pour affirmer qu'il 
niche toujours sur les arbres et n'élève guère qu'un de ses pous- 
sins.… 

Taxera-t-on Baïrziy de mauvaise foi ou, plus simplement, de 
fantaisie ? Le passé ae cet ornithologiste de qualité nous interdit 
l'une et l’autre imputation. Alors ? s'est-il trompé d'Espèce ? Et si 
oui, quel autre « Aigle » at-il pris pour l'Aïgle criard ? 


Cowpaxyo [XVII pp. 109-110] écrit, pour le département des 
Pyrénées-Orientales : 

« 3. Aigle eriard, Falco nœvius Linx. ; en catalan Aliga cri-cri. 

Cet oiseau est fort commun dans le département ; il habite les 
hautes régions de nos montagnes. Les Albères, Prats-de-Mollo, 
Montalba, la Font-de Comps, le Capeir sont ses lieux de prédilec- 
tion. Cet Aigle, quoique d'une assez forte taille, n'a pas le courage 
ni la hardiesse des précédentes espèces ; cependant, il se jette sur 
les basses-cours des maisons de campagne isolées, et enlève les 
poules et les pigeons ; mais le cri très aigu qu'il répète souvent 
quand il chasse, donne l'éveil aux métayers, qui le mettent en fuite 
en criant et faisant du tapage. Il fait son aire sur les arbres les plus 
élevés de nos forêts, ou dans les trous des rochers hors de portée 
de l'Homme. J'ai nourri des Aiglons de cette espèce. Ils étaient 
dans un grand appartement ; et, lorsqu'ils furent assez forts, ils 
attaquaient violemment les animaux vivants qu’on leur donnait ; 
les chats étaient de suite dévorés. Après les avoir terrassés, ils 
débutaient par leur enlever les yeux ; leur ouvraient le ventre ; en 
retiraient le foie, qui était le premier viscère dévoré. Je les ai vus 
se disputer ce morceau, qui doit être friand pour eux. Je mis un 
Catharte-Alimoche, déjà fort, puisqu'il était âgé de 5 mois, dans 
le même appartement des Aigles ; il ne fut pas respecté. Quel fut 


Source : MNHN. Paris 


206 ALAUDA. VII, — 2, 1936. 





mon étonnement, le lendemain, de ne voir épars, sur le plancher, 
que des os et les plumes de cet animal ! » 

Or, s’il est certain qu'avec ComPanyo nous avons affaire à quel- 
qu'un de moins avisé, et moins sérieux que BaiLLY (son ouvrage 
abonde en erreurs et en introductions indues d'Espèces étonnantes 
dans la faune des Pyrénées-Orientales !), si nous sommes immédia- 
tement en droit, en l'occurrence, de « tiquer » sur la qualification 
de «fort commun » que ledit Companyo attribue dès la première 
ligne à l'« Aigle criard », il ne nous est pas permis, devant son récit 
d'élevage d’Aiglons, de dire : « Cet homme a menti... ». Là encore 
seule nous reste la ressource de considérer qu'il a confondu... Mais 
avec quoi ? 





Lacroix [XVIIT, p. 19] écrit, pour les Pyrénées françaises et les 
régions limitrophes : 

«7. Aigle eriard Aquila nævia (Briss.). 

Sédentaire et de passage dans notre département. En été, il 
habite les grandes forêts de sapins et de hôtres de nos Pyrénées ; 
en hiver, il descend dans la plaine et arrive même dans les environs 
de Toulouse. 

R. Niche presque régulièrement (ceci concerne la Haute-Garonne). 





Aupe. De passage accidentel ...... TR ne niche pas. 
AriÈèGe. Sédentaire et de passage sur 

les hauts sommets .............. R Niche régulièrement. 
Héraurr. De passage en hiver ..... AR Ne niche pas. 


Haures-Pyrréxées. Sédentaire dans 
les grandes forêts des parties éle- 





vées PC Niche régulièrement 
Tarn. De passage tout à fait acci- 

HÉNDELR PRES et Men A UTIERENeHIChESEeS, 
TaRN-ET-GaroNxE. De passage tout 

à fait accidentel. .......... .... TTT R Ne niche pas. 
PyYRÉNÉES-OrtENTALES. Sédentaire 





sur les hauts sommets des Pyré- 
ES RUES PÉNNNEE PL EEE CRE RE: C Niche régulièrement ! ». 


Sans que rien ici ne vaille, au point de vue « vécu », les précisions 
de BaïLLy sur l'aire qu'il a surveillée en Savoie, ou même la relation, 


4. J'ai transerit ce texte de Lacroix, comme le texte de Couranvo, qui précède, 
tels que me les a obligeamment communiqués notre collègue le Comte pe Boxer DE 
Pacuerers. 


Source : MNHN. Paris 


M. JOUARD SUR LES « AIGLES CRIARDS » DE FRANCE 207 





par Compaxvo, du comportement de ses aiglons captifs, et bien 
que Lacrorx ne soit pas non plus un auteur sans reproches, com- 
ment faire fi d’un texte aussi détaillé ! 


Après avoir écrit, dans son Catalogue de 1911 [XIX, p. 187] 
« 13. Aigle eriard (Aquila nævia Geuin). R. 4: De passage plus 
ou moins régulier ; niche parfois», Lavaupen, en 1920, annotait 
en ces termes un exemplaire de ce Catalogue qu'il envoyait au 
Dr Bureau: «Il s’agit ici de la grande forme d’Aigle criard 
Aquila maculata clanga, tel qu'on devrait l'appeler. La petite 
forme Aquila pomarina n’a jamais été constatée en Dauphiné. J'en 
possède un spécimen tué dans l’Ain en décembre 1918. » 


C 


Quels sont maintenant les examens critiques auxquels ont donné 
lieu les textes ci-dessus ? 

Abstraction faite du mauvais papier d'Eroc [I], je ne vois que 
ceux de van Havre [II, a)], de Lavaunex et Hem pe Barsac 
[IV], de Mayarn [XX]. Or vax Havrr, après des considérations 
généraes sur la nomenclature des Aigles criards et les confusions 
qu'elles expriment, puis l'indication des caractéristiques morpho- 
logiques et de la distribution géographique normale de ces Oiseaux, 
se limite à l’étude des captures belges. Passons aux suivants ! 


Lavaupex et Heim pe Bazsac [IV, pp. 84, note infrapaginale, 
85-86] ont accepté en ces termes le fait (!) de la nidification de 
l « Aigle criard « chez nous : « Sa nidification parait sporadique. 
Elle a été constatée avec certitude dans les Pyrénées-Orientales 
dans les Alpes.., et peut-être dans les Vosges », en spécifiant qu'ils 
rapportaient ces soi-disant nidifications à l'Aigle criard proprement 
dit, ou Grand Aigle criard, Aquila clanga Pazras, lequel passe 
« pour ainsi dire régulièrement dans le Midi de la France », tandis 
que, ajoutaient-ils, « nous n’avons connaissance d'aucun spécimen » 
de l’Aigle pomarin, ou Petit Aigle criard, Aquila p. pomarina 
Breum (dans leur langage Aquila clanga pomarina ?) « capturé 





1. Rare. 

2, Ces auteurs préféraient alors considérer les deux formes d'« Aigles criaris », si 
voisines à tant d'égards, comme des Sous-Espèces, où Races géographiques, d'une 
même Espèce, ou « Rassenkreis », — alors qu'il est aujourd'hui admis qu'on les doit 
considérer comme des Espèces différentes. Qu'on ne se trompe pas sur la note de 


Source : MNHN. Paris 


208 ALAUNA, VII, — 2, 1936. 





authentiquement en France » 1 Et LavauDEN profitait de l'occa- 
sion pour s'expliquer sur son identification erronée de 1920 : « L'un 
de nous possède dans sa collection un Aigle criard, tué à Montluel 
(Aïn), qui est à rapporter à A. clanga, mais dont une aile présente 
le caractère d'A. pomarina ». 

MayauD, dans la partie critique de son Znventaire des Oiseaux 
de France [XX, a, p. 180], sous paragraphe Aquila pomarina 
Pomarina, se contente d'entériner les conclusions précédentes de 
LavauDex et Her DE Bazsac sur le manque de toute certitude 
concernant la venue, en France, d’Aguila p. pomarina. (« 11 appa- 
rait qu'il ÿ a toujours eu confusion avec Aquila clanga PAiLAs 
sensu Harrerr, 1922, ou bien erreur sur la provenance des sujets ») ; 
de déclarer, quant à ce dernier Oiseau : « La nidification d'A. clanga 
PazLas est considérée par L. Lavaunex et H. Heim pe Bausac 
Gi. PF. 0., 1925, p. 85) comme sûre « dans les Pyrénées-Orientales » 
sur le rapport de Companyo et de Lacroix, dont les allégations 
doivent être rejetées comme insuffisamment établies ; eb aussi 
« dans les Alpes », sur la foi de Baizuy et de L. LAVAUDEN, auteurs 
sérieux : la confirmation de ces données semble néanmoins bien 
désirable, en dépit des précisions de BarzLy (Orn. de la Suvoie, I, 
p. 96-101) » ; et d’opposer à une récente note du Dr Rocnox-Duvr- 
GNEAUD, sur laquelle nous allons revenir, une suggestion et un fait 
que nous reprendrons aussi. 








.… Restent, avec les données belges et suisses, les témoignages 
formels de Baïizy, de Comranvo, et ce que le D' Rocmon-Duvi- 
GNEAUD nous a dit des Aigles des Causses et des Pyrénées. 








Kieixscumibr (XXI, p. 24] où cet ornitholugiste aflirme la vraisemblance d'une origine 
<ommune des deux formes d’\igles criards, et, pour cette raison, les réunit dans son 
« Formenkreïs » Praedator Naevianus ! À | ncontre des « Rassenkreise » de Rexscn, 
les « Formenkreise » de Kueinscumir n'ont rien à voir avec l'Espèce telle que nous la 
<oncevons ordinairement, c’est-à-dire avec l’Espèce actuelle, Au reste, Kueinscampr 
s'explique lui-même sur la chose quand 11 ajoute: « Der Systematiker mag sich wei- 
geu beide Adler als Subspecies einer Species anzuschen » ! 

1. Deux aus plus tôt [XXIT p. 254, note 1]. Lavauvex avait déjà spécifié : « Toutes 
les recherches que nous avons faites, dans toutes les collections et 1lans tous les 
musées de France que nous avons visités, et ils sont nombreux, ne nous ont jimais 
montré que des Aguila clanga, au sens adopté aujourd'hui par Harrerr… Nous nous 
trouvons d'accord sur ce point avec notre maître et ami le Dr Bureau »,rectifiant ainsi 
l'identification erronée qu’exprimait son annotation manuscrite de 1920 (voir plus 
haut) 


Source : MNHN. Paris 


M. JOUARD SUR LES ( AIGLES CRIARDS » DE FRANCE 209 





D 





Le « fait nouveau », qui m'a incité à revoir — non sans peines | — 
toute la question, c’est l'observation, produite à nouveau par le 
Dr Rocnon-DuvieneauD, d'un Aigle d'aspect Aquila clanga dans 
les Pyrénées ! Et c'est à son occasion qu'il va nous falloir reprendre 
les textes précédents, non plus cette fois dans un ordre chronolo- 
gique, mais par régions, et, si possible, les éclairer par d’autres 
textes et avis : 


10 Alpes françaises : 

Si LAvaUDEN n'était venu, avec son Catalogue de 1911, puis son 
annotation de 1920, enfin son article de 1925 en collaboration avec 
Hein DE Barsac, répéter qu’un Aigle criard — par lui rattaché 
à Aquila clanga — nichait « parfois » dans le Dauphiné, nous en 
serions restés, sur les Alpes françaises, au vieux texte de BaiLLy, à 
peine confirmé par les auteurs suisses. Mais LAVAUDEN ne s'embar- 
quait pas à la légère ! Mais LavauDEn, grand chasseur autant que 
bon naturaliste, « faisait » du «terrain », et connaissait les Rapaces | 
Si privés que nous soyons de ne plus pouvoir lui demander : « De- 
meurez-vous fidèle à vos écrits antérieurs ? », et obtenir de lui une 
réponse qui, par les précisions qu’il ne manquerait pas d'y joindre, 
nous satisferait, dans un sens ou dans l’autre, nous ne pouvons 
pas rejeter d'un trait de plume ses aflirmations d'il y a quinze ans. 
Reste à les expliquer. si possible ! 


20 Pyrénées françaises : 

Nous avons vu que la qualité des auteurs français du siècle dernier 
qui donnèrent l’ « Aigle criard » (lequel ?) pour nicheur dans les 
Pyrénées laissait autrement à désirer, — que, néanmoins, leurs 
textes comportaient l'énoncé de faits qui valaient aussi qu'on s'y 
arrêtât. Peut-être même n'aurait-on pas songé à mettre en doute 
le bien-fondé de leurs identifications si, à leur suite, les ornitholo- 
gistes visiteurs des Pyrénées avaient tenu le même langage. Or... 

Dépérer [XXII] fait bien figurer « Aguila nævia » dans sa 
liste des Oiseaux sédentaires de la zone montagneuse inférieure 
{moins de 1.500 m. sur mer) des Pyrénées-Orientales ; 

Saunpers [XXIV, p. 383] écrit, certes : 

«107. Aquila clanga, Parz. — The Spotted Eagle is tolerably 
common throughout the wooded mountains ; in Navarre I had 


14 


Source : MNHN. Paris 


210 ALAUDA. VI. — 2. 1936. 





several opportunities of observing it, but as I did non carry a gun 
in Spain, [ could not obtain specimens » : 

mais déjà MreGEmarQuE [XXV, pp. 78-79] (qui réunit sous 
le titre d'Aigle tacheté ou criard F « Aquila nævia » de BriSsoN 
et le Clanga de ParLas) rectifie : « … Quoi qu'il en soit, cet Aigle, 
d’après moi, ne serait que de passage accidentel dans notre région, 
soit qu'il y parvienne du versant espagnol, soit qu'il y passe à 
l'occasion de ses migrations » 1; 

et ni Backnouse [XXVI], ni CLarke [XXVII], ni Wazus 
[XXVIIT] ni Wirnerey [XXIX a) et b)],ni Ticenursr et Wuisr- 
LER [XXX], ni Wuisrcer et Harrison [XXXI] ne citent le 
moindre « Aguila nœvia » pour les Pyrénées et l'Espagne voisine, — 
pas plus, au demeurant, que ne l'avait signalé Locne [XXXI1]... 

Autrement dit, et sauf défaut d'information de mon fait ?, il 
faut attendre jusqu'aux notes de vacances dernières du D' Rocnon- 
DuviGxeaun pour que resurgisse à nos yeux étonnés le spectre, 
si j'ose dire, de l« Aigle criard » des Pyrénées. 












39 Ravins des Grands Causses : 





Là, un seul témoin, mais de poids : le D' Rocnon-Duvieneaun 
[I], que Mavaun ne pourra contredire que sur un point : celui de 
la présence, au moins récente, dans la région (Causse noir), du Cir- 


caëte Jean-le-Blanc Cireaëtus ferox [XX, c), p. 227]... 


IV. — HYPOTHÈSES EXPLICATIVES. 





tous deux 
OMPANYO, 


Six textes, que j'emprunte à WaLus, à WIiTHERB 
déjà cités, et à notre collègue OLrvtER, d'une part ; 
Lacroix et DEpérer, tous trois également cités, d'autre part ; 
me suggèrent une explication : 

Sous le $ Aquila adalberti L. Brenm % de Wazuis [XXVIII, 
p. 82] nous pouvons lire : 











1. D'aucuns s’étonneront peut-être de me voir citer Miécemarour. Le fait est que son 
livre — d'ailleurs émaillé d’anecdotes, voire de plaisanteries, d'un intérêt douteux 
n'est pas exempt d'erreurs. Mais, en chasseur-naturaliste passionné qu'il était, M 
MARQUE a tiré où déniché d'innombrables Rapaces et ne les connaissait pas mal du 
tout, de même qu'il ne connaissait pas mal plusieurs autres espèces montagnardes. 

2. J'ai limité mes recherches aux textes que j'avais immédiatement sous la main. Il 
reste possible qu'en examinant une à une les pages des nombreux auteurs qui trai 
tèrent de l’avifaune des Pyrénées [CF XX et XXXIII] on retrouve trace de l'Aigle 
criard, Cela changeraît-il rien à mes essais d'explications, et À mes conclusions ? 

3. 14 est Aquila heliaca adal berti L. Breux ! 























Source : MNHN. Paris 


M. JOUARD SUR LES « AIGLES CRIARDS » DE FRANCE 211 





« Determining the species of an Eagle on the wing is ticklish 
work, and the field-naturalist’s heart warms towards any bird 
that is at the pains to wear distinctive plumage. 

Twice we saw a dark-coloured Eagle splashed with withe : one 
in the Valle de Ara, whilst following up fresh ibextracks among 
the cliffs, one of these pied Eagles flapped past and was hailed 
as an « Imperial » by Passer, The other occasion I have already 
enlarged upon. This bird was many miles on the French side of 
the frontier. There was a dump-bell-shaped white patch on the 
underside of each wing, the rump of root of the tail showed a large 
expanse of white, whilst the shoulder and fore-edge of the wings 
were Splashed. Our guides said the « Imperial » bred upon the Pic 
Rouge de Pailla, just inside the French fontier. » 


À propos des Aigles royaux de l'Espagne, dont il a examiné divers 
spécimens de collection et qu'il rattache à la race LomeyerèSeverr- 
zow, décrite des Iles Baléares et d'Algérie 1, Wirmerry [XXIX b), 
P. 636] remarque : 

«AI these examples clearly belong to the dark and dull-coloured 
form with the feathers of the crown and nape brown with buff 
tips and not bright tawny. » 


Après avoir traité spécialement de l’Aigle royal, ou Aigle fauve, 
Aquila c. chrysaetos, de l’Aigle impérial espagnol Aquila heliaca 
adalberti, de l'Aigle à queue barrée, ou de Bonelli, Hieraaëtus VE 
fasciatus, de l'Aïgle botté Hieraaëtus pennatns, Ouivien [XXXV, 
pp. 662-664] termine ainsi le paragraphe qu'il consacre à cette 
dernière espèce : 

«Enfin, le 7 septembre 1930, nous trouvant à Luchon, dans le 
Pare des Quinconces, notre attention fut attirée par des cr 
inconnus — de Rapaces ; regardant en l'air nous aperçfimes deux 
Aigles de taille moyenne et à face inférieure foncée traversant la 
vallée. S'agissait-il là de jeunes Oiseaux de Hieraaëins fasciatus 
(en raison de leur taille, ce n'étaient ni des Aigles fauves, ni des 
Aigles bottés), ou au contraire d’une autre espèce ? C’est une ques- 
tion à laquelle nous n’avons pu répondre. » 








1. D'après Kieke Swanx [XXXIV] le nom d'Aomeyeri de Severrzow s'applique au 
même Oiseau que le nom d'occidentalis de Breux, et, en vertu de la loi de priorité 
1889 contre 1883), tombe en synonymie, 


Source : MNHN. Paris 


212 ALAUDA. vu. — 2, 1936. 





De Hieraaëtus fasciatus qui, certainement, habite d’une façon 
normale certaines régions des Pyrénées, et que SAUNDERS, dans 
le travail où il nous parlait d'Aquila elanga, n’a point cité, Cow- 
ranyo et Lacroix écrivent 

le premier [XVII, p. 2] : « Nous n'avons jamais observé cet 
Aigle dans notre département ». 

le second [XVIII] : 


«8. Aigle bonelli, Aguila bonellii La Marnona ex TE. 

L'Aigle Bonelli, appelé aussi Aigle à queue barrée, est de passage 
en automne et au printemps dans notre département ; il suit, 
de préférence, les coteaux ; on rencontre rarement des sujets adultes. 
Un jeune mâle, qui fait partie de ma collection, fut capturé le 
15 octobre 1870, près Portet (10 kilomètres de Toulouse). PC. 
Niche accidentellement (ceci concerne la Haute-Garonne). 











Aune. Tout à fait accidentel ........... TR Ne niche pas. 
Gers. De passage non régulier et isolément TTR Ne niche pas. 
Héraurr. De passage régulier en automne et 

NN EME EE ET ee AR Ne niche pas. 
Haures-Pyrénées. De passage non régulier 

et de loin en loin 
Tanx-Er-GaRONNE. De passage tout à 

accidentel ete 
Pyrénées-OnIENTALES. De pa: 

mais toujours isolément 








TR Ne niche pas. 











TTR Ne niche pas. 








ge régulier, 





AR Ne niche pas. » 





Quant à Dérérer [XXI], il le cite d'abord pour la zone mon- 
tagneuse inférieure, puis le range dans la catégorie des oiseaux 
accidentels des Pyrénées-Orientales… 








L'explication que me suggèrent ces textes ? Les « tenants » 
d'un Aigle eriard dans les Pyrénées n'auraient-ils pas pris pour 
« Aquila nœvia » (vel clanga) des Hieraaëtus fasciatus sombrement 
colorés 1, ou jeunes, comme tels autres y prirent pour des Aquila 









4. On sait combik 
leur coloration ! 


n les Aigles sont variables, individuellement, pour ce qui est de 
n'est-il pas à présumer que Hieraaërus fasciatus se présente par- 
fois sous une « phase nègre » comme celle de son cousin l'Aigle botié Hieraaëtus pen- 
natus si bien étudiée naguère par le D: Bureau [(XXXVI] ? - Lesjeunes .fasciatus 
sont plus foncés que les adultes, et leurs faces inférieures rousses peuvent très bien 
paraître noires, vues de loin sur fond de ciel bleu ou gris ! 








Source : MNHN. Paris 


M. JOUARD SUR LES € AIGLES CRIARDS » DE FRANCE 213 





heliaca adalberti des Aquila chrysaetos tachés de blanc sur fond 

noirâtre ? ? 

# id * 

Je me suis adressé au collaborateur de LaAvauDEN en 1925. La 
substance de sa réponse tient en ces mots : 

« Manquant de renseignements personnels sur les faits de nidi- 
fication admis par LAvVAUDEN, je m'en suis remis à lui. A tort ? 
En tout cas je suis très sceptique. Tout ce qui, dans notre article, 
n'a pas trait à l'Oiseau de la collection d'HAMoNvILLE et aux carac- 
tères différentiels des deux espèces d’Aigles dits criards reste à 
vérifier .» 

* * * 

J'ai donc prié le D' Rocnon-DuvieneauD d'envisager un à un 
les divers cas de confusions d'Espèces possibles. D'où ce dialogue, 
consigné dans plusieurs lettres : 

— Aigle botté Hieraaëtus penratus, variété sombre, ou « phase 
nègre » pour reprendre la terminologie du D' Bureau ? 

— Non ! « Mon » Aigle noir et tacheté est bien plus grand que 
l’Aigle botté ! 

— Aigle royal Aquila chrysaetos, jeune à plumage particulière 
ment foncé et taché de blanchâtre ? 

Non ! « Mon » Aigle est nettement plus petit ! 
— Aigle impérial Aquila heliaca adalberti adulte ? 
— Non ! « Mon » Aigle est encore plus petit ! D'ailleurs, même 

si j’admettais de rapporter à l’Aigle impérial mon Aigle noir et 

tacheté des Pyrénées — ce que je n’admets pas ! — resterait celui 

des Causses pour lequel cette assimilation ne serait même pas à 

envisager. 

— Aigle à queue barrée, ou de Bonelli, Hieraaëtus fasciatus, qui 
est bien, lui, de la taille moyenne de « vos » Aigles ; dont les jeunes 
peuvent apparaître, à distance et sous certains angles ou lumières, 











1. Je ne parle pas pour Ouvir, qui, lui, semble parfaitement distinguer les deux 
espèces in natura | Mais je ne serais pas étonné que, par exemple, les deux Aigles 
décrits par Wauuis dans le $ de son travail cité plus haut eussent été des Aguila chry- 
saetos | 

2. A l'encontre de l’Aigle royal qui, en vieillissant, passe souvent du plus foncé au 
plus sombre, l’Aigle impérial, d’une nuance générale claire {d'un isabelle roussâtre chez, 
la race adalberti l) en premier plumage, foncit en vicillissant jusqu'à devenir — à 
l'exception de ses épaulettes blanches et de sa nuque jaune-roussâtre — presque noir. 





Source : MNHN. Paris 


2414 ALAUDA. VII, — 2. 1936. 





tachetés de blanchâtre sur fond noirâtre ; dont il existe peut-être, 
au surplus, une variété mélanique non encore décrite ; dont la 
voix rappellerait celle des Aigles criards 1; à la férocité duquel corres- 
pondrait bien la scène de carnage narrée par CompanYo ; qui pond 
deux ou trois œufs dans une aire située tantôt dans les rochers 
et tantôt sur les arbres (plus rarement !) ; que Sauxners et autres 
n'ont pas vu, ou méconnurent, dans les Pyrénées où‘il vit cependant : 
dont il ne serait pas impossible qu'il habitât pareillement les 
Causses et même qu'il montât, par delà le Dauphiné, jusqu'en 
Savoie (où nichent plusieurs autres Espèces méridionales) ? 

— Il me serait tout à fait indifférent que « mes » Aigles fussent 
des Bonelli « nègres ». Mais d’abord, y a-t-il des Bonelli « nègres » ? 
Noirs comme des Taupes, avec de belles taches blanches sur et 
sous les ailes, une queue moyenne, un vol de planeur plutôt mou, 
et piaulant perpétuellement 








Et croyez-vous que les gens du Tarn inventent la nidification 

© de leur « Aclo sarpatiéro » sur les Pins ? 

Sans doute on voudrait revoir tout cela, mais ce n'est pas com- 
mode, parce qu'il y a certainement moins d'Aigles qu'autrefois. 
11 faudrait avoir le temps d'aller en mai et juin passer deux ou trois 
semaines dans le détroit des gorges du Tarn, dans les ravins boisés 
qui se jettent dans ces gorges et celles de la Jonte…. C'est là, vrai- 
semblablement, qu'on aurait le plus de chances de rencontrer 
l'Oiseau. Les explorations y sont plus faciles que dans les Pyrénées, 

moins fatigantes 





plus limitée: 





En attendant, puisqu'on a effectivement trouvé des Aguila clanga 
en Camargue, pourquoi ne pourraient-ils pas venir jusque dans 
les gorges du Tarn et les Pyrénées ? Je crains que vous n'alliez 
contre les faits... 


V. — VERS UNE CONCLUSION... 


Et c’est cette dernière phrase du D' Rocnon-DuviGnEauD qui, 
tout naturellement, m'amènera à ma conclusion. Une conclusion 
— provisoire, hélas ! — en trois parties : 


1. D'après ExGermanx [XXXV; p, 224] : « Auch die Stimme des Habichtsadler 
erinnert weit mehr an die des Habichts als des Steinadlers. Er lässt recht oft ein 
laut kie, kie, ki, ki, ki erschallen » 


Source : MNHN. Paris 


M. JOUARD SUR LES & AIGLES CRIARDS à DE FRANCE 2415 





Pourquoi est-il improbable qu'un « Aigle criard » niche, ne fût-ce 
que localement, dans les Alpes, les Pyrénées, les Causses ? 

S'il en nichaïit un, serait-ce Aqguila pomarina plutôt qu'Aquila 
clanga, ou inversement ? 

En attendant la preuve que, seule, constituerait la récolte sur ses 
places de ponte d'un des Aigles mystérieux de BaïLzy, de Com- 
PANYO, de Lacroix, de SaunDERs, du Dr RocHon-DuvIGNEAUD, 
comment signaler, dans une faune de France, les Aigles criards ? 


A. — Pour expliquer que tant d'auteurs du siècle dernier aient 
donné « Aquila nœvia » pour nicheur sous nos latitudes:et qu'au- 
jourd’hui le Dr Rochon-DuviGneaup seul nous en reparle en tant 
que tel, on pourrait être tenté de dire qu’à l'instar de tant d’autres 
Espèces cet Oiseau s’est : d’une part retiré en direction Nord-Est 
sur un secteur toujours plus restreint (la Grande Outarde Olis tarda, 
par exemple, ne nichait-elle pas communément en France autre- 
fois ?) ; d'autre part raréfié là où, par exception, il se maintenait 
encore à l’état de «taches » (comme se maintient à l’état de taches, 
dans quelques (?) coins de la Meuse et des Vosges, le Gobe-mouches 
à collier Muscicapa c. collaris, partout éteint, comme nicheur (?), 
dans le reste de la France). 

Mais pour que cette thèse fût assise, il faudrait que, dans les 
pays situés immédiatement à l'Est du nôtre, on eût assisté à cette 
régression et à cette raréfaction. Et ce n’est pas le cas ! Ainsi, en 
Allemagne, on n’a jamais, que je sache, signalé la présence prin- 
tanière ou estivale d'Aguila p. pomarina (la plus occidentale, 
ne l’oublions pas, des deux Espèces naguère plus ou moins confon- 
dues sous le nom d’Aguila nœvia) à l'Ouest de Hanovre, — et 
encore sa présence dans le Hanovre a-t-elle été mise en doute par 
divers auteurs ! 

Si un Aigle criard était effectivement nicheur chez nous, il fau- 
drait done admettre : 1° une solution de continuité énorme entre 
ses deux aires de distribution ; 20 que les deux « branches » géo- 
graphiques de l'Espèce ont choisi, pour y vivre, des biotopes abso- 
lument différents : l’une les bords boisés des fleuves, des lacs 
et des prairies humides ; l'autre les forêts montagnardes, fussent- 
elles les plus sèches. Et c'est cette ségrégation double, géographique 
et écologique, d'une Espèce qui, malgré des « précédents » (le 
Venturon montagnard Carduelis citrinella, par exemple, peuple, 
dans les Alpes et les Pyrénées, les forêts subalpines, — tandis qu'en 





Source : MNHN. Paris 


216 ALAUDA. Vi. — 2, 1936. 





Corse il vit aussi dans le maquis sans arbres au niveau de la mer), 
justifie un doute a priori. 


B. — A consulter la carte de l'Europe on serait tenté de dire, 
dans l'hypothèse d’un Aigle criard nicheur chez nous : c’est plutôt 
l'Aigle pomarin ! Puisqu’il habite déjà l'Allemagne (et done que 
la troublante solution de continuité serait réduite) ! 

Mais : {0 on sait aujourd'hui que cet Oiseau migre en direction 
générale Sud-Est; 20 on n’a pour ainsi dire (voir plus loin !) aucune 
pièce de collection ou de musée prouvant sa présence chez nous 
(et s'il y avait niché aussi communément que le voulaient les an- 
ciens auteurs, comment ce défaut radical serait-il possible ?) 
30 il apparaît également accidentel dans les collections belges et 
suisses : 40 la plupart des descriptions portent sur un Oiseau très 
foncé, p'us ou moins tacheté de blanc, de taille assez forte (« presque 
l’envergure d’un Perenoptère », précise le D'Rocnex-DuvI@NEAuD), 
qui rappelle bien plus Aquila clanga qu'Aquila p. pomarina ?. 

Autrement dit : Admettrait-on qu'un Aigle criard habitât loc 
lement chez nous (Alpes, Pyrénées, Causses ?), qu'il conviendrait 
de le considérer plutôt comme Aquila clanga que comme À. p. 
pomarin«. 














C. — Une seule certitude : c’est qu'Aquila clanga passe, chez 
nous, pas trop rarement, surtout dans le tiers méridional de notre 
pays. D’assez nombreux spécimens naturalisés en témoignent. 

Une probabilité : c’est qu'il arrive à Aquila p. pomarina de s'éga- 
rer chez nous. Si, voici treize et onze ans, LAVAUDEN s'exprimait 
comme nous l'avons vu, il n’en reste pas moins qu'en Belgique, en 
Suisse, et en Italie (surtout l), l'Espèce a été sûrement constatée 
— et récoltée. La défunte revue internationale Orxis porte d'ail- 
leurs une référence qui pourrait bien avoir échappé au DT Bureau 
et à Lavaupex (?), une référence dont le bien-fondé n'aurait done 
pas été nié par un examen ultérieur rectificatif de l'Espèce d'Oiseau 
qu'elle concerne : la référence d’un ; ad. récolté en octobre 1887 
dans la région de Nice et qui figure (ou figura) dans la collection 
Piecui [XXXVII]. 











1. Le Dr Rocnox-Duvixeaub m'a écrit encore, en date du 30 novembre 1935 : « Mon 
Aigle des Pyrénées ressemble essentiellement au Grand Aigle criard de Keeinsemr 
(Die Raubvügel der Heïmat, planche 24), et particulièrement au « ganz dunkler Stüch 
mit weissen Schuiterflecken » qu'a déjà décrit Harrerr ». 


Source : MNHN. Paris 


M. JOUARO SUR LES GAIGLES CRIARDS » DE FRANCE 217 





Une possibilité : c'est que certains couples d’Aquila clanga, à 
l'issue d’un de leurs déplacements migratoires, restent nicher chez 
nous, — ou qu'il existe, dans certaines régions privilégiées de notre 
territoire continental, des « taches » Aquila clanga aujourd'hui 
(et depuis des siècles, sinon des millénaires !) non seulement sépa- 
rées par des milliers de kilomètres des populations orientales de 
l'Espèce mais encore dont l « évolution » s’est poursuivie dans un 
autre sens (puisque leurs biotopes ne correspondent plus). Mais, 
encore une fois, de cette possibilité à l'introduction d’Aquila clanga 
parmi les Oiseaux nicheurs de France reste l'immense marge de la 
preuve nécessaire, que seule peut combler la récolte, de mai à juillet, 
d’un Oiseau « cantonné » et du contenu de son aire. D'autant que, 
sans aucun doute cette fois, la plupart des auteurs ont attribué à la 
pseudo-Espèce « Aquila nœvia » tantôt des Aigles royaux de petite 
taille et marqués de clair sur fond sombre, tantôt de vieux Aigles 
impériaux très «noir ét blanc »,tantôt des Aigles bottés « nègres » (11), 
tantôt — le plus souvent ? — des spécimens foncés d’Aigle à queue 
barrée. 


Décembre 1935-janvier 1996. 


BIBLIOGRAPHIE 


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Source : MNHN. Paris 


218 ALAUDA, VIII. —.2. 1936. 





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XIX. Lavau»en (L.) : Catalogue des Oiseaux du Dauphiné, contenant les 
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XX. Mayau (N.) : a) Inventaire des Oiseaux de France (avec la collaboration 
d'Henri Herx pr Bazsac et Henri Jouanp).Editions de la Société 
d'Etudes ornithologiques ; Paris, 1936. 

— 6) Essai d’une bibliographie ornithologique des Pyrénées françaises. 

Alauda, 1934, pp. 375-387. 

— 6) Coup d'œil sur l’avifaune des Causses. Alauda, 1934, pp. 222-259. 
XXI. Kueiseuminr (D O.) : Die Rauboôgel der Heimat : Leipzig, 1934. 
XXII. Lavaunex (L.) : Sur les Oiseaux des Alpes-Maritimes (en réponse 

à la liste du Commandant Cazior). Revue française d'Ornithologie, 
1924, pp. 250-255. 

XXIIL. Dévéner (Ch.) : Caractères de la faune ornithologique des Pyrénées- 
Orientales et des particularités qu'elle présente. Bulletin de la So- 
ciété agricole, scientifique et litéraire des Pyrénées-Orientales ; Per- 
pignan, 1881 [1882], XXV, pp. 78-102. 

XXIV. Saunoers (H.) : Notes on the Birds of the Pyrenees. The Ibis, 1884, 
pp. 365-392, 

XXV. Miécemarque (H.) : Chasses pyrénéennes ; Gaillac, 1902. 

XXVI. Backnouse (J.) : Observations in the Eastern Pyrenees. The Ibis, 
1887, pp. 66-74. 

XXVIL. Cranxe (W. Ea le) : On the ornithology of the Valleys of Andorra 
and the Upper Ariège, and other Contributions to the Avifauna of 
the Eastern Pyrenees. The Zbis, 1889, pp. 520-552. 











1 





















Source : MNHN. Paris 


M. JOUARD SUR LES ( AIGLES CRIARDS } DE FRANCE 219 





XXVIIL Wazus (H. M.) : Notes on the Birds of the central Pyrenees. The 
Ibis, 1895, pp. 64-85. 

XXIX. Wirnersy (H. F.) : a) Results of a collecting trip in the cantabrian 
mountains, Northern Spain. The Ibis, 1925, pp. 323-345. 

— ») On the Birds of central Spain, with some notes on those of south- 

east Spain. The Ibis, 1928, pp. 385-436 et 587-663. 

XXX. Ticenursr (CL. B.) et Wiisruer (H.) : a) A contribution to the Orni- 
thology of Navarre, Northern Spain. The Ibis, 1925, pp. 443-460. 

— 5) On the summer Avifauna of the Pyrénées-Orientales. The Ibis, 

1927, pp. 284-310. 

XXXI. Wmsrsen (H.) et Harrison : Some autumn observations of the 
Avifauna of the western and central Pyrenees. The Ibis, 1930, 
pp. 453-470. 

XXXII. Locne (M.) : Observations ornithologiques faites en 1851 dans les 
Pyrénées. Actes de la Société linnéenne de Bordeaux, 1852, XVIII 
(2 série, VIII), pp. 80-90. 

XXXIIL Paizveners (Comte pe Bonner pe) : À propos de la bibliographie 
ornithologique des Pyrénées françaises. Alauda, 1934, p. 562. 

XXXIV. Kinke Swanx : dansle Bulletin British Ornithology Club, XLV, 
pp. 70 et 72. 

XXXV. Ouvier (G.) : Observations sur les oiseaux des Pyrénées centrales. 
L'Oiseau et la Revue française d'Ornithologie, 1932, pp. 658-678. 

XXXVI. Bureau (Dr L.) : L'Aigle botté, Aquila pennata (uvre), d’après 
des observations recueillies dans l'Ouest de la France. Association 
française pour l'avancement des sciences, Congrès de Nantes, 1865. 

XXXVIL. Excrzmanx : Die Raubvôgel Europas ; Berlin, 1928. 

XXXVIIL Prcemr (C.) : Elenco Degli Uccelli conservati nella sua colle- 
zione ornitologica italiana al 29 Febbraio 1904 con notizie intorno 
alla distribuzione e nidificazione in Italia. Ornis, 190%, p. 386. 





Source : MNHN. Paris 


NOTES 
SUR QUELQUES ESPÈCES D'OISEAUX 
OBSERVÉES 
A LA STATION ORNITHOLOGIQUE 
DU PORT DE CHOISEUL-LA-VILLE 
PRÈS DE VERSOIX (LÉMAN) 





par Robert Poncy. 


C'est bien involontairement que Cuoiseur, le célèbre ministre 
de Louis XV, fut le créateur d’une station ornithologique ! Encou- 
ragé par VorraiRe, il décida de fonder à un kilomètre au Nord 
du village de Versoix une ville rivale de Genève, et, pour cela, 
construisit en 1767 une route destinée à relier la nouvelle ville 
avec Lyon, route partant d’un magnifique port où les barques à 
voiles latines pourraient s’abriter et « où le Roy pourrait aller se 
baigner dans le Léman sans sortir de France » 1. 

Hélas ! la ville ne vit jamais le jour et il ne reste plus du fameux 
Port Choiseul que des ruines ; ce sont elles qui nous intéressent 
puisqu'elles servent aujourd'hui de Station ornithologique, c’est- 
à-dire de lieu de repos soit pour les Oiseaux migrateurs soit pour 
les Oiseaux séjournant dans les environs. 

De larges maçonneries courant à fleur d’eau entre un millier 
de piquets en Chène d’un pied de diamètre, rongés par les vagues, 
forment un quadrilatère d'environ 200 mètres de côté avec angles 
saillants arrondis et dont l'entrée au levant est à l’abri des vents 


1. Dict. géog. suisse, t. 6, p. 323. 

Voici ce que dit Laranve dans son 7raité des Canaux de Navigation: « M. Râcle 
entrepreneur des travaux de Versoix est le premier qui ait établi sur le lac des barques 
marchandes ; il fit venir des charpentiers de Toulon pour faire une barque sur de 
bons principes (1778). » 

D'après la Biogr. univers., t. 35, Léonard Râcle de Dijon (1736-1791), architecte 
de Voltaire à Ferney, recommandé à Choiseul, établit les plans du Port. 


Source : MNHN. Paris 


M. PONCY SUR LE PORT DE GHOISEUL-LA-VILLE 221 





du Nord-Est et du Sud-Ouest !. L'intérieur du port, d'une profon- 
deur de 2 à 3 mètres, est tapissé d'Algues où se trouvent suivant 
les saisons de nombreux Poissons et des Insectes ; lors des basses 
eaux il est bordé par une grève sur laquelle s’écoulent des sources 
et un canal provenant de la rivière la Versoix. 

Ce port est situé entre deux centres ornithologiques importants : 
l'embouchure de la Versoix au Sud et les Gouilles de Mies au Nord, 
centres d’où les ornithologistes et les collectionneurs genevois 
Huser, Le CLerc, Junine, les De Saussure, NECKER, GOSSE, 
Mazcer, Lunez, les Faro, recevaient une partie de leurs spéci- 
mens. 


La plupart des espèces d'Oiseaux se montrant au passage où 
occasionnellement en ces lieux sont les mêmes que celles que l'on 
observe sur beaucoup d'autres points analogues du rivage léma- 
nique ; entre autres : Corvus corone L., Anthus spinoletta L Mota- 
cilla cinerea Tuxsr., Motacilla alba 1, Cinclus cinclus L., Hirundo 
rustica L., Delichon urbica L., Riparia riparia L., Alcedo atthis L., 
Nyroca ferina L., Nyroca fuligula L., Glaucionella clangula L., 
Mergus serrator L., Podiceps cristatus L., Podiceps nigricollis 
Breuw, Podiceps ruficollis PazLas, Tringa hypoleucos L., Larus 
canus L., Larus ridibundus L., Fulica atra L. 

D'autres espèces nous ont fourni des notes intéressantes, que 
nous relevons ci-dessous : 





Mergus merganser L. Harle bièvre. — Cette belle espèce tend 
de plus en plus à se propager depuis l'adoption de la nouvelle loi 
sur la chasse lacustre. De temps à autre un couple aborde les pierres 
de l'enrochement ; il est probable que des tentatives de nidifica- 
tion ont été faites à proximité. 

Un couple d'adultes : 21 avril 1935, 10 et 15 avril 1936 (en 
février 1935 un couple fut tué). 


Phalacrocorax carbo L. Grand Cormoran. — Cette espèce se 
montre presque chaque année par la pluie et les vents du S.-0. 

Le 13 novembre 1895 7 individus jeunes et adultes s'étant posés 
sur les piquets furent presque tous tués !, En octobre 1897 2 adultes, 


4. Ces constructions n'émergent pas toujours de la même quantité, car le niveau du 
lac Léman est soumis à des variations allant, suivant les années, d'un mètre au-des- 
sous de l'extrémité des piquets jusqu’à quatre-vingts centimètres au-dessus. 

2 Sauferreur, 2 ou 3 sur les piquets même, puis 2 ou 3 autres parles chasseurs 
sur le lac. 


Source : MNHN. Paris 


222 ALAUDA, VI. — 2, 1936. 





de même. Noté encore { individu les 9 octobre 1901, 29 octobre 
1905, 17 octobre 1926, et 5 individus le 12 octobre 1917. 

Le 11 avril 1934, venant du large, je m'approchais en bateau 
d'un individu plongeant dans le port et survolé par une cinquan- 
taine de Mouettes rieuses. Sortant de l'eau, il se percha sur un 
piquet, puis, lorsqu'il me vit à une cinquantaine de mètres, prit 
son vol et alla se poser au large, toujours accompagné des Mouettes. 

Philomachus pugnax L. Chevalier combattant. — A l’époque où 
la chasse était encore autorisée sur le lac, au mois de mai, un mâle 
de cette espèce, fort peu sauvage, fut observé sur la digue puis tiré. 
Il avait déjà les oreilles du plumage de noces. 


Tringa totanus L. Chevalier gambette. — Anciennement, le 
matin, avant le lever du soleil, les chasseurs tiraient dans ces pa- 
rages les diverses espèces de Chevaliers, mais je n'ai pas de préci- 
sions à ce sujet. 

Le 10 avril 1936, je pus observer longuement 3 Gambettes cou- 
rant sur la digue et ayant parfois de l’eau jusqu'au ventre. Con- 
tinuellement pourchassés par les Rieuses ils finirent par s'en aller en 
répétant leur cri : Hlui-tu-tu. 





Numenius phacopus L. Courlis corlieu. — Le 15 avril 1936 un 
individu dort au sommet d’un des plus hauts blocs, et je peux l'ap- 
procher de très près. Un Milan noir Mileus migrans, qui vient ramas- 
ser un Poisson mort, réveille brusquement le Corlieu qui s'envole 
alors en criant : tiurlitututu. 


Haematopus ostralegus. L. Huitrier pie. — Cet Oiseau, qui se 
montre sur les gros blocs des bords du lac, de temps à autre, m'a 
été signalé le 27 septembre 1903. 


Parmi tous les Oiseaux fréquentant ces lieux, les Laridés, et plus 
spécialement les Hirondelles de mer, ou Sternes, sont des plus inté- 
ressants. [Is passent la nuit sur les piquets puis, au lever du jour, 
partent à la chasse des Insectes ou des petits Poissons, allant au 
Sud jusqu'à Bellevue et remontant au Nord jusqu'à Coppet en sui- 
vant le bord. Vers le milieu du jour ils reviennent aux piquets sur 
lesquels ils font leur toilette et se reposent ?. 








1 L'ornithologiste Le CLerc, qui chassait dans les environs de la Versoix, ne con- 
nut pas ce port, construit vingt ans après sa mort Par contre L.-A. Necker, qui 
chassait dans ces parages avec son oncle pr SaussuRE, captura à plusieurs reprises 
des Hirondelles de mer. 


Source : MNHN. Paris 


M. PONCY SUR LE PORT DE CHOISEUL-LA-VILLE 223 





Chlidonias nigra L. Guifette noire. — Aux deux passages, visi- 
teuse régulière de la digue, où elle vient coucher. Parmi les der- 
nières observations, je note : 80 individus environ au coucher du 
soleil, le 30 avril 1933 ; 6 le 22 avril 1934 ; 20 le 12 mai 1935 ; 8 le 
1er octobre 1933. Se pose aussi sur les bouées et les objets flot- 
tants ; je ne l'ai jamais vue sur l’eau. 


Chlidonias leucoptera Temmincx. Guifette à ailes blanches. — 
Se trouve quelquefois au printemps dans les vols de Chlidonias 
nigra, comme par exemple le 28 mai 1916. 


Chlidonias leucopareia Temmincx. Guifette à moustaches. — 
Plusieurs individus se sont montrés les 2 mai 1897 et 24 juin 1906. 


Gelochelidon nilotica Guerin. Sterne hansel. — Entre les 19 et 
25 mai 1891, un individu adulte en plumage de noces fut capturé ; 
c'était en plein passage des Guifettes noires. 


Hydroprogne caspia PaiLas. Sterne caspienne. — La citation 
de Necker dans son ouvrage sur les Oiseaux de Genève (1823) est 
intéressante : « Enfin, un oiseau non moins rare s'est offert à moi 
une seule fois, l'Hirondelle de mer Tchegrava (Sterna caspia), 
nommée par Burron l'Hirondelle de la mer Caspienne. Cette es- 
pèce, qui n’avait encore jamais été vue aux environs de Genève 
n'a pas reparu dès lors. L'individu qui me fut apporté en avril 
1812, au moment où on venait de le tuer dans le port de Versoix, 
fait maintenant partie du Musée de Genève. C’est un beau mâle 
adulte en plumage de printemps qui se trouvait au milieu d'une 
troupe de Pierre-garins ; ce ne fut qu'après une poursuite de deux 
heures qu'on parvint à s’en rendre maître. Les chasseurs et les 
pêcheurs les plus âgés n'avaient jamais vu un oiseau semblable. Il y 
avait au même moment un autre oiseau de la même espèce et que 
je suppose être la femelle ; quoiqu'il reparût de temps en temps 
les jours suivants dans le port de Versoix, on ne put jamais par- 
venir à le tuer ». 


Sterna dougalli MonraGu. Sterne de Dougall. — [D'après G. Lu- 
NEL, dans ses Notes supplémentaires au Mémoire de L. A. NECKER 
(1863)]. Deux individus de cette belle espèce en livrée de noces 
furent tués en cet endroit en mai 1860 1. 


1. 11 est probable que la Sterne naine, Séernula altifrons Pairas, se montre aussi 
dans ces parages, mais je ne possède aucune citation, 


Source : MNHN. Paris 


224 ALAUDA. vit, — 2, 193 








Sterna hirundo L. Sterne Pierre-Garin. — Noté l'arrivée de cette 
espèce au port Choiseul : 10 avril 1904 1 couple ; 13 avril 1921 1 in- 
dividu ; 15 avril 1924 id. ; 14 avril 1933 2 couples ; 11 avril 1934 
6 couples ; 16 avril 1935 1 couple ; 10 avril 1936 1 individu ?, 

Après avoir chassé les Insectes (Phryganes) et les petits Pois- 
sons (Ablettes) le long du bas fond ou « beine » des bords du lac, 
elles viennent se reposer soit sur les piquets ou les blocs des digues, 
soit sur les bouées des filets de pèche ? ; elles se posent très rarement 
sur l’eau. De temps à autre le mâle vient offrir un petit Poisson 
à sa femelle en le déposant sur le bloc où elle se trouve, comme je l'ai 
observé le 26 avril 1936. C’est l’coffrande » (voir fig. 2) 3. 





Fic, 1, — Avec un peu de patience le jeune observateur pourra bientôt 
observer l'offrande du mâle de Pierre-Garin à sa femelle. 


Je suppose que, comme en Angleterre, les Oiseaux de cette 
espèce continuent à arriver ou à passer au printemps pendant 
plusieurs semaines, errant dans les ports ou le long des grèves ; 


1. On voit souvent à leur arrivée des couples pêchant dans les ports des côtes du 
Léman : 20 avril 1917 1 couple, port de Nernier;15 avril 1933 1 couple, portde Nyon ; 
30 avrit 1933 1 couple, port de Thonon ; 22 avril 1934 2 couples, au même endroit ; 
16 avril 1935 4 couple, port de Morges. 

2, Car qui dit « pêcheur » dit « het » et par conséquent bouées pour le repos et 
Poisson pour la nourriture; l'observateur se rend compte que pêcheurs, filets et 
bouées, Poissons et Pierre-garins font un tout. 

3. Jai aussi observé un autre manège dans le port de Vernier, ainsi qu'à Thonon. 
Le mâle fait le tour du port en se précipitant dans l'eau avec violence, mais sans 
jamais ressortir avec quoi que ce soit au bec, Puis, tout à coup, les Poissons ayant 
été probablement rassemblés par ce manège, la femelle arrive, plonge et ressort avec 
un Poisson, 





Source : MNHN. Paris 


M. PONCY SUR LE PORT DE CHOISEUL-LA-VILLE 225 








Croquis de Robert Prical. 


Fig. 2. — Le mâle va déposer le Poisson sur 1 
qui le reçoit en criant : Xüroë 





pierre, devant sa femelle 
… kii-vât.. kit-vût. 








Croquis de Robert Prical. 





Fic. 





— Par son cri : Kriid.. kip-kip… kri 
signale à sa femelle trop confiante l'approcl 






- kip-kip.. Je mâle 
e d'un intrus. 





15 


Source : MNHN. Paris 


226 ALAUDA. VII. — 2. 1936. 





puis à partir du 15 mai d’autres arrivants se rendent directement 
sur les lieux de ponte de la côte de Savoie ?. 


Larus argentatus Ponroprinan. Goéland argenté. — NECkER, 
dans ses Notes ornithologiques ?, dit : « le 30 août 1816 on m'a 
apporté de Versoix un « Grisard ». Dimier l'avait vu depuis quel- 
ques jours donnant la chasse aux Mouettes ». Le terme de « Grisard » 
désigne les jeunes Goélands argentés qui se montrent à cette 
époque de l'année sur notre lac. Dans une collection de Versoix 
se trouvait un fort bel exemplaire adulte de cette espèce qui de- 
vient de plus en plus rare sur le Léman #. 


Larus canus L. Goéland eendré. — Se montre en hiver et au 
printemps avec les Mouettes rieuses dès que les eaux baissent et 
laissent émerger le sommet des bloes ou des piquets. Noté les 
derniers, 2 adultes et 2 immatures, le 10 avril et 1 adulte le 22 avril 
1936. 


Larus minutus L. Mouette pygmée. — Se pose sur la grève ou sur 
le môle. Jeunes individus isolés les 2 décembre 1900, le 26 décembre 
1908, et fin décembre 19. 





Larus ridibundus L. Mouette rieuse. — Se montre presque 
toute l’année en vols plus ou moins considérables ; elles fait toute 
Ja journée un bruit assourdissant, surtout au passage du printemps. 
Le 15 avril 1936, sur environ 400 individus je note au moins une 
vingtaine de jeunes à queue barrée et à capuchon complet. 

Le 19 avril 1936, par temps magnifique après gel nocturne, les 
bulletins météorologiques signalent d’abondantes chutes de neige 
sur tout le parcours du Rhin; c'est probablement la cause pour 
laquelle environ 750 individus sont rassemblés au lever du soleil 
sur les piquets du port Choiseul. Lorsqu'ils s'envolent, leurs cris 
ne cessent pas et ils forment alors un nuage serré cachant le soleil. 

Le 22 je n’en compte plus que 260, et le 26 une dizaine. 





1, Pour tout ce qui concerne les mœurs des Hirondelles de mer, consulter le bel 

ouvrage illustré de George et Anne Marpzes, Sea Terns or Sea Siwallows, London, 

1934. 
2. Publiées par R. Powcv, Bull. Soc. Zool. Genève, t. M, f. 8, 1916, p. 140. 

J'ai capturé un « Grisard » dans une compagnie de 8 sujets groupés avec des 

Guifettes noïres et des Rieuses devant le Port-Choiseul, le 5 septembre 1889. 





Source : MNHN. Paris 


M. PONCY SUR LE PORT DE CHOISEUL-LA-VILLE 227 








Je trouve sur le mêle, parmi une douzaine de pelotes dégorgées 
par les Rieuses et composées d’ossements d’Ablettes (Alburnus 
lucidus L.) une pelote composée d’une vingtaine de fourreaux 
sablonneux de la larve d’un Phrygane, le Leptocerus aterrimus 
STEPH. 


Mannscrit reçu à Alauda le 25 mai 1936. 


Source : MNHN. Paris 


NOTES SUR QUELQUES OISEAUX 
DU CHABLAIS 


par Gérard BERTHET. 


Depuis un certain nombre d'années, nous faisons dans le Haut- 
Chablais des séjours qui, pour être courts, ne nous ont pas moins 
permis de déterminer quelques espèces sédentaires, estivales ou de 
passage de la faune avienne de cette intéressante région. 

Le Chablais se place au Sud du lac Léman ou plus exactement au 
Sud de la partie côtière comprise entre Yvoire et Saint-Gingolph. 
Il est limité à l'Ouest par le Genevois, à l'Est par la frontière 
suisse, au Sud par le Faucigny. Une vallée médiane le partage à peu 
près en deux, c’est la vallée de la Grande-Drance, qui se jette dans 
le lac de Genève aux environs de Thonon. Sur cette Grande- 
Drance, vient s'embrancher quantité d’autres vallées, au fond des- 
quelles coulent de Petites-Drances, la principale étant la vallée 
d'Abondance avec la Drance-d'Abondance. 

Mes modestes observations ont été faites de part et d'autre de la 
Grande-Drance, principalement dans le haut cours de sa vallée, 
non loin de la frontière suisse, et en particulier sur le territoire des 
communes de Saint-Jean d'Aulph, Essert-Romand, la Côte d'Ar- 
broz, Montriond, Morzine, les Gets et Samoëns (partie Nord). 
Ces lignes pourraient done être une sorte de complément, sans 
prétention d’ailleurs, aux Notes ornithologiques concernant le 
département de la Haute-Savoie, de Robert Poxcy 1, notes qui 
nous ont semblé concerner la partie « basse » du Chablais et, en 
particulier, la côte lémanaise. 

Nos séjours, comme nous l'avons dit, toujours assez courts, 
(45 jours, 3 semaines ou Î mois au maximum) se firent, sauf de 
rares exceptions, entre deux dates extrêmes : 15 août, 15 octobre. 





1. Alauda, n° 1, 1933, pp. 27-32 ; n° 1, 1934, pp. 38-46 ; n° 2, 1935, pp. 170-166. 


Source : MNHN. Paris 


M. BERTHET SUR LE CHABLAIS 229 





Aussi, quoique l'époque des nichées soit, en ces lieux, tardive, vu 
l'altitude 1, n'avons-nous pu faire que de rares observations sur la 
nidification des espèces, — observations basées sur quelques nids 
et le plus souvent sur de jeunes individus venant de sortir du nid, 
se faisant nourrir, ete. Nous indiquerons la date de ces observa- 
tions. Pour les autres espèces, nous indiquerons, lorsqu'il y aura 
lieu, la probabilité de leur nidification. 

Pour les espèces constituant la faune cynégétique du Haut- 
Chablais, nous ne donnerons que des dates sans préciser les com- 
munes sur les territoires desquelles elles pourraient être rencon- 
trées, ni aucun autre lieu que ce soit. Plusieurs d'entre elles consti- 
tuent en effet des gibiers recherchés et rares et ce serait donner 
une prime à certains chasseurs peu soucieux de l'extinction des 
espèces que d'indiquer d’une façon précise le lieu où l’on trouverait 
ces gibiers, d'autant plus que, la plupart du temps, il s'agit d’es- 
pèces Strictement sédentaires. On voudra bien nous en excuser, 
Nous nous permettons de citer ici une phrase très vraie du regretté 
Professeur Louis LAvauDEx : « En matière de protection, le secret 
est la meilleure condition à observer. » ? 

Ajoutons que la plus grande partie de ces notes a été rassemblée 
en 1934. Nous en avons ajouté quelques-unes, fruit de rares obser- 
vations durant un séjour de convalescence en août-septembre 1935. 

L’altitude moyenne du Chablais n'est pas extrême. Cependant, 
dans le Haut-Chablais, 10 à 12 pointes dépassent l'altitude de 
2.000 m. ; parmi elles, 3 ou 4 dépassent 2.200 m., le point culmi- 
nant étant les Hautforts qui atteignent 2.466 m. 

Les villages dont il a été question plus haut, situés généralement 
au fond des vallées, quelquefois sur un versant, sont à des altitudes 
relativement élevées, soit entre 811 m. (Saint-Jean-d’Aulph) et 
1.172 m. (les Gets). Ils sont reliés les uns aux autres par de très 
nombreux hameaux, quelquefois très importants, presque aussi 
importants que le village lui-même. é 

Plus haut, ce sont les châlets d’alpage, étagés à deux, quelque- 
fois trois altitudes différentes, et qui sont occupés au printemps 








1. Crest là une affirmation générale à laquelle bien des faits parti 
contredire ! (Rédaction, H, J.). 

2. Louis Lavaupex, La Faune cynégétique des Alpes françaises, conférence donrée 
aux élèves de l'Ecole Nationale des Eaux et Forêts, Annales de l'Ecole Nationale des 
Eaux et Forêts et de la Station des Recherches et Expériences forestières, +. iv, 
fasc. 2, 1932, p. 306, 


liers viennent 





Source : MNHN. Paris 


230 ALAUDA. vu — 2. 1936. 





en montant, au fur et à mesure de la fonte des neiges, et réoccupés 
à l'automne en descendant, lorsque le bétail se trouve chassé des 
hauteurs par la mauvaise saison commençante, Les troupeaux 
retrouvent alors les pâturages laissés au printemps, pâturages qui 
se sont refaits durant l'été. 

Les différents milieux ou biotopes de la région envisagée sont : 

I. Le fond des vallées, avec dans la moindre un torrent, la plu- 
part du temps encaissé, parfois s'étendant dans une pénéplaine 
miniature de 200 à 300 m. de largeur. Ces torrents, lorsqu'ils ne sont 
pas trop resserrés entre les 2 versants, sont entourés soit simple- 
ment de prairies très humides, soit d'une végétation très serrée, 
parfois même impénétrable et composée principalement d'Epi- 
céas (Picea excelsa) (jeunes) et d’Aulnes. 

Les villages sont entourés de petites cultures, cultures potagères, 
champs de Fèves, céréales diverses (Seigle, Orge, très peu de Blé). 
Autour des villages, quelques arbres : Noyers (Juglans regia), 
Frènes (Fraxinus excelsior) un ou deux Tilleuls (T'ilia), Poiriers 
sauvages (Pirus communis), ete. Mais le principal arbre fruitier 
que l'on trouve autour des villages et même légèrement au-dessus, 
le principal arbre même, de ce milieu et jusque vers 1.100 m., 
est le Pommier (Pirus malus). Ces Pommiers souvent très hauts, 
très vieux aussi, produisent des petites pommes aigres de diffé- 
rentes grandeurs dont on fait encore chaque année quelques hecto- 
litres de cidre. 

IL. Peu au-dessus des villages, c’est la zone des bas pâturages et 
de la forêt subalpine. Forêt composée en Chablais en grande partie 
d'Epicéas. Des Pins (Pinus) et des Hêtres (Fagus silvatica), vul- 
gairement appelés Fayards, en assez grandes quantités et souvent 
méêlés aux Epicéas, complètent la flore forestière. Dans cette zone, 
parmi de nombreux arbustes et arbrisseaux à baies, un arbuste 
assez répandu est le Noisetier (Corylus avellana) en formation de 
touffes et de bosquets. Une essence également remarquable et assez 
répandue, quelquefois arbre, le plus souvent arbuste, est le Sorbier 
des Oiseaux (Sorbus aucuparia). À l'automne ces Sorbiers sont le 
rendez-vous de tous les Turdidés. Cette zone s'étend jusqu'à la 
limite de la végétation forestière qui, à la latitude du Chablais, ne 
dépasse guère 1.800 m. Plus haut, ce n'est guère que dans quel- 
ques ravins abrités qu’on trouve encore de vagues exemplaires de 
cette végétation, exemplaires bien petits et bien rabougris. 

III. Au-dessus, se trouve la zone des hauts pâturages alpestres, 








Source : MNHN. Paris 


M. BERTRET SUR LE CHABLAIS 231 





oceupés tout l'été par les troupeaux, s'étendant soit en grandes 
pentes, soit en quelques hauts plateaux (Plateau d’Avoriaz, 
1.650 m.). En de nombreux endroits, ces étendues sont couvertes 
d'une végétation alpestre composée d'Aulnes verts (Alnus viridis), 
d’Airelles où Myrtilles (Vaccinium myrtillus), de Rhododendrons 
(Rhododendron ferruginosus) et de Bruyère commune (Calluna 
vulgaris). 

C'est à la limite de cette végétation et des derniers Epicéas, 
débordant sur les deux zones, qu'on trouve principalement l’un 
des plus beaux et plus recherchés gibiers des régions alpines, le 
petit Coq de bruyère ou Tétras lyre Lyrurus tetrix. Aux endroits 
les plus pauvres de ces hauts pâturages, nous avons souvent trouvé 
des étendues semées de blocs glaciaires, ceux-ci surgissant quelque- 
fois de terre. Paysages ressemblant assez à ceux, semés de blocs 
granitiques, de notre Bretagne. 

IV. Au-dessus de la région des hauts pâturages cesse toute végé- 
tation. Seul, si on excepte quelques herbes rares et quelques maigres 
et dernières prairies sur les pentes exposées du Sud, la pierre règne 
jusqu'aux sommets. Ce sont, habituellement, de grands éboulis 
de roches et d’ardoises. Là encore vit une faune spéciale et adé- 
quate (Lagopèdes blancs, Lièvres variables, Marmottes, etc..). 


Grand Corbeau Coreus corax. — C'est en 1933 que nous avons 
observé, pour la première fois, le Grand Corbeau. D'abord un indi- 
vidu isolé, tantôt en vol tantôt arpentant le haut plateau d'Avo- 
riaz (alt. 1.650 m.), sur le territoire de la commune de Morzine. 
Plus tard, vers le 15 septembre de la même année, nous avons fait 
par deux fois de nouvelles constatations : celles d’un couple dont 
les cris répétés retentissaient le long des pentes droites et rocheuses 
des Terres-Maudites (alt. 2411 m.), sur la commune de Samoëns. 
Ce cri, répété souvent, est une sorte de kreu, kreu, kreu, ou, plus 
rauque, krok, krok, (qui n’est pas sans quelque analogie avec le cri 
de rappel de la Perdrix blanche (& ou © ? probablement ©) qu'il 
nous a été donné d'entendre plusieurs fois, après la dispersion d’une 
couvée par exemple. 

En 1934, nous avons trouvé le Grand Corbeau en plus grande 
quantité. Il semblait avoir nettement étendu son aire de dispersion 
de l'année précédente. 

Nous avons noté le 25 août et les jours suivants un couple dans 
la vallée des Ardoisières, vallée bordée d'immenses falaises ro- 


Source : MNHN. Paris 


232 ALAUDA. Vitt. — 2, 1936. 





cheuses de 150 à 200 m. de haut, non loin de Morzine. La présence 
de ce couple en ces lieux nous a semblé très régulière et sa nidifica- 
tion n’y serait pas étonnante. Nous n'avons pas observé de jeunes 
ensemble mais, au 25 août, leur dispersion pouvait bien être effec- 
tuée. 

Dans cette même année 1934, nous avons encore noté le Grand 
Corbeau entre le 25 août et le 8 septembre : à la pointe de Nion 
(alt. 2.023 m.), aux environs de Morzine (1 couple) ; non loin de la 
pointe de Nautaux, commune de Montriond (1 individu isolé) ; au 
col de Jouplane, commune de Samoëns (1 couple). 

Mais lors d’un second séjour dans la région, du 26 septembre 
au 18 octobre, notre étonnement fut grand de ne trouver le Grand 
Corbeau dans aucune des stations signalées, ni en aucun autre lieu. 
L'espèce serait-elle seulement estivale en Haut-Chablais ? Nous ne 
l'avons pourtant jamais observée dans les vallées, la plus basse 
altitude à laquelle nous l’ayons rencontrée étant celle du haut pla- 
teau d’Avoriaz (alt. 1.650 m.). Et nous l'avons trouvée sur les 
plus hauts sommets (pointe de Nautaux, alt. 2.176 m.). 

En 1935, par contre, et encore à notre grand étonnement, nous 
n'avons ni vu ni entendu l'espèce (août-septembre) qui nous a paru 
totalement disparue. 


Corbeau corneille Corvus corone. — Nous avons noté également, 
pour la première fois en 1933, la Corneille noire. Un couple avait 
certainement niché dans la forêt de Nion (alt. 1.100 m.) car au 
15 août de cette même année, 6 individus (4 jeunes et 2 vieux ?) 
y étaient notés presque chaque jour. 

En septembre 1934, nous avons observé { groupe de 3 Corneilles 
noires non loin de Morzine (3 septembre) et { couple dans la vallée 
du Lac, commune de Montriond (28 septembre). Le 1 octobre, 
nous observions également 1 couple (peut-être le même) dans la 
haute vallée du Lac, au-dessus des châlets d’alpage du Lindaret 
(alt. 1.300 m. environ). C'est l’altitude la plus élevée à laquelle 
nous ayons rencontré en été la Corneille noire, qui semble préfé- 
rer les cultures des vallées, qui sont d’ailleurs de hautes vallées, aux 
pâturages et aux rocailles des sommets que fréquente le Grand 
Corbeau. Cependant, le 4 octobre, une bande de 15 Corneilles 
noires traversait la vallée à plusieurs reprises, en criant très fort, 
entre Montriond et Morzine. Nous nous rappelons avoir déjà 
observé une bande semblable, composée du même nombre d’indi- 


Source : MNHN. Paris 


N. BERTHET SUR LE CHABLAIS 233 





vidus, un matin très tôt, dans les premiers jours du mois précédent. 
Entre le 10 et le 18 octobre de la même année, toujours composée 
à peu près du même nombre d'individus, une bande fréquentait 
assidûment les environs des maisons de Zaures (1.650 m.), à la 
Joux-Verte. 

En 1935, nous avons fréquemment entendu une bande de 4 à 6 
individus de cette espèce sur les basses pentes de la Joux-Verte 
(août et septembre.) 


Casse-noix moucheté Nucifraga caryocatactes. — Le Casse-noix 
n’est pas rare en Chablais et nous l'avons observé chaque année, 
à chacun de nos séjours, en été et en automne (juillet à novembre). 
Nous avons pris fin octobre ou dans les premiers jours de novembre 
1933, dans les montagnes de Montriond, un individu de sexe in- 
déterminé, qui travaillait probablement à son approvisionnement 
hivernal. Sa poche contenait, en effet, un nombre de noisettes peu 
ordinaire, compris, autant que nous nous en souvenons, entre 18 
et 24. 

L'espèce niche certainement. Nous avons observé des jeunes 
chaque année en août et septembre (1932, 1933 et 1934) et, 
spécialement, le 7 septembre, non loin de la forêt de Morginate 
(1935). Ceux-ci sont assez différenciés par une taille un peu moindre, 
une queue plus courte et, de près, des couleurs plus claires. Ils sont 
surtout moins sauvages. 

Le cri des jeunes comme des vieux est rauque et assez difficile- 
ment reproduisible ; il fait penser à celui du Geai Garrulus glan- 
darius, sans qu’on puisse cependant le confondre avec le cri de ce 
dernier. 


Geai des chênes Garrulus glandarius (L.). — Nous avons observé 
des Geais, mais en assez petite quantité, non loin du village d'Essert- 
Romand. Un individu sur un Epicéa, en août 1932. Plusieurs iso- 
lés en août et septembre 1933, notés à la Joux-Verte (Morzine), et 
au Lac de Montriond. 

Bien que nos séjours se soient prolongés parfois fin octobre et 
dans les premiers jours de novembre, nous ne nous rappelons pas 
avoir remarqué de passages de Geais. 


Corbin ehocard Pyrrhocorax graculus (L.). — Alors que nous 
n'avons jamais observé aucun Crave Pyrrhocorax pyrrhocorax 


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234 ALAUDA. VII — 2. 1936. 





dans la région envisagée du Chablais et que des membres de ma 
famille, qui viennent depuis plus de 30 ans dans cette région, 
m'assurent n'en avoir jamais vu, nous avons trouvé le Chocard 
assez abondant, mais jamais au-dessous de 1.800 m. 

Nous l'avons noté en colonies au Roc-d’Enfer (alt. 2.240 m.) 
sur la commune de la Côte d'Arbroz, aux Terres-Maudites (alt. 
2.411 m.) sur la commune de Samoëns, à la pointe de Nautaux 
(alt. 2.176 m.) sur la commune de Montriond, et dispersé par 
groupes de deux ou trois en biens d’autres endroits. Une colonie 
relativement importante (60 à 30 individus) avait retenu notre 
attention les années précédentes. Elle se tenait dans les montagnes 
assez abruptes de la Chavache (alt. moyenne 2.000 m.), débor- 
dant également sur les pentes de hauts pâturages mêlés d’Epicéas 
de Bassachaux, en bordure de la commune d'Abondance. Nous 
fûmes fort étonnés de la trouver en forte augmentation en 1924 
(près de 200 individus). Printemps favorable, ou apports nouveaux ? 

Nous n'avons fait aucune observation au point de vue de la 
nidification, qui est certaine. Des indigènes nous ont seulement 
rapporté que l'espèce nichait dans des troux aux «envers » à pic des 
montagnes de la Chavache. 

Nous ne serions pas étonné que cette espèce soit assez souvent la 
proie des Rapaces. Nous avons observé, en effet, qu'un groupe 
d’une centaine, volant bas et très occupé par l’arrivée d’un Chien, 
prenait de la hauteur en vitesse et à grands cris, bientôt disparais- 
sant presque à la vue, au simple envol dans les environs immédiats 
d'un Tétras à queue fourchue Zyrurus tetrix (L.) 4. 


Bec-croisé des sapins Loxia curvirostra. — Nous avons observé 
seulement deux fois, à notre souvenance, le Bec-croisé durant l'été. 
En 1933 aux environs du 20 août, forêt de la Charnia (alt. 1.530 m.); 
en 1934, le 27 août, la Joux-Verte (alt. 1.700 m.). Par contre, nous 
avons observé chaque année dès les premiers jours d'octobre, et plus 
encore en fin de ce mois et dans les premiers jours de novembre, 
de nombreux et importants vols de Becs-croisés de passage. Nous 
nous rappelons des vols de plus de 300 individus en ces occasions. 
Des observations de cette espèce ont été faites dans les premiers 
jours de juillet 1935 par des membres de notre famille, 


Pinson des arbres Fringilla coelebs. — Le Pinson des arbres est 
très certainement, avec le Moineau domestique Passer domesticus 


Source : MNHN. Paris 


M. BERTHET SUR LE CHABLAIS 235 








l'espèce la plus commune autour des villages. Il est commun éga- 
lement dans le fond de toutes les vallées. Mais il ne semble pas 
monter très haut 1. Au-dessus de 1.400 m. il diminue beaucoup. 
Nous l'avons cependant trouvé au mois d'août, donc probablement 
comme nicheur, à la Joux-Verte (alt. moyenne 1.700 m.) et dans 
la forêt de la Charnia (alt. moyenne 1.530 m.). 

Il niche en quantité. Il n’est pas besoin de lever la tête et de 
chercher bien longtemps pour découvrir des nids tout de mousse 
verte, à l’enfourchure des hautes branches des nombreux Pom- 
miers eb Poiriers qui environnent les villages ou garnissent les 
premières pentes. Tout le mois d'août, ce n’est que piaillements de 
jeunes se faisant fourrir au nid ou hors du nid. Le 4 septembre 
1934, des parents nourrissaient encore des jeunes au nids, à 300 m. 
du village de Morzine. 

En automne (octobre et novembre) nous avons toujours observé 
des Pinsons des arbres de passage, à n'importe quelle altitude 
dans les montagnes. Le 8 septembre 1935 des parents nourrissaient 
des jeunes sortis du nid depuis 3 jours au plus dans le fond de la 
vallée des Ardoisières. 


Pinson du Nord Fringilla montifringilla. — Nous avons observé 
le Pinson du Nord en automne (fin octobre et novembre), de passage 
et en petite quantité. Tantôt isolé, tantôt par petits groupes. Dans 
le centre de la France, cette espèce nous a été parfois signalée sous 
le nom vulgaire de « niard ». 


Niverolle des Alpes Montifringilla nivalis. — Nous n'avons 
observé que deux fois la Niverolle des Alpes et encore ne sommes- 
nous pas sûr de notre première observation. Notée (?) en août 1932 
en montrant aux Terres Maudites (alt. 2.411 m.), commune de 
Samoëns, et le 29 septembre 1934 au-dessous et entre les pointes 
de Nion (alt. 2.023 m.) et Angolon (alt. 2.097 m.). Ces deux observa- 
tions furent faites en vol, la seconde d’assez près. 


Chardonneret élégant Carduelis carduelis. — Nous avons trouvé 
le Chardonneret exactement dans le même milieu que le Pinson 





1. IL est infiniment probable que, dans le Haut-Chablais comme dans le reste des 
Alpes, le Pinson monte s'établir jusqu'à la limite supérieure de la végétation arbores- 
cente, — bien que, sans doute, moins dense là-haut qu'un peu plus bas. Le Pinson 
est, chez nous. le type même de l'Oiseau ubiquiste : il niche du niveau de la mer jus- 
qu'à 2.000 mètres, pourvu qu'il s’y trouve des arbres (Rédaction), H. J.). 











Source : MNHN. Paris 


236 ALAUDA, vin, — 2. 1936. 





des arbres mais en nombre beaucoup plus restreint. Il monte d’ail- 
leurs moins haut et, passé 1.200 ou 1.300 m., nous ne l'avons plus 
observé. Ses nids, sur le même genre d'arbres que ceux des Pin- 
sons (Pommiers et Poiriers élevés), sont plus difficiles à découvrir 
parce qu'ils sont d'un plus petit diamètre, placés aux plus grosses 
enfourchures, et aussi parce qu'ils sont revêtus extérieurement du 
Lichen même qui recouvre ces arbres fruitiers 2. 

En août 1931, un nid sur un des rares Tilleuls (Tilia) du pays, 
au village de Morzine. Dans les premiers jours d'août 1932 des 
parents nourrissent leurs petits dans un nid situé sur un des arbres 
de la place de Morzine. 





. 

Tarin des aulnes Spinus spinus. — Nous n'avons observé le Ta- 
rin que de passage, fin octobre et novembre, en bandes stridentes, 
aux cris mille fois répétés. Ces bandes, observées en montagne, 
nous ont toujours paru assez régulièrement composées de 30 à 
50 individus. Mais cette espèce a fort bien pu nous échapper 
comme estivale et comme nicheuse, Des observations faites, en 
juillet, à la Joux-Verte (alt. 1.700 m., environ) par des membres de 
notre famille, pourraient le confirmer. 





Serin eini Serinus canarius serinus. — Nous avons trouvé le Cini 
dans le même milieu que le Chardonneret et le Pinson, dans les 
vallées, autour des villages, et très peu au-dessus. Il nous a même 
semblé qu'il tendrait à demeurer plus bas encore que le Char- 





donneret. En tout cas il ne monte pas plus haut et nous n’en avons 
observé aucun au delà de 1.200 m. Le 6 septembre 1934, des pa- 
rents nourrissaient des jeunes sortis depuis peu du nid. Cepen- 
dant, au 25 septembre, à notre second séjour de l’année, alors qu'il 
restait de nombreux Pinsons et quelques Chardonnerets, nous 
n'avons plus observé aucun Cini, 


Bouvreuil pivoine Pyrrhula pyrrhula. — Nous avons trouvé le 
Bouvreuil assez répandu en Haut-Chablais. Nous l'avons observé 
en août, septembre, et commencement d'octobre, isolé ou, le plus 
souvent, par couple. Depuis les bois taillis d'Aunes mélangés de 
jeunes Epicéas des bords de la Grande-Drance entre Morzine et 


1. Le revêtement extérieur de Lichens est en général la caractéristique des nids 
du Pinson, et non pas celle des nids du Chardonneret, De même, et toujours en géné- 
ral, le Chardonneret choisit des supports plus fins que ne fait le Pinson. Les positions 
seraient, ici, inversées ! À revoir de plus près ! (Rédaction. H. J.), 





Source : MNHN. Paris 


M. BERTHET SUR LE GHABLAIS 237 





Montriond (alt. moyenne 900 m.), jusqu’à la limite supérieure des 
forêts de Conifères. Nous l'avons d'ailleurs observé dans toute 
la vallée de la Grande-Drance, déjà peu après Thonon, en particu- 
lier à partir de Saint-Jean d'Aulph (alt. 811 m.). 

Le 6 juillet 1935 un individu 4 charrie des matériaux ! non loin 
de la Drance, au Verney-Bron (alt. 870), sur la route de Thonon ; 
le 10 août 1935, au même lieu, un jeune sorti du nid depuis quelques 
jours se fait nourrir. 


Moineau domestique Passer domestiens. — Très répandu, mais 
seulement dans les agglomérations et les alentours immédiats de 
celles-ci (champs de Seigle, d'Orge de Fèves, ete...). Nous l'avons 
trouvé dans tous les villages cités au commencement de ces notes, 
sauf à Samoëns et à la Côte d’Arbroz, où nous n'en avons pas 
observé mais où il se trouve certainement. L'année 1934 nous a 
semblé particulièrement favorable à sa nidification (même re- 
marque faite à Lyon et dans les environs). 

En 1935. nous avons fait les mêmes observations que les années 
précédentes et en particulier nous avons noté les couleurs très 
claires de la race, qui est de taille ordinaire. Les © sont presque 
isabelles. 


Bruant jaune Emberiza cütrinella. — Le Bruant jaune n’est pas 
rare ; nous l'avons toujours rencontré en août (fin août, 1933 et 
1934) et dans la première quinzaine de septembre. Nous avons 
vu des jeunes le 29 août 1933. 11 ne nous à pas semblé monter très 
haut, l'altitude extrême où nous l’ayons rencontré étant non loin 
de la forêt de la Charnia (alt. 1.550 m.) (champs et prairies). 


Bruant fou Emberiza cia. — Nous avons trouvé le Bruant fou 
assez commun, mais s’observant moins facilement que l'espèce pré- 
cédente et montant à des altitudes beaucoup plus élevées : à la 
Joux-Verte (alt. 1.700 m.), commune de Morzine, en 1933; à 
Bassachaux (alt. moyenne 1.750 m.), commune de Montriond, 
en 1934. 

Nous l'avons d’ailleurs également trouvé beaucoup plus bas en 
altitude, Le 15 août 1932, un nid avee 4 œufs (2 à 4 jours), non loin 
du village de la Baume (alt. 650 m.), situé au ras du sol, sur le talus, 
bordé d'une haie, d’un sentier. Composé d'herbe sèche et des radi- 


1. Ou de la nourriture ? (Rédaction, H. J.). 


Source : MNHN. Paris 


238 ALAUDA, Vu. — 2. 1936. 





celles, il était caché dans une touffe. Trois jeunes arrivèrent à bonne 
fin (1 œuf non fécondé). Nous les avons gardés 2 ans en captivité. 


Alouette lulu Lululla arborea. — Dans les premiers jours d'oc- 
tobre 1933, nous avons noté deux Lulus de passage, à la Joux- 
Verte (alt. 1.700 m.). 


Alouette des champs Alauda arvensis. — Nous avons rencontré 
partout l'Alouette des champs. Depuis les cultures qui entourent 
immédiatement les villages, jusqu'aux plus hauts pâturages qui 
dépassent la limite des arbres. Nous l’avons notée particulièrement, 
à la Joux-Verte (alt. 1.700 m.), sur le Haut-Plateau d'Avoriaz 
(alt. 1.650 m.), commune de Morzine, à Bassachaux (alt. moyenne 
1.750 m.) commune de Montriond, et en montant au Roc-d'Enfer 
sur la commune de la Côte d'Arbroz. 


Pipit des arbres Anthus trivialis. — Nous avons observé chaque 
année cette espèce, à partir du 8 septembre, et seulement de pas- 
sage. Aucune année nous ne l’avons aperçu en août. Il est infiniment 
probable cependant que le Pipit des arbres niche ici et que sa pré- 
sence avant le 8 septembre nous est seulement demeurée inaperçue. 


Pipit spioncelle Anthus spinoletta. — C'est certainement le Pas- 
sereau le plus répandu. Nous l'avons observé dans tous les mois 
d'été et d'automne, quelquefois jusque dans les derniers jours 
d'octobre. Depuis le fond des vallées jusqu'à 2.200 m., presque jus- 
qu'aux tout derniers pâturages. Nous l’avons noté en particulier et 
très fréquemment à la Joux-Verte, à Bassachaux, à la pointe de 
Bassachaux, sur le plateau d'Avoriaz, en montant du roc d'Enfer 
et à la chapelle de Graidon. La plupart de ces points nommés sont 
de hauts pâturages semés de rochers glaciaires et de rocailles d'un 
aspect très particulier. Le 20 août 1935, nous avons pris un jeune 
sorti du nid depuis peu (la Joux-Verte alt. 1.750 m.). 


Pipit des prés Anthus pratensis. — Nous avons observé chaque 
année en août et septembre quelques Pipits des prés sur le plateau 
d’Avoriaz (alt. 1.650 m.), haut plateau semé de rochers glaciaires 
surgissant de terre et d'aspect assez dénudé, où se trouvait égale- 
ment le Traquet motteux Œnanthe œnanthe. Nous sommes per- 
suadé qu'il doit passer aussi en d’autres lieux où sa présence nous. 
a échappé jusqu'ici. 


Source : MNHN. Paris 


M. BERTHET SUR LE CHABLAIS 239 





Bergeronnette des ruisseaux Motacilla cinerea. — Cette espèce 
est très répandue le long des différentes Drances. Dans les derniers 
jours d’août 1932, des parents faisaient la navette pour nourrir 
leurs petits aux environs de la commune de Saint-Jean-d'Aulph 
(alt. 811 m.). Le nid, qui se trouvait de l’autre côté du torrent, 
était inabordable. On apercevait seulement un trou dans la mousse 
au pied d’une paroi à pic. Espèce observée très fréquemment en 
1935. 


Bergeronnette printanière Motacilla flava. — Le 7 septembre 
1934, un groupe de 10 à 12 est posé au milieu de la route à 1 km- 
de Morzine, et s'envole devant l’autobus qui fait le service entre 
Morzine et Thonon. En septembre, à Morzine, plusieurs fois dans la 
journée, une Bergeronnette printanière traverse la vallée en criant. 


Tichodrome éehelette Tichodroma muraria. — Connu ici sous le 
nom vulgaire de « glody ». Nous l'avons noté deux fois, en 1933, 
une fois sous l’à-pic Est du Tour (alt. 2.048 m.), une autre fois à 
l'envers abrupt de la Chavache (alt. 2.086 m.) non loin de Bassa- 
chaux. Il était, paraît-il, bien moins rare autrefois. 





Grimpereau familer Certhia familiaris 1. — Ce Grimpereau est 
commun. Nous l'avons observé et entendu dans chaque forêt de 
Conifères, et il atteint en altitude la limite de ces derniers. Pas 
d'observation au point de vue de la nidification. 


Sittelle torchepot Sitta europea. — Nous avons observé chaque 
année cette espèce, mais jamais bien avant les premiers jours du 
mois de septembre; aussi pensons-nous qu'il s'agit seulement 
d'oiseaux erratiques. En tout cas, du 5 septembre au 10 octobre, 
nous en avons toujours observé en quantité autour des villages et 
dans les vallées, montant et descendant inlassablement les troncs 
et les maîtresses branches des Pommiers et des Poiriers. Nous ne 
l'avons rencontrée qu'accidentellement en montagne (en montant 





1. Il est extrémement probable que, sous l'appellation de Grimpereau familier, 
M. Seeruer a confondu, au moins pour partie, le Grimpereau des jardins Cer/hia 
brachyaactyla, et le Grimpereau des bois Cerfhia familiaris (race alpestre costa 
Bay, sans doute, pour le Haut-Chablais). Car le premier monte en général, dans 
l'Alpe, jusqu'au niveau auquel les Epicéas ou Sapins remplacent complètement les 
feuillus et les Pins, pour n'abandonner la place À son congénère qu'au delà de ce ni- 
veau. Et les deux Espèces mordent l'une sur l'autre en bien des points de végétation 


mixte ! (Rédaction H. J.). 





Source : MNHN. Paris 


240 ALAUDA, Vi — 2, 1936. 





à la Joux-Verte, 5 septembre 1934; dans la forêt de la Charnia 
6 septembre). Par contre, en 1935, des individus ont été observés 
en juillet à Morzine, et nous-même, dès les premiers jours d’août, 
avons pu observer des individus, adultes d'apparence, au même 
endroit. Il n’est donc pas impossible que l'espèce se reproduise 1. 


Mésange charbonnière Parus major. — La Charbonnière est très 
commune jusqu'à 1.400 et 1.500 m. Elle monte d’ailleurs, et nous 
avons pu le constater souvent, jusqu'à la limite de la forêt. Nous 
avons observé des jeunes en quantité en août et septembre de 
chaque année. 

Un & de l’année, mais des premières nichées, obtenu le 4 sep- 
tembre 1934 et terminant sa mue, avait un bec nettement plus 
arqué que des spécimens des environs de Lyon. L'estomac de cet 
individu contenait, parmi d’autres débris d'Insectes, une Guêpe. 

En 1955, le 7 juillet, des jeunes sont prêts à sortir d’un nid situé 
dans un trou du soubassement en pierre d’un châlet, au village de 
Morzine. 








Mésange bleue Parus caeruleus. — La Mésange bleue n'est pas 
rare dans la région envisagée, bien qu'elle soit certainement la 
Mésange la moins répandue. Un jeune 4 du 4 septembre 1934, 
qui terminait sa mue, avait dans l'estomac 15 à20 œufsd'Insectes (?), 
débris d'insectes et débris végétaux. Cette espèce nous a semblé 
avoir le même milieu que Parus major, avec une préférence pour les 
forêts non entièrement composées de Conifères (Hètres par exem- 
ple). 


Mésange noire Parus ater. — Cette Mésange, qui nous avait sem- 
blé tout d'abord assez rare, est beaucoup plus commune que nous 
le supposions. Il faut la chercher au cœur des forêts de Conifères, 
des forêts élevées et étendues. Elle y est d’ailleurs assez difficile 
à découvrir et nous n'en avons fait que peu d'observations. A l'au- 
tomne cependant, on trouve des jeunes sujets en bordure. 


Mésange huppée Parus cristatus. — La plus commune des Mé- 
sanges, aussi commune et peut-être même plus que Parus mutjor. 
La plus familière aussi, Nous nous sommes souvent amusé à la 
faire venir en imitant ses cris à l’aide d'un petit sifflet. En cinq 


1. C'est même tout à fait vraisemblable ! (Rédaction, H 3.) 


Source : MNHN. Paris 


BERTHET SUR LE CHABLAIS 241 








minutes, trois, quatre, cinq, arrivaient de tous les côtés, venant 
se percher sur la branche d'Epicéa la plus proche, s’approchant 
parfois jusqu’à 50 em. de la figure, regardant souvent la tête en bas, 
manifestant par de petits cris leur étonnement et leur curiosité. 

Un 4 adulte du 27 août 1934 avait dans l'estomac des débris de 
très petits Insectes et 2 larves de bois. Nous n'avons jamais vu la 
Mésange huppée fréquenter les vergers et les environs immédiats 
des villages, ainsi que nous l’avons observé pour toutes les autres 
Mésanges, même la Mésange no're. 


Mésange alpestre ! Parus atricapillus. — Nous avons trouvé 
cette espèce assez répandue, la plus répandue après Parus cristatus 
et Parus major, depuis les environs immédiats des villages et des 
châlets, où elle est assez familière, jusqu'à la limite de la végétation 
forestière. Mais nous n’avons fait que peu d'observations biolo- 
giques la concernant. 


Mésange à longue queue Ægithalus caudatus europaeus. — Nous 
avons observé la Mésange à longue queue, mais seulement en 
petite quantité. Un vol de jeunes sous la pointe de Chéry (alt. 
1.838 m.), commune des Gets, le 28 août 1934. Un vol de jeunes 
également le 4 septembre 1934 en montant à la Joux-Verte, non 
loin des Granges. Un vol encore, le long de la Grande-Drance, 
entre Morzine et Montriond, le 4 octobre de la même année. Un 
sujet, de sexe indéterminé, obtenu dans ce vol, avait dans l’esto- 
mac 1 Araignée d'assez grande taille (pattes 25 mm.) et 30 à 40 
petites larves aquatiques de 6 à 9 mm. de long. 


Fauvette des jardins Syloia borin. — Un nid sur un buisson, 
à 1 m. du sol, à quelques mètres de la Grande-Dranse, non loin 
de Saint-Jean-d'Aulph (alt. 811 m.) en 1932. Ce nid contenait, 
fin août, 4 jeunes. Deux survéeurent à l'élevage et périrent acciden- 
tellement à 19 mois. 


Fauvette à tête noire Sylvia atricapilla. — Nous avons trouvé la 
Fauvette à tête noire, en particulier le long de la Grande-Drance, 


il est extrèmement probable que, sous l'appellation de Mésange alpestre, 
M. Berruer a confondu la Mésange nonnette Parus palustris, qui habite l'Alpe jusqu à 
0001.30 m, s. mer (selon le niveau auquel les Feuillus cèdent complètement la 
place aux Conifères), et la Mésange boréale Parus atricapilius trace alpestre jouardi 
Buxc, sans doute, pour le Haut-Chablais) qui, elle, monte jusqu'à Ia limite supé 
rieure de la végétation arborescente. Les deux espèces cohabitent d'ailleurs sur les 
limites de leur distribution verticale, — (Rédaction. H, J.). 


16 


Source : MNHN. Paris 


242 ALAUDA. VIII, — 2. 1936. 





mais en quantité restreinte. Nous nous rappelons une nichée de 
jeunes, récemment sortie du nid, en 1932, autour du 15 août, Nous 
ne l'avons pas trouvée plus haut qu'aux environs de 1.150 m., 
dans des peuplements de jeunes Hètres. Une $ y nourrissait un 
jeune le 24 août 1934, en montant à la chapelle de Graidon et 
sous les rochers du même nom (commune de la Côte d’Arbroz). 


Pouillots PAylloscopus sp. pl. — Nous nous rappelons avoir 
observé Phylloscopus trochilus, en petite quantité, en automne. 
Nous avons observé plusieurs fois Phylloscopus  bonelli en août 
et septembre, notamment en montant à la Joux-Verte, non loin 
des villages de Montriond et Morzine. 

Nous avons rencontré d'autres Pouillots, mais nous ne pouvons 
préciser, nos observations du genre ayant été très courtes, faites 
à l’occasion et accidentellement, sans recherche spéciale. Il faut 
d’ailleurs avoir une certaine expérience et un jugement sûr pour 
déterminer les Pouillots, lorsqu'ils sont silencieux. Particulière- 
ment si les observations ne sont pas faites de près ! 


Merle noir Turdus merula. — Le Merle noir n’est pas rare, La 
Drance et les peuplements d'Aunes et d’Epicéas qui la bordent sem 
blent être son milieu de prédilection. Nous l'avons observé en août, 
septembre et octobre, jusque dans les derniers jours de ce mois. Il 
est possible que cette espèce soit sédentaire malgré le fort et long 
enneigement hivernal de ces hautes vallées. 

Nous avons fait ici la même remarque que nous avions faite dans 
le Lyonnais. C'est qu'après le rigoureux hiver de 1929 qui a été 
funeste à tant d'oiseaux, le repeuplement normal ne s’est fait 
qu'en 3 ou 4 années seulement. À notre avis, le fait de 1929 doit se 
reproduire plus souvent qu'on ne croit généralement. Le Merle noir, 
lorsqu'il ne transhume pas, souffre beaucoup de l'hiver et du froid. 
À 15 km. au Sud de Lyon, nous observons chaque année des 
couples faisant 3, souvent 4 nichées de 4 ou 5 jeunes chacune, sans 
que pour cela l'espèce se répande davantage. Il est vrai que de 
nombreux nids (œufs ou jeunes) sont détruits. Et, à ce propos, on 
ne dira jamais assez de mal des deux plus invétérés destructeurs 
de nids de Passereaux : la Pie Pica pica, et le Chat. 








1. L'étude de M. Henri Jouarn, Comment reconnaître, dans la nature, nos quatre 
Pouillots (Alauda, 1934, n° 4, pp. 479-502), n'était pas parue à l'époque où furent 
rédigées ces notes — G. B. 


Source : MNHN. Paris 


N. BERTHET SUR LE CHABLAIS 243 





Merle à plastron Turdus torquatus alpestris. — Le Merle à plas- 
tron est vraisemblablement nicheur, mais seulement à partir de 
1.600 à 1.700 m. et particulièrement en lisière et dans les grandes 
forêts de Conifères, les peuplements de jeunes Epicéas, d'Aunes 
verts, mêlés de Rhododendrons et de Genévriers. Nous l’avons 
noté le 15 août 1932 (Joux-Verte). Des jeunes par bandes de 3 à 5, 
fin août et septembre 1933 et 1934. C’est certainement à la Joux- 
Verte (alt. 1.700 m.) et au creux de la Joux, presque à la limite de 
la végétation forestière, que l'espèce nous est apparue en plus 
grand nombre. Elle dépasse d'ailleurs largement cette limite, 
puisque nous l’avons trouvée aux Hautforts (alt. 2.466 m.) dans les 
premiers jours de septembre 1933 (2 adultes ?), fréquentant les 
hautes pentes herbeuses semées seulement de Rhododendrons. 
Plusieurs sujets (jeunes ?) sans plastron ou à plastron peu visible, 
examinés de loin avec des jumelles, nous ont paru avoir les plumes 
de la face inférieure assez tachées de blanc. Le Merle à plastron 
est d’ailleurs un Turdidé sauvage, peut-être le plus sauvage, et qui 
ne se laisse pas observer facilement. 

A côté de ces oiseaux estivaux, chaque année nous avons pu 
observer, dès le 15 octobre et jusqu'en novembre, de grandes 
bandes (30 à 80) de Merles à plastron de passage mêlés parfois de 
Turdus viscivorus, bandes passant d’un bouquet d'Epicéas à un 
autre et généralement inabordables. Un sujet adulte obtenu cepen- 
dant dans ces conditions (sexe indéterminé) avait un plastron 
très visible quoique lavé de roux et les plumes de la face inférieure 
simplement bordées de gris-blanchâtre ; tel, il ne différait pas des 
spécimens de passage obtenus en hiver (janvier-février) dans la 
région lyonnaise. 

En 1935 (août-septembre), nous avons particulièrement remar- 
qué l'absence presque totale de Turdidés dans la région envisagée, 
et particulièrement du Merle à plastron. 


Grive draine Turdus viscivorus. — Nous avons trouvé cette 
espèce à la même époque et exactement dans les mêmes conditions 
et aux mêmes endroits que le Merle à plastron. Cependant, à la 
différence de ce dernier, elle descend beaucoup plus bas, dans 
toutes les forêts mêlées de Conifères et de Hôtres, particulièrement 
à la fin de l'été et en automne, dans celles où nous avons trouvé le 
Sorbier des Oiseaux. A cette époque d’ailleurs, nous l'avons trou- 
vée dans chaque ravin où coule un peu d’eau et où les arbustes à 


Source : MNHN. Paris 


244 ALAUDA, Vi, — 2, 1936. 








baies ne manquent pas, jusqu'aux abords de la Grande-Drance. 
Un individu & (?) obtenu le 27 août 1934 non loin de ce torrent 
entre Montriond et Morzine, était un jeune hors du nid depuis peu. 
I avait encore à la tête son duvet de poussin (Gésier : nombreuses 
baies indéterminables, { noyau de cerise sauvage). Tard dans 
l'automne, nous avons constaté des passages de Draines, comme 
en plaine. En 1935, diminution sensible de l'espèce. 


Grive musicienne Turdus ericetorum. — Ce Turdidé n’est pas rare 
non plus. Il nous a semblé, bien que nous l’ayons trouvé parfois 
à la même altitude que torquatus (Joux-Verte), qu'il préférait les 
basses forêts, quelque peu humides principalement (forêt de la 
Charnia, alt, moyenne 1.550 m.). Les peuplements particuliers qui 
longent la Grande-Drance semblent être son milieu de prédilec- 
tion. C’est là que nous avons trouvé un nid, le 29 septembre 1934, 
dans lequel il restait quelques débris de coquilles. Ce nid, de l’année, 
très frais, était situé sur un jeune Epicéa, contre le tronc, à 2 m. 
du sol, et était en tous points semblable à ceux que nous avons 
l'habitude de rencontrer dans les ciles du Rhône », au Sud de Lyon. 

En 1935, diminution sensible de l'espèce dans les basses forèts. 
Mais des nids abandonnés, plus nombreux que les autres années, 
sont trouvés entre le 10 et le 15 août, tout près de la Grande- 
Drance, dans le fond de la vallée à basse altitude. 

Dès le mois d'octobre, comme dans le Lyonnais, nous avons cru 
observer des Grives musiciennes de passage. 


Grive mauvis Turdus musicus. — Entre le 10 et le 15 octobre 
1932, un chasseur tue devant nous un Mauvis, à quelques mètres 
de la Grande-Drance, entre Montriond et Morzine. 


Grive litorne Turdus pilaris. — Nous nous rappelons avoir vu 
cette espèce, certaines années, tard dans l'automne, et évidem- 
ment de passage. Nous la connaissons sous le nom vulgaire de 
« Tiatia ». 

Rouge-gorge familier Zrithacus rubecula. — Le Rouge-gorge est 
assez répandu, mais rarement au-dessus de 1.200 m. ou 4.300 m. 
Il niche certainement, car dès août et septembre nous avons très 
souvent observé des jeunes. 

En 1935, l'espèce ne nous a pas paru en diminution. 

Nous avons capturé deux jeunes sortis du nid le jour même, 


Source : MNHN. Paris 


M. BERTHET SUR LE CHABLAIS 245 





le 17 août 1935, à quelques mètres des bords du lac de Montriond 
(alt. 1.050 m.). Une capture également en 1935, d’un jeune sem- 
blant abandonné de ses parents, tout près du Verney-Bron (alt, 
870 m.) sur la route de Thonon à Morzine. 


Rouge-queue à front blane Phœnicurus phœnicurus. — Observé 
depuis plusieurs années à Morzine et dans les environs. L'espèce 
niche sous les auvents des châlets, et pond de 5 à 6 œufs. 

L'espèce reste cependant peu commune, relativement à la sui- 
vante. 


Rouge-queue noir Phœnicurus ochruros. — Espèce très répan- 
due et très commune dans toute la région. Nous l'avons trouvée 
dans les lieux les plus disparates. Depuis les villages (tous ceux 
cités au commencement de ces notes, sauf à Samoëns où nous 
n'avons pas fait d'observations), jusqu'aux plus hauts sommets du 
Chablais (les Hautforts, alt. 2.466 m.), Ressachaux, Nautaux, 
alt. 2.176 m.) ; et partout où l’on trouve des rochers, des rocailles 
et des trous. 


Traquet motteux Œnanthe œnanthe. — Nous avons surtout 
observé le « eul-blane » (c'est ainsi que nous le connaissons de son 
nom vulgaire), sur le plateau d'Avoriaz (alt. 1.650 m.). Il y vit 
avec Phæœnicurus ochruros et aussi avec Anthus spinoletta. Nous 
avons déjà parlé du plateau d'Avoriaz, haute prairie semée en 
quantité de rochers glaciaires, tantôt posés à même le sol, le plus 
souvent en surgissant. Ces rochers pleins de trous plaisent admi- 
rablement à l’Oiseau et il y niche certainement. Nous l'avons 
également noté ailleurs : dans le Creu de Morzinette, dans la cuvette 
de la pointe de Bessachaux, sous la pointe de Nauteau, au Roc 
d'Enfer (spécialement), et en bien d’autres endroits. 


Merle de roche Monticola saxatilis. — Nous avons rencontré 
deux fois cette espèce. Ce fut d’abord en juillet 1932, lors d’un des 
rares séjours que nous avons faits à cette époque dans la région. 
Un & chantait parmi les éboulis rocheux de la pente Sud de la 
pointe de Nauteau (alt. 2.176 m.). Bien que nous n'ayons pas pris 
de notes, nous nous rappelons un chant un peu genre Turdus 
merula, mais plus léger, plus fluté, plus musical et plus varié. 

L'année suivante, en septembre, nous avons trouvé au même 
endroit un individu ( © ou jeune ?), assez peu sauvage. 


Source : MNHN. Paris 


246 ALAUDA. VI, — 2, 1936. 





Aceenteur alpin Prunella collaris. — Nous avons plusieurs fois 
en 1933 et 1934, rencontré cette espèce qui nous avait tout d’abord 
échappé. Nous l'avons notée assez jusqu'à 2.300 m. (Les Haut- 
forts), et toujours dans le même milieu que Phœnicurus ochruros, 
Œnanthe œnanthe et Anthus spinoletta (hautes prairies semées de 
rochers, où simplement éboulis et amas de rocailles). Nous rele- 
vons : plateau d'Avoriaz, les Hautforts (2.466 m.), au-dessus de la 
Quie (commune de Morzine), la chapelle de Graidon, pente Sud de 
Nautaux, les endroits où nous l'avons notée en août et septembre. 


Aecenteur mouchet Prunella modularis. — Un membre de notre 
famille nous à signalé en 1934 l'Accenteur mouchet (1 individu), 
aux maisons de Zoré, à la Joux-Verte (commune de Morzine) (?). 


Cinele plongeur Cinclus cinclus. — Nous avons trouvé très com- 
munément le Cincle sur tous les torrents de quelque importance. 
Bien que ce fût plusieurs fois aux altitudes extrêmes auxquelles on 
s'accorde généralement à reconnaitre que la Truite peut vivre 
(Ardent, cascade et châlets), il nous a paru préférer des altitudes 
plus basses et en particulier la Grande-Drance, entre Saint-Jean- 
d’Aulph, Montriond et Morzine (alt. moyenne 750 à 1.050 m.). 
Nous avons également maintes fois vérifié l'axiome : rivière à 
Truites, rivière à Cincles, rivière sans Truites, rivière sans Cineles 1. 

Le Cincle, de naturel habituellement peu farouche, est ici difficile 
à observer longuement. Nous pensons que cela vient de la chasse 
que lui font les indigènes, qui le tuent pour le manger (vraiment 
bien petit gibier!) et qui prétendent (naturellement) qu'il con- 
somme les alevins de Truites. Cette chasse, bien que faite au mo- 
ment des basses eaux, est d’ailleurs peu profitable, les individus 
tués tombant souvent à l'eau où ils flottent comme un bouchon 
et sont vite emmenés par le courant. D’autre part, un Cincle blessé 
se précipite au fond de l'eau comme une Sarcelle. Beaucoup sont 
donc ainsi inutilement perdus. 

Nous reproduisons une note prise sur la Grande-Drance entre 
Montriond et Morzine, le 26 août 1934, et qui donne une idée de la 
généralité de nos observations, lesquelles n’apportent d’ailleurs 
aucun éclaircissement à un fait assez peu connu, la marche au 
fond de l'eau : 


1. CF. H. Jouarp sur les Pyrénées-Orientales, Alauda, 1933, V, 2. 


Source : MNHN. Paris 


M. BERTHET SUR LE CHABLAIS 247 





« Trois jeunes Cineles pêchent en famille. Ayant pour point de 
départ soit le bord du torrent, soit une pierre au milieu de l’eau, 
ils plongent à des endroits d’ailleurs peu profonds. Les plongées 
sont très courtes (10 secondes environ). Parfois sans reprendre pied, 
ils reviennent chercher de l’air à la surface ; on voit, l'espace d’une 
ou deux secondes, apparaître leur tête sur l'eau, puis ils disparaissent 
à nouveau. De retour à terre ou sur un caillou, ils font des efforts 
du gosier comme pour finir d'avaler quelque chose. Nagent-ils 
dans l'eau ou font-ils un plongeon pour s'agripper dans le fond ? 
Peut-être les deux. Mais aucune observation ne nous permet de 
prendre position. 

Lorsqu'ils se mettent à l'eau, c’est par un mouvement de tout le 
corps, particulièrement de l'avant et du cou, qui semble beaucoup 
plus une plongée qu'une descente par le fond. Par contre, il semble 
parfois que, lors de leur retour à terre, c'est une remontée en sui- 
vant le fond (?? 

L'eau « louche », et l'observation « lointaine », bien que faite avec 
des jumelles, ne nous a pas permis de constater si une couche de 
bulles d’air les entourait lors de la plongée. Quoi qu'il en soit, leur 
plumage semble rester parfaitement sec. Ce n’est qu'au bout d'un 
certain nombre de plongées que leur plumage paraît légèrement 
mouillé. Ils commencent alors à se secouer après chaque plongée. » 

Nous avons observé le Cincle qui est, paraît-il, absolument 
sédentaire (d'après les personnes du pays), jusque lors de nos plus 
tardifs séjours (novembre et octobre). Un nid vide, trouvé en 
septembre 1933, était une grosse boule de mousse de 40 cm. de 
diamètre extérieur, coincée entre des aspérités de roche, à À m. 
au-dessus de la Drance de la Manche (Morzine). 

Nous avons fréquemment observé, mais de très loin, des Cineles 
isolés, restant des heures sur la même branche morte, celle-ci sou- 
vent au-dessus du plus fort courant, surveillant tantôt l’eau, tantôt 
l'air, ou paraissant assoupis, la tête légèrement rentrée dans les 
épaules et fermant et ouvrant alternativement les paupières. 
Un & (?) observé ainsi sur une branche au-dessus de l’eau, le 
4 octobre 1934, sur la Grande-Drance, répétait une petite chanson 
que le bruit du torrent nous empêchait de bien distinguer mais 
qui semblait assez harmonieuse, les notes dominantes ressem- 
blant toutefois à la petite ritournelle de toute saison de Phœ- 
nicurus ochruros. 





Source : MNHN. Paris 


248 ALAUDA, vil. — 2. 1936. 





Troglodyte mignon Troglodytes troglodytes. — Cette espèce est 
très commune, particulièrement auprès des torrents. C'est par 
4 à 6 par jour que nous avons rencontré des nids vides en longeant la 
Grande-Drance où nous pêchions la Truite en août et septembre. 
Souvent de mousse verte, ces nids sont souvent assez difliciles à 
découvrir. Ils sont coincés dans les anfractuosités des rochers bor- 
dant le torrent et se confondent facilement avec quantité d'autres 
plaques de mousse. Nous les avons trouvés également assez sou- 
vent sous les tabliers des ponts. 

Le 15 août 1932, des membres de notre famille ayant touché un 
nid, non loin de Saint-Jean-d'Auph (alt. 840 m. env.), il en sortit 
une dizaine (?) de jeunes prêts à prendre leur vol. En bordure du 
village de Montriond, nous avons vu (septembre 1933) un individu 
entrer et sortir par la fenêtre de la cuisine d’un châlet, comme un 
vieil habitué. C'est aux Granges (alt. 1.450 m. environ), en mon- 
tant à la Joux-Verte, et dans les châlets d’alpage du Crot aux 
Chiens (commune de Morzine), que nous avons trouvé les plus 
hautes altitudes de cette espèce, jusqu'en 1934 inclus. Cependant 
en 1935 un individu chantait le 8 août sous l’à pic de Ressachaux 
à 1.800 m. d'altitude. Et le lendemain 9 août, nous avons bagué 
trois individus au nid, restant d’une nichée non encore envolée. 
Nid situé contre la face Nord d’un pont, non loin de Montriond. 


Hirondelle de cheminée Hirundo rustica. — Nous avons vu quel- 
ques Hirondelles de cheminée en septembre 1933 et 1934, entre 
Montriond et le Pont de fer (alt. 960 m.). Cette espèce nous à 
semblé rare ici. Aucun nid observé. Par contre, en 1935, l'espèce 
nous a paru beaucoup plus nombreuse au même endroit. Mais nous 
n'avons pas observé de nids et ne l'avons pas remarquée ailleurs. 





Hirondelle de fenêtre Delichon urbica. — Nous avons trouvé 
cette espèce en très grand nombre et chaque année, alors qu'A/irun- 
do rustica nous a paru peu fréquente. C'est exactement le contraire 
de ce que nous avons constaté dans la ville même de Lyon, et dans 
de banlieue et des environs. L'Hirondelle eul-blanc 
jusqu'aux plus hauts sommets du Chablais (Hautforts, 
alt. 2.466 m., Nautaux, alt. 2.176 m., la Chavache ; Roc-d'Enfer). 

Mais nous n’avons trouvé aucun nid, pas plus sous les auvents 
des châlets d’alpage ou des villages que le long des à-pic et fa- 
laises accessibles. Cependant, si nous en jugeons par le nombre 






Source : MNHN. Paris 


M. BERTHET SUR LE CHABLAIS 249 





d'individus que nous avons rencontrés dans les vallées, non loin 
des villages, comme partout dans les plus hautes montagnes, 
cette espèce doit constituer quelque part, en des rochers inacces- 
sibles, des colonies assez nombreuses. Il est vrai que la date tardive 
de nos séjours n'a pas facilité la découverte de ces colonies. 
Delichon urbica nous a semblé partir assez +ôt : aux environs du 
25 septembre, peut-être avant. Nous nous rappelons avoir observé 
en 1929 ou 1930 un très important passage en Verney-Bron, entre 
Saint-Jean-d'Aulph et Montriond. Le vol descendait la vallée de 
Ja Grande-Drance, en direction de Thonon, à basse altitude (30 
à 40 m.) et par un terrible vent debout. Ainsi les Oiseaux étaient-ils 
très dispersés, et le passage, quoique très suivi, ne dura pas moins 
de deux à trois heures. C’est le passage le plus curieux que nous 
ayons observé. La direction S.-N. était vraisemblablement exigée 
par la configuration du sol de la région, le passage s’effectuant 
vraisemblablement par le lac Léman et la vallée du Rhône. 


Hirondelle de rocher Riparia rupestris. — Nous avons aussi 0b- 
servé souvent cette espèce, mêlée à la précédente dans les mêmes 
conditions et aux mêmes altitudes (très variables). Même date de 
départ (environ), mais, comme pour l'Hirondelle de fenêtre, nous 
n'avons pu faire aucune observation sur les lieux de nidification. 


Pie noir Picus martius. — Nous avons trouvé le Pic noir norma- 
lement répandu, chaque couple ayant ses cantonnements ou à peu 
près. Chacun d’eux ne se gène d’ailleurs pas pour visiter celui de son 
voisin, et il n’est pas rare de les voir ainsi traverser la vallée pour 
se rendre de l’un à l'autre, mais ils reviennent toujours aux leurs. 

Nous l'avons observé de 1.200 m. à 1.400 m. jusqu’à la limite 
de la végétation forestière (la Joux-Verte alt. 1.700 m., Bassa- 
chaux, forêts de Morzinette, etc.….). Il nous a paru avoir un habi- 
tat identique en tous points à celui du Casse-noix, à ceci près qu'il 
affectionnerait plus particulièrement que ce dernier les forêts de 
Hôtres et d'Epicéas (1.200 à 1.400 m.). 

Son cri le plus commun est : Tru, truû, truû, qu'il fait entendre 
lorsqu'il passe d'un bouquet d’Epicéas à l’autre. Une jeune © pous- 
sait une sorte de cri Kreu-ûu, kreu-üu dans une forêt de Hêtres 
au-dessus des châlets de la Quie (alt. 1.500 m.), en montant à Morzi- 
nette, le 27 août 1934. Un autre (sexe ?), le même jour au même 
endroit, puis plus tard le 5 octobre 1934, sous Nion et Angolon et 


Source : MNHN. Paris 


250 





e Vuf. — 2. 1936. 





entre ces deux sommets, faisait entendre une sorte de grincement de 
scie : Tuuine, tmuine. 
Deux sujets, 27 août 1934, pris sous les châlets de la Quie (com- 


mune de Morzine), étaient des jeunes en pleine fin de mue, el ont 
fait de bien mauvaises peaux. 


Pie vert Picus viridis. — Nous avons noté deux fois le Pic vert. 
Une fois non loin des maisons de Zore, alt. 1.600 m. environ 
(septembre 1932), une autre fois non loin des Granges, alt, 1.350 m. 
environ (septembre 1933), Ces deux hameaux d'alpage se trouvent 
en montant à la Joux-Verte (commune de Morzine). 

Deux fois, dans la forêt de Ja Charnia en 1932, et en montant 
aux Granges (Joux Verte) en 1934, nous avons entendu un cri qui 
nous à paru être celui d'un Pic, ces mêmes « notes », peut-être, 
qui ont attiré l'attention de M. Jacques DELAMAIN dans les Alpes 
d'Insbrück : « elles rappelaient un peu le rire du Pic-vert Picus 
viridis, mais sans ses éclatantes aspérités, et presque musical » 1 
C'est cela très exactement. Mais de quel Pie s'agit-il ? 








Coucou gris Cuculus canorus. Le 15 mai 1932 un individu 
chante sur un Epicéa situé en plein milieu d’un immense champ 
de neige, aux maisons de Zore (la Joux-Verte). 


Martinet à ventre blane A pus melba melba. — Nous avons vu 
plusieurs fois, durant nos rares et courts séjours de juillet, le Mar- 
tinet à ventre blane, mais en un seul endroit, au sommet de la 
pointe d'Angolon (1932 et 1934, un couple). Au sommet de cette 
pointe, se tient toujours, vivant solitaire, un troupeau de Moutons. 
En 1935, le 20 août, nous avons vu un individu de cette espèce, 
d’assez près, vers 5 heures de l'après-midi, à la Joux-Verte (alt. 
1.750 m.). 11 semblait de passage en direction du lac Léman. 








Martinet noir Apus apus. — Nous l'avons toujours observé dans 
la vallée de Morzine, aux mêmes époques que le précédent. Il nous 
à paru se reproduire dans les environs immédiats de l'Eglise 
(alt. 980 m.) de cette localité (clocher ?). Nous n'avons trouvé 
ni l’une ni l'autre espèce durant d'autres séjours qui commencèrent 
au 15 août. En 1935, quelques individus du 2 au 8 août, au-dessus 








2. Jacques Déssmax, sur les Alpes d'Innsbrück, Alauda, 1934, VI, n° 2, 


Source : MNHN. Paris 


M. BERTHET SUR LE GHABLAIS 251 





de la place de Morzine. Le 20 août, deux individus à la tombée de la 
nuit, au sommet du téléférique du Plenay (alt. 1.650 m.). 


Engoulevent d'Europe Caprimulgus europaeus. — Un membre 
de notre famille, pêcheur de Truites, nous a affirmé l’avoir rencon- 
tré trois fois : une fois (un individu), auprès de la Petite-Drance 
(alt. 1.100 m.) qui descend du lac de Montriond pour rejoindre la 
Grande-Drance au pont de Fer. Deux autres fois au même endroit, 
non loin d’un ancien lit de torrent desséché, et également près 
d’une petite Drance, celle de la Manche (Morzine). 


Chouette ehevêchette Glaucidium passerinum ? — Le 23 août 
1934, à tombée de nuit, nous avons aperçu aux alentours du village 
de Montriond, à côté du tremplin à ski, une petite Chouette qui 
nous a paru être une Chevéchette. 


Chouette hulotte Strix aluco. — Fin août 1932, nous avons en- 
tendu une Hulotte, au même endroit exactement et dans les mêmes 
conditions que la précédente. 


Hibou brachyote Asio flammeus. — Le 1% octobre 1934, un 
Chien fait lever à 15 m. de nous un Brachyote de passage. Nous 
étions presque à l’arête de Bassachaux (alt. moyenne 1.700 m.). 
L'Oiseau était à terre, en plein champ de Rhododendrons. 


Faucon pèlerin Falco peregrinus. — Nous avons cru voir deux 
fois le Pèlerin. Une fois dans les «lanches 1» de la pointe d'Angolon, 
côté des châlets de Jouplane, où il fut surpris de si près qu’il nous a 
paru à la recherche de Lyrurus tetrix qui chantait non loin. C'était 
dans les derniers jours d'octobre, en 1931. Une autre fois, sous la 
même pointe, mais du côté opposé (côté de la vallée de la Manche), 
le 3 octobre 1934. 


Faucon crécerelle Falco tinnunculus. — Le Faucon crécerelle 
est très répandu en Haut-Chablais où son habitat préféré nous a 
paru s’étendre de la limite supérieure de la végétation forestière 
(1.700 à 1.900 m.), en particulier au-dessus de cette limite, dans les 
hautes prairies, les rocailles, les à-pie, jusqu'aux plus hauts som- 
mets (les Hautforts 2.466 m.). Nous l'avons noté sur toutes les 


1. Petites arêtes montantes sur lesquelles croit l'Epicéa. 


Source : MNHN. Paris 


252 ALAUDA. Vi, — 2, 1936. 





autres pointes : Nautaux, Rassachaux, le Roc-d'Enfer, ete…., 
mais surtout dans les hauts pâturages qu’on trouve, habituellement, 
immédiatement au-dessous de ces sommets. 

En 1935, une nichée de 4 ou 5 jeunes peu farouches et leurs pa- 
rents fréquentaient les abords immédiats des maisons de Zore 
(la Joux-Verte, alt. 1.680 m.). 





Epervier d'Europe Accipiter nisus. — Nous avons noté deux 
fois (1934) le petit Epervier. Au Roc d'Enfer, presque au sommet, 
le 19 août. Le 27 août 1934, sur la route qui relie Montriond à 
Morzine. 


Aigle royal Aquila chrysaëtos. — Sans qu'il soit commun, nous 
l'avons vu presque chaque année, rarement par couple, mais plu- 
tôt isolé, planant lentement le long des à-pie. 

Les lieux de nidification restent introuvables depuis déjà un 
certain nombre d'années. Ce splendide Rapace se reproduisait au- 
trefois sur une sorte de large corniche placée au flanc des parois 
verticales surplombant de 300 m. un petit lac vert, le lac de Mon- 
triond. 11 transportait là, chaque année, des quantités considé- 
rables de bois et ne changeait jamais l'emplacement de son aire, 
Celle-ci était très grande, plate, avec une contexture de très grosses 
branches. 11 ne reste plus maintenant qu'une masse de bois morts 
de plusieurs mètres cubes, et une large tache blanche, le long du 
rocher, produit ineffaçable des exeréments. 

On voit l’Aïgle royal assez rarement au repos. Nous l'avons vu 
cependant s'arrêter sur une arête (1932) ou un pic inaccessible, 
surveillant les alentours en faisant faire à son cou un tour de près 
de trois quarts de cercle. Il fut immédiatement entouré de Cho- 
cards, qui lui firent une auréole gouailleuse et criarde, à laquelle, 
du reste, il demeura indifférent. 

Les deux endroits où on aurait le plus de chance de le rencontrer 
sont les montagnes de la Chavache (commune de Montriond) et la 
pointe de Rassachaux (commune de Morzine). 

Le manque d'observations nous confirmait jusqu'ici dans notre 
idée qu'Aquila chrysaëtos ne serait bientôt plus dans le Haut-Cha- 
blais qu'accidentel. Et qu'il se pourrait bien que ce ne soit bientôt 
plus, hélas, qu'un souvenir. Pas encore peut-être, car en 1935, nous 
avons bien cru faire la découverte d’une aire habitée d'un couple. 
Si des observations et des faits nouveaux confirmaient cette décou- 


Source : MNHN. Paris 


M. BERTHET SUR LE CHABLAIS 253 








verte fort intéressante, nous ne manquerions pas d’en faire des 
observations plus suivies que nous ferions connaître. 


Bondrée apivore Pernis apivorus. — La Bondrée est ici assez 
commune. Au contraire de Falco tinnunculus, c'est un habitant des 
forêts et des bas pâturages qui se tient au-dessous de 2.000 m. 
A cet état, nous l'avons trouvée partout assez répandue, dans le 
Haut et Pas-Chablais et en particulier sur le territoire des com- 
munes que nous avons citées au commencement de cette étud.. 1 


Canards et Sarcelles (sp. ?). — On nous a rapporté qu'il n'était 
pas très rare de voir, tard dans l'automne, des Canards et des Sar- 
celles (sp ?,, sur le lac de Montriond. 


Oie Anser ? — Un vol de 20 à 30 Oies au-dessus du village de 
Morzine, le 20 octobre 1935. 


Bécasse des bois Scolopax rusticola. — Nous avons trouvé cette 
espèce, estivale, et sur ses lieux de reproduction. Nous nous dou- 
tions depuis longtemps du fait, car nous avions observé à plusieurs 
reprises des sujets adultes en juillet et août et des jeunes en sep- 
tembre. La preuve de la nidification de la Bécasse en Haut-Cha- 
blais nous fut apportée, en 1933, par le récit très circonstancié 
d’un indigène, suffisamment connaisseur, qui nous conta la capture 
qu'il fit d'un tout jeune sujet. Sans pouvoir dire que Scolopax 
rusticola, en cet état, soit commune, elle n'est cependant point rare. 
Nous l'avons trouvée aux endroits humides et où l'eau coulait, 
notamment à la Joux-Verte et sous la pointe de Chéry, mais en plus 
grand nombre dans la partie Ouest de la forêt de la Charnia : forêt 
d'Epicéas et de quelques Hêtres, coupée de petites clairières hu- 
mides. 














1. Parmi les Oiseaux considérés comme Bondrées par M. Bekruer devait figurer un 
pourcentage important de Buses Buteo b. buteo, Pour autant qu’on le sache, en effet. 
la Bondrée ne monte pas très haut dans l'Alpe, et la fuit très tôt, dès la fin de l'été. 
La distinction, au vol, d'une Buse et d’une Bondrée n'étant pas, dans tous les cas, où 
sous tous les angles, aussi facile qu'on l'a dit, je crois utile de signaler ici une carac- 
téristique passée sous silence par les auteurs de manuels, mais qui serait constante : 
quelle que soit la coloration générale de la Buse (très variable d'un individu à l'autre 
comme chacun sait) cet Oiseau m'a fait voir, sur tous les spécimens qui passèrent entr 

mes mains ou furent, de ma part, l'objet d’une observation attentive dans li nature, 
la présence, sous l'aile étendue, d'une zone plus où moins foncée qui s'étend depuis le 
corps (région de l'épaule) jusque vers le poignet ; et, la Bondrée, la présence, au même 
endroit, d'une zone plus où moins claire à partir du corps et jusqu'au poignet, puis 
une grosse tache foncée —, un peu comme chez la Buse pattue Bufeo lagopus. — Ré- 
daction (H. J.). 

















Source : MNHN. Paris 


254 ALAUDA. VII, — 2, 1936. 





Béeassine des marais Gallinago gallinago. — Nous avons toujours 
trouvé cette espèce, de Passage, en automne, à deux endroits : sur 
les mares, dites « gouilles », du plateau d'Avoriaz, et dans le petit 
marécage situé au Sud et à quelques centaines de mètres du col de 
Jouplane. 


Bécasseau (sp ?). — Vu un Bécasseau (sp ?) sur le lac de Mon- 
triond, le 8 août 1935. 





Râle de genêts Crer crex. — Le 21 septembre 1933, un indi- 
vidu & (2) est tué sous nos yeux par un chasseur, sur l’arête 
de Nautaux, à 2.250 m. d'altitude. Cet Oiseau, que nous avons eu 
en mains, était très gras. Nous reviendrons un jour sur cette pré- 
sence, qu'on nous signale comme exceptionnelle à cette altitude, 


Pigeon ramier Columba palumbus. — Deux Ramiers sont tués 
par un chasseur l'automne (octobre ?} de 1930 ou 1931, non loin 
de Bon-Morand (commune de Morzine alt. 1.500 m.). Un individu 
de cette espèce est tué le 18 septembre 1935 à la Joux-Verte, dans 
un champ de Myrtilies, parmi les grands Epicéas de l’arrête. Jabot 
plein des fruits de cette plante. 


Perdrix bartavelle Alectoris grœca saratilis. — Cette belle Per- 
drix propre aux Alpes, au bec fort et assez courbé, est disséminée 
en plusieurs endroits mais peu répandue. Elle affectionne les lieux 
arides et secs et ies éboulis de rochers. Nous l'avons trouvée jus- 
qu'à 2.000 m., en général nettement en-dessous de Lagopus 
mutus helveticus. 

Comme on devrait le savoir, la Bartavelle, dont les plumes des 
flancs portent deux bandes noires, ne peut se confondre avee la 
Perdrix rouge Alectoris rufa, dont les plumes des flancs ne portent 
qu’une seule bande noire. Pour être infaillible, ce critère reste in- 
connu de la plupart des chasseurs. 

Un sujet du 17 septembre 1935 était de taille particulièrement 
petite (nichée tardive, conséquence des neiges printanières ?) 
Non loin, un sujet mort dans un creux de rocher. 


Caille des blés Coturnix coturnix. — Des membres de notre fa- 
mille nous ont aflirmé avoir rencontré plusieurs fois des Cailles à 
plus de 2.000 m. au moment des passages, particulièrement celui de 
printemps (pointe de Nion). 


Source : MNHN. Paris 


M. BERTHET SUR LE CHABLAIS 255 





Gélinotte des hois Tetrastes bonasia. — Nous n'avons fait, en 
1934, aucune observation de Gélinotte. 

Ce gracieux volatile, qui jusqu'ici n’était pas rare en Chablais et 
semblait même repeupler sensiblement, n'a cependant certaine- 
ment pas disparu. Très souvent perché sur les Epicéas, nous avons 
pu le voir, tantôt partant d’un vol rapide et bruyant dans notre 
dos, tantôt plongeant silencieusement au fond d’un ravin. Ses habi- 
tats préférés sont les forêts mélangées d'Epicéas et de Hêtres. C'est 
un Oiseau élégant et qui vient facilement (beaucoup trop facilement 
même |) à son cri de rappel : Tuuñ, tuuû, tu, tu, tu, tu. Observation 
d'une couvée de 5 ou 6, dans les derniers jours d'août 1935. 


Grand Tétras Tetrao urogallus. — Quoique les montagnes du 
Chablais ne constituent pas son habitat préféré, il y en a toujours 
eu quelques couples, au moins depuis 1910, se reproduisant de fa- 
çon indiscutable. Souvent branché à mi-hauteur dans les très vieux 
Epicéas. 

Le grand Tétras recherche les profondes ravines ainsi que les 
lieux les plus sauvages. Il ne semble pas devoir peupler facilement. 
Son véritable habitat français reste bien, sans contredit, le Jura. 

Nous l'avons observé plusieurs fois. Chaque année, en septembre, 
on nous signale des individus tués par des chasseurs. Nous n'avons 
jamais pu avoir ces spécimens en main, de sorte que nous n'avons 
pu nous rendre compte s'il s'agissait en ces cas particuliers de 
Tetrao urogallus, ou d'hybrides Tetrao urogallus X Lyrurus tetrix. 
Car l'hybridation des deux espèces doit se produire très certaine- 
ment, étant donné surtout, la rareté de la première. Des rémiges et 
des rectrices des deux sexes que nous avons recueillies semblent bien 
prouver cependant qu'il ne s’agit pas en l'occurrence que d'hy- 
brides. C’est une question sur laquelle nous reviendrons. 


Tétras lyre Lyrurus tetrix, — Autrefois très abondante, mainte- 
nant beaucoup moins, cette espèce trouve son habitat parfait dans 
les moyennes hauteurs du Chablais. Les couvées demeurent avec 
la mère jusqu’au 15 octobre environ, dans les bois d’Epicéas, prin- 
cipalement de jeunes, qui les ont vu naître. Les vieux 4 au con- 
traire (l'espèce est polygame), restent près des à-pie, prêts à plon- 
ger dans le vide à la moindre alerte. Tous se défendent admirable- 
ment. Cependant, malgré cette défense, à laquelle, en de nom- 
breux endroits, les lieux se prêtent, le Tétras lyre accuse depuis 


Source : MNHN. Paris 


256 ALAUDA. VII. — 2. 1936. 








1920-1922 une diminution angoissante en Chablais. Nous croyons 
d’ailleurs qu'il y a là un fait généralement constaté dans tous les 
habitats français de cette espèce. Les causes sont multiples. Une 
cependant est à retenir parce qu'il serait facile d'y remédier. Et 
c’est dans l'espoir que ces lignes tomberont sous les yeux d’un 
« pouvoir compétent », que nous l'indiquons ici, bien que ce n’en 
soit pas précisément la place. 

L'ouverture de la chasse au Tétras lyre se fait à la même date 
que celle de la chasse au gibier de plaine dans nos régions du 
centre, c’est-à-dire entre le 25 août et le 127 septembre. A cette 
époque, les jeunes Tétras sont encore de très petite taille (les prin- 
temps à ces hauteurs sont généralement tardifs). 11 nous est arrivé 
d’avoir vu prendre à la main des jeunes entre le 10 et le 15 août. 
Résultat : à l'ouverture, les jeunes Tétras partent en compagnies 
serrées, comme des Perdreaux de chasse gardée, et à découvert. 
Les compagnies sont habituellement, en effet, dans les champs de 
Rhododendrons, en bordure des forêts de jeunes Epicéas où la © 
a mené à bien sa couvée. Et c'est le massacre. Alors qu'en plaine 
la chasse au Faisan ne s'ouvre jamais avant le 20 septembre. 
À notre connaissance, jamais encore la préfecture de Haute- 
Savoie n'a réglementé l'ouverture du Tétras lyre. Seules des s0- 
ciétés de chasse locales l'ont fait, et plus pour des intérêts de per- 
sonnes que pour l'intérêt général. 

L'affaire est simple. Si, d'ici peu, des mesures telles que celles 
que nous avons indiquées (ouverture de la chasse au Tétras lyre 
au plus tôt au 20 septembre) ne sont pas adoptées, nous le disons 
clairement, avant 6 ans l'espèce ne sera plus chassable en Haute- 
Savoie, et avant 15 ans, peut-être moins, un des plus beaux habi- 
tants de nos forêts alpines s’éteindra complètement. 

Une autre cause de la diminution du Tétras lyre est l’intense et 
odieux braconnage pratiqué toute l’année, mais particulièrement 
au printemps, à la « chantée ». Les 4, à cette époque et dans cet 
état, se laissent approcher très facilement. Mais, direz-vous, dans 
ce cas, il n'est tué que des 3! Or, l'espèce est polygame. Il y a 
toujours des $ en surnombre. D'ailleurs la Pologne, un pays qui 
sait protéger son gibier, ne permet-elle pas précisément la chasse 
au Tétras lyre qu'à cette époque de la « chantée » ? Qu'importe ! 
Croyez-vous que l'espèce chante son bel amour pour les verts 
Epicéas et les neiges éternelles ? Au printemps, à la « chantée », 
le braconnage détruit des Q, beaucoup de &. 




















Source : MNHN. Paris 


M, BERTHET SUR LE CHABLAIS 257 





11 y aurait beaucoup à dire sur le Tétras lyre, son chant, son vol 
rapide, sa nourriture, ses habitudes. Nous y reviendrons peut-être 
un jour. 

Ces lignes avaient été rédigées en 1934. La Préfecture de la 
Haute-Savoie a pris en 1935 un arrêté n’autorisant la chasse du 
Tétras lyre qu'à partir du 15 septembre. 


Lagopède alpin Lagopus mutus. — Cette espèce, assez commune 
autrefois, même à des altitudes relativement basses (1.800 m. 
à 2.000 m.), ne se trouve guère maintenant avant 2.200 m. Elle 
est même devenue assez sauvage, presque rare. Il semble que 
le Lagopède blanc doive disparaitre du Haut-Chablais à brève 
échéance, car peu de montagnes de cette région lui donnent aujour- 
d'hui assez de facilités pour sa défense. Cependant, il ne paraît 
pas que la diminution rapide de cette espèce ces dernières années 
soit en rapport avec la destruction humaine qui en est faite. Quelle 
autre cause alors ? Nous y reviendrons aussi. 


En terminant ces notes, nous tenons à signaler que nous nous 
sommes abstenu de mentionner quelques espèces, non des moins 
intéressantes et des moins rares, dont nous avons cru faire des ob- 
servations, mais sans preuves suffisantes. Si nous acquérons des 
certitudes nouvelles, à leur sujet, tout de même que si nous obser- 
vons d'autres espèces encore qui jusqu'ici nous auraient échappé, 
nous ne manquerons pas de les mentionner dans des notes qui sui- 
vront. 

Nous renouvelons la remarque, que nous avons établie au début, 
du peu d'observations faites en ce qui concerne la nidification des 
espèces étant donné l'époque généralement tardive de nos séjours. 

Enfin, pour terminer, nous ferons une remarque générale, c'est 
la grave diminution des espèces cynégétiques, non les moins inté- 
ressantes. La dépopulation des montagnes, bien que peu accentuée 
en Chablais, a été largement compensée par l'amélioration des 
moyens de transport et surtout des voies de communication. Les 
routes montent dans la vallée, mais la faune fuit. Puisse-t-elle ne 
pas disparaître un jour complètement ! 


Manuscrit reçu à Alauda le 26 janvier 1936. 


Source : MNHN. Paris 


CORRESPONDANCE, 
NOTES ET FAITS DIVERS 


Sur l’ «Inventaire des Oiseaux de France », par Noël 
Mayaud, avec la collaboration d'Henri Heim de Balsac 
et Henri Jouard. 


Au moment où la Société d'Etudes Ornithologiques donne, par la 
publication de l’/nventaire des Oiseaux de France, une si belle preuve 
de sa vitalité et une réponse si précise aux espoirs que tant de bons 
ornithologistes ont mis en elle, il semble nécessaire aux soussignés 
d'indiquer ici l'origine de l'ouvrage, la part que chacun des trois 
auteurs y a prise, et ce qu'il convient d'en attendre. 





x 
CRU 


Le projet même de l'inventaire, auquel beaucoup pensaient, mais 
qu'il était permis de considérer comme prématuré, revient à Noël 
Mayaun. È 

Notre collègue nous en fit part. 

Nous applaudimes avec d'autant plus de cœur que la Liste de 
MM. MexeGaux et Rapixe de 1921 (qu'il s'agissait en somme de 
remplacer), nous était toujours apparue comme témoignant d'une 
grave erreur de jugement, génératrice de confusions : par limpor- 
tance — traduite typographiquement en caractères gras — qu'elle 
réservait aux formes dont seul le hasard avait voulu (priorité de 
description) que leur nom subspécifique fût le même que leur nom 
spécifique (formes nominales, soi-disant « types »), au détriment des 
autres formes de la même espèce, — celles-ci fussent-elles nidifica- 
trices et celles-là simplement de passage chez nous. Sans insister 
autrement (puisque, déjà, Noël MayauD y fait allusion dans sa pré- 
face) sur la légèreté dont les auteurs de cette Liste avaient encore 
fait preuve en y incorporant, sans raisons sérieuses, bon nombre 
d’Oiseaux douteux ! 


Source : MNHN. Paris 


CORRESPONDANCE, NOTES ET FAITS DIVERS 259 





Puis notre collègue nous posa la question de savoir si, éventuelle- 
ment, la Société d'Etudes Ornithologiques accepterait de publier son 
Inventaire en lui accordant son patronage. 

Nous fûmes heureux de lui apporter la réponse positive que nous 
avions sollicitée de notre Conseil de Direction. 

Noël Mavaup nous demanda enfin notre collaboration effective. 
Un échange d'idées s'ensuivit, sur la façon dont il convenait de pré- 
senter le travail. Selon nos suggestions, notre collègue modifia cer- 
tains de ses plans primitifs (c’est sur nos instances, par exemple, 
qu'il distribua ses sous-espèces, numérotées a, b, €, ete. dans les 
cadres pré-établis des espèces, numérotées 1, 2, 3, ete 





x 
EU 


Vint la question du travail lui-même. Noël MayauD garda la 
charge de la plupart des recherches bibliographiques. Nous lui 
communiquâmes, nous, ce que nous savions, du fait de nos études pré- 
cédentes, et de par notre propre expérience, des Oiseaux en question, 
par nous recherchés et étudiés sur le terrain pendant de longues 
années. Certains textes furent amendés, repris, plusieurs fois. Il 
arriva même que nous ne fussions pas d'accord : Noël MayauD 
décida alors de son propre chef. 

Résultat : la partie critique (première généalogiquement, si seconde 
dans l'ordonnance du texte, comme Noël Mayaun l'a lui-même expli- 
qué) de l'Inventaire est surtout due à Noël Mayaun ; la liste pro- 
prement dite est le produit, à parts sensiblement égales, de chacun 
de nous, — MM. Robert HainaRD, Olivier MEYLAN, Bernard Mouiz- 
LARD (que nous sommes heureux de remercier ici) ayant encore été 
interrogés par nos soins sur leurs régions respectives, c’est-à-dire sur 
les abords du Lac Léman pour les deux premiers, et sur le Massif 
Central pour le troi 











LL) di * 

Nous ne considérons nullement l’/nventaire comme une fin, et 
nous ne nous faisons aucune illusion sur le degré de sa perfection. 
Nous le voyons, bien plutôt, comme une mise au point temporaire, 
et une base — plus solide que toutes les précédentes — pour l'orni- 
thologie de la France à venir. 

Aussi, loin de repousser les critiques, nous les sollicitons, assurant 


Source : MNHN. Paris 


260 ALAUDA. VIII — 2. 1936. 





d'avance de notre reconnaissance ceux qui viendront nous dire : 
« Vous avez oublié tel point. Vous avez fait erreur sur tel autre. 
Quand un nombre suffisant de nouvelles données nous aura été journi, 
nous publierons un complément rectificatif au travail d'aujourd'hui. 

En attendant, nous prions nos collaborateurs d'utiliser, pour leurs 
communications et travaux, la nomenclature de l’Znventaire. 

Et maintenant, ornithologistes de France, au travail, à partir de 
l’Inventaire 1936 qui vous est offert ! 


» 





Henri Jouarn et Henri HEIM pe Barsac. 


Le Venturon dans les Vosges. 


Le 30 mai 1936, au cours d’une exeursion ornithologique dans 
la partie des Hautes-Vosges comprise entre les cols du Bonhomme 
et de la Schlucht, nous avons pu observer plusieurs couples de Ven- 
turons (Carduelis c. citrinella), dont certains occupés à la construc- 
tion de leur nid. Aux environs du col de Luaspach notamment 
(alt. 977 m.), 2 ou 3 paires de Venturons stationnaient sur la route. 
Tandis que les & 3, perchés à la pointe d’arbrisseaux ou sur le som- 
met des bornes bordant la chanssée, ou décrivant pr esque au ras du 
sol de capricieuses et papillonnantes évolutions, émettaient les 
Strophes de leur chant, dont le timbre nous a paru comparable, 
pour certains moifs, à celui du Bruant proyer (Emberiza calandra), 
les © © parcouraient diligemment les bas-côtés de la route, cher- 
chant dans les détritus amoncelés les briadilles où menues racines 
desséchées qu’à grands efforts parfois elles arrachaient de la boue 
séchée où elles étaient retenues. En possession de ces matériaux 
elles s'envolaient vers une sapiuière toute proche, fidèlement escor- 
tées de leurs époux. Les deux Oiseaux, à ce moment, poussaient 
simultanément leur cri d’appel doux et harmonieux, qui permet- 
trait, à défaut de tout autre moyen, d'identifier immédiatement l’es- 
pèce. 

Nous étant rendus au pied même des grands Sapins, lieu de ral- 
liement des Venturons, il nous fux impossible de découvrir l'endroit 
où les couples observés édifiaient leur nid. Les Oiseaux devaient 
“l’ailleurs bientôt cesser leurs allées et venues, gênés sans doute par 
la pluie qui commença à tomber vers 10 heures. 

L’après-midi, sur les chaumes dominaat le lac Noir, à la limite de 
la végétation (alt. environ 1.230 m.), nous entendimes et aper- 














Source : MNHN. Paris 


CORRESPONDANCE, NOTES ET FAITS DIVERS 261 








çûmes également un couple de Venturons évoluant dans un taillis 
de Pins et d'Epicéas rabougris. 

Enfin, vers 19 heures, au col même du Bonhomme (alt. 940 m.), 
un couple fut encore observé à quelques centaines de mètres de 
l'hôtel : les deux Oiseaux étaient perchés côte à côte sur les fils 
télégraphiques. 

C. A. KrœxER, conservateur adjoint du Musée d'Histoire natu- 
relle de Strasbourg, dans son Aperçu des Oiseaux de l'Alsace et des 
Vosges (Strasbourg, Dérivaux 1865), écrit : « Le: Venturon est 
sédentaire dans les montagnes, d'avril en septembre. Habite les 
parties élevées des Vosges, niche dans les fourrés de Sapins et 
pond 4 à 5 œufs blanchâtres marqués de taches d'un rouge de 


brique (col. KRŒNER). » 
Bernard MourLLar». 


[D’après les excellentes observations faites dans les Hautes- 
Vosges par ScHELcRER (« Ornithologische Ausflüge in die Umge- 
bung von Freiburg (i. Br.) und in die Vogesen » V. O0. G. B. 1914, 
pp. 53-86) et par SrresemMANx (« Drei Jahre Ornithologie zwischen 
Verdun und Belfort » V. O. G. B. 1918, pp. 245-288, et spéciale- 
ment pp. 254-255) le Venturon montagnard est un Oiseau commun 
dans les Hautes-Vosges, entre 7-800 mètres et la limite de la végé- 
tation arborescente. 

Il est stupéfiant — et combien triste ! — de constater avec quel 
ensemble la plupart de nos fabricants de « faunes locales » l'ont 
méconnu. M. MouiLLarD à d'autant mieux fait d'exhumer la 
vieille note de KRŒNER ! 

Et puisqu'il s'agit ici de faunes locales, remarquons que, dans sa 
récente Bibliographie des Faunes ornithologiques des régions 
françaises (ef. Alauda 1936, n° 1 p. 303), M. LEGENDRE ne cite pas 
SvrEsEmANN pour les Vosges auxquelles, pourtant, à trait pour 
une large part l’article précité. Pas plus, il est vrai, qu'il ne cite 





tELcHER !... Du moins cette dernière omission a-t-elle été déjà 
réparée par notre collègue ne Bonner DE PAILLERETS. — FRéduc- 
tion : H. J.]. 


Sur l'instinct des jeunes Cincles et sur leur précocité 
de plongeurs et nageurs. 


Dans la première quinzaine d'avril 1936, nous avons pu contrôler 
plusieurs nids de Cincles aquatiques Cinclus cinclus subsp. ?, 


Source : MNHN. Paris 


262 ALAUDA. vit. — 2, 1936. 





édifiés contre les parois rocheuses qui dominent la rivière « Lu 
Couze-Chambon », dans la partie inférieure de son cours, en amont, 
et en aval du village de Neschers (Puy-de-Dôme). À cette époque 
tous contenaient des poussins, soit nouvellement éclos, soit parve 
nus à la moitié de leur développement. Le 10 avril, comme nous 
approchions de l’un de ces nids, construit bien en évidence et à 
hauteur d'homme sur une saillie rocheuse d'une haute caverne 
baignée par la rivière, l'un des jeunes s’échappa brusquement par 
le trou de vol et, s’élançant hors du nid, tomba à l’eau, dans la- 
quelle il plongea, et, le cou tendu, se propulsant sous l'eau à grands 
coups d'ailes, gagna le milieu du chenal où il disparut emporté 
par le courant extrêmement violent à cet endroit. Nous ne le vimes 
point réapparaître. Sans doute avait-il été brisé contre l’un des 
gros rochers parsemant le lit du torrent. 

Néanmoins, pendant qu'il franchissait en plongée les quelques 
mètres d'eau calme et limpide baignant la falaise, nous avions eu 
le temps de l'observer. Ce jeune Oiseau n'avait pas encore revêtu 
son plumage complet : les grandes rémiges et les couvertures des 
ailes étaient encore « en tuyaux », de même que les rectrices, fort 
apparentes et couvertes de bulles d'air. Ainsi ce poussin encore 
impropre au vol était déjà capable d'évoluer facilement sous l'eau 
et, placé dans des conditions normales, d'échapper sans doute aux 
poursuites ! 

Pour ne point provoquer l'abandon du nid par le reste de la 
couvée, nous décidâmes d'interrompre nos investigations. Durant 
tout le temps de notre visite les adultes étaient demeurés invi- 
sibles. 

Bernard MouiLLARD. 


Sur la sève des arbres dans le régime des Pics. 


En explorant un petit bosquet dans le pare de Rambouillet, je 
venais de découvrir la présence de deux Acer dasyearpum, essence 
rarement plantée dans ledit pare, et qu'on appelle Acer saccharinum 
aux Etats-Unis par raison de priorité. C’est un des arbres qui four- 
nissent le sucre d'Erable. Ces sujets voisins, assez âgés mais non 
vétustes, végétaient cependant assez mal au milieu d'arbres plus 
élevés. Tout de suite, mon attention fut attirée par l'aspect du rhy- 
tidome qui, d'un seul côté — le côté Sud ——, portait une multitude 
ininterrompue de petites excavations plus ou moins losangiques, à 





Source : MNHN. Paris 


CORRESPONDANCE, NOTES ET FAITS DIVERS 263 





bords et fond brunâtres. Ces excavations étaient plutôt disséminées 
à la base du tronc jusqu'à 0 m. 75 du sol, mais, au-dessus, elles deve- 
naient aussitôt assez rapprochées et régulièrement jusque tout en 
haut du fût. L'aspect était absolument le même sur ces deux 
Erables. 

Après les observations publiées dans Alauda par MM. Paris et 
Lienuanr, il était aisé de voir ici un cas similaire se rapportant au 
travail de Pics en quête de sève sucrée. La chose fut remarquée par 
d’autres et certainement interprétée autrement, car moins de huit 
jours après ma constatation et lorsque je me disposais à prendre une 
photographie, les infortunés arbres venaient de tomber sous la 
cognée des bücherons. 

Dr J. VisLENEUVE DE JANTI. 


Un point du régime alimentaire et de l’éthologie du Pic 
épeiche. 


Le Pic épeiche Dryobates major ne se contente pas d’Insectes xylo- 
phages ; il recherche, sur l'écorce des Peupliers Populus nigra, avec 
une prédilection particulière, tout au moins en Lorraine (Buré 
d'Orval, Meurthe-et-Moselle), les cocons d’un Lépidoptère dont la 
chenille vit sur le Peuplier et se chrysalide sur les écorces : le Dicra- 
nure bifide Coerura bifida. Le cocon, formé de particules d’écorce 
détachées par la chenille, puis agglomérées par elle, acquiert une 
consistance ligneuse ; sa surface extérieure a le grain et la teinte 
exacte de l'écorce ; on peut dire qu'il présente avec l'écorce le mimé- 
tisme homochromique le plus parfait qu'il nous ait été donné de voir 
jusqu'ici. Pour l'œil humain, ce mimétisme parfait joue un rôle 
protecteur indéniable. Mais le Lépidoptère n’a guère à craindre de 
l'espèce humaine ; l’entomologiste seul est son ennemi. 

Par contre, le Pic épeiche est un prédateur redoutable pour 
l’Insecte ; il ne se trouve nullement dérouté par le mimétisme 
homochromique du cocon ; il l’attaque à coup sûr et l’ouvre pour en 
extraire la chrysalide. Sur les troncs de Peuplier visités par l'oiseau, 
pas un cocon ne semble épargné. Une fois ouvert, le cocon devient 
très apparent, par sa surface interne, luisante, vernissée. 

Quel sens (l’olfactif ?) révèle à l'oiseau la présence du cocon et de 
la chrysalide incluse ? C'est un premier problème biologique tou- 
chant les rapports de l'oiseau et de l'insecte. Il attend sa solution. 

Un autre problème de biologie générale est posé par ce cas de 


Source : MNHN. Paris 


264 ALAUDA, VIH, — 2, 1936. 





mimétisme si remarquable : l'efficacité réelle ou illusoire du mimé- 
tisme homochromique poussé à un si haut degré de perfection. Ce 
problème se résout franchement par la négative. Le mimétisme joue 
un rôle de protection parfaite de l'insecte vis-à-vis de l’homme ; 
l’insecte est préadapté, pourrait-on dire, à la protection vis-à-vis de 
l’entomologiste, mais il n’est en rien protégé contre son prédateur 
normal, l'oiseau. 

Le rôle protecteur du mimétisme homochromique reste, dans ce 
cas particulier, une vue de l'esprit, un concept anthropomorphique, 
sans lien avec la réalité. 

L'interprétation que formulerait — avec toute vraisemblance — 
Je biologiste de cabinet, ne résiste pas à l'examen du biologiste de 
plein air. 

Ce point de l'éthologie du Pie épeiche offre done un intérêt général 
indéniable. 

D'autre part le rôle du Lépidoptère arboricole dans le régime ali- 
mentaire de l'oiseau, en saison hivernale et vernale, se trouve ainsi 
précisé. 








Henri Hem De Baisac. 


Deux nouveaux points de rencontre de Parus atricapillus 
en France :. 


Les ornithologistes allemands campés en France pendant la 
Grande Guerre avaient signalé que Parus atricapillus ne vivait pas 
dans les forêts de Résineux des Hautes-Vosges. Du moins était-il 
à présumer que l'Espèce habitait, dans notre département des 
Vosges, les formations boisées de plaines et vallées correspondant à 
son biotope habituel dans le Nord-Est de notre territoire national 
(sous-bois épais, grosses haies en lisières, ete…, où vivre le plus sou- 
vent caché et pouvoir creuser dans les troncs, branches, ou piquets 
vermoulus, les cavités de nidification que l’on sait) ?. M. B. MourL- 
LarD vient de transformer celte présomption en certitude. Je lis 
en effet, dans une lettre qu’il m'adressait le 25 juin : 

« Parus atricapillus : entendu et vu le 2 juin un couple à { km. du 
pont de la Voivre, sur la Meurthe, à 4 km. en aval de Saint-Dié; 
réentendu l'Oiseau, 15 jours plus tard, à 200 m. du même endroit. 











1. Voir pour derniers pointages, Alauda, 1932, p. 358 et 1933, p. 527. 
2: Cf. He ve Barsac, A/auda, 1929. pp. 305-335 ; Jouaro; ibidem, 1933, pp. 42-100. 


Source : MNHN. Paris 


CORRESPONDANCE, NOTES ET FAITS DIVERS 265 





Epais buissons d’Epine noire avec, émergeant, des Sureaux et des 
Chênes ; non loin de là, région marécageuse en bordure de la Meur- 
the, avec Saules, taillis de Frênes et d’Aulnes…. » 


Le plus méridional des lieux de rencontre, chez nous, de Parus 
atricapillus (abstraction faite, bien entendu, de ses races alpestres !) 
restait, depuis 1928 1, la Bresse louhannaise, Or, à l'occasion de deux 
explorations printanières dans les Dombes (département de l'Ain, 
entre Bourg et Lyon), M. O. MeyLax vient de retrouver l'Oiseau, 
à deux reprises, à une dizaine de lieues au Nord de Lyon : 

«25 mai : Rieulfort, près Villars, sur la digue de l'étang et le talus 
du fossé voisin, parmi buissons divers de feuillus (Erables cham- 
pêtres, Frênes, Noisetiers, Epines noire et blanche, Ronces, ete…..), 
j'entends les appels caractéristiques d’une Mésange boréale. 

« 14 juin : Bords de l'étang de Balancet, près Bouligneux, biotope 
comparable au précédent (en plus : Saules blancs, Genêts Sarotham- 
nus europaeus), j'entends des séries d'appels et je vois à plusieurs 
reprises, l'Oiseau, très petit, qui les pousse en passant d'un buisson à 
l’autre. » 


Ne sommes-nous, devant ces rencontres de la Mésange boréale, 
sous une forme dite « des Saules », dans un pays qui, s’il prolonge en 
quelque sorte la Bresse louhannaise, n’en est pas moins à près de 
100 km. plus au Sud, en droit de nous demander si l'Espèce ne des- 
cend pas encore plus bas, comme telle, — jusque dans les bois rive- 
rains du Rhône, du Lyonnais et de la Savoie, par exemple ? | 


Henri Jouarn. 


Un cas de nidification curieusement anormal de la Mé- 
sange charbonnière. 


On trouve de temps à autre, dans la littérature ornithologique, 
la relation de cas de nichée « à ciel ouvert » d’un quelconque de nos 
Parinés. Et, bien que, 999 fois sur 1.000, ces Oiseaux se montrent 
de vrais cavernicoles (d’ailleurs invraisemblablement éclectiques 
dans le choix de la cavité, naturelle ou artificielle, où déposer leurs 
œufs — depuis le trou d’arbre, le trou en terre, et le trou de mur, 
jusqu'au corps de pompe à eau, à la boite aux lettres et à l'aire 
de Rapaces —) les connaisseurs ne s’en étonnent pas trop : l’abon- 


1. CE Porv, R. F. O., 1928, p. 394. 


Source : MNHN. Paris 


266 ALAUDA. vil, — 2, 1936. 





dance des matériaux employés pour le nid lui-même (chez beau- 
coup des espèces du moins), et les taches plus ou moins rougeâtres 
sur fond blane des œufs des Mésanges,n'autorisent-ils pas à penser, 
en effet, qu'à l'origine !, elles nichaient à ciel ouvert ? 

Nous croyons néanmoins que la plupart des cas relatés jusqu'ici 
pouvaient s'expliquer par un manque de cavités propices sur le 
canton choisi. 

Or nous avons découvert, le 5 mai 1936, sur la commune de 
Gemeaux (Côte d'Or), en lisière d’un bois où abondent les grosses 
branches et les troncs vermoulus creusés par les Pics épeiches 
Dryobates major (peut-être aussi les Pics épeichettes Dryobates 
minor), les Mésanges boréales Parus atricapillus subrhenanus, et les 
Mésanges huppées Parus cristatus brunnescens, un nid de Mésange 
charbonnière Parus major major dans un Genévrier. 

A la recherche de nids de Bouvreuils Pyrrhula pyrrhula, de 
Linottes Carduelis cannabina, de Verdiers Chloris chloris, de 
Bruants jaunes et zizis Emberiza c. citrinella et E. c. cirlus, d'Orites 
Ægithalos caudatus expugnatus, de Mouchets Prunella modularis, 
ete…., nous « faisions » systématiquement les arbustes et les buis- 
sons des abords du bois en question, quand un nid assez volumi- 
neux, négligé, et mal assis sur plusieurs petites branches, nous appa- 
rut à 2 m. 20 de hauteur. — Tiens : encore un nid de Verdier (nous 
venions d'en trouver deux !); mais apparemment pillé par quel- 
que bête de rapine ! pensämes-nous (nous venions de trouver un nid 
d'Orites défoncé).… Quelle ne fut pas notre surprise quand, ayant 
à tout hasard tâté sa coupe, nous en retirâmes un, puis deux... 
et jusqu'à douze œufs de Mésange charbonnière ! 

Cela valait une étude plus détaillée du nid lui-même. Et voici 
ce que, l'ayant descendu de son perchoir, nous reconnûmes : Sur 
une infrastructure de branchettes et de radicelles dûe — de toute 
évidence — à l'apport ancien d'un Bouvreuil, une Mésange char- 
bonnière avait amassé d'abord de la Mousse verte, puis des poils — 


4. 1 y a, évidemment, bien des millénaires : On pourrait voir une preuve de l'ancien- 
neté du changement de mode de nidification de nos Parinés dans le double fait que : 
1° à l'approche d'un ennemi, réel ou supposé, de même qu'en réponse à des coups 
portés contre l'arbre (ou autres) contenant le nid, la couveuse ne s'enfuit pas, à 
l'instar des Moineaux, des Etourneaux, etc. mais se tasse plus profondément encore 
dans la cavité ; 20 la femelle, n’ayant plus besoin pour sa protection de la livrée terne 
des femelles nichant à ciel ouvert — comparer avec femelles Pinson, Bouvreuil, 
rée dont la vivacité de coloration ne le cède guère à celle de son 





etc... — porte une li 








Source : MNHN. Paris 


CORRESPONDANCE, NOTES ET FAITS DIVERS 267 





poils de Lièvre presque exclusivement, dont certains encore tachés 
de sang et avec, même, des morceaux de peau !, — Presque pas de 
plumes, comme il est d'usage, contrairement à ce qu’on peut lire 
dans diverses publications (même consacrées aux Mésanges !) dont 
les auteurs se sont bêtement copiés les uns sur les autres : trois 
en tout pour l’ensemble du nid, dont l’une de Bouvreuil 9, l'autre 
de Mésange charbonnière (?), l’autre indéterminée... Et c'était 
dans l’amas des poils eux-mêmes (bourre) que l'Oiseau avait fa- 
çonné sa mauvaise coupe. 

Dimensions : Grand diamètre : 10 à 15 (nid très irrégulier, avec 
une sorte de bavure sur un côté). Hauteur totale : environ 10 
(nid de Bouvreuil compris). Petit diamètre (coupe) : 5 à 6. Profon- 
deur (coupe) : environ 4 em. 

Poids total : 15 gr. ; des branchettes et des radicelles du Bou- 
vreuil : 9 gr. ; de la Mousse : 2 gr. 1/2 ; de la bourre : 3 gr. 1/2. 

Les 12 œufs, parfaitement frais, pesaient, pleins : au total : 
21 gr. 20; séparément : 1,80-1,80-1,85-1,75-1,80-1,80-1,60-1,70- 
1,80-1,80-1,80-1,70. 

— La femelle pondeuse n’avait pas paru (elle ne couvait certaine- 
ment pas encore), mais le mâle était venu chanter à deux ou trois 
reprises pendant nos opérations de reconnaissance et de récolte. 





Henri Jouarp et Georges DE Vocué. 


[C’est l’occasion de citer ici deux autres cas de nidification anor- 
male chez des oiseaux cavicoles. 

Le premier se rapporte au Rouge-queue Phœnicurus phœnicurus. 
Au Bois de Boulogne (Paris) il nous a été donné d'examiner un nid 
de cet Oiseau, situé dans un faisceau très dense de petites branches, 
qui se dégageait du tronc lisse d’un Hêtre, et qui avait la densité 
d’un « balai de sorcières ». 

L'autre cas se rapporte à la Bergeronnette grise Motacilla alba. 
En gare d’Albertville (Savoie) un couple de ces Oiseaux avait placé 
son nid sur la section d'une branche verticale de Marronnier d'Inde 
(si nos souvenirs sont exacts). Les rejets jaillis au niveau de cette 
section étaient nombreux et entouraient complètement le nid. 

Dans ces deux cas les nids étaient absolument enfouis dans un 


1. Sans doute arrachés au cadavre d'un de ces Mammifères blessé, puis crevé dans 
les environs. 


Source : MNHN. Paris 


268 ALAUDA, Vi. — 2, 1936, 





lacis de branches et de feuilles. 11 n’est donc pas surprenant que les 
Oiseaux aient trouvé dans ces micromilieux particuliers des condi- 
tions assez analogues à celles qu'ils recherchent dans les véritables 
cavités et que le phototropisme négatif et le stéréotropisme qu'ils 
manifestent dans leur mode de nidification aient été ainsi satisfaits. 


Henri Hem DE Bazsac.] 


Pour l’étude de la migration des Oiseaux. 


J'ai lu avec le plus vif intérêt l’article de M. le professeur-Dr Aly 
Waury : « Quelques propositions pour l'étude de la migration des 
oiseaux » (Alauda, n° 1, janvier-mars 1936, pp. 86-90). 

Bien que partageant les idées de l’auteur au sujet de la création 
de nombreuses stations ornithologiques, je ne saurais accepter sans 
réserves qu'on accorde le titre, et surtout la fonction d’observateur 
à des personnes même très instruites, mais qui ne se sont pas préa- 
lablement astreintes à une étude sérieuse et suivie des oiseau 

« L'ornithologie ne s’improvise pas », à dit mon regretté ami 
Louis LAVAUDEN dans l'Eleveur du 21 octobre 1934, page 530. 

Accorder aux instituteurs ce qu'on ne pourrait refuser aux profes- 
seurs, médecins, notaires, avocats, magistrats, vétérinaires, ete.,etc. 
ne saurait nous apporter qu'un lot important d’ebservations plus 
ou moins douteuses. Alors que dix notes émanant de personnes qua- 
lifiées ont une grande importance, je ne saurais en accorder à cinq 
ents provenant d'observateurs non avertis. 








Û 





« Oserai-je dire, d'ailleurs, écrivait LAVAUDExN dans l’article déjà 
cité, que je ne crois pas beaucoup aux enquêtes en matière d'histoire 
naturelle ? 

« Ce procédé journalistique commode, par lequel un ignorant 
demande à d’autres ignorants de l’éclairer sur des sujets que ni les 
uns ni les autres ne connaissent, ne saurait, en cette matière, donner 
des résultats sérieux. » 

Or, il est extrêmement difficile, dans certains cas, d'identifier à 
une certaine distance des oiseaux au vol et même posés. Les meil- 
leurs ornithologistes commettent parfois des erreurs monumentales, 
qu’en bons naturalistes ils sont les premiers à reconnaître, L'obser- 
vateur accidentel ne saurait s’avouer qu'il s’est trompé, bien que 
doué de la plus entière bonne foi. « HERBERT SPENCER... a montré 
la curieuse tendance qu'ont la plupart des hommes, à formuler des 


Source : MNHN. Paris 


CORRESPONDANCE, NOTES ET FAITS DIVERS 269 





avis d'autant plus catégoriques qu’ils connaissent moins les choses 
dont ils parlent. » 

Un docteur en pharmacie, président du Syndicat des pharma- 
ciens d’un département, très grand chasseur, m'a affirmé bien sou- 
vent avoir abattu des Colibris ! un jour d'hiver, sur les Peupliers 
bordant la rivière qui baigne le territoire de mon village natal dans 


le Gard ! 
Albert HuGues. 


Le Bruant des neiges Plectrophenax nivalis en France 
(Addendum). 


Les légendes des figures illustrant l’article de Noël Mayaun sur 
« le Bruant des neiges Plectrophenax nivalis en France » (Alauda, 
n° 1, 1936, pp. 9-24) ont été omises. Nous les indiquons ci-après : 


FrG. 1 (p.19). — De gauche à droite : rectrices : 10€ et 9e rémiges 

primaires (internes) ; 72 rémige secondaire. 

Fi. 2 (p. 20). — De gauche à droite : rectrices ; 106, 9e et 8e ré- 

miges primaires (internes) ; 7€ régime secondaire. 

Fi. 3 (p. 21). — De gauche à droite : 4 rectrices latérales gau- 

ches ; 4€ rectrice latérale droite ; 10e et 9e primaires. 

Fic. 4 (p. 22). — De gauche à droite : rectrices ; 10€, 98 et 8 pri- 

maires ; 7€ secondaire. 

Fic. 5 (p. 23). — De gauche à droite : rectrices ; 10e, 9e et 8e pri- 

maires ; 7° secondaire. 

Ajoutons, pour l'intelligence de ces figures et du texte qu'elles 
illustrent, que notre collègue (conformément à ce que font depuis 
quelques années certains auteurs étrangers, mais contrairement à ce 
qui s’est toujours fait en France), compte les rémiges à partir des 
secondaires et de l’intérieur à l'extérieur. 


ER PAR PE PC TE TEE EEE 
Mort du Baron R. Snouckaert van Schauburg. 


On nous annonce le décès tout récent, survenu à Territet (Suisse), 
après une longue et douloureuse maladie, du baron René SNouc- 
KAERT VAN SCHAUBURG, vétéran de l'ornithologie hollandaise et 
grand ami de notre œuvre. Une note spéciale sera consacrée, dans 
notre numéro de fin d’année, à cet éminent et très regretté collègue. 


Source : MNHN. Paris 


BIBLIOGRAPHIE 


TRAVAUX RÉCENTS 


A propos d'un livre récent de M. Cuénot sur l'espèce. 


[Le dernier livre de M. le Professeur CuÉNoT, déjà cité par H. HEIM DE 
BALSAC dans un précédent numéro d’Alauda (1935, n° 4, p. 457) dépasse 
infiniment le cadre de l'ornithologie. Mais en même temps, il touche de si 
près aux passionnantes questions auxquelles certains d’entre les chefs 
de file des ornithologistes contemporains consacrent leurs études, et tient 
un si large compte des théories qui leur sont dues, que nous ne jugeons 
pas déplacé de lui consacrer, dans nos colonnes, un important compte 
rendu. 

Ce compte rendu, rous le devons à la plume savante et précise de 
M. J. R. DENIS, de la Faculté des sciences de Dijon, qui voudra bien trou- 
ver ici l'expression de nos remerciements. — Rédaction (. J.) 


Ce livre de trois cents pages. où l'érudition se joint à l'expérience du 
praticien, représente au moins cinquante années de travail et de réflexion. 
Aussi n'aurons-nous pas la prétention d'y découvrir tout ce que l'auteur 
a pu y mettre. Notre rôle se bornera à y rechercher ce qu'un systémati- 
cien peut y trouver d’utile pour sa gouverne. 


* 
+" « 


Une première partie traite, sans en discuter, de l'histoire de la notion 
d'espèce D'importants théoriciens, caractéristiques d'un état d'esprit plus 
répandu qu'on ne pense — AGASSiZ, VIALLETON, par exemple —, sont 
laissés, ou à peu près laissés, dans l'oubli, et peut-être à dessein. L'opi- 
nion de M. CUÉNOT sur les compromis métaphysico-scientifiques nous eût 
cependant été précieuse. 


* 
Ce 


Dans la seconde partie, après avoir brièvement défini les principaux 
termes usités en cytologie, l’auteur nous fait connaître son point de vue : 

Tout. depuis le caractère d'embranchement jusqu’à la plus infime parti 
cularité individuelle, reconnaît une cause dans le patrimoine héréditaire. 
Le cytoplasme (plasmon) ne joue que sous l'influence du noyau C'est ie 
patrimoine héréditaire du noyau (génome) qui a « l'initiative des change- 
ments évolutifs qui se sont produits d’âge en âge ». « La formation d’une 





1. L'Espèce, par L. Cuévor. G. Doix et Cie, Editeurs, 8, place de l'Odéon, Paris (6e). 
Prix : 30 francs. 


Source : MNHN. Paris 


BIBLIOGRAPHIE. TRAVAUX RÉCENTS 271 





espèce nouvelle sera le résultat d'un changement dans le génome. » Le 
point de vue est très clair : Tout vient du dedans, rien du dehors. Chaque 
parent apporte à la lignée une contribution égale Chaque gamète apporte 
à l'œuf un nombre égal de chromosomes. « Il est donc logique de regarder 
le matériel chromosomien comme représentant le patrimoine génomique. » 
On aimerait savoir s'il le représente tout entier. Il semble que le con- 
texte réponde à la question Ily a, dans le patrimoine génomique, « quelque 
chose » que nous nommons des gènes, et ces quelque chose sont « indé- 
pendants les uns des autres et répartis d’une façon ordonnée et fixe dans 
les divers chromosomes ». Cependant les gènes sont passibles de change- 
ments (mutations). On nomme allélomorphes (allèles) les deux termes 
d’un couple formé par un gène et par sa modification A l'aide d'exemples, 
l’auteur montre comment on peut dans un génome substituer un gène à 
son allèle. En même temps, il nous avertit que le changement d’un gène 
en un allèle semble entraîner souvent la modification d'autres gènes. Par 
conséquent, l'indépendance des gènes, postulée plus haut, n’est pas abso- 
lue. Toutefois, dans la pratique, on peut toujours nommer un gène d’après 
son rôle principal. L'auteur définit l'homozygote. l'hétérozygote. la domi- 
nance, le partage d'influence, faits d'observation courante, dont la domi- 
nance et la mosaïque ne sont sans doute que des cas particuliers et qui 
semblent bien prouver l'interaction de gènes. Il ne tarde pas à souligner 
l'importance de cette interaction : « leur qualité (celle des gènes) n'est 
pas le seul fait qui intervienne dans la différenciation d’un caractère ; 
leur quantité, par rapport aux autres facteurs (balance génique) a aussi 
son importance ainsi que leur position topographique dans un chromo- 
some ». Naturellement, l'effet d'un gène est modifié par les agents exté- 
rieurs et les hormones : et l’auteur prend bien soin d'employer les mots 
«effet» ou « expression », de telle sorte que si le gène peut perdre son 
omnipotence, il n'en conserve pas moins son identité et ses propriétés 
latentes. Il faut, en effet, que le gène ne soit aucunement modifié du fait 
de son fonctionnement, afin de se retrouver identique à lui-même lors de 
la génération suivante, M. CUÉNOT appelle aussi nutre-attention, fort dis- 
crètement, sur la valeur de la méthode génétique. On ne connaît un gène 
que quänd il a donné un allèle : « Ce qui n'a pas varié reste inconnu. » 
Or, les Variations par mutation sont généralement de faible importance, 
les fortes variations (Méduse pentamère-tétramère par exemple) étant 
rares et leur interprétation discutable, Et la méthode génétique ne peut 
s'appliquer qu’à des variations suffisamment fortes pour donner lieu à des 
répartitions en classes bien tranchées Elle ne permet pas l'étude des 
plus faibles. De là l'impression — erreur ou vérité? — de phénomènes 
discontinus, Mais, une méthode ne donne que ce qu'elle peut donner, et 
il faut bien avouer que c’est elle qui nous donne le plus clair de notre 
connaissance. C’est pourquoi l'auteur parle en généticien. pense même en 
généticien. Il ne discute pas. Il ne s'arrête pas à quelqu'une de ces solu- 
tions éclectiques, ménageant le pour et le contre. qui sont chères à notre 
esprit latin Il se met résolument à l'école: non pas qu'il pense qu'il n'y 
ait point de salut hors de l'Eglise morganienne, mais simplement pour 
voir où elle nous conduira, C'est là une attitude fort louable et qu’encou- 
ragent les résultats acquis. 

Que sera la génétique de l'avenir ? L'auteur n’est pas prophète. On 
peut cependant tirer de son texte quelques données sur l'évolution des 
idées en génétique, et deviner que les contradictions des résultats d’expé- 
riences fondées sur la nature discontinue des variants vont nous con- 





Source : MNHN. Paris 


272 ALAUDA Vi, — 2, 1936. 





duire à des conceptions analogues à celles qu’on a de la sexualité. On 
passera du domaine qualitatif au quantitatif. Mais, encore une fois. 
M. CuéNor ne spécule pas sur l'avenir et se contente de nous laisser devi- 
ner la leçon du passé. 

Comment établir la carte des gènes ? Les gènes s'héritent par groupes, 
et tout se passe comme s'ils étaient alignés, à la manière des chromo- 
mères, le long des chromosomes. 1l arrive que cet enchaînement (linkage) 
des gènes se trouve rompu. Or (c’est fort regrettable) l'examen des chro- 
mosomes ne montre rien d'anormal, On en est réduit à une hypothèse, 
celle de l’enjambement (crossing-ower). qui postule l'échange, en synapsis, 
de portions de chromosomes entre les deux partenaires synaptiques. Cet 
échange implique des ruptures de chromosomes. La chance pour qu’une 
rupture se fasse entre deux gènes sera d'autant plus grande que les loca- 
lisations (loci) de ces gènes dans les chromosomes seront plus éloignées. 
On se rend compte de la réalité des échanges par des croisements appro- 
priés. Dressons le tableau de fréquence des échanges pour les divers 
couples de gènes pris deux à deux. Si notre documentation est suffisante, 
nous pourrons obtenir des valeurs de fréquence qui seront proporticn- 
nelles aux distances relatives des loci. Si nous choisissons une distance- 
unité (le morgan), nous pourrons ainsi établir notre « carte des gènes » 
{toutefois la chaîne des gènes aura, par rapport aux bouts du chromosome, 
une position tout à fait arbitraire). Le gène doit grandir afin d'avoir doublé 
de volume lors de la cinèse. A noter que les chromosomes ont des régions 
sans gènes: leur existence empêche d’assimiler le gène au chromo- 
mère. 

Cette hypothèse a le mérite d’être la plus simple qu'on puisse imaginer. 
De plus, elle a été vérifiée par « des milliers d'expériences » qui ont valeur 
de recoupements. Aussi « cette construction hardie est devenue aussi cer- 
taine que possible. » 

L'auteur définit ensuite le génotype, le biotype et le phénotype, signale 
les convergences des phénotypes Puis il note très nettement, à propos 
des facteurs multiples, la somation des influences géniques Certains fac- 
teurs sont dits « lethals » quand ils sont en double dose et ne peuvent 
persister que s’ils sont compensés par un allèle non léthal. Tout homozy- 
gote par rapport à un gène léthal meurt plus où moins tôt. Il y a des 
degrés dans la léthalité, il y a donc là matière à mesure Autre question de 
valence : le déterminisme des supersexes polyploïdes des Drosophiles, et 
sans doute des Bombyx disparates. 

Comparant les générations d’hétéro- et d'homozygotes, on constate que 
généralement les premières ont une vitalité supérieure à celle des secondes 
(hétérosis) La dissemblance des patrimoines parentaux semble accroître 
la vitalité On fera sans doute rentrer ces faits d'hétérosis dans le cadre 
plus général de ceux qui sont à la base de la continuité des lignées cellu- 
laires. D'autre part, cette dissemblance ne saurait être trop accentuée, 
sous peine de voir le phénomène qui en résulte changer de zone et l’inter- 
stérilité faire place à la fécondité. 

Insistant encore sur l'importance de la quantité de substance génique.l’'au- 
teur passe à l'étude de la variation ou mutation génique, qualitative et quan- 
titative, A la mutation génique s'ajoutent d’autres causes de variations 
transmutations chromosomiennes. Il définit la polyploïdie et la polysomie, 
puis la variation structurale des chromosomes (modification de l’ordre des 
loci par inversion, translocation interchange, doublement ou reduplica- 
tion. déficience ou délétion). Il attache aux variations structurales — en ce 





Source : MNHN. Paris 


BIBLIOGRAPHIE. TRAVAUX RÉCENTS 273 





qui concerne leur résultat — une importance plus grande qu'aux muta- 
tions géniques : celles-ci, même répétées, ne peuvent créer de « bonnes 
espèces nouvelles », tandis que celles-là en sont souvent capables. 

Le nombre des chromosomes n’est pas forcément un caractère spéci- 
fique, mais beaucoup de groupes sont caractérisés par une « garniture chro- 
mosomienne » relativement bien définie (à condition d'imaginer des divi- 
sions ou des soudures de chromosomes). Chez les Reptiles. le type de 
garniture est aisé à découvrir ; mais il y a des cas d'interprétation plus 
difficile (Mus rattus et M. r. alexandrinus p. ex.). L'évolution des garnitures 
chromosomiennes a été suivie parallèlement à celle de divers groupes, 
principalement chez les Végétaux. Ici, on peut placer, à la base du groupe, 
une forme à nombre minimum, que nous appellerons 2 n, où « diploïde », 
puis considérer toutes les autres formes comme des polyploïdes de la 
première. Si le coefficient du nombre basal est pair, il y a artioploïdie ; 
s’il est impair: périssoploïdie. Il y a naturellement des cas où le coeffi- 
cient n’est pas entier (polysomie), mais ils sont rares (types 2 n—1 ou 
2 n + 1). La forme artioploïde est seule persistante, ; car seule elle com- 
porte deux lots de chromosomes homologues capables de se coupler en 
synapsis et de donner des gamètes complets. Une telle forme est dite 
équilibrée. Par contre, üne forme périssoploïde ne peut donner qu'un 
certain pourcentage de gamètes pourvus ,de tous les gènes nécessaires. 
Aussi ces formes (et les polysomiques du type 2 pn — g (q étant impair)) 
ne peuvent avoir qu'une descendance fort irrégulière. Quand il se forme 
un polyploïde, deux cas peuvent se présenter: 1° il naît aux dépens d'un 
diploïde homozygote par exemple (AA... PP) et présente la constitution 
AAAA.. PPPP. C’est un « autopolyploïde » (ici : autotétraploïde) ; 2 il 
naît par hybridation de deux diploïdes différents (AA... PP) et (aa... pp). 
Il aura donc une constitution AAaa... PPpp. C’est un « allopolyploïde », et il 
y en a beaucoup dans la nature. « L'allopolyploïdie est un mode fréquent 
de constitution d'espèces nouvelles. » 

En général, les polyploïdes sont de plus grande taille que les diploïdes 
correspondants, mais cette règle est loin d’être absolue. La constance de 
la relation nucléo-plasmatique est loin aussi d'être toujours respectée. En 
général les polyploïdes sont moins fertiles que les diploïdes et les auto 
moins que les allopolyploïdes (sans doute en conséquence de la loi d'hété- 
rosis). Les polyploïdes végétaux stériles peuvent persister par multiplica- 
tion asexuée, les animaux par parthénogénèse (Arfemia salina race yigas, 
Carausius morosus). Dans le règne animal, la polysomie n'est connue que 
chez les Drosophiles. Dans le végétal elle a été fort étudiée chez les Sola- 
nées où n — 12, où ily a par conséquent 12 types possibles de trisomi- 
ques simples et où ces 12 types ont été effectivement repérés. Une 
fécondation d'un trisomique (n + 1) + (n + 1) peut établir une nouvelle 
lignée balancée. Une polyploïdie peut conduire au même résultat. La poly- 
somie peut tirer origine d'une non-disjonction en anaphase de méiose : on 
a alors les gamètes n + 1 et n—1 et ce dernier, incomplet, est non viable 
L'autre, uni à un normal n donne un polysomique 2 n + 1. Si la non-dis 
jonction porte sur un polyploïde de rang a, on aura des gamètes an + 1 
et an—1, qui seront tous viables (n> 1) car ils ont tous au moins un 
exemplaire de chaque gène nécessaire, le plus déficient des gamêtes ayant 
a-1 exemplaires du type de chromosomes dont un ne s'est pas découplé 
et a>2 Le balancement peut être rétabli comme précédemment, mais 
des hybrides tels que 2 an—1 sont viables tout comme les gamètes 
(Exemple : mutant cannelé de Micotiana tabacum parpurea, 2 (2 n—1). 


18 





Source : MNHN. Paris 


274 ALAUDA. VII. — 2. 1936. 





L'auteur étudie ensuite les variations structurales des chromosomes 
par inversion et translocation, là, naturellement, où la carte des gènes est 
bien connue. La translocation consiste en une rupture, lun des fragments 
allant se joindre à un autre chromosome. Certains résultats non déficients 
peuvent donner une descendance. On connaît une cause de translocation : 
le bombardement des chromosomes par les électrons. Certaines figures 
cytologiques dénotent les translocations Soit une race À de Datura : notons 
chaque chromosome par un chiffre à chaque bout : 1-2. 17-18. Soit une 
autre race B où les bouts 2 et 18 se sont détachés et joints respectivement 
aux bouts 17 et 1 de telle sorte qu’on a la garniture 1-18... 17-2. Opérons le 
croisement À x B. Chaque élément germinal aura le stock: 1-2,.. 17-18, 
1-18,... 17-2. En synapsis, les bouts portant les mêmes numéros vont s’at. 
tirer et on aura des couplements en chaîne tels que 2-1-1-18-18.17-17-2 
(fermeture sur le premier 2. De telles chaînes s'observent effectivement 
(chez Œnofhera on en connaît à 14 éléments). Mais il arrive que la chaîne 
ne se referme pas, l'un des segments s'étant soudé à l'autre par son extré- 
mité et non par sa section et le bout libre du nouveau chromosome attirant 
mal celui du partenaire synaptique. Les facteurs de tous ces processus 
sont mal connus. On les rapporte généralement au hasard, mais l'auteur se 
contente d'écrire, lui qu’ils (ces phénomènes) « se produisent toujours 
comme par hasard ».… « c'est-à-dire sans cause apparente ». Ce qui veut 
dire que ces causes cachées existent, et l’auteur en examine quelques-unes 
de probables : le vieillissement, qualifié de « cause interne », les trauma- 
tismes, le Bacterium tumefaciens, les greffes, la température, les oscilla- 
tions à grande longueur d'onde et surtout les radiations courtes. 

Les caractères — souvent variables en fonction du milieu — non héré- 
ditaires, sont dits accommodats ou somations. Un être accommodé croisé 
avec un non-accommodé ne voit pas mendéliser ses somations. On er 
déduit quele génome n'a pas été touché par la somation. S'il l'avait été, on 
aurait eu affaire à une mutation. Donc « par définition » si somation 
— caractère acquis, un caractère acquis ne saurait être héréditaire. Cela est 
parfaitement logique et le débat fondamental du transformisme change 
simplement de vocabulaire. Y a-t-il des mutations acquises, c'est-à-dire 
reconnaissant une causalité immédiatement ou médiatement extrinsèque 
autre que le hasard ? Il semble résulter de la leçon des faits exposés que 
l’auteur n’en nie point la possibilité, mais, s’il ne soulève pas la question, 
c'est qu'elle sort du domaine de la génétique actuelle. On connaît certaines 
somations qui ne sont pas sans influence sur les gamètes. sinon sur leur 
génome. Il faut parfois plusieurs générations pour qu'apparaisse progres- 
sivement le phénotype accommodat ou pour qu'il disparaisse. Il est bien 
difficile d admettre que ces somations d'influences ne portent que sur la 
quantité de vitellus ou d'albumen et qu'elles n'ont pas, temporairement, 
modifié au moins le plasmon. (Chez les Criquets migrateurs on parle d'une 
substance (locustine), qui serait localisée dans le cytoplasme ) Dans l'état 
actuel de nos connaissances. il y a évidemment un hiatus entre l'accom- 
modat — même persistant temporairement — et le gène. Mais nous com- 
mençons à entrevoir l'importance du facteur « temps », dont nous ne dis- 
posons guère. Peut-être n'y a-t-il, entre la somation et la mutation, qu'une 
question de seuil à franchir? Mais l'auteur s'est interdit le domaine de 
l'imagination! 

A la page 72, le systématicien méditera profitablement sur la nécessité 
d'établir une définition de l'espèce. valable dans toute l’aire de dispersion, 
et surcelle de reconnaître les « possibilités » de cette espèce. C’est la 








Source : MNHN. Paris 


BIBLIOGRAPHIE. TRAVAUX RÊCE 275 








condamnation de la systématique du «type», fort en honneur en plein 
xxe siècle. 

Avec le paragraphe suivant, nous attaquons le dangereux domaine de 
l'adaptation : « la sélection écologique des préadaptés ». Les mutations 
semblent se faire au hasard et le hasard ne se préoccupe pas de la valeur 
biologique des phénotypes résultant. Certains seront capables d'exploiter 
leur domaine. d'autres non Ceux-là seront les adaptés. L'auteur les 
déclare « préadaptés » et semble se complaire, maintenant ce mot dange- 
reux, à égarer les esprits vagabonds Logiquement, sa position semble 
inattaquable, le génome étant préadapté par rapport au soma. — Parmi les 
préadaptés. certains le sont plus que d'autres (étant plus prolifiques, plus 
résistants, mieux immunisés. etc.) et ceux qui réussissent dans la vie,ceux 
quic proviennent d'un choix séculaire parmi les divers génotypes candidats 
à l'occupation de la place« vacante» sont les « écotypes». Ilest bien évident 
que le « choix » (nous ne voulons voir dans ce mot qu'une figure de rhétori- 
que) porte sur les génotypes par l'intermédiaire de leur phénotype, et qu'un 
accommodat.en ce qui concerne la pérennité des lignées, vautune mutation. 
11 est donc bien possible « qu'il n’y ait par places, dans les régions élevées 
par exemple. que des accommodats » Le systématicien sera souvent fort 
empêché de distinguer, sans faire appel à la méthode expérimentale, 
lécotype de l'accommodat. C'est une difficulté — principalement pour ceux 
qui voient entre les deux choses une différence fondamentale — à laguelle 
on doit se résigner. L'harmonie constatée entre l'écotype et le milieu 
résulte d'une sélection. Suivons l’auteur avec l'exemple du Plantain mari- 
time dans la nature. L'espèce est constituée par des hétéozygotes, et géné- 
ralement non autofécondée. Sur les rochers, tout près de la mer, les pieds 
sont nains et À tiges florales prostrées (type I): plus loin de la mer, sur 
les talus herbeux, on a surtout des pieds du type dressé (type Il), 
ainsi que quelques formes intermédiaires entre les types I et III (type Il). 
Semons au jardin d'expériences des graines des types I et III. La sélec- 
tion ne saurait jouer sur leurs produite, L'élevage montre que certains 
caractères sont des somations et que, pour les autres, le pourcentage des 
divers types n’est pas le même dans chaque lot cultivé. Les graines du 
lot I donnent 61 % du type I. 87 % du type Il, 2 ®, du type III : celles du 
lot HI. 15 %, du type 1, 70 % du type Il, 15 9, du type III. Les deux lots 
n'ont donc pas même constitution génotypique. « On ne peut comprendre 
ce rapport avec le milieu qu'en faisant intervenir une sélection. » Si nous 
comprenons bien, il s'ensuit que statistiquement parlant, les lots I et III 
sont considérés comme primitivement identiques et tenus pour capables 
— si la sélection n'était pas intervenue — de fournir le même pourcen- 
tage de phénotypes. La sélection, opérant sur le lot I par exemple, a sup- 
primé presque tous les phénotypes III et les deux lots sont devenus géné- 
tiquement inéquivalents. Le jeu de la sélection cesse quand le pourcentage 
d'inadaptés est assez faible pour que le peuplement voie sa pérennité assu- 
rée. Il est regrettable que le jeu de la sélection ne soit guère facile à 
constater effectivement et qu’on ne puisse sans scrupule souscrire à l'af- 
firmation si catégorique de l'auteur : « On ne peut comprendre. . » Une 
explication lamarckienne vient immédiatement à l'esprit et nous ne voyons 
pas quelle mérite d'être reléguée là où l'auteur remise les choses « du 
temps où l’on croyait à l'hérédité des caractères acquis ». (Nous n'enten- 
dons pas prendre parti en revendiquant la mise dans le même sac de deux 
explications également invérifiables.) Ajoutons que le cas envisagé ne 
saurait apporter la solution du débat, les variants n'étant pas lignées 





Source : MNHN. Paris 


276 ALAUDA. vin — 2. 1936. 





pures et les elasses beaucoup trop imprécises. Notons encore que l’inter- 
prétation choisie est pratiquement indifférente au systématicien… 

Comme conclusion de sa seconde partie, l’auteur énumère tous les chefs 
de documentation que le taxinomiste doit réunir pour qu’une espèce 
soit bien connue. Toutes les disciplines de la biologie sont mises à contri- 
bution, et la systématique nous apparaît comme une synthèse générale 
de nos connaissances. Ce point de vue diffère notablement de celui que 
M. F. PICARD a soutenu dans sa préface à la Faune de France des Lon- 
gicornes. Quand M. Cuénor fait de la morphologie « évidemment la base » 
de la systématique. ce n’est pas qu'il prétende assigner un rôle prépondé- 
rant à telle ou telle discipline, car il n’y a pas, dans l'univers, de sys- 
tème de référence privilégié. Il constate simplement un rôle historique de 
la morphologie. Si les espèces physiologiques sont actuellement peu 
nombreuses, c’est qu'on n'a pas eu le loisir d'en établir davantage. 

+ 
+. 

La troisième partie du livre traite des unités de la systématique. Tout 
le monde connaît l'histoire des Draba de JORNAN On se demande pour- 
quoi on a inventé, pour les 200 types d'Erophila verna. la qualification de 
jordanon et surtout celle d'espèce élémentaire. alors que ces 200 types se 
comportent exactement à la manière de bonnes espèces. Mais on doit se 
souvenir qu'il faut toujours compter avec le facteur historique quand on 
étudie l'évolution des idées scientifiques. Et sile jordanon n’a pas été 
élevé au rang d'espèce, c'est que « les botanistes herborisants du temps de 
JORDAN lui firent mauvais accueil ». Le jordanon (p. 91) n'est au fond 
qu'une lignée pure (une lignée pure naturelle) qui se propage par auto- 
fécondation et aussi — ce qui complique (p. 88) l'interprétation des 
croisements — par parthénogenèse. « La culture prolongée. par semis, 
est le seul procédé qui permette de reconnaître les jordanons qui exis- 
tent dans la nature. » (Cependant des études statistiques associées à des 
considérations de localité pourront, à défaut de mieux, fournir d’utiles 
indications.) A notre avis, le jordanon est l'espèce variable au uini- 
mum. Le linnéon « seul groupement utilisable en systématique pratique » 
peut valoir un jordanon et, S'il figure un complexe plus compréhensif 
c'est en réalité que les jordanons dont il serait composé ne se présentent 
pas comme individualisés. Le linnéon — appelé parfois espèce collective — 
comprend sans doute parfois un ensemble d’ensembles plus ou moins sépa- 
rés; mais ces ensembles élémentaires devraient être nommés, aulieu de 
jordanons, simplement groupes de variants ou. d'une façon plus imagée 
espèces naissantes, sinon espèces jointives. Mais laissons ces considérations, 
auxquelles l’auteur ne touchera pas directement. pour noter la remarque 
suivante : « L'existence... des jordanons, affines, autonomes. constants, 
pose sous un aspect nouveau le problème de l'espèce et aussi la réa- 
lité des solutions lamarkienne et darwinienne de l’évolution, » Influence 
du milieu ? Non pas : les jordanons vivent fort bien côte à côte. Sélection ? 
Comment pourrait-eile être efficace purtant sur des objets si peu dissem- 
blables ? Mutations. répond l’auteur, sans se perdre en considérations sur 
leur déterminisme 

Quelques mots ensuite sur les jordanons animaux qui, chez les formes 
à fécondation croisée, ne peuvent guère persister sans l’artifice de la sé- 
lection. Puis. le clone des bactériologistes. qui ne diffère de la lignée pure 
{ou jordanon artificiel)que par le mode de multiplication de ses composants, 








Source : MNHN. Paris 


BIBLIOGRAPHIE, TRAVAUX 1 





ÉCENTS 277 





lesquels ont pour origine une seule cellule On étend là notion de clone à 
des formes plus compliquées que les Schizophytes, Infusoires, Daphnies 
parthénogénétiques. et peu importe l'homo- ou l'hétérozygotie des consti- 
tuants. Tout comme la lignée pure, le clone ne tarde pas à manifester des 
signes de variabilité L'auteur reprendra la question des clones et des 
souches, dans sa IVe partie (p 116). La notion de syngaméon est encore 
(à notre avis) un reliquat de l’histoire, un vestige des temps — sont-ils révo- 
lus ? — où l’on admettait à priori que l’amixie ou l'infertilité des hybrides 
constituait le caractère spécifique privilégié. L'auteur nous montre qu'il 
Ya des cas où le synganéon se confond avec le linnéon, mais que la 
plupart du temps il est plus vaste ou plus restreint. Suit une revue 
d'exemples d'hybrides fertiles, complétant heureusement celle donnée 
dans la l’enèse des espèces animales : formes donnant des hybrides féconds 
À disjonction mendélienne, recroisables avec les parents et sources de 
formes nouvelles, et beaucoup d'intermédiaires vers le type hybride orphe- 
lin, ayant, en certains lieux. complètement éliminé ses parents et « en voie 
de former des espèces nouvelles plus ou moins constantes » 

Il est toujours permis d'étudier la variabilité d’une espèce en fonction 
de tel ou tel caractère et la première variable qui se présente à l'esprit 
est la localité. Avec RENSCH, M CUÉNOT nous présente d’abord la « race 
géographique ». De deux choses l'une : ou bien, dans le district-frontière 
de la race considérée, existent des intermédiaires (en particulier des 
hybrides], ou ces intermédiaires n'y existent pas. Dans le dernier cas, il 
ne saurait S’agir que de linnéuns, et la notion de race géographique n'est 
admissible que dans le premier cas. L'auteur fait montre à ce propos 
d'un grand libéralisme : « Cest alors au spécialiste d'apprécier la valeur 
qualitative et quantitative des différences et de décider si la forme à 
l'étude est encore une race ou une espèce autonome. » Ces « apprécia- 
tions » ces « décisions » sont difficiles. On peut cependant concevoir un 
découpage d'une aire meilleur que tout autre : celui qui jnindrait toutes 
les zones où le pourcentage des formes de passage serait minimum. La 
question se pose de la terminologie à adopter, On pense à une nomencla- 
ture trinominale, le troisième nom définissant un iype standard ou bien 
un type extrême. Mais il est bien évident que cette méthode par coupures 
ne rend qu’assez imparfaitement compte du phénomène. Aussi, certains 
(STRESEMANN, p. ex.) ontils. pour mieux faire, utilisé dans la nomencla- 
ture des signes indiquant les grandeurs, traçant ainsi — à notre avis du 
moins — la route à suivre vers une systématique précise où les nombres 
{et qui sait ? les fonctions) remplaceront à leur tour les signes arithmé- 
tiques. Pour Son compte, l'auteur admet la nomenclature trinominale. 

I1 s'est donné la peine - et c'est fort méritoire — d'homologuer les ter- 
minologies des différents auteurs (cf. le lexique de la fin du livre). Il étu- 
die la sous-espèce géographique en botanique et en zoologie. et trace la 
marche de la variabilité de l'espèce dans les deux règnes Naturellement, 
il superpose au problème statistique du taxinomiste celui de l'isolement 
par sélection de préadaptés à partir d’un type nodal. On passe ensuite au 
« Rassenkreis » (cercle de races) qui serait — si nous avons correctement 
compris — un ensemble continu de races géographiques, un ensemble de 
formes assez proches pour qu'il soit raisonnable de regarder ces formes 
comme descendues d’un ancêtre commun !. La question d’interfécondité 








1. C'est là, plutôt, le Formenkreis de Kimwscumor, ou la Realgattung de Kaxr, 
conceptions sur lesquelles Kiriscumibr, après s'en être expliqué en un livre spécial 


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278 ALAUDA, vil -— 2, 1936. 





est laissée de côté. Si le paragraphe consacré au Rassenkreis ne laisse que 
des idées plutôt vagues, ce n'est assurément pas la faute de l’auteur. « On 
voit — écrit-il — que le cercle de races correspond à la grande espèce de 
LINNÉ, à l'espèce naturelle de beaucoup de systématiciens modernes … Il 
est défini par une formule binominaie. » Il a le syngaméon pour cas-limite: 
certains répartissent encore en groupes particuliers les races dont il est 
constitué, et cela nécessite une nomenclature quadrinominale. Disons 
encore que, puur RENSCH, l'espèce Art n’est pas notre linnéon ; ce n’en 
est qu'un cas particulier, un linnéon dont la variabilité serait assez faible 
pour qu'on ny puisse distinguer aucune race géographique. L'auteur 
montre que dans l’Arf de RENSCH rentrent les espèces à brassage (le bras- 
sage étant un facteur de régularité des courbes), les espèces récentes sur 
lesquelles la sélection des préadaptés n’a pu agir (l'aire de dispersion 
étant trop restreinte), les espèces-reliques. On ne s'étonnera pas qu'il n'y 
ait pas de coupure nette entre le syngaméon, le Rassenkreis et l’Art. Notons 
que le syngaméon est établi sur la considération d’un caractère privilégié 
dont on ne tient naturellement pas compte pour établir le cercle de races 
Or. il arrive que le cercle de races puisse être plus compréhensif ou 
moins compréhensif que le syngaméon, Il y aura done une difficulté pour 
énoncer dans l'ordre de compréhensivité décroissante les termes d'une 
nomenclature voulant représenter ces catégories. Il existe encore. selon 
RENSCH, un Artenkreis, où genus geographicum. Mais M. CUÉNOT ne voit 
aucune différence entre ce cercle d'espèces et le genre — à moins que ce 
ne soit avec le sous-genre : encore certains en font-ils avec des cercles 
de races ou bien avec des syngaméons ! On continue cette descente aux 
enfers de la taxinomie par une visite aux ichtyologistes russes, dont la 
nomenclature est, selon l'auteur, « un peu confuse ».… Puis l’on passe à 
l'examen des travaux de CRAmPTON. Les espèces de Partula y sont décou- 
pées jusqu'à la quatrième dénomination. Les catégories établies par 
CRAMPTON, s'il est vrai qu'elles sont « de plus en plus comp réhensives » 
nous apparaissent comme logiquement justifiées. Elles sont fondées sur 
la morphologie et l'écologie. CRAMPTON, n'ayant pas fait de croisements, 
traite sur le même pied somation et mutation. Et nous revenons à la 
question très épineuse de savoir quelle sera l'attitude du taxinomiste 
devant le problème : somation-mutation : 

On sait avec quel soin certains éliminent de leur systématique tout ce 
qu’autrefois on nominait « caractères adaptatifs ». pour ne conserver que 
ce qui était adaptatif au minimum, à savoir (à tort ou à raison) les carac- 
tères sexuels secondaires D'autre part, le rôle du systématicien — et 
même, n’en déplaise à certains, celui du scientifique en général — n'est-il, 
pas avant tout de décrire ? Une somation présente à nos yeux autant d'in- 
térêt scientifique qu'une mutation. Les facteurs de l'une sont dans le 
génome, ceux de l'autre dans le plasmon ; le comportement des deux, en 
descendance. n'est pas le même. Mais si l'on pense qu’il n’y a, entre eux, 
que des différences de degré, on ne doit pas les négliger puisqu'il est un 
seuil d'émergence entre les deux catégories de phénomènes. On voit les 





Die Formenkreislehre (traduit en anglais sous letitre de The Formenkreis Theory), 
est revenu à maintes reprises dans ses Berajah et Falco. À la vérité, les différences 
entre le Rassenkreis de Rexseu et le Formenkreis (bien plus large et, en quelque 
sorte « historique v} de Kuæinscumpr semblent avoir momentanément échappé à 
M. Cuëxor, — Rédaction (H. J.) 








Source : MNHN. Paris 


BIBLIOGRAPHIE. TRAVAUX RÉCENTS 279 





difficultés, et l’on commence à comprendre ce que l’auteur entend dire 
quand il parle de « systématique pratique ». 

Quand on étudie les courbes de fréquence représentant la variation 
d'un caractère, on note souvent des points très isolés, loin du côté des 
asymptotes. Les porteurs du caractère correspondant seront dits aberra- 
tions. Là encore, le systématicien doit se contenter provisoirement (prati- 
quement) de cette dénomination, qui ne préjuge de rien. Pour le généticien, 
laberration sera soit un accident non héréditaire, soit une mutation (sensu 
lato). L'auteur juge superflu le mot exotype proposé pour les aberrations 
héréditaires, et le met en synonymie avec mufation génétique (il semble 
pourtant qu'une transmutation, une polyploïdie, etc., puissent fournir 
aussi bien que les mutations géniques (sensu stricto) des phénotypes aber- 
rants). 

L'auteur étudie ensuite la terminologie de TURESSON, Ce dernier pro- 
pose comme critère l'évaluation du degré d’amphimixie. A priori, il est 
assezplaisant qu'on vous propose une balance pour mesurer des longueurs. 
Plus sérieusement, on constatera que la méthode se révèle impuissante à 
définir au moins un groupement suffisamment discontinu pour être 
maniable. Elle a pour conséquence l'établissement de catégories nou- 
velles telles que l'agamospecies (espèce asexuelle) qui ne sont pas faites 
pour simplifier la nomenclature 1. 

Enfin, l'auteur reprend la question des mufations des paléontologistes, 
et nous met en garde contre l’homonymie de deux séries de choses qui ne 
sont pas dans le même espace. 


+ 


La IVe partie — monographies d'espèces — est la « mise à l'épreuve 
des terminologies proposées » et que, jusqu'à présent, M. CUÉNOT n'avait 
pas voulu critiquer, On ne saurait résumer ici cette quatrième partie. 
Tout ce qu'on en peut dire, c'est ;que même les spécialistes auront à y 
apprendre beaucoup. Notons, entre autres, les questions des Sauies, des 
Pensées, des Blés, des Roses, des Crepis, des Œnothères, des Helix 
(Cepaea). des Faisans, Pintades, Poules, Mulots, Souris, Peromyseus, ete., 
ainsi qu'une étude des Micraster fossiles et des Cérithes. 
« 
ss 

La Ve partie traite de la naissance, de l'établissement, et de la fin des 
espèces. De l'espèce diploïde dérive l'espèce polyploïde (allo- ou autopo- 
lyploïde). L'isolement se fait souvent par suppression de fertilité et jeu 
apomixique (espèces elonales). L'auteur admet des variations génomiques 
«internes et invisibles » qui se traduisent « chez l'être développé par un 
changement chimique ou physiologique ou encore par des modifications 
somatiques plus ou moins marquées ». Ces variations sont « la première 
étape, passant forcément inaperçue. vers la constitution d'une espèce 
autonome ». C’est reconnaître de la continuité dans la marche de l'évolu- 
tion. Y aurait-il donc des substrats de l’hérédité, précédant l'apparition du 
gène et qui ne sont pas des gènes ? Les esprits audacieux ne vont-ils pas 
immédiatement imaginer une évolution du gène ? Comment aussi inter- 











Nous n'avons repris ici que les principales des terminologies étudiées par 
M. Cuinor ! 


Source : MNHN. Paris 


280 ALAUDA, VI. — 2. 1937 





préter le « forcément inaperçues » ? Sans doute parce que l'analyse géné- 
tique se revèle impuissante — les classes de variants n'étant pas suffi- 
samment distinctes pour être maniables — à les révéler. Et nous revenons 
à cette vérité première — fort bien soulignée par M. CAULLERY — qu'il 
ne faut pas demander à la génétique (telle que nous la possédons actuelle- 
ment bien entendu) des services qu'elle ne peut rendre. 

Une autre source de nouvelles espèces réside dans l'hybridation (espèces 
hybrides structurales) Que deviennent les homozygotes disjoints ? Ils 
sont éliminés, répond l’auteur, au stade d'embryon: « il n’y a de viables 
que les combinaisons entre deux gamètes différents. » Il s'agirait non pas 
d’une sélection du plus apte mais d'une sorte de sélection germinale du 
pré-adapté. Ainsi, une combinaison homozygote parfaitement compatible 
avec la vie chez les parents devient en quelque sorte léthale quand elle se 
trouve réalisée chez/un descendant d’hybride. Les uns diront qu'il faut 
qu'elle ait été modifiée, les autres soutiendront qu’elle est incompatible 
avec les caractères du nouveau plasmon. Il est oiseux de se demander qui 
aura raison. Bien entendu, les*facteurs de séparation agissent par sélection 
sur les candidats à l'existence et les espèces deviennent /statistiquement 
parlant) de plus en plus distinctes. L'auteur nous fournit une mise au 
point de la variation polyploïdique, créatrice d'espèces nouvelles. Le méca- 
nisme du doublement des chromosomes n’est pas toujours le même. Il 
peut jouer dans l'œuf ou dans les cellules dites somatiques (il s’agit de 
Végétaux) et on obtient alors des rameaux polyploïdes. D'autres fois, la 
suppression de la méiose conduit à des gamètes polyploïdes. Les allopoly- 
ploïdes, grâce à leur matériel hétérogène, donnent naissance à des formes 
plus éloignées du type parental que les autopolyploïdes, On a vu plus 
haut comment jouait, en polyploïdie. la balance génale et comment elle 
peut opérer une sorte de sélection germinale. L'auteur passe en revue 
divers exemples et montre comment on a réalisé expérimentalement la 
synthèse de diverses plantes: Tabac, Galeopsis tetrahit, Fléole d'Amérique, 
Crepis artificialis, ete. Dans le chapitre « Variation numérique des chromo- 
somes à l'intérieur d'une espèce animale », il suggère une interpréta- 
tion des faits de polyploïdie constatés chez les Animaux; mais la question 
est loin d'être aussi étudiée en zoologie qu'elle l'est en botanique. Un cha- 
pitre assez long est consacré à la variation chimique et physiologique 
(c'est-à-dire à la variation non décelable par la morphologie). Peut-être 
y a-til quelque imprudence à faire rentrer dans ces catégories les faits 

















probable et que l'autenr ne semble pas admettre si lon en juge par les 
termes mêmes qu'il emploie. L'auteur met-il en série des somations indu- 
bitables et les plus primitives des variations héréditaires ? 

Mais peut-être lui prêtons-nous des intentions qu'il n’a pas ? Quoi qu'il 
en soit, retenons l'importance théorique de ces variations non décelables. 

On a proposé de faire une catégorie pour les espèces physiologiques 
ou biologiques. A notre avis. toute tentative de ce genre, toute tentative 
de taxinomie fondée sur la nature des caractères, doit être prohibée Car 
ce n'est pas la nature d’un caractère, mais sa valeur statistique qui fait sa 
spécificité. 

L'auteur reprend la question des valences sexuelles, telle que l’a déve- 
loppée R. GOLDSCHMIDT, et soulève l’idée que la force serait en rapport 
avec la polyploïdie. La tendance aux explications faisant intervenir, la 
notion de quantité reste entière. 

M. CuÉNOT se consacre ensuite à l'étude détaillée des « processus d’iso- 


Source : MNHN. Paris 


BIBLIOGRAPHIE. TRAVAUX HKÉCENTS 281 





lement », insistant, non seulement sur les équilibres numériques des chro- 
mosomes, mais encore sur des déséquilibres de nature non définie groupés 
sous le nom de non-homologies ou dysharmonies chramosomiennes. Il y a, 
en effet, autre chose que des dislocations entraînant des couplements 
anormaux. Ces dysharmonies se traduisent par des incompatibilités mani- 
festées par l'apparition de la léthalité. Ces incompatibilités sont suscep- 
tibles de grandeur. Ainsi, l'effet léthal peut ne se manifester que sur l’un 
des deux sexes (L'auteur rapporte à des dysharmonies chromosomiennes 
la disparité numérique des sexes dans les hydrides, races humaines par 
exemple). L'effet léthal, d'autre part, peut agir sur l'embryon ou même 
l'œuf de l'hydride. Cette dysharmonie est « le phénomène capital de l'iso- 
lement spécifique ; il faut peut-être encore chercher plus loin que le méca- 
nisme des inversions, des soudures, des fragmentations. des transloca- 
tions. ». Et l'auteur pense à toutes sortes de troubles de la maturation 
et de la fécondation replaçant ainsi le chromosome dans son milieu naturel 
et laissant imaginer des causalités extra-génomiques qui sortiront peut- 
être un jour de la pure hypothèse, Sont ensuite passés en revue divers 
facteurs d'isolement : isolement psychique, dysharmonie entre l'hybride et 
son milieu, déplacement de l'époque de maturité sexuelle et, plus longue- 
ment, l'isolement géographique 

Considérée dans l’espace, la genèse des espèces s'accompagne du décou- 
page de l'aire primitivement occupée par l'espèce mère en petites aires 
habitées chacune par « une future sous-espèce géographique, qui, avec le 
temps, pourra devenir une espèce vicariante ». D'autres fois, la nouveile 
espèce naïîtra sur place et s’isolera grâce à quelque processus réalisant 
l'amixie. De beaux exemples nous en sont fournis par les Gammares du Lac 
Baïkal, les Fauvettes de la forêt canadienne etc. Naturellement, auteur 
adopte la théorie du « berceau » : « L'espèce se fonde par la rencontre for- 
tuite de quelques individus séparés de leur souche. » Nécessairement 
l'espèce nouvelle a une région d'origine. aire très petite, qui est son ber- 
ceau, et l'extension de l'espèce est centrifuge par rapport au berceau. 
L’auteur juge très sévèrement la théorie de l’hologenèse, qui postule une 
transformation simultanée de tousles représentants de l'espèce mère À en 
deux autres espèces B et C. Cette dichotomie des espèces reconnaîtrait 
des « causes internes ». Or, la probabilité d'une mutation est déjà très 
faible Plus faible encore sera celle de l'apparition simultanée de deux 
mutations parallèles. On peut alors penser, avec l’auteur, que, parmi 
toutes les hypothèses probables, celles de l'hologenèse est la moins pro- 
bable detoutes Certains ne manqueront pas de confronter l’idée d’holo- 
genèse à celle d’orthogenèse qui fut (et semble encore) très chère à 
l'auteur. Les mots portaient jadis en eux quelque vertu magique. Nous 
voulons croire qu'il l'ont perdue et que la notion d'orthogenèse n'est plus, 
pour tous. que l'expression d’une vérité banale : à savoir qu’on peut 
toujours joindre par une ligne à peu près droite un certain nombre de 
points qu’on s'arrange pour disposer convenablement. Ceux qui, comme le 
statuaire de LA FONTAINE, se mettent à adorer le dieu qu’ils n'ont pas fait 
table ou cuvette, ne nous intéressent pas ici. Pour rous, l’orthogenèse est 
un fait, ou, mieux, la transformation d’un fait en une figure pédagogique 
des plus utiles. Quant à l'hologenèse, ce n'est, selon la propre expression 
de M. CuÉNOT, qu'uneconstruction de pure imagination. Aussi,à notre avis, 
ceux qui voudraient embarrasser celui-ci ne pourraientils le faire qu'à 
l'aide d'arguments extra-scientifiques. 

Il va sans dire que notre auteur admet la possibilité — à titre de très 








Source : MNHN. Paris 


282 ALAUDA. Vi. — 2, 1936. 





rare exception — de la simultanéité d'apparition de deux mutations sem- 
blables en deux districts différents. Il ne montre cependant pas, pour le 
« polytopisme », érigé en théorie explicative, une ardeur empressée. Il 
sait que les lamarckiens donneront de la similitude des flores de hautes 
montagnes trop distantes pour qu'on puisse admettre une colonisation des 
interprétations fort séduisantes. Il sait que les généticiens trouvent faci- 
lement réponse aux objecteurs. Il sait surtout qu’il est oiseux de poser 
des questions qui ne sont pas mûres pour la réponse. 

Après avoir étudié « l'établissement de l'espèce », au chapitre « Fin des 
espèces », l'auteur expose le point de vue suivant : Contrairement à ce que 
beaucoup admettent ou semblent aûmettre pour la commodité du langage, 
l'espèce n'est pas affectée d’un potentiel de durée indépendant des actions 
de conturrence ou de milieu. « Je crois — dit-il — qu'une espèce durerait 
indéfiniment, comme le fait le genre, si aucun agent extérieur ne venait 
troubler l'équilibre délicat entre les causes de mort et le nombre des 
germes reproducteurs. » « Pour rendre compte de la vie limitée des 
espèces, il n’est pas besoin d'imaginer une mystérieuse sénescence. » Son 
exposé, d’ailleurs court, montre que le seul jeu des influences externes 
sur le soma peut expliquer la vie limitée des espèces On ne voit cepen- 
dant pas que sa démonstration exclue formellement une potentialité 
évolutive inhérente au germen. Elle se contente de la rendre inutile, Et 
c'est déjà fort beau de ne point surcharger les questions insolubles d'hypo- 
thèses inutiles. 

On ne manquera pas de reprocher à l'auteur d'avoir écrit que le « genre 
dure indéfiniment » 

En somme, M. CUÉNOT tient à rester dans le pur esprit généticien. La 
cause de variation est dans le germen, et cela ne gêne en rien la théorie 
qui veut que les causes de mort soient extrinsèques et jouent sur le 
soma. Il s'agit, pour le germen, de muter ou de périr. Et il ne peut périr 
qu'en compagnie du soma, 

La VIe partie traite de ce que l'auteur nomme les « définitions ». Le pra- 
ticien n'y trouvera pas tout ce qu’il aurait souhaité (en particulier une dis- 
cussion de ce qu'il faut entendre par autonomie d’un groupe), mais il y 
récoltera une foule d'idées profitables, des directives et des cri iques 
non moins salutaires. Un glossaire, que d'aucuns eussent souhaité plus 
complet (1), mais qui, tel quel, sera déjà fort utile à qui voudra se livrer 
à l'étude de l'histoire des idées, termine le livre. On ne saurait trop louer 
M. Cuéxor d’avoir eu la patience d'homologuer la plupart des termes pro- 
posés par les auteurs. termes qui sont souvent plus malaisés à comprendre 
que la nature elle-même. 

On ne saurait donner de l'espèce une définition standard, valable pour 
tous les groupes. Cependant, à l'intérieur d'un groupe donné, l'auteur (trop 
bienveillant) admet que la bonne entente règne entre spécialistes et que, 
grosso modo, ceux-ci fournissent des déterminations pas trop discordantes. 
Peut-on faire mieux ? Oui, à condition de faire appel à tous les carac- 
tères, de quelque ordre qu'ils soient. Il peut sembler superflu de rappeler 











1. En cas d’une nouvelle édition, il serait également souhaitable que fussent revues 
la bibliographie et la table alphabétique : on n'y retrouve pas toujours, en effet, 
les noms d'auteurs cités dans le texte et l'énoncé de leurs travaux, — Rédaction 


€. 3.) 


Source : MNHN. Paris 


BIBLIOGRAPHIE, TRAVAUX RÉCENTS 283 





cette vérité première, condamnant par avance tout système fondé sur 
des caractères choisis a priori — sous prétextes divers — et tout système 
qui ne tendrait pas à devenir de plus en plus complet. La définition de 
l'espèce, donnée par M. CUÉNOT, sera certainement admise par tous : 
elle n’est que le développement de formules bien connues, mais sans 
adjonction de caractères privilégi On pourrait la résumer ainsi: Cons- 
tituent une espèce tous les individus récoltés dans toute l'aire de leur 
répartition pendant un temps suffisamment long et qui, à tous les points 
de vue, se ressemblent plus entre eux qu'à l’un quelconque des individus 
faisant partie d'un autre groupement. S il est relativement aisé d’arriver à 
une telle définition, il est plus difficile d'en réaliser l'application. Que de cas 
litigieux ! Les uns tiennent à notre ignorance, les autres à notre connais. 
sance du passé. Parmi ceux-ci, il en est où la position de l’auteur reste 
flottante :ainsi celui des Chiens danois et des Chiens chinois, dont M. CuÉ- 
NOT ne fait que des races. alors qu’en toute rigueur il devrait en faire 
des espèces. Sans doute convient-il de ne pas heurter trop brutalement 
l’opinion commune ? Mais, pourquoi ces formes, dont la cytogénétique dé- 
montre indubitablement l'autonomie, et que cependant on n’érige pas en 
espèces ? 

«Il y a accord général pour leur laisser le statut de formes », dit 
M. CuÉNOT, plus respectueux du suffrage universel que les « congrès 
légiférants ». Par contre, c’est avec raison qu’il n'hésite pas à maintenir 
comme espèces les formes géographiques ou biologiques nettementisolées. 
S’il y a impossibilité de transfert d'une aire à l'autre — ce qu’on peut 
généralement savoir — « on admettra deux espèces autonomes ». Ces 
espèces éthologiques ont l'inconvénient de n'être déterminables qu'à 
l'aide de l'étiquette de provenance ; mais un tel inconvénient ne saurait 
être pris en considération puisqu'il est le fait d'une insuffisance de docu- 
mentation. Plus délicate est la question du « nettement séparé ». L'auteur 
envisage des cas douteux. Leur solution sera « affaire d'opportunité ». 
Ceux qui regardent de près les collections savent que les cas douteux ne 
sont pas si rares, — à telle enseigne que, quand nous parlons de « sépa- 
ration nette » ou d’«ensemble limité », ce n’est qu'approximativement. 0 %, 
de cas douteux : cela existe sans doute Réserverons-nous le nom d'es- 
pèce aux seuls groupements réalisant ce pourcentage idéal ? Serons-nous 
moins absolus ? Admettrons-nous qu’à un certain écartement des sommets 
des courbes de variations (« modes ») on pourra commencer à tenir pour 
bonnes espèces des espèces jointives ? L'auteur n'envisage pas la ques- 
tioa, se contentant de recommander l’opportunisme et de dire que, dans 
le doute, « il est préférable d'être diviseur ». Passant à l’étude de la varia- 
tion à l'intérieur de l'espèce, il reconnaît un certain nombre de points de 
repère pouvant servir à définir des ensembles plus où moins commodes 
à manier, et qui sont les sous-espèces géographiques, physiologiques, de 
valence d'hétérochromosomes, de nombre de chromosomes, les jordanons, 
les biotypes homozygotes, les mutants et les écotypes, qu'il faudrait 
savoir distinguer des accommodats. 

L'auteur remarque qu’il faut peu de chose pour faire une bonne espèce 
d’une sous-espèce chromosomienne On se demande même ce qui lui man- 
que puisqu'un cytologiste n'hésitera pas à faire une détermination sans 
ambiguïté ! On est choqué de voir ériger en espèce un polyploïde, sur- 
tout si on en connaît l'origine. Réunir deux groupements, logiquement sé- 
parés, sous prétexte qu'on connaît leur parenté, nous semble illogique et 
dangereux. Les discontinuités existant dans la nature doivent être indé- 





Source : MNHN. Paris 


284 ALAUDA. vi. — 2, 1936. 





pendantes de notre connaissance ou de notre ignorance. L'auteur parle 
de « jordanons-espèces ». C’est dire qu’il promeut certains jordanons au 
rang d'espèce. les autres étant à considérer comme espèces jointives. Une 
convention s'impose pour déterminer le pourcentage de cas douteux en 
deçà duquel on fera commencer l'espèce et finir l'espèce jointive (les 
courbes étant asymptotiques. le pourcentage n’est théoriquement (et pra- 
tiquement) jamais nul). On pourra de même concevoir des biotypes espè- 
ces. des écotypes-espèces et naturellement des mutants-espèces. 

Bien qu'il se montre fort respectueux des idées reçues. M. CUÉNOT ne 
nous montre pas moins la voie que nous devons suivre. Telle est du 
moins notre impression. Peut-être substituons-nous inconsciemment nos 
propres tendances aux siennes ? Au moins pouvons-nous croire qu’elles 
ne sont pas contradictoires 

* 
++ 

Vient, pour finir, un petit chapitre intitulé « Nomenclature ». L'auteur, 
et nous le regrettons, n'en pose pas les règles formelles. I] Jaisse voir peu 
d’empressement pour les nomenclatures polynominales et, sans se préoc- 
cuper du spécialiste, propose « pour les usagers » une nomenclature très 
simple, trinominale au plus. C'est qu'en effet on peut se demander 
s’il est nécessaire. et commode, de vouloir indiquer « par le simple énoncé 
de l’état civil » des renseignements sur les affinités de l'espèce et. pour 
aller au vrai, à transcrire en langage plus ou moins cabalistique une 
partie de ce qu'on trouvera très facilement écrit en langage clair dans 
la diagnose. L'auteur s'attache aux inconvénients. voire aux ridicules, de 
la nomenclature... ou bien de ses « usagers ». Le culte de l'idée géné- 
rale, les tendances de la science officielle, l'impossibilité matérielle d’ab- 
sorber, dans le même laps de temps, dix fois plus de matière enseignable 
qu'ily a un quart de siècle, tout cela justifie — dans une certaine me- 
sure — les petites ignorances systématiques dont, charitablement, M. 
CUÉNOT ne cite qu'un seul exemple... ‘ 

Il est certain que l’usage des noms vulgaires comporte certains dangers 
et nous voyons que l’auteur lui-même traite parfois de Phalènes ce qui, 
jadis, s'appelait assez généralement Noctuelle ou Bombyx. Cela n'a, 
somme toute, que fort peu d'importance. Plus grave est l'instabilité de la 
nomenclature. Qui ne connaît de ces flibustiers en chambre,dénicheurs de 
priorités, qui pensent bien mériter de la science en couronnant de leur 
rond de cuir le buste de LINNÉ ou d'ARISTOTE ? Ce sont les Docteurs 
dela « Loi ». Contre ces malfaisants invoquerons-nous l'autorité des Conci- 
les ? Hélas. M. CUÉNOT ne croit guère à l'infaillibilité des «Congrès légi- 
férants ». Pour lui — et nous ne pouvons que souscrire à cette opinion — 
< on ne peut attendre que du temps la stabilisation lente des noms et le 
balayage des synonymies ». 

* 
+ 

Qu'il nous soit maintenant permis d'écrire ceci : Ceux qui, dans leur 
domaine particulier. s'attaquent à la question de l'espèce. trouveront dans 
le livre de M CUÉNOT, non seulement une documentation élaborée — les 
faits essentiels présentés sous la garantie d'un demi-siècle de pensée ! — 
mais encore le moyen le plus sûr de mettre en ordre leur propres idées. 
Ceux qui. sans être spécialistes de la génétique, se voient contraints d'en 
présenterles rudiments, mesureront l'importance du livre aux remanie- 


Source : MNHN. Paris 


BIBLIOGRAPHIE. TRAVAUX RÉCENTS 285 





ments qu’ils devront faire subir à certains de leurs chapitres Et ceux qui ne 
sont que curieux du développement des connaissances humaines tireront 
de l'Espèce de bons enseignements sur leur passé et leur présent, peut- 
être même sur leur avenir. 

J. R. DENIS. 


How to know British Birds, par NORMAN H. Joy, M. B. O. U. (H. F.et 
G. WirHERBY, éditeurs, Londres). 


Présenter au publie pour une somme de cinq shillings un livre illustré 
de 40 planches hors-texte, dont 15 en couleurs, et décrivant à peu près 
toutes les espèces que le lecteur anglais moyen aura des chances de ren- 
contrer, voilà certes un tour de force dont on doit féliciter M. NORMAN 
H. Joy et son éditeur. 

Ce manuel de vulgarisation s'adresse à céux qui veulent s'initier à 
l'ornithologie de terrain. L'auteur considère à juste titre qu'à distance, 
même avec de bonnes jumelles, les couleurs jouent dans l'identification de 
beaucoup d'espèces un rôle moindre que ne font la silhouette et l'attitude 
générale de l'Oiseau. Dans cet esprit. il s'est attaché à faire de bons cro- 
quis en grisaille exécutés d’après nature ou d après des photographies, la 
couleur n'étant utilisée que lorsqu'elle constitue le seul moyen de recon- 
naître l'espèce rencontrée (notamment pour beaucoup de Passereaux). 

C’est là une intéressante innovation et si certains dessins peuvent pré- 
ter à critique, ils ont du moins tous le mérite d’être clairs et éducatifs 
pour l'œil. Qu'il nous soit permis cependant de n'être pas entièrement 
d'accord avec l'auteur sur la question de l'échelle. Nous pensons que. sur 
une même planche, et pour des espèces voisines, cette échelle devrait être 
unique. La planche 27, par exemple, sur laquelle la Pie-grièche écorcheur 
Lanius collurio L (n° 2) est représentée plus grande que le Loriot jaune 
Oriolus oriolus L. (n° 3), et la planche 32, sur laquelle le Pouillot sitfleur 
Phylloscopus sibilatrix (BCHST.) (n° 6) a deux fois la taille de son voisin 
immédiat le Pouillot chantre Phylloscopus trochilus (L.) [n° 7), et la même 
taille que celle du Rossignol philomèle Luscinia megarhyncha (BRM.) (n° 2), 
risquent de dérouter.un amateur, malgré les mesures données en légende. 

Le texte de 130 pages environ, où les espèces sont présentées suivant 
une méthode qui, pour les besoins de l'identification in mafura, s'éloigne un 
peu de la systématique habituelle, met en relief par des italiques tout ce 
qui peut faciliter cette identification. 

Enfin, dans un index final sont classées par ordre alphabétique les dif- 
férentes particularités que pourra noter l'observateur. On y trouvera par 
exemple, à l'article « Bec », subdivisé en « très recourbé », « légèrement 
recourbé », jaune », « orange », « rouge », « courbé vers le haut », les 
espèces répondant à ces diverses caractéristiques. On trouvera de même 
à l'article « marécage » les espèces de marais. et à l’article « suspendus 
aux branches la tête en bas » celles qui ont cette habitude Cet index, bien 
qu'au premier abord on soit un peu dérouté d'y trouver mélangées des 
indications si diverses, contient, comme les italiques du texte, une foule 
d'informations de la plus grande utilité et presque toujours très exactes. 

Si l'on voulait chercher dans l'ouvrage quelque lacune, c'est sans doute 
au chapitre de la voix (Songs and Notes) que l'on pourrait la trouver : en 
dehors des indications extrêmement brèves du texte, cinq pages et demie 
seuleinent (p. 119 à 124) sont consacrées à traiter des chants que l'auteur 


Source - MNHN. Paris 


286 ALAUDA. Vill. — 2. 1936. 





considère comme vraiment spécifiquement caractéristiques. Quelle que 
soit la difficulté de mettre à la portée de tous l'ornithomélologie, divers 
volumes de vulgarisation en langue allemande et anglaise montrent le 
parti que l'on peut tirer du sens de l'ouïe pour l'initiation des novices à 
l'ornithologie de terrain. 

Quoi qu'il en soit. il faut saluer avec grande sympathie ce nouveau 
manuel, et lui souhaiter le succès qu'il mérite. 


Comte Georges DE VOGüÉ. 





PÉRIODIQUES ORNITHOLOGIQUES 


Anzeiger der Ornith. Gesellschaft in Bayern, IL, n° 10, mars 1936, 


W. Eichler et J. Heidemann : Reprises d'oiseaux bagués en Bavière (p. 365). 

F. Groebbels : Variations de plumage et hérédité (p. 368). 

H. Grote: Remarques sur la nomenclature de certains oiseaux africains 
(p. 373). 

B. Hoffmann: Sur la voix des Bouvreuils (p. 375). 

Von Besserer : Matériaux pour l’avifaune de Bavière (p. 377). 
Bibliographie. 


The Auk, LIIT, n° 1, janvier 1936. 


J. E. Crouch: La nidification de Bombycilla cedrorum (p. 1). 
W. T. Shaw : Comportement hivernal et reproduction de Leucosticte 
È tephrocotis (p. 9. 

E, G. Allen : Sur des peintures anciennes d'oiseaux américains |p. 17). 

G. M. Relyea : Statistique des caractères différentiels des sous-espèces 
orientales et occidentales d’un certain nombre d'espèces (p. 22). 

R. B. Cowles : Observations sur Chalcomitra amethystina (p. 28). 

Th. H. Bissonnette et À. J. Zujko: Les modifications de l'ovaire, dans la 
période de décembre à avril. chez l’Etourneau (p. 31) 

L. Kelso etE. H. Kelso : La densité des plumes sur les pattes des Chouettes 
dans ses rapports avec le milieu ambiant (p. 51). 
Assemblée de l'A. O. U., notes, etc. 


Beitrâge zur Fortpflanzungsbiologie der Vôgel mit 
Berücksichtigung der Oologie, 12° année, n° 2, mars 1936. 


W. Gaupp : La densité des Cigognes blanches en Prusse orientale en 
1934 (p. 41). 

F. Hornberger : La Cigogne blanche dans le canton d’Insterburg (Prusse 
orientale). : 

E. Schüz : La densité des Cigognes dans le territoire de Memel (p. 44) en 
1934 (p. 49). 

H. Dathe et J. Profft: Etudes sur la ponte du Canard sauvage (p. 50). 

0. Schnurre : Contribution à la biologie du Grand-Duc en Allémagne 
(p. 54). 


Source : MNHN. Paris 


BIBLIOGRAPHIE. PÉRIODIQUES 287 





L. Schuster : Sur la reproduction du Milan noir (p. 69). 
Notes, etc. 


No 3, mai 1936. 


NN. Tinbergen : Sur la sociologie du Goéland argenté (p. 89). 

R. Zimmermann : Observations sur les œufs et les nids de Nyroca ferina 
(p 96). 

F. Heilfarth : Les facteurs écologiques dans la reproduction des oiseaux de 
haute montagne (p. 98). 

H. Hennings : Observations sur le nid de Circus ce cyaneus (p.105). 

P. Robien : Les cultures du delta de l'Oderet leur action sur l’avifaune 
(p.114). 
Notes, etc. 


Berichte des Vereins Schesischer Ornithologen 
21° année, 1-2. février 1936. 


G. Herzog : Notes sur quelques oiseaux de Silésie (p. 1). 

R. Stadie : Sur le régime des Rapaces diurnes et nocturnes de l'ile de 
Hiddensee (p. 4). 

W. Hahn: L'invasion de jeunes Flamants en Silésie durant l'automne 
1935 (p. 10). 

H. J. Stammer: Les endoparasites des Flamants capturés en Silésie 
(p- 15) 

R. Zimmermann : Falco peregrinus en Lusace (p. 17). 

J. Heidemann : Reprises de Crécerelles baguées en Silésie (p. 20). 

0. Uttendürfer : Nouvelles observations sur le régime des Rapaces (p. 22) 
Notes, etc. 


Le Gerfaut, fasc. 4, 1935. 


Ch. Dupond : Le Bruant roux Emberiza ratila PALL. (p. 234). 

P. Zalessky : Sur la faune ornithologique du pays de Marym (p. 239). 
L. Lippens : Note sur la migration des Plectrophanes, ete. (p. 245). 

S. Meunig: Observations sur l’'Hirondelle de rochers (p. 248). 

Ch. Dupond : Oiseaux bagués (p. 254) 


The Ibis, vol. VI, n° 2, avril 1936. 


R. H. W. Pakenham: Notes sur les Oiseaux de Zanzibar et de Pemba 
(p. 245). 

C. B. Ticehurst : Notes de systématique sut certains Dicrurus (p. 273). 

H. M. S. Blair : Sur les Oiseaux du Finnmark (p. 280). 

G. M. Mathews: Note sur Bulweria macgillivrayi (p. 309). 

P. R. Lowe : Les Fringilles des Galapagos et les conceptions darwiniennes 
de l'espèce. 

P. F. Holmes et D. B. Keith : Observations sur les Oiseaux de Grimsey 
et de l'Islande septentrionale (p. 322). 

H. Whistler : Nouvelles observations sur les Oiseaux d’Albanie (p. 335). 

E. Stresemann: Liste “2?s Oiseaux de Célèbes et description de trois 
races nouvelles (p. *6). 

Mackworth Pread et Gran * Notes de systématique sur quelques espèces 
de l'Est africain (p. 3% ). 
Notes, etc. 


Source : MNHN. Paris 


288 ALAUDA. Vi. — 2, 1936. 





Journal für Ornithologie. 84 année, 2 avril 1936. 


H. Grote : Michael MENZBIER (p. 173). 

W. Rüppell : Recherches sur l'orientation lointaine et le retour au nid chez 
les Etourneaux et les Hirondelles en 1935 (p. 180). 

Maxheinz Sy : Recherches sur l'anatomie et la mécanique de l'aile des 
oiseaux (p 199). 

W. Libbert : La migration de Grus grus (p. 296). 


Ornithologische Monatsberichte, 44° année, n°,2, mars-avril 1936. 


E. Schüz : À propos de l’enquête de 1934 sur les Cigognes (p. 33). 

E. Mayr et À. L. Rand : Espèces intéressantes rapportées par l'expédition 
de 1933 en Nouvelle-Guinée (p. 41). 

G. Niethammer . Sur les races du Pic-Vert de l’Europe moyenne (p. 431. 

R. Rensch : Réponse à des critiques de KLEIXSCHMIDT (p. 58). 
Notes, etc, 


Rivista Italiana di Ornitologia, VI, n° 2, avril 1936. 


Giuseppe Aldeghi: Sur le Serin et ses races domestiques (p. 46). 

E, Moltoni : Sur l'invasion de Becs-croisés en 1935 (p. 53). 

G. Orlando : Les Oiseaux qui nichent sur la zone littorale comprise entre 
Palerme et Castellammare (p. 61). 

P. Zangheri : Faune de Romagne (suite) (p. 73). 

C. Orlando : Notes sur l’avifaune de Sicile (p. 83) 
Notes, etc. 





Bulletin d'offres et de demandes. 


On désire acquérir les ouvrages suivants : 


BOUILLET et LECOQ : Catalogue des Oiseaux du Puy-de-Dôme, 1898; PENNE- 
TER : Ornithologie de Seine-Inférieure, 1898 ; — PRÉCIGOU : Ornithologie de 
la Haute-Vienne, Paris, 1904; — DE MONTESSUS : Ornithologie de Saône-et- 
Loire (ex « Mém. Soc. Hist. Nat. Saône-et-Loire », 1886-1890): — DES PRU- 
GNES : Les Oiseaux, Faune du département du Puy-de-Dôme, Clermont- 
Ferrand, 1917;— LETACQ : Les Oiseaux du département de L Orne ( ex « Bull. 
Soc. Hortic de l'Orne »), Alençon, 18% MAINGAUD : Faune des Vertébrés 
du dép. du Gard, Nîmes, 1912; — Coïe : Catalogue des Oiseaux du dép. de 
l'Ain (ex « Ann Soc. linn. Lyon », 53, 1906 (1907), 79-86; — Bull Soc. 
Sci. Nat. et d'Archéologie de l'Ain, Bourg, n° 20, 1907; nos 54, 55, 1909 


Faire offre à M. H. G. R. Morneux, The Cottage. Isfeld, Uckfeld, Sus- 
sex, Angleterre. 

















Le Gérant : P. PARIS. 





1937 — Impr. Jouve et Cie, 15, rue Racine, Paris. — 10-36, 


Source : MNHN. Paris 


SOCIÉTÉ D’ÉTUDES 
ORNITHOLOGIQUES 


Association déclarée, régie par la loi du 1°* juillet 1907 


Siège social au Laboratoire de Biologie expérimentale de la Sorbonne, 
1, rue Victor-Cousin, Paris (5e) 


MEMBRES D'HONNEUR 


MM. le Docteur Louis Bureau, Paul Manon, le Professeur Paul Paris, le 
Professeur Etienne Rasaup», le baron SNOUGKAERT VAN SCHAUBURG. 


CONSEIL DE DIRECTION 


MM. Henri Ham pe Bazsac, secrétaire général ; André BLor, secrétaire 
adjoint ; Henri Jouanp, trésorier ; Comte C. pu Bonnet pe PAILLERETS ; 
Joseph Courrois ; Olivier MevLan ; Bernard Mouizcauo ; Professeur 
Paul Paris ; D' Paul Porx ; Professeur Etienne Rasaup ; D' A. Rocnon- 
Duvieneaub ; Comte Georges DE Vocüé. 


Aux termes des statuts (art. 6 et 7), la Société d'Études Ornitholo- 
giques ne peut s’accroître, chaque année, que de 15 nouveaux membres 
titulaires ou bienfaiteurs, au maximum. Les candidats doivent être présentés 
par un membre du Conseil de Direction à ses collègues du Conseil, être 
admis au moins à l'unanimité moins une voix des Volants français, enfin 
payer un droit d'entrée (à verser une fois pour toutes, après admission) de 
10 francs. 


Pour tout ce qui concerne l’administration de la Société d'Études Orni- 
thologiques (demandes de renseignements, statuts, etc.), s'adresser : 
soit à M. Henri lle pe Bazsac, secrétaire général, 34 rue Hamelin, 
Paris (16°) ; 
soit à M. André BLor, secrétaire adjoint, 12 avenue de la Grande-Armée, 
Paris (17°). 
Pour l'emprunt des livres et périodiques de la bibliothèque, s'adresser à 
M. R. Sevpoux, bibliothécaire-adjoint, au siège social les jours de séance, 
ou, par correspondance, 4 rue Hervieu, Neuilly (Seine). 


COTISATION ANNUELLE 








Membres titulaires | France Er 
Membres bienfaiteurs.| france." 130 fe 





Le versement de la cotisation, due au début de chaque année, donne droit 
au bulletin de la Société (Alauda) ou à toute autre publication en tenant 
lieu. La différence entre les cotisations françaises et étrangère (15 fr.) cor- 
respond aux frais de port supplémentaires. 


Trésorier : M. Henri Jouan, 45, rue Lamartine, Dijon (Côte-d'Or). 
Compte de chèques postaux : Dijon 298-21. 





Date des séances de la Société en 1936 


Les samedis 11 janvier, rer février, 29 février, a1 mars (assemblée générale), 
à mai, 6 juin, 4 juillet, 7 novembre, 5 décembre, à 5 heures, au Laboratoire 
de Biologie expérimentale de la Sorbonne, 1, rue Victor-Cousin, Paris (5e). 


Source : MNHN. Paris 


SOMMAIRE VIII. — 2. 1936 


Société d'Études Ornithologiques. 


Séance du 2 mai. M. Morbach sur le Grimpereau familier Certhia 
familiaris dans le Luxembourg; M. Heim de Balsac sur l'extension du 
Pigeon colombin Columba aenas à Paris; M. Heiïm de Balsac sur un 
curieux comportement du Merle d'eau Cinclus cinclus........... sn... 145 


Séance du 6 juin. M. Démentieff sur l'Oie des moissons Anser 
'ÉULI TARN ù hr PTOOTNCTEE À 1 


Séance du 4 juillet. Présentation de l'nventaire des Oiseaux de France; 
M. Jouard sur les « Aigles criards » de France; M. Seydoux sur la 
Fauvette pitchou Sylvia undata en forêt de Fontainebleau ; M. Heim 
de Balsac sur les colonies d'Aigrettes garzettes Egretta garzetta et de 
Hérons crabiers Ardeola ralloides de Camar. H 

La thèse d'Henri Heim de Balsae ; don à la bibliothèque. . RS 


D: Marcel Baudouin, Sur l’ostéologie élémentaire du Grand Corm 
ran Phalacrocorax carbo subcormoranus et sur son curieux crâne (avec 





6 













dix figures)... «.. 149 
Georges Démentieff, Essai de révision des formes de l’Oie des mois- 
sons Anser fabalis Latham (avec sept figures) 169 
Paul Madon, De l'appauvrissement des faune: . 194 
Henri Jouard, Qu'en est-il des « Aigles criards » de 198 
Robert Poncy, Notes sur quelques espèces d'oiseaux observées à la 
Station ornithologique du Port de Choiseul la Ville, près de Versoix 
(Léman) (avec trois figures) 220 
Gérard Berthet, Notes sur quelques oiseaux du Chablais, 228 


CORRESPONDANCE, NOTES ET FAITS DIVERS 


Sur l’Inventaire des Oiseaux de France, par 
Her gras Lr$ Noël Mayaud, avec la collaboration 
enr Helm de BalsaG | d'Henri Heim de Balsac et Henri Jouard. 258 
Bernard Mouillard, Le Venturon Carduelis citrinella dans les 

260 










— _ Sur l'instinct des jeunes Ci Is 
et sur leur précocité de plongeursetnageurs. 261 
D: Villeneuve de Janti, Sur la sève des arbres dans le régime des 








Pics. 262 
Henri Heim de Balsac, Un point du régime alimentaire et de 1” 

logie du Pic épeiche Dryobates major 263 
Henri Jouard, Deux nouveaux points de rencontre de Parus atric 

pillus en France... 264 
Henri Jouard l nt 
Georges de Vogüé anormaux de Parus major, Phœnicurus 
Henri Heim de Balsac \  phænicurus et Motacilla alba. .. 265 
Albert Hugues, Pour l'étude de la migration des oiseaux 268 





Légendes (omises dans le dernier n°) des figures illustrant l'étude de 
Noël Mayaud sur le Bruant des neiges Plectrophenax nivalis en France, 269 
Mort du baron Snouckaert van Schauburg... À 









BIBLIOGRAPHIE 
Travaux récents de M. Cuénot, par J. R. Denis... 270 
_— — , de M. Joy, par Georges de Vogüé 285 
Périodiques ornithologiques. . 286 
Bulletin d'offres et de demandes. 288 





IMPRIMERIE JOUVE ET Ci, 15, RUE RACINE, PARIS. — 10-1936. 


Source : MNHN, Paris